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_ORNITHOLOGIE
DE LA SAVOIE
TOME Ill.
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IMPRIMÉ CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS,
Paris, 55, quai des Augustins.
ORNITHOLOGIE
JE LA SAVOI
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HISTOIRE DES OISEAUX
OUIMVIVENT ENCSAVOIEH A L'ETAT SAUVAGE SOIT CONSTAMMENT, SOIT PASSAGÈREMENT
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Conservateur d’Ornithologie au Muséum d'Histoire Nature''e de Savoic,
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rue Scrpente-St-André, 26.
CHAMBERY SUP ERPEN ETBRATRE.
1854
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TABLEAU MÉTHODIQUE
DE LA TROISIÈME PARTIE.
23e famille. .... .
24e famille... ...
25e famille... -
26e famille... ...
27e famille. . 28e famille... ... Vie ORDRE...
29e famille...
VIe ORDRE...
30 famille... ... à Tetrao. ] 1 Fo Perdicidæ.—(Genres : 57e, Perdrix, Per- cene dix; 58e, Caille, Colurnix.
Ve ORDRE (suite) | Passereaux, Passeres.
ur Tichodromidæ.—(Genre : 43e, Ticho- drome, Tichodroma.
| Sittidées, Sittidæ.—(Genre : 44e, Sittelle, Sitta.
Parusidées, Parusidæ.—Genre : 45e, Mésange, Parus. lre section : Sylvicoles, Sylvicolæ.
2e section : Méganures, Meganuri.
3e section : Calamophiles, Calamophili.
Fringillidées,
Fringilla. lre section 2e section 3e section
Fringillidæ. — Genre : 46e, Fringille,
: Longicônes, Longiconi. * Brevicônes, Breviconi. : Laticônes, Laticoni.
Genres : 47e, Gros-Bec, Coccothraustes ; 48°, Bou- vreuil, Pyrrhula; 19e, Bec-Croisé, Loxia ; 50e, Bruant, Emberiza; 51e, Plectrophane, Plectrophanus.
{Motacillidées, Motacillidæ.—Genres : 52e, Bergeron-
À nette, Motacilla ; 53e, Pipi, Anthus.
| Alaudidées, 4 laudidæ.—(renre : 54e, Alouette, Alauda.
| Pigeons, Columbæ.
{Colombidées, Columbidæ, — Genre : 55e, Colombe,
t Columba.
| Gallinacées, Gallinæ.
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{ Tétraonidées, Telraonidæ. — Genre : 26e, Tétras,
ORNITHOLOGIE
DE LA SAVOIE
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SUITE }.
CINQUIEME ORDRE (suIrx) FPASSEREAUX (PASSERES).
$$$ 5 —
Vingt-roisième Famille.
FICHODROMIDÉES (ichodromidæ).
Il est réellement peu d'oiseaux aussi faciles à reconnaitre, soit par leurs signes caractéristiques, soil par leur manière de vivre, que les Tichodro- midées. Leur habitude de se cramponner avec leurs ongles recourbés aux rochers et aux murailles, où ils s'élèvent verticalement au moyen de saccades successives et en battant fortement des ailes, les rapproche bien un peu des Grimpereaux (Certhia- dées, 22° famille, tome Il); mais la conformation du bec et de la langue, et spécialement la largeur des ailes, la brièveté et la flexibilité des pennes de la
8 ORNITHOLOGIE
queue les en feront toujours distinguer au premier aperçu. Leur bec est, en eflet, très-long, grêle, pointu, presque droit dans le jeune âge, légèrement fléchi en arc dans un âge avancé, un peu déprimé et triangulaire à la base, mais arrondi dans le reste de la longueur. La tête aussi est ronde, sauf en dessus où elle se trouve sensiblement aplatie. Les yeux sont fixés à fleur de tête. La langue est sus- ceptible de s'étendre en dehors du bec, mais jamais autant que celle des Pics et des Torcous; elle est cartilagineuse et très-aiguë à l’extrémité, puis garnie sur les côtés de très-petits crochets propres à retenir et entraîner avec elle la proie qu’elle cherche à s’approprier.
Les Tichodromidées ont les narines percées horizontalement et à moitié fermées par une mem- brane voûlée, située vers l’origine du bec dans une rainure longitudinale ; les doigts rangés par trois devant, dont l’externe est soudé à la base au doigt du milieu, un derrière muni d’un ongie très-long et crochu. Leurs aîles amples ont la première rémige courte, les deuxième et troisième étagées, les qua- itrième, cinquième et sixième les plus longues. La queue n’est formée que de pennes courtes, larges, arrondies par le bout et égales entre elles, à l’excep- tion de la plus latérale de chaque côté, qui est encore un peu plus courte que les autres ; toutes ont les baguettes faibles : aussi, cette partie ne leur
D HAELLA SA VOIE. 9 a point été donnée pour les aider à se soutenir dans leurs mouvements ascensionnels le long des rocs ou des murs. Mais la nature les à largement dédom- magés, en les dotant de grands ongles très-arqués, au moyen desquels ils se cramponnent solidement, et de larges ailes qu'ils agitent presque sans relâche à mesure qu’ils grimpent.
Ces oiseaux se nourrissent de petits insectes, de mouches, de moucherons, de larves et d'araignées, Ils recherchent ces divers aliments dans les cavités des pierres et des rocs coupés à pic, et dans les fen- tes des vieilles murailles : ils les en retirent à l’aide de leur long bec ou de leur langue extensible. C’est aussi dans ies fentes des rochers, dans les crevasses des vieux murs des châteaux et des grands édifices qu’ils se reproduisent, Ils se livrent chaque année à l’entrée de l’hiver , seuls ou par couple, mâle et femelle, à des excursions jusqu'à l’approche du printemps ; alors ils quittent leur séjour des mon- tagnes et se rapprochent des pays de plaine. Leur mue est double dans les deux sexes, du moins dans l'espèce européenne. Les mâles en livrée d'automne ou d'hiver ne sont presque pasdifférents des femelles.
Cette famille ne possède que le genre suivant.
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XILIHKe Genre : HEÉCHMHODROME / Fichodroma).
Je n’ai pas d’autres caractères à signaler pour la définition de ce genre, que ceux énumérés à l’article
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10 ORNITTHOTOCTE
de la famille. EH ne renferme en Europe qu'une seule espèce qui est un de nos plus jolis oiseaux. Sa dénomination, Tichodrome Échelette (Tichodroma Phænicoplera), est une courte descriplion de ses habitudes principales : Trichodrome, tiré du grec teïyos, Imur, Opeueus, Coureur, explique en eftet son habitude de parcourir en grimpant les murailles ou les rochers ; Écheletle, exprime bien sa manière d'y monter par sauts ou par saccades successives. L’épithète latine Phænicoptera (aile de flamme) est empruntée du beau rouge vif de ses ailes et de leurs tectrices ou couvertures.
424.—Tichoërome EHchelette [/Tichodroma Phæœnicoptera).
Noms vulgaires : L'oiseau Papillon, Parpeillon, Planet, Pic de Murailles, Pie d'Araignées, Grimpercau de Rocs.
Certhia Muraria (Linn.).Le Grimpereau de Murailles (Buff.).—Picchion
de Muraille (Petrodroma Muraria\, Vieill. — Tichodrome Echelette (Ticho- droma Phœnicoptera), Temm.—Picchio Murajolo (Savi).
Ce volatile est du nombre de ces espèces dont l'existence en Suisse et en Savoie est encore ignorée de plusieurs personnes; quelques-unes le prennent, en le voyant paraître à l’approche de l'hiver sur ies murs des hauts édifices, pour un oiseau égaré dans nos climats ; d’autres, pour une espèce parti- culière à l'Afrique, à cause de la vivacité de ses couleurs.
Sa taille est, dans les deux sexes, de 18 centi- mètres.
Passereau x:
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE
Tichodromidees fitidees.
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L ith. J! Perrin Libr.E dit. Chamb éry- JWerner del. & Lith
1 Tichodrome Echelette, vx zngle en Livrée de noces: #4 27. za; P.\.
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6 Sitlelle Tor chepot, 2nile a dulle; 73 9r.nal, P93—7-9 Cufs de l'esp; oT ral.
DE LA SAVOIE. 11 prendre sa livrée de noces vers la mi-avril, ctil ne la quitte guère avant la fin de juillet. Il est, durant cet espace de temps, d’un cendré foncé sur le sommet de la tête et à la nuque; d’un cendré clair, très-faiblement teinté de rose sur le bas du cou, sur les scapulaires et le dos. Il à les couvertures alaires et la partie supérieure des barbes externes des ré- miges, d’un rouge vif, et l’extrémité de ces pennes noire. Les rémiges sont en outre marquées sur les barbes intérieures : les trois ou quatre premières, suivant l’âge, de deux taches blanches; la quatrième ou la cinquième, d’une seule; les trois ou quatre autres n’en ont pas; mais les quatre ou cinq qui les suivent portent une tache roussâtre : ces taches ne paraissent que quand les ailes se trouvent déployées. Une plaque d’un noir profond envahit la gorge et le devant du cou ; un cendré noirâtre couvre les autres parties inférieures. La queue est noire, terminée de cendré et de blanc. Le bec, l'iris et les pieds sont aussi noirs,
La vieille femelle se revêt aussi au printemps de noir à la gorge et sur le devant du cou; mais cette couleur est toujours moins étendue que dans le mâle, et de plus bordée de blanchâtre. Le cendré des parties supérieures, jusqu’à celui de la tête, et le cendré noirâtre du dessous du corps, sont aussi plus clairs que chez ce dernier. M. Caire vient de me mander qu'il à vérifié ce fait sur deux femelles
12 ORNITHOLOGIE
caplurées dans les Basses-Alpes, en juillet 1853 : cet excellent observateur les à aisément reconnues, en les disséquant, à l’ovaire garni d'œufs et au ventre dénué de plumes.
Les mâles d'un an, ainsi que les femelles du même âge, ne prennent pas tous régulièrement en Savoie, au printemps, du noir à la gorge : cette partie reste alors grise, bien que le cendré noirâtre des autres parties inférieures devienne plus foncé que durant l'hiver.
Les sujets de cet âge appelés à devenir noirs sur la gorge et le devant du cou, acquièrent souvent cette couleur tardivement, en mai et quelquefois seulement aux premiers jours de juin; et encore ils conservent sur chaque plume noire un léger liséré blanchâtre qui ferait aisément confondre les mâles avec les femelles, si ces dernières n'étaient pas, à cette période, presque blanches sur le cou, Le dos et les scapulaires.
Il est peut-être des régions en Europe, et proba- blement dans le Midi, où cet oiseau se colore con- stamment au premier printemps de noir à la gorge; aussi, ne saurais-je trop engager les naturalistes à l’observer pendant l'été dans les divers climats qu'il habite ; car c’est par là que la science, encore incertaine de l’âge dans lequel ce volatile commence à noircir sur cette partie, verrait enfin ce problème se résoudre.
DE LA SAVOIE. 13 Après la mue de la fin de l'été, les adultes et les vieux des deux sexes reprennent le gris blanc sur
dessous du corps devient un peu plus clair qu’en été, au moyen d’une faible bordure grise à l’extré- mité de chaque plume; le cendré sombre du som- met de la tête se change également en un cendré clair. Le reste du plumage ressemble à celui de la belle saison.
Les jeunes, au sortir du nid, ont déjà les couleurs distribuées comme chez les vieux en livrée d’au- tomne; mais elles sont généralement plus ternes, et le rouge des ailes paraît moins étendu. Leur bec est plus court, plus large à sa base, droit jusqu’à l'approche de la première mue; ensuite, presque droit jusqu'à la seconde année.
Après la mue, ils ont encore habituellement le bec un peu plus court que les vieux et les sujets de deux ans ; mais ils leur ressemblent par le plumage, sauf néanmoins par les taches des barbes intc- rieures des ailes, qui sont en grande partie rousses, au lieu d’être blanches comme chez les premiers. Le Tichodrome Échelette varie spécialement par la grandeur du bec; il n’est pas rare de rencontrer, comme dans la Huppe et les Grimpereaux, des individus même d’un âge avancé dont cet organe soit de 9-f5 millim. plus long que chez le plus grand nombre de leurs congénères.
la gorge et le devant du cou. Le cendré foncé du
14 ORNITHOLOGIE On trouve cet oiseau en Italie, dans le Piémont, en Espagne, dans le midi et les régions tempérées
de la France, et dans les Alpes Suisses. Nous le
possédons en Savoie toute l’année, mais partout en petite quantité : on l’y observe presque toujours solitaire, el assez rarement par paire, sauf pen- dant la période des nichées. Ce sont les jeunes qui n’ont point encore été appariés qui vont ou voyagent habituellement seuls. Le couple qui s’est reproduit ensemble ne vit pas toujours dans la solitude après les couvées terminées; souvent les deux sujets qui le forment, continuent de vivre en bonne intelligence l’un avec l’autre dans le même canton pendant le reste de l’année. [ls ne se quittent effectivement que par moments, lorsqu'ils sont en quête de leur nourriture ; quelques minutes après, ils se retrouvent, soit en parcourant l’un après l’autre les mêmes rochers ou les mêmes édifices, soit en s’entr’appelant de temps à autre par quel- ques cris aigus et précipités : ces cris, articulés à la manière de ceux du Pic Épeichelie, semblent prononcer : phi-phi-phi-pli-pli-pli. Ces deux com- pagnons sont-ils du nombre de leurs semblables qui entreprennent sur la fin de l’automne quelques excursions dans le pays ou jusqu’à l'étranger, ils s’y livrent encore ensemble, et avant le printemps, on les voit reparaître dans leur premier district : l’on est du moins tenté de croire que c’est bien le même
DE LAS AVOILE. 15 couple qui revient s’y propager, puisqu'on le revoit prendre possession de la cavité qui se trouvait déjà occupée les années précédentes par la même espèce,
C’est principalement à l'entrée de Phiver ou dès les premiers frimas qu’on est le plus à même en Savoie de remarquer cet oiseau ; alors 1l abandonne nos régions montagneuses, son séjour d'été, et vicnt se montrer dans les villes, les bourgs, les vil- lages, les carrières ou les rochers qui les avoisinent, de même que sur les murailles des vieux châteaux isolés, des forteresses, des tours, des clochers, enfin de la plupart des bâtiments élevés. Il ne cesse d’y être en mouvement ; tantôt il y grimpe au moyen de secousses successives et d’un battement simullanc des ailes ; tantôt il vole par bonds ou papillonne d’un mur ou d’un roc à l’autre; tantôt enfin il reste accroché ou bien suspendu quelques instants devant une fente, tandis qu’en remuant encore ses ailes à la manière des papillons, il y cherche des aliments. Celles-ci font entrevoir alors les espaces rouges et les taches blanches et rousses qui leur servent de parure; de sorte que les personnes qui ne connais- sent point cet oiseau, ou qui le voient pour la pre- mière fois se livrer à ces ébats, le prennent souvent pour un papillon.
Le Tichodrome Échelette ne grimpe pas aussi clégamment que les Pics et les Grimpereaux; il ne se Sert du reste pas comme eux dans cet acte de ses
16 ORNITHOLOGIE pennes caudales comme d’un point d'appui, à cause de la faiblesse de leurs barbes et de leurs baguettes. Il ne parcourt pas non plus les arbres comme eux, mais spécialement les rochers taillés à pic, les murailles des édifices et des vieilles constructions en ruine. Il s’y élève d'habitude verticalement, c'est-à-dire qu’il y monte directement au sommet ; quelquefois 1l biaise, mais jamais il ne retourne sur ses pas en grimpant, soit la tête la première soit autrement, comme le font habilement les vrais Grimpeurs. Parvenu à la cime d’une tour ou d’un mur, il en parcourt de temps en temps les cordons d’un bout à l’autre en sautillant ou se balangçant de droite à gauche avec une agréable vivacité, et en faisant encore mouvoir ses ailes. Il s’ébat aussi de cette manière sur les croix des clochers, sur les saillies prolongées des fenêtres, des cheminées et des rochers qu’il rencontre dans ses ascensions ; je l’ai même vu dans les montagnes se livrer à ce senre d'exercice sur les branches mortes de vieux pins et sapins qui hérissaient les sommités desro- chers contre lesquels il venait de grimper. Quand le Tichodrome trouve abondamment sa nourriture dans un roc, il se plaît à le visiter plu- sieurs fois consécutives et sans faire de pause de bas en haut. Il monte d’abord perpendiculairement le long du roc qui est le plus souvent taillé à pente verticale ; puis à chaque fois qu’il arrive à la cime,
DE LA SAVOIE. 17 il se laisse retomber d’aplomb, comme s’il était en- traîné par son propre poids, jusqu’à l’endroit même où il a commencé à grimper : alors il remonte pres- que sur les mêmes pas pour redescendre encore dès qu’il est parvenu à la même hauteur que la première fois. Durant l’ascension, il furète dans la plupart des cavités qu'il découvre devant lui, et fait la guerre aux insectes qu’elles recèlent ; s’il ne peut y péné- trer, il reste devant elles cramponné un instant pendant qu’il cherche à les fouiller avec son long bec, afin den retirer quelque proie. Je vis, le » juin 1844, vers la cime d’Hauteran, un couple de cette espèce qui se livra jusqu’à huit reprises à de pareils mouvements successifs d’ascension et de descente. Je le vis ensuite porter, dans une anfrac- tuosité du même rocher, la becquée à sa couvée : quelques moments après, cette paire revint faire dans ce lieu de nouvelles recherches d’aliments. Cet oiseau reste dans les lieux habités et garnis d’édifices, dans les carrières et les rochers circonvoi- sins des villes jusqu’au mois de mars; c’est à cette époque que reparaissent dans le pays les sujets qui ont voyagé pendant le cours de la mauvaise saison, Dès les premiers jours d'avril, ces volatiles gagnent les rochers escarpés de nos montagnes, ceux surtout qui se trouvent exposés au soleil levant. Quelques- uns vont s'établir dans les fentes des murailles des forteresses, ou dans les crevasses des tours, des
DNTIT. 2
18 ORNITHOLOGIE châteaux délaissés et situés sur quelque élévation. Ils y sont à peine arrivés qu'ils entrent en amour. Les mâles annoncent cette période par quelques tirades de leurs cris habituels (pli-pli-pli-pli-pli-pl), jetés de loin en loin sur le même ton et sans inter- ruption : en les entendant, les femelles leur répon- dent aussi quelquefois par les mêmes cris.
Le Tichodrome niche chaque année dans les rochers verticaux du Mont-Grenier, d’'Hauteran, du Nivolet, de la Dent et de la base du Mont-du- Chat; dans ceux qui longent le Rhône, surtout aux environs de La Balme ; dans les rochers gypseux en face de Villarodin et les plus près du fort de Bra- mans; dans quelques rocs coupés à pic de la Tarentaise, notamment au détroit de Ciex, puis du Faucigny, surtout à la base du Môle. La femelle y pond dans une fente ou une crevasse, sur quel- ques brins de paille, d'herbe et de mousse, mêlés à des poils et des plumes, qu’elle ramasse de concert avec le mâle en escaladant les rochers ou en visitant les rocailles du canton, Suivant qu’elle habite des lieux plus ou moins reculés dans les montagnes, elle couve à la fin d'avril, en mai ou seulement au commencement de juin. Les paires qui se livrent des premières à l’incubation, font souvent une seconde ponte vers le commencement de juillet. La première nichée se compose de quatre ou cinq œufs ; la seconde, quand elle a lieu, n’en a
DE LA SAVOIE. 19 guère plus de trois ou quatre. Ces œufs sont oblongs, assez fréquemment piriformes comme ceux des Pacs, et d’un blanc pur, avec quelques petites taches, toujours rares, roses ou d’un rouge pâle, et disposées autour de la grosse extrémité. Pour lon- gueur, ils ont, lorsque leur forme est oblongue, 18-19 millim. et172-18 millim. 5, quand elle a celle d’une poire, sur 13 ou 14 millim. de diamètre dans les deux cas. Le mâle apporte quelquefois le jour à sa compagne qui couve, les aliments, et après lé- closion, il court comme elle presque sans relâche à la découverte de la nourriture des petits. Ceux-ci n’abandonnent le nid que lorsqu'ils se trouvent ca- pables de voleter suffisamment pour pouvoir suivre par les rochers leurs père et mère. Ils ont bien de bonne heure dans le nid la faculté de se cramponner à l’aide de leurs pieds munis d'ongles crochus ; mais leurs parents ne les laissent guère s’aventurer dans les rocs tant que leurs ailes ne sont pas assez fortes ni assez larges pour les seconder puissamment dans leurs mouvements ascensionnels. Quand, les pre- miers jours de leur sortie, ils sont fatigués de grimper, ils restent accrochés contre les fentes, ou bien ils s’arrêtent quelques instants dans des creux, où ils attendent la becquée. Mais aussitôt qu'ils sont en état de voler et se nourrir d'eux-mêmes, leurs auteurs les abandonnent. Dès lors chaque petit vit solitaire jusqu’au printemps suivant, époque de
na
20 ORNITHOLOGIE leur pariade; ils sont presque muets pendant tout cet espace de temps. Les vieux, au contraire, se font entendre quelquefois, surtout quand, vivant par paires après les nichées, ils se voient forcés, pour se revoir après quelques heures d'absence, de s'appeler l’un et l’autre.
Le Tichodrome Échelette est vif et très-remuant. Il est assez sauvage, bien qu'il habite souvent l’in- térieur des villes. On ne l’approche guère de près, et ses mouvements continuels le rendent difficile à tirer. On le prend parfois à l’hameçon le long | des murs ou des rocs qu'il vient habituellement
visiter chaque jour ; mais il importe d’y mettre
| pour appât l’un des insectes qu'il recherche avec le plus d’avidité, tels qu’une araignée ou plusieurs de ses œufs réunis en forme de petit cocon; il préfère, en effet, ces aliments aux mouches et aux mouche- rons. Il s’accommode encore des larves d'insectes, des œufs de fourmis et des petits vers. Son vol, qui se fait par bonds et au moyen d’un battement }| d'ailes continuel, est d'ordinaire peu élevé, assez | lent et peu soutenu; mais comme cet oiseau ne s'éloigne pas des rochers, ses voyages ne peuvent || guère lui être difficiles ; ses migrations, du reste, | ne sont pas lointaines. C’est aussi dans des trous de mur ou de roc qu’il se retire pour passer la nuit.
DE LA SAVOIE. 21
Vingt-qualrème Famille. SITRIDÉES (Sittidæ).
Ces oiseaux sont reconnaissables à leur bec ro- buste, de moyenne longueur, droit, comprimé sur les côtés et cunéiforme au bout comme celui des Pics ; à leur langue courte, large à la base, cartila- gineuse et bifide à sa pointe. Leurs doigts sont rangés comme chez les Certhiadées et les Tichodro- midées, par trois devant et un derrière; l’externe des premiers se trouve également soudé à sa base à l'intermédiaire : le pouce est muni d’un ongle plus long , plus fort et plus crochu que ceux des doigts antérieurs. La queue est aussi composée de pennes courtes et à baguettes flexibles. Les ailes sont mé- diocres. :
Ils ont, quant à leur manière de vivre, de grands rapports avec ies Pics et les Mésanges ; mais ils sont encore plus lestes dans leurs mouvements. Îls grimpent par petits sauts le long des troncs et des branches d'arbres, et vont avec une admirable aisance en tout sens; ils y montent droit jus- qu'au sommet d’où ils reviennent quelquefois sur leurs pas, en tournoyant autour du tronc, ou verti- calement et la tête la première ; ils se renversent encore, en restant suspendus par les pieds comme les Mésanges, pour saisir les proies qui les forcent à prendre cette position, à cause des places qu'elles
tn 4
22 ORNITHOLOGIE
occupent dans le bois ou parmi les feuilles. Mais ils ne s’aident jamais de leur queue dans leurs tra- jets; du reste, elle ne se termine pas, comme celle des Pics et des Grimpereaux, en pointe dure, et ses barbes, ses tiges sont excessivement faibles. Leurs aliments se composent de noix et d’autres fruits à coque qu’ils brisent à coups de bec en les assujet- tissant entre leurs doigts ou des fentes d’arbres justes pour les contenir; puis de graines, d'insectes, de larves, d'œufs de fourmis et de papillons. Ils nichent dans des cavités d’arbres dont ils rétrécis- sent l’entrée, quand elle est trop large, avec de la terre boueuse. Ils mènent une vie active et quelque- fois solitaire, Leurs cris sont forts et perçants. Leur mue n’a lieu qu'une fois par an, en automne ou sur la fin de l'été. Les sexes offrent entre eux des dispa- rités fort peu sensibles. Les jeunes, jusqu’à leur première mue, diflèrent aussi très-peu des vieux. Cette famille n’a que le genre suivant,
a —
XLIVe Genre : SITTELLE (Sétla).
Caractères : Bec droit, entier, médiocre, très-fort, comprimé latéralement, tranchant et terminé en forme de coin. Narines basales, arrondies, recou- vertes à claire-voie par des poils couchés en avant. Pouce long, avec un ongle très-fort et très-recourbé ; l'extérieur des trois doigts de devant uni à sa base au médian. Ailes de moyenne grandeur. Quéue : à douze rectrices, coupées carrément, à peine étagées, et toutes à baguettes molles.
D'ÉOL AS AN COTE: 23
catalogue des oiseaux qui se trouvent en Tarentaise, publié à la fin d’une brochure éditée à Moûtiers en 1853, et intitulée : Moûtiers, Brides, Salins. On ne comprend pas trop si l’auteur de ce catalogue a voulu, par le nom de Sitta Soriaca (Besth), désigner la Sittelle Syriaque ou des Rochers (Sitta Syriaca), Ehremberg, ou la Sittelle Soyeuse (Sitta Sericea), Temminck. Dans les deux cas, cette seconde espèce ne doit point figurer parmi les oiseaux de la Savoie: j'en ai acquis la certitude jusqu’en Tarentaise, où il m'a été impossible de rencontrer, dans diverses excursions, d’autre Sittelle que celle de l’article suivant et qui s’y trouve communément toute l’année. 423.—Sittelle Torchepoé /Sitia Europæa). Noms vulgaires : Pic-Bleu, Peic-Blu, Tape-Noyer, Tapaz-Noyard, Tape-
Bois, Béque-Bois, Pique-Bois, Rape-Bois, Pic-à-Brot, Bec-à-Brot, Pic-Maçon ; en Tarentaise : Paleitaz; dans la Haute-Savoie : Rampa ou Rampanna.
La Sitelle ou Torchepot (Buff.).—Le Torchepot Commun (Cuv.).—La Sit- telle d'Europe (Sitta Europæa), Vieiïll.—$itelle Torchepot (Sifta Europæa), Temm.—Muratore (Savi).
Le mâle adulte de cette Sittelle a 15 centimètres de taille. Toutes ses parties supérieures sont d’un cendré bleuâtre. Une bande noire part des narines, passe sur l’œil, s’étend sur l’orifice auditif et se termine sur les côtés du cou. La gorge et les joues sont blanchâtres; les autres parties inférieures, d’un roux fauve qui se fonce en roux marron sur les flancs et les cuisses ; les sous-caudales blanchâtres, bordées de roux. La queue, qui est courte, a ses
24 ORNITHOLOGIE
pennes noires et terminées de cendré ; les trois ou quatre extérieures de chaque côté portent en outre vers le bout une tache blanche : les deux du milieu sont entièrement du même cendré bleuâtre que le dessus du corps. Le bec est d’un cendré bleuâtre foncé, surtout sur la mandibule supérieure; l'iris des yeux de couleur noisette; les tarses d’un gris jaunâtre.
La femelle a 5 ou 6 millim. de moins que le mâle. Elle en diffère encore un peu par sa bande noire qui estmoins foncée, par conséquent moins distincte, et par les couleurs de sa livrée qui sont générale- ment moins vives.
Les jeunes ressemblent à la femelle aussitôt après leur première mue. En sortant du nid, ils sont d’un roussâtre fauve sur les parties inférieures, et d’un roux foncé sur les flancs. La bande noire de la tête est alors peu marquée; mais le reste du plumage ressemble déjà beaucoup à celui des adultes.
La Sittelle Torchepot est sujette à varier dans nos climats, d’un blanc pur, avec l'iris des yeux rougeà- tre, avec le bec, les tarses, les doigts et les ongles couleur de chair ; ou bien d’un blanc mélangé avec les couleurs ordinaires; quelquefois avec la tête, le cou, le haut du dos entièrement blancs, ou forte- ment tapirés de cette couleur, tandis que le reste de la livrée est absolument le même que d’habitude. M. Alfred de Manuel, zélé entomologiste, rapporta
DELA NSAVOILE. 25 de la Haute-Savoie, en décembre 1848, un bel exemplaire de cette dernière variété.
Get oiseau doit ses dénominations, Torchepot et Pic-Maçcon, à son habitude de rétrécir avec de la terre grasse l’ouverture du trou de l'arbre dans lequel il veut nicher; il fréquente presque toute l’Europe. On le trouve sédentaire dans le Nord, ainsi que dans les contrées tempérées et méridionales de la France ; c’est aussi pendant toute l’année que nous le possédons en Savoie. On l’y observe particuliè- rement dans les bois de noyers et de châtaigniers, dans les parcs et les vergers garnis de vieux arbres fruitiers, et parsemés de chênes et de frênes qui tombent en vermoulure. Les environs de Moütiers, d’Albert-Ville, du Châtelard en Bauges, du Pont- Beauvoisin, de St-Genix-d’Aoste, d'Yenne, d’Al- bens, etc., etc., sont les localités où l’on est toujours sûr de le rencontrer communément. Il est au contraire rare aux environs de Chambéry; ce ne sont guère que les coteaux boisés de Bissy, du Tremblay, de Saint-Sulpice, de Vimines, de Saint- Cassin qui l’y possèdent; et encore s’y trouve-t-il toujours en petit nombre.
Le Torchepot cherche sa femelle à la fin de fé- vrier ou dans les premiers jours de mars. On l’en- tend alors fréquemment le jour dans le canton qu’il s’est choisi pour y passer le temps des nichées. Le cri qu’il jette le plus souvent durant cette période,
26 ORNITHOLOGIE
et par lequel il est aisé de le reconnaître, est une espèce de sifflement éclatant qu'il se plait à répéter à chaque instant sur le même ton, et dont il préci- pite la mesure de plus en plus : 4&i, tûr, tûi-tüi, téi-tûi-tûi ; 1] le pousse soit en grimpant ou en cou- rant le long du tronc et des branches des arbres, soit en restant juché un moment à leur cime. Il devient très-jaloux dès qu'il est apparié; il suit constam- ment sa compagne de très-près, et vient-il à la perdre de vue un seul instant, il se hâte de l’ap- peler. En la voyant reparaître, il se précipite au- devant d’elle et la reçoit avec empressement ; puis il la suit jusqu’au premier arbre où à peine reposé il la comble de caresses, et l'invite au plaisir en l’agaçant ou la becquetant à plusieurs reprises.
Le mâle et la femelle qui ne font qu’une couvée par an, à moins qu’elle ne devienne la proie des ravisseurs, travaillent dès la mi-mars à la confec- tion de leur nid. Ils s'emparent pour cela d’un trou naturel d’arbre ou d’une cavité de Pac aban- donnée; quelquefois , ils achèvent eux-mêmes, à l’aide de leur bec robuste et taillé en forme de coin, la cavité qu'ils veulent occuper, pourvu qu’elle ait été déjà commencée dans un arbre vermoulu par quelque oiseau ou petit mammifère rongeur ; ou bien ils la creusent seulement à l’intérieur, ou la vident, quand elle ne leur paraît pas assez pro- fonde, Ensuite, trouvent-ils l'ouverture trop large,
DE LA SAVOIE. "AI
ils s’empressent de la rétrécir souvent juste à leur grosseur avec de la terre grasse ou boueuse qu’ils gâchent et consolident avec du gravier ou de très-petites pierres; quelquefois ils la façonnent en grande partie avec de la bouse. Après ce travail, ils se mettent à chercher quelques brins d’herbe, de paille et de mousse qu’ils transportent au fond de leur trou, disposent sans art etrecouvrent de plumes, de morceaux de crin et de laine, ou seulement de poussière de bois. La femelle pond sur ce matelas cinq ou six œufs, assez semblables à ceux de la Mésange Charbonmère, quant à la couleur du fond et la disposition des taches, mais constamment plus gros et plus allongés. Ils sont blancs ou d’un blanc un peu sale, et pointillés de rouge ou de rougeûtre, surtout vers le gros bout. Leur longueur est en moyenne de 173% à 18 millim. +, et leur largeur de 13-14 millim. J’ai vu fréquemment, pendant l’in- cubation qui dure quinze ou seize jours, le mâle entrer dans le nid pour y donner quelque aliment à la femelle, et en sortir un instant après, mais je nai jamais réussi à l’y rencontrer occupé à couver, soit les œufs soit les petits durant leur nudité. Lorsqu'on surprend dans le nid la femelle et qu'on cherche à l’inquiéter, en y introduisant, par exemple, une baguette ou la main, on l’entend de suite siffler comme une vipère. Gette habitude lui sauve souvent la vie, car les dénicheurs qui ne lui connaissent
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point cette faculté, fuient aussitôt qu’ils l’entendent pousser du fond de son trou de pareils souffles : ils s’imaginent que la nichée est devenue la proie de quelque serpent venimeux qui à ensuite fixé sa retraite dans la même cavité.
Si le mâle ne paraît guêre porté à soulager sa compagne dans les peines de l’incubation, il est tout autre après l’éclosion ; il travaille alors presque tout le jour de concert avec elle, pour alimenter leur progéniture. On les voit presque continuellement grimper ou courir le long des arbres circonvoisins de celui qui recèle la petite famille ; au moindre bruit qu’ils entendent, ils accourent auprès d'elle ; la voient-ils menacée, ils se désolent, ils criaillent avec force et vont jusqu’à s'exposer eux-mêmes à périr pour la sauver.
C’est vers le vingtième jour de leur naissance que les petits quittent le nid ; ils suivent immédia- tement par les arbres du voisinage leurs père et mère. Habituellement on les remarque encore tous réunis en famille pendant le mois qui suit leur sortie. Dès lors, ils se séparent et vivent, les uns soli- taires, les autres par paires ou par bandes en s’asso- ciant, dans ce dernier cas, avec d’autres sujets de l’espèce établis dans le même arrondissement. Ce sont les vieux, ou les mâles et les femelles qui ont déjà vécu ensemble pendant la période des couvées, qui restent ordinairement appariés après l’éduca-
D'LA SAVOITE 29 tion des petits. Les jeunes se tiennent de préférence seuls, ou bien par trois, quatre ou cinq ensemble, et fréquemment encore ils se mêlent aux petites troupes des Mésanges Bleues et Charbonnières.
Dans les localités énumérées plus haut, où la Sit- telle est commune, 1l n’est pas rare de la remarquer, le matin surtout quand elle cherche sa vie dans les vergers ou les bois, par compagnies de huit, dix, douze individus et même davantage qui se suivent d'arbre en arbre et ne cessent de s’entr'appeler. Ces bandes une fois repues se dissolvent; alors les sujets qui les composent, se répandent tous dans le même bois où ils se cachent séparément dans des cavités d'arbres ou se blottissent parmi les rameaux des branches et leurs feuilles. Ils y restent souvent oisifs jusqu’au soir ; puis ils retournent vivre, tantôt seuls tantôt par petits pelotons, jusqu’à l’approche de la nuit ; c’est alors qu'ils regagnent leurs trous habi- tuels qu’ils gardent jusqu’au point du jour.
Indépendamment de son sifflement d'été (ti, täi) , que les vieux font encore entendre de temps en temps pendant l’automne et l'hiver, cet oiseau possède encore deux autres cris très-difiérents. Le premier est faible, mais un peu aigu : il imite presque le cri ordinaire des Grimpereauæ ; il arti- cule en effet : di, ti, ti, ou thi, thi, th, répétés à distance égale ; et ce cri, l'oiseau le pousse soit en volant soit en gravissant les arbres, Le second est
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plus fort et plus grave; c’est aussi celui que l’on entend le plus souvent. Ce volatile le répète vive- ment sur le même ton, et en le précipitant de plus en plus, quand quelque objet l’affecte : tia, bia, ha-lia ; tia-ha-tia ; tia-hia-tia-tria-tia.
La Sittelle est entomophage, granivore et fruc- tivore tout à la fois; elle vit d'insectes de diverses espèces et de leurs œufs, de chenilles et de chrysa- lides ; elle ajoute à ces aliments, surtout lorsque le froid et la neige les font rares, des faînes, des noix, des noisettes, des glands et différentes grai- nes, notamment celles de chanvre et de soleil qu’elle vient chercher avec les Mésanges jusque dans les jardins. Voit-elle, en grimpant le long d’un arbre, une mouche ou quelque autre insecte, elle se déta- che aussitôt du tronc ou de la branche qu'elle gravit et les poursuit au vol. Lorsqu'elle trouve une noisette, elle la tient assujettie entre ses doigts, tandis qu’elle la frappe à coups de bec redoublés pour parvenir à en casser la coque et à se nourrir du noyau; quelquefois elle la porte dans une fissure de pierre ou d’arbre, assez large pour la retenir, et l’ouvre aussi à coups de bec : pour la percer alors, elle se tient au travers de la fente ou la tête en bas, et redouble ses coups. Elle brise encore les noix, mais sur place, et avec assez de peine; aussi, est- elle souvent forcée de les laisser sans avoir pu les entamer, Quand elle saisit une graine de chanvre,
DEP A SAVOIE. 31 elle l'emporte dans le bec comme la plupart des Mésanges pour l’ouvrir, en la tenant entre ses petites serres, sur l'arbre ou le taillis le plus près.
Pour que la Sittelle soit fidèle au district qu'elle s’est choisi, il faut qu'elle y trouve beaucoup de grands arbres, surtout des chênes, des noyers et des châtaigniers à parcourir successivement, ainsi que ses aliments de prédilection en abondance ; autrement, elle devient erratique en hiver, dès qu'elle commence à être dans la disette. On la remarque pendant cette saison, et notamment dans les temps de neige, sur la lisière des bois, ou bien sur les arbres de haute futaie qui entou- rent des lieux habités, puis dans les parcs, les vergers et les haies épaisses et implantées de vieux arbres. Pour trouver sa nourriture, elle grimpe ou court presque sans cesse avec une grande vivacité le long des troncs; elle va aussi par côté ou en spirale; elle visite les branches en tout sens, Jjus- qu’en dessous ; elle descend par moment la tête la première, se suspend par les pieds et se renverse; en un mot, elle se porte dans toutes les directions, prend toutes les positions, même les plus difficiles, et sans jamais s’appuyer sur la queue. C’est parti- culièrement aux arbres fruitiers qu’elle s’attache ; aussi, elle y trouve toujours plus abondamment qu'ailleurs les œufs des papillons déposés sur l’é- corce, ou de petites chenilles renfermées dans leurs
32 ORNITHOLOGIE | soies. Elle va encore fouiller dans les arbres pourris, afin d’y trouver des larves; elle les frappe même à la manière des Pics, avec tant de force qu'elle en arrache souvent par ses coups de bec de gros morceaux de bois ou d’écorce qui lui cachent des insectes et des larves. Quand on est près du tronc qu’elle frappe de la sorte, on croirait entendre des coups de hache qui partent d’une forêt voisine. Par moments, elle descend à terre auprès des fourmi- lières et s’y nourrit non-seulement de fourmis, mais encore de leurs œufs. Pour boire, elle se rend au bord d’une source ou d’une mare, y trempe le bec à plusieurs reprises et regagne les arbres.
Toutes les Sittelles ne se trouvent cependant pas dépourvues de ressources pour s’alimenter pendant l'hiver. [l en est beaucoup, des vieilles surtout, que la disette endurée l'hiver précédent porte à se pré- cautionner contre les misères d’une autre mauvaise saison. Celles-ci entassent dès l’automne, en mème temps que certains Pics et quelques Mésanges, dans les trous d'arbres qui leur servent de retraite, des grains, de petits glands, des noisettes et jusqu'aux morceaux d’écorce remplis d'œufs de papillons. On les reconnaît facilement ; cesont les Sittelles que l’on rencontre presque toujours dans le même district ; elles y ont du reste leurs provisions cachées dans quelque arbre creux où elles se rendent de temps en temps, soit pour se nourrir soit pour y apporter
DE LA SAVOIE. 33
d’autres fruits; elles remplacent par là les premiers entassés à mesure qu'elles les consomment,
La Sittelle Torchepot est d’un caractère doux et assez taciturne après le temps de l’amour. Son vol est rapide, un peu ondulatoire et fort peu bruyant. Elle est leste dans tous ses mouvements. Sa queue a un balancement alternatif de haut en bas, assez semblable à celui d’un Pipi ou d’une Bergeronnette. Sa démarche sur le sol se fait par le moyen de petits sauts; c’est aussi en sautillant continuelle- ment que l’oiseau s’élève en grimpant. Sa chair est un assez bon manger.
Vingt-cinquième Famille, PARUSIDÉES (Parusidæ).
Signes distinctifs : Bec menu, court, conique, robuste, tran- chant, garni à sa base de petites plumes à barbes très-fines, couchées en avant, et terminé en pointe ; mandibule supérieure droite, quelquefois faiblement recourbée sur l’inférieure : celle- ci tantôt arrondie, tantôt aiguë à la pointe. Narines orbiculaires, cachées parles plumes de la base du bec. Tarses nus et anne- lés; pieds forts, doigts munis d'ongles recourbés, celui du pouce plus long et plus crochu que ceux des doigts antérieurs. Ailes médiocres. Queue longue et étagée, ou de moyenne lon- gueur, et coupée carrément.
Les Parusidées sont des oiseaux hargneux , vifs, cruels et de grands destructeurs de chenilles et d'insectes. Ils se plaisent, en général, à vivre, après les couvées, en famille ou par bandes nombreuses formées de deux ou de trois nichées : ainsi réunis, ils se rappellent presque sans cesse, se quittent un
Ne AUuTe D
3 ORNITHOLOGIE
instant, s'attroupent de nouveau en s’entr'appelant, et se séparent encore pour quelques moments. Mais ce qui les rend surtout remarquables, c’est l’agilité et la grâce avec lesquelles ils gravissent par petits vols brusques les branches des arbres, les rameaux flexibles des taillis, ou les cannes des joncs et des roseaux. Bien plus, ils sy suspendent par les pieds et se renversent en se balançant à leur extrémité, dans toutes sortes d’attitudes, souvent très-diffici- les ; enfin ils furètent dans la moindre gerçure qu'ils aperçoivent dans le bois ou l’écorce, pour y cher- cher quelque aliment. Ils se nourrissent de graines de diverses espèces, de petits fruits à péricarpe, tels que noix, noisettes et amandes à coque tendre, puis d'araignées, de larves, d'insectes et de chenilles velues ou dénuées de poils. Quant aux semences, ils les assujettissent entre leurs petites serres, les ouvrent à coups de bec redoublés et en mangent l’intérieur. Ils ont assez de force dans le bec pour percer les noix, les noisettes et d’autres
fruits à coque ligneuse, dont ils recherchent aussi
la substance qu’elle renferme.
Habituellement peu farouches et peu défiants, ces oiseaux se laissent approcher de près et donnent généralement dans les pièges; mais ils se défen- dent, soit avec leur bec tranchant soit avec leurs ongles crochus, quand on veut les saisir. L'un des
sujets d’une bande qui hante un bois, vient-il à
DD LA SAVOLE. 35 pousser le cri de détresse, tous les autres se hâtent d’accourir vers le blessé ou le captif, et semblent vouloir partager ses souffrances : cette audace leur est souvent funeste, car elle les fait tomber aussi dans les piéges qui leur sont tendus. Quelques espèces s’accommodent facilement à l’état domes- tique; imais il convient toujours, quand elles sont ces plus grosses, d'éviter de les renfermer en cage avec d’autres volatiles moins méchants qu’elles : elles leur percent souvent le crâne et se repaissent de leur cervelle. Les petits oiseaux maladifs ou engagés dans quelque piège deviennent aussi leur proie ; elles les achèvent sur place en leur crevant pareillement le crâne.
Les Parusidées nichent, suivant les espèces et les lieux qu'elles fréquentent, dans des trous natu- rels d'arbres et très-rarement dans des creux de vieux murs. Quelques-unes suspendent leurs nids avec art et solidité aux rameaux flexibles des arbres et des buissons, ou les entrelacent dans des cannes de joncs et de roseaux; parfois, elles les accolent tantôt aux troncs remplis de mousse, tantôt au centre des dichotomies des branches. Elles sont presque toutes très-fécondes, et alimentent leurs nombreuses familles avec un zèle et une activité in- fatigables. Leur plumage est souvent peint d’agréa- bles couleurs. Les sexes, en général , ne sont pas bien distincts entre eux. Le chant, chez quelques
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espèces, est assez varié et assez cadencé pendant la belle saison. Leur chair n’est pas un manger aussi médiocre qu’on veut bien le supposer.
XLVe Genre: MÉSANGE (Parus). Voyez, pour la description des SAN (Es et des habitudes, l'article de la
Nous avons en Savoie neuf espèces de Mésanges. Deux d’entre elles ne s’y montrent qu'accidentelle- ment; les autres y sont sédentaires, quoique plu- sieurs de leurs semblables se livrent à des excursions périodiques à l'approche de l’hiver. Leur mue a lieu chaque année en automne ou vers la fin de Pété, aussitôt après les nichées.
Je les divise en trois sections, suivant qu’elles vivent dans les bois, les jonchaies et les roseaux, elles ont les pennes de la queue très-longues et éta- gées, et la mandibule supérieure du bec à pointe droite ou légèrement recourbée sur l’inférieure.
Première Section,
SYLVICOLES /SYLVICOLÆ).
DENLAI SAVOIE. 37 en automne ou à l'entrée de l'hiver. Elles ont toutes la queue de moyenne longueur, carrée ou légèrement fourchue, et la mandibule supérieure du bec droite à la pointe,
126.—Mésange Grosse Charbonnière /Parus Major).
Noms vulgaires : Lardine, Grosse Lardine, Lardenne, Larda, Lardella, Lardeira, Sarrayon ou Sarrayé (Serrurier).
La Grosse Mésange ou Charbonnière (Buff.).—Parus Major (Linn.).—La Mésange Charbonnière (Parus Major), Vieill., Temm.—Cinciallegra (Savi).
Cette Mésange est la plus grosse de celles du pays; elle a 15 cent. de longueur du bout du bec à l'extrémité de la queue.
Le mâle adulte a le dessus de la tête, la gorge et le devant du cou, d’un beau noir brillant; les tempes et les joues blanches ; les autres parties inférieures d’un jaune tendre, avec une raie longitudinale noire, qui s'étend depuis la plaque du haut de la poitrine jusqu’à l'anus ; enfin les plumes de la région de cette dernière partie, blanches. Il est d’un vert olivâtre sur le manteau; d’un cendré bleuâtre sur le crou- pion, sur les petites couvertures alaires et sur les tec- trices caudales supérieures. Les pennes des ailes sont d’un noirâtre cendré, bordées de cendré bleuâtre et traversées par une bande blanche. Celles de la queue d’un cendré bleu en dehors, et noirâtres en dedans; les latérales seules bordées et terminées de blanc. Le bec et l’iris des yeux sont noirs; les tarses couleur de plomb. |
La femelle a le noir du sommet de la tête moins
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vif ; la raie longitudinale noire du dessous du corps plus étroite et ne se prolongeant guère que vers le milieu du ventre : et le jaune des parties inférieures plus pâle que chez le mâle. Sa taille est à peine plus petite.
Les jeunes, au sortir du nid jusqu’à la mue, sont :
reconnaissables à la bande transversale de l'aile, qui est d’un blanc jaunâtre. Ils ressemblent pour le reste de la livrée beaucoup à la femelle adulte; seulement, le noir de la tête et de la gorge est moins lustré ; le jaune de la poitrine et du ventre plus terne, et la bande noire, qui le partage, plus étroite et même plus interrompue.
Cette Mésange varie accidentellement d’un blanc ou d’un blanchâtre sur lesquels les couleurs ordinai- res se trouvent faiblement répandues ; parfois, le cendré nolrâtre remplace le noir de la livrée natu- relle, le jaunâtre ou l’isabelle le vert olivâtre, et le blanchâtre tient lieu du cendré bleuâtre des ailes, Je me suis procuré à Chambéry, en 1845, une va- riété avec les pennes alaires et caudales d’un isa- belle clair, et toutes les autres parties du corps peintes de leurs nuances ordinaires.
La Grosse Charbonnière habite toute l’Europe, mais plus volontiers les parties tempérées et septen- trionales que les contrées chaudes. Commune et sé- dentaire en Savoie, elle s’y faitremarquer partout, et notamment dans les bois de noyers, de châtaigniers,
ES
DA LA SAVOIE. 39 de hètres et de chênes, ainsi que dans les champs implantés d'arbres, dans les haies, les parcs, les vergers et les jardins. On ne la découvre guère en montagne dans les forêts de pins, de mélèzes et de sapins que sur la fin de l’été et pendant l’au- tomne, lorsqu'elle se livre à ses excursions annuelles.
La pariade pour elle commence toujours de très- bonne heure. Aux premières belles journées de la fin de février ou du commencement de mars, le mâle cherche sa femelle qu’il rappelle aussi du bout des branches par un chant vif et plein de gaieté ; mais il ne le déploie dans toute son étendue qu’aux premiers jours d'avril, Sa voix exprime alors deux cris particuliers : par l’un, qui imite assez le grincement de la lime ou du verrou, ce qui a fait donner dans quelques-unes de nos contrées à cet oiseau les noms de Sarrayon ou Sarrayé (Serru- rier), elle semble prononcer : thithipu, thithipu, thithipu, qu’elle répète trois, quatre ou cinq fois de suite ; par l’autre, on dirait qu'elle articule Îles mots : séiti stiti stit stiti, qu'elle alterne souvent avec les premiers :
thi thipu, thi thi pu, thi thi pu. s titi stiti stiti s titi.
Le mâle et la femelle de concert travaillent dès le 20 ou le 30 mars, ou seulement dans les quinze
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premiers jours d'avril, à la confection de leur nid. Ls le font dans un trou d'arbre ordinairement pro- fond, mais dont l’ouverture est souvent si étroite qu'on peut à peine y faire entrer plus de deux doigts ensemble, et parfois dans un creux de vieux mur de 12-16 centimètres au moins de profon- deur. Pour le composer, ils y transportent de la mousse, des racines de plantes très-déliées, des herbes sèches, du duvet satiné des saules ou des ai- grettes de chardons et de tussilages, puis des plumes, des poiis, des cheveux, de la bourre et d’autres matières non moins mollettes. Ce nid, qui est toujours construit grossièrement, forme un matelas de 3-4 cent. d'épaisseur. Il est à peine achevé que la femelle se met à y déposer un ou deux œufs par jour ; en moins de huit ou dix jours, elle termine sa ponte qui est de neuf à quinze œufs, suivant l’âge des couples. [ls éclosent d'habitude tous ou presque tous; aussi, il est assez rare d’y trouver, même quand la couvée est très-nombreuse, plus d’un ou de deux œuis atteints d’infécondité. Ordinairement oblongs, assez souvent pointus à la petite extrémité, ils sont blancs ou d’un blanc tirant à peine sur le jaunâtre, et ponctués de rouge ou de rougeâtre, surtout vers le gros bout. Pour lon- gueur, ils ont 45: à 16 ou 16 mill.5, sur un dia- mètre de 12 ou 12 mill, &. La femelle les couve seule et avec tant de sollicitude qu’elle se laisse facile-
a
DE LA SAVOIE. 4l ment saisir dans le nid; d’ailleurs, elle n’en sort, presque à chaque fois qu’elle est menacée, qu’à la dernière extrémité, ou plutôt à l’arrivée même du ravisseur vers la cavité qui la recèle. Cherche-t-on à lui nuire, quand on la tient captive dans son trou, ou bien à sa couvée, elle s’irrite, elle siffle comme un serpent au point de venir à bout d’inti- mider quelquefois le dénicheur.
Le mâle, pour charmer sa compagne durant les longues heures de l’incubation, reste presque tou- jours à proximité d'elle sur quelque arbre d’où il ne cesse à certaines heures du jour, surtout le matin et le soir avant le coucher du soleil, de faire en- tendre son chant. Il le discontinue seulement pour aller chercher sa nourriture et celle de la femelle, qu’il lui apporte dans le nid. Celle-ci quitte pour- tant les œufs le matin vers le lever du soleil, puis au milieu du jour et une heure environ avant la nuit; mais son absence du nid ne dure pas plus de huit à dix minutes qu’elle consacre à se distraire, à se procurer quelque aliment. Habituellement le mâle l'accompagne et la ramène ensuite à la couvée.
C’est au quinzième ou au seizième jour de cou- vaison que les petits éclosent, et à mesure qu’ils se dégagent de leur enveloppe calcaire, le mâle ou la femelle en emportent hors du nid les débris. Dès le second jour de leur naissance, le père et la mère ne cessent un instant de travailler pour les nourrir; ils
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vont alors tantôt ensemble, tantôt dans des directions opposées, et leur apportent tour à tour de grosses becquées de chenilles sans poils, de larves ou d’in- sectes très-mous, qu’ils leur distribuent par portions égales. Une becquée suffit souvent pour alimenter momentanément deux ou trois petits à la fois; et ceux d’entre eux qui ne reçoivent rien à la première distribution, sont servis les premiers l’un après l’autre aux suivantes.
En quittant le nid, cette nombreuse famille se répand dans les arbres circonvoisins de sa première demeure, etse tient les premiers jours cachée parmi les feuilles et les branches, À tous moments, ses auteurs viennent la visiter et lui donnent en même temps la pâture. A l'approche de la nuit, ils rallient les petits sur l’un des arbres les plus feuillés du district ; ils les rangent tous de front sur la même branche en les faisant serrer l’un contre l’autre, et les gardent jusqu'au jour dans cette attitude, Ceux- ci sont à peine capables de manger seuls et en état de voler en toute sécurité qu'on les voit ensemble tout le jour, les parents à leur tête, parcourir les bois, les bosquets, les vergers et les jardins de leur arrondissement. Alors, tout occupés à se chercher des insectes, les uns voltigent de branche en bran- che, ou grimpent au moyen de petits vols brusques le long du tronc ou sur l’écorce; les autres gravis- sent contre les murailles ou les pierres remplies de
DELLA SAVOIE. 43 mousses et de lichens, ou bien ils s’accrochent, se suspendent à l'extrémité des plus faibles rameaux, pour en détacher les chenilles et les œufs de papil- lons, déposés sur l’écorce. Ils font la guerre jus- qu'aux gros papillons nocturnes, tels que le sphynæ, le bombyx et le cossus, qu'ils trouvent collés sur les feuilles ou entre les gerçures de l'écorce. Ils les poursuivent encore au vol, quand ils les voient s’aventurer de jour ; ils les frappent du bec sur la tête et les culbutent devant eux ; ils les saisissent et les achèvent à terre, puis ils les transportent au moyen de leur bec sur quelque arbre voisin, pour s’en repaître à loisir. Mais souvent la proie se trouve lourde pour eux, au point qu’à chaque fois que l’un des individus d’une bande la saisit pour l'emporter avec lui, il la laisse presque aussitôt retomber : alors plusieurs de ses compagnons accourent, la saisissent tour à tour et essayent aussi de l’enlever du sol; mais à force de la becqueter, ils finissent par la déchirer sur place, et à mesure que chaque sujet s’en approprie quelques lambeaux, il se retire pour les dévorer à l'écart. Ces familles de Charbon- nières ne font que passer rapidement dans la plupart des lieux qu’elles visitent, etn’yséjournent pas plus de quelques minutes. Pourtant, sielles trouvent dans un endroiten abondancelesinsectesoulesgrains qu’elles préfèrent à tout autre aliment, elles y reviennent les jours suivants et presque toujours aux mêmes heures.
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Cette Mésange vit en famille jusque vers la mi- juin; à cette époque, les chefs se retirent par paire, et entreprennent souvent une nouvelle couvée : celle-ci se compose de sept à onze œufs. Les jeunes alors forment de petites bandes qui viennent de temps en temps se montrer dans les parcs, les ver- gers et les jardins.
Sur la fin de l’été, la Grosse Charbonnière s’éta- blit dans les chènevières et les taillis qui s’en trou- vent très-rapprochés. Si elle y est seule ou deux à deux, elle se joint souvent aux bandes des autres Mé- sanges qui hantent les mêines localités, et, comme elles, elle y recherche avec avidité les graines de chanvre, de soleil, etc. C’est là que les campa- gnards lui tendent le plus de piéges; ils couvrent ordinairement de lacets les tas de ces plantes, et prennent certainement plus de Mésanges qu’il ne leur en faut pour les dédommager des grains qu’elles consomment. Ces oiseaux ne peuvent pas causer de grandes pertes à l’agriculteur puisque aussitôt qu'ils se saisissent d’une graine de chanvre, de soleil ou de toute autre plante oléagineuse , ils l’emportent avec eux sur l’arbre ou le buisson le plus près, l’as- sujettissent entre leurs doigts, la percent à coups de bec et en mangent l’intérieur. Ils reviennent ensuite enlever une autre graine qu’ils reportent encore sur la même branche, et ainsi de suite jus- qu’à six, sept ou huit reprises.
D'EMMEAM SAN OE, 4 Aussitôt qu’en automne cette Mésange commence à se ressentir du manque de graines et d’insectes, elle se livre par petites sociétés, quelquefois par couple ou bien associée avec d’autres Mésanges, à des excursions dans son pays ou dans d’autres cli- mats. Quelques bandes nous arrivent des contrées septentrionales de la Suisse dès les premiers frimas, et se mettent aussi à parcourir tous les lieux en état de leur fournir des aliments; elles s'élèvent jusque dans les régions alpestres où, pour vivre, elles re- courent aux faines, aux noisettes et aux semences des sapins. Pour en retirer le fruit, elles les percent en les frappant de la pointe du bec à coups redou- blés, tandis qu’elles les tiennent avec leurs serres, appliquées contre terre ou contre une branche. Aux premières neiges qui envahissent le pays, la Charbonnière se fixe dans les bois, dans les lieux remplis de buissons et les haies qui avoisinent des habitations. Elle entre même quelquefois dans les greniers qu’elle trouve ouverts, et s’y alimente souventen compagnie des Moineaux, des Pinsons el des Bruants. Dans les bois , les vergers ou les jar- dins, elle se nourrit alors avec des bourgeons d’ar- bres, notamment de cerisiers et de pommiers, avec des baïes ou de petits fruits secs, avec des larves et des insectes qu’elle trouve engourdis, soit en fouil- lant dans la mousse qui recouvre les vieux arbres ou d'anciens murs, soit sous l'écorce qui se détache
E
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du tronc ; enfin elle vit de chenilles qu’elle attaque jusque dans leurs soies, et d'œufs d'araignées et de papillons. Quand elle a l’occasion de se procurer abondamment ces diverses sortes d'aliments, elle en amasse une bonne partie qu’elle tient cachée
dans l’arbre creux qui lui sert de refuge la nuit et
pendant les intempéries de la journée. Alors elle cesse d’être vagabonde; elle a, du reste, de quoi s’aider à passer les plus tristes moments de l'hiver, plus agréablement que ses congénères qui n’ont pas eu la même précaution.
La Grosse Charbonnière est d’un naturel méchant et très-querelleur. Mise en volière, elle devient dangereuse pour les autres petits oiseaux que l’on y tient emprisonnés avec elle ; elle les fait dépérir de jour en jour en leur rongeant les chairs à la longue ; quelquefois, elle ne leur laisse guère que le squelette sur quelques parties du corps. Son cri d'appel, de crainte et même de détresse peut s’ex- primer par les mots : tienk, tienk, tienk, répétés par deux, trois ou quatre fois consécutives, comme celui du Pinson : mais ce cri est souvent accompagné d’une espèce de grincement assez prolongé et quel- quefois cadencé. Beaucoup de personnes prétendent que par ce dernier elle présage aussi la pluie ou la neige. Sa chair est un bon manger. Les gourmands la pilent et en font un potage avec des tranches de pain grillées, coupées fort minces,
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux.
TA: 29. |
Läth Je Perrin Libr. Edit Chambery. JWerner del.Ë Lifh | 1 Mésange Grosse Charhonnière 274% 2e; 39rnaË; P5%e | 9 Mes ange Petite Charbonniere .n4 Le à dalle: 739 nat, P 47. 0-5 Cufs de Mésange 6 (harlT-prnat V8 abs deMésange? (hard, 97 rat. | 9 Mésange Bleue, 2dae, gr.nat,; P.53—10-2 Zu de l'espéce; gr.nat | (3 Mésange Huppé e, ze adulte: 16 grnat;P 60— 14-16 Baubs de lespéce: gr. rat
DEL LA SAVOIE. 1°
| | 423.— Mésange Petite Charbonnière /Purus Aler). Noms vulsaires : Lardine de Montagne, Lardine des Sapins. |
La Petite Charbonniere (Buff.).—La Mésange Petite Charbonnière (Parus Ater), Cuv., Vieill,, Temm.—Cincia Romagnola (Savi).
Cette seconde espèce de Mésange est ici la plus | petite de toutes; sa taille est de 11 centimètres. |
Le mâle adulte est d’un noir lustré sur le haut de la tête etsur les côtés de la nuque ; d’un noir mat, mais profond, sur la gorge et le devant du cou. Le milieu de la nuque est envahi par une large tache blanche longitudinale ; une autre plus grande et de même couleur part du bec, couvre les joues et s'étend sur chaque côté du cou ; deux bandes également blan- ches traversent les ailes. Un cendré bleuâtre règne sur le manteau, avec quelques légères nuances de couleur olivâtre, que l’on remarque principalement sur le croupion. Le dessous du corps est d’un blanc sale; les flancs et les parties postérieures, d’un gris inclinant un peu au roussâtre. Les pennes alaires et caudales sont noirâtres, et lisérées de cendré olivâtre. Le bec est noir, ainsi que l’iris. Les pieds couleur de plomb.
Chez les vieux mâles, le noir du devant du cou se prolonge jusque sur les côtés de la poitrine, et le blanc de la nuque, des joues, des parties latérales du cou est plus pur que chez les adultes.
Pendant l'été, ils perdent généralement tous, en tout ou en partie, par l'effet de la mue ruptile, les
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nuances olivàtres et roussâtres que portent à leur extrémité les plumes du croupion, des flancs et des parties anales ; la bordure des ailes et de la queue devient même cendrée , en perdant aussi sa teinte olivâtre.
Sur la fin de l'été, on trouve quelques sujets, apparemment vieux, qui n’ont presque plus de blanc sur le milieu de la nuque, dont l'extrémité des plumes, ainsi que de celles de la tête, est alors très-usée ; cette couleur s’efface aussi par la mue ruptile, c'est-à-dire par le frottement et l’action du jour et de l’air qui liment plus particulièrement en été que dans toute autre saison le bout des plumes.
La femelle diffère fort peu du mâle; elle a seule- ment moins de blanc sur les côtés du cou, et le noir de la gorge un peu moins étendu.
Les jeunes, en sortant du nid, ont la tache blanche de la nuque, et celle des joues et des côtés du cou faiblement teintées de jaunâtre. Ils sont d’un gris noir sur la tête et à la gorge, avec le fin bout des plumes d’une nuance plus claire et tournant presque au jaunâtre. Le dessus du corps est gris jaunâtre, au lieu d’être blanc ou blanchâtre, comme chez les adultes. Mais, après la mue, c’est-à-dire dès la fin d'août ou les premiers jours de septembre, ils res- semblent à ces derniers, tels qu’ils sont décrits en tête de l’article.
DE LA SAVOIE. 49 tres ou tapirées de blanc sur le noir et le cendré de la livrée ordinaire : mais elles sont très-rares dans nos contrées.
La Petite Charbonnière se trouve, selon les épo- ques de l’an, dans la plus grande partie de l'Europe. On la remarque même au Japon. C'est le Nord qu’elle habite de préférence pendant la saison des beaux jours; puis elle se répand dans les contrées tempérées et méridionales à l’entrée de l'hiver. Elle est néanmoins commune et sédentaire en Suisse et en Savoie. En été, on l’y observe principalement dans les forêts de mélèzes, de pins et sapins des montagnes ; elle en descend, à part un très-pelit nombre d'individus qui y bravent les rigueurs de l'hiver, dès les premières gelées blanches, soit pour émigrer vers le Midi soit pour venir s'établir dans les bois d'arbres verts surtout des collines, du pied des montagnes et des coleaux qui domi- nent la plaine.
C’est ordinairement sur la fin d'octobre ou durant les premiers jours de novembre, et notamment le matin, que cette petite Mésange, en quittant son séjour d'été, s’abat par familles ou par bandes de cinq, six, huit à douze individus, assez fréquemment associés avec des Routelels, dans des régions infé- rieures. Chaque compagnie a d'habitude un chef chargé d’avertir, par de petits cris aigus , ses com- gnons des dangers qu’ils courent, de pousser le
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premier le cri de ralliement, le cri du départ, et d'indiquer chaque lieu de station. Une bande vient à peine de s’abattre dans un bois ou un verger que l’on voit aussitôt tous les sujets qui la composent s’empresser de chercher leur subsistance. Alors ils s’accrochent par les pieds au bout des branches ou des rameaux, s’y tenant dans plusieurs positions,
tandis qu'ils se nourrissent de semences ; ils s’ap-
pliquent contre l’écorce pour en détacher les pu- naises, les petits insectes et les œufs des papil- lons; ils fouillent et éparpillent enfin la mousse ou les lichens qui recouvrent de vieilles souches, afin de s'approprier les larves qu’ils leur cachent. Ils ne font qu’un séjour de quelques minutes dans chaque lieu qu’ils visitent, quand ils se trouvent réunis plu- sieurs ensemble ; pour qu’ils y restent plus long- temps, il faut que la nuit ou d’épais brouiilards, ou bien encore un orage, une pluie violente et subite, les y retiennent.
C’est aussi à la même époque que nous arrivent des forêts du nord de l’Europe plusieurs bandes de cette Mésange, mêlées parfois avec celles du Roitelet Triple-Bandeau, dont-lles ont presque le petit cri d'appel. Ces troupes quise dirigent, comme quelques-unes de nos climats, généralément vers le Midi ou les pays les plus tempérés de l’Europe, se jettent, en traversant nos contrées, dans Îles bois qu’elles rencontrent, s’y alimentent et se
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DE LA SAVOIE. Di reposent quelques instants avant de reprendre leur vol. Quoique le passage de cette Mésange ait ici lieu tous les ans à la même période, je dois cepen- dant faire remarquer qu’il se trouve de certaines années bien plus abondant que d’autres, et qu’alors il se prolonge souvent jusque vers la fin de novem- bre. Les années de 1842, 1845 et 18/47 nous don- nèrent en Savoie des preuves irréfragables de ces migrations nombreuses, sans doute occasionnées par des froids ou des neiges précoces dans les ré- gions de l’Europe où l’espèce est la plus commune.
Aux premières neiges, la Petite Charbonnière met fin à ses excursions dans nos contrées. Elle se réfugie alors à l’intérieur des bois verts de la plaine et des collines, où elle vit tantôt solitaire ou par couple, tantôt en petites sociétés, et assez souvent avec des bandes de Rortelets ou de ses congénères : les semences et les bourgeons d'arbres y forment la base de ses aliments. Elle sort de temps à autre des bois , et vient se montrer dans les vergers , les jardins et les haies, où les menus fruits secs et les nouvelles pousses d'arbres fruitiers servent le plus à sa nourriture.
Cette Mésange regagne les forêts des montagnes à la fin de février ou seulement en mars, selon qu'elles se trouvent encore plus ou moins chargées de neige. Quelques paires s'arrêtent néanmoins dans les bois des collines ou du milieu des monta-
œnes , et s’V propagent quelques jours avant celles qui s'élèvent pour le même acte dans les régions alpines, Au nord de notre pays, ainsi qu’en Mau- rienne et Tarentaise, on en voit beaucoup qui se reproduisent auprès des habitations et jusqu’à l’in- térieur des villages, dans des vergers parsemés d'arbres creux et vermoulus. Au contraire, l’on n’en observe presque pas en été aux environs de Chambéry, où, pour rencontrer facilement cette espèce, on est forcé alors de gravir les montagnes jusqu’aux régions des sapins.
Elle entre en amour au commencement d'avril ; elle ne travaille pourtant guère son nid qu’à la fin du mois sur les coteaux ou les collines, et vers la mi-mai dans les montagnes. Comme la précédente, elle s'empare pour couver d'une cavité d’arbre qui à souvent servi de retraite, pendant l'hiver, à quelque petit mammifère rongeur. La femelle y fait sa ponte sur un amas de quelques brins de paille, de mousse sèche, de plumes, de laine, de poils et de duvet cotonneux de fleurs; elle se compose de six à neuf œufs, tantôt arrondis tantôt ovales, blancs, et cou- verts de petits points d’un rouge fauve et plus nombreux autour de la grosse extrémité. Ces œufs ressemblent parfois, jusqu’à s’y méprendre, à ceux dela Mésange à Longue Queue; maisilest rare qu'ils ne soient pas plus tachetés qu’eux de rouge, et d'un rouge plus vif. En moyenne, ils ont 43-1/ mill. de
DE LA SAVOIE. 53 long, sur 10 ou 10 mill. : de diamètre. Tandis que la femelle les couve, le mâle lui apporte sa nourriture; dans ses moments de loisir, il se tient près d’elle à la cime d’un arbre, d'habitude à l’extrémité d’une branche sèche ou bien à l'épanouissement d’une jeune pousse de pin ou de sapin. Il ne cesse alors de chanter. Son ramage, qu’on entend aussi dans les beaux jours de l” utomne et de temps en temps pendant l'hiver, est plus éclatant, plus agréable- ment varié que le chant de la Grosse Charbonnière; il est composé de qualre cris très-différents, que le mâle se plaît à redire plusieurs fois de suite d’une voix vive et réjouissante ; quelquefois il s'applique à les répéter tour à tour pendant près d’une heure, en exprimant à chaque reprise les mots suivants :
Les petits éclosent au bout de quinze jours de couvaison ; le lendemain de leur naissance, ils sont déjà revêtus d’un poil follet noirâtre, rare et long, qui tombe à l'apparition des premières plumes. Le père et la mère les nourrissent avec des mouches, des moucherons, des vers, de petits insectes exces-
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sivement mous et avec des chenilles, qu’ils se procu- rent en furetant partout à la manière des Roitelets. Aussitôt qu’ils peuvent voler assez pour les suivre au travers des bois, ils les font sortir du nid et leur en- seignent l’art de grimper à l’aide de petits vols brusques le long des troncs ou des branches, de s’y accrocher et se suspendre par les pieds pour y sai- sir des aliments : pour cela, ils se livrent devant eux et avec eux avec une agilité admirable à ces divers genres d'exercice. On les remarque encore ensemble en automne, ou plutôt jusqu’à l’époque à laquelle ces oiseaux se livrent à leurs voyages pé- riodiques, les uns par familles, les autres par bandes plus ou moins nombreuses.
La Petite Charbonnière est d’un naturel vif et pétulant ; il est réellement difficile de larencontrer un instant tranquille ; elle se remue encore de droite à gauche en chantant. Mais elle est très-peu mé- fiante ; aussi, tombe-t-elle facilement en un moment deux ou trois fois de suite dans le même piége d’où elle se sera déjà dépêtrée une ou deux fois. J’ai vu en 1845, à l’époque de ses excursions d'automne, toute une bande de sept individus se laisser prendre, en moins de cinq minutes, dans des lacets tendus sur de petites meules de chanvre.
La chair de cette Mésange est un bon manger ; elle sent quelquefois, en hiver surtout, le pin ou le sapin : cette odeur vient des jeunes pousses de ces
arbres, que ce volatile consomme alors dans les lieux où il a fixé sa résidence.
428.- Mésange Bleue (Porus Cœruleus). Noms vulgaires : Meunière ; en patois : Mognière, Meignéret.
La Mésange Bleue (Buf.).—Mésange Bleue (Parus Cœruleus), Cuv., Vieill., Temm.—Cinciarella (Sayi).
Cette jolie Mésange doit sa dénomination de Meunière au bleu ou au bleuâtre de sa livrée, couleurs généralement adoptées par les meuniers de la Savoie dans leur parure, ainsi qu’à son habi- tude de se tenir fréquemment dans le voisinage des moulins, sur les arbres qui bordent l’eau qui les fait moudre.
Le mâle adulte a 12 cent. 2-3 mill. de taille. I] a le sommet de la tête d’un bleu azuré et bordé de blanc sur l’occiput; le front, les joues et les tempes, d'un blanc lustré : celles-ci surmontées d’une ligne noire qui part du bec à la hauteur des yeux. Une espèce de collier de bleu foncé enveloppe la nuque et vient se réunir au noir de la gorge et du cou. Un vert-olive couvre le dessus du corps; les pennes alaires, en partie bleuâtres, sont traversées par une raie blanche. La queue est légèrement fourchue et teinte du même bleuâtre que les ailes. Les parties inférieures du corps sont envahies par un jaune- citron, qui s’éclaircit sur le ventre et la région anale ; néanmoins le centre de ces parties se trouve
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occupé par une ligne longitudinale, d’un noir presque nuancé de bleu. Le bec est brun noirâtre, mais presque blanchâtre sur les bords extérieurs des mandibules; l’iris des yeux noir; les tarses sont couleur de plomb.
La femelle a 12 cent. de longueur. Ses teintes sont partout moins vives que dans le mdle; le bleu est, chez elle, lavé de cendré et la ligne longitudi- nale du milieu du ventre, moins marquée.
Les jeunes, avant la mue, ont le blanc de leur livrée remplacé par du jaunâtre, le bleu par du cendré bleuâtre, le vert-olive ainsi que le jaune par des nuances plus ternes. Après la mue, ils res- semblent aux adultes.
La Mésange Bleue fréquente toute l’Europe. Sédentaire en Savoie comme les deux premières espèces, mais un peu moins nombreuse, elle ne s’é- carte guère des bois, surtout de ceux de hêtres et de chênes. On la remarque en outre dans la plupart ‘des lieux couverts de taillis et qu’avoisine l'eau, dans les parcs et les vergers, enfin sur les grands arbres qui entourent les maisons de campagne, et notamment les usines et les moulins. Quoique natu- rellement portée à vivre en famille ou en petites troupes après la saison des nichées, comme ses congénères, elle se plaît pourtant à rester souvent seule ou deux à la fois, ordinairement mâle et
femelle, dans le canton qu’elle s’est choisi, Elle y
DE LA SAVOIE. 57 recoit toujours de bonne grâce la Mésange Grosse Charbonnière qui vient la visiter quelquefois; elle l'accompagne partout, en cherchant comme elle sa subsistance. Vient-elle, en s’éloignant à quelque distance de son district, à se trouver avec plu- sieurs de ses semblables dans un bois, elle fait bande avec elles pour quelques moments, jusqu’à ce qu’elles regagnent aussi comme elle, une à une ou par couple, leur séjour de prédilection. En sortant des bois ou des taillis qu’elle hante par habitude chaque jour pour vivre, afin de faire quelque excursion dans leur voisinage, elle s’abat dans presque toutes les jonchaiïes et les lieux garnis de roseaux qu’elle découvre, soit sur les bords des lacs et des étangs soit le long des rivières et à l’in- térieur des marais boisés. Elle y est à peine posée qu'on la voit, souvent en compagnie des Rousserolles et du Bruant des Roseaux, gravir en sautillant et remuant les ailes, les cannes des joncs et des ro- seaux; par moments, elle reste cramponnée à l’une de ces plantes, tandis qu’elle en perce la canne à coups de bec précipités pour s'approprier une larve ou bien un ver qui la ronge intérieurement. Elle visite encore les champs ensemencés de maïs, et s’accroche pareïllement contre chaque tige qui lui paraît être la proie des vers qu’elle déloge aussi en un instant pour s’en repaître.
C’est spécialement en automne et en hiver que la
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Mésange Bleue se tient dans les bois de hêtres, dont les semences (faines) servent alors à la nourrir ; elle mange aussi, mais particulièrement dans les temps de disette, le gland et plusieurs petites baies sauvages, celles surtout de l’églantier et du gui. On la voit de temps en temps paraître dans les vergers et les jardins, ainsi que dans les haies qui les bordent, où elle s'attache principalement aux arbres fruitiers. Elle y cherche d’abord, en prenant comme ses congénères toutes sortes de positions le long des troncs ou des branches qu'elle escalade ensuite adroitement, les larves, les insectes et les chenilles engourdis par le froid ; mais aussitôt que ces aliments lui manquent, elle devient nuisible aux propriétaires, car elle s’acharne alors à ébourgeon- ner les arbres fruitiers. Si on ne la laisse pas tran- quille dans cette opération, elle s'envole à chaque bourgeon qu’elle arrache, et les emporte souvent dans un creux d'arbre, où elle les entasse pour les manger ensuite avec plus de sûreté.
Lorsque, vers le milieu de l'automne, les autres Mésanges se livrent à des voyages périodiques, celle-ci garde son canton; mais veut-elle aussi voyager, elle s'associe pour cela tantôt avec quel- ques-unes de ses semblables, tantôt avec la Grosse Charbonnière ou la Nonnette; elle vient facilement à la voix de cette dernière, et si elle court quelque danger, elle veut le partager : mais souvent elle est
DE LA SAVOIE. 59 victime de sa témérité : la Mésange Bleue est
effectivement facile à se laisser prendre dans les piéges. Pour en capturer beaucoup, il suffit d’en placer une dans un trébuchet ou une cage à bait- tant, ou bien d’en tenir une pour appeau dans une cage au milieu d’un buisson, que l’on couvrira de gluaux. Lorsqu’après l’avoir prise on la tient dans la main, elle pince souvent, avec les serres ou le bec, les doigts jusqu’au sang. Elle devient funeste en volière aux autres volatiles plus faibles qu’elle; elle les tue à coups de bec, ou leur ronge la tête peu à peu, ce qui les entraîne toujours à leur perte.
Cette Mésange a divers cris, soit pour se rallier quand sa troupe est répandue en quelque lieu ou pour s’avertir réciproquement du moindre danger que l’une de la bande court, soit pour exprimer ses craintes, soit enfin pour chanter l'amour. Ce dernier, qui est particulier au mâle dès le mois de février, est une espèce de bruissement simple, un peu cadencé et composé de plusieurs notes aiguës qui semblent prononcer les syllabes : feri, ri, ri, ri la cime des arbres, tout en voletant ou sautillant de branche en branche, et lorsqu'il passe d’un arbre à l’autre. Le mâle et la femelle, qui se recherchent à la fin de l'hiver, se mettent en devoir de con- struire leur nid vers le 25 mars, quelquefois seule- ment, vers le 8 ou le 12 avril, surtout après un
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hiver très-long et lrès-rigoureux. Ils le travaillent de concert dans un petit trou d’arbre. Ce sont les feuilles sèches, les plumes, les poils, la bourre et d’autres matières molles qui entrent dans sa com- position. La ponte est de neuf à quatorze œufs blancs ou d’un blanc presque couleur de chair, avec des taches et des points irréguliers, rougeâtres ou d’un brun rouge, toujours plus nombreux autour du gros bout, où quelquefois ils se confondent ensemble. Ils ont 14-15 mill. de long, sur 12 ou 12 mill. : de large. Comme la Grosse Charbonnière, la femelle souffle horriblement quand on vient l’incommoder dans son nid pendant l’incubation. Les petits éclosent après quinze jours de couvaison; ils sont nourris et élevés avec les mêmes soins que ceux de cette dernière espèce.
L129.— Mésange Huppée /Parus Cristatus]. Noms vulgaires : Lardine à Capuchon, Mésange Capucine, Capucelte.
La Mésange Huppée (Buff.).—Mésange Huppée (Purus Cristatus), Cuv., Vieill., Temm.
On recherche presque partout cette Mésange comme curiosité, à cause de la huppe qui lui pare la tête en forme de capuchon.
Sa taille est de 12 cent. 4 millim.
Le mâle adulte et vieux est notable par sa grande et belle huppe composée de plumes acuminées, noires et bordées de blanchâtre : ce sont les plumes du front qui en forment la base; celles de l’occiput,
qui sont les plus longues et un peu arquées en de- vant, la terminent; elles sont toutes étagées, et les plus élevées ont jusqu'à 22 ou 25 mill., suivant l’âge des sujets. Il a les autres parties du dessus du corps, d’un brun roussâtre, à l’exceptoin des pennes alaires et caudales, qui sont brunes et un peu bor- dées de roussâtre. Une plaque noire occupe la sorge et le devant du cou, et se réunit, sur le haut de la poitrine, à un collier de même couleur, qui remonte vers l’occiput. Une ligne demi-circulaire et noire traverse les tempes. Les joues sont d’un blan- châtre strié, comme les plumes du front, de noi- râtre, ce qui les fait paraître comme variées de taches blanches et noires en forme d’écailles; les côtés du cou, le bas de la poitrine et le ventre, d’un blanc lavé de roussâtre clair ; enfin les flancs sont roussâtres. Le bec est presque noir; l'iris des yeux d’un brun rouge ; les tarses sont couleur de plomb.
La femelle ressemble au mâle dans tous les âges par la disposition et le mélange des couleurs; mais sa huppe est constamment moins longue, et le noir de sa gorge moins étendu.
Les jeunes ont la huppe, au sortir du nid; ils la dressent déjà à volonté, quoiqu’elle soit à peine de 13 ou 14 mill de longueur. Après la mue, les jeunes mûles ne diffèrent point, jusqu’au printemps, de la femelle adulte que je viens de décrire. Avant cette crise, ils ont bien déjà les couleurs distribuées
6? ORNITHOLOGIE de la même manière que dans les vieux, mais leurs teintes sont moins pures.
La Mésange Huppée habite spécialement les forêts de pins et de sapins du nord et du centre de l’Europe. Elle est rare dans les contrées méridio- nales; c’est du reste accidentellement, et pendant l'hiver, qu’elle s’y montre. Nous l'avons assez commune en Savoie dans la plupart des bois ou des forêts de sapins de nos montagnes; on l’y remarque pendant tout le cours de la belle saison et même en hiver, mais alors en plus petit nombre que durant l’été, car plusieurs sujets viennent aux pre- mières neiges s'établir dans nos bois inférieurs, comme je me réserve de l’expliquer encore. Sa nourriture se compose de semences et de jeunes pousses d'arbres verts, puis de temps en temps de baies de genièvre, dont sa chair contracte alors le goût. Elle ne dédaigne pourtant jamais les chenilles, ni les larves d'insectes, ni les mouches, ni les gros moucherons et les papillons de nuit; elle les attrape quelquefois au vol, mais le plus souvent en parcou- rant les branches des arbres ou des buissons l’une après l’autre. Quant aux chenilles et aux œufs d’in- sectes et de papillons, elle se les procure en $’accro- chant et se suspendant, comme les autres Mésanges, au bout des rameaux les plus subtils, ou bien en furetant partout.
C’est aux premiers frimas d'octobre et en même
BD'ENEANSANOTE. 63
temps que les Petites Charbonnières se préparent à voyager, que quelques Mésanges Huppées quittent en Savoie leur séjour d'été et se rapprochent des pays de plaine boisés. On en observe alors tous les ans aux environs de Chambéry, et notamment dans les bois de sapins de Montagnole, de Bissy, de Candie et de Saint-Sulpice. Elles y arrivent ordi- nairement seules ou l’uñe après l’autre, quelquefois par paires, ou à là suite d’une bande de Petites Charbonnières. Tant qu'elles n’ont point encore adopté de canton pour l'hiver, elles errent de bois en bois tantôt seules, tantôt appariées ; par mo- ments, elles s'arrêtent aussi dans les jardins et les vergers qu'elles découvrent sur leur passage; elles s’y montrent très-familières et se laissent approcher de très-près, pendant qu'elles cherchent leur vie sur les arbres. Pourtant, elles donnent difficile- ment dans les piéges qu’on leur tend, même dans ceux où s’empêtrent si aisément les autres Mé- sanges ; il faut que les semences ou les noyaux qu'on a l’habitude d’y mettre pour appât ne soient point de leur goût,
Cette Mésange s'éloigne des bois de la plaine et des coteaux vers la fin de février ou les premiers jours de mars. Dés lors, on la rencontre plus par- ticulièrement dans les bois verts des collines ou qui garnissent le pied et le milieu des montagnes. Quel- ques paires s’y reproduisent; mais le plus grand
à]
nombre gagne à cette intention des régions plus élevées. Les premières nichent déjà à la fin d'avril ; les dernières, c’est-à-dire les paires qui préfèrent aux bois des collines ceux des montagnes, ne cou- vent guère qu’à la mi-mai; elles ne font toutes qu’une seule couvée par an,à moins qu’elle neleur soitravie. Le mâle et la femelle de concert travaillent le nid ; ils garnissent alors le fond d’une petite cavité d'arbre, surtout d’un sapin, avec de la mousse, des lichens, des plumes, des poils et des aigrettes de chardons. La femelle vient ensuite y déposer sept à neuf œufs blancs, marquetés, spécialement vers le gros bout, de petites taches, néanmoins assez larges, compa- rativement à la grosseur de l’œuf, et d’un rouge de sang. Ces œufs ressemblent quelquefois tellement à ceux de la Mésange Bleue et de la Mésange Al- pestre qu'il est très-difficile de les distinguer lors- qu'une fois ils sont mêlés ; il n’est pas très-rare d’en trouver dans une couvée un ou deux sans taches,
ou si faiblement tachetés qu’ils paraissent comme salis par des causes étrangères. Pour longueur, ils ont À cent. 43 ou 5 mill., sur 11 ou 11 mill. + de diamètre. De ce qu'ils se propagent d'habitude
dans les forêts de pins et de sapins, où l’on ren-
contre à chaque instant d'immenses fourmilières, il
arrive quelquefois que toute la couvée devient la
proie des fourmis, surtout quand elle se trouve à
peu de distance du sol dans une vieille souche. Ces
DE LA SAVOIE. (65) insectes rongent alors si bien les chairs des jeunes qu'ils n’en laissent guère que le squelette des parties
les plus dures. J’ai remarqué déjà trois nids de _ cette Mésange, dont les petits avaient servi de pà- ture aux fourmis.
Le mâle ne participe point aux peines de l’incu- bation, mais il prend soin de nourrir sa compagne pendant qu’elle s’y adonne. Les petits qui éclosent du quinzième au seizième jour de couvaison , sont alimentés dans le nid par le père et la mère avec le même genre de nourriture que ceux de la Petite Charbonnière, n° 127. Ils vivent en famille dans la plus parfaite intelligence jusqu'à la fin de l'été, sans s’écarter de la forêt dans laquelle ils furent élevés. On les observe presque tout le jour avec leurs auteurs occupés à chercher dans les arbres et les taillis de leur canton, les semences, les chenilles sans poils, les chrysalides, les larves et les insectes pour s’en nourrir. On les découvre bien de temps à autre en compagnie de la Mésange Alpestre, de la Pehite Charbonnière et des Roitelets, mais ils ne les fréquentent pas d'habitude longtemps; car, en moins de quelques minutes, on les voit se retirer seuls et tous de la même bande vers d’autres quar- tiers du district. Le père et la mère, qui sont les guides, veillent constamment sur chaque petit ; ils les avertissent du moindre danger qu’ils courent, et les perdent-ils un instant de vue, ils ne cessent de
66 ORNITHOLOGIE
les rappeler par leur cri ordinaire : titrre, lrrre- trre , articulé plusieurs fois de suite et avec tant de rapidité dans le danger que , quoique proféré à sept ou huit reprises successives, on croit réelle- ment n’avoir entendu qu’un seul cri très-prolongé : htrre-rrre-trrre-trre. Indépendamment de ce cri que l’on entend à chaque saison, le mâle, en été, possède une espèce de gazouillement court, mais au reste monotone.
La Mésange Huppée se cache chaque soir pour passer la nuit, dans un trou d'arbre. Quand elle vit en famille, elle range ordinairement en ligne sur une branche abritée par des toufles de feuilles ou par les petits rameaux supérieurs tous ses petits, et ceux- ci dorment serrés les uns contre les autres. Le len- demain dès l’aurore, au premier signal, la famille se remet en mouvement et commence à parcourir comme la veille les bois de l'arrondissement.
130. — Mésange Alpestre /Parus Alpestris).
Bulletins de la Societe d'Histoire Naturelle de Savoie, janvier 1851 : Notice sur la Mesange Lugubre (Parus Lugubris); et janvier 1852 : Description d’une nouvelle espèce de Mésange de la Savoie.
Lorsqu’en avril 1848 , je rencontrai pour la pre- mière fois dans nos Alpes cette Mésange, je fus aussitôt frappé de son affinité avec la Mésange Lugubre (Parus Lugubris), que je savais étrangère | à notre climat. Longtemps embarrassé pour la dé- (1 nommer, je pris enfin, en 1854, le parti de la décrire
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE
| Passere aux. Parusidees.
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Lith. J'Perrin Libr.ldit, Ch ambery. J.Werner del.&Lith.
1 Mes ange Boréale, zeie adulte au pr'rlemps; 28 gr.nat;PA5ù da tome LV. Appendice. — 9-4 Œuls de l'espece; gr nat
> Mésange Alpe stre, 24e 2@ulle au printemps; 2grnat;P.(6.
6,7,8 ufr delespece; gr nat
9 Mésange Nonnette,z24/e adulte, 3 or nat: VT6—1049 Zafs de l'espéce.grrat.
D LEA TSAV-OLE. 67 comme race locale de cette espèce ; c’est ce que je fis alors dans une notice qui fait partie des Bulletins de la Société d'histoire naturelle de Savoie, et que plus tard, en janvier 1852, je rectifiai, après de nouvelles recherches. Ce fut alors que, dans une se- conde notice, publiée aussi dans les Mémoires dela même Société, je décrivis cette Mésange comme nou- velle, sous le nom que je lui conserve aujourd’hui.
La Mésange Alpestre a de la ressemblance avec la Mésange Nonnette, soit par le mélange soit par la disposition des couleurs deson plumage ; maiselleen diffère essentiellement par ses dimensions plus fortes,
Sa taille est de 13 cent. depuis le bout du bec jus- qu’à l'extrémité des pennes de la queue ; elle est par conséquent d’un centimètre plus grande que celle de la Nonnette. Cette différence est principale- ment due à la longueur de la queue qui a chez elle, en moyenne et suivant l’âge des individus, 59-61 mill., tandis que celle de la Nonnette n’en a que 51 ou 52. Ses ailes aussi sont plus longues ; elles ont 6 ou 6 mill. + de plus que dans cette espèce. Son bec est encore un peu plus grand, plus fort,
1 On me fait part que quelques naturalistes français sont d’avis que cette Mésange doit se rapporter à la Mésange Boréale (Parus Borealis), espèce du Nord, décrite en 1843, par M. de Selys-Longchamps, dans une note insérée dans les Bullelins de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, tome X, page 24. Je regrette beaucoup de n’avoir pas à ma disposition quelques sujets de cette espèce pour les comparer avec celle de nos climats, et donner ensuite mon avis sur un point aussi essentiel. Je dois aussi faire remarquer qu’un auteur alle- mand n’est point de l’avis des premiers.
