i PHYSIOLOGIE DU SYSTEME NERVEUX. TOME I. ••w*i. -J^C^t^**» I.IBHAIRIE DE J.-Bi BAII.I.IERE. TRAITÉ DE PHYSIOLOGIE considérée comme science d'observtion, par par G. -F. Bordach , professeur à l'uiiiversilé de Kœnisberg, avec des additions par MM. les professeurs Baer , Meyer , J. Mdller , Rathke, SiKBOLD, Vaientin, AVAC^En. Traduit de l'allemand sur la deuxième édition, par A.-J.-L. Jourdan. Paris, 1837-1839, 8 forts vol. in-8, figures. Prix de chaque. 7 fr. ANATOMIE COMPARÉE DU SYSTEME NERVEUX considéré dans ses rapports avec l'intelligence , comprenant la description de l'encéphale et de la moelle rachidienne , des recherches sur le développement, le volume , le poids , la structure de ces organes chez Phomme et les ani- maux vertébrés ; l'histoire du système ganglionnaire des animaux arti- culés et des mollusques , et l'exposé de la relation graduelle qui existe entre la perfection progressive de ces centres nerveux et À -i»"! des fa- cultés instinctives, Intellectuelles et morales, par F. Leveet, médecin de l'hospice de Bicêtre. Paris, 1839-1840, 2 vol. in-8, et atlas de 33 planches in-folio , dessinées d'après nature et gravées avec le plus grand soin, Ce bel ouvrage est publié en 4 livraisons composées chacane d'un demi- volume et d'un cahier de 8 planches in-folio. Prix de chaqae]livraisoD, figures noires. 12 fr. — Le même , avec figures coloriées. 34 fr, ANATOMIE COMPARÉE DU CERVEAU dans les quatre classes de» ani- maux vertébrés , appliquée à la physiologie et à la pathologie du sys- tème nerveux , par E. Serbes , membre de Plnstitut de France , méde- cin de l'hôpital de la Pitié i ouvrage couronné par l'Institut. 2 forts volumes in-8 et atlas in-4, 24 fr. RECHERCHES D'ANATOMIE TRANSCENDANTE ET PATHOLOGIQUE; théorie des formations et des déformations organiques , appliquée à l'a- natomie de la duplicité monstrueuse , par E. Serres. Paris , 1832, in-4, acompagné d'un atlas de 20 planches in-fol. 21 fr. TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE D'ANATOMIE COMPARÉE , suivi de Recher- ches d'anatomie philosophique ou transcendantes sur les parties pri- maires du système nerveux et du squelette intérieur et extérieur, par C.-C. Carcs , D. M. , professeur d'anatomie comparée , médocin du roi de Saxe ; traduit de l'allemand sur la deuxième édition , et précédé d'une esquisse historique et biographique de l'Anatome comparée^ par A.-J.-L. Jourdan. Paris, 1835. 3 forts vol. in-8, accompagnés d'un bel atlas de 31 planches gr. in-4 gravées. 34 fr. DE GLANDULARUM secernentium structura penitiori earumqne prima formatione in homine atque animalibus, commentatio anatomica, auc- tore J. MuuER. Lipsiae , 1830 , in-folio , avec 17 planches. 72 fr. Paris. — COSSON , Imprimeur de l'Académie royale de médecine , rue Saint-Germain-des-Prés , 9. <,w.A^-^i*-=^ PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX, ou RECHERCHES ET EXPÉRIENCES SIR LES DIVERSES CLASSES D'APPAREILS NERVEUX, LES MOUVEMENS , LA VOIX, LA PAROLE, LES SENS ET LES FACULTÉS INTELLECTUELLES, PAR J. MULLER, PROFESSEUR d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE A l'uKIVERSITÉ DE BERLIW , Traduite de l'allemand, sur la troisième édition , PAR A.-J.,L. JOURDAN, MEMBRE DE l'aCADÉmIE ROYALE DE MEDECINE; Accompagnée de 80 Ggures intercalées dans le texte, et de quatre planches gravées. TOME PREMIER. A PARIS, CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, RUE DE l'École de médecine , 17; A LONDRES, CHEZ H. BAILLIÈRE, 219, REGENT-STREET. 1840. AVIS DE L'ÉDITEUR. Le livre que nous présentons au public forme la partie la plus considérable du Traité de physiologie de M. MuUer. D'après Tintérét général qu'inspirent en ce moment les recherches ayant pour but le sys- tème nerveux , il nous a semblé qu'on ne pouvait manquer d'accueillir une œuvre dans laquelle , indé- pendamment du tableau le plus complet des travaux entrepris sur ce sujet par les Allemands, les Anglais et les Français , se trouvent consignées une foule d''i- dées et d''expériences neuves et ingénieuses , surtout en ce qui concerne la théorie de Faction nerveuse , de la voix, de la vision, de l'audition, et en général des sens et des mouvemens. Les autres parties du Traité de M. MuUer n'ont pas la même importance sous le rap- port de Tactualité , et d*'ailleurs ce qu'elles offrent de plus curieux et de neuf , les recherches sur la consti- tution physique du sang , se trouvent déjà consigné tout au long dans la grande Physiologie de Burdach(l), dont le célèbre professeur de Berlin a été le collabo- rateur pour ce qui concerne ce point de doctrine. Or, (1) Traité de physiologie ronsidéràe comme scie7ice d' oh s «r nation , par C.-F. Burdach, avec des additions de MM. les professeurs B-er, Moser, Mever, J. Muller, Ralhke, Siebold, Valentin, Wagner, trart deralleroand par A.-J.-L Joiirdan. Paris. 1837-1839, 8 vo! in-8. Sj Tj ATis DE l'Éditeur. comme la Physiologie du système nerveux^ que nous publions, forme le complément naturel de ce dernier ouvrajjc , c'était éviter im double emploi que de rester dans les limites où nous avons cru devoir nous tenir. Mais, par contre, et toujours dans la vue d'offrn- à nos compatriotes ce qui nous semble surtout digne de fixer leur attention, nous avons ajouté au chapitre de la voix humaine la version d''un opuscule que M. Mul- ler vient de publier séparément , sur la compensation des forces physiques dans Torgane vocal de Thomme ( 1 ) . De cette manière , nous avons présenté l'ensemble des recherches de cet habile et laborieux physiologiste sur un des sujets les plus épineux et les plus contro- versés de la physique animale. Dès que la partie consacrée aux fonctions intellectuelles aura paru , nous nous empresserons d'en donner aussi la tra- duction. (d) Veher die Compensation der physischen Krcefte am menschlichen Stimmorgen. Berlin , 1839 , avec 4 planches. PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX PREMIERE PARTIE. /u / PHYSIQUE DES NERFS. Section première. Des propriétés des nerfs en général. CHAPITRE PREMIER. Des formes principales du système nerveux (•). Le système nerveux se présente sous deux formes princi- pales, dans le règne animal ; celle qui appartient aux animaux vertébrés , et celle qui est propre aux animaux sans vertè- bres. Chez les premiers de ces êtres , le cerveau est imper- foré, et se termine par un prolongement, auquel on donne le nom de moelle épinière ; chez les autres , il représente tou- jours un anneau , à travers lequel passe l'œsophage , et qui offre deux renflemens , l'un à sa partie supérieure , consti- tuant le cerveau proprement dit , le second situé au dessous de l'œsophage : de ce dernier part le reste du système ner~ (1) D'après J. Uvixi.v,, mv. Jct.JScU. Curios,, t. IX, et Meckel's yirckiv , 1828. a DES FORMES PRINCIPALES veux , qui , tantôt consistP en des nerfs dislinciâ les uns des autres, tantôt, comme chez les Vnnélidcs, les Insectes , les Crustacés et les Arachnides , représente un cordon étendu d'avant en arrière, à la face ventrale du corps, sous l'intestin, et oll'rant des renllcmens [;anglionnaires de distunce en dis- tance. La question du parallèle à établir entre le système nerveux des animaux sans vertèbres et celui des animaux vertébrés , occupe depuis lonj^-temps les anatomistes et les physiolo- gistes. Ackermann , Reil et Bichat prétendaient que le système ganglionnaire des animaux inveriébrés correspondait au nerf grand sympathique des vertébrés^ et après de longues discus- sions à ce sujet, l'analof^ie a été admise, dans ces derniers temps , par Serres et Desmoulins. D'un autre côté, Scarpa , Blumenbach, Cuvier, Gall et J.-F. Meckel ont rejeté toute idée de rapport entre les deux systèmes. Ces anatomistes se fondaient sur des argumens d'un plus grand poids que ceux de leurs adversaires , et , pour la plupart , ils ont comparé sans hésitation la moelle ventrale des animaux articulés à la moelle épinière des vertébrés. Meckel et Walther sont même allés plus loin , car ils ont soutenu que la continuation du cerveau dans le tronc , chez les invertébrés, devait être considérée comme la masse réunie du système de la moelle épinière et de celui du grand sympathique , qui se séparent plus tard l'un de l'autre , en sorte que le système nerveux des invertébrés , concentrant en lui les deux ordres de fonctions , se rapprocherait davantage du type du ^rand sympathique chez les Mollusques^ et de celui de la moelle épinière chez les Articulés. Enfin Treviranus et E.-H. Weber se'sont crus fondés à ne voir dans les nœuds de la chaîne gan{îlionnaire des'animaux articulés, que les représenians des ganglions des nerfs rachi- diens. Il suit de là que, d'après leuropinion, les ganglions de la DU SYSTÈME NERVEUX. 5 moelle ventrale des invertébrés résulteraient de la réunion ou fusion de ceux des nerfs rachidiens , et que les cordons qui les unissent ensemble figureraient les premiers rudi- mens de la moelle épinière des vertébrés. La question est tranchée aujourd'hui. On saitquela plupart des animaux articulés, spécialement fous les Insectes , possè- dent, indépendamment de la moelle ventrale ou de la chaîne ganglionnaire du côté inférieur, un second système nerveux , destiné d'une manière exclusive aux viscères. On sait encore que ce système nerveux , éjjalement composé d'une chaîne de ganglions très-petits , acquiert son plus grand développe- ment sur le canal alimentaire, en particulier sur Testomac , par des plexus déliés qu'il y forme, mais qu'il a aussi des connexions avec le cerveau , au moyen de racines. Meckel etTreviranus avaient déjà signalé incidemment l'a- nalogie existante entre le nerf grand sympathique et le nerf récurrent impair, décrit par Lyonnet et Swammerdam , qui marche le long de l'œsophage. Mais le nerf indiqué par Lyon- net n'est que l'expression la plus simple d'un système ner- veux spécial, dont les formes complexes ont été étudiées par moi chez des Insectes de presque tous les ordres. Dans son état d'entier développement , il naît du cerveau par des ra- cines déliées, et , marchant le long de la face dorsale de l'œ- sophage, entre ce conduit et le cœur, il va gagner l'estomac, où il produit un plexus particulier, qui lire son origine d'un ganghon assez volumineux. Sous cette forme , sa partie sto- macale ou centrale est toujours plus forte que sa partie supé- rieure, qui tient au cerveau par des filets émanés de renfle- mens plus petits. Du reste , le tronc qui court à la surface du canal intestinal offre certaines diversités ; tantôt il est simple et impair en se rendant à l'estomac, où il forme son ganglion et son plexus , comme chez les Dytiques et autres ; tantôt il est double , comme par exemple chez les Taupe-grillons. Un seul individu , celui que j'ai décrit dans les Actes des curieux l'ii A k? 4 DES FORMES PRINCIPALES (le la nature , m'a montré les deux nerfs se renflant en un peiil ganglion commun , sur i'eslomac musculeux ; cheic tous les autres individus que j'ai examinés, chacun des deux nerfs formait un ganglion à part. Les recherches de Brandt ont donné une grande extension à nos connaissances relativement aux nerfs viscéraux des Insectes , des Crustacés , des Mollus- ques et des Annélides. Cet anatomiste a fait voir qu'il y en a, chez les Insectes, deux systèmes, l'un pair et l'autre impair. Les deux systèmes communiquent avec le cerveau. Le pair forme de petits ganglions sur l'œsophage , et parfois aussi, de chaque côté, sur l'estomac. L'impair est souvent peu prononcé, quand l'autre a beaucoup de développement , et vice versa. Lorsqu'il est très-marqué , il produit un ganglion impair sur l'estomac (1). Ehrenberg a découvert des traces de système nerveux chez les Infusoires , ou du moins chez les Rotateurs. Les formes les plus connues du système nerveux des ani- maux inférieurs peuvent être rapportées aux types suivans : 1° Type des Radiaires; division en rayons périphériques; parties similaires à la périphérie d'un centre. La forme primordiale du système nerveux est celle d'un anneau , de ce qu'on nomme coUier œsophagien chez les ani- maux sans vertèbres. Cet anneau apparaît sous sa forme la plus simple chez les Radiaires. Là il est encore dépourvu de gan- glions , et ne se prolonge pas non plus en un cordon médul- laire. La répartition de ses embranchemens est conforme à la configuration et à la division rayonnée de l'animal. Celui-ci ne s'alongeant pas en un corps articulé , il était impossible que le collier œsaphagien se continuât en un cordon médullaire. Ré- pétition des mêmes parties à la périphérie du cercle , telle est ici la forme primordiale de l'animal. Ces conditions font que tous les nerfs du collier œsophagien sont égaux entre eux , (1) Mém, de VAcad. de Pétcrslouru^ 3, — Aifhal. des se. naitir. '6, 81. DU SYSTÈME NERVEUX. 5 qu'aucun n'est cordon niédullaite de préférence aux autres et que nulle partie du collier ne joue le rôle spécial de cer- veau. L'ensemble des branches rayonnantes d'un cercle ner- veux, dont aucune n'a la prééminence sur les autres , re- présente ce qui , chez les animaux supérieurs, est le prolon- gement du collier œsophajjien en un cordon médullaire, 2"* Tj'pe des Mollusques ; aboutissement des branches à un sac viscéral musculaire. Dans la classe des Mollusques, cette conformation primor- diale subit des changemens qui correspondent à ceux de l'or- ganisation entière. La symétrie du type rayonné a cessé, et l'absence de la segmentation propre aux autres animaux sans vertèbres est un des caractères les plus essentiels. Le Mollus- que n'est qu'un enroulement d'autant de viscères qu'il en faut pour constituer une individualité animale, dont les fonctions sensitives se bornent presque à un toucher purement passif et à une lente locomotion. Nous retrouvons bien ici l'anneau nerveux comme type ; mais les nerfs égaux et rayonnans pour des parties périphéri- ques égales ont disparu, puisque celles-ci n'existentpoint. Il y a des nerfs sensoriels, des nerfs viscéraux , des nerfs muscu- laires ; mais un système nerveux segmenté n'était point néces- saire, puisque les viscères n'offrent aucune symétrie dans leur situation ni dans leur succession , et qu'il n'y a point non plus de séries successives de segmens locomoteurs. Ainsi le développement du système nerveux se réduit iri à ce que le collier œsophagien et ses nerfs produisent des gan- glions, qui deviennent autant de centres pour le rayonnement de la moelle nerveuse. Les degrés qu'il présente dans celle sphère sont au nombre de deux. a. Renflement supérieur et renflement inférieur du collier œsophagien (Gastéropodes) ; ganglions latéraux au collier, avec des renflemcns "épars le long des nerfs qui émanent de ces ganglions (Acéphales). C DES FORMES PRINCIPAIES h. Collier œsophagien renflé en une masse cérébrale (Cé- phalopodes). o" Type do$ animaux articulés. Succession de segmens ana- logues ou semblables, et dont le contenu est analogue ou iden- tique ; segmentation dans le sens de la longueur. Les animaux articulés ont pour caractère fondamental la répétition de parties analogues ou similaires dans le sens de la longueur. L'animal se compose d'une succession d'anneaux, analogues ou pareils, qui renferment également des partii'S analogues ou semblables du système vasculaire, des viscères. Les viscères ne sont plus enroulés et unis par un sac musculeux; ils s'étendent plus particulièrement suivant l'une des trois dimensions, celle en longueur, elle sac musculeux s'est divisé en une grande quantité de muscles distincts pour les parties articulées. Dans de telles conditions, le collier œsophagien et ses ganglions doivent se répéter, ce qui produit le cordon \entral et les ganglions médullaires du corps articulé. Ici se rangent les Annélides, les Insectes, les Crustacés et les Arachrfides. Du reste, le cerveau paraît être placé au dessus de l'œso- phage chez tous les Insectes, Arachnides, Crustacés et Anné- lides, sans exception (û). En ouiie, chez les Insectes, on voit déjà le système nerveux particulier des viscères commencer à se montrer d'une manière plus prononcée , à la région dor- sale ùu canal intestinal ; c'est sur l'eslomac qu'il acquiert son plus grand développement, et il tient par des racines tant au cerveau qu'à la moelle ventrale. (1) Dans le Scorpion , l'œsophage traverse aussi le collier nerveux ; mais la paitie postéiioure ou inl'éiieme du cerveau est plus grosse que rantérieutc; ce (|ui m'avait conduit autrefois à dire, saus fondement, que le cerveau se trouvait placé au dessous de l'œsophage. Celte dernière dis- position n'a pas lieu non plus cliez les Phasmes , où j'avais cru la voir en d826 , et qui , d'après d'ultérieures recherches , sont conformés comme tous les autres Insectes, I DU SYSTÈME NERVECX. ^ Pendant la méfamorphose de la larve en clirysolide otde celle-ci en insecte parfait, certains ganglions se confondent avec d'autres, et quelques uns disparaissent , le tout suivant les besoins des parties qui sont parvenues à un plus haut degré de développement. Chez quelques Insectes, tous les ganglions et toutes les an- ses de la moelle ventrale sont réunis en un cordon médullaire solide, duquel tous les nerfs du corps articulé partent en rayonnant , et qui se trouve uni au ganglion cérébral par le collier œsophagien encore ouvert. Tel est le cas du Scarabée nasicorne , même à l'état de larve. On voit ici le type d'un cordon à ganglions passer à celui d'un cordon simple ; de sorte que, suus le rapport morpholo- gique, le cerveau et la moelle épinière, pris ensemble, sem- blent ne pas différer, autant qu'on pourrait le croire , du sys- tème nerveux des animaux sans verlèbres. Il ne reste qu'mie disposition particulière à ces derniers^ c'est que le "collier œsophagien sert au passage de l'œsophage. D'un autre côté, nous remarquons, ciiez les animaux vertébrés inférieurs^ que la formation ganglionnaire reparaît dans les points où des masses nerveuses considérables naissent de la moelle épinière; ce dont on peut citer pour exemples les ganglions multiples qui existent à la portion cervicale de la moelle rachidienne des Trigles, comme aussi les renflemens visibles à l'origine des nerls braclUaux et cruraux chez les Chéloniens, les Oi- seaux et les Mammifères. On ne saurait non plus attacher la moindre valeur au parallèle que divers auteurs ont voulu établir entre le système nerveux des Mollusques et le nerf grand sympathique des animaux vertébrés. L'absence de la chaîne ganglionnaire chez ces animaux est une conséquence de celle du tronc articulé. La réunion des ganglions en une chaîne est une chose pure- ment accidentelle , c'est-à-dire qui n'entre pas dans l'essenc^ du système nerveux lui-même , et qui ne dépend que de U 8 HE LA STRUCTUnE DES NEAFS, sefjmenlalion. Aussi, dans la classe mrnie des animaux arlicu- lés, lorsque la forme se{jmenl«''e disparaît, ou du moins s'el- face en partie, les chaînes de ganglions sont-elles remplacées par des ganglions épars des nerCs cérébraux , de la même manière que chez les 31olliisques, cedont les espèces du genre Phçdanginm fournissent un exemple. Ainsi, d'un côté, les ganglions des Mollusques sont des ganglions de nerfs viscé- raux, destinés aux actes de la nutrition ; d'un autre côté, les nerfs cérébraux et leurs ganglions, qui se répandent dans les organes locomoteurs , par exemple dans le manteau (Cépha- lopodes), et sont aptes à transmettre les ordres de la volonté, correspondent exactement aux nerfs musculaires de la chaîne ganglionnaire chez les animaux articulés , et ne sauraient en aucune manière être mis en parallèle avec des nerfs viscé- raux. CHAPITRE II. De la structure des nerfs. I. Fibres primitives des aerfs. Les nerfs sont composés de faisceaux, les uns plus petits, les autres plus gros, disposés parallèlement les uns aux autres, qui possèdent un névrilème membraneux , et qui s'unissent quelquefois de distance en distance, sur la longueur d'un cor- don, tandis que les fibres nerveuses primitives contenues dans leur intérieur ne sont qu'appliquées les unes contre les autres, et ne contractent jamais d'union ensemble , puisque , même dans les points où les faisceaux semblent s'anastomoser, elles ne font que passer de l'un dans un autre, pour s'accoUer à d'autres fibres. Les fibres primitives des nerfs se ressemblent beaucoup , quant à la forme et à la grosseur, chez des animaux diflérens. Il n'est aucun animal chez lequel elles résultent d'une agré- gation de globules. Toujours et partout elles représentent des nE Ik STRUCTURE DES NEHES. C) filamens simples. Celles des nerfs de l'homme ont , d'après Krause , depuis un quatre-centième jusqu'à un deux-centième de ligne. R. Wagner leur assigne un trois-comième de li^ne et il en donne un deux-centième à celles des nerfs de la Gre- nouille. Cependant leur diamètre varie à un point extraordi- naire, et souvent elles sont beaucoup plus déliées, ce qui ar- rive surtout aux fibres organiques grises. Les vaisseaux ca- pillaires ne se répandent plus à leur surface, car ils sont plus gros qu'elles; ils ne font qu'étaler leurs réseaux entre ces fila- mens élémenfaires. Fontana paraît être le premier qui se soit fait une juste idée de la structure délicate des fibres nerveuses primitives. Il dis- tinguait dans ces fibres un tube extérieur et un contenu ; le tube paraît ridé quand on le contemple à un fort grossisse- ment; le filament logé dans son intérieur est lisse et homo- gène. Fontana est parvenu, sur quelques cylindres, à isoler le tube de son contenu solide. Voici comment il s'exprime à cet égard : « Les nerfs ou leurs extrémités étant dans l'eau , je glissai dessus la pointe d'une épingle, dans le sens de la lon- gueur, afin de déchirer les cylindres, ou d'effacer jusqu'à un certain point les inégalités de leur surface. Je parvins enfin , de celte manière, à m'en procurer un dont la moitié environ consistait en un fil transparent et uniforme, tandis que l'autre moitié, d'une épaisseur presque double , était moins transpa- rente, inégale, tuberculeuse. Je présumai alors que le cy- lindre nerveux primitif se composait d'un cylindre transpa- rent, plus petit, plus uniforme, et couvert d'une substance de nature peut-êlre celluleuse. Les observations que je fis ensuite me confirmèrent de plus en plus dans cette hypothèse, qui finit par devenir une vérité démontrée. J'ai vu, dans beau- coup de cas, les deux parties qui constituent le cylindre ner- veux primitif. L'une a tout l'extérieur inégal et tuberculeux; l'autre est un tube qui semble être formé d'une membrane particulière, transparente , homogène, et que remplit un II- 10 DE LA STRUCTURE DES NERF8. quide gélatineux, doué d'une certaine consistance, n Foniana donne ensuite la ligure des cylindres primitifs ; il les repré- sente encore couverts du tube en certains points, et à nu en d'autres. Ses observations sont parfaitement d'accord avec celles que Remak a faites dans ces derniers temps (1). Re- mak a vu le contenu des tubes nerveux sous la forme de filets un peu plus grêles et pleins, ou de rubans pâles, dont, à l'aide de la pression, on parvient à isoler une certaine longueur et à la séparer du tube, qui se fronce facilement. 11 n'a pu con- stater de structure fibreuse dans ce ligament , qui néanmoins se divise quelquefois (2). En comparant le volume de ce qu'on nomme les fibres primitives des nerfs à celui des parties élé- mentaires des muscles, du tissu cellulaire, etc., qui sont beau- coup plus grêles , on reste indécis de savoir si les filamens contenus dans ces tubes primitifs doivent être considérés comme l'élément le plus ténu des nerfs. Sclmann a remarqué, dans le mésentère de la Grenouille, des fibres nerveuses, du volume de celles qu'on nomme primitives, qui en contenaient d'autres beaucoup plus déliées, et il a vu celles-ci sortir de celles-là. Trevn*anus a remarqué, dans certains cylindres ner- veux, des stries dirigées suivant le sens de la longueur ; et des fibres primitives d'un nerf spinal de Corassin, qui avaient 0,W053 millimètres de diamètre , lui ont oûèrt des cylindres élémentaires plus grêles , dont le diamètre ne s'élevait qu'à 0,0013 millimètres. Dans le Lapin, les cylindres élémentaires avaient un diamètre de 0,0016, tandis que les cylindres plus gros, ou fibres primitives, qui les contenaient, en présentaient un de 0,0099. H. Pibres cérébrales. Fontana avait reconnu, dans le cerveau, des tubes remplis (1) Ohscrvatinnes analomicœ et microscnpicœ de systcmatis norvosi natura , Berlin , 183S. (2) MoLiBR , ^rc/jiv, 1837, p. IV. DE LA STRUCTURE DES NERFS. 1 i d'un liquide {jélalineux ; mais l'idée qu'il se faisait des cir- convolutions analogues à celles de l'inieslin décrites par ces canaux , était complètement inexacte. 11 avait attaché beau- coup trop d'importance à ces flexuosités; car les fibres primi- tives du cerveau et de la moelle épinière sont pour la plupart assez droites, et leurs inflexions dépendent des procédés qu'on emploie pour disposer les parties dont on se propose de faire l'examen. C'est à Ehrenberg qu'appartient le mérite d'avoir décrit avec précision la structure tubuleuse des libres céré- brales et leur disposition tant dans le cerveau que dans la moelle épinière. Les fibres tubuleuses marchent, pour le plus grand nombre, en ligne droite, et ne s'anastomosent pas en- semble, llarement les voit-on se diviser, ce qui arrive quel- quelois dans la moelle épinière. Cependant il est probable que le même phénomène a lieu souvent aussi dans le cerveau, puisque la masse des fibres va manifestement en augmentant de la moelle alongée à la couronne radiante. Jusqu'à présent on n'a pas encore pu se faire une idée bien nette du contenu des tubes , dont les parois membraneuses sont fort minces. A en juger d'après les apparences, il serait plutôt gélatineux que solide; quelques observateurs ont même cru devoir lui attri- buer une consistance huileuse. Suivant Remak, il consisterait, de même que dans les nerfs, en un filament, mais qui, comme le tube lui-même, serait bien plus délié que ceux qu'on observe dans les nerfs. Les fibres primitives du cerveau et de la moelle épinière , offrent, ainsi que celles du nerf optique, du nerf ol- factif et du nerf auditif, une particularité qui les distingue de celles de tous les autres nerfs, et dont on doit la découverte à Ehrenberg (1) ; c'est que la moindre compression les fait pa- raître renflées sur certains pointset amincies sur d' autres, d'où résulte qu'elles ressemblent alors à un collier de perles. Les (1) PoGGENDOBFF, Annalen , XXVIII, cah. 3. — Âhliandlungen der Akademio dcr IFisscinchafton zu jSerii» , Berlin , 4836, p. 605. 12 DE LA. STRUCTURE MS NERFS, fibres de celte nature portent l'épithète de variqtioiiiîcs. Elirenberf} n'en a rencontré de semblables que dans le cer- veau, la moelle épinière, les nerfs des sens supérieurs, et un peu aussi dans le {jrand synipatliique. Les autres nerfs lui ont offert des libres cylindriques plus fortes, dans lesquelles la paroi du tube est aussi plus prononcée. Il a vu des fibres vari- queuses et des fibres cylindriques, à la fois , dans le grand sympathique. On crut d'abord qu'il serait possible de par- tager les nerfs en plusieurs classes, d'après cette dilVérence. Assurément la tendance des tubes à produire des varicosités indique quelque chose de particulier; mais elle paraît tenir uniquement à la délicatesse plus (grande des parois. Examinées sans pression, les fibres primitives du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs sensoriels supérieurs, sont, comme les autres, uniformes partout et sans varicosités, tandis que celles-ci s'observent sur les fibres des autres nerfs quand on les soumet à la compression. Treviranus a trouvé, dans le cer- veau à l'état frais , la plupart des fibres droites et non ren- flées, de même que celles des nerfs (1). Volkmann a reconnu que les fibres variqueuses ne sont point constantes dans les nerfs sensoriels (2). Les observations de Laulh et de Remak(3) démontrent aussi qu'il n'y a pas possibilité de classer les nerfs d'après la forme variqueuse ou cylindrique de leurs fibres , attendu que les fibres variqueuses se rencontrent en plus ou moins grand nombre dans les nerfs les plus différens. Il arrive quelquefois à une seule et même fibre de présenter des vari- cosités sur quelques points de son étendue, et les fibres ner- veuses des jeunes animaux sont, généralement parlant, plus enclines que d'autres à ollrir ce phénomène. D'après les ob- (1) Bdtraegc zur Aufklacrung des organischeti Lehens^ Brème , II. (2) Neue Beitrœcje zur Physiologie des Gesichtssinnes , Léipzick , 4836. (3) McLLE», Archiv , (J836, 445. DE LA STRUCTURE DES NERFS. l5 servations de Treviranus, de Valeniin, de Weber, les fibres du cerveau, de la moelle épinière, des nerfs sensoriels et de tous les nerfs, sont, à l'ctat frais, parfaitement uniformes et sans renflemens; mais on y fait naître des nodosités par la pression. Avec quelque facilité qu'on aperçoive des libres va- riqueuses au cerveau et à la moelle épinière , je suis néanmoins parvenu souvent à couper des lamelles en produisant si peu de contusion, que les fibres étaient encore d'une uniformité par- faite et sans varicosités ; j'ai obtenu aussi les mêmes résultats sur le nerf optique et la rétine. Il m'a semblé que le froisse- ment était surtout considérable et nuisible lorsqu'on cher- chait à détacher des tranches trop minces de la substance molle du cerveau. La valvule du cervelet fournit un excellent moyen d'examiner les fibres sans incision sur une plaque mince naturelle de substance cérébrale. Aussi Weber l'a-t-il soumise à ses observations. Cependant c'est un caractère des fibres du cerveau et des nerfs sensoriels de prendre très-faci- lement cette forme : car elles ne le partagent avec aucun autre tissu, de sorte qu'on ne saurait le négliger dans la définition qu'on donne d'elles. On ne sait pas encore bien d'où dépend cette propriété, reconnue parEhrenberg. J'ai trouvé la moelle épinière élastique et très-extensible des Lamproies fort diffé- rente eu égard à la structure ; il est facile de la déchirer en filamens; elle se compose en grande partie de filets minces, plats comme des rubans, dont la largeur égale celle des fibres primitives des nerfs du bœuf. Indépendamment de ces filets, il en existe d'autres plus déliés, et d'autres encore beaucoup plus grêles. III. Faisceaux blancs et gris dans !es nerfs. On sait que les faisceaux des fibres nerveuses ont pour la plupart une teinte grise dansîe nerf grand sympathique, tandis que ceux des nerfs cérébro-spinaux sont blancs. Mais les nerfs cérébro-spiaaux eux-mêmes contiennent aussi quelques petits l4 DE L.i STRUCTDRE DES NEUFS. faisceaux (}ris parmi les autres de couleur blanche. On peut très-bien s'en convaincre sur le npif trijumeau des {jrands animaux , par exemple , du Bœuf et du Cheval. Ces petits fais- ceaux gris proviennent du nerf grand sympathique , et mar- chent sur les nerfs cérébro-spinaux du centre vers la péri- phérie ; tels sont ceux qui , sur la seconde branche , partent du nerf vidien , ou qui , sur la troisième , procèdent du ganglion otique. On peut également s'assurer sans peine du phénomène sur les nerfs sacrés , qui reçoivent un faisceau délié du grand sympathique. Ainsi les nerfs cérébro-spinaux contiennent des fibres blanches, qui leur sont propres, qui viennent des racines antérieures et postérieures des nerfs cérébraux et spinaux , et qui président au mouvement et au sentiment ; mais ils ren- ferment , en outre , un nombre moins considérable de fibres grises , qui tirent leur oiigine du grand sympathique ou sys- tème des nerfs organiques , et qui probablement règlent les ell'eis organiques des nerfs. Cette composition qui, à l'époque où j'ai publié ma seconde édition , était déjà prouvée pour moi d'après les observations de Relzius et les miennes propres , m'avait alors semblé appartenir probablement aussi au grand sympathique, qui a des connexions avec les deux racines des nerfs rachidiens, dont il reçoit des fibres motrices et senso- rielles , tandis que la formation de ganglions et la teinte grise prédominante me paraissaient ê tre des caractères à lui propres. Mais le grand sympathique diffère beaucoup sur plusieurs points quant à sa composition. Le cordon qui le limite et plu- sieurs des nerfs qu'il fournil sont encore blanchâtres , com- parativement aux filamens émanés des gros ganglions. Par contre, la portion carotidienne de ce nerf est plus particulière- ment grise ; ainsi, par exemple, la portion du grand sympa- thique qui s'iiccolle au nerf abducteur n'est formée que de fi- bres grises. De même, les filamens qui , chez le Veau, vont du ganglion otique au nerf buccinateur, sont entièrement gris ; le nerf du muscle tenseur du tympaa est blanchâtre. Remak DE LA STRrcrURE DES NERFS. l5 a observé, sur un grand nombre de points du grand sympathi- que, des faisceaux blancs et des faisceaux fjris à côté les rins des autres ; vraisemblablement les premiers étaient des filets sen- silifs et moteurs provenant des nerfs cérébro-spinaux , et les seconds avaient pour destination de présider aux fonctions organiques. La couleur grise des nerfs organiques dépend de leurs fibres elles-mêmes , qui , d'après les remarques de Re- mak, didërent des blanches par leur structure. Les fibres blanches ne sont pas seulement plus fortes; on y distin- gue de plus très-bien l'opposition de tube et de contenu. Les fibres grises sont beaucoup plusdéliées et transparentes, et loin qu'on puisse y distinguer un tube et un contenu, elles ont une apparence homogène. Leur surface est semée çà et là de très-petites granulations. Ces granulations ont de l'analogie avec celles qu'on aperçoit sur les ramuscules des plus petits vaisseaux , par exemple , dans le cerveau. Les racines posté- rieures sensitives et les racines antérieures molricesdes nerfs rachidiens ne présentent aucune différence de structure, d'a- près des observations qui ont été faites en commun par Ehren- berg et par moi. IV. Marche et mélange des fibres dans les nerfs. Il est d'une extrême importance de connaître la marche des fibres primitives dans les nerfs ; car , quelque indispensable qu'il soit de savon' avec précision comment ces derniers eux- mêmes se distribuent, la physique du système nerveux se ré- duit, en dernière analyse , à un seul problème ; où naissent les fibres primitives qui sont contenues dans un faisceau , et où s'èfrlrouvent les extrémités. Peu importe, du moins quant à beaucoup de questions, que ces fibres pénètrent dans tel ou tel faisceau et en sortent là plutôt qu'ailleurs ; car , ainsi qu'on ne tardera pas à le voir , elles y sont indépendantes et isolées les unes des autres, depuis leur origine jusqu'à leur ter- minaison. ïG DE LA. STiaCTUUE DES NEUFS. La première question , et la plus essentielle , est celle de savoir si les fibres nerveuses primitives se comportent de même que les nerfs, dont les cordons s'anastomosent fréquem- ment les uns sur les autres , dont les faisceaux même s'unissent de distance en distance. Si les fibres primitives ne se réunissent jamais ensemble , rexiiémité cérébrale de chacune ne peut non plus jamais aboutir qu'à une seule extrémité périphérique ; à chaque extrémité périphérique il ne correspond qu'un seul point dans le cerveau ou la moelle épinière , et autant il y a de millions de fibres primitives qui se rendent à la périphérie du corps , autant il y a de points de cette périphérie qui sont re- présentés dans le centre nerveux. Mais si les fibres primitives s'unissent ensemble , soit dans l'intérieur même des faisceaux des nerfs , soit dans les anastomoses et les plexus , et qu'elles ne soient pas simplement juxtaposées, l'extrémité céré- brale de l'une d'elles représente beaucoup de points de la pé- riphérie , ou , pour préciser davanta{je , tous les points dont les fibres s'unissent ensemble durant leur trajet. Or, comme les nerfs s'anastomosent partout, du moins en apparence, si la même chose arrivait aux fibres primitives, il n'y aurait pour ainsi dire pas un seul point du corps qui fût représenté isolé- ment dans le cerveau , et l'irritation d'une fibre primitive sur un point de la peau devrait se propager à toutes les anasto- moses, c'est-à-dire qu'il serait impossible que la sensation d'un point se produisît au cerveau. En effet , la sensation d'un point dans le cerveau dépend évidemment de ce que, là où la conscience a lieu , il n'arrive non plus qu'une impression amenée par une seule fibre et provenant d'un seul lieu. On voit donc sans peine que si les anastomoses des nerfs avaient le même usage , par rapport à la transmission du principe nerveux , (jue celles des vaisseaux , eu égard aux liquides circulatoires, aucune action nerveuse locale ne pourrait s'ac- complir, ni du cerveau aux parties périphériques, ni des par- lies périphériques au cerveau. La possibilité d'une physique DÉ LA SinUCTURE DES NEfiFS. 1-; exacte du système nerveux dépend donc tout entière de la solution du problème : les fibres primitives des nerfs s'anas- tomosent-elles réellement ou non dans les anastomoses des faisceaux ou plutôt de leurs gaines? Déjà Fontana, puis plus tard Prévost etDumas, avaient remarqué que les fibres primiti- ves des nerfs ne s'unissent point ensemble dans le faisceau, et qu'elles ne font qu'y marcher côte à côte. A peine se doutait on alors de l'importance dont cette observation pouvait être pour la physique des nerfs. Il y a quelques années, au temps même où je publiais mes expériences sur les racines motrices et sensitives , je me livrai à Texamen de la question. On conçoit qu'il n'est possible de voir au microscope qu'un champ limité ; mais , en faisant glisser peu à peu la pièce , on arrive à des données plus certaines pour décider si de telles anastomoses ont lieu ou non. Or , jamais je n'ai aperçu rien de semblable , en examinant au microscope , et sur un fond noir , les fibres primitives d'un petit faisceau nerveux préa- lablement écartées : constamment ces fibres marchent les unes à côté des autres , ou les unes au dessus des autres , et là même où deux petits faisceaux s'anastomosaient ensemble , je ne les ai jamais vues se réunir, je n'ai jamais remarqué qu'une simple juxtaposition entre elles. On peut déjà s'en con- vaincre par la seule inspection des nerfs eux-mêmes avant et après leurs anastomoses. Si les fibres primitives s'unissaient ensemble , qu'elles se confondissent , et que par conséquent leur nombre devînt moins considérable, le faisceau produit par la réunion de deux fibres devrait être plus grêle de moitié que les deux filets pris ensemble ; mais , à Texcepliou du seul nerf grand sympathique , ce faisceau secondaire est toujours exactement aussi gros que les deux qui lui ont donne naissance. Lorsque de. nerfs viennent à former un plexus, malgré l'entre- croisement qui a lieu dans ce dernier, il en sort tout autant de masse nerveuse qu'il y en est entré. La même chose a lieu pour la division des nerfs en branches. Un nerf qui fournit une branche iS DE LA. STRUCTUIŒ DES NERFS, diminue ensuite en raison directe du nombre de fibres nerveuses qui pussent du tronc dans coUe brandie. Et , avec le secours de latine anaiomie , on peut vou- uiséiueni qu'au départ d'une branclie , cliaque fibre eile-raêuie ne se divise pas en deux portions, dont l'une reste dans le nerf, et l'autre passe dans la branche, mais que la séparation s'est bornée a changer le mode de répartition des fibres nerveuses déjà existantes dans le tronc. Voilà ce qui fait qu'un même tronc peut contenir des fibres diflërenies, c'est-à-dire des fibres motrices et des fibres sensitives a la fois, et que souvent un tronc renferme, dt-jà préformées , des branches nerveuses qui ne contractent aucune anastomose avec les autres parues de ce tronc , qui ne leur res- semblent même pas sous le poiutde vue des propriétés. Ainsi , par exemple , lorsqu'on n'examine qu'en bloc le mylo- hyoïdien , nerf exclusivement musculaire , on le considère comme une branche du dentaire inférieur , nerf exclusivement sensilif ; mais ces deux neii^ n'ont de commun ensemble que de se trouver accollés l'un à l'autre. La même chose arrive fort souvent. On voit , d'après cela , que l'identité des propriétés des faisceaux ne fait nullement partie de lebsence d'un tronc nerveux, et que , loin de là, ce tronc peut être , à quelque distance du point oii il tire son origine du cerveau, un assem- blage de faisceaux totalement dillerens les uns des autres, et simplement juxtaposés , lorsque des faisceaux divers , qui sont destinés à une même partie que lui , viennent s'accoller à lui par occasion. A cette hypothèse de l'indépendance des fibres primitives depuis le cerveau jusqu'aux parties périphériques, on pour- rait objecter que les nerfs augmentent de masse pendant leur cours. Mais c'est là une erreur, qui provient de Sœmmerring. Un nerf est plus grêle tant qu'il se uouve logé dans la dure- mère, et qu'il ne possède point encore de névrilème ; ensuite il conserve le même cahbre aussi long-u mps qu'il ne donne pas de branches, et les branches, prises ensemble, sont con- DÉ LA STRUCTURE DES NERFS. I9 Slainraent égales au tronc ; si Ton remarque une légère diffé- rence , c'est que ces mêmes branches , collectivement , ont plus de névrilème que n'en avait le tronc. Ce que je viens de dire des nerfs , quand ils se ramifient, est vrai aussi du plexus de deux nerfs différens. J'ai dissé- qué avec tout le soin possible , il y a quelques années , les anastomoses du nerf facial et du nerf sous-orbitaire à la face du Lapin et de la Brebis , et je me suis convaincu , par un examen attentif de la marche des fibres primitives des deux nerfs, que les fibres ne font que se juxtaposer, quand elles se distribuent en de nouveaux faisceaux. En partant de ces principes, il faut donc, pour ce qui con- cerne les fibres primitives de tous les nerfs cérébro-spinaux, les concevoir isolées depuis leur origine jusqu'à leur termi- naison, et les regarder comme des rayons de l'axe du sys- tème nerveux. Rigoureusement parlant , ces rayons ne for- ment presque qu'une seule ligne, en quelque sorte un plan, sur chacun des côtés de la moelle épinière d'où ils émanent ; seulement, de distance en distance, il y en a plus ou moins qui se réunissent en faisceaux, suivant qu'il est plus commode qu'ils le fassent pour se portera leur destination périphérique. Il y a déjà plusieurs années que j'ai fait connaître les ré- sultats de mes recherches dans les cours publics dont je suis chargé. En 1830 , j'eus occasion de les communiquer verba» lemeutau professeur Schrœder van der Kolk, à Utrecht, avec prière de les vérifier. Les opinions qui en découlent, et aux- quelles se rattachent parfaitement celles de Fontana, de Pré- vost et de Dumas , ont acquis plus de poids encore dans mon esprit, depuis que les observations de mon célèbre collègue Ehrenberg sont venues confirmer les miennes. Cette question a été examinée fort au long par Kroneaberg (1). (1) Plexwum nervorum structura et virtutes. Berlin , 1836, — L'indéfi 20 DE LA STRUcTDRE DES NEAFS. Au reste, tout ce qui vient d'être dit ne s'applique qu'aux fibres blanches des nerfs cérébro-spinaux et du grand sym- pathique ; car , pour ce qui regarde les fibres grises, il est assez probable qu'elles s'unissent ensemble, du moins par le moyen des ganglions. V. Terminaison des nerfs. Treviranus, Gottsche , Valentin, Emmert, Burdach fils, et Schwann se sont occupés du mode de terminaison des nerfs. Le point principal ici est de déterminer si les fibres nerveuses s'unissent ensemble, ou si elles se terminent isolément. Ou une fibre nerveuse , rebroussant chemin , et ce réfléchissant sur elle-même, devient une seconde fibre récurrente, de ma- nière que deux fibres s'unissent toujours en manière d'anse; ou les fibres finissent par s'unir en une sorte de réseau, à la manière des vaisseaux sanguins; ou enfin, elles se terminent toutes isolément et sans s'unir ensemble. La première de ces dispositions a été observée par Prévost , Dumas, Valentin et Emmert, dans les nerfs musculaires; par Breschet, Valentin et Burdach , dans les nerfs sensoriels ; la seconde l'a été par pendance des fibres nerveuses, dans toute l'étendue de leur trajet , était déjà admise par Kaau Boerhaave : Omnes fibrillœ nerveœ post ortum ma- nent in ipso fasciculo , intra proprias membranas distinctœ , ab ortu, in decursu , ad insertionem , junctœ modo intra memhranam communem ad se inviccm. Ergo 7>ullus nervus proprie dat nec accipit rames, ut aiiato- mici doctrinœ causa loquuntur. Sed distinctœ fibrillœ nerveœ coUigatœ in fasciculum secedunt ab aliis liberœ in fasciculus minores et minimos at- que accedunt ad alios nervos compositœ in fasciculum proprium ^ jun- guntur cum illis, ad quos accedunt, manentes tamen distinctœ. Hos ple.rus vocant nervorum. Hœc est vera subdivi.sio, ramificatio et perperafii dicta anastomosis in nervis. Hinc inoinni anutomicisdicto nervo tmaquaquc fi- hrilla sibi decurrit solitaria, aliis modo in decursu juncta cornes : cœte- rumjiullum intercedit commercium. (Impetum faciens, p. d62-167.)WillJs partageait aussi celle manière de voir -.Supponimus, nervos ovines ad par- tes aut 7ncmbra qvœris particuluria destinâtes distincte et seorsim oriri atqueitain toto illorum ductu pernianerc {Cerebrianatome, p. 127). DE lA STRUCTURE DES NERFS. 21 Schwano, dans le mésentère de la Grenouille etdu Bufo igneua^ ainsi que dans la queue des têtards de Crapauds; la troisième, découverte par Treviranus, dans l'œil et l'oreille, a été con- firmée par les recherches de Gottsche. Il paraît que Prévost et Dumas n'ont point examiné les fibres primitives elles-mêmes dans les muscles. Quant à Valentin et à Eminert, ils ont reconnu dans ces organes, que chaque fibre décrit une anse à son extrémité et revient ensuite sur ses pas (1). Valeniin a observé aussi la même disposition dans l'i- ris et le ligament ciliaire, dans la lagena du limaçon des Oi- seaux , dans les lamelles auditives ou rides de ce limaçon , dans les follicules dentaires, et dans la peau de la Grenouille. Breschet l'a également remarquée dans le limaçon , dans les ampoules, et antérieurement dans les papilles cutanées (2). Burdach fils a vu aussi deux fibres passer de l'une^à l'autre par une inflexion en forme d'anse , dans la peau de la Gre- nouille ; il a même aperçu entre les [fibres différentes bran- ches qui naissaient des anses (3). Il n'est pas très-probable que les gros filets auxquels on donne le nom de fibres primitives , forment, soit en se réflé- chissant sur eux-mêmes, soit en demeurant isolés, les der- nières terminaisons des nerfs dans des parties dont les fibres primitives sont beaucoup plus déliées que celles auxquelles s'applique cette dénomination. Schwann a vu paraître des élé- mens d'une bien plus grande ténuité à l'extrémité périphé- rique des nerfs. Déjà il s'était aperçu, dans le mésentère des Grenouilles, que, des fibres nerveuses auxquelles on donne l'épithète de primitives, en sortent d'autres bien plus fines , formant, de distance en distance, de petits ganglions d'où par- tent plusieurs ramuscules. D'ultérieures recherches sur le (1) Valentin, Nov. ^ct. Nat. Cur., XVIII, P. 1, 51.— Emmert, Ueber die Endinguni^sweise der Nervenin den Muskeln, Berne, dS3G, in-4. (2) Nouvelles recherches S7ir la structure de la peau, Paris, J835, in 8, fig. (3) Beitray vwj- mikroskopischeii Anat, der Nvrvqn,^ Jtœnigsberg, 1337| fia DE liA struatchb des neufs. mode de terminaison des nerfs dans la queue des têtards de Grenouille, l'ont pleiiument convaincu de l'exactitude de ses premièrt's remarques. J.es fibres nerveuses qui là sont pro- duites par la scission de fibres ayant le calibre dfe celles qu'on a coutume d'appeler primitives, soht d'une excessive ténuité, et ne possèdent plus l'enveloppe tubuleuse, de couleur fon- cée, qui entoure les fibres primitives ordinaires. La présence des petits {jani^lions est un phénomène assez constant. Ces fibrilles, nées des fibres primitives, en donnent aussi çà et là d'autres plus déliée;v encore, qui préexistaient déjà toutes for- mées en elles , et 11 semble que les fibrilles les plus ténues, tant celles qui proviennent d'autres fibres que celles qui éma- nent en |>lusieurs sens des {janglions microscopiques, finissent par former un réseau. Dans la réiine et dans l'oreille les fibres nerveuses se ter- minent isolément et sans s'unir ensemble. Foniana connaissait déjà la couche des fibres nerveuses de la rétine, et la couche îjranuleuse interne qui repose sur elle. Cette membrane pos- sède aussi une couche granuleuse externe, composée de gra- nulations accollées les unes aux autres en manière de pavé. Les fibres nerveuses occupent donc la couche médiane. Treviraniis a découvert que les fibres de cette couche quittent la direction horizontale à un certain point de leur trajet , et se tournent vers le côté interne de la rétine. Aussitôt après l'inflexion , le cylindre passe par les ouvertures d'un réseau vasculaire qui naît des veines centrales. Avant de parvenir au côté interne de la rétine, il traverse un second réseau vascu- laire, formé par les branches de l'artère centrale. Dès qu'il a traversé ce dernier, il est reçu par un prolongement vagini- formn du feuillet vasculaire de la rétine , qui le couvre , et se termine derrière le corps vitré, sous la forme d'une papille. Le diamètre transversal des cylindres de la rétine était de 0,001 millimètres dans le Hérisson; les papilles avaient 0,003 dans le Lapin , et 0,002 à 0,004 dans les Oiseaux ; chez les Gre- DE LA STRUCTURE DES NEUFS. â5 nouilles, les cylindres avaient 0,0041, elles papilles 0,0066; celles-ci' étaient de 0,0039 à 0,004 dans le Corassin. Les cor- puscules que Treviranus rej^arde comme des anses de fibres nerveuses, sont de courts cylindres faciles à détacher de la couche sous-jacente. On les observe avec une grande facilité sur les yeux bien frais des animaux ; ils ont été vus par Goltsche , Ehrenberg, Volkmann, Weberetmoi, Mais ce qui n'est pas encore parfaitement clair, c'est de savoir si chacun d'eux est la terminaison d'une fibre seulement , ou s'il en re- pose plusieurs sur une fibre. Quelques heures après la mort, il n'est déjà plus possible de les apercevoir -, à leur place, on ne découvre que des granulations, auxquelles doit être attri- buée l'opinion fausse qu'on se formait autrefois de l'existence d'une couche granuleuse interne à la rétine. Les papilles des corps cyUndracés paraissent n'être bien prononcées que chez Ips Poissons , où Gottsche les a décrites (1). Treviranus a reconnu la terminaison des filets nerveux par des papilles non seulement dans la rétine , mais encore dans les nerfs auditif et olfactif. Ici, les papilles sont plus filifor- mes. Celles du nerf auditif ont été vues par lui sur la lame spi- rale du limaçon chez de jeunes Souris. La portion osseuse est entièrement couverte de papilles filiformes appliquées les unes contre les autres. Les cylindres nerveux se rendent, moins fortement serrés, à la bordure membraneuse de la lame , au dessous de la membrane , et après avoir décrit des spirales dans les petits canaux qui les reçoivent , ils apparaissent au dehors par de petites ouvertures, sous la forme de globules ayant 0,0016 à 0,0033 millim. Les cyhudies du nerf auditif lui-même avaient le môme volume. Treviranus a trouvé, chez le Renard, qu'à leur entrée dans les ampoules des canaux semi- circulaires, les nerfs de ces canaux s'étalent, des deux côtés de l'ampoule, en une plaque, dans laquelle leurs cylindres se (1) Dans rPArï, MiUheilvhajen aus dem Geliete derMadicin, 1S36, cah. 3, 4, 5, 6. â4 DE LA 8TRUCTDRE DES NERFS. résolvent en d'autres plus {frêles, qui ensuite se réunissent en de nouveaux cylindres plus forts. Gottsche a aussi remarqué que les dernières extrémités des nerfs du limaçon des Liè- vres et des Lapins, et celles du nerf optique des Poissons, étaient papilleuses. J'aperçois éf^alement des fibres isolées et sans anastomoses sur la lame spirale du limaçon des Oiseaux, que Windischmann a décrite : ici la masse principale du nerf cochléen correspond à un des bords du carlilag^e limacien , et de là elle se répand très-régulièrement sur la substance de ce cartila(]^e , d'où partent de nombreuses fibres très-gréles, qui, serrées et parallèles, couvrent la plus {jrande partie de la largeur de la lamelle spirale. Le mode de terminaison des fibres cérébrales a été étudié par Valentin. Les fibres primitives des nerfs, qui pénètrent dans la moelle cpinière, ne s'y terminent pas, mais se pro- longent jusqu'au cerveau. Celles qui parviennent à l'extrémité de cette moelle se portent en avant ; mais celles qui viennent latéralement des nerfs supérieurs vont d'abord transversale- ment jusqu'à la substance grise ou à son voisinage , après quoi elles continuent également leur marche vers le cerveau sui- vant une direction longitudinale. Dans la substance blanche , ces fibres sont placées les unes à côté des autres ; mais là où la substance blanche et la substance grise se touchent, elles ad- mettent entre elles les globules de substance grise dont il sera parlé plus loin , et finissent par s'étaler en rayonnant dans la substance corticale. Là elles forment des anses, au moyen desquelles elles passent de l'une à l'autre. Cette dispo- sition s'observe surtout très-bien dans les points où la sub- stance blanche et la substance d'un gris rougeâtre s'unissent ensemble , ou dans la substance jaune placée à la périphérie des hémisphères du cerveau et du cervelet. VI. Substance grise du cerveau^ de la moelle épinière et des ganglions^] Ehrenbcrg a observé des corps coniques dans rintérieux DE LA STRUCTURE DES NERFS. a5 des ganglions des animaux sans vertèbres (Sangsues , Lima- ces)» Ces corps forment, chez les Sangsues, huit faisceaux, qui pénètrent deux à deux, par de longs tubes cylindriques, dans les quatre bras des ganglions. Leur portion renflée con- tient un noyau , et de plus quelques petits globules. Valentin a décrit des corps analogues dans les ganglions du cordon ventral de la Sangsue. Il a vu des globules possédant un noyau, comme les globules gan;;lionnaires des animaux supérieurs. Dans ce noyau , tout près de la surface , on remarque un pe- tit corpuscule rougeâtre, accompagné parfois de plusieurs au- tres d'un moindre volume. Purkinje a remarqué des corps analogues, munis d'une queue, dans la masse jaune située entre les substances corticale et médullaire du cervelet. Ces corps ont un noyau clair , et présentent sur leur surface un petit nucleus^ qui correspond à ce noyau. Ils sont ran- gés les uns à côté des autres , leurs extrémités arrondies tournées en dedans, vers la substance blanche, tandis que leurs prolongemens caudiformes regardent en dehors, vers la sub- stance grise. Je les compare à certains corps coniques, con- tenant un noyau, que j'ai trouvés dans la moelle allongée des Cyclostomes (Lamproie dans l'alcool). Mais ici ils affectaient une forme particulière ; car leur extrémité la plus épaisse, rarement arrondie , était généralement déchiquetée ; la plu- part du temps elle se partageait en plusieurs dentelures, tantôt deux , tantôt trois ou quatre , dont la configuration et la situa- tion respective variaient beaucoup. D'après les observations de Valentin, les élémens des gan- glions, dans les.nerfs des animaux supérieurs et de l'homme, consistent en d'assez gros globules, qui ne diffèrent des cônes dont je viens de parler que par leur forme plus arrondie; car, du reste, ils renferment aussi un noyau, et à la circonférence un second noyau plus petit, outre qu'on aperçoit souvent des taches pigmentaires à leur surface. Un ou plusieurs faisceaux libreux, qui péncireat dans le ganglion, y forment un plexus ft6 DE LA STRUCTURE DUS NERFS. parla distribution de leurs libres suivant uo autre ordre, et en sortent ensuite; de plus il y a dos libres primitives ou des lîiisceanx de Hbres qui enveloppent de toutes parts les {^lobu- les fjan(jlionnaires, en dérrivant des circonvolutions semblables à celles de l'intesiin. Ces dernières fibres partent du tronc, et y retournent. M est facile de consiater que les globules des ganfjlions se comportent réellement ainsi, en général. Au cerveau et à la moelle épinière, la substance grise est formée, selon Valentin, des mêmes globules absolument que les ganglions des animaux vertébrés. La structure finement grenue ne devient apparente que par la destruction des glo- bules mous. La seule diflérence entre les globules de la substance grise du cerveau et ceux des ganglions, tient à ce que le tissu cellulaire enveloppant est beaucoup plus délicat, La substance blanche du cerveau ne contient pas de globu- les, d'après Valentin. Ceux qu'on observe quelquefois ne doivent naissance qu'à la destruction des fibres. De l'accession d'une plus ou moins grande quantité de masse globuleuse grise , dépend la teinte plus ou moins éloignée de celle de la substance blanche ou fibreuse que présentent certaines parties du cerveau. Lorsque, le nombre des fibres primitives I)rédomine, la masse est d'un gris blanchâtre ; dans le cas contraire, elle paraît d'un gris rougeâtre. Les coulenrs céré- brales foncées tiennent à de pigmens déposés sur les globules. A la moelle épinière, il y a deux sortes de substance grise, comme l'a découvert Rolando. Celle à laquelle on donne com- munément ce nom, est appelée par lui substnntia cinereaspon- giosa vascularis. Sur le côté postérieur des cornes postérieures de celte substance se trouve une bandelette de substance tout- à-fait grise, qu'il nomme substantia cinerea gelatinosa (1). La première contient, d'après Remak, les gros globules ganglion- naires qui ont été décrits plus haut, avec beaucoup de fibres; (1) Sayc/io sopralavera strutt, deîcervello, Xuiui,1828,pi. 3,flg. 2> 3. DE LA 8TRUCTCRE DES NERFS. 2^ Tautre, au contraire, se compose de petits corpuscules qui ressemMentaux globules du sarg de la Grenouille. La même structure appartient aussi au prolongement de la substance grise gélatineuse dans la moelle allongée. Remak l'a égale- ment observée dans quelques points du cerveau. C'est une question importante que celle de savoir si les gros globules de la substance grise, dans le cerveau et dans les ganglions, sont privés d'union les uns avec les autres. Certains appendices qu'on en voit quelquefois partir rendent probable qu'ils s'unissent entre eux ou avec des fibres. J'ai aperçu ces dentelures pour la première fois sur les corps coniques de la moelle allongée des Lamproies. Remak les vit bientôt après sur les globules de la substance grise du cerveau et sur les globules des ganglions. Non seulement il découvrit des fila- tnens qui partaient de la surface d'un globule de ganglion, mais encore il parvint quelquefois à les isoler dans une étendue qui égalait plusieurs fois la longueur du globule. Ces lîlamens ont quelque analogie avec ceux de couleur grise que le même observateur a remarqués dans le nerf ganglion- naire, et si ces derniers, qui forment les faisceaux gris du grand sympathique, sont des fibres organiques, il devient jusqu'à un certain point vraisemblable, ou du moins présu- mable, que les fibres grises des nerfs organiques en naissent. VH. Distribution des systèmes fibreux blanc et gris dans les nerfs cérébro-rachidiens et dans le grand sympathique. J'ai déjà mentionné les faits qui établissent que les nerfs cérébro-spinaux renferment quelques faisceaux organiques gris, indépendamment de la masse principale des fibres blan- ches, sensitives ou motrices, provenant des racines posté- rieures et antérieures du nerf mixte. J'ai dit aussi que le nerf grand sympathique ne se compose pas seulement de fais- ceaux organiques gris , mais qu ou y trouve encore quelques faisceaux blancs. Enfin j'ai présenté comme une hypothèse a8 DE LA STRUCTURE DES NERFS. vraisemblable, que leslibres grises, de structure particulière, naissent des globules si abondans dans les ganglions du grand sympathique, mais plus rares dans les nerfs cérébro-spinaux, qui n'en olftent que sur les points où le grand sympa- thique entre pour une plus forte part dans la composition de ces nerfs, comme à l'inflexion géniculaire du facial, à la se- conde et à la troisième branches du trijumeau. On voit donc qu'il n'y a qu'une simple différence relative entre le grand sympathique et les autres nerfs. Les nerfs cérébraux et cé- rébro-spinaux mixtes contiennent beaucoup de faisceaux de fibres sensitives et motrices, avec peu de faisceaux gris, qui ont de la tendance à produire des ganglions ; le grand sympa- thique renferme peu d'élémens sensiiifs et moteurs, mais beaucoup do libres organiques grises, et cela en vertu de sa distribution dans des parties qui servent principalement à l'élaboration chimique des liquides. Aussi les ganglions sont-ils très-communs dans ce nerf, tandis que, si Ton excepte les ganglions réguliers de leurs racines postérieures, les nerfs cérébro-spinaux en présentent rarement, et là seulement où ils reçoivent une grande quantité de faisceaux organiques gris. VIII. Classincation des ganglioos. Les ganglions des nerfs peuvent être rapportés à trois classes. L Ganglions des racines postérieures des nerfs rachidiens et cérébraux ^ ganglion de la grande portion du nerf trijumeau ^ ganglion de la paire vague , ganglion jugulaire supérieur du nerf glosso-pharj-ngien . Tous ces ganglions ont cela de commun, que chacun d'eux appartient à un nerf sensitif. On verra plus loin que les racines postérieures des nerfs rachidiens sont destinées au sentiment seul , et non au mou- vement. Parmi les ganglions de ces nerfs , celui de la pre- mière paire offre quelquefois et ceux des deux dernières présealem toujours des anomalies sous le rapport de leur si- DE LA stuucture des nerfs. :3g tuatioû. Il arrive quelquefois au premier d'être placé en de- dans de la dure-mère (1); quant aux deux derniers, Schlemm a découvert qu'ils s'y trouvent toujours (2). Le même rapport qui , dans les nerf rachidiens , existe entre la racine postérieure et l'antérieure, se retrouve, dans le trijumeau, entre la grande portion, qui aboutit au ganglion de Gasser, et la petite , qui passe au devant de ce ganglion. Gœrres est le premier qui ait comparé le nerf vague et l'ac- cessoire aux racines postérieure et antérieure d'un nerf ra- chidien(3). En tous cas, le ganglion que le nerf vague pro- duit dans le trou déchiré postérieur doit être considéré comme celui d'un nerf de sentiment, quoique, chez quelques animaux, plusieurs fibres du nerf passent au devant de lui , sans y entrer. Santorini a quelquefois observé une racine postérieure du nerf hypoglosse (sans ganglion), et Mayer a découvert que , chez plusieurs Mammifères (Bœuf , Chien , Cochon) , le nerf grand hypoglosse a une racine postérieure extrêmement dé- liée , qui naît de la face postérieure de la moelle alongée , passe sur le nerf accessoire , sans avoir de connexions avec lui , et forme en cet endroit un ganglion bien prononcé. De ce ganglion part un gros filet nerveux , qui traverse une ou- verture de la première dent du ligament dentelé (ou , comme je l'ai vu depuis , passe au dessus de cette première dent), et va se rendre à la racine connue du grand hypoglosse. Jus- qu'à présent Mayer n'a observé qu'une seule fois celle racine postérieure et ce ganglion chez l'homme. A cette observation , s'en rattache une faite par moi sur l'homme (4). Indépendamment du ganglion pétreux, situé à la partie inférieure du trou déchiré postérieur, j'en ai (1) Mayer , dans Act. TSat. Cur., t. XVI, P. II. (2) Muller's Archiv fuer Anatomic^ t. J, p. Dl. (1S34). (3) Exposition derPhijsioloijie, Coblentz, dSOo, p. 328. (4) Mediztnische{P^erein5-) Zeitung, Berlin, 4833, n" 52. 5o DE LA STRUCTURE DES NERFS. trouvé un antre irès-peiit, placé au côié externe et postérieur de lu racine du nerf , à la partie supérieure du trou déchiré , celle qui regarde le crâne. Ce petit {janfrlion a un millimètre de long. On l'aperçoit après avoir détaché la dure-mère de l'ouverture qui sei t de passage , et enlevé le Lord postérieur du rocher. Il n'appartient pas à la racine entière, mais seu- lement à un peiii faisceau de quelques unes de ses fibres , faisceau qui, après l'avoir traversé , semble être devenu plus gros , mais qui d'ailleurs ne paraît pas avoir une origine diOérente de celle des autres filets radiculaires du nerf glosso- pharyngien. Ehrenritter découvrit le premier ce ganglion (1); mais il n'en a pas conuu les rapports intimes avec les filets raçliculaires du glosso-pharyngieu. J'ai lait voir que ces filets, les uns avec ganglion, les autres sans ganglion, se comportent comme les racines du nerf trijumeau, et que le nerf lui-même est, ainsi que ce dernier, mixte à l'instar des nerfs rachidiens. Le ganglion pélreux du nerf glosso-pharyngien , que l'on connaît depuis long temps déjà , paraît ne point appartenir à la classe des ganglions des nerfs sensitifs , et se rapprocher davantage des renflemeus qui ont lieu quelquefois lorsque des branches du grand sympathique se joignent à d'autres nerfs , comme est , par exemple , le petit renflement que le nerf facial offre au niveau du hiatus de Fallope, la où il reçoit le nerfpétreux superficiel venant du vidien. En effet, le ganglion pélreux s'unit avec une branche ascendante du ganglion cer- vical supérieur, et, parle moyen de son rameau auriculaire, avec le rameau caroiido-tympanique du grand sympathique. La structure de ces ganglions ne diffère pas essentielleu.eut de celle des ganglions du grand sympathique. Mais on y dis- lingue mieux les fibres, qui , disposées en pinceau , passent , sans subir de changement, entre les globules de la masse ganglionnaire. On ne sait point encore quel est l'usage des (1) Salsb, med. Zoitnmj, 1790, t. IV, p. 319. DE LA STRUCTURE DES NERFS. 3l gangl'fins qui existent aux racines sensilives. Peut-être doit on en i^iiire provenir les fibres organiques du grand sympathique, qu'ils serviraient alors à mettre en relation avec les cordons postérieurs de la moelle épinière. Les fibres blanches , sensi- lives et motrices, du grand sympathique communiquent avec les racines antérieures et postérieures des nerfs rachidiens. On se demande , en conséquence , si les racines postérieures de ces derniers unissent à la moelle épinière et les fibres sen- silives et les fibres organiques. Du reste , les ganglions du grand sympathique lui-même paraissent être une source principale des fibres organiques. Le cordon limitrophe du grand sympathique est proportionnellement bien plus blanc que les faisceaux qui partent des gros ganglions abdominaux. La question de savoir si le nombre des fibres augmente dans les ganglions des racines postérieures et dans le ganglion de Gasser, nest pas susceptible de solution aujourd'hui. Evidem- ment les fibres blanches ne font que changer d'ordre en les traversaut. Mais des fibres grises peuvent naître des globules ganglionnaires , et l'on sait , en effet , qu'à partir du ganglion de Gasser, il y a des faisceaux gris qui marchent sur les bran- ches du trijumeau (1). IL Ganglions du grand stjmpathiqne. La manière dont les fibres nerveuses se comportent dans pes ganglions est si difficile à débrouiller, que nous ne savons encore rien de positif à cet égard. Ici, comme partout, la question principale se réduit, en dernière analyse, à ces ter- mes ; les fibres primitives se confondent-elles réellement, ou ne font-elles que se juxtaposer, en s'entrecroisant parlielle- ment? Se divisent-elles, et par cela même semuhiphent-elles dans la direction du centre à la circonférence ? Si Ton est en droit d'admettre quelque pnrt une muliiplicatii)n des fibres dî'.n.- les ganglions, c'est sssurômcnul.-ir.scenx du gi and sym- pathique ; du moins les fibi es primitives qui se développent (1) Foy. WvTZBR, de ganglionm fabrica, Berlin, 1817, D2 DE LA STUUCTURE DES NEUFS. dans les plexus abdominaux, et qui vont ensuite se répandre à la périphérie, paraissent être difficiles à réduire aux raci- nes que ce nerf reçoit des nerfs rachidiens; car on sait que les fibres primitives ordinaires se comportent dans les gan- glions du grand sympathique comme dans ceux des racines postérieures. Les ganglions du grand sympathique forment deux séries. Les uns , situés à l'endroit où les racines du nerf viennent des nerfs cérébraux et spinaux , s'unissent pour pro- duire le cordon limitrophe ; à cette série appartiennent tous les ganglions cervicaux , intercostaux , lombaires et sacrés. La seconde série comprend les ganglions centraux ou plexi- formes, qu'on rencontre dans les plexus de l'abdomen. IlL Ganglions des nerfs cérébro-spinaux dans les points où ceux-ci s'unissent avec des branches du grand sympathique. Ici se rangent le ganglion pétreux du glosso-pharyngien, l'intumescence gangliiforme du facial , le ganglion sphéno- palalinà la seconde branche du trijumeau, le ganglion ciliaire, peut-êire aussi le ganglion otique, et quelques autres encore. Les nerfs cérébraux ne présentent pas des ganglions par- tout où leurs filets viennentà rencontrer ceux du grand sympa- thique.C'est, au contraire, un cas assez rare, puisqu'on général on n'aperçoit pas de ganglions au point de départ des filets constituant les nombreuses origines de ce nerf. Comment se fait-il qu'il s'en produise à la rencontre de filets du grand sympathique avec d'autres filets de nerfs cérébraux ? Cette particularité me semble tenir à ce que, dans le point où existe le renflement gangliiforme, ce ne sont pas des branches des nerfs cérébraux qui se rendent du cerveau au grand sympa- thique, mais des filets de ce dernier qui vont gagner les nerfs lérébraux, et qui, pour s'y rendre, suivent, non la direction du centre à la périphérie, mais celle de la périphérie au cen- tre. Si cette opinion était fondée, toutes les fois qu'un nerf cérébral offrirait un renllemenl, non point à sa racine, mais sur son trajet et lorsqu'il s'unit avec le grand sympathique, on DE LA STUUCTrP.E DE NEr.FS. 33 aurait là un moyen de reconnaitre que les (iloLs de ce dernier qui aboutissent au nerf cérébral ne jouent point le rôle de racine à son égard, et qu'ils sont des mélanges de fibres du grand sympathique avec des fibres de nerfs cérébraux. Ainsi le ganglion opbthalmique est un mélange de fiiamens du nerf trijumeau (racine longue), du nerf moteur oculaire commun (racine courte), et du grand sympathique, mélange qui a pour but, non de donner des racines nouvelles à ce dernier, mais de faire pénétrer dans les nerfs ciliaires des filets du grand sympathique avec les filets sensitifs de la première branche du trijumeau et les filets moteurs de Toculo-rausculaire com- mun. Le ganglion sphéno-palatin se comporte de même; car, le grand sympathique communiquant, dans son intérieur, d'a- près Bendz, avec le tronc du trijumeau, par des filets du gan- glion olique, le ganglion ne paraît pas tant fournir des racines au grand sympathique, qu'en recevoir de lui qui vont se ré- pandre à la périphérie avec la seconde branche du trijumeau. En efl"et,Retzius a très-bien vu, dans le Cheval et le Bœuf, et il a décrit ces filets du grand sympathique qui, en partant du ganglion sphéno-palatin, gagnent la périphérie avec la se- conde branche du trijumeau. J'ai aussi cherché précédemment à établir que le ganglion pétreux n'est pas le ganglion ordi- naire d'un nerf sensitif, rôle dévolu au ganglion jugulaire que j'ai découvert au dessus de lui , sur le trajet du nerf glosso- pharyngien, mais qu'il doit naissance à l'union de plusieurs branches du grand sympathique avec ce dernier. L'hypothèse que j'émets ici n'est point encore susceptible d'une applica- tion générale : on ne doit la considérer que comme une sorte de jalon qui, plus tard, pourra servir à la solution du problème tendant à déierminer lesquelles , parmi les nombreuses unions du grand sympathique avec des nerfs cérébraux, sont des vraies racines de ce nerf, et lesquelles aussi ue sont que des branches périphériques envoyées par lui aux nerfs de l'axe cérébro-spinal. '• 3 54 r,ii L'innrTABiim's nEs nerfs, Quanil I>ioii même il viondiaiL à se confirmer qua les ganglions {^'(in lyncoiilre quelquefois à riinion de bruQ- çhes du grand synipalirujiic avec des branches de neifï céré- braux sont tout simplement des poials de jonction , et non des points d'ori(}ine du premier de ces nerfs, ces {;an{jlions ne constitueraient pas pour cela une classe à part ; ils rentre- raient seulement dans la seconde, comme appartenant au do- maine du {jrand sympathique, qui alors aurait trois sortes de gan;}li(ins : 1" i; s jj'.nglions centraux ou plexiformes, dans les plexus do rabdonicn; V ies{îan{jlions des cordons limitrophes, tous placés aux points de jonction des diflérentes racines ; 3° eniiu les (>ar){>tions situés à l'union des branches du grand sympathique avec des nerfs cérébraux, et qui modilient ceu\.-ci, sans imprimer aucune moùilication au premier. CHAPITRE III. De l'irrilabililé des nerfs. IVirritabililé , celle propriété des corps organisés , appar - tient aussi aux nerfs, dont les facultés se déploient partout à la suite d'cxcilaiious. Mais la physiologie ne se propose pas uni- quement de rocljercher les Uiis île celte propriété générale , ^eul proI>lôme dont Brown et ses successeurs se soient occu- pés; elle examine encore les fui'ces particulières qui peuvent êlpe Cîicitées. En cela elle a ouvert un champ neuf et fort étendu ù l'observation. Pour connaître les forces dont les nerfs sont animés, il faut étudier les ell'ets que produisent sur eux tous les genres possibles d'excitation. De colle manière , la physiologie acquiert autant de certitude empirique qu'en ont la phy; ique et la chimie dos corps inorganiques. Les réactifs ne donnent lieu, dans les opérations chimiques, qu'à des pro- duits, à des combinaisons, à des séparations ; appliqués aux corps organisés , et spécialement aux nerfs, ils ne détermi- nent, quelque variés qu'ils puissent être , que des manifesta- DE l'irritabilité DES NERFS. 35 tioDS et des modificatious de forces déjà existantes. On verra que (oulcs les influences qui a^jissent sur les nerfs mettent ^ jeu leur irritabilité, ou modifient cette irritabilité elle-même. Dans le premier cas , elles agissent toutes de la même ma- nière, quelque variées qu'elles soient, et les causes les plus diversifiées amènent le même eflet, parce que ce sur quoi elles s'exercent ne possède qu'une seule et même faculté irritable, et parce que les choses les plus différentes les unes des au- tres ne remplissent d'autre rôle que celui d'irritant, par rap- port à cette faculté. !• Action des irritans sur les nerfs. Les irritations , tant intérieures et organiques qu'inor^^'ani- ques, c'est-à-dire chimiques, mécaniques, caustiques, élec- triques, galvaniques, quand elles agissent sur des parties et des nerfs sensibles, donnent lieu à des sensations, aussi long- temps que la communication entre les nerfs et l'axe cérébro- spinal demeure intacte. Toutes se comportent en cela de la même manière. Modérées, elles ne produisent que des phé- nomènes de sensation ; plus intenses , elles opèrent dos chan- gemens dans la faculté scusitive. Quelle que soi: celle qui agit sur des nerfs de muscles ou sur des muscles eux-niômes, elle détermine une contraction des organes musculaires dans lesquels le nerf irrité se répand ; et cet effet a lieu tout aussi bien lorsque le nerf auquel on applique l'excitant tient au cerveau ou à la moelle épinière , que quand il eu a été sé- paré. Les nerfs ont donc, en vertu de leur irritabilité, le pou- voir d'exciter des contractions dans les muscles auxquels ils se rendent; ils le conservent tant que ceux-ci vivent, ou, après leur mort , tant que dure leur irritabilité propre. Pour que les muscles se contractent sous l'influence d'une irritation ap- pliquée aux nerfs , il est nécessaire que la portion de ceux-ci qu'on irrite soit intacle jusqu'aux or^janes musculaires, quand oH i)H l'u'.iutaiulitk des nerfs. bien môme sa coniniunicaiion avec le cerveau ou la moelle épinière aurait été détruite. D'un autre côté , toute irritation qui s'exerce sur un nerf entier ou mutilé produit une sen- sation , tant que la portion de nerf sur laquelle elle agit demeure en relation avec la moelle épinière ou le cerveau. A. Irritations mécaniques. Toiile irritation mécanique, tiraillement, pression, piqûre, lorsqu'elle survient au milieu des conditions dont il vient d'être parlé, produit des sensations dans les nerfs sensitifs, pourvu que la force nerveuse ne soit point anéantie par l'intensité de l'influence elle-même, comme par une pression trop con- sidérable. Lorsqu'on irrite mécaniquement, soit les extrémi- tés ou les branches d'un nerf , soit son tronc raccourci , la sensation a lieu aussi long-temps que ce nerf demeure en com- munication avec la moelle épinière et le cerveau. Dans les nerfs tactiles du tronc , ces irritations ne donnent lieu qu'à des sensations tactiles , à de la douleur , à la sensation d'un choc; tandis que, dans les nerfs optiques et la rétine , elles n'occasionent point de douleur, suivant les observations de Magendie, mais seulement l'ne sensation de lumière, efl'et que eh;icnn sait avoir lieu toutes les fois que l'œil vient à être com- prime ou à recevoir un coup. Les irritations mécaniques qui agissent sur les nerfs auditifs, comme les oscillations des mi- lieux conducteurs du son, et les ébranlemens de la tête ou de l'oreille, lorsqu'on voyage pendant long-temps en voiture, pro- duisent la sensation du son ; mais ces nerfs ne paraissent pas avoir celle de la douleur. De même , toutes les fois qu'on tiraille un muscle , qu'on le pique, qu'on le frappe violemment, ou qu'on le distend, il se contracte , et avec tout autant de force qu'il pourrait le faire sous l'empire d'une irritation galvanique ou électrique. La portion de nerf qui tient aux muscles conserve cette faculté, DE LIRRlTAniLITÉ DES NlîRFS. 3^ quelque peu de lonjjueur qu'on lui laisse. Mais il n'y a jamais de contractions lorsque l'irrilation mécanique porte sur l'autre bout du nerf coupé en travers, sur celui qui tient à la moelle épinière et au cerveau. Les mouvemens de muscles recevant des nerfs cérébraux et spinaux , qui succèdent à une irritation mécanique de ces muscles ou de leurs nerfs, consistent uniquement en des con- vulsions, qui durent aussi long-temps que l'irritation continue d'agir. Au contraire , dans les muscles dépendant du grand sympathique, comme à l'estomac, au canal intestinal, à la ma- trice, au canal cholédoque, à l'uretère, à la vessie, les mouve- mens qui succèdent à une irritation mécanique de leurs fibres ne sont pas convulsils , mais soutenus , et durent beaucoup plus long-temps que cette irritation. Le cœur réagit aussi pen- dant un temps bien plus long que la durée de l'irritation , et le rhythme de ses battemens demeure longtemps éloigné du type normal, alors même que lorgane n'a été irrité que d'une manière passagère. C'est donc une propriété empiriquement démontrée des muscles soumis au nerf grand sympathique , que la durée de la réaction l'emporte de beaucoup sur celle de l'irritation; tandis que, dans les muscles de la vie animale, la réaction ne dure pas plus que cette dernière, et cesse même fort souvent avant qu'elle soit éteinte. Lorsque les irritations mécaniques agissent avec une grande intensité, de manière à léser la substance délicate des fibres primitives, la faculté d'exciter des sensations se trouve abolie par là dans les nerfs , pourvu, toutefois , que le point offensé soit intermédiaire entre celui sur lequel porte l'irritalion et le cerveau. Un nerf musculaire perd également l'aptitude à pro- voquer des mouvemens sous l'influence d'une irritation quel- conque, quand il vient à subir une compression ou une con- tusion entre le muscle et le point irrité , absolument comme s'il avait été coupé en travers. La faculté sensitive des nerfs est donc interrompue par toute destruction mécanique du cor 58 DE l'iRRITABIIITÉ des NERPf, don nerveux entre le cerveau el l'irritation, de môme que leur faculté motrice Test par toute desiruciion mécanique entre l'iriiiaiion cl le muscle. La desiruciion mécanique ne para- lyse que localement le pouvoir des nerfs ; de sorte qu'un nerf conserve le sentiment sur tous les autres points ôilués entre le cerveau et le siège do la contusion, ou «ju'il exerce desmou- vemens quand on l'irrilo en tout point intermédiaire entre ce siège et le muscle. Mais, quand on tiraille en long un nerf mus- culaire, il lui arrive fréquemment de perdre son irritation dans toute sa longueur, et le muscle lui-même est fort sou- vent aussi di'pouillé de sa faculté contractile, quelle que soit l'espèce d'irritation qui désormais agisse sur lui. B. Température. Le froid et le chaud excitent aussi des sensations et des contractions musculaires. Lorsqu'on brûle un nerf musculaire et le muscle lui-même, celui-ci se contracte. Ses contractions sont extrêmement vi^ ves quand on expose le nerf à la flamme d'une bougie ; je m'en suis convaincu tant sur des Grenouilles ((ue sur des La- pins. Une chaleur peu élevée, telle que celle d'un morceau de fer échauffé , n'agit pas avec assez de force sur les nerfâ dos muscles pour que ces derniers enlrcni en conln;ctioii. Le froid se comporte de la même manière. Le fait ancien- nement connu qu'un muscle dans l'artère duquel on injecté de l'eau froide , est pris sur-le-champ de contractions violen- tes, en fournil lapreuve. Descoiitraciions ont lieu aussi quand on verse de r', Posen,1787, t. H, p. 363. DE l'irritabilité DES NERFS. t^l suffit de frotter une plaie avec ce sel ou avec du chlorure de barium , pour déterminer le vomissement (1). D. Irritations électriques. L'électricité détermine dans les nerfs les mêmes réactions que les irritations mécaniques et chimiques. La compressioa d'un nerf, par exemple du radial, fait naître une sensa- tion semblable à celle qu'on éprouverait si l'on avait reçu no coup : la même chose arrive quand une décharge électrique s'opère à travers un de ces organes. On ne peut considérer celte sensation que comme un phénomène tactile , et il ne f lut pas confondre la cause, c'est-à-dire l'électricité, avec la réaction du nerf. La sensation de choc n'est point l'action de l'électricité, mais celle du nerf, quil'éprouve à chaque chiin- gement violent survenu dans l'état de ses molécules, que la cause en soit d'ailleurs une irritation animale, ouuneinflu^'nce mécanique, ou l'électricité. La découverte du galvanisme, en 1790 , a fourni l'occasion, en appliquant le stimulant élec- trique à certains nerfs, de mieux apprécier l'irritabilité de ceux-ci , bien qu'on n'ait point appris à connaître , dans cet important agent, un fluide agissant de la même manière qu'eux, mais seulement un nouveau moyen de stimulation devant accroître le nombre de ceux qu'on savait déjà possé- der le pouvoir de les irriter (2). Les métaux hétérogènes et beaucoup d'autres substances également hétérogènes, même animales, tombent, par l'effet de leur contact mutuel, dans un état de tension électrique qui , lorsqu'un corps conducteur se trouve entre les deux électromoteurs , c'est-à-dire quand la chaîne est fermée , repasse à l'équilibre , et donne lieu aux (1) ScHEEL, Nordischcs Archiv, t. II, cah. J, p. d37. — Mage>die, Sur le vomissement, Paris, 4813, p. 16, 30. — Brodie, Philos. Trans., lSli2. (2) C. Duméril , dans Bulletin de VAcad. royale de médecine , Paris, ISlO.t. IV, p. 545 etsiiiv. 4a DB l'iruitabilité des nerfs. phénomènes ordinaires que rélectriciié produit toutes les fois que la chaîne comprend un corps suscepiiLle de réj{ïir à son occasion. Si l'on détache la cuisse , ou uno partie muscu- leuse quelconque, soii d'une Grenouille, eoit de tout ;iulre animal récemment mis à mort , qu'on dépouille les muscles de leur» enveloppes cutanées , qu'on dissèque le nerf , de manière cependant à ménager ses liaisons organiques avec les muscles , qu'on étale la pièce ainsi préparée sur un disque de verre isolant , enfin qu'on mette deux plaques de métaux hétérogènes , par exemple, de zinc et de cuivre, en contact tant Tune avec l'autre qu'avec le muscle et le nerf simultanément, au moment où l'on ferme la chaîne, et souvent aussi à l'instant où on l'ouvre , on voit le muscle entrer en convulsion. Cet eti'ct a lieu également lorsque les métaux mis en contact l'un avec l'autre touchent tous deux eu même temps soit le nerf, soit le muscle. Exécutée de cette manière, l'expérience réussit toujours. Elle est suscepti- ble d'une foule de modifications et de simplifications , dont nous devons la reconnaisance aux recherches d'Aldini , de Pfaff , de Riiter et de Humboldt, mais qui ne réussissent qu'à l'époque où les Grenouilles jouissent de toute leur irritabilité, c'est-à-dire avant l'acouplement, dans la saison froide de l'année , au sortir de l'engourdissement hivernal; ces expé- riences échouent par conséquent en été; j'ai constaté qu'elles sont également couronnées de succès en automne , lorsque le temps commence à redevenir phis froid. Leur simplicité est précisément ce qui leur donne beaucoup d'importance pour la théorie des phénomènes. Voici en quoi elles consistent : 1" Expériences sans formation d'une chauie. liumbcldt a découvert que, quand les Grenouilles sont très- irritables , il suffit du contact mutuel de deux métaux hétérogènes , ou même homogènes, dont l'un seulement touche le nerf , cas dans lequel il ne se forme pas de chaîne. Il y a même des cir- constances , lorsqu'on opère sur des aDitï\aux exlrémement DE l'irritabilité des nerfs. 43 irritables , où le simple contact d'un seul métal homofjène avec le nerf déiermine des convulsions dans la cuisse de Greiioui Ile, circonstance fort rare sans doute , mais que j'ai cependaiu observée moi-même. Pfaff a vu (1) des convulsions survenir chez des individus très-irritables , quand il se bornait à lou- cher la surface d'un bain de mercure avec l'extrémité coupée du nerf. Le phénomène s'est offert à moi plusieurs fois lorsque je touchais les nerfs avec la pointe de ciseaux que je tenais à la main , ou avec une lame de zinc , dont par conséquent les deux bouts étaient échauffés d'une ma^ nière différente. En admettant une légère différence soit dans la nature chimique de la masse métallique d'apparence homogène , soit dans la température des divers points de son étendue , on peut réduire ce cas à celui de métaux hétérogè- nes , puisque les découvertes de la physique moderne nous ont appris qu'il suffit d'une de ces deux causes pour mettre les deux extrémités d'une lame métallique homogène à l'état de tension électrique. Si on laisse tomber le nerf d'une cer- taine hauteur sur un métal , on favorise l'excitation de l'élec- tricité , peut-être plus par la rapidité de la communication que par l'effet de la commotion. D'ailleurs , cette deruière n'est point la cause du phénomène, puisque la chute du nerf sur du verre ou sur de la pierre demeure sans résultat, comme nous l'apprennent les expériences de Humboldt , de Riiter et de Pfaff. 2° Expériences avec formation d'une chaîne. Les expérien- ces avec la chaîne sont susceptibles aussi d'une grande sim- plification quand l'irritiibilité est très-considérable ; mais on ne doit pas perdre de vue qu'ainsi faites, elles ne réussissent que pendant la saison froide , en hiver, au printemps et en automne. Humboldt a découvert que des convulsions survien- nent , dans des cas rares, lorsque la chaîne se compose soit (1) GEÎU.EB, Physikalisches JFcerterbuch, t. IV, P. U, p. 7Û9. 44 ÏÎE L'inniTABItlTi' DES NE1\FS. d'un seul métal et de parties animales, soit môme iiniqnomcnt de parties animales, qui remplacent alors les métaux hété- rofïènes. Premier cas. La chaîne n'est formée que par un seul métal et par le nerf et les muscles de la cuisse de Grenouille. L'ex- périence m'a très-souvent et lacilement réussi au printemps, avant l'époque de l'accouplement , et vers la fin de l'automne. Lorsque je posais les nerfs de la cuisse sur une plaque de zinc , et que je npprochais celle-ci des muscles du membre , il survenait fréquemment une convulsion. Le succès était plus assuré encore quand le muscle et la plaque de zinc supportant le nerf se joignaient ensemble par le moyen d'un lambeau de Grenouille. On peut aussi prendre une plaque de zinc dans la main , en toucher le nerf, et fermer la chaîne avec son propre corps , en appliquant l'autre main sur la cuisse de l'animal. Second cas. Le nerf crural et les muscles qui en reçoivent des filets sont unis au moyen de parties animales humides- Lorsque les cuisses de Grenouille ont beaucoup d'irritabilité , on peut y exciter des convulsions en plaçant, entre le nerf disséqué et son muscle, un morceau de chair musculaire fixé au bout d'un bâton de cire à cacheter, et mis en contact avec tous deux. J'ai été , plusieurs fois, témoin de cet effet , dont on doit la découverte à Ilumboldt. L'expérience que j'ai faite est plus compliquée : elle consiste à fermer la chaîne entre le nerf et le muscle, soit avec ses deux mains et son propre corps, soit avec une ou deux Grenouilles vivantes ou mortes, soit enfin avec des lambeaux de Grenouille ; peu importH môme , s'il y a assez d'irritabilité , que les lambeaux soient déjà tom- bés en putréfaction. On obtient également ce résultat en plon- geant le nerf dans une petite soucoupe pleine de sang ou d'eau, et mettant le liquide en rapport avec le muscle, par le moyen d'un morceau de chair musculaire, fraîche ou corrom- pue. Troisième cas. Ilumboldt a montré qu'il n'est pas nécessaire D£ l'iURITABILITÉ DES NEKFS. 4,5 que le muscle fasse partie de la chaîne, et qu'il suffit que son nerf y soit compris, pour qu'un arc purement animal déter- mine des convulsions. Il a vu ces dernières survenir quand il touchait seulement le nerf scialique d'une main , et qu'il appliquait en même temps dessus un lambeau de chair muscu- laire , tenu de l'autre main. Elles cessaient dès qu'on rempla- çait la chair par un morceau d'ivoire. Qiiairième cas. Dans les cas les plus rares, il s'accomplit même de petites convulsions lorsque l'on recourbe le nerf vers le muscle auquel il est uni par des liens organiques, et qu'on les met tous deux en contact. Les premiers phénomènes de ce genre ont été observés par Humboldt. Il écorcha une Grenouille, et la prépara de manière que les cuisses ne tinssent plus au tronc qu'à l'aide des nerfs sciatiques mis à nu : de violentes convulsions eurent lieu toutes les fois qu'il renversa doucement la chair musculaire des lombes sur le nerf (1). Pour bien comprendre celte ex- périence , il faut savoir que Humboldt entend toujours par lombes de laGrenouille, les chairs de la cuisse ; par nerf scia- tique, la partie des troncs nerveux destinés aux membres pos- térieurs, qui se trouve au dessus du bassin; et par nerfs cru- raux, les nerfs principaux de ces membres dans la cuisse elle- même (2). Son expérience consistait donc à enlever toutes les parties comprises entre le bassia et l'extrémité de la moelle épinière, excepté les nerfs, de sorte que le tronc et les mem- bres postérieurs ne fussent plus en communication qu'à l'aide des cordons nerveux destinés à ceux-ci ; alors il renversait vers ces cordons la chair musculaire de la cuisse. Déjà Volta, en faisant allusion à une expérience analogue de Galvani, avait objecté que les convulsions qui surviennent dépendent uni- quement du tiraillement des nerfs , et ne font point partie, (i) Loc. cit., 1. 1, p. 32. (2) Ihid., p. 35. ISote. 46 DE L'iRRITABItlTÉ DES NERFS. en conséquence , des phénomènes (galvaniques. Il résulte de mes observations qu'on peut en dire autant de l'expérience de Humboldt; car les convulsions ont souvent lieu long-lenops avant que la cuisse dépouillée touche les troncs des nerfs spi- naux. Il est fort diflicile d'éviter les liraillemensdu nerf; car, pour arriver à la cuisse, il contourne la partie postérieure de l'extrémité inférieure du bassin, de sorte que, quand os ren- verse la cuisse en avant vers le tronc, il éprouve toujours en ce point une traction ou une distension. Or, toutes les fois que l'on tiraille ou que l'on distend un nerf, on provoque des convulsions. La même objection s'applique à l'expérience de Gsivani, qui, après avoir écorché et vidé une Grenouille, en- levait presque entièrement la partie inférieure du rachis, de manière que les cuisses ne fussent plus jointes au tronc que par les cordons nerveux ; de violentes convulsions se déclaraient aussitôt qu'on rab;itlaif les muscles du mollet vers les épaules. Dans ce cas, en eliet, la moelle épinière entière éprouvait un tiraillement. Cependant on peut faire l'expérience de telle sorte que l'objection tombe. A la vérité, Humboldt n'a jamais obienu de convulsions quand, après avoir séparé les nerfs du troac, il renversait les cuisses vers celui-ci ; et il n'en a point vu non plus lorsque, sans toucher les muscles, et formant un arc avec un lambeau détaché de nerf, il touchait le nerf du muscle sur deux jwints. Mais l'avant-dernière expérience , qui est de Pfaff, réussit très-souvent, surtout quand le muscle crural est mis en contact , dans une étendue un peu considé- rable, avec la peau de la cuisse , et non avec les muscles im- médialement. C'est de cette manière , en effet , qu'elle m'a réussi. Au printemps, avant l'époque de l'accouplement des Gi-enouilles , je dépoui!l;\is les cuisses , je laissais pendre le n?^.<^^* ' I. 4 /^ A ^"^ \5\ ^^ 5o DE L'iRniTÀBILITl'ï DES NEUFS. à son maximum d'intensité, de manière qu'à l'ouverture de la chaîne les muscles sont quelquefois frappés d'un violent lélanos. Ce qui prouve que, dans l'excitement produit par le galva- nisme, les muscles ne se comportent pas seulement comme conducteurs d'électricité, c'est que, quand on applique les deux armatures au nerf, de manière à occasioner un courant qui le traverse dans le sens de son épaisseur, ce nerf déter- mine bien des convulsions, mais qu'un nerf contus ou lijjaiuré, qu'on arme au dessus du point lésé, n'agit plus à travers ce même point. On voit donc qu'une contusion ou une ligature humide l'empêche d'être conducteur du principe actif. Cepen- dant il n'en est pas moins bon conducteur de l'électricité qu'auparavant; car, si on l'arme au dessus et au dessous de la ligature, le courant électrique passe à travers le point en- touré par le lien, et le principe nerveux détermine alors la convulsion dans la portion du nerf comprise entre la ligature et le muscle, parce que celte portion est excitée par le cou- rant électrique^ ou se trouve comprise dans la chaîne. Hum- boldt a observé une circonstance remarquable, c'est que, pour que l'armature d'un muscle et de son nerf préalablement lié excite des convulsions au dessus du point de la ligature, il faut de toute nécessité que le nerf soit encore libre depuis ce point jusqu'à son entrée dans le muscle; car, si on le lie au moment même où il pénètre dans le muscle, puis qu'on arme ce dernier et le nerf au dessus de la ligature, il n'y a point de convulsions; mais celles-ci ont lieu dès qu'on dissèque une cer- taine étendue du cordon nerveux, et elles cessent également, bien qu'on ait laissé un bout du nerf libre entre la ligature et le muscle, si l'on^ntoure ce bout de chair musculaire, d'é- pon{i;e mouillée ou de métal. Il semble donc que, dans ce cas, le nerf doive être isolé entre la ligature et le muscle. Les convulsions sont d'autant plus fortes , dans toutes les expériences tentées sur des Grenouilles , que le bout du nerf DE l/iRRITABlLITÉ DES NERF9. 5l qui se rend à un muscle a plus de longueur. Celte remarque a été faite par Pfaff. En outre, les eflets ont toujours lieu dans la direction des ramilications du neri" ; il y a impossibilité , avec la simple chaîne , de déterminer , par le moyen d'un nerf armé seul , des convulsions dans des muscles qui re- çoivent à une plus grande hauteur des branches de son tronc, tandis que, dans le cas d'armature d'un tronc nerveux, on voit constamment entrer en convulsion tous les muscles qui reçoivent des filets de lui au dessous du point armé. En armant un tronc , on arme nécessairement toutes les fibres déjà préformées en lui et qui passent dans les branches. Et comme les fibres primitives des branches ne s'anastomosent point ensemble dans le tronc qui les renferme , l'irritation d'une branche ne peut pas non plus réagir sur les filets mus- culaires situés plus haut. Cependant l'action des nerfs dans la direction de leurs ramifications tient peut-être aussi à ce que les nerfs des muscles ne propagent le principe nerveux ou son mouvement que dans le sens du centre à la circonfé- rence. Du reste , l'intensité de la convulsion d'un muscle dé- pend toujours du nombre de ses fibres qui sont comprises dans la chaîne; aussi n'a-t-elle jamais moins de force que quand le muscle seul se trouve renfermé dans la chaîne, et ne l'observe-t-on même alors que dans la partie de ce muscle dont les branches nerveuses sont exposées au courant. D'ailleurs , tout changement dans la statique du fluide élec- trique paraît devenir une cause d'excitation du principe des nerfs ; car, d'après Marianini , on parvient à faire naître des convulsions non seulement en ouvrant et fermant la chaîne, mais encore en dérivant une partie du courant de la cuisse de Grenouille , et suivant Erman , de nouvelles convulsions sur- viennent, la chaîne étant fermée, lorsqu'on replie le nerf sur lui-même de telle façon qu'il se touche en des points nou- veaux de son étendue. Ritter et autres ont remarqué que, pendant l'extinction de Si DE l'iIUUTABILITÉ DES NERFS. l'irritabililé dans les parties séparées du loin , celle exlinctioa n'a pas lieu dans tous les points des nerfs simultanément, mais procède peu à peu de l'extrémité cérébrale à l'extrémité pé- riphérique. Quelques observation faites par moi , en 1831, ont ouvert un nouveau champ aux expériences galvaniques sur les Gre- nouilles. Ces observations ont appris qu'il y a certains nerfs allant à des muscles par lesquels on ne peut , en les ar- mant , déterminer aucune convulsion dans ces derniers. Tel- les sont les racines postérieures des nerfs rachidiens, qui se montrent absolument insensibles à une irritation galvanique modérée , tandis que les racines antérieures de ces mêmes nerfs y sont extrêmement sensibles , et que , quand on les arme d'une manière immédiate , elles provoquent les plus violentes convulsions dans les muscles auxquels les nerfs aboutissent. Pour exécuter ces expériences, on ouvre le ra- chis des Grenouilles dans sa moitié inférieure , on met la moelle épinière à découvert , on soulève doucement , avec une aiguille, l'une des racines postérieures des nerfs destinés aux membres postérieurs, et on la coupe, à l'aide de ciseaux très-fins, immédiatement au niveau de la moelle : on pose alors la racine détachée sur une très-petite plaque de verre, afin de l'isoler, et l'on en arme l'extrémité avec une plaque de zinc et une plaque de cuivre , qu'on joint ensemble de manière à établir un circuit. Jamais il ne survient de convul- sions , tandis qu'on en observe en opérant ainsi sur les ra- cines antérieures. On peut même faire agir une petite pile gal- vanique sur l'extrémité des racines postérieures , sans qu'il survienne de convulsions. On conçoit qu'il ne faut pas que la pile soit trop forte , ainsi qu'elle l'a été dans les expériences de Seubert, sans quoi le fluide électrique saute sur les raci- nes antérieures , comme sur un conducteur humide avec le- quel les postérieures seraient unies , et il peut survenir des convulsions. J'ai montré aussi que l'armature simple du nerf I DE L'iRr.ITARILlTK DES NEUFS. 53 Iin{îual ne détermine point de convulsions, tandis que celle du ^rand hypoglosse en provoque toujours. (]es dernières expé- riences ont été faites sur des Mammifères. D'autres ont ap- pris que les nerfs qui n'occasionenl pas de convulsions dans les muscles par le fait de leur simple armature, sont des nerfs de sentiment. On conçoit d'ailleurs qu'il peuvent , à titre de parties animales humides, agir comme conducteurs de l'élec- tricité. Ainsi, par exemple, des convulsions surviennent quand on arme d'un côté le nerf lingual et d'un autre côté la lan- gue , ou lorsqu'on applique l'armature sur la racine posté- rieure d'un nerf rachidien et sur les muscles, cas dans lequel le nerf se comporte comme conducteur, et non comme partie vivante. De ces expériences découle un résultat remarquable, c'est que certains nerfs qui ont des liens organiques avec des nerfs démuselés, n'agissent cependant point sur les muscles par le moyen du principe nerveux, quand ils viennent à su- bir l'excitation galvanique, ce qu'on peut expliquer de deux manières, ou parce qu'il n'y a que les nerfs moteurs qui pos- sèdent la faculté vivante d'exciter les muscles, ou parce que ces nerfs n'amènent aux muscles que les effets centrifruges du principe nerveux, tandis que ceux du mouvement ne font que conduire des effets centripètes au cerveau et à la moelle épinière. Quant à l'action du galvanisme sur les organes des sens, il a été reconnu que le fluide électrique produit des sensations différentes en eux, et dans chacun le genre de sensation qui lui appartient en propre. Personne n'ignore qu'on éprouve une saveur particulière quand on vient à armer la langue. Cette saveur est aigrelette lorsqu'on pose une plaque de zinc sur le bout de l'organe, et une pièce d'argent sur sa partie postérieure ; elle est acre ou alcaline quand on renverse les métaux. Ce phénomène peut même être produit à l'aide d'un seul métal et d'un excitateur humide, comme dans l'expérience suivante de Volta, Qu'on 54 DE l'irritabilité des nerfs; emplisse im {jobelet d'étain d'eau de savon , d'eau de chaux , ou même d'une lessive médiocrement chargée ; qu'on prenne ce gobelet d'une seule main, ou avec les deux mains, et qu'on nielle le bout de la langue en contact avec le liquide; à l'in- stant même on éprouve la sensation d'une saveur aigrelette (1). Plair fait remarquer qu'il semble résulter de celte expérience que la saveur occasionée par le galvanisme ne dépend pas de l'acide et de ralcali réunis, l'un au pôle positif, l'autre au pôle négatif , par suite de la décomposition du chlorure de sodium contenu dans la salive. En effet , il serait impossible ici que le contact de la langue avec une liqueur alcaline don- nât lieu à une saveur acide. La saveur provoquée par le gal- vanisme lient, comme toute autre, à la réaction spécifique des nerfs gustatifs , de sorte qu'elle n'est qu'un état subjectif de ces nei fs , hors desquels elle n'a point de cause matérielle. On a peu remarqué , jusqu'à présent , les odeurs parlicu- hères provenant de l'application du galvanisme à l'organe ol- factif. Cependant Ritter (2) en a observé, et l'on sait aussi que réleclricité excitée par le frottement porte l'odeur du phos- phore. Dans l'œil , le galvanisme provoque la sensation particu- lière du nerf optique, celle de la lumière. Il faut, à cet ellet, faire passer un léger courant galvanique à travers l'œil , en appliquant les deux métaux sur des parties humides qui avoi- sinenl l'organe. Rilter et Purkinje ont expUqué la manière dont les sensations des couleurs sont produites dans l'œil. Nous n'en sommes plus au temps où l'on considérait ces appari- tions de lumière comme le résultat d'un dégagement de ma- tière lumineuse j car , s'il en était ainsi , la lumière dégagée aurait la propriété d'éclairer , et l'on devrait pouvoir , avec son secours, distinguer les objets dans l'obscurité; mais c'est (1) Gehleb, loc. cit., t. IV, p. U, p. 736. (2) Beitrae(je zut' nacliAiVii Konntmissdcs Galvanismus^Tp, 160. PB l'iRRITADIUTÉ DES NERF8, 55 ce qui n'a point lieu. La sensation de lumière n'est ici que la réaction ordinaire du nerf optique, qui, sous l'influence d'une irritation quelconque, mécanique aussi bien qu'électrique, sent la lumière comme un état de lui-même , c'est-à-dire comme un état purement subjectif, comme une qualité inhérente à la sensation. Le plaisir et la douleur sont également des qualités ou des états d'autres nerfs, savoir de ceux du toucher. Quant au nerf optique, il n'est apte qu'à sentir la lumière et les cou- leurs, et il n'est point susceptible, d'après Magendie, d'avoir la sensation de la douleur. Cette manière d'envisager la nature des apparitions lumineusesprovoquéespar le galvanisme, théo- rie qu'établissent sur des bases inébranlables les belles recher- ches de Purkinje relativement à la vision subjective, et les ex- périences que j'ai faites moi-même en très-grand nombre, est professée aussi par des physiciens du premier rang. Pfalf, par exemple, s'exprime de la manière suivante à l'égard du phé-^ nomène : « Des irritations de la nature lu plus diversifiée, no- ») tamment certaines irritations mécaniques qui agissent sur » l'œil, produisent, dans le nerf optique , la sensation spcci- » fique par laquelle il réagit , des phénomènes de lumière )) sous diverses formes, tels que éclairs, etc. » Si l'électricité fait naître dans l'œil l'état du nerf optique qui constitue la sensation de lumière, elle produit aussi dans l'oreille celui du nerf auditif qui constitue la sensation du son. Volta , un jour que ses oreilles se trouvaient comprises dans la chaîne d'une pile' de quarante paires de plaques, éprouva un ébranlement daas la tête au moment où le circuit fut fermé, et quelques instans après, il entendit un sifilement et un bruit saccadé , semblable à celui que produirait une ma- tière visqueuse en ébullition ; le phénomène dura tant que le circuit demeura fermé (1). Rilter entendait, au moment de la fermeture de la chaîne , quand ses oreilles se trouvaient de- (1) nUos. J/-a«j.,1800,p. 427. 56 DE l/lRRlTABÏLlTÉ DES NERFS. dans , un son correspondant à soî - ; s'il n'avait qu'une seule oreille dans la chaîne , le pôle positif lui faisait entendre un son plus grave que ce sols , et le pôle négatif un son plus aifîu. II, Changement que les irritations impriment à l'irritabilité. Jusqu'ici nous n'avons examiné que les phénomènes qui surviennent sous l'empire desirritans. Il faut maintenant por- ter nos regards sur les changemens que subissent les forces elles-mêmes. Toutes les influences irritantes qui, en modifiant la matière des nerfs , déterminent des manifestations de leurs forces, peuvent changer aussi l'irritabilité. Une réaction quel- conque entraîne une consommation des forces existantes, puis- qu elle ne saurait avoir lieu sans un changement dans la ma- tière; et plus l'irritation dure long-temps, plus aussi ce change- menl est considérable.Dansl'élat de santé, l'excitementn'esi ja- mais assez fort pour amener un violent changement de matière, qui lèse d'une manière sensible l'aptitude à produire des phé- nomènes de vie. La reproduction incessante, la réparation des déperditions matérielles par le travail de la nutrition, effacent les changemens journaliers. Mais, quand l'excitement devient plus fort , la reproduction ne suffit bientôt plus pour couvrir les pertes, et l'excitement peut aller jusqu'au point d'épuiser la somme des forces existantes. Ces particularités, dont l'exer- cice du mouvement musculaire , des facultés génératrices et des fonctions intellectuelles nous fournit chaque jour des exemples, ont lieu aussi dans le cas d'application immédiate des stimulans aux nerfs. Lorsqu'on galvanise un nerf pendant long-temps , les réactions faiblissent de plus en plus ; elles finissent par se réduire à rien , et il faut un certain laps de temps pour qu'elles puissent se reproduire , il faut que la force nerveuse se répare par le contact avec le sang. Il en est de même des sensations. Plus on fixe long-temps «ne DE l'irritabilité DES NERFS. 5^ ima'^'e colorée, plus elle devient sale; un moment arrive même où elle disparaît dans le gris ; c'est que la force de rén^rjr va toujours en diminuant dans le point sur lequel frappe la lu- mière, et que ce point finit par ne plus voir du tout. Dans tous ces cas , l'irritabilité est épuisée par l'excitement , et non par Vaction spéciale des excitans. Elle peut aussi, ce que Brownne croyait pas, mais ce qui a été reconnu surtout par la théorie du contro-stimulus, elle peut être épuisée par des influences, sans excitement préalable , lorsqu'une puissance étrangère s'établit immédiatement aux dépens des combinaisons orga- niques, et qu'elle anéantit les nerfs, avec la force nerveuse. C'est ainsi qu'agissent l'électricité dans la foudre, la compres- sion et la contusion des nerfs et de leurs fibres primitives, l'action, sur ces organes, de substances chimiques, qui détrui- sent leur état organique et les décomposent, comme les acides minéraux, les sel smélalliques, l'acool à l'état de concentration. Si cette action porte sur tous les nerfs à la fois , comme celle de la foudre ou d'une très-forte batterie électrique, ou si un nerf vient à être tiraillé dans toute sa longueur, l'irri- tabilité est détruite , ou dans l'organisme entier, ou dans le nerf entier; si elle ne s'exerce que sur un point du nerf, comme celle des caustiques , des corps comprîmans ou con- tondans , il n'y a non plus que ce point qui soit frappé de pa- ralysie ; les portions du nerf comprises entre la contusion et le muscle conservent leurs forces motrices. La chaleur et le froid qui, à un certain degré et pendant un certain laps de temps, sont stimulans, deviennent dépri- mans dès qu'ils agissent très-long-temps et avec un haut degré d'intensité. Le froid , qui peut , tout aussi bien que la chaleur, déter- miner l'inflammation et la gangrène , engourdit les membres, ou les prive de sentiment et de mouvement. Cet effet peut être ou local ou général. La chaleur locale, insuffisante pour amener l'inflammation et la gangrène , ne parait pas 58 DE l'irritabilité des nerfs, engourdir les membres -, mais une chaleur qui ajjit d'une manière générale et soutenue a aussi pour effet d'affaiblir les l'onciions nerveuses. Certaines influences n'occasionent la destruction qu'après avoir préalablement provoqué une irritation de faible durée. C'est ce qui arrive quand les nerfs éprouvent une contusion, ou sont traités par des alcalis. Les mêmes phénomènes d'irri- laiion s'observent , d'une manière plus prononcée encore , à la suite de la plupart des narcotiques, dont l'effet principal semble être de modifier la composition matérielle des nerfs , et , quand ils agissent avec beuacoup d'intensité, d'anéantir la force nerveuse. Une série entière de substances possèdent, quand elles sont à ré(at de dissolution, le pouvoir d'exercer une certaine ihlluence sur les forces des nerfs, et de les détruire, sans qu'elles-mêmes se comportent d'une manière particulière à l'égard d'autres réactifs chimiques , ou sans qu'elles soient douées de causticité et capables de détruire les combinaisons organiques en général. Ce sont celles auxquelles on donne le nom de narcotiques. Toutes ces substances altèrent la compo- siiion matérielle des nerfs. Les unes sont plutôt irritantes que déprimantes à faible dose , telles que l'opium et la noix vo- mique ; mais toutes, à haute dose, sont déprimantes sur-le- champ , par altération. Tout porte à croire , et il y a même nécessité d'admettre , que l'effet résulte d'une modiilcalion impiimée à la matière nerveuse , qui échappe à nos sens et aux moyens d'appréciation de la chimie; celte modification ne se manifeste que par la perte des forces nerveuses, et le nerf que des narcotiques ont tué présente encore toutes les qua- lités antérieures du nerf sain, du moins lorsqu'on opère avec des narcotiques purs à l'état de dissolution aqueuse, par exem- ple avec de l'opium. Mais, avant d'entrer dans l'examen spécial des effets que les substances narcouques déterminent , il faut rechercher DB t'iRRlTABItlTÉ DES NERFS. Hg s'il n'existe pas aussi des substances qui exuUenl l'irrilabililé des nerfs. A. Irritations intégrantes. Des expériences déjà anciennes avaient rendu irès-vrai- semblable qu'il y a beaucoup de substances qui exultent l'ir- ritabilitc des nerfs , et la médecine attendait un précieux ré- sultat de ces recherches. Mais l'énergie plus grande que l'ac- lion galvanique déploie quand les nerfs ont été arrosés avec une dissolution de chlore ou d'alcali, ne prouve pas que l'ir- ritabilité de ceux-ci soit accrue par ces liquides; tout ce qu'on peut conclure de là , c'est que l'action galvanique est plus forte. Pfaff(l) a prouvé aussi, par des expériences, que la plupart des substances dont il s'agit ici n'agissent point en déterminant une exaltation de l'irritabilité, et qu'elle ne font qu'accroître l'irritant galvanique lui-même dans la chaîne où on les fait entrer , l'irritabilité restant d'ailleurs au même degré. Les liquides dont il vient d'être parlé se bornent donc à agir avec plus de force que ieau, qui, du reste, est né- cessaire, à titre de conducteur, pour que l'action galvanique s'accomplisse. Aussi, la médecine a-t-elle cessé d'espérer la découverte de moyens propres à accroître la force des nerl's ; il n'en existe de tels que dans les manuels de matière médicale. Quant aux stimulans proprement dits, on en connaît un as- sez grand nombre , comme le camphre, les préparations am- moniacales , rélectricité , et ces moyens sont excellens lors- que les forces nerveuses, simplement aifaiblies , sans être épuisées , ont besoin qu'on les ranime. Ils excitent, ils déter- minent une stimulation nerveuse ; mais ils n'accroissent pas la force de l'irritabilité. La force nerveuse n'augmente que par les mêmes procédés qui la reproduisent sans cesse , c'est- à-dire par l'assimilation, qui est une reproduction incessante (1) Nordisches ArcUv, t,I, p. 17.; Co HK l'irritabilité DES NERFS. de toutes les parties et de l'otvjanisme entier. Des siimulans sont donc utiles dans le cas d'aiïaiblissement d'une partie du système nerveux , non pas parce qu'ils rendent l'irritabilité plus forte , car ils n'ont point ce pouvoir, mais parce qu'une partie stimulée fait plus vivement appel aux moyens repro- ducteurs, et parce qu'ainsi elle répare plus facilement ce qui lui manque. Telle est l'idée que je me forme de l'efficacité des stimulans dans les maladies nerveuses, et, sous ce rapport, c'est à la chaleur qu'il faut surtout s'en tenir , car la chaleur est la cause qui imprime le premier élan à la production des parties par la force préexistante du tout. Voilà pourquoi l'ap- plication du feu, ou celle d'un moxa qui brûle avec lenteur , ou mieux encore l'exposition prolongée au voisinage d'une bougie allumée, est ce qu'il y a de plus réellement efficace dans les paralysies commençantes, les névralgies , laphthisie dorsale, etc. (1). B. Irritations altérantes. Ici se rangent les narcotiques, qui , en même temps qu'ils irritent, semblent décomposer la matière nerveuse. L'a'téra- lion qu'ils impriment à la composition matérielle des nerfs fait que la médecine les emploie quelquefois avec avantage , à petites doses , dans les paralysies , soit pour faire disparaî- tre des changemens matériels subtils que ces organes ont su- bis , soit pour fournir à la nature l'occasion d'y porter elle- même remède. A dose plus forte, ils exercent une action immédiatement destructive. Le changement que les nerfs éprouvent quand on applique le poison directement sur eux , a lieu sans le moindre signe d'irritation ; il est porté peu à peu , et sans nulle convulsion, jusqu'à la paralysie. Humboldt a cependant observé que la teinture d'opium provoquait des convulsions ; mais je n'ai (1) Consultez J. GuYOT, Traité de Vincuhation et de son influence thérapeutique , Paris , 4840, in-8. DE l'irritabilité DES NERFS. 6l jamais vu rien de semblable succéder à l'application de la dissolution aqueuse d'opium , de la strychnine , de l'extrait alcoolique de noix vomique sur les nerfs mis à nu d'un Lapin, d'une Grenouille , d'un Crapaud , et je ne crois pas qu'un narcotique employé de cette manière détermine jamais de convulsions , quand il n'agit pas sur les nerfs par la moelle épi- nière et le cerveau. La stryclinine n'en fait même pas naître lorsqu'on la répand , sous foi me pulvérulente , à la surface de la moelle épinière d'une Grenouille; elle n'en provoque qu'autant qu'elle pénètre dans la masse du sang, altère ce li- quide, et agit ainsi par lui sur le prolongement rachidien , puis sur l'encéphale. Aussi ^ toutes les fois qu'un animal a été empoisonné avec de l'opium ou avec de la strychnine, les convulsions de ses membres cessent aussitôt qu'on coupe les nerfs. De même si, avant d'empoisonner un animal avec de l'ipo, ou avec de l'angusture, on détruit une portion de sa moelle épinière , toutes les parties qui reçoivent leurs nerfs de cette région désorganisée, demeurent exemptes de con- vulsions. Il résulte incontestablement de là que les narcoti- ques ne provoquent pas les convulsions par eux-mêmes , en agissant immédiatement sur les nerfs , et qu'ils ne donnent lieu à ce phénomène que par l'intermédiaire de la moelle épinière et du cerveau. C'est une tout autre question que celle de savoir si les poi- sons narcotiques ne peuvent pas par eux-mêmes épuiser l'ir- ritabilité des nerfs , en exerçant , sur ces organes , une action analogue à celle des irritans chimiques. Ce problème n'a point été séparé du précédent par les auteurs; mais on a eu tort de vouloir les résoudre en même temps l'un que l'autre. La ma- nière d'agir la plus ordinaire des poisons narcotiques , quand ils paralysent la faculté sensitive et la faculté motrice des nerfs, consiste à passer dans le sang , puis de là au cerveau, à la mooUe épinière, et enfin aux nerfs. Un autre mode d'ac- tion, de leur part, plus lent que le précédent, et qui en est peut- 6l DE l'irritabilité DB3 NERP3. être isolé , consiste à détruire localement la force nerveuse. 4. Modo d'action des j^oisotis narcotiques par le sany. Jadis on admettait fréquemment (jue les phénomènes {géné- raux qui surviennent clans le cas d'empoisonnement par l'ap- plication locale de substances narcotiques, tiennent à la pro- paf][ation de l'état morbide par les nerfs. C'est en ce sens que Dupuy et ISrachet ont dit récemment encore, depuis même la substitution d'idées plus justes à l'opinion erronée de nos devanciers , qu'on ne peut point empoisonner des animaux avec des substances vénéneuses introduites dans leur estomac, lorsqu'on a préalablement coupé la paire vague des deux cô- tés. C'est là une assertion dénuée de fondement ; car, dans les nombreuses expériences que j'ai faites de concert avec Wernscheidt, je n'ai pas observé la moindre différence, quant à lépoque delà manifestation des phénomènes d'empoisonne- ment, soit que les nerfs fussent demeurés intacts , soit qu'ils eussent été coupés auparavant. Il est bien démontré aujour- d'hui que lesaccidens de l'intoxication tiennent à Tintrodue- liondupoison dansle sang par voie d'imbibition(l). Nous de- vons à Fontana les premières preuves à l'appui de celte théorie des empoisonnemens. Il a fait des expériences avec le venin de la Vipère , le licunas, l'eau distillée de laurier-cerise et l'oqium. Toutes ont eu pour résultat que ces poisons et autres semblables ne produisent leurs effets généraux qu'autant qu'ils pénètrent dans la masse de sang, et n'exercent sur les nerfs qu'une iniluence purement locale. Brodie coupa tous les nerfs des pattes de devant d'un Lapin, dans l'aisselle, et répandit du woorara dans une plaie faite à la patte; l'action du poison n'en eut pas moins lieu. Il établit une forte ligature sur l'un des membres postérieurs d'un autre Lapin , sans y (1) Voyez le Mémoire de M. Orfila sur l'empoisonnement par l'arsenic, le tartrale de potasse antimonié , etc. {Mémoires de V Acadùmie royale de médecine, Paris, 1840, t. VIII, in-4.). DE L'ianïTAnillTÉ DES NERF8. 63 comprendre les principaux nerfs , et introduisit du woorara dans une plaie pratiquée à la patte ; l'ellet demeura nul jus- qu'au moment où il dénoua la ligature , mais alors l'empoison- uement se manifesta sur-le-champ (]). Wedemeyer a fait des expériences avec de l'acide cyanhydrique tellement concentré, que, mis en contact avec l'œilouautrespartiesdu corps, il ame- nait la mort dans l'espace d'une seule seconde : cependant cet acide si fort ne donnait pas lieu à des effets soudains, quand on l'appliquait immédiatement sur les nerfs (2). Emmeri amputa les membres de plusieurs animaux, de telle sorte qu'ils ne com- muniquassent plus avec le reste du corps qu'à l'aide des nerfs ; un poison porté dans la patte, resta sans elfet; il en fut de même quand on le mit en contact immédiat avec les troncs nerveux. C. Yibor{j a versé près de quatre grammes d'acide cyanhydri- que concentré sur le cerveau d'un Cheval mis à nu par la trépanation , sans apercevoir la moindre trace d'eflet de sa pari (3). Hubbard a bien observé une acîion très -rapide après le contact immédiat de cet acide avec les nerfs ; mais il avoue lui-même qu'aucun phénomène ne survenait quand il avait soin d'isoler ces cordons en passant une carte au dessous (4). Les expériences de Magendie , de Delille et d'Ëmmert prou- vent aussi que l'admission du poison dans la masse du sang , par résorption et imbibition , s'accomplit avec une rapidité extraordinaire , et Emmerta fait voir que la ligature de laorle s'oppose à l'action des substances vénéneuses qu'on injecte dans les veines. J'ai fait aussi depuis peu quelques expériences au sujet de (1) J'Ulos. Trans., 1811, p. 178. 1812, p. 107. (2) Physiologische Unteisuchuntjcn ueher dus Nervensijstem, Hanovre, 4817, p. 234. — Comp. Emmert, dans Txiling. Blaetler. 1811^ t. U, p. S.S. -^ Salzb. mcdic. Zeituiuj^ 1813, t, III. — Meckel's Jrchiv , t. I, p. 176. — ScHNELL, Diss. sistens historiam venenivpas anliai\, ïubingue , 1815. (3) ^ct. reliS neims. salion , sans (jue les autres parties du corps s'en ressentissent aucunement, f.epcndant d'autres observations rendent vrai- semblable qu'une action rétro{;rade a réellement lieu peu à peu; car, toutes les fois que l'inllammation et la ganjjrène éteij'inent la force nerveuse sur un point quelconque, les forces nerveuses {jénérales se trouvent frappées peu à peu d'épui- sement. Ceci nous apprend à connaître une diversité fort importante dans la manière dont les influences agissent sur les nerfs. a. Les slimulans qui déterminent des phénomènes nerveux en excitant la force nerveuse , agissent instantanément sur toute la longueur des nerfs , et à travers toutes les fibres qui viennent à être irritées dans un point quelconque. La con- vulsion survieut sur-le-champ dans le muscle, quel que soit le point du nerf qu'on ait irrité entre le tronc nerveux et ce mus- cle, et la sensation a lieu avec tout autant de rapidité. b. Les influences qui changent la somme de la force exis- tante , qui l'épuisent , agissent à partir du point sur lequel elles s'exercent, et dans la direction des fibres nerveuses, non pas d'une manière prompte et immédiate , mais peu à peu , attendu que les forces de la portion malade et de la portion saine des nerfs se mettent en équilibre ensemble, et que l'état local provoque des symptômes généraux. Ainsi la perte de transparence d'un œil amène peu à peu l'atrophie du nerf optique , qui succède également à l'atrophie d'une des cou- ches optiques. Ainsi la phthisie dorsale fait des progrès de bas en haut. Ainsi, enfin, une lésion violente d'un nerf apporte des changemens dans la moelle épinière entière , et amène le tétanos. III. Dépendance dans laquelle les nerfs sont du cerveau et de la moelle épinière. Jusqu'à quel point la libre communication des nerfs avec le cerveau et la moelle épinière est-elle nécessaire au maintien DE l' IRRITABILITÉ DES NERFS. Gq de leur irritabilité? Les muscles peuvent-ils conserver lirri- tabilité sans qu'il y ait communication entre leurs nerfs et Jes parties centrales du système nerveux ? On n'a point en- core donné une solution complète de ces problèmes , et c'est à peine même si l'on s'en est occupé quelquelois. On sait bien qu'après avoir été coupés , les nerfs conservent encore pendant quelque temps leur irritabilité dans le bout sous- trait à l'influence cérébrale , c'est-à-dire qu'ils y demeu- rent aptes à 'déterminer des convulsions dans les muscles, quand on fait agir sur eux des excitans. Mais c'est une tout autre question que celle de savoir s'ils peuvent con- server à toujours leur irritabilité indépendamment du cer- veau. Nysten a prétendu que les muscles des personnes mortes depuis peu d'une attaque d'apoplexie se contrac- taient, malgré la paralysie de l'encéphale, lorsqu'on les soumettait à l'excitation galvanique. Cependant, j'avais de bonnes raisons pour penser que , si les nerfs restent pendant un certain laps de temps encore en jouissance de leur faculté, ils la perdent entièrement après un délai plus long, de sorte qu'ils sembleraient ne posséder les forces qui leur sont par- ticulières qu'autant qu'ils reçoivent l'influence du cerveau d'une manière continue et parfaitement libre. En effet, dans le cours d'expériences faites sur des Lapins , pour étudier la régénération du tissu nerveux , j'avais observé que le nerf sciatique , coupé en travers quelques mois auparavant, avait perdu presque toute aptitude à réagir sur les excitations. De- puis j'ai entrepris à ce sujet, de concert avec Sticker, de nouvelles expériences , qui ont élevé mes conjectures au rang de vérité démontrée (1). Afin de prévenir la régénération du tissu , et pour soustraire plus sûrement le bout inférieur du nerf à l'influence des parties centrales du système ner- veux , nous excisâmes un lambeau tout entier du nerf sciati- (4) MoLLEU , Archiv , t. I. 7Ô DE l'irritabilité des nerfs. que. Quoique l'expérience n'ait été faite que sur un petit nombre d'animaux , savoir sur deux Lapins et un Chien , elle a fourni des résultais si concordans qu'on peut la regarder comme décisive. Le premier Lapin fut mis en expérience deux mois et trois semaines après la section du nerf sciaiique. Dès que celui-ci fut découvert dans son trajet entre les muscles biceps et demi-ten- dineux, nous vîmes que, contre noire attente, et à notre grand déplaisir, la coniinuité du ironc s'était rétablie. Le nerf fut coupé de nouveau au dessous de la cicatrice, opération pen- dant laquelle, chose remarquable ! l'animal jeta les hauts cris, sans éprouver lu moindre convulsion, et le bout inférieur fut irrité de manières Irès-diversifiées, tant à l'aide d'une simple paire de plaques galvaniques , que par des incisions et par le pincement; il n'y eut aucune trace de convulsions. Nous répétâmes l'expérience do l'autre côté, afin d'établir une comparaison. L'animal témo-gna une douleur très-vive pendant la section du nerf, qui amena aussi de violentes con- vulsions; des convulsions non moins énergiques se manifestè- rent ensuite , môme sous l'inlUience de très-faibles irritations, soit que celles-ci agissent sur le nerf lui-même, et c'est du bout inférieur dont je veux parler, soit qu'elles poriassent seulement sur les muscles; des phénomènes semblables eurent lieu même après la mort. Chez le Chien , deux mois et demi s'étaient écoulés depuis la section du nerf, dont les bouts se trouvaient également réunis. L'expérience fut faite de la même manière absolument que sur le L;ipin, et elle donna aussi le même résultat, c'est- à-dire que tout pouvoir réactionnaire était éteintdans le nerf. Cependant les muscles continuaient encore de montrer une légère trace de contraction , lorsqu'on y appliquait directe- ment les excitans; mais cotte faculté s'éteignit aussitôt après la mort, tandis qu'on pouvait provoquer les convulsions les plus énergiques dans le membre du côté opposé. DE L'irxRITABILITÉ DES NEUFS, 7I L'expérience fiU tentée sur le second Lapin cinq semaines après la section du nerf ; un laps de temps si court devait nous rendre plus curieux encore de connaître le résultat. Ici point de substance intermédiaire entre les bouts da nerf coupé ; tous deux étaient légèrement tuméfiés , et ils ad- héraient au tissu cellulaire environnant. Cependant la portion enlevée avait environ huit lignes de long, tandis que sa lon- gueur ne s'élevait qu'à près de quatre lignes chez les deux précédens animaux. Ni les irritations mécaniques, ni les agens chimiques (la potasse caustique), ni le galvanisme, ne purent, appliqués aux nerfs, provoquer de contractions dans les mus- cles; il ne fut même pas possible d'y parvenir en irritant di- rectement les muscles , quoique le Lapin eût d'ailleurs beali- coup de vivacité. Le phénomène, comme on doit bien le penser, se manifesta du côté gauche, tant avant la mort qu'après. Ces expériences prouvent que la faculté qu'ont les nerfs de déterminer des mouvemens dans les nerfs , et l'irritabilité de ces derniers eux-mêmes , se perdent peu à peu après la cessation de toute communication entre les nerfs et les parties centrales. Cependant elles auraient donné un résultat plus dé- cisif encore , si, au lieu d'une simple paire de plaques, on eut employé une petite pile galvanique pour éprouver l'irritabi- lité des nerfs et des muscles ; car il n'y avait que cette ma- nière de s'assurer positivement si la faculté était totalement éteinte dans deux des cas. Quoi qu'il en soit, les expériences établissent déjà parfaitement que l'irritabilité ne se maintient pas lorsque la communication entre les nerfs et les parties centrales a été interrompue. On peut aussi en conclure que , quand , après la section d'un nerf , l'irritabilité s'est rétablie dans le bout inférieur de celui-ci et dans les muscles, la ci- catrisation avait été assez complète, pour que la faculté con- dilctrice reprît sa voie à travers la cicatrice , et que , dans le cas contraire , il n'y avait eu ni guérison parfaite, ni repro- duction du nerf. ^2 DU TRINCirE ACTIF DES NERFS. CIlAriTRE IV. Du j)iii)(ij»o nrlif dos nerfs. Les anciens n'avaient d'idées arrêtées ni sur la nature du principe nerveux, ni sur les lois do son action. Ils donnaient à ce principe le nom iVrsprits nrrvpii.r, et pensaient que, par- tant du cerveau, il anime les parties or{|anisées en suivant le trajet des nerfs. Après qu'on eut étudié les eflels de l'électri- cité par froltement et les lois de sa propa{»ation, beaucoup de médecins trouvèrent qu'en comparant les nerfs à des ap- pareils électriques , ils donnaient plus de précision à leur manière de concevoir l'action de ces organes. Mais ce ne fut qu'après la découverte du f][alvanisme qu'on en vint à une ap- plication exacte de cette hypothèse et autres analogues. Après la découverte du galvanisme , beaucoup de physiciens, tels que Aldini , Galvani, llumboldt , Fowler et autres, furent tentés de chercher la cause des phénomènes galvaniques dans une force animale inconnue jusqu'alors. Pfaff, Voila et Monro, au contraire, les attribuèrent à une électricité tout-à-fait in- dépendante du concours des organes animaux , et seulement excitée par la réaction des métaux el de l'humidité. Mais VoUa démontra, jusqu'à l'évidence, la nature électrique de l'agent qui se déployait en pareil cas. Et lorsqu'enfin on eut décou- vert des phénomènes galvaniques ayant lieu dans d'autres corps, sans la coopération de parties animales , il n'y eut plus de doutes sur l'exaciilude de l'opiniondeVolta. Monro s'était déjà trouvé conduit auparavant, par ses propres expériences, à soutenir que le lliiide galvanique qui excite les nerfs, est électrique, qu'il diffère totalement de la force nerveuse, et qu'il n'agit que comme excitateur de celte force , en sorte que c'est celle-ci seule qui détermine les convulsions. Hum- boldt a conclu de plusieurs expériences, que les nerfs sont en- tourés d'une atmosphère de sensibilité, parce que, dans le cas de deux bouts nerveux qui ne se touchent pas, l'agent galva- nn PRINCIPE ACTIF DES NERFS. ^3 nique saute de l'un à l'aiitre, à travers la distance qui les sé- pare. Aujourd'hui l'on sait que cet espace est rempli seulement d'une vapeur aqueuse conductrice, et que ce qu'on avait cru pouvoir regarder comme une atmosphère de sensibilité n'est qu'un amas devapeurs, à travers lesquelles l'électricité se pro- page. C'est en cela précisément que l'électricité et la force nerveuse diffèrent l'une de l'autre; car la force nerveuse n'a- git plus à travers un nerf qu'on a lié ou coupé en travers* tandis que ".e nerf n'est pas moins bon conducteur du fluide électrique qu'auparavant, lorsque le point de la section ou de la ligature se trouve compris entre deux armatures. Quoiqu'il soit bien certain maintenant que le galvanisme n'est point une électricité animale , quelques médecins et même de grands physiciens n'ont pas cessé d'admettre , entre l'électriciié et la force nerveuse , une certaine analogie qui , cependant, lorsqu'on y regarde de près , se résout en une différence des plus prononcées. Les expériences d'Ure et de "Wilson ont surtout donné lieu à de fausses interprétations. Ure galvanisa le corps d'un pendu , une heure après la mort. La moelle allongée fut découverte et mise en contact avec nn conducteur métallique, tandis qu'un autre conducteur com- muniquait avec le nerf sciatique. Les deux conducteurs fu- rent unis ensemble par une pile de deux cent soixante-et-dix paires de plaques. Tous les muscles du tronc entrèrent en mouvement , comme chez une personne saisie d'un violent frisson. La chaîne ayant été formée entre le nerf phrénique et le diaphragme, ce dernier muscle exécuta des contractions chaque fois qu'on la fermait , et en promenant le conducteur de çà et de là sur le pôle , on vit survenir une succession de secousses , comme dans le cas de respiration difficile : ia contraction du diaphragme et la rémission de ce mouvement amenaient un soulèvement et un abaissement alternatifs du ventre, comme si la vie se ranimait dans le cadavre. Les mus- cles de la face ayant été compris dans le cercle de la chaîne, 74 DU PRINCIPE ACTIF DES NERFS. ils furent pris d'eflVoyables mouvemens , qui ressemblaient à ceux qu'excitent les passions. Ces expériences n'ont rien qui les distinfjue des expériences (galvaniques les plus ordin:iires, si ce n'est qu'elles ont été faites sur un corps humain. Comme la cause de l'agitation des traits est la contraction des mus- cles de la face , on doit nécessairement déterminer des espè- ces de grimaces toutes les fois qu'on excite artificiellement ces muscles , qui d'ailleurs peuvent également être mis en mouvement par une irritation mécanique agissant sur leurs nerfs. L'apparence de respiration quand on ferme périodique- ment la chaîne après y avoir compris le diaphragme, n'a rien de surprenant non plus. On a également attaché trop d'importance aux expériences de Wilson Philip. Ce physiologiste a prétendu qu'en coupant le nerf de la paire vague, sur un Mammifère vivant, et fai- sant passer un courant galvanique par le bout qui va gagner l'estomac , ce courant contribue à l'accomplissement de la di- gestion, comme pourrait le faire le nerf lui-même dans son in- tégrité. En supposant que le fait fût vrai , il ne prouverait point l'analogie du principe nerveux et de l'électricité ; car, après qu'on a pratiqué la section transversale d'un nerf, le bout op- posé au cerveau conserve encore pendant quelque temps la faculté de remplir jusqu'à un certain point ses fonctions ordi- naires lorsqu'on vient à l'irriter. Mais ceux qui ont répété les expériences de Wilson Philip , n'ont pu arriver au même résultat que lui. Suivant Breschet et Milne Edwards , après la section de la paire vague , la digestion se trouve bien favori- sée un peu par un courant galvanique dirigé à travers le bout inférieur , mais en tant seulement que le mouvement de l'es- tomac est provoqué par-là : aussi ces deux expérimentateurs ont-ils reconnu qu'une irritation mécanique produisait exacte- ment le même on'ei. Cependant celte dernière explication me paraît non moins erronée que l'autre ; car , ni en irritant mé- caniquement la paire vague , ni en se contentant de l'armer DU PRINCIPE ACTIF DES NEUFS, ^5 sans faire entrer restomac dans la chaîne , on ne parvient à déterminer le mouvement de la poche stomacale, sans compter d'ailleurs que ce mouvement ne saurait accomplir la dif^es- tion. Les expériences de Wilson sont inexactes ; je les ai ré- pétées avec Dieckhoû", sur toute une série d'animaux, sans remarquer nulle différence, après la section de la paire va- gue, soit qu'on employât ou non l'électricité. Si c'était de l'électricité qui agît dans les nerfs , elle ne pourrait demeurer bornée à ceux-ci, puisque le névrilème est humide, et que les parties environnantes le sont également. On a admis aussi par hypothèse que les nerfs joussaient d'an pou- voir isolant. Fechner les compare à* des fils métalliques con- ducteurs entourés de soie. Mais le névrilème précisément est un excellent conducteur du galvanisme, et les nerfs, ainsi que je le ferai voir plus tard, ne sont même pas meilleurs conduc- teurs de l'électricité que d'autres parties animales humides ; car le courant galvunique ne suit pas nécessairement leurs ramifications, ainsi qu'il arrive au principe nerveux , car ce courant saule avec une égale facilité sur des parties animales voisines, lorsque celles-ci lui offrent une voie plus courte pour se rendre du nerf à l'autre pôle. Enfin une ligature ap- pliquée sur un tronc nerveux arrête le passage du principe Berveux , effet qu'elle ne produit point sur le courant gal^ vanique. On reconnaît l'électricité aux corps qui l'isolent et à ceux qui la propagent ; tels en sont les seuls caractères. Or , le principe nerveux diffère précisément sous ce rapport. Il ne peut donc point être de l'électricité. Mais d'autres preuves encore sont fournies par les qualités que nous savons déjà ap- partenir à la force nerveuse. 