Alv //«-/? Jc=^ m PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX, TOME IL I.IBKAIRI1: DE J.-B. BAILLIERE. LA. NÉ VROLOGIE , ou Description des nerfs du corps humain, par le docteur Swan ; ouvrage couronné par le collège royal des chirurgiens de Londres, traduit de l'anglais, avec des additions, par E. Chassai- GNAC , D. M. , prosecteur à la Faculté de Médecine de I iiris; accompa- gné de 25 belles planches gravées à Londres avsc le plus grand soin. Paris, 1838, in-4 , grand papier vélin , cartonné. 24 fr. Cet ouvrage a acquis un grand intérêt par les nombreuses et importantes addi- tions qu'y a faites M. Cliassaignac, lesquelles, jointes à des planclies v^' .ne exécu- tion parfaite, en font un livre indispensable pour Te'tude si inte'ressante du système nerveux. TRAITÉ COMPLET DE PHYSIOLOGIE , par F. Tiédemann, professeur d'anatomie et de physiologie à l'Université de Heidelberg ; traduit de l'allemand par A.-J.-L. Jourdan , D. M. Paris, 1831, 2 vol. in-8. 11 fr. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES , physiologiques et chimiqucb sur la digestion, considérée dans les quatre classes d'animaux vertébrés, par TiÉDEMANN et L. Gmelin, professeurs à l'Université de Heidelberg; tra- duites de l'allemand par A.-J.-L, Jourdan. Paris, 1827, 2 vol. in 8, avec un grand nombre de tableaux. 15 fr. HISTOIRE GÉNÉRALE et particulière des Anomalies de l'organisation chez rhonime et les animaux ; ouvrage comprenant des recherches sur les caractères , la classification , l'influence physiologique et pathologi- que , les rapports généraux , les lois et causes des Monstruosités , des variétés et vices de conformation, ou Traité de Tératologie, par Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, membre de l'Institut de France. Paris, 1832-'! 836, 3 vol, in-8 et atlas de 20 planches, 27 fr. RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES sur l'organe de rOuïe et sur l'Audition dans l'homme et les animaux vertébrés, par G. Breschet , professeur d'anatomie à la Faculté de Médecine de Paris. Paris, 1836, in-4, avec 13 planches gravées. 16 fr. RECHERCHES ANATOMIQUES ET- PHYSIOLOGIQUES sur l'organe de l'Ouïe des poissons, par G. Breschet. Paris , 1838, ia-4 , avec 17 plan- ches gravées. 12 fr, MÉMOIRES pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des Vé- ^ gétaux et des Animaux, par H. Dutrochet, membre de l'Institut, avec ; cette épigraphe : « Je considère comme non avenu tout ce que j'ai pu- blié précédemment sur ces matières , et qui ne se trouve point repro- duit daus cette collection. » Paris, 1837, 2 forts vol. in-8, avec atlas de 30 planches gravées. 24 fr. MÉMOIRE SUR LA CONFORMITÉ ORGANIQUE dans l'échelle animale, par Ant. Ddgès , professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier. Paris, d832 , in-4 , avec 6 planches. 6 fr. RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE et la Myologie des Batraciens à leurs différens âges , par A. Dugès. Ouvrage couronné par l'Institut de France. Paris , 1834 , in-4 , avec 20 planches gravées. 16 fr. Paris. — COSSON , Imprimeur de l'Académie royale de médecine , rue Saint-Germain-des-Prés , 9. PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX, ou RECHERCHES ET EXPÉRIENCES SUR LES DIVERSES CLASSES D' APPAREILS NERVEUX , LES MOUVEMENS , LA VOIX, LA PAROLE, LES SENS ET LES FACULTÉS INTELLECTUELLES, PAR J. MULLER , PROFESSEUR D^ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE  l'uNIYERSITÉ DE BERLIN. Traduite de l'allemand , sur la troisième édition , PAR A.-J.-L. JOURDAN , MEMBRE DE l'acADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE. Accompagnée de 80 figures intercalées dans le texte , et de quatre planches gravées. TOME SECOND. A PARIS, CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, LIBRAIRE DE l' ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE , RUE DE l'école DE MÉDECINE , i7 ; A LONDRES, CHEZ H. BAILLIÈRE, 219, REGENT-STRBET. 1840. PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX. Section troisième. De la voix et de la "parole. Les sons qui constituent la voix et la parole n'ont point pour cause proprement dite des mouvemens musculaires. Ils dépendent des vibrations d'un appareil particulier, compara- ble à un instrument de musique. Cependant c'est à des con- tractions musculaires que cet appareil doit le degré de tension nécessaire à la production de ces sons , dont Télevation et la succession se rapportent aussi à la même cause. Sous ce point de vue donc , l'histoire de la voix et de la parole doit succé- der immédiatement à celle des mouvemens. Mais , avant de l'étudier, il est indispensable de connaître les conditions gé- nérales de la formation du son. CHAPITRE PREMIER. Des conditions générales de la production du son. Une impulsion mécanique soudaine, communiquée à l'organe deVouïe, peut faire naître en nous une sensation auditive, telle que celle d'une explosion , si Faction a été violente , ou celle d'un bruit , si cette action a été faible. L'écoulement rapide d'un air comprimé et l'affluence également rapide de l'air II. 1 3 DES CONDITIONS GENERALES ordinaire dans un espace vide, produisent Timpression du son sur l'organe de Fouie , lorsque l'ébranlement du fluide aérien est transmis à cet appareil. Mais, pour que des sons d'une va- leur soutenue et comparable soient produits , il suffit d'un cer- tain mode d'impulsion mécanique , c'est-à-dire d'une impul- sion uniforme qui se répète avec rapidité dans un très-court espace de temps. De la fréquence des impulsions ou chocs dépend la sensation du degré d'élévation des sons. La plupart du temps, lorsque nous entendons des sons, c'est parce que les vibrations d'un corps résonnant se .sont propagées jusques dans l'intérieur de l'oreille et transmises au nerf auditif. Or, en partant du fait que les corps qui ré- sonnent sont élastiques , soit par leur cohérence , comme les corps rigides , soit par leur pression ou force expansive , comme les gaz , soit enfin par leur tension, comme les cordes, on est tenté d'admettre que les vibrations sont la seule cause essentielle de la production du son. Mais on prendrait une idée bien fausse de ce dernier si l'on croyait qu'un mouve- ment vibratoire finalement communiqué au nerf auditif lui- même, est nécessaire pour faire naître la sensation du son. La cause prochaine de cette sensation semble bien plutôt , même pour les sons dus à des oscillations de corps résonnans , tenir aux chocs, régulièrement reproduits par l'effet des mouve- mens vibratoires , qui se transmettent au nerf acoustique. C'est ce qu'on peut conclure de la considération des sons qui naissent, non de vibrations d'un corps élastique, mais de simples chocs se succédant avec rapidité. Si Ton présente une languette de bois aux dents d'une roue qui tourne sur elle- même , chacun des chocs produit une impulsion sur l'organe auditif , et par-là donne lieu à la sensation d'un bruit ; mais si la roue tourne avec beaucoup de vitesse , au lieu de chocs isolés , on perçoit un son , dont l'acuité croît avec la rapidité des chocs. Les sons qu'on peut produire par le moyen d'un courant de gaz ou de liquide , d'eau ou de mercure , rapide- DE LA PRODUCTION DU SON. 3 ment et régulièrement interrompu , sont d'un plus grand in- térêt encore pour faire connaître la cause essentielle à laquelle tient la production du son , et pour prouver que celle-ci dé- pend d'une succession rapide de chocs ; ils acquièrent même d'autant plus d'importance , que les liquides , n'ayant point d'élasticité, sont impropres à produire des sons par des vibra- tions analogues aux oscillations d'un pendule. Ces conditions se trouvent réunies dans la Sirène imaginée par Cagniard La Tour. Là , un courant de liquide qui s'écoule par une ouver- ture est interrompu momentanément par chaque dent d'une roue tournant avec vitesse sur elle-même ; si la roue se trouve placée sous l'eau, et qu'elle ne fasse que déterminer des interruptions rapides et régulières du courant amené de bas en haut par pression , les chocs qui résultent de là produisent, lorsqu'ils se succèdent avec assez de rapidité , un son clair, dont l'acuité croît avec la vitesse des interruptions ou chocs. Sous le point de vue de l'organe de la voix humaine , les corps qui nous intéressent le plus sont ceux qui donnent , par des vibrations, le nombre nécessaire de chocs rapidement répétés. Il n'y a que les corps élastiques qui soient suscepti- bles de produire ainsi des sons. Une impulsion communiquée à l'une de leurs parties se propage au tout, et fait exécuter au corps des oscillations semblables à celles d'un pendule ; les chocs déterminés par les vibrations se communiquent aux corps qui sont en contact avec celui-là , et parviennent ainsi, de proche en proche, à l'organe auditif. A mesure que les sons deviennent plus aigus, le nombre des vibrations augmente. Le son le plus grave dont on fasse usage en musique , 1'^^ du tuyau d'orgue de trente-deux pieds donne, par seconde, 32 vibrations de l'air contenu dans le tuyau ; l'ii^des octaves suivantes en donne 64, 128, 256, etc. Comme il n'importe en rien que les impulsions soient dues au choc des dents d'une roue ou aux vibrations d'un corps, l'instrument imaginé par Savart , et dans lequel les sons sont Yié LIBRAR 4 DES CONDITIONS GEiNEKALES déterminés par les chocs des dents d'une roue contre un corps , fournit un moyen facile de connaître avec précision le nombre des vibrations que chaque son comporte. Les vibrations d'un corps résonnant peuvent avoir lieu dans toute son étendue. Mais ce corps peut aussi se diviser en parties aliquotes , qui vibrent suivant des directions opposées, tandis que les points d'intersection , appelés nœuds de vibra- tion, demeurent en repos. Des chevrons de papier posés sur les nœuds ne remuent point. Les vibrations peuvent aussi varier de direction, être transversales, longitudinales, ou tournantes. Un exemple de vibrations transversales nous est fourni par une corde tendue entre deux points et oscillant d'un côté à l'autre , ou par une verge métallique fixée à l'un de ses bouts. Dans les vibrations longitudinales de l'air, des cordes et des verges , qu'on détermine sur ces dernières en les frottant suivant leur longueur, les molécules du corps éprouvent, l'une après l'autre, une contraction et une ex- pansion alternatives, qui, une fois arrivées à l'extrémité, ou au nœud de vibration , reviennent sur elles-mêmes. Les vi- brations tournantes n'ont été observées par Chladni que dans les verges. Les corps qui résonnent par vibrations sont ou des fluides élastiques , comme l'air ; ou des corps élastiques par tension , comme les cordes tendues; ou des corps solides élastiques par eux-mêmes , comme les verges métalliques et les disques de métal ou de verre. Les lois d'après lesquelles les vibrations productives du son ont lieu dans ces différentes classes de corps résonnans , sont d'une grande importance pour l'établis- sement de la théorie de la voix humaine. Nous allons les pas- ser rapidement en revue , afin de reconnaître à quelle classe d'inslrumens sonores appartient l'organe vocal de l'homme. Nous suivrons surtout pour cela les recherches de Chladni , de Biot , de Savart et de W. Weber. Nous rapporterons aussi quelques observations qui nous sont propres sur ceux des DE LA PRODUCTION DU SON. 5 instrumens de musique qui ont le plus d'affinité avec l'organe de la voix humaine. I. Corps solides élastiques. Ces corps sont élastiques , les uns par tension , comme les cordes et les membranes tendues 5 les autres, par eux-mê- mes, comme les verges et les plaques métalliques. Tantôt on n'a égard qu'à l'épaisseur et à la longueur, comme pour les corps qui sont filiformes ; tantôt on prend en considération plusieurs dimensions , comme pour ceux qui sont membrani- formes. Les cordes sont des corps filiformes élastiques par tension , et les membranes tendues sont des corps membrani- formes devant leur élasticité à la même cause. Les verges métalliques, droites ou courbes, sont des corps filiformes élastiques par eux-mêmes ; les plaques droites ou courbes , comme les cloches, sont des corps membraniformes possédant l'élasticité en eux-mêmes. A. Corps élastiques par tension. 1. Corps filiformes élastiques par tension; cordes. Le nombre des vibrations augmente à mesure que la lon- gueur de leurs arcs diminue , comme il arrive aux oscillations du pendule , et avec le nombre des vibrations croît l'élévation du son. Quand la corde tendue vibre en plein , c'est-à-dire dans toute sa longueur , elle donne le son le plus grave qu'on puisse obtenir d'elle , et qui porte aussi le nom du son fondamental. Lorsque , sans rien changer à sa tension, on la divise en deux parties égales , à l'aide d'un chevalet placé en dessous , le son produit est l'octave du son fondamental , et il résulte d'un nombre de vibrations double de celui qui donne naissance à ce dernier. Si , la tension restant toujours la même , on isole un quart de la corde, et qu'on le fasse résonner, on obtient la 6 DES CONDITIONS GÉNÉRAIES seconde octave du son fondamental, résultat d'un nombre quadruple de vibrations. A égalité de tension , d'épaisseur et de substance , les nombres des vibrations des cordes dans un temps donné sont réciproques aux longueurs. Pour les cordes de même longueur, mais inégalement tendues, ces nombres sont directement proportionnels aux carrés des poids qui les tendent. Les nombres des vibrations pour les sons compris entre le son fondamental et la première octave s'obtiennent , la ten- sion demeurant la même , en raccourcissant la corde , et ra- menant sa longueur aux fractions comprises entre 2 et 1, Ainsi , en supposant que le nombre des vibrations du son fon- damental soit à celui de Toctave :: 1 : 2^ ceux des sons com- pris dans la gamme se comportent de la manière suivante : ut ^ re , mi y fa^ sol , la , si ^ ut. Son fondamental. Tierce. Quinte. Octave. Tandis qu'une corde exécute , dans toute sa longueur , le nombre de vibrations propre au son fondamental , elle peut en même temps faire , par ses parties aliquotes , des vibrations rapides qui correspondent à d'autres sons plus aigus. En effet, quand on frappe un monocorde , instrument à l'aide duquel on évite les sons provenant de la résonnance d'autres cordes voi- sines, on entend , avec un peu d'attention , non seulement le son fondamental , mais encore quelques autres , particulière- ment ceux qui ont des rapports numériques simples avec le premier, par exemple, la quinte de Foctave et la tierce de la double octave. Si Ton appuie légèrement le doigt sur une corde tendue , à l'extrémité du tiers, du quart, du cinquième, etc., de sa longueur, de manière à faire naître en cet endroit un nœud de vibration , et qu'ensuite on y applique un archet de violon , il se forme aussi des nœuds de vibration entre les autres tiers , quarts ou cinquièmes , et, au lieu du son fondamental, la corde DE lA PRODUCTION DU SON. n donne les sons plus aigus , appelés flûtes , qui correspondent à ces longueurs et à leurs nombres de \ibrations. Comme on peut , pour faire produire des sons graves aux cordes , suppléer à ce qui leur manque du côté de la lon- gueur, en diminuant leur tension , afin qu elles fassent moins de vibrations dans un temps donné , la théorie indique qu'on parviendrait à produire tous les sons avec une corde très- courte en changeant sa tension. Cependant , lorsque les cordes sont détendues , elles vibrent avec trop d'irrégularité , à cause de leur défaut ordinaire d'élasticité , pour qu'il soit encore possible d'obtenir d'elles un son grave quand elles sont très- raccourcies et détendues. Mais celles auxquelles le défaut de tension n'enlève pas toute élasticité , par exemple celles en caoutchouc, peuvent encore être aptes, même lorsqu'elles sont très-counes, à donner des sons graves, et des lames élastiques tendues dans une certaine direction, sont également propres , malgré leur brièveté extrême ^ à produire des sons très-purs , lorsqu'elles limitent une fente étroite et que l'air, pressé en passant au devant d'elles, les maintient en vi- bration. Je reviendrai là-dessus en parlant des instrumens à anche. 2. Corps memhraniformes élastiques par tension. Les membranes tendues dans un seul sens sont soumises aux mêmes lois que les cordes, pour ce qui concerne les change- mens de leurs sons. On ne connaît pas bien encore la loi d'après laquelle les nombres des vibrations varient selon la grandeur et la tension dans les membranes tendues de tous les côtés. On sait que l'élévation du son aiigmentef en général avec la tension. Une connaissance plus approfondie de la manière dont vibrent ces instrumens serait sans importance pour la théorie de la voix humaine. Les ligamens inférieurs de la glotte représentent des membranes tendues dans un seul sens ; nous 8 DES CONDITIONS GÉNÉRALES examinerons plus tard si leur petitesse permet qu'ils produi- sent des sons clairs à eux seuls et sans le concours de l'air. B. Corps élastiques par eux-mêmes. I. Verbes droites ou courbes. Les vibrations de ces verges ressemblent à celles des cordes. L'élasticité des verges rigides remplace la tension des cordes ; aussi vibrent-elles également, qu'elles soient fixées aux deux bouts ou à un seulement. On fait résonner ces verges ou lan- guettes en les frappant. Si les lames , en métal ou en bois , sont assez minces , elles peuvent aussi être mises en vibration par un courant d'air , quand ce fluide vient à être pressé entre elles et un châssis dans lequel elles sont encadrées. C'est le cas des tuyaux à anche. Les sons que ces languettes sont aptes à produire seules obéissent aux mêmes lois que ceux qui pro- viennent des verges libres. Nous reviendrons là-dessus en traitant des instrumens à anche. On a un exemple d'une simple languette sans tuyau , mise en vibration par le courant d'air , dans le petit instrument appelé harmonica à bouche , dont on peut aussi faire parler les languettes au moyen d'un soufflet. L'élévation des sons, ou le nombre des vibrations, change , dans les verges , suivant une autre loi que dans les cordes. En effet , elle est proportionnelle aux épaisseurs et réciproque aux carrés des longueurs. 2. Corps membr uniforme s rigides ^ droits et courbes^ plaques , cloches. L'organe delà voix n'a d'analogie ni avec les corps filiformes ni avec les corps membraniformes élastiiques par eux-mêmes ; nous pouvons donc abandonner de suite ces agens de la pro- duction du son. II. Fluides élastiques j air. Les vibrations de l'air , quand il résonne, consistent en une DE lA tRODIJCTION DU SON. 9 succession rapide de condensations et de dilatations alterna- tives qui , dans le jeu de flûte de l'orgue , suivent une direc- tion longitudinale. Dans la plupart des instrumens à vent , l'air est l'agent producteur du son , parce qu'ii éprouve le long de l'instrument des ondulations alternativement condensantes et raréfiantes, qui , parvenues à l'extrémité de la colonne , se ré- fléchissent sur elles-mêmes. La vitesse des ondes, c'est-à-dire des condensations et dilatations alternatives, demeure la même en général , que le tuyau soit large ou étroit ; elle dé- pend uniquement , ou du moins principalement , de la lon- gueur de ces mêmes ondes , ou de l'espace à parcourir. Ce- pendant les luthiers ont reconnu par l'expérience qu'il faut raccourcir un peu les tuyaux du jeu de flûte de l'orgue, si Ton veut qu'ils conservent le même son avec une ampleur plus grande , et Savart a trouvé qu'à longueur égale la colonne d'air donne des sons beaucoup plus graves dans des tuyaux élas- tiques mous que dans des tuyaux rigides : on peut même, en ramollissant les parois à l'aide de la vapeur d'eau , fait baisser le son de deux octaves au dessous de sa hauteur ordinaire. Le principe d'un sifflet consiste en ce que la colonne d'air contenue dans un tuyau est mise en vibration par un courant d'air poussé contre une partie de sa surface. La manière la plus simple de remplir cette condition , est de souftler sur l'orifice d'un tuyau , par exemple d'une clef forée. La même chose a lieu pour la flûte , avec cette différence qu'ici ce n'est point à son extrémité que la colonne d'air est mise en vibra- tion , mais au devant de cette extrémité et sur les côtés. Dans les sifflets , l'air qu'on souffle traverse l'étroit canal de la por- tion qu'on tient entre les lèvres , et , en sortant par l'ouverture latérale , il fait vibrer la colonne d'air contenue dans le tuyau. Les tuyaux cylindriques ou quadrangulaires de l'orgue qui ap- partiennent aux jeux de flûte ou de mutation, ontune construc- tion analogue. L'air seul est le corps sonore dans ces instru- mens. Des sifflets d'égale longueur, en bois, en métal , en ; iLir.RARY) 2 10 DES CONDITIONS GÉNÉRALES carton , donnent les mêmes sons , avec un timbre différent. Une fois que !a colonne d'air a été mise en vibration par le souffle dirigé sur sa surface , il faut que le courant d'air con- tinue , si l'on veut obtenir le nombre de vibrations nécessaire pour faire entendre un son. Du reste, dans ces sortes d'instru- mens, il n'y a jamais courant d'air à travers le tuyau, mais seulement vibration de l'air qu'il renferme, ce qui fait que les flûtes peuvent être bouchées à leur extrémité. Le plus simple mode de vibration de l'air dans les sifflets fermés à l'extré- mité est celui qui consiste en ce que la lonjjueur des ondes égale celle du tuyau, de manière qu'il ne se produise pas de nœuds dans l'intérieur de ce dernier : son bout fermé fait of- fice de nœud. Si le tuyau est ouvert à l'extrémité , sa longueur étant égale à celle d'un tuyau fermé , il donne un son fonda- mental plus élevé d'une octave que celui de ce dernier, et un nœud de vibration se trouve dans son milieu. Du reste , l'élévation des sons change en raison directe de la longueur du tuyau bouché ou ouvert. Cependant, la même colonne d'air donne des sons plus aigus lorsqu'on souffle avec plus de force , parce qu'il se produit des nœuds de vibration sur la longueur. Biot et Hamel ont montré comment la force du souffle influe sur l'augmentation du nombre des nœuds. Les sons qu'on parvenait à tirer ainsi d'un tuyau bouché étaient : wf,, sol^^ mi,^ ^a^s"^? ^K^fi^A', ^aK"*"? •^»4. 1 3 5 7 9 11 d3 45. dont les nombres de vibrations correspondent à la suite des nombres impairs. Dans un tube ouvert à l'extrémité , les sons produits par un souffle plus fort augmentant le nombre des nœuds , correspondaient, au contraire , à la simple série des nombres naturels = 1,2, 3, 4, 5, 6, etc. Ce ne fut qu'en soufflant faiblement ils obtinrent le son fondamental d'un tube de verre long de trente-sept pouces , sur un pouce de diamètre , sol^. Les sons qu'ils obtenaient en changeant l'em- bouchure étaient : DE lA PRODUCTION DU SON. 1 1 J0/3 sol^ re'g sol^ si^ ré^ fa^ sol^ ut^ ré^. 12 3 4 6 6 77, 8 1073 12. On voit , d'après cette série , que les sons qu'on peut tirer d'un tuyau ouvert , en soufflant différemment , sont d'autant plus éloignés les uns des antres qu'il sont plus voisins du son fondamental, et qu'à mesure que le ton s'élève , les sons qu'on obtient sont plus rapprochés. Entre le son fondamental 1 et la première octave , qui correspond au nombre 2 , il n'y a point de son intermédiaire. Entre la première octave et la se- conde , qui a pour nombre de vibrations 4, se trouve déjà un son. Entre la seconde octave 4 et la troisième 8 , il y en a trois, etc. Les lois qui viennent d'être posées s'appliquent, en général , non seulement à l'air atmosphérique , mais encore à tous les gaz. Cependant il faut remarquer que les sons fondamentaux des colonnes d'air diffèrent selon la pesanteur et la densité du fluide ; car, d'après l'expérience des luthiers , il suffit de tenir un même tuyau pendant long-temps entre les mains , pour que le son fondamental soit déjà un peu modifié. Selon la théorie, les sons, à longueurs égales, devraient être récipro- ques aux racines carrées des densités des gaz , sous d'égales pressions et à une même température; mais l'expérience donne un résultat un peu différent. L'embouchure du tuyau exerce aussi quelque influence sur le changement du son fondamental, comme l'ont fait voir Biot et Hamel. Ces physiciens employèrent un sifflet quadrangu- laire , long de quatre pieds, large de quatre pouces , et bou- ché à l'extrémité. L'ouverture occupait toute la largeur , et pouvait être prolongée en haut par le moyen d'un coulisseau. Les sons produits furent les suivans : Grandeur de l'ouvert., 66,0 36,5 26,0 20,5 46,5 M,0 3,8 Sons produits , ut^ sol^ mi^ si^ ré^ fa^ fa^ 66,00 parties de l'ouverture font un pouce carré. Les sons produits correspondent aux nombres de vibrations 1, 3, S, 7, 12 DES CONDITIONS GÉNÉRALES 9, 11, 43. Le résultat du rétrécissement de l'embouchure est donc le même dans la flûte bouchée que celui qu'on opère eu chang^eant le souffle : on ne peut donc point obtenir d'octaves de cette manière. L'influence de l'embouchure sur le son du sifflet ne me pa- raît pas être encore parfaitement éclaircie par l'expérience. Il y a , en effet , une manière de couvrir l'embouchure qui fait qu'on peut abaisser assez notablement le son. Si j'applique sur la lèvre supérieure d'un tuyau à bouche cylindrique en laiton, une carte qui couvre en partie l'ouverture, je puis abaisser le son de plus d'un ton au dessous du son fondamental ; mnis si, en appliquant la carte, j'ai soin qu'elle fasse le toit sur l'ou- verture , le son peut être rendu bien plus grave encore, et d'autant plus que la carte en forme de toit s'abaisse davantage vers l'ouverture. On obtient de cette manière tous les sons les plus rapprochés au dessous du son fondamental, jusqu'à quel- ques tons entiers ; ce ne sont pas par conséquent des sons cor- respondans aux nombres 1, V3, 1/5, 1/7. Si j'enfonce le bou- chon du sifflet assez pour que le tuyau n'ait plus que deux pouces , le son de ce tuyau de deux pouces peut , en cou- vrant l'embouchure en forme de toit, être abaissé de rê^ jus- qu'à sol^^^ c'est-à-dire de près d'une quinte , et les sons inter- médiaires sortent avec facilité , suivant le plus ou moins d'in- clinaison du toit étendu sur Tembouchure. Il est possible aussi , sur un sifflet quadrangulaire d'un pied , d'abaisser le ton au moyen d'une couverture en toit mise sur l'embouchure. Tout ce qui vient d'être dit s'applique aux tuyaux sans trous latéraux. Mais les flûtes proprement dites peuvent être jugées d'après les mêmes principes. Ce sont des tuyaux ouverts, à l'aide desquels , quand tous les trous latéraux sont bouchés, on parvient , en variant la force du souffle , à produire tous les sons correspondans aux nombres de vibrations 1, 2, 3, 4, 5. L'ouverture successive des trous latéraux permet aussi d'ob- tenir les sons intermédiaires. En ouvrant chacun d'eux , on DE LA PRODUCTION DU SON. l5 élève le son fondamental , et cette élévation varie suivant la fjraiideur du trou, suivant aussi la distance à laquelle il se trouve du commencement de Tinstrument. La question se présente enfin de savoir si , par l'emploi des divers moyens à l'aide desquels on parvient à abaisser le son fondamental d'un sifflet de longueur donnée , il est possible de produire des sons tellement graves , que même un tuyau fort peu long en donne encore qui aient quelque gravité quand on souffle très-faiblement. Si le tuyau est bouché en partie , il se rapproche d'un tuyau couvert , dont le son fondamental est plus grave d'une octave entière, et en couvrant l'embouchure avec un toit, on réussit, comme je l'ai dit plus haut, à abaisser le ton de près d'une quinte. La faiblesse du souffle n'aug- mente pas la gravité du son d'un sifllet ordinaire jusqu'à lui faire dépasser ce qu'on appelle le son fondamental ; mais peut-être y a-t-il des moyens par l'emploi desquels un souffle encore plus faible produirait des vibrations encore plus lentes avec assez de régularité pour qu'elles fussent entendues comme sons. L'appeau des oiseleurs paraît produire cet effet, quoiqu'ici les moyens soient tout autres que ceux qu'il faut employer dans les sifflets ordinaires pour tirer des sons plus graves. Cet instrument , en ivoire et en laiton , a plus de lar- geur que de longueur : il est long de quatre lignes , sur huit à neuf de large. Son extrémité antérieure et son extrémité pos- térieure sont fermées par une plaque mince , dont le milieu offre une ouverture par laquelle l'air s'écoule , de manière que le courant du fluide parcourt l'axe de la cavité du tuyau. Sa- vart a examiné cette espèce de sifflet. Suivant lui , le son s'y produit parce que le courant d'air qui traverse les deux ori- fices , chassant devant lui la petite masse de fluide contenue dans la cavité de l'instrument , en diminue la force élastique, et la rend par conséquent incapable de faire équilibre à la pression de l'atmosphère , qui , en réagissant sur elle , la re- foule et la comprime jusqu'à ce que , par son propre ressort, et sous l'influence du courant qui continue toujours , elle su- |4 DES CONDITIONS GÉNÉRALES bisse une nouvelle raréfaction , suivie d'une seconde conden- sation , et ainsi de suite. En modifiant la force avec laquelle on souffle dans cet instrument , on peut faire varier les sons dans l'étendue d'une octave et demie à deux octaves , depuis ut^ jusqu'à M^4, et quand on sait se bien rendre maître de la vitesse du courant d'air, on parvient à pousser beaucoup plus loin encore l'élévation et l'abaissement des sons. On peut doubler, quadrupler ou diminuer le volume de l'instrument , sans que les résultats changent d'une manière notable. Lors- que les dimensions sont plus grandes et les parois plus minces, il est plus facile d'obtenir des sons graves ; cependant chaque instrument en a un qu'il donne avec plus de facilité que tous les autres. La direction des bords de l'ouverture change les sons. Lorsque les bords sont dirigés obliquement vers l'inté- rieur de la cavité , les sons ont , en général , plus de gravité. Le diamètre des orifices influe aussi sur eux; leur gravilé aug- mente quand ces orifices sont plus larges. Nous ne possédons pas encore une théorie des vibrations qui ont lieu dans cet in- strument ; on ne sait point non plus si l'air est réellement le corps qui vibre le premier , et si l'instrument n'appartient pas plutôt à la catégorie des anches , dont nous aurons à parler plus loin. Dans les anches ordinaires, il y a deux dimensions à considérer, l'épaisseur et la longueur de la languette ; si Tune des plaques percées agit comme anche , elle représente- rait une anche dans laquelle les trois dimensions, longueur, épaisseur et largeur, entreraient en jeu, comme dans les pla- ques résonnantes. Au reste , Tappeau peut , de même que l'anche , être adapté à un tuyau , et les sons qui résultent de là se comportent comme ceux qu'on obtient en unissant des anches ordinaires avec des tuyaux , c'est-à-dire que le son n'est plus celui de l'anche , mais l'un des sons possibles du tuyau qui se rapproche le plus de celui de cette anche. La suite des sons , quand on varie le souffle , est , dans toute combinaison de l'appeau avec un tuyau, 1, 2, 3, 4, 5, etc., comme dans un soufilet ouvert. DE LA PRODUCTION DU SON. l5 m. Instrumens dans lesquels entrent à la fois enjeu les propriétés de corps élastiques solides et celles de corps élastiques fluides. Instrumens à anche. Il y a des agens producteurs de sons qui consistent en une simple languette vibrante , mise en mouvement par un courant d'air comprimé , comme la lame métallique de la guimbarde et les lamelles de l'harmonica à bouche. L'expé- rience enseigne que les corps élastiques par cohésion, comme les métaux et le bois , ne sont pas les seuls qui puissent former des anches. On peut y substituer des plaques ou des mem- branes rendues élastiques par tension , ainsi que je le ferai voir par la suite. Quand ces anches membraneuses sont mises en mouvement par un courant d'air comprimé , elles donnent des sons très-purs , sans le secours d'un corps de tuyau. En ajoutant un tuyau au devant des anches de la pre- mière et de la seconde espèce , on obtient un instrument plus compliqué , dans lequel Tair du tuyau contribue à modifier les vibrations de l'anche. Les instrumens de cette sorte qui ont des anches fixes en métal ou en bois, sont connus depuis long-temps sous le nom d'instrumens à anche. L'orgue a un registre entier de ces appareils. D'autres instrumens à vent , construits d'après le même principe, sont le hautbois, le bas- son, le serpent, la clarinette, la trompette des enfans, qui tous ont une anche , indépendamment du tuyau, et qui par-là diffèrent des flûtes, dans lesquelles le son est produit unique- ment par la colonne d'air, dont la longueur le modifie. Mais on peut aussi unir ce que nous appelons les anches membra- neuses avec un tuyau , de manière à former un instrument analogue , comme nous le verrons bientôt. La théorie de ces instrumens est de la plus haute importance pour l'étude de la voix humaine (1). (1) Voyez Dict. de l'industrie , art. Instrumens a cordes eï a yeht , Paris, 18â7, t. 7, pag. 516 et suiv. |6 f>ES CONDITIONS GÉNÉRALES A. Instrumens h anches faits d'un corps élastique rigide , f wiétal ou bois. 1. Anches simples sans tuyau. a. Anches ayant de l'analogie avec les verges. Linstrument le plus simple de cette espèce est la guim- barde , languette d'acier fixée par l'une de ses extrémités à la partie concave d'un demi-cercle également en acier , dont les branches prolongées vont en se rapprochant un peu. Cette lame est mise en mouvement par l'air poussé entre elle et les branches. L'harmonica à bouche représente un assemblage de plusieurs languettes dans un même châssis. Elle se com- pose d'une petite plaque métallique percée de trous rectan- gulaires oblongs , dans chacun desquels s'ajuste une languette métallique , soudée à l'une de ses extrémités et libre à l'au- tre. Les languettes doivent pouvoir vibrer dans leur châssis sans y toucher. Pour les mettre en mouvement , on applique la plaque sur les lèvres , et on pousse l'air contre les languet- tes ; de là résulte un son clair , qui varie suivant la longueur et la force de celles-ci. Les anches ordinaires reposent sur le même mécanisme ; un demi-cylindre creux , en laiton ou en acier , est ouvert à l'une de ses extrémités et fermé à l'autre ; le côté plat est constitué , vers le bout fermé , par une plaque élastique qui ne bouche pas entièrement le demi-cylindre , dans la cavité duquel elle peut même vibrer ; de cette manière , l'air a la facilité d'entrer dans le demi-cylindre et d'en sortir entre les bords de la plaque et la rigole. Il y a ici^ comme dans la guimbarde et l'harmonica à bouche, un châssis et une lan- guette élastique mobile, qui s'y ajuste. L'anche ne diffère de ces instrumens que parce que le châssis forme en même temps un tuyau servant à l'écoulement de l'air qui pénètre entre le cadre et la languette , et par lequel aussi cet air peut DE LA PRODUCTION DU SON. l'J êire poussé contre la languette, car on peut souffler d'un côté et de l'autre dans l'anche. Si l'on prend dans sa bouche l'ex- trémité où se trouve la languette , et qu'on souffle dedans, de manière à faire vibrer celle-ci , l'air passant entre elle et le cadre pénètre par saccades dans le demi-cylindre. Si l'on souffle du côté du bout ouvert, l'air sort entre la languette et son châssis. On voit donc qu ici, comme dans la guimbarde la languette est la chose vraiment essentielle , et que tout le reste est accessoire. Une anche telle que celle dont je viens de parler peut , à l'aide d'un bouchon qu elle traverse , être placée dans u^i cylindre creux , par une ouverture latérale duquel arrive l'air soufflé , comme dans le tuyau à anche de l'orgue . La manière dont la languette est mise en vibration ne me paraît pas avoir été jusqu'à présent expliquée d'nne manière satisfaisante. Voici , selon moi , ce qui arrive. Lorsqu'on souf- flé , la languette est chassée hors de l'ouverture du châssis ; en vertu de la loi de l'inertie , elle fuit devant le corps qui la pousse, jusqu'à ce que son élasticité , qui croît proportionnel- lement à sa flexion , fasse équilibre à sa vitesse. Gomme la pression de l'air continue toujours , la languette demeure- rait dans cette situation si l'on continuait de souffler; mais , une fois qu'elle a été écartée , la pression est bien moindre que quand elle se trouvait encore engagée dans le châssis , de sorte que son élasticité la force de revenir sur elle-même comme un pendule, et que même, par l'elBfet soutenu de cette élasticité , elle rétrograderait avec une vitesse accélérée si la pression continue de l'air ne la relardait un peu. Dès qu'elle est parvenue dans le châssis , la pression de l'air de- venue plus forte, la repousse de nouveau. Si ceitepression ne va- riait pas , elle maintiendrait toujours la languette dans la même situation, celle que comporterait sa résistance. Un courant li- bre d'air peut , tout aussi bien qu'un courant renfermé, met- tre une languette en vibration , pourvu que celle-ci soit assez II. 2 î6 DES CONDITIONS GÉNÉRALES miace , comme par exemple dans l'harmonica à bouche , et que le courant ait de la force. Si l'on souffle avec force sur «ne languette d'harmonica à bouche , au moyen d'un tube délié à ouverture très-petite , elle entre en vibration ; je suis même quelquefois parvenu à faire résonner de petites lan- guettes fixées sans châssis , à l'aide du courant d'air sortant d'un tube très-fin. On n'y réussit qu'avec les plus longues languettes de l'harmonica à bouche. J'isolai les plus longues de leur châssis, de manière qu'elles fussent tout-à-fait libres jusqu'à leur extrémité postérieure fixée , et je soufflai avec un tuyau très-fin au devant de l'extrémité d'un de leurs bords; en poussant l'air avec beaucoup de force dans une direction perpendiculaire , non à la surface , mais au bord , je parvins quelquefois à déterminer les vibrations sonores de la lan- guette , mais beaucoup plus faibles que quand l'air est obligé de passer entre les bords de celle-ci et un châssis. Au con- traire , les languettes membraneuses dont je donnerai plus loin la description , entrent pai laitement en vibration et ré- sonnent pleinement lorsqu'on se sert d'un petit tube pour souffler. La manière dont un courant délié d'air peut faire entrer en vibration une languette facilement mobile, me pa- raît être celle-ci : le courant d'air comprimé , en frappant contre le bord de la languette libre , la chasse devant lui ; elle s'éloigne en vertu de la loi de l'inertie , sort de la direc- tion du courant , et continue de marcher dans le même sens , jusqu'à ce que son élasticité , qui croît avec sa tension , fasse équilibre à sa vitesse; alors l'élasticité la ramène sur ses pas avec une vitesse accélérée , jusqu'à ce qu'elle rentre dans le courant , qui la rechasse encore. La possibilité de produire un son avec une languette tout-à-fait libre, au moyen d'un courant d'air , prouve que , dans l'explication qu'on donne de la résonnance des anches , il ne faut pas attacher trop de poids à leur mode ordinaire de construction et au passage de l'air entre la languette et le châssis. DE LA. PRODUCTION DU SON. I9 G. Weber (1) a fait voir que le son de la languelle d'une anche mise en vibration par le souffle, change en raison di- recte de sa longueur, comme si on la faisait vibrer en la cho- quant ou la pinçant , et que ies lanfjuelles vibrent d'après la même loi que les verges. Celte loi est que les nombres de vibrations de deux verges d'épaisseur égale et de même ma- tière sont en raison inverse des carrés de leur longueur. Weber a montré , en outre , que le son qu'on produit en soufflant dans l'anche sans tuyau , ressemble parfaitement , pour l'élé- vation, à celui qu'on obtient d'une lame élastique libre par un bout et fixée par l'autre , en la percutant. L'élévation du son d'une anche est à peu près indépendante de la force du courant d'air ; mais on peut le renfler en soufflant avec plus de force. Biot avait déjà reconnu que la nature chimique du gaz dont on se sert pour souffler n'exerce aucune influence sur la hauteur du son. Celte manière de se comporter des lames élastiques métalliques ou solides fixées par un bout et libres par l'autre, est d'autant plus remarquable que , comme je l'ai constaté , les lames membraneuses disposées de la même manière se comportent tout autrement , puisqu'ici l'on peut élever le son de quelques semi-tons en soufflant avec plus de force. Les dimensions de l'intervalle compris entre la languette et le châssis ont peu d'importance selon G. Weber. Quand l'ouverture est un peu plus grande , le son sort avec plus de peine, et on éprouve plus de difficulté soit pour le renfler soit pour l'affaiblir; mais son élévation demeure la même. Voici quelle est la théorie admise par la plupart des phy- siciens à l'égard des sons produits par les languettes. Les vi- brations de ces corps obéissent bien , à ce qu'il paraît , aux (1) Leges oscillationis oriundœ si duo corpora diversa celeritate oscil- lantia ita conjunyuntur^ ut nscillare noîi possint , nisi simul et synchro- nice, Halle, 1826, m-4. 20 DES CONDITIONS GÉNÉRALES mêmes lois que celles des verges ; mais il y a cette différence entre les verges et les languettes résonnantes , que , dans les premières, c'est la verge elle-même qui produit le son , tan- dis que, dans les secondes, c'est l'air. La même différence a lieu quand on fait vibrer une languette par la percussion ou par le souffle : dans le premier cas , c'est la languette seule qui résonne ; dans le second , elle doit bien aussi donner du son , mais beaucoup de personnes regardent l'air lui-même comme étant la cause principale du son particulier qu'elle rend alors , et cela par les motifs suivans : Le son d'une languette mise en vibration par percussion est faible ; celui d'une languette qui vibre par l'effet du souffle est fort ; mais il y a aussi une différence dans la qualité des sons , dont le timbre ne ressemble pas , dans le premier cas , à ce qu'il est dans le second. On conclut de là que l'air, bien qu'il ne modifie pas l'élévation du son en raison de la largeur diverse de l'ouverture , doit cependant exercer sur lui de l'influence , en ce sens que , dans les conditions au milieu desquelles la languette vibre par l'effet du souffle , il éprouve des chocs réguliers , sans former de nœuds. On sait qu'il ne faut, pour la production, d'un son, qu'un certain nombre de chocs qui soient propagés à l'organe auditif , et que les vi- brations ne donnent lieu à des sons que parce qu'elles déter- minent des chocs de ce genre. D'après la manière dont une languette vibre dans son châssis, il doit , assure-t-on , se pro- duire des chocs semblables à ceux qui ont lieu dans la sirène, le passage de l'air à travers l'ouverture se trouvant arrêté un moment à chaque vibration. 'De même , dans la sirène , les interruptions du courant de l'air , en se succédant avec rapi- dité , font naître un son. L'élévation de ce son de l'air dépend du nombre des interruptions , et comme celles-ci sont dues aux vibrations de la languette , ce nombre doit être égal à celui des vibrations. Mais cette théorie des sons produits par les languettes n'est DE LA PRODUCTION DU SON. 21 rien moins que démontrée. Les sons que Ton tire d'une lame mince de longueur suffisante , fixée à l'un de ses bouts et privée de châssis , en dirigeant sur elle le courant d'air d'un tube très-mince , prouve déjà que ces sortes de sons ne dé- pendent pas uniquement des chocs alternatifs de l'air, quoique le fort courant qui sort du tube , et qu'on dirige vers le bord de la languette , doive être un peu diminué chaque fois que celle-ci revient sur elle-même , tandis qu'il est libre au mo- ment oii elle se trouve hors de sa portée. Je me borne ici à soulever ce doute ; j'y reviendrai plus amplement lorsque je traiterai des languettes membraneuses. b. Languettes accompagnées d'un tuyau qui modifie le son. Le son d'une anche ou d'une languette change beaucoup , eu égard à l'élévaiion , lorsque l'anche est ajustée sur un tuyau , comme dans le hautbois , la clarinette , le basson. Ici l'air , au lieu de s'écouler dans l'atmosphère , est obligé de parcourir le tuyau , et l'instrument se trouve composé de deux parties dont les vibrations obéissent à des lois difleren- tes. Le son de l'anche et celui du sifllet , pris chacun à part , peuvent différer totalement Tun de l'autre ; mais , quand ces deuxparties sont réunieS;, elles s'influencent réciproquement, de manière que les vibrations de la languette sont déterminées par celles de la colonne d'air , et les vibrations de la colonne d'air par celles de lu languette. On n'entend jamais qu'un seul son , qui n'est jamais non plus ni celui que donnerait l'anche seule, ni celui qu'on obtiendrait de la colonne aérienne seule. Il ne suffit donc pas que les vibrations aient lieu 'avec une simultanéité parfaite , il faut encore qu'elles s'accommo- dent les unes aux autres (1). (1) G. Weber s'est occupé de rectierchei' les' conditions nécessaires pour que ce son simple se produise. Foycz Poggekdorf , Annalen , t,xvï, XVII, 22 DES CONDITIONS GÉNÉRALES Weber seul a donné une théorie sûre des instrumens à anche. Ce n'est point ici le lieu de faire connaître d'une ma- nière détaillée les résultats de ses travaux , qui tiennent place parmi les plus importans de la physique moderne. Cependant je suis obligé de rapporter quelques uns des faits découverts par lui , attendu qu'ils servent de base aux recherches sur les sifflets à languette membraneuse, qui sont ceux avec lesquels l'organe de la voix a le plus d'analogie. 1^ L'union d'un tuyau avec une anche peut rendre le son de celte dernière plus grave , mais ne saurait le rendre plus aigu. 2° Le maximum de cet abaissement ne dépasse point une octave. 3® En allongeant le tuyau, le son revient au son fondamen- tal primitif de l'anche , qu'on peut ensuite abaisser de nou- veau , mais seulement jusqu'à un certain degré. 4<> La longueur du tuyau nécessaire pour obtenir un abais- sement donné , dépend toujours du rapport entre les nom- bres des vibrations de la languette et de la colonne d'air , prises chacune à part. 5<» Ainsi le son du tuyau d'anche s'abaisse peu à peu à me- sure qu'on allonge le tube , jusqu'à ce que la colonne d'air de celui-ci soit devenue assez longue pour donner seule le même son que l'anche donne , également seule. En allongeant da- vantage le tube , le son revient au son fondamental de l'anche. On peut encore , en allongeant le tube , le faire descendre d'une quarte environ, jusqu'à ce que la longueur du tuyau soit double de celle de la colonne d'air qui aurait le même son que Tanche. Là le son repasse de nouveau au son fonda- mental de l'anche. L'allongement du tube peut abaisser de nouveau le son d'une tierce , jusqu'à ce qu'un moment vienne où il repasse au son iondamenial de la languette. Pendant la transition , on peut produire deux sons différens suivant la force avec laquelle oa souffle. DE LA PRODUCTION DU SON. • 20 Ces découvertes sont susceptibles de s'appliquer aux sifflets à languettes membraneuses , comme j'essaierai de le faire plus loin. 6° Si le son de l'anche qui parle seule est dans la série des sons harmoniques du tuyau résonnant seul, l'union de l'an- che avec le tuyau ne fait pas nécessairement changer le son de la première quand on souffle doucement ; mais lorsqu'on souffle avec force , le son peut être abaissé au dessous de celui de Tanche , ou d'une octave , ou d'une quarte , ou d'une tierce mineure , ou d'autres intervalles correspondans aux nombres 73,7,0, ^V,,. Ces découvertes fournissent des indices certains pour com- parer les organes de la voix ou d'autres instrumens sonores aux tuyaux à anche et aux tuyaux à bouche. Par exemple, que, sur un instrumenta vent, on puisse, l'embouchure res- tant la même , abaisser à volonté le son par des tuyaux sur- ajoutés , et obtenir un abaissement proportionné à la longueur des tuyaux , Tinslrument est positivement un tuyau à bouche, et c'est l'air seul qui résonne dedans ; qu'au contraire, l'em- bouchure restant la même , les tuyaux ne puissent produire qu'un abaissement d'une octave ou moins , il s'agit d'un tuyau à anche. Parmi les instrumens à anche se rangent les jeux d'anche de Torgue , ou le registre de la voix humaine. La clarinette , le hautbois , le basson sont aussi des instrumens à anche , avec lesquels on produit les différens sons en ouvrant ou fermant une série de trous dont l'expérience a fait connaître la dispo- sition , tandis que , dans les jeux d'anche de l'orgue , chaque son a son tuyau particulier. 2. Langues métalliques en forme de disques. Comme de minces plaques en bois ou en mêlai , vibrant d'après les lois des verges, agissent à la manière des languet- tes, on doit s'attendre aussi à ce que des disques métalliques 24 DES CONDITIONS GÉNÉRALES minces, vibrant d'après les lois des plaques , puissent servir de languettes lorsqu'elles sont fixées dans le milieu et que l'air s'écoule entre leur bord et le bord évidé d'un châssis périphé- rique. Certaines expériences faites par Clément et Hachette, et que Savart a répétées avec le même résultat , semblent devoir trouver place ici. Clément a découvert que quand un courant d'air passe à travers une ouverture pratiquée dans une paroi plane , et qu'on approche une plaque mince de cette ouver- ture , la plaque entre en vibration, et produit des sons sourds , très-graves. Les sons proviennent immédiatement des vibra- tions propres de la plaque , et il est vraisemblable qu'ils sont renflés par l'air, comme dans les tuyaux à anche ; car lors- qu'on tient devant l'ouverture des disques circulaires d'égale épaisseur, mais de diamètres différens , les nombres de vibra- tions sont en raison inverse des carrés des diamètres , comme dans les disques circulaires résonnans. L'élévation des sons est la même aussi que quand on fuit vibrer les mêmes disques circulaires par le moyen d'un archet de violon. Probablement on pourrait tout aussi bien employer des disques circulaires courbés en forme de cloches que des disques plats , de même qu'il arrive pour les sons qu'on produit immédiatement avec des corps solides affectant la forme de disques. J'ai fait construire des languettes circulaires d'après le principe des instrumens à anche ordinaires. Un disque circu- laire en laiton, d'un cinquième de millimètre d'épaisseur, sur trente-cinq millimètres de diamètre , est maintenu , dans son milieu , par une verge , contre le bord tranchant d'un châssis correspondant , de telle manière que Fair, poussé à travers le tuyau adapté au châssis , passe entre celui-ci et le bord du disque. Les sons sortent facilement, comme dans les tuyaux à anche ordinaires; mais souvent on en entend plusieurs à la fois, graves et aigus , par exemple le son fondamental et la quinte , ou même de plus aigus encore. L'aspiration de l'air fait également naître des sons , comme dans les languettes DE LA l'RODUGTION DU SON. 25 ordinaires. Un instrument de pareille construction avec une lang^uette en forme de cloche ne parle pas , probablement parce que la courbure du disque rend la languette trop roide, et fait qu'elle n'est plus assez grande. Un disque circulaire en métal extrêmement mince , présen- tant une ouverture dans le milieu , et soudé à une embou- chure très-courte par sa périphérie , pourrait aussi être con- sidéré sous le point de vue d'une languette. Ce serait l'inverse du cas précédent, l'embouchure se trouvant à l'ouverture centrale , au lieu d'être sur le bord ; l'air, passant à travers l'ouverture , agirait ici comme la verge qui passe par le mi- lieu d'une peau tendue à sa périphérie , et qui produit des sons. Au premier aperçu , ces conditions semblent s'appli- quer à l'appeau des oiseleurs , que Savart ne compte point parmi les tuyaux à anche ; on pourrait alléguer en faveur du rapprochement que ces sifllets sont susceptibles d'être unis avec un tuyau , suivant lequel changent les sons. Mais ce qui empêche de l'admettre , c'est que , dans cet instrument , Tou- verture est beaucoup plus large quepla fenle des langues mé- talliques ne doit l'être pour qu'il se produise des sons. A la vérité , comme je l'ai dit plus haut , de très-minces et longues languettes d'harmonica à bouche rendent faiblement leur son, à l'air libre et sans châssis , lorsqu'un fort courant d'air, sor- tant d'un tuyau délié , vient à passer au devant de leur bord ; cependant l'appeau des oiseleurs décrit par Savart a plus de ressemblance avec un tuyau à bouche. J'obtiens déjà des sons en embrassant avec mes lèvres un épais disque d'ivoire percé d'un trou central, et aspirant l'air ; ce disque peut avoir assez d'épaisseur pour que ses bords soient incapables de vi- brer, de sorte qu'il ne saurait agir comme une languette. B. Instrumens à anche membraneuse ou élastique par tension. L'élude de ces sortes d'anches a été négligée jusqu'ici , et l'on doit d'autant plus le regretter qu'elle renferme la clef de / ^ "«j.'ttr Kir ^- ' \ 26 DES CONDITIONS GENERALES la théorie de la voix de l'homme et des Oiseaux. Biot et Ga- gniard-Latour ont cherché à imiter les lamelles membraneuses de la glotte, appelées cordes vocales, avec des membranes élastiques en caoutchouc, et à fabriquer ainsi un larynx arti- ficiel. Henle s'est servi avec succès de membranes animales dans la même vue ; mais jusqu'à présent cet objet n'avait pas été assez suivi pour qu'il lut permis d'établir un parallèle complet entre les instrumens en question et l'organe vocal. J'ai fait une étude spéciale de la manière dont les Ugamens et les membranes se comportent quand ils agissent comme anches , et je vais rapporter les observations que j ai faites à cet égard. Je dois recommander instamment la lecture du chapitre entier à ceux qui voudront bien comprendre l'appli-j cation que j'en ferai plus tard à la voix de l'homme , et les expériences tentées sur le larynx humain ; je dois inviter aussi le lecteur à bien se pénétrer des points principaux de la théo- rie des instrumens de musi(iue , car sans cela il serait impos- sible de comprendre les détails dans lesquels je vais entrer. On doit déjà prévoir d'avance qu'il y aura des anches à lan- guette membraneuse. L'anche repose sur ce qu'un corps qui de lui-même ne donnerait aucun son par des chocs , ou du moins n'en donnerait que de faibles et sans éclat, produit, par l'impulsion soutenue de l'air, un son correspondant à son élasticité et a sa longueur. Les languettes dont il a été ques- tion jusqu'ici étaient de petites lamelles rigides, en métal ou en bois , qui , en raison de leur brièveté , vibrent par elles- mêmes sans produire de son, tandis que leurs lois de vibra- tion sont celles des verges vibrantes. Des corps élastiques par tension qui deviennent incapables de résonner par percussion lorsqu'ils ont éîé raccourcis , mais qui conservent cependant leurs lois de vibration , peuvent également donner lien à des sons appréciables , par des impulsions soutenues de rai;*. De pareilles anches différeraient des anches rigides , élastiques par elles-mêmes , en ce qu'elles auraient besoin d'être fixées DE LA PRODUCTION DU SON. ^7 sur deux points, comme les cordes , ou de tous côtés , comme les peaux , tandis que les anches rigides ne sont, comme les verges , fixées qu'à une seule extrémité. L'expérience con- firme sur-le-champ celte idée. Lorsqu'on tend un membrane élastique (en caoutchouc) sur l'orifice d'un tuyau en bois, de manière qu'elle couvre la moitié de l'orifice , et qu'on ferme l'autre moitié de celui-ci avec une plaque rigide de bois ou de carton , en ménageant une fente étroite entre la membrane élastique et le bord du corps rigide , on a une anche mem- braneuse, et on obtient un son plein , pur et fort, en soufflant par l'autre bout du tuyau. Je partage les instrumens à anche élastique par tension, en deux classes, comme font été les précédens, savoir ceux qui sont simples , sans tuyau , et ceux qui ont un tuyau modifiant le son. d. Anches membraneuses simples sans tuyau, a. Anches tendues à la manière des cordes. Les anches simples de cette espèce correspondent à la guimbarde et à l'harmonica à bouche de la section précédente. Après avoir étendu une plaque de caoutchouc en membrane mince, j'en détache une étroite lanière, ayant une ou deuxlignes de large , et je tends cette lanière en travers sur un anneau en bois ou sur un cadre carré. Etant alors pincée à la manière d'une corde, elle donne un son faible et sourd, mais aussi mau- vais que celui qu'une languette métallique produit par percus- sion. Si , de chaque côté du fil élastique plat on fixe sur l'an- neau une plaque rigide en carton ou en bois, de manière que les deux plaques soient affleurées avec le fil , entre lequel et elles il ne reste qu'une fente étroite , on obtient une har- monica à bouche , dont la languette est en caoutchouc. Cet instrument donne alors, comme rharmouica à bouche , un son pur, fort et plein. Mais on peut aussi , sans entourer celte languette d'un cadre, et sans que l'air passe sur ses côtés par des fentes, obtenir d'elle des sons pleins, d'une autre manière aS DES CONDITIONS GÉNÉRALES et en vertu du même principe. J'ai déjà dit , en parlant des languettes métalliques , que celle d'une harmonica à bouche débarrassée de son châssis , et fixée par l'un de ses bouts , peut , pourvu qu'elle soit très-longue , être mise en état de vibration sonore par un courant d'air rapide et délié qu'à l'aide d'un tube îrès-mince on dirige sur l'un des bords laté- raux, immédiatement au dessus de l'extrémité. Cependant on a de la peine à y parvenir avec les languettes métalliques , parce qu'elles sont troproides. On réussit très-bien avec les lanières de caoutchouc dont je viens de parler. Qu'on tende un ruban étroit de gomme élastique sur un cadre de huit li- gnes à un pouce de diamètre , qu'ensuite, à l'aide d'un tube déhé, on souffle sur l'un de ses bords dans une direction per- pendiculaire à sa surface , il vibre d'un côté à l'autre , en fai- sant entendre un son. Ou , ce qui vaut mieux encore , qu'on souffle obliquement de côté sur la surface du ruban , il se pro- duit aussitôt des vibrations de haut en bas, avec un son fort et pur, ayant la même résonnance que celui qu'on obtient lors- que, le ruban étant tendu entre deux jambages solides, on souffle à travers la fente. Ce son naît évidemment de la même manière que dans les languettes métaUiques. Quand un cou- rant d'air délié vient frapper le ruban , celui-ci s'éloigne du corps qui le choque ; mais comme son élasticité croît à mesure qu'il s'étend , un moment arrive où cette élasticité fait équi- libre à sa vitesse , et alors le ruban exécute la vibration rétro- grade, qui le ramène assez près du courant pour qu'il doive être repoussé de nouveau. Que le courant d'air tombe obli- quement sur le milieu du ruban, ou qu'il passe entre le miheu et les points terminaux, le son fondamental de ce ruban doit se produire dans les deux cas : quelquefois , lorsque le cou- rant s'écarte davantage du milieu, il apparaît un autre son que le son fondamental. Mais le son dépend aussi, en quelque sorte , de la force avec laquelle on souffle. Si Ton applique le tranchant d'une spalhule sur le milieu du ruban , dans une DE LA PRODUCTION DU SON. 29 direction perpendiculaire à sa surface, de manière qu il re- pose à la fois sur deux points , et qu'ensuite on souffle sur la moitié du ruban, on obtient l'octave du son fondamental. Une tension plus considérable élève le son , qui n'en demeure pas moins pur et plein. Quant à la force du souffle, elle peut hausser le son fondamental du ruban d'un semi-ton et plus. En général cependant ces languettes élastiques par tension changent leurs vibrations absolument de la même manière que les cordes , c'est-à-dire que les nombres des vibrations croissent en raison inverse des longueurs , et probablement, par cela même, en raison directe des racines carrées des forces tensives. C'est déjà là une différence importante entre elles et les languettes métalliques, qui se comportent comme les verges, puisque, à égalité d'épaisseur, les nombres des vibrations sont en raison inverse des carrés de leurs longueurs. Les languettes mem- braneuses ne diffèrent des cordes que parce que le mode d'em- bouchure modifie un peu le son, quoique la languette continue de vibrer en plein, ou de toute sa longueur, comme une corde. Lorsqu'après avoir tendu sur un tuyau une languette membra- neuse embrassée par un cadre , on souffle par le tuyau, un son se produit, soit qu'on pousse l'air, soit qu'on l'attire ; mais, à égalité aussi parfaite que possible d'embouchure, ce son varie dans les deux cas : dans le second , il est la plupart du temps plus grave d'un semi-ton à un ton entier. La largeur de la fente entre les branches et la languette élastique n'a pas d'influence bien notable sur l'élévation du son ; mais le souffle parle plus facilement lorsque cette fente est plus étroite. La force du souffle peut élever un peu le son, par exemple d'un semi-ton ; celle de l'aspiration de l'air peut également l'élever un peu. Si la languette heurte , en un point quelconque , une inégalité du rebord des branches latérales qui l'embrassent , il se produit là un nœud de vibration, et l'on entend un son beaucoup plus élevé que le son fondamental. Mais les anches membraneuses élastiques par tension peu- I 3o DES CONDITIONS GENERALES vent être réalisées sous des formes plus variées que celles qui ont été indiquées jusqu'ici. Je n'ai encore parlé que du cas d'un ruban élastique tendu, à la manière d'une corde , entre deux branches rigides , ce qui fait qu'il existe une fente sur chacun de ses deux bords. Deux autres formes encore sont possibles : 1** Une membrane élastique couvre une moitié ou une par- tie quelconque du bout d'un tuyau très-court , et la portion sur laquelle elle ne s'étend point est couverte par une plaque rigide, laissant une fente entre elle et la membrane. 2° Deux membranes élastiques sont tendues de telle ma- nière, sur le bout d'un tuyau très-court , que chacune couvre une partie de l'ouverture, et qu'elles laissent entre elles une fente. Lorsque la fente est bornée , d'un côté , par la membrane élastique , et d'un autre côté par une plaque rigide , à bord tranchant , par exemple en carton ou en bois , le résultat est le même que dans le cas d'une languette libre des deux côtés. Le son qu'on détermine en soufflant à travers le tuyau est d'un semi-ton à un ton entier plus élevé que celui qu'on produit en poussant un courant d'air délié sur la membrane elle-même et le dirigeant vers son bord. Dans tous les cas, on peut, en soufflant avec plus de force, élever de deux semi tons, mais pas davantage , le son produit par le souffle. Celui qui a lieu quand on aspire l'air est plus aigu ; il n'est plus grave que quand la plaque rigide se trouve placée un peu en dedans , et que son bord est situé derrière la membrane. Si l'on emploie un tuyau rond , la membrane n'est tendue , comme dans le cas d'un tuyau quadrilatère , que suivant une direction parallèle à la fente. Or on sait que les membranes tendues dans un sens , vibrent d'après les mêmes lois que les corps filiformes élasti- ques par tension. Les expériences dont je parle ici en four- nissent aussi la preuve ; car lorsqu'on tend une membrane en caoutchouc sur un châssis carré , de manière qu'elle ne soit DE LA PRODUCTION DU SON. 3l tendue que dans une seule direction , l'un des bords étant libre et le bord opposé reposant sur le châssis , la lame entière donne le son fondamental si l'on souffle avec force sur le bord au moyen d'un petit tube très-fin , tandis que si Ton place un fil sur elle en travers , ou peut , à l'aide du souffle , faire ren- dre l'octave à chacune de ses deux moitiés. Comme les membranes tendues dans une seule direction changent leurs vibrations d'après les mêmes lois que les corps filiformes élastiques par tension , il résulte de là qu'à égalité de tension , et l'embouchure restant la même , l'élévation du son augmente en raison inverse de la longueur de la mem- brane ou de la fente comprise entre la lame élastique et la plaque rigide. Je ne me suis point aperçu que la largeur de la fente influât sur l'élévation du son , comme il arrive avec les languettes métulliques; mais le souffle ne parle plus dès que la fente est trop large. La situation du châssis par rapport à la languette , est une circonstance importante. Lorsque le bord de la plaque en lai- ton est situé précisément en face de la languette membra- neuse, le son peut être plus élevé de l'intervalle ut -fa, ou moins , que quand la plaque solide est un peu plus avancée que la lame élastique. Le cas le plus intéressant est celui dans lequel deux mem- branes élastiques limitent la fente , de manière à imiter une glotte ; ces membranes peuvent être également ou inégale- ment tendues. Les membranes en caoutchouc tendues faisant entendre un son lorsqu'on dirige un courant d'air sur leurs bords , celte particularité nous fournit le moy 'U d'amener au même degré de tension deux membranes de gomme élastique d'égale lon- gueur, en changeant leur tension jusqu'à ce qu'elles rendent le même son quand on souffle sur leur bord avec un tube délié. Pour que l'une d'elles résonne sans l'autre , on abaisse un peu 32 DES CONDITIONS GENERALES celle qu'on ne veut pas faire parler, ou on la couvre d'une lame mince en carton. Une fois qu'elles sont tendues bien éga- lement l'une à côlé de l'autre sur un châssis carré, on examine quel est le son qu'elles produisent ensemble. Je l'ai trouvé plus grave que le son fondamental donné par chaque lamelle isolée au moyen d'un courant d'air dirigé sur elle avec un petit tube. Chacune d'elles donnant le la, leur son commua était sol^ ; leur son propre étant ut , elles faisaient entendre ensemble si; étant accordées chacune en si, elles donnaient ensemble /a|^. Quand elles ne rendent pas toutes deux le même son , à cause d'une inégalité dans leur tension , il pa- raît souvent ne point s'étabhr d'accommodation semblable à celle qui a lieu entre les vibrations de la languette métallique et de l'air du tuyau. On parvient rarement à obtenir les sons des deux lamelles avec le souffle. Le son que l'on entend en soufflant est ordinairement unique , comme si la lamelle plus tendue ou celle qui l'est moins ne résonnait pas , ou comme on l'entend lorsqu'on empêche l'une des deux lames de vibrer en appliquant dessus une plaque de carton. Il arrive fré- quemment que la lamelle qui parle avec peine , parce qu'elle est accordée trop bas, ne vibre que faiblement, et qu'elle est poussée un peu en avant. Les expériences suivantes expliquent la résonnance d'un seul côté. Par exemple , les deux lamelles étaient accordées de manière à donner deux sons différens d'une octave , si l'on soufflait sur l'une par le tuyau sur lequel elle était tendue , pendant qu'on tenait une plaque solide appliquée sur l'autre côté de la fente , elle donnait ré. Lorsqu'on enlevait la plaque solide, de manière que les deux lamelles, entre les tensions desquelles il y avait une octave de différence , limitassent la fente , le son était également ré , comme dans le cas où l'on retenait une des lamelles , et , en soufflant avec force , on pou- vait le faire monter jusqu'à ré^, mi^ fa. Quand le son produit immédiatement sans tuyau ? par un courant d'air délié , était DE LA PRODUCTION DU SON. 35 mi pour la lamelle la moins tendue , et si pour l'autre , de ma- nière que la différence entre elles fût d'une quinte , le son que Ton obtenait par le tuyau , après avoir posé une plaque de carton sur la plus tendue , était sol. En retirant la plaque, de manière que les deux lamelles limitassent la fente , le son fondamental obtenu par la tuyau était également sol. Si l'une des lamelles donnait ut , et l'autre plus tendue retf, j'obtenais , en soufflant doucement dans le tuyau , ut^ c'est-à-dire le son fondamental de la lamelle la plus grave. Dans ce dernier cas, la lamelle donnant le son le plus aigu se comportait d'une ma- nière passive , et n'influait pas sur les vibrations de celle qui donnait le son le plus grave. Mais il paraît que les vibrations agissent réellement quelquefois les unes sur les autres. Cagniard la Tour a déjà obtenu ce résultat dans une expé- rience analogue , c'est-à-dire qu'il a vu s'accommoder en- semble les vibrations des deux lamelles différemment accor- dées , et que , par exemple , quand la différence entre celles- ci était d'une quinte , le son produit en commun offrait la moyenne , ou la tierce. Je ne puis mettre en doute ce résultat ; mais je dois appeler l'attention sur une source d'erreur dans ces sortes d'expériences. On croit souvent apercevoir une ac- commodation là où il n'y en a point , à proprement parler. Ainsi , dans une expérience que j'ai faite , la différence entre les deux lamelles était d'une octave ; l'instrument donnait le si^ et la lamelle la plus tendue faisait entendra le fa au des- sus ; il semblait qu'une accommodation eût lieu dans ce cas, et que la lamelle donnant fa produisît le si avec celle qui était plus grave qu'elle d'une octave. Mais l'accommodation n'était qu'apparente; car lorsque je repoussais la lamelle la plus grave , et plaçais une lame en carton contre l'autre , de ma- nière que les deux bords ne fussent plus en face l'un de l'au- tre , mais que la lame solide fît une légère saillie au dessus de la lamelle élastique , celle-ci , en parlant seule , donnait noa plus fa , mais si , comme elle aurait fait si la fente eût été II. 3 34 DES CONDITIONS, GÉNÉRALES limitée par deux lamelles. La lame solide avait ici la même situation absolument que la lamelle lu plus grave prend , tan- dis qu'on souffle , lorsqu'elle limite inégalement la fente ; en effet, le souffle la chasse un peu en avant , et elle ne vibre que faiblement, La règle est celle-ci : la lamelle qui résonne est celle qui peut le plus facilement être mise en vibration par le souffle , et si Tembouchure est appropriée au mouvement des deux lamelles , elles peuvent vibrer toutes deux , et s'accommoder ensemble pour produire un son simple ; mais elles peuvent aussi donner des sons différens , c'est-à-dire que l'embouchure peut , lorsqu'elle change , produire les deux sons l'un après l'autre. Les languettes métalliques de l'harmonica à bouche ne s'ac- commodent point lorsqu'on les fait parler ensemble par le même porte-vent de la bouche. Les membranes élastiques peuvent, du reste , être placées aussi les unes sur les autres par leurs bords. Dans ce cas égale- ment;, on obtient des sons purs en soufflant. On peut modifier beaucoup les sons en posant le doigt sur différens points de la lamelle vibrante. Ces expériences ont été faites avec des membranes en caoutchouc qui étaient tendues sur l'extrémité d'un cylindre. Quand je posais le doigt sur le pourtour extérieur d'une des lamelles, le son s'élevait un peu , et, à mesure que je rapprochais le doigt de la fente, l'acuité des sons produits par le souffle augmentait. Les anches membraneuses diffèrent des anches métalliques sous le rapport du changement que le son subit lorsqu'on souffle avec plus de force. Un corps qui exécute des vibrations longitudinales, comme une colonne d'air^rend un son un peu plus aigu quand on donne plus de force au souffle ; un corps (Jui exécute des vibrations transversales donne des sons un ,peu plus graves lorsque ses excursions sont grandes , comme il arrive aux cordes et aux languettes métalliques. De là vient DE LA PRODUCTION DU SON. 3 S que le son d'une anchemétailiqueestun peu plusgrave quand on souflle plus fort (ce qui tient peut-être à ce que la base de la languette métalli.pe ne vibre point quand le souffle est faible). Mais les lamelles membraneuses ne se comportent point , à cet égard , de la même manière que d'autres corps qui vibrent en travers , comme les cordes. En effet toutes les fois qu'on souffle avec plus de force, le son devient plus aigu. Cependant il me semble aussi que le son d'une harmonica à bouche à languette métallique mince s'élève un peu quand on chasse l'air avec force , et le son de l'anche très -délicate d'une trompette d'enfant parcourt, lorsqu'on accroît graduel- lement la force du souffle , retendue entière d'une octave et demie sans intervalles, soit qu'on ne souffle que dans la pièce qui la renferme , soit qu'on souffle dans le tuyau entier. b. Anches tendues en manière de tympan. Deux membranes laissant entre elles une fente , que Ton tend en plusieurs sens , et non pas de deux côtés seulement , à l'extrémité d'un tuyau , ont déjà de l'analogie avec les tym- pans; il en est de même d'une membrane qui est tendue de tous les côtés au bout d'un tuyau, mais qui présente, dans son milieu , une ouverture arrondie pour le passage de l'air. Cependant cette dernière ne parle généralement pas , ou ne donne que rarement un son faible. La question se présente encore de savoir si les sons engen- drés par des languettes membraneuses peuvent aussi être mo- difiés , quant à leur élévation , par l'addition de tuyaux de longueur diverse , ainsi qu'il arrive aux anches dont les lan- guettes sont en métal. J'ai ajouté de ces tubes laniôt devant, tantôt derrière le cadre dans lequel étaient tendues les lamelles en caoutchouc, et j'ai remarqué qu'ils exerçaient , aussi bien que le souffle , une grande influence sur l'élévation du son. 2. Anches membraneuses avec tuyau. Pour étudier l'influence du tuyau , je me servis d'abord 36 BES CONDITIONS GÉNÉRALES d'un corps de clarinette , à l'égard duquel on connaît Tin- fluence de la colonne d'air qu'il renferme sur le son de l'an- che et celle des divers trous dont il est percé sur la modifica- tion du son. J'enlevais l'anche ordinaire , et je la remplaçais par une autre faite avec une lanjjuette membraiieuse en caoutchouc. La plaque ne fut pas toujours accordée de la même manière dans les diverses expériences ; cependant le résultat demeura , généralement parlant , le même à peu près. La clarinette étant préparée ainsi , j'examine ce qui a lieu quand on ouvre ou ferme les trous latéraux. On ne tarde pas à s'apercevoir que le tuyau de la clarinette rend plus grave le son fondamental de la languette membraneuse , mais que l'in- fluence des trous latéraux est beaucoup moins grande que quand ce tuyau se trouve garni de son anche ordinaire. En ouvrant successivement les trous et les clefs de bas en haut , on peut , dans une clarinette ordinaire , élever le son succes- sivement par semi-tons. Mais quand on a substitué la lan- guette membraneuse à l'anche ordinaire , l'élévation du son, par Touverture successive des trous de bas en haut , n'a lieu que d'une manière tout-à-fait insensible , et ne dépasse pas un semi-ton jusqu'aux trous les plus élevés, qui seuls exer- cent une influence notable. Lorsque ceux-ci étaient ouverts , l'élévation du son au dessus de celui qu'on obtenait tous les trous latéraux étant fermés , n'était que d'un ton entier. Pour apprendre à connaître d'une manière plus précise l'influence des tuyaux adaptés aux languettes membraneuses, je fis fabriquer , pour être ajustés à l'anche munie d'une lan- guette membraneuse , des tuyaux cylindriques en carton , de longueur différente , et susceptibles de s'emboîter les uns dans les autres. Le diamètre transversal de ces tuyaux s'élevait à un pouce. Le premier était destiné à recevoir Tanche munie d'une languette membraneuse. Les membranes étaient ten- dues à l'extrémité d'un court tuyau. Les anches étaient diffé- DE lA PRODrCTION DU SON. 5^] rentes aussi. L'une était couverte de deux petites plaques en carton , laissant entre elles une fente , dans laquelle se trou- vait tendu un mince ruban de caoutchouc , faisant office de languette. Une autre n'était qu'à moitié couverte d'une plaque en bois , de manière que Ion pouvait couvrir l'autre moitié d'une lame en caoutchouc tendue. Une troisième était sans plaque de bois, et couverte de lames en caoutchouc tendues , qui s'appliquaient immédiatement l'une contre l'autre. Une quatrième était aussi couverte de deux lames en caoutchouc : dans celle-ci, l'ouverture sur laquelle les lamelles étaient tendues , se trouvait de côté , de manière que la fente mar- chait parallèlement à la longueur de l'anche , comme dans les anches ordinaires des tuyaux à anche. L'ouverture des trois premières anches avait , au contraire , sa fente dirigée en sens opposé à l'axe. Le tuyau de l'anche servait pour souffler. L'autre bout , où se trouvait la languette , s'ajustait dans l'une des extrémités du premier tuyau en carton. Les tuyaux étaient au nombre de cinq. Le premier servait comme de pied pour recevoir l'anche-, il était disposé de manière que le son fondamental de sa colonne d'air fut 7it^,. Un se- cond tuyau pouvait s'adapter au précédent, et le luthier l'avait mesuré de telle sorte qu'avec celui-là il donnât Vut^. Le troi- sième tuyau donnait, avec le pied, la quinte, sol^. Le quatrième tuyau était calculé pour donner ^^3 avec le pied. Le cinquième avait assez de longueur pour produire Vut^ avec le précédent et le pied. D'après cela , les tuyaux pouvaient être combinés de manière à donner seuls , sans anche , Vut^^ , son octave ut^ , la quinte de celui-ci sol^ , l'octave de Lavant-dernier ou ut. y et l'octave de celui-ci, w^„. J'unissais Lanche munie d'une languette membraneuse à ces tuyaux de longueur diverse , et j'examinais l'influence qu'ils exerçaient sur le son rendu par elle. Les expériences ont donné des résultats fort d fl'érens. Presque toujours le bec rendait le son foudanienial de l'anche un peu plus grave , 38 DES CONDITIONS GENERALES tantôt de moins d'un semi-ton, tantôt d'un semi-ton à un ton enîier ; cependant je ne pus encore découvrir de règle fixe. En ajoutant le second tuyau au bec , le son devint plus grave , ou s'éleva d'un plusieurs semi-tons , et sous ce rapport non plus je ne pus arriver à une règle précise. Pour avoir un point fixe de comparaison dans des expériences aussi difficiles, je pris toujours pour base le son produit par le souffle le plus faible, et je donnai l'exclusion sous ce rapport à ceux plus aigus qu'un courant d'air plus fort détermine en faisant naître des nœuds ^de vibration dans le tuyau ajouté. Il y eut même quelques cas où je ne remarquai pas d'abaissement du son en adaptant la seconde pièce , qui ajoutait cependant une octave. Dans ces cas , il survenait quelquefois un petit abaissement d'un semi-ton ou d'un ton entier lorsque j'ajoutais le tuyau ; dans d'autres, au contraire , le son que l'anche avait avec le premier tuyau se conservait sans changement , même après l'addition du second, du troisième et des autres. Quand le son était abaissé par l'adaptation du second tuyau , l'addition de la pièce suivante le relevait ordinairement assez pour le rap- procher de celui que l'anche donnait avec le bec seul, ou pour l'y rendre égal, et alors le son demeurait le même, ou à peu près, quand on ajoutait les derniers tuyaux, ou bien l'addition du dernier l'abaissait de nouveau un peu. J'employais pour base de comparaison des sons de l'anche seule avec les sons que les tuyaux étaient aptes à donner seuls , un tube labial particulier ayant le même son fondamental que celui du bec avec le premier tuyau, ut^. Le son de l'anche et les sons qu'elle produisait avec les tuyaux étaient déterminés chaque fois sur un piano bien accordé. Comme le rapport du son de l'anche à celui du tuyau , et les difiérences dans la force du souffle et la manière de souffler, qu'il était impossible d'éviter, auxquelles même il devenait nécessaire de recourir pour ob» tenir encore un son grave avec certains tuyaux , ne permet- taient pas d'arriver à des résultats uniformes , l'exposé des DE LA PllODUCTlON DO SON. 3g nombreuses expériences qui ont été tentées ne compenserait guère la peine qu'il donnerait. Je me contenterai donc de citer un seul exemple d'une anche unilabiale, afin de montrer com- bien le résultat était inéj<^al. I. L'anche était tendue de manière à donner seule, quand on soufflait dessus avec un petit tube , le son fondamental ut^ du tuyau à bouche. Anche soufflée par le court tuyau d'embouchure , seule et sans tuyau ajouté ^la^ de l'octave précédente. Avec le bec , soWg , un semi ton plus bas. La longueur du bec portée d'un pied à deux , ou le bec avec le tuyau qui donnait avec lui l'octave grave du bec ou Avec le tuyau suivant le son s'élevait à aol^. IL Anche avec le tuyau d'embouchure /«ftg au dessous du son fondamental ut^ du tube labial. Avec le bec la^^. En doublant le bec par l'addition du tuyau suivant , jo/i^g. Bec avec le pied donnant la quiute , la^^ , comme avec le bec seui. La longueur du bec portée de 1 à 4 , la^. Cette longueur portée de 1 à 8 , la^^ , comme avec le bec seul. IIL Anche avec le tuyau d'embouchure seul , la^ au des- sous du son fondamental ut^ du tube labial. Avec le bec, la^. La longueur du bec portée de 1 à 2, fa^^ plus grave. Le bec et le tuyau donnant la quinte j/atts- La longueur du bec portée de 1 à 4, «o/S,, La longueur portée de 4 à 8 , fa^^' IV. L'anche, par Tembouchure seule, donne wig au des- sous du son fondamental ut^ du tube labial. Avec le bec ré^.