65 ORNITHOLOGIE plus haut, plus large à sa base et moins comprimé vers sa pointe.
Le mâle adulte porte comme la Nonnetle une large calotte noire qui lui couvre tout le dessus de la tête et se prolonge au delà de la nuque, sur la partie postérieure du cou : cette couleur acquiert en été, chez plusieurs, sur le sommet de la tête surtout, une nuance brune excessivement légère qu’on ne découvre du reste guère que par l’inci- dence de la lumière. Un blanc toujours plus pur que chez la Nonnette envahit le lorum, les joues, les tempes et descend de chaque côté du cou aussi bas que le noir de la tête. Le noir de la gorge occupe, dans tout âge, plus d'espace que dans cette dernière espèce et s'étend un peu sur les côtés du cou. Les autres parties inférieures sont d’un blanc oris, lavé de roussâtre, notamment sur les flancs et la région anale. Un cendré mêlé d’olivâtre vers l’ex- trémité des plumes règne sur les parties supérieures du corps : chez les vieux sujets, cette teinte olivâtre s'efface souvent au printemps ou en été par l'effet de la nue ruptile. Les pennes alaires et caudales sont d’un brun noirâtre, nuancées d’un peu de cendré dans un dge avancé, et frangées de cendré assez clair sur le bord externe de chaque penne; la plus latérale de chaque côté de la queue, qui est un peu plus courte que les autres, se trouve largement bordée de blanc extérieurement. Le bec est couleur de
DEN DA SANVOLE,. 69 corne foncée ; l'iris brun très-foncé ; les tarses d’un gris de plomb.
La femelle ne diffère du mâle qu’en ce que le noir de la gorge est, chez elle, moins étendu et moins pur à la base du cou, où les plumes, en géné- ral, sont bordées de blanchâtre.
Les jeunes, au sortir du nid, ont déjà les couleurs distribuées comme chez les adultes, mais le noir de la tête moins foncé. Celui de la gorge est marqué de blanchâtre vers le bout des plumes. Le bec porte un peu de jaune à la commissure. Les parties supé- rieures sont d’un cendré rembruni, avec la bordure des rémiges et des tectrices, ainsi que des pennes caudales, d’un cendré olivâtre, à l’exception de celle de la penne latérale de la queue, qui est blanche ou blanchâtre. Après avoir mué, c’est-à- dire dès le mois de septembre, ils conservent encore un peu de brun sur le cendré du dessus du corps, et un peu d’olivâtresur le liséré des ailes et de la queue ; l'extrémité de plusieurs plumes noires de la gorge et du devant du cou est encore finement bordée de blanc. Mais au printemps, après la mue ruptile, ils ressemblent aux adultes décrits en tête de l’article.
Nous rencontrons dans les forêts épaisses de quelques régions moyennes de nos montagnes, une race d'individus à dimensions plus petites que ceux des types de l’espèce, mais dont le plumage est le même. Leur taille est, en moyenne, de 12 cent,
3-4 mill., par conséquent moins grande de 6-7 mill. que dans ces derniers. La queue d’où provient spé- cialement cette différence, a tantôt 52 tantôt 53 ou oh mill. Les ailes aussi se trouvent proportionné- ment moins grandes. Le bec est également plus petit et, j'ajouterai même, presque conforme à celui de la Mésange Nonnette. Leurs œufs sont con- stamment moins gros : je les décrirai avec ceux de l’espèce. J’ai remarqué cette race dans les bois des environs de Saint-Jean de Couz et dans ceux de la montagne de l’Épine, près de Chambéry, et tou- jours à des hauteurs moyennes où l’on ne trouve guère celle des régions supérieures que durant l'hiver, lorsque, chassée de son séjour habituel par les neiges qui l’envahissent, elle se rapproche des bois du centre ou du pied des montagnes.
La Mésange Alpesire vit sédentaire en Savoie : elle y fréquente pendant toute la belle saison les forêts froides de pins, de sapins et de mélèzes, celles surtout qui se trouvent les plus reculées dans les montagnes. On la voit près de Chambéry, sur le mont Grenier, à l’Alpétaz, à Joigny et au Nivolet:; en Bauges : à Margériaz, à Rozannaz et à la base du mont Tréloz. On la retrouve aussi dans quelques régions élevées de la Tarentaise, surtout aux Allues et à Notre-Dame-du-Pré ; dans toute la Haute-Mau- rienne, notamment aux environs de Modäne, de Termignon et de Lans-le-Bourg ; enfin sur la pente
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méridionale du Mont-Cenis, vers la Ferrière et le Mollaret, etc., etc. M. Caire l’a remarquée dans les Basses-Alpes, surtout aux environs de Barcelonnette où elle est sédentaire. Les Alpes Suisses la possèdent aussi pendant toute l’année. On voit, d’après l’énumération des localités que fréquente le plus habituellement en Savoie la Mé- sange Alpestre, qu’elle se tient éloignée des vergers et des lieux humides complantés d’aunes, de saules et de frênes, où se plaît particulièrement la Mé- sange Nonnelte. Ce n’est pas à dire pourtant qu’on ne l’y découvre quelquefois après les nichées, lors- | que, par exemple, forcée d'abandonner les mon- | tagnes, à cause des neiges qui viennent tout à coup les envahir, elle s’abat sur les collines boisées pour y vivre plus aisément. Mais son apparition dans les bois de la plaine est toujours très-rare en Sa- voie, surtout dans la province de Savoie propre. Elle a lemême genre de vie que la Mésange Petite Charbonnière, dont elle recherche du reste singu- liérement la société; elle a aussi son activité, sa mobilité extrême, mais jamais ses cris d’appel ni ses chants d'amour. Comme elle, elle quête sa vie en sautillant le long des branches ou en les escala- dant au moyen de petits battements d’ailes brusques; comme elle aussi, elle s'accroche, elle se balance à l’extrémité des rameaux ou des jeunes pousses de sapins, ou se cramponne fortement au tronc des
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arbres, aux fissures de l'écorce, afin d’être mieux à l'aise pour s'approprier la proie qu'elle y ren- contre ; comme elle enfin, elle s’alimente avec des graines ou semences d'arbres verts, d’arbustes et de plantes alpines, avec des baies ou de petits fruits sauvages, avec des insectes, des mouches et de gros moucherons, avec des œufs de papillons et d'araignées, avec des fourmis, larves, chenilles et papillons, tels que phalènes et bombyx.
Après les nichées, ou plutôt après l'éducation de sa progéniture, il est rare de la voir seule, Elle vit encore en famille jusqu’à l’approche de l'hiver, et forme de petites bandes qui parcourent sans relâche tout le jour les bois de pins, de sapins et de mélèzes ; c’est spécialement sur leurs lisières ou sur les arbres qui environnent des clairières qu’on les remarque. Mais aussitôt qu'elles les ont visité en tout sens, elles s’enfoncent pour quelques moments dans l'épaisseur de ces bois, où leur cri d'appel, très-différent de celui de toutes leurs congénères, les fait toutefois découvrir à chaque instant, Par ce cri, qui est grave, assez traîné et même un peu chevrotant, il semble que cette Mé- sange articule la syllabe cré, répétée trois ou quatre fois de suite, à égal intervalle et sur le même ton; mais une autre syllabe plus rapide le précède quelquefois. C’est alors qu’elle prononce : til-cré, cré, cré, cré, en faisant toujours longue la voyelle 6,
DE LA SAVOIE. 73
Il arrive souvent que ses pelites bandes gros- sissent extraordinairement d’un instant à l’autre, en se réunissant à d’autres familles de leur espèce ou de la Mésange Huppée et notamment de la Petite Charbonnière, ou bien encore à celles du Roitelet Huppé et du Grimpereau Costa. Tous ces volatiles, ainsi rassemblés, hantent en commun et dans le plus parfait accord, principalement les abords des bois de leur canton; ils se dispersent ensuite par familles ou par petites troupes, à mesure qu'ils rentrent dans le plus fourré de,ces bois.
Cette Mésange reste attachée au district où elle s’est une fois reproduite. L'hiver ne parvient pas même à l'en chasser; aussi, sont-ce des jeunes sur- tout qui descendent chaque année de nos montagnes, pendant les rigueurs du froid, pour venir se fixer momentanément dans les bois verts des collines ou des coteaux qui dominent la plaine. Elle n’émigre jamais de la Savoie, comme la plupart de ses con- génères, à l’approche de la mauvaise saison, En hiver, elle préfère vivre par paire, mâle et femelle, ou par trois à cinq individus ensemble, plutôt que par bandes aussi nombreuses que durant l'automne. Sa chair contracte alors dans plusieurs de nos mon- tagnes un goût de résine qui provient sans doute de la consommation qu'elle fait des semences et des nouvelles pousses d'arbres verts.
Cest sur la fin d'avril que la Mésange Alpestre
LUS
74 ORNITHOLOGIE
A
s’adonne en Savoie à l’acte de la reproduction. Pourtant quelques couples, ceux surtout qui n’ont cessé d’habiter les dernières forêts de nos Alpes, n’entrent guère en amour avant les premiers jours de mai, lorsque les neiges commencent à abandon- ner ces hauteurs; ceux-ci nichent vers le 20 de ce mois et ne font qu’une ponte. Les autres, qui se propagent plus tôt qu'eux dans des régions moins élevées, font habituellement deux couvées par an : une sur la fin d'avril ou au commencement de mai, une autre vers le 20 ou le 30 juin. Le mâle et la femelle construisent leur nid dans de petits creux naturels d'arbres, situés soit dans les troncs, soit dans les branches verticales ou même horizontales des sapins et des mélèzes surtout. Ils le composent en dehors de brins d'herbes, de mousses et de lichens, qu’ils entassent grossièrement au fond de leur cavité ; ensuite, ils en garnissent l’intérieur de poils, de plumes, de bourre et d’aigrettes de synan- thérées (chardons, etc.). 6 à 9 œufs, assez rarement 10, sont le résultat de leurs amours ; ils ont, en moyenne, 15-16 mill. de longueur, sur 11 mill. 1 de largeur diamétrale. Dans la race décrite en tête de l’article, ils sont de 14 ; ou 15 mill. de long, et de 11 mill. de large, et marqués de taches fréquemment plus petites. Ces œufs sont, dans les deux races, obtus aux deux extrémités, d’un blanc ordinairement un peu luisant, et parsemés de points et de petites
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taches rouges, qui iracent souvent une espèce de couronne sur le gros bout; quelquefois ces traits sont si nombreux sur cette partie qu’ils s’y con- fondent : alors les œufs ressemblent tellement à ceux de la Mésange Huppée, qu’il est réellement dif- ficile de parvenir à les reconnaître lorsqu'on les a mêlés. Cependant, chez la dernière espèce, ils sont d'habitude garnis de taches plus larges, plus nom- breuses encore et plus confluentes autour de la grosse extrémité de la coquille. Les petits naissent le quinzième ou le seizième jour de l’incubation. Dès le lendemain, le père et la mère ne cessent de leur apporter, pour premiers aliments, des mou- ches, des moucherons, des œufs de fourmis et de très-petites chenilles. [ls leur donnent encore la becquée pendant les dix premiers jours de leur sortie du nid, et ils restent ensuite avec eux quoiqu'’ils mangent seuls.
Le mâle, outre son cri ordinaire qui est aussi particulier à la femelle pendant toutes les saisons, possède, depuis la fin de l’hiver jusqu’à la mue de l’automne, un chant très-caractéristique et qui ne se rapproche d'aucun des ramages des autres Mé- sanges. Îl est d'habitude un peu sifflé et articulé tantôt précipitamment, tantôt lentement. Dans le premier cas, l’oiseau exprime les syllabes : fu tu tu tu tu tu, sur deux tons différents; dans le second, il semble prononcer les mots : thiuz, thiuz, thiuz,
——— ——
_—————————
76 ORNITHOLOGIE au nombre de trois ou de quatre, à distance égale et sur la même noie :
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tu tu tu tu tu tu. tu tu tu tu tu tu. thiuz, thiuz, thiuz, thiuz. Il à encore, pendant la durée de l’amour, un ga- zouillement très-faible, qu’on entend du reste seu- lement du pied de l'arbre où il le redit, mais très- significatif et inimitable ; il ne le lâche qu’au plus fort de la passion.
131.—Mésange Nonnette /Parus Palustris].
Nom vulgaire : Lardine ou Lardère à Tête Noire.
La Nonnette Cendrée (Bufr.).—__ Mésange Nonnette (Parus Palustris), Vieill., Temm.—Cincia Bigia (Savi).
Cette Mésange, que beaucoup de personnes prennent pour une Petite Fauvelte à Téte Noire, a 12 cent. de longueur.
Le mâle adulte et vieux a le haut de la tête et la nuque couverts d’une calotte d’un noir profond, un peu luisant sur la première des parties ; les autres parties supérieures du corps, d’un brun cendré ; les ailes d’un brun noirâtre, et bordées de gris brun ; les pennes caudales noirâtres, lisérées de cendré brun, 1l est noir sur la gorge, blanchâtre sur les joues et les tempes, et d’un blanc grisätre, lavé de roussâtre, sur toutes les parties inférieures. Son bec est noirâtre, ainsi que l’iris des yeux. 5es pieds sont d’un gris de plomb foncé.
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La femelle diffère très-peu du mâle. Elle a seule- ment le noir de la calotte moins profond. Celui de la gorge est aussi moins foncé et moins apparent ; il yest marqué, à l'extrémité de plusieurs plumes de la base surtout, d’un peu de blanchâtre. Mais cette couleur disparaît au printemps par la mue ruptile, et le noir prend un peu plus d'extension, Les sexes alors ne diffèrent pas à l'extérieur.
Les jeunes, avant de muer, ont les parties supé- rieures du corps plus rembrunies que les adultes, et les couleurs des autres parties moins pures ; ils n’ont guère qu'une tache noirâtre sur la gorge. Après la mue, ils ressemblent aux adultes.
La Nonnette est aussi du nombre des Mésanges que nous possédons en Savoie toute l’année, assez com- muuément. On la remarque de préférence dans les vergers, dans les bois humides de la plaine, des coteaux ou des collines, et le long des saules, des frênes, des peupliers et des aunes qui bordent ou avoisinent des marais, des rivières, des torrents et des fossés. Son apparition dans nos Alpes et au sein des sombres forêts de pins et de sapins de leurs régions moyennes, où se plaît particulièrement la Mésange Alpestre, est toujours très-rare, même pendant ses excursions d'automne.
Cette Mésange est commune en Tarentaise, no- tamment dans les vergers et les petits bois de Brides, £alins, Villarslurin, Montfort, Haute-
Le
78 ORNITHOLOGIE
Ville, etc. ; elle paraît un peu moins abondante aux environs d’Albert-Ville. Près de Chambéry, on l’observe constamment à Thoiry, Puisgros, Bissy, Saint-Sulpice et Vimines; en Bauges, on la trouve sur la lisière des bois inférieurs d’Aïllon-le-Jeune, du Châtelard, de Doucy, de la Compôte et de l’Es- cheraine. Elle a le genre de vie de la Mésange Bleue, avec laquelle on la rencontre fréquemment dans les parcs et les vergers; mais elle m'a toujours paru moins hargneuse et moins cruelle. Elle tombe faci- lement dans les piéges que les villageois lui dressent le long des haies, ou bien autour de leurs habita- tions. Elle est douce en captivité, où cependant elle ne paraît guère se plaire. Sa nourriture con- siste en chenilles, mouches, guêpes, abeilles et larves perforeuses, en œufs d'araignées et de papil- lons, en phalènes et graines, celle surtout de tour- nesol, et en bourgeons d’arbres fruitiers.
C'est aussi une petite cavité d'arbre, surtout d’un vieux saule, d’un poirier ou d’un pommier, qui reçoit sa nichée. Le couple en garnit le fond, au commencement d'avril, de mousse et de brins d'herbes sèches, qu’il recouvre de plumes, de bourre et de laine. C’est sur ce doux matelas que la femelle dépose ses œufs, au nombre de sept à dix. Ils sont blancs, obtus aux deux extrémités, et ponciués ou tachetés de rouge ou de rougeûtre, spé- Cialement autour du gros bout, Leur longueur est
DE)LAUSAVOIE: 19 de 44 : à 15 mill., et leur largeur diamétrale de 10 4 à 11 mill. Pendant l’incubation qui se ter- mine au quinzième jour, le mâle, qui n'a pas de chant notable, s’occupe à parcourir presque tout le jour les arbres de son canton, pour y trouver sa subsistance et celle de sa compagne : on le voit, en effet, rentrer fréquemment dans le nid avec la bec- quée, puis en sortir presque immédiatement et retourner à la quête des aliments.
Le père et la mère paraissent très-inquiets pres- que à chaque fois qu'ils arrivent auprès de la couvée pour lui distribuer la nourriture. Découvrent-ils quelqu'un, ou un chat, un chien, qui rôdent à l’en- tour de l’arbre qui la recèle, ils s’agitent, ils se re- muent en tout sens et ne cessent de pousser des cris plaintifs, par lesquels ils semblent articuler les syllabes : thir, thir, thir-thia, thir-thia-thia ; aussi, leurs petits sont à peine en état de voleter, qu’ils les font sortir de leur cavité et les emmènent dans les bois et les lieux couverts de taillis, où ils ne les per- dent pas de vue un seul instant. À chaque moment, ils s’empressent de les rallier autour d'eux par un cri tout particulier, plus fort et plus prompt que d'habitude, soit pour leur donner des aliments soit pour s'assurer qu'aucun d’eux ne s’est encore égaré.
C’est au mois d'octobre que la Nonnette se plaît à voyager ou bien à se livrer seulement à quelques excursions dans son pays, jusqu'aux premières
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80 ORNITHOLOGIE
neiges. Plusieurs petites bandes nous arrivent alors tantôt seules, tantôt en compagnie ou à la suite des Petites Charbonnières, et se fixent pour quelque temps dans nos bois champêtres ou dans ceux des collines adjacentes. Cette Mésange se remet en mou- vement au mois de mars, quelques jours avant sa pariade, et vole à la découverte d’un lieu propice à ses amours. Sa chair n’est point un mauvais man- ger, comme plusieurs le prétendent.
Deuxième Section,
MÉGANURES /MEGANURI|.
Cette section renferme deux espèces de Mésanges dont une, la plus féconde, est sédentaire dans nos climats, et l’autre de passage accidentel. Elles sont toutes deux notables par leur queue très-longue et très-étagée ; par leur bec cultriforme en dessus et à mandibule supérieure légèrement recourbée sur l’in- férieure. On les trouve dans les bois et les jardins, ou bien dans l'épaisseur des joncs, des roseaux et d’autres plantes qui croissent dans les lieux les plus marécageux ; elles y forment, après les nichées, des bandes ou des familles nombreuses, qui vivent en- semble en bonne intelligence; c’est aussi dans ces lieux qu’elles s’adonnent à l’acte de la reproduction. Leurs nids, qui sont faits avec art, en forme de boule ou de bourse, y sont suspendus aux cannes des ro- seaux ou bien aux rameaux flexibles des arbres et des
DE LA SAVOIE. 81 arbustes, et solidement attachés à quelques tiges. Leurs mœurs sont douces.
132.—Mésange à Longue Queue /Parus Caudatus).
Noms vulgaires : Petite Meunière, Meuniéretite, Moniérôta, Mouriéère, Mourier.
La Mésange à Longue Queue (Bufr.).—Mésange à Longue Queue (Purus
Caudatus), Vieill., Temm.—Mecistura Caudata (Mécisture à Longue Queue), de S.-Longch., Faune Belge.—Cincia Codone (Savi).
Cette Mésange, dont la queue seule forme plus de la moitié de la longueur, a 15 cent. 5-6 mill. de taille. Elle est remarquable par toutes les plumes du corps qui sont longues, soyeuses, comme décom- posées, et qu'elle tient presque sans cesse hérissées, ce qui la fait paraître plus grosse du double : sa grosseur naturelle ne dépasse guère celle du Roi- telei Huppé.
Le mâle adulte est d’un blanc pur sur le haut de la tête, à la gorge, au cou et à la poitrine; d’un blanc teint de rougeâtre sur le ventre, les flancs, la région anale et sur les couvertures inférieures de la queue. La poitrine est quelquefois marquetée de fines taches noirâtres, restées de la première livrée, à, l’extrémité de plusieurs plumes ; mais ces traits s’effacent au printemps, par l'effet de la mue rup- tile, et ne reparaissent pas dans un âge plus avancé. Le noir domine sur le dos, le croupion, les rémiges et sur les six pennes intermédiaires de la queue, dont les trois latérales de chaque côté sont blanches sur les barbes extérieures et au bout. Les scapu-
T. HI, 6
+ = em
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laires sont rougeûtres; les grandes couvertures alaires, cendrées et bordées de blanc. Le bec, qui a la mandibule supérieure faiblement crochue, est noir, très-petit et à peine apparent quand l'oiseau hérisse à la fois les plumes du front et de la gorge- rette. Le cercle des yeux est nu et jaune; liris noir. Les tarses sont noirâtres,
La femelle, moins longue de 3-4 mill. que le mâle, s’en distingue encore par les plumes noires qui tracent sur les parties latérales du dessus de la tête, dont le milieu seulement est blanc ou blan- châtre, deux larges bandes qui se prolongent sur la nuque et se réunissent au noir du dos.
Les jeunes de l’année sont reconnaissables aux taches noires qu’ils portent sur la tête et les joues; aux petits traits bruns ou noirâtres de leur poi- trine ; enfin à leurs teintes qui sont généralement moins pures que chez les adultes. Au sortir du nid, ils ont, jusqu’à la mue de la fin de l'été, le cercle nu des yeux d’une couleur de chair rougeûtre, et, pen- dant tout le premier mois, la queue d’un tiers environ moins longue que celle des adultes.
La Mésange à Longue Queue fréquente la plus grande partie de l’Europe. Sédentaire et assez com- mune en Savoie, elle ne se plaît que dans les pays de plaine et sur les collines qui les environnent, Les petits bois humides, les taillis voisins de l’eau, les rangées d'arbres qui bordent des routes, des
DE LA SAVOIE. 83 champs, des rivières et des marais, enfin les ver- gers, les jardins ainsi que les haïes qui les ferment sont sa demeure habituelle; quelquefois, elle hante aussi les roseaux (rosières) et les massifs de plantes ou d’arbrisseaux. Vive, pétulante, douce, sociable, d'une légèreté et d’une mobilité extrêmes, elle ne prend du repos que la nuit. Klle vit en famille depuis le jour même où ses petits abandonnent le nid jusqu'au renouvellement de la pariade qui à lieu pour elle chaque année, aux premiers jours de mars : alors chaque bande ou plutôt chaque famille se dissout en formant d’autres sociétés plus inti- mes. Pourtant, les pères et mères, ou les sujets qui se sont une fois reproduits ensemble, ne contractent pas d’autres alliances; ils ne se quittent qu’à la mort. Mais les jeunes mâles qui n’ont point encore été appariés se livrent innocemment à cette époque, le matin et le soir surtout, de petits combats pour la possession des femelles qui se trouvent parmi eux; aussitôt qu'une paire vient de se former, elle se sépare de la bande dont elle faisait partie, et vole à la recherche d’un canton propice à ses amours. Ce canton est presque toujours un petit bois, des taillis auprès d’un marécage ou qui lon- gent une rivière, ou un fossé, ou bien encore un parc, un verger ou un jardin.
Sur la fin de mars ou dans les huit premiers jours d'avril, le mâle et la femelle se mettent en devoir
84 ORNITHOLOGIE
de construire le berceau de leur race future. Ce n’est plus dans un trou d'arbre ou de mur qu'ils le confectionnent, comme les espèces précédentes, mais sur les arbres ou dans de hauts buissons, à l’enfourchement de leurs branches ou de leurs ra- meaux. Ils choisissent pour cela de préférence les noyers, les arbres fruitiers, notamment les poiriers et les pommiers, puis encore les peupliers le long des champs, de l’eau et des prairies artificielles, et ils entrelacent le plus souvent leur travail dans les branches les plus rapprochées du sol ; quelquefois, ils l’accolent au tronc, soit au milieu d’une bifurca- tion soit parmi la mousse ou les lichens; ou bien ils le suspendent dans les haies épaisses qui servent de clôtures aux jardins, dans les lierres qui tapis- sent de vieux murs ou des décombres. Ils lui don- nent une forme ovale, longue de 18 à 22 cent. et presque analogue à celle d’un chausson, sauf néan- moins par l’ouverture ; ils le façonnent parfaitement à l'extérieur avec de la mousse, des lichens, des sommités de plantes très-subtiles, serrées et tres- sées avec des chatons de saule, du coton de peu- plier, de la laïne de mouton, des toiles d'araignées et des soies de chenilles ou de cocons. Le dedans est totalement garni de plumes, de poils et de crins très-déliés, ou d’autres matières non moins mol- lettes. Ils le ferment toujours dans la partie supé- rieure, et laissent, sur le côté du nid le moins
DE LA SAVOIE. 85 ombragé ou le moins exposé au vent qui souffle d'habitude dans le canton, une ouverture très- étroite, qui penche parfois légèrement vers le sol, de manière à préserver la couvée des intempéries de la saison, Le couvercle ou le dôme qui abrite le haut du nid est toujours le dernier achevé à l'exté- rieur: ils bâtissent d’abord le fond et le contour, puis ensuite le couvercle, et quand celui-ci est fini, ils garnissent l’intérieur de matières duveteuses.
Ils consacrent habituellement huit ou dix jours à ce travail ; à peine est-il terminé, que la femelle, qui est très-féconde, y pond, suivant son âge, de 19 à 18 œufs ovales : chaque jour elle en dépose un en commençant, puis deux par Jour à mesure qu’elle arrive à la fin de la ponte. [ls sont blancs ou d’un blanc mat presque teinté de rougeâtre, et marque- tés de petits traits ou de petites taches assez irré- gulières, d’un rouge ou d’un roussâtre pâle, éparses sur toute la coquille, assez fréquemment confluentes et réunies en collier plus ou moins complet sur la grosse extrémité ; quelquefois, l’on trouve dans une couvée 2 ou 3 œufs, et même davantage, entière- ment blancs ou un peu nuancés de rougeâtre seule- ment autour du gros bout. Pour longueur, ils ont
8 ou 8 millim. 1, et pour diamètre 5 1 à 6 millim.
9m
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livre, le mâle ne se tient jamais loin d'elle ; il vient à chaque moment la voir dans le nid et lui donner quelque aliment. Cependant, elle quitte les œufs de temps à autre pour aller dans le voisinage se délas- ser des peines de l’incubation ; mais bientôt après on la voit revenir avec le mâle qui ne l’a pas quittée un moment depuis la sortie, et rentrer dans le nid. Pour que sa grande queue ne la gêne pas quand elle couve, elle la dresse et décrit, en se posant sur les œufs, un rond ou seulement un demi-rond, au moyen duquel les pennes caudales restent droites et appuyées contre les parois intérieures ; quelque- fois, elle les tient tellement relevées, ou plutôt ren- versées sur le dos, que l'extrémité des rectrices les plus longues se laisse voir à l’entrée du nid.
À la naissance des petits, le père est presque seul chargé de les nourrir jusqu’au troisième ou au qua- trième jour, alors que la mère les réchauffe la plus grande partie du jour dans ses plumes. Ensuite, vivement secondé par sa compagne, il remplit, de concert avec elle, ce devoir sans se lasser un instant : se succédant l’un à l’autre dans le nid presque sans interruption tout le jour, ils donnent à leurs petits des chenilles, des vers, des mouches, des œufs d'araignées et de fourmis, qu’ils ont saisis le long des branches, sur les feuilles et l'écorce, ou bien à terre au pied des souches, ou parmi les herbes et les buissons. L’un d’eux arrive-t-il avec
DE LA SAVOIE. 87
la becquée pendant que l’autre est encore occupé à distribuer la sienne, il attend sa sortie sur le dème du nid ou sur l’un des rameaux les plus près de l'ouverture, et souvent 1l s’impatiente en attendant ; c’est, du reste, ce que semblent nous faire com- prendre les cris enroués : ferr, tirk, qu’il pousse alors, et qui sont déjà ceux par lesquels il exprime, dans d’autres circonstances, ses diverses émo- tons.
A mesure que les petits grossissent, le nid se dilate peu à peu sur ses côtés, à la faveur des toiles d'araignées et des autres matières filamenteuses qui en font le tissu ; il donne ainsi plus d'espace à la couvée, mais sans nuire à la solidité du tissu qui reste épais et serré. Si la nature n’eût pas suggéré à cette Mésange une forme de nid aussi commode, sûrement plusieurs petits, surtout les plus faibles parmi les 12 à 18 dont se compose la nichée, péri- raient étouflés ou écrasés sous leurs frères plus vigou- reux. J'ai examiné des nids qui avaientété fixés, sans doute avec imprudence, au centre d’une bifurca- tion de branche très-juste à leur grosseur, ce qui en rendait la dilatation impossible ; huit ou dix jours après l’éclosion, ils renfermaient déjà trois ou quatre petits morts sous les autres qui se trouvaient pleins de vie. | _ Le père et la mère font sortir du nid leur famille le jour même qu’ils la jugent capable de voleter
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d’un arbre à l’autre seulement ; c’est d'habitude le matin etavantle jour, quand tout est tranquille dans leur canton, qu'ils la sollicitent à prendre le premier essor. Quelquefois deux ou trois à cinq petits n’ont pas encore les ailes assez fortes ni assez garnies de plumes pour partir avec leurs frères; alors ils restent seuls au nid pendant un ou deux jours de plus, et leurs parents les y alimentent toujours avec le même zèle, Mais pour avoir moins de courses à faire pour les nourrir en même temps que les pre- miers, ils obligent ceux-ci à rester tous sur les | arbres qui entourent de plus près la demeure de ces | petits retardataires, jusqu’à leur sortie.
Les petits, aussitôt en état de suivre sans risque leurs auteurs, hantent avec eux chaque jour et (l presque aux mêmes heures successivement tous les Il bois, tous les vergers et les jardins circonvoisins de | leur première habitation. Ils se suivent alors con- stamment de près ; souvent ils marchent en troupe Al serrée, volant d'arbre en arbre, de buisson en buis- | son, ets’interpellant sans cesse par de petits cris qui || semblent exprimer : éi-ti-t; thaei, bi-ti-ti. Cou-
| rent-ils quelque danger, l’un des chefs, le père ou | la mère, pousse un cri plus grave et plus prompt ( (tirgrr), et à l'instant même toute la bande dispa- | raît. Si l’un des sujets qui la composent reste égaré en quelque lieu, ses compagnons ne se sont pas plutôt aperçus de son absence, qu’ils s’empressent
DIF ARS AN OTE. 89
de retourner sur leurs pas en le rappelant à l'envi et de toutes leurs forces ; ils ne continuent leur route que lorsqu'ils l’ont retrouvé, sinon perdu tout espoir de le revoir. J’ai vu, en effet, en 18/47, une famille rester alarmée pendant un jour entier dans un bois, où la veille j'avais vu abattre le père. A l'approche de la nuit, chaque troupe se choisit, dans l'épaisseur des branches, un refuge qu’elle conserve tant qu'elle ne s’y voit point inquiétée; aussi, il n’est pas rare de revoir une bande, sans doute la même, venir tous les soirs, jusqu'à la pé- riode de l’amour, dormir sur la même branche. Le père et la mère avec leurs petits s’y rangent tous sur une seule ligne, et, soit pour mieux se garantir du froid soit pour se prémunir contre les dangers de la nuit, ils se serrent les uns contre les autres. Le lendemain, au point du jour, toute la troupe, éveil- lée au premier signal du chef, se remet à parcourir les mêmes bois, les mêmes vergers que la veille: voltigeant sans cesse d’un arbre, d’une plante ou d’un buisson à l’autre, s’accrochant ou se suspen- dant mieux qu'aucune autre espèce de son genre aux épanouissements des fleurs ou des jeunes pousses, comme à l'extrémité des rameaux les plus faibles ou des touffes de feuilles, et s’y balançant tandis qu’elle cherche et saisit ses aliments. Elle ne fait que passer avec rapidité dans la plupart des lieux qu’elle fréquente; elle n’y séjourne guère que lors-
90 ORNITHOLOGTE
qu'elle y est forcée par quelque accident, ou sur- prise, par exemple, par un temps d'orage et de pluie.
La Mésange à Longue Queue se nourrit de très- petites chenilles, d'araignées et de leurs œufs, de vers, de punaises de bois, de petits scarabées, de mouches, de moucherons, de larves et de graines. Celle de chanvre semble lui plaire de préférence à toute autre semence oléagineuse. Elle ne la broie pas sur place pour la manger; mais à chaque graine qu'elle arrache, elle regagne l'arbre ou le taillis le plus près, où elle la perce à coups de bec redoublés, en la tenant assujettie dans ses petites serres, et n’en choisit que l’intérieur. Elle ne s’ac- commode guère à l’état de captivité; elle y est sans doute sensible à la perte qu'elle a faite de ses com- pagnes; aussi, elle refuse quelquefois de prendre la nourriture qu’on lui donne, et se laisse bientôt mourir d’ennui ou de faim. Le mâle n’a pas, même en été, de chant digne de fixer notre attention.
133. Mésange à Moustaches /Parus Biarmicus). La Mésange à Moustache (Buff.).—La Moustache (Cuv.).—Mésange Mous-
tache (Parus Biarmicus), Vieill., Temm.—Calamophilus Biarmicus (Calamo- phile Moustache), de S.-Longch., Faune Belge.—PBasettino (Savi).
La taille de cette Mésange est svelte; elle a 17 cent. du bout du bec à l’extrémité des plus longues pennes de la queue : cette partie seule est longue de 7 cent. 6 millim., et très-étagée.
Le = À
ORNITHOLOCGIE DE LA SAVOIE
Passereaux Parusidees.
TILL 24
Li J}Perrim Chambéry: J.Werner de. #lith. { Mésange à Longue-Queue,z74/ adulte; 39rnat; V 61. |) » » Tete de femelle adalie.— 3-5 ui de léspece, gra. 6 Mésange a Moustaches,z224a dalle; 4 grnat, P. 90. 7 » » Zete de femelle adulte — 8 ui de lespece; gr nat 1H Mesange Remiz, na; 7497 nat, V. 95.— 10-14 Zu de l'espeve; grnalt
DE LA SAVOIE. 91
Le mâle adulte est remarquable par le mélange de ses belles couleurs, par la finesse des barbes de ses plumes, et surtout par sa longue moustache d’un beau noir velouté, qui prend naissance entre le bec et l’œil, et descend en pointe de chaque côté du cou. Il à le aessus de la tête et du cou, d’un gris de perle; le dos, le croupion, les flancs et les pennes du milieu de la queue, d’un roux vif; les latérales blanches avec un peu de noir près de leur base. Les grandes couvertures alaires sont d’un noir foncé, frangées de roux à l'extérieur et de blanc roussâtre à l'intérieur; les rémiges sont lisérées de blanc extérieurement. Sur la gorge et le devant du cou règne un blanc ou un gris, suivant l’âge des indi- vidus, qui se nuance d’un peu de rosé; cette teinte devient vineuse, par conséquent plus foncée, sur la poitrine et le milieu du ventre. Maïs les plumes anales et les sous-caudales sont noires. Le bec, dont la mandibule supérieure se courbe légèrement sur l'inférieure, est de couleur orange pendant la vie de l'oiseau, jaune dans les collections ; l'iris est de cette dernière couleur. Les tarses sont noirs, ainsi que les ongles.
La femelle diffère beaucoup du mâle. Elle n’a point de moustaches ; sa queue est un peu plus courte, et les couvertures sous-caudales sont rous- ses. D’un blanc terne sur la gorge, puis nuancée de brun sur le roux de la tête et du dessus du corps,
92 ORNITHOLOGIE
et même fréquemment tachetée de noir vers le mi- lieu du dos ; elle a en outre les couleurs des autres parties moins vives que le mâle.
Les jeunes, avant leur première mue, sont d’un roux clair sur la plus grande partie du plumage; ils ont sur le dos une large plaque noire que rem- placent, après la mue, quelques taches longitudi- nales de la même couleur.
Cette Mésange, que l’on rencontre dans plu- sieurs contrées de l’Europe : dans la Hollande, la Suède, l'Angleterre, l'Italie et quelques parties de la France, et presque toujours dans les marais, ne se montre qu’accidentellement en Savoie. On l'y à vue jusqu’à présent par petites troupes ou par bandes de cinq à huit sujets sur les bords boisés du Rhône, de l’Isère et de l’Arve, à des époques différentes, mais jamais en été, pendant la période des nichées. C’est tantôt sur la fin de l’automne, tantôt durant l'hiver, même par un froid très-vif, ou bien à l’ap- proche du printemps, qu’elle se fait remarquer dans nos climats. Mais elle n’y fait jamais long séjour ; elle passe toujours rapidement d’un lieu à un autre comme la Mésange à Longue Queue, avec la différence pourtant qu’on ne l’y voit plus repa- raître le lendemain ou quelques heures après, comme cette espèce. Elle se borne donc, en traver- sant parfois nos vallées, à ne s’y arrêter que le temps nécessaire pour chercher des aliments sur les bords
DE LA SAVOIE. 93 boisés des eaux ou le long des roseaux qui n’ont pas été fauchés.
La Mésange à Moustaches vit d'insectes aïlés, de petits coléoptères, des semences des joncs et des roseaux. Elle niche dans les jonchaies, dans l’épais- seur des herbes des îlots, ou au bord de quelque massif d’arbrisseaux ou de plantes marécageuses, et plus souvent au-dessus de l’eau que du sol. Elle attache à quelques tiges son nid avec de la filasse, des filaments de chanvre et d’ortie, et lui donne une texture serrée, composée de mousses en des- sous, ensuite d'herbes sèches, de sommités de fleurs, surtout de chardons, et de duvet cotonneux de saules ou de peupliers, entremêlés quelquefois de petites feuilles. Ge travail, qui est un peu de la forme d’une boule, a ses bords épais et l'ouverture, qui est assez large, réservée en dessus sur l’un des côtés. La ponte est de cinq à sept œufs blancs, veinés ou tachetés de brun ou de brun rougeûtre.
Cet oiseau a les mœurs tout à fait douces et so- ciables. Après les nichées, il se réunit par troupes, quelquefois nombreuses, qui fréquentent les roseaux ou les taillis qui les bordent, en escaladent avec grâce et vitesse les tiges ou les rameaux, descendent sur le bord des eaux et y courent comme des Ber- geronnetles sur les feuilles des plantes aquatiques ou sur la glace, pour chercher leur subsistance. L'approche de l’homme ne les effraye guère; ce
94 ORNITHOLOGIE
n’est qu’en les inquiétant ou les menaçant qu’on les détermine à s’envoler à peu de distance ou à s’en- foncer parmi les herbes et les roseaux; alors elles témoignent leur mécontentement en proférant leur cri ordinaire, qu’elles répètent deux fois de suite : thein-theiïn. Ge cri imite, en quelque sorte, le son argentin que produisent les cordes d’une mandoline quand on la pince.
Cette Mésange montre beaucoup d'amour pour ses semblables. M. Crespon, de Nîmes, nous en fournit un exemple frappant : «Un jour que j'étais en chasse, dit-il, j'en blessai une légèrement; elle tomba dans un contre-canal et se soutint sur l’eau; je cherchais à la faire Venir de mon côté; elle criait très-lort, ce qui attira bientôt près d’elle une petite troupe d'individus de son espèce qui l’aidèrent à regagner le bord opposé, et ainsi elle m'échappa. »
Troisième Section,
CALAMOPHILES /CALAMOPHILI).
Une seule espèce forme cette section ; elle diffère essentiellement des autres Mésanges, notamment des Sylvicoles, par son bec droit, effilé et aigu à la pointe ; par ses habitudes et l’art qu’elle met dans la construction de son nid ; c’est pour cela que plu- sieurs naturalistes en ont fait un genre distinct. Je ne m'écarte guère de leur opinion en en formant une section.
DE LAS AVOTE. 99
134.- Mésange Rémiz /Parus Pendulinus).
Le Rémiz et la Penduline (Buff.).—La Mésange Rémiz (Parus Pendulinus), Vieill., Temm.—Fiaschettone (Savi).
Cette espèce a 11 cent. de taille.
Le mâle est blanc au sommet de la tête et à la nuque ; noir sur le front, sur l’espace entre l’œil et le bec, ainsi que sur les joues et les plumes de l’ori- fice des oreilles. Il a le dos et les scapulaires d’un gris roussâtre ou d’un roux marron, suivant les individus; le croupion gris ou cendré roussâtre ; la gorge blanche, et les autres parties inférieures d’un blanchâtre teinté de roux rosé : cette nuance est néanmoins plus prononcée sur la poitrine et les flancs. Les ailes et la queue sont noirâtres, bordées de gris roussâtre ; les pennes caudales terminées de blanc. Le bec est couleur de corne foncée sur ses parties latérales, noir sur le reste ; l'iris jaune; les tarses sont couleur de plomb.
La femelle est un peu plus petite que le mâle. On la reconnaît encore par le noir du front et des joues, qui est moins large et moins pur : le blanc ou le cendré du dessus de la tête est également moins vif, Le blanc de ses parties inférieures se trouve nuancé de roussâtre, et le haut du dos d’un roux clair.
La Mésange Rémiz, dont la dénomination Pen- dulinus (Penduline) est tirée de son habitude de suspendre son nid aux rameaux flexibles des arbres
96 ORNITHOLOGIE
ou des arbustes qui croissent le long de l’eau, ha- bite la Pologne, la Provence et tout le midi de la France, puis le Piémont, l'Italie et quelques par- ties de l'Allemagne. On ne l’observe guère qu’au- tour des marais et sur les bords des lacs, des étangs, des fleuves et des rivières couverts de ro- seaux, de saules ou de trembles. Elle est, comme la Mésange à Moustaches, de passage accidentel en Savoie, mais ses apparitions y sont encore plus rares. On ne l’y rencontre jamais en hiver; c’est ordinairement sur la fin de l’été, depuis le mois d'août jusque vers le milieu de l’automne, et au printemps dès le mois de mars jusqu’à la mi- avril, qu'elle s’y montre parfois. Habituellement par paire, ou par petite société de trois à cinq individus quand elle vient ici, elle ne s’y arrête pas plus de temps qu’il ne lui en faut, pour se nourrir Ou pour se reposer des fatigues du voyage; aussi, le lendemain de son arrivée en quelque lieu humide, ou seulement une ou deux heures après, on ne l’y revoit plus, pas même dans ses environs. Moins vive, moins remuante, moins sociable que les deux espèces précédentes, elle se tient d'habitude cachée sur les arbres et dans les saussaies ou les jonchaies. C’est souvent son petit cri langoureux, par lequel elle semble exprimer : pur, pir, qui la fait découvrir dans ces lieux, où on la chercherait longtemps en vain.
DE LA SAVOIE. 97
Il paraît, d’après plusieurs naturalistes du Midi, que les mâles, dans cette espèce, sont en plus grand nombre que les femelles. Les sujets qui restent de la pariade vivent solitaires, ce qui ne les empêche pas cependant, à l’époque des nichées, de se composer un nid, qu’ils laissent toujours ina- chevé. Ils sont alors si amoureux, que, si l’on par- vient à imiter leur voix, ils accourent auprès de l’imitateur, se posent à peu de distance, appellent aussi de leur côté, puis s’en retournent et revien- nent encore en rappelant.
La Rémiz passe l’été dans les contrées de l’Eu- rope citées plus haut, et s’y reproduit. Le mâle et la femelle travaillent pendant une quinzaine de jours consécutifs à la construction du nid, qui d’ail- leurs est fait dans toutes les règles de l’art. Ils le suspendent à l'extrémité des branches ou des ra- meaux les plus subtils et qui pendent souvent au- dessus de l’eau ; 1ls l’y attachent solidement avec du chanvre, du lin, de la laine de mouton ou avec d’autres matières capables de le soutenir en l’air, lui donnent la forme d’une bourse, d’un sac, d’une cornemuse, quelquefois un peu celle d’un bas, et placent l'entrée, qui est très-étroite, sur l’un des côtés, le plus souvent sur celui qui fait face à l’eau. Ce travail est entièrement composé du duvet des fleurs de saule, de tremble ou de peuplier, et de sommités de certains jones. Le couple tresse ces
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Il |
98 ORNITHOIOGIE
matériaux avec des bfins d'herbes ou le chevelu des racines, avec de la laine ou des crins très- déliés, et en fait un tissu très-épais, serré et so- lide ; il garnit ensuite le fond du nid, à l’intérieur, d’une couche de duvet de même nature, mais qu’il laisse plus pur qu'en dehors. La femelle y dépose de 4 à 6 œufs allongés, d’un blanc de lait sans taches, et de 14 3 où 15 mill. de longueur, sur 10 à 10 3 de diamètre.
Vingt-sixième Famille FRINGILIIDÉES (Fringillidæ).
Signes caractéristiques : Bec conique, plus ou moins gros à sa base, fort, tantôt sans échancrures, tantôt faiblement échaneré, à palais creux ou muni d’un tubercule osseux et de forme variée, suivant les genres : mandibule supérieure droite ou un peu incli- née à la pointe, crochue dans un seul cas au bout des deux man- dibules qui sont alors croisées l’une sur l’autre (les Becs-Croisés), et recouvrant les bords de l’inférieure, ou bien celle-ci plus large que la première et rentrant en dedans sur ses bords. Narines basales, arrondies, en partie couvertes par les plumes du front. Tarses nus et annelés. Trois doigts devant, un derrière, séparés ou à peu près dépourvus de membrane articulaire. Ailes, en général, de moyenne longueur. Queue le plus souvent fourchue, et composée de douze rectrices ou pennes.
Ces oiseaux forment une famille des plus nor- breuses. ils sont tous grañivores et frugivores, puis entomophages par moinents, surtout en été, lors= qu'ils ont des petits à nourrir. Généralement d’une humeur voyageuse, ils émigrenten automne par ban- des souvent très-nombréusés. Quelques espèces res- tent pourtant sédentaires dans leur pays; celles-ci
DEP DA NSAVOLE. 99 se rapprochent pendant l'hiver des lieux habités, ou bien elles se fixent dans les bois qui les avoi- sinent ; elles Sont pour la plupart peu sauvages et peu prévoyantes : on les attire facilement dans les piéges, soit au moyen des appâts Soit en imitant leurs cris d'appel ou de ralliement. Plusieurs se font bien à l’état domestique, et y charment par l'agrément de leur chant : on parvient même à leur faire articuler quelques mots ou siffler des airs de chansons.
Les Fringillidées se trouvent chez nous répan- dus partout pendant le cours de la belle saison et aux époques de leurs excursions. On les remarque, en effet, depuis la plaine jusqu'au sommet des Alpes, après la région des bois. Les uns nichent à terre, dans des touffes d’herbes où de plantes, dans les moissons ou les massifs d’arbrisseaux ; d’autres, le plus grand nombre, choisissent pour cela les arbres des forêts, ceux des vergers, des jardins et des haies; quelques-uns préfèrent à ces lieux les endroits humides, les rocailles, même les crevasses des rochers et les fentes des murailles. Leurs nids sont, en général, formés de mousse, de paille, de racines, de brins d'herbes sèches, entre- lacés, surtout en dedans, avec du crin, des plumes, du duvet ou des filaments de plantes ; plusieurs, et notamment ceux des Fringilles, sont élégants et travaillés avec art. Le nombre d'œufs varie suivant
100 ORNITHOLOGIE les espèces, mais il est ordinairement de 4 à 6.
Après les nichées, les Fringillidées, et spéciale- ment les espèces qui se livrent à des voyages pé- riodiques, s’attroupent et hantent jusqu’à leur dé- part les abords des bois ou l’intérieur des terres cultivées. Plusieurs de ces bandes causent aux agri- culteurs des dommages considérables, en s’abattant sur leurs champs et en y dévorant le grain sur plante ou celui qui vient d’être semé. Les sujets qui res- tent pendant l'hiver au pays, abandonnent les bois des montagnes et se répandent, dans les temps de neige surtout, dans le voisinage des habitations ; ils y vivent souvent parmi les oiseaux de basse- cour, dont ils partagent la subsistance contre le gré des propriétaires; 1ls se nourrissent encore de petits fruits sauvages qu'ils trouvent dans les jar- dins ou le long des haies, de graines qu’ils décou- vrent éparses sur le sol, à l'entrée des granges. Néanmoins quelques espèces de ce nombre, les Bou- vreuils, les Tarins et les Sizerins, par exemple, deviennent alors nuisibles ; 1ls coupent les bourgeons des arbres fruitiers qui renferment des feuilles pour le printemps, et s’en repaissent.
Cette famille renferme les six genres :
Fringille (Fringilla), Gros-Bec (Coccothraustes), Bouvreuil (Pyrrhula), Bec-Croisé (Loæia), Bruant (Emberiza), et Plectrophane (Plectrophanus).
—————
DIENPPANS AN ON 10]
xXLVI Genre : FRINGILLE / Fréngitla),.
Signes genériques : Bec court, robuste, moins épais que la tête, co- nique, à arête rentrant plus ou moins dans les plumes du front : mandibule supérieure droite ou un peu inclinée vers la pointe, entière ou munie vers le milieu d’une dent obtuse, couvrant ordinairement les bords de la mandibule inférieure et à palais creux. Narines rondes, couvertes, en tout ou en partie, par les plumes du capistrum dirigées en avant. Langue charnue, arrondie, se terminant en pointe cornée et un peu fendue. Aïles et tarses courts.
Les Fringilles s’alimentent avec des graineset des semences de diverses sortes, qu'elles ouvrent avec le bec et avalent après en avoir rejeté les enveloppes. Les insectes sont pour elles une nourriture acces- soire, à laquelle elles ne recourent guère que durant l'été, et quand elles élèvent leur famille. En grande partie nomades, elles voyagent souvent par troupes innombrables. Les bois et les champs sont leur de- meure de prédilection ; elles y nichent sur les arbres ou dans de hauts buissons, et très-rarement dans les crevasses de roc ou de rocher. Quelques sujets, les Moineaux, entre autres, craignent si peu le voisinage de l’homme qu'ils viennent se propager jusque dans son habitation, soit sous le toit soit dans les trous du mur. Les mâles sont d'habitude très-ardents en amour; ils se livrent souvent de pe- tits combats, des assauts corps à corps, en se dis- patant les femelles. Une fois appariés, ils devien- nent d’une jalousie extrême. La captivité ne leur
D MES
ES
102 ORNITHOLOGIE mâles, et particulièrement chez les Serins, les Chardonnerets et les Linottes, y sont d’une com- plexion si chaude et si amoureuse, qu'ils s’apparient volontiers en cage si on leur donne une femelle ; mais le plus souvent 1il ne résulte de cet accouple- ment que des œufs clairs. Leur voix est, en géné- douce et variée; elle est encore susceptible de perfectionnement ; aussi, des espèces s’appro- prient-elles en peu de temps les cris ou quelques phrases du chant de leurs congénères surtout, pla- cés près d'elles en volière.
Ce genre possède en Suisse et en Savoie quinze espêces. Comme elles varient entre elles par leur bec plus ou moins conique en tout sens, j’adopte, pour les décrire, les coupes données par M. Tem- minck, auxquelles je n'apporte que de légères modifications. Ges oiseaux se trouvent en consé- quence divisés dans cet ouvrage en trois sections : les Longicônes, Brevicônes et Laticônes. Le Gros- Bec Vulgaire (Coccothraustes Vulgaris) forme, lui seul, un genre séparé.
Première section, LONGICONES {LONGICONT|,.
Signes distinctifs : : Bec en cône droit, grêle, allongé, comprimé latéra- lement, et aigu à la pointe des deux mandibules.
Cette section renferme cinq espèces.
ORNITHOLOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux.. lringillidees
TU 25.
la dulik UNSS Lath.J8 Perrin Chamhér Y J Werner del. KLith. l Fringille Chardonneret.z24/e adulte; “gr nat, PA03— 9-4 Œués de l'especergrnat. 5 Fringille Venturon, 244 2 dulle en ete #4 grnai V M 6-0 C7 de lespece;grnat 9 Fringille Tarin, 22/4 en été: gr rat; V.MT JOUE ) Jete de femelle adulte-MA3 ur de lespece.; or nat
DE LA SAVOIE. 103
13%.—Fringille Chardonneret /Frinçilla Carduelis.
Noms vulgaires : Chardonné, Chardonneret, Cardinalin, Ecardonniux.
Ne D Cayduelis), Temm.— Cardellino (Savi). |
Cette Fringille, qui est l’un des plus jolis et des plus élégants oiseaux de nos climats, tire son nom des chardons sur lesquels elle se pose souvent par troupes pour se nourrir de leurs semences hui- leuses, lors de la maturité.
Nos oiseleurs croient reconnaître deux espèces de Chardonnerets. [ls prétendent que les individus marqués d’une large tache blanche, presque ovoïde, sur les barbes intérieures des trois pennes de chaque côté de la queue, et qu'ils désignent par le nom de Royal, sont les meilleurs chanteurs en volière ; mais cette distinction n’est point fondée; car très-sou- vent le même sujet qui avait en été six rectrices ta- chées de blanc, n’en à plus que quatre et quelque- fois deux après la mue : le même changement s’opère chez les femelles.
Les individus qui forment la seconde espèce sont ceux qui ont moins de six pennes de la queue mar- quées de blanc, c'est-à-dire tantôt deux tantôt qua- tre ; de ce qu'ils sont quelquefois un peu plus gros ou un peu plus noirs que les autres, les oiseleurs les appellent Charbonniers ; cette distinction n’est pas mieux établie que la première, puisqu'elle est aussi
messe:
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104 ORNITHOLOGIE
l’eflet de l’âge ou de la mue. Les jeunes de l'année sont plus particulièrement connus dans nos cam- pagnes sous le nom de Vardan.
La taille du Chardonneret est de 14 cent. 4-6 mill.
Le mâle adulte est remarquable par le beau rouge cramoisi qui lui pare le front et la gorge, ainsi que par le jaune vif qui recouvre la moitié supérieure de ses pennes alaires, dont le reste est noir et taché de blanc vers le bout. Il porte du noir autour du bec, sur l’occiput et à la nuque; du blanc pur sur les joues et le devant du cou. Un brun roux lui couvre le dos et les scapulaires ; la même couleur, mais d’une teinte un peu moins foncée, se fait en- core remarquer sur les côtés de la poitrine et sur les flancs ; les autres parties inférieures sont blanches. La queue est fourchue, noire, avec une, deux ou trois taches arrondies blanches sur le bord in- térieur des rectrices latérales, et seulement mar- quée de blanc à l'extrémité des intermédiaires. Le bec est exactement conique, long, aigu, blanc ou blanchâtre à sa base et noirâtre vers la pointe; l'iris brun foncé ; les tarses sont noirâtres.
La femelle a le noir de la tête et des petites cou- vertures alaires nuancé de brun. Le rouge du front et celui de la gorge se trouvent souvent mêlés d’un peu d'orangé, et le blanc du dessous du corps est ordinairement moins pur que dans le mâle.
Les jeunes, au sortir du nid, offrent sur leur li- vrée un mélange de brunâtre, de blanchâtre et de grisâtre. Ils n’ont point de rouge à la tête ni à la gorge : ils prennent cette couleur à leur première mue; mais ils ne l’ont bien vive qu'à l’âge de deux ans. On les reconnaît néanmoins toujours au jaune des ailes et aux taches blanches des rémiges et de la queue, qu’ils ont déjà dans le nid disposées comme chez les vieux.
Le Chardonneret est sujet à varier avec la tête et la gorge roussâtre, puis le reste du corps blan- châtre ou d’un blanc nuancé de roux très-clair ; ou bien avec les deux premières parties d’un jaune- orange et le plumage ordinaire, sauf le ventre, teinté de jaune; parfois, il devient d’un blanc pur ou d’un blanc mélangé avec les couleurs natu- relles, et très-rarement d’un noir plus ou moins parfait.
On remarque cet oiseau en Savoie à toute saison, mais un peu moins abondamment pendant l'hiver, époque à laquelle plusieurs individus émigrent vers les régions méridionales. Les petits bois cham- pêtres, les champs et les vignobles parsemés d’ar- bres, les parcs, les avenues, les vergers et les jar- dins, sont sa demeure habituelle. On le rencontre encore facilement en été sur les lisières des forêts alpestres et auprès des clairières, de celles surtout où 1l trouve en abondance les chardons, les séne-
106 ORNITHOLOGIE
çons, les plantains etles chicorées sauvages, dont les graines composent en ces lieux la base de sa nour- riture, Après les nichées, il vit d'habitude par ban- des, quelquefois nombreuses, qui ne se dissolvent qu'à la pariade prochaine. Chaque mâle se retire alors avec la femelle qu'il a choisie, et ils vont tous deux ensemble se chercher un canton favorable pour leurs amours.
Les Chardonnerets font ordinairement deux cou- vées par an dans nos contrées : la première a lieu au commencement d'avril, la seconde vers la mi- juin. Ils ont pour nicher un goût particulier pour les arbres fruitiers ; souvent ils choisissent ceux qui sont les plus rapprochés des maisons, ou bien en- core les orangers, les cyprès, noisetiers, charmilles, rosiers ou les massifs de plantes élevés dans les jardins ou le long des avenues; quelquefois, et suivant les lieux, ils leur préfèrent les rangées de peupliers sur les bords des routes, des sen- tiers et des fossés avoisinant des champs et des prairies, où ils sont toujours sûrs de vivre au mi- lieu de l'abondance. Vont-ils se reproduire dans les régions montagneuses, ils s’établissent sur les li- sières des forêts qu'entourent des friches ou des pâturages, parfois couverts de synanthérées (char- dons, etc.), dont ils recherchent avec avidité les semences, soit pour eux soit pour alimenter leur petite famille,
DEAD SAYOTE. 107 Le mâle et la femelle donnent à leur nid, qu'ils placent parmi les branches ou les rameaux les plus flexibles, ou bien au centre des bouquets de feuilles, une forme demi-sphérique, très-élégante; de fois à autre, ils l’attachent avec des filaments de plantes ou de petits flocons de laine, disposés en forme d’anneaux autour des rameaux qui le soutiennent. Ils composent ce berceau en dehors de lichens, de menues racines et de brins d'herbes ou de paille fine, mêlés d’un peu de mousse ou de duvet de fleurs : ces matériaux que lient ensemble solidement le crin, la soie des cocons et la toile des araignées, forment un tissu serré et très-bien confectionné. Un matelas, toujours très-propre, fait de coton de saule, d’aigrettes de tussilages, de chardons, de sé- neçons et de chicorées, recouvre les parois inté- rieures et le fond du nid. C’est sur cette couche fort chaude que la femelle pond 4 ou 5 œufs par couvée; ils sont souvent un peu allongés, quelquefois piri- formes, d’un blanc légèrement teint de vert, et marqués de taches, de raies et de petits points rou- geâtres ou violâtres, tantôt seuls tantôt entremêlés d’autres traits d’un noir rougeâtre, et le plus sou- vent très-rapprochés autour de la grosse extrémité, Leur longueur est en moyenne de 16 ou 46 mill. #, et leur largeur diamétrale de 19 3 à 13 mill. Pendant l'incubation, le mâle vient de temps en temps auprès de sa compagne avec des aliments,
2
JR ORNITHOLOGIE
qu'il lui donne sur le bord du nid par voie de dé- gorgement. Il se perche ensuite à la pointe d’un arbre de moyenne hauteur, souvent vis-à-vis de celui de la couvée, d’où à chaque instant il fait retentir son petit canton de sa voix agréable, Au coucher du soleil, il se réfugie dans une touffe de feuilles tout près de sa femelle, pour y passer la nuit. Le lende- main, dès le point du jour, il redit son joli ramage.
Les œufs commencent à éclore au 15° jour de couvaison, et avant le 17° tous les petits sont déga- gés de leurs coquilles. Le père et la mère les nour- rissentavec les graines de mouron, de panic, de sé- neçon, de plantain et de graminées, qu'ils laissent réduire préalablement en pâte dans leur estomac. Pendant que cette substance se forme, ils ont soin d’aller l’humecter de temps à autre, en buvant sur le bord d’une source ou d’un fossé; puis, revenus au nid, ils la dégorgent dans le bec de leurs petits. Ceux-ci, après leur sortie, restent avec eux jusqu’à la nouvelle couvée (1-15 juin }, époque à laquelle leur éducation est achevée. Leurs auteurs ne ces- sent pendant ce temps de les reconduire tous ensemble d’un champ ou d’une prairie à l’autre, à la recherche des graines destinées à les nour- rir; ensuite ils les ramènent dans les bois et les bosquets, où ils les font cacher à l’ombre durant le fort de la chaleur de la journée. Mais leurs cris ha- bituels, qu’ils poussent presque sans relâche, soit
DEN ES ANPONE. 109 en voletant d'arbre en arbre soit même pendant leur repos, décèlent toujours leur présence dans ces lieux ; par ces cris, ils semblent prononcer : bz1- biz, bizibiz, bizibibrbr.
Sur la fin de l’été ou aux premiers jours de l’au- tomne, tous les Chardonnerets du même canton s’attroupent et forment quelquefois, en se réunis- sant plusieurs familles ensemble, des troupes con- sidérables qui ne se séparent qu’au printemps pour la pariade ou avant l’hiver pour voyager par petites troupes. Ils parcourent d'ordinaire en un jour di- vers quartiers de leur arrondissement, et par préfé- rence les localités qui leur fournissent force chanvre, chardons, laitues, chicorées sauvages et cultivées ; fréquemment ils se mêlent alors aux bandes des Verdiers, des Serins, des Linottes et des Pinsons qu’ils y rencontrent, et avec lesquelles ils vivent en bonne harmonie; volant pêle-même avec elles, se nourrissant ensemble et allant aussi à la fois, vers le milieu du jour, respirer la fraîcheur dans les bois.
Tous les ans, quelques Chardonnerets émigrent de nos climats par petites bandes ou seulement par paires, dès que, vers le milieu de l’automne, l'on se met en devoir de retirer la plupart des se- mences qui les retiennent encore dans les champs ; ils reviennent en mars, et le plus souvent par couples, mâle et femelle. Les individus qui passent l’hiver chez nous, se répandent principalement le
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110 ORNE OL O GATE
long des routes, des rivières, des ruisseaux et des prairies ; on les y trouve presque toujours posés sur les chardons dont ils achèvent d’éparpiller les aigrettes, afin de s’alimenter avec les semences qu’elles peuvent encore recéler. De temps à autre, on les voit autour des granges où l’on a battu le chanvre, occupés à fouiller dans la poussière ou les débris des feuilles de cette plante pour y chercher les grains perdus.
Le Chardonneret donne aisément dans les filets | et les lacets qu’on s'applique à lui tendre sur toute la | surface de notre pays, pour l'avoir en cage ; c’est la beauté de son plamage, jointe aux agréments de Il sa voix et sa docilité qui en font si vivement dési- || rer la possession. Toutefois il se laisse prendre avec un peu plus de difficulté lorsqu'il trouve abon- | dammient dans tous les lieux qu’il fréquente, Îles graines dont il paraît le plus avide ; aussi, les oiseleurs né le chassent guère chez nous avant l'enlèvement du chanvre ou des chicorées dans les champs ou les jardins. Comme il est très-actif, il aime qu'on lui donne en captivité de l’occupalion ; il se dresse alors facilement à la manœuvre de la galère, de même qu'à l’exécution de plusieurs autres travaux de ce genre. Le mâle s’accouple aisément avec la femelle du Serin ou Cini et avec celle du A Canari; il résulte de cette union des Métis parmi Il | lesquels on en remarque de très-beaux et d'habiles
DE DAUSANOTLE: 111 chanteurs. Ceux-ci s’apparient aussi à leur tour, soit avec dés femelles de Serin Soit même avec des Chardonncerets et des Linottes ; mais ils ne produi- sent jamais qué des œufs clairs.
Le Chardoñiëret est sujet en volière à plusieurs maladies dangereuses, surtout aux attaques épilep- tiques, qu’on attribue généralement à uné alimeñ- tation trop substantielle. Pour les prévenir, plu- sieurs personnes plactñt dâris sa cage un morceau de plâtre, quélquefois de tuf, qu’il se plaît du reste à becqueter souvent après ses repas, et avant de boire ; il en avale de petits grains qui se mêlent dans l'estomac avec les aliments, s’agitent presque continuellement parmi eux, en activént là diges- tion, s’usent et disparaissent enfin avec les déjec- tions de l'oiseau.
136.—Fringille Venturon /Fringilla Citrinella).
Le Venturon de Provence (Buff.). — Le Venturon (Cuv.). — Fringille Cini (Fringilla Serinus), Vieill., Faune Française.—Gros-Bec Venturon (Frin- gilla Citrinella), Temm.—Bruant du Tyrol (Sonnini).—ÆEmberiza Brumalis Gmelin).
Cet oiseau est fort peu connu en Savoie, sans doute parce qu'il ne se tient guère que dans les contrées montagneusés, Les oiseleurs qui le connäissent un peu lé nomiment tantôt Serin où Cüini Vert, pour le distinguer de leur Serin Jaune ou Cini, tantôt Serin des Montagnes ; quelquefois, ils le prennent pour un Bruant ou pouï uñe petite espèce dé Verdier; alors ils le désignent sous le nomde Verdon.
Le mâle adulte à 12 centim. 4-5 mill. de taille. | Il est d’un vert jaunâtre sur le front, le sommet de | la tête, le tour des yeux, la gorge, le devant du
cou, la poitrine et sur le milieu du ventre ; d’un | cendré plus ou moins foncé sur l’occiput, la nuque,
| les côtés du cou et les flancs. Le dos, les scapulai- | res, les couvertures alaires et deux bandes trans- versales sur ces dernières, sont d’un vert foncé, nuancé de grisâtre. Le croupion est jaunâtre, l’ab- | domen blanchâtre; les pennes alaires et caudales
| sont noires, et lisérées de cendré verdâtre ; la queue | est fourchue; le bec brun sur la mandibule supé- rieure et couleur de chair sur l’inférieure; l'iris des | yeux noirâtre ; les tarses sont brunâtres.
La femelle a les couleurs moins vives que le mâle;
elle est en outre plus nuancée de grisâtre sur le dos, où la plupart des plumes portent, le long des fl baguettes, un trait brun, qu’elles perdent avec l’âge.
Les jeunes de l'année, après la mue, ressemblent | aux femelles adultes. Au sortir du nid, on les voit fl mélangés de grisätre, de blanchâtre et de jaunâtre sur les parties inférieures; et d’un grisätre foncé | sur la tête, ainsi que sur les autres parties où les | | adultes sont cendrés. Ils ont le croupion et le dos | brunâtres, avec un peu de gris roussâtre autour des fl plumes. Les deux bandes des couvertures alaires 1H sont roussâtres ; les rémiges et les pennes de la
DE qe SC Ge de SE US + PE ms =
DE LA SAVOIE. 115 queue noirâtres, frangées extérieurement d’un blanc sale, à peine teinté de verdûtre.
On trouve cette Fringille en Provence, en Italie, en Allemagne, dans le Tyrol, en Suisse et dans plu- sieurs parties de la France; elle est assez commune en Savoie, et nous l’y possédons toute l’année.
Pendant l'été, elle habite principalement les forêts de pins, de mélèzes et de sapins de nos mon- tagnes ; on la remarque dans toute la Haute- Maurienne et sur la pente méridionale du Mont- Genis; en Tarentaise et dans les Bauges, notam- ment dans les forêts d’Arith et de Margériaz ; à la cime du Mont-Grenier, à l’Alpétaz, à la Grande- Chartreuse et dans le Haut-Faucigny. Elle niche dans ces diverses localités. La femelle travaille presque seule à la confection du berceau de la pro- géniture ; le mâle ne fait guère que l’accompagner quand elle va à la recherche des matériaux, il revient avec elle chargée du butin et chante tout près à la cime d’un arbre pendant qu'elle les arrange sous la forme de nid : j'ai rarement réussi à le voir aider sa compagne dans la com- position de ce travail. Elle le fait sur les arbres les plus touffus, surtout sur les sapins, le posant tantôt au centre de plusieurs petits rameaux très-rappro- chés, tantôt le long d’une branche couverte de mousse ou dans une toufle de gui très-épaisse. Sc prépare-t-elle à nicher dans un verger ou un jardin, 7. ll, 8
114 ORNITHOLOGIE
ll comme on l’observe effectivement auprès des vil- lages et des hameaux de la Maurienne, du Chamo- nix , de la Haute-Savoie et de la Tarentaise , elle fait choix d’un arbre fruitier et y construit son nid 1l aussi artistement que le Chardonneret. Les lichens, la longue mousse des sapins, mélangés avec des {ll tiges d'herbes sèches et retenus par de la toile d’a- | raignée, en forment ordinairement le dehors; le dedans est garni de paille très-déliée ou, suivant les
| lieux, matelassé avec des plumes, du crin, des poils, | de petits flocons de laine, ou avec le duvet des fleurs Il printanières. La femelle pond vers le milieu de mai
1l o ou 6 œufs d’un blanc bleuâtre, maculés d’un rougeâtre violacé et parsemés, surtout vers le gros bout, de quelques points ou zigzags d’un brun très- | | foncé ou d’un noir rougeâtre. [ls ont pour longueur \N 15 : ou 16 mill., sur 11 ou 11 mill. : de diamètre. | Pour chanter pendant l'amour et l’incubation, le mäle se perche fréquemment au bout d’une branche, quelquefois à l’extrémité d’un arbre, Son ramage, qu'il redit aussi en volière, a, quoique peu distinct, quelque rapport par la liaison de ses sons avec celui du Serin ou Cini. Comme lui, il le fait entendre en se soutenant en l’air au-dessus de sa compagne, ou bien en voletant autour de l’arbre qui renferme son nid; les syllabes théri, thérin, | trin, térin, sont les plus répétées dans ce chant. | S’éloigne-L-il quelques moments de la femelle qui |
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MÉLLAN SANOTE: 115 couve, c’est pour aller lui chercher des vivres, ou faire bande avec les autres mâles, ses semblables, du même canton, jusqu’à ce que son devoir le rap- pelle auprès de la couvée.
Le père et la mère nourrissent leur famille avec ‘ des semences ou des nouvelles pousses d'arbres, de plantes alpestres et de graminées; comme le Chardonneret, ils laissent avant tout ces aliments se réduire en une sorte de pâte dans l'estomac, d’où ils la font regorger à mesure qu’ils la parta- gent aux petits. Mais lorsque ces derniers sont un peu plus avancés en âge et en Ctat de digérer plus facilement, ils leur donnent les grains tout broyés et les pousses telles qu'ils les coupent aux arbres ou aux fleurs.
Après l’éducation de la progéniture, les Ventu- rons restent en famille dans plusieurs de nos cantons montagneux jusqu’à la fin de l’automne; à cette époque, ils se rapprochent des bois inférieurs, ou bien ils émigrent vers le Midi. Néanmoins souvent ils y forment, en se réunissant plusieurs nichées en- semble, des troupes nombreuses qui volent légère- ment, quoique serrées, et ne cessent de faire en- tendre leurs cris ordinaires : térin, térin, trin, qu’on imite très-bien en pinçant la chanterelle d’un vio- lon monté au diapason. En se posant sur les arbres ou les taillis pour y chercher leur subsistance, ces bandes s’accrochent par les pieds aux rameaux les
116 ORNITHOLOGIE
plus flexibles, s’y balancent tandis qu'elles en arrachent les semences ou les bourgeons. Au pre- mier signal, elles partent à la fois en s’entr'appe- lant et vont se reposer de même un peu plus loin; c’est ainsi qu'elles parcourent chaque jour succes- sivement tous les bois de leur district.
Le Venturon descend des montagnes principale- ment lorsque les neiges commencent à les envahir. On le voit arriver le matin dans les vallées infé- rieures ou sur les collines tantôt en petites sociétés, tantôt mêlé avec les Sizerins, et rarement seul. I! y recherche les petits bois d’arbres verts, les lieux garnis de charmilles et de ronces, les rangées d’aunes, etc., dont les semences et les bourgeons le nourrissent. Dans les temps de neige ou de grand froid, il vient jusqu'à la plaine se montrer le long des haies, dans les jardins, sur les arbres fruitiers ies plus près des maisons. Il ne garde plus alors le même ordre dans ses troupes que durant l’automne; aussi, elles se dissolvent à chaque moment, elles se rallient et se quittent encore pour aller aux vivres, au point qu’il n’est pas rare de rencontrer pendant cette saison le Venturon solitaire ou par couple. Plu- sieurs individus partent alors de notre pays et se re- tirent vers les régions méridionales de l’Europe; mais ils les abandonnent à l'approche des beaux jours, pour retourner dans leur patrie, où les ramène l'amour.
La Fringille Venluron est fort peu sauvage. Elle
DELA SAVOIE. 117 se plie facilement à l'esclavage; elle y devient aussi familière que le Turin. On parvient quelquefois à l’apparier avec le Serin des Canaries. Sa chair est un bon manger ; en hiver, elle possède un léger goût de résine ou d’amertume qui est loin de déplaire; elle l’emprunte des jeunes pousses, des semences d’arbres verts ainsi que des bourgeons de plusieurs arbres et arbustes, qui forment alors, dans plusieurs localités, la principale nourriture de cet oiseau.
139.—Fringille Farin /Fringilla Spinus/.
Noms vulgaires : Tarin, Térin.
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Le Tarin, qui est un charmant oiseau, a 41 cent, 5-6 mill. de longueur. |
Le vieux mâle, en livrée d’été, est d’un noir pro- fond sur la gorge, sur le dessus de la tête et un peu varié de verdâtre à la nuque; derrière l’œil il porte une bande d’un jaune-citron, qui s’étend sur les côtés du cou : la même couleur règne encore sur la poitrine, le haut du ventre, à la base des pennes alaires et caudales, tandis qu’un blanc gris, souvent nuancé de verdâtre, couvre les flancs et l’abdomen, dont le centre se trouve taché longitudinalement de noir. Le dos et les sca- pulaires sont d’un verdâtre un peu lavé de cendré,
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avec un petit trait noirâtre qui longe les baguettes des plumes ; le croupion est d’un jaune mélangé de verdâtre. Les ailes ont leurs petites tectrices supé- rieures d’un vert-olive ; les moyennes et les grandes forment deux bandes transversales : la première est noire, la seconde d’un vert olivâtre ; les rémiges sont noires, sauf cependant leur base qui est jaune, et toutes frangées de vert jaunâtre à l’extérieur ; le noir occupe encore l'extrémité de la queue. Le bec est brun, surtout vers sa pointe, et de couleur de corne claire à la base de la mandibule inférieure ; l'iris noir ; les tarses sont bruns.
La femelle est très-différente : elle a le sommet de la tête et le dos d’un gris olivâtre, avec des ta- ches longitudinales noirâtres ; les partiesinférieures blanchâtres, légèrement nuancées de jaune à la poi- trine et sur les côtés du cou, et marquées de taches allongées noirâtres, particulièrement à la poitrine et aux flancs. Elle est jaunâtre sur le croupion, sur les couvertures supérieures de la queue, et noirâtre au centre des plumes: la base de cette der- nière partie porte moins de jaune que chez le mâle, et la bande transversale des ailes est d’un jaune pâle. $
Les jeunes, avant la mue, sont d’un blanc grisâtre en dessous, et fortement tachetés de noirâtre ; le dessus du corps est varié de blanchâtre, de gris olivâtre et de noirâtre. Ils ont déjà du jaune à la
DE ASIN OT E ]19
base des pennes de la queue et des rémiges, ainsi qu’au bout des tectrices alaires.
A la mue de la fin de l'été, les jeunes mâles se colorent comme les vieux, mais leurs teintes sont partout moins vives pendant la première année. Comme eux, ils conservent pendant l’automne et l'hiver une bordure cendrée, néanmoins plus large que celle des vieux, aux plumes de la tête, de la gorge, du dos, et qui s’efface au printemps, par le moyen de la mue ruptile. C’est alors que le noir, le jaune, le verdâtre de leur livrée acquièrent toute leur pureté ; mais, Je le répète, ces couleurs ne sont bien vives dans les jeunes qu'à la seconde année.
La Fringille Tarin niche dans les forêts de pins et de sapins des Alpes Suisses ; elle se reproduit aussi, mais en petit nombre, chaque année en Sa- voie, dans les mêmes localités que le Venturon et le Sizerin. Comme eux, elle couve vers la mi-mai; comme eux, elle cache très-soigneusement son nid sur les branches élevées des pins ou des sapins les plus garnis de mousse, de même qu’au centre d’une touffe de gui ou de petits rameaux très-serrés ; comme eux enfin, elle le fait petit, élégant et demi- sphérique. Composé en dehors presque entièrement de lichens et de mousse qu’elle prend sur les mêmes arbres, revêtu en dedans d’une couche de poils. de plumes-et d’aigrettes de chardons ou de tussi- lages, ce nid reçoit ordinairement 5 œufs, longs de
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{ll 120 ORNITHOLOGIE
T4 tou 15 millim., sur 10 £ à 11 millim, de dia- | mètre. Leur couleur est tantôt d’un blanchâtre | | presque teinté de gris, tantôt d’un blanc bleuûtre ; || elle se trouve dans les deux cas parsemée de quel- ques taches irrégulières, d'un rougeâtre ou d’un ll violet presque effacé, souvent très-rares au centre et à la petite extrémité de la coque, et mélangées vers le gros bout avec quelques autres traits non | moins réguliers, de couleur de rouille ou d’un noir A inclinant au rouge. Le père et la mère nourris- sent leurs petits dans le nid de la même manière et des mêmes aliments que la Fringille Venturon n° 136. Après leur sortie, ils restent aussi avec eux pour achever leur éducation ; puis ils forment tous, || jeunes et vieux, des troupes plus ou moins nom- {li breuses, suivant les localités.
Le Tarin commence à descendre des montagnes sur la fin de septembre, ou seulement aux premiers frimas d'octobre, selon les années. Il s’abat alors par petites bandes ou par paires, parfois seul comme
. un oiseau égaré, dans les bois de la plaine et des | coteaux, dans ceux surtout de sapins; ou bien il s'arrête le long des champs, des eaux bordées d’aunes, d’ormes et de peupliers, des semences IA desquels il vit ainsi que des bourgeons qui ren- ferment les feuilles pour le printemps. C’est aussi à la même époque que l’on voit arriver en Savoie, des contrées septentrionales de l’Europe, plusieurs
DE EA SAVOIE. 121 de ces volatiles, le plus souvent par troupes de 12 à 20 individus, volant serrés et avec légèreté, et ne cessant de s’entr’appeler pendant leur voyage par un cri monotone, qui s'entend de loin; par ce cri, ils semblent articuler les mots: tirrly, tirrly; quelquefois on dirait qu'ils prononcent à peu près les deux syllabes de leur nom: terrain, terrin, et c’est probablement de là que leur est venue leur dénomination de Tarin.
Les Tarins ne s’abattent guère dans nos champs, à moins qu'ils n’y découvrent du chanvre, du millet, des chardons et des seneçons en quantité; ils ai- ment en eflet les grains de ces diverses plantes :
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parfois on les trouve dans les chènevières, mêlés aux bandes de Serins et de Chardonnerets qui S'Y repaissent pendant presque tout le jour ; mais ils se plaisent principalement dans les bois de haute fu- taie, à l’extrémité des arbres les plus élevés où ils s’accrochent, se suspendent aux branches à la ma- nière des Mésanges, pour en manger les semences et les nouvelles pousses ; par moments, ils se rap- prochent du sol, visitent à la même intention les buissons de charmilles, de hêtres et de ronces. Ils ne cessent de babiller pendant leurs évolutions; aussi, ce n’est souvent que leurs cris qui annoncent leur présence dans les bois,
Ces oiseaux émigrent en grande partie de nos climats dès les premiers froids de novembre, et vont
122 ORNITHOLOGIE
passer l'hiver dans les contrées méridionales de l’Europe. Ceux qui bravent chez nous les rigueurs de cette saison continuent de vivre, comme en au- tomne, dans les bois de sapins, d’ormes, d’aunes, de charmes, etc. On les y remarque assez fréquem- ment en compagnie des Venturons et des Sizerins, voiant tous pêle-mêle et en un bataillon serré, se posant et se suspendant de même aux arbres qui fournissent leurs aliments.
Nous avons tous les ans, dans le mois de mars, un second passage de Tarins qui reviennent du midi de l’Europe, leur séjour d'hiver, et se dirigent peu à peu vers les régions septentrionales pour s’y adonner à l’acte de la reproduction. Les mâles com- mencent alors à gazouiller en perchant sur le som- met des arbres; aux premiers beaux jours, après la mi-mars, leur chant est presque complet. On entend alors distinctement leur cri habituel d’été : il est aigre, traîné et a quelque analogie avec le son de la vielle.
Au milieu d'avril, on ne remarque plus en Savoie que les sujets qui doivent s’y propager. Ceux-ci vi- vent encore par bandes, mais particulièrement dans les bois résineux des collines ou du centre des mon- tagnes ; de là, et avant les premiers jours de mai, ils gagnent les forêts de pins ou de sapins de nos plus hautes montagnes, où, à peine arrivés, ils entrent en amour et s’apparient.
DE LA SAVOIE. 193 Le Tarin est d’un naturel vif et gai; ses mœurs sont très-douces. Il est en outre si peu méfiant, qu’il tombe dans tous les piéges qu’on lui dresse. La captivité dans une cage ne lui déplait guère, puisqu'à peine renfermé il se met à manger, à rappeler ses semblables qui passent dans le voi- sinage. Il y vit longtemps; l’on réussit même à le faire nicher soit avec une femelle de son espèce, soit avec celle du Canari. On le nourrit de graines de chanvre, de millet, de soleil, de chardons, de sénecons et de chicorées. |
438.-Fringille Boréale /Fringilla Borealis|. Le Sizerin (Buff.).—Fringille Sizerin (Fringilla Linaria), Vieill., Faune
nes — Gros-Bec Boréal (Fringilla Borealis), Temm. — Sizerin Boréal oux).
Cette Fringille n’est pas régulièrement de pas- sage en Savoie; ce n’est qu’à des intervalles de plusieurs années, ou pendant les hivers les plus froids qu’elle s’y montre, et l’espèce n’y est jamais commune. Nos oiseleurs la prennent, les uns pour une Petite Linotte des climats froids, les autres pour un métis produit par le Tarin ou le Serin (Ceni), apparié avec la Linotte Commune; d’autres la confondent avec l’espèce suivante, à laquelle elle ressemble beaucoup. |
Sa taille est de 13 cent. 7-8 millim.
Les sujets qui nous arrivent sont ordinairement des jeunes de l’année.
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| | 124 ORNITIHOLOGIE L Les mâles sont alors d’un ronge de sang terne | sur le haut de la tête, avec quelques teintes rous- | sâtres, à peine apparentes, vers le bout des plumes | de la même partie. [ls ont le front traversé par une bande noire, et les plumes qui la forment très- il finement marquées de blanc roussâtre à l’extrémité; | la gorge et les lorums, d’un noir terne ; toutes les parties inférieures blanches ou blanchâtres, avec des mèches noirâtres, particulièrement sur les côtés de la poitrine et sur les flancs. Les plumes des joues sont aussi blanchâtres, faiblement nuancées de roussâtre sur leurs bords; le dos est de cette der- | nière couleur, mais largement taché de brun foncé UD | au centre des plumes ; le croupion d’un blanc sale | | et varié de brun : chez les adultes, il est en outre mélangé d’un peu de rose. Les pennes des ailes, de la queue et les tectrices alaires sont noirâtres, bordées de blanc roussâtre. Le bec est jaune, brun seulement à la pointe; il est effilé et à pointe très-aiguë. L’iris et les tarses sont noirâtres. Les femelles ne diffèrent presque pas des mâles | extérieurement. Elles ont d'ordinaire 2-3 millim. | de moins en longueur, et du blanc roussâtre où ces derniers se trouvent colorés de roussâtre. Le rouge du sommet de la tête est aussi plus terne; d'habitude elles n’ont pas de rose sur le crou- pion, mais elles y sont plus tachetées de brun que les mâles,
ORNITHULOCIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Fringilhdees.
Lith.Jh Perrin Chambery. J.Werner delk Lith. 1 Fringille Boreale,z7.2% eu prilemps, 78 97 nat, P-19$: 9 Pringille Sizerin, 224% en bvrée denoces, 75 gr.rat.:P. 117. 5 » ) Vite delemelle en été 4-8 Gal: de espece, Trial 7 Tringille de Montagne, jeune vale en hiver: 2gr nat; PA. 8 l'ringille Linotte.z44 ex e4e: 3 gr nat; P. 139. 9 » » Tete defemelle — WA Zufr de lespere, rat
PRÉRTEAT SAV O TE. 125
Au printemps et en été, qui sont les deux périodes pendant lesquelles nous n’avons jamais cette espèce dans nos climats, le mâle est d’un rouge rose, plus ou moins vif et pur, suivant son âge et l’époque de la saison, sur le devant du cou, la poitrine et le crou- pion : les bordures blanchâtres que l’on remarque souvent aux plumes de ces parties s’usent en géné- ral avant la fin de l’été; alors le rouge parait dans toute sa pureté. Les plumes des ailes et de la queue conservent néanmoins de larges lisérés blancs, et les flancs quelques taches longitudinales noirâtres ; c’est ce que j’observe sur un sujet adulte, capturé à Liège, que M. le baron de Sélys-Longchamps eut la complaisance de m'envoyer l’année dernière. Les mèches noirâtres des parties supérieures sont bordées de blanc ou de blanc roussâtre, selon ‘âge ; le bec est noirâtre au printemps, noir en été.
La femelle, aux mêmes périodes, est blanchâtre au-devant du cou et à la poitrine, au lieu d’y être rouge comme le mâle, et tachée en long de noi- râtre sur les côtés du cou, de la poitrine et sur les flancs. Son bec est noirâtre.
La Fringille Boréale habite pendant l'été les régions du cercle arctique, dont elle ne s'éloigne guère qu'à l'approche de l’hiver ou aux premiers froids vifs qui l’y surprennent, en sorte que ses migrations ne paraissent pas périodiques : elles sont subordonnées, du reste, à l’intensité plus ou moins
126 ORNITHOLOGIE hàtive du froid de ces contrées. Son apparition dans les pays tempérés de l’Europe et en Suisse a lieu, comme celle de quelques autres espèces des mêmes climats, à intervalles indéterminables. Nous ne l’avons guère vue jusqu’à présent ici que durant les plus grands froids qui surviennent depuis la fin de novembre jusqu'à la mi-février, et jamais deux années de suite. Elle voyage par troupes, quelquefois associée avec les bandes du Sizerin, dont elle a les mœurs. Comme lui, elle recherche, pendant le peu de jours qu’elle se montre dans notre pays, les bois de chênes, de bouleaux, d’ormes, d’aunes, de hêtres, de charmeset de sapins, dontles semenceset les bourgeons composent sa principale nourriture; comme lui et les Tarins, elle se tient à la cime de ces arbres, restant presque toujours accrochée ou suspendue à l'extrémité des branches les plus subtiles tandis qu’elle s’alimente.
En sortant des bois, les Fringilles Boréales s’abat- tent sur les chardons qu'elles aperçoivent pour se nourrir encore de leurs graines; celles de chanvre, de plantain, de sarrasin et de chicorée sauvage les attirent pareillement dans nos champs par mo- ments; elles y font volontiers société avec les Sizerins qu’elles rencontrent par bandes. Elles vo- lent comme eux en troupe serrée et avec rapidité, se posent tout près les unes des autres, se relè- vent à la fois brusquement, comme d’une seule”
DE LA SAVOIE. 127 impulsion, et partent ensemble tout d’une volée. Les individus qui étendent parfois en hiver leurs excursions jusque dans nos contrées, n’y restent que durant la rigueur du froid; aussi d'habitude, au dégel, ils en disparaissent tous d’un moment à l’autre, et se retirent peu à peu vers les régions boréales où l'espèce se propage à la manière du Sizerin dans nos Alpes. Nos oiseleurs les prennent assez aisément dans leurs filets ; ces volatiles répon- dent d’ailleurs non-seulement à l’appeau de ce der- nier, mais encore à celui de la Linotte Ordinaire; mais il importe toujours de contrefaire juste la voix de ces espèces.
139.—Fringille Sizerin /Fringilla Linaria).
Noms vulgaires : Petite Linotte, Petit Linot, Linot Gris.
Le Cabaret (Buff.).—Le Sizerin ou Petite Linotte (Cuv.). —Fringille Caba- ret (Fringilla Rufescens), Vieill. — Gros-Bec Sizerin (Fringilla Linaria), Temm.—Sizerin Cabaret (Linaria Rufescens), Roux,
Ce petit oiseau, que plusieurs de nos chasseurs aux filets regardent aussi comme un métis produit par le Serin ou le Tarin et la Fringille Linotte (vul- gairement Lanot), ne diffère guère du précédent, en hvrée d'hiver surtout, que par sa taille; qui est de LL cent. 7 millim. du bout du bec à l'extrémité de la queue, par conséquent moindre de 20 à 21 millim. Mais il est sédentaire en Suisse et en Savoie, où son
congénère n'arrive que très-irrégulièrement pen- dant les hivers rigoureux.
128 ORNITHOLOGIE
Le male du Sizerin, en livrée de noces, est l’un des plus jolis volatiles de nos Alpes. Il est noir sur le front, sur l’espace entre l’œil et le bec (lorum) et à la gorge ; un peu roussâtre sur les petites plumes pileuses qui recouvrent les narines; d’un rouge cramoisi au sommet de la tête; d’un cramoisi plus clair sur les côtés de la gorge, sur le devant du cou, la poitrine, les parties latérales du ventre et sur le croupion : cette partie porte souvent, notamment chez les adultes, quelques taches brunes longitudi- nales. Le milieu du ventre, l’abdomen et les sous- caudales sont blancs ; ces dernières, de même que les flancs, sont en outre marqués en long de noi- râtre. Tout le dessus du corps offre un mélange de roussâtre, de gris blanchâtre, de noir ou de noi- râtre, suivant l’âge : cette teinte est celle qui y domine plus particulièrement; les deux autres ne servent qu'à border plus ou moins finement les plumes, selon le degré de la mue ruptile. Les pennes des ailes, celles de la queue, qui est four- chue, sont noirâtres et légèrement bordées de cendré roux; deux bandes d’un blanc roussâtre, formées par l'extrémité des couvertures alaires, traversent les ailes; quelquefois elles s’effacent, ou plutôt s’usent en grande partie sur la fin de l'été, chez plusieurs individus des deux sexes. Le bec, qui est en cône, effilé et très-pointu, devient peu à peu noiràtre au printemps; il tourne au
DE LA SAVOIE. 129 noir en été. L’iris et les tarses sont noirâtres. La femelle adulte n’a du cramoisi qu'au sommet de la tête, un peu de rose sur quelques plumes des côtés de la gorge, qui sont en outre tachetées de brun foncé ; elle en est entièrement privée à la poi- trine, aux côtés du ventre et au croupion : ces par- ties, de même que le milieu du ventre et l'abdomen, sont blanchâtres. Néanmoins les parties latérales du cou, de la poitrine, du ventre et les flancs ont de nombreuses taches allongées, noirâtres. Le noir de la gorge paraît plus étendu que chez le mâle ; mais le rouge de la tête occupe un peu moins d’es- pace. Le bec est noirâtre, quelquefois un peu jaune foncé à la base de la mandibule inférieure. Le reste du plumage ne diffère point de celui du mâle.