1° Lorsqu'on arme un nerf avec les deux pôles , ou qu'on fait passer un courant galvanique à travers son épaissein' , le- muscle auquel il aboutit entre en convulsion, non pas parce que le galvanisme agit jusque sur lui, mais parce que le courant •76 DU PRlNCiri: ACTIF DKS NERFS. transversal de ce fluide excite la puissance motrice du nerf, qui n'agit que suivant la direction de ses branches , absolu- ment de même qu'on détermine dos convulsions en brûlant le nerf, le cautérisant , ou le pinçant. 2° Si ce n'est pas le ncrl lui-même qui communique avec les deux pôles , mais que l'un de ceux-ci seulement soit mis en rapport avec lui , et l'autre avec le muscle , il se produit un courant galvanique, non seulement à travers l'épaisseur du nerf, mais encore du nerf au muscle , entre les deux pôles , et reflet est alors exactement semblable à celui qui arrive quand on galvanise le muscle lui-même. En pareil cas , on excite la force nerveuse dans tous les points de la longueur du nerf jusqu'au muscle. 3° De là vient aussi qu'il ne s'établit pas de convulsions lorsqu'après avoir exercé une contusion ou appliqué une liga- ture sur le nerf, on le met en rapport avec les deux pôles, au dessus du point contus ou lié. Ici, le galvanisme passe bien à travers l'épaisseur du nerf, comme dans le premier cas, mais la force nerveuse n'agit plus à travers le point qui a reçu la contusion ou qui supporte la ligature. 4° Cependant le nerf contus ou lié est parfaitement apte à conduire le galvanisme ; pourvu seulement que les armatures soient appliquées au dessus et au dessous du point lésé , le courant galvanique traverse ce point , et provoque des con- vulsions, parce que la portion encore saine de nerf comprise entre la plaie et le muscle se trouve stimulée. 5° Les nerfs, même alors qu'ils sont tout-à-fait frappés de mort, demeurent conducteurs du galvanisme , à l'instar de toutes les parties animales humides , tandis qu'ils ont perdu l'aptitude à provoquer des contractions dans les muscles. 6° Enfin mes expériences et celles de Slicker démontrent que, quand l'influence vivante des nerfs sur les muscles est abolie depuis long-temps, l'irritation galvanique de la simple chaîne elle-même n'agit plus sur les muscles , et ne donne DU PIUNCIPE ACTIF DLS NERFS. 7"^ plus lieu en eux à des convulsions. C'est ce que nous avons vu sur des Mammifères dont , plusieurs mois auparavant, les nerfs avaient été coupés en travers, de telle manière que leurs bouts ne pussent pas se réunir complètement. La découverte de Télectro-mapuétisme a fait connuître les ÎDSlrumens galvanométriques les plus sensibles. Vavasseur et Beraudi (1) disent avoir observé que des aiguilles implantées dans les nerfs d'un animal vivant, deviennent magnétiques, et attirent la limaille de fer. On prétend que ce phénomène n'a point lieu après la section de la moelle épinière en travers , mais qu'il se remarque après l'inspiration du gaz oxigène. On dit que les nerfs optiques ne magnétisent point les aiguilles qu'on y implante, même après que l'animal a respiré du gaz oxigène. Il en est de même, assure-t-on, après la section et la ligature des nerfs , quoiqu'on prétende avoir observé un faible effet sur les aiguilles, dans des cas où il y avait une dis- tance de quatre lignes entre les deux bouts du cordon coupé. Je n'ai point hésité à répéter ces expériences, et je n'ai pas non plus aperçu la moindre trace de magnétisme dans les aiguilles que j'avais implantées. David a publié, en 1830, des expériences dont le résultat serait que des fils conducteurs, implantés dans un muscle mis à découvert, agissent sur le galvanomètre au moment où l'a- nimal se meut. Suivant lui , lorsqu'on plonge l'aiguille dans un nerf séparé de la moelle épinière , le galvanomètre demeure en repos si l'on met les conducteurs en communication avec cette aiguille, tandis qu'il donne des indices d'électricité toutes les fois qu'on agit sur des nerfs qui sont demeurés en rapport avec le centre nerveux. Ces expériences ne m'ont point réussi, et je les regarde comme de pures illusions. Person n'a pu non plus découvrir d'électricité dans les nerfs à l'aide d'un galva- nomètre très-sensible. (1) AnnalL universali di mcdicina. Mai , 1829. ^8 DU PniNCIPE ACTIF DES NERFS. Prévost et Dumas (1) ont imaginé une tlK-orie électrique du mouvement musculaire. L'explication qu'ils donnent de ^ contraction des muscles se fonde sur la supposition que les fibres nerveuses qui niarchent transversalement sur les fais- ceaux musculaires, s'attirent, et par làraccourcissentces fais- ceaux, hypothèse fort peu vraisemblable, puisqu'elle forcerait déconsidérer les innombrables fibres musculaires comme étant réduites à un rôle purement passif. Que lélectricité soit la cause de l'attraction mutuelle des nerfs dans les muscles, c'est encore là une hypothèse. Pour démontrer des courans élec- triques dans les nerfs à l'aide du (galvanomètre, il ne convient pas d'appliquer les fils de cet instrument au nerf et au muscle en même temps ; car une chaîne de substances animales hété- rogènes, telles que nerf, muscle et métal , suffisant déjà pour exciter de l'électricité, le galvanomètre décèlerait, dans l'ex- périence dont il s'agit , non point l'électricité agissant dans les nerfs, mais celle qui a été produite par la chaîne. En con- séquence , pour qu'il ne se produise pas d'électricité par l'u- nion du galvanomètre avec le nerf et le muscle, il faut appli- quer les fils conducteurs à un nerf seul, et voir si ce nerf, dont la communication avec le cerveau a été respectée , détermine des oscillations de l'aiguille magnétique pendant les mouve- mens volontaires; si la chose arrivait, on pourrait être convaincu que l'innervation partie du cerveau est un courant électrique. Mais Prévost et Dumas avouent , que , quand on opère ainsi , on n'observe jamais la moindre déviation de l'aiguille. Us ont examiné galvanométriquemsnt la paire vague chez des animaux bien portans , et le plexus sciatique chez un animal atteint de tétanos ; jamais la moindre trace d'clcctriciié ne s'est trahie par l'inclinaison de Faiguille, soii quand on unissait les fils conducteurs avec des parties différentes du nerf nou lésé, soit quand on les fixait aux deux bouts d'un nerf coupé en (i) Journal de physiologie , Palis, 1823, t. Itl, p. 301. DU PRINCIPE ACTIF DES NERFS. 79 travers. Une aiguille suspendue à un fil de cocon de ver à soie ne présentait non plus aucun veslijîe de déclinaison , quand 00 la portait au voisinage du muscle et du nerf en action , fait dont j'ai constaté moi-même l'exaciiiude. Pour expli- quer cette insensibilité du galvanomètre à l'égard des nerfs, et écarter ainsi l'une des principales objections qui s'élèvent contre leur théorie , Prévost et Dumas ont recours à une nouvelle hypothèse, celle que les nerfs renferment deux cou- raus galvaniques, qui , en se neutralisant , empêchent toute action sur l'aiguille aimantée, Ils comparent ces deux courans hypoihétiquovS aux courans électriques qui parcourent en sens inverses les bras du galvanomètre , et se rencontrent dans le multiplicateur de Tinstrument ou dans les tours des fils con- ducteurs. Suivant eux, l'aiguille aimantée ressemble au mus- cle, qui, comme elle, éprouve l'influence des courans oppo- sés. Mais, leur répondrait-on, le galvanomètre réagit pendant les actions des courans opposés ; pourquoi donc n'y a-t-il point de réaction avec les doubles courans hypothéliquement admis dans les nerfs ? Ces deux célèbres physiciens ont fait une expérience remarquable , en essayant de ramener l'irritalion des nerfs par des moyens mécaniques, par des réactifs chimi- ques ou par des caustiques, à la condition d'un simple phéno- mène électrique. Comme l'un des plus forts argumens contre Vî^drïiission d'un agent électrique dans les nerfs , est que tous les excitans , et non pas seulement l'électricité , agissenifsur ces organes , nous devons consacrer une attention spéciale à celte partie de leur travail. Ils veulent prouver que le feu , quand il détermine des convulsions en agissant sur les nerfs, le fait par l'électricité. Ils fixent deux fils de platine pareils aux extrémités des conducteurs du galvanomètre , plongent l'un dans le$ muscles d'une Grenouille, et metienl l'autre en contact avec les nerfs, après l'avoir fait rougir au feu : il sur- vient des convulsions , et l'aiguille du galvanomètre éprouve en môme temps une déclinaison. Cette expérience ne prouve 80 DU PRINCIPE ACTIF DES MERFis. nullement ce qu'on prétend lui faire établir: car deux pièces de mêlai, doni l'une est échaufléc, produisent de lélectricité, tout aussi bien que des métaux iiéiérof;èns ; dès-lors les con- vulsions et le mouvement de rai{}uillc aimantée n'ont rien de surprenant, Prévost et Dumas ont éjjalement voulu montrer que les ir- ritans chimiques qui agissent sur les nerfs, le font par un dé- veloppement d'électricité. Ilslixent à l'un des conducteurs de galvanomètre un morceau de platine trempé dans du chlorure d'antimoine ou dans de l'acide azotique, et à l'autre conduc- teur un fragment de nerf , ou de muscle , ou de cerveau : chaque fois qu'on ferme la chaîne, l'aiguille décline. Cette expérience prouve encore moins que l'autre, puisque l'hétéro- généité des substances fait qu'on retrouve ici les conditions générales de l'excitation de l'électricité. L'expérience suivante est du même genre. Prévost et Dumas fixent aux deux conducteurs du galvanomètre des plaques pareilles en platine, dont l'une supporte un lambeau de chair musculaire fraîche, pesant quelques onces, et détaché d'un animal vivant; ils plongent les|deux conducteurs dans du sang, ou dans une légère dissolution de chlorure de sodium, et Tai- guille aimantée éprouve une déclinaison. Les expériences les plus récentes sur l'application du gal- vanomètre sont celles de Person(l). Toutes les tentatives de ce physicien, pour découvrir des courans dans les nerfs à l'aide d'un instrument extrêmement sensible , ont été aussi vaines que celles de Prévost et Dumas. Il mit les conducteurs du galvanomètre en rapport avec la partie antérieure et la partie postérieure de la moelle épinièrc , chez des Lapins et de jeunes Chats ; il les introduisit dans l'intérieur de plusieurs nerfs épais ; il répéta les mêmes expériences après avoir in- (1) Sur l'hypothèse des courans électriques dans les nerfs ; Journal de physiologie , par Magendie, 1830, t. X , p. 210. DV PRINCIPE ACTIF DES NERFS. Si jeclc de la teinture de noix vomique dans l'abdomen , afin d'étudier galvanométriquement les convulsions qui naîtraient de là ; enfin , il essaya aussi sur des Anguilles et des Gre- nouilles. Jamais il ne put découvrir aucune trace certaine d'électricité. A ce sujet , il rapporte une observation prouvant combien on doit se défier des circonstances accidentelles dans ces sortes d'expériences. Un jour, il mil une goutte d'eau sur du zinc , pour se convaincre que le galvanomètre était sen- sible, et, ayant touché cette eau et le zinc avec les bras de l'instrument , il remarqua des déviations de l'aiguille aiman- tée : ensuite il mit les fils de platine du galvanomètre en con- tact avec la moelle épinière d'un jeune Chien , et observa une déviation de trente à quarante centimètres , mais celte dévia- tion se renversa lorsque le contact eut lieu en sens inverse , ce qui fit naître le soupçon d'une action électro-chimique à l'un des fils. En effet , il y en avait une ; car, lorsque Person plon- geait les fils dans du sang , ou dans de l'eau , en touchant du zinc avec l'un d'eux, un courant galvanique s'établissait jus- qu'à ce que le petit morceau de zinc fût oxidé. On pourrait re- procher aux observations faites avec le galvanomètre que cet instrument indique seulement des courans permanens , tandis que les contractions muscutirires sont des alternatives de res- serrement et d'expansion. En effet , quand Person mettait l'un des fils du galvanomètre en communication avec le conduc- teur d'une machine électrique , et l'autre avec le sol , il sur- venait une déviation régulière à chaque tour du plateau , ce qui n'avait pas Heu quand le courant venait à être converti en une série d'étincelles. D'après cela , Person répéta plusieurs de ses observations avec un instrument qui était sensible à des courans successifs , ou à ce qu'il nomme des courans instantanés ; mais cet instrument ne put pas non plus lui faire apercevoir la moindre déviation pendant les contractions musculaires. Enfin , Person remarqua qu'il n'est pas nécessaire , pour I. G 82 DU PRINCIPE ACTIF DES NERFS. esciter des contractions musculaires , quun courant galvani- que traverse toute la longueur des neris. Le même effet a lieu , quelque petit que soit le point du nerf à travers lequel le courant passe pour se rendre d'un pôle à l'autre. Quand on pince , coQtond ou brûle un nerf , son muscle entre en con- vulsion ; une ligature , appliquée au dessous du point sur le- quel on agit , arrête tout effet. Il en est de même absolument lorsqu'on arme un nerf avec les deux pôles , et qu'on fait passer le courant à travers son épaisseur. A la vérité, on admet ici que le courant galvanique éprouve une déviation dans le sens de la longueur du nerf, parce que les nerfs sont excellens conducteurs de l'électricité. Cependant , Person a très-bien fait voir, ce que j'ai moi-même observé fré- quemment, que les nerfs ne sont pas meilleurs conducteurs du fluide galvanique que les muscles et autres parties ani- males humides , que leur faculté conductrice ne change pas lorsqu'on détruit mécaniquement leur texture , et que le né- vrilème est incapable d'isoler le courant galvanique. En effet , un courant galvanique qu'on dirige dans un nerf, passe dans les muscles et les parties fibreuses aussitôt que ceiles- ci lui offrent une voie plus courte. Il faut donc conclure avec Person , ce qui ressort d'ailleurs de toutes les considérations dans lesquelles je viens d'entrer, que, durant la vie, et tant qu'il demeure en possession da son irritabilité , un nerf de mouvement se trouve dans un état tel que tout ce qui amène un changement subit dans la disposition de ses molécules, excite la contraction du muscle placée son extrémité périphé- rique, et que les excitations, électriques, chimiques ou mécani- q|ues, se comportent toutes de la même manière à cet égard. Si les expériences faites avec le galvanomètre ne fournis- sent aucune preuve en faveur de l'éleciricité des nerfs, elles ne sauraient non plus démontrer d'une manière rigoureuse qu'il ne se développe point d'électricité dans ces organes; les galvanomètres sont des instrumens trop imparfaits pour cela. DU PRINCIPE ACTIF DES NZP.FS. 85 La plupart du temps, lorsqu'une couple de plaques métalli- ques développe de réleciricité, ils n'agissenl plus dès qu'un des conducteurs ne touche pas le métal lui-même, et ne com- miioique avec lui que par riîiterœédiai.e d'une goutte d'eaa ou d'un lambeau de chair musculaire. Il est facile de juger, d'après cela, que, quand bien même de Télectricité agirait dans les nerfs, ces instriimens n'en révéleraient pas aisément la présence. Le nerf d'une cuisse de Grenouille est un éîectro- mètre bien plus délicat , et cependant il n'indique aucune action quand, après avoir détaché la cuisse du corps,on le met en contact avec un autre nerf qu'on irrite. Quelques partisans de l'hypothèse qui attribue à l'électricité nne action dans les nerfs, se sont fondés sur les Poissons élec- triques. Mais l'existence de ces organes, construits sur le mo- dèle dune pile galvanique, qui, chez les Torpilles, se compo- sent de plaques minces empilées les unes sur les autres et séparées par une matière différente d'elles, n'est nullement favorable a l'hypothèse de l'électricité dans les nerfs. Car on n'observe de phénomènes électriques chez les animaux que là où il existe des organes spéciaux pour les produire. Or, si l'électricité était l'agent des nerfs, les Poissons n'auraient pas besoin d'appareils particuliers, et il ne leur faudrait q'je de amples conducteurs. A la vérité, on répète souvent que Co- tu^iio, en disséquant une Souris vivante, ressentit ime vio- lente commotion chaque fois que la queue de l'animal frap- pait sa main. Mais ceci n'a aucun rapport avec le sujet dont nous traitons. En effet, si ce n'est pas déjà sans éprouver une vivp impression qu'on tient entre ses mains des animaux qui inspirent si généralement de laversion , comme une Souris, une Grenouille , une Araignée, il est facile de comprendre que la moindre circonstance.la frayeur.ou toute autre cause, pourra susciter des symptômes nerveux. Mais il n'y a rien de com- mun entre ces phénomènes et une action électrique des nerfs. La sensation d'une secousse semblable à celle que déiermi- *^4 DU l'UlINCirE ACTIF DES NERFS. ii< rail leleclricilé esi un phéDomène que toute irrilalion vive d(''i(>riiiinc (''.<>aleineiU dans les nerfs , et qui a lieu , par exemple, lorsqu'on éprouve une frayeur inopinée, ou quand on s(î comprime le nerf cubital. Le choc que donne l'élec- tricité n'est pas non plus un coup électrique, mais une sensa- tion développée par l'électricité, et qui peut tout aussi bien ètie provo(iiiée par une impression mécanique. Kastner nous apprend qu'il lui arrivait souvent, en écrivant, de ressentir de petites secousses dans les doigts. Il y a quelques années, me trouvant atteint d'une surexcitation de l'irritabilité nerveuse, j'éprouvais très-fréquemment ces symptômes, dès que je fa- tiguais trop ou ma main ou mes doigts. En résumant tout ce qui a été dit jusqu'ici , on arrive aux résultats suivans : 1° Il n'y a point de courans électriques dans les nerfs pen- dant les actions vitales. 2" La force électrique est totalement différente de l'électri- cité. 3° Admettre un courant électrique dans les nerfs, c'est donc se servir d'une expression purement métaphorique, comme lorsqu'on compare l'action de la force nerveuse avec la lu- mière ou avec le magnétisme. Nous n'en savons pas plus sur la nature du principe ner- veux que sur celle de la lumière et de l'électricité; mais nous connaissons les effets de ce principe presque aussi bien que les propriétés de la lumière et des autres agens impondéra- bles. Quelque différentes que ces forces soient les unes des autres, la question ne s'en présente pas moins ici de savoir si leurs effets dépendent du déplacement dune matière impon- dérable, ou seulement d'une impulsion mécanique, c'est-à-dire des ondulations d'un iïuide . comme on l'admet pour la lu- mière, dans l'une des deux théories qui servent à en expli- quer les phénomènes. Quelle que soit la plus exacte de ces hypothèses, en ce qui concerne le principe nerveux, peu nous DES RACINES DES NERFS UACIIIDIENS. 85 importe pour l'élude de la mécanique du système nerveux ; elles n'ont pas plus d'influence à cet éjjard que par rapport aux lois de la mécanique de la lumière. Section seconde. Des nerfs sensitifs , moteurs et organiques. CHAPITRE PREMIER. Des racines sensitives et motrices des nerfs rachidiens(l). Le fait que les mêmes nerfs président , dans le tronc , au sentiment et au mouvement à la fois, et que l'une de ces fonc- tions se trouve quelquefois anéantie par paralysie dans un nerf, pendant que l'autre persiste, est un des problèmes les plus importans de la physiologie. Charles Bell eut rin^jé- nieuse pensée que les racines postérieures des nerfs spinaux, celles qui sont pourvues d'un {janglion, président au sentiment seul , que les racines antérieures sont desiinées au mouve- ment , et que les filets primitifs de ces racines , après s'êlre réunis en un cordon nerveux , se mêlent ensemble pour sub- venir aux besoins delà peau et des muscles. Il développa cette idée dans un petit ouvrage qui n'était point destiné à sortir du cercle de ses amis (2). Onze ans plus tard, Magendie présenta la même théorie. Le mérite lui appartient de l'avoir introduits dans la physiologie expérimentale , pour ce qui concerne les nerfs rachidiens. Il prétendit , d'après ses expériences , que la section des racines postérieures fait cesser le sentiment (4) Fotjez Mur.LLF.n, dans Froriep's Notizen , n" 646-n4'7, Annales des sciences naturelles. dSiU. (2) Anidca of anew unatomy of tlic hrnin. Londres, ASW . 86 DES RACINES SEN9ITIVES ET MOTRICES seul dnns les parties correspondantes, et que celle des racines antérieures n'y abolit que le mouvement. Les résuliats qu'il avait obtenus n'étaient qu'approximatifs. Suivant lui , les cor- dons postérieurs de la moelle épiniùre et les racines posté- rieures des nerfs racliidiens président spécialement au senti- ment, et les antérieures spécialement aussi au mouvement , bien que ces derniers ne soient pas non plus toul-à-fait dénués de la faculté sensitive. Ainsi, il trouva que l'application du galvanisme aux racines postérieures des nerfs rachidieifs , après (jnelles avaient été détachées de la moelle épinière , excii;iit encore des convulsions, mais liès-faibles , dans les muscles , tandis qu'en s'excerçant sur les racines antérieures, cette irritation en déterminait de violentes (1 ) . Ces expériences, exécutées sur des animaux appartenant aux classes supé- rieures, sont les plus cruelles qu'on puisse ima.<|iner. L'énorme plaie qu'on est obligé de faire pour ouvrir le rachis dans une étendue qui permette de couper les racines de tous les nerfs allant aux extrémités postérieures, suffit déjà pour mettre promplement la vie en danger ; elle entraîne une perte de sang considérable, et l'animal périt infailliblement avant (|u'on ait eu le temps d'arriver à des résultats convainquans. Aussi, quelque surprise qu'etJt occasionce le théorème de Bell, ap- puyé des expériences de Magendie , on ne songea point à constater l'exactitude de ces dernières. Béclard seul trancha la question, mais d'une manière superliciell.e et peu propre à satisfaire, en disant : < Les expériences de Ch. Bell, celles (i) Comparez Journal de physîoloijio , Paris , 1822 , t. II , p. 276, — Desmoulins et Magendie , Anatnmie et Phi/sioloijie des systèmes nerveux, Paris , 4825, t. II , p. 777. — Comparez. Magendie, Leçons sur les fonc- tions et les maladies du système nerveux. Paris , 1839; — Discussion dans l'Académie royale de médecine sur la distinction des nerfs moteurs et sensilifs. {Bulletin de V Académie royale de médecine ^ Paris, 1839, t. III, p. 413, C91 et suiv. — Salandière , Traité du système nerveux dans l'état aciv^cl de la science , Paris , 1840 , in-S, flg. DES NERFS RACIIIDIENS. 87 » de Ma{ïendie et les miennes propres ont clairement démon- » tré que la racine postérieure des nerfs spinaux est senso- ), rielle et la racine antérieure motrice (1). » Les expériences de Foderà furent accompagnées de sympiônies tellement con- tradictoires , qu'on ne conçoit pas comment il put les donner comme venant à l'appui de celles de Magendie. Bellingeri en fit d'autres , qui le conduisirent à des résultats tout diOérens , et desquelles il conclut que la substance grise intérieure de la moelle épinière préside au sentiment, la substance blanche et fibreuse au mouvement, que les cordons antérieurs de cette moelle et les racines antérieures sont destinés au mouvement des fléchisseurs , enfin, que les cordons postérieurs et les racines postérieures le sont au mouveiEent des extenseurs. Ces expériences ont été répétées avec soin par Schœpfs (2) , sur un grand nombre d'animaux ; mais les résultats sont de- meurés équivoques et douteux. J'eus aisssi occasion de les reprendre en lb24 , pendant mon séjour à Berlin , et je n'ar- rivai non plus à rien de concluant. Tout récemment , m'étant livré à des rec'uerches sur le système nerveux , j'éprouvai le désir d'arriver enfin à connaître la vérité , et j'entrepris , sur des Lapins, une série d'expériences d'après un tout autre plan. Car la marche qu'on avait suivie jusqu'alors ne pouvait con- duire qu'à des déceptions , et ce qui le prouve , c'est que beaucoup d'animaux, les Lapins surtout, effrayés par les préli- minaires de l'expérience, dès avant qu'on leur ait fait éprouver aucune lésion considérable, ne donnent plus aucun signe de douleur , même lorsqu'on leur irrite violemment la peau , par des contusions ou des taillades. Dans de telles conditions , comment pouvoir, pendant le peu de temps que l'animal survit à l'ouverture du rachis , arriver à la ceriilude qu'il conserve encore le sentiment ou qu'il l'a perdu? Je savais que le moindre tiraillement exercé avec une ai- (1) Elémcns d'anutomie générale , Paris , 1823 , p, 668. (2) Meckkl , Archiv , 1S27. 88 DES RACINES SENSITIVES ET MOTRICES guillesur un nerf musculaire tendu, déterminait des convul- sions dans les muscles correspondans. Or , si les racmes pos- térieures des nerfs spinaux n'étaient que sensitives et non motrices, l'aiffuille, en les tiraillant, devrait ne point provo- quer de contractions, tandis qu'en agissant de même sur les racmes antérieures, elle devrait en déterminer de véritables. Afin de pouvoir juger des moindres convulsions, je mis à dé- couvert les muscles des extrémités postérieures. L'expérience répétée plusieurs fois, ne permit pas de déduire conscien- cieusement aucun résultat , parce que les ébranlemons qu'on ne pouvait éviter en ouvrant lerachis, suffisaient pour exciter dans les muscles de petits tremblemens qui répandaient de l'incertitude sur tout le reste de l'expérience. Après tant d'efforts inutiles pour arriver au résultat absolu dont parle Magendie, je commençai à douter, je désespérai d'obtenir des conclusions certaines et décisives. Desmoulins et Magendie eux-mêmes s'étaient contentés de dire qu'il y a abolition de presque tout sentiment dans un r-as, et de presque tout mou- vement dans l'autre. Or , je voulais un résultat absolu , et non un demi-résultat ; ce presque ne pouvait donc me satisfaire. Je me dis en moi-même : le théorème de Bell est fort ingé- nieux, mais manque de preuve, Magendie n'a pas donné cette preuve , et peut-être ne pourra-t-on jamais l'obtenir chez les animaux des classes supérieures. Telle était aussi l'opinion manifestée parE. H.Weber(J). Pour qu'une expérience phy- siologique soit bonne, il faut qu'à l'instar d'une expérience physique quelconque, elle fournisse, en tout lieu, en tout temps et sous les mêmes conditions, des phénomènes pareils, sûrs et non équivoques. Ce n était point le caractère de celles qu'on avait tentéesjus(ju'alors pour démontrer le théorème de Bell ; car la lésion éiaii trop grave , répuisement de l'animal trop considérable, et la probabilité de Terreur l'emportait sur (1) Dans son édition de l'A.iatoujJe de lUIdebraûdt, 1. 1, p. 283. DES NERFS RACHIDIENS. 89 celle du résultat , vice dont sont entachées tant d'expériences physiologiques. Fallait-il donc renoncer à des expériences, pour ou contre ce théorème, qui présentassent le même degré de certitude que celles dont nous sommes redevables à Haller, à Fonlana, à Galvani , à Humboldt ? J'eus enfin l'heureuse idée de recourir aux Grenouilles , qui ont une vie très-tenace , qui survivent long-temps à l'ou- verture du rachis, dont les nerfs restent plus long-temps sensibles que ceux d'aucun autre animal , et chez lesquelles les volumineuses racines des nerfs destinés aux membres pos- térieurs parcourent une grande étendue dans le canal avant de se réunir. Les expériences sur ces animaux furent cou- ronnées du plus brillant succès. Elles sont si faciles, si sûres, et si décisives, qu'elles permettent à chacun de se convaincre en peu d'instans d'une des plus importantes vérités de la physiologie. Les phénomènes ont une telle constance, et sont si évidens , que, sous le rapport de la simplicité et de la cer- titude du résultat , ces expériences peuvent prendre place à côté des meilleures dont la physique est en possession. Je me sers , pour ouvrir le rachis , d'une pince qui coupe bien par le côté et à la pointe. L'opération n'exige que quel- ques minutes, et n'expose point à léser la moelle épinière. Les Grenouilles qui l'ont subie conservent leur vivacité ^ et sautillent comme auparavant. Aussitôt après avoir ouvert le rachis et fendu les membranes , on aperçoit les grosses ra- cines postérieures des nerfs destinés aux pattes de derrière. On les soulève avec précaution, au moyen d'une aiguille à ca- taracte , en évitant de prendre aucune des racines antérieu- res, et on les coupe dans l'endroit même de leur insertion à la moelle épinière. Puis on en saisit le bout avec des pinces , et on irrite les racines elles-mêmes avec la pointe de l'aiguille. Jamais cette irritation -mécanique ne provoque même te moin- dre indice de convulsion dans les pattes de derrière. On peut 90 DES RACINES 8ENSIT1VES ET MOTRICES répéter l'expérience , avec le môme résultat , sur les racines postérieures des nerfs destinés aux pâlies de devant, qui sont ë^^alenient très volumineuses. Qu'on soulèveensuite, avec l'aiguille, les racines antérieures, non moins {jrosses, des nerfs qui se rendent aux pattes de derrière, on s'aperçoit de suite qu'il suffît du moindre attou- cliemenl pour donner lieu sur-le-cliamp aux contractions les plus vives dans le membre entier. Si on les coupe au niveau de la moelle , qu'on les saisisse avec des pinces , et qu'on les irrite avec la poinie de l'aiguille, le même efl'et a lieu. En répétant ces expériences sur un grand nombre de Gre- nouilles, on acquiert la conviction qu'il est absolument impos- sible, cliez ces animaux, de provoquer des convulsions par les racines poslérieures des nerfs spinaux, tandis que la plus légère irritation exercée sur les racines antérieures en déter- mine sur-le-champ de très-violentes. Tant que les deux ordres de racines tiennent encore à la moelle épinière , on peut faire naître des convulsions dans les membres de derrière en soulevant les racines postérieures , attendu que, par-là , on exerce des tiraillemens sur la moelle elle-même. Mais ces convulsions ne sont pas le fait des raci- nes postérieures ; elles dépendent de la moelle épinière , dont l'irritation se transmet aux muscles par les racines antérieu- res , ou motrices. Aussi , quand on a préalablement coupé les racines antérieures , peul-ou in iler la moelle , ou les racines poslérieures encore unies avec elle, sans qu'il se manifeste le moindre vestige de mouvemens convulsifs. Les expériences avec le galvanisme excité par deux simples plaques, l'une de zinc, l'autre de cuivre, ne sont pas moins décisives. V irritation galvanique portée sur les racines antérieures coupées donne lieu sitr-le-chninp au.v convulsions les plus vio- lentes , tandis que , quand elle agit sur les racines postérieures, elle n'en provoque jamais. Ce résultat est fort remarquable , DES NERFS RACHIDIENS. g 1 et je pe m'y attendais nullement; car j'avais pensé que , quoi- que les racines postérieures lussent exclusivement sensiiivis , elles étaient cependant aptes à conduire le fluide galvanique jusqu'aux muscles. En eflet, il est inévitable, quand ou emploie une très-forte pile , que le fluide soit conduit par les racines postérieures tout aussi bien qu'il le serait par une autre sub- stance quelconque, comme il arriva dans les expériences de Magendie. Mais il n'en demeure pas moins certain que l'irri- tation galvanique d'une simple paire de plaques, mise en ap- port avec les racines postérieures , n'agit point sur les mus- cles, au lieu que, quand elle porte sur les racines antérieures, elle détermine sur-le-champ des convulsions ; de même qu'on a beau tirailler et pincer les racines postérieures, jamais il ne survient de mouvemens convulsifs , tandis qu'on en observe aussitôt qu'on exerce le moindre tiraillement sur les racines antérieures. En expeiimentant le galvanisme , il faut prendre garde que les plaques métalliques ne touchent d'autres parties que les racines postérieures. La manière dont Bell et Magendie ont cherché à démontrer le théorème du premier de ces deux physiologistes, peut aussi être appliquée aux Grenouilles, et conduit alors à un résultat certain. Que Ton coupe , sur une même Grenouille , du côté gauche les trois racines postérieures, et du côté droit les trois racines antérieures des nerfs desiinés aux pattes de derrière , on trouve que le sentiment est aboli dans la patte gauche, et le mouvement dans la patte droite. Si l'on coups le bout de la patte droite , qui conserve le sentiment et a perdu le mouvement , l'animal témoigne une vive douleur , dans toutes les parties de son corps , par les mouvemens qu'il exécute , mais il lui est impossible de remuer la patte droite , bien que la douleur s'y fasse sentir également ; si l'on coupe le bout de la patte gauche, qui est mobile encore, mais insen- sible , l'animal ne ressent rien. Geue expérience est , sans coûtredit , h plus frappante de toutes , et elle donne ua ré- 92 DES RACINES SENSITIVES ET MOTRICES suliat complet, décisif, absolu , non un demi-résultat ; car on est certain , chez les Grenouilles , de couper toutes les raci- nes des nerfs de la patte de derrière , ces racines étant en pe- tit nombre , mais fort jjrosses. Telles sont les expériences qui ne laissent plus aucun doute sur la vérité du théorème de Bell. Je ferai remarquer encore que, quand on coupe les racines postérieures pour les détacher de la moelle épinière, on aper- çoit fréquemment des marques bien prononcées de douleur dans la partie antérieure du tronc. Dans les expériences dont il a été question jusqu'à présent, l'irritation galvanique n'est portée que sur les racines, préala- blement coupées au niveau même de la moelle épinière . et sur le bout desquelles on fait afjir les deux piVes , de ma- nière qu'on excite un courant {galvanique à travers l'épaisseur de ces racines. Or on sait que les nerfs du tronc, qui résultent de la réunion des deux ordres de racines , provoquent des convulsions tant lorsqu'on les {jalvanise eux-mêmes, que quand on fait agii' l'un des pôles sur les nerfs et l'autre sur les mus- cles ; dans le premier cas , le courant galvanique ne fait que traverser l'épaisseur du nerf, et dans le second , il en suit le trajet, jusqu'au muscle. Je voulais savoir alors , et chacun se fera cette question, si les racines postérieures, incapables d'exciter des convul- sions quand on lesirrite immédiatement, le sont en même temps de conduire le fluide galvanique aux muscles lors- qu'on les met en communication avec l'un des pôles, l'autre pôle étant joint à ces derniers. De là résulta une série d'ex- périences intéressantes , qui ont donné des résultats non moins constans que les précédentes , et que j'ai fort souvent répétées depuis. Toutes ces expériences ont été faites sur des Grenouilles. Les racines ont toujours été soulevées doucement avec une aiguille , comme je viens de le dire , puis coupées au niveau même de la moelle épinière, de sorte qu'elle ne fussent DES KERFS RACIIIDIENS. g5 plus en communication qu'avec leurs nerfs ; constamment aussi une lame de verre a été glissée au dessous d'elles, pour les isoler, et la Grenouille entière a été posée sur une plaque de même substance. Les résultats suivans se sont reproduits con- stamment. 1° Quand les racines postérieures des nerfs spinaux sont seules en rapport avec les deux pôles d'une simple paire de plaques , il ne survient jamais la moindre trace de convul- sions. 2" Lorsqu'au contraire les racines postérieures sont armées d'un des pôles, et un muscle du membre pelvien de l'autre pôle, que par conséquent il y a un courant galvanique établi depuis les racines jusqu'aux muscles, on aperçoit des convul- sions, mais les seuls muscles qui en présentent sont ceux qui se trouvent renfermés dans le cercle d'action du galvanisme. 3'^ Les racines antérieures , soit que les deux pôles s'y ap- pliquent, soit qu'un des deux agisse sur les muscles, font entrer tous les muscles du membre en convulsions , non pas seulement dans le cercle d'action du galvanisme, mais encore jusqu'aux orteils. 4° La même chose arrive quand on met les racines posté- térieures en rapport avec un pôle, et les antérieures avec l'autre. Ces expériences démontrent : 1" Que les racines postérieures des nerfs spinaux n'ont pas de pouvoir isolant , et qu'à l'instar de toute autre partie ani- male, à l'état humide, elles conduisent passivement le courant galvanique d'un pôle à l'autre. 2° Qu'elles n'ont pas non plus de pouvoir moteur, et qu'elles ne peuvent , par elles-mêmes , faire entrer aucun muscle en action. 3° Que non seulement les racines antérieures conduisent le courant galvanique comme le font toutes les parties animales, mais qu'encore , sans le concours d'aucun courant galvanique 94 DES RACINES SENSITIVES ET MOTRICES. qui les traverse pour aller aux muscles , et à la suite de toute irritation immédiate par des slimulans mécaniques ou galva- niques, elles exercent une puissance motrice^ non galvanique, dans la direction des ramifications nervousos. Je vais montrer actuellement qu'un nerf peut perdre le pouvoir moteur qui lui est propre , quoiqu'il conserve encore la faculté de conduire le courant galvanique aux muscles. Que Ton écrase un muscle de nerf avec des pinces, les irritations, tant mécaniques que galvaniques, qu'on exerce ensuite au des- sus du point contus n'agissent plus ; mais elles agissent quand on los applique au dessous du point , entre lui et le muscle. Cependant un nerf contus est apte à conduire le courant galva- nique aux musclas, et il survient des convulsions lorsqu'un pôle agit sur l'extrémité de ce nerf ainsi maltraité, et l'autre pôle sur le muscle. Le point contus est donc conducteur. Enfin, comme la moindre irritation mécanique avec une aiguille ou un corps non métallique , tel qu'un cure-dent, produit sur les nerfs des muscles et les racines antérieures des nerfs spinaux, les mêmes effets que l'irritation galvanique immédiate se dirigeant en courant transversal à travers l'épais- seur du nerf , c'est-à-dire des convulsions dans le membre entier, il suit de là : 1° Que l'irritation galvanique immédiate des deux pô'essur les racines antérieures n'a point une manière d'agir diflcrcnte de celle des irritations mécaniques, que ce n'est point alors le galvanisme , comme tel , qui constitue la cause prochaine de la contraction musculaire, et qu'il ne fait, à l'instar des irrita- tions purement mécaniques, que solliciter les forces motrices ou toniques des nerfs toniques à se manifester. 2" Que la force galvanique diffère de la force motrice ou to- nique des nerfs, et qu'elle ne se comporte, à l'égard de cette dernière, que comme une énergique stimulation. 3» Qu'il y a des nerfs qui ne possèdent pas de forces mo- trices ou toniques , qui ne peuvent jamais, par eux-mêmes, DES NERFS TIACHIDIENS. g5 exciter de convulsions, soit qu'on les irrite mécaniquement soit qu'on les irrita {jalvaniquement, et qui ne font que con- duire passivement le courant {galvanique. 4° Qu'il y a, au contraire, des nerfs moteurs on toniques^ qui, à la suite de toute irritation immédiate qm^lconque, manifestent leur puissance tonique par la contraction des muscles, mais que cette force agit toujours dans la direction des branches, et jamais en sens inveise ; car il ne s'agit point ici du cas où des courans galvaniques passent à d'autres bran- ches par l'intermédiaire de parties humides. 5° Enfin , que les racinr^s antérieures des nerfs spinaux sont toniques^ et que les postérieures ne le sont point. Pour donner plus d'ifilérêt encore aux nouvelles expériences dont je viens de faire ressortir les résultats, je résolus de sub- stituer une pile galvanique à la simple paire de plaques. J'en pris une de trente-quatre couples, et dont les plaques avaient un peu plus de quatre pouces carrés. Ces expériences furent faites aussi sur plusieurs Grenouilles. Voici quels en furent les résultats constans. 1° Les racines postérieures des nerfs spinaux destinés aux pattes de derrière furent coupées au niveau de la moelle épi- nière, et leurs bouts, posés sur une petite lame de verre, fu- rent mis en relation avec les deux pôles de la pile. Jamais il ne se manifesta même ht moindre trace de convulsion. 11 im- porte également ici de ne comprendre aucune fibre des raci- nes aciérieures. 2° Les racines antérieures , traitées de la même manière, excitèrent les plus violentes convulsions dans tout le membre. o" Lorsqu'on mettait en communication la racine posté- rieure avec un pôle et les muscles de la cuisse avec l'autre pôle, toute la patte était prise de convulsions, mais surtout en dedans du cercle d'action du galvanisme. 4° Les racines antérieures étant armées avec un pôle , et 9^ DES KACIINES SENSITIVES ET MOTRICES. les muscles avec l'autre , les convulsions se montraient beau- coup plus fortes encore. J'(''j)rouvai alors le désir de savoir si les racines des derniers nerfs spinaux , lorqu'ollcs ont été coupées à (luehjue dislance de la moelle épinière , et qu'on arme les bouts encore pen- dans à cette dernière , sont on état de provoquer des convul- sions dans les parties antérieures du corps, par Tiiitermédiaire de la moelle épinière. Les résultats furent constans , mais je ne m'attendais pas à ceux-là. Ni les racines antérieures, ni les racines postérieures, lors- qu'on les garnit seules d'une armature simple, n'excitent, par un mouvement rétrograde, de convulsions dans les parties amérioures du corps, par exemple, dans la tête. Il paraît donc que les fibres des nerfs ne communiquent point ensemble dans la mof lie épinière. Mais des convulsions ont lieu quand on arme les racines avec un pôle , et les parties antérieures dé- nudées du corps avec l'autre pôle , ce qui dépend de la pro- pagation du courant galvanique à des nerfs moteurs éloignés. Enfin , je détucliai toutes les racines des nerfs d'une Gre- nouille , d'arrière en avant , jusqu'à la région des membres antérieurs, en les coupant au niveau même de la moelle épi- nière , de manière à pouvoir soulever la partie postérieure de celte dernière et glisser une petite lame de verre au dessous d'elle. L'extrémité de la moelle épinière , mise en rapport avec les deux pôles, provoqua des convulsions dans toutes les parties qui tenaient encore à cet organe. Il suit de là que la moelle épinière n'est pas seulement Vensemble des nerfs du tronc , comme on l'avait présumé , mais qu'elle a quelque chose de commun avec les nerfs, et qu'elle diflère d'eux sous certains points de vue. En effet, les racines des nerfs spinaux ne déterminent pas de convulsions dans les parties antérieu- res , par un mouvement rétrograde , quand on les irrite im- médiatement, tandis que l'extrémité de la moelle épinière en provoque, dans les mêmes circonsiaaces.j t)ES NEhFS RACBIDIENS. Ç)'] Les principales des expériences qui viennent d'être dé- crites , savoir celles avec les irritations mécaniques et avec une simple paire de plaques, sont répétées par moi ciiaque année, et toujours elles ont donné les mêmes résultats non équi- voques. Non seulement je les reproduis régulièrement dans mes cours de physiologie , mais encore je les ai faites à Paris, en présence de Humboldt, Dutrochet, Valenciennes, Lauril- lard et Cuvier; à Heidelberg , devant Tiedemann et Gmelin ; à Bonn , avec Weber, Wuizer et Retzius. Elles ont été répé- tées , avec un résultat identique , par Retzius à Stockholm , par Thomson à Edimbourg, par Stannius à Berlin (1). Celles sur les irritations mécaniques l'ont été également par Seubert (2) et Yan Deen (3). Mais celles avec le galvanisme n'ont point parfaitement réussi à Seubert. Au lieu d'expérimenter avec une paire de plaques, ce physiologiste crut devoir se servir d'une pile de cinquante couples. Mais on sait que, pour produire des effets locaux chez les animaux, il faut employer des appareils très-faibles , attendu que, pour peu qu'il y ait d'énergie dans ceux donton fait usage, on n'est plus assuré de n'avoir galvanisé que les parties touchées par les pôles , le fluide galvanique ayant pu être transmis à d'autres, en vertu de la faculté con- ductrice dont tous les corps humides sont doués. Il n'est donc pas surprenant que Seubert ait vu quelquefois survenir des convulsions lorsqu'il galvanisait les racines postérieures des Grenouilles avec une pile de cinquante couples : s'il avait em- ployé une pile plus forte encore , il aurait sans doute observé des convulsions de l'animal entier. Ces réflexions se présentent naturellement à l'esprit , quand on connaît la manière d'agir du fluide galvanique et les phénomènes de sa propagation. En (1) HucKms, u4nnalen. Décembre , d832. (2) De functionih. rad. ant, et post. nerv. spin., Cailsriihe, 4833. [»} De dï/ferentia et nexu Jnter nervos vitœ animalis et organkœ , Leyde, 4834, 98 DES RACINES SENSITIVES ET MOTRICES se servant d'une simple paire de plaques, Seuberl aurait inva- riablement obtenu le résultat aiupiel je suis lautdelois arrivé, et sans qu il m'oili'ît jamais la plus petite modilication. Après avoir ainsi observé les ell'ets d'une paire de plaques, il en au- rait essayé deux, puis trois, quatre , cinq , dix, vingt , trente, et de celte manière il serait arrivé à connaître le point auquel il devait s'arrèier dans la construction de sa pile. Les expé- riences de Panizza , sur des Grenouilles et des Boucs , au moyen de la section des racines (1), conlirment également la découverte de Bell Çl). Quelque détiiiiiivement démontrée que soit la diflérence entre les racines antérieures et les racines postérieures, sous le point de vue de leurs propriétés sensitives et motrices , il s'en faut de beaucoup qu'elle le soit de même en ce qui con- cerne les cordons antérieurs et postérieurs de la moelle épi- nière (3). D'après les expériences de Seubert, la région anté- rieure de cette dernière paraît présider principalement, mais non exclusivement, au mouvement, et la postérieure au sentiment. Les faits pathologiques que l'auteur a réunis ne fournissent pas une preuve complète de cette assertion. Au reste, il est a peine possible de luire des expériences exactes sur les animaux pour arriver à la solution du problème, puis- qu'en cherchant a n'agir que sur les seuls cordons postérieurs par incision, on agit, sans le vouloir, par pression sur les cor- dons antérieurs. (1) Bicerche sperimentali sopra i nervi. Pavie, in-4°. ^2) Valeiilin a obtenu le iiiéuie résultat sur des cadavres de Lapins ré- cemment mis à mort. L'irritation des racines antérieures des nerfs rachi- diens excitait le plus souvent de fortes convulsions dans les muscles aux- quels ceux-ci se rendent, tandis que rien de semblable ne succédait à celle des racines postérieures par des moyens mécaniques , chimiques et galvaniques. (De functionibus nervorum cerebraltum et nervi sympathici, Berne, 1839, p. 2.) (3) J'en ni déjà fait la remarque dans les Annales des sciences natu- relles. dS31. DES NERFS CEREBRAUX. 99 CnAPITRE II. Des propriétés sensitives et motrices des Derfe cérébraux. Sans entrer déjà ici dans le détail de la physiologie des di- vers nerfs cérébraux, je vais les examiner sous le point de vue des ressemblances ou des différences qu'ils présentent quand on les compare aux nerfs racbidiens. On peut les rapporter aux classes suivantes : 1° NomKiue, la seciioa du nerf facial ramenait sur-le-champ le calme dans les muscles de la face , tandis que ceux des autres parties du corps continuaient d'éprouver des spasmes. Lorsque j'irritais ce nerf avec une aiguille, ou que je le serrais avec des pinces , il survenait les plus vives convulsions dans les muscles de la face, au museau ou aux paupières, suivant les branches snr lesquelles j'agis- bES NERFS tiiRÉBRACX. 1 l5 sais(d)- T.a même chose arrive quand on le {galvanise avec une simple paire de plaques. Il est donc le nerf moieur de tous les muscles de la face. Plusieurs faits pathologiques observés par Bell en donnent la confirmation. Un homme reçut un coup de pistolet; la balle pénétra dans l'oreille , et lésa le nerf fa- cial à son origine ; le mouvement du côté correspondant de lu face fut aboli , mais le sentiment persista. Un autre homme fut frappé d'un coup de corne de bœuf à la sortie du nerf facial; tout le côté de la face perdit sa mobilité, les paupières restèrent ouvertes, le coin de la bouche était déformé, et Toile du nez ne s'agitait pas dans les fortes inspirations ; les mus- cles de la face de ce coté finirent par s'atrophier, quoique la la sensibilité fût maintenue dans les parties paralysées. Le même résultat eut lieu après la section du nerf facial lors de l'extirpation d'une tumeur située au devant de l'oreille (2). Bell croyait que différens muscles de la face, par exemple, ceux des lèvres et du museau, pouvaient être paralysés sous le rapport des mouvemens de la physionomie, tandis que leurs mouvemens masticateurs persistaient , et vice versa, ce qu'il attribuait à ce que ces muscles recevaient des branches du nerf sous-orbitaire et du facial. Il s'était complètement trompé en cela. Le nerf sous-orbitraire ne possède aucune puissance motrice, et après la paralysie du facial , les muscles sont privés de tout mouvement , à l" exception des mastica- teurs, qui ne lui sont point soumis, puisqu'ils dépendent de la petite portion motrice du trijumeau. Jusqu'ici je n'ai considéré le nerf facial que comme nerf moteur. Bell ne le connaissait qu'à ce titre, et "il le croyait en- tièrement dépourvu de sensibilité. Mais, en même temps que le pouvoir moteur, il possède une très-grande sensibilité. Schœps a vu la section de ce nerf ne causer aucune douleur (1) Frobieps', ISotizen, n" 648. ^2) Magendie, tourna/, t. X, j). 7, _j 1 l6 DES PROPRIÉTÉS SENSITIVE8 ET MOTRICrS au Lapin , et en déterminer de très-vives au CIilî. il a dû nécessairement se tromper, car j'ai toujours trouvé l'opération si douloureure; chez les Lapins, qu'elle les faisait crier beau- coup. Ma{ïendie a remarqué aussi qu'elle entraînait plus ou moins de douleur. Mayo a observé que le nerf était peu sensi- ble chez l'Ane, et qu'il l'était à un haut degré chez le Cheval , le Chien et le Chat. Les Chats auxquels Backer et Eschricht l'ont coupé témoignaient également de la douleur. Mais c'est une tout autre question que celle de savoir si les fibres sensi- bles du nerf facial lui appartiennent dès son origine , ou s'il les doit à ses nombreuses anastomoses avec le trijumeau, c'est- à dire avec le temporal superficiel , le sous-cutané de la pom- mette , le sous-orbitaire et le mentonnier. Eschricht l'a résolue dans le sens de la seconde hypothèse. Il coupa le nerf triju- meau dans le crànc , et le nerf facial continua d'être sen- sible après cette opération. Dans une seconde expérience , la section du nerf trijumeau gauche fut suivie de l'insensibilité du nerf facial correspondant, tandis que celui du côté opposé conservait la sienne. Dansunetroisième,Eschrichtcoupalenerf trijumeau gauche , et reconnut que la partie antérieure du fa- cial gauche était devenue insensible , mais que sa partie pos- térieure, au dessous du conduit auditif externe , jouissait en- core de la sensibilité. D'où il conclut que la section du nerf trijumeau rend le facial insensible dans sa partie antérieure, sans abolir la sensibilité dans sa partie postérieure. Une expé- rience fort simple, faite par Gaedechens sur le Chien, prouve que l'anastomose de plusieurs branches du facial avec des branches du sous-orbitraire ne communique pas au premier de ces nerfs la sensibilité dans une direction rétrograde En effet, ce physiologiste l'a trouvé sensible après la section de celles d'en- tre ses branches qui s'anastomosent avec le sous-orbitaire. De plus, il coupa, sur un Chien , une branche considérable du nerf facial qui s'anastomosait avec le sous-orbitaire ; cette bran- che était insensible dans la portion séparée du nerf facial; elle DES NERFS CÉRÉBRAUX. 1 l 'J ne tirait donc pas sa sensibililé du nerf sous-orbitaire, avec lequel elle conservait encore des connexions , mais bien du nerf facial lui-même , ou d'anastomoses de celui-ci avec des branches du trijumeau situées beaucoup plus en arrière, par exemple du temporal superficiel, qui s'unit avec le facial au devant et au dessous de l'oreille externe. Ce qui ressort certainement des expériences d'Eschricht , c'est que le nerf facial ne reçoit pas toutes ses fibres sensitives du trijumeau. Quelques anatomistes ont cherché à expliquer le fait en disant que deux ordres de fibres lui arrivent à lui-même par deux racines différentes,et qu'en conséquence il rentre dans la classe des nerfs mixtes. On a considéré dans ce sens la por- tion intermédiaire de la racine du nerf facial , et regardé le renflement qu'il offre au niveau du hiatus de Fallope comme le ganglion d'un nerf sensitif (1). Cependant le renflement que le nerf facial présente au niveau de l'hiatus de Fallope existe au point d'immersion de branches faisant corps avec le grand sympathique, de même qu'il arrive au ganglion sphéno-palatin de la seconde branche du trijumeau ; car en cet endroit abou- tissent le grand nerf pétreux superficiel, le petit, et le troisième dont on doit la découverte à Bidder (2). La seule existence de la portion intermédiaire ne prouve point qu'il s'agisse là d'une racine sensitive spéciale , puisque l'idée d'une racine sensitive entraîne nécessairement celle d'un ganglion ; car si l'on vou- lait considérer tout faisceau radiculaire d'un nerf comme une racine particulière , on serait obligé d'attribuer plusieurs fonc- tions, même beaucoup , au nerf accessoire, deux à l'hypo- glosse dans un grand nombre de cas, et trois à l'olfactif. D'après cela , nous sommes conduits à admettre , ou que le nerf facial est encore, à son origine, absolument simple et (1) G^DECHENs, Nervi facialis physiologiaetpathologia ^UeideWyers, 4832. (2) MuuBR, Archiv, 4837, p. xxvi. \ 18 DES ï'ROI'RlélÉS SENSmVES ET MOTRICES exclus.iv«meiil moteur , ou qu'il reçoit déjà des fibres sensi- tives du cerveau, sans avoir de racine serisitive spéciale. Rien ne nous oblige d'adopterla seconde hypothèse. Nous pouvons même indiquer avec piécision la soui ce d où f)rovient le reste de sensibilité dont le nerl' facial jouit encore au dessous du conduit audilil externe , même après la section du nerf triju- meau. C'est une anastomose qui a lieu , dans le hiatus de Fal- lope, entre une branche du nerf vafjue et le tronc du facial, et qui existe chez l'homme aussi bien que chez les animaux. Cette sin{i[ulière composition du nerf facial , qui explique tout parfaitement , a été découverte pour la première fois chez l'homme par Comparetii (4). Cuvicr l'a décrite aussi dans le Veau. En ellet, le nerf vague fournit , sous un angle aigu , une bj^anche assez forte , qui traverse un canal osseux parti- culier , envoie un rameau au nerf facial , et se répand ensuite dans loieille externe. Ce nerf, que j'ai vu tant chez le Veau que chez l'homme, est évidemment la principale cause delà sensibilité du facial. CHAPITRE III. Des propriétés sensitives et motrices du nerf ganglionnaire. i" Le lier f ganglionnaire possède la sensibilité. Quelques observateurs ont refusé à ce nerf la faculté de transmettre les impressions sensitives. Bichat a irrité mécani- quement et chimiquement le ganglion cœliaque du Chien , sans faire naître de douleurs. Dupuy a extirpé le ganglion cervical inférieur, sans que les animaux témoignassent de douleur (2). Wutzer n'a pu parvenir non plus à exciter des douleurs en irritant les jyanglions lombaires d'un Chien. Les obsorvaiions de Magendie et de Lobslein uni eu le même résultat. D'un autre (1) De aure interna, Padoiie, 1789, p. 109, 133. (2) Bulletin de l^ Académie royale de Médecine^ Paris, 1839, t. III, p. 822. DU NERF GARGLIONNAIRE. 1 I9 côté , Flourens a toujours remarqué des si^^nes plus ou moins prononcés de douleur dans ces sortes d'expériences (1). Bra- chet, dans les siennes , tantôt a vu des manifestations de dou- leur,' et tantôt n'en a pas vu ('2). Mayer a constaté aussi que les animaux chez lesquels il incisait le ganglion cervical supérieur ou irritait le plexus solaire , donnaient indubitablement à con- naître qu'ils souffraient (3). Mes propres observations m'obli- genîà partager le sentiment decesderniers expérimentateurs. Non seulement j'ai vu plusieurs fois l'irritation mécanique ou chimique du ganglion cœliaque déterminer de la douleur chez les Lapins, mais encore j'ai remarqué, dans les expériences auxquelles je me suis livré, conjointement avec Peipers, sur la ligature des nerfs rénaux , que cette opération était fort dou- loureuse. D'ailleurs, ce qui prouve, plus péremptoirement encore que les expériences, la sensibilité du nerf ganglion- naire , ce sont les sensations douloureuses que font éprouver, dans les maladies, les viscères pourvus de filets par lui. Je partage pleinement l'opinion de E.-H. Weber , quand il dit qu'on doit attacher moins de valeur aux expériences qu'à l'observation journellement répétée de douleurs ressenties dans des parties qu'elles tendraient à nous représenter comme insensibles (4). Cependant , les sensations qui ont lieu dans les parties auxquelles le nerf ganglionnaire se distribue sont incomparablement plus faibles et plus obscures que celles qui se manifestent dans tous les autres organes ; car il est rare que nous sentions dans l'estomac les alimens , ou très-chauds ou très-froids, que nous y introduisons ; des substances qui irritent violemment la peau , comme la moutarde , le raifort , etc., ne font pas non plus naître de sensations dans ce viscère , et il (1) Becherchea expérimentales sur le système nerveux,^. 206. (2) Recherches sur les fonctions du syst. nerv. ganglionnaire , p. 307. (3) Act. Nat. Car., XVI, P. 11. (4) Dans sou édition de l'Anatoraie de Hildebrandt, t. III, p. 335. 1 20 DES PROPRIÉTÉS SENSITIYES ET MOTRICES n'y a que des impressions très-vives qui puissent amener sa faculté sensiiive au degré où nous la voyons ailleurs, ce qu'on a cru expliquer en adoptant l'hypothèse de Reil , que les gan- {TJions sont de la nature des demi-conducteurs, qu'ils arrêtent ordinairement la propa{;ation des impressions faibles, et qu'ils ne laissent passer que celles qui ont beaucoup d'intensité. Quoique celte hypothèse ne puisse être appuyée d'une dé- Tîionstration ri{îoureuse, il y a cependant une observation de Brachet qui semble parler en sa faveur. Brachet dit avoir irrité les ganglions ihoraciques du nerf ganglionnaire; il coupa les cartilages costaux du côté droit , assez près du sternum , ramena le poumon vers ce dernier os , et aperçut alors les ganglions thoraciques sur les côtés de la colonne vertébrale ; nul signe de douleur ne fut donné par l'animal lorsqu'il se mît à piquer ces ganglions ou le cordon étendu entre eux ; mais l'irritation d'un rameau de communication du grand sym- pathique avec un nerf spinal, détermina des manifestations bien évidentes de douleurs , qui se reproduisirent dans d'autres expériences en tout semblables à celle-là. Brachet a reconnu aussi que des ganglions qui paraissaient d'abord insensibles, devenaient sensibles lorsqu'on les irritait à plusieurs reprises. 2<* Le nerf ganglionnaire exerce une influence motrice, mais involontaire ^ sur les parties auxquelles il se distribue. Les expériences que j'ai faites avec Sticker prouvent que la conlractilité des muscles dépend de leur conflit avec les nerfs, et qu'après la section de ceux-ci , quand la reproduction ne s'en effectue pas, elle s'éteint au bout de quelque temps , ainsi que l'irritabilité nerveuse. Il suit de là que la contracti- lité des muscles non soumis à la volonté doit aussi se trouver subordonnée à la domination des nerfs, et qu'elle n'appartient pas en propre aux organes musculaires eux-mêmes , comme le croyait Haller. Nous possédons d'ailleurs quelques preuves directes de l'influence motrice que le nerf ganglionnaire exerce sur les muscles. Humboldt a déterminé des mouvemens du DU NERF GANGLIONNAIRE. 12 1 cœur , chez des Mammifères , en galvanisant les nerfs cardia- ques. Comme ces expériences ont été faites avec le simple stimulant galvanique , elles ont une grande valeur. Burdach a vu aussi les hattemens du cœur devenir plus énergiques, chez un Lapin qui venait d'être mis à mort , lorsqu'il armait la por- tion cervicale du grand sympathique , ou le ganglion cervical inférieur. Il a également rendu plus de vitesse aux contractions de cet organe en arrosant le nerf avec de la potasse ou de l'ammoniaque caustique (1), ce qui toutefois ne m'a pas réussi. Wutzer, ayant isolé le second ganglion lombaire, au moyen d'une plaque de verre passée dessous, et l'ayant armé avec les pôles d'une pile galvanique , vit toutes les parties du bas- ventre et même les muscles de la cuisse du même côté être pris de tremblement (2). Moi-même, après avoir coupé le nerf splanchnique d'un Lapin , isolé la portion périphérique, encore unie au canal intestinal , en la plaçant sur une lame de verre, et armé cette môme portion avec une pile de soixante-cinq couples, j'ai vulesmouvemenspéristaltiquesde l'intestin entier devenir plus vifs, et, quand déjà ils avaient cessé, se ranimer. Les expériences de Wutzer et les miennes prouvent, à pro- prement parler , peu de chose , et sont vicieuses en ce que l'action galvanique avait trop de force. En pareil cas , les nerfs peuvent ne jouer que le rôle d'un simple conducteur hu- mide amenant le fluide galvanique jusqu'à la partie mobile , et les choses se passent alors comme si l'on avait galvanisé l'intestin lui-même. En effet, dans les expériences de Wutzer, ce fut le fluide galvanique, et non le principe nerveux, qui passa dans les nerfs de la cuisse, ou dans les plexus lombaire et sacré. Une preuve plus concluante de l'influence motrice du nerf ganglionnaire est fournie par l'expérience que j'ai faite (1) Traité do physiologie; trad. par A.-J.-L. Jourdan, Paris, 4837, t. VII, p. 74. (2) Loc. cit., p. 127. /î*o^ --i:r--«-^ f '^ I » « p p J^ © 123 DES PROPRIÉIÉS SEN81TIVES ET MOTRICES fort souvent , et toujours avec le même résultat , sur le gan- glion cœliaque des Lapins. Qu'on ouvre l'abdomen d'un de ces animaux, et qu'on attende jusqu'à ce que le mouvement pé- ristalti(iue de rintesiia ait cessé; il suflil , pour voir ce mou- vtment reparaître avec une vivacité extraordinaire, de tou- cher le ganglion cœliaque avec de la potasse caustique. Ici se présente la question de savoir si le nerf ganglion- naire ne renferme que des fibres d'une seule et même espèce, et si ces fibres sont égalemciit propres à la nutrition , au sen- timent et au mouvement , c'est-à-dire si elles provoquent des actes de sensation en agissant sur le cerveau, et des actes tant de nutrition que de mouvement, en exerçant leur activité dans la direction de la périphérie. Considérée en elle-même , la chose manque de toute vraisemblance ; car, autrement , toute augmentation de la sécrétion dans le canal intestinal serait accompagnée decelle du mouvement, et tout accroissement du mouvement le serait de celui des sécrétions. Donc tout porte à croire par avance que le nerf ganglionnaire renferme, comme les autres , des fibres sensitives et des fibres motri- ces , qu'il en contient même encore d'autres d'une troisième sorte , c'est-à-dire des fibres organiques , pour présider aux opérations chimiques. On ne peut arriver à une solution ri- goureuse de ce problème, qu'en examinant avec soin les con- nexions du nerf ganglionnaire avec les nerfs de mouvement et de sentiment. Il y a long temps que l'on discute si les connexions connues entre le nerf ganglionnaire et les troncs des nerfs cérébraux et rachidiens doivent être considérées comme des racines ou comme des branches anastomuliques du premier. En les exa- minant au microscope , on reconnaît que beaucoup de ces filets vont des nerfs cérébro-spinaux au nerf ganglion- naire , tandis (|ue d'autres sont des élémens de ce dernier qui passent dans les nerts cérébro-spinaux. Ainsi, nous verrons plus tard que la portion caioiique du ganglion cervical supé- DU NERF GANGLIONNAIRE. laS rieur n'est pas seulement racine du nerf ganglionnaire ; que loin de là même, elle résulte , en grande partie, d'élémens de ce nerf qui vont se mêler à des nerfs cérébraux , pour se dis- tribuer avec eux à la péjipliérie. La portion des cordons caro- tidiens qui s'adjoint à la premlèie et à la seconde branches du trijumeau, ainsi qu'au nerf abducteur, fournit à ces nerfs des faisceaux gris, qui gagnent la périphérie, et qui ne sont nullement des racines. Au contraire , le nerf ganglionnaire reçoit d'une partie des nerfs cérébraux , notamment de ceux qui sont mixtes, et de tous les nerfs rachidiens, de vraies ra- cines , qui partent des filels radiculaires de ces nerfs , et pas- sent dans le ganglionnaire pour aller se répandre avec lui à la périphérie. Les rapports entre ce dernier nerf et les nerfs cérébraux sont fort compliqués , mais ceux avec les nerfs spinaux sont simples et faciles à élahlir. En étudiant ces der- niers, on arrive aux principes qui doivent guider dans l'étude des autres. Ainsi on voit sans peine , sur un animal quelcon- que , qu'une partie des racines de chaque nerf rachidien se détache pour entrer dans le nerf ganglionnaire. C'est ce qu'on nomme le rameau communiquant. Ses fibres, pour la plupart, partent du nerf spinal et vont au nerf ganglionnaire. Maintenant le nerf ganglionnaire, par ses racines, reçoit-il à la fois des fibres motrices et des fibres sensitives de la moelle épinière et du cerveau? D'après les recherches faites p:ir Scarpa et Wutzer, il tient à chacune des deux racines des nerfs rachidiens, de sorte qu'il recevrait et des fibres motrices et des fibres sensibles, ce qui doit être , en efl'et , d'après les fonctions des viscères sur lesquels sa domination s'exerce. A la vérité , la sensibilité n'est pas très-développée dans les organes (jue pourvoit le nerf ganglionnaire; mais elle y existe d'une manière bien positive ; elle est seulement obscure, et l'emplacement ne permet pas qu'elle soit ni bien manifeste ni bien circonscrite; cependant elle devient, dans les maladies, aussi vive et aussi prononcée que partout ailleurs. D'ail- 124 I^^S PROPRIÉTÉS SENSITIVES ET MOTRICES leurs les viscères auxquels ce nerf distribue ses lilels n'ont que des mouvemens qui n'obéissent point aux ordres de la volonté. Celte dernière circonstance avait détenninf" Scarpa (1) à refuser toute influence motrice au nerf, et à chercher dans les parties mêmes qui se meuvent involontairement la cause de leurs mouvemens. Il se fondait principalement sur de nouvelles ob- servations qu'il avait faites à l'égard de rorij;ine du nerf gan- glionnaire, qui , suivant lui , provenait uniquement des raci- nes postérieures des nerfs rachidiens. Ce grand anatomiste a donné le rare exemple d'un homme parvenu au terme dune lonpue carrière , et qui cependant n'affectait pas de jeter un regard de dédain sur les progrès de la science, comme le font tant d'autres qui n'ont pas même l'excuse de l'âge. Scarpa prit, sur les derniers temps de sa vie, une part fort active à la révolution survenue dans la physiologie du système nerveux; mais sa sagacité ordinaire l'avait abandonné, lorsqu il émit sa nouvelle hypothèse sur l'origine du nerf ganglionnaire. Mes recherches (2) , et celles de Retzius (3), de Mayer (û), de Wutzer (5) ont effectivement établi que l'opinion autrefois émise par ce dernier est la seule exacte , et que le nerf gan- glionnaire naît en réalité des deux racines des nerfs rachi- diens, à travers lesquelles Mayer a même suivi jusqu'à la moelle îépinière les libres qui lui appartiennent. Il contient donc des fibres motrices et des fibres sensitives. L'examen microscopique des filets radiculaires du nerf gan- glionnaire provenant des nerfs rachidiens, fait voir qu'ils contiennent des fibres tubuleuses semblables à celles qu'on aperçoit dans ceux-ci eux-mêmes. A la vérité, ces fibres sont (1) De ganyliisnervorum, deque origine et cssentia nerviintercostalis, dans les Opuscoli di c/iirurgta, Pavia, 1832, t. III, p. 47. (2) Meckel's , Archiv, 1832, p. 85. (3) Ihid , p. 260. (4) Nova act., XVI, P. II. (5) MuLiER, Archii', 1834, p. "305. DU NERF GANGriONNAlRE. 1^5 plus délif'es dans le nerf gan(Tlionnairc, et elles restent telles pendant tout leur trajet; mais il n'y a manifestement pas la moin- dre différence ni sous le rapport du tube, ni sous celui du conte- nu. Par la raison que ces fibres sont plus grêles, la pression et l'extension y font naître des varicosités plus facilement que sur celles des nerfs spinaux. Mais, à l'état d'intégrité, elles ne sont jamais variqueuses. Le nerf ganglionnaire ne difl'èredonc pas essentiellement des autres sous ces rapports. Comme dans les autres nerfs aussi, les fibres tubuleuses demeurent sépa- rées et distinctes dans toute leur étendue = elles ne s'anasto- mosent jamais ensemble. La seule particularité que présente le nerf ganglionnaire tient à la manière dont il réunit ses filets radiculaires , et les abandonne ensuite pour la distribution périphérique. Les filets venant des racines parcourent un certain espace dans le cordon limitrophe du nerf, et alors seulement se séparent de lui. De là résulte l'apparence d'un cordon non interrompu depuis le ganglion cervical supérieur jusqu'au ganglion coccygien. Je dis l'apparence d'un cordon continu ; car aucun fait ne nous autorise à penser que les fibres qui viennent du ganglion cervical supérieur se continuent jusqu'à l'extrémité du cordon limitrophe. Les fibres qui sont entrées les premières dans ce cordon, sont aussi les premières à en sortir, puis les suivantes, et ainsi de suite; d'abord les nerfs cardiaques, puis les splanchniques, les rénaux, les aor- liques, etc. On peut comparer cet état de choses à la manière dont se comporte aux côtes le muscle sacro-lombaire , qui reçoit des faisceaux à son côté interne et en fournit de l'autre côté. Mais celte particularité du nerf ganglionnaire n'a non plus que l'apparence de lui être propre : car beaucoup d'au- tres nerfs sont exactement dans le même cas; les rachidiens forment d'apparentes anses d'anastomose qui ne tardent pas ^ à rendre ce qu'elles ont reçu. Il en est de même du rameau descendant de l'hypoglosse, auquel contribuent les nerfs spi- naux supérieurs. Si les nerfs rachidiens se rapprochent en cela 1 aG DU SYSTÈME DES FIBRES GRISES OU ORGANIQUES du nerf guii{ïUonnaire , il arrive quelquefois que celui-ci ne forme pas de cordoo liu»ilroplie conÙQu , c'est à dire que les unions entre les cordons radiculaires manquent sur quel- ques points , ou sont exli èmement grêles , comme chez les Ophidiens. Le nerf ganglionnaire, recevant régulièrement des nerfs ra- chidiens des faisceaux de libres motrices et de fibres sensiti- ves il est probable que la même chose a lieu pour ceux des nerfs cérébraux qui ont de l'analogie avec les racliidiens, c'est-à-dire naissent par deux racines. En effet, l'hypoglosse, le vague et le {;losso-pharyngien donnent des racines au gan- glion cervical supérieur, ce qui ne veut pas dire que toutes les fibres de ces cordons soient motrices et sensiliveS, car elles ne le sont réellement point. Le nerf ganglionnaire reçoit donc aussi de tous les nerfs cérébraux des ratines sensitives et des racines motrices. Il en est de même du trijumeau , de ce grand nerf céphalique si semblable aux nerfs rachidiens : du moins le rameau vidien profond est-il en partie racine du nerf ganglionnaire , comme je le ferai voir dans le chapitre suivant. CHAPITRE IV. Du système des Qbres grises ou organiques, et des propriétés de ces flbres. Les opinions des anciennes écoles physiologiques sur les propriétés du nerf ganglionnaire sont peu compatibles avec l'état présem de la science. Dire que ce nerf est destiné au système organique des viscères, tandis que les nerfs cérébro- spinaux fournissent le système de la vie animale , et ajouter qu'il a pour destination dunir les nerfs les uns avec les antres en un tout harmonique , qu'il est la cause des sympathies , c'est émettre des assertions bien peu satisfaisantes. Les im- portans travaux de C. Bell sur les racines sensitives et motri- ces , tout en nous laissant dans l'obscurité par rapport au nerf ganglionnaire , suffisaient cependant pour faire entrevoir que ET DES PROPRJÈTÉS DE CES FIBRES. I27 les opinions reçues à réf^ardclece nerf devaient subir uneré- l'orme complète. Mais c'est dans ces derniers temps seulement qu'on a acquis la connaissance des faits. Je considère comme un des premiers les observations que Retzius a publiées eo 1827 , sur la marche , parmi les fibres branches du nerf triju- meau , de fibres grises , qui , partant de certains {janglions vont les unes vers la périphérie , pour gagner les bran- ches , et les autres vers le centre, pour aboutir au ganglion de Gasser. Retzius lui-même n'a tiré aucune conclusion physio- logique de ces faits importans , que personne non plus n'a utilisés jusqu'en 1834. Pendant ce temps, parurent iesrecher- ches de Marshall Hall et les miennes sur les phénomènes ré- flectifs. Quoique ces phénomènes n'eussent guère été exami- nés que dans les nerfs cérébro-spinaux , je n'hésitai cepen- dant pas à dire , en 1833 , que les sympathies doivent être expliquées , non par le nerf ganglionnaire , mais par la ré- flexion, et que les nerfs sympathiques n'agissent pas, sous ce rapport, autrement que les nerfs cérébro-spinaux, c'est-à- dire qu'ils transmettent des irritations sensorielles à la moelle épinière , d'où part la réflexion. En 1834 , parut une exposi- tion plus précise des principes d'après lesquels on doit consi- dérer le nerf ganglionnaire et ses connexions avec d'autres nerfs. Cette exposition fut donnée par Van Deen (1) , et par moi , dans l'édition précédente de ma Physiologie. Van Deen s'éleva aussi contre la théorie qui explique les sympathies par le nerf ganglionnaire ; il chercha à établir que les connexions de ce dernier avec les nerfs cérébro-spinaux ont pour but de communiquer à ceux-ci une influence orga- nique , en outre de leurs propriétés sensitives et motrices , à celui-là linfluence motrice et même la faculté de sentir en certaines circonstances. Les faits observés par Retzius ne lui (4) Diss. de differentia et nexu inter nerves vitœ animalis et organi' «ce, Lejde, 1834. 128 DU SYSTÈME DES FIBRES GRISES OU ORGANIQUES étaient pas conous II ne s'explique pas non plus sur la ma- nière dont le nerf gan{ïlionnaire se comporte dans ces con- nexions, et laisse indécise la question de savoir s'il ne fait qu'en- trer, par ses ganglions, en rapport plus intime avec les nerfs cérébro-spinaux, ou s'il se continue isolé dans ces derniers. M'appuyanl sur les observations de Retzius , et sur celles que j'avais faites moi-même , relativement à l'existence , dans les nerfs cérébraux , de fibres organisques grises dirigées vers la périphérie ; prenant aussi en considération le fait de l'iso- lement continuel des fibres primitives dans les nerfs, l'origine du nerf ganglionnaire, qui naît des racines motrices et sen- sorielles des nerfs spinaux, enfin , les phénomènes de la ré- flexion , je déclarai d'une manière formelle , non seulement que les idées reçues par rapport au but de ces connexions étaient inexactes , mais encore que le nerf ganglionnaire a une composition analogue à celle des nerfs cérébro-spinaux. J'établis qu'il contient des fibres motrices , sensorielles et or- ganiques, parmi lesquelles ces dernières seules sont destinées aux actes nutritifs, et se rapportent d'une manière spéciale aux ganglions. Je fis voir que les nerfs cérébro-spinaux sont également composés de fibres motrices , sensorielles et orga- niques, dont chacune marche isolément à sa destination , sans se confondre avec les autres. Je montrai que le nerf gan- glionnaire se distingue uniquement par le nombre plus consi- dérable de ses fibres organiques , auxquelles il est redevable de sa couleur grise; tandis que, dans les nerfs cérébro-spi- naux, ces mêmes fibres apparaissent assez rarement sous la forme de faisceaux gris, plongés au milieu de la masse princi- pale des faisceaux blancs. Je fis remarquer néanmoins que le nerf ganglionnaire n'est point partout du même gris , qu'il a une teinte un peu blanchâtre encore dans le cordon limitro- phe , et que les branches des ganglions abdominaux desli^ nées aux viscères de la vie végétative sont surtout celles qui offrent une couleur grise. ET DES PROPRIÉTÉS DE CES FIP.RES. 120 Mais en voilà bien asse>: sur l'histoire du sujet que je vais examiner. Les travaux de Remak permettent aujourd'hui d'é- tablir des résultats beaucoup plus certains. 1. Fibres grises ou organiques dans les nerfs cérébro-rachidîens. On est entraîné involontairement à admettre l'hypothèse dont je viens de parler, lorsqu'on connaît les observations re- marquables de Retzius (1) sur les fibres grises contenues dans le nerf trijumeau du cheval , notamment dans la seconde bran- che du ganglion sphéno-palatin, fibres qui se laissent aper- cevoir très-distinctement , qui forment de petits ganglions dans l'intérieur du tronc nerveux , et que l'on parvient à suivre tant sur le trajet inférieur de cette seconde bran- che, jusque dans les nerfs nasaux et la membrane pitui- tane, que sur son trajet supérieur, jusque dans l'orbite et le ganglion ophthalmique. J'ai cherché ces nerfs ganglionneux de lieizms dans le Bœuf, où ils sont faciles à trouver, formant, sur le côté interne de la seconde branche, plusieurs petits ganglions qui communiquent avec le ganglion sphéno-palatin et le nerf vidien, et appartiennent aux nerfs qui vont gagner le nez et le palais. Chez le Bœuf, le rameau profond du nerf vidien, outre qu'il donne des filets au ganglion sphéno-palatin, en envoie beaucoup aux nerfs nasaux et palatins ; là on peut aisément se convaincre qu'il ne naît pas du trijumeau, mais du giand sympathique, et que ses fibres périphériques vont se joter dans les ramifications de la seconde branche. On voit facilement encore, chez le Bœuf, que la première branche du trijumeau reçoit également des fibres organiques , et que celles-ci proviennent de la portion du nerf sympathique qui s'unit avec le nerf oculaire externe. On découvre aussi, au commencement de la première branche du trijumeau, de petits ganglions appartenant au plexus qui s'est distribué à l'abduc- {i) his, 1S27, p. y97. I. ^ l.)0 DU SYSTÈME DES FIBRES GRISES OU ORGANIQUES leur cl à l;i pictJiière Lran<'lifi, Des libres crises vont ga{jner d'avant en arrière le (janfjliou lie Gasser. Varrenlrapp (1) a vu éj^alement, chez l'homme, de petits filets aller du plexus caverneux à la première branche du trijumeau. En ouire, j'ai reconnu, chez le Veau, que, môme déjà dans le crâne, le nerf ganglionnaire envoie un faisceau assez gros de fibres orga- niques à la seconde branche du trijumeau, faisceau qui passe au dessous du ganglion de Gasser. Le rameau buccinateur de la troisième branche, chez le Bœuf, reçoit, du ganglion oti- que, un faisceau entier de ces mêmes fibres grises qui , dans sa distribution périphérique , s'étend bien au-delà des nerfs. Les nerfs ciliaires du ganglion ophthalmique offrent aussi un exemple d'association de fibres sensilives du nerf trijumeau (longue racine venant du nerf nasal), de fibres motrices (courte racine venant du nerf oculo -musculaire), et de fibres orga- niques du nerf ganglionnaire. C'est encore dans un pareil but de mélange que le nerf grand sympathique paraît s'unir an glosso-pharyngion dans le ganglion pétreux , et au facial dans Tinfumescence de ce dernier. A partir de son genou et de son renflement, le facial devient plus gros par l'effet de petits faisceaux qu'il reçoit des nerfs pétreux superficiels, et cet accroissement de volume demeure assez prononcé sur une partie du tronc du nerf facial. Gillay (2) a fait connaître plu- sieurs cas dans lesquels il avait pu voir les fibres or^janiques se rendre aux organes, côte à côte avec les nerfs cérébraux et spinaux, mais séparées d'eux. Il a remarqué, chez divers Poissons, que de la portion céphaliquc du grand sympathique qui naît du trijumeau, hors du crâne, et se porte en arrière, au dessous du glosso-pharyngien et du vague, partent des filets, faciles à distinguer, qui vont rejoindre le nerf glosso- pharyngicu, avec lequel ils se rendent à la première branchie; (1) Oiî. anat, de parte cephalica nerv. sympathicî , Francfort, 1831. (2) Dencrvo sympathico diss.,LeyAe, 1834, ET DES PnOPRlETES DE CES FIBRES. l3l il a reconnu égalemenl un filet particulier qui pénètre, avec le nerf vague, dans les branchies, où il s'est assuré que ces ra- muscules nerveux ne font qu'accompagner ceux des nerfs cérébraux, dont ils sont séparés, et à côté seulement des- quels ils se trouvent. Tous ces faits lui ont été offerts bien ma- nifestement pat des Poissons des genres Acanthums^ Platyce- phalus et ffolocentriis, moins distinctement par le Pleuronectes Platcssa. On doit bien se garder de confondre les branches en question avec celles du nerf ganglionnaire qui s'unissent au nerf glosso-pharyngien et au ganglion du nerf vague, en quelque sorte comme racines du grand sympathique. Giltay a également observé, dans certains cas, une manière analogue de se comporter à l'égard des nerfs rachidiens. Il a vu, chez le Bufo aspcr ^ les nerfs ganglionnaires envoyer dans les muscles (?) , au milieu du corps de la seconde vertèbre et au dessous de la plaque appendiculaire de l'épaule, une brandie qui se partageait en deux rameaux , dont l'un rétro- gradait vers la vertèbre, le long du nerf spinal (premier dor- sal ) , et se comportait par conséquent comme une racine , tandis que l'autre continuait de marcher avec ce même nerf , pour se distribuer dans l'extrémité antérieure. Le Calotes gutturosa lui a offert une branche du nerf ganglionnaire qui se répandait dans les membres antérieurs avec l'artère sous- clavière et les nerfs de ces appendices. Dans Vlguanadelica- tissima^ une branche du grand sympathique accompagne les premiers nerfs des pattes de devant. De tous ces faits je conclus qu'il faut distinguer, dans les nerfs cérébro-spinaux , trois ordres de fibres, des motrices et des sensorielles , toutes deux blanches , qui viennent des racines de ces nerfs, et des grises, organiques, qui tirent leur source des ganglions du grand sympathique. Les observations microscopiques de Remak nous ont appris à connaître la manière particulière dont se comportent les fibres nerveuses grises. Elles sont tout-à-fait différentes des l'2 DU SYSTÈME DES FIBRES GRISES OU ORGANIQUES fibres tubuleuses , c'est-à-dire des fibres sensitives et motri- ces. D'ubord, elles sont beaucoup plus déliées; puis, on n'y peut établir de dilVérence entre tube et conlenu; ensuite, elles sont si pâles et transparentes qu'on n'en aperçoit les limites qu'à l'aide d'une forte ombre ; enfin, elles sont latéralement parse- mées de petits corpuscules arrondis ou ovales , ce qui constitue leur caractère spécial. Remak a trouvé ces fibres en beaucoup d'endroits dans les faisceaux gris du grand sympathique. Il en a remarqué plus rarement dans un grand nombre de nerfs cérébro-spinaux. Pour réussir dans ces sortes d'observations, il faut recourir à de forts grossissemeos et à une forte ombre. En outre , pour constater l'existence de ce système fibreux particulier , il est nécessaire de l'étudier d'abord dans un nerf entièrement gris. Là elles sont seules , ou du moins ne sont mêlées que d'un très-petit nombre de fibres tubuleuses. Je me suis convaincu de l'exactitude de l'observation sur la por- tion cardtique du nerf ganglionnaire , qui est totalement grise. On cherche, dans le Yeau, le gros nerf gris qui se rend au nerf abducteur et à la première branche du trijumeau. 11 est situé immédiatement au dessous du nerf abducteur , dans le réseau admirable, près du côté interne du ganglion de Gas- ser. Là il se porte de bas en haut, et s'accolle, par un fort faisceau, à la première branche du trijumeau, au moment où celle-ci sort du ganglion de Gasser; il envoie un petit fai- sceau , qui suit le nerf abducteur ; un autre , plus gros , se jette dans la seconde branche du trijumeau. Le tronc gris d'où proviennent ces gros faisceaux a près d'une ligne de diamè- tre. Comme il est entièrement formé de masse nerveuse grise, nul auli e ne convient mieux que lui pour présenter au mi- croscope le type des fibres organiques grises. Ce type est exactement tel que je l'ai décrit plus haut. Je n'ai trouvé presque que des fibres organiques dans le nerf en question.- Cependant on y aperçoit aussi quelques fibres tubuleuses, mais extrêmement rares. Parfois il arrive qu'une de ces fibres mar- ET DES PROPRIETES DE CES NEP.FS. l53 che à la surface d'un faisceau entier de fibres or^janiques , et alors il devient bien plus facile d'apprécier la difl'érence. Ces fibres organiques sont celles dont se composent tous les faisceaux gris , précédemment décrits , qui se répandent vers lapériphérie, en suivantla première brancliedu nerf trijumeau, la seconde, et le nerf abducteur. On les trouve éjjalement dans les faisceaux gris qui passent du ganglion otique ou plexus gangliiforme de Santorini à la troisième branche , en parti- culier au nerf buccinateur. Les autres points du système cérébro-spinal ne fournissent pas une aussi belle occasion de s'exercer à l'observation des fibres organiques , et il faut une grande habitude pour les reconnaître là où elles ne se présentent qu'en petite quantité, au milieu d'une grande masse de fibres tubuleuses. Eemak a découvert des petits faisceaux, de ces fibres épars dans la plupart des nerfs cérébro-spinaux qu'il a examinés. Il les a retrouvées à l'union du cordon li- mitrophe du nerf ganglionnaire avec les nerfs rachidiens , par le moyen du rameau communiquant. Elles parlent du ganglion , et se portent au nerf intercostal , tandis que la plus grande partie du rameau communiquant est composée de fibres tubu- leuses allant des racines du nerf spinal au nerf ganglion- naire. Il y a par conséquent échange mutuel. Tous les nerfs qui unissent le grand sympathique à un nerf cérébro-spinal fournissent , pour distinguer au microscope les fibres sensitives et motrices des fibres organiques , un excellent moyen , également applicable aux deux systèmes. On constate là avec certitude que bien des filets qu'on croyait être purement sympathiques, sont en partie cérébro-spinaux. De même que les fibres qui passent du 'ganglion otique du Veau au nerf buccinateur sont grises , de même aussi les nerfs qui partent de ce ganglion en arrière, le nerf du muscle interne du marteau et le petit pétreux superficiel, sont plus blanchâ- tres que gris, et le premier est même tout blanc. Schlemm a déjà fait voir que le nerf du muscle interne du marteau naît K)'! DU SYSTÈME DES FIBRES GRISES OU ORGANIQUES de la troisième branche du trijumeau, c'est-à-dire du rameau piérv{;oidien , et j'avais établi , comme chose probable , qu'il reçoit des fibres du {jaiigiion. Les observations microscopi- ques faites par moi sur le Veau ne laissent pas de doute à cet égard. La masse presque entière de ce nerf blanc consiste en libres tnbuleuses, parmi lesquelles j'ai eu de la peine à disiin- jjuer quelques fibres organiques. Le petit nerf pélreux super- liciel était composé d'un gros faisceau blanc et d'un faisceau gris, facile à distinguer de l'autre, qui, parvenu dans la caisse dutympaii, formait un très-petit ganglion olivaire, du{;enrede ceux qu'on rencontre lorsqu'on examine des nerfs organiques au microscope. Le filet gris marchait ensuite plus loin , avec le blanc. La portion blanche du petit nerf pétreux superficiel était conjjjosée en grande partie de fibres tnbuleuses; la por- tion grise rétait en totalité de fibres organiques. Le grand nerf pétreux superficiel, entre le ganglion sphéno- palatin et le facial , contient beaucoup de fibres tubuleuses , avec quelques fibres organi(iues grises. Les fibres grises allant des nerfs pélreux au facial , forment, au genou de ce dernier , un petit ganglion d'où émanent des fibres grises qui se portent sur les points périphériques du nerf facial. On sait que le nerf acoustique reçoit un filet de cette portion du facial. L'anastomose de Jacobson , dans la caisse du tympan , examinée au microscope chez l'homme , contient des fibres tubuleuses et un très-grand nombre de fibres organiques. Le rameau pétreux profond est eniièiement gris , et se compose en grande partie de fibres grises proprement dites. Celles ci prédominent dans toute la partie carotidienne du nerf ganglionnaire , où l'on trouve cependant aussi quelques fibres tubuleuses. ET DES PROPRIÉTÉS DE CES NERFS. l5$ II. Fibres grises ou organiques dans le nerf ganglscnnaîre. Dans la première édition ; de cet ouvrnf^^e , tout en don- nant comme probable que le nerf ganglionnaire renferme aussi des fibres appartenant à deux systèmes diiïérens, je n'a- vais pu le démontrer. Je m'étais contenté de faire remarquer que le cordon limitrophe du grand sympathique est encore un peu blanchâtre , et que , dans tous les cas, il n'est point aussi gris que les filets gris des ganglions abdominaux. Il m'avait paru vraisemblable , en outre , que les ganglions appartien- nent plus spécialement à la portion organique du grand sym- pathique. En examinant le nerf ganglionnaire sur beaucoup de points, Remak est parvenu à distinguer , même à l'exté- rieur, des faisceaux gris et des faisceaux blancs ; le micros- cope lui fit ensuite constamment apercevoir des fibres tubu- leuses dans les uns, et dans les autres les fibres qu'il a reconnu être particulièrement organiques. De longues recher- ches, poursuivies avec persévérance, l'ont porté également à regarder comme très- vraisemblable que les fibres organiques naissent des globules ganjjlionnaires et de leurs queues , ce qu'il donne pour un fait observé par lui , attendu que fort souvent les filets provenant des ganglions lui ont apparu par- semés des granulations qui sont propres aux fibres organiques. Les fibres tubuleuses du nerf gangUonnaire n'ont pas de con- nexions intimes avec les globules des ganglions, entre les- quels elles ne font que passer. Ces sortes de fibres ne peuvent point éprouver de multiplication dans les ganghons , et elles se comportent dans tout le système ganglionnaire de la même manière que dans les nerfs cérébro-rachidiens. Au contraire , les fibres organiques peuvent se multiplier dans les masses centrales des ganglions, lorsqu'elles naissent des queues des globules de ces derniers. Kn effet, la masse grise au,:;mente vers la périphérie, dans le système ganglionnaire, tand.'S que le cordon limitrophe a encore une teinte blanchâtre. Les gatt- j5G nu SYSTÈME DES riBRES GRISES OU ORGANIQUES (plions doivent; donc être réellement considérés comme des offjanes centraux , comme des ccrvenux , par rapport au sys- tème des fibres or{janiques , au lieu que la portion sensilivo- motrice du nerf ganglionnaire naît du cerveau et de la moelle épinière. Il part aussi de ces renflomens les faisceaux organi- ques destinés aux nerfs cérébro-racliidiens; ainsi le ganglion cervical supérieur est le point d'irradiation de faisceaux orga- niques qui vont s'étaler sur les nerfs cérébraux, oii ils for- ment même , de distance en distance , des ganglions secon- daires. Au reste , les observations de Remak rendent probable que les fibres organiques, quoique ne naissant pas au cerveau et à la moelle épinière , communiquent cependant avec ces or- ganes par les racines du cordon limitrophe , afin d'éprouver leur influence. Car cet anatomiste est parvenu plusieurs fois à voir, tant dans les racines des nerfs spinaux en général , que dans le rameau communiquant de ces nerfs avec les ganglions du cordon limitrophe , des fibres organiques associées aux fibres tubuleuses. On ne connaît pas bien encore la relation qui existe entre les ganglions des racines postérieures et le sys- tème des fibres organiques. Si l'on en juge d'après l'analogie de structure avec les autres ganglions, on peut présumer qu'ils servent aussi d'origine à des fibres organiques. Ce- pendant celte circonstance n'explique pas pourquoi on les trouve si régulièrement aux racines postérieures. Si les gan- glions exerçaient une influence isolante sur les fibres qui les traversent, comme on l'a souvent présumé, les ganglions des racines postérieures pourraient avoir pour objet de diminuer la violence de l'impression des sensations sur la moelle épi- nière , et d'empêcher ainsi que celle-ci donnât lieu à des mouvemens réflectifs, qvii ne surviennent que cjuand la sen- sation a un certain degré d'intensité. Ceci d'ailleurs s'accor- derait avec l'obscurité des sensations dans le nerf grand sym- pathique, où les ganglions sont plus multipliés. Mais toute ET DES PROPRIÉTÉS DE CES FIBRES. l'5'J cette théorie repose sur une hypothèse dont on ne peut four- nir la preuve. i III. ECFets du système des fibres organiques. Sous le rapport des effets et des forces appartenant aux fibres organiques grises , on peut élever deux opinions, que nous allons examiner. Ou ces hbres elles globules ganglion- naires déterminent les mouvemens involontaires, ou ils prési- dent à la nutrition , à la sécrétion , et en général aux opéra- tions chimiques de la vie. On peut alléguer en faveur de la première opinion, que , d'après mes expériences , le ganglion cœliaque exerce évi- demment derinlluence sur le mouvement de l'intestin, puis- que, quand on le touche avec de la poiasse caustique, le mouvement péristaltique acquiert sur-le-champ plus de force et de vitesse. Cependant j'ai obtenu les mêmes effets en gal- vanisant le nerf splanchnique avant son entrée dans le gan- glion. Mais alors il est bien possible que les ganglions aient de l'influence sur les fibres motrices qui les traversent , tandis que les globules ganglionnaires sont en rapport plus intime avec une autre classe de fibres , les organiques. Or , ce qui rend déjà probable un rapport intime entre les ganglions et les fibres grises, c'est que les faisceaux totalement gris sont ceux sur lesquels on observe de préférence de petits gan- glions, tels que ceux qu'il est si ordinaire de rencontrer sur les faisceaux gris qui se rendent à la première et à la se- conde branche du trijumeau chez le Veau. L'action des glo- bules ganglionnaires et des fibres organiques est donc très- problement homologue. L'existence de fibres particulières deslinéesaux actes de la nutrition, et différentes des fibres sen- sorielles et motrices des viscères , est déjà rendue vraisem- blable à priori par l'existence de ces dernières. Les nerfs ont la plus grande influence sur les sécrétions : or, si des nerfs de même espèce étaient assignés aux mouvemens et aux l38 DU SYSTÈME DES FIBRES GRISES OU ORGANIQUES opérations nutritives , une sécrétion au(jnienlée par l'action des nerfs devrait toujours s'accompajjner de spasnne , comme le spasme devrait toujours coïncider aussi avec une abondance plus grande de sécrétion. Mais les deux phéno- mènes sont souvent isolés, à tel point qu'il y a des paralysies du seniiment sans paralysie du mouvement, et vice versa. Si l'on réfléchit, en outre, que les fibres grises se communiquent fréquemment aux nerl^ trijumeau, abducteur et facial, qu'au premier de ces trois nerfs on peut les suivre très-distinc- tement, daiis la direction périphérique, vers la membrane muqueuse de la bouche et du nez , que la caisse du tympan possède un plexus en grande partie organique pour sa mem- brane muqueuse, qu'il n'y a point de mouvemens involontai«î resdans les membranes muqueuses, enfin que les faisceaux mêlés à la seconde branche du trijumeau et à l'abducteur ne servent pointa des mouvemens volontaires, on se voit forcé de reconnaître un plus haut degré de vraisemblance à la se- conde opinion , celle que les fibres organiques qu'on rencon- tre dans les nerfs cérébro-rachidiens et dans le nerf gan- glionnaire servent à dominer les actes organiques de la nutrition et de la sécrétion. Cette hypothèse peut d'ailleurs alléguer en sa faveur que les racines motrices des nerfs ra- chidiens eux-mêmes fournissent déjà , au nerf grand sympa- tique , des filets moteurs de l'espèce lubuleuse , desquels doivent dépendre les mouvemens involontaires. Si ce fait est exact , les fibres motrices du cœur doivent être principale- ment tubuleuses , et ne pas offrir les caractères qui , suivant Remak , appartiennent aux fibres organiques. Or c'est en eflet ce qui a lieu. Qu'on examine les nerfs cardiaques du Veau , et l'on y apercevra une grande quantité de fibres tubuleuses, qui ne diffèrent de celles des muscles soumis à la volonté que par un diamètre moindre. Si, de plus, on compare ces nerfs aux nerfs splanchniques, d'où dépendent les viscères doués d'une action sécréîoire , on est frappé de voir la formation ET DES PROPRIÉTÉS DE CES FIBRES. I 3c) gaiifïlionnaire prédominer autant dans ces derniers. Les nerfs cardiaques ne forment pas de {;an[jlions centraux, tandis que les splanchniques produisent, par leur renflement, le grand ganglion cœliaque. La différence n'est pas moins saillante entre le cœur et les parties génitales, qui dépendent du plexus hypogastrique (1). Une autre circonstance encore se concilie très-bien avec cette hypothèse, c'est que les nerfs néphrétiques, qui accom- pagnent les vaisseaux rénaux , se composent presque en to- talité de fibres organiques. La teinte grise appartient aussi aux nerfs organiques, décrits par moi (2), qui pénètrent dans l'intérieur des corps caverneux , à leur racine , et qui sont destinés à l'érection. Dans certains cas, les fibres organiques paraissent n'être qu'entremêlées avec les nerfs cérébro-rachidiens. Celte par- ticularité ferait comprendre pourquoi les Cycloslomes , les Lamproies aussi biea que les Myxinoïdes, n'ont pas de nerf ganglionnaire proprement dit. En revanche, le ne"f intestinal desMyxinoides, formé par les deux vajjues, s'étend depuis l'insertion du mésentère jusqu'à l'anus. Il faut encore ranger ici l'absence de nerfs organiques spéciaux dans la glande mammaire de l'homme , où j'en ai vainement cherché ; les nerfs de la substance glandulaire de la mamelle ne viennent que du troisième et du quatrième intercostaux (3), (1) Quelques observations récentes de Remnk tendent à élablir, comme une chose probable, que les ganglions prennent part aux mouvemens in- volontaires. Enelfet, cet observateur a trouvé, chez le Veau, un grand nombre de petits ganglions microscopiques sur les branches des neifs car- diaques qui marchent à la surface du cœur. Peut-être serait-il possible de réunir les deux hypothèses. (2) f^oy. mon Mémoire sur les nerfs organiques des organes génitaux èrecteurs du sexe masculin , dans les Ahhandl der Ak, der JVissenschaf- ten zu Berlin, 1835. (3) MuwBa, 4rchiv„ 1837, p. XXVH. l/jO DU SYSTÈME NERVEUX CHAPITRE V. Du système nerveux des animaux sans vertèbres. La découverte des différences qui existent entre les raci- nes motrices et les racines sensilives des nerfs rachidiens et des nerfs cérébraux a fait naître aussi des idées lumineuses sur la composition du système nerveux chez les animaux sans vertèbres. Quoique Treviranus et mes recherches sur les Scorpions eussent appris que, chez ces Arachnides , le sys- tème nerveux présente un troisième cordon, j'étais fort éloi- gné cependant d'entrevoir l'importance du fait. Grant et New- port ont porté la lumière de leurs idées physiologiques dans cette partie de l'anatomie comparée. Gront a considéré comme moteur le cordon supérieur du système nerveux des Arach- nides, qui ne prend aucune part à la formation ganglionnaire; comme sensitifs lescordonsinférieursou chargés de ganglions; comme sensoriels les nerfs naissant des cordons inférieurs; comme moteurs ceux qui proviennent du cordon supérieur, et il a étendu ces vues à tous les animaux articulés (1). Newport a également publié un travail d'une haute impor- tance sur ce sujet (2). Le cordon ventral des Insectes et des Crustacés se compose d'une paire antérieure et d'une paire postérieure de cordons. La paire supérieure ne prend aucune part aux ganglions du cordon ventral , qui appartiennent à la paire inférieure seule. D'après l'analogie , les cordons dé- nués de ganglions sont moteurs, et les autres sensitifs : mais leur situation respective est inverse de ce qui a lieu chez les animaux vertébrés, où les racines ganglionnaires, c'est-à-dire sensilives, occupent la région postérieure. Treviranus et E.-H. Weber avaient émis la conjecture que les ganglions du cordon ventral des Articulés correspondent à ceux des nerfs rachi- (4) r/icia/icef, 4834, juillet. (2) Philos. 7Va«j.,4834, P. U, DES ANIMAUX SANS VERTÈBRES. l4l diens , à ceux des racines sensitives. Les nerfs mixtes de ce cordon naissent , d'après les recherches de Newport sur VAs- tacus marinus , par des racines qui appartiennent en partie aux ganglions, et en partie aux cordons supérieurs dépourvus de ganglions. Newport a vu aussi , chez ces animaux, des nerfs qui naissent uniquement des cordons supérieurs, et non des ganglions, et qui ne se rendent qu'à des muscles qui par con- séquent sont moteurs (1). D'après une communication que je dois ù la bienveillance de Sharpey, et dont je profite ici, à cause de son importance, les nerfs des bras des Céphalopodes {Octopus) ont une structure tout-à-fait semblable à celle du cordon ventral des articulés. Ils consistent en deux paires de cordons, dont l'une forme des renflemens ganglionnaires de distance en distance, tandis que l'autre ne prend aucune part à la formation des ganglions. La situation des renflemens correspond aux ventouses des bras. Le système des nerfs viscéraux des Insectes (2) comprend trois cordons, qui forment de petits ganglions sur l'œsophage et l'estomac, et auxquels il arrive souvent que les latéraux ou le médian soient moins développés. Ces cordons distribuent leurs branches à la bouche, au pharynx, à l'estomac, et de pré- férence à des parties dont les mouvemens n'obéissent point aux ordres de la volonté. Aussi, la partie inférieure de l'intes- tin ne reçoit-elle pas d'eux ses nerfs. De celte double circon- stance, la formation de ganglions à la périphérie et la distri- bution à des organes dont les mouvemens sont involontaires, il suit que ce système ressemble plus au nerf ganglionnaire des animaux vertébrés qu'au nerf vague : cependant il se pourrait fort bien que les fibres correspondantes à ce dernier (1) rayez Muller's .^rchiv , 1S36 , p. C. (2) Consultez sur les neifs sensitifs et moteurs des animaux sans ver- tèbres , en particulier ceux de l'Ecrevisse, Valentin , De functionibus nen-orum cerchralium et vervi syviputhici , Berne, 1839, p. 7, 8, 9^ 10. ll\2 DE LA MÉCANIQUE y fussent contenues aussi. Au reste, les principes que j'ai dé- veloppés par rapport ù la coniposijion du nerf {;anglionnaire chez les animaux vertébrés, placent aujourd'hui sous un tout autre jour la manière dont on doit envisa{;er les nerfs qui se rendent aux viscères. Des fibres organiques peuvent être mê- lées à beaucoup de nerfs, et de nerfs très-différens. Je consi- dère comme des nerfs mixtes, contenant vraisemblablement aussi des élémens organiques, le système des nerfs transverses des Insectes, dont Newport a donné une description fort exacte. Le cordon qui leur sert d'origine les réunit en un système particulier, et se prolonge sur la ligne médiane, au dessus des ganglions et du cordon ventral. Ces nerfs sont principalement destinés aux muscles respiratoires et aux trachées. Comme ce système tient aux nerfs de la vie animale , on reste incertain de savoir d'où viennent les nerfs qui vont aux muscles. Si 'es principes acquis à l'égard des animaux vertébrés peuvent également trouver à s'appliquer ici , il est à présumer que les connexions de ce système avec les nerfs de la vie animale ont pour but d'y mêler des fibres organiques. Section troisième. De ta mécanique du principe nerveux. Les mots de mécanique du principe nerveux ont ici le même sens que ceux de mécanique de la lumière en physique, c'est- à-dire que j'entends par là l'ensemble des lois suivant les- quelles la propagation de l'effet a lieu dans les nerfs , ou , en d'autres termes, la théorie des mouvemens du principe ner- veux. On ignore encore si, quand les nerfs agissent, une ma- tière impondérable les parcourt avec une incalculable vitesse, alors même qu'après leur section elle vient à y être déga- gée par un irritant quelconque ; ou si l'action du principe DU SYSTK.M(i NERVEUX. l/JS nerveux ne consiste qu'en nue oscillation d'un priucipe im- pondérable déjà existant dans les nerfs, et que le cerveau ou une irritation quelconque fait vibrer. Ce problème n'est pas plus susceptible d'une solution déiiuiliveici qu'à l'égard de la lumière , par rapporta laquelle les physiciens ne savent point non plus la quelle des deux théories , celle de l'émanation ou celle de l'émission, est exacte. Mais la solution est aussi peu nécessaire pour l'étude des phénomènes du principe nerveux que pour celle de la réfraction, de la réflexion, etc., de la lu- mière. Nous aurons d'ailleurs occasion de revenir plus loin sur le problème lui-même. Lorsque l'on compare entre elles les diverses parties du système nerveux, on voit que les unes jouent le rôle de con- ducteurs et les autres celui de moteurs du principe nerveux. Les conducteurs sont les nerfs ; les moteurs sont les organes centraux. Cependant les nerfs ne se montrent pas simples conducteurs: quand on les a séparés du cerveau, ils sont pendant quelque temps moteurs et conducteurs à la fois, puis- que les irritations qu'on y applique les excitent à faire mou- voir les muscles ; mais, peu à peu, ils perdent cette double fa- culté d'être moteurs aussi bien que conducteurs du principe nerveux. Si on se les représente comme conducteurs, la pro- pagation de l'action du principe nerveux peut , comme celle action elle-même, être conçue de deux manières: ou le fluide nerveux impondérable est propagé à travers le con- ducteur suivant une certaine direction , et sous la forme de courant; ou l'oscillation de ce fluide n'est excitée que dans les libres nerveuses. La rapidité de l'action nerveuse est la vi- tesse avec laquelle le fluide impondérable se trouve conduit soit du cerveau à la périphérie , soit des parties périphéri- ques au cerveau , ou celle avec laquelle une oscillation partie soit du cerveau, soit d'un point quelconque du nerf, se pro- page jusqu'à l'extrémité périphérique de celui-ci , et vice versa. Peu importe également, pour l'étude de la rapidité de J/j4 ^^ Ï-A. MÉCANIQUE l'action nerveuse , la quelle de ces deux hypothèses se rap- proche le plus de la vérité. Aucune des expériences qui ont été faites pour mesurer la rapidité de cette action , ne repose sur une base expérinfien- lale solide. Haller attribuait au fluide nerveux une vitesse de neul" mille pieds par minute ; Sauvages la portait à trente-deux mille quatre cents pieds par seconde, et un autre à cinquante- sept mille six cents (1). A l'époque où l'on croyait encore à l'i- dentitéde l'agent électrique etde Tagentnerveux, oncalculaitla vitesse du secondd'apiès celle du premier. Nousn'aurons proba- blement jamais les moyens d'évaluer la rapidité de l'action ner- veuse, parce qu'il nous manque, pour établir descomparaisons, ces distances immenses à l'aide desquelles nous pouvons calcu- ler la vitesse de la lumière qui, sous ce rapport, a de l'analogie avec elle. Tout récemment l'attention s'est fixée sur la différence qui existe entre les observations de très -petites fractions du temps ou de l'espace faites simultanément par plusieurs as- tronomes , à l'aide des sens de l'ouïe et de la vue, et d'après laquelle quelques personnes ont regardé comme une chose très-probable que la rapidité de l'action nerveuse varie sui- vant les régions du système nerveux , ou même selon les in- dividus. Les détails de ces remarques ont été communiqués à l'assemblée générale des naturalistes , à Heidelberg , par Treviranus , et par Nicolai , directeur de l'Observatoire de Mannheim. Ils sont trop importans pour que je ne les consigne pas ici en entier. « Une très-grande partie des observations astronomiques » consiste à observer sur une pendule à secondes le moment » auquel un astre , en vertu de l'apparente rotation journa- » lière de la sphère céleste autour de son axe , passe devant » les fils du micromètre d'un télescope fixé en place. Le )• chemin que l'ustre parcourt , en une seconde entière , dans «)ÎUuER;.E/m,,t. IV, p. 372. DU SYSTÈME iNERVEUX. l45 » le télescope, est tellement considérable , surtout lorsque ce •) dernier grossit beaucoup, que le moment de son passage au » devant des fils du micromètre peut être indiqué, non pas seu- « lement par demi-seconde ou par tiers de seconde, mais même » par dixièmes de seconde , pour peu qu'on ait d'habitude » et que l'état de l'atmosphère soit favorable. Deux sens, la » vue et l'ouïe, agissent simultanément dans ces sortes d'ob- » servations. Pendant qu'on suit de l'œil la marche de l'astre » dans le télescope , l'oreille remarque les chocs indiquant » chaque seconde à la pendule voisine. Pour arriver à une » appréciation aussi exacte que celle qui vient d'être indiquée » du passage réel de l'astre devant les fils du micromètre , on >' remarque, et la distance qui , à un certain choc de seconde , » le sépare encore des fils lorsqu'il est au moment de les tra- » verser, et celle qu'au choc suivant il laisse entre eux et lui « après les avoir franchis. En comparant l'étendue de ces deux 1) distances de chaque côté , on peut indiquer avec une grande >> précision le vrai moment du passage de l'astre au devant du ') fil , ou la fraction de seconde durant laquelle ce passage »> s'est opéré. Déjà , depuis quelques années , le célèbre di- » recteur de l'observatoire de Copenhague , Bessel , remar- » quait qu'il indiquait le moment de l'appulsion d'une étoile » aux fils du télescope d'une manière sensiblement différente » de celle de son co-observateur. Il redoubla donc d'attention » à cet égard , et une série d'observations fut entreprise pour » approfondir la chose. Le résultat fut que Bessel indiquait » toujours d'autres momens que celui qui observait en même » temps que lui , et que la différence était tantôt plus , tantôt » moins considérable , tandis que les résultats de chaque ob- » servaleur se trouvaient en harmonie parfaite. Moi aussi , » dit Nicolai , j'ai eu deux fois l'occasion de faire des recher- » ches à ce sujet. Au printemps de 1827, j'eus le plaisir de » recevoir la visite du directeur de Tobservatoire de Nicolajef, >' Knorre. Nous profilâmes de son séjour à Manohein pour faire I. 10 24^> DE LA. MÉCANIQUE » eiiseoible des observations. En cuinparani minutieusement » nos résullals, il se trouva que Knorre indicjuait les vrais ■> momensde toute une demi-seconde plus tard que moi. J'ai » répété naguère celte intéressante expérience avec Clausen , » habile astronome et matliématicien du Danemarck ; il indi- » quait les momcns plus tard que moi d'un tiers de seconde. » La différence est plus grande encore avec d'autres obser- » vateurs. D'ailleurs , elle a été tant de fois constatée , qu'on » ne saurait douter du fait (1). » Nicolai prétend que ce phénomène singulier ne peut être expliqué que par une différence dans la rapidité avec laquelle l'action arrive de l'œil et de l'oreille à la conscience. Si l'on admet , en effet , qu'une personne qui dirige à la fois l'acti- vité de ces deux sens vers un même objet voit plus vile qu'elle n'entend, tandis que , chez une autre personne , la différence est moins grande , ou nulle , ou même prononcée en sens in- verse, c'est-à-dire si celte dernière entend plus vite qu'elle ne voit , le phénomène se conçoit d'une manière aussi sim- ple que naturelle. Mais il s'ensuivrait l'importante conclusion que le conflit entre les oi'ganes des sens et la conscience n'est point absolument instantané. Ce phénomène permet donc d'espérer qu'un jour nous approcherons davantage de la solution du problème qui concerne la vitesse de l'action nerveuse , à moins toutefois qu'il ne soit possible d'en donner une autre explication , même plus vraisemblable. On sait qu'il est dillicile à la conscience de consacrer une égale attention à deux sensations dilférentes , et que, quand plusieurs sensa- tions ont lieu à la fois , l'attention se porte, ou sur elles alter- nativement, ou sur une seule. Ainsi, quand on doit écouter et regarder en même temps , il est inévitable qu'on entende d'abord et qu'on ne voie qu'ensuite. Mais l'intervalle entre 4eux sensations arrivées à la conscience varie suivant les in- (1) /sw,lSâO,p. 678. DES NERFS MOTEURS. \[\'] dividus; car il y a des personnes qui peuvent sentir et remar- quer beaucoup de choses à la fois , tandis que d'autres ont besoin pour cela d'un laps de temps notable. Le temps qu'une sensation met pour parvenir des parties extérieures au cerveau et à la moelle épinière , et la réac- tion pour se manifester dans les parties extérieures sous forme de convulsions , est également infiniment petit ei in- appréciable. Lorsqu'on empoisonne des Grenouilles avec de l'opium ou avec de la noix vomique , elles deviennent d'abord sensibles à tel point qu'il suffît de leur toucher la peau aussi légèrement que possible pour donner lieu à une con- vulsion générale. Ici l'action passe de la peau à la moelle épi- nière, et revient de celle-ci à tous les muscles. Cependant il m'a été impossible de remarquer le moindre intervalle entre l'attouchement et les convulsions. CHAPITRE PREMIER. De la mécanique des nerfs moteurs^ I. Lois de la propagation du principe nerveux dans les nerfs moteurs. I. La force motrice n'agit dans les nerfs que suivant la di- reclion des fibres primitives qiti se rendent ans muscles , ou 9uivant celle dans laquelle les nerfs se ramifient , et jamais en sens inverse. C'est un fait généralement connu , que quand on irrite un nerf musculaire , les convulsions ne surviennent dans aucun autre muscle que celui auquel ce nerf se distribue. Lorsqu'on irrite un tronc nerveux , soit par un agent mécanique , chimi- que ou électrique, soit par l'application immédiate des deux pôles d'une pile galvanique, tous les muscles qui reçoivent de lui des filets, mais ceux-là seulement, éprouvent des convul- sions. Aussi, ne parvient-on jamais, par un quelconque de ces moyens , à déterminer des mouvemens convulsifë dans les muscles dépendans de branches nerveuses qui se détachent l^S DE LA MÉCANIQUE du irono au dessus du point sur lequel s'exerce l'irritalion. Jamais les muscles de la cuisse ne se contractent quand on irrite la partie inférieure du nerf sciaiiquo, après qu'il a fourni les branches destinées au premier sexjment du membre pelvien. C'est donc un fait bien avéré que la force motrice des nerfs s'exerce uniquement dans la direction dos branches que ceux-ci fournissent , et jamais en scîts inverse ou rétrograde. On peut bien faire naître des convulsions dans tous les muscles qui sont placés sur le trajet du courant galvanique , ou dont les nerfs s'v trouvent compris, lorsqu'on met l'un des pôles en commu- nication avec les nerfs des parties inférieures du corps , et l'autre avec les muscles des parties supérieures, qui alors en- trent en action ; mais , ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, ce mode d'application du galvanisme diffère totalement de l'irritation immédiate des nerfs par les deux pôles. Dans le dernier cas, il n'y a que le nerf et sa force motrice qui soient irrités par un courant galvanique traversant l'épaisseur du cordon nerveux , et le résultat est absolument le même que quand on irrite celui-ci d'une manière mécanique; dans le premier, au contraire, où le courant galvanique établi entre les deux pôles traverse beaucoup d'autres parties, tant nerveuses que niusculeuses , chaque muscle et chaque nerf subit une irritation de la part de ce courant à l'endroit même où il se trouve situé, de sorte qu'on doit voir entrer en convulsion non seulement tous les muscles que le courant traverse , mais encore tous ceux qui , bien que n'étant point atteints par ce dernier, reçoivent des branches nerveuses exposées à son influence. Il n'y a donc ici que répétition du fait expérimental constant iju'un nerf musculaire , immédiatement irrité d'une manière quelconque , n'exerce sa force motrice que sur les muscles soumis à ses branches, et ne réagit jamais sur celles de ses branches qui se détachent de son tronc au dessus du point sur lequel porte l'irritation. II. Virrilalion mécanique ou galvanique d'une partie d'un DES NEnFS -MOTEURS. l/Jg tronc nerveux vcmelpoiritenjcrtlaforce motrice du, tronc entier^ -mais seulement celle de la partie qui reçoit Virrilation. De ce second fait important, il découle que les convulsions n'ont pas lieu dans tous les muscles auxquels le tronc ner- veux envoie des branches , mais seulement dans ceux dont les nerfs se détachent de la portion de ce tronc qui reçoit l'irritation. Afin d'opérer sur de gros troncs nerveux , on exécute ces expériences sur des Lapins. On découvre le nerf sciatique immédiatement à sa sortie du bassin, ce qui procure la facilité d'irriter isolément, avec une aiguille, diverses por- tions du tronc qui ne se détachent que plus bas sous la forme de branches. On acquiert ainsi la certitude que les seuls mus- cles qui entrent en convulsion sont ceux auxquels se distribue la portion irritée du tronc nerveux, et qu'il n'en survient pas dans d'aiitres muscles de la cuisse ou de la jambe. Si l'on veut apercevoir jusqu'aux plus petits mouvemens musculaires , il faut avoir soin d'enlever la peau du membre jusqu'à son ex- trémité. Lorsque je séparais le nerf sciaiique en plusieurs faisceaux avant sa scission en nerf péronier et nerf libial , et que j'irritais chacun de ces faisceaux isolément , je voyais varier les muscles qui entraient en convulsions , et tantôt les muscles du mollet se contractaient, tantôt les orteils s'éten- daient ou se fléchissaient. Je pouvais même distinguer des con- vulsions dans les portions diverses des muscles du mollet , quand je partageais le nerf péronier en plusieurs faisceaux , et que j'irritais chacun de ceux-ci avec l'aiguille. Le même phénomène a lieu , chez la Grenouille, lorsqu'on fait agir im- médiatement l'irritation galvanique sur des faisceaux du nerf sciatique qu'on a eu la précaution d'isoler. Qu'on dissèque avec soin , sans exercer de tiraillemens, un petit faisceau de fibres du nerf crural entier d'une Grenonilic, et qu'on le galvanise par l'emploi des deux pôles et de la chaîne. Quoique, du côté de la cuisse , il ne soit pas séparé des autres fibres nerveuses du tronc, cependant tous les n]us- a50 DE LA MÉCANIQUE des du membre ne se contractent pas, et l'on n'observe qu'une faible convulsion dans un point isolé des muscles du mollet, des tenseurs ou fléchisseurs des orteils, des muscles du pied, qui probablement reçoivent leurs filets nerveux de la prolon- gation des fibres de ce faisceau dans le tronc. Si , au contraire , au lieu de se borner à appliquer l'arma- ture an petit faisce;iu nerveux lui-même, on met l'une des plaques en rapport avec lui et l'autre avec la partie plus épaisse du nirf, le membre entier est pris de convulsions (1). Mais, comme ici le fluide galvanique ne demeure pas isolé sur le petit laisceau , et qu'il agit aussi sur le tronc du nerl", le cas devient absolument le même que si l'on armait immédiatement des deux plaques le tronc nerveux tout entier. III. Un nerfrachidien qui entre dans un plexus et qui contri- bue, avec d'autres nerfs rachidiens , h la formation d'un gros tronc nervevx , communique sa force motrice, non pas nu tronc entier^ mais seulement aux fibres par lesquelles il se continue depuis le tronc jusque dans les branches. Ce théorème est démontré par les expériences de Van Deen , par les miennes et par celles de Kronenberg. Les nerfs spinaux qui, chez les Grenouilles, concourent à la formation du nerf sciaiique , peuvent être irrités chacun à part avant qu'ils se soient réunis. Le nerf inguinal communi- que avec le second par un court iilet anastomolique, qui , la plupart du temps, vient du second nerf et va gagner l'ingui- nal , mais qui , parfois aussi , provient de l'inguinal ei se rend au second nerf. En outre , le second nerf tout entier du membre s'unit avec le troisième tout entier : de celte union résulte le nerf sciatique , qui se distribue tant à la peau de la cuisse, de la jambe et de la patte, qu'aux muscles de ces par- ties. On irrite les nerfs isolément soit avec une aiguille , soit par le moyeu du jjalvanisne , en faisant agir sur eux les deux (1) Huuiboldt, loc. cit., t. 4, p. 212, DES NERFS MOTEURS. 25 3 pôles , et donnant lieu ainsi à un courant {;î\lvanique f|ni les traverse dans le sens de leur épaisseur, avec le soin , pour isoler des autres celui sur lequfl on veut aj^ir, de le placor sur une lame de verre. On reconnaît alors que l'irritaiion des divers nerfs qui se réunissent pour produire le nerf scialique, ne donne pas lieu aux mêmes convulsions dans les membres pelviens, et que, suivant qu'on agit sur tel ou tel nerf, celles- ci se manifestent à la cuisse , à la jambe , à la patte. Des trois nerfs dont la réunion donne naissance au plexus des extrémi- tés postérieures , le premier, quand on l'irrite, fait contracter les muscles du côté interne de la cuisse ; le second , qui, avec le troisième, forme le nerf sciatique, ceux de la cuisse et de la jambe , mais non ceux de la pnite (où Kronenberfj a cepen- dant observé de légères contractions); et le troisième ceux de la cuisse , de la jambe et de la patte. Les expériences de Van Deen ont été faites d'une autre ma- nière. Il coupa, chacun isolément , les nerfs qui entrent dans le plexus , et reconnut que, malgré leur annexion , cette opé- ration paralysait des muscles différens. Après la section du nerf inguinal , la Grenouille exécutait encore tous les muuve- mens du membre , si ce n'est qu'elle ne pouvait plus ramener la cuisse vers l'abdomen. Après la section du second nerf , en avant du plexus, tout mouvement cessait dans les muscles de la cuisse et de la jambe ; mais les mouvemens de la patte conservaient leur intégrité. Si l'on venait à couper l'anasto- mose du nerf inguinal avec le second nerf, l'animal ne pou- vait plus ramener son membre vers l'abdomen. Le même phé- nomène fut observé après la section du nerf inguinal nu dessous de cette anastomose. Lorsqu'on fendait le nerf sci;!ii- que en long, c'est-à-dire dans le sens de ses deux racines , l'effet était le même que quand on avait coupé tout son tronc en travers. Van Deen conclut de là qu'il y a entrecroise- ment des fibres nerveuses des deux nerfs dans le pltxus ; car la paralysie survenait tant dans la cuisse que dans la jambe l5a DK LA MÉCANIQUE et la paite. Après la section du troisième nerf, qui forme la seconde racine du nerf scialiqne, la patte était paralysée (et la jambe aussi, en {grande partie). La section du second nerf, ou de la première racine du nerf sciaiique , faisait cesser les mouvemens de flexion et d'extension de la cuisse, tandis que Je mouvement persistait à la patte et à la partie inférieure de la jambe. Les expériences de Kronenber[j diffèrent un peu dans les détails, mais conduisent au même résultat. Il en est de même de celles que cet anatomiste a laites sur les nerfs qui consti- tuent le plexus brachial (1). Il a prouvé par une très-bonne expérience qu'aucune communication des fibres entre elles n'a lieu dans le trajet d'un nerf, et que la formation constante d'un plexus sur un point quelconque de l'étendue d'un nerf ne devient jamais cause d'une semblable communication. Il prit une Grenouille, et coupa le nerf d'un côté presque jus- qu'au bord; à une certaine distance, il pratiqua une seconde section , mais en sens inverse , et allant également presque jusqu'au bord. L'irritation de l'espace compris au dessus de la première section ne put plus faire entrer en action la por- tion des muscles et des nerfs située au dessous de la seconde incision. Le but des plexus nerveux semble être, par rap- port aux nerfs moteurs , de conduire à chaque nerf des fibres provenant de différens points du cerveau et de la moelle épi- nière. Ce but est atteint , par exemple , au moyen du plexus brachial , comme le prouve une dissection soignée. Il se peut aussi que les plexus soient destinés à mêler ensemble des fibres sensitives et motrices d'après les besoins des parties. Les lois expérimentales précédentes établissent que les faisceaux de fibres primitives qui entrent dans un tronc y dé- ploient leurs forces isolément , sans exciter les autres fibres primitives. Mais même certaines parties d'un muscle peuvent (1) Plemuum nervonm struclurn et virlutes , Berlin , dS36. DES NERFS MOTEURS. 253 se contracter seules , comme il arrive aux diverses portions desfléchisseurs communs etde l'extenseur commun des doi{;ls. Le muscle crural produit des effets dillérens, selon qu'il contracte sa partie antérieure ou sa partie postérieure ; la première entraîne la cuisse en dedans , et la seconde la porte en dehors. Les diverses portions de l'orbiculaire des paupiè- res et de lorbiculaire des lèvres peuvent agir séparémenir. Ces phénomènes doivent tenir à des fibres nerveuses différentes. Les faits journaliers démontrent que , quoique les mômes nerfs donnent souvent des branches à beaucoup de muscles , l'influence cérébrale peut néanmoins s'isoler sur celles de ces branches qui vont à tels ou tels muscles. Il arrive même fré- quemment, par exemple dans les maladies du cerveau, que l'influence de cet organe s'exerce isolément sur les plus pe- tites parties musculaires , qui alors sont pri:^es de tremble- ment. Mais comme toutes les fibres primitives sont distinctes les unes des autres , l'ensemble de ces faits anatomiques et physiologiques prouve que leurs forces motrices le sont éga- lement dans les troncset les branches. Au temps où l'on regar- dait encore l'électricité animale comme la cause de la force nerveuse , on était obligé d'admettre que celle-ci agit à dis- tance , idée que Humboldt et Reil ont poussée jusqu'au point de supposer une atmosphère de sensibilité autour des nerfs. Humboldt a découvert le premier que les métaux hétérogènes commencent déjà à déterminer les effets de l'irritation galva- nique à une distance de cinq quarts de ligne du muscle ou du nerf. Il a trouvé aussi que la propagation du courant galvani- que , en de telles circonstances , dépend d'une évaporation insensible de liquides, qu'elle cesse aussitôt qu'il ne peut plus se faire d'évaporation, que le stimulus agit avec d'autant plus d'intensité qu'on emploie un liquide plus facilement et plus promptement évaporable , et qu'en passant l'haleine sur des plaques métalliques qui ne produisent plus de réaction, on fait reparaître sur-le-champ l'irritation galvanique. l54 I5E LA MÉCANIQUE II. Mouvemens associés. Par tnouvemens associés j'entends des mouvemens muscu- laires qui ont lieu, contre la volonté , en même temps que d'autres provoqués par elle. Jadis plusieurs de ces phéno- mène s étaient confondus sous un même nom avec beaucoup d'autres qui en diffèrent totalement. Ici Je ne veux parler que des mouvemens qui sont déterminés par des mouvemens. On observe déjà beaucoup de ces mouvemens associés dans l'étal de santé. Nous voulons mouvoir les muscles de l'oreàlle externe ; mais , à cette intention , nous faisons agir aussi le muscle épicrânien et beaucoup de muscles de la face. Nous voulons élever ou abaisser l'aile du nez ; mais nous fronçons en même temps les sourcils , sans le vouloir. En général , il n'y a qu'un très-petit nombre d'hommes qui aient la faculté d'isoler les mouvemens des divers muscles de la face; la plupart n'en peuvent mouvoir un sans que dautres se contractent simultanément. Les muscles du périnée , le sphincter et le releveur de l'anus, le transverse, le bulbo-ca- verneux , l'ischio-caverneux et le pubo-urétral se meuvent presque toujours ensemble , quoique la volonté ait l'intention de ne faire agir qu'un seul d'entre eux. Cette association est surtout bien prononcée dans les mouvemens de l'iris ; car nous ne saurions tourner l'œil en dedans , au moyen du muscle droit interne , sans que l'iris se contracte en même temps; il nous est impossible aussi de porter l'œil en dedans et en haut , par l'action du muscle oblique inférieur , sans que l'iris se rétrécisse. Ce mouvement des deux muscles et de l'iris dépend de branches du même nerf , savoir de l'oculo- musculaire commun , qui fournit la courte racine ou la ra- cine motrice du ganglion ophihalmique. Par conséquent, toutes les fois que l'intention de la volonté se dirige sur le nerf oculo-musculaire commun , et notamment sur celles de ses fibres primitives qui vont aux muscles droit , interne et obli- DES NERFS MOTEURS. l55 que inférieur , une partie du principe nerveux influence aussi une autre portion des fibres primitives de ce nerf, c'est-à- dire celles qui se continuent dans la courte racine du (jan^jlion ophthalmique. Quelque chose d'analogue a lieu dans tous les autres muscles. Il est difficile à la plupart des hommes de faire agir séparément les divers ventres du muscle extenseur commun des doigts , et de lever chacun de ceux-ci seul , sur- tout le troisième et le quatrième , qui n'ont point d'extenseur propre. Dans les efforts , beaucoup de muscles agissent par association , sans que leurs mouvemens aient un but ; la per- sonne qui s'y livre contracte les muscles de sa face , comme si elle pouvait par-là contribuer à soulever le fardeau. Chez tous ceux qui ont la respiration gênée , ou qui éprouvent une grande faiblesse , les muscles de la face se meuvent involon- tairement à chaque inspiration , quoique leurs contractions , si l'on excepte cellesderélévateur de l'aile du nez, ne puissent contribuer en rien à faire précipiter l'air dans la poitrine. Ces phénomènes sont en si grand nombre , et ils se représentent si fréquemment , toujours de la même manière , qu'il me su (lit d'en avoir donné quelques exemples. Cependant il est un fait sur lequel je dois encore appeler l'attention d'une manière spéciale , parce qu'il prouve combien la tendance à l'associa- tion des mouvemens est prononcée entre les parties similaires des deux côtés du corps t c'est le mouvement volontaire de l'iris. Le mouvement de l'iris est toujours simultané dans les deux yeux , tant lorsqu'il a été provoqué par une cause exté- rieure, que quand il résulte d'une détermination de la vo- lonté, et il s'accomplit toujours de la même manière absolu- ment, soit que la cause externe ou interne agisse sur les deux yeux , soit qu'elle porte sur un seul de ces organes. Les di- mensions de la pupille sont plus grandes quand la lumière agit sur un seul œil que quand elle les frappe tous deux. Si la lumière exerce une action inégale sur les deux organes , les deux pupilles n'en présentent pas moins les mêmes di- 'l56 DE LA. MÉCANIQUE mensions , qui correspondent alors à la moyenne des deux impressions. Il en est de même pour les mouvemens de l'iris auxquels la volonté donne lieu. >ous pouvons toujours mouvoir cette membrane par association , comme je l'ai déjà dit, par exemple en tournant l'œil en dedans, ou en dedans et en haut; mais ce qu'il y a là de plus remarquable , c'est que les deux iris se resserrent lorsqu'un seul œil regarde en dedans, l'autre conservant sa position droite. La faculté de rétrécir l'iris en tournant les yeux en dedans , faculté que d'ailleurs tous les hommes possèdent , est développée chez moi à un dejjré ex- traordinaire. Si je ferme un œil, et que je regarde droit de- vant moi avec l'autre , je meus à volonté l'iris de celui-ci , sui- vant que je porte le premier, qui est fermé, en dedans ou en dehors. Ici la cause est cachée , et le phénomène paraît d'au- tant plus surprenant que l'œil sur lequel elle agit est ouvert. Mais elle devient manifeste aussitôt que j'ouvre l'œil qui avait été fermé jusqu'alors , car on voit que je le tourne en dedans chaque fois que je veux rétrécir l'iris de l'autre. De toute évi- dence il doit y avoir au cerveau , et par l'effet de la disposi- tion des fibres, ime intention présidant à l'association des effets dans les fibres primitives du nerf oculo-musculaire commun qui se rendent à la courte racine du ganglion ophlhalmique. Un fait inléresant , et qui s'explique sans peine d'après nos principes , est le rétrécissement des deux iris pendant le som- meil. C'est là aussi un mouvement associé , ayant pour cause la situation en dedans et en haut que les yeux prennent chez les personnes qui dorment, de sorte que le cerveau, en même temps qu'il imprime l'activité à la branche correspondante du nerf oculo-musculaire commun , stimule aussi celles de ce nerf qui vont gagner le ganglion ophthalmique. Beaucoup d'autres muscles des deux côtés du corps ont, comme l'iris , une tendance à l'association de leurs mouve- mens, dont le point de départ est au cerveau. Ainsi celte tendance est si prononcée dans les muscles oculaires , qu'il y DES NERFS MOTEURS. 