^. Longueur du bec portée de l^à 2 , mi^. 4o I>ES CONDITIONS GÉNÉRALES Le bec avec le tuyau donnant la quinte , rei^g. Long^ueur portée de ^ à 4 , mi^. Longueur portée de 1 à 8 , mi^, V. L'anche , avec le tuyau d'embouchure seul , donne mi^ au dessous du son fondamental ut^ du tube labial. Avec le bec, ré^. Longueur portée de 1 à 2 , point de son. Le bec et le tuyau donnant la quinte, re^g. Longueur portée de 1 à 4 , mi^ . Longueur portée de 1 à 8, point de son dans la même octave, si^ peu prononcé de l'octave au dessus , en soufflant plus fort. VL L'anche par l'embouchure seule ut^^ , au dessous de VutJ^ du tube labial. Avec le bec , ut^^ un semi-ton plus bas. Longueur portée de 1 à 2 , utjjli^. Le bec et le tuyau donnant la quinte , ut^^. Longueur portée de 1 à 4 , /aff, plus grave. Longueur portée de 1 à 8 , ut^^. VIL L'anche , par l'embouchure , s' accordant avec le son fondamental ut^ du tube labial. Avec le bec , si^ , un semi-ton plus bas. Longueur portée de 1 à 2 , /«s , plus grave. Le bec et le tuyau donnant la quinte y fa^. Longueur portée de 1 à 4 , sol]^^. Longueur portée de là 8, /àjifs, VIIL L'anche par l'embouchure seule, une octave au dessus du son fondamental ut^ du tube labial. Avec le bec , ut^. Longueur portée de 1 à 2 , ut^. Le bec et le tuyau donnant la quinte , ut^. Longueur portée de 1 à 4 , si^. Longueur portée de 1 à 8 , «^^b- IX. L'anche par l'embouchure ré^ de l'octave au dessus du son fondamental nt^ du tube labial. DE tA PRODUCTION DU SON. 4^ Avec le bec , re^. Longueur portée de 1 à 2, ré^. Le bec et le tuyau donnant la quinte , ré^. Longueur portée de 1 à 4, re^g. Longueur portée de d à 8, ré^^^ sans pureté. Les contradictions qui régnent entre ces expériences sau- tent aux yeux. Elles tiennent d'un côté à la différence de rap- port entre le son fondamental de l'anche et celui du tuvau ajouté , d'un autre côté à celle dans la manière de souffler qui était nécessaire pour faire sortir le son , mais qui le modifiait sur-le-champ. Ce qui ressort certainement de ces expériences, c'est qu'un tuyau court , dont le son propre , sans anche, se- rait beaucoup plus élevé que celui de l'anche seule , n'élève pas le son quand le souffle est court , mais l'abaisse ordinaire- ment un peu , et qu'en allongeant le tuyau lorsque le son est tombé , on finit par le ramener presque au son primitif. Dans les expériences précédentes , la bouche avait été em- ployée pour faire parler les anches à languette membraneuse. Il était intéressant de rechercher ce qui arriverait si , au lieu de souffler avec la bouche dans une anche établie sur un tuyau de rapport , ce qui produit nécessairement un courant d'air dans ce dernier, on faisait parler la languette membraneuse en soufflant dessus avec un tube délié, cas dans lequel le tuyau ne serait point traversé par un courant d'air. Ici encore le tuyau de rapport ne fut pas sans influence sur les modification du son de l'anche. Je vais rapporter quelques unes des expériences que j'ai faites en ce sens. I. Son de la languette en caoutchouc de l'anche, sans au- cun tuyau , en la faisant parler avec un tube très-fin ^ si,. Avec le bec laj^^. Addition d'un tuyau de tit^ , souffle avec le même tube que précédemment , si^ qui sort mal. Le bec avec le tuyau donnant la quinte , si^. Addition d'un tuyau de M^s , 5o/i^3 . ^^ "^ . ^\ -***- J^J 4i DES CONDITIONS GENERALES Addition d'un tuyau d'^^, , lai^^' ir. Son d'une languette avec un tuyau de trois pouces et demi, uf^. Avec le tuyau dWg, ut^. Avec le tuyau d'td^ , ut^. Le bec avec le tuyau donnant la quinte, ut^. Avec le tuyau &ut^ , uf^. Avec le tuyau d'ut^ , si^. III. Son d'une languette avec un tuyau de trois pouces et demi, re'^g. Avec le tuyau d^ut^ , ré^ . Avec le tuyau d'ut^ , rê^ . Le bec avec le tuyau donnant la quinte , ut^^. Avec le tuyau d'iit^ , rej^g. Avec le tuyau dVf^ , rê. IV. Son d'une languette avec un tuyau de deux pouces et demi , si^. Avec le tuyau d'wfg, la^^. Avec le tuyau d^ut^ , si^ faible. Avec le tuyau d\it^ , si^ faible. Avec le tuyau d'ut^^si^ faible. Les séries d'expériences que je viens de reproduire , ne donnent qu'une idée imparfaite de la manière dont le son de la languette est modifié par le tuyau de rapport. Les tuyaux d'un volume déterminé produisent peu d'effet dans certains cas, et cependant d'autres en déterminent un bien prononcé. Afin de découvrir la loi du phénomène, j'employai des tuyaux d'un pouce de diamètre , susceptibles d être portés successi- vement jusqu'à la longueur de quatre pieds, en y faisant en- trer d'autres tuyaux plus grêles. Je pouvais parvenir ainsi à mesurer , depuis les plus petites dimensions , quelle est l'in- fluence que le tuyau ajouté exerce sur le son de l'anclie. J'ai fait à ce sujet les expériences suivantes, l DE LA PRODUCTION DU SON. 45 î. Son fondamental d'une anche unilabiale en caoutchonc (au moyen d'un tube de trois pouces) , uti^^. 30p 31p 36p 48p si^ et ui^^ si^ et u% m. Le son saute de la^ à ut^^, qui persiste jusqu'à prè^ de 30 pouces de tuyau. Le son baisse. Le son saute de «i» à ut^^. Le son baisse. Le son saule. 44 I^ES CONDITIONS GÉNÉRALES | II. Son fondamental d'une anche unilabiale en caoutchouc , en soufflant avec la bouche , ré^^. TUYAU AJOUTÉ. SON. REMARQUES. 0 r^'it. 3^ ?'C, Le son baisse. 4P 6^ ut^. » 5p ut^ M 6'' 6' ^*3 » 7p ^^i^s » Sp '^« » Ç)P 6^ 50/j^3 » iQp 50/1:^3 et M/j:^^ Le son saute de sol^^ à ut^^. i\p "^j^. Le son baisse. 13'^ utj^ )) 17p 6' si^ w 20/^ la^. » 22'^ la. » 23'' 6^ sol>^. » 26p 6^ sol^^ et si^ L'un après l'autre. Saut. 3iP l^^^ 35P la^ Le son baisse. 39" ^Ol^z 41" sol^, et «3 L'un après l'autre. 45'' la^. Le son baisse. DE LA PRODUCTION ÛU SON. III. Anche unilabiale sans porte-vent. 45 TUYAU AJOUTÉ. SON. REMARQUES, 3P 6^ f^. 4P mi^ Le son baisse. 4P 6^ ^é^^ » ÔP ré. j» 6p ^^^^ » 6p 8^ ut^ n 7P 6^ sh M 8p H. » 8p & ut^ t) 9p solj^. » 9p 6^ sol. » IOp Ms M lip 3^ /«s W 12p mi^ » 12p 6^ ré^i » 14p ré. » 17p 6^ ré^3 » 19p réj^, et ut^ L'un après l'autre. Saut. 20p 3^ «»3 Le son baisse. 2lP la^^ M 22p 6^ la^ » ' 24p sol^. » 25P sol^ M 29P 9^ H. » 33P fa. » 34p 3^ mi^ » sep 6^ ré^z » 38p 6' ré^s et ut^ L'un après l'autre. Saut. 40p ré^. Le son baisse. 42p ré. » 42p 9^ ut^^ » 46 DES CONDITIONS GENERALES Suite du tableau n° III, TUYAU AJOUTÉ. SON, REMARQUES. /53p 4^ ut^ Le son baisse. 44p 4' Sh » 44p 6^ la^. Id. b^p la' Id. 46P solj^. Id. IV. Son d'une anche unilabiale , par la bouche , sans porte- vent , sia . TUYAU AJOUTÉ. SON. REMÀBQnES. 0 sii IP 5.' H^ Le son baisse. 2p la^ Id. 3p ^^H^ » ip 6^ sol^ » 9P H^ ' B IQp /«8 » 13P mig » 17P ^^h » 22P 4^ H. Saut. 23P sols Le son baisse. 25P 6^ Mz » 27P 6^ K » 32P mi^ » 37P 6^ ré^^ » 40P sol^ Saut. 42p 6' M, Le son baisse. 45P fa l }> DE LA PRODUCTION DU SON. [\n V. Son d'une anche unilabiale en caoutchouc parlant avec la bouche , mi^. TUYAU AJOUTÉ. SON. REMARQUES. 3P ^^'«4 Le son tombe. 3P 9^ re^ Id. 4P 9^ "^«4 » 5p 6^ w/^ » 6? 2' •y*8 » çv 4' Mz » IOp la^ Id. 13P 6' ré^. Saut. .15P Té^ Le son baisse. 15P 8^ ''H^ » 17P 6' Utj^ » 20P si. » 24p la^ » 2Sp ^^#4 Saut. 29p 6^ ré. Le son baisse. 30P ut^ » 30^ 6^ < » 34? H^ » 35?^ la^ » 41? 6^ réj^^ et mi^ Saut. 42? ut. » 43? S*3 » 48 r)ES CONDITIONS CÉNÉRALES VI. Son d'une anche unilabiale en caoutchouc avec un luyau de 5 pouces , sol^. Le bord de l'anche repose un peu sur la plaque de bois , ou le cadre. Le son baisse jusqu'à une longueur de luyau de 21 pouces , saule alors , puis baisse de nouveau jusqu'à 42 pouces, ensuite saute et baisse encore. Ces expériences ont été répétées plusieurs fois , et elles ont donné des résultats semblables. Les expériences de la première série, faites avec des tuyaux de rapport qui restaient les mêmes , mais en se servant d'an- ches dont le son propre avait une élévation différente , prou- vent déjà que le changement de son d'une anche membra- neuse ne dépend pas uniformément de la longueur absolue du tuyau qu'on ajoute. Celles que je viens de rapporter dé- montrent avec plus de précision encore que ce changement tient au rapport qui existe entre le son fondamental de l'anche et celui des tuyaux. Nos tuyaux avaient un pouce de dia- mètre. Un semblable tuyau , long de onze pouces et quatre lignes , a pour son fondamental ut^. On peut calculer d'après cela les sons fondamentaux de chacun des tuyaux que l'on emploie. Ordinairement , par des tuyaux successifs , ou par l'allongement du tuyau , le son baisse par tous les semi tons jusqu'à ce que le tuyau ait acquis une longueur telle que le son fondamental qu'il produit à lui seul se rapproche de celui de l'anche, et l'abaissement cesse dès avant qu'on en soit arrivé là ; car il n'est pas facile d'abaisser ainsi le son d'une octave ; par exemple, on ne peut le faire descendre';que de uf^ à /«» (exp. 1"), de revr^ 3i soîj^^ (exp. 2) , de mi^ à la. (exp. 5). A une certaine limite , il remonte , par un saut , au son foH- damenlal de l'anche , ou à peu près ; et lorsque ensuite on ajoute de nouveaux tuyaux, il redescend jus(|u'à ce que ceux- ci aient acquis environ une longueur double , puis il remonte, et l'addition d'autres tuyaux le fait encore [descendre. Dans plusieurs cas (exp. 3) , l'abaissement se pi'olongea presque jusqu'à une octave. Le saut n'avait point lie;u alors quaud le DE LA. PRODUCTION DU SON. 49 tuyau avait acquis à peu près assez de longueur pour que son son fondamental fût rapproché de celui de l'anche , mais seu- lement lorsqu'il était arrivé au double de cette longueur. Les causes de cette différence me sont demeurées inconnues. Mais ce qui ressort déjà des expériences, c'est qu'un tuyau à anche membraneuse se comporte à peu près de la même manière que ceux à anche métallique, lorsqu'on y ajoute des tuyaux. Dans ces derniers , les expériences comportent une bien plus grande précision , parce que le changement de force du souffle ne modifie que très-peu le son des anches métal- liques , tandis qu'il change avec beaucoup de facilité celui des anches membraneuses d'un semi-ton ou même d'un ton entier. En faisant parler les anches avec un soufflet chargé de poids, on pourrait remédier jusqu'à un certain point à cet inconvénient : cependant le souffle avec la bouche , permet- tant de réduire le vent au plus bas degré susceptible de pro- duire un son , présente certains avantages , et l'on peut à peine éviter d'y recourir , parce qu'il n'y a souvent qu'un mode particulier d'embouchure et de disposition des lèvres , sans changement dans la force du souffle , qui fasse sortir tel ou tel son. Nous devons à Weber des.recherches, classiques [sur les changemens que les tuyaux de rapport font ^éprouver aux sons des tuyaux à anches métalliques. Il a donné les éclair- cissemens suivans à cet égard. Soit a le quart de la longueur d'un tuyau dont la colonne d'air a le même son fondamental que l'anche isolée. Plus le son isolé de l'anche est grave ou aigu , plus a doit être long ou court. 1° Un tuyau prolongé jusqu'à a abaisse le son d'une ma- nière insensible. 2° En portant la longueur de a à 2 a , l'abaissement aug- mente sensiblement ; cependant la durée des vibrations croît plus lentement que la longueur des colonnes d'air. II. 4 5o DES CONDITIONS GÉNÉRALES 3« Pendant que la longueur de la longueur de la colonne d'air croît de 2a à 3a, le son s'abaisse rapidement , et la gra- vité augmente avec presque autant de vitesse que la longueur de la colonne d'air. d'' En allongeant de 3a à 4a, le ton baisse plus rapidement encore, jusqu'à ce qu'enfin il soit plus grave d'une octave que celui de Tanche seule. En continuant d'allonger , le son re- vient tout à coup , par un saut , au son élevé de la plaque isolée , et si l'on allonge encore , il recommence à s'abaisser de la même manière , jusqu'à ce qu'à une longueur de 8a , il soit d'une quarte environ plus grave que celui de Tanche iso- lée. Si Ton continue d'allonger , le son remonte de nouveau à celui de Tanche , et quand on ajoute des tuyaux jusqu'à 12a , il s'abaisse jusqu'à la tierce mineure du son de Tanche, après quoi il saute encore (1). L'addition de tuyaux n'est pas le seul moyen de changer le son d'un tube à anche membraneuse. On peut arriver au même résultat de deux autres manières , par la force du souffle , et par l'occlusion partielle de Textrémité inférieure du tuyau. Quand on garnissait une anche à languette membraneuse de tuyaux ayant une certaine longueur , par exemple celle de quatre pieds , on pouvait , en soufflant avec plus de force , ou employant un autre mode de souffler , faire monter le son de près d'une octave , par semi-tons. Ce qu'on n'obtenait pas en se bornant à accroître la force du souffle , on pouvait le produire en serrant davantage les lèvres. Ainsi, par exemple, le son du tuyau à anche de quatre pieds , avec une languette membraneuse , était ut^ ; en soufflant plus fort , avec ou sans resserrement des lèvres , il montait facilement à ut^ , re, rej:| , mi; !e fa sortait tiès-difiicilement ; puis on obtenait sans peine fa'^^ sol ^ soî^^ la^ la^-^ le si avait de la peine à sortir , et n'était pas pur. (1) POGGEKDORF , AnnaUn^ XVI, 425. DE LA prodlctioi;ï du son, 5i D'après les frères Weber , les tuyaux à languette métalli- que peuvent aussi produire des sons flûtes (vibrations avec noeuds) , et le son qu'un de ces tuyaux donne , quand il vibre simplement, est d'une octave et une quinte plus grave que quand il vibre de manière qu'un nœud de vibration se forme; de sorte que , sous ce rapport , les tuyaux à anche se com- portent comme des sifflets dont l'un des bouts est ouvert et l'autre bouché. Mais un phénomène propre uniquement aux tuyaux à anche membraneuse , c'est que la force du souffle peut élever de quelques semi-tons le son de l'anche , tant lorsqu'elle est isolée que quand elle se trouve unie à un tuyau. Si , au lieu de languettes élastiques sèches , je prends des languettes élastiques humides , par exemple une tunique d'ar- tère, le son peut, sans addition de tuyau, être poussé, par semi- tons , beaucoup plus haut encore , jusque vers la quinte. L'ouverture inférieure du tube exerce de l'influence sur le son du tuyau à languette membraneuse. Avec un tube de trois pouces , j'ai pu abaisser le son d'une quinte entière , en cou- vrant de plus en plus l'ouverture. Avec un tube de six pou- ces , le son de l'anche tombait d'un semi-ton en couvrant à demi l'ouverture, et descendait d'tit^ ^fa» en faisant péné- trer le doigt dans cette dernière. Mais , à mesure que le son s'abaisse, il perd de sa force. Dans certains cas , l'introduc- tion du doigt eut un effet inverse. Le son s'éleva un peu , de sorte , par exemple , que si le son du tuyau à anche de vingt- quatre pouces , dont l'anche donnait ré^ , était ré^.^ , le doigt introduit dans l'ouverture pouvait l'élever un peu . Un phénomène analogue s'est présenté souvent. J'ai été fort long-temps sans pouvoir expliquer cette contradiction ; cependant j'ni fini par m'en rendre compte. Tant que le son s'abaisse par l'effet des tubes , il devient toujours plus grave si l'on couvre l'extré- mité inférieure. Mais quand l'allongement est parvenu au terme où le son est sur le point de revenir , par un saut > au son aigu, alors l'occlusion de Touverturepeut l'élever un peu, 52 DES CONDITIONS GÉNÉRALES et même déterminer le saut. Ainsi, par exemple , depuis cinq pouces jusqu'à quinze pouces, le son s'abaissait continuelle- ment, savoir de sol^ àre'g ; dans les longueurs comprises entre ces deux termes ^'occlusion de l'ouverture inférieure détermi- nait toujours un abaissement. A vingt-et-un pouces , le son était sur le point de remonter , en sautant, de ré^^ à ^0/3 , et le tuyau étant parvenu à cette longueur , on pouvait, en cou- vrant l'ouverture, amener le son à mi^ et rendre plus facile le saut à 50/3. S'il se trouve un rétrécissement considérable (un bouchon) à l'autre extrémité du tuyau , c'est-à-dire immédiatement au devant de l'anche , le son devient la plupart du temps plus élevé qu'il ne l'est dans les tuyaux qui n'offrent pas cette dis- position. 3. Influence du porte-vent sur le son des anches membraneuses. Grenié paraît être le premier qui ait observé l'influence du porte-vent sur le son d'un tuyau d'anche à languette mé- tallique. Cette influence n'a point encore été suffisamment étu- diée. Je trouve que le porte-vent à travers lequel on souflle une languette membraneuse , influe tout autant sur l'abaisse- ment du son que le tuyau ajusté à cette dernière. '^G'est là également un point de la plus haute importance par rapport à l'organe de la voix , et qui mérite d'être examiné ici. En général , il y a cinq états dans lesquels une languette peut être amenée à produire du son. 1° Par le courant d'air qui sort d'un petit tube délié sans porte-vent ni tuyau ni châssis ; le son , comme nous l'avons vu , est déjà difierent de celui qu'on obtient d'une languette tendue dans un châssis , lorsqu'on embrasse celui-ci avec les lèvres et qu'on souftle avec la bouche. 2® La languette est limitée par un châssis, et on la fait par- ler, sans porte-voix ni tuyau, à l'aide de la bouche, les orga- nes respiratoires seuls faisant office de soufflet. DE LA PRODUCTION DU SON, 53 3« La languette est pourvue d'un tuyau, et on souffle à l'aide de la bouche , sans porte-vent. 4° La languette est sans tuyau , et on la fait parler au moyen d'un porte-vent sur lequel elle est tendue. 5» La languette est pourvue d'un tuyau et d'un porle-vent. Dans tous ces cas, le son fondamental de la languette est différent. Quant à l'union de la languette avec un porte-vent, il faut d'abord examiner le cas le plus simple, celui d'une languette sans embouchure, et qui se trouve à rextrémité du porte-vent. Le changement des sons suivant les longueurs diverses du porte-vent est ici la même absolument que dans les corps de tuyau de longueur diverse. En allongeant le porte-vent, le son baisse par semi-tons jusqu'à une certaine limite , qui ne s'étend pas non plus jusqu'à l'octave. En allongeant davan- tage, le son revient par un saut à sa hauteur primitive, puis s'abaisse à mesure que l'allongement fait des progrès, re- vient tout à coup au même son aigu , puis baisse encore , et ainsi de suite. Cependant il n'y a point accord parfait enlre les longueurs d'un corps de tuyau et celles d'un porte-vent qui sont nécessaires pour h production d'un certain son. Je me suis servi , pour ces expériences, d'une languette unila- biale en caoutchouc, tendue sur un tube long d'un deuji pouce. Vis-à-vis du bord de la languette se trouvait une plaque de bois solide , comme dans la série précédente d'expériences. Cette languette à son fixe et déterminé était, dans un cas, pourvue d'un corps de tuyau et soufflée avec la bouche, en embrassant des lèvres le pourtour du châssis ; dans le se- cond cas , elle était soufflée , sans corps de tuyau , à l'aide d'un porte-vent , qu'on pouvait allonger à volonté , comme , dans l'autre cas, le corps de tuyau. La table suivante con- tient les longueurs du corps de tuyau et du porte-vent qui étaient nécessaires pour obtenir les mêmes sons de la lan- guette rendant un même son dans les deux cas. Le son de cette languette seule , embouchée avec les lèvres , était si^ . 54 DES CONDITIONS GENERALES SONS. PORTE- VENT SANS CORPS DE TUYAU. /k, et la^i lus, fa^ et la^z la. la^^ Pouc. 4 H 6 la^ 9 10 sol^^ 13 sol^ 15 6 /•«tts 17 6 Uz 19 "s soL 20. Saut du son. 24 6 27 6 29 32 35. Saut du son. 37 42 46 SONS. la^s sol^ Ma re % sol^ M. faz mi rétt, J0/3 CORPS DE TUYAU SANSPORTE-VENT Pouc. lig. 1 2 2 2—5 6 7 6 9 10 13 17 22 4. Saut du S, 23 25 6 27 6 32 39 6 40fei^3 s. à 50/3 42 45 DE lA. PRODUCTION DtJ SON. 55 Une seconde'expérience comparative me donna les résul- tats suivans. (Le son fondamental de la languette seule était mi*. ) PORTE-VENT SANS CORPS DE TUYAU SONS. SONS. CORPS DE TUYAU. SANS PORTE-VENT. mi' Pouc. lig. 1 Pouc. lig. ré^. 3 ré. 4 9 ré* 3 9 ut^^ 6 ut^. 4 9 ut. 7 6 ut^ 6 6 Sh 9 6 si^ 6 2 m. 7 4 la^ 10 la^ 10 mi, — ré^. 13 6. Saut. ré. 15 9. Saut. ré. 15 ut^. 18 9 ut'ii. 15 S ut. 17 6 si^ 22 si y 20 la 2 24 ré^^ 28. Saut. ré. 24 9. Saut. ré. 29 6 ut^ 30 6 ut. 30 Ne parle plus. si, 30 6 ^««3 , 34 /a 3 35 rej?4 — mi. 41 6. Saur. îit. 42 si. 43 G Enfin il faut encore parler de la modification que le son de la languette éprouve quand on rénécit le porte-veLt à Tune ou à l'autre des extrémités. 56 DES CONDITIONS GÉNÉRALES Si l'on introduit dans un porte-vent court , du côté où se trouve la languette, un bouchon percé , à son milieu, d'un trou par lequel seul le courant d'air puisse passer, le son de- vient plus aigu. Cette influence agit de la même manière que quand on raccourcit l'ouverture. Si , au contraire , on rétrécit le porte- vent du côté opposé , où se trouve la languette et où l'on applique les lèvres , et cela en rendant l'ouverture plus petite , le ton devient plus grave , quand il n'a point été abaissé par la longueur du porte- vent ; car lorsque cette dernière cause lui a imprimé beau- coup de gravité , Tétroitesse de l'embouchure n'amène aucun changement , ou même élève un peu le son. 4. Anches membraneuses avec corps de tuyau et porte-vent , Non seulement les longueurs que le porte-vent et le corps de tuyau seuls doivent avoir pour qu'on obtienne un certain abaissement du son d'une languette ne sont pas égales mais encore il n'y a pas non plus compensation de l'une par l'autre. S'il s'opérait une compensation , il est clair que quand une longueur n du corps de tuyau donnerait le son x avec la languette sans porte-vent , une longueur moindre de ce tuyau, n — a devrait, avec un porte- vent a , reproduire le son X. Or c'est ce qui n'arrive point. Ainsi, par exemple, un corps de tuyau de douze pouces et demi donnait/a^j avec la languette ; mais si ces douze pouces et demi se trouvaient ré- partis de manière qu'il y en eût six et un quart pour le corps du tuyau et autant pour le porte-vent , le son était sol^^. Un corps de tuyau de sept pouces et demi donnait la]^^ avec une languette ; ces sept pouces et demi , distribués entre le corps de tuyau et le porte- vent , donnaient rè^. Si Ton rend le corps de tuyau et le porte-vent assez longs chacun pour que le premier donne avec la languette (en souf- flant de la bouche ) le même son que celui auquel la languette 1 DE LÀ I»RODUCTION DU SON. ' 5j donne lieu avec le porte-vent seul soufflé par l'autre bout , on obtient le même son de cette languette munie d'un corps de tuyau en avant et d'un porte-vent en arrière. Celte expérience a été répétée bien des fois ,*et le résultat n'a jamais varié. De cette particularité et de ce qui précède , il semble découler que les colonnes d'air du corps de tuyau et du porte-vent in- fluent chacune sur le son de la languette , en sorte que si le corps de tuyau et le porte-vent , essayés chacun à part avec la languette , donnaient des sons différens , ils exerceraient aussi une influence différente sur la languette. Le tuyau à anche devient donc plus compliqué encore , par l'addition d'un porte-vent, qu'il ne l'était déjà parcelle d'un corps de tuyau, et comme chaque fois qu'il parle , que ce soit par l'effet de la bouche ou par celui d'un soufflet, le réservoir d'air doit tou- jours être considéré comme porte-vent , la simple expérience d'une languette avec corps de tuyau qu'on fait parler à l'aide de la bouche donne un exemple du son modifié par un porte- vent. Connaître l'action réciproque de ces influences serait de la plus haute importance pour la théorie de la voix , puisque là il y a à la fois un corps de tuyau ( l'espace au devant des ligamens inférieurs de la glotte ) et un porte-vent (trachée- artère et bronches). Mais c'est un des problèmes les plus dif- ficiles de l'acoustique , et il m'a été impossible d'arriver à rien qui se rapprochât d'une règle. Je ne vois que la confir- mation constante du fait qu'à une certaine longueur du corps de tuyau, l'allongement du porte-vent change toujours le son, jusqu'à ce que les influences réciproques soient devenues égales. Lorsque le porte-vent a une longueur déterminée , et qu'on allonge le corps du tuyau , on obtient un abaissement jusqu'à une certaine limite -, allonge-t-on davantage , le son repasse par un saut à son élévation primitive ; puis, après un nouvel allongement, descend encore jusqu'à ce qu'il saute de nouveau, ce qui se reproduit avec régularité. Quelques unes des expériences citées précédemment, dans lesquelles on se 58 I>ES CONDITIONS GÉNÉRALES servait d'un court porte-vent pour faire parler la languette munie d'un corps de tuyau , appartiennent déjà ici. Dans une anche longue de six pouces, le son fondamental rê^ tombait à mi^^ avec un corps d& tuyau de quatre pouces ; un tuyau de quatre pouces et demi le ramenait à ré^^ ; il tom- bait à cinq pouces , et atteignait ré^ avant six pouces ; à partir de ce dernier terme , il retombait , et à huit pouces et demi il était ut^^ , ce qu'il restait jusqu'à seize pouces et demi ; là il remontait de nouveau à re^ ; de dix-huit à vingt-quatre pou- ces , il était plus grave , w^^ ; à vingt-sept pouces et demi » il remontait à re\ ; à trente pouces et demi , il était retombé à ut^^ , et il restait là jusqu'à quatre pieds. 5. Instrumens de musique à anches membraneuses. Les appareils dont il a été question jusqu'ici forment une section d'insirumens à anche dont on n'a fait jusqu'ici aucun usage en musique. L'organe de la voix de l'homme et celui des Oiseaux appartiennent, comme nous le verrons, à la même catégorie. Dans le premier, les ligamens inférieurs de la glotte sont des anches à deux lèvres ; le corps de tuyau est l'espace qui s'étend depuis les cordes vocales jusqu'aux ou- vertures buccale et nasale ; la trachée-artère et les bronchesi sont le porte-vent» Dans le second , les cordes vocales du la- rynx inférieur, à la bifurcation de la trachée-artère et de chaque côté , constituent des anches ; la colonne d'air du corps de tuyau est ici la masse d'air contenue dans la trachée- artère tout entière , depuis sa division jusqu'au larynx supé- rieur, et l'air de la cavité buccale ; celle du porte-vent n'est que l'air des bronches, depuis la bifurcation de la trachée jusqu'aux poumons. Mais les lèvres de l'homme peuvent aussi agir comme an- ches , lorsque la contraction des muscles les met à Téiat de tension ; dépourvues d'élasticité par elles-mêmes , elles en obtiennent un équivalent par la contraction de leur sphincter. DE tA PRODUCTION DU SON. 69 Si Ton fait sortir l'air avec pression entre les lèvres tendues par leur muscle orbiculaire , il se produit des sons qui ap- partiennent à la classe de ceux des instrumens à anche. La cavité buccale et les organes respiratoires font alors office de porte-vent. L'instrument est un instrument à anche avec porte -vent , sans corps de tuyau. Adapte-t-on aux lèvres un tuyau en carton ou en métal , non seulement le son devient plus plein , mais encore il peut être modifié par le tuyau. La même chose arrive à l'anus. Le sphincter tend la peau de l'anus , et la fait agir comme une languette avec porte- vent ( les gaz intestinaux), sans corps de tuyau. Aux instrumens à anche dont il a été question jusqu'ici tiennent de très-près les trompettes et les cors , dans les- quels les lèvres sont mises en mouvement , comme anches membraneuses , par le souille , tandis que la colonne d'air du tuyau résonne ainsi qu'elle le fait dans les instrumens à anche ordinaires. Dans ceux-ci , l'anche est une pièce à part , qui , séparée de Tinstrument , produit des sons à elle seule. Dans les cors , les trompettes , les trombones , il ne suffit pas de souffler dans ce qu'on appelle l'embouchure pour produire un son : il faut encore que les lèvres elles-mêmes fassent l'office d'anche , et elles sont effectitement les languettes membra- neuses entre lesquelles le courant d'air se trouve refoulé. Le muscle orbiculaire remplace l'élasticité qui leur manque, par la réaction qu'il exerce sur le filet d'air qui les traverse ; il se produit des sons d'une valeur déterminée , et d'autant plus aigus que les lèvres se contractent davantage. Il semble que la grandeur de l'ouverture influe sur le son de ces sortes d'anches , comme elle le fait quand on siffle , et , en effet , le sifflement avec la bouche , qui paraît ne point appartenir ici , devient plus grave quand l'ouverture des lèvres est plus grande. Cependant , comme une contraction plus forte du sphincter de la bouche a lieu quand on resserre l'ouverture des lèvres , l'étroitesse de cette ouverture , dans la position 6o DES CONDITIONS GENERALES que les lèvres affectent lorsqu'on sonne de la trompette, pro- duit absolument le même effet qu'une tension plus considéra- ble sur les languettes membraneuses élastiques. L'embouchure de la trompette est d'abord creusée en forme de godet , après quoi elle se rétrécit. Celui qui veut sonner de l'instrument applique le bord de cette excavation sur ses lèvres , et chasse l'air par une étroite ouverture de celles-ci , aux bords desquelles le sphincter procure une tension dé- terminée. L'élévation du son doit croître avec la force de la tension que les lèvres acquièrent par la contraction de leur muscle orbiculaire. Il faut qu'un vide se trouve au devant des lèvres, sans quoi leur bord tendu ne pourrait point agir comme anche : aussi quand le godet de Tembouchure se trouve rem- pli au point qu'il ne reste plus qu'un étroit passage dans le milieu , on a beau souffler, aucun son ne se fait entendre. Ce qui prouve bien que telle est la cause essentielle du son de la trompette, c'est que, sans embouchure, avec les seules lèvres tendues par la contraction du sphincter, on peut produire un son semblable à celui de l'instrument. Une seule lèvre est même suffisante pour déterminer des tremblemens qui sont perçus comme sons , par exemple, quand on porte la lèvre su- périeure fort loin au dessus de l'inférieure , et qu'ensuite on chasse l'air entre la lèvre supérieure vibrante et la surface ferme de l'inférieure. L'embouchure du cor diffère de celle de la trompette en ce qu'au lieu d'un godet , elle présente une excavation conique ; mais la manière d'y appliquer les lèvres est la même ; il ne faut pas que les bords de celles-ci touchent. Biot traite des trompettes et des cors en parlant des instru- mens à vent. Il attribue les différons sons que ces instrumens donnent à la différence de force avec laquelle le souffle pousse la colonne d'air de la trompette, de même que la colonne d'air d'un sifflet donne, quand on souffle plus fort, les sons cônes- ondaus aux nombres 1, 2, 3,4,5 (ouverts), ou ^ , 3 , 5, 7 DE LA PRODUCTION DU SON. 6l (fermés). Mais la force du souffle élève ici très-peu le son, et ne fait que le rendre plus intense ; la différence des sons dé- pend de la tension des lèvres. Il est plus exact de rapporter les trompettes et les corps aux instrumens à anche , ainsi que l'a fait Muncke. Ce sont évidemment , comme il ressort de tout ce qui précède, des tuyaux à anche à languette membraneuse, dans lesquels le timbre du son est changé par le métal du corps de tuyau, et l'élévation de celui de l'embouchure par la co- lonne d'air de ce tuyau, qui entre simultanément en vibration sonore. Les sons de la trompette et du cor ne croissent pas non plus en élévation dans une proportion inverse de la lon- gueur du tuyau , comme il arrive aux instrumens à vent : on sait, au contraire, que dans la trompette, la diminution ou l'accroissement de la longueur du tuyau n'a qu'une influence faible et subordonnée sur l'élévation du son , absolument comme dans les tuyaux à anche. Le changement de son que l'on cherche à obtenir ainsi, est opéré, pour les trompettes et les cors , par la main introduite dans le pavillon , pour les trombones, par les tractions exercées sur leurs tuyaux mobiles. Il y a dans les cors et les trompettes presque autant de posi- tions à donner à la main , en l'introduisant dans le pavillon , que d'espèces de sons. Quant à l'élévation du son de ces in- strumens, on parvient à la changer par deux autres moyens , comme dans les instrumens à anche ; d'abord , en variant la tension des lèvres , qui doit exercer à cet égard la même in- fluence qu'une tension plus forte de la languette membra- neuse d'un tuyau d'anche ; ensuite, à l'aide de l'obturation , qui abaisse le son , précisément comme elle le fait dans les tuyaux d'anche à languette membraneuse. L9 cor, entre les mains d'un artiste exercé , embrasse trois octaves , sans qu'on soit obligé d'introduire la main dans le pavillon, et voici quelle est la succession des sons : Vt , sol, ut^ mi f, sol s, ut^ re^ mi^ sol^ si^ ut^, La SUCCession entière des sons qu'on peut produire à Taide de la main est Q2 DES CONDITIONS GÉlNÉUALES Ut , fa, sol , si , utjj re^ mis fa„ sol^ /a„ si^ utg , re^ mig /iïs SO^ /ttj sij ut4. Les lettres italiques indiquent les sons qui s'obtien- nent avec lu main introduite dans le pavillon; la^ exige qu'on bouche à moitié seulement. Les semi-tons peuvent aussi , en partie , être produits par la main bouchant à demi le pavillon. Comme le principal moyen est la tension des lèvres par la con- traclion musculaire , Texécutant qui s'est fatigué à sonner du cor perd son aptitude pendant quelque temps. Ce sont surtout les sons élevés qui fatiguent, non par la force du souffle, mais par la tension des lèvres. Les trous latéraux, fermés par des clefs, qu'on a ajoutés dans ces derniers temps aux trompettes et aux cors , ont ici les mêmes usages qu'à l'égard des autres inslrumens à anche , la clarinette , le hautbois et le basson. Après avoir passé en revue les différentes espèces d'inslru- mens à anche , tant ceux à languette élastique rigide, que ceux à languette élastique membraneuse, il convient de reve- nir sur la théorie des sons produits par les anches. Cependant il va être question non des vibrations de l'air dans le corps de tuyau, mais de celles de Tanche elle-même. 6. Conclusions sur la théorie des sons produits par les anches. Ayant appris à connaître , dans ces derniers temps , des sons qui sont produits par le simple choc de liquides , comme ceux de la sirène , ou par les chocs se succédant avec rapi- dité d'un corps solide, comme ceux qui résultent des se- cousses données par les dents d'une roue , on a été tenté d'admettre que les sons des anches dépendent aussi des chocs de l'air qu'à chaque vibration elles empêchent de sor- tir de leur châssis. Le défaut d'éclat des sons que les an- ches donnent par percussion-ou par pincement, sans souffle , semble justifier cette théorie. Cependant elle n'est pas prou- vée , et plusieurs argumens s'élèvent contre elle d'une ma- nière formelle. La discussion de ce point est d'une grande DE lA PRODUCTION DU SON. 63 importance pour la théorie de la voix humaine : en effet, il s'agit ici surtout de savoir qui résonne primitivement, dans la voix , des ligamens de la glotte ou de Tair. G. Weber, aux recherches classiques duquel nous devons une connaissance certaine des effets qui ont lieu dans les tuyaux d'anche, se prononce positivement en faveur de Thy- pothese dont je viens de parler. Voici comment il s'exprime : Le son plein et fort que rend une plaque métallique qui vibre isolément dans son châssis lorsqu'on souffle dessus , ne peut être produit par la plaque vibrante ; car alors il ne serait pas nécessaire d'exciter le son de celle-ci par un courant d'air, et elle donnerait un son absolument pareil, quant à l'éléva- tion et à la plénitude , lorsqu'elle viendrait à être mise d une manière quelconque en vibration , sans subir aucun change- ment dans sa situation et ses rapports , ce qui n'est pas. En effet , Weber a excité , au moyen d'un archet de violon , les plus violentes vibrations dans la plaque pendant qu'elle de- meurait unie avec les autres parties de l'instrument, sans par- venir à lui faire rendre un son plein et fort, susceptible d être comparé ; cependant je trouve que le son d'une guimbarde qu'on tient à la bouche est le même par l'effet de la percus- sion et quand on aspire l'air. Cette preuve ne me paraît pas décisive, et néanmoins il me semble que , dans les anches membraneuses, l'interruption du courant d'air ou les chocs n'exercent qu'une influence subordonnée sur la production du son, qu'ils contribuent seulement à le rendre plus fort et plus plein, mais que leur effet n'est pas de lui donner nais- sance. Les motifs suivans ne font regarder comme invraisem- blable la théorie qui attribue les sons des anches membra- neuses aux pulsations de l'air. 1° Il n'y a aucune raison d'admettre que les sons des anches simples proviennent des interruptions du courant d'air, puis- que les sons que les anches efles -mêmes doivent donner quand elles vibrent, suGSsent pour expliquer les premiers. A la vérité, (5/^ DES CONDITIONS GENERALES les sons que les anches membraneuses produisent par percus- sion, sont dépourvus d'éclat , et n'ont pas non plus le même timbre que les sons d'anche. Mais la première différence s'ex- plique sans peine ; car un choc qui ne se répèle pas plus d'une lois ne suffit point pour entretenir les vibrations. Quant à celle du timbre, on ne peut la mettre en doute : cependant il y a d'autres instrumens encore qui donnent des sons d'un timbre divers lorsqu'on les fait parler soit par une seule percussion , soit par une succession de chocs. C'est ce qui arrive , entre autres, à une corde lorsqu'on la pince ou qu'on fait passer dessus un archet de violon. La même chose a lieu pour les sons d'anche, suivant que l'impulsion est momentanée ou sou- tenue. A la vérité, il y a des membranes, comme les lèvres et le sphincter de l'anus, qui ne résonnent point par la percussion, et qui donnent des sons d'anche très-forts par le souffle ; mais il ne s'agit jamais, quant à ce qui regarde la manifestation d'un son , que du nombre de vibrations nécessaire pour le pro- duire : or l'expérience autorise seulement à conclure que , dans ces sortes de membranes , une succession régulière de vibrations n'est possible qu'autant qu'un certain état de ten- sion persiste pendant qu'elles reçoivent le choc de l'air, et cette condition n'existe pas lorsqu'il s'agit d'une simple percussion. 2° Les sons que j'ai produits en soufflant avec un tube dé- lié sur des languettes métalliques , et mieux encore sur des languettes membraneuses sans châssis, ne sauraient être expli- qués par les seules interruptions du courant d'air ; ils res- semblent parfaitement , pour le timbre , à ceux que ces lan- guettes rendent lorsqu'elles vibrent dans un cadre et agissent comme de véritables anches. A la vérité, on pourrait dire que les vibrations rétrogrades de la languette gênent aussi jus- qu'à un certain point le filet d'air sortant du tube. Mais il se- rait difficile de voir là une interruption réelle , puisque le courant d'air change de direction à mesure que la languette ..f M tA PRobtCTlON tij SÔNi 65 recule* te filet d'air , qui exerce une action souteaue , est bien plutôt comparable , sous ce rapport , à l'archet de \ioion frottant une corde. 3° Il n'est pas non plus nécessaire , du moins pour les lan- guettes membraneuses , que le châssis se ferme périodique- ment pendant les vibrations de la languette. Alors même que la fente présente une largeur constante d'une ligne , les lan- guettes membraneuses donnent souvent encore des sons clairs, et ces sons ne diffèrent pas , pour le timbre , de ceux que les mêmes languettes font entendre quand la fente est très- étroite. 4° Si la théorie qui attribue les sons d'anche aux interrup- tions du courant d'air était exacte , les sons devraient croître en raison directe du nombre des interruptions , ce qui n'est nullement démontré. 11 y a une position de la languette par rapport au châssis , dans laquelle elle détermine une fois au- tant d'interruptions du courant d'air qu'elle même fait de vibrations ; c'est celle dans laquelle elle bat à travers l'ouver- ture du châssis ; car^ en le traversant , puis en revenant sur elle-même , elle interrompt deux fois le courant d'air ; le nombre des interruptions est au moins double de celui qui a lieu quand la languette ne fait que frapper juste dans l'ouver- ture du châssis et revient aussitôt sur elle-même. Le son d'une languette qui traverse son châssis devrait donc , toutes choses égales d'ailleurs, être plus aigu d'une octave que celui de la même languette exécutant des battemens simples ; or cela n'a pas lieu. A la vérité , on pourrait objecter que , dans le premier cas , elle décrit des arcs entiers de vibration , tandis que dans le second elle ne décrit que des demi- arcs , étant retenue soit par le châssis lui-même , soit par le courant d'air , de manière que, dans la seconde circonstance, elle vibre avec une fois plus de vitesse que dans la première, et qu'ainsi les interruptions du courant d'air sont égales de part et d'autre. Mais , en examinant 1^ manière dont se com- II. 5 06 DES CONDirrONS GÉNÉRALES portent les languettes membraneuses , on rencontre encore des difficultés. Si j'applique une lame de carton ou de bois sur ;Une languette membraneuse tendue à l'extrémité d'un porte-vent , le son demeure le même , que la plaque soit di- rectement en face de la languette , c'est-à-dire sur le même plan , ou qu'elle s'enfonce de dehors en dedans du côté du porte-vent ; dans les deux cas, la languette décrit également des arcs entiers. Mais si j'applique la lame de manière que son bord dépasse le plan de la languette , le son produit en soufflant dans le porte-vent , est beaucoup plus grave : il Test souvent de l'intervalle compris entre ut et fa. Que la lame fasse saillie en avant ou en arrière de la languette , les arcs de vibration demeureront les mêmes, et cependant les sons seront différens. Mais la diflerence tient à la manière diverse dont l'air est poussé dans les deux cas , et à la résistance diverse que le courant continu de cet air oppose y dans les deux cas , aux vibrations récurrentes de la languette. D'après ces motifs , il est vraisemblable que les languettes résonnent, non point par des interruptions du courant d'air , mais par leurs-propres vibrations , et que les chocs imprimés à l'air ne font que renforcer jusqu'à un certain point le son. Sous ce rapport , les languettes métalliques se comportent , en général , comme les verges, les languettes membraneuses comme les cordes et les peaux tendues , et le son se produit d'autant plus facilement qu'un pareil corps possède encore davantage d'élasticité malgré son peu de longueur. En étu- diant les vibrations des corps élastiques tendus , on s'est trop attaché à une espèce de ces corps , aux cordes à boyau et autres analogues. Il est bien vrai que les cordes qu'on raccourcit beaucoup , en même temps qu'on diminue leur tension , perdent presque toute aptitude à produire des vi- brations sonores ; mais si , après leur détente , elles conser- vaient encore de l'élasticité, quelque courtes qu'elles fussent, elle* n'en seraient pas moins capables de donner des sons DE lA PRODUCTION DU SON. 67 graves. Or il y a d'autres corps qui , bien qu'étant très-dé- tendus, conservent assez d'élasticité pour pouvoir vibrer ré- gulièrement , tels sont le caoutchouc à l'état sec et les tissus animaux (tunique artérielle) à l'état humide : aussi les pièces très-courtes de ces corps produisent- elles des sons graves quand elles sont peu tendues et des sons aigus quand elles éprouvent une tension plus forte , et cela aussi bien par la percussion que par le souffle. Leurs vibrations changent , à tension égale , d'après la même loi exactement que celles des cordes , c'est-à-dire qu'elles croissent en raison inverse de la longueur , comme je l'ai fait voir précédemment. QueJqu'exact que soit ce parallèle, cependant un corps élastique par tension qui vibre comme anche , diffère d'une corde sous plusieurs points de vue essentiels. La différence ne consiste pas en ce que la corde , après avoir été percutée , demeure abandonnée à elle-même, tandis que l'anche éprouve, de la part du courant d'air , des chocs continuels , tantôt plus et tantôt moins forts , puisque la percussion de la corde se renouvelle continuellement à l'aide de l'archet. Ce qu'il y a de particulier dans unç anche, c'est que le degré d'intensité du choc soutenu influe sur la durée de ses vibrations , et change beaucoup le son fondamental qu'elle donne par percussion. J'ai fait voir précédemment qu'une languette en caoutchouc qu'on fait parler sans châsssis , au moyen d'un tube délié , élève son son fondamental d'un semi-ton et plus , lorsque le souffle devient plus fort. Mais une corde qu'on ne percute qu'une seule fois , rend un son un peu plus grave quand le choc est fort que lorsqu'il est faible. Ce dernier effet s'expli- que en partie parle changement qu'une forte tension imprime à la corde , qui devient plus longue, et qui ne revient pas de suite à son précédent état; peut-être aussi dépend-il en partie d'une sorte de torsion des molécules de la corde qui reposent sur le chevalet. Mais cette explication ne saurait s'appliquer à rélévationdu son d'une anche; carie résultat esjt précisé" 03 DES CONDÎTfOHâ liliNÊnÀLÈS ment inverse de ce qui a lieu dans une corde. Lorsqu*utie languette membraneuse vibre dans un châssis , la force du souffle élève le son , comme je l'ai fait voir , de plusieurs semi-tons , et , ainsi que je l'ai montré aussi , le son d'une membrane animale élastique humide peut être élevé par semi-tons d'une demi-quinte entière en soufflant avec force. Cette élévation n'est pas la suite d'une formation de nœuds de vibration , comme dans une colonne d'air vibrante , car elle a lieu d'une manière successive , en passant par^ les in- tervalles des semi-tons, et, lorsqu'on accroît successivement la force du souffle, par tous les intervalles des semi-tons d'une manière criarde : elle ne dépend donc pas de la languette im- médiatement, mais du corps choquant, de l'air. Probablement l'élévation résulte de ce que , quand on souffle avec plus de force , l'air, qui agit sans interruption , communique à la lan- guette un mouvement plus accéléré , jusqu'à ce qu'elle sorte du courant, tandis qu'au retour il la repousse plus tôt que ne le ferait un souffle moins fort , de sorte que la languette ne fait pas d'excursions rétrogrades pleines , étant chassée de nouveau avant de les avoir accomplies. Les langueltes métalliques semblent bien se comporter à l'inverse des languettes membraneuses , puisqu'elles donnent un son plus élevé quand on souffle doucement que lorsqu'on souffle fort. Cependant ce phénomène paraît tenir uniquement à ce que , quand le souffle est faible , la languette n'entre point en vibration dans toute sa longueur, jusqu'à son attache. En effet, lorsque je souffle très-fort dans une harmonica à bouche, le son finit par s'élever d'une manière très-sensible , de sorte que sous ce rapport aussi il y a concordance entre les deux sortes de languettes. Il appartient donc à la nature des anches que , bien qu'ell«s se comportent en général comme les verges et les cordes , elles changent cependant leurs sons en proportion de l'action du corps qui les fait parler, de l'air. D'après cela, il faut les DE LA PRODUCTION DU SON. 6g regarder comme une classe particulière d'instrumens, à l'é^jard desquels les propriétés des corps élastiques tant solides que liquides doivent être prises simultanément en considération. Les autres instrumens de musique ne se rapprochent des anches que sous quelques rapports , par exemple , eu égard à cette circonstance que les sons dépendent aussi en quelque sorte du corps qui donne l'impulsion , surtout lorsqu'il agit avec continuité. Ce rapprochement a lieu pour les cordes qu'on fait parler d'une manière soutenue avec l'archet. Duha- mel a fait voir comment on peut parvenir, par un certain ma- niement de l'archet , en changeant le frottement et la vitesse ^ à obtenir des sons plus graves que le son fondamental. Il dit avoir obtenu la seconde , la quarte , la quinzième , la douzième et la quatorzième au dessous du son ordinaire de la corde. Je puis , d'après ma propre expérience , citer un autre exemple , en sens inverse , tiré des tuyaux d'anche. On sait qu'en souf- flant avec plus de force , on parvient à produire, avec un sif- flet ouvert, les sons correspondans aux nombres 1,3,5,7, 9 , etc., et avec un sifflet bouché ceux qui correspondent aux nombres 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 6 , etc. Ces sons doivent naissance à la production de nœuds de vibration dans la colonne d'air du sifflet , et n'ont rien à faire ici. Mais j'ai remarqué une tout autre élévation du son sur des tuyaux d'anche suffisamment petits. Lorsque j'enfonce jusqu'à deux pouces le bouchon d'un sifflet d'un pied , l'instrument , en graduant le souffle depuis le plus faible jusqu'au plus fort, donne successivement , et en passant par toutes les nuances , tous les sons de l'intervalle entier d'ut k la ; et si j'emploie un sifflet d'un pouce , l'éléva- tion est portée bien plus loin encore. Les modifications que les sons éprouvent dans les anches ne se bornent pas à leur seule ascension par l'effet de l'accroissement du souffle ; leur éléva- tion varie aussi sous l'influence du corps d'où émane le choc , puisqu'elle change suivant qu'on fait parler la languette sans châssis avec un petit tube , ou dans un châssis avec un porte* 'JO DE LA VOIX ET DES ORGANES vent; ils sont également modifiés par l'air, suivant qu'on le pousse ou qu'on l'attire , et par le mode d'embouchure , puisque les sons d'une même anche deviennent plus graves de quelques semi-tons lorsqu'on pince beaucoup les lèvres pour emboucher le porte-vent , et plus aigus lorsqu'au devant de l'anche le porte-vent se trouve garni d'un bouchon qui ne permet pas à l'air de passer ailleurs que par le milieu. Nul doute que toutes ces modifications ne se rapportent à un changement dans le mode d'action du corps impulsif sur la languette. CHAPITRE II De la voix , de l'organe vocal et des autres organes producteurs de sons, chez l'homme et les animaux. Les recherches qui précèdent nous fournissent une base pour apprécier les moyens à l'aide desquels la voix de l'homme et tous les autres sons qu'on observe, tant dans notre espèce que chez les animaux , se produisent. Nous examine- rons trois formations principales de sons musicaux , la voix de l'homme et des Mammifères, les sons qui se produisent dans la bouche de Thomme, et la voix des Oiseaux. Dans ces trois cas , effectivement , la production du son s'effectue par des moyens divers et à des endroits différens. Les sons de la voix des Mammifères naissent dans le larynx , et sont un peu mo- difiés , quant au timbre et au ton , par les parties situées au devant de cet organe , que l'air traverse. La faculté de sif- fler met l'homme en possession d'un tout autre registre de sons , dont la source est dans les lèvres et l'air de la cavité buccale. La voix des Oiseaux se produit dans un autre lieu encore , non pas dans le larynx supérieur, mais dans l'infé- rieur, celui qui occupe la bifurcation de la trachée-artère. La voix des autres animaux vertébrés qui en ont une encore , se forme dans le larynx, comme chez Thomme et les Mammi- fères ; telïe est , par exemple , celle des Grenouilles , des Cra- pauds , etc. U existe , en outre , chez certains animaux , même CHEZ l'homme et LES ANBUUX. 7I parmi ceux des classes inférieures , des appareils producteurs de sons, dont je ne m'occuperai pas ici, parce qu'ils m'en- traîneraient trop loin de mon but (1). !• Voix de l'homine* A. Organe vocal de Yhomme^ en général. S'il est , dans la théorie de la voix humaine , une question à laquelle on puisse répondre sur-le-champ , c'est celle de' sa- voir dans quelle partie des voies aériennes la voix se forme. Les observations recueillies sur l'homme vivant et les expé- riences faites sur le larynx humain démontrent qu'elle se pro- duit dans la glotte même , ni au dessus ni au dessous. Lors- qu'il existe une ouverture accidentelle à la trachée-artère d'un homme , ou qu'on en pratique une à celle d'un animal , la voix cesse , et elle reparaît dès qu'on bouche l'ouverture. C'est une expérience qui a été faite très-souvent , et qui ne s'est jamais démentie. Au contraire , une ouverture pratiquée à la partie supérieure des voies aériennes , au dessus de la glotte, ne supprime pas la voix. Magendie s'est convaincu aussi que la voix persiste malgré la lésion de Tépiglotte , des ligamens supérieurs de la glotte et du sommet des cartilages (1) Consultez, sur la yoix de l'homme , Dodart, dans les Mémoires de VAcad. des se, années 1700, 1706 , 1707.— Ferrein, ihid., 1741.— ;Ma- GENDiE, Précis élémentaire de 'physiologie , Paris. 1836, 1. 1, p. 26.4, et Dict. de médecine et de chirur cjie -pratiques ^ art. Bégaiemewt, t. IV, p. 63. — Dtjtrochet, Mémoire pour servir à Vhisioire anatomique et physique des animant et des végétaux , Paris , 1837 , t. II , pag. 519 et suiv — Biox , Traité de physique , t. II, p. 190. — Savart, dans les Annales de chimie, t. XXX , p. 64. — Liscovius , Théorie der Stimme, Léipzick , 1814. — Chladni , dans les Annales de Gilbert^ t. XCVI, p. 187. — Mayer , dans les Archives de Mecîiel, 1826. — Bennati, Jiecherches sur le mécanisme de la voix humaine , Paris, 1832. — Mcncke , dans le Dictionn. de phys. de Gehler^ t. VIII, p. 373. — Mato, dans les Outlines of hvman physioloyy, 1833.— Ch. Bell, dans les Philos. Trans.^ 1832.— Maig ai gîte, dans les Ar^ chives générales de médecine , t. XXV.— .Villis , dans les Transact. of the Camhridye phil. soc.^ 1833. — Bishop, dans Lond. and Edinb. phil^ magaz. , 1836a— Lehïêidt, Diss, de vocis formatione , Berlin , 1835. ^2 DE LA VOIX ET DES OIKÎANES aryténoïdes. Il a reconnu , de plus , sur des animaux vivans dont la glotte avait été mise à découvert , que les ligamens qui entourent cette dernière entrent en vibration lorsque l'a- nimal laisse échapper des sons. On sait également que la lé- sion des nerfs laryngés , sous la dépendance desquels sont les petits muscles qui changent la configuration de la glotte et tendent les cordes vocales , abolit la faculté de former des sons , et que la paralysie , sous ce rapport , est complète quand les deux nerfs laryngés ont été coupés des deux côtés. Qu'on essaie de produire des sons avec le larynx d'un cadavre humain, en soufflant par la trachée-artère, ce à quoi le moins exercé parvient pourvu que les ligamens inférieurs de la glotte soient un peu tendus et la glotte elle-même rétrécie , on en obtient eflfectivement ; peu importe que le tronçon de trachée par lequel on souffle soit long ou court ; il peut même n'y en avoir pas de trace , et le résultat n'en sera pas moins le même en soufflant par l'extrémité inférieure du larynx. Un larynx ainsi détaché du corps peut être dépouillé de toutes les parties situées au devant de la glotte, de l'épiglotte, des li- gamens supérieurs , des ventricules compris entre les liga- mens supérieurs et des cordes vocales , même de la plus grande partie du sommet des cartilages aryténoïdes ; pourvu que la fente entre les ligamens inférieurs subsiste encore , et que cette fente soit étroite , l'organe n'en donnera pas moins des sons purs, aussitôt qu'on soufflera par la trachée-artère. De tout cela il suit que la cause essentielle de la voix réside dans la glotte , que la trachée-artère se comporte comme la soufflerie d'un instrument à vent , et que le tube situé en avant de la glotte , avec la partie supérieure de la cavité laryn- gienne, entre les ventricules de Morgagni, les ligamens infé- rieurs et supérieurs , et l'épiglotte , jusqu'aux cavités nasale et orale, correspondent au corps de tuyau de cet instrument, qui modifie bien le son , mais ne le produit pas. En cela , l'organe vocal 6^ l'homme et des Mammifères diffère essen- CHEZ l'homme et les anlmaux. ^3 tiellement de celui des Oiseaux. Chez ces derniers animaux la \oix s'engendre dans un larynx spécial situé à la bifurcation de la irachée-artère ; le larynx supérieur n'a pas de ligamens vocaux , et l'on ne peut en tirer aucun son , tandis que le la- rynx inférieur continue de parler après l'ouverture ou la secr tien de la irachée-artère qui le surmonte, et qu'il donne éga- lement des sons quand on le souffle par les bronches, comme il arrive au larynx de l'homme soufflé par la irachée-artère. Ainsi , chez les Oiseaux, il n'y a que les bronches qui puissent être considérées comme soufflerie ou embouchure. La trachée- artère tout entière , depuis le larynx inférieur, fait partie du corps de tuyau , ainsi que le larynx supérieur et les cavités tant orale que nasale. Les limites delà glotte , les cordes vocales de l'homme , mé- ritent de fixer d'abord notre attention. Ces ligamens sont doués d'élasticité. Le mouvement du cartilage thyroïde vers le car- tilage cricoïde par le moyen des muscles crico-thyroidiens, el celui des cartilagesaryténoïdes au moyendes muscles crico-ary- ténoïdiens postérieurs, qui les tirent en arrière, en même temps que les muscles aryténoïdiens les rapprochent l'un de l'autre , rendent les cordes vocales susceptibles d'une tension diverse, soit que les derniers fixent les cartilages aryténoïdiens et que les autres les tendent , soit que ceux-ci fixent et que ceux-là tendent. La glotte devient ou plus longue ou plus courte, sui- vant le degré de cette tension. Le rapprochement des carti- lages aryténoïdes par les muscles aryténoïdiens la rétrécit , leur écartementparles muscle crico-aryténoïdiens postérieurs l'élargit. L'élasticité des cordes vocales les rend aptes à des vibrations régulières , et analogues , sous ce point de vue , à des membranes tendues par deux bouts. Elle dépend du tissu élastique particulier qui entre dans leur composition , et qu'on retrouve aussi dans beaucoup d'autres parties du corps animal. Ce tissu diffère de tous les autres, non seulement par sa cou- leur jaune , mais encore , et surtout , par la disposition de ses 1^4 ^"^ ^^ VOIX ET DES ORGANES fibres , les seules connues jusqu'à présent qui se divisent et s'anastomosent , comme nous l'ont appris les observations de Lauth et de Schwann. Sa structure est la même quant aux points essentiels , partout où il se rencontre ; dans le ligament cervical des Mammifères, les ligamens jaunes des arcs verté- braux, les fibres longitudinales jaunes delà trachée-artère de l'homme et des Mammifères , le Hgament stylo-hyoidien , le hgament élastique de la peau de l'aile des Oiseaux , le sac guttural du Pélican , les hgamens élastiques de la phalange onguéale des Chats, le corps élastique qui courbe la verge de l'Autruche , le ligament élastique qui fait rentrer la verge ré- tractile des Canards et des Oies , de l'Autruche d'Amérique et des Castors. Enfin c'est dans les artères , dont il constitue la tunique moyenne , qu'il est le plus amplement et le plus gé- néralement répandu chez tous les animaux vertébrés. Ses propriétés chimiques demeurent les mêmes partout. Eulen- berg (1) a reconnu qu'il ne donne un peu de colle qu'avec beaucoup de difficulté , et seulement après une coction conti- nuée pendant plusieurs jours. Cette colle diffère de la colle ordinaire , et se rapproche de celle que j'ai obtenue des car- tilages et de la cornée , qui est précipitable par l'alun , l'acide acétique , l'acétate de plomb et le sulfate de fer. Il se rap- proche des tissus inférieurs , ou donnant de la colle (tissu cellulaire , tissu séreux , peau , tissu tendineux , cartilage) , en ce que sa dissolution acide n'est point précipitée par le cyanure de fer et de potassium , tandis que la matière des tissus à base albumineuse est précipitée de sa dissolution acide par ce sel , comme l'a découvert Berzelius. L'élasticité du tissu élastique est si considérable et si durable , ainsi que je m'en suis assuré , que des journées entières d'ébuUition et des années d'immersion dans l'alcool ne la lui enlèvent point. Cependant les cordes vocales du larynx ne sont pas les (1) y. EuLEKBERG, /^« telaelosHca^ Berlin, i836. ' CHEZ t'flOMME ET LES ANIMAUX. "jS seules parties du larynx où l'on trouve du tissu élastique. Depuis long-temps déjà on sait que les ligamens hyo-thyroï- dien et crico-thyroïdien moyen en sont formés. Le dernier de ces ligamens doit , même sans le concours du muscle crico- thyroïdien , tenir rapprochés l'un de l'autre les bords corres- pondans du cartilage thyroïde et du cartilage cricoïde .- de là vient que le mouvement en arrière des cartilages aryténoïdes par l'action des muscles, dans le cas de tension des cordes vo- cales, a aussi à combattre en quelque sorte l'action de ce liga- ment , et que quand les cartilages aryténoïdes se trouvent fixés, les ligamens de la glotte doivent déjà éprouver quelque tension par le fait du rapprochement qu'il établit entre les parties antérieures des cartilages thyroïde et cricoïde. Cepen- dant Lauth a découvert que le tissu é^istique est bien plus ré- pandu encore dans l'intérieur du larynx. La plus grande por- tion de ce tissu naît de la moitié inférieure de l'angle du car- tilage thyroïde , entre les insertions des muscles thyro-arylé- noïdiens ; de là les fibres rayonnent de haut en bas , oblique- ment d'avant en arrière , et même un peu de bas en haut , formant ainsi une membrane cohérente , qui se fixe à tout le bord supérieur du cartilage cricoïde, le point excepté où s'articulent les cartilages aryténoïdes. En ce dernier endroit, les fibres élastiques s'insèrent à Fangle antérieur de la base des cartilages aryténoïdes et à leur bord antérieur. La mem- brane radiante a trois faisceaux de renforcement , qui sont le ligament crico-thyroïdien moyen et les ligamens thyro-ary- ténoïdiens inférieurs. Elle forme aussi les cordes vocales su- périeures. Les ligamens supérieurs et inférieurs de la glotte sont unis ensemble par une couche extrêmement mince de tissu élastique , qui revêt le ventricule de Morgagni. Le liga- ment hyo-thyroïdien latéral est élastique aussi , et le même tissu existe également dans les ligamens ihyro-épiglottique, hyo-épiglottique et glosso-épigloitique. Si Ton ajoute à cela les fibres longitudinales élastiques qui se trouvent à la partie ^6 Ï>E LA VOIX ET DES ORGANES membraneuse delà irachée-artère et aux bronches, on aura une idée de la grande étendue des parois susceptibles de vi- brations et de résonnance qui environnent l'organe de la voix. Notre atlention doit se porter ensuite sur les formes possi- bles de la glotte, et sur celles qu'elle prend réellement lors- qu'elle rend des sons. Dans l'état de repos, et quand elle ne parle pas, la glotte a une forme lancéolée. On sait qu'elle s'élargit pendant l'inspiration , et qu'elle se rétrécit pendant l'expiration. Ses côtés sont formés, en arrière, par la face in- terne et l'apophyse antérieure de la base des cartilages aryté- noïdes, en avant, et dans sa plus grande partie, par les cordes vocales, qui se fixent à cette apophyse. Dans une glotte lon- gue de onze lignes , et ouverte d'un bout à l'autre , la partie postérieure en a quatre de long, et l'antérieure sept. Lorsque la glotte est aussi élargie que possible , elle représente un lo- sange, dont l'angle postérieur est tronqué. Les angles latéraux correspondent aux apophyses précitées des cartilages aryté- noides , dont la distance de l'un à l'autre peut être portée jus- qu'à cinq lignes et trois quarts. Dans l'état d'étroitesse, la glotte peut avoir trois formes. Ou il y a seulement rapproche- ment des apophyses antérieures des bases des cartilages ary- ténoïdes par l'eflfet des muscles crico-aryténoidiens latéraux, et quand ces apophyses se touchent , la glotte est double. Ou bien la glotte rétrécie est ouverte dans toute sa longueur. Ou enfin sa partie postérieure se ferme tout-à-fait parce que les cartilages aryténoides se rapprochent jusqu'à leurs apophyses antérieures, auxquelles sont attachées les cordes vocales ; ce dernier effet est le résultat de l'action réunie des muscles ary- ténoidiens et crico-aryténoidiens latéraux ; la glotte se trouve alors réduite à l'espace compris entre ses bords élastiques et tranchans ; sa forme est allongée en pointe, tant en avant qu'en arrière ; sa longueur et sa largeur varient aussi beaucoup , suivant que les cordes vocales sont simultanément tendues ou ne le sont pas. La détente ei le raccourcissement des liga- CKÊZ t'uOilMÈ ET LES ÀÎ^IMAÙX. ^^ ïïieDS inférieurs de la glolîe ont lieu par le moyen des muscles ihyro-aryténoidiens , qui rétrécissent aussi l'espace situé au dessus et au dessous des cordes vocales. On ne sait pas encore bien quelle est la formé de la glotte chez l'homme vivant qui produit des sons. On sait seulement qu'elle est alors rétrécie. Gomme il n'y a que sa partie anté- rieure , entourée de bords élastiques et tranchans , qui soit susceptible d'entrer primitivement en vibration, et que par con- séquent on n'a point à s'occuper de sa partie postérieure , en ce qui concerne la voix , l'ouverture de celte partie ne pour- rait qu'être une occasion de trouble, en agrandissant considéra- blement l'étendue de la glotte en surface. Mayo a observé la glotte chez un homme qui , dans une tentative de suicide , s'était coupé la gorge immédiatement au dessus des cordes vocales ; la plaie , dirigée obliquement , intéressait l'une des cordes et l'un des cartilages aryténoïdes ; quand le sujet res- pirait tranquillement , la glotte était triangulaire : dès qu'il cherchait à former un son , les ligamens devenaient presque parallèles, et la glotte linéaire. Si l'on en juge d'après la figure , il paraît que la partie postérieure de cette fente n'é- tait point fermée. Un autre individu s'était coupé le cou au dessus du cartilage thyroïde, de manière qu'on pouvait aper- cevoir la partie supérieure des cartilages aryténoïdes : quand il produisait un son, ces cartilages se trouvaient placés abso- lument comme si la glotte eût été fermée en totalité. Kempe- len dit qu'il suffit que la glotte soit ouverte d'un douzième, ou tout au plus d'un dixième , pour que la voix puisse encore sortir (4) , et Rudolphi (2) confirme cette assertion d'après le fait d'un homme chez lequel la perte du nez rendait la cavité pharyngienne tellement accessible à la vue, qu'on pouvait très- bien voir la glotte s'ouvrir et se fermer. (1) Mechanismus der menschlichen Sprache , p. 81. (2) Physiologie , Berlin, 1828, t. II, PI. I , p. 370. j8 M LA VOIX ET DES ORGANES Magendie ne comprend pas dans la glotte Tespace intercepté entre les cartilages aryténoïdiens , qui , d'après les observa- lions faites par lui sur des animaux, sont appliqués immédia- tement l'un contre l'autre pendant la sortie des sons. Ce phy- siologiste dit aussi que la partie postérieure de la glotte est fermée quand des sons se produisent. Il est possible que ce soit là, en effet , la règle ; car , sur le larynx humain séparé du corps, les sons ont de la peine à sortir quand la partie pos- térieure de la glotte n'est point fermée. Cependant j'ai re- connu que celte occlusion n'est pas d'une nécessité absolue , et bien que je tinsse la glotte ouverte dans toute sa longueur, je n'en ai pas moins quelquefois obtenu des sons en ayant soin de tendre un peu les ligamens et de rétrécir l'ouverture. B. Faits relatifs aux changemens des sons de l'organe vocal et à leurs causes. Les expériences sur les animaux vivans n'ont jusqu'à pré- sent pas beaucoup contribué à éclaircir la théorie de la voix humaine, quoique les recherches de Magendie et de Malgaigne en ce sens aient leur mérite. Magendie découvrit la glotte d'un Chien par une section faite entre le cartilage thyroïde et l'hyoïde , et il observa que les cordes vocales vibraient dans toute leur longueur pendant les sons graves , tandis que la portion de la glotte comprise entre les cartilages aryténoïdes était fermée. Suivant lui , dans les sons très-élevés, les vibra- tions ne sont sensibles qu'à la partie la plus postérieure des cordes vocales , et l'air ne sort non plus que par la partie la plus postérieure de la glotte. Il est difficile d'entrevoir par quoi l'occlusion de la glotte à sa partie antérieure pourrait être opérée. Il n'est pas possible non plus de produire un pareil mode d'écoulement de l'air sur le larynx humain, tandis qu'on parvient aisément, sans changer la tension, à raccourcir un peu la partie postérieure de la glotte, en rapprochant davan- tage Tune de l'autre les apophyses antérieures des bases des CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. 79 cartilag;es aryténoides , auxquelles s'attachent les cordes vo- cales. C'est d'expériences faites avec soin sur le larynx hu- main lui-même qu'on doit attendre le plus de résultats. Quand on commence à s'y livrer, on éprouve des difficultés extrêmes ; tout étant mobile , comment donner aux parties le degré né- cessaire de tension soutenue , aux cartilages une position dé- terminée et égale, condition nécessaire à la précision des expériences ; et comment changer facilement cette position pour remplir des vues déterminées ? On réussit pourtant avec un peu d'art. D'abord il s'agit d'obtenir un point fixe dans le larynx. La plus grande partie de la paroi antérieure et la partie supérieure de la postérieure sont mobiles. Le carti- lage thyroïde peut se mouvoir sur le cricoïde , et les carti- lages aryténoides sont également mobiles sur ce dernier; les uns et les autres changent la tension des cordes vocales. Comme les cartilages aryténoides sont les parties les plus nfrobiles , celles dont les différences de situation peuvent le plus facilement induire en erreur dans les expériences , je me suis d'abord attaché à leur procurer une situation fixe. On prend un larynx auquel tienne encore un lambeau de trachée- artère , et on le pose , par sa paroi postérieure, sur une plan- chette à laquelle on attache solidement le cartilage cricoïde, et à laquelle on fixe aussi les cartilages aryténoïdes. Le meilleur moyen d'y réussir est le suivant. J'enfonce obliquement , à travers la partie inférieure des cartilages aryténoïdes , une épingle , sur laquelle ils sont fixés immédiatement l'un à côté de l'autre. La perforation doit être faite avec beaucoup de précaution, afin qu'en tirant ensuite sur le cartilage tRyroïde, les cordes vocales éprouvent une égale tension. Il faut aussi qu'elle ait lieu de telle sorte que, quand les cartilages sont appliqués l'un contre l'autre , les apophyses antérieures de leurs bases se touchent. On peut sur cette épingle donner aux cartilages toutes les situations qu'on juge convenables l'un par rapport à l'autre. On peut les écarter un peu , de sorte 8o Î>E LA \OilL EtDES ÔRGAMÊS que la partie postérieure non résonnunie de la glotte soit ou- verte ; on peut aussi les mettre en contact parfait et les fixer inamoviblement par des liens dans cette situation , où la par- lie postérieure de la glotte se trouve fermée. Lorsque le la- rynx ainsi préparé est fixé sur la planchette par sa paroi postérieure , il faut également fixer sur le bois la partie de cette paroi qui est formée par les cartilages aryténoides ; la chose est facile au moyen des liens qui maintiennent l'épingle immobile. La paroi postérieure du larynx se trouvant fixée de cette manière , on peut donner aux cordes vocales tous les degrés imaginables et rigoureusement mesurables de ten- sion, en tirant sur la paroi antérieure formée par le cartilage thyroïde. Il est utile , pour détruire une résistance de la part de rattache du cartilage thyroïde au cartilage cricoïde , de couper avec circonspection cette attache tout entière. Alors, au moyen d'un cordon attaché à l'angle du cartilage thyroïde, immédiatement au dessus de l'insertion des cordes vocales , on peut attirer ce cartilage à soi , et agrandir la distance en- tre la paroi antérieure mobile et la paroi postérieure fixée du larynx , autant que le permettent les cordes vocales tendues entre ces parois ; plus on tire à soi , plus les cordes se tendent. Je fais passer le cordon sur une poulie, et je l'attache à une balance ; en mettant des poids dans celle-ci , je peux changer la tension des cordes vocales d'une manière rigoureusement évaluable. Comme l'épiglotte, les ligamens supérieurs delà glotte , les ventricules de Morgagni , les cartilages de Santo- rini , les ligamens ary-épiglottiques , et même la partie supé- rieure du cartilage thyroïde , jusqu'à l'insertion des cordes vocales , ne sont point essentiels à la production de la voix , j'excise toutes ces parties jusque immédiatement au dessus des ligamens inférieurs , afin de pouvoir mieux apercevoir ces derniers quand ils vibrent, et la glotte. Du reste , il est né- cessaire de commencer par apprendre à connaître ce que les ligamens inférieurs de la glotte peuvent produire à eux seuls. CHEZ L HOMME ET LEà ÀNUUtJX. S 1 Plus tard Tinfluence des ventricules situés au dessus d'eux sera examinée. On engage un tuyau en bois dans la trachée- artère pour soujQler. J'ai répété souvent les expériences au moyen de cet appareil. Voici les faits que j'ai observés. I. Les ligamens inférieurs donnent , la glotte étant étroite , des sons pleins et purs lorsqiton souffle par la trachée-artère. Ces sons se rapprochent beaucoup de ceux de la voix hu- maine , et ils ont une grande analogie avec ceux que l'on pro- duit en souillant sur des rubans humides de tunique élastique d'artère tendus à l'extrémité d'un tuyau. C'est de cette der- nière manière que l'on construit le meilleur larynx artificiel. Les rubans de tunique élastique d'artère sont formés du même tissu que les cordes vocales elles-mêmes , et ils ont les mêmes propriétés physiques. On peut y substituer d'autres rubans secs en caoutchouc ; les sons ne sont pas fort différens. Les rubans sont tendus par les deux bouts , mais bouchent d'ail- leurs le bout du tuyau , et ne laissent qu'une petite fente en- tre, eux. Les rubans élastiques humides ont sur ceux en caout- chouc l'avantage de donner des sons purs , comme l'organe vocal de l'homme , même lorsqu'ils sont très-petits , de sorte que la diiGférence observée par Gagniard-Latour entre les ru- bans en caoutchouc et les cordes vocales , n'existe pas réel- lement. IL Ces sons diffèrent de ceux qu'on obtient quand on a laissé subsister les ventricules de Morgagni^ les ligamens supérieurs et Vèpiglotte , en ce qu'ils sont moins forts. En effet , ces parties , aussi bien que la paroi postérieure de la trachée-artère , résonnent simultanément avec force. ÏIL Les cordes vocales parlent surtout avec facilite quana la partie postérieure de la glotte , entre les cartilages aryténoi- des , est fermée. Cependant ce n'est point là une condition d'absolue néces- sité. Souvent, mais non pas toujours , la voix se fait entendre alors même que la glotte est ouverte tout eniiè: o , pourvu XI. 6 g 2 DE L\ VOIX ET DES ORGANES que Touverfure soit assez étroite. Sous ce rapport je dois me mettre en coniradiclioa , jusqu'à un certain point, avec Ma- gendie et Malgaigne. Mais ces sons sont difficiles à produire et plus faibles. IV. Quand les cordes vocales ont une tension soutenue , le son reste le même , eu égard a Vélé^'ation , que la partie posté" Heure de la glotte soit ouverte , ou qu'elle ne le soit pas. Il est nécessaire néanmoins que l'occlusion de la partie pos- térieure de la glotte par Tadossement des cartilages aryté- noïdes ne s'étende point au-delà du point d'insertion des cordes vocales. Oy voit déjà clairement , d'après cela , que ce sont les cordes vocales dont les vibrations détermiiient le son, et que ce n'est pas l'air qui vibre le premier en traver- sant la glotte : car autrement le son rendu par une glotte ou- verte dans toute sa longueur devrait être beaucoup plus grave que ceîui d'une glotte de la longueur des cordes vocales. V. Si la partie postérieure de la glotte , entre les cartilages arrténoïdes^ ne se ferme pas complètement^ si les apophyses antérieures des bases de ces cartilages^ quoique se touchant^ lais- sent une petite ouverture derrière elles ^ illne se produit pas de second son par cette ouverture. , Quelquefois seulement l'air frémit en traversant l'ouverture qui reste entre les cartilages et la paroi postérieure par la- quelle ils sont unis. VI. -d tension égale des cordes vocales ^ le plus ou moins d*é- troitesse de la glotte n' exerce pas d'influence notable sur t élé- vation du son. Le son sort seulement avec peine quand la glotte est plus large, et il a moins d'éclat, parce qu'on perçoit en même temps le bruit causé par le passage de l'air. Il en est absolu- ment de même avec le larynx artificiel à rebords en caout- chouc. Nous voyons ici, pour la seconde fois, que ce ne peut point être l'air qui vibre le premier, comme le pensaient Do- dan et Liscovius , dans l'hypothèse desquels les hgamens ne * CHEZ l'homme et les ANIMAUX. 