Les très-vieilles femelles se colorent au printemps d’un peu de rose clair sur le blanchâtre de la poi- trine. :
À la mue de la fin de l'été, le bec devient jaune dans les deux sexes, 1l reste à peine marqué de brun vers le bout. Après la crise, les plumes des parties supérieures sont largement bordées de roussâtre, et le rouge cramoisi de la tête est terne. Le liséré des ailes, des tectrices et des pennes caudales est plus apparent que pendant l’été. Les flancs, les côtés de la gorge, du cou et de la poitrine sont roussâtres, avec des taches longitudinales brunes, Chez les mdles adultes, le cramoisi s’efface en tout ou en
mo
130 ORNITHOLOGIE
partie, suivant l’âge des individus, avant l'hiver, sur le devant du corps; dans le premier cas, c’est le blanc roux qui le remplace ; dans le second, sans doute chez les très-adultes, c’est un rose clair, très- largement bordé de blanchâtre au bout des plumes, qui y domine : cette frange disparait au printemps par la mue ruptile, à mesure que le rose se con- vertit en cramoisi.
Les jeunes de l’année, avant de muer, n’ont point de rouge au sommet de la tête ; toutes leurs parties supérieures, ainsi que la poitrine et les flancs, se trouvent roussâtres, et tachées de brun le long dela direction des baguettes des plumes. Ils ont le bec blanchâtre, surtout au sortir du nid, et un peu de noirâtre à la gorge.
Après la mue, ils ressemblent, dans les deux sexes, aux adultes décrits plus haut, qui ne con- servent alors ni le rose ni le cramoisi sur leurs par- ties inférieures.
Nous remarquons cette Fringille toute l’année en Suisse et en Savoie. Son apparition dans le Midi et dans quelques régions tempérées de la France n’est pas régulière ; elle y a lieu en novem- bre et décembre, à des intervalles de trois à quatre ans, et l’espèce n'est pas toujours abondante. Chaque année, à la même époque, plusieurs volées plus ou moins nombreuses de cet oiseau passent dans notre pays; venant pour la plupart des con-
DE LA SAVOIE. 131 trées septentrionales, elles s’abattent tantôt dans les champs, tantôt dans les bois, souvent en y découvrant des bandes de Tarins ou de Linottes, avec lesquelles elles se mêlent, s’alimentent et voyagent même quelquefois; ce qui engage tou- jours plus les oiseleurs à croire que cette Fringille est un métis produit par ces deux espèces.
Le Sizerin descend ici des montagnes, où il passe toute la belle saison et une bonne partie de l’au- tomne, principalement dès la fin d'octobre ou au commencement de novembre; il s’abat ordinaire- ment par petites troupes sur les bois de chênes, de hêtres et de sapins de nos collines ou de la base de nos monts; quelques sujets arrivent droit à la plaine, et hantent les champs, les petits bois ou les rangées d'arbres qui les avoisinent. Cependant plusieurs émigrent alors ensemble vers d’autres con- trées, soit vers le Midi soit vers les pays tempérés de l’Europe, dont ils s’éloignent toutefois à l’appro- che du printemps pour retourner à leur premier séjour. Les sujets qui restent l'hiver chez noussont presque toujours réunis en bandes; volant, comme les Linottes, par pelotons serrés et avec agilité, se posant et reprenant leur essor tous à la fois comme d’un commun accord. Se trouvent-ils seuls par mo- ments dans quelque canton, ils en visitent, comme elles, successivement tous les quartiers, et ne cessent de rappeler Jusqu'à ce qu’ils aient rencontré des
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132 ORNITHOLOGIE
compagnons. Aussi peu méfiants qu’elles, ils tom- bent facilement dans les piéges des oiseleurs : ceux- ci les y attirent le plus souvent à l’aide de danseurs choisis parmi les Linottes déjà capturées, ou bien en contrefaisant tant bien que mal avec l’appeau leur cri de ralliement ou le cri d’appel de ces dernières. Mais ils vivent comme les Tarins sur les arbres, dont ils se plaisent à visiter les sommités. Comme eux, ils y prennent, avec une vivacité remarquable, des positions très-variées, qui se rapprochent singulièrement de celles des Mésanges; ils s’ac- crochent avec leurs petites serres très-recourbées aux bouquets des feuilles, au bout des branches et des rameaux les plus subtils, pour y prendre des aliments; ils s’y balancent souvent pendant qu'ils les mangent dans cette attitude, ou bien en se tenant renversés, ou les pieds en haut et la tête en bas. Ge sont les semences et les boutons de chêne, de hêtre, de charme, d'orme, de tilleul, d’aune et d'arbres verts qui entrent le plus en Savoie dans la composition de leur nourriture. Quittent-ils les bois ou les files d'arbres pour aller parcourir en- semble les lieux cultivés des environs, ils s’abattent sur les chardons, les chènevis, les millets, les lins, les sarrasins, les plantains, etc., qu'ils découvrent, et y vivent de leurs graines, souvent en compagnie d’autres Fringilles. Quelquefois ils s’accrochent aux vieilles murailles, où ils s’appliquent à becque-
DE LA SAVOIE. 133 ter le tuf, le plâtre ou le gravier, comme les Li- nottes, pour en avaler quelques petits grains qui servent alors à faciliter leur digestion; une fois dans l'estomac, ils s’agitent sans cesse, s’usent peu à peu pendant la trituration des aliments, et finissent par disparaître à la longue avec les excréments. Le Sizerin regagne vers la fin de mars, époque à laquelle il se fait ici un second passage de l’espèce, les régions boisées de nos Alpes, où les semences, les jeunes pousses des arbres résineux forment alors sa principale nourriture. Il s’y repro- duit, comme ie Turin et le Venturon, dans les forêts de pins, de sapins et de mélèzes ; mais il préfère à l’intérieur de ces bois leurs lisières ou les arbres qui environnent leurs clairières. Quelquefois on le trouve aussi dans des lieux couverts de taillis de hêtres sur- tout, voisins de ces forêts, et parsemés de quelques sapins quand ils ‘en sont éloignés. Je l’ai remarqué annuellement à Margériaz, notamment sur les sa- pins qui bordent les pâturages, à l’Alpétaz, dans les forêts supérieures de Saint-Hugon, dans la Haute-Maurienne, au sommet du Mont-Cenis et de sa pente méridionale; puis dans les bois les plus reculés de la Tarentaise, etc., etc. Le mâle a un chant d'amour très-vif, très-expressif, qui a même beaucoup de ressemblance avec celui du Serin (Ceni) ; mais il le traîne par moments sur un ton aigre; alors 1l se rapproche plutôt de celui du
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134 ORNITHOLOGIE
Tarin : les syllabes zizet, zizelzetzet, xetzet, entrent en grande partie dans la composition de son ramage. C’est principalement en volant seul, allant et revenant sans cesse sur ses vols, et presque toujours à une grande hauteur au-dessus des arbres de la forêt qu’il a choisie pour canton, qw’il se plaît à le redire à chaque moment de la journée, Au moindre cri de rappel de sa compagne, il plonge vers elle et termine sa chanson en arrivant à la cime de l’arbre qui la possède ; parfois il est à peine posé qu’il repart et l’emmène avec lui dans les airs, en chantant encore avec plus de volubilité.
C’est vers la mi-mai que la femelle construit son nid ; le mâle l’aide fort peu dans ce travail, Ce ber: ceau, quoique achevé; ne fait pas plus de volume sur les arbres que celui du Serin ou du Tarin ; aussi, est-il également très-difficile à découvrir : il se trouve du reste caché soit dans la mousse longue et pendante des sapins, soit au milieu d’une toufle de petits rameaux très-touflus, soit enfin sur un tronc étêté et recouvert de mousse ou d’épais li- chens; ou bien il est fixé parmi les branches les plus rapprochées et les plus feuillées des taillis. Composé extérieurement de morceaux de mousse et de licheri, mêlés avec dés brins d'herbes sèches ou de petites racines, liés ensemble avec la soie des cocons et la toile d’araignée , ce nid reçoit, Sur un matelas de poils, de duvet de fleurs et d'arbres,
DPITA SAVOLE. 135
5 ou 6 œufs; ils sont d’un bleuâtre plus ou moins clair, et mouchetés d’un rougeâtre ou d’un violâtre presque effacé, surtout vers le gros bout, où souvent ces couleurs tracent une espèce de couronne ; on y découvre aussi quelques traits ou zigzags rares, d’un brun foncé ou d’un noirâtre inclinant au rouge. Pour longueur, ils ont 14 ou 14 millim. :, sur 11 millim. de largeur diamétrale. Ils éclosent au quinzième jour de l’incubation.
Le père et la mère nourrissent leurs petits par voie de regorgement, et avec le même genre d’ali- ments que la Fringille Venturon et le Tarin (voir les n* 156 et 137) ; ils les élèvent encore de la même manière après leur sortie du nid ; aussi, pour éviter répétition, je n’entrerai pas dans d’autres détails.
Le Sizerin s’habitue vite à l’état de captivité ; mis en cage, il ne cesse de sautiller d’un juchoir à l’autre, de s’accrocher aux barreaux supérieurs d’où ils se laissent retomber, en pirouettant leste- ment, sur l’un des bâtons. Mais s’il est revêtu de sa livrée d’été quand on l’enferme, l’on s'aperçoit bientôt qu'il y perd l’éclat de sa couleur rouge : c'est d’ailleurs là le sort de presque tous les oiseaux retenus en captivité.
136 ORNITHOLOGIE
Deuxième Section, BREVICONES /BREVICONI,.
Signes caractéristiques : Bec fort, plus ou moins court, conico-cylindrique, droit, grêle, aigu à la pointe qui est quelquefois comprimée latéralement.
Cinq espèces composent cette section.
440.—-Fringille de Montagne /Fringilla Montium |.
Noms vulgaires : Petite Linotte de Passage, Petit Linot Passager, C'ardi- nalin Bâtard.
Linotte de Montagne et Linotte aux Pieds Noirs (Buff.). — Gros-Bec à Me ie ra AP CU ON D IN Cette Fringille est de passage irrégulier soit en Suisse, soit en Savoie; ce n’est que sur la fin de l'automne ou pendant l'hiver, puis à l’approche du printemps, qu'on l’y voit paraître de loin en loin, et jamais plusieurs années consécutives. Elle a bien quelque ressemblance avec le Sizerin et la Linotte, mais elle en diffère essentiellement en ce qu’elle n’a jamais, comme eux, du rouge sur la tête, du rouge à la gorge et à la poitrine. Quelques-uns de nos oiseleurs s’imaginent que c’est un métis produit par le Chardonneret et la Linotte appariés ensemble: ils la nomment pour cela Cardinalin Bâtard.
Ce sont principalement les femelles adultes et les jeunes de l’an des deux sexes qui viennent visiter nos contrées. Leur taille est de 13 cent. 5-6 millim. du bout du bec à l’extrémité de la queue. Leur plumage est peint des mêmes couleurs.
ADIEU SAVOIE. 137 lls sont d’un brun très-foncé au centre des plumes de toutes les parties supérieures, y com- pris le dessus de la tête, et roussâtres sur les bords. Les pennes des ailes sont noirâtres, frangées de blanc sur les primaires, de roussâtre sur les secon- daires ou les plus rapprochées du dos; leurs couvertures sont aussi terminées de roussâtre, ce qui forme sur le milieu des ailes deux bandes transversales de cette couleur. La queue, qui est très-fourchue, a ses pennes noirâtres, bordées de blanc à l'extérieur des latérales, de rous- sâtre sur les intermédiaires. Un roux clair couvre la gorge, les joues, le devant du cou et le haut de la poitrine ; la même nuance trace une large bande au-dessus des yeux, en forme de sourcils. Sur les côtés du cou, de la poitrine, du ventre et sur les flancs, l’on remarque de nombreuses taches allon- gées, d’un brun très-foncé. Le ventre, l’abdomen et les couvertures inférieures de la queue sont d’un blanc légèrement teinté de roussâtre. Le bec, qui forme un triangle, est d’un jaune clair, avec une fine tache brune à la pointe. L’iris et les pieds sont noirâtres.
Au printemps, les mâles prennent du rose foncé sur le croupion. Le roux et le blanchâtre des par- ties inférieures deviennent un peu plus clairs qu’en hiver, et le brun très-foncé des parties supérieures se change presque en noir. Quelques naturalistes
RE RG c = Re TE = = — =
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présument que le bec devient noir ou noirâtre pen- dant l'été, comme chez la Fringille Sizerin, la Bo- réale et la Niverolle. M. Temminck dit, au contraire, dans la 3° édition de son Manuel, p. 262, que cet organe est alors blanchâtre.
Ce volatile habite, pendant l'été, l'Écosse, la Norvége et la Suède ; il se montre périodiquement dans quelques cantons de l'Allemagne, de la France et de la Hollande.
C’est sur la fin d'octobre, ou en novembre et dé- cembre, quand le vent du nord souffle avec violence, qu’il passe de temps à autre par bandes en Savoie. Mais il cesse d’y paraître aussitôt que les neiges ont envahi tout le pays, sauf quelques sujets rares qui restent ensuite confondus dans les nombreuses volées de Linottes. Il reparaît encore parfois sur la fin de février ou en mars, lorsqu'il retourne vers sa patrie. Dans les derniers jours d'octobre, qui sont assez souvent remarquables par de grands passages de Linottes, nos oiseleurs en prennent quelquefois un ou deux à quatre parmi les troupes les plus nom- breuses de cette espèce, qu’ils capturent si aisément avec les filets à nappes. Au contraire, ces individus forment-ils seuls une bande, ils se laissent tromper difficilement , quoique l’oiseleur fasse agiter ses danseurs pendant qu’ils passent et qu’il imite encore, pour mieux les engager à descendre dans le piège, leur cri d’appel ou celui des Linottes qui devien-
DE. LA SAVOIE. 139 nent souvent, en automne, leurs compagnes de voyage.
La Fringille de Montagne vit ici, durant son sé- jour ou ses passages, de la même manière que la Linotte décrite à l’article suivant; elle s’accom- mode aussi des mêmes aliments. Son chant parait assez agréable, mais il est inférieur à celui de cette
espèce.
141.-Fringille Linotte /Fringilla Cannabina), Noms vulgaires : Linot, Linotte, Lignot. La Linotte et la Grande Linotte de Vignes (Buff.). — La Grandé-Linotté
(Cuv:). — Fringille Linotte (Fringilla Linotta), Vieill. — Gros-Bée Linotte (Fringilla Cannabina), Temm.—Montanello (Savi).
Cette espèce, l’une des plus communes du genre, a 1h cent. de longueur totale.
Au printemps et pendant tout l’élé, les vieux mâles sont d’un joli rouge cramoisi sur le front et la poitrine ; d’un gris cendré à l’occiput, à la nuque et aux côtés du cou ; d’un brun châtain sur les parties supérieures ; d’un blanchâtre sur la gorge et le de- vant du cou, avec quelques traits longitudinaux bruns. Les flancs sont d’un brun rougeâtre ; le milieu du ventre et l’abdomen, d’un blanc très- légèrement teinté de roux. Les rémiges sont noires, et quelques-unes largement bordées d’un blanc pur, les autres de cendré roussâtre. La queue, qui est fourchue, à aussi ses pennes noires et plus large- ment lisérées de blanc sur les barbes intérieures
140 ORNITHOLOGTIE
que sur les externes. Le bec est exactement co- nique comme celui du Chardonneret, mais plus court et plus obtus; il est de couleur de corne très- foncée sur la mandibule supérieure pendant tout l'été, et d’une teinte un peu plus claire sur l’infé- rieure. L’iris est brun foncé. Les tarses sont d’un brun inclinant au roussâtre, parfois au noirûtre, suivant les individus.
Les mâles adultes, à la même époque, ont le cra- moisi de la tête et de la poitrine moins vif et moins pur que les wieux; le blanchâtre de la gorge et du devant du cou plus tacheté de brun ; enfin le brun châtain du dessus du corps finement marqué de brun vers le centre des plumes ou seulement le long de la direction des baguettes de quelques plumes.
Les femelles, qui sont moins grandes de 5 ou 6 millim. que les mâles, ne portent jamais de rouge. Elles sont d’un cendré roussätre sur le dessus du corps, avec de larges taches d’un brun noijrâtre ; blanches roussâtres en dessous, mais presque blan- ches sur le milieu du ventre, et tachetées en long de brun noirâtre sur la poitrine et les flancs. Le reste de leur livrée ressemble beaucoup à celui des mâles : toutefois, les bordures blanches des rémiges et des rectrices se trouvent toujours moins larges chez les femelles.
Les jeunes, avant la mue, ont le bec blanchätre,
DE LA SAVOIE. 141 les parties supérieures brunes roussâtres, et lancéo- lées de noirâtre ; le dessous du corps blanc roussâtre, avec de nombreuses taches allongées, d’un brun tournant un peu au roussâtre sur le milieu de la gorge, sur le devant du cou, la poitrine, les côtés du ventre et sur les flancs. À cette période, l’on recon- naît aussi les mâles par le liséré blanc des ailes et de la queue, qui est déjà plus étendu que dans les femelles.
Après la mue de la fin de l'été, les vieux et les jeunes mâles se ressemblent. Ils sont roussâtres sur le dos, avec des taches d’un brun presque châtain et des bordures blanchâtres à l'extrémité des plumes : celles du haut de la tête aussi sont bordées de blanchâtre, et en outre marquetées de noir, puis de rouge violacé seulement à la base des plumes du front ; en sorte que c’est en soulevant les plumes de cette partie que l’on s'aperçoit de cette nuance. Les mêmes bordures blanchâtres existent encore sur les plumes de la poitrine, dont elles recouvrent presque tout le rougeûtre ; mais au prin- temps, et au moyen de la mue ruptile, ces franges s’usent peu à peu, et font voir, en disparaissant, le rouge qu'elles cachaient et qui n’acquiert guère avant la mi-mai toute la vivacité due à l’âge de l'oiseau. Il en est de même des plumes du dos, qui, en perdant alors leurs franges blanchâtres, devien- nent d’un brun châtain uniforme, chez les vieux
142 ORNITHOLOGIE
surtout. Leur bec est, pendant l'automne et l'hiver, d’un bleuâtre plus ou moins foncé et souvent mar- qué de brun vers la pointe.
La Linotte est sujette à plusieurs variétés; elle fournit des individus tout blancs ou qui n’ont, dans cette livrée, que quelques taches brunes sur les par- ties supérieures ; d’autres sont de couleur isabelle, ou variés de brun, de blanc, de roussâtre ou d’isa- belle. Quelques sujets, toujours très-rares, ont le rouge du sommet de la tête et celui de la poitrine, remplacés par une couleur orange plus ou moins vive.
Nous voyons chaque année en novembre, après les passages de cette Linotte, arriver par grandes bandes, dans nos contrées, une variété d'individus plus petits d’un cent. que ceux du type de l'espèce. Ils sont en outre plus babillards, plus vifs et plus rusés ; ils tombent beaucoup plus difficilement qu'eux dans les piéges. Chaque troupe est spécia- lement composée de sujets dont le plumage supé- rieur est d’un noirâtre bordé de roux obscur, et frangé de cendré roussätre. Toute la poitrine est d'un roussâtre liséré de cendré et très-tachetée
DELA SAVOTE. 143 croire que ces volées ne soient formées que de femelles, jeunes ou vieilles ; et j'appelle sur cette variété l’attention des naturalistes du Nord, d’où certainement elle nous vient à l'entrée de l'hiver.
La Fringille Linotte fréquente presque toute l’Europe; elle est commune en Suisse et en Savoie à chaque saison, et notamment en automne, époque à laquelle il s’en fait des passages souvent considé- rables, mais qui ne durent guère plus de huit à quinze Jours.
Elle se tient pendant toute la saison des beaux jours principalement dans les bois, les taillis, les buissons et aux abords des champs des collines et des montagnes. Je l’ai rencontrée en été même dans les Alpes, après la région des forêts, dans des endroits rocailleux, parsemés de massifs de ro- sage (rhododendron ferrugineum, Linn. ) ou seule- ment couverts de plantes et de mousses. Néanmoins quelques paires restent en plaine et sur les co- teaux, où les vignes implantées d’arbres, d’aman- diers et de cerisiers surtout, les petits bois, les rangées d'arbres, les fourrés qui longent ou avoi- sinent des champs et des friches, leur conviennent le plus pour habitation pendant les nichées.
Cet oiseau niche en Savoie vers le milieu d'avril ou dans Îles premiers jours de mai, selon qu'il y habite des régions plus ou moins élevées. Le mâle
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et la femelle volent ensemble à la découverte des
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SRÉDES RTRTERETÈTÉÉE DE Tate ae
144 ORNITHOLOGIE
matériaux nécessaires à la composition du nid ; mais c’est ordinairement la femelle qui les transporte au bout du bec et les range par ordre, pendant qu’à ses côtés le mâle ne cesse de ramager. Elle le forme d’abord à l’extérieur de filaments de plantes, de tiges de graminées et de petites racines déliées, qu’elle recouvre quelquefois d’un peu de mousse ou de lichens, retenus sur les bords par des mor- ceaux de laine ou des toiles d’araignée; ensuite, elle le tapisse en dedans de petits flocons de soie de cocons, de quelques plumes, de bourre, de crin ou de duvet satiné d'arbres et de fleurs, suivant les lo- calités. Ce nid, tantôt on le trouve dans les buissons et les arbustes, tantôt sur les arbres, et quelquefois, mais particulièrement dans les Alpes dépourvues de bois, au milieu d’une touffe de plante, ou parmi la mousse qui croît épaisse sur les pierres, sur les rocs entassés; il contient 5 œufs à la première ponte, et / à la seconde; ils sont oblongs, d’un blanc bleuâtre et parfois blanchâtres, avec de petites taches, avec des traits et des points rougeâtres ou violacés, mêlés à d’autres noirs ou noirâtres, et toujours plus répandus sur le gros bout, où ils se trouvent de temps en temps disposés en collier plus ou moins complet. Pour longueur, ils ont le plus sou- vent 161 à 17 mill., et 12 ou 12 mill. : de largeur diamétrale. La femelle seule les couve; mais durant les quinze jours de l’incubation, le mâle lui apporte
DHEA SAVOTE. 145 les aliments presque à chaque heure de la jour- née ; il les lui donne sur le bord du nid par voie de dégorgement, et cherche ensuite à l’égayer par ses chants successifs. Quitte-t-elle les œufs, il l'accompagne, et bientôt après il la reconduit à la couvée.
Pour nourrir leurs petits, le père et la mère avalent force petites graines de plantes, surtout de graminées, qu'ils laissent réduire en une espèce de pâte dans l’estomac, d’où ils la font dégorger au fur et à mesure qu'ils les alimentent. Ils vivent avec eux quelque temps après leur éducation, ordi- nairement jusqu'à la période de la seconde couvée. Dès lors les petits vivent ensemble et par bandes, ou bien ils se réunissent à d’autres Jeunes, avec les- quels ils forment déjà des sociétés plus ou moins nombreuses, suivant les lieux. Mais aussitôt après les dernières nichées terminées, tous les individus d’un même canton s’attroupent pour ne se séparer guère qu’au printemps. Ces bandes, le plus souvent innombrables, se jettent toutes ensemble sur les chènevières, les sarrasins (blés noirs), les millets, les vignes, les friches et dans d’autres lieux remplis de lins, de séneçons, de plantains, de ramberges (Mercurialis annua et M. perennis, Linn.), et de panics, dont elles dévorent les semences. À chaque crainte qu'elles éprouvent, elles se relèvent à la fois brusquement, partent en un bataillon serré et
T. IU. 10
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146 ORNITHOLOGIE en poussant de petits cris presque sifflés : ces cris, les oiseleurs les imitent soit avec l’appeau, soit avec le creux de la main qu'ils appliquent à la bouche et sucent, en le serrant des lèvres avec force, à mesure qu’ils obtiennent les sons imitatifs.
Tous les soirs, au soleil couchant, ces troupes de Linottes rentrent dans les bois, et s’y abritent avant la nuit, spécialement sur les chènes et les charmes. Souvent on les y entend se quereller jus- qu’à la nuit noire, en jetant des cris faibles et pré- cipités (pi pi pr pt pi pi); alors sans doute quelques sujets qui n’ont pas encore pu se trouver de refuge convenable parmi les touffes des feuilles, cherchent à se blottir tout près de ceux qui y sont cachés, ou bien à leur enlever leur place ; et ces derniers de s’irriter, de les menacer, tout en se gardant de les laisser approcher trop près d’eux. Le lendemain, de très-grand matin, ces bandes regagnent, tantôt d’une seule volée, tantôt par plusieurs pelotons qui partent et se suivent de distance en distance, les mêmes lieux que la veille. Quelquefois, dans les belles journées de septembre et d'octobre, elles vont pendant la chaleur rechercher la fraîcheur parmi les arbres ou les taillis Les plus épais du can- ton. Les mâles de chaque troupe y donnent alors un concert des plus agréables à l'oreille, queles femelles s’empressent par moments d'animer par leur petit gazouillement ; les premiers conservent en effet
DE A SAVOIE. 147 pendant presque toute l’année, une bonne partie des sons soutenus, des cadences et des modulations très-variées, dont leur voix se compose à l’époque de l'amour ; et les vieilles femelles ont aussi quelque suite de sons assez soutenus qu’elles s'appliquent à l’envi à répéter chaque fois que les mâles en masse les y engagent par leur douce harmonie.
Vers le milieu de septembre, lorsque les Linottes qui ont vécu l’été dans nos régions montagneuses commencent à s’y apercevoir de la disette des grains, elles descendent par petites compagnies sur les collines ou jusqu’à la plaine. Quelques-unes de ces sociétés se mettent à voyager, et changent de climat en même temps que d’autres volées plus ou moins nombreuses arrivent dans nos champs. Mais c’est ordinairement du 15 au 26 octobre, et principalement quand le temps est à la pluie, soit un jour avant soit pendant une petite pluie froide, que nous voyons passer, dans nos vallées inférieures et sur les monticules adjacents, des bandes qui se succèdent toutes les unes aux autres depuis environ sept heures jusque vers les dix ou onze du matin; quelques-unes, mais un peu moins nombreuses, repassent encore le soir, vers trois ou quatre heures, Elles viennent généralement toutes du Nord, et se dirigent vers le Midi. Les coteaux de Boissy, de Voglans et du Vivier, près d’Aix-les-Bains; ceux de Vimines, des Charmettes et de Montagnole, aux
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environs de Chambéry, sont renommés par les pas- sages de Linottes qui y ont lieu d'habitude périodi- quement. Les oïiseleurs y font en effet fréquem- ment de grands massacres de ces volatiles ; leurs volées arrivent parfois en si grande quantité et si fatiguées, qu’au premier coup d’appeau elles tom- bent dans les filets, qui ne sont pas toujours assez vastes pour toutes les renfermer.
Les Linottes, qui passent l'hiver en Savoie, con- tinuent d’y vivre par troupes ; dans plusieurs loca- lités, on les trouve mêlées avec les Pinsons, les Ver- diers et les Bruants. Alors elles ne s’éloignent guère des terres qui ont été ensemencées de sarrasin, n1 des vignes, ni des pâturages parsemés de buissons; elles y trouvent, du reste, suffisamment de grains alimentaires restés sur plante ou épars sur le sol. Mais dans les temps de neige, elles se répandent le long des haïes qui bordent les chemins, auprès des fermes et des écuries, où souvent elles vivent des débris de la nourriture des volailles, et même des grains non digérés qu’elles découvrent en éparpillant le crottin. Elles ont aussi recours parfois aux semences, aux nouvelles pousses que renferment les boutons de plusieurs arbres, entre autres de l’aune, du charme et des peupliers; pour les arra- cher ou les couper, elles se suspendent à la manière des Tarins et des Sizerins, aux branches les plus flexibles. C’est pendant cette saison qu’on les voit
DE LA SAVOIE. 149
plus fréquemment encore qu’en été s’accrocher aux murs des granges, des masures et des habitations rustiques, afin d'y becqueter le gravier et chercher ensuite, sur le vieux chaume qui les recouvre, à se nourrir avec les sommités des mousses qui sont en fructification. Les petits morceaux de gravier, les petits grains de tuf et de sable que ces oiseaux ava- lent après leur repas sont destinés, comme chez le Sizerin et les Gallinacées, à faciliter, en s’agitant sans cesse dans l’estomac, la digestion des sub- stances dures dont ils font quelquefois usage pour leur alimentation.
Il se fait tous les ans dans nos pays, vers la fin de février ou dans les premiers jours de mars, un second passage de Linottes, mais beaucoup moins abondant que ceux de l’automne. Plusieurs de celles qui nous arrivent alors, soit par petites bandes soit même appariées, et qui ne sont pas dans l'intention de se reproduire chez nous, ne font que traverser nos vallées à une grande hauteur; se guidant par les vents, elles volent généralement vers le centre ou le nord de l’Europe.
La Fringille Linotte est, en volière, d’un naturel docile et susceptible d’attachement pour la per- sonne qui la soigne. Son ramage agréablement va- rié est capable de perfectionnement par l’éduca- tion ; on parvient en effet, en élevant des jeunes pris dans le nid, à leur faire articuler distinctement quel-
150 ORNITHOLOGIE
ques mots, comme : bretly bois, pristy bois, petit fils, ma vie; quelquefois ils prononcent les deux derniers avec un accent si touchant, qu'ils semblent vouloir inspirer à ceux qui les écoutent leur senti- ment d'affection. On les habitue en cage aisément à plusieurs exercices, entre autres à celui de la galère, dont ils s’acquittent à merveille comme le Chardonneret. Ils s’accouplent avec le Canari, et l’on prétend que leurs métis, qui sont ordinairement d’habiles chanteurs, peuvent se reproduire. Leur chair est un bon manger.
142.—Fringille Pinson /Fringilla Cœlebs).
Noms vulgaires : Pinçon, Quinçon; en Tarentaise, Quiqui. Fringilla Cœlebs (Linn).—Le Pinson (Buff.). — Pinson Ordinaire (Cuv.).—
Fringille Pinson (Fringilla Cœlebs), Vieill. — Gros-Bec Pinson (Fringilla Cœlebs), Temm.—Frinquello (Savi).
Des naturalistes font dériver le nom de cette Frin- gille d’un mot allemand, pinck, qui a beaucoup de rapport avec l’un de ses cris d'appel; d’autres veulent qu’il lui ait été imposé à cause de son habi- tude de pincer avec le bec, souvent jusqu’au sang, les personnes qui le prennent avec la main.
Le mâle du Pinson a 17 cent. 2-h mil]. de taille. La femelle est un peu plus petite ; sa longueur totale n’est que de 16 cent.
Le mâle, au printemps et pendant l'été, a le front noir ; le dessus de la tête et les parties postérieures du cou, d’un bleu cendré pur ; le dos et les scapu-
ne ne
L 4 RNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. | Passereaux. Rringillidee « | | ] | | | | l | | | | | | } | | | | | | | [l | | | | | ) | | | | | | [ 1 if | | | A | 1 | “| | .| | | | | | | | À | | | | | | | Lith.J* Porrin Libr Edit Chambéry. 2. Werner del.& Lith. | 1 , Ç , ; | Fringille Pinson., 22/6 en te, 73 gr nat; PAS. — 9-4 Gus de l'espere; grnat
l 5 Fringille Pinson d'Ardennes. anäle au printemps; 1397 nat; VW. | (] » » » Lete de male enkiver. 7 Fringille Niverolle, 234 en été: 13 grnat; PAS, » » Vete de male en hiver — AN Œufr der espeve.:or. 714€.
se
DE LA SAVOIE 151
laires, d’un brun marron; le croupion vert, Les petites couvertures alaires forment une large bande blanche sur le haut de chaque aile; les grandes en tracent une autre plus étroite, mais également trans- versale, par la moitié inférieure de leurs plumes qui est aussi blanche. Les rémiges sont noires, avec un petit miroir blanc à leur origine, et lisérées extérieurement de jaune très-clair ou d’un blanc jaunâtre, suivant les sujets. Les pennes caudales sont aussi noires: mais les deux intermédiaires d’un brun cendré, et les deux plus latérales ont de grands espaces blancs. Un roux vineux, d’une nuance agréable, couvre la région inférieure des yeux, celle des oreilles, les joues, la gorge, le de- vant du cou et la poitrine ; de là, il s’éclaircit peu à peu jusqu’à l’abdomen, qui est presque blanc. Le bec est d’une couleur de corne bleuâtre foncée; l'iris brun ; les tarses sont noirâtres.
La femelle n’a point de noir sur le front, ni de roux vineux sur le devant du corps. Elle est d’un cen- dré brun, marqué de légères taches d’une nuance plus sombre, sur la tête et la nuque : les plumes du dos et les scapulaires sont de la même teinte, mais glacées de verdâtre. Les ailes possèdent moins de blanc sur leurs couvertures que dans le mâle. Toutes les parties inférieures sont envahies par un cendré blanchâtre, néanmoins plus foncé sur les côtés de la gorge et du cou, ainsi qu’à la poitrine.
152 ORNITHOLOGTE:
Les jeunes, avant de muer, ressemblent à la femelle ; leur bec est alors blanchâtre.
Les vieux et les jeunes mâles, après la mue de la fin de l'été, ont tous les plumes du front, de la tête, du cou, du dos et des parties inférieures jusqu'au ventre, bordées d’un large liséré cendré clair. Mais ces franges tombent au printemps, par le moyen de la mue ruptile; c’est alors qu’elles laissent voir les couleurs de ces différentes parties plus foncées et plus pures que durant l’hiver. Pendant cette saison, leur bec est d’un brunâtre clair sur la mandibule supérieure, et d’une teinte encore plus claire, qui tourne un peu à la couleur de chair sur l’infé- rieure. La seconde bande blanche qui traverse les ailes paraît comme salie de jaunâtre, spécialement chez les jeunes et chez les adultes.
Le Pinson varie accidentellement d’un blanc pur et d’un blanc jaunâtre ou de couleur isabelle plus ou moins franche, quelquefois d’un blanc iapiré des couleurs naturelles.
C’est un des oiseaux les plus communs de ce pays; on l’y trouve répandu partout, depuis la plaine jus- qu’au sommet de la région des bois dans nos plus hautes montagnes. Il en est peu d’aussijaloux, d'aussi ardent que lui en amour. Les mâles, de ce qu'ils sont d'habitude plus nombreux que les femelles, se voient forcés de s’en disputer la possession à chaque pariade ; ils se livrent pour cela fréquemment au
DE LA SAVOIE. 153 printemps, dans les bois et les jardins, de petits assauts corps à corps, toujours très-animés, qu’ils ne cessent d'accompagner de cris aigus et préci- pités, soit qu'ils se battent soit qu’ils poursuivent les fuyards. Une fois appariés et établis dans un canton, ils ne souffrent point de concurrent auprès d’eux; ils ne quittent pas un instant la femelle; ils l’accompa.- gnent quand elle va à la quête des matériaux pour construire le nid; ils reviennent avec elle pour les poser, et ils chantent tout près d’elle, pendant qu’elle fait son petit chef-d'œuvre. Les mâles ne participent ni à la nidification ni à l’incubation : lorsque leur compagne couve, ils ne cessent, d’une branche voisine, de l’égayer par leur ramage plein de force et que terminent toujours quelques rou- lades agréables. S'ils discontinuent de chanter et s’éloignent d'elle par moments, c’est pour aller lui chercher la subsistance ; mais aussitôt qu'ils s’a- perçoivent de l’arrivée de quelque importun, ils l’en avertissent par des cris éclatants : chuin, chuin- chuïin, chuin-chuin-chuïin, qui retentissent au loin.
Le Pinson est des premiers oiseaux qui entrent en amour à la sortie de l'hiver. Pour se propager, il se fixe dans les jardins, les vergers et les bosquets, dans les bois et les champs complantés d’arbres, ou le long des chemins bordés de peupliers, de saules et de noyers. On y trouve son nid achevé aux pre- miers jours d'avril, sauf pourtant en montagne, où
] 54 ORNITHOLOGIE
il ne s'occupe guère de le construire avant le mois de mai, Comme alors l’arbre sur lequel il le pose, n’est pas toujours assez revêtu de feuilles, ni assez garni de petits rameaux pour le cacher, la femelle l’accole si adroitement au tronc ou à une branche des plus couvertes de mousse, qu’il est réellement difficile de l’y découvrir; d’autant plus que ce nid est presque tout composé en dehors de mousses et de lichens verts et blancs, et habituellement des mêmes qui recouvrent déjà l'arbre qui le porte. Il est toujours fait avec élégance. Un matelas de crin, de poils, de plumes et de flocons de laine, que re- tiennent, surtout vers le haut du nid et autour du bord, des toiles d’araignée , reçoit la ponte ; elle se compose de 5 ou 6 œufs à la première couvée, de A ou 5 à la seconde et de à à la troisième, quand elle a lieu. [ls sont d’un bleuâtre plus ou moins foncé ou d’un gris nuancé de rougeâtre, ou bien encore d’une teinte roussâtre presque pareille à celle du plumage des parties inférieures du mâle ; quelques taches presque arrondies, des zigzags ou des raies brunes ou violâtres et noires ou noirâtres, sillon- nent surtout le centre ou la grosse extrémité de la coque. Îls ont pour longueur 16 : à 17 mill. 3, et pour largeur 13 3 à 14 mill.
Les petits naissent au seizième jour de l’incuba- tion, revêtus d’un duvet assez rare, maïs long et très-mollet. Leurs parents les nourrissent d’abord
DE LA SAVOIE. 155 avec de petites chenilles sans poils, avec des fruits, des larves, des chrysalides et desinsectes très-mous ; mais aussitôt qu'ils les jugent capables de supporter des aliments plus confortatifs, ils leur dégorgent dans le bec, comme la plupart de leurs congénères, de très-petites graines de plantes, converties dans l’es- tomac en une sorte de pâte. [Il faut que l’attache- ment qu'ils ont pour leur progéniture soit grand, puisqu'ils n'ont pas plutôt aperçu quelqu'un près de l’arbre qui la possède, qu'ils se précipitent au- devant de lui tous deux à la fois, et criaillent de toutes leurs forces ; ils voltigent autour de cet ennemi en battant des ailes; ils descendent même à terre devant lui, ets’y trainent sur leurs ailes pendantes, feignant alors d’être grièvement blessés ; sans doute pour se faire poursuivre et pour chercher, au moyen de cette ruse, à détourner de leur nichée le ravisseur. Mais si elle est en état de voler, ils viennent dans le nid avant lui, et la font fuir. Un ou deux des petits chancellent-ils en se sauvant, le mâle et la femelle accourent, et passant à côté ou au-dessous d’eux, comme pour les supporter, ils leur donnent simul- tanément un coup d’aile brusque, qui les met en équilibre et les fait voler un peu plus loin.
Après l’éducation, les petits du Pinson vivent tantôt isolés, tantôt par deux à quatre ensemble et même davantage. Leurs parents, en général, con- tinuent à vivre appariés dans le canton de leurs
2 +
156 ORNITHOLOGIE amours ; mais sur la fin de l’été, ils commencent à se réunir par bandes avec les jeunes de l’année ; c'est alors que ces oiseaux sortent des bois, se rapprochent des champs, principalement des chè- nevières, où souvent ils cherchent leur vie avec les Verdiers, les Chardonnerets et les Serins. Tous les soirs ils retournent dans les bois, et se cachent pour dormir dans des cavités d'arbres ou des touffes de feuilles très-épaisses. Après les récoltes, ils se ré- pandent dans le voisinage des maisons; on les y rencontre souvent mêlés aux Bruants et aux Moi- neaux, vivant en commun dans les haiïes, les vi- gnes, les broussailles et dans les jachères; ils trouvent encore facilement dans ces lieux des grains, des baies et des fruits pour leur nourriture. Quand la neige envahit ces postes, les Pinsons se retirent plus particulièrement auprès des villages, des fermes et des basses cours, où ils vivent parmi les Pigeons, les Poules et les Canards. Néanmoins plusieurs vont de temps en temps le long des routes fouiller les fientes des animaux, dans lesquelles ils trouvent en effet quelques grains non digérés, qu’ils dévorent; quelques-uns viennent se montrer jusque dans les villes, au milieu des rues, dans les cours et les jardins. Beaucoup de gens profitent alors des misères de ces volatiles pour leur tendre différents piéges garnis d’appât ; et ces petits af- famés de s’y empêtrer sans défiance.
DE LA SAVOIE. 157
Les Pinsons seraient bien plus communs qu'ils ne le sont en Suisse et en Savoie pendant l'hiver, si plusieurs d’entre eux ne se livraient pas, aux pre- miers frimas d'octobre, lorsque d’autres, venant du Nord, traversent déjà ces pays, à des migrations annuelles vers les régions méridionales et très- tempérées de l’Europe. Ce sont les femelles qui par- tent le plus de nos climats ; quelques jeunes mâles de l’année suivent bien leur exemple, mais ils émi- grent d'habitude quelques jours après elles : on ne voit effectivement guère que des mâles, vieux et adultes, pendant la mauvaise saison, auprès de nos habitations ou le long des routes, et fort peu de fe- melles. Ils partent de très-grand matin, soit deux ou trois ensemble, soit par bandes de cinq à douze sujets, et quelquefois associés avec les Bruants qui voyagent à la même époque. Jamais ils ne volent aussi serrés ni aussi vite que les Linottes, mais, comme elles, ils ne cessent de s’entr’appeler par leurs cris ordinaires : sthiuz, sthiuz, ou schieu, schieu, schieu, qu'ils font suivre par moments de leur cri éclatant : penck, pinck-pinck, ou chuin, chuin-chuïin. Une ou deux heures environ après le lever du soleil, ils se précipitent, en poussant de préférence ce cri, dans les grands bois qu'ils décou- vrent sur leur passage, s’y alimentent et s'y repo- sent; le soir, ils se rallient au moyen du même cri, prennent ensemble l'essor, volent encorc
RE ES
158 ORNITHOLOGIE
jusqu'à la nuit, qu'ils passent sur les arbres de haute futaie les plus touffus, et desquels ils s’enten- dent souvent appeler par leurs semblables. Pour- tant, si le temps est à la pluie, ils voyagent presque tout le jour, faisant çà et là quelques pauses mo- mentanées. La plupart de ces oiseaux repassent ensuite dès les premiers jours de mars dans nos contrées, et plusieurs y restent pour nicher.
Le Pinson est d’un naturel vif, et sa pétulance, jointe à sa belle humeur, à la gaieté de son chant presque continuel, a donné lieu au proverbe très- connu : gai comme un Painson. Ce chant, que l’on entend depuis les premiers beaux jours de la fin de février jusqu’au solstice d'été, se compose de sept à huit notes différentes en descendant, et d’une finale de deux outrois autres. Dansles forêts de nos Alpes, il est moins complet qu’en plaine et sur les collines adjacentes, et chaque coup de gosier est un peu rau- que. Le mâle à un autre cri pendant la belle saison, qu'il pousse principalement à la fin de la journée et dans les temps pluvieux : il est plaintif, monotone, ordinairement bref; quelquefois il imite presque le miaulement; c'est ce que l’on remarque sur- tout chez les sujets qui habitent les hautes mon- tagnes. En automne et pendant l'hiver, les deux sexes ont les mêmes cris (sthiuz, sthiuz, Slhiuz, et chuin, chuin-chuïn); ils les répètenit souvent et se servent particulièrement du dernier pour s’ap-
DE LA SAVOIE. 159 peler réciproquement, pour se grouper et se faire part de leurs craintes.
La vivacité, la gaieté et le chant du Pinson font qu’on l'élève, qu'on le garde en cage dans la plu- part des pays qu'il fréquente. Cependant son ra- mage, quoique éclatant, ne laisse pas d’importuner, par sa répélition fréquente, les personnes qui l’en- tendent de près. On a prétendu que le mâle ne chante jamais mieux que lorsqu'il est aveugle. C’est pourquoi l’on à imaginé, dans plusieurs cantons de là France et en Belgique, de le priver de la vue, mais après l’avoir toutefois accoutumé à prendre sa nourriture dans l'obscurité. On réunit pour cela les deux paupières et on cicatrise leurs bords avec un fil de métal rougi au feu. Cette barbarie n’est point en usage en Savoie, ou du moins le cas en est fort rare. Voici dans quels termes M. de Sélys-Long- champs s'exprime dans sa Faune belge, au sujet de cette habitude. « Le Pinson, dit-il, est l’oiseau de prédilection du peuple. Il n’y a presque pas de chaumière quine nourrisse au moins un Pinson. On les réunit les jours de fête sur les places publiques pour comparer leur chant, ce qui excite tellement leur émulation et leur jalousie que beaucoup d’entre eux s’égosillent et perdent leur voix sur-le-champ. Dans ce cas, leur impitoyable propriétaire les étrangle ordinairement séance tenante. Ce qu'on appelle un bon Pinson se vend souvent à ün prix
160 ORNITHOLOGIE
exorbitant. Il estfâcheux que l’on ait ici (en Belgique) la barbare et inutile habitude de priver de la vue les Pinsons et les Linottes, en soudant leurs pau- pières avec un fer rouge. »
143.—Fringille Pinson d’Ardennes /Fringilla Montifringilla.
Noms vulgaires : Pinson de Montagne, Choie, Choue. Le Pinson d’'Ardennes (Buff.).—Pinson de Montagne (Cuv.). — Fringille
d’Ardennes (Fringilla Montifringilla), Vieill.—Gros-Bec d’Ardennes (Frin- gilla Montifringilla), Temm.—Peppola (Savi).
Le mâle adulte de cette Fringille à 17 cent. de longueur. En livrée d'automne et d'hiver, il a le dessus de la tête, les joues, la nuque, les côtés du cou et le haut du dos, d’un noir presque nuancé de bleuâtre et lustré, avec chaque plume largement bordée ou frangée de roussâtre et de cendré, sui- vant les parties. Il est d’un roux orange sur la gorge, le devant du cou, la poitrine, les scapulaires et le haut des ailes; les trois premières parties por- tent également, à l’extrémité des plumes, un liséré roussâtre, à peine apparent. Sur chaque aile, l’on remarque une petite bande transversale du même roux orange, formée par le bout des grandes cou- vertures; puis une autre blanchâtre au-dessus, soit sur les tectrices moyennes. Les pennes alaires sont noires, avec un petit miroir blanc à l’origine des rémiges, à l'exception des trois extérieures qui sont entièrement de la première couleur, et frangées, ainsi que les suivantes, de blanc jaunâtre sur pres-
DE LA SAVOIE. 161
que la moitié de leur longueur. La queue aussi est noire, finement bordée à l'extérieur de blanchâtre ou d’un blanc jaunâtre, sauf les deux pennes laté- rales qui ont du blanc vers le centre et sur les bords. Cette couleur règne encore sur le croupion, le ventre et l’abdomen; les flancs sont mouchetés de noir sur un fond blanc roussâtre ou blanchâtre, suivant les sujets. Sur le pli de chaque aile, appa- raissent quelques plumes d’un jaune d’or; et les couvertures subalaires sont de même. Le bec est jaune, brun ou noirâtre seulement à la pointe. Les tarses sont d’un brun jaunâtre. L’iris est noirâtre.
Au printemps, les bordures roussâtres ou cen- drées que l’on trouve en hiver sur la tête, les joues, le cou et le dos, tombent peu à peu par l'effet de la mue ruptile, et laissent, pendant l’été, pur et brillant le noir bleuâtre de ces parties. Le roux orange du devant du cou et de la poitrine acquiert aussi, en perdant le liséré roussâtre du fin bout des plumes, plus de pureté et plus de vivacité. Le bec est alors d’un bleuâtre presque noir à la base, et d’un noir profond vers la pointe.
La femelle a 16 centim. de longueur. Elle porte au-dessus des yeux deux bandes noirâtres, qui en- cadrent le derrière du cou et descendent sur ses côtés. Elle est gris roussâtre sur la tête, sur les parties latérales du cou et sur le dos, mais d’une
teinte plus pâle sur le dessus du cou et sur les joues; PET, uit
162 ORNITHOLOGIE chaque plume de ces parties se trouve marquée de noirâtre au centre. Le roux orange du devant du cou, de la poitrine et des ailes est beaucoup plus clair que chez le mâle.
Les jeunes de l’année ressemblent à la femelle, jusqu’à leur première mue; après cette crise, les mâles sont revêtus de la livrée d'hiver des adultes et des vieux, décrite plus haut.
Cette espèce fournit, mais rarement en Sa- voie, des individus tout blancs ou d’un blanc jaunâtre, ou bien mouchetés de ces couleurs sur les teintes ordinaires du plumage. Je possède dans ma collection un mâle qui est d’un Jaune doré sur le croupion, et marqué de quelques coups de pin- ceau du même jaune sur le blanc du ventre : le reste de sa livrée est comme dans le type de l'espèce.
Le Pinson d’Ardennes se retire au printemps dans les régions du cercle arctique, où il est très-com- mun pendant l'été. Il y niche sur les pins et les sapins, dont il se sert spécialement de la longue mousse pour former son nid à l'extérieur; ensuite il recourt aux plumes, à la laine et au crin afin de le matelasser en dedans. Sa ponte se compose de 4 ou 5 œufs, que l’on dit semblables à ceux du Painson.
Il ne se reproduit jamais en Savoie ; il y passe chaque année, comme en France, sur la fin de l’au- tomne, et plusieurs individus y restent pendant
__ DE LA SAVOIE. 163 l'hiver. Je répare par là une erreur commise dans une note insérée à la page 46 de ma brochure de 1847 : il y est dit que le Pinson d’Ardennes niche dans les forêts de pins et de sapins de plusieurs montagnes du Faucigny. Je me suis assuré depuis que c’est simplement le Panson qui s’y propage : M. Coppier, ancien bibliothécaire de la ville d'Annecy, de qui je tenais cette note, s'était laissé induire en erreur en entendant chanter cet oiseau dans ces régions, où, comme dans d’au- tres encore plus élevées de notre territoire, sa voix est plus rauque et son chant moins complet que vers les pays de plaine.
Le passage des Pinsons d’Ardennes n’est pas toujours très-abondant chez nous. Ces oiseaux nous arrivent en eflet de certaines années par troupes formidables, tandis que d’autres, et d'habitude pen- dant 3, 4 ou 5 ans consécutifs, nous n’en voyons que quelques bandes de loin en loin, qui se trou- vent encore fréquemment confondues avec des volées de Pinsons et de Bruants. C’est principale- ment dans les saisons abondantes en neige ou en frimas que leur espèce est très-commune ; les hi1- vers doux ne nous l’amènent qu’en petite quantité,
Les premiers Pinsons d’Ardennes se montrent, aux environs de Chambéry, dès le 5 ou le 410 oc- tobre ; ils sont alors habituellement solitaires ou à la suite de quelque volée de Fringilles, et assez ra-
164 ORNITHOLOGIE
rement par bandes. Vers le 15 ou le 20 de ce mois, ils commencent par passer en sociétés plus ou moins nombreuses; mais c’est encore plus tard, et particulièrement depuis le 30 octobre et dans tout le mois de novembre, qu'ils sont le plus communé- ment répandus dans notre pays. On les observe sur- tout dans les champs des coteaux circonvoisins des bois de châtaigniers, de chênes et de hêtres, dans les sarrasins, dans les vignes remplies de panics, où ils dévorent les graines. Leurs bandes volent ser- rées ; elles sont composées indistinctement de mâles et de femelles : ces dernières sont néanmoins en plus petit nombre.
En voyageant, ces oiseaux ont deux cris d’appel : l’un qui s'approche de celui de la Soulcie et qui imile un peu le miaulement; l’autre plus doux, plus bref, mais monotone; par ce dernier cri, ils semblent prononcer les mots : feu, teu, teu, leu : c’est celui qu'ils poussent le plus souvent quand ils volent et s'apprêtent à partir du bois. Ils se serrent toujours en se posant soit à terre, soit sur les arbres dont ils choisissent les sommités; puis ils en partent tous à la fois comme d’une seule impul- sion, ou bien par plusieurs pelotons l’un après l’autre, qui se suivent cependant de près et vont tous du même côté que le premier qui prit l'essor.
En cherchant des aliments dans les champs, les Pinsons d’Ardennes font souvent à peu près la ma-
DE LA SAVOIE. 165 nœuvre des Pigeons, qui quêtent leur pâture : à peine quelques sujets du centre d’une troupe se lèvent-ils pour aller se poser à la tête, que leurs semblables, qui sont après, suivent cet exemple et viennent successivement s’abattre devant eux; mais aussitôt ils se relèvent en se voyant devancer, et vont encore se replacer au premier rang ; en sorte qu'il se fait parmi eux un remuement continuel, au point qu’on les voit parcourir en un moment tout un champ d’un bout à l’autre. Arrivés à son extrémité, souvent ils retournent sur leurs traces en exécutant le même genre d'exercice ; alors ceux qui tenaient la tête de la bande se trouvent à la queue, mais ils se hâtent de regagner le premier rang ; les autres veulent l’occuper à leur tour, et immédiatement après ils se donnent tous plus que jamais du mou- vement, Quoiqu’ils soient ordinairement réunis en troupes considérables, ils ne sont guère farouches, ils se laissent approcher aisément; c’est ce qui fait que d’un seul coup de fusil, on en abat souvent une grande quantité. | Il est aussi difficile de déterminer le temps que ces oiseaux restent chez nous que la période de leur arrivée ou celle de leurs passages annuels; ce sont, du reste, les intempéries de la saison qui en règlent le mode et la durée. Souvent ils ne fréquentent nos climats que pour quelques jours, et disparaissent presque tous avant le mois de décembre. Quelque-
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fois, surtout quand la neige tombe, ils ne font qu'y passer sans presque s'arrêter, se dirigeant vers d’autres contrées de l'Europe. D’autres fois, on en rencontre encore vers le milieu de décembre de nombreuses volées. Mais ils nous quittent d’habi- tude en grande partie avant le fort de l'hiver. Les individus qui restent alors ici se joignent à d’autres Fringilles, et vont avec eux à la quête de leur nour- riture, Ils aiment beaucoup les faines; aussi, ont-ils soin de s’abattre fréquemment dans les bois de hé- tres qui leur en fournissent le plus; ils y passent souvent tout le jour à manger, et s’y blottissent à l'approche de la nuit dans une touffe de feuilles sèches pour dormir. Les graines de sarrasin (blé noir) et de chanvre perdues dans les champs ou les jardins, les semences du sapin, du charme et du tilleul, les bourgeons d'arbres fruitiers, notamment des pommiers, des cerisiers, des amandiers et des pruniers, servent aussi à les nourrir pendant cette triste saison.
Le Pinson d’Ardennes tombe plus facilement dans les filets quele Pinson, mais il est par moments très- capricieux. Il y en passe effectivement de cer- tains jours des volées qui se succèdent toutes les unes aux autres, sans que l’on réussisse, malgré toutes les précautions d'usage, à en attirer une seule dans ses filets, tandis que d’autres fois l'oi-
DE LA SAVOIE. 167 portées à s’y empêtrer : les rappeler, fermer sur elles les filets et les massacrer sans pitié, sont alors ses seules occupations de toute une matinée. Il pa- raît qu’elles y tombent de préférence les jours où le pays est plein de frimas ou de brouillards : elles volent bas dans ces journées, ce qui les met mieux à la portée d'entendre l’appeau et d’apercevoir les danseurs. L’habitude qu’elles ont de se serrer en se posant, fait que l'on en prend parfois d’un seul coup de filet des troupes de deux à trois cents individus.
Leur chasse se fait ici d'habitude à l’arbre, c’est- à-dire au pied d’un gros arbre ou de quelques tail- lis qui se dressent au milieu ou sur les bords d’un champ; elle exige beaucoup de soin et de pré- caution. Pour tendre les filets, l’on doit autant qu'il est possible choisir un champ de leur lar- geur, un champ surtout qui aura été ensemencé de sarrasin , dont ces oiseaux sont si friands. Il est indispensable de se tenir caché sous quelques petits branchages réunis en forme de cahutte, et de ne point se remuer à l’arrivée de chaque volée. Il faut surtout se garder d’apporter avec soi, pour danseurs ou pour appeaux, d’autres vo- latiles que ceux dont on veut chasser l'espèce ; car si l’ontient dans les filets par exemple des Pinsons ou des Bruants, qui ne cessent de crier à chaque oiseau qu’ils voient ou entendent passer, l’on ne réussira jamais à prendre beaucoup de
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Pinsons d’Ardennes. Plusieurs oiseleurs coupent en outre le bout des grandes pennes alaires à quel- ques-uns des danseurs, pour qu’ils ne fassent pas autant de bruit en se débattant ou en s’élevant spon- tanément.
Le Pinson d’Ardennes repasse quelquefois dans nos contrées sur la fin de février ou dans les pre- miers jours de mars, et particulièrement à l’époque des dernières gelées ; mais il n’y est jamais aussi commun qu'à ses premiers passages. Les petites bandes qui nous visitent alors viennent d’hiverner dans les pays du centre de l’Europe et retournent dans leur quartier d'été. Quelques sujets, toujours rares, restent encore dans nos bois jusqu’en avril ; l’on en voit même vers le 10 ou le 15 de ce mois dans nos régions montagneuses, et ceux-là sont presque entièrement revêtus de leur livrée d’été.
Cette Fringille est plus vorace que le Pinson ; mais, en revanche, elle paraît moins farouche. Elle s’accoutume bientôt à l’état de captivité, pourvu qu'on lui donne abondamment des vivres. Son chant est faible; il consiste en une espèce de ga- zouillement, qu'on n’entend guère que de près. En cage, elle dort fort peu et se met à sauter dès qu'on entre avec de la lumière dans le lieu où on la tient de nuit. Quand la lune éclaire, si elle est exposée à sa lueur, elle s’agite encore presque toute la nuit, comme s’il était jour. Renferme-t-on ensemble deux
DE LA SAVOIE. 169 ou trois individus, ils ne cessent à peu près de se que- reller, surtout s'ils sont du même sexe, et de se don- ner des coups de bec aussi bien la nuit que le jour.
En liberté, cet oiseau est aussi de moment en mo- ment hargneux et querelleur. Quand on l’observe en troupe, soit à terre pendant qu'il y cherche sa vie, soit en repos sur les arbres, on le voit souvent frapper du bec ses plus proches voisins, qui se mettent aussitôt à crier. En passant sous les grands arbres qu’il couvre parfois de ses bandes, l’on en- tend fréquemment un bruit assourdissant, comme de nombreuses gouttes de pluie mêlées de petits gré- lons qui tombent sur les feuilles; c’est en se mena- çant, en faisant craquer le bec plusieurs à la fois, puis en se becquetant tour à tour, que ces oiseaux font cette espèce de chamaillis ou de tintamarre.
444.—Fringille Niverolle /Fringilla Nivalis).
Noms vulgaires : Moineau ou Pinson Blanc; au Mont-Cenis : Aïpin; aux environs de Saint-Jean-de-Maurienne : Rocheran, le Blauc ou Blanc de Mon- tagne.
Le Pinson de Neige ou la Niverolle (Buff.).—Le Pinson de Neige ou Nive- rolle (Cuv.).—Fringille Niverolle (Fringilla Nivalis), Vieill.—Gros-Bec Nive- rolle (Fringilla Nivalis), Temm.
170 ORNITHOLOGIE habitudes et son plumage avec le Plectrophane de Neige, n° 159, des naturalistes en font un genre séparé des Fringilles ou Gros-Becs.
Le mâle, en livrée d'été, est cendré très-foncé sur la tête et le dessus du cou; de chaque côté du front, il porte ordinairement une tache blanchätre, oblongue et plus ou moins prononcée. Il a le dos, les scapulaires, quelques pennes secondaires de l’aile, les plus rapprochées du dos, et le croupion, d’un brun foncé au centre des plumes et d’un brun plus clair sur les bords; les autres pennes secon- daires, les tectrices supérieures et inférieures de chaque aile sont d’un beau blanc pur. Les couver- tures supérieures de la queue sont : les unes blan- ches, les autres noires, ou moitié blanches moitié noires. La queue est aussi blanche, à l’exception des deux rectrices intermédiaires qui, comme les rémiges, sont noires, et très-finement lisérées de gris ; les autres n’ont qu'un peu de noir au bout, et d'habitude la plus ou les deux plus latérales de chaque côté se trouvent entièrement blanches. Le noir domine encore sous la gorge ; mais il n’est pas rare que quelques plumes y conservent du plumage d'hiver une petite frange blanche à leur extrémité. Un blanc plus ou moins pur, suivant l’âge des sujets, ordinairement nuancé de cendré sur les côtés de la poitrine surtout, couvre les autres par- ties inférieures du corps; l’on remarque seulement
PDP ANS ANOTE: 171
au bout des plus grandes couvertures sous-caudales, une tache noirâtre ou brune. Le bec est noir ; l'iris des yeux brun; les pieds sont noirâtres.
La femelle, en été, a le cendré de la tête un peu moins foncé que le mâle; sa gorge aussi est moins marquée de noir, et le dessous du corps est d’un blanc sale. Elle a le bec le plus souvent noirâtre, avec un peu de brun jaunâtre à la base de la man- dibule inférieure ; mais, dans un âge très-avancé, cet organe ne diffère point de celui du mâle. Au reste, elle ressemble à ce dernier.
Les deux sexes, en automne et pendant tout l'hiver, ont le bec jaune, avec un petit trait brun au bout de la mandibule supérieure ; les pieds noirs: la tête grise ; la gorge blanchâtre, noire seulement à l’origine ou au centre des plumes, ce qui fait sou- vent paraître cette partie noire, et très-mouchetée de blanc. Le dessous du corps est aussi blanchäâtre ; chez la femelle, il est comme lavé de roussâtre très-clair sur un fond blanc.
Les jeunes, au sortir du nid, ne diffèrent presque pas de la femelle en hiver. Leur bec est déjà jaune, mais d'un jaune pâle. Ils ont le bout des pennes de la queue sali de roussâtre, et les deux intermédiaires bordées du même; ils le sont aussi sur les pennes secondaires des ailes, dont les blan- ches, soit les plus proches des rémiges, sont mar- quées de noir le long des baguettes. Le gris de la
172 ORNITHOLOGIE tête paraît encore nuancé de roussâtre. Leurs tarses sont bruns.
Après la mue d'automne , ils ressemblent aux adultes en plumage d'hiver que je viens de décrire.
La Niverolle est sédentaire en Suisse et en Sa- voie. On ne l'y rencontre, pendant la belle saison, que dans les grandes chaïnes des plus hautes mon- tagnes, et particulièrement dans le voisinage des neiges éternelles : on la remarque surtout au Saint- Gothard, au Grand-Saint-Bernard, au Mont-Ce- nis, et dans les régions gypseuses des Alpes de la Maurienne. Elle y fait d'habitude deux couvées par an : une vers la mi-mai, une autre dans les pre- miers jours de juillet; et celle-ci a souvent lieu dans des régions encore plus élevées que la pre- mière, ordinairement autour des ceintures de neiges ou de glaces perpétuelles. La femelle tra- vaille toujours plus que le mâle à la confection du nid. C'est dans les trous de rocher ou de gypse qu’elle le pose; mais s’est-elle établie auprès de quelque habitation ou d’une masure, c’est dans les crevasses de leurs murs, dans les poutres creuses du toit, sous le chaume ou les pierres plates (lo- zes!) qui les recouvrent, qu’elle le bâtit. Tous les ans, au Mont-Cenis, plusieurs paires se repro- duisent dans les gypses qui sont en face de l'hôtel
DE LA SAVOIE. 173 de la Poste et longent les bords du lac, puis auprès des glaciers de Ronche, dans les murs des chalets, des refuges (regia casa di ricovero) qui bordent la route principale.
Le nid de la Niverolle est très-gros; il fait pres- que autant de volume que celui du Moineau Do- mestique. Beaucoup de pailles, d'herbes sèches et de racines de plantes le composent en dehors; les plumes, la bourre, le crin, la laine, et mème quel- ques petits morceaux d’étofle ou de drap, en gar- nissent l’intérieur. La femelle y dépose 5 ou 6 œufs à la première ponte, 4 ou à à la seconde : ils sont d’un blanc de lait, sans taches; quelquefois, ils paraissent comme salis par des causes étrangè-. res, et alors ils sont blanchâtres. Pour longueur, ils ont en moyenne 2 cent. 2 millim., sur 17 mil- lim. de largeur diamétrale. Pendant que la femelle s’adonne à l’incubation, le mâle lui apporte de temps à autre les aliments. Quitte-t-elle les œufs pour aller se récréer quelques instants avec les autres couveuses, ses semblables, du même can- ton, il l’accompagne et il revient souvent avec elle à la nichée.
Si le couple trouve quelque importun rôdant autour du nid, il pousse d’une voix gémissante de petits cris, qu’il précipite d'autant plus que le danger est imminent; il se pose au bout d’une pierre en face de son ennemi, se relève presque
174 ORNITHOLOGIE au même instant pour venir voltiger au-dessus de lui, en se désolant toujours.
Les petits naissent au dix-huitième jour de cou- vaison, vêtus d’un léger duvet blanchâtre, presque teinté de jaunâtre. Jusqu'à l'apparition des plumes, ils sont nourris avec de petits insectes mous, avec des vers, des chenilles, des feuilles ou des sommités de plantes alpines que leurs auteurs broient avant la distribution; plus tard, ils reçoi- vent de petites graines ou des boutons de plantes plus ou moins triturés. C’est en considérant atten- tivement au Mont-Cenis de jeunes Niverolles dans le nid, que je suis venu à bout de découvrir ce mode d'alimentation.
Aussitôt capables de voler, les petits sortent de leur première demeure, et suivent leurs parents qui les emmènent dans quelque lieu retiré pour achever leur éducation. Ceux-ci s’acquittent de ce devoir en moins de quinze jours, puis ils laissent leur famille afin d’aller dans des régions encore plus élevées, se livrer de nouveau à l’acte de la repro- duction. Les jeunes alors restent ensemble dans les broussailles, dans les lieux humides ou marécageux, dans les rocailles hérissées çà et là de quelques buissons, et le long des ruisseaux; ils y forment quelquefois, en se réunissant plusieurs nichées, des troupes nombreuses. Les vers, les insectes, les larves, les chrysalides, les semences des pins et des
DE LA SAVOIE. 175
sapins, les graines, les feuilles et les boutons qui enveloppent les fleurs de plusieurs sortes de plan- tes odoriféranies, surtout de génépi et de serpolet, enfin les petits fruits sauvages, composent dans ces localités presque toute leur nourriture.
À la fin d'août, les Niverolles viennent avec leur dernière nichée s'associer aux bandes des jeunes de la première ; c’est depuis lors qu’on les remarque le plus par grandes volées qui se laissent d'habitude aborder très-aisément.
Occupées à se nourrir presque tout le jour à terre ou parmi les pierres, elles sautillent d’une pierre ou d’une petite éminence à l’autre en s’en- ir’appelant ; aussitôt elles en descendent, se remet- tent à courir avec vitesse et pêle-mêle à la quête des aliments. À chaque crainte qui les saisit, elles se lèvent toutes à la fois brusquement, voltigent ser- rées autour du lieu d’où elles ont pris l'essor, et s’y reposent quelques instants après, en se serrant en- core et se rappelant. En examinant de loin dans les régions neigeuses ces oiseaux à ailes larges et blan- ches voleter en troupe confuse autour de quelque monticule, on croirait voir de gros et nombreux flocons de neige que le vent emporte et qui tourbil- lonnentensemble. Dans les beaux jours d'août, c’est toujours avec un nouveau plaisir qu’on les voit par- courir avec vivacité, seuls ou mêlés avec les Accen- teurs des Alpes, les espaces où la neige est restée,
176 ORNITHOLOGIE
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recueillir à la course les insectes, les semences que le vent y apporte, et qu’ils découvrent plus facilement qu'ailleurs. S’arrêtent-ils un instant sur une éminence, c’est pour remuer insensiblement des ailes et secouer de haut en bas la queue à plu- sieurs reprises en làâchant un cri assez fort, par lequel ils semblent exprimer : puatt, puitt ou pitt, pitt. Quand ils pressentent une tempête dans les Alpes, ils s’agitent, ils piaillent plus que jamais; ils se retirent quelque moment avant qu'elle éclate dans les localités les plus abritées du vent : d’ha- bitude ils gagnent les anfractuosités des rochers, les crevasses des vieux murs, ou bien le fond des entonnoirs ‘, selon les lieux qu’ils habitent. Pendant l'orage, on les y voit tout ébouriffés, blottis dans des creux ; mais aussitôt qu’il se calme, ils se met- tent à s'appeler, ils se groupent et retournent à leur séjour de prédilection.
Dès que les neiges envahissent les sommités des Alpes, les Niverolles descendent dans des régions plus basses. Si elles tombent en plein pays, elles arrivent jusqu’au pied des montagnes, ou bien elles restent à la cime des collines ; c’est alors que plu- sieurs de leurs troupes viennent des Alpes de la Maurienne et de la Tarentaise s'établir, pour le plus fort de l’hiver, à la base des monts des envi-
D'EVLA SAVOIE. 177
rons de Chambéry. Les neiges de décembre et de janvier en amènent chaque année quelques compagnies dans les collines pierreuses d’Apre- mont, de Saint-Baldoph, de Mont-Basin au pied du Nivolet, de Vimines, de Saint-Sulpice, etc., etc. Les graines de diverses plantes, les petits fruits secs, les baies et les boutons de buissons, les alimentent en ces lieux; elles les cherchent à terre ou parmi les taillis, en courant çà et là à petits pas comme des Alouettes. En s’arrêtant dans quelque endroit, elles ont toujours l'habitude de s’y serrer, et à peine posées, elles se mettent en mar- che toutes ensemble pour trouver les vivres ; c'est ce qui fait que l’on en abat souvent plusieurs sujets d’un seul coup de fusil. À la détonation, les survivants s’élancent brusquement et voltigent parfois autour de leurs compagnons qui tombent morts ou blessés ; alors on peut faire essuyer à la bande un second coup de feu qui abat quelquefois presque autant de sujets que le premier. Dans les jours de froid vif, ces oiseaux viennent, surtout le matin, se montrer en plaine dans les champs ; mais aussitôt que le froid devient moins violent, ils re- gagnent les monticules. Quand ils se trouvent réunis en grand nombre, soit en l’air soit sur le sol, ils ba- billent tant par moments, qu’ils font en poussant, les uns des cris graves et monotones, les autres des cris aigus et plaintifs, un bruit des plus assourdissants,
T. JIL, 12
On remarque des Niverolles pendant tout l'hiver dans la Haute-Maurienne et au Mont-Cenis, mais principalement autour des fermes et des écuries, et le long des routes les plus fréquentées. Pour pou- voir y vivre, ils recourent à tout ce qu'ils aper- çoivent sur la neige ; ils éparpillent le crottin plu- sieurs ensemble, et se disputent les grains qui n’ont point été digérés. On les attire jusque dans les maisons en leur montrant des aliments. Pour les prendre alors, tous les piéges sont bons. On les enivre auprès des habitations avec des grains trem- pés dans de l’eau-de-vie, et alors on les prend pres- que toujours avec la main. Au Mont-Cenis, on leur tend des trappes sur la neige, où pour appât l’on met un morceau d’étoffe rouge, qu’ils se plaisent à venir becqueter.
La Fringille Niverolle regagne par troupes les Alpes à mesure que les neiges y disparaissent ; elle se tient sur leurs limites, et monte peu à peu chaque jour jusqu'aux régions qu'elle choisit d'habitude pour nicher. Elle est d’un naturel très-doux et très- portée à la domesticité ; elle s'attache même à la personne qui la soigne. On l’habitue à venir man- ger sur table, à ramasser les miettes qui en tombent. Tout lui convient pour sa nourriture : pain, viande crue et cuite, fruits, vers, grains et insectes. Elle dort fort peu la nuit, car on l'entend fréquemment sauter dans sa cage, surtout lorsque
DE, LA SAVOIE. 179 la lune éclaire le lieu où on la retire. Cette in- somnie s'explique sans doute par l'habitude qu’a cet oiseau de vivre pendant tout l’été sur les som- mités des Alpes, où il y à peu de nuit durant cette saison. Sa chair est un manger excellent ; elle est parfois parfumée du goût des plantes odoriférantes des montagnes, dont cet oiseau fait, en automne surtout, une forte consommation et des semences et du bout des feuilles ou des fleurs. Son vol est irré- gulier, comme du reste chez les oiseaux à grandes ailes comme lui, sa démarche est presque tou- jours accélérée. Le mâle n’a pas de chant à lui particulier pendant l'été; il n’a que son cri ordinaire qui est fort et souvent sifflé en partie, ainsi que le bruissement assez prolongé qu'il fait le plus en- tendre dans ses moments de crainte et durant l’édu- cation des petits. La femelle à les mêmes cris que le mâle. |
Troisième Section, LATICONES /LATICONT|.
Signes caractéristiques : Bec fort, gros, quelquefois presque aussi épais à la base que la tête, plus ou moins rentré sur les côtés, pointu ou obtus et épais à la pointe. Ailes courtes. Corps ramassé et robuste.
Comme les deux précédentes, cette section
renferme cinq espèces de Fringilles dans nos cli- mais.
PTT nice
180 ORNITHOLOGIE
145.—Xringille Moineau /Fringilla Domestica).
Noms vulgaires : Moineau, Moinôl, Passereau, Passeraz, Moineau de Mu- raille, Pierrôt.
Monen Denet ane (Purvte Ponehie Cu — one escale ne D ee ner
Cette Fringille est la plus connue de toutes ; elle ne se trouve du reste que dans le voisinage de l'homme. Elle a 14 cent. de longueur.
Le mâle diffère beaucoup de la femelle. En été, il est noir sur le lorum ou le petit espace situé entre le bec et l’œ1l, ainsi que sur le tour des yeux, la gorge, le devant du cou et le milieu du haut de la poitrine : il porte néanmoins, à l'extrémité des plumes de cette dernière partie, une bordure blan- châtre. Il a le dessus de la tête, l’occiput et les joues, d’un cendré plus ou moins foncé, suivant l’âge. De derrière les yeux part une large bande de couleur marron, qui descend sur l’oreille et s’étend sur le dessus du cou. La même couleur, assez souvent plus ou moins nuancée de roux chez les adultes, règne encore sur le haut du dos et sur les petites couvertures alaires ; mais le noir occupe le centre des plumes de la première de ces deux par- ties. Le croupion est gris brun. Le dessous du corps, de même que les côtés de la gorge, est d’un blanc teinté de cendré, et lavé de gris brun sur les flancs. Les ailes, que traverse une bande blanche dans
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux.
Lath J'Perrin Libr.E dit Chambery. J, Werner del.& Lith. j
1 Fringille Moineau, 722% en été: 260 nat PAG. — 9-4 Gui de l'espece;er.nat. 5 F ringille à Tête Marron, 2224 en cle : 7% 12 nat PA 6-8 Zufs de lesp;gr. Anal . 9 Fringille lriquet, 744 adulte, 15,97 nat; PASSA) ZA de lesp.; grnat 15 lringille Soulcie,mede; 5 gr nat: 0.— AG Z24 de despece; gr. nat.
DE LA SAVOIE. 181 leur partie supérieure, sont noirâtres et bordées de roux. Les pennes caudales sont aussi noirâtres, avec une petite frange roussâtre. Le bec est noir; l'iris brun ; les tarses sont brunâtres.
À la mue de la fin de l’été, les mâles prennent, sur chaque plume noire de la gorge et du devant du cou, un liséré blanchâtre, qui s’use à l’approche du printemps, par l'effet de la mue ruptile; le cen- dré du dessus de la tête se change presque en gris; le bec devient noirâtre sur la mandibule supérieure, et brun ou brunâtre sur l’inférieure.
La femelle est d’un cendré brun sur le dessus de la tête et à l’occiput ; d’un brun roux sur le dos, avec des taches oblongues noires dans le milieu des plumes ; d’un gris blanchâtre sur la gorge et le de- vant du cou, où le mâle est noir ; d’un blanc sale, à peine lavé de roussâtre, sur les autres parties infé- rieures. Son bec est brun. Ses pieds sont brunâtres.
Les jeunes, au sortir du nid, ressemblent beau- coup à la femelle, telle qu’elle vient d’être décrite, sauf par le bec qui est presque couleur de chair, et par leurs pieds livides.
Après la première mue, les jeunes mâles ont pres- que les mêmes nuances que les vieux en livrée d’hi- ver. Leur dos est roux, avec du noir au centre des plumes; le marron du dessus du cou est liséré de gris à l'extrémité des plumes ; le noir de la gorge et du devant du cou est plus largement bordé de
182 ORNITHOLOGIE blanchâtre que chez ces derniers. Au reste, ils leur ressemblent.
Les Moineaux sont sujets à plusieurs variétés accidentelles. On en trouve de tout blancs, avec le bec noir ou couleur de chair, et avec l'iris rou- geûtre; ils deviennent aussi d’une couleur isa- belle ou café au lait; mais alors le noir, le marron et le brun de la livrée ordinaire se trouvent souvent indiqués par des teintes plus foncées que celle qui tient lieu du cendré, du gris et du blanchâtre. Je possède un mâle, capturé en décembre 1848, aux environs de Chambéry, qui est d’un isabelle clair, avec la gorge, les tempes, quelques plumes du dos et les petites couvertures alaires, d’un isabelle inclinant au rougeâtre. Son bec est couleur de chair; ses tarses sont livides.
Le Moineau habite spécialement le centre et le nord de l’Europe. Il est rare en Italie et dans plu- sieurs autres contrées méridionales, où la Fringille à Tête Marron (Fringilla Ttahæ, Vieill.) ou le Gros-Bec Cisalpin (Fringilla Cisalpina, Temm.) le remplace. En Savoie il est très-commun , et on cesse de le rencontrer seulement dans les régions où l’on ne cultive pas les grains qui servent le plus à sa pâture. Îl devient néanmoins de plus en plus rare dans la Haute-Maurienne, depuis Saint-Michel jusqu’à la pente méridionale du Mont-Cenis ; on le
A
voyait encore pendant la belle saison à Lans-le-
DE LA SAVOIE. 183
Bourg, il y a quelques années ; mais c’est en vain qu'on l’y cherche aujourd’hui. On prétend que ce sont les Martinets de Murailles (vulgairement Pives) qui sont parvenus à l’en chasser, ces der- niers s’emparant de son nid, et dévorant les œufs ou les petits à peine éclos !, Ces oiseaux viennent en réalité de nos jours, à chaque été, dans cette localité pour s’y reproduire sous les toits des plus hautes maisons, et dans les mêmes cavités qu’occupait le Moineau, avant son éloignement de ces lieux. Je les y ai vus en assez grande quan- tité en juillet 4851 et 1852; on m'’assurait alors que le Moineau n'existait déjà plus à Bramans, et qu'à Modane l’on n’en comptait plus que deux ou trois couples autour du clocher seulement,
Le Moineause plaît au sein des villes et des villages, danslesamas de maisons habitées, auprès desbasses- cours et des colombiers, ainsi que dans les champs qui lesavoisinent; il n’est que passager dans les bois ou les forêts, dans celles surtout des montagnes où on ne le voit que parfois pendant ses excursions d'automne. C’est vers la mi-mars qu'il commence à s’apparier en Savoie. Rien de plus curieux que de voir alors plusieurs mâles faire la roue en piaillant autour d’une femelle, avec la tête légèrement re- courbée en arrière, les ailes trainantes et presque
184 ORNITHOLOGIE entr'ouverles, la queue relevée et étalée en éventail ; puis se disputer entre eux cette compa- gne avec acharnement, se poursuivre avec une extrême vitesse, se becqueter jusqu'à s’arracher des plumes et jusqu’à se faire crier. A la fin de la rixe, souvent l’on remarque que celui auquel la femelle donne la préférence, est obligé, pour se défendre alors, de parer lui seul tous les coups que les autres mâles jaloux et furieux lui portent tour à tour. Mais sort-il vainqueur de ce nouveau combat, il s'envole, il emmène avec lui celle qui l’a choisi, pour l’enlever du milieu de ces concurrents. Dès lors, il reste toujours à ses côtés, la suivant pas à pas etla protégeant contre les mâles qui veulent par moments lui faire la cour. Ils sont si ardents dans leur querelle d'amour, qu’en se battant, ils se lais- sent souvent surprendre par les enfants, qui les séparent en leur lançant des pierres : l’on en voit même quelquefois qui se jettent, en se poursuivant, dans des chambres, dans des boutiques ouvertes devant eux, et qui continuent à s’y battre, comme s’ils étaient en plein air.
C’est à la fin de mars ou dans les premiers jours
DE LA SAVOTE. 185
toits, mais encore dans l’épais feuillage des plus grands arbres, et dans leurs cavités naturelles ; quelquefois il le façonne dans les vieux nids de Pies. Pendant la nidification, le mâle, qui est très- lascif, s’approche fréquemment le jour de sa fe- melle, et toujours avec la même ardeur : des ob- servateurs assurent qu'il réitère cet acte jusqu’à quinze ou vingt fois par jour.
Le mâle et la femelle travaillent de concert au nid, et le construisent de deux manières : sur les arbres, ils lui donnent la forme d’une grosse boule, munie d’une cavité intérieure, mise en communi- cation avec l’extérieur, au moyen d’une petite ou- verture arrondie, servant au passage de l'oiseau. Dans les fentes de murs, dans les pots et les cavités d'arbres, ils le font souvent comme leurs congé- nères, c’est-à-dire en forme demi-sphérique et creuse dans le milieu. C’est principalement la paille, le foin, les feuilles sèches, celles de platane surtout, qu’ils emploient pour composer le dehors de cegîte; ils réservent les plumes, la laine, la bourre, les mor- ceaux de linge, de fil, etc., pour en tapisser le de- dans ; on y trouve parfois jusqu’à des petits pelotons de laine, de soie ou de coton, que le couple enlève autour des maisons où on lui donne l'hospitalité. La femelle, qui fait deux ou trois pontes par an, y dépose 5 à 7 œufs très-variables dans leur longueur et leur largeur, de même que dans les couleurs; ils sont
186 ORNITHOLOGIE
d’un blanc pur ou d’un blanc terne, avec des taches grises ou céndrées, mêlées à plusieurs autres d’un brun plus où moins foncé, ou presque noifes ; sou— vent elles sont assez rapprochées pour se confondre entre elles sur la grosse extrémité. En moyenne, les œufs ont 20 à 21 mill, de long, sur 15 ou 16 mill. de diamètre. Pendant l’incubation qui dure 16 jours, le mâle, soit que sa compagne s’y livre soit qu’elle laisse momentanément la couvée pour aller se cher- cher des vivres , se poste à l’entrée où fort près du nid. Ine cesse d'y piailler tant qu’il voit rôder alen- tour d’autres paires de Moineaux ou des Martinets qui se cherchent des refuges. À chaque fois qu’ils se présentent à sa demeure pour l’occuper ou en dérober quelques matériaux, afin d’en former aussi le berceau de leur progéniture, il se précipite sur eux avec fureur, les frappe du bec, les terrasse quelquefois ou les poursuit à outrance jusqu’à l’ex- trémité de son canton; puis il revient faire senti- nelle auprès de la nichée.
Les petits naissent nus, et sont d’uné couleur de chair rouge, surtout aux flancs. Pour les nourrir, le père etlamère vont tour à tour se gorger d'insectes, de chenilles, de vers, de larves, de grains d'orge et de froment moitié mûrs, de petits morceaux de fruits doux et pulpeux, et notamment de figues, de cerises et de mûres; ils reviennent chargés de leur butin, et le partagent dans le nid à la couvée. Cette
DENVA SAVOIE. 187
petite famille en sort toujours avant de manger seule ; elle $e hasarde, du reste, à l’abandonner le jour même où elle est en état de faire quelques pe- tits vols de distance en distance; puis elle est à peine élevée, que ses auteurs se remettent à nicher. Le couple retourne quelquefois au premier gîte; mais, comme il paraît craindre la vermine pour la seconde couvée qu’il Y va entreprendre, il l’ap- proprie et en renouvelle presque tous les matériaux, ou bien il le recouvre seulement de nouvelles ma- tières à l’intérieur. Dès qu'il y couve, il ne veut plus revoir ses premiers petits autour de ce nid ; il les en chasse lorsqu'il les y voit rôder aussi exacte- ment que les Martinets et leurs semblables trop effrontés. Tous ces jeunes se retirent alors dans les champs ensemencés, surtout dans les blés où ils causent aux agriculteurs des dommages souvent considérables ; ils ne semblent jamais rassasiés des grains d'orge, ni des grains de seigle et de froment ; du reste, à quelque heure de la journée que l’on abatte ces oiseaux, on leur trouve toujours dans le bec, la gorge ou le gosier, de fortes provisions de ces semences. Les propriétaires dressent bien dans leurs champs qu’ils voient envahis par ces bandes de petits iarrons sans cesse affamés, des haillons pour leur faire peur; mais cet épouvantail n’a guère d’effet sur elles que le premier et le second jour; le lendemain, on retrouve ces milliers de Moineaux-
188 ORNITHOLOGIE
éparpillés dans les mêmes champs, dont ils ne cessent de dévorer le grain jusqu’à la récolte. Ils s’y repaissent pendant toute la matinée; à l’appro- che de midi , si la chaleur est accablante , ils se jettent dans les bois, dans les taillis des alentours et les plus près de l’eau; ils s’y baignent alors jusqu’à trois fois par heure ; ensuite, ils regagnent les arbres les plus ombreux, où ils ne cessent de criailler et faire du vacarme. Le soir, vers trois ou quatre heures, ils retournent aux champs, qu’ils ne désertent qu’au coucher du soleil pour revenir dans les pépinières et sur les arbres de haute futaie, spécialement sur les marronniers, les pla- tanes et les tilleuls du voisinage, afin d'y passer la nuit tous ensemble.
Après les nichées terminées, les vieux Moineaux viennent souvent grossir ces troupes avec leur der- nière famille. Plusieurs sujets de tout âge restent pourtant dans les villes et les villages, qu'ils ne quittent plus : ceux-ci cherchent leur vie dans les rues, où ils enlèvent les mies de pain, les cerises jusqu’à l’entrée des boutiques, dans les cours, dans celles surtout où l’on. nourrit des poules et des pi- geons, sur les marchés, enfin dans tous les coins où se vendent les grains qu’ilsconvoitentsans cesse.
À peine les bandes qui habitent la campagne n'y trouvent-elles plus de champ de froment à dévaster, qu’elles se réfugient auprès des habitations. En y
DE LA SAVOIE. 189 arrivant, elles se dissolvent d'habitude et se répan- dent çà et là pour vivre en plus petit nombre: si elles y restaient en troupe, elles ne vivraient que difficilement, d'autant plus que leurs appétits sont très-forts. Quelques sociétés se livrent alors à des excursions vers les pays montagneux, où la maturité des grains est plus tardive ; elles y pillent les mois- sons, et aussitôt qu’on les leur enlève, elles descen- dent de ces hauteurs, le matin et le soir, se fixent dans les villes, les bourgs et les hameaux, dont elles ne s’éloignent jamais pendant l'hiver. Chaque année, au commencement d'octobre, quelques com- pagnies émigrent néanmoins vers d’autres climats; on les reconnaît aisément à leur vol élevé et rapide, ainsi qu'aux piaulements qu’elles ne cessent de ré- péter pendant le voyage, soit pour s’entr'appeler soit pour répondre à leurs semblables qui les appel- lent en les entendant passer.
Le Moineau s'élève très-bien et s’accommode très-volontiers à la domesticité ; c’est bien là sa seule bonne qualité. Sa voracité excessive, ses cris monotones ({ui, tuî, ou pioz, piou, piou), qu'il accompagne parfois d’un grincement précipité quand on l’inquiète, et le peu de goût qu’il a pour conserver son plumage propre en cage, où il se mouille à chaque instant et se frotte le corps contre les barreaux , comme pour se soulager de la ver- mine, le rendent souvent à charge à ceux qui pren-
I »-
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190 ORNITHOLOGIE
nent peine à le soigner. Le laisse-t-on errer libre dans la maison, il devient encore plus incommode; il salit les meubles, il se mâchure lui-même en écormiflant autour des marmites.
À l’état sauvage, il n’est pas moins une charge continuelle pour l’homme; aussi, dans plusieurs pays, met-on sa tête à prix : 1] mange ses premiers fruits, dévore ses récoltes et veut même partager, souvent malgré lui, son domicile. Impudent parasite, 1l le suit dans tous les lieux où il peut le nourrir ; mais partout il manque de reconnaissance à son égard, car à peine s’il daigne tourner la tête pour le voir passer, etpartoutilsait conserver son indépendance. Méfiant à l'excès et malin, il esquive les piéges qu’on lui tend le plus souvent pour se débarrasser de lui; si, dans les villes, l'approche de l’homme paraît ne point l’effrayer, c’est qu’il connaît la sécurité qu’on lui accorde; mais il n’en est pas de même dans les champs, où il se laisse difficilement aborder.
Nos oiseleurs capturent aisément avec leurs filets les jeunes Moineaux, quand, en juillet et août, ils sont seuls éparpillés ou en petites bandes dans les champs. Ils les y attirent par une ruse toute parti- culière : ils prennent des petits de leur espèce dans les nids, les enferment en cage et les posent dans le milieu des piéges, où ils les laissent endurer la faim pendant la chasse. Ces malheureux ne cessent alors de s'égosiller, et beaucoup de Moïneaux qui les en-
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tendent, viennent les y trouver, et se font prendre. Mais cette chasse ne dure jamais longtemps ; car aussitôt qu'après les nichées les vieux se rallient aux jeunes, ils les rendent aussi rusés qu’eux ; et alors il est presque impossible de pouvoir les tromper. Le Moineau se nourrit d'insectes, surtout de sau- terelles, de grosses mouches et de hannetons qu’il poursuit et attrape au vol, de vers, de larves, de chenilles, de chrysalides, d'araignées, de fruits, de baies, de grains et de semences d’arbres. Au prin- temps, il vit en outre de bourgeons de peuplier ; il aime surtout l’espèce de résine qui les enduit. En été, 1l dévore les sommités des maïs, les épis de blé en fleur, ainsi que leurs grains en état laïteux; ilen apporte aussi dans le nid de grosses becquées pour l'alimentation des petits. Durant l'hiver, il abonde avec les Pinsons et les Bruants dans le voisinage des maisons, parcourt les haies et les chemins, cherche sa vie jusque dans les égouts et les fientes. Il fré- quente aussi les marchés au blé, les basses-cours et les colombiers; posé sur les toits, les murs, les ché- neaux ou les piles de bois, il y attend le moment où l'on jette la nourriture aux poules, aux canards et aux pigeons, afin de venir la partager avec eux. Il a bien soin de s’y trouver tous les jours à la même heure ; aussi, de crainte de la manquer, ilne s'éloigne jamais de ces lieux ; il y passe la nuit dans les gale- tas, dans des poutres creuses, dans des cavités de
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murailles ; quelquefois il se réfugie dans les chemi- nées ou sur les arbres qui ont conservé quelques touffes de feuilles sèches. Pendant la belle saison, c’est principalement sur les arbres les plus épais de son canton, surtout les chênes, platanes, tilleuls et marronniers des promenades, que les Moineaux se donnent rendez-vous le soir; ils y arrivent de tous les côtés au coucher du soleil, y piaillent tous en- semble jusqu’à la nuit : il semble qu’ils choisissent cette heure pour plaider et vider leurs querelles de la journée.