1 5^ a impossibilité de tourner l'un des yeux en bas et l'autre en haut , ou de les tourner tous deux en dehors ; constamment l'un de ces organes se porte involontairement en dedans lors- qu'on dirijj;e l'autre en dehors. Je reviendrai sur ce phéno- mène lorsqu'il sera question des mouvemens. Il faut une cer- taifie habitude pour tenir ouvert un œil seul, c'est-à-dire pour ne mouvoir qu'un seul des deux muscles élévateurs des paupières à l'aide du nerf ociilo -musculaire commun. Peu d'hommes ont la faculté de faire a^jir, par le moyen du nerf facial , les muscles d'un des côiés de leur face autrement que ceux du côté opposé. Je puis mouvoir les muscles du pavillon de l'oreille, même les plus petits, ou du moins d'une manière très sensible celui de l'antitragus ; mais j'ai beau vouloir ne le faire que d'un seul côté, l'efiet a lieu également sur l'autre oreille. Je ne sais pas s'il existe des hommes qui aient le pou- voir de ne faire agir qu'un seul des deux muscles stylo-hyoï- diens. La tendance à l'association des mouvemens de muscles homonymes se remarque même au tronc ; mais elle y est bien moins prononcée. Les muscles du bas-ventre , ceux du périnée et le diaphragme agissent toujours des deux côtés à la fois ; même les nerfs et les muscles des membres , quoique plus libres sous ce rapport , ne sont pas entièrement soustraits à la loi générale. On sait combien il est difficile d'exécuter, soit avec les bras , soit avec les jambes , des mouvemens rota- toires opposés dans une certaine direction, par exemple au- tour d'un axe transversal commun , tandis que les mouvemens similaires s'exécutent très- facilement avec deux membres à la fois. La théorie de ces phénomènes est évidente. Les fibres pri- mitives de tous les nerfs soumis à la volonté , aboutissant toutes séparément au cerveau pour y subir l'influence des déterminations de cette dernière , on peut en quelque sorte se représenter leur origine dans l'organe comme les touches d'un clavecin , dont lu pensée joue en faisant ou couler, ou l3S DE LA MÉCANIQUE vibrer le piincipe nerveux dans un cerlaio nombre de fibres primitives, ei déterminant par-là les mouvemens. Mais le pouvoir conducteur de la substance cérébrale expose les fibres primitives , qni sont (on rapprochées les unes des au- tres , à être affectées simultanément ; de sorte qu'il devient difficile à la volonté do limiter l'action à telles ou telles d'en- tre elles. Cependant cette (acuité d'isoler s'acquiert par l'exer- cice, c'est-à-dire que plus il arrive fréquemment à un certain nombre de fibres primitives de ressentir l'intention de la vo- lonté, plus aussi l'aptitude se développe en elles à obéir seules , sans entraîner les fibres voisines , et plus se fraient certaines voies de facile propagation. Nous voyons cette fa- culté d'isoler arriver au plus haut degré de développement dans certains cas, par exemple chez les musiciens exécuians, surtout chez ceux qui touchent du piano. Tous les mouvemens associés ont leur origine dans le cer- veau lui-même. On ne peut les expliquer par une communi- cation entre les fibres primitives dans l'intérieur des nerfs moteurs , puisque ces fibres ne communiquent point ensemble, et que l'irritation d'une partie d'un gros tronc nerveux n'agit jamais sur les autres parties de ce tronc , mais seulement sur le prolongement des fibres de la portion irritée. On ne saurait non plus les expliquer par le grand sympathique, attendu que ce nerf n'entretient également point de connexions entre les diverses parties des nerfs moteurs , ni même entre les nerfs symétriques des deux côtés, qui ne sont unis ensemble que parle cerveau et la moelle épinière. CHàPITRE II. De la mécanique des nerfs sensitifs. I. Iiois de la transmission dans les nerfs sensitifs. Pour avoir une sensation , il faut qu'un nerf tienne encore à l'organe de la conscience , au cerveau , soit immédiatement, DE3 NEUFS SENSITIFS. 1 5g soit médiatenient , par la moelle épinière. Examiiioûs quel est , sous ce point de vue aussi , le rapport entre les branches et les troncs. I. Lorsqri'un tronc nerveux est irrité ^ toutes les parties qui en reçoivent des branches ont le sentiment de V irritation , et l'effet est alors le même que si les dernières ramifications de ce nerf avaient été irritées tontes à la fois. Lorsqu'on irriie une branche d'un nerf , la sensation de l'irritation demeure bornée à la partie vers laquelle cette bran- che se rend ; quand on irrite le tronc commun de toutes les branches , la sensation s'étend à toutes les parties qui reçoi- vent des branches de ce tronc. On conçoit bien qu'il n'est possible de faire des expériences de ce genre que sur soi- même; mais les résultats n'en sont pas moins certains que ceux des expériences relatives au mouvement , qu'on pratique sur des animaux. Lorsqu'on fait avec intention éprouver un tirail- lement ou une contusion au nerf cubital, au dessus du côté interne du coude ou au dessus du condyle interne , en prome- nant et appuyant le doigt sur le cordon nerveux , on éprouve la sensation de picotemensou d'un coup dans toutes les parties auxquelles le nerf aboutit , notamment sur le dos et à la paume de la main, dans le quatrième et dans le cinquième doigt i si l'on appuie duvanta^re , on éprouve aussi des sen- sations dans l'avant- bras. En frottant avec force le pouce contre la face interne du bras, et en l'enfonçant à une certaine profondeur dans la région supérieure et interne de ce même membre , on rencontre aisément les nerfs radial et médian , et il résulte de là des sensations analogues dans les parties auxquelles ces nerfs se rendent. Lorsqu'on vient à comprimer un gros tronc nerveux destiné à un membre entier , par exemple le nerf sciatique , on éprouve dans toute la jambe la sensation connue sous le nom d'engourdissement, et il n'est pas difficile, en s'asseyant , de donner au fémur une situation telle que le nerf^soit comprimé à sa sortie même. De celte l6o DE LA MÉGANIQUE manière, on parvient à découvrir peu à peu les points où , à l'aide d'irritations mécaniques complètement inofi'ensives, on peut faire, sur beaucoup de; nerfs , même très-petits, de son propre corps, des expériences analofjues à celles qu'on exé- cute sur des auimaux par rapport au mouvement. Ces expé- liences procurent la conviction que toute irritation d'un tronc produit constamment une sensation dans les parties externes ou périphériques de toutes ses branches , de même que l'ir- riiationdu tronc d'un nerf musculaire détermine des mouve- vemens dans les muscles auxquels aboutissent toutes ses ra- mifications. Il en est donc de la faculté sensitive comme de la force motrice , avec la seule dill'érence que cette dernière peut encore agir sur les muscles par l'effet d'une irritation imprimée au nerf qui ne tient déjà plus au cerveau, tandis que la sensation n'a lieu qu'autant que l'irritation du nerf parvient à l'encéphale. II. L'irritation d'une branche de nerf est accompagnée d'une sensation bornée aux parties qui reçoivent des filets de cette branche^ et non d'une sensation dans les branches qui émanent plus haut soit du tronc nerveux^ soit du même plexus. Les faits qui se rapportent ici sont trop connus pour que j'aie besoin de les citer tous. L'irritation de la peau du bras se fait en général sentir là seulement où elle a lieu. La compres- sion du nerf cubital ne réagit jamais, en sens rétrograde, sur le plexus brachial et les autres nerfs qui en émanent. Les expériences précédemment citées de Gaedecliens sur les nerfs facial et sous-orbitaire, démontrent qu'un nerf sensilif, qui s'anastomose avec un autre nerf cérébro-spinal sensitif , ne transmet point les sensations au tronc du second nerf, et que l'anastomose n'est qu'un appareil ayant pour usage de répandre les fibres primitives à la périphérie : car, malgré les anastomoses entre les branches de ces deux nerfs , il ne ré- trograde jamais rien du nerf sous-orbitaire dans le tronc du facial, ni du nerf facial dans le tronc du sous-orbitaire, elles DES NEUFS SENSITIFS. \6\ fibres qui constituent l'apparente anastomose ne font que se porter plus loin vers la périphérie. Lorsque Gaedechens cou- pait une branche allant du nerf facial au sous-orbitaire , et irritait le bout provenant du nerf facial, il n'y avait pas de sensations, et par conséquent cette portion du facial ne ren- voyait rien non plus au cerveau à travers le nerf sous-orbi- tairo. On ne parvient pas davantage à exciter delà douleur en irritant une branche détachée du nerf sous-orbitaire , mais tenant encore au nerf facial. Il en est donc ici de même qu'à l'égard de la force motrice qui , après l'irritation d'une bran- che nerveuse , ne provoque jamais de convulsion en sens ré- trograde par les branches naissant du tronc à une plus grande hauteur. Cependant il y a des circonstances dans lesquelles des phénomènes fort étendus de sensation peuvent naître d'un seul nerf; mais ces phénomènes s'expliquent par le concours des organes centraux , le cerveau et la moelle épi- nière, et l'on ne peut s'en rendre compte par un conflit entre les nerfs eux-mêmes, comme je le ferai voir plus tard. III. Lorsqu'une partie reçoit , par le moyeii d'une anasto^ mose, des nerfs différens, mais de même espèce^ après la para- lysie d'un de ces nerfs, l'autre ne peut pas entretenir la sens - bilité de la partie entière, et le nombre des points qui demeurent sensibles correspond à celui des fibres primitives demeurées in- tactes. Quand deux nerfs s'anastomosent ensemble , l'une des ra- cines de l'anastomose ne saurait suppléer l'autre, comme il arrive aux artères-; partout où deux nerfs cérébro-spinaux s'annexent pour former un tronc plus gros, la paralysie d'une des racines de ce tronc entraîne la perte de la sensibilité dans toutes les fibres primitives qui la constituent , et il ne reste plus de sensibles que les fibres du tronc provenant de la ra- cine non paralysée. Ainsi, après la section du nerf cubital , qui fournit au cinquième doigt, au quatrième, et en partie aussi au troisième, ce nerf ne peut être suppléé parsacommu- I. 11 iGa DE LA MÉCANIQUE nication avec le médian et le radial, et les doio[ts auxquels il se distribue demeurent paralysés, comme on le sait. S'il reste encore une faible trace de sensibilité au côté externe du qua- trième doi(}t , elle doit provenir des fibres primitives qui du nerf médian se portent au rameau palmaire du cubital. La légère sensibilité qui persiste dans les parties d'un membre auxquelles un nerf se distribue, peut donc toujours être ex- pliquée par des fibres d'autres nerfs qui ne communiquent pas avec celui-là, et qui ne s'anastomosent qu'en apparence avec lui. Ces faits sont mis en parfaite évidence par l'histoire des paralysies incomplètes. Dans un cas où Earle (1) avait excisé une partie du nerfcubital derrière le condyle interne de l'hu- mérus, l'individu, cinq ans après l'opération , ne pouvait se servirde son petit doigt, et n'y éprouvait que des sensations in- complètes. Swan fait remarquer avec raison, à cette occasion, que , si la prétendue communication eût existé , seulement même à un faible degré, les anastomoses qui ont lieu entre la portion du nerf cubital située au dessous de la plaie et les nerfs médian et radial , auraient dû suffire pour entretenir les relations du doigt avec le cerveau. Il rapporte un autre cas dans lequel , à la suite d'une plaie de l'avant-bras, à trois pouces du poignet, plaie qui fut accompagnée de la section des nerfs radial et médian , le sentiment disparut dans le pouce, les deux doigts qui le suivent , et les parties corres- pondantes du dos et du plat de la main, tandis qu'il demeura intact dans les quatrième et cinquième doigts , comme aussi dans les parties de la main auxquelles se rend le nerf cubital. Si donc les nerfs semblent former de nombreuses anasto- moses , et s'il arrive souvent aux faisceaux d'un même tronc d'unir leurs gaines de pouce en pouce, pendant que les fibres primitives continuent de marcher parallèlement les unes aux autres, la nature n'a produit là rien qui ressemble aux anas- (1) M.ei, chirurg. Transactions , t. VU. DES NliTlFS SENïilTIFS. l6S tomoses des vaisseaux; elle a voulu seulement que les mêmes parties reçussent des fibres primitives de nerfs différens. Celte disposition était d'autant plus utile , que , sans elle, la lésion d'un nerf détruirait enlièremeni la communication d'une partie avec le cerveau. IV. Des parties différentes de Vépaliseur d'un nerf sensitif produisent, quand on les irrite , les mêmes sensations que si des ramifications terminales différentes de «es parties du tronc ve- naient à être irritées. Lorsqu'on irrite mécaniquement sur soi-même le nerf cubi- tal , par le moyen que j'ai indiqué, et surtout quand on le fait aller de côté et d'autre en le comprimant avec les doigts , on ressent des picotemens dans la paume et au dos de la main, dans les quatrième et cinquième doigts. Mais si ensuite on com- prime directement, le fourmillement se fait sentir tantôt dans l'une tantôt dans l'autre de ces quatre parties, et à la paume comme sur le dos de la main l'endroit où l'on éprouve les picotemens varie suivant la manière dont on presse le nerf , c'est-à-dire suivant que telles ou telles de ses fibres, que tels ou tels de ses faisceaux de fibres éprouvent plus de pression que les autres. On observe le même phénomène en irritant les troncs nerveux du bras. Mais c'est au nerf cubital qu'il est le plus facile d'agir sur des points différens de l'épaisseur du cordon, tantôt en appuyant dessus , tantôt en le faisant rouler avec les doigts de l'autre main dans le sillon du condyle in- terne de l'humérus au coude. De même , une forte pression exercée sur le nerf sous-orbitaire à sa sortie du trou, m'a fait éprouver des picotemens dans des points différens de la joue et de la lèvre supérieure , suivant les modifications que j'im- primais à celle action mécanique. Du reste, l'application de la pression au nerf sous-orbitaire présente beaucoup plus de difficultés, parce qu'il faut l'employer d'abord pour trouver la sortie du nerf, et qu'on est obligé ensuite d'analyser les sen^ sations qui surviennent. ](j/4 DE LA. MÉCANIQUE V. l'CS sensations des fibres nerveuses les plus délices sont isolées coDune celles des troncs nervei/x , et elles ne se mêlent point les unes avec les autres depuis les parties extérieures Jus- qiiau cerveau. Ce théorème est la conséquence des faits et des lois dont l'exposition précède. J'ai prouvé qu'il n'arrive jamais aux fibres primitives d'un nerf de se ramifier ni de s'unir ensemble, soit dans le tronc, soit dans les anastomoses , où elles ne font que passer d'une gaîne dans une autre , en formant de nouvelles séries par leur juxtaposition à d autres fibres primitives , parallèlement auxquelles elles continuent de marcher. J'ai fait voir , que, de cette manière , le tronc nerveux est l'ensemble de toutes les fibres primitives qui se développent en sortant de ses branches , et que par conséquent il existe une harmonie pré- établie entre les fibres du tronc et les élémens des plus pe- tites ramifications. J'ai démontré enfin que les troncs des nerfs ont les mêmes sensations que toutes les branches prises collectivement, qu'une branche d'un tronc, quand on l'irrite, ne produit pas de sensation dans les autres, et qu'une partie de ce tronc éprouve les mêmes sensations que si l'on irritait une portion de ses branches ou des parties auxquelles elles se rendent. Si l'on a bien suivi toutes ces démonstrations, on sera forcé d'admettre le théorème précédent , bien qn'il ne soit qu'approximatif, et que la preuve n'en puisse être fournie pour ce qui concerne chacune des fibres primitives les plus déliées. On ne saurait objecter contre lui les belles expériences de Weber , d'après lesquelles la faculté d'apprécier la distance entre deux corps qui touchent la peau varie beaucoup suivant les parties, de sorte que plusieurs de ces dernières , comme le bout de la langue, jugent déjà d'une distance de deux cinquièmes de ligne, tandis que d'autres, comme la ligne médiane du dos, n'eu sauraient évaluer une au dessous de trente lignes : car cette faculté dépend sans doute du plus ou DES NERFS SENSITIFS. l65 moins (yrand nombre de fibres primitives de nerfs sensibles qui se rendent à une étendue donnée do l'or.fîane cutané. Maintenant on se demande : Quand ! s fibres primitives, qui sont réunies les unes à côté des autres dans le tronc et étalées dans les branches, viennent à être irritées sur divers points de leur lonfjueur , quelle sensation ont-elles? La sen- sation est-elle alors constamment une sous le rapport du lieu , ou bien les sensations éprouvées sur divers points de la longueur des fibres sont-elles perçues comme étant différen- tes les unes des autres? Peut-on savoir , d'après la sensation, si un même faisceau de fibres primitives a été irrité soit dans son tronc, soit dans ses branches, soit à la peau où il se déve- loppait? La réponse à toutes ces questions se trouve déjà en partie dans les observations précédemment relatées : 1° Lorsque le tronc d'un nerf vient à être irrité , la sen- sation est la même que si l'irritation avait porté sur toutes les fibres primitives qui se rendent aux parties extérieures, et elle semble avoir lieu dans les parties extérieures , comme si celles-ci avaient été le siège de l'irritation ; 2° Lorsque des fibres primitives diverses d'un tronc ner- veux sont irritées, la sensation est la même que si des points différens des parties extérieures avaient reçu l'irritation; 3° L'irritation d'une branche quelconque est accompagnée de sensation dans les parties auxquelles cette branche se rend. Il semble donc être indifférent que les fibres primitives soient irritées, dans les troncs eux-mêmes, où elles se trouvent encore annexées les unes aux autres , dans les branches où elles se sont partagées en faisceaux, enfin dans les parties ex- térieures , où elles sont compléleraenl isolées. Quand la peau vient à être irritée par des piqûres d'épingle ou par une mou- che qui court à sa surface , les extrémités des fibres primiii- ves éprouvent une irritation , et nous avons la sensation de coups d'épingles ou d'une mouche qui marche ; si , au con- traire , on comprime les masses des fibres primitives dans l66 DE LA MÉCANIQUE une pptite branche du doigt, une sensation de picotement et de rourmillement a lieu dans la peau de doigt ; si Ton com- prime un tronc entier, on éprouve cette même sensation dans la peau à laquelle aljoulissenl les dernières exlrémilés des libres primitives du tronc. Qu'une pression subite et forte s'e\erce sur un tronc nerveux , par exemple sur le nerf cu- bital, ou sur tout autre à la face interne du bras , la sensation ressemble à celle d'une commotion électrique, dans toutes les fibres que le tronc embrasse ; mais cette sensation, au lieu de se manifester dans l'endroit où l'on agit sur le nerf , semble avoir lieu là^où les fibres primitives du tronc nerveux se ter- minent dans la peau des doigts et de la main , dans les mus- cles de l'avanl-bras. Ici se rangent encore les phénomènes qui accompagnent la section des nerfs, chez l'homme, dans les amputations. Au moment de cette section, les douleurs les plus vives se font sentir en apparence dans les parties dont on pra- tique l'ablation et auxquelles se distribuent les nerfs dont l'instrument accomplit la division. C'est un fait constant , et qui m'a été attesté par Fricke , l'habile directeur du service chirurgical de l'hôpital de Hambourg. Comme chaque fibre primitive, dans toute son étendue, depuis le cerveau jusqu'à la peau, à travers le tronc et les branches, ne tient au premier de ces organes que par un seul point, c'est-à-dire par son extré- mité , il paraît tout naturel qu'elle éprouve les mômes sensations quand elle vient à être affectée , soit à sa partie inférieure, dans la peau , soit à son milieu , dans le tronc ; car toutes les sensations qui ont lieu sur sa longueur entière ne peuvent se communiquer qu'en un seul point au cerveau ou à l'organe de la conscience. D'après cela, toutes les fibres primitives d'un nerf, qu'elles soient longues ou courtes , paraissent ne repré- senter jamais chacune, dans le cerveau, qu'un seul point, qui apporte toujours la même sensation à la conscience, soit que la fibre ait été affectée à la peau, soit qu'elle Tait été sur le trajet du tronc. Si, Igrsque les fibres nerveuses sont irritées eu DES NERFS SENSITIFS. 167 des points divers de leur longueur, il nous semble constam- ment que la sensation ait lieu à la peau , c'est parce que d'or- dinaire CCS sensations ont lieu quand la peau ou Textrémilé cu- tanée des fibres primitives éprouve une afiection quelconque. Quelque rigoureuses que soient ces conclusions , déduites des faits exposés jusqu'ici, nous allons voir que la théorie des sensations est assez loin encore d'une démonstration complète. VI. Quoique la sensation semble ai>oir lieu dans les parties externes^ lorsqii'on coviprimeun tronc nerveux^ cependant une forte compression de ce dernier paraît être sentie en même temps dans le lieu où elle s'exerce. On fait quelquefois cette remarque sur soi-même, lorsqu'on se donne un coup sur le nerf cubital ; mais on peut la répéter sans qu'il soit besoin de recourir à la violence. Que l'on com- prime le nerf cubital au dessus du condyle interne de Thumé- rus, en le pressant de plus en plus contre l'os , sans lui per- mettre de s'échapper; tout le bras, au dessus du point com- primé, devient douloureux jusqu'à l'extrémité des branches du nerf, mais on ressent en même temps sur ce point une vive douleur, qui ne provient pas seulement de la sensibilité des parties environnantes , et qui a son siège dans le tronc nerveux. Si l'on jugeait d'après l'analogie avec les phénomè- nes qui précèdent et ceux dont j'aurai plus tard à parler, cet effet ne devrait point avoir lieu. Il semble donc y avoir encore ici quelque chose d'énigmalique, qui a de Tiraportance pour la ihéoi'ie des sensations. Un phénomène à peu près sembla- ble s'observe dans les névromes. Les symptômes caractéris- tiques de ces tumeurs des nerfs sont bien des douleurs d'une vivacité extrême dans toutes les parties auxquelles le nert se rend, par exemple à la main et aux deuK derniers doigts dans les névromes du nerf cubital au bras, et d'effroyables douleurs dans les mêmes parties au moment où l'on pratique la section du nerf malade au dessus de la tumeur, comme j'ai pu m'en convaincre moi-même dans une opération de ce genre exécu- l68 DE LA MÉCANIQUE tée par Wulzer, à la clinique chirurgicale de Berlin (1). Mais le névron»e a coutume d'être lui-même irès-sensible et très- donloureux. A ces faits de nerfs qni , par suite d'une affection dévelop- pée sur Uni- trajet, donnent lieu à des sensations non seule- ment duns les parties aux(|uelles se rendent leurs branches, mais encore dans leur propre tronc, il faut joindre un phéno- mène analojjue que présente la moelle épinière. Lorsque cet organe devient malade, les douleurs se font généralement sen- tir dans toutes les parties périphériques situées au dessous du point affecté ; mais, parfois aussi , quoique rarement , comme dans la névralgie dorsale, le sujet en ressent sur la ligne mé- diane du dos. Les chirurgiens n'ont malheureusement pas assez profité des magnifiques occasions qui se présentent à eux de faire des observations sur les phénomènes dont la section des nerfs est accompagnée. S'ils avaient attaché à la physiologie un in- térêt plus général que celui qui ressort de l'étude du travail de l'inflammation , ils auraient pu nous doter de remarques d'une grande importance pour la physique du système ner- veux. On aurait dû croire que les plus importans problèmes de la physiologie se seraient présentés d'eux-mêmes à l'es- prit de ceux qui portent à l'organisation de l'homme une at- teinte aussi profonde que celle de l'amputation d'un membre ou de la section d'un nerf. La propagation des douleurs névralgiques suivant le trajet des nerfs semble également être en contradiction avec la théorie précédente des sensations. Cependant il faut remar- (1) Comp. Aronssohn , Oherv. sur les tumeurs dcuclnppécs dans les nerfs , Strasbourg, 4S22, p. 9. — V.-ll.Descot, Disscrlation sur les affec- tions locales des nerfs, Paris, 1825, in-8. — J. Swan, j4 treatise on di- seuses and injuries of the nerves, Loiidoii , 1S34 , in-8. — A. -A. Velpeau, Nouveaux élémens do médecino opératoire , 2= édit., Paiis, 1839, l. III , pag. 101 et suiv. DES NERFS SENSITIFS. \6ç) quer que ces sortes de douleurs ne suivent pas toujours le cours des nerfs. Dans plusieurs cas de névralgies pures, que j'ai observés avec soin à Berlin , les douleurs ne se manisles- taient pas conformément à la distribution anatomique du nerf. J'ai vu, par exemple, une névralgie de la face, qui commen- çait au vertex , traversait Torbite , et venait finir à la joue. Dans un autre cas , on pouvait soupçonner le nerf cubital , tout aussi bien que le nerf radial , et cependant ni l'un ni l'autre ne convenait parfaitement aux phénomènes morbides. J'ai également rencontré une névralgie crurale, que le mé- decin pouvait regarder comme une sciatique , en se laissant aller aux idées ordinaires , mais qui n'en était certainement pas une aux yeux de l'anatomiste. D'un autre côté , j'ai vu une névralgie des nerfs facial et lingual, dans laquelle It^s douleurs semblaient , sinon d'une manière constante, du moins fréquemment , prendre naissance au dessous de l'oreille, et se répandre en rayonnant dans la face : il leur arrivait souvent de marcher en sens inverse de la distribution anatomique, et de se jeter de la face sur la langue. En pareil cas, les névral- gies élèvent une objection contre la théorie précédente des sensations , mais les faits suivans forment uue nouvelle série d'argumens en faveur de cette théorie. YII. Lorsque le sentimctit est complètement paralysé, dans les parties extérieures , par le [ail de la compression ou d'une section^ le tronc du nerf peut encore^ dès qu'il vient à elre irrite^ éproui'er des sensations^ qui semblent avoir lieu dans les parties extérieures auxquelles il aboutissait. On sait qu'il y a des paralyses dans lesquelles les membres sont absolument insensibles aux irritations extérieures, bien que les douleurs les plus aiguës se fassent sentir dans les par- ties ainsi privées de toute sensibilité pour les stimulations qui viennent du dehors. On peut piquer ces membres, les inciser, les frapper, sans que le sujet sente rien , et cependant les douleurs qu'y font naître des causes internes sont quehpu'fois l^JO DE LAl mécanique très-vives. Dans l'état grossier où lu piiysiologie du système nerveux a langui jusqu'ici , ce phénomène constituait une éni{}me inexplicable. Je l'ai observé à Bonn , chez un homme qui avait les extrémités inférieures entièrement paralysées , tant sous le rapport du sentiment que sous celui du mouve- ment ; de temps en temps les muscles étaient pris de convul- sions, qui s'accompagnaient de violentes douleurs, sans que la sensibilité pour les stimulations du dehors reparût. Lorsque les parties extérieures des nerfs sont paralysées , l'irritation des troncs peut encore déterminer les plus violentes douleurs, qui semblent alors avoir leur siège dans les parties extérieures, ce qu'on a désigné sous le nom d'anœsthésie douloureuse. On s'aperçoit sans peine que les paralysies douloureuses du sen- timent doivent principalement être celles dans lesquelles les parties périphériques des nerfs sont paralysées , tandis que leurs troncs et leurs origines n'ont éprouvé aucune lésion , c'est à-dire celles qui consistent en une paralysie purement lo- cale des nerfs, sans nulle altération du cerveau et de la moelle épinière, comme dans les paralysies locales qui doivent nais- sance à une aflèction rhumatismale ou arthritique , et celles qui proviennent ou d'une compression subie par les nerfs, ou de tumeurs développées sur leur trajet. Earle (1) rapporte un cas de paralysie du bras causée par une fracture de la clavicule ; les doigts et le bras entier étaient insensibles aux impressions du dehors , et cependant, lorsque le malade es- sayait de remuer son membre , quelquefois même dans l'état de repos absolu , il éprouvait de violentes douleurs au bout des doigts. Ici se range encore un fait constaté par d'innombrables observations , savoir que la section des nerfs n'est générale- ment d'aucune utilité dans les névralgies, et qu'on voit sou- vent revenir les douleurs avec tout autant dlntensité qu'aupa- (1) Philos, Truns., t. VU, p. 173. DES NEBFS SENSITIFS. I7I ravant , malgré l'opération, et quoiqu'on ait même excisé une certaine étendue du tronc nerveux. En effet, quand le tronc du nerf est la cause de la douleur, la section ne saurait servir à rien , puisque les irritations du moignon , qui demeure en communication avec le cerveau , et dans l'intérieur duquel se trouvent encore toutes les fibres primitives qui allaient se déployer à la peau , déterminent en apparence dans les par- ties extérieures , les mêmes sensations que si ces dernières étaient affectées elles-mêmes. La section et l'excision d'une portion du nerf ne sont utiles que rarement, et l'on comprend que ce doit être seulement lorsque la cause des douleurs névralgiques a son siège dans les branches , et non dans le tronc. A-insi la section d'un nerf ne supprime que la possibilité de sentir les impressions du dehors avec l'extrémité cutanée des fibres nerveuses, parce que ces impressions ne peuvent plus alors être transmises au cerveau. Mais des sensaiiims absolument semblables à celles qui sont déterminées par les impressions extérieures , se développent , sous l'influence de toute cause intérieure quelconque, pourvu seulement que les fibres primitives du tronc communiquent encore avec le cor- veau ou la moelle épinière. Lorsqu'un nerf vient à être coupé, par exemple au doigt, une douleur se manifeste, durant la période de l'inflammation traumaiique, dans la portion paralysée du doigt, qui a perdu toute faculté de sentir les irritations extérieures. La sensation de douleur disparaît avec le travail phlegmasique, et dès ce moment la partie est redevenue complètement insensible. Sous cerappport, une observation que Gruithuisen a eu l'occa- sion défaire sur lui-même présente un intérêt tout particulier; à la suite d'une blessure dans laquelle le nerf coUaiéral dorsal du pouce avait été coupé, le côté externe de ce doigt l'ut frappé d'insensibilité jusqu'au dessous de l'ongle : à l'époque de l'inflammation, la peau qui le couvrait devint très-doulou- 172 DE LA MECANIQUE reuse ; mais les douleurs disparurent au bout de huit jours, quand la cicatrisation fut achevée , et il ne resta depuis lors qu'une impossibilité absolue de percevoir les impressions ex- térieures; plus tard, lorsqu'on frappait sur la cicatrice, des picotemens se faisaient sentir au dessous de l'ongle. Éverard Home rapporte un cas de prosopaljjie dans la- quelle, après qu'on eut coupé le nerf, la plaie ne put se réu- nir par première intention ; tant qu'elle demeura ouverte, l'état inflammatoire de l'extrémité du nerf occasiona au ma- lade des accès semblables à ceux qu'il avait éprouvés avant l'opération ; mais, après la cicatrisation, il ne reparut plus de ces accès. Les phénomènes de l'engourdissement des membres par une compression exercée sur les nerfs, sont du même genre que ceux qui précèdent, et les expliquent. La compression empêche la transmission des extrémités périphériques au cer- veau ; mais elle affecte aussi la portion centrale du nerf, d'où le fourmillement dans le membre , qui perd également la faculté de sentir les impressions du dehors. Une sensation de fourmillement, qui semble avoir son siège dans des parties extérieures, se manifeste fréquemment aussi lorsque les origines des nerfs, soit au cerveau, soit à la moelle épinière, ou ces organes eux-mêmes, sont aflectés. Quand elle a lieu dans un membre, on ne peut pas savoir si la cause en est à la peau, sur le trajet du tronc nerveux, ou à l'origine des fibres. Souvent celte cause réside à la moelle épinière. Pres- que toutes les maladies de la moelle épinière ont pour symp- tôme un fourmillement, qui semble avoir lieu à la peau, qui, dans le cas de paraplégie, s'étend fréquemment à toutes les parties dont les nerfs naissent au dessous du point lésé, et qui, dans la phthisie dorsale, a lieu , non pas sur la ligne média- live, mais par tout le corps, à la peau (1). [i) Je ne connais aucune oI)servation de fourmillement qui se soit fait sentir dans des mentbranes muqueuses. DES NERFS SENSITIFS. 1^5 On voit, d'après les détails précédens, que l'espèce de fourmillement qui précède les accès d'épilepsie, et qui porte le nom d'aura epiieptica (1), a sa cause et son siège dans la moelle épinière ou le cerveau, bien que le malade croye ne l'éprouver que dans les parties extérieures. C'est la première annonce des affections rachidiennes ou cérébrales qui vont bientôt éclater. Si l'on parvient quelquefois à prévenir l'accès par l'application d'une ligature serrée autour du membre dans lequel se fait sentir Vaura, ce n'est pas parce qu'on s'oppose ainsi à la propagation d'un état morbide, mais parce que la ligature détermine une forte impression dans le sensorium. Cependant il faut remarquer que, dans les épilepsies causées par des tumeurs sur le trajet des nerfs, la ligature du membre empêche réellement l'irritation de se transmettre à la moelle épinière. En s'appliquant un tourniquet autour du bras, au dessus de l'articulation du coude, on peut faire naître le sentiment de l'engourdissement dans toutes les parties de la main, et même finir par les rendre insensibles.il survient d'abord des picotemens , puis de l'engourdissement et un sentiment de froid, auquel succède un commencement d'insensibilité pour les stimulations extérieures ; qu'on vienne alors à irriter les troncs nerveux, en les serrant au bras ou à l'aisselle, on éprouve dans la main la sensation d'une commotion éleclriiiue, avec tout autant de netteté que si ses nerfs et ceux de l'avant- bras n'étaient point engourdis. VIII. Lorsque le membre dans lequel se répand un tronc nerveux , o été enlevé par une amputation , ce tronc , attendu qu'il renferme l'ensemble de toutes les fibres primitives raccour- cies, peut avoir les mêmes sensations que si le membre am- puté existait encore , et cet état persiste pendant toute la vie. Aucun chirurgien n'ignore que les amputés éprouvent les (1) Esquirol , Dos vialadies mentales , Paris , 1838, t. I , p. 274. in^ DE LA MÉCANIQUE mêmes sensations que s'ils avaient encore le membre dont on les a privés. Il n'en est jamais autrement. On a coutume de dire que lillusion dure quelque temps, jusqu'à ce que, la plaie étant cicatrisée, le malade cesse de recevoir les soins de l'homme de l'art. Mais la vérité est que ces illusions persistent toujours , et] qu'elles conservent la même inten- sité pendant toute la vie ; on peut s'en convaincre par des questions adressées aux amputés locg-temps après qu'ils ont subi l'opération. C'est à l'époque de l'iaflammation du moi- gnon et des troncs nerveux qu'elles sont les plus vives; les malades accusent alors de très-fortes douleurs dans tout le membre qu'ils ont perdu. Après la giiérison , le sujet conserve les sensations qu'un membre sain procure aux autres hommes, et fréquemment il reste , pendant toute la vie , un sentiment de formication, ou même de douleur , ayant en apparence son siège dans les parties extérieures, qui n'existent cepen- dant plus. Ces sensations ne sont pas vagues; car l'amputé sent les douleurs ou le fourmillement dans tel ou tel orteil, à la planle ou sur le dos du pied, à la peau, etc. L'explica- tion que les idéalistes donnent du phénomène , en ayant re- cours à l'imagination , est ridicule. Les physiologistes l'ont considéré pendant long-temps comme une curiosité. Mais je me suis bien convaincu, par des recherches suivies, que le sentiment dont il s'agit ne se perd jamais entièrement. Les amputés finissent par s'y habituer à tel point qu'ils ne s'en aperçoivent plus; cependant, dès qu'ils y font attention, ils le voient aussitôt reparaître , et souvent ils sentent d'une ma- nière très-distincte leurs orteils , leurs doigts, la plante du pied, la main. Le sentiment devient beaucoup plus vif encore lorsqu'on applique une bande ou un tourniquet autour du moignon , ou quand on lui fait subir une compression du genre de celles qui amènent l'engourdissement d'un membre ; alors la formication s'établit sur-le-champ ; l'amputé éprouve des fourmillemens dans la main , dans le pied , dans le membre DES NERFS SEXSITIFS. 1-5 entier, avec tout autant de netteté que si ces parties exis- taient encore. Aussi les personnes qui ont subi ane amputa- tion n'éprouvent-elles jamais plus vivement le sentiment du membre perdu que quand une autre cause oblige de re- courir plus tard à l'application du tourniquet. Si, avant de se soumettre à l'amputation , le sujet était por- teur dun mal local douloureux, l'opération n"empéche pas qu'ensuite il sente douloureusement sa jambe entière , et c'est encore la jambe entière , du moins en apparence , qui lui cause de la douleur , après la section du nerf , lorsque le moignon s'enflamme. Je ne parle point des rêves que font les amputés , ni du vif sentiment de tout leur membre qu'ils croient épronver lors- que le moignon vient à être comprimé dans telle ou telle atti- tude , car ce sentiment ne s'éteint en eux qu'avec la vie. ^ Voici quelques exemples, que je crois convenable de rap- porter : 1° Une femme, atteinte d'une paralysie du sentiment au bras gauche , éprouva une fracture de ce membre , qui tomba en gangrène , et dont il fallut pratiquer l'amputation. Celle-ci ne fut nullement sentie. Mais il paraît que la section du nerf ranima le sentiment dans son tronc -. car , dès la première nuit, la malade se plaignit d'éprouver des douleurs dans les doigts. 2' Un homme eut la cuisse amputée au premier tiers , pour cause de carie ; aussitôt après l'opération il éprouva le même sentiment que' s'il eût eu encore sa jambe , et le leudemain il se plaignit vivement de douleurs dans ce membre, jusqu'aux orteils. Le même jour, on coupa le bras à un autre malade , qui se plaignit également après de douleurs dans la main et dans tout le bras. J'ai revu le premier de ces deux hommes au bout de douze années; il éprouvait encore le même sentiment que s'il eût possédé les orteils et la plante du pied, et celle-ci lui causait de temps en temps des doa- l'jG DE LA MÉCANIQUE Ifiursqui n'existent plus aujourd'hui. Le moignon s'enj^^ourdit quelquefois quand le sujet est couché , et alors il survient dans les orteils des founnillemens, qui jadis se reproduisaient assez fréquemment. J'appliquai un tourniquet sur le moi^rnon, de manière à comprimer ce qui restait du nerf sciaiique ; l'homme me dit aussitôt que sa jambe s'engourdissait, et qu'il distinguait parfaitement bien lesfourmillemens dans les orteils, 3° Un jeune homme fut amputé au bras, par suite d'une ma- ladie de l'articulation du coude. Tant que je pus le suivre, il conserva le sentiment du bras qu'il avait perdu. 4° Un homme a le bras amputé depuis treize ans. Les sen- sations dans les doigts n'ont jamais cessé chez lui. Il croit toujours sentir sa main dans une situation courbée. Des picote- mens apparens dans les doigts ont lieu , surtout lorsque le moignon appuie sur un corps , et que les troncs des nerfs du bras viennent à être comprimés. J'exerçai une compression sur les troncs de ces nerfs ; à l'instant même survint un senti- ment d'engourdissement, que le sujet disait éprouver dans tout le bras jusqu'aux doigts. 5° Un homme qui avait eu le bras coupé depuis douze ans, éprouvait de temps en temps des fourmillemens qui lui sem- blaient avoir lieu dans les doigts , et qui survenaient surtout lorsqu'il s'appuyait sur son moignon. 6° Vir quidam, cui pes sinisier, et ctlter eut brachium sinis- trum amputatum erat, dicebant amho, aller pos ebd. 14, alier 17, se per operalionemnihil comniodi nactos esse; alter quere- batur de dolore vehementi pedis et alter brachii , cum tamen non tam maie eos habuisset quant inprimis hehdomadibus post factam operalionein ^ et utcrque non per hebdomades y scd per menses, hosce sensus huj us fallacis diîninutionem habuere fate- tebatur (1). 7° Nunc temporis, ctiam ibiversatur jiiçenis^ cuiante novem (1) Lemos, Diss. quœ dolorein viomhri amputati remanentem arplicat, Halle, 1798, p. 33. DBS NERFS SENSITIFS. l^-J mentes hrachium sinistrum demtum\est. In hoc eadem sensatio suh quinto et sexto mense post operationem decessit, sed mense octavo aliquot dies^ ubi vehementior esse cœpit, hahuit ^ ut in- terdiu tantum ope ocuîi , et nocte ope manus alterius jacturœ hujusse convincere posset (1), L'auteur explique le fait d'une manière qui n'est nullement satisfaisante , par une prétendue association des deux membres , qui elle-même aurait besoin d'explication. 8° Un homme , qui avait eu le bras droit écrasé par un boulet de canon , et ensuite amputé , éprouvait encore , vingt années après, des douleurs rhumatismales bien prononcées dans ce membre, toutes les fois que le temps changeait. Pen- dant les accès, le bras qu'il avait perdu depuis si long-temps lui paraissait sensible à l'impression du moindre courant d'air. Il m'assura d'une manière positive que la sensation physiologique et purement subjective de ce membre n'avait jamais cessé. 9° Un homme à qui l'on avait amputé la main, y ressentait encore , sept ans après , des douleurs , qui ne cessèrent qu'à la mort (2). IX. De même que la situation reîatit^e des fibres primitives dans le lieu de leur origine au cerveau et à la moelle épinière , où elles déterminent des sensations^ ne suhit aucun changement lorsque leur situation relatiç>e à leurs extrémités périphériques change , de même les sensations d'emplacement que procurent ces fibres dépendent de l'ordre dans lequel celles-ci naissent et non de la situation relative qu'affecte leur extrémité périphérique. La preuve de ce théorème est fournie par les phénomènes qui ont lieu quand l'art change la situation des extrémités périphériques , comme il arrive , par exemple , dans la trans- (1) Ihid., p. 33. (2) Klein, dans le Journal de Graefe , t. Ill, p. 408. — Comp., sur les sensations des amputés, Valentin , dans IIecker's Annalen. dS3G, t, III, p. 291. — Repcrtorium fuer Anatomie, 4836, p, 328; 1. la 1^8 DE LA. MÉCANIQUE plantûtioa de lambeaux cutanés. Lorsque , dans une'opéra- tion de rhinoplastie , on retourne un lambeau de la peau du front taillé à la racine du nez, et qu'on l'accolle au moignon de ce dernier, tant que le pont n'a point été coupé, le nez factice conserve les mêmes sensations que celles qu'on éprouve quand la peau du front est mise en rapport avec un stimulant quelconque, c'est-à-dire que l'individu sent au front lesaitou- chemens qu'on exerce sur le nez. C'est là un phénomène bien connu des chirurgiens, et dont Lisfranc a fait le premier l'ob- servation (1). Mais ce phénomène, comme on le conçoit bien, ne dure qu'aussi long-temps que subsiste la communication des fibres nerveuses, à la racine du nez, entre le front et le nez de fabrique. Après la section du pont , l'illusion cesse , et le nouveau nez devient insensible ; il paraît s'y dévelop- per plus tard un peu de sensibilité , mais qui demeure toujours très-faible. Un autre phénomène, en tout semblable, et qui se prête à la même explication, est le suivant: Lorsqu'on croise l'un sur l'autre le doigt indicateur et le médius d'une main, et que l'on fait rouler une petite boule entre les deux côtés de ces doigts qui se correspondent maintenant , mais qui, dans l'état ordinaire des choses , sont opposés l'un à l'autre , on croit sentir deux boules. Quand on touche une petite boule avec deux doigts qui conservent leur situation respective or- dinaire , ce n'est point, à proprement parler, une boule que l'on sent, mais deux convexités, que l'esprit réunit et com- bine en une sphère , parce qu'il se représente que deux seg- mens de sphère situés l'un à côté de l'autre et tournant leurs convexités en sens inverse, appartiennent à une même sphère. Si maintenant on croise les doigts , de manière que leurs deux faces externes opposées deviennent internes et se regardent , les sensations des fibres conservent leur situation (i) Mémoires do VAcai. royale de médec^'Saxts, 1S33, t. II, p. 145. DES NERFS SEN9ITIF8. }ng relative par rapport îiu'cerveau, comme s'il n'y avait pas de croi- sement, c'est-à-dire que la sensation delà convexité d'un seg- Fig. i. jjjgjjt jjg sphère (fig. 4) en a; est transportée au côté ^'X\^ opposé enj-, et que celle en ^' l'est égalementen y \ A Eu égard à leur contenu, les sensations éprouvées en a^ et en y ne subissent aucun Changement, non A r'\ plus que celles en x' et en 1/ ^ mais, après la trans- position , les impressions ne sont plus celles de ^J^ ^\_/ deux convexités tournées en sens inverses l'une de l'autre ; ce sont celles de deux convexités tournées l'une vers l'autre. Or, en les complétant, l'esprit doit concevoir l'idée de deux sphères , parce que deux convexités qui se regardent ne sauraientapparlenir à une seule et même sphère, tandis qu'elles peuvent très -bien appartenir à deux sphères distinctes. J'aj présenté, dès 4826, cette explication du phénomène, dans un ouvrage où d'ailleurs on trouve déjà indiqués les premiers élémens de la partie mécanique de la physique des nerfs (1). Arislole l'avait déjà rencontrée, à peu près (2). II. Sensations] associées. Il arrive quelquefois qu'une sensation en excite une autre, ou que les sensations se propagent , d'une manière morbide , au-delà des parties affectées. Ce phénomène, auquel je donne le nom d'association de sensations, n'est pas rare dans l'état de santé. L'impression d'une vive lumière détermine un pru- rit dans le nez , et le chatouillement exercé sur un point très- borné donne lieu à des sensations fort étendues. Il faut égale- lement rapporter ici les sensations étendues qui résultent de la stimulation des parties génitales externes dans l'acte du cuit , les secousses que détermine une détonnation qui éclate inopinément auprès de nous, les frissonnemens qu'on éprouve (1) Physiologie des Gesichtssinnes, Leipzick, 4826 , p. 84. (2) Dans son Traité des songes, chap. 2. l8o DE LA MÉCANIQUE en entendant certains sons , comme par exemple celui du verre (jue quelqu'un raie, et les sensalionsqui surviennent lorsqu'on rencontre une substance sablonneuse sous la dent. Cette même classe renferme encore un bien plus {^rand nombre de phénomènes pathologiques , tels que l'extension du mal de dent à la face entière , et celle des douleurs d'un doigt ma- lade aux autres doigts , à la main , au bras, sans qu'on puisse admettre une communication matériellle de la cause morbifi- que. Les irradiations acquièrent surtout beaucoup d'étendue lorsqu'une tumeur nerveuse occasione des sensations doulou- reuses très-vives, qui ne tardent pas à se manifester aussi dans les parties environnantes, ou même dans des parties éloignées , comme le prouve un cas rapporté par un journal anglais (1) , où , à la suite d'une amputation , une tumeur du nerf sciatique, adhérente à l'os et à la cicatrice , rendait fort douloureuse la peau du moignon entier , et parfois même des parties éloignées, telles que les tégumens du bas-ventre, sans qu'il y eîit d'ailleurs aucun symptôme inflammatoire ; ces sen- sations insolites disparurent après une seconde amputation. Il suftit de se faire une brûlure forte et un peu prolongée pour acquérir la conviction que des sensations accessoires nais- sent alors dans les fibres nerveuses voisines, auxquelles la cause provocatrice ne s'étend cependant point elle- même. Ces sensations concomitantes seraient fort incommodes dans l'état de santé. Aussi la nature les a-t-elle prévenues en iso- lant les fibres des nerfs; car, si les fibres de dix points diffé- rens de la peau se réunissaient en une seule avant d'arriver au cerveau , celui-ci ne pourrait non plus avoir qu'une seule sensation de dix points dilTérens de la peau, qu'il percevrait comme étant tous dans le même lieu, et si les fibres nerveuses primitives d'un point se confondaient avec celles de neuf au- (1) Condon 7Hedical Gazette, iSii: •. DES NERFS SENSITIFS. l8l très points qui allassent chacun isolément à rencéphale , il suffirait , dans l'état de santé , qu'un seul point de la peau fût irrité , pour que neuf autres sensations d'autres parties par- vinssent en même temps à la conscience. Ceci n'a pas lieu, en général , chez l'homme qui se porte bien , et ne peut pas non plus arriver, parce que les fibres primitives des nerfs demeu- rent isolées dans tout leur trajet jusqu'au cerveau. Quelle explication doit-on donc donner du phénomène exceptionnel des sensations associées? Comme il n'est aucun point de la peau où Ton puisse exciter des sensations concomitantes autrement qu'en y provoquant une sensation très-vive, le phénomène ne saurait être altribuéà une union qui, par excep- tion, aurait lieu , dans quelques nerfs, entre les fibres pri- mitives. Il faut que l'explication soit susceptible de s'appli- quer à tous les nerfs de sentiment. On ne saurait non plus rendre raison de l'irradiation de la sensation par l'admission d'anastomoses plexiformes des fibres primitives à leurs extré- mités périphériques dans la peau ; car elle a lieu aussi dans la rétine, où de telles anastomoses n'existent point. On peut expliquer le phénomène de deux manières : 1° La première explication repose sur les propriétés dont jouissent les ganglions des nerfs sensitifs, et qui ont été expo- sées précédemment. On sait que tous les nerfs sensitifs pro- prement dits ont un ganglion à leur racine, lleil (1) comparait les ganglions du grand sympathique à des demi-conducteurs, qui n'amènent pas les impressions faibles au cerveau, maisqui, à l'iustar des demi-conducteurs de l'électricité, au travers des- quels passe le fluide électrique accumulé en grande quantité, y font parvenir les irritations très-vives , et qui ne permettent non plus qu'avec des restrictions l'influence du cerveau et de la moelle épinière sur le grand sympathique. On pourrait ap- pliquer aussi cette hypothèse aux ganglions des nerfs de sen- (1) Archiv f'uer Physioloyie , t. VII. l8a DE LA MéCANIQUE limont : on pourrait dire que la masse {prise , à travers la- quelle les libres primitives passent sans névrilème, est une sorte de demi-conducleur incapable de propager dans sa pro- pre substance les irritations faibles agissant sur une de ces fibres, et de les communiquer aux autres fibres qui traversent le ganglion , de manière qu'alors la sensation ne se répand ni à droite ni à gauche, et parcourt seulement la fibre qui en a été affectée ; mais , quand les sensations sont très-vives , de demi-conducteur qu'elle est ordinairement, cette même masse devient tout-à-fait conducteur, et permet à une par- tie du fluide nerveux de se communiquer à quelques autres des fibres qui traversent le ganglion , de sorte qu'en ce cas il y a irradiation delà sensation, sensation associée ou conco- mitante. 2° La seconde explication n'a aucun égard à cette propriété des ganglions des nerfs sensilifs qui est en effet purement hypothétique et dénuée de preuve. Elle attribue l'irradiation de la sensation à celle de l'irritation dans la moelle épinière ou le cerveau même. D'après cette manière de voir, il se pas- serait ici un phénomène analogue à celui qui a lieu dans les mouvemens par réflexion , lorsque de l'impression sensitive communiquée à la moelle épininière part une irradiation qui s'étend jusqu'aux nerfs moteurs. La seule différence consiste- rait en ce que l'irradiation de l'impression sensitive primor- diale sur la moelle épinière n'aurait pas lieu dans des nerfs moteurs , mais dans d'autres nerfs sensilifs naissant au voisi- nage de ceux qui ont été affectés directement , ou que du moins elle ne se bornerait pas à des nerfs moteurs et s'éten- drait en outre à des nerfs de sentiment. Ce qui parle en faveur de la seconde explication, c'est l'a- nalogie des irradiations que les impressions sensorielles, re- çues par la moelle épinière, envoient jusque dans des nerfs de mouvement, et de plus cette circonstance qu'il y a aussi des nerfs sensilifs, sans ganglions, comme la rétine, qui sont DES NERFS SENSITIF8. l85 susceptibles d'irradiation, de sorte que la_ première explica- tion est évidemment insuffisante. Quelle idée maintenant doit-on se faire de rexcitation se- condaire que d'autres fibres sensiiives ou d'autres nerfs de sen- timent reçoivent du cerveau et de la moelle épinière ? S'accom- plit-il une réflexion dont le point de départ soit au cerveau et à la moelle épinière ? S'établii-il, dans ces nerfs, un courant qui aille de leur extrémité cérébrale ourachidienne à leur extré- mité périphérique, et revienne ensuite de celle-ci à celle-là ; ou, s'il n'y a point de courans, mais seulement des oscillations dans le principe nerveux, un second nerf est-il mis à l'état d'os- cillaliun par l'oscillation du premier, que le cerveau réfléchit sur lui ? Très-probablement il s'opère toujours une réflexion, dont le point du départ est l'encéphale ou la moelle épinière, qui rejette en quelque sorte l'impression sur un autre nerf de sen- timent. Cependant, il faut remarquer que cette explication im- plique tacitement la possibilité, pour les courans ouïes oscilla- tions qui ont lieu dans les fibres sensitives, de s'elTectuer aussi bien du centre à la circonférence que de la circonfé- rence au centre» Or, nous ignorons encore si une telle condi- tion est réalisée, ou si les nerfs sensitifs ne sont aptes qu'à des mouvemens de la circonférence vers le centre. Aussi, est-il intéressant d'avoir un moyen d'expliquer le phénomène dans le cas où les nerfs de sentiment seraient privés du mouve- ment centrifuge, et où celui-ci n'appartiendrait qu'aux seuls nerfs moteurs. Comme il paraît être indifférent, pour une sensation, que la fibre nerveuse soit affectée à son extré- mité, dans son milieu, ou à son origine cérébrale ou rachi- dienne, puisque, dans tous ces cas, la sensation demeure la même, et qu'elle est toujours rapportée aux parties exté- rieures dans lesquelles le nerf se distribue, la simple irradia- tion d'une impression qui, du point où sa fibre conductrice aboutit dans la substance de la moelle épinière et du cerveau, se répand sur les origines d'autres fibres nerveuses, peut l84 DE LA MÉCANIQUE donner lieu à une extension de la sensation. Nous savons que, chez les personnes atteintes d'affections de la moelle épinière, les sensations semblent avoir lieu aussi dans les parties exté- rieures, que, par exemple, la myélite s'accompagne des plus vives douleurs dans les membres, quoique cependant les nerfs de ces parties ne puissent exciter aucune sensation dans le sens de la moelle épinière à la périphérie. Le fourmillement qu'on éprouve à la peau n'est souvent non plus qiiune sen- sation ayant sa cause dans la moelle épinière elle-même. Cette sensation, lorsqu'elle ne dépend pas d'une compression exercée sur les nerfs, est un s^mplôme presque constant de toutes les afl'ections de la moelle spinale, que celles-ci soient purement passagères, comme dans Tépilepsie, ou permanen- tes, comme dans la névralgie dorsale et la phihisie dorsale. Il est impossible même à celui qui possède des connaissances anatomiques d'avoir la conscience du véritable siège qu'elle affecte, puisque ce n'est pas le long du racbis qu'elle se ma- nifeste, mais dans toutes les parties auxquelles la portion ma- lade de la moelle envoie des nerfs. Il peut fort bien en être de même de l'irradiation des sensations. m. Mélange ou coïncidence de plusieurs sensations, La précision et la netteté des sensations paraissent dé- pendre du nombre des fibres primitives qui se répandent dans une partie ; plus ces fibres sont rares dans un or- gane, plus les impressions reçues par des parties diverses, mais voisines, sont obligées de n'agir que sur une seule fibre primitive, et plus il doit être facile de confondre les unes avec les autres les impressions faites sur divers points de la peau. E.-H. Weber(l)aréunide très-intéressantes observations sur le degré de netteté des sensations relativement à la distinction des distances dans les diverses régions du corps. Ces expé- (1) Annotât, anat. et physiol,, p. 44-81. DES NERFS SENSITIFS. l85 riences ont été faites en touchantla peau, les yeux fermés, avec les branchesd'un compas dont les extrémités étaient garnies de liège. Weber cherchait à quel degré d'écartement de ces branches on pouvait juger de leur dislance. Voici les résultats auxquels il est arrivé. Les extrémités des troisièmes phalanges des doigts et le bout de la langue sont les parties qui rem- portent sur toutes les autres eu égard à la netteté des sensa- tions; elles permettent de juger d'une ouverture de compas qui ne dépasse point une demi-ligne. Sur le dos de la langue, il fallait déjà un écartement de deux lignes pour qu'il se ma- nifestât deux sensations distinctes et non confondues en une seule. Avec le bout des doigts et de la langue, Weber distinguait plus facilement la distance quand les deux bran- ches étaient disposées dans le sens longitudinal ; c'était , au contraire, quand il plaçait celles-ci en travers, qu'il appré- ciait le mieux leur écartement sur le dos de la langue, à la face , au cuir chevelu, au cou, au bras et à la jambe. La table suivante indique la finesse du toucher dans les diverses par- ties, d'après les dislances auxquelles il fallait placer les bran- ches pour obtenir deux sensations et non pas une seule. Bout de la langue d/2 ligne. Face palmaire de la troisième phalange des doigts 4 Surface rouge des lèvres 2 Face palmaire de la seconde phalange des doigts. 2 Face dorsale de la troisième phalange des doigts. 3 Bout du nez ♦ 3 Face palmaire au dessus des têtes des os méta- carpiens : 3 Dos de la langue à un pouce de la pointe. . . 4 Partie non rouge des lèvres 4 Bord de la langue à un pouce de la pointe. . . 4 Métacarpe du pouce 4 Bout du gros orteil !• • • ^ |8$ DE LA MÉCANIQUE Face dorsale de la seconde phalanfje des doigts. 5 Face palmaire de la main 5 Peau de la joue 5 Face externe des paupières 5 Membrane muqueuse du palais 6 Peau delà partie antérieure de la pommette. . 7 Face plantaire du métacarpien du {jros orteil. . 7 Face dorsale de la première phalange des doigts. 7 Face dorsale des têtes des os métacarpiens. . . 8 Membrane muqueuse des gencives 9 Peau derrière et au dessus de l'os de la pom- mette 10 Partie inférieure du front 10 Partie inférieure de l'occiput 12 Dos de la main 14 Col au dessous de la mâchoire 15 Vertex 15 A la rotule 16 Au sacrum 18 A l'acromion 18 A la fesse 18 A l'avant-bras 18 Au genou et au pied 18 Au dos du pied , près des orteils 18 Au sternum. 20 Au rachis , le long des cinq vertèbres dorsales supérieures 24 Au rachis, près de l'occiput 24 Au rachis, à la région lombaire 24 Au rachis, dans le milieu du cou 30 Au rachis, dans le milieu du dos 30 Au milieu du bras 30 Au milieu de la cuisse 30 L'écartement des branches du compas était senti plus grand DES NEUFS SEN5ITIFS. 187 en apparence par les parties clouées d'un sentiment délicat, que par celles qui n'avaient qu'un toucher vague. Si l'on tra- çait une ligne horizontale autour du thorax, et qu'on y appli- quât le compas, la distance était sentie plus distinctement sur deux points, en avant et en arrière, que dans le milieu. Posait- on l'instrument, à la hauteur de cette ligne, dans une direc- tion parallèle à l'axe longitudinal du corps , on découvrait quatre points où la sensation était plus nette, deux sur la li- gne médiane, tant en avant qu'en arrière, et deux sur les cô- tés. Si l'on plaçait les branches, soit en travers, soit en long, sur une h'gne allant du menton au pubis, la sensation était plus nette au menton que partout ailleurs ; elle s'affaiblissait au cou, redevenait plus distincte au sternum, s'obscurcissait à la partie supérieure du ventre , reprenait de la netteté à l'ombilic, et faiblissait de nouveau à la région de la symphyse des os pubis. Sur la ligne médiane de la partie postérieure du corps, elle était plus prononcée au dessous de l'occiput et au coccyx que partout ailleurs. Sur une ligne tirée le long de la partie latérale du tronc, elle avait plus de netteté à l'ais- selle et à l'aine (1). La netteté de la sensation ne dépend pas précisément de la présence et du nombre des papilles ; car la sensibilité du mamelon est obscure , et celle de la langue plus prononcée au bout de l'organe que sur les autres points de sa surface. Aussi , Weber admet-il que celte netteté tient au nombre , à la marche et à la terminaison des filets nerveux. Je partage entièrement sa manière de voir : seulement j'ajouterai que le plus ou moins de faciUté avec laquelle les irradiations ont lieu dans des points différens du cerveau et de la moelle épi- (1) Comparez les résultats un peu différens, auxquels Valenlin est par- venu sous ce rapport, un moyen d'observalions faites sur lui-même et sur quatre autres personnes. {De functionibus nervonim cercbralium et nervi sympathici, pag. 118.) l88 DE LA. MÉCANIQCE nière , prend peut-être une certaine part à la production du phénomène. C'est sur la rétine qu'à lieu la sensation la plus nette et la plus exquise des distances. Il est intéressant pour la mécani- que des sensations que le volume des {jlobules contenus dans cette membrane , corresponde à l'étendue du plus petit des points sensibles de sa surface. E.-H. Weber (1)) a trouvé que ses globules avaient depuis un huit-millième jusqu'à un huit- mille-quatre-centième de pouce de diamètre ; le plus petit angle sous lequel on puisse distinguer deux points est de quarante secondes ; Smith a calculé d'après cela que le plus petit point sensible de la rétine a un huit-millième de pouce de diamè- tre. Weber fait remarquer que quand deux impressions dif- férentes ont lieu à la fois sur un de ces points , elles doiveiît être senties comme une seule. Baumga3rtner explique par l'irradiation physiologique l'impossibilité de distinguer des objets dont l'étendue est inférieure à treize secondes (2). Une mixtion ou ideniification fort remarquable des sensa- tions a heu dans un seul cas , celui des sensations perçues par les deux nei fs optiques. C'est un phénomène qui ne se reproduit nulle part ailleurs dans Torganisme, et qui ne peut non plus avoir sa cause que dans des conditions spéciales de structure. Hors le cas des nerfs optiques, les sensations des nerfs sensitifs homonymes du côté droit et du côlé gauche ne sont jamais perçues en un même lieu par la conscience. Ce que la main droite sent n'est pas senti au même endroit que ce que sent la main gauche ; caries impressions des deux nerfs se placent , dans la conscience, l'une à côté de l'autre, et non pas l'une dans l'autre. Mais l'œil présente cette ano- malie, que certaines fibres de l'un des nerfs optiques n'ont (1) Dans son édition del'anatomie d'FIildenbrant, t. I , pag. 165. (1) Zeitschrift fuer Physik und verwandte fVissenschaften , t. II , cah. 3, pag. 236. DES NERFS SENSITlFS. 189 qu'une seule sensation commune avec certaines fibres de l'au- tre, ce qui rend possible la vision simple avec deux yeux. A la vérité, quelques auteurs ont prétendu que nous ne voyons jamais qu'avec un seul œil , et que nous employons ces deux organes alternativement. Mais, pour nier l'action simultanée des yeux, il faut n'avoir jamais observé les doubles images des ol)jets qui se présentent si souvent dans un même champ visuel, et qui appartiennent l'une à un œil, l'autre à l'œil du côté opposé. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à regarder deux corps placés en ligne droite à quelque distance l'un de l'au- tre, par exemple , deux épingles ou deux doigts. Si l'on fixe le doigt le plus proche , en faisant coïncider sur lui les axes des deux yeux, on voit le doigt plus éloigné double; si l'on fixe celui-ci , c'est le premier qu'on aperçoit double. Eu fermant l'un des yeux , on reconnaît de suite que l'une des doubles images appartient à un des yeux , et l'autre à l'autre œil. On peut démontrer aussi par des expérience subjectives qu'il y a, dans les deux yeux, certaines parties des rétines ou des nerfs optiques qui ont des sensations identiques, et d'au- tres qui ont des sensations non identiques. 11 suffit, pour cela, de comprimer dans l'obscurité certains points latéraux de Vœil tenu fermé , afin de faire naître des images lumineuses dans la rétine. Ces images apparaissent toujours renversées. Presse-t-on l'œil en bas, l'image se montre en haut ; exerce- t-on la pression en haut, c'est vers le bas que l'image se ma- nifeste \ si l'on comprime à droite , elle se dessine à gauche , et vice versa. Maintenant , vient- on à exercer la compression sur le côté gauche des deux yeux , au lieu de deux images, il n'en apparaît qu'une seule , tandis qu'en pressant l'un des yeux à gauche et l'autre à droite , on aperçoit deux figures opposées l'une à l'autre. La pression des deux yeux en haut ne fait paraître qu'une seule image en bus , et celle des deux igo DE LÀ MÉCANIQUE organes en bas ne donne naissance non plus qu'à une seule figure en haut ; mais si l'on comprime l'un des yeux en haut et l'autre en bas, on voit se manifester deux images, dont l'une se trouve en haut et l'autre en bas. Du reste , il ne faut pas appuyer sur le pourtour antérieur de l'organe, parce qu'il D'y a point là de rétine , mais sur la partie profonde. Ces expériences prouvent déjà que les sensations sont identi- ques dans certains points des rétines des deux yeux , et diffé- rentes dans d'autres : les deu\ membranes médullaires doi- vent être conçues, dans la sensation, comme étant en quelque sorte superposées Tune à l'autre, de manière . que tous ceux de leurs points qui (l'œil supposé sphérique) correspondent aux mêmes degrés de longitude et de latitude, sont identi- ques pour la sensation, et que tous les autres se comportent réciproquement comme différens , de même que le font entre eux les divers points de la rétine d'un seul œil. Mais la dé- monstration peut être faite d'une manière bien plus claire en- core par des expériences objectives. Dans la figure 2 , les yeux ont leurs axes fixés sur le point a. Supposons les rétines divisées cha- cune en dix parties. Alors le pointa apparaît en 5 dans l'œil A , et aussi dans l'œil B: le point b apparaît , dans les deux yeux , à une égale dis- j tance de 5 vers la gauche , en 4. 4 DoncTimage occupe, dans les deux yeux , l'espace 4 — 5 ; elle est vue simple-, les deux points sont identiques, caril y a identité entre 1 et 1 , 2 et 2 , 3 et 3 , 4 et 4 , 5 et 5. Mais si l'image ne tombe pas sur des points identiques , on la voit double. Par exemple , que les yeux soient placés de Fig. 3. DES NERFS SENSITIFS. I9I manière à fixer le point a (fify. 3) ; si ce point est un objet , celui-ci sera vu simple, tandis que tout ce qui se trouve en avant ou en arrière de a produira des images doubles. Ainsi h , placé derrière le point a, projette l'image en 6 dans 1 œil A I et en 4 dans l'œil B. Celte image paraîtra donc double ; et, en effet, lorsque tenant deux doigts l'un derrière l'autre , on fixe celui qui y, est le plus près de soi , le plus \/" éloigné paraît double. L'éloigne- '^ ment des images doubles est la distance de 6 à 4 proportionnellement au champ visuel entier 1 — 10, et le lieu est 6 et 4. Le point c, qui est placé en avant du point a , projette au contraire son image en 4 dans l'œil A et en 6 dans l'œil B. On le voit double , parce qu'il n'y a point identité entre 4 et 6, mais entre 4 et 4, et 6 et 6. En effet, c'est le doigt de devant qui paraît double quand on fixe celui de derrière. Il est donc clair que les deux sphères des yeux , divisées en degrés, minutes et secondes de latitude et de longitude, sont identiques dans tous les points de même nom, et différentes dans tous ceux de nom différent, et qu'on peut toujours déter- miner la dislance des deux images d'après l'éloignementdes parties affectées des deux rétines , celles-ci étant supposés placées l'une sur l'autre. Comme les nerfs optiques des deux côtés diffèrent de tous les autres nerfs par l'unité de la sensation dans le cas d'affec- tion de certaines parties, mais qu'ils ressemblent à tous les autres sous ce point de vue que leurs fibres primitives sont également distinctes et séparées d'un bout à l'autre , on se trouve conduit à penser que l'organisation de leurs fibres igi DE LA MÉCANIQCE DES NERFS SENSITIFS. primitives doit être dilTérente , el que celles des fibres de ces deux nerfs qui voyent simple ne communiquent avec le cer- veau que par un seul point, au lieu d'y tenir par deux. Celte disposition ne saurait encore être démontrée pour les fibres en particulier, mais elle peut l'être pour les faisceaux de fibres. Eu efl'et, on sait qu'à son départ du chiasmu chaque racine va, non pas à un seul œil , mais aux deux yeux , les fibres externes de l'une continuant de marcher au bord ex- terne du nerf optique de leur côté , tandis que les internes vont gagner le bord interne du nerf de l'autre côté ; de sorte que la partie externe de la rétine d'un œil et la partie interne de la rétine de l'autre sont formées par une seule des deux racines , ou , en d'autres termes , que les parties gauches des deux membranes doivent naissance aux deux branches de la racine gauche, et leurs parties droites aux deux branches de la racine droite , ce qui s'accorde parfaitement avec les faits connus sur la vision simple (1). Cette théorie de la vision simple, déjà proposée par Newton, a été soutenue depuis par Woliaston (2) . Mais la simple division d'une racine de nerf optique en deux branches destinées aux parties identiques des deux rétines , n'explique pas complè- tement le phénomène : car la partie gauche de la rétine A , depuis 1 jusqu'à 5 , n'est pas absolument identique avec la partie gauche de la rétine B, depuis 1 jusqu'à 5 : il n'y a que certains points de la partie gauche des deux rétines qui soient identiques , savoir ceux qui occupent les mêmes degrés de longitude et de latitude dans les deux sphères ; 1 est iden- tique avec 1 , 2 avec 2 , 3 avec 3 , 4 avec 4 , elc, ; mais 1 d'un œil ne l'est point avec 5 de l'autre œil. La théorie exige donc , pour l'explication de la vue simple , non seulement (4) Consullez, pour la structure du chiasma des nerfs optiques, Moller yerijleichcnde Physiologie des Gesichtssinnes , p. 96^ 117-134. (2) Annales de chimie, 1824, seplembie. MOUVEMENS RI^FLÉCIIIS APRÈS DES SENSATIONS, igj que chaque racine se divise en deux branches , mais encore que chaque fibre primitive de chaque racine se par- tage également , dans le chiasma , en deux branches pour les deux nerfs optiques , de manière que les fibres identiques des deux nerfs ne communiquent avec le cer- veau que par un seul point , par une seule fibre radiculaire , et que, malgré la présence de deux récipiens, il puisse n'y Fig. 4. avoir qu'une seule impression. C'est ce qu'ex- plique la figure 4. Cependant les données de l'a- natomie ne vont pas jusque-là, et l'on n'a point encore démontré la division des fibres dans le chiasma. Quelque satisfaisante qu'on puisse trou- ver la solution du problème que j'ai donnée plus haut , et que j'ai proposée dès l'année 182G , il y a plusieurs circonstances qui ne se concilient pas avec la structure sup- posée du chiasma. Il faudrait d'abord que les racines des nerfs optiques fussent de moitié moins grosses que ces nerfs, ensuite que chaque point de la rétine fût l'extrémité d'une fibre du nerf optique. Si cela était , il faudrait que la partie posté- rieure de la rétine contînt encore, pressées les unes contrôles autres, toutes les fibres qui s'étalent plus en avant, et que par conséquent la membrane diminuât d'épaisseur d'arrière en avant. Enfin il faudrait qu'une lésion d'un côté du cerveau pa- ralysât toujours la moitié des deux yeux , tandis qu'elle en- traîne la perte de l'un ou de l'autre , et même constamment , chez les animaux , celle de l'œil opposé. CHAPITRE^ III. De la réflexion dans les mouveraens après des sensations. Les mouvemens qui succèdent à des sensations ont été con- nus de tous temps, non seulement par les physiologistes, mais encore par les médecins en général. La plupart des phy- siologistes les faisaient dépendre, avec Willis, des anaiomoses I. i3 194 M0UVEMEN9 RÉFLlÈCBIS du nerf (jan^ïlionnaire , qui reçut m^me de là son nom de grand sympathique. Comparetti écrivit tojjt un livre pour ex- pliquer les phénomènes sympathiques morbides par les anasto- moses des nerfs (1). Cette théorie fut presque {jénéralement adoptée , et, dansées derniers temps même, on y fit servir les observations dont s'était af»randi le champ de Tanalomie des nerfs(2). Cependant quelques anciens physiologistes, tels que Haller, Cullen , Whytt , Monro et autres (3), s'étaient déjà élevés contre elle. Whytt et Cullen disaient l^s phénomènes produits par le concours du sensorium et par les sensations. Ce n'est que dans ces derniers temps qu'on les a étudiés d'une manière plus exacte et empiriquement. Mayo publia plusieurs observations importantes, qui étaient défavorables à l'explication des mouvemens et des sensations par le grand sympathique (4). Comme on sait , la lumière n'agit sur l'iris que par l'intermédiaire de la rétine. On avait cherché à s'en rendre raison par de prétendues anastomoses entre le nerf optique et le nerf ganglionnaire. Mais les expériences de Mayo sur les nerfs oculaires , sur les mouvemens de l'iris qui sont provoqués par le nerf oculo-musculaire commun , et non par le nerf optique (soumis à des tiraillemens), ne laissent d'au- tre parti à prendre que de recourir à l'intervention du cer- veau. Après avoir coupé le nerf optique dans le crâne d'un Pigeon, cet anatomiste parvint à déterminer encore le resser- rement de la pupille par des irritations exercées sur le bout cérébral du nerf. Mais le principe delà réflexion qui a lieu des nerfs sensoriels sur les nerfs mot<'urs par l'intermédiaire des parties centrales , n'a été appliqué d'une manière géné- rale à la théorie de tous les mouvemens qui succèdent à des (1) Occursus mcdici, Venise, 4780. (2) f^. TiF.DEMANN, Zcitschrift fuev Physioloçjie, t. I, 1825. (3) CciiKN, Institutions of Médecine, P. I. — Whytt, An essaij ontJie vital and other involuntary motions of animais, Edimbourg, 1751, p. 248. (4) Analomical and physiological commentaries^ Londres, 4823. APRÈS DES SENSATIONS. IQ^ sensations, qu'il y a un petit nombre d'années par les recher- ches de Marshall Hall et par les miennes, publiées en 1833 (1). Un nouvel écrit de Marshall Hal! (2) contient la continuation de ses travaux. Les faits observés par nous deux, et qui nous servent d'appui , ont beaucoup de rapports ensemble; mais nous difterons beaucoup l'un de l'autre dans la manière d'ex- pliquer les phénomènes. J'apporte de nouvelles preuves en faveur de l'ancienne hypothèse qui attribue les sensations et mouvemens au concours des organes centraux , et je partage cette opinion. Marshall Hall , au contraire , développe dans son dernier ouvrage un nouveau principe partiotlier, qui rend son explication toute différente de la mienne. Volkmann a pu- blié plusieurs observations importantes qui confirment en gé- néral les vues du physiologiste anglais et les miennes (3). Voici quelle est ma manière de voir, comparée à celle de Marshall Hall. Lorsque des sensations, qui sont produites par des impres- sions extérieures sur des nerfs sensiiifs, déterminent des mou- vemens dans d'autres parties , cet effet n'est jamais le résul- tat d'un conflit entre les fibres sensitives et les fibres motrices d'im nerf lui-même ; mais il dépend de ce que l'excitation sen- sorielle reçue par le cerveau et la moelle épiniète réagit sur des fibres motrices. Celte proposition , qui est de la plus haute importance pour la physiologie et la pathologie , exige une démonstration rigoureuse , que l'on peut très-bien doii- (1) Le Mémoire de Marshall Hall a paru dans la seconde partie des Transactions yhilo.iophiqnes pour l'année i833. J'avais annoncé, en passant , mes idées dans la première édition du premier volume de ma Phy- siologie, publiée au printemps de 4833 ; je les ai plus amplement dévelop- pées dans le second, en 1834. Cei.endant Marshall Hall avait déjà lu un tra- vail à ce sujet, en4832,devantla Société zoologique. La priorité lui appar- tient donc. Il a fait connaître et mes vues et les rapports sous lesquels elles diffèrent des siennes dans Lo7id. andEdimh. phil. 7nayas,,t. X, n" 58- (2) Mcmoirs on ihe verrous stjstem,, Londres, 1837. (3) Dans Muller, Archiv, d83S, 4, Jfili MOI VEilIENS REFLECHIS lier par la voie empirique , et elle explique une multitude de phénomènes physiologiques et pathologiques. Je prouverai d'abord que les fibres motrices et les fibres sensitivcs d'un nerf, après la réunion des deux racines, ne rontraclent jamais d'union ensemble, qu'elles marchent, sé- y arées les unesdes autres, jusqu'à leur destination respective, et que par conséquent il ne peut non plus y avoir le moindre conflit entre elles dans les cas où la sympathie nerveuse n'est point en jeu. La preuve est facile à établir. Si , après avoir pratiqué la section d'un%erf mixte , on en irrite le bout central, ce qui détermine de violentes douleurs , l'animal peut bien exprimer ces douleurs par des cris , par des mouvemens annonçant qu'il voudrait s'enfuir, etc. ; mais les muscles qui entretiennent des relations avec le moignon de nerf irrité ne sont point sol- licités par-là à entrer en' action. Il ne survient pas de convul- sions dans les muscles auxquels ce moignon de nerf envoie des branches. Voici comment on parvient à rendre la chose sensible. Comme les trois nerfs destinés au membre pelvien, chez la Gre- nouille , forment un plexus qui fournit à son tour deux nerfs, on n'a qu'à couper l'un de ces derniers, à l'isoler de toutes ses connexions avec des muscles, puis à exercer une irritation mé- canique sur le bout central. Cette action détermine une excitation centripète des fibres sensorielles du nerf, mais elle ne provo- que point de contractions dans les muscles auxquels se distri- buent les autres nerfs qui émanent du même plexus. On peut égalements' assurer, sur des Grenouilles ou autres animaux nar- cotisés, que les convulsions générales qui succèdent au moin- dre aiioiichement , n'ont lieu que par l'influence du cerveau et de la moelle épinière eux-mêmes ; car si l'on ampute un membre de la Grenouille , on a beau poser ensuite le doigt sur ce membre, il n'éprouve plus de convulsions. L'expérience est plus instructive encore quand on la fait APRÈS DES SEiNSATlONS. J 9';; sur une Salamandre terrestre. Après la section de la moelle ëpinière, ce repiile conserve pendant long-temps la f;icuUé de sentirdans toutes les parties situées au dessous de la plaie, ou, si l'on trouve l'expression de faculté sensitive inconvenante ici , la faculté de transmettre des impressions sensorielles à lu moelle épinière et de réagir par des convulsions. Le bout de la queue même est encore sensible, et la section de la moelle épinière porte la sensibilité au même degré d'exaltation que celui auquel elle arrive chez les Grenouilles narcotisées. Cha- que fois qu'on touche légèrement une partie séparée du corps de la Salamandre , elle se contracte ; mais ce phénomène in- téressant , qui persiste pendant des heures entières , n'a lieu qu'autant que la partie détachée du corps contient encore de la moelle épinière . de sorte qu'on ne le remarque pas dans les membres qui ont été coupés au devant du rachis. Je lai observé en 1830, lorsque je faisais avec Jordan des expérien- ces sur le venin des glandes cutanées de la Salamandre ter- restre. Il suit de là que les convulsions générales qui ont lieu chez les animaux , quand on pose le doigt sur une partie de leur corps, ne sont pas le résultat d'une communication entre les fibres sensorielles et les fibres motrices des nerfs , mais que la moelle épinière est l'intermédiaire entre l'excitation sen- sorielle ou centripète et l'excitation motrice ou centrifuge. Donc aussi, le phénomène de convulsions générales après des sensations locales est indépendant du nerf grand sympa- thique. Il tient à une irritation de la moelle épinière , loutn excitation sensorielle locale se propageant à ce cordon entier et au cerveau, d'où elle stimule nécessairement toutes les fibres motrices. Mais celle irritation est provoquée par les causes suivantes : 1" Elle résulte de la simple section et d'une contusion de h moelle épinière chez certains animaux. Ainsi , les Tortues auxquelles on a coupé la tête se remuent encore chaque fois 1()8 MOUVEMENS llÉFLÉCRIS (jiioii les touche ; ainsi les jeunes Oiseaux offrent le même phénomène pendant les premiers momens qui suivent la dé- capitation ; ainsi la Salamandre terrestre le présente dans toutes les parties de sou tronc coupé par mi;rceaux, 2" Elle se voit pendant la premiùre période de l'empoison- nement par des substances narcotiques , chez les Grenouilles et même chez les Mammifères , qui , après avoir été empoi- sonnés avec de la noix vomique , entrent en convulsions aus- sitôt qu'on porte la main sur eux , en quelque endroit et de quelque manière que ce soit. Cette période de faiblesse irri- table précède presque toujours celle de faiblesse paralytique, dans les cas de narcotisaiion. 3° D'autres causes encore, qui débilitent le cerveau et la moelle épinière par irritation , donnent lieu au même phé- nomène. Chez les personnes qui ont le système nerveux faible et irritable, toute sensation imprévue, bruit, attouchement, secousse , détermine un sursaut général. C'est ce qu'on voit chez les hommes dont la moelle épinière est devenue à la fois faible et irritable par l'abus des facultés génitales ou autre- ment. Ici l'on peut jeter un coup d'œil sur l'essence de l'irri- tation nerveuse. Toute irritation nerveuse peut amener trois états à la suite l'un de l'autre; d'abord une excitation , pen- dant laquelle les forces semblent n'avoir encore reçu aucune atteinte ; puis une faiblesse irritable , à mesure que l'excita- tion se répète ; enfin une faiblesse atonique. 4° Une vive excitation locale d'un nerf de sentiment peut , par la violence de la stimulation qu'éprouvent le cerveau et la moelle épinière, déterminer des convulsions et des irera- blemens. C'est ce qu'on voit après une forte brûlure , pen- dant révulsion d'une dent, etc. 5° Il arrive fréquemment aux irritations locales des' nerfs qui sont l'effet ou d'une; inflammation ou d'une tumeur, de déterminer d.îs spasmes {,énéraux , même l'épilepsic. 6"» L'irritation de la moelle épinière à laquelle donne lieu APRES DES SENSATIONS. igg l'excitation sensorielle locale peut être tellement forte , dans les cas de lésions considérables, que les convulsions soient continuelles, et que môme elles persistent sans attouchement. Toute irritation violente de la moelle épinière est un tétanos, qu'elle ait été provoquée par des poisons narcotiques , ou qu'elle dépende d'une impression immédiate et locale. On conçoit aisément , d'après cela , la manifestation du tétanoi traumalique. 7" Une violente irritation des nerfs sympathiques du canal intestinal fait naître aussi , en réagissant sur les parties cen- trales , des spasmes généraux secondaires. C'est ainsi qu'on peut expliquer les spasmes dans le choléra sporadique, et les convulsions dans les maladies du bas ventre, chez lesenfans(l). Cependant les considérations qui ont été exposées jusqu'ici nous conduisent seulement à poser en fait que, toutes les fois qu'une sensation locale détermine des convulsions générales, cet effet ne peut arriver par d'autre connexion entre les tibi'efs motrices et les fibres sensorielles que celle qui a lieu dans la moelle épinière. Mais il y a beaucoup de cas où l'ir- ritation locale des nerfs se borne à provoquer des convulsions partielles, qui ne peuvent pas toujours être expliquées par la moelle épinière comme moyen d'union entre les fibres senso- rielles et les fibres motrices. Ces cas sont les suivans : 1» Le plus simple est celui d'une excitation sensorielle locale , qui , en se propageant à la moelle épinière ou au cerveau , ne donne lieu qu'à des convulsions purement lo- cales, dans les parties voisines dont les fibres motrices partent de la moelle épinière, à peu de distance des fibres sensoriel- les. Ici se rangent les spasmes et le tremblement qu'on ob- serve dans les membres soumis à une forte brûlure , par exemple. Certaines parties très-irritables de l'organisme , (1) A. Diigès, dans Mém. de l'Acad. roy. de Méd., Paris, d834, t. III, p. 303. — Cil. Billard, Traité des maladies des en fans nouveau-nés, Vatis, 1837, pag. G88. 200 MOUVEMliNS REFLECHIS comme l'iris, se coniracient avec beaucoup de facilité lorsque des excitations , mêm£ irès-faibles , af^^issent sur d'autres nerfs sensoriels, dont l'excitation , transmise au cerveau , passe de ce viscère dans le nerf oculo-musculaire commun , puis par ce dernier dans la courte racine du {ganglion ophthalmique, les nerfs ciliaires et l'iris. Il y a déjà lonjj-temps qu'on sait que l'iris n'est pas sensible à la lumière , et que celle-ci n'a- {Tit sur lui que par l'intermédiaire du nerf optique et du cer- veau. C'est ce qui résulte des observations de Lambert, de Fontana et de Chladni. Des rayons lumineux qui, après avoir traversé un petit cône en papier ou un petit trou percé dans une feuille de papier, continuent leur roule à travers la pupille, et vont ainsi rencontrer la rétine , déterminent aussitôt l'iris à se mouvoir; mais ils n'exercent aucune influejice sur cette membrane lorsqu'ils la frappent d'une manière directe. Eq outre , l'iris d'un œil atteint d'amaurose demeure immobile tant que l'œil sain reste fermé , mais se contracte quand le nerf optique de ce dernier reçoit l'impression de la lumière. Dans les cas exceptionnels, où l'iris de l'œil amaurotique con- serve encore de la motilité (j), celle-ci dépend sans doute de ce que la goutte-sereine est incomplète, ou dec^e que le sujet lient son œil sain ouvert. En effet , on ne doit faire de recher- ches à cet égard qu'autant que le malade ferme l'œil dont il conserve la jouissance, et toutes les observations dans lesquelles cette précaution a été négligée n'ont^aucune valeur. Aussi Van Deen (2) s'est-il trompé, lorsqu'ayant vu l'iris se contrac- ter par TcHet de la lumière chez un Lapin auquel il avait en- levé l'hémisphère du cerveau et coupé le nerf optique de ce côlé , il conclut de là que le nerf optique n'exerce aucune influence sur l'iris; comme il présentait la lumière devant les deux yeux ( ante oculos ), le résultat devait être le même que ((,) ïiEDEMAKN, Zeitschrift fuer'^Physiologie, t. I, p. 252. (2) Loc. cil., 1». 58. APRES DES SENSATIONS. 201 (fans le cas d'amaurose d'un seul côté , où l'iris de l'œil ma- lade se resserre quand la lumière aj^it sur l'œil sain. L'inté- ressante découverte faite par Tiedemann d'un petit filet du ganglion ophthalmique qui accompagne l'artère centrale de la rétine, ne peut rien expliquer ici ; car tous les vaisseaux sont accompagnés de nerfs , et le filet en question se distribue comme l'artère centrale , sans avoir de connexions démon- trées avec la rétine. La réaction du cerveau sur l'iris a lieu au moyen du nerf oculo-musculaire commun , qui , d'après les expériences de Mayo (1), détermine l'iris à se contracter cha- que fois que lui-même vient à être stimulé. Mayo nous a éga- lement appris que Tiris se contracte lorsque , avoir coupé le nerf optique , on en irrite l'extrémité cérébrale. Ainsi les con- tractions de cette membrane indiquent une sorte de statique d'excitation entre la force sensorielle ou centripète et la force motrice ou centrifuge , par l'intermédiaire du cerveau. D'au- tres nerfs aussi peuvent changer celte statique ; telles sont les branches sensorielles du trijumeau , car on sait qu'en reniflant de l'eau froide , on amène le resserrement de l'iris. Parmi les cas simples de réflexion d'une excitation se range encore le clignotement des paupières sous l'influence prolongée de la lumière , à la vue d'un danger menaçant , ou par les éclats d'un son très-intense. A la même catégorie appartiennent également les contrac- tions de tous les muscles du périnée, du sphincter et de l'élé- vateur de l'anus , du bulbo-caverneux et de l'ischio-caver- neux , pendant l'émission du sperme, à la suite de l'irritation des nerfs sensoriels du pénis. Dans ces cas, la moelle épinière est l'intermédiaire entre les sensations et les mouvemens. Il est vrai que des muscles mis à découvert , et dont les nerfs moteurs partagent l'irritation exercée sur le tissu mus- culaire lui-même , n'ont pas besoin de cet etl'et centripète et (1) Journal de Magendie, Paris, 4823, t. III, p. 348. QlOB MOUVEMRNS PéPLÉCHIS cenlrifu{]e pour entrer en convulsion; niiiis les muscles que recouvrent des membranes sensibles, et (jui ne peuvent rece- voir eux-mêmes l'irrituiion, ne SLiuraienl eue solliciiés à entrer en mouvement que par une excitation sensorielle de leur cou- verture sensible, suivie d'un elFet centripète des nerfs sen- soriels et d'une excitation motrice centrifuge du cerveau. Ainsi , la contraction de la glotte et des voies aériennes sous l'influence de gaz acides irrespirables n'est pas le résultat immédiat de l'irritation de ces voies , mais l'eiïet combiné d'une excitation sensorielle centripète et d'une excitation motrice centrifuge. Brachet l'a amplement démontré. Car après qu'on a coupé les deux nerfs vagues d'un animal , une substance chimique irritante qu'on introduit dans la trachée-artère , n'excite plus à tousser. La toux par irri- tation des voies aériennes ne se manifeste qu'en raison d'une excitation sensorielle centripète à laquelle succède une irritation motrice centrifuge. Il en est de même pour la con- traction du sphincter de l'anus et du sphincter de la vessie î ces muscles ne peuvent point être sollicités à agir par la sti- mulation directe des matières fécales et de l'urine ; il faut que ces substances impressionnent les nerfs sensoriels de la mem- brane muqueuse, et qu'ils excitent la moelle épinière, qui , toujours chargée de force motrice nerveuse , réagit sur les muscles : de là vient que , quand elle est blessée, ceux-ci cessent de pouvoir se contracter. 2° Le second cas est celui dans lequel , l'excitation senso- rielle étant purement locale et bornée, l'excitation réaction- naire qui part du cerveau a plus d'extension , comme il arrive déjà dans les phénomènes concomitans de la toux, auxquels prennent part, non seulement les nerfs vagues, mais encore les neifs spinaux, en raison des muscles pectoraux et abdomi- naux. Il en est de même dune foule de mouvemens respira- toires spasmodiques , l'éiernuement, le hoquet, le vomisse- ment , etc., qui tous proviennent d'irritations exercées sur le APRÈS DES SENSATIONS. 203 système muqueux des orjjtnes respiratoires et du canal In- leslioal , de sliniulalions reçues par les nerfs sensoriels de ces parlies, réfléchies ensuite au cerveau , et y faisant entrer en action la source des mouvemens respiratoires dans la moelle allongée. Il est un fait très-remarquable, c'est que le système des nerfs respiratoires peut être mis en jeu par des irritations locales dans toutes les membranes muqueuses : depuis la bouche jusqu'à l'anus, depuis le nez jusque dans les poumons, les membranes muqueuses sont susceptibles de cette réflexion ; cartons ces mouvemens, la toux, l'éternument , le vomisse- ment, la défécation involontaire et spasmodique, l'émission des urines involontaire et avec ténesme, proviennent de vio- lentes irritations dans les membranes muqueuses de la gorge, de l'œsophiige, de l'estomac, de l'intestin et des organes res- piratoires. On regardait autrefois l'éternument comme une affection spasmodique du diaphragme ; cependant il n'a , de toute évidence, rien de commun avec le diaphragme, puisque l'éiernuement est une expiration violente, et que le diaphragme n'est point uu muscle expirateur, mais un muscle inspirateur. Dans la faussse supposition qu'il dépendait du diaphragme, on admettait que l'irritation des nerfs du nez se transmet au ganglion sphéno-palatin, au nerf vidien, au grand sympathi- que, aux nerfs du cou, au nerf diaphragmatique, à l'acces- soire de Willis et au nerf facial. On cher( hait aussi à prouver que l'éternuement ne dépend pas d'une irritation réfléchie par cerveau, et on se fondait sur ce qu'un homme privé de l'odo- rat éternuaît en prenant du tabac. Mais, pourquoi cet homme n'aurait'il pas éternué, puisque, malgré le défaut d'olfaction, les nerfs sensiiifs ordinaires du nez , les nerfs nasaux, éprou- vaient les sensations du chatouillement chez lui tout comme chez les sujets bien conformés d'ailleurs? Du reste, qu'on essaye de soumettre la théorie d'une sympathie par le moyen du nerf grand sympathique Q l'épreuve de la fine anatomie. Comment concevoir l'éternuement à l'aide d'une anastomose 204 MOIJVEMENS RÉFLÉCHIS nerveuse ? D'abord on ne comprend pas pourquoi une irrita- lion de ce nerf ayant le nez pour point de départ détermine- rait précisément l'éternuement , et n'entraînerait pas plutôt beaucoup d'antres phénomènes , par exemple, un accroisse- ment du mouvement du canal intestinal. Ensuite l'explication ne sufïit pas, puisqu'une anastomose du {;rand sympathique avec d'autres nerfs n'est pas une véritable fusion de fibres. L'éternuement, par exemple, consiste en une contraction vio- lente de tous les muscles expirateurs ; il doit donc y avoir là irritation de toutes les fibres primitives des nerfs intercostaux qui déterminent les muscles de la poitrine et de l'abdomen à agir. Mais , comment ces fibres pourraient-elles être irritées par le grand sympathique, qui envoie à chacun des nerfs dont elles font partie un petit filet, lequel , bien loin de confondre ses fibres primitives avec toutes celles d'un nerf spinal , les reçoit seulement , avec celles-ci , de la moelle épinière ? Or, comme des fibres primitives, surtout dans une racine motrice dépourvue de ganglion, ne peuvent rien communiquer -à d'autres fibres qui marchent parallèlement à elles, il y a im- possibilité absolue ici que l'affection sympathique de toutes les fibres primitives d'un nerf intercostal provienne du grand sympathique. Toutes ces sympathies de l'éternuement, de la toux, du vomissement, disparaissent dès qu'on connaît la propriété réflective de la moelle épinière et du cerveau, que j'ai précédemment démontrée , et l'on ne rencontre plus de difficultés à expliquer le phénomène aussitôt qu'on part du fait que tous les nerfs respiratoires , le facial, le vague, l'ac- cessoire, le phrénique et les autres nerfs spinaux du tronc servant à la respiration , par cela même qu'ils naissent de la moelle allongée ou sont sous sa dépendance, peuvent aisément déterminer des convulsions dans les muscles auxquels ils aboutissent, sous l'influence de toutes les irritations que les nerfs sensoriels des membranes muqueuses transmettent à la moelle épinière ou à la moelle allongée. APRÈS DES SENSATIONS. 2o5 Toutes les fois qu'une forte irritation agit sur les intestins, sur les voies urinaires, sur la matrice, il survient des contrac- tions du diaphragme et des muscles abdominaux, qui resser- rent la cavité ventrale, et en chassent le contenu, soit vers le haut, s'il se trouve dans l'estomac, soit vers le bas, par le rectum , les voies urinaires ou les voies génitales. Le besoin d'aller à la selle est le même phénomène, pour la partie infé- rieure du canal intestinal, que le vomissement pour la partie supérieure. L'envie d'uriner appelle sympalhiquement les mêmes mouvemens, et l'accouchement met en jeu les mêmes muscles que ceux qui déterminent le rejet du contenu de l'estomac par la bouche. La parlurition qui s'accomplit après la mort de la mère et le resserrement du pharynx sur le doigt qu'on y introduit après la décapitation d'un jeune animal, nous montrent quel rôle important pour la vie joue cette apti- tude de la moelle épinière , qui la détermine à des décharges motrices toutes les fois que ses nerfs sensoriels deviennent le siège d'une irritation locale. Si le nerf grand sympathique joue quelque rôle dans plusieurs des phénomènes dont il s'agit ici, dans le vomissement, etc., ce ne peut être que celui de ré- fléchir l'irritation sur le sensorium, comme le font tous les au- tres nerfs de sentiment. Mais on peut démontrer par expé- rience que cette manière d'agir lui appartient réellement ; car, en tiraillant le nerf splanchnique dans l'abdomen, au côté interne des capsules atrabilaires, j'ai plusieurs fois dé- terminé des convulsions dans les muscles abdominaux, et ce phénomène s'est offert plusieurs fois à moi chez des Lapins, quoique l'expérience n'ait jamais pu me réussir sur des des Chiens. 3' Dans les cas de la catégorie précédente, le mouvement réfléchi, le mouvement qui succède à une sensation, s'étend à un groupe considérable de nerfs, aux nerfs respiratoires, et le moyen le plus facile de le provoquer consiste à irriter les membranes muqueuses. Cependant son extension peut ao6 M0UVKMEN8 EÉFLÉCHIS devenir bien plus grande encore, lorsque l'irritation a plus d'intensité; presque tous les nerfs du tronc peuvent être affec- tés, quand l'irritation de la moelle épinière s'étend. Ici se pla- cent les cas de choléra sporadique assez violent pour qu'il survienne aussi des spasmes au tronc : je ne cite pas le cho- léra asiatique, à cause de l'obscurité dont celle maladie est couverte. 4° Dans les mouvemens réfléchis qui naissent de vives sen- sations éprouvées par les nerfs de la peau, et non d'impres- sions sur ceux des membranes muqueuses, le groupe des mou- vemens respiratoires n'entre point en jeu, mais il arrive sou- vent que les muscles du système entier des nerfs du tronc sont pris de spasmes sans qu'on aperçoive de mouvemens respiratoires spasmodiques. Le plus haut degré est le spasme épilepiique par aflection nerveuse locale et le tétanos trau- matique par lésion d'un nerf. Marshall Hall dislingue quatre espèces de contraction mus- culaire; la volontaire, qui dépend du cerveau; la respiratoire, qui paraît tenir à la moelle allongée ; l'involontaire, qui dé- pend des nerfs et des muscles, et qui exige l'application im- médiate de l'irritation aux muscles pourvus de nerfs ou à leurs nerfs ; enfin la réfleciive, qui persiste en partie après que la volontaire et la respiratoire ont cessé, et qui se rattache à la moelle épinière. Cette dernière cesse après l'enlèvement de la moelle épinière , quoique l'irritabilité ne soit pas dimi- nuée. Quand elle a lieu, l'irritation motrice naît, non dans une partie centrale du système nerveux, mais à quelque distance du centre. Elle n'est «i volontaire ni directe dans sa marche, et elle est plutôt excitée par dos irri- tations particulières qui agissent, non point immédiatement sur la fibre musculaire et les nerfs moteurs, mais sur les ex- pansions membraneuses d'où ces irritations sont conduites à la moelle épinière. Marshall IIull cite quelques exemples pour fuire ressortir l'importance de celle fonciion réfleciive de la APRES DES SENSATIONS. 207 moelle épinière. Ainsi la préhension des alimens esl un acte volonlaire, qui ne peut plus s'accomplir après l'ablalion du cerveau ; mais le passage du bol alimentaire sur la glotte et à travers le pharynx dépend de la lonciion réflective, et a lieu même après qu'on a enlevé le cerveau. En effet, quoique les muscles qui le déterminent puissent aussi agir sous les ordres de la volonté, cependant la présence du bol dans le pharynx détermine une série de mouvemens violens tenant à ce que l'irritation exercée sur la membrane muqueuse se transmet à la moelle allongée , qu'elle sollicite à opérer une décharge dans les nerfs moteurs. Quant à la déglutition dans l'œso- phage, Marshall Hall la considère comme l'effet de l'irritation agissant immédiatement sur les fibres musculaires du canal, et le résultat de l'irritabilité de ce dernier, hypothèse qui pa- raît fort douteuse. Au reste, on peut, ainsi que je l'ai dit, observer, même sur de jeunes animaux décapités, l'excitation motrice réfléchie qui est due à lirritation mécanique du pha- rynx. Marshall Hall fait voir ensuite que l'influence de cette fonction se retrouve aussi dans les sphincters; le sphincter de l'anus reste fermé, chez une Tortue à laquelle on a coupé la tête, tant que la partie inférieure de la moelle épinière de- meure intacte ; mais il se détend aussitôt qu'on enlève celle-ci. Marshall Hall coupa la moelle épinière en travers^ sur une Couleuvre à collier très-vive , entre la seconde et la troisième vertèbres. Les mouvemens cessèrent aussitôt , et les choses restèrent dans cet état tant qu'il laissa l'animal tranquille; mais lorsqu'il vint à l'irriter, il le vit se remuer encore pen- dant quelque temps, parce qu'à chaque changement de situa- tion de nouvelles parties de la surface étaient mises en contact avec le sol ; peu à peu la Couleuvre rentrait en repos ; mais , au moindre attouchement , elle recommençait à se mouvoir. Marshall Hall fait très-bien ressortir le rapport qui existe entre les mouvemens volontaiics, respiratoires et réflectifs , i208 MOUVEMENS RÉFLÉCHTS en wC'me temps qu'il cherche à prouver que les mouvetnens réfleclifs qui ont lieu après la perte du cerveau , ne dépen- dent pas d'une véritable sensation , mais seulement de l'action nerveuse centripète dont les sensations sont accompafjnées. SensaTion, volonté, mouvement, tels senties trois anneaux de la chaîne qui est parcourue quand la douleur provoque un mouvement; que l'anneau intermédiaire vienne à être brisé, le premier et le troisième n'ont plus rien qui les lie à la con- science. Je crois aussi que les mouvemens réflectifs qui ont lieu après la perte du cerveau ne prouvent pas que les irrita- lion de la peau puissent exciter de véritable sensation dans la moelle épinière ; ils dépendent bien plutôt de la transmission centripète ordinaire du principe nerveux, de celle quia lieu aussi dans les sensations , mais qui n'est plus ici sensation , parce qu'elle n'arrive plus au cerveau , à l'orfrane de la con- science. On observe d'ailleurs, même pendant la santé , beau- coup de mouvemens rrflectifs, provoqués par des irritations cutanées qui ne parviennent point à la conscience comme vé- • ritables sensations, bien qu'elles puissent cependant exercer une forte impression sur la moelle épinière; telle est par exemple la contraction soutenue des sphincters que détermine l'iriitation des matières fécales et de l'urine. Mais Marshall Hall va trop loin quand il admet qu'en santé tout mouvement repose sur une véritable sensation , et que toutes les excita- tions de parties sensibles à la suite desquelles surviennent des mouvemens réfleclifs ne sont point accompagnées de sensa- tion : caries mouvemens réflectifs de léternuement, de la toux, et beaucoup d'autres, dérivent de vraies sensations. Il ne faut pas confondre ensemble les mouvemens réflectifs et les mouvemens involontaires non réflectifs. Lorqu'on tou- che la glotte d'un animal , dit Marshall Hall , une contraction a lieu : la même chose arrive quand on touche le cœur. L'a- bl.ition du cerveau n'apporte en cela aucun changement; mais si on enlève la moelle allongée , les contractions du larynx à APRÈS DES SENSATIONS. 209 la suite d'irritations cessent , taudis que celles du cœur per- sistent, même après l'enlèvement de la moelle épinière. L'effet de l'initalion sur le." cœur est immédiat, au lieu qu'une irritation portée sur le larynx doit se propager d'abord jusqu'à la moelle alongée , par l'intermédiaire seul de laquelle a lieu la contraction. Après avoir tranché la tête à un Serpent, Marshall Hall remarqua que , quand il touchait soit les nari- nes , soit un point situé en dedans des dents de la mâchoire inférieure , le larynx exécutait un mouvement qui le portait en bas et le fermait. Cet effet n'arrivait plus après l'ablation de la moelle allongée. Marshall Hall cite enfin, comme appar- tenant à la fonction réfleclive , le clignotement des paupières lorsqu'on vient à y toucher, l'influence particulière qu'é- prouve la respiration de la part du chatouillement ou quand on jette de l'eau froide à la figure , l'éternuement provoqué par les titillations de la membrane pituitaire , le vomissement dû aux irritations du larynx et du pharynx , le ténesme occa- sioné par les irritations du rectum, et la strangurie par irri- tation de la vessie. On voit que les spasmes , dans les maladies , peuvent dé- pendre de sources très-différentes. En effet, il y a des affec- tions spasmodiques qui ont leur siège dans les nerfs moteurs eux-mêmes , ou leur cause dans le cerveau et la moelle épi- nière ; mais il y a aussi des spasmes réflectifs , dont la cause se rattache à des irritations de nerfs sensitifs , comme ceux qui surviennent souvent après des irritations intestinales , dans la dentition ,'dans l'odontalgie, et en général, après des affec- tions nerveuses douloureuses , dépendantes de lésions or- ganiques ou de lésions non organiques. Les phénomènes que j'ai décrits jusqu'à présent, d'abord d'après mes propres observations , puis d'après celles de Marshall Hall , ont cela de commun que la moelle épinière est Tintermédiairo entre l'action^|sensorielle et l'action motrice du principe nerveux. Cependant on peut indiquer avec plus no MOU VEMEN9 RÉFLÉCHIS de précision encore les voies à iravf rs lesquelles , quand un mouvement réflectif a lieu , la transmission s'accomplit , dans la moelle épinière , des nerfs sensoriels aux nerfs moteurs. La plus ordinaire de toutes les manières dont ces mouvemens s'exécutent consiste en ce que les muscles du membre qui éprouve une sensation violente entrent en contraction ; ainsi , dans le cas de brûlure à la peau , le membre auquel celle-ci appartient , éprouve d'abord des convulsions , de même que, quand un animal commence à ressentir l'influence de quelque poison narcotique, les excitations sensorielles de sa peau dé- terminent de préférence des contractions dans les muscles (les parties sur lesquelles elles portent ; ainsi le bol alimen- taire provoque le mouvement réfleclif des organes de la dé- glutition , la poussière qui s'introduit dans l'œil , où elle ne fait que produire une sensation, entraîne l'occlusion réflec- tive des paupières , et l'irritation entretenue soit par l'urine soit par les matières fécales influe médiatement sur le mouve- ment des sphincters. Donc, aussitôt que la sensation est par- venue à la moelle épinière , le mouvement ne se transmet pas à cet organe tout entier , mais il a une grande tendance à se communiquer à ceux des nerfs moteurs dont l'origine se rap- proche le plus de celle des nerfs sensoriels irrités ; en d'autres termes, la voie la plus facile pour le courant ou l'oscillation est celle de la racine postérieure d'un nerf, ou de quelques unes de ses fibres primitives , à la racine antérieure de ce même nerf, ou aux racines antérieures de plusieurs des nerfs voisins. Nous voyons , d'après cela , que , dans ces sortes de cour ans ou d'oscillations, le piincipe nerveux prend la voie la plus courte pour agir des fihrps sensorielles sur les fibres motrices par l'iutermédiaire de la moelle épinière, de même que lélectricilé prend aussi le plus court chemin pour aller d'un pô'e à l'antre, quand les fils ^orlt ternis à une faible dis- tance. Si l'on veut exprimer cette idée avec plus de précision, et la traduire en langage de la physique des nerfs , on dira APRES DES SENSATIONS. 1U que toute excitation vive du pouvoir moteur de la moelle épinière par un neri' de sentiment ne stimule d'abord , et immédiatement , de manière à lui faire détermine!* des con- vulsions, que la portion de cette moelle qui donne origine au nerf sensoriel , et que Texciiation tant d'autres parties de la moeile épinière que des nerfs moteurs qui en proviennent, diminue à mesure qu'elle s'éloigne du point sur lequel a porté la stimulation occasionée parle nerf de sentiment. On doit en dire autant des nerfs cérébraux , dont les phénomènes ré- flectifs paraissent être restés entièrement inconnus à Marshall Hall. Les gros nerfs d'organes de sens ont surtout une forte tendance à occasioner des mouvemens réflectifs en réagissant sur les nerfs cérébraux moteurs. Les nerfs optique et acoustique se placent au premier rang sous ce rapport ; tous deux , quand ils sont frappés par une vive lumière ou par un son intense, provoquent un mouvement réflectif du nerf facial , qui entrahie l'occlusion ou le clignoiement des pau- pières ; le nerf optique a en outre une propension très-mar- quée à exciter réflectivement le nerf oculo-musculaire-^om- mun par le mouvement de l'iris, et lorsqu'il est frappé [5ar une lumière très-vive, il détermine une affection réllective du nerf facial et d'autres nerfs qui donne lieu à l'éternueiopnt. Mais le gros nerf sensoriel de la partie antérieure de la tête et de la face, la grande portion du trijumeau, peut aussi exciter les nerfs oculo-musculaire commun et facial par l'intermédiaire du cerveau; c'est ainsi que l'eau froide introduite dans le nez détermine la contraction de l'iris, et que lechatoidllementde la membrane pituiîaire donne lieu àrélernuement, qu'accom- pagnent des mouvemens des muscles de la face, dus à l'exci- tation du nerf facial. En un mot, nous voyons que les parties du nerf oculo-musculaire commun et du facial qui vont au ganglion ophthalmique et par conséquent à l'iris, sont ceux des nerfs cérébraux moteurs sur lesquels porte le plus faci- lement l'excitation par réflexion , et que la cause détermi- 'j. I 2 MOUVEMENS REFLECHIS luinte de celle-ci peut tenir à des impressions faites tant sur la vue que sur le loucher et l'ouïe , de sorte qu'il doit y avoir, entre les ori^jines des nerfs optique , trijumeau et acoustique et les ori{jioes de ces nerfs cérébraux moteurs , une grande facilité de transmission , résultat d'une harmonie préétablie lors de la formation première. Ceux, des nerfs sensilifs et moteurs dont le conflit à travers le cerveau et la moelle épi- nière présente le plus de facilité , montrent une sorte de sta- tique avec ces parties centrales ; l'un chanjje l'autre , comme le haussement d'un des plateaux d'une balance détermine l'abaissement de l'autre , comme la chute du liquide dans l'une des branches d'un siphon entraîne son ascension dans l'autre branche , jusqu'au rétablissement de l'équilibre. Si , dans les cas ordinaires , un nerf de sentiment n'est point en état de provoquer un mouvement réflectif , le phénomène a cependant lieu aussitôt que la sensation acquiert une cer- taine intensité ; car alors le courant ou l'oscillation que la moelle épinière et le cerveau reçoivent des nerfs sensitifs est ré/léchi par eux dans ceux d'entre les nerfs moteurs aux- quels /^ transmission peut s'effectuer avec le plus de facilité à travers les fibres de Tencéphale et du cordon rachidien. Il est une autre voie encore que suit très-souvent la trans- mission de nerfs sensoriels à des nerfs moteurs par l'intermé- diaire de la moelle épinière et de la moelle allongée ; c'est celle qui consiste en une excitation du système des membra- nes muqueuses, à laquelle succède une affection secondaire des muscles respiratoires. Nous en avons des exemples dans le ' vomi-ssement , le besoin d'aller à la selle , la parturiiion , le besoin duriner, la toux, l'éternuement, le hoquet, etc. Après la loi stntique dont j'ai parlé précédemment, etsuivanilaquelle les nerfs qui naisseiit au voisinage ou à peu de distance les uns des autres sont les plus aptes aux phénomènes de la ré- flexion , celle dont il s'agit ici est celle que l'on observe le plus fréqiiçmmonl. Une plus grande facilité de transmission APtlèâ DES SENSATIONS. 2l5 doit donc être préétablie, daos la moelle allonj<];ée el la moelle épinière, entre les nerfs sensitifs des membranes muqueu- ses (le trijumeau pour le nez, le va^^ue pour la trachée-artère, le pharynx , l'œsophaf^e et l'estomac , le grand sympathique pour le canal intestinal et la matrice , les branches du plexus sacré et le grand sympathique pour la vessie et le rectum), et les nerfs moteurs de la respiration (le facial , l'accessoire et les spinaux) , tandis que les nerfs spinaux qui se rendent aux membres sont exclus de cette harmonie. Mais, quand il sur- vient une certaine irritation de la moelle épinière par des sub- stances narcotiques ou par d'autres causes , toute sensation peut déterminer une décharge de la moelle épinière dans tous les nerfs moteurs , même dans ceux qui d'ordinaire subissent le moins facilement cette influence, c'est-à-dire dans les nerfs moteurs des extrémités. Volkmann a même fait voir(l) que la division en long de la moelle épinière , chez les Gre- nouilles décapitées , n'empêche pas les mouvemens réflectifs de s'étendre à tous les muscles des deux moitiés du corps , pourvu qu'il reste encore une partie quelconque du cordon rachidien qui soit intacte. Il reste enfin à savoir si la sensation prend part, comme sen- sation , aux mouvemens réflectifs. Volkmann penche vers l'o- pinion de Whytt , qui admettait une sensation perçue par la conscience et une réaction spontanée dans les mouvemens survenus après des sensations. Il ne me semble pas douteux que la chose a lieu dans beaucoup de cas ; il paraît surtout en être ainsi dans les mouvemens réflectifs qui surviennent le cerveau et la moelle épinière étant intacts. Tels sont l'occlu- sion des paupières sous Tinfluence d'une lumière vive , et le mouvement des muscles respiratoires à l'occasion des irrita- tions de la membrane muqueuse des organes de la respira- tion, du canal alimentaire et des voies urinaires. Mais si l'on (4) MuiiER, dSSS, d5. 2l4 M0UVEMEN9 RÉFLÉCHIS rénéclilt que toutes les pariies d'une Salamandre terrestre qui reiifermeni encore un peu de moelle épinière , montrent des mouvoniens réllectifs, il devient dillicile de considérer le fait comme étant susceptible d'une application {;énérale. On observe aussi des phénomènes de réflexion dans des organes qui sont soustraits à l'influence de la volonté , comme le ca- nal intestinal et le cœur. Enfin les convulsions réflectives gé- nérales qui éclatent après la narcoiisalion, n'ont pas la moin- dre analogie avec une réaction spontanée. Dans mon opinion, l'irritation d'un nerf racbidien sensilil' déiennine immédiate- ment une action centripète du principe nerveux vers la moelle épinière. Si celte action peut s'étendre jusqu'au sensorinm commune ^ il y a sensation perçue par la conscience. Mais si la section de la moelle épinière lempéche d'arriver au semo- rium^ elle n'en conserve pas moins toute sa puissance, comme action centripète, sur le cordon racbidien. Dans l'un ou l'autre cas , une action centripète d'un nerl sensilif peut donner lieu à un mouvement réflectif, Dans le premier l'action centripète devient en même temps sensation ; dans le second , elle ne prend pas ce caractère , mais suffit pour provoquer la ré- flexion cenlriluge. L'opinion de Martball Hall s'éloigne de la mienne et de celle de Whytt : elle est toute particulière. D'abord, ce physiologiste restreint les phénomènes de la ré- flexion aux seuls nerfs rachidiens , et exclut les nerfs senso- riels du cerveau. Suivant lui, la réflexion n'est jamais déter- minée par une sensation , ni même par les nerfs sensiiifs. Il admet des fibres neurveuses spéciales , pour lesquelles il a créé le nom dexcito-motrices , et il pense que l'action cen- trifuge qui caractérise les phénomènes réflectifs n'a pas lieu dans les nerfs moteurs soumis à la spontanéité , mais dans des fibres particulières , qu'il appelle réflecto - motrices. Des fibres seiisitives et excito-motrices viennent des racines postérieures ; des libres uiolrices soumises à la volonté et des fibres réflecto -motrices tirent leur origine des racines auié- DIFFÉRENCE d'aCTION ENTRE LES NERFS. 31 5 rieures des nerfs rachidiens et desnerfs de la moelle aUon{;ée. Le nerf vajjue doit être aussi considéré, non comme spécia- lement sensitif, mais comme excito-moteur, parce que , sui- vant Marshall Hall et Broughton , sa section ne cause pas de douleurs et change les mouvemens respiratoires. Ces vues sont développées dans le dernier ouvrage du physiologiste an- glais. Volkmannles a combattues , et il a allégué, entre au- tres, que le nerf vague est réellement susceptible de sensa- tions douloureuses. Un fait sur lequel Volkmann appelle l'attention , et que j'ai souvent observé, est qu'il y a, entre les troncs nerveux et leur expansion périphérique, une grande différence dans l'aptitude à faire naître des mouvemens réflectifs. Nulle par- tie ne donne plus facilement lieu à ces phénomènes , quand elle vient à être irritée , que la peau ; le moindre attouche- ment suffit souvent pour les provoquer avec une grande vio- lence, chez les animaux narcotisés, tandis que ceux qui suc- cèdent à l'irritation des troncs nerveux eux-mêmes, sont beaucoup moins prononcés (1). CHAPITRE IV. De la différence d'action entre les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs. L'expérience nous a appris jusqu'ici que quand un point du nerf vient à être irrité , Taclion se manifeste sur toute la lon- gueur des fibres ; que , dans les nerfs moteurs , elle provoque des mouvemens là où ces fibres s'unissent avec des muscles, et que, dans les nerfs sensoriels, elle détermine une sensa- tion , quand ces mêmes fibres tiennent encore aux parties centrales. Maintenant il pourrait sembler que l'effet de l'irri- (1) Comp. sur les mouvemens réflectifs par rapport à la structure de la moelle épinière, CaAiKGEa, Observations on the structure and func- tions ofthe spinal cor ds, Londres, 4837. 2 1 6 DE LA nitFKRENCE d'agTION talion nerveuse se propage de la même manière du point ir- rité à rcxlrémilé périphérique du nerf et à son extrémité cen- trale. Mais la question est de savoir si les choses se passent réellement de cette manière , ou si la transmission de l'irri- tation n'a pas lieu uniquement dans une certaine direction, si rciïet ne se propage pas seulement au cerveau dans les fibres sensiiives , et seulement en sens inverse , c'est-à-dire aux muscles , dans les fibres motrices. C'était là ce qu'on admet- tait {jénéralcmcnt tant qu'on ignora que les fibres sensiiives et motrices sont dillérenles des unes des autres. Aujourd'hui le problème se reproduit, et il est d'une haute importance pour la physique des nerfs d'en trouver la solution. Il s'agit donc pour nous de savoir si la force en vertu de laquelle les fibres motrices déterminent des muscles à se contracter, diflère, eu égard à la qualité, de celle qui anime les fibres sensiiives, ou si l'on ne doit voir , dans ce que nous appelons ici des forces différentes , qu'une simple différence de direc- tion de l'action nerveuse , centrifuge dans les fibres motrices, et centripète dans les fibres sensiiives. On sait que , pour ce qui concerne les nerfs des muscles , l'action n'a jamais lieu que dans le sens de leurs ramifications, que les muscles dont les branches nerveuses naissent du tronc, au dessus du point sur lequel porte l'irritation, ne se contrac- tent point , et qu'au contraire l'effet s'étend à tous ceux dont les nerfs prennent leur origine au dessous de ce point. Ce fait semble prouver que l'action nerveuse suit uniquement la direction du centre à la périphérie, ou du tronc vers les branches , dans les nerfs moteurs. Mais on peut très-bien le démontrer aussi d'une manière directe. L'anatomie microsco- pique des nerfs nous apprend que les fibres primitives ne s'u- nissent point dans les troncs^ qu'en conséquence un tronc ner- veux n'est que l'ensemble de toutes les fibres primitives, en nombre infini , qui se déploient dans ses branches. Les fibres primitives , qui se détachent du tronc à des hauteurs différen- ENTRE LES NERFS SERSITIFS ET LEâ nERFS MOTEURS. 217 tes n'ont donc aucune connexion les unes avec les autres dans son intérieur, elles fibres motrices marchent séparées jusqu'à la moelle épinière ou au cerveau , de sorte que l'irri- tation exercée sur une branche ne peut , s'il y a un effet re- trofïradc, affecter en même temps aucune partie du tronc, et que cet effet rétrograde se borne à celles des fibres primi- tives de la branche irritée qui parcourent le tronc, sans s'y unir avec aucune autre , pour aller gagner le cerveau ou la moelle épinière. Donc si , indépendamment de l'action dirigée vers les muscles, il y avait une autre action en sens inverse des nerfs moteurs irrités en un point vers le cerveau et la moelle épinière , nous ne pourrions pas nous en apercevoir par des convulsions dans d'autres parties , puisque les fibres d'un tronc n'ont de connexion avec aucune fibre des branches supérieures. Cet effet rétrograde peut aussi demeurer isolé dans la moelle épinière , si les fibres ne s'unissent pas non plus dans celte dernière ; il ne peut pas non plus faire naître de sensation dans le cerveau et la moelle épinière , si les fi- bres des nerfs moteurs sont isolées dans ces organes , et n'y ont aucune connexion avec des fibres sensibles. Il en est de même des fibres sensibles irritées sur un point de leur lon- gueur. Les fibres sensibles ne procurent des sensations que quand leur communication avec la moelle épinière et le cer- veau est intacte. On pourrait conclure de là qu'elles ne jouis- sent que d'une action cenlripète ; mais cette conclusion serait tout aussi vicieuse ; car il n'y a que le courant centripète qui puisse parvenir à la conscience , lui seul étant senti par l'or- gane central, et le courant en sens inverse dans les fibres sensibles ne saurait arriver à la conscience, en supposant qu'il eût lieu réellement. I S'il était certain que les muscles possèdent la contractilité " par eux-mêmes , indépendamment des nerfs , qu'une irrita- tion nerveuse n'agit sur eux qu'à la manière de toute autre irritation, et qu'il n'est pas nécessaire , pour amener lu pro- 2l8 DE LA. DIFFÉRENCE d'aCTION diiciion d'un mouvement, que d aiiircs irritalions a{jissent préalablemenl sur des neif;j , on pourraii prouver que les fibres sensibles agissent uniquement dans le sens de lu péri- phérie au cerveau , et non dans le sens inverse ; car , ainsi que je l'ai découvert , les fibres sensibles sont incapables de provoquer des convulsions dans les muscles, alors même qu'elles se répandent dans ces organes , comme il arrive au nerf lingual , qui du moins s'anastomose avec le nerf muscu- laire grand hy|)Oglosse. Mais la supposition précédente est fausse : les muscles n'ont point de coniractilité sans le con- cours des nerfs ; ils perdent leur faculté de se contracter sous l'influence d'une irritation quelconque lorsque leurs nerfs ont été pendant long temps séparés du cerveau ; ils perdent leur irritabilité à mesure que celle des nerfs s'éteint, comme le démontrent les expériences que j'ai faites avec Sticker. Les muscles auxquels se rendait le nei f dont nous avions pratiqué la section, avaient, au bout de deux mois , perdu, dans deux cas, toute irritabilité, et, dans un cas,, presque toute apti- tude à ressentir les irritations galvaniques et mécaniques , et cela dans la même proportion que les nerfs eux-mêmes. Il suit donc de là que le conflit entre les nerfs et les muscles est absolument nécessaire pour les contractions de ces derniers. Or , comme les nerfs sensibles n'ont aucune influence sur les muscles, môme lorsqu'ils s'y distribuent (par exemple, le nerf lingual dans la langue), il est de toute évidence que les nerfs moteurs seuls sont en conflit avec les organes musculaires. Mais cela peut dépendre tout aussi bien d'une qualité exclu- sivement propre aux nerfs moteurs , que d'une direction cen- trifuge de l'action nerveuse qui aurait lieu dans ces nerfs seulement. En cherchant à cclaircir ce point important par la voie expérimentale, j'ai trouvé dans les effets des poisons narco- tiques un moyen de ré oudre le problème. La moelle épi- nière devient tellement irritable chez les Grenouilles qui ont ENTRE LESMERFS SENSITIFS ET LES NERFS MOTEURS. 219 été empoisonnées avec de l'opium , que tout ébranlement , quelque léger qu'il soit, par exemple, un petit coup frappé sur la table, ou l'impulsion donnée à une patte qu'on soulève et qu'on laisse ensuite retomber, suflit pour déterminer des convulsions du corps entier. Ce phénomène est produit non seulement par tout ébranlement imprimé à la moelle épi- nière elle-même , mais encore par toute sensation purement locale qui se propage jusqu'à elle. Quand on pique l'animal dans un point quelconque , sans occasioner la plus légère secousse, toutes les parties de son corps entrent en convul- sion. Dans cette circonstance, l'irritation périphérique d'un nerf de sentiment agit sur la moelle épinière entière, et celle- ci réagit sur toutes les parties. La moelle épinière est ici l'in- termédiaire, caries parties qui ont été séparées du corps, ou dont on a coupé les nerfs, ne sont plus prises de convulsions à la suite de l'ébranlement, Ce fait posé, je voulus couper les racines postérieures ou sensitives des nerfs d'une des pattes de derrière d'une Grenouille , empoisonner ensuite l'animal , et voir si les nerfs de cette patte , qui tenaient encore à la moelle épinière par les racines antérieures on motrices, se- raient capables, lorsque je les irriterais, de transmettre, aussi bien que les nerfs sensitifs, cette irritation à la moelle épi- nière, irritée elle-même au plus haut degré , et si , par con- séquent l'irritation d'un nerf de mouvement pouvait , en re- tournant sur elle-même dans une partie privée de sentiment, déterminer des convulsions générales chez une Grenouille empoisonnée. Le résultat de l'expérience répétée à plusieurs reprises fut négatif. Les convulsions n'ont point lieu quand on irrite les nerfs moteurs sans imprimer la moindre secousse au corps de l'animal, comme, par exemple, quand ou coupe un nerf avec des ciseaux; il en est de même, toutes précau- tions égales d'ailleurs, si l'on se sert d'une aiguille ou de pin- ces pour irriter mécaniquement le nerf. Lorsqu'on veut bien faire cette expérience , il faut commencer par introduire le 2 20 DE LA DIFFÉRENCE b'ACTlôN poison, et dès que ses premiers efléls viennent à se ma- nifester, c'est-à-dire dès que l'animal commence à éprouver des convulsions quand on frappe sur la table, on ouvre rapidement le rachis , puis on coupe les troncs des racines postérieures des nerfs d'une des pattes de derrière , en laissant intactes celles du côté opposé ; après quoi on dissèque aussi promptcment que possible le nerf crural des deux cô- tés, et on le coupe au dessus du genou, de manière qu'il pende hors de la cuisse. De cette manière, la Grenouille est préparée convenablement ; tandis que, si l'on ouvre le rachis avant de lui faire prendre du poison, la perte du san^jet si considé- rable, que la substance vénéneuse ne peut plus ensuite être résorbée en quantité suffisante. Du reste, l'expérience pré- sente des difficultés, et il faut lu répéter jusqu'à ce qu'elle donne un'résultatbien net. On ne doit pas non plus employer une dose trop forte de poison . dans la crainte que la para- lysie ne survienne trop promptement. Le meilleur est l'opium, car la noix vomique amène trop tôt l'état paralytique. Une fois l'animal empoisonné, le rachis ouvert, les racines posté- rieures des nerfs de la patte de derrière coupées d'un seul côté, et les deux nerfs cruraux disséqués, on prend des ci- seaux, avec lesquels on enlève, en évitant toute secousse, un petit lambeau du nerf crural, qui ne peut plus rien conduire à la moelle épinière par ses racines postérieures. On n'observe pas de convulsions de l'animal entier. Mais si l'on pratique la même opération sur le nerf crural du côté opposé , dont les racines sensilives tiennent encore à la moelle épinière, l'animal entier entre aussitôt en convulsion ; cette expérience impor- tante prouve donc que les nerfs moteurs ou les racines anté- rieures ne peuvent point, à eux seuls, transmettre à la moelle épinière, en sens rétrograde, une irritation capable de déter- miner des convulsions générales , et qu'il n'y a que les nerfs de sentiment qui soient aptes à cette propagation de la péri- phérie vers le centre. Il importe d'éviter jusqu'au plus petit ENTRE LES NERFS SENSITIFS ET LES NERFS MOTEURS. 221 ébranlement lorsqu'on coupe les nerfs ; car si l'on néglige celle précaulioa en opéranl sur celui dont les racines posté- rieures ont été coupées, et qu'une secousse se transmette mé- caniquement au tronc de l'animal, la moelle épinière provo- que sur-le-champ des convulsions. Et ce qui prouve qu'alors le phénomène tient à l'ébranlement de la moelle épinière, c'est que , même après la section du nerf, il suflît d'ébranler la patte de manière que la secousse se communique au tronc, pour voir aussitôt survenir des convulsions générales. J'ai encore imaginé l'expérience suivante, pour résoudre le problème; mais je ne l'ai point exécutée. On sait que les iris des deux yeux se meuvent toujours si- multanément , pour produire un égal changement dans les deux pupilles. On sait aussi que la lumière n'agit point immé- diatement sur l'iris, mais que la rétine irritée agit sur le cer- veau , et que la contraction de l'iris d'un œil atteint d'amau- rose , quoiqu'étant d'ailleurs immobile pour la lumière , se meut encore lorsque celle-ci frappe l'œil du côté sain. Ont sait également que le nerf oculo-musculaire commun est le nerf moteur de l'iris, comme Mayo Ta démontré. La question maintenant est de savoir si , quand on irrite le nerf oculo- musculaire commun d'un nerf, cette irritation réagit de la périphérie au centre , comme dans le nerf optique , c'est-à- dire réagit sur le cerveau , et s'il survient un rétrécissement de l'iris de l'autre œil. Mais pour que cette expérience fût concluante, il faudrait être certain que le nerf oculo-muscu- laire ne contient pas de fibres sensitives. La seconde partie du problème, celle qui consiste à savoir si l'action nerveuse n'est que centripète dans les neris de sen- timent, et si elle ne suit pas aussi une direction inverse , à partir du cerveau et de la moelle épinière, pourrait être réf solue en faveur de l'effet purement centripète , sous ce point de vue q-ie toutes les sensations sont accompagnées de phé- nomènes centripètes. Mais il y a des sensations qui, dans les aaa de la, différence d'action passions, semblent se propafjer de la moelle épinièreà toute la longueur des nerfs , jusqu'aux orteils. Cependant celles-là pourraient aussi être expliquées d'une antre manière. J'ai fait voir que les fibres sensiiives de toutes les parties d'un nerf sont contenues dans le tronc et dans les racines , et que ce tronc, quand on le comprime , a les mêmes sensations que toutes les branches ensemble. Donc, lorsque les racines des troncs nerveux d'un membre font impression sur la moelle épi- nière par une action nerveuse centripète, les sensations doivent sembler être dans le membre. Et si, par une cause quelcon- que, la peur, ou autrement, la faculté sensiiive vient à être changée tout à coup dans la moelle épinière, les fibres des racines sensiiives font une autre impression qu'auparavant , ce qui doit être ressenti comme sensation dans les membres. Il est une excitation centrifuge qui se passe dans un nerf bien positivement sensitif ; c'est celle du nerf lacrymal dans certaines passions et sous l'influence de certaines pensées; S il éLait certain que le nerf gan(;lionnaire ne lui envoie pas de filets, comme il en donne à d'autres branches du trijumeau, ce serait là une preuve que, même dans les nerfs sensiiifs, il y a des excitations qui se propagent en tous sens. Mais tout porte à croire, comme je l'ai dit plus haut, que le nerf lacry- mal reçoit des fibres grises, puisqu'il en arrive à la première branche du trijumeau. On pourrait expliquer de la même manière le fait que d'autres nerfs encore, qui servent principalement à la sen- sation, exercent une influence organique manifeste sur la nu- trition, sur les sécrétions, et même sur le mouvement. C'est ce qui arrive au nerf vague. E.-H. Weber a fait voir qu'il tient mêni.; en {rrande partie lieu du grand sympathique chez certains animaux, les Serpens, par exemple, où il se distribue à une grande partie du canal intestinal. .J'ai reconnu aussi qu'il s'étenrl jusqu'à l'anus chez les Myxinoïdes, qui n'ont pas de nerf ganglionnaire. Or, le grand sympathique et le vague pouvant ENTRE LES NERFS SENSlTIPâ ET LES NERFS MOTEURS. 223 en quelque sorte se suppléer l'un l'autre et empiéter cha- cun sur leur domaine respectif, il semblerait que des couraos rétrogrades ne soient pas les seuls qui puissent avoir lieu dans un nerf sensilif. Cependant celte objection n'a point beaucoup de valeur; car les effets organiques du nerf vague dépendent très-probablement de fibres organiques provenant du grand sympathique, avec lequel il s'unit si souvent. En général, un nerf q\\\ a parcouru un certain trajet renferme de tout autres élémens qu'à son origine ; la nature peut, che- min faisant, lui adjoindre beaucou[) de fibres d'un ordre dif- férent. Le nerf buccinateur du Bœuf nous fournit un bon exemple d'un nerf moteur accompagné de fibres organiques, et de la différence qui doit exister entre l'effet organique et l'effoi moteur ; car il reçoit du ganglion otique un faisceau de fibres grises , qui marchent avec lui, et qui se répandent vrai- semblablement dans la membrane muqueusf^ buccale et les glandes de la joue. Ici, nous voyons qu'il faut des conducteurs différens pour le courant moteur et pour le courant organi- que. Mais nous pouvons aussi prouver qu'il en est de même à l'égard des nerfs sensitifs. Le fait que les différens nerfs sensoriels éprouvent des sen- sations diverses par l'effet d'une même irritation, puisqu'une cause mécanique ou galvanique provoque celle de la lumière dans le nerf optique, celle du son dans le nerf auditif, et celle de la douleur dans les nerfs tactiles, ne saurait être cité à l'ap- pui ni de l'une ni de l'autre hypothèse. Car on peut l'expliquer de deux manières, ou en admettant des forces différentes dans les nerfs sensoiiels, ou en supposant qu'ils sont animés dps mêmes forces, mais que les effets qu'ils produisent diffè- rent selon les poinis du cerveau auxquels ils aboutissent. Ce- pendant il est évident que certains stinnilans ne peuvent agir que sur certains nerfs déterminés. Ainsi l'agent lumineux n'agit que sur le r.erf optique cl les nerfs tactiles, dans le pre- mier cas comme lumière, dans le second comme calorique, et aa4 DE LA DIFFÉRENCE d'aCTION nul aulre ne se montre sensible à son action ; de même, le nei 1 ollaclif ne paraît être déterminé à faire naître la sensa- tion des odeurs que par l'influence des substances odorantes et de l'électricité. <:)iioi qu'il en soit, il ncst pas prouvé ir sur le cerveau et la moelle épinière , et la vo- lonté d'exercer son empire sur les parties soumises au nerf grand sympathique? Ou bien leur destination se rapporterait- élle plutôt à l'influence organique du grand sympathique , ou eux-mêmes seraient-ils de petits centres nerveux d'où part en rayonnant l'influence nerveuse qui préside aux opérations de la chimie organique? L'effet est-il centripète ou centri- fuge dans les nerfs organiques , ou bien se répand-il dans tous les sens à partir du point irrité ? Malheureusement il nous est absolument impossible pour le moment de répondre à aucune de ces questions. Les seules données ceriuiaes que nous ayons sur le compte des effets du DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 227 nerf grand sympatliiqne , sont placées jusqu'à un certiin point en dehors des nolious requises pour en obtenir la solu- tion , el nous n'en possédons surtoiit pas une seule qui nous permette , soit d'appuyer, soit de réfuter aucune des hypo- thèses relatives aux ganglions. Le cordon qui marque la limite du grand sympathique est sans contredit d'une haute importance pour le système entier de ce nerf, puisque c'est là que les filets radiculaires des nerfs cérébraux et spinaux se réunissent pour s'étaler ensuite en rayonnant. Cependant les filets de jonction entre les gan- glions ne paraissent pas être absolument nécessaires à Tacti- vité du grand sympathique ; du moins les expérii noes de Pommer sur les animaux ont-elles fait voir que le nerf pou- vait être coupé des deux côtés, entre le premier elle second ganglions du cou , sans qu'il s'ensuivit aucune conséquence remarquable pendant les sept ou huit semaines que les ani- maux demeuraient en observation (1). On doit également tirer de là cette conséquence que la portion céphalique du grand sympathique peut être isolée de la portion thoracique sans qu'il en résulte rien de nuisible pour la vie, car le ganglion cer- vical inférieur et la portion thoracique du nerf reçoivent moins des nerfs cérébraux que des nerfs spinaux avec lesquels ils communiquent , le principe nerveux qui y afflue des parties centrales du système nerveux. !