;^r' mmm^<^'^^^:'^-^ sJ/ÔIwI^;)»!®/ A!^Wr^Kr^ M çic^c^, \rsi^ ::XiJ^Via^*«ikViik'A'A & À Hh A A ^:^ Jk aAi^ A/ ^mddddm K^,i'^^ ^^ «ae'^^ir ©A/^wé?, Wmç^^^ û^l '^mm. F. ^'î^^^aJ sPPprin i^^. "i^^'^^O^i '^^Ar^/ ^^/rvY/'^ ww \'^,/S\./^A"i^W'j; TUFTS UNIVERSITV LIBRARIES 3 9090 013 401 191 Vi/ebster Family Library of Vetçrinary Medicine. PARIS A CHEVAL 1,'niilciii- cl Ips éditeurs dêclareiil réserver leurs droits de ti;iduction et d:- repro- duction i'i l'élranijer. Ce voliiiiie a été déposé au ministère de l'intérieur (section de la lihrairie) en noveinhre 1882. PAmS. TVPOCRAPHIE DE K. PLOU KT C'", RUE CARANCIÈRE, 8. PARIS \ CHEV/IL r K \ T l<] K l' D i: s s 1 l\i S CRAFTY AVEC UNE PREFACE (iUSTAVE DKOZ f^:;^. PARIS E. PLON ET C'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS llUK GARAXCIKllE, 10 1883 Tuiii droits réserves A Monsieur MARCELIN, Directeur du journnl Li l'IIi r.illISlEX'XE. Mo\ cil En MMTIIK, Vous avez- jiuhJié mon premier dessin^ et j'esjière bien que vous publierez mon dernier. Permettez moi donc d'inscrire ici votre nom en témoignage de ma gratitude et de mon bien sincère attachement. C RAF TV. ■^^l'-cZt/y. <£^ejtH,yS «a Paris. If 15 uclohre 18S-2, PREFACE (i U s T AVE 1) R 0 Z A M. GRAFTY — PARIS Mon cher Ami, Vous voulez bien m'envoyer les épreuves de voire charmant livre; je suis on ne peut plus sensible à cette aimable attention, et je vous remercie mille fois. Certains de vos croquis ont la sûreté d'un Carie Vernet, et votre texte conserve d'un bout à l'autre des allures pimpantes, faciles et malicieuses, dont le succès n'est pas douteux. Tout cela est vivant, observé, et sent la causerie délicate d'un homme bien élevé. Bravo, mon cher, et bonne chance. Mais, dites-moi, c'est un album anglais feuilleté chez moi, il y a bien des années, qui vous donna, paraît-il, l'idée de tailler votre plume de celte façon -là? Si courtoisement que vous vouliez bien me rappeler ce souvenir, le X PRÉFACK. mérite est bien minco d'avoir en un albuiii anglais sur sa table au inomcnt où un homme d'esprit passait par là. Je n'eu remercie pas moins le ciel de cette coïucideiice, puisqu'elle va me donner quelque droit à la reconnaissance publique et me vaut dès maintenant votre gracieux envoi. Un léger reproche, cependant, voulez-vous me permettre? Je cherche en vain dans votre livre quelques paroles émues au sujet d'un animal infiniment précieux auquel il m'est impossible de songer sans émotion. J'entends parler, mon ami, du cheval dit pour vieux monsieur , de cette bête aimable et superbe qui semble toujours emporter un héros à travers le Grand Saint-Bernard. Vous l'avez vue comme moi, rassemblée, écu- mante, rongeant son frein... C'est un ouragan prêt à éclater : les enfants crient, les femmes s'écartent; cependant que le vieux monsieur, sou- riant et calme, contient cette tenqjète en tirant sa manchette avec des grâces infinies. — Ce cheval, me dites-vous, n'est qu'un mouton prétentieux. — Il est fort doux, j'en conviens. — Une bête sans fond ni moyens, un cheval à roulettes, un bibelot d'étagère qui dépense en une petite heure de coquetteries savantes tout ce qu'il a de force, de volonté, et, après son tour de lac, rendu mais triomphant comme un pianiste, ne demande, à l'exemple de son mailre, qu'à retrouver sa flanelle et ses bonbons fondants. Pour fout dire, c'est la bête la plus inutile de la création. — Inutile, en ell'el , dans le sens courant de ce mol; mais c'est préci- sément celle inuliiilé qui me ravit. Au milieu d'un monde affolé de raisonnable, on se prend de tendresse rp.Ki'Ar.r;. xi pour les t'tres qui n'ont pas le sens connnun. A une époque où tous les hommes sans exception sont bons à tout, il y a une jouissance réelle à rencontrer an moins un cheval qui no soit hon à rien. Qu'il est flatteur, dans ces temps de gros ouvrages, de n'être hon à rien, d'avoir les pieds trop sensibles pour chausser les hottes fortes qu'il faut pour barboter par le monde ! L'inutile n'est-il pas le seul petit coin à l'abri du vent où l'on trouve un peu de mousse pour s'étendre, rêver un moment et mourir? L'inutile! Eh! grand Dieu! Mais c'est l'idéal, c'est l'exquis, c'est -Mo- rand, Voiture, Saint-Evremond! C'est la perle limpide qui s'échappe des doigts de la Fontaine; c'est la politesse aussi, et l'amour, et l'honneur! C'est la fleur qui embaume le sentier et ne croît pas sur les talus de chemins de fer. L'inutile, c'est Dieu. Saluons, mon cher ami, ne serait-ce que par excentricité. Oui , j'aime le cheval dit iiour vieux monsieur, parce qu'il est le der- nier représentant de la vieille équitalion française, d'un art exquis, tout d'élégance et de finesse, qui ne mettait pas la perfection du cheval uni- quement dan's sa rapidité, mais bien dans sa soumission, sa souplesse, c'est-à-dire dans le pai'fait équilibre de ses forces. Vous arrivez, il est vrai, par le croisement et l'élevage à tripler la vitesse d'un cheval, comme vous arrivez à tripler la grosseur du chou par l'usage raisonné île certains engrais. J'admire ce travail; mais, en fin de compte, les bêtes ainsi obtenues ne sont que des hèles admira- blement déséquiUbrées. Ces monstres puissants ne sont plus des animaux, mais des engins, et vous montez dessus comme on monte en wagon. XU PRÉFACE. Assoc'k'S {lanfforoux que vous dirigez taiil bien que mal, comme on dirige un incendie, en faisant la i)nr( du l'eu, mais dont vous ne serez jamais les Hiaîtres. — Ces b^tes sont nécessaires à l'heure qu'il est, car il faut bien aller le train de tout le monde. — Je l'admets, quoique à regret. Permettez-moi du moins de regret- ter le temps où les chevaux marchaient leur pas et les hommes aussi, où le monde n'était pas une usine, l'art un produit, l'àme une bétisc et la vitesse l'unique vertu. — Les chevaux vites, me dites -vous encore, ne sont pas seulement utiles, ils sont agréables, puisqu'à la chasse même vous ne pouvez vous en passer, et... — M'achevez pas : vos tendances m'inquiètent. Vos hèles sans sou- plesse, toujours en avant de la main et en dehors du cavalier, ont tué du môme coup la chasse et l'équitation. Aussi bien l'un n'allait pas sans l'autre. Forcer un cerf en trente-cinq minutes, humilier un chevreuil ou un renard, dévorer l'espace en soufflant dans les petites trompettes du marchand de robinets qui ont remplacé la noble Dampierre delà vieille vénerie, ce n'est pas ce qu'on appelle chasser; c'est courir très -vite, rien de plus. Les chemins de fer et les autruches vont encore plus rapi- dement. L'hallali n'est pas un but, mais une fin, négligeable d'ailleurs. Chasser, c'est lire posément les ruses du gibier, c'est dénouer un écheveau sans effort ni violence, c'est trouver sur l'heure des expédients, c'est mettre à profit une expérience longuement acquise, une science qui veut de l'étude, du temps, et ne s'improvise pas. PRKFACE. XIII On ne j— '' n'A ^'^^ conditions : le premier, dès qu'on le met à une allure vive, siffle de manière à faire croire qu'il transporte une volière bon- -,^ /'s^., - - /Si^s* dée de merles ; le second, qui tousse à fendre l'àrae et jette à lui seul comme les deux cas- cades des deux lacs, a une peau de mouton sous la ganache, un séton au poitrail, un vésicaloire sur le flanc gauche , et exige des soins tellement minutieux qu'il absorbe complètement un homme, dont le reste de l'écurie aurait le plus urgent besoin. 16 PARIS A CHEVAL. Il fani avouer que ces deux animaux ont clé vendus véritablement pour rien , — à moins qu'on ne fasse entrer en ligne de (•(iiii|ite les frais que le traitement de leurs inlirmilés entraîne, et la nécessité où se trouve leur propriétaire d'en acheter un troisième , afin d'assurer le service auquel il les avait destinés. l'Etahlissement C/icri, que son im- portance commerciale classe inmiédia- temont après le Tattersall, a une clien- tèle toute spéciale, — qui tour à tour achète ou vend. — Les chevaux qui s'y échangent sous le marteau du conmiis- saire-prisenr sortent de chez M. Y... pour retourner chez M. Z..., qui les tenait lui-même de M. W... Tout le monde s'y connaît au moins de vue, et les renscignemenls qu'on y échange sur les animaux inscrils au programme sont enqireints d'une exactitude relative correspondant exactement à la {^ rt valeur du coup de chapeau que vous y échangez avec ff^^£^ les plus assidus habitués. Ceux-ci connaissent aussi exactement la façon dont vous montez que la main qui convient à tel cheval, et jugent infailliblement si l'accord peut s'établir entre l'acquéreur et l'acquisition faite. Si un achat contraire à leur verdict s'effectue sons leurs yiMix, ils peuvent dire exactement à quelle date le cheval nerveux ou la jument quinteuse aura lassé la patience de son nouveau propriétaire, et ^^.f^i ,V,.lL ■ A affrontera de nouveau le feu des enchères; ils savent en outre, à cinq francs t^'W li-|-'i'l-''-~ « v5 II\' JOI'R DE VENTE CHEZ CHÉRI. — Kt f e rhesîl iju'oQ dit recmn- iiaiidable? — Parfait... pour belle-mère. — La bête qae je viens d'acbeter sort de cbez vous? — Kt elle peut compter qu'elle o y rentrRra jamaiB. ^- — C'est bien vu, bien eoleadu, je vais adjuger. — On n'a riea dit à j]anche, non. Une fois, deui fois; à 325 le cheval n'est {■lus k moi. PARIS A r.HI'.VAI,. 21 près, kl déprécialioa que leni subira la iiiarcliandise le lait d'avoir cessé de plaire dans un délai plus ou moins court. — Ils connaissent tous les tics des clievaux amenés, et peuvent prévoir à «picl coin de rue les démêlés pro- bables entre tel cavalier et sa monture auront leurs résultats définitifs. Les habitués de chez Chéri sont d'une fidélité complète à leur établisse- ment de prédilection. — Ils peuvent suivre les autres ventes, mais ils n'achètent ipie là. — Chasseurs pour la plupart, ils tiennent essentiellemen! à se remonter en chevaux ayant subi les épreuves du laisser-courre, et ils son! sûrs de voir |)asser rue de Ponlbieu tout l'effectif mobile des grands équi- pages. oi\s vaste que le Tattcrsall, l'éta- blissement Chéri est plus pitto- resque, et présente, aux beaux jours du printemps, un spectacle très-suflisamment attrayant pour attirer des curieux qui n'ont au- cune arrière-pensée d'achat. Les élégants gentlemen, mon- tés sur la terrasse qui domine l'allée où l'on présente les che- vaux, accoudés aux fenêtres du salon de madame Lyon -Chéri, assis sous les galeries qui bordent la cour, forment des groupes in- times autour desquels rôdent les quelques courtiers désireux de leur recommander un cheval cpi'iis sont chargés de placer, et les marchands de chiens ambulants qui transportent, sous l'un et l'antre bras , dans tous les endroits où ils ont chance de rencontrer un amateur, les plus sédui- sants spécimens de leur fonds de connnerce : dis- séminez dans ces groupes quelques femmes élé- gantes auxquelles un ami complaisant a voulu montrer un cheval digne de les porter au Bois le malin, et vous aurez un tableau très-capable de tenter le pinceau d'un Détaille ou le crayon d'un antre. . "'"i «)C) PARIS A CHEVAL VElahlisscmenl Hipp/fjtie, situé aux Cliam|)s- Klysécs, compli'lo la liste des ciulroils oii se font les vcutes publiques. Là, comme ailleurs, riiomme heureux peut rencontrer le cheval idéal, mais l'houmie sage n'y doit pas compter. lENXEXT ensuite les innombrables marchands dont l'énu- méralion seule remplirait tout un volume, mais qu'où peut réduire a deux catégories : le marchand à la mode, — Anglais ou simulant l'Anglais , — à l'instar anglais, — comme disent nos voisins de Bruxelles, et le mar- chand français, à la bonne franquette, qui est resté de sa province, Normand ou Picard, Poitevin ou Morvandiau, selon que l'a décidé le Dieu qui a pré- sidé au hasard de sa naissance. une VI pas un r^ XTRONS tout d'abord chez le premier, — le marduind chic. — L'entrée monumentale est aux Champs-Elysées, ou tout au moins dans l'une des avenues élégantes qui y accèdent. — Allée sablée. Ion sur ton, sable jaune fonce sur les côtés, sable jaune lavé au milieu, cour :;:_■ carrée, avec bordure de pavés; à droite, le bureau; au fond et sur les côtés, écuries et boxes; peu de chevaux, uglaine au plus; mais quelle mise en scène! quelle tenue d'écurie ! brin de paille en dehors des stalles, pas une souillure sur la litière. Des mains invisibles escamotent au passage tout ce qui pourrait laisser comprendre aux .visiteurs que les lois communes de la vie s'appliquent PARIS A CHEVAL. 23 aux animaux exceplionnels appelés à l'honneur de leur cire cédés contre un |)rix exorbitant. Ce prix, qui semble avoir définitivement adopté la devise de L l'furie d'un marcband cliic — yeurt.' et prix UDglaîa. l'intendant Fouquot : (Juo non asccn/lani? est toujours énoncé en livres. Le louis, qui avait dès longtemps remplacé le franc, est maintenant oublié... — On ne chiffre plus que par livres sterling, — c'est l'usage anglais, et tout marchand chic, fùl-ij originaire de Tarascon, suit l'usage anglais. — L'usage susdit veut encore que le piqueur soit également .'\nglais, avec cette différence que, s'il suffît au patron de paraître Anglais, il faut que le piqueur le soit réellement, — qu'il monte de telle façon que, sous lui, le premier cheval venu — ait l'air d'être admirablement mis , et Le niiiueur du marchiul ;truri- aunlais- î*i • j i • * r 1 ■ ~ ■^ qu il ait un physique qui lasse valoir sa monture. Le problème cherché par le marchand chic est moins de vendre beaucoup que de vendre très-cher. — il l'a résolu. — C'est chez lui qu'on trouve, de temps à autre, et pour la bagatelle d'une cinquantaine de mille francs, un attelage à quatre tout prêt. 24 PARIS A CHKVAr,. Oiiaïul on va clii-z lui j)ay(M- un |)('lil cfiival de ne vois |)as d'aulre manière d'orliiographier la laron dont il |)ro- nonoc l'oi^jet de son conuiiercc), qu'on a eu l'impru- dence de lui aclioler la veille, on a l'air d'aller traiter une affaire indusliielle en 'l'unisie, tant on est surcliaryé de sacs d'écus et de porlefcuilles gonflés à liiirc éclater leur marocain. On ne voit pareilles sommes qu'entre les mains de joueurs lieuieuv après une banque phénomé- nale ou celles de caissiers en déj)lacemenl |)our la IJelyiqne. iiEz le mareliaml français, la mise en scène est aussi primitive qu'elle est raffinée chez son confrère à la mode. — 11 s'est installé sur un terrain non encore construit, reste des jardins d'un ancien hôtel coupé par le percement de quelque rue nouvelle; les écuries, très-vastes, ne sont qu'une façon de hangar où se trouvent alignés une quantité de chevaux médiocrement pansés et absolument mal nourris. Le luxe de couvertures déployé par son voisin lui est absolument inconnu , et il se soucie aussi peu de la tenue de ses hommes que de l'état de la litière de ses aiiiminx. Y^ns 1 ÔAt^i^eT. ic , liC seul point conuuun à tous les marchands de chevaux est la richesse d'imagination, qui leur permet d'attribuer à chacun des animaux qu'ils PARIS A CHKVAL. 25 possèdent des qnalilés adiiiira!)les. — Tous oui une merveilleuse origine : leur père a ffagné cent mille francs de prix en steepic-cbase, et leur mère a l'ail dans les courses au trol des prodiges de vitesse. — Connue caractère (et ils jugent tout de suite si vous êtes désireux d'acquérir un animal d'une réelle douceur), on voudrait en trouver l'équivalent chez sa femme ou chez sa belle- mère; une égalité parfaite, jamais un luouvemcnt nerveux, aucune défense. Ils en sont à chercher ce (|ui pourrait bien l'elfrayer. En nu mot, on peut le donner à conduire à un enfant et le faire monter par un notaire. pour pour ^— i A vérité est que le cheval est arrivé l'avanl-veille de Xormaudie, qu'il ne l'a pas encore attelé, et que l'homme d'écurie qui le monte pour vous le présenter éprouve les plus grandes difficultés à le faire sortir de la cour. — El, si l'on allait au fond des choses et qu'on se lixràt à une enquête extra- parlementaire un peu sérieuse, il n'y aurait rien , _-,^^r:-~ de surprenant qu'on apprit sur le coiupte de cet animal tant vanté une série d'anecdotes terriliautes la sécurité probable de son futur propriétaire et absolument inquiétantes l'avenir. j^ I vous hésitez deux jours à prendre un cheval qu'il vous aura chaleureusement recommandé, et que vous vous décidiez au bout de quarante-huit heures, vous avez grande chance de ne pas le retrou- ver; bien plus, le marchand ne saura plus de quel cheval il s'agit. — La question pour lui est de vendre toujours et quand même; son écurie est un passage, une sorte d'hôtellerie où les chevaux ne doivent pas séjourner. PARIS A CIIKVAL. Ce {{0 lire (le inarcliand est géiiéralemont le four- nisseur altitré d'une grande compagnie, com- pagnie de chemin de fer, entreprise de voilures, à moins qu'il n'ait la remonte de [a garde républicaine ou des grands magasins du Mauvais Marché, ce qui l'oblige à des approvisionnements considérables, et par conséquent à une vente perpétuelle, sous peine de voir absorber en frais d'entretien les bénéfices possibles. la suite de ces grands marchands, viennent une myriade de petits formant une seconde catégorie réunie sous le nom générique de marchands de cheval. L'installation de ceux-ci est d'autant plus sommaire que la plupart du temps la mar- chandise qu'ils vous pioposent est encore entre les mains des particuliers qui cherchent à s'en délaire. Plus courtiers que marchands, leur écurie, située dans quelque luelle du vieux Chaillot, est presque toujours déserte. — Ils n'achètent eux-mêmes que dans un cas pressant, à la suite d'un départ précipité ou d'un accident tel que le propriétaire précédent ne \eut plus ni voir ni eutendi'c parler de l'animal qui l'a causé, et veut s'en défaire iumié- diatement et à tout prix. Dans les cas ordinaires, ils se contentent du rôle d'entremetteur, et louchent à la fois la remise du vendeur et la commission de l'acheteur. — QUELQUES EFI'ETS DU GIXGEMBUE. CE QU'ON ATTE^fD DE SON EMPLOI. — CE QU'IL PRODUIT. L'emploi du ^iDtfpmbre a pou r ,bu de décider l'aDÎmal aiii{uel on ra{i|>li|iii à développer tous ^es moyens. Parfois, il produit sur uu animal npneui nn effet absolument contraire au résullat espère. 'i!i!i'i!liiiWihi âimimm n'aulres fois, il depiisse le but |i(iur- Ruivi et doDue au patient des altitutlp: inquiétantes pour l'acquéreur. Kt dépare rtiuimal dont on a uuulu reb.TUBser l'uspect. Soit qu'il eiagère d'une façon disprt pirlionnée son purt de queue. Soil qu'il le coutracle jusqu'à la paralysie. PAIUS A CHEVAL. 29 Le Hiarcliaiid de rlicval accomplit presque toutes ses opérations en plein air, guettant j'auialeur au\ abords des élublisscnienls de vente, aux portes des grands marchands. InslalUlion d'uD luartliaiir! de clieial (quarlier du vieux Chaillnl . Si vous avez j)assé huit jours à chercher sans le trouver, dans le (piartier des Cliamps-Elysjes, un cheval de scllc dans les prix abordables, vous êtes tout étonné de voir arriver chez vous un matin l'un de ces industriels qui, parfaitement au courant de ce qu'il vous faut, vient vous proposer un animal que son pro- priétaire cherche à placer. Comment a-t-il su votre adresse? qui lui a dit ce que \ous cherchez? il ne vous le dira pas, mais il est facile de reconstituer la manière dont il a opéré son enquête. — Comme il connaît de vue tout ce qui monte on attelle dans Paris, il sait le genre de chevaux que vous préférez; en vous voyant entrer chez les marchands et suivre les ventes, il a compris que vous étiez en remonte; aux enchères, il a vu sur quels chevaux vous aviez mis, et, par le chilfre au(piel vous vous êtes arrêté , il a su le prix que vous consentiez à mettre à votre acquisition. Ainsi renseigné, il en sait autant que vous sur l'objet de ;î(i l'A ris a cheval. vos fli'sirs, cl fomnu', d'aiilrc! p;ut, il cniinait par les lioinincs d'écuiio doiil il fréciueiilo les caburcls allilrcs loiil ce qui se trouve à veiulre chez les parliculiers, il vienl vous relancer jusqu'à (loniicih; pour vous of- lir la ])ic au nid. — H seud)le qu'en ell'el il la Irouve (pielquel'ois , puisqu'il tout prendre le métier nourrit son homme tant bien que mal, mais plutôt mal que bien. D'autres marchands, généralement installés dans le voisinage des barrières, intra ou extra miiros, et que nous désignerons sous le nom de marcliands suburbains, sont de véritables cntreposi- taires, sorte d'intermédiaires entre les éle- veurs et l'acheteur. Les chevaux leur arrivent par véritables convois, cl sortent de chez eux j)ar bandes, pour aller remonter les conqjagnies d'om- nibus, de tramways, de transport quel- conque. Quoique la plupart des animaux qui leur sont confiés soient des chevaux connnuus chez lesquels on recherche seulement la force, et dont le dressage laisse toujours énormément à désirer, le particulier peut trouver là de véritables occasions; les entrepreneurs qui s'y approvisionnent re- poussent en effet de |)arli pris tous les Tas rxreplionnel où le marcbrind iIp cheval, (cnlé [lar l'occasion . conBCnl à faire une acquisiliun directe. produits qui ne leur paraissent pas avoir une puissance muscu- laire en rapport avec les tra- vaux auxquels ils les destinent, négligeant les animaux plus légers exceptionnellement joints au convoi, (pii, s'ils londjent ,_-. PARIS A CHEVAL entre des mains soi- yneuses et expérimen- tées, peuvent former d'excellents attelages de chevaux de service, durs au travail, résis- tants à la fatigue et d'un caractère aussi doux que leur tempérament est rustique. Convoi en route sur Paris, Ajoutons à cette longue nomenclature des moyens d'approvisionnement que possède Paris, le concours hippique, dont nous aurons à parler en détail dans l'un des chapitres suivants, et signalons enfin, pour ne rien ouhlier, les annonces faites à la quatrième page des journaux par les par- ticuliers qui redoutent les ventes puhliques et s'intéressent assez aux animaux auxquels ils renoncent, pour vouloir savoir à qui ils les cèdent. Inutile de faire remarquer que les animaux ainsi recom- mandés aux amateurs par la voie de la presse sont générale- ment doués de toutes les qualités imaginables; " bon cheval de service, très-sage et très-brillant; se monte et s'attelle, a chassé; mis pour dame " : telle est la formule la moins enthousiaste généralement adoptée. D'autres vont plus loin : s'il s'agit de vanter la douceur de la monture dont ils veulent se défaire, la dame (pii la montait habituellement est rem- placée par un enfant de sept ans. — Si au contraire on veut faire valoir l'énergie dn cheval eu ([ueslion , la l'ornude " a chassé « fait place à :î2 PARIS A CIIKVAI,. celle do li a eoiirii n. Alallicureusciiioiit, " (|ui veut liop prouver, dit le i)io- verbe, ne prouve rien » . Ce qni faisait dire à un sce|)tiquc de ma eoimaissarice auc|iR'l on olfrait une de ces prétendues merveilles pour un huit prlit pri\ : a Ouel dommage qu'il ne saelie |)as un peu de cuisine! moi (pii clierclio un servitcui' à liiut iaire. " CHAPITRE 11. — Daxs Paris. De la circiilalion en général. — Conseils |)rati(|ncs. — De l'omnibus ri de ses rapports avec les éijiiipajjcs parliculicrs. — Les Iramways. — Voiliircs-réclaincs. — Old Englaiid and C". — Arlires ambulants. — Fers et moellons. — Anecdote rétrospective. — Les camionneurs. — \L\r. les boucliers, laitiers, niaraicbcrs, cochers de liacre et maraudeurs. — L'art d'accrocher. — Les ordinaires de la Compagnie générale. i A\D, à force de leciierches, de sacriflces de temps et d'ai-gent, un particulier est arrivé à s'ou- tiller d'une façon qui le satisfait, qu'il s'est procuré des clievaux marchant au train qui lui con- vient et des voitures dans les- quelles il se trouve à son gré, la difficulté pour lui est de conserver le tout intact au milieu d'une circula- tion aussi active que mal dirigée. 