N. B. M. Temminck dit, à la page 257 de la 9° édition de son Manuel d'Ornithologie, que le Gros-Bec Cisalpin (Fringilla Cisal- pina), qui est la Fringille à Téte Marron ou d'Italie (Fringilla Italiæ) de M. Vieillot, est établi et niche au Mont-Cenis. Je n'ai jamais réussi à l’y rencontrer, pas même au sommet de la pente méri- dionale, malgré mes nombreuses excursions dans ces lieux en juin et en juillet; on n’y connaît pas d’autre Moineau que la Frin- gille Niverolle, nommée vulgairement Moineau Blanc et Alpin. Cependant on le trouve aux environs de Suze et de Turin; c’est en cette considération que je vais en donner la description; elle pourra servir à faire reconnaître cette espèce de Moineau, si, d’un moment à l’autre, elle venait à se montrer au Mont-Cemis, et à s’avancer en deçà des Alpes. Elle voyage, du reste, chaque année en septembre et octobre, en même temps que plusieurs de nos Moineaux Domestiques, avec lesquels elle fait alors quel- quefois société.
Le mâle du Cisalpin est semblable à celui du Moineau par sa taille et la disposition de ses couleurs. La différence essentielle est dans le marron qui se dilate sur le dessus du cou, entoure seulement la tête du Moineau, en laissant un espace gris ou cendré sur le sommet de cette partie, tandis qu’il envahit totalement le vertex, l’'occiput et la nuque du Cisalpin. On remarque, en outre, que le noir de la poitrine occupe moins d'espace que chez le premier; etses parties inférieures sont lavées de teintes brunes, que l’on ne trouve pas sur le blanc ou le blanchätre des mêmes parties dans le Moineau Domestique.
DE’ LA SAVOIE. 193 La femelle du Cisalpin porte aussi des mèches brunes ou noi- râtres, peu distinctes, sur le blanc sale du devant du corps; ces taches n'existent pas chez la femelle de l’autre espèce. Elle a, en outre, les plumes du dos, les pennes alaires et caudales lisérées ou bordées d’isabelle ; mais elle lui ressemble par le reste du plumage. 146.—Kringilie Kriqueé /l'ringilla Montana). Noms vulgaires : Moineau de Saule, Passeraz dello S6zo. Le Friquet, le Hambouvreux (Buff.). — Le Friquet ou Moineau des Bois (Cuv.).—Fringille Friquet (Fringilla Montana), Vieill. — Gros-Bec Friquet
(Fringilla Montana), Temm.— Passera Mattagia (Savi).—Pyrgita Montana (Moineau Friquet), de S.-Longch.
On à imposé à cette Fringille le nom de Friquet, parce que, étant perchée, elle ne fait que se tour- ner de droite à gauche, que frétiller, hausser et baisser la queue d’un mouvement presque con- tinuel. En Savoie, on la romme Moineau de Saule, à cause de la préférence qu’elle donne aux saules, soit pour nicher soit pour s’assembler le jour et à l'approche de la nuit. Les Italiens l’appellent Pas- sera Mattagia, ce qui signifie Moineau Fou.
Sa taille est de 14 cent.
Le mâle adulte est d’un rouge baï sur le sommet de la tête, sur l’occiput et les petites couvertures des ailes; d’un noir pur sur les lorums, la gorge, le devant du cou et sur l’orifice des oreilles ; blanc aux tempes, aux joues et à la nuque où cette couleur dessine un demi-collier. Il à la poitrine et le ventre d’un blanc gris ; les plumes du haut du dos et les scapulaires moitié noires, moitié rousses; les pennes des ailes brun noirâtre, et bordées de roux ;
T. III. ka
191 ORNITHOLOGIE
le croupion d'un gris brun tirant sur le roux ; la queue d’un brun foncé, avec une bordure rous- sâtre à chaque penne. Sur les ailes, l’on remarque deux bandes transversales blanches, formées par le bout des couvertures. Le bec est noir ; l’iris brun ; les tarses d’un brun jaunâtre.
La femelle ne diffère point du mâle par la dis- position des couleurs ; mais elle a moins de noir sur la gorge et moins de blanc sur le demi-collier de la nuque ; les autres nuances sont partout seulement moins foncées que dans le mâle.
Les jeunes, en sortant du nid, ont les teintes plus claires que celles de la femelle adulte ; ils sont mélangés de gris sur le roux de la tête et du dos. On les distingue encore à la tache de la gorge et à celle des oreilles , qui se trouvent d’un noirâtre nuancé de gris, et fort peu étendues.
Après la mue, ils ne diffèrent point des adulies décrits plus haut.
Le Friquet est sujet aux mêmes variétés acciden- telles, blanches ou blanchâtres et isabelles, que le Moineau Domestique. En 1852, M. le marquis Costa de Beauregard fit don à la collection ornitholo- gique de la Société d'histoire naturelle de Savoie, d'un sujet magnifique, atteint d’albinisme complet,
On trouve cet oiseau dans tous les climats de l'Europe ; on l’observe jusqu’en Sibérie, en Laponie et au Japon. Il est sédentaire et communément
DE LA SAVOIE. 195 répandu en Savoie, notamment dans les pays de plaine ; il se plait beaucoup moins dans nos régions montagneuses.
C’est le long des haies implantées d’arbres, sur les peupliers, les noyers, les chênes et les saules des bords des routes, des rivières, des champs et des prairies, ainsi que sur les lisières des petits bois champêtres, qu’on découvre habituellement le Friquet. [l ne s'approche guère des maisons et des villes, si ce n’est durant l'hiver, lorsque la faim l'y amène : alors on le voit rôder autour des fermes, des granges et des colombiers, où souvent il se loge dansles trousdes vieux murs. [] niche dans les petits creux d'arbres, des saules surtout du voisi- nage des fossés, des marécages et des champs; quel- quefois ilse choisit à cette intention une cavité dans une masure et dans quelque vieille muraille de mé- tairie, entourées d'arbres ou très-proches d’un bois.
Les mâles sont moins ardents et moins jaloux en amour que ceux du Moineau Domestique , bien qu’ils se livrent aussi de fois à autre de petits com- bats très-animés pour la possession des femelles. Ils ne piaillent point comme eux en faisant la roue autour d'elles, mais ils s’y agitent par des mouve- ments courts et lascifs; puis ils les agacent avec de petits eris précipités ; 1ls les becquètent tendrement jusqu'à ce qu’ils obtiennent d'elles les mêmes gen- tillesses.
196 ORNITHOLOGIE
Le Friquet ne se met guère ici en devoir de tra- vailler à la confection du berceau de sa progéniture que dans les quinze premiers jours d'avril. On voit le mâle et la femelle qui transportent tour à tour dans leur cavité des herbes fines, de la paille, de petites racines fibreuses et des morceaux de feuilles sèches, dont ils forment le fond et le contour du nid ; ensuiteils les recouvrent en dedans de crin, de poils, de bourre , de plumes, de cheveux et de flo- cons de laine. C’est sur ce matelas que la femelle dépose 5 ou 6 œufs allongés, à coque le plus sou- vent luisante, et couverte de petites taches, assez irrégulières, d’un brun foncé ou d’un brun lie de vin, et si serrées, qu’elles laissent à peine eutrevoir le fond qui est blanchâtre ou d'un grisâtre clair. Ils ont 18-19 millim. de longueur, sur 43 ou 43 millim. : de largeur diamétrale.
Les petits éclosent dès le quinzième jour de l’in- cubation ; au dix-septième, ils sont tous dégagés de leur coquille. Pour les alimenter, leurs parents vont l’un après l’autre à la recherche des chenilles, des vers, des sauterelles, des insectes les plus mous, et des fruits doux et charnus; chaque becquée qu’ils apportent est d'habitude si grosse, qu’elle suffit aux parts de deux ou de trois petits; puis à leur retour, ils servent d’abord ceux d’entre eux qui n’ont rien reçu à la première distribution. Les dénicheurs s’1- maginent que chaque nichée renferme un jeunc bien
DELLA, SAVOIE, 197 plus petit que les autres, et qui est toujours un mâle ; comme ils prétendent que c'est le cadet de la cou- vée, ils le nomment vulgairement le Colaz du nid.
Quinze jours après leur sortie, les petits reçoivent encore la becquée ; ce n’est guère avant le ving- tième qu’ils mangent seuls, et leurs auteurs restent avec eux quelques jours après pour achever leur éducation : ils les quittent alors pour se remettre à nicher. Les jeunes couvées hantent les champs com- plantés d'arbres et voisins de l’eau ; elles s’y nour- rissent souvent pêle-mêle avec celles du Moineau Domestique, et comme elles pendant le fort de Îla chaleur du jour, elles se retirent dans les saussaies des bords des fossés pour se baigner, et ensuite pour criailler des heures entières. Quand le soleil baisse vers l'horizon, ces bandes de Friquets re- tournent aux champs de blé, de chanvre et de millet, dont la graine leur plaît beaucoup; elles y occasionnent souvent de grands préjudices à l’agriculteur ; car, non contentes d’y venir seules se repaître, elles y amènent avec elles les bandes des Moineaux qui ne demandent pas mieux que de vivre dans l’abondance, et avec lesquelles elles font société pendant leurs repas. Quand elles sont éta- blies dans un champ, il est presque impossible de les en chasser ; tous les haillons, tous les fantômes que l’on y dresse ne servent de rien, ou du moins n'ont- ils d’effet que pour un Jour. Le seul moyen de se
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débarrasser de ces hordes de petits pillards est de venir soi-même y faire sentinelle aux heures de leur rendez-vous, ou bien encore de tendre des filets tout auprès; dans ce cas, il est indispensable d’avoir un ou deux des leurs pour appeaux, et avec quelqu'un qui s'applique à faire lever ces volatiles tous en- semble et à les amener vers les piéges, l’on est toujours sûr d’en prendre beaucoup. Ils s’y jettent tous à la fois; mais il faut se hâter de les saisir, car ils sont si sublils, si lestes, que souvent ils passent à travers les mailles des filets.
Les Friquets se mettent à voyager tous les ans après les récoltes ; les uns gagnent par bandes nos contrées montagneuses; les autres se réfugient dans des climats plus doux, qu’ils ne quittent qu’à la fin de l'hiver. Ceux-ci partent en troupes serrées, volent avec rapidité et ne cessent de s’entr’appe- ler. Néanmoins plusieurs restent en plaine dans les buissons, les haïeset les bois, où les petitsfruitssecs, les baies, lessemences et les pousses des graminées, forment leur principale nourriture. Ils visitent aussi les abords des granges pendant que l’on y bat le blé, et cherchent, en fouillant dans la poussière for- mée par les enveloppes de l’épi, les grains perdus.
Tous les soirs, au soleil couchant, les Friquets se réunissent en foule dans les bois, et particulière- ment dans les saussaies; ils y piaillent, sautillent et voltigent d’un arbre ou d’une branche à l’autre
DELA SAVOIE. 199 jusqu'à la nuit qui les oblige de se tapir dans des refuges. Le lendemain, dès le point du jour, ils se remettent à crier, à frétiller jusqu’au lever du so- leil ; alors ils regagnent par petits bataillons sépa- rés les champs ou les buissons. Pendant l'hiver, ils se logent souvent pour dormir plusieurs ensemble dans la même cavité d'arbre, de roc ou de vieille muraille, et s’y serrent au fond pour mieux se pré- server du froid. C’est principalement dans cette saison qu'ils s’approchent des lieux habités ; mais, pour vivre, ils s’y montrent moins entreprenants et moins impudents que les foineaux. L'homme les intimide assez facilement ; aussi, ne vont-ils que rarement se nourrir parmi les poules, les pigeons et les canards domestiques; ils préfèrent rester sur les arbres ou dans les haies avec les Pinsons et les Bruants à la quête des insectes, des petits fruits sauvages , des bourgeons d'arbres fruitiers et des semences, que d'exposer leur vie en voulant par- tager, contre le gré des propriétaires, la nourriture qu’ils donnent à leur volaille.
Le Friquet est en outre plus doux que le Moineau ; il s’apprivoise aisément, et quoique privé de sa li- berté, il conserve toujours sa vivacité, sa gaieté et sa gentillesse. Quand il est seul et libre, il fuit la société de cette espèce ; 11 faut qu'il sache que ce congénère est plus fort, plus méchant que lui. Toutefoisil répond, il vient à son appeau, et tombe
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plus facilement que lui dans les piéges. Sa voix ressemble beaucoup à la sienne, mais elle est plus faible, plus précipitée et un peu moins monotone. À peine est-il posé sur un arbre ou une plante, qu'il se tourne en tout sens avec vivacité, haussant et baissant la queue presque sans relâche. Il vole si rapidement, qu’il paraît bourdonner comme un sphynx on une phalène. Sa chair est toujours préfé- rable à celle du Moineau Domestique.
149.—KFringille Soulcie (Fringilla Petronia).
Noms vulgaires : Moineau de Montagne, Passeraz det Mountagné, Monta- gnard. La Soulcie ou Moineau des Bois (Buff.). — La Soulcie (Cuv.). — Fringille
Soulcie (Fringilla Petronia), Vieill.—Gros-Bec Soulcie (Fringilla Petronia), Temm.
Le mâle de la Soulcie à 15 cent. 6-7 mill. de longueur.
Au-devant du cou, il porte une tache d’un jaune citron, plus apparente au priulemps, après ia mue ruptile, qu'en automne : à cette époque, elle se trouve un peu cachée par les bordures grisâtres des plumes qui l’entourent. Il à de larges sourcils d’un klanc roux, surmontés par une bande plus large encore, d’un brun très-foncé; elle prend naissance à la racine du bec, et se dilate jusque sur l’occiput. Le milieu de la tête est d’un roussâtre clair, et plus ou moins mélangé de gris brun, sui- vant l’âge des individus; le manteau varié de blan- châtre, de blond, de noir ou de noirâtre; le crou-
DDR A SAT OT. 201 pion d’un brun nuancé de roussâtre ; les couvertures supérieures de la queue terminées de blanchâtre. Les pennes alaires sont noirâtres, ainsi que leurs tectrices, puis frangées et marquées au bout de blanchâtre et de gris roussâtre. Les rectrices ou pennes de la queue sont de la couleur des ailes et lisérées du même, mais marquées, à l’extrémité des barbes intérieures, d’une tache blanche et arron- die. Un blanc sale, teint de gris brun au bord des plumes, couvre les parties inférieures du corps, à l'exception de l’espace qu'occupe la tache jaune au-devant du cou et du milieu du ventre qui est blanchâtre, sans taches; c’est spécialement sur les flancs que le gris brun domine. Le bec est brun en dessus, jaune en dessous; l'iris brun; les tarses sont courts et jaunâtres.
La femelle est un peu moins grande que le mâle ; elle lui ressemble beaucoup au reste : sa tache jaune du devant du cou est seulement moins vive et moins apparente.
Dans les jeunes mâles de l’année, après leur mue de la fin de l'été, cette tache est aussi peu visible que dans les femelles adultes ; ce n’est guère autre- ment qu’ils diffèrent des vieux.
La Fringille Soulcie habite particulièrement les bois et les forêts des pays méridionaux de l’Europe; elle y vit sédentaire, se propage dans les trous na- turels des arbres. La femelle ne pond qu’une fois
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par an, et sa couvée se compose de A ou 5 œufs, assez rarement de 6. M. le docteur Degland, de Lille, eut l'extrême obligeance de me procurer ces œufs en 1852 ; ils sont d'un blanc sale ou glacé de roussâtre, et recouverts de taches brunes, notam- ment sur la grosse extrémité, où elles se trouvent très-serrées. En longueur, ils ont 21 ou 21 mill. #, et 45 millim. de diamètre.
Cet oiseau passe régulièrement chaque année en Savoie, depuis la fin de septembre jusqu’à la mi- novembre; il cesse d’y passer aussitôt après les premières neiges qui tombent en plein pays. Il y est très-rare pendant les rigueurs de l’hiver. C'est par volées plus ou moins nombreuses, quelquefois par trois ou quatre sujets à la fois, que nous l’ob- servons le plus souvent dans nos contrées pendant l’automne, tandis que durant le froid, il ne se mon- tre guère que solitaire ou deux à deux ; se réunis- sant alors quelquefois aux Pinsons , aux Painsons d'Ardennes, aux Bruants et aux Verdiers.
Les Soulcies volent serrées comme les Moineaux et les Friquels, mais elles sont moins piailleuses, et leur vol.est moins précipité; il paraît même par mo- ments presque ondulatoire. De temps à autre elles lächent quelques cris aigres, un peutraînés, et assez semblables au cri ordinaire de la Fringille Puison d’Ardennes (vulgairement Choïe). Étant posées, elles ont un autre cri plus bref et plus prompt, qui
DE LA SAVOIE. 203
s'approche beaucoup du fui ou du piou du Moineau Domestique ; c’est encore celui qu'elles font entendre ordinairement quand elles sont tenues en captivité.
La Soulcie s’abat sur nos terres tout récemment ensemencées de blé, et en dévore le grain, même quand il commence à germer ; elle fréquente aussi les champs de sarrasin (blé noir) et les chènevières, dont elle paraît aimer fort la graine. Après nos récoltes, elle vit de préférence dans les haies, les buissons ou les bois avec des baies, des fruits sau- vages, des semences d’arbres et de plantes. Elle paraît aussi vorace que le Moineau, car si on latire, il est assez rare qu’on ne lui trouve pas l'estomac rempli de grains ou d’autres aliments ; mais beau- coup moins rusée, elle tombe plus facilement que lui dans les filets, soit qu’elle y voie les danseurs se débattre, soit qu’elle suive d’autres volatiles aussi portés qu’elle à s’y empêtrer au premier coup d’appeau qu’ils entendent. Plusieurs de nos oise- leurs l’appellent de la même manière que le Pinson d’Ardennes ; d’autres se servent encore avec succès de l’appeau du Verdier, et je lai prise moi-même aux cris d’une Linolte, lenue en cage au milieu des filets. Il s’en prend tous les ans, en automne, quelques bandes aux environs de Chambéry, dans les champs de Vimines, de Montagnole , de la Ra- voire et de Barberaz.
204 QRBNITHOLOGIE
148.—Hringille Seris ou Cini /Z'ringilla Serinus/.
Noms vulgaires : Le Ceni, Serin Jaune, pour la distinguer de la Fringille Venturon, qui est le Serin Vert de quelques-uns de nos oiseleurs.
Le Cini etle Serin de Provence (Buff.).—Le Cini (Cuv.).—Fringille Ven- turon (Fringilla Citrinella), Vieill. Faune Française. — Gros-Bec Serin ou Cini (Fringilla Serinus), Temm. — Pyrrhula Serinus (Bouvreuil Serin), de S.-Longch.—Versellino (Savi).
Le Serin a 12 cent. de longueur du bout du bec à l'extrémité de la queue. Son bec court, gros et bombé, le fait toujours distinguer de la Fringille Tarin et du Venturon, avec lesquels il à quelque ressemblance par les teintes jaunes et verdâtres de sa livrée.
Le mâle a le front, les sourcils, une partie de la nuque et des joues, la gorge, le devant du cou, la poitrine, le ventre et le croupion, d’un jaune jon- quille; à l’âge d’un an, cette teinte est moins pure, surtout sur la tête, qui porte quelques nuances de grisâtre. Sur les côtés de la poitrine et sur les flancs, qui sont de cette couleur, l’on remarque des taches longitudinales, noirâtres; le milieu de l'abdomen et les parties anales inclinent au blanchâtre. Le dos et les scapulaires sont d’un olivätre varié de taches oblongues, cendrées etnoirâtres. Les pennes alaires et caudales sont d’un brun noirâtre, et bordées d’un jaune verdâtre : deux bandes, l’une d’un brun jau- nâtre, l’autre d’un jaune verdâtre, coupent chaque aile en travers. Le bec est d’une couleur de chair rembrunie ; l'iris noirâtre; les pieds sont grisâtres.
La femelle a les parties inférieures d’un blanc
DE LA SAVOIE. 905 jaunâtre sale, et plus marquées de taches que dans le méle ; elle est encore nuancée de cendré sur le dessus du corps, et ses teintes sont beaucoup moins vives que chez lui.
Les jeunes mâles sont semblables à la femelle jusqu’à la mue ruptle du printemps. Mais a la sortie du nid, c'est principalement le gris et le roux verdâtre, parsemés de taches brunes et allon- gées, qui dominent sur leur livrée.
Au printemps et pendant l'été, les deux sexes ont le jaune de leur plumage plus brillant et plus pur qu’en hiver. Durant cette saison, cette couleur pa- rait comme salie par des nuances grisâtres, plus ou moins apparentes, à l'extrémité des plumes, et qui s’effacent peu à peu au moyen de la mue ruplile, dès la mi-mars jusqu’à la fin d’avril.
Le Serin est commun dans le midi de l’Europe, et rare dans le nord de la France. C’est spéciale- ment depuis le printemps jusqu’au milieu de l’au- tomne qu’on le remarque le plus en Suisse et en Sa- voie; cependant quelques sujets restént pendant l'hiver dans ces pays, où ils recherchent alors les expositions abritées des vents froids. Ceux-ci, on les voit fréquemment se joindre aux Tarins, et vi- siter ensemble les jardins, les parcs, les vergers, les bords des rivières plantés d’aunes, et les bois de leur arrondissement ; comme eux ils s’alimentent avec les semences et les jeunes pousses de plusieurs
206 ORNITHOLOGIE arbres, surtout du charme, de l’orme, du tilleul, des poiriers et des amandiers.
Le Serin est d’un naturel très-doux. L'approche de l’homme ne l'effraye guère; il aime même son voisinage soit pour couver, soit pour élever sa progé- niture. On l'observe rarement dans nos montagnes, et presque seulement à l’époque de ses voyages ; jamais on ne le trouve dans la plupart des contrées les plus situées au nord de notre territoire ; c’est la Fringille Venturon n° 36, qui le remplace dans ces régions durant la période des nichées. On le prend facilement dans toutes sortes de piéges. Il s’'accoutume bien vite à la captivité; en peu de jours il s’y apprivoise, et ses manières charmantes, jointes aux agréments de son chant, font les délices de son maître. Le mâle est facile à s’apparier avec la femelle du Serin des Canaries, et les métis qui en résultent sont ordinairement d’habiles chanteurs. I] lui arrive parfois, comme au Chardonneret, après une longue captivité, de devenir totalement ou par- tiellement noir ; les naturalistes attribuent ce chan- gement de plumage à l’eflet d’une nourriture constante de graine de chanvre.
À son retour dans nos climats au printemps, cet oiseau forme des bandes plus ou moins nombreuses, suivant les localités, et qui ne se dissolvent que pour se reproduire. Souvent mêlées à celles des Char- donnerets et des Verdiers, avec lesquelles elles sont
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toujours bien d'accord, elles visitent les pépinières, les bosquets, les friches et les lisières des bois cham- pêtres ; on les y rencontre à terre presque toute la matinée occupées à se nourrir des graines de plan- tain, de séneçon, etde plusieurs autres plantes prin- tanières. Vers le milieu de la journée, elles se reti- rent souvent dans deslieux humides et très-ombra- gés ; là elles se baignent à plusieurs reprises; puis ensuite les mâles, au sein du feuillage, donnent tous ensemble et à l’envi un concert des plus agréa- bles. Leur chant est composé d’une série de sons forts et aigus, mais modulés : trir-lireli, trrli- rrli, rlirli-rrli, telles sont presque les seules sylla- bes qu’ils s'appliquent à redire souvent et longue- ment. Le soir, deux heures environ avant le coucher du soleil, ces bandes regagnent les lieux qu’elles occupaient le matin, afin de s’y alimenter encore; mais à l’approche de la nuit, au moment où le soleil disparait de l'horizon, elles rentrent toutes d’une seule volée dans les sapinières, dans les lieux implan- tés de cyprès, ainsi que dans les bois de haute futaie les plus touffus du canton , pour y passer la nuit. Le Serin travaille à la composition de son nid dans les premiers jours d'avril, lorsque les feuilles des arbres commencent à s'épanouir. C’est princi- palement sur les rosiers, les orangers, les arbres fruitiers, les ormes, les hêtres, les charmilles et les cyprès qu’il le place; il le fait avec beaucoup de
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goût, et l’assujettit au milieu d’une toufle de petits rameaux ou d'un bouquet de feuilles et de fleurs. Le dehors de ce nid est presque tout formé de tiges d'herbes très-flexibles, de mousses, de lichens et de racines de plantes, liées souvent entre elles par de petits anneaux faits avec la soie des cheniiles, avec la laine des moutons ou la toile des araignées. Le dedans est matelassé avec du crin, des cheveux, des plumes, ou seulement avec le duvet satiné des saules, des peupliers et des tussilages. La femelle, qui ne fait qu’une ponte en Savoie, à moins qu’elle ne lui soit ravie, y dépose 5 ou 6 œufs oblongs, blanchâtres ou d’un bleuûtre clair, avec des points, de petits traits et des taches violâtres ou rou- seûtres et d’un noir ou noiràtre plus ou moins tein- tés de rouge : ces marques sont toujours plus nom- breuses sur le gros bout, où elles sont quelquefois disposées en forme de cercle. Les œufs ont 14 : ou 15 mill. de long, sur 10 ; ou 41 m. dediamètre. La femelle est seule chargée de les couver, et le mâle vient presque à chaque heure lui dégorger dans le bec sa subsistance. Pour la désennuyer pendant les longues heures de l’incubation, il consacre ses moments de loisir à chanter près d'elle; il se met pour cela à la cime d’un arbre ou à l’extrémité de l’un de ses rameaux, et pendant qu'il ramage, il tient très-souvent les ailes pendantes etla queue un peu relevée ; 1l chante aussi en voletant d'arbre en
DE LA SAVOIE. 209 arbre et en battant des ailes à la manière du Verdier et du Venturon, ou bien il se soutient quelque in- stant dans les airs, au-dessus de la nichée, avec les ailes déployées.
Les petits naissent au quinzième jour de couvai- son, vêtus d’un poil follet, rare et grisâtre. Le père et la mère, pour les nourrir, se gorgent de petites graines de graminées, de plantains et de séneçons surtout, qu’ils humectent ensuite et dégorgent à leur progéniture dès qu’ils commencent à se convertir en une espèce de pâte dans leur jabot. Chaque fois qu’ils voient rôder quelqu'un auprès du nid, ils poussent un petit cri plaintif, à peu près semblable à celui du Canari quand on l’inquiète; par ce cri, ils semblent prononcer les mots : éhieir, thiert, répétés à distance égale et tant que dure leur crainte.
Après l'éducation de leur petite famille, le père et la mère, ainsi que les jeunes, forment, en se réunissant avec d’autres couvées, des troupes sou- vent nombreuses, qui ne cessent de fréquenter les lieux où abondent le millet, le chènevis, les chico- rées, les plantains, les panics, etc., etc. Sou- vent elles y font bande commune avec les Chardon- nerets, les Painsons et les Verdiers qui ne sont pas moins qu'elles friandes de ces graines.
C’est à la fin de septembre ou dans les premiers jours d’octobre que la plupart des Serins émigrent de nos contrées, et s’envolent vers le Midi. Ils par-
T. IIX. 14
tent de grand matin, voyagent d'habitude en troupe serrée comme le Tarin, et s’entr'appellent quel- quefois tous ensemble, mâles et femelles, par leurs petits cris : érrèrli-rrrli, trrirli.
149.—Fringille Verdier /Fringilla Chloris}.
Noms vulgaires : Bruant, Briant, Bruyant, Verdon. ver (Erngila Clone), Viell, — Gros Bee Verdier rimgilia Chr, Temm.—Verdone (Savi).
Cette Fringille, qui est commune dans ce pays, a 15 cent. de taille.
Le vieux mâle, au printemps, après la mue rup- tile, a les parties supérieures du corps d’un vert olive, se changeant presque en jaune sur le crou- pion; les moyennes couvertures et les pennes secon- daires des ailes cendrées, avec du noir au centre ou sur le bord interne des plumes. Il est d’un beau jaune à la gorgerette, au milieu du ventre, sur le bord de chaque aile, sur les barbes externes de plus de la moitié supérieure des rémiges, ainsi qu'aux deux tiers environ des pennes latérales de la queue; l’autre tiers de cette partie et les deux rectrices du milieu étant noires, de même que l'extrémité et le bord intérieur des rémiges. L’abdomen et les cou- veriures inférieures de la queue sont d’un blanc jaune, souvent inélangé d’un peu de cendré sur ces dernières ; le bas de la gorge, le devant, les côtés
DE LA SAVOIE, 211 du cou et la poitrine, d’un vert olive comme les parties supérieures. Le bec et les pieds sont couleur de chair. L’iris des yeux est noirâtre.
La vieille femelle a le dessus du corps d’un vert olive lavé de cendré ; le croupion d'un vertjaunûâtre; le jaune des ailes et des pennes caudales plus pâle et moins étendu que dans le mâle. Les flancs sont gris cendré ; le milieu du ventre et la gorge lavés d’un peu de vert jaune ou jaunâtre; l’abdomen et les sous-caudales sont d’un blanc nuancé de jaune.
A la mue de la fin de l'été, les vieux mâles pren- nent, à l'extrémité des plumes jaune et vert olive du dessus et du devant du corps, une légère bordure de gris cendré, qui s’use et disparaît totalement au printemps suivant, au moyen de la mue ruplile.
Les jeunes, depuis la sortie du nid jusqu’à la pre- mière mue, sont d’un blanc jaunâtre et tachetés longitudinalement de brun sur les parties infé- rieures ; c'est un brun nuancé de verdâtre qui règne en dessus du corps. Ils ont bien déjà du jaune à la base de la queue et sur le bord externe des rémiges commeles vieux; mais cette teinte est plus pâleencore que dans la femelle, vieille ou adulte. Leur bec est brun. Ils ressemblent dans cette livrée tellement aux jeunes du Bec-Croisé Commun ou des Pons, qu'on les contondrait facilement ensemble, sans la conformation des becs.
Après lu mue, les jeunes mâies sont semblables
212 ORNITHOLOGIE
aux vieux en plumage d'automne et d'hiver. Les jeunes femelles ont encore, pendant toute l’année, plus de blanchâtre dessous le corps que les vieilles ; mais, au reste, elles leur ressemblent.
Le Verdier fréquente presque tous les pays de l’Europe. Il est sédentaire en Savoie et commun surtout en automne, à l’époque de ses excursions annuelles ; plusieurs nous arrivent alors du Nord par bandes souvent nombreuses qui se répandent dans les champs, les bois et les vignobles. Il ne se plaît guère dans nos montagnes, même pendant l'été ; il leur préfère les parcs ombragés, la lisière des bois inférieurs, les rangées d'arbres qui bordent les champs, les prairies, les routes et l’eau, enfin les saussaies, les vergers et les jardins. On l’y ob- serve en troupes jusqu’à la pariade qui d'habitude a lieu dans les premiers jours d’avril ; elle se fait très- paisiblement : le mâle se cherche et s’attache une compagne qu'aucun de ses semblables ne tente de lui ravir, comme c’est d'usage chez plusieurs de ses congénères. Aussitôt qu'il la possède, il vole avec elle à la découverte d’un canton et revient encore, après Pavoir choisi, vivre quelques jours pêle-mêle || avec les autres couples du même arrondissement. 1) Ces couples font, en se réunissant plusieurs à la À fois, des sociétés qui vivent toujours dans une par- IL | faite intelligence et ne se dissolvent que pour aller | bâtir des nids, couver et élever leur progéniture.
DE LA SAVOIE. 2
La femelle pose son nid sur les arbres, dans des touffes de rameaux ou de feuilles, ou bien dans de hauts buissons épais ; quelquefois elle le place sur les troncs des saules et des peupliers ébranchés, mais qu’abritent de nouvelles pousses. Elle le com- pose assez grossièrement à l'extérieur de mousses, de pailles, d'herbes sèches et de racines très-flexi- bles, qu’elle recouvre en dedans de plumes, de poils, de bourre et de laine ; mais chaque fois que sa com- pagne s’adonne au travail, il la charme par son chant éclatant et assez varié. Celle-ci pond ordi- nairement 5 œufs à la première couvée , et 4 à la se- conde ; ils sont allongés , d’un blanc souvent très- légèrement teint de bleuâtre , et marqués de gros points ou de petites taches irrégulières, violâtres ou rougeàtres et noires, principalement répandues sur le gros bout : quelquefois ils n’ont pas de traits noirs, et alors ils sont seulement tachetés de l’une ou des deux premières nuances (violâtre et rougeâtre). Pour longueur, ils ont, en moyenne, 181 ou 19 mill. et 13 ou 13 millim. 1 de largeur diamétrale. Pen- dant que les femelles couvent, tous les mâles du même district se groupent à de certaines heures de la journée, et hantent ensemble les buissons, les champs et les abords des bois pour y chercher leur nourriture. [ls retournent ensuite auprès de leurs compagnes avec des aliments, qu’ils leur dégorgent dans le bec sur le bord du nid ; puis aussitôt après,
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214 ORNITHOLOGIE
ils se mettent à chanter dans le feuillage. Ils vien- nent aussi, toujours en ramageant, voltiger devant elles avec grâce, ou bien ils se soutiennent en l’air, au-dessus de la couvée, en étendant où battant des ailes comme le Serin ou Cini.
Le père et la mère ont pour leurs petits beau- coup d’attachement. Tandis que l’un des deux va à la recherche de leur subsistance, souvent l’autre reste pour veiller Sur eux ; au moindre danger qu’ils courent, il crie ; aussitôt son compagnon arrive, et le couple à l’envi cherche à les défendre ; s'ils sont déjà forts, 1l les fait quitter le nid et se cacher à la cime des arbres. Il leur conserve encore de l’affec- tion même après qu'ils lui ont été enlevés : il revient les réclamer pendant quelques jours consécutifs sur le même arbre qui les possédait, et parvient-il à les entendre ou à les découvrir auprès de quelque habitation , il s’offre à Îles nourrir encore; aussi , n'hésite-t-on jamais de porter cette petite famille dans une cage que l’on fixe à un arbre; et à tout instant l’on voit le mâle et la femelle qui lui appor- tent tour à tour les vivres; ils les lui distribuent au travers des barreaux de sa prison et par voie de re- gorgement, à moins que ce he soient des insectes : pour ceux-ci, ils les lui apportent soit au bout soit à l’intérieur du bec; quelquefois aussi ils lui donñent pendant un où deux jours de suite des becquées composées uniquement de sommités de mais et
DÉ LA SAVOIE. 215 d’autres plantes céréales, dont ils vont s’approvi- sionner dans les champs, pendant la fleuraison.
À la fin du mois d'août, les Verdiers vivent déjà par bandes dans la plupart de nos bois et de nos plaines. Ces bandes sont parfois très-nombreuses, notamment dans les lieux où elles trouvent en abondance les graines qui serventle plus à leurnour- riture habituelle; souvent on les y trouve mêlées avec celles des Pinsons et des Linottes. Elles ont d'habitude un canton de prédilection qu’elles ne quittent qu'après les récoltes, ou quand on vient leur ÿ faire la guerre; c’est alors qu’elles volent toutes ensemble , ou bien par plusieurs pelotons séparés, à la découverte d’un autre séjour. Elles se plaisent de préférence dans les champs com- plantés d’arbres, tels que noyers et châtaigniers qu’elles couvrent par moments, après leur repas, de leufs troupes. C’est spécialement la graine desarra- sin (blé noir), de chanvre, de lin, de plantain, de navette, de soleil, de scorsonère, de chicorée, etc. , qu’elles recherchent avec le plus d’avidité.
Tous les ans aux frimas d'octobre, lorsqu'on met à couvert la dernière récolte, les Verdiers se livrent, comme leurs congénères, à des excursions dans leur pays. Errants alors par tous les champs, ils s’abattent particulièrément sur les friches, sur les terres qui ontété ensemencées de chènevis, de sar- rasin, de millét, etc., et y chercheni le grain perdu
216 ORNITHOLOGIE
et celui qui reste encore sur plante. Ils s'arrêtent aussi sur les lisières des bois et dans les lieux rem- plis d’arbustes pour s’y nourrir de faînes, de semen- ces de plusieurs arbres, surtout du charme, puis des baies du genévrier et des graines de mercuria- les. Quelquefois ils se montrent dans les jardins, où les attirent les graines de salade et de plusieurs her- bes potagères. Néanmoins, quelques bandes de ces oiseaux sortent de notre territoire et se dirigent , comme la plupart des volées qui nous arrivent alors du Nord, vers le Sud, afin d’y passer toute la mau- vaise saison. Celles qui restent ici l’hiver recourent aux arbres verts, et vivent de leurs semences et de leurs nouvelles pousses. Elles composent parfois des troupes considérables en se réunissant à celles des Pinsons, des Pinsons d’Ardennes , des Linottes et des Bruants, avec lesquelles elles courent les vi- gnobles , les haies et les abords des grands bois : les baies de plusieurs sortes, les pelits fruits secs et les graines de graminées, forment dans ces lieux la base de leur nourriture. Tous les soirs, au coucher du soleil, ces grandes volées de Fringilles regagnent les bois de haute futaie et dorment blotties sur les arbres qui conservent encore leurs feuilles sèches.
Le Verdier est facile à prendre aux filets; on imite bien d’ailleurs avec l’appeau son cri d'appel ou
DE LA SAVOIE. 217
l'arbre comme le Pinson d’Ardennes (Choie), que dans des lieux très-découverts : c’est-à-dire qu’on le chasse avec avantage dans des champs bordés d'arbres ou de hauts buissons, à la pointe desquels il se pose pour descendre ensuite dans les piéges que l’on a tendus à leur pied. Mais il est très-impor- tant d’avoir de ses semblables pour appeaux ou pour danseurs ; autrement, presque aussitôt posé, il re- prend le vol sans faire mine de vouloir tomber dans les filets. Son naturel est très-doux. Retenu en cage, il ne paraît pas sensible à la perte de sa liberté ; il y mange tout de suite, chante et s’apprivoise bientôt. Lui donne-t-on d’autres Fringilles pour compagnons de captivité, jamais il ne leur cherche querelle le premier ; mais attaqué par eux, il se défend à coups de bec et se fait respecter. Si l’on renferme un cou- ple dans une volière ou dans une cage très-vaste, souvent ils finissent par s’y reproduire, après deux ans de captivité. Quelques personnes apparient aussi le mâle avec la femelle du Serin des Canaries.
XLVILI Genre : GROS-BEC (Coccothraustes).
Caractères : Bec aussi gros que la tête, très-robuste, épais, bombé, droit et pointu; mandibule supérieure élevée à sa base au niveau du front; palais creux. Narines orbiculaires, petites, percées à la base du bec et entourées d’une membrane. Tarses nus, annelés; doigts extérieurs réunis à leur base; l’interne totalement libre. Ailes de moyenne longueur, à pennes secondaires coupées carrément. Queue courte.
218 ORNITHOLOGIE
150.—Gros-Bec Vulgaire /Coccothraustes Vulgaris.
Noms vulgaires : Le Gros-Bec, Groube, Casse-Noïsette; Éboutonneut, bourgeonneux, Ebranthiuz, Ebrôthius.
Loæia Coccothraustes (Linn.). — Le Gros-Bec (Buff.).— Le Gros-Bec Com- fem. = ee dE D ane Payer VE M La fâcheuse habitude qu’a cet oiseau d’ébour- geonner comme le Bouvreuil, en hiver et à l’ap- proche du printemps, particulièrement les arbres fruitiers pour se nourrir de leurs boutons, lui a valu, dans quelques-unes de nos contrées, sés dé- nominations Éboutonneux, Ébourgeonneux, Ébran- thiuz et Ebrôthiuz. On le reconnaît aisément à sa grosse tête, à son bec épais et d’une dimension qui n’est point proportionnée aux autres parties du corps. Sa taille est ramassée ; le mâle à 18 cent. de longueur du bout du bec à l’extrémité de la queue. Il est noir sur la gorge, le lorum et Le tour du bec; d’un brun roux ou d’un marron clair sur Île haut et les côtés de la tête, ainsi que sur les joues, le croupion et les couvertures supérieures de la queue. Un large collier cendré ceint la nuque; le brun marron foncé couvre le manteau et les scapu- laires. Vers le haut de chaque aile se trouve une grande bande longitudinale blanche ; leurs pernes sont noires, et tachées de blanc sur le bord interne des barbes : ces taches ne se voient guère qu’en déployant les ailes. Les pennes secondaires, de
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. |
Passereaux. Pungillidées.
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l pe . . Û 4 » 1 5 Frin gille Verdier. 7244 21 prülen ps, "5 Wal -p2 10-6-8 Z7z4 de lesp: Sr ral. | 0 Gros-Bec Vdlgaire,222/e adulte; Sgrnal; PN8-N,U Zz/5 de lesp. gr nat | il! f ‘ $ S ( | | 1244 Œufs de Grand Bouvreuil ou Ponce au ; #7: 127
DE LA SAVOIE. 219 même que les 5°, 6° 7° et 8° rémiges, jettent des reflets violets ; les premières sont coupées carré- ment; les secondes ont leur extrémité tronquée sur les barbes extérieures et échancrée sur les inté- rieures. Les rectrices ou pennes de la queue sont courtes, noires à leur origine, puis blanches sur les barbes internes et hoires ou noirâtres Sur les ex- ternes. Un roux vineux prédomine sur les parties inférieures; les plumes anales et les sous-cau- dales seules sont blanches. Le bec est grisâtre : il tire beaucoup sur le bleuâtre au printemps et en été; l'iris est d’un brun cendrée clair ; les tarses sont couleur de chair.
La femelle est un peu moins grande que lé mâle; elle en diffère encore par ses couleurs moins vives. Le cendré envahit ses parties inférieures, à part la gorge qui est noire comme chez le mâle et les flancs où l’on remarque des teintes rousses et vineu- ses. Elle a la bande dé l’aile et le lorum d’un gris blanchâtré.
Les jeunes, avant lu première mue, sont très-dif- férents des adultes et des vieux. Leur tête est d’un jaunâtre sale, et la gorge jaune. Les parties inférieures Sont blanchâtres; la poitrine et les flancs marqués de petits trails bruns à l'extrémité des plumes. Le dos et les scapulaires sont couverts d’un brun jaunâtre ; le croupion et les couvertures de dessus la queue, d’un blanc maculé de jaunâtre.
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2% ORNITHOLOGIE
Le Gros-Bec Vulgaire est commun et sédentaire en Suisse et en Savoie, bien que plusieurs sujets en émigrent chaque année à l’approche de l'hiver, se dirigeant par petites bandes, quelquefois par paires, vers les régions méridionales ou centrales de l’Europe. On le trouve principalement dans les parcs et les bois de haute futaie de la plaine, comme dans ceux des coteaux et des collines adja- centes, ainsi que des montagnes de moyenne élé- vation. Ce n’est guère qu’en automne ou sur la fin de l'été, lorsqu'il se livre à ses excursions habituelles, qu’il monte jusqu'aux forêts de nos Alpes.
Il hante ordinairement les bois de hêtres, de charmes, de tilleuls, de platanes, de pins et de sa- pins, et se nourrit de leurs semences et bourgeons. Il se montre aussi par moments dans les vergers et le long des avenues, où il se repait de boutons d'arbres fruitiers, de graines d’acacia, de noisettes, d'amandes de cerisier et d’autres fruits à noyau, dont il brise aisément les enveloppes ligneuses avec son bec épais et robuste. Pour les saisir, il s’accro- chesouvent parles pieds aux branches, à la manière du Bouvreuil et de plusieurs Fringilles ; il les casse et en mange aussi le fruit en gardant la même attitude. Se trouve-t-on dans quelque bois tandis qu’une troupe de ces oiseaux s’alimente à la cime des arbres, on ne cesse d’entendre tomber autour
DE LA SAVOIE. 221 de soi , comme des gouttes de pluie, les débris des coques et des gousses qui enveloppaient les grai- nes ou les fruits qui servent à la pâture des sujets qui composent la bande.
Ce Gros-Bec vit par bandes ou en famille jus- qu'à la pariade qui n’a guère lieu chez nous avant le milieu d'avril ; c’est habituellement à cette époque que ses troupes se dissolvent, et en moins de huit jours elles se trouvent toutes éparpillées dans les bois, par paires, mâle et femelle, et occupées à trouver un canton favorable à leurs amours. Elles le choisissent de préférence dans lesbois avoisinant des rivières ou des torrents, dans ceux de noyers et de châtaigniers qui recouvrent les pentes des col- lines ou la base des montagnes , quelquefois dans les parcs, les allées de peupliers et les arbres les plus élevés des vergers.
C’est à la fin d'avril ou dans les huit premiers jours de mai que cet oiseau bâtit son niden Savoie. On le trouve ordinairement posé à l'insertion des grosses branches, contre le tronc, ou au milieu d'une touffe très-épaisse de petits rameaux, ou bien encore parmi le lierre et au sommet d’un arbre étêté, et néanmoins entouré de jeunes pous- ses. Il est fait en dehors avec de petites boisettes de grandeur différente, souvent entrelacées avec des racines, mais très-rarement, dans nos contrées, avec de la mousse, Le dedans, qui est garni de
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222 ORNITHOLOGIE
fibres ou du chevelu des racines, que recouvre en outre quelquefois un peu de crin ou de poil, reçoit 2 à » œufs, de 2 cent. 1 3 à 2 mill, ; de longueur, sur un diamètre de 46 ou 17 mill.; ils sont tantôt d’un gris cendré, tantôt d’un blanc lavé de bleuà- tre, puis parsemés de taches très-apparentes de cendré foncé et de brun noirâtre ou olivâtre, avec des traits irréguliers et d’une teinte un peu plus claire que ces couleurs. La femelle ne fait ici qu'une ponte par an; mais si on lui ravit sa nichée, elle couve de nouveau quinze ou vingt jours après l'enlèvement. Pendant l’incubation , le mâle lui cherche sa subsistance et la lui apporte dans le nid. Le père et la mère nourrissent d’abord leurs petits avec des insectes et des chenilles; ensuite, ils leur dégorgent les graines et les semences, après les avoir toutefois laissé macérer ou réduire en pâte dans leur jabot.
Après l'éducation de la progéniture, on ne re- marque presque plus ces oiseaux que par petites troupes ou par nichées dans nos bois. Ils parcou- rent alors tout le jour, en se suivant exactement et s’entr'appelant de temps en temps par des cris vifs et forts (32 ou z1r), les lieux complantés d'arbres qui leur fournissent des semences ou des fruits pour leur subsistance. En quittant quelque endroit, le premier sujet de la bande qui prend le vol, donne aux autres par le même cri le signal du départ ; et à l’instant
DE LA SAVOIE. 223 tous ses compagnons de lui répondre tour à tour à mesure qu’ils prennent l’essor pour le suivre, Indé- pendamment de ce cri qui est assez semblable au cri d’une lime, ils en ont un autre également bref, mais moins perçant et qui paraît parfois accom-— pagné d’un craquement de bec. Leur vol est d’habi- tude rapide et élevé, Ils ne vont guère en troupe serrée, mais plutôt en gardant entre eux quelque distance; quelquefois, ils volent tous à la file les uns des autres, et c’est alors qu’ils s’entr'appellent le plus fréquemment.
Sur la fin de l'été, ce Gros-Bec serapproche par moments le matin des chènevières pour s’y nourrir de la graine de chanvre et de soleil ; il y vient rare- ment seul, mais souvent par petites compagnies de 5 à 8 sujets. Aussitôt repu, il regagne les bois ou les rangées d'arbres élevés, et se cache à leur cime. À l’approche de la nuit, il se cherche dans le lierre, dans les touffes des rameaux ou des feuilles les plus rapprochées du tronc, un refuge pour la nuit; le lendemain, avant le lever du soleil, on l’entend ap- peler ses compagnons de la veille ; puis on Île voit, quand le soleil est sur le point de paraître à l’hori- zon, partir avec eux, allant à la quête des vivres.
C’est à la fin de septembre que plusieurs de ces oiseaux se livrent à des excursions périodiques dans notre pays. On les rencontre alors dans la plupart des bois, soit en plaine soit en montagne,
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224 ORNITHOLOGIE
quelquefois aussi dans les lieux couverts de buis- sons où ils vivent de faînes, de baïes de rosiers sauvages et des fruits d’alizier. Quelques bandes quittent nos climats dans les premiers jours d’oc- tobre ; à cette époque il y en arrive d’autres qui courent pendant quelques jours nos bois avant de se réfugier comme elles, pour le froid, dans le centre ou le midi de l’Europe. Mais elles se retirent de ces régions à la fin de février ou bien en mars, suivant les années, et reviennent nicher dans leur premier séjour ; c’est alors qu’il se fait ici un second passage de cette espèce. Les individus qui hivernent chez nous se tiennent souvent autour des habitations rurales ; ils se perchent d'habitude à l’extrémité des branches les plus hautes des arbres qui les entourent; mais ils fuient dès qu’on les approche, et retournent se cacher dans les bois.
Le Gros-Bec Vulgaire est d’un caractère sauvage et taciturne. Il n’est susceptible d'aucune éducation. Il ne répond que très-rarement à l’appeau des o1- seleurs ; aussi, prétendent-ils qu’il est très-dur d’o- reille. Pourtant, on le prend assez facilement en automne et en hiver, quand on possède en cage un sujet de son espèce très-porté à l’appeler quand il passe près des filets. Il faut toujours éviter de le
renfermer en volière avec d’autres oiseaux plus
faibles que lui, parce qu’il lui arrive parfois de leur briser les pattes ou de les assommer avec son bec.
DS S CRU ONE, 225 Evitons encore, quand on le dégage d’un piége, qu'il nous pince les doigts avec celte arme redou- table:, car elle les serre si fortement, qu'en un instant elle les met en sang. Sa chair n’est point un mauvais manger, quoiqu'elle ait quelquefois un léger goût d'amertume, que lui donnent les bour- geons des arbres auxquels cet oiseau recourt pour subsister spécialement en hiver et au printemps,
KRivERE Genre : BOUVAREUNE, / Æparardoecbes |.
Signes caractéristiques : Bec court, gros, surtout à la base, fort, conique, bombé sur les côtés, comprimé à la pointe, à arête s’avançant un peu sur le front; mandibule superieure un peu plus longue que l’inferieure dont elle couvre les bords et la pointe, creusée en dedans et courbée vers le bout; celle- ci un peu relevée à sa pointe. Narines rondes, basales, latérales et cachées sous de petites plumes couchces en avant. Doigts divisés.
Les Bouvreuils habitent en Savoie, pendant la saison des beaux jours, les bois ou les taillis des montagnes de moyenne hauteur, ainsi que les forêts des Alpes. Mais aussitôt que la neige envahit ces lieux, ils se rapprochent des collines ou de la plaine; ils viennent se montrer en hiver jusque dans les jardins , et s’y alimentent avec les boutons des arbres fruitiers, qui renferment les feuilles pour le printemps. Ils se nourrissent aussi de graines et de semences, quelquefois très-dures, qu’ils débarras- sent aisément avec le bec de leurs enveloppes. Les mâles diffèrent beaucoup des femelles ; les jeunes,
225 ORBOQILLE OT, O GTE après la mue de la fin de l’élé, ressemblent aux adultes et aux vieux.
L’Europe en compte six espèces, d’après la clas- sification de M. Temminck; une seule habite la Savoie.
Le Grand Bouvreuil ou le Bouvreuil Ponceau (Pyrrhula Coccinea), décrit par MM. Degland et Gerbe, est très-probablement une race locale du Bouvreuil Vulgaire, dont il diffère par son habitat et par ses dimensions un peu plus fortes. Le plumage est le même dans les deux. La différence qu’on a voulu établir spécialement sur le rouge des parties inférieures du corps, ne me paraît point fondée, parce que, dans l’un et l’autre, cette couleur varie suivant l’âge des individus; plus ils sont vieu, plus
elle est foncée.
152. Bouvreuil Vulgaire /Pyrrhula Vulgaris).
Noms vulgaires : Pivoine, Pivouene, Pivoueuse, Boulonnier, Ebourgeon- neur, Sibluz.
Le Bouvreuil (Buff.).—Bouvreuil d'Europe (Pyrrhula Europæa), Vieill.— Bouvreuil Commun (Pyrrhula Vulgaris), Temm.—Cuifrolotto (Savi).
On aime partout à tenir en cage ce charmant oiseau, à cause de la beauté de son plumage, la facilité qu’il a de retenir les airs qu'on lui siffle, et l’attachement qu'il montre pour la DRE qi chaque jour le choie.
Le Bouvreuil Vulgaire à 16 cent, 5-6 SA de longueur totale. |
HNDENEAN) SAVOIE. 227
Le Grand Bouvreuil ou le Bouvreuil Ponceau a ordinairement 2 cent, de plus; il paraît constam- ment plus gros que le Vulgaire. Son bec aussi est proportionnément plus gros, et ses tarses sont un peu plus allongés,.
Le mâle adulte est, dans les deux races, d’un noir lustré de violet sur le sommet de la tête, à la gorge, autour du bec, sur les ailes et la queue; il a la nuque, le manteau et les petites couvertures alaires, cendrés ; le croupion d’un blanc pur, de même que l’abdomen et les couvertures inférieures de la queue. Un beau rouge prédomine sur toutes les autres parties inférieures. Sur les ailes est une bande transversale, assez large, d’un gris cendré. Le bec est noir, ainsi que l'iris des veux ; les tarses sont d’un brun foncé.
La femelle est noire sur les mêmes parties que le mâle, mais brune roussâtre sur les parties infé- rieures qui sont rouges chez lui. Le cendré du des- sus de son corps paraît comme sali de roussâtre.
Les vieux mâles ont le rouge toujours plus foncé que les adultes; et les vieilles femelles, le brun rous- sàtre de dessous le corps , ainsi que le cendré du dos et de la nuque, plus purs que chez leurs sem blables d’un ou de deux ans.
Les jeunes, en sortant du nid, ont, dans les deux seæes, de la ressemblance avec la femelle adulte que je viens de décrire, sauf par la tête et la gorge qui,
228 ORNITHOLOGIE
au lieu d’être noires, sont, chez eux, du même gris roussàtre que l’on remarque déjà sur le devant de Jeur cou et à la poitrine. Le ventre est fauve; la bande qui traverse les ailes, roussàtre; le crou- pion et l'abdomen, d’un blanc sale; le dessus du corps d’un gris nuancé à la fois de cendré et de roussatre.
Après la première mue, les jeunes sexes sont très-distincts ; ils ressemblent aux adultes décrits en tête de l’article. Le rouge des parties inférieures du mâle semble néanmoins un peu mêlé de cendré rougeâtre à l'extrémité des plumes; mais cette nuance disparait au printemps, par l'effet de la mue ruptile ; alors le rouge devient plus beau.
Le Bouvreuil Vulgaire n’est pas rare en Savoie pendant toute l’année. La grande race ou le Bou- vreuil Ponceau y est beaucoup plus nombreuse que la petite : celle-ci paraît plus particulièrement ré- pandue dans le nord et le centre de la France, dans des régions souvent plus basses et moins froi- des quecelles de nos Alpes, où le Bouvreuil Ponceau est le plus commun durant l'été.
Depuis le printemps jusqu’à la fin de l'automne, on remarque ces deux races de Bouvreuil seule- ment dans nos contrées montagneuses, et notam- ment dans les bois de pins, de sapinset de mélèzes, de même que dans les lieux remplis de taillis ou de broussailles, qui les avoisinent, On les y entend à
DÉ LA SAVOIE. 229 toute heure du jour siffler, soit qu’elles s'appellent entre couple, mâle et femelle, soit que ceux-ci se répondent l’un à l’autre. Toutefois ces deux races ne se trouvent que très-rarement mêlées ensemble, même après la saison des nichées. Leur chant na- turel d’été consiste en trois cris distincts; par le cri le plus ordinaire qu’elles font encore entendre pen- dant l'hiver, on dirait qu’elles articulent les sylla- Des : {ui ; ui, tu, tui, où la voyelle + n’est presque pas sensible à l’ouïe ; en sorte qu’en les proférant, elles paraissent constamment siffler. La première syllabe se fait entendre d’abord seule, lorsque loi- seau débute; ensuite, les deux ou trois autres lui succèdent alternativement. À ces coups de sifflet le mâle Joint souvent une espèce de gazouillement un peu enroué et finissant en fausset, par lequel il semble exprimer les mots: pèrr, pirrout, pirot ; je le crois aussi propre à la femelle, pendant la période de l’amour. Le mâle possède encore un petit cri plaintif, très-doux , quelquefois très-semblable à un roucoulement, et qu’il redit souvent en été, en l’accompagnant, d’après M. Vieillot, d’un remue- ment dans les muscles de l’abdomen. Ce cri et les précédents sont d'habitude plus forts et plus pro- longés dans le Grard Bouvreuil que dans la petite race.
230 ORNITHOLOGIE
nidification à la fin de mai ou seulement vers la mi-juin. Ils font ensuite une seconde couvée dans les derniers jours de juillet, ou bien au commence- ment d'août. C'est principalement dans les buis- sons les plus épais et dans les enfourchements des branches d'arbres les plus rapprochées du sol, dans ceux des hêtres et des sapins surtout, qu’ils placent leur nid. Ils y travaillent de concert et le construisent en dehors de très-petits morceaux de branches sèches, entrelacés négligemment, et quel- quefois mélangés avec des brins ou des tiges de bruyères; ils doublent ensuite ces matériaux en dedans d’un peu de racines fibreuses ou chevelues de plantes et d’arbustes, qui sont à leur tour re- couvertes de quelques poils ou de crins. La femelle y dépose 5 ou 6 œufs, ordinairement 4 à la seconde ponte; ils sont bieuâtres ou d’un blanc bleuâtre, tachetés de violâtre, de noir ou de noi- râtre et d’un rouge très-sombre ; ces taches se trou- vent mèlées ensemble vers le gros bout de la coque, où elles sont parfois disposées en une sorte de couronne plus ou moins complète. Les œufs ont, dans la grande race, 18 3 à 19 mill. + de longueur, sur 43 + à 14 mill, + de diamètre; dans la petite race, ils sont de 47 ou 47 mill. ; de long, et de 1à- 14 mill. de largeur diamétrale.
a!
DE LA SAVOIE. 231 encore sa compagne quand elle couve, en lui dégor- geant les vivres; c’est aussi par cette voie que le couple partage à sa progéniture les graines ou les semences qu'il choisit pour sa pâture ; mais il ne les lui donne, tant qu'elle demeure dans le nid, qu'après les avoir laissées macérer pendant quel- ques minutes dans le jabot.
Le père et la mère quittent leur petite famille dès qu’elle est très-capable de se nourrir seule : et ils continuent eux-mêmes à vivre ensemble ; on les revoit encore souvent appariés pendant l'hiver. Tous les jeunes d’une nichée restent, après leur édu- cation achevée, tantôt deux ou trois ensemble, tan- tôt solitaires, et assez fréquemment par petites compagnies de quatre à six sujets. Ils habitent, comme leurs vieux semblables, les bois des monta- gnes jusqu'à ce que la neige ou l'intensité du froid les en chassent. Les graines de différentes espèces d'arbres et de plantes, qu’ils ne mangent qu'après les avoir dépouillées de leurs péricarpes, les bour- Seons etles baies de l’aubépine, du genévrier,duner- prup, etc. y composent leur principale nourriture.
C’est à la fin de l'automne, ou bien aux premières neiges qui tombent dans nos montagnes, que les Bouvreuils en descendent un à un ou par paires, quelquefois par petites bandes, et s’abattent dans les bois inférieurs. Quelques individus se livrent alors ensemble à des excursions jusqu’à l’approche
239 ROMEO LOGIE
du printemps; mais à cette époque, ils rentrent ordinairement tout appariés dans leur patrie, et regagnent les régions alpestres pour s’y adonner à l’acte de reproduction. Ceux qui restent en Sa- voie pendant l'hiver, fréquentent particulièrement les bois des collines et ceux qui recouvrent le pied des montagnes. Mais les neiges viennent-elles aussi les envahir, ils arrivent dans ceux de la plaine ou dans les parcs et les vergers des lieux habités : c'est dans ces derniers ainsi que dans les jardins, qu'ils commettent le plus de dégât, en mangeant et détruisant force bourgeons d’arbres fruitiers, tels que cerisiers, pruniers, poiriers et pom- miers,. On les observe aussi dans les grandes haies qui bordent des routes et des champs, où ils recherchent les petits fruits sauvages et les baies d’épines; puis sur les chênes, les frênes, les aunes, les charmes, qui les nourrissent de leurs jeunes pousses et de leurs semences. Pour les couper et les dépouiller de leurs involucres, ils s’accrochent et se suspendent par les pieds aux branches, comme plusieurs Fringilles, et ils restent souvent dans cette position pour en manger l’intérieur.
Le Bouvreuil Vulgaire est l’un des oiseaux qui s’apprivoisent le mieux et qui bientôt s’attachent à leur maître d’une manière forte et durable. À ces bonnes qualités il joint une heureuse aptitude pour apprendre à articuler des mots, à retenir des airs de
DIÉALANSAMOTE. 233 chansons, à imiter les cris de quelques oiseaux pla- cés près de lui en cage. Mais il faut de la part de la personne chargée de lui donner des leçons, beau- coup de patience et des sons raisonnés; autrement, elle ne réussira que très-difficilement à lui perfec- tionner le chant. La femelle paraît aussi susceptible d'éducation que le mâle ; elle apprend aussi bien à siffler que lui. Vient-on à bout d'élever ensemble un mâle et une femelle, on peut espérer de les voir au printemps se préparer un nid avec les matériaux mollets qu’on leur offre, et y couver ensuite tour à tour. Maïs il arrive très-souvent que les œufs sont clairs; le mâle à en outre quelquefois la manie de les casser à mesure que la femelle les pond et d’ava- ler ensuite quelques débris de leur enveloppe cal- caire. J’ai vu plusieurs couvées de ce Bouvreuil en volière, mais je n’en ai pas rencontré une seule qui ait eu de la réussite,
En état de liberté, cet oiseau n’est guère sau- vage; il donne facilement dans les piéges, surtout en hiver. Son naturel est sombre et timide; c’est pour cela qu’il se plaît tant dans les lieux ombra- gés et couverts, où souvent il se tient caché parmi les branches. Il a dans la queue un mouvement assez brusque de haut en bas, mais beaucoup moins fréquent, moins marqué que celui des Bergeron- neltes et des Pipis. Sa chair est d’un bon goût; elle est quelquefois parfumée de l’odeur agréable des
234 ORNITHOLOGIE.
baies de genièvre ; mais en hiver, ellese ressent un peu de l’amertume qu’elle emprunte des bourgeons qu’elle consomme alors dans les bois et les vergers,
XLIXce Genre : BEC-CROISÉ (Lozxia),
Caractères : Bec large à sa base, comprimé latéralement, robuste, crochu à la pointe des deux mandibules, qui sont allongees et croisées l'une sur l’autre; le bout de la mandibule inferieure se dirigeant tantôt d'un côté, tantôt dé l’autre. Narines basales, latérales, étroites et cachées sous des poils couchés en avant. Pieds, trois doigts devant, un derrière, munis d'ongles crochus. Ailes mediocres. Queue fourchue.
Les Becs-Croisés sont voisins des Bouvreuils et des Gros-Becs par rapportaux mœurs et à l'appétit: mais ils s’en éloignent essentiellement par la dif- formité ou la forme extraordinaire de leur bec croisé en sens inverse, au bout des deux mandibules : ce caractère les sépare aussi de tous les autres genres d'oiseaux.
Ils habitent particulièrement les régions froides et élevées de nos Alpes, où ils se propagent pendant les rigueurs de l'hiver. Durant l’été et en automne, ils se livrent à des excursions par bandes souvent nombreuses soit dans leur propre pays, soit vers les régions centrales et méridionales de l’Europe. Les semences d’arbres et d’arbustes alpestres, sur- tout celles de pin et de mélèze, forment la base de leur nourriture dans leur séjour d’été ; ils les arra- chent facilement de leurs cônes avec l’une de leurs mandibules : ordinairement avec le crochet supé-
DELA SAVOIE. 235 rieur, qui est la pointe de la mandibule inférieure, tandis que l’autre sert de point d'appui pendant que le premier retire le fruit. Dans leurs excursions d’été, ils ont aussi recours aux graines de chanvre et de soleil, ainsi qu'aux pommes qu’ils fendent aisément pour en avoir les pepins, dont 1ls paraissent friands. Les mâles et les femelles ne se ressemblent point dans leur livrée; les jeunes mâles, avant la mue, sont semblables aux femelles,
La mue est double dans l’espèce que je vais décrire; celle du printemps est d'habitude plus notable dans les Jeunes que dans les vieux et les adultes; elle n’a pas lieu chez tous les sujets à la fois : elle paraît subordonnée à leur âge. J’ai re- marqué des individus qui muaient à la mi-avril, tandis que d’autres avaient déjà éprouvé cette crise à la fin mars; j’en ai vu quelques-uns qui commen- çalent à muer aux premiers jours de mai, lorsque plusieurs de leurs semblables, soit le plus grand nombre des sujets que je capturais alors dans nos montagnes, avaient déjà totalement changé de plumes. Les jeunes de l’an, quoique nés en janvier, février ou mars, ne muent pas d'habitude chez nous avant les mois de juin, juillet et août; 1ls changent encore de livrée à la fin de l'hiver ou à l'approche du printemps suivant, quand ils terminent l’édu- cation de leur première famille.
La Savoie possède une seule espèce de Bec-
236 ORNITHOLOGIE
Croisé, qui nous fournit parfois des individus un peu plus gros que d'habitude, mais qui ne diffèrent point du type de l'espèce par les couleurs du plumage.
252%.—Bec-Croisé des Pins /Loviu Curvirostra).
Noms vulgaires : Bec-Croise, Bet-Cruëèja, Bec en Croix. Le Bec-Croisé (Buff.). — Loxia Curvirostra (Cuv.). — Bec-Croisé des Pins
(Loxia Curvirostra), Vieill.—Bec-Croisé Commun ou des Pins (Loria Curvi- rostra), Temm.—Crociera (Savi).
Cet oiseau tire son nom, comme nous venons de le voir par ses signes caractéristiques, du croise- ment des deux mandibules de son bec à leur extré- mité. Sa longueur totale est de 16 centim. ; quel- ques individus un peu plus gros que d'ordinaire ont » ou 6 millim. de plus; leur bec est même un peu plus fort, et souvent la pointe de la mandibule inférieure ne dépasse point le dessus de la supé- rieure, comme on le remarque dans les sujets com- muns. Cette dernière paraît en outre un peu moins allongée et plus subitement courbée que chez eux.
Les vieux mâles sont d'un rouge de brique, ou d’un rouge vermillon ou ponceau plus ou moins vif et pur, suivant l’âge des individus, sur la tête, le cou, le dos, le croupion et sur les parties inférieures; ils ont seulement le milieu du ventre et de l’ab- domen d’un blanchâtre souvent teinté d’un peu de rose, surtout chez les érès-vieux sujels; puis les sous-caudales blanches, avec une large tache brune
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE .
Passereaux. l'eingillidé es ; ! TI: 2/7 |
!
l
1 D Neo. | | Neanes dal Grand Bouvreuil ou B. Ponceau, 40e 2dulle; 15 grnat; PI. » » » Jete de femelle adulte. Bouvreuil Vulgaire( Pete vace);212/e adulte; 75 grnat, P.M6. Bee-Croisé des Pins, rezrmale; #8 grral; LP. 956. DEN) Jeune de l'annee.a pres la l'*mue, 13 or.nat-\-Ù als de lesp;grrat
ex = cts —
DATOUNEENS ANIO CE. 231 au centre de chaque plume. Les pennes des ailes et de la queue sont noirâtres, et finement lisérées à l'extérieur de blanc jaunâtre ou d’un rouge pâle, selon l’âge. L'iris des yeux et les tarses, bruns ou noirâtres. Le bec, dont la pointe de la mandibule inférieure se dirige, en se croisant sur la supé- rieure, tantôt d’un côté tantôt de l’autre, est d’une couleur de corne plus foncée en dessus que sur les côtés et en dessous.
Les jeunes des deux sexes, en sortant du nid, sont d’un gris blanc fortement taché en long de noirâtre sur le devant du corps; puis variés de blanchâtre, de noirâtre, de gris ou de cendré terne sur les par- ties supérieures. [ls ont l'extrémité des moyennes et grandes couvertures des ailes, d’un blanc très- sale et inclinant parfois presque au jaunâtre : ce qui forme sur chaque aile deux bandes transversales, dont la première est toujours plus étroite que la seconde. Les plumes du croupion et les couvertures supérieures de la queue sont habituellement bor- dées et terminées, chez les mâles surtout, d’un cendré jaunâtre,
À leur première mue, vers le milieu ou sur la fin de l’été, les jeunes mâles se colorent de cendré plus ou moins mêlé de verdâtre en dessus du corps : on y remarque en outre, et notamment sur le front, à la nuque, aux joues et sur les côtés du cou, quel- ques taches ou espaces jaunâtres. Ils deviennent
238 ORNITHOLOGIE
jaunes ou jaunâtres sur le croupion ; puis gris ver- dâtres ou verts jaunâtres, ordinairement lavés de cendré, suivant les sujets et l’époque de l’an, sur les parties inférieures. Îls conservent néanmoins souvent, mails plus particulièrement dessus que dessous le corps, quelques mouchetures ou nuances brunes de leur première livrée,
A la seconde mue, qui a lieu soit à la fin de l’hi- | ver, soit au commencement du printemps, les jeunes | mâles prennent du rouge ou du rouge pâle orange, | ou bien un rougeâtre teint de jaune, sur lesquels se trouvent çà et là, et surtout à la nuque, aux régions des yeux et des oreilles, puis sur le dos, lescôtés du cou et de la poitrine, quelques nuances , plus ou moins notables, brunes ou brunâtres et grisâtres.
À la troisième mue ou à la fin de l'été de la deuxième année, le rougeâtre ou le jaune rouge | se change en rouge de brique plus ou moins vif, | et plus tard en rouge vermillon et ponceau : c’est- | à-dire que plus les mâles vieillissent, plus le rouge | de leur livrée devient foncé.
La femelle ne prend jamais la livrée rouge, qui est propre au mâle seul. Dans un âge avance, elle 1 est d’un gris verdâtre presque nuancé de cendré ; | jaune sur le croupion qui paraît aussi teinté souvent | À de cendré sur cette couleur, et d’un blanc sale au
DENT SAVOIE. 239 dans l'âge adulte, elle se trouve habituellement mar- quée au centre des plumes de la tête, de la gorge et du manteau surtout, d’une teinte plus foncée que celle des bords, qui est ou cendrée ou cendrée olivâtre, selon son âge,
Le Bec-Croisé des Pins fréquente principalement les contrées montagneuses, froides et couvertes de bois noirs; son apparition dans le Midi, et dans plusieurs pays tempérés de l’Europe, n’a lieu qu’accidentellement où à des époques plus où moins éloignées, Il vit sédentaire en Suisse et en Savoie, où son espèce est assez commune suivant les localités, pendant les nichées, Nous en voyons en outre, à des intervalles de plusieurs années et particulièrement dès le milieu de l’été jusqu’en au- tomne, des passages par moments extraordinaires. Nous en eûmes beaucoup en 1836 et 1837; les plus anciens oiseleurs de l’époque assuraient unanime- nent qu'il ne s'était point vu en Savoie de passages aussi remarquables, depuis les mois dejuillet, d'août et de septembre 1822, 1825 et 1826. En consul- tant les travaux des ornithologistes Contemporains, on voit que ces migrations s’étendirent aussi dans lés pays du centre et du midi de l’Europe. Elles sont dues à des causes accidentelles : c’est sûrement une disette plus ou moins complète des fruits et des semences, dont ce singulier oiseau se nourrit, qui le pousse à quitter ainsi les climats qu’il habite
210 ORNITHOLOGIE
de préférence, pour le faire aller chercher dans d’autres, les aliments que les premiers ne peuvent alors lui fournir.
Ce fut par bandes continuelles et presque tou- jours nombreuses queles Becs-Croisés arrivèrent ici pendant les années que je viens de signaler. Doués d’une grande confiance, ils se laissaient aborder de si près qu’on en abattait souvent dans les jardins en ville et dans les champs , avec des pierres ou des bâtons; quelques sujets allaient jusqu'à s’y laisser prendre avec la main. Les détonations du fusil ne les effrayaient guère, surtout aux premiers jours de leur apparition dans le pays; aussi les tirait-on, quand ils étaient par troupes, plusieurs fois de suite sur le même arbre , sans que les indi- vidus qui survivaient aux fusillés, témoignassent quelque envie de fuir ; souvent ils se contentaient alors de passer d’une branche à l’autre, ou de monter du centre de larbre, où ils étaient, à la cime; et là on leur tirait encore avec succès quel- ques coups de fusil. Ils étaient si voraces qu’ils paraissaient continuellement affamés. On les trou- vait dans les champs ensemencés de chanvre et quelquefois dans les millets, où ils faisaient une forte consommation des graines; puis autour des maisons de campagne, dans les allées de pins et de sapins dont ils dévoraient les semences. Ils se répandaient aussi dans les vergers et les jardins,
DE LA SAVOIE. 241 où ils causaient du dommage sur les pommiers et les poiriers, en fendant ieurs fruits pour se repaître des pepins; quelquefois, ils réussissaient, et je l’ai vu moi-même, à ouvrir à l’aide des deux crochets de leur bec, les noix, qu'ils tenaient toute- fois assujetties dans leurs serres, et en mangeaïent le fruit. On se plaisait partout à leur tendre des piéges, surtout des filets où ils se jetaient sans hési- ter un instant, pourvu qu'ils y aperçussent quel- qu'un de leurs semblables ; si l’un des sujets d’une bande venait à s’y poser, aussitôt tous les autres le suivaient en poussant leur petit cri d'appel : CTUip, CrUip, CrUIp-CrUuip.
Le Bec-Croisé des Pins vit longtemps en cage. Ce qui y fait son mérite, c’est qu’on ne l’y voit ja- mais s’impatienter, pas même les premiers jours de captivité ; il ne paraît point, en effet, sensible à la perte de sa liberté. Il devient en fort peu de temps d'une familiarité extrême. On le voit presque tout le jour se distraire en grimpant le long des bar- reaux de la cage, comme les Perroquets qui s'ac- crochent pour cela par les pieds et le bec. En état de liberté, il s'accroche de la même manière aux branches et grimpe jusqu’à leurs sommités, tout en y cherchant sa vie. En volière, on le nourrit faci- lement avec des semences de pin et de mélèze, avec des graines de soleil et de chanvre. Mais plusieurs personnes sont d'avis de lui ménager la graine de
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242 ORNITHOLOGIE
cette dernière plante ; elles prétendent qu’elle con- tribue beaucoup à lui faire perdre plus tôt sa livrée rouge, qui devient alors jaune, ou jaune olivâtre, et quelquefois presque de couleur orange. J'ai gardé en cage plusieurs Becs-Croisés. Je leur donnais fré- quemment des noix et des noisettes; mais pour qu'ils n’eussent pas trop de peine à les casser, je les fendais un peu, laissant ensuite à ces captifs le soin de les ouvrir assez pour en avoir l’intérieur. Ïls s’'emparaient d’abord du fruit, l’assujettissaient entre leurs petites serres, le becquetaient à plu- sieurs reprises, comme s'ils eussent voulu $s’as- surer, avant de l’entamer, de la bonté du noyau que la coquille recouvrait ; ensuite, ils enfonçaient l’un des deux crochets du bec dans la fissure que j'avais pratiquée, tandis que l’autre leur servait, sur la coque, de point d'appui: ils ne tardaient pas, en tournant plusieurs fois de suite le premier crochet dans la fente, à faire craquer l'enveloppe, puis à la rompre, enfin à se nourrir de la substance inté- rieure, Mais j'ai remarqué que ces aliments les altéraient considérablement. Quant aux cônes de pin et de mélèze que je leur donnais, ils en déta- chaient les écailles adroitement pour s'approprier la graine qu’elles cachaïent ; ïls posaient le cro- chet inférieur du bec (celui de la mandibule supé- rieure) au-dessus de l’écaille, qu'ils soulevaient à plusieurs reprises et finissaient par écarter à l’aide
DE LA SAVOIE. 243 du crochet supérieur. Parfois, ils la tenaient seu- lement soulevée avec l’une des pointes du bec, pendant qu'avec l'autre ils arrachaient la semence qui se trouvait en dessous.
Comme nos observateurs montagnards, je crois que ce Bec-Croisé n’est devenu commun en Savoie que depuis ses nombreux passages de 4822, 1895, 1856 et 1837; il est effectivement certain qu'avant ces époques, on ne l’y remarquait qu'en très-petit nombre toute l’année. Aujourd'hui, au contraire, il
n'est presque pas, dans nos régions alpestres, de
forêts d'arbres verts qui ne le possèdent par bandes ou par plusieurs paires, durant la période des ni- chées : il faut donc que des troupes voyageuses de cette espèce, venues des pays froids de l'Europe, se soient fixées dans nos Alpes, où elles ont dû facilement rencontrer soit le climat du Nord, qui leur convient mieux que tout autre, soit les sub- stances végétales qui les ÿ alimentent.
Le Bec-Croisé des Pins est le seul oiseau de nos contrées qui se reproduise pendant les rigueurs de l'hiver ; c’est depuis le milieu de janvier jusqu’à la fin mars que l’on trouve le plus son nid garni d'œufs ou de petits. Îl niche de préférence dans les forêts de pins et de sapins de nos montagnes, rarement dans celles de même nature des co- teaux et des collines. On le voit se propager au Nivolet, à Margériaz, Montmayeur et Saint-Hugon ;
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246 ORNITHOLOGIE
bonne partie de l'été, les mâles ont un ramage composé de quelques cris forts, aigus, assez bien liés ensemble et qu'ils redisent en grasseyant un peu.
Ces oiseaux voyagent chez nous depuis la fin de juin ou le commencement de juillet jusqu’en sep- tembre ou octobre, selon les années. Plusieurs de leurs bandes s’abattent alors des montagnes jus- qu'à la plaine, On les rencontre là le long des routes et sur les bords des champs et des eaux, po- sées de préférence à la cime des peupliers, dont elles mangent les bourgeons qui se forment avant l'automne. C’est surtout le matin, au lever du soleil, qu'elles se mettent à voyager; et aussitôt que cet astre répand trop de chaleur pour elles, on ne les remarque presque plus qu'à l'ombre, dans les bois de haute futaie. Elles se remet- tent ensuite en mouvement le soir, deux ou trois heures avant le crépuscule, et rentrent, à l'approche de la nuit, dans les bois pour dormir. Le lendemain, dès le point du jour, on les y entend rappeler; et lorsque le soleil paraît à l'horizon, elles se trouvent déjà répandues dans les champs, dans les chène- vitres surtout, ou bien sur les lisières des bois qui leur fournissent les graines ou les fruits qu’elles recherchent le plus avidement.
DEA LA, SAVOIE. 247
Xe Genre : BRUANT (Wimberiza).
Caractères genériques : Bec court, assez robuste, conique, un peu comprimé latéralement; mandibules à bords rentrés en dedans; la supérieure plus étroite que l’inferieure, en partie Creusée à l’intérieur soit au palais, et munie, dans cette partie, d'un tubercule osseux de forme variée, tantôt longitudinal et saillant, tantôt arrondi et peu apparent, selon les espèces. Narines percées à la base du bec, orhiculaires, et un peu cachées sous de petites plumes diri- gées en avant. Langue épaisse et fendue à sa pointe. Tarses réticulés; trois doigts devant divisés; un derrière. Ailes de moyenne grandeur. Queue à 12 rectrices, longue, fourchue ou légèrement arrondie.
Les Bruants, en général, sont des oiseaux fort peu prévoyants et notables par leur air de stupidité, qui les éloigne singulièrement des Fringilles ; pres- que pas défiants, ils donnent, surtout en hiver, dans tous les piéges possibles. Les bois, les buissons, les lieux cultivés et voisins de l’homme plaisent aux uns pour leur demeure habituelle ; aux autres, les champs, les herbes ou les prairies, et les maré- cages. Îls s’y nourrissent de graines farineuses, de fruits doux et fondants, de baies, d'insectes et de larves. Leur chant, rarement agréable, n’est pas aussi varié n1 aussi modulé que chez la plupart des Fringilles : il est ordinairement bref et composé de deux à quatre notes seulement, mais souvent répé- tées sur le même ton. [ls n’ont point comme eux le talent de s'approprier, ni de redire en volière quelques cris ou quelques phrases musicales du ramage des autres volatiles retenus près d'eux, ni d'apprendre à articuler des mots, ni de chanter des airs.
Les Bruants diffèrent encore des Fringilles par
218 ORNITHOLOGIE
leur manière de nicher : c’est à terre ou fort près du sol, et parmi les herbes, les moissons et les ar- brisseaux qu'ils couvent, jamais sur les arbres comme ces derniers. Leurs nids sont généralement travaillés presque sans apprêt; ils renferment trois à six œufs, suivant les espèces, le nombre des pontes et l’âge des couples. Leur chair est savoureuse ; les gastronomes lui donnent la préférence sur celle des Fringilles ou Gros-Becs.
Plusieurs Bruants quittent nos climats en au- tomne ou à l’approche du froid, et s’envolent par bandes à la découverte des contrées méridionales. Elles y passent l'hiver, et retournent avec les pre- miers beaux jours dans leur patrie pour s’y livrer à l'acte de la reproduction.
La mue est simple et ruptile chez les Bruants appelés à faire partie de cet ouvrage. Chez eux, les sexes n’offrent pas toujours des disparités bien caractérisées ; les femelles ont souvent, et surtout en hiver, les couleurs seulement un peu plus ternes que les mâles. Mais c’est spécialement au printemps qu'ils diffèrent le plus entre eux : les mâles acquiè- rent alors des teintes beaucoup plus vives et plus prononcées que celles des femelles, en perdant, par l’eflet de la mue ruptile, le bord terminal des plumes qui est gris ou cendré, et qui cachait en partie, pendant l’automne et l'hiver, la couleur plus foncée qui se trouvait en dessous, Les jeunes,
(] ORNITHULOCIE DE LA SAVOIE. |
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| Bruant Jaune,224 adulte au printemps3gr ral; VH)— 0-4 Z uK delesp;grrat | 5 Bruant Ortolan 722% 247/4e au prinemps/39r ral, P957— 6-8 Zzf del esp; grrat.
| 9 Bruant Jiri, role adulte au Lprinlemps 789rral, P.963.
1049 72% de lespece; gr nat A5 Cube de Druant lou; pr nat.
DE LA SAVOIE, 249
après la première mue, ressemblent beaucoup aux femelles; comme elles, ils sont habituellement plus tachetés de foncé que les mâles adultes et les vieu.
La Savoie possède six espèces de Bruants, que l’on connaît plus particulièrement sous le nom gé- nérique et vulgaire, Roussette. On leur donne, en outre, des épithètes que l’on tire soit de la couleur principale de leur livrée, soit des lieux qu’elles habitent par préférence. Les contrées méridio- nales et orientales de l’Europe en possèdent plu- sieurs autres espèces.
153.—Bruané Jaune /Emberisa Citrinella).
Noms vulgaires : la Roussette, Rossetta, Roussette Jaune, Verdanne, Var- danna, Verdière.
A on ce
Le vieux mâle de ce Bruant à 17 centim. de longueur totale; la femelle n’en a que 16.
Le premier est d'un beau jaune sur la tête, la gorge, le devant du cou, la région des yeux et des oreilles, sur le milieu du ventre et les sous-caudales: cette couleur n’est pure qu’après l’âge de deux ans; avant, par conséquent chez les adultes, elle se trouve, sur plusieurs de ces parties, sur la tête et les joues surtout, plus ou moins variée de brun. Le dos est noirâtre dans le milieu des plumes, et roussâtre ou d’un marron clair sur les côtés ; le crou-
250 ORNITHOLOGIE
pion de cette dernière couleur, et marqué de gris blanchâtre à l'extrémité des plumes ; mais, après la mue ruplile du printemps, ce liséré n'existe plus, ou bien il en reste seulement des indices sur quelques plumes. Le haut de la poitrine est, notamment chez les sujets d’un et de deux ans, teinté d’un vert oli- vâtre, et le bas de cette partie, de même que les flancs, porte des taches plus ou moins larges, d’un fauve rougeàtre ; ces derniers se trouvent, de plus, rayés de noirâtre. La queue est longue, noirâtre et tachée de blanc sur le bord interne des deux pennes latérales de chaque côté. Les ailes aussi sont noirà- tres, et bordées extérieurement de roussâtre, de gris et de jaunâtre ; leurs couvertures supérieures sont d’un marron, que termine une bordure blanchâtre à chaque plume. Le bec est brun ; l'iris brun foncé ; les tarses tirent sur le jaunâtre.
La femelle a les teintes jaunes moins vives, d’ha- bitude tachetées de brun et d’olivâtre sur la gorge et le cou; elle porte, sur le centre des plumes de la poitrine, des flancs et des sous-caudales, une tache longitudinale et brune. Le jaune du ventre est tou- jours plus pâle que chez le mâle, ainsi que le mar- ron clair des couvertures supérieures de la queue, qui tourne presque au fauve.
Les jeunes des deux sexes, avant la mue, ont la tétecfart tachetée de noiratre AeLiprivee de jaune; les parties inférieures d’un blanc jau-
DAS A VOTT. 951 nâtre, avec de nombreuses taches, pareilles à celles de la tête et du dos.
Après la mue, les jeunes mâles ressemblent beau- COUP, jusqu'à leur seconde année, à la femelle décrite.
Le Bruant Jaune varie accidentellement d’un blanc plus ou moins pur, ou d’un blanc mêlé de jaunâtre ; quelquefois, il devient entièrement d’un jaune isabelle.
1! se trouve répandu dans la plus grande partie de l’Europe ; on le voit au Nord comme dans le Midi. Il est sédentaire et très-commun en Suisse et en Savoie; on l’y rencontre dans les régions monta- gneuses, cultivées ou remplies de friches et de tail- Hs, spécialement durant toute ia belle saison. Il est très-rare dans nos Alpes, après la région des bois. Je l'ai remarqué une seule fois au Mont-Cenis, auprès des neiges éternelles de Rivers, pendant la période des nichées ; son nid était posé à terre, au milieu d’un massif de rosage (rhododendron ferrugineum, Linn.).
Pour se reproduire ici, ce Bruant s’éparpille, dès les premiers beaux jours du printemps, de préfé- rence dans les pays montueux; il y recherche la lisière des bois, les lieux couverts de buissons, quelquefois, selon les localités, les terres en culture et qu’avoisinent des bois ou des fourrés. Il travaille à son nid vers la mi-avril ou seulement dans les pre-
252 ORNITHOLOGIE miers jours de mai, suivant qu’il a choisi des régions plus ou moins élevées. Il le place à terre, soit dans les moissons, principalement dans les avoines et les seigles, soit au pied ou au mi- lieu d’une toufle d'herbe ou d’un arbrisseau rampant; ou bien il l’assujettit quelquefois à une petite élévation, parmi les rameaux des buissons les plus touffus. Ce nid est tout simplement fait en dehors avec de la paille, du foin, des feuilles sèches et de la mousse, que recouvrent en dedans le che- velu des racines, le crin et la laine, ou des tiges d'herbes très-déliées. La femelle y pose, suivant son âge, à à o œufs, el rarement 6; ils sont, en moyenne, longs de 19 + à 20 mill., sur 45 ou 15 mill. + de diamètre; d’un blanc un peu bleuâtre ou presque café au lait, avec des taches, des lignes irrégulières et en zigzag, brunes ou brunâtres, noi- râtres et violâtres. Elle fait en Savoie deux ou trois pontes par an; aussi trouve-t-on assez souvent la dernière couvée vers le milieu d'août, dans nos mon- tagnes ; habituellement elle se compose de 3 œufs. Le mâle prend part à l’incubation; mais il s’y | adonne avec moins de sollicitude que sa compagne, | qui se laisse facilement prendre sur les œufs ; il | couve aussi moins longtemps qu’elle, et en compen- | sation il lui apporte de temps à autre des aliments. ill Dans ses moments de loisir, il se tient tranquille près de lanichée, tantôt caché dans le feuillage, tan-
DE LA SAVOIE. 253 tôt juché à la pointe d’un petit arbre ou de quelque branche isolée ; delàil faità chaque instant entendre son chant monotone : c’est une composition de huit ou neuf notes, dont les six ou sept premières sont égales et proférées sur le même ton, et les deux der- nières, qui sont d'habitude séparées des autres par un petit intervalle de temps, les plus aiguës et les plus trainées. Ce chant s'exprime ainsi :
Quelquefois la dernière note se trouve compléte- ment supprimée. C’est depuis la fin mars jusqu’au milieu d'août que le mâle ramage de la sorte; néanmoins il chante plus rarement quand il nourrit et élève sa progéniture. En toutes saisons, il a un petit cri d’appel (trit), qu’il jette principalement en volant et lorsqu'il se perche; puis un autre pour indiquer son inquiétude, quand on leffraye et quand on s’approche de sa couvée : celui-ci semble articuler : titchye. Ces deux cris sont aussi com- muns à la femelle.
Le Bruant jaune alimente ses petits, dans les premiers jours de leur naïssance, avec des vers, des chenilles, des fruits doux et charnus, avec de petits insectes tendres, auxquels il enlève toutefois
254 ORNITHOLOGIE
les substañces dures et indigestes; plus tard, il associe à ce genre de nourriture des graines, qu'il brole avant de leur en faire la distribution. Souvent les jeunes quittent le nid avant de pouvoir voler, et restent cachés dans les herbes et les buissons, où le père et la mère viennent tour à tour Îies revoir et leur donner la becquée. Ceux-ci découvrent-ils alors quelque importun près d’eux, ils descendent sur le sol et vont à la course, à travers plantes et broussailles, porter à manger à chacun des petits ; puis ils reprennent brusquement le vol , partent en rasant la terre. Mais cette famille est à peine éle- vée, que ses auteurs l’abandonnent pour rentrer en amour, pondre et couver de nouveau.