85 faisaient qu'entrer simultanément en vibration ; car alors la gravité du son devrait croître avec la largeur de la glotte. Les cordes vocales se comportem donc , sous ce rapport , comme les languettes membraneuses et métalliques , dans lesquelles une ouverture plus large rend le son plus difficile à sortir, mais ne change rien à son élévation. Ferrein avait déjà ré- marqué qu'une plus grande largeur de la glotte n'entraîne pas des sons plus graves. YII. Quand les cordes vocales sont tendues inégalement elles ne donnent , en général^ quun seul son; ce n^est que dans des cas rares , quelles en font entendre deux. En cela elles se comportent encore comme les rubans de caoutchouc dans le larynx artificiel . J'ai fait voir précédemment que , quand les rubans de caoutchouc sont inégalement ten- dus 5 le son peut provenir (d'un seul d'entre eux , en même temps que Taulre résonne souvent d'une manière faible , et qu'il n'y a pas toujours compensation des accords différens des deux cordons. On a souvent occasion de remarquer aussi, au larynx, les vibrations d'une seule des deux cordes vocales, surtout quand celles-ci ne se trouvent pas tout-à-fait dans le même plan. Mais le fait que, dans le cas d'inégale tension des cordes vocales, il n'y en a le plus souvent qu'une seule qui parle, et qu'il arrive rarement d'entendre deux sons, prouve encore que les vibrations sonores partent primitivement des cordes et non de l'air. YIII. La tension des cordes vocales demeurant la même il arrive quelquefois qu'au lieu [de leur] son fondamental on en perçoit un beaucoup plus éleç^é , surtout lorsqu'on vibrant elles frottent sur une partie de leur longueur. Ce phénomène s'explique par la formation de nœuds de vi- bration ; un effet semblable arrive quelquefois [avec les cor- dons en caoutchouc. JX. Onpeut produire des son^tant lorsque les cordes vocales 84 DE LA VOIX lî'r Di;*, okganes laissent une étroite ouverture mitre elles, que quand elles se se touchent toui~à~fait. Dans ce dernier cas , les sons se produisent surtout avec facilité lorsque les cordes vocales sont très-laches : alors leurs vibrations sont très-fortes , parce que l'air, passant avec plus de difficulté , il les chasse et les écarte l'une de l'autre avec plus de force. La même chose exactement arrive avec les lan- (juetles membraneuses en caoutchouc ; car souvent ici le son se produit lorsque les cordons sont rapprochés jusqu'au point de se toucher, et même mieux encore quand le bord de l'un repose sur l'autre, ou quand on n'emploie qu'un seul ruban, et qu'on en tend le bord sur celui d'une planchette mince en bois. L'eftet est le même que dans les languettes qui ne battent pas ; l'ouverture se trouve fermée de moment en mbment , et le courant d'air interrompu par saccades. X. Les sons qui se produisent quand les cordes vocales , peu tendues , se touchent , diffèrent , pour l'éclat , de ceux qui ont lieu lorsque la glotte présente une fente étroite. Le son est plus fort et plus plein dans le premier cas , plus faible et plus sourd dans le second. XI. Quand les cordes vocales ont une longueur détej'minée et une tension faible qui demeure la même , V élévation du son ne carie pas ^ soit qu'elles se touchent ^ soit quelles laissent une étroite ouverture entre elles. XIL On peut très-bien encore produire des sons ^ quoique Us cordes vocales soient tout -a-fait relâchées^ pourvu que la glotte se trouve en même temps très-raccourcie. Pour opérer ce raccourcissement , on comprime la partie postérieure de la glotte entre les deux branches d'une pince. La fente étant réduite à deux lignes , on n'en obtient pas moins encore des sons si les cordes vocales sont détendues, et qu'elles se touchent par leurs bords. Cette propriété des cordes vocales ne s'observe pas dans les lames élastiques sèches , telles que les bandelettes de caoutchouc , mais bien dans les CHEZ l'homme et IES ANIMAUX. 85 rubans en tissu élastique, par exemple en tunique artérielle. Au reste, le tissu élastique ne perd pas, même lorsqu'il n'est point tendu , sa propriété de réagir contre le courant d'air ; car celui-ci, quand le passage est très-court, et que les cordes vocales se trouvent appliquées Tune contre Taulre , les dis- tend à tel point qu elles recouvrent la faculté de réagir en vertu de leur élasticité ; de sorte que la glotte est alternaii- vement ouverte et Fermée par les vibrations à très-grandes ex- cursions. Cependant il n'est pas même nécessaire que Téias- ticité des cordes vocales distendues par le courant d'air, de- vienne assez considérable pour fermer la glotte quand elle réagit; les cordes peuvent encore vibrer sans que la glotte se ferme périodiquement , de même qu'une languette de caout- chouc faiblement tendue vibre sans revenir à la ligne droite dans ses vibrations rétrogrades. XIII. On peut tout aussi bien produire des sons grades avec une glotte courte^ inême très-courte ^ qu'avec une glolle longue^ et des sons aigus avec une glotte longue qu'avec une autre courte^ pourvu^ quand il s'agit des sons aigus ^ que les cordes vocales de la glotte longue soient plus fortement tendues , et lorsqu'il est question des sons graves^ que celles de la glotte très- courte soient entièrement détendues^ les lèvres de l'ouverture se touchant. On peut , sans rien changer à la tension , raccourcir à vo - lonté la glotte en comprimant ses lèvres avec des pinces dans l'espace situé au devant des apophyses antérieures des carti- lages aryténoides. On peut aussi détendre à volonté les cordes vocales en pressant le cartilage thyroïde d'avant en arrière. A l'aide de ces procédés , on obtient les résultats qui viennent d'être énoncés. XIV. Lorsque les cordes vocales vihre7it en plein , depuis l'angle du cartilage thyroïde jusqu'aux apophyses antérieures, immédiatement appliquées V une contre Vautre, des cartilages aryténoïdes , et qu elles le font sans se toucher, avec un accrois- 8Ô DE LA VOIX ET DES ORGANES semont graduel de tension , le changement d'élévation des sons ti'est pas tout-à-fait le même que dans les cordes et les mem- branes tendues à leurs deux extrémités. Lorsqu'on accroît la tension des cordes vocales , les sons restent la plupart du temps de quelques semi-tons ou tons entiers au dessous de la hauteur que la théorie indique en pa- reil cas. Jamais ils ne deviennent plus aigus que celle-ci ne le comporte , à moins que les cordes ne soient inégalement ten- dues, et qu'en vibrant elles ne se touchent sur une partie de leur longueur, d'où résultent des nœuds de vibrations qui peuvent, au moment où l'on s'y attend le moins , donner lieu à des sons très-élevés , par analogie avec ceux qu'on appelle sons flûtes» On sait que , dans les cordes , les sons , ou nombres de vibra- tions , croissent en raison directe des longueurs de ces cordes , et inverse des racines carrées des poids qui les tendent. Si , par exemple, une corde tendue par un poids de quatre loth (1), donne ut , elle donnera avec un poids de seize loth l'octave de cet îit , et avec un poidsjde soixante-quatre loih, sa double octave. En ayant recours à l'appareil que j'ai décrit plus haut, on peut faire des essais comparatifs sur les cordes vocales. Il est vrai qu'en quarrant les poids mis dans le plateau de balance on n'obtient point généralement des octaves , mais la plupart du temps des sons qui sont d'un semi-ton, d'un ton entier, d'un ton et demi, de deux tons ou de trois tons au dessous des octaves ; cependant l'analogie est toujours assez frappante , et Ton peut du moins faire voir, au moyen de ces sortes d'expé- riences, que les sons produits par une tension qui croît suivant la proportion, 4, 16,64, se rapprochent jusqu'à un certain point de la série des nombres 1,2,4. Or cette circonstance suffit pour prouver que les sons de l'organe vocal de l'homme, en tant qu'ils naissent à la glotte et à ses limites immédiates , sont analo- gues à ceux des cordes et des languettes membraneuses. Les ex» (i) Le loth vaut une demi-once. CHEZ l'homme et LIS ANIMAUX. 87 périences ne réussissent qu'autant que les cordes vocales sont tendues avec le plus d'égalité possible , et qu'on évjte qu'elles se touchent dans des parties aliqiiotes de leur longueur; car, ainsi que je l'ai dit , ce contact , au lieu des sons sur lesquels on compte , en fait souvent naître qui sont beaucoup plus éle- vés et criards. Il est certains larynx dont on ne peut se servir, à cause de l'impossibilité d'éviter cette transition brusque à un autre registre lorsque la tension devient plus considérable ; les meilleurs, en général , sont ceux d'individus du sexe mas- culin, qui ont des cordes vocales plus longues. Il faut répéter souvent les expériences pour en rencontrer un qui permette d'éviter les sons criards. Je vais citer plusieurs exemples de larynx sur lesquels elles ont parfaitement réussi. C'est un in- convénient qu'on ne puisse parvenir à tendre les cordes vo- cales dans une direction bien droite , au moyen de poids > sans que d'autres parties opposent une certaine résistance. Lors- qu'on les tend en tirant sur le cartilage thyroïde, le tissu élas- tique compris entre ce cartilage et le cricoide , oppose un obsta,cle d'un côté, et détourne la tension de la direction droite ; on peut bien le couper, mais l'articulation entre les deux cartilages gêne encore , et alors même qu'on enlève cette articulation , les sons qu'on obtient , en accroissant la tension, sont presque toujours, quand on veut éviter le fausset, au dessous de ceux qu'on cherche à faire sortir. Dans les ex- périences que je cite pour exemples, la tension eut lieu en des sens un peu différens , tantôt suivant la direction même de la longueur des cordes vocales , tantôt dans une direction qui s'écartait un peu en avant ou en arrière de celle-là , afin d'apprendre à connaître l'étendue des anomalies qui ont lieu dans des expériences de ce genre. On conçoit que le son fon- damental des cordes vocales doit varier un peu suivant la direction dilTérente dans laquelle agit le cordon tendu par des poids. Un autre iiiconvénieni tient à l'impossibilité où l'on est d'obtenir toujours un souffle d'é.;]ale force. Or les sons devien- ^_^ 88 DE LA VOIX ET DES ORGANES neiU plus aigus quand le soulfle est plus fort. Ce qu'il y a de mieux , c'est de prendre pour point de comparaison les sons que fait sortir le souffle le plus faible , ou les sons fondamen- taux des cordes vocales. 1^« Expérience. Son fondamental des cordes vocales, avec ten- sion produite par un poids de 4 lolh, ut^. Tension 4 loth 16 loth 64 loth. Sons ut^ /«s sol^^ 2» Expérience. Tension 4 loth 16 loih 64 loth. Sons '^i'^^ «»8 la^,-K 3« Expérience, Tension 4 loth 16 loth 64 loth. Sons S0/J^3 ut^^ ut^ 4e Expérience. Tension 4 loth 16 loth 64 loth. Sons la^ ré^ uh 5« Expérience, Tension 4 loth 16 loth 64 loth. Sons H^^ f^^^ sol^ 6« Expérience. Tension 4 loth 16 loth 64 lolh. Sons H^ sol^. sol\ 7« Expérience. Tension 4 loih 16 loth 64 loth. Sons ré^ ut^ la. 8- Expérience. Tension 4 loth 16 loth 64 loth. Sons ré^^ si. la^ 9' Expérience. Tension 4 loth 16 loth 64 loth. Sons soL soL soi. Les deux dernières octaves sont sans netteté. Les sons ont été chaque fois déterminés par une autre per- sonne sur un piano bien accordé. XV. Les cordes vocales isolées du larynx et tendues ne se 'comportent qu* approximativement comtne les cordes , avec lesquelles s^ accordent les languettes membraneuses vibrant sans cadre par l'effet d'un courant d'air. /Quand on suit la méthode que j'ai indiquée plus haut pour faire produire des vibrations et des sons à des rubans de caout- chouc tendus librement sans châssis , au moyen d'un courant CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 8^ d'air sortant d un tube délié , il n'est pas difficile non plus d'en obtenir avec une corde vocale tout-à-fait isolée et ten- due, en soufflant dessus. J'enlève une corde vocale , de ma- nière à y laisser uni en devant un lambeau de l'angle du car- tilage thyroïde , et en arrière un lambeau du cartilage arylé- noïde. L'une des extrémités est alors fixée sur une planche -, à l'autre j'attache un fil , qui passe sur une poulie , et qu'on peut faire descendre , à l'aide de poids , dans un plateau de balance. Si alors je souffle vers le bord de la corde vocale , avec un tube délié , j'en obtiens le son fondamental , faible et sans éclat. Dans ce cas aussi , lésions restent au dessous des nombres exigés par la théorie. Une corde vocale tendue avec un poids de 16 lolh donna la^ ; en réduisant le poids à 4 loth, le son tomba à ré ; en replaçant le poids de 10 loth, la corde redonna îa]^. VVI. En changeant la iension , sans modifier la direction , les sons du larj-nx peuvent changer dans V étendue d' à peu près deux octaves; mais si la tension devient plus considérable ^ il se produit des sons désagréables^ -plus élef^és^ sifflans ou criards. Quand il ne s'agit pas , comme dans les cas précédens , de tendre les cordes vocales par des poids qui tirent suivant la direction des cordes elles-mêmes, le moyen le plus facile d'o- pérer la tension consiste à employer celui dont la nature se sert pour la faire varier, c'est-à-dire à abaisser le cartilage thyroïde vers le cartilage cricoide , les cartilugesaryténoïdes étant fixés. Le cartilage thyroïde agit alors comme un levier, dont le point d'appui est son articulation latérale avec le carti- lage thyroïde. Les expériences suivantes ont été faites de cette manière. On commence par fixer les cartilages arylé- noïdes sur une épingle, et à les lier ensemble , de sorte qu'il ne reste plus que la fente comprise entre les cordes vocales. Puis on les attache à une étroite planchette , sur laquelle la trachée-artère est fixée. La pîanchftte est dressée perpendi- culairement sur un pied. A l'angle antérieur du cartilage thy- roïde , immédiatci|^nî au dessus de l'insertion des corde$ go DE LA VOIX ET DES ORGANES vocales , se trouve attaché le fil , avec un petit plateau de ba- lance pendant verticalement. Si l'on ajoute des poids, le carti- lage thyroïde s'abaisse vers le cricoide , et l'espace rempli par le ligament crico-lhyroidien moyen devient plus étroit ; les cordes vocales sont tendues dans la même proportion. On imite en cela l'effet des muscles crico-thyroïdiens. Chez l'homme vivant aussi , Tespace complis entre les cartilages thyroïde et cricoïde devient de plus en plus étroit, pendant le chant, depuis le son le plus grave jusqu'au plus aigu ; chacun peut s'en convaincre sur soi-même , en appuyant le bout du doigt sur cet intervalle. Dans les expériences dont je vais parler, un poids d'un demi-lolh environ suffisait , quand le son était grave , pour l'élever d'un semi-ton ; lorsque la tension était plus considérable , il fallait un poids plus fort , et finalement même jusqu'à trois îoth , pour produire un changement d'un semi-ton. On conçoit que le poids agit différemment à me- sure que la situation du cartilage thyroïde change ; d'ailleurs, lorsque les cordes vocales restent long-temps tendues , leur éjasticité subit aussi de petits changemens. Je n'ai pris pour terme de comparaison que les sons appréciables produits par le plus faible souffle possible ; en soufflant avec plus de force, le son s'élève. Il suit de là que la détermination du son fonda- mental des cordes vocales à un degré donné de tension ne saurait jamais être parfaitement rigoureuse. Cependant je crois être en droit d'admettre pour certam que les erreurs qui résul- tent de là ne peuvent pas s'élever jusqu'à un semi-ton, puis- qu'on n'admettait jamais que les sons les plus graves. Somme totale, ces erreurs se compensent. Le défaut de pureté des sons rendus par les ligamens tendus avec des poids, était un peu sensible aussi à l'oreille d'un chanteur, qui les détermi- nait tous sur le piano. Les deux expériences furent faites l'une après l'autre sur le même larynx. L'élévation extraordi- naire qui fut produite par la tension était d'autant plus remar- quable , que le larynx appartenait à un sujet du sexe mas- culin. # CHEZ L HOMME ET LES ANIMACX. 9» PREMIÈRE EXPÉRIENCE. SECONDE EXPÉRIENCE. POIDS. SONS. POIDS. SONS. 1/2 loth. M. 1/2 loih. «i. 1 < 1 uK 1 1/2 ut^ 1 1/2 u% 2 ut^. 2 ré. 2 1/2 ré^ 2 1/2 ^é^^ 2 8/10 ré^^ 3 mi. 3 mi. 3 1/2 /«s 3 1/2 As 4 f^h 4 Ms 4 4/2 soL + 4 1/2 S0/3 5 sol^. 5 ^ol^i 5 1/2 la^ 5 1/2 la^ 6 lah 6 H^ 6 1/2 sh 6 1/2 si. 7 1/2 ut^ 7 si,~-ut^ 8 3/10 ut^^ 7 1/2 ut^ 9 ré^ 8 • • ùt^. 10 ^^^^ 8 1/2 ré^ 11 mi^ 9 7/10 rc^l 12 fa. 10 7/10 mi^ 13 H^ 11 7/10 /«4 15 sol^ 13 M4 17 1/2 soL'^j^ 15 soL^ 18 1/2 la. 17 'ol^^ 20 H^ 19 la^ 22 si. 1 22 M, 26 ut^ 25 si^ 29 ^% 28 Zit^ 32 ré^ 31 ^% 37 ré^. 35 ^'é^ Plus de son. 37 Plus de son. 02 DE LA VOIX ET DES ORGANES 'Après la première expérience, les cordes vocales n'avaient subi qu'un changement tel qu'au lieu de la^ elles donnaient si avec un poids d'un demi-Iolh. Il suit de ces expériences qu'une force musculaire d'envi- ron une livre peut produire les sons dans l'étendue de deux octaves. XVII. Lorsque la partie postérieure de la glotte est fermée , et que les cartilages aryténoîdes sont fixés , de manière que tes cordes vocales soient très-faiblement tendues par la seule élas- ticité du ligament crico-thj-roïdien moyen , on peut produire des sons plus graves encore en détruisant la tension opérée par ce ligament ^ et relâchant tout-h-fait les cordes. Dans ce cas , on détermine une détente plus considérable encore au moyen d'un fil chargé de poids, qui part de l'angle du cartilage thyroïde, en arrière , passe sur une pouHe , et rapproche par conséquent ce cartilage des aryténoîdes, qui sont fixés. Ce mécanisme explique l'effet du muscle thyro- aryiénoïdien. Le larynx est disposé verticalemeut , et on souf- fle par en bas, au moyen d'un tuyau recourbé. Pour ces sortes d'expériences il faut toujours être plusieurs ; l'un souffle , un autre met les poids dans le plateau de la balance, et un troi- sième détermine les sons sur le piano. Dans l'exemple que je cite , le son d'où l'on partait était ré^^ , avec une détente produite par un contrepoids de 3/10 de loth. En augmentant les poids de détente , les sons baissèrent de la manière sui- vante : Sons. — la^^ la, ut^^ ut, .si^ la^^ la ^ mi^ et sol]^ ^ l'un «iprès l'autre. Lolh. — V.o V. 1 IVxo l'/to IV. IVxo 27,0,. Sons. — mi^ rêj^^ ré^ ut^^. ^î\ Loth. — 2Vio 2«/ta 1\o 3«/,o 3'/.o. De celle manière , en détendant de plus en plus les cordes vocales par une action imitant celle du muscle tbyro-aryté- <3ÎÎE2 L HOMME ET LES ANlSlAtJX. Qj ïloïdien , on atteignait les tons les plus bas de la voix de poi- trine. XVIII. On peut , sur le larynx détaché du corps , produire deus registres tout-h-fait différens de sons , au moyen d'une très- faible tension des cordes vocales ; savoir , des sons en gé- néral plus graves , qui ont la plus parfaite analogie avec ceux de la voix de poitrine , et d^ autres , en général plus aigus , et les plus aigus de tous , qui ressemblent complètement à ceux de la voix de fausset. Ces sons différens peutent être produits par une même tension donnée. La tension restant la même , c'est quelquefois le son de la voix de poitrine qui sort^ et parfois aussi celui de la voix de fausset. Lorsque les cordes vocales ont un cer- tain degré de tension , les sons ont toujours le caractère du fausset , qu'on souffle doucement ou fort. Quand la détente est un peu considérable^ ils ont celui de la voix de poitrine , quel que soit le degré de force du souffle. La tension étant très-faible^ c'est de la manière dont on souffle qu'il dépend que l*une ou l'autre espèce de son sorte. Les sons de fausset se produisent plus facilement quand on souffle très -faiblement. Les deux es- pèces de sons peuvent être assez distantes l'une de l'autre , même d'une octave entière. Il convient, pour ces expériences, de prendre des larynx appartenant à des individus du sexe masculin. On doit tou- jours avoir soin de fermer la partie postérieure de la gloiie , et de fixer les cartilages aryténoides , ainsi que le larynx en- tier , au moyen des dispositions que j'ai indiquées plus haut, Quand les cartilages aryténoides sont fixés perpendiculaire- ment , la seule tension des cordes vocales par le ligament crico-thyroïdien moyen suffit pour donner lieu aux phéno- mènes dont il s'agit ici ; si l'on tend davantage par des moyens artificiels, il ne sort plus aucun son de la voix de poitrine, Liscovius a le premier découvert que les cordes vocales sont relâchées dans la voix de poitrine , et tendues dans celle de tête ou de fausset. Cependant il est possible , à un certain g/| DE LA VOIX ET DES ORGANES ! degré de détente, d'obtenir, en variant le souffle, des sons de poitrine aussi bien que des sons de fausset , et , pour ce qui concerne les premiers , leur élévation ne dépend pas de Té- troitesse de la glotte , mais du plus ou moins de détente des ligamens, comme je m'en suis convaincu par de nombreu- ses expériences , et comme je Tai prouvé par l'exemple cité au paragraphe XVII. La cause des sons de poitrine et de fausset tient donc à une autre .circonstance encore que celle qui a été découverte par Liscovius. XIX. Lorsque les cordes vocales ont un si faible degré ou de tension ou de détente qu'on parvient , en variant le souffle , à leur faire produire des sons de poitrine et des sons de fausset^ on peut se convaincre que ces derniers ne sont pas des sons flûtes, comme ceux auxquels donnent lieu les vibrations des parties aliquotes de la longueur d'une corde. Dans les deux cas , pen- dant les sons aigus du fausset et les sons graves de la voix de poitrine , les cordes vocales peuvent vibrer de toute leur [Ion- gueur ; on le constate par le témoignage de ses jreux. La dif- férence essentielle des deux registres consiste en ce que les bords des cordes vocales vibrent seuls dans les sons de fausset , tan-^ dis y quiG 1 dans ceux de poitrine^ les cordes entières exécutent des vibrations vives et a grandes excursions. Lehfeldt a le premier observé ce fait. G. Weber est sur- tout celui qui a insisté sur la comparaison des sons de faus- set avec les sons flûtes des cordes , et qui les a considérés comme devant naissance à ce que les cordes vocales vibrent avec des nœuds de yibration. On vient de voir que cette ex- plication ne saurait être admise. Cependant la production des sons de fausset n'est pas sans analogie avec celle des sons flû- tes. Ils dépendent de la division des cordes vocales dans le sens de leur longueur , ou des vibrations d'une partie seule- ment de la largeur de ces cordes , de la partie qui en forme le bord. Naturellement , un ligament qui a une certaine lar- geur doit être susceptible de plusieurs modes très-différen§ CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 95 de vibrations lorquon souffle dessus. Tantôt c'est le bord seul qui vibre , et alors le reste de la membrane n'est que dis- tendu par le courant d'air ; tantôt la membrane entière entre en vibration. Dans les sons de fausset , où le bord mince des cordes vocales vibre , on parvient presque toujours à dis- tinguer très-bien encore la fente de la glotte , à cause du peu d'étendue des excursions j dans les sons de poitrine , les excursions sont si grandes que les deux cordes semblent se confondre ensemble. Mais ce ne sont pas seulement les cordes qui vibrent dans leur entier ; la membrane avoi- sinante des ligamens inférieurs de la glotte , qui y tient , et que couvre la partie inférieure , la plus forte , du musclé thyro-aryténoidien , exécute aussi, de même que ce muscle , des vibrations violentes. Les sons de poitrine deviennent d'autant plus graves qu'on rapproche davantage le cartilage thyroïde des cartilages aryténoides fixés perpendiculairement, comme dans l'expérience citée au paragraphe XVII , où le son le plus grave atteignit \esii. Lorsqu'on détendait davan- tage , l'air cessait de parler. En éloignant successivement le cartilage thyroïde d'arrière en avant, sans que néanmoins les cordes vocales soient jusqu'à un certain point plus tendues , on obtient , sur un bon larynx d'homme , une série entière de sons de basse , du moins dans l'étendue d'une octave à pars tir du plus grave possible. On ne peut pas élever davantage la voix de poitrine de cette manière ; car elle saute à la voix de fausset , la seule qui soit possible quand les cordes vocales ont un certain degré de tension. La possibilité que les cordes vocales continuent encore , dans un pareil état de détente, de donner de* sons forts , se conçoit lorsqu'on réfléchit qu'en les allongeant , le courant d'air leur rend toujours un certain degré de tension , comme il arriveaussi aux rubans de caout- chouc. Les sons de poitrine élevés n'ont jamais été très-faciles à faire sortir sur un larynx détaché du corps. Le son sautant à la voix de fausset pour peu que la tension des cordes vo- §6 »E Ik VOÎX ET DES ORGANES cales augmente , il faut éviter tout accroissement de tensîoû lorsqu'on a envie de produire des sons de poitrine plus Jiigus. Mais il y a deux moyens à l'aide desquels on parvient , avec une loDjjueur et une détente données des cordes vocales , à élever encore de beaucoup le plus haut son de poitrine qui puisse être obtenu de la manière précédente. Le premier consiste à souffler plus fort , ce qui permet d'élever succes- sivement , sans nulle difficulté , jusqu^à une quinte ; les sons de poitrine plus aigus qu'on obtient ainsi , sont désagréa- bles , criards et bruyans. L'autre moyen consiste à rétrécir l'espace situé au dessous des ligamens inférieurs de la glotte. Cet espace et ses parois sont d'une grande importance pour la théorie des sons de poitrine. On n'y a eu nul égard jusqu'à présent. La circonstance que les parois de cet espace sont , immédiatement au dessous des ligamens inférieurs de la glotte , et dans une hauteur de quelques lignes, couvertes par une couche épaisse de chair musculaire , la partie infé- rieure du muscle thyro-aryténoïdien , suffit déjà pour prou- ver qu'il doit jouer un rôle important. On sait qu'il se rétré- cit à mesure qu'il s'approche de la glotte, avec laquelle il linit par se confondre. Pour se convaincre de l'influence qu'il exerce sur le changement des sons de poitrine , on n'a qu'à prendre un larynx d'homme, enlever, par une section trans- versale , tout ce qui se trouve jusqu'au dessus des ligamens inférieurs de la glotte , fixer les cartilages aryténoïdes par le procédé que j'ai indiqué , et mettre à découvert la partie charnue du muscle thyro-aryténoidien , sur les côtés des li- gamens inférieurs de la glotte , et plus loin , vers le bas, jus- qu'à la membrane interne du larynx, là où elle revêt le de- vant de la glotte rélréci en forme d'entonnoir. La membrane est encore élastique jusqu'à un certain point , et elle a supé- rieurement des connexions intimes avec le tissu des cordes vocales. Toute celte membrane de l'espace infundibuliforme antérieur de la glotte entre en vibration , dans les sons de mn l HOMME Et LES ANiMAt.^c Q'J l^ôîirine, avecloule i'épaisseur et toute la largeur des liga- mens inférieurs. Si l'on rétrécit latéralement l'entonnoir, dans sa partie évasée qui regarde vers le bas , qu'en conséquence on agrandisse la glotte dans le sens de sa profondeur de haut en bas , les sons de poitrine augmentent d'intensité , toutes choses égales d'ailleurs. C'est aussi en opérant ce rétrécisse- ment qu'on peut, mieux que par tout autre moyen, prévenir le passage de la voix de poitrine à celle de fausset. On l'o- père, sans comprimer les ligamensde la glotte eux-mêmes , au moyen de deux plaques , par exemple des manches de deux scalpels, qu'on appuie ensemble des deux côtés, à quel- ques lignes au dessous des ligamens inférieurs. Un effet ana- logue doit être produit , chez l'homme vivant, par les parties inférieures des muscles thyro-aryténoidiens , qui sont placés, comme des espèces de lèvres musculeuses , sur les côtés de cet isthme. La théorie au moyen de laquelle on peut l'expli- quer ressort des expériences sur les languettes membraneu- ses , expériences dans la relatioa desquelles j'ai fait voir qu'un bouchon enfoncé dans le porte-vent , immédiatement au devant de la languette , et muni d'une étroite ouverture à son centre , rend le son plus élevé qu'il ne serait avec la même longueur de porte-vent, mais sans bouchon. Le muscle thyro-aryténoidien a encore de l'importance sous un autre point de vue. Il ne se borne pas à revêtir l'isthme qui conduit à la glotte et à agir comme obturateur de ce point du porte-vent; il s'étend aussi sur la partie latérale des cordes vocales , avec les fibres externes desquelles les siennes sont intimement entrelacées ; puis sur le côté du ventricule de Morgagni , de sorte qu'en se contractant , il peut peser sur les membranes qui vibrent simultanémentavec les cordesvocales et sur celles-ci elles-mêmes, d'où résulte une élévation du son, comme je l'ai fait voir en pariant des languettes de caoutchouc. Enfin il peut encore changer la tension des cor- des vocales, puisque ses fibres entrent dans la texture de leur II. n g8^ DE LA VOIX ET DES ORGANES pourtour extérieur, commtî Ta démoniré nafjuères Laïuh , dont j'ai trouvé les observations conformes à la vérité. Quand le muscle se contracte , une corde vocale même détendue , ainsi qu'elle doit Têtre pour produire les sons graves de poitrine', devient un peu plus rigide. Cette action de sa part sur les cordes relâchées ressemble à celle que le sphincter de la bouche exerce sur la tension des lèvres chez Thomme qui sonne de la trompette. On voit que l'élasticité des lèvres de la glotte ne dépend pas seulement de la tension des cordes vocales, tant en avant qu'en arrière , mais qu'elle tient encore au degré de tension de leur pourtour musculeux. Les lèvres de la glotte ne se bornent pas aux ligamens élastiques ; elles sont de plus ligamenteuses et élastiques en dedans , muscu- leuses en dehors. On peut aussi remplacer l'action du muscle thyro-aryténoï- dien par la compression latérale du cartilage thyroïde , en supposant que celui-ci ne soit point ossifié , et l'on parvient ainsi à élever les sons de poitrine , autant qu'il est possible à la voix humaine de le faire aisément. Si les cordes vocales sont défendues , on évite entièrement par-là les sons de fausset. Un larynx dont les cartilages ary ténoides étaient fixés , et dont les cordes vocales étaient portées au plus haut point de détente par la traction d'avant en arrière du cartilage thy- roïde, donnait le son de poitrine ut„^. Par une détente moindre et un souffle plus fort , on pouvait faire monter les sons de poitrine jusqu'à ut^ , c'est-à-dire de toute l'étendue d'une octave. Il n'y avait pas possibilité de dépasser ainsi celte li- mite. Mais si l'on venait à comprimer latéralement le larynx à la région des cordes vocales et au dessous de cette région , les autres sons de poitrine sortaient sans difficulté , et ils mon- taient d'autant plus que la compression croissait davantage. On parvenait de cette manière à les élever encore d'une oc- tave, jusqu'à ?«<„, Là se rencontrait une nouvelle limite in- CttKZ L HOMMR T-T tES ANIMAUX. gg franchissable , et la compression du carlilage thyroïde était parvenue au plus haut degré. Il est digne de remarque encore que cette compression excluait totalement les sons de fausset. Il semble donc , si l'on veut considérer une compression ainsi exercée sur les cordes vocales en pesant sur les parties laté- rales du larynx , comme une imitation du muscle thyro- aryténoïdien , que c'est précisément ce muscle qui , en com- muniquant de la tension aux cordes vocales et rétrécis- sant par là l'isthme inférieur de la glotte , exclut la voix de fausset, dont les sons sont d'ailleurs possibles déjà à un degré assez marqué de gravité. Ainsi, sur le larynx précité, le premier son de fausset possible était /«Jf^ avant w<„, et les autres sortaient à partir de là; cependant tous, depuis ^^3 jusqu'à r//^ , étaient exclus par la compression graduelle du larynx , et les plus hauts sons de voix de poitrine étaient encore possibles jusqu'à ut^ en continuant toujours d'accroître cette compres- sion. Voici donc quelle est la théorie des sons de poitrine. 1° Les ligamens vibrent dans toute leur longueur , ainsi que les membranes qui y tiennent et le muscle thyro-aryté- noïdien. T Les sons de poitrine les plus graves s'obtiennent lorsque la détente des cordes vocales est portée au plus haut point possible , par le mouvement d'avant en arrière du cartilage thyroïde. 3° Lorsque la détente est portée si loin , les cordes vocales sont non seulement relâchées , mais encore , dans l'état de repos , ridées et plissées ; mais le souffle les distend , ce qui leur donne la tension nécessaire pour vibrer. 4° En rendant la détente moindre , et permettant au carti- lage thyroïde de se porter en avant, ou à la traction du liga- ment crico-lhyroïdien médian de céder, les sons de poitrine montent de près d'une octave. 5° Dans la situation moyenne de repos du cartilage thy- roïde et des cartilages aryténoïdes, quand les cordes vocales 100 DE LA. VOIX F/r DES OKGANKS ne sont ni tendues ni plissées , le larynx a de la disposition à produire des sons de poitrine moyens, ceux qui sortent le plus facilement , ceux entre lesquels et les plus graves pren- nent place les sons de la parole ordinaire. 6® La seconde octave sort déjà en collision avec les sons de fausset correspondans, mais on évite ceux-ci, et l'on fait monter les sons de poitrine jusqu'à leur dernière limite , soit en com- primant les cordes vocales sur les côtés et rétrécissant l'isthme inférieur de la glotte , au moyen du muscle thyro-aryténoi- dien , soit , comme déjà auparavant , en soufflant avec plus de force. 7° Les sons de poitrine dépendent non seulement des cordes vocales , mais encore de la tension des lèvres de la glotte par le muscle tliyro-aryténoidien. 8" Dans les sons de fausset, il n'y a que la partie interne ou le bord des cordes vocales qui vibre ; ces sons dépendent^ quant à leur élévation , de la tension des cordes vocales. XX. V épiglotte , les liganiens supérieurs de la glotte , les ventricules de Morgagni^ la voûte du palais ^ en un mot toutes les parties situées au devant des ligamens inférieurs de la glotte^ ne sont nécessaires ni à la production des sons de poitrine , /li à celle des sons de fausset. Celte proposition découle clairement des expériences pré- cédentes. XXL Les sons faciles à produire auec des larynx de femme ^ sont en général plus élevés. Cependant on parvient aussi à en faire sortir de graves en détendant tout-à-faitja glotte , et rapprochant les bords de cette ouverture jusqu'à ce qu'ils se touchent , même lors- qu'elle a peu d'étendue en longueur. Les cordes vocales des larynx de femme sont généralement beaucoup plus courtes que celles des larynx d'homme , et c'est à cela surtout qu'il faut attribuer le caractère plus aigu de la voix des femmes. Ainsi les registres des voix d'homme (basse-taille , ténor) et CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. 101 des voix de femmes (alto , soprano) dériveraient priacipa'.e- ment et primitivement de la longueur diverse des cordes vo- cales , quoique la différence de capacité du larynx et la force de ses parois y prennent aussi une grande part. Si les parois forment un corps de résonnance faible et petit, il peut arriver que des sons graves soient encore possibles , mais ils n'ont pas d'éclat. Il est vrai que les cordes vocales plus longues de Ihomme peuvent suppléer jusqu'à un certain point , par la plus forte tension qui donne lieu aux sons de fausset , ce que les femmes avec des cordes vocales plus courtes produisent aisément à l'aide d'une moindre tension ; mais cet effet a né- cessairement pour limite celle de la force contractile des mus- cles. Or Schwann assure que le maximum de la contraction des muscles ne les raccourcit que d'environ un tiers (1). Comme la tension des cordes vocales peut être opérée si- multanément en avant et en arrière pur des muscles différens, et que les pièces auxquelles s'insèrent ces cordes peuvent se mouvoir en quelque sorte à la manière de leviers , les moyens sont à la vérité un peu plus forts ; cependant l'ascension des sons ne doit point tarder à rencontrer sa limite sur cette voie. La^ tension une fois parvenue au plus haut point, il n'y a plus que le contact accidentel des cordes vocales sur des parties aliquotes de leur longueur qui puisse produire un son plus élevé , mais aussi plus faible. J'ai cherché à mesurer la lon- gueur des cordes vocales de l'homme et de la femme, et leur proportion dans les deux sexes. Comme on ne doit avoir égard, (1) Le faible degré de raccourcissement dont les muscles sont susceptibles a rendu nécessaire que, chez l'homme, ces organes s'insérassent partout à peu de distance du point d'appui du levier. Il y aurait économie de force à ce qu'ils fussent insérés plus loin , mais l'étendue du raonvement diminuerait à cause du peu de raccourcissement des muscles, et le biceps , par exemple , ne pourrait plus appliquer l'avaut-bras au bras , comme lui permet de le faire , malgré le peu d'étendue de son raccourcissement . son inseiUoa au voisinage du point d'appui. 105 DE LA VOIX ET DES ORGANES pour les cas possibles , qu'à la seule longueur des cordes vo- cales elles-mêmes, et non à la longueur entière de la glotte jusqu'à la partie inter-aryténoidienne , je n'ai mesuré que la longueur de ces ligamens depuis leur insertion antérieure jus- qu'à leur msertion postérieure à l'apophyse antérieure de !a base du cartilage aryténoide. Comme leur tension est varia- ble , il est indispensable , pour établir des comparaisons , de se procurer une base déterminée. Je les mesure et dans l'état de repos et dans celui de tension extrême , par conséquent dans la plus grande longueur qu'on puisse leur donner en éloignant l'un de l'autre le cartilage thyroïde et les cartilages aryténoïdes. En général , les cordes vocales proprement dites sont, dans la plus grande tension possible, plus courtes d'un tiers chez la femme que chez l'homme ; cependant on rencontre de nombreuses variations , dont le tableau suivant donnera un aperçu. Pour comparer les larynx d'homme et de femme , je n'ai pris ces organes que sur des individus qui eussent dépassé l'âge de puberté. Une petite partie des fibres de la corde s'attache , un peu plus en arrière que l'extrémité de l'a- pophyse antérieure , au bord supérieur de celte apophyse , jusqu'auprès du bord antérieur du cartilage aryténoide ; cette portion a été comprise dans les mesures , et celles-ci sont en millimètres. MAXIMUM DE HOMMES. FEMMES. GARÇON DE 14 ANS. Tension. . Repos 21 18 21 16 25 26 21 23 19 23 16 15 16 12 12 14 14,5 10,5 Longueur moyenne des cordes vocales pendant le repos î chez rhomme 18 1/4 , chez la femme 12 2/3, CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. lo3 Longueur moyenue au maximum de tension ; chez l'homme 23 V^ millimètres , chez lu femme 15 2/3. Les longueurs des cordes vocales de l'homme et de la femme sont donc à peu près dans la proportion de 3 : 2 , tant pendant le repos qu'au maximum de tension. Mais l'allonge- ment que ces cordes sont susceptibles d'acquérir, au-delà de leur longueur ordinaire , par l'effet de la tension , est d'un peu moins de 5 millimètres chez l'homme , et de 3 chez la femme. Des mesures de ces deux états des cordes vocales prises sur des larynx de basses-tailles, de ténors , d'altos, de sopranos et de castrats après leur mort , seraient du plus grand intérêt pour la physiologie ; mais il faudrait les prendre concurrem- ment avec d'autres sur des larynx ordinaires , afin que les points de comparaison demeurassent les mêmes ; car lors- qu'on mesure , par exemple , les cordes vocales depuis leur commencement en devant jusqu'à la pointe saillante de l'apo- physe antérieure des cartilages ary ténoïdes , les quantités sont toujours un peu plus petites que celles qui viennent d'être énoncées. XXII, A tension égale des cordes vocales par un poids ^ la force plus grande du souffle élève le sonjasquà près d\ine quinte , et même plus. Tous les semi-tons sortent alors avec facilité. Si , par exem- ple , on part de sol^ , indiqué comme son fondamental des cordes vocales , quand on souffle aussi doucement que possi- ble , on peut produire en accroissant graduellement la force du souffle «0/3 sol^^ la^ la^^ si^ ut^ ut^^. Si alors on augmente tellement la tension par des poids que le larynx donne, avec le souffle le plus faible possible , l'octave de sol^ , ou sol^ , le son , au moyen de l'accroissement successif du souffle , monte jusqu'à mi^ par semi-tons assez purs. Dans une autre expé- rience , le son , par un souffle plus fort , monta successivement de réj^3 à /«g. Cette ascension a été observée aussi par Lisco- 104 I^E LA VOIX ET DES OnCANES vius. Ferrein la connaissait déjà (1); mais il l'évaluait trop bas, en la réduisante un semi-ton ou à un ton entier. Sous ce point de vue , l'organe vocal ressemble parfaitement à un larynx artificiel préparé avec des rubans membraneux. A la vérité , comme je l'ai déjà fait remarquer, quand on opère sur des ru- bans secs en caoutchouc , et qu'on augmente la force du souf- fle, le son fondamental ne monte que de quelques semi-tons ; mais , avec des languettes élastiques humides du même tissu que les cordes vocales , celles par exemple qu'on tire de la carotide primitive de l'homme, on parvient aussi, en accrois- sant successivement la force du souffle, à l'élever, de semi- ion en semi-ton , jusqu'à une quinte. Il suit de là qu'on peut employer deux procédés difFérens pour faire sortir un seul et même son x d'un larynx humain ; le premier consiste à souf- fler doucement et tranquillement , cas dans lequel les cordes vocales doivent avoir une longueur et une tension y telles que leur son fondamental soit le son x qu'on cherche ; l'autre con- siste , les cordes vocales ayant la longueur et la tension vou- lues pour produire un son fondamental plus grave dans les limites de l'octave immédiatement au dessous , à leur faire rendre le son plus élevé x par la force qu'on donne au souffle. Les deux sons diffèrent beaucoup l'un de l'autre quant à l'é- clat. Celui qu'on forme en soufflant doucement est bien plus plein que celui qu'on obtient en soufflant plus fort avec une tension primitive moindre ; la production de ce dernier exige plus ou moins d'efiforts selon le plus ou moins de tension primi- tive des cordes vocales ; il a quelque chose de criard , et pré- sente d'autant moins d'éclat que la tension primitive des cordes vocales s'éloigne davantage de la tension primitive nécessaire à la formation du son x. A-t-on atteint le maximum de tension auquel les cordes vocales donnent le son le plus aigu possible par un souffle tranquille ? on peut encore , en soufflant plus (1) Mèm, de VAc. des se, de Paris, 1741, ^^ 431. . CHEZ L HOMME ET LES AN DlÀUX. lOD fort, faire sortir quelques autres sons plus aigus , mais criards. L'épreuve sur Rous-mémes nous l'apprend aussi, et Ton voit par-là combien les expériences sur le larynx des cadavres peuvent répandre de jour sur la théorie de la voix huD^aine. XXIII. Quand on inspire Vair^ au lieu de L'expirer^ les cor- des vocales ayant un degré déterminé de tension , le son ne sort point en général ; .quelquefois seulement il s'' en produit un criard et un peu plus grave. Comparez , à cet égard , ce que j'ai dit des languettes en caoutchouc. XXIV. Lorsqu'on touche la partie extèricire des cordes vo- cales ^ elles donnent des sons plus aigus ^ absolument de même que les languettes en caoutchouc du larj-nx artificiel. XXV. La longueur du porte -vent et du corps de tuyau n'exerce pas une influence aussi sensible sur le son des cordes vocales que sur celui des anches en caoutchouc. Magendie présume que , d'après l'analogie des anches de Grenié , la longueur du porte-vent du larynx humain , c'est- à-dire celle de la Irachée-artère , influe sur les modifications du son. Les expériences avec le larynx artificiel à bandes de caoutchouc et celles avec le larynx lui-même ne s'accordent pas très-bien ensemble sous ce rapport , et celles avec le la- rynx véritable me déterminent à dire que la longueur de la trachée-artère, qui d'ailleurs varie peu, n'exerce aucune in- fluence sur l'élévation des sons. En ajoutant au porte-vent diverses allonges , de petites et de grandes dimensions , et cherchant à rendre le souîïle aussi semblable que possible pour la production du son fon- damental d'une tension donnée, je n'ai pu parvenir à abaisser le son d'une manière sensible , quoique cet effet ait lieu or- dinairement avec beaucoup de facilité quand on emploie des rubans de caoutchouc , et même des tuniques d'artère. Dans beaucoup de cas , l'allongement et le raccourcissement du porte -vent n'ont paru influer en rien sur le sod ; dans d'au- I o6 DE LA. VOIX ET DES ORGANES très , l'allongement du porte-vent a déterminé , la force du souille étant la même, un abaissement d'un semi-ton, très-ra- rement d'un ton entier. De même, lorsqu'avec un porie-vent de longueur déterminée j'ajoutais un corps de tuyau au de- vant des ligamens inférieurs de la glotte , je n'observais non plus qu'une faible influence de la part de celui-ci. Ces der- nières expériences sont beaucoup plus difficiles à exécuter que celles dans lesquelles on allonge le porte-vent , parce qu'on a de la peine à attacher un corps de tuyau au devant des cordes cocales, et parce que, lors même qu'on y réussit, il devient difficile de donner à ces cordes une tension détermi- née. Voici comment on arrive au but. On commence par at- tacher ensemble les extrémités postérieures des cordes voca- les, au moyen d'un fil passé immédiatement au devant des apo- physes antérieures des cartilages aryténoides : c'est le moyen d'assurer l'embouchure. Les bouts de la ligature sont dirigés en arrière , au dessus de la paroi musculo-membraneuse si- tuée entre les cartilages aryténoides. L'épiglolte, les ligamens ary-épiglottiques, les cartilages de Santorini et la paroi mem- braneuse située entre les cartilages aryténoides doivent être ménagés ici , parce qu'ils servent à fixer un tuyau de six à huit lignes de diamètre; mais on enlève le bord supérieur du cartilage thyroïde , pour rendre plus facile la fixation de ce tuyau , auquel on en peut ensuite en ajouter d'autres de même calibre. On fixe alors le larynx, on rapproche les car- tilages aryténoides l'un de l'autre par une ligature, et Ton im- prime une tension déterminée aux cordes vocales à l'aide du cordon, sortant par une très petite ouverture , qui lie la partie postérieure de ces cordes. Quand on souffle , l'ouverture par laquelle le cordon sort , en arrière , de la cavité du larynx , se trouve bouchée. Ces expériences, qui sont, je le répète, des plus difficiles à exécuter, m'ont laissé convaincu , après de nombreuses répétitions, que la longucurdu corps de tuyau n*a pas d'influence sur le son des cordes vocales. L'abaissement CHEZ t HOMME ET LES ANIMAUX. î 07 possible dans quelques cas rares ne dépassait point un semi- ton ; bien plus rarement était~il d'un ton entier ; la plupart du temps, il n'y avait pas de changement appréciable. Il paraît y avoir là une différence entre le larynx naturel et le larynx artificiel. Dans ce dernier, soit qu'on emploie des rubans en caoutchouc, soit qu'on se serve de tuniques artériel- les humides , rallongement du corps de luyau détermine un abaissement du son dont j'ai fait connaître les limites» Cepen- dant la différence n'est point absolue -, car il arrivait quelque- fois, surtout quand le son sortait difficilement , parce que les ligamens étaient trop lâches ou trop tendus, que ceux-ci n'a- baissaient point^le son , ou ne l'abaissaient que d'une manière très-peu sensible lorsque j'allongeais ou le corps de tuyau ou le porte -vent. J'ai tenté plusieurs expériences pour découvrir la cause à laquelle cette différence peut tenir. L'explication la plus vraisemblable me semble être celle-ci. Dans le iarynx, quand les cordes vocales ont un certain degré de tension , il ne s'agit que de leurs vibrations propres , puisque la mem- brane qui unit leur pourtour avec les parois du larynx n'e>t point tendue. Mais , dans les iarynx artificiels à languette en caoutchouc ou en tunique artérielle, outre qu'il y a tension de celles-ci en deux directions sur leur bord , la portion moins tendue influe sur les vibrations de ce bord, comme on peut s'en convaincre en posant légèrement le doigt dessus. Au moyen de cette plus grande largeur et de cette continuité entre la portion tendue et la portion non tendue de la membrane élas- tique, celle-ci est plus susceptible d'éprouver, dans ses vibra- tions et ses sons, des modifications dépendantes de la lon- gueur du corps de tuyau et du porte-vent, que les cordes vo- cales , dont les vibrations primitives demeurent , en grande partie, bornées à elles-mêmes. J'avais pensé que l'extensibilité du porte- vent du larynx, ou delà trachée-artère, pourrait être cause du peu d'influence des corps de tuyau. Cette conjecture ne s'est cependant point 108 DE LA. VOIX ET DES ORGANES confirmée ; car, quand je remplaçais la trachée-artère par un tuyau en bois, je n'obtenais pas de changemens plus considé- rables du son en ajoutant des corps de tuyau. Toutefois, les membranes situées entre les cartilages du larynx ont , par la distension que le vent leur fait éprouver, quelque part à cette différence entre le larynx naturel et le larynx artificiel , dont les parois sont absolument rigides. Dans les expériences ayant trait à l'influence des corps de tuyau sur le son des cordes vocales du larynx lui-même, il m'a semblé qu'à une longueur déterminée du porte-vent , le son sortait moins bien qu'à d'autres , ce qu'on remarque aussi dans les anches en caoutchouc. C'est à cela qu'il tient que la co- lonne d'air ne peut pas bien s'accommoder aux anches. Wheastone a déjà signalé cette circonstance dans d'autres an- ches, et Bishop accorde beaucoup d'importance àl'accommo- daiion réciproque des colonnes d'air en avant et en arrière des cordes vocales pendant la vie. Celte influence a cependant été très-laible dans mes expériences, et je ne l'ai observée que quelquefois parmi un grand nombre de cas , en sorte que je ne puis pas lui accorder l'influence sur l'organe de la voix humaine que Bishop lui attribue. Au contraire , il ap- paraît clairement que , dans les changemens des sons, chez l'homme , on doit fort peu compter sur le raccourcissement et l'allongement tant de la trachée-artère que de l'espace situé au devant des cordes vocales par les mouvemens de descente et d'élévation du larynx. Tout au plus peut-on admettre que l'allongement du tuyau placé au devant des cordes vocales par l'ascension du larynx, et son raccourcissement par la des- cente de cet organe facilitent, toutes choses égales d'ailleurs, dans le premier cas la formation des sons graves, et dans le second celle des sons aigus , ce qui du moins est confirmé par ce qu'on observe sur l'homme vivant. XXVI. ha structure en partie membraneuse dfi porte-vent ^ ccst'à-dire de la trachve-artèro ^ ne modifi'i pas sensiblement CHEZ L HOMME ET LES ÀNlMAtJX. lÔC) îe son des cordes vocales , et la trachée-artère se comporté comme loferait un imjau en bois de même diamètre. Sous ce rapport, les anches à languettes membraneuses et porte-vent en partie membraneux se comportent tout autre- ment que les anches membraneuses à colonne d'air vibrante , dans lesquelles, d'après les découvertes deSavart, la co- vibraiion des parois membraneuses modifie consiaérablement les vibrations principales de la colonne d'air. Cette influence va si loin ici, qu'une anche en carton mouillé mince peut abaisser le son de toute une octave au dessous de celui que donne une anche d'égale longueur , mais à parois rigides. Dans les anches très-courtes et cubiques, l'abaissement est plus considérable encore , et peut aller à deux octaves en- tières. Je fabriquai un porte-vent long de sept pouces et demi, avec trois pouces de trachée-artère d'homme et quatre pouces et demi de tuyau en bois : le son d'une languette en caout- chouc soufflée avec ce tube , fut le même que celui qui était produit par un porte-vent rigide d'égale longueur. L'apposi- tion de la main sur la partie membraneuse de la trachée-ar- tère n'exerce pas non plus d'influence appréciable. XXVIl. Le double corps de tuyau ajouté à Vorgane vocal de rhomme , savoir le tube buccal et le tube nasal , ne paraît pas agir autrement qu'un corps de tuyau simple , sous le rapport de l'élévation du son , mais il change Véclat de ce dernier^ par l'effet de la résonnance. J'ai cherché à déterminer cette influence sur un larynx arti- ficiel à rubans de caoutchouc , qui se terminait par un corps de tuyau court auquel on pouvait adapter un tube bifurqué. Le sou était le même , pour l'élévation , qu'avec un corps de tuyau simple de même longueur; mais il était plus éclatant. XXXVIII. Lorsquon couvre la cavité supérieure du larynx en déprimant Vcpiglotte^ le son devient un peu plus grave et en même temps plus sourd. C'est un effet analogue à celui que l'on produit en couvrant 1 10 DE LA VOiX ET DES ORGANES un corps de tuyau court adapté au larynx artificiel. Nous nous servons évidemment de ce moyen pour produire des sons très- graves. C'est du moins le but que paraît avoir le mouvement d'abaissement et de rétraction qu'on imprime à la langue , en penchant la tête en avant, lorsqu'on veut produire des sons de basse-taille très -graves. XXIX. Du reste , Vépiglotte semble ne servir en rien à mo- difier les sons. J'attachai une épiglolte humaine au pourtour d'un corps de tuyau , un peu au devant de la lame en caoutchouc d'un la- rynx artificiel , en l'établissant à peu près à la même distance de la glotte que dans le larynx naturel. Le son que j'obtins en soufflant ne difl'érait pas de celui qui avait lieu quand j'enle- vais l'épiglolte ; cependant il fallait que celle-ci pût vibrer, car dès qu'elle était attachée de manière à agir comme obtu- rateur, le résultat était le même qu'avec tout autre bouchon quelconque. Grenié a cherché à empêcher le son de monter dans les anches à languette métallique , en mettant au des- sus de celle-ci une petite lamelle vibratile fixée seulement par sa base ; Biot et Magendie présument que l'épiglotte rem- plit la même fonction. Les expériences directes que j'ai faites ne parlent point en faveur de cette hypothèse. Toutes choses égales d'ailleurs , le souffle peut élever successivement le son jusqu'à la hmite d'une quinte, que l'épiglotte existe ou non. En mettant le doigt dans sa gorge jusqu'au bord supérieur de l'épiglotte , on peut se convaincre que celle-ci ne change pas de position , qu'on fasse sortir le son avec la voix de fausset ou avec celle de poitrine. XXX. Les piliers du voile du palais et la luette se raccour- cissent dans les sons de poitrine élevés , comme dans les sons de fausset , ef , le son restant le même quant à V élévation , Visthme du gosier conserve le même degré d^étroitesse , que ce son ap- partienne àla voix de poitrine ou à la voise de fausset, Onpeut CHEZ L*HOALME ET LES ANIMAUX. 1 r i aussi , dans les deux cas , toucher les piliers du voile dupalais ai^ec les doigts , saiis que le son change. Rien n'est plus facile que de se convaincre de tous ces faits en introduisant le doijjt dans la bouche , sur le côté, jusqu'à risihme du gosier. Ils réfutent l'opinion de Bennati, qui croyait que les piliers du voile du palais prennent part à la formation des sons de la voix de fausset , ou les produisent. Le simple fait du rétrécissement de l'isthme du gosier dans les sons éle- vés, a été observé d'abord par Fabrice d'Aquapendente, puis, dans les temps modernes , par Mayer, Bennali et Dzondi. XXXI. Le rétrécissement du commencement du corps de tuyau ou de la cavité supérieure du larynx , immédiatement au devant des ligamens inférieurs de la glotte , peut , d'après la théorie des anches , élever un peu le son. Cependant on ne saurait en donner la démonstration par des expériences , attendu qu'il n'est guère possible de comprimer la cavité laryngienne supérieure sur un larynx détaché du corps , sans exercer quelque action sur les cordes vocales. Un simple rétrécissement n'a pas d'influence sensible. XXXU. Les ventricules de Morgagni ne servent évidemment quà rendre les cordes vocales libres en dedans, afin que leurs vibrations ne soient pas gênées. Cet usage leur a déjà été assigné par plusieurs écrivains , tels que Malgaigne, Ch. Bell et autres. Malgaigne compare les ventricules de Morgagni au godet de l'embouchure de la trom- pette , qui met les lèvres en liberté. C, Conclusions générales. Des expériences faites sur le larynx artificiel à languettes membraneuses , et de celles sur le larynx humain lui-même , dont les résultats s'accordent parfaitement ensemble , quant aux points essentiels , il suit que l'organe vocal de l'homme est une anche à deux lèvres membraneuses, Telle est l'opi- î 11 DR LA V0I5t ET DES ORGAN^â nion de plusieurs physiciens, comme Biot, Cag^niard La Tour, Muncke , de musiciens ihéoriciens , comme G. Weber, el de quelques physiolog^istes , comme Magendie , Malgaigne , elc. Ferrein en avait déjà préparé les bases , en ^41, par ses expériences sur les sons que produisent les cordes vocales , et sur les modifications que les diversités de longueur et de tem- sion de celles-ci leur font subir. Savart lui-même, qui attaqua la comparaison de l'organe vocal avec une anche , convint que, lorsqu'on fait sortir des sons en soufflant dans la trachée- artère dont toute la partie antérieure a été retranchée jus- qu'aux ligamens inférieurs de la glotte , ils sont produits de la même manière que ceux des anches. A la vérité , il regarde les sons des anches comme ne ressemblant pas à ceux de la voix humaine; mais, en suivant la méthode que j'ai employée, il m'a été impossible de trouver entre eux aucune différence essentielle ; j'obtiens les sons de poitrine et ceux de fausset , avec tout l'éclat dont ils sont susceptibles , en réunissant les conditions que j'ai fait connaître , et ce qu'il y a de différent peut dépendre du corps de tuyau ajouté à l'organe vocal. Sa- vart pense que le corps à proprement parler sonore est l'air des ventricules compris entre les ligamens supérieurs et in- férieurs de la glotte , et il compare cet appareil à l'appeau des oiseleurs , petite anche à colonne d'air vibrante. Cependant l'appareil élastique des ligamens inférieurs de la glotte et les moyens d'organisation employés pour amener leur tension sont trop évidemment calculés dans la vue d'un instrument à anche , pour qu'on puisse attacher une grande valeur à celte objection d'un homme qui a d'ailleurs rendu de si grands ser- vices à l'acoustique. En outre, la différence de tension ne mo- difie pas moins les sons dans les larynx auxquels on a laissé les ventricules latéraux et les ligamens antérieurs de la glotte, que dans ceux où l'on a enlevé ces parlies jusqu'aux ligamens inférieurs de la glotte. Les Mammifères auxquels manquent les ligamens supérieurs de la glotte, les Ruminuns, s'élèvent ^Cmt L*IÎOMME ET LES ANLMAtX. 1 1 3 d'ailleurs contre la théorie de Savart. Tout l'appareil situé au devant des ligamens inférieurs peut bien avoir quelque in- fluence sur la modification du son , comme le corps de tuyau ajouté à l'embouchure des insirumens à anche , et cela plutôt par le rétrécissement de la cavité supérieure du larynx que par la longueur du tuyau ; celte partie antérieure du larynx peut aussi avoir, dans l'organe vocal de l'homme , une disposi- tion particulière que nous ne saurions procurer au corps de tuyau d'une anche ; mais la cause principale du son n'en de- meure pas moins la vibration des ligamens inférieurs de la glotte eux-mêmes , et les sons naissent aussi simplement de ces membranes élastiques que du sphincter de l'anus , oii la tension par la contraction musculaire remplace l'élasticité propre des cordes vocales. Fechner objecte que si l'organe vocal était une anche , il devrait ne pas se produire de sons pendant l'ouverture de la glotte ; d'après la théorie des anches , les sons ne devraient dépendre que des alternatives d'ouverture et de fermeture de la glotte en vertu de l'interruption périodique du courant d'air ; mais les cordes vocales peuvent très-bien vibrer sans clore périodiquement la glotte ; donc la production des sons est réellement indépendante de cette occlusion. Cependant j'ai démontré que cette théorie de la production des sons par les anches n'est point aussi exacte qu'on l'admet générale- ment ; car il sufiBt de simples courans d'air passant au devant de languettes minces pour produire des sons pareils, quant au degré et à Téclat , à ceux qui ont lieu quand les languettes agissent comme des valvules ; d'ailleurs , il y a une position de la languette, soit métallique, soit membraneuse , qui fait qu'elle ne se meut plus comme valvule , mais vibre librement au devant de l'ouverture , par l'effet de la force du courant d'air , lorsque celui-ci a une force suffisante pour rechasser la languette avant qu'elle ait pu clore l'ouverture. Enfin , il est souvent possible , sur le laryux artificiel à iaiigueiies en II. ' 8 1 )4 DE LA VOIX ET DES ORGANES caoutchouc , de faire sortir encore des sons quoique les lèvres de ranche laissent entre elles une fente considérable. Quant à la comparaison des ligamens de la glotte avec des cordes , elle est exacte sous certains points de vue , mais manque de justesse à d'autres égards. Les expériences de Ferrein qui établissent cette analogie sont du nombre des meilleures qu'on ait jamais faites. Ferrein a montré que les ligamens de la glotte résonnent à la manière des cordes que l'air fait parler , et que les sons qu'ils produisent ne varient point en raison de la largeur diverse de la glotte. La moitié des cordes vocales lui donnait l'octave de leur son fondamen- tal , et le tiers leur quinte. Enfin , il a trouvé qu'un change- ment de deux à trois lignes dans la longueur de ces ligamens suffisait à toutes les variations de la hauteur de son , la ten- sion remplaçant ici. ce que la diversité de longueur opère sur les cordes tendues également. Quoique ces expériences aient été attaquées par Bertin , Montagnat, Runge et Nollet les trou- vèrent exactes (1). En effet, celles que j'ai faites sur le larynx artificiel s'accordent parfaitement avec elles. La moitié d'une languette de caoutchouc donnait l'octave du son fondamental; et les expériences avec la tension des cordes vocales soumises à la mensuration ont fait voir qu'en général ces languettes changent leurs vibrations d'après les mêmes lois à très-peu près que les cordes. Je ne puis me ranger à l'avis de Biot, quand il dit : <- Qu'y a-t-il dans la glotte qui ressemble à une » corde vibrante ? Où trouverait-on la place nécessaire pour » donner à cette corde la longueur qu'exigent les sons les plus » graves? Comment pourrait-on en tirer jamais des sons d'un » volume comparable à ceux que l'homme produit ? Les plus » simples notions d'acoustique suffisent pour faire rejeter cette » étrange opinion. » Il est facile de réfuter l'objection de Biot. Toute languette membraneuse vibre d'après les lois des cor- Ci) HaUER, Elément, physiol; 21U LU, IX, § 8, 9, 10, CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 1 1 5 des , c(f(nme toute languette métallique d'après celles des ver- ges. Une corde, a quelque degré qu'on la raccourcît, pourrait encore produire des sons graves si l'état de détente où elle doit être permettait qu'elle eût encore de rélasiicilé. Mais les membranes plastiques et les rubans de caoutchouc ont encore ce degré d'élasticité lorsqu'ils sont très-détendus , et nous avons vu qu'en se raccourcissant , ces courts rubans changent leurs sons, comme les cordes, en raison inverse de la lon- gueur. De petites lamelles en caoutchouc tendues donnent même , par la percussion , des sons clairs , quoique ceux-ci ne soient pas soutenus comme dans les cordes longues ; mais le choc continu de l'air, en soufflant, fait qu'ils se soutiennent et qu'une lamelle qui vibre comme corde par simple percus- sion se transforme en anche. Sous ce point de vue donc , les Kgamens de la glotte ressemblent parfaitement aux cordes , et la seule différence consiste dans le corps qui les fait parler. Jusqu'ici la comparaison établie par Ferrein est parfaitement exacte. Mais, sous un autre rapport, les cordes vocales diffèrent totalement des cordes ordinaires , et celte différence est assez grande pour leur assigner^ ainsi qu'aux autres anches mem- braneuses , une place particulière parmi les instrumens de mu- sique. Une percussion plus forte rend le son d'une corde plus grave ; la force plus grande du souffle élève , au contraire , le son d'une languette membraneuse d'un semi-ton , de deux, ou plus, et quand les languettes membraneuses élastiques sont humides (cordes vocales et rubans de tunique artérielle), l'élévation va même jusqu'à un grand nombre de semi-tons. L'anche métallique d'une trompette d'enfant donne toujours , quand on souffle avec plus de force , des sons plus aigus , dont l'élévation va jusqu'à une octave et demie sans intervalles, et si d'autres ancîîcs métalliques ne se comportent pas de la même manière , il n'en faut chercher la cause que dans leur force compa':ée à celle du courant d'oir. Ainsi , dans uno an- i ]6 DB LA VOIX ÎT niîS ORGAINËS che , rélévation du son dépend à la fois et de Tanche et de l'air qui la choque. Au contraire , dès qu'une corde a reçu une impulsion , celle-ci n'exerce plus d'action ultérieure et modi- fiante sur les vibrations ; la corde est abandonnée aux seules os- cillations qui dépendent de sa longueur et de sa tension. Plusieurs physiologistes, parmi lesquels on compte Dodart et Liscovius , ont cherché la cause essentielle de la voix dans la largeur ou l'étroilesse de la glotte et dans les vibrations de l'air produites en cet endroit. Quoique Dodard connût bien l'influence que la tension des cordes vocales exerce sur le changement du son , cependant il finit par ne plus attribuer la production des difFérens sons qu'à la grandeur de l'ouverture , admettant que , selon leur degré de tension, les cordes vocales déterminent, par les vibra- tions que l'air leur imprime , une ouverture différente de la glotte. Il disait qu'un changement , dans la glotte , de 1/54 d'un fil de soie , ou de 1/384 de cheveu , donne déjà un autre son. Cette hypothèse est absolument inexacte; car, pourvu que la tension' des cordes vocales ne varie point , un changement, même notable , de l'ampleur de la glotte ne fait pas varier l'élévation du son. Quant à la théorie de Liscovius , voici en quoi elle consiste. C'est de la glotte elle-même et de sa différente largeur que dépendent principalement et la production de la voix et son caractère divers d'acuité ou de gravité. En passant avec une certaine violence et avec rapidité à travers cette ouverture étroite , l'air éprouve une compression et un ébranlement tels que toutes ses molécules subissent un mouvementde va-et-vient. Quelque chose d'analogue arrive toutes les fois que l'air traverse une ouverture étroite quelconque. Plus l'ouverture de la glotte est grande , plus le son est grave , parce qu'il ré- sulte de là des ondes aériennes plus grandes et par conséquent plus lentes. Les objections de Liscovius contre la production du son CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 1 1 ^ parles cordes vocales elles-mêmes sont celles-ci. Suivant lui , les cordes vocales doivent être tendues dans les sons graves , et relâchées dans les sons aigus ; car, dans les sons graves , la la glotte s'élargit et ses ligamens s'écartent; mais, dès qu'une ouverture devient plus grande, sans que son pourtour se dé- chire, les bords doivent nécessairement subir une distension. Ainsi il n'y a pas de dilatation de la glotte possible sans ten- sion simultanée des cordes vocales ; par conséquent celles-ci sont tendues dans les sons graves , et relâchées dans les sons aigus. Ceci repose évidemment sur un malentendu. Lorsqu'au moyen de l'appareil que j'ai décrit précédemment , on donne une tension déterminée aux cordes vocales , on peut , sans rien changer à cette tension , varier à volonté la longueur de la glotte. Cette ouverture peut être ou large ou étroite , que les cordes vocales soient tendues ou soient relâchées. Liscovius fait ensuite remarquer qu'il n'y a que les cordes sèches qui soient élastiques , et que les ligamens de la glotte sont toujours humides. Mais la corde n'est qu'une espèce parmi les corps filiformes élastiques par tension ; cette espèce perd son élasti- cité quand on la mouille. Au contraire , le tissu élastique du corps humain ne possède son élasticité qu'autant qu'il est humide , et il la perd en séchant. Ce sont là des différences spécifiques, qui ne changent rien aux lois des corps filiformes élastiques par tension. L'objection que les cordes vocales , en leur qualité de liga- mens , ne pourraient produire ni des sons graves ni des sons d'un volume comparable à ceux que l'homme fait entendre , a déjà été renversée précédemment. Dans les discussions qu'a soulevées la comparaison établie entre les ligamens et les cordes , les partisans et les adversaires se sont beaucoup trop attachés à la considération des corps filiformes élastiques par tension , et ils ont été par-là conduits à mal interpréter les phénomènes. Qu'aux cordes à boyau l'on substitue des fils plus- n8 DE LA VOÏX ET t)ES ORGANES, élastiques en caoutchouc ou en tissu élastique animal , et ron voit disparaître les particularités accidentelles que nous of- frent les cordes à boyau. Liscovius fait remarquer qu'il n'y a pas de corde à laquelle l'air seul puisse imprimer des ébranlemens suffisans pour qu'elle produise des sons forts. Mais les sons les plus forts s'obtiennent avec des rubans en caoutchouc ou en tissu ani- mal élastique humide sur lesquels on dirige un courant d'air grêle à l'aide d'un petit tube. Liscovius prétend que l'influence de la tension et du relâ- chement des cordes vocales sur l'acuité ou la gravité du son , se réduit à l'élargissement de la glotte qui résulte de là. A cela je dois opposer l'observation constamment faite par moi, qu'à égale ampleur de la glotte, des sons peuvent être produits, dans l'étendue de deux octaves , par une simple modification de la tension des cordes vocales. Lorsque Liscovius , en soufflant dans la glotte , tendait l'un des ligametis avec force , en même temps qu'il relâchait l'au- tre beaucoup, il ne produisait pas deux sons difFérens , mais un son unique , dont l'élévation était en rapport avec la largeur de l'ouverture de la glotte, La première observation est par- faitement exacte. Mais , en cela , les cordes vocales se com- portent absolument comme des rubans tendus de caoutchouc. J'ai fait voir que , quand la tension est inégale , il n'y a ordi- nairement qu'une seule corde qui résonne , l'autre se compor- tant comme cadre ; il est rare qu'on entende deux sons , c'est- à-dire le son fondamental de chacun des deux rubans , et les choses se passent de même avec les cordes vocales. Quand Liscovius touchait les cordes vocales avec le doigt , mais sans changer par-là l'ampleur de la glotte, le son de- meurait le même , bien qu'il eût dû être plus aigu , si les lois des cordes s'appliquaient ici. Mes observations surles rubuns ■ de caoutchouc , d'accord avec celles que j'ai faites sur les CHEZ l'homme Et LES ANIMAUX. 1 I 0 cordes vocales, m'ont prouvé que l'apposition du doigt modifie considérablement le son , alors même que la grandeur de la glotte ne change point. Le simple rétrécissement de la glotte sans changement dans la tension des cordes vocales rend le son plus aigu ; son simple élargissement , la tension des cordes demeurant la même , le rend plus grave. Mais l'élévation du son ne dépend pas uni- quement de la largeur de la glotte seule ; elle tient à son ampleur, c'est-à-flire à sa longueur et à sa largeur en même temps. Je trouve qu'on peut encore produire les sons graves avec une glotte très-courte , pourvu que les cordes soient tout- à-fait lâches ; le raccourcissement de la glotte d'avant en ar- rière fait bien, généralement parlant, monter le son, mais à la condition toutefois que la tension demeure la même. La lar- geur de la glotte n'a pas d'influence essentielle sur l'élévation du son , si ce n'est seulement qu'elle rend plus difficile de souffler convenablement par la trachée-artère. Aussi, dans ce cas , non seulement le son sort avec peine et n'a point d éclat, mais encore , si la largeur de l'ouverture est portée un peu loin , on n'obtient que le son fondamental des cordes vocales , et l'accroissement du souffle n'élève le son que fort peu , tan- dis que, quand la glotte est étroite , la tension demcHrant la même , outre qu'un souffle faible fait sortir le son fondamental, on peut , en soufflant plus fort , obtenir aussi tous les semi- tons jusqu'au-delà de la quinte. L'influence de la force du souffle sur l'élévation du son a été parfaitement observée par Liscovius et Lehfeldt. Liscovius avait déjà vu qu'à égalité de largeur de la glotte et de tension des cordes vocales, le son est d'autant plus grave qu'on souffle plus doucemçnt , et d'autant plus aigu qu'on souffle plus fort. Ainsi il est parvenu, par le seul renforcement du souffle, à faire monter le son d'une quinte entière, terme au-delà duquel il devenait criard , ce qui s'accorde parfaitement avec mes ob- ser valions. 