34 PARIS A CHEVAL Il faut avoir conduit soi-même pour savoir combien Paris renferme de cochers improvises, ignorant de la façon la plus absolue les principes élémen- taires de la profession qu'ils exercent, et conij)létement incapables de distin- guer leur droite de leur gauche, notion qui constitue cependant la base de — T'es pressé? qn'esl-ce que ça me fait? je ne le suis pas! toute conduite, puisque c'est toujours sa droite qu'on doit prendre, soit qu'il faille foire place à une voiture venant en sens inverse, soit qu'on doive livrer passage à une voiture qui vous dépasse. Un cocher qui néglige ce principe fondamental fait sur la chaussée les mêmes vis-à-vis interminables que les provinciaux en rupture de chef-lieu d'arrondissement exécutent sur les trottoirs, quand le hasard les met en pré- sence d'un homme aussi peu au courant qu'eux-mêmes des difficultés de la circulation dans les rues de la capitale. .^joutez à la maladresse d'un nombre incalculable de cochers la quan- tité effrayante des véhicules et le j)oids exagéré de certains d'entre eux, et vous aurez les données essentielles d'un problème dont la solution vous mettra en mesure d'apprécier les dangers sans cesse renaissants auxquels s'expose le malheureux imprudent qui se lance assis dans un léger boggy au milieu de cette bagarre. Le plus grand danger qui menace incessamment les voitures de j)etil poids et de mince volume est sans contredit la rencontre des omnibus; pour elles, leplusléger contact avec ces maisons ambulantes, dont le volume et la pesan- teur augmentent de minute en minute, est presque toujours fatal. Le lourd véhicule du prolétariat, dont la largeur toujours croissante occuj)e aujour- PARIS A CHEVAL. 37 d'hui la plus grande partie de la chaussée, serre impiloyableineut coiilrc les trotloirs tout ce qu'il rencontre sur sa route, accrochant de droite et de .l!i I 'iii 'i.'i" gauche les moyeux des voitures arrêtées aux portes, entraînant en arrière celles qui marchent en sens inverse de sa direction, et culbutant les impru- denis qui, torts de leur droit, persistent à vouloir garder leur part de la voie publique. Dans les rues en pente, les évolutions des onmi- bus sont absolument ter- rifiantes. — Dans la rue Notre - Dame - de - Lorette comme dans celle des Martyrs, la descente est tellement rapide que, mal- gré les freins les plus puissants , les énormes voitures à trois chevaux exécutent de véritables dégringolades , chassant du train de derrière le long des trottoirs don t elles déracinent les becs de gaz aussi facilement que vous cueilleriez un œillet dans votre jardin, et menaçant ù chaque instant de se renverser sur les passants, qu'elles aplatiraient sans miséricorde si cette 38 PARIS A CHEVAL. tiilluilc, toujours imminente, venait à se réaliser. — Par bonheur, il arrive que les accidents les plus vraisemblables ne se produisent pas, et celui-là ne s'est pas encore produit : louons-en le Seigneur. Jusqu'à présent, l'omnibus est seul à exercer ses sévices dans les rues étroites. — Dans les voies dites de grande communication, il est activement secondé dans son œuvre de destruction par le tramway, dont la marche implacable impose aux conducteurs des autres voitures toutes sortes d'humi- liations, en les obligeant quand même à lui faire place. 1 les allures tyranniques du tramway ne justifiaient pas l'aniniosité qu'il inspire à toutes les personnes qui ont à conduire dans Paris des chevaux un peu difficiles, les bruits étranges qu'il produit sous prétexte d'avertir de son passage suffiraient à motiver surabondamment leur exaspération. Les sons enroués qu'il émet incessamment sont tellement discordants, que, comparativement, les grognements du cornet à bouquin en paraissent harmonieux et font penser aux concerts séraplii- ques qu'espèrent entendre dans un monde meil- leur les abonnés du Conservatoire. Tellemeat absorbé par le feo de la conversation . qu'il est seul à ne pas 6'apercevoir qu'il est en train d'écraser un passant. Ces avertissements assourdissants, dont le plus clair résultat est d'affoler tout animal un peu vigoureux, ne sont rien encore auprès des effets produits par Taspect des tramways à vapeur. TARIS A CHEVAL. 43 Le fait d'avoir autorisé en plein quartier civilise la circulation de ces étranges appareils équivaut à un véritable attentat contre la sécurité des citoyens, et je ne crois pas qu'il existe un statisticien assez statistiquant pour chiffrer le nombre des cavaliers désarçonnés et des cochers versés pour s'être trouvés inopinément face à face avec ces lourds mastodontes qui produisent ù la fois, au miheu des avenues les plus fréquentées, un bruit assourdissant, des torrents de feu et des flots de fumée. Après le passage d'un Iramwaf à vapeur. Croquis d'Après ualure. Quand on pense à l'effarement qu'une semblable apparition doit causer dans l'intelligence d'un animal qui sort de sa prairie, habitué au calme des champs, dont l'oreille n'a jamais entendu que le bruissement des feuilles, le murmure des eau.x et les concerts des oiseaux, on est en droit de s'étonner que le chiffre des accidents ne soit pas encore plus considérable, et que les vétérinaires ne soient pas ap])elés à constater un plus grand nombre de cas de folie subite parmi les clienls qui leur sont journellement amenés. 11 faut avouer, pour rester dans la justice, que les grandes compagnies publiques de transport ne sont pas seules à multiplier dans Paris les causes d'accident. — Connue si leurs inventions multipliées ne suffisaient pas à maintenir en état permanent de danger mortel tout promeneur inoffensif, cavalier, voiturier ou piéton, les particuliers ont réuni les efforts de leur imagination pour multiplier ce que l'on me permettra d'-appeler les écueils de la navigation parisienne. 4i l'AIUS A CHEVAL. Au premier rang des élueiibralions prodiiilcs par la dciiicnce privée, il convient de citer les véhicules bizarres dans lesquels la maison de OUI EiKjland transporte ses produits. w . • ■ m ' 1 ' V ""^^^ •1 , 4 i' ^ — — ■^~. ^ ■ n I l 'llljlii: Ces voitures, qui participent de la carapace et du hangar ambulant, consti- tuent de véritables épouvantails pour les animaux un peu impressionnables , et déterminent notamment les chevaux de selle, qui conservent une plus grande hberté de mouvement que les chevaux attelés, à envahir les voies de coniniuuicatiou habituellement réservées aux piétons, ce qui est aussi pré- judiciable à la sécurité de ces derniers qu'à l'équilibre des cavaliers qui montent les premiers. J'ai vu, de mes yeux vu, de malheureux chevaux, affolés par l'aspect de ces homards artifi- ciels, chercher un refuge jusque dans l'intérieur des magasins, causant ainsi le plus grand pré- judice à la symétrie des articles de Paris, et le plus grand effroi fiux nombreux clients de la classe aussi laborieuse qu'intéressante de nos commerçants au détail. Quoiqu'un axiome de droit naturel proclame que la liberté de chacun flnit où commence la liberté d'autrui, et que je considère que la liberté du particulier veut qu'il puisse monter à cheval sans être menacé dans son existence par les réclames PARIS A CHEVAL. 45 de SCS contemporains , je ne demande pas plus la suppression des boites écarlate consacrées au transport des productions d'outre-Manche que celle des cHpiipagcs de forme extraordinaire et de coloration invraisemblable jetés dans la circulation pour faire connaître aux foules l'existence de l'oignon brûlé, de l'insecticide Bornibus ou de l'eau de mélisse. -^- "y«/;i tr'âM/^A.'i'r. i, — RéclamcB ambalaotes. Non, le ressentiment que j'éprouve au souvenir des mécomptes personnels que la rencontre de ces divers objets inqualiflables dans toutes les langues connues a pu me causer, ue me pousse pas à cet excès de sévérité. — Qu'il me soit seulement permis d'exprimer un vœu. Id est, disaient les anciens; à savoir, disent encore les huissiers, qu'il soit interdit, par une loi s'il est nécessaire, par une ordonnance de police si cela suffit, à toute compagnie d'assurances contre les accidents de consentir une police au propriétaire de pareilles machines infernales, de façon que celui-ci reste toujours directement et pleinement responsable des désastres causés par les prome- nades carnavalesques exécutées à son profit. L'administration municipale , ne voulant sans doute pas rester en arrière des grandes compagnies et des commerçants parisiens, a dû aller chercher jusque dans Shakespeare l'idée qu'elle a mise en pratique pour épouvanter les chevaux tant soit peu nerveux. — Là où tous les directeurs de l'Odéou ont misérablement échoué, elle a pleinement réussi, et grâce à elle, la foret qui marche a passé du domaine de l'imagination dans celui de la réalité. — A l'heure qu'il est, les arbres se promènent aussi facilement que le ])remier goutteux venu. — Quelqu'un , un poëte suffisamment au courant du langage sylvestre, pourrait recueillir dans nos squares des dialogues équivalents à celui-ci : ■i{\ l'AUlS A CHKIAL. — Ne trouvez-vous pas, uiou cher congénère, que l'air devient bien mal- sain clans le quartier que nous habitons? — Vous êtes peut-èlre souffrant... — Pas le moins du monde; mais en tout cas, je vais demander ma voiture pour aller au IJois. Le résultat de ces fantaisies de locomotion, aujourd'hui permises ;i la majorité des arbres numicipaux, est qu'au tournant d'une rue l'on se trouve nez à feuilles avec un platane en déplacement. et ceux général Le cheval que vous condui- sez, s'il est moins philosophe que le sage dont parle Horace, s'en étonne et fait volte-face ; s'il a opéré sa brusque ma- nœuvre sur quelqu'une des bandes d'asphalte que multiplie sans relâche une administration prodigue, il s'abat. S'il a accom- pli sans accident personnel le bond en arrière que la terreur, cette mauvaise conseillère, lui a inspiré, il verse la voilure dans laquelle vous vous trouvez. Dans l'un comme dans l'autre cas, votre sort est digne de connnisération et mériterait des dommages et intérêts. — Mais à qui les demander? — L'arbre ne voyage pas pour son plaisir, qui ont ordonné sa mise en circulation l'ont prescrite dans un intérêt La for^t qui marche. Une situation non moins pénible est celle du particulier que l'accumulation des voitures retient derrière un camion chargé de traverses de fer. Jadis , on exigeait que chacune des pièces ainsi transportées fût entourée de faron a ■V>;^ PARIS A CHEVAL. 49 adoucir le bruit; mais je ne sais pourquoi l'on a renoncé à celte prescription, |)eut-èlrc voxaloire pour les entrepreneurs de transports, mais certainement protectrice pour les oreilles des passants. Outre que le malheureux ainsi confiné est personnellement assourdi, le cheval ou les chevaux qu'il conduit, absolument exaspérés par le tapage persistant qui leur assassine le tympan, ne tardent pas à s'animer de façon inquiétante, pointant sur place, à moins qu'ils ne cherchent à fuir le vacarme qui les énerve, en se précipitant dans le premier interstice qu'ils aperçoivent, au risque de laisser derrière eux la voiture qu'ils ont mission de traîner. j^Jhp^ÂM' ^' ■y^'^mtm^^^.Àù c-, Cavalerie métallargique. Joignez à cela les cris .des conducteurs des voitures qui suivent, les cla- quements de fouet, et vous aurez une idée juste de l'agrément ressenti par le promeneur bénévole que les hasards de la sortie ont placé dans ces condi- tions. Les voitures à moellons et à pierres de taille , dont les allures lentes et le volume sont également cause de fréquents encombrements, ont au moins 7 50 PARIS A CHEVAÎ.. j)oiir elles d'être rekilivcmeut silencieuses, et si leur contact est dangereux, du moins leur voisinage ne l'est pas. — C'est déjà quelque chose, et, à moins qu'elles ne soient conduites par d'aimables entêtés qui s'obstinent à suivre le milieu des chaussées pour le seul plaisir d'arrêter la circulation, ou agitent perpétuellement des fouets dont les claquements équivalent à l'explosion de véritables pétards, il n'y aurait réellement pas trop à dire contre la tolérance en vertu de laquelle on permet leur passage à toute heure du jour à travers les Champs-Elysées, l'avenue du Bois, et autres lieux autrefois réservés aux gens désireux de jouir en paix des plaisirs de la promenade et des bienfaits de l'exercice de l'équitation. ■'^^^-■'"' !>.-' Facéties démocratiqups. Le malheur est qu'elles sont le plus souvent conduites par des butors qui semblent considérer comme un plaisir divin le fait d'avoir effrayé iln cheval de sang par un bruyant coup de fouet inutilement donné, ou forcé un équi- page lancé aux allures vives à s'arrêter brusquement, en changeant tout à coup et sans raison la direction de leur encombrant attelage, taquineries qui, pour être d'un goùl douteux, n'en sont pas moins exaspérantes, et peuvent en certains cas tourner au tragique, si elles s'adressent par exenqjle au cavalier d'un cheval difficile déjà excité, et n'attendant qu'une occasion de s'emporter. N ) l ^^ PARIS A CHEVAL. 53 J'ai dans mes souvenirs personnels une anecdote déjà ancienne, mais authen- tique, et dont la divulgation peut être utile aux cavaliers qui se trouveraient dans la même situation. Qi!H'fii Un très-jeune homme, un peu rageur, comme on l'est encore souvent au sortir du collège, assez bon cavalier d'ailleurs, - ' '^~ s'était charge d'habituer à la jupe le cheval d'un ami chez lequel il se trouvait en villégiature, et qui souhaitait que l'ani- mal fût assez familiarisé avec cet appendice pour être monté par une des feauues de sa famille. \otrc jeune homme, accoutré d'une jupe, assis de côté sur une selle de femme, s'escrimait de son mieux, sur une route isolée, fréquentée par les charretiers d'une carrière en pleine exploitation. — Le cheval, d'un carac- tère habituellement placide, se tourmentait cependant quelque peu sous l'inûuence d'un harnachement nouveau pour lui et des différentes manœu- vres que son cavalier, désireux de s'acquitter consciencieusement du mandat dont il s'était chargé, voulait lui faire exécuter. — Bref, l'animal était un peu en l'air. — Au moment où l'amazone improvisée et le cheval impar- faitement mis pour dame dépassaient une voiture de pierres, le charretier développa entre les quatre jambes de l'animal un formidable coup de fouet. — li'elfet désiré ne se fit pas attendre, et le groupe complètement emballé partit dans la direction d'Argenteuil à un galop vertigineux, pour la plus grande jubilation du facétieux charretier. Comment tirer vengeance d'une aussi stupide agression? Telle fut la pre- mière question que se posa notre mâle amazone aussitôt qu'il, ou elle, eut arrêté la course endiablée de sa monture. La solution n'en était pas Hicile. — Charger le brutal? il n'y fallait pas songer. — Le terrible fouet se serait remis en mouvement, de façon à rendre l'approche impossible. Descendre de cheval? tactique aussi mauvaise qu'im- prudente; au premier geste un peu vif, le cheval, tenu en main, se serait échappé, et notre homme se serait trouvé, tout enjuponné, aux prises avec un gaillard robuste dont les dispositions ne lui paraissaient nullement pacifiques. 54 PARIS A CHKVAL. — Amené par ces réflexions à renoncer, comme le jeune Roseinberg de Barberine, à l'emploi de la seule force, notre cavalier résolut de recourir à la ruse. Comme il faisait déjà partie de la conférence Mole, à moins qu'il ne fût membre de la conférence Tocqueville, il pensa à utiliser les ressources de sa jeune éloquence, et dès qu'il fut arrive à portée de la voix, il entama un petit discours où, sous une forme conciliatrice et bénévole, il chercha à faire toucher du doigt à son interlocuteur les résultats fâcheux que son maître coup de fouet aurait pu occasionner; il ajouta qu'il aurait pu être désarçonné et dans la chute se rompre les os; qu'un aussi triste accident n'était certaine- ment pas ce qu'un collègue en travaux hippiques avait voulu chercher. Il dit qu'il était convaincu que ledit charretier avait agi non par malveillance, mais par légèreté. — Celui-ci ne répondait ni oui ni non, se contentant de ricaner tout en rangeant son attelage. La tactique du jeune orateur avait réussi; il avait rejoint son fouailleur : « Voilà pour conclure " , s'écria-t-il; et le cheval, entendant siffler au-dessus des oreilles la cravache qui venait de couper la figure du charretier, partit pour la seconde fois au même galop furibond. Est-ce à dire qu'il faille couramment enq)loyer ce procédé? Non, pour deux raisons : la première est que le mode de correction peut paraître excessif à des âmes tendres, n'ayant jamais été victimes de semblables agressions; la seconde, que pour essayer de le mettre en pratique, il tant être sur d'en réussir l'exécution. PARIS A r.HEVAI, 57 Mais revenons à nos moutons, c'est-à-dire aux dangers spéciaux de la circulation dans Paris. MM. leB camioDDeurii. Toute une catégorie de conducteurs de voitures à éviter à l'égal de la peste est celle des camionneurs. Leurs voitures, chargées de véritables échafau- dages de malles, de caisses de toutes dimensions dépassant plus ou moins les moyeux, froissent au passage le vernis d'autrui. MM.*Ies boacbers. MM. les bouchers, dont la spécialité est de marcher un train d'enfer, ne sont pas moins redoutables; — profltant de la facilité avec laquelle pivotent les voitures à deux roues, ils tournent court en pleine allure, au risque de broyer les passants pris à l'improviste par leurs brusques changements de direction. 8 l'.AUIS A CHEVAL Viennent eiisiiile les laitiers, dont les voilures non moins pesantes évoluent avec une égale célérité; puis les maraîchers, ([ni marchent habituellement à des allures plus pacifiques , et par conséquent moins inquiétantes pour la sécurité publique. Vf* V SM^^Jf£^^^ MM. les laitiers. On pourrait même considérer ces estimables cultivateurs comme complè- tement innoffensifs , s'ils n'avaient la funeste habitude de succomber au sommeil dans les carrefours les plus fréquentés , se liant à l'instinct de leurs chevaux pour retourner à leur domicile. MM. les maraicliers. Il en résulte que ceux-ci, absolument libres, suivent imperturbablement le chemin le plus court, qui, comme chacun sait, est la ligne droite, et obligent tout le monde à leur faire place, sous peine d'accrocs et de bousculades que leur poids rend redoutables. l'AUlS A CHEVAL. Gl Quoi qu'il en soit, el malgré sou culte pour Morphée, le maraîcher reste moins malfaisant qu'utile, et l'on peut lui pardonner d'errer à l'état de somnambule au milieu des équipages parisiens, à raison de la lenteur de sa démarclie. — Une autre raison, qui mérite au maraîcher l'indulgence des gens de chevaux, c'est qu'il n'est sportsman que par nécessité, non par goùl, et qu'il renoncerait volontiers à ses promenades en voiture, si on lui four- nissait un autre moyen de transporter ses légumes à la halle. Le reloar au bercail. Si ces cochers par nécessité ont droit à toutes les indulgences, il en est qui, par contre, sont indignes d'obtenir aucune circonstance atténuante. Je veux parler de ceux qui, ne sachant absolument pas ce qu'est un cheval , ignorant d'une façon complète la topographie de Paris, choisissent spontanément entre mille la profession de cocher, et s'installent insolem- ment sur le siège d'un fiacre, sans paraître comprendre qu'ils assument charge d'âme, et que leur maladresse peut causer la mort du premier pas- sant qui aura l'inconsciente audace de monter dans leur voilure. S'il réfléchissait à quels dangers il s'expose , en se confiant ainsi aux mains du premier maladroit venu, aucun Parisien ne serait assez follement téméraire pour oser monter en fiacre. Quel homme de sang-froid et de sens rassis oserait en effet soutenir qu'en agissant de la sorte il fait acte de raison? — Il sait que le métier de cocher est un art difficile, qui demande à la lois de la présence d'esprit, de la décision, du sang-froid et de la prudence, 62 PARIS A CHEVAL toutes qualités de premier ordre qu'il serait heureux de rencontrer chez un prélendu, s'il avait à (iiire choix d'un gendre, ou chez un chargé d'affaires, s'il était dans la nécessité de se décharger sur autrui d'une part de responsa- hilité. Il n'a sur l'iionniie deriière lequel il va s'enfermer dans une boîte hermétiquement close aucun renseignement d'aucune espèce ; et cepen- dant il lui confie sans hésitation le plus précieux des biens qu'il possède, sa piopre existence. — Il s'agirait de lui donner en dépôt le porte- monnaie le plus mal garni, — il n'aurait j)as un moment de doute, — il refuserait catégoriquement de le lui confier ; — mais il s'agit de sa sécurité personnelle, de celle de sa femme, de ses enfants; il les fait monter devant lui, et s'installe à leurs côtés dans une parfaite quiétude. Il suffit que le cocher qu'il a choisi ait le goiit de passer trop près des timons des omnibus, pour que sa femme (et il l'a épousée par amour) soit défigurée par les éclats d'une vitre; il n'y pense même pas! Un faux pas du cheval, qu'il n'a même pas regardé en montant, peut être cause que le brancard de la voiture qui suit la sienne lui cassera l'épine dorsale. Il ne croit j)as que la chose soit possible! bien plus, pour peu que la course se prolonge, et que les ressorts de la voiture soient à peu près doux, il s'endormira. — Est-ce là, je vous le demande, la conduite d'unhonnne sage, prudent, réfléchi, ou celle d'un fou? Il est un cas où l'insouciance du preneur de fiacres dépasse les bornes permises et touche à la démence coupable : c'est quand, ayant le choix entre une voiture d'une des grandes compagnies et celle d'un maraudeur, il prend la dernière, renonçant ainsi de gaieté de cœur à tout recours judiciaire elli- cace en cas d'accident. ( l \ i PARIS A CHEVAL. 65 C'est une triste consoliition, mais c'en csl une lorsqu'on a en une jambe ou deux broyées, par la faute d'un eoeiier imbécile, de penser que les membres ainsi avariés seront estimés à leur juste valeur; encore faut-il, pour qu'une pareille |)cnsée soit réellement bienfaisante et consolatrice, ..^ Spécimeo d'accident mofen. avoir la certitude que l'indemnité fixée sera réellement déboursée par les gens déclarés responsables , — et comment espérer être convenablement indemnisé de désagréments aussi sérieux, si toute la fortune de celui qui les a causés consiste en un étiquc et unique cbeval, et une voiture désarti- culée par un usage séculaire? — Si au contraire vous avez eu la cbauce d'être estropié par un agent d'une société millionnaire, comme la Compa- gnie générale par exenij)le, quelle inquiétude pouvez-vous avoir? 