Après les nichées, le Bruant Jaune reste encore dans nos régions montagneuses, et vit en petites bandes ou par deux ou trois ensemble. On l'y découvre particulièrement dans les champs d’a- voine, dont 1l aime beaucoup la graine, ainsi que dans les haies, dans les broussailles qui les environ- nent, où les petits fruits sauvages et les baies ser- vent accessoirement à leur nourriture. Aux premiers frimas, il se rapproche des collines ou descend
jusqu’à la base des montagnes; là on Île trouve
souvent mêlé avec le Bruant Ziz1, avec le Pinson, le Verdier et le Hoineau. Dans les jours de neige, ou même lorsqu'elle est imminente, il arrive en plaine et sur les coteaux adjacents; alors il s’abat
DÉMPANSANVOTLE. | 255 dans les alentours des fermes, sur les aires et les arbres qui les entourent, et dont 1l choisit les som- mités pour se poser. Îl s’alimente de graines de dif- férentes espèces de plantes, de celles surlout de pa- nics, qu'il cherche le long des haies, dansles champs en friche, dans les vignes et autour des maisons rurales, Quand la neige envahit tout le pays, il se répand avec plusieurs autres volatiles Jusque dans les cours des fermes et des autres habitations, de mème que sur les routes les plus fréquentées, où il dévore les grains d'avoine non digérés qu’il saisit dans les fientés des animaux, qu’il éparpille à cet effet, 11 se montre encore dans les jardins, et se tient souvent pendant près d’une heure juché à la même place, poussant de temps en temps son cri triste : ttchye, qu’il alterne parfois avec le cri de ralliement : tri. On l'approche de fort près pen- dant toute la mauvaise saison, et pour le prendre alors, on se sert avec succès de plusieurs sortes de pièges. Aux environs d'Yenne (Savoie), et notam- ment à Saint-Paul, on le chasse en hiver d’une manière abominable. Les villageois tiennent le jour leurs granges ou greniers tout ouverts afin de l'y laisser entrer, quand il est à la quête de sa subsi- stance. Pour le guetter, ils se cachent eux-mêmes tout auprès des bâtiments; aussitôt qu’ils Py ont vu
956 ORNITHOLOGIE
et les ferment subitement. Ces volatiles effrayés se sauvent en volant vers les fenêtres, mais ils sy empêtrent dans les rets qui les bouchent; ceux qui s’en échappent, sont impitoyablement massa- crés à coups de verge ou de bâton, pendant qu'ils voltigent dans la prison.
M. de Sélys-Lonchamps décrit, à la page 82° de sa Faune belge, une autre genre de chasse en usage en Belgique. Les villageois, dit-il, tuent beaucoup de ces oiseaux, lorsque la terre est couverte de neige, à la chasse qu’ils nomment ramaalle : par une nuit sans lune, un homme lônge les vieilles haies en tenant à la main une torche de paille allu- mée; les Bruants Jaunes (en wallon, Jadrennes) voltigent hors de la haie en se dirigeant vers la lumière, et deux ou trois autres personnes les abat- tent à coups de grands rameaux d’épine.
Tous les ans, dans les matinées d'octobre et de novembre, nous voyons passer en Savoie des volées de ce Bruant, qui, venant du Nord, traversent nos vallées et se dirigent généralement vers les pays méridionaux de l’Europe. Quelques bandes, sou- vent confondues avec celles des Pinsons et des Bruants Zizis, émigrent aussi de nos climats pour aller hiverner dans les mêmes régions ; mais elles reviennent à la fin de février ou en mars. Cepen- dant l'espèce se maintient ici toujours nombreuse, même durant les froids les plus vifs.
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DE LA SAVOIE. 57
Le Bruant Jaune vit très-bien en cage, où il s’accommode des graines de millet, de chènevis et de sarrasin (blé noir); mais il n’a point de chant propre à charmer celui qui prend soin de sa pe- tite personne. Quand on l’a pris dans un piége et qu’on le destine à la volière, il faut éviter de l’a- border trop souvent au commencement de sa capti- vité, si l’on ne veut pas le voir alors se meurtrir la tête et le corps en se jetant avec excès contre les barreaux de sa prison. Sa chair est délicate, et
d’ailleurs recherchée.
154.—Bruant Ortolan / Emberiza Hortulana).
Noms vulgaires : Fossori, Faüchié, Ortolan, Ourtolan, Petit Ortolan, pour le distinguer du Bruant Proyer, n° 158, qui usurpe aussi le nom d’Ortolan.
L'Ortolan (Buff.). — Bruant Ortolan (Emberiza Hortulana), Vieill., Temm. —Degl.—Oriolano (Savi).
Cette espèce a la même taille que la précédente, dans les deux sexes.
Les mâles, à leur arrivée au printemps, sont jaunes à la gorge, sur le cercle autour des yeux et sur une étroite bande qui part de l’angle du bec, se dilate sur les côtés de la gorge : cette même couleur se change en jaune verdâtre sur la poi- trine. Les autres parties inférieures sont d’un roux bai, plus ou moins vif, et sans taches, mais qui s’affaiblit sous l'abdomen et les sous-caudales. Un olivâtre mêlé de gris, quelquefois, chez les adultes
surtout, marqueté de petites taches brunes, do- 17
258 ORNITHOLOGIE
mine sur la tête, la nuque et les joues ; sur les par- ties latérales de la gorge se dessine un petit trait gris olivâtre. Le dos et les scapulaires sont noirs dans le centre des plumes, gris roussätres sur leurs bords ; le croupion et les couvertures supérieures de la queue, d’un gris roussâtre uniforme, et un peu plus clair que le précédent ; les plumes des ailes brunes noirâtres, et bordées extérieurement de gris et de roux; celles de la queue noirâtres, avec les deux pennes latérales de chaque côté presque tota- lement blanches. Le bec est roussâtre, de même que les tarses, et l'iris brun.
Les femelles ressemblent beaucoup aux mâles, mais leurs teintes sont généralement moins vives : le jaune de la gorge est pâle, ainsi que le roux des autres parties inférieures; sur la poitrine, l’on re- marque des taches brunes et oblongues. Tout le dessus du corps est aussi moins foncé que chez les mâles.
Les jeunes sont peu différents des femelles. Avant leur première mue, le jaune de la gorge n’est presque pas apparent ; il est teint de grisâtre ou de cendré clair. Leurs tarses sont jaunâtres.
Le Bruant Ortolan est plus répandu dans les contrées méridionales que dans celles du centre de l’Europe ; quelquefois cependant il s’avance en été dans le Nord : 6n signale son apparition jusqu’en Suède. Ge West guère que dans les quatre où cinq
DE LA SAVOIE. 259 plus beaux mois de l’année que nous le possédons en Savoie. Il se cantonne particulièrement dans les pays de plaine et sur les collines adjacentes; rare- ment le trouve-t-on dans nos régions alpestres, quoique cultivées, et jamais, sinon accidentelle- ment, dans quelques contrées au nord de notre territoire, ainsi que dans la Haute-Savoie, dans la Haute-Maurienne et la Haute-Tarentaise.
Il commence à nous arriver chaque année vers le 15 ou le 20 avril, par petites compagnies de quatre à six individus, et quelquefois deux à deux ou par paires; mais c’est principalement du 25 au 30 de ce mois qu'il apparaît en bon nombre; ses bandes, qui arrivent alors aux environs de Chambéry, où l'espèce est assez com- mune, sont effectivement du double des premiè- res. Elles voyagent même pendant la nuit, sur- tout par un temps serein ou quand il fait clair de lune; car on entend alors fréquemment leur cri d'appel, qu’elles jettent en volant : th@-thi, thià, thä-thi : la dernière syllabe de chacun de ces trois cris est ordinairement d’une seconde plus élevée que la première,
Les Ortolans passent ici pour être les avant- coureurs des Cailles; aussi certains oiseleurs les ont à peine aperçus ou entendus, qu'ils s’ap- prêtent à chasser la Caille avec leurs divers instruments; soit avec les appeaux artificiels ou
26) ORNITHOLOGIE vivants, soit avec le tramail, la tirasse, le trai- neau, etc. Aussitôt rentrés dans nos climats, ils s’as- sortissent et se répandent par paires : les uns vont dans les vignes, les blés et les avoines, les autres dans les prés entourés de haies ou de taillis et dans des lieux arides, pierreux ou sablonneux, toutefois parsemés de quelques massifs de plantes ou d’ar- brisseaux (les guillères). Suivant les localités, ils se reproduisent à terre, au milieu des herbes ou sous de petits buissons, quelquefois au pied d’une plante et des souches des vignes. Avant d'y com- poser le berceau de leur race future, le mâle ou Ja femelle se préparent, en grattant avec le bec la terre, le sable ou le gazon, un petit enfoncement, qu’ils comblent ensuite de brins d'herbes, de paille et de menues racines, mêlées avec quelques feuilles sèches. Ces matériaux forment seuls le fond et tout l'extérieur du nid; le dedans est souvent tapissé de quelques crins ou d’un peu de cheveux et de bourre. Quand ils habitent les vignobles ou les bois, ils construisent parfois le nid à quelques centimè- tres du sol, sur des ceps ou dans des buissons four- rés ; et ce travail est tout aussi grossièrement fait que lorsqu'on le trouve achevé à terre, dans un creux. La femelle de l’Ortolan pond en Savoie, dans les quinze premiers jours de mai, 4 ou 5 œufs : d’un blanc mat, souvent à peine teint de rose ou de rou- geàtre, avec de petits points, avec des taches et
D'EVAEMEON UNI OTE, 26! des raies irrégulières, plus ou moins nombreuses, autour du centre et de la grosse extrémité de la coquille, noires et noirâtres, et mélangées quelque- fois de petits espaces fort peu apparents, de cou- leur presque vineuse. Pour longueur, ces œufs ont 19 à 20 mill., sur un diamètre de 13 & à 14 mill. Le mâle, tout le temps que sa compagne couve, pourvoit à ses vivres, et lui apporte la bec- quée plusieurs fois le jour, dans la même heure. Ensuite, placé à la pointe d’un petit arbre, d'un buisson, ou au bout d’une pierre ou de quelque pieu, il ne cesse de redire son chant; il le fait même entendre après le coucher du soleil, tout comme de grand matin, avant le lever. Ce ramage, que l’on entend ici depuis l’arrivée de ce volatile jusqu'au mois d'août, mais moins fréquemment pendant l’éducation des jeunes, n’est pas dépourvu de tout agrément, quoique monotone ; il semble exprimer : {ia bia tia tia ti, de deux manières, et dont la dernière syllabe est non-seulement plus éle- vée, mais encore plus aiguë et plus traînée que les premières :
TN at Lil AU ATL La CTI La, ti tia tia tia tia ti.
Quelquefois le mâle prend linverse de ce
os RUE cd !
262 ORNITHOLOGIE
chant, surtout du dernier, et alors il prononce :
Certains villageois croient entendre dans ce chant les mots : pouvre (pauvre) pouvre pouvre pouvre fossori, ou fauche fauche fauche fauche ri ; ils nom- ment pour cela cet oiseau, Fossori et F'aûchié.
Après l'éducation des petits terminée, les Orto- lans restent en famille ou se réunissent en petites troupes, et hantent les champs, les pâturages et les broussailles ; ils y vivent à terre de grains d’a- voine, de blé, de chanvre, de lin et de millet, et accessoirement d'insectes, de sauterelles, de verset de larves. [ls ne sont point sauvages, et se laissent prendre facilement avec les filets. Ils nous quittent déjà à la fin d'août et en septembre. Les vieux par- tent les premiers ; quelques jeunes, qui ont déjà mué alors, s'associent avec eux pour voyager ensemble. Les autres émigrent à mesure qu’ils finissent de changer de plumes ; mais souvent ils ont dans leur bande un ou deux vieux sujets, qui volent d’habi- tude à leur tête comme étant les guides : c’est sans doute alors un père et une mère qui accompagnent leur nichée, avec laquelle ils n’ont cessé de vivre depuis sa sortie du nid.
DE JA SAVOIE. 263 Ces oiseaux sont célèbres par la délicatesse de leur chair dans les provinces du Midi, où ils sont très-communs. On les y élève pour les engraisser, et de fait ils s’engraissent considérablement. Pour cela, on les enferme dans des lieux obscurs, quel- quefois simplement éclairés par la lueur d’une lan- terne, ou bien dans une cage tout à fait couverte de soie, à l’exception de l’auget qui reste éclairé ; on ne leur donne pour toute nourriture que du millet, que l’on a eu soin de faire tremper un in- stant dans de l’eau bouillante. C’est dans ces sortes de prisons que lesOrtolans, exempts de tout exercice et pourvus d’une nourriture toujours très-abon- dante, se couvrent en quelques jours d'une masse de graisse, qui ne tarderait pas à les étouffer si l’on n’avait soin de les abattre à temps. Alors leur chair est un mets délicieux et très-recherché,.
4155.—Bruant Zizi ou de Haie /Emberiza Cirlus].
Noms vulgaires : Roussette des Haies, Rosselta dellet Cizet, Sisi.
Le Zizi ou Bruant de Haie (Buff.). — Le Bruant de Haie (Cuv.). — Bruant Zizi (Emberiza Cirlus), Vieill.—Degl.—Bruant Zizi ou de Haie (Emberiza Cirtus), Temm,—Zigolo Nero (Savi).
264 ORNITHOLOGIE
Le mâle adulte et vieux a 17 cent, de longueur totale,
En plumage de printemps, il est certainement l’un des plus beaux sujets de son genre, qui doi- vent figurer dans cet ouvrage. Il est olivâtre sur le sommet de la tête et à la nuque, avec de petites raies longitudinales noires ; d’un jaune pur au-des- sus des yeux, où cette couleur forme une large ligne sourciliaire, qui aboutit à la nuque, puis sur les joues et le devant du cou : sur les joues, ce jaune trace une bande qui prend naissance à l’angle du bec, et va presquese joindre à la première qui se ter- mine à la nuque; sur le devant du cou, il dessine une plaque étroite, qui se dilate un peu sur les côtés de cette partie. Un beau noir enveloppe la gorge et le haut du cou; une bande de la même couleur, qui part aussi des angles du bec, traverseles yeux. Sur la pol- trine, l’on remarque un vert cendré mêlé d’olivâtre, et ses côtés sont d’un roux marron; le ventre el l’ab- domen, d’un jaune clair ; les flancs, d’un gris rous- sâtre. Le dessus du corps se trouve varié de roux marron et de noir ou noirâtre : le marron occupe les bords des plumes, le noir le centre. Les ailes sont noirâtres, bordées de jaunâtre et de roussätre. Les deux pennes extérieures de la queue, frangées et ter- minées de blanc; lesautres sont, comme les ailes, noi- râtres et lisérées de gris roussâtre. Le bec est cendré foncé ; l'iris des yeux brun; les pieds sont jaunâtres.
DE LA SAVOIE, 265
En automne et en hiver, les vieuæ et les jeunes se ressemblent, Ils ont le noir de la gorge marqué de blanchâtre à l’extrémité des plumes; le roux marron de la partie latérale de la poitrine terminé de jaunâtre clair, celui du dos et des scapulaires frangé de gris cendré; mais, au printemps, ces fines barbes s’usent peu à peu, au moyen dela mue ruptile, et font voir en tombant le noir etle marron de ces parties dans toute leur pureté.
La femelle est un peu moins longue que le mâle. Elle n’a point de noir à la gorge, ni de jaune au cou ; elle est d’un jaune terne sur les parties infé- rieures, et maculée de roussâtre sur la poitrine, où l’on trouve encore de fines taches brunes, en forme de lance. Elle porte du brun sur les joues; et les autres parties, qui se rapprochent par leurs teintes de celles du mâle, sont généralement ternes.
Les jeunes, au sortir du nid, sont, dans les deux seæes, jusqu à la mue, bruns et tachetés de noir en dessus ; jaunâtres, avec des nuances olivâtres et des taches noirâtres en dessous. Ils ne diffèrent guère des jeunes du Bruant Jaune que par leur taille moins longue de 6-7 mill., et par les teintes olivâtres de leurs parties inférieures du corps.
Le Bruant Zizi habite particulièrement les parties tempérées et méridionales de l’Europe. Quoique commun en Suisse et en Savoie pendant les beaux jours, il l’est cependant moins que le Bruant Jaune,
266 ORNITIHOLOGIE
dont il a la plupart des habitudes et presque le même genre de vie. Mais il n’y reste qu’en très- petit nombre durant l'hiver : c’est aussi dans le Midi qu'il se retire avant le froid, et au mois de mars, on le voit rentrer par paires ou en pelites bandes dans sa patrie.
Il opère en octobre et novembre ses passages dans nos pays ; il est pour cela très-matinal : on entend déjà à l’aube du jour ses petits cris d’appel : zi, 21, Ou zûts, zûts. Il cesse de passer une heure environ après que le soleil s’est montré à l’horizon:; mais par un temps sombre ou froid, il voyage encore de jour à des heures plus reculées. Il émigre d’habi- tude par sociétés plus ou moins nombreuses, qui font assez souvent bande avec les Pansons et les autres Bruants qui partent de nos climats à la même époque. Ces compagnies, qui prennent géné- ralement leur essor des lieux élevés, volent lente- ment et jamais en un bataillon aussi serré que la plupart des Fringilles. Comme elles passent ordi- nairement à une grande hauteur, on les prend difficilement en plaine dans les filets ; au contraire, si l’on à tendu ces piéges sur quelque colline, on les y attire aisément, pourvu que l’on soit muni d’un bon appeau de leur espèce ; si l’un des sujets d’une compagnie vient à s’y poser, tous les autres le suivent.
DE LA SAVOIE, 267 de l'hiver, vivent souvent réunis aux Bruants Jaunes, aux Pinsons, aux Verdiers et aux Moi- neaux, avec lesquels ils forment quelquefois de nombreuses volées. [ls courent ensemble vignes, haies, broussailles, friches et champs qui ont été ensemencés de sarrasin, de millet, de chan- vre, etc.; ils y recherchent avec avidité les se- mences des graminées et les graines céréales qui sont restées sur plante. Dans les jours de neige, ils se montrent jusqu’autour des maisons, où ils donnent bientôt dans les piéges que les villageois leur tendent,
Ce volatile est un des premiers que l’amour nous ramène chaque année après l'hiver. On entend déjà le chant du mâle aux premiers beaux jours de mars: c’estune espèce de bruissement prolongé, fréquem- ment articulé sur le même ton et qui imite un peu le cri d’une grosse sauterelle : ziririririri. Pour nicher, 1l préfère ici les endroits élevés à la plaine ; il se cantonne sur les lisières des bois, dans les broussailles qui croissent parmi les pierres et les rocailles, ou qui avoisinent des champs et des pâtu- rages. Rarement se reproduit-il dans des régions aussi hautes que le Bruant Fou, n°156: il s’attache spécialement aux coteaux, aux collines, à la base et au centre des montagnes, où ce dernier est toujours rare en Savoie.
Le Bruant Zizi travaille son nid vers le milieu
268 ORNITHOLOGIE
d'avril ; il le fait à terre, dans une petite fosse ou dans quelque fourré, à un ou deux pieds du sol, et l’abrite sous un buisson ou sous des racines, quel- quefois sous une pierre. [l le compose à l'extérieur d'herbes sèches, de foin, de mousse et de racines chevelues, et le garnit en dedans de petits flocons de laine, de crins, de brins d’herbes très-déliés. Quatre ou cinq œufs forment la couvée; ils sont blanchâtres ou d’un blanc gris, parsemés de points, de raies et de zigzags bruns et noirs. Leur longueur est, en moyenne, de 19-20 mill., et leur largeur diamétrale de 14 3 à 45 mill. Pendant l’incubation, le mâle se fait fréquemment entendre de la cime d’un arbre ou d’un taillis élevé, voisin de la ni- chée ; néanmoins, de temps à autre, il apporte à sa compagne qui couve, les aliments, et retourne ensuite se cacher dans le feuillage.
Après l’éducation des petits, les Bruants Zizis se répandent le long des haies, dans les bois, dans les endroits remplis de buissons, dans les champs de blé et d'avoine surtout, dont ils dévorent le grain; on les y rencontre souvent avec le Bruant Jaune, mais on les en distingue toujours à leur petit cri d'appel. Leur chair est alors un bon manger.
ORNITHOLOCIE DF LA SAVOIE. 1
Passereaux Fringillidees. L Ê | TU 2 78. D Î
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| 9 Bruant de Roseaux 27/6 7 pres ?5 DT TU ZE 0754 /éte demale en automne.
| à Zéte de lemelle x pres. — 6-8 Zu delesperce, gr Hal 1 | 9 Bruant Prover, seau, sgr nat PIN) ufr delespéce, grrat
DE LA SAVOTE. 269
156.—Bruant Fou /Emberiza Cia).
Nom vulgaire : Roussette Grise.
Le Bruant Fou, le Bruant de Pré de France, l’Ortolan de Lorraine et l’'Or- tolan de Passage (Buff.).—Bruant Fou (Cuv.) — Bruant Fou (Emberiza Cia), Vieill. — Degl. — Bruant Fou ou de Pré (Emberiza Cia), Tenwm. — Zigoio Muciatto (Savi).
On a nommé cette espèce Bruant Fou, parce qu'elle se jette étourdiment dans les piéges qu’elle trouve tendus ; c’est aussi pour cela qu’on la nomme encore dans des cantons de la France, oiseau bête. Des auteurs l’ont appelée Bruant de Pré, mais cette dénomination ne lui convient pas partout ; chez nous, du reste, elle fréquente rarement les prés : elle leur préfère les fourrés et les vi- gnobles.
Le Bruant Fou a la même taille que le Bruant Zisi.
Le vieux mâle est d’un cendré bleuâtre à la gorge, sur le devant et les côtés du cou, et à la poitrine : la même couleur règne sur le sommet de la têle et à la nuque, avec de petits traits longitu- dinaux noirs. Une bande noire passe sur les yeux, encadre la région des oreilles et va aboutir à l’angle du bec. Au-dessus de chaque œil existe une autre bande, mais blanche ou blanchâtre, qui tient lieu de sourcils ; elle est suivie d’une troisième bande noire, qui se prolonge sur la nuque. Le dos et les scapulaires sont d’un roux sombre, avec des taches
270 ORNITHOLOGIE
noires, qui suivent la direction des baguettes des plumes. Le ventre, les flancs, l'abdomen, les sous-caudales et le croupion, sont d’un beau roux ; les pennes des ailes noirâtres, et bordées de roux et de gris roussâtre ; celles de la queue noires, sauf les deux intermédiaires qui sont noirâtres, frangées de roux clair et les deux latérales de chaque côté, qui se trouvent presque totalement blanches. Le bec est noirâtre sur la mandibule supérieure, gris sur l’in- férieure ; l’iris brun; les tarses sont bruns jaunâtres.
La femelle est reconnaissable par le cendré de la gorge et de la poitrine, qui est plus clair que dans le mâle et parsemé de quelques taches brunà- tres, presque effacées ; le roux des autres parties inférieures, qui est aussi plus pâle, porte encore de petites taches longues, peu distinctes, mais qui s’effacent duns un âge avancé. Une teinte rous- sâtre règne habituellement sur le cendré de la tête, où l’on remarque en outre des taches plus nom- breuses que chez le mâle ; et la bande qui entoure la région des oreilles est plus étroite et moins apparente.
Les jeunes, avant la mue, sont d’un brun clair en dessus, et lachés de noir ou de noirâtre au milieu des plumes ; d’un gris blanc à peine lavé de rous- sâtre en dessous, et marquetés en long de brun à la gorge, sur le devant et les parties latérales du cou, à la poitrine et sur les côtés du ventre : le milieu
DE LA SAVOIE. 271 de cette partie et l'abdomen sont d’un roussâtre clair.
Après la mue, les jeunes mâles ressemblent beau- coup à la femelle, jusqu'après la mue ruptile du printemps.
Nous avons en Savoie des Bruants Fous toute l’année, mais principalement pendant la saison des nichées et en automne ; ils y sont assez rares en biver, et pourtant un peu plus nombreux que les DBruants Zizis.
Ils aiment pour se reproduire la solitude des montagnes, où quelquefois ils se fixent après la région des bois : néanmoins quelques sujets, habi- tuellement rares, s’apparient et nichent sur les col- lines ainsi qu’au pied des montagnes. Les endroits en pente et remplis de broussailles ou de massifs de plantes sont en ces lieux leur demeure de prédilec- tion. Suivant qu’ils résident dans des régions plus ou moins hautes, ils s’y occupent de nidification sur la fin d'avril ou seulement vers la mi-mai. C’est à terre ou à quelques centimètres de terre qu’ils posent le berceau de leur famille future ; tantôt au milieu d’une touffe d'herbes ou de graminées, tan- tôt sous des arbustes rampants ou dans les rameaux entrelacés de quelques petits buissons, tantôt enfin parmi des rocailles garnies de plantes et d’arbris- sceaux, Comme les trois espèces qui précèdent, ils le confectionnent grossièrement en dehors et sur les
272 ORNITHOLOGIE
bords, avec les mêmes matériaux que le Bruant Zizi. La ponte se fait, suivant les lieux, sur un matelas de crins ou de poils, ou simplement sur des tiges d'herbes excessivement fines; elle est de quatre ou cinq œufs grisâtres ou d’un blanchâtre presque nuancé de bleuâtre, parsemés, notam- ment vers le centre ou à la grosse extrémité de la coquille, de lignes et de raies en zigzags qui se croisent , noires ou noirâtres et cendrées , et assez fréquemment disposées en forme de collier. Ces œufs ont 19 ou 19 mill. ; de longueur, sur un dia- mètre de 14-15 mill.
Les femelles sont si assidues à couver, qu’elles se font aisément prendre dans le nid, non-seulement à l’aide d'engins mais encore avec la main : j'en vis, en effet, prendre deux le même jour, et je parvins quelques heures après à en capturer une troisième à la main.
Pendant les quinze jours que dure l’incuba- tion, les mâles rôdent presque toute la journée parmi les broussailles du canton, à la recherche de leur nourriture et de celle de leurs compagnes ; ils viennent effectivement de temps en temps au nid pour leur donner la pâture; ensuite, il est rare qu'ils ne fassent pas entendre, du milieu ou de la pointe d’un buisson, leur refrain ordinaire : c’est un gazouillement bref, mais qu’ils prolongent sou- vent en le répétant deux ou trois fois de suite sur le
DE LA SAVOIE. 278 même ton, et composé de syllabes toujours plus aiguës que celles de leur cri d’appel :
zirr Zirr Zirr Zirr zirr.
Le Bruant Fou fait quelquefois chez nous une seconde ponte vers la fin de juin ou au commence- ment de juillet; celle-ci n’est guère que de trois œufs. Après la sortie du nid, les petits restent dis- persés par les broussailles, où à chaque instant le père et la mère reviennent tour à tour leur donner la becquée. Aussitôt qu’ils sont à même de manger seuls, ils se mettent à parcourir les haies, les taillis et les champs; s’alimentant de petites sauterelles auxquelles ils enlèvent les substances dures et indi- gestes, de graines farineuses, surtout de grains de seigle et d’avoine qu'ils broient avec le bec, enfin de petits fruits sauvages, doux et fondants. Souvent on les trouve dans les vignes et les buissons qui les environnent, avec les jeunes du Bruant Jaune et ceux du Bruant Zizi. Ils ont le cri d'appel de ce dernier : 32, 3i, zi, qu’ils poussent comme lui fré- quemment le jour et même de temps en temps pen- dant l'obscurité de la nuit ; comme lui aussi, ils ont dans la queue un petit mouvement de bas en haut, toujours fréquent quand ils courent à terre et s’ar- rêtent un moment au bout des pierres.
Done 18
74 ORNITHOLOGIE
C'est aussi en octobre et novembre que nous avons en Savoie des passages de Bruants Fous. Ils ont toujours lieu de grand matin ; on s’en aperçoit souvent dès le commencement de l’aurore : les su- jets qui constituent les volées qui passent alors, ne cessent en eflet de s’entr'appeler par leurs petits cris, 31, z1, 31. Plusieurs des nôtres s’associent à ces bandes voyageuses, et vont avec elles se répan- dre dans les contrées méridionales. Gomme celles du Bruant Zizi, elles volent lentement; leurs indi- vidus s’écartent peu, 1ls vont presque à la file les uns des autres; quelquefois, ils volent un peu plus serrés, et encore gardent-ils entre eux de petits espaces. [ls reparaissent ici en mars, et rega- gnent les montagnes à mesure que les neiges s’en éloignent,
Les Bruants Fous qui doivent hiverner dans nos pays , arrivent en plaine ou sur les collines circon- voisines, aux premières neiges qui les chassent des lieux montueux. Ils errent tout le jour le long des haies, dans les champs ou lesfriches, dansles vignes, autour des granges et des maisons de campagne. Les baies, les petits fruits secs, les grains de panics, les graines céréales perdues dans les champs, for- ment alors la base de leur nourriture. On les attire sans difficulté dans toute espèce de piéges; on va jusqu'à les enivrer avec des grains de froment ou d'avoine trempés dans de leau-de-vie, et que l’on
DE AA SAVOIE. 275 répand dans les lieux où ils viennent habituellement chercher leur subsistance. Leur chair est en au- tomne, quand elle est grasse, un morceau délicat.
152.—Bruant de Roseaux / Emberiza Schœniculus).
Noms vulgaires : Pielton, Falton, Casse-Millet.
L'Ortolan de Roseaux et la Coqueluche (Buff.). — Le Bruant de Roséaix (Cuv.). — Bruant de Roseaux (Emberisa Schæœniculus), Vieïll., Temm., Decsl. —Migliarino di Padule (Savi).
Le mâle, dans cette espèce, a 15 cent. 4-5 mill. de longueur totale ; la femelle est un peu moins grande : sa taille est de 15 cent.
Ils prennent, l’un et l’autre, en Savoie, leur plu- mage de noces dès la fin de février. Alors les sexes sont très-différents.
Le mâle devient d’un noir pur sur la tête, l’oc- ciput, les joues, la gorge et le devant du cou. De chaque côté du bec, part une espèce de moustache blanche, qui divise le noir des côtés de la tête de celui de la gorge, et va se réunir au collier, d’un blanc pur, qui ceint les côtés et le derrière du cou: c'est en perdant, par l’effet de la mue ruptile, les franges blanches, blanchâtres et roussâtres qui oc- cupent la pointe des plumes, que le mâle acquiert, au printemps, ces couleurs pures sur ces différentes parties. Le blanc pur règne encore sur le bas de la poitrine, sur le milieu du ventre, sur l’abdomen et les sous-caudales ; mais les flancs portent quel<
276 ORNITHOLOGIE
ques traits longitudinaux bruns ou d’un brun roux, selon les individus. Ün roux plus ou moins foncé domine sur les ailes et le dos, où le centre des plumes est noir; et une sorte de cendré couvre le croupion. Les pennes de la queue sont noires; les deux du milieu brunes et bordées de roux clair; les deux plus externes de chaque côté se trouvent en partie blanches.
Le bec est court, plus grêle que dans les Bruanits précédents, et d’un brun foncé ; l'iris des yeux noi- râtre ; les tarses de la même couleur que le bec.
La femelle, en robe de printemps, a le dessus de la tête et les joues d’un roux sombre, varié de noi- râtre ; elle n'a point de collier blanc sur le cou, c’est un cendré brun qui le remplace. Elle est d’un blanc glacé de roussâtre à la gorge et sur le devant du cou, que borde de chaque côté un espace brun ou noirâtre. De même que les moustaches, les sour- cils sont d’un blanc roussâtre; et les parties infé- rieures blanchâtres ou d’un blanc lavé de roux clair ; la poitrine et les flancs tachetés longitudina- lement de brun, souvent ondé de roux ou de bru- nâtre. Le dos, les ailes et la queue sont colorés comme dans le mâle.
Après la mue de l’élé, les mâles adultes el vieux ont à l'extrémité des plumes noires et blanches de la tête, de la gorge et du cou, de larges franges blanchâires ou roussätres, qui s’usent ensuite à
DE LA SAVOIE, DA. l'approche du printemps pour laisser voir alors le noir et le blanc de ces parties, dans toute leur pureté.
Les jeunes mâles de l’an, après la mue, ne dif- fèrent presque pas des vieux.
Les femelles de tout âge, en plumage d'automne, ne sont guère distinctes de la femelle en livrée de printemps, décrite plus haut.
Le Bruant de Roseaux ne niche pas d’habitude dans nos climats ; il se retire pour cet acte dans les marais ou sur les bords des rivières couverts de joncs, de roseaux ou de broussailles, dans plusieurs cantons de la France, de la Belgique, etc. Il pose son nid, qui est formé d'herbes sèches, à terre ou près de terre, dans les roseaux ou entre les racines des arbustes qui croissent auprès de l’eau. La femelle pond 4 ou 5 œufs oblongs, d’un blanc grisâtre ou d’un gris roussâtre, avec des taches et des veines noirâtres et presque violâtres. Ils ont 18-19 mill. de longueur, sur 132 à 14 mill. de diamètre.
Cet oiseau passe en Savoie à deux époques : en automne et à l'entrée du printemps; mais c’est sur- tout à la première saison qu'il s’y trouve répandu le plus; quelques sujets, toujours rares, y survien- nent aussi de temps à autre pendant l'hiver.
C’est principalement depuis les derniers jours de septembre jusqu’au mois de novembre que nous le
278 ORNITHOLOGIE
possédons dans nos pays. El y arrive particulière- ment le matin, souvent seul à seul ou deux à deux, et quelquefois par petites bandes de trois à sept in- dividus ; dans les temps de pluie, on le voit d’habi- tude voyager à toutes les heures de la journée. Il s’abat dans nos plaines et sur les coteaux environ- nants, et recherche là par préférence les champs de maïs et de sarrasin; puis dans les vignes, sur les terres qui ont été ensemencées d'avoine, de chan- vreet de millet, enfin dans les broussailles et les haies qui leur servent de bordure. Il y vit avec les semences des panics, avec des graines farineuses et oléagineuses, avec des insectes et des vermis- seaux.
On le remarque encore le long des eaux, au mi- lieu des joncs et des roseaux, dont il aime aussi les semences, et partout on l’aborde de près. C’est souvent sa Voix qui annonce sa présence dans quel- que lieu: elle est triste et monotone; il semble qu’elle prononce : (it, ti, li, plusieurs fois de suite, et dont la première syllabe est plus aiguë, plus traînée que la dernière. Ces cris, il les jette en se posant au bout d’une plante ou d’un arbuste, et pendant qu'il s’y balance, qu’il frétille et secoue les pennes de sa queue; quelquefois il criaille pendant plus de cinq minutes à la même place, et sans chan- ger une seule fois de ton. Nos oiseleurs n'aiment jamais entendre cet oiseau piailler de la sorte au-
DE LA SAVOIE. 27 près d’eux, parce qu'ils croient qu’en répélant tou- jours les mêmes cris, d'une manière aussi triste, il intimide les autres volatiles du canton et les éloigne de leurs filets : aussi, après avoir usé en vain de tous les moyens de le prendre, lui donnent-ils la chasse en lui lançant des pierres.
Quand le Bruant de Roseaux a bien piaillé du bout d’une plante ou d’un arbre de petite taille, il descend à terre, où il reste muet pendant qu'il y cherche sa vie; mais quelques moments après, soit qu’on l’approche, soit qu'il se trouve repu, il repa- raît vif et alerte sur quelque arbuste; ou bien il monte, en s’aidant par moments des ailes, le long d'une tige de plante jusqu’à sa pointe, d’où il se remet à pousser des cris. Toutefois, il se montre attentif et inquiet; il tourne sans cesse la tête, et regarde de tous côtés comme pour découvrir quel- que ennemi, imprimant alors dans la queue un mouvement de haut en bas, brusque et fréquent. Sa voix d'automne, qui est toujours désagréable, paraît pourtant quelquefois très-utile, car on pré- sume ici qu'elle annonce aux autres oiseaux du district, l’arrivée de l’Épervier ou de quelque Fau- con ; c’est du moins la croyance de plusieurs de nos chasseurs aux filets ; aussi, comme nous venons de le voir, ne peuvent-ils souffrir que ce Bruant vienne caqueter fréquemment auprès de leurs piéges. Vient-il à s'échapper d’un filet, il fuit sans pousser
289 ORNITHOLOGIE
un seul cri jusqu’à quelque distance, puis souvent il revient voltiger au-dessus de l'engin, et se jette enfin sur quelque éminence, près de l’oiseleur, où il recommence à piailler plus fort que jamais. A l’en- tendre, on dirait qu'il s’obstine à avertir les vola- tiles qui passent, des piéges qui leur sont tendus en ce lieu.
Quelques Bruants de Roseaux passent encore en Savoie à la première neige : ceux-ci ne s’y arrêtent pas aussi longtemps que les premiers ; ils se hâtent de gagner les régions méridionaies, leur séjour d'hiver. Dès lors, l’espèce est rare chez nous jus- qu'à l’approche du printemps. Les individus qui y restent pendant le froid, vivent sur les bords boi- sés des rivières, des lacs et des étangs; presque tous les ans, avant les grandes gelées, on en remar- que dans les roseaux qu’on laisse aux abords des lacs des Marches, des Abîmes de Myans, etc. Ce sont les graines de joncs, de roseaux et d’autres plantes aquatiques, ainsi que de très-petits coquil- lages, qui les y alimentent: mais aussitôt que les eaux gèlent, ils se répandent sur les bords des fleuves et des rivières, ou bien ils émigrent vers d’autres contrées.
Ces oiseaux repassent dans notre localité sur la fin de février et en mars. Les mâles sont alors revêtus de leur livrée de printemps; par une belle journée, on les entend gazouiller sur les saules qui bordent
DE LA SAVOIE. 281 les marais, les prairies ou les eaux. Ils s'appliquent à répéter les syllabes : fi, fu, ifs, dzi, treitz, dzi, sur deux notes différentes et d’un air triste :
RE dzi.
ti tu ifs dzi treitz
C’est le même ramage qu’ils font entendre dans leur patrie, pendant le temps que durent les cou- vées et dans les nuits calmes d’été.
Ces Bruants nous quittent avant la fin d'avril. Beaucoup des derniers sujets qui restent au pays s’y assortissent, et retournent par paires vers leur quartier d’été.
458S.—Bruant Proyer /Emberiza Miliaria|/.
Noms vulgaires : Le Gros Ortolan des Marais, Ortolan, Tritri, à cause de son cri.
Le Proyer (Buff.). — Bruant Proyer (Emberiza Miliaria), Vieill., Temm. Degl, — Strilozzo (Savi).
Le Proyer, que nous nommons ici Ortolan et Gros Ortolan des Marais, est le plus grand des Bruants de nos climats : il a 20 cent. 3-5 mill. de longueur totale. Comme la Caille, il varie beaucoup par sa taille et par sa grosseur, suivant qu’il a vécu dès son enfance plus ou moins dans l’abondance : en effet, on rencontre souvent en Suisse et en Savoie des
eq es
282 ORNITHOLOGIE
individus de différents âges, qui sont d’un tiers plus petits, ou à peu près de la moitié moins gros que d’autres ; mais du reste ils se ressemblent parfaite- ment de plumage.
Le mâle adulte et vieux est varié en dessus du corps de noirâtre et de brun cendré : cette couleur y borde chaque plume, tandis que la première forme au milieu, soit le long de la direction de leurs baguettes, une tache longitudinale. Les ailes et la queue sont d'un cendré noirâtre, et lisérées de fauve ou de blanchâtre, suivant les sujets. Les parties inférieures sont colorées de cette dernière couleur, et marquées sur lés côtés de la gorge et au centre de la poitrine, de petites taches noirâtres ainsi que de traits oblongs, de même couleur, sur les flancs. Le bec est robuste, d’un gris brun, quel- quefois un peu jaunâtre sur les bords des mandi- bules ; l'iris brun; les tarses bruns jaunâtres.
La femelle est très-peu différente du mâle; on l’en distingue parce qu'elle a ordinairement moins de taches sur le milieu de la poitrine, et les cou- leurs des autres parties du corps généralement plus ternes.
Les jeunes, en sortant du nid jusqu'à la mue de la fin d'été, ne diffèrent guère des vieux que par le roussâtre et le jaunâtre, qui dominent alors sur leur | livrée. Ils ont les parties supérieures d’un rous- pl sâätre pâle, avec une tache longitudinale noire au
DE ÆAN SAV O TE: 283 milieu de chaque plume, et les couvertures alaires largement bordées de roux. Sur la gorge, le cou et la poitrine, se trouvent de nombreuses taches angu- laires, noirâtres sur un fond blanc jaunâtre; les flancs sont rayés de la même couleur.
Le Bruant Proyer, que l’on remarque dans toute l’Europe, est commun tous les ans en Savoie à l’é- poque des nichées et une bonne partie de l'automne. À l’approche de la mauvaise saison, il s'envole vers les pays méridionaux de l'Europe. Néanmoins un très-petit nombre d'individus, parmi les jeunes de l’an surtout, séjournent l'hiver dans nos pays de plaine ; ils y vivent dans l’isolement ; quelquefois ils hantent les champs et les prés arrosés, en compa- gnie des Bruants Jaunes, des Alouettes et des Pipis Spioncelles ; s’alimentant comme eux de diffé- rentes espèces de graines et de très-petites co- quilles occupées par leur animal.
Cet oiseau est un des premiers qui nous arrivent avant le printemps. On le revoit déjà à la fin de février ou dès les premiers jours de mars dans nos prairies humides, dans nos marais et dans les prés ou les champs qui les entourent ; c’est par paires ou en bandes, mais moins nombreuses que quand il émigre à l’approche du froid, qu’il revient habituellement dans ce pays. Aussitôt arrivé, le mâle commence à ramager; il se perche pour cela à la pointe d’un arbre, d’un buisson ou d’une tige
RS Ep Te SR
ES
284 ORNITHOLOGIE
de plante sèche, et ne cesse de faire entendre, pen- dant presque toute la matinée et un peu moins de temps le soir, son chant monotone, qu’il répète à tout instant : il commence par lâcher les syllabes tri, tri, tri, et les fait suivre invariablement de la finale fit-ritz, en appuyant longtemps sur la dernière :
Ce chant, on l’entend encore jusqu’à la fin de juillet.
Par une belle matinée de mars, tous les Proyers du même canton aiment à se réunir dès que le so- leil paraît à l'horizon. Ils se donnent, mâles et fe- melles, rendez-vous sur quelque petit monticule, au milieu d’un marais ou d’un vaste champ, très- voisin de leur séjour habituel, ou bien encore dans quelque autre lieu sec, exposé au soleil levant. Là pêle-mêle ils se divertissent souvent pendant plus d'une heure; caquetant, piaillant, volant à petites distances, revenant à terre, s’agacant, se poursui-
DE LA SAVOIE. 285 dants et les ailes tremblantes, au-dessus ou autour des femelles restées à terre, des cercles ou seule- ment des lignes demi-circulaires, et retournent len- tement à terre. Après une pause de quelques in- stants, ils se relèvent et tracent d’autres cercles à plusieurs reprises, pendant que leurs compagnes, de terre ou du bout d’une motte de gazon, se hâtent de correspondre à ces gentillesses par de petits cris, qu’accompagne un mouvement continuel de trépidation dans les deux ailes; puis ensuite, les ailes épanouies et les pieds ballants, ils penchent peu à peu vers le sol, et finissent par se laisser tomber tout à coup, à côté des femelles. À cette époque et durant les nichées, le naturel de ces oi- seaux est fort peu farouche; on les aborde de si près, qu’on les voit à tout instant, en parcourant les lieux qu’ils habitent de préférence, se lever lourdement de devant nous, et se reposer presque aussitôt dans les herbes ou sur quelque tertre. Au contraire, dans toute autre saison, et surtout en automne, ils sont méfiants jusqu’à l'excès, et se sauvent à l’approche du chasseur.
Le Bruant Proyer est d'habitude tout apparié dans notre pays avant le milieu d'avril, et à la fin du mois le mâle et la femelle se préparent leur nid. Ils le font à terre, dans une petite enfonçure qu’ils pratiquent l’un ou l’autre à l’aide du bec dans les
blés, les trèfles et les millières très-proches des
286 ORNITHOLOGIE
eaux ou des marécages, dans l’herbe des prairies, sur les bords des fossés remplis de gazon, et quel- quefois au pied de quelque plante épaisse ou au milieu d’un petit buisson. C’est avec de la mousse, des brins d'herbes sèches et le chevelu des racines de plantes et d’arbustes qu’ils construisent cette demeure en dehors ; ils la garnissent ensuite à l’in- térieur de crins, de poils, de bourre et de fibres de plantes. Elle est faite avec peu de soin et presque sans solidité sur les bords ; elle contient 4 à 6 œufs, que la femelle est seule chargée de couver. Mais la seconde nichée, que plusieurs couples entre- prennent à la fin de juin ou dans les premiers jours de juillet, ne se compose d'habitude que de à ou l œufs.
Ces œufs sont tantôt d’un cendré blanchâtre, tan- tôt d’un blanc gris, presque nuancé de roussâtre, avec des points, des taches et des raies en zigzag, bru- nes rougcâtres, noires et d’un gris violacé, particu- lièrement confondues sur le gros bout de la coquille. Leur longueur, en moyenne, est de 22 3 à 23 mill., sur un diamètre de 46 ou 16 mill. +. Pendant que la femelle se livre à l’incubation, le mâle, juché à la cime d’un arbre ou sur la branche la plus haute d’un taillis, d’où il ne cesse de pousser ses cris si peu mélodieux, ne perd pas un instant de vue le buisson ou la touffe d'herbe qui cache la nichée. ll quitte par moments son poste pour descendre à
DR, Du SAVOIE. 287 terre, afin d’y chercher sa subsistance et celle de sa compagne ; ensuite 1l la lui porte dans le nid en trémoussant des ailes; aussitôt la becquée don- née, il retourne faire sentinelle à la mème place. A l'approche de quelqu'un, il jette le cri d'alarme, qui est grave et trainé; s’il y a du danger pour la couvée, il accourt et se désole en voltigeant autour de l’importun.
Souvent les petits abandonnent le nid avant d’é- tre capables de voler, et restent tapis séparément dans les herbes ou les moissons. Leurs auteurs, qui ne cessent de les surveiller de quelque élévation voi- sine, viennent à tout inoment les revoir en particu-
lier et leur donnent en même temps des becquées :
de vers, de petites sauterelles et de petits grillons. Quelquefois leurs cris, et surtout leurs allées et venues continuelles, décèlent le lieu où se tient ca- chée la progéniture; on les voit, en eflet, tantôt l’un après l’autre, tantôt tous deux ensemble, vol- tiger au-dessus d'elle d’un air inquiet et effrayé, et se poser à terre, tout près de quelque petit; puis se relever en criant, et gagner le bout d’un arbre ou d’un brin de chaume ; de là ils repartent encore en piaillant, reviennent voleter ou tracer des cer- cles à quelques décimètres du sol, au-dessus de chaque petit. Pendant ce singulier manége, leurs pieds sont pendants et les ailes agitées du mouvement de trépidation propre à celte espèce
288 ORNITHOLOGIE
de Bruant dès le commencement de la saison de l'amour jusqu’à la fin des nichées.
Après l'éducation des petits et les foins coupés, les Proyers, jeunes et vieux, se rassemblent, quit- tent les prés et les marécages pour se jeter dans les vignobles, dans les champs de maïs, de froment, d'orge, d'avoine, de chanvre et de millet, où ils se gorgent de ces grains ; ils ne recourent guère alors qu’accessoirement aux insectes et aux vers. C’est surtout dans les mois d’août et de septembre qu’on les voit parcourir par bataillons épais successive- ment tous les champs qui leur offrent une ample nourriture et un abri convenable, pendant qu'ils les dévastent, Durant la chaleur, ils y restent cachés à terre, et se désaltèrent en buvant les gouttes de rosée qui pendent aux feuilies des plantes, ou qui se logent dans leurs cavités en forme de carène à leur insertion à la tige. Le soir, deux heures au moins avant le coucher du soleil, ils se remettent en mar- che, retournent aux vivres et continuent à se nourrir aux dépens de l’agriculteur. Un peu avant le crépuscule, ils se retirent tous à la fois dans les bois, dans les buissons ou les jonchaies des alen- tours, pour y passer la nuit; le lendemain, avant le lever du soleil, ils reviennent aux champs. Ils tombent alors difficilement dans les piéges, et les chasseurs ne les approchent guère que par surprise. Nos oiseleurs se donnent fort peu la peine de les
D'ESLASSS AN OTE. 289 ‘appeler, tant ils les connaissent pour rusés et dé- fiants ; aussi, ils n'en prennent tous les ans qu’un très-petitnombre. Leur chair est partout recherchée comme mets succulent.
C'est versle milieu de septembre que le Proyer commence à s'éloigner de nos climats. Il voyage d'habitude en troupes, rarement seul ou par paires; il part de grand matin et le soir, une heure environ avant que le soleil disparaisse de l'horizon. Son vol est alors élevé, rapide et bruyant. Au passage de chaque bande, on entend un cri de rappel qui imite un peu le craquement du bec : pek, pek, pek, pek, et que ce Bruant n’articule qu’en volant.
LIe Genre : PLKCTROPHANE (Flectrophanus). Caractères génériques : Bec court, conique, droit, rétréci vers le bout: mandibule supérieure couvrant à sa base les bords de l’inférieure ; palais non tuberculeux, c’est-à-dire aplati et lisse. Narines arrondies, cachées sous de petites plumes, qui se dirigent en avant. Tarses nus et anneles; doigts ex-
ternes réunis à leur base; ongle du pouce plus long que ce doigt, et légère- ment arque. Ailes de grandeur moyenne.
Les contrées les plus boréales fournissent deux espèces de Plectrophanes, que l’on rencontre acci- dentellement, pendant l’hiver, en Suisse et en Savoie. Plusieurs naturalistes les classent parmi les Bruants, dont ils en font néanmoins une section ou un sous-genre, en les dénommant Bruanis Éperon- niers ou Bruants Plectrophanes. Elles vivent princi- palement à terre, à la manière de la Fringille Nive- rolle, et s’y reproduisent dans les lieux marécageux
DNTIE, 19
290 ORNITHOLOGIE
ou dans des trous de rocher. Leur nourriture con- siste en semences de plantes alpestres et eninsectes. Leur mue est simple et ruptile; cette dernière change considérablement au printemps, par le frottement et par l’action de l’air et du jour, les couleurs du plumage ; de sorte qu’alors ces oiseaux, sans voir préalablement leurs plumes se renouveler, prennent une livrée très-différente de celle qu’ils quittent et dont 1ls se sont revêtus en automne.
159.—prlectrophane de Neige /Plectrophanus Nivalis}. L'Ortolan de Neige (Buff.). — Kmberisa Nivalis (Linn.), — Passerine de
Neige (Passerina Nivalis), Vieill. — Bruant de Neige (Emberisa Nivalis), Temm., Degl.—Plectrophane de Neige (Plectrophanes Nivalis), de S.-Longch.
Cet oiseau n’a pas de nom vulgaire, que jesache, dans nos pays, à cause de sa rareté. Dans quelques cantons du nord de la France, on le nomme Orseau ou Ortolan de Neige.
Les jeunes de l’année sont les seuls qui se mon- trent accidentellement en Suisse et en Savoie, pendant les hivers les plus rigoureux. Voici leur description :
Taille 47 cent. 6-7 inill. Haut de la tête couleur de cannelle ; nuque d’un roux cendré ; sourcils blan- châtres ; les oreilles et an large plastron sur da poitrine, d’un roux plus où moins foncé ; flanesd’un roux clair; gorge et devaat du cou blanchâtres ; les autres parties inférieures, de même que le milieu de chaque aïle, d’un blanc pur. Dessus du corps
URNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Fringillidees; Motacillidee », TN,277. |
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DE dote E Perrin LVhamber 1 4] Vern er deLt Lith.
1 Plectrophane de neige, ye7re mäle en liver, 3 or nat; PAM, | 0-4 Zuf del espece > grnat | Plectrophane de Laponie. 7evre male en hiver; 5 or.nat: P993-4-6 Cul del'espgrnal 1e P T > p.28 Î
5 9 Ber geronnelte Grise ,zr4 au printemps, 5 grrat ;: P.301— 10-19 Talks de lespéce,;grnal
DIE SAVOIE. 291 noir dans le milieu des plumes, avec une large bor- dure rousse; rémiges et les six rectrices intermé- diaires noires, et bordées de blanchâtre ; les trois rectrices extérieures blanches, et marquées d’une tache noire vers l'extrémité. Bec jaunâtre ; 1ris des veux brun rougeâtre, pieds noirs.
Le mâle, pendant l'été qu’il passe dans les régions du cercle arctique, est d’un blanc pur sur le sommet de la tête, sur le cou, Sur. les grandes et petites couvertures des aïles, sur la moitié supérieure des rémiges, enfin sur tout le dessous du corps; le noir occupe le haut du dos, quelques pennes secondaires des ailes et la moitié inférieure des rémiges. Get oiseau acquiert ces couleurs pures en perdant au printemps, au moyen de la mue ruptile, les franges ou bordures rousses, cendrées et blanchâtres, que j'on remarque en automne et en hiver sur les plumes des différentes parties de son corps.
Le Plectrophane de Neige habite les monta- gnes du Spitzherg, les Alpes Laponnes, le Groën- land, etc. Il y niche au mois de mai, et cache la première demeure de sa progéniture dans des crevasses de rocher. C’est spécialement d'herbes sèches qu’il la compose à l'extérieur, recourant ensuite aux plumes, aux poils et au duvet des fleurs pour la matelasser en dedans et sur les bords. La femelle y dépose 4 ou 5 œufs blanchâtres ou d’un blanc cendré, et parsemés de taches et de points,
292 ORNITHOLOGIE
plus ou moins nombreux, bruns ou rougeûtres et noirâtres, quelquefois encore mélangés avec d’au- tres taches plus rares, cendrées ou violâtres. Ils ont 21-22 mill. de long, sur 15 ou 15 mill. ; de diamètre. Je me base, pour décrire ces œufs, sur les exem- plaires que m’a obligeamment envoyés M. Edmond Fairmaire de Paris : je les trouve parfaitement semblables à ceux de la planche de l’Oologie euro- péenne, publiée par M. Auguste Lefèvre.
Le chant du mâle, suivant M. Vieillot, est court, faible et sans agrément ; son cri d'appel est doux et assez agréable, mais celui de la frayeur ou de l'inquiétude est aigre et fort. Il chante souvent pendant la nuit, et ne dort que très-peu dans le mois de juin et une partie du mois de juillet, On attribue cette insomnie à l'habitude qu’a cet oiseau de vivre alors dans des régions élevées, où il n’y a presque pas de nuit durant cette période.
Ce Plectrophane est un agile coureur ; il cherche à la manière de la Fringille Niverolle sa nourriture, qui consiste pareillement en menues graines, en petites semences d'arbres ou d’arbustes alpestres et en insectes. Mais lorsque la neige, envahissant les lieux qui lui fournissent ces aliments, le force à s'éloigner de son séjour d'été, alors il étend ses excursions dans des contrées du nord de l’Alle- magne et de la France. Quelques bandes de jeunes sujets, plus ou moins nombreuses, sortent de ces
D'ENRAUS AN O TE. 206 climats par un froid très-vif, se répandent dans des pays tempérés de l'Europe et en Suisse, d’où, et plus accidentellement encore, quelques individus s’avancent jusqu’en Savoie. On les rencontre prin- cipalement dans le Chamonix et sur les bords du Rhône. Continuellement à terre, ils courent avec vitesse parmi les pierres et à travers les petits buis- sons, y vivent avec des graines restées sur plante, avec de petits fruits ou des baies sèches. Ils parais- sent presque muets, sinon quelques sujets qui poussent de loin en loin de petits cris, qui servent à rallier les autres individus de la bande. Aussitôt que la température s’adoucit, ils quittent notre pays, et regagnent des climats plus froids.
460.-— Plectrophane de Laponie /Plectrophanus Laponicus).
Le Grand Montain (Buff.). — Le Bruant de Laponie ou Grand Montain (Cuv.).—Fringilla Calcarata (Pallas).—Bruant Montain (Emberizsa Calcarata), Temm. — Passerine Grand-Montain (Emberiza Laponica), Vieill., Faune Française. — Plectrophanes Laponica (Plectrophane de Laponie), de S.- Longch.—Bruant Montain (Emberiza Laponica), Degl.
Le Plectrophane de Laponie est une espèce qui a de tous temps embarrassé les ornithologistes dans le choix du genre où elle devait être comprise. Comme son bec est presque conique, ils en ont fait tantôt une Frangille, tantôt un Panson, et même une Allouette, à cause de la longueur de l’ongle du pouce. Mais ses mœurs, ses habitudes et la plu- part de ses caractères extérieurs, lui assignent sa place à côté du Plectrophane de Neige.
ni
294 ORNITHOLOGTDE
Comme lui, il habite pendant la saison des beaux
jours les régions boréales : la Laponie, le Groënland
et la Sibérie; il en émigre en hiver, et se répand dans des pays du nord de la France et en Alle- magne. Les jeunes seuls arrivent quelquefois en Suisse, et quelques individus, toujours très-rares, poursuivent, pendant les grands froids, leurs courses jusqu’en Savoie.
Ceux-ci, qui sont tous des sujets de l’année, ont 18 cent. au plus de longueur totale. Le dessus du corps, depuis le sommet de la tête jusqu’au crou- pion, est d’une couleur isabelle, tachée et rayée longitudinalement de noirâtre, surtout sur la tête et le manteau. Les joues sont brunâtres, mais en- tourées de brun noirâtre ; la gorge, le devant et les côtés du cou, d’un blanc lavé de roussâtre ; sur le bas de cette partie, se font remarquer quelques stries brunes, peu apparentes ; le reste du dessous du corps est d’un blanc nuancé aussi de roussâtre; mais la poitrine porte plusieurs taches brunes noi- râtres, qui remontent de chaque côté du cou jus- que près de l'angle du bec; les flancs sont tachés de même en long sur le centre des plumes. Sur chaque aile, on voit un large espace de brun mar- ron, quet termine un peu de blanchâtre ; les rémiges et les pennes de la queue se trouvent noirâtres, et bordées de roux extérieurement ; ; la première penne extérieure de celle- -ci est tes avec une large
DE LA SAVOIE. 295 tache brune dans la partie supéricure et une autre lache plus étroite vers le bout; sur la deuxième, est un trait blanchâtre, qui remonte le long de la baguette. Le bec est jaune, noirâtre à la pointe; l'iris brun; les pieds sont noirâtres; longle du pouce est beaucoup plus long que le doigt.
Les mâles, en élé, sont noirs sur la tête, à la gorge et à la poitrine ; blancs et marqués de noir sur les flancs. Ils ont la nuque couverte d’un crois- sant d’un beau roux vif et pur ; le dos et les ailes paraissent comme variés de noir et de brun. Ün blanc sale prédomine sur le ventre, l'abdomen et les sous-caudales.
La femelle, à la même période, est reconnaissable par le gris roux, mélangé de taches noirâtres, qui occupe chez elle le dessus de la tête et du cou, le dos et les scapulaires; par le blanc de sa gorge et du devant du cou; enfin par le roux et le noir du haut de sa poitrine.
M. Duchesne de Lamotte, d’Abbeville, dans son voyage en Norvége, rencontra sur les montagnes du Dovre, dans une immense prairie couverte de petits buissons, un couple de ce Plectrophane en livrée de noces parfaite. Le mâle s'élevait de temps
296 ORNITHOLOGIE
page à terre, dans les champs marécageux et les prairies, où se trouvent des arbrisseaux et de petits monticules. C’est de ces élévations ou du bout d’une pierre que le mâle, pendant l’amour et l’incubation, part de temps en temps comme je viens de le faire observer, d’après M. Duchesne de Lamotte, pour s'élever dans les airs en chantant et redescendre vers le sol en finissant son ramage. La femelle pond h ou 5 œufs, d’un gris légèrement nuancé de rous- sâtre, avec des ondes brunâtres et quelques taches ou raies d’une couleur un peu plus foncée. Les exemplaires de ma collection, récoltés en Laponie, ont 49 5: à 20 mill. de long, sur 15 et 15 mill. + de largeur diamétrale.
Quand cet oiseau survient chez nous pendant l'hiver, il y visite d'habitude les vallées infé- rieures et s'arrête à la base ou au milieu des collines soit en friches, soit cultivées ; mais les lieux humides et hérissés de buissons, de même que les bords des torrents et des fleuves, lui plaisent davantage. Il reste tout le jour à terre comme une Alouette, à la quête des petites graines et des baïes sèches pour sa subsistance. Quelquefois il suit dans les champs les phalanges de |’ Ælouette Commune, et s’empêtre avec elles dans les filets des oiseleurs. Toujours peu sauvage, il se laisse aborder aussi facilement quand il est seul que par paires ou par sociétés de trois à cinq individus; il ne vient guère
DE LA SAVOTE. 297 en plus grande quantité dans nos contrées, et aus- sitôt que commence la fonte des neiges, il les aban- donne pour retourner vers sa patrie.
Vingt-seplième Famille.
MOTACILEIDÉES (Motacillidæ).
Ces oiseaux sont très-reconnaissables par leur taille svelte; par leur bec droit, grêle, quelquefois glabre à sa racine, en forme d’alêne et souvent échancré à la pointe de la mandibule supérieure ; par leur langue sagittée ou fourchue ; par leurs pennes caudales fréquemment plus longues que le corps, égales entre elles ou presque de la même grandeur ; enfin par leurs tarses minces et élevés, conséquemment propres à la course.
Leurs narines sont ovoïdes et à moitié fermées par une membrane ; les ailes le plus souvent de moyenne longueur. Des trois doigts de devant l'extérieur se trouve soudé à sa base au médian, et l’ongle du pouce est d'habitude plus long que ceux des doigts antérieurs, qui sont petits.
Leurs mœurs et leurs habitudes les font aussi distinguer aisément des volatiles , avec lesquels ils peuvent avoir quelques rapports soit par leur genre de vie insectivore, soit par quelques-uns de leurs
298 ORNITHOLOGIE
caractères physiques. Ils n'aiment que les lieux
découverts, les bords des eaux, les champs, les prés
humides, les pâturages et les endroits marécageux.
Cherchant presque tout le jour à terre leur nourri-
ture, ils saisissent les vers et les très-petits coquil-
lages qu’ils découvrent le long des sillons, sur la
grève ou la vase, courent après les insectes que
leur approche fait fuir, gobent les mouches au pas- sage ou les attrapent en les poursuivant au vol, et revienneht à terre pour les avaler. En marchant,
les uns balancent sans cesse la queue de haut en bas, les Bergeronnettes par exemple; les autres, les Pipis, n’ont guère, dans cette partie, qu’un léger battement aussi de haut en bas, qu’ils réitèrent surtout quand ils perchent et s'arrêtent au bout de quelque motte ou de toute autre petite éminence.
C’est presque toujours à terre qu’ils se propagent ; ils cachent ordinairement leurs nids dans les herbes et les blés, ou parmi les pierres et les buissons, rarement dans les trous de roc ou de mur. Les mâles, dans quelques espèces, chantent agréable- ment. La mue est double chez plusieurs, et les jeunes de l'an, après avoir mué, ressemblent sou-
D E L À S À V O jf E . 209
Lise Gênre : BERGEMONN STE (Moltacill:e).
Signes caractéristiques : Bec grêle, subulé, cylindrique, droit; mandibule a Eee Ar rs entalée ers Je ont: tinfériue RU Res an eres o6 eibnese L'ontiei pot BE GoutH bu Bron droit, de la longueur du pouce ou un peu plus long. Aïles moyennes. Queue longue, à 12 rectrices égales.
Il est très-juste que des oiseaux qui sé familiari- sent avec les bergers, en vivant souvent pêle-mêle avec leurs troupeaux, aient recu des naturalistes le nom de Bergeronnette, que le vulgaire naïf remplace par celui de Bergère ou PE Leur dénomination latine, Budytes, adoptée par l'illustre Cuvier, n’est pas moins significative ; elle désigne de son côté des volatiles naturellement portés à accompagner dans les champs ou les prés, les bœufs, en se jouant de toutes les manières au milieu d’eux, à suivre les sillons qu'ils tracent avec la charrue, tout en gobant derrière le laboureur les vers et les insectes, qui leur servent de pâture. Les noms de foche-Queue et Basse- Quouette qu’on leur a aussi donnés, viennent de leur habitude toute particulière de balancer presque continuellement la queue, qui forme, à elle seule, plus de la moitié de leur longueur.
Les Bergeronnettes se plaisent aux bords des ruisseaux et des rivières, dans les plaines, lès prés et les lieux humides. Vives, agiles, folâtres et socia- bles, elles y vivent souvent en familles ou par
|
300 ORNITHOLOGIE bandes, courent presque sans relâche après les insectes sur le sable ou la glèbe, s’élancent, volent, poursuivent les mouches au vol, reviennent à lerre, courent, repartentets’entr’appellent. Très-enjouées depuis leur pariade jusqu'au renouvellement de la mue de la fin de l’été, et excessivement coquettes, elles n’ont pas de geste, pas de mouvement, qui ne respirent la volupté : remuement continuel et très- marqué de haut en bas dans les pennes caudales, avec un léger et gracieux balancement de tout le corps à la fois, trépidation fréquente dans les ailes, accompagnée de quelques coups de gosier, dont la cadence est sensible, quoique précipitée, tête molle- ment renversée sur l’épaule, regard doux et amou- reux, vol lent et parfois tremblotant, surtout dans la passion. Elles nichent au milieu des tas de pierres, le long des fleuves et des rivières, au pied des buissons, dans les herbes, les moissons, et dans les cavités des digues ou des murs, qui bordent l’eau. Leurs nids, en général, faits le plus simplement possible, con- tiennent, à chaque ponte, de 4 à 6 œufs.
C’est deux fois par an que les Bergeronnettes muent, vers la fin de juillet et à la mi-février dans nos climats. À cette dernière période, elles ne prennent
DANS ANMOTE. 301 jeunes de l’année sont semblables aux vieux, ou tout au moins aux adultes.
Nous n’avons en Savoie que trois espèces de Bergeronnettes. Le nord et le midi de l’Europe en possèdent un plus grand nombre : j'en signalerai quelques-unes en décrivant celles de nos localités, suivant qu’elles ont avec elles quelques rapports.
EG. —Bergeronnetée Grise /Motacilla Alba).
Noms vulgaires : Bergère Grise, la Religieuse, Battiquoua (Battequeue), Branlaquoua (Branlequeue), Quouanna.
Motacilla Alba et Motacilla Cinerea (Gmel.). — La Lavandière (Buff.), un individu en livrée de printemps.—La Bergeronnette Grise (Buff.), un sujet en plumage d'hiver; le même oiseau sous les noms de Motacilla Alba et Cinerea (Cuv.).—Le Hoche- Queue Lavandière (Motacilla Alba), Vieill. — Bergeron- nette Grise (Motacilla Alba), Temm., Degl.—Ballerina (Savi).
Cette Bergeronnette qui a toute l'élégance pos- sible dans ses manières et sa parure, est de 18 cent. h-6 mill. de longueur totale. La femelle a d’habi- tude 6-7 mill. de moins.
Le mâle, dans sa belle livrée de printemps, est d’un blanc pur sur le front, le lorum, les joues et les côtés du cou ; la même couleur domine encore depuis le bas de la poitrine jusqu'aux couvertures sous- caudales : celles-ci sont pareillement blanches. Un noir foncé envahit l’occiput, la nuque, la gorge, la poitrine, les huit pennes intermédiaires de la queueet ses couvertures supérieures; les deux rectrices laté- rales sont blanches, mais tachées à leur base de noir, quise prolonge diagonalementsur le bordinterne des
302 ORNITHOLOGIE
barbes. Les flancs et le dos sont d’un cendré foncé ; les couvertures alaires noires, bordées de blanc cendré; le bec, l’iris des yeux et les pieds noirs.
La femelle en plumage de printemps diffère peu du mâle : elle a seulement le blanc du front et celui des joues moins pur; le noir de la tête à peine moins foncé et toujours moins étendu ; les couvertures des ailes bordées d’un blanc gris. Au reste, elle lui ressemble.
Le mâle et la femelle, en habit d’automne et d’hi- ver, n’offrent pas de différence sensible. Ils sont blancs à la gorge et sur le devant du cou; sur la poitrine, se dessine un hausse-col d’un noir profond, dont les côtés remontent jusqu'aux parties latérales de la gorge; le cendré des parties supérieures est d’une teinte moins foncée qu'au printemps. C’est cette livrée, agréablement variée de blanc, de noir et de cendré, qui a valu, dans plusieurs cantons de la Savoie, à cette espèce, le nom de Religieuse et quelquefois de Sœur Grise.
Les jeunes des deux sexes, depuis la sortie du nid jusqu à la première mue, ont les parties supérieures, même la tête et la nuque, d’un cendré terne, fai- blement nuancé d’olivâtre ; les sourcils, les joues, la gorge, le devant du cou et la poitrine d’un blanc sale, presque teinté de jaunâtre; sur la poitrine, l’on ne remarque qu’une seule tache cendrée noi- ràtre, plus où moins apparchte, qui remonte en
DE LA SAVOIE. 305 forme de croissant sur les côtés du cou. Le ventre et l'abdomen sont blancs. Le bec est brun foncé; l’iris noir ; les tarses sont gris.
Les jeunes de la première nichée, qui commence souvent ici à la fin de mars, se revêtent d’habi- tude en automne de la livrée des adultes en habit d'hiver que je viens de décrire, à part le noir de fa tête qui reste pendant tout l'hiver plus ou moins mélangé de cendré. Ceux au contraire de la seconde couvée, qui est tardive, ne s’approprient, en muant en septembre, que les couleurs des parties infé- rieures du corps propres à l’âge adulte ; ils conser- vent le cendré sur la tête et à la nuque jusqu'au printemps ou à la seconde mue : alors ils se colo- rent, comme les vieux et les adultes, de noir à la gorge, sur le devant du cou, à la poitrine, sur l’oc- ciput et à la nuque.
Variélé locale : On trouve pendant l’été, sur les bords arénacés des torrents, lacs et étangs de nos montagnes froides, des Bergeronnettes Grises de 14-16 mill. moïns longues que celles qui habi- tents alors des localités basses et chaudes. J’en ai rencontré quelques paires spécialement le long du Chéran en Bauges, de l’Arc en Maurienne et aux environs du lac du Mout-Cénis ; avec la taille infé- rieure à celle des types de l'espèce, elles ont encore le bec ‘un peu plus effilé. et le cendré du
A
dessus du corps à peime plus foncé.
304 ORNITHOLOGIE
La Bergeronnette Grise est la plus commune des Bergeronnettes de nos contrées. Comme la Prin- tanière, n° 163, elle est admirable dans son habi- tude de suivre les troupeaux dans les pâturages, de se promener au milieu d’eux, d’y chasser les mouches et autres insectes volants, qui les tour- mentent pendant qu'ils paissent. Familière dans toute saison, et sans prendre garde à la présence des bergers, elle va jusqu’à essayer, même sous leurs yeux, de se poser sur le dos des bestiaux ; elle veut positivement plaire aux pâtres dans tous ses gestes, et surtout en montrant de l'attachement pour leurs troupeaux ; c’est de là que lui sont venus les noms de Bergeronnelte, Bergerette et Bergère. Dans le département du Gard, on la désigne par le nom de Gala-Pastré, qui explique bien ses habi- tudes ; cette dénomination patoise signifie : qui cher- che à plaire aux pâtres dans un but intéresse. En effet, cet oiseau trouve, en vivant parmi les trou- peaux, une infinité de petits insectes ailés, qu'il ne cesse de désirer par instinct.
La Bergeronnette Grise ne se confie pas seule- ment aux bergers, mais aussi au laboureur; elle le suit pas à pas derrière la charrue, et ramasse les vers, les vermisseaux que le soc laisse à décou- vert sur la glèbe. Le chasseur qui l’aborde de près ne l’effraye même pas; elle court devant lui jusqu'à la première pierre ou motte qu'elle ren-
DE LA SAVOIE. 309 contre, et là elle attend encore son approche pour se remettre à courir ou à voleter un peu plus loin, de tertre en tertre. L'oiseleur l’attire toujours sans difficulté dans ses filets, pourvu qu'il y ait fixé une de ses semblables pour danseuse ou pour appelante ; mais si elle n y découvre pas son espèce, elle ne se décide qu'avec peine à se rendre à l'invitation qui lui est faite au moyen d’une simple imitation de ses cris d’appel avec l’appeau. Quoique privée et sociable de son naturel, cette Bergeronnette n’aime guère vivre en domesticité; sans doute parce qu’elle n’y reçoit pas les aliments qui sont de son goût, c’est-à-dire vers, mouches, petites sau- terelles, grillons, limaçons, mille-pieds, etc., etc, Pourtant, tenue dans une chambre bien aérée, où il lui est permis de se livrer à plusieurs de ses ébats ordinaires, elle devient divertissante ; elle s’élance à chaque instant sur les mouches, sur les mouche- rons qui voltigentautour d'elle; elle court après les mies de pain, après les morceaux de viande fraiche et crue qu’on lui jette; puis aussitôt qu’elle les a gobés, elle exprime son contentement en secouant à plusieurs reprises successives sa queue, et en balançant simultanément son petit corps avec grâce. ;
Les Bergeronnettes Grises s’envolent en grande partie de nos climats avant la mauvaise saison, et vont se réfugier dans des contrées méridionales
Es = _— pd mm + a ———_—
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306 ORNITHOLOUGIE qu’elles abandonnent au printemps pour retourner vers leur patrie. Celles qui ont hiverné chez nous s’y apprêtent à nicher sur la fin de mars; celles, au contraire, qui ont alors voyagé ne s’adonnent guère à cet acte avant le 20 ou le25 avril. D'ailleurs elles n'arrivent ici que les derniers jours de mars ou les dix premiers jours d'avril. Les couples quise fixent dans nos régions alpestres, où ils ne font d'habitude qu’une couvée par an, entrent en amour au commencement de mai et se propagent vers le milieu du mois.
Le mâle et la femelle travaillent de concert au nid ; ils le posent à terre, sous quelque racine, ou au pied d’un arbrisseau, d’un tas de pierres recou- vert d'herbes, ou sous le gazon, le plus souvent au bord des eaux, sous une rive creuse, quelquefois dans les piles de bois chargées de cailloux , cou- chées le long des rivières et des torrents, ou dans les cavités des rochers et des digues; enfin ils se reproduisent jusque dans les trous des murs des maisons, sous les toits et dans les cheminées, quoique éloignés de l’eau. Formé d’herbes sè- ches et de menues racines, assez souvent mêlées avec un peu de mousse, et que recouvrent en dedans les plumes, le crin et la bourre, ce nid contient } ou 5 œufs; ils sont blanchâtres ou d’un blanc légèrement bleuâtre, garnis de points et de petits traits bruns et d’un noiràtre cendré, plus
D'RPELES ES ANMIOTE 307 rapprochés vers la grosse extrémité de la coque. Suivant l’âge des couples, ils varient considé- rablement dans leur forme et leurs dimensions ; tantôt ils sont presque piriformes, tantôt pointus au petit bout, tantôt oblongs, tantôt enfin à peu près ronds. Leur longueur est, en moyenne, de 18 à 19 mill., sur 44 3 à 15 mill. de largeur diamétrale. Le mâle prend part de temps à autre le jour à l’in- cubation, alors que sa compagne quitte les œufs pour aller se récréer et chercher sa nourriture. Quand elle couve, il se tient près du nid. Cher- che-t-on sa couvée, il s’eflorce de nous détour- ner du lieu qui la recèle, en allant crier ou se plaindre tout à l’opposé. Mais lui ravit-on ses pelits, sa désolation est au comble : on le voit avec sa compagne se précipiter au-devant du ravisseur; et tous deux ensemble, en criant de toutes leurs forces, ils volèlent autour de cet ennemi, plongent parfois jusque vers lui comme pour le frapper, et l’accompagnent, sans cesser un instant de réclamer leur progéniture, jusqu’à quelquedistance du canton.
Le père et la mère tiennent toujours propres leurs petits dans le nid; non-seulement ils y enlèvent leurs excréments, mais encore ils les débarrassent des insectes qui pourraient les y incommoder. Dès qu'ils les jugent capables de voler assez pour les suivre sans risque, ils les emmènent avec eux le
308 ORNITHOLOGIE
presque tout le jour on les y voit poursuivre et gober les insectes pour alimenter cette famille. Mais une fois en état de trouver d’elle-même sa subsistance, elle vit éloignée de ses auteurs, tantôt par petites bandes, tantôt par deux ou trois sujets à la fois, et rarement dans la solitude. C’est alors que les père et mère entreprennent leur seconde nichée, qui se compose de à ou 4 œufs.
Après les couvées terminées, ces Bergeronnettes forment dans nos plaines de petites compagnies de » à 8 individus; elles se montrent très-gaies, elles multiplient leurs jeux ; elles courent avec rapidité dans les sillons, s’entr'appellent, se poursuivent ; parfois elles s'élèvent à quelques pieds du sol, se ba- lancent un instant en l'air, retombent en pirouettant, s’élancent de nouveau et redescendent en faisant encore une pirouette ; enfin elles terminent souvent ces jeux par une promenade sur la terre fraîchement remuée ou dans les sillons, ou bien encore le long d’un canal ou de son parapet ; elles marchent toutes à petits pas l’une après l’autre, et à chaque fois qu'elles s'arrêtent, elles impriment avec la queue un battement successif de haut en bas. Par une belle matinée, on les y entend souvent babiller toutes ensemble, au moyen de petits cris coupés et précipités : on croirait alors les entendre s’interro- ger et se répondre tour à tour. Après avoir longue- ment caqueté et s’être bien diverties, elles se met-
DE LA SAVOIE. 308 tent à chercher leur pâture ; elles saisissent à terre les petits vers et les limaçons, chassent, gobent les mouches au vol et pirouettent en retombant. C'est surtout en volant qu’elles font entendre leurs cris vifs et redoublés, d’un timbre clair et qui semblent exprimer : gui-quit, qui-quit, quit, qui-quit. Ce sont des cris de ralliement, puisque les Bergeron- nettes qui sont à terre y répondent du même cri, de crainte et de frayeur, puisqu'elles les poussent encore dans le danger, à l'enlèvement de leurs pe- tits, et lorsqu'elles échappent aux serres de l’oiseau de proie ou se dépêtrent de quelque engin. Mais au printemps, les mâles ont un ramage doux, vif, qui plaît par sa gaieté et sa variété; ils le poussent soit de terre, soit du bout d’une pierre ou des toits et des cheminées, quelquefois en se jouant dans les airs, au-dessus de leurs compagnes.
Les Bergeronnettes Grises volent par saccades ou par élans et par bonds successifs. La queue leur est alors très-utile, surtout dans les changements de direction ; elles la remuent horizontalement, mou- vement différent de celui qu’elles lui font subir quand elles sont posées, qui est perpendiculaire de haut en bas. Leurs migrations ou passages durent longtemps en Savoie; ils commencent vers la fin d’août et finissent au froid, mais c’est principale- ment dès la mi-septembre jusqu'aux gelées blan- ches d’octobre qu'ils sont très-abondants,
310 ORNITHOLOGIE
Pour changer de climat, ces oiseaux se groupent dans les champs ou sur les bords des eaux, où ils ont vécu le jour, et prennent tous ensemble leur essor une heure environ avant le coucher du soleil, Mais aussitôt que cet astre disparaît de l'horizon, ils S’abattent dans les saussaies, dans les jonchaies, sur les arbres touffus qui bordent l’eau, même sur les toits dans les villes. Souvent ils y font du va- carme jusqu’à la nuit, en rappelant leurs congénères qu'ils voient ou entendent passer, en folâtrant, se poursuivant et se becquetant. Pour dormir, ils se cachent dans le feuillage, dans des trous de mur, dans les cheminées, jusque sous les tuiles creuses ou sous les ardoises soulevées. À laube du jour, au premier signal, toute la troupe éveillée reprend le vol en répétant ses cris d'appel ordinaires, conti- nue sa route et se jette, après le lever du soleil, dans les champs ou les prairies qu'elle découvre ; elle s’y nourrit, se repose, et n’en part guère que le soir, à l'approche de la nuit.
Cependant toutes les Bergeronnettes Grises ne quittent pas nos pays avant le froid. Plusieurs, réu- nies par paires ou en petites bandes de 3 à 5 indi- vidus, y séjournent pendant tout l'hiver. Elles hantent les bords des torrents, des rivières, des canaux, et les prairies les plus arrosées; on les y voit, comme pendant la saison des beaux jours, cou- rir avec légèreté sur la grève ou la vase, entrer
D'EVDALSATVOTÉ. 311 parfois dans l’eau jusqu’au ventre pour ÿ saisir un ver, un petit coquillage. Quand le vent du nord souffle avec violence, elles perdent un peu de leur vivacité naturelle ; elles se jettent le long des fos- sés, des canaux destinés à arroser les prés, auprès des bassins de fontaine, des fondrières, des sources d’eau chaude, et dans d’autres lieux humides à l’abri du vent. Ÿ trouvent-elles des laveuses, elles témoi- gnent par leurs cris et gestes leur joie de voir ces femmes; tout le jour elles rôdent autour d'elles, courent après la moindre mie de pain qu'elles lais- sent tomber dans l’eau, et reviennent se jucher tout près d'elles : on dirait, à les voir alors secouer la queue, qu’elles cherchent à imiter le mouvement des laveuses pour battre le linge. C’est de là que dés anciens naturalistes ont tiré le nom de Lavan- dière, qui fut spécialement réservé pour la Berge- ronnette Grise.
N. B. Je n'ai jamais rencontré dans nos contrées, ni sur leurs confins, la Bergeronnette Lugubre (Motacilla Lugubris, Pallas) et la B, Yarrel (Motacilla Y'arrelli, Bonaparte). Ces deux oiseaux, que l’on remarque surtout dans le nord de l’Europe, diffèrent de la Bergeronnette Grise en livrée d'été spécialement par le noir profond de toutes leurs parties supérieures, même du dos, où celle-ci est d'un cendré foncé, et par leurs flancs cendrés noi- râtres, ou noirs, ou ardoisés, d'après l’âge des individus. Ils ont en outre, pour distinction, la bordure des ailes et de leurs cou-
312 ORNITHOLOGIE
leur ardoise, suivant son âge. Les franges, d’un blanc pur, de lcurs ailes servent encore alors pour les faire distinguer de la Bergeronnette Grise : elles sont chez celle-ci d’un blanc gris ou d’un blanc cendré, et plus étroites.
T1 peut arriver que l’on parvienne par la suite à découvrir ces deux Bergeronnettes en Savoie, surtout en hiver ou à l'approche du printemps quand elles se livrent à leurs voyages périodi- ques; c’est dans cette prévision et pour contribuer à les faire reconnaître que je viens d’en donner la description.
162. Bergeronnette Jaune /Moïacilla Boarula).
Noms vulgaires: Bergère Grande-Queue, Quoussette, Quouatta, Quouanna, Branla-Quouatta.
La Bergeronnette Jaune (Buff.).—Hoche-Queue Jaune (Motacilla Boarula), Vieill.—Bergeronnette Jaune ou Boarule (Motacilla Boarula), Temm., Degl, — Cutrettola (Savi).
Cette Bergeronnette a 19 cent. 4-6 mill. de lon- gueur totale. La queue, qui forme la plus grande par- tie de sa taille, a, à elle seule, 10 cent. 4 ou 2 mill. | et dépasse le bout des ailes de 7 cent. ||
J’ai remarqué pendant les nichées, le long des | torrents, auprès des cascades et des usines situées l dans nos régions froides et montagneuses, des Ber- geronnettes Jaunes qui ont près de 2 cent. de moins | en longueur que celles qui se propagent dans des | localités inférieures et plus chaudes : les sujets que j'ai pu me procurer avaient 17 cent. 6-8 mill. , et ra- rement 18 cent. , de longueur totale. M. l'abbé Caire
fait la même remarque dans les Basses-Alpes, mais | | il croit voir de plus une disparité dans le plumage : | | le jaune chez le mâle, le cendré des parties supé- | |
ORNIT HOLOGIE DE LA SAVOIE
Passereaux. Motacillidees.
Lith JiPerrin Chambéry. J Werner del. & Lith. (10 à) ergeronnelte jaune. imäle adalte en ele; "307. ral, P510e 9 7e demäle en hiver. 3-5 Wubi del. espece; or Aa€ | 6 Ber tu eronnelte Pri ntanière.#2/e adalle au PriRlerps ; fs grnal; 390. 1-9 Zufsuel espece : QT. ral. 10 Pipi Richard zen automne sornat PIN Gif de l espece, 2 ral
DE LA SAVOIE. 315 rieures du corps chez la femelle, lui paraissent d’une teinte différente de celle des couples de la plaine; la première couleur étant un peu plus foncée, la seconde presque plus claire. Ce savant observateur trouve encore leur naturel plus méfiant, plus sau- vage. Ces légères différences ne peuvent, à mon avis, constituer qu'une variété locale de la Berge- ronnette Jaune.
Comme le précédent, cet oiseau est du nombre des Motacillidées qui muent deux fois dans l’année. La mue du printemps, qu’il éprouve ici dès la mi- février, est surtout notable en ce qu’elle ne change guère la couleur qu'à la gorge et sur le devant du cou.
Le mâle, en parfaite livrée d'été, est cendré sur les parties supérieures, même sur la tête ; d’un jaune nuancé d’olivâtre sur le croupion. Il a les sourcils blancs ou blanchâtres ; les pennes alaires noirâtres, bordées de blanc et d’un peu d’olivâtre. Les pennes de la queue sont aussi noirâtres, à l’exception des trois latérales de chaque côté, qui se trouvent plus ou moins blanches sur leur longueur : toutefois la plus externe est, d'habitude, entièrement blanche. Un noir profond, bordé de chaque côté par un trait blanc, partant de la racine du bec, couvre la gorge et le devant du cou; la poitrine, le milieu du ven- tre, l'abdomen et les sous-caudales, sont occupés par un jaune pâle, néanmoins plus vif sur les deux
314 ORNITHOLOUGIE
dernières parties que sur les premières; les flancs portent quelques teintes grises. Le bec et l'iris sont bruns, les tarses brunâtres.
La femelle, au printemps, se garnit aussi de noir à la gorge, mais tout en y conservant quelques plumes blanchâtres, ou au moins une légère bor- dure de cette couleur sur chaque plume noire ; de telle sorte que cette partie paraît alors noire et variée de blane. On peut encore la reconnaître en ce que le cendré de ses parties supérieures et le jaune du dessous du corps, sont d’une nuance un peu plus claire que chez le mâle.
Pendant que les deux sexes sont en mue, l’on a souvent de la peine à les distinguer l’un de l’autre, car les mâles ont, comme les femelles, la gorge à la fois garnie de plumes noires et de plumes blan- ches ou blanchâtres.
Le mâle se dépouille de sa parure d'été vers le milieu de juillet pour prendre sa livrée d'hiver. Alors le noir de la gorge et du devant du cou disparaît, et le blanc tirant un peu sur le roux jaunâtre l’y remplace; les sourcils deviennent jaunâtres; le cendré du dessus du corps se colore très-faiblement d’olivâtre; le jaune du ventre, de l'abdomen et des couvertures inférieures de la queue, devient encore un peu plus pâle que pendant la saison des couvées.
La femelle ressemble beaucoup au mâle en plu- mage d'hiver : seulement ses teintes sont encore
DHMAV SA VOTE. 315 moins vives. Les jeunes de l'annee, après leur pre- mière mue, ne difièrent point des femelles.
La Bergeronnette Jaune est de passage en hiver dans plusieurs cantons de la France, sédentaire dans d’autres; elle ne paraît point s’avancer très- avant dans le Nord, pendant ses voyages d'automne et d'hiver. Nous la voyons à toute saison en Savoie ainsi qu'aux environs de Genève, mais en nombre bien inférieur à celui de la Bergeronnette Grise.
Elle émigre en partie de nos climats vers le com- mencement d'octobre ou un peu plus tard, suivant que les premières gelces blanches ont été plus ou moins précoces. C’est seule à seule ou une à une, quelquefois par paires, mâle et femelle, et rarement par petites sociélés de trois à cinq individus, qu’elle nous quitte chaque année. Elle prend l'essor à l’aube du jour, s’élève toujours très-haut et ne cesse de jeter pendant le voyage ses cris d'appel : bit, bi-bit, bis, bit, qui la font aisément recon- naître. Elle vole jusqu’au lever du soleil et plonge vers le premier torrent ou ruisseau qu’elle découvre; elle s’y alimente, s'envole le soir une ou deux heures avant la disparition du soleil, voyage jusqu'à la nuit, s’abat de nouveau le long des eaux, et y reste abritée jusqu’au commencement de l'aurore.
Les Bergeronnettes Jaunes qui ne nous quittent point pendant l'hiver, se montrent jusqu’à l’inté- rieur des villes, dans les rues, les jardins, les basses-
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cours et sur les toits des maisons. Elles hantent aussi les bords des bassins de fontaine, des viviers, des lavoirs publics, des ruisseaux ou des rivières qui charrient les immondices, courent avec légè- reté le long de leurs parapets, le long des branches horizontales des grands arbres qui les bordent, et y font entendre par moments un petit ramage assez éclatant ; elles se taisent lorsque le froid est au comble, et la terre couverte de neige. Pendant ces tristes moments, on ne les voit nulle part plus fré- quemment qu'aux alentours des écuries et des fer- mes, cherchant dans le fumier les petits insectes, les vers qui parfois y fourmillent. Se répandent-elles auprès des eaux courantes ou stagnantes, elles y entrent sur les bords jusqu’à mi-patte, et y courent avec la même célérité que sur le sable après les petits insectes aquatiques. Elles vivent aussi de menus coquillages, de larves de libellules et de ver- misseaux qu'elles saisissent avec adresse dans la vase ou parmi les feuilles tombées des arbres, qui souvent recouvrent les amas d’eau dormante. A
DE LA SAVOIE. 31% Comme la précédente, la Bergeronnette Jaune vole par élans et par bonds successifs, en mouvant horizontalement sa grande queue ; comme elle aussi, elle a dans cette partie, soit à terre, soit perchée, un battement vif et fréquent de haut en bas, qu’ac- compagne un léger et gracieux balancement de tout le corps. Mais elle est loin d’avoir les mêmes affections. La Bergeronnette Grise et la Bergeron- nette Printanière aiment les champs, les terres en labour, les prairies marécageuses ; elles aiment à s'approcher des bergers, à se mêler à leurs trou- peaux, à suivre pas à pas l’agriculteur dans les sillons qu'il trace avec la charrue; la Bergeron- nette Jaune, au contraire, reste toujours fidèle à la grève des fleuves, des rivières et des torrents, aux lieux rocailleux et humides, aux endroits fangeux, enfin aux bords arénacés des lacs, des ruisseaux qui coulent lentement, et ne visite guère le séjour habituel des premières que lorsqu'elle ne trouve pas ailleurs sa pâture. Elle n’est point née comme elles pour la société ; elle fuit même celle de ses sem- blables ; en effet, c’est le plus souvent solitaire qu’on la remarque ici, après le temps des nichées. Si l’on rencontre plusieurs sujets de son espèce le long d’un torrent, il est rare de les voir groupés plus de deux ou trois ensemble, sauf le soir, au soleil cou- chant, quand ils retournent ensemble à leur refuge de nuit.
318 ORNITHOLOGIE
Cette Bergeronnette s’apparie à la fin de l'hiver; on en observe déjà des couples sur nos rivages à la mi-février. Ils courent à petits pas et avec une vivacité agréable après les insectes sur le sable ou parmi le gros gravier, s’élancent à chaque instant en l’air pour attraper les mouches, les cousins qui passent à leur portée, retombent souvent en pi- rouettant à terre, où aussitôt ils remettent leur queue en mouvement. Quand une paire aborde une autre paire, souvent les deux mâles se cherchent querelle en se voyant de fort près; le premier qui s’élance, donne la chasse à l’autre en jetant des cris aigus et précipités. Le mâle qui a fait choix de sa compagne vient-il à voir auprès d'elle un de ses semblables seul, prompt à lui faire sa cour, 1l fond sur lui, le frappe et le repousse de son canton.