• Xffets du nerx grand sympathique dans les mouvemens involontaires., I. ^îictine des parties soumises au nerf grand sympathique n'est sicscepiihle de movveviens volontaires. Le cœur, le canal intestinal, les conduits excréteurs des glandes, la matrice , les vésicules séminales, ea fournissent des exemples. Il parait même qu'un nerf cérébro-spinal qui (1) Pommer, Beitradje sur Natursund Ueilkunde,Uei\hvoan, 1831» 2i8 DES LOIS DE l'aCIION ET DE LA PROPAGATION s'unit souvent avec le {jrand sympathique perd son influence volontaire , comme il arrive , par exempl*; , à la partie infé- rieure du nerf vague. L'œsophage n'a que des mouvemens involontaires, quoique ceux du pharynx puissent obéir aux impulsions de la volonté. Cependant il est douteux que les nei l's moteurs du canal œsophagien viennent du nerf vague lui-même. La vessie reçoit deux sortes de nerfs, provenant les uns des sacrés et les autres du plexus hypogastrique. Cette disposition s'accorde avec les phénomènes vitaux qu'elle pré- sente. L'influence de la volonté sur cet organe est très- faible. D'un autre côté , tous les muscles qui ne reçoivent que des nerfs cérébro-spinaux , sont susceptibles de mouvemens volontaires. 11 est des hommes, et je suis du nombre, qui meuvent à volonté les petits muscles de l'oreille , et il en est aussi qtii possèdent le même empire sur le muscle crémaster, continuation de l'oblique interne et du transverse, quoiqu'un irès-grand nombre de personnes ne puissent exercer aucune influence sur les mouvemens de ces organes. IL Les parties atiwquelles le nerf gj-and sympathique distribue ses filets continuent encore de se mouvoir, mais à n plus faible degré , lors 'on a détruit leurs connexions naturelles avec le reste dti sympathique^ et qu'elles ont été séparées de ^organisme. Le cœur, séparé du corps, bat encore pendant long-temps ; ses baltemens durent même plusieurs heures chez les Reptiles. Le canal intestinal, traité de la même manière , continue ses mouvemens péristaltiques. On a vu l'oviducte excisé d'une Tortue se débarrasser encore de son contenu. IIL De là vient que toutes les parties mobiles auxquelles se rend le nerf grand sfmpatliique sont indépendantes jusqu'à un certain point du cerveau et de la moelle èpinière. Non seulement le cceur bat pendant long-temps, bien que d'une manière faible , après la destruction du cer- veau et de la moelle èpinière, mais encore il y a des exemples DANS LE NERF GRAND SYMÏ'ATUIQUE. 229 constatés d'embryons chez lesquels ces deux derniers orga- nes ont subi une lente destruction dans l'œuf, sans que la vie s'éteignît. IV. Cependant les organes centraux du sj sterne nervei w exercent une influence active sur le nerf grand sympathique et sa puissance motrice. Il résulte des expériences d'un grand nombre de physio- logistes, que si les mouvemens des parties auxquelles le grand sympathique se distribue ne cessent pas sur-le-champ après la destruction subite du cerveau et de la moelle épinière, on peut cependant changer le mode et la vélocité des batte- mens du cœur en blessant et irritant ces organes. Ainsi , par exemple, Wilson Phihp dit avoir vu les mouvemens du cœur devenir plus rapides chez des animaux sur le cerveau des- quels il faisait tomber goutte à goûte de l'alcool et de l'infu- sion de tabac. L'effet des passions est beaucoup plus frappant. V. D'après les expériences de pp^ilson Philip ^ ce ne sont pas seulement telles ou telles parties du cerveau et de la moelle épi- nière qui influent sur telles ou telles parties du stjsteme sympa- thique et des organes placés sous sa dépendance , comme le cœur entre autres , mais encore le cerveau, en totalité et la moelle épi- nière entière , ou toute étendue quelconque de celle-ci^ peuvent modifier les mouvemens du cœur. L'irritation d'une partie donnée de la moelle épinière ne détermine jamais immédiatement que les mouvemens de cer- tains muscles , de ceux dont les nerfs proviennent de cette partie , tandis que, pour ce qui concerne les mouvemens soustraits à la volonté, toute partie de la moelle épinière semble pouvoir agir sur le nerf ganglionnaire. Cette diffé- rence , qui d'ailleurs n'est point encore suffisamment établie, se prêterait à deux explications. En effet , on peut regarder ou la moelle épinière ou le nerf ganglionnaire lui-môme comme cause de l'irradiation. Dans le premier cas, les fibres du nerf ganglionnaire qui parviennent au cœur demeurent a3o DES LOIS DE L ACTION ET DE LA mOPARATION sans conflit avec les fibres nerveuses d'autres parties , et la propagation de Tirradialion a lieu dans la moelle épinière elle-même , do sorie qu'à partir de celle-ci les fibres nerveu- ses de ditléreules parties entrent simultanément en action. Dans le second cas, les ganglions sont considérés comme la cause du conflit. Nous sommes forcés d'avouer que jusqu'ici nous ne possédons pas encore d'expériences directes certai- nes pour résoudre ces importantes questions. Ayant coupé le nerf splanchnique d'un Lapin, j'en galvani- sai , avec une pile de soixante-cinq paires de pi iques , l'ex- trémité périphérique , que j'avais isolée sur une plaque de verre. Il s'ensuivit un accroissement des mouvemens péris- taltiques de l'intestin. On peut donc conclure de là que ce nerf influe sur le canal inieslinal entier , et non pas seulement sur une de ses parties; qu'en conséquence il a la puissance de communiquer ses états à tous les nerfs des plexus gastrique et mésentériquH. Le même effet avait lieu lorsque je versais de la potasse causiitiue sur le ganglion cœliaque d'un Lapin, auquel j'avais rais à découvert le canal intestinal , dont les mouvemens , d'abord accélérés par l'influence de l'air, étaient déjà redevenus irès-faibles; ces mouvemens reprenaient sur- le-champ une grande vivacité. VL Les contractions que déterminent^ dans les organes qui dépendent du grand sympathique , les irritations de ces organes eux-mêmes on de leurs nerfs , ne soîit pas passagères et mo- mentanées • ce sont 011 des contractions qui persistent pendant un certain laps de temps, ou des modifications prolongées des mou~ vemens rhythmiques ordinaires , de sorte quici la réaction remporte de beaucoup eu durée sur l'irritation. Le mouvement du principe nerveux est donc plus lent dans le nerf grand sympathique, et on peut l'y mesurer. Lorsqu'a- pvès avoir ouvert le ventre d'un animal , on fait agir nne irri- tation chin.'iqne , mécanique ou galvanique , sur un point quelconque de l'inlcsiin, la contraction sopère avec lenteur, DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 23 1 Cl souvent elle n'arrive à son maximum d'intensité que quund la cause a depuis long-temps cessé d'ajîir. Le cœur oiïre le même phénomène que l'inteslin , mais d'une autre manière ; à des contractions continues , non périodiques , une irriiatioo passagère substitue une série continue de battemens périodi- ques.Le cœur est accessible aux irritations tant mécaniques que galvaniques. Humboldt a vu le galvanisme faire entrer le cœur des Grenouilles en convulsion , observation que j'ai répétée depuis. Mais l'irritation galvanique n'agit pas toujours instanta- nément sur la contraciihté du cœur, et, dans beaucoup de cas, il lui arrive seulement de changer le nombre des battemens subséquens. Les irritations mécaniques ne provoquent pas non plus sur-le-champ les contractions d'un cœur qui bat avec lenteur ; fréquemment, elles ne produisent cet effet qu'au bout de quelques heures ; mais elles agissent évidemment sur le cœur d'une Grenouille qui ne tient plus au corps de l'animal, et qui depuis long-temps déjà n'a plus battu. Il se passe donc ici la même chose qu'au canal intestinal ; la con- traction ne commence parfois que quelque temps après l'irri- tation , et dure plus qu'elle. Mais ce qui distingue le cœur , c'est qu'une irritation passagère , au lieu de le solliciter à une cooiraction soutenue , comme elle fait pour l'intestin, change seulement la série entière des pulsations suivantes. Quand le cœur d'un animal a battu pendant long-temps toutes les quatre à cinq secondes , l'aciion d'une irritation passagère le fait battre, également pendant long- temps, d'après une autre pé- riode , par exemple, toutes les secondes ou toutes les denx secondes , et lorsqu'il a cessé entièrement de battrai; une irri- tation passagère fait qu'il se contracte , non pas une fois , mais quatre fois, durant une certaine période. Il en est donc pour lui absolument de même que pour d'autres parties mus- culensps dépendantes du nerf grand sympathique , l'inteslin par exemple , avec cette différence que la réaction soutenue qui succède à des irritations passagères de l'intestin , du canal 2l)2 DES LOIS DK LACTION ET DE LA PROPAGATION cholédoque , du sphincter de la vessie , ne se partage point en convulsions périodiques , mais aiïecte un type continu , au lieu que , pour le cœur , elle se divise en convulsions périodi- ques , dont les périodes varient. Le même phénomène s'ob- serve quand on applique les irritans non sur les muscles , mais sur le grand sympathique. Si, après avoir ouvert un ani- mal et attendu que les battemens du cœur se fussent ralentis , on venait à {;alvaniser le grand nerf cardiaque, les battemens redevenaient plus rapides , mais le nouveau type qu'elles avaient acquis ainsi survivait à l'irritation ; la remarque en a été faite par Humboldt et par Biirdach (1). Quand j'irritais' le nerf splanchnique du Lapin , dans l'expérience précitée , le mouvement plus rapide et plus fort de tous les intestins per- sistait pendant fort long-temps, quoique l'irritation n'eût été que passagère. VIL La cause première des ^louvemens involontaires et de leur tj-pe n'est ni dans le cerveau , ni dans la moelle cpinière , m,ais dans le nerf grand sj'-nipathiquc ; mais ces mouvemens conservent leur caractère, même sans Vinfluence des ganglions^ et même lorsque le nerf sympathique appartenant à un organe a été détruit jusqu aux branches qui se distribuent à ce dernier, et dont le conflit avec les fibres musculaires parait suffire à Ini seul pour les entretenir . On sait que le cœur d'un animal n'en continue pas moins de se contracter d'une manière rhythmique, quoiqu'il ait été dé- taché du corps et qu'il soit vide de sang , et que ses mouve- mensdurent ainsi pendant plusieurs heures, chez la Grenouille. Il suit de là que la cause du rhyihme ne saurait être dans les alternatives d'aflluence et de départ du sang , et qu'elle réside dans l'organe lui-même. Or comme , dans toutes les autres parties mobiles , le mouvement du muscle dépend constam- ment de l'innervation, et comme aussi , d'après les expérien- (d) Traité Ae Physiologie, trad. par Jourdan, Paris, 1837-1838,8 vol. in-8. DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 2ÔÙ ces que j'ai faites avec Sticker , la force motrice des muscles s'éteint avec Tirritabilité des nerfs , la cause des mouveraens rhythmiques des ventricules et des oreillettes du cœur, ainsi que celle des mouvemens péristaltiques du canal intestinal, dépend , en dernière analyse , du conflit entre les nerfs sym- pathiques et les parties musculeuses, et d'un courant du prin- cipe nerveux agissant périodiquement dans le grand sympa- thique. On pourrait ici se figurer l'action des nerfs continue et celle des muscles périodique , en tant que l'irritabiliié de ces derniers pour le courant du principe nerveux serait modi- fiée par leur contraction ; mais cette hypothèse serait certaine- ment inexacte ; car on n'entrevoit pas pourquoi le cœur perdrait et recouvrerait à chaque instant sa faculté d'être impressionné par un courant non interrompu du principe nerveux, puisque les muscles soumis à la volonté la conservent pendant long- temps lorsqu'ils exécutent un mouvement de très-longue durée. De ce que des parties douées de mouvement involontaire, comme le cœur et le canal intestinal , conservent, après avoir été détachées du corps, le type de leur mouvement rhylhmi- que ou péristaltique, il suit bien évidemment que ce type est indépendant du cerveau et de la moelle épinière, et nous ve- nons de prouver qu'il a sa source dans le nerf grand sympa- thique lui-même. Mais il nous reste à démontrer la seconde partie de la proposition que nous avons mise en avant , celle que les troncs et les ganglions ne sont pas non plus néces- saires au maintien du type des mouvemens involontaires, et que les dernières ramifications du grand sympathique sont aptes aussi à le régler. La présence des troncs des nerfs car- diaques n'est nullement nécessaire à l'entretien des mouve- mens du cœur, puisque le cœur de la Grenouille continue encore de battre périodiquement après qu'on en a retranché toute la base, c'est-à-dire coupé les oreillettes jusqu'aux ventricules. De même, les mouvemens péristaltiques du canal intestinal persistent non seulement lorsqu'on sépare du tronc 234 ^^^ ^^^^ ^^ l'action et HE LA PROPAGATION l'intesiin avec le mésentère et le plexus nerveux }];anglioQ^ naire, mais encore quand on isole l'intestin lui-même de ce» plexus, en le coupant au niveau de Tinserlion du mésentère. Dans ces deux cas, il ne reste plus que les ramifications pé- riphériques intérieures envoyées par le nerf grand sympathi- que au cœur et à l'intestin, et cependant ces organes n'en continuent pas moins pendant long-temps de se mouvoir avea leur typeordinaire, VIII. Quelque certain qu'il soii , d'après ces ohservalionfy que les ramifications extrêmes et les plus petites dunerf grand sjmpathiquo peuvent encore régler les mouvemens des parties non soumises à Vempire de la volonté^ cependant^ non seule-' ment le cerveau et la moelle épinière, mais encore les ganglions, eux-mêmes , quand ils sont irrités, exercent la plus piiissani& influence sur le mode de ces mouvemens^ tant que les organes sont liés avec eux par des nerfs. Le cerveau et la moelle épinièr^ doivent aussi être considérés comm.o la source de V activité du nerf grand sympathique ^ celle sans laquelle cette activité a'é- puiseraii bientôt. On n'ignore pas que toutes les passions modifient les bat- temens du cœur, et que les irritations de la moeUe épinière changent également les mouvemens du canal intestinal. Les parties centrales du système nerveux doivent aussi être con- sidérées comme la source de l'influence durable du principe nerveux sur les parties dont le mouvement n'obéit pas aux déterminations de la volonté , puisque la mobilité du canal intestinal diminue, puisque cet organe est frappé de paresse dans les paralysies de la moelle épinière. L'irritation des gan- glions eux-mêmes agit aussi sur tous les nerfs qui en émanent pour aller se rendre à des parties douées de mouvement in- volontaire, tomme le démontrent les expériences suivantes. J'ai déjà dit plus haut qiio jéiais parvenu à accélérer le mou- vement péiisiyltique de tout le canal intestinal en coupant le nerf splanchni(]ue d'un Lapin, et gulvaiiisant le bout qui $e DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 255 rendait au (janglion cœlisque , après l'avoir posé snr une plaque de verre. On pourrèîil objecter contre celte cxpcrionce que le fluide galv;iniqiie de soixante-cinq paires de pliiquos était beaucoup trop fort, et que , par cette seule raison , il avait pu, traversant les parties animales comme de simples conducteurs humides, sauter sur l'intestin, et ne pas produire en conséquence d'autre effet que celui qui eût été obtenu en galvanisant l'intestin lui-même. Cependant j'ai fiiit depuis quelques autres expériences qui m'ont donné des résultats décisifs. J'ai mis à découvert tout le canal intestinal d'un Lapin , et en même temps le {ganglion cœliaque. On sait qu'aussitôt que l'air atmosphérique frappe l'intestin d'un ani- mal, les mouvemens de cet organe deviennent très-vifs, qu'ils conservent ce caractère pendant quelque temps , et qu'ensuite ils diminuent peu à peu, jusqu'à ce qu'ils soient devenus très-faibles. J'attendis ce moment , puis je touchai le ganglion cœliaque avec un petit morcpau de potasse cai;s- tique; sur-le-champ les mouvemens péristaltiques du ca' al intestinal reprirent de la vivacité. Celte expérience a été ré- pétée avec un résultat tout aussi peu équivoque. Ainsi les ganglions sont capables, quand ils se trouvent irrités, d3 mettre le principe nerveux en activité jusques dans les plus petites branches du nerf sympathique qui se distribuent à dos parties mobiles, quoique d'ailleurs leur ablation n'empêche pas l'action de ces parties en général de persister. XI. Det faits qui ont été eicposés jusqu'ici, il suif que le nerf grand sympathique peut en quelque sorte être chargé par / ■? parties centrales du système nerveux.^ h cerveau et la vioelle épinièi'C, comme sources du principe nerveux , mais qu'une fois qiiil a reçu cette charge^ il la conservs, et continue de V écouler à sa manière accoutumée^ alors mémo que Vafflux vers lui dit, principe nerveux diminue et ne se renouvelle at^ec force qit, au bout d'un certain laps de temps. Ceci eaplique une parlii des phénomènes du sommeil. 256 DES LOIS DE l'aCTION ET DE LA. PROPAGATION i"" Tandis que le scnsorium commune est en grande partie inactif dans le sommeil, le mouvement du cœur et du canal inioslinal continue sans subir de changement, ou du moins sans en éprouver un Lion grand. Car les organes dépendans du nerf grand sympathique sont indépendans du repos par- tiel et passager du scnsorium , tant qu'ils sont encore char- gés en quelijue sorte de principe nerveux. Au contraire, le principe nerveux qui émane des parties centrales paraît allluer d'autant plus à la partie sympathique du système nerveux, que les facultés sensorielles et intellectuelles n'en consomment plus, à cause des changemens matériels qui s'opèrent dans les organes des sens et dans certaines parties du cerveau durant le sommeil. De même, pendant la syncope, Taction du cœur est affaiblie, mais elle se maintient néanmoins à un bien plus haut degré que celle de toutes les parties qui reçoivent des nerfs cérébro-spinaux. 11 y a donc quelque chose qui, même après l'excision du cœur et de l'intestin, se manifeste en eux, moins sensiblement à la vérité, mais pendant un certain laps de temps encore. Mais si le cerveau et la moelle épinière per- dent trop la faculté d'être la source du principe nerveux, il n'y a plus de restauration possible à de grands intervalles, et le système sympathique tombe dans le cas qui est une fois par jour le partage du système des nerfs cérébro-spinaux, c'est-à-dire dans le sommeil ; alors survient un épuisement qui ne peut plus être réparé par d'ultérieures décharges ; alors on voit paraître ce pouls fréquent, faible et à peine per- ceptible, qui annonce la mort à la fin des maladies aiguës (1). X. L' application locale des narcotiques sur le nerf grand sympaihique ne détermine pas le ■narcotisme au loin dans les organes dont le mouvement n'obéit point à la volonté ; mais ces organes peuvent être paralysés par la narcotisation des derniers (1) Compar. Wilsom Phiup, Philos. Trans., 1833.— Mdllee, Avchiv^ 1834, 137. DANS LTÎ NERF GRAND SYMPATHIQUE. 27)'J filets (tu nerf grand sympathique qui se distribuent dans leurt intérieur. Les choses se passent ici de la même manière absolument que dans les autres nerfs, ceux de l'appareil cérébro-spinal j où l'application d'un narcotique ne va pas non plus au-delà du nerf touché, dont elle éteint l'irritabililé. Cependant il y a ici, en ce qui concerne le cœur, une différence fort remar- quable, et jusqu'à présent inexplicable, entre la surface exté- rieure et la surface interne de l'organe. Si l'on applique un narcotique , tel que l'opium pur ou l'extrait de noix vomi- que, à la surface externe du cœur, il paraît agir fort peu ou pas du tout, ou du moins n'agir qu'avec beaucoup de len- teur; les mouvemens rhythmiques du cœur excisé de la Gre- nouille persévèrent pendant très-long-temps. Mais si l'on met un peu d'opium ou d'extrait de noix vomique en contact avec la paroi interne des ventricules du cœur, l'organe s'arrête pour toujours sur-le-champ, parfois au bout de quelques se- condes. C'est là une découverte importante de Henry (1), que j'ai fréquemment vérifiée. Ce fait donne en même temps une nouvelle preuve que la force motrice des muscles dépend de leur conflit avec les nerfs, et que sans ces derniers elle ne leur appartient point. Ici, nous avons de la peine à paralyser la force musculaire des couches superficielles du cœur par le moyen des narcotiques, tandis que l'application de ces sub- stances à l'intérieur frappe de mort à la fois et les couches internes et les couches extérieures, phénomène qu'on ne sau- rait attribuer aux fibres musculaires elles-mêmes, et qui ne peut l'être qu'aux fibres nerveuses. On n'expliquerait pas non plus cette action rapide du poison narcotique, en disant que celui-ci pénètre promptement de dedans en dehors à travers les parois du cœur; car, lorsqu'on enlève les oreillettes du cœur de Grenouille en totalité, comme je l'ai fait, et îqu'on (4) Edinh. med. and sunj.Jou^ndy 1832. a3ii DKS LOIS Dli l'action et de la IROPAGATiON iolroduit un peu de poison dans le veuli icule ouvert, la con- traciion qui survient après doit plutôt tendre ù chasser la sub- stance au dehors qu'à la l\iire pénétrer plus profondément, ce qui d'ailleurs ne peut avoir lieu par dos vaisseaux. Au reste, cette observation remarijuable explicjue aussi la rapi- dité de rerapoisonnoment par les narcotiques, une fois que le sanfj a amené la substance vénéneuse jusqu'au cceur. XI. Les lois (le la rrjloxion rjue j'ai établies à l'occasion des nerfs cérébro-spinaux , s'appliquent aussi aux nerfs sympathi- ques , c'est-à-dire que des impressions sensorielles vitres dans tes parties auxquelles se rendent des fibres du nerf grand sym- pathique ^ peuvent , en se propageant à la moelle épiuicre , pro' roqupr des moui^emens dans les parties qui reçoivent leurs nerfs du système cérébro-spinal. C'est ainsi que les irritations du canal intestinal , chez les enCans, déterminent des convulsions, parce qu'elles se trans- nieticni du nerf grand sympathique à la moelle épinière , qui les réfléchit sur les nerfs cérébro-spinaux. Ici se rapportent également les spasmes des muscles respirateurs qui accompa- gnent le vomissement , en tant que celui-ci est provoqué par des irritations dans le canal intestinal. Tous les spasmes qui ont pour cause des affections locales des organes du basven- tre , reconnaissent la même origine. Mais on peut aussi dé- montrer cette réflexion par une expérience directe : car j'ai plusieurs fois observé, sur des Lapins, que quand on piquait le nerf splanchnique soulevé avec des pinces, les muscles ab- dominaux du même côté éprouvaient des convulsions ; j'ai dit que celte expérience n'avait pas réussi sur les Chiens. XII. Les impressions sensorielles reçues ynr les parties dans lesquelles se distribue le nerf grand sympathique^ se réfléchis- sent aussi sur la moelle épinière et le cerveau^ puis de là sur l artivUé motrice du nerf sj-mpathiquc lui-même, tout comme il arrive pour les nerfs cérébro-spinaux , mais à un moindre degré. DANS LE NERF GRAND SYMPATUIQBE. 2JQ Nous en avons un exemple dans les fréquens besoins d'u- riner, ou les conti actions souvent renouvelées de la vessie, que détermine une urine douée de propriétés irritantes ; car ici râcreté n'agit pas sur les fibres musculeuses de la poche urinaire , et son action immédiate ne porte que sur les nerfs sensitifs de la membrane muqueuse. A la même catégorie appartiennent les changeraens que le diamètre de la pupille éprouve dans divers états morbides du canal intestinal , les modifications que les battemens du cœur subissent dans les maladies des organes abdominaux , le vomissement qui ac- compagne celles du foie , des reins , de la matrice , etc. Ces phénomènes ont été attribués à une action du nerf sympathique lui-même, sans concours du cerveau et de la moelle épinière ; mais comme tous ceux du même genre qui ont lieu dans le système des nerfs cérébro-spinaux ont besoin des organes centraux , du cerveau et de la moelle épinière , pour que l'effet sensoiiel et l'effet moteur réfléchi se manifestent , il est plus vraisemblable , du moins pour le moment , qu'en ce qui concerne les phénomènes de réflexion dans les parties aux- quelles aboutit le nerf grand sympathique, le cerveau et la moelle épinière sont également l'intermédiaire entre l'effet sensoriel ou centripète et l'effet moteur ou centrifuge. Si l'on compare les phénomènes de réflexion qui ont lieu dans les nerfs cérébro-spinaux, avec ceux dans lesquels les parties qui reçoivent les ramifications du grand sympathique sont le siège de l'excitation primordiale et de l'excitation réfléchie , on voit que les premiers surpassent beaucoup les seconds en vivacité, et qu'ils ont aussi plus de facilité à se développer. Combien» en effet, ne sont-ils pas fréquens , rapides et faciles à surgir dans la toux, l'éternuement, le vomissement, etc.! Combien ne sont-ils pas nombreux , comparativement à ceux qui s'observent dans le nerf grand sympathique ! Celte cir- constance que les phlegmusies du canal intestinal n'altèrent pas le pouls , c'est-à-dire les battemens du cœur , avec au- 2 '|0 DES LOIS DE i/aCTION ET DE LA PROPAGATION tant de faciliié et de force que celles d'autres or{ïanes pour- vus de nerfs cérébro-spinaux, semble aussi annoncer qu'il est plus difficile à la réflexion de s'opérer du grand sympathi- que à la moelle épinière , puis de celle-ci à celui-là , que des nerfs cérébro-spinaux au centre nerveux et de celui-ci à ceux- là. Les expériences qu'on serait tenté de faire à ce sujet présentent de grandes difficultés ; celles que j'ai tentées prouvent au moins que les parlies auxquelles le nerf grand sympathique se distribue n'ont point une tendance bien prononcée à la réflexion sensorielle et motrice sur ce nerf. Je mis à nu le canal intestinal d'un Lapin vivant , et je détermi- nai une violente excitation sensorielle en serrant une liga- ture autour de l'intestin grêle ; puis je replaçai le tout dans la cavité abdominale ; je voulais voir si , par l'efl'et d'une ré- flexion allant de la moelle épinière aux alentours du point que j'avais lié, l'intestin se resserrerait sur lui-même, des deux côtés de la ligature , et jusqu'à une certaine dislance. Le phé- nomène n'eut point lieu. En répétant l'expérience, je n'obtins pas davantage de résultat. Mais celles qu'a faites Yolkmann prouvent que, quand une Grenouille décapitée se trouve dans une disposition générale à la réflexion, une réaction a lieu de la manière qui vient d'être indiquée. Le pincement du canal intestinal déterminait alors des contractions de l'intestin , qui ne demeuraient pas bornées au point irrité, mais qui se propa- geaient, tantôt vers le haut , tantôt vers le bas, et à une dis- tance plus ou moins grande. Une fois la moelle épinière dé- truite, le pincement des intestins n'occasione plus que des contractions locales. XIII. // arrive assez fréquemment aussi que des effets qui partent des nerfs cérébro-spinaux et se propagent jusqu'à la iuocllc épinière sont réfléchis de celle-ci sur le sj-stème du grand sympathique. On peut citer , pour exemples, les modifications des balte- mens du cœur qui accompagnent les sensations vives, volup- DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 2^1 tueuses ou douloureuses , à la peau , les mouvemens détermi- nés dans riiis par les impressions sensorielles que trans- mettent le nerf optique, l'acoustique, le trijumeau, et la contraction des vésicules séminales qui succède à l'irritation des nerfs tactiles du pénis. XIV. Une question se présente maintenant : Des phénomè- nes de rèjlexion peuvent-ils ai^oir lieu dans le nerf sympathi- que lui-même f au moyen des ganglions , et indépendamment du cerveau et de la moelle épinièreP Il ne nous est point encore permis de donner une réponse précise à cette intéressante question. Si le mode de réflexion dont il s'agit était possible, les nerfs sympathiques constitue- raient une exception remarquable , et leur nature ganglion- naire permetrait peut être , entre les fibres sensitives et les fibres motrices , un conflit qui, dans les nerfs cérébro-spi- naux , n'a jamais lieu sans l'intermédiaire du cerveau et de la moelle épinière. Lorsqu'on irrite les muscles pourvus de nerfs cérébro-spinaux d'un membre qui a été détaché du tronc , les contractions n'ont lieu que dans la portion même sur laquelle agit l'irritation , et jamais ni dans le muscle en- tier, ni même dans toute la longueur d'une fibre musculaire. La question est donc de savoir si , par exemple, après avoir, sur un animal vivant , détaché le canal intestinal, avec le mé- sentère et le plexus ganglionnaire , on peut , par des irrita- tions agissant sur un seul point, déterminer des contractions d'une certaine étendue, des contractions de toute une por- tion d'intestin. Or jamais on n'y parvient: la portion irritée de l'intestin est toujours la seule qui se contracte. Il y a plus: une irritation déterminée sur un point de cet organe en le froissant entre les mors d'une paire de pinces, ne se répand même point en cercle , ne se propage point en anneau autour du tube entier, et elle ne détermine qu'une dépression bor- née au point même sur le([uel elle agit, la paroi opposée de- meurant plane et tranquille. J'ai observé cet effet non seule- ï- 16 a4a DES toi8 DE l'action et de la propagation ment sur le canal intestinal , à plusieurs reprises , mais en- core sur la matrice d'une Lapine pleine ; chaque fois que j'ir- ritais un point de la matrice, les libres musculaires du voisi- nage immédiat se contractaient , mais le reste de ror{;ane ne! sortait pa^ du repos. Volkmann a répété ces expériences sur des Grenouilles, et il en a obtenu les mêmes résultats : aussi refuse-t-il également aux ganglions le pouvoir de déterminer des phénomènes de réflexion. 11 se fonde principalement sur les expériences qu'il a faites avec des Grenouilles décapitées qui étaient dans la disposition aux mouvemens réflectifs. Lors- que la moelle épinière existait encore , le pincement des in- testins provoquait des contractions étendues, tandis que, quand le cordon rachidien était détruit , la réaction demeurait limi- tée au lieu de l'irritation. La chose est moins claire dans le cœur, et il semble que , quand cet organe a été détaché du corps, l'irritation d'un seul point puisse se propager an muscle tout entier. On enlève le cœur d'une Grenouille, et on le laisse sur la table jusqu'à ce que la fréquence des battemens ait beaucoup diminué , jus- qu'à ce qu'il ne s'opère plus qu'une contraction de temps en temps ; le moment est venu alors de faire les expériences sur r irritabilité de l'organe ; si on irrite celui-ci avec une aiguille , on provoque une contraction, qui ne peut point être confondue avec les conlnictions dépendantes du rhyihme or- dinaire. Et ce qu'il y a de remarquable , c'est que , sur quel- que point qu'on fasse agir l'irritation , la réaction est toujours la même que si l'on avait iriilé le cœur entier; en efil'et, on observe une contraction non pas du seul point qu'on iîriie , mais de tout l'organe D'après cela, on peut regarder comme certain que le changement local détei-miné par lirriialion se met en équihbre avec létat de iiiritabiliié du cœur entier, de mauière qu'on peut , par une action exercée sur un point quelconque , cliani;er en quelque sorte la statique dans la répariition des forces du cœur. On ne sait pas encore bien ©ANS r-E NEnP GKASD syMPATKIQUB, «45 comment il faut envisager ce phénomène. Dana tous le» cas, les ganglions ne sauraient y avoir part , puisqu'il se manifeste même sur un cœnr tout-à fait isolé. Peut-être l'ébranlement oontribue-t-il à la communication du mouvement. XV. On ignore encore complètement si le nerf grand sym- pathiqtte peut ^ à l'occasion de l'irritation d'un organe^ déter- miner des mouvemens sympathiques dans un antre organe. En eflet, tous les phénomènes qui se rattacheraient à une telle cause se laissent expliquer également , soit par Tinter- vention du cerveau et de h moelle épinière , soit par les lois de la réflexion. XVI. Il n'est pas prouvé, et plusieurs ohsert^ations empê- chent de l'admettre, que les ganglions agissent comme isolateurs et arrêtent l'influence motrice qui part du cerveau et de la moelle épinière. Je dois faire observer qu'il s'agit ici non de l'infliience de la volonté , mais de l'influence motrice en général. Chacun sait avec quelle facilité et quelle promptitude tout changement survenu clans les organes centraux du système nerveux ajjit sur lesystème sympathique entier, avec quelle rapidité l'orage des passions modifie les battemens du cœur et provoque des mouvemens du canal intestinal , avec quelle facilité enfin tout accès nerveux dans lequel les organes centraux du système nerveux sont affectés, se termine par des borborygines. Nous verrons plus tard que les ganglions ne jouent pas non plus le rôle d'isolateurs par rapport aux effets rétrogrades ou centripètes dans le nerf grand sympathique, puisqu'au moment où j'irri- tais le nerf splanchniqrie d'un Lapin , je voyais éclater des convulsions réflectives dans les muscles abdominaux du même côté, ce (jui prouve que l'irritation de ce nerf ne trouvait pas, dans les ganglions du nerf intercostal, un obstacle qui l'em- pêchât de parvenir à la moelle épinière. La seule chose qui se montre partout, c'est qu'en agissant sur les nerfs sympathi- ques, l'influence motrice des organes centraux du système 2/| ] DES I.OIS DE l'action Eï DE LA PROPAGATION neivdiK ne peut produire ces convulsions rapides et corres- pondantes à la durée de l'irritation qui ont lieu quand on agit sur les nerfs cérébro-spinaux , et ([u'elle ne fait guère que changer l'état ou le mode d'une série continue de mouvemens. Toutefois, ce ne sont pas seulement les ganglions, mais encore le nerf grand sympathique tout entier, et jusqu'à ses moin- dres ramifications, (jui possèdent l'aptitude à modifier les im- pressions rapides sur les parties soumises à ce nerf, de telle manière qu'au lieu de convulsions, il se manifeste des change- mens prolongés dans le modo du mouvement , ainsi que je l'ai prouvé précédemment ; car une irritation momentanée du cœur arraché de la poitrine et déjà presque réduit au repos, peut apporter aux baitcmens de cet organe des modifi- cations qui persistent pendant un certain laps de temps , et l'intestin détaché dn corps se conti-ncte bien plus long-temps que ne dure l'irritation exercée sur lui , n'atteint même son plus haut degré de contraction que long-temps après la cessation de la stimulation iiiomentanée qu'on lui avait fait subir. XV II. // n'est pas encore constats que le défaut d^infltience de la volonté sur les parties auxquelles se rend le nerf grand sj-mpatliiipie , dépende de la nature des ganglions. Cette proposition n'a pas besoin de preuve, puisque nous n'avons pas de motifs suffîsans pour adopter la première hypo- thèse. Je dois cependant faire remarquer qu'en général il est beaucoup plus vraisemblable que les ganglions ne sont point la cause do l'isolement de l'influence de la volonté. Rn effet, puisque, toiiune je l'ai démontré , ils n'isolent pas l'inlluence motrice sur le syslènie sympathique , et que ce système tout entier, tant les filets que les ganglions, rend seulement cette iolluence plus lente et plus durable , une influence motrice involontaire des organes centraux sur le grand sympathique ne saurait non plus trouver un obstacle absolu dans les gan- glions de ce dernier. Il semble donc que l'inaptitude aux DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 245 mouvemens volontaires doni sont frappées toutes les parties auxquelles le grand sympathique aboutit, ne dépend ni de ce- lui-ci, ni de ses {janfjlions, mais de ce que ses fibres, en pé- nétrant dans la moelle épinière et le cerveau , n'y parviennent pas, comme celles des autres nerfs, jusqu'à la source de l'in- fluence de la volonté. Les parties soumises au jjrand sym- pathique ressemblent donc jusqu'à un certain point, dans leurs rapports avec la volonté, aux parties douées naturelle- ment de mouvemens volontaires, mais qui entêté frappées de paralysie. Il peut arriver, dans ce dernier cas , que la trans- mission au nerf du courant moteur excité par la volonté, soit arrêtée en un point quelconque de l'étendue de la moelle épi- nière, quoique ce même nerf demeure accessible aux influen- ces motrices non volontaires de la portion du prolongement rachidien située au dessus de la lésion. XVIII. Il paraît que, dans certaines parties dépendantes à /a fois du nerf grand sympathique et des nerfs spinaux ^ l'in- fluence de la volonté ne se fait sentir qu'à la suite d'une im- pression sensorielle ou centripète prolongée. Tel est le cas de la vessie, organe très problématique encore sous le point de vue de ses rapports avec le cerveau et la moelle épinière. La vessie reçoit des filets purement sympa- thiques du plexus hypogastrique et des nerfs non sympathi- ques, qui proviennent des sacrés. Elle paraît être, en général, totalement soustraite à l'influence de la volonté , et cependant il semble que nous ayons quelquefois le pouvoir de la déter- miner à se contracter, sans être obligé de faire agir le dia- phragme et lesmuscles du bas-ventre. Il semble, dis je; car la chose n'est point certaine. E.-H. Weber(l) admet aussi que la volonté exerce quelque influence sur la vessie. En supposant que le fait soit réel , cette aptitude ne se manifeste néanmoins qu'à la suite d'une accumulation prolongée de l'urine dans (4) Anatoviic de Hildclrand, t. lll, p. 354, 246 DES LOIS DE l'aCTION ET DE Ik PROPAGATION son réservoir, par conséquent après qu'elle u causé pendant long-temps une in;pressiun sensorielle sur les nerfs sensitifs de cet or.;;ane, et conséculivenient sur la moelle épinière. XlX. Certaines parties soumises au ncrj grand sympathi- (jue ne sont susceptibles^ il est vrai^ que de mouveniens involon- taires^ mais elles se meuve ntncan moins par association lorsque d autres parties placées sous l'empire de la volonlc viennent à se mouvoir, de sorte qu'une partie de Ciniluence motrice volon~ taire se transmet à elles contre le vœu de la volonté, ahsolumeut comme il y a des parties soumises à la volonté qui, malgré nous^ se meuvent en inémc temps que d^autrcs. L'iris peut être cité en exemple. Il serait difficile de dire si cette membrane rentre dans la classe de celles qui appar- tiennent au grand sympathique ou à la catégorie de celles qui dépendent des nerl's cérébraux. Son mouvement est involon- taire, mais il ressemble cependant aux mouvemens de plusieurs faibles muscles qui , en général , n'obéissent point aux ordres de la volonté , bien que , par association de mouvement , ils puissent se contracter avec d'autres muscles volontaires , comme sont , cliez la plupart des hommes , les muscles auri- culaires et le cremasler , que certains individus parviennent à faire agir, les premiers avec le muscle épicranien , et Iç dernier avec ceux du bas-ventre. Cependant, comme la ra- cine courte ou motrice du ganglion ophthalmique , celle qui vient du nerf oculo-musculaire commuu, laisse passer ses filets à travers ce ganglion , qui communique avec le grand syn»- pathique , il est plus vraisemblable que l'iris doit être COHIt pris parmi les parties à proprement parler involontaires et dépendantes du système sympathique. ]\Iais il estfort remar- quable qu'on puisse le mouvoir volontairement quand la vo- lonté agit sur certaines branches du nerf oculo-musculaire commun , comme , par exemple, toutes les fois qu'on tourne l'œil soit en dedans soit en haut et en dedans , puisque , dans ces deux circonstances! , la pupille se rétrécit chez tous les i DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE.' 2 '17 hommes. Nous avons donc ici un exemple frappant d'influence de lu volonîc qsi , en ^'exerçant : ur un nert^^ cérébro-spinal , se fait simuUanéinent sentir un peu à une partie qui rentre dans le domaine du nerf grand sympailiique el sur laquelle la volonté n'exerce d'ailleurs aucun empire. Peut-être faut-il rapporter à la même cause le pouvoir que nous avons , dans un pressant besoin d'uriner , de prolonger la rétention du li- quide , et par conséquent de fortifier l'action du sphincter de la vessie , en faisant agir nos membres pelviens, en marchant ou en courant. Enfin ce transport de l'influence nerveuse pa- raît avoir lieu sur le cœur lui-même dans les grands efforts musculaires. Le phénomène remarquable de l'accélération du mouve- ment du cœur pendant les efforts volontaires n'a point encore reçu d'explication satisfaisante. On a dit que, la consommation du sang artériel étant alors plus considérable , le cœur doit pousser le sang avec plus de rapidité à travers les pou- mons. Mais de ce que le besoin de respirer devient plus ini- périeux , il ne s'ensuit pas que le cœur doive se mouvoir con- formément à ce but. On a prétendu aussi que, la circulation rencontrant beaucoup d'obstacles , la marche du sang se trouve dérangée dans les poumons et dans le cœur. Mais l'ac- célération des mouvemens de ce dernier organe a également lieu dans les efforts qui ne portent que sur les seules extré- mités inférieures , quand on gravit une montagne , pendant la course, etc.; et l'on ne voit pas comment la circulation du sang à travers les poumons et le cœur pourrait alors être gênée. En effet , quoique les contractions permanentes des muscles des extrémités inférieures troublent la circulation dans ces parties , elle n'est pas pour cela plus difficile dans les poumons et le cœur; car le sang, qui ne peut pas traverser les petits vaisseaux des membres pelviens, ne revient pas non plus au cœur , et par conséquent ne s'accumule ni dans le cœur ni dans les poumons j le résultat doit être le même qu'après a/jS DES LOIS DE l'action et Ï)E I..\ PROrAGATION l'îipplicaiion du tourniquet aux deux cuisses d'un homme en plein repos , application qui n'amène pas des batlemens car- diaques plus précipités. Il serait donc possible que cette ac- célération des mouvemens du cœur pendant les efforts , phé- nomène qui devient si prononcé chez les sujets d'une com- plexion nerveuse, dépendît d'une association de mouvemens , d'abord presque insensible , mais devenant à chaque instant de plus en plus forte , et qu'elle tînt à ce que le principe ner- veux saule de la moflle épinière , livrée à un si (jrand dé- ploiement de force, sur les nerfs sympathiques, tout comme l'iris se meut involontairement lorsqu'on fait volontairement hpW le nerf oculo-muscnliiire commun. Cependant, il n'y a aucim moyen de prouver directement l'exactitude de cette explication, et l'on ne peut alléguer en sa faveur que l'a- nalogie avec un fait réel bien constaté ; on ne doit donc la considérer , pour le moment , que comme un jalon indiquant les recherches qui restent à faire pour jeter quelque lumière sur un point si obscur. La simultanéité d'action d'un organe soustrait à la volonté avec des mouvemens volontaires est beaucoup plus prononcée dans les vésicules séminales. On a déjà plus d'une fois remar- qué que, quand les jeunes gens se livrent à degrands efforts mus- culaires pour grimper aux arbres ou pour sauter à la corde, ils éprouvent quelquefois, dans les parties génitales, une irrita- tion spontanée qui va jusqu'à la contraction des réservoirs du sperme. XX. Le mouvement des organes motiles auxquels se distri- bue le nerf grand sympathique a un type péristaltique. Il suit une certaine direction , et les causes de cette marche résident non seulement dans le cerveau et la Tnoelle épinière^ mais en- core dans les nerfs des organes eux-mêmes. Les causes de la succession régulière qu'on observe dans les effets des nerfs sympatiques sont totalement inconnues. On sait que les mouvemens péristalliques de l'intestin s'exécutent DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 2/|9 d'avant en arrière. Ils se succèdent en ce sens comme des ondes, et avant qu'une onde ait parcouru l'intestin entier, il s'en est déjà produit une autre, qui la suit à quelque distance. Ce phénomène n'est pas borné au tube intestinal ; le canal cholédoque a aussi des contractions vermiculaires , et la suc- cession des mouvemens est évidente également dans le cœur. En effet, sur le cœur du poulet non éclos, le mouvement pro- cède d'avant en arrière, c'est-à-dire qu'il affecte la forme pé- ristallique , dont la succession des contractions du cœur de l'adulte offre encore un indice. Chez la Grenouille, les parties de cet organe se contractent dans l'ordre suivant; la portion contractile des troncs veineux, les oreillettes, les ventricules et le bulbe aortique. La succession du mouvement dans toutes ces parties est un des problèmes les plus difficiles, auquel on n'a même pas songé jusqu'à présent en physiologie. La première idée qui se présente à l'esprit , c'est que la cause réside dans la moelle épinière. Que des ondulations ou des vibrations se succèdent de haut en bas dans ce cordon , les fibres auxquelles il donne naissance peuvent les recevoir l'une après l'autre, et de là résulterait un mouvement périslal- lique de l'intestin d'avant en arrière. Mais cette explication n'est pas suffisante, à coup sûr ; car la succession du nvouve- ment persiste dans le cœur et l'intestin qui ont été détachés du corps. Elle doit donc avoir sa cause dans les nerfs des or- ganes eux-mêmes. Les fibres de ces nerfs étant situées les unes à côté des autres, comment se fait-il qu'elles observent une certaine succession dans leur action. Ici on pourrait bien in- voquer un effet spontané inconnu de la part des ganglions , mais le phénomène a lieu alors même que les organes sont isolés de ces derniers. Il nous est absolument impossible au- jourd'hui d'en donner une explication mécanique qui ait la moindre vraisemblance. Tout ce qu'il est permis de faire, c'est d'indiquer en général ce que serait une théorie satisfai- 25o DES LOIS DE l'àCTION ET DE LA. PROPACATION sani aux exigences de lu mécanique. Une succession du mou- vemi'iii ayant les tibres nerveuses pour poiiU de départ serait concevable si ces fibies marchaient loiij;-l(;nips d'avant en arrièie le lon(j de l'intestin, en produisant successivement leurs eileis, ou si elles envoyaient successivement de petites branches à la périphérie. Dans ce cas , une lente successioa d'onduhilions dont elles seraient le [)ointdc départ, produi- rait un niouvenuint successif de l'iniestin. Une succession d'ondulations a lieu aussi quand une carrière, qui est d'abord simple, donne successivement des branches dont la longueur s'accroît dans une direction déterminée, de manière que, par exemple, les antérieures soient courtes , et les postérieures de plus en plus longues. Rien de semblable n'est connu par rapport à la distribution des nerfs dans les organes en ques- tion. Ce qui augmente encore la difficulté, c'est que la suc- cession alterne dans certains cas, comme dans les phénomè- nes que j'ai observés chez les Sangsues (1) et dans ceux que Lister (2) a décrits chez les Ascidies. Déjà quelque chose d'analogue se passe à l'estomac, dont la direction des mouve- mens alierne dans l'état de santé, et l'on sait que, dans les maladies, le mouvement péristaltique se renverse, tant à l'in- testin qu'au cœur. II. XfiFets sensoriels du nerf grand sympathique. I. Les sensations sont faibles^ obscures et non circonscritea dans les parties auxquelles le nerf grand sjrmpathique se dis- tribue ; elles ne deviennent plus nettes et pltis précises que quand les irritations ont de l'intensité. J'ai déjà cité précédemment les faits qui se rapportent ici. Brachet a reconnu , dans ses expériences, qu'en répétant l'ir- ritation, et la rendant plus forte, la sensation finissait par se prononcer dans les ganglions oîi elle n'existait pas d'abord. (1) MuLLKa, yJrchir., iS28. (2) Philos, Trans., 1834, P. II. DANS LE NERF GRAND SYMPATIIIQl'E. 2^1 Peut-êlre la faiblesse et le vague des sensations tiennent-ils au petit nombre de libres pi imiiives sensorielles que reçoi- vent les parties auxquelles le nerl" grand sympathique se dis- tribue. II. Les impressions sensitivcs qui ont lieu- dans le ne.rj u^rand sympathique ne parviennent frûjuemmenl point à la conscience, quoiqu elles arrivent à la moelle cpinière. La conscience peut être ou non informée de l'action centri- pète d'un nerf de sentiment. Dans le premier cas, celte ac- tion doit se transmettre vivement jusqu'à Tor^jane de lame. Dans le second , elle reste isolée dans la moelle épiuière; elle n'est point sentie ; mais elle peut annoncer par d'autres si- gnes , notamment par des mouvemens réfléchis , qu'elle est parvenue jusqu'à ce cordon. Un fragment du tronc d'une Sa- lamandre terrestre qu'on a décapitée, nous montre un exem- ple d'excitation sensorielle centripète sans sensation réelle ; car, lorsque nous posons le doigt sur la peau de ce fragment , celui-ci se courbe par l'effet de la contraction des muscles, qui résulte d'une action en retour exercée par la moelle épi- nière , puisqu'elle ne peut avoir lieu quand le fragment ne. contient aucun vestige de cette dernière. Ces phénomènes d'etïets centripètes dans des fibres sensorielles, s'étendant jus- qu'à la moelle épinière sans produire une véritable sensation, mais déterminant une réflexion de l'effet sur les muscles , sont très-communs dans la vie ordinaire , et précisément ceux qui ont lieu d'ordinaire dans le nerf grand sympathique. Ou peut prouver que ces effets sensoriels dans le nerf sympathi- que, dont la conscience n'est point informée , arrivent cepen- dant à la moelle épinière. Toute irritation du rectum fait ac- quérir plus de force au mouvement du sphincter de l'anus, et toute irritation de l'estomac , quoique non sentie, détermine l'affection concomitante des muscles respirateurs qui a lieu pendant le vomissement. Celte action des muscles respira- teurs dont les nerfs proviennent de nerfs cérébro-spinaux 2 Sa DES LOIS DE l/ACTfON ET DE LA PROI'Af.ATlON peut être provoquée , dans le vomissement, par une irritation sensorielle non parvenue à la conscience de tout organe quel- conque du bas-ventre, du canal intestinal, du loie, des reins , de la matrice. Ici le point de départ de l'effet est dans le nerf (jrand sympathique : la réflexion a lieu notoirement par des nerfs cérébro-spinaux, et non par le nerf sympathique. Main- tenant on peut démontrer aussi que l'intermédiaire enlre l'ef- fet centripète du j^rand sympathique et l'eflet centrifuge ou moteur qui a lieu dans les nerfs cérébro-spinaux , est réelle- ment la moelle épiiiière, et que ce n'est pas le (jrand sympa- thique par ses anastomoses. Car ce nerf s'unit bien avec tous les nerfs spinaux qui peuvent entrer en action pendant le vo- missement ; mais cette union est une simple accession des fi- bres du rameau communiquant aux deux racines du nerf spinal ; or comme la racine motrice du nerf spinal n'a pas même de {jangiion , on voit tomber d'elle-même l'hypothèse d'après laquelle l'effet du nerf sympathique irait se répandre, par le rameau communicant , dans une masse ganglionnaire , et affecterait toutes les fibres de la racine motrice qui traver- seraient celle masse. L'effet centripète dans le nerf grand sympathique qui , sans conscience ni sensation , produit un effet moteur de réflexion dans un nerf cérébro-spinal , agit donc évidemment sur ce dernier, non par des anastomoses sympathiques, mais par l'intermédiaire de la moelle épinière. III. Dans les mouvenicns réflectifs que suscitent les imprcs^ sions sensitives du nerf grand sympathique ^ V impression sensi- tive n arrive généralement point à la conscience^ tandis que cette dernière est toujours informée des itnpressions sensitives éprouvées par des nerfs cérébro-spinaux , qui donnent lieu à des mouç>emcns réflectifs. C'est là du moins ce qui a lieu dans la majorité des cas. Quand les muscles respirateurs du tronc sont sollicités à des efforts de vomissement par l'estomac , le canal intestinal , les reins , le foie ou la matrice, il arrive souvent , il est même de DANS LE NERF GRAND SYMI'ATHIQLTi. 2'.)^ règle, que la cause qui réside dans ces organes ne soit pas sen- tie c'est-à-dire que la conscience ne soit point iulormée de l'excitement centripète qui parvient à la moelle épinière et au cerveau. Au contraire, toutes les fois que des mouvemens réflectifs ont lieu par des nerfs cérébro-spinaux , l'irritation excitatrice est bien distinctement sentie. Une irritation de la membrane muqueuse du larynx , de la trachée-artère , des poumons, détermine , par réflexion , une action dans beau- coup de nerfs spinaux, qui s'annonce par les mouvemens des muscles du tronc dont la toux est accompagnée ; mais celte irritation produit aussi une sensation distincte. Dans le vo- missement causé par la titillation du pharynx , on sent égale- ment le chatouillement. De même, dans les mouvemens respi- ratoires convulsifs avec action des nerfs spinaux , qui carac- térisent l'éternuement , on sent la cause première de la ré- flexion dans le nez. On sent aussi la lumière, comme lumière dans le rétrécissement de la pupille amené par l'irritation que détermine la clarté du jour, et comme ^cause irritante dans l'éternuement que provoque l'action d'une lueur vive sur l'œil. IV. Les ganglions du nerf grand sympathique n empêchent pas les effets centripètes de ce nerf de se transmettre à la moelle épinière; ils ne jouent point le rôle d'isolateurs h leur égard. C'est une conséquence des faits qui ont été exposés dans les paragraphes précédens; car si, comme je l'ai fait voir, il y a, dans les mouvemens réflectifs , par exemple dans le vomisse- ment provoqué par des irritations agissant sur le nerf grand sympathique , propagation ou transmission , quoique sans conscience , jusqu'à la moelle épinière , les ganglions ne sau- raient jouer le rôle de corps isulans par rapport à celte propa- gation. Mais la proposition peut être prouvée d'une manière directe , à l'aide de l'expérience dont j'ai déjà souvent parlé » et qui m'a plusieurs fois réussi chez les Lapins ; je veux dire les convulsions des muscles abdominaux qui avaient lieu au moment même où j'irrilais le nerl' spianchnique avec une ai- a 54 DES LOI8 DE i/AGTION ET DB LA PROPAGATION guille. Il suit de là que les ganglions situés le long du grand nerf intercostal, et d*où natt le nerf splanchnique , ne se comportent pas comme des corps isolans, eu égard à la trans- mission àl a moelle épinif^re des ell'ets centripètes qui ont lieu dans le nerf grand sympathique. Les expériences de Volkmann sur les Grenonilles décapitées prouvent la même chose par rapport aux ganglions abdominaux ; car l'irritation de l'intestin et d'autres parties pourvues par le grand sym- pathique détermine des mouvemens fort étendus au tronc. V. Les ganglions ne peuvent point être la cause qui empê- che les irritations du nerf grand sjmpalhique d'arriver à la conscience. Ce théorème découle également des faits que j'ai rappor- tés. A la vérité , Brachet prétend que la sensation, faible ou nulle dans les ganglions thoraciques et leurs filets de jonc- lion , est prononcée dans leurs rameaux de communication avec les nerfs spinaux , dont les lésions occasionent évidem- ment de la douleur. Mais ces assertions ne se concilient point avec les faits dont j'ai donné les détails. Car j'ai prouvé , dans le second paragraphe , que les irritations du nerf grand sym- pathique se propagent à la moelle épinière , tout aussi bien que celles des nerfs cérébro-spinaux, mais qu'elles n'arrivent point à la conscience. Les ganglions ne feraient-ils donc que changer le mode , la qualité , le contenu de l'impression, dans une propagation centripète , et permettraient-ils à l'effet de se transmettre, mais après avoir détruit en lui ce qui fait le caractère de la douleur ? Ces questions deviennent si abstraites qu'on n'y saurait donner de réponse. Les ganglions ne peuvent point iiiduersur la transmission à la conscience. La cause qui fait que nous ne sommes point informés des effets centripètes avivnt lieu dans le nerf sympathique, ne saurait être en eux, |vuisque la seule condition pour que nous ayons ia conscience (l'une sensation, est que celle-ci parvienne à l'organe de l'ànie. Si donc les impression sensorielles reçues par le grand sym- DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 255 palhique n'arrivent point à la conscience , bien qu'elles se propagent jusqu'à la moelle épinière , il faut l'attribuer non pas aux ganglions , mais à ce que ces impressions s'évanouis- sent dans la moelle épinière elle-même , et ne sont pas trans- mises jusqu'à la source de la conscience. Toutes les fois qu'il s'agit de nerfs cérébro-spinaux , elles parviennent à cette source , dans le cerveau , et si parfois alors elles ne sont pas senties, c'est que l'âme dirige ailleurs son attention. VI. Il est des cas oà de violentes irritations dans les parties auxquelles aboutit le nerf grand sj-mpathique déterminent des sensations dans ces parties elles-mêmes : il en est cV autres otï, l'irritation étant plus faible^ les sensations sont vagues dans les parties affectées , mais accompagnées de sensations bien dis- tinctes dans d'autres parties pourvues de nerfs cérébro-spinaux . Des exemples du premier de ces phénomènes nous sont fournis par les inflammations du canal intestinal et du foie ; d'autres du second par les vives démangeaisons qu'on observe dans les maladies du canal alimentaire, telles que le prurit au nez et à l'anus dans les affections vermineuses, ou le prurit au gland dans les maladies chroniques des reins et de la vessie, tandis que le siège du véritable mal ne s'annonce souvent par aucune sensation distincte(l). Ici viennent encore se ranger les douleurs qu'on a quelquefois observées aux ex- trémités supérieures dans les maladies du cœur, à l'épaule dans celles du foie. Ce sont là des irradiations, parfaitement semblables à celles dont j'ai parlé précédemment lorsqu'il a été question du même phénomène considéré dans les nerfs céiébro-rachidieris. \1I. Ces sensations secondaires dans des nerfs cérébro- rachidiens, après des irritations du grand sympathique, se ma- nifestent surtout aux parties terminales des appareils affectés. Ainsi, les vers dpVinl'stin grêle causent des dcmanf^eaisons au, (1) P. Rayer, Traité des maladies des reins et des altérations de la sécrétion urinuire, Paris, 1839 ^ in-8. î5() i)i:s LOIS nE l'action et de la propagation nez ; ceux du gros intestin^ du prurit à Vaims ; les maladies des reins et des voies ttrinaii'es, des démangeaisons et des dou- leurs au gland. VllI. // n^est pas prout'c que les gang/ions jouissent du pou- voir réflecteur dans les sensations sympathiques^ et plusieurs faits annoncent quils ne le possèdent jjoint. C'est ce que démontrent les expériences citées relativement au rôle de la moelle épinière dans les phénomènes réflectifs, et surtout plusieurs de celles qu'a tentées Volkmann. Chez des Grenouilles décapitées qui avaient de la disposition aux mouve- mensde réflexion, on pouvait en faire naître dans les muscles du tronc par une irritation portée sur le canal intestinal, et l'intesiin lui-même devenait le siège d'eflels fort étendus ; mais, quand la moelle épinière était détruite, tous les phénomènes cessaient, et la réaction n'était non plus que purement locale à l'intestin. Les ganglions n'étaient donc point aptes à pro- pugei- l'irritation. Ils ne le sont vraisemblablement pas davan- tage à propager les irradiations des sensations. Ordinairement, pour expliquer ces sensations secondaires dans des nerfs cérébro-spinaux, on a recours aux anastomoses du grand sympathique avec ceux-ci, et l'on compte surtout sur les ganglions des racines sensorielles des nerfs rachidiens, à travers lesquels passent les fibres primitives des racines du grand sympathique tout aussi bien que celles des nerfs cérébro-spinaux. Cette explication perd beaucoup de sa vraisemblance lorsqu'on réfléchit que ces ganglions des nerfs sensitifs ne peuvent déjà point rendre raison des sen- sations concomitantes des nerfs cérébro-spinaux, puisqu'il arrive souvent que des sensations simultanées $e prononcent dans des nerfs qui ne communiquent point ensemble, et qui n'ont môme pas de ganjîlions ; ainsi, le chatouillement qu'on éprouve dans le nez en fixant le soleil ne saurait être expliqué par aucune anastomose nerveuse; car, bien que l'on ait observé des branches du grand sympathique allant du ganglion sphéno- DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 1^'J palatin au ganglion ophllialmique, et de petits filets du même nerf accompagnant les vaisseaux de la rétine, de même qu'il s'en trouve d'ailleurs dans tous les vaisseaux, on ne connaît ce- pendant point d'anastomose constatée entre le neri optique et le nerf nasal. Les changemens que la vue et l'ouïe subissent dans les maladies des organes du bas-ventre ne peuvent pas non plus s'expliquer par des anastomoses, puisque là aussi il n'y en a point. Admît-on que le grand sympathique envoie réellement quelques petits filets à la rétine elle-même, on ne parviendrait pourtant point à concevoir qu'une affection du canal intestinal se propageât à la membrane nerveuse de l'œil et déterminât un changement de la vue, car il faudrait pour cela que toutes les fibres du nerf optique traversassent une masse ganglionnaire. Mais nous savons que l'irritation d'un point unique de la rétine demeure limitée ; l'union du grand sympathique avec un point de la rétine ne rendrait donc la simultanéité de sensation possible qu'en ce seul point, et ne saurait amener une modification générale de la faculté vi- suelle. Donc l'explication des sensations secondaires, ayant le grand sympathique pour point de départ, nous reporte aux mêmes difficultés que nous a déjà présentées le phénomène de l'irradiation dans les nerfs cérébro-spinaux , et il serait bien possible que toutes les sensations secondaires'qui sont excitées, dans des nerfs cérébro-spinaux, par le nerf grand sympathique , eussent la moelle épinière et le cerveau pour intermédiaires. A la vérité, une difficulté semble, au premier aperçu, s'élever contre cette hypothèse, c'est que souvent rien n'est senti dans les parties recevant des filets du grand sympathique sur lesquelles porte l'irritation , tandis qu'une sensation a lieu dans un nerf rachidien. Mais il peut très- bien se faire que l'excitement centripète du nerf grand sym- pathique arrive à la moelle épinière sans parvenir jusqu'à la conscience, et que néanmoins, réfléchi par ce cordon, il pro- duise d'ultérieurs eflels , que par exemple il détermine dans 17 a58 DES LOIS DE l'action et de la propagation d'antres nerfs des sensations dont la conscience soit informée. J'ai prouvé dans le second paragraphe que cela est possible. D'après tout ce qui précède , on voit que la théorie des sensations réfléchies qui ont le nerf grand sympathique pour point de départ , est encore fort obscure ou du moins très- douteuse. m. Effets organiques du nerf grand sympathique»' Les lois de ces effets sont celles que nous connaissons le moins. Effectivement, à peine en sommes-nous venus au point de reconnaître que des fibres grises ou organiques sont par- tout, même dans les nerfs cérébro-spinaux, la cause de l'in- fluence organique que les nerfs exercent sur la nutrition et la sécrétion. La progression ou l'oscillation du fluide nerveux n'a- t-elle lieu, dans ces nerfs , que suivant la direction des troncs et des ganglions vers les branches? ou bien est- elle possible aussi en sens inverse; ou enfin le principe nerveux agit-il en tous sens dans ces nerfs , de manière qu'une fibre nerveuse puisse tout aussi bien faire écouler l'influence vivifiante vers une glande, qu'exercer, quand celte glande vient à être irritée, une action réfleciive sur d'autres nerfs organiques? Les nerfs organiques sont-ils tellement en conflit les uns avec les autres, par leurs communications, qu'en agissant sur un seul point on puisse accroître la sécrétion d'une surface entière ; ou bien , dans toutes ces réflexions , la moelle épinière est-elle l'intermédiaire qui reçoit l'impression et qui la renvoie ? Les faits s'expliquent également des deux manières, et nous ne sommes point en mesure , pour le moment , de juger laquelle des deux explications mérite la préférence ; cependant il y a certains cas dans lesquels l'une ou l'autre manière d'agir est plus vraisemblable. I. Lorsqu,' après des sensations il survient , par réflexion , des sécrédnns dans des parties éloignées, le cerveau et la moelle épinière servent probablement d'i/uermédiaire. , DANS LE NERF GRAND SYMPATHIQUE. 2^g L'excitation sensiiive pourrait, ou parvenir aux fibres or{janiques par les j^anglions dos racines des nerfs sensilifs, à travers lesquels passent aussi des fihros du grand sympathi- que , sans aller jusqu'à la moelle épiuière , ou aboutir d'abord à celle dernière , qui la réfléchirait ensuite sur les fibres or- ganiques. Le dernier cas olfie évidemment le plus de vrai- semblance , attendu que la réflexion par la moelle épinière , lorsqu'il s'opère des mouvemens rétteclils , est un fait avéré , tandis que la conrmunication des effets des fibres dans les gan- glions des nerfs sensilifs , n'est qu'une hypothèse non dé- montrée. Les faits qui se rapportent ici sont en très-grand nombre. Il arrive souvent qu'une sueur générale éclate à la suite d'impressions sur lesmembranes muqueuses internes, par exemple après qu'on a bu. Des sensations violentes amènent quelquefois des symptômes de défaillance , accompagnés de sueurs froides. Dans ce dernier cas, la réflexion par la moelle épinière est indubitable ; car les phénomènes de la syncope ont une extension qu'on ne peut expliquer qu'à l'aide de cet organe. L'explication présente plus de doute dans quelques autres phénomènes de même nature. Après une irritation de la conjonctive oculaire et palpébrale, accompagnée de sensa- tions, il survient un écoulement de larmes; le larmoiement succède aussi à des violentes sensations, causées dans le nez soit par des irrilans fixes mis en contact avec la membrane piluitaire , soit par des irrilans volatils introduits dans la bouche , tels que de la moutarde ou du raifort. On a cou- tume d'expliquer ce dernier phénomène en disant que l'irri- tation sensorielle se réfléchit du nerf ethmoïdal sur le tronc de la première branche du trijumeau^ et de là sur le nerf lacry- mal. On attribue aussi le larmoiement par irritation de la conjonctive à ce que celle irritation se transmet d'abord au tronc de la première branche , et ensuite au rameau lacry- mal. Mais l'explication ne vaut rien, dans un cas comme dans l'autre ; car , puisqu'il n'y a point de communication entre les l()() DES LOIS DE L ACTION ET DE LA PROPAGATION fil)i('s primitives d'un nerf cérébral , celui-ci ne saurait non plus réllécliir l'irritalion sensorielle d'une partie de ses fibres sur d'autres. Quelques personnes , pour se rendre raison des sympathies entre la membrane pituitaire et la glande lacry- nuJe , ont recours au ganj^lion spliéiio-palalin , que certains auatomistes disent cire uni avec le {janjjlion ophthalmiquepar des fibres sympathiques ; le (jan{;lion ophthalmique étant lié, par su longue racine, avec le nerf nasal, et par conséquent avec le tronc de la promière branche du trijumeau , qui four- nit le nerl lacrymal, il suit de là, selon elles, que le nerf lacrymal communique immédiatement avec le {janglion sphéno- palatin. Mais cette hypothèse prête le flanc aux mêmes ob- jections que la précédente , puisqu'une irritation qui arrive jusqu'au tronc de la première branche du trijumeau, par le ganglion ophthalmique et le nerf lacrymal, ne peut, sans communication entre les fibres , être réfléchie sur le rameau lacrymal. D'autres enfin prétendent que l'irritation senso- rielle passe du nez au ganglion de Gasser sur le tronc du nerf trijumeau, d'où elle est réfléchie vers la première branche de ce dernier et le rameau lacrymal. Il n'y aurait rien à objecter contre celte explication si Ton savait que le ganglion de Gaaser, comme ganglion d'un nerf de sentiment, pût être cause d'une sympathie et d'une réflexion, s'il était démontré que des courans centrifuges pussent avoir lieu dans un nerf sensitif , tel que le lacrymal , et s'il était prouvé que le nerf lacrymal fournît réellement à la glande lacrymale des filets qui présidassent à la sécrétion. Cependant, la sécrétion des larmes dépendant vraisemblablement, comme toutes les au- tres, fies seules fibres organiques du grand sympathique , la plussin)ple de toutes les explications consisterait à dire que l'irrilation sensorielle du nez se transmet au ganglion sphéno- palalin, et qu'en vertu de la communication établie entre tous les nerlsorganiques , des fibres de ceux-ci la réfléchissent par une voie quelconque vers la glande lacrymale. Mais sa- BANS It NEt\F cnAND SYMPATHIQUE. 2G1 voirsi ce mode de rétlexion d'un nerf de sentimenl sur un nerf or^janique peut avoir lieu immédiatement , sans concours du cerveau et de la moelle «'pinière , c'est là précisément le point en question ;or je ne saurais alléguer d'autre argument en faveur de l'hypothèse, que la possibilité qu'elle soit fondée et l'impossibilité de la réfuter d'une manière positive. Un au- tre phénomène , très-fréquent , de réflexion d'une irritation sensorielle sur un organe de sécrétion , est l'accroissement souvent si rapide de la salive quand on introduit des alimens dans la bouche. Ici également on est incertain de la manière dont on doit concevoir le phénomène. L'explication de ces réflexions par le concours du cerveau et de la moelle épinière, comme intermédiaires de l'action sensitive et de l'action orga- nique , a du moins en sa faveur l'analogie des cas où l'on ob- serve également la réflexion d'effets sensitifs dans des organes moteurs par l'entremise de ces deux centres nerveux. II. Les différentes parties clime rhemhrane secrétaire sont en consensus les unes avec les autres, de manière que l'état d'un point de cette membrane exerce de Cinfluence sur celui de toute son étendue. Dans ces cas, il est plus simple d'expliquer les phé- nomènes par une communication entre les fibres organiques. Déjà le fait d'observation journalière , qu'il y a des affec- tions générales d'une membrane muqueuse , d'une membrane séreuse, nous montre, entre les diverses parties de l'étendue de la membrane, une sympathie qui ne peut être expliquée que par une communication établie entre les fibres organi- ques. Celte hypothèse est ici celle qui présente le plus de vrai- semblance ; mais on ne peut pas non plus la démontrer d^une manière directe. m. Quelquefois l' état végétatif d'un organe, son inflamma- tion, sa sécrétion, agit de manière à appeler l'inflammation , la sécrétion dans d'autres parties. Ce cas nous offre un exemple de réflexion des fibres organiques d'une partie sur les fibres organi- ques d'une autre partie sans concours des nerfs cércbro-rachidiens. iGa nES LOIS de l'action et de la proparatio:^ Une ioflaraniaiion du lesiiciile peut se jeler sur la paroiide , et une inllaminalion érysipélateuse de la peau sur les ménio- (;cs : la suppression d'une ; écrélion peut accroître une autre sécrétion dans une autre pariie. \ raisfïniblablcintiil tous ces phénomènes sont accQmpa{;nés de clianfïeniens dans les fibres orjraniques , appartenant au nerl grand syinpalliique, qui ac- compajjnent les vaisseaux sanguins. Ici encore >e r présente la question de savoir si ces réflexions dépendeqt uniquement d'un changement dans la statique (\n nerf grand sympathi- que , ou si le cerveau et la mofille épisiière servent d'intermé- diaires entre refTel centripète et l'cflct centrifuge. Nous man- quons de données pour résoudre le problème : cependant la première des deux hypothèses est souvent plus vraisemblable que l'autre. Dans les expériences de Mayer, la ligature du grand sympathique au cou, celle du cordon de jonction entre le premier ganglion cervical et le second , était quelquefois sui- vie d'une alTeclion de parties qui paraissent être influencées par le premier de ces deux ganglions , c'est-à-dire d'op}ubai- mie. La condition toute spéciale des nerfs organiques, dans lesquels on ne peut aisément distinguer ni commencement ni fin, qui ne se comportent pas cdmme troncs et branches les uns à l'égard des autres , et qui peuvent se multiplier dans leur trajet , parle évidemment en faveur de la possibilité d'une action en tous sens dans ces nerfs, de sorte qu'ils ne seraient pas seulement susceptibles d'un courant centripète et d'un courant centrifuge , mais que leurs eflets seraient capables de se répandre suivant toutes les directjpps à partir des points centraux , des ganglions. Ce qui vient encore à l'appui de cette hypothèse, c'est qu'une partie pourvue de nerfs organiques peut être remplacée par une autre. La ligature d'un tronc artériel entraîne certainement ja lésion des nerf^ du vaisseau ; cependant il ne survient ni mortification , ni atro- phie, ni cessation de la sécrétion, de manière qu'il semble que les xieih vasculi^ire^ de$i vaisseaux collatéraux ou les DANS LE NERF GUÂND SYMPATHIQUE. 203 libres organiques des nerfs spinaux peuvent remplacer celle influence. D'un aulre coié, l iniluence des nerfs spinaux peut cesser sans que l'alropliie s'ensuive. Do plus, la section dos deux nerfs grands sympathiques, comme dans les expériences de Pommer, n'a aucun résultat nuisible appréciable , de sorie qu'il y a peut-être d'autres voies que celles des filets accom- pagnant les artères verlébrales, pour réparer ici le désastre. Dans tous les cas , une métastase d'action pathologique a constamment lieu là où il existe une prédisposition à ce que celle action y établisse son siège ; dans les maladies de poi- trine , de la peau vers les poumons ; dans celles du foie , de la peau vers le foie ; chez les personnes qui ont le canal in- testinal irritable, vers cet organe , etc. Au reste , dans la sta- tique des sécrétions , il ne faut pas avoir égard seulement au système nerveux ; on doit prendre aussi en considération la nature des diverses matières sécrétées, et leurs rapports tant avec les parties constituantes du sang qu'entre elles. IV. Les ganglions paraissent eire les parties centrales d'où l'injluence végétative s'écoule vers les diverses parties. Après la lé-iioa du ganglion cervical supérieur, on a observé une ophthalmie, et même des phénomènes généraux annon- çant que la nutrition était modifiée. Y. Celte influence irradiante des ganglions parait être jusqu'à un certain point indépendante du cerveau et de la moelle épiniére. Ainsi, par exemple, le développement de l'embryon est possible, malgré la destruction du cerveau et de la moelle épiniére. YI. Cependant le cerveau et la moelle épiniére semblent élre la source principale à laquelle le système nerveux organique puise aussi ses moyens de réparation , puisque certaines paralysies cérébrales et rachidiennes sont accompagnées d'atrophie. En terminant ici ce que j'avais à dire sur le nerf grand sympathique , je dois exprimer mes regrets de ce que tant de points restent encore couverts d'obscurité. Cependant je crois ^G/i niîS SYMPATHIES. avoir montré comment on doit s'y prendre pour faire des re- clicrches sur ce nerf; et, en lui appliquant la mécanique des nerfs cérébro-spinaux , on verra séclaircir plus d'un point de rhisloire de cet appareil nerveux, dont les propriétés semblent à Magendie être si peu connues , qu'il hésite à le rej/arder comme un nerf. CHAPITRE IV. Des sympathies. Tant de formes de phénomènes sympathiques ont été expli- quées, dans les précédens chapitres, pour la mécanique et la statique des nerfs, sans influence exercée par le grand sym- pathique, que ce nerf ne joue i)lus qu'un bien faible rôle dans la théorie des sympathies. Les phénomèmes de l'irradiation et de la coïncidence des sensations, ceux de l'association de mouvemens et ceux de la réflexion nont point lieu par lui, et ils embrassent la plus gra.^de partie des phénomènes de sympathie qu'autrefois on plaçait sous son influence. Beaucoup d'observateurs distingués avaient déjà émis des doutes sur la vérité des explications de nos prédécesseurs ; car les phéno- mènes sympathiques qui ont lieu à chaque instant entre toutes les parties, notamment ceux qu'on remarque , dans l'état de santé, entre la matrice et les mamelles, non plus que les plus remarquables des sympathies pathologiques, n'avaient jamais été explicables par le nerf grand sympathique. Quelques sympathies pathologiques entre ce nerf et les organes des sens sont les seuls phénomènes pour l'explication desquels on ait eu , dans ces derniers temps, recours à son intervention avec quelque apparence de succès, ce à quoi ont beaucoup contri- bué les excellentes recherches de Tiedemann , de Hirrel et d'Arnold. Cependant la fine anatomie a répandu aussi des doutes sur les résultats de ces recherches ; car elle nous ap- prend que , quoique le grand sympathique s'unisse avec les DES SYMPATUIES. 265 nerfs cérébraux et rachidions, ce n'est point là une preuve absolue qu'il y ait une liaison physiologique entre les parties périphériques de ces deux classes de nerfs. Partout, en effet\ où le grand sympathique ne présente pas, sur les points où il s'unit avec les nerfs cérébraux et rachidiens, de ganglions à travers lesquels passent toutes les fibres des nerfs cérébro- spinaux , il n'y a aucun moyen d'admettre une connexion physiologique , sans compter que celle-ci n'est qu'une pure hypothèse ; et même , si l'on rencontre des ganglions, ceux-ci peuvent être tout aussi bien des appareils destinés à mêler des fibres organiques avec les nerfs du cerveau et de la moelle épinière. En outre, comme on n'observe pas de ganglions sur les points où le grand sympathique a des connexions avec les racines motrices des nerfs rachidiens, et que ces connexions ne consistent qu'en une simple annexion de fibres primitives, l'influence du grand sympathique dans toutes lessympatiiies nerveuses avec mouvemens paraît encore plus douteuse, sous le point de vue anatomique. La connaissance positive des phé- nomènes de l'irradiation, de la coïncidence, de rassociation des mouvemens, et de la réflexion, et la grande probabilité que ces phénomènes sont , en totalité dans les nerfs cérébro- rachidiens , en partie au moins dans le grand sympathique, le résultat du concours de l'encéphale et de la moelle épi- nière, restreignent encore bien davantage le champ d'action de ce nerf dans les sympathies, dont elles placent le plus grand nombre en dehors de son domaine, en posant les bases d'une statique des nerfs qui , dès ce moment , présente déjà un assez haut degré de certitude. Il y a quelque analogie, sous ce rapport, entre la doctrine des sympathies et celle des fièvres, car le nombre de celles-ci était d'autant plus considérable qu'on connaissait moins les aiïeciions qui donnent lieu aux phénomènes fébriles , de sorte que , dans la pathologie mo- derne, elles ne jouent plus, comme maladies, qu'un rôle borné et très-douteux. a66 MS SYMPATHIES. Ayant déjà fait connaître, dans les ciiapilres précéJens, les lois d'après lesquelles s'expliquent une {{rande partie des sympathies, nous pourrons abrtvjer beaucoup celui-ci, ef nous contenter dy considérer les sympulliies sous des points de vue physiologiques {jénéraux. I. Sympathies des diverses parties d'un tissu entre elles. C'est là une des espèces de sympathies qu'on rencontre le plus souvent. Les diverses expansions des membranes mu- queuses se communiquent réciproquement leurs états ; les membranes séreuses, les membranes fibreuses, etc., sont dans le même cas. Quand il y a excitation consensuelle de diverses parties d'un tissu, rallection sympathique est {généra- lement de même nature que l'aflection primitive. L'inflamma- tion et les douleurs se propaj^ent aux différentes expansions du tissu , et le même changement survient dans les sécrétions des parties avoisinantes que dans celles du tissu qui a été primordialement atteint. A. Tissu cellulaire. On remarque déjà dans le tissu cellulaire une grande pro- pension à transmettre ses étals à tous ses prolongemens. Ses maladies, l'emphysème, l'œdème, l'endurcissement, l'obésité, l'inflammation, la suppuration, en fournissent des exemples. Il leur arrive souvent de se propager à des régions entières du tissu cellulaire interposé entre les muscles , les vaisseaux et les expansions aponévrotiques, en ne suivant que la distri- bution de celui auquel on donne le nom d'interstitiel. De là vient que la connaissance des limites naturelles des expan- sions du tissu cellulaire, c'est-à-dire des aponévroses, est d'une si haute imporlauce pour l'appréciation des suppura- tions de ce lissu. DES SYMPATHIES. 267 B. Peau. Quelque vif que soit le conflit entre la peau et les parues internes , celle membrane ne montre cependant pas une bien grande disposition à transnieilre aux aulres points de son étendue les états divers d'une quelconque de ses parties. Une inflammation purement cutanée peut demeurer limitée. Cependant, en sa qualité d'émoncioire de substances spé- ciales, la peau témoij;ne une certaine affinité pour les matières de mauvaise nature qui circulent dans la masse des humeurs ; c'est ce qui fait que des maladies propres à elle seule, les in- flammations exanthématiques aiguës et chroniques, s'y déve- loppent dans le sens de son expansion en superficie. Cepen- dant elle est bien plus fréquemment en sympathie avec les parties internes , dont elle forme la limite extérieure com- mune; j'en citerai plus tard des exemples. C. Memhranes muqueuses. Les membranes muqueuses ont une grande propension à se communiquer mutuellement leurs états dans le sens de leur expansion. Le catarrhe pulmonaire entraîne fréquemment le coryza à sa suite. Le catarrhe nasal affecte la membrane mu- queuse des voies lacrymales et de la conjonctive. Pendant la période d'irritation du coryza , Tœil est plus rouge et plus sec, comme la membrane pituitaire; l'une et l'autre partie redeviennent humides durant la seconde période. La mem- brane muqueuse de la trompe d'Eustache et de la caisse du tympan peut également être affectée dans le catarrhe, ce qui s'annonce par la dureté de l'ouïe et des bourdonnemens d'oreille, symptômes dont les maladies calarrhales tont assez fréquemment accompagnées. La membrane muqueuse des sinus frontaux et probablement aussi des autres cavités ac- cessoires du nez , est affectée dans le coryz i : on éprouve une douleur sourde et gravaiive au front. Les différentes par- Îi68 DES SYMPATHIES. lies du système muqueux du canal alimentaire tiennent les unes aux autres par des liens non moins étroits. L'élat de restoraac réagit sur le canal intestinal entier, et en cliange les sécrétions. La membrane muqueuse de la bouche devient l'expression de l'état dans lequel se trouve celle de l'estomac et de l'intestin. Quand nous voyons la lan^jue sèche, ou rouge, ou chargée, nous concluons avec raison qu'il en est de même dans l'œsophage et l'estomac. Il y a également une con- nexion sympathique entre les membranes des organes géni- taux et des voies urinaires. L'irritation fréquente des par- ties génitales est fort sujette à provoquer un état d'inflam- mation chronique de la vessie et des reins, la phthisie vési- cale , la phihisie rénale , de même qu'à la phthisie laryngée et trachéale, se joint plus tard la phthisie pulmonaire. Mais ce ne sont pas seulement les membranes muqueuses anatomique- ment unies ensemble qui manifestent cette propension à se communiquer leurs états ; on la remarque également, quoi- qu'à un degré moins prononcé, dans celles qui sont tout-à-fait séparées. Voilà pourquoi on ne peut point faire cesser l'excès de sécréiion d'une membrane muqueuse par antagonisme , c'est-à-dire en activant la sécrétion d'une autre membrane muqueuse ; ou ne guérit pas une blennorrhée des parties gé- nitales en provoquant la diarrhée. Quelquefois nous voyons la membrane muqueuse des organes respiratoires sympathiser avec celle de l'estomac ; on sait que certains états de ce der- nier viscère entretiennent une irritation des voies aériennes, et donnent lieu à ce qu'on appelle la toux gastrique. Sur la fin de la phihisie pulmonaire , il s'établit aussi un travail inflam- matoire dans la membrane muqueuse du canal intestinal , comme le prouvent les ulcères intestinaux des phthisiques. Enfin les blennorrhées colliquatives des membranes mu- queuses nous fournissent l'exemple d'un état uniformément répandu dans le système muqueux entier , et qui peut avoir pour point de départ l'une des parties de ce système. DES SYMPATHIES. 269 par exemple les poumons, le canal inieslinal, ou les organes génitaux. D. Membranes séreuses. Il arrive souvent qu'à la suite d'une affection d'une des membranes séreuses , toutes les autres sont entraînées dans le même état maladif. Ainsi à l'ascite vient se joindre plus tard r hydrothorax. Cependant tous les cas d'hydropisie dans des parties diflérentesne se rapportent point ici. L'hydropisie n'est fréquemment que le résultat d'une décomposition du sang dans plusieurs parties à la fois ; souvent aussi elle tient à ce que la circulation se trouve interrompue dans un organe important. Ici donc la sympathie ne dépend pas tant des mem- branes séreuses elles-mêmes, que de l'extension de la cause. Mais c'est une sympathie pure de ces membranes lorsqu'à la suite de l'inflammation d'une d'entre elles , les autres s'en- flamment également. Ainsi l'on voit^'quelquefois, après la pé- ritonite , survenir la pleurésie , l'arachnoidite , et c'est peut- être à celle-ci qu'on doit rapporter la cause de la mort , parce qu'elle a son siège dans le plus important des organes. E. Sjstème fibreux. Les membranes fibreuses sont si étroitement liées ensemble qu'une lésion locale dont elles viennent à être atteintes en- traîne souvent des accidens fort étendus. A celte classe de membranes appartiennent le périoste , la dure-mère, la sclérotique, l'albuginée du testicule, la capsule de la rate , les tendons , les ligamens et les gaînes tendineuses des muscles. Une affection rhumatismale locale montre une grande propension à s'étendre à tous les organes fibreux , et à changer de siège, mais en suivant de préférence les rapports naturels des membranes fibreuses. La lésion des ligamens , des aponévroses , du tissu fibreux de la main et du pied , est souvent suivie d'accidens qui s'étendent fort au loin : l'inflam- \ 270 DBS SYMPATHIES. mation , le jjontlement , les douleurs se propagent quelquefois du puinl qui a élé primilivemeni inité aux g;iînes musculai- res et même au périoste des os. L'opliilialmie anhritique qui, de même que la goutte en général , aiTectionne le lissu fibreux , de manière qu'elle établit son siège dans la sclé- rotique , ne borne pas les douleurs qu'elle détermine à l'œil sur lequel elle s'est fixée, et se distingue des autres ophthal- mies en ce qu'elle donne lieu aux plus vives douleurs dans tout le côté correspondant de la face , le périoste , l'aponé- vrose du muscle temporal et la calotte aponévroiique. Les membranes fibreuses interne et externe du crâne , sa- voir la dure-mère cérébrale , le périoste du crâne et^ la ca- lotte aponévrotique, sympathisent ensemble et avec la scléro- tique. Les affections de la dure-mère provoquent des aflections dé la sclérotique : celles de la calotte aponévrotique el du périoste peuvent se communiquer à la dure-mère , et quand celte dernière est enflammée localement , le périoste l'est parfois aussi à l'extérieur. Les nerfs jouent un rôle dans les sympathies du système fibreux ; on peut déjà le conclure et de ce que des nerfs or- ganiques accompagnent les vaisseaux dans toutes les parties auxquelles ceux-ci aboutissent , et de ce que la dure-mère possède réellement des nerfs. Ces derniers ont été observés par Comparetli , Arnold , Schlemm , Bidder et moi ; ils appar- tiennent en partie au système nerveux organique. F. l'issu osseux et tissu cartilagineux. Les sympathies entre les diverses parties du système osseux sont rares. A la vérité , il y a des maladies, telles que le ra- chitisme et la syphilis parvenue à la seconde période , où ce système est affecté partout ; mais ces maladies de nutrition ne peuvent guère être mises au nombre des sympathies ; l'irri- tation y est généralement accompagnée d'un vice dans la for- mation de la matière osseuse. Cependant on connaît aussi des DES SYMPATHIES. 27I exemples bien constatés de sympathie pure entre les divers départemens du système osseux. Lorsqu'une cause morbifi- que agit sur la surface d'un os long, l'inflammation qui s'ensuit ne demeure pas toujours bornée à celte surface, mais envahit fréquemment aussi toute Tépaisseur de l'os , jusqu'à la cavité médullaire, et y amèue un changement de tissu. De même, la destruction de la moelle amène l'inflammation et la tuméfac- tion tanl à l'intérieur qu'à l'extérieur, jusqu'aux parties les plus externes. En général, lesexostosessont,danslagrande majorité des cas , une maladie non pas de la surface de l'os , mais de toute son épaisseur ; j'ai pu m'en convaincre en sciant un grand nombre de ces excroissances. De là vient que , presque tou- jours , à une exostose extérieure développée sur un os long en correspond une intérieure qui se diri;;e vers la cavité mé- dullaire ; ce qui prouve , pour le dire en passant , combien on se trompe en attribuant au périoste une part essentielle à la formation des exosioses. Nous ne connaissons point jusqu'ici de nerfs qui appartien- nent aux OS; mais nous pouvons cependant supposer en eux l'existence de nerfs accompagnant les vaisseaux, avec autant de droit que nous en admettons dans toutes les parties vasculaires. G. Tissu musculaire, \ On a attribué au tissu musculaire une aptitude très-pronon- cée à recevoir des excitations sympathiques. On a dit que l'irritation qui amène à sa suite la contraction d'un muscle est fréquemment accompagnée de convulsions sympathiques dans d'autres muscles. Mais ces symptômes ne tiennent pas au tissu lui-même ; ils dépendent de la sympathie qui existe entre les nerfs moteurs ; 'le muscle dont le nerf moteur se trouve séparé du reste du système nerveux , est bien accessi- ble encore aux irritations du dehors , mais il ne les transmet jamais à d'autres parties du même tissu, il ne provoque point de convulsions sympathiques. 272 DES SYMPATHIES. Los spasmes sympalliiques du syslùmc musculaire ne sont donc point, à proprement parler, des sympathies du tissu avec lui-même; ce sont des sympathies de nerfs. Les autres ma- ladies, peu nombreuses, qui surviennent encore dans les muscles, comme l'inflammation et la suppuration, demeurent é{ïalement toujours bornées. Elles ne dépassent point le lieu même de l'irritation , et ne se propagent pas , comme il arrive dans les autres tissus. Mais, si l'on excepte les inflammations , qui sont fort rares , les dégénérescences et les spasmes, on ne connaît presque pas de maladies qui atteignent les muscles. Toutes ces circonstances attestent que le tissu musculaire n'entretient de vives sympathies ni avec lui-même ni avec aucune autre partie. H. Système lymphatique. Les maladies du système lymphatique sont fort rarement locales. Lorsqu'elles sont primordiales, et non sympathiques de celles d'autres organes, elles affectent en général le système entier, sous la forme de dyscrasies (1) : il y a même certains cas, les scrofules par exemple, où elles demeurent bornées presque exclusivement au système lymphatique. Mais quand l'irritation part d'un point de ce système, elle en envahit rapi- dement, et par sympathie, une étendue plus ou moins consi- dérable. Qu'une glande lymphatique vienne à senilammer par l'effet d'une irritation extérieure, les glandes du voisinage ne tardent pas à se tuméfier, quoiqu'elles ne soient cependant pas prises elles mêmes d'inflammation. Certaines irritations pri- mitives du système lymphatique reconnaissent pour cause des poisons qui se sont introduits dans les vaisseaux de cet ordre. Lorstpron pratique une friction locale avec du mercure, il survient fréquemment une irritation fort étendue du système (4) G Brescliet, Le système hjmphatiijue considéré snus les rapports anutoiuique^ phi/sioloijique ctjxitholotjiquf. Paris, d83G, iii-8. DES SYMPATHIES. a^S lymphatique, et les glandes lympLaiiques des diverses ré- gions du corps peuvent être entraînées simultanément dans la même affection. L'inflammation des vaisseaux lymphatiques qui procède d'une impression vénéneuse locale , s'étend promptemeut à toutes leurs ramifications dans un membre, et en pareil cas la peau se montre semée de stries rouges, qui en suivent exactement le trajet. Les sympathies des vaisseaux lymphatiques avec les glandes du même système ne sont pas moins l'réqucntes. Un des phé- nomènes les plus ordinaires desflésions de nutrition des grands viscères est le gonflement des glandes lymphatiques qui avoi- sinent ceux-ci. Ainsi, les glandes cervicales se tuméfient dans les maladies organiques du cou, de la glande thyroïde; celles de l'aisselle , dans les lésions organiques des mamelles, le cancer en particulier; celles du bas- ventre, dans les maladies organiques de l'estomac et du canal intestinal ; celles qui ac- compagnent les conduits biliaires dans les maladies organi- ques du foie ; celle de l'aîne, dans les lésions organiques des testicules, de l'urètre, de la prostate. Les engorgemens des glandes lymphatiques ne sont pas rares non plus dans les affections inflammatoires, par exem- ple après les piqûres, les déchirures, les contusions. L'appli- cation d'un vésicatoire, qui enflamme la peau, est souvent suivie du gonflement des glandes lymphatiques, qui s'observe également dans le furoncle, dans le panaris. Dans ce dernier cas même, rien n'est plus commun que de voir les vaisseaux lymphatiques du bras entier irrités jusqu'aux glandes axillai- res. L'inflammation de l'urètre appelée gonorrhée et les mala- dies inflammatoires des testicules se compliquent' fréquem- ment de tuméfaction des glandes inguinales , ou de ce qu'on appelle des bubons-, il en est de même pour les glandes de l'aisselle dans les affections inflammatoires de la mamelle, et pour les glandes du cou dans celles de la parotide. Ce qui distingue ces gonflemens sympathiques de l'affection 274 WE9 SYMPATHIES, primaire, c'est que, la plupart du temps, ils di^araissent aussitôt que cesse la maladie de l'orjjane qui avait été primir tivement atteint; c'est qu'ils ont le caractère chronique dans les maladies chroniques et le caractère aifju dans les maladies aiguës; c'est enfin que, dans le cas d'affection sympathique, le tissu situé au dessous de la tuméfaction, ne s'éloigne gé- néralement pas de l'état naturel. En général, on peut dire qu'une irritation lymphatique fort étendue est susceptible de partir d'un point quelconque de la surface du corps où il se trouve beaucoup de vaisseaux lym- phatiques. Cette irritation peut survenir tant par l'effet de rinoculation matérielle d'un principe morbifique, qu'à la suite d'une lésion dans laquelle il n'a été introduit aucune matière étrangère, telle qu'une plaie ou une blessure. On voit d'après cela que la propagation matérielle d'une substance quelconque dans les vaisseaux lymphatiques n'est au moins pas indispen- sable pour la déterminer. Elle peut naître tout aussi faci- lement d'une irritation de la surface interne du corps que d'une lésion de la surface externe, et dans les deux cas elle donne lieu à des séries parallèles de phénomènes. De même que l'inflammation de la peau par une brûlure occasione une irritation lymphatique des parties environnantes jusqu'aux glandes lympathiques les plus prochaines, ainsi^l'inflammation de la membrane muqueuse du canal intestinal, quand elle dure un certain laps de temps, détermine une irritation des vaisseaux et des glandes lymphatiques du mésentère, parmi lesquels ceux qui correspondent aux points enflammés sont ceux qui s'enflamment et se tuméfient, ce dont nous avons un exemple si frappant dans les ulcères intestinaux de la fièvre typhoïde. Il arrive quelquefois, comme l'a vu Cruveilhier (1), que les vaisseaux lymphatiques provenant d'une partie en suppura- (1) Anatomie pathologique du corps humain^ Paris, 1834, XDI' lirrai- son, in- Toi., Tig. coloriées, DES SYMPATHIES. ^76 tion renferment du pus, aussi bien que les veines : les glan- des lymphatiques correspondantes peuvent aussi suppurer. On se tromperait en disant que ce pus a été absorbé par les lym- phatiques. De même qu'après l'amputation il se produit du pfQS dans les veines du moignon, par l'effet de la phlébite, de mènie il s'en forme , dans les lymphatiques provenant d'une partie enflammée, par suite de la propagation de l'inflamma- tion. L'inflammation et la suppuration des glandes mésentéri- ques, dans les ulcérations de l'intestin qui accompagnent la fièvre typhoïde, prouvent clairement qu'en ce cas au moins le pas qu'on rencontre dans les vaisseaux et les glandes lympha- tiques a pris naissance sur le lieu même où on l'observe. I. Vaisseaux sanguins. Quand on réfléchit que les sympathies du pouls avec les maladies n'appartiennent pas tant aux artères qu'au cœur, et qu'on prend en considération que les maladies locales des ar- tères, comme leur inflammation et leur ramollissement, de- meurent généralement bornées au point irrité, parce qu'elles n'ont pas de tendance à se propager au loin, nous sommes autorisés à conclure que les sympathies de ces vaisseaux sont faibles, ou du moins nous sommes en droit de le penser des tuniques des grosses artères. Mais nous sommes forcés d'attribuer au système nerveux, sur l'état des artères , une influence qui est indépendante du cœur ; elle nous est attestée effectivement par les changemens de la turgescence de la peau dans les passions, par les con- gestions locales et le collapsus consécutif qu'on observe à la suite de toute excitation des parties extérieures par le seul effet d'un mouvement passionné. Il est difficile de décider si , lorsqu'il y a affection générale des veines, celle-ci est partie originairement d'un point du système veineux et a gagné peu à peu du terrain par sympa- thie , ou si la cause prochaine de la maladie a porté son action 2'^G DES SYMPATHIES. sur une fjrande partie du système à la fois. Cependant le système veineux présente cela de paiiiculier qu'en /{énèral ses maladies ne sont point dos ad'eciions totalement locales, comme le prouvent l'atonie des veines et les varices. La phlébite nous donne une preuve directe de l'étendue des sympathies du système veineux. Elle se manifeste locale- ment , sur le trajet d'une veine , par l'une des causes capables de la déterminer , telle qu'une saignée mal faite , ou la lésion d'une varice , de même qu'elle survient dans les plaies produi- tes par les amputations , ou dans la matrice des femmes en couches ; mais elle s'étend avec tant de rapidité au-delà de son point de départ , qu'en peu de temps elle envahit tous les troncs veineux du membre. Aussi entraîne-t-elle ordinaire- ment la mort , quand on ne sait pas la reconnaître et la com- battre sur-le-champ ; elle passe à la suppuration des veines. Une sympathie remarquable des veines consiste dans leur relâchement et leur ampliation au pourtour d'une tumeur avec dégénérescence du système vasculaire. Cette disposition des petites veines à perdre leur ton et à se dilater s'étend quelquefois au corps entier , dans les cas de cachexies et de dyscrasies, et donne lieu à des changemens particuliers de la coloration , par exemple à des cercles bleus autour des yeux. K. Tissu glandulaire. Quoique certaines maladies , telles que les scrofules , le cancer et les tubercules, qui sont des lésions de la nutrition attaquent spécialement le tissu glandulaire , l'afTeciion géné- rale de ce tissu qu'on observe alors ne saurait être expliquée par la sympathie ; car il est dans la nature de ces maladies de se jeter surtout sur les glandes , et leurs envahissemens ne tiennent pus tant à la propagation d'une irritation locale qu'à une prédisposition en vertu de laquelle le tissu glandulaire tombe malade partout dès qu'il vient à être irrité sur un point. DES SYiMPATHIES. 277 Cependant il n'est pas permis de douter que quand une mala- die commence dans une glande déterminée , elle ait plus de tendance à envahir celle-ci toute entière , par sympathie entre ses diverses parties, que les organes environnans. Parmi les phénomènes de l'irritation sympathique du tissu glandulaire , on peut citer un fait bien connu. Tous les orga- nes de sécrétion , de même qu'ils transmettent à leur conduit excréteur les irritations dont ils viennent à être atteints , de- viennent aussi le siège d'une irritation sympathique quand c'est leur conduit qui est irrité le premier. Ainsi la présence des alimens dans la bouche détermine une sécrétion plus abon- dante de la part des glandes salivaires , celle d'une sonde dans la vessie active l'action sécrétoire du rein (?) , celle du gland de la verge rend la sécrétion du sperme plus abondante, celle de la membrane muqueuse de l'œil donne lieu à la for- mation d'une plus grande quantité de larmes. C'est un fait connu également qu'aussi long-temps que les alimens se trou- vent encore dans l'estomac, la bile ne coule qu'en petite quantité dans le duodénum, mais que la quantité de ce liquide augmente beaucoup durant la seconde période de la diges- tion, quand le chyme entre en contact avec la membrane in- terne de l'intestin grêle, et qu'elle diminue au contraire pen- dant la fin. Les matériaux qui font le sujet de cet article ont été ren- dus, par Bichat, accessibles à la lumière de l'analomie pathologique, dans son Anatomio générale^ ouvrage dans lequel on trouve plus de vrais principes d'une pathologie gé- nérale que dans la plupart des livres qui traitent spécialement de cette dernière. Il est difficile de dire comment ont lieu les sympathies entre les diverses parties d'un tissu. Quelques personnes, qui les croient indépendantes des nerfs, les ex- pliquent par l'analogie et par la continuité des parties d'un tissu. La propagation d'une inflammation, par exemple, peut- elle avoir lien de cette manière;' La substance d'un tissu est-^ 57Ô Ï>ES SYMPATHIES. elle susceptible, indépendamment de toute influence nerveHse, et par le seul fait d'une sorte d'affinité entre ses molécules, de transmettre au loin une irritation ? Nous ne saurions résoudre ces questions. D'autres font dépendre des nerfs les sympa- thies qui ont lieu dans la continuité d'un tissu. Beaucoup de phénomènes appartenant à la catégorie de ceux qui nous oc- cupent actuellement doivent être expliqués de cette manière ; ce qui semble le démontrer , c'est que des phénomènes sym- pathiques ont lieu entre des membranes, tan! muqueuses que séreuses, qui ne communiquent point ensemble d'une manière directe. Cependant , même pour ceux-là , il est possible de les concevoir en admettant qu'une matière morbifique intro- duite ou développée dans le sang a de l'afiSnité pour tout le système muqueux , séreux , etc. Mais pour ce qui concerne l'extension des sensations aux diverses parties d'un tissu , les nerfs jouent certainement là un rôle , et la question se réduit à savoir si l'irradiation , par exemple dans les membranes muqueuses , a lieu par le concours des parties centrales du système nerveux , ou par une communication entre les bran- ches périphériques de ces nerfs. n. Sympathies de tissus différens les uns avec les autres. Cette seconde forme de sympathie est beaucoup plus rare que la première. Généralement parlant, une maladie se pro- page plus facilement d'un tissu à un autre analogue dans un autre organe , que d'un tissu quelconque à un autre différent de lui dans un même organe. La tunique muqueuse du canal intestinal entier peut devenir le siège d'une sécrétion mor- bide , sans que la musculaire soit simultanément affectée ; là substance musculeuse du cœur peut demeurer saine au des-* sous de l'enveloppe séreuse malade ; la tunique musculeuse du canal intestinal peut être atteinte de spasmes sans que la muqueuse et la séreuse soient affectées : la tunique séreuse peut sécréter du liquide sans que les autres membranes d'un DES SYMPATHIES. a-^^ orpane s'en ressentent. Cependant il existe des sympathies de ce genre. Ici l'on doit remarquer que si les sympathies des diverses parties d'un même tissu supposent en général des états semblables , dans celles de tissus difi'érens les affec- tions de ceux ei varient en raison de leur mode de vitalité. L'inflammation est ici le seul changement qui se communique sans changer de nature. Les principaux phénomènes sympa- thiques appartenant à cette classe sont les suivans : A. Sympathies entre la peau et tes membranes muqueuses. Celles-là sont très-fréquentes. Beaucoup de maladies des membranes muqueuses, notamment les inflammations et les blennorrhées, ne doivent souvent naissance qu'à l'action d'une cause morbifîque sur la peau , et vice versa. A la suite d'un refroidissement de la peau , on voit survenir la pneumonie , l'angine, l'entérite, etc., ou une aflection catarrhale de ces parties, et toujours dans la membrane muqueuse de l'organe qui, en raison des circonstances individuelles, a plus de pré- disposition aux maladies que la peau . L'inflammation de la membrane muqueuse du poumon ou de l'estomac succède quelquefois aux brûlures fort étendues des tégumens exté- rieurs. Les membranes muqueuses sont parfois affectées en même temps que la peau , dans les exanthèmes. D'un autre côté, une maladie des membranes muqueuses , par exemple , un état gastrique, change la sécrétion, la turgescence, la cou- leur de la peau extérieure. On peut aussi agir sympathique- ment par la peau sur les membranes muqueuses, comme lors- qu'on applique le froid à l'extérieur pour arrêter les hémor- rhagies de ces membranes. B. Sympathies entre la peau et les membranes séreuses. Les épanchemens du liquide fourni par les membranes sé- reuses diminuent , en général , la sécrétion cutanée , et la suppression de cette dernière donne quelquefois lieu à aijO DES SYMPATHIES. des collections de liquide dans les sacs séreux , soit que la peau fût saine auparavant, soit qu'elle fût atteinte d'exan- thèmes, dont une cause quelconque vient troubler la marche. Enfin il n'est pas rare que des inlluences morbifi(jucs qui afîissent sur les léfïumens extérieurs , déterminent Tinllam- mation des membranes séreuses. C. Sympathies cnlrc le tissu glandulaire et les membranes muqueuses. J'ai déjà dit précédemment que la glande qui décharf^e son produit à la surface d'une membrane muqueuse est unie avec celle-ci parles liens d'une vive sympathie, qui tient, non seulement à ce que le tissu glanduleux peut être considéré comme une prolongation du conduit excréteur, et ce dernier comme une continuation de la membrane muqueuse , mais encore à ce que les glandes annexées au canal intestinal lui sont redevables de leur origine première et proviennent , dans le principe, de son propre tissu. Nous ne devons donc point être surpris de voir l'irritation de la membrane mu- queuse buccale provoquer la salivation, celle de la conjonc- tive amener le larmoiement, et une indigestion faire couler la salive en plus grande abondance. D. Sympathies entre les membranes muqueuses et les membranes séreuses. Il est plus rare d'observer celles-là que les précédentes. E. Sympathies entre les membranes fibreuses , la membrane médullaire des os et les tissus osseux et cartilagineux. Une relation très- intime existe entre toutes ces parties. L'état du périoste influe sur celui de l'os, et vice versa. A l'in- flammation du périoste succède fort souvent une tuméfaction de l'os sous-jacent, et dans les gonflemens des os le périoste se tuméfie aussi. Après l'inflammation de la membrane mé- DES SYMPATHIES. 28 1 duUaire , il survient une tuméfaction de toute l'épaisseur de l'os. La destruction du périoste entraîne la nécrose externe des os longs, et celle de la membrane médullaire leur nécrose interne. Ce conflit tient principalement à ce que du périoste et de la membrane médullaire partent une intinité de vais- seaux qui pénètrent de dehors en dedans et de dedans en dehors dans l'intérieur de l'os. Un médecin attentif n'aura pas de peine à étendre celte liste d'exemples de sympathies entre des tissus de nature dif- férente. Mais l'explication qu'on doit en donner ne saurait être la même pour tous les cas. Les membranes sécrétantes sont, par elles-mêmes, et indépendamment des nerfs, en rapport d'antagonisme les unes avec les autres , à cause de l'influence que l'état des sécrétions exerce sur la masse des liquides. D'autres phénomènes , dans lesquels le changement porte moins sur la sécrétion que sur l'état tout entier de vi- talité des membranes, comme ceux qui ont trait au vif conflit entre la peau et les membranes muqueuses, appartiennent davantage à la classe de ceux qui sont dus à une réflexion qu'on doit expliquer par le concours des nerfs. Quant au conflit entre les glandes et les membranes muqueuses, on ignore s'il a lieu par réflexion ou par le concours des nerfs eux-mêmes , sous l'influence du grand sympathique. Enfin le conflit entre le périoste , tant externe qu'interne , et les os , s'explique au moyen des rapports entre les vaisseaux de ces parties, et des connexions de leur tissu vasculaire. m. Sympathies des tissus avec des organes entiers. La maladie d'un organe entier à laquelle participe un tissu qui a beaucoup d'extension se propage aux prolongemens de ce tissu par delà l'organe primitivement afl'ecté, et réciproque- ment l'état d'un tissu peut réagir sur celui d'un organe complexe. j8a DES SYMPATHIES. Des exemples de ce genre de sympathies sont fournis par les rapports des viscères avec la peau , les membranes mu- queuses et les membranes séreuses. Une cause morbifique peut trouver accès par la peau à tout organe disposé à tomber malade; d'un autre côté, des irrita- tions exercées sur les tégumens extérieurs peuvent exercer une influence dérivalive sur les états morbides d'un organe placé au voisinage. Les hémorrhagies internes sont arrêtées aussi par l'action du froid sur la peau. Enfin une maladie exanthématique peut se jeter sur toutes les parties internes. Les membranes séreuses participent toujours aux états des organes auxquels elles fournissent une enveloppe. Dans les lésions organiques des viscères , elles souffrent , non pas seu- lement là où elles revêtent ceux-ci , mais encore dans toute leur étendue. C'est ainsi qu'on voit survenir l'hydropisie de poitrine à la suite des maladies organiques du poumon , l'hy- dropéricarde après celles du cœur (1), l'ascite après celles du foie , de la matrice et des ovaires, l'hydrocèle après celles des testicules. Ici l'expérience nous a révélé une loi : c'est qu'or- dinairement ce sont les membranes séreuses les plus rappro- chées de l'organe malade qui reçoivent l'influence sympa- thique . Les membranes muqueuses sont également affectées toujours dans une grande étendue lorsque les viscères viennent à être atteints de maladies auxquelles elles participent. Ainsi , l'on observe la leucorrhée dans les affections organiques de la ma- trice. Les membranes muqueuses des bronches sont affectées dans les maladies des poumons. Les lésions organiques de l'estomac et du canal intestinal s'accompagnent fréquemment d'une constipation opiniâtre, due au défaut de sécrétion dans la membrane muqueuse du conduit alimentaire. (1) Voyez J. Boiiillaud , Traité clinique des maladies du cœur, Vnris\ dS35, 2 vol. in-8, fig.— JVat^d clinique du rhumatisme articulairefFàtis, 1840, in-S. BES SYMPATHIES. 283 Toutes les fois qu'une membrane muqueuse est frappée d'inflammation, le système entier ressent l'atteinte, et les muscles placés au voisinage sont ou (jênés dans leurs mouve- inens , comme ceux du pharynx dans l'angine pharyngée , ou agités de spasmes, comme le diaphragme et les muscles inter- costaux dans la toux irritative qui procède de la membrane mu- queuse des poumons. Une irritation mécanique de la membrane muqueuse produit le même effet. On connaît les spasmes qui proviennent d'une irritation mécanique de la glotte, et les sou- lèvemens auxquels donne lieu la titillation du pharynx; l'irri- tation de la membrane muqueuse de la vessie et des uretères par des calculs et par inflammation détermine le spasme du sphincter de l'anus et du sphincter de la vessie , ainsi que îu rétraction du testicule par le muscle crémaster. Nous avons déjà vu précédemment que l'irritation des membranes mu- queuses peut occasioner des mouvemens respiratoires spas- modiques , comme on en observe dans le vomissement , l'é- ternuement , le hoquet, la toux, etc. De toutes les membranes , les fibreuses sont celles qui ont le moins de conflit avec d'autres organes , même avec les or- ganes qu'elles enveloppent. Sous ce rapport elles agissent presque comme isolateurs des parties qu'elles sont destinées à protéger et à maintenir en place. Leur inflammation seule peut, en raison de la perversion du sang et du conflit des vais- seaux, donnerlieuà des symptômes violens, même dans les or- ganes qu'elles circonscrivent ; c'est ainsi que l'inflammation de la dure-mère s'accompagne de symptômes cérébraux intenses. Du reste, les sympathies des tissus avec des organes entiers trouvent leur explication soit dans les lois de la réflexion , lors- que les parties n'ont aucune connexion les unes avec les autres, comme la peau et les organes internes, soit dans le conflit des vaisseaux et des nerfs vasculaires , quand ces parties sont unies ensemble , comme la matrice et la membrane muqueuse des organes génitaux. 284 DE8 SYMPATHIES. IV. Sympathies d'organes entiers entre eux. Quoique l'idée fondamentale de l'orî^anisme implique né- cessairement qu'un or{};me peut agir sur tous les autres, ce- pendant la transmission des états a lieu plus facilement entré les organes de certains systèmes qu'entre ceux de certains au- tres. Voici quelles sont les sympathies qui se rangent ici : 1. Sympathies entre des organes qui se ressemblent, eu égard à leur structure et à leur fonction , entre les diverses glandes salivaires , entre le cœur et les vaisseaux sanguins , entre l'estomac et le canal intestinal, entre les organes cen- traux du système nerveux. 2. Sympathies entre des organes qui , bien qu'ayant une structure différente, appartiennent à un même système, comme les diverses parties de l'appareil chylopoiétique (canal ali- mentaire, glandes, rate) , de l'appareil uropoiélique , de l'ap- pareil génital, de ces deux derniers entre eux , et de l'appa- reil respiratoire (larynx, trachée-artère, poumons.) 3. Sympathies entre des organes qui sont mis en commu- nication analomique par des vaisseaux et par leurs 'nerfs", comme les pou mons et le cœur. 4. Sympathies entre tous les viscères importans et les or- ganes centraux du système nerveux. Ici se rapportent l'affec- tion concomitante du cerveau dans l'inflammation des vis- cères, du foie , des poumons, du conduit alimentaire ; les affections de l'estomac et du foie, la polycholie , l'hépatite , après les lésions et les irritations du cerveau, etc. Les phénomènes sympathiques de cette espèce s'expliquent tantôt par la dépendance dans laquelle les organes d'un même système ou des parties ayant entre elles des con- nexions anatomiques , sont de mêmes points d'irradiation de l'influence nerveuse -, tantôt par l'influence des parties centrales du système nerveux sur tous les organes. Ce qui semble annoncer que rinfluenco des organes cen- DES SYMPATHIES. ^85 traux joue ici un rôle supérieur à celui de la communi- cation du nerf grand sympathique , c'est qu'il y a certaines sympathies totalement inexplicables par la liaison des nerfs ou par la connexion anatomique , comme celles qui ont lieu entre les mamelles et les parties génitales , entre le larynx, les organes respiratoires et l'appareil reproducteur, à l'épo- que du développement de la puberté, chez les personnes li- vrées à la débauche et chez les hommes mutilés par la cas- tration. D'autres sympathies encore ne se prêtent jusqu'à présent qu'à la seule explication par la réflexion; telles sont celles de la parotide et du testicule, organes dont les affec- tions inflammatoires se jettent quelquefois de l'un sur l'autre. V, Sympathies des nerfs eux-mêmes. Quoique les nerfs soient les causes de la plup-^^rt des phéno- mènes sympathiques, sinon de tous, cependant nous mettons à part les sympathies dans lesquelles le conflit n'a lieu qu'en- tre des nerfs, ou du moins dans lesquelles c'est un nerf qui, exposé à Tinfluence d'une autre partie, montre des phéno- mènes consensuels. On peut classer de la manière suivante les faits qui se rapportent ici. A. Sympathies des nerfs avec les parties centrales du système nerveux. Pour agir d'une manière conforme à la nature , les nerfs exi;;ent l'influence continuelle des organes centraux, comme le prouvent les expériences dans lesquels Sticker et moi nous avons vu un nerf séparé depuis quelque temps du cerveau et de la moelle épinière perdre entièrement son irritabilité. Mais les organes centraux peuvent subir aussi des change- mens de la part des nerfs. Les phénomènes qui viennent à l'appui de celte assertion ont déjà été relatés en partie dans 286 MS SYMPATHIES. le chapitre de la réflexion. Il est une foule de circonstances où nous nous servons de ce conflit pour obtenir la guérison de maladies des or{}ancs centraux. Ainsi , nous excitons la moelle épiniôre en irritant les nerfs auxquels elle donne nais- sance par des frictions avec la brosse ou autrement, par des sinapismes, des vésîcaioires, le moxa, le séton, etc. Nous agis- sons sur le cerveau et le cordon rachidien, par l'intermédiaire des nerfs, au moyen des bains froids et chauds, des bains de surprise , de l'eau froide versée goutte à goutte sur divers points de la peau. Tous ces faits étaient connus jusqu'ici; mais on connaissait moins les faits physiologiques d'où l'on peut les dériver. Aujourd'hui, nous sommes en mesure, à l'aide des phénomènes qui ont été exposés en traitant de la réflexion, de concevoir nettement la manière dont s'accomplit ce genre de conflit. Sur quelque partie du corps, de la peau surtout, qu'on fasse agir une irritation mécanique, galvanique ou chi- mique, on peut déterminer, dans les nerfs qui en proviennent, un eilet centripète violent qui, lorsqu'il se répète souvent, est en état de ranimer le travail languissant de la vie dans les parties du cerveau et de la moelle épinière d'où ces nerfs naissent, et d'agir ainsi indirectement sur d'autres parties des organes centraux. De ces considérations, il résulte, pour la thérapeutique, que nous avons deux manières d'influencer les organes centraux : 1° En agissant directement sur eux par des substances in- gérées dans le canal intestinal ou appliquées à la peau, et qui passent dans le sang, méthode qui se montre ineflicace dans une multitude de circonstances; 2° En agissant sur les nerfs qui naissent des organes cen- traux, autre méthode dont la thérapeutique obtient les meil-. leurs effets. DES SYMPATHIES. 287 B. Sympathies entre les nerfs de motn'ement et les nerfs de sentiment. Dans le cas précédent, nous n'avons considéré le change- ment opéré dans les organes centraux eux-mêmes qu'autant qu'il avait lieu par des impressions sur les nerfs de sentiment. Ici nous allons parler des réactions qu'à cette occasion les or- ganes centraux exercent sur d'autres nerfs de sentiment ou de mouvement. L'excitation centripète des nerfs sensitifs ne se borne point à agir sur les organes centraux : elle est ré- fléchie aussi par ces organes. Cette réflexion a également lieu entre des nerfs sensitifs différens. Voilà pourquoi nous parve- nons à exciter certains nerfs de sentiment, qui sont innacces- sibles à nos moyens directs, comme ceux de l'ouïe et de la vue, en stimulant d'autres nerfs sensitifs qui ont de l'affinité avec eux et sous le point de vue physiologique et sous celui de leur origine. C'est là-dessus que se fonde le traitement de la dureté d'ouïe et de l'amblyopie par les irritans de la peau, etc. Des impressions réfléchies de nerfs sensitifs sur des nerfs moteurs, par l'intermédiaire de la moelle épinière et du cer- veau , nous servent à guérir quelquefois des paralysies loca- les de certains nerfs , par exemple du facial , comme dans le cas de blépharoptose , etc. Dans tous ces procédés thérapeutiques éprouvés depuis long-temps, comme aussi dans ceux qui sont consignés au paragraphe précédent, nous voyons dès à présent nos connaissances physiologiques et nos con- naissances pratiques se lier ensemble de la manière la plus intime. Quel progrès que celui de savoir qu'on peut et com- ment on peut influer d'une manière salutaire sur des mouve- mens en excitant des sensations par des moyens artificiels ! C. Sympathies des nerfs pairs. Ici se placent surtout les nerfs de sens pairs , comme les 588 DES SYMPATHIES. deux optiques , les acoustiques, les olfactifs et les nerfs du système ciliaire. Dans les cas d'affection primitive d'un seul œil , où l'irri- laliun n'a primordialement a^'i que sur ce dernier, il arrive quelquefois à l'autre œil d'être atteint de la même maladie. Lorsqu'un œil a été détruit par l'inflammation , l'autre éprouve parfois aussi le même sort. Les affections de l'oreille interne ne demeurent pas toujours isolées. Celui qui a perdu l'ouïe d'un côté , ne la conserve pas constamment du côté opposé. Les sympathies des nerfs moteurs de l'œil , et en particulier des nerfs ciliaires , sont assez connues. C'est aussi à ces sym- pathies qu'il faut rapporter l'égalité d'ouverture des deux pu- pilles , malgré la différence des impressions extérieures qui agissent sur l'un et sur l'autre œil. Les sympathies des nerfs pairs se manifestent très-fréquemment dans les névralgies : on voit très-souvent le tic douloureux d'un côté de la face être suivi de l'apparition du même accident de l'autre côté. L'odontalgie qui dépend de la carie d'une dent ne reste pas limitée au lieu où se fait sentir l'irritation ; parfois aussi elle se fait sentir dans les nerfs pairs du côté opposé. D. Sympathies des nerfs moteurs entre eux. Les nombreux phénomènes d'association de mouvemens qui se rapportent ici, et qui consistent en ce qu'à l'occasion d'un mouvement d'autres mouvemens sont involontairement excités , ont été énumérés et expliqués précédemment. E. Sympathies des nerfs sensitifs. Les sympathies des nerfs de sentiment nous apparaissent sous trois formes principales , qui ne diffèrent que par l'éten- due et l'éloignement des parties mises en consensus. 1" Une sensation vive, excitée sur un seul point, se pro- page dans des nerfs de même espèce ou dans d'autres fibres DES SYMPATHIES. 289 nerveuses du même nerf. Telles sont les irradiations des sen- sations dans les parties voisines de la peau , à la suite d'une forte brûlure purement locale. L'explication de ces phéno- mènes a été donnée en traitant de l'irradiation. 2° Un nerf de sentiment communique l'improssion qu'il a reçue à un nerf sensitif d'une autre espèce , mais dans le même organe. Celte espèce de sympathie s'observe principa- lement entre les nerfs sensoriels proprement dits elles nerfs accessoires des organes de sens. En effet , outre les sensations proprement dites que procure chaque organe de sens , il fait encore éprouver, mais par d'autres nerfs, les sensations géné- rales de la résistance , de la chaleur, du froid , du plaisir, de la douleur. Le nerf optique n'est apte qu'à sentir la lumière, et, suivant Magendie , il ne jouit pas du toucher ordinaire; cependant l'œil éprouve des sensations de toucher au moyen et des rameaux de la première branche du nerf trijumeau qui se distribuent à la conjonctive , et des nerfs ciliaires. Ce sont donc là des nerfs accessoires ou auxiliaires de l'œil. L'organe auditif possède , outre le nerf acoustique, des nerfs accessoi- res , provenant du facial , du glosso-pharyngien , du grand sympathique , de la seconde et de la troisième branche du trijumeau , enfin du ganglion otique , qui se répandent dans la caisse du tympan, et sur lesquels nous reviendrons dans la physiologie spéciale de chaque nerf. C'est à ces nerfs, répan- dus dans la membrane muqueuse de la cavité tympanique, et à ceux fort nombreux du pavillon de l'oreille et du conduit auditif externe , que sont dues les sensations tactiles de l'or- gane de l'ouïe. Le nez n'est pas seulement le siège de l'odo- rat au moyen des nerfs olfactifs , qui , suivant Magendie , ne peuvent sentir autre chose que des odeurs ; il reçoit aussi , par les nerfs nasaux de la seconde branche du trijumeau , de vives impressions tactiles , telles que les sensations de résis- tance , de chaleur, de froid , de chatouillement , de dou- leur, eic. La langue, comme chacun sait , est susceptible de I. i() ago DES SYMPATHIES. recevoir ei les impressions des saveurs et les impressions du louclier. L'un (Je ces modes de sentir peut êlre aboli dans chaque organe sensoriel, quoique l'autre persiste. Mais , les nerfs sensoriels et les nerfs tactiles des or{j:mes de sens sont sus- ceptibles de réunir vivement les uns sur les antres par sym- pathie. La cécité qui survient' quehpiefois après les lésions du nerf frontal , a été placée parmi les phénomènes de ce genre , quoiqu'il soit encore douteux qu'elle y doive être rangée. On croit que la lésion du nerf frontal réagit sur le tronc de l'ophthalmique, d'où émane le nerf naso-ciliaire qui fournit la longue racine du ganglion ophthalmique. Mais, les nerfs ciliaires ne peuvent paralyser que l'iris , et ils n'ont pas ce pouvoir à l'égard de la rétine , qui n'a aucune con- nexion avec eux. Je trouve beaucoup plus naturel d'attribuer la cécité qui s'observe après les contusions de la région fron- tale à la commotion de l'cil et du nerf optique. Waliher me paraît avoir attaché trop d'importance au système des nerfs ciliaires dans l'amaurose et l'amblyopie. Mais beaucoup d'au- tres phénomènes nous fournissent dps exemples irrécusables de réaction des nerfs sensoriels ; tels sont les démangeai- sons qu'on ressent dans le nez après avoir regardé le soleil, les frissonnemens que font éprouver certains sons , etc. L'explication qu'on doit donner de ces phénomènes n'est point douteuse d'après les principes que j'ai posés en traitant de la mécanique des nerfs. Comme l'anatomie n'a point appris d'une manière positive que les nerfs optique et auditif communiquassent avec les nerfs accessoires des sens de la vue et de l'ouïe par le moyen du grand sympathique, on ne peut avoir recours ici qu'à la loi de la réflexion, c'est-à- dire à l'intervention du cerveau entre l'excitation centripète, par exemple du nerf optique, et la réaction sur les nerfs na- saux dans le cas d'éteriiuement et de démangeaisons à la membrane pituitaire survenus après avoir fixé le soleil. Dans DBS SYMPATHIES. agi Texposifion complète qu'il a donnt^e des sympathies des or- ganes sensoriels, Tiedemann (1) a fait ressortir ce fait , que tous les appareils de sens reçoivent des filets du nerf grand sjmpalliique. La chose ne saurait être révoquée en doute ; mais, pour expliquer les sympathies des nerfs sensoriels avec d'autres nerfs de sentiment , il ne suflii pas que l'appareil de sens, qui est un assemblage très-complexe de tissus juxtapo- sés, ait de telles communications ; il faut encore que les nerfs sensoriels eux-mêmes n'y soient point étrangers. A lu vérité , OD a décrit quelques unes de ces communications. Tiedemann lui-même a suivi des filets des nerfs ciliaires qui accom- pagnent l'artère centrale jusqu'à la rétine. Mais ce n'est point là une anastomose du nerf optique, ou de la rétine , avec le grand sympathique. Hirzel (2) a observé plusieurs fois une com- munication entre le ganglion sphéno-palatin et le nerf optique ; mais Arnold, qui n'a pu suivre un de ces filets que jusque dans la gaîne du nerf, nie qu'il communique avec celui-ci même, et Varrenlrapp n'en a même pu voir aucun. D'ailleurs, quand bien même le grand sympathique enverrait réellement au nerf optique un filet qui se confondrait avec lui , on n'en serait pas beaucoup plus avancé quant à l'explication ; car un conflit complet, comme celui qui devrait avoir lieu dans les sympathies, exigerait que le filet du grand sympathique s'u- nît avec toutes les fibres contenues dans le nerf optique , at- tendu que son union avec l'une ou quelques unes d'entre elles ne suffirait point. Les mêmes remarques s'appliquent à l'or- gane de l'ouïe. Koellner, Swan , Arnold , Yarrentrapp , ont observé une anastomose du nerf facial et de l'acoustique dans l'intérieur du méat auditif interne. Suivant Arnold (3) , {û) Zeitschrift fuer Physiologie, t. I, p 237. — Etudes anatoviimiques^ ou. Recherches an atomiques sur Vonjanisalion de Vœil, considérées chez Vhommè et dans\92 DES SYMPATHIES. celte anastomose est double. L'une appartient au nerf grand sympathique. En effet, du f;enou du nerf facial part un filet , provenant du (jrand sympathique , qui va gagner le nerf acoustique. Chez le Veau , ce filet forme un petit gan- glion au fond du conduit auditif. Il me semble que cette dis- position , qui est très-prononcée chez le Veau , a pour but d'envoyer des fibres organiques dans l'intérieur du labyrin- the. Il est probable aussi que les filets de l'anastomose de Jacobson, qui vont à la caisse du tympan, servent également à des fonctions organiques , par exemple à la sécrétion du mu- cus. La seconde anastomose des nerfs facial et acoustique conduit un filet de la petite portion du premier au second. Comme les deux nerfs sont déjà unis dès leur origine par plusieurs filamens nerveux , le filet anastomotique dont il s'agit ici peut être considéré comme appartenant à l'acousti- que , mais marchant avec le facial. Le rameau acoustique accessoire du facial chez les Oiseaux et chez les Cyclostomes a une signification analogue. 3" Ce qui vient d'être dit du rapport entre les nerfs sensoriels et leurs nerfs accessoires est vrai aussi des sympathies plus éloignées qui ont lieu entre les organes des sens et les viscè- res du bas-ventre. On a quelquefois observé , dans les trou- bles des fonctions des organes abdominaux , l'amblyopie , des bourdonnemens d'oreilles, etc. Beaucoup d'auteurs expliquent également ces phénomènes en admettant que le nerf grand sympalhi!]ue prend part aux fonctions des organes des sens. Mais on les conçoit bien plus aisémentà l'aide et de l'impres- sion que les changemens des nerfs abdominaux produisent sur les organes centraux , et de la réflexion de cette impres- sion sur les organes sensoriels. On ne peut pas considérer les changemens que les organes des sens subissent dans les mala- dies du bas-ventre comme des phénomènes isolés ; le système nerveux tout entier a souvent subi aussi une altération; des céphalalgies opiniâtres ont précédé l'affection des organes DES SYMPATHIES. 29^ sensoriels , ou les accompagnent , et la sensibilité {générale de tous les nerfs sensitifs , des nerfs racliidiens , est altérée. Après avoir passé en revue les différentes formes des sym- pathies, il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur l'emploi que la thérapeutique fait de ces dernières. La théorie de la statique du consensus nous apprend que nous devons bien nous garder d'accroître l'état maladif de l'organe A par des actions dirigées sur l'organe B ; mais elle nous indique aussi les moyens de modiHer l'état de l'organe A , qui est inaccessi- ble pour nous, à l'aide de changemens convenables déterminés dans l'organe B. Les méthodes curatives fondées sur ce prin- cipe portent les noms de dérivation et d'antagonisme , attendu qu'elles tendent à provoquer un certain changement dans un organe pour faire cesser un état quelconque dans un autre organe. Voici quels sont les cas qui peuvent se présenter : 1° Accroître l'activité de la partie malade A , en exaltant celle de la partie B , qui sympathise avec elle. 2° Diminuer l'irritation de la partie A, en relâchant la par- tie B, avec laquelle elle est unie par les liens de la sympathie. C'est principalement des sympathies nerveuses qu'on doit at- tendre cet effet , surtout dans les points où les lois de la réflexion des nerfs sensitifs sur les organes centraux et de ceux-ci sur les nerfs moteurs trouvent à s'appliquer. L'ex- pansion périphérique des nerfs cutanés fournit au médecin un vaste champ pour agir d'une manière indirecte sur le cer- veau et la moelle épinière. Ainsi, on accroît l'activité des orga- nes centraux , ou bien on calme leur irritation, suivant qu'on stimule celle des extrémités périphériques des nerfs dansia peau par des frictions, l'électricité, le moxa , les bains froids, les sinapismes, etc., ou qu'on la diminue par des bains tièdes. 3° Diminuer la^sécrélion morbide de la partie A, en aug- mentant celle de la partie B , ou en provoquant une sécrétion analogue dans cette dernière. L'effet produit ainsi est absolu- 394 ^2* SYMPATHIES. rrifMit inverse de celui qui a lipu dans le cas précédent. Là l'impression Taiie sur A en déltrmine une semblable en B, Ici l'impression reçue par A amène un résulial contraire enB. Cette contradiction s'explique par l'antagonisme des diverses sécrétions. Tout accroissement d'une sécrétion doit être con- sidéré comme une soustraction faite à la masse des humeurs , de sorte qu'il modifie l'équilibre de la répartition des liquides dans le corps. C'est ainsi qu'il faut envisafjer l'effet des vésica- toires et des cautères, quand une partie interne est disposée à des sécrétions morbides, celui des diurétiques dans les hy- dropisies, etc. Seulement, il esta remarquer qu'on diminue rarement la sécrétion morbide d'une membrane muqueuse en activant celle d'une autre membrane muqueuse, c'est-à-dire d'un tissu identique , parce que les états analogues tendent à s'exaspérer mutuellement, plutôt qu'à se contrebalancer, dans les tissus de même espèce. 4° Diminuer la congestion du sang dans l'organe A, en dé- terminant une congestion sanguine dans l'organe B. Tel est l'effet des pédiluves chauds. Ce cas ressemble au précédent , il est l'inverse des deux premiers, et il s'explique de la même manière. 