9 OG l'AllIS A CHEVAL. Axiome. — « Etant donné que toute course faite clans Paris constitue un « danger capital, ne jamais monter dans une voilure dont le propriétaire ne « parait pas être en mesure de solder la valeur totale du dépôt qui lui est « conlié. )) ^:.:T^^'Tm^^^TTJ■ri^^;T^'l^'^^" c',-''^ La façon pleine de laisser-aller avec laquelle la |)luparl des cochers se comportent dans Paris, a donné à bon nondire de yentlemen qui condui- sent eux-mêmes, l'idée de mettre à l'étude un art nouveau, fondé sur le principe de la légitime défense, et dont un de nos amis a bien voulu indiquer dans les notes suivantes les données fondamentales : L'art d'accrocher. I. — Hien accrocher s'aj)prend à tout âge, mais plus spéciale- ment en commençant à mener un peu tard. Il y a des aptitudes naturelles, telles que la distrac- tion, la myopie, qu'on peut aug- menter par des moyens artifi- ciels, — la lecture, qui double la distraction, et le port de cer- tains appareils d'optique, tels que monocles, lunettes et pince-nez, qui placent les gens qui en font usage dans un état voisin de la cécité. Ajriome. Toute femme qui se conduit cHe-mèiiie se conduit mal. Conseil. Se méfier des cochers russes, ou tout au moins babilles eu Russes. ^;*âI/,ll;il!il m 'f'y'ti K. Surfi->r:^^ Autre conseil. Kviter de se laisser rattraper par des voitures de dresseurs. PARIS A CHEVAI, 00 H. — En dog-cart, avoir assez de coup d'œil pour mesurer la force de rosislancc de la voiture qu'on doit accrocher, par conséquent ne s'en prendre qu'aux voilures à deux roues; un peu avant le choc, se soulever du siège déli- catement, afin d'éviter toute commotion; après le choc, filer vivement sans se retourner, laissant au groom le soin d'apostropher le maladroit que vous avez accroché. m. — Dans le cas où, étant en phaéton, vous accrochez un fiacre et lui faites de grosses avaries, descendre vivement, passer les rênes au valet de pied et vous précipiter à la tête du cheval de fiacre en appelant à grands cris un agent. Celui-ci arrive au hout d'iui hon quart d'heure, vous mettez tous les torts sur le dos de l'aulomédon, et de plus vous réclamez de la Compagnie des dommages-intérêts pour interruption momentanée de votre promenade; il est rare que l'autorité ne fasse pas droit à une aussi juste réclamation. ■rj T ■' ^ V _ < 1 V 70 PARIS A CHF.VAr,. lU. — Ali retour des courses, quand on marche sur cinq ou six (iles de voilures, un bon accrocheur a tout le loisir de déployer ses talents. Tantôt il dlleure le moyeu des roues, enlevant la couleur et le rechampis; tantôt il emboîte complètement sa roue de derrière entre les deux roues d'un landau ; dans cette circonstance, loin de se troubler, comme tout le monde va dans le 'Tî'ç • v7> N S^RKi-f même sens, il continue sa route avec insouciance, n'ayant qu'une préoccupa- tion : celle de régler son allure sur celle de la voiture qu'il emboîte. Ce mode d'accrocher présente plusieurs avantages : d'abord rien ne vous est plus facile que de lier conversation avec les gens qui vous emboîleut, à plus forte raison si vous avez affaire à quelque jolie femme ; ensuite vous fatiguez moins \otre cheval, puisque ceux delà voiture voisine font la moitié de la besogne. Pour vous dégager, prier simplement le cocher d'obliquer légèrement à droite ou à gauche. V. — Si vous voyez arriver sur vous une voiture lancée à fond de train, sans pouvoir l'éviter, pousser vigoureusement en avant; celle des deux voilures allant le plus vite sera certaine d'être la moins éprouvée dans la collision. •a PARIS A CHEVAL. 73 VI. — Si la curiosité chez vous est assez développée pour vous faire endommager voire voilure, u'iiésitez ])as à vous ruer vigoureusement de laeon à casser ime roue sur le fiacre dont les stores sont baissés. Il est rare que vous n'en soyez pas récompensé par un spectacle sinon imprévu, du moins quelque peu piquant. l'II. — Si un camion, un tramway ou autre grosse machine de guerre fait mine de vouloir vous accrocher, gardez-vous bien de vous laisser attaquer, mais filez vivement le long de la voiture, et une fois h. la hauteur des chevaux, appuyez légèrement de leur côté; le moyeu de votre roue effleurera leurs jambes, et le cocher du tramway, pour éviter un accident plus grave, jettera ses chevaux de côté, ce qui fera dérailler ledit tramway. Inutile de vous recommander le plus grand sérieux, etc., etc., etc. On voit par ces courts extraits d'un ouvrage très-étendu et très-sérieux (auquel travaille assidûment Kwick , mon excellent collaborateur à la Vie parisienne), qu'il s'agit d'une véritable révolution, grâce à laquelle on uUliserait la vitesse des animaux de sang pour se soustraire au despotisme 10 7i PARIS A CHEVAL. (les voiliiriers do jjros poids o( do proporlioiis encombrantes. — V parvien- dra-l-(in ? II est permis d'on doiilcr. En attendant que cet heureux résultat soit obtenu , et rien ne fait prévoir (pi'on l'obtioiiiio jamais, bon nombre do «cens ont définilivrement renoncé non-scuioniontau plaisir de conduire eux-mêmes, mais encore au luxe d'avoir des voitures et des chevaux leur appartenant en propre. I,as do voir leurs chevaux abîmés par la maladresse d'aulrui, écœurés par l'oblijjation d'envoyer constamment chez le carrossier leurs voitures éralléos, détériorées, brisées par la brutalité de leurs contemporains, ils fr-, -r. ) n ■"Tr-rn-^oTL: ont pris le seul parti qu'il y ait à prendre pour se soustraire h ces ennuis multipliés. — Us se sont adressés à un tiers qui endosse la responsabilité des accidents , et s'engage moyennant une indemnité déterminée à les trans- porter jour et nuit sans qu'ils aient à se préoccuper de savoir si le cocher est disposé à sortir, si les chevaux sont reposés et si des réparations urgentes à la voiture permettent ou non d'atteler. Us ont un fiacre attitré constamment à leur tlisposition, qui les conduit où bon leur semble, aussi vivement que pourrait le faire une voiture à eux, et cela sans aucun des ennuis que causent l'administration d'une écurie et la direction do son personnel. — Ces sages sont ce qu'on appelle des abonnés à l'ordinaire. — L'ordinaire appartient à un loueur quelconque, plus habi- tuellement à la Compagnie générale. — Il est attelé le plus souveut de deux chevaux de taille moyenne, ni beaux ni laids, mais durs à la fatigue, qui eu a r3 PARIS A CHEVAL. 79 inarclioiit du malin au soir sans inlcrruplion, et sont relayes sans que rahoiiiié à la Iraelion duquel ils sont destines ait besoin de le demander. — Le seul Inconvénient de cette mode, qui tend malheureusement à so généra- liser, est d'enlever au spectacle fourni gratuitement an flâneur par nos pro- menades publiques la variété qu'elles présentaient autrefois. ...peut ctre ÎDdéÛDimeDt proIoDgc. Quelque agréable que soit à regarder un modèle de voiture, la vue en devient forcément monotone s'il est indéfiniment reproduit , — et c'est ce qui résulte de la nuiltiplication toujours croissante des ordinaii-es : — c'est propre, correct, suffisanmient attelé, mais c'est par trop uniforme. Pour se rendre compte de l'envahissement accompli par ce véhicule aussi pratique que peu élégant, il suffit de comparer ce qu'était, il y a une douzaine d'années, le passage des équipages se rendant à l'une des grandes courses de Longchanq)s, et ce qu'il est aujourd'hui. Du dog-cart à la grande daumont à quatre chevaux, tous les spécimens de carrosserie y étaient représentés par les échantillons les plus pittoresque- mcnt variés; aujourd'hui, le même défile a l'aspect d'une interminable 80 PARIS A f.HEVAF,. slalion (le (iacrcs inopinément mise en moiivemenl, — h celle différence près, qu'il manque à un certain nombre de lanternes le numéro obligatoire et matriculaire. Le niveau démocratique fait son œuvre, et le jour n'est peut-être pas très-cloignc où le suprême du genre consistera pour nos élégantes à se rendre à I,ongcliamps sur l'impériale d'un tramway. CHAPITRE III Aux Champs-Elysées. Le public (lu matin. — Balayeurs et retardataires. — • Coupés de nuit. — Marchands et dresseurs. — Rélli'xions sur le coslumc. — MM. les arroseurs municipaux. — Cochers d'omnibus. — Ue l'utilité des pharmaciens dans les quartiers i\ marchands de chevaux. — Professeurs de guides. — Les Champs-Elysées le soir. — Croquis d'été. Aux premières lueurs du jour, alors que le soleil levant frappe l'Arc de triomphe et rejette sur l'avenue de la Grande-.Année l'ombre portée par le gigantesque monument, la longue chausstîe s'embrasse d'un coup d'oeil, et les 11 82 l'.AKlS A CHEVAL. ([uclqucs points noirs qui s'a<[itenl sur la nappe jaune bislre du macadam ne méritenl guère une descripliou particulière. Ce sont les balayeurs, types connus de tous les l'arisiens assez Parisiens pour s'être laissé surprendre par l'aurore, ou assez bien portants i)Our l'avoir quelquefois devancée. Les autres humains qui sillouncut lus Irutloirs ou débouchent des portes cochères ont le chapeau trop rabattu sur les yeux, le col du pardessus trop rigoureusement levé, pour qu'il n'y ait pas indiscrétion à chercher à voir quels visages se cachent sous ces obstacles amoncelés ; ce n'est pas nous qui chercherons à savoir quels ont été les luMes ou plutôt les hôtesses de ces discrets attardés. — Portées. V.P.! Un coupé noir, un co- cher couleur de mu- raille, un grand che- val bai, qui conserve de beaux restes, mais dont les jambes, quel- que peu attaquées , attestent les longs et pénibles services, viennent de s'engouf- i'rer sous la voûte de rhô tel de ***. Le tra- vail a été dur cette nuit au petit club, car il n'est pas dans les habitudes de Z... de s'attarder à ce point quand la partie n'atteint pas des proportions cxcej)- lionnelles. C^. La chance lui a été favorable, car j'ai constaté, à son passage, qu'il dormait avec le calme de l'innocence, qui ne peut être égalé que par la tranquillité du ponte satisfait. Voici qui est plus grave, et le gros X... me fait l'effet d'avoir soupe outre mesure, car il parait avoir |dus chaud que ne le comporte l'heure matinale. 11 est assis sur les coussins d'un maraudeur, et son cha[)eau siège à côte de lui , PARIS A CHEVAL 83 ce qui dénote une certaine pesanlcur à !a (rie. C'est en outre un indice certain qu'on a festoyé longuement au Café /hnjlais. et il y a gros à parier que son coIj restera à l'écurie ce matin. Si j'avais un conseil à vous donner, cher monsieur, je vous ferais obser- ver qu'avec l'embonpoint dont vous jouissez, vous jouez un jeu dangereux, et que les explosions se produisent la plupart du temps au moment le plus impi'évu. Mais après tout, c'est votre affaire, et je craindrais en insistant O/i ! oh! HoppII ! — Ce sont les marchands qui exécutent leur entrée en scène. — La journée d'hier est bien finie; plus l'ombre d'un relardataire, et le vrai personnel du matin commence ses exercices. cx._ Les portes cochères sont grandes ouvertes, et de chacune d'elles sort une voiture ou un cavalier, escortés d'hommes à pied prêts à intervenir si les élèves se montraient par trop récalcitrants. 8i PARIS A CHEVAL. 0 futurs acheteurs! si vous tenez h coiiuaitre le vrai caractère des auiuiaux auxquels vous confierez, dans l'avenir, le soin de transporter votre précieuse personne; si vous voulez savoir de quels écarts, de quelles ruades, de quelles reculades , de quels bonds sont capables ces estimables quadru- pèdes que l'âge et l'éducation rendront rapidement inoffensifs, prenez siu- vous de vous lever, ne fùt-cc qu'un jour, de grand matin : chassez du même coup le respect humain qui pourrait vous empêcher de vous asseoir sur un des bancs de la partie haute des Champs-Elysées; restez pendant une heure sur ce siège démocratique, et regardez le spectacle varié qui va se dérouler sous vos yeux. Voici déjà un rassemblement formé autour d'un squelette arrêté au beau milieu de l'avenue. Le cheval qu'on dresse a, de prime abord, enfourché le timon : il faut dételer. Son camarade, vieux routier qui en a vu bien d'autres, et qui est là à titre de maître d'école, est aussi paisible que si rien ne s'était passé; quant au coupable, il est aussi étonné qu'inquiet de sa situation. Le morceau de bois qui lui passe entre les deux cuisses lui parait un support anormal, et il a l'air d'avoir grande envie de s'en aller : bonne leçon pour qui l'AUlS A CHEVAL 87 sait comprendre! De même qu'il est imprudent, pour la raison (pie l'on sali, de cracher en l'air, de même il est bon de savoir oîi l'on rue. Doubles paires de rênes, plate-longe, martingales, genouillères, palefre- niers trottant à l'épaule du cheval, tout ici dénote un animal d'un caractère peu commode, et toutes les précautions sont prises en vue d'une lutte sérieuse. — Ce qui m'étonne toujours en pareil cas, c'est que les dresseurs ne soient pas capitonnés. On met bien des plastrons quand on fait des armes ou de la canne ; pourquoi ne chercherait-on pas des préservatifs aux horions qui résul- tent d'une chute de voiture? Voyez plutôt! Voilà deux hommes qu'on ramasse : le tilbury est sur le côté, et le cheval sur le flanc. A. en juger par la vitesse dont la roue qui est en l'air continue de tourner, la chute a dû être plus que sévère, car elle a eu lieu à une rude allure. Quand on est exposé à de pareilles culbutes, je ne vois pas ce qu'il y aurait d'humiliant à se matelasser quelque peu ; on économiserait quelques côtes et quelques clavicules bien inutilement sacrifiées. bH l'ARlS A CHliVAI,. Le syslènic prolcctciir que je me pcniicls de reconimaniler aux dresseurs de chevaux allelés ne saurait cire euijiloyépar les écuyers, qui ont besoin de toute leur sou])lesse pour résister aux défenses de leur mouture. Ceux-ci ont le costume qui convient à leur travail, sauf la coiffure qui ne garantit pas suffisamment la tète en cas de chute : le pantalon, serré dans la yuctre ou entré dans la botte, laisse à la jambe la liberté et la précision de mou- vement dont elle a besoin, et le veston que portent la plu- part d'entre eux est cgalement bien approprié à la gymnas- tique qu'ils doivent faire. L'absence de basques est une excellente condition , et tous les cavaliers savent combien peut être gênante l'iiilroduction entre la selle et la cuisse d'un vêtement flottait! qui forme des plis et gène souvent des mouvements nécessaires. La coupe d'un vêtement des- tiné à un cavalier n'admet pas d'ailleurs de demi-mesure : il doit être ou très-court ou très-long, et il n'y a pas à chercher dejusle milieu entre le veston contemporain et l'an- tique redingote de nos pères, dont les pans couvraient les flancs du cheval . Disons en passant que c'est dans l'intérêt de la conservation des dou- blures des susdits pans que l'usage du tapis, dépassant la selle, s'est intro- PAUIS A CIIKVAF,. 91 diiit chez nous : bon nombre de cavaliers ont conserve le tapis cl supprimé la redinfjotc, ol présentent ainsi l'aspect d'un contemporain monté sur un cheval qui n'aurait pas été dessellé depuis 1830. Aphorisme. — Quand un cheval monté par un amateur fait ime faute, le châtiment arrive toujours en retard : toute correction doit être infli- gée pendant que le délit se commet. Un coup de cravache lardif perd toute utilité et doit être supprimé. Un vrai cava- lier doit l'avoir appliqué pen- dant que sa monture est encore en l'air. (Voir la figure ci- contre, et suivre l'exemple donné par l'homme d'écurie y représenté.) Les balayeurs ont terminé leurs opérations, les arroseurs leur succèdent : au lieu des demi-cercles décrits par les seigneurs du balai jusque dans les jambes de votre cheval, vous avez les arcs-en-ciel portatifs que dirigent sous ou même sur son nez les subordonnés de M. Floquet. Certains animaux prennent assez philosophiquement cette facétie admi- 92 l'ARIS A CHEVAL. nisiralive; d'aulrcs au contraire se cabrent, s'emportent ou se jettent de côte avec une instaiitancilé que peuvent seuls a|)précier ceux qui en ont été victimes. — Si vous avez à la main une cravaclie un peu plombée, n'iié- sitez pas à vous en servir, une bonne tape ayant toujours fait plus d'im- pression sur une nature peu cultivée que l'observation la plus mesurée et la mieux fondée. L'apparition des tuyaux irrijjatcurs est bientôt suivie de celle des omnibus, qui marque buit heures du malin. Les automédons de ces masto- dontes, qui sur ce point et par faveur spéciale sont attelés de cinq che- vaux, prennent à cœur de troubler à coups de fouet le silence matinal, et choisissent à l'ordinaire le mo- ment où un cheval un peu chaud donne les premiers symptômes d'une vive frayeur, pour exécuter les cla- qneinents les plus brillants. Je voudrais , si j'étais quelque chose dans l'Etat, que toute mani- festation de ce genre donnât lieu à une poursuite pour tentative préméditée d'homicide. — Il n'est pas douteux que ces virtuoses du fouet n'ont d'autre mobile, en agissant de la sorte, que le désir de voir un de leurs frères — tous les hommes sont-ils frères ou ne le sont-ils pas? — mais un de leurs frères plus fortunés, un frère suspect de s'être engraissé de cette horrible substance qu'on appelle la sueur du peuple, piquer une tète sur le macadam. — Que ce geste obtenu pour leur plus grande satisfaction ait des résultats funestes, ils s'en soucient peu, et, comme ils sont sûrs de rinq)unité, ils ne négligent aucune occasion d'amener un accident qui rompt, aux frais d'autrui, la monotonie de leur existence. C'est également à cette heure matinale qu'ont lieu les promenades d'essai que le marchand faitfaireau client sur le cheval que celui-ci a ou l'imprudence de remarquer la veille. I I e s c _ s 2 3 PARIS A CHEVAL. 95 Voici de quelle façon elle s'opère généralement. — I/amateur part accom- pagné (lu pifjueur de l'établissement vendeur. ^yV Au pas d'abord — tout va bien. Le futur acquéreur ne demande rien à sa mon- ture, qui suit tranquille- ment son camarade d'écu- rie. Du pas, on passe au /^^ trot, et l'ordre continue à régner; mais, comme tout acheteur désire que son acquisition possède les trois allures, il embarque au galop l'animal qu'il essaye. C'est alors que souvent tout se gâte. Le cheval part un peu vivement, le cavalier se cramponne, et l'embal- lage commence. ÇKkl f v^ Dix minutes après , le piqueur rentre au bercail, ramenant les deux chevaux : si on lui demande ce qu'est devenu sou client : « II est chez le pharmacien i^ , répond-il avec une tranquillité qui montre quelle habitude il a de pareille aventure, et combien est justilié le nombre des pharmacies accumulées aux 96 PARIS A CHEVAL. difCcrenls coins des nombreuses rues perpendiculaires îi l'avenue des Cliamps- Eiysées. Les heures iiialinalcs sont les heures propices aux premières tenlatives des fjcns désireux d'approfondir l'art dilTicile de conduire à quatre : on a plus d'espace devant soi et moins de public en cas d'insuccès. '> La meilleure préparation pour bien mener quatre chevaux est d'apprendre à en bien conduire deux, de même que, pour bien mener deux chevaux, le meilleur apprentissage consiste à savoir en faire valoir un, en vertu de cet axiome que celui qui peut le moins arrive à pouvoir le plus, et que, en fait de conduite, il n'y a que le premier cheval qui coûte. Admettons que les deux premiers échelons de cette marche ascendante aient été franchis, et que le néophyte en matière de conduite à quatre con- PARIS A CHEVAL. 97 naisse toutes les finesses de l'art de mener à deux : la seule difficulté nouvelle pour lui, l'inconnu , sera la mobilité extrême des deux chevaux de volée, excessivement sensibles au moindre ajipel des rênes. On comprend aisément, en cITet, que deux chevaux pour ainsi dire libres soient ])lus disposés à s'écarter de la ligne droite que les deux chevaux main- tenus par un limon rigide, ou encadrés dans le brancard. C'est la première et la principale difficulté. M'i l'iifl leçon de guidps. Il en est bien une autre qui rentre dans la catégorie de celles signalées par Cham dans cette courte légende, à propos des steeple chases : Prix d'entrée : 20 francs, premier obstacle! — et qui consiste à se procurer l'attelage pour s'exercer. Mais qu'importe! Si tout le monde ne peut se procurer en propre propriété le four in Iiand nécessaire, on a des amis, et à défaut d'amis, les établissements publics institués à l'effet de transporter aux coursée les amateurs de sport, ont à leur disposition le matériel indispensable, 13 98 PARIS A CHEVAL Les quatre animaux réunis sous prétexte d'attelage n'ont le plus souvent rien de commun conmie modèle, comme moyens, comme action, mais enfin ce sont quatre chevaux ; ils sont mis aux places qu'au véritable attelage occuperait , et les rênes qui servent à les conduire sont distribuées de la même façon qu'elles le seraient pour le quadrige le plus correct et le plus luxueux. rw9-^^^^..-^:fl|i^r; '^'■' . A mWi Leçon de guides. — Préparalifs, L'homme n'ayant reçu à sa naissance, de la libéralité du Créateur, que deux mains, et tout cocher devant en réserver une pour le maniement du fouet et les manœuvres imprévues, il en résulte pour lui, dans le cas dont i! s'agit, J'obligation de réunir les quatre rênes dans la main gauche. Comme il importe qu'il n'y ait pas de confusion possible entre celles des chevaux de volée et celles des chevaux attelés, le meilleur procédé de grou- pement consiste, à mon avis, à tenir les premières avec les deux doigts, le pouce rabattu sur la rêne de droite, taudis que le poing fermé tient à un j)oint fixe les rênes des chevaux du timon. Ces derniers, en effet, doivent être constamment maintenus, tandis que QIJF.LQUES ATTKLAGES A QUATRE. Ml w l / l»" COI seil. — Le de part d'un four in hatul doj louj lursBp faire avec une exlrèaie Icnleur, - - Il faut que les fjuatre chciam parlent en mr me temps et uua l'un après l'autre et par secuus&es , coniine ci-deesus. PARIS A CHEVAL. 101 les premiers sont appeli's à donner à l'ensemble de l'attelage la direction et le train. Il en résulte que c'est à eux que s'adressent tout d'abord toutes les indi- cations du cocher, tandis que les chevaux du second ne font que reproduire leurs évolutions. I.ecoD de nuides. — Un lournant. C'est dans cette succession de mouvements que gît toute la difficulté, difficulté nulle pour tous ceux qui ont quelque habitude du tandem, sorte d'attelage pour la direction duquel toutes les qualités nécessaires pour con- duire à quatre demandent à être doublées. La direction du cheval attelé en flèche est d'autant plus difficile à mainte- nir, qu'il est plus isolé. Aussi loin du conducteur que dans l'attelage à quatre, il n'a pas l'appui que chacun des chevaux de volée trouve dans son compagnon. En outre, le cheval attelé au brancard d'une voiture à deux roues n'a pas 102 PARIS A CHEVAL. l'aplomb, la résistance de la paire de chevaux traînant un véhicule du poids d'un mail ou simplement d'un grand break, dont la marche est d'ailleurs forcément beaucoup plus lente. LfroQ (le gaidcG. — F]q tandem. Ici se place la contre-partie de l'axiome posé plus haut, et bien souvent tel cocher qui peut le plus, c'est-à-dire qui conduit honorablement quatre chevaux, serait fort embarrassé si on lui demandait le moins, qui est de conduire deux chevaux attelés en tandem. Four in latittl conduit à l'anylaise. En Angleterre, dans tout attelage à double conduite, yè?