Pour se propager, la Bergeronnette Jaune se re- tire le long des fleuves, des rivières, des fossés, dans les rocs qu’arrosent des sources, des torrents et des cascades, auprès des usines, des moulins construits sur eau, dansles digues, les murailles et les rochers qui bordent les eaux. Vers le 20 ou le 90 mars, elle se met en devoir de construire son nid. Elle le fait à terre ou sur le sable, dans un pe- üit creux qu'elle prépare avant tout, et qu'abritent des herbes, un arbrisseau ou des cailloux: elle le loge aussi dans une cavité de roc, de mur, dans une enfonçure de terre glaise, au bord d’un ruis-
DE LA SAVOIE. 319 seau ; quelquefois entre des pierres amoncelées sur le rivage, parmi les racines des arbres, des brous- sailles qui garnissent le bord de l’eau, sous les voûtes d’un pont, sous les toits des moulins, des fabriques, ou bien dans les trous de leurs murs. Ce berceau est, comme chez la Bergeronneite Grise, composé de mousse, d'herbes, de racines fibreuses, que tapis- sent en dedans le poil, le crin, la bourre et les plu- mes : 5 ou 6 œufs forment la couvée; ils sont habi- tuellement pointus à la petite extrémité, larges vers le gros bout, d’un blanc sale, et très-tachetés d’une sorte de jaunâtre pâle, qui incline presque au rou- gcâtre ou à la couleur de chair ; quelquefoisles taches offrent, surtout au gros bout, où elles sont plus nom- breuses, deux nuances de la même couleur, l’une claire, l’autre sombre. Ces œufs ont, en moyenne, 47 ou 17 mill. ; de long, sur 125 à 13 mill. ; de dia- mètre. Pendant que la femelle se livre à l’incuba- tion, le mâle veille tout près du nid, au bout d’une pierre, d’une roche isolée, ou perché sur quelque arbre. Au moindre danger il pousse des cris plain- tifs pour en avertir sa compagne ; si c’est quelqu'un qui aborde la nichée, il vient au-devant et voltige au-dessus de lui en jetant ses cris ordinaires : bi- bit, bi-bit, bi, bi-bit; par moments il les précipite, selon que le danger paraît imminent : bi-bi-bi-bi- bat ; puis un autre cri tout à fait lamentable succède à cette trade; il semble qu'il articule : bi, bi,
320 ORNITHOLOGIE bi, en faisant toujours longue la dernière voyelle. Cette espèce de Bergeronnette ne fait ici qu’une couvée par an, à moins qu’elle ne devienne la proie du ravisseur ; la seconde, qui a lieu dans le mois après l’enlèvement, se compose ordinairement de quatre œufs, rarement de trois. Le père et la mère alimentent leurs petits comme la Bergeronnette Grise les siens ; ils les élèvent le long des eaux, dans le canton de leur première habitation. Mais à peine sont-ils capables de trouver et saisir leur nourriture, qu’ils les abandonnent. Dès lors ces oiseaux vivent presque tous, jeunes ou vieux, soli- taires jusqu’à la pariade prochaine.
163.—Bergeronnectte Printanière /Motacilla Flava.
Noms vulgaires : Bergère Jaune, Bergère des Prés, Bergère des Marais, Bouvière.
La Bergeronnette de Printemps (Buff.). — Bergerounette de Printemps (Budytes Flavus\, Cuv.— Hoche-Queue de Printemps (Motacilla Flara), Vieill. — Bergeronnette Printanière (Moiacilla Flava), Temm., Degl.—Stri- sciajola (Savi).
Cette jolie petite espèce de Bergeronnette, nota- ble par le beau jaune de ses parties inférieures, est la seule qui nous quitte entièrement pendant l'hiver. Élésante dans sa taille, dans sa parure, gracieuse dans ses manières, jusqu’en marchant, elle charme le pâtre, l’agriculteur, tous ceux qui sont à même de l’examiner dans les champs ou les pâturages.
Les mâles, à leur retour au printemps dans nos climats, ont 16 cent. 3-4 mill. de longueur totale,
DE LA SAVOIE. 321
Ils sont remarquables par le vert olivätre qui oc- cupe leurs parties supérieures, sauf la tête et la nu- que, où le cendré bleuâtre domine. Une bande sur- ciliaire blanche part de la base de la mandibule supérieure du bec, et s'étend un peu derrière l'œil; une autre dela même couleur, souvent peu distincte du jaune des parties latérales de la gorge, prend naissance à la mandibule inférieure, et se dilate au-dessous de la joue, en se dirigeant presque vers le bas de l’orifice des oreilles. Toutes les parties inférieures du corps sont envahies par un jaune pur, de nuance agréable ; néanmoins parfois des individus, surtout des adultes ou des jeunes d’un an, portent sur la poitrine quelques mouchetures de couleur olivâtre ; mais habituellement elles s’effa- cent peu à peu avant la fin de l’été, en s’usant par le frottement de l’air et l’action du jour, ou en se fondant dans le jaune de la même partie. Les pen- nes alaires sont d’un brun noirâtre, bordées, ainsi que leurs tectrices, de blanc jaunâtre. Les deux plus latérales de la queue sont blanches, avec leurs bar- bes intérieures en partie noirâtres ; les huit inter- médiaires noires ou presque noirâtres, et lisérées, comme les ailes, de blanc jaunâtre. L’iris, le bec et les pieds sont noirâtres; l’ongle du pouce très- long et peu arqué, proportionnément à ceux des doigts antérieurs.
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quée de blanc à la gorge; d’un jaune moins vif sur les parties inférieures que dans le mâle. Elle paraît en outre presque iavée de cendré sur le vert olivà- tre du dessus du corps; sa tête est colorée d’oli- vâtre.
Le mâle, en prenant à la fin de l'été sa livrée d'automne et d'hiver, se nuance d’olivâtre sur le sommet de la tête et à la nuque, tout en perdant beaucoup de la pureté et de la vivacité du jaune qui recouvre ses parties inférieures.
Les jeunes de l'annee, après la mue, ressemblent aux femelles. Is sont d’un blanc jaunâtre en dessous, et fréquemment marqués de petits traits ou de quelques taches brunâtres, surtout à la poitrine et sur les côtés du cou; c’est par ces mouchetures qu'ils diffèrent un peu des femelles en robe d'automne.
En sortant du nid, le dessus de leur tête et toutes les parties supérieures offrent un mélange de Jau- nâtre, de gris et de cendré; sur les parties latérales de la gorge et du cou, sur la poitrine qui est jau- nâtre, ils portent de petits traits longitudinaux, ou des taches brunes ou d’un brun roussâtre ; c’est un blanchâtre glacé çà et là de jaunâtre, qui prédo- mine sur le reste du dessous du corps.
La Bergeronnette Printanière fréquente pendant la saison des beaux jours presque tous les pays de l’Europe. Elle passe en grand nombre tous les ans en Suisse et en Savoie, au printemps et en automne;
DE LA SAVOIE. 329 mais elle n’y niche que dans les régions basses, où elle trouve des prairies, des marécages et des champs humides qui bordent des rivières. Nous la voyons ici arriver par petites troupes, assez sou- vent par paires, mâle et femelle, aux premiers jours d'avril ,rarement plus tôt, à moins que le printemps ne soit très-précoce. Elle part en septembre, en même temps que le Pipi des Buissons (vulgaire- ment Becfique et Veinette); aux premiers frimas d'octobre, elle est excessivement rare chez nous.On la rencontre alors commune dans les contrées chau- des et marécageuses de l'Afrique.
C’est d'habitude le matin et le soir, à l'entrée de la nuit, qu’on la voit passer en troupes dans nos plaines. Aussitôt que la nuit menace de la surpren- dre , elle plonge perpendiculairement vers le sol, et se cache dans quelque fourré. De jour, elle s’abat sur les champs découverts, spécialement sur les terres qu'on laboure ou qu’on ensemence, s’y nour- rit de vers, de petites larves et d'insectes, se re- pose quelques moments, s'envole et va à la décou- verte des prairies et des marais, qu’elle n’aban- donne plus qu'après les nichées terminées. C’est dans ces lieux que ces bandes se dissolvent pour s’assortir par paires. Le mâle, épris d'amour, com- mence à tourner gracieusement autour de la fe- melle qu’il cherche à se choisir pour compagne ; celle-ci agrée-t-elle ses premiers transports, à l'in-
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stant même celui-là renfle légèrement les plumes de sa gorge, de son cou, même celles du dos, passe à plusieurs reprises devant elle en étalant tous ses charmes , les pennes caudales relevées et les ailes presque traînantes ; et la femelle de répondre à ses gestes, à ses agaceries par quelques mouvements prompts et lascifs; et le couple de se livrer aux voluptés.
La Bergeronnette Printanière ne fait en Savoie qu’une seule couvée. Elle construit son nid à la fin d'avril ou dans les dix premiers jours de mai, et le place toujours à terre ; soit dans les blés situés aux bords desrivières, soit dans les herbes au milieu des prés arrosés ou aux alentours des marais, soit au pied d’une plante épaisse, ou sous une motte deterre et de gazon sur le bord d’un fossé. Quelquefois elle s’approprie dans ces lieux ces petites boules de mousses et de filaments d’herbes hachés, que l’on remarque souvent à terre dans des trous où se sont retirés quelque bourdon afin d'y déposer ses œufs , quelque musaraigne ou arvicole pendant l’hiver ; alors elle se prépare un nid en quelques heures , le façonnant sur place avec les matériaux qu’elle: y trouve. Mais le plus souvent elle se pré- pare elle-même, à l’aide du bec, un petit creux qu’elle remplit ensuite de mousses sèches, de brins d'herbes et de duvet de plantes printanières. Ces matières mélangées forment un petit nid élégant,
DE LA SAVOIE. 325 en forme de coupe, et matelassé en dedans de crins, de poils, de plumes et de filaments de plantes ; mais elles sont si peu serrées qu’elles ne se tiennent point fermes sur les bords, ni même au fond ; de telle sorte que, pour conserver ce nid en le prenant, on est obligé de couper la terre qui le retient, le supporte, ou les herbes, les racines qui l'entourent, et de tout emporter à la fois.
La ponte consiste en 5 ou 6 œufs arrondis, un peu pointus vers le petit bout, longs de 15 : ou 16 millim., et larges de 13 ou 13 mill. 1. Leur cou- leur est tantôt d’un blanchâtre nuancé de roussâtre, tantôt d’un blanc glacé d'un olive verdâtre, et cou- verts de petites taches un peu plus foncées, d’habi- tude très-rapprochées, et qui se fondent souvent avec le fond de la coquille; quelquefois on re- marque sur la grosse extrémité un, deux ou trois petits traits noirs, très-fins, assez allongés et par- fois en zigzag. Ces œufs éclosent après quinze jours d’incubation, et pendant que la femelle les couve, le mâle cherche ses vivres, les lui apporte au bout du bec dans le nid; la becquée donnée, il monte près de sa compagne sur une pierre ou au bout d’un rameau, d’un brin de chaume, ou bien à la sommité d’un jonc, d’un roseau et de quelque autre plante capable de le supporter. Là, il se plaît à ré- péter ses cris aigus: fait, fzit, fzut, faut, qu'il varie parfois par un autre cri plus prompt : pir
326 ORNITHOLOGIE ou pt, soit qu'il veuille annoncer sa présence à la couveuse, soit qu'il ait à l’avertir de l’approche de quelque ennemi. Ges cris sont différents de celui qu’il pousse dans d'autres circonstances, surtout en volant et pendant ses voyages; ce dernier, qui est le cri d'appel et de ralliement, articule bien à peu près les mêmes syllabes que le premier, maisil les profère d’une voix plus douce, presque flütée. Pleins d'affection pour leur nichée, le père et la mère consacrent de concert le jour entier à lui cher- cher sa pâture, à lui apporter alternativement les vers, les vermisseaux, les petites sauterelles, les chenilles rases, les tout petits limaçons nus qui la composent, Impatients de former cette petite fa- mille à leur manière de vivre quelquefois en société des bergers et de leurs troupeaux, ils amènent, dès qu’elle commence à pouvoir voler, jusqu'au milieu des moutons et des vaches qu’ils aperçoivent dans le canton. Là, ils se jouent avec elle de toutes les façons, jusque sous les pieds des bestiaux; ils débarrassent ces troupeaux des mouches et d’autres petits insectes ailés qui s’acharnent à venir les im- portuner dans les pâturages, les gobent au passage et en alimentent leur progéniture. [ls ne la quittent point après son éducation terminée ; souventils sont encore avec elle quand ils émigrent de nos climats. Après les foins coupés, les Bergeronnettes Prin- tanières abandonnent par moments les prairies et
DE LA SAVOIE. 327 les abords des marais, se réunissent quelquefois plu- sieurs nichées ensemble, forment des troupes innom- brables, et se répandent dans les champs des lieux circonvoisins. Découvrent-elles, en les parcourant, une friche, une jachère occupées par un troupeau de moutons qui broutent, elles y tombent d’aplomb, se posent au milieu des brebis, sans s'inquiéter de la présence des bergers. À l'instant même elles babillent, se divertissent, s’agacent, se poursuivent, volent à peu de distance, reviennent au trou- peau, se rallient autour de lui et y font à l’envi la chasse aux mouches, aux moucherons qui lui sont à charge continuelle. Comme les Bergeronneltes Grises, elles aiment aussi suivre la charrue, se te- nant tantôt derrière le laboureur , tantôt à côté des bœufs, et saisissant à tout moment sur la glèbe vers, larves ou menus insectes que le soc met à découvert. On les voit en plaine de grand matin jusque vers neuf ou dix heures; alors elles retour- nent, si le temps est chaud, dans des lieux humides et ombreux; puis elles les quittent le soir pour aller se répandre de nouveau dans les champs, où elles arrivent presque en même temps que les trou- peaux de moutons. Restent-elles en plaine pendant la chaleur du jour, elles se cachent à l’ombre dans les moissons, et surtout dans les champs de maïs, de luzerne, de sarrasin et de pommes de terre. Pour se désaltérer, elles y boivent les gouttes de rosée
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qui filent le long des feuilles ; le soir, elles retour- nent aux vivressur les terres qu’on laboure ou dont on arrache les mauvaises herbes.
La Bergeronnette Printanière se précipite sans défiance dans les filets, pourvu qu'elle y découvre une de ses semblables; mais elle est si leste, que souvent elle passe à travers les mailles, ou glisse entre les doigts. Quoiqu’elle soit parvenue à se dé- pêtrer d’un filet, elle y retombe souvent quelques instants après avec la même confiance que la pre- mière fois. Nos oiseleurs imitent généralement bien avec l’appeau son cri d'appel ; aussi, ils l’attirent aisément dans leurs piéges, sans qu'ils aient pour cela besoin d’une de l’espèce pour appelante ou pour danseuse. Sa chair est, comme celle des deux premières, un bon manger.
N. B. La Bergeronnette Flavéole (Motacilla Flaveola), dont M. Gould fit découverte en Angleterre, n’a point encore été vue ni en Suisse ni en Savoie. M. Crespon l’a rencontrée en été dans le département du Gard et dans celui de l’Hérault. M. de Selys- Longchamps l’a signalée comme étant de passage au printemps et en automne dans les environs de Lille, d'Amiens et de Dunker- que. Elle diffère de la Bergeronnette Printanière surtout par ses larges sourcils d’un beau jaune, et par le dessus de la tête, la nuque, le dos et lecroupion d'un jaune nuancé d’olivâtre : cette dernière, comme nous venons de le voir, a les sourcils blancs ou d’un blanc jaunâtre, suivant l’âge; la tête d’un cendré bleuâtre, et les autres parties du dessus du corps d’un vert olivâtre. Mais les mœurs etles habitudes sont les mêmes chez ces deux espèces, qui se mêlent ensemble lors de leurs voyages.
La Bergeronnette à Tête Grise (Motacilla Cinereocapillu, Savi) et la Bergeronnette Mélanocéphale (Motacilla Menalocephala, Licht.) ont aussi jusqu’à présent échappé à mes recherches en Savoie. La première, que des naturalistes admettent comme une
DE LA SAVOTE, 329
race locale de la Bergeronnette Printanière, propre au midi de l’Europe, diffère de celle-ci absolument en ce qu’elle a la gorge blanche et le dessus de la tête couleur de plomb, sans bande sourciliaire. Elle paraît commune en Italie.
La seconde, soit la Bergeronnette Mélanocéphale, que des ornithologistes sont portés à regarder comme une race propre à l'Afrique, se distingue de la Bergeronnette Printanière par le manque de sourcils et surtout par le noir profond qui occupe tout le dessus de la tête, même les joues. Elle se trouve en Dal- matie, au Caucase, en Égypte et en Italie. J’ai reçu sa dépouille de l’Afrique ; elle figure dans ma collection avec les précédentes que M. Edm. Fairmaire, de Paris, s'empressa de me procurer en 1850.
LA Gemre : PAPE ( fooihes).
Caractères génériques : Bec AS droit, presque glabre à la racine, un peu cylindrique, à bords fléchis en dedans, vers le milieu, et très-légèrement i in- cliné à la pointe; mandibule supérieure échancrée à son extrémité, un peu plus longue que l'inférieure. Narines basales, latérales, à moitié fermées par une membrane. Langue se terminant en fourche et cartilagineuse. Ailes allon- gées, sans penne bâtarde ; une ou deux pennes secondaires de l'aile, les plus près du dos, presque aussi longues que les primaires. Tarses nus, annelés. Doigt intermédiaire soudé à sa base avec l'extérieur. Ongle du pouce arqué ou presque droit et plus leng que le doigt, excepté chez le Pipi des Buissons. Queue longue, formée de douze pennes.
Les Pipis sont des volatiles généralement connus en Savoie, où ils portent les noms vulgaires de Bec- fique, Vinette et Veinette ; c’est aussi sous ces déno- minations que les gourmets les recherchent en au- tomne, pour la saveur de leur chair. Longtemps confondus avec les Alouettes, par rapport à la lon- sueur de l’ongle du pouce, à leurs habitudes ter- restres et à la teinte presque uniforme de leur plu- mage, ils en furent distraits par MM. Bechstein et Meyer, qui les premiers en firent un genre à part ce genre fut approuvé par les naturalistes qui vin-
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rent après. Les Pipis diffèrent essentiellement des Alouettes par leur bec grêle et échancré à la pointe, par la forme conique de leur tête, par la longueur de leurs pennes caudales, enfin par leur genre de vie insectivore. Ces caractères réunis et la taille svelte leur donnent beaucoup plus de rapports avec les Bergeronnettes; mais ils s’en éloignent par les ongles et les couleurs de leur livrée : celles-ci, loin d’être disposées par masses, comme chez elles, le sont plutôt dans le système de colora- lion des Alouettes. Ils n’ont pas dans la queue, comme les premières, un mouvement continuel de haut en bas, nileur vol rapide et ondulatoire , ou par élans et par bonds. Leur queue n’a qu’un léger battement de haut en bas, lent et moins fréquent que chez les Bergeronnettes.
Les Pipis, en général, sont nomades; leur plus grand nombre ne séjourne ici que depuis le prin- temps jusqu’au commencement de l’automne. Ils aiment les lieux découverts, champs cultivés, prés et prairies artificielles. C’est presque toujours à terre qu’on les remarque, quoiqu’ils aient la faculté de percher sur les arbres, ce qui est étranger à la plupart de nos Aloueltes. Comme elles, ils chantent au printemps en volant ou en planant; mais ils com- mencent leur ramage étant perchés ou en s’élançant de quelque point élevé ou de terre ; ils le continuent en montant obliquement dans l'air, et retombent,
DE LA SAVOIE. 331 avec les ailes épanouies et en chantant, sur Île sol ou sur la branche d’où ils sont partis. Leur ramage est habituellement toujours le même; cependant il plaît à ceux qui l’entendent, par son articulation nette et rapide; toutefois sa vitesse semble se confor- mer à la progression ou au ralentissement du vol.
Pour s’adonner à la reproduction, ces oiseaux recherchent dans nos collines ou nos Alpes, soit dans leurs pentes soit sur leurs plateaux, les endroits parsemés de broussailles , les terrains arides et pierreux, les bruyères et quelquefois les abords des forêts humides. [ls couvent à terre parmi les pierres, dans les herbes ou au pied des arbrisseaux. Leur nourriture consiste en vers, petits limaçons, insectes, mouches, sauterelles et en petites araignées. Ils éprouvent une double mue ; la première, qui a lieu en mars, quelquefois à la fin de février, donne d’ha- bitude, aux mâles surtout, quelques teintes diffé- rentes de celles de la livrée qui l’a précédée; la deuxième, qui apporte avec elle le plumage d’au- tomme et d'hiver, commence vers la mi-juillet; un mois après, elle atteint les jeunes de l’année. |
Nous comptons en Suisse et en Savoie, pendant l'été ou l'automne, cinq espèces de Pipis.
332 ORNTITEHOLOGIE
164.—Pipi Richard /Anthus Richardi).
Noms vulgaires : Grosse Veinelle, Griveletie, Piapia, comme le Pipi Rousseline, no 165, avec lequel on le confond.
Pipi Richard (Anthus Richardi), Vieill., Temm., Roux, Degland.—Anthus Richardi (Farlouse Richard), de S.-Longch.
M. Vieillot dédia ce Pipi à M. Richard, de Lu- néville, qui le lui fit connaître. M. Duchesne de Lamotte, d’Abbeville, contribua à cette précieuse découverte; il remit à M. Vieillot l'individu qu’il avait depuis longtemps avant capturé en Picardie ; puis un autre à M. Temminck, qui en traça la figure dans ses planches.
Le Pipi Richard, que nos chasseurs aux filets confondent facilement avec le Pipi Rousseline, dont il a le cri, seulement plus fort, et presque la même distribution dans les couleurs, est de 18 cent. 2-3 mill. de longueur totale.
Le mâle, en livrée d'automne, est brun sur toutes les parties supérieures du corps, et bordé de rous- sâtre sur chaque plume; ses joues sont d’un brun nuancé de roux. Îl possède un trait blanchâtre qui part de l'œil et s'étend au-dessus de la région des oreilles, puis un autre tout petit, brun, situé entre le bec et l’œil, et entouré par de petites plumes blan- châtres. Quelques taches noirâtres prennent nais-
sance au coin du bec, descendent sur les côtés du
cou, viennent se confondre avec les taches lancéo- les et noirâtres, dont la poitrine est parsemce. Le
DE LA SAVOIE. 333 blanc plus ou moins pur, suivant l’âge des sujets, domine à la gorge, sur les côtés du cou, au milieu du ventre et à l'abdomen ; mais il est teinté de rous- sâtre sur les flancs et les sous-caudales, quelquefois aussi sur les parties latérales de la poitrine. Les ailes sont noirâtres, largement bordées de blanc roussâtre. La queue aussi est noirâtre, et lisérée de roussâtre sur les deux pennes intermédiaires qui paraissent plus étroites que les latérales ; les deux de chaque côté sont blanches sur les barbes exté- rieures, et brunes sur les intérieures. Les tarses couleur de chair et très-longs; l’ongle du pouce est un peu arqué, plus long que le doigt du milieu; il a, y compris le pouce, 2 cent. 6-7 mill. de lon- œueur. Le bec est couleur de corne à sa base, noir ou noirâtre dans le reste ; l’iris brun foncé.
La femelle ne diffère guère du mâle que par ses parties inférieures, qui sont moins lavées de rous- satre.
Les jeunes de l'an, à la mue de la fin de l'été, ont le dessus de la tête et le dos noirâtres, et chaque plume bordée et terminée de roussâtre. Cette der- nière couleur prédomine à la nuque et au cou; l’on n’y découvre qu'un petit trait brun sur le centre des plumes. Le roussâtre règne encore devant le cou, à la poitrine, aux flancs, sur les couvertures inférieures de la queue; les taches de la poitrine sont oblongues, presque nojrâtres, un peu plus
ne 5 LL 2 ns. -
334 ORNITHOLOGIE
larges que chez les vieux. La gorge et le milieu du ventre sont blancs. L’ongle du doigt postérieur est d'habitude de 5-7 mill. moins long que dans les adultes et les vieux, presque droit ou à peine fléchi.
Le Pipi Richard habite l'Espagne, le midi de l’Allemagne et les environs de Vienne en Autriche: on le rencontre aussi en France, mais plutôt dans le midi que dans le nord. Il est rare en Savoie : je l’y ai vu seulement dès les premiers jours de sep- tembre jusque vers la mi-octobre, et encore en très-petite quantité et toujours solitaire. Il fuit nos localités avant les gelées blanches, et va hiverner dans les climats chauds.
Quoique je n’aie point encore réussi à observer cet oiseau dans notre territoire pendant la saison des couvées, j’ai pourtant presque !a conviction qu'il s’y est reproduit quelquefois. En effet, dans une excursion que je fis, en juin 1846, vers les forêts de Saint-Michel-des-Déserts, un berger m'ap- porta dans un chalet un nid de Pipi qu'il venait de prendre à terre, dans une prairie voisine, parsemée de petits buissons. Ce nid, qui était un peu plus volumineux que ceux de tous les Pipis qui se pro- pagent chez nous, composé extérieurement de mousse mélangée avec des filaments d’herbes sèches, et garni en dedans de poils et de quelques petits flocons de laine de mouton, contenait à œufs
DE LA SAVOIE. 339
que je conserve encore. Ils n’ont aucun rapport dans les couleurs avec ceux du Pipi Spioncelle, du Rousseline et du Pipi des Buissons ; ils sont un peu plus gros, presque arrondis vers le petit bout, à coque faiblement luisante, et parsemés de nombreu- ses taches irrégulières, d’un brun inclinant çà et là au rougeàtre, et si serrées autour de la grosse extré- mité que la couleur du fond, qui est blanchâtre, s'aperçoit à peine. Leur longueur est de 2 cent, 2 m. +, et leur largeur de 415 + à 16 mill. Je les ai examinés avec quelques ornithologistes, qui furent d'avis qu’ils provenaient d’un couple de Pipi Ri- chard.
C’est toujours de grand matin que cêtte espèce passe ici en automne. Après le lever du soleil, on la trouve sur les champs découverts, parfois dans les vignes, mais de préférence sur les guérets, dans les friches, dans les lieux pierreux et rapprochés de la plaine. Elle y court avec autant de vitesse que les Bergeronneites après les insectes, vers, saute- réelles, grillons qu’elle voit fuir devant elle; quel- quefois il lui arrive aussi de saisir les mouches et les gros moucherons au vol, quand ils passent à la portée de son bec. De temps à autre, on la découvre au bout des tas de terre et de petits cailloux qu’elle rencontre dans ses trajets; elle y reste quelques instants en repos, balançant seulement sa queue d’un mouvement de haut en bas, plus lent et toute-
330 ORNITHOLOGIE fois moins apparent que celui des Bergeronnettes. Comme plusieurs de ses congénères, elle monte sur les tas de paille, de maïs et de pois, où elle demeure très-tranquille. Par moments, elle visite aussi le chaume qui recouvre les granges situées au milieu des terres ; là, elle poursuit aussi vite que sur le sol les insectes qui s’y rendent le matin, pour jouir des premières chaleurs solaires. Jamais je ne l’ai obser- vée sur les arbres, ni même posée sur des buissons. Vers les neuf ou dix heures du matin, quand le soleil est trop ardent, le Pipi Richard abandonne les lieux découverts, et va se cacher à l’ombre, dans les trèfles, les luzernes, les sarrasins et les pommes de terre. Vers trois ou quatre heures, sur le soir, il revient chercher sa vie sur les terres fraîches, sur les champs nus; et un peu avant le coucher du soleil, il retourne dans les moissons afin de s’y loger pour la nuit; quelquefois il se gîte alors derrière une motte de terre ou de gazon. On l’aborde assez aisément; son naturel n’est pas fa- rouche. En prenant le vol, il lâche d'habitude quel- ques cris semblables à ceux du Pipr Rousseline , mais plus graves, plus forts, et qui le font distinguer de loin : par ces cris, il semble articuler les mots : piet, piet, piet-piet, piet-piet-piet. Nos oiseleurs le réclament absolument de la même manière que ce dernier, et ils le prennent aussi facilement que lui dans leurs filets, pourvu qu'ils soient munis
DE LA SAVOIE. 337 d’une À louelle ou d’un Pig des Buissons (vulg., Bec- fique) pour danseurs. Son vol est plus lourd que chez les autres Pipis; 1l ressemble plutôt à celui d’une Alouette que d’un Pipi. Sa chair, qui se charge de graisse en automne, est un morceau très-délicat,.
1653.—pPipi Rousseline /Anihus Rufescens).
Noms vulgaires : Piapial, à cause de son cri d'appel ordinaire; Veinette Grande Veinette.
noue Ad Camprtts Eu dun D NÉ — Calandro (Savi). — Pipi Rousseline (Anthus Cam-
Ce Pipi, que le chasseur, ici, est très-porté à confondre avec le Pipi des Buissons (Becfique), a 17 centim. de longueur. Cependant son cri, ses teintes roussâtres ou isabelle, l’en font facilement distinguer au premier aperçu.
Le mâle, en automne, a les parties supérieures du corps d’un gris isabelle, avec une teinte brune, assez légère, sur le milieu des plumes ; les pennes alaires d’une nuance brune, plus foncée, et large- ment bordées de roux isabelle; la queue presque noirâtre ; mais la penne la plus extérieure presque entièrement blanchâtre, la seconde en partie d’un blanc roussâtre, et les deux du milieu lisérées du même. Les joues sont d’un roux clair : la bande surciliaire, qui est large, d’un blanc à peine lavé de roussâtre. Un blanc glacé d’isabelle occupe la
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gorge, le ventre et l'abdomen : l’isabelle est plus foncé sur la poitrine, où se trouvent quelques traits brunûtres, irrégulièrement distribués, puis sur les flancs et les sous-caudales. Trois raies brunes parent les côtés de la tête : la première prend nais- sance au coin du bec et s'étend sur les yeux; la seconde passe au-dessous de la joue; la troisième descend le long du cou. Le bec est allongé, ro- buste, brun foncé, avec sa base d’un ton jaunâtre ; l'iris des yeux couleur noisette ; les tarses inclinent au jaunâtre ; l’ongle du pouce est d'habitude sen- siblement plus court que le doigt, et un peu ar- qué.
La femelle est semblable au mâle: ses teintes sont seulement plus faibles.
Chez les deux sexes, au printemps, le gris isa- belle des parties supérieures du corps devient d’un gris cendré, et le brun du centre des plumes se change en brunâtre. Ce n’est plus le blanc rous- sâtre ou isabelle qui règne sur le devant du corps pendant l’été, mais un blanc ou un blanchâtre uni- forme, selon l’âge des sujets ou l’époque de la saison; c’est par le frottement, par l’action de l'air et l’éclat de la lumière que les couleurs s’af- faiblissent de la sorte. On découvre seulement sur les côtés du cou, du ventre et vers l'abdomen, une nuance rousse, excessivement légère; elle paraît plutôt jaunâtre chez quelques individus.
DE, LA SAVOIE. 339
Les jeunes, à la sortie du nid, sont jusqu’à la mue d’un brun très-foncé en dessus, et Jisérés de blanchâtre et de roux clair aux plumes, sauf aux pennes alaires, surtout aux secondaires, ainsi qu'aux tectrices, dont la bordure est large et d’un roux plus foncé. De chaque côté de la gorge des- cendent, en forme de moustaches, plusieurs taches brunes et allongées. La poitrine est pareillement couverte de taches de même couleur; et les flancs se trouvent marquetés longitudinalement de noi- râire.
Après la mue, les jeunes sont vêtus de la livrée d'automne et d'hiver, décrite au commencement de l’article. |
Le Pipi Rousseline n’est que passager dans nos climats pendant la saison des beaux jours, et ja- mais commun. Îl passe d’abord en avril, seule- ment dans nos pays de plaine et sur les coteaux qui les dominent, un à un ou par couples, mâle et femelle, et rarement plus de trois ensemble; puis en septembre, aux moments des migrations du Pipi des Buaissons, quelquefois encore dans les quinze premiers jours d'octobre. Pendant ses voyages d'automne, on le rencontre assez fréquemment par petites sociétés de trois à cinq individus, et alors il s'élève jusque dans nos régions alpestres.
Get oiseau reste toujours en très-petit nombre dans ce pays pour se propager ; il préfère pour cet
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acte les contrées méridionales de l'Europe. Chez nous, il n'aime alors que les coteaux ou les col- lines pierreuses, parsemées d’arbrisseaux ou seu- lement de bruyères, et niche sur leurs flancs les plus méridionaux. Les coteaux des Charmettes, les pierrailles de Lémenc, celles du centre de la mon- tagne de l’Épine et de la base du Mont-du-Chat, sont, aux environs de Chambéry, presque les seules localités où on le trouve établi pendant la reproduction. Il y construit son nid dans la pre- mière quinzaine de mai, le place toujours à terre, sous une motte de gazon ou au pied de quelque petit buisson ; quelquefois 1l le cache dans une touffe d'herbes ou de plantes, fréquemment parmi les bruyères, mais rarement dans les moissons. Com- posé de quelques brins de mousse, d'herbes sèches et de racines de plantes, ce nid reçoit, sur un ma- telas de laine, de crins, de poils et de filaments de plantes, o ou 6 œufs; tantôt blanchâtres, tantôt d’un blanc légèrement bleuâtre, couverts de petites taches, de raies et de traits bruns, violacés et d’un roux rembruni. Leur longueur est, en moyenne, de 193 à 20 m. 5, sur 45 ou 145 m. + de dia- mètre,
Le mâle de la Rousseline est à peine entré en amour, qu'il chante à tout instant de la journée. Il ne prend point part à l'incubation, et pendant que sa compagne s’y adonne, ilse fait très-fréquemment
DE LA SAVOIE. 34] entendre tout auprès d’elle. De moment en mo- ment, il va lui chercher des vivres, qu’il lui apporte au bout du bec dans le nid ; puis ensuite il se reinet à chanter à la même place qu'auparavant. Son ramage est presque uniquement composé des syl- labes : zip, zip, zip et z1, 31, 31; il les redit vive- ment jusqu'à quinze à vingt fois de suite, sans interruption, sur le même ton, en s’élevant d’habi- tude obliquement à une hauteur moyenne et en retombant presque aussitôt verticalement à terre ou sur quelque éminence, sans agiter les ailes, qui restent néanmoins ouvertes, et avec la tête un peu renversée et la queue étalée; de façon qu’en descendant il forme avec les ailes ei le corps un fer de flèche, ce qui lui donne un facies vrai- ment curieux. On l'entend déjà plus rarement pendant l’éducation de ses petits; puis il se tait après la mi-juillet, époque à laquelle il commence à changer de livrée. Dès lors il ne possède qu’un seul cri, particulier aux deux sexes pendant le reste de l’année : il est un peu moins fort que celui du Pipi Richard, dont il articule toutefois les syllabes (pret, ptet, piet-piel).
A la fin du mois d'août et dans les premiers jours de septembre, les Rousselines, qui n’ont cessé durant l’été de fréquenter nos collines arides ou les régions moyennes et pierreuses de nos montagnes, s’abattent vers la plaine, où elles vivent encore
342 ORNITHOLOGIE
quelques jours dé préférence sur les terres labou- réés. On les observe le matin et le soir tantôt solitaires, tantôt deux à trois ensemble. Au milieu
du jour, et pendant le fort de la chaleur, souvent
elles regagnent les monticules adjacents ; ou bien elles restent en plaine, cachées dans les champs énsemencés, rarement dans les herbes des prai- ries, Pour s’älimenter, ces oiseaux font continuelle- ment la guerre aux vers, Vvermisseaux, mille-pieds; petites araignées et aux sauterelles; ils gobent au passage les mouches et autres petits insectes vo- lants, saisissent sur les tiges d'herbes les plus petits limaçoñs et les moucherons qui s’y fixent. Ils se perchent beaucoup moins souvent que les Pipis Spionceiles ; mais 1ls sont plus agiles à la course. IIS m'ont fréquemment paru ässez défiants; car souvent, au lieu de S’envoler quand on les aborde, ilS Se sauvent en courant avec une extrème vitesse, s'arrêtent de temps à autre däns leurs trajets, comme pour reconnaître le danger, courent dé nouveau, même fort loin, et Se reposent sur quel- qué point élevé ; sans douté, pouf mieux voir aïrri- ver l’objet de leurs craintes. Leur vol ést très-sem- blabte à celui du Pipi des Buissons ; leur chair est pareillement savoureuse.
Tous les ans, dès le 8 ou le 12 septembre, nous avons en Savoie uri passage de Roussélines, un peu plus abondant que celui du printemps.
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Motacillidées.
PR Te AE 1 Pipi Rousseline 227% er automne; 4 gra VMI-A Gui de lesp;gr nat. 5 Pipi Spioncelle, ze en de 15 grnat,P.345.
6 » ) male enliver, 75 Pral. — 78,9 Zu del espece; gr. 22 l. 10 Pipi Farlouse, 4% au printemps; 18 gr. ral; V. 250!
EEE rs : = ee _ LE ne =. É
DE LA SAVOIE. 343 Quand elles voyagent quelques-unes ensemble, elles se rappellent fréquemment en volant. Nos oiseleurs imitent bien avec l’appeau leur cri d’ap- pel ; aussi, les prennent-ils facilement dans leurs engins. Après les premières gelées blanches d’oc- tobre, nous n’en voyons pas une seule dans notre pays.
AGG. —Pipi Spioncelle /Anthus Aquaticus).
Noms vulgaires : Becfigue d'Eau, Becfigue des Marais, Becfigue d'Hiver, la Falope, Grosse Falope.
A ee nu dd dunou Do De S.-Longch.— Spioncello (Savi).—Pipi Spioncelle
Ce Pipi est celui que l’oh rencontre communé- ment à l’arrière-saison et pendant l'hiver däns nos marais, et le long dés eaux qui ne gèlent pas. Sa taille ést de 17 cent. 5-6 mill.
Les deux sexes, en plumage d'hiver, ont les par- ties supérieures d’un gris brun olivâtre, presque nuancé de cendré sur le cou, avec une teinte plus foncée au centre de chaque plume; une bande blanchâätre au-dessus des yeux, qui s'étend Jjus- qu'aux côtés de la nuque; les couvertures alaires bordées et terminées de gris blanc ; les deux pennes du milieu de la queue de la couleùr du dos; les latérales noires, sauf les deux plus extérieures de chaque côté, qui sont marquées vers le bout d’une tache blanche, plus ou moins longue. Toutes les
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parties inférieures sont blanches ou blanchâtres : chez les jeunes de l’an, elles paraissent presque salies de roussâtre, surtout au bas de la gorge et au ventre; mais, dans tous les âges, elles portent des mèches longitudinales brunes sur les côtés du cou, à la poitrine et le long des flancs; toutefois ces taches sont plus nombreuses chez les femelles, et plus grandes, plus confluentes chez les jeunes que chez les vieux : le bec est brun noir: les tarses du même ; l'iris noirâtre.
C'est vers le milieu de mars que les mäles, jeunes et vieux, commencent ici à prendre leur plumage d’été. Ils se trouvent en pleine mue à la fin du mois; et vers le 20 ou le 25 avril, ils sont revêtus de leur livrée de noces, qu’ils conservent jusqu'aux derniers jours de juillet.
Pendant cette période, ils ont le dessus de la tête, la région des oreilles et la nuque, d’un gris bleuâtre ; la même couleur règne encore, mais avec moins de pureté, assez souvent mélangée d’un peu d’olivâtre, sur les autres parties supérieures du corps; et la tache brune du centre des plumes ne s’apercçoit alors guère que sur le dos. Le blanc de la gorge, du devant du cou, de la poitrine, du haut du ventre et des flancs, est coloré d’une teinte rose roussâtre, pure et sans taches, ou bien mèchetée de brun clair, suivant que les individus habitent des hauteurs plus ou moins froides. Ceux qui se
DE LA SAVOIE. 345 reproduisent dans nos Alpes, auprès des neiges éternelles, ou même sur les flancs septentrionaux des montagnes inférieures, ne portent guère qu’une faible teinte rose roussâtre sur le devant du corps; et cette teinte est plus ou moins variées de taches et de mèches brunes. Au contraire, les sujets qui de- meurent fixés pendant l'été sur les plateaux des montagnes de moyenne élévation ou sur les pentes méridionales de quelques-uns de nos monts, n’ont point ou presque pas de brun à la poitrine et aux flancs ; le rose roussâtre qui y domine, est toujours plus vif que chez les premiers. Les couvertures in- férieures de la queue restent blanches, de même que l’abdomen ; pourtant chez les vieux, cette der- nière partie se colore de roux trés-clair.
Les femelles prennent au printemps, comme les mâles, une robe dillérente de celle d'hiver. Chez elles, les parties inférieures sont blanches, un peu lavées de rose roussäire et plus ou moins mèche- tées de brun sur la poitrine et les flancs, d’après leur habitat. Quant au dessus du corps, elles res- semblent aux mâles; seulement les couleurs y pa- raissent encore moins pures.
Les jeunes, avant la première mue, sont recon— naissables par la bande surciliaire: qui est d’un blanc jaunâtre, à peine marquée. Celte couleur prédomine aussi sur les parties inférieures, surtout devant le cou et au ventre, Ils ont les côtés du cou,
346 ORNITHOLOGIE
la poitrine et les flancs, chargés de taches brunes, oblongues; puis les parties supérieures d’un brun olivâtre foncé, et presque chaque plume frangée de roussâtre,
Après la mue, ils sont vêtus de la livrée d’au- tomne décrite en tête de l’article; néanmoins ils gardent pendant la première année, sur le dessus du corps, quelque nuance olivâtre, plus prononcée que dans les adultes et les vieux.
Le Pipi Spioncellé varie accideñtellémént, du- rant l'hiver, d’un blahc pur ou d’un blänc mélangé avec les couleurs ordinaires ; quelquefois 1l a la tête, lé cou, la gorge d’un blanc plus ou moins pur, et le reste du plumage comme d’habitude. Il vit toute l’année en Suisse et én Savoie, où il est commun. Pendant le froid, il fréquente les régions les plus basses, court les prés arrosés, les marécages, les bords des eaux et des sources qui ne gèlent point, Au printemps, il gravit les montagnes, se fixe sur leurs plateaux les plus stériles, dans les prairies, les bruyères, les lieux pierreux et voisinis de l’eau, très-souvent au-dessus de la région des forêts; et là il s’adonne à l'acte de la reproduction. Tous les ans, il se retire en grand nombre sur le Mont-Gre- nier, à l’Alpétaz, au Nivolet, à Margériaz, à Ro- zannaz et au Mont-Tréloz en Bauges; puis au Mont-Cenis, dans les Alpes de la Maurienne, de la Tarentaise, du Haut-Faucigny, etc., etc.
DE LA SAVOIE. 347
C'est à la fin de mars et principalement daris les quinze premiers jours d'avril que le Pipi Spioncelle s'éloigne de la plaine et regagne les contrées montagneuses. Il y arrive ordinairement par petites compagnies ; mais comme la plupart des hauteurs, où 1l doit Se propager, se trouvent encore souvent surchargées de neige, il se tient au-dessous dans les prés, autour des Sources, dans les pierrailles, qui ei sont débarrassécs ; de là, il s'élève peu à peu chaque jour, à mesure que les neiges se reculenñt, jusqu'à son séjour de prédilection. Les couples se forment au commencement de mai, et aussitôt unis ils travaillent à la composition de leurs nids. Quant à ceux-ci, on les trouve à la cime des montagnes, jusqu’auprès des ceintures de neiges perpétuelles : tantôt dans des lieux en pente, tantôt sur des pla- teaux, et presque toujours dans les localités les plus arides et les plus désertes. Ces nids sont posés à terre sous les pierres, quelquefois entre les fentes de roc, mais le plus souvent au milieu dés herbes, bruyères et myrtilles, sous des touftes de genièvre, de rosage (rododendron ferrugineum, Linn.), d’ai- relle ponctuée (vaccinium vütis idea, Linn.) et de quelque arbrisseau rampant. Là paille très-déliée, le foin, le chevelu des racines de plantes et d’arbustes, mêlés à quelques brins de mousse, les com- posent en dehors et sur les bords; quelques poils, quelques petits flocons de laine de mouton et des fila-
FAR ORNITHOLOGIE
ments d'herbes sèches, en tapissent l’intérieur. Les femelles v déposent 4 ou 5 œufs oblongs, de 193 à 20 mill. de longueur, sur 14-15 mill. de largeur diamétrale ; ils sont blanchâtres, quelquefois d’un ton presque grisàtre, fréquemment d’un blanc teinté de verdâtre ; puis couverts de petits points, de petites taches irrégulières, d’un brun plus ou moins foncé, qui tire parfois sur l’olivâtre ou le verdâtre, et d'habitude très-serrées sur la grosse extrémité de la coque, où la couleur du fond s’aper- çoit difficilement.
Pendant la période des amours, la femelle du Pipi Spioncelle va de temps en temps à la recherche du mâle, soit en voletant de tertre à tertre, soit en courant à petits pas précipités à travers les plantes, les pierres ou les buissons ; mais ce qu’il y a de plus touchant dans ses trajets, c’est qu'elle l'appelle à tout instant par quelques cris faibles, proférés len- tement et à distance égale, comme si elle craignait de trahir publiquement sa passion par sa voix : à l'entendre de près, on croirait qu’elle s'applique à redire les syllabes : pli, ph, pli, ph, pli où pi, pi, pi, pi, pi Le mâle ne l’a pas plutôt entendue, qu’il s’élance presque perpendiculairement dans l’air en chantant, vient en battant des ailes à sa rencontre ; dès qu’il l’aperçoit, il se laisse, sans dis- continuer de chanter, tomber d’aplomb avec les ailes étendues auprès d’elle, qui le suit des veux et
DÉMLANSAVOTE. 349 lui donne à l'instant le prix de ses chansons d’a- mour. Son ramage est une composition des mots : HONOR pr pt, pi, (hi; th, hi, répétés lentement en commençant, avec célérité vers la fin, ou plutôt quand le mâle, découvrant sa compagne, tombe à ses côtés pour satisfaire ses désirs ou pour recevoir d’elle le prix de ses accents.
Durant l’incubation, le mâle reste auprès du nid, soit au bout d'un roc, d'une pierre ou de quelque éminence, soit sur la branche la plus isolée d’un arbre ou à la pointe de quelque buisson. De là, il s'élève aussi de biais ou droit jusqu’à vingt ou trente pieds de hauteur, en faisant entendre les mêmes accents, et redescend, en chantant encore avec plus de vivacité, au lieu d’où il s’est élancé. Avant tout, 1l prélude d'habitude très-doucement étant perché, prend ensuite l’essor en chantant, s'élève au moyen d’un battement d'ailes, et retombe obli- quement ou d’aplomb en planant, sur la branche ou la pierre d’où il vient de partir; là se termine sa chanson. Après un moment de repos, il recom- mence l'ascension, et pendant tout le temps qu'elle dure (ordinairement deux à trois minutes), il règle la vitesse de ses chants à la progression ou au ra- lentissement de son vol. Ainsi, au premier élan, ses cris sont articulés lentement, parce qu'alors l'oi-
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seau monte peu à peu en battant des ailes, mais
350 ORNITHOLOGIE
précipite tout à coup vers son poste. À chaque fois que la femelle quitte les œufs pour aller chercher sa vie, le mâle se trouve prêt à l’accompagner; il la suit partout et la ramène encore à la couvée. Les œufs éclosent du seizième au dix-septième jour de l’incubation.
Les petits naissent légèrement couverts d’un du- vet noir ; ils sortent très-souvent du nid avant d’être capables de voler, et se tiennent cachés séparément, quelquefois deux à deux, parmi les herbes, les pier- res, et sous les buissons circonvoisins de leur premier domicile. Le père et la mère ne cessent de leur ap- porter les vivres; à chaque danger qu'ils courent, soit à l’arrivée de l'oiseau de proie, soit à l'approche des bergers ou de leurs troupeaux, ils poussent des cris plaintifs; et tous les petits de rester accroupis à terre ou sous les pierres tant qu'ils entendent leurs parents se désoler pour eux. Quelquefois ils sont dans un tel étal de stupeur, qu'ils se laissent prendre à Ja main, sans faire mine de vouloir se sauver.
Après l'éducation de la première nichée, quel- ques couples font une seconde ponte, qui se compose de 3 ou L œufs. Les jeunes vivent alors épars dans les prés, sur les bords des mares, des sources et des bourbiers, s’y nourrissant de vers, vermisseaux, larves, petils insectes, mouches et de limaçons. Par moments, et surtout le matin, ils se réunissent plusieurs ensemble dans quelque lieu
DE LA SAVOIE. 351 exposé aux premiers rayons solaires, y forment une compagnie nombreuse qui se dissout peu à peu à mesure que le soleil devient ardent, et se répand dans des lieux humides ou ombreux. Si on l’aborde, tous les sujets qui la composent se lèvent l’un après l’autre en s’avertissant par leurs cris : fit, fi-fit, fit, prononcés d’une voix forte ei grave.
Le Pipi Spioncelle descend des montagnes à la fin de septembre ou un peu plus tard, selon que la saison se maintient belle. Il s’abat deux à deux ou seul à seul, assez rarement par bandes, dans les pays de plaine ; il recherche là les champs humides tapissés de verdure, les prairies artificielles où les ruisseaux serpentent, les bords des étangs et des marais. On le rencontre presque toujours à terre, souvent en compagnie des Pipis Farlouses. courant comme eux sur la glèbe, la vase ou les feuilles des plantes aquatiques, pour y chercher insectes, ver- misseaux, crevettes et petits coquillages, dont il fait sa nourriture. Chaque année, pendant l'hiver, cet oiseau habite en grand nombre les prairies et les marécages de Bissy, de la Motte-Servolex, du Bour- get, d’Albens, etc., etc. Mais aussitôt que le froid est intense, il se retire dans les fondrières, sur le bord des sources et des eaux fluentes, qui ne gèlent pas ; 1l y passe même la nuit, caché dans des creux d'arbres, des saules surtout qui leur servent de bordure. Pour pouvoir subsister dans les temps de
302 ORNITHOLOGITE
neige, il recourt jusqu'aux plus petites graines des plantes qui végètent le long des eaux, et les avale tout entières, sans les broyer. Toutefois, si l'hiver continue à se maintenir rigoureux, il abandonne en bonne partie notre territoire ; puis il y rentre à la fonte des neiges.
. Ce Pipi est un peu plus farouche que la plupart de ses congénères; 1l se laisse, en effet, assez sou- vent approcher difficilement : il s'envole dès qu’on cherche à le tirer, et va se poser plus loin. Son vol est peu rapide et irrégulier, comme celui du Pipr Farlouse. 11 tombe facilement dans les filets ; mais pour le chasser avec succès, il est indispensable d'y avoir un ou deux des siens pour appeaux ou pour danseurs. Quand il est posé sur quelque élé- vation, il imprime avec sa queue le même mouve- ment lent et de haut en bas que ses semblables. Sa chair n’est pas un manger aussi délicat que la Rousseline et le Pipi des Buissons (vulg., Bec- fique) ; elle est ordinairement maigre.
467.-Pipi Kariouse /Anthus Pratensis).
Noms vulgaires : Petit Becfigue, Petit Becfigue d'Eau, le Fifi, à cause du cri; la petite Falope.
Le Cujelier (Buff.).— Pipi des Buissons (Anthus Sepiarius), Vieill. — Pipi Farlouse (Anthus Pratensis), Temm.—Anthus Pratensis (Farlouse des Prés), de $.-Longch.—Pispola (Savi).—Pipi des Pres (Anthus Pratensis), Degl.
DE LA SAVOIE. 3953
Il ressemble beaucoup au Pipi des Buissons (article suivant) par la distribution des couleurs de sa livrée; mais elles sont généralement plus verdâtres, et les taches du devant du cou, de la poitrine et des flancs plus nombreuses. Il a en- core l’ongle du pouce un peu plus long et moins arqué que lui.
Le mâle, en plumage d'automne, a les parties supérieures d'un cendré olivâtre, avec une tache noirâtre, dans le centre de chaque plume : les taches de la tête sont oblongues et étroites; celles du dos irrégulières, très-prononcées. Les ailes sont noirâtres, frangées d’olivâtre et de verdûtre; puis traversées par deux bandes d’un gris olivâtre, formées par l’extrémité des tectrices. La queue est aussi noirâtre et lisérée d’olivâtre; la penne exte- rieure presque entièrement blanche, à baguette de même couleur ; la suivante seulement marquée de blanc à son extrémité. Un blanc lavé de jaunâtre couvre les parties inférieures, même la gorge; une bande de la même teinte prend naissance à la racine du bec, s'étend jusque sous les joues ; mais les côtés de la gorge et du cou, la poitrine, le haut du ventre et les flancs portent de nombreuses taches noires ou noirâtres et longitudinales. Les sous-Caudales sont blanchâtres, sans taches; les tarses couleur de chair ; l’ongle du pouce est un peu plus long que ce doigt, et faiblement fléchi ; le bec
FRANCE 23
394 ORNITHOLOGIE
brunâtre en dessus, jaunâtre en dessous; l'iris des yeux brun.
La femelle est peu distincte du mâle : on la re- connaît à sa gorge blanchâtre, à la teinte moins vive des couleurs de ses parties supérieures et infé- rieures, ainsi qu'au plus grand nombre de taches, qu'elle porte spécialement sur les côtés du cou et à la poitrine.
À la mue du printemps, qui commence ici aux premiers jours de mars, le mâle se colore de rous- sätre sous le corps; mais les taches noires n’y changent point. L’olivâtre des parties supérieures acquiert une teinte un peu plus foncée qu’en hiver; mais à mesure que la saison s’avance, le blanc rous- sâtre du devant du corps s’affaiblit peu à peu par l’eflet du grand air et l’éclat de la lumière, au point qu’il est blanchâtre pendant l'été; l’olivätre foncé du dessus du corps se change presque en grisätre ; les deux bandes transversales des ailes deviennent à peu près blanches,
La femelle, pendant cette période, a encore plus de taches en dessous que le mâle, et la gorge blanche. Au reste, elle lui ressemble.
Les jeunes, avant la mue, sont semblables à la
femelle en livrée d'automne; mais ils sont toujours
plus teintés d’olivâtre sur les parties supérieures. Après avoir mué, ils ne diffèrent point des vieux en plumage d'hiver.
DE LA SAVOIE. 355
Le Pipi Farlouse fréquente toute l’Europe, Il est chaque année commun en Savoie pendant ses pas- sages, qui ont lieu à deux époques : en mars, puis dès la fin de septembre jusqu'aux derniers jours d’oc- tobre, ou un peu plus tard. Mais il y reste toujours en très-petit nombre pour la reproduction; ce ne sont que quelques paires isolées qui nichent par- fois dans des lieux humides de nos montagnes, et de préférence au nord du territoire. L'espèce se propage communément en Hollande et dans les montagnes des Cévennes.
C'est vers le 25 ou le 28 septembre, quand presque tous les Pipis des Buissons (Becfiques) se sont enfuis de nos localités, que les Farlouses com- mencent à s’y faire voir. Cette succession, dans la migration, est de toute nécessité. Si elle n’avait point lieu, de telle sorte qu'en même temps Pipis
_ des Buissons, Rousselines et Spioncelles se trouvas-
sent réunis pendant quelques jours dans les mêmes lieux , ils ne trouveraient pas assez de nourriture. Les Farlouses passent alors seuls ou deux à deux, quelquefois par petites compagnies de cinq à huit individus ; on les reconnaît bien vite aux petits cris qu’ils poussent fréquemment en volant, et qui sem- blent traduire les syllabes : ct, ci, ci, cou #,f, fi, fi. Mais dès le commencement d'octobre, et surtout dans les temps de petites pluies ou un Jour avant qu’elles tombent, c’est plutôt par phalanges,
396 ORNITHOLOGIE
souvent nombreuses, que nous les voyons arriver dans nos pays de plaine. Les sujets qui les forment vont l’un après l’autre éparpillés dans l'air, et s’entr’appellent à tout instant. Ils constituent par- fois des vols d’une grande dimension; quelques- uns ont même 60 et 80 mètres de long, sur 10 ou 12 mètres seulement de large. Si l’un des premiers de la troupe s’abat vers le sol, où 1l s'entend rap- peler soit par des semblables soit par l’oiseleur, tous les autres l’y suivent et s’éparpillent en se posant; de sorte que souvent ils occupent alors tout un champ de 20 à 25 ares. Blés nouveaux, luzernes, trèfles, pélagras, prés, prairies artifi- cielles, bords des marais, en un mot tous les en- droits humides et où ils découvrent de la verdure, sont les lieux qu’ils afflectionnent. À peine posés, ils se mettent à la quête des insectes et des vers, courant çà et là pêle-mêle, avec plus d’agilité que le Pipi Spioncelle. Encore moins farouches que lui, ils viennent, comme les Bergeronnetles, chercher des vivres, poursuivre les mouches et autres petits insectes ailés, jusqu’autour du chas- seur, du berger et du laboureur, sans se défier d'eux. Mais lorsqu'un d’entre eux aperçoit le danger, il se lève tout à coup, donne l’alarme à toute la bande par ces pelits cris : ci, «1, ci, et ses compagnons, qui sont encore sur les champs, de lui répondre par les mêmes cris, en se levant successivement; puis
DELA) SAVOIE. 391
bientôt rassurés de leur frayeur, ils se reposent tous ensemble à quelque distance de leur premier séjour. Cependant il en est des plus prudents que d’autres, qui vont se poster sur quelque arbre voisin, où ils restent quelques instants afin de mieux observer le sujet de leur crainte, et qui ne rejoignent le reste de la troupe que quand il n’y a plus de danger à courir.
Tous les Pipis Farlouses qui surviennent en automne dans nos contrées se dirigent vers les régions méridionales ; ils y passent l'hiver dans les vignes, les bruvères, les champs de luzerne et dans tous les lieux arrosés. Quelques-uns, mais d’habi- tude rares, restent chez nous pendant Île froid; ceux-ci hantent alors, comme les Spioncel!'es, les bords des sources, des rivières, des canaux et des marécages qui ne gèlent pas, et s’y naurrissent du même genre d'aliments.
A la fin de février, et plus particulièrement en mars, survient encore le Pipi Farlouse dans nos climats. Mais alors il fuit presque les champs, à moins qu’ils ne soient humides, par conséquent en état de lui fournir des vers, de petits limaçons et des insectes pour sa subsistance. Il se maintient pendant quelques jours dans les prés arrosés, aux alentours des inarécages, sur les bords des étangs, des mares et des fossés fangeux. On le retrouve aussi dans les jonchaies et les roseaux, séjour des
DEN EESES
358 ORNITHOLOGIE Bécassines, Râles et Poules d'eau ; comme elles, il y cherche sa vie en courant avec vitesse sur la mousse, la boue et sur les feuilles des plantes aqua- tiques. Quelquefois il s'arrête sur les mottes de gazon, sur les pierres et les petits piquets qu’il rencontre, y secoue la queue du même mouve- ment que le Pipi Spioncelle ; puis aussitôt il saute à terre, y court tout en cueillant à fleur d’eau le frai des grenouilles et des petits poissons, vermis- seaux sur la vase, moucherons le long des tiges d'herbes, Chaque matin, au lever du soleil, il monte sur les saules- et les petits peupliers, où d'habitude on le voit occupé à sa toilette : il y attend que le soleil ait dissipé en partie la rosée, avant de se re- mettre à chercher sa nourriture parmi les herbes.
Le Farlouse nous quitte au commencement d’a- vril, ets’envole par petites troupes vers les régions de l’Europe où il est appelé à se reproduire. Cepen- dant quelques individus se font encore remarquer dans nos marais jusqu'au 15 ou au 20 du même mois; ce sont probablement ceux qui passent l'été dans quelques montagnes qui confinent à notre territoire, ou bien les couples qui finissent par se propager dans nos régions montueuses, où ils trou- vent facilement le même climat que le plus grand nombre de leur espèce va chercher ailleurs.
Ce Pipi niche en mai. Son nid, qu'il pose à terre, soit au milieu d’une touffe d’herbes, soit au pied de
DE LA SAVOIE. 359 quelque petit buisson, dans un lieu humide et quel- quefois en pente, se trouve formé entièrement de mousses, de tiges d'herbes sèches, de poils et de crins. Il renferme 4 ou 5 œufs, assez rarement 6, dont la couleur du fond varie fréquemment; tantôt elle est blanchâtre, tantôt d’un blanc rembruni, tantôt enfin d’un blanc nuancé de rougeâtre, avec des taches brunes, quelquefois presque pourprées, d'habitude irrégulières, plus nombreuses sur le eros bout et plus étroites sur le petit, où souvent elles ressemblent à des points. Ces œufs ont 18 5 à 19 mill. de long, sur 44 ou 44 mill. 3 de large.
Pendant tout le temps de la reproduction, le mâle a un ramage simple, qui consiste en un grand nombre de syllabes aiguës, dont la gradation est toujours sensible, la prononciation nette et rapide : césre, et, cat) pie pit, Hivspie, y tot, 0, sont celles qui entrent le plus dans sa composi- tion. Gomme le Pipi des Buissons et le P. Rousse- hne, il le redit fréquemment le matin, en s’élevant de terre ou du bout de quelque arbuste à peu près perpendiculairement en l’air jusqu’à une hauteur moyenne; comme eux aussi, il en précipite la mesure dans sa chute, qu’il effectue de biais ou d’aplomb, assez lentement et sans battre des ailes comme quand il monte. Alors son corps et ses ailes immobiles, quoique étendues, tracent une espèce de triangle qui imite le fer d’une flèche.
360 ORNITHOLOGIE
168S.-—Pipi des Buissons / Anthus Arboreus.
Noms vulgaires : Vinettle, Veinette, Véneliaz, Becñ, Becfigue, Becfigue de Vignes.
La Farlouse ou Alouette des Prés (Puff.). — Pipi des Arbres (Anthus Arto- DRE ee boul de Se Loneeh—rn pate Se DUO Ce Pipi, dont la chair fait en automne les délices des gourmets, doit ses dénominations, Vinette, Becfique, Becfique de Vignes, à son habitude de fré- quenter les vignes basses, où abondent les figuiers, du fruit desquels beaucoup de gens croient qu’il se nourrit.
Le mâle a 16 cent. de longueur depuis le bout du bec à l’extrémité des pennes caudales; la femelle est de 5-6 mill. moins longue ; mais elle ressemble au #ûâle par ses couleurs.
Le Pipi des Buissons a, dans sa physionomie, tani de rapport avec le précédent (ie Furlouse), que très-souvent les personnes qui veulent s’en régaler, se laissent tromper en l’achetant sur les marchés, où ce dernier est par moments très-abondant,. Cependant on peut s’épargner le souci de se voir frustrer de la sorte. D'abord, le Pipi de cet article est rare chez nous depuis le mois d’octobre ; à cette époque, l’on n’y rencontre guère que les individus qui n’ont pu, à cause de leur masse de graisse, effectuer leur départ en même temps que leurs semblables qui ont mené une vie plus sobre, moins sédentaire ; et ceux-là, il faui les chercher autour
URNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Motacillidées : Alaudidées.
Läith.J® Perrin Chambéry. JWerner del. LiFh. |
19,3 Zu def) pr Parlouse ; s oT nal L pe des Fe mêle au printemps; 2397 nat, V. 360. | 5-7 Culs de esp ece; AT. nat 1 8 Alouette des une mâle adulte: 15.97 anal; 2375-94 Bu del'esp.s 274 | 19 Alouette Cochevis, 244 adalte; sgrnal, P 3851315 Buls delesp o7.nal.
DE LA SAVOIE. 361 des marais, dans les vignobles, sur la lisière des bois. À chaque fois qu'on les découvre, on les aborde de si près que souvent ils se lèvent presque de dessous les pieds; ils ont de la peine à voler, gras comme ils sont, et se laissent retomber lourde ment à quelques pas du lieu d’où on les force à partir. Au contraire, le mois d'octobre est précisément le temps de l’année où le Farlouse est le plus commun dans nos climats. Alors, quand on a la chance de tirer un Pipi des Buissons, il n’est pas rare d’abattre dix ou douze Farluuses, et même davan- tage. Mais ce qui établit de préférence la distinction de ces deux oiseaux, c’est que celui qui nous occupe ici est plus grand, plus gros, plus coloré de jau- nâtre devant le corps, mais moins tacheté de noi- râtre que son plus proche congénère, le Pipt Far- louse. J'ajoute cncore une remarque essentielle au sujet de ce dernier; c’est qu’il ne fait que passer dans notre pays, sans y séjourner longtemps, et d'habitude il y est maigre, car à peine s’il pèse plus de 15-16 grammes. Le Pipi des Buissons pèse en moyenne, quand il est gras, 35-40 grammes.
Cet oiseau, en automne, a les sourcils et les pau- pières jJaunâtres; toutes les parties supérieures du corps d’un olivâtre cendré, avec des mèches d’un brun noirâlre, qui suivent la direction des baguettes des plumes : ces mèches forment des lignes assez irrégulières sur le dessus de la tête, s’élargissent en
UE, D OU Éd
ns
362 ORNITHOLOGIE
approchant du manteau, s’affaiblissent à mesure qu'elles atteignent le croupion et disparaissent enar- rivant vers les couvertures supérieures de la queue. Les pennes alaires, que traversent deux bandes d’un blanc jaunâtre, sont brun noirâtre, bordées en de- hors d’olivâtre ; celles de la queue noirâtres, la penne externe de chaque côté est presque entièrement blanche, avec sa baguette brunâtre; la suivante seulement terminée de blanc. La gorgerette esl blanche ; mais le bas de la gorge, le devant du cou et le reste des parties inférieures sont d’un jaune roussâtre, sauf le milieu du ventre et de l'abdomen, qui est blanc ou blanchâtre. Sur les côtés de la sorge, du cou et sur la poitrine, sont des taches allongées, noirâtres ; puis des traits longitudinaux, très-étroits et de même couleur, sur les flancs. Le bec est brunâtre en dessus, jaunâtre en dessous ; l'iris brun; les tarses sont d’un jaunâtre inclinant à la couleur de chair; l’ongle du pouce est plus court que ce doigt, et arqué.
À son retour au printemps, le mâle est coloré de jaune d’ocre clair à la gorge et devant le cou; la même teinte se répand aussi sur la poitrine et les flancs, parmi les taches qui s’y maintiennent; elle est à peine visible dans la femelle, qui conserve sur ces parties presque le même jaune roussâtre clair qu’elle porte en automne et en hiver.
Pendant l'été, les deux sexes voient les couleurs
DIE) EA0 8 A VOTE. 363 vives de leur livrée s’aflaiblir peu à peu jusqu’à la mue de la fin de juillet, par l’effet de l’air et l'éclat du grand jour. Le dessus du corps devient alors gris olivâtre, et les mèches noirâtres s’y changent en brun ou en brunâtre, suivant les individus ; le dos ne porte plus que de faibles indices de ces mêmes taches; le croupion est de couleur uniforme; les deux bandes transversales des ailes, que compose l'extrémité des tectrices, tournent au blanchâtre, de blanc jaunâtre qu’elles étaient au printemps.
Les jeunes, avant la mue, ressemblent déjà à leurs auteurs ; mais ils sont plus teintés de jaunâtre sur les parties inférieures, où leurs taches pa- raissent encore plus étendues ; ils ont même pres- que un peu de jaunâtre sur le bord des plumes du dessus du corps.
Le Pipi des Buissons est ici le plus commun du genre. On le trouve répandu partout, mais plus abondamment à l’époque de ses voyages d’automne vers les climats chauds, son quartier d’hiver, que pendant la saison des nichées.
Il reparaît en Suisse et en Savoie vers le 25 ou le 30 mars, et plus particulièrement dans la pre- mière quinzaine d'avril. Alors il s’abat dans les blés verts, dans les prés clair-cemés de buissons, dans les pâturages, aux abords des marais, enfin dans d’autres lieux tapissés de verdure et propres à lui fournir des vers, des coléoptères, de petits
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364 ORNITHOLOGIE
limacons nus pour sa pâture. Quelques jours après son arrivée, on ne le rencontre plus guère que sur les coteaux et les collines, qui dominent la plaine; y vivant encore dans les champs verts, puis sur la lisière des bois, dans les bruyères et les vignes, C’est là que les mâles commencent à faire entendre leur chant d'amour; c’est là aussi qu'ils se choi- sissent leur compagne, qu'ils attendent avec elle la fonte des neiges dans les régions imnonlueuses, où est le rendez-vous général pour la saison des beaux jours. Toutefois quelques paires isolées restent établies dans nos collines ou à la base de nos mon- tagnes, ct s’y propagent quelques Jours avant les couples qui préfèrent pour cet acte des contrées plus élevées.
C’est aux premiers jours de mai que le Pipi des Buissons parvient tout apparié dans nos mon- tagnes. Il ne s’y fixe point après la région des bois : ce séjour, comme on vient de le voir, est réservé au Pipi Spioncelle ; mais il s'arrête spé- cialement à des hauteurs moyennes : tantôt dans les clairières des forêts, tantôt dans les fourrés, les bruyères, les genêts et les pâturages parsemés de taillis, de quelques massifs de plantes ou d’arbris- seaux. Pendant la durée des amours, la femelle de temps à autre monte au bout d’une motte ou de quelque pierre pour se faire voir au mâle et lui faire connaître ses désirs; mais, douce et timide, elle
DE LA SAVOIE. 369 craint de s’annoncer tout à coup. Elle commence par pousser un petit cri (he), puis deux ou trois autres ; enfin très-rassurée, elle les redit jusqu’à l’arrivée du mâle. Celui-ci, dès qu’il l'entend, pré- lude à terre ou perché, monte presque verticale- ment en l’air jusqu'à 20 ou 39 pieds de hauteur en battant des ailes et sane cesser de chanter, re- descend lentement et en planant jusqu’à terre, où l'attend sa compagne ; ce n’est qu’en se posant à ses côtés qu’il discontinue son ramage, dont la vitesse s’accommode, comme chez ses congénères, à la pro- gression ou à l’affaiblissement du vol: ilest toutefois très-rapide, quand le volatile se laisse retomber, les ailes étendues, vers l’objet de ses désirs.
Le nid du Pipi des Buissons est caché dans une petite cavité, à terre, dans les blés, les avoines, les bruyères, ou bien au pied des buissons, dans une toulffle d’herbes ou de plantes. Il est composé en dehors de paille, de tiges d'herbes, de foin et de mousse, puis garni en dedans de filaments de plantes, de très-petites racines fibreuses, de crins et de poils. Vers la mi-mai, il renferme 3 à 6 œufs allongés, d’un blanc fréquemment teint de rougeà- tre, et marqués de nombreuses taches ou couverts de petits traits três-serrés, d’un brun rougeûtre plus ou moins foncé, mêlés à d’autres qui penchent au cendré ou au violâtre. Quelquefois le fond de ces œufs se trouve presque grisàtre où d'un blanc sale ;
366 ORNITHOLOGIE
alors les taches qui le recouvrent, sont brunes ou noirâtres, d'habitude plus rapprochées et même con- fluentes sur le gros bout. Leur longueur est de 19 3 à 20 mil, , et leur largeur diamétrale de 445 à 45 mill.
Pendant que la femelle couve, le mâle, sans doute afin de lui être agréable durant les longues heures de l’incubation, se tient auprès d’elle, sur quelque arbre de petite taille ou à la pointe d’un buisson ; de là, il fait à chaque instant entendre son ramage vif et gai. Il prélude sur la branche, prend ensuite son essor en chantant, s'élève droit ou un peu de biais en agitant les ailes, et retombe en planant, très-souvent sur la branche d’où il est parti et sur laquelle il finit sa chansonnelte. Après un moment de repos, il refait jusqu’à huit ou douze fois de suite cette ascension, en employant toujours les mêmes manœuvres, en répétant les mêmes cris : les syllabes the, thai, thai, pi, pi, pt, té, ti, à, proférées sur des tons difiérents, tantôt pré- cipitamment tantôt lentement, suivant que le vol est plus ou moins rapide, composent presque tout le chant de cet oiseau. On l’entend quelquefois dès l’aube du jour ; il se tait ensuite vers les huit ou neuf heures du matin jusqu’au soir. Pendant son silence, il rôde à terre parmi les herbes et les brous- sailles; il s’y alimente, s’y cache pendant le fort de la chaleur. Si on le contraint à prendre le vol, il jette en partant quelques-uns de ses cris ordi-
DE LA SAVOIE. 367 naires : pa, pt, pt, ou th, thi, les mêmes qu'il pousse en automne dans la plaine, et il ne va jamais loin sans se reposer à terre ou à l'extrémité d’un taillis.
Le Pipi des Buissons ne fait ici qu’une couvée par an, quand elle réussit. Comme chez les précédents, ses petits qui naissent avec un léger duvet noirûâtre, sortent souvent de leur premier domicile avant d’être en état de voler, et suivent leurs parents qui vont aussitôt les cacher dans les genêts, les herbes, les buissons des alentours du nid. Ceux-ci leur assignent là à chacun la place qu'ils doivent garder; mais il est rare qu’ils l’occupent encore le lendemain, sur- tout s’ils y ont été déjà le premier jour inquiétés par les bergers ou par leurs troupeaux ; c’est tout auprès, mais dans une autre direction, qu'il faut alors les chercher. À l’approche d’un ennémi quelconque, le mâle et la femelle poussent des cris aigus ; et les pe- tits de se tapir à terre, de ne point bouger de l’en- droit où ils gîtent, tant que leurs auteurs continuent à leur inspirer quélque crainte par leur désolation.
Aussitôt élevés, les jeunes Pipis des Buissons vivent éparpillés par les champs, les prés ou les brous- sailles. Comme leurs aînés, ils ne quittent le séjour des montagnes que sur la fin de l'été ; alors ils des- cendent tous sur les collines ou jusqu’à la plaine. Là, ils ne se plaisent que dans les luzernes, les trèfles, les pommes de terre, les sarrasins, les maïs, les vignes, et dans les fourrés qui les avoisi-
308 ORNITHOLOGIE
nent; recherchant partout vers, vermisseaux, petits coléoptères, grillons, sauterelles, quelquefois les semences des mercuriales (mercurialis annua et A1. perennis), qu’ils avalent sans les broyer. Ils aiment à se poser au bout du chaume qui recouvre les granges, à s’y livrer, principalement le matin quand ils s’y trouvent plusieurs ensemble, à des jeux, à se poursuivre deux à deux comme s'ils se défiaient au vol ou à la course, et à revenir en- suite au chaume pour se donner revanche. À l’ap- proche de la nuit, ils sortent en grande partie des champs, se rendent dans les bois ou les lieux recouverts de taillis, ct y sommeillent cachés au milieu des bouquets de feuilles, quelquefois dans des cavités. Le lendemain, au lever du soleil, ils retournent vivre à la plaine.
C’est déjà vers le 20 ou le 26 du mois d’août que ces oiseaux commencent à s'éloigner de nos pays et volent à la découverte des climats chauds pour la saison d'hiver, Mais c’est du 8 au 22 septembre, et notamment les jours où la pluie est imminente ou bien un jour avant qu’elle tombe, qu'on les voit parür le plus en nombre. Beaucoup d’autres, venant de différentes contrées de l’Europe, surviennent à la même époque dans nos vallées, où ils ne s’ar- rêtent que pour manger ou se cacher quand la nuit les y surprend. S'il vient alors à tomber dès le point du jour quelque petite pluie, accompagnée
DE LA SAVOIE. 369 d’un vent froid, plusieurs autres y passent dans la matinée ; et ceux-ci voyagent presque tout le jour. On observe encore ici des individus vers le 19, le 45 et même jusqu'au 25 octobre; mais ce sont quelques sujets qui, depuis les nichées, n’ont cessé de vivre dans la tranquillité et l'abondance, dans les vignes ou les bois. Ils sont ordinairement sur- chargés de graisse, et, comme tels, réduits à la né- _cessité d'attendre les premiers frimas ou la disette, afin de maigrir suffisamment pour pouvoir voyager vers les régions du Sud.
Le Pipi des Buissons est un coureur assez agile.
Îl perche néanmoins très-fréquemment , et il aime
pour se poser singulièrement le bout des perches, des échalas, des meules de foin, de même que les rameaux secs ou la pointe des branches les plus élevées. En se posant, il secoue lentement sa queue du même mouvement que ses congénères. C’est un oiseau peu farouche, qui se laisse presque toujours approcher de près; on pourrait par moments, quand on le surprend dans le lieu dont il fait ses délices, l’abattre à bout portant. S'il se lève de devant nous, c'est d'habitude pour aller se reposer tout auprès ; il est du reste souvent si gras, qu’il a réellement de la peine à voler. On le prend facile- ment ici dans les filets à nappes, surtout si l’on a eu la précaution de les tendre sur quelque espace de verdure, environné de petits arbres. Il s'arrête
T. III. 24
370 ORNITHOLOGIE
d’abord sur leurs branches d’où il ne tarde pas à s’abattre au milieu des piéges, en y découvrant les danseurs ou les appeaux. Sa chair est délicieuse, remplie de fumet quand elle est grasse; aussi tous les chasseurs, sans distinction, s’acharnent à lui faire la guerre.
Vingt-huitième Famille.
ALAUDIDÉES (Alaudidæ).
Ces oiseaux sont notables par leur bec longicône, droit ou presque arqué, entier et assez robuste ; par leurs narines arrondies ou ovoïdes, à demi fermées par une membrane ; par l’ongle du pouce ordinairement plus long que ce doigt et que les ongles des doigts antérieurs,
Ils habitent les lieux découverts, les champs et les prés, et y vivent par couples au printemps, par familles ou en petites bandes pendant l'été. Ils se rassemblent pour les voyages d'automne en volées souvent considérables. Les grains d'herbes, ceux de blé et d'avoine, les jeunes pousses des petites plantes, composent leur principale nourriture; ils ne recourent guère aux vers, aux limaçons et aux insectes qu’au printemps et durant l’éduca- tion de leur progéniture. Généralement les mâles sont fort peu distincts des femelles, et les jeunes
DE LA SAVOIE. 371 ressemblent aux vieux aussitôt après leur première mue. On les nourrit, on les élève facilement en cap- tivité. Le chant des mâles est sonore, de longue haleine et très-varié.
LIVe Genre : ALQUETRE (Alauda).
Caractères du genre : Tête arrondie et petite; langue cartilagineuse, fen- due à sa pointe. Bec fort, entier, conique ou cylindracé, plus ou moins allonge, plus ou moins arqué ou droit, et garni à sa base de petites plumes roides, serrées, Couchées en avant. Narines basales, arrondies, à demi closes par une membrane voûtée. Tarses nus et annelés; doigt du milieu soude à sa base avec l’extérieur, et séparé de l’interne; ongle du pouce subulé, droit ou à peine arqué, ordinairement plus long que le doigt. Ailes longues, à penne bâtarde (1re penne) très-courte;, deux secondaires presque aussi longues que les primaires et échancrées à leur extrémité. Queue moyenne, un peu four- chue et composée de douze rectrices ou pennes.
Les Alouettes ont quelque analogie avec les Pipis, parmi lesquels des auteurs les ont classées ; mais elles s’en éloignent essentiellement par leur tête petite et arrondie, dont le haut est vêtu de plumes ordinairement allongées, susceptibles de se dresser en touffe ou en une espèce de huppe et de s’abaisser, suivant que l'oiseau passe, d’un mou- vement de surprise, de crainte et d'amour, au plus grand calme, et vice versa. Leur queue de moyenne longueur, leur plumage peint de couleurs sombres, souvent de la couleur du sol qu'ils habitent de préférence, et plusieurs de leurs habitudes natu- relles, servent encore à les distinguer des Papis.
Les Alouettes sont des oiseaux pulvérateurs ou qui aiment à gratter la terre, à s’y rouler: comme les Pigeons et les Gallinacés. Elles habitent no-
372 ORNITHOLOGIE. tamment les terres légères, les campagnes sablon- neuses et les guérets. Toutes se nourrissent de graines céréales, de nouvelles pousses de plantes, du bout des feuilles de plusieurs herbes potagères, de vermisseaux et d'insectes, qu'elles saisissent ou cueillent à terre. Quelques sujets ont la faculté de percher sur les arbres, où toutefois ils recherchent pour se poser les branches les plus larges; d’autres montent sur les toits de chaume, sur les murs de clô- ture, qu'ils visitent souvent à la course, d’un bout à l’autre. C’est toujours à terre que ces oiseaux se propagent ; 1ls y cachent leurs nids, qui sont tout simplement fait avec des herbages secs et des racines de plantes, dans un petit creux, au milieu des herbes, des blés ou des bruyères. Des espèces font d'habitude deux pontes par an. Les mâles ont un chant éclatant, qui charme surtout par ses modulations successives et variées, tous ceux qui sont à portée de l’entendre; c’est en s’élevant presque perpendiculairement ou en tracant des cercles concentriques, ou bien encore en s’élan- çant par bonds répétés jusqu'à une très-grande hauteur dans les airs, qu’ils aiment à le redire principalement le matin, pendant que le soleil paraît à l'horizon.
Après les couvées terminées, les Alouettes s’at- troupent, forment des volées plus ou moins nom- breuses, suivant les espèces, et continuent à visiter
D'HUB AD SAV OTE. 373 les champs et les prés qui les entourent. Ces pha- langes s’abattent de préférence sur les terres tout récemment ensemencées, et y dévorent le grain, même celui qui commence à germer. Le chasseur les y découvre souvent avec peine, de ce que leur livrée est d'habitude presque de la couleur de ces terres et qu’elles-mêmes savent, à son ap- proche, se blottir derrière les petits morceaux de terre ou dans les pas des bœufs, d’où elles ne par- tent guère qu'en le voyant fort près d'elles. Aux premiers frimas, elles se livrent à des voyages vers les plaines des régions méridionales. Quelques bandes restent néanmoins dans nos pays pendant l'hiver: celles-ci hantent les prés arrosés, les champs et les vignes voisins des marais ou des eaux fluentes; par moments, surtout les jours de neige, on les trouve jusqu’auprès des habitations ou le long des routes, quoiqu'’elles soient très-fré- quentées. Il existe fort peu de diflérence entre le plumage des mâles et celui des femelles. Leur mue est simple ; elle a lieu en août chez les vieux sujets, en septembre chez les jeunes de l’année. Leur chair est un bon manger.
Nous n’avons en Savoie que trois espèces d’A- louettes, et encore l’une d'elles y est de passage assez irrégulier.
374 ORNITHOLOGTE
core, que je sache, été remarquées chez nous : elles sont parti- culières aux contrées du midi de l’Europe. La première, qui est notable par son bec gros, robuste, plus haut que large et un peu fléchi en arc, a le dessus du corps cendré roussâtre, avec une tache brune au centre de chaque plume; la gorge blanche, les côtés du cou d’un blanc jaunâtre avec une espèce de demi-col- lier formé par deux grandes taches noires, la poitrine lavée d’une teinte jaunâtre et marquée par de petites taches brunes et noï- râtres; enfin le ventre, l’abdomen et les sous-caudales sont blancs ; les flancs d’un cendré roussâtre. Sa taille est de 20 cent.
La seconde espèce, la Calandrelle, que l’on rencontre dans quelques localités chaudes, arides et sablonneuses du Piémont, est beaucoup moins grosse; elle a 16 cent. de long. Chez elle, le dessus du corps est d'un roux isabelle, marqué d’une tache brune sur le milieu de chaque plume. La gorge et les sourcils sont blanchâtres; la poitrine et les flancs d’un roux pâle, le ventre, l’abdomen et les couvertures inférieures de la queue, d'un blanc glacé de roussâtre. Sur les côtés de la poitrine sont quelques plumes brunâtres, formant une bande courte et légère- ment oblique. L’ongle du pouce est plus court que ce doigt.
J'ai déposé ces deux espèces d’Alouettes dans la collection or- nithologique de la Société d'histoire naturelle de Savoie, où mes compatriotes qui désireraient les connaître pourront les examiner. La description que je viens d'en donner servira à les faire distinguer, si par la suite elles venaient à se montrer dans ce pays, par exemple à l’époque des migrations de leurs con- génères.
DE) LA’ SAVOTE. 379 469.—Alouette des Champs /A/auda Arvensis).
Noms vulgaires : L'Alouette, l’Atliettas, Layettaz, Alborax, Grosse Alouette Alouette Commune.
ce eine Alamee es Camps Our. — Mouette Commune (au Aroensis), Hier des Champs (Alauda ie Degl.— Cette espèce est ici très-abondante à l’époque des premiers frimas; c’est la plus grosse des Alouettes qui visitent le pays : elle a 19 cent. de taille. Le mâle adulte et vieux a toutes les parties supérieures du corps d’un gris roussâtre, avec le centre de chaque plume taché de noirûtre : toute- fois les taches sont plus grandes sur la tête et le haut du dos. Il a les sourcils blanchätres ou d’un blanc roussâtre, et les joues d’un gris brun. La gorge est blanche ou d’un blanc sale; le devant du cou, la poitrine et les flancs sont teintés de roussâtre ; sur le centre des plumes, on remarque une tache oblongue ou lancéolée, et brune; mais sur les flancs, ce sont des lignes de la même cou- leur, qui suivent la direction de la baguette des plumes. Le milieu du ventre et de l’abdomen est blanc, à peine lavé de roussâtre. Les ailes sont d’un brun noirâtre, bordées de roux sur les rémi- ges, de roussâtre sur les tectrices. Les plumes caudales noirâtres, sauf les deux plus latérales de chaque côté qui portent du blanc sur une partie de leurs barbes extérieures. Le bec est brun en des-
376 ORNITHOLOGIE
sus, jaunâtre en dessous ; l'iris brun foncé; les pieds couleur de chair un peu rembrunie; l’ongle du doigt postérieur ordinairement très-long et presque arqué vers le bout.
La femelle a seulement, pour toute différence extérieure, les taches du dos et de la poitrine plus rapprochées et d’un ton plus foncé que dans le mâle ; les plumes du sommet de la tête paraissent aussi un peu moins allongées, par conséquent moins susceptibles de se hérisser, quand l'oiseau se trouve saisi de quelque émotion subite.
Dans les deux sexes, pendant l'été, le roux ou le roussâtre de leur livrée s’affaiblissent par le frotte- ment des plumes et l'éclat de la lumière, au point de devenir presque entièrement blanchâtres ; alors les taches brunes du dessus du corps devien- nent à peu près noires. Toulefois ce changement est plus sensible chez les sujets que l’on rencontre dans nos montagnes que chez ceux des régions basses : ces derniers sont aussi un peu plus gros, un peu plus forts de taille que les premiers.
Les jeunes, avant la mue, difièrent peu des adu!tes. Ils sont mouchetés de noirâtre et de blanc roussâtre sur les plumes de la tête et du dos; d’un blanc nuancé de roux sur toutes les parties infé- rieures, avec la poitrine parsemée de taches plus ou moins effacées, brunâtres.
Tous les ans, à l’arrière-saison, il se fait en
DE LA SAVOIE. SN Suisse et en Savoie un passage d’ Alouettes constam- ment plus pertes que celles qui y sont sédentaires ; cependant je les regarde comme étant de la même espèce; peut-être, doivent-elles constituer une race locale, particulière à quelques contrées froides de l’Europe. Elles traversent nos vallées par sociétés nombreuses ; quelques-unes y séjournent l'hiver et disparaissent à l’approche des beaux jours. Les grandes plumes des ailes sont, chez plusieurs sujets, de 12-14 mill. moins longues que dans d’autres individus de l'espèce type; celles de la queue ont, chez les uns, 7 mill., chez d’autres, 8 mill. de moins que dans ces derniers. Leur bec est sensible- ment plus petit, plus grêle; l’ongle du pouce tou- jours plus court de 2 m. 3 à 3 m. ;, etilcstsouvent de la longueur même de ce doigt. Le cri d’appel ou de ralliement que ces petites Alouettes poussent en voyageant ici, est encore plus aigu que chez leurs semblables à dimensions plus fortes ; ce cri semble articuler les syllabes : pt, pi, pt, pt, quel- quefois pèr, pit, pit. Leur plumage, surtout celui des parties supérieures, est d'habitude moins chargé de roux ou de roussâtre sur le bord des plumes, mais le brun foncé du centre paraît pres- que noir. | Les Alouettes des Champs fréquentent toute l’Europe. Elles sont très-répandues en France et dans nos climats, dès le mois d’octobre jusqu’au
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froid, mais nulle part en aussi grand nombre que dansles terres cultivées. Ilen reste encore beaucoup ici pendant l'hiver; et à l'approche du printemps elles s’isolent, nous quittent en grande partie ; alors, de communes qu’elles étaient, il n’en reste qu’une petite quantité pour se reproduire dans nos contrées.
C’est habituellement vers le 20, le 25 ou le 30 oc- tobre que survient en Savoie le plus fort du pas- sage de cette Alouette. Cependant si cette époque n’est pas signalée par des nuits ou des matinées froides, ou plutôt par d’abondants frimas, on ne s'aperçoit guère de ses nombreuses arrivées qu'à la première neige, ou dès que le vent du nord commence à régner. Elle passe particulièrement de grand matin, au lever du soleil et un peu plus tard, par petites bandes ou par volées considé- rables. Ces troupes d’Alouettes s’entr’appellent pendant le voyage, se mêlent souvent en se ren- contrant dans les airs ; elles s’abatient ensemble en redoublant leurs petits cris de ralliement, pt, pé, pt, pt, dans les pâturages découverts, dans les champs nus et de préférence sur les blés qui commencent à pousser ou sur les terres nouvellement ensemen-
DE LA SAVOIE. 379 terre, et soit qu’elles aient éprouvé quelque crainte, soit qu’elles s'entendent appeler ailleurs par leurs semblables en masse, elles se mettent, en arrivant
vers l’horizon, à parcourir d’un vol très-rapide, et
sans discontinuer de crier, de grands espaces aux alentours des champs, où d’abord elles paraissaient très-disposées à s'arrêter. Mais souvent elles y reviennent après leurs trajets avec de nouvelles recrues, qui forment après elles une longue queue; en s’y posant, elles s’éparpillent, tellement que ces champs en semblent parfois couverts. À la moindre élévation qui s'oppose à leur vol bas et filé, elles se relèvent pour la franchir; mais aussitôt elles se rabattent vers l'horizon afin de continuer leur marche accélérée. Quand elles sont à terre, il est très-difficile de les reconnaître lorsqu'elles se trou- vent dans les guérets, à cause de la teinte terreuse de leur plumage; d'autant plus qu’elles ont la ruse, quand elles aperçoivent quelqu'un, de rester ac- croupies dans des creux ou derrière une petite motte, Si l’on cherche à les forcer, elles marchent longtemps devant l’importun sansse lever ; puis tout à coup se lèvent brusquement et simultanément.