5° Diminuer l'état x dans la partie A, en provoquant un état différent de celui-là, j-, dans la partie B. On se sert fréquem- ment de cette méthode avec les plus grands avantages. La sé- crétion et l'inflammation doivent être considérées , surtout dans les parties chargées de sécréter, comme deux états pres- que opposés. L'inflammation supprime toujours les sécrétions naturelles. Aussi traiie-t-on l'angine avec succès par des moyens propres à exciter la diarrhée. Cette méthode est sus- ceptible également de s'appliquer à des tissus de nature diffé-^ renie. La diarrhée diminue les contestions vers la tête ; mais il s'agit là d'un cas qui rentre déjà dans la catégorie de ceux du paragraphe précédent. ti" Diminuer l'état s dans l'organe A par la provocation du DES PROPRIÉTÉS DES NERFS SENSORIELS. SgB même état x dans l'organe B. Ce cas paraît être contradictoire à la pli'part de ceux qui précèdent, et l'explication en est l^brt difficile. Si l'on voulait susciter une inflammation artifi- cielle tout au voisinage d'une partie enflammée, loin de dimi- nuer la maladie primitive, on ne ferait que l'exaspérer, surtout dans des parties formées d'un même tissu et qui ont de la ten- dance à se communiquer leurs états. Cependant il arrive quelquefois qu'une inflammation provoquée dans l'organe B, à quelque dislance de l'organe A enflammé , fait cesser celte dernière phlegmasie. On traite certaines ophthalmies par des inflammations de la peau qu'on fait naître à quelque distance de l'œil. On détermine des plilegmasies cutanées dans les maladies des articulations, etc. Le résultat de cette méthode semble prouvei- qu'entre les états irritatifs des vaisseaux capil- laires de deux organes, surtout quand ceux-ci sont diflerens de tissu , ne rè^jne pas ce rapport de réflexion que nous avons vu , dans les paragraphes premier et second , être si prononcé entre les parties périphériques et les parties centrales , et qui fait que l irritation des branches nerveuses de la périphérie , au lieu de diminuer celle des organes centraux, ne fait que l'exaspérer. Section quatrième. Des propriétés de chaque nerf en particulier. CHAPITRE PREMIER. Des propriétés des nerfs sensoriels. Les nerfs ayant toujours été considérés comme des conduc- teurs du conflit entre nos organes et le monde extérieur, les médecins n'ont vu, dans ceux des appareils sensoriels, que de 596 t)ES PROflilLlis DES NERFS SENSORIELS. simples conducteurs pour les qualités des objets du dehors, hy- potiièse d'après laquelle les cordons nerveux ne feraient en quelque sorte que transmettre passivement les propriétés des corps à la conscience, sans rien changer à l'impression qu'elles font. Dans ces derniers temps , .pielques physiologistes ont commencé à analyser ces idées de transmission passive des impressions par les nerfs. Si les nerfs ne sont que des conduc- teurs passifs pour les impressions de la lumière , du son , des odeurs, comment se fait-il (]ue celui qui est chargé de l'ol- faction soit accessible aux impressions des substances odo- rantes seulement, qu'il ne le soit pointa celles des autres, et que nul autre nerf (jue lui ne le soit non plus à celles-là ; que le nerf qui sent la matière ou les oscillations de la lumière , ne sente point les vibrations des corps conducteurs du son; que le nerf auditif soit insensible à la lumière, que le nerf guslatif ne puisse point apprécier les odeurs, que les nerfs tactiles ne sentent point les fibrations n; latérale, dans les muscles du tronc , jusqu'à la queue , il y a encore un autre nerf longitudinal provenant du trijumeau, leis sont le Szlums glanis et la Lote (1). Ce nerf latéral du trijumeau s'unit de la manière la plus intime avec les nerfs spinaux, ce que ne fait pas celui qui provient de la paire vague. Chez les Poissons, les nerfs vague et trijumeau sont communément les plus gros nerfs du cerveau, et leur déve- oppement est proportionnel au volume des renflemens de ia moelle allongée , qui souvent se renfle en un lobe cérébral particulier à l'origine de la paire vague. Weber a reconnu que lenerf trijumeau naît, chez la Carpe, d'un renflement im- pair antérieur, et chez le Silure d'un renflement latéral du cer- velet. Dans lesMyxinoïdes, le lobe de la moelle allongée se lermme en devant dans le nerf trijumeau. m. Nerf facial. Quoique le nerf facial reçoive une certaine quantiK. de fi- bres sens, uves, il est néanmoins le principal nerf moteur de la face. Son domaine comprend tous les muscles de la face et de l'oreille jusqu'à l'occipital ; de plus, il domine encore quel- ques autres muscles, comme le ventre postérieur du digastri- que (dont l'antérieur est pourvu par le mylo-hyoidien) le stylo-byoïdien et la peaucier. De là vient qu'il est à la fois et le nerf de la physionomie et le nerf respirateur de la face en tant qu'il se trouve affecté toutes les fois que les raouve- mens de la respiration s'exécutent avec plus d'énergie qu'à 1 ordinaire, ou avec eflort, surtout chez les hommes d'une con- (1) i^. aura et audiiu, Leipzick , 4820. - Meckkl's Arckiv, 4S27. p. 304 -Brochet, Recherche, anat. et phyHolo.jiques sur l'organe de loiue des poissons, Paris, 1838, in-4o. t)ES NERFS NON SENSORIELS. 3\n stilulion affaiblie. A mesure les muscles de la face et l'expres- sion physionomique des passions diminuent chez les animaux, le volume de ce nerf devient aussi moins considérable. Chez les animaux pourvus d'une trompe mobile , il est très-gros , et dans l'Eléphant , celle de ses branches qui se rend à la trompe éfjale lenerf sciatique de l'homme, tandis que les branches de la cinquième paire se rendent à Textrémité tactile du prolonge- ment du nez. Les moustaches mobiles des animaux reçoivent les filets nerveux de leurs muscles du nerf facial, pendant que la sensibilité des follicules dépend du nerf sous-orbitaire (1). Chez les Oiseaux , le nerf facial cesse d'être nerf de la phy- sionomie ; il ne conserve ce caractère , et ne sert ainsi à l'ex- pression des passions , que chez certains Oiseaux qui ont la fa- culté de redresser les plumes mobiles de leurs oreilles et celles de leur cou : du reste, il ne se répand plus que dans les mus- cles correspondans à ceux qui, chez l'homme, reçoivent de lui des filets conjointement avec ceux de la face, savoir les mus- cles abaisseurs de la mâchoire, les élévateurs de l'hyoïde et le peaucier. Il continue d'être nerf moteur partout où il existe , et c'est par malentendu que Treviranus a cru trouver en lui un exemple de la possibilité qu'un nerf change de fonc- tion , parce que sa fonction motrice cesse presque entièrement chez les Oiseaux. Loin qu'il en soit ainsi , le nerf facial ne cesse pas d'être , chez les animaux comme chez l'homme , un nerf musculaire proprement dit. Dans les Tortues, sa distri- bution est la même que chez les Oiseaux. Chez les Serpens et les Lézards , on voit passer immédiatement derrière la troi- sième branche du trijumeau, un nerf particulier, comparable au facial, qui se porte en dehors : il donne une branche au nerf vague en arrière, et reçoit, par un canal osseux de la base du crâne, un filet comparable au nerf vidien , qui com- munique avec la seconde branche du trijumeau. Le tronc du (1) Bet-t,, Eûrp. du syst. nat. des nerfs, Paris, 1825, in-S, p. 55. SjS DBft PROFRléTÉl facial se répand dans le muscle placé entre l'os carré et la mîuhdire inférieure, qui sert à abaisser celle dernière; il se distribue aussi , chez les Lézards, dans le muscle cutané. Chez les Grenouilles , un nf rf comparable au facial se rend , d'après Volkmann, au {ïan{;lion du nerf trijumeau , mais se proIon{3;e plus loin, comme branche sympathique de la cin- quième paire , et va se jeter dans la branche laryngée du nerf vague. La branche laryngée est un rameau du glosso-pha- ryngien. On peut comparer celle anastomose à celle que I'cq rencontre quelquefois , chez l'homme , entre le facial et le glosso-pharyngien. Dans les Poissons osseux , le nerf facial ne forme pas un cordon distinct; il est probablement renfermé dans la cin- quième paire, dont il constitue le rameau operculaire. Chez les Piagiosiomes , un nerf analogue au facial s'isole , et chez les Cyclostomes le nerf facial naît à part du cerveau. Born, Schlemm et D'Alton l'ont vu dans la Lamproie, et je l'ai remarqué aussi chez les Myxinoïdes. L'anastomose qui , chez Ihomme et les Mammifères, existe entre le nerf facial et le lingual, par le moyen de la corde du tympan , est comphHement énigmatique. Cloqucl et Hir zel prétendent que le nerf pétreux superficiel , qui provient du nerf vidien , et qui va de la seconde branche du trijumeau au genou du facial, ne fait que s'annexer à ce dernier, qu'il s'in- sinue dans sa gaîae , et que c'est lui qui s'en sépare de nou- veau , sous la forme de corde du tympan , pour aller gagner le nerf linp.ual. Cependant , d'après les recherches d'Arnold , cette assertion est erronée , parce qu'à moins d'user de vio- lence, on ne peut parvenir à démontrer une telle disposition. Suivant Varrentrapp (1), le nerf pétreux superficiel , après avoir atteint le facial , ne se borne point à s'y accoler, mais se confond en partie avec lui , de manière qu'il n'y en a (i) Obs. anat. de parte cephalica nervi sympathici, Francfort, 1831. DSB NERFS HûV SEN80R1EIB. 510 qu'une parlie qui passe au-delà du genou de ce nerf, sans s'u- nir intimement avec lui. Il pense que ce prolong^ement doit déjà éire considéré comme corde du lympan , et, si on l'en croit, le tronc de la corde du tympan peut être poursuivi, dans le nerf lingual , jusqu'au voisinage du g:in;;lion maxil- laire, où il se partage en deux branches, dont lune se jette dans ce ganglion, et l'autre continue de aiarcher dans le nerf lingual. Selon Arnold (1) , la corde du tympan mar- che dans la gaine du nerf lin;;iial , contracte très-souvent des connexions avec lui , et finit par se diviser en deux filets, l'un plus petit, qui se plonge dans le ganglion maxil- laire, l'auire p!us gros , qui se perd dans le nerf lingual. Comme les branches du ganglion maxillaire se répandent non pas seulement dans la glande sous-maxillaire, mais en- core sur son conduit excréteur, ainsi que l'a vu Arnold, ce qu'il y a de plus admissible jusqu'à présent, au dire de cet anaiomisie , c'est que les mouvemens du conduit excréteur tiennent à ces filets nerveux de la corde du tympan provenant du nerf facial moteur. Arnold a donné une explication de cette anastomose qui ne me paraît pas vraisemblable (2). En géné- ral, cependant, il a lui-même déjà porté son attention sur le rôle du ganglion maxillaire par rapport aux mouvemens du conduit de Wharion. IV. IfcrFs glosso-pharyngîen. J'ai déjà parlé de la position que le nerf glosso -pharyn- gien occupe dans le sysième des nerfs. Il appartient à la classe des nerfs mixtes , qui renferment des fibres sensitives et des fibres motrices. C'est ce qui ressort, tant du ganglion découvert par moi sur une partie de sa racine , que de sa distribution dans des parties sensibles , à la région postérieure (1) Kopftheildes veijetativen Nervensy stems ^ Heidelberg, 1831, p. 419. (2) Loc. cit., p. 183. 520 Ï^T^>S PROPRIKTKS (lu dos de la lanjjue , dans les papilles calicinaies , les amyg- dales et les parties mobiles du pharynx. On est encore dans le doute de savoir si ce nerf renferme aussi des fibres destinées . à la gustation. Ce qui autoriserait à le penser, c'est que, chez les Oiseaux et quelques Reptiles , le nerf gustatif semble être une branche du glosso-pharyngien ; il provient môme de la paire vague chez les Grenouilles. Au reste , nous ignorons quelle étendue a le sens du goût. Les sensations de dégoût , dont le siège réside principalement dans le pharynx , ont beaucoup d'analogie avec les sensations gustaiives, et pour ce qui les concerne aussi , nous ne savons pas non plus si elles Baissent dans le rameau pharyngien de la paire vague ou dans celui du glosso-pharyngien. Le rameau tympanique du glosso-pharyngien doit vraisem- blablement être considéré comme une branche du grand sympathique allant à ce nerf , ainsi que je l'ai fait voir ail- leurs. J'ai traité plus haut de cette connexion dans la caisse du tympan , ou de l'anastomose de Jacobson , et de l'anasto- mose avec le ganglion otique. On peut consulter, à l'égard des nerfs analogues chez les Oiseaux, ce qu'en ont dit Weber (1) etBreschet (2). Le nerf glosso-pharyngien des Oiseaux s'unit par une branche avec le nerf vague ; il finit par se répandre dans la langue , dont il est le nerf gustatif selon Weber, et , au moyen d'une seconde branche , tant à la partie supérieure du larynx qu'à l'œsophage. Bischoff a décrit aussi , dans l'I- guane , un nerf glosso-pharyngien allant à la langue. Chez les Serpens à sonnettes , j'ai vu le glosso-pharyngien passer tout entier dans le nerf vague , qui donne aussi un rameau lingual. Suivant Volkmann, il n'y a, chez les Grenouilles , que la branche glosso-pharyngienne de la paire vague qu'on (d) Anat. comp. nerv, stjmp., p. 26, 38. (2) Jieehcrches anat. et phi/s. sur Vonjane de Vou'ie et Vavdition des oiseaux f Paris, 1830, in-8, fig. DES NERFS NON SENSORIELS. 5a 1 puisse comparer au fjlosso-pharyngien. Chez les Poissons , on a donné ce nom à une branche aniérieiire du nerf va{îue , qui, dans la Carpe . est munie d'un {;an{jlion , comme les autres rameaux branchiaux de ce dernier nerf, mais qui sort par un trou particulier du crâne , et se répand dans le premier arc branchial , ainsi que dans la langue , jusqu'à la peau voi- sine de l'ouverlure de la bouche. Il estfacile de jujjer d'après ces variétés, comme aus^i d'apiès l'absence du nerf acces- soire chez les Poissons , que les nerfs vague , glosso-pharyn- gien et accessoire ne forment qu'un seul et même système , dont la division peut varier beaucoup dans les diverses classes du règne animal. V. KTerf vague. Ce nerf mixte , qui peut-être , et assez probablement , doit l'influence motrice qu'il exerce à son union avec la branche interne du nerf accessoire , se répand constamment dans les organes de la voix , ceux de la respiration , le pharynx et l'estiimac. Son influence sensorielle s'exerce sur toutes ces parties; elle s'étend même jusqu'à l'oreille externe, par un rameau auriculaire qui traverse le rocher, et tout porte à croire que c'est lui qui communi(]ue au nerf facial la sensibi- lité dont jouit ce dernier, par l'anastomose existant entre lui et son rameau auriculaire , dans l'intérieur du rocher. Du nerf vague dépendent le sentiment de la faim , celui de la satiété , et tous ceux, si divers, qui accompagnent l'état normal et anormal de la respiration. Brachet assure que le sentiment de la fjiin cesse après qu'il a été coupé (1). Chez un enfant né avec deux têtes , deux poitrines et un abdomen simple , l'une des moitiés n'était pas satisfaite quand l'autre avait bu , pro- bablement parce que l'es'omac était double. Les branches en même tf-mps motrices du nerf vague sont le nerf pharyngien et les nerfs laryngés. (i) Hecheiches svi- les fond, du syU, ijavgHimn., p. 179. 1. 21 32 2 DES PROPRIÉTÉS La section du nerf laryngé inféripur, ou celle du nerf vafiue au cou, des deux côiés, paralyse incomplètement le mouve- ment des petits muscles du larynx : la voix s'éteint , mais elle reparaît au bout de quelques jours , piirce que le nerf larynfjé supérieur exerce encore son influence. Maf^endie avait prétendu que le nerf laryn^jé supérieur se distribuait seulement aux muscles qui resserrent la {;lolte, et l'inférieur à ceux qui l'agrandissent : celle assertion n'a point été con- firmée parles recherches de Schlemm. Le nerf vague n'exerce aucune influence motrice sur l'estomac; on a Lean l'irriier mécaniquement ou galvaniquement au cou, il ne détermine aucun mouvement dans ce viscère , comme l'ont établi les expériences faites par Magendie , par Mayo et par moi. Ce nerf renferme un grand nombre de fibres organiques du grand sympathique, qui arrivent tant à son tronc qu'à ses branches. C'est de ce mélange que provient sans doute l'in- fluence chimico-organique qu'il exerce. L'acte chimique de la respiration et de la sécrétion du mucus dans les poumons dépend en partie de ce nerf; du moins, quand il a été coupé au cou, voit-on survenir des épanchemens de sang dans les poumons, et quoique le travail chimique de la respiration ne paraisse pas d'abord éprouver de trouble sensible, les animaux n'en périssent pas moins dan.s l'espace de quelques jours; les Oiseaux vivent tout au plus jusqu'au cinquièmeou huitième jour. La sécrétion du suc gas- trique est également régie par l'action organique du nerf vague. Après la section de ce nerf au cou , la sécrétion du suc gastrique ne cesse pas con)plétement, mais elle diminue, et il en est de même de la digestion , qui , chez les Oiseaux dont la vie se prolonge davantage, continue bien d'une ma- nière évidente, mais s'accojnpl.t avec beaucoup plus de len- teur. Si les opérations chimiques du poumon et de l'estomac qui dépendent du nerf vygue, ne cessent pas sur-le champ et totalement après la section de ce nerf au cou , des deux côtés, DES NEUFS NON SENSOTlTEtS. 5a5 le ph^iioinènc s'explique sans peine , puisque le nerf vajjuc reçdil des fibres organiques, non pas seulement à la partie supérieure de son tronc , mais encore à l'inférieure, avec la- quelle le grand sympathique contracte un {];rand nombre d'a- nastomoses, qui ne peuvent point être paralysées par la section faite à la région du cou. La sécrétion muqueuse qui s'accomplit dans les organes respiratoires semble avoir lieu partoutsous l'empire des fibres organiques mêlées avec le nerf vague, et c'est probablement aussi pour cela que le nerf laryngé inférieur reçoit, à son anse de réflexion , des filets si considérables du grand sympa- thique. Après la section des deux nerfs vagues , l'absorption des liquides, ou des substances étrangères mêlées avec eux, telles que poisons ou autres , ne cesse point dans l'estomac. Les expériences d'après lesquelles Dupuy et Brachet ont conclu le contraire , étaient certainement inexactes ; elles ont été complètement réfutées par celles d'autres physiologistes et par les miennes, qui prouvent que l'opération n'apporte pas le plus petit changement à l'absorption stomacale. Il est vrai que \a section des deux nerfs amène la mort en peu de jours ; mais l'opération n'est point mortelle quand on ne l'exécute que d'un seul côté , ou lorsqu'on laisse s'écouler entre la sec- tion d'un des nerfs et celle de l'autre un laps de temps assez considérable pour que la plaie du premier puisse se cicatriser complètement (.1). Sous le point de vue de l'anatomie et de la physiologie com- parée , le nerf vague offre un grand nombre de particularités remarquables. (1) Compares A. Solinviile , Anatomia et descriptio nervi pneumn- gastrici in corpore humano. Zurich, 483S, iii-4. — Comp. aussi les recher- ches et expériences d'Arnold sur les elfels de la Fcclion du nerf pneumo- gastrique, dans F. Arnold, Bemerkungen ueher den Bau des Hirns uni JRueckenmarks. Zurich, 1838, in-8. p. 1U6. 3 y. 4 DES PROPRiilis 1" chez les Oiseaux et les Reptiles écailieux, où le nerf accessoire se confond avec le tronc du nerf va{jue , celui-ci donne aussi une ou plusieurs branches aux muscles du ttou (1). 2° Chez les Grenouilles, il part du {janf^lion du nerf vague une branche qui va se rendre aux muscles des mâchoires (2). C'est la branche laryngée de Volkmann, qui se répand en partie dans les muscles hyoïdiens , en partie dans ceux de la mâchoire. Volkmann a fait voir que son influence motrice dépend de la branche du facial qui s'unit avec elle. 3° Chez les Grenouilles, le nerf vague fournit aussi un rameau lingual , qui vraisemblablement remplace le rameau lingual sensitif du trijumeau , et la branche motrice ordinaire du nerf grand hypoglosse existe. Ce rameau ne détermine pas de convulsions dans la langue , comme l'a prouvé Volk- mann. Le rameau lingual du nerf v;igue existe également chez les Serpens et les Crocodiles. Bischoff décrit aussi, dans le Crocodile, une branche du nerf vague allant aux muscles de I hyoïde. On la rencontre également chez lesSerpens elles Lézards. 4» Le nerf récurrent existe encore chez les Mammifères, les Oiseaux 'et les Reptiles. Weber a fait voir (3) que , chez les Grenouilles aussi, une branche du nerf vague envoie un nerf récurrent au larynx. Le larynx des Oiseaux reçoit une branche de la neuvième paire; leur trachée-artère et leur larynx inférieur en reçoivent du nerf vague , mais les nerfs des longs muscles qui raccourcissent la trachée-artère chez beaucoup de ces animaux viennent d'un rameau descen- dant particulier du grand hypoglosse. (1) Bischoff, Nervi acccssorii anatomia et physioîoi/ia , Heidelberg , 4832, pag. 41, 45. {2) Weber, Anat. comp, nerv. symp., p. 44. (3) Loc. cit. , p. 46. DES NEUFS NON SENSORIELS. 323 5» Dans la Grenouille, au dire de Voikmann, le nerf vap,ue fournit aussi une branche cutanée pour lu région située der- rière l'oreille. 6» Chez les Poissons, il donne les nerfs branchiaux , ainsi qu'un rameau intestinal pour le pharynx et l'esiomac. Il four- nit, en outre, chez les Torpilles et le Silure électrique, les nerfs de l'appareil électrique , chez les Carpes les nerfs des dents palatines, et chez tous les Poissons, le nerf de la ligne latérale. Il est de toute évidence que la substance du nerf vague des Poissons augmente dans son ganglion ; car les branches, prises ensemble, dépassent le volume des racines, et il y en a même quelques unes qui sont plus grosses que ces dernières. Cet accroissement paraît être dû à une division et à une multipli- cation que les fibres primitives éprouveraient dans l'mtérieur du ganglion, et qui ferait que plusieurs fibres des branches n'en représenteraient qu'une seule des racines. Chez la Sandre et le Bars, toutes les branches ensemble forment un ganglion : chez la Carpe, il n ya que les nerfs branchiaux qui en produi- sent , et alors on compte plusieurs de ces ganglions , dans lesquels la substance se multiplie (1). 7*" L'une des plus remarquables branches du nerf vague, chez les Poissons, est le nerf de la ligne latérale, qui marche entre les muscles, non loin de la peau , jusqu'à la queue, et qui donne des filets aux muscles (?) , ainsi qu'aux tégumens. DesmouHns prétend que ce nerf n'est point sensible. Mais il n'est certainement pas moteur, quoiqu'il se répande aussi dans des muscles-, car, -en le galvanisant, sur laCarpe , avec une pile de quarante paires de plaques, je n'ai pu faire en- trer ceux-ci en convulsion. Van Deen l'a découvert aussi (1) Weber, Anat. comp. nerv. symp.. p. 62. 66. — Mbckel. Archiv , Pl.IV,fig. 25, 26. ''• 3a6 DES PROPRIÉTÉS dans Ips Têtards des Grenouilles, et comme nerf persistant chez le Proiée (1). Mayer Ta rencontré dans le Ménopome, et Krohn chez les Tritons. La courte branche cutanée du nerf va^fue des Grenouilles paraît enj être l'analogue ou le débris. On a comparé ce nerf à l'accessoire; mais je crois qu'il n'y a que le rameau auriculaire du nerf vajjue de l'homme et des Mammifères qui lui soit comparable v2;."Le nerf latéral de la Lamproie est exactement conformé comme le rameau auriculaire provenant du nerf va{;ue et du facial. Comme le nerf facial des Poissons osseux est renfermé dans le trijumeau, on conçoit le concours de ce dernitr à la production du nerf latéral chez beaucoup d'animaux de cette classe. Les Cyprins ont une branche du trijumeau qui, même déjà dans l'intérieur du crâne, se joint au nerf va{;ue pour constituer le nerf latéral. Dans le Gymnote électrique, la concurrence a lieu hors de la cavité crânienne. Weber a trouvé , dans le Bars et la Lote, un double nerf latéral venant du trijumeau et du vague. Swan a fait une observation intéressante sur la Morue , où une branche de la cinquième paire, unie avec un rameau du nerf vague , donne deux nerfs du tronc , dont l'un passe sur le d>)S, au dessus de la colonne vertébrale , et ga;fne la base des nageoires, tandis que l'autre marche au côté ventral de la queue, jusqu'à l'extrémité de la nageoire anale. Tous deux s'unissent avec les nerl^ spinaux , l'un avec les branches as- cendantes, et l'autre avec les branches descendantes. II y a donc , (Jans la ooiifiguration du système nerveux , comme dans le système oiseux et la disposition d^^s ..nuscles , une symétrie entre la moitié su^>érietire et la moitié inférieure de la queue. Outre ces deux nerfs latéraux du trijumeau, on trouve encore deux branches de la paire ya^ae qui gagnent (1) MuuBR, Archiv^ 1834, p. 477. (2) Mdm.br , Archiv ,1837, LXXVl. DES NERFS NON SENSORIELS. '^2') l'extrémité postérieure du corps, en passant sur les mus- cles (1). Le Hérisson possède, d'après Barkow, un nerf latéral des- tiné à la peau et aux muscles , mais qui ne provient que des nerfs rachidiens , savoir du dernier cervical et du premier dorsal. S" Les branches que le nerf vague envoie à l'organe pala- tin des Cyprins sont remai quables (2). Weber a découvert le premier que cet organe possède une conlractilité très-singu- lière : car lorsqu'on le pique ou comprime avec un corps pointu, le point irrité seleve aussitôt sous la forme d'un monticule conique, qui demeure soulevé pendant quelques secondes, après quoi il s'alLisse , le tout sans changement de couleur qui puisse annoncer une ailluence de sang. Je le regarde non pas comme un organe de goût, mais comme un appareil spécial de déglutition. J'ai remarqué qu'il peut se contracter dans toutes les directions , et que partout il produit des élévations coniques , linéaires ou larges, suivant qu'on le comprime avec l'exliémité d'un corps pointu, qu'on promène celte extrémité sur sa surface , ou qu'on agit sur louie son étendue à lu fois. Lorsque j'y appliquais les pôles d'une batterie de quarante paires de plaques , il survenait les plus violentes convulsions, et la direction du mouvement était toujours déterminée par le courant. L'organe peut se rentier en une masse dans son milieu, et c'est probablement ainsi qu il agit pendant la déglutition , ou opérer des conlrac- uons en tous sens, qui ont lieu aussi dès qu'on le distend. Dans ce dernier cas, la convulsion suit la direction de la dis- tension. jNous ne pouvons savoir si sa mobilité obéit aux ordres de la volouié. Ce qu'il y a de contractile en lui n'est (1) Illustrations of the cnmp. anat. of'the nervoiis syst.,Lonàres; lS35,in-4,Qg. 12) Mecml, Archiv,i%n, p. 309. 3i8 DES l'KOFKiÉTES qu'une surface d'une li{;ne et domie d'épaisseur ; pins pro- londément, se trouve une couche adipeuse , qui n'est point contractile. 9° Le nerf va{;ue donne aussi des branches à la nageoire chez le Bars et les Carpes. 10» E.-H. Weber a fait remarquer que le nerf vague se trouve en réciprocité d'action avec le grand sympathitiue. Ce dernier est fort peu développé chez les Serpens , tandis que le rameau intestinal du nerf vague est irés-gros); le contraire a lieu chez les Grenouilles. Les branches intestinales du nerf vague ont aussi beaucoup de volume chez les Poissons, et, chez les Myxinoïdes, le rameau intestinal, né de l'union des deux nerfs vagues, va jusqu'à l'anus, tandis que le grand sympathique manque. VI. Weif accessoire de 'Willis. J'ai déjà parlé des rapports entre le nerf accessoire de Willis et la paire vague, eu égard à la propriété motrice de cette dernière. On ne rencontre ce nerf que chez les Mammifè- res, les Oiseaux et les Reptiles : il n'existe point chez les Pois- sons. Dans la classe des Oiseaux et dans celle des Reptiles, il se comporte presque comme une racine du nerf vague, puisqu'il passe tout entier dans celui-ci, qui envoie aux muscles du cou une branche paraissant correspondre au nerf accessoire des Mammifères (1). Les muscles sterno-cléido-mastoïdien et trapèze sont le domaine du nerf accessoire des Mammifères, en tant qu'il ne s'unit point avec le vague. On ignore quelle est la causedes singularités que ce nerf présente danssonorigine et sa marche. Probablement elles tiennent à ce que la branche pharyngienne qui se sépare du nerf vague aussitôt après sa sortie, reçoit des fibres de presque toute la portion cersicale (1) BiscHOFF, Nervi accessoriiJViUisii anatomia et physioloyia, Hei- delbeig;, 1832. DES NERFS ^OiN SENSORIELS. 029 de la moelle épinière. D'autres nerfs ont également des ori- gines fort étendues : ainsi le rameau descendant do l'hypo- glosse naît de ce dernier et des cervicaux supérieurs. La diffé- rence consiste donc uniquement en ce que , pour l'accessoire, les filets destinés à le former se réunissent déjà dans l'intérieur du rachis, tandis que, pour d'autres nerfs, leur réunion n'a lieu que hors de lu cavité rachidienne. VII. STerf grand hypoglosse. Le nerf grand hypoglosse est essentiellement moteur, quoi- qu'il renferme aussi des fibres sensitives. Mayer a découvert qu'il présente, chez quelques Mammifères, une petite racine postérieure munie d un ganglion. La place qu'il occupe dans le système a déjà été assignée précédemment. Il est le nerf moteur de la langue, dans tous les mouvemens de cet organe pour la parole, la mastication, la déglutition, etc. Lorsqu'on le tiraille, chez les animaux, il détermine des convulsions vio- lentes de la langue. Mais il est en même temps le nerf moieur des grands muscles du larynx et de l'hyoïde, du génio-glosse, de l'hyo-ihyroïdien, de l'omoplat- hyoïdien, du sierno-thyroï- dien et du sterno-hyoïdien. L'observation suivante, recueillie par Montault, a de l'im- portance pour la physiologie du nerf grand hypoglosse. Après une chute sur la nuque, il survint de lu tension et des tremble- mens dans les muscles du cou, et de la difficulté pour parler; la langue s'atrophia peu à peu, surtout du côté gauche, et quand le sujet la sortait de la bouche, elle s'inclinait à droite. Le goût existait sur les deux côtés de la langue. Plus tard il se manifesta une petite tumeur derrière l'apophyse masloïde, la déglutition devint difficile, les hoquets, l'aphonie, le vomis- sement s'y joignirent, et finalement des accès d'épilepsie. A l'ouverture du corps en trouva, entre lu fosse occipitale gauche, l'hémisphère gauche du cervelet, et la moelle aiîon- 35o DES PROPRIÉTÉS gée, une tumeur qui contenait beaucoup d'hydatides.Ce kyste soulevait riiémispliùre gauche du cervelet, et repoussait la moelle allon{;ée un peu vers la droite; situé en dedans de raraclinoïde , il pénétrait de quelques lignes dans le canal racliidien, et était en même temps engagé daus le trou condy- loïdien antérieur. De sa base p.trtail un prolongemt^nt qui, traversant la partie antérieure du trou déchiré gauche, se portait au dehors sous l'extrémité supérieure des muscles complexus et sterno-clcido-masioidien. Au dedans du crâne, les nerfs étaient sains; mais, depuis sa sortie de la cavité crâ- nienne, le grand hypoglosse était atrojjhé jusqu'à la langue; le glosso-pharyngien pariicijiait aussi à cet état, mais ni le vague ni l'accessoire n'en étaient atteints. Les muscles de la langue et du voile du palais du côié gauche et la corde vocale gauche lurent trouvés atrophiés. Ce cas prouve que lenerl lingual est le nerf guslatif de la langue, et que la paralysie et 1 atrophie de colle-ci dépendaient de l'atrophie du glosso pharyngien et du grand hypoglosse. L'état des choses fut parlaitemeut reconnu par Uijpuytren, qui prédit qu'on découvrirait une altération du grand hypoglosse à sa sortie du crâne, parce que, si lajésiou avait intéressé l'origine du nerf, il aurait dû y avoir paralysie des membres. Chez les Oiseaux, le neif grand hypoglosse, après s'être uni avec le vague par un rameau, se divise en deux branches principales , qui vont gagner, l'une les muscles de l'hyoïde, l'autre la partie latérale de l'œsophage (1). J'ai aussi observé, dans le Dindon, une longue branche descendante, destinée au Ion;; muscle qui raccourcit la trachée- artère. Bojanus et Bischoll ont vu le nerf hypoglusse be rendre aux mus- cles de la langue , ie premitr chez lu Tortue , el Iïj se- cond chezllguane. Le Serpent a t;onneties m'a offert nn nerf hypoglosse grêle, qui sort derrière ia paire vague, par (1) Wbber, loc. cit., p. 40. DES NERrs NON SENSOTIIELS. 35 1 une ouverture particulière, et qui, après s'être uni avec le premier cervical, se jeiie en entier dans le nerf va{iue. Chez les Grenouilles, le nerf correspondant à l'hypoglosse, qui se rend à la lungue, est fourni par le premier cervical. On con- çoit cette disposition, puisque, chez l'homme aussi, l'hypo- glosse s'unit avec le premier nerf cervical. E.-H. 'Weber a trouvé, dans les Poissons, un dernier nerf cérébral, qui naît par trois racines, dont une, postérieure ganglionneuse, passe à travers un trou particulier du crâne, et va aux muscles de la nageoire pectorale. Dans la Carpe, la racine ganglionnaire s'unit avec une racirse du trijumeau (1). Ce nerf donne aussi, d'après Buechner, des branches au muscle sterno-hyoidieo, et il est l'hypoglosse : il paraît exister généralement chez les Poissons; mais il ne passe pas toujours à travers 1 os occipital même; car, chez le Brochet et la Perche, c'est derrière cet os qu'il sort. Quand on pense que le premier nerf rachidiende l'homme n'a quelquefois qu'une racine antérieure, que le grand hypo- glosse n'en a qu'une antérieure chez l'homme, mais qu'il en présente aussi une postérieure chez certains Mammifères, on voit que l'hypoglosse rentre tout-à-fait dans la catégorie des nerfs spiniiux, et qu'on doit le regarder en quelque sorte comme un premier nerf raciiidien, qui seulement sort encore la plupart du temps à travers le cr^ne. Par là l'analogie de- vient plus grande encore entre lui et le dernier nerf cérébral des Poissons. Après avoir ainsi passé en revue les diliérences qu'on rencontre, chez les animaux , eu égard à la disposition des nerfs cérébraux , jetons un coup d'œil sur le système de ces nerfs, en tant qu'il peut être rappmlc à un certain type fonda- mental. L'idée qui sert de guide ici est celle de nerfs céré- braux primitifs et de nerfs cérébraux secondaires , telle que (1) BiscHorF, loc, cit., p. 49« .33« DES PROPRiÉTïïS Meckel l'a exprimée. La première cinsse comprend , d'un tôlé, les trois nerfs purement sensoriels, i'oltaciif , l'op- tique et l'acoustique ; d'une autre part, les nerfs cérébraux mixtes ou à deux racines, qui sont construits d'après le type des rachidiens, et qu'on peut appeler nerfs vertébraux de la tête. A la seconde classe se rapportent ceux qui peuvent de- voir naissance à un certain nombre do fibres détachées de la racine d'un nerf cérébral , ou être confondus avec d'autres nerfs vertébraux de la tète. Cette idée , exacte au fond , n'a pas été bien développée par Meckel. Arnold l'a mieux appli- quée, en admettant deux nerfs vertébraux de la tête ; le pre- mier est le trijumeau , avec les oculo-musculaires et le facial , qu'on peutconsidérer comme appartenant à sa portion motrice; le second comprend le vague, l'accessoire, le glosso-pliaryn- gien et l'hypoglosse (1). Dans mon opinion il y a trois nerfs vertébraux crâniens, qui correspondent aux trois vertèbres céphaliques. Le premier est le trijumeau ; le second, le vague, avec le glosso-pharyngicn et l'accessoire; le troisième, l'hypo- glosse. Les nerfs oculo-musculaires sont des nerfs secon- daires , qu'on doit regarder comme la portion motrice de la première branche du trijumeau. Chez les Cétacés, la première branche du trijumeau donne déjà des rameaux aux muscles de l'œil , quoique les nerfs oculo-musculaires ordinaires existent aussi. Chez les Grenouilles, le nerf abducteur passe dans le ganglion de Gasser, ainsi que l'a fait voir Wolkmann, et le trijumeau donne par conséquent des filets aux muscles oculaires. Chez les Lamproies , il manque l'un des trois nerfs oculo-musculaires , vraisemblablement l'abducteur, et le tri- jumeau fournit aussi des nerfs aux muscles de l'œil, comme l'ont montré Schlemm et D'Alton. Le nerf facial est , dans tous les cas, un nerf secondaire, (1) Comp. BuECH^ER, Mém. delà Soc. d'hist, nat, de Strasbourg, l. II , liv. 2— Mpller, Archiv, 1837, LXXIV. DES NERFS NON SENSORIELS, 533 et il a beaucoup d'adinifé avec la porlion molrice du Iriju- neau ; car, chez les Poissons osseux , il se confood avec ce dernier, dont il constitue le rameau operculaire, ce que Serres a rendu probable. Vo!kmann a fait voir qu'il s'adjoint aussi au trijumeau chez les Grenouilles. ]\Jais ses rapports avec le vague ne sont pas moins grands. En eflet, déjà chez l'homme et les Mammifères , il s'unit avec des branches de ces deux jierfs. Chez les Serpens et les Lézards, il donne une branche à la paire vague. Chez lu Grenouille , le facial du trijumeau se prolonge en une branche du vague , savoir la laryngée , ainsi que Volkmann l'a observé. Le facial de la Lamproie forme, conjointement avec le vague, le nerf latéral, qui, chez les Poissons osseux , est souvent constitué par la cin- quième paire et le vague. Au second nerf vertébral de la tête appartiennent le nerf vague , le glosso-pharyngien et l'accessoire. Le vague n'est qu'en très-grande partie sensiiif ; l'accessoire n'est non plus moteur qu'en très-grande partie ; le glosso-pharyngien est sensitif et moteur à degré égal. Le troisième nerf vertébral du crâne est formé uniquement par l'hypoglosse. Les Myxinoides sont les animaux qui se rapprochent le plus du type simple des nerfs vertébraux du crâne, sans nerfs se- condaires ; car, parmi ces derniers , ils ne possèdent que le nerf facial. VlII. Nerf grand sympathique.' Il a déjà été question plusieurs fois de la physiologie de ce nerf. Ainsi, ses propriétés sensilives, motrices et organiques ont été examinées d'une manière générale , et la mécanique de ses effets a été exposée. Ici c'est le lieu de dire ce qu'il présente de particulier dans les différentes classes du règne animal et chez les divers animaux , tout en se restreignant 334 HES PiiOPRlÉTÉS DES NF.r.FS NON SENSORIELS. aux circonstances qui peuvent oflrir de l'intérêt sous le point de vue pliysiolo{jiqiie (1). Chez les Oiseaux , la portion cervicale du grand sympathi- que est contenue dans le canal des apophyses transverses des vertèbres , où , chez les Mammifères et l'homme , on ne dé- couvre qu'un cordon proporlionnellemeut très-grêle de ce nerf. Les plus constantes parmi les jonctions des nerfs cérébraux avec le grand sympaiiiique, sont celles des nerfs vertébraux du crâne. Elles ont lieu, chez les Poissons, 5 la base du crâne, absolument de la môme manière que les anastomoses du cor- don limitrophe du nerf grand sympathique avec les nerfs ra- chidicns. Chez plusieurs animaux, on trouve des équivalens, ou de certaines parties du grand sympathique, ou du nerf entier, qui s'éloignent totalement de son type. Je citerai les exem- ples suivans : 1° Le grand sympathique manque chez les Cyclostomes , et le nerf vague , qui le remplace , va jusqu'à l'anus. 2° Chez les Serpens , la portion céphalique est séparée du cordon limitrophe du tronc, et passe tout entière dans le nerf vague. Le cordon limitrophe manque aussi à la partie antérieure du tronc. Au lieu de la formation ordinaire , on voit des branches de nerfs spinaux se rendre aux poumons , à l'intestin , aux parties génitales et aux organes uritiaires , comme l'avait déjà remarqué Weber. Ces branches s'unissent (i) Je renvoie pour les détails analoiniqiies aux ouvrages de Weber {Annt. comp. nerv. sympath., Leipzick, dS17)j de Lobsleiii (i'e nerv. symp. hum. fubrica , usu et morbis, Paris , dS23); de Wutzer ( De (ja/njliorum falrica, Berlin, 1817); de Hirzel ( dans 'Iiedemahn's , Zeitschrift fuer Physioloyie, I); d'Arnold {Der Kopflheil des vegetativen Nervensystem», Heidelberg, 4831); de Vairentrapp (Ohs. anat. de parte cephalica nerv. symp., Francfort, 1831); et de Giltay (.De nerve symputhico , diiis.,Leyde, 1834.) DES PARTIES CENTRALES DD SYSTÈME NERVEUX. 335 ensemble par des anses , qui sont tout ce qui reste du cordon limitrophe. Mais de pareilles anastomoses en arcades sont très communes entre les nerfs céréhro-rachidiens. Les grands Serpens sont les seuls chez lesquels j'aie rencontré une trace de ganglions dans le cordon i;mitroi)he. Chez ces animaux le nerf vague s'étend sur l'inteslin jusqu'au-delà des deux tiers delà cavité abdominale. 3° Des équivaiens de quelques parties du grand sympathi- que se voient parfois aussi ch(^z les animaux supérieurs. Ainsi des organes glanduleux , au Vu^u de recevoir , comme de cou- tume, des filets de ce nerf, tiennent les leurs des nerfs céré- bro-spinaux ; tel est le cas de la glande lacrymale , pourvue par le nerf du même nom, et de la glande mammaire, chez l'homme , dont les filets nerveux viennent du troisième et du quatrième ihoraciques. Section cinquième. Des parties centrales du système nerveux. CnAPITRE PREMIER. Des parties centrales du système nerveux en général* C'est dans les organss centraux du système nerveux que s'exerce l'activité réunie de toutes les fonctions nerveuses, soit en dehors de la domination de Tûme , soit sous l'empire de cette dernière. Ce sont ces organes qui réunissent tous les nerfs ou conducteurs en un seul tout. En leur qualité d exci- tateurs , ils sollicitent, tantôt d'une manière automatique, continue ou intermittente, tantôt d'après des déternimaiions volontaires émanées du sensorium commune, les nerfs mo- teurs à agir pour provoquer le mouvemeat des muscles. Dans 356 DES PARTIES CENTRALES cerluins cas, ils réfléchissent les elTeis des nerfs sensiiifs sur les nerfs moteurs, sans que la conscience en soit informée, et dans d'autres, ils en avertissent la conscience du sensorium commune. Ils maintiennent riiitégriiédes effeis nerveux orga- niques , produisent et reproduisent continuellement le prin- cipe nerveux , enfin ont seuls le pouvoir de rendre durables Tnctiviié et l'irritabilité des nerfs. Telle est la définition géné- rale du cerveau et de la moelle épinière considérés comme excitateur indépendant, par opposition avec les nerfs considé- rés comme conducteurs du principe nerveux. Il n'est pas diffi- cile de prouver, d'après les faits qui ont été allégués dans la physique des nerfs , que les organes centraux diffèrent de ceux-ci par les propriétés dont l'énumération vient d'être faite. 1" Les organes centraux réunissent tous les nerfs. Cet axiome est vrai , même pour les nerfs sympathiques , qui , ainsi qu'on l'a vu dans le chapitre précédent, communiquent avec eux par des fibres sur un très-grand nombre de points. La seule différence qui existe entre les nerfs cérébro-spinaux elles nerfs organiques, par rapport aux organes centraux, c'est que les premiers émanent beaucoup plus immédiate- ment des centres, tandis que les autres sont bien en conflit avec le cerveau et la moelle épinière par celles de leurs fi- bres qui accompagnent les nerfs cérébro-spinaux, mais qu'ils ont outre des centres subordonnés, leurs ganglions et leurs plexus, d'où l'influence organique émane immédiatement, quoique l'aciivité de ce système ne puisse être durable sans le concours du cerveau et de la moelle épinière. 2» Les organes centraux jouent le rôle d'excitateurs à l'é- gard des nerfs moteurs qui remplissent l'office de conduire aux muscles la décharge motrice du principe nerveux. Getîe activité motrice se manifeste de trois man ères différentes : a. Par une irradiation continue , ce dont nous avons un i exemple dans la domination non interrompue des «phincfers, f- DU SYSTÈME NERVfiCX EN C.éKl^.RAt. OO^ dont les contractions cessent après les lésions des organes centraux ; b. Par des mouvemens rhythmiques , comme le prouve la dépendance dans laquelle les mouvemens de la respiration sont de la moelle allongée ; c. Par des décharges qui partent du sensorium commune soumis aux actions spontanées de l'ûme. Les nerfs moteurs se comportent de deux manières à l'égard de celte influence motrice : a.' Les uns ne jouent que le rôle de simples conducteurs. A la vérité, ilssontconlinuellementchargés d'influence motrice, et l'art peut les déterminer, par des moyens mécaniques, à opérer des décharges , ainsi qu'il arrive au nerf d'une cuisse de Grenouille ; mais , dans l'état de santé, ils ne se déchargent jamais spontanément , et ne le font que sous l'influence des organes centraux. Ce sont les nerfs cérébro-spinaux moteurs. b. D'autres , entièrement soustraits à l'influence du senso- rium commune^ pour ce qui regarde les actions volontaires , peuvent bien être sollicités à des actions continues ou rhythmiques parles organes centraux, mais ils ont cela de par- ticulier , qu'ils opèrent aussi des décharges spontanées , quoi- que cependant ils aient besoin des organes centraux pour reproduire leur influence nerveuse. Ici se rangent les effets moteurs du grand sympathique. Les parties régies par ce nerf se contractent spontanément, même lorsqu'elles sont séparées du corps et soustraites à l'influence des organes centraux , comme le cœur , le canal intestinal , etc.; mais l'énergie et la la durée de leurs contractions dépendent du conflit de leurs nerfs avec les organes centraux. Lorsqu'on éprouve une las- situde passagère , et aussi pendant le sommeil , après l'action diurne du système nerveux , l'influence des organes centraux sur les parties périphériques se relâche ; mais ce changement momentané dans les organes centraux n'est point en état de modifier d'une manière essentielle les mouvemens sponia- I. 22 558 I>ES PARTIES CENTRALES nés soumis au système sympalliique. C'est seulement quand la lassitude dui'e lon,;-iemps dans les parties centrales , quaud ces organes éprouvent une lésion grave , que les mou- vemens soumis au système sympathique se paralysent aussi , parce qu'ils se ressentent du désordre survenu dans la source de leur énergie et de leur durée. Mais il ne faut pas s'imaginer que les organes centraux soient complètement inactifs durant létat de lassitude et de sommeil dans lequel ils tombent une fois par jour. La fatigue est bien générale , mais il n'y a que le sensorium commune , c'est-à- dire la partie du cerveau soumise aux actions de l'âme , qui devienne inactif; il n'y a que les seuls mouvemens volontaires qui soient complètement soustraits aux actions motrices des organes centraux pendant le sommeil. Toutes les autres par- ties de ces organes continuent d'agir comme pendant la veille. Ce qui le prouve , c'est la persistance des contractions conti- nues des sphincters et des mouvemens rhylhmiques de la respiration , phénomènes qui sont accomplis tous deux par de véritables nerfs cérébro-spinaux. Donc certains muscles , quoique pourvus de nerfs cérébro-spinaux , ne cessent pas d'agir pendant le sommeil ; les sphincters sont toujours fer- més , le sommeil amène toujours une situation fixe de 1 œii telle qu'il regarde en haut et en dedans ; toujours il déter- mine la contraction de l'iris et la diminution de la pupille y compagnes inséparables de cette situation, elle plus ordinai- rement aussi il entraîne l'occlusion de la bouche. En un mot , nous voyons que, même durant le sommeil, l'appareil moteur tout entier des organes centraux , tant du cerveau que de la moelle épiuière, continue d'agir, et qu'il n'yaque l'excilation volontaiie de cet appareil qui cesse pendant l'inaction du sensorium commune. Inous devons donc nécessairement ad- mettre que le conflit entre les organes centraux et l'activité motrice du système sympathique persiste pendant le sommeil, puisque , sans celte influence , les mouvemens qui ont lieu DU SYSTÈME NERVEUX EN GiNÉRA-t. ^Sg dans le système sympalhiqiie diminueraieot sur-le-champ d'énergie , comme nous le voyons dans l'apoplexie , dans les syncopes dont le point de départ est au cerveau , et dans les cas où l'on a pratiqué par des moyens artificiels la destruction de la moelle épinière. 3» Les organes centraux ressentent les effets des nerfs sen- sitifs , et tantôt les reversent , sans que la conscience en soit instruite, sur les origines des nerfs moteurs, ce qui donne lieu à des mouvemens réflectifs , tantôt les transmettent au sensorium commune , de manière que la conscience en soit informée. Dans le premier cas , les effets centripètes des nerfs sensiiifs n'arrivent jamais qu'à exciter l'appareil moteur des organes centraux , qui a principalement son siège dans la moelle épinière, mais qui se ramifie aussi dans le cerveau. Dans le second cas , ces effets parviennent , sans provoquer de mouvemens réflectifs, jusqu'à une région particulière des organes centraux oij réside le sensorium commune , qui les porte a la connaissance de l'âme. Il n'est pas rare que les deux phénomènes aient lieu simultanément ; les sensations sont portées à la conscience , et elles déterminent en même temps des mouvemens réflectifs , parce que la propagation se fait à kfois et vers l'appareil moteur des organes centraux et vers le misorlum commune , comme dans la toux provoquée par uneir ritation sentie de la trachée-artère , dans l'occlusion des paupières sous l'influence d'un bruit violent , ou dans la con- traction de l'iris quand la rétine est frappée par une lumière trop vive. Je dois renvoyer aux chapitres précédens pour ce qui concerne la théorie et les lois de ces effets. Comme les phénomènes de réflexion ne dépendent point du sensorium commune , mais de l'appareil moteur des organes centraux, et que cet appareil continue d'agir pendant le sommeil , ils ont lieu tout aussi bien chez l'homme qui dort que chez celui qui veille , comme le prouvent la toux due à des irritations de la 34o DES PARTIES CENTRALES trachée-artère , et beaucoup d'autres pbénomènes qui se pas- sent durant le sommeil, 4" Les organes centraux maintiennent dans son intégrité l'énergie des effets nerveux organiques. Ici le nerf grand sympathique se comporte , à l'égard des organes centraux, comme il le fait sous le point de vue des mouvemens des par- ties soumises à son empire. La nutrition et la sécrétion s'ac- complissent à la faveur d'une certaine action indépendante des nerfs organiques. On voit des embryons parvenir jusqu'au terme de la maturité , en se nourrissant bien , quoique leur moelle épinière et leur cerveau aient été détruits(l) .Lanutrition se fait même quelquefois dans des parties d'embryon, la tête ou une extrémité, qui ne possèdent point de cœur, et auxquelles le sang arrive par le cœur d'un autre embryon , du cordon ombiUcal duquel partent leurs vaisseaux (2). Mais , chez l'a- dulte , la nutrition souffre souvent dans les paralysies du cerveau et de la moelle épinière , bien que ce cas n'arrive pas toujours ; les parties paralysées sont plus sujettes à tomber en gangrène quand elles viennent à être lésées , et les vives affections aiguës des organes centraux , qui en font cesser les ' actions , déterminent fréquemment l'apparition spontanée de la gangrène dans des points plus ou moins circonscrits. Les hommes atteints de phthisie dorsale finissent par ne plus pou- voir entrer en érection , phénomène qui est dû , comme l'on sait, à l'accumulation du sang dans le tissu érectile de la verge : ils deviennent impuissans. 5° Le principe nerveux est produit et reproduit dans les organes centraux. Nous en avons la démonstration dans les expériences que j'ai faites avec Slicker, et desquelles il ré- (1) yoy. EscHRicHT , dans Mulleh, Archiv , 1834 , 268. (2) yoij. Rldolpiii , dans les Ahhandl. der Akad. zu Berlin , 1816. — MoLiER, Archiv, 1834, p. 178.^ DU SYSTÈME NERVELX EN GÉNÉPAL. 54 1 suite que les nerfs d'uc membre , lorsqu'ils ont été séparés des or{janes centraux, conservent bien encore jDendant quel- que temps leur pouvoir moteur , c'est-à-dire la faculté de provoquer , dès qu'ils viennent à être irrités , des mouvemens dans les muscles auxquels ils se distribuent , mais perdent au bout de quelques mois , à moins que la plaie ne se cicatrise parfaitement, toute irritabilité pour les stimulus mécaniques et galvaniques. Un conflit continuel entre les organes centraux et les nerfs est donc nécessaire au maintien des facultés de ceux-ci , tandis que les organes centraux conservent encore les leurs après avoir perdu leurs conducteurs. Cependant le maintien de l'irritabilité des nerfs ne dépend point unique- ment de l'influence non interrompue des organes centraux ; elle tient aussi à l'activité des cordons eux-mêmes. Lorsqu'un nerf demeure pendant long-temps sans agir , il perd de plus en plus son aptitude à entrer en action. La plupart des hommes n'ont aucune influence sur certains petits muscles , uniquement par défaut d'exercice , et après la perte de I5» transparence de l'œil , le nerf optique finit par s'airophier jusqu'au cerveau ; Magendie a même déterminé cette atro- phie en quelques mois chez des Oiseaux qu'il avait réduits à l'état de cécité. Une concentration de la matière animale vivante dans des organes centraux et l'existence de parties dépendantes de ces organes ne sont pas seulement un attribut de tous les êtres animaux. La tendance à cette concentration se rencontre même dès le principe dans la matière susceptible de germer, et il paraît que c'est par la manifestation de ce penchant que commence l'organisation entière. Les observations qu'on a recueillies dans ces derniers temps sur la structure com- plexe des animaux les plus simples , rendent probable que , chez tous les êtres qui font partie du règne animal, sans excep- ter même ceux qui semblent être d'une simplicité extrême , il y a de§ qerfs et des parties placées souf; la dépendance clés 34^ Ï>ES PARTIES CENTRALES nerfs , et partout où l'analomie du système nerveux devient possible, nous le voyons seséparer en deux portions, savoir en certains or{janes centraux, qui ont plus d'importance , et en conducteurs de ces organes. Chez l'embryon des animaux supérieurs , cette séparation commence déjà dans la mem- brane prolifjère , sur l'axe de laquelle s'accumule la portion de matière animale imbue des forces propres aux organes centraux , pendant qu'autour d'elle se forment les parties qui dépendent de ceux-ci. Mais une séparation analogue continue de s'effectuer aussi dans la partie périphérique du nouvel être qui est dépendante des masses centrales , puis- qu'elle se partage à son tour en conducteurs du principe ner- veux , les nerfs, et en tissus recevant par ces derniers l'in- fluence des organes centraux. La formation des organes cen- traux amène nécessairement celle des parties périphériques, et la formation des nerfs dans la partie périphérique de l'a- nimal entraîne non moins nécessairement celle de tissus ani- més par eux. Du moment qu'a lieu cette séparation entre des organes centraux et des organes périphériques , le cerveau et la moelle épinière existent virtuellement ; car ni l'un ni l'autre ne se produisent d'abord et seuls , et , pour ce qui concerne la manifestation des régions diverses des organes centraux , elle est la conséquence des progrès du développe- ment. La même chose a lieu pour la séparation histologique des parties occupant la périphérie ; dès qu'elle commence , le nerf entier existe certainement; il ne pousse pas de son extrémité externe pour aller à la rencontre de l'organe cen- tral. Du moins, cette opin-ion, qui a été émise par Serres, ne repose-t-elle sur aucun fait, et les observations citées en sa faveur n'ont point été confirmées par les recherches classi- ques de Baer sur It-mbryogénie (1), Si l'on compare les animaux inférieurs avec ceux des clas- ses supérieures , sous le point de vue de l'opposition entre les (1) C.-F. Burdach, Traité de plujsiolojgio sopra la vera struttura del cervelU, Turin, 1828) \ de Flourens {Recherches expé- rimentales sur le système nerveux, Paris, 1824) ; de Treviranus ( dans Tiedemann.s' Zcitschrift fner Physiologis , t. IV) ; de F. Leuret {Ana- ternie comparée du systcine nerveux, considérée dans ses rapports aveo lintelli-jence , Palis, 1839, in-8 et atlas in-fol.). 348 DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. lamelles allant du dehors en dedans, qu'on peut rendre visibles en conservant pondant long- temps des segmens transversaux de moelle épiniôre dans du sel marin , et Rolando prétend (ju'elle ne consiste qu'en plis superposés d'une membrane disposée à peu près comme la feuille d'un éventail , plis entre lesquels s'insinuent du dehors des pro- longemens de la pie-mère , tandis qu'à l'intérieur ils sont sé- parés par des couches minces de substance grise. On dit que la membrane médullaire passe d'un côté à l'autre dans la commissure blanche antérieure , et que la même chose n'a point lieu en arrière. Sous le rapport physiologique , la moelle épinière ressem- ble aux nerfs en ce qu'elle propage les eflets de ses nerfs au cerveau , comme les nerfs cérébraux transmettent directe- ment les leurs au sensorium commun, et qu'elle conduit aussi les actions cérébrales à ses nerfs , comme si ces derniers les recevaient immédiatement du cerveau. Mais, sous d'au- tres points de vue , elle diffère essentiellement des nerfs par les forces qui lui sont dévolues en sa quaUté de partie cen- trale , et que ceux-ci ne possèdent point. Examinons de plus près ces deux propriétés. I. La moelle épinière est conducteur du principe nerveux ou de ses oscillations. Tous les nerfs cérébraux et spinaux sont mis , par elle, sous l'influence du cerveau , les premiers immédiatement et les autres médiatement. Dès que cette influence vient à être in- terrompue , les excitations des nerfs sensitifs ne parviennent plus à la conscience, et le cerveau ne peut plus exciter vo- lontairement la force motrice des nerfs , qui sont soustraits à son empire. Les causes qui interrompent la communication entre le cer- veau et la moelle épinière , d'une part , et les nerfs, de l'au- tre , sont la compression exercée sur ces derniers , leur des- truction, leur section, et la paralysie de leur force motrice DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. ^4^ par des substances solubles , par exemple dans l'empoison- nement par des préparations saturnines. Aussi souvent que de telles causes agissent sur un nerf, toutes les branches qui se détachent au dessous du point lésé sont soustraites à l'excitation volontaire de la force motrice ; les muscles auxquels elles se rendent sont paralysés sous le point de vue du mouvement volontaire , et la partie cesse en même temps d'être sensible aux stimulations du dehors. Au contraire , les branches du nerf qui naissent au dessus du point lésé ne sont point soustraites à l'influence du cerveau et des déterminations de la volonté sur leurs muscles , parce que leurs fibres primitives communiquent encore sans inter- ruption avec l'encéphale. Par la même raison, tous les nerfs sensitifs qui naissent au dessus du point de la lésion conser- vent le sentiment. La lésion d'un nerf sur un point ne détruit que la liaision avec le cerveau ou l'organe de la conscience et des excita- tions volontaires -, les portions de ce nerf situées plus bas de- meurent en jouissance de leur force motrice pendant un cer- tain laps de temps ; elles ont seulement cessé de pouvoir ressentir l'influence du cerveau. Aussi, quand on pique, écrase , brûle , cautérise , électrise ou galvanisme un nerf qui a été frappé de paralysie, soit parce que l'influence cérébrale n'arrive plus jusqu'à lui, soit parce qu'il cesse de commu- niquer avec le cerveau , l'animal n'a aucune sensation , parce que l'irritation ne peut plus parvenir jusqu'au cerveau ; mais les muscles auxquels il envoie des ramifications se contractent , parce, que si l'influence cérébrale sur la force motrice est paralysée , la force motrice des nerfs ne l'est point au dessous du lieu de la lésion. Ce n'est qu'après avoir été soustrait pen- dant plusieurs mois à l'influence des parties centrales, qu'un nerf perd totalement son irritabilité , comme le démomrent les expériences faites par moi et Siicker. Ainsi , chez l'homme et les animaux supérieurs , la moelle JDO DE LA MOELLB EPINIÈRE. épioière se comporte envers le cerveau de la même maDÎère ex;ictement que tous les nerfs cérébraux, et elle doit être considérée comme le tronc commun de tous les nerfs du tronc, quoiqu'elle possède encore des forces particulière», dont ceux-ci sont dépourvus. Les fibres primitives de tou» les nerfs du tronc tiennent par elle au cerveau, tandis que les nerfs cérébraux se rendent immédiatement à cet organe. Les conséquences des lésions de la moelle épioière doi- vent être jugées d'après cela. La lésion de l'extrémité infé- rieure du cordon entraîne la paralysie des membres pel- viens , du rectum , de la vessie ; celle de l'organe à une hau- teur plus considérable détermine la paralysie de ces mêmes parties et des muscles abdominaux; plus haut encore , oa observe en outre celle des muscles pectoraux; au cou enfin, plus bas que la quatrième vertèbre , on voit survenir aussi celle des bras, mais non celle du diaphragme , parce que le nerf phrénique naît du quatrième cervical. La lésion de U moelle allongée paralyse le tronc entier. L'>rsqu"une lésioa procède de bas en haut , la paralysie suit la même marche, comme dans la phthisie dorsale. En cela donc, la moelle épi- nière se comporte absolument comme tronc commun des nerfe du tronc. Si l'on exerce une irritation mécanique ou galvani' que sur son extrémité supérieure , on voit entrer en convul- sion les muscles du tronc entier , de même quen irritant un cordon nerveux , on fait contracter tous les muscles qui reçoi- vent des branches de lui. Si l'on coupe un nerf en travers, la portion soustraite à l'influence cérébrale est susceptible, quand on l'irrite , de déterminer des contractions dans les muscles auxquels elle se distribue; de même , après la sec- tion transversale de la moelle épinière , le bout inférieur peut encore , lorsqu'on l'irrite , exciter tous les nerfs qui en naissent et agir par-là sur leurs muscles. La moelle épinière ne remplace pas seulement tous les nerfs du tronc en masse dans le cerveau ; elle y remplace aussi DE LA ?.rOELLE EPINIÉRE. 5,^1 toutes leurs fibres primitives , car l'afleciion de certaines par- ties de ce cordon n'interrompt que l'influence cérébrale sur certains muscles du tronc , et la lésion de certaines parties du cerveau n'entraîne non plus que la paralysie de certaines parties du tronc. Une cause qui n'agit que sur une moitié du cerveau et de la moelle épinière n'amène qu'une paralysie d'uae des deux moitiés latérales du tronc , et plus la lésion est faible , moins elle attaque de cordons de la moelle épi- nière , moins aussi il y a de parties soustraites par elle à l'in- fluence cérébrale. Si l'on réfléchit en outre que du cerveau dépend le nombre des muscles du tronc qui sont mis chaque fois en mouvement , il paraît découler nécessairement de là que les fibres primitives des troncs nerveux qui pénètrent dans la moelle épinière ne s'unissent pas non plus dans cette dernière , mais qu'elles continuent d'y marcher parallèlement les unes aux autres, comme dans le tronc d'un nerf, et qu'el- les arrivent ainsi au cerveau , afin de pouvoir, chacune isolé- ment , lui communiquer les impressions locales et recevoir de lui les excitations nécessaires pour donner lieu à des mouve- mens. En effet , si elles s'unissaient ensemble dans la moelle épinière , toute sensation locale au tronc serait aussi impossi- ble que toute contraction isolée d'un seul muscle du tronc. D'ailleurs, la cause des convulsions qui réside dans le cerveau et la moelle épinière agit aussi sur des parties isolées du tronc , et les lésions dont certaines régions de ces centres viennent à être affectées, donnent lieu à des sensations locales dans !e tronc. Au reste, l'ordre des fibres primitives que produisent les nerfs, n'est point encore préformé à leur sortie de la moelle épinière, et il ne se manifeste que par la réunion des filets ra- diculaires en faisceaux. On sait que les racines antérieures et postérieures s'insèrent aux cordons antérieurs et postérieurs sur une ligne latérale qui , de chaque côté , s'écarte un peu de la ligne médiane. Les faisceaux radiciiluires de la queue de 352 HE tk MOELLE ÉPINIÈRE. cheval s'insèrent immédiatement les uns à côté des autres sans interruption, tandis ([ue les racines des autres nerfs semblent laisser une intervalle entre elles , attendu que les fibres s'é- cartent bien les unes des autres , mais que les faisceaux des racines nerveuses ne se louchent point. Il en est ainsi, en appa- rence , dans les lignes latérales d'insertion , où les faisceaux des fibres percent la pie-mère. Mais, à partir de la ligne d'insertion , ils s'écartent encore davantage les uns des autres , et lorsqu'on les poursuit à une plus grande profondeur, on voit que les commencemens des racines de tous les nerfs for- ment presque une ligne longitudinale non interrompue, de sorte que la racine d'un nerf spinal résulte seulement de la réu- nion d'un certain nombre de faisceaux primitifs. Si l'on fait abstraction de la réunion de ces fibres en faisceaux pour pro- duire des troncs nerveux , et si l'on prend en considération la manière dont elles naissent, dans la moelle épinière, les unes à la suite des autres , celle dont elles demeurent isolées dans les troncs nerveux, celle enfin dont elles s'étalent dans les der- nières ramifications de ceux-ci , on arrive à se représenter la moelle épinière comme un tronc formé de fibres nerveuses , de la partie antérieure et de la partie postérieure duquel sortent avec régularité , et sans nulle interruption , des mil- lions de fibres primitives, douées les unes de force motrice, et les autres de force sensitive , qui se rendent, comme autant de rayons , à toutes les parties du corps, qui enfin , dans Tin- tervalle compris entre leurs origines rachidiennes et leurs ex- trémités périphériques, sont réunies, par des gaines, en au- tant de faisceaux , gros et petits , qu'il y a de nerfs rachidiens et de ramifications à ces nerfs. Mais nous avons déjà vu que cette réunion a lieu sans que les fibres primitives s'unissent ensemble et sans qu'elles puissent se communiquer leurs forces primitives. L'anatomie comparée ne nous fournit aucune lumière en ce qui concerne les relations des nerfs avec la moelle épinière. De la moelle ÉPimÈRn. 555 Nous trouvons de grandes différences dans la longueur de ce dernier organe. Chez le Hérison , dont le muscle cutané a besoin d'une influence nerveuse considérable, tandis que la peau , armée de piquans, est peu propre à recevoir des im- pressions tactiles , la moelle épinière cesse de si bonne heure, que toute sa moitié postérieure manque. Chez la plupart des autres Mammifères, elle occupe presque toute la longueur du canal vertébral, et, chez le Lapin, le Cochon-d'Inde, elle s'é- tend jusqu'au-delà des vertèbres sacrées, nonobstant la briè- veté de la queue (1), ce qui prouve que sa longueur ne dé- pend pas uniquement de la longueur et de la force de cet ap- pendice. Dans le Kanguroo, dont la queue très-grosse sert plus à la progression qu'au toucher, elle n'est pas plus pro- longée que dans le Chien , au dire de Desmoulins. Chez les Quadrumanes à queue préhensile , elle s'étend jusqu'aux vertèbres sacrées, en conservant encore un volume assez con- sidérable. Le Poisson-Lune , qui a presque autant de hauteur que de longueur, semble , au premier aperçu , n'avoir pas du tout demoelle épinière; son cerveau se termine en un moignon conique extrêmement court , d'où les racines des nerfs par- tent, les unes à côlé des autres, comme autant de cordes , en formant deux séries, l'une antérieure, l'autre postérieure. Chez la plupart des animaux , la moelle épinière est un cor- don qui ne diminue pas à mesure que des racines de nerfs s'en échappent , comme on le voit surtout chez les Poissons et les Chéloniens, et qui conserve encore à sa partie inférieure un volume presque égal à celui qu'il présente à sa partie supé- rieure. Il est donc vraisemblable que les fibres primitives de ce cordon , venant du cerveau , fournissent bien les fibres ra- diculaires des nerfs dans les points correspondans à ceux-ci, mais qu'elles continuent de se porter plus loin dans le cor- (1) Loc. cit., p. 5i9. I. 25 354 ^"^ ^^ MOELLB ÉPINIÈRE. don , OU que celui-ci en renferme beaucoup d'autres encore. La découverte des propriétés diverses dévolues aux racines antérieures et postérieures des nerfs racliidiens , dont les premières sont motrices, et les autres sensitives, a répandu beaucoup de lumière sur l'histoire des paralysies. On sait qu'il arrive quelquefois au sentiment de s'éteindre dans un membre, dans tout un côlé du corps, ou dans sa moitié infé- rieure, tandis que la faculté de se mouvoir conserve son inté- grité . dans d'autres cas, c'est la mobilité qni disparaît, et le sentiment persiste ; dans d'autres encore, les deux facultés sont simultanément abolies. La différence entre les nerfs mo- teurs et les nerfs sensilifs se répèle-t-elle aussi à la moelle épinière, et celle-ci envoie-t-elle au cerveau des fibres sen- sorielles différentes des fibres motrices? La diversité des pa- ralysies semblerait l'annoncer ; car autrement il serait impos- sible d'expliquer ces remarquables phénomènes pathologiques. Mais c'e$t une tout autre oiu-slion que d'indiquer d'une ma- pipre précise quelles parties de la moelle épinière sont mo- trices. On peut admettre, ou que les cordons antérieurs et postérieurs d'où naissent les racines motrices et sensibles, sont uniquement, les premiers moteurs et les seconds sensibles jusqu'au cerveau, ou qu'une des deux fonctions appartient à la substance corticale blanche et l'autre à la subsiance grise. La première hypothèse est celle de Bell et de Magendie^ elle n'a pour elle aucune preuve satisfaisante, ni expérimentale, ni paihulogic|ue. Il y a impossibilité de tenter des expéT^iences sur lesquelles on puisse compter; car, en faisapt agir l'instru- meul tranchant sur les cordons posiéiieurs de la uioelie épi- nière, on comprime nécessairement les antérieurs. Autant le§ résultats sont positifs par rapport aux racines antérieures et ppsléneures des nerfs radiid-eos, autant ils le sont peu en ce qui concerne les cordons antérieurs et po.>,térieurs de la moelle, dont l'anatomie ne parvient même pas à démontrer la sépara- DE IK MOELLE ÉPINIÈRE. 355 lion (i).Magendie (2) a trouvé que les cordons postérieurs étaient très-sensibles, et que les antérieurs ne rétaienl point , mais qu'ils excitaient de violentes convulsions lorsqu'on les irri- tait. Plus tard (3), il convint que ce résultat n'était point absolu. Backer (4) a vu la section des cordons antérieurs paralyser le mouvement seul, et celle des cordons postérieurs nabolir que le sentiment ; les animaux sur lesquels il coupait les cor- dons antérieurs de la moelle, à la région dorsale, n'éprou- vaient de spasmes que dans leurs membres thoraciques après avoir été empoisonnés avec de la noix voraique. Les expé- riences de Seubert ont eu un résultat positif quant aux racines des nerfs, mais elles n'en ont donné qu'un incertain en égard à la moelle épinière ; elles semblent établir que la partie anté- rieure du prolongement rachidien préside principalement, mais non exclusivement, au mouvement, et que la même chose a lieu pour la partie postérieure, sous le point de \ne du seu- timent. Les expériences plus anciennes de Schœps (5) avaient déjîj conduit aux mêmes conclusions, en apprenant que lu section des cordons antérieurs diminue la sensibilité, que celte faculté demeure plus prononcée après celle des cordons an- térieurs qu'après celle des postérieurs, que la section de ces derniers entraîne la perte du mouvement des extrémités, mais que celles-ci recouvrent plus tard leur mobilité, et enfin que le mouvement cesse tout-à-fait après la section des cor- dons antérieurs. Les faits pathologiques qu'on trouve réunis dans l'ouvrage de Seubert (6), ne sont favorables qu'en partie à l'hypothèse ; plusieurs parlent ouvei tement contre elle , (1) C'est ce que j'ai déjà reraarrjuer, on 1S31 , dans les Annales des sciences naturelles. (2) Journal de pitys., l. Ill , p. 'jo3. (S) Uid., t. III, p. 36S. (4) Comment, ad quœst physif)!.. VUecht, 4^30, (5) Meckukl, Archic, 1S27. (6) De fantt. rad. uni. et -post. nerv. j^i'/t., Garlsi'iilie, 1833. r)56 DE LA. MOELLE ÉPINIÉRE. comme aussi la circonstance que le nerf accessoire, qui est moteur, naît en toialilé des cordons postérieurs cIipz les Oi- seaux et les Reptiles. Belliri{;eri (1) prétend que les racines postérieures tirent leur origine de trois points, des cornes postérieures de la substance grise, des faisceaux postérieurs blancs de la moelle épinière, et des faisceaux latéraux, et que les racines antérieures naissent également de trois points distincts, des faisceaux antérieurs, des sillons antéro-latéraux et des faisceaux latéraux. Si ces assertions étaient exactes, ce qui est fort douteux, les racines postérieures seraient les seules qui eussent des connexions avec la substance grise. Bellingeri admet sans preuve que la substance grise intérieure préside au sentiment, et la blanche au mouvement, que les cordons antérieurs de la moelle et les racines antérieures sont destinés au mouvement des muscles fléchisseurs, les pos- térieurs à celui des extenseurs, ce qui est inexact, du moins par rapport aux racines. D'après E.-H. Weber, on parvient quelquefois à suivre les traces des racines nerveuses jusqu'à la substance grise, ce que Rolando révoque en doute. Mal- heureusement nous ne pouvons pas faire d'expériences sur la part que la substance grise et la substance blanche prennent aux deux fonctions, et ce qui frappe d'incertitude toutes celles qu'on exécute sur les cordons antérieurs et postérieurs, c'est l'aptitude de la moelle épinière qui lui permet de trans- mettre par réflexion une affection sensorielle à l'appareil mo- teur. En supposant, par exemple, que réellement les cordons antérieurs soient moteurs seulement, et les postérieurs consa- crés exclusivement à la sensibilité, une lésion de ces derniers ne manquerait guère d'exciter, par association d'affection, des convulsions dans les cordons antérieurs^ parce que, toutes les fois que la moelle épinière éprouve une lésion considérable, elle tombe dans l'état réflectif, qui fait que toute irritation des (4) De medulla spinali , Turin , -1823. DE LA. MOELLE ÉPINIÈRE. ôS'J nerfs sensiiifs parvenue jusqu'à elle se réfléchit sur les nerfs moteurs. Les fibres de la moelle épinière arrivent au sensorium com- mune à travers la moelle allonjjée. Sans anticiper ici sur ce que j'aurai à dire des propriétés dévolues aux diverses par- lies du cerveau, et des autres particularités de la moelle épi- nière, je ferai seulement remarquer que cette dernière rem- place par ses fibres, dans le cerveau, les fibres primitives de tous les nerfs spinaux, de même que les nerfs cérébraux sont remplacés dans l'encéphale par leurs fibres primitives. Le cerveau reçoit les impressions de toutes les fibres sensibles de l'organisme entier; il en acquiert la conscience, et connaît l'endroit où elles ont lieu, d'après celles des fibres primitives qui sont affectées ; à son tour, il excite la force motrice de toutes les fibres primitives motrices et de la moelle épinière, dans le mouvement volontaire. Nous admirons, dans cette ac- tivité, un mécanisme infiniment compliqué et délicat, quant à la disposition des élémens, tandis que les forces elles-mêmes sont de nature purement idéale. Quelque diverse que soit la manière d'agir, cependant l'action du cerveau, quand il excite telle ou telle partie parmi le nombre immense des fibres pri- mitives, ressemble au jeu d'un instrument garni d'une multi- tude de cordes qui résonnent lorsqu'on remue les touches. L'esprit est le joueur ou l'excitateur; les fibres primitives de tous les nerfs, qui se répandent dans le cerveau, sont les cor- des, et les commencemens de ces fibres sont les louches. Nie- meyer (1) explique les mouvemens volontaires par la cessa- tion de la tension des antagonistes ; mais il y a des muscles qui continuent d'obéir aux ordres de la volonté après quVm a pratiqué la section de leurs antagonistes. Les troncs nerveux et la moelle épinière , tronc dco nerfs du corps, se ressemblent encore en ce que les affections de (1) Materialien sur Erreyuntjstheorie , Gœtèingue, 1800. 358 HE LA. MOELLÏ éPINIÈTlE. celle-ci déterminent des sensations dans les parties exté- rieures, comme si ces dernières en étaient elles-inc^mes le sièf'B. Une compression sur les troncs nerveux fait naître un sentiment de fourmillement à la peau ; celle de la moelle épî- nière donne lieu au même phénomène dans toutes les parties dont les nerfs prennent leur origine au dessous du point lésé. Quand les nerfs sont affectés de tumeurs, les parties auxquelles se rendent lems extrémités ressèment les plus vives douleurs, et loi'squ'on coupe les troncs nerveux, les parties extérieures souffrent : il en est de même pour la moelle épinière, dont les affections inflammatoires et autres déterminent souvent de violentes douleurs, qui ont en apparence leur siège dans les parties extérieures. Dans le cas même de complète insensibilité pour les irritations du dehors , les lésions de la moelle épi- nière peuvent cependant encore provoquer des sensations subjectives que l'individu rapporte aux parties extérieures de son corps. Tels sont surtout les fourmillemens qui se font sen- tir dans les membres inférieurs , malgré la perte totale du mouvement et de la sensibilité par rapport aux excitations du dehors. Mais les sensations subjectives dans les membres, malgré l'insensibilité absolue et la paralysie du mouvement, peuvent aussi être des douleurs extrêmement vives, comme chez un sujet observé par Heydenreich , qui avait les extré- mités inférieures paralysées et complètement insensibles , ce qui ne l'empêchait pas d'y ressentir de temps en temps les douleurs les plus violentes. Le plus fréquent de tous les symp- tômes de ce genre est le fourmillement dans les parties exté- rieures, qui ne manque presque jamais dans les affections de la moelle épinière. Le fourmillement est ici la même chose que le tintement d'oreilles pour les nerfs auditifs, que les mou- ches volantes ou autres sensations subjectives morbides pour l'organe de la vue ; et comme les sensations subjectives qui naissent du nMuvrn.oiit du sang dans la rétine, chez l'homme bien portant, coasi^tent en des points sautillans qui DE LA MOELLE ÉPINIÈRÉ. SSg semblent être partout où Ton porte ses regards , de même le foiirmillemenl ou la sensation de points mobiles est pro- bablement aussi due au mouvement du sang dans les vais- seaux capillaires de la partie malade de la moelle épinière , quoiqu'on le sente en apparence dans les parties extérieures. Il y a d'autres cas où, au lieu du fourmillement, on a remar- qué un prurit continuel aux jambes , que l'action de se grat- ter ne faisait pas disparaître. Parmi les sensations subjectives qui accompagnent les af-. fections de la moelle épinière se range encore Vaura épilep- tique, sensation analogue à un fourmillement, qui commence aux extrémités , souvent aux doigts et aux orteils , remonté peu à peu , et annonce l'accès. Comme il arrive souvent qu'une ligature établie sur la partie atteinte de cette aura empêche la manifestation de l'accès, celte circonstance semble venir à l'appui de l'hypothèse que la cause de Vaura épilep- tique réside aux extrémités des nerfs , et non dans la moelle épinière. Il se pourrait que la ligature agît seulement comme une forte irritation de la peau. Vaura n'a son siège dans les nerfs eux-mêmes que chez les sujets atteints de tuméfactions nerveuses, et alors la ligature empêche réellement qu'elle ne se porte plus loin. Comme le siège des sensations n'est ni dans les nerfs, qui portent au cerveau les courans ou les oscillations du principe nerveux nécessaires pour les produire, ni dans la moelle épinière, qui n'a non plus d'autre rôle que celui de conduire ces effets au sensorium commune , et comme la sensation ne naît que dans le sensorium commune^ par suite des impressions que les nerfs etla moelle épinière lui transmettent, on comprend sans peine pourquoi le sensorium commune sent de la même manière les excitations, tant des fibres de la moelle épinière que de celles des nerfs, en quelque point de leur étendue que ces fibres aient été affectées ; car, quelle que soit leur lon- gueur, elle n'agissent jamais sur le sensorium que pat* leur 56o DE LA MOELLE ÉPiNlÈRE. extrémité cérébrale , et les irritations déterminées sur ua point quelconque de leur lon{jijeur ne peuvent point agir au- ircmont les unes que les autres. Cependant la moelle épi- nière nous offre, sous ce rapport, la même contradiction que les nerfs. De même qu'une compression exercée sur un tronc nerveux donne lieu à des sensations non seulement dans le tronc même, mais encore, du moins en apparence , à son ex- trémité périphérique, de même aussi une lésion de la moelle épinière peut être sentie douloureusement, et dans le point où elle a lieu, et dans les parties auxquelles aboutissent les nerfs qui naissent au dessous de ce point. A la vérité, beaucoup de cas de ce genre ne doivent pas trouver place ici, puisque les maladies de l'épine dorsale et des membranes qui enveloppent la moelle épinière, sont nécessairement accompagnées de sen- sations dans les parties malades , en outre de celles qui tien- nent à la compression du prolongement rachidien ; mais il y a aussi des douleurs qui n'appartiennent qu'à la moelle épinière seule, et qu'on désigne sous le nom de rachialgie. Nous igno- rons encore pourquoi les sensations sont rapportées tantôt aux parties extérieures et tantôt à la moelle épinière elle- même. Jusqu'ici nous avons parlé des analogies de la moelle épi- nière avec les nerfs , c'est-à-dire que nous l'avons considérée comme conducteur des nerfs qui émanent d'elle jusqu'au cer- veau, et de celui-ci jusqu'aux nerfs. Il nous reste à examiner les propriétés qui la distinguent des nerfs, et qui lui sont dé- volues comme faisant partie de l'appareil central. II. La moelle épinière est partie constituante des organes cen- traux. Sa structure démontre déjà qu'elle est plus qu'un con- ducteur des fibres nerveuses au cerveau. Si son rôle se bor- nait là, elle devait ne contenir, à sa partie supérieure , que la somme des fibres qui s'en détachent depuis le haut jusqu'en bas, de mênoe qu'un tronc nerveux ne renferme que l'ensem- DE LA MOELLE ÉPlNiÈRE. 56l ble des' fibres qui sortent de lui pendant tout le cours de sa distribution. La moelle épinière devrait donc s'amincir à mesure qu'elle fournit des nerfs , et représenter un cône dont le sommet serait tourné vers le bas. Mais elle n'affecte pas celte forme, quoiqu'en général son diamètre aille en di- minuant de haut en bas. Même à son extrémité, où elle four- nil les derniers nerfs, elle présente encore plus de masse que n'en eurent les filets radiculaires des nerfs qui naissent sur ce point. D'ailleurs, elle se renfle à la sortie des nerfs destinés aux membres, et chez plusieurs Poissons elle se termine même inférieurement par une espèce de petit bouion allongé en pointe (1). En outre , elle se compose de deux substances, comme le cerveau. Mais on parvient à démontrer clairement les propriétés et les forces par lequelles elle se distingue des nerfs. 1° La moelle épinière possède la faculté de réfléchir sur les nerfs moteurs les irritations sensorielles de ses nerfs sen- silifs. Cette propriété, en vertu de laquelle des mouvemens succèdent à une sensation, sans que les deux genres de nerfs communiquent ensemble par leurs fibres primitives, a déjà été examinée lorsque nous avons parlé des phénomènes de la réflexion. Aucun nerf ne possède par lui-même , et dans le cas oii il serait séparé des parties centrales, le pouvoir de don- ner lieu à des phénomènes de cette espèce. La puissance ré- flectivede la moelle épinière et de la moelle allongée est déjà un des attributs de la santé , toutefois avec certaines restric- tions. Mais on parvient à porter au maximum la disposi- tion de la moelle épinière à la réflexion , en narcoiisant les animaux, ou , surtout chez les Reptiles , en les décapitant. Lorsque l'on coupe la tête d'une Salamandre terrestre , le tronc reste debout sur les pattes, et il se tourne dès qu'on irrite la peau , ou seulement qu'on y touche. Ce pou- (1) E.-H. Weber, dans Meckel, Archiv, 1827, p. 316. 362 DE LA MOELLE éPTNièRE. voir de réflexion persiste pendant plusienrs henres dans tou* les fra(>mens da tronc qui contiennent encore un peu dé moelle épinière. Si l'on coupe l'animal par le moitié, le tron- çon inférieur conserve la même force que le tronçon supé- rieur ; on peut diviser la queue en plusieurs morceaux , et chacun de ceux-ci, pourvu qa'il s'y trouve encore une petite quantité de moelle épinière , se contracte au plus léger at- touchement ; on voit même le bout de la queue s'infléchir quand on y touche. Toutes ces parties contiennent encore de la moelle épinière, comme je m'ensuis assuré; car la Salaman- dre terrestre n'a point de queue de cheval proprement dite. Il est facile de prouver par des faits que la moelle épinière est la cause des mouvemens qui ont lieu à la suite des attouche- mens ; car on n'observe rien de semblable dans les segmeos du corps qui n'en renferment pas , quelque volumineux d'ail- leurs qu'ils soient. Une patte détachée du corps demeure im- mobile lorsqu'on irrite mécaniquement la peau , tandis que le contact du doigt suffit pour faire mouvoir le bout de la queue. La sensation qui parvient à la moelle épinière, ne se borne pas, chez la Salamandre, à provoquer le mouvement de toutes les parties situées au dessous du point de la peau sur le- quel porte l'irritation ; le tronc entier se meut, quand bien même on n'irriterait que le bout de la queue. Par conséquent, la moelle épinière de cet animal se comporte tout autrement qu'un tronc nerveux ; car un tronc nerveux séparé de la moelle épinière et du cerveau, ne sent point , et il ne déter- mine pas non plus de mouvemens à l'occasion des irritations- exercées sur les nerfs sensitifs de la peau. 2» La moelle épinière est susceptible de réfléchir une ac- tion des nerfs sensilifs sur les nerfs moteurs , sans sentir elle^ même. En prétendant qu'elle faisait partie du sensorium com- mune , on s'était fondé sur ce que les irritations de la peau du tronc, chez les animaux décapités, produisent des mouvemens DE II MOELLE ÉPINIÈRE. 365 dans des parties voisines et é!oi;;nées. Il est bien vrai que le tronc d'une Grenouille dont le cerveau a été sépnré de la moelle épinière, remue souvent un membre à la suite d'une irriiation faite à la peau, La même chose arrive aussi chez les Tortues. Mais ce phénomène s'explique parfaitement par la fonction réflective de la moelle épinière , par le pouvoir qu'elle a de réfléchir 1 effet centripète d'un nerf sensitif sut* des nerfs moteurs , ce dont j'ai amplement parlé dans^ l6 chapitre de la réflexion. Là j'ai montré que la réflexion d'une irritation sensorielle sur un nerf de mouvement, à travers là moelle épinière , s'accomplissait surtout facilement dans les nerfs dont l'origine est très- rapprochée, et nous ne devons pas être surpris de ce que l'irritation de la peau de la jambe fasse retirer la jambe , ou que celle de la peau du bras fasse mouvoir le bras. Cet effet a lieu involontairement , chez tous les hommes, à la suite d'une forte brûlure, comme aussi dans les cas d'irritation de la rriembrane muqueuse du pharynx, du larynx et de la irachée-artère. Constamment en pareil cas , les mouvemens réflectifs surviennent de préférence, et invo- lontairement, dans les parties mêmes qui sont irritées, c'est-à- dire qu'il y a déglutition involontaire après l'irritation du pha- rynx, occlusion de la glotte après celle du larynx, etc. La rétraction des membres chez une Grenouille décapitée dont on stimule la peau, n'est donc pas plus intentionnelle que le spasme tétanique général qui a lieu quand on louche la peau d'une Salamandre terrestre à laquelle oft a coupé là tête, ou d'une Grenouille qu'on a naf cotisée. La seule chose qu'il me reste ici à pronver, c'est que, même pendant la santé, l'homme exécute, sans en avoir la conscience, des mouvemens réflec- tifs déterminés par l'excitation de nerfs sensitifs. Il arrive très-souvent, presque toujours même, dans les mouvemens de vomissemont des muscles du tronc provoqués par un état maladif de l'estomac , de l'intestin , des reins , de la ma- trice , du foie , qu'on ne sent pas la cause , dont ces viscères 364 ^^ '"^ MOELLE ÉPIMÈRE. sont le siéfje, c'est-à-dire que l'excitalion centripète des nerfs sensilils , bien qu'elle arrive à la moelle épinière et à la molle allon(;ée,ne parvient point à la conscience. Ainsi la moelle épinière ne sent pas de toute nécessité dans les mou- vemens» de réflexion , et c'est sans fondtmenl qu'on s'éiait élayé des exemples précités pour lui attribuer une faculté sensitive accompagnée de conscience. La tête même, séparée du tronc , peut ollïir des phénomènes de réflexion , sans qu'il soit le moins du monde vraisemblable que la conscience y persiste encore. Eneflet, la décapitation entraîne une perte de sang bien autrement considérable que celles qui suQisent déjà pour faire perdre connaissance à l'homme , sans compter les autres suites que doit entraîner une lésion telle que la section de la moelle épinière à sa partie supérieure. Si , en irritant le moignon de la moelle épinière, on voit les muscles de la face entrer en convulsion , c'est qu'il n'en peut point être autrement ; on ne devrait même pas êlro surpris de voir des mouvemens de réflexion succéder à l'irritation de la peau de la tête chez un animal oix un homme décapité , car ce se- rait là un phénomène en tout semblable à celui qui sur- vient dans les tronçons d'une Salamandre coupée par mor- ceaux ; et il faut expliquer de la même manière celui que présente la tête d'un jeune Chat séparée du ironc , dont le pharynx, quand on y introduit le doigt , se resserre autour de lui , comme pour avaler. 3' La moelle épinière est un appareil chargé de force mo- trice, qui , même après avoir été séparé du cerveau , peut , sans excitation du dehors, déterminer des mouvemens auto- matiques, par le seul fait de sa décharge. Les nerfs, du moins ceux du système cérébro-spinal, ne sont point dans le même cas ; mais l'activité motrice du système sympathique ressem- ble, sous ce rapport, à celle de la moelle épinière. L'n nerf cérébral ou un nerf spinal, séparé des parties centrales, ne provoque plus de mouvemens dans les muscles, à moins qu'il DE LA MOELLE É PIN 1ÈRE. 565 ne vienne à être irrité; la moelle épinière, au contraire, peut encore, après avoir été séparée du cerveau, opérer des dé- charges dans les muscles. La Salamandre terrestre à laquelle on coupe la têlc, continue de se tenir sur ses pattes. Le tronc d'une Grenouille décapitée se remue quelquefois encore, re- tire une patte, ou l'allonf^e. L'Anguille se tortille encore pen- dant long-temps après avoir subi la décapitation. Il faut ap- porter beaucoup de circonspection dans les expériences que l'on tente sur des Reptiles. Si la tête a été coupée trop loin du tronc , celui-ci renferme encore une partie de la moelle allongée, et alors il peut certainement exécuter, non pas seule- ment des mouvemens automatiques, mais encore des mouve- mens volontaires du tronc, de même que la partie supérieure du tronc d'une Grenouille coupée en deux , derrière la lête , conserve encore le sentiment avec conscience et la volonté, ce qu'on voit assez clairement dans les expériences. Une autre circonstance , sur laquelle Marshall Hall a appelé Tattention, mérite d'être prise fortement en considération = un Serpent décapité se trouve dans l'état où il a le plus de tendance à des phénomènes de réflexion ; le moindre allouchemenî de la peau détermine des mouvemens réflectifs , qui amènent de nouveaux contacts sur différens points du corps, et ceux-ci, à leur tour, provoquent de nouveaux mouvemens ; l'animal est-il enfin arrivé au repos, il suffit de la moindre secousse, ou du plus léger attouchement , pour que le même jeu se reproduise. 4" La moelle épinière , apte à produire des effets automa- tiques sur les nerfs du mouvement, laisse en repos, dans l'état de santé, la plupart de ces nerfs, notamment ceux de la loco- motion ; mais elle exerce une influence motrice continuelle sur beaucoup d'autres, et tient les muscles auxquels ils se distribuent dans un état non interrompu de contraction invo- lontaire, qui ne cesse que quand elle-même tombe en para- lysie. Ici se rangent, et des muscles qui sotit en même temps 3G6 DE LA MOELLE ÉPINIERE. soumis à la volonté , comme le sphincter de l'anus , et des muscles qui ne reconnaissent point l'empire de cette dernière, comme le sphincter de la vessie , la tunique musculeuse du canal intestinal , le cœur, etc. Ces effets de la moelle épi- nière exigent qu'il existe en elle un appareil particulier, moins en conflit avec le sensorium commune, et sur le compte duquel l'analomie ne nous donne néanujoius aucun renseigne- ment. Il peut môme arriver, chez les animaux vertébrés infé- rieurs, que la communication entre le cerveau et la moelle épi- nière soit interrompue, sans que l'irradiation motrice de cette dernière sur les sphincters cesse d'avoir lieu, comme Mar- shall Hall l'a vu chez la Tortue, dont le sphincter anal demeu- rait fermé après la décapitation, et ne se relâchait qu'après la destruction du prolongement rachidien. 6° Les parties de la moelle épinièreont une grande aptitude à se communiquer réciproquement leurs états; cette particu- larité établit une différence bien prononcée entre elle et les nerfs. Un nerf de Grenouille que l'on galvanise , sans irriter la moelle épinière, ne transmet pas son état à celle-ci tout en- tière. Lorsqu'après avoir coupé une racine antérieure ou une racine postérieure d'un des derniers nerfs spinaux de la Gre- nouille, on irrite, au moyen d'une simple paire de plaques, le bout qui lient à la moelle épinière, l'effet ne se transmet point, par celle-ci, jusqu'aux parties antérieures du corps , et il ne survient pas de convulsions dans la tête : mais si l'on opère de même sur l'extrémité de la moelle épinière , les muscles des parties antéiieures du corps sont pris de mouvemens con- vulsifs. On conçoit, d'après cela, comment une rpaladie de la moelle épinière , même lorsqu'elle n'a d'abord son siège qu'à la partie inférieure de lorgaue, affecte peu à peu les régions supérieures du corps, comment, par exemple, la faiblesse de l'exirémiié inférieure du cordon rachidien qu'entraîne l'abus des plaisirs d>; l'amour, détermine l'amblyopie , des bour- donnemens d'oreille, etc. DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 367 6° Quaod la moelle épinière est atteinte d'une grande irri- tatioQ par exemple dans la myélite, après une violente af- fection des nerfs (tétanos traumaiique), ou sous l'influence des narcotiques , elle participe tout entière à cet éiat , et opère des décharges continuelles vers tous les muscles soumis à la volonté. La tension qu'elle exerce sur les sphincters, durant l'état de santé , devient alors générale; il éclate des convul- sions générales, ou des spasmes tétaniques , qui se repèlent de temps en temps, et qui sont même permanens dans certains muscles, tels que ceux de la mastication. Ces états ont tantôt un caractère aigu, comme dans les cas précités de lésions considérables , tantôt un caractère chronique , comme dans l'épilepsie, soit que l'irritation dépende de maladies des or- ganes centraux eux-mêmes (épilepsie cérébrale ou spinale), soit qu'elle ait pour point de départ quelque nerf, par exem- ple, une tumeur développée sur le trajet de l'un d'entre eux. Une irritabilité analogue , mais plus faible , de la moelle épi- nière, avec des mouvemens très-sujets à changer de lieu, se manifeste aussi dans les spasmes clouiques , la danse de Saint-Guy, etc. 7° Les mouvemens spasmodiques provoqués par des poi- sons narcotiques, ont leur cause dans la moelle épinière, et non dans les nerfs. Lorsqu'on empoisonne un animal avec de la noi:; vomique , ou avec de la strychnine, après avoir CQiipé les nerfs des extrémités , le tétanos qui survient ensuite ne détermine pc '.nt de spasmes dans les parties dont les nerfs ont été séparés des parties centrales. Cette expérience prouve que les poisons narcotiques agissent sur les organes centraux, et par eux sur les nerfs. Oa a beau couper la moelle épinière elle-u ême avant d'empoisonner l'animal , ou après, les spas- mes n'en ont pas moins lieu dans les parties situées derrière la sectioiî , ce qui démontre que les narcotiques agissent jusqu'à la mon sur toute partie de la moelle épinière qui est chargée de puissance motrice. 368 r>K LA MOELLE ÉPINIÈRE. S» La moelle épinière est, par sa tension molrice \ la cause do réiierfjie do nos mouvemons. I/in(ensilé de nos eflbrls dé- pond en {grande partie de cet or{}ane. Qi'oique, en général , elle laisse la plupart des nerfs moteurs dans l'inaction, quand la volonté ne fait point intervenir ses déterminations, cependant c'est à elle que tiennent la force et la durée des décharges motrices que le scnsorium commune opère volontairement. La moelle épinière entretient sans cesse une sorte de magasin de force motrice, et lorsqu'elle agit comme conducteur de l'oscillation partie du scnsorium commune , au moyen de la prolongation des fibres nerveuses jusque dans le cerveau , l'intensité de l'effet qui survient dépend , non pas uniquement de la force de la volonté , mais encore de la quantité de prin- cipe nerveux moteur accumulée dans cette colonne. De là vient qu'elle peut conserver son aptitude comme conducteur, bien qu'elle ait perdu sa seconde propriété, celle de régler la force du mouvement volontaire , comme il arrive dans la phthisie dorsale. Dans celte maladie, qui doit naissance à l'abus des jouissances, et qui s'accompagne d'une atrophie de la moelle épinière , il n'y a d'abord aucun muscle des membres inférieurs qui soit frappé de paralysie ; tous obéissent en- core à la volonté , même à une époque assez avancée de la maladie , le sujet peut exécuter toutes sortes de mouvemens, et la moelle épinière n'a évidemment rien perdu de son apti- tude à conduire les oscillations ou les courans qui émanent du scnsorium commune; mais les mouvemens ont perdu leur énergie, le malade ne peut plus rester long-temps ni assis ni debout , et les forces vont toujours en diminuant, jusqu'à ce qu'elles s'éteignent tout-à-fait , et qu'il y ait paralysie com- plète. Il faut bien distinguer cette espèce de paralysie d'autres dans lesquelles la propagation se trouve interrompue en un point quelconque de la colonne motrice, et où les muscles corrcspondans n'obéissent plus à la volonté, tous les autres con- servant la plénitude entière de l'énergie de leurs mouvemens. DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 5^9 9» La moelle épinière est la cause de la puissance et de la tension sexuelle : l'exercice du penchant à la reproduction est régi par elle. On ne saurait contester que cet organe est un des plus affectés dans le coït ; nous en avons pour preuve les violeos mouvemensréflectifs qui succèdent aux irritations sen- sorielles des nerfs de la verge-, dans les vésicules séminales et les muscles du périnée. L'accablement qui suit l'acte vénérien ne peut avoir sa cause que dans la moelle «épinière. Les forces de celle colonne ne reviennent que peu à peu au degré de tension nécessaire pour la répétition de l'acte; il faut du temps pour ramener en elle celte exubérance de principe actif qui fait que toute atteniion du sensorium portée sur les rapports des sexes détermine l'érection , et que l'idée peut en quelque sorte décharger la moelle épinière pour déterminer, au moyen de l'influence nerveuse organique émanée d'elle , l'accumu- lation du sang dans la verge. Mais cette puissance de la moelle épinière, ses maladies la lui font perdre aussi. dO» L'influence qu'elle exerce, par les nerfs organiques , sur les opérations chimico-organiques du système capillaire , se manifeste non seulement par les chungemens que la sécré- tion cutanée subit dans la syncope , mais encore, et d'une manière bien plus prononcée même , par l'état de la peau chez les hommes dont la moelle épinière souffre à la suite d'excès : lorsque le coït est trop souvent répété , outre que les forces diminuent , la peau devient plus turgescente , elle exhale moins , elle est plus sèche , la chaleur baisse , et du froid se fait sentir aux pieds , aux mains , aux parties géni- tales. 11° La moelle épinière est aussi le siège d'une impression morbide dans toutes les affections fébriles, et les changemens que la fièvre apporte aux sensations , aux mouvemens , aux phénomènes organiques , aux sécrétions , à la production de la chaleur, ne peuvent être conçus que par l'extension de la maladie à l'organe dont ce chapitre est consacré à faire con- 24 370 DD CERTEAU. naîire les propriétés. Comme les affections des nerfs cérébro- spinaux délermineni rarement la fièvre , et qu'elles occasio- nent plus facilement d'autres affections nerveuses ; comme aussi rien n'est plus propre à produire la fièvre qu'un cLan- ' gemenl de l'action des vaisseaux capillaires dans une partie quelconque , soit une modificaiion de l'état des membranes muqueuses, soit une inflammation d'un organe, quel qu'il soit : nous sommes très-disposés à admettre qu'il y a, dans la fièvre , une impression transmise à la moelle épinière , puis réfléchie par elle sur tous les nerfs, dont le point de départ est une affection violente des nerfs organiques d'une partie quelconque , soit inflammation , soit toute autre irritation. Quant à ce qui concerne les effets organiques de la moelle épinière comparés à ceux du cerveau , nous savons , d'après les expériences de Flourens , confirmées par celles de Hertwig (1) , qu'un Oiseau auquel on a enlevé les hémi- sphères du cerveau , et auquel on a soin d'entonner des ali- mens , peut vivre encore pendant un certain laps de temps sans maigrir. CHAPITRE III. Du cerveau. I. Comparaison du cerveau des animaux vertébrés. Il n'est aucune partie de la biologie qui puisse faire plus d'emprunts à l'anatomie comp irée que 1j physiologie du cerveau. Les diverses classes du règne animal offrent, en rai- son du plus ou moins de développement des facultés intellec- tuelles , une série d^ différences qui sont de la plus haute importance pour l'interprétation des parties de la masse en- céphalque. D'ailleurs, l'inilispeusable nécessité de recourir aux expériences sur les animaux pour arriver à cette déter- (1) Expérimenta quadam de aff'eetibuslœsionum in partibus encephuU, Berlin, 1826. DU CERVEAU. 3n l mination , fait encore que nous ne pouvons nous passer d'un puralléle établi entre les cerveaux de ces êires. J'ai donc cru devoir faire précéder l'examen des propriétés et des forces dévolues à l'encépliale , d'i.n aperçu comparatif de l'organe lui-même chez les animaux vertébrés. Ces considérations doivent partir de l'éiat du cerveau chez les fœtus de l'homme et des animaux supérieurs, parce que c'est lui qui, ici comme dans toutes les recherches du même genre , four- nit les points de comparaison les plus sûrs. Il suffit d'un coup d'œil superficiel jeté sur le cerveau de l'homme et des vertébrés supérieurs pour s'apercevoir que les hémisphères, dont la partie postérieure couvre, dans l'espèce humaine , non seulement les tubercules quadriju- meaux, mais encore le cervelet , sans se confondre avec les parties sur lesquelles ils font saillie , se retirent de plus en plus en avant chez les animaux , et laissent à découvert , su- périeurement , les pariies qu'ils recouvrent chez l'homme. Le cervelet est déjà libre dans les Ronjjeurs, les tubercules quadrijumeaux le sont aussi dans les Oiseaux, et plus encore dans les Reptiles. A mesure que les hémisphères diminueiit, les tubercules quadrijumeaux grandissent , et si ces derniers sont encofe beaucoup plus petits que les hémisphères dans les Reptiles, le rapport a tellement changé , dans les Pois- sons, qu'on est dans le doute de savoir quelles sont les par- ties qu'on doit considérer comme hémisphères, et quelles comme tubercules quadrijumeaux. En effet , le cerveau de ces animaux n'offre qu'une série de renflemen*; , les uns pairs elles autres impairs : le plus postérieur , qui est impair , re- po>^e sur la m )elle allongée, et couvre le quatrième ventricule, est le cervelet; au devant dp lui se trouve une paire de ren- flemens , soMVcnt !■ s plus fjros de lou:, , et creux dans leur intérieur, d'où naissent en grande partie les cerfs optiques; plus en avunt,on aperçoit une autre paire de reaflemens, pleins et adhérens ensemble dans le mibeu ; lotit-à-fait à 572 DU CERVEID. la p:irtie antérieure , on en découvre encore deux , qui sont séparés l'un de l'autre , et desquels les nerfs olfactifs tirent leur origine. Il n'y a que le cerveau du fœtus des ani- maux supérieurs qui ressemble, jusqu'à un certain point, au cerveau des animaux infér leurs ; car les hémisphères y sont petits, ils ne dépassent dabord ni le cervelet, ni les tubercu- les quadrijumeaux, et il y a une époque à laquelle le volume de ces derniers n'est point inférieur au leur. Dans ce cas , on trouve une série de renflemens analogues à ceux que pré- sente l'encéphale des Poissons ; d'abord, en arrière, un petit cervelet impair, puis les deux gros tubercules (juadrijumeaux, non encore séparés en paire antérieure et paire postérieure , et creux dans l'intérieur (veuiricule qui devient plus tard l'aquéduc de Sylvius), ensuite les hémisphères, ayant, chez les Mammifères , les lobes olfactifs à leur partie antérieure. Ce- pendant l'état du cerveau des Mammifères durant la première période de la vie fœtale, n'est point assez bien connu pour permettre de la comparer avec fruit avec celui de cet organe chez les Poissons. Nous ne pouvons employer dans cette vue que les observations recueillies sur l'embryon de Poulet. Or, d'après les recherches de Baer (1) , le cerveau de l'embryon d'Oiseau offre les renflemens suivans , en procédant d'arrière en avant : 1* Un cervelet impair , couvrant le quatrième ventricule au dessus de la moelle allongée. 2° La vésicule des tubercules quadrijumeaux , de laquelle principalement naît le nerf optique ; elle est creuse dans l'in- térieur, et renferme le ventricule de Sylvius , qui se trouve aussi contenu , chez l'adulte , entre les lobes optiques écartés l'un de l'autre par le bas. 3° La vésicule du troisième ventricule. Le troisième ventri- cule , borné latéralement par les couches optiques et infé- (d) Voyez Bu&DACH, Traité de physiologie ^ trad. par A.-J. -L. Jourdan, Paris, 4838, t. 111 , p.,202. DU CERVEAU. SyS rieurcment par l'entonnoir, n'est pas couvert, chez l'em- bryon, par les hémisphères, qui sont encore très-petits ; ce- pendant il n'est point , dans le principe , ouvert à la partie supérieure, où l'on remarque un couvercle qui, plus tard , se déchire d'avant en arrière , sur la ligne médiane, et dont la partie postérieure produit le glande pinéale , en reve- nant sur elle-même , de manière que les pédoncules de cette glande indiquent l'étendue qu'avait primitivement le couver- cle médian. Les couches optiques sont contenues dans la vési- cule du troisième ventricule. Up La double vésicule des hémisphères, contenant dans son fond les corps striés. Celte vésicule, d'abord plus petite que celle des tubercules quadrijumeauxou lobes optiques, grossit peu à peu, et s'étend en arrière sur la vésicule du troisième ventricule et sa fente. Dans l'origine, elle n'est point déchirée à sa partie postérieure, c'est-à-dire qu'il n'y a encore aucune trace de la grande fissure du cerveau , par laquelle on pé- nètre , chez l'adulte , dans la cavité des hémisphères , en pas ■ sant sous le bord inférieur et postérieur de ceux-ci. Il y a donc un moment où l'on ne peut arriver que par la fente de la vésicule du troisième vésicule dans les vésicules des hémisphères, qui font corps avec elle. Mais , après qu'une fente transversale s'est établie à l'endroit où le bord infé- rieur et postérieur des vésicules des hémisphères , qui fait saillie en manière de bourse au dessus de la vésicule du troi- sième ventricule , se confond avec le bord antérieur de cette dernière , la grande fente cérébrale existe , fente à travers laquelle chacun sait qu'on peut , chez l'adulte , après avoir enlevé la pie-mère, pénétrer dans le ventricule latéral, au des- sous des piliers postérieurs de la voûte. Donnons maintenant une description rapide de l'encéphale des Poissons, en commençant, comme l'a fait Cuvier , par le cervelet , sur le compte duquel il ne peut y avoir aucun doute : 3y4 DU CERVEAU. 1° Le cervelet. Il est impair , et situé en travers sur la iTioelie allongée ; il couvre le quatrième veniricule, qui s'ou- vre au dessous de lui , en arrière , comme chez tous les ani- maux. 2** Les lobes optiques. Au devant du cervelet on découvre en haut une paire de lobules creux , unis le lonjj d'un sillon médian de leur paroi supérieure. Ils donnent origine aux nerfs opiicpios , et l'on ne doit pas les conf^)ndre avec les cou- ches optiques des animaux supérieurs. Leurs parois contien- nent deux couches de fibres i la couche extérieure marche d'anière on avant et de dehors en dedans; rinierne rayonne de bas en haut et de dedans en dehors dans les parois des lo- bes optiques. Sur le fond (chez les Poissons osseux seulement), on aperçoit deux paires de petits corpi, qui sont entourés ex-^ térieuremeni d'un renflement gris d'où part le rayonnement intérieur; au devant de ces corps se trouve un enfoncement , le troisième ventricule , qui conduit à la glande piluitaire. Au devant du troisième ventricule est placée la commissure anté- rieure. Les nerfs optiques sortent de la couche fibreuse exté- rieure de ces lobes. Au devant des petits corps gris s'ouvre , dans le troisième veniricule, l'aquéduc, qui vient, au dessous d'eux , du quatrième ventricule. A l'extrémité antérieure des lobes optiques, entre eux et les lobes antérieurs, on aperçoit, sur la ligne médiane, une ouverture peu favorable à l'opinion des anatomistes qui regardent ces lobes comme les analogues des hémisphères des animaux supérieurs. Le nerf pathétique naît derrière les lobes optiques , et derrière les petits corps gris, au devant du cervelet. 3" Au dessous des lobes optiques sont placés, à la base du cerveau, et au devant de la moelle allongée, deux petits renflemens, appelés lobes inférieurs, d"où parient aussi, selon Cuvier, des libres allaut se rendre aux nerl's optiques, mais dont Gottsche nie l'exisience. Ils contiennent rarement une caviié , qui communique avec le troisième ventricule. DC CERVEAU. 3^5 4- Les lobes antérieurs sont «ris, placés an devant des lobes optiques, et en général plus petiis que ces derniers. Us ont un volume extraordinaire dans les Raies et les Squales. Ils sont unis, sur la lifine médiane, par une ou deux commissures. Leur surface montre parfois des circonvoluiions. Us ne sont pas creux , si ce n'est chez les Raies et les Squ:des , où leur volume dépasse celui des lobes optiques. De ces lobes naissent les nerfs olfactifs , soit immédiaument, soit par un renfle- ment; ces renllemens des nerfs olfactifs, appelés eux-mêmes lobes'olfaclifs , sont ensuite séparés l'un de l'autre, et sans commissure. 50 Chez quelques Poissons {Murœna) il y a une sorte de glande pinéale. Elle est siluée au devant des lobes optiques, et 6xée par deux pédoncules à la base postérieure deslobeà antérieurs. 6' La plupart des Poissons ont des renflemens de la moelle allongée qui correspondent à l'origine du nerf vague, et qu'on nomme lobes postérieurs. Si l'on prend en considération qu'U'eudroit où les nerfs olfactifs naissent des lobes antérieurs, il se trouve souvent un tubercule olfactif , que les nerfs optiques proviennent des lobes optiaues. er ««^ «-f. .u^ues des lobes postérieurs , ou demeure coavaincu que les lobes du cerveau des Poissons sont en grande partie des masses centrales pour les nerfs prin- cipaux , de même que la moelle épinière des Trigles offre une série de cinq renflemens à l'endroit où naissent les gros nerfs destinés aux appendices libres qui sont placés aii des- sous des nageoires pectorales, de même aussi que celle de tous les animaux vertébrés présente des renflemens à 1 origine des nerfs brachiaux et cruraux. Pour ce qui concerne l'interprétation du cerveau des Pois- sons , comparé à celui des animaux supérieurs , les opmions sont partagées. . r Les uns , comme [Cuvier, comparent les lobes optiques 076 nu CERVEAU, des Poissons aux. hémisphères cérébraux des animaux supé- rieurs. Il se londent sur l'existence du troisième ventricule au fond de la partie médiane des lobes optiques, ei sur la com- missure qui existe au devant de ce ventricule. Ils comparent aux tubercules quadrijumraux les renflemens situés au fond de la cavité des lobes optiques , derrière le troisième ventri- cule. Enfin les lobes olfactifs, placés au devant des optiques, sont pour eux les analou[ues des lobes olfactifs qui se voient au commencement des hémisphères cérébraux, chez les Rep- tiles, les Oiseaux et les Mammifères. Gottsche, dans son beau travail sur le cerveau des Poissons (1), semble pencher en fa- veur de cette opinion. Cependant elle a contre elle la situa- tion de la glande pinéale au devant des lobes optiques, qui, s'ils représentaient les hémisphères , comme on le prétend , seraient placés en avant des tubercules quadrijuraeaux; elle a contre elle encore la petitesse des renflemens situés au fond de la cavité des lobes optiques, tandis que les tubercules qua- drijiimeaux des Oiseaux et des Reptiles sont fort gros et creux. Les commissures des lobes antérieurs ne s'oppose- raient pas à ce qu'on l'admît , car les lobes des nerfs olfactifs des animaux .supérieurs sont également réunis par une com- missure. 2° La plupart des auteurs , tels que Arsaky, Carus , qui donne le nom de couches optiques aux lobes optiques, Tiede- mann , Serres , Desmoulins, regardent ces lobes comme les analogues des tubercules quadrijumeaux des animaux supé- rieurs, et rapportent aux hémisphères les lobes solides placés au devant d eux. Ils se fondent sur le volume des tubercules quadrijumeaux , sur la cavité que ces corps renferment chez les Oiseaux et les Reptiles, sur la part qu'ils prennent à l'o- rigine des nerfs optiques chez les animaux supérieurs, sur le volume très-considérable et l'excavation de ces mêmes corps (1) Meckel, Archiv , 1825. DC CERVEAU. 3^7 chez les fœlusdes animaux supérieurs, à une cerlaiue époque de la vie desquels ils surpassent même toutes les parties du cerveau en {grosseur. On peut alléguer aussi en faveur de celle opinion la situation de la glande pinéale au devant des lobes optiques des Poissons. Mais d'aulres circonstances s'élèvent contre elle, savoir : la solidité des lobules situés au devant des lobes optiques, et que l'on compare aux hémisphères (ils ne sont creux que chez les Poissons cartilagineux); les renfle- mens placés au fond des lobes optiques , et qu'on ne trouve point dans les tubercules quadrijumeaux des animaux su- périeurs ; la situation du troisième ventricule sur la base des lobes optiques; enfin la commissure qui se remarque au devant de ce ventricule. 3° Treviranus compare les lobes optiques des Oiseaux à la partie postérieure des hémisphères et aux tubercules quadri- jumeaux des Mammifères, notamment à la réunion des corps genouillés avec les tubercules quadrijumeaux. Le principal argumenta l'appui de cette hypothèse est que la partie posté- rieure des couches optiques fait saillie dans la cavité dos lobes optiques des Oiseaux et des Reptiles. D'après cela , les lobes optiques devraient être considérés comme une réunion de la partie postérieure des hémisphères avec les parois des tuber- cules quadrijumeaux, qui sont entièrement creux chez le fœtus, 4° Dans mon opinion, les lobes optiques des Poissons cor- respondent aux lobes optiques ou à la vésicule des tubercules quadrijumeaux, et en même temps à la vésicule du troisième ventricule du fœlus des Oiseaux. L'exactitude de ce rapproche- ment est prouvée d'une manière définitive par la structure du cerveau des Lamproies, chez lesquelles les lobes optiques se di- visent en un lobe du troisième ventricule, d'où naissent les nerfs optiques, et en une vésicule des tubercules quadrijumeaux, tandis que , chez les autres Poissons , tous deux représentent ensemble une vésicule commune , au fond de laquelle se trouve le plancher du troisième ventricule. Le lobe du troi- î-jS DU CERVEAU. sième ventricule des Lamproies piésente, en haut et en devant, la fente qui se forme dans la vésicule du troisième ventricule de l'embryon dOiseau, et cette fente des Lamproies reparaît à la partie antérieure des lobes optiques des autres Poissons. Il suit de là en même temps que les lobes optiques des Pois- sons différent encore beaucoup de ceux des autres animaux. Car, cliex les Reptiles et les Oiseaux , ces lubes sont les vési- cules des tubercules (luadrijumcaux du fœtus dOiseau et du fœtus de JNJammifcre (1). Les lobes iuférieurs des Poissons sont comparés par Desmoulins aux éminences mamillairesdes Mammifères , et par Cuvier aux lobes optiques des Oiseaux , qui seraient descendus plus bas encore. Cependant les lobes optiques des Oiseaux, quoiqu'ils soient écartés l'un de l'autre, rejetés tant en bas qu'en dehors, et unis seulement par une bande transversale , correspondent évidemment à la ({rosse masse des tubercules quadnjumeaux du fœtus des Mammi- fères. Gottsehe nie l'existence de fibres du nerf optique pro- venant des lobes inférieurs. Si l'on compare les Reptiles et les Oiseaux avec les Mammi- fères, on voit que les premiers possèdent la voûte, mais qu'ils n'ont pas la grande commissure des hémisphères, ou le corps calleux, qui n'apparaît d'une manière complète que chez les Mammifères; que leurs lobes optiques sont encore creux, tandis que les tubercules quadrijumeaux des Mammifères renferment seulement l'aquéduc de Sylvius, et ne sont creux (|ue pendant la vje embryonnaire ; enfin que les lobes opti- ques se divisent encore, comme les tubercules quadrijumeaux des Mammifères, en deux paires d'éminences, l'une anté- rieure , l'autre, posiérieuie. On n'obseï ve point encore les éminences mamillaires. Les Oiseaux et les Reptiles sont dé- pourvus aussi de la partie visible à l'extérieur du pont de Varole, quoiqu'on leur refuse à tort ce dernier, puisqu'il faut (i) Mvt-L»R, 4rçhiv , 1834, p. 62. DU CERVEAU. 37^ y rapporter, même chez les Mammifères et l'homme, les fibres transversales profondes qui se remarquent entre les faisceaux de la moelle a!on{j;ée. Les parties latérales du cer- velet sont moins développées que chez les Mammifères. Les Mammifères, comparés à l'homme, ont les hémisphères moins développés d'une manière relative, d'où il suit que, chez beaucoup d'enire eux, le cerveau n'est pas partagé en plusieurs lobes; c'est seulement chez lesRuminans, les Car- Dossiers, les Pachydernes et les Solipèdes qu'on commence à apercevoir une division en deux lubis, qui correspondent plus aux lobes antérieur et moyen qu'aux lobes postérieurs du cer- veau de l'homme, ce qui s'accorde avec l'absence de la corne postérieure des ventricules latéraux chez ces animaux, à l'ex- ception des Singes, des Phoques et des Dauphins. Les circon- volutions sont à peine marquées aussi chez beaucoup de Mam- mifères , tels que les Rongeurs , les Chéiroptères , la Taupe , le Hérisson, les Tatous et les Fourmiliers ; on ne les dislingue bien que chez les Carnassiers, les Ruminans, les Solipèdes, les Pachydernes et les Singes; mais elles sont plus simples que chez l'homme (1). La commissure inférieure du cervelet, ou le pont de Varole , est déjà visible à l'extérieur, chez les Mammifères; mais elle est étroite encore, ce qui fait qu'on peut suivre plus loin les pyramides de la moelle alongée , qui, chez l'homme, sont plus cachées par la couche profonde des fibres transversales du pont. Chez beaucoup de Mammi- fères aussi, les faisceaux de fibres transversales, embrassant la moelle épinière, qui se trouvent placés derrière le pont proprement dit, sont séparés de ce dernier (2). Sur la moelle allongée, on ne distingue bien ni les corps oli- vaires à l'extérieur, ni le corps frangé à 1 intérieur ; les stries (1) Carus, Traité élémentaire d'anat. comp. , Uad. par A.-J.-L. Jour- dan , Paris, 1835, t. 1, p. 97. (2) Taeviranvs , y ermischte Schiften^ 3, 12. 38o DU CERVEAU. médullaires transversales du quatrième ventricule manquent {généralement, et le cervelet, qui possède moins de feuillets que celui de l'homme , a;uissi, la plupart du temps, moins de volume ; mais les toiifl'es sont plus dévoloppées , comme chez les Oiseaux, et, de même que chez ces animaux, elles occupent souvent une fosse particulière creusée dans le rocher. Les lobes olfactifs que l'on remarque à l'exirémiié antérieure des hémisplièrcs du cerveau des Oiseaux, existent encore chez les Mammifères, dont les tubercules olfactifs diflèrent des nerfs olfactifs de l'homme en ce qu'ils sont creux et que leurs ca- vités communiquent immédiatement avec les ventricules laté- raux du cerveau. II. Forces du cerveau et facultés de l'âme en général. Le cerveau des Poissons grossit de plus en plus , depuis les Poissons jusqu'à l'homme, en raison du développement des facultés intellectuelles. D'après les évaluations données par Ca- rus, sa masse est à celle du corps : : 1 : 720, dans la Lote, 1 : 1305 dans le Brochet, ;; 1 : 1837 dans le Bars, :: 1 : 380 dans la Salamandre, :: 1 -. 2240 dans la Tortue terreste, :: 1 : 91 dans le Pigeon, :: 1 -. 160 dans l'Aigle, :: 1 ; 231 dans le Serin, ; ; 1 : 82 dans le Rat, - 1: 351 dans la Brebis, : : 1 : 500 dans l'Éléphant, • • 1 : 48 dans le Gibbon, ; ; 1 : 25 dans le Simia Capucina. D'après Sœmmorring, le plus gros cerveau d'un Che- val pèse une livre et sept onces, et le plus petit d'un homme adulte deux livres cinq onces et demie; cependant les nerfs qui sortent de sa base sont près de dix fois plus gros dans le Che- val que dans l'homme. Le cerveau d'une Baleine longue de soixante-et-quinze pieds , pèse cinq livres cinq onces et un gros, tandis (jue , suivant Sœmmerring, celui de l'homme pèse depuis deux livres cinq onces et demie , jusqu'à trois livres une once sept gros (1). Si l'on pense que la moelle épinière (1) Comp<\rez y4natomie comparée du système ?ierveux, pur F. Leuiet, Paris, 1839, in-8. DU CERVEAU. 38 1 dimiûue beaucoup moins chez les animaux inférieurs, puisque sa masse est à celle des corps, par exemple :: 1 : 181 dans la Lote, ; ; 1 : 190 dans la Salamandre terrestre , ; • 1 : 305 dans le Pigeon , et : : 1 : 180 dans le Rat , il devient manilesle que le développement des facultés intellectuelles dans le règne animal dépend de la force du cerveau , et non de celle de la moelle épinière. Les variations considérables que la propor- tion subit dans une seule et même classe , nous prouventque le volume du cerveau , en général , n'y est pas non plus ri- gonrpusement calculé dans la vue de dominer la masse du corps , et qu'il faut chercher, non pas en lui , mais dans la moelle épinière, la force des appareils moteurs nécessaires pour exercer la domination sur les masses musculaires. Cependant toutes les parties du cerveau ne marchent pas, dans le règne animal, d'un pas égal avec le développement des facultés intellectuelles. La prépondérance de cet organe chez les animaux supérieurs se rattache surtout à l'accroisse- ment des hémisphères. Le cervelet a bien , chez ces animaux, un volume proportionnel plus considérable que chez les ani- maux inférieurs; mais la proportion est beaucoup plus faible. Les tubercules quadrijumeaux sont proportionnellement plus petits, chez l'homme, et la moelle allongée , avec ses ramifi- cations dans le cerveau, n'est pas , proportion gardée, plus grosse chez lui que chez aucun animal. Cette partie amène également , chez tous les animaux , toutes les fibres nerveuses du tronc entier au cerveau. Cette circonstance seule nous prouve que le cerveau contient des parties qui ont la même signification chez tous les animaux , et qui ont partout la même importance pour la vie ; en effet, la lésion de la moelle allongée est également mortelle chez tous les animaux, parce qu'elle af- fecte en quelque sorte, le centre de la vie et de tous les mouve- mens volontaires, tandis que la lésion des hémisphères apporte bien moins de trouble dans les fonctions chez les Reptiles que chez les êtres doués de facultés intellectuelles supérieur 38a DU CERVEAU. Snns entrer, dès à présent, dans l'examen des forces que les diverses |)arties du cerveau possèdent, iiidëpendamineiit des aptitudes intellectuelles, nous allons commencer par recher- cher le rapport qui existe entre les facultés de l'âme et len- céphale en {^énéral. L'analomie comparée nous montre déjà que nous devons chercher dans le cerveau la source des fa- cultés iniellectiielles ; les expériences sur les animaux et l'histoire des lésions de ce viscère comparées à celles d'autres orijanes, le confirment. Il nous faut donc démontrer que les fonctions de Tame ne s'accomplissent dans aucune partie du système nerveux, ni du corps en général, autre que le cerveau. Quant à ce qui concerne d'abord les nerfs , les conséquen- ces de leurs lésions prouvent cpiune fois séparés du cerveau, ils sont également soustraits à l'influence de la volonté, et que l'animal n'a plus h conscience de leurs étals. Sous ce point de vue, la moelle épinière se comporte comme eux : toute lé- sion de cette colonne soustrait à l'influence du cerveau , et par suite à l'empire de la volonté , tous les nerfs qui naissent au dessous du point où elle a lieu , tandis que ceux qui prennent leur origine au dessus de ce point et le tronçon supérieur de ceux sur le trajet desquels on a pratiqué une section, peuvent encore apporter des sensations à la conscience et recevoir du cerveau les ordres de la volonté. La portion antérieure du tronc de la Grenouille , derrière la tête séparée du corps, continue de sentir et de se mouvoir voloniniiement. Ainsi, la section n'a rien fait perdre de ses forces à l'organe du pouvoir intellectuel ; elle a seulement diminué l'étendue des parties sur lesquelles il règne, absolument de même qu'en perdant ses membres, l'amputé conserve ses facultés intellectuelles, et perd seulement les moyens de les manifester par des actions. Toute autre partie quelconque du tronc peut encore moins que la moelle é|)inière être le siège des fonctions de l'âme. Les membres peuvent être amputés et les viscères frappés de gangrène, c'est-à-dire de mort, sans que l'âme perde rien DU CERVEAU. 383 de sa lucidité , aussi long-temps que la vie persiste en pareil cas; il arrive même quel(|uefois qu'après l'apparition de la gang^rène, dans une maladie inflammatoire, la conscience re- prend sa netteté, qu'elle avait perdue. Nous ne devons pas être surpris de ce que le délire survient souvent dans les affec- lions phlegmasiques , puisqu'en quelque partie du corps que celles-ci s'établissent, même dans colles dont l'amputation ne porte aucune atteinte aux facultés intellectuelles , elles peu- vent , lorsqu'elles sont violentes , exercer une Irès-vive im- pression sur le sensnrium commune. Une forte infliimmatioti à la peau provoque le délire : p turquoi la même chose n'au- rait-elle pas lieu dans l'inflammaiion d'un viscère? et cepen- dant toute partie de la peau peut être enlevée, avec le mem- bre entier, sans que l'âme s'en ressente. Mais , que cette violente impression d'une partie malade sur les organes cen- traux vienne à cesser par l'effet de la gangrène ou de la mort de l'organe, aussitôt tombe le voile qui couvrait en quelque sorte le sensorium commune^ et la conscience peut redevenir claire et nette pendant le court espace de temps qui s'écoule jusqu'à la mort définitive. On parvient de cette manière à dé- montrer qu'aucun des viscères logés dans le bas-ventre ne saurait être le siège des fonctions de l'âme. Les maladies in- flammatoires des organes imporlans contenus dans la cavité thoracique, les poumons et le cœur, peuvent causer la mort avant même d'avoir porté le trouble dans le sensorium. Ce- pendant les affections chronique^ de ces viscères et leurs dé- générescences démontrent jusqu'à l'évidence qu'ils ne sont pas non plus le siège des facultés de l'âme. Le phtliisiqne ne perd rien de ces facilités, malgré la destruction totale de ses poumons. L'homme atteint d'une maladie du cœur peut éprou- ver une anxi^ lé extrême, comme il arrive toujours quand la circulation est troublée; mais ses fonctions intellectuelles conservent leur iniégrilé. Ainsi tous les organes, à l'exception du cerveau , peuvent, ou sortir ieniemeat du cercle de Téco- 38:'| liU CERVEAU. nomie animale , ou périr en peu de temps, sans que les facultés de rame subissent aucun déran{][ement. Il en est autrement du cerveau. Tout trouble lent ou soudain de ses fonctions change aussi les aptitudes intellec- tuelles. L'inflammation de cet organe n'est jamais sans délire, et plus tard sans stupeur. Une pression exercée sur le cerveau proprement dit, amène toujours le délire ou la stupeur, sui- vant qu'elle a lieu avec ou sans irritation , et le résultat est le même, qu'elle soit déterminée par une pièce d'os enfoncée, ou par un corps étranger, de la sérosité, du sang, du pus. Les mêmes causes, suivant le lieu sur lequel porte leur action, entraînent souvent la perte du mouvement volontaire ou de la mémoire. Dès que la pression cesse, dès que la pièce d'os est relevée, la connaissance et la mémoire reviennent fréquem- ment; on a même vu des malades reprendre la série de leurs idées au point juste où la lésion l'avait interrompue. Les lésions du cerveau , chez les animaux, déterminent la stupeur et la perte de connaissance ; de même, la plupart des aliénés ont cet organe atteint de désordres matériels considérables, quoi- qu'il y ail néanmoins des cas, surtout dans la folie hériditaire, où les changemens matériels subis par des fibres d'une té- nuité microscopique, échappent à tous nos moyens d'investi- galion (1). On a objecté , il est vrai, que certains sujets ont présenté des destructions considérables, par exemple de tout un hémisphère, sans que leurs facultés intellectuelles fussent altérées-, mais les expériences sur les animaux prouvent que les lésions, même subites , qui portent sur un seul hémisphère, n'entraînent pas sur-le-champ une stupeur complète, elque celle-ci ne se manifeste qu'après l'ablation des deux hé- misphères; ce qui semble annoncer que ces deux portions du cerveau s'entr' aident réciproquement et peuvent même (1) Esquirol, Des maladies mentales, Paris, d838, 2 vol. in-8.— F. Leu- ret, Du traitement moral de la folie Paris, 1S40, iu-8, DU CERVEAU. 585 se suppléer l'une l'autre dans l'exercice des fonctions de Tâme. Plusieurssavans distingués, Bichat et Nasse entr'-autres, sont d'une opinion directement contraire à la mienne. Quoiqu'ils re- connaissent que le cerveau est le siège des hautes fonctions de l'ûme, ils prétendent cependant que d'autres organes encore, par exemple, ceux du bas-ventre et de la poitrine, prennent part jusqu'à un certain point à ces fonctions. Ils ont même de la propension à croire que le siège des passions pourrait bien résider dans les viscères, et ils se fondent tant sur les affections que ceux-ci éprouvent dans les passions, que sur les altérations morbides qu'on découvre en eux dans certains cas d'aliénation mentale. Assurément, le canal intestal, le foie, la rate, les poumons, le cœur, sont fréquemment malades chez les aliénés, et ils le sont même quelquefois dans des cir- constances où le cerveau ne présente aucun changement ma- tériel appréciable. J'accorde aussi que la maladie d'un viscère peut, comme toute autre cause occasionelle , donner lieu à la manifestation d'un dérangement de l'esprit. Mais je ne con- clus pas de là que tel ou tel viscère soit la source de certaines lacultés intellectuelles ou de certaines passions. Pour amener une maladie mentale quelconque, il faut une prédisposition dans le cerveau; quand cette prédisposition, acquise ou sur- tout héréditaire, existe, tout désordre prolongé qu'une ma- ladie d'un viscère quelconque provoque dans les fonctions des organes centraux, en vertu de l'impression que ces derniers ressentent, et des lois de la propagation des états nerveux dans la moelle épiniète et le cerveau, suffit pour faire éclater l'aliénation mentale, absolument de même que toute partie du corps dont la perle ne porte aucun préjudice à l'àme , peut cependant, aussi long-temps qu'elle jouit de la vie, donner lieu à un délire sympathique par la transmission vive de sa disposition maladive au cerveau. De là vient aussi que, dans les délires de ce genre, l'état normal se rétablit à la cessation i. 25 386 ^^ CERVEAU. des troubles matériels dans les viscères qui influent de loin ou de près sur l'eDcépliale. Quant aux rapports entre les viscères et les passions, on ne peut pas les nier sans doute, mais tout ce qui les concerne est encore enveloppé d'une grande obscurité. Il rèffne, dims cette partie de la physiologie, des opinions assez généralement ré- pandues, qui s'éloignent fort peu des simples traditions popu- laires. On sait qu'en vertu d'un changement d'éiat qui a lieu dans le cerveau, les passions exercent une action tantôt exci- tante et tantôt déprimante sur tout le système nerveux. Les passions excitantes sont accompagnées de tension et niême de niouvemens convuisils dans certains muscles, principalement dans tous ceux qui dépendent du système respiratoire des nerfs, le nerf facial y compris ; les mouvemensde la respira- tion changent au point de produire les pleurs, les soupirs, le hoquet, et les traits du visag* se déforment. D.ms les passions déprimantes, telles que lanxiété, la crainte, la fr;iyeur, to .s les muscles sont relâchés, p..; ce que l'influence motrice de la moelle épinière et du cerveau sur eux diminue : les jambes ne soutiennent [)lus le corps, les traits de la face sont pendans, l'œil est fixe, et reflet peut aller jusqu'à la paralysie momen- tanée de tout le corps, principalement des sphincters. Les mouvemens du cœur s'accélèrent dans les deux genres de passions; mais les pi emières leur impriment en inêiTie temps plus de force, tandis que la plupart des antres les l'cndent plus faibles. Les sensations sont changées dans certaines par- ties, nol.inmient dans l'organe de I » vue, d;ins l'appariil de la respiration, et dans c< lui de la dig<*stion, souvent même dans le système nerveux entier. Les <1V. ts organi(|ues des passions mouitient lu sécrétion de la glande lacrynule; celle de la peau, qui se couvre d'une sueur froide dans les passions dépriman- tes ; celle de la bile, qui iranssude fréquemment à travers les parois des vaisseaux, et produit ainsi l'ictère; celle enfin de l'urine, qui devient aqueuse, comme dans toutes les aifeclions DU CERVEAU. 