/;' in Iiand ou tan- dem, il est de règle que les chevaux de tête soient niainlcuus au galoj) pen- PAIUS A CHEVAL 103 danl que les seconds IroUcnt : c'est à la fois un raffinement de difficulté et d'élégance, un pîaisir de plus pour le s])ec(ateur. Ici, on se contente de maintenir tout l'attelage à la même allure. A cette modification d'une manière de conduire empruntée à nos voisins, la raison est facile à trouver. Chez eux, le dernier des charretiers fera place à un équipage; ici, sur n'inq)orte quelle route, vous serez obligé d'attendre le bon plaisir de chaque roulier, et comme il est plus facile de faire passer un cheval du trot que du galop au pas , il a fallu renoncer au galop; — c'est d'ailleurs beaucoup que nos frères du peuple nous permettent encore les allures rapides. A ceci quelle raison? Elle est très-simple : peu de boxeurs dans nos classes dites dirigeantes, tandis que chez nos voisins... quels admirables coups de poing! Coup de poing aoglais. De midi à deux heures, la chaussée des Champs-Elysées est absolument déserte, — chacun est allé réparer par un repas abondant les forces dépen- sées dans la matinée. Les dresseurs ont terminé leur travail, et les promeneurs du matin se sont rendus à leurs affaires. La grande avenue appartient exclusivement aux arroseurs, qui profitent de leur solitude pour ne pas arroser et causer entre eux des événements du jour, assis sur la bordure des trottoirs , pendant que (ous les chiens du 104 PARIS A CHEVAL. quartier prennent leurs ébats sur la chaussée, que quelques rares omnibus, continuant imperturbablement leur route invariable, sont maintenant seuls à parcourir. I.fs Cli'iiiipa-Klysi'cs dp raiili ô drux lieurH3. deux heures, la circulation se rétablit, le mouvement reprend peu à peu, mais tout différent de ce qu'il était avaut midi; — les fiacres constituent la majorité, et sont occupés par les habitants du quartier qui vont faire leurs courses utiles, visites, emplettes, etc. — Le courant général se dirige vers le centre de Paris. De temps à autre, on entend le galop précipité d'un cheval : c'est un garde municipal qui porte en toute hâte un pli ministériel, revêtu de tous ses PARIS A CHEVAL. 107 cachets : P. 0. Urgent. — Confident ielle. — Cabinet du ministre. — Le brave cavalier a l'air iinporlaiit qui convieut au porteur d'une nouvelle olfi- cielle, au messager chargé de faire parvenir d'urgence à qui de droit un secret d'État. — Il marche aussi vite qu'il peut, contourne vivement les voi- lures et crie gare avec l'accent d'autorité qui convient à un homme qui ne doit à aucun prix se laisser attarder. S'il pouvait lire ces plis si noblement cachetés, il saurait que neuf fois sur dix ils émanent d'un des nombreux sous-secrétaires du secrétaire intime, et qu'ils sont libellés de la façon suivante : « Ma petite vieille, « Katincka dîne avec moi ce soir, et veut que tu sois de la fête. — Disperse la famille, fais signe à miss Kismiwick, et à son défaut à quelque autre, et sois très-exactement à sept heures et demie chez Ledoyen. « Je le serre toutes les mains, y compris celles que je te souhaite au bac- carat. « AXATOLE. » 108 PARIS A CHEVAL A partir de quatre heures, le couranl change couiplôleineiit de direclion, et les voilures de toutes sortes débouchant sur la place de la Concorde remon- tent rapidement vers l'Arc de triomphe pour gagner le Bois , oii nous les retrouverons, et pourrons les étudier par le menu, chose impossible ii faire dans ce mouvement torrentiel qui les porte toutes vers le même ])oinl, dans un fourmillement incessant qui empêche l'observitcur le plus allenlif de saisir aucun détail. L'exemple grammatical invoqué par le digne Lhomond pour montrer que le substantif employé pour désigner une collection d'objets ou d'indi- vidus gouverne indifféremment le singulier ou le pluriel , peut seul donner une idée du spectacle tunmlluenx, de la course fuiibonde à laquelle on assiste; c'est le lurba mil ou rituut des anciens. SorteDl pour montrer leurs clicvauji, leur loilure, leur liir'une écurie de service. Conseils à un garçon. — Plan, aménagement. — Bit-nancs. — Mangeoires et râteliers. — La question des eau\. — Ecurie matrimoniale. — Conseils ï la femme d'un homme qui, ik force d'aller en omnibus pendant son temps de célibat, est parvenu à se consliluer un capital suffisant pour offrir i la compajne qu'il s'est choisie tous les moyens de transport désirables. Un grand nombre de gens souffrant de maladies dont ils ont étudié à fond les symptômes , mais qui ignorent les moyens curatifs à employer pour obte- nir un soulagement à leurs maux, adressent couramment aux princes de h science des questions plus ou moins précises , auxquelles ceux-ci s'empres- sent de répondre — contre remboursement. — C'est ce qu'on appelle le traitement par correspondance. — Les deux lettres illustrées ci- dessous imprimées sont les réponses d'un spécialiste, retiré en province après fortune 118 PARIS A CHEVAL. défaite, à des demandes de conseils sur la marche à suivre pour rinstallation d'une écurie de garçon et celle d'une jeune fille à la veille de son mariage. Les conseils qu'il donne à l'une et à l'autre nous ont paru constituer un véritable manuel pratique, et nous croyons qu'en les reproduisant ici, nous rendons un réel service à ceux de nos lecteurs en travail d'aménage- ments analogues. Voici la première de ces deux lettres : /2-C^iju ~i/(^'C^'J^ /-^*_o ^ r^r- t Trt'prjjny-loz-Corolz, le 15 mai 188.. «C'est un grave conseil que vous me demandez, mon cher ami, et je n'espère pas vous renseigner en une seule épilre, sur la réorganisation d'une écurie aussi compliquée que la vôtre. Puisque vous le voulez cependant, nous allons essayer, et je vous livre telles quelles les notes que j'ai prises à votre intention. « Je ne voudrais pas que vous changiez quoi que ce fût au plan général actuel de votre écurie. Elle est bien aménagée, et je trouve qu'il serait mau- vais, même en agrandissant le bâtiment, de fairs double rangée de stalles. « Songez donc à l'espace qu'il vous fondrait consacrer à la travée inter- médiaire! — Et puis, quel agencement seriez-vous obligé d'imaginer pour accrocher les harnais au moment de garnir les chevaux ! — Laissez les bâti- ments en l'état, c'est parfaitement ainsi. Bornez-vous à foire vérifier le dal- lage, qui peut avoir besoin d'être redressé; mais arrêtez-vous là, ne modifiez PARIS A CHEVAL. llf) pas non plus votre système de bat-flancs mobiles, qui laissent au cbeval plus de liberté que les stalles fixes, quand l'espace lui est mesure. Un autre incon- vénient des stalles fixes est de Umitcr d'une façon trop absolue le nombre de vos pensionnaires. « Supposez que deux ou trois chevaux de supplément vous arrivent ino- pinément de votre écurie de chasse; où les logerez-vous avec vos stalles à poste fixe? à l'auberge, ou à VHô/el Conlinenlal? Il n'y a pas là, que je sache, aucune écurie. — Avec vos bat-flancs mobiles, vos hommes n'ont pas une heure de travail pour faire de la place aux nouveaux arrivés, et chacun de vos chevaux ne perd pas plus de quelques centimètres de son espace accoutumé. « La seule amélioration à apporter est de faire appliquer de chaque côté du bat-flancs une sorte de bourrelet longitudinal, assez épais pour amortir à la fois le choc et le bruit des coups de pied des animaux un peu impatients, car je ne pense pas que vous ayez l'intention de remplacer ceux que vous comptez réformer par de plus endormis. " Multipliez au plafond le nombre des points d'attache, vous verrez quelle commodité cela vous donnera, en vous permettant de proportionner l'espace réservé pour chaque cheval, 'à ses habitudes constatées. Il est, par exemple, absolument inutile de donner place égale à un animal qui ne se couche 120 PARIS A CHEVAL. jamais, et à tel autre qui, comme votre jument grise, passe toutes ses nuits si complétemeut étale qu'on serait tenic de le croire mort , n'était le mou- vement égal et profond de sa respiration. J.L ;;.• I' ■HH/iL-' « Derrière chaque place (nous pouvons en compter huit dans chacune de vos écuries), faites donc appliquer un support solide en bois verni, de façon à avoir pour vos harnais des portants d'attente d'un entretien facile pour les- quels le simple coup de plumeau suffira. Vous éviterez ainsi l'abus du tripoli, et autres ingrédients ncccssilés par l'abus des cuivres, des aciers, des métaux blancs, très-jolis à voir, mais qui réclament des soins incessants que vous n'obtiendrez de vos hommes qu'au détriment du pansage. « Faites donc faire dans votre cour cinq ou six fontaines. Vous n'en avez qu'une. C'est assez pour la cour d'un lycée, mais c'est tout à fait insufflsant pour une écurie qui compte plus d'un pensionnaire. « Inutile, n'est-ce pas? de vous rappeler que tous les robinets doivent être PARIS A CHEVAL. 121 garnis de pas de vis s'adai)lant aux tuyaux d'arrosage, indispensables aux douches de vos quadrupèdes. « Puisque uous touchons à la question des eaux, faites donc faire au fond de votre cour un abreuvoir à double pente, creux de deux pieds et demi à son point le phis profond, que vous ferez traverser aux animaux au moment de leur rentrée, avant toute autre toilelle. " Celte facile opération leur lave les jambes plus complètement et plus rapidement qu'aucun lavage à la main, et le peu de profondeur du bassin laisse à sec le torse et les intestins, qu'il serait imprudent de plonger dans l'eau au moment où le cheval quille le travail. «Faites sans crainte, cher ami; l'expérience du système que je vous recommande est faite : il est entré dans la pratique et s'accomplit quoli- diennement dans la plupart des établissements hippiques un peu considé- rables, et l'on est encore à lui trouver des inconvénients. — Vous serez un innovateur parmi les particuliers, mais vous ne courrez aucun risque autre que d'enrhumer celui de vos grooms qui aura la sottise de se laisser choir dans votre abreuvoir, en présidant à l'opération que je vous conseille de faire exécuter régulièrement, hiver comme été. « Pour le pansage, supprimez les anneaux fixés au mur, et ayez des mon- tants conformes au croquis que vous trouverez au verso de ce feuillet. o Allaché à l'anneau, un cheval laissé seul, ne fût-ce qu'un instant, risque une écorchure à la hanche, à l'épaule, aux genoux ou aux jarrets, car l'animal IC 122 PARIS A CHEVAL peut se tourmenler et se heurter au mur, qui a toujours quelque aspérité, quelque pierre qui dépasse l'aliguenient, et peut causer uue avarie toujours ennuyeuse à guérir à la peau du cheval que vous comptez précisément atteler ou monter le jour où se produit l'accident. a Avec les montants dont il s'agit, rien de semblable à craindre, d'autant mieux que les doubles longes du licol d'écurie trouvent où s'attacher, et que le cheval est exactement dans la position du sauteur au manège, c'est-à-dire dans l'impossibilité de heurter à droite ou à gauche, retenu comme il l'est entre les deux piliers par deux lanières trop courtes qui ne lui permettent en aucun cas de s'éloigner assez du point d'attache pour atteindre le point opposé. l'.ARIS A CIIKVAL. 125 " Une chose essentielle dans voire installation est de vous réserver une entrée couverte dans vos écuries. Voui pouvez parfaitement vous la ménager Cil Hiisant construire un petit escalier qui de votre salle d'hydrothérapie vous conduira aux remises. « C'est le seul moyen d'assurer la visite quotidienne du maître, sans laquelle il n'y a pas d'écurie réellement bien tenue. « Si vous ne réalisez pis le conseil que je vous donne, trois jours sur cinq vous aurez un prétexte pour vous dispenser de votre inspection : un jour la phiie, le lendemain le froid, le troisième jour l'ennui de vous habiller, car vous ne voudrez pas traverser votre cour eu veston du malin et en pantalon à pied. « On vous verrait de la rue, et vous ne tenez pas à servir de spectacle au.\ liabilanls de votre quartici-. '■l/ih II « Faites donc faire votre escalier, si la fable de la Fontaine sur l'œil du maître a laissé dans votre esprit le souvenir qu'elle mérite. « Quelque chose delrès-simpled'ailleursque votre escalier (pas de rampes, deux cordons attachés au mur, de chaque côté des marches), et descendant 126 PARIS A CHEVAL tout droit, prenant jour à la l'ois par la croisée du haut et par une porte vitrée au bas. Sous aucun prétexte ne laissez votre architecte vous imposer l'esca- lier en colimaçon, propriété exclusive des arrière-boutiques, et insuppor- table agent de descente ou d'ascension. « Autre recommmandation essentielle que j'allais oublier, et qui m'est remise en mémoire par l'accident survenu avant-lùer à notre ami Karl. « Aucun grenier au-dessus do vos écuries. — Les logements des hommes, si bon vous semble ; mais pas une botte de paille, pas une poignée de foin sur la tète de vos animaux. « C'est toujours dans cesi-éserves que le feu prend, et alors plus moyen de faire sortir les chevaux, que l'on retrouve deux jours après à l'état de noir animal . " Ayez votre grenier au-dessus des remises. — En cas d'incendie, les voi- lures ne s'affolent pas, el l'on a toujours le temps de les tirer dehors. « Pas de cheminées dans les chambres de vos hommes, une bouche de chaleur par case et un calorifère les cliauffaut toutes en" même temps que la sellerie, et les trois ou quatre boxs destinés à l'infirmerie. « Avez- vous, au temps où le prince B. .. habitait encore Paris, visité son petit hôtel de l'avenue Latour-Maubourg? L'écurie était petite, de la PARIS A CHEVAL 12" place pour qualrc chevaux au plus ; mais comme c'était ingénieusement coml)iné ! a Autour de la cour exactement ronde, et dans laquelle on pénétrait par une double voûte passant sous une galerie faisant façade sur la rue, s'ou- vraient les remises dont les portes faisaient face au vestibule du grand esca- lier. — C'était par là qu'arrivait la voiture attelée ou le cheval sellé. " Toute la toilette préparatoire était cachée aux habitants de la maison et se passait à l'abri des regards indiscrets, derrière les panneaux de bois verni, montés sur coulisses, qui fermaient la partie du cercle réservé à la cavalerie. u De la chambre du maîlre, ou, pour être plus exact, de son cabinet de toilette, on descendait directement à la sellerie, on traversait les remises et, toujours à pied sec et à couvert, on arrivait aux écuries, assez éloignées pour n'envoyer aucune odeur fâcheuse aux appartements. « Si vous n'avez pas vu cette installation, je ne sais où vous indiquer l'équi- 128 PARIS A CHEVAL valent, car elle a élc modifiée depuis le départ du prince, et les écuries ont été transportées dans une maison voisine parle nouveau propriétaire. Mais si mon modèle n'existe plus en pierres et en charpentes, l'architecte existe encore en chair et en os, et, si besoin était, il ne serait peut-être pas ini|)OS- sible de le retrouver, lui, ou ses plans. ce La question de l'éclairage est aussi fort imporlante, car j'imagine que vous ne comptez supprimer ni votre service de nuit, ni les promenades matinales à la première pointe du jour : deux choses qui impliquent pour vos hommes les toilettes faites à la lumière. Or, il n'y a que le gaz qui éclaire ; — les autres luminaires permettent au besoin de distinguer un bœuf d'un cheval , et les lanternes sont suffisantes pour cette raison dans une ferme où l'écurie et l'établc ne font qu'un ; — mais, pour voir le détaU d'un harnais, pour opérer ou vérifier un pansage minutieux, le gaz seul a des clartés suffisantes. Il faut établir vos becs sur des branches mobiles assez longues pour permettre un assez grand écart du foyer lumineux ; il faut en outre que vos becs soient garnis de cloches de verre qui isolent la flamme; — c'est moins laid, et à la fois plus prudent. « Au dehors, d'autres candélabres vous sont indispensables aussi bien à la sortie de l'écurie qu'aux abords et à l'intérieur des remises : ceux-là peuvent être fixes, mais il est essentiel que le jet de flamme soit puissant, et, pour ne rien vous cacher de mon sentiment, j'aimerais à les voir renforcés par de vigoureux réflecteurs. C'est en effet à leur lumière que doit avoir lieu la mise dans les brancards, et il faut que d'un coup d'oeil on puisse vérifier l'ajuste- ment de tout l'attelage. — Si celte opération est faite dans le clair-obscur, on a mille chances pour partir avec une sangle trop lâche ou trop serré?, un trait trop court, une plate-longe mal mesurée, un recu!cmcnt mal ajusté, 17 PARIS A CHEVAL. 131 une rêne attaclice sur le mors au mauvais point, toutes causes d'accident ou tout au moins de mauvaise traction ou de mauvaise conduite. Il La sellerie doit être à votre écurie ce que le cabinet de toilette est à votre appartement. Elle doit y toucher, et cependant être assez isolée pour que l'on ne voie pas dans l'une ce qui se passe dans l'autre. Voici comment j'entends son aménagement. « Une première pièce ouvrant d'un côté sur l'écurie, d'un autre côté sur la cour, et par une troisième ouverture sur la sellerie. C'est dans cette pre- mière pièce, aménagée à peu de chose près comme un atelier de sellier-liar- nacheur, que doit avoir lieu le nettoyage des harnais aussi bien que leur répa- ration. L'ne écarte de «larcon. — La sellerie. a C'est là qu'on apporte les harnais après que le cheval a été dégarni, qu'on les lave, qu'on les cire, qu'on en fait les cuivres et les aciers. — Ces opérations successives une fois terminées, et après une vérification minu- 132 l'ARIS A CHEVAL. lioiise, le clu'f de ce service fera transporler dans la sellerie proprement dite le harnais prêt à servir de nouveau. « C'est là que sont aecunuilées les brosses, les terrines à saisie, à tripoli, les gourmettes à polir, les peaux, en un mot tous les ustensiles du parfait astiqueur, office pour lequel soûl lout naturellement indiqués d'anciens brosseurs d'officiers de cavalerie. De cette pièce, dont l'aspect rappelle assez exactement la boutique de décrolleur qui florissait au passage de l'Opéra, et qui se montrait si animée les nuits du samedi au dimanche, une porte j)leine, montée sur coulisses, doit donner accès dans la |)ièce d'apparat de la sellerie. Il faut que celle-ci soit aussi correctement tenue qu'un salon, ou, pour mieux dire, qu'une galerie de collectionneur; elle ne doit du reste renfermer, en dehors des supports destinés à soutenir les harnais , que les appareils d'éclairage indisprnsal)les j)our le soir. Dans celle pièce largement éclairée par deux fenêtres et une porte vitrée, je voudrais que le panneau du fond fût réservé aux brides et aux selles des chevaux montés, tandis que les panneaux latéraux seraient remplis par les harnais des chevaux d'attelage. Vue écurie de garron. — La sellerie. a Devant chaque fenêtre, un couple de chevaux, couverts des harnais de gala, (pii, servant plus rarement, ont besoin, pour conserver leur forme, d'un appui plus complet, feraient face aux panneaux placés entre la porte et les fenêtres, sur lesquels seraient fixés les aciers dont l'usage ne serait pas quoti- dien; et, comme toute fraction d'une installation de garçon doit renfermer ■■■.■',/, Une écurie de femme. — Promenades du matiD. ment, si vous aviez ù diriger et à modérer certains rossards de ma connais- sance, affligés de ce que je me permettrai d'appeler de véritables gueules d'acier. Coe écurie de fciome. — Corvéea el l'umuiisHiuiis. « Ils devront, en outre, et cela en vue des longues promenades de la cam- pagne, être habitués à la selle et assez forts pour vous porter, le cas échéant. — Pour cette fimtaisie absolument utile, je vous laisse toute latitude pour le choix de la robe : qu'ils soient gris, bais, rouans, alezans, piards au besoin ; que l'un soit blanc et l'autre noir, le premier bai et le second isabelle, peu DU CHOIX D'UM CHEVAF, DE FK.MME. Êiiler toulclieial qui tire â la main. — llae femme obli<]ée de faire preuve de force s'éloiyDe des lipes poétiques pour se rapprocher du comitiissiotinaire. '':■■' v:\e-: Le cheval d'uoe femme currecte ne doit jamais saluer le passage d'uu cavalier par ane ruade , celui-ci pouiaDl se croire autorisé par celle avance â lier curivcrsalioQ. I.cs nez feiuinins ayant droit à Inui It'B égards, reformer impiloiablemeot tout cheval qui aurait la moindre disposition à encenser. ^-■;^'^4M/r--.-^>^iiSi^^^- '^.'■r. « Outre qu'un cbcviil disposé à s'eiiibiillcr n*a rien d'agréable pour la femme qui le niDoIe, il constitue un danger public, le dévouement â l'égard des amazones étant de luus les dévuue- meuts le plus répandu. PARIS A CHEVAL. li'5 m'importe : ce qui esl indispensable, c'est qu'ils aient tous deux un fonds d'enfer, qu'ils soient toujours prêts à toutes les corvées, qu'ils restent quinze heures dans les brancards, s'il le fiut, et qu'ils soient capables de garder pen- diut trois heures consécutives le petit galop. Wî^% -^^^iW^f^^P^^ ^.m//M WM^'^ /'//''U I'dc écarie de femmp. — Service des mauvais jours. 'Qmm-B li»iiii V-n,'-/jV-,ll/l'f,''= L"' '■■II' CHafr_J Si la première fois que vous allez voir une pièce, vous vous jetez dans les coulisses du théâtre, vous avez grande chance de rapporter à domicile une idée assez vague de l'ensemble du spectacle, surtout s'il s'agit d'une féerie, genre d'ouvrage dramatique qui me parait s'adresser plus directement aux yeux qu'à l'intelligence. — Le défilé des cavaliers et des amazones constitue une représentation à peu près analogue; et, pour se rendre exactement PARIS A CHEVAL. 201 coni])lo de l'aspect qu'il prrscnle, il est prudent de ne pas se inèlor aux acteurs. — Je conseillerai donc aux nouveaux débarqués de faire à distance leurs éludes préliminaires, et de ne chercher à voir de plus près les acteurs de cette pantomime malinale, qu'après avoir recueilli quelques notions géné- rales sur la composition de la troupe. Un poste excellent pour le curieux désireux de s'adonner à cette observa- '""■,/■ r tion préparatoire est l'endroit connu dans le monde des habitués du Bois sous le nom de la petite plage j vulgairement appelée le club des panés. — On désigne par ce double vocable la conlre-allée de gauche, à l'entrée de l'avenue du Bois. — Ombragée par de fort beaux platanes, meublée par les soins de l'usine Tronchon de sièges confortables, à proximité de plusieurs lignes d'omnibus et de tramways, elle offre un asile frais et d'un accès aussi facile qu'économique aux amis platoniques du sport. — On peut là, sans fatigue et sans grande dépense , assister au dèfdé complet des sportsmen et des sportsuomen du high-life, et le soir, si le hasard amène le nom de l'un 202 PARIS A CHEVAL. d'eux dans la conversation , on pent, sans crainle d'être démenti, affirmer qu'on l'a vu le malin. nu)nlant un cheval de telle robe. Rien n'oblige d'ail- leurs à ajouter qu'au lieu d'être soi-même assis sur le dos d'un pur san;j aux jarrets d'acier, on était modestement installé sur un fauteuil dont les ressorts seuls étaient en droit de prétendre à l'élasticité de ce précieux métal. Au moment oîi les arroseurs de la ville traînent à l'écart les serpents à roulettes, à l'aide desquels ils ont humecté la poussière de la chaussée et des contre-ailées, le premier cavalier qui apparaisse est neuf fois sur dix revêtu d'un uniforme militaire. Il faut être en effet investi de l'autorité indiscutée que la discipline et la hiérarchie accordent à un officier, pour songer à obtenir d'un subalterne qu'il se lève à cinq heures du malin pour donner l'avoine au cheval que l'on compte monter à sept. — Un particulier ayant quelque sagesse et quel- que expérience des hommes d'écurie contemporains doit savoir que s'il émettait une prétention semblable, ses recommandations seraient parfai- tement inutiles, et que son personnel abandonnerait incontinent le service d'un promeneur aussi matinal. C'est vers huit heures qu'arrivent les premiers spécimens de la cavalerie civile : grooms et palefreniers conduisant vers le champignon du Bois ou =9 PARIS A CIIFAAI,. 205 l'escalier de ravcnuc les chevaux enimilouûés de leurs cainails et de leurs couverlurcs qui vicnuent y allendre leurs propriétaires. I \ f^C^^Sêr^.