120 DE LA VOIX ET DES ORGANES Lehfeldt (1) a le premier découvert un point capital dans la théorie des sons de poitrine et des sons de fausset , savoir que les ligamens entiers vibrent dans le premier cas , et leurs bords seulement dans le second , et que , toutes choses égales d'ailleurs , les sons de fausset sont plus aigus que ceux de poi- trine. Ferrein , Liscovius et Lehfedt sont , jusqu'à présent , ceux qui ont le plus contribué à éclairer la théorie de la voix. D. Chant. Les sons que l'organe de la voix est apte à produire peuvent se succéder de trois manières différentes. Le premier mode est la succession monotone. Ici les sons qui sortent les uns après les autres conservent presque la même élévation. C'est ce qui a lieu dans la parole , où Tarti- culation produite par les parties de la bouche s'ajoute au son delà voix et engendre les différences. Cependant il est assez rare , même dans la parole , que les sons demeurent tous au même degré d'élévation , car il y a des syllabes dont le son est plus grave ou plus aigu , ce qui constitue l'accent. Dans la poésie, le rhythme se joint à l'accent, mais il y manque la mo- dulation de la musique. Le second mode est le passage successif à des sons qui montent et baissent sans intervalles. Cet effet a lieu dans les cris de l'homme , lorsqu'ils expriment une émotion de l'âme; on l'observe particulièrement chez les personnes qui pleurent ; il constitue aussi le hurlement et le cri plaintif du Chien. C'est le même phénomène que celui qu'on désigne en musique sous le nom de détonner , qui consiste à ne point observer la jus- tesse des intervalles. Une corde détonne quand on la détend et quand on la tend davantage en la faisant parler , une anche de deux pouces donne des sons qui montent successivement et {i) De vocis formatione, Berlin^ 1833, p. 61. 58, 49. CHEZ I HOMME ET LES ANIMAUX. 1 2 1 insensiblement lorsqu'on souffle plus fort; une languette mem- braneuse produit aussi cet effet , et les cordes vocales sont dans Je même cas. L'action de détonner qui constitue le hur- lement doit tenir en partie à l'accroissement et à la diminution de la force du souffle , en partie au changement successif de la tension des cordes vocales (1). Le troisième mode est la succession musicale , dans la- quelle chaque son conserve le nombre nécessaire de vibra- tions , et les sons successifs ne se font entendre qu'aux inter- valles admis en musique. Le rhythme lui est commun avec la poésie. i. Etendue de la voix. L'étendue delà voix d'un individu est de une, deux ou trois octaves; chez les chanteurs, il y a deux à trois octaves qui conviennent au chant. Mais les voix d'hommes et celles de femmes commencent et s'arrêtent à des points différons de l'échelle musicale. En appelant ut^ le son du tuyau d'orgue de huit pieds ouvert , ou du tuyau de quatre pieds couvert , les voix d'hommes commencent à mi^ (basse-taille) ou /a^ (baryton) ou ut^ (ténor), et s'étendent jusqu'à la^ et plus (basse-taille), ou fa^ (baryton) ou ut^ (ténor). La voix de femme n'a une gravité égale à celle de l'homme que chez une virago. Les voix des femmes, des jeunes garçons et des castrats commencent entre/«, ( alto) et ut^ (soprano) , et vont jusqu'à fa^ (alto) ou la^ (mezzo soprano), ou ut^ (soprano), dans les cas extrêmes jusqu'à fa^. Le son le plus grave de la voix de femme est donc d'une octave environ plus élevé que le son le plus grave de k voix d'homme , et le son le plus élevé de la voix de femme se trouve à peu près à une octave au dessus de celui de la voix d'homme. Les quatre premiers (1) Consultez un article de Colombat sur le mécanisme des cris et leur intonation notée dans chaque espèce des douleurs physiques- et morales , dans la Lancette française, mardi, 17 décembre 1839. Î2â IVE LA VOIX ET DES ORGANES sons manquent , en général, de force dans toutes les voîx. L'étendue des voix d'homme et de femme prises ensemble comporte quatre octaves, depuis mi^ jusqu'à mi.^. Le tableau suivant donne l'échelle entière de la voix humaine, et indique l'étendue moyenne des différentes voix. et) ts o -s en •- CD § :=: a CD •- «s. £9 O O S o Fischer atteignait le fa de l'octave au dessous cïut^ ,h plus jeune des sœurs Sessi embrassait trois octaves et trois tons , CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 1 23 de îits à fa, , madame Zelter trois octaves , madame Catalani trois et demie. Dans les sons graves, le larynx descend , ce qui allonge le corps du tuyau de l'organe vocal. Dans les sons aigus , il re-. monte , et ce même corps de tuyau devient plus court. Plus on chante haut , plus les piliers du voile du palais se rappro- chent , et plus la luette se raccourcit. Ces effets n'ont pas lieu seulement dans les sons de fausset : on les observe aussi dans les sons élevés de la voix de poitrine. 2. Espèces de voix des divers individus, La principale différence entre' les voix d'hommes et de femmes est généralement celle qui tient à l'élévation. Cepen- dant elles diffèrent aussi pour le timbre , celles d'hommes en ayant un plus dur. Mais il y a encore des nuances particu- lières dans le timbre -, on en compte deux pour les voix d'hommes et autant pour les voix de femmes. Les timbres des voix- d'hommes sont la basse-taille et le ténor , ceux des voix de femmes , l'alto et le soprano. La basse -taille chante com- munément sur un ton plus grave que le ténor, et déploie toute sa force dans les tons graves; le ténor chante sur un ton plus élevé que la basse-taille a^ec la voix de poitrine. L'alto est en général une voix plus grave que celle du soprano, et sa force est dans les sons graves de la voix de femme. Mais ces différences ne sont point essentielles ; car il y a des basses-tailles qui peuvent chanter des notes très-hautes , et l'alto monte quelquefois aussi haut que le soprano. La diffé- rence essentielle entre la basse-taille et le ténor , entre Talto et le soprano , tient au timbre qui, pour les premiers , comme pour les seconds, varie alors même qu'ils chantent les mêmes sons. Le baryton et le mezzo-soprano sont caractérisés par un timbre 'moins prononcé ; ils ont aussi des hauteurs moyennes dans Téchelle des voix d'homme et de femme. La différence entre la voix t^les personnes sous îe rapport de 124 ^^ ^^ ^^^X ET DÈS ORGANES rélévation des sons dépend de la longueur diverse des cordes vocales de Thomme et de la femme , dont la propor- tion est de 3 : 2. Celle qui se rattache au timbre tient à la disposition et à la forme des parois résonnantes , qui sont beaucoup plus grandes dans le larynx de l'homme , où le car- tilage thyroïde forme un angle très-marqué en avant. La dif- férence du timbre entre le ténor et la basse-taille, d'un côté, l'alto et le soprano , de l'autre , dépend probablement de qualités encore inconnues des cordes vocales et des parois résonnantes , tant membraneuses que cartilagineuses , quali- tés à la recherche desquelles il faudrait procéder en exa- minant les larynx de personnes dont la voix offrirait ces quatre caractères à un très-haut degré. Il faut se représenter cette différence comme étant du genre de celles qui existent entre les instrumens de musique de matière différente , les cordes à boyau et celles en métal , les anches en bois , en métal et en membranes , les instrumens à colonne d'air vibrante ou à parois résonnantes en métal , en bois , eij pa- pier. Ces instrumens peuvent être accordés ensemble , et cependant chacun d'eux rend les sons avec le timbre qui lui est particulier. Le larynx des jeunes garçons ressemble plus à celui de la femme Jqu'à celui de l'homme ; avant l'âge de la puberté, ses cordes vocales n'ont point encore les deux tiers de la longueur qu'elles atteignent à cette époque ; l'angle du cartilage thyroïde est aussi peu saillant que chez la femme. Le jeune garçon est alto ou soprano ; après le changement de forme que son larynx subit de quatorze à quinze ans , il de- vient basse-taille ou ténor. Tant que cette métamorphose dure, la voix est sans netteté , souvent rauque et criarde , et im- propre au chant , jusqu'à ce que l'individu ait contracté l'ha- bitude de mettre en exercice les nouvelles qualités qu'il a acquises. Chez les castrats auxquels les testicules ont été en- levés avant la puberté , la voix ne mue point , et ils conser- vent celle des femmes. Ce développement , comme celui de CfeÊZ I'hôMMÈ et JLÈS ANIMAUX. 1 â5 tout ce qui caractérise le sexe masculin , dépend de l'exis- tence des parties génitales préparatrices du germe et du sperme. Les voix d'alto et de soprano des jeunes gar- çons et des castrats ressemblent à celles des femmes , eu égard à l'élévation , mais elles en diffèrent jusqu'à un certain point pour le timbre , et sont plus perçantes. Liscovius fait remarquer que la voix des castrats n'a pas non plus le même timbre que celle des jeunes garçons, ce qu'il attribue à ce que les parois résonnantes des cavités orale et nasale deviennent aussi spacieuses que chez l'homme , tandis que l'organe vocal reste au même degré que dans l'enfance. Ce- pendant les parois sont également amples chez la femme ; peut-être faut-il attribuer une influence plus réelle au chan- gement que les cartilages et les ligamens subissent eu égard à leur solidité. 3. Espèces de voix d^un même individu, F'oia: de poitrine et de tête. La plupart des individus de l'espèce humaine , les hommes surtout, outre que leur voix appartient plus ou moins à l'une des classes qui viennent d'être examinées, peuvent encore^ à moins qu'ils ne soient lout-à-fait incapables de chanter, modifier leur voix de manière à lui faire parcourir deux registres de sons, celui des sons de poitrine et celui des sons de tête ou de fausset. La voix de poitrine est plus pleine que celle de faus- set, et lorsqu'on l'entend, on sent très-distinctement qu'elle vibre avec plus de force, qu'elle a aussi plus de résonnance. Les sons les plus graves de la voix humaine ne sont possibles qu'avec la voix de poitrine, et les plus élevés ne le sont qu'avec celle de fausset; les moyens'sortent avec l'une comme avec l'au- tre. Ainsi les deux registres ne sont point placés bout à bout, de manière que l'un commence où l'autre finit : ils marchent en partie l'un 5 côté de l'autre. Généralement, le ténor commence dès le la^ à passer au fausset , tandis que les sons inférieurs peuvent sortir avec l'une et avec l'autre voix ; le passage a lieu 120 OE LA VOIX ET DES OKGANES plus tôt encore pour la basse-taille. Chez les femmes il y a ra- rement une différence bien prononcée entre la voix de poi- trine et celle de fausset. Les sons de poitrine sont produits, comme LehfeldtTa dé- couvert, par un souffle plus fort, les cordes vocales étant dé- tendues et vibrant dans leur entier ; les sons de fausset le sont par un souffle faible, les cordes vocales étant plus tendues , mais ne vibrant que par leurs bords. Une tension modérée rend les deux sons possibles sur le larynx détaché du corps ; le son de poitrine est toujours plus grave de plusieurs tons que le sonde fausset, la tension des cordes vocales demeurant la même , et son degré, de gravité au dessous du fausset est d'autant plus grand, qu'il faut un souffle plus faible pour pro- duire le son de poitrine, ou un souffle plus fort pour faire sortir celui de fausset ; celte différence peut aller aune octave entière. Les sons de poitrine augmentent de gravité à mesure que les cordes vocales se détendent , et d'élévation à mesure qu'elles se tendent ; on produit le même effet sur eux, la ten- sion des cordes demeurant le même , tant par une im.pulsion plus forte donnée au souffle, que par la compression de l'isthme inférieur de la glotte. Les sons de fausset augmentent de gra- vité par un souffle plus fort et par une tension plus considé- rable des cordes vocales. Lorsque ces dernières ont un certain degré de tension, il n'y a plus possibilité de faire sortir des sons de poitrine. Comme le son de poitrine qu'on obtient sur le larynx détaché du corps et dont les cordes vocales sont détendues jusqu'à un degré déterminé, en maintenant la force du souffle aussi uniforme que possible, est déjà beaucoup plus grave que celui de fausset , et qu'il ne se rapproche de lui que par l'effet ou de la compression de l'isthme inférieur de la glotte, ou d'une force plus grande donnée au souffle, on s'explique sans peine pourquoi, lorsqu'on est arrivé à la limite des sons de poitrine , il est souvent difficile , en chau' géant de registre, de rencontrer le son de fausset juste. CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX, , I27 Comme les sons de poitrine et de fausset sont possibles, sur un larynx détaché du corps , sans voile du palais, sans ven- tricules de Morgagni, et sans iigamens supérieurs de la j»lotte, toutes ces parties doivent être nuises de côté quand on veut donner la théorie de ces deux sortes de voix. Les piliers du voile du palais se rapprochent bien toujours d'autant plus qu'on chante plus haut en fausset; mais ils commencent à se rapprocher beaucoup dès les sons de poitrine élevés, et le rapprochement est ici tout aussi considérable que dans les sons correspondans de fausset. Le doigt est ce qu'il y a de mieux pour s'en convaincre. Il n'y a que les sons qui carac- térisent l'exscréation et le ronflement qui soient de véritables sons du voile du palais. Si les piliers de ce voile étaient la cause des sons de fausset, on ne manquerait pas, en posant le doigt dessus , de rendre ces derniers plus aigus , ce qui n'ar- rive point. Le rapprochement des pihers du voile palatin et la rctraciion de la luette, dans les sons aigus , paraissent n'être qu'un simple mouvement associé, occasioné par les efforts des muscles du larynx, comme il arrive souvent à un muscle de se contracter involontairement lorsqu'un autre agit en vertu des ordres de la volonté. Si les piliers du voile du palais avaient un usage quelconque relativement aux sons de poi- trine élevés et aux sons de fausset , ce ne pourrait guère être que celui d'accroître la résonnance par leur tension. On peut considérer les sons de fausset comme sons flûtes des sons de poitrine en ce sens que , pour les produire , des parties ali- quotes , non de la longueur, mais de la largeur des cordes vocales entrent envibration, pendant que les autres sont sim- plement distendues par l'air. Dans les sons de poitrine , les vibrations des cordes vocales ne sont pas plus longues , mais elles ont lieu dans toute la largeur des cordes, et sont accom- pagnées de la résonnance de la membrane de l'isthme infé- rieur de la glotte. 128 Î)E I-A VOIX Eî DES ÔÎKÎAÎVÏâ 4. Jimhre particulier de la voix. Foix nasonnante. Ici se range le timbre particulier de voix qui appartient à chaque homme. Ce timbre dépend manifestement de la forme des voies aériennes, ainsi que des membranes et de leur ré- sonnance , puisqu'on peut l'imiter ; car il y a des hommes qui copient parfaitement la voix des personnes les plus diverses. Ici encore doit se ranger le nasonnement de la voix. Biot Texplique de la manière suivante. Dans la production habi- tuelle de la voix , le voile du palaiis s'applique sur l'ouverture postérieure des fosses nasales, et la ferme, de sorte que l'air sort seulement par la bouche ; mais , en faisant un léger effort pour pousser l'air dans les fosses nasales , on empêche l'ap- plication du voile palatin ; le trou reste ouvert, le son sort par le nez et la bouche à la fois , et l'on parle du nez. Je ne puis admettre cette explication du célèbre physicien. Car, précisé- ment dans le mode ordinaire de production de la voix, les orifices postérieurs des fosses nasales sont ouverts, et la \oix retentit à la fois dans le canal oral et dans le canal nasal. Lorsqu'on Veut nasonner, on y parvient de deux manières. 4** En bouchant les narines, on peut tout aussi bien parler comme d'habitude si Tisthme du gosier reste ouvert, ou par- ler du nez si les piliers du voile palatin se rapprochent l'un de l'autre ; dans ce dernier cas, le larynx remonte beaucoup plus haut qu'il ne le fait dans la voix ordinaire , en rendant le même son. L'obstruction du nez par des mucosités agit de même que l'obturation des narines ; mais ni l'une ni l'autre n'est capable à elle seule de produire le nasonnement. Quand on parle du nez , la cavité nasale devient une chambre réson- nante séparée. 2° On peut aussi donner lieu à la résonnance nasale de la voix du larynx en laissant les narines ouvertes , et ouvrant ou fermant la bouche ; dans ce cas, le larynx se soulève aussi beaucoup, l'isthme du gosier se rétrécit , le dos de la langue se rapproche du palais ou s'y applique , l'air CHEZ I HOMME ET LES ANIMAUX. I29 passe seulement entre les piliers resserrés du voile palatin , et il acquiert la résonnance de la cavité nasale , sans celle de la cavité orale. La voix des personnes avancées en âge perd de son timbre, de son assurance et de son étendue : le timbre est changé par l'ossification des cartilages du larynx et les cliangemens des cordes vocales ; l'assurance l'est par la diminution de l'em- pire des nerfs sur les muscles, qui, ici comme partout ailleurs, a pour résultat un mouvement tremblottant ; ces deux causes réunies rendent la voix des vieillards sans éclat , sans fer- mate, chevrotante et faible. 5. Force de la voix, La force de la voix dépend en partie de l'aptitude des cor- des vocales à vibrer , en partie de celle des membranes et cartilages du larynx , des parois de la poitrine , des poumons , de la cavité orale , de la cavité nasale et des sinus du nez , à résonner. Dans ces deux aptitudes , la première est diminuée ou abolie par l'inflammation et la suppuration de la membrane muqueuse du larynx , par une sécrétion trop abondante de mucosités , par l'œdème de la glotte , etc. La résonnance de la membrane pulmonaire est diminuée , et conséquemment la voix affaiblie , dans la consomption des poumons. C'est à la capacité plus grande de la poitrine de l'homme qu'il faut aussi rapporter en partie la force plus considérable de sa voix. Chez plusieurs espèces de Singes , il existe des membranes réson- nantes accessoires, des sacs laryngiens , ou même de vastes dilatations du cartilage thyroïde et de l'hyoïde , comme chez les Alouattes. 6. Accroissement et diminution de la force des sons. Il résulte des observations faites par Liscovius , Lehfeldt et moi , que , toutes choses égales d'ailleurs , l'aciiité des sons augmente quand le souffle est plus fort. Les sons de poitrine II. 9 1 3o Î>E LA VOIX ET DES ORGANES montent et les sons de fausset également. J'ai fait ces 'expé^ riences à l'aide d'une tension déterminée que je mesurais avec des poids , et j'ai trouvé que l'élévation du son peut avoir lieu par toutes les nuances entre les semi-tons, de manière que le phénomène ne tient pas à la production de nœuds de vibration , qu'on devrait d'ailleurs voir , s'il s'en formait , puis- que les vibrations des cordes vocales sont si prononcées. L'é- lévation possible dépasse une quinte, d'après les expériences. Il suit de là qu'un son de l'organe vocal ne peut pas être ren- forcé par la seule force plus grande du souffle , et que pour qu'un son conserve sa valeur musicale, il faut que la force du souffle demeure parfaitement uniforme. Cette propriété de l'or- gane vocal lui est commune avec plusieurs insirumens de mu- sique. Les sons des an«hes n'ont point de limites déterminées; en soufflant plus fort, le son vibre dans les tuyaux couverts suivant la progression des nombres 1,3,5, etc., et dans les tuyaux ouverts, suivant celle des nombres 1, 2, 3,4^ 5, 6,7, etc. J'ai fait voir que , dans de petits sifflets de deux pouces et moins , l'élévation parcourt même successivement les intervalles de 4 à 2 , et que l'accroissement successif du souffle finit par rendre les sons criards. Les sons des anches peuvent être élevés successivement de plusieurs tons par une impulsion plus forte donnée au vent. Cette élévation est in- sensible avec les languettes métalliques fortes ; je ne l'ai ob- servée que quand je me servais de languettes minces , en souf- flant très-fort. Lorsque l'on souffle faiblement sur des lan- guettes métalliques fortes, le son est également un peu plus élevé que quand on souffle fort, ainsi qu'il arrive à une corde faiblement attaquée , comme Ta fait voir G. Weber. Cet effet tient vraisemblablement à ce que , quand on souffle douce- ment, l'extrémité de la languette voisine du point d'attache, ne vibre pas , tandis qu'elle entre en vibration lorsque le sou- fle est fort. Il faut bien distinguer l'élévation dont il s'agit ici 4e celle que j'ai observée sur les languettes membraneuses et la CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. l5l trcrnpette des enfans. Le défant qu'ont les anches de donner des sons qui manquent d'uniformité , puisqu'ils changent se- lon la force du souffle, les rend instrumens incomplets, en ce qu'ils n'admettent ni forte , ni piano , en ce qu'ils ne permet- tent ni de renfler ni de diminuer les sons. L'orgue , le plus riche de tous les instrumens , est fort incomplet sous ce point de vue. Ce vice est moins marqué dans les anches à lan- guettes ; le son de celles qui ont une forle languette métalli- que peut se renfler sans que la petite élévation à laquelle donne lieu le souffle faible soit appréciable pour une oreille non exercée ; cependant elle n'en est pas moins une cause de confusion. G. Weber a découvert le moyen de remédier à cet inconvénient ; si la languette est proportionnée à la longueur du corps de tuyau rigoureusement mesurée pour son son fon- damental , lorsqu'on souffle avec force , la colonne d'air du tuyau élève son son 5 et la languette métallique abaisse le sien; ces deux effets inverses se compensent de sorte que les anches ainsi construites par Weber permettent de renfler et d'affai- blir le son , sans que la valeur musicale en soit altérée. Un système d'anches semblables constitue un des instrumens de musique les plus parfaits. Ce principe n'est point applicable aux anches à languette membraneuse, parce que leurs sons, comme ceux de la trompette d'enfant à languette métaUique très- mince, s'élèvent quand on souflle plus fort. On ne doit donc pas s'attendre à rencontrer une disposition analogue dans l'organe vocal de Thomme. D'ailleurs , la compensation par la longueur du corps du tuyau, exigerait que celui-ci variât beaucoup en raison de la diversité des sons ; or , dans l'organe vocal de l'homme , il ne peut varier que fort peu , tout au plus d'un pouce , par l'élévation et l'abaissement du larynx. Comme la voix humaine a le pouvoir de renfler et d'affaiblir chaque son , depuis le pianissimo jusqu'au fortis- simo , il faut que la compensation y soit établie d'une autre manière. Or elle est évidemment opérée par le changement de 102 DE LA VOIX ET DES ORGANES la tension des cordes vocales. Un souille plus fort élève le son jusqu'à une quinte , en le rendant plus fort; la diminution de la tension peut, au contraire , sur de bons larynx , l'abaisser de deux octaves , en passant successivement par toutes les nuances. Ainsi, quand un son passe du piano au forte , la ten- sion des cordes vocales doit diminuer , par l'affaiblissement de la contraction musculaire , dans la même proportion que le souffle acquiert plus de force. L'inverse a lieu quand le son s'affaiblit. L'analogie des tuyaux à anche avec les languettes membraneuses, et les expériences que j'ai faites sur les sons de poitrine, montrent aussi que le rétrécissement de l'isthme inférieur de la glotte par le muscle thyro-aryténoïdien, peut contribuer à la compensation , dans le passage au piano ; mais je doute que l'allongement du tuyau par la descente du larynx y concoure dans le passage au forte. Si , par la faiblesse du souffle, le son devient plus grave pour le piano , le rétrécisse- ment de l'isthme inférieur de la glotte le rend plus aigu , et si la force plus considérable du souffle le rend plus aigu pour le forte , le rétrécissement de l'isthme doit le rendre plus grave. Le raccourcissement du tuyau par l'ascension du larynx peut difficilement contribuer à la compensation dans le passage au piano. Une telle sorte de compensation exige un balancement exact des effets inverses, ce qui explique pourquoi les chanteurs même exercés ont tant de peine à renfler et affaiblir les sons, sans en altérer la valeur musicale , et pourquoi ceux qui n'en ont pas l'habitude ne peuvent l'essayer sans détonner aussi- tôt d'une manière ou d'une autre. 7. Pureté des sons^ La voiK détonne après qu'on a chanté long-temps. Ce phé- nomène s'explique en partie par les petits changemens que les cordes vocales subissent à la suite de tensions répétées , mais plus encore par la fatigue des muscles, qui cessent d'obéir CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. l35 complètement aux ordres de la volonté et d'exécuter les mou- vemens convenables. On délonne encore parce qu'on a l'o- reille fausse , ou à cause de la difficulté qu'on éprouve à ob- server le tempérament égal de nos échelles musicales. Dans les instrumens de musique , le tempérament est la plupart du lemps assuré par l'accord ; le chanteur doit tendre sans cesse à s'y conformer. L'homme , comme l'Oiseau chanteur, apprend à son insu à exécuter les mouvemens musculaires d'où dépendent les changemens intérieurs de l'organe vocal nécessaires à la pro- duction de chaque son. Les sons poussés au hasard et les ac- tions musculaires qui ont lieu à cette occasion , s'associent en- semble et sont tout disposés plus tard à s'appeler réciproque- ment, lorsqu'il s'agit d'imiter une mélodie. Dans l'étude mé- thodique du chant, à l'association des sons qu'on entend et des "mouvemens musculaires propres à les faire sortir, se joint en- core celle de ces sons avec les signes qui les représentent. Pour réussir dans cette étude , et pour donner à chaque son sa valeur pure, il faut une oreille juste ; car une oreille fausse peut bien se trouver associée à une voix belle et étendue, mais elle ne permet pas d'en tirer parti pour le chant. 8. Perfection de V instrument vocal de Vhomme. En étudiant la voix de l'homme , on est frappé de l'art infini avec lequel est construit l'organe qui la produit. Nul instru- ment de musique n'est exactement comparable à celui-là ; car les orgues elles clavecins, malgré leurs ressources immenses, sont imparfaits sous d'autres rapports. Quelques uns de ces instrumens , comme les tuyaux à bouche , ne permettent pas de monter du piano au forte ; dans d'autres, comme tous ceux dont on joue par percussion , il n'y a pas moyen de soutenir le son. L'orgue a deux registres , celui des tuyaux à bouche et celui des tuyaux à anche : sous ce point de vue, il ressemble à la voix humaine , avec ses registres de poitrine et de faus- l34 I>E lA VOIX ET DES ORGANES ser. Mais aucun de ces instrumens ne réunit tous les "avanta- ges, comme la voix de Tliomme. Si l'organe vocal appartient à la classe des instrumens à anche , et si ces instrumens , lors- qu'on les a réunis en un système de sifflets compensés , sont (avec le violon) les plus parfaits de tous , cependant l'organe vocal a sur eux l'avantage de pouvoir donner tous les sons de réchelle musicale et toutes leurs nuances avec un seul tuyau à bouche, tandis que les plus parfaits des instrumens à anche exigent un tuyau à part pour chaque son. On pourrait imiter jusqu'à un certain point cet organe en adaptant à un tuyau à Louche un appareil qui ne fût pas trop difficile à faire jouer, et qui permît de varier à volonté la tension des rubans élasti- ques ^ mais les sons d'un pareil instrument , pour lequel, si l'on voulait le rendre durable , il faudrait n'employer que des rubans élastiques secs , n'imiterait pas les sons roulans et éclatans du tissu animal élastique mou , et serait toujours très- difficile à manœuvrer. E. Compensation des forces physiques dans Vorgane vocal de Vhommc (1), Par compensation, on entend , en général, dans les instru- mens de musique, toute disposition au moyen de laquelle une certaine étendue des qualités de l'instrument nécessaire pour la production d'un son donné, est rendue inutile par un changement apporté aux circonstances qui les commandaient. La longueur d'une corde nécessaire pour produire un son dé- terminé se compense parla détente de cette corde, qu'on rend en même temps moins longue. La longueur de colonne d'air nécessaire pour qu'un sifflet donne son son fondamental , ■ (1) Cet article ne fait point partie du Traité de physiologie : il a été publié par MuUei- postérieurement ; mais oh a cru nécessaire de le joindre aussi, comme complément de la doctrine , et bien qu'il résulte de là quelques répétitions. CHEZ l'homme et les ANIMAUX. 1 35 peut être compensée par les parois membraneuses d'un sif- flet plus court. Le son d'ua sifflet membraneux peut , d'après Savart , être de plus d'une octave phis grave que celui d'un sifflet à parois rigides : la flexibilité des parois compense donc la longueur de la colonne d'air de l'instrument. J'ai reconnu un mode analogue de compensation dans les sifflets couverts, suivant la matière du couvercle. On sait que le son fondamen- tal d'un sifflet bouché à l'extrémité est ut^ ; mais si, au lieu d'un bouchon, on se sert d'une membrane peu tendue, le sou fondamental , celui qu'on obtient avec le plus faible souffle possible /devient plus grave d'une tierce à une quinte : si la membrane est tendue davantage , le son s'élève , et quand la membrane est portée au plus haut degré de tension , elle agit comme un bouchon solide. Ici nous avons un exemple qui nous montre précisément l'inverse de la compensation dans les tuyaux à anche. Le son d'une languette est abaissé par la vibraiio;! simultanée d'une colonne d'air; dans ce cas , le son de la colonne d'air est abaissé par les vibrations simultanées d'une plaque membraneuse , et ra)3aissement est d'autant plus grand, que la membrane est plus lâche. D'après les ob- servations de Biot et Hauiel , on peut abaisser le son fonda- mental des sifflets en agrandissant l'embouchure. La gran- deur de cette dernière compense donc la longueur du tuyau. On peut, en outre, comme je l'ai observé , abaisser le son fon- damental d'un sifflet en couvrant l'embouchure, de sorte que la couverture de cette ouverture compense aussi la longueur de la colonne d'air. Les sons que l'on obtient de cette ma- nière ne sont pas seulement les harmoniques, comme dans le cas d'agrandissement de l'embouchure ; mais ce sont tous les intervalles imaginables jusqu'à une certaine limite , et le son devient d'autant plus grave qu'on abaisse davantage le toit vers l'ouverture. Dans les tuyaux d'anche à languette mem- braneuse , la longueur et la tension des rubans se compen- sent en sens inverses , et dans tous les instruniens à anche , l56 r>E LA VOIX ET DES ORGANES la. longueur ou la tension de l'anche est compensée par l'addi- tion d'une colonne d'air simultanément vibrante , qui rend le son plus grave qu'il ne le serait d'après la tension ou la lon- gueur de l'anche. Le rétrécissement du commencement ou de la fin du tuyau ajouté abaisse ou élève le son des tuyaux à anches , dans certaines conditions ; ces circonstances établis- sent donc aussi une compensation. Cependant, ce qu'il y a de plus remarquable dans tous les instrumens de musique où l'air contribue à l'effet produit, c'est le changement que les sons éprouvent d'après la force des chocs que donne Tair, et la compensation d'une grandeur par l'intensité du choc. Dans les instrumens qu'on met en mou- vement par le pincement avec le doigt ou par l'action d'un archet , ce changement n'existe presque pas. Quant au chan- gement des sons des sifflets par la force du souffle, je ne parle point de leur élévation bien connue aux sons harmoniques , car elle peut s'expliquer par la division de la colonne d'air en parties aliquotes , mais d'une élévation successive par tous les intervalles imaginables,, jusqu'à une certaine limite, éléva- tion que j'ai observée dans de petits sifflets ayant deux pouces et un pouce de long. La vitesse du courant d'air, ou la force du choc, a donc une influence manifeste sur la rapidité desvi- brations de Tair dans le sifflet. Mais les vibrations d'une lan- guette sont surtout faciles à changer par le courant d'air. Ainsi , par exemple , quand une languette métallique est as- sez mince proportionnellement au courant d'air qui la meut , comme celle de la trompette des enfans , le son , en augmen- tant le souffle , s'élève sans intervalles jusqu'à une octave et demie. Avec des languettes en caoutchouc , le courant d'air des poumons peut élever le son de quelques tons , jusqu'à une quinte. Ici donc la tension est compensée par la force de l'im- pulsion , ou la vitesse de vibration opérée par la tension est compensée par celle que le choc de l'air communique aux ru- bans. CHEZ I'hOMMB et LES ANIMAtJt. l5'J Mais on désigne encore sous le nom de conapensation une disposition des instrumens de musique qui fait qu'au lieu de changer leur son d'après la force du choc , ils le maintien- nent , au contraire , à la même hauteur, quelque varié que puisse être ce choc. W. Weber a traité en ce sens de la com- pensation des tuyaux d'anche, et il a construit un tuyau d'anche compensé dont le son conserve la même pureté, mal- gré la force différente du souffle pour le piano et le forte. C'est cette sorte de compensation que je vais examiner dans l'organe vocal de l'homme. Lorsqu'on souffle faiblement un tuyau d'anche à languette métallique forte , le son est un peu moins élevé que quand on souffle fort. Il s'agissait donc , pour pouvoir renfler un son sur un tuyau à anche , de trouver un moyen qui compensât l'abaissement de ce son par la force du souffle. Weber l'a dé- couvert dans la colonne d'air qui vibre simultanément avec l'anche. La colonne d'air du tuyau à anche élève effective- ment son son lorsqu'on souffle fort , tandis qu? la forte lan- guette métallique abaisse le sien. Les deux effets se compen- sent , de sorte qu'il devient possible , au moyen d'une cer- taine longueur de la colonne d'air covibrante , longueur que Weber a déterminée , de renfler et d'affaiblir un son sans altérer le moins du monde sa pureté et sa valeur dans l'é- chelle musicale. • Les faits découverts par Weber sont parfaitement exacts pour une force donnée des languettes et pour une force dé- terminée du courant d'air, c'est-à-dire qu'ils le sont dans cer- taines limites. Mais il y a une certaine force du courant d'air sous l'influence de laquelle , à ce qu'il paraît , toute anche doit élever son son , et cela en raison directe de l'accroisse- ment de la force du courant ou de sa densité. Cet effet de la part du vent qui sort des organes respiratoires de l'homme , s'observe, comme je l'ai déjà dit, sur les languettes métal- liques très-minces , telles que celles de la trompette des en- 3i38 DE lA VOIX ET DES ORGANES fans , dont, par la force du souffle, on peut élever le son d'une octave et demie successivement et sans intervalles. Dans les languettes métalliques qui ont un peu plus de force , celles , par exemple , de l'harmonica à bouche , la force du souffle des poumons réussit moins à élever le son ; mais elle le fait cependant assez encore pour qu'on demeure convaincu de la généralité du phénomène. On peut donc conclure que , même pour les languettes métalliques plus fortes , il y a également une certaine force du courant d'air, quelle qu'elle soit , sous l'influence de laquelle elles doivent élever un son , comme le font les languettes les plus faibles , et l'élever d'autant plus que le choc acquiert plus d'intensité. Ici il faudrait une com- pensation d'un autre genre que celle dont Weber s'est servi. Comme les fortes languettes métalliques de ce musicien don- nent des sons un peu plus élevés quand le souffle est faible que quand il est fort, on serait tenté de croire , au premier aperçu, qu'il y a là une contradiction inexplicable avec les faits que j'ai rapportés en dernier lieu ; mais la contradiction disparaît en admettant, ce qui est vraisemblable , que l'extrémité fixée de la languette ne vibre point lorsqu'on souffle faiblement , tandis qu'elle entre aussi en vibration quand le souffle est fort. Quoi qu'il en soit , ce qu'il y a de certain , c'est que toutes les languettes membraneuses élèvent, quand le souffle devient plus fort , le son qui leur est assigné par leur tension et leur longueur. Le fait est constant pour les rubans de caoutchouc et pour les cordes vocales du larynx humain. L'élévation du son qu'on peut obtenir sur des larynx artificiels à rubans de caoutchouc par la force du souffle des poumons , va jus- qu'à une tierce , et plus, sans intervalles , et dans un larynx à tension déterminée , produite par des poids , elle va jusqu'à une quinte, même jusqu'à une octave- Ainsi pour qu'un son du larynx humain conserve sa valeur musicale , et demeure le même au piano comme au fortissimo , c'est-à-dire sous l'in- CHEZ L HOMME ET LES ANIMiUX. 1 ÔQ fluence du plus faible et dn plus fort souffle , il fant , puisque la force du souffle est une condition d'élévation , qu'il y ait , en compensation, des conditions d'abaissement, faisant équi- libre aux autres. Mais cet eSeX ne peut guère être produit que par la détente des cordes vocales. Que , par exemple , celles- ci donnent à la tension 4 le son 4-0^3 , et à la tension 2 le sol wfg, sous l'influence du souffle le plus faible, à la tension 2, si le souffle devient plus fort , elles redonneront ou conserveront le son S0/3. En un mot, pour maintenir un son dans le crescendo , il faut que la tension diminue à proportion que la force du souffle augmente : l'inverse a lieu pour le decrescendo. J'ai déjà précédemment exposé et discuté ce mode de com- pensation ; mais on manquait d'expériences qui déterminassent d'une manière sûre et numériquement la proportion entre la tension décroissante et la force croissante du souffle. C'est pourquoi j'en ai entrepris une série ayant pour but d'établir cette proportion. Je me proposais d'abord d'employer un soufflet , au lieu de la bouche , pour rendre les sons soutenus ei mesurer la force du vent. Il eût été facile ainsi de déterminer la force du souille ou de la pression, par les poids du soufflet, et plus sûrement encore la densité de Tair qui faisait mouvoir les cordes vocales , par le manomètre ordinaire des soufflets , tube à deux bran- ches, dont la partie inférieure est remplie de mercure ou d'eau, et où la pression de l'air fourni par le soufflet agit sur le liquide de l'une des branches , en sorte que la différence de niveau de ce liquide dans les deux branches , indique la ten- sion de l'air dans le soufflet. Mais en essayant d'appliquer cet appareil aux expériences sur la voix humaine , je rencontrai de grandes difficultés , et je ne tardai pas à reconnaître qu'il était indispensable d'en revenir, comme auparavant, à ma pro- pre respiration. En effet , lorsqu'on place sur le tuyau du souf- flet un larynx préparé suivant le procédé que j'ai fait connaî- tre, on obtient d'abord de bons sons, qui peuvent être bien 1 4o DE lA VOIX ET DES ORGANES pleins , à cause de la résonnance du soufflet ; mais ces sons ne lardent pas à diminuer, et à s'éteindre tout-à-fait , ou bien ils passent à l'aigu , quoique la pression du soufflet demeure la même. La voix ne recommence plus à parler qu'après qu'on a bien humecté les cordes vocales en dedans et en dehors. Car l'air du soufflet dessèche promptement l'isthme inférieur de la glotte et le bord des cordes vocales , ce qui explique et la cessation du son et son élévation progressive. En soufflant avec les poumons , au contraire , on fait arriver un air humide et presque à la température du corps humain, de sorte que les cordes vocales ne se dessèchent point , et qu'on évite tous les înconvéniens dont je viens de parler. D'ailleurs , l'air qu'on emploie ainsi, est celui-là même qui sert à la voix de l'organe vivant; il ne s'agit que de soumettre la pression de cet air au contrôle, comme le degré de tension ou de détente des cordes vocales l'est dans les autres expériences dont j'ai parlé pré- cédemment. On y parvient sans peine à l'aide du manomètre ordinaire du soufflet mis en communication avec le porte-vent. Cagniard La Tour a déjà mesuré de cette manière la tension de l'air qui est nécessaire pour souffler la clarinette, et , chez un homme vivant qui portait une ouverture à la trachée-artère , la tension que l'air doit avoir dans ce conduit pour que la voix parle. Il s'est servi aussi d'un tube dont l'un des bouts communiquait avec un porte-vent inséré à l'embouchure d'une clarinette , et dontl'autre bout plongeait dans un vase plein d'eau : il concluait la pression de la profondeur à laquelle il fallait enfoncer le tube pour empêcher l'air de s'échapper. Celte pression , pour la clarinette , était égale à une colonne d'eau de trente cen- timètres. Chez l'homme dont la trachée-artère présentait une ouverture, la tension de l'air dans ce conduit, quand l'individu parlait, était égale à une colonne d'eau de seize cen- timètres. J'ai employé le manomètre ordinaire du soufflet , dont l'une I;- CHEZ l'homme et les ANIMAUX. l/fî des branches était coudée à son sommet, afin qu'on pût l'unir solidement avec la partie latérale d'un porte -vent adapté à l'extrémité trachéale du larynx. C'est aussi l'instrument dont Poiseuille s'est servi pour mesurer la pression du sang^ dans les artères et les veines , et auquel il a donné le nom d'hémato- dynamomètre. La différence de hauteur du liquide dans les branches , ou la somme de sa chute et de son ascension dans les branches opposées , donne l'expression statique de la pres- sion. Au premier abord , les colonnes de mercure ou d'eau * éprouvent ordinairement une oscillation considérable ; mais bientôt la pression se fixe , et on peut l'évaluer avec une cer- titude suffisante jusqu'à un quart ou même un huitième de centi- mètre ; vouloir y mettre plus de précision , et compter les millimètres , exposerait à des erreurs , à cause des oscilla- tions. On facilite singulièrement la lecture ; en se servant , au lieu de mercure , d'eau , qui donne des résultats 13,0 fois plus grands ; mais les oscillations sont bien plus éten- dues aussi. Lorsqu'on est arrivé par le souffle à une pression aussi uniforme que possible , on peut fixer le liquide en posant le doigt sur le tube ouvert , et alors on charge une autre per- sonne de lire sur l'échelle. Tout étant disposé , il faut se rappeler quelle est la propor- tion de la tension suivant laquelle les sons de l'organe vocal augmentent de hauteur lorsqu'on souffle le plus faiblement possible. Je prendrai pour point de départ les deux expé- riences que j'ai rapportées précédemment, et dans les- quelles la tension était : opérée par des poids suspendus perpendiculairement à la partie antérieure et supérieure du cartilage thyroïde , le larynx lui-même étant fixé dans une situation verticale. Ilrésultedeces deux expériences que, dans les sons graves, un poids d'un demi-loih suffit pour élever le ton d'un semi-ton, que , la tension croissant , il finit par falloir trois loih pour produire uq changement d'un semi-ton , et qu'un poids d'une l42 DE lA VOIX ET DES ORGANES demi-livre à une livre suffit pour produire les sons dans Vé- tendue de deux octaves. Mais j'ai expérimenté aussi sur des larynx dans lesquels ces deux octaves n'exigeaient qu'un poids d'une demi-livre. Quand les cordes vocales sont tendues par une corde dirigée dans le même sens qu'elles et passant sur une poulie , il faut un poids plus fort pour déterminer un même effet. Le même larynx exigeait , pour donner les deux octaves, depuis un quart de loih jusqu'à 15 loth , avec la trac- 1f ' lion perpendiculaire exercée sur le cartilage thyroïde , et jus- qu'à 25 loth avec la tension horizontale des cordes vocales. Je cherchai ensuite à savoir quelle est la pression de Tair à laquelle les cordes vocales commencent à faire entendre leur son fondamental, et s'il en faut une plus forte quand les cordes sont plus tendues , c'est-à-dire pour produire les sons aigus. Des expériences faites à ce sujet , il résulta qu'à l'é- gard des sons aigus , une pression de Fair équivalente à une colonne de mercure d'un quart de centimètre, ou à une co- lonne d'eau de 34 millimètres, parfois même d'un centimètre et demi , suffit pour produire un son léger; ce qui s'applique tant aux sons de poitrine qu'à ceux de fausset. En souillant aussi fort qu'il m'était possible , de manière néanmoins à ce qu'il sortît encore un son , la pression n'était la plupart du temps égale qu a une colonne de mercure d'un, deux ou trois centimètres et demi. Cette quantité est fort inférieure à celle que Cagniard La Tour a obtenue sur le vivant , où la pression dans la trachée-artère, pendant la phonation, équivalait à une colonne d'eau de seize centimètres. La différence me semble tenir en grande partie à ce que l'homme sur lequel Cagniard a fait ses observations avait été atteint d'une maladie des or- ganes vocaux , pour laquelle il avait fallu recourir à la brdn- chotomie. On sait qu'il suffit de la moindre pression d'air pour que nous donnions des sons de voix , et cette remarque s'ac- corde très-bien avec les expériences que j'ai faites sur des larynx, à l'aide du manomètre. Mais si le fortissimo possible CHEZ l'homme ET LES ANIMAUX. 1/J5 ne sortit;, dans plusieurs expériences, qu'à huit, douze ou quatorze centimètres , je l'attribue à ce que , chez l'homme vivant, l'ouverture du porte-vent dans la glotte peut être con- sidérablement rétrécie par la compression latérale qu'exercent les muscles thyro-aryténoïdiens; on peut , dans les larynx morts , suppléer l'action de ces muscles à l'aide d'une com- pression exercée latéralement par lès cordes vocales , ce qui rend possible une tension bien plus forte de l'air. Je voulus aussi savoir si la tension de lair reste la même lorsqu'on donne le piano des sons graves et le piano des sons aigus avec une tension plus forte des cordes vocales , c'est-à- dire si le son le plus faible de ces cordes , soumises à une plus grande tension , est possible quand la tension de l'air demeure la même , ou exige qu'elle croisse. L'expérience suivante nous éclaire à cet égard. Le larynx humain dont je me suis servi donnait , sans poids dans le plateau de balance, qui lui- même pesait 0, 24 loth, donnait, dis-je,yàg à une pression de 1\ :r égalant une colonne d'eau de quatre centimètres. >44 DE LA VOIX ET DES ORGANES Poids pour la SOMS PRODUITS EN Centimètres TENSION SOUFFLANT LE PLUS DE LA DES CORDES. DOUCEMENT POSSIBLE. COLONNE d'eau. Poids de la balance 1/4 loth /«g fausset 4 3/4 solg, » 6 1 1/4 /a^ » 8 13/4 sL^ » 9 2 1/4 ut^ » -10 3 1/4 re^ » +10 4 3/4 mig 1» 13 6 3/4 /«a » 13 7 3/4 ^o/, » ^ 13 » 1/4 /«g »> 16 D'après cela, dans le larynx mort, le souffle le plus léger pos- sible exige , quand la tension des cordes est plus considéra- ble , et par conséquent pour les sons aigus, une tension plus forte de Tair que pour les sons graves ; et quand les cordes vocales sont moins tendues, la tension était deux à trois fois aussi forte lorsque les sons s'élevaient de toute une oc- tave. Il s'agissait encore de savoir suivant quelle proportion de la pression de l'air les sons croissent , la tension des cor- des vocales restant la même. Les expériences suivantes ont été faites à ce sujet sur des larynx d'hommes. CHEZ l'homme et les ANÎMAtX. i^fi TENSION DE L'AIR. TENSION. COLONNE DE MERCURE. SONS. 1" expér. 3/4 loth. 1 1/4 centim. reJlj fausset. 1 3/4 1/3 mi^ » 1 3/4 1/2 H^ » 1 3/4 3/4 sol>^, * 1 2* expér. 3/4 1/4 sis, » 3/4 -1,2 ut^ » 3/4 1/2 re's 3y4 3/4 3/4 — 1 fa s 3/4 1 sol^ »> 3/4 5/4 /«g » 3/4 2 «s » 3" expér. i/4 1/4 sij, » 1/4 1/3 î*^3 5/4 1/2 ré, » 1/4 3/4 mi 3 » 1/4 1 .ÎO/, » 1/4 1 1/2 /«3 1/4 2 «*3 4' expér. 1/4 1/3 wf^ » ' 1/4 1 S0/3 » 1/4 2 ut^ » ,V4 3 «li^ » 5<= expér. ' 1/4 3 1/2 fa^ 2 1/4 1/2 sol^ » 2 1/4 3/4 /«g » 2 1/4 1 Sî's » 2 1/4 1 1/2 re\ II. 10 \^ i46 DE LA VOIX ET DES ORGANES TENSION DE l'air. TENSION. COLONNE SONS. ' DE MERCURE. 2 l/41oth. 2 ce] ttlim. ^^4 fausset. 2 V4 2 1/2 fa^ » 2 1/4 3 4/2 sol^ » 6« expér. 3 1/4 1/2 fa. 3 4/4 1 sol^ » 3 44 1 1/4 si^ » 3 1/4 -2 ut^^ » 3 1/4 2 ré^ » 3 4/4 2 1/2 w,i^ » 3 1/4 2 3/4 /«A 7« expér. 40 1/4 2 1/2 la^ » 10 1/4 +4 si^ M 10 1/4 -f6 W^g » . 10 1/4 8 re'g » S^ expér. 1/4 1/4 la^ » 1/4 1/3 «*» » ly4 1/2 ut^ » 1/4 1/2 réj « 1/4 3/4 Wfg « 9^ expér. 1/4 1/4 ré^^ » 1/4 1/3 /Wtg » 1/4 1/2 fiz » 1/4 +1/2 ^o/g » 1/4 3/4 /â!j » 1/4 1 s/g » Dans les expériences suivantes j'employai un manomètre divisé en pouces et lignes , et pour équivalent de la pression de Vair une colonne d'eau. CHEZ L HOMME ET LES ANIMA.UX. 147 COLONNE d'eau — 1 TENSION. DU SONS. 1 MANOMÈTRE. Pouces. Lignes. 1 10« expér. 1/4 1 6 sol^ fausset. V4 1 8 ^oii » 4/4 2 K 0 1/4 2 4 M. » 1/4 2 8 si^ » . 1/4 2 10 ut^ » 1/4 3 2 ^t^^ » 1/4 3 4 ré. 0 1/4 4 rè)^^ » 1/4 4 6 mi^ » 1/4 5 4 >3 » 1/4 6 6 M^ » 1/4 7 4 sol^ 1) 1/4 8 êol^^ » 1 11<^ expér. 1/2 2 6 ut^. B 1/2 3 ré. » 1/2 3 6 ré^^ » 1/2 4 mi^ » . 1/2 4 6 M » 1/2 5 M» » 1/2 6 iol^ » 1/2 7 sol^. » 1/2 8 la^ » 1/2 9 M, > 1/2 10 si. » 1/2 11 ut. J» 1/2 12 6 ^t^. » 12° expér. 2 1/4 2 8 ré^i » 2 1/4 3 2 mi^ » 2 1/4 4 >. » 2 1/4 4 10 /■««, n 2 1/4 6 sol. » 2 1/4 7 4 sol^, a i48 DE LA A OIX ET DE» ORGANES COLONNE d'eau TENSION. nt; MANOMÈTRE. SONS >, Pouces. Lignes. 2 1/4 8 la^ » 2 1/4 ^ 8 10 H^ » , 2 1/4 10 «n » 13« expér. 2 1/4 3 fa. » 2 1/4 3 6 f^h » 2 1/4 4 sol^ M 2 1/4 4 8 S0l>^^ » 2 1/4 6 la^ » 2 1/4 7 m. » 2 1/4 9 sh » 2 1/5 10 ut^ U >i 2 1/4 12 u% » 14e expér. 2 3 M. » 2 3 6 sol^ n 2 5 sol^^ » 2 6 la^ » 2 7 la^^ » 2 9 si^ M 2 10 6 ut^ » 2 11 6 ul^. M 15* expér. 1/4 1 6 la^ » 1/4 +2 m. U 1/4 2 6 sK M 1/4 4-2 6 ut^ » 1/4 3 «/i^. »> 1/4 3 6 ré^ » 1/4 4 ré^. ») 1/4 +4 mi^ » 1/4 5 f^^ » 1/4 6 fah ,, 1/4 6 6 sot^ H 1/4 7 6 sol^,, H 1/4 8 la. )) > CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. 1^9 Voix de poitrinej, les cordes vocales étant comprimées latéralement. COLONNE d'eau TENSION. BU SONS. manomètre. ■ Pouces. Lignes. 16« expér. 0 2 fa^^ voix de poitr. 4 6 sol^ • 5 6 50/^, 6 la^ M 7 si^ » 8 6 ut^ » 10 W'tts » 11 r^, >» 12 Té^, 17« expér. 0 o Ut^ » 9 «(?/, » 14 M^a » Ainsi, pour élever d'un ion entier le son fondamental des cordes vocales peu tendues , il faut, suivant les circonstan- ces , dans beaucoup de cas , que la pression de Tair subisse une élévation correspondante de un à deux centimètres de la colonne d'eau , plus ou moins. La proportion marche avec assez d'uniformité. Les sons les plus élevés , produits par un souffle renforcé , sont les seuls qui, pour monter d'un ton en- tier , exigent que la tension s'accroisse davantage. Pour élever à l'octave suivante le son fondamental des cor- des vocales , il a fallu , à tension faible égale de celles-ci , que la pression fût huit fois plus forte dans les expériences 2 et 3 , six fois dans lu 4* , sept fois dans la 5« , cinq fois et l50 DE lA VOIX ET DES ORGANES demie dans la 6« , cinq fois dans la 10^ et la ils cinq fois et un tiers dans lu 15«. On peut donc admettre qu'il faut une pression de l'air cinq, six et huit fois plus forte, pour qu'à éga- lité de faible tension des cordes vocales, le son s'élève de toute une octave par un souffle plus fort. Cette pression avait besoin d'être doublée à triplée pour élever le son d'une quarte ou d'une quinte. Quand les cordes vocales sont plus tendues, comme dans l'expérience 7, où elles l'étaient par un poids de dix loth et un quart , non seulement il faut une pres- sion plus forte pour faire parler le souffle le plus faible , mais encore l'élévation du son en exige une bien plus intense que dans le cas de tension moins considérable, puisque, dans l'expérience 7, par exemple, l'élévation d'un ton entier exigea que la pression fût accrue de deux centimètres de hau- teur du mercure ou de 2 x 13 , 6 de hauteur de l'eau du manomètre. Aussi une différence proportionnellement bien plus grande est-elle nécessaire pour avancer dans la série as- cendante. La même chose arrive quand les cordes vocales sont très-fortement rapprochées l'une de l'autre , par les côtés, au moyen des branches d'une paire de pinces. Dans ce cas , par exemple , pour élever d'une quarte le son fon- damental des cordes , la tension demeurant la même , il fal- lut que la pression de l'air , au lieu d'être doublée à triplée, fût quadruplée à quintuplée , comme on le verra dans l'expé- rience suivante. J'ai remarqué en outre que la facilité d'élever le son par un faible accroissement de la pression de l'air atteint quel- quefois sa limite à une certaine hauteur , et que pour éle- ver ensuite le son d'un semi-ton seulement, il fallait augmen- ter la pression de l'air hors de toute proportion , comme dans Texemple suivant : CHEZ t HOMUE EX LES i.NUIAnX. i5t SONS. PRESSION DE L'AIR, colonne d'eau du manomètre. sol. 2 pouces. soljij^. 3 ^«.: 4 ia^. 7 si. 8 tension égale. ^h 10 nt^. 11 1/2 ré. 13 1/2 Mais si je voulais passer de ré à ré^ , il fallait souffler avec un peu de force pour que la colonne d'eau montât jusqu'à 22 à 24 pouces et plus. Les causes de cette disproportion me sont demeurées iaconnues. La limite dont je viens de parler varie beaucoup suivant les larynx ; il y en a qui permettent de monter proportionnellement jusqu'à une octave , et d'autres qui ne le permettent pas. On doit remarquer, en outre , que quand, dans ce cas, on accroissait la tension, de manière que le son fondamental devînt plus ai^u , la limite de la progression proportionelle de l'élévation s'établissait d'autant plus tôt qu'on augmentait davantage la tension , comme il res- sort des expériences suivantes , qui ont été faites sur le même larynx. l52 DE LA VOIX ET DES OR(ÏANES 8 LOTH DB TENSION. Pression de l'air. Sons. es co :%: es S $ S %* 6 LOTH DE TENSION. Pression de l'air. C^ 00 Ci o c^ Sons. et m !>«* 68 § 8 K 4 LOTH DE TENSION. Pression de l'air* c^ m t^ 00 o co Sons. 3 LOTH DE TENSION. Pression de l'air. c^ :o GO 00 es fO Sons. o e Q •** -î* ta «9 ""^ -«» «0 55 s 2 LOTH DE TENSION» Pression de l'air. • O O « « -^ ta ta *«> "^ 1 LOTH DE TENSION. Pression de l'air. «rs « C^ff0500000>0^(M«Cj' •=^ ^i «r^ C^» Sons de poitrine. ^c O O c « -^ "ts "ÎS » ^ CBEZ t*HOMME ET LES ANIMAUX. 1 53 Dans tous'^ces cas, il ne fut pas possible de franchir l'inter- valle de ré à rè^^ sans porter la pression de l'air à 24 pouces et plus. Dans plusieurs autres , le saut eut lieu de la même manière. L'expérience suivante mérite d'être rapportée en- core , comme terme de comparaison. Ainsi que dans la pré- cédente, la voix de poitrine avait été déterminée par une pres- sion latérale exercée sur les cordes vocales. Je signale ce phénomène à l'attention pour éviter tout mal- entendu dans les expériences sur le larynx. Je ne puis l'ex- pliquer autrement que par un saut d'un registre à un autre , du registre de la voix de poitrine à celui de la voix de fausset. Mais il prouve qu'en comparant les équivalens de la pression 1 54 Ï>E ta VOIX ET DES ORGANES de l'air et de la tension , on a un motif de plus pour exclure totalement les degrés élevés de tension et de pression. Viennent maintenant les expériences sur la compensation de la détente des ligamens et de la pression de l'air pour ob- tenir le piano et le forte à une même élévation de son. Si^ en faisant ces expériences, on opère la tension des cordes vocales par une traction exercée de haut en bas sur le cartilage thyroïde et imitant l'action du muscle crico-thy- roidien , les poids nécessaires pour faire sortir un son donné n'expriment pas le degré de la tension des cordes vocales elles- mêmes , mais celui de la contraction du muscle crico-thyroï- dien nécessaire pour produire ce son, et par conséquent lorsqu'on les compare à la pression de l'air , on n'obtient que le rapport entre celle-ci et l'action du muscle. Cette méthode de tendre les cordes vocales est celle qui leur procure la ten- sion la plus uniforme , de manière qu'on devrait toujours faire ainsi les expériences : cependant il faut remarquer que le li- gament crico-lhyroïdien, qui possède l'élasticité au plus haut degré , agit de même que le muscle, que son action vient au secours de celui-ci quand il se contracte faiblement , mais que le ligament est mis hors de jeu quand le muscle se con- tracte avec énergie. Des poids, suspendus à un cordon, qu'on attache à l'angle du cartilage thyroïde, donnent donc exacte- ment le quantum de contraction du muscle crico-thyroïdien qui est nécessaire pour des sons déterminés. Pour mesurer la pression de l'air, je me suis servi tantôt d'un manomètre à mercure , tantôt d'un manomètre à eau , parce que les expériences ont été faites à des époques diffé- rentes. Je vais d'abord rapporter ces expériences une à une. La première colonne est destinée aux sons égaux quant à l'é- lévation, mais croissant en intensité : la seconde indique la quantité jusqu'à laquelle la pression de l'air doit être accrue ; la troisième énonce les poids de la tension , qui diminue à proportion que la pression de l'air augmente. CHEZ t HOMME ET LES ANIMACX. i55 SON UNIFORME PRESSION TENSION CROISSANT CROISSANTE DE l'aIR. COLONNE DÉCROISSANTE DES EN FORCE. DE MERCURE DE CORDES VOCALES. Piano /«a i /«a 1 la. Forte la. 4/2 centimètre. 3/4 1 1 1/2 2 4 1/4 loth. 2 1/4 1 1/4 3/4 1/4 Piano w^4 Forte ut^ 3/4 +1 — 1 1/2 6 1/4 3 1/4 1 3/4 Piano ^0/3 «0/3 soi, sol, sol. Forte 50/3 1/2 4- 1/2 - 3/4 — - 3/4 1 1 4 1/4 3 1/4 2 1/4 1 1/4 3/4 1/4 Piano mi. Forte w^3 1/4 1/2 1/3 1/2 3/4 1/2 3/4 1 +1 3/4 1/4 Piano /oj^3 Forte /ai|3 2 1/4 1 1/4 1/4 Piano solj^, solj;!^, solj^. Forte 50/^3 4 1/4 3 1/4 1 1/4 1/4 Piano sol)^, solj^. Forte sol^. 1/2 — 3/4 3/4 4 1/4 2 1/4 1 1/4 1/4 Piano /«s K ) Forte /a^ 1/2 + 1/2 1 1 1 1/2 4 1/4 2 1/4 , 1 1/4 3/4 1/4 i56 DE LA VOIX ET DES OTIGÀISES Dans les expériences suivantes , la force de la pression de l'air a été mesurée an moyen d'une colonne d'eau. SON UNIFORME CROISSANT EN FORCE. Piano Forte Piano Forte Piano Forte Piano Forte Piano 0 o sic Sl„ Sir SI, 81, Forte la, ré, ré. PRESSION CROISSANTE DE L'aIR. COLONNE d'eau DE Piano mi^ mi^ Forte mi^ Piano /"«s fa. Forte /a. 9 centim, 11 13 45 17 "s" 10 13 14 11 13 14 10 12 1/2 jA H 12 13 JL5 ~~^ 11 13 ^4 ■__ l2 16 18 20 22 TENSION DÉCROISSANTE DES CORDES VOCALES. 9/4 loth. 5/4 3/4 2/4 1/4 9^ 5/4 3/4 1/4 9/4 5/4 3/4 5/4 3/4 2/4 9/4 5/4 3/4 2/4 9/4 5/4 3/4 2/4 17/4 13/4 9/4 5/4 3/4 CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. 157 SON UNIFORME PRESSION TENSION CROISSANT CROISSANTE DE l'air. COLONNE d'eau DÉCROISSANTE DES EN FORCE. DE CORDES VOCALES. Piano la^ 9 centim. 9/4 loth. 1 /«s 12 7/4 1 K 13 6/4 Forte ■ /«a 14 3/4 Piano si^ 8 9/4 «i. 10 7/4 ji» 12 5/4 si^ 14 3/4 Forte ^*8 15 2/4 Piano wig 11 5/4 mij 12 3/4 Forte TWi'a 14 2/4 Piano /«a 10 5/4 fiz 13 3/4 Forte /a. 14 2/4 Piano /a» 8 9/4 K 10 5/4 K 12 3/4 Forte «a. 14 1/4 On voit donc que la traction de haut en bas du cartilage thyroïde doit diminuer dans une proportion plus grande que la pression de Tair n'augmente , pour qu'un son soit fortifié , en conservant la même hauteur. Quand la pression de l'air augmentait du double au qua- druple , la traction agissant de la même manière que le muscle crico- thyroïdien devait s'accroître de quatre à huit et seize fois pour que le son restât à la même élévation. Dans la se- l58 DE Ik VOIX ET DES ORGANES conde expérience il fallut que, la pression de l'air montant de 8 à 14 ou de 4 à 7 , la traction diminuât de 3 à 1 ; dans la troi- sième , la pression de l'air s'élevant de 8 à 14 ou de 4 à 7 , la traction dut baisser de 9 à 1. Il n'y a que le rapport de la ten- sion des cordes vocales elles-mêmes à la pression de Fair qui puisse donner une comparaison exacte. Les cordes vocales doivent être tirées, dans la direction de leur longueur, par un cordon qui passe sur une poulie. Cependant, comme l'atta- che du cartilage thyroïde au cartilage cricoïde met obstacle à la tension dans ce sens , il faut enlever avec précaution , sans léser la membrane muqueuse du larynx , le cartilage thyroïde tout entier , à l'exception de la partie antérieure , à laquelle s'attachent les cordes vocales. Il faut aussi enlever avec cir- conspection le ligament qui existe entre lui et le cartilage cri- coïde. Enfin on peut encore enlever les muscles placés sur le côté des cordes vocales. On obtient ainsi une pièce sur la- quelle la tension des cordes vocales peut être mesurée sans erreur au moyen d'un cordon qu'on attache au reste du car- tilage thyroïde , immédiatement devant l'insertion des cordes, qu'on dirige dans le sens même de ces dernières , qu'on fait passer sur une poulie , et qu'on charge de poids. Pour que la tension ait lieu uniformément dans toute la largeur des cordes vocales , il est indispensable de prendre un larynx dont le car- tilage thyroïde soit ossifié , afin que l'angle de ce cartilage auquel on fixe le cordon , ne cède point, i D'après l'analogie des ligamens de la glotte avec les cordes, on devrait croire que les sons croîtraient suivant la proportion des octaves ,1,2,4, 8, lorsque les forces tensives croîtraient elles-mêmes en raison de leurs carrés, 1,4, 16, 64. Cepen- dant , lorsqu'on porte la tension de 1 à 4 , les sons restent fort au dessous de l'octave , de manière qu'au lieu de celle-ci, on obtient , la plupart du temps , la quarte , la quinte , la sixte, ou des sons intermédiaires. La cause de cette différence ne m'est pas connue ; peut-être faut-il l'attribuer à ce que c'est CHEZ l'homme et les ANIMAUX. 169 la pression de Tair qui fait parler les cordes vocales , ou à rhumidité de ces dernières , ou à ce qu'elles sont composées de nombreux trousseaux parallèles , qui se tendent inégale- ment. En quadruplant la plus faible tension des ligamens de la glotte , les sons ne montent que jusqu'à leur quarte et plus : si la tension était un peu plus forte, en la quadruplant, ils montent à leur quinte ; si elle était plus considérable encore, en les quadruplant, ils montent à leur sixte et plus. Cette diffé- rence dans rélévation , suivant le degré de tension d'où l'on part , doit , sans doute , être attribuée à ce que , plus la ten- sion devient forte , plus il faut de pression d'air pour faire sor- tir le son le plus faible ou le son fondamental des cordes vocales. Il m'a paru intéressant de comparer , dans un même la- rynx , l'effet de la traction perpendiculaire sur le cartilage thyroïde avec celui de la traction horizontale sur les ligamens de la glotte. En conséquence, j'expérimentai d'abord la pre- mière ; après quoi je préparai le larynx , par l'ablation de la plus grande partie du cartilage thyroïde , afin de pouvoir étu- dier la seconde. i6o DE LA VOIX ET DES ORGANES SONS. FAUSSET. Ut^s Hz H. TENSION PAR TRACTION PERPENDICULAIRE. 0,25 loth poids du plateau. 0,45 loth, y compris le poids du plateau. 0,75 0,95 1,35 1,75 2,25 2,75 3,15 3,95 4,25 4,75 5,25 6,25 7,25 8,25 9,25 10,25 11,25 12,25 13,25 14,25 lâ,25 TENSION PAR TRACTION HORIZONTALE. 0 0,25 loth poids du plateau. 0,35 loth, y compris le poids du plateau. 0,45 0,55 0,75 0,95 1,25 1,75 1,95 2,35 3,15 3,45 4,25 5,25 7,25 9,25 11,7S 14,25 16,25 18,25 20,25 22,25 24,25 25,25 D'après cela, dans la tracûon horizontale, pour monter du CHEZ i'hÔMME et IES ANIMAUX, 3 6 1 son re'a , produit par le poids le plus faible , 1/4 de loth , à son octave ré^ , il fallait que le poids s'accrût de 0,25 à 4,25, ou de 1 : 17. La tension était pour ré^ et ré^ Pour mil et mia,^ Pour /as et /«4 ^ Pour /ai*3 et/i^+ Pour «o/, et «o/^ Pour jo/^j et soli^j^ Pour /a, et la. 3 4 Pour /a^3 et /o^, Pour .^3 et si^ Vowv ut, '4 et ut. 1 : 15 1 : 16 1 : 16 1 : 15 4 : 15 :1 .13 :1 .10 :1 :9 :1 :9 :1 : 7 :1 •7 Pour ME LA VOIX ET DES ORGANES subira la compression , sans néanmoins sortir de certaines li- mites , n'influent point sur la hauteur du son. Un exemple de la première espèce est fourni par l'expérience suivante, dans laquelle la pression sur les ligamens était mesurée par des poids. TENSION PRESSION SUR LES LIGAMENS, DES CORDES SONS. VOCALES. DE CHAQUE CÔTÉ. 0 si. 6,25 lolh, y compris 0,25 poids du plateau et du cordon. 5,75 sois 5,25 As 4,75 rèi^. 4,25 rè. 3,75 ut>^. 3,25 si^ 2,75 la^ 2,25 solg, 1,75 1 Je crois avoir remarqué que l'élévation du son par suite de la compression des cordes vocales, arrivait toujours soit lors- que cette compression agissait en même temps sur la tension des ligamens, ou rétrécissait plus spécialement une partie de la glotte, et diminuait par-là la longueur des parties vibrantes, soit quand la pression de l'air augmentait. Plus la pression sur les ligamens devient considérable, plus aussi , en général, on est obligé de renforcer la pression de l'air, pour obtenir les sons. Mais il résulte de là que le ton hausse. Il y eut certains cas dans lesquels les sons s'élevèrent , bien que la pression de l'air mesurée à l'aide du manomètre ne changeât CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. l-^jS point ; mais alors cet effet paraissait dépendre d'une des cau- ses que j'ai indiquées. Quoi qu'il en soit, j'ai quelquefois réussi à maintenir les sons à la même hauteur, en accroissant la compression des ligamens , bien que la pression moyenne de Tair demeurât la même, comme l'annonçait le manomètre. Le son resta le même , quant à Télévation, dans un cas où la compression s'éleva graduellement depuis le minimum jusqu'à six loth de chaque côté. Mais ce qui rend une forte compres- sion toujours nécessaire pour produire les sons élevés de poi- trine , c'est qu'en accroissant la pression de l'air par le souf- fle, on obtient des sons bien plus élevés quand la glotte est étroite que quand elle ne l'est pas. La tension ne suffit pas, comme je l'ai démontré , pour produire les sons élevés de poitrine. Plus les cordes vocales sont tendues , plus aussi les sons de fausset ont de facilité à sortir. Dans les cas où le son restait le même quant à la hauteur, la tension ne changeant pas, mais la compression des cordes vocales croissant, le son variait beuucoup eu égard à l'éclat, suivant le degré de cette compression. A un certain degré de pression, les sons de poi- trine étaient aussi pleins qu'ils pouvaient l'être ; si l'on poussait plus loin la pression, ils perdaient de leur volume, et prenaient un caractère de faiblesse filée , que nous pouvons également leur donner, sur nous-même, par des moyens artificiels. Sous ce rapport donc l'organe vocal de l'homme possède une nouvelle condition qui lui permet d'apporter de grandes variétés dans l'éclat de ses sons, et l'on est surpris de pouvoir pousser si loin l'appréciation physique des moyens que nous admirons dans la modulation des chanteurs. Cet organe peut donner les mêmes sons , pleins et filés , avec les nuances les plus diversifiées ; l'étude et l'exercice procurent au chanteur la conscience de tous ses moyens, et lui enseignent à les em- ployer de manière à ne produire que les sons les plus agréables. Tous les faits dont il a été question jusqu'ici peuvent être l';74 ^E I-^ ^^ÏX ET DES ORGANES observés sur des lafynx qui n'ont que les ligameas inférieurs de la glotte, auxquels on a enlevé les li{jamens supérieurs et les ventricules de Morgagni. C'est de cette manière qu'on doit faire! d'abord les expériences, dans toute leur étendue , avant d'aller plus loin. Car il faut connaître les effets de tous les élémens l'un après l'autre, avant d'étudier la part qu'ils pren- nent au mécanisme considéré dans son ensemble. Je n'ai point négligé de rechercher la part qui revient aux parois élastiques situées au dessus des ligamens inférieurs de la glotte. Le premier pas consiste à faire des expériences sur des larynx possédant encore l'épiglotte , les ligamens supérieurs et les ventricules deMorgagni. La marche à suivre est la même que pour les précédentes. Il faut attacher ensemble les bases des cartilages aryténoides , et les fixer comme paroi posté- rieure du larynx. On ne tarde pas à se convaincre que les sons sont absolument les mêmes , quant à Téclat , et qu'il n'y a là aucun élément nouveau à découvrir. Pour obtenir la voix de poitrine, il est également nécessaire de rapprocher les cordes vocales l'une de l'autre par une pression latérale. Je me suis demandé si les ligamens supérieurs de la glotte , qui tiennent aux inférieurs par le revêtement élastique des ventricules, ne seraient pas peut-être dans un tel rapport de compensation avec les cordes vocales, que par exemple les tensions inégales des uns et des autres se compensassent mutuellement ; car la théorie indique qu'un son correspondant à la tension des liga- mens inférieurs serait rendu plus grave par une tension moin- dre des supérieurs , et viée versa. Pour éclaircir ce point, j'ai déterminé , sur un même larynx demeurant fixe , d'abord le son le plus élevé qu'il est possible d'obtenir par le maximum delà tension , lorsque les ligamens supérieurs et les ventricu- les de Morgagni existent , puis celui qu'on obtient après Ta- blaiion de* ces parties. Mais les ligamens supérieurs ne mo- difient pas sensiblement la hauteur du son. Ce qui prouve CHEZ l'hOJDIE ET LES ANIMAUX. 176 déjà que ni eux ni les ventricules ne sont nécessaires à la for- mation de la voix , c'est qu'ils manquent chez beaucoup de Mammifères, notamment les Ruminans. Mais ils doivent con- tribuer à renforcer l'éclat, et on les voit, ainsi que les parois des ventricules, vibrer fortement, surtout dans la voix de poi- trine ; ce qui, du reste, leur est commun avec toutes les mem- branes élastiques du larynx etavecle ligament crico-thyroidien. Ce n'est que quand les ligamens supérieurs sont très-rappro- chés, qu'ils donnent des sons propres. L'épiglotte. fait égale- ment entendre des sons bourdonnans , lorsqu'on la place dans une certaine situation par rapport au courant d'air ; ces sons différent beaucoup de ceux des ligamens inférieurs. L'abaissement de l'éptiglotte change beaucoup le timbre de la voix , mais en altère à peine l'élévation. Il faut néanmoins éviter, en abaissant cet appendice , d'exercer aucune tension sur les membranes élastiques qui ont des connexions tant avec lui qu'avec les cordes vocales; autrement, et la chose est très- facile, le son s'élève, comme on le conçoit bien. Pour échap- per à toute erreur, le mieux est d'exciser l'épiglotte , de la saisir avec des pinces , et de s'en servir alors pour couvrir et découvrir alternativement l'entrée du larynx. Dans les an- ches en caoutchouc, un obturateur placé au devant des rubans élève le son avec une grande facilité , ainsi que je l'ai montré ailleurs, et , d'après la théorie , on devrait s'attendre ici à un effet semblable de la part de l'épiglotte. Cependant à peine ai-je pu quelquefois reconnaître un changement appréciable. Du reste, l'ablation totale de l'épiglotte ne change pas la voix d'une manière essentielle. Cet appendice n'empêche pas que le son s'élève quand le souffle devient plus fort. Chez l'homme vivant, le rétrécissement de l'isthme supérieur de la glotte au moyen de la langue et avec le secours de l'épiglotte change le timbre de la voix jusqu'à la rendre nasillarde , et permet d'imiter la voix des animaux , ainsi que celles qui sont parti- culières à chaque individu. 1^6 DE lA VOIX ET DES ORGANES Dans les expériences sur la production de la voix de poi- trine par des larynx préparés suivant la manière que j'ai indi- quée, il sort des sons de poitrine qui ont une ressemblance parfaite avec ceux de la voix humaine , quoique toutes les parties situées au dessus des ligamens inférieurs de la glotte aient été retranchées. J'en ai fait d'autres aussi dans lesquelles je conservais non seulement les ventricules de Morgagni , les ligamens supérieurs et l'épiglotte, mais de plus Tarrière-gorge, avec le nez .et la bouche ; ici non plus je n'ai pu découvrir au- cun nouvel élément ; mais le timbre devient plus semblable encore à celui de la voix humaine ; le ressemblance va même si loin , au moyen de dispositions dont je vais parler, qu'ils n'y a plus aucune différence entre la jïiachine et le corps vi- vant. Ces expériences présentent beaucoup plus de difficultés que les précédentes. Il s'agit également de fixer le larynx, et de le soumettre aux mesures et aux poids. Voici comment je procède : • Je coupe la tête d'un cadavre, de fhanière que l'appareil vocal entier et une partie de la trachée-artère y demeurent adhérentes. J'enlève alors les vertèbres ducou, comme pour la préparation du pharynx, je mets le larynx àdécouvert en avant, j'ouvre le pharynx derrière les cartilages aryténoides , et je traverse ceux-ci d'une forte épingle, sur laquelle jeles attache ; je fais passer la ligature par la fente pratiquée au pharynx , puis je recouds ce dernier, et je le ferme, par un lien, à son extrémité inférieure. Alors je suspends la tête ; je fixe, comme d'ordinaire(Pl.n,fe. 12), la paroi postérieure de l'organe vocal à un pilier, et j'attache surtout la partie de cette paroi, formée pari es cartilages aryténoides , au moyen de la ligature dont il a été parlé plus haut. Cela fait, j'excise le cartilage thyroïde jusqu'à l'insertion des cordes vocales, sans léser la membrane muqueuse du larynx ; j'attache à la portion restante de ce dernier cartilage un lien dont l'usage est de tendre horizon- CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. I77 talement les ligamens inférieurs de la glotte, et que je fais passer sur une poulie. Pour comprimer les cordes vocales , j'emploie un appareil particulier représenté Pi. Il, fig. 11. Ce n'est qu'une modifica- tion du compresseur représenté PI. I, fiy, 7. Des branches du compresseur parlent , en direction verti- cale, deux autres branches, qui sont arquées comme la figure Tindique. Le compresseur est disposé ainsi que le représente la PI. II, fig. 12, et il comprime les régions des cordes vocales. On ne peut rien dire de plus : chacun connaîtra bientôt la si- tuation des pinces et la force de pression nécessaire pour pro- duire un bon son, en variant 1^ circonstances. Dans ces expériences, on voit avec quelle force le revête- ment élastique des ventricules de Morgagni et la membrane obturatrice tendue entre Thyolde et le larynx , vibrent pen- dant les sons de poitrine. On peut même, en faisant remuer les lèvres, amener la for- mation de quelques consonnes ; Vmei le v sortent très-facile- ment , comme aussi les voyelles m et a en imprimant le chan- gement nécessaire à Touverlure de la bouche. Une circonstance qui mérite encore d'être mentionnée , c'est rétendue de la voix sur les larynx préparés, comparée à celle de la voix des hommes vivans. J'ai déjà dit qu'en ten- dant davantage les ligamens, on peut obtenir, sur les larynx d'individus du sexe masculin , des sons beaucoup plus aigus que la voix de l'homme vivant n'est communément capable d'en produire. Dans les expériences que j'ai rapportées, il • fut possible d'atteindre, par la tension des ligamens, au-delà de deux octaves , depuis loj^^ jusqu'à ré^^. Il ne faut cepen- dant pas croire que ce soit là une contradiction entre l'expé- rience faite sur des parties mortes et la nature vivante. Ce registre de la>^^ à ré^^ est assurément en pai lie beaucoup plus élevé que celui de la voix des individus appartenant au sexe masculin ; mais le larynx préparé donnait aussi les sons plus II. la 178 DE LA VOIX ET DÉS ORGANEà graves delà voix d'homme, par une détente plus jurande en- core des cordes vocales que celle qu'elles éprouvent dans rétat où elles semblent ne plus être tendues. Comme le liga- ment crico-ihyroidien , qui est élastique, tire encore sur le chevalet antérieur alors même que les cordes vocales parais- sent être lâches, le maximum de détente ne peut naturelle- ment être obtenu que par une traction en sens inverse , en rapprochant le cartilage thyroïde de la paroi postérieure du larynx par le moyen d'un lien chargé de poids, mouvement que le muscle tbyro-aryténoïdien a le pouvoir d'exécuter. Si, en même temps, les cordes vocales éprouvent une compres- sion latérale , que ce muscle ex«rce également sur elles durant la vie , on obtient sans peine ut^ et «i^ , et par conséquent on arrive aux sons les plus graves de la voix de Thomme. C'est ce que prouve une expérience que j'ai rapportée précédem- ment , dans laquelle le larynx donnait , avec un poids de 3 loth tirant de haut en bas , poar tendre les cordes vocales , mi^ et avec un poids de 37 loth rê^^. La détente de l'état qui produisait wig fut opérée par un lien tendu de l'incisure du cartilage thyroïde à la panie postérieure , et passant sur une poulie. Plus on chargeait ce lien de poids , plus les sons deve- naient graves. CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. 79 1 SONS. ré, si. mi^ et «0/^3 l'un après l'îuitre. si. POIDS PODR RELACHER LES CORDES VOCALES. 