387 nerveuses. Ils modifient également les actions des petits vais- seaux, et par-là changent l'état de turgescence de la peau, qui tantôt rougit et tantôt pûlit. En un mot, l'influence des passions porte d'abord sur les nerfs de la respiration, le facial, le vague, les spinaux respiratoires et le phrénique, puis, par la moelle épinière, sur le système entier des nerfs spinaux, tant ceux de la vie animale, que ceux de h vie organique. Mais, en laissant de côté les traditions, je ne connais rien qui établisse que, chez l'homme en santé, une passion agisse plus sur un organe que sur un autre. On dit que le cœur a des rela- tions avec la joie, avec le chagrin, avec l'anxiété; mais quelle est la passion tant soit peu vive , excitante ou déprimante , dans laquelle son mode d'action ne change pas ? Il en est de lui comme des organes lacrymaux, qui peuvent é(re aflectés dans toute passion violente, puisqu'on voit souvent le chagrin, lacolère,la joie, l'admiration, l'émotion, la tristesse, lacrainie, l'anxiété, la frayeur s'accompagner de pleurs. On a prétendu que le foie était lié par une étroite connexion à la colère et au chagrin. C'est une asseition fort ancienne, qui a passé dans un grand nombre d'ouvrages, même physiologiques, mais qui est absolument fausse. Il y a sans doute des personnes dont le foie se trouve affecté quand elles ont éprouvé l'une ou l'autre de ces deux passions, dont le teint devient jaune, qui ressentent des douleurs dans l'hypochondre droit, ou qui même sont atteintes d'hépatite ; mais ce phénomène n'a lieu que quand leur foie est déjà malade, ou lorsqu'elles ont une prédisposition innée aux afl'eclions hépatiques. La pliip.u t du temps, rien de semblable ne s'observe après la colère ou le chagrin, et j'en appelle là-de>sus à l'expérience des lecteurs. Combien d'hummes (;ui, après s'être mis en roière ou avoir éprouvé des coiilrariétés, ne ressentent rien du côté du foie, mais souffrent les uns de l'estomac , les autres on cœur, c'eemens que la mo"lle allongée envoie dans le cerveau , soit avec ce cordon lui-même, mais encore par l'histoire des lésions des parties cérébrales. Il résulte des expériences de Magendie et Des- moulins , qu'uQ animal auquel on a enlevé les hémisphères du cerveau et du cervelet n'a pas perdu pour cela le sentiment. L'ablation des hémisphères le prive des organes centraux de la vue et de l'odorat , et il devient aveugle ; mais la conscience des sensations ne paraît point être liée aux hé- misphères cérébraux. Flourens a bien conclu de ses expé- riences sur l'enlèvement des hémisphères du cerveau que ces parties sont les organes centraux des sensations , et que l'animal ne sent plus rien quand on l'en a privé; mais, loin que cette conclusion découle de ses expériences, d'ailleurs si intéressantes , c'est le contraire précisément qui en ressort , comme Cuvier l'a démontré dans son Rapport. Un animal au- quel on enlève les hémisphères du cerveau tombe dans la stupeur, mais il n'en donne pas moins des signes non équivo- ques de sentiment, et non pas seulement de mouvemens ré- flectifs : il ne se détermine plus de lui mé îie à se mouvoir; mais, quund on 1p pousse, il montre les allures d'un animal qui se réveille; si on lui donne une autre position, il cherche l'é- quilibre; mis sur le dos , il se redresse; poussé en avant, il saule; l'Oiseau qu'on jette en l'air essaie de voler; la Gre- nouille exécute des sauts. L'animal n'a plus de mémoire, il ne réfléchit pas, mais il sent, et il réagit sur les sensations par des mouvemens qui ne sont pas de simples phénomènes ré- flectifs. Cuvier le compare avec raison à un homme endormi, qui, malgré l'état de sommeil, sent, puisqu'il cherche encore à prendre une position commode. /jo/, DU CERVEAU. Chez un être animé qui jouit de la santé , il faut bien tlis- tinjjîier les sensations de l'allention qui leur est accordée, de l'aptitude à en former des idées. L'attention paraît être une faculté des hémisphères du cerveau, dont la perte entraîne la stupeur, sans abolir le sentiment. Un homme qui se porte bien peut, parmi un certain nombre de sensations qui ont lieu à la fois , ne consacrer son attention qu'à une seule; il peut la rendre dominante, faire que ce soit elle qui arrive à la con- science dans toute la plénitude de son intensité , et qui excite en lui des idées, tandis que les autres, bien qu'il en soit informé aussi, demeurent vagues, parce que raiteniion n'est point dirigée sur elles. Nous sommes même en état de consacrer plus spécialement notre attention à telle ou telle partie d'une fi- gure qui fait impression sur notre sens de la vue, ce qui nous permet d'analyser les figures compliquées. Nous avons égale- ment l'aptitude de suivre avec attention un seul des instru- mens de musique d'un orchestre , même le plus faible ; les sons rendus par les autres ne produisent alors en nous que des sensations vagues. Ainsi la netteté des sensations dépend du concours d'organes dont la destruction des liémisphères cérébraux entraîne la perte , tandis que la moelle allongée est susceptible de sensations vagues et confuses. Quelques physiologistes ont cru que la moelle allongée était l'organe central de toutes les sensations , comme elle est le siège de la volonté. Je crois qu'il y a là un malentendu lors- qu'on n'appelle moelle allongée que la partie supérieure et renflée de la moelle épinière, sans y comprendre ses pro- longemens dans le cerveau. Assurément , prise ainsi dans le sens le plus restreint, elle est l'organe central de toutes les sensations tactiles, et celles-ci ont lieu même après la perte du cerveau , mais elles sont alors sans attention. D'un autre côté, il y a aussi , pour le sens de la vue et pour celui de l'odorat, des appareils centraux , qui résident dans les hémisphères du cerveau. Après que ces derniers ont été blessés, la vue et J)U CERVEAU. 4o5 l'odorat sont abolis, tle même c|iK.'lacôcilé succède aux lésions de la paire antérieure des tubercules qnadrijtîineatix , des couches optiques, et en général des parties profondes des hé- misphères. Il semble donc que les organes centraux des di- vers sens ont une existence indépendante ; quoiqu'ils appar- tiennent en partie aux prolongemeiis du système des cordons de la moelle allongée, leur action paraît néanmoins pouvoir s'exercer isolément, et ce n'est que par le concours des hé- misphères avec eux qu'a lieu l'attention, c'est-à-dire l'intui- tion claire et nette des sensations éprouvées par chacun d'eux. Voilà ce qui est vraisemblable pour le mouvement , bien que nous manquions encore de faits suffisans pour en administrer la preuve. A la vérité, il paraît certain, d'un côté, qu'après l'ablation de l'appareil central pour la vue , les sensations tactiles peuvent encore avoir lieu avec conscience au moyen de la moelle allongée; mais, d'un autre côté , nous ne savons pas si, après la perte de la moelle allongée, il peut encore y avoir des sensations dans les organes centraux des autres sens. Après la lésion de la moelle allongée, la respiration cesse, et la vie se trouve par-là réduite à un minimum qui rend impos- sible de faire des observations sur la persistance des sensations du sens de la vue, du sens de l'odorat, etc. Mais , ce qu'il y a de plus probable jusqu'à ce jour, c'est ce que les hémisphères du ctrveau, et non la moelle allongée, sont les organes auxquels aboutissent les effets des différens appareils centraux des sensations , et où les sensations indépendantes les unes des autres sont transformées en intuitions sensorielles. Quanta ce qui concerne l'organe de l'ouïe, on admet ordinai- rement qu'il a pour organe le plancher du quatrième ventri- cule , parce que c'est de là que naissent les fibres du nerf auditif. Flourens prétend, au contraire, que la faculté d'en- tendre cesse après l'ablalion des hémisphères du cerveau , quoique les Oiseaux puissent survivre plusieurs mois à cette perte, comme le prouvent ses expériences et celles de 4o6 DU CERVEAU. Heriwig. Quoiqu'il puisse bien se l'aire que les sensalions au- ditives soient liées à rinlé{îiilé du plancher du quatrième ventricule, cf^pendant les libres transversales blanches du sinus rliomboidal , qui n'ont pas toujours, à beaucoup près, de connexions avec le nerf acousticjue, et qui parlois passent manifestement au dessus de la racine supérieure de ce nerf, pour aller se jeter dans le piolonj;empnt que le cervelet en- voie au pont de Varole, ne paraissent pas jouer, dans les sen- salions auditives, le rôle ijuporiant (|u'on leur aliiibue si sou- vent. Il existe dans le caijiuet de Berlin le cerveau d'une jeune fille qui fut peu à peu parjlysée de tout le corps, à la suite d'une chute sur la nuque et iocciput; les stries médul- laires transversales du plancher du tissu rhombuïJal éiaient couvertes d'une exsudation de fibrine, et cependant l'audiiion n'avait nullement souffert chez ce sujet (1). IV, Tubercules quadrijumeaux. Les tubercules quadrijumeaux des Mammifères , et les lo- bes optiques des Oiseaux, des Reptiles et des Poissons appar- tiennent à l'appareil central du sens de la vue , ainsi que les couches optiques des animaux supérieurs. Si l'on enlève l'uo des lobes optiques chez un Pi{;eon , ou une moitié des corps quadrijumeaux chez un Mammifère, la cécité a lieu du côté opposé, mais l'iris de cet œil conserve encore pendant long- temps sa mobilité. C'est du moins ce qu'assure Flourens , car Magendie dit que l'effet n'a point lieu chez les Mammifères, Les animaux tournent à plusieurs reprises sur eux-mêmes, et toujours du même côté où l'ablation a été pratiquée , ce que Ma{;endie et Desmoulins ont aussi reconnu. Ce tournoie- ment, qu'on remarque é{;ulemenl chez les Grenouilles, paraît être la suite d'un vertije. Quand on bandait un œil à des Pi- (1) f^vy, FiscQERi D» rariore encephaliiis casu, Berlin, 1834, DU CERVEAU, 4^7 peons non mutilés, ils tournaient aussi sur le côlé de l'œil non bandé, mais bien moins brusquement et beaucoup moins long temps que les Pijjeons mutilés. La lésion des tubercules quadrijumeaux entrainnit toujours des trémoussemens convul- sifa {;eneraux , et une faiblesse marquée daas les muscles du côlé opposé à la partie enlevée. Un />l)énomcne digne de remarque, c'est que la contracli- lilé de Ijris ne se perd point après la lésion super fuielle d'un lobe optique, tandis que rablaiioa complète de ce lobe l'abo- lit, et que toute lésion qu il éprouve éteint la faculté de voir du côlé opposé. Floureus 1 ex[)!ique en disant qu'une extir- pation incomplète du lube optique ne détruit pas l excitabilité des neris ojUiques, parce qu'elle n'entraîne pas la destruction de toutes les racines de ces nerfs. Or, les mouvemens de l'iris dépentieni de 1 exciialioa du nerf optique ; car dès que Flou- rens irritait ceux-ci eux-mêmes, l'iris se contractait, et après la section coujplèie des neifs mis à nu , la membrane ne se meui plus sous 1 influence de la lumière. Celte explication est exacte; mais on peul aussi concevoir d'une manière plus simple la persistance des mouvemens de l'iris par l'irritation de la lumière après la lésion superticielle du lobe optique d'un côieicar li suliii dejà^ pour que cette membrane se meuve , que le nei f optique du côlé opposé soit irrité par la lumière, puisque, même dans l'état de santé , l'iris d'un œil se conuacie quanti la réline de l'autre œil vient à élre irritée. Les expériences de Flourens ont été presque entièrement contirmées pur ceiles de Eeriwi{j(l). Elles font voir, en effet, que la lésion partielle d'un des tubercules quadrijuraeaux,cliez les Mammifères ei les Oiseaux, produit la faiblesse musculaire et la perle; de la vue du cô é opp.st; quell5 ver. Sesexpériences sur les Mammifères ont eu presque les mêmes résultats. Celles de Hertwig sont d'accord avec les siennes. Herlwiff a trouvé que les hémisplières cérébraux ne sont point sensibles, et un Ciiien seulement donna des si^jnes de douleur quand on blessa la base du cerveau. Un auire, auquel on avait enlevé les deux bémisphères, ne quittait plus volontairement le lieu où il se trouvait, et il était plongé dans une stupeur absolue ; quand on Texcilait, il' faisait quelques pas, mais retombait aussitôt sur le sol et dans le coma. Il n'entendait pas le bruit d'une arme à feu. Un Pigeon, auquel on avait enlevé la partie supérieure des hémisphères, perdit la vue et l'ouie ; il restait comme endormi. On lui fit prendre des alimens ; il n'avalait pas les grains qu'on se contentait de lui mettre dans le bec, mais bien ceux qu'on lui plaçait sur la langue (mouvement de réflexion); les muscles étaient peu af- faib'is; l'animal se tenait ferme sur ses pattes, et il V(»lait quand on le Jetait en l'air : cet état dura jusqu'au quinzième jour, époque à laquelle l'ouïe et la sensibilité revinrent en grande pa- tie ; l'anim il vécut trois mois. Une Poule, dont on avait coupé les deux hémisphères presque à la base, perdit la vue, l'ouïe, le goût et l'odorat; elle demeurait toujours au même endroit, et ne donnait aucun signe de vie, jusqu a ce qu'ayant élé vivement irritée, elle fit quelques pas ; l'animal vécut trois mois dans cet état d'engourdissement, sans que les facultés sensorielles se rétablissent. Schoeps a fait des expériences analogues (1). De ces expériences et des eflets de la compression sur les hémisphères de l'homme , il ressort évidemment que ces par- ties du cerveau sont le siège des fonctions de lame, le lieu ou les sensations non seulement arrivent à la conscience, mais encore sont transformées en idées , celui d'où l'activité de l'âme s'applique spécialement, comme attention, tantôt a (1) Meckel, Archiv, 1827. 4^6 nu CI'HVEAU. telle et tantôt à telle autre partie des impressions sensoriel- les. Là capacité du pouvoir de lame saccroît manifestement, dans le règne animal , avec l'étendue de la suilace des circon- volutions cérébrales; mais nous ne connaissons pas, même d'une manière éloignée, l'influence de l'écorce grise dans la- quelle finissent par s'épanouir les innombrables fibres de la couronne radiante. Nous ne savons pas non plus quel change- ment a lieu dans les fibres médullaires, ou dans la masse grise, ou dans le principe qui les anime , lorsqu'une idée fait' im- pression sur la matière de cet admirable appareil. Nous savons seulement que cette idée est une impression qui persiste dans le cerveau , et qui peut surgir de nouveau à chaque instant , lorsque l'activité de l'ame se tourne vers elle , lorsque l'atten- tion se trouve tendue sur elle; nous savons aussi que l'impossi- bilité de faire attention à un grand nombre d'objets à la fois est la seule cause de l'oubli. Il faut nous représenter toutes les images à l'état latent comme autant d'impressions indélébiles du cerveau. Une lésion de l'organe peut en effacer quelques unes, ou même les effacer toutes. On a vu, après des lésions cérébrales , la méqioire des noms , des verbes et des divisions du temps disparaître, puisse reproduire. Quand latteniion se dirige sur une image seule, la co -existence et l'équilibre de toutes les autres sont troublés , de sorte que si l'on connais- sait la force des idées latentes co-existantes, il y aurait possi- bilité de savoir quelles sont les idées affines que telle ou telle autre peut rappeler , pourvu que l'on connût ceEte dernière. 11 est probable que le cerveau renferme un élément affectif dont l'excitation peut accroître la force de chaque idée, qui, lorsqu'il entre plus particulièrement en action, exalte toute idée quelconque , même la plus simple, jusqu'au de^ré de la passion , et qui , même dans les rêves , donne des couleurs et des nuances affectives aux images; mais nous n'avons aucun moyen de le prouver d'une manière rigoureuse , ni en géné- neral , ni en particulier, ^ous pouvons bien moins encore dé- DU CERVEAU. [\\n montrer qu'itirJépendamment de l'élément offeclif de l'âme, il va aussi, dans les provinces des hémisphères, des sié(>;es spéciaux pour les diverses diiections des facultés de l'esprit et pour les différentes passions. Cette hypothèse de Gall, sur laquelle repose ce qu'on appelle la phrénologie, ne présente point d'impossibilité en elle-même, mais il n'y a pas un seul fait qui prouve, même de la manière la p'us éloi^wnée, ni qu'elle soit vraie , en la considérant sous un point de vue pu- rement général , ni que les applications spéciales qu'on cher- che à en faire soient exactes. On ne peut point assigner de provinces du cerveau dans lesquelles la mémoire , l'imagina- tion , etc., aient leur siège. La mémoire peut être abolie par la lésion des hémisphères en un point quelconque de leur pourtour, et il en est de même de toutes les facultés fonda- mentales ou directions de l'esprit. D'un autre côté , en réflé- chissant aux facultés primitives que Gall a établies, et qui sont en partie si contraires à tout ce que la psychologie nous enseigne , on ne peut s'empêcher de repousser du sanctuaire de la science ce tissu d'assertions arbitraires qui ne reposent sur aucun fondement réel. Il est curieux de connaître ce que Napoléon pensait de la craniologie : « Gall , disait-il , attribue à certaines saillies des penchans et des crimes qui ne sont point dans la nature , qui n'existent que dans la société , par l'etTct de la convention. Que deviendrait l'organe du vol s'il n'y avait pas de propriété , l'organe de l'ivrognerie , s'il n'y avait pas de boissons spiritueuses, l'organe de l'ambi- tion, s'il n'y avait pas de société (1). » Quoique Gall n'admît pas d'organe de l'ivrognerie , la remarque du grand homme n'en est pas moins juste en ce qui concerne la mauvaise base psychologique de ce système. Cependant elle ne porte que la mise en pratique, et non sur le principe même. Quant au (1) F.- J. Gall , sur les fonctions du cerveau , Paris, 1825, t. VI, p. 385. r. ' 27 4ïS DU CERVEAU. principe , on ne peut rien ohjVcter en (jënéral contre sa pos- sibiliié ; mais l'orfîanolo-ie de Gall n'a point de base expéri- mentales, et riiistoire des plaies d« icte parle même contre l'existence de provinces distinctes dans le cerveau pour les différentes facultés intolleciuelles. Non seulement ces plaies, en quelque lieu de la superficie du cerveau qu'elles survien- nent , ne portent pas atteinte aux (aculiés supérieures et infé- rieures de rintellijjence, la pensée, l'imagination, la mé- moire; mais on a souvent remarqué que les différentes parties des hémisphères peuvent aider à l'aciion des autres dans les fonctions intellectuelles, et plus d'une fois on n'a vu survenir aucun changremeni dans les capacités morales eirintellijjence de sujets chez lesquels on s'éiait vu forcé d'enlever des portions de la surface des hémisphères. Ma(;endie a complètement rai- son quand il ranjje la craniologie dans la même catégorie que rastrolo{jie et l'alchimie. Eu égard aux relations mutuelles des deux hémisphères , il paraît que l'un peut suppléer l'autre dans les fondions intel- lectuelles. Du moins a-i-on trouvé quelquefois des lésions profondes d'un hémisphère sans que liniolligence fût trou- blée, et Cruveiihier cite le cas d'un homme de quarante-deux ans, en pleine jouissance de son esprit , dont le lobe gauche du cerveau fut iroiivé atrophiée en entier; ce lobe n'avait qu'environ le volume xle la moitié de l'autre, et toutes les par- ties en éiaient uniformément atrophiées, de sorte que le pé- doncule du cerveau, le corps mamillaire , la couche optique, le corps strié et le ventricule de ce côté étaient plus petits. Le cervelet avait acquis à peu près le même développement des deux côtés : seulement , 1 hémisphère droit était un peu plus petit. Le côté opposé du tronc était frappé de paralysie incomplète depuis la jeunesse ; le sujet pouvait cependant encore marcher avec une canne ; les membres de ce côté étaient amaigris. DU CERVEAT3. 4^9 Les commissures paraissent être la cause de l'unité d'action des deux hémisphères. On n'est pas encore bien certain de la part qu'y prend le corps calleux. Cependant il semble- rait, d'après une observation de Rcil (1), que ni lui ni la voûte ne sont nécessaires à l'exercice des fonctions inférieu- res de 1 ame. Reil a trouvé ces deux parties divisées, les commissures existant d'ailleurs , clicz une femme idiote , qui n'en était pas moins propre à des occupations vulgaires , par exemple à servir de j^uicle. Si l'on a observé l'idiotisme dans une hydrocéphalie chronique avec destruction du 'corps cal- leux, ce cas ne prouve rien , à cause de la complication. Ce- pendant on a rencontré , chez plusieurs idiots , des tumeurs et des hydatides sur le corps calleux, et Lapeyronie a observé la perte de la mémoire après la lésion de cette partie du cer- veau. Nous ne possédons encore qu'un petit nombre d'expé' riences entreprises dans la vue de déterminer les fonction? qu elle remplit. Saucerotte coupa le corps calleux sur un Chien ; il survint de la stupeur , avec de violentes secousses et des hoquets ; l'animal voyait et entendait, mais il n'avait plus de flair, et il ne sentait plus rien non plus quand on lui piquait les oreillrs , le nez et les muscles. Rolando a pratiqué cette opération sur une Chèvre : l'animal demeura quelque temps immobile , puis il fut pris d'afjitation, et se mit à cou- rir en avant-, on le conserva pendant deux jours; peu à peu il devint faible au point de pouvoir à peine se relever , et il tremblait de tout son corps , qui était froid. Les usages de la grande pituiiaire et de la glande pinéale sont encore , on peut dire, totalement inconnus. Il est vrai que Greding a trouvé fréquemment la glande pituiiaire malade chez les aliénés ; mais ces malades ont aussi offert des dégéné- rescences dans toutes les parties du cerveau. Wenzel a fré- quemment vu la glande pituitaire affectée dans l'épilepsie. (1) Archiv , f. physiologie , t. II, p. 341. /|20 DU CERA.EAU. Quant à l'IiypoUièse de Doscaries, qui rc^^ardait la {jlande pi- néale comme le sié{je de l'àmo , el c est oubliée depuis \onrr- lemps. Il est rare, d'après les observations de Georget, qu'on la trouve malade chez les aliénés. Au reste , les résultats de l'anatomie p ilhologique ne peu- vent jamais avoir qu'une application tiès-limiiée à la physio- lo{',ie du cerveau. Nous ne connaissons pas les lois delà com- munication entre les diverses parties de cet or}*ane, et il ne nous est permis qu'on jénéral d'admettre pour certain qu'une lésion organique d'une de ses parties entraîne des change- mens dans les fonctions de plusieurs autres , sans qu'il nous soit toujours donné de tirer de là des conclusions positives. On rencontre souvent, dans les régions les plus diverses du cerveau qui, d'après les expériences, n'ont aucune connexion immédiate avec les organes centraux du sens de la vue , des dé{;énérescencesqui entraînent cependant la cécité; nous de- vons d'au'anl moins nous en étonner que nous voyons souvent l'amblyopie survenir même dans des maladies de la moelle épinière, par exemple dans la phthisiedorsale. Les mêmes re- marques s'appliquent aux lésions organiques des diverses par- ties du cerveau considérées sous le point de vue des aliéna lions mentales, dans lesquelles il arrive fréquemment que des parties de cet organe qui ne sont pas le siège essentiel des fonctions intellectuelles, présentent des dégénérescences. Les précieux calculs de Bnrdach sur la coïncidence de ces altéra- tions avec certains ch mgemens des fonctions, nous en four- nissent des preuves surabondantes. Il faut noter, en outre , qu'une lésion chronique du cerveau, quand elle n'agit que par pression, et qu'elle n'entraîne pas l'atrophie totale des parties comprimées , peut préparer en quelque sorte et habituer celles-ci à sa présence par la lenteur de son développement. De là l'énorme différence qui existe entre les lésions soudai- nes et les lésions chroniques de l'encéphale , par rapport aux conséquences. Ainsi , par exemple , des parties aussi impor- DE tA MÉCANIQUE DU CERVEAU, ETC. 4^1 tantes que le pont de Varole et le pédoncule cérébral ont pu ne subir aucune altération notable dans leurs fonctions par le fait d'une lumeur siéatomateuse qui s'était produite avec len- teur comme le démontre un cas rapporté par CruveiUner (1), dans' lequel ni le mouvement ni le sentiment n'avaient soullerl . CHAPITRE IV. De la mécanique du cerveau et de la moelle épinière. Par mécanique du cerveau et de la moelle épinière, on en- tend les lois suivant lesquelles la propagation des effets a l.eu dans les libres de ces deux organes :1e mot de mécanique a donc ici pour nous le même sens qu'en physique, lorsqu'on y parle de la mécanique de la lumière. Autant la mécanique des nerfs est avancée déjà , autant celle des parties centrales est couverte d'obscurité. Les fibres primitives des nerfs , placées côte à côte dans une même gaine , ne se communiquent point leurs états; elles agissent isolément les unes des autres, de la périphérie au centre et du centre à la périphérie. Si , comme tout porte à le croire, ces fibres sont des tubes contenant la moelle nerveuse , les parois des tubes paraissent agir de manière à isoler le contenu. Mais le cerveau et la moelle épinière se comportent autrement; la substance médul- laire n'v est pas renfermée dans des gaines aussi distinctes, et l'on ^a observé entre ses fibres, surtout dans la substance grise, une masse grenue, non fibreuse, qui semble faci- liter en quelque sorte la transmission de l'une a l autre , là même où il n'v a point de communication entre les fibres. C'est peut-être là ce qui explique la transmissibilite des états du cerveau et de la moelle épinière, les phénomènes par lesquels s'annonce la réflexion qui a lieu des racines sensili- ves sur les racines motrices, voisines des précédentes eu égard à leur origine. Quoi qu'il en soit, la propagation , dans les fi- bres de la moelle épinière, n'en a pas moins lieu toujours avec fi) Jnat. fatholnçi^, II' livraison, in-fol.. fig. coloriées, liv. 2. 42a DE LA MÉCAMQUÈ DU CERVEAD plus de facilité suivaul la direclion de ces fibres qu'en tout autre sens : autrement , l'excilaiion motrice des organes de certains nerfs du tronc et laction croisée du cerveau sur les nerfs spinaux ne seraient point possibles. Les lois de la propa- gateur de la substance grise, dans l'intérieur du cerveau et de la moelle épinière, ainsi qu'à la surface du premier de ces or- ganes, nous sont totalement inconnues. Il faut aussi nous ré- soudre, dans tout ce qui concerne les fonctions intellecluei- les, à exclure de nos recherches les effets qui peuvent ap- partenir aux fibres. Indépendamment des phénomènes qui ont lieu quand un eflFet se trouve réfléchi des fibres sensitives sur les libres mo- trices, par la moelle épinière, et que nous ne pouvons expli- quer jusqu'à présent par la slrucln. c dss organes dans lesquels ils s'accomplissent, la mécanijue du cerveau et de ia corde rachidienne offre encore à étudier les appareils moteurs qui agissent dans les parties centrales, mais surtout les voies que la transmission suit dans les sensations et les mouvemens , et le croisement qui a lieu sous ce rapport. Parmi les appareils moteurs, ceux dont la lésion détermine des convulsions doivejit être distingués de ceux dont la lé- sion diminue l'intensité du mouvement, sans provoquer de convulsions. C'est là une distinction importante, dont nous sommes redevables à Flourens, et qui ne pourra pas manquer d'acquérir un jour de l'importance pour la paihologie des maladies cérébrales. La première classe ne comprend , d'a- près les expériences de Flourens et de Hertwig, que les tu- bercules quadrijumeaux, la moelle allongée et la moelle épi- nière ; à la seconde se rapportent tous les autres appareils moteurs contenus dans l'encéphale, notamment les couches optiques, les corps striés , le cerveau proprement dit, en tant qu'il influe sur les mouvemens , le pont de Varole et le cerve- let. Après la lésion de ces parues, les mouvemens perdent de leur énergie, mais ou n'observe pas de convulsions , tandis ET DE tA MOELLE ÉPINIÈRE. l^'i.'^ qu'après les lésions de la moelle allongée et de la corde rachi- dienoe il survient inf lilliblemcni des mouvemeos convulsifs. Quoique le conflit qui existe entre les diverses parties de l'en- céphale fasse qui! y a probablement d'autres parties que la moelle allonsée et les tubercules quadi ijumeaux qui puissent déterminer sympathiqnement des convulsions dans les mala- dies, comme l'annonce d'ailleurs la pathologie, cependant il suit des faits relatés plus haut que quand l'énergie des parties mobiles a diminué, par cause de maladie, dans les organes centraux , ces causes peuvent tout aussi bien résider dans les corps striés, les couches optiques , ou les hémisphères que dans le pont de Varole , le cervelet , la moelle allongée et la moelle épinière, mais que, quand le spasme ou les convulsions et la paralysie ont leur cause dans les parties centrales , il faut plutôt chercher celle-ci dans les tubercules quadriju- meaux , la mof lie épinière et la moelle allongée , qu'ailleurs. Une autre circonstance importante pour la mécanique des parties centrales, c'est le croisement des ell'ets. Les observa- lions pjihologiques et les expériences faites sur les plaies de la moelle épinière et de la moelle allongée , chez les animaux, démontrent que les effets de ces punies sur les nerfs ne se croisent pas. Une lésion de la moel'e épinière ou de la moelle allongée entraîne toujours des convulsions ou la paralysie du même côté. Le fait s'explique aisément pour la moelle épi- nière, dans lariuelle il n'y a aucun croisement de fibres de droite à gauche et réciproquement. Quant à la moelle allon- gée , les résultats des expériences de Flourens et de Hertwig ne s'accordent pas parfaitement avec sa structure ; car, comme , parmi ses cordons , il y a les pyramides qui se croi- sent, les autres continuant de suivre la direction qu'ils affec- taient dans la moelle épinière , on devrait s'attendre à ce que l'effet eût lieu tantôt du côté opposé , tantôt du même côté , suivant la région de l'organe sur laquelle porterait la lésion. A la vérité , Lorry a dit qu'en cas de blessu^-e à la moelle al- 4^1 Di; LA. MÉCAMOLË DU CERVEAU longée, les convulsions ont toujours li.^u du côié blessé et les paralysies du cô;é opposé; mais les expériences de Flôu- nns ei de Hcrlwi(ï sont ubsolument contraires à cette asser non. Cependant il faut prendre en considération que la plu- part de ces expériences n'ont été faites que sur les cordons latéraux de la mo.lle allong.^e, q,.i ne se croisent pas et il est tres-vraisembiable que quand une blessure aliein't les pyranf).des au dessus do l'enlrecroiserPent, il y a aussi croi sèment des effets. A réeard des effets du cervelet, des tuber- cules quudnjumeaux, des hômispi.ères et des parties que ceux-ci contiennent, ils sont presque toujours croisés • la lé- sion du cervelet , des tubercules quadrijumeaux et des hé- m.spbères cérébraux entraîne toujours la faiblesse du côté oppose , et celle des hémisphères et des tubercules quadri- jumeaux détermine la cécité du côté opposé. C'est lu le résul- tat {ïenéral des expériences de Fluurens et de Heriwjg. Les expériences et les observations pathologiques de Caldani d'Arnemann, de Valsalva, de Wenzel, etc. (i), l'avaient déjà prouvé pour le cerveau. Magendie Taffirme aussi pour les hémisphères ; en extirpant un œil à des Oiseaux , il a dé- terminé en très-peu de temps l'atrophie du lobe optique op- posé. D'après les expériences de Flonrens , les lésions des tubercules quadrijumeaux exercent une aciion croisée , en en avant sur les yeux , en arrière sur les autres parties du corps. La plupart des observations pathologiques confirment cette règle , à laquelle on n'a trouvé que de rares exceptions. II résulte des recherches de Burdach que sur 2G8 cas d'alté- ration d'un seul côté du cerveau , il en eut JO de paralysie des deux côtés , et 25S d'hémiplégie, dans 15 seulement des- quels la paralysie se trouvait du même côté que la lésion; les convulsions eurent lieu du même côté dans 25 cas , et du côté opposé dans 3 cas. (4) Tkeviramjs, Biologie, VI, 117.-Bcudach, /oc. cit., III, 365. EN DE L\ MOELLE Él'IMÈRE. /jaS D'après cela , on s'explique l'ancien axiome , admis déjà du temps d'Hippocrate, que, dans les plaies du cerveau, les convulsions surviennent du côté de la blessure, et les paraly- sies du côté opposé. En effet, on peut, par un certain mode de lésion, produire les deux effets à la fois; il suffit pour cela de blesser des parties qui déterminent la paralysie et d'autres qui provoquent des convulsions , des parties qui se croisent et d'autres qui ne se croisent pas. Personne n'a plus répandu de lumière sur ce sujet que Fiourcns. Quand on blesse la moelle épinière et la moelle allouposition se lie à la formation première de l'organisme. En elTet, tous les systèmes proviennent des feuillets de la membrane proligère, qui , dans le principe, couvre le jaune en manière de disque, tan- dis que le feuillet extéiienr et le feuillet intérieur, ou le feuillot séreux de la membrane proligère, son feuillet muqueux et le ET D'oh(:A.\j:s moieurs. 4^7 feuillet vasculaire compris entre les deux autres, se replient de manière à produire une excavation, et qu'en formant celte cavité, la portiou embryonnaire de la membrane proii{îère se sépare du reste de celle-ci par un étran/jlement dans la région de l'ombilic l'ulur. Il naît du feuillet extérieur la partie du corps qui est susceptible de mouvemens soumis à la volonté ; du feuillet intérieur, celle qui n'est apte qu'à des mouvemens involontaires; et du feuillet vasculaire, le cœur avec toutes les parties appartenant au système vasculaire sanguin , qui , plus tard , se ramifient dans les formations des feuillets externe et interne. La partie animale du corps, originairement émanée du feuillet externe de la membrane proligère, se sépare à son tour en diverses formations, qui sont celles du système ner- veux de la vie animale, du système osseux, du système mus- culaire obéissant à la volonté , et de la peau extérieure. La partie organique du corps, provenant du feuillet interne delà membrane proligère, se divise également en différentes for- mations, telles que les membranes fibreuses, formant la base de cette partie organique rtunique fibreuse du canal intestinal, tunique nerveuse des anciens) les membranes séreuses, les membranes muqueuses, formant la limite extrême des cavités qui communiquent avec le monde extérieur, la couche mus- culaire étendue entre la tunique fibreuse et la membrane sé- reuse, enfin le système nerveux de la vie organique. A cette partie organique du corps appartiennent le conduit intestinal, les organes urinaires et les organes génitaux, dont les cavités sont presque généralement revêtues d'une couche musculaire. Partout où les utricules sont susceptibles de mouvemens , ceux-ci dépendent de la seule couche musculaire du système organique, à l'exclusion toutefois des sphincters et des mus- cles du périnée, qui sont susceptibles de mouvemens volon- taires, et qui appartiennent à la partie organique du corps. Une couche musculaire, qui est le prolongement de lu couche musculaire de ces utricules , s'étend aussi sur les conduits /|j8 des différentes formes de mouvement excréteurs des glandes, annexées au système organique ; et (]uoi(iue la délicatesse des parties n'ait point encore permis de démontrer anatomiquemenl la présence du tissu muscu- laire dans ces conduits avec autant de certitude qu'elle l'a été dans d'autres prolongemens membraneux, elle n'en est pas moins hors de doute, puisque le canal cholédoque, les uretères, les conduits dt^férens, se conlracienl soit sponlanément , soit à la suite d'irritations portées sur eux (1). En effet, les con- (1) Rudolplii avait déJH observé la contiactililé du canal cholédoque des Oiseaux. J'ai souvent vu ce phénomène lorsque j'irritais mécanique- ment ou galvaniquement le conduit chez des Oiseaux qui venaient d'être mis à mort ; la contraction qui s'ensuit est extrêmement forte , et dure plusieurs minutes, après (juoi le canal revient au diamètre qu'il avaitau- paravant. J'.ii égalemi iit vu de fortes contractions locales succéder à une vive irritation galvanique dans les uretères de Lapins et d'Oiseaux. Tie- demann a remarqué aussi que le canal déférent du Cheval se contractait après avoir été irrité. Les conduits excréteurs paraissent même être le siège de mouvemens vermiformes périodiques dans les Oiseaux ; car, chez un de ces animaux que je venais de tuer, il m'offrit des contractions ré- gulières , séparées par plusieurs minutes d'intervalle , durant lesquelles il reprenait chaque fois son calibre ordinaire. Dans ce cas même, chose re- manjuable , les contractions s'opéraient en remontant , c'est-à dire du canal intestinal Ters le foie, ce ijui jette quelque jour sur la manière dont la bile, en certains temps, au lieu de s'écouler par le canal cholédoque, est retenue et poussée dans le diverticule du canal hépatique , c'est-à- dire dans la Tésicule biliaire , phénomène auquel doit encore contribuer l'occlusion complète de l'orifice du canal cholédoque. A l'époque delà digestion, quand la bile sort de la vésicule, son écoulement n'a lieu proba- blement que parce que le canal cholédoque s'ouvre sous la pression des parties environnantes et des muscles abdominaux ; car tout porte à croire que la vésicule biliaiie n'a point la faculté de se contrarier, du moins n'ai je pu y di;ierininer de coulraclions, tliez les Mammifères et les Oi- seaux , même par les plus fortes irritations au moyen d'une [tile galvani- que, et, S0U3 ce rapport, elle diffère des diverticnics, d'aillaurs en tout analogues , crnulros conduits excréteurs, savoir la vessie et les vésicules séminales. La nature du la membrane interne des conduits excréteurs et la contiactililé de leur tunique moyenne mettent hors ds doute que ces ET d'o rganes moteurs. 4^9 duits excréteurs et leurs glandes procèdent aussi, quant à leur formation première , des parois des utricules dans lesquels ils s'abouchent, ce qui du moins a é(é démontré d'une manière positive pour les appareils glanduleux du conduit inleslinal. Les muscles de la partie animale du corps ne se distinguent pas seulement par leur mouvement soumis à l'empire de la volonté, par leur couleur rouj^e et par leur fermeté, des cou- ches musculeuses pâles et non volontairement mobiles de la partie organique du corps ; leur structure microscopique est aussi totalement diflérenie. Nous verrons plus tard qu'il n'y a que les faisceaux musculaires du système animal qui mon- trent des rides transversales, quand on les examine au micro- scope, que les fibres primitives de ces muscles ont des renfle- mens variqueux réguliers et très-rapprochés les uns des au- tres, tandis que les faisceaux musculaires du tube intestinal, de la vessie , de la matrice, sont dénués de ces rides trans- versales, et que leurs fibres primitives représentent des cylin- dres tout-à-fait uniformes. A l'œsophage, les deux systèmes s'adossent absolument l'un contre l'autre; les muscles du pharynx appartiennent au système animal , et ceux de l'œso- phage font déjà partie du système organique; aussi les pre- miers présentent ils au microscope des rides transversales et leurs fibres primitives sont-elles variqueuses, tandis que les autres n'ont peint de rides transversales et que leurs fibres sont lisses. Mais le premier quart de l'œsophage, jusqu'à une conduits sont de simples exsertions des utricules auxquels ils aboutissent, comme les conduits cholédoque et pancréatique, formés des mêmes cou- ches, sont des prolongemens des membranes du duodénum. Je ne décide- rai point ici la question de savoir jusqu'à quel point la contraclililé des conduits excréteurs prend part à l'excrétion, souvent soudaine , de la sa- live et des larmes. Je ferai remarquer aussi que, la conlractilité de ceux des glandes étant un fait bien établi . le spasme de ces parties n'est pas un pur effet de l'imagination des médecins. — Consultez G.-II. Me^ek , De musculis in ductibus efferentihus ylandvAanm , Berlin, 1837, iu-8* VfO HES DIIFÉRENIES I ORMES DE MOCVEMEM limile nettement tranchée, présente encore des faisceaux des- cendans et ascendans, en forme d'arcades, de fibres variqueu- ses , que Schwann a découvert , et qui , appartenant à l'ap- pareil des muscles pharyn{ïiens proprement dit, ne s'ob- servent pas sur le reste de l'œsophage. A l'anus, le système animal desmuscles dn périnée se lie par le moyen du sphincter au système organique du conduit intestinal. La même chose se voit à la vessie; car, d'après mes observations , les fais- ceaux musculaires rouges qui entourent la portion membra- neuse de l'urètre ont des rides transversales , et leurs libres primitives sont variqueuses, au lieu que les fibres musculaires de la vessie sont pâles, sans rides transversales, et que leurs libres primitives ressemblent à celles du canal intestinal. Du feuillet médian delà membrane vasculaire se développe l'appareil du système vasculaire, avec le cœur. Celte couche, qui plus lard se ramifie dans les autres, n'est pourvue de fibres contractiles que sur certains points , comme au cœur , au commencement de la veine cave et de la veine pulmo- naire (4), et aux cœurs lymphatiques des Reptiles. Toutes les (1) 11 est impossible de méconnaître , chez les Grenouilles , que les troncs des veines caves se contractent régulièrement, comme le cœur lui- même; Hailer, Spallanzani et Wedemejer l'avaient déjà constaté. La con- traction s'étend jusqu'au foie , à la veine cave inférieure, et conserve même son rhylhme après l'ablation du cœur. J'ai observé également le pliénomène de la contraction des troncs veineux chez des Mammifères par exemple chez de jeunes Martes et déjeunes Chats; mais ici les vei- nes caves et pulmonaires se contractent en -mêine tempsj que les oreillet- tes, au lieu que, chez la Grenouille, la contraction des veines caves pré- cède celle des oreillettes. Aussi loin qu'on peut suivre les troncs veineux dans la substance du poumon de jeunes Mammifères , on les voit dé- ployer une action contractile qui ne cesse qu'après qu'on lésa écrasés. La contraction de la partie supérieure des veines caves n'est pas moins évidente, et , pendant qu'elle a lieu, on reconnaît sans peine combien loin s'étend la substance contractile du vaisseau j au-delà de cette limite la veine cave ne montre aucune trace de coniraclioii , et elle regorge de ET d'organes MOTEURS. 44* autres parties du sysième vasculaire sont sans fibres muscu- laires; mais le sysième artériel entier contient, dans sa tunique moyenne , un appareil dont l'élasticité extraordinaire ne doit point être confondue avec l'élasticité vivante des muscles , puisque ce tissu , comme tous ceux qui jouissent de la même propriété , ne la perd pas alors même qu'il est demeuré pendant un grand nombre d'années immergé dans l'esprit de vin. Le tissu musculaire qui se développe dans le feuillet vas- culaire de la membrane proligère , bien qu'il ne se meuve qu'involontairement , autant qu'on en peut juger d'après le cœur , n'appartient pas à la même catégorie que les autres muscles de la partie organique du corps qui ne reconnaissent pas l'empire de la volonté ; il n'est pas seulement rouge, mais encore il est construit absolument comme le sont tous les muscles volontaires de la partie animale du corps, c'est-à- dire que ses faisceaux musculaires laissent apercevoir des rides transversales au microscope , et que ses fibres primitives sont variqueuses. Les fibres musculaires ne sont point les seules fibres qui jouissent de la contractilité vitale. Il est encore une tout autre espèce de fibres qui , sous le rapport de leur forme mi- croscopique , comme aussi sous celui de leur composition chimique , ressemblent à celles du tissu cellulaire , et qui , chimiquement parlant, s'éloignent tout-à-fait du tissu nmsculaire. Les parties dans lesquelles ce tissu existe mon- trent un faible et insensible degré de contractilité , et l'on ne peut point y exciter des convulsions, comme dans les muscles; l'électricité ne les détermine pas non plus à se contracter , tandis que le froid et même des excitations mécaniques pro- sang , tandis que la portion voisine de l'oreillette droite est resserrée sur elle-même. Relzius a décrit une coiiclie de fibres particulières au com- mencement des veines caves des Serpens , et E.-H. Weber à la veine cave inférieure des Manunifères. 4^2 DES DIFFÉRENTES FOU.MES DE MOUVEMENT vo(iiienl, souvent avec nssez do rypiclilé, la faible conlrac- lilité dont elles jouissent. On peut ciier pour exemple le dartos ; mais celte classe renferme encore diverses autres pallies dont il sera question plus lard. La seule chose que je doive faire remarquer ici, c'est que cette espèce de tissu contractile , qui est peu répandu , puisqu'on n'en trouve qu'à la peau et aux plus petites artères, se rapproche , sous le point de vue chimique , autant qu'on on peut juger d'après le darlos , des corps qui donnent de la colle par la coction , et non des corps albumineux , auxquels se rapportent les deux classes de muscles. On n'a point suffisamment examiné jusqu'à quel point la conlraciiliié organique appartient à d'autres tissus encore , attendu que la petitesse des résultats pro.luits par celte contractilité insensible , par cette toni- cité , partout où les phénomènes sont peu prononcés , oppose d'insurmontables difficultés aux recherches. Il paraît cepen- dant que, bien quon ne puisse refuser qu'à très peu de tissus contenant du tissu cellulaire l'aptitude à changer de cohé- rence sous l'empire des agens médico-chimiques , quelque contractiliié , à un très-faible degré , n'en appartient pas moins aussi à ces tissus. Pendant la vie , les membranes pé- nétrables par des liquides ne laissent point passer ceux-ci; mais cette résistance de leur part semble être souvent sus- pendue dans les maladies , et jamais elle ne s'observe après la mort. Nos idées de relâchement et d'astriction des tissus supposent aussi, en tant qu'elles reposent sur des faits , une variabilité de la faculté de faire équilibre à la pénétration passive des liquides d'après les lois physiques. La seconde espèce fondamentale de mouvement animal, celui qui a lieu par des cils libres (1) , a été observée sur certaines (i) Les principaux écrits sur le mouvement vibratoire sont : Purkinje el Valentiu , -Oc phacnomeno geiierali et fuiidamcntali motus vibratorii continui in membranis, etc., £reslau, 1835, in 4,— Sharpey, âswi Edimb, ET d'organes moteurs. 445 membranes dans la partie aniniale et dans la p.irlie or^^anique du corps, et il est , jusqu'à un certain point , vraisemblable que, du moins chez quelques animaux inférieurs , ce mouvement se rencontre aussi dans la couche vasculaire, savoir dans l'inlé- rieur des vaisseaux, sur leurs parois. Chez beaucoup d'animaux inférieurs, on l'observe dans la partie animale du corps, c'est- à-dire sur toute sa surface extérieure. Chez les animaux supé- rieurs , il n'a été remarqué à la surface de la peau que dans l'état embryonnaire de ces êtres , comme chez les embryons de Grenouilles; quelques uns l'ont offert aussi dans leur état de larve, tels que les têtards des Batraciens. Dans la partie organique ducorps, quelques membranes muqueuses l'offrent , et on peut l'y observer sans peine jusque chez l'homme , de- puis que Purkinje et Valenlin l'ont découvert chez les Ver- tébrés supérieurs. Généralement ce phénomène n'a lieu que sur les membranes muqueuses, à la catégorie desquelles ap- partient aussi la peau des ièiards de Grenouilles et des ani- maux inférieurs. Cependant Sharpey l'a remarqué sur les pa- rois internes de la cavité des Etoiles de mer , qui contient les Tiscères de ces animaux , et dans laquelle l'eau trouve accès : il l'a vue également, dans l'Aphrodite, à la surface extérieure de l'intestin et de ses caecums, ainsi qu'aux parois des cellules dorsales dans lesquelles les caecums sont placés. Il pourrait donc bien se faire que tous les mouvemens de sucs nourriciers qu'on a observés , chez des animaux inférieurs , sans cœur et sans coniiaciion apparente de vaisseaux , n'eussent lieu que par l'effet du mouvement vibratoire , comme il serait possible aussi que le mouvement circulaire des sucs dans les cellules de plusieurs plantes s'effectuât de la même manière. med. Journtii, 34, elànmEdimb. newphys. Journ.^ d9, no 37 jiil. 1835.— Grant, Edivih, new phil. Jourri., 4826. Edirnb. Journ. of scienc., nP 13, juillet 1827. — Outlines of comparative anatomj , London, 4836, in-8 » pag. 248 et suiv. 444 Dt MOL'V£.MEM VlBRATILE. CHAPITRE II. Du mouvement vibralilc. De Heide, Leeuwenhoek, Baker .Swammerdam et Baster, connaissaient déjà , dans les Mollusques, ce phénomène , dont les causes n'ont été découvertes que beaucoup plus tard. De Heide et Leeuwenhoek avaient vu les couraus qui ont lieu aux branchies des Bivalves ; Swammerdam , Leewenhoek et Bàster avaient observé la rotation de l'embryon des Mollus- ques dans l'œuf , qui dépend de la même cause. Les courans réguliers aux branchies des Bivalves ont été examinés , dans ces derniers temps, par Erman (l)]et Sharpey, les rotations de l'embryon des Mollusques décrits en détail par Carus (2). Steinbuch et Meyen ont fait connaître les cils qui existent aux bras des Polypes pénicillés. Gruiihuisan les a découverts dans les Planaires et chez un Gastéropode d'eau douce (3). Grant, le premier, les a si{jnalés comme étant la cause de la rotation des embryons de Mollusques dans l'œuf et de celle des œufs (sans doute embryons) de Polypes. Quant aux autres Inver- tébrés, le mouvement vibratile a été observé par Ehrenberg dans le groupe entier des animaux qu'il nomme Turbellaires {Gordius, Nemertes, Planaria, etc.), ainsi qu'à la surface du corps et même dans l'intestin des Phytozoaires rotateurs et des Naides. On doit aussi à ce célèbre naturaliste une excel- lente description de la disposition variée des cils chez les In- fusoires. Les premières observations relatives à ce phénomène chez les animaux vertébrés ont été faites par Steinbuch, qii a reconnu le mouvement de l'eau autour des branchies des Batraciens, mais sans en apercevoir la cause, et qui a cherché inutilement les cils. Gruithuisen Ta découvert à la queue des (1) Ahhandl.der Akad. zu lierlin, dSK), d817. (2) iVo». act. nat. cur., vol. X\l. (3) Suhb. med. Zeituinj, 181^, 4, 286. — Aor. act. nat. cur. t. X. DU MOUVEMENT VIBKATILE. 44^ têtards de Grenouille. Sharpey l'a décrit , non seulement aux branchies de ces animaux, mais encore à la surface de leur corps. Des observations analogues ont été faites sur les bran- chies par Huschke, par Raspail (1) et par moi. Cependant il était réservé à Purkinje et Valentin de faire la grande décou- verte que ce phénomène ne dépend pas des cils vibratiles chez les Batraciens et les Invertébrés seulement, mais qu'il a lieu aussi, avec la même vivacité et par les mêmes causes, sur les membranes muqueuses des Reptiles , des Oiseaux et des Mammifères. Ces deux observateurs en ont donné une description complète dans presque toutes les classes d'a- nimaux. I« Parties dans lesquelles on observe le mouvement vibratile. Le mouvement vibratile a été observé, chez divers animaux, à la peau, au canal intestinal, au système respiratoire et à l'appareil génital. A. Système cutané. Le mouvement vibratile de la peau s'aperçoit chez les Infu- soires, les Coraux et les Acalèphes, au manteau des Bi- valves , et sur toute la surface du corps des Gastéropodes , tant terrestres qu'aquatiques, etdesTurbellaires d'Ehrenberg. Chez les animaux supérieurs, on ne le rencontre que dans les embryons et dans les larves très-jeunes de Batraciens. Tout au commencement , la surface entière de leur corps vibre , comme l'ont vu Sharpey, Purkinje et Yalentin ; mais, avec le temps, ce phénomène se réduit à une étendue toujours dé- croissante de la peau , en sorte qu'il finit par ne plus avoir lieu qu'à la base de la queue et sur les côtés de la tête. Après le (1) Nouveau système de chimie organique ,\TatiSf 1838, t. II, p. 472. 44<) r>î^ MOUVEMENT VIBRATILE. développement des membres , la surface du corps n'en offre plus aucune trace. B. Canal intestinal. Chez les Reptiles , le mouvement vibratile n'a lieu qu'à la partie supérieure du canal alimentaire , comme l'ont décou- vert Purkinje et Yalenlin. On l'observe sur la membrane in- terne de toute la bouche, de la trompe d'Eustache et du pha- rynx. Chez les Chéloniens et lesSerpens, il s'opore dans l'œso- phage, jusqu'à une certaine distance, c'est-à-dire chez les premiers jusqu'à l'estomac , et chez les seconds jusqu'à l'en- droit marqué par la saillie des plis longitudinaux de la membrane interne de l'estomac. On n'en découvre aucune trace dans la cavité buccale, le pharynx et rœsophafje des Mammifères et des Oiseaux. Chez les Mollusques, au con- traire , il a lieu , suivant Purkinje et Valentin, sur la surface interne du canal intestinal tout entier, et même sur celle des condiiiis biliaires. Ehrenberg l'a observé dans l'intérieur de Tinieslin des Phytozoaires rotateurs et des Naïdes ; Sharpey dans l'estomac et les cœcums des Astéries, l'intestin des An- nélides et l'estomac des Actinies. Il faut également rapporter ici les mouvemens de globules que Lister et Meyen ont vus dans le sac digestif des Polypes. C. Organes respiratoires. Purkinje et Valentin ont aperçu le mouvement vibratile sur la membrane muqueuse du larynx , de la trachée-artère et des bronches de tous les animaux vertébrés qui respirent l'air. Chez les Mammifères et les Oiseaux, il commence à la glotte , car la cavité buccale et le pharynx n'en offrent au- cune trace. Chez les Oiseaux, il a lien non seulement à la face interne de la trachée-artère et de ses branches , mais encore, d'après Pnrkinje et Valentin , à celle des sacs aiîriens qui par- tent des poumons. Il s'accomplit aussi aux branchies des tê- DU MOUVEMENT VIBRATILE. /447 tards des Reptiles nus, mais seulement aux branchies exter- nes; car les branchies internes des têtards de Grenouille , qui n'apparaissent qu'à la seconde période du développement, ne le présentent pas , remarque qu'avait déjà faite Sharpey. Il n'a pas lieu non plus sur les branches des Poissons , comme l'avait également reconnu cet observateur. On peut présumer qu'il existe aux branches externes des embryons de Raies et de Squales. Il est général sur les branchies des Mollusques et sur les branchies accessoires des Bivalves ; mais Purkinje et Valentin ne l'ont point observé à la face interne du poumon des Gastéropodes pulmonés , non plus que sur les branchies des Crustacés proprement dits. Il a été vu aux bras des Poly- pes pénicillés par Sleinbuch , aux branchies des Sabelles par Huschke et par moi. D. Cavité nasale. Le phénomène est général dans la cavité nasale , où Pur- kinje et Valentin l'ont découvert. Il n'a pas lieu seulement dans la cavité nasale proprement dite des Reptiles , des Oi- seaux et des Mammifères , tant sur la paroi externe que sur la paroi interne ; ces observateurs l'ont remarqué aussi à la membrane muqueuse des cavités accessoires du nez des Mammifères , telles que les sinus frontaux , les sinus maxil- laires et les trompes d'Eustache. Il ne paraît pas s'opérer dans le canal lacrymal et le sac lacrymal des Lapins ; mais la membrane muqueuse du nez de ces animaux l'offre , ainsi que leur conjonctive. Cette particularilé est contre toute attente ; car l'existence du mouvement vibratile à la conjonc- tive , ou seulement dans les voies lacrymales , aurait expliqué sans peine l'admission des larmes dans les conduits lacrymaux. On le remarque aussi d'une manière bien distincte dans la ca- vité nasale des Poissons. 44S DU MOUVEMENT VIRRATILE. E. Organes génitaux. Chez les animaux vertébrés, le mouvement vibratile ne se voit qu'aux parties génitales des femelles , comme l'ont dé- couvert Purkinje et Valenlin. Il paraît à la face interne des oviductes, de la matrice et du vagin des Mammifères , à moins qu'ils ne soient très-jeunes ; pendant la grossesse même, les portions de la matrice non couvertes par le cborion n'en sont point exemptes. On l'observe aussi jusqu'à l'extrémité des trompes , chez les Oiseaux et les Reptiles. Je l'ai vu tant chez les Mammifères que chez des Oiseaux et des Reptiles. Peut- être celui qui s'accomplit à rorifice abdominal des trompes prend-il part à l'admission des œufs dans ces conduits, chez les Reptiles ; personne n'ignore que la manière dont les œufs de la Grenouille et de la Salamandre passent de l'ovaire dans l'ouverture abdominale des trompes , qui se trouve pla- cée beaucoup plus haut, est demeurée une énigme jusquà ce jour. Il serait possible cependant que la membrane muqueuse de l'oviducte fit procidence à cet eflel, et qu'elle tournât ainsi sa face vibratile vers l'ovaire ou vers les œufs tombant dans lacavité abdominale. Chez les Poissons, le mouvement vibratile a lieu aussi dans les organes génitaux femelles , savoir à la face interne de l'oviducte , chez les Carpes , et très-distinc- tement jusqu'à l'ouverture extérieure de la génération. Henle Ta trouvé très-prononcé dans les parties génitales femelles des Mollusques, dans l'ovaire des Gastéropodes, et à la face interne des cavités de cet organe chez les Bivalves. Les par- ties génitales mâles n'en offrent pas de traces chez les ani- maux vertébrés , et on ne l'a point non plus remarqué d'une manière certaine dans celles des animaux sans vertèbres. F. Organes urinaires. Le mouvement vibratile n'existe dans cet appareil chez aucun animal vertébré ; mais Purkinje et Valenlin l'ont ren- DU MOUVEMENT VIBRATILE. 449 contré dans le sac crayeux des Limaçons , orjjane dont le conduit excréleur s'ouvre auprès de l'anus , ei qu'on peut considérer comme le rein de ces êtres, à cause de l'acide uri- que qu'il contient. Il y a été vu aussi par Henle. Suivant Pur- kiiije elValentin, il s'opère, chez les Bivalves, à la surface interne de l'orfîane en forme de sac qui s'abouche auprès de l'orifice des ovaires , organe que quelques personnes com- parent au rein, mais qu'on pourrait aussi regarder comme un testicule, du moins jusqu'à ce que l'analogue de cette dernière glande ait été définitivement découvert chez les Bivalves. D'après cet aperçu , on voit que le mouvement vibratile est un phénomène général du règne animal , mais quil n'a pas la même extension dans les diflerentes classes. Ce qui est le plus rare , c'est de le voir répandu sur la surface entière du corps, comme chez les Mollusques , les Turbellaires .l'em- bryon et les très-jeunes têtards de Batraciens. Il est constant dans les organes olfactifs des animaux qui respirent l'air et l'eau , et dans les organes génitaux femelles : on le ren- contre assez généralement dans les organes respiratoires , à l'exception des branchies des Poissons et des branchies inter- nes des têtards de Grenouilles ; on le voit rarement dans le canal intestinal , par exemple chez les Mollusques , ainsi que dans l'œsophage et la bouche des Reptiles ; il manque dans les organes urinaires et dans les organes génitaux mâles des animaux vertébrés. Nulle classe du règne animal n'en est to- talement privée. Purkinje et Valentin croyaient à son absence chez les Poissons ; mais il existe chez ces êtres , et très-pro- noncé , tant aux parties génitales femelles qu'à la membrane muqueuse de la cavité nasale. C'est à lui que se rapporte la cause des mouvemens de l'em- bryon dans l'œuf, chez plusieurs animaux , et même de ceux des œufs libres , ou , pour parler avec plus de précision , des embryons non développés de certains animaux inférieurs, Ra; I. 29 45o DU MOUVEMENT VIBRATILE. diaires et Coraux. Cavo'ini a observé le mouvement des œufs des Goliîoiie.s ; Ti'.csiiis celui des œufs d^s Milleporcs; Grant, celui des œufs dc^ Campanuhiires , des Gorfrones, des Caryo- pliyllies , des Épongées et des Plumulaires. Les œufs, dégaf^és de leurs capsules , se meuvent , Tune de leurs exircmilés di- ri{;ée en avant. Rapp a également trouvé les cils sur les œufs desCorynes, et Grant sur les embryons des Gastéropodes, où il est la cause de la rotation dans l'œuf. II. Fhénomèmes du mouvement vîbratîle. Le mouvement vibratile ne s'aperçoit, chez la plupart des animaux, qu'à Taide d'un fort grossissement. On détache un très-peiit morceau d'une membrane muqueuse où il a lieu ; on l'humecte avec un peu d'eau , et on le couvre d'une petite plaque de verre, ce qui étale la membrane, et permet d'en bien distinguer le bord. Avec les lentilles 1, 2 et 3 du micros- cope de Schiek , on reconnaît de suite le mouvement vibratile sur ce bord. D'abord on aperçoit l'impression générale d'un mouvement ondulatoire, et comme de petits corpuscules na- geant dans l'eau, des globules de mucus , qui passent devant le bord, en suivant une direction déterminée. A un plus fort grossissement, on reconnaît quelquefois les cils eux-mêmes; cependant il est rare qu'on les distingue d'une manière bien nette, à cause de la grande rapidité de leur mouvement. Sou- frent l'effet du mouvement d'innombrables organes motiles est si grand , qu'il faut se hâter de faire l'observation , si l'on ne veut pas voir passer le petit morceau de membrane muqueuse tout entier 'sous le champ visuel. L'influence du mouvement \ibratile sur la propulsion des liquides et des corpuscules qui touchent aux parois , peut très bien être appréciée au moyen d'une poudre que l'on répand. Le mouvement est si fort sur les branchies des larves des Salamandres et des Moules, qu'on voit même des petites parties détachées de ces organes circu- ler régulièrement dans l'eau. DU MOUVEMENT VIBRATILE. 4^1 La direction uniforme du mouvement des cils fait naître sur les membranes muqueuses des courans réguliers, que l'on connaît déjà dans la plupart des parties du corps, par les recherches de Sharpey, de Purkinje et de Valentin. Les cou- rans d'eau qui se produisent de celte manière sur les branchies des Moules et des larves de Salamandres, ainsi que sur le corps des jeunes têtards de Grenouilles , ont déjà été décrits. Leur direction , dans les observations de Valentin et de Pur- kinje sur une Poule , était de dehors en dedans à la trachée- arière , de dedans en dehors à l'oviducte ; il est donc plus facile de présumer que de démontrer que c'est le mouvement vibraiile qui fait parvenir la semence à l'œuf. Sharpey a dé- terminé la direction du courant sur le cornet inférieur du Lapin ; elle était d'arrière en avant vers l'ouverture du nez ; dans l'antre d'Highmore , le courant semblait se diriger vers l'orifice. Dans la bouche des Batraciens, il marche d'avant en arrière , tant à la face supérieure qu'à la face inférieure. Sur la face palatine de l'ouverture naso-palatine d'un Lézard, les particules étaient entraînées , du côté interne dans l'ou- verture, et du côté externe hors de l'ouverture. D'après la figure que Sharpey a donnée de la direction chez le Crapaud, il semble que les courans aient lieu seulement du nez dans la bouche, tant au côté interne qu'au côte externe de l'ouver- ture naso-palatine. m. Organes du mouvement vibratile. Quant aux organes du mouvement vibratile , ce sont, d'a-r près les recherches de Purkinje et Valentin, des filamens dé- liés et transparens , q^i ont 0,000075 à 0,000908 ligne de longueur. Leur base est presque toujours plus forte que leur extrémité -. ils m'ont paru tels aussi, la plupart du temps , sur les membranes muqueuses. Je les ai vus plus renflés sur les branchies d'un nouveau genre d'Annélides, voisin des Sabelles, qui vit dans la mer Baltique. Leur forme est diflicil* à détef- 452 DU MOUVEMENT VIBRATILE. miner, mais leur exisienco assez facile ù constater. Je les ai aperçus très-distiiiclemeut chez les Anodontes sur les brjnchies de rAniiélide précité , dans la bouche des Gre- nouilles, dans les oviductes des Lapins, des Grenouilles et des Poissons , dans la irachée-arlère des Oiseaux et des Mammi- fères, et je ne m'expliciue point comment L.-C. Treviranus a pu ne pas les trouver. D'après Ptn kinje et Valentin, la sur- face des membranes dans iesque'les s'opèrent des mouve- mens vibraiiles , paraît être composée de libres microscopi- ques, droites et parallèles, réunies par une sorte de gluten. Cependant une pareille couche de fibres se rencontre aussi dans la membrane muqueuse non vibratile du jéjunum de la Tortue. Si je comprends bien les auteurs, ces fibres sont per- pendiculaires au plan de la membrane muqueuse, ou repré- sentent de petits cylindres redressés. Henle a reconnu que des cylindres microscopiques semblables même se trouvent très- fréquemment, presque généralement , dans la bile de l'homme, et qu'ils ne sont pas rares non plus dans celle des animaux. La plupart du temps , ils sont réunis en petites couches, de manière que, sur l'un des côtés du petit groupe, on aperçoit leurs extrémités disposées suivant le même plan. Ces petits cylindres de la bile ont , suivant Henle, 0,017] lign. angl. de long , sur 0,0031 de large ; iis sont beaucoup plus gros que les cils des membranes muqueuses, et si les cils étaient por- tés par de tels cylindres, dans les membranes muqueuses vi- bratiles, il faudrait que chaque cilyndre en supportât un grand nombre. Henle a aussi rencontré une fois des corpus- cules analogues dans la vessie urinaire, et il est plus que vrai- semblable que ce sont là les parties dont parlent Purkinje et Valenlin. Henle a observé, sur l'Huître, des cils détachés, et il les a vus conformés de telle sorte, qu'un ou plusieurs se trou- vaient implantés à l'extrémité d'un petit cyhndre. Quelque- fois il a aperçu un petit globule ù la base , vers le point où le cil tenait au cylindre. Gruiihuisen a également examiné les DU MOUVEMENT VIBRATILE. 4^^ cils des Planaires après leur rliule, et reconnu qu'ils se mou- vaient encore dans les endroits où l'animal tombait en disso- lution. Les mieux connus de tous les cils sont ceux deslnfu- soires, grâce aux recherches d'Ehrenberg. Ce naturaliste a vu, dans les grands genres Stylomjchin et Kcrona (1), la base de chaque cil tournoyant renflée eu forme de bulbe , et il s'est convaincu qu'une faible torsion du bulbe sur son point d'ap- pui suffît pour déterminer de grandes vibrations circulai- res à la pointe des cils , ce qui fait que chacun de ceux- ci décrit, en se mouvant, une surface conique, ayant le bulbe pour sommet. Ehrenberg a souvent vu, dans les Polygasiri- ques, les cils répandus sur la surface entière du corps; par- fois ils manquent, et quelquefois aussi ils entourent seulement la bouche. Lorsqu'ils faisaient paraître le corps comme velu , Ehrenberg a reconnu qu'ils étaient distribués avec beaucoup de régularité , formant des séries , qui sont ordinairement longitudinales, mais qui parfois ont une direction transver- sale. Purkinje et Valentin ont quelquefois aussi observé cette répartition en séries, qui d'ailleurs devient vraisemblable d'après le mouvement ondulatoire qu'ils ont remarqué dans les cils. Ehrenberg ne présume pas qu'il existe de muscles, ni longitudinaux ni transversaux. Les organes en roue des Rota- toires ne diffèrent pas essentiellement, selon lui, des organes ciliaires. VHrdatiîiasenta eu a dix-sept, disposés en cercles, et dont chacun se compose de six cils, implantés sur un petit muscle arrondi. Les muscles sont entourés de gaines, et fixés à deux points de l'enveloppe du corps, par deux faisceaux li- gamenteux. L'organe rotateur de ces animaux se divise donc en plusieurs roues séparées les unes des autres , et il ne pro- duit pas non plus l'illusion du mouvement rotatoire qui a lieu chez les lofusoires dont les organes de rotation tiennent en- semble. (1) Ehrenberg et L. Mandl, Traité pratique du microscope , Paris, 4839, pag. 361. 454 DU MOUVEMENT VIBRATILE. ^V. Nature du mouvement vibratïle,' Eq recherchant la nature du mouvement \'ibratile , la pre- mière chose à examiner est sa durée et le rapport existant entre lui et les autres phénomènes de la vie. Il dure, après la mort, autanlau moins que l'irritabilité per- siste dans les parties animales , et souvent bien plus long- temps. Purkinje et Valentin l'ont vu cesser au bout d'une heure ou deux chez les Grenouilles et les Lézards, et persis- ter neuf à quinze jours chez une Tortue à laquelle ils avaient coupé la têle. A la vérité les muscles de ce dernier animal conservèrent leur irritabilité jusqu'au septième jour, mais les mouvemens vibratiles durèrent le double dans des parties sé- parées du corps, que l'on tenait sous l'eau. Chez les Oiseaux et les Mammifères, ils durent depuis trois quarts d'heure jus- qu'à quatre heures. La lumière n'a pas d'influence sur eux , mais la chaleur en exerce une sensible : l'immersion des par- ties d'un Mammifère ou d'un Oiseau dans de l'eau à 65 de- grés R., ne les arrête pas, si elle ne dure qu'un instant , mais les abolit quand elle se prolonge davantage. Ils persistent à dix degrés du thermomètre de Réaumur, chez les Oiseaux et les Mammifères, mais s'arrêtent à cinq degrés. La commotion d'une bouteille de Leyde ne les suspend pas dans l'Unio, non plus que l'action d'une pile de trente paires de plaques, si ce n'est aux points d'application des fils polaires, où leurcessa- tion est déterminée par la décomposition chimique. L'acide cyanhydrique, les extraits d'aloèseide belladone, le cachou, le musc, l'acétate de morphine, l'opium, la salicine, la strych- nine, la décoction de piment, ne les abolissent pas, même lors- que les liqueurs sont aussi concentrées que possible. Les sels alcalins, terreux et métalliques, les alcalis , les acides, les troublent plus ou moins rapidement, suivant la force de la so- lution. Le sang est de tous les liquides celui qui les entretient le plus long-temps; mais le sérum de celui des Mammifères arrête sur-le-champ le^mouvement vibratïle des Moules, etU DU MOUVEMEM VIBRATIIE. 4^5 bile détruit ce mouvement. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que les substances qui ngisseni sur le système nerveux , comme les narcotiques, ne iioubleni en rien le mouvement "vibratile, d'où l'on peut conclure que celui-ci est un phéno- mène fondamental et indépendant du système nerveux. Pur- kinje et Valentin ont tué des Pigeons et des Lapins avec de l'acide cyanhydrique et de la strychnine , (aniôt introduits dans le pharynx, tantôt appliqués sur des plaies récemment faites à la peau ; ils eurent l'attention de n'ouvrir ces animaux que quand on n'apercevait plus de convulsions dans aucune partie du corps, quand le pincement des membres n'excitait plus de réaction manifestée par des mouvemens automati- ques. Pour rendre l'expérience plus certaine, ils mirent simul- tanément à mort un animal de la même espèce et du même âge, en lui laissant perdre tout son sang. Les dillérences qu'ils remarquèrent dans toutes ces expériences , dépendaient uni- quement de l'âge et des pariiculaiilés individuelles des ani- maux. Partout l'intoxication ne produisit aucun eifet (1). Ces dernières expériences sont évidemment moins concluantes que celles dans lesquelles les poisons avaient été appliqués immédiatement sur les parties vibrantes ; car les Grenouilles mises à mort par des narcotiques conservent encore pendant long-temps leur irritabilité musculaire et nerveuse pour les stimulus employés localement, tandis que les nerfs et les mus- cles la perdent toujours avec rapidité après l'application lo- cale d'un poison naicoti ]ue sur eux. Le cœur seul fait excep- tion à cet égard ; car il continue de battre encore pendant long-temps après qu'on a mis une dissolution d'opium ou d'extrait de noix vomique en contact avec sa surlace exté- rieure , tandis que la même substance , appliquée à sa face interne, épuise sur-le-champ son irrilabiUlé (2). La petitesse (1) Mdller, Archiv , 4835 p. 459. (2) Voyez J. Buuilland, Traité clinique des maladies du cœur, Paris , 1835, t. I, pag. 86 et suiv. 456 DU MOUVEMENT VIBRATILE. des orjjanes vibraliles, comparativement aux fibres primitives des nerfs, ne me paraît pas être un motif pour ne point admettre que CCS phénomènes sont drpendans du système nerveux -, caries fibres musculaires sont beaucoup plus déliées que celles des nerfs, et celles-ci sont tellement rares dans les muscles, que le pliénomène de leur influence sur eux ne saurait être conçu sans une action à distance. ': La durée du mouvement vibralile,oprès l'application locale de poisons narcotiques, prouve d'une manière suffisante que ce phénomène est de nature particulière , et qu'il ne se trouve pas placé sous la dépendance immédiate du système nerveux. Sous ce rapport , on doit considérer aussi comme un fait im- portant l'existence de ce mouvement à la surface des œufs des Coraux , corps ovales qui sont des embryons animés , non encore développés. Mais le mouvement vibralile des embryons de Coraux et celui des or{;anes rolatoires des Infusoires rota- teurs représentent en quelque sorte deux extrêmes. Le premier a lieu sur des membranes qui n'ont pas encore de structure déterminée , et Ton peut en rapprocher celui qui s'observe sur les membranes muqueuses des animaux supé- rieurs, lequel n'est point arrêté par la strychnine et autres poisons narcotiques; le second, au contraire, s'opère par une véritable action musculaire , et il est soumis à la volonté , par conséquent dépendant du système nerveux ; aussi la strych- nine le fait-elle cesser , comme le prouvent les expériences d'Ehrenberg. Le mouvement vibratile est-il, dans tout le monde animal, comme dans les organes rotatoires des Phytozoaires rotateurs, l'effet des contractions d'un tissu musculiforme situé à la base des cils? Ce tissu contractile des organes rotatoires, qu'Ehren- berg a découvert, constitue-t il un système particulier, dont la structure microscopique s'étend jusques dans les membra- nes muqueuses vibrantes des animaux supérieurs , de sorte que , si les autres tissus de ces derniers êtres ont une texture DU MOUVEMENT VIBKATILE. /|57 grossière , celle bien plus délicate des Inlusoires s'est du moins conservée chez eux dans la structure des organes ciliai- res ? Ou bien n'y a-t-il que le mouvement des organes rota- toires des Pliylozoaircs rotateurs qui appartienne à la même catégorie que lesmouvemens musculaires de tous les animaux supérieurs, et le mouvement vibralile des autres animaux diffè- re-t-il totalement du mouvement musculaire, par son essence? Je ne puis me dispenser de citer ici les propres expressions d'Ebrenberg , en ce qui concerne le mécanisme du mouve- ment vibratile des organes rotatoires : « Si on contemple les animalcules lorsqu'ils commencent à se mouvoir, on aper- çoit toujours bien distinctement une extension et une rétrac- tion , un véritable engrenage des cils courbes , mais auquel succède bientôt le tournoiement, qui est un mouvement d'une autre espèce. On voit aussi l'engrenage lorsqu'on fait périr les animalcules du tétanos en jetant un peu de strychnine dans l'eau , ce qui éteint peu à peu l'activité des organes rotateurs. Dans ce cas , le tournoiement cesse auparavant. » Ehrenberg a tenté d'expliquer le phénomène de la manière suivante : « Chaque cil est mu à part par le muscle situé au dessous de lui ; il se peut que des faisceaux musculaires passent sous plusieurs cils , même sous tous ceux d'une série entière, et leur impriment un mouvement unilatéral; or, si un autre faisceau musculaire agit de même , mais en sens inverse , sur l'autre côté de la base épaissie des cils , si ces divers muscles sont fixés aux cils à des hauteurs différentes, et s'ils agissent alternativement, il doit résulter de là un mouvement oscillatoire en quatre directions , qui imprime un mouvement de rotation à la pointe de chaque cil, et le cil entier doit décrire un cône, dont le sommet répond au point d'attache. Pendant ce mouve- ment, si l'on considère les cils un peu ou tout-à-fait de côté, ils sont tantôt plus rapprochés et tantôt plus éloignés de l'œil , de manière qu'on les distingue tantôt avec plus et tantôt avec moins de netteté. Cette alternative de netteté de la perception 458 DD MOUVEMENT VIBRATIEE. des cils durant leur mouvement en cône, me paraît être la cause qui fait que Ion croit voir une roue tourner, car il doit résulter de là une illusion qui s'étend au cercle entier. » Que l'action musculaire supposée par El)renber{j doive faire décrire un cône à chaque cil , c'est ce que l'on conçoit très-bien d'après les muscles oculaires des animaux supérieurs, dont les droits peuvent mouvoir ainsi le bulbe, en quelque sorte comme sur un pédicule. En effet, l'influence que la volonté des Phyto- zoaires rotateurs exerce sur leurs organes rotatoires, et l'appa- reil musculaire découvert par Elirenberfj ne permettent (juè- resde douter que cette espèce de mouvement appartient à la catégorie des véritables mouvemens musculaires. Mais que doit-on penser des mouvemens vibraiiles dos membranes mu- queuses, qui ne dépendent pas de la volonté, et auxquels l'empoisonnenienl des animaux parles narcotiques n'imprime aucune modification? Il résulte des observations d'Ehrenberg que la strychnine met les organes rotatoires au repos ; elle n'influe pas plus que les autres narcotiques sur les mouvemens vibratiles des membranes muqueuses. Comment, en outre, expliquer que le mouvement vibratile existe sur les œufs des Coraux ? Ceux-ci conservent-ils encore un reste de l'énergie vitale dont ils jouissaient au moment où ils étaient soumis à l'influence vitale de l'ovaire , et le manifestent-ils pendant quelque temps encore , comme le font les lambeaux détachés des membranes muqueuses des animaux supérieurs ? Leurs phénomènes vitaux appartiennent-ils à la même classe que ceux des réservoirs d'œufs de Gercaires, que Bojanus et Baer ont observés? Il est bien plus probable que ces prétendus œufs sont des embryons vivans , mais non encore dévelop- pés. Dans tous les cas, il me semble nécessaire d'établir, jusqu'à nouvel ordre , une distinction entre les mouvemens vibratiles des organes rotatoires des Phyiozoaires rotateurs et ceux des membranes muqueuses. Les premiers sont modifia- bles par la volonté, dont les seconds ne reconnaissent pas l'io- DU MOUVEMENT VIBRATILÈ. 459 fluence, non plus même que l'action directe du système ner- veux. Dans les organes rolatoires, les cils paraissent être l'organe passif du mouvement, dont l'organe actif est l'appa- reil musculaire. Dans les mouvemens vibratiles des membra- nes muqueuses et même de la surface du corps des Infusoi- res , les muscles sont encore inconnus ; on ignore si le cil se meut lui-même , et se courbe, ou s'il n'agit que comme une rame mise enjeu par le tissu contractile situé à sa base. Meyen a vu les cils détachés du Leucophrjs sol se mouvoir encore. D'un autre côté, il y a, chez les animaux, d'autres organes agissant comme des roues, qui ont beaucoup d'analogie avec les cils'sous le rapport de leurs mouvemens involontaires et continuels , mais qui diffèrent d'eux par leur forme, et dont le mouvement ne saurait être expliqué qu'à l'aide d'un tissu contractile placé à leur base. D'après les observations de Grant, les Béroës sont garnis, depuis la bouche jusqu'à l'anus , de ligamens disposés comme des lignes méridiennes • cha- que ligament porte quarante petites plaques , qui sont les cils destinés au mouvement ; les petites plaques se composent de fibres parallèles, réunies par une membrane. Il y a plus même , les grandes plaques, constamment en action, et certai- nement mues par des muscles, qu'on aperçoit à l'œil nu sur l'abdomen du Gammarus pulea; et d'autres Crustacés infé- rieurs , doivent être rapportées ici, quoique leurs mouvemens soient dus à un tissu contractile autre que celui qui détermine les mouvemens vibratiles des membranes muqueuses. Jus- qu'à présent , il n'est permis d'établir que les propositions suivantes : 4» Les mouvemens vibratiles des membranes muqueuses dépendent d'un tissu contractile encore inconnu. 2° Ce tissu est situé dans la substance des cils, ou à leur base. 3° Par sa contraclilité, en général, il se rapproche du tissu musculaire et d'autres tissus contractiles des animaux. 460 Dlî MOUVEMENT ViBRATILE. 4" Ses propriétés ressemblent à celles du tissu musculaire, ou du moins à celui des muscles involontaires du cœur, et des muscles des lamelles vibrantes des Crustacés, en ce que les mouvemens qu'il exécute se répètent continuellement avec le même rhyihme. 5' Il ressemble au tissu musculaire du cœur sous ce point de vue qu'il continue d'a^jir long-temps encore après avoir été séparé du corps. 6° Mais il diflere essentiellement du tissu musculaire en ce que ses mouvemens ne sont point arrêtés par Tapplicatioa locale des narcotiques. 7° Le mouvement vibratoire s'éloigne encore du mouve- ment musculaire en ce qu'il persiste long-temps après que la partie a été séparée du tout. Le mouvement vibralile se rapproche des oscillations de certaines plantes, notamment les Oscillatoires, en ce que les neris n'y concourent pas d'une manière iuunédiate. Mais il faudra de plus amples recherches pour déterminer jusqu'à quel point on serait fondé à comparer ces deux sortes de mouvemens l'un avec l'autre. Au reste, quoi qu'il en soit sous ce rapport, les membranes muqueuses vibratiles renferment un agent qui domine aussi le jeu de ces organes microscopi- ques , puisqu'on voit si fréquemment les cils agir en séries. Il règne ici une force supérieure à l'individualité de chaque cil, et quand bien même on parviendrait à expliquer celle action en série, ou cette ondulation, par l'insertion d'un grand nombre de cils sur une bandelette contractile, il n'en est pas moins vrai qu'on aperçoit souvent, dans la force vitale d'éten- dues considérables d'une membrane vibratile, une certaine diminution et un certain accroissement, qui doivent avoir une cause plus générale. Les branchies d'une nouvelle espèce d'Annélide, voisine des Sabelles, que j'ai rapportée des mers de Copenhague, m'ont fréquemment ofl'ert, au microscope, des champs considérables de cils qui gardaient le repos pendant DU MOUVEMENT MUSCULAIRE, ETC. /^€)l long-temps, puis recommençaient tout d'un coup à aj^ir. Des phénomènes analogues ne sont point rares dans le monde vé- gétal, de manière qu'on n'est pijs nécessairement obli;;é de recourir , pour les concevoir, à une variabilité de l'influence nerveuse. L'explication des courans qui sont produits par le mouve- ment vibralile , présente aussi de grandes diflicullés. Une simple oscillalion des cils d'un côié à l'autre ne saurait impri- mer aucune direction à un liquide. Le mouvement d'un cil dans un espace conique, lel que Puikinje et Valeniin l'ont vu la plupart du temps, ne peut non plus que déterminer un cercle de liquide autour de cet appendice. Pour que des mou- vemeos vibratiles produisent un courant dans une direction déterminée, il est nécessaire que les cils frappent et se cour- bent dans un sens donné, caractère que Purkinje et Valentin ont reconnu quelquefois au mouvement, et que je lui ai pres- que toujours trouvé. Mais, même dans celte hypothèse, il ne s'établirait un courant qu'autant que le cil présenterait moins de surface à l'eau en se redressant qu'en s'abaissant. CHAPITRE II. Du mouvement musculaire et des tnouvemens qui s'en rapprochent. En laissant de côté le tissu contractile qui est la cause du mouvement vibratile, et à l'égard duquel on ne saurait rien dire de précis jusqu'à présent , nous pouvons admettre chez les animaux trois formes de tissus aptes à se contracter, le tissu contractile Jqui se résout en colle, le tissu artériel et le tissu musculaire. I. Tissu contractile des végétaux* Dulrochet a publié des recherches sur le tissu contractile des végétaux (1). Les feuilles de la sensilive sont portées (1) Recherches anatom, etphysiol, sur la slructure intime des animaux 46a DU MOUVEMENT MU8CULAIRE par un lonfj pétiole, à la base duquel on remarque un bour- relet oblonjî , qui l'entoure. Lorsqu'on pratique une section lon{îitudinaleàce bourrelet, et qu'on en examine la tranche au microscope, on s'aperçoit que l'axe est occupé parles tubes qui opèrent la communication vasculaire entre la feuille et la tige. Son tissu se compose d'une grande quantité de cellules arron- dies et transparentes, dont les parois sont couvertes de petits globules. Cette structure diffère, à certains égards, de celle que la plante offie dans ses autres parties. La moelle de la sensitive est formée de cellules contenant quelques petits globules. Pen- dant la jeunesse de la plante, les cellules médullaires renfer- ment un liquide transparent, que l'acide nitrique froid coagule, mais dont ce même acide redissout le caillot à l'aide de la chaleur. La gaine de la moelle est composée de trachées. La couche qui la couvre est constituée par les fibres ligneuses ordinaires. Le système cortical est également un assem- blage des fibre ligneuses. Outre le bourrelet dont il y a été parlé plus haut , il s'en trouve d'analogues, mais plus petits, à l'insertion des folioles sur le pétiole commun. Ces divers bour- relets sont la cause qui lait que les folioles se meuvent sur la lige. Les cellules du bourrelet placé à la base du pétiole diffè- rent de celles de la moelle par leur forme arrondie et non hexagone ; mais elles ont de commun avec elles que l'acide nitrique les rend opaques. Quoique séparées les unes des au- tres par des intervalles assez considérables, et ne se touchant pas par conséquent, elles sont disposées en séries longitudi- nales. Entre elles se trouve un tissu cellulaire beaucoup plus délicat , qui renferme une multitude de petits corps d'une cou- etldes vè(jétaux, Paris , d824. — Dutroohel a modifié ses premières idées dans la publication qu'il a faite de l'ensemble de ses travaux sous le titre de Mémoires pour servir d l'histoire anatomique et physiologique des vi'jétaux et des aaimauT, Paris, 1837, 2 vol. iu-S, et atlas de 30 plan- ches. ET DES MOCVEMENS QUI s'eN RAPPROCHENT. 4^3 leur plus foncée. L'acide nitrique chaud a^^it sur leur contenu comme sur celui des cellules du tissu médullaire de la tige, c'est-à-dire qu'il le dissout. Lorsqu'on touche la sensitive, ou qu'on l'ébranlé, les folioles s'appliquent l'une sur l'autre par paires, ce qui fait qu'elles se rapprochent de leur axe com- mun , celui du pétiole. Le pétiole, au contraire, se meut dans une direction inverse, et s'abaisse vers la tige. Pendant le repos, les folioles et le pétiole reprennent leur situation ualurelle. Quand le pétiole s'abaisse , le bourrelet de sa base prend une courbure dont la convexité regarde en haut et la concavité en bas. Lorsque Dutrochet enlevait le parenchyme cortical ou cel- lulaire d'un bourrelet, sans blesser le faisceau vasculaire central , la feuille ne périssait pas , mais ses folioles restaient plusieurs jours sans se déployer. Le pétiole avait perdu sa moiilité. Celle-ci n'a donc pas son siège dans le faisceau cen- tral , mais dans le parenchyme cellulaire du bourrelet. Après l'ablation de la partie inférieure du bourrelet , le pétiole conservait à demeure sa position inclinée vers la terre , et cette opération , pratiquée avant son abaissement, lui enle- vait la faculté de se rapprocher de la tige. D'après cette expérience , répétée plusieurs fois , et toujours avec le même résultat , il parut que c'est la couche supérieure du bourrelet qui refoule le pédoncule vers le bas , et l'infé- rieure qui l'oblige à se redresser. C'est ce qui fut confirmé par l'observation de parties séparées du bourrelet même. Les couches enlevées restaient droites tant qu'elles n'étaient point humectées; mais, dès qu'on les plongeait dans l'eau, elles se courbaient , et constamment de telle sorte que le côté interne fût concave. Les couches latérales possédaient également cette faculté. Il demeura donc prouvé que le bour- relet se compose de couches dont la courbure du côté in- terne exerce une pression sur le pétiole. Dès que l'équilibre \ient à être rompu dans cette pression , le pétiole et les fo- 464 DU MOUVEMENT MUSCULAIRE lioles se meuvent suivant l'une ou l'autre direction. Dutrochet conclut en outre, de ses expériences, que Tincurvaiion des couches du bourrelet lient au rapprochement des cellules rondes , séparées par un tissu celliilaire délicat. Il y a donc beaucoup d'analogie entre la contraciilité des végétaux et celle des animaux, avec celte dillérence toutefois que, chez les animaux , les élémens qui s'attirent forment des fdamens continus, tandis que, dans lu sensitive, ils sont bien rangés en lignes, mais séparés les uns des autres par des interstices. L.-C. Treviranus (1) et Mohs (2) admettent les faits anato- miques découverts par Dutrochet , mais paraissent en déduire une autre interprétation du phénomène. En effet, tous deux disent qu'il est prouvé par les expériences du physiologiste français , que l'irritabilité végétale dépend de l'expansion du tissu cellulaire parenchymaieux. Or cette explication :ne res- sort pas directement des expériences de Dutrochet, qui , loin de là, en admet une inverse, le rapprochement des cellules rondes placées à distance les unes des autres. La question principale est celle-ci : L'abaissement du pétiole tient-il à une expansion du côté supérieur du bourrelet, exerçant une pression de haut en bas , ou faut-il l'attrfbuer à ce que la partie supérieure du bourrelet se courbe vers le bas, ce qui devrait également donner lieu à une pression de haut en bas? Comme la rapide expansion du tissu cellulaire n'est ni prouvée ni même probable, comme les cellules ne peuvent point attirer avec assez de promptitude, par leurs parois, les liquides nécessaires à leur expansion, et comme les portions enlevées au bourrelet n'éprouvent pas d'expansion , mais se courbent dans l'eau , l'explication de Dutrochet, qui attribue le phénomène à l'attraction, à la contraction, est plus vrai- semblable. Nous ne connaissons d'autre mouvement rapide (1) Zeitschriftfuer Physiologie, l.I, p. 176. (2) Flora, 15e année, p. 499. ET DKS MOtVEMENS QUI s'eN RAPPROCHENT. /f65 par «xpunsii n qiio réreciiori ; or celle-ci u lu u par l'épanche- niejU dun liquide dans des cavilés qui jusqu'alors étaientaffais- sées sur elles mêmes; mais un épanchement aussi prompt n'est ^uère concevable dans les cellules closes du bourrelet de la sensitive , et l'on ne peut pas non plus songer à une expansion rapide et active en Jous sens des seules parois cellulaires. Je dois doue me ranger à l'opinion de Dutrochet , d'autant mieux qu'elle maintient l'analogie entre la coalractiliié animale et la coniractililé végétale. En admettant que les phénomènes ont lieu par la contrac- tion , il y a deux manières de les expliquer. Suivant Dutrochet, l'élévation du pétiole est la suite de l'action de la moitié inférieure du bourrelet , et son abais- sement celle de l'action de la moitié supérieure. D'après cela dans l'état ordinaire, et tant que la sensitive demeure en re- pos , il n'y a que la moitié inférieure du bourrelet qui agisse ; la supérieure ne manifeste son irritabilité qu'à la suite d'uo ébranlement, c'est-à-dire, en d'autres termes, que la moitié inférieure du bourrelet, qui presse sans cesse le pétiole de bas en haut , n'est point accessible aux stimulus du dehors et n'agit que sous la seule influence des excitateurs généraux de la vie , et que , quand des excitans soudains viennent à agir elle ne manifeste plus sa contraciiliié. Celle explication ne ressort pas nécessairement des faits découverts par Dutrochet, et quelques observations semblent s'élever contre elle. Les portions coupées du bourrelet se contractent dans l'eau , qu'elles aient été taillées en haut, en bas ou sur les côtés : leur contractilité devrait donc être la même de tous les côtés du pétiole. L'explication suivante , qui suppose un antagonisme d'élas- ticité et de contractilité , a beaucoup plus de vraisemblance. Si l'on admet que tout le bourrelet oblong qui entoure la base du pétiole se contracte incessamment de dehors en de- dans (comme font celles de ses parties qu'on plon.^e dans I. JO /jÔÔ DU M0CVE5IENT MUSCULAIRE l'eau ), il se trouve , clans l'élal de repos , attiré vers l'inser- tion du pétiole et redressé. Mais toute secousse doit troubler la vjp de la plante entière , et par conséquent la contraciiiité du bourrelet; dès-lors, tant que l'ébranlement dure, le pé- tiole ne peut plus être maintenu droit, et il s'abaisse (en obéis- sant à son élasticité?). Les suites de la secousse ayant cessé, la contractiliié du bourrelet entier a{;it de nouveau , et le pétiole se redresse dans la direction de son insertion. Le rap- prochement des folioles devrait alors être considéré aussi comme l'état de repos de la contracii'iié vivante; en effet, il a lieu également pendant le sommeil de la plante. Le déploie- ment des folioles coïnciderait avec la rentrée en action de leur bourrelet. On voit que le phénomène s'explique aussi de celte manière. Les mouvemens alternatifs des folioles du sainfoin oscillant De seraient pas un obstacle invincible à l'adoption de l'hypo- thèse. Dans ce cas, au lieu de l'antagonisme de deux forces vivantes . on admet une force vivante soumise à un rhylhme , une contraciiiité alternant avec les effets de la seule élas- ticité. Si la dernière explicalion était juste , la contraciiiité des végétaux dilïererait de celle des animaux , ou des êtres pour- vus de nerfs , en un point essentiel , savoir que les influences qui la troublent la supprimeraient pour un instant; tandis que , chez les animaux, ces influences , en agissant sur les nerfs, les déterminent à opérer une décharge de leur puis- sance , et produisent un accroissement de la contraction , une convulsion. Cependant je regarde l'explication de Dutrochet comme plus vraisemblable , parce que, d'après plusieurs ob- servateurs, le pétiole abaissé par le fait d'une secousse résiste aux efforts qu'on tente pour le redresser, de sorte que son abaissement s'annonce comme résultat d'un état actif. Les parties ii-ritces immédiateiDenl ne sont pas les seules qui montrent de la contractiliié. L'irritation se propage d'une ET DES MOUVEMENS QUI s'eN RAPPROCHENT. 4^7 manière qui nous est encore inconnue, et, suivant toutes les probabilités , par un chan^^ement que des liquides des fais- ceaux vasculaires éprouvent dans leurs cours vers d'autres ou vers toutes les parties irritables de la plunte. En effet, cette irritation, alors même qu'elle ne résulte pas d'une se- cousse , et qu'elle a lieu par le moyen du l'eu ou d'un acide , s'étend peu à peu du point de départ aux parties voisines, et successivement aux plus éloi{ïnées. Dulrochet a tenté d'éta- blir que sa propagation s'effectue non par la moelle et les fibres ligneuses, mais par les vaisseaux. L'obscurité prolon- gée et l'abaissement de la température rendent la sensitive incapable de manifester sa contractilité après des irritations brusques, quoiqu'elle continue d'abord d'exécuter les mou- vemens qui coïncident avec son sommeil et sa veille. II, Tissu animal contractile susceptible de se résoudre en colle. Les premiers vestiges de contractilité vivante se manifestent, chez les animaux, dans un tissu tellement analogue au cellulaire, qu'on pourrait être tenté de croire qu'il y a identité complète entre eux , et d'attribuer à ce dernier non seulement l'élasti- cité , qu'il conserve même après la mort , mais encore la con- tractilité organique. Nous donnerons au tissu dont il s'agit ici l'épithète de tissu contractile susceptible de se résoudre en colle , dénomination qui exprime sulDsamment en quoi il dif- fère des muscles, lesquels sont formés de fibrine. Comme c'est avec le tissu cellulaire qu'il a le plus d'analogie , nous allons d'abord jeter un coup d'œil sur la structure elles pro- priétés chimiques de celui-ci. Le tissu cellulaire consiste en faisceaux diversement entre- lacés , qui sont eux-mêmes composés de fibre primitives parallèles, transparentes et tout-à-fait lisses. Ces fibres sont très-déliées. Krause leur assi^jne pour diamètre 1/1200 à ^QS DU MOINEMEM MUSCULAIRE l/3jn0(li' liijne.el Jordan (1 ,0,0007 ligne anglaise. Leurcon- formaiioD est tellement particulière, qu'il est très-facile de les distinguer, au microscope , de toutes les autres espèces de Hbres Ind/pendammcnt de leurs bords lisses et de leur transparence , elles ont quelque ch ise de carastërislique dans leur disposition sinueuse. Quand elles ne sont pas tendues , jamais elles ne représentent des filamens droits : toujours elles afVecient une forme arquée ou onduleuse. Cependant toutes civiles d'un faisceau primitif demeurent parallèles les unes aux autres dans leurs flexions. Cette particularité tient à la grande élasticité du tissu cellulaire. Vient-on à tendre les faisceaux . ils reprennent la forme sinueuse dès que la tension cesse. Sous le rapport chimique , le tis<;u cellulaire , dépouillé du sang et de la lymphe par le lavage , appartient à la classe de ceux qui se résolvent en colle par rébuUition. Ce caractère distingue ses fibres de celles des muscles , qui rentrent dans la ca!é,T<>rie des corps albumineux. Le tissu cellulaire a aussi de commun avec le tissu fibreux , le tissu cartilagineux et le tissu élastique , la i;>auière dont il a^it sur If cyanure rouge (le fer etiie potassium. En eflet, ce sel ne trouble pas sa disso- lution acétique, comme il le fait pour celle des tissus albu- mineux , et par conséquent du tissu musculaire. Les réactions chimiques du tissu cellulaire sont importantes à connaître , surtout pour le faire distinguer de celles d'entre les fibres musculaii es qui forment des filamens non variqueux , telles que celles de la matrice, de Tiris et du canal intestinal. Ce- pendant ces dernières n'offrent jamais non plus les arqùresou ondulations des fibres du tissu cellulaire. La cuniraciiiité du tissu comparable au cellulaire est connue déjà depuis fort long-temps ; mais on l'a souvent confondue avv'.'. ta contraction musculaire , et comme il est très-facile de ;l^ MrLLER, Archiv , 1834. ET DES MOCVEMENS QUI s'en E APPROCHENT. 469 ne'pas s'apercevoir d'un chanj^ement de diamètre aussi peu prononcé que celui qui résulte de celte sorte de contrac- tion , quelques physiologistes ont totalement négligé le phé- nomène, ou même l'ont révoqué en doute. Le meilleur moyen, pour le constater, est de le chercher dans les parties qui le montrent de la manière la plus sensible, et où il est le plus pra- ticable d'isoler les tissus avec le secours du miscroscopeetdes réactifs chimiques. Celle qui convient le mieux sous ce rap- port est le dartos, si connu par la vive contractililé qu'il manifeste quand le froid vient à le frapper, et dont la struc- ture a été récemment étudiée par Jordan. Dans l'endroit où les plis du scrotum commencent à la face externe de ce sac, le tissu cellulaire sous-cutané change aussi d'aspect et de structure. Les cellules adipeuses, qui existent encore en grand nombre au mont de Vénus , ces^sent tout à coup , et à leur place on voit apparaître un tissu fi- breux rougeâtre chez les hommes robustes , qui ont le scro- tum fortement plissé. Ces fibres sont extensibles et éhis- tiques. Elles se réunissent en petits faisceaux , et ceux-ci en d'autres plus gros, qui tous sont dirigés de haut en bas , de manière à décrire des angles droits avec les plis de la peau , auxquels il tiennent si intimement qu'il faut beaucoup de peine et de précautions pour les en séparer. Mais les faisceaux ne sont pas parfaitement parallèles les uns aux autres ; ils s'a- nastomosent fréquemment ensemble au moyen de languettes qu'ils s'envoient réciproquement , de sorte qu'ils forment de nombreuses mailles , ayant toutes leur plus grand diamètre tourné de haut en bas, et constituant un tissu très dense, ferme, réticulé. De même que les plis de la peau , ce tissu est aussi plus prononcé à la face antérieure du scrotum; sur la face postérieure, on n'en aperçoit la plupart du temps aucune trace. On le rencontre déjà chez des petits enfans et les nouveau-nés. Il y a des fibres rougeûtres analogues sous la peau du pénis; mais elles ne forment là qu'un tissu irrégu- 47^ ^^ MOUVEMENT MUSCULAIRE lier et beaucoup plus mince. Indépendamment des fibres qui viennent d'être décrites, on découvre encore , dans ce tissu , beaucoup de cylindres longs , (jrêles, jaunâlres , très-élas- siques , et peu ramifiés , qui marchent de haut en bas. Jordan s'est convaincu , par des injections , que ce sont des artères provenant de l'artère honteuse externe ù la partie antérieure du scrotum, et des scrotales postérieures à la partie posté- rieure. Entre la peau et le dartos, cet anatomiste n'a point rencontré de tissu cellulaire unissant = les faisceaux fibreux du dartos tiennent immédiatement et très intimement à la peau , qui , en conséquence, doit toujours obéir au mouve- ment de la membrane interne. Mais, entre la face interne du dartos et les parties sous-jacentes, le crémaster et la tunique vaginale, se trouve un tissu cellulaire si lâche que le testi- ticule peut être soulevé avec sa gaîne à travers le crémaster, laissant ainsi la partie inférieure du scrotum tout-à-fait vide. Les faisceaux qui constituent le dartos peuvent être réduits en fibres élastiques extrêmement déliées. Examinées au mi- croscope composé, ces fibres représentent des cylindres on- duleux, de même volume dans toute leur longueur, dont le diamètre , suivant Jordan , varie entre 0,0005 et 0,0009 ligne anglaise , et peut être évalué, terme moyen, à 0,0007. Le même observateur a trouvé que le diamètre des fibres primi- tives onduleuses du tissu cellulaire était, dans d'autres par- lies du corps, de 0,0005 à 0,0009, et la phipart du temps de 0,0007 ligne anglaise. Les fibres musculaires variqueuses}, telles qu'on les voit dans les muscles soumis à la volonté et dans le cœur, ont, d'après les mesures de Schwann , un dia- mètre moins considérable, qui n'est , terme moyen, que de 0,0004 ligne anglaise. Le diamètre des fibres musculaires cylmdriques non variqueuses du canal intestinal, de la ma- trice et de l'iris . diffère aussi de celui du tissu cellulaire. Il est de 0.0007 à 0,0011 et 0,0013, selon Schwann, pour les fibres musculaires primitives du gros imestiu, par conséquent ET DES MOUVEMENS QUI SEN RAPPROCHENT. 4?» supérieur à celui des fibres du lissu cellulaire et du darlos. Schwann a trouvé le diamètre des fibres primitives de l'iris de 0 0002 à 0,0003 ; elles sont donc plus fines que celles du darto's. Mais, à part celte différence de diamètre , les fibres du dartos ressemblent parfaitement à celles du tissu cellulaire, par leur aspect onduleux et leur élasticité , et elles n'ont pas la moindre analogie avec les fibres musculaires cylindriques. Comme les faisceaux fibreux du dartos ont une teinte de gris rougeâtre lorsqu'on les considère en masse, tandis que ceux du tissu cellulaire sont d'un gris blanchâtre ; comme aussi les premiers , bien que formant des mailles, suivent néanmoins la même direction longitudinale, au lieu que ceux du lissu cellulaire se croisent en tous sens, on se demande si la ressemblance microscopique des fibres du dartos avec celles du tissu cellulaire sullii pour autoriser à comprendre les unes et les autres dans une seule et même classe. La solu- tion de ce problème est rendue surtout très-diflicile par l a- ualogie frappante que le microscope fait apercevoir entre les fibres primitives du lissu tendineux et celles du lissu cel- lulaire, malgré la différence considérable qui existe , sous le point de vue des propriétés, entre les premières de ces fibres et celles du dartos. Ce qui ajoute encore à la difficulté , c'est l'existence d'une classe entière de muscles dont les fibres primitives, au lieu dêtre variqueuses comme à l'ordinaire, représenleni des cylindres d'un diamètre égal parlout,,confor- matioQ eu égard a laquelle ces muscles semblent se rappro- cher beaucoup du dartos. Ajoutons que les mouvemens du dartos, quoiqu'ils soient le plus ordinairement provoqués par le froid, dépendent cependant aussi quelquefois d'étals inté- rieurs du système nerveux , dont le résultat est de déterminer la contraction du crémaster , en même temps que le fronce- ment de la peau du scrotum, qui ne saurait être allrioue a l'action de ce muscle, comme on parvient sans peine à le dé- montrer. '^1^- '>'■ MOrVKMEIVT MUSCriAIRE J) .... aune (ûtê.nous voyons réellement des traces de con- U'MUhté du véritable tiss.. colh.laire dans d'aulres parties par oxempie dansie (issu cellulaire sous-cutaué compris entre es deux lames du prépure , qui se réduit souvent à des plis ^res-serrés chez les hommes irritables lorsqu'ils se bai.r Ir.t dans 1 eau froide. Le phénomène de la chair de poule semble devoT êtreé^a-ement rapporté ici : on sait qu'il consiste en de pentes élévaiions arrondies , qui provienuent vraisemblable- ment des folbcules de l'organe cutané . il se manifeste tontes les fois que la peau vient à être f, apnée dun courant d'air froid, ou qu'une influence capable d exciter le frissonnen.ent agit sur le système nerveux. Dans tous les cas , la cause de 1 élévation doit tenir à un élément de la peau diffèrent du lissu musculaire, et tout porte à croire que cet élément est le le tissu cellulaire qui entoure les follicules cuta,,és. E.rfin le phénomène du redressement des mamelo.is appartient aussi a la même catégorie, car il ny a pas uioyen de le ranger parmi ceux d'érection, comme on a coutume de le faire sans examen -. plusieurs motifs pér omptoi.es s'y opposent. En effet, l°onne trouve point dans le mamelon le tissu spon- gieux des corps caverneux de la verge, ces veines anastomo- tiques qui peuvent se remplir de sang, ni ces artères hélicines qui ca. actérisent le véritable tissu érectile , et qui font saillie dans les sinus veineux des corps caverneux ; 2° le redresse- ment du mamelon n'a pas lieu seulement chez la femme, à la suite d'attouchemens voluptueux : on l'observe aussi chez l'homme, sans qu'il y ait la moindre connexion entre lui et l'appet.t vénérien ; 3° chez l'homme, le mamelon s'érige pres- que mstantané.nent, lorsqu'on le touche soi-même brusque- ment et avec force, moins quand on l'arrose avec de l'eau froide, plus quand on se jei te tout à coup dans un bain froid- 4"' ce redressement n'est point accompagné d'une plus grande plénitude du mamelon , car il a lieu dans l'espace de quelques secondes, l'orga e devient plus mince, ei perd eu largeur ce ET DES MOIIVEMKN'S QL'I s'éN RAPPROCHENT. 4?^ qu'il acquiert en lon^rueur. Tontes ces parlicularités nppro- chent ce phénomène du soulèvement des follicules cutanés dans la chair de poule, et du froncement du prépuce dans l'eau froide. C'est donc par une contraction du tissu cellulaire sous- cutané entourant le mamelon qu'il s'explique le mieux. Ce qu'il y a de remarquable , c'est que le tissu cellulaire con- tractile se rencontre de préférence dans les régions où la peau aune couleur foncée, comme au pénis, au scrotum, au ma- melon. Si l'on ajoute que la penu entière de l'homme possède un faible degré de contractilité , indépendante de tout muscle cutané, et que l'effet ne saurait être raisonnablement attribué à des fibres musculaires éparses, il devient !rès-vraisemblable que tous les phénomènes eu question ont pour cause com- mune un tissu contractile qui ne diffère pas du tissu cellulaire ordinaire par la structure de ses fibres primitives. L'analogie de ce tissu contractile avec le tissu musculaire proprement dit, et son éloignement du tissu musculaire à fibres cylindriques non variqueuses , deviennent plus sensibles encore quand on prend en considération l'analogie de composition chimique entre le tissu du dartos et le tissu cellulaire, et la différence qui existe sous ce rapport entre le premier de ces tissus et ce- lui des muscles. Jordan a fait des expériences sur la contractilité du dartos. Le froid est celui des stimulus qui le détermine ordinairement à se contracter; la chaleur le relâche; le galvanisme n'agit pas sur lui , et celte circonstance a d'autant plus d'intérêt qu'elle fournit un caractère propre à la distinguer du tissu cellulaire et des muscles. Le dartos ne prend aucune part à la rétraction des testicules vers les anneaux inguinaux , qui est le fiiit du crémaster. Chez les animaux qui n'ont point le scrotum plissé , comme le Chien et le Lapin , il n'y a pas non plus de dartos, mais seulement du tissu cellulaire ordinaire; celte membrane est , au contraire , très-développée chez le Bélier , dont la peau se fronce avec beaucoup de force , quoi- 474 ^^ MOUVEMENT MUSCCLAIRE que d'une manière irré{îulière; le froncement a lieu aussi par l'aspersion de l'eau froide , et au mémo instant les teslicnles sont attirés vers le haut par la contraction du crémaster ; dès qu'on cesse l'aspersion , le scrotum se déplisse par l'effet de la chaleur, mais le testicule redescend bien plus tôt et presque aussi rapidement qu'il était monté. Une pile {galvanique de soixante-cinq paires de plaques n'agit pas sur la face interne du scrotum , tandis qu'elle fait instanianémeni soulever les testicules par l'action du crémaster. m. Tissu élaitique et contractile dei artères. Les expériences galvaniques et les propriétés de la tunique élastique des artères , prouvent queceiie tunique ne jouit pas de la conlraclilité musculaire. Ses libres jaunes appariienneni à la même caîégorie que les autres ligamens et membranes élastiquesjaunes, comme le ligament cervical des Mammifères, les ligamens intervertébraux , les ligamens jaunes du larynx, les fibres jaunes de la partie membraneuse de la trachée-ar- tère et des bronches , le ligament élastique de l'aile des Oi- seaux, les ligamens élastiques des phalanges onguéales du Chat , le ligament élastique que j'ai découvert à la portion rélractile et protraclile du pénis de l'Autruche d'Amérique, et le ligament qui sert à fermer la coquille des Mollusques bi- valves. L'élasticité de la tunique moyenne des artères , qui fait qu'après avoir été distendue par l'impulsion du sang, elle revient sur elle-même jusqu'au prochain battement du cœur, se conserve long-temps dans l'alcool : je m'en suis convaincu sur une portion d'aorte d'une jeune Baleine qui était demeu- rée durant des années entières dans ce liquide , et qui , après avoir été coupée en rubans minces, manifestait, par l'effet de la traction , une élasticité égale à celle du caoutchouc. Mais tout tissu élastique quelconque se comporte de la même manière, et j'en ai acquis la preuve sur tous les ligamens ET DES MOUVEMENS OUI s'eN RAPPROCHENT. 475 précités , après les avoir laissé tremper pendant long-temps dans ralcool. En un mot, la Innique fibreuse des artères est contractile par ses qualités physiques, et non par ses pro- priétés vitales ; elle revient sur elle-même , après avoir été allongée, lorsque lu cause de la distension cesse d'agir. Parry et Tiedemann admettent dans les artères , outre leur élasti- cité , une tonicité vivante , qui , à la vérité , ne contribue pas essentiellement aux phénomènes du mouvement rhythmique du sang, mais qui devient sensible, sur les artères mises à nu, par un resserrement lent et progressif, et qui fait qu'au moment de la mort , avant la cessation complète du mouve- ment circulatoire, ces vaisseaux se rétrécissent un peu plus qu'ils ne peuvent le faire par leur seule élasticité après l'extinction totale de la vie. On sait depuis long- temps que l'eau froide convient pour arrêter les hémorrhagies causées par la section des artères. Schwann est parvenu à expliquer cet important phénomène par une belle expérience. Lorsqu'on verse de l'eau froide sur les petites artères d'une partie transparente où ces vaisseaux sont dépourvus de tout soutien parce qu'aucun tissu dense ne les entoure, on voit se déployer la contractilité organique lente mise enjeu par l'in- fluence du froid. Le mésentère du Bomhinator igneus con- vient mieux, pour cette expérience, que celui de la Gre- oouille, parce qu'il s'étale avec plus de facilité. Après l'avoir étendu sous le microscope, Schwann y jeta quelques gouttes d'eau dont la température était inférieure de quelques degrés à celle de l'air ambiant (en été) ; peu de temps après , les vaisseaux commencèrent à se resserrer sur eux-mêmes, et en dix à quinzf^ minutes ils se rétrécirent à tel point que la lu- mière d'un artériole , qui avait d'abord 0,0724 ligne anglaise, fut réduite à 0,027G , c'est-à-dire devint deux à trois fois moins considérable , et que l'artère elle-même parut quatre à neuf fois plus petite. Le vaisseau se dilata ensuite , et au bout d'une demi-heure, il avait repris à peu près ses dimen- 476 DU MOUVEMENT MUSCULAIRE sions normales. Si alors on l'arrosait de nouveau avec de l'eau, il se resserrait encore. L'expérience pouvait être ainsi répé- tée plusieurs fois de suite. Quant aux veines , elles ne chan- geaient pas de calibre. Les observations de Scliwann ont été répétées si souvent, qu'il ne reste pas le moindre doute à l'é- gard du fait. J'en ai moi même constaté l'exactitude. Comme les grosses artères conviennent moins bien que les autres pour ces sortes d'expériences, il importe de mesurer le diamètre du vaisseau sur lequel on opère. Dans l'expérience de Schwann il avait 0,0724 ligne de diamètre. Les artères d'un dixième de ligne de diamètre possèdent donc ce degré extraordinaire de contraclilité lente sous l'influence du froid. Schwann Ta ob- servée aussi , mais à un faible degré , sur celles d'un calibre un peu plus fort. Avec un fort grossissement on découvre en- core des fibres transversales très-déliées sur les plus petites artères du mésentère de la Grenouille, même sur les vaisseaux capillaires , ce qui ('tablil que ces vaisse:uix ont réellement des parois. Comme les fibres dont il s'agit ont la même dispo- sition que les fibres transversales de toutes les artères , on est dans le doute de savoir si ce sont elles qui produisent la contraction des artérioles sous l'action de l'eau froide , si le tissu élastique des artères possède , outre l'élasticité dont une longue immersion dans l'eau ne parvient pas à le dépouil- ler , une tonicité particulière dont il ne jouit que pendant la vie , et qui se dissipe à la mort , ou si la contraction insensible des artérioles frappées par le froid dépend d'élémens encore inconnus qui entrent dans leur composition. Il me répugne d'attribuer cette tonicité à la tunique celluleuse , parce que les veines n'en offrent aucune trace. Du reste, elle diffère de la contractilité musculaire en ce que , non seulement elle ne dé- terminejamais de contractions subites, mais encore n'est point mise sensiblement enjeu pu' réleciricilé , et se manifeste surtout par l'influence du froid , comme la contraction du tissu contractile susceptible de se résoudre en colle. ÏT DES MOUVEMENS QVl s'fiN RAPPROCHENT. 4/7 IV, Tissu musculaire. A. Propriétés chimiques des muscles. Sous le point de vue chimique , les muscles appartiennent à la classe des substances animales qui ne fournissent point de colle par l'ébullition , abstraction faite toutefois de celle à laquelle peut donner naissance le tissu cellulaire interposé entre les faisceaux fibreux , et dont la dissolution acétique est précipitée par le cyanure rouge de fer et de potassium. C'est la manière de se comporter de tous les corps albumi- neux , comme le blanc d'œuf, la matière caséeuse, la fi- brine, le tissu fibreux des corps caverneux du Cheval, et le tissu fibrineux des muscles. A ces caractères on les distingue sans peine de ceux dont il a été question dans l'arlicle précé- dent. Mais il est difficile et souvent même impossible de reconnaître , d'après les réactions chimiques , si un corps al- bumineux est de la substance musculaire, de Talbumine pro- prement dite, etc. A la vérité, l'albumine liquide est caracté- risée par sa solubilité dans l'eau froide et chaude, parsacoa- gulabiliié sous l'influence d'une chaleur de 70 à 75 degrés C, de l alcool, des acides minéraux , des sels métalliques, la fibrine liquide par la coagulation spontanée qu'elle éprouve hors du corps vivant, et la matière caséeuse liquide par sa solubilité , même à la chaleur de l'ébullition ; mais l'albumine coagulée et la fibrine coagulée du sang et des muscles ne diffèrent l'une de l'autre , sous le point de vue chimique , qu'en ce que la seconde décompose l'eau oxygénée , ce qui n'arrive point à la première. La chimie ne nous offre d'ailleurs aucun moyen de distinguer la fibrine du sang et celle des muscles contractiles. Le seul moyen que nous ayons pour distinguer les uns des autres les tissus fibreux de nature albumineuse , consiste à observer les propriétés dont ils jouissent pendant la vie. 4;^ DU MOUVEMENT MUSCULAIRE Ainsi, par exemple, le tissu fibreux des corps caverneux du pénis du Cheval diffèrent des muscles, parce qu'il n'a pas comni. ceux-ci, l'apiiiude à se contracter sous l'empire des stimulans. Si toutes les libres musculaires étaient monilifor- mes ou variqueuses, s'il n'y en avait pas de parfaitement cyhndriques, la distinciion serait facile à établir au micro- scope, tandis que cette circonstance la rend absolument im- possible. Mais la contractilité elle-même ne sufTit pas toujours pour distinguer des fibres musculaires, puisqu'elle s'observe dans e tissu contractile susceptible de se résoudre en colle et dans le tissu artériel. Il y a donc nécessité de faire concourir en- semble ce caractère et les réactions chimiques. La couleur roujje des muscles a été attribuée à la matière colorante du sang? ; en effet , elle s'avive à l'air, comme celle de cette dernière. Cependant Sclnvann a vu les muscles de la Carpe , qui sont naturellement pâles, rougir fortement après quelque temps de macération à froid pendant l'hiver, ce qui ne permet pas de faire dériver la couleur rouge d'une sub- stance identique avec la matière colorante du sang. B. Structure des muscles. Les élémens des muscles sont des fibres , ou moniliformes, ou cylindriques, non rameuses, parallèles les unes aux autres' et reunie en faisceaux, d'après Krause, par un liquide vis- queux et transparent. Les faisceaux primitifs comprennent cmq à huit cents fibres ; Krause leur assigne un diamètre de d/32 à V260 de ligne. Suivant Schwann , ils ont 0,0210 à 0,0250 ligne anglaise, au pharynx de l'homme. Ces faisceaux sont enveloppés et unis ensemble par des gaines de tissu cel- lulaire. Par leur réunion , ils en forment de secondaires etc Il est rare qu'on les trouve déjà compris dans des g'aînes fibreuses solides; c'est cependant ce qui arrive dans la Lam- proie. Non seulement les muscles latéraux de cet animal sont ET DES MOUVE.MENS QUI s'eN RAPPROCHENT. 479 divisés en segmens, comme chez les Poissons en général, par un très-jrrand nombre de lin;amens intermusculaires obliques, mais encore on observe entre ces sefjmens de petites cloisons très solides, et serrées les unes contre les autres, dans l'in- tervalle desquelles se trouvent placés les faisceaux aplatis de la chair musculaire , qui est très-molle. Les opinions des physiolo{jistes sont parta{ïées en ce qui concerne la forme des fibres élémentaires. Les uns, comme Scliullze, les croient simples et homofjènes. D'autres, comme Bauer , Home, Milne-Edwards , Prévost et Dumas, Krause , les supposent composées des globules. Il y en a aussi qui les disent noueuses. Quelque contradictoires que soient la première et la troisième opinion , elles n'en sont pas moins exactes toutes deux, suivant les muscles qu'on examine , puis- que ces organes se rapportent effeciivement à deux formes principales. 4. Muscles à fibres primitives variqueuses et à faisceaux primitifs marqués de stries transversales. Ces muscles sont ceux dont on s'est le plus occupé. Ils com- prennent tous ceux qui obéissent à la volonté , à l'excep- tion de la vessie, et parmi ceux sur lesquels la volonté n'exerce pas d'empire, le cœur. Cependant tous les muscles rouges ne se rangent point ici : car , par exemple , la chair musculaire rouge du gésier des Oiseaux appartient à la se- conde classe, ainsi que la couche musculaire du canal intes- tinal tout entier. Les muscles de cette première classe ne sont pas non plus rouges dans tous les cas. En général, ceux des Poissons ont une teinte pâle ; il n'y a que ceux de l'opercule qui soient quelquefois rouges, comme aussi, chez les Carpes, une couche mince située au dessous de la ligne latérale. D'ailleurs, les muscles rouges et les muscles des Poissons ne diffèrent en rien les uns des autres par leur texture intime : 4So DU MOUVEMENT MD8CULAIRE ilssecomporif ni exaciemeni do la n)ême manière au micro- scope , et font partie de la première classe. Tous les muscles de celle classe se disiinfjuent par des mou- vemens qui non srulement ont plus d'énerj;ie, mais encore sont plus rapides, et succèdent inslanianémeni à riiritation. Les faisceaux primitifs offrent toujours, au microscope, des fibres transversales , serrées les unes contre les autres , parallèles, presque toujours droites et rarement un peu courbées. Les stries sont beaucoup plus difficiles à apercevoir au cœur ; cependant elles y existent aussi , suivant la juste remarque de Wagner. Il est rare que les faisceaux primitifs soient onduleux au bord. Les fibres primitives de ces muscles présentent des renfle- mens réguliers, d'une teinte un peu plus foncée que celle des étranglemens qui les séparent. Cependant on ne peut pas dire qu'elles consistent en une simple agrégation de globules sans substance intermédiaire , el l'hypothèse qui les représente comme formées par les noyaux des globules du sang est insoutenable , puisque , d'après les observations de Wagner et les miennes , elles diffèrent de ces noyaux par le volume, chez un grand nombre d'animaux. Prévost et Dumas évaluent leur diamètre à lA'ilOO zz 0,00012 pouce ; je l'ai trouvé de i/600 à 1/^00 ligne chez lu Grenouille, et de 0,00012 pouce chez le Perroquet. Suivant Wagner, elles ont une largeur à peu près la même, c'est-à-dire de 1/800 à 1/2000 ligne, chez tous les animaux vertébrés et Insectes, chezl'ÉcrevisseetdanslecœurduLimaçondes vignes. Krause les a trouvées de V800 à 1/^060 ligne. Les globules du sang du Lapin sont cinq à six fois plus gros que les fibres primiti- ves des muscles de cet animal. Schwann , qui s'est occupé pendant un hiver entier de re- cherches anatomiques sur les muscles, m'en a communiqué les résultats, pour les consigner ici. La largeur des fais- ceaux de premier ordre est de 0,0216 à 0,0250 ligue an- ET DES MOL'VEMENS QUI s'eN H APPROCHENT. 4^1 p.luise. Pour isoler les tii)re.s primiiives, il l;iut faire macérer les muscîes, pendant huit jours à trois semaines, dans de l'eau dont la leinpéralure ne dépasse point liuii de/jrés Réaumur. k une chaleur plus élevée, tout se transforme en une bouillie d.ins laquelle on ne reconnaît plus rien. Mais , même à celle d'un à huit defjrés , les muscles de tous les animaux ne se comportent pas de la même manière. Taniôt les stries trans- versales disparaissent avant que les fibres primitives s'isolent : tantôt un muscle se divise dans le sens de sa longueur plutôt que de se séparer ea fibres primitives, quoique les rides transversales demeurent perceptibles. Les muscles du Lapin sont ceux qui conviennnent le mieux. Les fibres primitives sont des filamens moniliformes. En examinant ces filamens au microscope, on y aperçoit des points obscurs , larges de 0,0006 à 0,0008 ligne anglaise , placés régulièrement à la suite les uns des autres, et unis ensemble par des portions de couleur claire et un peu plus minces. La dislance entre ces points n'est pas la même partout. On peut la mesurer avec beaucoup de précision, en prenant la longueur d'un lambeau qui contient un certain nombre de points. Ainsi, cinq points pris ensemble au pharynx de l'homme, avaient une étendue de 0,01)60 ligne, ce qui, par conséquent, donne 0,00J2 li- gne pour chacun d'eux , avec la petite portion claire qui lui appartient. De cette quantité, il en revient à peu près 0,0008 à la portion claire, et 0,0004 à l'obscure. Les observations suivantes démontrent que les stries transversales des faisceaux musculaires proviennent de l'application les uns contre les autres des points obscurs des fibres primitives. 1** Leur dis- tance s'accorde parfaitement avec celle de ces points. Schwann a trouvé, chez le Lapin, que cinq stries transversa'es d'un faisceau musculaire embrassaient une étendue de 0,0045 : or, celle de cinq points obscurs, mesurés sur une fibre pri- mitive provenant du même faisceau , était de 0,0046. 1" Il arrive quelquefois qu'à l'extrémiié d'un faisceau musculaire I. il IfS-I DU MOUVEMENT MUSCULAIRE qu'on a fait macérer, les fibres primitives se séparent dans le sens de leur largeur, sans se détacher les unes des autres dans celui de la lon{][ueur : on aperçoit alors, sur ces portions étalées , des stries transversales, qui sont aussi distantes que celles du reste du faisceau , mais qui sont formé: s par des points obscurs faciles à distin{][uer les uns des autres et dé- pourvus de toute cohérence ensemble. 3° Enfin, on remarque parfois aussi une séparation des fibres primitives dans le sens de la lonfjueur : alors le muscle semble , au premier aspect , non pas strié en travers, mais ponctué ; toutefois, en y regar- dant de plus près, et suivant les points obscurs dans la direc- tion des fibres, on s'aperçoit qu'ils se suivent d'une manière réguhère ; mais la série est irrégulièrement interrompue dans le sens de la largeur. Ainsi, comme les stries transversales des muscles sont produites par les points obscurs des fibres primiti- ves, il suffit de mesurer la distance de ces stries pour connaître celle des points. Dans un faisceau musculaire de premier ordre, les stries transversales sont loujours parallèles, et par consé- quent aussi les points obscurs des fibres primitives se trouvent placés à des distances égales. Au contraire, les stries transver- sales de deux faisceaux du premier ordre placés l'un à côté de l'autre peuvent être rapprochées dans l'un et éloignées dans l'autre. Cette disposition n'est nulle part plus frappante qu'au pharynx de l'homme. La distance de cinq stries était de 0,0065 à 0,0068 sur un point , et de 0,0053 à 0,0056 sur un autre : sur un troisième, les stries étaient encore plus rapprochées, de ma- nère qu'on ne pouvait plus les compter. Dans un autre cadavre, Schwann a trouvé, au pharynx, la distance de cinq stries iz: 0,0034 dans un faisceau, et zz 0,0080 dans un autre faisceau situé tout à côté. Chez le Lapin, la distance ordinaire, dans les muscles soumis à la volonté, est de 0,0043 à 0,0046. La répartition des fibrt-s musculaires dont les faisceaux ont des strirs transversales, est très déterminée chez l'hoaime, et nulle part il n'y a de transitions. On les trouve dans tous ET DES MOUVEMENS QUI s'eN RAPPROCHENT. 4^3 les muscles dépendans du système cérébro-spinal ; parmi les muscles non soumis à la volonté, il n'y a que le cœur qui en présento, encore les sîries transversales y sont-elles irès-peu prononcées. On ne voit pas de ces fibres au canal intestinal , non plus qu'à la matrice et à la vessie urinaire. Les muscles du pharynx appartiennent à la première classe. Leurs fais- ceaux ont des stries transversales bien distinctes, et leurs fi- bres primitives présentent des varicosités. Au contraire , les fibres musculaires de l'œsophage sont dépourvues de renfle- ment variqueux et de stries transversales. La limite est nette- ment tranchée ; mais elle ne se trouve pas , comme on pour- rait le croire, au commencement de l'œsophafre ; Schwann a reconnu qu'elle correspond à l'extrémité du premier quart. La partie supérieure du canal est encore pourvue d'une couche de fibres musculaires de la première classe , avec des stries transversales et des varicosités parfaitement apparentes. Ces fibres doivent être considérées comme la continuation de celles du pharynx, qui ont la même structure. Sur la face postérieure de l'œsopha/re, elles forment des faisceux grêles, qui descen- dent d'un côté et remontent en arcade de l'autre côté. De même, au rectum , le système de la première classe et celui de la seconde sont séparés l'un de l'autre par une limite nette, au sphincter de l'anus. La partie membraneuse de l'urètre est revêtue de faisceaux musculaires rougeâtres et délicats, qui , d'après mes remarques, présentent des stries transversales, et appartiennent à la première classe, tandis que les fibres mus- culaires pâles de la vessie et de son col n'offrent aucune trace de ces stries. Un des organes contractiles les plus remarquables, dans tout le règne animal , est l'o! gn.ne palatin des Carpes et au- tresCyprins , qui cependant n'est point général dans la fa- mille desCypriniiides, car je no l'ai pas trouvé chez le CypH- nns Aspins. La portion contractilf» de cet organe est ceî'.s qui en garnit la surface : au dessous , il y a du tissu cellulaire. ^^^ DV MOLVLMliNT MUSCULAIRE L'orf;ano reçoit un grand nombre de lilcis qui lui sont tour- nis par des branches de la paire va^jne. E.-H. Weber a dé- couvert son mode spécial de coniraciion. Lorsqu'on pose le doifjj dessus , on sent se développer à l'endroit même une élévation conique, qui persiste au-delà d'une minute. Si on le froite en long avec un corps pointu , c'est une crête qui se produit. Si l'on l'ail déciire des lignes parallèles à ce corps pointu, des élévations parallèles se dessinent. Appuie-t-on largement le doigt, l'élévation qui se manifeste est large aussi. En distendant l'organe , j'ai lait naître une élévation et une convulsion dans le sens de la distension. L'acide nitrique, jl'acide suUurique et l'alcool ne m'ont donné aucun résultat ; mais l'acide sulfurique a produit de l'effet dans les expérien- ces de Weber. La décliar ge d'une pile de quarante paires de plaques a occasioué les plus fortes convulsions de l'organe, toujours suivant la direction du courant. Cet organe contractile appartient aussi à la première classe d'organes musculaires. Lorsqu'on l'examine à la surface, on n'y aperçoit ni fibres ni faisceau.\ ; mais si on enlève la membrane muqueuse buccale , et qu'on arrache l'organe, on voit qu'il se déchire av( c plus de facilité en certains sens qu'en d'autres, et l'on découvre des faisceaux charnus rouges entrelacés , où ie miscroscope fait apercevoir des stries transversales et des fibres primitives va- riqueuses. Les faisceaux ont tous la même épaisseur à peu près que les faisceaux primitifs des muscles de l'homme. La plupart d'entre eux marchent d'avant en arrière; mais ils sont coupés en divers sens par des faisceaux obliques. Entre les faisceaux, on trouve un Irès-giand nombre de gouttes dhude. Cette disposition anaiomique explique parfaitement le mode spécial d'action de l'organe. Les fibres musculaires variqueuses à stries transversales des f.iisceaux priuiiiifs ne sont pas bornées aux seuls animaux vertébrés. Il s'en trouve, par exemple chez les Insectes, dans l-i^'iles muscles souu»is à la volonté. Chaque faisceau primitif ET DES MOrVEMENS OUI s'eN RAPPROCHENT. 485 a une {jaine très-mince , qu'on parvient souvent à distinguer sous la l'orme d'un bord transparent. R. Wajjner a recherché les faisceaux musculaires striés chez un grand nombre d'animaux des classes inférieures. Il en a trouvé chez les Insectes , les Crustacés , les Cirripèdes et les Arachnides. 2. Muscles à fibres primitives non variqueuses et à faisceaux primitifs dépourvus de stries transversales. Ces fibres musculaires se rencontrent dans tout le canal io- lestinal des animaux supérieurs , depuis l'œsophage propre- ment dit jusquà l'anus. Cette particularité est d'autant plus frappante , que les muscles volontaires du pharynx appartien- nent à la première cinsse. D'après les observations de Schwann , la largeur des fibres primitives était de 0,0007 , 0,0011, 0,0013 ligne anglaise, dans le gros intestin de l'homme. R. Wagner n'a point trouvé de stries transversales aux faisceaux du gésier des Oiseaux, quoique celte chair musculaire soit rouge. Il n'y en a pas non plus aux fibres de la matrice humaine , de la matrice remplie du produit de lu gestation chez la Lapine , ni de la vessie uriuaire. Schwann n';. pu isoler aucune fibre de l'iris de l'homme ni du Lapin ; cependant cette membrane lui a montré, comme aussi à Lauth (I), une structure manifestement fibreuse; les fibres étaient concentriques au voisin:ig noifs sont irrités .s.' mjnifeste encore (inclque temps après la mort. Elle persiste d'autnni plus dans les parties inu.H-nbircs, que la strnclure de ranimai est moins complexe. A mesure que l'organisation se complique. les parties devien- nent plus dépendantes les unes des autres, et nécessairement la durée des phénomènes vitaux diminue suivant la même proportion dans les pariies. après la mon du tout. Parmi les animaux vertébrés, ceux à sang blanc se distin{;uenl de ceux à san{î roufie à cet é^jard. Le cœur conserve son irritabilité pendant plusieurs heures chez les P.issons et les Reptiles; celle des autres muscles persiste de mêmf che.- \e$. Grenouil' les, surtout quand la saison est froide, et les muscles d'une Tortue décapitée n'ont point encore perdu toute la leur au bout d'une semaine. Chez les animaux supérieurs, l'irriiabi- lilé des muscles ne se maintient, en général, qu'une heure ou deux ; cependant il y a certains cas où elle n'est point encore éteinte au bout de plusieurs heures, par exemple dans le muscle cutané du Hérisson. >ysien(l) , dans ses expériences sur les cadavres d'hommes qui jouissaient dune pleine santé avant de subir la décapitation, a trouvé que les muscles per- daient leur aptitude à se contracter selon l'ordre suivant. Le ventricule aortique du cœur devenait le premier inirri- table; le canal intestinal, au bout de quarante-cinq à cin- quante-cinq minutes, la vessie après le même laps de temps environ, le ventricule droit au bout d'une heure, l'œsophage d'une heure et demie, l'iris de deux heures moins un quart, les muscles de la vie animale plus tard encore, puis les oreil- lettes du cœur, et en dernier lieu celle du côié droit, qui se montre encore sensible au galvanisme au bout de seize heures et demie. Chez les Oiseaux , la contractilité des muscles s'é- teint plus rapidement que chez les Mammifères; elle n'y dure que depuis trente à quarante minutes jusqu'à une heure. (1) Jiecherches dephysiol. et de chim. patholog., Paris . 4S11 , p. 321. ET DES MOCVEMENS QUI &'£N l'.APrUOCHENT. 289 Chez les Grenouilles, elle persi>^ie, après la mort, plusieurs heures dans le cœur, dix-sept à dix -huit heures dans les mus- cles de la vie animale : quatorze à vingt heures après la mort, on en remarque encore des traces dans les oreillettes et les veines caves. En ^jénéral, elle persiste plus long- temps chez les jeunes animaux. Nyslen a vu, chez des Chats nou- veau nés, les muscles se contracter encore au bout de trois heures qiiaranle-cinq minutes, lorsqu'on les irritait, et l'aciioa des irritans déterminer le même phénomène dans roreilleite droite après six heures et demie. On peut conclure, en géné- ral, de ces observations, que plus la respiration exerce d'in- fluence chez un animal, plus le besoin de respirer est impé- rieux pour lui, moins aussi l'irritabilité persiste dans ses mus- cles après la mort. Certaines substances diminuent l'irritabilité des muscles par l'action qu'elles exercent sur eux. Les muscles des animaux qui ont péri dans le gaz acide carbonique, le gaz hydrogène, le gaz oxide de carbone, la vapeur du soufre, ne se contrac- tent que peu ou point sous Jintlnence des irritans; ceux des animaux qui sont morts dans l'air atmosphérique et dans le gaz oxygène demeurent plus long-temps contractiles (1). L'eau pure diminue notablement rirritabilit»^ des muscles, lorsqu'elle demeure long -temps en contact avec eux. Cette observation, faite d'abord par Nasse, a été constatée tout récemment par Stannius. Les cuisses de Grenouille préparées, qu'on a laissées séjourner pendant quelque temps dans l'eau, ne conviennent point pour faire des expériences délicates sur l'irritabilité des nerfs et des muscles ('2) . Les substances narcotiques, appli- quées seulement sur les muscles, abolissent leur irritabilité ; si on les met en rapport avec les nerfs des muscles, elles les (1) NïSTEK , loc. cit., p. 32S. — TiEUEMAKN , Traité de pliynoloijie de rhomvie, tiad. par A.-J.-L. Jourdan , Taris, 1831 , t. II, P- 5^7. (2) Hecker's ^rtwatoi , 1832, déceuil)re. 49*^ Ï>U MOUVEMENT MUSCULAIRE rendent inaptes à provoquer la contrnciion musculaire à partir du point de leur application , tandis que le nerf conserve soa pouvoir dans toute l'étendue comprise entre le point narcotisé et le muscle. Lorsque les narcoiiques tuent en s'inlroduisant dans le torrent de la circulation, ils ne diminuent pas autant l'irritabilité que le fait leur application locale sous forme con- centrée. Après avoir fait périr des Grenouilles en les narco- tisant, on peut encore, pendant des heures entières, déter- miner leurs muscles à se contracter en irritant ces organes eux-mêmes ou les nerfs qui s'y rendent. Les substances qui exercent une action chimique décomposante, comme les al- calis caustiques, les acides concentrés, le chlore, etc., frap- pent l'irritabilité musculaire de mort instantanée dans le point qu elles touchent. On ne connaît pas de substances qui exal- tent cette propriété des muscles. A la vérité, le chlore et les carbonates alcalins dont on imbibait les nerfs ont, dans les expériences de Humboldt , rendu les préparations plus aptes à ressentir l'irritation électrique; mais Pfaff a fait voir que le résultat dépendait de l'action galvanique dans la chaîne fer- mée, et non d'une exaltation réelle de l'irritabilité animale. La coniractiliié des muscles est soumise aux lois générales de l'irritabilitô animale. Quand ces organes sont rarement mis enjeu par des stimulans internes, leur force diminue; mais aussi , à chaque effort qu'ils font , l'aptitude a la répéter di- minue momentanément , et la fatigue a lieu. Excitation et repos sont donc également nécessaires à la conservation et à l'accroissement de la force musculaire. L'excitation païaît déterminer la nature à détourner de préférence vers les mus- cles les changr^mens matériels indispensables pour la nutri- tion et la fo.m;i(ion de leur tissu. La lassitude à la suite de chaque effort n'est pas moins nécessaire , parce que l'action et l'irritation des muscles entraînent des changemens maté- riels de leur lissii. On peut encore observer jusqu'à un cer- tain point ces faits dans les muscles d'une Grenouille mise à ET DES MOtJVEMENS QUI s'eN RAPPROCHENT. 