^^^-'iy^MiZ Ceux-ci, hommes ou femmes, appartiennent à la catégorie des véritables sybarites, pour lesquels le plaisir de leur chevauchée matinale serait trop chèrement paye par l'ennui de la traversée de Paris; gens sages, qui trouvent à juste litre que les rues pavées doivent être parcourues en voilure , non autrement, et que l'équitation n'est un véritable plaisir qu'autant qu'elle est pratiquée dans des conditions favorables ; gens prudents, qui considèrent que rien n'est plus désagréable aux tibias impressionnables que le voisinage des moyeux d'onmibus ou dos limons de tramways, et estiment que la possi- bilité d'une chute sur le trottoir enlève tout attrait à une promenade qui, en On de compte, ne constitue pas un devoir obligatoire. Il faut avoir été appelé à l'honneur d'accompagner une femme au Bois, 20() PARIS A CHEVAL. [)()iii' hion savoir quel supplice le moindre trajet à Paris impose au cavalier ([iii s'est chargé d'une mission aussi délicate. rMlEEO^ c^^ Sa vigilance doit être extrême, car il doit prévoir l'arrivée inopinée des tramways au tournant des rues, réprimer les allacpios des chiens errants, repousser les avances des chevaux de trait en belle humeur, et empêcher les arroseurs d'exercer leur industrie au détriment de la toilette de sa com- pagne. y^.j.f^-V, _Ciii£3F---.-- Chargé comme Argus de veiller sur un trésor, il laudrait avoir cent yeux pour le protéger d'une façon certaine contre les mille accidents possibles; jugez quelle terreur il doit éprouver s'il est myope et s'il a conscience de sa responsabilité ! —a — u si ^ o o. s 1=3 PARIS A CHKVAL. 209 A paiiir do neuf heures, le flot des cavaliers descendant vers le Uois devient torrentiel, et l'attention de l'observateur, que nous avons installé sur sa chaise à la petite Jjlage, doit redoubler d'intensité, s'il veut reconnaître à leur passage toutes les notabilités qui défilent sous ses yeux. Asseyons-nous à ses côtés, et tâchons de le seconder dans son examen. La mode est décidément aux coudes en arrière. Pour les hommes, auxquels cette attitude donne l'aspect de pigeons pré- parés en vue de la crapaudine, c'est franchemeul laid. Quant au sexe aux pieds duquel en se précipitant M. Legouvé père s'est fait une réputation, il est permis de plaider les circonstances atténuantes. — La poitrine y gagne son complet développement, et le buste se dessine en une silhouette harmonieuse dont le passant fait son profit. '^^ / 'l Voici, comme toujours, au nombre des premières arrivées, madame la duchesse d' *", — aussi complètement chez elle sur sa selle que dans son salon; elle lait aux cavaliers qui la croisent les honneurs du Bois, en leur •21 210 PARIS A CHEVAL. laissant le pnssnjjc liliro par une volteou un changement de main aussi facile- ment excculés que le geste par lequel une maîtresse de maison indique un siège à un visiteur. 4 % i Ce groupe conjugal pourrait servir à démontrer une l'ois de plus la supé- riorité de la femme sur l'homme. Tandis que le inari, alourdi par les travaux de la veille, dodeline sur sa selle et cherche un appui soit en avant, soit en arrière, madame, reposée comme une fenmie qui a duusé pendant ia meil- leure moitié de la nuit, se lient droite et souple sur son élégante jument , qui détourne la tète pour éviter les caresses que cherche à lui prodiguer le lourd poney de monsieur. C-x. Quand on voit plusieurs femmes de front arrivant trop vite, on peut parier qu'on va reconnaître quelques-unes de ces jolies figures, un peu trop hrunes, dout l'Amérique du Sud égayé le quartier des Champs-Elysées. Ou galope PARIS A CHKVAF, 213 fort et l'on jase (ont haut, avec ce joli accent qni donne à leurs réunions le bruit d'inie volière en ébullition. — Un bon conseil au\ promeneurs qui croi- sent ces jolies escouades : faire large place, si l'on lient à éviter les ruades que distribue sans compter leur exubérante cavalerie. v^. Qui peut dire h distance si le cheval (jui vient sur nous porte un homme ou une femme? Le chapeau à bords plats s'enfonce sur les cheveux coupés à l'ordonnance, et cependant les jambes sont toutes deux du côté gauche de la selle, ce qui se.nblerait indiquer que nous avons affaire à une amazone; — c'en est une, en effet, et des plus habiles. — Ceux qui ne la connaissent que de vue disent : « (i'est l'Anglaise n ; ceux qui savent quelle dresseuse excep- tionnelle elle est, l'appellent Fanny, et la saluent d'un bonjour amical. .1 21 i PARIS A CHEVAL horreur de croUer son amazone, et la relmusse carrément dès que la |)liiic a déliemj)é les allées du Hois. En dehors de cette crainte de la houe, n'a aucune des pusillanimités féminines; — sa honne grosse cravache, qui devrait figurer comme elle sur la liste des membres de la Société protectrice des animaux, a peut-être corrijjé autant de charretiers brutaux que de chevaux rétifs; — sait discer- ner le moment |)sycholo{}ique où, avec les uns et les autres, la poigne devient le seul argument efficace, et l'enq)loie sans hésitation. : rr-^rr^ c-x, --^■ Cette grosse dame qui s'avance lait partie de la catégorie de femmes aux- quelles les agents de l'autorité ordonnaient de se disperser lorsque les rassem- blements étaient interdits en vertu de l'état de siège (d'exécrable mémoire); a dépassé la cinquantaine; se fait escorter par tous les petits jeunes gens, à AU ROIS LE MATIN. DANS L'ALLEE DES POTINS. ISP — Kli ItJi'ii, Jean, ol uilri' diBliinte ? — Pas moyen de lo rclcuir; depuis ([u'il a été iiionlo pur nionsieDr. l'animal ne peul plus se pnsstT de la fonicrsuliuii de niaJaiiie. -.',1 ^y, ■ / J, Incidetit. — Un cheval échappé suffit f nur faire juger imiiiédiiilpment le lempéraraent de8j;rns. De cps dcu\ cavaliers, le premier est nu ferre-n(u\e en jaf(uelle ; l'autre, un simple sauveteur individuel. PARIS A CHKVAL. ^217 l'oxceplion de ses fils, déjà trop âile de l'eutrée de l'avenue du Uois, et celui placé sous le cbampignou qui fait lace à l'entrée de l'avenue des Poteaux, (l'est là qu'a lieu la mise en selle de la plupart des amazones, et le spectacle mérite d'être minutieusement observé. L'opération qui consiste à mettre une femme à clieval est des plus simples. On ollre la nuiin «jaucbe, et l'on tend la jambe pour servir de marcbepied. Si la femme est agile, c'est sullisant ; si elle est lourde ou simplement peu habituée à ce genre d'ascension, on prend le [)itHl do la main droite, et l'ou enlève. C'est, comme vous voyez, lallaire d'un tour de main. Mais que de nuances dans l'exécution de ce niouvemeut, selon le degré d'intimité des acteurs! Tous les sentiments peuvent s'exprimer dans l'accomplissement de cet acte d'obligeance, depuis le plus profond respect jusqu'au paroxysme de la passion la plus exallée, et je sais des l'e;umes à ne pas redouter le tète-à-tète le plus [irolongé, qui n'accepteraient pour se mettre en selle le secours d'aucun autre bonuue que leur frère ou leur mari. Lorsque l'on voit le pied, la jambe se devine, et les gens malintentionnés prétendent qu'elles n'auraient rien à gagner à pareille divulgation : c'est pure 30 AU BOIS LE MATIN. — ESCALIERS ET CHAMPIGNONS. Le [irocêdé le plus simple consiste A se servir des escaliers qu'une adminis- tration iotelligeule, etc. Ld troisième procédé, dool l'empluï nécessile enlre le cavalier et l'ama- zooe uD certaio de•■■. \i- w ...Mais il a rincoDvêuicDt de les laisser daas une position quelque ]ieu ridicule, quand le cheval se refuse à recevoir des bras du cava- lier fion aimable fardeau. PARIS A CHEVAL 237 calomnie, cl la vcritc est qu'elles ont eu affaire à des cavaliers qui poussaient la maladresse jusqu'à l'audace ; et voyez l'embarras d'une malheureuse personne obligée de formuler entre ciel et terre un rappel à l'ordre à l'im- pertinent qui lui sert de point d'appui, c'est comme une statue qui serait en mésintelligence avec son piédestal. Si elle le rudoie, elle s'écroule, et si elle se tait, elle parait consentir... Le plus sage est doue de n'avoir recours qu'à des niarcliepieds de conliance, parents ou alliés à un litre quelconque, à l'abri des lent lions et des entraînements regrettables qu'engendre parfois la curiosité. r..,,^ Mise en selle. — L'iio des mille el une i'aîg(;ii!i pnur lesqucllef les femmes qui pèseot plus de eini|naDte kilos doiveut reuoucer à l'equitaliou. Puisque nous nous trouvons sous un champignon , dont la prévoyante édification démontre que noire climat n'esl pas exempt des intempéries soudaines, examinons les conditions déplorables dans lesquelles se trouve une femme surprise par une averse pendant sa promenade à cheval. N'ayant pas de collet à relever pour se préserver, l'eau découle goutte à goutte des bords du chapeau dans le col. Le col de la chemise, rapide- 238 PARIS A CHKVAL. ment détrempe, donne à la peau une impression froide et gluante absolument insupportable, qui gagne peu à ])eu les é])aules et la poilrine, et finit par cau- ser un malaise «jénéral, accompagné de l'rissons, |)remiers symptômes de la lâcheuse pleurésie ou de la cruelle fluxion de poitrine. Quel moyen d'éviter ces maux? Prendre un j)arapluie, dit la sagesse. l'Iulot la niorl que le ridicule, répond l'amour-propre. On a beaucoup discuté si se servir d'un parapluie à cheval était le comble du chic, ou '^ absolument ridicule « . On s'esl prononcé pour le ridicule, en France seulement, bien entendu, car ailleurs tout le inonde s'en sert. Donc, à Paris nul n'ose arborer ce meuble si utile, qui a conquis pourtant sa place dans notre histoire. Un seul cavalier, bravant le préjugé, ouvre son parapluie lorsqu'il en a envie; celui-là est le meilleur cavalier de Paris; mais malgré toul, son exemple n'a jamais été suivi, et c'est un tort, car il est incompréhensible qu'on accepte à cheval ce qu'on ne supporterait pas à pied. Beaucoup de l'emmes montent avec des ombrelles lorsque le soleil est ardent ; pourquoi les mêmes femmes ne se servent-elles pas d'un parapluie lorsqu'elles sortent par un temps incertain ou menaçant ? Mystère et contra- diction. An liais le matin. — Une aversp. a. 2 %ÉiM tel r f ^-y^^^^sr^^W' 3^ -^^ 'jj^ I J> PARIS A CHKVAL l'iic fois arrives an l'ois, la plupart des cavaliers enfileiil l'avenue fies Poteanx, manœuvre qui rend impossible la couliuualion du parallélisme qui existait entre eux et les hôtes des voitures à poneys pendant toute la longueur de l'avenue de l'Impératrice. il ;! ---■'""A -• iSnsE.: Ceux de ces derniers ou celles de ces dernières qui trouvent que l'examen qu'ils ou elles ont pu faire pendant cette première apparition n'est pas suffisant, vont alors se ranger à l'intersection formée par l'allée cavalière et la route qui rejoint les lacs au carrefour illustré par le monument élevé à la mémoire de l'infortuné Catelan. \\v f^y. •-'■■• , '■' '-^ '^ > W-'j'. La place est admirablement choisie. Les arbres en futaie laissent à cet endroit la vue parfaitement libre, et l'ombre fournie par leur feuillage donne 248 PARIS A CHEVAL. aux yeux un repos nécessaire après la Iraversée des régions sahariennes comprises cuire l'Arc de Irioniplic et le pavillon japonais. Comme tous les habitants du Bois se connaissent peu ou beaucoup, on cause, on regarde, on rit. C'est un véritable salon en plein air, et qui a sur les salons clos l'avantage qu'on ne vous y ofl're pas de llié. '^^^rJ^v^*^"^ \^^^ Les groupes les plus animés se forment sous la ramée; la conversation s'établit de voiture à voiture, et les cavaliers s'arrêtent un instant pour saluer celle-ci ou serrer la maiu de celui-là. Beaucoup descendent de voi- ture , les unes pour cueillir les premières violettes , les autres pour se dégourdir simplement les jambes et voir de plus près le flot des cavaliers que leui- nombre toujours croissant oblige à déliler au pas Ali liOIS \.K MATI\'. — KTIJDK SUR I.E M A\'l K M lîMT DU T'AUAPMJIE. Le paraptuie serait ud ineubif aussi précit-ui pour le cavalier que pour le piéton , si If h moiiieuienls qu'uD fait pour l'ouvrir D'iaquielaieat pas la majorité (les cbev.iui. Il eu résulte qa'aut premiers bruisscmeDls de la soie, le cheval se remet en mouvcmeot. V.l (|ue le parapluie à peine eiitr'ouverl so referme sur 1.1 l*'lp de l'iuiprudeut qui a lente de s'en servir. Le cavalier, pour éviter un emballage sérieux, abandunue alors l'instrumeot protecteur. S'il s'aventure à le ramasser, il éprouve les plus grandes difli- cuKés à se remettre eu eelie, el ee trouve souvent daus cette triste situation, ou d'a- bandonner un meuble auquel il tient, ou de re\euir à pied à côté d'un cbeval qui mani- feste à chaque pas nne terreur que rîeu ne calme rMJt y '•5 32 AU BOIS LE MATIN. — A PROPOS DE BOTTES. #^- V^ Pour la proiiienailo du n>atiD. chacan s'équipe à sa guise \'cDi[)êcbe qu'il y a dos casaliers corrects et ilea fanlaisisleH. Mais (nul est pt-rmis à celle heure. La seule ciiuse rigoureusement interdite à tout cavalier qui craindrait de passer pour l'un des ancieos aides de cnmp de Bergerel lui-raèmc. est Ij botle à l'écufêre. Ceci est le système du cjeulIemaD fermier. Grosse bolline lacée avec l'cperon à courroies. Le comble du geure est de retrousser le bas du paa- laloD, comme si l'on avait à marcher à travers les labours. La simple jarretière : une petite courroie en cuir avec un houcle- ton. C'est exactement la lanière qui sert k ronler la conterture de voyage; mais cela s'acbètc à Lon- dres, et il parait qu'à l'usage c'est d'oD pratique et d*un confortable absolus. Très-vilain d'ailleurs. L« vulgaire sons - pied. Un meuble inutile pour les cavaliers dont la jambe a un peu d'adhérence. In instrument de torture pour ceux qui n'ont pas d'assiette. Le panta- lon lendu aui deui eitrémités prend une dureté terrible pour les épidémies délicals. La 7)iolle(iire. — ainsi nommée parce qu'elle s'adapte au mollet. — Très- commode pour les individus suffisamment pourvus de cet ornement charnu, insupportable au contraire pour ceux dont la jambe est d'une élégance voi- sine de la maigreur; elle tourne constamment et finît toujours par amener sur le tibia la cavité destinée a conleuirle mollet absent. AU BOIS LE MATIN. — A PROPOS DE BOTTES. I.a &ii)irêi]io ('irreclioti. Ip nialiii comme li' Fuir. v\i;\r (|u*on porte le jimilaloD dcmi-collanl , la hoKine \ernie. la rediogole el le chapeau huile forme. Daus cette li-iiue. on est en mesure de se joindre à tmites les camlcades. .«^ Vv\\ Vv^-' '■//''■' ''/ La culotte ea deui fractions, oo le kellen-broocLer, à moins que ce ne soit un autre nom, est nn vêlement com- plète, mais assez commode, une fois qu'on y a pénéirê ; l'ennui est que le genou est tellement collant, qu'il faut rtre déchaassê pour que le pied p péuêtre. La holle Chantilly. En cuir noir, à li(]C onie sans revers, lenue à la culotte par une laoiereiutérieure. TrcB-joIic lenue pour le malin et les jours de Iioae. Nêcessile un cheval assez vite pour laisser croire qu'on se promène surl'a- liim.il avec lequel on a Suivi les dernières chasses. Sur ce simple modèle, rima({inatïon des bottiers s'efit évertuée et a mis au monde la hotte à ti^ petit coin privilégié, qui vient y prendre les ordres de telle jolie femme, peut répéter après Musset ces vers d'une de ses romances les plus cavalières : Et si par ImsarJ on s'ciKiuètc Qui m'a valu telle coiiquèli", C'est l'allure de mon cheval, Un compliment sur sa mantille, Et (les bonbons à la lanille Par un beau soir de carnaval. Jusqu'à ouze heures, le nombre des figurants augmente dans une propor- tion toujours ascendante, et il arrive un moment où l'on se trouve contraint de marcher à la queue leu leu, botte à hotte, ou jupe contre li(j(juis. A peine est-on arrivé à ce comble de l'encombrement que tout le monde tourne bride en même temps, comme si un mot d'ordre instantané et générai, auquel personne n'aurait le droit de se soustraire, avait été donné par une autorité supérieure et indiscutable. Ce mot d'ordre, que nulle bouche ne prononce, est donné par l'estomac, et si impérativement, que personne n'y résiste. 25f) PARIS A CHKVAI.. Le courant, qui toul à l'heure se répaiulail de l'est à l'ouest, remonte brus- quement vers sa source, et cet amoncellement de cavaliers, d'amazoues, de cochers mâles et féminins, que le flux avait mis plus de trois heures à con- duire au centre du lîois, est remporté en moins d'une demi-heure. A midi, il n'y a j)lus une âme dans ces allées encombrées tout à l'heure. Le premier acte de la pièce est joué ; les acteurs ont disparu, laissant le décor vide, et profitant de l'entr'acte pour aller réparer leurs forces et changer de costume. IJr \ CHAPITRE II. — Le Bois l'après-midi. Le persil; son origine; en quoi il consiste. — 'font petits creiës. — Promenades d'apparat, le vrai cl le faux chic. — Quelques équipages de grand style. — Coupés au mois et locatis. — Caialiers du soir. — Joueurs de polo. — Pendant les grands froids. — Traîneaux et traînés. — Promenades des manèges. — Les noces du samedi. On a donné à la promenade de l'après-midi le nom de Persil, et l'on désigne l'action de s'y rendre par la locution : faire son persil. Les étymo- logistes, consultés au sujet de celte locution, se sont trouvés naturelle- ment en désaccord sur son origine : selon les uns, il faudrait remonter aux époques les plus reculées pour eu trouver l'explication, et fouiller dans les habitudes des courtisanes de l'antiquité pour en saisir le véritable sens : ceux-là sont les classiques. 33 258 PARIS A CHEVAL. D'autres pliiloloyues , qui appartiennent à l'école naturaliste , prétendent qu'il n'est pas nécessaire de chercher si loin le sens d'une métaphore ahsolu- ment moderne. — Quel i-ôle le persil joue-t-il dans l'alimentation? Celui de condiment. — Qu'est-ce qu'un condiment? Une façon d'apéritif. — Or, le hut primitif de la promenade de l'avant-dinée u'esl-il pas d'ouvrir rapj)étil de ceux qui la font? — Tel est le raisonnement de celle seconde catégorie d'étymologistes, que je soumets au lecteur en lui laissant toute liberté pour prononcer entre les deux opinions en présence. Quelle que soit d'ailleurs l'origine du lerme le plus habituellement employé pour désigner la promenade que le plus grand nombre des élégants parisiens se croient obligés de faire quotidiennement au Bois, voici en quoi elle consiste. La jeunesse (et par ce mot j'entends les gens de tout sexe et de toujt âge assez indépendants pour ne faire que ce qui leur convient) se réunit sur la rive gauche du premier lac , où elle monte une faction dont la durée varie de une heure à une heure et demie. Cette faction se fait au pas, en raison du grand nombre de voitures accumulées sur ce point, et dans une immo- bilité et un silence absolus. — L'inunobiHté des gens qui prennent part à cette exhibition régulière n'est pas, que je croie, obhgatoire, mais elle existe, et je dois la constater pour rester un historiographe fidèle : elle doit tenir à la crainte, éprouvée par chacun des comparses qui y figurent, de déranger par un mouvement quelconque l'économie d'une toilette et d'une altitude longuement et savamment étudiées. — Quant au silence monastique rigou- reusement observé par les promeneurs, je suppose qu'il résulte de ceci : à savoir, qu'ils n'ont rien de nouveau à se dire. Cette agglomération de muets immobiles constitue la majorité des viveurs parisiens. — Toutes les belles petites, toutes les demi-mondaines y viennent Au Bois t après-midi. — Au persil du tour du Lac. PARIS A CHEVAL. 263 à la queue leu leu faire admirer la noblesse de leur atlilude, et tous les clourneaux. nantis de conseils judiciaires y font voir de quelle yravité ils sont capables. Tous ont l'air d'avoir à cœur de montrer de quel ennui on peut être ailllyé quand on n'a pas d'autre occupation que la recliercbe du plaisir, et quelle mélancolie engendre la libre satisfaction de toutes les fantaisies. — Les saints qui s'échangent de voiture à voiture consistent en un hochement de tète, un signe quelconque de la main, voire une inclinaison du fouet; mais il semble que les chapeaux masculins soient indissolublement fixés aux tètes qui les supportent. ■Y Salul de gunimcux û yummeux. / .*• Cette mode de saluer sans saluer, d'être poli sans l'être, pratiquée par les petitsjeunes, est insupportable aux survivants de la généra- tion précédente, qui avaient le tort de croire que le chic et la politesse pouvaient marcher de compagnie. Il paraît qu'ils se trompaient, et qu'il n'y a rien de plus perruque, de plus vieux jeu, que d'aborder une femme le chapeau à la main, ou de saluer pour de bon un homme plus âgé qu'on ne l'est soi-même. — On inter- pelle tout haut la femme, en ayant soin de faire sonner son litre si elle en a un ; mais on l'aborde la tète couverte, comme s'il s'agissait de serrer la main à un vieux camarade. Quant Salul. (lu gwnmeuï à- l'A m S A en K VAL. assez docile pour exéciilcr iiiimr'dialeiiient tous les cliaii^einenls de direclion que son cavalier lui demande. Quant au maillet, il doit être assez solide pour ne |)as se briser quand, au lien de rencontrer la boule (|u'on poursuit, il vient à rencontrer un objet plus résistant : le crâne de l'un des joueurs, par exemple! Ce jeu, qui demande encore à ceux qui le cultivent une véritable adresse, est fertile en incidents : la poursuite aebarnée, à laquelle se livrent les deux camps en présence, d'une boule toujours en mouvement, offre mieux qu'au- cune petite guerre le simulacre d'une bataille. v'^^ ""'^A^^^^^-V ^ A tout moment les deux partis se trouvent confondus, les coups de maillet tombent dru couune grêle, et, bien que tous soient uniformément destinés à la boule, qu'il s'agit de ramener dans son camp, plusieurs se trompent de destination. Aussi n'est-il pas rare de voir l'un des concurrents s'éloigner du théâtre de la lutte le nez enveloppé de son mouchoir. Les horions qu'on est exposé à recevoir constituent le grand attrait du polo, aussi bien que les chances de culbutes doublent l'intérêt des stecple-chases. -ir-^lj, \^\^Vj) :y^M*/-''-1:i- ar--iS^i '■'■{^'■/■'■'^ 'IJ §- PARIS A CHEVAL. 279 Kii dehors des joueurs de polo, qui ne tout guère que traverser le Bois en allant et en revenant du Cercle des patineurs, les cavaliers sont peu noniln-eux pendant Taprès-niidi. Il en est cependant quelques-uns auxquels la promenade du matin ne siil'litpas, et qui remontent à cheval avant leur diner. Mais ils sont rares. Outre que peu de gens ont une cavalerie assez considérahle pour ce double service, l'exercice pris le matin paraît suffisant à beaucoup. En dehors de ces rares récidivistes, la plupart des cavahers du soir forment une catégorie spéciale ; beaucoup plus amateurs de jolies femmes que d'équitation, ils viennent autant pour voir que pour se montrer, et sont sûrs, grâce à leur petit nombre, de ne pouvoir passer inaperçus. Si la fantaisie la plus complète préside au choix des costumes adoptés par les cavaliers du matin, le cavalier du soir est obligé à une correction absolue; plus de petits chapeaux, plus de vestons, plus de houseaux. — La redingote classique, le chapeau haute forme, et le pantalon foncé retombant sur la botte vernie, telle est la tenue de rigueur, au moins pour l'avenue des Aca- 280 PARIS A CHEVAL. cius; on est un pen plus loléinn( ;iii bord du lac, où I'n|)paritioii d'un ves- lon ne fai( pas évi-nemcul. Tel est l'aspect quolidien du persil grave et du persil badin. .