3/10 loth V2 1 1 3/10 1 4/10 1 1/2 1 7/10 2 2/10 2 4/10 2 6/10 2 8/10 3 5/10 3 3/10 Le même larynx , dont les sons pouvaient être poussés jus- qu'à re'i^g par tension , était susceptible , par le maxinuim de la délente, d'abaisser ses sons jusqu'à si^. Je n'en ai jamais rencontré de meilleur dans mes nombreuses expériences. Ainsi , tous les sons de la voix des individus masculins peu- vent être imités avec le larynx détaché du corps, et Ton va même plus loin dans le baut. Si le larynx de Thomme vivant « ne monte pas autant, l'explication , aussi simple que vraisem- blable , en est que les muscles ne sont pas capables de pro- duire une tension aussi considérable que celle qu'on obtient , $ur le cadavre , avec des poids. J ai prouvé que Torgane vocal de l'homme et des Mammi- fères est une anche à languettes membraneuses. Jadis on se faisait une idée trop restreinite des anches , en supposant qu'il n 1 80 DE LA VOIX ET DES ORGANES fallait de toute nécessité que le courant de l'air fût compléte- mpnt interrompu à chaque double impulsion ou vibration de cet air. Le même instrument à languettes membraneuses ne perd point le caractère de ses sons, que l'interruption soit complète ou incomplète , et les vibrations d'une lame membra- neuse conservent le même caractère lorsqu'elles ont lieu libre- ment dans l'air, comme je l'ai é{;alement démontré. Les con- diiions exigibles dans un instrument à anche , outre la colonne d'air co-vibrante et modifiant le son de la languette , qui peut exister, mais qui peut aussi manquer, ces conditions sont au nombre de trois : 1° une lame de métal , de bois , de mem- brane , susceptible d'être mise en vibration , et qui peut être large ou étroite, qui peut même n'être qu'un ruban analogue à une corde ; 2** un courant d'air qui , d'après lu force du choc , modifie l'élévation du son primitif de la lame ; 3° une interruption partielle ou totale du courant d'air entre les vi- brations ouïes chocs. L'interruption partielle du courant d'air a lieu même encore alors qu'on fait parier librement dans l'air une langueile membraneuse par un courant d'air délié qui vient la frapper ; car ce courant la repousse , et en reve- nant sur elle-même , en vertu d(; son élasticité , elle l'inter- rompt partiellement jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau re- poussée. Plus l'interruption du courant d'air est complète , plus les sons de l'anche ont d'éclat. J'ai fait remarquer que les vibrations de la lame contri- buent autant que les interruptions du courant d'air à l'éclat des sons des instrumens à anche. Dans ceux de cesinstrumens qui ont des languettes membianeuses, le timbre puriiculier du son de la nK^mbrane , qui est fort dififérent de celui de l'air seul, dépend beaucoup des vibrations de la lan- guette. On peut se convaincre, fiar des expériences directes, de la part qui , dans les sons des instrumens à anche , revient à la languette et de celle qui appartient à l'air. Lorsqu'on se bouche les oreilles avec des tampons de papier mâché , et CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. l8l qu'on lient une verf^e appliquée au tampon , cette verge est apte à recevoir parfaitement les vibrations de parties solides , et à les transmettre aux parties solides de l'organe auditif , avec lesquelles elle communique. Mais, en sa qualité de corps solide , elle n'est point aussi propre à bien conduire les vibra- tions de l'air lui même. Ainsi , en se servant de la xerge comme d'un conducteur entre une anche vibrante et le bouchon de l'oreille , on entendra les vibrations de l'anche elle-même. Si Ton se sert d'un larynx artificiel à l;inguettes en caoutchouc , on applique celte verge à l'anneau ou au tuyau sur lequel les languettes sont tendues ; si Ton opère sur un larynx naturel , on la met en contact avec un cartilage. On perçoit très bien les vibrations de celte manière. Au contraire , sans la ver^^e et le bouchon dans l'oreille , les vibrations de l'air de l'instru- ment sont celles qu'on entend le mieux, parce que l'air est le meilleur conducteur pour les vibrations de l'air. Dans une expérience comparative pour entendre avec une verge les covibrations du tuyau d'une flûte , instrument où l'air seul produit le son , on entend bien aussi ce dernier, mais faible proportionnellement , et dans ♦ous les cas on le perçoit plus faiblement que les vibrations des parties solides d'un in- strument à anche. II. Sons buccaux produits par rhomme. L'homme peut aussi produire un grand nombre de sons avec sa bouche. Je fais abstraction ici de toutes les espèces de bruits qui sont possibles dans cette cavité, et dont je trai- terai plus loin, en m'occupant de la parole; je n'entends parler maintenant que de simples sons. Des sons analogues à ceux des tuyaux à bouche peuvent se produire tant dans la pariie antérieure que dans la pariie postérieure de la cavilé orale , et de plus il y a aussi dans la bouche un registre de sons aux- quels l'air donne naissance. lisons buccaux produits par des membranes vibrantes. lS2 ^E Ik VOIX ET DES ORGANES Ici se rangent les sons ronflans qui s'engendrent au voile du palais et aux lèvres. 1. Sons produits au voile du palais. Les véritables sons du voile palatin sont ceux qui caracté- risent rexscréation et le ronflement. Dans les deux cas , les piliers sont mis en mouvement, par le courant d'air, à la façon des languettes membraneuses. Les sons sortent d'autant plus facilement, que les piliers sont plus contractés, et ils peuvent avoir lieu soit quand la bouche est ouverte et le nez bouché, soit quand le nez est libre et la bouche close. La langue vibre de la même manière lorsqu'elle s'applique au palais pour former la lettre r,- mais ses vibrations sont trop courtes pour donner lieu à un son -, il n'en résulte que du bruit. 2. Sons produits aux lèvres. L'air comprimé , en traversant les lèvres , produit , en fai- sant vibrer ou la totalité de ces appendices, ou seulement leur bord , des sons dont Télévalion varie selon leur degré de tension. Si je place un tuyau au devant de la bouche, et que je l'allonge , l'élévation du son labial subit une modification , de même qu'il arrive , en pareille circonstance , au son des languettes en caoulciiouc. Les sons qu'on produit en soufilant entre deux doigts rap- prochés Tun de Tautre , sont de la même espèce. 2. Sons de la bouche produits par la résonnance de l'air. A cette catégorie appartient le silïlement avec les lèvres. Ce silïlement a été attribué aux vibrations des lèvres. Mais on n'a pas de peine à se convaincre que celles-ci demeurent en repos pendant qu'il s'exécute , car non seulement on peut les loucher du doigt et les couvrir, mais encore , comme Ta fait Cagniard Laiour, on peut produire les mêmes sons avec un disque de carton percé dans le milieu , qu'on tient entre les lèvres. J'obtiens encore un son grave en prenant entre mes lèvres un disque d'ivoire , et aspirant l'air à travers une ou- CHEZ l HOMME ET LES ANIMAUX, 1 83 verture d'un diamèlre de quatre lignes , qu'il présente à sa partie moyenne. La lliéorie de Cagniard Latour nie semble parfaitement exacte. L'agent producteur du son est l'air qui frotte CQûtre les parois du canal. On sait que le frottement des corps produit des sons lorsqu'il est iniennittent. Tels sont ceux qu'on obtient en frottant avec le doigt une surface lisse, par exemple le bord d'un verre , ou en tournant dans un cy- lindre de verre une baguette couverte d'étoffe, etc. L'air donne lieu à un son par frottement , lorsqu'il passe à travers une fente étroite d'un corps dur, dont les bords ne peuvent être assimilés aux lèvres d'une anche. On ne sait pas encore bien comment s'opère ici l'inierniission du frottement, mais le fait est indubitable. Le son qu'on excite en frottant le verre tient évidemment , comme celui qui dépend de l'action d'un archet , à des interruptions périodiques du frottement par suite de l'adhésion du doigt , de même que , quand on pose le doigt sur une table , et qu'on le pousse en avant, le mouve- ment se trouve interrompu d'une manière périodique, Mais que le mouvement de I air qui passe sur les bords d'une fente soit interrompu périodiquement par le frottement , c'est ce qu'il est plus facile de présumer que de démontrer. La possi- bilité que l'air adhère à l'eau nous est prouvée d'une manière évidente par les lames frisées que le vent excite à la surface du liquide. Cagniard Latour me paraît n'avoir point eu assez égard à la cavité orale dans l'explication qu'il a donnée du sifflement avec les lèvres. Il cherchée réfuter l'analogie avec un tuyau à bouche. Cependant cette analogie me. semble très-grande. Savart a montré qu'on peut encore produire des sons avec l'embouchure d'un tuyau à bouche, de sorte que , rigoureu- sement parlant , dans ces sortes de tuyau, c'est l'embouchure ou U lèvre qui excite le son et détermine l'air à vibrer , mais que la vibration du tuyau est changée par la colonne d'air. Il paraît en être de même dans le sifflement avec la bouche ; la l54 I>E l'A VOIX ET i)ÊS ORGANES cause de la vibration se trouve à l'embouchure des lèvres ou du disque de liège , et consiste en un froiiement ; mais celle vibration fait vibrer la colonne d'air de la cavité orale , par le nombre des vibraiions de laquelle elle est à son tour déter- minée. L'effet diffère aussi en ce que , chez Thomme qui sif- fle, Tair entre en mouvement dans le tuyau et l'embouchure à la fois , de manière à former un courant d'air progressif , tandis que , dans un tuyau à bouche , il ne forme pas courant hors du temps des vibraiions soutenues. Cette explication se concilie très-bien avec les faits que l'expérience nous fournit , eu égard au chan/^ement des sons du sifflement par la bouche. En effet , ces sons changent : 1^ Quand on souffle plus fort, sans changer ni l'ouverture ni la situation de la langue; c'est précisément ce qui a lieu dans les petits tuyaux abouche, longs de deux pouces et moins , dont on peut accroître considérablement l'élévation , sans que les intervalles soient observés ; 2° Quand on change l'ouverlure des lèvres ; d'où résulte un effet semblable à celui que produit une ouverture ou plus grande ou plus petite de l'embouchure des tuyaux à bouche; 3° Quand on change le tuyau ou la cavité orale. Les sons deviennent plus fjraves lorsqu'on retire la pointe de la langue en arrière, et plus aigus lorsqu'on la porte en avant. Ce changement ressemble à ceux qu'on opère en modifiant la longueur et l'ampleur des tuyaux à bouche. Ils marchent aussi parallèlement à ceux qu'on observe dans la guimbarde. Dans le sifflement, les vibrations sont dues au frottement de l'air pendant son passage à travers l'ouverture des lèvres; dans la guimbarde , elles proviennent du battement de la lan- guette ou de l'aspiration de l'air; dans un cas comme dans Vautre , le son produit diffère, toutes choses égales d'ailleurs, en raison de la forme de la cavité orale et de la situation de la langue. cDEz l'homme et ies anïmaux. i85 IH. Voix des Mammifères. Les causes de la voix, chez les Mammifères, sont, quant aux points essentiels, les mêmes absolument que chez l'homme. Tout ce qui a été dit plus haut S'applique à ces ani- maux. Le son est fourni par les li^jamens inférieurs de la glotte. Une fois que l'on connaît la cause des sons graves et forts par le relâchement des cordes vocales de l'homme , on ne trouve pas surprenant que ces ligamens donnent les sons graves des bêtes à cornes , etc.; en effet, on les voit vibrer dans les expériences faites sur le larynx du Bœuf , et le son en est grave et fort , quand ils sont relâchés. Les ligamens su- périeurs de la glotte el les ventricules de Morgngni manquent chez les Ruminans, ce qui prouve qu'ils ne sont point néces- saires à la production des sons graves (1). Les Solipèdes ont un ligament supérieur de la glotte. Dans le Cheval , la mem- brane muqueuse forme aussi, au dessous de lepiglotte , un pli semi-circulaire, qui va d'un ligament à l'autre. Ce pli n'existe pas chez l'Ane , non plus que chez le Mulet (2). Le Cheval a au dessous de lui une cavité infundibuliforme , et au dessus une seconde cavité , qui est plus spacieuse dans l'Ane et le Mulet. Ces derniers ont de grands ventricules de Morgagni ; ceux du Cheval présentent des ouvertures étroites et plus rap - prochées de l'épigloite (3). Le Cochon a aussi un vaste sac membraneux au dessous de l'épigloite. L'anatomie du larynx des Mammifères appartenant à d'autres ordres a été si com- plètement exposée par Brandt(4),que jepuis renvoyer au tra- vail de cet anatomiste. (1) Consultez les recherches de Lehfeldt sur le larynx de plusieurs Mammifères, dans l'ouvrage précilé. (2) GurU, f^eryleichendc Anatomieder Ilaussœugeihiere^t.IÎ, p. 167. (3) Gurlt, loe. cit., p. 167. (5) Diss. de mammalium quorumdam prœsertim q^iadnimanorum vocis instrumento, Berlin, 1826. j 86 DE LA VOIX ET DES OnCANES. Chez les Singes, la partie principale de l'organe vocal ne change pas , mais les parties résonnantes offrent souvent des dispositions particulières. Ainsi lOrang-Outang a un sac entre le cartilage thyroïde et rhyoïile; Cuvier a aussi trouvé un sac menîbraneux au dessous de l'hyoïde du Mandrill , du Papion et du Macaque. Mais le plus grand appareil de résonoance est celui des Singes hurleurs du Nouveau-Monde, qui consiste en une dilatation de leur hyoïde et de leur cartilage thyroïde, en des sacs latéraux partant des ventricules , et en des sacs laryngo-pharyngiens, dont Brandt a donné la description. Chez ces animaux , Tépiglotte a une forme toute spéciale et une grandeur considérable. Chez les Sapajous , comme Ta fait voir Cuvier, Tugrandissemenl des cartilages de Wrisberg, leur forme et celle de Tépiglotle , donnent naissance à un canal recourbé en forme dS. La voix de ces Quadrumanes est sifflante. Brandt est entré dans de grands détails sur Is car- tilages cunéiformes, qui sont souvent si grands chez les Mam- mifères , et sur des cartilages particuliers qu'offre leur la- rynx (1). IV. Voix des Reptiles. Parmi les Reptiles, le Crocodile , les Grenouilles , les Cra- pauds et les Pipas doivent être pris en considération sous le rapport de la voix , qui , chez eux , naît dans le larynx , comme celle des Mammifères. Le larynx du Crocodile possède de très-for^tes cordes vo- cales , ou lèvres de la glotte , qui ont , au dessous d'elles , un ventricule spacieux , de chaque côté. Elles se trouvent, de cha- que côté , sur une bandelette cartilagineuse arquée , dont les extrémités antérieure et postérieure sont fixées en avant et en arrière au pourtour supérieur d'un cartilage annulaire. (4) Foyez l'explication de la Planche III pour plus de détails sur ces appareils de résonnance . CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 187 Ces lèvres épaisses , quand oa souffle par la trachée-artère , entrent en vibration de la même manière absolument que les cordes vocales de l'homme. Les sons que j'ai obtenus de celte manière sur le larynx de VAlUgator lucius ressemblaient aux sons de fausset de la voix humaine. Dans la Grenouille mâle , les cordes vocales sont doubles. L'inférieure forme un pli au pourtour extérieur de l'entrée de la bronche dans le larynx. La supérieure est la princi- pale, et fait une forte saillie dans la cavité laryngienne, ten- due d'avant en arrière sur le grand cartilage aryiénoïde , qui a la forme d'une coquille. Ce n'est pas un simple pli transver- sal : la portion élastique du ligament se trouve au bord libre du pli , et forme une plaque avec le bord semi-circulaire supérieur et inférieur. Les faces internes de ces plaques ou ligamens renferment la glotte. Leur pourtour extérieur est uni, par le pli de lu membrane muqueuse, avec la paroi externe du larynx , notamment du cartilage aryténoide. Les mouvemens de ce dernier changent la position des ligamens par rapport au courant d'air. La paroi inférieure du pli qui unit les cor- des vocales avec la paroi latérale du larynx , est tellement maintenue par un petit frein perpendiculaire , que les cordes ne peuvent pas se porter trop en haut. Quelques espèces de Grenouilles ont dans le ligament vocal un petit cartilage, dont Mayer a donné la figure d'après le Bufo lazarus. C'est une répétition de ce que Savart a observé chez plusieurs Oi- seaux chanteurs. Il m'a été assez facile de tirer des sons aigus et des sons graves des cordes vtxîales de la Grenouille , en soufflant par les orifices inférieurs du larynx. L'air libre même en prOL'uit quelquefois sur le larynx détaché du corps. Les sacs laryn- giens des mâles, qui communiquent avec la bouche par de« ouvertures, ne peuvent être gonflés entièrement par l'animal, que quand la bouche et le nez sont fermés. Le croassement ne saurait tenir à cela seulement ; car l'ouverture qui mène l88 DE lA VOIX ET DES ORGANES dans les sacs ne renferme aucune partie qui puisse entrer ai- sément en vibration par l'insuHlation de ces cavités. Au reste, les sacs laryngiens permettent à la Grenouille mâle de pro- duire sa voix dans le larynx en fermant la bouche et le nez , car Tair qui résonne en passant auprès des cordes vocales peut s'écouler dans leur intérieur. Lorsque nous faisons sortir notre voix avec force en fermant la bouche et bouchant le nez, les joues se gonflent. L'organe vocal du Pipa mâle présente une anomalie parti- culière , en ce que les sons y sont produits par des corps so- lides qui vibrent. La trachée-artère manque, comme chez les Batraciens en général , et les bronches sortent immédiatement du larynx. Celui-ci forme une vaste poche cartilagineuse, décrite par Rudolphi , qui reçoit l'air en devant par la glotte. Dans l'intérieur de cette poche se trouvent deux tiges carti- lagineuses, presque aussi longues qu'elle , et dont Mayer a donné la description (1). Ce ne sont pas des battans libres et mobiles, comme celui d'une cloche, car leur extrémité anté- rieure est fixée par une articulation ; la postérieure , libre, se trouve précisément en face de l'orifice de chaque bronche. Le bord de l'ouverture de la bronche dans la poche présente une languette membraneuse mince , qui est surtout bien pro- noncée en dehors. Ces tiges agissent comme des languettes en forme de verges , ou comme un diapason,, tandis que les or- ganes vocaux ordinaires des animaux sont membraneux. Lors- qu'on en fixe une par l'une de ses extrémités, et qu'on souf- fle sur le bord de l'autre bout avec un petit tube , on obtient une espèce de bourdonnement, du moins quand l'expérience réussit. Cependant il faut avoir égard aussi au rebord mem- braneux qui garnit l'entrée de la glotte, et qui doit pouvoir être mis d'autant plus aisément en vibration que les tiges bou- (1) Nov. act. nat, cur,, XII, P. II, p.. 541. Foyez aussi l'explication de la Flanche IL CHEZ l'homme et les ANIMàUX. 189 chent pariiellement l'orifice des bronches. La mise en vibra- tion de ces liges par leur extrémité antérieure , là où elles bornent la glotte par leur bord interne saillant, est possible aussi ; toutefois il n'y a point de cordes vocales sur ce point. Lorsque CagniarJ-Latour me fit voir plusieurs insirumens pro- ducteurs de son qu'il avait imaginés, j'en aperçus un dans le nombre qui me frappa sur-le-champ par son analtjgie avec l'organe vocal du Pipa. Il consiste en un tube dont l'un des bouts est fermé par une plaque dans laquelle se trouve une fente. L'intérieur du tube renferme une petite languette mé- tallique fixée sur une traverse , et dont l'extrémité libre avoi- sine la fente de la plaque. On fait vibrer la languette en souf- flant par la fente. Cet appareil n'exige pas de plus amples explications. V. Voix des Oiseaux. • 4.^ Organe vocal des Oiseaux. Je prendrai pour principal guide , dans l'expositionanato- mique , les recherches qui ont été faites par Cuvier et Savart. De nouvelles dissections , surtout depuis celles de Savart, ne pourraient guère conduire qu'à des faits déjà connus. L'organe vocal des Oiseaux , le larynx inférieur, situé à la bifurcation de la trachée-artère, est, la plupart du temps, indiqué, dès l'extérieur même, par la fusion de plusieurs an- neaux de la trachée-artère , constituant ce qu'on appelle le tambour. Le dernier de ces anneaux forme deux saillies, l'une antérieure, l'autre postérieure , dont les sommets se trouvent placés plus bas que la partie externe du bord de l'anneau. Les deux saillies sont , chez la plupart des Oiseaux qui ont de la voix, réunies par une traverse osseuse, qui partage l'orifice inférieur de lu trachée-artère en deux parties auxquelles aboutissent les bronches. Il peut y avoir des plis membra- neux tant au pourtour extérieur qu'au pourtour intérieur des ouvertures bronchiales de la trachée-artère. Chez certains igo DE l VOIX EX DES OKGàNëS Oiseaux , comme l'Oie , ce qui produit le son est un pli tendu au côté externe du bord inférieur du tambour. En effet, entre l'extrémité de celui-ci et le premier anneau trachéal , la tra- chée-artère est membraneuse ; cette membrane , dans toute la partie qui s insère au bord inférieur du tambour, est très- tendue , attendu qu'eiie se trouve fortement tirée par les apophyses antérieure et postérieure du bord inférieur du tambour ; plus loin , entre le tambour et le premier anneau de la trachée-artère , elle est lâche. La partie tendue de la mem- brane à l'extrémité inférieure et au bord externe du tambour, est l'organe vocal de TOie. Même après l'arrachement des bronches , cette portion tendue de la membrane demeure si- tuée à l'extrémité inférieure du tambour, et l'on obtient en- core des sons en soufflant par le bout supérieur de la trachée- artère. En dedans , cette membrane ne forme qu'une faible saillie, appelée pli ou ligament vocal. Chez l'Oie et plusieurs autres Oiseaux , le bord interne des ouvertures bronchiales de la trachée- artère n'offre point de ligament vocal , point de pli ; mais , d'après les observations de Savart , ce pli , qu'il nomme membrane semi-lunaire, existe chez les Oiseaux chan- teurs. Savart l'a trouvé irès-développé dans le Rossignol, la Fauvette , le Serin , la Linotte , le Chardonneret , le Verdier, le Pinson, le Rouge-gorge , le Gorge-bleue, le Pouillot, le Traîne-buisson , l'Ortolan de roseau , le Roitelet , l'Alouette , l'Hirondelle de cheminée , le Rouge-queue , le Tarin, le Da- guet , le Troglodyte , le Pinson des Ardennes. Il manque chez le Gros-bec , le Moineau , le Roitelet , THirondelle de fenêtre, celle de rivage , la Soulcie , le Bruant- fou , la Mésange-no- nette, etc. C'est chez les Oiseaux capables d'apprendre à parler, le Corbeau , la Pie , la Corneille , le Geai , rÊlourneau, la Grive , le Merle , qu'il a les plus grandes dimensions. A l'entrée des bronches se trouvent encore , selon Savart, deux cordes vo- cales , l'une externe , l'autre interne. hQs> trois premiers an" CHEZ I'hOMME et LES ANïMÀtJX. I9I neaux des bronclies ont une configuration spéciale. Savart en a décrit très-exactement et figuré les formes. Le long de la face interne du troisième anneau existe , chez les Oiseaux cbantans , un cordon membraneux , formé d'une substance particulière , élastique, à ce qu'il paraît, qui est la lèvre ex- terne de la g'oUe. Le pourtour extérieur des anneaux peut s'élever, s'abaisser, décrire des arcs, notamment le troisième, dont les extrémités servent pour cela de points fixes , en sorte que le cordon ou tendon dont il vient d'être parlé, forme l'axe des mouvemens de chaque cartilage. En dedans , la paroi de la glotte , ou la lèvre interne, est formée, chez les Oiseaux chanteurs, par un petit cartilage (cartilage aryté- noïde) , ti par des bourrelets de même substance que celle qu'on trouve à la lèvre externe. Ces bourrelets sont enchâssés dans une paroi membraneuse {membrane tjmpaniforme de Cuvier),qui s'étend depuis les cartilages des bronches jusqu'à la traverse osseuse. Comme celte membrane se continue avec le repli semi-lunaire , celui-ci peut être tendu par elle. La membrane tympaniforme est extrêmement petite chez beau- coup d'Oiseaux , tels que les Canards et les Oies , de sorte que les anneaux des bronches ne tardent pas à être complets ; chez les Oiseaux chanteurs , elle s'étend , d'après Savart , jus- qu'aux quatrième et cinquième cartilages des bronches ; c'est chez les Oiseaux susceptibles d'apprendre à parler qu'elle a le plus de longueur et que la paroi interne des bronches est le moins couverte d'anneaux cartilagineux. Des muscles , qui sont propres au larynx inférieur, peuvent attirer le premier cartilage des bronches, et tantôt rapprocher les lèvres de la glotte , tantôt les éloigner Tune de Tauîre. Cuvier partage les Oiseaux en plusieurs classes ;, suivant ie nombre de ces mus- cles. Chez les uns il n'y a pas de muscles spéciaux du larynx inférieur, et la trachée-artère ne peut qu'être considérable- ment raccourcie par la traction de haut en bas qu'exercent sur elle les muscles sterno-trachéaux et ypsilo-trachéaux. Les ig2 DE LA VOIX ET DES ORGANES Oiseaux qui appartiennent à celte catégorie sont les Oies et les Canards parmi les Palmipèdes , ainsi que les Gallinacés. Parmi les Palmipèdes, les Canards et les Harles ont des dilatations au larynx inférieur, et celui-ci se distend . chez les mâles , ea un gros tambour non symétrique, en partie osseux , en partie membraneux, qui produit évidemment le timbre particulier propre à la voix des individus mâles. Parmi les larynx munis de muscles sf>éciaux , il y a plusieurs groupes. Les Accipi- irins, les Foulques , les Râles, les Bécasses, les Chevaliers, les Poules d'eau, les Avocettes, les Mouettes, le Cormoran, le Martin-pêcheur, 1 Engoulevent , le Héron, le Butor, le Coucou, n'ont qu'un seul muscle pour attirer les demi-anneaux cartilagineux vers la trachée-arlère. Tous ces Oiseaux ont une voix peu variée. Il y a cinq paires de muscles chez les Oi- seaux chanteurs , et trois muscles seulement dans le Perro- quet, sur le larynx duquel j'insisterai.^ La glotte est simple chez les Perroquets , et ne présente pas la traverse médiane qui existe chez les autres Oiseaux. Hum- boldt avait déjà donné une figure du larynx inférieur du Fsiitacus ararauna. Les parties essentielles de l'organe vocal sont les suivantes : sur les bords latéraux et inférieurs con- caves du tympan se trouvent deux cartilages ou os semi-lu- naires, dont les sommets sont un peu recourbés chez quelques Perroquets; un autre cartilage semi-circulaire, situé vis-à-vis de celui-là , forme le commencement de la bronche ; entre les deux on aperçoit une membrane qui est tendue dans toute la partie embrassée par le demi-cercle supérieur. La membrane qui réunit le demi-cercle supérieur et l'inférieur, forme un angle saillant en dedans ; les deux angles du côté opposé fer- mentla glotte. Quand on tire la bronche de bas en haut, l'angle devient plus aigu , et fait plus de saillie en dedans ; et comme les angles des deux côtés se rapprochent, la glotte devient plus étroite. Deux muscles servent à produire ce mouvement de la bronche. Lorsque les deux angles sont aussi rapprochés CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. IQÔ que possible , la glotte se trouve réduite à une fente très- étroite. La dilatation de la glotte est opérée par un muscle qui tire de dedans en dehors les cadres semi-circulaires supé- rieurs de la membrane. Ces cadres semi-circulaires supérieurs forment, avec le bord inférieur du larynx , une sorte de fausse articulation , et se meuvent de dehors en dedans et de dedans en dehors, comme deux ventaux ; les membranes tendues dans leur intérieur suivent ce mouvement. Le bord que l'air frappe immédiatement est l'angle compris entre la membrane tendue du ventait demi-circulaire supérieur et la membrane lâche , jusqu'au premier cartilage semi-circulaire bronchial. A la face interne du bord de cet angle, on remarque, chez quelques Perroquets , une bandelette membraneuse , que le vent fait vibrer la première ; après quoi la contraction se com- munique aux membranes semi-circuulaire supérieure et infé- rieure qui forment le pli anguleux. La trachée-artère des Oiseaux forme , avec le bec, le corps de tuyau ajouté au devant du larynx. Elle peut être singuliè- remeat raccourcie par le rapprochement de ses anneaux , et même par leur emboîtement les uns dans les autres. Les Jra- chées-artères de quelques Oiseaux ont plus de longueur que le cou , à cause de leurs flexuosiiés ; telles sont celles du Coq de bruyère, des Pénolopes, des Hérons, Cigognes et Grues, surtout chez les mâles. Chez le Cygne sauvage, la tra- chée-arière décrit même une circonvolution dans la substance du sternum. Je renvoie à l'ouvrage de Cuvier pour la descrip- tion particulière de cet organe. Il partage les trachées-artères eu quatre ordres, les cylindriques, les coniques , celles qui ont des lenflumens subits, celles qui se renflent et se rétré- cissent par degrés insensibles. Le Héron et le Cormoran ont des trachées coni(|ues , qui s'élargissent peu à peu du côté de la bouche. La trachée est subitement renflée dans le Garrot, la double Macreuse, et aussi le Kamichi, d'après Humboidt. II. i5 ig4 DE tÀ VOIX ET DES ORGANES On trouve des renfleraens adoucis dans le genre des Harles et chez les Canards mâles. Je ne suis entré ici dans les détails dé l'anatomie comparée des organes vocaux, qu'autant qu'il était absolument indispen- sable de le faire pour Tintelligence de la partie physiologique. 2. Théorie de la voix des Oiseaux, Cuvier a prouvé que la voix des Oiseaux se produit au la- rynx inférieur. lia vu un Merle, une Pie, une Cane conserver la faculté de crier après la section de la trachée-artère. Il boucha la partie supérieure de celte dernière , et lia le bec , sans que les cris changeassent ; il coupa même le cou d'une Cane , qui n'en jeta pas moins encore quelques cris. A ces expériences , qui donnent le même résultat toutes les fois qu'on les répète , viennent se joindre celles qu'on fait sur le larynx inférieur extirpé du corps. Quand on souffle dans les bronches d'un Canard , on produit exactement la voix natu- relle de l'oiseau. La même chose a lieu en soufflant dans la trachée-artère de l'Oie et du Canard ; on peut même enlever les bronches ; pourvu que la portion de la membrane bron- chiale qui est fortement tendue au bord inférieur du tambour, subsiste encore , on obtient des sons. D'après la théorie de Cuvier , l'allongement et le relâchement de la membrane tym- paniforme rendent le son plus grave ; son raccourcissement et sa tension le rendent plus aigu. A ces deux sources de mo- difications se joignent les changemens de largeur de l'ouver- ture , et les différentes vitesses de l'air qui en résultent ; mais tant qu'il n'y a que l'anche de changée , et que la longueur de la trachée et son orifice supérieur restent les mêmes , les variations des sons sont bornées aux harmoniques des sons graves. Ainsi, en appelant ut^ le son fondamental produit par le plus grand allongement et relâchement possible de Tanche, l'Oiseau ne pourra donner, en la raccourcissant, que l'octave, CHEZ L*H0M5IE ET LES ANIMAUX. 1 Q^ la quinte de celte octave , la double octave , sa tierce et sa quinte, la triple octave et ainsi de suite. Cette opinion repose évidemment sur un malentendu; car les membranes tendues dans un seul sens changent de sons en raison inverse de leur longueur et directe des racines car- rées des forces tensives, et la tension peut être conçue dans toute fraction comprise entre 1,4, 16 ; tous les tons intermé- diaires entre 1 et 2 doivent être possibles aussi , et non pas seulement les harmoniques. Si Cuvier n'avait point pensé à la tension des lèvres, mais seulement à la largeur de l'anche , la comparaison qu'il fait de l'organe vocal des Oiseaux avec un tuyau à bouche serait demeurée exacte ; mais, en comptant sur les vibrations des ligamens de la glotte , il confondit Tanche d'un jeu d'anche avec celle d'un tuyau à bouche, qui, lorsqu'on souffle plus fort , donne les sons 2, 3, 4, 5, 6. Cu- vier fait produire les sons non harmoniques par le raccour- cissement de la trachée-artère. En raccourcissant sa trachée d'un neuvième , l'Oiseau , dit-il , produit, toutes choses égales d'ailleurs, le premier ton entier au dessus du son fondamen- tal ; puis il n'a plus qu'à raccourcir seulement Tanche, sans changer la trachée de longueur , pour produire tons les sons harmoniques de ce second son. Pour monter par ce moyen d'w^g à ut^^ il faudrait que la trachée se raccourcît de près de moitié , ce qui n'est guères possible ; le reste est donc pro- duit par la diverse largeur de l'ouverture du larynx supérieur, de même que les sons d'un sifflet bouché deviennent plus aigus à mesure qu'on abaisse le couvercle ; de cette manière on parvient à gagner encore près d'une octave dans l'organe vocal des Oiseaux. En comparant ensuite cet organe au cor , le grand naturaliste retombe dans le même défaut de confon- dre ensemble les tuyaux à bouche et les jeux d'anche , aux- quels les cors appartiennent , parce que l'ébranlement de la colonne d'air est déterminé par des languettes membraneuses, les lèvres. Mais dans un jeu d'anche les sons ne changent pas, 196 DE LA VOIX ET DES ORGANES comme dans les tuyaux à bouche, en raison de la longueur des colonnes d'air ; leurs changemens ont lieu en vertu de lois toutes différentes. Savart compare l'organe vocal des Oiseaux , comme celui de l'homme, à un tuyau à bouche. Par conséquent, il regarde l'air comme le corps à proprement parler sonore, de sorte que l'anche placée au larynx inférieur serait analogue à un tuyau à bouche et non à un tuyau à anche. Cependant Savart a fait voir que, dans cette supposition, les parois de la trachée-ar- tère n'en doivent pas moins exercer une grande influence sur le son de la colonne d'air. Il compara ensemble les sons pro- duits par des tuyaux à bouche d'égale longueur et de sem- blable largeur , mais de substance diverse. Tous avaient un pied de long , et neuf lignes de diamètre , à la lumière. Le résultat fut qu'un sifflet formé avec douze feuilles de papier collées l'une sur l'autre , et dont les parois présentaient une épaisseur de trois quarts de ligne, a déjà un nombre de vibra- lions un peu différent de celui d'un sifflet en bois , et que le son peut s'abaisser déplus d'une octave lorsque la rigidité des parois diminue beaucoup, surtout par humeciation : alors les parois du sifflet entrent en vibration, et influent à leur tour sur le son de la colonne d'air. Savart cherche à renverser l'opinion qui représente l'or- gane vocal des Oiseaux comme l'analogue d'un tuyau à anche, en faisant remarquer que le son d'une anche ne change pas considérablement lorsqu'on souffle plus fort, tandis que , d'a- près ses expériences, on peut, en variant la vitesse du cou- rant d'air, sur un larynx d'Oiseau chanteur, produire tous les sons possibles compris dans une octave et demie à partir du son fondamental. Je regarde comme une chose totalement dénuée de preuve que l'organe vocal des Oiseaux soit réelle- ment un tuyau à bouche. L'objection de Savart n'est point décisive; car j'ai fait voir qu'en opérant sur des anches à languettes membraneuses en caoutchouc , on peut élever les CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. ig^ sons de quelques tonsau moyen d'un souffle plus fort, qu'avec des languettes en tunique d'artère cette élévation s'étend à tous les tons compris dans la quinte , que le son des cordes vocales du larynx humain peut être élevé de tous lestons renfermés dans la quinte, et qu'un effet identique, quelque chose même déplus, a lieu lorsqu'on opère sur des languettes métalliques, pourvu que la languette soit assez mince. J'ai pu élever de plus d'une demi-octave les sons des languettes métalliques minces de la trompette des enfans , et, en soufflant plus fort, parcourir tous les tons possibles dans l'étendue d'une octave et demie. Le résultat est demeuré le même que je soufflasse par l'ouverture de la trompette ou par la pièce qui renferme l'anche. En étudiant les languettes métalliques, on s'est trop attaché aux languettes épaisses des tuyaux d'orgue , dans lesquels la vitesse ordinaire du courant d'air n'est point assez forte pour élever le son. Il me paraît extrêmement difficile, et pour lé moment pres- que impossible, de décider si les sons de l'organe vocal des Oiseaux se produisent d'une manière analogue à ceux des tuyaux à anche et de l'organe vocal humain , ou à ceux des tuyaux à bouche , et si les lèvres de la glotte des Oiseaux vi- brent, ou si c'est la colonne d'air qui entre en vibration par l'effet du frottement que le courant éprouve en les traversant. L'organe vocal simple d'un grand nombre d'Oiseaux , par exemple, des Canards et des Oies, est indubitablement un tuyau d'anche. Non seulement on voit les vibrations violentes du ligament extérieur de la glotte, mais encore le son a la plus grande analogie avec celui qui résulte des vibrations de membranes. On en peut dire autant de tous les Oiseaux dont la voix a un son de membrane , tels que les Corbeaux , qui , cependant appartiennent déjà aux Oiseaux chanteurs. La longueur de la trachée-artère de l'Oie n'exerce non plus, quand on souffle par les bronches , qu'une influence très-su- bordonnée sur le changement du son , et que ce tuyau soit ï 98 DE LA VOIX ET DES ORGANES très-court ou long, on n'en obtient pas moins le son caracté- ristique de l'animal. Mais c'est une autre question que celle de savoir si le son sifflant des Oiseaux chanteurs doit aussi prendre place ici , s'il ne se produit pas plutôt de la même manière que ceux du sifflement avec la bouche. La compa- raison avec un instrument à anche me paraît être la plus vraisemblable. D'al>ord il n'est pas possible que les lèvres de la gloite n'entrent point en vibration quand les muscles agis- sent d'une manière déterminée, et quoiqu'une part revienne au frotienient de l'air, il doit , en tout cas, s'établir une com- pensation entre les vibrations de l'air et celles des ligamens de la glotte ; mais, dès-lors , l'organe vocal des Oiseaux n'appar- tient plus entièrement à la classe des tuyaux à bouche, et il renferme en même temps un élément des tuyaux à anche. Ensuite, quand, au moyen d'un tube introduit dans Tune des bronches, je souffle à travers le larynx inférieur seul, c'est- à-dire débarrassé de la trachée-artère , je produis des sons , qui ne changent point lorsque , sans rien changer à la force du souffle, je place un petit tuyau au devant du larynx. Dans l'Oie, la longueur de la trachée-artère n'influe que très-peu sur le son du larynx inférieur , comme le tube ajouté au tuyau à anche de l'homme. Le plupart des changemens des sons peuvent être produits, sur le larynx des Oiseaux^ en modifiant la force du souffle, comme l'a fait voir Savart. La trachée-artère peut modifier le son comme dans un tuyau à bouche, ce qui ne me paraît pas probable, ou comme dans le corps d'un tuyau à anche. Son ouverture au larynx supé- rieur peut , en se rétrécissant , le rendre plus grave , comme il arrive dans les tuyaux à bouche et dans les tuyaux à anche. La membrane tympaniforme , qui vibre violemment , doit influer sur le son de l'embouchure, et il doit y avoir accom- modation entre la lèvre interne de la glotte, la membrane sé- milunaire et la membrane tympaniforme. Cette dernière res- semble à la pellicule vibrante d'unmirhton. i CHEZ L HOMME ET LES ANIMAUX. l Qg (Depuis l'impression de son Traité de physiologie, M. Mul- 1er a publié des recherches sur la voix des Oiseaux, qui doiveat naturellement trouver place ici.) Je produis des sons très-forts avec Torgfane vocal du Psitta- cusararauna, que je souffle dans la trachée-artère ou dan$ les bronches. Dans ce dernier cas , les sons ont la plus com- plète ressemblance avec le cri perçant des Perroquets. Cet organe vocal convient mieux que celui d'aucun autre Oiseau pour faire des expériences, parce que tout y est so- lide. On est maître de rapprocher et d'éloigner du larynx les ventaux qui se meuvent comme dans des articulations. Rien ici ne cède : la trachée elle même est très-solide , et peut en outre se raccourcir de moitié. Chez les petits Oiseaux chanteurs , qui ont une voix plus étendue , on ne saurait faire des expériences sur le résultat desquelles on puisse compter, à cause de la grande mobilité des parties , et l'on ne sait jamais jusqu'à quel point un effet qu'on produit dépend de telle ou telle autre circonstance ac- cessoire. Quant au larynx des gros Perroquets , on peut le fixer et soumettre avec certitude toutes les influences au con- trôle. En accroissant successivement la pressioa de l'air, je suis parvenu , sur cet organe, à élever le son d'une manièrjç successive jusqu'à une quinte et plus. En soufflant par la trachée-artère , j'ai produit tous les sons possibles dans l'étendue de plusieurs octaves. Par .exemple , le son fondamental du larynx, dans l'état de repqs, et en soufflant aussi doucement que possible par la trachée-artère , était fa^. Si je tirais les muscles qui rapprochent les ventaux , ç'est-à-dire qui rétrécissent la glotte , le son pouvait , suivant la force du souffle , s'élever successivement , et sans tous les intervalles, de/a^ à ut^. Cet effet a lieu plus facilement encore au moyen de la compression des ventaux, soit qu'on presse entre les doigts le point du larynx avec les muscles qui le re- couvrent, soit qu'on se serve du compresseur, dont alors on :200 DE LA VOIX ET DES ORGANES accroît Taction en serrant la vis. On peut même , à l'aide d'une disposition particulière , mesurer cette pression avec des poids. SONS. POIDS. ré* 0,25 loth , poids du plateau et du cordon. ré^. 0,45 mi^^ 0,55 f". i,25 M> 1,75 sol^^ 2,25 80^^ 3,25 la^. 3,75 s\ 4,25 ut^ 5,25 m^ 6,25 ré. 7,25 ré^6 8,25 mi^ 9,25—10,25. Dans cette élévation , les effets de la pression sur le larynx et ceux de la pression ascendante de l'air se combinent en- semble. La compression des valvules au dessus de la glotte , non seulement rétrécit cette dernière , mais encore rend plus tranchantes et plus tendues les lèvres qui sont formées par' les angles de la membrane tendues entre le cartilage semi- circulaire supérieur et Finférieur. Mais , plus la glotte devient étroite , plus aussi il faut que la pression de Tair augmente pour faire sortir le son fondamental des lèvres. Celte pression plus forte de l'air doit être prise en considération dans l'élé- vation ; car, à égalité de pression sur les lèvres , si l'on accroît CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 201 successivement la pression de l'air, on parvient sans peine à élever le son d'une qninte successivement et sans intervalles. Celte élévation est désagréable et bruyante; mais, en faisant coïncider la compression latérale du larynx , on obtient purs encore les sons même les plus élevés. Pour me convaincre que Télévation des sons qui a lieu par la compression des valvules ne dépend point uniquement de l'accroissement de la pression de l'air, je la mesurai dans un cas où elle s'opérait par la compression croissante des lèvres , la tension de l'air restant la même. Pour cela, j'unis l'appa- reil manométrique à la trachée-artère du Perroquet , pendant que le larynx était dans le compresseur, et je cherchai à ob- tenir une moyenne de pression d'air uniforme , d'après l'indi- cation du manomètre. PRESSION ÉGA.LE DE L'AIR , COLONNE d'eau DE : POIDS DU COMPRESSEUR. SONS. 46 ceniimètres. 3/4 lolh. sol^ 16 1 1/4 sol^. 16 2 1/4 la^ 16 3 3/4 i^h 16 5 3/4 «»4 16 8 1/4 ut^ La pression de l'air seule , la compression des lèvres de- meurant la même, produisait une élévation d'un semi-ton lorsque la tension de l'air s'élevait de quelques centimètres. 202 DE LA VOIX ET DES ORGANES SONS. Cuvier avait admis , d'après des suppositions théoriques , que le changement des lèvres de la glotte des Oiseaux peut produire les harmoniques ou les sonsflûiés du son fondamen- i^\ , comme Toctave , la quinte de l'octave , la double octave, sa tierce et sa quinte, l'octave suivante, etc. Mais il suit de mes expériences que tous les sons possibles et imaginables sont produits depuis un minimum jusqu'à un maximum , et non pas les harmoniques. Quant à ce qui concerne le changement du son fondamental par la colonne d'air du tuyau, Cuvier avait admis une modifi- cation analogue à celle qui a lieu dans les flûtes , et supposé qu'un raccourcissement d'un neuvième de la trachée-artère portait le son du ton fondamental au ton venant immédiate- ment au dessus de lui dans l'échelle. Mes expériences font voir que ce raccourcissement agit absolument comme danç» les instrumens à anche. Lorsque j'employais la trachée-artère à titre de porte-vent , de manière que l'organe vocal fût à l'extrémité libre , si je réduisais de moitié cette trachée-artère longue de quatre pouces , je produisais tantôt un abaissement, tantôt une élévation d'un semi-ton , suivant les sons d'où je partais. En effet, quand un allongement de la colonne d'air qui rend le son plus grave correspond déjà au son fondamen- tal des ligamens , un allongement plus considérable fait res- sauter au son fondamental plus aigu des hgamens. On doit donc s'attendre à ce que d'autres rapports entre le porte- vent CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 2o3 et le son des lig^amens auraient donné lieu aussi à des effets directement inverses. Lorsque je prenais le larynx inférieur dans la bouche , et que la trachée-artère devenait corps d'instrument , le son pouvait être élevé à la quinte en réduisant le tuyau à la moi- tié de sa longueur. L'obturation partielle de la irachée-arlère par le doigt abaissait le son d'un semi-ion , résultat que j'ai observé aussi avec les anches en caoutchouc , et que l'on connaît dans les trompettes et les cors , qui sont aussi des instrumens à anche. Je crois inutile de varier davantage les expériences avec des corps de tuyau artificiels, ayant déjà décrit les phénomènes auxquels on donne lieu par ce moyen sur les larynx artificiels. On peut partager les sons que les Oiseaux produisent , en sons d'anche et sons de flûte. Ces derniers ne s'observent que chez quelques uns des petits Oiseaux chanteurs, coiïjme le Rossignol, etc. Dans tous les autres, les sons sont' ceux des anches , par exemple chez les Palmipèdes , les Gallinacés , les Corbeaux , les Perroquets. Il en est de même du gazouil- lement et du sifllement de la plupart des Oiseaux chanteurs. Il n'y a point de faits pour admettre que les sons flûtes de plusieurs Oiseaux , par exemple le tio , tio , tio du rossignol , puissent dépendre des vibrations de l'air et se produire en conséquence d'après la théorie de Savarl. J'avoue franche- ment que quoique , dans mes expériences sur l'organe vocal du Rossignol et de la Grive, j'aie bien produit le sifllement et le gazouillement ordinaire des Oiseaux chanteurs , avec une grande force , au moyen des vibrations des ligamens de la glotte , cependant je n'ai pu obtenir des sons aussi pleins que ceux du chant des Rossignols. Les sons du sifllement chez l'homme proviennent uniquement des vibrations de l'air pendant qu'il traverse la bouche ; pourquoi la colonne d'air de la trachée-artère des Oiseaux ne pourrait-elle pas aussi en- trer en vibration quand l'air la traverse ? Mais il faut réfléchir 204 I>E LA VOIX ET DES OKGANES que nous ne connaissons encore aucun fait attestant que des sons se produisent réellement ainsi chez les Oiseaux chan- teurs; car rélévation des sons par un souffle plus fort est aussi une propriété des anches membraneuses. Nous ignorons les conditions qui font que l'air traversant un tube exécute des vibrations dépendantes de lui seul et non d'une languette. Toutes les expériences que j'ai faites pour m'éclairer à cet égard , sont demeurées sans résultat. Autant il est facile de faire résonner les colonnes d'air des tubes lorsqu'on souffle au dessus de l'ouverture , et que l'air renfermé dans le tube n'exécute pas un mouvement de translation , autant il est difficile de faire résonner l'air dans un tuyau , en soufflant à travers. Il est vrai qu'on obtient des sons siffljns dès qu'une membrane mince se trouve à l'extrémité du tube , ne fût-ce qu'une étroite languette ; mais ces sons ne tiennent pas à la longueur de la colonne d'air ^ ils dépendent de la tension de la membrane , et la colonne d'air qui vibre simul- tanément n'exerce qu'une influence subordonnée sur l'éléva- tion du son , elle n'en a une bien marquée que sur son éclat. L'organe vocal de la plupart des Oiseaux chanteurs est dans ce cas. Les sons sifflans, gazouillans, sont de même sorte que ceux qu'on obtient avec des appareils , et j'ai acquis la con- viction qu'ils dépendent principalement des cordes vocales ; ils se rangent donc aussi parmi les sons d'anche ^ d'après les principes que j'ai posés à l'égard des causes de ces derniers sons , et de la nature et des différences des anches. Il est nécessaire de rapporter d'abord quelques expérien- ces sur les sons sifflans et gazouillans d'une membrane dans des appareils artificiels analogues à ceux dont Savart s'est servi. Le procédé suivant est celui qui m'a paru le plus con- venable. On prend des tubes de verre d'une longueur arbi- traire , mais dont la lumière ait trois à quatre millimètres de diamètre , et on les use obliquement à Tune de leurs extré- mités. Sur ce bout oblique on tend un petit morceau de bau- CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 2o5 druche, de sorte que la membrane bouche une plus ou moins grande partie de l'ouverture , le sommet excepté. L'ou- verture qui reste doit varier de grandeur sur les divers tubes ; elle a le quart , la moitié , les deux tiers de la lumière totale. Quand on souffle par l'autre extrémité, de manière que le courant d'air frappe sur le plan oblique de la membrane , on obtient de beaux sons sifflans et très-aigus , dès que le bord libre de la membrane , au devant duquel l'air passe , est hu- mide. Ces sons ont la plus grande analogie avec ceux de très petits sifflets , comme aussi avec le sifflement et le gazouille- ment des Oiseaux chanteurs. L'ouverture ménagée au bord libre de la membrane peut être fort grande , comme on voit ; les sons sortent encore lorsqu'il y a une moitié et plus de la lumière qui reste ouverte. Mais je puis soutenir de la manière la plus formelle que , malgré leur caractère sifflant, ces sons sont des sons d'anche , car je me suis convaincu que leur élé- vation tient uniquement à la tension de la membrane , et non à la longueur du tube. On peut raccourcir ce dernier ou l'al- longer à volonté ; on peut même le réduire au minimum ; le son sifflant de la membrane n'en persiste pas moins toujours en rapport avec la tension de cette dernière. Si la membrane était seulement cause de la mise en mouvement, par le cou- rant d'air , de la colonne aérienne contenue dans le tube , le son correpondrait à la longueur des tubes. Il est vrai que , dans les instrumens à anche , la Tibration simultanée de la colonne d'air influe sur la hauteur du son , et que des tuyaux ajoutés rendent le son de l'anche plus grave ; mais cet abais- sement a des limites , tandis que , dans les flûtes , où l'air seul résonne , il est illimité , et croît avec la longueur de la colonne d'air. On sait , d'après les recherches de G. Weber , que les colonnes d'air covibrantes n'abaissent le son des languettes solides que d'une octave , qu'en allongeant davantage ces co- lonnes , le son revient par un saut au son fondamental de la languette , et qu'à partir de ce point on peut encore l'abaisser 206 DE LA VOIX ET DES ORGANES d'une octave/ Les anches à languettes membraneuses se com- portent exactement de la même manière, comme je Tai fait voir. Cependant il arrive souvent qu'on ne peut obtenir que bien moins qu'une octave. Il m'a quelquefois été impos- sible , sur les languettes en caoutchouc , d'obtenir le moindre abaissement par des cplonnes d'air covibrantes , parfois aussi je n'en ai obtenu qu'un d'un semi-ton. Ce dernier cas a lieu dans l'organe vocal humain , ce dont je me suis assuré à dif- rentes reprises, et il en est de même avec les petits tuyaux d'anche dont la membrane est en baudruche. Il m'est souvent arrivé de n'obtenir aucun changement du son de l'anche eu allongeant ou raccourcissant le tuyau depuis le maximum jus- qu'au minimum , et quelquefois je n'ai observé qu'une diffé- rence d'un semi-ton. Par contre , dans certains cas , le tuyau ajouté a renforcé beaucoup l'éclat du son , surtout quand j'in- troduisais le petit tube garni de baudruche dans un autre tube de verre très court , mais un peu plus large : alors le son pre- nait un caractère perçant, sans changer de ton. Le son de la membrane était plus fort aussi quand je dirigeais obliquement deux courans d'air sur les faces opposées de cette membrane. Les expériences sur le larynx des Oiseaux chanteurs don- nent des résultats fort analogues. J'ai trouvé que l'organe vo- cal du Merle était celui qui convenait le mieux pour cela. Les Oiseaux chanteurs de la plus petite laiile offrent trop de diffi- cultés à la manipulation , à cause de la petitesse de leur or- gane vocal. Le larynx du Merle , qui ressemble à celui du Rossignol et des autres Oiseaux chanteurs, est suffisamment connu d'après les recherches de Savart. La partie la plus im- portante est le ligament vocal externe , cordon élastique situé au côté interne du troisième cartilage bronchial. La saillie qu'il forme peut être accrue par le mouvement des premiers anneaux bronchiaux , du troisième principalement , et la rota lion du troisième demi-anneau , que Savart a observée , est surtout importante . La membrane semi-lunaire sur la traverse CHEZ l'homme et LES ANIMAUX. 2O7 delà bifurcation de la trachée , qui dirige son bord libre vers cette dernière, paraît aussi avoir de l'importance , mais moins que le ligument vocal externe , ce dont on juge en observant les vibrations , qu'on peut voir toutes deux d'avant en arrière, lorsqu'on coupe la trachée immédiatement au devant du larynx inférieur. On s'aperçoit alors que les cordes voca- les sont poussées en avant par le souffle sorti d'une des bron- ches, et qu'elles font de très- grandes excursions, tandis que les vibrations de ia membrane semi-circulaire sont très- faibles. Il suffit de souffler par une des bronches dans laquelle on a introduit une canule , l'autre étant bouchée, ou demeurant en communication avec son poumon. Les sons sifflans qu'on ob- tient sont assez forts et parfaitement semblables à ceux que produisent les appareils artificiels dont j'ai donné la descrip- tion. Ils sortent plus facilement lorsque Ton comprime un peu de dehors en dedans la paroi externe du commencement de la bronche. La hauteur du son augmente quand on accroît cette pression, de même aussi que quand on refoule la bronche vers le larynx inférieur. De cette manière on peut , comme chez le Perroquet, obtenir la plupart des différences de son. Quand je raccourcissais la colonne d'air , en retranchant une partie de la trachée, des sons absolument semblables se faisaient enten- dre encore , mais ils n'avaient plus autant d'éclat ; il en était de même après l'ablation totale de la trachée jusqu'au larynx inférieur , et alors il était encore possible de faire changer les sons en suivant le procédé que j'ai décrit. J'ai essayé d'al- longer la trachée, et avec elle la colonne d'air, par l'addition de petits tubes en verre , mais la grande mobiUté des parties ne m'a point permis d'arriver à des résultats certains. Cependant il n'est pas douteux que les vibrations simultanées de la colonne d'air exercent la même influence que chez le Perroquet, seul Oiseau chez lequel les expériences puissent conduire à la cer- titude , en raison de la grosseur des parties et de la facilité aoS DE ta VOIX et des ougànes qu'on a de fixer la situation des cordes vocales par le moyen de l'appareil que j'ai fait connaître. L'air ne parle jamais mieux dansTorgane vocal des Oiseaux chanteurs, que quand on souffle avec les buccinateurs, comme le font ceux qui sonnent du cor. Le Casoar de la Nouvelle-Hollande rend des sons bourdon- nans, sourds, interrompus, et qui se répètent de temps en temps. Le mécanisme en est encore inconnu ; mais ces sons se rattachent sans doute à la conformation particulière de la trachée, qui s'ouvre, par le moyen d'une fente, dans un grand sac. Il n'y a rien à la bifurcation de l'extrémité inférieure de la trachée-artère qui puisse les expliquer. Quant aux dilatations de la trachée du Merle et du Canard maie , on peut déterminer avec assez de vraisemblance l'in- fluence qu'elles exercent sur le son du larynx inférieur. Elles doivent agir sur les sons d'anche de ce larynx absolument comme le feraient des trachées plus longues sans dilatations. Car je trouve les sons fondamentaux des colonnes d'air de ces tra- chées dilatées plus graves que ceux de trachées non dilatées d'une égale longueur. J'ai comparé ensemble les sons fonda- mentaux des colonnes d'air de deux trachées desséchées sans larynx supérieur ni inférieur. Toutes deux avaient la même longueur, sept pouces et demi ; toutes deux avaient trois lignes de large, à l'exception des dilatations de l'une. L'une était uniformément cylindrique : l'autre avait deux dilatations fusi- formes considérables. Étant couvertes , la première donnait /a,, et la seconde réj^^ ; étant ouvertes, la première donnait /a^, et la seconde ré^^, VI, "Voix des Poissons. Les Poissons qui font entendre des sons étaient déjà connus d'Aristote (1). Ce sont ceux qu'il nomme Lyra , Chromis , Ca- (1) Hist. animal.y lib IV, cap. 9. CHEZ LES HOMMES ET LES ANIMAUX. âO^ pros , Cfialcis , Coccyx , qu'on rapporte aux genres Triyla , Cottus, Sciœna ^ Pogoniat et autres. Il est difficile d'assigner un principe commun pour la production de ces sons. Les Sciénoïdes et les Trigles possèdent une vessie natatoire , qui a souvent des prolongemens en caecum et des muscles à sa partie moyenne ; mais les Cottus sont dépourvus de vessie natatoire. On ne voit pas non plus comment la compression de celte vessie pourrait donner lieu à des sons. La Sciœna aquila , qui rend aussi des sons , à ce qu^on assure , manque de muscles à sa vessie natatoire , et celle-ci est dépourvue d'appendices chez plusieurs Trigles. La vessie natatoire des Sciœna aquila, Trigla gurnardus (qui a des cœcums),et Tri- lineata (qui n'a pas de csecums) , ne m'a rien offert, ni à Tex- térieur, ni dans l'intérieur, qui puisse donnner lieu à la for- mation de sons. La première chose à faire serait de rechercher si l'un de ces Poissons fait entendre dans l'eau les sons qu'on lui attribue. On assure de tous qu'ils n'en produisent que hors de l'eau , quand on les comprime. Mais l'animal peut alors avaler de l'air, et les sons dépendre de la même cause que les borborygmes chez l'homme. On dit que les Sciènes et les Pogonias font entendre deS sons dans l'eau; mais le fait n'est pas encore suffisamment constaté. CHAPITRE III. De la parole. Outre les sons ayant une valeur musicale qui sont produits dans l'organe vocal , il est une multitude de sons et de bruits qui naissent dans le tuyau annexé à cet organe , et qui consti- tuent la parole par leurs associations diverses , dont certaines servent a désigner des objets , des qualités, des actions, des rapports. Les langues n'emploient pas tous les sons qui peu- vent être engendrés de cette manière, parce qu'il s'en trouve, parmi eux , qu'on aurait de la peine à unir avec dautres. La majeure partie de ceux dont rassociiuion présente ie plus de facilité se rencontrent dans la plupart des idiomes. Chaque II. 14 210 DE LA. PAROLE. langue renferme un certain nombre de ces sons possibles , mais aucune ne les contient tous , et les différences caractéris- tiques qui existent entre elles tiennent à ce qu'elles emploient plus particulièrement les uns , tandis qu'elles font rarement usage des autres , ou même ne s'en servent point. C'est à la physiologie qu'il appartient de rapporter les sons de la parole à un système naturel. Les tentatives des gram- mairiens à cet égard ont échoué , parce qu'ils avaient établi leurs classifications sur des qualités qui ne sont point essen- tielles. En effet , la distinction des sons de la langue parlée d'après les organes qui sont censés les produire, est vicieuse , .parce qu'elle en réunit qui diffèrent totalement les uns des autres suivant les principes de la physiologie , et parce que plusieurs parties de la bouche concourent à la production de la plupart d'entre eux. C'est le défaut qu'on peut reprocher à la division en sons labiaux , dentaux , gutturaux et linguaux , à celle même , beaucoup plus simple , en sons oraux et na- saux. Il y a quelque chose d'exact au fond dans la distinc- tion qu'on a établie pour les sons muets et pour les sons mouil- lés ; mais on en fait une mauvaise application. Les propriétés mêmes des voyelles, par opposition aux consonnes, n'ont point été appréciées d'une manière convenable. Générale- ment on fait consister leur essence en ce qu'elles ne sont pas muettes, en ce qu'elles ne se réduisent pas à de simples bruits, comme les consonnes , mais doivent naissance à des sons qui se produisent dans l'organe vocal et sont modifiés par la bou- che. Cependant la différence entre les voyelles et les consonnes est bien moins considérable ; car il est possible , pour toutes les voyelles, comme pour les consonnes, de les rendre muettes, de les réduire à de simples bruits , ainsi qu'il arrive quand on parle à voix basse ; les voyelles sonnartes ne sont donc dues qu'à la consonnance de la voix. Mais il y a aussi , comme nous ne tarderçnr^ pas à le voir, une c!asse entière de consonnes qui peuvent également , ou être raueitos et ne consister qu'en DE LA PAROLE. 21 l de simples bruits , ou sortir avec consonnance de'la voix. En s'attachant à Tessence des voyelles et des consonnes , la dif- férence entre elles est tout autre. Un vice capital de plusieurs essais d'une classification naturelle des sons de la parole tien à ce qu'on ne s'est point assez attaché à la possibilité de leur formation sans intonation , au caractère de simple bruit qu'ils sont susceptibles de revêtir. Pour en bien apprécier les propriétés, il faut prendre le parler à voix basse, ou le chuchotement , pour point de départ, et rechercher ensuite quelles sont les modifications qui peuvent dépendre de l'addi- tion du son proprement dit, ou de Tintonaiion. En suivant cette marche , on arrive à établir deux séries ; dans Tune, les paroles sont muettes et absolument incapables de s'unir à la voix; dans l'autre, elles sont également aptes à être ren- dues muettes et à s'allier avec la voix. Une autre diflérence importante entre les sons de la parole consiste en ce que les uns, produits par un changement brusque de la position des parties de la bouche, ne durent qu'un moment, et ne peu- vent être prolongés ou soutenus {strepitus inconiinuus explo- sivus)^ tandis que d'autres sortent sans que la situation des parties de la bouche change , et peuvent être prolongés à vo- lonté, autant que le permet la portée de l'haleine (sirppitus continuus). Tous les sons de la première espèce sont absolu- ment muets et incapables de s'associer avec l'intonation , au lieu que presque tous ceux de la seconde espèce peuvent s'allier avec elle. De cette dernière combinaison résultent des modifications particulières, tandis que les sons absolument muets ou explosifs sont susceptibles de subir une transforma- tion lorsqu'ils s'unissent à une aspiration (1). (1) Consultez, sur la parole : J. Wailis, De loquela s. sonorum forma- tione ; dans C. Amman, Surdusloquens, Leyde, 1727. — Kratzenstein , Tentamen resolvendi problema ah. Acad. se. Petrop., 1780 propos. — Kempf.lkn , Mechanismus der menschlicher Sprache^ nehst der Besclirei- bung peiner sprechender Maschine, Yienne,1791.— Reiîïbii, Methodenbuch 2)2 DE LA rAROLi:. A. Système des sons muets do, la parole à eoiai basse. I, Voyelles muettes. a , e , * , 0 ^ ou , oe ^ «^ , m , et les voyelles nasales a , ae ^ oe , o. Toutes ces voyelles peuvent être prononcées d'une ma- nière biet^istincte sous la forme de simples bruits. La ques- tion est de savoir si, comme voyelles muettes, elles ressemblent aux consonnes muettes , ou si elles en diffèrent , physiologi- quement parlant. Les consonnes muettes ne naissent que dans le tuyau placé au devant de Torgane vocal, c'est-à-dire dans la cavité orale et nasale ; ce sont des bruits engendrés par l'air qui parcourt le canal diversement modifié. Mais les voyelles muettes se comportent d'une manière différente jus- qu'à un certain point : quoiqu'ici non plus la voix ne résonne point , cependant la cause première est dans la glotte , et non dans la bouche , ainsi qu'on peut s'en convaincre aisément par des expériences sur soi-même. Le bruit qui forme une voyelle muette naît , à ce qu'il paraît , lorsque l'air passe le long des cordes vocales , qui néanmoins ne résonnent pas pour cela. Il ne diflere de celui qu'on parvient à produire dans la glotte , en fermant la bouche , ouvrant le nez , et évitant d'émettre aucun son proprement dit , que parce que, quand la bouche est ouverte , la forme diverse que le canal oral prend le mo- difie de manière à ce qu'il devienne les sons muets a , c , t , o, ou. La forme du canal oral est la même pour les voyelles muettes et pour les voyelles prononcées à haute voix. La seule zur Unterricht fuer Tauhstumme^ Vienne, i828. — KrDOLPHi, Physiologie^ t. II — Chladni , dans Gilbert' Jnnalen,^%%k. — C. Mater, dans Meckel's ^rc/nr, 1826. — R. Schulthess , Das Stammeln nnd Stottern ^ Zurich, 483Q, — I)e Gérando, De Védvcation des sourd-muets \de naissance , Palis, 1S27, 2 vol. in-8. — Wilws , dans Poggendorff's Annalen^ t. XXIV. — PcRKi>'jE, Badania w przcdmiocie fizyoloyie 7nowi/ ludzkiej, Cvacovie, 4836. — Consnllez suitoutA.-M Rapp, f^ersuch einer Physio- loyie der Sprache, l. I , ^8-36^ t. II , 1839. DE LA PAROLE. 2 ï 7) diÉférence consiste en ce que , dans ie second cas , la gloite , au lieu d'un simple bruit , produit un véritable son. Kralzin- stein et Kempelen ont fait voir que les conditions requises pour la transformation d'un même son en voyelles différentes , se réduisent au degré d'ampleur de deux parties , le canal oral et le canal nasal. Il en est de même pour les voyelles muettes. Kempelen appelle canal oral l'espace compris entre le larynx et le palais. Certaines voyelles exigent que Torifice buccal et le canal oral soient larges , d'autres que tous deux soient étroits, d'autres encore que l'un soit large et l'autre étroit. Si l'on admet , avec Kempelen , cinq degrés de largeur pour le canal oral , on a pour a, largeur de l'orifice buccal 5; largeur du canal oral 3 e 4 '2 ♦ 3 1 o 2 4 ou 15 Les proportions pour les autres voyelles ae , oe et m sont fa- ciles à trouver d'après cela. Purkinje a montré que les conditions nécessaires pour la formation de quelques voyelles , notamment d'à et d'c , n'ont point été assignées d'une manière bien exacte par Kempelen. Ces deux voyelles dépendent principalement de la forme de l'espace compris entre la base de la langue et le pharynx ; pour toutes deux , cet espace est grand , et il l'est plus pour e que pour a ; mais a et e peuvent être prononcés avec la même ouverlure de bouche. La position assignée aux lèvres pour Té- mission de Vo n'est pas non plus nécessaire. Auprès des voyelles pures viennent se placer les voyelles muettes à timbre nasal , fi , «^ , o , oe , par exemple dans les mots sang , singulier^ ombre ^ œuvre; ces modifications ne dé- pendent que du rétrécissemenl cia voile du palais et du soulè- vement du iarvnx. 2î4 DE LA PAROLE. II. Consonnes muettes et soutenues. La prononciation de toutes les consonnes qui se rangent ici peut être soutenue aussi long-temps que Tiialeine le permet, les parties de la bouche conservant la même position au com- mencement , pendant la durée et à la fin. Ainsi on peut soute- nir la prononciation de Vf, du ch , de Vs , de IV, de 17 , etc. Il n'en est pas de même des consonnes explosives p , y , ^ , vr , T, x; comme la position des parties de la bouche est tout autre au commencement que dans le milieu et à la fin de leur formation , elles ne peuvent durer qu'un moment, ou jusqu'à ce que le changement soudain des parties de la bouche se soit opéré. Les consonnes soutenues sont h, w, w, ng,/, ch^ sch^ «, r, /. On peut les ranger en trois classes : 1° Consonnes soutenues orales , dont Vémission exige que le canal oral soit entièrement ouvert, L'aspiralion h appartient seule à celte classe. Ici la cause du bruit produit par le passage de l'air ne lient point à une opposition des parties de la bou- che entre elles. Le bruit de l'aspiration est la plus simple ex- pression de la résonnance des parois de la bouche pendant l'expiration de l'air. L'^ manque à la langue italienne , si ce n'est dans un petit nombre de cas exceptionnels, tels que ho^ hai^ has^ hanno. On peut consulter l'ouvrage de Purkinje et celui de Rapp sur l'emploi de l'aspiration dans les diverses langues. 2 Consonnes soutenues nasales , dont rémission exige que le canal nasal soit entièrement ouvert. Ce sont m, n^ ng. Ici l'air traverse tout simplement le canal nasal , la cavité orale étant close soit par les lèvres, soit par la langue appliquée au palais. Il n'y a point non plus opposition des parties entre lesquelles le flaide passe. Dans la prononciation de ces trois consonnes, la cavité orale représente un diverticule ou cul-de-sac plus ou moins long de l'arrière-gorge et du canal nasal. Ce diverticule DE LA PAROLE. - â 1 5 est plus grand pour m que pour n^ et surtout que pour ng, La bouche se ferme à l'aide des lèvres pour la prononcia- tion de Vm. Quelques physiologistes , Rudolphi entre autres , sont partis de là pour ranger cette lettre parnni les labiales ; mais elle n'est point une lettre labiale ; ce n'est point Tacte de la fermeture de la bouche qui lui donne naissance ; elle ne se forme qu'après cette occlusion , par le simple passage de l'air à travers le canal nasal , avec résonnance du cul-de-sac de la cavité orale. Dans la prononciation de Vn , la bouche est fermée par la pointe de la langue, qui s'applique à la partie antérieure du palais. Dans celle de Vng , l'occlusion de la bouche a lieu un peu plus en arrière , par l'application du dos de la langue à la partie postérieure du palais. Ng n'est point une consonne double ; c'est une émission de voix simple , tout comme m et n. 3® Consonnes soutenues orales , dont rémission exige que cer^ taines parties de la bouche se mettent en opposition les unes at^ec les autres y comme des espèces de valvules. Ce sont y, c/^, sch , s^ r, l. Les parties qui se mettent en opposition , et apportent ainsi obstacle au passage de l'air, sont tantôt les lèvres ( f) ; tantôt les dents {sch , s) -, tantôt la langue et le palais (cfe, r, /). Dans la prononciation de Vf, les lèvres se placent comme pour souffler. Il y a deux modifications de ce bruit de soufflet, Vf et le V. L'ouverture des lèvres est plus arrondie' pour Vf; pour le V , les lèvres laissent entre elles une fente éti oiie , mais large. Le cfe, correspondant au x des Grecs ," manque à la langue française. Il exige que la langue se rapproche du palais , et que l'air passe à travers un étroit intervalle ménagé entre elle et ce dernier. Il y a trois x, suivant le point où la langue se rapproche du palais. «. Dans le premier , ou x antérieur , quelquefois exprimé a 1 6 DE LA PAROLE. * par g en allemand , c'est la partie antérieure de la langue qui se rapproche du palais, comme dans les mots Ueblich^ selig, b. Dans le second , ou x médian , le dos de la langue se rapproche de la partie moyenne du palais. Ce ch a un son tout différent de celui du précédent , par exemple dans les mots tag, sagen^ suchen , Aachen , ach. Kempelen- dit qu'il vient toujours à la suite d'un a , d'un o ou d'un ou. C'est , en effet , ce qui a lieu le plus ordinairement ; mais la chose n'est pas de nécessité absolue , car les trois voyelles peuvent être associées aussi au ch antérieur, ainsi qu'il arrive même dans certains mois de la langue vulgaire , tels que papachen , ma- machen. La langue polonaise possède aussi ce ch. c. Dans le troisième , ou x postérieur, qui est particulier aux Suisses , aux Tyroliens et aux Hollandais , le dos de la langue se rapproche de la partie la plus postérieure du palais ou du voile palatin. C'est le n (kheth) des Hébreux, le x (^^a) dt?s Arabes. Il existe aussi dans la langue bohème , d'après Purkinje. Pour la prononciation du sch allemand , ch des Français, sh des Anglais , les dents des deux mâchoires sont rapprochées, ou n éme superposées, et la pointe delà langue se trouve derrière elles, sans y toucher. En Westphalie, on confond celte lettre simple avec ax- Dans la prononciation de r«, les dents sont rapprochées ou en contact , et la pointe de la langue touche celles de la ran- gée inférieure. Le th des Anglais, le 0 des Grecs, en sont des modifications. Pour l'r, la langue vibre contre le palais. Tout son trem- Llottant n'est point un r, car le frémissement des lèvres vi- brantes ne fait point entendre ce son. Haller regardait les vibrations de la langue pour la production de IV comme au- tant de mouvemens volontaires, et pensait pouvoir s'en servir pour calculer la rapidité de l'action nerveuse. Mais évidem- ment il y avait malentendu de sa part ; car les vibrations ne DE LA. PAROLE. â I H sont ici que des tremblemens imprimés par le courant d'air à la langue qui lui résiste , et elles ne dépendent pas plus de la volonté que celles des lèvres quand on les fait frémir. Il y a deux sortes dV .• IV pur ou lingual , dans la prononciation duquel la langue est la partie vibrante et le voile du palais reste en repos ; IV guttural , pour lequel la langue demeure tranquille et le voile du palais vibre. Cette dernière espèce produit le grasseyemf^nt. LV manque dans la langue chinoise. Dans la prononciation de 17, la pointe de la langue s'ap- plique immédiatement au palais , et Tair ne passe que des deux côtés , entre elle et les joues. On peut aussi former ce son d'un côté seulement. Il manque dans la langue zend. Kempelen rangeait quelques unes de ces lettres parmi les consonnes avec intonation , parce que la voix se fait entendre en même temps que les bruits qui les produisent , comme lorsqu'on prononce Yr et 17. Cependant toutes peuvent être rendues muettes. La consonnance de la voix ne fait que leur imprimer des modifications dont on ne tient pas compte quand il s'agit du parler à voix basse. IIl. Consonnes muettes explosives. Ce sont p, 7, (î, et leurs modifications tt, x, t. La situation des parties de la bouche qui sert à les former change d'une manière brusque ; la formation commence par la fermeture de la bouche, et se termine par son ouverture. Aussi ne peut-on prolonger ces consonnes à volonté ; le bruit qui les caractérise cesse dès que la bouche s'ouvre. 1° Consonnes explosives simples , ^ , 7 , (î. B, p. La bouche est close par les lèvres, et elle s'ouvre pour le passage du vent. D, S. La bouche est close parla langue appliquée à la partie antérieure du palais , ou à l'arcade dentaire , et elle s'ouvre pour le passage du vent. G , 7. La bouche est close , plus en arrière , par l'applica- 2l8 DE LA PAROLE. tion de la partie postérieure du dos de la langue au palais , et elle s'ouvre pour le passage du vent. Les consonnes muettes b ^ d , g sont généralenient produites par la brusque ouverture des voies fermées; mais on peut aussi leur donner naissance par l'occlusion soudaine de ces mêmes voies. 2° Consonnes exploswes aspirées^ p, ty k. Les sons /> , t ^ k^ correspondans k b , d , g y n'en sont que des modifications , dues à ce qu'une aspiration s'y joint au mo- ment où la bouche s'ouvre. Par l'aspiration , le b devient;? , le d devient t , et le g devient k. Les anciens, et, à leur exemple , Kempelen et Rudolphi , faisaient consister la diffé- rence entre les deux séries eu ce qu'il y a résonnance de la voix pour b y d et g. L'assertion n'est point exacte , car on peut rendre ces trois lettres parfaitement muettes. Suivant Schulthess , leur essence tient à la force du courant d'air ; ce qui est vrai ; cependant il n'y a pas nécessité que les ouver- tures postérieures du n^z se ferment avant l'explosion. La seule différence entre les deux séries dépend de l'aspiration qui succède dans la prononciation de p, «, k. J'ai donné cette explication dès Tannée 1827. Plusieurs bruits explosifs que nous avons la faculté de pro- duire , ne sont point employés dans les langues. Tous les sont principaux de la parole articulée appartien- nent , comme on voit, au système de la parole à voix basse. Il n'y a qu'un petit nombre de modifications des consonnes dont la formation exige la consonnance de la voix , et qu'on ne puisse faire sortir à voix basse , comme le 7 allemand , \ej français ,\ege,\ez français , Vl avec intonation, Yr avec in- tonation. A la place de ces consonnes avec intonation on emploie , dans la parole à voix basse, les consonnes muettes correspondantes. Ainsi on substitue au y allemand le ch, au y français le sch^ au z français 1'*, à 1'/ avec intonation 1'/ muette, à Vr avec intonation IV muet. DE LA PAROLE. 