Il se prend ici beaucoup d’Aloueties à l’arrière- saison, avec les filets à nappes. Les oiseleurs fer- ment ces engins sur elles quand elles les rasent, et prennent souvent, d’un seul coup de filet, plus de cent individus. Il leur arrive aussi de tirer deux ou
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trois fois sur la même phalange, quand, après avoir essuyé quelque défaite, le reste se rallie, se remet à parcourir les champs en rasant les herbes ou le sol. Dans quelques cantons de France et de Belgique, on en prend aussi considérablement à la même époque, au moyen de plusieurs rangées de grands filets appelés rideaux, vers lesquels on les chasse à l’aide d’une corde en faisant un énorme circuit dans les champs d'avoine, où elles se trou- vent répandues au coucher du soleil ; ou bien avec des collets traînants, attachés en très-grand nom- bre à une forte et longue ficelle, et les Alouettes s’y prennent par le cou, par les pieds, quelquefois par les ailes. On les chasse encore, mais rarement dans nos pays, au miroir. Pour cela, on place dans les terres, où elles abondent, quelques objets brillants, mis en mouvement par une cause quelconque : un miroir, sorte de morceau de bois taillé en dos d’âne et supporté par son milieu, sur lequel on aura groupé des boutons d'acier ou de cuivre, de petits morceaux de glace capables de réfléchir à travers champs les rayons du soleil. Les Alouettes s’en sont à peine aperçues, qu'elles accourent, vol- tigent ou plutôt papillonnent en restant par mo- ments comme suspendues au-dessus de ces objets nouveaux pour elles. A les voir alors s’ébattre, on ne peut que croire qu’elles cherchent à se voir, à s’ajuster devant le miroir. Mais elles finis-
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sent souvent par s’empêtrer dans les piéges qui l'entourent ou par se laisser fusiller, lorsque ayant enfin réussi à s’entrevoir une fois, elles s’abaissent peu à peu vers le sol pour se contempler encore de plus près.
Quelques bandes d’Alouettes des Champs hiver- nent régulièrement en Savoie. On les rencontre, pendant les temps de neige surtout, dans les prai- ries artificielles, sur les bords des marais et dans les plaines humides qu'avoisine l’eau; quelque- fois on en observe jusque dans les jardins, où elles dévorent le bout des feuilles des colzas et des choux. Elles se répandent aussi avec les Pinsons etles Bruants le long des chemins, et s’y repais- sent des grains d'avoine qu’elles trouvent dans le crottin.
Nous avons ici chaque année, à la fin de l’hiver, un autre passage d’Alouettes, mais beaucoup moins abondant que ceux de l’automne. Quelques petites compagnies qui arrivent alors restent dans nos champs ou nos prairies jusqu’à la fin de mars, et disparaissent presque toutes. Celles qui y restent plus tard se dissolvent pour contracter des liaisons plus intimes, et vont se reproduire éparpillées dans les blés, les avoines, les trèfles, les luzernes, les prés et les bruyères. Quelques couples s'élèvent pour cet acte jusque dans les champs et les
382 ORNITHOLOGIE remarque plusieurs au Mont-Cenis, aux alentours du lac.
Rien de beau, rien de touchant comme de voir le mâle de cette Alouette se livrer à ses transports amoureux et de l'entendre chanter alors. Aux pre- miers rayons de l'aurore, il monte en l’air à peu près perpendiculairement et par reprises, quelque- fois en traçant des cercles concentriques, etil monte d'habitude si haut qu’on le perd facilement de vue. Il remplit alors les airs de sa voix mélodieuse et flexible, la forçant à mesure qu'il s'élève de la terre, et à ce point que, quoiqu'on ne puisse plus guère l’observer des yeux, on l’entend en- core très-distinctement. Arrivé très-haut, après avoir chanté à perdre haleine et plané pendant près d’une heure, il redescend lentement et reste par mo- ments comme suspendu en diminuant sa voix ; puis rapproché du sol, il se tait tout court, se précipite, tombe jusqu’à terre, comme emporté par son poids. Cependant, en découvrant sa compagne qui n’a cessé de le suivre des yeux dans tous ses tra- jets, il s’arrête tout à coup à quelques pieds de terre, voltige gracieusement au-dessus d’elle en montant et en redescendant, mais sans avancer, et en poussant quelques cris vifs, très-animés ; enfin il fond sur elle comme un trait. Aussitôt posé, sa voix s’est éteinte : sa compagne lui donne le prix de ses accents d’amour.
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Le mâle ramage encore à terre ou posé au bout de quelque motte, mais alors ses coups de gosier sont moins éclatants ; on dirait que parfois il s’étu- die là à contrefaire les cris ou le gazouillement de quelques volatiles qu’il est à même d’entendre dans les champs ou les prés. Il interrompt son chant au printemps par une matinée fraiche, par un temps sombre ou pluvieux; aussi, le regarde-t-on ici comme le précurseur des beaux jours. On ne l’en- tend point au milieu de la journée, quand les rayons du soleil deviennent brülants ; mais lorsque l’astre s’abaisse vers l'horizon, le mâle s’élève de nouveau dans les airs, qu’il remplit encore de ses modula- tions très-variées. Une fois le soleil couché, ses cris sont vagues, sans suite, moins sonores que ceux qu'il poussait quelques moments auparavant, ou le matin pour saluer la lumière. Alors il revient en baissant peu à peu sur le sol, pour s’y cacher avant la nuit.
L’Alouette des Champs construit son nid à terre, dans un creux qu'elle-même prépare en grattant la terre ou le sable, au milieu de deux mottes très- rapprochées ou dans les blés, les bruyères et les herbes. En dehors, elle le compose de mousses, de brins de paille et de racines très-minces, et le gar- nit à l’intérieur de crins, de cheveux, de tiges d'herbes très-déliées. Ce nid, qui est de forme demi-sphérique, négligé, peu profond et presque
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sans solidité sur ses bords, contient de 3 à 5 œufs. Ils sont d’un blanc sale ou grisâtre, quelquefois comme nuancés de verdâtre ou d’olivâtre, et couverts de taches, de points bruns et brunâtres, ordinairement plus rapprochés sur la grosse extrémité de la co- quille. Pour longueur, ils ont, en moyenne, de 22 à 23 mill., sur un diamètre de 45 5; à 16 mill.
Les petits éclosent au seizième jour de l’incuba- tion, presque totalement nus. Le père et la mère les alimentent avec de menus coléoptères, des larves de fourmis, des vers et de tout petits lima- çons. Ils les laissent aussitôt qu'ils mangent seuls, et vont se choisir un nouveau domicile pour leur seconde couvée.
Après les nichées, l’Alouette des Champs forme ici, jusqu'aux migrations d'automne, des couples ou de petites bandes; alors elle fréquente les friches, les terres en labour ou que l’on ensemence, les vignes remplies de panics, les pâturages, en un mot, tous les lieux capables de lui fournir vermisseaux, insectes ou graines pour sa nourriture. C’est là qu'elle se couvre parfois de graisse, qui donne à sa chair une saveur très-estimée des gourmets. Elle est partout peu farouche. Jamais elle ne perche sur les arbres : elle a l’ongle du pouce trop long, trop peu fléchi pour pouvoir avec lui se saisir aux branches en s’y posant. On l'élève facilement en cage, elle y devient très-familière. Son chant s’y perfectionne
DE LA SAVOIE. 385 encore, car il s’approprie quelquefois le ramage de quelques oiseaux placés près d'elle en volière. Comme elle aime singulièrement les élévations pour se faire entendre, l’on ne doit point oublier de lui faire, au milieu de la cage, un petit monticule soit en plâtre soit en bois; on l’y verra, en effet, la plus grande partie de la journée, tantôt se réjouir, battre des ailes et s’y frotter le ventre, tantôt rama- ger pendant de forts quarts d'heure. Elle se plaît, quand elle est en liberté, à se rouler pendant les chaleurs dans les terres légères ; aussi, doit-on en- core laisser en réserve, dans sa cage, un espace où l’on déposera du sable fin et très-sec, pour l’inviter à se livrer à ce genre de plaisir chaque fois qu’elle se sera baignée ou qu’elle aura bien chanté.
2530.—Alouette Cochevis / Alauda Cristata). Noms vulgaires : Alouette à Huppe, Verdanje, Coqueline.
Le Cochevis ou Grosse Alouette Huppée, la Coquillade (Buff.). — Le Co- chevis ou l’Alouette Huppée (Cuv..— Alouette Cochevis (Alauda Cristata)
Vieill., Temm., Degl.—Capellaciu (Savi).
Cette Alouette a 18 cent. de longueur du bout du bec à l'extrémité des rectrices ou pennes cau- dales.
Elle tire son nom Cochevis, visage de cog, d’une petite huppe qui lui pare le dessus de la tête. Cette huppe, que composent quelques plumes allongées, acuminées, noires au centre et bordées de cendré roussâtre, est plus ou moins apparente, selon que
386 ORNITHOLOGIE l'oiseau passe d’un mouvement de surprise à la
crainte : 1l l’étale alors ou la resserre à son gré ; c’est ce que l’on remarque plus particulièrement dans le mâle.
Celui-ci a les parties supérieures du corps et le dessus de chaque aile d’un cendré roussâtre, avec d’étroites taches brunes, le long des baguettes des plumes ; les pennes alaires brunes, bordées de roux en dehors; celles de la queue noirâtres; mais les deux pennes du milieu roussâtres, et les deux laté- rales d’un roux pâle, sur leurs barbes externes et à leur pointe. Le tour des yeux, la gorge, le ventre et l’abdomen sont d’un blanc lavé de jaunâtre, mar- qués sur les parties latérales de la gorge et sur la poitrine de taches longitudinales, brunes. L’iris est brun foncé ; le bec plus allongé, plus déprimé, plus arqué que dans l’Alouette des Champs et l'Alouette Lulu, brun sur la mandibule supérieure, jaunâtre sur l’inférieure. Les tarses sont couleur de chair; l’ongle du pouce est long et peu recourbeé.
La femelle est de 6-8 mill. moins longue que le mâle ; sa huppe aussi est moins prononcée; son bec moins fort; mais sa poitrine porte quelques taches de plus.
Les jeunes, avant leur mue, ne diffèrent guère des adultes que par les mouchetures blanches ou blanchâtres, qu'ils ont sur les plumes du ventre, sur la tête et le dos.
DE LA SAVOIE. 387
L’Alouette Cochevis est commune dans la plu- part des contrées méridionales de la France et de l'Italie; elle y vit sédentaire, par familles aussitôt après les couvées, par petites troupes pendant l’au- tomne et l'hiver. Son nid, qu’elle pose à terre, ordi- nairement dans les blés, les herbes ou les luzernes, est, comme celui de l’Alouette des Champs, fait presque sans apprèt. Formé de quelques tiges d'herbes et de menues racines de plantes surtout, il renferme 4 ou 5 œufs, d’un cendré clair, recou- verts de petites taches assez irrégulières, de deux nuances, brunes et presque noirâtres, et souvent très-rapprochées vers le gros bout de la coque. Ils sont en moyenne de 419 à 20 mill. de long, sur 1h + ou 15 mill. de large.
Elle est toujours rare en Savoie, où elle ne fait que passer rapidement en automne ou à l’arrivée du printemps; et encore son apparition dans ce »ays n’a pas lieu plusieurs années consécutives : il est très-rare de l'y observer seulement deux saisons de suite.
C'est d'habitude à la fin de septembre ou en octobre, puis en mars, que nous remarquons cette Alouette dans nos plaines. Elle y survient alors par paires, mâle et femelle, ou par sociétés de 3 à 5 in- dividus, quelquefois seule et à la suite de quelque volée d’Alouettes Communes, parmi lesquelles on la reconnaît bien vite à ses cris plaintifs : piu, piu,
RE
ee
3553 ORNITHOLOGIE
piou. Comme elles, elle s’abat sur les champs tout récemment ensemencés de blé ou sur les terres fraichement labourées ; comme elles aussi, elle s’y alimente de graines, de vers et de coléoptères. Mais ce qu’il y a de remarquäble en elle pendant ses excursions, c’est l'attachement qu’elle montre pour ses semblables qui voyagent avec elle. Une paire ou une petite bande cherche-t-elle sa vie en quel- que lieu, l’un des sujets du couple ou de la bande reste au guet, soit au bout d’une pierre, soit à la pointe d’une motte de lerre, ou bien simplement à terre, auprès des siens, mais au point le plus élevé du sol. Au moindre bruit, tout comme à l’arrivée de quelque ennemi, il pousse un ou deux petits cris (pi ou pipi, quelquefois piupiu), pour en avertir ses compagnons qui, à l'instant même, se hâteni de fuir en répétant les mêmes cris. Quelquefois l’Alouette Cochevis s’arrête au bout des cheminées des h&bi-- tations ou sur le chaume qui recouvre les granges situées au mitieu des champs; elle y reste quelque: minutes très-tranquille, puis elle se met à les par- courir d’un pas posé ou à la course ; enfin elle des- cend à terre et y cherche des grains, des insectes pour sa subsistance.
E DE LA SAVOIE
Passereaux, Pigeans. Alaudidees;Colombidées.
112277
D'ENMRANSANVOTE. 309
12%. —Aalouette Kulu / A/auda Arboreu).
Noms vulgaires : Alouette Courte, Turlulut, Berlute. Le Lulu, l’Alouette des Bois, le Cujelier (Buf.). — L'Alouette des Bois. Nan Des Team Ge
On connaît particulièrement ici cette Alouette sous le nom d’Alouette Courte, à cause du peu de longueur des pennes de sa queue. Ses dénominations Lulu, Turlulut. lui sont venues des cris doux et presque flûtés qu’elle jette en volant.
Sa taille est de 16 centim.
Le mâle et la femelle se distinguent à peine l’un de l’autre : celle-ci est seulement un peu plus ta- chetée sur la poitrine, et ses teintes blanches parais- sent à peu près plus pures sur le devant du corps.
Le premier est d’un gris roussâtre sur les parties supérieures, et y porte une tache noire, dans le mi- lieu de chaque plume : celles du sommet de la tête sont un peu allongées et susceptibles d’érection, au gré de l’oiseau. Üne bande blanchâtre part du bec, s'étend au-dessus des yeux et entoure l’occiput ; sur les joues, qui sont d’un brun roussâtre clair, l’on découvre une petite tache triangulaire blan- châtre par devant. Un blanc nuancé de roussâtre ou de jaunâtre envahit toutes les parties inférieures : le devant et les côtés du cou, de même que la poi- trine, sont parsemés de taches noirâtres ; de chaque côté de la gorge se trouvent deux petites bandes
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longitudinales, brunâtres. La queue est courte, coupée carrément; les pennes du milieu sont brunes et roussâtres ; les quatre latérales marquées vers le bout d’une tache blanche, et noirâtres dans le reste. Sur le bord externe de chaque aile, il existe une tache noire et oblongue, placée au milieu de deux petits espaces blancs ou blanchâtres. Le bec est mince, pointu et brun; l’iris des yeux couleur noisette ; les pieds sont carnés ou jaunâtres; l’on- gle du doigt postérieur est très-long et très-faible- ment arqué.
Chez le mâle et la femelle, pendant l'été, toutes les couleursblanches ou blanchâires s’épurent; la temte rousse s’affaiblit; mais le brun, le brunâtre et le noi- râtre deviennent d’une nuance plus foncée que du- rant l'automne et l'hiver. Ce changement, qui est le résultat de l’action de l’air, de l’éclat de la lumière, ainsi que de l’usure du bout des plumes, s’opère aussi chez plusieurs autres espèces qui, comme les Alouettes et certains Pipis, vivent pendant la saison des beaux jours dans les lieux les plus arides et les plus découverts.
Les jeunes des deux sexes, au sortir du nid, ont tout le dessus du corps varié de noir, de jaune rous- sâtre et de blanchâtre; ils portent à la gorge et sur les sourcils une faible teinte jaunâtre, puis un peu de roussâtre à la poitrine, parmi les mouchetures brunâtres ; le milieu du ventre est blanc.
DE LA SAVOIE. 391
bé dlui, bé diui. bu du li,
qu’elle jette en volant ou même perchée, et qu’elle accompagne par moments d'une tirade de cris plus doux, lu, lu, lu, lu, lu, lu, qui retentissent .au loin, la font partout aisément reconnaître, Klle à, en effet, la faculté de percher ; toutefois elle choisit de préférence les branches larges et longitudinales, ou les troncs étêtés; elle s’y tient plus à l’aise que sur les petits rameaux, qu’elle ne peut du reste ni saisir ni entourer de l’ongle du pouce, allongé comme il est, et sans être proportionnément re- courbe.
Cette Alouette nous quitte pour le froid; mais ses migrations ne sont pas lointaines, puisque aux premiers jours de février elle nous arrive des con- trées du midi de l’Europe, où son espèce vit séden- taire. Aussitôt elle s’apparie, et le mäle commence à faire entendre son ramage agréable; mais c’est surtout pendant l’incubation, ou lorsque sa com- pagne s'occupe du soin de la progéniture, qu'il
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déploie les accents les plus doux, les accords les plus mélodieux. Il les redit des heures entières, toujours avec le même éclat; soit qu'il reste perché au bout d’un roc ou à la pointe d’un arbre, soit qu'il vole par bonds répétés ou de biais, ou bien encore en se portant de droite à gauche successivement tandis qu’il s'éloigne du lieu de son départ. Jamais il ne décrit des cercles concentriques comme l’A- louette des Champs, quand il s’élève dans l'air en chantant. On l’entend, lorsque le temps est beau, au lever de l’aurore, pendant la plus grande partie du jour et même après que le soleil a disparu de l'horizon. Quoiqu'il se trouve à une hauteur où l'œil le cherche très-souvent en vain, l’on distingue ce- pendant de la plaine chaque coup de son gosier brillant, et l’on écoute les sons mélodieux qu’il en tire, avec pius de satisfaction que s'ils partaient d’un lieu beaucoup plus rapproché.
L’Alouette Lulu aime ici, pour s’adonner à l’acte de reproduction, les coteaux et les collines à demi arides; elle s'y établit dans les landes parsemées de buissons ou de quelques arbres de taille moyenne, dans les vignobles où elle trouve facilement de gros tas de pierres bordés de ceps, pour s’y poser, quel- quefois dans les moissons et aux abords des bois. Déjà vers le 15 ou le 20 mars, on la voit transporter au bout du bec les matériaux nécessaires à la for- mation du nid: elle le confectionne à terre, sous
DE LA SAVOIE. 393 quelque motte, parmi les bruyères, ou dans les blés et les avoines, ou bien encore au pied de quelque arbrisseau ou d’un cep. C’est encoreles tiges ou fila- ments d'herbes sèches et le chevelu des racines qui constituent ce nid à l'extérieur et sur les bords; le crin, les poils ou d’autres matières douces le mate- lassent en dedans. La femelle fait ici deux couvées par an ; la première se compose de 4 ou 5 œufs, rare- ment de 6, et la seconde, qui a lieu vers la fin de mai, de 3 à 4. Ces œufs sont oblongs, de 20 à 21 mill. de longueur, sur 14 3 à 15 mill. ; de diamètre; d’un blanc sale ou glacé de brun, et piquetés'ou tachetés de brun plus ou moins foncé, quelquefois d’un brun tournant au rougeâtre, avec d'autres nuances, à peine visibles, d’un cendré presque effacé.
L'incubation se termine au seizième jour. Le père et la mère nourrissent leurs petits de chenilles sans poils, de larves d'insectes ou de fourmis, de coléoptères et d’orthoptères. Aussitôt qu'après la sortie du nid, ils les voient en état de chercher et saisir eux-mêmes leurs aliments, ilsles laissent seuls dispersés dans le canton de leur éducation, puis ils vont tous deux à la fois à la découverte d’un autre séjour, dans lequel ils font leur seconde couvée.
Après les nichées, l’Alouette Lulu reste encore quelque temps sur nos coteaux et nos collines par familles (les dernières couvées), par paires(les vieux)
4
ou en petites sociétés de trois à cinq individus, et
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même davantage (les jeunes surtout de la première nichée). Ces oiseaux réunis se tiennent particulière- ment dans les lieux pierreux, hérissés çà et là de petits buissons, dans les jachères et les terres en labour; jamais ils ne se mêlent avec les autres es- pèces de leur genre ; ils se suivent constamment, et s'ils se reposent à terre, c’est toujours en se rejoi- gnant. Les force-t-on à s'envoler, ils s’élancent tous brusquement, sansse quitter et comme par impulsion unique, s'élèvent peu, voltigent en s’appelant et en tournant avec rapidité autour du lieu d’où on les chasse, et dans lequel ils reviennent souvent s’abat- tre quelque moment après. L’habitude où ils sont de vivre rassemblés, de s’entr’appeler en volant, de se rapprocher en se posant, les entraîne fréquem- ment à leur perte, car il suffit, pour les amener dans un filet, de les y faire appeler par quelqu'un de leur espèce, soit mâle soit femelle; ils y tombent d’au- tant plus facilement, que le piége se trouve tendu sur quelque terre fraîchement labourée.
Vers la mi-septembre, les Alouettes Lulus sont aussi répandues dans nos plaines basses que sur les champs des coteaux ou des monts qui les dominent : alors commencent ici leurs migrations vers le midi
_de l’Europe. Elles partent le matin par petites com-
pagnies, assez fréquemment par paires ou seules; mais c’est aux premiers jours d’octabre que leurs émigrations sont le plus notables en Savoie. Plu-
DANEAISANVOTE. sieurs volées, venant du nord ou des contrées de la Suisse, y passent alors chaque jour en s’envolant vers le midi. De temps en temps pendant le voyage, ces troupes de Lulus se jettent dans les vignes, les friches, les champs ensemencés récemment, et s’y repaissent de graines céréales, de grains de panics, de plantains, etc., et de petits coléoptères. On les y approche presque toujours de très-près; d’ailleurs n’ont-elles pas, comme l’Alowette des Champs, l'habitude de se blottir à terre quand on les aborde, et de ne partir guère qu’en nous voyant devant elles.
L’Alouette Lulu est toujours rare chez nous à la fin d'octobre; ce sont quelques sujets isolés qui y surviennent à cette époque, et quelques-uns d’entre eux y passent le reste de l’année, dans les localités les plus arides et les moins exposées aux vents froids. Mais une fois que les neiges les ont envahies, ils se rapprochent des habitations et des routes; là, ilss’alimentent avec les débris de nourri- ture des poules, des pigeons, des canards domes- tiques, et avec les grains d'avoine non digérés, qu'ils trouvent en fouillant avec le bec dans le crottin des chevaux.
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SIXIÈME ORDRE PIGEONS (COLUMBZÆ).
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Les Pigeons établissent le passage naturel des Passereaux aux Gaillinacés. Ils ont en effet les tarses, les doigts, le nombre des pennes à la queue, la manière de nicher, le vol facile et plusieurs ha- bitudes des premiers, et comme eux, ils vivent en monogamie, ne pondent qu’un petit nombre d'œufs; tandis qu’ils ont à peu près le bec, le mode d’ali- mentation et le jabot très-dilaté des seconds. Mais ils s’éloignent essentiellement des uns et des autres par la façon de nourrir leur progéniture, en lui dégorgeant sa pâture dans le nid: bien difiérents des Gallinacés qui sont en partie polygames, pon- dent beaucoup d’œufs, et dont les petits éclosent habillés d’un duvet déjà serré, courent, cherchent et saisissent eux-mêmes leur nourriture, aussitôt qu'ils se sont dégagés de leur coquille. Ils diffèrent
398 ORNITHOLOGIE
encore soit des Passereaux soit des Gallinacés, par les roucoulements qu’ils poussent à défaut de chant; par la faculté de gonfler leur œsophage, au moyen de l'air qu'ils y accumulent ; enfin par leur habitude de boire d’un trait, c’est-à-dire en plon- geant tout le bec dans l’eau, d’où ils ne le retirent qu'après en avoir avalé une quantité suffisante. Toutes ces considérations doivent nécessairement déterminer les ornithologistes à les maintenir seuls dans un ordre; et cet ordre trouve naturellement ici sa place, que lui assignent l'intermédiaire et la connexité qu’il présente des Passereaux aux Gallinacés.
Les Pigeons ont le bec médiocrement long, in- cliné à sa pointe et recouvert à sa base d’une peau membraneuse ou d’une écaille cartilagineuse, comme gonflée. Leurs narines sont oblongues, percées dans cette sorte de peau nue et molle, qui les recouvre entièrement ou à demi. Leurs tarses courts, mais robustes, se trouvent réticulés. Ils ont trois doigts devant, un derrière; les antérieurs sont divisés ; le postérieur s'articule au niveau des premiers, La queue se compose de douze rectrices; elle est, de même que les ailes, de moyenne lon- gueur.
Comme les Gallinacés, les Pigeons possèdent trois estomacs : c’est par là qu’ils ont aussi, comme eux, quelque rapport de structure intérieure avec
DE LA SAVOIE. 399 les animaux ruminants. Le premier de ces esto- macs, c’est le jabot; 11 est très-dilaté et destiné à recevoir les aliments. Ceux-ci y subissent d’abord une espèce de ramollissement en se rendant dans le second, qui est glanduleux, et où commence la digestion. C’est de cet organe que ces. oiseaux ont la faculté de dégorger les grains qu'il renferme, pour l’alimentation de leurs petits. De ce second estomac, les vivres vont dans le troisième, qui est le gésier. Celui-ci est musculeux, doué d’une grande force digestive. La nourriture achève de s’y ma- cérer à l’aide de petits graviers que ces oiseaux avalent après ou pendant leur repas, pour faciliter leur digestion. Ces débris de gravier ne cessent de s’y agiter, ils s’usent insensiblement et disparais- sent à la longue avec les excréments.
Les Pigeons ont les mœurs très-douces, très-so- Ciables. {ls sont monogames, et les deux époux une fois appariés ne contractent pas d’autre alliance; ils ne se quittent qu’à la mort ou à tout autre acci- dent qui vient apporter obstacle à leur union. Bois, taillis, champs, pâturages, rocailles, sont, selon les espèces, leur demeure habituelle; ils y vivent en couples, par familles ou par troupes, suivant les saisons ; s’y nourrissant généralement de grains ou de semences d’un grand nombre de végétaux. Souvent leur chair s’approprie le goût des ali- ments dont ils font le plus d'usage; celle des
jeunes est toujours préférable à celle des vieux, qui est habituellement dure.
Cet ordre renferme seulement la famille sui- vante.
Vingt-neuvième Famille, COLOMBIDÉES (Columbidæ).
Signes caractéristiques : Bec médiocre, comprimé latéralement, faible, flexible, garni à sa base d'une membrane nue, molle et comme gonflée ; mandibule supérieure plus ou moins renflée à sa pointe, courbée ou seulement inclinée vers le bout. Narines oblongues, percées au milieu du bec, dans le cartilage qui les recouvre. Tarses nus, réticulés et courts ; les trois doigts de de- vant totalement divisés; celui de derrière articulé sur le même plan que les antérieurs. Ailes à première rémige plus courte que la deuxième, qui est la plus grande de toutes, dans les espèces européennes.
Les oiseaux appelés dans cette famille sont re- marquables par les reflets métalliques que jettent les barbes de leurs plumes fines et comme décom- posées ; par la douceur et la familiarité de leurs mœurs ; par leur fidélité réciproque et durable. Ils sont essentiellement granivores, par moments pul- vérateurs, c’est-à-dire qu’ils aiment, comme les (Grallinacés, à se rouler quelquefois dans la pous- sière, le sable, ou dans la terre légère, sans doute pour se soulager ou se délivrer de la vermine ou des petits insectes parasites qui les tourmentent. {ls fréquentent les lieux boisés, les terrains secs et ro- cailleux, les champs ensemencés , les endroits
hérissés de buissons et rapprochés des bois. Pour faire la cour à leur maîtresse, les premiers roucou- lent autour d’elle en piaffant et en prenant des airs lascifs três-gracieux ; ils la suivent dans tous ses détours, jusqu’à ce qu’un ou plusieurs baisers, don- nés et rendus successivement, aient été le prix de leurs transports d'amour. Ordinairement deux pontes par an, de 2 ou à œufs, sont le résultat de leur union; elles sont reçues dans des nids presque plats, assez larges, et composés de quelques petites branches ou de quelques bûchettes. Le couple heu- reux travaille d’un commun accord à la confection de ces berceaux, et 1l les loge sur les arbres ou dans de hauts buissons, dans les crevasses des rochers ou les cavités des vieilles constructions.
Le mâle, dans les Colombidées, couve et nourrit, de concert avec la femelle, la progéniture : celle-ci naît vêtue très-légèrement d'un duvet blanchâtre ou d’un {on presque jaunâtre, et reste aveugle pen- dant les cinq ou six premiers jours environ. Ils viennent l’un après l’autre successivement lui dé- sorger les aliments. C’est d’abord avec une sorte de bouillie à peu près semblable au lait des mam- mifères, quand il est très-épais, qu’ils la nourris- sent; mais dès qu’elle se revêt de ses plumes, ils ne lui distribuent plus que des graines à moitié digé- rées ou très-ramollies au moyen de l’eau qu'ils avalent alors fréquemment. Au lieu d'ouvrir le
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bec, comme presque tous les oiseaux nourris dans le nid, pour recevoir leur pâture, les petits l'intro- duisent entièrement dans celui de leurs auteurs, où ils le tiennent entr’ouvert. De cette façon, ils re- coivent les substances que leurs père et mêre regor- gent de leur jabot ou du gésier par un mouvement convulsif, qui doit être pour eux pénible, si l’on en juge par les gémissements, par les ellorts et le remuement des ailes et de tout le corps qui l'accom- pagnent. Les Pigeonneaux ont longtemps besoin des soins paternels et maternels; ils ne quittent le nid que lorsqu'ils sont très-capables de voler, et après la sortie, leurs parents leur donnent encore pendant quelques jours les vivres par la même vole.
Après les nichées, les Colombidées constituent des familles ou des bandes plus ou moins nom- breuses, qui courent à la recherche de leur subsi- stance dans les bois, les champs, les endroits ro- cailleux. Chez nous, comme dans d’autres contrées de l’Europe que leurs espèces n’habitent qu’en petit nombre, on les remarque très-souvent par couples ou solitaires. Leur vol est rapide et bruyant. Lors- qu’ils sont en troupe, le premier sujet qui part bat des ailes avec force, signe convenu pour avertir ses compagnons; et ceux-ci de lui répondre par le même battement en prenant l’essor pour le suivre. Lorsque toute la bande est élevée dans les airs, on
n'entend presque plus qu’une espèce de sifflement produit par la résistance de l’air qu’elle traverse d'un vol vigoureux. Tous les Colombidées sont d'excellents voiliers ; mais leur démarche est lente et accompagnée d'un balancement du corps.
LVe Genre : COLOMBE /Columba).
LS Res QUE PUS dent dau los enles de POP € A8 le Monnite qui précèdent.
Nous trouvons en Suisse et en Savoie quatre espèces de Colombes ou de Pigeons Sauvages: mais elles n’y sont pas aussi abondantes que dans plusieurs contrées de la France, surtout dans les pays du centre et du midi. Ici, quelques individus vivent sédentaires ; mais la plupart y sont passa- sers en automne et à l'approche du printemps. Les sexes différent à peine extérieurement. Les jeunes se distinguent des adultes seulement jusqu’à leur première mue. Quelques espèces de ce genre, réduites à l’état de domesticité, sont devenues tri- butairés et se reproduisent autour des habitations humaines en captives volontaires; d’autres, sou- mises à l’esclavage, subsistent par les soins de l’homme, qui perpétue leurs races ou en crée de nouvelles, suivant ses caprices.
404 ORNITHOLOGIE
1932.—Colombe Ramier /Columba Palumbus)].
Noms vulgaires : Le Ramier, Ramia, Pigeon Sauvage, Pinzon Sarvaze ou Sôvaze, la Palomba.
(Colunba Palumbuss, Veil. -Colombe Ramier (Cotuméa Patumbus}, Ten Degl.—Colombaccio (Savi).
Le Pigeon Ramier, qui est l’espèce la plus commune de nos climats, à 46 cent. de longueur totale.
Le mâle adulte est notable par l’espace blanc, en forme de croissant, qui lui pare chaque côté du cou. Il a le sommet de la tête, la gorge, le crou- pion et la partie supérieure de la queue, d’un cen- dré bleuâtre, sans taches; les parties latérales et le dessus du cou, d’un vert doré, se changeant en bleu et en couleur de cuivre rosette par les effets de la lumière ; la poitrine et le haut du ventre, d’une belle couleur vineuse, à reflets chatoyants vers les côtés du cou; le dos et les ailes, d’un cendré mêlé de brun : ces dernières ont sur leur bord un grand espace blanc. Les rémiges sont noires, bordées de blanc ; les pennes caudales terminées par un espace noir. Le ventre et l'abdomen sont d’un cendré blan- châtre, Le bec est rougeâtre, marqué de jaune orange à la pointe et comime saupoudré de blanc sur sa peau membraneuse; l'iris des yeux jaune ou d'un jaune pâle ; les tarses sont rouges.
La femelle adulte paraît un peu plus petite que le mâle. Elle a les teintes de sa livrée généralement
plus claires et le croissant blanc des côtés du cou moins étendu.
Les jeunes, en sortant du nid, ne portent ni blanc ni reflets chatoyants sur les parties latérales du cou ; ce n’est qu’à leur première mue qu'ils se parent de ces couleurs. [ls ont, en outre, les nuances de leur plumage en général ternes.
Les Ramiers sont plus communs dans le midi que dans lenord. Néanmoins quelques paires vont se reproduire jusqu’en Suède, en Russie et en Sibérie. Ils font deux passages par année en Suisse et en Savoie; mais le second, le passage d'automne, est toujours plus nombreux que celui de la fin de l'hiver. Ce dernier commence à la mi-février ou un peu plus tard, et se prolonge, suivant les années, jus- qu'aux premiers Jours d'avril. A cette période, l’on ne rencontre guère chez nous que les individus qui veulent s’y propager ; ils sont réunis par paires, mâle et femelle, et rôdent à la découverte d’un canton dans quelque lieu solitaire, où ils pourront se livrer tranquillement aux soins de la reproduction. Habituellement quelques couples vont chaque année au printemps s'établir dans les forêts de sapins, de hêtres et de chênes des Bauges, des Déserts, des alentours de Thônes, d’Albert-Ville, de Beaufort, de Moûtiers, etc., etc. Ils s’y apprêtent à nicher vers le milieu ou à la fin d'avril, quelquefois en mal.
LO6 ORNITHOLOGIE
Pour bâtir le nid, le mâle et la femelle vont tan- tôt ensemble, tantôt séparément, à la recherche des matériaux ; ils reviennent quelques instants après, emportant au bec quelques petites branches sèches et très-légères, qu'ils posent l’un après l’autre dans le domicile commun. Quelquefois le dernier arrivé remet sa charge à son compagnon qui reste au nid pour réunir ensemble les bûchettes déjà entassées, pendant qu’il retourne en chercher de nouvelles. C'est à l’extrémité d’un arbre touffu, ou bien sur la tête d’un tronc garni de mousse et de lierre ou en- touré de jeunes pousses, qu’ils posent ce travail : ils le font presque tout plat, lui donnent si peu d’épais- seur qu’on voit facilement le jour au travers des pe- tites branches qui en forment le dehors et des racines qui le tapissent parfois au milieu, en dedans. La femelle y dépose 2 œufs, très-rarement 3; obtus aux deux extrémités, d’un blanc pur et plus ou moins luisant, mais faiblement teintés de rose lors- qu’ils sont frais pondus. Leur longueur est de 3 cent. 7 :à8 mill., et leur largeur diamétrale de 2 cent. 6-7 mill. L’incubation, à laquelle le mâle prend part chaque jour à diverses reprises, dure dix-huit à dix-neuf jours.
Les petits éclosent légèrement couverts d’un poil follet, de couleur presque jaunâtre. Aussitôt qu'ils voient (ils naissent du reste aveugles, comme je l’ai annoncé à l’article de la famille), ils se gonflent
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DEL ANSAMOIE. 407 devant le dénicheur, se hissent sur leurs pieds, s'élancent, quoique à peine vêtus de quelques plumes sur le dos et les ailes, contre lui, comme pour le frapper du bec, de la poitrine ou du bout de l’aile, à chaque fois qu'il veut les toucher ou seulement les regarder de très-près dans le nid. Pour les nourrir quand ils sont déjà forts, le père et la mère se remplissent le jabot de graines, vont ensuite boire abondamment de l’eau pour les ramol- ir, retournent à leurs petits et leur dégorgent cette substance.
Après cette couvée, le mâle en fait souvent une seconde avec la même femelle, vers la fin de juin ou le commencement de juillet, mais dans un autre nid que celui qui à servi à la première. Cette nou- velle ponte est toujours de deux œufs.
Les nichées terminées chez nous, les Ramiers vivent seuls (les jeunes) ou par couples (les vieux), quelquefois en famille (tous les sujets d’une cou- vée). Alors iis fréquentent particulièrement les con- trées montueuses, et s’abattent sur les champs de faséoles, de lentilles, de vesces, des grains desquels ils se gorgent. Pour les en chasser, les villageois sont souvent réduits à parsemer les terres, où ils commettent chaque jour le dégât, de haïllons fixés au bout de quelques perches et que le vent agite presque sans cesse. Forcés de laisser les champs, ces oiseaux se jettent dans les bois de hêtres et de
108 ORNITHOLOGIE
chênes, où ils vivent de faînes et de petits glands qu'ils avalent tout entiers; ils visitent aussi les pâ- turages, les rocailles et les clapiers, et s’y repais- sent de graines et du bout des feuilles de plusieurs sortes de plantes. C’est surtout le matin et le soir qu'ils courent aux vivres; ils rentrent dans les bois de haute futaie vers le milieu du jour et au cou- cher du soleil pour s’v cacher avant la nuit. Ils sont partout sauvages, très-méfiants ; ils se perchent à la cime des arbres et s’envolent dès qu’on cherche à les aborder : ce n’est guère que par surprise qu’on réussit quelquefois à les tirer de près. Sont-ils plu- sieurs ensemble répandus à terre, sur quelque champ qui leur fournit des aliments, il est rare qu'un ou deux sujets de la bande, et même davan- tage, ne restent pas sur les arbres qui le bordent ou sur quelque éminence très-voisine, pour veiller l'ennemi commun. Ceux-ci descendent-ils sur le sol, à l'instant même d’autres regagnent les arbres, et y font sentinelle à leur tour.
Les Ramiers posent aussi des sentinelles chaque fois qu'après leur repas ils arrivent auprès d’une source ou de quelque mare pour boire; mais alors ils se succèdent presque sans interruption dans leurs fonctions. Les premiers de la troupe qui sont à terre n’ont pas plutôt bu, qu’ils vont relever les sentinelles; et celles-ci de s’abattre auprès de l'eau, d'y plonger le bec, d’avaler d’un trait
DENLANSAVOIE. 409 toute la quantité d’eau dont elles ont besoin, et de rejoindre le reste de la compagnie sur Îles arbres. Au moindre danger, soit à l’arrivée et même aux cris de l’oiseau de proie, soit à l’ap- proche du chasseur ou de tout autre ennemi, les gardiens de la bande, sans jeter un seul cri, par- tent brusquement en claquant des ailes ; à ce signal, toute la troupe alarmée s’élance, se sauve avec précipitation par un battement d'ailes très-bruyant, se groupe dans les airs et marche ensuite souvent de front vers quelque autre séjour.
C’est à la mi-octobre, ou au commencement de novembre, suivant que les frimas sont plus ou moins précoces, que s'effectue dans nos contrées le second passage des Ramiers. Ils voyagent alors le matin, puis le soir jusqu’au coucher du soleil. Presque tous ceux qui traversent nos vallées, vien- nent du nord et se dirigent en toute hâte vers le sud; formant très-souvent de leurs bandes une grande ligne presque oblique, dont la tête tend toujours, à la faveur des vents qui dominent, vers les climats chauds, leur refuge d’hiver. Quelques individus restent pourtant en Savoie pendant la mauvaise saison, mais ils sont rares durant les rigueurs des gelées, Ceux-ci vivent solitaires ou par couples, par- fois en petites compagnies, et courent les bois, ceux de hètres et de sapins surtout, dont ils dévorent les semences. Quand le vent du nord souffle, c’est par-
410 ORNITHOLOGIE
ticulièrement dans les terrains rocailleux, sur les escarpements le long des fleuves et des torrents, sur les pentes des coteaux ou des collines exposées au midi et dégarnies de neige, que l’on doit aller les chercher ; ils vivent là de toutes sortes de grai- pes, même des boutons de plantes qui renferment des feuilles pour le printemps, et qu’ils avalent tout entiers. Découvrent-ils dans leurs trajets quelque cnamp de choux ou de colzas, ils s’y abattent et mangent le bout des feuilles.
Les Ramiers ont pour toute voix un roucoule- ment plus fort que celui des Pigeons Domestiques. Il ne le font guère entendre que dans la saison de l'amour et pendant les beaux jours; car les mau- vais temps les rendent taciturnes. Leur naturel est très-sauvage ; aussi, ne réussit-on que très-difficile- ment à les faire propager en captivité. J'ai vu renfermer des Ramiers dans un colombier pour les y faire produire et vivre en bonne harmonie avec quelques Pigeons Domestiques; mais ceux-ci leur firent une guerre si acharnée, qu'ils ne donnèrent pas un seul signe tendant à la reproduction, quoi- qu'ils .eussent été pris très-jeunes dans le nid. Le jour où leur maître, croyant compter sur eux, fit pour la première fois ouvrir le colombier, ils dis- parurent et recouvrèrent la liberté dont on les avait injustement privés,
D'EVEAUS A VOIE. #11
K923.—Colombe Colombin / Columba OEnas |.
Noms vulgaires : Petit Ramier, Ramiala, Bisé, Pigeon Sauvage. Le Pigeon Commun (Buff.), —Le Colombin ou Petit Ramier (Cuv.).—Pigeon RS — Colombe Colombin (Columba OEnas),
Le Colombin est, à l’époque de ses passages, toujours moins abondant en Savoie que le Ramier. On l'y voit plus fréquemment seul à seul ou deux à deux, mâle et femelle, que par bandes ; et encore se composent-elles habituellement de quelques su - jets. C’est au contraire par troupes considérables, quelquefois de plusieurs centaines d'individus, qu’il passe tous les ans dans quelques cantons de France et d'Allemagne.
Les Colombins, que beaucoup de gens regardent comme la souche de la plupart des Pigeons de Co- lombier, ont le vol haut, rapide et longtemps sou- tenu. Chez nous, on les observe principalement de- puis le 5 ou le 12 octobre jusqu’au 10 novembre, et d'ordinaire pendant les grands vents du nord. Sont- ils surpris dans leur vol par un vent contraire ou en face, aussitôt ils se groupent, et tous à la fois, comme d’une seule impulsion, ils rabaissent leur vol et rasent presque le sol, tant qu'il est de niveau. A chaque élévation ils se relèvent; ils la franchis- sent et se rapprochent ensuite de terre pour continuer leur marche rapide. Si l’on se trouve alors sur leur passage, souvent ils ne se donnent
{12 ORNITHOLOGIE
pas la peine de changer de direction; ce n’est guère que dans cette circonstance que l’on peut quelque- fois faire essuyer à leurs bandes quelques coups de fusil; car il est presque impossible de les aborder quand elles se perchent à la cime des arbres, ou lorsqu'elles cherchent leur vie dans les lieux décou- verts, rusées et sauvages comme elles sont ici, pen- dant leurs migrations. Des sujets repassent en mars dans nos vallées inférieures, mais ils y restent ra- rement pour se reproduire. Seulement quelques couples isolés se propagent parfois dans nos forêts les plus solitaires ; il en niche régulièrement un plus grand nombre dans celles des parties de la France qui confinent à notre territoire, et où l’on sait mieux respecter les bois que dans nos localités.
Comme le Aamier, le Colombin construit avec des bûüchettes sur de grosses branches ou sur la tête d’une souche garnie de lierre, quelquefois dans de larges cavités d'arbres, un nid assez léger, de forme plate. Sa couvée se compose de deux œufs blancs, un peu moins gros que ceux du Ramier. Le mâle et la femelle nourrissent et élèvent leur progéniture avec les mêmes soins que ce dernier.
Le Pigeon Colombin a 35-36 cent. de longueur. 1! est cendré sur la tête, la gorge, les ailes et sur les parties inférieures; de couleur lie de vin à la poitrine et devant le cou : le dessus et les côtés de cette partie jettent des reflets d’un vert doré. Le
haut du dos est cendré brun. Sur les deux dernières pennes secondaires de l’aile et sur quelques-unes des tectrices alaires, se trouve une tache noire. Les pennes caudales sont d’un cendré bleuâtre, mais terminées de noir ; le même cendré bleuâtre se fait aussi remarquer sur les pennes des ailes et sur le croupion. Le bec est rouge pâle, recouvert à sa base d’une peau molle et blanche ; l’iris d’un rouge tirant au brun; les pieds sont rouges.
Les jeunes du Colombin, avant leur première mue, manquent de reflets chatoyants sur les côtés du cou, et de taches noires sur les ailes. Ils difiè- rent des jeunes Biseis, que je vais décrire, spécia- lement par leur croupion qui est bieu cendré, tan- dis que ces derniers l’ont d’un blanc pur.
194.—Colombe Biset /Columba Livia).
Noms vulgaires : Pigeon Sauvage, Bize, Biget, Couloun.
5 af BL Be qu ir de Ru Pin — Piccione Torrajolo (Savi).
Le Biset est, suivant plusieurs naturalistes, le type de nos Pigeons de Colombier et de quelques races de Piyeons de Volière.
Il a 33 centim. de longueur totale.
Ses parties supérieures et inférieures sont d'un bleu cendré, à part le croupion qui est d’un blanc pur etles côtés du cou d’un vert doré, à reflets vio- lâtres chatovants. Deux bandes noires traversent
414 ORNITHOLOGIE
les ailes ; la même couleur termine les pennes dela queue, qui sont d’un cendré plus foncé que le corps. Le bec est d’un brun rouge; l'iris et les tarses sont rouges,
Les Jeunes, en sortait du nid, ressemblent à ceux du Colombin; toutefois on les reconnaît à leur crou- pion blanc.
Les Pigeons Biscts existent rarement à l’état sauvage dans la plupart des contrées les plus peu- plées de l’Europe, mais en une sorte de captivité volontaire, s’accommodant des gîtes ou colombiers que l’homme leur prépare, et où ils lui payent tri- but. 1ls vivent dans une entière indépendance dans diversesrégionsde nord ouest et du sud de l’Europe.
Nous en avions en Savoie, ces années dernières, quelques petites sociétés qui nichaient très-libre- ment dans les parties les plus rocailleuses des Bauges, dans quelques rochers des bords du Rhône, dans ceux de l’ermitage de Saint-Saturnin, près de Chambéry. Ces couples y faisaient leurs gîtes des creux des rocs les moins accessibles, ou des crevasses de quelque vieille construction voisine et inhabitée ; ils bâtissaient là leurs nids de la même manière et à l’aide du même genre de matériaux que les deux espèces précédentes. Ces domiciles contenaient 2 œufs entièrement blancs et renflés, que le mâle et la femelle couvaient alternative- ment le jour : la femelle seule les réchauffait pen-
dant toute la nuit, Ces Bisets étaient farouches ; ils fuyaient à l'approche de l'homme, el allaient se ju- cher à la cime des rochers les plus isolés, comme pour mieux le voir venir. Pour chercher leur vie, ils S'éparpillaient le long des rocs, sur les bords des torrents, parmi les pierres et les broussailles, où ils trouvaient force petites graines, force baies sèches, qu’ils avalaient tout entières. [ls ajoutaient encore à ce genre d'aliments le bout des petites feuilles ou lés boutons des fleurs lés plus tendres, de très- petits coquillages terrestres, toutefois occupés par leurs animaux. Dans les lieux sablonneux, on les voyait becqueter fréquemment le petit gravier, dont ils avalaient quelques morceaux, puis se rouler par moments dans le sable le plus sec, comme d’ailleurs le font aussi leurs congénères, pour se soulager où se débarrasser des insectes où de la vermine qui très-souvent les incommodent,.
Aujourd’hui, c’est presque en vain que l’on cher- che des couples de Bisets dans notre pays. De loin en loin l’on y découvre en automne, pendant l'hiver et au printemps, quelques sujets presque toujours seuls, très-rarement deux à deux. De temps à autre, ils viennent rôder autour des maisons de campagne et descolombiers, où ils se logeraient infailliblement si les Pigeons Domestiques, qui déjà les occupent, ne leur donnaient pas assidûment la chasse, quand ils s’en approchent.
416 ORNITHOLOGIE
495.—Colomhe Tourterelle / Columba Turtur }.
Noms vulgaires : Tourterelle Sauvage, Tourtre, Tourtrella.
La Tourterelle (Buff.). — Pigeon Tourterelle (Columba Turtur), Vieill. — Colombe Tourterelle (Columba Turtur), Temm., Degl.—Tortora (Savi).
La Colombe Tourterelle, prise au nid, s’appri- voise facilement à l’état de captivité; elle s’y apparie volontiers avec la Tourterelle Blonde à Collier (Columba Risoria, Linn.), qui est d'Afrique et des grandes Indes, et dont les mœurs sont sem- blables aux siennes. Cette union est habituelle- ment féconde, mais ses produits restent toujours stériles.
Sa taille est de 30 cent.
Le mâle adulte et vieux est remarquable par l’espace noir, coupé obliquement par quatre raies blanches, qu'il porte de chaque côté du cou. Il est d’un cendré presque vineux sur la tête et à la nuque; d’un vineux clair sur le devant du cou, à la poitrine, sur le haut du ventre: les autres parties inférieures sont d’un blanc pur. Un brun cendré couvre le dos, le croupion, les couvertures supérieures de la queue ; mais le dessus des ailes est roux, avec une tache noire qui occupe le centre de chaque plume. Les rémiges sont noirâtres; les pennes caudales d’un cendré noir, terminées de blanc, à l’exception des deux du milieu : la penne la plus latérale de chaque côté est en outre
blanche extérieurement. Le bec est brun noirâtre : l'iris d’un jaune rouge ; le tour des yeux et les tarses sont rouges.
La femelle est un peu plus petite que le mâle, et ses couleurs sont moins vives.
Les jeunes, avant la première mue, n’ont point d'espace noir et blanc sur la partie latérale du cou. Leur robe est alors terne en dessus, et d’un blanc sale, presque lavé de roussâtre dessous le corps. Après la mue, le croissant blanc et noir des côtés du cou paraît à peine; ce n’est qu’au printemps suivant qu’on le remarque dans toute son étendue et toute sa vivacité. |
La Colombe Tourterelle va passer l'hiver en Afrique et en Asie, et retourne en Europe dès le mois d'avril. Elle se répand alors dans tous les cli- mats : on la rencontre même fort avant dans le Nord pendant l’été. Mais c’est principalement dans le Midi et les pays fort tempérés qu'elle reste le plus en quantité pour se reproduire.
Elle n’est point commune soit en Suisse, soit en Savoie, où nous ne la possédons guère plus de quatre mois et demi de l’an. En effet, elle y arrive d’habi- tude aux derniers jours d'avril, quelquefois seule- ment dans la première semaine de mai, surtout si le printemps n’a pas été précoce; puis elle dispa- raîit avant la fin-septembre, excepté quelques sujets jeunes et rares qui surviennent encore de temps en
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418 ORNITHOLOGIE temps dans nos champs et nos bosquets jusqu’à la mi-octobre.
Pour passer ici le temps des amours, la Tourte- relle se fixe avec sa compagne dans les bois ou les fourrés les plus frais, les plus ombreux et les moins fréquentés par l’homme ou par les bestiaux en pâ- turage; elle aime surtout ceux qui recouvrent les flancs méridionaux des collines et des coteaux qui dominent la plaine : les bords broussailleux du Rhône, les lieux très-boisés des environs du Pont - Beauvoisin, de la Motte - Servolex, du Bourget, d’Aix-les-Bains, etc., possèdent régulière- ment, l'été, quelques couples de ce charmant oiseau. Aussitôt de retour, au printemps, le mâle s'annonce par ses doux et plaintifs roucoulements,. Il roucoule pour rappeler sa compagne, il roucoule quand elle se rend à ses désirs, puis à ses côtés avant de se livrer à ses transports amoureux ; alors il la salue, se prosternant devant elle à diverses re- prises, et si profondément que son bec touche pres- que à chaque fois la terre ou la branche qu’il occupe : tous ses mouvements sont brusques, mais tendres et lascifs. En même temps, il suit pas à pas la fe- melle dans tous ses petits détours, faisant entendre avec monotonie ses doux gémissements ; et celle-ci, qui paraissait d’abord insensible, de lui répondre tout à coup par des soupirs encore plus doux et plus plaintifs, gage certain d'un amour plus vif,
DE LA SAVOIE. 419
plus passionné ; et le couple de se donner à l’envi plusieurs baisers successifs, de se les rendre tour à tour avec la même émulation,
Vers la mi-mai, la Tourterelle s'occupe ici de nidification. C’est sur les branches des arbres, sou- vent de petite taille, quelquefois dans les buissons très-élevés, qu'elle pose le berceau de sa race fu- ture. Le mâle et la femelle y travaillent avec ar- deur ; mais fréquemment le mâle seul va à la recher- che des matériaux, qui sont de très-petites branches ou des büchettes, et 1l les apporte à sa compagne qui les réunit sous forme de nid. L'ouvrage ter- miné est plat, léger, si peu épais qu’on voit aisé- ment le jour au travers. La ponte est de 2 œufs blancs, obtus aux deux bouts, et de 2 cent, 7-8 mill. de long, sur 21 mill. de diamètre. Comme chez les trois espèces précédentes, le mâle s’adonne trois ou quatre fois par jour à l’incubation, tandis que sa compagne court aux vivres. À l’éclosion qui s’eflectue au seizième jour de couvaison, il travaille avec autant de zèle qu'elle pour l'alimentation des petits, qui naissent vêtus d’un poil follet blan- châtre. Pendant que l'un d’eux vient leur dégorger la pâture qu'il a préparée dans son jabot, l’autre, qui les réchauffait en l’attendant, retourne aux pro- visions, et revient ensuite au nid pour les leur dis- tribuer par le même acte.
Après leur éducation achevée, les jeunes vivent
ici solitaires, quelquefois trois à cinq ensemble. Les vieux restent appariés, et font assez souvent une seconde couvée vers le commencement de Juillet.
Les nichées terminées, les Tourterelles s’épar- pillent dans les champs, chènevières, parcs, pâtu- rages, prés et broussailles. Dans les champs, elles se repaissent de graines de sarrasin (blé noir), d'avoine, de chènevis, de millet, de mercuriales, de plantains, de panics, etc. ; dans les prés, surtout aux abords des marais, elles mangent les très-pe- tits coquillages terrestres, même les sauterelles les plus tendres, qu’elles avalent tout entières. Habi- tent-elles dans le voisinage de quelque maison de campagne, elles viennent de temps en temps le matin s’abattre jusque dans le jardin, où elles restent cachées parmi les légumes. Les jeunes de l’an sont peu sauvages; ils se lèvent souvent à quel- ques pas des chasseurs qui craignent parfois de les tirer, tant ils croient reconnaître en elles des Tourterelles apprivoisées, surtout quand ils les ren- contrent auprès des habitations. Ces oiseaux sont d'habitude, quelques jours avant leur départ de nos contrées, couverts de graisse; leur chair est alors un morceau délicat.
SEPTIÈME ORDRE GALLINACÉES (GALLINÆ).
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Signes caractéristiques de l’ordre. Yeux situés à fleur de tête, dirigés de côté; tour de l’œil et sourcils nus ou re- couverts d’une peau molle, ordinairement charnue. Bec court, convexe, à mandibule supérieure voütée, courbée insensiblement dès sa base ouseulement presque à la pointe, à bords recouvrant la mandibule inférieure, ce qui les rend propres à ramasser et à retenir dans le bec les aliments. Narines à demi fermées par une membrane nue ou garnie de très-petites plumes. Tarses courts ou moyens, nus ou plus ou moins emplumés.Trois doigts devant réunis par une petite membrane qui se prolonge souvent en un léger re- bord sur les côtés des doigts : un derrière s’articulant plus haut sur le tarse, au-dessus des articulations des doigts antérieurs, et ne portant quelquefois à terre que sur l’ongle. Ongles recourbés, aigus. nullement rétractiles. Ailes courtes et arrondies. Queue très-souvent courte, composée de 14, 16 ou 18 pennes.
Comme les Pigeons, les Gallinacées se rappro- chent des mammifères sous le rapport de leurs trois estomacs successifs. Leur nourriture, qui consiste en grains, semences, baies, bourgeons, boutons de fleurs, insectes et larves, ne fait guère que passer dans le premier, qui est le jabot; en même temps
122 ORNITHOLOGIE elle y reçoit un premier ramollissement. Elle s’éla- bore, se macère ensuite dans le second, et achève de se digérer dans le troisième ou le gésier. Celui- ci est très-musculeux, d’une puissance si énergique, qu’il digère des substances très-dures, On le trouve souvent presque rémpli de très-petites pierres qui augmentent, en s’y remuant sans cesse, les forces de l’organé, et due ces oiseaux avalent pour faciliter en eux la digestion. Ges grains de gravier s’usent insensiblement et disparaissent avec les fientes. Les Gallinacées ont encore quelque rapport avec les mammifères, sous l'appareil digestif, par la longueur du tube intestinal, Le sternum qui est osseux, est diminué dans son étendue par deux larges et profondes échancrures qui en occupent presque tous les côtés; c’est un ligamént seul qui unit la pointe aiguë de la fourchette à la crête tron- quée obliquement en avant. Les muscles pectoraux ont moins de force que dans les oiseaux de plu- sieurs autres ordres; aussi, esl-ce de cette faiblesse d'organisation que provient le peu d’aisance pour le vol dans les Gallinacées. Ils ont le larynx très- simple; et cette simplicité s'explique par le peu d'agrément de leur chant ou de leurs cris. Quelques-uns sont polygames, et leurs passions qui naissent du désir de se reproduire, sont infini- ment plus ardentes que dans les oiseaux qui consti- tuent les ordres précédents. Les mâles de ces
DE LA SAVOIE. 498 éspèces se livrent entre eux, à l’époque des amours, des combats acharnés pour se rendre maîtres des femelles ; et celles-ci se refusent-elles à les suivre, à obéir à leurs violents désirs, ils les frappent à coups de bec redoublés, les blessent parfois grièvement en leur meurtrissant la tête ou le crâne.
Les femelles se construisent elles seules à terre, dans un petit creux qu'abritent soit des pierres, soit des herbes ou quelque buisson, un nid des plus simples. Elles y déposent souvent un grand nombre d'œufs qu’elles couvent aussi seules. Sauf quel- ques exceptions, les mâles ne prennent soin ni des femelles quand elles couvent, ni des petits après l’éclosion. Ceux-ci, au sortir de l’œuf, sont garnis de duvet, voient clair, courent et saisissent eux- mêmes, quelques moments après, leurs premiers aliments. La mère, qui ne les quitte point, a pour eux une aflection admirable ; c’est elle qui les con- duit à la recherche de leur pâture, qui les défend, les protége contre les attaques de leurs ennemis. Chaque famille vit ensemble jusqu'au renouvelle- ment des amours; mais souvent le chasseur et l’oi-
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nairement gros et massif; aussi, sont-ils lourds et réduits à passer presque toute leur vie à terre ; ra- rement ils perchent. Leurs ailes courtes et arron- dies leur donnent un vol brusque, bruyant, peu élevé et jamais de très-longue haleine ; mais en récom pense, ils sont d’habiles coureurs. D’un naturel farouche, ils s’approchent peu des habitations ; on ne les trouve guère que dans les bois, les fourrés, les rocailles et les champs. Leur chair est générale- ment recherchée comme succulente.
Cet ordre n’aura que deux familles.
Treutième Famille. TÉVRAONIDÉES (Tetraonidæ ).
Caractères : Bec court, robuste, emplumé à sa base, un peu épais, convexe en dessus ; mandibule supérieure voütée, plus ou moins courbée à sa pointe, plus longue que l’inférieure dont elle recouvre les bords. Narines basales, latérales, à demi fermées par une membrane gonflée et voûtée, garnies de petites plumes sur le devant. Langue courte, charnue, acuminée. Soureils nus, couverts d’une peau rouge comme mamelonnée. Tarses emplu- més en entier jusqu'aux doigts ou jusqu'aux ongles, ou bien partiellement; trois doigts devant réunis par une membrane jus- qu’à la première articulation, garnis, ainsi que le pouce, d’as- pérités sur les bords. Ailes concaves, courtes. Queue formée de 16 ou 18 pennes.
DE LA SAVOTE. 425
eu souvent à combattre dans leurs transports, dès qu’elles sont fécondées, et se vouent eux-mêmes à l'isolement. Les petits, quelques instants après l’éclosion, se mettent à courir après leur mère à la recherche de leur subsistance; ils saisissent à la hâte çà et là sur les feuilles des plantes les petits coléoptères, les mouches et les moucherons, cueil- lent sur le sol les vermisseaux et les larves des four- mis, et coupent déjà avec la pointe du bec le fin bout des herbes les plus tendres, pour s’en repaitre. Après l’éducation, les jeunes continuent à for- mer des familles plus ou moins nombreuses, que les chasseurs nomment plus particulièrement com- pagnies et qui se dissolvent à la période prochaine. Les vieux mâles renoncent parfois en automne à la solitude pour se joindre à ces familles, avec les- quelles ils vivent toujours en bonne harmonie. Les forêts sombres, les crêtes des montagnes ou leurs pentes arides, rocailleuses et parsemées de taillis, d’arbustes ou de plantes, sont leur séjour de prédi- lection. Ils y restent toute l’année, même durant les rigueurs de l'hiver ; mangeant baïes, grains, semences, insectes, fruits sauvages, jeunes poussées d'arbres et d’arbrisseaux, et boutons de fleurs al- pestres. Leur corps ramassé, toutefois pesant et charnu, leurs ailes courtes et concaves, font qu’ils volent lourdement et à grand bruit. Leur chair est généralement recherchée, bien qu'elle ait souvent,
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surtout en hiver et au commencement du printemps, | un goût de résine où d’amertume que lui donnent les bourgeons d'arbres ou de buissons, qui com- posent alors presque toute la nourriture de ces o1- | seaux. Gelle des jeunes est plus tendre; plus succu- | lente ; aussi, les amateurs de gibier la préfèrent-ils | à celle des vieux sujets, dont la rareté ou la diffi- | culté de se la procurer fait souvent tout le mérite. | Leur mue est simple, double dans un seul cas, chez I le Tétras Plarmigan (Albine). Habituellement les } femelles sont plus petites que les mdles ; leur pa- | rure est aussi moins riche en couleurs, et leur naturel moins farouche.
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fl LVIe Genre : TÉTRAS (letrao).
Nous avons dans les Alpes de la Suisse et de la Savoie quatre espèces de Tétras qui y vivent sé- dentaires ; leurs caractères extérieurs sont suffisam- ment décrits dans l’article précédent. Chez les grandes espèces, les mâles diffèrent considérable- | ment des femelles, soit par leurs couleurs lustrées il et foncées, soit par leur taille souvent plus forte du tiers ou presque de moitié. Les femelles ont les teintes plus claires ; elles sont d'habitude variées de roux, de gris et de noir. Les jeunes mâles de l’an- née leur ressemblent jusqu’à la première mue ; celle- | | ei a lieu au mois d’août ou bien en septembre, selon
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6 Tetras Auerhan. D a sa 2° annee, V8 97714 É ; - P 407.
| ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE Piseons Gallinacées, Colombidees ; Télraonidees. | | TI, 2/4 | i | | 14 (1) | al! | 0 | 4 | | | | 14 | (1! | | | (ll | | | | L! | | | | | | | | 1! Il | | l | | (fl | | | 1 Il | Il ) | | (l } Hl | |. | | | | | | | “ ll | 1H] | |’ il | j' | | | Lith.Jh Pervin Lür. Edit à © harnoer ÿ. J.Werner dl Lith. | il 1 Colombe Bizet, male adulte: 16 22072 P 415.9 Pre l'espeve:grnat | 3 Colombe Tour TE na le A 7697. zaë,; PH. |
DE LA SAVOIE. 427
que les couvées ont été plus ou moins précoces. Le Faisan Vulgaire (Phasianus Colchicus, Linh.)
et le Faisan Tricolore où Doré (Phasianus Pictus, Linn,) n’existent point à l’état sauvage en Suisse ni en Savoie. Les individus, du reste excessive- ment rares, qui s’y sont fait tuer, n'étaient que des échappés des ménageries, des parcs ou des faisan- deries de quelques particuliers; aussi, ne mé suis-je pas déterminé à les comprendre dans cet ouvrage.
126.—Tétras Auerhan /Tetrao Urogallus).
Noms vulgaires : Gros Faïisan, Grosse Jallabre, Faisan des Alpes ; quel- quefois Faïisan Doré, Faisan Bruant.
Grand Coq de Bruyères ou Tétras (Buff.). — Tétras Auerhan (Teträo Uro- gallus), Temm.—Tétras Grand (Tetrao Urogallus), Vieill.—Urogallo (Savi). —Tétras Urogalle {Tetrao Urogallus), Degland.
Ce beau Tétras a, de nos jours, presque com- plétement déserté nos régions alpestres ; c’est sans doute au braconnage que l’on y exerce impunément à toutes saisons et à la dévastation toujours croissante des forêts, que nous devons cette perte irréparable, peut-être pour toujours. Il diffère surtout du Tétras suivant par sa taille constamment plus forte, assez souvent du double , par sa queue formée de 18 pennes allongées et arrondies à l'extrémité : cette partie est, chez ce dernier, fourchue, contour- née sur les côtés et Composée de 16 pennes.
L’Auerhan mâle a 89-90 cent. de longueur de la pointe du bec au bout des pennes caudales. Mais comme il varie beaucoup sous le rapport de la
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taille, on trouve facilement des individus de 67, 69, 70 et 76 cent., et tous proportionnément moins gros que l'espèce type; au reste, ils n’en dif- fèrent pas autrement. M. le marquis Costa de Beauregard a fait hommage d’un couple de ce type au muséum de la Société d'histoire naturelle de Savoie, qui fait l'admiration de tous ceux qui le voient; son riche cabinet ornithologique de la Motte-Servolex possède deux variétés de taille et de grosseur très-distinctes l’une de l’autre : un sujet d'un mètre environ de longueur et un autre de 70 cent. Ma collection a un mâle adulte de 69 cent.
La femelle est presque de moitié ou du tiers plus petite que le mâle; son plumage est encore très- différent.
Le male adulte à la tête, le cou, le haut du dos, le croupion et les couvertures supérieures de la queue, d’un noir cendré, presque reflété de bleuâtre, et rayé de zigzags blanchâtres ou d’un gris cendré: sa gorge seule est noire et recouverte de plumes al- longées, susceptibles de s’enfler au gré de l'oiseau. Au-dessus de chaque œil, est une plaque nue, par- semée de papilles charnues, d’un rouge vif. Sur les scapulaires et les couvertures des ailes qui sont brunes, l’on voit une infinité de petites taches, presque toutes en zigzag, roussâtres au centre des plumes et cendrées à l'extrémité; les rémiges sont brunes, mais d’un ton moins foncé sur le bord ex-
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
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DE LA SAVOIE. 429 terne des barbes: les pennes de la queue noires, avec quelques taches blanches. Un vert foncé lus- tré et à reflets bleus règne à la poitrine ; le ventre et l'abdomen sont d’un noir bleuâtre, plus ou moins variés de blanc sur leurs parties latérales et mé- dianes; les sous-caudales noires, terminées de blanc. [Les jambes et les tarses sont couverts de plumes brunes, comme pileuses, parfois variées de blanc; les doigts sont bruns, pectinés sur leurs bords. Le bec est grisâtre à sa base, blanchâtre dans le reste de sa longueur ; l'iris brun clair.
La femelle offre sur ses parties supérieures un mélange de roux, de noir, de cendré et de blanc, disposés en raies transversales. Elle est roussâtre à la gorge et au cou; d’un roux ardent à la poitrine, puis rayée de roux clair, de noir ou de brun et de blanc sur les flancs, l'abdomen et les sous-caudales. Sa queue est noirâtre, largement barrée de roux, et terminée par une frange blanchâtre. Les plumes des jambes et des tarses cendrées, tachetées de bru- nâtre. Le bec est couleur de corne brune en dessus, blanchâtre en dessous. Les jeunes, avant la première mue, ressemblent à la femelle; ils en diffèrent seulement par les bor- dures des plumes qui sont moins rousses dessus le corps, et par les parties inférieures qui sont rayées de noirâtre à la poitrine comme au ventre. Après la mue, les mâles portent la livrée des adul-
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430 ORNITHOLOGIE
tes; mais le vert de leur poitrine est moins étendu, moins lustré; le noir est partout plus chargé de cendré, et l’on y remarque çà et là, pendant la pre- mière année, quelques plumes rousses, tachées de noir, qui sont restées de leur plumage de l’enfance.
Le Tétras Auerhan habite l'Allemagne, la Suède, la Russie et la Sibérie, On le trouve sur les mon- tagnes du Jura et de la Suisse, dans les Vosges et les Pyrénées, On le rencontrait assez facilement dans nos Alpes, il y a vingt à vingt-cinq ans, et notamment dans les forêts de la Maurienne, de la Haute-Tarentaise et du Chamonix; mais c’est à peine si l’on réussit actuellement à l’y remarquer, même durant la reproduction. À ma connaissance, un vieux mâle a été tué ces années dernières à la cime du Mont-Grenier, et une couvée de cinq indi- vidus persécutée en 1850, dans une forêt de Saint- Laurent-de-la-Côte, en Tarentaise.
Ce Tétras se plaît principalement dans les forêts de pins et de sapins, et s’y tient tantôt à l'intérieur, tantôt sur la lisière. Il se nourrit des baies de myrtille, du framboisier et du genévrier, de boutons de fleurs, de bourgeons d'arbres et d’arbustes, surtout du sapin et du bouleau, enfin d'insectes, de semences, jusque de celles du pin à pignons (pinus cembra). Dans les temps de disette, il gratte la terre avec le bec et les pieds, et se repaît des graines, des larves ou des insectes qu'il
DE LA SAVOIE. 431 y trouve ; l’on trouve effectivement dans son gésier de petites pierres, comme dans les Pigeons et d’au- tres oiseaux essentiellement granivores.
Il entre en chaleur au commencement de mars, Le mâle se fait alors entendre, par une belle ma- tinée, dès l’aube du jour jusqu'après le lever du soleil; puis le soir, dans un temps calme et serein , un peu avant le crépuscule jusqu’à la nuit. Sa voix est forte, plus sonore que chez l'espèce suivante. La femelle fécondée se retire à l’écart, soit dans les lieux les plus pierreux ou les plus broussail- leux, soit dans les ravins boisés de son arrondisse- ment. Elle pond à terre, dans un creux qu'elle-même prépare et comble de racines, d'herbes et de feuil- les, 6 à 9 œufs, quelquefois davantage. Ils sont jau- nâtres ou roussâtres, parsemés de quelques taches brunes et fauves ; leur longueur est de 6 cent., sur un diamètre de 4 cent. 1-2 m, Elle a pour sa pro- géniture les mêmes soins, le même attachement que la femelle du Tétras suivant ; aussi, pour éviter répétition, dois-je m’en rapporter aux détails con- signés dans son article.
Le Tétras Auerhan se tient presque tout le jour à terre ; il ne se perche guère que pour la nuit, et de jour pour échapper aux poursuites du chasseur ou à l’arrêt des chiens qui le pourchassent, Alors il finit souvent par se blottir sur quelque arbre très-épais, etse sauve dès qu'il revoit quelque ennemi auprès de
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son gîte. C’est surtout le matin et le soir qu’il cher- che sa pâture; dans le milieu de la journée, il reste caché dans les fourrés des forêts, quelquefois dans les rocs couverts de buissons. On l’aborde difficile- ment, hors la période des amours. A cette saison, il se laisse surprendre aisément, soit qu’il rappelle une compagne, soit qu’il s’extasie devant celle qui se rend à ses volontés, ou qu’il se livre avec elle à quelque transport. Ravi en extase, il prend les positions les plus ridicules : son cou tendu s’enfle et les plumes de la tête se hérissent; sa gorge se gonfle et les longues plumes qui la recouvrent s’é- talent comme une barbe épaisse ; la queue s’élar- git, s’épanouit presque comme celle des Dindons, et les ailes pendent à terre; enfin il fait la roue, 1l piafle, il bondit par moments autour de l’objet de son admiration.
127.—Tétras Birkhan /Tetrao Tetrix).
Noms vulgaires : Faisan, Féjean, Faisan à Queue Fourchue, Faisan Noir, Coq de Bruyères, J'allabre, Grianot.
Petit Tétras ou Coq de Bruyères à Queue Fourchue (Buft.).—Tétras à Queue Fourchue (Tetrao Tetrix), Vieill., Degl, — Tétras Birkhan (Tetrao Tetrix), Temm.—Fagiano di Monte (Savi).
Le Birkhan (Coq de Bouleau) diffère notamment de l’Auerhan par sa queue fourchue, composée de 16 pennes , dont les externes se contournent en dehors vers le bout ; par les sous-caudales qui dé- passent, chez le mâle surtout, l’extrémité des pen- nes intermédiaires ; enfin par sa taille moins forte et ses couleurs plus foncées, plus lustrées.
DE LA SAVOIE. 433
Les mâles sont sujets dans nos climats à plusieurs variétés de taille et de grosseur, cependant moins sensibles que dans la première espèce. On observe que les individus qui vivent retirés vers la fin de la région des forêts alpines, dans des localités froides, sont généralement plus petits que ceux des contrées inférieures ou des montagnes de moyenne hauteur, à pente méridionale. Ces derniers ont souvent 63, 64 et même 65 cent. de longueur, tandis que les premiers en ont à peine 55 ou 56, avec la queue un peu plus petite et évidemment moins large.
Le mâle adulte et vieux est d’un beau noir à reflets violets, tirant au bleu, sur la tête, le cou, la poitrine, le haut du dos et le croupion. Les plumes de la gorge, quoique moins allongées que chez l’Auerhan, sont cependant sujettes à s’enfler au gré de l'oiseau. Üne large membrane papil- leuse, d’un rouge vif, tient lieu de sourcils. C’est un noir profond qui règne sur le ventre, les flancs, les scapulaires, les tectrices alaires et les pennes de la queue : celle-ci est fourchue et a les quatre pennes les plus externes de chaque côté, qui sont les plus longues de toutes, très-contournées exté- rieurement. Les sous-caudales sont blanches. Les ailes d’un brun plus ou moins foncé, selon l’âge ; les rémiges primaires à baguettes brunâtres ou blanchâtres, et moins foncées sur les barbes exter-
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nes que sur les internes; les secondaires terminées par un liséré blanc; cette couleur, disposée en une large barre oblique, traverse encore les grandes couvertures alaires. Les plumes des jambes sont longues, comme décomposées, et variées de brun et de blanc; celles des tarses duveteuses, brunes, très-souvent piquetées de blanchâtre. Le bec est noir ; l'iris des yeux d’un brun foncé : il tire sur le bleuâtre après la mort de l’oiseau. Les doigts sont bruns, et pectinés sur les deux bords.
Les femelles sont toujours plus petites que les mâles ; elles ont, en général, A5 ou A6 cent. du bout du bec à l’extrémité de la queue. On les re- connait encore à leurs parties supérieures rousses, rayées de noir et de gris plus ou moins roussâtre : cette nuance, qui est d'habitude très-finement piquetée de noirâtre, termine les plumes, celles surtout du dos et du croupion. La gorge est rous- sâtre, la poitrine et le devant du cou roux, avec des bandes transversales noires, grises et blan- ches : ces deux dernières prédominent au bas de la poitrine et sur les flancs. La bande véru- queuse , située au-dessus des yeux , est moins large que chez le mâle. Le ventre est brun noirûtre, avec ou sans taches rousses, selon l’âge ; les sous- caudales sont blanches , mais les plus longues barrées de brun et de roux. Sur chaque aile, on voit deux bandes blanches transversales. La queue,
DE LA SAVOIE, 435 qui est noire, barrée de roux en travers, a ses quatre pennes latérales seulement un peu plus lon- gues que les intermédiaires, et non contournées en dehors comme chez le mâle ; elle est très-sou- vent terminée par un liséré blanc ou blanchâtre, qui s’use avec l’âge. Les plumes des jambes se trouvent variées de brun, de blanc et de roussâtre: celles des tarses pileuses, blanchâtres et tachetées de brun, quelquefois aussi de roux. Le bec est couleur de corne brune très-foncée: l'iris et les doigts sont comme dans le mâle.
Les jeunes des deux sexes, avant la première nue, ressemblent à la femelle; ils sont toutefois plus largement bordés de gris, de grisâtre et de blanc, surtout sur les parties supérieures. On dis- tingue alors les mâles des femelles au moyen des sous-caudales ; chez le mâle, elles sont blanches, et les plus longues dépassent les pennes intermé- diaires de la queue; chez la femelle, elles sont beaucoup plus courtes, et variées de blanc, de roussâtre et de noir. Le premier est d'habitude un peu plus gros que la dernière.
À la première mue, les jeunes mâles se revêtis-
sent de la livrée des adultes, mais elle reste terne
durant là première année; en effet, ils conservent çà et là sur le noir de la tête, du cou, de la poitrine et des tectrices alaires, soit de petits traits gris ou roussâtres, soit presque un liséré à peine visible
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au bout de plusieurs plumes, ou bien quelques plumes rousses et barrées de noir de leur livrée d'enfance, Ces teintes s’efflacent peu à peu au prin- temps ou en été par la mue ruptle, et à la seconde mue, leur parure acquiert l'éclat qui lui est pro- pre.
Dans les régions du Nord, où le Tétras Auerhan vit communément avec le Birkhan, on rencontre des métis produits par la femelle du premier et le mâle du second, et qui tiennent des deux par le mélange des couleurs. On en a vu accidentellement dans les Alpes Suisses , mais point encore dans celles de la Savoie,
Le Tétras Birkhan est assez abondant en Suisse et en Savoie. 1ly reste toute l’année, même dans les plus grands froids, sur le sommet des montagnes très-boisées et les moins fréquentées ; aussi, est-il habituellement rare dans les localités où les villa- geois opérent de fréquents abatis d'arbres, comme dans les bois qui sont chaque jour le champ de leurs pillages. On le trouve en France, en Alle- magne, en Belgique, et spécialement dans le nord
_de l’Europe.
Pendant l'hiver, ce Tétras se cantonne dans les grands bois de pins et de sapins, où 1l subsiste par les semences et les jeunes pousses de ces arbres. Cependant il en sort le matin et le soir pour se ré- pandre dans les fourrés des alentours, surtout dans
DE LA SAVOTE. 437
les taillis de chênes, de hêtres (fayard), de noise- tiers, de bouleaux, etc., dont les bourgeons ou les chatons servent encore à sa pâture ; au soleil cou- chant, il retourne à la forêt, et y sommeille sur quelque arbre touffu. En courant les bois ou les broussailles pendant cette triste saison, il se repaît aussi des baies sèches de genièvre, de myrtille, d’é- glantier et du bout des feuilles des plantes qui con- servent alors quelque apparence de verdure. Parfois il creuse avec le bec et les ongles par-dessous la neige, dans les endroits où il est sûr de rencontrer quelque espace où la neige forme une voûte en des- sus, au moyen des amas de buissons ou de brancha- ges qui la retiennent. Là, il reste caché tant qu’il y trouve des herbes tendres, des grains et des four- mis pour sa subsistance ; quant à ces dernières, il les cherche jusqu’au fond de leur gîte, où elles sont alors tout engourdies. Durant l'hiver, les femelles forment fréquemment ensemble de petites sociétés qui visitent des régions un peu moins élevées que les mâles, et se laissent aborder aisément. Souvent elles se blottissent devant le chien en arrêt ; aussi tue-t-on plus facilement les femelles que les mâles. Ces derniers sont toujours plus farouches, et han- tent des lieux ordinairement moins praticables que les premières. On les trouve seuls à seuls ou par bandes plus ou moins nombreuses, tantôt sur les crêtes des monts, tantôt dans les précipices ou les
138 ORNITHOLOGIE ravins, tantôt enfin dans des forêts où l’on à peine à pénétrer. Quoiqu’on les fasse lever près de soi, l’on n’a pas toujours la chance de les tirer ; très- souvent ils disparaissent sans qu’on ait eu le temps de les ajuster, car ils partent de derrière les arbres, les rocs ou les buissons, qui couvrent leur fuite ; ou bien ils plongent verticalement dans les rochers, au sommet desquels on les surprend.
De loin en loin , quelques sujets des deux sexes se montrent dans les bois des collines ou de la plaine, où très-souvent ils se sont abattus du haut d’une montagne voisine, pour échapper aux serres de quelque oiseau de proie; mais le bruit qu’ils y entendent, et auquel ils ne sont point habitués, les inquiète extrêmement ; et de fait ils n’y séjournent guère que quelques heures, rarement plus d'un jour, pressés comme ils sont de retourner chercher la solitude et la tranquillité dans les montagnes, Il est facile de reconnaître les endroits qu'ils y ha- bitent de préférence, par les amas de fientes lais- sées à terre ou au pied des arbres qui leur ont servi de refuge la nuit; celles-ci sont, l’hiver, d’une teinte verte qui se convertit en jaunâtre par la dessiccation, et elles ont souvent 2 ou à centi- mètres de long.
Le Tétras Birkhan entre en chaleur au mois de mars, et ses passions sont au comble lorsque en avril ou aux premiers jours de mai, les arbres se
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DE LA SAVOIE. 439
recouvrent de feuilles nouvelles. On entend alors à l’aube du jour et le soir vers le coucher du soleil, surtout dans les temps sereins ou de vent du sud, et lorsque la pluie est imminente, lé mâle réclamer la femelle au moyen de ses cris forts, qui imitent le roucoulement et résonnent à de grandes distan- ces. Quoique entendu de près, cet appel paraît venir d’un lieu éloigné et même opposé, ce qui trompe souvent le braconnier qui, pour tirer ce Tétras, se guide d’après ses cris : 1l m’a d’ailleurs semblé que cet oiseau a le talent de modifier sa voix à la ma- nière des ventriloques ; de telle sorte qu’on croit qu’il roucoule au loin, tandis qu’il est près de nous, sur quelque arbre ou parmi les buissons qui nous environnent, C’est en effet du bout d’un sapin, d’un roc ou de quelque pierre qu’il rappelle ; quelque- fois de terre, au milieu d’un pré ou à la pointe d’une élévation de terrain, enfin des lieux où il peut être vu à l'aise des femelles qui viennent au rendez-vous, ou bien desquels il peut distinguer l’endroit d’où partent leurs cris, avant de s’y diri- ser lui-mème à la course ou au vol. La femelle en amour à effectivement son cri d'appel ; mais c’est plutôt une espèce de soufflement grave et pro- longé qu’une sorte de roucouiement,.
Lorsque plusieurs mâles fréquentent le même canton, ils se réunissent souvent en groupe le ma- tin sur quelque monticule pour roucouler. Alors
440 ORNITHOLOGIE.
tous en bonne intelligence invitent les femelles du district à se diriger de leur côté. Aussitôt qu’une ou plusieurs arrivent au travers des buissons en s’annonçant par quelques cris, ils courent à leur rencontre, piaflent en les voyant, et recherchent à l'envi leurs bonnes grâces. Mais soudain la jalousie les enflamme , la passion les aveugle. Ils se ruent l’un sur l’autre pour se disputer la possession de ces femelles ; ils se frappent à coups de bec et d’ailes, se terrassent, s’arrachent les plumes de la tête et du cou, pendant que les femelles, retirées à part, enflamment par quelques soufflements l’ardeur des combattants. Les jeunes mâles ne peuvent guère résister aux coups violents que les vieux leur por- tent ; bientôt vaincus, ils se retirent de la mêlée et leur laissent le champ libre. Alors les vieux, fiers du succès, se promènent quelques instants d’un pas grave sur les pierres ou le point le plus élevé du lieu de la lutte. Leurs larges sourcils rouges s’enflent , les plumes de la gorge et du devant du cou se hérissent, leur queue s’épanouit, se dresse en éventail, et les ailes traînent presque à terre; en même temps ils font la roue, bondis- sent par reprises à côté de leurs compagnes en poussant de longs souffles, et s’approchent d’elles fréquemment ettoujours avec la même chaleur. Après leur première ardeur éteinte , ils suivent encore quelques heures les femelles à travers
DE LA SAVOIE. 44] broussailles et rocailles. Rencontrent-ils dans leurs trajets quelques mâles, nouveaux rivaux à combat- tre, ils les assaillent, les repoussent dans un autre séjour. Ce n’est qu'après avoir épuisé tout leur feu, qu'ils se déterminent à quitter leurs compa- gnes, à les abandonner à la merci d’autres amants.
Les femelles du Tétras Birkhan sont à peine fécondées qu'elles se retirent à l’écart, allant se cacher pour pondre dans des lieux que les mâles ne visitent, l’été, guère que par accident ; elles pré- fèrent pour cela les régions moyennes de nos mon- tagnes à leur cime, où du reste les derniers fixent très-souvent leur demeure à l’extrémité de la région des bois. En effet, elles craignent l’approche des mâles pendant la période de l’incubation ; car il en est toujours parmi eux qui n’ont pu, en même temps que leurs semblables, satisfaire tous leurs désirs ardents; ceux-là continuent, tant qu’il leur reste quelque feu à consumer , de roucouler, de réclamer les femelles, après que les premiers se sont tus. Réussissent-ils à en découvrir une, quand même elle serait occupée à couver ses œufs, ils piaffent devant elle, puis se jettent dessus en l’invitant au plaisir ; mais repousse-t-elle la tentation pour rester fidèle à sa couvée, aussitôt ils entrent en fureur, ils la frappent sans pitié ; quelquefois ils lui meurtris- sent tellement le crâne, qu'ils lui causent la mort; ou bien ils cassent ses œufs en se ruant sur elle dans
le nid, afin de la forcer plus tôt à céder à leurs sol- licitations. On a effectivernent trouvé dans nos mon- tagnes des nids de ce Tétras non-seulement avec les œufs brisés, mais encore avec la femelle morte des suites des contusions qu’elle portait à la tête. L’a- bondance trop grande des mâles dans cette espèce est nuisible aux couvées; c’est là un fait certain, reconnu de tous nos braconniers. Il en resterait bien chaque année au printemps, dans la plupart des localités, une fois moins que d'habitude, les nichées ne seraient pas pour cela moins nombreuses; car un mâle seul suffit à plusieurs femelles.
C’est toujours à terre, dans un petit creux, sous un buisson, ou au milieu des bruyères et des fou- sères très-épaisses, quelquefois au pied d’un sa- pin dont les premières branches pendent et tou- chent au sol, ou bien encore sous des débris de rocs amoncelés, que la femelle du Birkhan confectionne son nid. Elle le fait sans apprêt; la mousse, la paille, le foin, les feuilles sèches et quelques racines le composent en entier. Elle y pond, dans le courant de mai, de 6 à 12 œufs oblongs, d’un roussâtre plus ou moins pâle et teinté de jaunâtre, avec des points et des taches d’un brun roux ou couleur de rouille. Hs varient beaucoup en grosseur ; en moyenne, ils ont 4 cent. 7-9 mill. de long, et 3 cent. 4-5 mill. de largeur diamétrale, On arrive facilement jusqu’au- près de la femelle qui couve, sans la faire fuir ; en
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE .
Gallinacees. Tetraonidees.
Lcth. Jé Perrin Libr.Édit. Chambéry. J. Werner dei.& lafh. 1 Tétras Birkhan /77e/ adulte; 430 LTral; P 434. 9 » jtune.0jours après 7 evlosron: 74977aL.; P. 443.
3,4 al de lespéce, gr.nat. 5 Tetras Gelinotte. ae adulte, 19 prrest; P. AA. 6» ) ; dede de femelle a dulle; 15 gr nat.
DE LA SAVOIE. 443
effet, au lieu de se sauver à chaque fois qu’elle nous voit devant elle, souvent elle reste accroupie sur ses œufs; mais elle examine nos gestes: et pour peu qu’ils lui inspirent de frayeur, elle s'envole brusquement. Cependant les montagnards réussis- sent fréquemment à la prendre ou à la massacrer dans le nid.
Les petits naissent vers le 24° jour de l’incuba- tion. Quelques moments après qu'ils sont sortis de la coquille, ils courent avec légèreté après leur mère qui les conduit à la recherche de leur pre- mière pâture. Comme la poule au milieu de ses poussins, elle veille constamment sur eux, les rap- pelle sans cesse par un petit cri propre à la circon- stance, leur indique les aliments qu’ils doivent sai- sir par préférence, et souvent elle les rallie autour d’elle, de crainte que quelques-uns ne s’égarent ou ne deviennent la proie de quelque ennemi. Ces pe- tits ont alors tout le corps, même les tarses, gar- nis d'un duvet serré, jaunâtre sur les parties infé- rieures, d’un roux marron sur la tête et le dos, avec quelques barres ou traits noirs ou noirâtres à la nuque, vers les tempes et au milieu du dos. Du 8° au 10° jour, ils commencent à se couvrir des plumes de l'enfance aux ailes et à la queue, puis à la poi- trine, au dos, enfin à la tête. Aux premiers jours de leur naissance, la mère les tient dans les prés, où chaque petit ne cesse de becqueter les vermisseaux
444 ORNITHOLOGIE
sur le sol, les moucherons sur les tiges des herbes et le fin bout des pétales ou des feuilles des fleurs. Découvre-t-elle une fourmilière, aussitôt elle y creuse avec le bec et les ongles jusqu’à ce qu’elle y rencontre les larves dont ses petits se gorgent à ses côtés. Après leur repas, comme un peu avant la nuit, elle les mène boire à la source ou au fossé le plus près, ensuite elle les reconduit au bois; là, elle les rallie autour d’elle pour les réchauffer sous ses plumes. Quand ils sont un peu plus forts, elle les fait nourrir avec les baies de myrtille, de fram- boisier, et avec des müres sauvages. Quoique avec leur mère, les petits sont par moments si stupides qu’ils se tapissent devant le chien en arrêt, et se laissent prendre à la main. Dans quelques cou- vées , les mâles se trouvent en plus pelit nombre que les femelles. J’en ai vu des compagnies de 9 à 10 sujets, et, à leur lever, je distinguais seulement trois ou quatre mâles : les sexes, du reste, sontalors très-faciles à reconnaître par leur grosseur, et sur- tout par leurs couleurs très-distinctes, après la première mue.
Les jeunes Tétras ne perchent guère avant le trente-deuxième ou le trente-cinquième jour de leur naissance. [Ils aiment alors pour se poser, soit avant la nuit, soit de jour quand ils sont repus, les hauts buissons ou les arbres rabougris. Si l’on par- vient à les y surprendre nour la première fois, il
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n’est point rare qu’on arrive à eux presque à bout portant; mais en nous voyant, ils se couchent sur les branches et y restent si inactifs qu’il faut par- fois leur lancer des pierres pour les faire bouger ou fuir. Ils vivent en famille jusqu'à la période des amours , sans s'éloigner beaucoup de leur séjour d'enfance. Mais y sont-ils trop persécutés, ils changent de domicile pour quelques jours, après quoi ils retournent à leur premier canton avec plus de défiance ; car si l’on vient encore les y chasser quand ils sont tout à fait forts, ils fuient de loin et font de grands vols; souvent ils passent alors du bout d’une montagne à l’autre.