49* mort. L'application modérée et périodique de l'électricité fortifie les contractions de ses muscles , lorsqu'elles étaient d'abord faibles; mais elle les épuise aussi avec rapidité quand on la répète trop souvent ; et si des excitations réitérées amè- nent la diminution des contractions , le repos rétablit souvent jusqu'à un certain degré l'apiilude à en opérer de nouvelles. La contraction des muscles , pendant laquelle ils sont plus fermes et plus durs, est seule leur état actif; lorsqu'ils se trouvent allongés , ils sont dans l'état de relâchement. Rien ne justifie l'hypothèse d'une expansion active de ces organes. Oeslerreicher l'a très-bien réfutée par une expérience palpa- ble. Il a remarqué , en effet , que le cœur d'une Grenouille, détaché du corps , et sur lequel on place un petit poids, le soulève quand il se contracte , et le laisse retomber lorsqu'il se distend. Au reste , il ne faut pas se figurer que les muscles vivans soient jamais dans un état complet de relâchement. Constamment , même durant le repos , ils sont sous l'influence du principe des nerfs ; c'est ce que prouvent clairement la rétraction des deux bouts d'un muscle coupé en travers , le tremblement de celui dont on a mis la surface à découvert , et la déformation du visage et de la langue dans l'hémiplégie. Si l'on observe un muscle au moment où il se contracte , on reconnaît qu'il gagne en volume ce qu'il perd en longueur, et souvent on aperçoit, dans ses faisceaux, un mouvement ondulatoire ayant la rapidité de l'éclair. Comme les muscles deviennent plus fermes en se contractant , on serait tenté de croire qu'ils acquièrent alors plus de densité , et que par con- séquent ils doivent diminuer de volume, quoique leur accrois- sement de solidité puisse aussi dépendre de la force avec la- quelle certaines de leurs molécules s'attirent réciproquement. Laissant de côté les observations incomplètes des anciens , de Glisson, deSwammerdam(l), jene parlerai ici quedesrecher- (1) roycz 1I.LLER , Elem., lib. XI , p. 2 , § ?2. - Bulletin de VAcad. royale de médecine , Paris, 1840, t. IV, p. 545. 492 DU MOUVEMENT MLSCliLAinE ches qui ont été faites à ce sujet par les modernes. On inf roduit les parties coniractiles dans un lube ellilé à la lampe et plein d'eau, où l'on observe la l)aut:ur au moment de la contrac- tion provoquée par le {galvanisme. Barzelloili , Mayo, Pré- vost et Dumas , qui ont (»péré sur des masses de chair ,' n'ont remarqué aucun chanf^ement de niveau ; mais Gruiihuisen et Erman en ont observé un , très-faible à la vérité. Erman in- troduisit dans un vase de verre la moitié inférieure d'une Anpuille , débarrassée des entrailles, et portant deux fils mé- talliques , l'un dans la moelle épinière , l'aulre dans la chair; il disposa ces deux fils de manière qu'on pût les mettre en rapport avec les pôles d'une pile galvanique. Alors il versa de l'eau dans le vase, en ayant soin qu'un étroit lube de verre, par lequel l'appareil se terminait à sa partie supérieure, fût rempli de liquide. En fermant la chaîtie , les muscles se con- tractèrent , et constamment l'eau monta de quatre à cinq lignes dans le petit tube ; elle redescendait lorsqu'on ouvrait la chaîne. La condensation de la masse musculaire est donc si peu considérable qu'on ne ptut nullement compter sur elle pour expliquer le phénomène de lu contraction. Peut-être aussi ne dépendait elle , dans l'expérience d'Erman, que de la compression des petits vaisseaux des muscles qui , ayant été coupés en travers, se trouvaient par-là remplis d'air; du moins s'explique-t-elle parfaitement par celte circon- stance. Si l'on répétait l'expérience, il faudrait avoir soin de préparer le tronçon d'Anguille sous l'eau, et de l'intro- duire dans le tube sans le mettre en contact avec l'air atmos- phérique. Les causes qui opèrent le raccourcissement des muscles pendant leur contraction, peuvent être de trois sortes. 1° La flexion en zigzag des faisceaux musculaires. Tin phé- nomène qu'on peut voir à l'œil tmi , sur des muscles q..i se contractent , et qu'on observe beaucoup mieux avec le se- cours d'une loupe , c'est que les faisceaux des fibres muscu- ET DES MOUVEMENS QUI S EN RA.PPROCUENT. 49^ lilires exécutent des flexions en z'QA.x^r. prevost et Dumas (1) Voot étudié. Ils considèrent les fibres musculaires comme composées d'un certain nombre de peiitps li^jnes droites , qui sont susceptibles de s'incliner les unes vers les autres. La longueur de ces lignes était de dix à douze millimètres dans les musies de la cuisse d'une Grenouille : la distance des ex- trémités des lignes rapprochées par la flexion anguleuse s'é- levait à seize ou dix-sept millimètres ; seize de ces lignes formaient ensemble cent soixante-el-donze millimètres et demi , ce qui exprime la loujjueur de cette partie musculaire dans l'état de repos. La distance des angles , dans l'étal d'ir- ritation des lignes , était de cent trente millimètres. Donc le raccourcissement était de 0,23 sur une fibre musculaire. Pré- vost et Dumas ont mesuré aussi le raccourcissement du même muscle en totalité dans la contraction : il s'élevait à 0,27. Comme ces mesures s'accordent assez bien ensemble , ils con- clurent de là que le raccourcissement des muscles par l'eff'et de leur contraction dépend réellement de ces angles, qui for- ment des portions de dix à douze millimètres des fibres mus- culaires. Plusieurs motifs rendent cependant très-probable que la fl.-xion anguleuse des fibres musculaires, observée par Pjevost et Dumas , et si facile à voir sans le secours de verres grossissans, n'est pas la seule ni peut-être même la cause la plus essentielle de leur raccourcissement. 2° Laulh a fait quelques observations importantes sur ce sujet (2). En exposant sous le microscope un muscle encore irritable à l'action d'une pile galvanique, il s'aperçut que la contraction avait lieu de deux manières. La plus forte con- sistait en une production de flexions en zigzag dans la fibre secondaire entière ; mais quand l'action galvanique était plus faible , il remarquait un raccourcissement de toute celte fibre (1) Journal de phijsiol., par Magendie, t. III , p. 311, (2) L'Institut , n" 57, 70 , 73. 494 DU MOUVEMENT MUSCULAIRE secondaire, sans flexion en zigzag. Dans ce cas, la surface de la fibre secondaire (ou du faisceau), au lieu d'être lisse, présente sur tout son pourtour des rides transversales, qu'on observe aussi dans les fibres ployées en zigzag, et qui sont tout-à-fa/t indépendantes de cette dernière flexion. Il est donc évident, dit Lauth , que ce raccourcissement moindre doit être at- tribué à la contraction des fibres primitives, laquelle sui- vant lui , lient au rapprochement des globules qui les consti- tuent. En examinant les faisceaux musculaires primitifs des Insectes, j'ai observé des espèces de lignes transversales qu'd faut bien distinguer de celles qui sont serrées les unes contre les autres. Celles dont je parle se voient surtout chez les Insectes qui ont séjourné dans l'alcool ; cependant on les rencontre assez fréquemment aussi , du moins sur quelques points , chez les sujets frais. Elles sont beaucoup plus distantes les unesdesautresque les lignes transversales primitives; mais leur distance est régulière, et le faisceau, après avoir été plongé dans l'alcool , semble souvent être comme articulé d'une manière régulière; il arrive assez fréquemment aussi qu'après l'immersion dans l'esprit de vin, les faisceaux pri- mitifs se rompent à l'endroit des lignes transversales. La dis- tance des hgnes secondaires est un peu moindre que la moitié de la largeur des Caisceaux primitifs des Insectes. Cinq grandes lignes transversales avaient ensemble une étendue de 0,010; de sorte que la distance enire deux était de 0,002 ligne an- glaise. La plupart des lignes transversales secondaires étaient droites; quelquefois cependant elles étaient un peu obliques ou arquées; mais toujours elles marchaient parallèlement les unes aux autres dans de grandes étendues des faisceaux En examinant les faisceaux primitifs des muscles qni ont été con- servés dans r^ilccol , on voit distinctement qu'ils sont comme éiranolésà l'endroit des lignes transversales , et renflas entre elles ; le resserrement et le renflement paraissent obscurs ou clairs suivant le mode d'éclairage. Quelquefois l'étrangle- ET DES MOLVEMENS QUI s'eN RAPPROCHENT. /|9^ ment est clair et le ventre obscur ; parfois aussi l'inverse a lieu , par l'effet d'un léger changement de la distance. La portion claire de la ligne transversale de l'étranglement s'é- levait à 0,007 ligne anglaise, et la portion obscure du ventre à 0,0013. Ces étranglemens ne proviennent point d'un simple froncement de la gaine des faisceaux primitifs ; car on dis- tingue aisément celle-ci au Lord, sous l'apparence d'une bordure claire , qui n'est pas la seule chose qu'offrent leS étranglemens ; il arrive souvent qu'on reconnaît très-nette- ment que la substance musculaire du faisceau , composé de fibres primitives à rides transversales primitives, est tout aussi étranglée que la gaîne. Or comme les fibres musculaires des Insectes ressemblent à celles des animaux supérieurs par la forme de leurs fibres et les lignes transversales primitives , l'apparition des lignes transversales secondaires sur les pre- mières est une circonstance importante pour l'explication de la contraction des muscles ; et comme les fibres transversales secondaires manquent sur certains points, tandis qu'elles existent sur d'autres, il devient par-là plus vraisemblable en- core qu'elles sont une expression de la contraction des fais- ceaux primitifs. Ce mode de contraction différerait de la con- traction en zigzag des gros faisceaux , en ce que le petit fais- ceau ne décrit pas de flexions alternatives, et que les fibres primitives s'écartent les unes des autres entre deux lignes transversales secondaires, ce qui produitl'élargissement de la partie ventrue. Naturellement un faisceau de fibres peut se raccourcir de deux manières ; ou par des flexions alternatives du faisceau entier, les fibres demeurant parallèles , ce qui a lieu dans le raccourcissement visible des gros faisceaux ; ou par l'écartemenl des fibres du faisceau entre des portions transversales aliquotes de ce dernier. Ce dernier mode de con- traction coïncide très-probablement avec le premier dans les musclesdes Insectes, et peut-être aussidans ceux des animaux supérieurs. 4C)(> ^^ MODVEMKNT MD8CCLA1RE o» Il est possible que les libres musculaires de la seconde classe, celles qui appariiennenl à la partie organique du corps, se contractent de la première et de la seconde ma- nière à la fois. Toutefois un troisième mode de contraction encore est possible dans les fibres musculaires du système animal, celles qui présentent des reiiHemens variqueux ; ce mode aurait lieu par le rapprochement des renflemens des fibres primitives et le raccourcissement des portions ré- Irécies qui les séparent. On ne peut alléguer aucun fait ni pour ni contre sa réalité. Comme les varicosiiés manquent dans la seconde classe entière des muscles, toute théorie de la contraction musculaire qui reposerait uniquement sur elles serait vicieuse. Cepondant le rapprochement des globules peut très-bien coïncider, dans les muscles de la vie animale, avec les autres modes de contraction qui s'observent dans les faisceaux secondaires et primitifs, et quelques circonstances spéciales rendent même probable qu'il y a lieu réellement. En effet , les varicosités ne sont pas plus nécessaires pour la contraction par renflement départies aliqiiotes des petits fais- ceaux que pour la contraction en zigzag des faisceaux, |)nis- qu'il s'en trouve une série tout entière sur chaque flexion. D'ailleurs, comme l'ont appris les recherches de Schwann, les varicosités des fibres et les lignes transversales primitives des plus petits faisceaux du système animal ne sont pas tou- jours également distantes les unes des autres sur des faisceaux placés côte à côte. Il n'y a pas moypn de pousser plus loin cette hypothèse ; mais si lesvarico ités se rapprochaient réel- lement, on pourrait concevoir la chose de deux manières, soit par une attraction mutuelle exercée par les globules , en sup- posant ces derniers pleins , soit , en les supposant creux, par leur accroissement de volume , ou l'accumulation d'un fluide , qui alors abandonnerait les portions des fibres primitives placées entre elles. Il serait inutile et même dangereux de s'apesantir davantage là-dessus , puisqu'il faudrait s'éloigner ET DES MOUVEMENS QUI s'eN RAPPROCHENT. /(Q^ (Je la base des faits. L'état d'imperfection de dos instrumens ne nous permet pas de savoir si des parties aussi délicates que les fibres primitives des muscles sont creuses ou pleines , et il faut laisser à l'hisloire.des hypothèses physiologiques le soin de reproduire les opinions hardies des anciens à cet égard. D. Raideur cadavérique. On appelle ainsi la rigidité des membres , produite par les muscles, qui survient après la mort et cesse au bout d'un certain laps de temps. Suivant Sommer (1) , celte roideur commence ordinairement au cou et à la mâchoire inférieure , d'où elle gagne les extrémités supérieures , de haut en bas , puis les membres pelviens. Il est rare qu'elle débute par ces derniers , ou qu'elle envahisse les quatre membres à la fois. Sur deux cents cas, Sommer n'en a rencontré qu'un seul où elle ne commençât pas au cou. Elle rend les muscles, tant fléchisseurs qu'extenseurs, plus fermes et plus denses. Sommer assure qu'elle s'accompagne d'un léger mouvement. 11 combat l'assertion de Nysten , que les membres qui la su- bissent conservent toujours la position qu'ils avaient aupa- vant. Loin delà , il a remarqué que, même dans le cas où la bouche était ouverte au moment de la mort , la mâchoire in- férieure se rapprochait fortement delà supérieure àl'invasion de la roideur cadavérique. 11 a observé aussi qu'une flexion plus considérable s'opère aux extrémités, que, par exemple, le pouce s'applique contre la paume de la main , ou que même l'avant-bras se fléchit un peu. Si l'on emploie la force pour vaincre la roideur déjà entièrement développée dans une partie , elle n'y reparaît plus ; mais , si l'on agit ainsi (d) Diss. de sUjnis mortem hommis ahsolutcnn indicanlibus, Copeiitia- SiWC , 1833 , in S. — Comp. Gl-emz , Dor Lcichmim des Menschcn, Léip- zick , 4S'27. — NicoLAÏ, dans Rlst, 3Jugaziu , 3^j , 2. — Bur>D\cii. 'J'ynità de physi-'loyie ^ tvad. p.ir A.-J.-I,. Jonrd.'in.T'.ivis, 'i83{.' , (. T. p 'i^O. 1. 62 :\i)S DC MOUVEMENT MUSCULAIRE aviiiit qu'elle soii parvenue à son plus haut degré , elle se re- produit. Le relâchement commence ordinairement à la tète , doii il s'étend aux mniibres thoraciques , puis aux pelviens. D'après les nombreuses observations de Sommer, qui méritent pleine confiance , quoique n'étant pas d'accord en tous points avec celles de ses prédécesseurs , la roideur cadavérique ne survient jamais plus tôt que dix minutes après la mort , ni plus tard que sept heures. Elle dure , en général , d'autant plus long-temps qu'elle s'est établie plus tard. Si la force muscu- laire n'était point affaiblie avant la mort , comme chez les asphyxiés , la roideur se déclare plus tard et dure davantage. Après les maladies aiguës qui ont abattu les forces , elle se manifeste plus promptement, par exemple quelquefois au bout de quinze à vingt minutes dans le typhus. La même ob- servation a été faite après les maladies chroniques épuisantes. Lorsque la mort a été causée soudainement par une maladie aiguë , elle dure plus long-temps et survient plus vite. Hunter et Himly ne l'avaient point observée chez un sujet frappé de la foudre : Sommer l'a vue se déclarertout aussi promptement qu'à l'ordinaire chez un Chien tué par l'électricité. La remar- que d'Orfila , qu'elle a lieu plus tardivement après l'asphyxie par la vapeur du charbon , ne lui paraît pas exacte : il fait remarquer que s'il arrive quelquefois à la roideur cadavérique de se manifester plus tard chez les asphyxiés , c'est moins à l'asphyxie dont la mort a été précédée , qu'au genre de mort, qu'on doit attribuer le phénomène. Ses expériences sur les animaux lui ont démontré , comme à Nysten , que l'empoi- sonnemenl par les substances narcotiques ne l'empêche pas de survenir. Nysten avait déjà reconnu que, chez les hémi- plégiques , elle a la même intensité dans les nerfs paralysés et dans ceux qui ne le sont pas ; Sommer confirme l'exactitude de celle remarque, mais en ajoutant qu'il ne faut pas que la paralysie ail entraîné un changement considérable dans la nu- triliondes muscles, ou leur hydropisie , cas auquel il l'a vue ET DES MOIIVEMKNS QUI s'eN RAPPROCHENT. /[qQ une fois manquer totalement du côté malade. Nysten avait remarqué que le spasme cesse au moment de la mort , ou très-peu de temps après , chez les lél:iniques , ei que le ca- davre conserve pendant quelques heures sa flexibilité , avant de devenir roide ; cependant Sommer a vu une fois le spasme tétanique des mâchoires se continuer immédiatement avec la roideur cadavérique. Celle-ci survient en général avec plus de rapidité chez les nouveau-nés et les vieillards; elle n'est point aussi forte, et disparait plus tôt. Sommer a observé que, contre l'assertion de Nyslen , elle se manifeste dès avant le refroidissement complet. Elle a lieu aussi bien dans l'eau que dans l'air; cependant un cadavre plongé dans de l'eau dont la température est de zéro à quinze degrés, devient plus roide et reste ainsi plus long-temps que dans l'air à la même température . Quant à ce qui concerne Tinfluenee du cerveau et de la moelle épinière sur la manifestation de la roideur cada- vérique , Sommer confirme les observations de Nyslen , d'où il résulte que la destruction des parties centrales du système nerveux ne change rien ni à son invasion ni à son degré ou à sa durée. Nysten place le siège de la roideur cadavérique dans les muscles , parce qu'elle persiste après la section transversale de la peau , et même des ligamens latéraux des articulations, tandis qu'elle disparaît après celle des muscles. Sommer par- tage la même opinion , mais en faisant remarquer que si un membre recouvre sa mobilité après la section des muscles , les deux bords de ceux-ci n'en demeurent pas moins fermes et roides, comme l'avait déjà observé Rudolphi. Nysten attri- buait la rigidité à la conlractilité organique des fibres mus- culaires. Parmi les motifs qu'il fait valoir à l'appui de cette hypothèse, le plus important est que^, quand la rigidité sur- vient pendant la plus grande flexion d'un membre , les muscles fléchisseurs se trouvent alors dans le même état que lorsqu'ils se contractent par l'effet de la volonté. Sommer ne reconnaît 5on nu mouvement musculaipe pas ( e (ait; lorsqu'un bras est dans la llexion avant l'appari- •ion do la roideur et l'autre dans l'extension , le biceps de ce dernier se roidit également, bien que sa rif^idité ne ressemble point à la contraciion vitale. Le point essentiel ici est de savoir si , au moment où la rijjidiié s'empare deux , les muscles conservent encore des traces de coniraciiliié or{janique sous l'influence des stimulans. Déjà Nysten en avait observé quel- ques faibles vesti^jes dans ce cas. Sommer n'a vu , en {géné- ral , aucun effet résulter de l'application des excitans , et il lui est arrivé parfois de remarquer des contractions pro- noncées, bien qu'elles n'eussent aucune influencesur la situa- tion des membres. Généralement parlant , le phénomène de la roideur cadavérique se manifeste d'autant plus tôt, que l'ir- ritabilité des muscles s'éteint plus vite : ainsi, c'est chez les Oiseaux qu'il a lieu avec le plus de promptitude ; on le voit survenir plus lard et durer moins chez les Reptiles , dont les muscles conservent pendant lonj^-temps leur irritabilité. Sommer l'attribue à une contractiliié physique, et non orga- nique , des Hbres musculaires; car, dit il , il se manifeste quand tous les phénomènes vitaux ont perdu de leur énergie; or une contraction physique analogue survient , après la mort , dans des parties non musculeuses , telles que la peau le tissu cellulaire, les membranes et les ligamens. Orfila ' Béclard et Treviranus rapportent la rigidité cadavérique à là coagulation du sang. Sommer juge cette explication inexacte, parce qu'une forte roideur se déclare quelquefois avant la coagulation du sang, ou quand cette co;.gulation est incomplète. Le sang demeure souvent liquide chez les noyés, où la rigidité cadavérique est considérable : il en est de même des hommes et des animaux que l'acide hydrocyanique a fait périr. Cependant Sommer reconnaît l'analogie des deux phénomènes; la coagu- lation est la mort du sang , et la roideur celle des muscles Je ne pense pas que l'hypothèse de la production du phénomène pur la coagulation du sang dans les petits vaisseaux soit rc- ET DES MOUVEÎIENS QUI s'jlN RAPPROCHEN'T. 5ol futée. Nul doute que la coaguiaùon d:i sanfj et de la lymphe dans les capillaires sanguins et lymphaliiiues ne doive ac- croître la cohésion des muscles, et tout se réduit à savoir si " celte augmentaiion de cohésion suflit seule pour rendre raison des ph 'nomènes de la ri{;idité. Quoiqu'il n'y ait pas moyen de prouver qu'elle est suffisante, cependant Thypotlièse explique très-bien comment la coagulation du sang doit amener plus tard une diminution de la cohésion , qu'elle avait d'abord accrue. En effet , la coagulation du sang et de la lymphe est telle d'abord que la masse entière de ces liquides 'devient ferme et semblable à une gelée. Plus tard, et souvent même au bout d'un laps de temps très-long , le caillot fibrineux , qui emprisonnait les parties liquides, se resserre tellement qu'il chasse le sérum de ses iniersiices. Dès que ce phénomène a eu lieu dans le sang et la lymphe coagulée des petits vais- seaux , la cohésion de toutes les parties doit diminuer. La coagulation du sang et de la graisse , après la mort des ani- maux à sang chaud , rend les parties plus cohérentes ; mais la première seule contribue plus tard à faire disparaître l'excès de cohésion qu'elle avait d'abord déterminé, caria graisse conserve son état solide. Cependant je suis loin de regarder celte hypothèse comme absolument exacte , et de la présen- ter sous mon nom. Je veux seulement dire que l'état des choses semble donner à penser qu'elle pourrait être vraie, et que si rien ne la démontre jusqu'à présent , rien non plus ne s'élève contre elle. Si l'on parvenait jamais à établir d'une manière certaine que la rigidité cadavérique dépend d'une contractilité physique des libres musculaires mourantes, qui cesse au mo- ment de la décomposition , le phénomène aurait plus d'ana- logie avec la contraction physique qui fait que la fibrine déjà coagulée se réduit en un corps plus petit et plus solide. 5()2 F3ES r, Al- SES ClIAPITUi; IV. Des causes du mouvemcnl animal. Lorsqu'on recherche les causes du mouvement des pani- cules organiques solides , il faut d'abord distinguer les mou- vemens de parties dépourvues de nerfs, et ceux qui ont lieu avec conllit entre le tissu contractile et le système nerveux. Les mouvemens des plantes sont dans le premier cas , et peut-être aussi ceux de quelques parties non musculeuses des animaux. Les premières traces de contractiliié organique , à l'état le plus simple , nous sont ofl'ertes par les Oscillaires, filets entre- lacés dans lesquels on n'aperçoit aucune composition de structure , et qui consistent en un tube plein de petits grains disposés en lignes et serrés les uns contre les autres. A cer- taines époques du développement de la plante, ces petits grains sont chassés hors du tube , qui ne perd pas pour cela sa contractiliié. J'ai observé au microscope les flexions len- tes , mais prononcées , de ces filamens. La simplicité de la structure les rend d'une haute importance pour la théorie du mouvement organique. Lorsque les filamens commencent à se mouvoir, ils s'inclinent insensiblement vers l'un des côtés ; puis , au bout de quelque temps, ils se redressent, et ensuite se penchent du côté opposé : les corpuscules qu'ils renfer- ment demeurent dans un repos parfait. Comme ces mouve- mens ont lieu sans attraction de la part des filets voisins , et qu'on ne remarque ni circulation ni déplacement de liquide dans l'intérieur des tubes , il n'y a qu'une seule manière de les concevoir ; on doit admettre que les particules des parois du filament se rapprochent en vertu d'une excitabilité qui augmente tantôt d'un côté et tantôt de l'auîre côté du fila- ment, et que les parois de celui-ci se condensent alternative- ment d'un côté et de l'autre , ou qu'elles attirent plus d'eau , d'abord d'un côté , puis de l'autre , ce qui détermine en elles un état alternatif de gonflement et d'afl'aissement. L'idée DU MOUVEMENT ANIMAL. 5o3 d'une crispation ne se concilie nullement avec ce qu'on voit se passer sous ses yeux. Les mouvemens spontanés et rhythmiques du sainfoin oscil- lant , qui ont lieu sans le concours d'aucun stimulus extérieur, nous ollrent le même phénomène dans un végétal plus avancé sous le rapport de la structure. Ici également il faut que , par l'effet de causes internes , l'excitement s'accroisse tantôt d'un côté et tantôt de l'autre côté du tissu contractile de la base des pétioles , et que de là résulte ou un rapprochement des molécules , ou une turgescence alternative déterminée par des liquides intérieurs. Dans les mouvemens de la sensitive , cet excitement peut être aussi provoqué par des excitations du dehors , et tout porte à croire qu'il dépend de l'attraction des globules dispo- sés en lignes dans le tissu cellulaire du bourrelet , globules qui , d'après Dutrochet, sont creux (1). Le temps n'est point venu de rechercher les causes du mou- vement vibratile des animaux, puisque nous ne connaissons pas même le mécanisme à l'aide duquel il s'accomplit. La seule chose dont nous soyons certains , c'est qu'il ne dépend point du système nerveux. On peut rapprocher , jusqu'à un certain point , de ces mou- vemens, ceux qui ont lieu dans le tissu cellulaire ou dans le tissu contractile susceptible de se résoudre en colle , et qui succèdent si facilement aux irritations portées sur le tissu lui-même , notamment à l'action du froid ou du chaud et aux impressions mécaniques. Cependant ceux-là ne sont pas tout- à-fait indépendans du système nerveux. La contractilité de la peau et du dartos n'est pas seulement mise en jeu par des irritations du dehors ; elle l'est fréquemment aussi par des causes internes , qui résident dans le système nerveux. Le dartos est souvent froncé dans des cas où l'on nepeutniëcon- (1) Mémoires anat. et physiol. sur les végétaux et les animaux, Paris, 4837, t. I, p. 534. .^04 DES CAUSES naître une irritation nerveuse dans les punies génitales , où le crémasler lui-même entre en action , et la contraclion de la peau se manifeste fréquemment aussi sous l'influence d'affec- lions non moins patentes du système nerveux , par exemple avec frisson , c'est-à-dire à la fois comme sensation et comme mouvement musculaire. Cependant, parce que nous éprouvons un grand embarras, dans des mouvemens si difficiles à analyser, pour évaluer la part qui revient au système nerveux , notre attention se dirige tout entière vers les muscles , où le conflit de ce système avec le tissu contractile se manifeste de la ma- nière la plus évidente. Le raccourcissement du tissu contrac- tile susceptible de se réduire en colle, est probablement dû à une sorte de crispation, effet elle-même de raltraction mutuelle des particules aliquotes des fibres. La faculté qu'ont les muscles de se contracter est unie par les liens les plus intimes à deux influences diverses , celle du sang et celle des nerfs. I. Influence du sang. Stenson a fait voir le premier que les muscles cessent leurs mouvemens lorsque le sang n'afllue plus vers eux. On observe quelquefois ce phénomène, chez l'homme, après la ligaiured'un gros tronc artériel ; les muscles deviennent sourds, ea totalité ou en partie , aux ordres de la volonté, jusqu'à ce que la cir- culation collatérale soit peu à peu rétablie. Arnemann, Bichat et Emmert ont constaté ce fait (1). Ségalas ;2)a vu la ligature de l'aorte abdominale entraîner une telle faiblesse des membres postérieurs , qu'au bout de huit à dix minutes l'animal pouvait à peine les traîner après lui. On ne s'est point encore occupé de rechercher si la nécessité du sang dépend de ce qu'il ali- mente la contractilité des muscles, ou de ce qu'il entretient (1) Trevirancs, Biologie, t. V, 281. (2) Magendie, Journal^ 1824. DU MOUVEMENT ANIMAL. 5o5 l'influence des nerfs servant à la volonté. Treviranus adopte la première des deux hypothèses , se fondant sur ce que la division des troncs artériels des membres en un grand nom- bre de branches anastomosées ensemble , chez quelques ani- maux grimpeurs ( Brarlypas , Lemur ) , semble avoir pour but de mettre la circulation du sang à l'abri de tout dérangement pendant les eflorls des muscles (.!)• Vraisemblablement le sang est nécessaire sous les deux rapports ; cependant il est certain que , même après la suspension totale de la circulation chez les animaux mis à mort et dans les membres séparés du corps, les nerfs sont encore susceptibles , quand on les irrite, de déterminer les muscles à se contracter, comme les mus- cles eux-mêmes sont aptes à le faire lorsque l'irritatation agit immédiatement sur eux. La ligature d'une artère ne supprime pas l'influence tout entière du sang , puisqu'il existe encore une certaine quantité de ce liquide dans les plus petits vaisseaux des muscles ; mais elle s'oppose à ce que de nouveau sang artériel afflue vers les muscles et les nerfs. Les expériences de Ségalas font voir aussi que la simple suspen- %ion de la circulation , déterminée par la ligature de la partie inférieure de la veine cave , diminue la force motrice. Il est donc certain que le sang artériel subit , dans les organes du mouvement , un changement qui , le rendant veineux , ne lui permet plus d'entretenir les facultés de ces organes comme il le faisait auparavant , et que l'organe moteur ne conserve la plénitude de sa contractilité qu'à la condition de se trouver continuellement sous l'influence du sang artériel. C'est ce dont on acquiert d'ailleurs la preuve en considérant les phénomè- (1) Les reseauK adaiirables sont aussi conmiuas dans des parties non musculeuses que dans des parties musculeuses. Parmi les premiers on dislingue celui de la carotide interne des Ruminans,et celui qui a été dé- couvert par Eschricht et moin la veine porte du Thon ; ce dernier est le plus considérable de tous. 5o6 DES CAUSES nés qui ont lieu dnnsles cas de cyanose , c.ù la persistance du lion de Hoial, celle du irou ovale, l'éiroilesse de l'artère pulmonaire, etc., obligent les deux sanjjs de se mêler ensem- ble , ou ne permettent pas au sang artériel de se former com- plètement. Les sujets atteints de celte anomalie sont incapa- bles de grands ellorls musculaires. Chez les Reptiles , l'in- fluence du sang sur les nerfs et les muscles est moins néces- saire pour l'accomplissement des mouvemens volontaires. Les Grenouilles conservent l'influence de la volonté sur leurs muscles après qu'on leur a enlevé le cœur ; elles meuvent même volontairement leurs membres amputés jusqu'aux nerfs exclusivement. J'ai trouvé les muscles d'un de ces animaux irritables encore après que j'eus chassé tout le sang des vais- seaux au moyen d'un courant d'eau poussé par les artères et revenant par les veines. II. Influence des nerfs. Il faut bien distinguer l'action par laquelle les nerfs sollici- tent les muscles à se mouvoir, de liuHuence qu'ils exercent sur la conservation de leur aptitude à se contracter. Halle?' considérait la contractilité des muscles comme une propriété viiale à eux propre et indépendante des nerfs. Fontana, Sœmmerring , Bichat et autres , l'ont imité en cela. Ce grand physiologiste enseignait que tous les stimulus qui agissent sur les muscles provoquent leur faculté contractile , qu'ils n'ont pas besoin de l'intermédiaire des nerfs pour les influencer, et que le stimulus nerveux n'est qu'une des nombreuses causes qui ont le pouvoir d'exercer sur eux une action excitante. Les preuves assignées par lui et par ses successeurs sont depuis long-temps ël.ranlées. Le cœur ne se meut pas indépendam- ment de toute influence nerveuse, et ses nerfs ne sont point, comme on le croyait jadis , insensibles aux irritations du dehors. Il se comporte exactement de même que d'autres muscles dépendans du grand sympathique. Le galvanisme DU MOUVEMENT ANIMAL. 5o7 n'est pas le seul agent qui le détermine à se contracter; car Humboldt et Burdach sont parvenus à en changer les bat- temens par des irritations dirigées sur les nerfs cardiaques. C'est au ganglion cœliaque que, d'après mes expériences, on voit le mieux ressortir Tinfluence motrice du grand sympa- thique sur les muscles organiques. Si, après avoir ouvert le ventre d'un Lapin , on attend le moment où les mouvemens péristaltiques , d'abord exaspérés par l'impression de l'air, commencent à se ralentir, et qu'alors on touche le ganglion cœliaque avec de ia potasse causiifiue , on voit survenir, au bout de quelques secondes, des mouvemens péristaltiques fort énergiques. L'opinion émise dans ces derniers temps par Scarpa, que le grand sympathique n'a aucune connexion avec les racines antérieures ou motrices des nerfs spinaux , non plus qu'avec les nerfs cérébraux moteurs, est suffisamment réfutée aussi par mes propres recherches, ainsi que par celles de Wutzer, de Retzius et de Mayer. De tout cela , il ne résulte toutefois qu'une seule chose , c'est que les nerfs du cœur sont tout aussi conducteurs de l'influence motrice que ceux d'au- tres muscles , et la question de savoir s'ils sont nécessaires pour le maintien de la contractilité de l'organe, n'en demeure pas moins sans solution. D'autres physiologistes, comme Whytt , A. Monro, Pro- chaska, Legallois, Reil, se sont élevés contre la doctrine de Haller, et ont soutenu que la force motrice dépend du conflit avec les nerfs. Dans ce cas, la coniractilité des muscles diffé- rerait essentiellement de celle des végétaux, qui, sans nul concours de nerfs, est excitée immédiatement par les stimu- lans extérieurs. Ces physiologistes se fondent sur ce que les nerfs, quand on les irrite, déterminent le mouvement des mus- cles, que les narcotiques, dont l'action porte de préférence sur les nerfs, annihilent la contractilité musculaire, et que la destruction du cerveau et de la moelle épinière diminue cette propriété. Il faut cependant avouer que ces preuves ne sont 5o8 DliS CAUSES point concluantes. Les muscles demeurent irritables, après la desiruciion du cerveau et de la moelle épinière, aussi long- temps que leur irriiabilito survit à la mdit générale , et l'em- poisonnement d'un animal par les narcotiques n'anéantit que l'influence du cerveau et de la moelle épinière sur les muscles. L'irritabilité des nerfs et des muscles est si peu abolie chez les Grenouilles, après cet empoisonnement, que c'est préci- sément sur eux qu'il m'a été possible d'observer le pluslong- temps les phénomènes auxquels donne lieu leur mise en con- tact avec des irritans. Treviranus a pris un terme moyen. Entraîné par l'analogie des plantes , qui possèdent leur irritabilité par l'influence de la lumière , mais qui sont cependant encore excitables par d'autres stimulans , il croit que les nerfs sont la condition de l'irritabilité musculaire , mais que tous les irritans n'ont pas besoin de leur intermédiaire pour agir sur les muscles. Tiedemann pense (1), avec Haller, que la faculté de se con- tracter est une puissance toute spéciale, inhérente aux mus- cles, mais que son maintien dépend de la nutrition et de l'in- fluence nerveuse , et il enseigne que les nerfs , outre qu'ils servent de conducteurs aux irritans pour déterminer la con- traction musculaire , doivent encore fournir aux muscles une condition essentielle à la manifestation de leur mode propre de vitalité. Cette condition consiste en ce que les nerfs mus- culaires communiquent aux muscles l'aptitude à être affectés par les stimulans, ou en ce que les excitations qui sollicitent les muscles agissent d'abord sur les nerfs , et ne provoquent la contraction que comme conséquence de cette action pri- mitive. La question embrasse donc deux problèmes totalement différens : 1° les nerfs sont-ils nécessaires pour que l'aptitude des muscles à se contracter subsiste , en tant que propriété (4) Traite de 'physiologie de V homme ^ trad. par A.-J.-L, Jo'irdan , Paris, 4831, t. II. p. 779. DU MOUVEMENT ANIMAL. 609 viuile propre à ces organes, et celte propriété se irouve-t-elle anéantie après la destruction de linfluence nerveuse? 2** les nerfs sont-ils les conducteurs à travers lesquels tous les irri- tans agissent sur les muscles, et les irritations dirigées en apparence sur les muscles seulement n'ont-elles d'efficacité qu'en raison des branches nerveuses qui se répandent dans ces organes ? On peut répondre affirmativement à la première de ces deux questions, sans que la même réponse soit faite à la seconde ; mais il est impossible d'accorder le second point et de nier le premier. I. Les nerfs sont-ils nécessaires pour que les muscles con- servent leur aptitude à se contracter sous l'influence des ir- ritations, comme propriété vitale qui les caractérise? Nysten avait observé qu'après une attaque d'apoplexie, les muscles, malgré la paralysie cérébrale , se contractent encore quand on les irrite avec l'électricité , et Wilson , s'appuyant sur Brodie, prétendait plus encore, qu'un nerf dont la communi- cation avec le cerveau et la moelle épinière est interrompue, conserve pendant long-temps la faculté de recevoir les sti- mulans pour l'excitation du mouvement volontaire (1). J'a- vais quelques raisons de présumer que cette durée de récep- tivité est très-limitée quand le nerf ne se reproduit pas. Plu- sieurs expériences que j'ai faites avec Sticker ont répandu du jour sur ce sujet (2). Le nerf sciatique fut coupé sur deux Lapins et un Chien, et la réunion des bouts empêchée par l'excision d'un grand lambeau. Deux mois et trois semaines après l'opération , on observa, chez le premier Lapin , que la partie inférieure du muscle, excitée par le galvanisme d'une simple paire de plaques, ne déterminait pas la moindre trace de convulsions dans les muscles de la jambe et de la patte ; mais les muscles avaient totalement perdu aussi leur aptitude (1) Philos. Trans., JSSS, p. 62. (2) McLLER, Archiv, 4834, p. 202. 5lO DES CAUSES ù resseniii raciion de la simple paire de plaques et les irri- lalions mécaniques , tandis que cette faculté subsistait , sans nulle altération, dans le nerf de la cuisse saine et les muscles auxquels il se distribuait. Chez le Chien , au bout de deux mois et demi , la partie inférieure du nerf coupé était insen- sible à l'électricité de la chaîne simple et aux irritations mé- caniques; mais les muscles auxquels elle aboutissait mon- traient quelques légères traces de contraction quand on les irritait mécaniquement ; les mêmes irritations, portées sur les nerfs ou sur les muscles seulement de la patte saine, donnaient lieu aux contractions les plus violentes. Sur le second Lapin , le nerf avait perdu , au bout de cin(| semaines, toute sensibi- lité au galvanisme, aux irritations mécaniques et à l'action de la potasse caustique ; il n'y avait non plus aucun vestige de contractililé dans les muscles de ce côté, tandis que ceux du côté opposé se contractaient avec vigueur. Ces expériences démontrent donc, non seulement que le pouvoir en vertu du- quel les nerfs déterminent les muscles à agir, est aboli après la destruction de toute communication entre eux et les parties centrales du système nerveux , mais encore que les muscles eux-mêmes perdent leur irritabilité après une si longue pa- ralysie des nerfs. Cependant elles auraient donné un résultat plus décisif, si, au lieu d'une simple paire de plaques, on avait employé une petite pile galvanique pour essayer l'irritabilité des nerfs et des muscles. Alors seulement il eût été possible de distinguer avec précision si la puissance des muscles était complètement éteinte dans deux des cas. Cependant les expé- riences prouvent d'une manière assez claire que l'irritabilité des muscles ne survit pas long-temps à la perte de celle des nerfs. 2. Les nerfs sont-ils seulement les conducteurs à travers lesquels toutes les irritations passent pour arriver jusqu'aux muscles ? DU MOUVEMENT ANIMAL. 5ll Les argumens suivans démonlreni que les choses se passent ainsi. o. Les irritations qui, appliquées aux muscles euxinèmes, les déterminent à se mouvoir, sont les mêmes qui , portées sur les nerfs, excitent les muscles à se contracter. A la vérité, j'ai observé souvent une différence, consistant en ce que les acides minéraux et l'alcool, mis en contact avec les nerfs, ne provoquaient point de convulsions , tandis qu'ils en déter- minaient lorsqu'on les appliquait aux muscles eux-mêmes. Mais cette différence paraît ne point être constante. Hum- boldi a occasioné un mouvement tremblotant dans les muscles par l'alcool, le chlore, l'arsenic blanc et même des sels mé- talliques appliqués sur les nerfs. Bischoff et Windischmann ont vu aussi quelquefois les acides minéraux, mis en contact avec les nerfs des Grenouilles, faire naître des convulsions. h. Les substances qui enlèvpnt aux muscles leur irritabilité, détruisent aussi celle des nerfs. Quoique les narcotiques, quand ils pénètrent dans le torrent de la circulation, et tuent par atteinte portée au cerveau et à la moelle épinière, n'abolissent pas immédiatement l'irritabilité des muscles et des nerfs, puisque ces organes, chez les Grenouilles ainsi mises à mort, demeurent encore pendant long-temps irritables, ce- pendant l'application locale des narcotiques sur les nerfs et les muscles entraîne la perte de l'irritabilité dans tous les points de ces parties avec lesquels la substance entre en con- tact. Des nerfs plongés dans une dissolution d'opium, per- dent l'irritabilité dans toute la partie immergée, tandis qu'ils la conservent entre celle-ci et le muscle. Traités de même, les muscles sont frappés de mort dans toute l'étendue mise en rapport avec la liqueur opiacée. Cette identité d'action des narcotiques sur les nerfs et sur les muscles rend pro- bable que c'est en anéantissant l'irritabilité des nerfs muscu- laires qu'ils détruisent l'aptitude des muscles à ressentir Tin- fluence des stimulus. 5l2 DES CAUSES t. llumbolcJi extirpa les iieiTs de parties musculeuses, jus- qu'aux plus petites branches , sur la partie supérieure de cuisses de Grenouilles, ou sur des na[;eoires de Poissons ; tos or{janes ne furent plus sensibles ensuite à l'irritation gal- vanique. d. Des décharges électriques violentes, soit sur les muscles, soit sur les nerfs seulement, détruisent irès-promptement, au dire de Tiedemann , la faculté qu'ont les muscles de se coniracler par l'influence des irritations du dehors. e. On peut également citer ici la diflérence que j'ai observée dans la manière dont les nerfs sensiiifs et moteurs, irrités galvaniquement et mécaniquement, se comportent à l'égard des muscles qui reçoivent d'eux des ramifications. Je n'ai pu exciter de convulsions ni dans les muscles de la langue parle nerf lingual , ni dans ceux du museau par le nerf sous-orbi- taire. On voit donc que la seule influence nerveuse, en général, n'égale pas les autres irritations sous le point de vue de l'exci- tation des contractions musculaires, et qu'il faut, pour dé- terminer cet eflet, celle toute spéciale d'une classe particulière de nerfs. /. Enfin , l'extinction de lirritabililé des muscles après la paralysie prolongée de leurs nerfs coupés, dont on a empêché la reproduction, démontre aussi, et peut-être plus péremptoi- rement qu'aucune autre preuve , que l'iniégriié des nerfs qui se répandent dans les muscles est nécessaire à l'excitation de ceux-ci, et que les muscles ne sont point accessibles par eux- mêmes aux irritations. Quelque positif que semble être ce ré- sultat, la faculté de se coniracler ne peut néanmoins être qu'une propriété inhérente aux muscles, et Tiedemann fait re- marquer avec raison que les nerfs vivans ne sauraient leur communiquer une force qu'ils n'auraient point par eux- mêmes. Mais l'aptitude à se contracter, inhérente aux muscles, suppose le concours des nerfs pour sa manifeslalion, et la décharge d'un agent impondérable, parlanldes nerfs, est tout DU MOUVEMENT ANIMAL. 5l3 aussi nécessaire pour déterminer les fibres primitives des muscles à rapprocher leurs parties , petites et grandes, les unes des autres, que cette attraction l'est pour opérer le rac- courcissement. J'ai déjà dit , dans le chapitre précédent , quelles sont les espèces d'attraction qui ont lieu dans les mus- cles imprégnés de l'agent nerveux. Mais ce qui donne le mieux une idée de la force avec laquelle l'attraction doit s'exercer entre les angles des fibres musculaires courbées, c'est l'aptitude qu'ont les muscles vivans, dans l'état de con- traction , à résister à la plus grande distension , tahdis qu'a- près la mort, lorsque leurs molécules ont perdu ce pouvoir de s'attirer, ils se déchirent avec une extrême facilité. Nous ne savons encore rien de la manière dont s'exerce le conflit entre les nerfs et les muscles pendant la contraction. Prévost et Dumas (1) disent avoir observé que les ramifications déliées des nerfs marchent en travers sur les faisceaux des fibres musculaires, et cela précisément aux endroits où, quand celles-ci se contractent, correspondent les angles de leurs flexions en zigzag, de manière que les parties du muscle sur lesquelles passent les nerfs seraient les points vers lesquels les autres se trouveraient attirées , et qui aussi s'attireraient réciproquement. Ils croient encore avoir remarqué que les nerfs forment des anses de cette manière, et que les fibres nerveuses descendent d'un côté dans ces anses, pour remon- ter de l'autre dans le tronc. Schwann a examiné la manière dont les nerfs se comportent dans les muscles ; il a employé pour cela les muscles latéraux du ventre de la Grenouille ; là, en effet, il est possible d'obtenir une couche musculaire tellement mince qu'avec un grossissement de quatre cent cinquante diamètres, on a encore assez de lumière pour distin- guer tout avec netteté. Mais un grossissement de cent dia- mètres est suffisant. Voici ce que SchNvann a observé : Le (1) Magendie, Journal, t. III. I. 33 5l/i DES CiUSES tronc nerveux qui pénètre dans le muscle envoie de nom- breux faisceaux, qui ne tardent pas à se diviser en d'autres plus petits, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'ils se trouvent ré- duits aux fibres primitives. Dans leur trajet, les faisceaux et même la plupart des fibres primitives isolées s'accolient fré- quemment à d'autres faisceaux, et surtout à ceux qui suivent la même direction, parfois cependant aussi à d'autres qui marchent en sens inverse. Cette circonstance n'a pas permis de décider s'il y a réellement quelques fibres qui, décrivant une anse, retournent dans le tronc. L'adnexion des fibres et des faisceaux est si fréquente, qu'elle donne au muscle l'ap- parence d'être entrelacé dans un réseau fort irrégulier de nerfs|; mais les filamens nerveux qui constituent ce réseau n'ont point de position déterminée par rapport aux faisceaux musculaires. Schwann a quelquefois observé la disposition suivante : Un faisceau nerveux contenant peu de fibres primi- tives, quatre par exemple, marchait en travers sur les fais- ceaux musculaires ; une fibre nerveuse primitive s'en déta- chait d'abord , à angle droit , entre deux des plus minces faisceaux musculaires; puis une seconde passait^ également à angle droit, entre le second des faisceaux musculaires précé- dens et un troisième situé tout à côté ; une troisième entre ce troisième et un quatrième voisin , et il n'y avait que la qua- trième fibre nerveuse restante qui s'unît avec les autres fais- ceaux nerveux. Chacune des fibres isolées marchait alors parallèlement aux faisceaux musculaires dans une certaine étendue, puis disparaissait, sans qu'il fût possible de dire ce qu'elle devenait. Il serait possible qu'elle se divisât en filets beaucoup plus grêles, qui s'unissent ensemble en manière de réseau. Du moins Schwann a-t-il remarqué cette disposition dans une partie non musculeuse pourvue par le nerf grand sympathique, dans le mésentère de la Grenouille et du Bufoigneus. Les fibres qui forment ici le réseau sont infi- niment plus déliées que les fibres primitives ordinaires. Ce DE MOUVEMENT ANIMAL. ^l5 qui prouve qu'elles étaient réellement nerveuses, c'est leur ressemblance avec les fibres plus grosses d'où elles éma- naient : mais ces fibres plus fortes du mésentère, même lors- qu'elles avaient le volume des fibres primitives ordinaires, laissaient apercevoir des traces confuses de texture fibreuse dans leur intérieur, absolument comme si les filets très-grêles qu'elles fournissent étaient déjà préformés en elles. Ici on se demande si cette structure élémentaire si délicate des fibres nerveuses n'a commencé qu'à leurs extrémités périphériques, puisqu'on n'aperçoit rien de semblable dans les fibres ner- veuses primitives ordinaires, telles qu'on les observe en exa- minant un nerf quelconque au microscope. La théorie du mouvement musculaire par Prévost et Du- mas repose sur le fait observé par ces physiciens que les fibres nerveusescoupent transversalement les faisceaux musculaires, là où se trouvent les angles des flexions en; zigzag , et sur la supposition que les anses obliques de ces fibres s'attirent réciproquement , d'où résulte le raccourcissement des fibres musculaires. Déjà , en essayant de répéter les observations de Prévost et Dumas sur de petits faisceaux musculaires vivans, on voit que, pour ce qui concerne la coïncidence de fibres nerveuses transversales avec les angles de flexion des fibres musculaires , ce n'est point aux fibres primitives des nerfs qu'il faut songer , mais seulement à des faisceaux entiers de fibres nerveuses. Car il n'y a pas possibilité d'apercevoir les fibres primitives des nerfs sur un faisceau musculaire assez volumineux pour qu'on puisse y déterminer des contractions en l'irritant : on ne parvient à les poursuivre dans les muscles qu'en coupant la substance musculaire par tranches exlrêuie- ment minces, qu'on examine au microscope composé. En ou- tre , les fi;;iires données par Prévost et Dumas prouvent clai- rement qu'ils n'ont fait usage que de la loupe. Leur théorie ne part donc point de l'aclion réciproque ou du conflit des élémens des muscles et de la substance nerveuse. Ils suppo- 5l6 DES CAUSES sent lin courant éloclrique dans les nerfs , et avouent cepen- dant n'en avoir jamais pu découvrir aucune trace à l'aide du galvanomètre. Pour démontrer des courans électriques dan» les nerfs avec le (jalvanomètre, il ne convient pas de mettre leslilsderinstrumenten rapport à la fois avec les nerfs et avec les muscles ; car, une chaîne de substances animales liétéro}^,ènes et de métal suflîsant déjà pour en^jendrer de l'électricité, le iluide afjissant dans les nerfs ne serait pas le seul dont le {galvanomètre indiquerait la présence , et il se trouverait mêlé avec celui que la chaîne aurait mis en évi- dence. Il faut donc , dans les expériences de ce (jenre, mettre les fils en rapport avec les nerfs seulement , et observer si un nerf qui communique avec le cerveau détermine des oscil- lations de l'aiguille aimantée pendant les mouvemens volon- taires. Prévost et Dumas ont procédé de cette manière en exammant le nerf de la paire vague chez des animaux bien portans , et le plexus sciatique chez un animal frappé de té- tanos ; le galvanomètre ne leur a montré aucun indice d'élec- tricité. Je n'ai pas été plus heureux qu'eux en répétant l'ex- périence. Pour expliquer l'insensibilité du galvanomètre , et lever la principale objection contre leur hypothèse , Prévost et Dumas admettent arbitrairement que le courant galvanique est double dans les nerfs, et que les deux courans se neutra- lisent, de manière à ne permettre aucune action sur l'aiguille aimantée. Ils comparent cette aiguille aux faisceaux muscu- laires entourés par les anses nerveuses ; tous deux éprouvent les efl'ets de courans opposés. On voit que , quelque ingé- nieuse que soit cette idée , elle manque néanmoins de base expérimentale. Si elle est déjà très- hasardée, la manière dont Prévost et Dumas essaient de réduire l'action du feu et des influences chimiques sur les nerfs des muscles à un phéno- mène d'électricité, l'est encore bien davantage. J'ai déjà fait connaître et apprécier à leur juste valeur, dans la physique des nerfs, les argumens qu'ils allèguent à l'appui de cette hypo- DU MOUVEMENT ANIMAL. 617 thèse. Enfin , il faut prendre en considération que , d'après leur théorie, l'attraction mutuelle des anses nerveuses conie- nues dans les muscles, est la cause du raccourcissement, et la masse du muscle regardée comme une chose purement acces- soire. A la vérité , on pourrait l'aire disparaître cette objec- tion en modifiant l'hypothèse , et admettant que les muscles sont constamment chargés d'une des électricités , et que l'autre leur est amenée par les nerfs , ce qui détermine leurs fibres à se rapprocher des anses nerveuses. Mais , en agissant ainsi , on renoncerait à l'un des élémens de l'explication don- née par Prévost et Dumas, celui qui est tiré de la comparaison des fibres musculaires avec des corps magnétiques ; on n'a- perçoit pas non plus pourquoi une attraction devrait s'exer- cer entre les fibres musculaires et nerveuses chargées d'élec- tricités différentes , et pourquoi les courans ne se neutralise- raient pas, comme dans d'autres parties animales, sans sollici- ter les molécules à s'attirer réciproquement. Les mêmes objections s'élèvent contre l'hypothèse qu'a proposée Meissner (1). Suivant ce physiologiste, le fluide dont il suppose les nerfs remplis s'écoule dans les muscles , forme des atmosphères électriques autour de chacun des ato- mes dont l'application bout à bout donne naissance aux fibres musculaires , écarte ainsi , dans leur milieu , ces fibres qui se trouvent fixées à leurs deux extrémités , et donne heu par là au raccourcissement , absolument de même que quand on place plusieurs balles de moelle de sureau à la suite les unes des autres sur un fil , qu'on unit plusieurs de ces fils ensem- ble par les bouts , et qu'on électrise le tout , en le suspendant au conducteur de la machine électrique , on le voit , en effet , se raccourcir par l'effet de l'écartement des fils. Cette expli- cation ne conviendrait pas à la flexion en zigzag des fibres musculaires; elle s'appliquerait mieux aux divisions transver- (1) System der Heilkunde , Vienne, 1832. 5l8 DES CAtSES sales que j'ai observées dans les petits faisceaux primitifs chez les Insectes, puisque ces faisceaux se dilatent un peu et de- viennent ventrus à l'endroit des divisions transversales. Du reste, elle ne dill'èrerait pas essentiellement de la précédente. Dans celle-ci, les muscles en repos seraient déjà constamment chargés d'électricité positive et négative , et le mouvement tiendrait à ce qu'un courant électrique opposé venant à éma- ner des nerfs , les deux courans se neutraliseraient dans les muscles ; suivant la seconde hypothèse , qui suppose un état électrique des nerfs , l'état inverse devrait se constituer de lui-même dans les muscles , d'après les lois générales de la distribution de l'électricité. Les deux théories rencontrent une insurmontable dilliculté dans la remarque précédemment faite qu'on ne conçoit pas pourquoi, au moment de la réu- nion des deux courans, celui des nerfs et celui des muscles, les extrémités périphériques des nerfs et les fibres musculai- res devraient s'attirer mutuellement , ou pourquoi, suivant l'opinion de Meissner , les fibres primitives des muscles de- vraient s'écarter les unes des autres. En effet , pour que l'é- lectricité détermine des molécules à se mouvoir les unes ver$ les autres, il ne suilit pas que celles-ci soient électrisées ; sont-elles animées d'une électricité inverse, mais non isolées, les courans se réuniront , mais les molécules demeureront immobiles. Des morceaux de papier ne sont attirés par le succin frotté que parce qu'à l'état sec ils ne sont conduc- teurs qu'à moitié. Au voisinage du succin ou de la cire à ca- cheter qu'on a frottés, l'électricité inverse se développe par suite de la décomposition du fluide primitif. Les deux électricités tendent use réunir , et le papier est attiré vers le corps plus pesant que lui , parce qu'il enchaîne jusqu'à un certain point l'électricité tant que la réunion n'a point eu lieu par l'effet du contact. Dès que le papier est humide, il cesse d'être attiré , attendu qu'alors il devient conducteur parfait. Dans cet état, il reçoit l'électricité de la cire à cacheter frottée, DU MOUVEMENT ANIMAL. 619 sans être attiré. Un conducteur parfait , très-léger , peut être attiré vers un corps électrique , quand il se trouve isolé. Ainsi la lamelle d'or s'incline vers le corps électrique , mais le mouvement s'arrête dès que l'isolation cesse. Il en est de même dans l'exemple choisi par Meissner. Les chapelets de moelle de sureau suspendus au conducteur de la machine électrique s'écarlent les uns des autres , parce que , recevant l'électricité de ce conducteur , ils se repoussent dès qu'ils ont acquis celle de môme nom. Ce mouvement n'a lieu non plus qu'autant que les boules sont sèches et par conséquent conducteurs imparfaits. Si nous appliquons ces principes aux muscles , nous voyons que les extrémités des nerfs et les fibres musculaires ne pour- raient s'attirer, ou , dans la seconde hypothèse , les fibres musculaires s'écarter, qu'autant qu'elles ne seraient pas con- ducteurs. Mais elles le sont. A l'état humide , elles conduisent parfaitement l'électricité , et tout aussi bien qu'aucune autre partie animale humide. On pourrait supposer que les mus- cles sont des conducteurs imparfaits , en se fondant sur une observation de Humbûldt , celle qu'en appliquant une liga- ture peu serrée au nerf crural d'une Grenouille , l'armant d'un pôle au dessus de la ligature, et mettant l'autre pôle en rapport avec le muscle , il ne survient de convulsions qu'au- tant qu'une certaine étendue du nerf demeure libre depuis le point où il est lésé jusqu'à son entrée dans le muscle ; on n'en observe pas quand on lie le nerf immédiatement à son entrée dans le muscle , et qu'on arme l'un et l'autre au dessus de la ligature ; il s'en manifeste dès qu'on dissèque une portion de l'étendue du nerf comprise dans le muscle ; enfin elles cessent aussitôt qu'on entoure d'un lambeau de chair musculaire la partie du nerf Ubre entre la ligature et le nerf. De prime abord , en effet , on pourrait conclure de là que le muscle est un conducteur imparfait ; mais, en y regardant de plus près, on voit que le résultat de l'expérience lient précisément .à 520 Î)I.S CAUSES l'excellence de la faculté conductrice du muscle ; car, ainsi que l'a remarqué llumboldt , on peut substituer de l'éponge humide ou un métal à la chair musculaire , pour entourer le nerf, sans que le résultat change. Pour se convaincre la chair musculaire humide est un très-bon conducteur, toute expé- rience sur des cuisses de Grenouille avec la simple chaîne suffît , dès qu'on prend pour conducteur du faible courant électrique un lambeau de cette chair, fraîche ou ancienne. Si l'on réfléchit, en outre, que l'hypothèse de l'analogie entre l'électricité et le fluide nerveux n'a point de base empi- rique , et que ces deux fluides diflèrent totalement l'un de l'autre eu égard aux corps qui les conduisent et qui les isolent, il ne reste plus aucun motif d'admettre la théorie de Prévost et Dumas , ou toute autre théorie quelconque qui reposerait sur l'électricité. Comme les fibres musculaires semblent se raccourcir entre les anses nerveuses des muscles, il est probable que les points de ces derniers qui ressentent plus particulièrement l'influence nerveuse, s'attirent et par-là donnent lieu à la flexion en zig- zag des fibres. Les renflemens réguliers des faisceaux primi- tifs des muscles, que j'ai souvent observés au microscope chez les Insectes, indiquent aussi qu'il s'opère encore des attrac- tions dans le sens de la longueur entre des parties beaucoup ' plus petites des fibres musculaires. Cette seconde attraction dépend également de ce que les fibres musculaires sont mises par le principe nerveux dans un état qui permet à leurs par- ties aliquotes de s'attirer. Mais il n'est pas possible d'aller plus loin dans l'état présent de la science. L'aptitude que le tissu contractile des Oscillatoires , des Mimosa , etc., et le tissu contractile animal susceptible de se résoudre en' colle ont à se courber, à se contracter, à se raccourcir, paraît leur appartenir en propre, comme aux muscles, par une consé- quence naturelle de leur état vivant. Mais les fibres muscu- laires diffèrent de ces tissus eu ce que l'état vivant qui leur DU MOUVEMENT ANIMAI. 52 1 permet de se contracter ne se réalise jamais que par l'effet ou la déchar(ïe du principe nerveux. Schwann s'est occupé d'expériences tendant à faire décou- vrir la loi suivant laquelle la force d'un muscle diminue ou augmente avec sa contraction. Il opérait sur le muscle gastro- cnémien des Grenouilles , et à l'aide du procédé suivant. On fixe une Grenouille sur une planchette , de manière que sa cuisse soit horizontale , sa jambe redressée perpendiculaire- ment , et sa patte recourbée horizontalement. Cela fait , on coupe le nerf sciatique au haut de la cuisse , et on le met à découvert jusqu'à la jambe , en ménageant autant que possi- ble les vaisseaux , de sorte qu'il pende latéralement , et qu'on puisse le poser sur deux fils métalliques perçant la planche, qui marchent d'abord dans le sens horizontal , puis se recour- bent perpendiculairement vers le bas. De ces deux fils , qui ne tiennent point ensemble , l'un va gagner l'un des pôles d'une paire de plaques galvaniques , et l'autre peut, en l'ap- pliquant légèrement à un fil venant de l'autre pôle , être mis en communication avec celui-ci. La peau de la jambe de- meure intacte , à cela près d'une petite incision au talon , par laquelle on fait sortir le tendon du muscle gastrocnémien , après l'avoir coupé à la patte. On attache à ce tendon un fil qui monte perpendiculairement vers l'un des bras d'une ba- lance , où on le fixe. A l'autre bras de la balance pend un plateau. Le premier bras , celui qui communique avec le mus- cle , est sextuplé de longueur, au moyen d'un fil métallique droit qu'on y a lié , afin qu'une petite contraction du muscle produise un grand mouvement du fléau. On charge alors le plateau de manière qu'il l'emporte un peu sur le bras opposé. L'extrémité de ce dernier est maintenue par une baguette ho- rizontale , qui lui permet bien de s'abaisser, mais l'empêche de monter plus haut. Au moyen d'une disposition particu- lière , cette baguette peut être vissée ou plus haut ou plus bas, et une échelle indique l'étendue du changement qu'on lui fait . 5a 2 DES CAUSES subir. L'appareil étant disposé tellement que le long bras de la balance se trouve un peu au dessus de la bVoe horizontale et le muscle étant fixé de manière à être un peu tendu , on faita^ïir sur lenerf sciatique une paire de plaques d'un pouce carré de surface. La contraction du muscle fait descendre le bras de la balance. On visse alors la bajjuette horizontale assez bas pour qu'en se contractant le muscle ne puisse plus éloi- gner d'elle le bras de la balance que d'une quantité minime. Le faible excès de poids du plateau étant considéré comme égal à zéro , on a là le plus fort degré de la contraction. Or Schwann a observé que quand il mettait alors des poids sur le plateau , le fléau de la balance ne trébuchait plus. Donc, à ce point de la contraction , la force du muscle était = 0. Mais si on vissait la baguette horizontale un peu plus haut , on parve- nait à retrouver un point où le fléau se remuait. Donc, à ce faible degré de contraction , la force du muscle était égale au poids mis dans la balance , mais le quanium du raccourcis- sement était la sixième partie de ce dont on avait vissé la ba- guette plus haut. Si alors on mettait un poids double du pré- cédent, il fallait reporter la baguette plus haut encore, pour que le muscle pût faire mouvoir le fléau. A ce point, la force du muscle était double de celle du cas précédent , elle degré de raccourcissement pouvait être trouvé sur l'échelle. Ainsi cet appareil permettait de comparer la force déployée par le muscle sous l'influence d'une irritation déterminée avec son raccourcissement. Schwann avait encore la précaution de faire agir les irritations à des intervalles égaux, et, après chaque série d'expériences, de vérifier si le muscle se con- tractait encore sans poids au même point que précédemment, c'est-à-dire qu'il répétait l'expérience en sens inverse ; ainsi,' par exemple, il observait l'état de l'instrument à zéro, puis à cinquante, puis à cent, ensuite à cinquante et à zéro du poids, et prenait la moyenne entre tous les nombres fournis par un môme poids. En suivant celte marche, il a obtenu les DU MOUVEMENT ANIMAI. 523 résultats siiivans avec une Grenouille sur laquelle les expé- riences furent faites , en hiver, pendant l'espace de douze heures avec des interruptions entre chacune. 1" Expérience. L'échelle marquait d41, à 0 grain de poids, 17,1 à 60 grains , 19,7 à 120 , 22,6 à 180. Donc , lorsque la force du muscle croissait chaque fois de 60 grains depuis sa plus forte contraction jusqu'à une faible contraction, la diffé- rence de longueur du muscle, d'après les différens points cor- respondans à chacune de ces forces, était de 3,0 entre 0 et 60 grains , de 2,6 entre 60 et 120 grains , de 2,1 entre 120 et 180 grains. Après l'expérience, le muscle se contractait de nouveau jusqu'à 13,7, quand il n'y avait pas de poids dans le plateau. 2» Expérience. Lorsqu'on ne mettait pas de poids dans le plateau , le muscle se contractait de telle sorte que Téchelle marquait 13,5 ; à 100 grains, 18,8 ; à 260 grains, 23,4. Donc, tandis que la force croissait de 0 à 100, le muscle s'allongeait de 5,3, et tandis qu'elle allait de 100 à 200, il s'allongeait de 4,6. Après l'expérience, le muscle se raccourcissait sans poids à 14,4. 3» Expérience. L'échelle marquait 13,7 à 0 grain; à 50 grains 18,7, à 100 grains 20,3, puis à 50 grains 17,7, et à 0 15,4. Si l'on prend la moyenne des nombres correspondans aux di- verses longueurs , on voit que la différence de longueur du muscle était de 4,3 lorsqu'il portait 0 et 50 grains de poids, et de2,l entre 50 et 100 grains. ^"Expérience. L'échelle marquait 13,5 à 0 grain, 19,1 à 100 grains, 23,2 à 200 grains. La différence de longueur du muscle entre les points où il portait 0 et 100 grains était donc à celle entre les points où il portait 100 et 200 grains ::5,7:3,1. 5« Expérience. L'échelle marquait 16,8 à 100 grams, 12,7 à 10, puis 16,1 à 100, 18,7 à 200, ensuite 16,1 à 100, et en- fin 11,7 à 0 grain. Les moyennes différences de longueur entre 524 I>ES CAUSES les points où le muscle portait 0 et d 00 grains , et ceux où il portait 100 et 200 grains, étaient donc :: 4,1 : 2,4. Ainsi, dans les deux premières expériences , tandis que la force du muscle croissait d'une quantit('î é{;ale , sa longueur augmentait approximativement d'une quantité égale aussi. Dans les trois dernières, le muscle ne s'allongeait pas suivant la même proportion que sa force croissait , mais suivant une proportion plus forte lorsqu'il y avait moins de poids sur le pla- teau. Les autres expériences faites par Schwann lui ont donné absolument le même résultat. Ainsi , dans celles qui eurent lieu le plus tôt possible après la préparation de la Gre- nouille , par conséquent à une époque où l'état normal était le moins troublé , on obtint pour loi que la force du muscle croissait dans la même proportion que l'organe se contractait moins , c'est-à-dire qu'elle diminuait en raison directe de la contraction du muscle. Plus il s'écoulait de temps entre l'o- pération et l'expérience , plus les résultats s'écartaient. On peut donc conclure que la loi s'applique assez exactement à l'état normal. Cette loi est celle qui régit les corps élasti- ques. Elle réfute toute théorie qui tend à expliquer la con- traction des muscles par une attraction de leurs molécules exercée en vertu d'une des forces attractives à nous'connues, dont l'action est telle que la force d'attraction croisse en pro- portion du rapprochement des molécules, oU;, pour parler avec plus de précision, en raison inverse du carré de la distance. Car lorsque la force attractive des molécules du muscle est assez grande pour qu'elles puissent déjà se rapprocher si elles sont fort éloignées les unes des autres , elle augmente en- core quand les molécules se sont déjà rapprochées un peu, c'est-à-dire quand le muscle s'est déjà raccourci. C'est donc dans sa longueur normale que le muscle devrait dé- ployer le moins de force, et celle-ci devrait croître à mesure qu'il se raccourcit , de manière à être parvenue au plus haut point d'intensité lorsque la contraction se trouverait arrivée à DU MOUVEMENT ANIMAL. ^25 son dernier terme. Mais les expériences de Schwann démon- trent que l'inverse précisément a lieu, puisque c'est quand le muscle a sa longueur normale que sa force est le plus consi- dérable, et qu'au plus haut degré de contraction elle est égale à 0. La théorie de Prévost et Dumas ne saurait non plus se concilier avec cette loi. Le courant électrique qu'ils suppo- sent dans les nerfs, excite un courant magnétique transversal, qui attire la fibre musculaire ; mais celte fibre devrait être attirée avec d'autant plus de force qu'elle se serait déjà rap- prochée davantage de la direction du courant, parce que l'at- traction magnétique croît aussi à mesure que l'objet attiré se rapproche. Donc , ici également , la force du muscle devrait s'accroître avec son raccourcissement. L'hypothèse de Meiss- ner s'accorde déjà mieux avec la loi. Là ce n'est pas une at- traction directe qui opère le raccourcissement du muscle, mais une répulsion des molécules dans la direction transversale de l'organe. Donc, plus le muscle se raccourcit , plus la distance augmente entre les molécules qui se repoussent , et moins la force avec laquelle elles continuent de se repousser doit être grande. Ici , par conséquent la force diminue réellement avec le raccourcissement. Mais Schwann a calculé mathématique- ment que, dans cette hypothèse, la force ne pourrait point di- minuer en raison directe du raccourcissement. En terminant cette discussion , il me paraît nécessaire de faire remarquer que tout changement subit de l'état des nerfs musculaires , quelle qu'en puisse être la cause , a pour consé- quence l'ébranlement du muscle. La fermeture et l'ouverture de la chaîne galvanique, la destruction soudaine du nerf, la brûlure , l'influence chimique , le tiraillement , toutes ces causes paraissent donner au principe impondérable des nerfs une impulsion en vertu de laquelle il s'élance vers les muscles par un courant ou par des oscillations, que d'ailleurs l'in- fluence extérieure exalte ou diminue la force vitale du nerf. C'est pour cela que des convulsions peuvent survenir dans tous 5^6 DES MOUVEMENS les états des forces vitales, même alors que celles-ci sont rédui- tes à leur moindre expression , parce que le principe nerveux est susceptible, même avant de s'éteindre, de déployer son ap- titude à ce mouvementprofjressif ou oscillaîoire, et qu'il entre en mouvement dès que l'état du nerf change. Ceci nous prouve qu'il y a une diflérence totale entre irritation et augmenta- tion de la force vitale, qu'on peut irriter un corps animal au pomt de lui causer la mort, et que les narcotiques , tout en détruisant la puissance vitale des nerfs, dont ils changent si violemment l'état matériel, peuvent cependant encore provo- quer des symptômes non moins prononcés d'irritation. Section seconde. Des dijféreiis mouvemens musculaires. CHAPITRE PREMIER. Des mouvemens involontaires et volontaires. Parmi toutes les différences que peuvent présenter les mouvemens musculaires, la plus frappante est celle qu'on re- marque entre ceux qui obéissent aux ordres de la volonté et ceux qui ne les reconnaissent pas. Cependant, lorsqu'on approfondit le sujet, on trouve celle distinction moins natu- relle qu'elle ne semble l'être au premier aperçu. Les diffé- rentes formes anatomiques du tissu musculaire ne parlent point en sa faveur. Il y a, en outre, bien des mouvemens in- volontaires de muscles qui sont soumis à la volonté, mouve- mens dont quelques uns n'ont pas un rhythme moins prononcé que ceux du cœur. Si certains muscles sont entièrement sous- traits à l'innuence de la volonté, ils ne sont pas pour cela in- dépendans des états de l'âme, et la division si généralement INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 5a7 admise parles physiologistes a beaucoup perdu de son intérêt depuis qu'on sait que les nerfs exercent tout autant d'empire sur les mouvemens involontaires que sur les autres. Quoique les muscles de la partie organique du corps se distinguent des autres par la cylindricité de leurs fibres et l'absence de stries transversales sur les faisceaux primitifs, et qu'ils ne reconnaissent pas les ordres de la volonté, cependant la vessie urinaire, qui est susceptible de quelques mouvemens volon- taires, ne saurait être séparée d'eux sous le point de vue de sa structure. Les faisceaux des fibres de l'iris n'ont pomt de rides transversales, et pourtant on peut mouvoir l'iris à vo- lonté en tournant l'œil vers le nez. D'un autre côté, quoi- que les muscles de la partie animale du corps se distmguent par les rides transversales de leurs faisceaux primitifs et par la forme en chapelet de leurs fibres primitives, et qu'ils soient soumis à la volonté , le cœur établit une seconde exception , puisque sa structure le rapproche de ceux-ci, et que le carac- tère involontaire de ses mouvemens le place dans la catégorie des précédens. La couleur des muscles ne s'accorde pas non plus avec cette division. Les muscles volontaires sont généra- lement rouges; mais s'il y en a quelques uns de rouges chez les Poissons, la plupart y sont pâles. Les muscles mobiles invo- lontaires sont pâles, pour le plus grand nombre, comme ceux de Vintestin ; mais ceux du gésier des Oiseaux et du cœur ont une teinte de rouge foncé, et la tunique musculeuse de la ves- sie, qui obéit à la volonté, est aussi pâle que celle de l'intes- tin. Cette différence de coloration ne dépend certainement pas du plus ou moins grand nombre de vaisseaux sanguins, ni de la matière colorante du sang. La substance elle-même des fibres musculaires, qui a de commun avec la matière colo- rante du sang de devenir plus rouge à l'air, paraît être lu cause de cette particularité. A la vérité, la division des mus- cles en volontaires et involontaires repose plus sur des motifs tirés du système nerveux que sur des motifs empruntés aux 528 DES MOUVEMENS muscles eux-m<*'mes; mais ici encore l'iris et la vessie urinaire soulèvent des dilUculiés. Enfin, si l'on réfléchit que certains muscles, qui au fond sont soumis à la volonté, se contractent néanmoins continuellement sans nul concours de sa part, comme le sphincter de l'anus ; que quehjues uns de ceux de la partie animale du corps sont susceptibles de mouvemens volontaires chez un très-petit nombre seulement d'hommes, comme le crémaster ; que tous les muscles;aux ordres de la volonté sont fréquemment soumis à des mouvemens involon- taires, soit par réflexion,E^soit par association, comme dans le rire, le bâillement, les soupirs, mais plus encore dans le jeu des passions ; on trouve qu'il existe assez de raisons pour adopter^une division dont les éléniens se rapportent davan- tage aux causes internes des divers mouvemens. Comme l'é- tablissement de l'ordre des mouvemens involontaires repose sur un caractère purement négatif, quelques physiologistes ont admis une distinction meilleure, celle des mouvemens en automatiques et involontaires. Cependant il y a tant d'espèces de mouvemens involontaires différentes sous le point de vue des causes , que celte division ne semble pas non plus être d'une grande utiUté. En effet, quelle différence n'y a-t-il pas entre les mouvemens automatiques et rhythmiques du cœur et des muscles respirateurs, et les mouvemens réflec- tifs? La classification suivante est celle qui paraît faire le mieux ressortir les causes diverses des mouvemens muscu- laires. I. Mouvemens déterminés par des irritations hétérogènes , externes ou internes» Par irritations hétérogènes, j'entends ici toutes les causes de mouvement autres que la simple impulsion du principe ner- veux lui-même. Généralement parlant, ces irritations n'agis- sent point dans l'état de santé : il y a cependant des cas oiî elles sont normales, comme l'influence de la bile ou des ex- INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 629 crémens sur les mouvemens de rintestin, celle de l'urine sur la vessie, etc. Un changement de l'état des nerfs musculaires est une condition nécessaire du mouvement. Peu importe que la cause arrive aux nerfs des parties centrales du système ner- veux, ou de leurs vaisseaux, ou de l'extérieur. Tous les muscles de la partie animale et de la partie organique du corps sont susceptibles de ces mouvemens : ils ont lieu involontairement, que les muscles d'où ils ressortant obéissent ou non d'ailleurs à la volonté. L'irritation peut s'exercer sur trois points diffé- rens. V Sur le muscle lui-même. Dans ce cas, les nerfs qui se ré- pandent dans le muscle sont affectés les premiers, et la con- vulsion arrive comme conséquence. Le cœur, le canal intes- tinal, la vessie, tous les muscles soustraits à la volonté, comme tous ceux qui lui obéissent, se contractent par le fait d'une ir- ritation extérieure. La seule différence consiste en ce que les irritations extérieures ne déterminent pas toujours , dans les muscles organiques dépendans dû nerf grand sympathique, des convulsions rapides et instantanées comme celles qu'elles provoquent dans les muscles du système animal, et que tantôt la contraction à laquelle elles donnent lieu s'établit et s'accroît avec lenteur, comme à l'intestin et à la matrice des animaux, n'atteint son maximum que long-temps après la cessation de Virritation, et survit à cette dernière, tantôt le mode et la ra- pidité du rhythme des organes qui en observent un dans leurs contractions, comme le cœur, se trouvent changés pour un laps de temps plus ou moins long. La propagation du mou- vement du principe nerveux paraît donc se faire avec beau- coup plus de lenteur dans le grand sympathique que dans les nerfs de la vie animale , dont l'irritation détermine des effets instantanés, qui n'ont pas plus de durée qu'elle. 2° Sur le nerf. L'irritation de lu portion du nerf située hors du muscle a le même résultat que celle qui porte sur ce der- nier. Le fait a lieu constamment pour les nerfs de la vie I. H 53o DES MOUVEMENS animale ; quant h ce qui concerne ceux de la vie organique , on ne l'a découvert que dans ces derniers temps. Ilum- boldt est parvenu à changer les battemens du cœur par la galvanisation des nerfs cardiaques, et Burdach par l'applica- tion de la potasse caustique au ganglion cervical infé- rieur. Après avoir mis à découvert le canal intestinal d'ua Lapin , j'ai ravivé le mouvement péristaltique , qui s'était déjà ralenti , en galvanisant le ganglion cœliaque au moyen de la pile. Mais , en touchant le ganglion avec de la po- tasse caustique , on démontre le fait de la manière à la fois la plus facile et la plus évidente. C'est une des meil- leurs expériences de la physiologie. Quand les mouvemensde l'intestin d'un Lapin , que l'impression de l'air rend d'abord beaucoup plus vifs , commencent à se calmer, si l'on applique de la potasse caustique sur le ganglion cœliaque, ils se re- produisent bientôt avec un surcroît d'intensité. Là encore on s'aperçoit que le mouvement du principe nerveux est plus lent, mais plus persistant, dans le nerf grand sympathique; car le mouvement de l'intesUn n'arrive à son maximum qu'au bout de quelques instans , et il persiste très-long-temps» 3° Sur les organes centraux. L'application des irritans aux organes centraux entraîne les mêmes résultats. Les mouve- mens ont toujours lieu dans les muscles dont les nerf dépendent de la partie irritée du cerveau ou de la moelle épinière. D'après les expériences de Wilson Philip , le mouvement du cœur peut être changé par l'irritation d'une partie quel- conque de l'encéphale ou du prolongement rachidien, tandis que celle de certaines parties de ces organes entraîne toujours des convulsions dans certains muscles. Mais il y a une diffé- rence importante, qui tient à la nature de l'irritation maté- rielle. Certaines influences déterminent des convulsions , qu'on les mette en contact avec les muscles, avec les nerfs, ou avec les organes centraux -, telles sont les stimulus méca- niques, la chaleur, l'électricité, les alcalis, etc. D'autres INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 53 1 n'en provoquent que quand elles agissent sur les centres du système nerveux par l'intermôdiairo de la circulation, comme les narcotiques. Un narcotique peut bien, quand on l'applique sur un muscle ou un nerf, éteindre d'une manière locale l'ir- ritabilité de cet organe , mais jamais alors il ne donne lieu à des convulsions , tandis qu'il en détermine de très-violentes lorsqu'il agit par le sang sur le cerveau ou la moelle épi- nière, et ce qui prouve que, dans ce cas, la cause des phé- nomènes convulsifs siège aux organes centraux , c'est qu'en coupant les nerfs du membre convulsé , le tétanos cesse dans toutes les parties dont les cordons nerveux ne communiquent plus avec la moelle épinière. IZi Mouvemens automatiques. Cette rubrique comprend tous les mouvemens qui , indé- pendans des actions de l'âme , sont continus , ou affectent un rhythme régulier, et qui, les uns comme les autres, dépendent de causes naturelles, compatibles avec la santé, dont les nerfs ou les organes centraux sont le siège. Les mouvemens rhyth- miques se partagent en deux classes , suivant que leur prin- cipe réside dans le grand sympathique ou dans les organes centraux du système nerveux. Jamais les mouvemens rhyth- miques réguliers n'ont leur source dans les seuls nerfs de la vie animale. A. Mouvemens automatiques qui dépendent du nerf grand sympathique. i° Nerfs dont les faisceaux primitifs offrent des rides trans- versales. Le cœur. 2"» Muscles dont les faisceaux primitifs ne présentent pas de rides transversales. Le canal intestinal , la matrice, la vessie urinaire. Les mouvemens automatiques des premiers sont prompts , iustantaoés , et se succèdent avec rapidité , comme dans les 53^ DES MOUVEMENS rauscifs de la vie animale pourvus de stries transversales. Ceux des seconds sont lents : les convu'sions n'y atteignent ja«)ais leur maximum que peu à peu , elles durent long- temps , et les périodes du repos sont beaucoup plus longues. On Ignore si cette différence tient à la structure des fibres musculaires ou à liufluence nerveuse. Ce qui semblerait don- ner à penser, jusqu'à un certain point, qu'elle dépend de la première circonstance , c'est que la vessie urinaire , quoique mobile en vertu de la volonté, diffère néanmoins des muscles volontaires en ce que ses mouvemens ne peuvent point affec- ter le caractère convulsif. Du reste, ils ne se trouvent compris ICI parmi les mouvemens automatiques , que parce qu'ils s'ac- croissent d'une manière périodique lorsque le réservoir est rempli. Dans les mouvemens automatiques du système orga- mque , on remarque partout une certaine succession des con- tractions ; l'une des parties de l'organe se contracte plus tôt que l'autre, et le mouvement marche avec régularité suivant une certaine progression , jusqu'à ce que la période soit ac complie. Dans le cœur de la Grenouille , il commence aux veines caves, puisse propage aux oreillettes, aux ventricules €1 au bulbe de l'aorte. Au canal intestinal il marche de haut en bas, d'une manière vermiforme ; mais une période n'est point écoulée entièrement, que la suivante reprend, et que les parties recommencent à se contracter dans le même ordre. Le mouvement rhythmique débute à l'œsophage, dont la partie inférieure , d'après les observations de Magendie et les miennes, se resserre, puis se dilate de temps en temps. A l'es- tomac , le mouvement est proportionnellement très-faible. Il présente aussi un caractère vermiforme à la matrice, du moins après l'application des irritans , comme je l'ai vu chez les Rats; d'ailleurs les mouvemens de la matrice ne s'observent que pendant l'accouchement ; il est rare que, durant la gros- sesse, on en remarque de faibles, ayant l'apparence de spasmes. Quand des irritans agissent sur des organes doués INVOLONTAIRES Et VOLONTAIRES. 533 de mouvemens automatiques, ceux-ci conservent générale- ment leur ordre normal de succession ; c'est seulement lors- que l'irritation s'accroît beaucoup , que la succession change, et qu'on voit survenir un mouvement anlipéristallique ; mais celui-ci peut aussi se manifester au milieu d'accidens céré- braux, quand l'influence nerveuse vient à être suspendue. Toutes les fois que des organes susceptibles de mouvemens automatiques sont irrités , la période change aussi , et les mouvemens deviennent plus intenses ; le cœur bat avec plus de force et de fréquence , quand une irritation externe ou in • terne agit sur lui. Si de fortes maladies aiguës font sur les organes centraux une vive impression , aux suites de laquelle on donne le nom de fièvre , non seulement le cœur se meut plus fréquemment , mais encore le mode de contraction des fibres est changé, ce qui rend le pouls dur. Aussi le pouls demeure-t-il dur, fort et fréquent, tant que les forces conser- vent leur intégrité. A mesure que celles-ci diminuent, l'im- pression de la maladie sur les organes centraux subsistant tou- jours, les battemensdu cœur ne reviennent pointàl'état normal, il est vrai, de sorte que le pouls reste dur, mais ces baliemens perdent de leur force , et le pouls devient faible, tout en aug- mentant de fréquence. Un pouls dur, plein et fréquent annonce donc , dans les maladies aiguës , une vive impression sur les organes centraux , sans changement essentiel des forces vi- tales ; un pouls dur, faible et fréquent est le signe d'une dé- perdition de forces proportionnée à l'accroissement de ce symptôme. Dans beaucoup d'affections sans inflammation, les battemens du cœur deviennent plus fréquens , lorsque les fonctions des organes centraux sont suspendues , comme dans la syncope et l'apoplexie. Les irritations externes ou internes du canal intestinal rendent les mouvemens de ce tube plus forts et plus rapides,comme on le remarque quand la cavité abdo- minale est ouverte , ou dans le cas d'irritation de la membrane muqueuse (diarrhée). Les irritations spinales font naître des 5^4 DES MOUVEMENS mouvemens auiomaiiques spasmodiqucs du canal intestinal ei de la matrice Le même changement s'observe, du moins dans le tube digestif, à la suite des irritations du ^and sympatluque. comme le prouvent les résultats de l'application de la potasse caustique sur le ^janglion < œliaque des Lapins Plusieurs des organes qui exécutent des mouvemens auto- matiques ont des sphincters. Pendant que les contractions de ces organes s'accroissent périodiquement, les sphincters sont continuellement fermés , comme celui de la vessie , ou lori- fiée de lamatrice avant la parturition. Mais, à force de pousser leur contenu vers l'anneau musculaire qui ferme l'issue, les conduits finissent par en vaincre la résistance et le dilater L'antagonisme des conduits et des sphincters tient évidem- ment moins aux appareils musculaires qu'au mode de l'action nerveuse exercée sur les uns et sur les autres. C'est ce mode qu. est cause que le museau de tanche et le sphincter de la vessie demeurent fermés pendant que les mouvemens des sacs s'accroissent périodiquement, dans la matrice sous la forme de douleurs , dans la vessie sous celle d'envies d'uri- rmer. En admettant , comme Ileil le faisait, une polarité en- tre le fond et le col de la matrice , on ne rend pas la chose plus claire. La distension des sphincters paraît s'effectuer en grande partie par suite de la pression exercée sur eux- le museau de tanche s'ouvre , comme le sphincter de l'anus cède a la pression des excrémens. Après l'expulsion du contenu le sac et le spliincter reviennent peu à peu sur eux-mêmes Cette contraction paraît ne point être périodique aux sphinc- ters , et suivre une progression périodique dans les sacs • les douleurs que les femmes éprouvent après l'accouchement sont 1 expression de ces contractions rhythmiques. La cause finale des contractions rhythmiques des muscles organiques tient au mode du conflit entre les muscles et le nerf grand sympathique. Ces mouvemens automatiques difl-érent essenuellemeat en cela de ceux des muscles de la vie ani- INVOLONTAIRES ET VOLONTAIKES. 535 maie Le cœur continue ses mouvemens rbyihmiques , même après avoir été séparé du corps; ils ne dépendent point du sang puisqu'ils s'exécutent avec non moins de régulante dans le cœur qui ne contient point de ce liquide ; ils ne tiennent pas non plus à l'irritation de l'air , car ils continuent dans le vide Le mouvement péristaltique du tube digestif persiste après l'excision du canal ; et on l'a vu persévérer, dans l'ovi- ducte arraché du corps d'une Tortue, jusqu'à ce que les œufs eussent été expulsés. Les nerfs organiques qui se distribuent à la substance mus- culaire jouent le rôle principal dans ces mouvemens automa- tiques des parties détachées du corps , et les muscles qui les exécutent ne se contractent pas d'une manière rhythmique indépendamment des nerfs, comme le croyait Haller. On peut le conclure des résultats de l'examen auquel je me suis livre précédemment, et duquel il suit que le conflit des nerfs et des muscles est nécessaire à l'accomplissement de la contraction musculaire, comme aussi du fait que le mode de contractiondu canalintestiualchargepourunlapsdetempsassezlonglorsqu'on applique des irritans, par exemple de la potasse caustique, sur le ganglion cœliaque. La cause du rhyihme peut résider ou dans les libres musculaires , ou dans les fibres nerveuses. Si elle a son siège dans les fibres musculaires, l'action du principe nerveux est continuelle , mais les fibres du cœur perdent leur faculté de se contracter après chaque contraction instantanée, et la recouvrent par l'effet d'un repos très-court, pendant lequel le principe nerveux agit de nouveau sur elles. Si la cause du rhythme réside dans les fibres nerveuses, lu réceptivité des fibres musculaires est continuelle, et le pnn- cipe nerveux n'y aillue que d'une manière périphérique , par Veffet de causes inhérentes aux nerfs eux-mêmes. La première hypothèse, suivant laquelle le cœur perdrait à chaque in- stant, ou (lualre-vingts fuis par minute, son aptitude à ressentir l'influence du principe nerveux , pour la recouvrer autant de ^«"6 DES MOUVEMENS fois dans le même laps de temps , est invraisemblable , puis- que tous les autres muscles se meuvent d'une manière dura- ble quand l'irritation persiste. Un si prompt rétablissement de la réceptivité par l'effet du seul repos n'est pas moins impro- bable , attendu que , pour rétablir dans les muscles fatigués l'aptitude à ressentir les irritations, il faut non seulement du repos, mais encore l'influence du sanjï pendant la circulation. Mais le cœur continue ses mouvemens rliythmiques alors même que ses cavités sont vides de sang et qu'on l'a dé- taché du corps , en sorle que le sang artériel ne puisse plus affluer dans ses capillaires. La seconde hypothèse, celle que la réceptivité du cœur est permaneme , mais l'action du principe nerveux sur l'organe périodique , réunit plus de probabilités en sa faveur. Elle mérite donc que nous l'examinions plus en détail. En agis- sant sur le ganglion cœliaque, on peut faire reprendre le caractère péristaltique au mouvement déjà éteint du canal intestinal , par conséquent lui rendre son rhythme, et lui im- primer une plus grande force. De là semble résulter que ce ganglion prend part à la production du mouvement rhyihmi- que. Mais, comme, dans l'expérience précitée, la potasse caustique le détruit et le frappe de mort, quoique les mouve- mens rhythmiques provoqués persistent pendant long-temps, il faut que les portions des nerfs intestinaux qui avoisinent le ganglion possèdent aussi cette faculté, et ils en jouissent effec- tivement, puisque le canal intestinal détaché du mésentère conserve encore l'aptitude au mouvement péristaltique. L'in- fluence que le ganglion cœliaque exerce sur la production de mouvemens périodiques doit d'autant plus appartenir égale- ment aux nerfs qui se répandent dans les muscles organiques, qu'en examinant avec soin les branches du grand sympathi- que, on y découvre très-souvent de petits renflemens secon- daires , disséminés sans régularité. Reizius a vu de très-petits ganglions sur les filets du grand sympathique qui se rendent INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 537 au nerf trijumeau. J'en ai également rencontré, dans un rameau de communication entre le grand sympathique et l'un des nerfs dorsaux , de très-petits, qui n'étaient visibles qu'à la loupe. Les branches du plexus hypogastrique que j'ai vues se rendre, chez le Cheval et l'homme , à la partie la plus posté- rieure des corps caverneux de la verge , présentent aussi , à une certaine distance de leur entrée , de petits rentlemens ganglionnaires, qui, chez l'homme, sont placés au voisinage de lextrémiié postérieure de la prostate. Lorsqu'on examine avec soin de grandes étendues du nerf sympathique , il n'est pas rare qu'on découvre de très-petits ganglions , en déta- chant les faisceaux fibreux les uns des autres. Remak a sou- vent isolé , sur le trajet des nerfs sympathiques , de petits renflemens, qu'on distingue très-bien à l'œil nu. Schwann en a aperçu, séparés les uns des autres par de grandes dislances, sur les filets microscopiques du grand sympathique , dans les mésentère du Bufo igneus. Il ne faut pas confondre ces petits ganglions a.vec les varicosités des fibres primitives du grand sympathique, observées par Ehrenberg. D'après tout ce qui précède , ma conclusion est celle-ci. Le mouvement automatique des muscles organiques dépend d'abord, comme tout mouvement volontaire , de l'impulsion du principe nerveux , ce qui a été démontré ; la cause du rhyihme de ce mouvement n'est pas dans la nature des fibres musculaires , mais dans celle du système nerveux apparte- nant en propre aux muscles organiques, ce qui a été prouvé; le ganglion cœliaque a le pouvoir, quand il est irrité, de dé- terminer des mouvemens péristaltiques de l'intestin, ce qui a été également démontré ; la nature ganglionnaire du grand sympathique paraît se continuer sur toutes les ramifications de ce nerf , et l'aplitude de l'intestin aux mouvemens péri- staltiques persiste alors môme que cet organe a été détaché du mésentère : donc les filets du grand sympathique qui se distribuent au canal intestinal lui-même ont encore le pouvoir 538 DES MOUVEMENS do provoquer des mouveiueiis périodiiiuos. Ce qui est vrai des inouvemens périsialiiques de l'inleslia, l'est aussi des niouvemens rhylhmiques du cœur: le premier^ mouvement du cœur, quand il se trouve encore réduit à la simple condi- tion d'un sac , est périsialtique. Il paraît donc que l'aptilude du nerl' {;rand sympathique à déterminer des mouvemens pé- riodiques , appartient non seulement à ses gros ganglions^ mais encore à ses moindres parties qui se distribuent dans l'intérieur des organes; et cela explique pourquoi le cœur, le canal intestinal, l'ovaire de la Tortue continuent d'observer un rhyihme déterminé de mouvement après qu'on les a sé- parés du corps. Une question se présente. N'est-il pas possible d'expliquer d'une manière satisfaisante, au moyen d'une hypothèse, com- ment il se lait que l'impulsion du principe nerveux dans les parties aux(juelles le nerf grand sympathique distribue ses filets, observe un rhylhme dans son action interrompue? Les hypothèses sont permises dans une science exacte et reposant sur les faits, toutes les fois qu'on ne peut encore arriver à une explication déliuitive : il faut seulement que la théorie hypo- thétique ne soit point contraire aux faits, qu'elle se concilie, au contraire, avec eux , et qu'elle ouvre un champ nouveau à d'ultérieures investigations. Ce qui suit me semble être une hypothèse de ce genre. Supposons que des courans du principe nerveux impondé- riible aient lieu continuellement dans le nerf grand sympa- thique, depuis le centre , ou le point d'origine , jusqu'à la périphérie, aux organes. Comment se fait-il que, de continu, le mouvement devienne périodique ? La mécanique nous offre beaucoup d'exemples dune tellp transformation. Empruntons une comparaison à unlUiide impondérable. Lorsqu'on rappro- che jusqu'à une certaine distance de l'électromèire de Bohiien- berger, un corps chargé d'éhclricilé, ia lamelle d'or s'incline vers l'une des colonnes; si le courant électrique qui arrive à INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. Ôog l'électromètre est assez fort , la lame d'or est attirée vers le pilier jusqu'au point d'entrer soudainement en contact avec lui; si le courant n'est pas assez fort, la lamelle demeure chargée, et flotte vers l'une des colonnes, sans y atteindre. L'électricité y reste enchaînée, malgré la tendance à la réunion des deux fluides. Ce n'est que quand de nouvelles quantités d'électricité parviennent du dehors à la lamelle , qu'arrive le maximum, termecoù celle-ci ne peut plus retenir le fluide dont elle se trouve chargée, et l'abandonne subitement au pilier. L'envoi continuel d'étincelles qu'une machine électrique qu'on ne cesse de tourner fait à un conducteur peu distant, est plus instructif encore sous ce rapport. Le demi-conducteur com- pris entre le conducteur de la machine et le conducteur qu'on en a rapproché, c'est-à dire l'air atmosphérique sec, empêche l'électricité continuellement excitée dans la machine de s'é- couler par un jet continu : aussi se décharge-t-elle périodi- quement sur le conducteur, chaque fois qu'elle s'est accumu- lée en assez grande quantité pour pouvoir traverser le demi- conducteur. Ce que je rapporte ici n'est qu'une image ; il n'entre pas dans ma pensée de comparer à l'électricité le principe qui agit dans les nerfs, et je crois même avoir suffi- samment réfuté toute hypothèse qui reposerait sur un sem- blable parallèle. Mais l'image fournit un moyen de se faire une idée approximative du mode de mouvement du principe nerveux dans les nerfs sympathiques. On a souvent comparé les ganglions du grand sympathique à des demi-conducteurs. Nous avons vu que le principe nerveux se meut avec beaucoup plus de lenteur dans ce nerf que dans ceux de la vie animale. C'est là un fait. Car , quand on touche avec de la potasse caustique le ganglion cœliaque d'un Lapin dont le canal in- testinal commence à ne plus laisser apercevoir le mouve- ment péristaltique auquel l'action de l'air avait d'abord im- primé un redoublement d'énergie, quelques secondes suffisent pour redonner une nouvelle force à ce mouvement , mais U 54o DES MOtJVEMENS n'atteint son maximum que beaucoup plus tard, et dure en général très lonjj-temps. Cette lenteur du mouvement du prin- cipe nerveux dans le nerf grand sympathique indique un obstacle à la transmission, qui n'existe pas dans les nerfs de la vie animale , où la réaction du muscle succède à l'irritation du nerf avec une rapidité qu'on ne saurait mesurer. On peut donc réellement comparer les nerfs sympathiques à des demi- conducteurs ou des demi-isolateurs, que la cliuse retardatrice ou isolante réside dans les ganglions ou dans les fibres ner- veuses elles-mêmes. Ceci accordé, on voit pourquoi la trans- mission du fluide s'opère ou s'accroît d'une manière périodi- que. Les parties ganglionneuses du grand sympathique , qui agissent comme demi-conducteur, cherchent à retenir le fluide nerveux. Le courant général , qui suit la distribution périphé- rique des nerfs, tend , au contraire, à pousser jusqu'aux mus- cles organiques. Lorsque certaines parties du nerf sympathi- que, agissant comme demi-conducteur, ont arrêté une certaine quantité du principe nerveux, elles la retiennent jusqu'à ce que le principe nerveux qui afllue vers elles ait atteint le maximum qu'elles peuvent enchaîner; alors elles l'abandon- nent subitement aux muscles organiques , et le jeu recom- mence. Si ce phénomène a lieu dans le nerf grand sympathi- que jusqu'à sa distribution périphérique dans les muscles, les ganglions, qui le répètent fréquemment en petit , doivent jouer en cela un rôle principal, comme demi-conducteurs ou isolateurs imparfaits du principe nerveux. Je répète encore que je m'abstiens rigoureusement d'identifier le fluide nerveux et le fluide galvanique; car, pour le répéter de nouveau, les isolateurs et les conducteurs du premier ne sont pas ceux du second. Les mouvemens qui dépendent du nerf grand sympathique n'ont pas tous un type intermittent; quelques uns, comme ceux des muscles sphincters , ont en un continu. Ici la transmis- sion du principe nerveux ne soullre pas d'interruption. Le INVOLONTAIRE ET VOLONTAIRE. 54» spilincler de la vessie est presque toujours actif, et son acti- vité ne s'interrompt que pour de courts espaces de temps. Il est dié^ne de remarque que cet effet a lieu précisément dans un organe dont les nerfs appartiennent non seulement au sys- tème organique, mais encore au système animal , qui permet au principe nerveux de former un courant continu. La vessie urinaire reçoit ses nerfs à la fois du plexus hypogastrique, et des troisième et quatrième paires sacrées. La contraction con- tinue de son sphincter dépend moins aussi du grand sympathi- que que du système nerveux animal et des organes centraux. La contraciilité de ce muscle est anéantie dans les maladies du cerveau et de la moelle épinière. Tandis que les mouve- mens placés sous l'influence exclusive du nerf grand sympa- thique, se maintiennent indépendamment du cerveau et de la moelle épinière, qu'ils persistent même dans des parties sé- parées du corps , le sphincter de la vessie se trouve frappé de paralysie aussitôt après la section de la moelle épinière , tout comme celui de l'anus, dont les mouvemens reconnaissent l'empire de la volonté. Si les nerfs organiques ont la faculté de retenir le principe nerveux et de ne point le laisser s'échapper rapidement , on conçoit d'après cela pourquoi les organes qui reçoivent des filets du grand sympathique conservent leurs mouvemens pendant long-temps encore , indépendamment du cerveau et de la moelle épinière. Cependant ces organes ne sont pas tota- lement et pour long-temps indépendans des parties centrales du système nerveux. Après des veilles prolongées , et dans les maladies aiguës qui s'accompagnent d'une forte impression sur les organes centraux , on s'aperçoit plus tard de cette influence, qui ne peut pas se prononcer aussi vite que dans les parties pourvues de conducteurs appartenant au système animal; en effet, dans ces cas, la force du cœur et d'autres muscles organiques se trouve épuisée. 34>- Ï^ES MOLVEMEWS B. Mouvemens automatiques qui dépendent des organes centraux. Comme les muscles a{jissenl dms la respiration involontaire et dans les mouvemens volontaires, on lievait se trouver con- dait à penser que les deux espèces de mouvemens exécutés par les muscles sont dus à l'influence des nerfs dilTérens. Ch. Bell a voulu établir que l'un des mouvemens peut y être aboli , tandis que l'autre persiste. Lorsqu'il disait à un hémi- plé{îique de lever les épaules , ce malade ne pouvait, malgré tous ses efforts, soulever que l'épaule du côté sain. Les mou- vemens volontaires de la poitrine étaient abolis du côté ma- lade, et néanmoins, quand Bell faisait exécuter une inspiration profonde au sujet, l'épaule du côté malade s'élevait , aussi bien que celle du côté opposé. Ce fait prouve seulement que l'homme qui a le pouvoir de faire une inspiration profonde , possède encore l'empire de la volonté sur ces muscles. Mais, Ch. Bell l'expliquait en disant que le nerf accessoire, qui se distribue au trapèze et au sterno-cléido-mastoidien , peut être paralysé comme nerf de la respiration , tandis que les bran- ches des nerfs spinaux qui se rendent à ces muscles conservent leur action; dans cette hypothèse, les deux muscles peuvent perdre la faculté de contribuer à la respiration en débarras- sant la poitrine du poids des épaules, sans que le mouvement volontaire soit aboli, et vice versa. Bell pratiqua la section du nerf accessoire sur un Ane, et remarqua que les muscles tra- pèze et sterno-cleido-mastoidien cessaient de se contracter pendant la respiration , bien qu'ils conservassent leurs mou- vemens volontaires. Pour ce qui concerne îe nerf accessoire, 00 peut accorder le fait, quoiqu'il ne soit pas encore suflisam- ment démontré , et qu'à coup sûr ce nerf puisse, tout aussi bien que les spinaux , solliciter le muscle trapèze à des mou- vemens purement volontaires. Beaucoup de muscles respira- toires , comme , entre autres le diaphragme, ne reçoivent INVOLONTAIRE BT VOLONTAIRE. 543 qu'une seule espèce de nerfs , et rien n'autorise à penser que ces nerfs renferment des fibres spéciales consacrées aux mou- Yemens respiratoires , en outre d'antres fibres cliarj^ées de présider aux mouvemens voloniaires. Nous a^^issons sur les mêmes fibres nerveuses quand nous respirons involontaire- ment suivant un rhythme déterminé , et lorsque nous chan- geons ce rhythme par un acte de notre volonté. La cause du type et du rhythme de ces mouvemens ne ré- side point dans les nerfs des muscles de la vie animale , mais dans le cerveau et la moelle épinière. Les nerfs cérébraux et spinaux se comportent à leur égard comme simples conduc- teurs des déterminations émanées de l'encéphale et du prolon- gement rachidien ; ces conducteurs viennent-ils à être cou- pés , le mouvement automatique cesse. Telle est la relation du diaphragme et de tous les muscles respiratoires avec leurs nerfs ; telle est aussi l'action du sphincter de l'anus, etc. Les mouvemens automatiques de la vie animale qui se rapportent ici ont également un type ou intermittent ou continu. Dans le premier cas, sont les muscles respiratoires , et dans le second les mouvemens des sphincters. Tous les mouvemens dont il s'agit en ce moment sont exécutés par des muscles qui , indé- pendamment de leur motilité automatique, sont encore soumis à la volonté. !• Mouvemeas automatiques du système animal à type intermittent. Aux mouvemens respiratoires appartiennent ceux du dia- phragme, des muscles abdominaux , des muscles pectoraux, et des muscles du larynx qui ouvrent et ferment la glotte. Il s'y joint , en outre , dans certaines circonstances , des mou ve ^ mens de la face , et quelquefois , pendant le sommeil , des mouvemens du voile du palais. Les nerfs qui entrent alors en jeu sont , dans les cas ordinaires , le phrénique , l'accessoire , le vague, une grande partie des spinaux , et, pour les mouve- mens respiratoires de la face , le facial. La paire vague ne 5/j/^ DES MOUVEMENS prend qu'une faible part aux mouvemens. Bien qu'elle soit cbar(|ée de pourvoir ror{ïane dans lequel s'accomplille travail chimique de la fonction , le poumon , son rôle , par rapport à la respiration , se réduit à l'empire qu'elle exerce sur les mouvemens des petits muscles du larynx, encore même pro- vient-il uniquement des filets qu'elle reçoit du nerf accessoire. Les poumons n'ont rien à faire avec les mouvemens respira- toires : toute la partie inférieure de la paire vague , qui est la plus considérable, ne possède pas dinlluence motrice , même sur l'estomac , et les fonctions de ce nerf, dans les poumons, consistent^ évidemment à régler les sensations de ces or- ganes, à leur amener une certaine quantité de fibres organi- ques du grand sympathique pour régulariser les phénomènes chimiques. Tous les mouvemens respiratoires d'une espèce , par quelque nombre de nerfs qu'ils soient provoqués , ont lieu en même temps : ils doivent donc avoir une cause commune. Or Legallois a prouvé que celte cause réside dans la moelle allongée. En séparant la moelle allongée de la moelle rachi- dienne , on suspend l'influence de la première sur tous les nerfs respiratoires qui naissent de la seconde au dessous de la section ; toute lésion de la moelle épinière qui a lieu au dessus de l'origine du quatrième nerf cervical, supprime la part que le nerf phrénique prend à la respiration. Celle de la paire vague persiste , tant qu'on n'oflense pas lorigine de ce nerf à la moelle allongée ; dès qu'on la coupe , la glotte cesse de se mouvoir. Mais la source de tous les mouvemens respi- ratoires simultanés se trouve détruite par une lésion de la moelle allongée , tandis que la lésion des parties cérébrales situées au devant de cette dernière ne portent point atteinte aux mouvemens rhylhmiques de la respiration. La cause de l'alfection rhythmique de tous ces nerfs , qui , d'ailleurs , sont susceptibles aussi d'obéir aux ordres de la volonté , réside donc dans la moelle allongée , qu'ils[naissent du reste ou du cerveau DU de la moelle épinière. Quelle, idée;;doit-oa se fairejde ce INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 545 rhylhme ? Consiste-l-il en une seule excitation des muscles inspirateurs , qui agit périodiquement , ou bien en deux exci- tations consécutives et alternatives , d'abord des inspirateurs, puis des expirateurs? Le problème serait plus simple si le premier cas avait lieu. En effet, la respiration d'un homme parfaitement tranquille , en tant qu'elle est produite par des mouvemens vivans , ne se compose que d'inspirations pério- diques au moyen du diaphraj^me , des muscles de la poitrine et de ceux de larynx. L'expiration a lieu par l'élasticité et l'a- baissement spontané des parties précédemment distendues et soulevées. La pression des muscles , par exemple de ceux du bas-ventre , joue un rôle ici , mais peut-être seulement en tant qu'elle porte sur les viscères abdominaux , qui , de cette manière , sont refoulés en arrière , soulèvent le diaphragme , et rétrécissent ainsi la cavité thoracique. Quelquefois , lorsque l'inspiration a lieu d'une manière abrupte et soudame , par l'effet de causes internes, l'expiration ne change pas pour cela de rhythme, et s'effectue peu à peu, comme de coutume. Cependant, toutes les fois que l'inspiration s'exécute avec plus de force et de fréquence sous l'influence d'un état irritatif , le mouvement de l'expiration devient actif aussi , de sorte qu'alors le rhythme des mouvemens respiratoires provoqué dans la moelle épinière offre deux temps distincts , comme le battement du cœur : chez les Grenouilles , ce rhythme a même régulièrement trois temps , tandis que le battement du cœur en présente quatre , depuis le mouvement des veines caves jusqu'à celui du bulbe de l'aorte. Si nous voulons tra- duire tout ce qui précède en langage physiologiciue , il faut dire que , durant la respiration , il s'opère dans la moelle al- longée une décharge du principe nerveux vers tous les mus- cles inspirateurs, et que, bientôt après, du moins fréquem- ment , a lieu un mouvement, soit courant , soit oscillation , de ce principe vers les muscles expirateurs. La recherche des causes de ce mouvement embrasse deux questions. 35 5/j6 DES MOCVEMENS 1° Qui est ce qui excite l;i moelle épinière à opérer ces décharffes du principe nerveux vers les nerfs respiratoires , après la naissance , puisque rien de semblable n'a lieu chez le foetus? Ou la cause excitatrice est dans des sensations qui partent des organes respiratoires , et qui, en suivant la paire vajjue , vont faire impression sur la moelle allon^jée; ou bien elle tient à Faction du sanf» artériel sur cette portion si émi- nemment irritable du système nerveux. La sensation que l'air atmosphérique cause dans les poumons et le besoin de respirer senti par ces organes ne sauraient être la cause ni au moment de la première respiration , ni plus tard ; c'est ce que prouvent des expériences faites par moi sur des Lapins , où j'ai rendu ces sensations impossibles en coupant les deux nerfs vagues et les rameaux laryngés supérieurs , même en détachant to- talement le larynx , sans que le rhylhme des mouvemens res- piratoires discontinuât pendant plusieurs heures , jusqu'à la mort de l'animal. La théorie de Kind , qui considère la respi- ration comme un mouvement réflectif , dû à l'irritation que l'air atmosphérique produit sur les nerfs de la peau et qui se transmet à la moelle épinière , n'est pas très-vraisemblable. Une Grenouille dépouillée de toute sa peau n'en continue pas moins de respirer comme auparavant. Peu importe qu'une Grenouille ait le corps entouré d'air ou d'eau , elle n'en res- pire pas moins bien , pourvu que sa tête se trouve dans l'air. Si l'irritation de la peau par l'eau suffisait pour provoquer les mouvemens respiratoires, le fœtus des Mammifères devrait en exécuter aussi dans la matrice. Il est donc évident que la cause de la première respiration , et de toutes celles qui sui- vent, est de nature à ne pas pouvoir agir sur le fœtus , mais à exercer son action sur l'enfant aussitôt après la naissance , et qu'elle ne tient point à !a sensation de l'irritation que dé- termine l'air atmosphérique soit dans le poumon, soit à la peau. Elle ne saurait être autre que le sang artériel, qui se produit dès que l'air pénètre dans l'organe pulmonaire , qui, en moins INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 547 d'une minute , arrive au premier mobile de tous les mou- vemens respiratoires , la moelle allonffée , et qui excite cette partie du cerveau à décliarfjer le principe nerveux dans les nerfs respiratoires placés sous sa dépendance. Telle est la cause continuelle des mouvemeus respiratoires durant la vie entière , et ce qui le démontre, c'est qu'en tenant des Grenouilles plongées pendant quelques heures dans du g^az hydrogène , je les voyais , au bout de quelque temps , cesser de respirer, quoiqu'elles vécussent encore : d'abord les mouvemens respiratoires reparaissent chez elles pour quelques instans , lorsqu'on les fait rouler dans le vase clos ; plus tard, elles semblent asphyxiées : si , au bout de deux ou trois heures, on les reporte à l'air atmosphérique , elles ont l'apparence d'être complètement mortes , et Ton n'observe en elles aucune trace ni de mouvement ni de sentiment. Qu'on ouvre alors la poitrine : si le cœur ne bat plus , l'animal ne revient pas à la vie ; si le cœur bat encore, fût-ce même à des intervalles fort éloignés , d'une demi-minute à une minute entière , il suffit de laisser la Grenouille tranquille pour la voir , en général , se ranimer , sans nulle excitation du dehors , si ce n'est l'oxi- dation graduelle du sang dans les vaisseaux pulmonaires , dont le défaut était la cause de l'asphyxie. Quelque faibles et rares que puissent être les battemensdu cœur, le sang chargé d'oxygène finit cependant par arriver de nouveau à l'encé- phale , à la moelle allongée , et celle-ci recommence à four- nir un écoulement de principe nerveux. Les premiers signes du retour à la vie s'annoncent par la rétraction des pattes quand on en pince lu peau ; bientôt la Grenouille respire de temps en temps, et au bout de quelques heures elle a repris toute sa vivacité. Ainsi le sang artériel est la cause qui excite la moelle allongée à décharger le principe nerveux dans les muscles respiratoires . 2" Quel est le régulateur du rhythme des mouvemens res- piratoires? L'incitation de la moelle allongée par le sang ar- 54 s DES M0UVEMEN9 lériel est continue, et quoiqu'à chaque battement du cœur, le sang? coule avec une impulsion plus forte dans les petites ar- tères, cet accroissement saccadé de son mouvement n'est point en rapport avec les périodes du mouvement respiratoire. Comment l'incitation continue de la moelle épinière se trans- lorme-t-elle en un mouvement périodique du principe nerveux de cet organe ? Au premier abord, la question semble pouvoir être résolue par une supposition analo^rue à celle que nous avons faite pour les mouvemens automatiques du système or- ganique. S'il y a , dans la moelle allongée , une cause quel- conque d'isolation, qui empêche le principe nerveux de se décharger à mesure qu'il est produit par l'action du sang artériel sur la substance nerveuse , ce principe sera forcé de s'accumuler jusqu'au moment où il rompt la barrière qui le retenait, et fait irruption dans les nerfs respiratoires. Une autre solution du problème se fonderait sur le fait que , soit 1 aptitude d'un nerf à conduire un courant ou une oscillation du principe nerveux, soit celle des muscles à obéir à l'impul- sion nerveuse, est limitée et cesse au bout d'un certain laps de temps, jusqu'à ce qu'elle se soit rétablie par le travail de la vie dans les vaisseaux capillaires. Cette aptitude est mani- festement bien plus grande dans les muscles des extrémités que dans ceux qui servent à la respirafion ; la preuve nous en est fournie par la durée des mouvemens volontaires. Nous pouvons demeurer debout ou porter un fardeau pendant long-temps, mais il nous est impossible d'inspirer ni d'expirer autrement que durant un laps de temps très-court , et si nous cherchons à prolonger l'un ou l'autre mouvement, nous trou- vons bientôt la^;iimite de l'effort volontaire. Mais tout mouve- ment musculaire est susceptible de continuer très long temps lorsqu'il alterne avec d'autres. Ici, le principe nerveux ne man- que pas, car il est employé à d'autres mouvemens; ce qui manque, c'est, ou la conductibilité des nerfs, ou la contractilitc des muscles, dont l'une ou l'autre, ou psiit-être aussi toutes les INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 549 deux, sont épuisées par le mouvement. La succession réfi;u- Jière de l'inspiration et de l'expiration, et la succession égale- ment régulière de trois temps chez la Grenouille, annoncent assez clairement que ni la première explication, ni la seconde ne suffisent, et qu'il y a dans la moelle allongée une cause in- connue faisant qu'à chaque mouvement du principe nerveux vers les muscles inspirateurs succède un autre mouvement de ce "principe vers les muscles expirateurs, et vice versa, de manière que, comme dans le pendule et la balance, une di- rection est la cause nécessaire de la direction opposée. En effet, à la fin d'une longue inspiration volontaire on sent, non seulement un épuisement des muscles respiratoires, mais en- core le besoin d'exercer un autre effort qui soit en sens inverse de celui de l'inspiration : de même, après une longue expi- ration, on éprouve le besoin d'inspirer, auquel il nous est bien donné de résister pendant quelque temps, mais à la voix duquel nous ne pouvons pas demeurer sourds. Si la cause du mouvement alternatif n'existait pas déjà dans la moelle allon- gée, si elle ne tenait qu'à l'épuisement momentané des nerfs et des muscles, il serait en notre pouvoir de faire agir ou de laisser en repos simultanément les muscles inspirateurs et ex- pirateurs. La cause de l'alternance ne peut^pas être non plus dans le sentiment du besoin d'expirer l'air imprégné d'acide carbonique et d'en introduire un autre plus pur; car, après la section du nerf vague au cou et des deux nerfs laryngés supérieurs, toutes les sensations qui se rattachent à la respi- ration sont plus éteintes encore que durant le sommeil, et ce- pendant les mouvemens périodiques n'en continuent pas moins de s'accomplir chez les animaux. H y a donc, dans la moelle al- longée, une cause! inconnue, en vertu de laquelle le principe nerveux, qui se développe sans discontinuer, se décharge alternativement dans une direction et dans l'autre. On a bien songé à faire dépendre ce rhythme de la différence que le rétrécissement et ramplialion de la poitrine apportent dans la 55o DES MOUVEMENS plénitude des gros troncs veineux et des veines du cerveau. Cependant celle hypoilièse n'est au fond qu'un cercle vicieux. En outre, les Poissons, dont les opercules, qui exécutent des mouvemens périodiques, ne sauraient exercer aucune pres- sion sur les veines, nous prouvent bien que celle impulsion est tout-à-fait indépendante d'influences extérieures. L'irrita- tion continue de la moelle allongée par le sang artériel se transforme donc, par une cause encore in( onnue, en des dé- charges périodiques et alternulives du principe nerveux vers les fibres nerveuses des muscles inspirateurs et expiraleurs, décharges dont l'une est toujours cause que l'autre s'effectue. Des irritations sensorielles dans les organes respiratoires peu- vent quelquefois donner lieu à une action réflective de la moelle allongée qui trouble celte succession ; ainsi , par exemple, plusieurs expirations ont lieu de suite dans la toux, sans que chacune d'elles appelle une inspiration. Outre les mouvemens respiratoires ordinaires, on en observe parfois, dans certains états du système nerveux , notamment dans la fatigue, et après comme avant le sommeil, d'autres périodiques qui dépendent du cerveau ; tel est le bâillement, qui consiste en une profonde inspiration, suivie d'une expiration profonde, avec affection du nerf facial, dont les branches dévolues à la face déterminent les contractions des muscles faciaux, et dont la branche destinée au muscle digaslrique fait ouvrir large- ment la bouche. Ici se range encore le hoquet, qui survient sous forme périodique dans quelques affections nerveuses. Les mouvemens respiratoires ne sont pas les seuls mouve- mens automatiques périodiques ayant lieu dans le cours jour- naUer de la vie, qui dépendent des parties centrales du sys- tème nerveux. Les muscles oculaires et l'iris en offrent un autre exemple pendant le sommeil. Chez l'homme qui s'en- dort, l'œil est placé un peu en dedans et en haut, et l'iris fort étroit, bien qu'entièrement dans l'ombre. Dès avant que l'on s'endorme, l'œil prend celte situation, et l'on reconnaît que INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 55 1 ies yeux se placent en dedans, d'après la situation des dou- bles imao^es que la personne tourmentée par l'envie de dormir aperçoit lorsqu'une circonstance fortuite la force brusque- ment à s'observer. Comme dans le cas de convergence des yeux, ces doubles images sont placées, celle de l'œil droit à droite , et celle de l'œil gauche à gauche. J'ai prouvé plus haut que l'iris est rétréci toutes les fois que les yeux se tour- nent en dedans, volontairement ou involontairement. Les deux phénomènes, qui dépendent du nerf oculo-musculaire commun, coïncident aussi ensemble pendant le sommeil. Donc, dans le sommeil, il s'accomplit toujours un mouvement involontaire des muscles oculaires et de l'iris, qui, durant la veille, n'est produit que par un acte de la volonté. Le prin- cipe nerveux, réparti entre tant de fonctions chez l'homme qui veille, se tourne, à l'occasion de ce phénomène, vers une province particulière du cerveau et les conducteurs de ces mouvemens. Cependant la situation des yeux en dedans lors- qu'on s'endort et le rétrécissement de la pupille durant le sommeil dépendent peut-être uniquement d'un antagonisme entre les diverses branches du nerf oculo-musculaire com- mun, de telle sorte que ces mouvemens surviennent toutes les fois que l'élévateur de la paupière supérieure cesse d'agir. 2. Mouvemens automatiques du système animal à type contiiiu. Les mouvemens involontaires périodiques du système ani- mal ne sont pas les seuls qui dépendent des parties centrales du système nerveux : certains mouvemens continus , ou du moins rarement interrompus , se trouvent également sous la dépendance de ces parties. Tels sont ceux des sphincters de la vie animale. Quoique nous puissions à volonté rendre l'action de ces muscles plus énergique , ils n'en sont pas moins con- tinuellement contractés, tant dans l'état de sommeil que dans celui de veille ; il n'est pas en notre pouvoir d'interrompre vo- lontairement leur action , à moins que nous ne la conlreba- 552 DES MOUVEMENS lancions par celle de leurs antagonistes. Ceci s'applique sur- tout au sphincter de l'anus , et même à celui de la vessie , en tant que le système nerveux de la vie animale exerce aussi de l'influence sur ce dernier. La force et la contraction de ces muscles dépendent de la moelle épinière. Les lésions du cor- don rachidien sont la cause de leur relâchement continu et de la sortie involontaire des excréraens et de l'urine, effet auquel donnent également lieu quelquefois les passions déprimantes, qui affaiblissent l'énergie de la moelle épinière. Marshall-llall a fait voir que le sphincter de l'anus de la Tortue conserve sa puissance aussi long-temps que la partie inférieure de la corde spinale n'est point détruite. L'action des sphincters doit dépendre d'une excitation motrice non interrompue des nerfs qui s'y rendent. Cependant, lorsque nous traiterons des mouvemens par antagonisme , nous apprendrons à connaître des faits qui prouvent que les sphincters ne sont pas seuls ex- posés à une influence motrice continue , et qu'à proprement parler les muscles de la vie animale se trouvent dans le même cas qu'eux , sous ce rapport. D'après les faits qui ont été exposés jusqu'ici , nous voyons que des mouvemens involontaires, les uns périodiques, les autres continus , dépendent du cerveau et de la moelle épi- nière. Nous observons la même chose dans les maladies de ces organes , dont les états s'expriment tant par des contrac- tions permanentes que par des convulsions périodiques , souvent très-régulières, par un branlement continuel de la tête, par des Iremblemens , ou même par des spasmes toniques revenant à des périodes fixes. Les causes de ces types sont inconnues : on sait seulement que les contractures permanen- tes ont lieu de préférence dans les cas de dégénérescences tout-à-fait locales et invariables , quoique ces altérations de texture déterminent aussi des accès périodiques de spas- mes. On peut dire, en général, que presque toutes les mala- dies nerveuses accompagnées de mouvemens se dessinent par involontAiujîs et volontaires. 