219 On voit, d'après cela, qu'il est possible, dans Téducation première des enfans, de recourir, pour la plupart des con- sonnes, au mode de prononciation qui consiste à les faire sortir comme de simples bruits , mais que toutes les consonnes avec intonation ne peuvent être ainsi formées à voix sourde, de sorte que cette méthode , employée sans discernement , est plus nuisible qu'utile , et perd les avantages incontestables qu'elle présente lorsqu'on sait en faire une juste application. B. Système des sons de la parole à haute voix. Dans la parole à haute voix, quelques consonnes restent muettes , c'est-à-dire bornées à de simples bruits , parce qu'elles ne sont pas susceptibles de s'allier à la consonnance de la voix. Telles sont les explosives fc, d^ g, et leurs modifi- cations y?, t^ h; tel est aussi Yh parmi les consonnes soutenues. D'autres sont susceptibles d'un double mode de prononcia- tion , à voix basse et à voix haute , dans ce dernier cas avec résonnance de la voix : ce sonty, ch^ sch^ s^ /, r, m, n, ng. I. Voyelles. La situation de la bouche est la même que dans la pro- nonciation à voix basse. Le son se produit dans le larynx , comme il arrive au bruit des voyelles muettes, et le son la- ryngien est modifié par le canal pharyngien , par le canal oral et par l'ouverture buccale , de manière qu'il en résulte a , e , i , 0 ^ oît , w , oe , ae , et les voyelles nasillardes graves a, ae, 0 , oe. Les diphthongues sont des associations de deux voyelles , et Rudolphi les confond avec les véritables voyelles w, oe , ae. Enfin il faut encore ranger ici Ve muet , qui se rap- proche déjà beaucoup des voyelles à voix basse. Ces voyelles à voix basse ne se rencontrent généralement point dans la parole à voix haute. Il y en a pourtant des traces dans les idiomes slaves, par exemple dans le polonais. U. Consonnes qui restent muettes dans la parole à haute voix. 1« Explosives , ^, rf, g, et leurs modifications p , ^ , k^ Il ^i 220 DE Lk PAPOLE. de toute impossibilité d'unir ces consonnes muettes avec Vin- tonaiion de la voix. Essaie-t-on de les prononcer à haute voix , rinloiialion vient après elles , et l'on n'a qu'une voyelle unie à i, (i, ^r ou à p, #, k. 2° Continues. La seule consonne continue qui soit absolu- ment muette et incapable de s'unir avec l'intonation de la voix , est Vh. Si l'on tente de la prononcer à haute voix , l'é- clat de la voix ne sort pas en même temps qu'elle , mais vient après , et l'aspiration s'éteint aussitôt que l'air produit un son en traversant les cordes vçcales. m. Consonnes qui , dans la parole à haute voix, peuvent être aussi bien prononcées muettes , c'est-à-dire comme simple bruit , qu'avec intonation de la voix. Elles appartiennent toutes à la classe des consonnes : /, ch^ $ch^ 8, r, /, 771, 71, ng. Les consonnes avec intonation qui font partie de cette série manquent dans beaucoup d'idiomes. La lanfjue française est celle où l'on en trouve le plus ; elle les exprime tantôt par des lettres particulières , comme le s et le j pour Vs et le sch avec intonation , tantôt par un e muet placé après /, m, ti, r. Un e bref et peu sensible venant après /, w, 71, r, ne remplit pas le même objet , car c'est une intonation simultanée à la prononciation de ces consonnes. Ve muet placé après d'autres lettres ne signifie rien , à moins qu'il ne serve à déterminer avec plus de précision un caractère d'écriture dont on se sert aussi pour peindre d'autres sons ; ainsi ge et che représentent le signe allemand sch , tandis que g suivi d'un a correspond au 7. La langue allemande n'a qu'un seul cas dans lequel elle distingue une consonne avec intona- tion de sa correspondante muette j c'est celui du 7, qui diffère du y français; car le y allemand est le ch avec intonation, et le y français est le sch avec intonation. Kempelen a très-bien connu plusieurs des consonnes avec intonation; il sait, par exemple , que le y allemand résulte de l'intonation du ch , le ^ * DE LA tAROLE. 2i2l * français de rintonalion gazouillante de Ys , le j français de Fintonation du sch. Il range également /, m, n, r parmi les con- sonnes ; mais je ne puis partager son avis. Enfin il regarde b, d, g comme des consonnes avec intonation , tandis qu'elles sont absolument muettes, ainsi que/?, *, A;, qu'il déclare muettes de leur essence. Voici les séries correspondantes des consonnes soutenues , tant muettes qu'avec intonation : Muettes. Avec intonation. Soutenues nasales. m m. Dans l'écriture française, une muet après m , mais sonnant avec lui. n n. Dans l'écriture française, un e muet après n , mais sonnant avec lui. ng. ng. Peut être, à volonté, prononcé avec intonation. Les consonnes avec intonation peuvent aussi être formées un moment le nez étant bouché. Soutenues orales, /et V v.Vf avec intonation sonne comme un V avec intonation. X , ch des Allemands ; manque en français, j. Dans le mot allemand ja , si Ton prononce cha avec intonation, il en résulte y«. La langue polonaise la possède aussi dans le mot ja (je ). On ne le trouve, en français, que dans le cas de VI mouillée. ich , che en français, j. Dans jamais en français. Prononce- t-on schamais avec intonation de sch^ on 2i jamais. Les' polonais est le même son avec intonation. l l. En français , un e muet après 1'/; mais cet c sonue avec 1'/ et non après ; salie , sable , ville. iaa DE Là PAROLE. r r. En français , un e muet après Vr ; mais cet e sonne avec IV et non * après ; verre. s z. En prononçant zone^ zèîe^ avec un « muet, on a sone, sèle; lorsqu'on > entonne légèrement Tj, on produit zone , zèle. Le z polonais est dans le même cas. L'emploi qu'on fait des consonnes soutenues muettes et avec intonation varie beaucoup suivant les langues. Les soute- nues nasales w, n peuvent très -bien être muettes au com- mencement des mots, par exemple dans mond, narr^ tandis qu'à la fin elles sont presque toujours avec intonation , sur- tout lorsqu'elles viennent après d'autres consonnes , comme dans darm. Le ng peut bien être formé muet, et il est irès-prononcé dans magnus prononcé à voix basse; mais, dans la parole à haute voix , il est toujours un peu entonné. Les soutenues orales r et / peuvent être complètement muettes au commencement des mois allemands, comme dans rand^ land. A la fin des mots, elles peuvent Têtre aussi , comme dans war ; mais elles sont la plupart du temps en- tonnées, même en allemand , où il n'y a point d'e muet qui indique l'intonation. Il peut arriver que des voyelles entières disparaissent entre des consonnes, quand on entonne celles-ci : ainsi mer pour mir, en allemand , n'est qu'une association d'un m et d'un r tous deux avec intonation , ou même d'un m muet et d'un r entonné. L'intonation de Yr peut, au reste , se rapprocher soit de Tw, soit de Vi. Un r absolument muet se rencontre quelquefois dans les langues slaves , comme dans le mot piotr en polonais. VI muet se voit aussi dans la langue polonaise , après d'autres consonnes , par exemple dans les mots kladl^ szbladl, szedl ; mais beaucoup de personnes ne le prononcent pas du tout. L'intonation est parfois cherchée avec affectation, comme DE LA PAROLE. 2^5 lorsqu'on interpelle quelqu'un avec colère en lui disant Mon- sieur... r! Le X ^^ ^^ mviGt est propre à beaucoup de langues , de même que le x entonné ou / allemand. La langue allemande a le sch muet , et la langue française le sch entonné , ou le y fran- çais. Vs entonné , ou le ^ , est propre au français. On voit que la langue française se distingue par le nombre des sons en- tonnés. La langue allemande a peu de consonnes entonnées; elle ne possède que le 7 ou x entonné, l'r, 17 et r/';mais le français et les idiomes slaves , malgré leur grande diversité sous d'autres rapports , ont des consonnes dont l'intonation est plus prononcée ; ainsi , on trouve dans le français et le polonais Vs entonné ou ;s , le sch entonné ouy français , et même dans le polonais le x entonné, ou le 7 allemand. La langue française n'a pas le x t^^^^ \ on n'y trouve des traces du X entonné que dans Yl mouillé, qui n'est autre chose qu'un l entonné avec un x entonné. Co qui caractérise la langue française , c'est le fréquent usage qu'elle fait des sons nasaux w, n, ng^ et surtout cette autre particularité qu'elle ne les unit qu'à des voyelles nasa- les a , o , ^ , leurs associations plus sonores avec «, i, ou lui manquant tout-à-fait. Dans les langues allemande et anglaise, toutes les voyelles se joignent à la consonne nasale ng : ang ^ eng, ing, ong.^ ung. Alors même que les Français écrivent em , in^, ils substituent, dans la prononciation, d'autres voyelles à celles de l'écriture , comme dans les mots empereur et sin- gulier. De cet emploi restreint des sons nasaux possibles , qui oblige de multiplier l'usage de certains d'entre eux et leur association avec les voyelles nasales a, œ, 0^ résulte une sorte de monotonie nasale, tandis que la langue française se distin- gue si avantageusement sous d'autres rapports, notamment par l'abondance des consonnes molles entonnées. Ce qui frappe sur- tout, c'est le grand usage qu'elle fait du sona^^et de ses diver- ses modifications, dans les mots temps., évidemment., sang ^ etç, 324 ^^ ^^ PAROLE. Les sons que je viens de passer en revue sont les élémens essentiels de toutes les langues perfectionnées : il ne peut être question ici des différentes manières de les exprimer, ni de la confusion qu'on fait si souvent des uns avec les autres. Ç, ar et ^ ne sont pas des consonnes simples. On pourra con- sulter Purkinje relativement à l'existence des divers sons dans les différentes classes de lanf^^ues. Outre les bruits consonnans ordinaires dont on se sert dans les langues parlées , il y a encore une foule d'autres bruits qui peuvent se produire dans la bouche et le larynx , tantôt explo- sifs, tantôt soutenus, comme ceux qu'on fait en mangeant, en se gargarisant , en détachant des mucosités du fond de la gorge , en gémissant , en baisant , en éiernuant , en soupirant, en remuant vivement la langue d'un côté à l'autre , en avalant à petits traits, en faisant vibrer les lèvres , en claquant de la langue et des dents ou du f)alais , etc. Ce dernier bruit se rencontre, d'après Lichtenstein et Sait, dans la langue des Hottentots et d'autres peuples d'Afrique. Les différons sons et bruits de la parole étant le résultat de conditions physiques déterminées, doivent pouvoir être imités par l'art à l'aide de machines. Il y en a quelques uns qu'on pro- duit ainsi avec une grande facilité , le <& , par exemple , quand on entonne dans un tube cylindrique , qu'on bouche et dé- bouche alternativement avec la main , ou le i? quand le tube est un tuyau d'anche à languette membraneuse. Kratzen- stein , Kempelen et R. Willis se sont occupés de ce problème. Oo est parvenu à imiter une grande partie des sons de la pa- role. Mais les machines sont toujours imparfaites, en ce qu'elles exigent un appareil spécial pour chaque voyelle et consonne, ce qui rend très-difficile de les unir à une seule soufflerie pour la production des mots. Nous ne devons point être surpris de ce que certains Oiseaux , comme les Perroquets et les Cor- beaux , sont capables de former des sons articulés , puisque leur bouche , considérée d'une manière générale , offre les DE LA PAftOLÈ4 > 2a3 mêmes parois , avec des parties qui agissent comme soupapes. Nul doute qu'ils n'apprennent à les produire de la même ma- nière que l'enfant acquiert cette aptitude. Les mouvemens nécessaires à la production de chacun finissent par passer en habitude, et par être ensuite aux ordres de la volonté lors- qu'elle a rintention d'émettre les sons possibles. C. V entriloquie , On connaît chez l'homme une manière particulière de parler qu'on désigne sous le nom de ventriloquie. Quelques physio- logistes , comme Magendie, pensent que les sons produits par les ventriloques ne sont que des modifications du timbre de ceux auxquels l'organe vocal donne naissance. D'autres croient qu'ils ont une cause particulière , qu'ils tiennent , par exemple, à ce que le sujet articule pendant l'inspiration. Celte dernière opinion est la plus répandue. On ne saurait nier qu'il ne soit possible d'articuler en aspirant , malgré les difficultés qu'on est obligé de vaincre pour cela , et que les sons qui se forment ainsi n'aient quelque analogie avec ceux des ventri- loques. Cependant je ne pense pas que cette théorie soit exacte. Il y a une autre manière bien plus facile d'imiter complètement la voix des ventriloques , en donnant un timbre tout particulier aux sons de la sienne , et je suis persuadé que c'est elle qu'emploient les ventriloques de profession. Je fais une inspiration profonde , de sorte que le diaphragme refoule les viscères abdominaux en avant , puis j'expire d'une ma- nière toute particulière , en resserrant beaucoup ma glotte , et faisant sortir l'air très-lentement par la contraction des parois Ihoraciques , tandis que le diaphragme conserve la situation qu'il avait durant l'inspiration , et qu'en conséquence le ventre demeure poussé en avant pendant que je parle. Cette intona- tion au moyen d'un grand rétrécissement de la glotte et d'un souffle faible déterminé par les seules parois latérales de la poitrine , sans le concours des muscles abdominaux , donne II. i5 226 • DE LA FABOLE. lieu au timbre particulier des sons de ce registre. On peut ainsi former des sons qui ressemblent à ceux d'un homme ap- pelant de loin. Gomme le ventre demeure gonflé tandis qu'on parle, on croit d'abord ventriloquer pendant l'inspiration; mais on ne tarde pas à se convaincre que c'est réellemeut pen- dant l'expiration ; car, lorsque Ton continue jusqu'à ce qu'on n'ait plus d'haleine, la poitrine s'est resserrée de plus en plus, et quand il n'y a plus possibihté de produire aucun son par défaut d'air dans le soufflet , on est forcé de faire une nou- velle inspiration. Parmi les effets que produisent les ventriloques , il y en a beaucoup qu'il faut attribuer à de simples illusions d'autres sens, de l'oreille par exemple, comme quand le sujet fait enten- dre des paroles qui ont l'air de venir d'un endroit déterminé. En général , nous distinguons très-peu la direction du son, et quand noire attention est dirigée vers un point, noire imagi- nation est prête aussitôt à y rapporter ce que nous entendons. D. F'ices de la parole. Une bonne prononciation suppose que la cavité orale est bien conformée et l'oreille juste. Les imperfections de la pa- role proviennent d'un défaut dans l'une et l'autre de ces deux conditions. La parole devient vicieuse eu égard à la formation de certains sons , et en même temps nasonnante , lorsqu'il y a un trou à la voûte palatine. Elle devient incomplète chez ceux qui manquent de dents. On peut consulter Kempelen et SchuUhess pour ce qui regarde les vices de prononciation re- latifs à chaque lettre. Le bégaiement tient à l'inhabileté et rikumobililé de la langue. L'ivresse le produit d'une manière passagère , et la paralysie du nerf grand hypoglosse d'une manière permanente. Mais la parole peut aussi être impar- faite parce que les sons ne se succèdent pas convenablement, quoique le sujet ait la faculté de les former purs. Le bégaie- ment est l'impossibilité momentanée de prononcer une coo- DE LA PAROLE» . 21'J sonne ou une voyelle ou de l'unir aux précédentes. L'obstacle peut se rencontrer au commencement ou dans le milieu des mois. Si la lettre difficile à prononcer se trouve au milieu d'un mot, il arrive souvent que la syllabe précédente ou celle qui ne peut sortir complètement est répétée plusieurs fois de suite, par exemple zi-zi-zi-zitze , llllachen. Il manque dans le pre- mier cas la possibilité d'unir la consonne t avec la voyelle i qui précède , et dans le second celle d'unir la consonne / avec la voyelle a qui*la suit. La répétition de ce qui précède n'est pas , comme l'a très-bien fait remarquer Schulihess , ce qui constitue l'essence du bégaiement ; c'est seulement une sorte de reprise pour trouver le passage, la transition. Si la con- sonne précédente est explosive , l'individu est enclin à la répéter, parce qu'il ne peut pas la soutenir à volonté et jusqu'à ce que la voyelle sorte. Mais si celte consonne est soutenue (m, n, ng^ /", ;^ , sch^ r, l, s), la répétition n'est plus néces- saire, parce que le son peut ê(re prolongé jusqu'à ce que la voyelle arrive. Exemples : Bbhhoire^ l — lire. Cependant il arrive aussi que l'homme qui bégaie répète la consonne sou- tenue, et prononce llllire. Quelquefois même il intercale in- volontairement , dans le mot , des lettres qui n'y appartien- nent pas , c?, f, ng^ nd et autres. Schulihess pense que ce sont les voyelles et non les consonnes dont l'articulation difficile donne lieu au bégaiement. Cette remarque découle d'une observation attentive delà nature-, toutefois, bien qu'elle rectifie une erreur jusqu'alors accréditée, elle va trop loin; car il arrive souvent que la voyelle est déjà formée, mais que la consonne qui vient après ne veut pas s'y unir. Je connais un jeune homme, très-versé dans les mathématiques, et qui a fortement bégayé autrefois ; lorsqu'il prononçait son nom, il lui arrivait fréquemment de dire Te-Tessot au lieu de Tes- sot. Il y a encore beaucoup de circonstances où l'obstacle existe dès la première consonne d'un mot. Dans ces cas aussi, la cause tient moins à l'articulation par les parties actives de "ïnTr;--^ 2i8 I>E LA PAROLE. la bouche qu'à une occlusion soudaine de ia glotte , qui s'op- pose au passage de l'air nécessaire pour produire telle ou telle consonne. Cette clôture de la glotte , sur laquelle Arnott sur- tout a appelé l'attention , ne survient que lorsqu'il s'agit d'as- socier ensemble certaines articulations , le passage de l'air restant libre pour d'autres, par exemple pour la répétition de la syllabe précédente. Au fond , l'obstacle est toujours à la glotte , soit qu'elle ne rende pas le son nécessaire quand il s'agit d'une voyelle, soit qu'elle ne laisse poirJl passer l'air durant la tentative que le sujet fait pour articuler un son dans sa bouche. Ce travail de la part de la glotte s'annonce claire- ment , chez les personnes qui bégaient beaucoup , par la gêne de l'expiration et par la congestion du sang dans la tête et les veines du cou. L'essence du bégaiement consiste donc en un état pathologique des mouvemens associés du larynx et de la bouche. Lorsqu'il est porté au plus haut degré, on observe aussi des mouvemens dans les muscles de la face ; l'effet est le même que quand on veut contracter un muscle de la face , et que la face entière se contracte parce qu'on éprouve de la peine à isoler l'influx nerveux (1). Je partage complètement l'opinion d'Arnolt et de Schulthess quand ils assignent pour cause prochaine au bégaiement une affection spasmodique de la glotte. Cette affection est une occlusion momentanée de la glotte , soit par le rapprochement des cartilages aryténoïdes , qui s'appliquent l'un contre l'au- tre, soit parla pression qu'exercent les muscles ihyro-aryié- noïdiens, qui peuvent accoUer les cordes vocales l'une à l'au- tre. Il faut tenir pour certain que cette affection momentanée est une association pathologique avec certains mouvemens de la bouche , en particulier de la langue , et qu'elle en dépend enlièremerît. Les parties de la bouche sont placées comme (1) Mcigendie , art. Bégaiement du Dictionnaire de médecine et de chi" rurgie pratiqties , Paris, d830, t. IV, p. 63. DE LA i'AROLE., 22g elles doivent l'être pour former le ù; les lèvres peuvent aussi s'ouvrir comme l'exige 1 explosion de cette lettre ; mais il manque le courant d'air venant de la glotte. La marche natu- relle pour remédier au bégaiement consiste donc à rendre facile l'association entre les mouvemens du larynx et les arti- culations. Chanter les mots est déjà un moyen d'y parvenir, parce que, dans le chant, l'attention se porte davantage sur la part que le larynx prend à la prononciation, qu'elle ne le fait dans la parole ordinaire. Aussi les personnes qui bégaient chantent-elles mieux qu'elles ne parlent. Tenir la langue trop basse dans la bouche paraît favoriser le bégaiement. La méthode de madame Leigh tend à corriger ce vice et à relever la langue vers le palais. Les anciens avaient recours à un moyen analogue quand ils faisaient te- nir des corps étrangers sous la langue. La méthode indiquée par Arnott repose sur des notions physiologiques exactes , eu égard au bégaiement. Si les lèvres de la glotte étaient visi- bles comme celles de la bouche , dit cet écrivain , la nature du bégaiement ne serait pas demeurée si long-temps cou- verte d'un voile. La glotte se ferme de temps en temps chez l'homme qui bégaye : il s'agit de faire perdre celte habitude à la nature , par Texercice. Arnott propose de faire unir tous les mots en un seul par des intonations intercalées , jusqu'à l'épuisement de Thaleine. Ce moyen est bon , mais il ne suffit pas, puisque l'obstacle principal existe la plupan du temps dans l'intérieur même des mots , et tient aux mouvemens as- sociés que réclament certaines articulations. Si j'avais une mé- thode à proposer pour la guérison du bégaiement, outre le procédé d'Arnott, j'emploierais le suivant : Je ferais au sujet des écritures dans lesquelles il ne se trouverait aucune consonne absolument muette ou explosive (p,(î,7,7r,T,x); ces écritures ne contiendraient que des phrases dans Ja com- position desquelles il n'entraînerait , outre les voyelles , que des consonnes susceptibles d'intonation concomiiaMie (f, x, 23o DE Là PABOLE. sch , S, r, 1, m , n, ng); je ferais une loi de prononcer toutes ces lettres avec intonation , et de les traîner très-long-temps. De là résulte une prononciation dans laquelle Tarticulation est constamment accompagnée d'intonation , de manière que la glotte ne se trouve jamais fermée. Une fois le sujet bien exercé à tenir sa glotte ouverte sans interruption , même en- tre les mots , comme le conseille Arnott , à ne jamais la fer- mer pendant et après chaque consonne et chaque voyelle , on pourrait passer à la consonne muette A, et aux consonnes ex- plosives ; car, parvenu là , il sait déjà de quoi il s'agit. Le pro- cédé de madame Leigh est d'un empirisme aveugle : ni le maître ni l'élève ne savent ce dont il est question. Il y a un certain vice , assez commun , de la parole , qui diffère essentiellement du bégaiement. C'est Tintonation entre les mots, Tinierpolation d'une, d'un œ , d'un a, plus ou moins long , ou de quelqu'une des voyelles nasales , ou d'un son particulier modifié par la gorge , pendant que la pronon- ciation des mots eux-mêmes est bonne , par exemple/e... e. Il semble entendre un instrument de musique dont le son se prolonge au-delà de la durée voulue. Ces sons étrangers forment et facilitent le passage d'un mot à un autre , et c'est peut-être là ce qui souvent y donne lieu , quoique fréquem- ment aussi ils tiennent à l'hésitation de la pensée. On rencon- tre quelquefois ce défaut chez les personnes qui bégaient , peut-être parce que c'est un moyen d'éviter une interrup- tion en passant au mot suivant. La formation de sons purs suppose Touïe. Il est fort difficile aux sourds-muets d'apprendre à prononcer des sons même grossiers. Il ne leur manque que l'ouïe , en totalité ou en grande partie ; le mutisme est la suite de la surdité. Avec beaucoup de peine ils apprennent à imiter les mouvemens pour articuler les sons qu'ils voient faire devant eux, mais leur langage demeure toujours une.sorte de hurlement qui ne peut servir dans la société , parce que l'absence de l'ouïe les DELA PAROLE. 2)i prive du régulateur dont ils auraient besoin pour bien arti- culer. ' Au reste, l'ouïe et la parole ne peuvent tenii" Tune à l'autre que par Tintermédiaire du cerveau lui-même. On ne voit pas de quelle utilité seraient des connexions nerveuses entre l'or- gme de l'audition et celui de la phonation. L'anastomose en- tre les nerfs facial et lingual est étrangère tant à l'ouie qu'à la parole , car le nerf facial n'a rien de commun avec la pre- mière , ni le nerf lingual avec la seconde. Le principal nerf de la phonation est le grand hypoglosse , duquel dépendent tous les mouvemens de la langue. Le nerf facial joue aussi quelque rôle dans les articulations , du moins dans celles auxquelles les lèvres prennent part. Ces deux nerfs appar- tiennent à la physionomie, en ce sens que la mimique de la face et la parole représentent objeciivement, chacune à sa ma- nière, nos états intérieurs. Or tous deux paraissent dépendre de la même partie centrale, les olives. E. accent. , L'accent est une intonation plus élevée qu'on donne à cer- taines syllabes et à certains mots. 1" Accent prosodique. Chaque mot a son accent. Beaucoup d'hommes n'élèvent pas d'un semi-ton la syllabe accentuée ; d'autres l'élèvent de plus d'un semi-ton • alors la parole de- vient chantante. Dans le cas contraire , quand toutes les syl- labes sont prononcées du même ton , elle devient monotone. Ce défaut de variation est insupportable chez les pédans , dont il exprime le naturel. Dans les langues anciennes , l'accent et la quantité , ou la longueur des syllabes , sont deux choses tout-à-fait différen- tes. Dans le rhyihme de la poésie , les syllabes sont mesurées d'après leurs longueurs naturelles aux dépens de l'accent. Eq allemand , l'accent coïncide presque toujours avec la quantité. 11 y faut allonger tout ce qui est marqué de l'accent. :tb2 DE LA. PAROLE. Les langues romanes^modernes ont trop peu de quantité et d'accent pour pouvoir employer avec succès le rhylhme des syllabes longues et brèves. Aussi n'y mesure-t-on ces der- nières que par leur nombre. 2® Accent grammatical, L'accentuation des mots dans le dis- cours exprime la modalité du jugement. Dans les phrases in- terrogatives , affirmatives , etc., l'accent est toujours sur le mot principal. La proposition la plus simple , celle qui ne se compose que de trois mots , le sujet , le verbe et l'attribut , a une signification diverse suivant le membre auquel l'accent se rapporte. 3" Accent des dialectes. L'accentuation des divers dialectes peint le caractère vif ou lent des peuples. Ici l'accent est phy- sionomique. Celui qui ne ressort pas du caractère de l'indi- vidu , est maniéré. Dans les grandes villes, ceux qui affectent le bon ton , ont souvent une manière d'accentuer tout-à-fait différente de l'accent naturel du peuple. Les Allemands n'ont point d'accent général, comme les Français, les Danois et les Suédois. DES SENS. 533 TROISIEME PARTIEo DES SENS. NOTIONS PRÉLIMINAIRES. Les sens nous informent des états divers de notre corps par la sensation spéciale qu'éprouvent les nerfs sensoriels. Ils nous font connaître aussi les qualités et les mutations des corps qui nous entourent , en tant qu'elles déterminent des états parti- culiers de ces mêmes nerfs. Le sentiment est commun à tous les sens ; mais la manière de sentir varie dans chacun d'eux. Sous ce rapport, on en distingue cinq , la vue , l'ouïe, le goût, l'odorat et le toucher. Par toucher , nous entendons la manière de sentir propre aux nerfs sensilifs , tels que le trijumeau, le vague, le glosso-pharyngien et lesrachidiens, c'est-à-dire les sensations de chatouillement, de volupté, de douleur, de chaud , de froid , et les sensations tactiles. Le mot de sensa- tion ne nous servira désormais que pour désigner la transmis- sion au sensorium , qui appartient également à tous les nerfs sensoriels. Les sens ne nous procurent , à proprement parler, que la conscience des qualités et des états de nos nerfs ; mais l'imagination et le jugement sont toujours prêts à interpréter comme qualités et mutations des corps situés hors de nous les changemens provoqués dans nos nerfs par des causes exté- rieures. A l'égard des sens qui sont rarement afifectés par des causes internes , cojnme la vue et l'ouïe , cette confusion nous est devenue tellement habituelle qu'à moins d'y réfléchir nous ne nous en apercevons pas. Mais, pour ce qui concerne le sens du toucher , qui est tout aussi souvent mis en jeu par des causes internes que par des causes externes , et qui nous procure la conscience des sensations particulières à nos nerfs a34 DES SENS. tactiles , il nous est facile d'apercevoir que ce que nous sen- tons , la douleur, la volupté, est un état de nos nerfs , et non une qualité des choses qui le déterminent. Ceci nous conduit à quelques principes {^fénéraux , dont l'exposition doit précéder l'histoire des sens considérés chacun en particulier. I. Nous ne poui>ons avoir ^ par l'effet des causes extérieures , aucune manière de sentir que nous n'ayons également sans ces causes et par la sensation des états de nos nerfs. Cette proposition est de toute évidence pour le sens du tou- cher. Ce que les nerfs tactiles peuvent sentir est le froid et le chaud , la douleur et le plaisir , et d'innombrables modifica- tions de sensations , qui ne sont ni de la douleur ni du plaisir , mais contiennent les mêmes élémens , lesquels seulement n'y sont point portés à Texirême. Toutes ces sensations nous sont à chaque instant procurées par des causes internes , partout où il y a des nerfs sensitifs ; elles peuvent aussi être détermi- nées par des causes extérieures , mais celles-ci ne sauraient y introduire un élément de plus. Ainsi les nerfs sensitifs ne sentent que nos propres états , des qualités mises en évidence par des stimulations ou internes ou externes. Nous pouvons avoir la conscience d'une sensation olfactive, même en l'absence de toute matière odorante , lorsque le nerf olfactif a une disposition déterminée pour cela. Ces percep- tions d'odeurs dues à des causes internes ne sont pas fré- quentes : on en voit cependant des exemples chez des sujets d'une complexion très- irritable. Il en est probablement de même à l'égard du goût , quoi- qu'icila distinction soit difficile à établir, parce qu'on ne peut savoir si la saveur qu'on éprouve ne provient pas d'un chan- gement particulier de la salive ou de la sécrétion muqueuse buccale. Dans tous les cas, le dégoût qui, comme sensation, appartient à la classe des sensations gusiatives , dépend très- souvent d'une simple disposition nerveuse. Les sensations propres au sens de la vue , la lumière , les NOTIONS PRÉLIMINAIRES. a55 couleurs, Tobscurité, peuvent aussi avoir lieu sans cause ex- térieure. Réduit au plus bas degré de sensibilité, le nerf optique ne sent rien autre chose que l'obscurité. L'exaltation de sa sensibilité se manifeste , au contraire , les yeux étant fermés , par des effets de clarté et de scintillation , qui ne sont qu'une simple sensation , ne dépendent point d'une lumière matérielle, et ne peuvent par conséquent éclairer aucun ob- jet. Chacun sait avec quelle facilité , en fermant les yeux , on voit les plus belles couleurs , surtout le matin , quand le nerf jouit encore d'une grande excitabilité. Ces phénomènes ont lieu fréquemment chez les enfans, au moment où ils se ré- veillent. La nature extérieure ne peut donc nous créer ici aucune impression qu'il ne soit possible à des causes internes de produire dans les nerfs , et Ton conçoit qu'un homme de- venu aveugle, pendant sa jeunesse, par l'obscurcissement des milieux transparens , doit conserver une pleine et entière in- tuition intérieure delà lumière et des couleurs , quand la ré- tine et le nerf optique n'ont point souffert. Les idées qu'on se fait souvent des nouvelles sensations qu'une opération procure à l'aveugle de naissance sont exagérées et inexactes. L'élé- ment de la sensation visuelle , la lumière , la couleur , l'obscu- rité , doit éire connu de cet homme , tout aussi bien que des autres. Supposons même qu'un homme naisse au milieu d'une nature uniforme et dépouillée du prestige des couleurs, qu'en conséquence les impressions de celles-ci ne lui soient jamais amenées du dehors , son sens de la vue n'en serait pas pour cela plus pauvre que celui de tout autre ; car la lumière et les couleurs sont innées en lui , et n'ont besoin que d'une exci- tation pour arriver à Tintuition. Les sensations auditives nous viennent également aussi bien V du dedans que du dehors. Toutes les fois que le nerf acousti- que se trouve dans un état d'irritation , nous éprouvons la sensation qui lui est propre , nous entendons des tintemens , des bourdonnemens , des sons. C'est par de tels phénomènes» 256 DES SENS. que ses maladies se manifestent. C'est par-là que s'annonce la part qu'il prend souvent aux affections , même légères et pas- sagères, du système nerveux. De tout cela il résulte clairement que les influences exté- rieures ne font naître en nous aucun mode de sensation qui ne puisse avoir lieu aussi sans cause du dehors, et par l'effet de causes internes agissant sur le sens correspondant. II. Une même cause interne produit des sensations différentes dans les divers sens , en raison de la nature propre à chacun d'eux. L'accumulation du sang dans les vaisseaux capillaires des nerfs sensoriels, en cas de congestion et d'inflammation , est une cause interne qui agit sur tous de la même manière. Ce- pendant elle détermine des phénomènes de clarié et de scin- tillation dans les nerfs optiques, quoique les yeux soient fer- més , des bourdonnemens et des liniemens dans les nerfs acoustiques , de la douleur dans les nerfs sensiiifs. De même, un narcotique mêlé avec le sang occasione , dans chaque nerf sensoriel , les troubles qui s'accordent avec sa nature spéciale, des flamboiemens dans le nerf optique , des bourdonnemens dans le nerf auditif , des fourmillemens dans les nerfs sensiiifs. III. Une même cause externe produit des sensations différentes dans les divers sens , en raison de la nature propre à chacun d^eux. L'influence mécanique d'un coup , d'un choc , d'une pres- sion , provoque , dans l'œil , la sensation de la lumière et des couleurs. Personne n'ignore qu'en pressant l'œil , après l'avoir fermé , on détermine^l'apparition d'un cercle de feu, et qu'à l'aide d'une pression moins forte, on provoque celle de cou-, leurs, qu'on peut même transformer les unes dans les autres, phénomènes dont les jeunes gens s'amusent souvent lorsqu'ils s'éveillent avant le jour. L'espèce d'éclair qu'on aperçoit en se comprimant l'œil avec force dans l'obscurité , n'est qu'une pure sensation , et ne saurait illuminer les objets extérieurs. NOTIÔiNS tîiELÎMINAIRES. 20*^ Chacun peut s'en convaincre aisément. J'ai répété fort sou- vent l'expérience, sans que jamais il me fût possible , à Taide de cette lumière subjective, de distinguer dans Tobscurité les; objets même les plus rapprochés de l'œil. Elle a quelque importance , puisqu'il s'est trouvé des cas où les tribunaux ont soumis le phénomène à l'appréciation de la médecine légale (1). La lumière qu'on excite dans l'œil en le comprimant n'est pas jQon plus visible pour une autre personne , puisqu'elle ne con- siste qu'en une sensation exallée. La faculté de luire qu'on attribue aux yeux n'a rien en soi qui s'élève contre elle à priori. Rien ne s'oppose à ce que les nerfs des animaux luisent , et comme l'œil nous offre la seule occasion que nous ayons de contempler, sans lésion préalable, un nerf, la rétine, à travers des milieux transparens, c'est là qu'on devrait le mieux pouvoir remarquer le phénomène , s'il s'opérait en effet un dégagement de lumière dans les organes nerveux. Eût-il lieu réellement dans l'appareil de la vision , il n'aurait aucun rapport avec la lumière que nous font aper- cevoir certaines causes internes. Mais l'expérience ne con- firme pas qu'il s'opère un dégagement de lumière objective dans les nerfs ni dans la rétine , et des faits qui seront men- tionnés ailleurs attestent que rien de semblable ne s'opère. L'influence mécanique excite aussi dans le nerf acoustique les sensations qui lui appartiennent en propre. Un soufflet , par exemple , et la chose est même passée en proverbe , peut faire naître dans les nerfs auditifs et dans les nerfs optiques, comme dans ceux du toucher , les sensations particulières à ces sens. Rien n'annonce, au contraire, qu'un coup puisse faire naître la sensation d'une saveur ou d'une odeur ; cepen- (1) On en trouve un exemple dans Muller , Archiv fuer Anatomie , t. I, p. 140 (d834). Il s'agissait d'un homme qui , attaqué la nuit par deux voleurs , disait en avoir parfaitement reconnu un à l'aide de l'écla- tanle lumière produite par un coup de poing qu'il lui avait avait asséné sur l'œil droit. %' a58 DES SENS. dant rirritation mécanique du voile du palais, de l'épiglotle , de la base de la langue , provoque une saveur nauséeuse. L'effet que les corps produisent sur l'organe de rouie , dans la sensation auditive , est purement mécanique. Une impulsion mécanique soudaine de l'air détermine la sensation du son dans l'organe de louïe , comme celle de la lumière dans l'or- gane de la vue. Si celte impulsion est violente , on entend une détonation ; si elle est faible , on ne discerne qu un bruit; si enfin la cause persiste pendant un certain laps de temps , le bruit, le son est soutenu aussi. Dans certaines conditions dé- terminées, le bruit devient un son également déterminé ou appréciable. Le même bruit , qui demeure bruit tant qu'il reste continu et sans interruptions régulières , prend le ca- ractère d'un son musical dès qu'il vient à être interrompu très-souvent et avec régularité dans un court espace de temps»; Le frottement des dents d'une roue contre une latte de bois , dans la machine imaginée par Savart , ne produit que du bruit quand on le considère en lui-même et comme impulsion mé- canique propagée à Torgane auditif; mais, si l'on tourne la roue avec beaucoup de vitesse, et que les bruits se succèdent rapidement , ils deviennent de moins en moins distincts les uns des autres , et finissent par constituer un son musical , dont l'acuité croît en raison directe ""n la rapidité des chocs ou de la rotation de la roue. Les vibrations d'un corps, qui, prises isolément , ne produiraient qu'un simple bruit , encore même à peine , acquièrent le caractère d'un son musical par le fait seul de leur succession répétée ; Timpulsion est méca- nique aussi. En admettant que la matière de la lumière agisse sur les corps par des oscillations mécaniques, nous avons là encore un exemple qui nous prouve que les vibrations agissent diflèremment sur des sens divers. Elles donnent lieu à la sen- sation de la lumière dans l'œil , et à celle de la chaleur dans les nerfs du toucher. J/éleciricité est un second exemple d'une même irritation NOTÏONS PRÉLIMINAIRES. 25q provoquant des sensations diverses dans des nerfs sensoriels différens. Il suffit déjà de deux métaux hétérogènes faisant îa chaîne avec rœil pour exciter, dans 1 obscurité , la sensation d'une lueur fulgurante ; l'œil n'a pas même besoin de se trouver dans le courant ; pourvu qu'il en soit très- rapproché , la sensation a lieu également , par l'effet d'une partie du cou- rant qui se détourne sur lui. C'est ce qui arrive, par exemple, lorsqu'une des plaques est mise en contact avec la face in- terne d'une paupière et l'autre avec l'intérieur de la bouche. Une électricité plus forte donne lieu à des sensations de lu- mière bien plus vives. L'irritation galvanique provoque la sen- sation auditive dans l'organe de l'ouïe. Volta , ayant compris ses oreilles dans la chaîne d'une pile de quarante paires de plaques , éprouva un sifflement et un bruit saccadé pendant tout le temps que la chaîne demeura fermée. Ritter, en fer- mant la chaîne , entendit un son comparable à celui de svl^. L'électricité par frottement détermine une odeur de phos- phoïc dans les nerfs olfactifs. En armant la langue avec des métaux hétérogènes , on provoque une saveur acide ou salée, suivant la situation des plaques, dont l'une est appliquée sur l'organe , et l'autre dessous. On a voulu rapporter cet effet à la décomposition des sels de la salive ; mais ce qui vient d'être dit des autres sens suffit pour démontrer Tinsuffisance de celte explication. Dans les nerfs du toucher, les effets de Téleclricité ne sont ni des sensations de lumière , ni des sensations de son , d'o- deur, de saveur, mais des sensations propres à ces organes , comme des percussions , des picotemens , etc. Les influences chimiques exercent vraisemblablement aussi une action différente sur les divers nerfs sensoriels. On con- çoit que nous sommes fort peu instruits à cet égard. Ce qu'on sait , c'est que certaines influences chimiques déterminent des impressions tactiles , comme ardeur, douleur, sensation de chaleur, dans les nerfs du toucher, des sensations de saveur zl^Ô DES SENS. dans l'organe du goût , et , quand elles sont volatiles , des sen» salions d'odeur danS l'organe olfactif. Il nous est impossible d'exercer une action chimique sur les nerfs des sens supérieurs, sans leur porter préjudice, autrement qu'à l'aide de substances introduites dans le sang. Ici se rangent les eft'ets des narcoti- ques, qui, ainsi que personne ne l'ignore, déterminent des phénomènes subjectifs de vision et d'audition. IV. Les sensations propres à chaque nerf sensoriel peuvent être provoquées à la /bis par plusieurs influences internes et eœternes. C'est ce qui résulte déjà des faits précédemment rapportés ; car 1° La sensation de la lumière est excitée dans l'œil a. Par des vibrations ou des émanations qu'on nomme lu- ttîière d'après leur action sur l'organe de la vue , quoiqu'elles déterminent beaucoup d'autres effets encore , même chimi- ques , et qu'elles entretiennent même les actions organiques des plantes ; b. Par des influences mécaniques, telles qu'un choc, un coup ; c. Par rélectricité ; d. Par des influences chimiques, comme celles de substan- ces narcotiques, digitale ou autres, introduites dans le sang, qui déterminent des phénomènes subjectifs de vision, des flamboiemens devant les yeux , etc.; e. Par l'irritation du sang dans la congestion. ' 2° La sensation du son l'est dans l'organe auditif a. Par des influences mécaniques , vibrations des corps , que transmettent à cet organe les milieux propres à les pro- pager ; b. Par l'électricité ; c. Par des agens chimiques introduits dans le sang ( narco- tiques , altérans , nervins) ; d. Par l'irritation du sang. NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 2^1 3« La sensation des odeurs Test dans les nerfs olfactifs a. Par les influences chimiques de nature volatile , les arômes ; h. Par l'électricité. 4° La sensation des saveurs Test a. Par des influences chimiques qui agissent, soit du dehors, soit au moyen du sang, sur les nerfs du goût. Magendie pré- tend que les chiens auxquels on injecte du lait dans le sang , en éprouvent le goût , et se lèchent les lèvres ; h. Par rélectricité ; c. Par des influences mécaniques. Telle est la saveur nau- séeuse que font éprouver les titillations du voile du palais , de Fépiglotte et de la base de la langue. 5° Les sensations tactiles le sont a. Par des influences mécaniques , vibrations sonores , al- touchemens de toute espèce ; h. Par des influences chimiques; c. Par la chaleur ; d. Par l'électricité ; e. Par l'irritation du sang. V. La sensation est la transmission à la conscience non pas d une qualité ou d\in état des corps extérieurs , mais d'une qua- lité^ d^un état ^ d^un nerf sensoriel , déterminé par une cause extérieure , et ces qualités varient dans les différens nerfs sen- soriels. Autrefois , pour se rendre raison de l'aptitude qu'ont les différens nerfs sensoriels à sentir des influences déterminées , par exemple , les nerfs optiques la lumière , les nerfs auditifs les vibrations , etc. , on leur attribuait à chacun un mode particulier d'excitabilité. Mais cette hypothèse ne suffit pas évidemment pour expliquer les faits. Sans contredit , les nerfs sensoriels possèdent une excitabilité spécifique pour certaines influences -, car la même irritation qui agit avec force sur un organe des sens , influe peu ou point sur un autre ; ainsi , des II. i6 'a42 Ï>ES SENS. vibrations aussi rapides que celles de la lumière n'agissent que sur les nerfs optiques et tactiles , d'autres plus lenies ne se font sentir qu'aux nerfs auditifs et tactiles , les arômes ne sont appréciés que par les nerfs olfactifs , etc. Les stimulus extérieurs doivent donc être homogènes à l'organe sensoriel : la lumière est l'irritant homogène de la rétine , et les vibra- lions moins rapides qui agissent sur le nerf auditif sont hété- rogènes ou indifférentes au nerf optique; car, en touchant l'œil avec un diapason qui vibre , on n'éprouve qu'une sen- sation tactile à la conjonctive , sans ressentir nulle sensation de lumière. Cependant nous avons vu que certains stimulus , l'électricité par exemple , ont le pouvoir de faire naître des sensations diverses dans chaque organe des sens ; cette élec- tricité est donc homogène à tous les nerfs sensoriels, et néanmoins les sensations qu'elle provoque difl'èrent dans tous. 11 en est de même pour plusieurs autres stimulus, tels que ceux de nature chimique et mécanique. L'excitabilité spécifique des nerfs sensoriels ne suffit pas pour rendre raison des faits, et nous sommes obligés d'attribuer à chacun de ces nerfs , comme le faisait Aristote , des énergies déterminées , qui en sont les qualités vitales, de même que la contractilité est la qualité vitale des muscles. Cette opinion a reçu un nouvel appui , dans les temps modernes , des recherches d'Elliot , Darwin, Ritter, Gœthe, Purkinje et Hjort, sur les phénomènes subjectifs de sensation. On désigne sous ce nom des phéno- mènes provoqués non par le stimulus accoutumé d'un nerf sensoriel, mais par d'autres qui lui sont ordinairement étran- gers. Pendant long-temps on les a envisagés sous un faux point de vue , en les regardant comme des hallucinations des sens, tandis que ce sont réellement des vérités sensorielles et des phénomènes fondamentaux, qui, à ce titre, méritent d'être étudiés sérieusement dans l'analyse des sens. Ainsi la sensation du son est l'énergie propre du nerf acoustique, celle de la lumière et des couleurs est l'énergie NOTIONS PKÉLiMlNAlRES. ll\Ù particulière du nerf visuel, etc. Une analyse exacte de ce qui a lieu dans toute sensation aurait déjà dû conduire à cette vérité par une autre voie. Les sensations de la chaleur et du froid , par exemple, nous informent de Texistence du calori- que impondérable, ou de vibrations particulières, au voisinage de nos nerfs tactiles. Mais ce qu'est la chaleur, on ne saurait s'en rendre compte par ce qui constitue immédiatement l'état des nerfs tactiles ; il faut , pour cela , se livrer à l'étude des propriétés physiques de cet agent , rechercher les lois de sa propagation , de son dégagement , de son aptitude à devenir latent, de la faculté qu'il possède de dilater les corps, etc. Et tout cela n'explique encore point ce qu'il y a de particulier dans la sensation de chaleur comme état des nerfs. Le fait pur, et dégagé de toute explication, est que la chaleur, comme sensation , prend naissance toutes les fois que le calorique agit sur un nerf de sentiment , et que le froid , comme sensa- tion , a lieu quand le calorique est soustrait à un nerf de sen- timent. On en peut dire autant du son. Le fait pur est que, quand un certain nombre de chocs ou de vibrations sont communi- qués au nerf acoustique , le Son naît , comme sensation ; mais le son , comme sensation , diffère infiniment d'un nombre quelconque de vibrations. Le même nombre de vibrations d'un diapason , qui transmet la sensation du son au nerf au- ditif, est perçu comme chatouillement par le nerf tactile. Il faut donc que quelque chose s'ajoute aux vibrations pour que nous puissions sentir un son , et cette condition indispensable n'est attachée qu'au nerf acoustique. La vue est dans le même cas. La force diverse avec laquelle agit l'impondérable appelé lumière , détermine une inégalité de sensation en des points divers de la rétine de l'œil , que d'ailleurs l'action tienne à des secousses ou à un courant animé d'une vitesse infinie , suivant qu'on adopte la théorie de ^'ondulation ou celle de l'émanation. Mais c'est seulement 244 ^^S SENS. parce que la rétine sent comme étant médiocrement éclairés les points faiblement affectés , comme étant lumineux ceux qui reçoivent une vive impression , et comme étant obscurs ou ombrés ceux qui demeurent en repos ou n'éprouvent rien , qu'il se produit une image lumineuse déterminée , dont les contours se règlent d'après les points de cette membrane qui ont été affectés. La couleur est inhérente aussi au nerf optique lui-même , et quand elle est provoquée par la lumière exté- rieure , elle se produit en conséquence d'une propriété, qui nous est encore inconnue au fond , des rayons auxquels nous donnons l'épithète de colorés , ou des oscillations nécessaires pour faire naître l'impression de la couleur. Les nerfs du goût et de l'odorat sont susceptibles de recevoir un nombre infini de déterminations du dehors ; mais chaque saveur dé- pend d'un état déterminé du nerf, que les circonstances exté- rieures produisent , et il est ridicule de dire que la qualité de l'acide est transmise par les nerfs gustatifs ; car l'acide agit aussi sur les nerfs tactiles , mais il n'y fait pas naître une sensation de saveur. L'essence des états des nerfs au moyen desquels ils voient la lumière et sentent le son, la nature du son, comme qualité du nerf acoustique , celle de la lumière , comme qualité du nerf optique , celle du goût , de l'odorat , du toucher, nous sera éternellement cachée ; nous ne la connaîtrons jamais , pas plus que nous n'arriverons à la connaissance des causes finales en physique. Il n'y a pas moyen de raisonner sur la sensation du bleu : c'est un fait, comme beaucoup d'autres, qui dépasse les bornes de notre intelligence. Vouloir expliquer les sensa- tions particulières et diverses qu'une même cause détermine dans les divers sens par la rapidité différente des vibrations du principe nerveux , ne nous avancerait à rien ; en supposant nnême que cette théorie lût vraie , il faudrait commencer par l'appliquer à l'explication des différentes sensations qui ont lieu dans le domaine d'un sens déterminé^ et rechercher avec ■Jt. NOTIONS PRÉLIMINAIRES. ^4 son secours pourquoi , par exemple , le sensorium reçoit la sensation du bleu , du rouge , du jaune , celle d'un son grave ou aigu , celle de la douleur et du plaisir, celle du chaud ou du froid, celle de l'amer, du doux, de l'aigre. C'est en ce sens seulement que l'explication suivante offre de l'intérêt : la cause de l'élévation différente des sons est au moins déjà la diffé- rence de vitesse des vibrations des corps sonores , et un attou- chement des nerfs tactiles de la peau qui , lorsqu'il demeure isolé , produit une sensation simple de toucher, donne lieu , quand il se répète avec rapidité , comme vibration d'un corps sonore , à une sensation de chatouillement , de sorte que ce qu'il y a de spécifique dans la sensation du plaisir tient peut- être , abstraction faite des cas où il provient de causes pure- ment internes, à la rapidité des vibrations du principe nerveux dans les nerfs tactiles. Ainsi les nerfs sens oriels n'ont pas pour unique oflSce de trans- mettre les qualités des corps à notre sensorium; c'est seulement parleurs qualités propres, et par leur aptitude à éprouver des modifications plus ou moins considérables de la part des objets situés hors de nous, que nous sommes informés de la présence de ces derniers. La sensation tactile même que la main pro- cure ne nous avertit point de l'état des surfaces du corps tou- ché , mais des points de notre corps qui sont excités par l'at- touchement. L'imagination et le jugement font de la sensation simple une tout autre chose. C'est sur la manière diverse dont les corps déterminent les états de nos nerfs , que repose la sûreté des distinctions que nous établissons à Taide de nos sens. Mais on conçoit aussi d'après cela pourquoi la connais- sance que nous acquérons du monde extérieur par nos sens , ne peut rien nous apprendre touchant la nature et l'essence de ce monde. Nous ne sentons jamais que nous dans nos rela- tions avec les objets extérieurs, et si, d'après la manière dont ils font que nous nous sentons , nous nous faisons de leur ïi^ture des idées qui peuvent avoir une certaine justesse rela- a/^6 DES SEKS. tive , nous ne saunons avoir de cette nature même une intui- tion immédiate semblable à celle que noire sensorium acquiert des états des parties de notre corps. VI. Un nerf sensoriel paraît n^étre apte qu'à un mode déteV' miné de sensation. Un sens ne peut donc point être suppléé par un autre sens. La sensation peut , dans chaque organe de sens , être portée jusqu'au degré qui la rend agréable ou désagréable, sans que, pour cela , elle change de nature et prenne les caractères de la sensation d'un autre organe sensoriel. L'agréable et le dés- agréable sont sentis par l'organe de la vue comme harmonie des couleurs et éblouissement , par celui de Touïe comme accord et discordance des sons ; les sens du goût et de l'odo- rat ont des saveurs et des odeurs qui les flattent ou qui leur déplaisent ; l'organe du toucher éprouve du plaisir ou de la douleur. Il paraît donc que , même quand les organes senso- riels sont atfectés au plus haut degré , la sensation n'en con- serve pas moins son énergie spécifique. Chacun sait que la sensation de la lumière , du son , des saveurs , des odeurs, n'est perçue que dans les nerfs correspondans; mais la chose est moins évidente pour ce qui concerne le loucher , et l'on peut surtout se demander si la sensation de la douleur n'est; pas possible dans les nerfs des sens supérieurs, si, par exem- ple, une forte lésion du nerf optique est sentie seulement comme vive sensation de lumière , et non comme douleur. La solution de ce problème présente de grandes difficultés. Outre les nerfs sensoriels spécifiques , les organes de sens reçoivent aussi des nerfs tactiles : ainsi le nez , indépendamment des nerfs olfactil^ , reçoit des ramifications du nerf sensiiif de la seconde branche du trijumeau; la langue possède à la fois le goût et le sentiment , dont chacun peut se perdre sans que l'autre soit aboli ; il en est de même de Tocil et de l'organe auditif. Pour résoudre le problème , il faudrait faire des ex- périences sur les nerfs sensoriels isolés. Les observatiottf 41 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. Sil^-J qu'on a recueillies jusqu'à présent à ce sujet, annoncent que les nerfs sensoriels ne sont susceptibles d'aucune autre sen- sation que de celle qui leur appartient en propre , et que le sentiment proprement dit ne leur est point dévolu. Magendie a trouvé les nerfs olfactifs du Chien insensibles aux piqûres ; ij a remarqué aussi que les lésions mécaniques de la rétine et du nerf optique n*occasionaient pas de douleurs. D'un autre côté , Tortual a constaté que la section du nerf optique , dans l'extirpation de l'œil, faisait apercevoir au malade des masses considérables de lumière. Les cercles lumineux qui se pro- duisent quand on tourne brusquement les yeux de côté , et qui sont dus au tiraillement du nerf optique , appartiennent déjà à la classe de ces phénomènes. Souvent il arrive , dans les cas où l'ablation de l'œil est indiquée , que le nerf optique lui-même a subi une dégénérescence telle qu'il n'est plus apte à éprouver aucune sensation ; on ne doit donc pas s'attendre à voir le phénomène observé par Tortual se représenter dans toutes les opérations du même genre ; et en effet, il ne s'est point offert dans deux extirpations de l'œil qui ont été prati- quées à Berlin. Au reste, je ne sache pas que la section du nerf soit plus douloureuse qu'aucun autre temps de l'opération ; or une pareille lésion , sur un nerf si volumineux , devrait en- traîner d'atroces douleurs, et arracher subitement un cri violent aux animaux , s'il était doué de la sensibilité tactile. Un nerf sensoriel , quand il vient à être irrité , peut sans contredit provoquer à son tour d'autres sensations , avec le concours du cerveau , c'est-à-dire par réflexion. Ainsi Taudi- liou de certains sons , par exemple du bruit causé par le verre qu'on raie , détermine une sensation toute particulière , une sorte de frissonnement dans les nerfs tactiles. Il se peut éga- lement que la sensation d'une lumière éblouissante dans le nerf optique donne lieu , par réflexion , à une impression désagréable sur les nerfs sensitifs de l'orbite et de l'œil : du moins est-ce ainsi qu'on parvient à se rendre compte des sen- 2l[S DES SENS. salions désagréables que l'on éprouve dans le globe oculair^ après avoir été exposé à une lumière très-vive. En ce qui concerne l'olfaction , Magendie s'est évidemment trompé lorsqu'il a dit, d'après ses expériences sur la destruc- tion des nerfs olfactifs , que la faculté de sentir les odeurs appartient aux branches nasales du nerf trijumeau ; car les substances irritantes qu'il a employées , en les introduisant dans les narines , comme l'acide acétique , l'ammoniaque , l'huile de lavande et celle de Dippel , excitent d'une manière très-puissante la sensibilité tactile de la membrane muqueuse du nez. Dans tous les cas bien observés d'absence des nerfs olfactifs , la faculté d'apprécier les odeurs n'existait pas non plus. Personne ne contestera aux nerfs visuels le pouvoir d'agir sur les autres nerfs sensoriels, dans les limites assignées à l'influence qu'un nerf en général est susceptible d'exercer sur les autres par l'intermédiaire du cerveau. Quelle étendue n'ont pas les affections déterminées par une névralgie ! Quels désordres n'apporte pas dans les appareils des sens un état nerveux dont les organes abdominaux sont la source ! N'est-il pas ordinaire de rencontrer alors des aberrations de la vue , des bourdonnemens d'oreilles , etc., quoique, d'ailleurs, bien des phénomènes de ce genre dont on rapporte l'origine au bas-ventre , aient une source beaucoup plus profonde , et se rattachent à l'irritation de la moelle épinière ! C'est sous ce point de vue aussi qu'on doit envisager l'in- fluence du nerf frontal sur le nerf optique , et les gouttes se- reines qui ont été observées à la suite de ses lésions ; il est vrai que cette sorte d'amaurose , dont les modernes ont eu rarement occasion de rencontrer des exemples , serait peut- être plus exactement attribuée à la commotion de l'œil et du nerf optique , par suite de la contusion du front. Les observations anatomiques alléguées en faveur du rem- cement d'un nerf sensoriel par un autre , reposent sur une NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 2^g base très-précaire. On a prétendu que la branche ophthalmi- que du trijumeau servait de nerf optique à la Taupe 5 cepen- dant Koch et Henle ont fait voir que cet animal a un véritable nerf optique , très-grêle , mais proportionné au volume de son œil , et il en est vraisemblablement de même pour le Protée. Treviranus et E.-H. Weber ont fait voir que le nerf acoustique des Poissons est indépendant du trijumeau. Quand bien même il arriverait à une gaine nerveuse de renfermer des fibres dévolues à diverses fonctions , ce ne serait point là une preuve que des sensations diverses pussent être transmi- ses par un même conducteur. C'est ainsi qu'on explique une particularité anatomique des Poissons , chez lesquels existe un nerf accessoire de l'acoustique, qui naît tantôt du cerveau, tantôt du trijumeau ou de la paire vague (1), et cette autre disposition offerte par certains Oiseaux, dont, suivant Trevira- nus (2) , le nerf veslibukire serait une branche du facial. Blainville , Mayer et Treviranus admettent des rudimens de nerfs olfactifs chez les Dauphins (3) ; dès-lors il n'y aurait pas nécessité de recourir à d'autres nerfs pour expliquer l'odorat chez ces animaux ; mais on ignore s'ils sentent ou non les odeurs. Parmi les faits physiologiques dignes de créance , il ne se trouve aucun exemple de véritable remplacement d'un nerf sensori^el par un autre nerf entre lequel et lui existent des diffé- rences spécifiques. On ne dirait pas aujourd'hui que les aveu- gles voient avec les doigts , parce que le toucher a pris chez eux un développement qui le rend exquis. Quant à la faculté de voir avec les doigts , ou avec le creux de l'estomac , pen- dant le sommeil magnétique , c'est un pur conte dans la bou- che de ceux qui en parlent, et une jonglerie de la part des (1) E. H. "Weber, De aure et anditu, p. 33, 401. (2) Trevibantjs, dans Zeitschrift fuer Physiologie, t. V. (3) Trevibauvs, Biologie, t. V, p. 342. 1*'., 25o DES SENS. personnes qui prétendent la posséder (1), Les nerfs tactiles ne sont susceptibles d'aucune autre impression que de celles qui se rapportent au toucher. Aussi n'est-il pas possible d'enten- dre autrement qu'avec les nerfs acoustiques ; car ce que les nerfs tactiles sentent des vibrations des corps, n'est qu'un sentiment de tremblement, et ne ressemble en rien au son; à la vérité , il n'est pas rare aujourd'hui de voir confondre en- semble les manières diverses dont les vibrations des corps agissent sur l'ouïe et le toucher. Sans l'oreille vivante , il n'y a pas de son au monde, mais seulement des vibrations. Sans l'œil vivant , il n'y a au monde ni clarté , ni couleurs , ni ob- curité , mais seulement les oscillations d'une matière impon- dérable , la lumière, ou l'absence de celle-ci. YIL On ignore si les causes des énergies dii>erses des nerfs sensoriels résident en eux-mêmes , ou dans les parties du cer- veau et de la moelle épinière auxquelles ceux-ci aboutissent ; mais ce qu'il j" a de certain , cest que les parties centrales des nerfs sensoriels au cerveau sont susceptibles d' éprouver ^ indé^ pcndamment des cordons ou conducteurs nerveux , les sensa- tions déterminées propres à chaque sens. La sensibilité spécifique des nerfs sensoriels pour des sti- mulus particuliers doit sans doute résider en eux-mêmes, de manière , par exemple , que des vibrations d'une rapidité ou d'une lenteur permettant de les entendre , agissent seulement sur les sens de l'ouïe et du toucher, que des influences pure- ment mécaniques, et s'exerçantsurles nerfs de la gustation, ne contribuent presque point à faire naître la sensation des saveurs, etc. Mais la réaction spéciale qui succède à l'excita- tion d'un nerf sensoriel peut avoir lieu de deux manières : ou les nerfs transmettent directement des qualités diverses au sensorium , ou des vibrations semblables dans les nerfs font (1) Dict. de médecine et de chirury. pratiques, art. Magnétisme , par J. Bouillaud, t. XI, p. 33y. — Bulletin de l'Acad. royale de médecine, t. II, p. 540, 560; t. III, p. 1123. NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 25 1 percevoir des qualités diverses au sensorium , suivant les qua- lités propres des portions de l'organe de ce dernierl avec lesquelles les difTérens nerfs sensoriels sont en connexion. Le problème nous paraît insoluble pour le moment : il se lie à la question de savoir s'il y a une différence de qualité entre les fibres nerveuses sensorielles , motrices et organiques , si elles ne diffèrent les unes des autres que par la manière dont le courant elles oscillations du principe nerveux s'opèrent dans leur intérieur, ou si la diversité de leur>action tient uniquement aux parties vers lesquelles elles se rendent. On a vu précédem- ment tout ce qu'il est permis aujourd'hui de dire à cet égard. Ce qu'il y a de certain , c'est que certaines parties centrales du cerveau participent aux énergies spéciales des sens ; car une compression exercée sur l'encéphale donne lieu à la sen- sation de la lumière. La paralysie complète de la rétine ne détruit pas la possibilité d'images lumineuses déterminées par des causes internes. Un homme dont l'œil avait été vidé , et que Humboidt galvanisait, n'en apercevait pas moins de ce côté des phénomènes de lumière. Liocke rapporte qu'un ma-^ lade auquel il avait fallu extirper un œil devenu cancéreux , vit le lendemain toutes sortes de phénomènes lumineux sub- jectifs , qui le tourmentèrent au point de faire naître en lui l'idée qu'il les apercevait réellement avec ses yeux ; en fer- mant l'oeil sain , il voyait flotter devant son orbite vide des images diverses, des lumières, des cercles de feu, des person- nages dansans ;ce symptôme persista pendant quelques jours. De même , certaines personnes qui ont perdu toute apti- tude à percevoir les impressions extérieures sur les membres, y éprouvent parfois des sensations, même de vives douleurs. Il est probable qu'ici également les organes centraux sont la cause d^ ces sensations , et comme les énergies sensorielles spéciales appartiennent à certaines parties du sensorium , la question se réduit à savoir si les conducteurs des impressions extérieures , c'est-à-dire les nerfs , participent ou non à ce^ 25a DES SENS. propriétés. Il ne nous est pas possible d'y répondre aujour- d'hui , car les faits s'expliquent tout aussi bien dans Tune que dans l'autre hypothèse. On ne peut pas considérer comme une preuve de la participation des nerfs eux-mêmes et des énergies sensorielles déterminées, que des causes internes donnent souvent lieu à des sensations qui se propagent vers la périphérie , puisqu'il arrive fréquemment aussi aux affec- tions des parties centrales du système nerveux de se trahir par des symptômes dont le siège est rapporté à l'extérieur. VIII. Les nerfs sensoriels ne sentent immédiatement que leurs propres états ^ ou le sensorium sent les états des nerfs senso- riels; mais comme ces derniers^ en leur qualité de corps ^ par- ticipent aux propriétés d^ autres corps , comme ils occupent de V étendue dans V espace , quun ébranlement peut leur être com- muniqué y et qu'ils sont susceptibles d''éproin^er des changemens chimiques de la part de la chaleur et de l* électricité, il suit de là que , quand ils tiiennent à être modifiés par des causes exté- rieures, ils indiquent au sensorium^ non seulement leur état propre^ mais encore les qualités et les changemens du monde extérieur y et cela d'une manière propre à chaque sens , en rai- son de ses qualités ou de ses énergies sensorielles. Les qualités qui naissent , comme sensations, du conflit entre les nerfs sensoriels et les organes des sens , sont la sen- sation de la lumière , de la couleur, du son , de l'amer, du doux , du fétide , du fragrant , de la douleur, du plaisir, du froid, du chaud. Celles qui peuveni être déterminées entiè- rement par des causes du dehors , sont l'étendue , le mouve- ment progressif, le mouvement vibratoire, le changement chimique. Tous les sens ne conviennent pas également pour commu- niquer au sensorium l'impression de l'étendue dans l'espace. Le nerf optique et le nerf tactile indiquent cette étendue , parce qu'ils sont susceptibles de sentir exactement la leur propre. C'est dans le sens du goût que cette sensation existe NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 255 au degré le plus vague , et néanmoins elle s'y trouve, car on lui doit de pouvoir déterminer retendue d'une saveur douce , amère , nauséeuse , sur la langue , au palais et dans la gorge. Le sens du toucher et celui de la vue sont ceux qui distinguent Tespace avec le plus de netteté. La membrane nerveuse du nerf optique a une texture qui la rend parfaitement appropriée à ce genre de perception; car, d'après la découverte de Tre- viranus , les extrémités des fibres nerveuses sont disposées de telle sorte , dans la rétine , qu'elles finissent par en traver- ser perpendiculairement toute l'épaisseur, et que leurs extré- mités papilliformes serrées les unes contre les autres repré- sentent une membrane constituée en manière de pavé ou de mosaïque. Du nombre de ces extrémités dépend la netteté avec laquelle l'espace est distingué par le sens de la vue ; car chaque fibre représente un champ plus ou moins visible dans une impression commune simple que ces fibres communiquent au sensorium. La distinction de l'espace par le sens du tou- cher est bien plus étendue , à la vérité , que celle par le sens de la vue ; mais elle a beaucoup moins de précision , et des portions considérables de la surface du corps ou de la peau sont souvent représentées dans le sensorium par un petit nom- bre seulement de fibres nerveuses; d'où il arrive, ainsi que l'a fait voir E.-H. Weber, qu'il y a certaines parties de notre corps où deux points de la peau assez distans l'un de l'autre ne sont sentis que comme un seul point. Quoique les sens de la vue , du toucher et goût soient tous trois aptes à sentir l'es- pace , la qualité de ce qu'ils sentent comme tel varie dans chacun d'eux suivant les qualités des nerfs ; dans le premier cas , c'est une image , dont la qualité est la lumière ; dans le second, une sensation de l'espace, dont la qualité peut être Tune des innombrables modifications du toucher comprises entre la douleur, le froid , le plaisir , la chaleur ; dans le troisième, une sensation de l'espace, avec appréciation d'une saveur. , La cause extérieure qui existe dans le sens , la sensation ifi54 ^*S SENS. avec étendue dans l'espace , peut être difféiente. Pour l'op- gane de !a vue, c'est ordinairement ia lumière ; mais ce peut être aussi un choc qui détermine une sensation lumineuse dans cet organe. En effet , lorsqu'une partie seulement de la rétine est comprimée , il ne se produit non plus qu'un champ lumi- neux correspondant à cette partie , et qui occupe un emplace- ment déterminé dans le champ visuel. L'électricité elle-même peut occasioner dans l'œil des images de forme détermi- née, comme des hgnes de feu , dont la situation varie suivant celle des pôles , sujet sur lequel je reviendrai plus tard. Dans l'organe du toucher, la lumière produit bien aussi la sensa- tion de rétendue des parties échauffées par le soleil qui pro- jette sur elles ses rayons ; mais , en général , les impressions qui nous informent des corps situés hors de nous par l'inter- médiaire de ce sens , sont le contact , le frottement, le choc, la pression ou la communication de vibrations qui alors se font sentir à nous comme tremblement. C'est par l'organe du toucher qu'à la suite des impressions mécaniques nous ac- quérons les premières et les plus importantes notions sur la forme et la pesanteur des corps , dont le jugement ne tarde pas à faire usage pour expliquer les intuitions des autres sens. Des membres entiers , la plupart même des parties de no- tre corps étant pénétrés de nerfs sensiiifs , il résulte de là que le sens du toucher a la possibilité de distinguer l'étendue de notre propre corps dans toutes les dimensions ; car chaque point où aboutit une fibre nerveuse est représenté dans le sensorium comme partie intégrante de l'espace. Il peut arri- ver aussi , dans le conflit de notre corps avec d'autres, quand le choc est assez fort , que la sensation soit excitée jusqu'à une certaine profondeur de notre corps , ce qui donne lieu à la sensation d'une contusion dans toutes les dimensions du cube. Mais ordinairement les trois sens qui indiquent l'étendue des objets dans l'espace ne nous font percevoir que des surfaces, parce que ce sont les surfaces des parties riches en nerfs que NOTIONS PRÉLTMINAIRES. 255 le conflit affecte. Cependant ici le sens du toucher a cet avan- tage sur celui de la vue , que les parties palpantes peuvent s'appliquer en plusieurs directions autour d'un corps , et quoi- que raéme alors la sensation , considérée en elle-même , soit toujours celle d'une étendue en surface, c'est-à-dire celle des surfaces de notre corps qui correspondent aux surfaces de l'objet extérieur , néanmoins l'imaginalion , d'après les roouvemens nécessaires pour embrasser ce dernier, complète ce qui manque à la sensation des surfaces pour devenir Tia- tuition d'un solide. Le sens de la vue est moins différent du sens du toucher, sous ce rapport, qu'on ne l'admet communément. La seule chose qui lui manque pour l'égaler en tous points, c'est que l'œil puisse changer de place afin d'apercevoir d'autres surfa- ces de l'objet ; mais les déplacemens de notre corps suppléent à ce défaut. La sensation de l'étendue dans l'espace manque presque entièrement au sens de l'ouïe , parce qu'il ne sent pas non plus la sienne propre. Les causes de cette différence nous sont inconnues. La rétine sent sa propre étendue et son emplace- ment, sans même avoir besoin d'être le moins du monde af- fectée du dehors; elle les sent comme obscurité devant les yeux. L'organe de l'odorat sent distinctement au moins quelle est la partie du corps qui perçoit les odeurs , et quand celles- ci sont pénétrantes , il sent que le nez entier est envahi par elles, que nous n'en pouvons pas prendre moins qu'à plein nez. Dans l'ouïe, il n'y a nulle perception du heu où le son se fait entendre. La sensation du mouvement est double , comme le mouve- ment lui-même, c'est-à-dire progressive et vibratoire. La sensation du mouvement progressif a lieu de différentes manières dans trois sens , ceux de la vue , du toucher et du goût , c'est-à-dire dans ceux précisément qui ont la faculté de distinguer l'espace en général. De ces deux facultés, la pre- 256 DES SENS. mière dépend de la seconde , et n'en est qu'une simple con séquence. Une affection marche d'une partie de la rétine à une autre , et nous nous figurons le mouvement de l'image comme mouvement du corps. Il en arrive autant pour le sens du lou- cher. Celui du goût distingue également le mouvement de la saveur sur l'organe gustatif. Le perception du mouvement tremblotant ou vibratoire est possible dans plusieurs sens. C'est dans les sens de l'ouïe et du loucher que cet effet a lieu de la manière la plus pronon- cée. Mais la rétine et le nerf optique paraissent ne point y être étrangers non plus. Quant à ce qui concerne le sens de l'ouïe , les ébranlemens communiqués au nerf acoustique par l'appareil conducteur du son de l'organe auditif , et en dernier lieu par l'eau du laby- rinthe , ne sont entendus , lorsqu'ils se succèdent avec assez de rapidité , que comme un son dont l'élévation croît avec la vitesse des vibrations : quand ils sont très-lents, le nerf acous- tique, non seulement distingue leur expression commune comme son déterminé , mais encore aperçoit assez facilement quelque chose de leurs vibrations isolées, comme bruit. Les vibrations du corps qui produisent le son dans l'organe auditif sont senties par les nerfs tactiles de la peau comme tremblement , et souvent elles causent une impression totale de chatouillement lorsque le corps vibrant, par exemple un diapason , se rapproche de parties riches en faculté sensitive. Ces phénomènes sont parfaitement parallèles à ceux de l'or- gane auditif. De même que les chocs d'un corps font naître , dans l'ouïe , la sensation du bruit quand elles sont isolées , et celle du son lorsqu'elles se succèdent avec vitesse , de même aussi le nerf sensilif sent des tremblemens successifs , et en même temps , si les vibrations ont assez de rapidité , il éprouve la sensation particulière à l'organe du toucher, celle du cha- touillement. Au reste, les expériences avec lu roue de Savart et la sirène NOTIONS PRÉLIMINAIRES, 2 5^ de Cagniard-Latour prouvent que le mouveinent ondulatoire n'est point nécessaire pour donner lieu à l'affection de l'organe auditif, et qu'une succession rapide d'impulsions mécaniques produit un effet identique avec celui des vibrations. Dans la sirène, un courant d'air ou de liquide qui s'échappe par une ouverture est momentanément interrompu par chaque dent d'une roue qui tourne avec rapidité sur elle-même : les se- cousses qui résultent de là , et qui sont transmises à l'organe deTouïe , sont la cause des sons, dont l'élévation croît avec le nombre des interruptions dans un temps donné. Sous ce point de vue aussi , les effets des chocs d'un corps sur l'organe du toucher font parallèle aux phénomènes que présente l'or- gane auditif; car, lorsqu'il vient à être touché par un diapa- son vibrant , le nerf sensitif reçoit aussi une succession rapide de chocs , dont chacun , pris à part, n'aurait été point en état de produire la sensation du chatouillement. La faculté de distinguer le lemp», dans la succession des im- pressions , appartient à tous les sens ; seulement elle est très- prononcée dans le nerf acoustique , où elle a acquis un déve- loppement extraordinaire. L'instrument de Savart , dans lequel les sons résultent du frottement d'une roue tournante contre un corps , a fourni le moyen de déterminer avec plus de pré- cision qu'on n'avait pu le faire jusqu'alors , quels sont, parmi les sons , les plus aigus et les plus graves que l'oreille humaine ait l'aptitude de distinguer. Savart a montré que , quand la force est suffisante , on perçoit encore des sons qui corres- pondent à vingt-quatre mille chocs ou quarante-huit mille vi- brations simples par seconde. Deux chocs successifs ou quatre vibrations à la suite l'une de l'autre suffisent déjà pour for- mer un son appréciable , c'est-à-dire qu'un son qui , pour du- rer une seconde , exige mille chocs pendant ce laps de temps, devient perceptible alors même seulement qu'on n'entend que deux chocs , et peut être distingué d'un autre son qui aurait deux mille chocs et plus par seconde. D'où il suit que l'ouïe II, » j^ 258 DÏS SENS. peut distinguer jusqu'à un douze millièmes de seconde, puisque le son le plus aigu qu'il soit possible d'obtenir avec l instru- ment de Savart comporte vingt-quatre mille chocs par se- conde. L'œil peut bien communiquer l'image d'un corps vibrant au sensorium , et il distingue les vibrations lorsqu'elles sont irès-lentes; mais, dans ce cas, les vibrations ne sont point communiquées au nerf optique , de sorte que celui-ci les ré- pète de la même manière que peut le faire le nerf acoustique par son expansion sur les parties qui contiennent l'eau du labyrinthe. Le nerf optique ne se trouve pas dans des condi- tions telles qu'il puisse propager ou recevoir des vibrations de l'espèce de celles d'un corps sonore ; il faudrait pour cela que , à l'instar du nerf acoustique , il s'étalât sur des sacs membraneux pleins d'eau , entourés aussi de liquide à l'exté- rieur, et communiquant avec un appareil conducteur des vi- brations. Si le nerf optique était apte à percevoir les vibra- tions comme le nerf acoustique et le nerf tactile , une vibra- tion d'un corps, transmise par l'air à la rétine de l'œil , devrait y faire naître une sensation générale de lumière , comme elle en détermine une de son dans Torgane auditif. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les secousses d'un diapason , quand l'instrument touche le bulbe de l'œil , ne sont pas suffisantes pour exciter la sensation spéciale du nerf optique dans l'ob- scurité. La cause peut tenir à la faiblesse des secousses , ou à leur lenteur. Peut-être la faiblesse des secousses , qui n'a- gissent pas immédiatement sur la rétine, est-elle le point ca- pital ; car un choc violent imprimé à la partie de l'œil où se trouve la rétine , donne lieu à la sensation de la lumière. Peut- être aussi des chocs , même très-faibles, excitent-ils cette sensation , lorsque , se répétant avec une bien plus grande rapidité, ils portent sur la rétine elle-même. C'est sous ce point de vue que se placent les effets sur l'œil de la lumière ex- térieure , dont Taclion mécanique par des oscillations est celle NOTIOMS PRÉLIMINAIRES. ^^^ qui réunit le plus de probabilités en sa faveur dans l'état pré- sent de la physique. Newton s'était déjà servi de la théorie des ondulations de la lumière pour expliquer la vision. Dans cette théorie , les couleurs sont attribuées à la vitesse des vi- bration et des ondes lumineuses. Les ondes lumineuses qui produisent la sensation du bleu sont les plus courtes. Suivant Herschel , leur longueur est de 16,7 millionièmes de pouce anglais , et leur nombre de sept cent vingt-sept billions par seconde. Les ondes lumineuses du rouge sont les plus longues ; leur longueur est de 26,7 millionièmes de pouce , et leur nombre de quatre cent cinquante-huit billions par seconde. Les vibrations des corps qui produisent des sons sont beaucoup plus lentes. La colonne d'air du tuyau d'orgue de trente-deux pieds fait trente-deux vibrations par seconde. Selon Savart , on peut déjà apprécier des sons qui résultent de sept à huit coups par seconde , et quand chaque vibration fait une im- pression d'un seizième de seconde. Nous sommes informés de certains effets chimiques par plu- sieurs sens, principalement par l'odorat, le goût, le toucher, dont chacun nous les exprime au moyen de son énergie spé- ciale. A la vérité , c'est sur l'odorat qu'agissent avec le plus de force les corps volatils qui exercent une influence chimique sur les nerfs , et ce sens éprouve l'action de plus d*une sub- stance qui ne fait aucune impression sur ceux du goût et du toucher, comme sont beaucoup de matières odorantes, en particulier les émanations des métaux , du plomb , de beau- coup de minéraux , etc. Mais , en général , on ne peut pas dire qu'il n'y ait que l'organe olfactif qui perçoive les sub- stances volatiles ; car celles-ci peuvent également agir sur les organes du toucher et du goût quand elles sont de nature à exercer une action chimique sur eux , et qu'elles se dissolvent dans les liquides qui les couvrent. Certaines substances vola- tiles agissent avec beaucoup de violence sur les nerfs sensitifs de quelques membranes muqueuses , par exeaiple de la con- â6o E>ES SENS. jonciive , de la muqueuse pulmonaire , et n'y font naître que de simples impressions tactiles ; telles sont les émanations du raifort et de la moutarde ; tels sont encore les gaz acres et suffocans. Il y en a beaucoup aussi qui excitent vivement l'or- gane tactile de la peau dénudée de son épiderme , et qui y provoquent la manifestation des qualités propres aux nerfs du toucher, comme de Tardeur, des douleurs, etc. On ignore si les liquides peuvent agir sur Torgane olfactif de manière à y provoquer la sensation des odeurs. La situa- tion cachée de cet organe rend assez rares les occasions de faire des expériences à ce sujet. Quoique jusqu'à présent on n'ait encore jamais rien observé de semblable chez l'homme , nous ne sommes cependant point en droit de nier à priori que la chose puisse avoir lieu , puisque les émanations volatiles sont obligées de se dissoudre dans l'humidité des surfaces muqueuses , avant d'agir sur les nerfs olfactifs. D'ailleurs les Poissons nous offrent l'exemple d'animaux qui flairent des substances dissoutes , et je ne vois aucune difiSculté à admet- tre qu'un animal puisse sentir les liquides dans les qualités des nerfs olfactifs tout aussi bien que dans celles des nerfs gustatifs. Entre flairer dans l'air et flairer dans l'eau , il y a le même rapport qu'entre respirer' dans l'air et respirer dans l'eau. Les liquides déterminent dans les nerfs , tant de Torgane du toucher que de l'organe du goût , des modifications chimi- ques que chacun de ces nerfs sent d'une manière différente. La moutarde agit tout autrement sur la peau que sur la lan- gue : il en est de même des acides , des alcalis , des sels. A la vérité, l'action chimique de ces substances doit être la même partout 5 mais la réaction varie suivant les forces qui animent les nerfs. A la langue, les deux genres d'effets ont lieu très- probablement dans des nerfs différens , et peuvent être ex- cités par une même substance. De tous les nerfs, celui du goût est le plus exposé aux actions chimiques , et le plus susr NOTIONS PÎIÉI.IMÎNAIRES. 561 ceptible de ressentir les moindres modifications de la consti- tution chimique des corps. Les états dans lesquels les nerfs du toucher sont mis par les actions chimiques , présentent infini- ment moins de variétés quant au mode de sensibilité tactile ; à Ja peau du moins, ces nerfs sont garantis par l'épiderme de l'impression des agens chimiques. Par leur conflit avec les agens chimiques du dehors , les trois sens inférieurs , l'odorat , le goût et le toucher, jouent un rôle important lorsqu'il s'agit de distinguer et de recon- naître les substances , quoiqu' aucun d'eux ne nous fournisse la moindre donnée relativement aux propriétés intimes des corps. Les impressions ne sont même ni constamment identi- ques quand elles proviennent de corps ayant la même consti- tution chimique , ni constamment différentes lorsqu'elles] sont dues à des corps dont la composition chimique diffère. Les sens supérieurs ne sont point exposés à l'action des modificateurs chimiques du dehors , d'où il faut bien se gar- der néanmoins de conclure que les sens inférieurs sont seuls susceptibles de la ressentir. Une différence fort importante entre les sens est celle qui naît de la manière dont ils nous informent de la distance des corps. A proprement parler tous n'indiquent que ce qui a lieu immédiatement et présentement en eux. L'œil ne sent rien des corps éclairés; il est rencontré par les extrémités des rayons lumineux qui parviennent jusqu'à lui , et il sent les points de la rétine que ces rayons affectent. L'organe auditif ne sent rien des corps vibrans , et il ne sent que les chocs qui lui sont communiqués à l'occasion de leurs vibrations. Mais l'imagination ne tarde pas à acquérir un empire tel , dans les actes du sens de la vue , que ce sens nous semble agir en de- hors, que les objets eux-mêmes prennent la place de leurs images superficielles , et que l'image d'une région qui a pour espace l'encadrement d'une croisée , devient pour nous Tin- tuilion des objets voisins et éloignés eux-mêmes. Dans les # â8â DES SENS. sens inférieurs, rimagination n'a pas le pouvoir de clianger à ce point la sensation : nous en transportons bien aussi le con- tenu aux objets; mais comme les objets excitent les sensations du toucher et du goût par leur contact immédiat , la réflexion nous procure sur-le-champ la conscience du plus ou moins de certitude avec laquelle l'affection de nos organes permet que nous admettions telle ou telle propriété dans les corps mis en contact avec eux. IX. Il n'est pcLS dans la nature même des nerfs de placer nc- tuellemenl hors d" euw le contenu de leurs sensations ;l'imag%^ nation instruite par l'expérience , qui accompagne nos sensa^ tions , est la cause de ce déplacement. Pour connaître l'action première et spontanée des sens, in- dépendante de toute éducation , il faudrait que nous pussions avoir un souvenir parfait de nos premières impressions senso- rielles , indépendamment de toute idée acquise par elles : or cela est impossible , car, même chez Tenfant , les premières impressions que ses sens reçoivent, sont déjà accompagnées d'idées. Le seul moyen qui nous reste est d'examiner les ac- tes de la sensation et de la représentation , eu égard à leur contenu. En analysant l'opération de l'esprit qui a lieu pen- dant l'exercice d'un sens, nous trouvons deux oppositions; le sujet poissédaiit la faculté de sentir et la conscience de soi- même , pour lequel les états de son corps , dus à des causes internes ou externes, deviennent des objets immédiats , et ie monde extérieur avcclequelle corps de ce sujet entre en con- flit. Pour là conscience, pour le moi , toute sensation , toute modification déterminée par une cause du dehors, toute passion , est déjà une chose extérieure. Le moi s'oppose comme sujet libre aux sensations les plus violentes, aux douleurs les plus aiguës. Le membre qui nous cause de la douleur peut être enlevé sans que le moi en ressente aucune atteinte, et celui-ci peut perdre la plupart des membres de l'organisme , sans pour cela cesser d'être ce qu'il était aupâ- NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 265 ravant.Mais, en se plaçant sous ce point de vue de l'idéalisme, il n'y a point encore de distinction faite entre cet extérieur que nos membres vivans représentent, par rapport au moi, à la conscience , à l'âme , et cet autre extérieur constitué par les corps qui entourent le nôtre. C'est dans le sens du toucher qu'on parvient le plus facilement à reconnaître comment celte distinction s'établit , et il est aussi le premier de tous qui entre en conflit actif avec le monde extérieur. Si nous supposons un être humain qui , sans jamais avoir éprouvé une seule sen- sation visuelle, comme l'enfant dans la matrice, n'ait eu que de simples sensations tactiles dues à des impressions faites du dehors sur son corps , la première idée vague et confuse ne pourra être que celle du moi modifiable, par opposition avec quelque chose qui le modifie. La matrice , qui oblige l'enfant à garder une situation déterminée , et qui provoque en lui des sensations , est à cette époque la cause immédiate de la conscience qu'il acquiert de cette opposition. Mais comment se produit celle de deux extérieurs, celui que les membres du propre corps de l'enfant constituent , eu égard à son moi , et celui du véritable monde extérieur ? Ce phénomène a lieu de deux manières. D'abord, l'enfant est maître des mouvemsns de ses membres , et les membres qu'il meut de sa propre vo- lonté , il les sent comme des instrumens soumis à son moi : au contraire , il n'est pas maître de la résistance que lui oppose son entourage, et cette résistance lui procure l'idée d'un ex- térieur absolu. En second lieu , les sensations diffèrent sui- vant que deux parties de son corps se touchent l'une l'autre , produisant ainsi une double sensation dans les parties mises en contact, ou suivant qu'une partie de son corps perçoit seulement la résistance du dehors. Dans le premier cas, celui, par exemple , où un bras touche l'autre , la résistance est le propre corps de l'enfant lui-même, et le membre qui l'op- pose n'éprouve pas moins de sensation que l'autre membre qui touche : les membres , tout à la fois , sentent et sont ob- 264 ^ES SENS. jets extérieurs de sensation. Dans le second cas , ce qui porte obstacle procure à la conscience la notion d'un objet exté- rieur qui n'appartient pas au corps vivant, le membre qui touche n'éveille pas l'idée d'une partie soumise au moi et ap- partenant au tout vivant. Il naîtra donc dans l'enfant la notioa d'une résistance que son propre corps peut opposer à d'autres parties de son corps, et en même temps celle d'une résistance qu'un extérieur absolu peut 'offrir aux parties de son propre corps. Dès-lors la notion d'un monde extérieur, comme cause de sensations, existe. Quoique l'être animal ne sente jamais immédiatement que sa propre personne , ses nerfs affectés , sa peau affectée, la sensation des causes extérieures devient dès-lors inséparable de celle du toucher. La sensation de tout homme adulte en est à ce point. Quand nous posons la main sur une table, nous avons bien sur-le-champ la conscience, en y réfléchissant , de sentir seulement la partie de notre main qui touche la table , et non celle-ci elle-même ; mais , si nous n'y réfléchissons pas , nous confondons de suite la sensation de la surface touchée de notre peau avec l'idée de la résistance , et nous prétendons hardiment que nous sen- tons la^table elle-même , ce qui n'est pas vrai. Si nous prome- nons la main sur cette table , il naît en nous l'idée d'un corps plus grand que celui qui pourrait être couvert par elle. S'il faut, pour embraser la résistance , que la main se meuve en diverses directions , nous acquiérons l'idée de surfaces qui sont placées en différens sens , et par conséquent d'un corps extérieur remplissant une certaine étendue de l'espace. La sensation que nous avons des mouvemens de muscles néces- saires pour cela , est la cause prochaine de cette notion du corps extérieur, car la première idée d'un corps étendu ou remplissant l'espace naît de la sensation de notre propre cor- poraliié. Notre propre corporalité est la mesure d'après la- quelle nous jugeons, dans ce qui a rapport au toucher, de l'étendue de tous les corps qui nous opposent de la résistance. NOTIONS PRELIMINAIRES. 565 La question de savoir si Tidée de l'espace existe primordiale- ment dans le sensorium , et influe sur toutes les sensations , ou si elle se produit d'une manière successive par le fait de l'expérience , peut être passée ici sous silence. Noms y re- viendrons lorsque nous traiterons des fonctions de Târae. Ce qu'il y a de certain , c'est que si l'idée de l'espace n'existe pas primitivement dans le sensorium, de manière à n'être qu'éveillée et appliquée quand nous sentons , elle doit naître expérimentalement dès les premiers momens que le sens du toucher entre en exercice. L'idée vague d'un corps sentant , opposé au monde exté- rieur et remplissant lui-même l'espace , et celle de l'étendue des choses extérieures dans ce même espace , existent déjà , ont même acquis un certain degré de lucidité , avant que le sens de la vue entre en action , au moment de la naissance. Elles rendent promptement intelligibles les sensations du sens de la vue, auxquelles l'individu ne tarde pas à faire l'ap- plication des notions qu'il a déjà acquises. Il est extrêmement difficile , sinon même totalement impos- sible, de se figurer avec quelque vraisemblance comment l'enfant juge les premières impressions qu'il reçoit sur sa ré- tine , et de décider s'il considère l'image formée dans l'œil comme une partie de son corps ou comme une chose hors de lui. Dans tous les cas, il ne peut y avoir croyance à l'identité de l'image avec le moi : car, de même que la douleur et tout ce qui est senti , elle constitue un objet opposé à ce moi , au sujet. Mais c'est une autre question que celle de savoir si elle est réputée partie intégrante du corps vivant , ou chose située hors du corps , à distance de lui. On a souvent prétendu qu'il est dans la nature du sens de la vue que le sujet ne se repré- sente pas la sensation dans l'endroit où elle a lieu , comme il le fait par le sens de la vue , que la réiioe ne se perçoit pas elle-même à léiat de sensation , et que celle-ci est rapportée non pas au lieu même de la rétine , mais loin de là , à l'en- {|66 DES SENS. droit où se trouve un objet. Cependant on ne saurait donner la preuve de ces assertions ; car Tobscurité devant les yeux fermés ,• qui est la sensation du repos et de l'état non excité de la rétine , n'est sentie non plus qu'au devant des yeux , par conséquent au lieu où se trouve l'organe sensible , et elle ne Test jamais ni derrière nous, ni sur les côtés, ni à distance. Mais ce champ visuel obscur des yeux fermés est précisé- ment la table rase sur laquelle tous les contours des formes visibles se dessinent ensuite comme affection de parties dé- terminées de la rétine. Si les idées des objets extérieurs, comme causes de la sensa- tion au moyen du sens de la vue , n'étaient pas déjà nées, le premier exercice de la vue devrait être suivi du même acte que nous avons vu succéder au premier exercice du loucher. Les affections de la rétine apparaîtraient au moi comme objet opposé à lui , mais d'une manière vague , et sans qu'on sût si elles ont lieu hors du corps vivant ou en lui. Mais l'enfant vient au monde avec une idée confuse et de son propre corps et des choses extérieures , avec l'idée de la réalité de ces der- nières comme causes de sensations* Il confond déjà la sensa- tion et ridée de l'objet de la sensation. Voici ce qui doit se passer ensuite , autant du moins qu'il est permis de le conjec- turer. Les images des objets sont réalisées en surface dans la ré- tine , qui n'a elle-même d'étendue qu'en surface. Elles ne procureront donc que l'idée d'une surface, sans en faire naître aucune de proximité, d'éloignement, ni de corporalité. Quelque promptement que l'enfant les établisse hors de lui, ce sont pour lui des surfaces placées à une certaine distance , et il cherche à saisir les plus éloignées comme les plus rappro- chées : il veut prendre la lune. L'aveugle-né à qui Chesel- den rendit la vue par l'opération , voyait toutes les images comme si elles eussent été étendues sur une surface, quoique le sens du toucher eût développé en lui des idées très-nettes NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 267 du monde corporel : il lui semblait que les objets pénétras- sent en lui. La distinction entre les images du monde extérieur et celle du propre corps, qui se représente avec le monde extérieur dans le cadre du champ visuel , aura lieu de la manière sui- vante. Une partie de notre corps projette une image dans notre œil , comme le ferait un objet du dehors. Cette partie de notre corps visible à nous-mêmes avec les objets exté- rieurs , est plus ou moins grande selon sa situation : elle peut être une portion considérable ou faible du tronc ou des mem- bres; quanta notre tête, Timage projetée sur notre rétine n'en contient qu'une très-petite partie , savoir les surfaces et Je bout du nez , les sourcils abaissés et les lèvres. Cette image de notre corps occupe régulièrement , dans presque toutes les impressions visuelles , une place déterminée à la partie supérieure, moyenne, inférieure,. du champ visuel: elle demeure constante, tandis que les autres images varient continuellement. Ainsi, l'enfant distingue bientôt l'image de son propre corps , qui est constante , de celles qui se déplacent suivant les mouvemens du corps et des yeux. Les mouvemens de cette image de son corps ne tardent pas à lui procurer plus sûre-^- ment encore l'idée de son propre corps , par opposition aux corps absolument extérieurs. Car, à ces mouvemens qu'il voit dans l'image de la rétine correspondent des mouvemens réels et intentionnels du corps lui-même. Les sensations tactiles qu'il a de son corps se combinent avec les sensations visuelles qu'il en acquiert. Lorsqu'il ^touche une partie de son corps avec sa main, il voit , dans l'image de la rétine , cet acte ac- 4îompli aus«i par le corps, puisque l'image de la main y iouche l'image du corps. De celte manière les idées devien- fient tellement arrêtées, pour les sensations visuelles, que BOUS ne nous contentons pas de placer hors de nous l'image, qui ne consiste essentiellement qu'en un assemblage d'âffec- 268 DES SENS. lions de'parties aliquotes de notre rétine, et que nous con- fondons complètement ce que nous sentons avec les objets , malgré les différences de grandeur. Il y a plus encore: le champ visuel , qui n'est qu*une sur- face , ne tarde même pas à devenir , dans la représentation , un espace étendu en toutes directions. Car, à chaque mouve- ment de notre corps, à chaque pas fait en avant, les formes des images changent , ce qui était éloigné se rapproche de nous , et ce qui était proche nous présente d'autres côtés. Ce déplacement des images dans Torgane visuel , pendant la lo- comotion de notre corps, doit produire en nous le même effet que si nous marchions entre elles ; car l'image de notre propre corps se rencontre , pendant le mouvement , avec des images d'objets extérieurs qui changent à chaque instant, et la loco- motion est la cause de ces déplacemens. Concluons de tout ce qui précède que la faculté de rappor- ter au dehors ce dont nous avons la sensation , est un résultat du concours de l'imagination et des nerfs , et non l'effet du sens seul , qui , livré à lui-même , ne sentirait autre chose que ses affections. X. Non seulement l'âme reçoit le contenu, des sensations ac- quises par les sens , et les interprète de manière à produire des représentations ou des idées , mais encore elle a de Vinfluence sur ce contenu , en donnant plus de précision et de netteté à la sensation. Cette intention peut s'' isoler , pour les sens qui dis- tinguent V étendue:^ aux diverses parties de V organe sensible ^ et pour ceux qui distinguent le temps ^ aux divers actes de la sensation. Elle peut aussi faire acquérir à un sens la prépon- dérance sur les autres. L'attentionné saurait se consacrer à un grand nombre d'im- pressions à la fois. Si plusieurs ont lieu en même temps , leur netteté diminue en raison de leur multipliciié, ou l'âme n'en perçoit qu'une bien diï>linctement , et n'a qu'une noiion con- fuse des autres, ou même n'en est point du tout informée. Si NOTIONS PRÉLIMINAIRES, 2.6g l'attention est détournée des nerfs sensoriels , et] que l'âme soit plongée dans la méditation ou absorbée par des passions profondes , les sensations des nerfs demeurent complètement indifférentes au moi , qui ne s'en aperçoit pas , c'est-à-dire qui n'en a pas la conscience, qui du moins en a une si faible , que l'âme ne peut point s'y arrêter, à cause de la prédomi- nance d'une idée fixe , ou qu'elle ne s'en souvient qu'au bout d'un certain laps de temps , quand l'équilibre est rétabli , quand l'idée qui l'occupait a en quelque sorte abandonné lé plateau de la balance. On conçoit aisément, d'après cela , le degré de perfection que certains sens peuvent acquérir, lorsque d'autres demeurent dans une inaction absolue : l'atten- tion , alors , ne se trouve plus partagée entre plusieurs sens , et elle se consacre tout entière à l'analyse des sensations de celui qui l'occupe. Le toucher est tellement perfectionné chez les aveugles , qu'ils distinguent sans peine de très-petites as- pérités , par exemple les reliefs d'une pièce de monnaie , et qu'ils parviennent même quelquefois à distinguer le corps ou le grain d'une couleur de celui d'une autre. Mais l'intention analyse aussi les détails d'une sensation. Comme l'âme n'est pas capable de consacrer la même attention à toutes les parties d'un point affecté de la peau, la sensation de ces parties ne devient nette que d'une manière successive, par le transport de l'attention d'une portion des fibres ner- veuses à d'autres. L'intention peut faire qu'une faible sensa- tion de prurit dans un point de la peau du visage acquière un degré extraordinaire d'intensité fatigante et de durée , taudis qu'elle se dissipe d'elle-même lorsqu'on parvient à l'oublier, La même chose a lieu pour l'organe de la vue. Si l'on voulait consacrer son attention à l'étendue entière du champ d'une sensation visuelle, on ne verrait rien d'une manière nette. L'intention se porte tantôt sur un point , tantôt sur un autre ; elle passe successivement en revue les détails de la sensation, et ce sur quoi elle s'appesantit est toujours mieux vu que le a^O DES SENS. reste de la même sensation. 11 ne faut pas entendre seulement par-là que le milieu de la rétine , où la sensation a le plus de vivacité , se tourne successivement vers diverses parties de Tohjet, de manière que le reste soit vu d'une manière indis- tincte; car, sans que l'axe visuel change , l'intention peut aussi se consacrer à la partie de la sensation visuelle qui est située sur le côté. Lorsque nous considérons une figure mathématique complexe , nous pouvons , Taxe visuel restant le même , voir successivement mieux les divers élémens dont elle se com- pose, et ne pas faire attention au)^ restes de la figure. Un carré traversé par des lignes nous cause une tout autre im- pression , suivant que nous devenons attentifs à telle ou telU partie de Tensemble ; nous pouvons nous occuper exclusive- ment d'un triangle , puis , au bout de quelques instans , arrê- ter notre attention sur une autre figure qui le traverse, et dont, tant que nous étions livrés à la contempler, nous n'a- percevions pas les linéamens, bien qu'ils existassent déjà. Les décorations de l'architecture , les rosaces , les arabesques , sont dans le même cas , et le charme de ces figures tient en grande partie à la puissance avec laquelle elles forcent notre attention à se promener , pour ainsi dire , sur les détails , ce qui semble leur donner pour nous une sorte d'animation. Il est vrai qu'en général , les deux yeux , quand ils jouissent de la même portée , voient simultanément ; mais l'intention peut rendre prédominante l'impression reçue par l'un d'eux, comme je le prouverai empiriquement par la suite ; on n'a pas de peine à démontrer, d'une manière péremptoire , que , quand nous regardons de nos deux yeux , une sorte de rivalité s'éta- blit entre eux, à notre insu , même dans les conditions les plus ordinaires de la vue ;, et que l'impression est toute diffé- rente après la rupture de l'équilibre. Je citerai, par exemple, l'expérience dans laquelle on regarde une feuille de papier blanc avec les deux yeux armés de verres d'une couleur di- verse; les impressions du bleuet du jaune se mêlent diflScile- .^i NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 27 I ment ensemble ; c'est tantôt le bleu et tantôt le jaune qui prédomine ; dans certains momens , on aperçoit des taches nuageuses bleues sur un fond jaune , ou des taches jaunes , de grandeur variable, sur un fond bleu: dans d'autres, l'une des couleurs règne seule et absorbe entièrement Tautre. L'apparition par taches d'une des couleurs sur l'autre prouve même que l'intention peut se partager entre une partie de la rétine d'un œil et certaines parties de la rétine de l'autre. Dans le sens de l'ouïe , qui ne distingue pas l'étendue comme ceux de la vue et du tact , mais qui a une sensibilité si délicate pour les divisions du temps , les effets de l'intention sonfdifférens. L'organe auditif distingue localement tout au plus que c'est l'une ou l'autre oreille qui entend , ou qui en- tend mieux , et alors il se peut très-bien sans doute que , quand les deux oreilles sont frappées de sons différens , Tat- tion se consacre davantage à l'une ou à l'autre impression. Mais ce qu'il y a d'admirable , c'est l'effet de l'intention rela- tivement à la distinction des sons faibles : d'ordinaire , les faibles sons accessoires ou harmoniques des cordes et autres instrumens de musique passent inaperçus ; or l'intention peut en rendre la sensation assez prononcée pour qu'elle nous frappe , et elle jouit de la même puissance à l'égard des moin- dres bruits. Une aptitude plus surprenante encore est celle de pouvoir, parmi les nombreux sons simultanés que fait entendre un orchestre , suivre à volonté ceux de tel ou lel instrument , qui , bien que plus faibles que les autres , diminuent alors l'impression de ces derniers sur notre organe. ^■ Avant de terminer cette introduction , j'ai encore à exami- ner la question de savoir si le nombre des sens est limité , et *'il ne peut pas y en avoir, chez certains animaux , d'autres que ceux qui appartiennent à notre espèce. On connaît l'illu- sion dans laquelle Spallanzani est tombé en attribuant un sens ' particulier aux Chauve-souris, parce qu'il les voyait, après la perte de leurs yeux , voler encore avec assez d'adresse pour 2'J2 £>ES SENS. éviter de se heurter contre les murailles. On sait aussi que certains auteurs ont accordé un sens spécial aux animaux pour expliquer l'espèce de pressentiment qu'ils ont des change- mens de temps. Gomme l'état de la pression atmosphérique , la quantité de vapeur aqueuse dans l'air, la température , l'é- lectricité , exercent une action considérable sur l'économie animale entière de notre corps , on conçoit très-bien la possi- bilité d'une telle influence de leur part , et même d'une plus prononcée encore , sur certains animaux : mais , dans quelque dépendance qu'un être vivant puisse être placé des variations du temps , il n'y a point pour cela , sous le rapport de la sen- sation , de nouveau sens chez lui. La constitution atmosphé- rique peut être sentie par les états du système nerveux en- tier, et surtout par les sensations des nerfs qui sont les plus nombreux , qui sont le plus exposés à son influence , les nerfs tactiles. Un sens spécial pour l'électricité n'est point ad- missible à priori; car l'électricité agit sur tous les sens, dont elle excite les énergies particulières. L'essentiel d'un nouveau sens ne lient pas à ce qu'il procure la perception d'objets ex- térieurs qui n'agissent point ordinairement sur les sens , mais à ce que les causes extérieures provoquent un mode spécial de sentir qui ne se trouvé pas encore contenu dans les sensa- tions de nos cinq sens. Un mode particulier de sentir dépen- drait des forces du système nerveux. Sans doute on ne saurait affirmer à priori qu'il n'existe rien de semblable chez aucun animal ; mais aucun fait connu ne nous autorise à penser le contraire , et d'ailleurs il est absolument impossible de rien apprendre touchant la nature d'une sensation sur d'autres que sur soi-même. On a voulu considérer comme une sorte de sens à part les sensations internes au moyen desquelles nous sommes infor- més des états de notre corps , l'espèce de sensibilité générale ou collective qui a reçu le nom de cœnœsthesis. Cette distinc- tion est vicieuse ; car les sensations que la sensibilité gêné- CONDITIONS PHYSIQUES DES IMAGES. ^^f) raie nous procure sont du même genre que celles de la peau, seulement plus vagues et plus confuses dans certains organes. Peu importe pour le sens qu'il soit exercé du dehors ou du dedans , et il n'y a pas de sens dans lequel nous distinguions les sensations objectives et les sensations subjectives comme deux choses essentiellement différentes l'une de l'autre. A la vérité , le mot de toucher n'exprime qu'un rapport par- ticulier du sens tactile , son rapport avec le monde extérieur ; mais le toucher n'amène à la perception que les énergies de ce sens , auxquelles servent partout les mêmes nerfs à racines doubles, les nerfs cérébraux et spinaux mixtes. Lorsqu'on veut signaler la mise en action de ce sens par la volonté , on dit palper, au lieu de toucher, tout comme , [pour rendre la même idée à l'égard des autres sens , on remplace les mots de voir, entendre , goûter et odorer, par ceux de regarder, écouter, savourer et flairer. Section première. Du sens de la vue. CHAPITRE PREMIER. Des conditions physiques des images en général. • [I. Espèces possibles d'appareils de vision. Des faits exposés dans les notions préliminaires^, il résulte que la lumière et la couleur sont des sensations du nerf op- tique et de la rétine , et que l'obscurité devant les yeux est la sensation du repos de la rétine , de son état de non-exciia- îion. Les sensations de la lumière et des couleurs naissent de l'obscurité de la rétine tranquille, toutes les fois que des par- II. ^ 2^4 ^ES CONDITIONS PHYSIQUES ties aliquotes de celte membrane sont excitées par un stimu- lus quelconque , interne (sang , etc.) ou externe ( pression, électricité, etc.)- ^'^ sensation de lumière change de place sur le champ visuel obscur, suivant le point irrité de la rétine. L'image produite par la pression d'un côté de l'œil fermé a son emplacement déterminé ; celle à laquelle donne lieu la pression de l'autre côté a aussi le sien , à Topposite du pré- cédent ; celles qui dépendent de la compression des parties supérieure et inférieure de la rétine sont également opposées. Lorsque le corps comprimant est petit , par exemple , une pointe mousse , et que par conséquent la pression n'a inté- ressé qu'une étendue peu considérable de la rétine , l'image lumineuse est petite aussi. Si , au contraire , la pression exer- cée sur les côtés de Tœil a une certaine largeur, comme celle qui résulte du bord d'un corps anguleux , l'image oflFre une étendue correspondante. Ces images ne sont pas nettement tranchées , parce que la pression sur l'œil, à travers les pau- pières et les membranes oculaires , agit aussi jusqu'à un cer- tain point dans le sens de la largeur. Mais s'il était possible d'isoler parfaitement la pression et de ia réduire à des points déterminés de la rétine , on obtiendrait aussi , sans nul doute , des images bien délimitées, par fait de cause mécanique. Le principe impondérable qui a reçu le nom de lumière parce que les affections lumineuses de la rétine proviennent ordi- nairement de lui quand il affecte la rétine entière d'une ma- nière uniforme , produit en elle la sensation d'une lumière répandue sur tout le champ visuel , et remplace par un champ éclairé l'obscurité tranquille qui régnait devant les yeux. Mais si ce principe bienfaisant et homogène à l'excitation de la membrane nerveuse agit sur quelques portions seulement de cette dernière , les parties aliquotes irritées de la rétine re- présentent , dans la sensation , des images claires limitées , tandis que les parlies non irritées demeurent obscures, comme quand pn ferme les yeux. C'est ainsi qu'il devient possible de DES IMAGES EN GENERAI. 275 voir des corps , soit que ceux-ci fournissent directement ce principe et brillent par eux-mêmes , soit que , dépourvus d'é- clat propre , mais recevant la lumière d'autres corps lumi- neux , ils la reflètent en raison de leur opacité , et la rejètent ainsi dans Tœil qui la sent. La sensation de lumière naît alors dans un point déterminé de l'œil , et l'on croit avoir devant soi le corps , qui ne fait cependant que réfléchir le principe excitateur de cette sensation , après l'avoir reçu d'ailleurs» Mais , pour que la lumière projeté sur la rétine l'image des objets d'où elle part , il faut que celle qui provient de parties déterminées des corps extérieurs , soit immédiatement , soit par réflexion, ne mette non plus en action que des parties correspondantes de la rétine , ce qui rend nécessaires cer- taines conditions physiques. La lumière qui émane d'un corps lumineux se répand en rayonnant dans toutes les directions où elle ne rencontre pas d'obstacles à son passage : un point lumineux éclairera donc une surface tout entière , et non un point unique de cette surface. Si la surface qui reçoit la lu- mière irradiante d'un point est la surface nue de la rétine , la lumière de ce point fait naître la sensation de lumière dans la totalité , et non dans une partie seulement de la membrane nerveuse , et il en est de même pour tous les autres points lu- mineux qui peuvent illuminer en rayonnant la rétine. Suppo- Fig- 5. sons que A soit la surface concave de la ré- tine ; la lumière rouge de a éclairera toute cette membrane ; la lumière incolore de h fera de même , ainsi que la lumière jaune de c , de sorte que la rétine entière A verra rouge , blanc et jaune , c*est-à-dire que chacun de ses points sera stimulé à la fois ir"" par de la lumière rouge , blanche et jaune ; l'impression ne pourra correspondre aux points diversement colorés a, i6, c; elle sera mixte , et produite par le mélange du rouge , du blanc et du jaune , sans que a, *, c puissent être ajG DES CONDITIONS PHYSIQUES distingués comme points séparés. Il en sera de même si la ré- tine est convexe en dehors , comme chez les Insectes et les Crustacés. Ainsi une rétine nue, sans appareil optique sépa- rant la lumière , ne verrait rien de déterminé : il lui serait possible seulement d'apercevoir la clarté du jour en général et de la distinguer des ténèbres. En conséquence , pour que la lumière extérieure excite dans l'œil une image correspondante aux corps , il faut , de toute nécessité , la présence d'appareils qui fassent que la lu- mière émanée des points «, ^ , c... w agisse seulement sur des points de la rétine isolés , disposés suivant le même ordre, et qui s'opposent à ce qu'un point de cette membrane soit éclairé à la fois par plusieurs points du monde extérieur. Le résultat est possible de trois manières ; mais la nature n'a employé , dans la construction des yeux, que deux sortes d'ap- pareils de ce genre. ^'S- 6. ^0 Soit A le corps lumineux, G la rétine, B un plan intermé- L diaire entre A et G. Ce plan est opaque, et ne permet à la lumière de passer que par un trou situé en o, de sorte qu'à l'exception de cette ouverture , la rétine se trouve complètement à l'ombre. Les rayons lumineux de a , traversant o , n'apparaîtront qu'en a! de la rétine , les rayons lumineux de h , traversant o , n'ap- paraîtront également qu'en b\ et chaque point du corps a....b sera représenté en un point particulier de la rétine a'.,..b\ Car o et Z> , dans le corps A , sont des points mathématiques, tandis que a' et b\ dans la rétine éclairée , sont de petites sur- faces, qui ont d'autant plus d'étendue et rendent l'image d'autant moins nette, que l'ouverture o du plnn est plus DÉS IMAGES EN GÉNÉRAL. 2^7 grande. Plus l'ouverture o est petite, plus l'image est nette , mais plus aussi elle est obscure , car le volume du cône de lumière que chaque point a....b du corps envoie à celte ou- verture est en raison inverse de son diamètre. La nature n'a point fait usage de cet appareil , probable- ment parce que le résultat eût été trop faible , et qu'il n'eût été possible d'obtenir l'intensité de la lumière de chaque point qu'aux dépens de la netteté. 2'* Le second moyen de séparer les rayons lumineux pour produire une image sur la rétine , est celui sur lequel j'ai ap- pelé l'attention dès 1826. Au devant de la rétine sont dressés perpendiculairement , les uns à côté des autres , des cônes transparens , en quantité innombrable , qui ne laissent parve- nir à la membrane nerveuse que la lumière dirigée suivant le sens de leur axe , et absorbent , au moyen des pigmens dont leurs parois sont revêtues , toute celle qui vient les frapper ^*»' ^* obliquement. Soit A la ré- tine , représentant la sur- face d'une sphère , les cô- nes transparens B doivent se trouver dans les rayons de cette sphère. La lumière partie de a^h,c ^ d, ne peut envoyer jusqu'à la rétine que ceux qui sont placés dans la direction des rayons de la sphère. Ainsi, le point A, quoiqu'il éclaire toute la surface de l'œil, ne projette son image que dans le seul point a^ de la ré- tine ; celle de b ne se forme non plus qu'en b', celle de c qu'en c\ et celle de d qu'en d' .On voit que la netteté de l'image doit croî- tre en raison du nombre des cônes dressés sur la surface de la rétine, que quand il y a mille cônes, mille particules du champ visuel sont représentées dans l'image, et que si le nombre des rayons transparens est de dix mille , la netteté de l'image se trouve décuplée. Cette organisation, que la théorie indiquait 2^8 DES CONDITIONS PHYSIQUES comme mode possible de construction d'un organe visuel , je l'ai trouvée réalisée dans les yeux composés de tousles In- sectes et Crustacés. Il va sans dire qu'un tel organe doit avoir la forme d'une sphère ou d'un segment de sphère. Lorsque sa circonférence est assez déprimée pour se rapprocher d'une surface plane , les cônes implantés sur elle ont moins de di- vergence aussi, et l'œil ne correspond qu'à une petite partie du monde extérieur. Mais le champ s'accroît en raison directe de la convexité de l'œil , ou de la grandeur du segment de sphère. La représentation de l'image en plusieurs milliers de points séparés , dont chacun correspond à un petit champ du monde extérieur, ressemble à une mosaïque ; une mosaïque construite avec beaucoup d'art est la meilleure idée qu'on puisse se faire de l'image que les créatures douées d'un pareil organe acquièrent des objets du dehors. Ce mode de sépara- tion des rayons lumineux a l'inconvénient que la quantité de lumière qui vient frapper la rétine à travers un cône, est fort petite ; mais il paraît que, chez nous-mêmes, comme on peut le remarquer aux approches de la nuit , une quantité très- faible de lumière , une partie infiniment petite de la lumière à laquelle nos yeux sont exposés pendant le jour, suffit pour la vue simple, pour celle qui ne tend pas à une appréciation minutieuse des détails ; d'ailleurs la nature semble s'être plus attachée , dans la fabrication de noire œil , à modérer la lu- mière , qu'à en accroître l'intensité ; la pupille la plus étroite suffit encore pour voir en plein jour. 3° Le procédé dont la nature s'est servi , dans l'appareil précédent, pour isoler sur divers points de l'organe la lumière émanant de points différons, consiste à exclure les rayons qui empêcheraient l'effet de se produire. Elle arrive au même but, avec bien plus de précision encore , et surtout avec une plus grande intensité de lumière , en obligeant à se réunir de nou- veau sur un même point les rayons divergens qui émanent d'un autre point. Mais il faut alors que l'organe sensitif se Fi2. 8. DES IMAGES EN GÉNÉRAL. 579 trouve précisément à l'endroit où les rayons aboutissent de nouveau à un même foyer, c'est-à-dire au sommet du cône lumineux» Cette condition , qui n'était point nécessaire dans le cas précédent , est ici de rigueur absolue. Supposons que le corps transparent A ait le pouvoir de réunir en un point a' la lumière qui éma- ne de a et l'éclairé tout en- tier, qu'il puisse également réunir en h' les rayons par- tis de Z>, qu'il ait enfin la faculté de réunir en chacun des points compris entre a' et h' les rayons émanés de tous ceux qui sont intermédiaires entre a et Z>, une image aussi parfaite que pos- sible de ah sera représentée en «'/>' , et elle sera vue en ce dernier lieu si la rétine s'y trouve. Mais l'image sera impar- faite si la membrane nerveuse est placée en avant ou en ar- rière de a'h\ par exemple en œ ou enjr *• car, dans ce cas , a, -& et tous les points intermédiaires entre a et 6 projetteront sur la rétine , non plus un point qui leur corresponde , mais une surface , et la lumière de toutes les surfaces se confondra en une image diffuse. Les corps qui ont le pouvoir de réunir ainsi la lumière sont les milieux transparens et réfringens, La forme la plus par- faite et la plus appropriée à l'organe visuel , qu'ils puissent avoir, est celle d'une lentille , comme je ne larderai pas à le démontrer. C'est ici le lieu de réfuter quelques fausses opinions qu'à fait surgir l'ignorance des conditions physiques nécessaires à la vision. On s'imagine assez souvent qu'il y a des animaux qui ont la sensation de la lumière par la peau. Nul doute as- surément que certains animaux inférieurs, qui réagissent con- tre l'influence de la lumière, soient dépourvus d'yeux. Rapp a observé qu'un Polype 2i^'^ç\é7'^eretillum cjnnomorium est très- sensible à la lumière , qu'il se contracte dès qu'il vient à en a8o DES CONDITIONS PHYSIQUES être frappé , et qu'il affectionne les endroits obscurs. Quant aux Hydres , les expériences de Tremblay, de Backer, de Hanow, de Roesel, deSchaeffer, de Gh. Bonnet, de Goeze n'ont point donné de résultat précis. Ingenhouss et Goldfuss assurent que la matière verte de Priestley s'accumule dans les lieux éclairés. Il est très-possible que la matière verte qui s'amasse ainsi dans les endroits frappés par la lumière consiste en un assemblage d'Infusoires vivans ; car beaucoup de ces animal- cules ont une teinte verte , et plusieurs même sont munis d'yeux , comme l'a constaté Ehrenberg ; mais ce qu'on nomme ordinairement matière verte de Priestley n'est souvent qu'un amas de corps morts d'Infusoires verts , tels que VEuglena viridis et autres. Quant à la réaction des animaux inférieurs privés d'yeux contre la lumière , aucun fait n'établit qu'en agissant sur la peau ou la surface entière du corps de ces êtres , le principe de la lumière ou les ondulations de ce principe produisent réellement la sensation de la lumière , et non une toute autre sensation. Notre peau nous fait sentir aussi quelque chose de ce principe , savoir la chaleur, mais elle ne nous la fait jamais sentir comme lumière , et , si nous voulons nous en tenir aux faits , il n'y a que le nerf optique qui soit capable de nous procurer cette sensation. Il est possible que, chez les animaux inférieurs privés d'yeux, les réactions contre la lumière soient du même genre. Les végétaux eux-mêmes réagissent avec assez de force contre elle, puisqu'ils la recherchent dans leurs expansions, et que leurs nouvelles pousses vont à sa rencontre. La nécessité de nerfs particuliers, et doués d'une sensibilité spéciale, pour procurer la sensation de la lumière, est prouvée aussi par l'existence réelle d^yeux chez un grand nombre d'animaux des classes les plus inférieures. Beaucoup d'Anné- lides, tels que plusieurs Néréides, diverses espèces d'Eunice, de Phyllodocc , de Spio , de Naïs , presque toutes les Hirudi- nées , \ Aphrodite he placera , ont des points oculaires de cou- ' DES IMAGES EN GÉNÉRAI. 28 1 leur foncée à la tête. Un genre voisin des Sabelles, et qui a été observé par Ehrenberg , Henle et moi , présente deux de ces points obscurs à l'extrémité postérieure et à l'extrémité antérieure du corps : il rampe aussi bien en avant qu'en ar- rière. E. H. Weber a fait voir que la Sangsue médicinale a dix yeux ponctiformes à la tête , et qu'on les distingue parfai- tement bien chez l'embryon de cet animal , donc le corps est encore transparent. Les Planaires portent , à la tête , des taches oculaires remarquables par leur pigment. Nitzsch , Du- trochet (1), Gruithuisen, Ehrenberg ont également aperçu des points oculaires chez plusieurs Cercaires etRotifères. Ehren- berg a constaté l'existence de ces points ou pigmens chez un grand nombre d'Infusoires, et chez les Astéries, à rextrémiié de leurs rayons , qu'elles relèvent en nageant ; il regarde comme très-probable que les organes pigmentaires placés au bord du disque des Méduses ont la même signification (2). J'ai suivi les nerfs optiques dans ces points oculaires, chez les Annélides (3) , et Ehrenberg a montré que les nerfs des rayons des Étoiles de mer s'étendent jusqu'aux yeux ponctiformes à l'extrémité des rayons. Gruithuisen admet (4) que tout point de la peau qui a 'une teinte plus foncée participe jusqu'à un certain point de la na- ture d'un organe visuel , parce qu'il absorbe davantage de lumière. C'est une opinion évidemment inexacte ; car la pre- mière de toutes les conditions pour voir est que le nerf possède une sensibilité spécifique , et que celui qui sert à la vision ne soit point un nerf tactile. D'ailleurs, la structure des yeux chez les Vers prouve qu'il faut lin nerf et un organe particuliers , même pour distinguer (1) Mém. pour servir à VHist. anat, et physiol. des végétaux et des animaux , Paris, 1837, t. II , p. 385. (2) Meckel's Archiv., 1834. — Mandl et Ehrenberg, Traité du micrO' scopeetsur l'organisation des Infusoires, Paris, d839, in-8j fig. (3) Annales des sciences naturelles^ t. XXII, p. 19. (4) his, 1820, p. 251. 283 Ï)ES CONDITIONS PHYSIQUES simplement le jour de la nuit. Car , d'après mes rechercher sur la structure de ces organes dans les animaux de la classe des Annélides, il est bien constant qu'ils ne renferment aucun appareil optique pour la séparaiion de la lumière , et qu'en conséquence ils ne sauraient rien distinguer de précis. Au dedans de la choroide en forme de godet de l'espèce de Nereis que j'ai examinée, il n'y a ni cristallin , ni aucune trace des organes isolateurs dont les Insectes sont pourvus. Le corps embrassé par cette membrane n'est que le bulbe du nerf optique. Ainsi, même lorsqu'il ne s'agit que de distinguer le jour de la nuit , la nature a créé des organes pour oela ; telle paraît être la destination des points oculaires des Pla- naires , des Astéries , des Rotifères et des Infusoires. Une seconde remarque critique, que je dois faire ici , con- cerne l'opinion, également fondée sur l'ignorance des condi- tions physiques de la vision, que la faculté de voir à l'aide de la peau serait possible , même chez l'homme , par une exalta- lion ou par un changement , un déplacement, de la sensation. On sait qu'il ne nous est pas donné de connaître les couleurs avec les doigts , quoique nous puissions parvenir à distinguer, au moyen du toucher , le corps ou le grain de quelques ma- tières colorantes étalées en couches épaisses , parce qu'elles offrent des inégalités et qu'elles contractent de l'adhérence avec les parties qui y touchent. La nécessité d'appareils op- tiques, soit en mosaïque , soit collecteurs , pour la formation d'une image sur une membrane sensible, réfute suffisamment la prétendue vision par le creux de Testomac ou par le bout des doigts dans l'état qu'on appelle magnétisme animal. Quand bien même la peau de la région épigastrique et des doigts au- rait la faculté de sentir la lumière, ce qu'elle n'a pas, il n'y aurait cependant point encore pour elle possibilité de voir , puisqu'il n'existerait aucun appareil capable de reporter la lumière venant des différens points a, 5, c,rf, ,...w d'un objet aux points a,b^c,d^ w de la surface sentante. Or , DES IMAGES EN GÉNÉRAI. 283 sans de tels appareils, le creux de l'estomac et les doigts, fussent-ils même aptes à sentir la lumière, ne pourraient que distinguer le jour de la nuit. Mais comme ces parties n'ont point la capacité de sentir la lumière , et cemme il n'y a pas de sensation qui puisse se déplacer , un individu plongé dans ce qu'on appelle l'état magnétique ne saurait , dans aucun cas , distinguer , même vaguement , le jour de la nuit , à l'aidé de ses doigts ou de sa région épigastrique , et s'il y parvient, ce n'est qu'au moyen de ses yeux , auxquels il est si difficfle, même en les bandant , d'enlever la faculté de voir le jour , qui peuvent même très-bien apercevoir les objets au dessous du bandeau, comme ont dû s'en convaincre tous ceux qui se sont amusés au jeu de colin-maillard. Qu'on se couche horizonta- lement, comme le sont les individus plongés dans le prétendu sommeil magnétique , et un bandeau placé sur les yeux n'em- pêchera pas qu'on voye par dessous retendue tout entière d'une chambre. Quel est le médecin instruit qui pourrait ajouter foi à de pareils contes? Du point de vue scientifique , on conçoit qu'une personne qui dort ait des visions sembla- bles à celles qu'on éprouve quelquefois , les yeux fer- més , avant de s'endormir; car les nerfs optiques peuvent être sollicités à sentir par une cause interne , tout aussi bien que par des causes extérieures. Tant que les magnétisés n'accu- sent rien autre chose que les symptômes nerveux ordinaires qui s'observent dans d'autres maladies nerveuses , tout est croyable ; mais dès qu'ils se donnent pour voir avec les yeux bandés, ou avec les doigts, ou avec l'estomac , pour distinguer ce qui se passe dans la maison voisine, ou pour faire des pro- phéties, de pareilles jongleries ne méritent aucun égard, et, au lieu d'admirer niaisement , il faut crier tout haut au men- songe , à la déception. I^. Cionditions physiques de la production des images par des milieux rcfringens. L'importance de la théorie de la réfraction de la lumière 2^^ DES CONDITIONS PHYSIQUES pour celle de la vision chez Thomme et les animaux , dont les organes visuels sont fondés sur l'emploi que la nature y a fait des moyens réfringens , m'impose l'obligation de rappeler ici les principaux points de celte doctrine, pour l'exposition complète de laquelle je renvoie d'ailleurs aux écrits de Por- terfield , de Priestley , de Fischer , de Biot , de Kunzek et de Bran des. Lorsque des rayons lumineux passent d'un espace vide dans un corps transparent , ou d'un milieu moins dense dans un autre qui Test davantage , s'ils tombent perpendiculairement sur la surface du second milieu , ils continuent de cheminer en ligne droite ; mais «i leur incidence est oblique, ils changent de direction , et , tout en continuant de suivre le prolonge- lig. 9. ment du plan d'incidence , ils se rapprochent de la perpen- diculaire . Ainsi AB étant le plan d'incidence du milieu plus ^ dense, c,le rayon ab au lieu de "" suivre la direction bc , se rap- prochera de la perpendiculaire s de , et marchera dans la nou- velle direction bf. Si , au contraire , le rayon passe obliquement d'un corps transparent dans un espace vide , ou d'un milieu plus dense dans un autre qui le soit moins , il s'écarte de la perpendicu- laire , et au lieu de la direction b c , suit celle b g. Fig. 10. Le rayon incident, le rayon réfrac- té et le fil à plomb se trouvent d'ail- leurs dans le même plan. Si nous appelons angle d'incidence l'angle compris entre le rayon incident ab et la perpendiculaire db , et angle de réfraction celui qui est compris en- tre le rayon réfracté A/et la perpen" DES ÎMACÎES EN GÊNERAI. 285 diculaire h «, ax est le sinus du premier, et fg" celui du se- cond. L'expérience a appris que quand les deux milieux res- tent les mêmes , le sinus de l'angle d'incidence a est au sinus de l'angle de réfraction p , dans un rapport constant , quel- que grande ou petite que soit l'inclinaison du rayon incident à l'égard du milieu réfringent. Le rapport de réfraction des M. 1 • r sin. a. ^ deux milieux est donc exprime par —. Ce ne sont pas les angles , mais seulement les sinus des angles qui ont entre eux ce rapport constant sous toutes les incidences possibles pour les mêmes milieux : cependant, tant que les angles sont pe- tits , comme le sont ceux des rayons centraux des lentilles ^ on ne commet pas une erreur notable en regardant aussi le rapport des angles comme constant. Le rapport de réfractio» de l'air et de l'eau est 4/3; celui de l'air et du verre commua 3/2. Du reste , le pouvoir réfringent des corps ne dépend pas seulement de leur densité, mais encore de leur combustibilité , La surface de milieu réfringent pouvant , lorsqu'elle est courbe, être regardée comme composée d'une infinité de sur- faces planes, quand le rayon lumineux ab tombe sur le milieu c^ Fig. 11. dont la surface est courbe, la tan- genteAB peut être considérée comme plan d'incidence, et le fil à plomb , dont le rayon lumineux se rapproche en traversant le milieu réfringent , est ici la perpendiculaire de^quï ren- contre la tangente au point de con- tact delà courbe. Ainsi le rayon Oi& se rapprocherait de la perpendicu- laire de, et suivrait la direction b f, en traversant un milieu plus dense , tandis qu'en passant à travers un milieu moins dense , il s'écarterait de la perpendiculaire de, et prendrait la direc- tion b g. Il importe , pour la théorie de la vision^ de connaître les '■* 256 DES CONDITIONS PHYSIQUES lois de la réfraction de la lumière dans les lentilles sphéri- ques; car ces corps sont susceptibles, en certaines circon- stances, de réunir de nouveau en un point les rayons lumi- neux qui émanent, en s'écartant, d'uu autre point, et de pro- jeter par-là une image de ce dernier. Lorsque des rayons lumineux parallèles, ou provenant d'un point lumrineux placé à une dislance infinie , tombent sur une surface réfringente plane , s'ils frappent obliquement cette dernière , ils éprouvent bien une réfraction , mais leur paral- lélisme ne change point. Quand , au contraire , c'est sur une lentille à surface sphérique qu'ils tombent , ils sont rassem- blés, c'est-à-dire amenés à une direction convergente. Fig. 12. a , 5 , c sont des rayons lumineux parallèles ; h correspon- dant à l'axe de la lentille AB , il la traversera sans êire ré- fracté ; mais les deux autres, dont l'incidence et l'émergence sont obliques , éprouvent une réfraction ; le rayon a se rap- proche de la perpendiculaire eo^, et suit la direction ^/en traversant la lentille ; mais comme , à sa sortie , il passe dans un milieu moins dense , il subit une nouvelle réfraction , s'é- carte de la perpendiculaire hg , se rapproche davantage en- core , par conséquent, du rayon h /"parallèle à l'axe, et prend la direction h i. Si les rayons a et c sont à une égale distance du rayon 6, la réfraction de csera la même absolument que celle de a , c'est-à-dire qu'après leur sortie de la lentille les deux rayons couperont le rayon b en un point quelconque i , que les trois rayons seront réunis sur ce point , et qu'au-delà ils s'écarteront de nouveau les uns des autres. Or, comme ce qui est vrai de a et de c doit l'être également de tous les DES IMAGES EN GÉNÉRAL. 2S'J rayons parallèles , séparés du rayon parallèle à Taxe par une même distance , qui tombent avec lui sur la lentille, tous ces rayons se couperont au point commun i , qu'on nomme le foyer de la lentille. La distance du foyer des rayons parallèles à la lentille dépend du pouvoir réfringent de la substance dont celle-ci est formée , et de la convexité de ses deux fa- ces; il doit être d'autant plus rapproché que , toutes choses égales d'ailleurs, les deux faces sont plus convexes. Si les rayons viennent du foyer de la lentille, ils éprouvent, en traversant celle-ci, une réfraction telle qu'après leur émer- gence ils prennent une direction parallèle les uns aux autres. De ce théorème et du précédent , il suit déjà que quand les rayons lumineux proviennent d'un point qui est plus éloigné de la lentille que le foyer , mais sans se trouver toutefois à une distance infinie, ils ne peuvent arriver à se réunir ni au foyer de la lentille , ni à une distance infinie. Leur point de réunion est alors placé entre le foyer et l'éloignement infini ; plus le point lumineux est voisin du foyer, plus le point de réunion des rayons est éloigné au-delà de la lentille, et plus ils se rapprochent du parallélisme; plus, au contraire, le point lumineux est distant du foyer, plus la distance du point de réunion des rayons diminue, jusqu'à ce qu'enfin, quand la dis- tance du point lumineux est devenue infinie et les rayons parallèles , la réunion de ceux-ci tombe au foyer de la len- tille. Fig. 13. Soit a le point radieux placé à une distance de la lentille AB plus grande que son foyer, le rayon parallèle à l'axer /> traversera saas subir de rélractioa : a c sera brisé deux fois, ù ^68 DES CONDITIONS PHYSIQUES la face antérieure et à la face postérieure de lu lentille ; à la iFace antérieure , il se rapprochera de la perpendiculaire ec, et marchera dans la direction cg ; en /, il sera réfracté une se- conde fois , et à son passage dans le milieu plus rare , il s'éloi- gnera de la perpendiculaire fh^ c'est-à-dire prendra la direc- tion fi. Si h c-zzh d^ la réfraction du rayon a d sera la même que celle de ac , et les deux rayons couperont au même point i celui qui est parallèle à l'axe. La même chose aura lieu pour tous les rayons du point a qui sont, comme o c et a c?, à égale distance de l'axe \ acd peut donc être considéré comme la périphérie d'une sphère, périphérie formée par des rayons lu- mineux qui se réunissent tous en /. La distance du point ^ à ila lentille se nomme la distance de Tirnage , qu'il faut bien distinguer de la distance focale principale. Cette dernière est *celle à laquelle se réunissent les rayons parallèles. Le foyer des rayons divergens est toujours derrière le foyer principal, -et il s'éloigne d'autant plus de ce dernier, que le point ra- dieux se trouve plus rapproché de la lentille. La distance de l'image dépend : 1° du rapport de réfrac- tion entre la lentille et le milieu placé au devant d'elle; 2° de la convexité des deux sufaces de la lentille , qui est exprimée par la grandeur des demi-diamètres des sphères auxquelles appartiennent les convexités ; 3° de la distance de l'objet. Ces trois points étant connus, on peut, à l'aide du calcul, trouver la distance de l'image pour toute distance quelconque de l'ob- jet. Je dois renvoyer aux traités de physique pour la manière d'établir une équation entre les demi-diamètres de la len- *lille , son rapport de réfraction , la distance de l'objet et le Sfoyer de l'image. L'équation est celle-ci : n ^ïcst le rapport de réfraction , ou le rapport entre Tangle d'in- cidence et celui de réfraction i f et g sont les demi-diamètres DÉS IMAGES EN GÉNÉRAL. 289 des convexités des lentilles ; a est la distance du point ra- dieux à la lentille , et a la distance cherchée du foyer de l'i- mage*. Supposons que le rapport de réfraction pour l'air et le verre soit 3/2 , les demi-diamètres de la lentille lO et 12 li- gnes, et la distance du point radieux 100 lignes, on aura J--1 £—1 _1 £ ^ /lO ^ \__ 1 1 2 +2 zzlOO+X """ 2 ~ ^ V 1 +lT / -lOÔ^T 10 12 De la formule — - — | =:— U^ se déduit aussi la dis- f S a ' a tance du foyer des rayons parallèles. Comme , pour les rayons parallèles, la distance du point radieux est inBnie, il résulte 1 « de là que — zz : donc si a est une grandeur inBnie, a 71 — i r . n — 1 1 -I = — , ou si Ton appelle a la distance focale f ' 9 des rayons divergens , le foyer principal d'une lentille est déterminé dans la formule 7î — 1 r*— i i 7— -|- — — • f 9 P w— 1 En combinant la formule pour la distance de l'image ^ + n — 1 1 1 zn 1- — et la formule pour la distance focale pr in- S a ' a cipale — - — |- z=— , on obtient une formule plus sim- f 9 P pie encore pour les déterminations optiques. Car comme Iç premier terme des deux équations est le même, il s'ensuit que 111 - =: — I — . Ici » est la distance focale principale de la len- tille , a la distance du point radieux, a la distance focale de l'image, et l'on peut d'après la distance focale principale de la lentille et la distance du point radieux trouver sans peine II. 19 290 DES CONDITIONS PHYSIQUES la distance focale de l'image pour chaque distance du poim ap radieux. De la dernière équation il suit que a zn On trouve donc la distance focale de l'image d'un point ra- dieux en divisant le produit de la distance de l'objet à la len- tille et du foyer principal de cette dernière par la différence de l'une à l'autre. Si la paroi qui reçoit l'image ne se trouve pas à la distance focale , au lieu de la représentation du point radieux , on a celle d'un cercle de dispersion, ou d'un segment de cône lu- mineux, et le résultat sera le même, que la paroi destinée à re- cevoir l'image soit située en avant ou en arrière du foyer. Bans le premier cas, les rayons du cône lumineux ne se sont point encore réunis, et dans le second les rayons, après s'être réunis, se sont écartés de nouveau en forme de cône. Jusqu'ici la réfraction des lentilles n'a été examinée que dans le cas où l'objet est un point radieux. Mais si cet objet a de l'étendue, et si ses points radieux sont situés sur un plan perpendiculaire au prolongement dé Taxe de la lentille, leur image se trouve également projetée sur un plan , mais en sens inverse. Soit «p l'objet, le cône lumineux parti de a est amené Fig. 14. en a par la ré- fraction, celui qui part de p l'est également en b, et tous les autres le sont dans le même ordre. L'image représente 1 objet .renversé ; le haut se trouve en bas , le bas en haut , la droite à gauche , la gauche à droite , mais la situation relative des diverses parties demeure absolument la même. Le rayon mé- dian du cône lumineux aa et Z>ê s'appelle le rayon principal , parce qu'il ne change pas , ou presque pas , comme le rayon d'un point lumineux qui est parallèle à Taxe de la lentille. Les î^utres rayons du cône convergent vers lui après la réfraction, DES IMAGES EN GÉiXÉRAl* 29 1 et rima{>e du point se projeta donc toujours dans la direction du rayon principal , de sorte que ce rayon détermine la si- tuation du point dans l'image , et que les rayons principaux des cônes lumineux de chaque point déterminent la grandeur de l'image. On trouve par le calcul les endroits où se réunissent les rayons des points écartés de l'axe , et de leur détermination il résulte que quand le point situé hors de Taxe en est voisin, de manière que les rayons tombant sur la lentille ne fassent que de petits angles avec Taxe, les divers points de l'image sont placés dans un plan droit parallèle à Tobjet. Grégory prétendait avoir remarqué qu'avec une lentille sphérique , l'image d'une figure située perpendiculairement sur l'axe n'est point plane , mais qu'elle décrit une courbe dont la concavité regarde le verre , et qu'il faut, pour avoir une image plane, que les surfaces du verre aient la forme d'un segment de cône. Priestley accorde le fait , mais répond que Terreur qui en résulte est insignifiante , parce que les surfaces des lentilles ne sont que de très-petits segmens de sphères. Kaestner ajoute cependant encore qu'en n'ayant point égard à l'aberration de sphéricité, c'est-à-dire , supposant les angles proportionnels à leur sinus, le calcul le plus rigoureux, exécuté d'après cette supposition, ne fait découvrir aucune courbure dans l'image d'un figure plane. C'est , du reste , un fait expérimental que le parallélisme du plan de l'image et du plan de l'objet, quand celui-ci a une direction perpendi- culaire à l'axe de la lentille. Il n'est pas non plus difficile d'en donner la preuve mathématique pour une image de peu d'é- tendue : on la trouve dans les traités détaillés de physique. Les deux surfaces d'une lentille étant parallèles , ou à peu de chose près, au voisinage de l'axe , les rayons qui traver- sent obliquement cet axe, ne s'écartent point , à leur sortie , de la direction qu'ils avaient à leur entrée, quand leur im- raergence et leur émergence ont lieu dans la partie parallèle p()2 I>ES CONDITIONS PHYSIQUES des deux surfaces de la lentille. Leur réfraction se comporte dr même que quand des rayons traversent obliquement une plaque de verre à faces parfaitement parallèles. Le rayon s'écarte autant de la perpendiculaire , à sa sortie , qu'il s'en était rapproché à son entrée , de sorte qu'il ne change pas de direction. Aussi le rayon médian d'un cône lumineux médio- crem'^nt oblique qui traverse le milieu de Taxe de la lentille doit- il ê?re considéré comme ne changeant pas de direction et déterminant celle de l'image que projette un point situé hors de l'axe de la lentille. Du reste, le point par lequel les rayons doivent passer pour ne pas éprouver de réfraction , n'est pas exactement le centre de Taxe de la leniillp, à cause de la con- vexité différente des surfaces ; il s'en écarte soit en avant, soit en arrière ; le cas dans lequel les deux faces ont des demi- diamètres égaux est le seul où ce point coïncide avec le cen- tre de l'axe. On appelle ce point centre optique de la lentille. Soit w le centre delà surface antérieure de la lentille, c'est-à- Flff. 45. dire de la sphère à laquelle celle-ci appartient , w celui de la surface postérieure, et a un point arbitrairement choisi de la surface antérieure : an est le rayon de cette surface ; suppo- sons que la ligne ml tirée du centre de l'autre surface m soit pa- rallèle à an ; la ligne ah coupe Taxe de la lentille en c , et c est le centre optique de la lentille. Car, ««; et mh étant pa- rallèles^ les angles nah et mha sons égaux. Si dh est un rayon de lumière, l'angle qu'il forme avec la perpendiculaire an est égal à l'angle qu'il forme avec la perpendiculaire /wè. L'angle d'incidence de l'air dans le verre se comporte à l'égard de l'angle de réfraction nah , tout comme l'angle de réfraction du verre dans Tair à l'égard de l'angle d'incidence w/;a ; par DES IMAGES EN GENERAL. 2g3 conséquent^ le rayon demeure parallèle à son immergence et à son émer^^^ence , et il doit être considéré comme n'ayant point été réfracté. Si la lentille est biconvexe, mais à con- vexités inégales , le centre optique est plus rapproché de la surface la plus convexe. Nous n'avons eu égard jusqu'à présent qu'à la réfraction des rayons qui traversent le milieu de la lentille; il faut examiner maintenant la manière dont se comportent ceux qui traversent le bord , et quel est leur rapport avec le foyer. Quelle que puisse être la forme d'une lentille, sphérique , plan-convexe, ou biconvexe, dans tous les cas les rayons parallèles qui pé- nètrent en elle à une égale distance de son axe se réunissent au même point ; car leurs angles d'incidence et de réfraction sont égaux. De même, quand l'axe d'un cône lumineux passe par Taxe d'une lentille, ceux de ses rayons rencontrant celle-ci en cercle qui la traversent à une égale distance de son axe , se réunissent toujours en un point. Mais comment se comportent les autres rayons du cône ? Sont-ils admis aussi dans le même point de réunion, ou y en a-t-il un autre pour eux ? Pour que les rayons parallèles a, Z>, c, c?, se réunisseut Fig. 16. au foyer o, il faut que leurs réfractions croissent en proportion de leur distance à Taxe de la lentille. En effet, les angles d'in- cidence 1, 2, 3 croissent proportionnellement à la distance qui sépare les rayons b , c , dde l'axe a. Il est donc nécessaire, pour que des rayons parallèles se réunissent en un foyer, que le corps réfringent présente des surfaces courbes. U reste à savoir suivant quelle proportion les angles de ré- fraction des rayons parallèles doivent croître depuis l'axe 2û4 I>ES CONOmONS PHYSIQUES jusqu'au bord de la lentille pour pouvoir se réunir en un seul point , ou , en d'autres termes , de quelle espèce doivent être les courbes des surfaces de la lentille pour que ce but soit atteint. L'expérience et le calcul font vojr que les surfaces sphériques des lentilles ne reniplissent point complètement l'objet, et que les courbes nécessaires pour opérer une réu- nion parfaite des rayons lumineux en un point s'écartent de la forme sphérique. Mais on ne peut point obtenir, par l'usure, des lentilles sans surfaces sphériques. Lorsque les surfaces de ces instrumens ont une forme sphérique , la ré- fraction des rayons marginaux croît avec plus de rapidité qu'il ne le faudrait pour que la réunion de tous les rayons centraux et marginaux pût s'effectuer sur un seul point. C'est ce qu'on appelle l'aberration de sphéricité. Les points de réunion sont différens pour tous les cercles de rayons , depuis le centre jusqu'au bord , et ces points se reportent d'autant plus en avant , vers la lentille , que les cercles deviennent plus larges, ou qu'il passe plus de rayons marginaux. Je ne connais aucune preuve mathématique de ce phéno- mène qui soit facile à comprendre j c'est pourquoi je me suis borné à l'exposer empiriquement , comme on a coutume de le faire dans les manuels de physique. Kunzek a bien essayé de faire concevoir l'aberration de sphéricité par une déduction géométrique ; mais ce moyen manque évidemment le but. Il montre quel changement les rayons lumineux subissent à tra- vers le prisme , quand on agrandit l'angle réfringent de ce dernier; puis il ajoute qu'une lentille sphérique doit être con- sidérée comme un prisme dont l'angle réfringent , nul à l'axe , s'accroît symétriquement de chaque côté de l'axe jusqu'au bord de lu lentille. Or comme le rayon lumineux qui traverse un prisme se trouve dévié d'autant plus de sa direction pri- mitive que l'angle réfringent du prisme grandit , et comme la lentille est un prisme dont l'angle réfringent va en augmen- tant depuis l'axe jusqu'aux bords , il s'ensuit que les rayons DES IMAGES EN GÉNÉRAL. SgS qui rencontrent la lentille à une plus grande distance de l'axô doivent être plus détournés de leur direction , et qu'en con- séquence ils coupent l'axe plus tôt que ne le font les rayons centraux. La conclusion ne ressort nullement de toute cette déduciion ; car, dans le cas aussi de réunion conïplète, tant des rayons centraux que des rayons marginaux, en un seul point, les angles d'écartement des rayons de leur direction doivent également croître jusqu'au bord ; en effet , s'ils ne croissaient pas , les rayons mcidens parallèles éprouveraient bien une ré fraction , mais ils continueraient de marcher parallèlement sans changer de direction , c'est-à-dire que la lentille sérail alors un prisme , dont les angles de réfraction ne croissent pas vers le bord, mais demeurent les mêmes ; elle ne serait point une lentille, mais un simple prisme. C'est de ce mode seul d'accroissement, ou de la forme de la courbe, qu'il dépend que les rayons marginaux et les rayons centraux se réunissent ou non en un point. îl suffit , pour notre but , d'en rester au fait empirique que les rayons marginaux d'une lentille à surfaces sphériques se réunissent plus près que les rayons centraux. Dans la figure suivante, Fig. 17. les rayons d, c, h,a,h\c\d' sont parallèles.Comme les rayons 296 DES CONDITIONS PHYSIQUES h et b' sont placés à une égale distance de l'axe a, et que la réfraction est très-faible au voisinage de l'axe , ce sont eux qui coupent l'axe à la plus grande distance de la lentille , au point 0. Les rayons c et c', qui sont plus éloignés de l'axe, se réuniront et se croiseront en h. Enfin les rayons detd'^qm sont les plus distans de cet axe, se réuniront et se croiseront en n. S'il se trouve en 0 une surface qui reçoive la lumière , il s'y formera non seulement le foyer des rayons centraux , mais encore un cercle diffus de tous les autres rayons qui ont leur foyer non en o, mais en /^, en w, et autres points de l'axe a 0 ;jy sera le diamètre de ce cercle de diffusion. Si la paroi est placée en h, on y verra paraître le foyer des rayons c c\ avec le foyer de diffusion a;' y' etc. Si les rayons c?, c, b, a, b', c', d\ au lieu d'être parallèles, . constituent la base d'un cône lumineux éloigné à l'infini , il n'y a pas non pliis de réunion en un seul point , et l'on aper- cevra sur la paroi , outre un point de réunion déterminé de certains rayons , les cercles de diffusion des autres rayons. Si les rayons peuvent tomber à la fois sur la partie centrale et sur la partie marginale de la lentille , les cercles de diffusion seront naturellement plus grands qu'en toute autre circon- stance , que la paroi se trouve en vw ou en yy ; car alors , outre le point de réunion de certains rayons , il apparaîtra les diffusions de tous les autres. Mais si les rayons marginaux peuvent être éliminés , et qu'ils ne passe que les centraux , alors, quand la paroi se trouve au point de réunion de ces derniers en 0 , le cercle de diffusion de tous les autres rayons disparaît en entier, et l'image est nette. On obtient ce résultat en couvrant d'un diaphragme la partie marginale de la len- tille. L'image deviendra également nette si la lumière passe par le bord seulement de la lentille, et que le centre soit couvert , car alors on n'aura plus le cercle de diffusion des rayons centraux. Ce dernier mode d'occlusion n'est point em- ployé dans les instrumens d'optique , parce que l'aberration DES laiAGES EN GÉNÉRAL. 29^ au bord nuit davantage ; mais tous ces instrumens doivent êlre pourvus de diaphragmes pour donner des images nettes. Lorsque l'ouverture du diaphragme est très-petite , il peut naître de l'inflexion de la lumière au bord de celui-ci , des phénomènes nouveaux et particuliers , qui changent notable- ment la forme et la [clarté de l'image. L'aberration de sphéricité peut être diminuée , et réduite au minimum , par un changement du rapport entre les cour- bures des deux surfaces. Elle devient aussi petite que possible, d'après Herschel , quand le rayon de la surface postérieure de la lentille est six à sept fois plus grana que celui de la sur- face antérieure. En mettant deux lentilles minces en contact Tune avec l'autre , on détermine les rapports des rayons sous l'influence desquels l'aberration de sphéricité disparaît entiè- rement. L'accroissement de la densité d'une lentille de la cir- conférence au centre doit aussi diminuer l'aberration ; car alors le foyer des rayons centraux se trouve raccourci et rapproché de celui des rayons marginaux, qui a moins de longueur. Les lentilles dont on a évité l'aberration sont appe- lées aplanatiques. m. Conditions physiques des couleurs. A. Couleurs dioptriques. Théorie newtonienne des couleurs. Quand la lumière subit la réfraction , non seulement elle est détournée de sa direction , mais encore elle paraît , sous certaines conditions , colorée. C'est à l'aide du piisme qu'on aperçoit le mieux le phénomène des couleurs. Soit ab un Fig. 18. ^ faisceau de rayons so' aires parallèles , qui tombent oblique- ment sur le prisme ; ils sont réfractés deux fois par la sur- face antérieure et 298 DES CONDITIONS PHYSIQUES par la surface postérieure de celui-ci ; mais, au lieu que les rayons continuent de marcher parallèlement dans la nouvelle direction , le faisceau de lumière s'étale , et s'il est reçu par une surface , il montre les couleurs de Tarc-en-ciel. Il n'est pas nécessaire , pour observer ces couleurs , de faire tomber la lumière, par le trou d'un volet, dans une chambre obscure ; on les voit en plein jour lorsqu'on projette la lumière solaire sur un mur, après qu'elle a traversé le prisme ; mais le phé- nomène est beaucoup plus apparent dans une chambre ob- scure, et les limites du spectre y sont plus nettes. Au lieu d'une image ronde , le faisceau réfracté par le prisme jette une figure oblongue , à bords latéraux droits , arrondie par le haut et par le bas , dans laquelle les couleurs se succè- dent ainsi : violet , bleu , vert , jaune , orangé , rouge. D'après les lois de la réfraction seule , les rayons lumineux parallèles recevraient bien du prisme une autre direction , mais ne perdraient pas leur parallélisme. Or comme l'image s'est élargie , il est évident que les rayons , qui ont cessé d'ê- tre parallèles , n'ont pas subi la même réfraction. Ce fait con^ duisit Newton à sa théorie des couleurs. De l'action du prisme il conclut que le faisceau de rayons solaires sur lequel on opère doit renfermer des élémens ou des rayons qui diffè- rent de réfrangibiliié , et parmi lesquels ceux qui sont ré- frangibles au même d^gré sont les seuls qui continuent de marcher dans une même direction. Si , par exemple , dans le faisceau des rayons parallèles , a, a, a sont également réfran- gibles , que 6, ô, b^ doués entre eux de la même réfrangibi- lîté , en aient une différente de celle d'« , que c, c, c, égale- ment réfrangibles entre eux, le soient autrement que a et b, il n'y aura plus de parallèles entre eux, après la réfraction, que a\ a', a\b\b\b' etc', c', c \ qui ont la même réïrangi- bilité , mais aucun de ces trois faisceaux ne conservera son parallélisme avec les deux autres , qui ne sont pas réfran- gibles au même degré que lui. DES IMAGES EN GÉNÉRAL. Fig. 19. 