Sur la fin de l’été et au commencement de l’au- tomne, les vieux mâles quittent par moinents leur solitude et viennent grossir les couvées qui sont en- core sous la direction de leurs mères. Ils cherchent avec elles leur vie, le matin surtout, parmi les four- rés, et rentrent ensuite seuls dans la forêt. Comme elles, ils en ont une de prédilection, où ils se re- tirent tous les soirs pour y passer la nuit, juchés sur les arbres; s’ils sont plusieurs ensemble, ils s’éparpillent, et chaque sujet occupe son arbre. Le lendemain, à l’aube du jour si le temps est beau, on les entend s’entr’appeler de tous les côtés de la forêt; puis on les voit, quand l’air se dore aux pre- miers rayons du soleil, se diriger un à un, ou par trois ou quatre à la fois, vers quelque monticule
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voisin, vers celui où ils vont par habitude chaque jour prendre leur repas du matin : c’est presque tou- jours un lieu rempli de pierres et de broussailles, im- planté de myrtilles, de framboisiers, d’airelles et de genévriers, des baies desquels ils sont très-friands. Ils associent à ce genre d'aliments les boutons et les feuilles molles d’un grand nombre de fleurs alpes- tres, même des plus odoriférantes, et accessoire- ment les vers, les insectes, les grains et les semen- ces, Dès la fin de l'automne jusqu’au printemps, ils ne vivent guère que de chatons, de bourgeons ou de jeunes pousses d'arbres et d’arbustes alpins, ainsi que de baies ou de petits fruits sauvages qui ont sé- ché sur plante. C’est alors la saison la moins favo- rable pour goûter leur chair ; toutefois, celle des femelles et des jeunes de l’an est moins dure, moins parfumée de résine que celle des vieux mâles qui n’ont cessé de courir les pins et sapins pour 6e repaître de leurs semences ou de leurs nouvelles pousses. Cela n'empêche pas que les derniers sont en tout temps aussi estimés comme gibier que les premiers.
43%8S,—Tétras Gélinotte /Tetrao Bonasia).
Noms vulgaires : Gélinotte, Ghénilotte, Gelotte, Zelotta, Poule Sauvage.
La Gélinotte (Buff.). — La Gélinotte Poule des Coudriers (Cuv.). — Tétras Gélinotte (Tetrao Bonasia), Vieill., Temm., Degl. — Francolino di Monte Savi).
On remarque depuis quelques années, en Savoie, que ce beau Tétras y devient de plus en plus rare.
DE LA SAVOIE. 447 Comme espèce sédentaire et comme gibier très- recherché pour les tables, il finira par ne plus se trouver dans la plupart de nos localités monta- gneuses , si l’on ne se hâte d'y réprimer, chez les villageois, la manie de braconner toute l’année, et surtout aux époques de la pariade et des couvées. De nos jours, on ne le rencontre déjà plus que très-difficilement dans divers lieux où, autrefois, il se maintenait commun, parce que l’on y avait alors quelque égard aux lois sur la chasse. Le mâle adulte est de 36 à 87 centim. de taille. Il a les plumes du vertex allongées et capables de former une petite huppe, quand il se trouve affecté; les parties supérieures du corps d’un roussâtre varié par des traits, par des taches transversales, noires et brunes : plusieurs plumes, surtout à la tête et au dos, sont en outre terminées de gris cendré. Les ailes sont d’un roussâtre cendré , par- semées de taches noirâtres et blanches ; les rémiges brunes, mais d’un roussâtre pâle, tacheté à peu de distance de brun clair, sur le bord externe. La queue est d’un gris nuancé de cendré, avec des traits en zigzags noirs, puis traversée presque à l'extrémité des pennes, sauf des deux médianes, par une large bande de cette couleur, enfin terminée par une frange cendrée. La gorge est d’un noir pro- fond , encadrée par une bande blanche, qui part du capistrum et descend en s’élargissant jusqu’au
448 ORNITHOLOGIE
devant du cou : une bande de la même couleur se fait aussi remarquer sur les scapulaires. Au-dessus de chaque @œ1l, existe un petit espace nu, rouge, qui tient lieu de sourcils; aussitôt après, appa- raissent quelques plumes blanches, qui constituent une ligne longitudinale derrière l'œil. Un beau roux prédomine sur le haut de la poitrine et sur les flancs, avec des taches plus ou moins larges, brunes ou noirâtres et blanches , situées tantôt vers le centre, tantôt au bout des plumes. Le ventre est brun foncé dans la partie moyenne de chaque plume, bordé et terminé de blanc. Les sous-cau- dales se trouvent variées de brun, de roux et de blanc. Le bec est brun noirâtre ; l'iris brun ; les deux tiers du tarse couverts par devant de plumes soyeuses et brunâtres; l’autre tiers est nu, mais garni de petites lames écailleuses ; les doigts sont faiblement dentelés sur leurs bords ; l’ongle du doigt du milieu paraît plus tranchant que les autres.
La femelle, qui est toujours un peu moins grande que le mâle, s’en distingue principalement parce qu’elle ne porte point de noir à la gorge, comme lui: cette partie reste chez elle blanche ou blan- châtre. Les parties supérieures sont bien colorées comme dans ce dernier, mais les teintes y sont généralement moins foncées, et d'habitude l’on y remarque un plus grand nombre de taches. Elle à
DE LA SAVOIE. 449
encore le blanc et le roux de dessous le corps moins purs que le mâle.
Ce Tétras varie accidentellement d’un blanc plus ou moins franc, avec quelques plumes de la livrée ordinaire.
Les jeunes de l’année prennent , à leur première mue, le plumage de l'adulte, que je viens de dé- crire, cependant on reconnaît les mâles jusqu’à la mue ruptile du printemps au roux de leur parure, qui est moins vif que celui des adultes d’un ou de deux ans ; au plus grand nombre de taches bian- ches qu'ils portent dessous le corps ; au bord ter- minal de leur queue qui est, comme dans les femelles , sali de brun, et non pas d’un cendré pur comme chez les premiers.
La Gélinotte habite particulièrement les forêts alpestres de la Suisse et de l’Allemagne, les mon- tagnes boisées des Pyrénées, des Vosges, du Dau- phiné et des Basses-Alpes. On la trouve toute l’année en Savoie, surtout dans les contrées mon- tueuses de la Tarentaise, de la Haute-Savoie et du Faucigny ; elle est tout à fait rare aux environs de Chambéry, un peu plus abondante dans les forêts des Bauges et dans les bois quirecouvrent les monts circonvoisins de la Chautagne , de Rumilly et d’Annecy.
Ce Tétras aime la solitude ; il la recherche spé-- cialement dans les forêts de sapins et de mélèzes,
DUT. 29
dans l’épaisseur des coudriers (noisetiers) et des taillis de hêtres (fayards) ; quelquefois il la trouve dans des lieux remplis de buissons de bouleaux, de bruyères, de myrtilles, de framboisiers, de fou- sères , et parsemés d’arbres ou très-voisins du bois où il se retire après ses repas. L'hiver, il s’ali- menté avec les nouvelles pousses des pins et sapins , avec les chatons des saules, coudriers et bouleaux, avec les bourgeons de plusieurs sortes d’arbustes alpins ; avec des baies sèches et des se- mences. Îl reste , lorsque la neige est abondante, caché la plus grande partie du jour sur les arbres qui lui fournissent sa subsistance ; quelquefois il en descend pour creuser sous la neige à l’aide du bec et des ongles, dans les endroits où il est sûr de rencontrer quelques toufles de genévrier, dont il aime d’ailleurs les baies : c’est de cette manière qu’il cherche aussi les arbrisseaux, dont il mange par ha- bitude les boutons. En été, et durant l'automne, les baies de bruyères , de myrtilles et d’airelles, les mûres sauvages, les fruits du framboisier, le bout des feuilles des plantes et les sommités de leurs fleurs , surtout des épervières et du serpolet, forment la base de sa nourriture ; ce n’est que très- accessoirement qu’il recourt alors aux insectes et aux grains. Sa chair a toujours été très-recherchée comme mets succulent. Les naturalistes les plus anciens ont dit que c'était le seul mets qu’on püt
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DE LA SAVOÏE. 451 se periméttre de faire paraître deux fois Sur la table des princes.
La Gélinottée ’a toujours paru monogame. En amour, les mâles ne sont pas querelleurs, comme ceux des deux espèces précédentes, ils ne se livrent pas, non plus, comme eux, des combats acharnés pour la possession des femelles. Habituellement ils restent avec la femelle qu’ils ont fécondée, pendant qu’elle s’adonne à l’incubation, et ils l’ac- compaghent presque à chaque fois qu’elle quitte le nid pour allér à la recherche des aliments. Après l’éclosion, ils la suivent encore souvent quand elle mène ses petits à la pâture, ét poussent même, comme elle, de petits cris gravés, propres à rallier la famille.
C’est dans le courant de maï que la Gélinotte pond en Savoie. Elle se prépare pour cela dans les fourrés, à terre, dans un petit creux aux pieds des touffes de coudriers , de bruyères ou de fougères, et sous d’épais buissons , un nid très - simplement fait avec de la paille, des feuilles sèches d’arbres et avec des racines flexibles. En peu de jours, elle y dépose de 9 à 15 œufs, d’un roux clair, par- semés de points et de taches, assez souvent rares, d’un brun marron; quelquefois ces taches ne sont répandues guère que sur l’une des deux extrémités de la coque, et alors elles sont ordinairement plus larges que quand elles se trouvent dispersées sur
toute la surface. Ces œufs ont à cent. 7-8 mill. de longueur , sur 2 cent. 7 + à 8 mill. ; de largeur diamétrale ; ils éclosent tous le même jour, du vingt-deuxième au vingt-troisième jour de cou- vaison. Une heure environ après leur naissance, les petits, revêtus d’un duvet épais, jaunâtre, et varié de roux et de brunâtre dessus le corps, courent avec légèreté après leur mère qui les conduit à travers bois et prés, à la découverte de leur première nourriture : ce sont les fourmis et les petites araignées , les vermisseaux , les menus in- sectes les plus tendres, les petits limaçons nus, presque imperceptibles, et l'extrémité des pétales des fleurs basses, tout récemment écloses, qui la composent. Chaque jour, vers le milieu de la jour- née, et le soir, un peu avant le coucher du soleil, cette mère soigneuse ramène la petite famille boire sur les bords de la source ou du torrent le plusprès des lieux où elle la fait vivre. Je l’ai vue deux fois au milieu de ses petits qui se désaltéraient : une fois, montée au bout d’une pierre, l’autre, sur une sou- che renversée. Elle paraissait tout inquiète; les plumes du vertex hérissées en forme de huppe et les pennes caudales relevées, très-étalées, elle se dressait sur le bout des pattes, prêtait l'oreille au moindre bruit, et portait ses regards vers tous les coins autour de la couvée. Je poussai un cri; aus- sitôt elle descendit du juchoir, jetant par un cri
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grave et prompt, l'alarme parmi les jeunes : et ceux- ci à l’instant même de fuir ensemble de toute la vi- tesse de leurs jambes à travers les broussailles. Un moment après, la mère reparut seule, très-défiante; et s’acheminant pas à pas, l'œil constamment au guet, vers l'endroit même où la frayeur l’avait saisie pour s’assurer du danger, elle m’aperçut ; tout à coup elle rebroussa chemin, regagna à la course le bois dans lequel elle venait de faire cacher sa pro- géniture, sous les buissons. Alors je mis mon chien sur ses traces, et une fois, en moins de six minutes de quête, il me fit voir trois de ses petits accroupis sous les branches basses et rampantes d’un coudrier.
Dès que les jeunes Gélinottes ont mué et sont très-capables de voler et de vivre isolément , elles quittent leur mère et s’éparpillent dans les forêts les plus épaisses. Comme les vieilles, elles y restent seules à seules, souvent deux à la fois, mâle et femelle, quelquefois en petites compagnies.
Les Gélinottes ont le vol pesant, très-bruyant et de courte haleine; maïs, en revanche, elles sont très- légères à la course. Elles s’entr’appellent , mâles et femelles, pendant toute l’année, sauf à la mue et durant les rigueurs du froid, qui les rendent taciturnes ; cependant elles viennent alors à l’ap- peau avec le même empressement qu’au printemps et après la mue d'automne. Soit pour les appeler, soit pour les approcher de près, afin de les tirer
plus aisément que dans l’épaisseur des bois, on se sert d’une espèce de petit sifflet d'argent ou d’étain, que l’on vend sur nos marchés comme jouet d’enfant, et même d’une noix de hêtre (faîne) creuse et percée aux deux bouts: avec ces deux instruments, on imite bien le cri strident du mâle et de la femelle, Toutes celles qui entendent l’ap- peau y répondent, arrivent d'arbre en arbre, ou d’un seul vol et en battant des ailes, jusque sur la tête du braconnier qui les laisse ordinairement poser avant de les tirer. Mais très-souvent il a peine à les découvrir sur les arbres, parce qu’en s’y per- chant, elles ont généralement l'habitude de se blottir ou de s’accroupir sur les branches. Si quel- ques-unes viennent à la fois s’abattre sur le même arbre, le chasseur qui se possède peut avoir la chance de les tuer toutes, en tirant d’abord celle qui est posée le plus bas; autrement elles s’envo- lent effrayées plutôt à la chute d’une plus élevée qu'à la détonation de l'arme.
Ces Tétras se tapissent encore sur les branches ou les troncs chaque fois qu’ils découvrent quel- qu'un dans leur solitude: soit un chasseur, soit l'oiseau de proie. [ls craignent à l'excès ce dernier ennemi ; aussi, pour éviter sa rencontre, se tiennent- ils cachés dans les lieux les plus fourrés. Ils partent toujours brusquement et avec bruit dès qu’ils nous aperçoivent fort près d'eux ; quelquefois ils s’en-
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Gallinacees Tétraonidees.
s.Werner del.& Lith. 1 Tétras Ptarmigan,zea/e adulte aupirintemps, 9 9r.nab, P.455. 9 » » male adulle en ele, 12 grnal. 3 » } Lemelle auulie en Livrée d'ete.. À ) ) male en lurnage d'hpver., 2% gr nat. ÿ
» ) Lemelle en robe d'hiver: 19 PT Rat.
DE LA SAVOIE. 455
volent quand on s'apprête à les tirer, ou lorsque les chiens les éventent, et ils disparaissent en s’élan- çant au-dessus de la forêt.
199.—Tétras Ptarmigan /Tetrao Lagopus).
Noms vulgaires : Perdrix Blanche, J'alabre, Albine, Arbine, Arbenne, Ar- bena.
Tetrao Lagopus (Linn.).—Le Lagopède (Buff.).—Tétras Lagopède (Tetrao
Lagopus), Vieill. — Tétras Ptarmigan (Tetrao Lagopus), Temm. — Lagopède Alpin (Lagopus Alpinus), Degl.—Pernice di Montagna (Savi).
Ce Tétras, que l’on nomme aussi Lagopède (La- gopus, pied-de-lièvre), à cause de ses tarses et de ses doigts entièrement vêtus de plumes blanches et laineuses, mue deux fois par année. Sa livrée d’été, très-distincte de celle d’hiver, fait que parfois on le prend ici pour la Gélinoite; au contraire, l'hiver, les chasseurs de plusieurs de nos localités s’obstinent à le considérer comme une espèce de Perdrix particulière aux régions neigeuses des Alpes, où la température fait blanchir sa robe dès que les beaux jours cessent,
Le mâle de ce Tétras a 35 à 36 cent. de taille.
Pendant l'hiver, il est d’un blanc pur sur tout le corps; il porte seulement une bande noire, qui part de l’angle du bec et s'étend jusqu’au delà des veux. Les pennes latérales de la queue sont aussi noires, mais terminées par un liséré blanc. Au-dessus de l’œil se trouve un petit espace nu, rouge, qui se termine par une petite membrane dentelée. Le bec
456 ORNITHOLOGIE
est noir; l'iris brun; les ongles sont larges, arqués, obtus, creusés en dessous et noirâtres; les tarses et les doigts très-garnis de plumes laineuses, plus longues, plus épaisses, plus blanches que pendant la saison des amours.
La femelle est un peu plus petite que le mâle; elle en diffère en ce qu'elle n’a point de bande noire à travers l’œil et que son espace nu, au-des- sus des yeux, est moins étendu.
En été, le mâle à la membrane surciliaire plus
large et d’un rouge plus vif que durant l’hiver ; il
conserve encore alors la bande noire qui traverse les yeux. Ses parties supérieures sont d’une sorte de cendré teinté plus ou moins de roussâtre, coupé par de nombreuses bandes transversales noires, en zigzags à la tête et au cou, et très-rayé de la même couleur, également en zigzags, sur le dos, les scapulaires, le croupion, les sus-caudales, et sur les deux pennes médianes de la queue. La gorge, le devant et les côtés du cou, la poitrine et lesflancs sont colorés comme le dessus du cou; assez souvent la gorge se maintient en grande partie blanche; sur la poitrine et les flancs et même sur la tête et le cou l’on remarque fréquemment, surtout en maïet juin, de nombreuses plumes noires , plus ou moins va- riées de zigzags roussâtres et blancs : mais à me- sure que la saison s’avance , le noir de ces plumes se change en cendré ou cendré gris, et le blanc, en
DE LA SAVOIE. 457
zigzags, s’efface. Les ailes, l’abdomen, quelquefois aussi une bonne partie du ventre, les jambes, tarses et doigts restent blancs; toutefois les baguettes des rémiges sont brunes ou noirâtres, les plumes des pieds et des doigts moins touflues, moins longues, et d’un blanc moins pur que pendant l’hiver. Les pennes de la queue, excepté les deux intermé- diaires, sont comme dans cette saison.
La femelle, en robe d'été, est encore privée de la bande noire sur les yeux; au reste, elle est colorée comme le mâle, mais avec plus de noir à la tête, au dos, aux sus-caudales et à la poitrine ; avec plus de roussâtre ou de jaunâtre sur les parties supérieures et inférieures du corps. Elle est blanche sur le milieu du ventre, jaunâtre et barrée de noir sur les sous-caudales.
Les jeunes des deux sexes, avant la première mue , ressemblent beaucoup à la femelle en plu- mage d'été, mais ils sont toujours plus petits qu'elle. Ils ont le corps rayé finement de gris, de cendré, de noir et de roussâtre; c’est à peine si l’on aperçoit alors , au-dessus de l'œil, l’espace membraneux qui doit plus tard , à la mue d’au- tomne, devenir rouge.
Après celte mue, ils sont blancs comme les vieux et les adultes; et comme eux, ils prennent au prin- temps suivant l'habit de noces.
{28 ORNITHOLOGIE
et ne finit guère avant la mi-mai, et pendant celle de l’automne qui s'effectue vers la mi-septembre ou en octobre, suivant l’âge des sujets, ces Tétras, jeunes et vieux, sont plus ou moins bigarrés de plumes blanches ou de plumes cendrées, marquées de zigzags noirs, distribuées irrégulièrement sur les parties du corps, et qui indiquent le passage d’une livrée à l’autre, Quelques sujets portent en- core en novembre, cà et là sur le cou et le dos, quelques plumes de leur habillement d'été,
Le Tétras Ptarmigan est commun, l'été, dans les régions les plus élevées des Alpes de la Suisse, du Dauphiné et de la Savoie, Lei, il se plaît surtout en Maurienne, au Mont-Cenis, au Grand et au Petit Saint-Bernard et dans le Chamonix, auprès des nei- ges perpétuelles et dans des lieux souvent presque inaccessibles, On le rencontre aussi, pendant la saison des nichées, sur les montagnes les plus hau- tes et les plus froides des Bauges, notamment à la cime de Rozannaz, d'Orgeval et du Mont-Tréloz (le Charbon), sur celles de la Tarentaise, des environs d’Albert-Ville, de Bonneville, etc., mais jamais en aussi grande quantité que dans les premières loca- lités. Il vit dans ces différents lieux de toutes sortes de petites baies, de feuilles et de boutons de plantes alpines, spécialement du serpolet (fhymus serpil- lum, Linn.) qui donne par moments, en automne, à sa chair un goût recherché des gastronomes, de
DE LA SAVOIE. 459 l’airelle ponctuée (vaccinium vitis idæa, Linn.), de l’épervière piloselle (hieracium pilosella, Linn.), du gnaphale pied-de-chat (gnaphalium dioicum , Linn.), etc., etc. ; les insectes, les vers et les pe- tites limaces sont pour lui une nourriture tout accessoire, Mais aussitôt qu’en automne les neiges abondantes envahissent le haut des monts, sa demeure de prédilection, il en descend par bandes souvent nombreuses, et se fixe dans leurs régions intermédiaires, où la végétation se maïntient en- core. Il ne se montre guère plus bas, même en hiver, que parfois dans les temps de neige, d'orage et de brouillard, ou lorsqu'il se sauve brusquement pour échapper à l’oiseau de proie, Au cœur de l’hi- ver, il reste souvent caché dans les bois, s’y nour- rissant avec le bout des plantes qui restent un peu vertes , avec les boutons des arbustes et des buis- sons qui sortent de dessous la neige.
C’est vers le commencement de mai que l’amour rappelle ce Tétras sur la cime des Alpes ; alors ses bandes se dissolvent et les couples se réunissent pour la reproduction. Le mâle, qui est monogame, reste avec sa compagne jusque pendant l’éduca- tion des petits; bien différent des mâles des deux premiers Tétras, qui laissent les femelles dès qu’ils n’ont plus de feu à consumer avec elles. Comme les mâles des Perdrix, il se tient, quand elle couve, auprès de la nichée; et presque chaque
460 ORNITHOLOGIE
fois qu’elle sort pour aller chercher sa subsistance, il la suit de près et revient ensuite avec elle au nid. La femelle du Ptarmigan pond vers la fin de mai ou dans les premiers jours de juin. Pour cela, elle se prépare un petit creux circulaire de 20 à 25 centim. de diamètre, au pied d’un roc ou sous quelque arbrisseau rampant, spécialement sous le saule émoussé (salix retusa, Linn.)et sous le saule herbacé (salix herbacea, Linn.) ; ou bien sous une grosse pierre garnie de mousse ou d’épais lichens et fixée en terre, quelquefois au milieu des herbes ou des bruyères, souvent dans des lieux d’un accès difficile. Ce creux achevé, elle y trans- porte quelques feuilles sèches, un peu d’herbages de pré ou de racines flexibles , destinés à recevoir la couvée. Celle-ci se compose de 7 à 15 œufs oblongs, d’un gris jaunâtre ou roussâtre, ou d’un jaune rougeâtre, et couverts de points et de taches irrégulières, noires ou d’un noirâtre presque lavé de rougeâtre : ils ont 4 cent. 1-2 mill. de lon- gueur, et 2 cent. 9 ou 10 mill. de diamètre. La femelle est si attachée à les couver qu’on la saisit parfois sur le nid, sans qu’elle fasse le moindre effort pour se sauver. Les petits éclosent vers le vingt- troisième ou le vingt-quatrième jour de l’incuba- tion, tout vêtus d’un duvet laineux, blanc jaunâtre sur le dessous du corps, et varié de gris, de bru- nâtre et de jaunâtre sur les parties supérieures.
RER ER ET PS a rames Re
DE LA SAVOIE. 461
Quelques heures après leur naissance, ils courent _tous pêle-mêle après leurs père et mère parmi les herbes et les petites pierres ; saisissant à la hâte à terre, sur la mousse et le long des tiges d'herbes, les tout petits insectes que l’homme, quoique avec une fort bonne vue, découvre avec peine. Ils boi- vent fréquemment les petites gouttes de rosée qui pendent aux feuilles des plantes, ou l’eau pluviale qui se loge dans les cavités des pierres. Souvent la mère les rallie autour d’elle pour les réchauffer quel- ques instants sous ses plumes, absolument comme la poule soigne ses poussins. Quand ils sont me- nacés, elle les fait cacher sous les pierres ou sous d’épais buissons; mais surpris à l’improviste par quelque ennemi, avant que le père ou la mère aient eu le temps de les avertir du danger, ces petits s’é- chappent en courant de tous les côtés dès que leurs parents prennent brusquement le vol en se désolant, et bientôt 1is s’accroupissent dans des creux sous des rocs amoncelés et sous des arbustes rampants.
Après leur éducation achevée, les jeunes conti- nuent à vivre en famille jusqu’au renouvellement des amours. Quelquefois les nichées du même can- ton se réunissent ; c’est alors que ces oiseaux con- stituent des troupes de plus de quarante ou cin- quante sujets qui vivent ensemble dans le plus par- fait accord, courent presque toujours avec vitesse quand ils sont à la quête desaliments. Découvrent-ils
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alors le chasseur, ils s’arrêtent séparément derrière les pierres, l’épient un instant et se remettent aussi- tôt à courir un peu plus loin; alors s’ils se voient encore poursuivis de près, ils partent tous à la fois d’un vol très-bruyant, et forment, suivant qu’ils sont plus ou moins rapprochés sur le sol au nio- ment où ils s’élancent, un ou deux bataillons et même plus, qui se dirigent néanmoins tous du inême côté. Lorsqu'on les chasse dans des lieux ouverts ét chargés de neige, ils ont parfois la ruse, en nous voyant, de rester accroupis sur la neige, où en effet la blancheur de leur plumage ne les laisse guère découvrir,
La chair du Tétras Ptarmigan est fréquemment, l’automne, parfumée du goût des plantes les plus odoriférantes de nos Alpes, surtout du serpolet et du thym, dont les fleurs et les feuilles forment effec- tivement dans des lieux presque toute sa nourri- ture. Malgré cet avantage, elle n’est guère estimée en Savoie ; on l’y apprète souvent comme le lièvre, en civet, à cause de ses odeurs que l’on dit fortes.
DE LA SAVOTE. 463
Trente et unième Famille.
PERDICIDEES (Perdicidæ).
Caractères : Bec court ou médiocre, comprimé, fort, nu à sa base, convexe en dessus, et courbé vers la pointe de la man- dibule supérieure qui recouvre les bords de l’inférieure. Narines basales, à moitié fermées par une membrane nue et renflée ; très- souvent un espace nu derrière l'œil. Tarses médiocres, nus, reti- culés : trois doigts devant réunis à leur base par une petite mem- brane jusqu’à la première articulation, un derrière ne portant quelquefois à terre que sur le bout. Ailes courtes, arrondies, concaves. Queue courte, penchée.
Cette famille se compose ici des deux genres :
Perdrix (Perdixæ) et Gaille (Coturnix).
LVIL: Genre : PERDRIX (Perdix).
Les Perdrix ont toutes un air de famille qui les fait facilement reconnaître et distinguer des Tétras. fndépendamment des caractères décrits à l’article précédent, elles ont la tête petite, ronde; le cou de moyenne longueur; le corps massif, presque arrondi; les tarses nullement emplumés, mais scutellés et médiocres ; les pennes de la queue constamment courtes et penchées vers terre,
Elles ont presque les mêmes mœurs, les mêmes habitudes. Lisières des bois, lieux broussailleux , vignobles, champs cultivés et rocailles, sont leur demeure habituelle ; elles vivent là de graines cé- réales , de semences de plantes , d'insectes et de vers, Elles passent presque toute leur vie à terre,
464 ORNITHOLOGIE
perchent très-rarement, et ne volent guère que lorsqu'on les poursuit, ou quand elles se sauvent à l’arrivée de l’oiseau de proie. Sédentaires dans nos contrées, elles restent d'habitude cantonnées dans le district même où elles ont été élevées ; rarement sortent-elles du pays en automne ou pendant les rigueurs de l'hiver. Quelques-unes changent seu- lement de localité, quandelles s’y trouvent rassem- blées en trop grand nombre; mais habituellement elles n’opèrent pas de grands voyages.
Les Perdrix vivent en monogamie. Les mâles sont très-lascifs et même jaloux pendant le temps des amours. Une fois associés avec une femelle, ils restent avec elle durant toute la période de la repro- duction. Celle-ci niche toujours à terre, pond une grande quantité d’œufs qu’elle couve seule et sou- vent en présence du mâle. Les petits ont à peine brisé leurs coquilles, qu'ils se mettent à suivre leurs père et mère quiles conduisent avec attachement et s’ex- posent quelquefois pour les sauver du danger : chaque petit est alors couvert de duvet et pourvoit lui-même à sa nourriture. Après l'éducation des jeunes, ces oiseaux restent en famille ou constituent des bandes assez souvent nombreuses, qui ne se séparent qu’à la période prochaine. Le chasseur ou quelque oiseau de rapine parviennent-ils à disperser les sujets qui les forment, on les entend quelques heures après, ou le soir, à l’approche de la nuit,
DE LA SAVOIE. 465
se rappeler de tous les côtés. Leur vol est bas, droit, souvent précipité, et pénible aux premiers élans, suivant les lieux où ils se trouvent; mais leur marche est facile, tranquille quand rien ne les inquiète, très-rapide lorsqu'ils se voient poursuivis. Souvent ils se mottent à l’arrêt des chiens, puis s’envolent tous à la fois ou l’un après l’autre, selon les espèces. Leur chair est délicate et partout très- recherchée. [ls muent une seule fois dans l’an. Le mâle et la femelle se ressemblent beaucoup, mais sont faciles pourtant à distinguer par quelque attri- but particulier. Les jeunes ne diffèrent des adultes que jusqu’à leur première mue.
La Suisse et la Savoie possèdent trois espèces de Perdrix, qui toutefois produisent souvent des variétés ou races à dimensions et proportions moindres. Ces oiseaux portent les couleurs de leur livrée distribuées par masses uniformes. Ils sont pulvérateurs. Les mâles ont un tubercule calleux (vulgairement ici, éperon) aux tarses.
186.—Perdrix Bartavelle /Perdix Saxatilis).
Noms vulgaires : La Bartavelle, Bartella, Grosse Perdrix Rouge, Groussa Petdry Rozet, Perdrix des Rochers, Rocassière ou Rochassière.
La Perdrix Bartavelle (Buff.).—La Bartavelle ou Perdrix Grecque (Cuv.).— Perdrix Bartavelle (Perdix Saxatilis), Vieill., Temm. — Perdrix Bartavelle (Perdix Græca), Degl.— Coturnice (Savi).
proche semblable, il a les tarses, le bec, le tour des yeux et un espace derrière l’œil rouges; l'iris d’un brun rougeûtre , inclinant au gris quelques heures après sa mort ; le lorum ou l’espace situé entre le bec et l’œil noir. Mais il en diffère par les nuances et la distribution des couleurs des autres parties. Un cendré teinté de bleuâtre règne sur une partie de la tête, sur le cou et le croupion; un autre cen- dré, mais lavé de rougeâtre, couvre le vertex et le dos. Au-dessus des veux , apparaît un petit trait blanc, qui se prolonge jusque derrière la région parotique ; puis une bande noire prend naissance à la base du front, passe au-dessus de l’œil et s’é- tend au delà, descend ensuite en un large collier sur les côtés des joues , de la gorge et du devant du cou, dont elle encadre le blanc qui les occupe. C’est encore le cendré bleuâtre qui envahit la poi- trine ; mais les flancs sont d’un gris bleuâtre clair, avec chaque plume traversée par deux bandes noi- res, séparées par une autre bande blanche glacée de jaunâtre , et terminée par un liséré d’un roux pres- que marron, Le milieu du ventre, l'abdomen et les jambes sont d’un jaune roussâtre ; les sous-caudales d’un jaune d’une teinte un peu plus foncée. Les ailes se trouvent colorées d’un cendré rougeûtre comme le dos ou le manteau, et les rémiges por- tent, vers leur extrémité, une bordure d’un jaune d’ocre. Les sus-caudales et les quatre pennes inter-
Le errin Libr. du. Chambéry. 1 Perdrix Bartavelle,222/e 2 dulle; 4 497r.ral.; p.465: 03 Girls de lespere ; s O1.nàl. { Hy bride provenant de l'accouplement de la Perdrix Bartavelle avec la P. Rouge, n <dulle; 1/7 gr". nal;P. 467. ù Perdrix Rouge, mâle adulte: gr nat, P#79-6 Zuf delespece;s oral.
lerner del.£ Lith.
DE LA SAVOIE. 467 médiaires de la queue sont cendrées, à peine nuan- cées de roussâire vers la pointe; les latérales sont d’un roux vif.
La femelle est plus petite que le mdle: sa taille est de 34 à 35 cent. Elle est privée de callosités aux tarses, Son cendré bleuâtre de la tête, du cou, du croupion et de la poitrine est moins pur; le noir qui entoure la gorge paraît plus étroit, et les bandes transversales noires, jaunâtres et rousses des flancs, sont moins larges que chez le mâle.
Les jeunes, avant la première mue, ont le bec, le tour des yeux et les tarses d’un rouge pâle; le des- sus du corps d’un cendré plus ou moins varié de rous- sâtre et régulièrement tacheté de brun et de blan- châtre ; après la mue , ils ressemblent aux adultes.
La Bartavelle s’accouple parfois, dans nos mon- tagnes , avec la Perdrix Rouge. 1 résulte de cette alliance des sujets qui, par la taille , les couleurs et leur disposition, tiennent le milieu entre ces deux espèces. D’habitude le mâle a plus d’affinité avec la première qu'avec la seconde: c’est le con- traire dans la femelle. Ces hybrides, que nos chas- seurs nomment improprement Bartavelles, se dis- tinguent surtout par leur taille presque un peu plus grande que celle de la Perdriæ Rouge, et un peu plus petite que chez la Bartavelle; par le collier noir qui est comme celui de cette dernière, mais suivi de quelques taches noires, comme dans la pre-
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mière, et toujours moins longues, moins nom- breuses; parles flancs rayés de deux bandes noires comme chez la Bartavelle, mais dont la supérieure est peu marquée, assez souvent interrompue dans son milieu. Enfin, on les reconnaît à leur plumage qui a moins de gris cendré et plus de roux que celui de l’espèce de cet article, plus de cendré et moins de roux que dans la suivante. C’est un hybride de ces deux Perdrix que M. Bouteille, directeur du muséum de Grenoble, a publié dans son ornitho- logie du Dauphiné, comme une nouvelle espèce, sous le nom de Perdrix Rochassière (Perdix Labatiei).
La Bartavelle est actuellement peu nombreuse en Savoie; autrefois elle s’y trouvait commune. Ce sont certains Rapaces , notamment les Faucons et les Au- tours qui souvent se propagent à proximité de son séjour habituel, les intempéries, surtout la grêle dont la montagne a été tant de fois battue ces temps derniers, et les différents genres de chasse qu'on n’a pas encore cessé d’y faire toute l’année sur divers points à toute espèce de gibier recherché, qui ont chacun de leur côté contribué vivement à la rendre rare dans ce pays. Elle habite encore assez abondamment les Alpes Suisses, les montagnes du Jura, celles des Basses-Alpes et des Pyrénées.
Cette Perdrix se plaît dans des lieux élevés, arides, rocailleux, et à pente souvent de difficile accès. Elle ne descend sur les coteaux ou jusqu'à
DE LA SAVOIE. 469 la plaine que pendant les temps de neige ou durant l'intensité du froid , assez rarement à l’époque des amours, à moins que les hauteurs qu’elle fréquente par habitude ne soient encore envahies par les neiges ; mais à toute autre saison, elle y descend surtout quand le chasseur ou l’oiseau de proie lui font la guerre dans sa localité ; et après un séjour
de quelques heures, elle regagne de monticule à
nonticule des régions plus élevées.
Ce Gallinacée s’apparie dans le mois de mars, et il est très-ardent en amour. Les mâles se provoquent à grands cris, Se battent parfois avec acharnement pour la possession d’une femelle qui doit être le prix du vainqueur. Leur humeur érotique, que- relleuse et jalouse les rend par moments si furieux dans le combat, qu'oubliant jusque leur propre conservation , ils se laissent fusiller presque à bout portant par les braconniers accourus à leurs cris sur le champ de bataille. Le cri d’appel du mâle se traduit par les mots : Kakabi, kakabet, articulés rapidement, à plusieurs reprises, et qu’il varie par d’autres accents plus graves, plus amoureux: Cok cok cokrro, également répétés. En imitant leur voix , ou celle des femelles , on les aborde facile- ment ; mais souvent ils accourent eux-mêmes, en s’entendant rappeler, au-devant du braconnier qui les attend caché dans des buissons ou sous des rocs pour les tirer. Autrefois, quand les Bartavelles
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étaient communes dans ce pays, les villageois de plusieurs localités les attiraient au printemps, au moven de l’appeau , jusque dans des piéges tendus autour de leurs habitations. Se procuraient-ils une femelle , ils la conservaient vivante , la tenaient au milieu des engins pour qu'elle leur profität; et de fait, tous les mâles qui venaient soit à ses cris, soit à l’appeau du villageois, se précipitaient vers elle, en l’apercevant , et couraient ainsi, entraînés par leur ivresse luxurieuse, à leur propre perte. La Bartavelle se reproduit dans les lieux les plus déserts, les plus pierreux de sa localité. Pour pondre, la femelle y choisit l’endroit qui lui paraît le plus à l’abri des visites des Corbeaux, des Renards, et d’autres animaux de rapine très-avides de ses œufs. Elle amasse là dans un petit creux, sous quelque buisson épais, sous une pierre ou au pied des rocs recouverts de broussailles ou de touffes de plantes, quelques brins de paille et d'herbes, qu’elle mélange avec des feuilles sèches ; puis elle y dépose, en mai, de 9 à 18 œufs. Ils sont oblongs, d’un blanc tournant au jaunâtre ou d’un blanc glacé de roussâtre , pointillés et tachetés de fauve ou d’un brunâtre inclinant presque au rougeà- tre. Leur longueur est de 4 cent. 2 à 3 mill., sur 3 cent. 1-2 mill. de largeur diamétrale. La femelle seule les couve, et le mâle reste toute la durée de l’incubation aux alentours du nid. T’approche-t-on
DE LA SAVOIE. 471 de trop près, il part en poussant son cri d’inquié- tude , par lequel il semble redire deux ou trois fois consécutives : Tra, tre, tri, el va à une petite dis- tance se réfugier dans les rocs ; mais bientôt après, on le retrouve dans son premier séjour,
À la naissance des petits, le mâle se joint souvent à la mère pour les conduire à la pâture : alors l’un et l’autre de concert les soignent avec amour, les dirigent , les avertissent du moindre danger par un cri particulier , leur donnent le signal de la fuite ou les font cacher sous les pierres et dans les fourrés. La famille reste unie jusqu’au prin- temps. Pendant tout le temps qu’elle passe ensemble après l’éducation, c’est encore le père et la mère, ou celle-ci seule, qui la dirigent. En se voyant menacée, soit que le chien du chasseur la pour- chasse, soit que l’oiseau de proie la guette en pla- nant dans les airs, cette troupe se blottit à terre, dans les buissons ou au pied des amas de pierres: et le danger est-il imminent, tout à coup les chefs partent; après eux, les jeunes s’envolent tous ensem- ble ou l’un après l’autre et de différents côtés, selon qu'ils sont plus ou moins éloignés les uns des au- tres, etvont àune moyenne distance s’éparpiller dans les rocailles ou les taillis. Mais le père ou la mère ne tardent pas à les rassembler, en les rappelant par leur cri ordinaire; et chaque petit leur répond ense dirigeant à la course vers le lieu du rendez-vous. Ce
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sont là les moments où le chasseur, avec un chien d'arrêt docile, fait toujours d’heureuses rencontres.
La Perdrix Bartavelle se nourrit de graines de différentes sortes, de semences, de sommités d’her- bes et de fleurs, de larves, d’œufs de fourmis et d'insectes. En hiver , elle recourt quelquefois aux baies sèches et aux bourgeons. Sa chair est très- estimée; parfois on lui trouve un léger goût d’a- mertume empruntée, sans doute, des substances résineuses qu'elle consomme dans les temps de disette. Son vol est d'habitude court, fort bruyant, presque toujours précipité. Elle s’accommode assez facilement de l’état de captivité. Je l’ai vue quelque- fois vivre aussi librement que la Perdrixæ Rouge dans des jardins et des maisons. La femelle qui avait son mâle, y pondait même au printemps, mais jamais elle ne couvait ses œufs ; on les trou- vait du reste un à un déposés dans différents lieux.
4181.Perdrix Rouge /Perdixr Rubra).
Noms vulgaires : Perdrix Rouge, Petdry Rozet, Petite Rocassière.
un.
Le mâle adulte de cette Perdrix a 33 à 34 cent. de taille. Il est d’un cendré roussâtre sur les par- ties supérieures du corps, mais plus spécialement teinté de roux à la tête, au cou et sur le haut du dos. Ses sourcils sont blancs : ils commencent au front
DE LA SAVOTE. 473 et s'étendent jusqu’au delà des oreilles. Les rémi- ges sont brunes, bordées extérieurement de jau- nâtre. Les quatre pennes du milieu de la queue offrent presque la même nuance que le dessus du corps; les autres sont d’un marron rouge. Le blanc pur des joues et de la gorge est entouré d'une bandelette noire, qui part des lorums , passe au- dessus de l’œil, sur la région parotique, où elle est un peu marquée de roussâtre, descend ensuite sur les côtés et le devant du cou, tout en se divisant en un grand nombre de mouchetures de même couleur, depuis les oreilles jusqu’à la poitrine. Le milieu et le bas de cette partie sont cendrés, les côtés colorés de roux: le ventre et l'abdomen d’un roux clair ; les sous-caudales d’un roux presque un peu plus foncé. Les flancs sont d’un cendré bleuâtre, avec chaque plume marquée, en travers, d’une bande blanchâtre, suivie d’une autre noire plus étroite, et terminée par une frange de roux marron. Comme chez la Bartavelle, le bec, le tour des yeux, avec un faible espace derrière ces organes, et les pieds sont rouges; ces derniers ont aussi une callosité à la partie postérieure du tarse; l'iris est brun rouge.
La femelle est un peu moins grande que le mâle : elle à 30 à 31 cent. de longueur. Chez elle, les couleurs sont généralement moins vives; la bande- lette noire qui encadre le blanc des joues et de la gorge, est moins large et se divise en moins de
474 ORNITHOLOGIE taches. Ses tarses n’ont point, comme dans le pre- mier, de tubercule calleux.
Les Jeunes, en éclosant , sont revêtus d’un duvet cendré roussâtre sur le dessous du corps, avec des taches rousses et brunâtres sur les parties latérales de la poitrine. Ils sont roux à la tête, variés de brun, de roussâtre et de cendré sur le corps et les ailes. Leurs tarses sont d’une couleur de chair rougeûtre.
Plus tard, mais avant leur première mue, ils ont le dessus du corps brun roux, tacheté irrégulière- ment de cendré roussâtre, de brun foncé aux sca- pulaires et aux ailes. Le cendré roussâtre occupe encore les parties inférieures ; il est moins pur au milieu de la poitrine et aux flancs, dont l'extrémité des plumes est rayée de roux.
Après la mue qui commence à la fin d’août où en septembre, suivant l’âge des couvées, les jeunes portent la livrée des adultes ou des vieux. Cepen- dant on peut encore les distinguer de ceux-ci par la première penne de Paile qui est pointue et termi- née de blanchâtre.
Toutes les Perdrix Rouges ne sont pas de la même orosseur ; aussi, nos chasseurs en admettent-ils deux races qui ne diffèrent absolument que par la taille : ils les distinguent en Petites et en Grandes ou Grosses Perdrix Rouges. Ges dernières, que l’on confond aisément avec les Bartavelles, sont assez
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rares dans nos contrées et communes dans le Midi. Ici, elles habitent des lieux moins élevés et moins froids que les premières ; habituellement on les ren- contre auprès des carrières, sur les coteaux pier- reux, et dans les vignobles qui dominent la plaine.
La Perdrix Rouge est plus répandue en Savoie que la Bariavelle, mais moins nombreuse que la Perdrix Grise. Comme elles deux, elle y vit séden- taire. Elle se tient dans les lieux montueux et acci- dentés, à des régions d’un degré plus basses que la première espèce. On l’observe surtout sur les lisières et dans les clairières des bois où rarement elle pénètre, sur les revers des collines couvertes de bruvères, de taillis de hêtres et de chênes, ou plantées de vignes, ainsi que dans les moissons qui les environnent. Elle se choisit dans ces lieux un canton qu’elle quitte seulement quand elle y est trop persécutée ; alors il n’est pas rare qu’elle des- cende pour quelque temps jusqu’à la plaine ou jus- qu’au pied des monis adjacents.
Après l’éducation des petits, cette Perdrix vit encore en famille. Mais comme l’on s’acharne à la chasser au plus vite, il arrive très-souvent qu'aux premiers Jours de l’automne, on ne la trouve plus que solitaire ou par deux ou trois ensemble : seuls sujets qui restent de quelque compagnie qui était en principe de 42 à 18 individus. A la mi-février, ou un peu plus tard, elle entre en chaleur; c’est alors que
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ses bandes se dissolvent, que les paires s'unissent, s’isolent. Le mâle, du bout d’un tertre ou de quelque grosse pierre, fait entendre fréquemment, le matin et le soir, ses accents d'amour : Ket, ket, ketdin, ketdin, ketdin, keldinkin, ketdinkin, ket, ket, ket, keldin, ketdin, ketdinkin, ketdinkin, ket, ket, ket ; mais vient-on à le surprendre ou à le troubler dans ses amours, aussitôt 1l s'envole à une petite dis- tance, ou se retire à la course à travers les buissons, en exprimant son mécontentement par cet autre cri particulier, qu’il reproduit plusieurs fois de suite : Kret, kret, kret, ou kreï, kreï, kreï.
La Perdrix Rouge niche sous les fourrés des buissons, dans les herbes, les bruyères, quelquefois dans les vignes, les champs de blé et d’avoine. Avant de pondre, la femelle y gratte un peu la terre pour former une petite cavité, dans laquelle elle apporte des brins d'herbes , quelques racines et des feuilles sèches. Ce matelas grossier reçoit en mai, ou seulement au commencement de juin, 12 à 18 œufs, d’un blanc jaunâtre sale ou d’un fauve clair, ou bien d’un gris plus ou moins rous- sâtre, et recouverts d’un grand nombre de points et de taches très-irrégulières, d’un ton plus foncé, tantôt roussâtres ou brunâtres, tantôt d’un brun roux. Ges œufs varient beaucoup dans leurs dimen- sions; en moyenne, ils ont à cent. 8 à 10 mill. de long, et 2 cent. 9 à 10 mill. de large. La femelle
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les couve avec sollicitude pendant 22 à 24 jours con- sécutifs; mais à peine s’adonne-t-elle à ce devoir, que le mâle devient très-indifiérent pour elle; il la quitte fréquemment, et va faire bande avec les au- tres mâles du canton, même avec ceux dépariés par accident ou qui n’ont pu avoir de femelles ; puis il revient se montrer de temps en temps auprès de la couvée. Quand les petits sont éclos, c’est encore la mère qui reste chargée de les conduire à la recher- che de leur nourriture qui consiste en vermisseaux, petits insectes et œufs de fourmis ; elle veille avec un soin extraordinaire à leur conservation. Le père suit parfois la famille, mais souvent celle-ci marche sans lui, Si quelque ennemi dangereux la surprend, c’est alors que la mère recourt à tous les moyens de ruse que son instinct lui suggère pour la sauver : elle s’élance en criant et retombe presque aussitôt à terre, feignant de ne pouvoir voler; là, elle feint encore de ne pouvoir courir : elle boîte, bat de l'aile en se traînant sur le sol, va et vient d’un côté et d’autre, afin d’attirer l’ennemi à elle, cherchant à lui donner le change et à laisser ainsi à sa race le temps de se chercher un refuge. Les petits se tapissent alors séparément entre deux mottes de terre, dans un creux, sous les pierres ou sous les buissons : frappés de stupeur, ils y restent immobiles tant qu'ils entendent du bruit autour d’eux ou leur mère se désoler, et trompent facilement l’œil le
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mieux exercé ; car, dans le premier âge, leurs cou- leurs ne contrastent guère avec celle du sol qu’ils hantent.
Au mois d'août, ces perdreaux sont généralement en état de se soustraire par le vol aux poursuites de leurs ennemis, et ont bientôt acquis assez de ruse pour déjouer les calculs les mieux combinés des chasseurs et pour se dérober à leurs coups de feu. À cette époque, on les rencontre par compagnies dans les blés tardifs et les avoines, dont ils se re- paissent du grain, dans les vignes, où ils mangent de moment en moment le raisin, et dans les lieux brous- sailleux, capables de leur fournir baies, semences, insectes et petits limacons pour leur pâture. Quand ils sont bien repus et tranquilles, iis s'arrêtent dans quelque lieu sec, y forment de petits creux pour se rouler des heures entières tous pêle-mêle sur la terre ou le sable, comme le font les poules autour des maisons rurales. Les jours de chaleur exces- sive, ils entrent quelquefois dans les bois de haute futaie, pour y chercher la fraîcheur ; de fois à autre ils perchent sur les branches basses des arbres, ils montent même, lorsqu'ils sont trop vivement pour- suivis par les chiens, sur les branches moyennes.
Les Perdrix Rouges sont moins sociables que les Perdrix Grises. Quoiqu'’elles se réunissent par ban- des ou restent en famille après leur éducation, elles se tiennent d'habitude plus éloignées les unes
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des autres que ces dernières , en pareille circon- stance : aussi, lorsqu'on les fait lever, elles ne par- tent pas toutes à la fois, comme elles, pour se suivre, mais les unes après les autres et de différents côtés, allant se répandre çà et là dans les bruyères, genêts, champs, vignes et bois des alentours; puis au plus tard, à l'approche de la nuit, elles se réu- nissent toutes en s’entr'appelant, Quand on les chasse sur le penchant des montagnes, elles plon- gent verticalement dans les précipices; si l’on va à leur remise, très-souvent elles regagnent le haut de la colline. En plaine, elles volent droit et avec roi- deur. Lorsqu’elles marchent, elles relèvent à tout moment la tête avec fierté, et l’abaissent ensuite de manière à la mettre avec le corps dans un plan ho- rizontal, Mais si elles se sauvent à la course devant quelque ennemi, leur marche est rampante ; c’est alors qu’elles vont avec vélocité le long des sentiers battus, des sillons, et au travers des buissons; puis tout à coup elles s'arrêtent, épient de derrière une motte ou une pierre chaque mouvement du chas- seur, courent un peu plus loin et se gîtent encore pour le voir venir. Enfin elles ne prennent l’essor guère que dans le danger imminent; quelquefois elles franchissent alors de grandes distances; elles descendent jusqu'en plaine, comme quand elles fuient pour échapper à l'oiseau de proie, elles s’a- battent même dans les cours, dans les jardins, ou
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bien elles entrent jusque dans des maisons. Elles y tombent lourdement, comme si elles eussent été lan- cées du haut des airs, et y restent dans un tel état de stupeur, qu’on les prend souvent à la main sans qu’elles paraissent songer à se sauver. De pareils faits se sont reproduits les années dernières dans notre pays : à ma connaissance, trois Perdrix Rou- ges et deux Bartavelles y furent prises de la sorte.
La Perdrix Rouge se prive aisément en volière. Comme la Bartavelle, elle y pond quelquefois, mais comme elle, elle ne soigne point ses œufs. M. l'abbé Morat réussit, en 1851, pendant son vi- carlat au Bourget, à faire couver par une poule tous les œufs d’un nid de Perdrix Rouge. A l’éclo- sion, quelques petits périrent ; les autres, sous la surveillance de cette mère complaisante, se mirent le jour même de leur naissance à se nourrir des ali- ments qui leur furent préparés. Un an après, je revis ces derniers dans les jardins des alentours du presbytère, où ils vivaient très-librement, retour- nant à toute heure de la journée dans leur refuge habituel, chez leur maître.
182.—Perdrix Grise /Perdix Cinerea]. Noms vulgaires : Perdrix Grise, Petdry Grisa ou Griga. La Perdrix Grise (Buff.). — La Perdrix de Montagne et la Petite Perdrix
Grise, du même auteur, sont des races ou variétés. — Perdrix Grise (Perdix Cinerea), Vieill., Temm., Degl.—Starna(Savi).
Nos chasseurs reconnaissent dans cette espèce, les uns deux races ou variétés de grosseur, les autres
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trois : la petite, qu’ils désignent sous le nom de Petite Perdrix Grise de Passage, la moyenne et la grande.
La première de ces races n’est guère que pas- sagère en Savoie, vers le milieu de l’automne et à l'entrée de l'hiver; quelques couples rares y nichent pourtant, dans les régions moyennes et cultivées des Alpes. Les deux autres sont sédentai- res, assez répandues.
Quant à la pelite race, que l’on nomme vulgaire- ment Roquette dans quelques localités en France, elle porte le même plumage que notre Perdrix Grise ; mais elle en diffère par sa taille qui est d’un liers environ plus petite, et par son humeur erra- tique. Dans ses voyages, qu’elle opère par troupes souvent très-nombreuses, elle ne se mêle pas aux bandes de cette dernière ; elle ne reste jamais, comme elle, longtemps dans la même localité : elle “abandonne, pour voyager, jusque celle qui l’a vue naître, quoiqu’elle y trouve sa nourriture en abon- dance. Plus farouche qu'elle, elle se laisse aussi plus difficilement approcher. Son vol est en outre plus soutenu, plus élevé. Son genre de vie difiérent de celui de la Perdrix Grise l’a fait regarder tantôt comme une variété locale ou race constante, tan- tôt comme une espèce parfaitement distincte de celle-ci : elie est décrite dans plusieurs ouvrages scientifiques, sous les dénominations : Petite Per-
MIT: 31
482 ORNITHOLOGIE driæ Grise ou Perdrix de Passage (Perdix Damas- cena, Latham).
Quant aux deux autres variétés de grosseur, la moyenne et la grande, elles ont absolument le même plumage; c’est à peine si elles diffèrent l’une de FPautre par la taille : la première a un peu moins d’embonpoint que la seconde, qui, sans doute, aura vécu un peu plus qu’elle dans l’abon- dance, ou habité une localité moins élevée, moins froide. | |
Le mâle adulte de Ia Perdrix Grise a 32 à 88 centim. de longueur.
Il est d’un roux pâle sur le front, au-dessus des veux, aux côtés de la tête, à la gorge et sur le haut du devant du cou; d'un brun roussâtre, parsemé de traits jaunâtres, au vertex, à l’occiput et au centre de la nuque : les autres parties supérieures offrent un mélange de cendré plus ou moins brunä- tre, de zigzags et de traits noirs, avec des taches d’un roux rouge, des lignes longitudinales d’un blanc jaunâtre, et de nombreux zigzags roux jau- nâtres sur les ailes. La queue se compose de 18 rec- trices dont les 12 latérales sont d’un roux rou- seûtre, terminées par un liséré gris, à peine visible, et les 6 médianes variées de cendré, de roux et de noir, à peu près comme le dos. Le cou, la poitrine et les flancs sont cendrés, garnis de zigzags noirs, avec de larges bandes transversales d’un roux
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rouge sur les flancs, et de petits traits longitu- dinaux blancs au milieu des plumes. Le haut du ventre est marqué d'une large plaque d’un marron foncé , en forme de fer à cheval, et enca- drée de blanc ou de blanchâtre ; l'abdomen d’un blanc ocrassé ; mais ses parties latérales, ainsi que les sous-caudales, sont d’un blanc roussâtre, par- semé de taches brunes ou brunâtres, avec du blanc le long de Ia direction des baguettes des plumes. Le bec est brun olivâtre; l'iris d’un brun roux ; les tarses gris. Derrière l'œil, est un petit espace nu et rouge. ;
Chez la femelle, tes couleurs se trouvent généra- lement plus foncées ; le roux de la face paraît moins étendu ; le dessus de là tête est parsemé de petites taches arrondies, d’un blanc roussâtre ; la plaque du haut du ventre est blanche, beaucoup moins prononcée que dans le mâle; mais dans un âge avancé, elle prend plus d'extension, elle se colore de brun.
Les jeunes, en se dépouillant du duvet blanc rous- sâtre, qui est leur premier habillement, se revêtis- sent, dans les deux sexes, de plumes d’un gris rous- sätre sur le devant du corps, et de plumes brunes jaunâtres, variées de bandes et de raies d’un brun noirâtre, en dessus. [ls n’ont point alors d’espace nu et rouge derrière les yeux, ni de fer à cheval sur le ventre ; leurs pieds sont jaunâtres. Ils gardent
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484 cette livrée jusqu'à leur première mue qui com- mence vers la fin d'août ou dans les quinze pre- miers jours de septembre, suivant leur âge. Alors ils se colorent comme les adultes.
La Perdrix Grise varie accidentellement du blanc pur au blanc roussâtre. Ces couleurs sont générales ou partielles : dans ce cas, elles se trouvent quel- quefois variées des couleurs ordinaires, ou distri- buées par plaques ou par grandes taches sur quel- ques parties du corps.
Cette Perdrix est sédentaire et la plus commune de toutes dans nos localités. Elle habite diverses contrées de l’Europe; mais plusieurs pays la pos- sèdent toute l’année, tandis que d’autres ne la voient paraître guère qu’à l’époque de ses voyages d’au- tomne et d'hiver. M. le docteur Degland, de Lille, dit qu’elle est aussi rare dans le midi de la France que la Perdrix Rouge y est abondante ; et de fait, celle-ci y est commune.
Elle aime ici les pays de plaine un peu élevés, les coteaux ou la base des monts qui les dominent, etse tient dans les moissons, les trèiles, pélagras, vignes et broussailles. Les lieux accidentés ont pour elle peu d’attraits; elle ne s’enfonce dazs les forêts que quand elle se voit poursuivie par le chasseur ou par l’oiseau de proie. D'un naturel très-sociable, elle vit en famille ou par bandes jusqu à la fin- février, époque à laquelle ses amours commencent.
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Dès lors, on ne la revoit plus que par paires jus- qu’à la naissance des petits.
Les Perdrix Grises vivent presque à la manière des Perdrix Rouges, et comme elles, elles mar- chent, courent plus souvent qu’elles ne volent. Mais réunies en compagnie, elles ont plus soin qu’elles de rester rapprochées les unes des autres : aussi, quand on les aborde, les voit-on partir toutes à la fois, se suivre et s’abattre ensemble à quelque dis- tance du lieu d’où elles se sont levées. Si l’on tire leur bande au lever , très-souvent on la disperse ; mais quelques heures après, elles se retrouvent toutes en se rappelant par des cris aigres, qui imi- tent en quelque sorte le bruit d’une scie, et retour- nent ensuite dans le plus parfait silence à leur can- ton. La voix des mâles est plus forte, plustraînante que celle des femelles. Si, lorsqu'ils sont assemblés, ces Gallinacées découvrent quelque oiseau de ra- pine , aussitôt ils se groupent, se serrent les uns contre les autres, comme s'ils devaient lui en impo- ser par leur nombre ou repousser à l’envi ses atta- ques ; mais dès qu'ils voient le danger, ils s’envo- lent en toute hâte, se jettent dans les bois, les fourrés, les blés ou les jardins, où ils se blottissent à terre, tenant souvent la tête cachée ou enfoncée dans un trou ou sous des feuilles. fls sont alors si stupides, qu’on parvient quelquefois à les prendre, sans qu'ils fassent le moindre mouvement pour s'échapper.
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Comme leurs congénères, nos Perdrix Grises passent assez constamment leur vie dans les lieux où elles sont nées: on a beau les en chasser souvent, toujours on les y retrouve le lendemain ou quelques heures après leur fuite. Mais si la localité possède plusieurs compagnies, une ou deux d’entre elles Ja quittent, et vont s'établir dans quelque district voi- sin. Graines céréales, insectes, larves, petits coquil- lages, vermisseaux , sommités des herbes les plus tendres, celles surtout des blés verts, des laitues, des séneçons, composent leur principale nourriture, Quelquefois elles creusent dans les terrains humides pour y trouver les vers qu’elles affectionnent, dans les fourmilières pour dévorer les œufs ou larves qu’elles recèlent, Comme les Perdrix Bartavelles et les Perdrix Rouges, elles grattent la terre sèche et légère, afin de s’y rouler dans leurs moments de tranquillité ; comme les dernières, elles montent parfois sur les branches basses des arbres, soit pour y jouir de la fraîcheur de la brise pendant les chaleurs, soit pour se soustraire au danger, surtout aux poursuites de l'oiseau de proie. Mais elles ne se déterminent à s’y loger guère que lorsqu'elles sont seules où réunies par paires; quand , en pa- reille circonstance, elles se trouvent par bandes, elles préfèrent se retirer à la fois dans les fourrés des broussailles ou des herbes , pour s’y tapir.
La Perdrix Grise s’apparie à la fin-février ou au
DE LA SAVOIE. 487 commencement de mars. Le mâle et la femelle poussent alors le même chant: Tütrhuat tittrhuit hittrhuit, avec la différence que la dernière en arti- cule les syllabes plus promptement que le premier. La femelle pond habituellement sur la fin d’avril ou dans les vingt premiers jours de mai, et le mâle reste auprès d’elle pendant tout le temps qu’elle s’a- donne à l’incubation. Il ne prend point part à ses peines ; seulement il l'accompagne quand elle sort du nid pour aller aux vivres. Pour couver , la femelle fait choix d’un petit creux peu profond, soit au milieu des blés, trèfles, luzernes, pélagras, soit dans les herbes des prés artificiels, soit sous les buissons ou au pied de quelque arbre qui re- jette par la base; mais si elle n’en trouve pas de son goût, elle s’en forme un elle-même en quel- ques moments. Cette cavité est ensuite garnie d'herbes sèches, mélangées avec de la paille ou des feuilles ; elle reçoit 10 à 18 œufs, d’un gris jau- nâtre ou d’un gris cendré verdâtre, sans taches. Pour longueur, ils ont 3 cent. 5-6 mill., et 2 cent. 6 à 7 mill. de largeur diamétrale. Les œufs de la
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encore quand on les coupe en mai ou aux premiers jours de juin , en plaine ou sur les coteaux. Alors elle est forcée d’abandonner le nid à la merci des faucheurs. Quelques jours après , elle fait une se- conde ponte de 8 à 12 œufs ; mais les perdreaux qui en résultent ne se trouvent jamais forts pour l’ouverture de la chasse: plusieurs périssent alors par les chiens qui les pourchassent.
Les petits de la Perdrix Grise brisent leurs co- quilles du vingt-unième au vingt-deuxième jour de couvaison. Ils éclosent tous le même jour, se sau- ventavec leurs père et mère, et prennent eux-mêmes la nourriture que ceux-c1 leur indiquent: elle con- siste alors en menus insectes, œufs de fourmis, vers et vermisseaux. Quelque temps après, ils commen- cent à se repaitre du fin bout des herbes tendres, puisils ne vivent de graines guère avant qu'ils aient toutes leurs plumes, celles qui succèdent au duvet qu’ils apportent en naissant. Pour les soustraire à quelque ennemi, quand ils ne sont point en état de voler, le père et la mère recourent aux mêmes moyens de ruse décrits à l’article de la Perdrix Rouge. Les plumes des ailes sont les premières qui leur poussent; aussi, est-on surpris de les voir volti- ger quand ils ne sont pas plus gros que des Cailles, etavec tout le corps revêtu de duvet. Ils se tiennent toujours très-rapprochés de leurs parents, et partent tous à la fois au premier signal du père ou de la
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mère. Si, par quelque accident, cette troupe vient à se séparer , ce ne sera que deux ou trois heures après que ses auteurs chercheront à la réunir, au moyen de leurs cris. Chaque soir, à l’arrivée de la nuit, ils font l’appel des pelits, et leur assignent un refuge ou les abritent sous leurs plumes; le len- demain, bien avant le lever du soleil , il y a un se- cond appel, et les petits ne sont pas plutôt réunis, que toute la bande marche ensemble à la pâture.
La Perdrix Grise est très-recherchée pour les tables quand elle est jeune. Il est des amateurs de gibier qui la préfèrent à la Perdrix Rouge. Quoi- que d’un naturel sauvage, elle est pourtant sus- ceptible d'éducation et d’une familiarité extrême lorsqu'on l’élève très-jeune, ou lorsqu'on la fait naître et élever par des poules. En obtenant ces ré- sultats, des personnes ont essayé plus d’une fois d'en peupler leurs parcs ou leurs volières; mais leurs tentatives ont toujours été infructueuses. Quant aux œufs qu'elle pondait, elle les laissait de côté et d’autre, sans les soigner.
LVSHIe Genre : CALILLE (Coturnix).
Caractères génériques : Bec court, faible, nu à sa base, convexe en dessus, un peu courbe vers le bout Narines nues.à moitie clo:es par une membrane renflée. Orbites garnis de plumes; point d'espace nu derrière les yeux, comme chez les Perdrix. Tarses lisses, sans callosités dans les deux sexes. Queue courte, penchée vers la terre, et cachée par ses couvertures superieures. Ailes pointues.
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490 ORNITHOLOGIE Perdrix, et se bornent à en former une section. Cependant les Cailles diffèrent des Perdrix par des caractères extérieurs, par un port qui leur est pro- pre, par quelques-unes de leurs mœurs et habitu- des. Elles sont nomades, vivent en polygamie, res- tent isolées après l'amour, et ne se réunissent en bandes que pour opérer leurs voyages. Les femelles seules soignent leurs petits ; mais après l’éduca- tion, elles vivent, comme eux, solitaires.
183.—Caille Chanteuse / Coturnir Dactylisonans)]. Noms vulgaires : Caille, Caillaz, Caïa. La Caille (Buff.).— La Caille Commune (Cuv.). — Perdrix Caille (Perdiæ Co-
turnix), Vieill., Degl.—La Caille (Perdix Coturnix), Temm.—Coturnix Dac- lylisonans (Meyer et de S.-Longch.).—Quaglia (Savi).
Nos Caïlles varient beaucoup de la taille et de la srosseur, absolument comme la Perdrix Grise. Ces différences sont ordinairement plus notables chez les mâles que chez les femelles; comme dans cette Perdrix, elles proviennent des localités plus ou moins froides que ces oiseaux fréquentent, et de la nourriture qu'ils y trouvent plus ou moins abon- damment. Leurs habitudes erratiques doivent y être aussi pour quelque chose; et de fait, les mâles ne cessent de courir çà et là au printemps à la re- cherche des femelles pour les féconder; ils errent encore pendant qu’elles vivent sédentaires, qu’elles sont occupées à couver, à élever leurs petits; aussi, les femelles ont-elles, dès l’âge adulte, les dimen- sions plus constantes que les mâles.
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La Caille a 17 à 20 centim. de longueur.
Le mâle adulte et vieux, en élé, a le haut de la tête varié de noir et de roussâtre, avec trois bandes longitudinales d’un blanc roussâtre : une de cha que côté au-dessus de l’œil, en forme de sourcils, une au milieu de la tête, Il est cendré brun sur les parties supérieures et les sus-caudales, et varié par des taches noires, par des raies transversales d'un roux pâle, par des traits longitudinaux blancs jau- nâtres sur les tiges des plumes. Ses joues sont bru- nâtres, finement tachetées de roussâtre; la gorge est d’un roux rembruni, entourée de deux bandes noires ou brunes noïirâtres, souvent séparées l’une de l’autre par du blanc ou du blanc roux. La poitrine et lesflancs ont du roux assez clair, maillé de blanc le long de la baguette desplumes, et tacheté de brun et de roux vif sur les flancs. Le ventre, l'abdomen et les sous-caudales sont blanchâtres ou d’un blanc roussâtre. La queue est formée de 1/4 pennes, bru- nâtre, et rayée en log et en travers de blanc jau- nâtre. Le bec est brün ou brun noirâtre ; l'iris brun roux ; les pieds couleur de chair, assez souvent la- vée de jaunâtre.
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teintes du dessus du corps plus foncées, le roux des flancs moins vif que le mâle.
Les jeunes, avant leur première mue, n'ont de ressemblance qu'avec la femelle, mais ils sont tou- jours plus pelits et plus tachetés de brun sur la poitrine. Leurs tarses sont jaunâtres; le bec bru- nâtre, et la couleur principale du dessus du corps, d’une nuance penchant à l’olive.
Les jeunes mâles de l’année ne prennent du noir et du roux brun à la gorge, du roux vif aux flancs, qu'à l’arrivée du printemps , dans les climats chauds, leur séjour d'hiver, et avant de rentrer en Europe.
La Caille habite pendant l’été et une partie de l'automne presque toute l’Europe et le nord de l'Afrique, et partout on la recherche comme bon gibier. À l'approche de l’hiver, elle émigre dans le sud de l’Afrique, ou se répand en Asie et en Syrie.
Comimne les Martinets de Murailles et les Bruants Ortoluns , les Cailles commencent à nous arriver en Savoie vers la mi-avril ou un peu plus tard, dans les derniers jours du mois ou la première semaine de mai, suivant que le printemps à été plus ou moins précoce et le temps propice à leur traversée: c’est sud ou sud-est qu'elles prennent pour retourner en Europe, et nord-est pour aller passer l'hiver en Afrique. Elles apparaissent tou- jours un peu plus tôt dans les contrées méridionales
DE LA SAVOIE. 493
de l’Europe, d’où les premiers coups de vent du sud nous lesamènent ensuite peu à peu au crépuscule du soir, oudenuitquandil fait clair de lune, et de grand matin. Les premières qui arrivent ici se jettent dans les prairies et les blèés qui leur offrent suf- fisamment de verdure pour s’y cacher, et c'est pour cela qu’on les nomme presque partout Cailles Vertes. Ordinairement elles viennent par bandes plus ou moins nombreuses, qui s’éparpillent dans les plaines par où elles passent. Si, à leur passage du printemps chez nous, la saison se maintient douce et le blé ou l'herbe sont assez élevés, assez épais pour leur servir de refuge, elles y restent en quantité pour se reproduire ; les pluies ne les en chassent pas, si elles ne sont ni trop longues ni trop froides pour la saison.
Les Cailles sont à peine arrivées dans nos cli- mats, qu’elles entrent en amour. Viennent-elles par un beau temps, elles annoncent le jour même du retour leur présence dans les blés, trèfles, luzer- nes et prairies : le mâle par son cri fort et sonore, ketkaya ketkaya kelkayac, ou piapaya piapaya piapayae, qu’il fait précéder d’une sorte de miau-
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Ce n’est que pour appeler le mâle qui doit la fécon- der qu’elle pousse ce cri, et quoiqu'il soit faible et qu’on ne l’entende qu’à une petite distance, lé mâle cependant y accourt au vol ou à la course d’un demi-kilomètre : aussi, a-t-1l plus d’ardeur qu’elle en amour. Du reste, la femelle ne court pas à la voix du mâle, comme le mâle se précipite à la sienne, et avec tant d’étourderie qu’il vient la cher- cher jusqu'aux pieds de la personne qui imite sa voix, ou plutôt dans le piége qu’elle lui tend. Quand il se croit près de la femelle, il lâche plus fréquem- ment son miaulement, mia ouan ouan, que son cri d'appel ordinaire : quant à ce dernier, il ne le jette alors guère que lorsqu'il ne la rencontre pas, et à chaque cri il remue brusquement la tête d’un côté et de l’autre. Mais en l’apercevant, il court à elle avec célérité, s'arrête à ses côtés, et tourne à plu- sieurs reprises autour d'elle en piaffant, poussant des soufflements, de vrais soupirs d'amour, tenant les ailes traînantes, le cou tendu et les plumes qui le recouvrent depuis la gorge jusqu’à la poitrine singulièrement enflées. Il se maintient dans de pareils transports jusqu'à ce que sa compagne se couche pour être cochée.
Les mâles, pendant la période de leurs amours, sont très-faciles à chasser; et en effet, on les chasse partout de différentes manières : au moyen de l’ap- peau artificiel, avec le tramail, la tirasse, le traî-
DE LA SAVOIE. 495 neau, etc. Il suffit de savoir bien imiter le cri d’ap- pel des femelles pour rassembler les mâics autour de soi, les conduire ou les attirer dans des piéges qu’on leur tend de préférence le soir, un peu avant la nuit, et de grand matin. Le tramail est une sorte de filet à mailles en losange, fixé par de petits pieux, que l’on tend à travers les moissons ou les herbes, et dans lequel les Cailles s’empêtrent en courant. La chasse à la trasse est la plus fructueuse de toutes, elle peut se faire depuis l’arrivée des Cailles jusqu'à leur départ : c’est un filet long de 80 à 40 pieds sur 20 à 30 de large dont les mailles en losange ont 3 à 4 cent. Pour le faire agir, il faut être deux; un seul pourtant à la rigueur peut suf- fire en fixant sa firasse par un pieu; et comme les Cailles sont toujours à terre, il n’y a rien de plus facile de les environner et de les couvrir avec le filet. Le traîneau est une espèce de tirasse dont un côté rase la terre, ramasse les Cailles et autres espèces d'oiseaux, absolument comme un filet prend le poisson de la partie d’une rivière dont il balaye le fond. Ces deux derniers genres de chasse sont spécialement en usage dans quelques îles de la Méditerranée et sur les côtes de France, où les Gailles arrivent par milliers à la fois en automne avant d’émigrer en Afrique, et au printemps pour se répandre dans les divers climats de l’Europe : on en détruit alors des masses, et des gens en font
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un grand commerce. Pour chasser la Caille au printemps en Savoie, l’on se sert particulièrement d’une sorte de filet à mailles, aussi en losange, qu’on étend comme une couverture sur les blés et les herbes, où les mâles rappellent ; puis en imitant bien la voix des femelles, on amène les premiers jusque dessous le piége ; aussitôt qu’on les ÿ décou- vre, on s’élance vers eux; à l'instant même ils prennent vol, frappent contre le filet et y forment une espèce de poche, où ils restent pris.
Comme certains Tétras, les Gailles sont poly- games, et comme chez eux , le même mâle peut féconder plusieurs femelles ; mais on remarque que celles-ci, en général, pondent moins d'œufs que leurs semblables qui vivent en nombre dans des lieux où abondent également les mâles : les premières font ordinairement de 8 à 12 œufs, les dernières de 14 à 18. Cependant, si les mâles sont beaucoup plus nombreux qu’elles dans quelque lo- calité , alors ils deviennent nuisibles aux couvées. En eflet, ceux d’entre eux qui n’ont point encore eu de compagne, comme ceux auxquels il reste quelqués feux à consumer, continuent de courir à la recherche des femelles, qu’ils ne cessent de rap- peler ; en trouvent-ils une sur son nid, ils piaffent à ses côtés, se ruent sur elle pour la cocher; et pour peu qu’elle leur résiste tout en restant cou- chée dans le nid, ils ne tardent pas, dans leur
DE LA SAVOTE. 497 fureur érotique , à la pousser dehors, à casser ses œufs ou à les disperser autour de la cavité qui les renferme. C’est en la délogeant, en lui brisant ses œufs, qu’ils réussissent à l'emmener avec eux, puis à étouffer peu à peu l’ardeur de leurs passions. Mais sa nouvelle ponte n’est jamais aussi nom- breuse que la première ; elle est souvent tardive, et les Cailleteaux qui en proviennent ne sont guère forts à l’ouverture de la chasse. Ils périssent alors par les chiens qui les lassent en les pourchas- sant jusqu'au point de les forcer à se tapir de- vant eux.
C’est à terre, au milieu des blés, herbes, trèfles, luzernes et pélagras, que la femelle de la Caille cache le plus souvent sa couvée ; mais avant d'y pondre, elle gratte un peu la terre avec le bec et les ongles, de façon à y former un petit creux, dans lequel elle rassemble quelques brins d’herbes et de racines fibreuses. Sa ponte est de 8 à 18 œufs, très-variables tant par la couleur du fond que pour la forme et la distribution des taches. Habituellement ils sont ventrus, un peu piriformes, d'un blanc jaunâtre, verdàätre ou fauve plus ou moins clairs, avec des points, avec de larges et petites taches irrégulières, brunes ou brunâtres, ou d’un brun foncé inclinant à l’olive. Leur longueur est, en moyenne, de 2 cent. 8-9 mill., sur un dia- mètre de 2 cent. 2-3 mill.
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La femelle couve vingt à vingt et un jours con- sécutifs dès qu’elle a pondu le dernier œuf, et avec tant d’'assiduité qu’on Ja prend fréquemment sur le nid. Tous ses œufs sont ordinairement fé- conds. Les petits, au sortir de l’œuf, sont couverts d’un duvet blanc jaunâtre, courent et pourvoient eux-mêmes à leur subsistance. La mère seule les accompagne et les conduit à peu près de la même manière que les Perdrix ; de temps en temps elle les rappelle par un petit cri doux, réservé pour cette circonstance ; et dans les premiers jours de leur naissance, elle les fait passer la nuit cachés sous ses plumes.
Les Cailleteaux ont bientôt acquis tout leur accroissement, et leur éducation n’est jamais aussi longue que celle des Perdreaux. En trois ou qua- tre mois, ils ont toute leur grosseur et sont en état d'effectuer d'aussi longs voyages que leurs vieux semblables. Ils se séparent de bonne heure de leur mère pour vivre isolément ; on prétend qu’ils peu- vent déjà se passer d’elle dès que les premières plumes paraissent sur tout leur corps. Quand ils sont avec elle, ils ne se tiennent pas toujours rap- prochés les uns des autres; aussi, lorsqu'on les fait lever, prennent-ils l’essor les uns après les au- tres et de différents côtés. Les femelles qui n’ont plus de progéniture à soigner sur la fin de juin, font assez souvent une seconde ponte de 7 à
DEGEA, SAVMOTE: 499 10 œufs. Les jeunes de la première nichée vivent alors éparpillés dans les champs, les prés et les vignes, s’y alimentant de petits insectes, de lar- ves de fourmis, de vers, de grains ct de sommités d'herbes.
Lorsqu'à la fin de juin ou aux premiers jours de juillet, la chaleur est accablante, les blés, trèfles et foins sont coupés dans nos plaines, les mâles de Cailles, vieux et adultes, s'élèvent de nuit, et en se rappelant, jusque dans les champs des lieux montueux, où les récoltes Sont tardives. Quelques femelles lés y suivent et pondent quelques jours après qu'elles y sont fixées. Les couvées restent dans leur localité ; elles ne la quittent que pour émigrer vers d’autres climats. En même temps il nous arrive. des contrées du midi de l’Europe beaucoup d’autres Cailles, des mâles surtout, qui viennent aussi chercher dans nos montagnes la fraîcheur, un asile et des aliments dans les blés et les avoines. De ce qu’il se trouve parmi eux des sujets un peu plus petits que d’autres, plusieurs de nos chasseurs s’imaginent, mais très-impropre- ment, que ces nouveaux venus sont les jeunes des premières couvées qui ont déjà eu lieu dans les régions méridionales, surtout en Provence; et en effet, ils les nomment Cailleteaux de Provence. Ces petits voyageurs ont tous le plumage d'été propre aux Vieux où aux adultes d’un ou de deux ans de
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l'espèce type ; ils ont aussi leur cri d'appel d'amour. S'ils étaient de la première nichée, comme on le croit, ils n’auraient pas encore, quand ils nous arrivent, atteint l’âge de deux mois (car il est rare qu’on trouve en Provence de tout petits Caiïlleteaux avant la mi-mai); et dans cet état, seraient-ils assez forts. assez vigoureux pour voyager? auraient-ils déjà les cris, la livrée des premiers? Certainement non; car les jeunes Cailles ne voyagent guère avant l’âge de trois mois et quand elles ont tout leur ac- croissement ; elles n’acquièrent que dans leur séjour d'hiver, avant de rentrer en Europe, le plumage et le cri d’appel fort et sonore qui caractérisent les adultes et les vieux de l’espèce pendant l'été.
Les Cailles descendent ici des montagnes aux premières pluies froides qui y surviennent et lors- qu’on y récolte les avoines où elles se tenaient cachées. Elles s’abattent de nuit ou le matin vers la plaine, et se jettent dans les vignobles et les sar- rasins (blés noirs) de la graine desquels elles sont très-friandes ; dans les vignes, elles se repaissent de grains de sénecons, de panics et de mercuriales. Elles attendent là l’automne pour effectuer leur long voyage,
Nous avons chaque année, en Savoie, un petit passage de Cailles, de vieilles surtout, vers le mi- lieu ou sur la fin d'août. Un autre passage formé d'individus de tout âge , mais plus abondant et
DE LA SAVOIE. 301 qui dure plus de temps que le premier , s’opère ensuite vers le 15 ou le 20 septembre, au plus fort des migrations du Râle de Genét ( vulgairement Roi de Cailles). Enfin un troisième passage de Cailles à toujours lieu vers le 6, le 8 ou le 15 oc- tobre, rarement plus tard ; c’est le plus abondant de tous, et on y trouve surtout les jeunes de l’année. Nos chasseurs s’en vont alors les chasser dans les vignes et les sarrasins. Les Cailles passent en au- tomne par les vents du nord et d'ouest, le jour qui précède la pluie tout comme le lendemain qu’elle est tombée, quand la nuit qui l’a suivie a été froide et sans nuages. Mais si les vents du sud et du sud-est règnent, nous n'avons point de forts passages de ces oiseaux dans nos vallées. Après les frimas de la fin d'octobre, on rencontre de temps à autre quel- ques Gailles très-grasses ou des Cailleteaux d’une couvée très-tardive, qui ne peuvent émigrer, mais ces sujets sont habituellement pris ou tués avant l'hiver ; on les trouve particulièrement dans les vignes ou le long des haies.
Pour émigrer , la Gaille se rappelle au moyen d’un petit cri faible, doux et presque sifflé, se réu- nit en bandes plus ou moins nombreuses, et s’en- vole soit à l’arrivée de la nuit, soit de nuit quand il fait clair de lune, ou de très-grand matin. Elle passe le jour entier dans les champs ou les vignes, et reprend le vol le soir, après le coucher du soleil,
302 ORNITHOLOGIE
Elle traverse par troupes considérables la Médi- terranée pour aller séjourner , l'hiver, en Afrique, Asie, Syrie, etc.; mais souvent les vents contraires la forcent de s'arrêter dans les îles qu’elle rencon- tre. Les îles et les écueils du Levant se trouvent fréquemment couverts des volées de cet oiseau, et les habitants en font un très-grand commerce.
La Caille est souvent difficile à faire lever, surtout quand elle est surchargée de graisse; elle ne prend le vol que dans le danger ou bienen se voyant pour- suivie vivement par le chien du chasseur. Elle s’é- lève du sol avec bruit et en jetant un petit cri, vole bas, droit, en battant des ailes avec tant de célé- rité qu’on ne s'aperçoit presque pas de leurs mou- vements, et bientôt elle se laisse retomber à terre, comme si elle y était entraînée par son propre poids. Aussitôt posée , elle se remet à courir, fait tant de chemin en un instant, qu'en allant à sa re- mise, on la fait très-souvent lever à une grande dis- tance du lieu dans lequel on l’a vue s’abattre. Dans ses voyages, son vol est au contraire élevé, très- soutenu. Elle vit de blé, de sarrasin, de millet, de chènevis ; de panics, d'herbes vertes et tendres, d'insectes et de vermisseaux. Elle peut bien se passer de boire pour quelque temps, car rarement on la voit aller à l’eau; cependant lorsqu'elle est près de la boisson, elle y va d'habitude vers le milieu du jour ou à l’approche de la nuit, Elle est
DE LA SAVOIE. 503
dans son séjour plus oisive, plus susceptible de graisse que les Perdrix ; aussi, est-elle plus facile à tirer au lever. Elle se plaît assez à la captivité, pourvu qu’on lui donne les vivres en abondance et un peu de sable fin dans quelque coin de sa cage, pour l’y faire rouler de temps en temps après ses repas. Elle se montre, surtout aux époques des migrations de ses semblables libres, le jour triste, comme endormie, et s’agite tous les soirs depuis le coucher du soleil jusque vers le milieu de la nuit, puis encore à l’aube du jour. Au reste, c’est pour elle une habitude, un besoin, car en liberté elle dort aussi une bonne partie de la journée pour se remettre des fatigues de ses courses ou de ses voyages nocturnes.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME III.
Tableau Méthodique de la Troisième Partie............... ne 5° ORDRE (suite du). Passereaux (Passeres)............. 7 93e FAMILLE... Tichodromidées (Tichodromidæ).... ...... Ÿ/ GENRE XLIII... Tichodrome (Tichodroma)................. 9 Tichodrome Échelette (T'ichodroma Phæni- CODEN) EEE CR ie = ee loiele e elec 10 DADPAMILER:.ASiitidées (Std) Me Pine es à se 01e ee 21 GCENRECX LIVE 20SittellentSitta) re EN . Le 22 Sittelle Torchepot(Sitta Europæa)......... 23 25e FAMILLE.. Parusidées (Parusidæ).......... Re Meter 33 GENRE EN PE MÉSAn Se NPURUS) PERLE nec ces e se 36 Jr Sechon.m--Sylvicoles (SYyIvicolR). 2.002202... 000" 36
Mésange Grosse Charbonnière(ParusMajor) 37
Mésange Petite Charbonnière (Parus Ater). 47
DeLS'ection.. -...
3° Section. .....
26° FAMILLE... GENRE XLVI...
l'e Seclior
2e Section
3° Section
Lou...
TABLE DES MATIÈRES.
Mésange Huppée (Parus Cristatus)........ ” Mésange Alpestre (Parus Alpestris)...,.... 66 Mésange Nonnette (Parus Palustris)....... 76 Méganures (Meganuri).. eme TE enr 80 Mésange à Longue Queue (Parus C'audatus) 81 Mésange à Moustaches (Parus Biarmicus).. 90 Calamophiles (Calamophih)............... 94 Mésange Rémiz (Parus Pendulinus)........ 95 Fringillidées (Fringillhidæ)...",..,.......... 98 Fringille Mfrimglligh res... 0... 101 Longicones (LOngConD.- 0-7 meet 102
Fringille Chardonneret (Fringilla C'arduelis) 103 Fringille Venturon (Fringilla Citrinella).... 111
Fringille Tarin (Fringilla Spinus).......... 147 Fringille Boréale (Fringilla Borealis)...... 123 Fringille Sizerin (Fringilla Linaria)......, 127 Brevicones (BreviCOM) Er ee 136
Fringille de Montagne ( Fringilla Montium) 136 Fringille Linotte (Fringilla Cannabina).... 139
Fringille Pinson (Fringilla Cælebs)........ 150 Fringille Pinson d’Ardennes (Fringilla Mon- UTINQUID) ee ae een rene 160 Fringille Niverolle (Fringilla Nivalis)...... 169 FaticonesMEGUCON) EMTEC ICRA Det LT)
Fringille Moineau (Fringilla Domestica).... 180
Note sur la Fringille à Tète Marron ou
d'Italie (Fringilla Italiæ)...........,..... 192 Fringille Friquet (Fringilla Montana)... ... 193 Fringille Soulcie (Fringilla Petronia)....... 200
Fringille Serin ou Cini (Fringilla Serinus).. 204 Fringille Verdier (Fringilla Chloris)....... 210
2 qe
An RE 2e ne ee ce
meer
TABLE DES MATIÈRES. 507
GENRE XLVII.. Gros-Bec (C'occothraustes) Te De D PAU a PA LT à 217
GENRE XLVIII.
GENRE XLIX...
GENRE L..
GENRE LI.
27° FAMILLE...
GENRE LII
Gros-Bec Vulgaire (Coccothraustes Vulgaris) 218 BOUVrEUB URI) EC PAL EE 225 Bouvreuil Vulgaire (Pyrrhula Vulgaris) et
Bouvreuil Ponceau ou Grand Bouvreuil
BuymnulaiCoccinen) RU. Reel ee 226 Bec Cros (Lord) NE EE EEE 234 Bec-Croisé des Pins (Loxia C'urvirostra).... 236 Bruant (Emberiza).......... Me MORT 247 Bruant Jaune (Emberiza C'itrinella)........ 249 Bruant Ortolan (Emberiza Hortulana)...... 257 Bruant Z1z1 (Emberizsa Cirlus)............. 263 BruantiRou (Embenza Cia) RER RNREe 269 Bruant de Roseaux (Emberiza Schœniculus). 275 Bruant Proyer (Emberiza Miliaria)......... 281 Plectrophane (Plectrophanus).............. 289
Plectrophane de Neige (Plectrophanus Ni-
Plectrophane de Laponie (Plectrophanus
LAHPOTACUS) PRES Re ete 293 Motacillidées (Motacillidæ)................ 297 Bergeronnette (Motacilla).... ,........... 299 Bergeronnette Grise (Motacilla Alba)...... 301
Note sur la Bergeronnette Lugubre (Mota- cilla Lugubris) et la Bergeronnette Yarrel (Motacilla Yarrelu)...,....... Dobddencne 311 Bergeronnette Jaune (Motacilla Boarula)... 312 Bergeronnette Printanière (Motacilla Flava) 320 Note sur la Bergeronnette Flavéole (Mota-
cilla Flaveola), la Bergeronnette à Tête
GENRE LII]....
28° FAMILLE... GENRE LIV.....
6° ORDRE... 29° FAMILLE...
GENRE LV.....
° ORDRE... 30° FAMILLE... GENRE LVI....
31° FAMILLE...
TABLE DES MATIÈRES.
geronnette Mélanocéphale (Motacilla Me- Fa lanbeenhaln):.2::.. 08 RER re 328 PIDATAMTAUS). , 2-1 Re Dr A RE 329 Pipi Richard (Anthus Richardi)............ 332 Pipi Rousseline (Anthus Rufescens)........ 337 Pipi Spioncelle (Anthus Aquaticus)........ 343 Pipi Farlouse (Anthus Pratensis)........... 352 Pipi des Buissons (Anthus Arborens)....... 360 Alaudidées (Alaudide).. 0. 0-0 370 Alouette (412240)... EC Ce 371 Note sur l’Alouette Calandre (Alauda Ca- landra) et l’Alouette Calandrelle (Alauda Brachydachyla) 7,20 373 Alouette des Champs (Alauda Arvensis).... 375 Alouette Cochevis (Alauda Cristata)....... 385 Alouette Lulu (Alauda Arborea)........... 389 Pigeons (Colin) PR ECE CPE CPE LPPET 397 Colombidées (Columbidæ)...............+. 400 Colombe (Combe) Eee re 403 Colombe Ramier (Columba Palumbus)...... 404 Colombe Colombin (Columba Œnas)....... 411 Colombe Biset (Columba Livia)............ 413 Colombe Tourterelle (Columba Turtur).... 416 Gallinacées (Güalline) RCE eee 421 Tétraonidées (lelraomde) etre ee 424 Détras(Tetrao) MR ARR ne EURE 426 Tétras Auerhan (Tetrao Urogallus)......... 497 Tétras Birkhan (Tetrao Tetrix)........ .... 432 Tétras Gélinotte (Tetrao Bonasia).......... 446 Tétras Ptarmigan (Tetrao Lagopus).... ... 455
Perdicidées (Perdicidæ)
GENRE LVII...
GENRE LVIII..
TABLE DES MATIÈRES.
Penn (BB eRdiT) ne. unes cinelsee S PR PER Perdrix Bartavelle (Perdix Saæxalilis)...... Perdrix Rouge (Perdix Rubra)...,......... Perdrix Grise (Perdix Cinerea)............. Cale CourMr een ele eee
Caille Chanteuse (Coturnix Dactylisonans)..
FIN
DE LA TABLE DU TOME III.
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