553 accès ; les spasmes tétaniques eux-mêmes qui proviennent d'une inflammation de la moelle épinière affectent cette forme, quoique la cause ajjisse sans interruption. Ces phénomènes , auxquels il faut joindre la périodicité des accès de l'épilepsie, nial{ïré la persistance des causes, semblent annoncer que l'excitabilité des or{}anes centraux s'éteint par la prolonga- tion de Timpression des causes morbides sans cesse agissan- tes , tout comme l'aptitude des nerfs à recevoir les impressions sensitives cesse momentanément par l'effet du changement matériel qui en est inséparable , et que le pouvoir de réagir contre les influences dépend , dans les deux cas, du rétablissement de l'excitabilité pendant la période du repos. Parmi les phénomènes typiques de ce genre, on doit citer l'eftacement de l'impression d'une tache colorée que l'on con- temple long-temps , la réapparition de cette tache au bout d'un certain laps de temps , et la périodicité de la veille et du sommeil ; car , ici également , les réactions cessent quoique lesimpresions persistent, et elles se rétablissent d'elles-mê- mes après un intervalle plus ou moins long. m. Mouvemens par antagonisme. Les mouvemens musculaires ne surviennent pas seulement de temps en temps , à la suite des décharges du principe ner- veux (jue le système nerveux opère sur eux. 11 y a des raisons d'admettre que, surtout dans le système musculaire de la vie animale , les fibres musculaires ne cessent jamais de se trou- ver dans un léger état de contraction , et que celle-ci per- siste , bien qu'à un plus faible degré, durant ce qu'on appelle le repos. On peut s'en convaincre non seulement par la rétrac- tion qu'un muscle vivant éprouve lorsqu'on le coupe en tra- vers, mais encore , et d'une manière bien plus sensible , par la force contractile considérable que les muscles déploient d'eux-mêmes quand leurs antagonistes sont coupés on frappés de paralysie. Dans la paralysie d'un côté de la face , les mus- 554 DES MOUVEMENS des du côté opposé se coniracient d'eux-mêmes , et attirent à eux les traits du côté malade. Dans la paralysie d'une moitié de la langue, cet organe est constamment tiré du côté opposé. Après l'extirpation de la portion moyenne de la mâchoire infé- rieure , qui fait perdre leur point fixe aux muscles chargés de ramener en avant l'os hyoïde (ventre antérieur du digas- trique, mylo-hyoïdien , génio-hyoidien), et la langue (génio- glosse) , l'hyoïde et la langue sont tirés avec tant de force en arrière , le premier par le stylo-hyoïdien et la seconde par le styloglosse , qu'il y a danger imminent de suffocation. D'après tous ces faits, ou voit que le repos de diverses par- ties de notre corps n'est pas l'expression d'un repos ab- solu des muscles ; que , loin de là , divers grouppes de mus- cles se font équiUbre par l'action égale qu'ils exercent ea sens inverse les uns des autres , et que toutes les fois qu'une partie sort de sa situation moyenne , ou de ce qu'on appelle son état de repos, le mouvement d'un ou de plusieurs des muscles antagonistes devient plus fort. Il a des groupes antagonistes de muscles dans presque toutes les parties du corps. Aux membres , ce sont les fléchisseurs et les exten- seurs, les supinateurs et les pronateurs, les abducteurs et les adducteurs , les rotateurs en dehors et en dedans. Fréquem- ment aussi les faisceaux de fibres nerveuses destinées à ces groupes sont réunis en nerfs spéciaux. Ainsi , par exemple , les fléchisseurs de la main et des doigts reçoivent leurs filets du nerf médian et du cubital ; ceux des extenseurs provien- nent du nerf radial; le nerf musculo-cutané anime les fléchis- seurs de l'avant-bras, et le radial ses extenseurs. Les exten- seurs de la jambe dépendent du nerf crural', et les fléchis- seurs du sciaiique. Les muscles péroaiers, qui soulèvent le bord externe du pied , appariieunent au nerf péronier , et le tibial postérieur au nerf libial. Les moteurs du pied et des orteils en arrière et en bas sont pourvus par le nerf libial, et ceux qui meuvent ces organes en sens inverse le sont par le INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 555 nerf péronier. Les spasmes qui afl'ectent si souvent une direc- tion déterminée dans les maladies de la moelle épinière , comme l'opisihotonos , l'emproslliotonos, et le pleurotonos , montrent aussi que le mouvement simultané des extenseurs ou des fléchisseurs doit être favorisé par la disposition des fibres dans les parties centrales , quoique l'opinion de Bellingeri , qui faisait présider les cordons antérieurs de la moelle à la flexion , et les postérieurs à l'extension , n'ait point de base expérimentale. Il ne faut cependant pas donner trop d'exten- sion à cette remarque. Le fait précédemment mentionné delà répartition des nerfs n'est point général. Il arrive quelquefois qu'un même nerf fournit des filets à des muscles antagonis- tes : ainsi le grand hypoglosse en donne aux abaisseurs de l'hyoïde et à un de ses protracfeurs ; le nerf péronier en four- nit aux muscles péroniers, qui élèvent le bord externe du pied, et autibial antérieur , qui agit en sens inverse de ceux-là. Les muscles antagonistes peuvent s'associer avec la plus grande facilité dans leurs efl"ets ; les péroniers et le tibial antérieur deviennent élévateurs du pied quand ils agissent ensemble. Le fléchisseur radial et les extenseurs radiaux de la main de- viennent abducteurs de cet appendice lorsqu'ils se contrac- tent simultanément. L'hypothèse de Ritter , qui supposait un antagonisme entre les fléchisseurs et les extenseurs par rap- port à l'excitation galvanique , ne s'est point confirmée. Certains muscles sont tellement disposés qu'ils n'ont que de faibles antagonistes , ou même qu'ils en manquent ; dans ce cas, leur action tend toujours à donner une situation détermi- née aux parties. Ainsi il y a beaucoup de muscles pour opé- rer la rotation de la cuisse en dehors , comme les fessiers , les obturateurs , le pyriforme , les jumeaux , le carré ; mais la rotation de la cuisse en dedans n'est confiée qu'à un muscle faible, celui du fascia-lata, etc.; d'où résulte la tendance invo- lontaire à tourner le membre entier en dehors quand on marche, qu'on s'asseoit ou qu'on se couche. Les sphincters sont 556 DKS MOUVEMENS aussi des muscles sans aniafïonistes proprement dits. On peut donc expli(|uer rocclnsion continuelle par eux des ouver- tures qu'ils (garnissent, d'après le fait bien constaté que la constriction de tous les muscles ne cesse jamais , môme dans l'ëiat de repos; par cela seul que ces muscles n'ont pas de vé- ritables antagonistes , ils doivent demeurer fermés, sans qu'il soit nécessaire qu'un courant du principe nerveux se diri^je vers eux. Ils s'ouvrent quand le contenu de la vessie ou du rectum s'est accumulé , et que les contractions plus visibles des parois , excitées par ce contenu, le poussent contre eux. L'iris, qui est aussi un sphincter, se contracte continuelle- ment pendant la veille, et avec plus de force encore durant le sommeil. On voit cette membrane onduler sans cesse, même sous l'influence d'une lumière dont l'intensité ne varie pas. L'antagonisme des mouvemens musculaires a une grande importance en pathologie. La destruction de l'équilibre de ces mouvemens peut donner lieu à des déviations. Le pied- bot, par exemple, qui se développe chez les enfans , tantôt après les premiers mois de la grossesse , tantôt après la naissance , dépend fort souvent d'une rupture de l'équilibre entre les muscles qui élèvent le bord interne et le bord externe du pied, et il suffit de rétablir cet équilibre pour le guérir (1). Ou les muscles qui lèvent le bord interne du pied , les péro- ners, sont à demi paralysés , ou ceux qui lèvent le bord in- terne sont atteints de contracture. Dans les deux cas, le pied doit être amené en dedans par le muscle tibial postérieur. Peu à peu aussi la position des os change dans les articulations; l'os naviculaire se tourne généralement en dedans , et la tête de l'astragale , mise ix nu en partie , fait saillie sur le dos du (1) Comparez J. Cruveilliier, ^natomie pathologique , 2 ■ livraison, iii- fol., fig. col. — Tiom'ier, Mémoires de V Académie royale de médecine , Paris, d838, t. VII, pag. 411 — hvllctin de l'Académie royale de méde- cine, l. II, pag. 800 ; t. III, pag. 177 et suiv. INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. SSy pied. Dans le pied éqnin, où le talon est fortement élevé , et 011 le sujet marche sur les orteils, les {jaslrocnémiens sont contractures, et cependant parfois atrophiés. Car il y a un état de faiblesse , presque paralytique, des muscles , qui coinride avec leur contracture, et nous avons même vu la con- tracture des gastrocnémiens accompagner leur atrophie. Quoique les déviations de la colonne vertébrale aient fré- quemment pour cause une inflammation scrofuleuse des liga- mens intervertébraux et des vertèbres, avec ramollissement, gonflement, suppuration et perte de substance , elles provien- nent bien plus souvent encore d'une rapture de l'équilibre entre les muscles du tronc. On reconnaît ces sortes de scolioses à ce qu'il n'existe aucun signe de rachiiisiiie, et à ce que les exer- cices gymnastiques corrigent la difformité. Ces phénomènes ont donc de l'analogie avec ceux qu'on observe dans le pied-bot et dans le pied équin. La paralysie des muscles pectoraux d'un côté, qui accompagne la suppuration d'un poumon, n'est qu'apparente : ce côté de la poitrine cesse de pouvoir se soulever parce que le poumon ne peut plus être distendu. IV. Mouvemens réflectifs. J'ai déjà expliqué fort au long la nature des mouvemens réflectifs. Cette classe comprend tous ceux qui se manifestent à la suite d'une excitation des nerfs sensitifs, et dans lesquels les courans centripète et centrifuge passent par le cerveau et la moelle épinière. On peut en distinguer deux groupes principaux. A. Mouvemens réflectifs du système animal. A ce groupe se rapportent les mouvemens réflectifs des muscles recevant leurs filets nerveux des nerfs cérébraux et spinaux, que l'excitation centripète ait pris naissance dans les norfs de la vie animale ou dans ceux de la vie organique , par exemple à la peau ou au canal intestinal. Tels sont la toux par irritation de la membrane muqueuse des poumons et du larynx; le vooùssement par irritation de la membrane 558 DES MOUVEMENS muqueuse du pharynx, 'de l'esiomac, de l'inlesiin; le te- nesme vésicul el anal par irrilalion de la membrane muqueuse de la vessie et du reclum , en tant qu'il est accompa^yné de mouvemeos musculaires étendus ; le mouvement de l'iris par irritation du uerf optique; la contraction du pharynx par les attouchemens exercés sur sa membrane muqueuse ; enfin une foule de phénomènes dont la théorie des mouvemens réflec- tifs peut seule donner l'explication. Ceitecatégoriecomprend encore tous les spasmes, dits sympathiques, qu'on rencontre dans les maladies accompaj^uées d'irritations sensitives , les convulsions des enfans et des femmes , dont le point de dé- part est si sujet à varier, etc. Toutes les fois que la moelle épi- nière se trouve irritée à un haut degré par un stimulus qui fait naître des sensations , les mouvemens réflectifs involon- taires des muscles soumis à la volonté peuvent prendre le ca- ractère de contractions rhythmiques qui se succèdent avec rapidité. Tels sont le tremblement déterminé par l'application du moxa , ou par le séjour prolongé dans un bain froid , et le claquement de dents qu'on éprouve aussi à la sortie de ce dernier. Cependant , ce qu'il y a de plus remarquable , sous ce rapport , ce sont les contractions rhythmiques des muscles du périnée après l'irritation voluptueuse des parties génitales, et l'expulsion également rhythmique de la semence par ces mouvemens. Le dernier phénomène est d'autant plus digne de fixer l'attention que les vésicules séminales paraissent ne pas se contracter d'une manière rhythmique , et n'avoir qu'un mouvementvermiforme continu. Par ce dernier mouvement, leur contenu arrive continuellement dans l'urètre ; par les contractions rhythmiques du muscle bulbo-caverneux, il est forcé de parcourir le canal, et dardé au dehors. B. Mouvemens réflectifs du sytème organique. Ici se rangent les mouvemens réflectifs des muscles qui n'obéissent jamais aux ordres de la volonté , soit que l'irrita- INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. SBg tion centripète propagée au cerveau et à la" moelle épinière parte des nerfs cérébro-rachidiens , soil qu'elle ait sa source dans des orf^anes pourvus par le système nerveux de la vie organique. Ces phénomènes out déjà éié amplement examinés. Les mouvemens du cœur peuvent élre changés par la réflexion d'une irritation sensitive agissant sur une partie quelconque du cœur, la moelle épinière jouant alors toujours le rôle d'intermé- diaire. Cependant je dois insister sur une remarque dont il n'a pas été question précédemment : je veux dire la part que la réflexion prend à ce que nous appelons fièvre. Cette ombre de la maladie , qui se dessine dans tant de parties du corps , et qui néanmoins a généralement, peut être même toujours, une cause purement locale, n'est pas seulement accompagnée de changement dans les battemens du cœur, et par conséquent aussi dans le pouls ; elle s'exprime encore par un ensemble de symptômes , dont la moelle épinière seule est le lien unissant. La sensation générale de la violence d'une maladie , cette lassitude ne peut être antre chose que l'expression de l'im- pression qu'une violente maladie locale fait sur la moelle épi- nière. Les sensations de chaud et de froid , le frisson , sont des symptômes qui ne reposent que sur l'état de cet organe. Le changement de la plupart des sécrétions , tant de la partie organique que de la partie animale du corps , ne peut non plus s'expliquer qu'au moyen de cet organe central, qui , s'il ne domine pas également les deux systèmes , leur sert au moins de régulateur. L'apparition du délire n'annonce que la force de l'impression sur les organes centraux. Si tous ces phénomènes d'une cause locale trouvent leur explication non dans les propriétés énigmatiques du grand sympathique, mais dans l'aptitude bien connue de la moelle épinière et du cer- veau à provoquer des effets réflectifs , le changement que les battemens du cœur subissent constamment pendant la fièvre , doit être considéré comme l'expression de la réflexion. Les affections locales des nerfs cérébraux et spinaux ne produisent r)6o DES MOUVEMENS pas nist'-ment celte impression sur la moelle ëpinière que nous appelons fièvre : il leur arrive souvent, suns doute, de donner lieu aussi à des phénomènos de réflexion, par exemple, à des spasmes , mais ils n'entraînent pas tout ce cortège de sym- plônies qui constitue la fréquence du pouls, le changement des sécréiioDS, celui des sensations, et celui du développement de la chaleur , jusqu'au délire. Au contraire , rien ne provoque plus facilement les symptômes fébriles qu'un changement violent des actions organico-chimiques dans les vaisseaux ca- pillaires d'une partie quelconque , que ce soit ou un change- ment de l'état des membranes muqueuses , ou une inflamma- tion parenchymateuse. Comme, dans tous ces changemens, non seulement le système nerveux organique joue un rôle, mais encore, et plus sûrement, il doit transmettre l'impression à la moelle épinière et au cerveau , on est tenté d'admettre que l'impression propagée d'un organe à la moelle épinière , et en même temps au cerveau , et de là réfléchie sur d'autres parties, dépend d'une vive sympathie des nerfs organiques d'un organe quelconque , dans l'inflammation ou autres irri- tations. V. MouvezncDs associés. Les phénomènes que présentent les mouvemens associés ont déjà été examinés dans la physique des nerl's. Ce qu'ils offrent de particulier consiste en ce que l'impulsion à un mouvement volontaire détermine simultanément un mouve- ment involontaire. C'est ainsi que le mouvement de l'iris ac- compagîie la torsion de l'œil en dedans. L'association des mouvemens est d'autant plus grande, que le système nerveux est moiiis développé. L'éducation seule nous apprend à isoler I infltience nerveuse , quand nous exécutons un mouvement Vdiontaire, de telle sorte qu'elle ne se concentre que sur une certaine somme de fibres primitives partant du cerveau. T/liomme maladroit fait beaucoup de mouvemens associés INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 56 1 quand son intention est d'exécuter tel ou tel acte. Le joueur de piano nous montre l'extrême opposé, le cas d'une personne qui a porté au plus haut point de perfection la faculté d'isoler l'influence nerveuse sur certains groupes de mouvemens. Le défaut d'isolation rend la mine insignifiante ; c'est en grande partie au perfectionnement de cette faculté qu'il faut rapper- l'expression des traits de la face. Les mouvemens faciles à associer ensemble sont ceux de parties homonymes apparte- nant aux deux côtés du corps , et ceux d'organes qui dépen- dent d'un même tronc nerveux. Le mouvement toujours si- multané des deux iris offre un exemple du premier genre. Cette tendance aux mouvemens associés existe même à la face et aux extrémités. Il est difficile, parfois même impossible , de faire agir isolement une paupière ou les muscles auriculaires, et lorsque nous cherchons à tourner rapidement les deux bras en sens inverse, nous sentons au dedans de nous une ré- sistance qui trouble à chaque instant ces mouvemens, pour les ramener, sans le concours de la volonté , à des mouvemens identiques des deux membres. Quelques uns des faits les plus remarquables d'association de mouvemens et d'antagonisme ont lieu dans les muscles oculaires. Les branches homonymes des nerfs oculo-muscu- laires communs des deux yeux ont une tendance aux mouve- mens associés, qui leur est innée, et qu'on ne peut considérer comme acquise par l'exercice. Nous sommes obligés de por- ter les deux yeux ensemble en haut , en bas et en dedans ; personne ne peut tourner simultanément l'un de ces orga- nes en dedans et l'autre en dehors. Comme cette tendance à l'association de mouvemens existe dès la naissance , et avant l'éducation du sens de la vue , elle ne peut avoir sa source que dans l'organisation des origines des nerfs oculo- musculaires. Mais, quelque frappante qu'elle soit dans les muscles droits homonymes qui reçoivent des filets de ces nerfs , il n'est pas moins digne de remarque qu'elle manque 3G 46a MS M0UVE5IENS dans les muscles droits externes des doux yeux et dans les deux nerfs abducteurs. Nous pouvons bien faire agir ensem- ble, jusqu'à un certain de^yrc, les deux nerfs abducteurs, et par eux les muscles droits externes des deux yeux , en dimi- nuant la convergence des axes visuels , et amenant les yeux jusqu'au point où ces axes sont parallèles ; mais là se trouve la limite, et, quelque effort qu'on fasse, personne ne saurait aller jusqu'à rendre les yeux divergens. La raison n'en est point dans la faiblesse des muscles droits externes , non plus que dans leur mode d'insertion, car ces muscles sont droits, comme leurs trois congénères. Le phénomène n'est point non plus un résultat de l'habitude, car il date de la naissance, et le nouveau -né, quoiqu'incapable encore de rien fixer, peut donner toutes les positions à ses yeux , hors les rendre divergens. On ne saurait également l'expliquer par l'antago- nisme du muscle droit interne , qui reçoit ses filets du nerf oculomusculaire. Le droit externe d'un œil peut porter Tor- gane tout-à-fait en dehors, par l'action du nerf abducteur; mais les deux abducteurs ne peuvent accomplir ensemble ce que chacun d'eux seul à la faculté de faire. En un mot, les branches homonymes des deux nerfs oculo-musculaires ont une tendance innée à l'association de mouvement , et non seulement cette tendance manque aux deux nerfs abducteurs, mais encore l'action prononcée de l'un est exclusive de celle de l'autre. Ces tendances préétablies dans les deux nerfs sont de la plus haute importance pour les mouvemens des yeux relatifs à la vue. Supposons qu'au lieu de donner le nerf ab- ducteur au muscle droit externe, la nature lui ait envoyé une branche de l'oculo-musculaire commun ; la tendance à l'asso- ciation de mouvement, qui appartient aux branches homo- Bymesde ce dernier nerf, aurait rendu la divergence des deux yeux aussi facile que la convergence ; mais alors nous n'au- rions pas la fnculté de porter simultanément ces deux orga- nes, l'uu en dehors, l'autre en dedans , avec parallélisme ou INVOLONTAIHE ET VOLONTAIRES. 563 convergence des axes visuels, comme nous faisons lorsque nous regardons obliquement des objets placés de côté. Le muscle droit externe d'un œil tendrait à associer ses mouve- mens à ceux du muscle droit externe de l'œil opposé, comme il arrive aux branches homonymes des deux oculo-musculai- res. Les deux yeux seraient donc alors tirés simultanément ou vers le haut par le muscle droit supérieur, ou vers le bas par l'inférieur, ou en dedans par l'interne, ou en dehors par l'externe : il y aurait impossibilité absolue de tourner l'un en dedans et l'autre en dehors. Pour que ce dernier mouvement fût possible, il y avait nécessité d'un nerf spécial , du nerf abducteur, qui n'eût point de tendance à l'association de ses mouvemens avec ceux du nerf de l'autre côté. Dès-lors, en effet , l'un des yeux peut être porté en dehors par l'abduc- teur, et l'autre en dedans par le droit interne. A la vérité, la tendance des deux droits internes à l'association de mouve- ment fait bien que, dans ce dernier mouvement , l'œil porté en dehors a éprouvé une certaine tendance à se tourner en dedans; mais cette tendance est vaincue par l'action plus forte que le nerf abducteur exerce sur lui. Or, nous sentons parfaitement ce mouvement plus fort du muscle abducteur, lorsque nous faisons effort pour porter un œil tout-à-fait en de- hors. Cette théorie, fondée sur des faits certains, explique parfaitement une circonstance dont on n'avait jamais pu se rendre raison jusqu'à présent , la présence , chez tous les Mammifères, d'un nerf particulier, le nerf abducteur, pour le muscle droit externe (1). On explique aussi de la même manière pourquoi le muscle oblique supérieur de l'œil devait recevoir un nerf spécial , le pathétique, qui n'a également point de tendance à associer ses mouvemens à ceux du nerf du côté opposé. Examinons (1) Comp. Jessen , Bcitraege sur Erlienpjnisx des paychiscJien Lebens. 1831, p. 183. 564 ^^8 M0UVEMEN9 d'abord quels sont les effets des muscles obliques. L'infërieur lire l'œil en dedans et en haut, comme il est facile de s'en convaincre sur le cadavre , l'orbite demeurant intact , en met- tant la partie antérieure du muscle ù découvert et exerçant ensuite une traction sur son origine. L'oblique supérieur tourne l'œil en bas et un peu en dehors. Bell l'a démontré par des expériences sur les animaux et sur les cadavres. Dans une expérience instituée par moi , et qui consistait à découvrir le muscle par en haut, sans déranger l'oeil de son coussin grais- seux , puis à tirer sur lui , j'ai toujours vu l'œil décrire un segment de cercle de haut en bas et un peu de dedans en dehors. Le mouvement en dehors par l'oblique supérieur est beaucoup moins étendu que celui en dedans par l'o- blique inférieur. Quand les deux muscles agissent en- semble, l'œil est poussé en avant, et placé en dedans. Le muscle oblique supérieur n'a aucune tendance à associer ses mouvemens à ceux du muscle de l'autre côté, et son nerf se comporte à cet égard comme l'abducteur. Lorsque l'un des yeux se porte en dehors et en bas, l'autre n'exécute pas le même mouvement, mais se dirige en dedans et en bas. Ce jeu est inné : il prouve que le mouvement du muscle oblique supérieur d'un des yeux exclut l'action de celui de l'autre œil. Les choses se passent autrement pour le muscle oblique inférieur ; il tourne l'œil en dedans et en haut, par le moyen d'une branche du nerf oculo-musculaire qui a de la tendance à l'association de mouvement ; le mouvement s'exécute avec facilité dans les deux yeux à la fois, et il a même lieu involon- lairement durant le sommeil. Cette situation de l'œil pendant le sommeil et dans les maladies nerveuses peut être consi- dérée comme l'expression du mouvement simultané de toutes les branches que le nerf oculo-musculaire distribue aux mus- cles de l'œil. Nous avons vu que, même dans l'état de repos, les muscles sont un peu contractes. Qu'on suppose mainte- nant toutes les branches du nerf oculo-musculaire envahies INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 565 par une faible irritation , les deux yeux doivent se placer'en dedans et en haut. Le droit supérieur et le droit inférieur se font équilibre ; le droit interne tire l'œil en dedans, Toblique inférieur le porte en haut et en dedans, et comme les branches homonymes du nerf oculo-musculaire des deux yeux ont de la tendance à l'association de mouvement , cette situation en dedans et en haut est celle que prennent les deux yeux. Supposons de nouveau, qu'au lieu du nerf abducteur, la nature ait envoyé au muscle droit externe une branche de l'oculo-musculaire ; il n'y aurait point alors possibilité de porter simultanément l'un des yeux en dedans et en haut , l'autre en dehors et en haut , comme on le fait si souvent. L'oblique inférieur de l'un des yeux et l'action simultanée des muscles droits interne et supérieur dirigeraient cet or- gane en dedans et en haut ; la tendance à l'association de mouvement qu'auraient les muscles droit interne et supérieur de l'autre œil , porterait également celui-ci en haut et en dedans ; la situation précitée serait donc impossible. Il fallait donc pour ce mouvement un nerf particulier, l'abducteur, qui n'eût pas de tendance à associer ses mouvemens avec ceuxde l'autre œil. Si les muscles oblique inférieur, droit interne et droit supérieur d'un œil agissent , et que l'organe se trouve par-là porté en dedans et en haut , l'autre œil , malgré la ten- dance de ces muscles à s'y mouvoir ensemble, peut cependant être dirigé en dehors par l'action renforcée du nerf abduc- teur, en dehors et en haut par la contraction simultanée des muscles droits supérieur et externe. Il en est de même pour la position simultanée de l'un des yeux en bas et en dedans, de l'autre en bas et en dehors. Quand l'un des yeux est porté en dedans et en bas par le droit interne et le droit inférieur, le nerf abducteur de l'autre œil, et son droit interne, qui a de la tendance à l'association de mouvement, le tournent en dehors et en bas. Ce dernier mouvement est fortifié par le nerf pa- thétique, qui n'excile aucune tendance aux mouvemens asso- 566 DES MOUVEMINS Clés dans son homonyme du côté opposé. Le nerf pathétique fait d'ailleurg partie aussi des nerfs physionomiques. L'association du mouvement de l'iris, avec l'action accrue du nerf oculo-musculaire a déjà été analysée. Lorsque les muscles dépendans de ce nerf, dans les deux yeux, ne se contractent que faiblement et involontairement, comme le font tous les muscles dans ce qu'on nomme leur état de repos, les deux yeux se placent en dedans ei en haut; car le droit supérieur et le droit inférieur se font équilibre , et le droit interne ainsi que l'oblique inférieur tournent l'organe en de- dans et en haut. Celte action de l'oculo-musculaire est tou- jours accompagnée de tendance à l'association de mouvement dans la courte racine du ganglion ophthalmique, et par con- séquent de contraction de l'iris. Comme le nerf abducteur n'a point de tendance à associer ses mouvemens avec ceux de son congénère du côté opposé , et que le nerf pathétique se trouve absolument dans le même cas, les yeux, pendant le sommeil, doivent être portés en dedans et en haut par ceux de leurs muscles qui éprouvent celte tendance, et Tiris doit tout aussi nécessairement être contracté. Le placement volontaire des yeux en dedans ou en dehors et en haut j amèhe aussi la contraction de l'iris, parce que cette membrane se contracte toutes les fois que l'aciion de Toculo- musculaire devient plus prononcée. Le nerf abducteur, au contraire, se trouve en an- tagonisme avec l'action de l'oculo-musculaire. Lorsque le principe nerveux afflue dans ce nerf, lorsqu'il n'y a qu'un seul œil qui soit tourné en dehors, l'iris s'agrandit régulière- ment, et plus encore lorsque les deux yeux sont écartés jus- qu'au parallélisme des axes visuels. Les musclos organiques sont soumis aussi, jusqu'à un cer- tain point, aux lois de l'association de mouvcmenl. Plus les muscles de notre corps sont mis volontairement en action , et plus ils y demeurent long-temps, plus les battemensdu cœur changent. En eliet , la fréquence du pouls, que l'on observe IMVOIONTAIRI-S ET VOLONTAIRES. 667 alors, ne saurait être attribuée au seul trouble de la circula- tion. Le mouvement des muscles volontaires exerce aussi de rinflueuce sur celui du canal intestinal; moins nous prenons d'exercice, plus ce canal est exposé à tomber dans un état de torpeur; chacun sait combien les mouvemeiis des muscles du système animal iutluent salutairement sur la ré^rularité des fonctions du tube alimentaire et sur celle des excrétions. VI. Mouvemens qui dépendeat d'états de l'âine. Les mouvemensdont il s'agit ici forment trois classes , sui- vant qu'ils sont la conséquence d'idées , de passions, ou de déterminations de la volonté. A. Mouvemens qui succèdent à des idées. Certains groupes de muscles du système animal sont con- stamment disposés à des mouvemens involontaires, à cause de la facilité avec laquelle leurs nerfs s'affectent, ou plutôt à cause de l'excitabilité des parties cérébrales d'où ces nerfs pro- cèdent. Tous les neifs respiratoires, y compris le facial, se trou- vent dans ce cas. Cette excitabilité, cette tendance à opérer,des décharges s'observe déjà dans l'éternuement, qui survient de temps en temps , par l'eflet de causes internes. Mais les états de l'âme peuvent aussi déterminer la décharge du principe nerveux vers les muscles respiratoires. Toute modiftcation brusque de l'état de lame est susceptible de provoquer la moelle allongée à effectuer une décharge dans ses nerfs. Le sensoriura agit alors précisément comme le nerf isolé , dans lequel tout changement brusque de son état, quelle qu'en puisse être la cause , met le principe nerveux en action. C'est par-là qu'on explique comment il se fait que , même en l'ab- sence de toute passion , une succession rapide d'idées , comme celle à laquelle donne lieu l'impression du ridicule , déter- mine cette décharge , qui se manifeste alors dans les muscles de la face€t de la respiration. 568 DES MÔUVEMENS Le Millement se range également ici , en tant qu'il peut être occasioné par la pensée, la vue ou l'audilion de cet acte. En elîet, la disposition aux mouvemens respiratoires et faciaux du bâillement existait déjà ; elle se réalise parce que l'idée donne au mouvement du principe nerveux la direction déter- minée qui doit y conduire. Dans ce mouvement aussi agissent les nerfs respiratoires et le facial , tant par ses branches fa- ciales que par celle qui se répand dans le muscle digastri- que. L'idée brusquement soulevée d'un objet effroyable ou horrible , même lorsqu'elle n'est rappelée que par un récit inventé à plaisir, détermine quelquefois , chez les personnes irritables , le mouvement musculaire du frisson , et la même chose arrive souvent à la seule idée d'un médicament qui inspire du dégoût ; l'idée d'une saveur répugnante peut même occasioner des vomituritions. B. Mouvemens provoqués par des passions. La portion respiratoire du système nerveux est sujette aussi , d'une manière toute spéciale, à être déterminée invo- lontairement par les états passionnés de l'âme. Ce qui arrive en pareil cas confirme de nouveau que tout changement brusque dans le cerveau qui se propage à la moelle allongée , modifie sur-le-champ le mode des mouvemens respiratoires , l'acti- vité de tous les nerfs respiratoires proprement dits et l'in- fluence du nerf respiratoire de la face. Ce n'est point ici le lieu d'examiner la nature des passions , et je ne puis en dire que ce qui est nécessaire à l'intelligence des détails dans les- quels j'aurai à entrer. Suivant Spinosa , dont l'excellente ana- lyse des passions n'a été surpassée par aucune autre, la cause de tout mouvement quelconque de l'âme est une tendance de celle-ci à se placer dans un état déterminé et à faire tout ce qu'il faut pour y parvenir. Si cette prédisposition conti- nuelle de l'âme à vouloir ce qui peut être utile à son état présent vient à être favorisée par un objet , le mouvement INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 669 passionné qui résulte de là est de la joie, et comme Tobjet qui détermine cet effet que l'ame croit utile , et qu'en ce sens elle juge bon , diffère beaucoup quant à son espèce et à sa nature, il naît de là différentes passions , dont l'état fonda- mental est le même, généralement parlant, la différence entre elles ne portant que sur l'objet approprié à la tendance persévérante de l'âme. Toutes les passions de ce genre peu- vent être dites excitantes. Si , au contraire , quelque chose contrarie la disposition de l'ùme à se mettre dans un état dé- terminé , qu'elle juge utile et bon , la passion qui surgit est l'abattement , dont il peut y avoir autant de variétés que les objets réputés bons varient. La tendance elle-même à se pro- curer ce qui paraît bon et approprié à un certain élat de l'âme, est le désir, lequel varie également selon ses objets. Beau- coup de passions sont complexes , soit en raison des objets sur lesquels elles portent, soit à cause de la lutte qui s'établit entre plusieurs passions élémentaires. Spinosa les a toutes analysées d'après une méthode mathématique , et il a établi une sorte de statique des passions, qui nous montre avec la plus grande précision ce qui , au milieu de leur conflit , doit arri- ver chez un homme, tant qu'on le suppose mu et non libre. Mais la froide raison agit en sens inverse de toutes les pas- sions à la fois ; elle seule affirme ce qu'il y a de raisonnable ; l'état de l'âme , dans la passion , n'affirme que ce qui semble momentanément convenable , et qui , par rapport aux exi- gences de la raison , peut être tantôt bon, tantôt mauvais. Nous manquons de toutes données soit pour affirmer soit pour nier que le principe affectif réside dans une province particulière du sensorium , d'où ses effets émanent en rayon- nant. Du reste , ceux-ci ont lieu dans toutes les directions des conducteurs moteurs , qui , suivant l'état de la passion , sont ou excités ou affaiblis et même paralysés. Dans les passions excitantes, il survient des tensions et sou- vent même des mouvemens convulsif s , notamment des mus- 570 DES MOUVEMENS des qui sont placés sous la dépendance des nerfs respiratoi- res et du nerl facial. Non seulement les irails de la face sont décomposés, mais encore les niuuvemeris de la respiraiioa sont chanjjés, jusqu'aux pleurs, aux soupirs, au hoquet. Toute passion vive, quelle qu'en soit respèce , peut déter- miner les pleurs et le hoquet. On peut pleurer de joie , de douleur, de colère , de rage. Dans les passions déprimantes, comme l'anxiété , la peur, l'effroi, tous les muscles sont ten- dus, parce que l'influence motrice du cerveau et de la moelle épinière diminue ; les jambes ne poiieui plus le corps , les traits s'affaissent , l'œil devient fixe , la voix s'éteint. Certaines passions sont mixtes , en ce sens que l'àme ne peut plus se débarrasser duneidée déprimante, mais que l'instinct de sa propre conservation l'excite à éloijjner les influences qui l'op- priment. Il peut alors arriver que certains muscles , ceux de la face surtout , expriment l'abattement, tandis que d'autres déploient leur action, soit que les antagonistes des muscles frappés d'inertie entraînent les traits du visage de leur côté , soit qu'eux-mêmes se meuvent convulsivement. Souvent , tant dans les passions mixtes que dans les passions déprimantes, il survient un tremblement de quelques uns des muscles de la face. Le mouvement volontaire d'un muscle à demi frappé de paralysie par la passion doit aussi devenir tremblotant, parce qu'il n'obéit plus complètement à l'influence de la volonté. C'est ce que nous éprouvons surtout dans les muscles de la face , lorsque nous voulons les mouvoir quand nous sommes en proie à une passion déprimante ou mixte : ils tremblent alors , ainsi que ceux de l'organe vocal , et si nous essayons de parler, notre voix manque d'assurance. Le conducteur le plus sensible des états passionnés est le nerf facial. C'est le nerf de la physionomie, et son volume diminue déjà chez les Mammifères à mesure que les traits de la face perdent de leur expression mobile. Chez les Oiseaux, il n'exerce plus aucune influence sur l'expression de la face ; il INVOLONTAIRES ET VOtONTAIRES. 671 ne reste plus de lui que celles de ses branches qui se distri- buent aux muscles hyoïdiens et au muscle cutané du cou ; le froncement de la peau du cou , et, chez quelques Oiseaux, le redressement des huppes , sont la seule expression par la- quelle il représent eencore des états passionnés. Outre le nerf facial , les nerfs respiratoires , tant internes , comme les laryn- gés et le diaphragmatique , qu'externes, comme ceux des muscles pectoraux et abdominaux , sont forts sujets à être aflectés daus les passions. Cependant , lorsque les passions arrivent au plus haut degré , leur eflet s'étend à tous les nerfs rachidiens , de manière à déterminer une paralysie incom- plète et le tremblement. L'expression si variée des traits de la face dans les diverses passions montre que chaque état de l'âme met en jeu ou re- lâche certains groupes des fibres du nerf facial. Les motifs de ce phénomène, de celle connexion entre les muscles de la face et certaines passions , sont lotalement inconnus (1). C. Moupemens volontaires. Il n'y a que les nerfs du système animal, les cérébraux et les rachidiens, qui soient capables d'exciter le mouvement volontaire. L'histoire des lésions de la moelle épinière prouve que si les nerfs spinaux possèdent celte aptitude, c'est uni- quement parce que leurs fibres remontent dans le cordon ra- chidien, et ressentent l'influence de la volonté à la source dé tous les mouvemens volontaires, à la moelle allongée. D'un autre côté, l'origine des nerfs cérébraux, dont la plupart nais- sent de la moelle allongée, la possibilité de poursuivre jusqu'à cette dernière ceux qui proviennent d'autres parties de l'encé- phale , et enfin l'histoire des lésions cérébrales, démontrent que là aussi se trouvé la source de l'action que tous les nerfs moteurs déploient par rapport aux mouvemens volontaires. On peut se figurer les fibres de tous les nerfs moteurs, ce- (1) f^oy., sur les mouvemens mimiques , Huschke , Mimices et phy- siognomices fragmenta physioloyica , léna, 1831. 572 DES MOUVEMENS rébraux et spinaux,' aboutissant à la moelle allongée. La vo- lonté fait entrer en action les origines de ces fibres, compara- bles aux touches d'un clavecin. Le mouvement volontaire n'exige que l'excitation d'un courant ou d'une oscillation dans les origines d'une certaine somme de fibres. Tout le reste se réduit à un simple mécanisme. La volonté ne peut point agir tout le long du trajet des fibres nerveuses ; celles-ci accom- plissent elles-mêmes 'raction motrice jusqu'aux parties les plus éloignées. Une corde tendue, un fil élastique entrent en mouvement dans toute leur longueur, dès qu'on les fait parler sur un point quelconque de cette dernière. lien est de même des fibres nerveuses; le principe qui agit en elles a une tension telle que la moindre oscillation qui lui est imprimée dans une partie quelconque de la longueur d'une fibre met aussitôt la fibre entière en action, et le mouvement du muscle s'opère à l'extrémité périphérique ou musculaire de cette fibre. Ainsi, il n'y a que les origines des nerfs cérébraux et rachidiens qui soient mises enjeu par l'influence de la volonté elle-même. Tout le reste dépend du mécanisme de l'action nerveuse mo- trice. On pourrait donc se contenter, en analysant le mouve- ment volontaire, de chercher à expliquer comment il se fait que les origines des fibres nerveuses entrent en action lorsque la volonté prononce ses déterminations dans la moelle allongée, comment il se fait que des courans ou des oscillations s'éta- blissent instantanément en elles. La solution de ce problème est impossible dans l'état présent de la science, et peut-être le sera-t-elle toujours. La seule chose que nous puissions faire, c'est de présenter les faits réduits à leur plus simple expression. On pourrait se figurer que le mouvement volontaire lient à l'intensité de l'idée acquise par la conscience du but de ce mouvement et de la nécessité de son accomplissement immé- diat. Toutes les fois que cette idée serait parvenue au maxi- mum d'intensité, le mouvement nécessaire pour arriver au but aurait lieu. Il est facile de renverser cette hypothèse; car INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 673 alors la vitesse du mouvement devrait s'accélérer en raison de l'intensité de l'idée. On pourrait imafjiner aussi que le mouvement volontaire s'accomplit chaque fois que le senso- rium est bien pénétré de l'idée de sa nécessité immédiate pour atteindre à un but, et quand cette idée ne se trouve neu- tralisée par aucune autre ; qu'il s'effectue lorsque, dans le sensorium, il n'y a absolument que la seule idée de sa néces- sité immédiate, sans seconde ou troisième idée concomitante. Quand je dis que je veux faire telle ou telle chose, et que ce- pendant je ne la fais pas, c'est que, ou je n'avais que l'idée du vouloir et non la conscience de la nécessité immédiate de l'exécution, ou que l'exécution a été neutralisée par quelque chose. Mais si la certitude absolue de la nécessité immédiate d'un mouvement existe, et que rien ne la neutralise, le cou- rant ou l'oscillation du principe nerveux indispensable pour provoquer le mouvement volontaire a lieu nécessairement aussi, pourrait-on dire. Vouloir ne serait alors que se repré- senter une chose comme absolument nécessaire, et le courant qui s'effectue dans la moelle allongée serait comparable à l'a- baissement du fléau de la balance, dont l'équilibre dépend de celui des actions de l'âme. Cependant il est facile de prouver que le mouvement n'a pas lieu uniquement lorsque nous avons l'idée de la nécessité absolue de ce mouvement, et nulle autre idée en même temps que celle-là. Car nous sommes en état d'accomplir simultanément et pendant long-temps deux ou plusieurs mouvemens différens, qui n'ont pas le moindre rap- port ensemble. Nous lisons, nous chantons, et nous jouons; nous composons , nous chantons, et même nous fumons. Mais alors la vraie cause du mouvement volontaire ne dépend point de l'idée d'un but : car les mouvemens volontaires ont lieu déjà chez le fœtus, avant qu'il puisse y avoir aucune idée de but, avant que l'idée de ce qui est accompli par le mouve- ment volontaire soit possible. Il faut donc concevoir la chose d'une manière plus simple. 574 ^^^ MOUVEMENS Comment les premiers mouvemens volontaires sont-ils dé- terminés chez le fœtus? Ici manque cotte réunion si compli- quée d'étals sous l'influence desquels les mouvemens volon- taires ont lieu chez l'adulte. Le propre corps du fœtus est tout seul le monde qui produit en lui des idées confuses, et sur lequel il réa{ïit. Il ne meut pas d'abord ses membres pour at- teindre un but extérieur ; il les meut uniquement parce qu'il peut les mouvoir. Cependant comme, dans cette supposition, il n'y a aucun motif pour mouvoir une partie plutôt qu'une autre, et qu'au contraire le fœtus en a pour faire agir tous ses muscles à la fois, une cause quelconque doit le déterminer à exécuter tel mouvement volontaire de préférence à tel au- tre, à remuer tantôt un bras ou une jambe, et tantôt l'autre (1). La connaissance des changemens de situation qui sont pro^ duits par des mouvemens déterminés, ne s'acquiert que peu à peu et par le fait des mouvemens eux-mêmes. Le premier jeu de la volonté sur certains groupes d'origines de fibres des nerfs moteurs, dans la moelle épinière, ne peut donc évidem- ment point avoir pour but un changement de situation : c'est un simple jeu sans idée des effets qu'il provoquera dans les membres. Cette excitation volontaire, mais sans but, des ori- gines des fibres, amène des mouvemens déterminés, des changemens de position, des sensations de ces mouvemens; l'excitation de certaines fibres entraîne toujours les mêmes mouvemens, les mêmes déplacemens et les mêmes sensations. De là naît la vague conscience d'une liaison entre certaines sensations et certains mouvemens. Lorsqu'ensuite une partie quelconque du corps vient à recevoir une sensation du dehors, il existe déjà assez d'expérience, dans le sensorium, pour ap- prendre au sujet que le mouvement volontaire provoqué par (i) Sur lea dtterininatioiis insliactives ou volontaires du fœtu8 humain, voyezle Ménioiiede P. Dubois (Mèinoircs de l'académie royale de viédi cine, Paris, 1832, t. II, pag, 265 ). INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. S'jS cette sensation se manifestera dans le membre irrité, pour que le fœtus meuve ce membre et ne fa«,se point agir tons les autres en môme temps. C'est de cette manière aussi qu'il faut se représenter les mouvemens volontaires chez les ani- maux. Un Oiseau qui commence à chanter, obéit à une obli- gation intérieure instinctive lorsqu'il met volontairement en action les origines des nerfs de ses muscles laryngiens ; de là naissent des sons. Ce n'est qu'en répétant ce jeu qu'il apprend à lier la cause avec l'efFet. Chez l'homme aussi, cette impulsion, qui agit involontairement , et comme une espèce de songe, dans le sensorium, prend part d'abord à la production de cer- tains mouvemens , volontaires quant à leur essence. Il y a, dans le sensorium du nouveau-né , quelque chose qui l'o- blige à exécuter des mouvemens de succion avec sa bouche; mais l'accomplissement de ces divers mouvemens est un jeu tout-à-fait volontaire. De là suit donc que l'excitation volon- taire des origines des nerfs moteurs est un fait immédiat et primitif, qui se rattache au développement de l'animal, et que la cause des mouvemens volontaires ne dépend pas, comme chez l'adulte, d'un but dont l'âme ait l'idée. Nous avons déjà vu , d'après beaucoup d'autres faits, que le principe nerveux qui agit dans la moelle allongée a un degré extraordinaire de tension, et que le moindre change- ment du statuqiio détruit l'équilibre de la distribution, d'où résultent des décharges de ce principe, qui se manifestent par le rire, l'éternuement, le hoquet. Tant que l'équilibre sub- siste, nous sommes également aptes à tous les mouvemens volontaires de toutes les parties de notre corps , et c'est là ce qui constitue l'état de repos. Toute tendance au mouvement qui part de l'àme , trouble cet équilibre , et amène une dé- charge dans une direction déterminée, c'est-à-dire excite une certaine somme de fibres de l'appareil nerveux moteur. L'influence de la volonté sur les fibres de l'appareil moteur n'est pas le seul fait de ce genre. Les parties centrales de 5n6 DES MOUVEMENS tous les nerfs cérébraux et racliidiens , même de ceux qui sont sensitifs et de ceux qui appartiennent aux organes des sens , sont susceptibles de l'intention volontaire. Il est important , pour la théorie des raouvemens volontaires , d'analyser ces phénomènes. Nos phénomènes sensoriels sont ordinairement accompagnés du concours de la volonté. En apercevant une figure complexe , nous nous attachons plus à telle ou telle de ses parties qu'aux autres. C'est là ce qu'on nomme l'attention. Nous voyons , par exemple , un polygone dont les angles sont réunis par des lignes. Quoique l'image demeure la même, nous sentons plus vivement tantôt une partie de la figure et tantôt une autre partie ; nous regardons , soit la pé- riphérie , soit les triangles ou les carrés qui sont compris dans l'ensemble. Ce phénomène ne tient pas uniquement à ce qu'au moyen de mouvemens imprimés à nos yeux , nous sui- vons ces figures avec nos axes visuels , et en décrivons pour ainsi dire les contours ; car , sans que nos regards se détour- nent le moins du monde , nous pouvons , par l'effet de l'inten- tion , rendre plus vive l'intuition de telle ou telle partie de la figure , tandis que les autres , bien que senties , demeurent inaperçues. C'est le concours de l'attention avec les sensa- tions visuelles qui fait que nous croyons quelquefois recon- naître une forme bien déterminée dans des impressions fort obscures sur le sens de la vue , chose à l'égard de laquelle il nous arrive souvent de nous tromper. Le sens de l'ouïe se trouve dans le même cas , et là il devient bien plus clair encore que ce changement des impressions sensorielles par l'inten- tion ne dépend point de mouvemens musculaires. Il est rare que nous soyons assez passifs au milieu du jeu d'un or- chestre, pour ne sentir vivement que l'intensité de tous les sons qui frappent simultanément notre oreille ; au contraire , nous sommes en état de suivre les sons d'un seul instrument au milieu des sons beaucoup plus forts de tous les autres , auxquels alors nous ne faisons point allenlion. Lorsque deux INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 677 personnes nous parlent ensemble à roreille , nous pouvons consacrer noire aitenlion à ce que l'une dit, ei ne point écou- ter rautic. Ce qui a lieu dans un seul et même or{jane senso- riel peut arriver aussi quand plusieurs organes de sens sont aft'ectés simultanément. Suivant la direction que nous donnons à noire attention, nous entendons sans voir , ou nous voyons sans entendre ; car l'intention ne peut jamais nous procurer une vive intuition que d'un seul objet à la fois. Cette analyse des sensations par l'allenlion s'accomplit souvent d'une manière tout-à-fait involontaire , d'après les lois de l'association des idées. Mais nous pouvons aussi faire agir volontairement l'intention par rapport aux sensations que nos sens nous procurent. Quand deux personnes nous parlent ensemble à l'oreille, il dépend de notre volonté, toutes choses égales d'ailleurs, de choisir celle dont nous voulons compren- dre les paroles. Lorsque nous éprouvons à la fois des sensa- tions par la vue , par l'ouïe, par le goût , etc., nous sommes libres de choisir .celle que nous voulons seule sentir d'une manière vive; les autres produisent alors des impressions si confuses qu'elles ne parviennent point à notre conscience. La même chose arrive en ce qui concerne un seul genre de sen- sations. Nous pouvons l'analyser volontairement ; nous pou- vons à volonté sentir plus vivement le jeu d'un violon au milieu de tout un orchestre , apercevoir telle ou telle partie d'une rosace plus distinctement que les autres. En un mot, la volonté agit ici avec non moins de force que dans les nerfs du mouvement. La seule différence consiste en ce que , dans les mouvemens, la volonté peut exciter la fibre nerveuse tranquille, tandis que, pour ce qui concerne les phénomènes sensoriels, elle n'a que le pouvoir de rendre la sensation plus vive. L'intention volontaire ne se borne pas non plus aux nerfs du mouvement et du sentiment ; elle joue aussi un rôle dans les actions de l'âme. A la vérité, notre ima{];ination agit sp.ns nulle impulsion de la part de la volonté ; elle produit conti- 5t8 des MOnVEMENS nuellemcnl, lorsque lesauires facultés de l'âme reposent, des formes ou des images dépourvues de lumière , de couleur , parce qu'elles ont lieu sans sensation. Ces images peuvent même acquérir de la lumière et de la couleur par le conflit avec les parties centrales des organes sensoriels. En effet, qui- conque s'observe avec attention, reconnaît, au sortir d'un rêve , que , bien qu'il soit éveillé , les images lui flottent en- core devant les yeux , éclairées d'une lumière pâle ; j'ai con- staté souvent ce phénomène, et Spinosa l'avait remarqué une fois sur lui-même. Quoique nous ne soyons point en état de produire à volonté des images lumineuses quand nous fermons les yeux , nous pouvons cependant diriger nos idées suivant noire caprice. Eu un mot , nous voyons que l'intention volon- taire d'une action n'est autre chose que l'intention spontanée du principe nerveux dirigé du cerveau vers divers appareils de la nature desquels il dépend que l'effet voulu soit un mou- vement, une sensation plus vive, ou une idée. On peut se re- présenter cette inleulion voloutaire comme un courant ou une oscillation qui survient spontanément, au su de la conscience, dans le principe nerveux, et qui porte celui-ci vers un appa- reil quelconque d'organes. Sons le rapport du mouvement volontaire, comme sous celui de la liberté de la volonté, l'idée peut s'offrir à l'esprit qu'il n'y a point de libre arbitre, et que ce qu'on appelle ainsi n'est qu'un enchaînement de nécessités , dont le résultat final ne saurait être autre que la volonté exprimée. C'est tantôt, pour- rait on dire, à une sensation, tantôt à une passion, à une idée, ou à une association d'idées, que nous devons d'exécuter des mouvemens qui sont tellement nécessaires qu'on ne sau- rait les considérer autrement que comme le résultat final de cet enchaînement, et qui sont tout aussi inévitables que la conclusion après les prémisses. La passion peut déterminer un mouvement ; comme elle occupe l'âme entière , l'obUifation d'accomplir ce mouvement peut être parvenue au plus haut INVOLONTAIRES ET VOLONTAIRES. 5^0 degré , et si alors la raisoa s'opjîose à ce qu'il ail lieu , c'est parce qu'il entre dans renchaînement des faits qu'il ne s'exé- cute pas. Si l'on connaissait l'homme entier, tous les antécé- dens de son action , tout ce qui a pu agir sur lui auparavant, la force de ses passions, et le dej^ré de développement de ses principes rationnels, on pourrait vraisemblablement calculer d'avance qu'elle sera sa conduite à tous les instans de sa vie. Dans cette hypothèse, le mouvement volontaire serait une im- pulsion que le moi communique au principe nerveux vers les nerfs moteurs, et dont la direction dépendrait de la détermi- nation instantanée de ce même moi par une cause venue à la conscience ou agissant à son insu. La conscience peut aussi être informée d'un mouvement involontaire, mais seulement après son accomplissement, par les sensations qu'il détermine : cette particularité distinguerait les mouvemens involontaires des mouvemens volontaires, dans les mêmes muscles du système animal. Comme, d'après cette hypothèse, le mode et le lieu du mouvement volontaire dépendent toujours de la détermi- nation du moi par un motif dont il a une idée nette ou qui agit à son insu, elle semble détruire toute liberté de la volonté, et ne laisser subsister que la liberté dans le sens moral , consis- tant en ce que l'âme n'est point obligée de suivre Ips détermi- nations externes ou internes des passions, et que loin de là elle peut être déterminée par la raison elle-même, autant du moins qu'elle a déjà acquis la conscience de ce qui est raisonnable. C'est là, comme on sait, l'idée que Spinosa se faisait de la liber- té , et qu'il a développée dans le dernier livre de son Ethique. Nous rencontrons de grandes difficultés quand nous cher- chons à faire l'application de celte théorie. Un simple jeu spontané du principe nerveux ne suffirait point à chaque m- curvation du corps d'un Ver. Il faudrait qu'à chaque fois le sensorium de l'animal fut déterminé par un motif quelconque à diriger le principe nerveux vers telle partie des nerfs et non vers telle autre ; il en serait de même chez le fœtus, dont les fxSn DES MOUVEMENS moiivemens volontaires, ES MOIVEMENS en oscillaiion par un mouvement si léf^er qu'il échappe à la conscience , el que la vue du mouvement une fois établi suffît pour occasioner une série de mouvemens involontaires, qui Taccroissent. Clievreul s'est servi aussi de ces faits pour ex- pliquer le bâillement. Belir a , du reste , fait voir qu'une des principales causes de l'agitation du pendule tenu à la main tient aux légers mouvemens que le pouls communique aux parties de noire corps. Le fait que des mouvemens s'associent à des idées n'est point isolé , même en faisant abstraction du champ le plus riche des associations, savoir celle des idées entre elles. Les idées n'agissent pas seulement sur les appareils mo- teurs qui ont des connexions avec leur contenu : elles agis- sent aussi non moins souvent sur les organes de sens dans lesquels se sont présentées les impressions sensorielles qui leur ont donné naissance. Il y a une grande différence entre l'idée d'une sensation dégoûtante et la sensation du dé- goût lui-même ; cependant la première suffit pour provoquer l'envie de vomir. La qualité de la sensation est une énergie du nerf sensitif, qui se trouve excitée ici par la simple idée, sans cause extérieure. Darwin cite pour exemple que la seule vue d'un homme qui passe un instrument pointu sur du verre ou de la porcelaine suffit pour déterminer la sensation désa- gréable connue sous le nom d'agacement des dents. L'idée d'un objet dont la présence pourrait faire naître le frisson , occasione un frissonnement général chez les personnes fort irritables. Les énergies des sens supérieurs , la sensation de la lumière et celle du son, ne sont mises en jeu que rarement dans l'état de veille , mais elles le sont très-fréquemment pendant le sommeil et les rêves. En effet , pour peu qu'on s'observe avec attention , et que l'on contracte l'habitude d'ouvrir les yeux en s'éveillant au milieu d'un rêve , on ne larde pas à se convaincre que les images de ce rêve sont réel- lement vues , et qu'elles ne flottent pas seulement dans l'i- VOLONTAIRES CÔMTLtXES. SgS magination : car on s'aperçoil souvent qu'elles sont encore dans les yeux , et qu'elles disparaissent peu à peu. m. Mouvemans instinctifs. Les mouvnmens instinctifs sont sans contredit les plus com- pliqués de tous ceux dont il est difficile] de découvrir les causes. On appelle ainsi ceux dontl'accomplissement est volon- taire, mais qui ne reconnaissent pas la seule volonté pour cause première , et dont le but rationnel n'est pas connu de la conscience. Les penchans instinctifs à agir sont rares dans l'espèce humaine : ou peut citer pour exemple celui que le nouveau-né éprouve à exécuter les mouvemens réclamés par la succion. Les actions qui se rapportent à l'appétit vénérien sont toutes accomplies mstinclivement chez les animaux, mais ne le sont qu'en partie chez l'homme ; car, bien que le penchant à saisir et embrasser les formes excitatrices de l'amour soit inné en nous, les premiers individus de notre espèce ont du ap- prendre d'eux-mêmes tout le reste. Chez les animaux , le nombre des actions instinctives croît en proportion de l'inap- titude à remplir le but de l'espèce par les fonctions de l'ame. Il ne saurait entrer dans notre plan d'énumérer tous ces faits, qui se rapportent aux migrations , à la nidification , à la con- struction des gîtes, à la fabrication des toiles , à l'éducation des petits. La cause de l'instinct paraît être la même que celle qui fait naître l'animal et réalise son organisation d'après des lois éter- nelles. Les idées que nous nous formons de la nature d'un être organisé sont tranquilles 5 elles ne créent rien, elles sont stéri- les. La forme organisante, qui agit bien plus sûrement, d'après des idées raisonnables et des plans divins, organise ses pro- duits mêmes, et reparaît dans chacun d'eux. Pour elle, la pliy-^ sique n'a pas de secrets. C'est aussi cette force , cause finale d'une créature, qui répare les pertes, qui rend la guérison I. 38 594 ^^S MOUVEMENS possible à la suite d'une maladie, et qui, primordialemeut contenue dans la matière prolifique fécondée du nouvel indi- vidu , crée les organes dans lesquels naissent plus tard des images stériles des choses, les idées. Comme cette force crée tous les organes de ia masse amorphe du germe, elle n'est enchaînée à aucun d'eux; elle se manifeste aussi dans la nu- trition chez le fœtus privé d'encéphale; elle change le système nerveux , comme tous les autres organes , chez la larve d'In- secte qui se métamorphose, de manière que certains ganglions du cordon nerveux disparaissent, et que d'autres se réunis- sent ensemble ; elle fait que, dans la métamorphose de la Grenouille , la moelle épinière se raccourcit à mesure que l'organisation de la queue s'efl'ace et que les nerls des mem- bres naissent. Les actions instinctives des animaux nous prou- vent encore que la force qui agit dans un but déterminé, d'après une loi éternelle, que cette pensée divine qui ne se révèle pas à notre conscience , pour parler le langage de Spinosa , exerce aussi de l'influence sur l'origine des êtres organisés, sur leur organisation, et sur les mouvemens volon- taires. Le but auquel tend le mouvement instinctif est tout aussi nécessaire à l'existence de l'espèce et de l'individu que l'organisation elle-même ; mais ici le but se trouve hors de l'organisme, tandis que, dans l'organisation, il en fait partie, et celte idée de l'essence animale, que nous avons appelée stérile, est déterminée elle-même parla force dont il vient d'être parlé , à représenter et atteindre quelque chose de particulier. La cause finale de l'instinct ne réside donc pas non plus dans un organe particulier ; elle ne fait qu'un avec la force de l'or- ganisalian agissant d'après une loi nécessaire et un principe raisonnable. Cependant, c'est dans le sensorium que les effets de cette force se révèlent d'obord. Cuvier s'exprime d'une manière parfaite à cet égard, quand il dit que les animaux, en exécutant leurs actions insiiticlives, obéissent à une idée innée qui les poursuit comme un eonge. Du reste, i'organi- VOlONTAir.ES COMPLEXES. 69 5 sation des animaux eux-mêmes favorise sioguliôrement la réa- lisation des ima{|es, des idccs, des penchans, qui apparaissent dans le sensorium. Comme l'intérieur et l'extérieur dépendent de la même cause finale , la forme de Tanimal correspond parfailement à ses penchans ; il ne vent rien que ce qu'il peut exécuter au moyen de ses organes, et ses organes ne le sol- licitent à rien dont il n'éprouve le penchant. La Taupe, des- tinée par ses penchans intérieurs à vivre sous terre, n'a rien dans ses organes qui la pousse à s'écarter de cette desti- nation. Quoi qu'elle voie, quoique son œil ne soit point cou- vert par la peau, puisqu'elle a des paupières, sa vue manque de précision, tant à cause de ta petitesse des yeux, que parce qu'ils sont entourés de poils épais. Ses pattes de devant sont organisées entièrement pour fouir, et non pour servir à la marche : en effet, sa main a une forme et une disposition, par rapport à l'avant-bras, qui lui permettent à peine de marcher sans creuser en même temps la terre. Les Paresseux , qui marchent sur le bord externe du pied, les orteils repliés en dedans, sont extrêmement lents sur un sol uni, ce qui a fait naître, dans quelques esprits, la pensée fausse que la nature les avait traités en marâtre ; loin de là, ils sont aussi parfaits, dans leur penre, que tous les autres animaux ; leurs membres sont disposés de manière à leur permettre de grimper, de passer leur vie sur les arbres, où ils déploient des mouvemens pleins d'adresse et de vigueur, quoique lents, comme ceux de quelques autres grimpeurs, le Caméléon par exemple. L'Arai- gnée a ses pattes insérées et organisées de manière qu'elle marche mal sur un plan ; ces appendices sont destinés à agir sur une ligne , sur un fil : elle porte avec elle les matériaux des fils qu'elle doit tisser, et ses penchans instinctifs lui re- présentent comme une sorte de rêve le thème de ses actions, de la construction de sa toile. On ne saurait trop admirer combien l'instinct procure aux animaux d'aptitudes et d'intuitions que nous sommes obligés 596 I>ES MOUVEMENS d'acquérir par la voie pénible de l'expérience et de l'éduca- tion. Lorsque nous commençons à voir, nous n'avons pas en- core la faculté de juger, d'après les images des objets qui se produisent dans notre œil , quel peut être l'éloignement ou le rapprochement de ces mêmes objets. Tous les objets du champ visuel se peignant sur une surface, comme dans un tableau , nous avons besoin d'une longue expérience et de la coopération du toucher et des mouvemens pour join- dre à l'image d'un corps compris dans notre champ , visuel les idées de sa distance , de sa grandeur et de sa forme. L'animal vient au monde comme s'il avait déjà subi celte éducation ; peu après sa naissance , le Veau se dirige vers le mamelon de sa mère. Nous n'apprenons à marcher que par un exercice pénible , durant lequel les lois de l'équi- libre, de la pesanteur, etc., entrent en jeu à chaque instant; nous ne l'apprenons qu'après avoir acquis peu à peu , par l'expérience, et à force de nous tromper, quelle est la quan- tité de contraction de nos muscles qu'exige chaque sorte de mouvement. Les animaux, du moins les Solipèdes et les Ru- minans, apportent déjà ces connaissances en venant au monde ; ils ne tardent pas à se dresser sur leurs pattes, et à marcher vers leur mère. Tout cela ne peut avoir lieu que par le con- cours de la force instinctive, devant laquelle aucun problème de la physique ne demeure sans solution. Il faut que le sensorium de l'animal nouveau-né renferme une force qui fait agir d'une manière pleinement harmonique les leviers des membres loco- moteurs. Nous devons éloigner des actions instinctivescertaines autres actions que divers animaux exécutent avec beaucoup de facilité, même pendant leur sommeil, après qu'ils en ontacquis peu à peu l'apiitude. Beaucoup d'Oiseaux dorment perchés sur une seule patte : ils se tiennent parfaitement en équilibre, et la force qui préside à ces actions ne se repose jamais, alors même que les effets sensoriels du sensorium sont dans un re- pos absolu. Les somnambules se trouvent dans un cas analo- VOtONTAIRES COMPtEXES. 597 gue. Ce n'est pas Tinstinct qui les dirige , mais l'expérience acquise pendant la veille, et qui leur sert encore durant|,le sommeil ; ils profilent, pour conserver Téquilibrc, de toutes les connaissances que l'expérience et l'éducation leur ont pro- curées>ous ce rapport ; c'est l'action seule de leur ame qui les empêche de tomber ; mais leur sensorium n'agit que dans une seule direction, et il est fermé dans toutes les autres : or, comme cette limitation ne leur permet pas de sentir le danger, ils marchent d'un pied ferme, et passent sans trembler sur le bord de l'abîme. Ces phénomènes ne sont réellement pas aussi difficiles à expliquer qu'ils le paraissent. Pour qu'un homme marche sans broncher sur un plan médiocrement incliné, il lui suffit de savoir que ce plan n'est pas situé à distance de la terre ; le même plan lui paraîtrait dangereux et difficile à gravir, s'il se trouvait à une grande hauteur 5 or, celui qui n'aperçoit point le danger dans ce dernier cas, n'a pas le pied moins sûr que dans l'autre. Comme il y a évidemment , chez les animaux , des senti- mens instinctifs et innés, qui se manifestent aussitôt après la naissance ou plus tard , la question est de savoir si l'homme aussi a des idées innées exerçant sur lui, à un degré supé- rieur seulement, la même influence obligatoire que les pen- chans instinctifs des animaux ont sur eux. Nous reviendrons sur ce problème quand il s'agira des fonctions de rame. Quelques écrivains ont prétendu que l'action raisonnable ins- tinctive de la force organisatrice peut , dans certains états, communiquer à lu conscience des choses dont la notion ne pourrait être acquise par la voie des opérations de l'ûme , et ils ont exagéré la portée de l'instinct chez l'homme. Il n'y a aucun motif d'admettre cette hypothèse , et je ne sache pas que la puissance créatrice de la nature qui agit en nous sans que notre conscience en soit instruite , ait jamais rien com- muniqué à cette dernière qui soit la conséquence d'une lo supérieure , ou que la pensée ^divine , qui est créatrice , se SqS ûes molvemens mêle jamais à nos images des objets. Ce qu'on allègue à cet égard , d'après les prétendus états magnétiques , ne mé- rite pas la croyance qu'y ont attachée tuielques médecins cré- dules , et toutes les l'ois qu'on l'approloudil , on n'y découvre que jonglerie ou sottise. Les notions qui nous parviennent de celte manière ne sont que des images conluses, dont le con- tenu se trouve en harmonie avec la capacité de celui qui les conçoit et de celui qui y ajoute foi. IV. Mouvemens coordonnés. Quelque dépendans de la volonté que soient les mouvemens, leur association pour le but de la locomotion semble être fa- vorisée par des dispositions intérieures dans les organes cen- traux ; une sorte d'harmonie préétablie paraît avoir lieu entre certaines parties des organes centraux du système nerveux et les groupes de muscles, ainsi que leurs conducteurs nerveux. On est conduit à cette idée par les expériences sur les forces dévolues tant au cervelet qu'à lu uioelle épinière. Nous avons déjà vu que les Oiseaux décapités essaient encore de se mou- voir. Le même phénomène a lieu chez les Grenouilles. Ces sortes de mouvemens ne ressemblent point à ceux que la vo- lonté détermine, et pour lesquels le concours du cerveau est nécessaire. Cependant il règne une certaine harmonie entre les différens actes des mouvemens tumultueux qu'exé- cute une Oie à laquelle on a coupé la tête. L'animal bat des ailes; or il faut pour cela l'action simultanée et harmonique d'un grand nombre de fibres nerveuses, de sorte qu'il semble que l'action coordonnée de ces fibres soit favorisée par une disposition organique quelconque dans les parties centrales. Ce ne sont point là de simples convulsions de tous les muscles qui dépendent do la niuvle épinière. Car, quand toutes los fibres nerveuses de ce cordon blessé sont frappées d'irritation, tous les, musles du tronc doivent également se contracter ; mais il VOtONTAIRES COMPLEXES. Sgg ne résulterait pas de là un battement d'ailes ; du moins ne voit-on pas pourquoi l'Oiseau décapité n'appliquerait pas tout aussi bien ses ailes à son corps par un mouvement convulsif. L'enroulement des Anguilles décapitées, et les coups de queue que donnent d'autres Poissons auxquels on a coupé la tête , sont des phénomènes du même jjenre. Chez les animaux sans vertèbres, on voit même quelquefois la décapitation ne pas em- pêcher la locomotion de s'accomplir, comme elle l'eût fait sans cette circonstance. Un Carabus granulatus , auquel Tre- viranus enleva la tête , continua de courir comme aupara- vent ; un Bourdon, mis sur le dos , faisait des efforts pour se retourner. La Cerceris ornata poursuit les Abeilles qui nichent dans des trous ; Walckenaer coupa la tête d'un de ces Hymé- noptères , au moment où il allait pénétrer dans le trou d'une abeille ; il continua ses mouvemens , et lorsqu'on l'eut re- tourné , il chercha à reprendre sa première direction , pour pénétrer dans le trou. Les Sangsues qu'on coupe en deux , marchent encore de même que quand elles étaient entières. Il est clair, d'après cela , que des mouvemens coordonnés de muscles sont possibles après la décapitation , tant chez les animaux vertébrés que chez les invertébrés ; l'influence de la volonté paraît même ne point être abolie , chez ces derniers , par la perte de la tête. Les expériences de Flourenssur le cervelet montrent que la moelle épinière n'est pas la seule partie dans laquelle léside une harmonie préétablie de certains mouvemens coordonnes , et que c'est surtout le cervelet qui domine l'action coordonnée des muscles pour la locomotion. Lorsqu'il enlevait cet or- gane, couche par couche, à des Oiseaux, non seulement les mouvemens musculaires s'aflaiblissaient, mais encore ils man- quaient d'accord. Dès après l'ablaiion des couches superfi- cielles , les animaux éprouvaient de l'agitation ; sans être at- teints de convulsions, ils faisaient des mouvemens violens et désordonnés ; mais leurs fonctions sensorielles ne paraissaient 600 DES MOUVEMENS VOLONTAIRES COMPLEXES. subir aucune altération. Après Tenlèvement descouclies pro- fondes , l'animal avait perdu la faculté de sauter, de voler, de marcher, de rester debout , de conserver l'équilibre. Si on le mettait alors sur le dos , il ne pouvait pas se retourner ; il battait constamment des ailes , et n'était point IVappé de stu- peur, car il se mettait en défense dès qu'on cherchait à l'at- trapper. Flourens conclut de là que la volonté , le sentiment et la connaissance persistaient , mais que la faculté de grou- per les muscles pour des mouvemens de locomotion était abolie. D'un autre côté , ses expériences sur les lésions des hémisphères cérébraux démontrent que le principe coordi- nateur ne réside point en eux. La perte d'une grande partie des hémisphères frappe bien les animaux de stupeur, mais elle leg laisse aptes à tous les mouvemens volontaires et groupés, puisqu'un Oiseau ainsi mutilé, que l'on jette en l'air, conserve la faculté de voler. Cependant le battement des ailes après l'ablation du cervelet annonce encore des traces d'un mouve- ment coordonné qui , comme nous le voyons après la décapi- tation des Oies , peut dépendre de la moelle épinière seule- ment. Cette coordination des mouvemens doit être toute à la disposition des animaux quand ils commencent à faire usage de leurs membres, puisqu'ils ne montrent alors ni em- barras ni maladresse, et en général les mouvemens coor- donnés entrent fort souvent comme élémens dans la com- position des mouvemens instinctifs. Chez l'enfant à la mamelle il y a , dans le cerveau, un stimulus interne pour les mouve- mens coordonnés de la succion , et Mayer a même observé que la tête d'un petit chat , détachée du corps , suce encore le doigt qu'onjui introduit dans la bouche. DE LA LOCOMOTION. 6o 1 CHAPITRE III. De la locomotion* Il y a beaucoup d'animaux qui , ayant une portion de leur corps fixée , manquent de la faculté locomotive , ou du moins n'ont qu'une locomotion relative des diverses parties qui les constituent. Le premier cas est celui des Entozoaires composés , comme le Cœnure cérébral, dont les petits vers, unis par une vésicule commune, ne peuvent que s'élever à la surface de celle-ci et se rétracter. A la même catégorie appartiennent les Polypes composés, dont la locomotion se réduit à la protraction des têtes et de leurs bras dans lescalices. LesPlumatelles, qu'on a crues pendant long-temps aptes à se mouvoir librement dans la mer, sont également enfoncées dans le sol , comme les Vérétilles , et il n'y a que leurs Polypes qui puissent se développer et re- venir sur eux-mêmes. Les influences qui agissent sur quelques uns des Polypes du tronc commun , ne déterminent non plus que la rétraction de ceux qu'elles atteignent (1). Ces faits ont été observés par Rapp , qui cependant a remarqué aussi des flexions lentes au tronc des Vérétilles. Un de ces animaux qu'il jeta dans le canal de Cette , s'implanta dans le sol. Il n'y a encore qu'un petit nombre de Polypes du tronc desquels on connaisse bien la structure et les propriétés vitales. Celui des Sertulaires contient un canal dans lequel , d'après les obser^ vations de Meyen et de Lister , s'opèrent des courans alterna- tivement ascendans et descendans de liquide. Suivant Lister , ce canal communique avec l'estomac , et les deux courans communiquent aussi ensemble , ce que nie Meyen (2). Rapp assure que l'axe du tronc épais des Vérétilles renferme quatre (1) Rapp, Ueher die Pohjpon, p. 8. (2) LisxERj Philos. Tians,, 1835, P. II. , , 602 DE LA LOCOMOTION. canaux droits, entouras de fibres musculaires transversales; ces canaux sont pleins d'eau de mer. La cavité buccale de chaque Polype mène à un canal étroit et brun, qui s'ouvre dans le tube transp:irent du Polype, lequel a plus d'un pouce de lon{;. C'est là l'estomac : celui-ci se prolonge , dans le tronc principal , en une cellule qui communique avec les canaux parcourant l'axe. Les quatre canaux du tronc s'ouvrent , à l'extrémité inférieure , par quatre trous , indépendamment desquels il y en a d'autres petits, qui mettent les canaux en rapport avec la substance spongieuse de l'axe (1). On ne sait pas encore bien positivement quelle est la liaison qui existe entre les mouvemens propres à chaque Polype et les inflexions lentes du tronc des Vérétilles ; en général , d'ailleurs , l'ex- plication de la connexion physiologique des Polypes avec leur axe" est un des problèmes les plus complexes. D'après Ehrenberg , qui a réuni tant d'observations sur ce sujet , le Corail n'est ni un simple assemblage d'animaux volontairement réunis , ni un animal unique c plusieurs têtes ou seulement fendu , ni un tronc végétal portant des fleurs animales , mais un tronc animal vivant, dont les animaux se développent sans cesse sur leurs prédécesseurs , et sont susceptibles de jouir d'une pleine indépendance , bien qu'ils ne puissent pas se la procurer eux-mêmes (2). Les Polypes à bras sont les uns capables de se mouvoir li- brement , comme les Hydres , les autres fixés , comme les Gorynes. Parmi les Annélides, il s'en trouve quelques uns qui ne jouissent pas de la locomotion -, tels sont les Sertules, qui vivent dans des tuyaux. Les Tubulibranches , parmi les Mollusques , comme le Vermet, la Siliquaire, habitent égale- ment des tubes fixés. Les Ostracés, soit que leur coquille (j) Nov. act.Nat. cur., XIA^II, 650. (2) Ehremberg, Die Corallcnthiere des rothèit Mécres , Berlin, 4!834 , p. 27. DE lA LOCOMOTION. 6o5 adhère aux rochers, soit qu'elle n'ait aucune adhérence, ne changent pas de place , et leur mouvement se réduit à fermer la coquille , qui s'ouvre d'elle-même par l'élasticité du \\^/à- ment. D'autres Bivalves , comme les Pinues , s'attachent à des corps solides par le moyen d'un byssus provenant de leur ru- diment de pied , et qui , suivant l'expression de Cuvier , leur sert d'ancre. Les Mytilacës emploient également leur long pied plutôt pour fixer leur byssus que pour ramper. D'autres Bivalves font servir cet organe à la reptation , comme les Anodontes , les Unio , etc. Les Ascidies sent fixées aux ro- chers , et dépourvues de toute locomotilité. Leurs mouvemens volontaires se réduisent à chasser l'eau par l'ouverture du manteau qui est destinée à cet usage. Parmi les Ascidies composées, les Botrylles reposent sur des corps, à la surface desquels ils sont réunis en masses stelliformes. Cuvier fait remarquer que, quand on irrite l'ouverture d'un seul de ces animaux , il n'y a que lui qui se resserre , mais que tous se contractent lorsque l'irritation porte sur le centre. Les Pyro- somessont des Mollusques composés, réunis en un cylindre creux , ouvert à une de ses extrémités : ils sont libres dans la mer , et l'on dit que le cylindre marche par l'effet des con- tractions simultanées de tous les animalcules. Les détails d'un phénomène si remarquable sous le point de vue physio- logique sont inconnus. L'extinction de la phosphorescence dans toute partie du cylindre qui vient à être lésée , parle aussi en faveur d'une action commune ou collective de ces êtres. Les Polypes composés ne nous offrent aucun exemple d'une particularité si singulière. Plusieurs animaux de classes très-différentes sont libres durant une partie de leur existence et fixés pendant le reste. L'inverse a lieu pour d'autres , par exemple les VorticcUes, au dire d'Ehrenberg. Les Vorticelles sont implantées plusieurs ensemble , par des pédicules, à une racine rampante commune. Plus tard , le corps de l'animal- cule se divise en deux portions , qui se séparent du pédicule, 6o4 Ï>K l'A LOCOMOTION. lequel a perdu alors la propriété , dont il jouissait auparavant, de se contracter et de s'étendre. Chaque animalcule ainsi sé- paré , najïe librement. D'autros animaux sont libres dans leur jeunesse , et fixés dans un â{]e plus avancé. Les observations de Nordmann sur les Lernéacées, deDugès sur les Hydrachnes et de Burmeister sur les Cirripèdes en fournissent des exem- ples. Les jeunes Lernées ont la conformation des Crustacés, et sont libres ; plus tard , les femelles changent tellement de forme, qu'on les a prises pour des Vers intestinaux. Dans cet état , elles vivent en parasites sur d'autres animaux , sur des Poissons. Les mâles s'attachent par des crochets à l'abdomen des femelles. Les Hydrachnes , à l'état de larves , ont six pattes ; plus lard elles s'attachent à des Insectes aquatiques , aux dépens desquels elles vivent. Alors la partie postérieure du corps s'allonge extraordinairement , et l'animal , devenu nymphe , présente la forme d'une ellipse allongée. Sous la peau de cette nymphe , se développent les membres et les yeux de l'animal parfait. Celui-ci sort de sa prison, et se meta nager, mais il n'est point encore parfait; au bout de quelques semaines , il s'attache par la trompe à une feuille de pota- mogéton , et devient immobile ; ses pattes disparaissent de nouveau , pour faire place à celles qu'il doit définitivement conserver. Les Cirripèdes , au sortir de l'œuf , ressemblent à de jeunes Lernées, et nagent librement. Le corps possède déjà trois paires de pattes ventrales. A une époque plus avancée, il offre une coquille coriace. Un prolongement charnu, qui sort entre les valvules , fixe alors le jeune animal à un fucus. Dans cet état , il possède même un œil. Pendant la pé- riode suivante il acquiert un nombre double de pattes , mais la mue lui fait perdre l'œil et les antennes qu'il avait aupa- ravant (1). (4) Burmeister , Beitracgc zur Naturgeschichte der Hankenfuesstr ^ Berlin, 4834. , in-4o, fig. — Martin-Saint-Ange, Mémoire sur Vorgani- sution des Cirripèdes^ Paris, 4835, iD-4o, fig. DE LA lOCOMOTION. 6o5 Les organes moteurs des animaux qui se déplacent libre- ment, sont tantôt des cils, des soies, des lamelles, des na- geoires, tantôt des membres articulés ; ici, le mouvement est dû à l'expulsion de liquides qui avaient été absorbés précé- demment : là , il résulte des mouvemens ondulatoires de par- ties du corps qui sont ou fixées , ou susceptibles de se pro- longer, ou aptes à se rétracter; enfin le déplacement peut être l'eiFet d'une alternative d'expansion et de contraction de la masse entière du corps. Ehrenberg est entré dans de grands détails sur les organes du mouvement chez les Infusoires (2), Parmi les plus simples de ces organes , les uns sont des prolongemens variables, qui sortent d'un grand nombre de points du corps , comme dans le genre Amoeha , anciennement appelée Protée ; les autres des soies, comme sur le dos du Chœtonotus^ ou des cils, qui, chez les Polygastriques , sont souvent répartis sur tout le corps , ou enfin des crochets. Les organes locomoteurs com- posés sont les roues des Infusoires rotateurs et de quelques Polygastriques. Ehrenberg en a décrit plusieurs variétés. Les vibrations de ces organes servent non seulement à la natation, mais encore à produire dans l'eau des tourbillons, qui^amè- nent les alimens à la portée de l'animal. Au reste , les Infu- soires rotateurs peuvent aussi ramper en fixant alternative- ment les deux extrémités de leur corps, qu'ils attirent ensuite tantôt vers le bout antérieur , et tantôt vers le bout posté- rieur. Les Acalèphes en forme de disque ou de cloche se dépla- cent par des contractions et des expansions alternatives de leur corps , qui chassent l'eau contenue dans l'intérieur de la cloche. Les Beroës se meuvent, en partie, par les vibrations des lamelles qui garnissent les huit côtés de leur corps sphérique. (1) Zur Erlienntniss der Organisation in der Hichtung der kleinsten Raums , Berlin , 1832 , p. 28. t)o6 HE LA LOCOMOTION. Les Acalèphes tubuleux ont pour organes natatoires des cavi- tés (jui agissent à la manière de la cloche des Méduses, comme chez les Diph vides. Les Vésiciileiix ont leur corps mou surmonte d'une vessie pleine d'air, au moyen de la- (luelle ils peuvent se tenir à la surface de la mer. Chez les Physalies, indépendamment de celte vessie, il y a encore une partie faisant office de voile ; car la vessie est {garnie en dessus dune crête membraneuse, qui se remplit d air, mais qui peut aussi en être débarrassée. La vessie présente , à cha- cune de ses deux extrémités, une ouverture qui est close par un sphincter. Parmi les Echinodermes, les Holothuries peuvent se porter en avant par l'expulsion de Teau qu'elles ont admise dans leur organe respiratoire ; de forts muscles longitudinaux ren- dent leur corps susceptible de se raccourcir. Mais, de même que les Étoiles de mer et les Oursins, ces animaux ont encore cela de particulier qu'ils possèdent un système de tubes aqua- tiques, découvert par Tiedemann , lequel communique, d'un côté , avec un réservoir contractile , de l'autre , avec le pied , qui est creux et susceptible non seulement de s'étendre lorsque l'eau y afflue , mais encore de se rétracter par le fait de sa contractilité propre. Les Vers libres nagent dans l'eau, et la frappent avec les replis onduleux de leur corps. Les Biphores , parmi les Mol- lusques , exécutent la natation en faisant pénétrer l'eau par l'ouverture postérieure , qui est garnie d'une valvule , et la chassant par une autre ouverture située près de la bouche. Les Vers et les Chenilles rampent en fixant des parties ali- quotes de leur corps , tirant alors celles qui sont en arrière , puis fixant celles-ci à leur tour , et reportant en avant les an- térieures. Les moyens de fixation sont tantôt les parties de la bouche , tantôt des moignons de pattes , comme chez les Chenilles, quelquefois des suçoirs, comme chez les Sangsues. Dans d'autres Vers , et chez les Mollusques , la reptation , DE LA LOCOMOTION. 607 au lien de s'eflectuer par dos extensions cl des flexions en arc, résulte de contractions cl d'expansions alternatives du corps ou du pied. Les Vers de terre ne rampent pas comme les Sanpsues, en étendant des arcs de leur corps el reproduisant ensuite d'autres arcs, mais en fixant des parties de leur corps annelé , vers lesquelles ils atlirenl simplement les sui- vantes , ce qui rend celles-ci plus larges et plus courtes ; en fixant lextrémilé postérieure de la partie qu'ils ont ainsi attirée , ils peuvent la contracter transversalement , ce qui l'o- blige à s'étendre d'arrière en avant. Cette forme de mouve- vemeut a lieu aussi chez les Sangsues. Chez les Gastéropodes, parmi les Mollusques , les temps delà reptation sont si nom- breux que quand un Limaçon rampe sur une plaque de verre, on n'aperçoit que de très-petites ondes successives, l'animal avançant toujours sans interruption. La même ondulation se remarque au pied des Lymnées, lorsque ces animaux, étendus sur le dos , sont en quelque sorte suspendus à la surface de l'eau. Il est diUicile de concevoir comment des parties aliquofes d'une surface aussi lisse que le pied d'un Limaçon peuvent se fixer. Au reste, l'essentiel de la locomotion consiste, chez pres- que tous les animaux, et malgré la diversité des formes du déplacement par natation , reptation , progression , marche en ce que certaines parties de leur corps décrivent des arcs dont les branches s'étendent après s'être appuyées sur un point fixe. Tantôt ces arcs sont produits par le corps lui- même, qui est vermiforme, comme dans la reptation et la natation ; tantôt l'extension et la flexion résultent du rappro- chement et de l'éloignement des deux côtés d'un angle, cas oii l'un des deux côtés forme, par la résistance que des corps solides ou liquides lui opposent , le point fixe à partir duquel les autres parties sont portées en avant par l'ouverture de r;in;ile. C'est à cela que se réduii le mouvement dans l'eau, dans l'air , ou sur la terre , des animaux qui sont pourvus de 6o6 DE LA LOCOMOTION. membres , nageoires , ailes ou pattes. Car l'air et l'eau oppo- sent aussi de la résistance aux corps qui cherchent à les dé- placer , et la force qui tend à les refouler , réagit proportion- nellement à cet obstacle sur le corps de l'animal, auquel elle imprime une projection dans un sens déterminé. Les lois du levier jouent ici un grand rôle. Quelque diversement que les leviers soient appliqués chez les animaux pourvus de pattes , ils le sont presque toujours d'une manière désavantageuse , car les muscles exercent généralement sur eux une action fort oblique , outre que leur insertion est fréquemment très- rapprochée du point d'appui. Des considérations d'un intérêt majeur ont commandé celte disposition , dont la beauté des formes n'est pas le but unique. Si la nature avait disposé les leviers de tous les membres de la manière la plus favorable, il serait résulté de là que le corps aurait eu une forme com- plexe , anguleuse , gênante , et que , malgré toutes les pré- cautions prises en apparence pour économiser la force , la dépense , sous ce rapport , eût été plus considérable , en der- nière analyse , à cause de la niuliiplicalion des obstacles au concours harmonique des actions (1). I. Natation. La locomotion dans l'eau et celle dans Tair ont cela de commun ensemble, que le milieu qui oppose la résistance est celui-là même dans lequel vit l'animal. Pendant la marche et la reptation , soit dans l'eau , soit dans l'air , l'eau et l'air sont coupés , mais c'est un corps solide, la terre , qui offre l'appui pour la projection du point de sustentation : pendant le vol et la natation, au contraire, l'eau et l'air soutiennent le corps, en même temps qu'ils lui fournissent un appui. Dans les deux (1) BoRELLi, De motu animalivm\Leyde, d685. — Barthez, Nom^elle mécanique des mouvemens de l'hovime et des animaux , Carcassoune , 1798, in-4 . DE LA LOCOMOTION. 60Cf cas, le milieu servant d'appui au mouvement est susceptible de céder, tandis que, dans la marche et le saut , il est solide : le mouvement a d'autant plus d'étendue que la force avec la- quelle Torfïane locomoteur presse l'eau ou l'air est plus consi- dérable, proportionnellement à la masse qui doit être mue et à la résistance que le fluide oppose au corps qui cherche à le pénétrer. Par résistance , on entend ici la perle de force mo- trice qu'un corps qui se meut dans un milieu fluide éprouve en raison des parties de ce fluide qu'il chasse devant lui : car il perd autant de son propre mouvement qu'il en communique à d'autres corps. Chez les nageurs, le principal temps du mouvement est celui pendant lequel un arc que le corps avait décrit , refoule l'eau en se débandant. Supposons plongée dans l'eau une verge flexible, élastique, et de même masse partout, qui soit courbée au milieu, et qui s'étende; ses deux extrémités frappent l'eau obliquement avec une égale force, et la verge n'avance point dans le sens de sa longueur. Il en est de même quand deux branches de masse égale , mues par une char^ nière, se ploient l'une sur l'autre, puis s'étendent. L'égalité de la masse des deux branches et celle de la résistance font que la force qui agit dans le milieu rapproche ou éloigne également les branches l'une de l'autre, suivant qu'elle opère ou la flexion ou l'extension. Mais , si la masse principale du corps constitue l'une des deux branches, la force agissant sur le point de flexion meut plus facilement la branche la plus lé{jère vers la plus lourde , que celle-ci vers l'autre : tandis que la masse principale conserve la même situation dans l'eau , l'autre portion en change par rapport à elle , tant dans la flexion que dans l'extension. Tel est le cas ou bateau armé d'uQ gouvernail ; tel est aussi celui du poisson. Dans l'un et l'autre, la force qui change la situation du gouvernail ou de la queue par rapport à la masse principale, imprime à la partie la moins considérable du corps un mouvemeni qui la 6lO DE r,A LOCOMOTION. rapproche de l'autre. Mais lo {jouvernail, qui se trouve ainsi tourné vers le bateau, venant à èive reporté dans une direc- tion droite , il presse Teau située derrière lui. Si l'eau ainsi refoulée était un corps solide, non susceptible de se déplacer, le bateau serait poussé obliquement en avant, c'est-à-dire en sens inverse, avec toute la force du mouvement du {gouver- nail -, mais celui-ci communique à l'eau une partie de sa pro- pre force motrice, et le licjuide se déplace proportionnelle- ment à la quantité qu'il en reçoit ; tout le reste de la force du gouvernail sert à éloigner l'une de l'autre l'eau refoulée et la masse du bateau , et celui-ci se porte obliquement en avant. Le coup en sens inverse du gouvernail imprime au bateau la projection dans une direction oblique opposée à la précé- dente, et une succession rapide de coups du gouvernail fait prendre au bateau une direction moyenne, c'est-à-dire droite. Gomme, après chaque coup, le gouvernail est obligé, pour en donner un nouveau, de se replacer à angle par rapport à l'axe du bateau, cet indispensaLIo mouvement préliminaire, qui a lieu en sens inverse du coup précédent, s'opposerait à la pro- jection du bateau , s'il avait la même intensité, et, en effet, un gouvernail auquel on se contente d'imprimer des mouve- mens alternatifs d'une égale force , ne communique point d'impulsion au bateau. Le mouvement du Poisson qui nage ressemble parfaitement à celui du bateau qui n'est poussé en avant que par le jeu du gouvernail. La queue représente le gouvernail. Deux coups de queue alternalifs, qui se succèdent rapidement, suffisent chez les Poissons qui ont cet organe court, comme les Carpes, pour pousser l'animal dans une di- rection moyenne ; néanmoins , il arrive souvent , dans la na- tation lente, que ces coups alternatifs, à droite et à gauche, le projettent plutôt obliquement qu'en ligne droite. Les Pois- sons à queue longue peuvent faire décrire simullanément^à celle-ci deux arcs en sens inverse, qu'ils débandent à la fois, ce qui pousse de suite leur corps dans la direction moyenne. DE LY LOCOMOTION. 6l 1 Les Pleiironecles et les Cétacés frappent l'eau perpendiculai- rement. La natation des Raies s'opère en partie par des coups de leur queue, qui agit de même que chez la plupart des Poissons; mais comme leurs nageoires pecioialfs sont étalées en façon d'ailes, la progression de l'animal dépend surtout du mouvement de ces appendices, dont l'action ressemble à celle des ailes des Oiseaux. Chez les autres Poissons, les nageoires ne prennent qu'une part subordonnée aux principaux mouve- mensde la natation, ainsi que Borelli (î) l'a démontré : elles ne leur servent qu'à se maintenir droits dans l'eau , et à cor- riger les vacillations du corps, Cuvier pense qu'elles contri- buent aussi aux mouvemens de côté ; mais il est facile de voir, chez les Carpes, que la flexion unilatérale de la queue est bien plus efficace pour cela. Les Quadrupèdes nagent au moyen de leurs pattes, qui font office de lames. La résistance de l'eau pressée par ces appendices est la cause qui fait que le corps se trouve projeté en avant. Si le mouvement des membres avait lieu avec la même force et suivant la même direction, en avant et en ar- rière, l'animal ne changerait pas de place. Le mouvement dans une direction donnée dépend de ce que la rame est reportée dans l'air et non dans l'eau , ou, si elle rentre dans le liquide, de ce qu'elle s'y introduit par son tranchant. La natation avec les pieds est dans le même cas. La reposition des mains et des pieds a lieu de telle sorte qu'ils pressent Teau par une moindre surface que pendant le mouvement de translation. L'homme met ses bras en place par le bord tranchant des mains, et il agit sur l'eau par le plat de celles-ci. Dans la na- tation même des Quadrupèdes sans large main , comme le Cheval, l'action des pattes est plus grande au moment de frapper l'eau que quand il s'agit de les remettre en place, et de là vient que le corps avance ; la surface avec laquelle ils (1) D» motu animalium , Leyde, 1685, p. 257. G 1 :J DE LA. LOCOMOTION. choquent l'eau est plus étendue (juand ils jettent leurs mem- bres <;ii arrière (jue quand ils les ramènent en avant. La plu- part des Quadrupèdes sont naturellement nageurs, parce qu'ils employent leurs pattes de la même manière en nageant qu'en marchant, et parce que la longueur de leur face, jointe à la petitesse de leur crâne , fait qu'ils peuvent , en relevant la tête, maintenir le trou respiratoire hors de l'eau. Chez i'hom- me , l'entrée des organes de la respiration n'est placée en haut que lorsqu'il se tient dans l'eau sur le dos ; il est obligé, en outre, d'apprendre une chose dont il n'a pas l'habitude, c'et-t-à-dire à disposer ses membres de manière qu'ils présen- tent moins de surface à l'eau quand ils n'agissent pas sur elle que quand ils la frappent. Le nageur exercé n'a besoin que d'un faible mouvement pour rester à la surface ; il y demeure tant que ses poumons distendus par l'air le rendent plus léger que l'eau. L'homme est, comme les animaux, plus pesant que leau , et , s'il ne fait aucun mouvement, il s'y enfonce dès qu'il expire; mais, tant que sa poitrine est remplie d'air, il demeure en place , après s'être étendu sur le dos. Si nous n'éprouvions pas le besoin d'expirer, et que nous pussions tenir nos poumons constamment pleins d'air, nous n'enfonce- rions pas dans l'eau, ne fissions-nous même aucun mouve- ment; mais nous sommes obligés de corriger, par des chocs imprimés de haut en bas à l'eau , l'affaissement qui résulte nécessairement de l'expiration. Les Oiseaux sont maintenus sur l'euu par l'air contenu dans leurs cellules abdominales et leuisos, qui communiquent avec les poumons; ils ont besoin d'ex[)irer fortement pour plonger. Les Palmipèdes emploient leurs pattes en guise de gouvernail ; les Cygnes se servent aussi de leurs ailes étendues comme d'une voile. La vessie natatoire des Poissons se développe du pharynx , comme les poumons, d'après les recherches de Baer (1). Chez (■1^ MuLt.ER. .drchiv, 183b, p. 234. DE L\ LOCOMOTION. C)l7i beaucoup de ces animaux, elle ('acilite la natation dans les hautes réfjions de l'eau , et la faculté qu'ils ont d'en compri- mer plus ou moins l'air au moyen des muscles latéraux, leur permet de se tenir à des hauteurs diverses. Comme cet or- (îane est situé à la partie supérieure de la cavité abdominale, où le centre de gravité correspondrait, à cause du volume des muscles dorsaux et latéraux , il sert aussi à maintenir les Pois- sons droits dans l'eau , quoiqu'il ne soit pas absolument né- cessaire pour cela. Les Poissons dont la vessie natatoire est crevée, ne viennent plus à la surface de l'eau , et sont exposés à tomber de côté. II. Vol (1). Le vol tient à ce que les extrémités antérieures d'un ani- mal, étendues en forme de lames, frappent l'air parla plus grande surface possible. Leur résistance et la réaction que l'air oppose, en vertu de son élasticité, au mouvement qu'elles lui communiquent, sont la cause qui fait que le corps de l'Oiseau est soulevé. L'accomplissement d'un pareil mouvement exige une force considérable dans les muscles pectoraux, et une con- formation particulière de la poitrine. En effet, celle-ci eslimmo- bile dans sa partie dorsale, la crête du sternum offre un large espace à l'attache des muscles pectoraux, et les articulationssca-: pulo-humérales sont consolidées non seulement par de fortes clavicules , mais encore par l'os furculaire , qui les unit l'une avec l'autre. Si l'animal, en ramenant ses ailes, leur laissait occuper autant de surface qu'elles en présentent au moment du choc, l'effet de celui-ci serait détruit ; mais, aussitôt après cha- que choc , il les replie, puis les étale de nouveau , ce qui rend (i) BoRELLi, loc. cit. — CuviER, Âtiat. comp.^ t. I. — Fdss , (Itins Nov. act. soc. se. Petrop. XV, 1806. — Silberschlag, dans 5c/ni/Ven dcr Berl. Gesellsch. vaturf. Freunde.'ilSi, t. III. — Horseb, dans Gehleh, Physik. Wœrtcrhurh , t. IV, p. 477. 6l4 DE LA LOCOMOTION. possible la projection dans un sens déterminé. Pour que l'aile, en liappant l'air, ne cède point à la résistance que ce dernier lui oppose, il est nécessaire que la main ne puisse ni se fléchir, ni s'élendresurlavanthras; en effet, elle n'est susceptible que de mouvemens d'abduction et d'adduction, (jui la ramènent vers l'avant-bras, ou la déploient. Une suite de battemens d'ailes, celles ci étant tenues horizontalement, fait monter l'Oiseau en lijjne verticale, comme il arrive aux Alouettes. Les ailes étant inclinées , de manière que leur face inférieure regarde en ar- rière, l'animal doit monter obliquement , suivre la ligne de projection, et retomber avec la même obliquité qu'il s'est élevé. En répétant d'une manière régulière les battemens de ses ailes , il décrit une ligne horizontale ondulée. Cependant il ne faut pas , pour le mouvement horizontal , que les ailes aient beaucoup d'inclinaison ; car, môme lorsqu'elles frappent horizontalement l'air, la flexibilité des rectrices fait qu'elles cèdent à la résistance de l'air, et présentent de suite un plan oblique par rapport au bord antérieur non mobile de l'aile. Borelli avait déjà démontré cette influence. Les flexions de l'aile sur le côté sont le résultat d'oscillations inégales des deux membres , et non d'une inflexion latérale de la queue ; car des Pigeons auxquels on a enlevé les plumes caudales, n'en tour- nent pas moins bien qu'auparavant. La flexion de la queue soulève la partie postérieure du corps , et abaisse l'anté- rieure. L'immobilité du dos des Oiseaux procure au tronc, dans la partie inférieure duquel se trouve le centre de gravité , la solidité nécessaire pour exécuter le battement des ailes. L'al- longement en pointe de la tète la rend propre à couper l'air, et la longueur du cou procure à l'animal un moyen de chan- ger le centre de gravite , en repliant ou allongeant cette par- lie de son corps. L'accroissement de la surface de l'aile tiept non seulement aux plumes rémiges , mais encore à la peau qu'un muscle particulier tend dans l'angle compris entre le DE LA LOCOMOTION. 6l5 bord antérieur du bras et celui de l'avant-bras, de manière à produire un pli dont le bord rcnlvrme un ligament élastique qui , dans Tétat de repos, rapproche l'avanl-brasdubras. Le muscle tenseur de ce repli cutané se termine par deux ten- dons ; l'un , de nature fibreuse, fait corps avec le muscle long radial externe et l'aponévrose antibrachiale; l'auire est le li- gament élastique précité , qui s'attache au carpe et à la main (1). L'Autruche, là Rhea americana, le Casoar des In- des , \e JJro mains de la Nouvelle-Hollande, et quelques Oi- seaux aquatiques , comme les Manchots et les Alques , ne peuvent point voler, à cause de la petitesse de leurs ailes. L'air contenu dans les os des Oiseaux a évidemment pour but de rendre ces parties plus légères qu'elles ne le seraient si elles renfermaient de la moelle. Du reste , celui qui remplit les sacs aériens communiquant avec les poumons , ne saurait diminuer la pesanteur spécifique de l'.inirnal , puisqu'il a presque la même densité que ''air atmosphéri(]ue. Chez beaucoup d'Insectes , l'air contenu dans les trachées que ren- ferment leurs ailes paraît contribuer à la rigidité de ces or- ganes. Outre les Oiseaux , il y a aussi , dans les autres classes de Vertébrés , quelques animaux qui volent , ou qui du moins peuvent rester suspendus dans l'air au moyen de membranes ou de longues nageoires. Parmi les Mammifères , les Chauve- Souris ont leurs extrémités antérieures parfaitement organi- sées pour le vol. La surlace destinée à frapper l'air est for- mée ici par une membrane tendue entre les quatre doigts et les os du métacarpe allongés outre mesure ; celte membrane remplit l'angle compris entre le bras et l'avant-bras ; elle se prolonge aussi entre les humérus et les côtés du corps, jus- qu'aux pattes de derrière, de même qu'entre celles-ci et la queue. La membrane avec laquelle les Chauve-Souris volent (i) Lauth, dans les Mém. delà Soc. d'hist.nat. deStrasôovr(j, t. I. (jiG n>: l'A i.oco.Moiiox. contient éf^alement du tissu élastique. Parmi les Reptiles , les Piéiodaclyles de l'ancien monde étaient des animaux volans; mais le doi{ît externe seul s'allongeait en support de la mem- brane , et les quatre autres, réduits aux dimensions ordi- naires , portaient des ongles , comme le pouce des Chéiro- ptères. D'autres animaux de différentes classes ont bien une mem- brane volitante tendue soit entre les doigts courts , et tous armés de grifl'os, soit entre le bras etl'avant-bras, ou entre les bras et les jambes ; mais cette membrane ne fait l'ottice que d'une espèce de parachute , comme chez les Galéopithè- ques. On peut en rapprocher la membrane étalée entre les membres antérieurs et postérieurs des Pteromys et des Petau- rus , ainsi que celle qui couvre les côtes postérieures allongées des Dragons. Certains Poissons {Dactijlopterus, Exocœtus) peuvent se soutenir quelque temps au dessus de l'eau à l'aide de leurs nageoires pectorales , qui ont une grande longueur. m. Heptation. Dans la reptation et la marche , c'est un corps solide qui oppose la résistance. Ces deux mouvemens ne diflerent pas essentiellement l'un de l'autre ; seulement, dans le second , des membres spéciaux servent à l'appui et à la projection du corps , tandis que , dans le premier, ces deux elfets dépendent de parties aliquotes d'un corps allongé en forme de ver. Pen- dant la marche , les angles des jambes sont alternativement étendus et fermés -, pendant la reptation , c'est le corps même qui s'arque et se détend. Les deux mouvemens peuvent avoir lieu ou dans l'eau ou dans l'air. La manière de ramper varie beaucoup. Le mode qui se rapproche le plus de la marche , est celui dans Icq'.iel il n'y a que deux points du corps qui louchent au sol , tous les autres étant soulevés. Les Sangsues , DE L;V LOCO.MOTiOX. 617 par exemple , fixent la partie postérieure de leur corps au sol à l'aide de la ventouse , allon(jent le corps , fixent de même l'extrémité antérieure , attirent à elles l'arrière-irain, le Hxent à son tour, et reportent le corps en avant. Chez d'autres Vers, tels que celui de terre , ce jeu se répète plusieurs fois dans la lon{jueur du corps , et la Sangsue peut aussi ramper de même ; il y a là beaucoup de parties qui s'appuyent , tandis que d'autres sont poussées en avant du point d'appui. Les moyens de fixation sont ou des anneaux , ou des soies , ou des moignons de pattes couverts d'aspérités , comme chez les Chenilles. Ce qu'il y a de plus remarquable et de plus énig- malique , c'est la reptation des Limaçons sur la surface de leur pied. En plaçant un de ces Mollusques sur une plaque de verre , on voit le corps s'avancer d'une manière parfaitement uniforme, et l'on n'aperçoit qu'un mouvement ondulatoire à la surface du pied. Comme il n'y a pas d'autres appareils pour procurer l'appui nécessaire au mouvement dans une direc- tion , on doit présumer que certaines parties du pied s'élèvent ou agissent en manière de ventouse, et opèrent ainsi une fixation momentanée, qui est bientôt transmise à d'autres parties. La repiaiion des Serpens s'opère d'une manière toute spé- ciale , le corps s'avançant continuellement et rapidement dans la direction d'une ligne horizontale onduleuse , par laquelle toutes ses parties passent l'une après l'autre. L'appui a lieu au moyen de l'extrémité des côtes et des écailles ; l'animal tire à lui les parties situées en arrière , et projette les antérieures en avant. IV. Marche et course. Dans la natation, le corps est porté par l'eau, ou en totalité, ou en partie, et sa force ne sert guère qu'à la projection de la masse. Dans le vol, le milieu ne porte pas le corps, et l'animal est obligé d'employer assez de force pour compentîor lu chute 6l8 DE LA LOCOMOTION. après chaque projection. Dans la marche, le corps est porté et mu par sa propre force, et ce mouvement a cela de particulier encore qu'altornativement le corps se trouve porté pur un membre appuyé contre le sol, tandis que l'autre le projette en avant. Un bateau que Ton ferait mouvoir à l'aide d'un croc implanté dans le sol, représenterait une moitié de ce mouve- ment. Ce que l'eau fait ici pour le port du fardeau , l'une des jambes doit l'opérer pendant le mouvement de la marche dans l'air. Dans le saut, où le corps reste quelque temps en l'air par suite de la projection qui lui a été communiquée , ce se- cond temps du mouvement manque jusqu'à la fin du saut; ici le corps se soutient, comme dans le vol , par le même mouve- ment qui l'a projeté , mais le milieu servant d'appui diffère , puisque c'est un corps solide. A \\ fin de l'effet d'un coup d'aile, le corps de l'Oiseau se trouve garanti de la chute par un nouveau mouvement de projection ; à la fin du saut, c'esf en se soutenant lui-même que le corps prévient sa chute. Le moyen à l'aide duquel ces mouvemens s'accomplissent est l'extension de deux articulations ployées en sens inverse , celle du pied et celle du genou. Par-là se trouve opérée la projection du centre de gravité, tandis que l'autre membre porte le fardeau vers l'extrémité de cette projection. Les deux membres alternent ensemble pour le port et le mouvement du fardeau. Comme ces mouvemens partent toujours du côté, le membre qui s'étend donne au tronc une i.mpulsion , non seu- lement en avant , mais encore un peu du côté opposé. Quant au bras, il s'avance toujours du côté de l'extrémité qui s'étend. Les recherches d'E. Weber sur les articulations et celles d'E. Weber et W. Weber sur les mouvemens de la marche et de la course (1) ont signalé un grand nombre de faits remar- quables, qui ont trait à ces deux modes de locomotion , et qu'on avait négliges. Elles ont porin cette branche de la pliy- (1) Mechanik dcr mcnschlichen Gehcwcrkzcugo, Gœttingue, 1836. — Gerdy, Bulletin de V Acadèmicroy. demêdccinc, Paris, 4839, t. III, p. 758. DE LA LOCOMOTION. 619 siologieà un defjré de précision rationne'le inconnu jusqu'ici. Je vais en présenter les résultats les plus importans. En téie, et comme clef d'une foule d-autres faits remar- quables, se place la découverte d'E. Weber, que la pesanteur du membre inférieur ne peut éloi{jner la tête du fémur de la surface de la cavité cotyloide, qui s'y adapte exactoment ; la seule pression de l'air suffît pour l'y retenir appliquée , et c'est dans cette situation que ses mouvemens s'exécutent. On a beau couper tous les muscles qui entourent l'articula- tion coxo-fémorale , le poids du membre ne détache pas la tête de la cavité qu'elle remplit. Mais, dès que l'air peut agir sur la surface de cette tête, à l'aide d'un trou pratiqué par le bassin, sur-le chnmp elle tombe. Les frères Weber ont aussi examiné rinfliieuce de la machine pneumatique sur l'articulation; j'étais présenta leurs expériences, avec Ma- gnus. L'articulation coxo-fémorale d'un homme fut dépouillée de toutes les parties qui l'entourent; on scia le fémur au des- sous des trochanters, on ouvrit la capsule avec circonspection, par une incision circulaire, on attacha un poids de deux li- vres au fémur, et on suspendit l'articulation dans une cloche. Lorsqu'on eut enlevé assez d'air pour réduire la pression à un pouce , la tête s'abaissa rapidement de sept lignes , sans cependant abandonner le rebord cartilagineux; en laissant rentrer l'air, on la vit remonter non moins vite. Alors même qu'on l'avait violemment éloignée de la cavité cotyloide, puis réappliquée avec force, de manière à chasseï- tout l'air inter- médiaire, elle tenait assez pour qu'il fût difficile de la retirer par une traction verticale; l'articulation, plongée dans le vide, présentait les mêmes phénomènes; mais alors la tête sortait réellement de la cavité , quand la pression était ré- duite à un pouce. Toutes les amphiarlhroses paraissent être dans le morne cas. D'après celte importante découverte , la seule pression de l'air suffit pour faire que le membre pen- dant conserve ses rapports avec l'articulation dans tous les 6^.0 HE l.\ LOCOMOTION, modes de rolalirm , et il n'est pas possible à la lélc du fémur de quitter la cavité cotyloide par le seul fait du relâ- chement des muscles. Au contraire , lorsqu'on (gravit une haute monta^jne , où l'air est très-rarélié , la force des muscles devient nécessaire pour maintenir les tètes des os dans leurs cavités articulaires , et il paraît que c'est à cela qu'il faut attribuer le fjenre particulier de lassitude qu'éprou- vent ceux qui voyagent dans des régions Irès-élevées. Ainsi, c'est seulement dans un espace où l'air est raréfié que les articulations peuvent devenir lâches et mal assurées. Les frères Weber ont appelé aussi l'attention sur l'impor- tance du rôle que les oscillations des membres jouent dans la marche. Lorsqu'on a l'une des jambes placée sur un support élevé , l'autre , mise en mouvement , peut osciller comme une pendule. Ces vibrations peuvent aussi avoir lieu quand on a l'une des jambes sur un sol plat, et qu'on fléchit l'autre assez pour qu'elle ne pose point à terre. Leur durée, comme celle des oscillations d'un pendule , dépend de la longueur de la jambe et de la manière dont sa masse est répartie. Aussi sont-elles plus rapides chez les hommes à jambes courtes, et plus lentes chez ceux qui ont les jambes longues. Mais leur nombre est toujours le même , dans un temps donné , chez un même sujet. Cette propriété des jambes , jointe à la circonstance que le pas de la jambe postérieure , préalablement tendue , commence toujours par une oscillation , fait que les pas peuvent avoir la plus grande régularité, même alors que notre attention ne se porte point d'une manière spéciale sur la marche. Dans la marche, la jambe agitée du mouvement oscillatoire est un peu fléchie, pour ne pas heurter contre le sol. Voici maintenant quel est le mécanisme de la marche. Les deux jambes alternent ensemble dans la fonction de porter le tronc , et le moment où l'extrémité porte fait promptement place à celui où , par le soulèvement du talon , elle pro- DE LA LOCOMOTION. 62 1 jette en même temps le tronc. Au moment où le mouvement de projection est accompli par la jambe de derrière A , le corps repose sur la jambe B; mais, pendant le mouvement de projection du corps, ce membre portant prend une direction oblique, afin de pouvoir, tandis que la jambe A exécute son oscillation en avant pour le nouveau pas, s'allonger en déta- chant la plante du pied du sol , et donner une nouvelle im- pulsion au corps. Le membre A, qui se trouve osciller en avant, devient alors celui qui sert d'appui , etc. Les frères Weber comparent le détachement de la plante du pied au roulement d'une roue sur le sol ; il allonge le pas de toute la longueur du pied. On peut distinguer deux temps dans cha- que pas ; l'un pendant lequel le corps n'est en contact avec le sol que par une seule jambe, et l'autre, plus court, pendant lequel ce sont les deux jambes à la fois qui établissent ce contact, La marche très-rapide, qui tient de près à la course^ est la seule durant laquelle une jambe commence à porter lorsque l'autre cesse de le faire. Dans la marche ordinaire, il y a , entre ces deux états , une transition qui dure depuis le moment où la jambe de devant s'applique sur le sol jusqu'à celui où la jambe de derrière l'abandonne. Suivant Weber, cet intervalle, dans la marche lente, est à peu près moitié du leuips qu'on reste sur une jambe; plus on marche vite, et plus il se raccourcit. Le tronc reste incliné en avant pendant la marche, et cette disposition est nécessaire pour marcher aisément ; car il y a impossibilité de mouvoir en avant , sans qu'elle tombe , une verge perpendiculaire qu'on balance sur sesdoigls. Si Ton vou- lait marcher le corps droit, il faudrait qu'à chaque instant la force musculaire rétablît l'équilibre dérangé par la résistance de l'air. Dans la marche rapide, il y a inclinaison plus grande du corps, on reste très-peu ou même on ne reste pas du tout sur les deux jambes à la fois, enfin les pas sont grands et préci- pités. Les conditions fondainentales de tous cos eiïcts tien- 622 DE LA LOCOMOTION. DPnt, comme l'ont fait voir E. et H. ^Veber, 5 la hauteur moindre qu'on donne aux deux têtes des fémurs au dessus du sol. Lorsque ces têtes sont portées bas , les pas sont plus grands, parce que la jambe qui doit être menée en avant ne peut s'éloijpier que très peu de lu li;{n(i verticale quand son extrémité supérieure est située haut. Mais les pas ont moins de durée aussi en pareille circonstance; car plus les têtes des fémurs sont bassos pendant la marche, plus la jambe qui sert d'appui est inclinée, et plus le mouvement qu'elle imprime au tronc est rapide. Quant à ce qui concerne le nombre des pas dans un temps donné, il dépend en partie de la lon{][ueur de la jambe qui se porte en avant, en partie du plus ou moins de durée des oscillations qu'elle exécute. Plus la jambe est longue, plus ses oscillations sont lentes, abstraction faite de l'accéléra- tion que leur imprime l'effort musculaire. Aussi, en laissant de côté cette dernière circonstance, y a t-il, pour chaque homme, un certain nombre de pas qu'il ne peut outrepasser sans être gêné dans sa marche ; ce plus grand nombre possible de pas, compatible d'ailleurs avec une marche commode, a lieu quand la jambe oscillante se pose après avoir exécuté la moitié seule- ment de son oscillation. Mais la succession des pas peut être ralentie quand on laisse à la jambe oscillante le temps de par- courir, avant qu'elle se pose, plus de la moitié de son arc d'oscillation. Il est dans la nature de la marche que , après chaque im- pulsion, le corps s'élève un peu , puis s'abaisse. Cependant, comme les jambes peuvent s'allonj^er et se raccourcir, ces oscillations verticales sont très-courtes, et ne s'élèvent qu'à environ trente-deux millimètres , selon Weber. Les oscillations des bras ont toujours lieu en sens inverse de celles des jambes. La jambe arcboutée communique au tronc une impulsion dont la suite pourrait être la projection de la jambe opposée et des deux bras. Cependant , avec la jambe opposée , il ne part jamais que le bras correspondant à DE LA LOCOMOTION. 6i5 la jambe arcboutée , celui de l'autre côlé se trouvant en oscil- lation rélrograde. Cette répartition des oscillations , qui nous est devenue tellement familière qu elle s'établit d'elle-même à notre insu, ne contribue pas peu à la bonne tenue et au maintien de l'équilibre. Ainsi il se projette à la fois d'eux- mêmes, d'un côté une jambe , et de l'autre côlé un bras , ce qui corrige les fautes qui pourraient, dans le mouvement du tronc , résulter de l'oscillatioa en avant de la jambe. Ce qui caractérise la course , c'est qu'il n'y a jamais qu'une seule jambe qui touche terre , au lieu qu'à un certain moment, dans la marche , les deux extrémités inférieures se trouvent en contact avec le sol. Durant la course rapide , il y a même un instant où le corps ne s'appuie ni sur l'une ni sur l'autre , et demeure suspendu en l'air, en vertu du mouvement de projection qu'il a reçu. La marche des Quadrupèdes a lieu , en général , d'après les mêmes principes que celle des Bipèdes ; seulement elle présente un plus grand nombre de modifications relativement à la manière dont les animaux appuient sur le sol et à la suc- cession ou à la simultanéité des actions de leurs membres. Certains animaux , comme les Singes, les Ours, etc., mar- chent sur la plante des pieds. Le tarse s'élève déjà chez les Marsupiaux. Les Digitigrades et les Carnivores ne s'appuient que sur les doigts seulement ; les Chats marchent sur les deux dernières phalanges, les premières, ouïes onguéales, étant rétractées par des ligamens élastiques. Les Cochons , les So- lipèdes , les Ruminans ne prennent leur appui que sur la phalange onguéale ; les Ruminans sur celles de deux orteils seulement, les autres n'atteignant pas jusqu'au sol ; lesSoli- pèdes sur une seule. Le concours des quatre extrémités varie beaucoup dans la marche. C'est par les pattes de derrière et le déploiement de leurs articulations que la première impulsion est donnée aii mouvement. Les pattes de devant servent principalement à 624 DE LA LOCOMOTION. r.i|)j)nt. Dans certains cas nénnmoins, où ces dernières sont construites d'une manière défavorable à la marche , l'animal porte ses pattes antérieures en avant , et s'en sert pour tirer son corps. Tel est le cas des Paresseux. Le pas se compose de quatre actions différentes , et les qua- tre jambes s'avancent l'une après l'autre dans un ordre dé- terminé ,; d'abord a, puis d, ensuite i, et enfin c. Ainsi les jambes diagonales se portent en avant l'une après l'autre , et elles forment l'appui , tandis que le corps reçoit l'impulsion par le déploiement des articulations de la jambe postérieure restée en arrière. Pendant cette projection sur l'appui des jambes diagonales portées en avant , la jambe antérieure dia- gonale à celle de derrière qui fait arcboutant se porte en avant, et celle-ci ne tarde pas à la suivre. Alors les membres diagonaux qui servaient d'appui changent de rôle avec les deux autres ; la jambe de derrière sur laquelle l'animal s'ap puyait est devenue la plus postérieure , et c'est elle qui pousse. Tel est le mode de progression le plus ordinaire tant chez les Mammifères que chez les Reptiles. Dans Vamble , le corps repose alternativement sur les bi- pèdes latéraux, en sorte qu'il oscille d'un côlé à l'autre. On observe cette marche chez les Poulains , chez les chevaux ruinés , et aussi chez la Girafe. Le trot n'a que deux temps, à chacun desquels se soulèvent les deux jambes diagonales. C'est la marche accélérée ordi- naire des Mammifères ; on la rencontre aussi dans la classe des Reptiles . par exemple chez les Salamandres. Le galop présente trois mouvemens. Le corps entier se soulève sur les jambes de derrière , dont l'eflbrt le rejette en avant. Les jambes de devant se lèvent en deux temps, c'est- à dire l'une après l'autre, de droite à gauche (galop à droite), ou de gauche à droite (galop à gauche) , puis la partie posté- rieure du corps se détache du sol pur le déploiement des arii- DE LA LOCOMOTION f Oab culations, et les jambes de derrière sont portées en avant, etc. Plus les jambes de derrière sont hautes, plus l'animal , en les arcboutant pour mouvoir le tronc en avant, est obligé de sou- lever la partie antérieure de son corps, afin que celui-ci ne tombe pas. C'est ce que sont forcés de faire , par exemple , les Lièvres et les Souris. Ces animaux marcheraient peu com- modément à la manière des autres Quadrupèdes. Leur mar- che ressemble au temps du saut. Sur un sol plat , les Rongeurs avancent les pattes de devant, et;.tircnt ensuite celles de der- rière, sorte de mouvement dont les Grenouilles oifrent aussi l'exemple. Dans le galop forcé , il y a deux temps. 11 diffère du galop simple , en ce que les jambes de devant se lèvent aussi en même temps l'une que l'autre. Cuvier avait déjà fait remarquer que , dans les mouvemens des Mammifères , leurs articulations se fléchissent et s'éten- dent suivant des plans presque parallèles à la colonne verté- brale. Chez les Quadrupèdes ovipares , comme les Lézards et autres , les articulations du genou et du coude sont , au con- traire , dirigées souvent fort en dehors , ce qui influe sur la position des pattes; de là vient qu'il est si facile de distinguer la trace de ces animaux de celle d'un Mammifère. V. Saut (1). Le saut est un déplacement ayant pour caractère que le corps demeure plus long-temps tout-à-fait détaché du sol. Il a lieu par l'extension de trois articulations qui, auparavant , se trouvaient fléchies en sens inverse les uns des autres , celles de la hanche , du genou et du pied. Avant le saut, l'a- nimal s'appuye ou sur la plante entière du pied , ou sur les orteils seulement : dans le premier cas , la plante entière se (1) TreyiRAHVS , dans Zeitschrift fuer Physiologie, t. IV, p. 87. 626 I>E LA. LOCOMOTlOiS. détache au moment de l'exlcnsioD de l'articulation ; dans le secoml , l'articulation du pied , déjà étendue pour se préparer au saut, s'étend encore davantage. Toujours le corps est préa- lablement incliné sur les cuisses. Un déploiement simultané des trois articulations est nécessaire pour produire un mouve- ment qui ait la force de soulever le corps à une grande dis- tance du sol. S'il n'y avait pas de résistance , l'extension pro- duirait l'allongenteni du corps aux deux extrémités oppo- sées ; mais l'obstacle opposé par le terrain fait que, l'impul- sion étant communiquée au centre de gravité du corps , celui- ci décrit un mouvement de projection suivant la direction moyenne des articulations qui se déploient. La direction du saut ne dépend pas uniquement de l'inclinaison d'un des segraens des extrémités , et, par exemple , il n'est pas néces- saire , pour sauter verticalement , que la cuisse soit presque perpendiculaire au sol , comme le prétend Treviranus. L'in- clinaison de la cuisse par rapport au sol peut être celle qu'on voudra lui donner, et cependant on n'en parviendra pas moins à sauter droit , soit en avant , soit en arrière. Les moyens qui servent essentiellement au saut deviennent plus évidens lors- qu'on cherche à exécuter le saut en arrière le plus simplement possible. Effectivement, on peut sauter en arrière sans la par- ticipation de l'articulation du pied , en se posant sur le bord des talons de la chaussure , et étendant avec force l'articula- tion du genou préalablement pliée , sans que l'articulation coxo-fémorule exécute aucun mouvement. En pareil cas, le corps reçoit un mouvement oblique dans la direction d'une ligne tirée entre le talon et l'articulation de la hanche , et comme cette ligne tombe derrière la perpendiculaire abais- sée du centre de gravité sur les talons relevés, le corps reçoit, dans l'articulation coxo- fémorale , une impulsion de bas eu haut et d'avant en arrière. On peut aussi , élevant la plante du pied entière , sans étendre l'articulaiion du pied, sauter en arrière par la dé- Blî tA LOCOMOTION. 627 tente de rarticiihation fémoro-libiale. Le cas où Von saute en arrière en se tenant sur les orteils , est absolument le même : il n'y a de différence que par rapport au point d'appui ; l'im- pulsion a lieu également par l'articulation du genou. C'est ce qui fait qu'on ne peut plus sauter en arrière dès que l'arti- culation de la hanche se trouve portée jusqu'à la perpendi- culaire du centre de gravité ou du point d'appui- On parvient à sauter en avant en se tenant sur les talons, de manière que le déploiement de l'articulation du pied ne prenne aucune part au saut. Si l'on s'observe alors, on voit que le genou conserve sa flexion presque sans changement , mais que l'angle compris entre le tronc et la cuisse s'ouvre beaucoup , et que le tronc entier prend part au mouvement. Les deux bouts de l'arc qui se déploie sont ici , l'un , le membre tout entier, tenu roide , depuis le talon jusqu'à la tête du fémur, l'autre le tronc entier : ces deux bouts ten- dent à s'écarter dans une direction qui tombe au devant de la perpendiculaire au point d'appui. Il est possible aussi de sautiller en avant, les genoux ployés et raides, par le seul déploiement de l'articulation du pied, lorsque la ligne que les deux bouts de cet arc font effort pour atteindre , s'incline en avant de la perpendiculaire au point d'appui. Enfin on peut sauter en avant et en arrière avec le secours de toutes les articulations , dès que la direction moyenne que celles-ci impriment au corps tombe soit en avant , soit en arrière , ou que la direction de leur développement tombe en dehors du point d'appui. Le saut perpendiculaire peut avoir lieu quelle que soit l'in- clinaison des diverses articulations, pourvu que les différentes impulsions se compensent assez bien pour que la moyenne soit parallèle à la perpendiculaire. Chez les Quadrupèdes , le saut a lieu de deux manières , avec ou sans appui du corps sur les membres de devant. Dans Gp.S de ta locomotion. le premier cas, le corps s'arc-boule sur les membres de der- rière , dont l'effort le jette ea avant ; les pattes de devant se soulèvent aussitôt , et entraînent avec elles celles de derrière. Parmi les sauteurs qui ne se servent pas de leurs pattes de devant, on compte plusieurs Mammifères qui ont ces pattes très-courtes, et celles de derrière fort longues, comme les Gerboises, les Macroscélides, les Ilalmatures , un grand nom- bre d'Oiseaux saulillans, notamment parmi les Passereaux, et chez les Reptiles , les Grenouilles. VI, Action de grimper. Le mécanisme de l'action de grimper est suffisammeEt connu. Les animaux grimpeurs se fixent tantôt par leurs ongles, comme les Chats, les Écureuils, les Didelphes, les 'Phalangistes et les Oiseaux grimpeurs qui ont un ou deux doigts dirigés en arrière , tantôt , comme les Didel- phes et les Phalangistes, au moyen d'une queue préhen- sile , et même d'un pouce opposable aux pieds de derrière. D'autres doivent la faculté d'embrasser les corps à la longueur et à la liberté de leurs doigts, comme les Singes, dont les quatre pouces sont opposables, et parfois en même temps ù leur queue préhensile, comme les Alouattes et les Sapajous. Les Singes sans pouce ne sont pas moins habiles à grimper, parce qu'ils ont des doigts fort longs, et que leur queue est enve- loppante. Les Paresseux grimpent au moyen de leurs longues griffes qu'ils implantent dans l'écorce des arbres, et les Four- miliers ont de plus une queue susceptible de s'enrouler : la longueur des ongles fait que les uns et les autres marchent mal , et qu'ils s'appuient de préférence sur le bord externe du pied ; la longueur démesurée des bras et des avant-bras du Paresseux le rend même si peu propre à marcher sur ses pattes , que , quand il se trouve à terre , il s'appuie sur ses coudes. Cependant on a tort dç dire que la nature a traité ces DE lA LOCOMOTION. 62g animaux en marâtre , puisque leurs membres sont aussi favo- rablement disposés qu'ils pouvaient l'être pour {grimper et se mouvoir sur les arbres. On peut leur comparer, parmi les Reptiles , les Caméléons , qui ont les doigts séparés en deux paquets, l'un antérieur, l'autre postérieur, et dont, en outre, la queue est enveloppante. C'est à l'anatomie comparée qu'il appartient de faire ressor- tir la construction si variée des membres chez les vertébrés , suivant que ces animaux sont destinés à voler, à nager , à em- poigner, à grimper , à fouir. Quelle énorme différence entre la main d'une Raie et celle d'un Cheval ! Là , un nombre in- fini de doigts réunis en nageoires et de phalanges , sans bras ni avant-bras , tandis que , chez les Mammifères pisciformes , l'accroissement du nombre des phalanges reparaît , mais l'avant-bras et le bras sont raccourcis ; dans le Cheval, l'autre extrême a lieu, la main et le pied se trouvent réduits à un seul doigt (1). Un coup d'œil sur les mouvemens et en particulier sur la locomotion des animaux articulés, ne sera pas sans intérêt pour ceux qui s'occupent d'histoire naturelle. Si beaucoup de ces animaux se servent de leurs pattes ambulatoires ( Hijdro- philus) ou de leurs pattes aplaties et ciliées {Dyticus , No- tonecta) comme d'un gouvernail, les Hydromètres s'élèvent à la surface de l'eau , et nous offrent le spectacle remarquable d'un corps vivant léger qui sautille à la surface du liquide , sur lequel il fait agir ses pattes. La marche des Insectes sur la terre paraît plus régulière qu'au premier abord elle ne sem- blerait devoir l'être d'après le nombre accru des extrémi tés. Toute action à laquelle beaucoup de membres prennent part , est rendue plus facile par un ordre déterminé établi entre les (1) ^oyez, sur la signification physiologique de la main dans lesdiffé- rens ordres d'animaux, l'ouvrage de Charles Bell , Tho hand , Londres , 1834. 65o t>E LA. LOCOMOTION. appendices; voilà pourquoi la marche des Insectes paraît fort simple , mal^îré leurs six pattes. Si l'on observe un de ces animaux marchant avec lenteur , on voit que constamment trois de ses membres sont portés en avant , et servent d'ap- pui^ tandis que les trois autres font effort pour pousser le corps ; la patte de derrière d'un côté , celle de devant du même côté , et celle du milieu du côté opposé s'avancent d'abord , puis la patte antérieure de ce dernier côté , sa patte postérieure, et la patte médiane de l'autre côté, de manière que toutes les pattes de l'animal agissent dans les deux pas. Chez les Araignées , qui sont octopodes , il paraît que quatre pattes se portent à la fois en avant, tandis que les quatre autres se soulèvent ; l'observation présente ici beaucoup plus de difficultés que chez les Insectes; cependant il paraît qu'entre deux pattes qui s'avancent, il y en a toujours une qui se lève. De même, chez les Cloportes, qui ont quatorze pattes , il sem- ble y avoir un ordre très-régulier dans l'action simultanée d'un certain nombre de ces appendices , tandis que l'effet total donne l'impression d'un mouvement ondulatoire. Certains animaux légers , notamment parmi les Insectes , ont les pattes armées d'organes dont ils se servent pour se tenir à des surfaces perpendiculaires lisses , ou même pour s'accrocher au plafond. Tels sont ceux qu'on trouve à la plante des pattes des Mouches , et qui sont peut- être suscep- li blés d'agir comme des ventouses , au moyen d'une rétrac- lion de leur centre. Tels sont encore , chez d'autres Insectes, plusieurs appareils analogues , qui permettent d'opérer ou une application intime aux surfaces ^ une adhésion complète, ou même une véritable succion. ^ VII. Succion. Les Geckos , parmi les Reptiles , offrent une disposition semblable : leurs doigts sont garnis ^ à la face inférieure , de DE Lk lOCOMOTION. 63 l plis transversaux réguliers , qui rappellent \a] ventouse des Echeneis , et qui produisent probablement , en se redressant, un vide au moyen duquel Tanimal se trouve fixé. Ces animaux ont la faculté , à ce qu'on assure , de courir sur des murs perpendiculaires et même sur les plafonds. Je dois aussi men- tionner ici le mécanisme à l'aide duquel certains animaux peuvent se tenir facilement dans une situation qui semble exiger de grands efforts musculaires. La station des animaux et de l'homme est le résultat d'un effort soutenu des muscles extenseurs : mais , chez quelques animaux , une disposition spéciale la facilite au point qu'elle peut être prolongée jour et nuit sans fatigue. Les Cicognes et plusieurs autres Oiseaux demeurent quelquefois pendant très-long-temps perchés sur une seule patte, et dorment même dans cette situation. Cuvier avait déjà signalé la conformation particulière de l'arlicula- tion du pied de la Cigogne qui rend le phénomène possible. Au milieu de la face antérieure de l'extrémité inférieure du fémur , se trouve un creux qui peut recevoir une saillie du tibia ; pour fléchir la jambe , il faut que la saillie sorte du creux , et passe sur son bord postérieur ; mais alors elle ti- raille les ligamens plus qu'ils ne le sont dans l'extension, en sorte que ces ligamens maintiennent d'eux-mêmes la jambe étendue comme des espèces de ressorts , et sans que les muscles aient besoin d'y contribuer. Cependant la nature n'a point employé ce mécanisme chez tous les animaux capables de se tenir long-temps sur une seule jambe. Ainsi , par exemple , il n'existe pas chez les Canards. Cette circonstance nous prouve donc que, même pendant le sommei'i, l'action des muscles extenseurs chargés de maintenir l'équilibre peut être dominée par la province des organes centraux d'où partent tous les mouvemens volontaires. La manière dont les Oiseaux qui se perchent pour dormir serrent les branches , est le résultat d'un mécanisme que Bo- relli avait indiqué le premier. Yicq d'Azyr révoqua en doute 632 DE LA LOCOMOTION. cette explication , en faveur de laquelle Cuvier s'est pronorlcé avec raison. Les tendons des fléchisseurs des doigts non seulement passent sous l'articulation du talon , et tirent les orteils pendant la flexion du pied , mais encore peuvent être tirés eux-mêmes par un muscle accessoire , situé au côté in- terne de la cuisse, dont le tendon passe sur l'articulation du genou. La flexion des deux articulations par le poids du corps doit donc fléchir en même temps les orteils, et leur faire serrer mécaniquement la branche. Et cela est si vrai qu'on peut re- produire le phénomène même après la mort de l'animal. Quelque chose d'analogue a lieu pour d'autres muscles chez le Chien. Si Ton étend le genou de cet animal , le gastrocné- mien se trouve tendu en même temps et le talon attiré. De là vient qu'un Chien peut encore marcher un peu après la sec- tion du nerf sciatique , aussitôt que les muscles extenseurs de la cuisse , qui ne se ressentent pas de cette lésion , étendent la jambe. FIN DD PREMIEK VOLUME. TABLE DU TOME PREMIER. PREMIERE PARTIE. Physique^ des nerfs. Pag. i SECTION I". Des propriétés des nerfs en général. Ib. Chap. I. Des formes principales du système nerveux. Ib. Chap. II. De la structure des nerfs. 8 I. Fibres primitives des nerfs. *^- II. Fibres cérébrales. ^° III. Faisceaux blancs et gris dans les nerfs. i3 IV. Marche et mélange des fibres dans les nerfs. i5 V. Terminaison des nerfs. ao VI. Substance grise du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs. ^4 VIL Distribution des systèmes fibreux blanc el gris dans les nerfs cérébro-rachidiens et dans le grand sympathique. ^7 VIII. Classification des ganglions. 28 Chap. III. De l'irritabilité des nerfs. 34 I. Action des irritans sur les nerfs. 35 A. Irritans mécaniques. 36 B. Température. ^* C. Irritations chimiques. ^9 D. Irritations électriques. *** II. Changemens que les irritations impriment à l'ir- ritabilité. 56 634 TABIE. A. Irritations intégrantes. 5q 13. Irritations altérantes. 60 1. Mode d'action des poisons narcotiques sur le sang. 62 a. Mode d'action des poisons narcotiques sur les nerfs. 66 III. Dépendance dans laquelle les ners sont du cer- veau et^de la moelle épinière. 68 Chap. IV. Du principe actif des nerfs. 72 SECTION II. Des nerfs sensilifs, moteurs et organiques. 85 Chap. I. Des racines sensitives et motrices ^des nerfs rachidiens. Ib. Chap. II. Des propriétés sensitives et motrices des nerfs cérébraux. 99 I. Nerfs cérébraux mixtes, à double racine. Ib. A. Nerf trifacial. Ib. B. Nerf glosso-pharyngien. 107 C. Nerfs vague et accessoire de WilUs. Ib, D. Nerf grand sympathique. lia II. Nerfs principalement moteurs, qui, dans leur tra- jet , reçoivent des fibres sensitives par anastomose avec d'autres nerfs , ou qui renferment des fibres de cette nature à leur racine non ganglionneuse. 1 13 A. Nerfs musculaires de l'œil; oculo-musclaire, pathétique et abducteur. tb. B. Nerf facial. ii4 Chap. III. Des propriétés sensitives et motrices du nerf ganglionnaire. I18 Chap. IV. Du système des fibres grises ou organiques , et des propriétés de ces fibres. 126 TABLE. 635 I. Fibres grises ou organiques dans les nerfs cérébro- rachidiens. 1 29 II. Fibres grises ou organiques dans le nerf gan- glionnaire. i35 III. Effets du système des fibres organiques. 187 Ghap. V. Du système nerveux des animaux sans ver- tèbres. 140 SECTION III. De la mécanique du principe nerveux. 142 Chap. I". De la mécanique des nerfs moteurs. i47 I. Lois de la propagation du mouvement dans les nerfs moteurs. Ib. II. Mouvemens associés. i54 Chap. II. De la mécanique des nerfs sensitifs. i58 I. Lois de la transmission dans les nerfs sensitifs. Ih. II. Sensations associées. 1 79 III. Mélange ou coïncidence de plusieurs sensations. i84 Chaf. ÏII. De la réflexion dans les mouvemens après les sensations. 198 Chap. IV. De la différence d'action entre les nerfs sen- sitifs et les nerfs moteurs. 21 5 Chap. V. Des lois de l'action et de la propagation dans le nerf grand sympathique. 225 I. Effets du nerf grand sympathique dans les mou- vemens involontaires. 227 II. Effets sensoriels du nerf grand sympathique. 25o III. Effets organiques du grand sympathique, 258 Chah. VI. Des sympathies. 264 I. Sympathies des diverses parties d'un tissu entre elles. 266 A. Tissu cellulaire. -^^« B, Peau, 267 636 TABLE. C. Membranes muqueuses. 267 D. Membranes séreuses. 26g E. Système fibreux. Jb. F. Tissu osseux cl lissu cartilagineux. 270 G. Tissu musculaire. ' 27 1 H. Système lymphatique. 272 I. Vaisseaux sanguins. 2^5 K. Tissu glandulaire. 276 II. Sympathies de tissus difFérens les uns avec les autres. 278 A. Sympathies entre la peau et les membranes muqueuses. 279 B. Sympathies entre la peau et les membranes séreuses. /A. C. Sympathies entre le tissu glandulaire et les membranes muqueuses. 280 D. Sympathies entre les membranes muqueuses et les membranes séreuses. Ib. E. Sympathies entre les membranes fibreuses , la membrane médullaire des os et les tissus osseux et cartilagineux. Ib. III. Sympathies des tissus avec des organes entiers. 281 IV. Sympathies d'organes entiers entre eux. 284 V. Sympathies des nerfs eux-mêmes. 285 A. Sympathies des nerfs avec les parties centrales du système nerveux. Ib, B. Sympathies entre' les nerfs du mouvement et les nerfs du sentiment. 287 C. Sympathies des nerfs pairs. /^. D. Sympathies des nerfs moteurs entre eux. 288 E. Sympathies des nerfs scMsitits. f^» TABLE. G37 SECTION IV. Des propriétés de chaque nerf en particu- lier. 295 CnAp. I. Des propriétés des nerfs sensoriels.' Ib. Chap. II. Des propriétés des nerfs non sensoriels. 3o4 I. Nerfs oculaires. ^ Ih. II. Nerf trijumeau. Su III. Nerf facial. 3 16 IV. Nerf glosso-pliaryngien. 3ig V. Nerf vague. 321 VI. Nerf accessoire de Willis. SaS VII. Nerf grand hypoglosse. Sag VIII. Nerf grand sympathique. 333 SECTION V, Des parties centrales du système nerveux; 335 Chap. I. Des parties centrales du système nerveux en général. Ib. Chap. II. De la moelle épinière. 357 Chap. III. Du cerveau. 3^0 I. Comparaison du cerveau des animaux vertébrés. Ib. II. Forces du cerveau et facultés de l'âme en général. 38o III. Moelle allongée. 099 IV. Tubercules quadrijumeaux. 4°^ V. Cervelet. 4^8 VI. Hémisphères du cerveau. 4^^ Chap. IV. De la mécanique du cerveau et de la moelle épinière. ^11 SECONDE PARTIE. Des mouvemens, de la voix , et de la parole. ^Z5 ' SECTION I". Des organes, des phénomènes et des causes du mouvement animal. Ib. Chap. I. Des différentes formes de mouvement et d'or- ganes moteurs. lo. es 8 TABLÉ. CiiAP. II. Du mouvement vibialilc. 444 I. Parties dans lesquelles on observe le mouvement vibratile. 44^ A. Système culané. Ib B. Canal intestinal. 446 C. Organes respiratoires. Ib. D. Cavité' nasale. 44? E. Organes génitaux. 44^ F. Organes urinaires. Jb. II. Phénomènes du mouvement vibratile. ^So III. Organes du mouvement vibratile. 4^^ IV. Nature du mouvement vibratile. 4^4 Chap. [ill. Du mouvement musculaire et des raouve- mens qui s'en rapprochent. 4^^^ I. Tissu contractile des végétaux. Ib. II. Tissu animai contractile , susceptible de se ré- soudre en colle. 4^7 III. Tissu élastique et contractile des artères. 474 IV. Tissu musculaire. 477 A. Propriétés chimiques des muscles. Ib. B. Structure des muscles. 47^ 1. Muscles à fibres primitives variqueuses et à faisceaux primitifs marqués de stries trans- versales. 479 2. Muscles à fibres primitives non variqueuses et à faisceaux primitifs dépourvus de stries transversales. 4^5 C. Propriétés vitales des muscles. 4^6 D. Roideur cadavérique. 4"7 Chap. IV. Des^causes du mouvemeat animal. 5o2 I. Influence du sang, ^'^4 TABLE. 6^9 11. Influence des nerfs. 5o6 SECTION II. Des différens mouvemens musculaires." 626 Chap. I". Des mouveranes volontaires et involontai- res. 1^- I. Mouvemens déterminés par des irritations héléro- eènes, externes ou internes. 528 II. Mouvemens automatiques. 53 1 A. Mouvemens automatiques qui dépendent du nerf grand sympathique. Ib. B. Mouvemens automatiques qui dépendent des organes centraux. 542 1, Mouvemens automatiques du système animal à type intermittent. 543 2. Mouvemens automatiques du système animal à type continu. 55 1 III. Mouvemens par antagonisme. 553 IVi Mouvemens réflectifs, 557 A. Mouvemens réflectifs du système animal. Ib, B. Mouvemens réflectifs du système organique. 558 Vj Mouvemens associés. 56o VI. Mouvemens qui dépendent d'états de l'âme. 567 A. Mouvemens qui succèdent à des idées. Ib. B. Mouvemens provoqués par des passions. 568 C. Mouvemens volontaires. 571 Chap. II. Dos mouvemens volontaires complexes. 583 I. Séries simultanées des mouvemens. Ib. II. Association des mouvemens et des Idées. 587 A. Association de mouvemens à des mouvemens. Ib. B. Association d'idées et des mouvemens. 590 III. Mouvemens instinctifs, SqS 640 TABLE. IV. Mouveniens coordonnés. SgS Chap. III. De la locomotion. 60 I. Natalion. 608 II. Vol. ^ï3 III. Reptation. 616 IV. Marche et course. "'7 V. Saut. 625 VI. Action (le grimper. "^'° VII. Succion. 63*» FIN DE LA. TABLE DU PREMIER VOLUME.