\ certains jours, de nouveaux clénieuls s'y joignent périodiquement. Le jeudi, ce sont les promenades en masse des élèves des manèges qui font irrupliou sur les bas côtés réservés aux cavaliers. ^îVX Le samedi, ce sont les noces, dont les étranges cortèges encombrent les chaussées de leurs interminables files de landaus remontant aux époques antédiluviennes de la carrosserie, et de chevaux apocalyptiques. C>»if ( Le dimanche, c'est une autre alïaire. • — Il n'y a plus de persil, (oui est confondu dans un encombrement dont l'élément fantassin constitue le fonds ; et à moins qu'il n'y ait quelque retour de courses, cette foule de curieux venus pour voir le spectacle des grands équipages assiste à un interminable défilé de fiacres parsemé de quelques tapissières commerciales. — .Adnii- 30 #- (1/. ^"'/â^ ■3 a 3 cj e -a CJ a OJ c; 1^ 3 a ^ CJ CJ C 3^ ■s § a "a PARIS A CHKVAL. 285 rable spectacle dont je ne conteste j)as l'inlcrêt, mais qui ne saurait donner à ceux qui le conteui|)lenl une idée vraiment juste de la façon dont attellent nos principaux millionnaires. .v,r M^ --^ -^ Pendant l'hiver, il arrive quelquefois que la température s'abaisse suffisam- ment pour permettre aux Parisiens de s'adonner aux douceurs du traînage. Ce fait exceptionnel se produit rarement, mais enfin il se produit. ..' '■' Le Bois prend alors, à quelques loups près, toutes les apparences d'une petite succui'sale de la Russie. Même froid, même épaisseur de neige, même quantité de nez en détresse, même genre d'attelages. Outre que le traîneau a l'avantage d'être la seule voiture capable d'avancer sur une couche de neige gelée, il a pour lui de permettre toutes les fantaisies possibles. Orgie de couleurs, insanité complète d'oi-nements qui, au soleil et se détachant sur 286 PARIS A (JliaAI. la vcrduiT, IVraient VoHl-l (rmic loilcllc d'Anylaisc rclour des Indes, cl qui, MIT Je fond uiiiforiiic cl inonolonc d'un paysage d'hiver, se contentent de trancher yaienicnl sur le noir des arhres et sur le hlanc du sol. iftii'iii- y V'/- :{, : j2^'' ■^M#^^M2MiSp;> cy On peut alors se permettre tous les ornements qui, en temps ordinaire, donnent infailliblement à un attelage l'aspect d'un équipage de charlatan : plumes à l'oreille des chevaux, grelots, harnais en cuirs de couleur, plaques de métal, rubans, crinières et queues à l'cvent. •^'V. L'allure rapide que doit garder un traîneau donne à sou propriétaire le droit d'apparaître comme un personnage de féerie au milieu d'une apothéose. En marchant à ce train, on ne se montre pas, on se laisse voir, et ceux qui vous regardent passer n'ont pas le temps de critiquer par le menu les orne- ments dont il vous a plu d'agrémenter votre équipage. PARIS A CHEVAL. 28- Dans ces conciliions, plus le traîneau est invraisemblable, plus il est clas- sique. Cygnes, taureaux, chevaux, licornes, animaux de toutes sortes et absolument invraisemblables, peints, dorés, argentés, bronzés. :'^^ ■\i-' ' Khf '^ ^.v?V y;/Cr. *'/'_iV>u '■-'/■ "^V'/f lii ptii. "\ ^>A*VC. Ce qui précède s'ap])lique surtout aux traîneaux Féminins. Pour les mâles, nous recommandons les traîneaux vrais, reproduction des traîneaux russes ou norvégiens, attelés selon les règles du pays. La troïka, avec le trotteur au milieu et les deux entraîneurs au galop, le col recourbé et galopant à pleine volée, constitue l'attelage le plus pittoresque. 'iy. S- imsm- Autant que possible, être seul, et, si l'on ne peut se passer de domestique, en avoir le moins possible. Une demi-portion ensevelie sous les fourrures. 288 PAllIS A nilF.VAr AUeler un poney sur un Iraineau, c'est l'aire un véntal)Ie contre-sens. L'objet Irainc, contenant cl contenu, doit être invarialjleincnt d'un volume infiniment inférieur à l'attelage. Le contraire lait immédiatement penser aux Iraïuuays et aux maisons mobiles de San-Francisco, et ce sport n'est lolérable (|U(' pour les eulanls au-dessous de liiiit ans. Adaire de proportion. Ce n'est pas ce qu'on a sous les yeux qui fait le cbarme de la promenade en traîneau, et je ne comprends guère les femmes qui, ne conduisant pas elles-mêmes, passent deux beures en tclc-à-tcte avec les croupes de leurs cbcvaiix. Serait-ce à ce spectacle peu intéressant que la promenade de Saint- Pétersbourg devrait son nom de Perspective? Au surplus, les gestes du cocber conduisant derrière vous manquent à la fois d'élégance et de conve- nance. Conduisez, mesdames, conduisez vous-mêmes! Au Bois le soir. Jours caniculaires. — Tout le long, le long de la rivière. — De l'ulililé des limonadiers. — Ombres chinoises et jugements téméraires. Sans la canicule, il se- rait difficile d'expliquer non - seulement l'exis- tence, mais la prospérité des nombreux établisse- ments disséminés aux quatre coins du Bois. Nous avons en effet con- staté la sobriété des ca- valiers du malin, que rien n'égale, si ce n'est celle des promeneurs de l'après-midi. Si le restaurant cbiuois, le chalet des lacs, le pavillon d'Armenouville, 37 290 PARIS A CHEVAL. Madrid, la cascade et les autres limonadiers du Dois n'avaient pas d'autre clientèle, on chercherait en vain le hut poursuivi par les commerçants qui ont allermc ces différents établissements, et l'on ne pourrait découvrir d'autre motif à leur entreprise qu'un ardent amour de la solitude. Il n'en est rien cependant. Aucun restaurateur ne pousse l'horreur des consommateurs jusqu'à les éviter systématiquement, et le plus malintentionné à leur égard se contente de les écorcher quand ils lui tombent sous la main. Leur animosité ne va pas plus loin. Pendant les soirées d'été, tout ce qui dans Paris dispose des sommes .M('5£i^ iîHiia . — ^^-_- ,,tJ,l!IW|li"»r- - ' - V''' -.il (■!■** ■ im ..:„iA,i;JV,-'nr«M,|, „,iV"i ^■''"'^«iiÉim '^''^"^'^mmëmmmmm ii'.iii"-i.''i PARIS A CHEVAL. 291 nécessaires pour fréter un fiacre se fait transporter au Bois. Quand on a passé une journée entière à fouler l'asphalte en liquéfaction de nos boulevards, qu'on a emmagasiné dans ses poumons une certaine quantité de macadam pulvérisé, on a soif d'espace, d'air et de boissons glacées. On commence alors à comprendre combien peuvent être utiles les divers établissements installés au milieu des arbres, aux abords des lacs ou des cascades. On trouve ingé- nieuse l'idée qu'ont eue leurs fondateurs, et l'on pense qu'il est de l'intérêt général d'encourager une industrie qui, en permettant aux Parisiens des jours caniculaires de se désaltérer en plein air, les préserve de l'hydrophobie. 292 PARIS A CHEVAL •î^lr^ "-''" m-'- yvfi, y £^9°f-^ s^ Malheureusement, l'affluence des gens ^Itérés de fraîcheur est telle que la foule qu'on fuyait en quittant le centre de Paris se trouve reformée aussi com- pacte aux points les plus extrêmes du bois de Boulogne, de telle sorte que les consommateurs parvenus, par exemple, au reslaurant de la cascade, se trouvent aussi complètement empilés que s'ils s'étaient assis au centre de la cité. Ils ont pour eux de savoir qu'ils sont à la campagne, et que la petite portion d'air qu'ils respirent n'a encore eu aucun contact avec la capitale. Ils prennent le frais à doses homœopathiques , mais se consolent du peu de quantité par la certitude de la qualité. LE BOIS LF, SOIR. "'■.''' '' ■ "' ''" il' ' "■ ■'■' ■ry.y l'i \ <•*:''■ J^y \^\,>A ,'V VlH ui'ï'ii' ^fi^i\ . \ I ..-, 1,) : ,,•! ''ir':!; Se fftiîrjne dan^ In jonrn^e en faisant des cctursea uliles. — Se rejiose le srtir eo s'agitaiit davantage, mais pour le plaisir. Aurait bien emmené quelqu'un de sa famille ponr occuper la place \ide. Mais ils sont trnp gros et tiennent trop chaud. ^ 1 KV l v^ Reviennent de Saint-Germain par le plus court. & moins qu'iU ne reviennent de ItobinsoD par le plus lnii<{. Une h^ttre du matin. — Retour ans allures vives vers les restaarai PARIS A CHEVAL. appelle à gauehe le cocher l'aul et la Victoria de la cité Pigalle. Ici, un mon- sieur très-allairé fait a|)porter à des dames heruiétiquemeut voilées de nom- breuses boissons qu'elles absorbent sans descendre de voilure. Là, un gros homme qui accompagne une dame qui pourrait passer pour sa fille si elle était plus simplement mise descend de sa Victoria avant qu'elle soit arrêtée, et arrive à terre le ventre le premier. Plus loin, stationne une voilure habitée par deux personnes qui ont fait demander M. Ernest et ont été immédiatement eutoui-ées par tous les céliba- taires présents, porteurs de ce prénom excessivement répandu. PARIS A CHEVAL. 297 %;k*& ;:î fer ?K*i;f£ mJ ^ - Jm mmÊMsmm tM ,1!' r/iV-V' Pr;'t Voici maintenant une noce tout entière qui arrive en plusieurs landaus, mariée en tète, escortée par ses garçons d'honneur. Ici, un monsieur distrait sort successivement de ses poches les numéros de tous les fiacres qu'il a pris depuis un mois, sans parvenir à mettre la main sur celui du Camille qui l'a amené. Là, c'est un couple mystérieux, mais altéré, qui députe son cocher à la recherche d'un garçon, et attend inutilement le retour de son ambas- sadeur. s=^l , w M '. . 88 29S PARIS A CHEVAL. Partout, c'est un mouvement fébrile qui va croissant jusqu'au moment où la brise nocturne, se mettant à souffler pour de bon, apporte enfin à tous ces congestionnés la fraîcheur qu'ils cherchaient. Tous alors se mettent à grelotter, relèvent les collets de leurs paletots, abaissent les capotes et les tabliers de leurs voitures, et rentrent précipitanunent à Paris, en donnant à leurs cochers l'adresse d'un restaurant de nuit où ils aient la certitude de trouver quelque grog sérieusement américain ou un bol de vin réellement chaud. mh s ;' . . ) ,:S, FIA[ DK LA DEUXIÈME PARTIE TROISIEME PARTIE AUX COURSES r^ CV^^ .^N^ -^MJf^\- _*^.- iflllai:ll:alllUhiii,Mll TROISIEME PARTIE AUX COURSES CHAPITRE PREMIER. Courses plates. Lnnjjchamps et Clianlilly. — Comment et pourquoi l'on va aux courses. — Un jour de grami priï. — Un derby. — Le pesage. — Propriétaires et jockeys. — Bookmakers et parieurs. II n'y a pas longtemps qu'on disait encofe d'un liomme dont le princij)al passe-temps était de suivre les courses : « Il ne fait rien. » Si aujourd'hui l'on vient à parler du même personnage, la formule qu'on lui consacre est singu- lièrement différente : a C'est un des hommes les plus occupés qu'on puisse voir. Il ne manque pas une course! « — Il n'est pas eu effet, à l'heure qu'il est, de profession plus absorbante que celle de sporstman. — Pour en faire consciencieusement le métier, il faudrait, outre le don d'ubiquité, posséder 304 PARIS A CHEVAL. iineactivilé ahsolunienl exceptionnelle. — Dans celte carrière, plus de vacan- ces, pas un seul jour de chômage. La liste des hippodromes n'est pas autre chose que hi nomenclature complète de toutes les villes de France, et le calendrier a peine à contenir les dates de toutes les réunions. Est-ce à dire que l'amour du cheval soit devenu parmi nous, comme en.Angleterre, ^ une passion générale ? Non. Le goût du cheval, de l'équilation, a cer- tainement augmenté dans une proportion considérable depuis quelquesannées; mais ce n est certainement pas la cause unique de la faveur dont sont l'objet de la part du public les réunions de courses. V 4''' i',\Vé" •■'* '';Ù!i.ïTll.J>iH.v.'' ;jii(< 'l Fllil;l,ll':,.„i' l-^lil^ mmë mfm La furie des paris a plus fait pour le succès des hippodromes français que tous les efforts de la Société d'encouragement , et le moindre bookmaker a il. ta PARIS A CHEVAL. :{07 ('•((• |)liis utile à la rcussilc de l'œiivro commune que le plus influent et le plus actif des membres du Jockey-Club. C'est une vérité reconnue maintenant en économie politique, que les pro- digues jouent, aussi bien que ceux qui s'adonnent à l'épargne, un rôle nécessaire dans le mouvement des capitaux, et contribuent dans une assez vaste mesure à la production générale. Le joueur aux courses a égale- ét'. -M ment son utilité, et tient sur les plïî vil;'; .-y^y A , . \ hippodromes le rôle que l'agioteur occupe à la Bourse ; il aide incon- ..-^^ sciemment le véritable spéculateur ^i dans ses opérations les plus profi- Vv\ • -^^ (/'«K-. )j ^ tables. La manie du jeu est certai- nement un mal, mais un mal néces- saire, qui, en dépouillant les oisifs, rejette dans le courant industriel des sommes considérables, qu'une éco- nomie trop générale finirait par immobiliser. Les deux plus grands centres d'affaires sportives, l'équivalent des Bourses de Paris et de Marseille par exemple, sont incontestablement Longchamps et Chantilly, et le jour du Grand Prix de Paris pour l'un, celui du Derby pour le second, ont la même im- portance que les dates de liquidation générale. Lnjour de Grand Prix, la physionomie ultra-imper- tinente de tout cocher de voiture de louage suffirait à démontrer qu'il s'agit d'une solennité pour la- quelle leur concours est nécessaire, si dès le matin on n'avait vu circuler à travers Paris la collection complète des voitures spé- cialement consacrées au transport économique des habitués du turf : chars ;Um PAIIIS A CIIKVAr, ù bancs giganlesquos, oiniiilnis-Lôviatlians se rendant à vide du lieu de remisage au lieu de stalionnenicnL Le v6rital)le départ n';i lini (|ii':ipn's lo drjruncr. Do la porte de cliaque l'j I (Il ' ■•' ctahlissenient où l'on mange, s'écoule un premier flot do voitures qui va se perdre dans le courant général. A partir de la rue Royale, pour la rive droite; du pont de la Concorde, •V .,-S,"'- L. <'.- \ pour la rive gauche, la foule prend les allures d'uua avalanche. Voûtes les voitures connues sont roj)résenlées dans ce défile précipité. Il y a de tout : des fiacres, des omnibus à quatre et à cinq chevaux, des mails, des coupes, a, -S PARIS A CHFVAI, 313 (les landaus, des viclorias, des spydeis, ' Les voilures accrochent? Tant j)is ! on va avec trois roues! Les tuyaux d'ar- 1 rosage barrent la route? On les franchit! Quant aux piétons, s'ils veulent traverser, on les traite comniedesimplcs tuyaux d'arrosage; — s'ils ré- clament, on les invite à formuler le lendemain leurs réclamations. Un jour de Grand Prix, ceux qui ne vont pas à Longchamps ne doivent pas avoir autre chose à faire que de regarder ceux qui s'y roiidenl. --^' Le vrai moyen de bien voir les voitures n'est pas, d'ailleurs, comme on le croit à tort, d'aller se poster sur un point quelconque du fleuve de carrosserie (pii j)rend sa source à la place de la Concorde et va se jeter dans la plaine de Longchamps. En procédant de la sorte, on voit beaucoup de poussière, quelques chapeaux de cochers, et puis c'est tout. I,es plus exercés recon- naissent par hasard trois ou quatre des équipages les plus connus, cl encore se tronq)ent-ils sept fois sur dix. C'est aux abords des tribunes que l'on peut 40 314 PARIS A CHEVAF,. apprécier un atlolage, en choisissant le moment oii il s'arrête à l'cnlrée, puis s'en va choisir sa place dans l'une ou l'autre des longues queues qui se for- ment le long de la Seine, à droite et à gauche de la demi-lune qui sert de vestibule à l'enceinte du pesage. Wl,^-V Itii'IHilll ^•"ij C'est là seulement qu'on peut juger de la valeur d'un équipage, du rapport qui existe ou devrait exister entre le véhicule et son attelage, et juger les contre-sens qui se commettent journellement et passent inaperçus dans une cohue où chevaux et voitures se comptent par milliers. ....^ Ti/ikèAiiVT-i Il est d'ailleurs bien inutile de voir les haliitanls d'une voiture pour se rendre compte de la position qu'ils occupent en ce bas monde. La tenue des hommes, à défaut de la valeur des animaux et de l'homogénéité de l'équi- page, suffirait pour se faire une opinion. Exemple : voici deux calèches huit- ressorts peintes de même, livrée identique, le tout vert bouteille, avec flot vert et rouge au frontail des chevaux. Il n'est douteux pour personne que la pre- ■-3 "s3 PARIS A CHEVAI,. 310 mière a été acquise par des moyens avouables, el que l'argent qui a servi à la payer provient d'un patrimoine sérieusement établi, existant de longue date, et qui n'est pour le quart d'beure compromis dans aucune spéculation hasar- deuse. En la regardant, on ressent une impression sérieuse, un sentiment de sécurité pour l'avenir de ses propriétaires, que la vue de la seconde n'in- spire à aucun degré. Elle est achetée d'hier et sera vendue demain. 11 en est de même de l'attelage. Les chevaux du premier sont, à un an de distance, nés de la même mère et élevés sur la même propriété. Ceux du second ne mar- chent ensemble que depuis quinze jours; l'un vient de chez X..., le grand marchand de chevaux, et le second, du Tattersall, et, sous peu, celui qui vient de chez X... ira au Tattersall, pendant que celui qui vient du Tattersall ira chez X... Ce véhicule appartient sans aucun doute à un parieur, et à un parieur auquel le sort n'a pas encore été ou a cessé d'être favo- rable. L'homme, le cheval, le chien, le propriétaire, sont arrivés dès l'aube, dans l'espoir de décou- vrir quelque secret d'écurie qui, moyennant un petit capital, pour- rait fournir un gros bénéfice. L'honnne qui garde le cheval, — un ami du propriétaire, — qui a l'ex- périence de ces stations, a pris le parti de dormir, sachant que la fortune sourit quelquefois à ceux qui ne la poursuivent pas. Lapropriélairede cette Victoria est certainement une belle petite, et, qui plus est, belle petite qui a soupe longuement, ce qui fait que son cocher, qui a mal dormi sur son siège pendant la nuit pré- cédente, se ratliape à l'intérieur de la voiture, s'en remettant au groom du soin de veiller sur h cheval. ! N 320 PARIS A r.HEVAI,. tX'nhl'Ii'A Equipage rustique qui l'ait voii- ([iic la province, voire même la banlieue, prend sa jjart des émotions causées par le Grand Prix de Paris. On vient directement de la \'errière-sous-Noisy, vingt-trois kilomètres bien comptés, et l'on y retournera pour souper. Le cocher, qui jardine à l'ordinaire, s'est mis à l'aise, sa livrée étant devenue un peu étroite des épaules, et prend un à-compte sur le souper, qui n'aura lieu que tard, ses juments n'ayant jamais voulu faire plus de dis kilomètres par heure. c-^^ Le doij-cart d' Ernest. — Sa grand'nière kii a prêté son domestique et sa jument hollandaise. Lui a invité deuv de ses camarades du lycée; ils ont suivi pendant tout le long de la route la denii-daumont ci-après, dont la pro- priétaire a paru les remarquer. CL, a 41 PARIS A CHEVAL. 323 ^-/'T La daumonl de miss Kissmiwith. — Chevaux fatigués; jockey trop âgé; Victoria ordinaire, à flèche droite. Miss Kissmiwith, qui, chaque fois qu'elle sort en voiture découverte, souffre de terribles névralgies, voudrait bien s'en tenir aux voitures fermées; mais elle a constaté qu'on la voit moins, et elle va courageusement au-devant des fluxions et des rages de dents. Au retour, elle trouvera son lit bassiné, sa boule d'eau chaude et une infusion de bour- rache. Il vient un jour où les précautions inconnues au temps de la première jeunesse sont indispensables. ■? -s ■ , V \ - A ^?: Le mail du club. — S'est mis à la bonne place pour voir la course. Les grooms de toutes les voitures voisines l'ont envahi. Ce qui manque, ce son! les lorgnettes. Mais ce détail u'enipcche pas ces messieurs, qui d'ailleurs connaissent le programme, de parier avec frénésie. 324 PARIS A CHKVAL Le doq-carl poney. — Appartienl à un membre de la haute gomme; joueur de polo, membre du Pelit Cercle, du Tir au pigeon , du Cercle d'escrime, du Spor- ting, du Mirlifou, des Pommes de terre, fondateur de ^ -^ laSociélc hippique, membre du Bet- liug, du Cercle des joueurs de paume, etc., etc. Le tandem. — Appartient à un amateur de difficultés. Rival heureux d'Hippolyte, il excelle à conduire un cheval dans la carrière, et profite du jour où toutes les routes du Bois sont encombrées, pour montrer qu'on se tire des embarras les plus compliqués avec un peu de présence d'esprit et la manière de s'en servir. U inévilahle shetlandnis, ou l'injustice du sort. — Une malheureuse petite bêle pas plus haute que ça, qui traîne pendant toute la journée du dimanche un ménage considérable, et pendant toute la semaine une voiture de vinaigrier. Ouand on pense que tous ces malheurs sont le résultat de la sobriété de ce petit animal, et que la sobriété passe pour une vertu ! Jolie récompense ! PARIS A r.IlKVAI,, 329 Le fjrand phaélon /mil ressorts. — Ce qu'on fait encore de mieux pour hommes fails. Equipage de rigueur pour les propriétaires d'écuries de courses : grands financiers, hommes poUtiquos, hauts fonctionnaires. Une femme élégante y fait très-bon clfct, une fois installée; mais l'ascension et la descente ne s'opèrent pas toujours facilement. Puisque nous sommes à l'une des portes du pesage, entrons-y : nous irons plus tard passer l'inspection des voitures qui stationnent sur la piste. ^}rMêiè^^ ex. Pour toute une catégorie de personnes excessivement élégantes, le pesage avait autrefois une assez grande analogie avec le Paradis terrestre; non qu'elles espérassent y goûter des jouissances inconnues, mais par cette -ii AS 330 PARIS A r.HKVAL. unique raison qur Fcnlréc leur en étail aussi radicalement inlcrdite que si elle eût été gardée par l'Archange armé de son traditionnel glaive de feu. Elles y ont aujourd'hui lihre accès, et les amateurs de jolies toilettes ne s'en plai- gnent pas. 11 eût été d'ailleurs difficile, maintenant que les femmes qui sont du monde et celles qui n'en sont pas adoj)tent les mêmes modes, de main- tenir une consigne qui aurait pu donner lien aux plus fâcheuses méprises. Ces demoiselles méritent du reste par leur excellente tenue l'indulgence dont ou a fait preuve à leur égard, et leurs conversations n'ont rien qui puisse blesser les oreilles ou effaroucher la pudeur des autres habituées du pesage. Att surplus, les membres de la Société d'encouragement n'avaient pas lieu de se préoccuper plus que de raison des conséquences que pouvait avoir la tolé- rance à lacjiielle ils se sont résignés, puisqu'ils avaient et ont encore des tribunes spéciales, dans lesquelles leurs femmes, leurs sœurs et leurs filles n'ont à redouter aucun contact avec le public payant. De cette l;içon, tout est pour le mieux, et les plus rigoristes ne sauraient trouver l'occasion de se scandaliser de la présence aux courses des mêmes personnes qu'ils cou- doient chaque soir dans les couloirs de tous les théâtres. ; '■■' ; ; S' ■■ r ■i -4. > PARIS A CHEVAL 333 L'extension qn'ont prise les paris a amené dans la moyenne du public masculin nn abaissement Ce n'est plus seulement le dessus du panier, mais encore les couclies intermédiaires, et même le dessous du panier qui paye les vingt francs d'en- trée nécessaires pour pouvoir aborder les bookma- kers sérieux. La phi])art des louis qu'on jette ainsi au «juicbct ne représentent plus la cotisation volontaire de gens qui prennent leur part d'un plaisir, mais la contri- bution exigée des gens qui veulent tenter la fortune. Cette sonune est la première mise de fonds des courtiers marrons du pari, et ligure dans leur budget à l'article des frais généraux, tout comme la Victoria obligatoire daus celui du dernier des agioteurs. Le Derby a sur le Grand Prix l'avantage d'être couru sur un hippodrome beaucoup plus éloigné de Paris. Une grande partie des sportsmen par spéculation, j'entends la petite spécu- lation, qui ne manquent aucune des réunions de Longchamps, reculent encore devant le voyage de Chantilly. Le public qui aime les courses pour elles-mêmes y gagne de coudoyer une foule plus élégante et moins compacte, et de pouvoir y considérer de plus près les véritables notabilités du sport. 334 PARIS A CHEVAL Costa Clianlilly (jii'il faut aller, si Fou veut coiiiiailre les propiiélaircs des grandes écuries, les entraineurs, les geiitlemen-riders A Longcliaiiips, dans la cohue ([ui encombre le pesage, on ne peut que les apercevoir. A Chantilly, on les voit, et d'assez près pour que leurs trails restent graves daus la nicmoirc, si l'on est quelque peu physiono- c niiste. C'est d'ailleurs leur centre d'opérations, et beaucoup d'entre eux qui se montrent rarement à Paris n'ont pas manqué un seul Derby. L'hippodrome lui-même a un aspect incomparablement moins banal que celui de Longchamps. Il a ses souvenirs et ses monuments. C'est, au surplus, le berceau des cour- ses, et c'est sur la pelouse même où se - disputent les prix que la Société d'en- couragement a été fondée, en même temps que le Jockey-Club. Sur ce terrain où tous les chevaux célèbres ont galopé depuis un demi- siècle, les véritables sportsmen sont envahis par une émotion pour ainsi dire religieuse, au souvenir des exploits que leurs prédécesseurs y ont accomplis. Toutes les traditions d'élégance et d'audace de leurs devanciers leur revien- nent involontairement à la mémoire, et la lutte à laquelle ils vont assister prend dans leur esprit un caractère solennel qu'elle ne saurait avoir sur un hipjjodrome auquel le temps n'a pu former sa légende. Les lieux comme les hommes ont huir prestige, et Chantilly, avec ses souvenirs historiques, ses monuments [)rincicrs, ses écuries gigantesques, possède au |)lus haut degré la qualité qui faisait, parait-il, si conqilétement défaut à M. Bourbeau et ù tant d'autres. En dehors des avantages qui résultent d'im passé glorieux, le terrain PARIS A CHEVAL. 335 affiTlc' aux courses, à Chanlilly, a ceci de iiierveilloux qu'il ppnnet au spccla- Icui- inslallé dans les tribunes de suivre lous les incidents de la lutte. OucI que soit le parcours à l'ournii-, aucun obstacle n'intercepte ses regards, et du départ à l'arrivée, il |)cut couq)ter les foulées des chevaux et voir chaque YyX geste des cavaliers. Le parieur, car le dessus du panier parie avec la même frénésie que le dessous, voit alors toutes les péripéties ])ar les([uelles passe son argent : c'est ce qu'on appelle surveiller sa chance : surveillance bien inutile au point de vue du résultat, mais qui permet aux perdants de se consoler de leur défaite, en critiquant la manière dont a été conduit leur favori. On lui a fait faire son effort trop tôt; à l'arrivée, son jockey n'a pas su çn tirer ce qu'il avait encore dans le ventre ; d'ailleurs, il a été coupé à tel tour- nant, et à la distance ses concurrents lui ont de parti pris bouché le passage. La plupart du temps, tous ces incidents ne se sont passés que dans l'imagina- tion de celui qui les raconte; mais pour peu qu'il les ait répétés à plusieurs personnes, il finit par y croire fermement. Ces prétextes trouvés pour jus- tifier un pari qui constituait une imprudence, deviennent pour lui des raisons qui la lui feront renouveler la première fois que le cheval battu recommen- cera réj)reuve : il doublera alors sa mise, pour rattraper d'un coup la perle déjà subie, et jouera d'autant plus cher que son cheval aura perdu plus sou- vent, imitant en cela le joueur qui s'obstine à ponter contre une série. Il résulte de cette façon de jouer que si le personnel des bookmakers reste immuable, celui des parieurs se renouvelle incessamment, comme le blé dans les moulins, le charbon dans les locomotives, ou les cailloux sous les machines à macadam. Ils sont broyés, concassés, piles en un tour de roue; mais l'exemple de leur malheureux sort ne préserve aucun de ceux que leur tempérament porte h se jet'jr dans le même engrenage. .Au retour, les physionomies du public indiquent, de façon à ne jamais se tromper, la gravité des pertes subies. Si les viagons sont peuplés de gens silencieux, on peut être sûr que la journée a été désastreuse pour les pontes. Si au contraire la majorité des voyageurs se montre expansivc, on peut 33G PARIS A CHEVAL allirmer que les sacoches des bookmakers ont subi de vigoureux assauts et ont clé forcées de boucher bien des brèclies. Ces derniers jours sont rares ; mais enfin il s'en produit quelques-uns, et c'est ce qui explique la conli- nuation d'un jeu dans lequel l'un des partners fait toutes les conditions que l'autre est oblige d'accepter; car, une fois sur le terrain des courses, la cote ne se discute même pas. Les bookmikers la fixent à leur fantaisie, et les |xiricurs doivent la subir, ou s'abstenir de jouer. Il est inutile de dire qu'ils la subissent. ■À. • ■ y i U/S'- ,^^^v..f. if CHAPITRE II. LES STEEPLES-CHASES. De la géuéralion spoiilaiice des liippodronies dans la banlieue parisienne. — Du steeple -cliase dans ses rapports avec l'art dranialiquc. — Du spectateur compatissant et du spectateur féroce. — De quels obstacles essentiels doit èlrc hérissée une piste de steepic-chasc. — Jockeys et amateurs. — Le club de la rue Royale. — Auteuil. — Réunions privées. — La Alarche. — La Groix-dc-Rcrny. — .^ller et retour. Sans la culture maraîchère, qui ne peut rencontrer une prairie de quelque étendue sans la défricher ininiédiatement, la banlieue de Paris serait littérale- ment couverte d'hippodromes de sieeple-chases. Les courses d'obstacles ont sur les courses plates l'avantage de n'avoir été monopolisées à leur ap|)arition par aucune société d'encouragement. De là la spontanéité de leur génération : il suffit qu'un chemin de fer contenant un spéculateur côtoie une clairière un peu vaste, pour que ce spéculateur aie 43 338 PARIS A CHEVAL. l'idée (l'uliliser en méuie temps le chemin de fer qui le Iranspoile el !e mé- diocre lorrain qu'il aj)erçnil : il achèle ou loue le terrain, obtient des admi- nistrateurs du clieniin de fer l'in- stallation d'une station, fait con- struire des tribunes, creuse une rivière, élève un mur, plante des haies, dresse des barrières, trouve un nom euphonique et sonore pour désigner l'endroit qu'il a décou- vert, et couvre les murs de Paris d'affiches multicolores annonçant h la foule des parieurs que tels et tels prix seront courus tel ou tel jour à tel endroit. Il n'en faut pas davantage pour que la France compte un nouveau champ de courses, dont rien ne faisait ' *^\^/ , soupçonner la nécessité , mais qui trouve cependant dès sa fondation les — 3 U3 "^ PARIS A CHEVAL 341 chevaux nécessaires |)i)iir y clispuler les prix, et le public indispensable |)Our les voir courir. Le nombre des gens (pii conslituent le public des steeple-chases auy- mente-t-il en même temps que les lieux de rendez-vous se nuiUiplient, ou bien, au contraire, ce public, demeurant tel quel, suffit-il à peupler tous les nouveaux hippodromes qu'on lui ouvre successivement? Je crois que son activité croît en proportion du nombre des occasions qui lui sont offertes de jouir d'un spectacle bien autrement attrayant que celui présenté par les courses plates, dont tout l'intérêt apparent repose sur une question de train plus ou moins rapide. La course au clocher, comme on disait autrefois, joint à cet attrait de la vitesse tout l'intérêt du drame. Chaque obstacle à franchir est l'équivalent d'une scène plus ou moins bien combinée, et la lutte qui s'établit entre les chevaux se trouve ainsi naturellement divisée en plusieurs actes. La com-se plate correspondrait M2 PARIS A CHEVAL donc au tliL'ùlre à la pièce cii un acte, tandis (juc le stoci)le-clia!^'e équivau- drait au drame en cinq actes. La nature de l'émotion causée aux parieurs suit une progression analogue. Le départ une fois donné à Longcliamps ou à Cliantiliy, le joueur est dans la même position qu'à la roulelte; il n'a plus qu'à regarder tourner la bille, et, dans le cas fort rare oîi il est assez connaisseur pour juger la façon dont les concurrenls galopent, le résultat lui est à peu |)rès connu au bout d'une minute. En steeple-chase, l'émotion est de plus longue durée; jusqu'au dernier moment l'incertitude demeure entière, et tant qu'il reste un obstacle à franchir, on doit craindre, ou l'on est en droit d'espérer, selon qu'on parie pour ou contre, que le cheval dont les chances paraissent le plus certaines attrapera la fâcheuse culbute ou feia le regrettable panache. <3 >>Le r tn .J=) J3 TARIS A CHEVAL •Ml Les âmes sensibles ont en outre l'apprélicnsion de voir les jockeys tomber malhenrcusement et se détériorer plus gravement qu'il ne convient. Jil'/ )ÏJ ■■■'■.} -i^^- v... Cette éventualité, qui cause aux natures délicates une véritable terreur, constitue au contraire tout l'intérêt du spectacle pour certains tempéraments sanguinaires, qui ne demandent que plaies et bosses, et laissent éclater leur joie dès qu'ils voient arriver le brancard desliné au transport des con- currents hors d'clal de rentrer sur leurs jambes au pesage. ' 'r ' si,"' 1" ' i 1. t '^lÉ^^MS V.. .■ 'M'A,. Y-, .' ' J-.«^<- I Pour ces derniers, quand une course à long parcours, disputée par de nombreux concurrents, s'est terminée sans aucune chute, leur désappointe- ment se laisse facilement deviner. 3i8 PARIS A CHEVAL. L'adresse demi les chevaux oui fait ])rcuve, l'Iiahileté déployée par les hommes ne leur donnent aucune salisfaclion cl n'ol)(ienncnt d'eux aucun témoignage d'admiration. Mais si (pielquc maladroit montant quelque rossard mal dressé cause (ouïe une série de culbutes, leur joie éclate, et, .'isKf.^.t^'''-''^- pendant que les spectateurs moins inhumains se demandent avec anxiété ce qui résultera de l'accident, ils exultent à la pensée que deux, trois ou quatre concurrents sont dès à présent hors de lutte. Que ce carambolage entre hommes et chevaux ait occasionné fractures de bras ou de jambes, voii-e même de crânes, ils s'en soucient peu. L'important est que les chutes aient été exceptionnelles et puissent donner matière à récits. — Ceux-là sont des amateurs de cinquième acte, — caté- gorie plus nombreuse qu'on ne pense , et qui sarrifierait volontiers père et mère, à la condition toutefois que la disparition de leurs ascendants s'accom- ])lit dans des circonstances véritablement dramatiques et capables d'inspiré]- aux fournisseurs habituels de l'Ambigu un dénoùment absolument nouveau et imprévu. £m^ '■ ^^fcj^ : <^ "5:^^ ^ "" -■ ,— ■ " .^ ' — .-. .£E^', :u- ^O 5^^ - .■.iT--i:^ -■ . '.^2>_3?^' — "^ '- ''. ^->c::i-€^~ - -- fp^^- ^^ ->- :^X 11^ PARIS A CHEVAL 351 Lorsque ces iiiipiloyablos speclatciirs arrivent sur une piste avant (pie les épreuves soient commencées, ils vont s'assurer personnellement de la so- lidité et de la hauteur des obstacles, ils examinent la construction du mur, sondent avec leur canne la profondeur de la rivière, dont ils mesurent [a lar- your en faisant des ])as démesurés , "y^ci. ii^iAi\« .' > et poussent de l'épaule la travée supérieure des barrières fixes, alin d'en éprouver la résistance. '-'■ -^' ^^-^ S^^:BH?rP3 A leurs yeux, il ne suffit pas qu'un obstacle soit d'une certaine élévation, il faut encore qu'il soit incassable : ils ne sont pas gens à se contenter de barrières de carton, et, de même qu'ils tiennent à ce que les acteurs sur la scène mangent véritablement, ils désirent que les jockeys qui ont l'honneur de galoper devant eux aient sérieusement la possibilité de se rompre les os. 352 PARIS A r.HMVAF,. Les doubles barrières iixes sont leurs obstacles préférés, non parce qu'elles exigent du cavalier plus d'iiabileté et plus de docilité de la part du cheval, mais par cette seule raison que les panaches y sont plus fréquents. Four qu'ils se déclarent satisfaits d'une ])iste de sleeple-chase, il est esseii- tiel qu'elle possède : 1° Une rivière d'une largeur respectable; •v- ,, \\ / ^-r.irAM. ^ If't ; '■ ■ ■:■■ ' il^pj/jj'i''^" 2" Un nuu- en pierre d'une solidité reconnue; ?K^^ > L'/. PARIS A CHEVAL. .'$° Plusieurs barrières flxes d'une résistance incontestable ; 353 A '■--'■ U*^^ 4° Un saut eu contre-bas aboutissant de préférence sur un terrain excep- tionnellement dur; -t&il ,^j^m&j23Bùm Ol 5° Une bantpiette irlandaise sulfisainment élevée ])Our que le meilleur sauteur ne puisse la francbir d'un bond, et assez étroite pour (pi'il ait cbance de ne pas y trouver un point d'appui suffisant; ■ '■■■ l'I :' i' :' 354 PARIS A r.HKVAL. Et pour terminer, une double barrière dont les deux parties soient suffi- samment rapprocbccs pour qu'il soit possible, eu francbissant la première, de retomber sur la seconde. V . ■■■' . 'i X Quand un champ de courses renferme tous ces casse-cou, toutes ces chausse -trapes, l'abonné féroce l'honore de sa faveur, et, pour peu que dans les réunions précédenles il se soif produit quelque grave accident, il se fera remarquer par une assiduité complète. Les organisateurs de ce genre de fêtes le savent bien, et multiplient les plus formidables obstacles; ce qui d'ailleurs aboutit à un but absolument différent de celui qu'ils se proposent d'atteindre. Neuf fois sur dix l'exagération du train est la seule cause des accidents dont les suites sont fatales, et les jockeys mènent toujours plus sagement quand ils savent qu'ils ont à Iranchir des obstacles vraiment sérieux. Le jockey amateur, qui constitue à lui seul un danger plus redoutable que tous ceux auxquels s'exposent les steeple-chaseurs, se lient volontiers à l'écart des parcours trop sévères, et son abstention dans les épreuves vraiment difii- ciles contribue pour beaucoup à la diminution des accidents. Il en résulte que la luile se circonscrit entre des concurrents sachant ii fond leur métier, et rendus prudents par l'expérience; qui modèrent le train et abordent l'obstacle avec une sagesse égale à leur résolution. bj PARIS A CHEVAL. 357 Conduils de la sorte, les chevaux tombent rarement; et si par hasard une chute se produit, elle se produit isolément, elle peut être plus ou moins dure, selon que le cheval a heurté plus ou moins violemment l'obstacle qu'il n'a pu franchir; mais ses voisins ne lui retombent pas dessus, et l'accident ne ressemble en rien à ceux qui se produisent quand les cavaliers arrivent au hasard, pêle- mêle, et à plein train sur des obstacles qu'ils croient faciles , qui le sont , en effet, et ne deviennent redoutables qu'à raison de la façon incohérente dont on les aborde. t .. ■■•'w^-VH .^ "^ • .>5».i-^Mrv_ VJ La fréquence et la gravité des chutes qui se produisent sur un hippodrome résultent peut-être plus directement encore de la façon dont sont organisées les courses que de la manière dont elles sont courues , et je ne crois pas qu'on puisse citer beaucoup d'accidents graves dont la responsabilité ne doive 358 PARIS A CHKVAL èlre rejetée sur les commissaires qui avaient désigné le parcours et réglé les conditions d'engagement, de poids et de surcharge; c'est pour celte raison que les stceple-cliaseurs, par goût ou par profession, dont la sécurité était journellement mise en péril par l'ignorance et l'insouciance des impresari suburbains, doivent savoir, à mon sens, un gré infini au\ membres du cercle de la rue Royale d'avoir enfin fondé la Société des steeple-chases d'Auteuil. Ce faisant, ils leur ont non-seulement ouvert un champ de courses savam- ment aménagé, mais ils leur ont apporté, en ce qui concerne leur sécurité personnelle, la garantie de programmes consciencieusement étudiés par des hommes à la fois désintéressés et corapéfents : deux qualités qu'ils n'avaient pas toujours l'espoir de rencontrer chez les industriels qui les convoquaient jusqu'alors à prendre part à des luttes organisées pour la satisfaction d'un intérêt exclusivement privé. 'V.'N \ Et ce n'est pas là le seul avantage qu'ils aient gagné au patronage des clubsinen du petit cercle. Tous les tripotages auxquels avaient donné lieu dans les hijjpodromes de spéculation l'absence de surveillance et le manque d'autorité chez les com- missaires, souvent choisis à Favenlure, avaient fini par jeter sur les habi- tués de ces réunions, acteurs, propriétaires et simples spectateurs, un dis- crédit toujours croissant. Le public en arrivait petit à petit à ne plus voir dans ces réunions qu'un appùt nécessaire à la réussite des combinaisons plus ou moins machiavé- liques de tel ou tel bookmaker, cl, pour peu que cet élal de choses se fût PARIS A CHEVAT, 301 prolongé, aucun individu tant soit peu soucieux de sa réputation n'aurait osé avouer qu'il fréquentait assidûment ces coupe-gorge où, sous prétexte de sport, le plus grand nombre s'appliquait à dévaliser correctement son prochain; pour tout dire, la mode qui avait accueilli avec un véritable enthousiasme l'apparition des premières courses d'obstacles à la Marche, à l'incennes, à Porchcfontainc, se refusait à adopter les nouveaux hippo- dromes, dont la plupart des organisateurs manquaient totalement de chic. i^^^ Depuis l'ouverture d'Auteuil , on peut dire que le steeple-chase, et tout le personnel qui y touche, est entré dans une période de régénération. Le public élégant, qui s'en était insensiblement désintéressé, s'en préoc- cupe derechef, et consent à se déplacer de nouveau , maintenant qu'il a la certitude de voir autre chose que des chevaux et des spéculateurs également tarés; et il risque volontiers son argent en paris sur des courses dont le résultat n'est plus arrêté à l'avance entre quelques industriels en possession d'une sacoche, de deux ou trois chevaux étiques et d'un gazon pelé. Il faut dire que le nouveau Comité des courses d'obstacles fait tout ce qu'il est humainement possible pour rendre la vogue à un spectacle pour lequel le tout Paris élégant s'était autrefois passionné, et dont il ne s'était dégoûté que par l'abus qu'on avait fait de sa bonne foi et de sa longanimité en lui présen- tant des chevaux dont la qualité eût suffi à lui faire comprendre qu'il était l'objet d'une véritable mystification, si le résultat des épreuves qui mettaient invariablement aux mains de quelques privilégiés le total des sommes enga- gées ne lui en eût donné une preuve encore plus certaine. 46 3()2 PARIS A CHEVAL. Il était élémentaire de réformer de pareils abus, et c'était indispensable pour qui voulait ressusciter l'ancien succès; mais réformer n'eût pas suffi : il fallait trouver un attrait nouveau pour réapprendre à la foule un cbeniin ^ju'elle avait oublié. C'est alors cpi'on imagina les réunions privées, dont la première eut lieu à la Marche par un temps dont aucun sportsman n'a perdu le souvenir. Ce fut une averse continuelle depuis le moment du départ, qui eut lieu derrière le palais de l'Industrie, jusqu'à la nuit tombante; la piste était un véritable lac. Quels furent les gagnants de ces régates hippiquL's? Je serais, à l'heure qu'il est, fort embarrassé de le dire ; mais ce que je sais, c'est que cette inondation ne découragea personne, et que jamais assistance plus élégante ne fut plus mouillée : les feumies surtout furent admirables de stoïcisme dans cette journée de pluie diluvienne; aucune d'elles n'abandonna l'impériale des drags pour chercher un refuge à l'inté- rieur. Bref, malgré vent et marée, cette première tentative fut un succès com- plet, et les organisateurs de cette fête nautique, une fois rentrés chez eux pour soigner les coryzas plus ou moins graves qu'ils avaient recueillis dans l'exercice de leurs fonctions, durent se félicitera loisir du résultat de leurs i- ^^-i~- ^ ^ V :■; 5 -^ "^ ■ - -■■ PARIS A CHEVAL 365 ell'orts. La preuve en est qu'ils ue les oui pas épargnés depuis pour renou- veler l'expérience. Ce qui donne à ces réunions un caractère essentiellement particulier, c'est qu'aucune des notabilités du sport ne croit pouvoir se dispenser d'y assister ; que tous les propriétaires d'équipages bien attelés et connus considèrent comme un devoir de les laire ligurer dans ces solennités. Il en résulte que le spectacle du défilé olfre un intérêt au moins égala celui des courses. Que le départ s'eiiectue du palais de l'Industrie ou du Cercle même , la réunion des drags pi-éseute un couj) d'œil absolument cbarniant et de la plus grande élégance. c ^ Cette accumulation de chevaux de sang, de toilettes claires, de harnais iirillants, les accrocs de lumière renvoyés par les caisses des voitures , les couleiu-s éclatantes des trains, les rellels des cuivres, forment un tableau d'une variété et d'une gaieté incomparables, tableau tout fait, qui a nial- licureuscment le tort de ne pas poser assez longtemps pour que quelque véritable artiste ait le temps de le reproduire. A un signal donné, cette masse d'équipages s'ébranle tout à coup. Ils sem- blaient être enchevêtrés d'une manière inextricable, et ils se détachent les nus des autres pour former un véritable cortège qui se déroule avec une ré- gularité parfaite, semblable au fil qui se détache de la quenouille sous les doigts d'une habile fileuse. Pour bien jouir du spectacle et profiter des aspects multiples que le chan- gement de décors donne à chaque attelage, le meilleur procédé consiste à 3G6 PARIS A CHEVAL suivre à cheval. On peut, de la sorte, les examiner tous successivement pen- dant la durée du trajet, après quoi l'on prend les devants de façon à assister à leur arrivée aux places qui leur sont réservées sur la pelouse. Rien de plus gracieux à voir que leur arrivée à Auleuil, précédés par les jiiqueurs charges de leur indiquer l'emplacement qu'ils doivent occuj)er. Quelle variété dans les mouvements des chevaux , dans la façon de prendre le tournant pour traverser le petit pont qui couj)e la rivière , et de s'arrêter à l'endroit précis assigné à chaque attelage! SIR 1.A nOLTli DE lllillW. — La poussière d'uoe esseoce ubsulumeut paitîctilirre qui lous ruvaLit peut spulc excuser le carrossier qui a eu le premier l'idée d'emprisouner sous diàssis d'innocenls (uyageurs daus l'épuavaDlable voilure désiijocc par le doui de cab français. S'il s'agit d'aller à Berny, la variété des tableaux qu'offrent l'aller et le retour est encore jtius grande. Le flot traverse de véritables villages, et le contraste formé par l'aspect des Parisiens regardés et des suburbaius qui regardent, donne au spectacle un nouvel intérêt. A Bourg-la-Reine, toutes les fenêtres sont garnies de têtes étonnées de voir une pareille affluence, et il n'est pas besoin d'être un profond observateur pour comprendre que ce défilé annuel constitue pour la majorité des speclaleurs un événement capital qui doit ali- menter pendant de longs mois les conversations locales. Lue fois sur le terrain des courses, les scènes digues d'être reproduites 0 lié i^^giç^ ^ ^-Âi^" PARIS A CHEVAL. 369 parle pinceau sont bien aiilremenl nombreuses. Rien do pittoresque comme celte accumulation en pleine campagne de citadins ultra-civilisés. Le fait seul de voir une véritable Parisienne , liabillce comme elles savent l'èlre , au beau milieu d'un champ labouré, parait tellement invraisemblable, que le plaisir qu'on éprouverait partout à considérer ladite Parisienne se trouve décuplé par la surprise qu'on éprouve, et pour peu que la Parisieune se trouve par hasard aux côtés d'une paysanne, votre surprise tournera on stu- péfaction, si vous venez à penser que ces deux créatures si dissemblables appartiennent à la même espèce, et descendent aussi directement l'une que l'autre de notre mère Eve. — -J^#î^ Ce contraste entre la rusticité du théâtre et le raffinement des person- nages, répété à chaque instant, produit les effets les plus inattendus, et donne à la silhouette du gommeux le plus correct des aspects souvent abso- lument fantastiques, surtout si le vent s'en mêle. Ajoutez que, dans cette réunion essentiellement campagnarde, la fantaisie la plus complète préside au choix des costumes, qui vont, pour les hommes, du veston le plus étriqué à la gâteuse la plus étoffée. L'imagination des femmes, surexcitée par cette occasion unique dans l'année, se développe en toute liberté, et produit des combinaisons de toilette quelquefois étranges, mais souvent très-heu- reuses. Les chapeaux surtout y alfoitent les formes les plus invraisemblables, et mériteraient à eux seuls un chapitre spécial. Devant un public aussi particulier, il est naturel que le traditionnel steeple- chase modiiie également ses allures, et que devant des spectateurs excep- tionnels on donne une représentation exiraordinairc; c'est ce qui arrive régu- lièrement depuis le retour à la Croix-de-l>erny, et le military constitue, avec le hunt steeple-chasc, le véritable attrait de la journée; l'exhibition des habits 370 PARIS A CHEVAL. rouges est révénemciit alteudu. Le public, qui s'est montré assez indifférent aux courses courues par les jockeys, déploie une activité dont on ne l'aurait pas cru capable pour voir franchir plusieurs obstacles dans cette même course. Après s'être posté de façon à voir passer la première rivière, il se porte en masse, et aux allures les plus vives, au passage de la route de Rungis, pour recourir à la rivière qui précède l'arrivée. Si les habitués des hippo- dromes appliquaient plus fréquemment le procédé qu'ils emploient en cette circonstance, il n'y aurait bientôt plus un seul parieur obèse, et plusieurs seraient rapidement en état de fournir le parcours entier aux côtés des che- vaux. Malheureusement, ce qui semble tout naturel sur ce champ de courses improvisé paraîtrait d'un goût douteux sur un hijjpodrome où tout est arti- ficiel, depuis les obstacles qu'on y franchit jusqu'à l'attitude des spectateurs. 11 est fâcheux que le respect humain s'oppose au fonctionnement régulier de ces steeple - chases parallèles entre hommes et chevaux, car en même temps que l'amélioration des quadrupèdes on obtiendrait celle des piétons, et, tout eu facilitant la remonte de notre cavalerie, on rendrait possible le recrute- ment de nos facteurs ruraux, ce qui rendrait à la fois à la France et à l'admi- nistration des postes un double service. i iiV^> 1 W w^ 'C FIAT DK l.\ TROISIKME l'ARTIE. QUATRIEME PARTIE L'ART DE TOMBER DE CHEVAL .A'i L'ART DE TOMBER DE CHEVAL CONSEILS, PRIiCEPTES ET A P II OR 1 SMES Y RELATIl'S Les préceptes qui suivent, résultat d'observations faites sur le vif par un homme qui possède sur la matière une compétence expérimentale, formulés après réilexion à propos de chutes authentiques, étudiées d'après nature, nous ont paru constituer un guide précieux pour tous ceux qui, montant à cheval, sont exposés à en tomber. S'il est vrai qu'il n'est pas de si triste situation que le sang-froid ne puisse améliorer, les cavaliers nous sauront gré de leur avoir indiqué ce qu'il y a à faire dans les cas désespérés pour tomber avec grâce. En suivant nos conseils quand l'occasion s'en présentera, ils éviteront le ridicule d'une chute vulgaire, sans élégance, commune en un mot. 37G PARIS A CHEVAL. Si, en présence de l'accident, ils se rapj)ellcut nos recommandations, s'ils songent à les appliquer, le cavalier pouna être renversé, pilé, broyé, peut-être anéanti, mais le gentleman restera intact ; et c'est tout ce qu'il doive souliaitei-. ■.V ?. i ;>:- Les chutes se décomposent en plusieurs catégories, qui peuvent être réduites à deux genres principaux : les chutes purement accidentelles et celles qui sont le résultat d'une faute commise contre les lois de l'équitatiou. Ces dernières devraient être classées dans la catégorie des châtiments, puisqu'elles frap- pent toujours un coupable; mais ce ne sont pas les causes de l'accident que nous nous proposons de rechercher. Il s'agit au contraire de savoir, dans un cas donné, le parti qu'un cavalier, homme du monde, préoccupé du qu'en dira-t-ou, peut tirer de la pro- jection qui lui est imprimée par la vitesse acquise, les lois de la pesan- teur, le déplacement du centre de gravité, la force centrifuge ou centripète, pour conserver, pendant le tiajet involontaire qu'il a à décrire du jwint de départ au point d'arrivée, une altitude correcte, et montrer, même dans cette position difficile, qu'il est et sait rester homme de tenue. PARIS A CHEVAL. 371 Nous cherchons simplement les différentes applications d'un problème mécanique dont la solution doit se trouver mathématiquement. Une des chutes les plus fréquentes résulte du brusque arrêt du cheval lancé à une allure vive. Si l'arrêt du cheval est prévu, ou même deviné, une simple flexion des reins vous assied en selle de façon à ne rien crain- dre. Mais pour peu qu'on soit distrait, le corps suit la vitesse acquise, la tête du cavalier joint l'encolure du cheval, et le mouvement qui résulte de l'impulsion est absolument semblable à celui qu'opèrent les enfants qui font la culbute. ,Y^ il 1/ ITTJTPWÏÏW 'K. Les maladroits tombent comme ils peuvent, pile ou face; un homme habile doit retomber sur ses pieds, les rênes dans la main droite, le stick dans la main gauche. .y"**^ 1^ Il Pour obtenir ce ré- • ^' i-^^^J sultat, voici la marche r/^. )/ jî î T ! à suivre : ne pas obéir ; ^'^""jP à l'instinct qui vous v -.' ' ^-rJ pousse à saisir soit la crinière , soit une oreille du cheval; se laisser complètement aller pendant la pre- mière période de la chute; mais, au mo- ment où la partie inférieure du corps s'élève au-dessus de l'encolure, accé- lérer le mouvement par une contraction des reins. En agissant ainsi, vous ferez le tour complet au lieu de parcourir seu lement un demi-cercle qui vous laisserait dans une situation qui, pour être naturelle, prête toujours à rire aux spectateurs. 48 378 PARIS A CHEVAL l'ous trouvant ainsi sur vos pieds, que votre monture reste immobile, ou cherche à reprendre son alhue, vous en restez maître, et vous êtes eu siliia- tion de remonter immédiatement en selle. ' J^ - ■. ^ jT. ,- J^^ -••■'"" '^ - Willllll !1 ! Il l.llll à 1 il u cv ^'j£S f tAKfi^ Si, au Heu d'un simple arrêt, votre cheval fait une faute grave, s'il s'abat complètement, la force d'impulsion devient alors presque irrésistible. Alais, en ayant soin de je- ter le torse en arrière, la pointe des pieds ^l'îlfrtr ( touche d'abord le ' " sol, et vous vous trouvez debout au- dessus du col de votre cheval ren- " versé. Vous passez alors la jambe, et vous êtes, comme dans le cas précétlent, droit à côté de votre monture. La seule précaution à prendre est de déchausser les étriers aussitôt que vous sentez s'abîmer sous vous l'avant-main de votre hack. Cette chute, très-rare autrefois (on s'est toujours attaché à chercher pour les chevaux de selle des animaux dont les jambes sont d'une réelle soli- dité), est devenue assez fréquente depuis que les chaussées municipales sont tombées dans un élat voisin du délabrement. Les quelques allées cavalières qui existent dans Paris aux alentours du Bois renferment de véritables chausse- PARIS A CHEVAL. 379 Irapes , dans lesquelles les jambes d'un cheval lancé au petit galop dis|)a- raissent jusqu'aux genoux. Quand voire nialechance vous fait passer sur un de ces endroits mouvants, qu'aucun signe extérieur ne révèle, l'écroulement du cheval et du cavalier se fait si instantanément que l'œil de l'observateur le plus attentif ne discerne qu'à grand'peine l'homme de l'animal. Tous deux consti- tuent pendant une fraction de seconde une masse con- - ,. fuse, réfractaire à toute description. Nous n'avons donc pas à nous préoccuper de l'elfet que peut produire durant cette période de la chute le promeneur qui la subit. Qu'il se rappelle simplement que la souplesse remplace avec avantage les matelas les plus moelleux. Son attitude pendant l'accident lui-même n'olCre donc aucun intérêt; la promptitude et la grâce qu'il mettra à se relever constituent la seule chose importante dans ce cas particulier. Aussitôt qu'il sentira le contact du sol , il devra ramener ses jambes sous iliipsp C'C lui par une rapide contraction, et, d'un seul effort des jarrets, se redresser immédiatement, puis, sans s'inquiéter des souillures de ses vêtements, il pas- sera l'inspection de son cheval, constatera s'il n'a reçu aucune atteinte, véri- fiera les sangles, et se disposera à remonter en selle. 380 PARIS A CIÎKVAL. Si sa redingote est maculée, une àme compatissante ne manquera pas alors d'enlever du paiement de son habit la boue ou la poussière, et le cava- lier, rapproprié presque maigre lui, en sera quitte pour un rcmerciment. Il est essentiel qu'il ne cherche pas à ré- parer lui-même le dés- ordre de sa toilette; il ferait croire à l'as- sistance qu'il a l'ha- bitude de s'habiller sans aide, et personne n'achèverait la beso- gne qu'il aurait com- mencée. Dans aucun cas le chapeau d'un véritable cavalier ne doit tomber. Il faut que la coiffure d'un homme qui monte habituellement à cheval soit inébran- lable. Les coiffes séparées du corps du chapeau sont celles qui offrent le plus d'adhérence à la tête. C'est d'ailleurs affiiire d'outillage, et il n'est pas à Paris un chapelier consciencieux qui ne sache qu'un chapeau de ville et un chapeau de cheval sont deux meubles essentiellement différents. La solidité de la coiffure est d'une importance indiscutable, car les cha- peaux ne tombent guère que dans les circonstances oii le cavalier lui-même est en danger de chute, et ce premier accident n'a pas seulement l'inconvé- nient de le couvrir de ridicule (un monsieur qui galope nu-tête a de tout temps constitué un spectacle des plus plaisants; Carie Vernet lui-même en a PARIS A CHEVAL. 381 clé frappe); il a encore celte conséquence yravc de laisser nu un cràiic exposé à se trouver, d'un moment à l'autre, en contact avec le pavé. Or, il n'existe pus de meilleure défense en |)areil cas que le chapeau haut de forme. Le volume eonsidérahle d'air qu'il renferme olfre plus de résistance que la cape la plus solide, el si tous les cavaliers qui doivent la vie au tuyau de poêle, tant el si injustement calomnié, inscrivaient leurs noms à la suite les uns des autres, la liste en couvrirait certainement le méridien. On doit donc, quand on tombe sur la tète, conserver sou chapeau — c'est un point de la plus haute gravilé. ^^■-,^^^cf^ ^K^'^^'Vtf^^X*'- •-v\ Si on a la mauvaise habitude, inaugurée à lorl, selon moi, de remplacer le matin le chapeau grand modèle par une coiffure de fantaisie, s'abstenir rigoureusement de tout exercice qui pourrait entraîner un panache complet — saut de mur ou de barrière fixe — ces deux obstacles ne peuvent être rai- sonnablement abordés que si l'on a le chef sérieusement garanti, et je le répète, les seuls prései'va- , , , - ' i tifs sérieux sont le cha- '■■^^'%'/ //-.«*■■'•'/'/ /•■'"■-/' peau haut de forme et la cape de chasse. Tous les autres couvre -chef n'of- Ireut aucune résistance, et ne préservent d'aucun choc de quelque sévérité. Les mêmes raisons qui interdisent de nommer dans la conversation cer- taines parties du corps, ne permettent pas à un cavalier d'une véritable édu- 382 PARIS A CHEVAL. cation de tomber sur certains organes. Toute chute doit pouvoir être racontée partout. C'est un axiome qu'on a le tort de ne pas avoir toujours préseul à Tcsprit, et j'ai vu de mes yeux des gens dont la mise aurait fait présumer plus de décence, tomber, même en compaguie, dans des positions impardon- nables, et cela sans paraître se rendre compte de l'inconvenance dont ils s'étaient rendus coupables. '•■^i y' /.JC/-£/^r^/l£r. ît^ fittr > c Si le fer du pied qui y cliercbe un apj)ui est lui-même un peu usé, la jambe glisse, et le cbeval s'abat. Ce qui résulte de toute cbute faite au centre de Paris est le produit de tant de circonstances fortuites, qu'où n'en peut 49 386 PARIS A CHEVAL dcteniiincr la gravité. Si les dieux sont pour vous, il se peut que vous en soyez quitte à bon marche; mais pour peu que vous soyez en froid avec eux, l'impulsion reçue vous envoie sous les roues d'un omnibus ou la tète sur l'angle d'un trottoir, et, dès lors, votre sort est dans les mains du hasard seul, dont les facéties sont volontiers cruelles. '*: â^ifi^r. Quand un gentleman est lancé par sa monture dans l'intérieur d'une voi- ture, il doit, si le véhicule est occupé, s'excuser en ternies polis; si, au cou- tr-iirc, le hasard l'a fait pénétrer dans une voiture de louage déserte, il peut PARIS A CHEVAL. '.mi en profiter pour se faire reconduire chez lui. S'il préfère reprendre sa prome- nade, il doit la moitié du prix de la course au cocher qu'il a inutilement dérangé. (Voir les tarifs.) Un cavalier aiusi introduit dans la victoria d'une veuve, peut, s'il a quelque présence d'esprit, tirer un excellent parti de sa situation. On affirme que M. de Z... n'a pas été présenté autrement à madame de P.. Ce qui est cer- tain, c'est que leur fils aîné a aujourd'hui dix-huit ans. Il est clair qu'un maladroit qui, ayant la bonne fortune de tomber dans la voiture d'une dame seule, serait assez gauche pour lui briser un bras ou lui fracasser une jambe, serait immédiatement classé parmi les importuns les plus fâcheux. 388 PARIS A CHEVAL Il impolie donc d'examiner quelle conduite il convient de tenir en pareille circonstance. L'cvéncmonl ])enl se produire de deux manières différentes : 1 " Le cocher tournant court cl venant se placer dans la ligne que vous suivez. Votre cheval s'arrête net; à ce moment précis, saluez! vous avez dès lors la certitude de ne pas pénétrer chez cette inconnue le chapeau sur la tèle, en véritable malotru. Tranquillise sur l'opinion qu'on peut avoir sur votre compte, songez dès lors à tout ce qui peut amortir la violence de l'abordage. Si vous pouvez arri- ver à combiner votre chute de manière à vous trouver assis à côté de la dame, vous aurez atteint l'idéal. ^'1.:. y 8fi--.'(i. '^'Pl PARIS A CIII'.VAI,. :i80 2" Votre cheval en pointant se renverse en arrière. Dans (;etle liypolhèsc, au moment où vous vous asseyez sur le côté de la voiture, déchaussez les étriers, saluez de la main gauche, et, d'un vigoureux effort du bras droit, repoussez voire cheval hors delà voilure; vous ferez ainsi j)renve à la fois de politesse et de vigueur, deux (|u;dilés généralement appréciées. C-K, Quand un cavalier tombé se trouve pris sous sa monture , il doit rester immobile, pelotonné sur lui-même, de manière à présenter la moindre sur- face possible aux coups que peut lui porter le cheval en se relevant. •V - •a I ?Ai,ni' • Il arrive souvent que ce dernier, en cherchant un point d'appui, pose le pied ou le genou sur la poitrine de son cavalier. Ce geste coûte, en général. ;ino PARIS A CHP^VAF,. à celui-ci, une ou plusieurs cotes; mais quelque douloureuse que soit la pression subie, les spectateurs ne doivent jamais entendre une plainte ni u:i cri. L'n tavalicr qui pousserait;! ce point l'oubli du respect humain, descen- drait, par ce seul fait, au ran<{ de vélocipédiste. -;i «£-(*/.îr.r( Quand un cheval pointe, rendez la main, et frappez à tour de bras derrière la botte. De deux choses l'une, ou l'animal ainsi attaqué se portera violemment en avant, ou bien la contraction que lui causera la douleur de la correction accélérera son mouvement en arrière. Dans ce dernier cas, lâchez tout, et prenez pied du côté opposé à celui de son inclinaison. 11 tombera -sur le dos, les quatre fers en l'air. N'en approchez pas avant qu'il ait repris terre PARIS A CHEVAI, 391 Un cheval tombé dans ces conciliions est d'un voisinage aussi dangereux qu'un âne qui se roule, et il Hmt ne lui reprendre la bride qu'au moment où il reprend son clan pour se relever. ' r^J^^'YS ■fi ïfk-'^-- •K, L'écart n'est réellement déplaçant qu'autant qu'il est suivi d'un retour fait dans le sens opposé au saut de côté. Quand ce genre d'espièglerie est exécuté avec la rapidité de mouve- ments particulière aux ani- maux de pur sang, il se trouve peu de cavaliers doués d'assez de liant pour y résisler. Ce qu'il y a de plus fâ- cheux, c'est que presque q ^ toujours la chute qu'elle amène a lieu en arrière. Le danger est donc que la nuque touche terre la première, ce qui entraîne presque inévitablement un évanouissement assez prolongé. La meilleure j)arade con- siste à jeter les bras en ar- rière, mouvement instinctif de tous les gens qui , dans un escalier , glissent les pieds en avant; de cette W\'k T-O-v^iiOf^r;-. <ù façon, les mains portent en même temps que les talons, et le choc, ainsi 392 PARIS A CHEVAI,. décomposé, ne produit plus qu'un cbranlenient à peu près insignifiant. Certains chevaux ont la mauvaise habitude de chercher à se coller contre leurs camarades de promenade, — et bon nombre parmi eux poussent cette manie à un tel point qu'ils frôlent au passaye les animaux qu'ils rattrapent; — quand le cavalier qui les monte n'a pas assez d'aides pour leur résistei-, il en résulte qu'ils abordent de flanc le cheval qu'ils dépassent. •^:T;v"y IV- -'CmMM iBmyL-. f\ - i.vi \^y •^-'ir" W // ,' •' -j - »- ^■■^ ■•Si. ■ La jambe du cavalier ainsi abordé, prise en dessous, monte au-dessus de sa monture, et le malheureux se trouve à plat ventre sur le sol après avoir décrit une demi-volte aérienne. Rien n'est plus désagréable que cette chute imprévue, qui vous surprend ordinairement dans les moments de quiétude absolue, lorsque vous mar- chez au pas, ou qu'arrêté sur le côté d'une allée, vous allu- mez tranquillement un cigare. Pas d'autre conseil à donner que d'invectiver vigoureusement le butor qui vous aura culbuté — ou mieux — remonter en selle, et, sans lui rien dire, donner à son détriment PARIS A CHEVAL. HO^ telle fois iiiio iiouvello représentation de l'exercice ci-dessus décrit. Dans lin pays connnc le noire, où les changements de température s'opèrent avec la pins grande rapidité, il n'est pas rare qu'une excursion commencée [)ar un temps favorable se termine an milieu du verglas le plus complet. V, ■mit Jz:- Dans ce cas, descendre aussitôt de cheval, nouer la rêne de bride et mar- cher devant sa monture, en tenant la rêne lie filet aussi loin qu'il sera possible; de la sorte, si l'animal tombe, il tombera seul et ne fauchera pas vos jambes en glissant tout à coup, inconvénient auquel vous seriez grave- ment exposé si, le tenant court, vous marchiez à son côté. 50 39 i PARIS A CHEVAL. Toute chut? survenue après que le cheval s'est emporté est grave , si le cavalier qui la subit est contracte par des efforts exngcrés. S'il a conserve son saug-lVoiJ, s'il est dans un état de souplesse réelle, il n'y a aucune raison pour que le choc qu'il éprouvera soit plus violent que dans n'inq)orte quelle circonstance où la course d'un cheval lancé à une allure vive se trouve subitement interrompue. C. X, Comptez combien de chutes foites en chasse ou en courses d'obstacles n'ont amené aucune suite fticheuse, et comparez avec un nombre égal d'accidents causés par des chevaux emportés. PARIS A CHEVAL. ,395 La vitesse est cependant à pcn jiirs égale; mais dans le premier cas la cinile snrprend le cavalier, et il arrive sur le sol avec toute son élasticité; dans le second cas, l'appréhension le roidit, et ses muscles, tendus comme des cordes de violon, prennent une rigidité qui double la violence du choc. '^ La plupart d'entre eux disent en galopant plus vite qu'ils ne veulent : «Que va-t-il m'arriver? » Nous leur conseillons de changer simplement la forme do la j)lirase qui leur vient naturellement à l'esprit, et de dire : « Advienne que pourra ! » .^^^--^^^ ^°"'^'^./,, Parmi les causes d'accident spéciales à la ville de Paris, il faut compter les tuyaux d'arrosage. — Rien n'effraye plus sûrement un cheval que le jet 39 fi PARIS A CHEVAL. mobile de ces inslniiiiciils iiniiii(ij)aiix, ol toutes les roulettes qui soutiennent ce serpent artificiel font, une fois en mouvement, un bruit terrible qui con- tribue à doubler l'effroi qu'il inspire aux chevaux un peu impressionnables. ',^,.V. ■ Quand il est immobile, eu travers d'une voie, il constitue pour tout cavalier quelque peu distrait un piège des plus perfides, trop peu élevé pour que le cheval y fasse attention, et assez résistant pour amener une chute aussitôt qu'on le heurte; il a sur la conscience une foule de désastres. 0i rOy^ Les résultais innnédiats de pareils accrocs sont plus ou moius douloureux, uiais les suites qu'ils peuvent entraîner sont incalcidable.i. PARIS A CHEVAL 307 Les distraclioiis triiii cavalier ont presque toujours une seule et nicnie cause : lo passage de l'objet aimé, connne on disail au feuips de Toppfer. Or quelle déplorable attitude pour un soupirant plus ou moins avancé dans sa recherche que de voltiger dans les airs les pieds empêtrés dans un tuyau de conduite ! J'en sais un que l'objet aimé avait surnommé, après une pareille aventure, le Laocoon — du macadam. Celte désignation mythologique est, d'ailleurs, la seule faveur cpi'il ail jamais obtenue de la dame. 398 PARIS A CHEVAL. Quand un chien se met à la poursuite de votre cheval, ralentir immédiate- ment votre allure, et parler d'une voix douce à votre agresseur; libre à vous de l'appeler « slupide animal « , mais en ayant l'air gracieux. — Il sera sen- sible à ce procédé courtois en apparence, et ira harceler quelque autre cava- lier moins au courant des moeurs canines. >\ > 1 r\ fr ■■" :'^ ^ ^■■^■^^ v'^^ \.-v^ . Se méfier tout particulièrement dans certaines contrées, Landes, Bretagne, Sologne, des agglomérations porcines; pour être domestiqués, ces animaux utiles ont conservé la dent de leur cousin le sanglier, et bon nombre de che- vaux élevés dans leur voisinage, qui portent aux jambes les traces de leurs morsures, gardent fidèlement le souvenir des inconvénients d'une pareille fréquentation. :^ -^- lii /»! V 4. .'. in)i Le persil; son origine ; en quoi il consiste. — Tout petits crevés. — Promenades d'apparat; le vrai et le faux chic. — Quelques équii)a;jes de yrand style. — Coupés au mois et localis. — Cavaliers du soir. • — Joueurs de polo. — Pendant les grands froids. — 'l'raînoaus et traînés. — Promenades des manèges. — Les noces dii samedi. 193 CHAPITRE III. — Au Bois le soir Jours caniculaires. — Tout le long, le long de la rivière. — De l'iililité des limona- diers. — Ombres chinoises et jugements téméraires. 28!» TROISIEME PARTIE. AUX COURSES. CHAPITRE I. — COLRSES PLATES. Longcli.imps et Chantilly. — Comment et pourquoi l'on va aux courses. — Un jour de grand prix. — Un derby. — Le pesage. — Propriétaires et jockeys. — Bookmakers et parieurs. CHAPITRE II. — Les steeple-chases De la génération spontanée des hippodromes dans la banlieue parisienne. — Du steeple-chase dans ses rapports avec l'art dramatii|uc — Du spectateur com- patissant et du spectateur féroce. — De quels obstacles essentiels doit être hérissée une piste de slceple-cliase. — Jockeys et amateurs. — Le club de la rue Royale. — Autcuil. — Réunions privées. — La Marche. — La Croix- dc-Rcrny. — .Aller et retour. :$o:5 :$;n QUATRIEME PARTIE. L'art de tomber de cheval. — Conseils, préceptes el aphorismes y relalifs. :n5 Tii-tlCIlAl'HIK Ur. E. PLUV ET C'^, ni E C.lR^VCliRE, 8. liiy Libr vàwiiiiarv Wedicine Y y TJl V J. s^AAA^ rf P^K-i sj^ te^A^aaA^e? vnr_"^\«/^/T^r-^r> /^,e\'!2^' Vj^^I ^îIskSjj Imfff^ W^/(^'' PMsMSmm j'^^'( - ^,/^'.-'^ ^•■i^:3B ^f^.0( \i<^; ,nn ■>K>1/ P^^çT^pPPR'^ sWaaQQBB' il/ft/^«»,«l/«. /!=%/!=*i\<»>. ^1^^ feMiSS2CTMM»Wft 'p^y T^WK^ ^y'mM r^r^ ^nr^ §^^^^^^^^^Pj^^^ Vf :V ■ f^''&^ B^/- F^m 2^ "^'^a'RAA^ ^^ ^^^ W^f^f^P^- .rs^ ^^'/^^i ^-■'^/^î iil^^^O \r\^^n'^ fTT^ K^'r\ '>§v,',^^^^l ^^H^O^O@^|§|©y/ :;HV ' i I, -^A,^ ■Hcé