299 Les rayons homogènes a' a' a' paraissent sous la même cou- leur, le violet ; les rayons homogènes h' V V sous la même couleur, le bleu ; les rayons homogènes c' c' c' sous la même couleur, le vert , et ainsi des autres pour le jaune , l'orangé et le rouge. Le violet et le rouge sont placés aux limites extrêmes et opposées du spectre , parce que le premier est le plus réfrangible de tous, et que le dernier Test le moins. Mais on n'apercevra les couleurs qu'autant qu'on les recevra à une dislance convenable du prisme , par exemple à la dis- tance y , où les rayons a! h' c', qui s'éloignent les uns des au- tres , ne se couvrent plus. Si l'on reçoit l'image plus près du prisme , par exemple en x , les rayons hétérogènes a! h' c' se couvrent dans son milieu, de sorte qu'alors la partie moyenne de cette image est blanche , et qu'il n'y a que son extrémité supérieure et son extrémité inférieure qui soient colorées ; plus on reçoit le spectre près du prisme , moins les rayons hétérogènes se sont séparés , plus la partie m®yenne blanche est grande , et plus la bordure colorée est petite. Ceci mène à la conclusion qu'on voit le blanc lorsque les mêmes points d'un corps reçoivent à la fois et renvoient à 300 DES CONDITIONS PHYSIQUES l'œil des rayons hétérogènes de toutes les espèces , et que la couleur apparaît quand la lumière homogène d'une espèce fait impression sur l'organe visuel , en d'autres termes que la lumière blanche est un composé des différentes couleurs , que celles-ci , prises ensemble , donnent du blanc , mais que les milieux réfringens les séparent les unes des autres , à cause de leur réfrangibilité différente. Cette conclusion trouve sa confirmation dans le fait que les rayons colorés peuvent être de nouveau réunis en lumière blanche. l'* Lorsqu'on reçoit , à l'aide d'une lentille , la lumière co- lorée qui se projette derrière le prisme , les rayons colorés se réunissent en une autre image blanche sur un point déter- miné , en arrière duquel ils continuent de marcher séparés les uns des autres. 2° On arrive au même résultat en faisant traverser à la lu- mière solaire deux prismes qui aient le même angle réfringent et une situation inverse. Par la réfraction en sens opposé qu'il détermine, le second prisme détruit l'effet du premier, et l'image ne peut apparaître que blanche. 3» On y parvient également à l'aide d'un miroir concave, sur lequel on fait tomber obliquement les rayons colorés pro- duits parle prisme. Ainsi réfléchis en bas, ils ne produisent qu'une image blanche. Les couleurs dioptriques se présentent aussi, quoique moins prononcées , lorsqu'au lieu de prisme on emploie des lentilles ; elles forment alors des bandes colorées autour des objets. Une lentille peut être considérée comme un prisme , dont l'angle réfringent croît vers le bord de l'instrument , et dans lequel la décomposition de la lumière s'opère , non pas de haut en bas , comme dans le prisme , mais suivant toutes les directions , du ce-ntre à la périphérie. Les bandes colorées sont d'autant plus fortes que l'image est plus éloignée du point de réunion des rayons. DES IMAGES EN GÉNÉRAL. ^01 L'emploi du mot rayon dans l'exposition de la théorie newtonienne des couleurs, a fait naître , dans l'esprit de quel- ques personnes , la fausse idée qu'en conséquence de cette théorie , chaque rayon de lumière blanche serait composé de plusieurs rayons de lumière colorée , qui en formeraient pour ainsi dire les élémens. Mais , pour bien saisir les résultats qui découlent des découvertes de Newton , il faut se reporter à l'organe de la vision, qui joue un rôle actif dans le phénomène des couleurs et de la lumière. On sait que la membrane ner- veuse de l'œil ressemble à une mosaïque constituée par les extrémités d'innombrables fibres nerveuses. Chaque papille de cette mosaïque représente la plus petite parcelle élémen- taire de l'organe visuel qui soit susceptible d'éprouver une sensation. Tant que de la lumière diversement colorée tombe sur cette mosaïque de l'organe visuel , de telle manière que chacune des parties élémentaires de la rétine reçoive de la lumière ho- mogène , savoir, a de la bleue , ^ de la jaune , c de la rouge , ces impressions colorées sont perçues comme existant les unes à côté des autres. Mais lorsque les mêmes particules de la rétine sont éclairées par toutes les principales cou- leurs à la fois , de sorte que la même papille nerveuse soit déterminée à voir rouge , jaune et bleu , on ne distingue plus ni Tune ni l'autre de ces couleurs , mais une impression mixte , qui produit le blanc. C'est là tout ce que l'on peut conclure des observations de Newton. Ainsi l'impression si- multanée de toutes les couleurs sur la même particule de la j rétine produit la sensation du blanc. t Newton admettait, sans motifs suffisans , sept couleurs ' dioptrïques , qui résultent de la décomposition de la lumière blanche par la réfraction , et l'on s'en tint pendant trop long- temps à celte hypothèse arbitraire , qui aurait dû être recti- , fiée dès avant les travaux de T. Mayer et de Gœihe. Il n'y a que trois couleurs principales , le jaune , le bleu et le rouge, 5oa DES CONDITIONS PHYSIQUES par le mélange desquelles toutes les autres s'expliquent. Entre le jaune et le bleu se trouve le vert , qui résulte de leur mé- lange ; entre le bleu et le rouge , le violet ; entre le rouge et le jaune, l'orangé. Lorsqu'il tombe delà lumière rouge et de la lumière bleue sur la même particule de la rétine de Tceil, on ne voit ni l'une ni l'autre , mais du violet ; il en est de même des autres couleurs qui s'unissent pour produire des sensations mixtes. De là vient que l'association d'une couleur mixte et d'une pure correspond à celle des trois couleurs prin- cipales , parce que la couleur mixte contient toujours déjà les deux autres couleurs principales. Ainsi, par exemple, 2/3 d'o- rangé et 1/3 de bleu, sont autant que 1/3 de bleu, 1/3 de rouge et 1/3 de jaune, ces deux derniers constituant ensemble les 2/3 d'orangé. Donc , lorsqu'au moyen d'un appareil par- ticulier, on opère la réunion sur un plan de l'orangé et du bleu prismatiques , l'impression est celle du blanc , comme la produiraient les trois couleurs principales unies ensemble ; la même chose a lieu pour le rouge et le vert , qui contient du bleu et du jaune, et pour le jaune et le violet , que constituent du rouge et du bleu. Une couleur prismatique mixte et une couleur prismatique pure , qui donnent ensemble du blanc , prennent l'épithète de complémentaires. Le vert et le rouge, le violet et le jaune , le bleu et l'orangé , sont complémenKiires. Le noir n'est point une chose positive : ce n'est que l'expres- sion du repos de certaines parties de la rétine , ou de toutes. Si les impressions de couleurs, sans mélange de blanc, sont très-faibles , elles sont nécessairement plus ou moins obscures en même temps. Quand l'impression de la lumière blanche est assez faible , l'organe visuel aperçoit du gris , ou , comme on dit , un mélange de blanc et de noir. Cependant le gris peut aussi provenir du mélange de couleurs pigmentaires -.'des pigmens rouge, jaune et bleu, mêlés ensemble, donnent du gris. On peut aussi produire du gris avec deux pigmens seulement, lorsque l'un d'eux est une couleur pure , et l'autre une couleur saune /verdi DES IMAGES EN GÉNÉRAL. 5o3 mixte , c'est-à-dire due au mélange de deux autres , qui , avec la couleur pure , représentent les trois couleurs principales , rouge , jaune bleu. Ainsi le rouge et le vert, le jaune et le violet, l'orangé et le bleu , donnent du gris. On appelle éga- lement complémentaires les couleurs qui produisent du gris par leur association. ^^j ^^' Dans la figure ci-contre , les trois principales couleurs , rouge , , jaune, bleu, sont placées aux an- ^ I ^/ 3r \ ^'^^ ^ "" triangle equilaléral unis par un cercle : les couleurs mixtes se trouvent entre les pures qui eur correspondent, les complé- manlaires , dont les pigmens pro- duisent ensemble du gris et dont les spectres prismatiques donnent du blanc par leur réunion , sont opposées et situées aux deux extrémités des diamètres. La même figure explique également d'autres nuances qui , prises ensemble , donne- raient du gris ou du blanc, suivant leur intensité. Ainsi qu'on suppose représentées dans le cercle toutes les nuances inter- médiaires entre les six couleurs qui y sont marquées , les couleurs complémentaires seront toujours placées régulière- ment en face les unes des autres , de manière , par exemple, que la teinte entre l'orangé et le rouge est complémentaire de celle entre le vert et le bleu. Lorsqu'après avoir partagé un disque circulaire en trois champs égaux dont chacumest peint d'une des couleurs principales , ou le fait tourner sur lui- même avec assez de rapidité pour que les couleurs changent de place sur la rétine avant l'effacement de l'impression qu'elles y ont produite, au lieu des couleurs, c'est du gris qu'on aperçoit. Le même effet a lieu quand le disque est peint de deux couleurs complémentaires seulement , mais dans de certaines proportions (2/3 de la mixte et 1/3 de la pure). Mais si Taue des couleurs prédomine trop , elle influe sur le 3o4 DES CONDITIONS PHYSIQUES jïiis , qui n'est plus pur. Deux couleurs pures , sans la couleur complémentaire, ne donnent jamais de gris quand on les mêle ensemble , mais seulement la nuance produite par leur mélange, par exemple, du vert pour le bleu et le jaune, du violet pour le rouge et le bleu , de l'orangé pour le rouge et le jaune. On a regardé ces faits comme une preuve de l'inexactitude de la théorie newtonienne des couleurs , d'après laquelle les couleurs principales prises ensemble , et par conséquent aussi les complémentaires , devraient donner du blanc , et non du gris. Cependant il serait difficile que les choses se passassent autrement , la théorie de Newton étant exacte ; car les pig- mens sont trop troubles et absorbent trop de lumière pour ne pas donner du gris , au lieu de blanc , lorsqu'on vient à les mêler ensemble. Effectivement , d'après la théorie de New- ton , un corps coloré a telle ou telle couleur parce qu'il ab- sorbe une ou plusieurs des couleurs de la lumière solaire blanche , et n'en réfléchit qu'une déterminée. L'impression de plusieurs champs colorés peints sur un disque circulaire animé d'un mouvement rotatoire ne peut point être blanche , parce qu'un disque blanc réfléchit toute la lumière , tandis que les champs colorés n'en renvoient qu'une partie. Ainsi la réunion des impressions colorées sur les mêmes points de la rétine doit être un blanc affaibli , un gris plus ou moins clair ou plus ou moins foncé , suivant la quantité de clair ou de trouble qui se trouve dans les pigmens. Mais si l'on réunit les couleurs claires du spectre prismati- que , on obtient un blanc pur, qui résulte aussi de la réunion de deux couleurs dioptriques complémentaires , comme l'a fait voir Grotthuss. Il faut remarquer que les couleurs intermédiaires qu'on obtient par la réunion de deux couleurs prismatiques, peuvent être redécomposées par le prisme en leurs couleurs primitives, tandis que le prisme n'a pas le même pouvoir sur celles du DES IMAGES EN GÉNÉRAL. 3o5 spectre prismatique. Cette différence semble prouver que la lumière solaire contient plus de trois couleurs primitives , et qu il y a vraisemblablement en elle un nombre infini de rayons d'une réfrangibilité différente. Que les couleurs intermédiaires prismatiques et celles qui résultent de mélanges produisent Ja même impression, celle du vert, par exemple, tandis qu'elles se comportent si diversement sous le point de vue de l'aptitude à se décomposer , c'est ce qu'on explique , dans la théorie de rondulation, par la vitesse des ondes, les ondes qui ont la vitesse des rayons verts primitifs , faisant la même im- pression sur la rétine que des ondes simultanées , de vitesse différente, des rayons jaunes et bleus, qui frappent ensemble la même partie de la rétine. La vitesse des rayons verts est même intermédiaire entre celle des rayons bleus et celle des rayons jaunes. Mais la vitesse des rayons violets est plus con- sidérable que celle des bleus et des rouges. Au reste , la théorie newtonienne des couleurs demeure la même , quant aux points essentiels, soit qu'on adopte la doc- trine de l'émanation , soit qu'on préfère celle de l'ondulation. Car les impressions qu'en vertu de la première les rayons de qualité diverse de la lumière colorée font sur l'œil , dé- pendent , dans la seconde , de la diversité des ondes et de la vitesse des lumières diversement colorées , et ces rayons éprouvent une réfraction inégale en traversant les milieux réfringens. Les objections que Gœthe a élevées contre la théorie new- tonienne des couleurs reposent en grande partie sur un mal- entendu. Gœthe et Seebeck considèrent les couleurs comme naissant du blanc et du noir, et leur attribuent à elles-mêmes une certaine obscurité, dont le degré établit la distinction qui règne entre elles, attendu qu'elles se suivent du blanc au noir, comme jaune , orangé , rouge , violet , bleu , tandis que le vert semble se trouver dans le milieu entre le jaune et le bleu. Celte remarque , quoiqu'elle n'exerce pas d'influence II. 20 3o6 DES CONDITIONS PHYSIQUES essentielle sur la théorie de Newton, est juste, et les re- cherches de Herschel en ont donné la confirmation expéri- mentale. Herschel examina Tintensité de la lumière de rayons colorés qui lui servaient à éclairer des objets sous le micro- scope : le jaune et le vert jaune étaient ceux qui éclairaient le mieux ; venaient ensuite, dans un ordre décroissant, l'orangé, le rouge , le bleu et le violet ( dont on aurait dû s'attendre à trouver la place entre le rouge et le bleu). La clarté des rayoL's verts était plus faible aussi que celle des rayons d'un vert jaune. Une autre preuve, plus sûre encore , de la diffé- rence de clarté entre les rayons colorés , nous est fournie par les phénomènes de l'éblouissement. Quand on a fixé le soleil, et qu'on ferme les yeux jusqu'à produire une obscurité com- plète , l'image laissée par le soleil paraît claire ou bîanche sur un fond noir : mais celte image passe par toute la série des couleurs jusqu'au noir, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle ne se détache plus du fond noir, et la série des couleurs qu'elle parcourt ainsi du blanc au noir, est précisément celle des plus claires aux plus obscures, jaune, orangé, rouge, violet, bleu. Si , au contraire , après avoir fixé le soleil , on regarde un mur blanc , l'image de l'astre paraît noir sur le fond blanc de la muraille , et elle passe des teintes obscures aux claires , jusqu'à ce qu'elle soit arrivée au blanc , et qu'on ne puisse plus la distinguer du mur. Mais , quelque exacte que soit la remarque de Gœthe sur la différence de clarté des couleurs , il ne s'ensuit pas qu'on doive conclure de là , avec lui , que la couleur naît d'un mé- lange de clair et d'obscur. L'obscur, comme je l'ai déjà dit , n'a point d'existence positive : ce n'est que le repos de cer- tains points de la rétine ou de la membrane entière. Une cou- leur peut , sans être le résultat d'un mélange de bleu et de noir, stimuler plus ou moins la rétine , par conséquent avoir plus ou moins d'intensité , et paraître plus ou moins obscure , que d'ailleurs cet effet tienne à la différence ^^de vitesse des DES IMAGES EN GENERAL. Zoj ondes lumineuses , ou à leur différence de volume dans les diverses couleurs, ou à toute autre propriété quelconque de la lumière. Les points principaux de la théorie des couleurs imaginée par Gœthe reposent sur l'idée fausse qu'il se faisait de l'ob- scur ou du noir , en le regardant comme quelque chose de positif. Le gris qui se produit , au lieu de blanc , lorsqu'on mêle ensemble des pigmens à couleurs complémentaires, donne un certain vernis de vraisemblance à l'opinion de Goethe et de Seebeck ; mais la formation de ce gris est facile à expliquer, et d'ailleurs on peut prouver strictement que le blanc et le noir seuls ne sauraient jamais donner naissance à une couleur. Il ne résulte de ce mélange que du gris , soit que les deux impressions, comme dans le disque tournant, se succèdent avec assez de rapidité pour que Timage persistante de l'une et Timage naissante de l'autre se couvrent , soit que les deux causes agissent à la fois sur les mêmes parties de la rétine , ce qui se réduit à dire que l'action de la cause du blanc se trouve tempérée , et que de là naît du gris. Les phénomènes qu'on observe en regardant des objets in- eolores à travers des corps demi-transparens , sont ceux qui semblent parler le plus en faveur de la théorie de Gœthe. Cependant on peut les expliquer aussi d'après les faits connus , et à l'aide des principes de la théorie newtonienne elle-même. Les milieux troubles , comme le dit Gœthe, font paraître la lumière blanche, jaune ou même d'un jaune tiranfsur le rouge , en la modérant ; tel est l'effet du verre blanc et d'un air chargé de vapeurs au moment du crépuscule. Ce phéno- mène est attribué avec raison à la propriété dont le verre blanc , qui a toujours une teinte bleuâtre , jouit de laisser passer davantage les rayons jaunes et rouges , que les rayons bleus de la lumière blanche. Plusieurs milieux troubles ne le présentent pas, suivant la remarque de Brandes ; ainsi , par 3o8 DES CONDITIONS PHYSIQUES exemple , un nuage humide fait paraître blanche la lumière tant rélléchie que transmise., parce qu'il en laisse passer ou réfléchit toutes les couleurs à la fois. Les objections tirées des phénomènes prismatiques, que Gœihe élève contre la théorie newtonienne des couleurs, man- quent de fondement. Gœthe assigne, comme condition, à l'image prismatique colorée , qu'elle soit bornée , et que du clair limiie de l'obscur; la couleur n'apparaît qu'à cette li- mite, pa? ce que du clair et de l'obscur à la fois sont nécessaires pour la pioduire , ce qui fait qu'un objet non limité , un mur blanc, vu à travers le prisme , paraît blanc, et non coloré. Cependant ce dernier effet est précisément une conséquence de la théorie de Newton ; car tous les points de la muraille blanche renvoyant de la lumière blanche , c'est-à-dire des rayons bleus, rouges et jaunes à la fois, chaque partie de la rétine est aussi affectée par tous les rayons colorés à la fois, c'est-à-dire par du blanc. Il faut sans doute une limite de clair, et de moins clair ou d'obscur, pour que les couleurs diop- triques apparaissent ; mais cette condition est nécessaire aussi dans le sens de la théorie de Newton ; car les seuls rayons co- lorés susceptibles d'être vus comme tels, sont ceux qui ne se rencontrent pas avec d'autres couleurs dans l'image , et qui s'isolent à la limite de celle-ci , en vertu de leur réfrangibilité différente. Enfin l'explication que Gœlhe donne des couleurs prismati- ques n'est pas satisfaisante. Suivant lui , la réfraction est cause que , sur la limite d'une image obscure et claire , le champ obscur se meut sur le champ clair, et celui-ci sur l'autre , et de là naissent , à la limite , les bandes colorées. Cependant la lumière peut bien , à la hmite de l'obscur, se disperser sur. les parties en repos de l'œil , mais l'obscur ne peut point se ré- pandre sur le clair ; car, du point de vue physiologique , au- quel tout ici doit être finalement rapporté , l'obscur n'est que la partie de l'œil où nous sentons la rétine dans l'état de repos. DES IMAGES EN GENERAL. 3og Le mérite de Gœthe , par rapport à la théorie des couleurs, ne tient point à la manière dont il a envisagé les causes des cou- leurs prismatiques. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner les pré- cieux résultats de ses recherches sur les couleurs physiologi- ques , sur les effets moraux des couleurs , et sur Thistoire de leur théorie. B. Couleurs naturelles des corps. Pigmens. La couleur naturelle des corps non lumineux par eux-mê- mes dépend immédiatement de la lumière qui tombe sur eux , et qu'ils nous renvoient en la réfléchissant; mais elle lient aussi en partie à leur affinité pour elle ; car tantôt ils la réfléchissent complètement , tantôt ils l'absorbent en entier, avec dégage- ment de chaleur, ou bien ils la réfléchissent et l'absorbent en partie , et tantôt ils la laissent passer tout entière , lanlôt ils ne laissent passer que certains rayons et absorbent les autres. Un corps blanc est celui qui réfléchit toutes les espèces de lu- mière colorée à la fois ; un corps noir, celui qui les absorbe tous et n'en réfléchit aucun ; un corps coloré , celui qui ab- sorbe ou laisse passer certains rayons colorés de la lumière blanche et réfléchit les autres. Un corps transparent incolore laisse passer toutes les sortes de rayons , qui , à leur sortie , conservent l'aspect de lumière blanche, et il ne réfléchit qu'une très-petite partie de tous ces rayons. Un corps trans- parent coloré absorbe certains rayons de la lumière , ei laisse passer les autres à travers sa substance. On peut démontrer expérimentalement que la couleur des corps opaques tient à ce qu'ils absorbent certains rayons de la lumière et en réflé- chissent d'autres. Quand des corps colorés qui réfléchissent les rayons «, vien- nent à être éclairés par une autre lumière colorée absolument homogène, ils ne sont point en état de réfléchir celte dernière, qu'ils absorbent , et paraissent en conséquence totalement in- colores. La mèche d'une lampe à esprit de vin , qu'on a im- 5lO DES CONDITIONS PHYSIQUES prégnée de sel marin , donne une lumière jaune homogène , d'après lu remarque de Brandes ; vus à cette lumière^ tous les objets colorés paraissent sans couleur, à l'exception de ceux qui sont jaunes. Cependant , la plupart du temps , la lumière colorée n est point homogène , et contient de la lumière blan- che , indépendamment de celle d'une teinte particulière qui y prédomine. Les corps colorés transparens, tantôt paraissent d'une teinte différente par réflexion et par transmission, tan- tôt oOrent la même dans les deux cas. Le même nuage peut paraître bleuâtre par réflexion , et jaune ou orangé par trans- mission; dans le premier cas, il laisse passer les rayons jaunes et rouges , que nous ne voyons pas , et nous envoie les bleus, qu'il réfléchit ; dans le second, nous voyons les rayons orangés transmis , et non les bleus , qui sont réfléchis. Brandes explique de cette manière la teinte tantôt bleuâtre , tantôt au- rore de l'atmosphère. Quand le temps est beau , l'atmosphère paraît bleuâtre à l'est , où elle nous réfléchit la lumière bleue^ laissant passer la jaune et la rouge , que nous ne voyons pas ; mais elle est orangée à l'ouest , où elle laisse passer la lumière jaune etrouge, qui nous arrive, tandis qu'elle réfléchit la bleue. C'est par la même raison qu'un verre laiteux bleuâtre semble d'un rouge de feu quand on le regarde à contre-jour. D'autres corps transparens ont la même couleur par transmission et par réflexion ; ils réfléchissent une partie d'une lumière colorée a , tandis qu'ils laissent passer une partie de cette même lumière, et ils absorbent complètement les autres rayons colorés. C, Couleurs par interférence des rayons lumineux. La théorie newtonienne des couleurs n'est point renversée par les phénomènes qu'on explique au moyen du principe , découvert par Th. Young , de l'interférence des rayons lumi- neux , ou de l'action des ondes lumineuses les unes sur les autres. Gomme de nombreux phénomènes de coloration , dont on avait eu jusqu'alors beaucoup de peiae à se rendre compte» DES IMAGES EN GÉNÉRAL. 3l l sont redevables de leur origine à cette loi , il est nécessaire , pour compléter l'histoire des couleurs physiques, d'exposer les principaux points de la théorie de l'interférence et des cou- leurs produites par elle. La propriété d'agir réciproquement les uns sur les autres , que Young a découverte dans les rayons lumineux , consiste en ce que deux de ces rayons , qui partent d'un point , et qui parviennent à un autre point en suivant des voies peu diffé- rentes et sous un très-petit angle de convergence , acquièrent une faculté d'illumination plus intense dans certaines circon- stances , et perdent entièrement cette faculté dans d'autres conditions. Cette action réciproque qu'ils exercent les uns sur les autres^ est ce qu'on nomme interférence. Supposons que Fig. 21. le cône lumineux a,b,c^ émané du point a , tombe dans un espace ob scur; qu'à quelque dislance du som- met de ce cône se trouve une lan- '^gueite étroite de carton ou de bois •^ (qui, pour plus de g clarté, a été ren- ^ due très - large dans la figure) , et que 6 c soit un plan recevant l'ombre. Si la lumière qui part de a , est d'une seule couleur, par exemple de la couleur pris- matique rouge , au lieu d'une ombre simple sur la paroi b c , il se projette une série de lignes alternativement colorées et obscures , dont les premières ont la même teinte que le cône lumineux. Si l'on rapproche beaucoup du corps le plan h c , l'ombre est pure , bien dessinée et sans lignes ; si on l'éloigné, 3l2 DES CONDITIONS PHYSIQUES il se développe plus ou moins de ces lj(];nes. La ligne médiane,' en d, est colorée. Le phénomène des lignes claires et obscures cesse aussitôt qu'on reçoit la lumière sur l'un des bords d'une carte , de manière qu'elle n'arrive point , de ce côté , jusqu'au plan b c. Ceci prouve que le phénomène ne dépend pas de l'influence de la lumière sur les bords , mais de l'action mu- tuelle des rayons qui passent au devant des bords opposés. Mais que ces rayons se rencontrent derrière la carte , c'est ce qui résulte des lois de l'inflexion à laquelle la lumière est soumise , quand elle passe immédiatement au bord des corps. En effet , le bord de la carte au devant duquel les rayons pas- sent y les infléchit de la direction ab en celles g, /", e, d. L'in- flexion la plus forte est celle des rayons les plus rapprochés du bord ; elle diminue à mesure que l'éloignement augmente, jusqu'à ce qu'à une certaine distance les rayons reprennent la direction a b. L'inflexion de la lumière aux bords de la carte a donc pour effet la réunion de quelques uns des rayons partis du point a. Ces rayons ont la même longueur pour le milieu de l'ombre ; mais leurs longueurs diffèrent pour tous les autres points de celle-ci ; c'est ce qui arrive , par exemple , à ceux qui se réunissent en e , en /, en g. Or comme l'image des rayons rouges infléchis qui émanent de a montre des lignes ob- scures alternant avec des lignes rouges , il suit de là que cer- tains rayons de la lumière rouge , infléchis aux bords opposés de la carte , se sont complètement détruits par leur rencontre en des points du plan , qui , par cela même , paraissent ob- scurs , tandis que d'autres ne se sont pas détruits et laissent paraître la couleur rouge. On peut aussi démontrer le phénomène , comme Ta fait Fresnel,[en se servant de deux miroirs inclinés l'un sur l'autre d'un très-petit angle pour amener à l'interférence les rayons lumineux émanés d'un point , de manière à remplacer par la réflexion ce qui , dans le cas précédent , était produit par l'inflexion. DES IMAGES EN GÉNÉRAL. 3l5 L'explication de ce phénomène est facile à donner d'après la théorie de l'ondulation. La lumière rouge n'est point dé- truite au point d ; là coïncident des rayons d'égale longueur de cette lumière , qui ont parcouru un nombre égal d'ondes depuis a jusqu'à d ; les rayons qui coïncident en e ^ f^ g , ont des longueurs inégales , et ils ont parcouru un nombre inégal d'ondes jusqu'à leur rencontre. Tous ces rayons interférens d'inégale longueur, ou se détruisent , ou se renforcent. La différence de longueur des rayons qui coïncident en e peut être plus petite ou plus grande que la largeur d'une onde de la lumière rouge, laquelle onde se compose d'une partie con- densée et d'une partie raréfiée. Si un rayon a parcouru jusqu'à e une onde entière de plus que l'autre pour arriver au même point, les deux ondes ne se troublent point, d'après les lois qui régis- sent tout mouvement ondulatoire , car la partie condensée de l'onde d'un ra^oh tombe en e sur la partie raréfiée de l'onde d'un autre rayon, ou la partie condensée de l'un sur la partie raréfiée de l'onde de l'autre , c'est-à-dire l'intumescence de l'une sur celle de l'autre, et la dépression de l'une sur celle de Fig. 22. l'autre, comme dans la figure ci- Y/^^^^^^^s^^ /^^^^^s\ //contre. Il ne peut résulter de là qu'un renforcement du rayon réfléchi par le plan, puisque les intumescences et les dépressions des ondes se couvrent. La même chose arrivera si la différence des nombres des deux ondes est de trois , quatre , cinq , six ondes entières ; car, dans ce cas, les intumescences coïncideront toujours avec les intu- mescences, et les dépressions avec les dépressions. Si, au contraire , l'un des rayons qui arrivent ensemble à un point n'a fait que la moitié d'une onde entière de plus que l'autre , ou si la dépression de l'un coïncide avec la moitié condensée ou l'intumescence de l'autre, comme dans la figure ci- 5l4 I^ES CONDITIONS PHYSIQUES Fig. 23. jointe , la raréfaction d'une des ondes et rintumescence de l'au- tre se détruiront réciproquement, et le point paraîtra obscur. Si les différences des nom- bres des deux rayons sont plus petites qu'une onde entière , mais plus grandes qu'une demi-onde, ou plus grandes qu'une onde entière , mais plus petites que deux, les mouvemens des deux rayons se troubleront plus ou moins. On voit sans peine comment ces phénomènes devaient fournir l'occasion de trou- ver, à l'aide du calcul , la largeur des ondes lumineuses pour les différentes couleurs.Au reste, les lignes obscures et claires varient de situation suivant l'espèce de lumière colorée sur laquelle on expérimente. Dans le cas dont il vient d'être question , les rayons lumi- neux amenés à l'interférence étaient de la lumière colorée ho- mogène , qui partait d'un point. En se servant de la lumière blanche , on voit apparaître les phénomènes de coloration dont il s'agit pour notre but. Au lieu de bandes homogènes alter- nativement colorées et obscures, on en aperçoit qui brillent des couleurs homogènes les plus vives. L'explication de celles ci a été donnée pour l'expérience précédente. Gomme les ondes de chaque couleur contenue dans la lumière blan- che ont une largeur inégale , chacune des principales couleurs de cette lumière aura ses bandes particulières , claires et ob- scures, diversement placées. C'est du principe de rinlerférence qu'il est le plus fa- cile de dériver les couleurs qu'on observe dans les lames min- ces de corps à structure feuilletée , et sur les surfaces cou- vertes de sillons très- fins. On sait que la surface antérieure ou la surface postérieure d'un corps transparent réfléchit de la lumière. Un rayon qui tombe perpendiculairement sur une mince lamelle transparente est réfléchi en partie par la face an- térieure , en partie par la face postérieure ; la dernière et la DES IMAGES EN GÉNÉRAL. 5 1 5 première parties de ce rayon coïncident ensemble dans la ré- llexion , et doivent donner lieu à un phénomène d'interférence si la différence des chemins qu'elles parcourent est très-petite. La même chose arrive à des rayons qui torubent obliquement ; car avec le rayon réfléchi par la face antérieure coïncide la partie de quelque autre rayon réfléchie par la face posté- rieure, et il y a là interférence. On explique aussi de cette manière les couleurs qui se remarquent sur des surfaces fine- ment striées ; c'est donc là que se rapportent les iridations des lamelles du mica , du verre en feuille , des bulles de savon , de la nacre de perle, etc. En terminant ces remarques, je donnerai les longueurs et la vitesse des ondes lumineuses pour les diverses couleurs , telles que Herschel les a calculées d'après des phénomènes d'interférence. H LONGUEUR DES ONDES NOMBRE NOMBRE DE BILIIONS EN MlIllONlÈMES DES ONDES DE VIBRATION DE POUCE ANGLAIS. PAR POUCE. PAR SECONDE. Limite du rouge 26,6 37640 458 Limite du rouge et de l'orangé 24,6 40720 495 Limite de l'orangé et du jaune 23,5 42510 517 Limite du jaune et du vert 21,9 45600 555 Limite du vert et du bleu 20,3 49320 600 Limite du bleu et de l'indigo 18,9 52910 644 Limite de l'indigo et du violet 18,1 55240 672 Limite du violet extrême 16,7 1 59750 727 3l6 DE LOEIt, CHAPITRE II. De l'œil , comme appareil d'optique. I. Construction optique de l'œil. Si nous considérons la construction de l'œil sous le rapport de la sensation de la lumière en général, et de la vue en par- ticulier, nous pouvons distinguer trois formes principales. i° Les yeux les plus simples, ou points oculaires, des Vers et des animaux inférieurs , à l'égard desquels on ignore si ces organes leur procurent plus qu'une sensation générale de la lumière, c'est-à-dire leur permettent de distinguer autre chose que le jour et la nuit , la clarté et l'obscurité des lieux où ils se tiennent. V Les yeux des Insectes et des Crustacés, qui sont compo- sés en manière de mosaïque , et pourvus de milieux transpa- rens isolateurs de la lumière. 3° Les yeux à milieux transparens qui réunissent la lu- mière. A. Yeux simples , ou points oculaires , des Vers et autres ani- maux, inférieurs. On peut démontrer que les yeux des Insectes, des Crus- tacés, des MoUj^sques, sont pourvus des appareils transparens nécessaires pour séparer la lumière provenant de diflerens points des objets. En peut-on dire autant des points oculaires qui se voient chez les Vers et autres animaux inférieurs ? Ces yeux sont-ils privés d'instrumens optiques , et ne sont-ils pas destinés uniquement à distinguer la clarté et les ténèbres en général , le jour et la nuit ? J'ai dit précédemment quels sont les animaux chez lesquels on les rencontre. La Sangsue médicinale en a dix, qui sont disposés en demi-cercle à la face antérieure de la portion céphalique , au dessus de la bouche. COMME APPAREIL d'oPTIQUE. Si-J Suivant Webep, ils sont élevés au dessus de la surface, comme une verrue, et ils se prolongent, à l'instar de cylindres, dans l'inlérieur de l'animal. Leur extrémité est couverte d'une membrane convexe, transparente, au dessus de laquelle se trouve une lame noire ; l'extrémité inférieure des cylindres est noire. On n'aperçoit ni pupille , ni parties transparentes. Hien de semblable ne se voit dans les yeux semi-circulaires de plusieurs Planaires. J'ai étudié la structure des points ocu- laires chez les Néréides. Dans le genre Nereis d'Audouin et Edwards , il y en a quatre placés en carré sur la surface de la tête ; ils ne font aucune saillie , et sont simplement couverts par l'épiderme. Arrondis en arrière , plats du côté de la lu- mière^ ils se composent d'une membrane noire, creusée en forme de godet , et d'un corps rond , blanc , opaque , contenu dans cette membrane , et qui se prolonge en un nerf optique. Les quatre nerfs optiques des quatre yeux se plongent , cha- cun à part , dans la face supérieure du cerveau. Nous avons donc , chez ce animal, des yeux sans appareils optiques trans- pàrens. Le renflement logé dans la choroïde est accessible à la lumière; car la choroïde manque du côté externe, et présente là une ouverture circulaire. Mais ce renflement paraît n'être que l'extrémité en forme de papille du nerf optique , puis- qu'elle a la même apparence que lui , et qu'elle se continue manifestement avec lui. Il est vrai que la Néréide avait séjourné auparavant dans l'alcool ; mais , malgré cette immersion , les parties transparentes des yeux des Insectes, des Arachnides et des Mollusques, conservent leur translucidité(l). Rathke(2) a également observé, dans \2i Nereis Bumerilii ^miQ échancrure en forme de pupille à la choroïde. Cet anatomiste décrit en- core une autre forme d'yeux appartenant au genre Lycoris, de la même famille des Néréides ; la pupille manquait , et la (1) MniER, dans Ann'des sciences nat.^ XXII, p. d9, (2) De Bopyro et ^Sereide^TM^d^ 1837. . 3lS DE l'CEIL , choroïde entourait l'œil entier. Ici , on peut bien moins en ^ core admettre la faculté de distinguer les formes, et tout au plus doit- on supposer celle de distinguer vaguement la lu- mière et Tobscurité, au moyen de la lumière qui peut traverser l'enduit pigmentaire. R. Wagner (1), qui a reconnu , sur les Néréides fraîches, le renflement papilliforme du nerf optique, et Fabsence de tout organe transparent , croit avoir aperçu , chez de très-jeunes Sangsues médicinales , des parties trans- parentes, une sorte de cristallin logé dans la région antérieure d'un corps vitré en forme de cloche et couvert d'un pigment granuleux rouge peu adhérent. Ce qu'il y a de certain, c'est que , parmi les animaux de la famille des Néréides, les uns ont une pupille sans organes transparens intérieurs, et les autres n'ont pas même de pupille. Nous sommes donc autorisé à pen- ser qu'ils ne peuvent que distinguer d'une manière très-gé- nérale la clarté des ténèbres. L^existence de véritables organes visuels dans un genre de Néréides sans pupille , avec un enduit pigmentaire couvrant entièrement l'œil , et l'analogie de cet organe avec les yeux d'autres Néréides qui ont une pupille , rend probable que la faculté de sentir la lumière existe aussi chez d'autres animaux inférieurs qui ont des points oculaires noirs ou de couleur foncée, dans lesquels cependant on n'aperçoit pas de pupille. Parmi les Vertébrés, on ne connaît qu'un seul exemple d'yeux sans appareils optiques. J'ai trouvé dans la Myxine glutinosa un petit œil logé , non seulement sous la peau , mais même sous les muscles, tandis que l'œil des Bdellostomes , voisins de ces animaux , est situé à la surface. L'œil de la Myxine ne renferme pas de cristallin ; on n'y trouve qu'un corps qui le remplit en entier, et qui ressemble plutôt à un bulbe du nerf optique qu'à un corps vitré. Quoique l'œil soit couvert de muscles , cependant la faculté de sentir la lumière peut ne (1) Fet^Uichende Aneitomie , 1. 1, p, 428. COMME APPAREIt d'optIQUE. 3i9 pas manquer tout-à-fait, puisque nous voyons la lumière à travers l'épaisseur des doigts et d'os entiers. Ces animaux ne peuvent donc que distinguer le jour de la nuit. B. Yeux composés, ou a mosaïque^ des Insectes et des Crustacés, Les yeux composés des Insectes et des Crustacés sont des segmens de sphère plus ou moins grands , immobiles chez les Insectes, mobiles sur des pédicules chez les Décapodes, par- mi les Crustacés , et chez quelques autres encore. Le nerf optique se renfle dans leur intérieur en une grosse sphère ou en un segment de sphère, de la surface de laquelle s'élèvent des miniers de fibres primitives nerveuses , qui se dirigent , comme autant de rayons , vers la superficie de l'organe. Ce- pendant ces fibres n'arrivent point jusqu'à l'épiderme transpa- rent. Entre leurs extrémités et la cornée transparente se trou- vent des cônes transparens , également dirigés , en forme de rayons , vers la face interne de la coi'née, et dont les bases se réunissent avec cette fuce , tandis que les sommets embras- sent les extrémités des fibres du nerf optique. La longueur des cônes varie beaucoup suivant les espèces ; la plupart du temps , ils sont cinq à six fois aussi longs que larges , comme chez k majeure partie des Coléoptères et chez les Lépido- ptères; rarement sont-ils fort courts; leur longueur dépasse à peine leur largeur chez les Mouches , parmi les Diptères. La cornée des Insectes et des Crustacés décapodes est également divisée en façon de mosaïque ; chaque petite division , appe- lée facette , correspond à un cône transparent , avec lequel elle est unie, et à une fibre du nerf optique. Les facettes, hexa- gones che'z les Insectes , ont rarement cette forme chez les Crustacés , où presque toujours elles sont carrées , quoique lesdivisions ne puissent avoir lieu ici par des lignes droites, et que la convexité de la surface de l'œil fasse qu'elle doive être opérée par des lignes courbes. Il est rare que les facettes soient un peu élevées à l'extérieur et à l'intérieur , c'est-à- 020 DE L'dËir. , dire lenticulaires, comme chez les Lépidoptères ; en général, la surface en est assez plane ; elles ont même quelquefois une é/)Misseurconsidérable,par exemple, chez les Orthoptères et les Coléoptères. La ressemblance entre leurs faces antérieure et postérieure fait qu'on doit attendre peu de chose de leur action sur la lumière en général; aussi ai-je constaté qu'elles manquent cliez un grand nombre de Crustacés, notamment chez les Ento- mostracés , où néanmoins les cônes transparens existent éga- lement. Dans ce cas, la surface de la cornée est parfaitement plane , tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ; là seulement aussi les bases des cônes sont arrondies, au lieu d'être unies, comme elles le sont d'ordinaire, avec les facettes de la membrane. En- tre les cônes transparens, et même entre les fibres du nerf op- tique, il y a du pigment, tantôt clair, tantôt foncé, noirâtre , violet foncé , bleu foncé , purpurin , brun, jaune brun , jaune clair, vert, etc. Quelquefois ce pigment forme plusieurs couches superposées, de couleur diverse. Il s'élève jusqu'à la cornée , entre les cônes , dont parfois même il couvre la face anté- rieure, ou la base, en n'y laissant, dans le milieu de chacun, qu'une ouverture pupillaire , qui devient surtout apparente lorsque les cônes sont fort courts , comme chez les Diptères. Dans d'autres cas , les bases des cônes sont touî-à-1'ait hbres de pigment , qui ne garnit que les points d'intersection des facettes. Chez les Crustacés inférieurs, dont la cornée n'a point de facettes , les corps transparens en forme de cônes on^ leurs sommets et la plus grande partie de leur longueur en- gagés dans le pigment , tandis que leurs extrémités arrondies en sont dépourvues et regardent la face interne lisse de la cornée. Au reste , le nombre des facettes et des cônes varie beaucoup : la plupart du temps il est très-considérable , et s'élève à plusieurs milliers , par exemple à douze et vingt mille dans un seul œil ; rarement y en a-t-il peu, comme chez certains Entomostracés. L'union «ntre les fibres du nerf opti- que et les cônes a été étudiée d'une manière spéciale^ par COMME APPAREII d'oPTIQUE, 52 I R.Wagner. Chez les Insectes, les fibres se prolongent en forme de gaines sur les côtés du cône : or comme , chez les animaux supérieurs , les fibres nerveuses se composent d'un tube et d'un contenu , on peut présumer que ce sont princi- palement les tubes qui forment ces gaines (1). J'ai déjà dit que les yeux d'un grand nombre de Crustacés n'ont pas de facettes à la cornée , et que les bases de leurs cônes sont arrondies. C'est pourquoi j'ai admis , dès 1829 , deux modifications principales des yeux composés. Mais il en existe une troisième , qui a été remarquée par Edwards , Burmeister et moi , chez plusieurs Crustacés. C'est celle dans laquelle , outre les corps en forme de cônes , il s'en trouve en- core de lenticulaires entre la cornée et les cônes ; ces len- tilles doivent rassembler les rayons lumineux qui tombent sur elles , et les incliner vers les axes des cônes. Edwards a ob- servé cette disposition dans les Callianasses, chez beaucoup de Brachyures , en particulier le Cancer maculatus , enfin dans YAmphytoe, et plusieurs Edriophthalmes (2). J'ai vu aussi des lentilles dans les facettes de la cornée de VHjperia. Suivant Burmeister , le Branchiopus paludinus en possède également, dont Taxe longitudinal est plus long que le traversai (3).Quel- ques uns de ces animaux, comme VAmphyioe et plusieurs Edriophthalmes , VHyperia et le Branchiopus , ont deux cor- nées : l'externe est lisse , et l'interne à facettes ou fenêtrée , de telle sorte que les lentilles se trouvent derrière les fe- nêtres , comme dans le Branchiopus, On peut donc établir les modifications suivantes des yeux à facettes. 1° Yeux composés dont la cornée présente des facettes , et qui sont pourvus de cônes transparens , sans lentilles ; les In- sectes , et la plupart des Crustacés décapodes. (1) Voyez WiEGMÀKif, ArahiVf 1835, t. I, p. 372. »— Muller, Archiv^ (2) Hist. nat. des Crustacés, Paris, 1837, 1. 1, p, IIG. (3) Muller, Archiv, 1835, p. 529, 1836, Cil. II. 21 52ît DE t'OEIL , a. A facettes simples de la cornée. b. A fortes saillies lenticulaires sur la face interne des fa- cettes ; Meloe. 2*» Yeux composés dont la cornée est lisse et sans facettes. a. Avec des corps transparens coniques , arrondis à leur base^ sans lentilles ; Daphnia^ Apus^ Gammarus^ Cyamus^ etc. b. A bases des cônes soudées avec la cornée , Limulus, 3° Yeux composés ayant des lenlilles au devant des corps coniques transparens. a. A cornée présentant des facettes ; CalHanassa et beau- coup de Brachyures ( Cancer maculatus). b. A cornée lisse en dehors et présentant des facettes en dedans Amhitoe , plusieurs Edriophthalmes , Hj-peria. c. A cornée lisse en dehors et fenêtrée en dedans , Bran- chiopus. 4*^ Agrégation d'yeux simples , dont chacun contient les parties essentielles des yeux simples , savoir une lentille et un corps vitré sphérique ; plusieurs Isopodes , tels que Cijmo- thoe , et les Insectes Myriapodes , lulns. Cette disposition fait le passage des yeux à mosaïque sans lentilles à Torgane vi- suel pourvu d'une lentille qui rassemble les rayons lumineux. C. Yeux simples des Insectes f Arachnides ^ Crtistacéset Mol-- lusques , avec des milieux dioptriques réunissant les rayons lumineux (1). 4. Yeua: sim'ples renfermant une lentille. 1<» Arachnides. Les yeux des Arachnides sont construits d'après le même principe que ceux de l'homme et des ani- maux vertébrés. Derrière la cornée se trouve un cristallin sphérique , et derrière celui-ci un corps vitré. La choroïde (1) V. MuLLER, Ann, des Se. nat. XVII, 232 et XXII. — Meckei, Ar- chiv, 1839,125, 208. COMME Al'PÀnEIL DOPTIQUE. 523 forme un anneau noir autour du cristallin. La plupart des Arachnides ont plusieurs de ces yeux : le Scorpion , par exemple , en a deux sur le dessus de la tête , et son plus petit au bord antérieur de celle-ci : j'en ai même compté dix au bord antérieur de la tête dans le Scorpio teler du cap de Bonne- Espérance , et dans le Scorpio occidentalis, 2° Crustacés. Chez ces animaux , les yeux pourvus de mi- lieux dioptriques propres à rassembler les rayons lumineux , ou de cristallins , sont rares : lorsqu'on en rencontre , ils existent de concert avec des yeux à mosaïque. On les nomme ordinairement yeux simples, pour les distinguer de ces der- niers. Ainsi le Limule Polyphème a doux yeux simples, indé- pendamment de ses yeux composés. 3" Insectes. Ici les yeux simples contenant un cristallin exis- tent tantôt seuls, tantôt conjointement avec des yeux à mo- saïque. Le premier cas est celui de plusieurs Aptères , par exemple des Scolopendres , qui ont quatre yeux de chaque côté de la tête , des Podures et des Aptères parasites. Les lar- ves des Coléoptères carnassiers ont également des yeux sim- ples , sans yeux composés : il y en a deux chez les Cicindèles et les Aristes , et douze , six de chaque côté , dans les larves des Dytiques. Les larves des Hyménoptères sont pour la plu- part aveugles ; celles des Abeilles ont deux yeux simples. Celles des Lépidoptères possèdent, en général, plusieurs yeux simples de chaque côté. Quelques Insectes parfaits ont deux à trois yeux simples, en outre de leurs yeux composés ; tels sont les Orthoptères , les Hémiptères , les Névroptères , les Lépidoptères crépusculaires et nocturnes. D'après mes recher- ches ^ les yeux simples de ces animaux ne diffèrent pas , pour la structure, de ceux des Arachnides. Ils contiennent certai- nement un cristallin rond, placé immédiatement derrière la cornée convexe , et peut-être une substance comparable au corps vitré. Quelquefois ces yeux sont allongés en travers , comme l'un de ceux àQ \di Scolopendra morsitans ^ et deux 5^4 ï^E l'oeil , de ceux qui sont disposés en cercle de chaque côté de la tête des larves du Bysticus marginàlis : en pareil cas , le cristallin a aussi une forme transversalement oblongue. Les yeux simples des Insectes ne sont probablement des- tinés qu'à la vision des objets les plus rapprochés. C'est ce qu'on peut déduire de ce qu'ils existent surtout chez les Larves et les Insectes privés d'ailes ; plusieurs observations que j'ai faites sur la situation de ces organes mènent aussi à la même conclusion. Dans le genre Empusa^ l'œil médian infé- rieur ne peut , quand l'animal marche , apercevoir que les objets les plus proches , à cause de l'allongement de la tête. Dans la Locusta comuta , il se trouve également placé au des- sous de l'avance de la tête. Il en est de même chez les Truxales. Dans le Gryllus vittatus , le troisième œil simple est situé en bas, au dessus de la galète : il en est de même chez la plupart des Grylions à tête conique , comme les Gryllus serrulatus et crenatus. Chez le Gryllus lithoxjlon , l'œil simple médian est tout-à-fait caché dans une gouttière entre les antennes , de sorte que son champ visuel doit être fort rapproché et peu étendu. Les yeux simples de V Acheta monstrosa sont à peine perceptibles à la base des antennes , presque dans leur arti- culation avec la tête. En général , l'inclinaison de la tête des Orthoptères fait que leurs yeux simples se dirigent principa- lement vers le bas,[c'est-à-dire vers le sol sur lequel l'animal court. Chez la plupart des Hyménoptères , au contraire , ils sont tournés plus en arrière , par exemple dans les genres Molaxis , Cimhex , Tenthredo , Leucopsis , Sirea; , Içhneumon , Chrjsis ^ Lasius , etc. Je crois donc pouvoir conclure que , chez les Insectes , ces organes sont plus particulièrement des- tinés à la vue myope. Il y a entre eux et les yeux composés le même rapport qu'ont les palpes et les antennes. Les an- tennes et les yeux composés manquent aussi aux Larves. Mollusques. Des organes visuels construits d'une manière analogue à ceux des Arachnides et des Insectes se rencon- COMME APPAREIL D OPTIQUE. 02S trent chez beaucoup de Mollusques , notamment dans l'ordre entier des Gastéropodes. Ils renferment aussi un cristallin et des traces plus ou moins sensibles du corps \itré. A Toeil nu, ils représentent des points Hoirs placés soit à l'extrémité des tentacules, soit dans leur milieu, sur le côté externe, soit enfin à leur base. Dans le genre Jïe/a-, ils sont à l'extrémité des'grandes cornes , un peu de côté. En général, ils ont une choroïde en manière de godet , qui forme ceinture en devant, un cristallin , et un corps vitré , comme le savait déjà Swam* merdam. Le Murex tritonis possède au moins un des milieux réfringens , un grand corps transparent arrondi. Autrefois on avait méconnu le nerf optique des Limaçons; on prenait pour tel le grand nerf du tentacule , qui appartient à la sensibilité tactile ; le nerf optique est beaucoup plus grêle ; quoiqu'il semble être une branche du précédent , on parvient néan- moins à l'isoler jusqu'au cerveau. L'organe visuel des Lima- çons ne paraît être propre qu'à la vision d'objets très-rap- prochés ; VHeiia: pomatia n'évite aucun des objets qu'on lui présente , à moins qu'ils ne soient qu'à deux ou trois lignes de distance de son tentacule. Les yeux des Céphalopodes contiennent toutes les parties essentielles de ceux des animaux supérieurs, même l'iris et le corps ciliaire. 2. Agrégation d'yeux simples. On peut appeler ainsi les organes visuels de quelques ani- maux qui offrent la réunion d'un grand nombre d'yeux sim- ples en une masse , dans laquelle cependant chacun d'eux a la structure des yeux simples des Arachnides et des Mollus- ques , c'est-à-dire qu'il est construit d'après le même plan que celui des animaux supérieurs. J'ai trouvé de tels yeux chez quelques Insectes , les Iules , et chez divers Crustacés , par exemple , les Gymothoës. La surface de l'œil de ces animaux offre des convexités dont le nombre correspond à celui des 520 1>E LOEIL, yeux agrégés. Près de quarante yeux peuvent être a'msi réunis en une seule masse. Derrière chaque cornée se trouve un cristallin arrondi , et derrière celui-ci un corps vitré éga- lement arrondi , qui est entouré par la rétine et la choroïde. Les agrégations d'yeux simples font le passage aux yeux composés à mosaïque qui renferment des cristallins, en outre de leurs corps coniques. D. OEil de V homme et des animaux vertébrés* Ce n'est point ici le lieu d'exposer la structure des diverses parties de l'œil , et d'entrer dans les détails de l'anatomie générale de cet organe. Nous devons nous contenter d'indi- quer les dispositions principales , celles qui ont le plus d'im- portance pour Toptique , et les différences les plus essentielles qu'on rencontre dans les diverses classes. d. Entourage de Vœil. Paupières. Tantôt il n'y a point de paupières , et la peau passe tout simplement sur l'œil , comme chez certains Poissons et plu- sieurs Reptiles nus , tels que les Protéides et les Pipa ; tantôt la peau forme des paupières. Mais la paupière peut aussi être simple ou double ; elle peut même ne former qu'une ceinture circulaire , avec une ouverture centrale , comme chez le Ca- méléon. Aux paupières ordinaires se joint , chez plusieurs ani- maux , la membrane nictitanie, dont ^^on aperçoit déjà un vestige chez les Mammifères , qui acquiert son plus grand développement chez les Oiseaux et les Reptiles écailleux , et dont on retrouve des traces , parmi les Poissons , chez plu- sieurs Squales. La membrane nictitante des Oiseaux , qui est transparente , peut être ramenée du côté interne de l'œil vers la surface antérieure de cet organe , au moyen d'un appareil musculaire particulier, qui dépend du nerf abducteur. Parmi les Squales , elle existe dans les genres Carcharias et Galeus. COMME APPAREIL d'oPTIQUE. Sa-J et manque dans les genres Scj-lHum^ Lamna^ Selache^ Alope^ oias ^ Notidanus , Spinaos ^ Centrina , Scj-mnus ^ etc. Une disposition voisine de celle-là est celle qu'on observe chez quelques Sauriens de la famille des Scincoïdes, dont la paupière inférieure est comme cornée et transparente, de sorte que, même quand elle couvre l'œil , elle n'empêche pas l'animal de distinguer les objets. Une autre toute particulière est la capsule immobile située au devant de Toeil des Ophi- diens. Chez ces animaux , les paupières sont remplacées par une capsule transparente, qui adhère par sa circonférence en- tière à la peau, dont elle est un prolongement aminci. Cette capsule se compose de trois lames superposées ; une exté- rieure, continuation de Tépiderme, et qui par conséquent se détache à l'époque de la mue ; une médiane , qui se continue avec le derme , et une interne , qui correspond à la conjonc- tive palpébrale : celle-ci produit, comme à l'ordinaire, la conjonctive oculaire, en se réfléchissant sur elle-même. Entre la capsule et le pourtour extérieur de l'œil règne un vide, dans lequel parviennent les larmes, qui peuvent s'écouler, comme de coutume , à travers le canal lacrymal. Cette structure a été découverte par J. Cloquet. On la trouve même chez les Ser- pens dont Tœil est couvert d'une peau épaisse , tels que les Amphisbènes et autres ; je l'ai constatée aussi chez un Mammi- fère , le Spalax typhlus , dont les yeux semblent couverts d'une épaisse peau velue , au dessous de laquelle la conjonc- tive forme cependant un petit sac. Parmi les Sauriens, qui d'ailleurs ont des paupières , il en est , les Geckos , dont les yeux présentent cette particularité remarquable qu'ils sont , comme ceux des Ophidiens , recouverts d'une capsule trans- parente. Les organes lacrymaux manquent chez les Cétacés , les Reptiles nus et les Poissons. 528 DE l'œIE j 2,' Tuniques de l'œil. La sclérotique a , chez beaucoup d'animaux, de la tendance à se cartilaginiser et s'ossifier. Chez les Oiseaux, les Ghélo- niens , les Sauriens , sa partie antérieure offre , autour de la cornée , un anneau composé de petites lames osseuses, qui tantôt se recouvrent à la façon des tuiles d'un toit , et tan- tôt sont placées les unes à côté des autres. La sclérotique des Poissons renferme presque toujours deux grandes plaques cartilagineuses. La choroïde est séparable, chez les animaux, en deux feuil- lets", la choroïde proprement dite , et une membrane interne, appelée ruyschienne. Dans les Poissons , le feuillet externe est la plupart du temps argenté , et l'interne couvert de pig- ment. Entre eux deux se trouve , en arrière , autour de l'en- trée du nerf optique , un corps en forme de fer à cheval et recevant beaucoup de sang , qu'on nomme glande choroï- dienne. Le cercle ciliaire , fibreux chez l'homme et les Mam- mifères , paraît être musculaire chez les Oiseaux. La face interne de la choroïde est couverte , chez tous les animaux , d'une membrane pigmentaire , qui se compose de cellules aplaties , souvent hexagones , contenant les grains de pig- ment. Il n'y a point de pigment ]dans ces cellules chez les Al- binos. Le pigment manque aussi , chez plusieurs animaux , sur certains points de l'œil , qui paraissent blancs ou doués de réclat métallique (tapis). Le tapis des Ruminans, situé à la partie inférieure externe de l'œil , offre bien des cellules , mais il n'y a poïfît de pigment dans celles-ci. Les couleurs métalliques paraissent dépendre d'un phénomène d'interfé- rence dû à la structure de la choroïde, et non d'une couleur matérielle : aussi disparaissent-elles par la dessiccation. Mais le lapis entièrement blanc des Carnassiers, qui forme, au fond de leur œil , une tache triangulaire bien déUmitée , doit sa teinte à une couleur particulière , et ne la perd point en se COMME APPAÏlEIt d'OPTIQUE. • 3^9 desséchant. Les tapis des animaux réfléchissent déjà un mini- mum de lumière , qui tombe dans l'œil , et ils sont cause , par cela même, que les yeux de ces animaux brillent, non pas dans l'obscurité , comme on le prétend , mais pour peu qu'ils reçoivent une très-petite quantité de lumière. Le corps ciliaire n'existe plus chez les Poissons , à un petit nombre d'exceptions près. On trouve là un prolongement fal- ciforme, qui passe à travers une fente de la rétine, et s'attache au bord du cristallin , lequel est en même temps retenu dans sa situation par l'organe appelé campamda Halleri. L'iris est mobile chez la plupart des animaux : il a peu ou point de mobilité chez les Poissons osseux. Dans le Cheval , le Narwal , le Lama et les Raies , il offre un appendice en forme de voile au bord supérieur de la pupille. Celle-ci est tantôt ronde, tantôt allongée , soit en travers, comme chez les Rumi- nans , soit en long , comme chez les Chats et le Crocodile -, tan- tôt triangulaire , comme dans le Bufo igneus , etc. Aux Oiseaux appartient en propre le peigne , pli pyramidal et couvert de pigment , qui naît de la choroïde , traverse le corps vitré , et se dirige vers le bord du cristallin. Cet organe est situé à la partie postérieure et externe de l'œil ; il existe chez tous les Oiseaux. Les Sauriens en ont un vestige , et peut-être doit-on y rapporter aussi le procès falciforme des Poissons. 3. Parties transparentes de Vœil. Le cristallin est formé de lames concentriques superposées. On a remarqué que ces lames elles-mêmes se composent de fibres ayant la même épaisseur qu'elles , et dont voici la dis- position. Qu'on se figure trois lignes tirées du centre de la face antérieure du cristallin à son bord , de manière à partager cette face en trois champs : les fibres se portent parallèlement les unes aux autres , et obliquement , du bord de la lentille vers ces trois lignes , en traversant les couches, d'où résultent dans chacune de celles-ci trois champs de fibres. Les trois li- 530 DE l'OElt, gnes forment une figure non fibreuse , qui reçoit les fibres des trois champs. Brewsler (1) a fait voir que les fibres du cristal- lin se pénètrent réciproquement par des dentelures qu'elles présentent sur les bords , et qui sont surtout très-prononcées chez les Poissons. , Les champs dans lesquels les fibres dentelées sont dispo- sées varient beaucoup suivant les classes et les ordres. Sous le point de vue chimique , le cristallin est composé d'une sub- stance albumineuse , contenant un peu de fer. Ses couches internes sont toujours plus fermes que les externes; dans les Poissons, elles ont une dureté extraordinaire , presque carti- lagineuse. Le cristallin est toujours plus convexe chez les animaux aquatiques que chez les animaux aériens ; il a une forme sphérique chez les Poissons , et celui des Seiches est même allongé dans le sens de l'axe de l'œil. Par contre, la cornée des animaux aquatiques est beaucoup moins bombée que celle des animaux aériens ; une cornée convexe ne servi- rait à rien aux premiers , puisque la puissance réfringente de l'humeur aqueuse diffère très- peu de celle du liquide au milieu duquel ils vivent , tandis que les rayons lumineux subissent une réfraction considérable en traversant la cornée et l'hu- meur aqueuse des animaux qui vivent dans l'air. Cette ré- fraction est compensée , chez les animaux aquatiques , par la grande convexité du cristallin. La moitié antérieure du cristal- hn des Poissons fait saillie dans la chambre antérieure de l'œil , à travers la pupille. 4. iVer/" optique et rétine. C'est dans la structure de ces organes qu'on observe les différences les plus remarquables chez les animaux. i Le nerf optique se compose toujours de fibres primitives ayant la même organisation que celles du cerveau. Ces fibres (i) Philos. Trans.yiS^e, COMME APPAREIL û'oPTIQUE. 33 1 sont très-déliées, beaucoup plus que celles d'aucun autre nerf. Tantôt le nerf optique entier a une structure simple- ment fibreuse, comme chez l'homme; tantôt les fibres se disposent en feuillets sur certains points, le chiasma par exemple , de manière que les feuillets de l'un des nerfs se glissent entre ceux de l'autre, comme chez les Oiseaux et les Reptiles ; tantôt , enfin, le nerf entier est membraneux dan$ son trajet du cerveau à l'œil, disposition que Malpighî avait constatée chez TEspadon , et qui paraît être générale chez les Poissons. Si l'on ouvre la gaîne du nerf, celui-ci so montre sous l'aspect d'une membrane plissée en manière d'éventail , et la rétine semble ne provenir que de son déploiement , ce qui d'ailleurs s'accorde parfaitement avec la construction de la rétine des Poissons , car celte membrane offre encore deux bords hbres , attendu qu'elle est fendue depuis sa partie anté- rieure jusqu'au fond de l'œil. L'union que les nerfs optiques contractent l'un avec l'autre, après leur origine , mérite de fixer l'altenlion. On peut distin- guer, à cet égard , les formes suivantes : 1" Conformation des Poissons osseux. Ici les deux nerfs sont unis, après leur origine, par une étroite commissure transversale ; après quoi ils se croisent , sans entremêler leurs fibres , et vont se rendre , le droit à l'œil gauche , le gauche à l'œil droit. 2" Conformation des Poissons cartilagineux. Les nerfs ne se croisent pas , comme chez les Poissons osseux j ils sont unis intimement par une commissure, dont on ne connaît pas la structure intime. Cette conformation se rapproche beaucoup du chiasma des animaux supérieurs. 3° Chiasma des Reptiles et des Oiseaux. Il ressemble exté- rieurement à celui des Mammifères ; mais sa texture est la- melleuse; les feuillets d'un des nerfs se glissent entre ceux de l'autre , en se croisant , comme font les doigts de la main lors- qu'on les entrecroise. On ignore encore si toutes les fibre^ 532 DE l'œil 5 participent à cette décussation, ou s'il y en a un certain nom- bre qui continuent de marcher du même côté. : 4® Chiasma des Mammifères et de riiomme. Là point de structure lamelleuse. Les fibres des deux nerfs éprouvent une décussation partielle dans le chiasma ; celles qui ne se croisent pas continuent de marcher du même côté. Cette conformation est plus facile à apervoir chez les animaux que chez l'homme. La structure intime de la rétine a été déterminée dans ces derniers temps par une découverte de Treviranus (1) et par les observations de Gottsche (2). Celte membrane se compose de trois couches principales, une externe pultacée ou granu- leuse , une médiane formée de fibres nerveuses , et une in- terne formée de cylindres , qui sont la continuation de la couche fibreuse. Le nerf optique se divise en cylindres ner- veux , qui s'épanouissent en rayonnant dans la couche médiane ou fibreuse. Chaque cylindre nerveux ou chaque faisceau de cylindres s'écarte , suivant Treviranus , de la direction hori- zontale à un certain point de son trajet , et se dirige vers le côté interne de la rétine , où il se termine en manière de pa- pille. Le diamètre transversal des cylindres était de 0,001 millim. chez le Hérisson ; celui des papilles de 0,0033 chez le Lapin, et de 0,002 à 0,004 chez les Oiseaux. Dans la Gre- nouille , il est de 0,0044 pour les cylindres , et de 0,0066 pour les papilles. Examinée à l'état frais , la rétine offre sur sa face interne , dans toutes les classes d'animaux vertébrés , de petits cyfindres , pressés les uns contre les autres, dont les extrémi- tés regardent l'intérieur de ï'œii. Ces cylindres se détachent facilement , et flottent alors librement dans le champ du mi- croscope. Chez les Poissons , ils sont pourvus de petits ren- flemens ou de papilles , dont Gottsche a donné la description. (1) Beitrœge zur Aufklaerung des organischen Lehens. Brème. (2) Dans Pfaff , Mitthcilungen aus dem Gehiete der Medicin , 1836 , Cah. 34. COMME APPAREIL d'oPTIQUE. 333 Les extrémités des cylindres nerveux à la face interne de la rétine ne peuvent être étudiées qu'à Tétat frais ; après la mort, elles s'altèrent d'une manière rapide, et il suffit de quelques heures, surtout en été, pour qu'on ne puisse plus rien distinguer de la texture de la membrane ; on n'aperçoit plus alors , au lieu de cylindres , qu'une couche grenue , qui est celle qu'avaient signalée les anciens anatomistes. Quelque certain qu'on soit de l'existence des trois couches de la rétine, et de celle des cylindres dans la plus interne de toutes , on ne s'explique pas bien la connexion de ces corps avec la couche fibreuse, ni la manière dont elle a lieu. On se demande sur- tout si le nombre des cylindres ne correspond qu'à celui des fibres nerveuses, ou s'ils sont implantés en séries sur les fibres de la couche fibreuse. -IX. Théorie de la vision d'après la structure des yeux. La théorie de la vision est différente suivant l^-que l'œil se compose de cônes transparens rayonnes , dont les parois sont couvertes de pigment , et qui ne laissent parvenir aux fibres du nerf optique placées au fond du cône que la lumière tombant dans l'axe de celui-ci , comme chez les Insectes et les Crustacés à yeux composés ; 2" que l'œil possède des moyens dioptriques de réunir la lumière , une cornée , avec ou sans humeur aqueuse , un cristallin et un corps vitré , comme les yeux simples des Insectes , des Arachnides , des Mollusques et des animaux vertébrés. A. Vision au moyen â/yeucc composés et de m,ilieux dioptriques isolés par du pigment. La vision chez les Insectes et les Crustacés à yeux composés est d'autant plus intéressante , qu'elle diffère totalement de celle qui s'accomplit au moyen d'un œil semblable à celui de l'homme , et qu'elle nous permet d'approfondir la nature de la fonction elle-même. 534 ^^ ^'^^^ 5 Tant qu'on négligea les cônes translucides et couverts dé pigment sur les côtés , qui sont placés entre la cornée et les fibres du nerf optique , et qu'on supposa ces dernières pro- longées jusqu'aux facettes de la cornée, la vision des Insectes demeura complètement énigmatique. Si les fibres du nerf optique s'étendaient jusqu'à la cornée , chaque point situé au devant de l'oeil , a, Z», c, d , projetterait de la lumière sur tou- tes ces fibres à la fois , c'est-à-dire que l'animal ne distin- guerait point a, Z>, c, c?, et n'aurait que la sensation d'une certaine impression résultant du mélange de toutes les diver- sités. Mais les cônes ne laissent parvenir à leurs fibres ner- veuses correspondantes que la lumière qui frappe Toeil dans le sens de leur axe , et toute celle qui rencontre leurs parois obscures se trouve absorbée par elles. De cette manière , chaque cône représente une partie aliquote de Timage , et l'image se compose , à l'instar d'une mosaïque , d'autant de parcelles qu'il y a de cônes , en sorte que sa netteté doit être en raison du nombre de ces derniers. 1. Degré de netteté de Vimage. La netteté de l'image qui se projette dans l'œil des Insectes et des Crustacés dépend de causes tout autres que celles qui la produisentdans celui des animaux pourvus d'appareils trans- parens propres à réunir la lumière. Ici elle a pour condition que la rétine se trouve précisément au foyer de la lentille. Là, au contraire, elle ne tient qu'à la grandeur de l'œil et au nombre des cônes ou facettes qui concourent à la production de l'image. Un œil qui possède douze mille appareils isola- leurs doit aussi pouvoir distinguer douze mille parcelles du champ visuel sans confusion. Mais lorsqu'il n'y a qu'un petit nombre de ces organes , chaque cône et chaque facette ap- porte à limpression totale celle d'une beaucoup plus grande étendue du champ visuel. En effet, toutes celles des particules d'un corps qui envoient leur lumière au même cône et à sa COMME APPAREIL d'oPTIQUE. 535 fibre nerveuse ne peuvent point être distinguées les unes des autres, et elles ne sont représentées que dans une impression commune mixte. La longueur des cônes doit également in- fluer sur la netteté delà vue chez les Insectes et les Crustacés: car plus elle est considérable , plus la lumière qui vient de côté se trouve écartée , plus les rayons qui parviennent à la fibre nerveuse sont rapprochés de Taxe du cône. 2. Vue de près et de loin. Il résulte des considérations précédentes qu'entre les yeux à mosaïque et les yeux à cristallin , une grande différence existe eu égard à la vue de près et de loin. Les yeux à mosaï- que sont également bons de loin et de près , et la distance des objets n'exige pas qu'il s'opère de changement en eux : car, qu'il soit proche ou éloigné , l'objet qui envoie sa lumière sui- vant l'axe d'un cône est toujours vu distinctement comme point. A la vérité, le nombre des unités qui se représentent comme point seulement doit augmenter avec la distance de l'objet ; mais il n'y a point ici de cercles de diffusion, et nul change- ment intérieur de Tœil n'est nécessaire pour porter remède à ce défaut. Au contraire, chez les animaux pourvus de milieux propres à rassembler la lumière, la netteté de l'image dépend non seulement de l'éloignement des objets , mais encore de la juste proportion dans la distance de la rétine au cristaUin, c'est-à- dire de celle à laquelle les rayons lumineux coïncident ensem- ble, et cette distance varie, comme je l'ai exphqué plus haut, suivant qu'un intervalle plus ou moins grand sépare Tœil de l'objet : aussi est-il nécessaire , dans ces sortes d'yeux, qu'il s'opère des changemens intérieurs, sans lesquels ils ne pour- raient voir distinctement qu'à une distance déterminée. 3. Etendue du champ visuel. L'étendue du champ visuel des Insectes peut être déduite avec la plus grande exactitude de la forme de l'œil : car^ comme il n'y a jamais de vu que ce qui tombe dans l'axe des ^* 336 DE l'œic, cônes, c'est-à-dire dans les rayons de l'œil, en prolongeant par la pensée les axes des cônes qui sont placés sur les bords de ce dernier, on a exactement l'étendue du champ visuel d'un Insecte ou d'un Crustacé. En d'autres termes , plus le segment de sphère que représente l'œil d'un Insecte est grand, plus le champ visuel de l'animal est étendu, et mce versa. Fig. 24. Un œil ayant la forme d'une moitié de sphère ^^. ^24 AB représente tout ce qui se trouve placé au devant de lui, de- puis le rayon A jus- qu'au rayon B . Celui qui n'est que le seg- JB ment de sphère C D, ne représente non plus que les objets compris entre les pro- longemens des rayons C etD. Pour un œil réduit au seg- ment de sphère EF, le champ visuel est bien plus réduit encore. Or, comme la grandeur du segment de sphère di- minue en raison de l'aplatissement de l'œil, on peut expri- mer la proposition dans les termes suivans : Plus Tœil d'un Insecte est plat, et moins le champ visuel de l'animal a d'étendue, tandis que plus l'organe est convexe, et plus aussi le champ visuel devient étendu. Ainsi, par exemple , une Libellule a un champ visuel très-considérable , parce que son œil représente plus de la moitié d'une sphère : l'animal doit donc bien voir en avant, en arrière et sur les côtés ; ses mou- vemens nous prouvent que les choses se passent réellement ainsi, car ils sont prompts, vifs , sûrs, et souvent se déjettent tout à coup de côté. Les yeux plats d'une Punaise d'eau, qui s'élèvent à peine au dessus du sommet de la tête , et qui ne représentent que de très-petits segmens de sphère, doivent avoir un champ visuel rétréci. Chez les Naucores et les No- COMME APPAREIL d'opTIQUE. 55t tonectes, ces yeux plats sont situés sur le devant de la tête ; nous ne devons donc point êire étonnés de ce que les mou- vemens de l'Insecte dans l'eau soient en harmonie avec son champ visuel si peu étendu; en effet, il pousse toujours de- vant lui , sans s'écarter ni à droite ni à gauche. Il est facile de juger que le volume absolu de l'œil n'exerce pas la moindre influence sur l'étendue du champ visuel. Un œil peut être très-petit , et avoir cependant un champ visuel fort grand , pourvu qu'il représente un grand segment de sphère. Il peut être large, au contraire, et n'avoir néanmoins qu'un champ visuel très-restreint , si le segment de sphère qu'il représente est petit. 4. Angle optique. Ce qui précède fait également connaître de quoi dépend , chez les Insectes, la gi^andeur relative des images par rapport au champ visuel entier. En effet , les limites de l'image d'un corps quelconque sont déterminées par les rayons lumineux qui, partis des points de l'objet , tombent sur les axes des cô- nes de l'œil. Si, par la pensée, on prolonge ces rayons en dedans jusqu'au point où ils se rencontrent , l'angle compris entre eux donne l'angle optique. Or si l'on se figure le seg- ment de cercle que l'œil représente , prolongé en un cercle complet T et celui-ci divisé en degrés , minutes et secondes, la surface de l'œil exprime en degrés angulaires la distance des points. Mais comme la grandeur relative des objets dépend toujours de la situation des cônes qui laissent passer la lu- mière émanée des divers points, on peut, pour chaque objet, indiquer en degrés, minutes et secondes, la valeur de l'angle optique d'après la distance des cônes que traversent les rayons provenant de ses limites. Des objets placés à d'inégales dis- lances, qui projettent cependant leurs rayons lumineux à tra- vers les mêmes cônes, ont naturellement des images de gran- deur pareille \ leur angle optique est le mêrne. Ainsi , dans la IX. 2 2 338 DE l'CElL, figure précédente , un corps qui s'étend depuis la ligne G jusqu'à la ligne E paraît toujours sous l'angle optique a;; et sa grandeur apparente est au champ visuel comme a; est à cent quatre-vingts degrés. Le plus petit angle sous lequel un In- secte pourra encore distinguer quelque chose sera celui qui se trouvera compris entre les axes de deux cônes adossés l'un à l'autre. Mais comme il y a plusieurs milliers de cônes dans un œil , la perspicacité de la vue doit diminuer généralement, d'après cela, chez ces animaux. Si l'on a bien suivi les déductions précédentes , on sentira que l'œil des Insectes et des Crustacés n'avait pas besoin que sa structure variât pour la vue dans l'air et pour la vue dans l'eau , car ces deux conditions différentes n'apportent aucun changement à rien de ce qui concerne la vision. Aussi mes observations m'ont elles démontré qu'il n'y a pas la moindre différence de structure enire l'œil des Insectes aériens et celui des Insectes aquatiques. Chez les animaux pourvus d'appareils concentrateurs de la lumière, le cristallin a besoin d'une puis- sance réfringente plus grande pour la vie dans l'eau que pour celle dans l'air, parce qu'il y a moins de différence de densité entre lui et l'eau qu'entre lui et Tair. Mais la puissance réfrin- gente des milieux oculaires ne joue presque aucun rôle chez les Insectes, et chaque cône représente l'objet placé en face de lui, qu'il voie dans l'eau ou dans l'air. Enfin l'œil d'Insecte le plus complet est celui auquel le vo- unie absolu de l'organe, le nombre des cônes et des facettes et la longueur des cônes procurent une vue nette et distincte , celui aussi qui a un grand champ visuel en raison de sa con- vexité, ou de l'étendue du segment de sphère qu'il représente. B, Vision au moyen d'yeux pourvus d^ appareils réfringens. Ce qui rend la vue des objets possible dans les yeux composés des Insectes et des Crustacés, c'est que , parmi les rayons du cône lumineux que chaque point isolé projette sur l'organe COMME APPAREIÏL d'ûPTIQUE. 339 entier, celui qui correspond à un certain rayon de l'œil est le seul qui pénètre dans sa profondeur, tous les autres étant écar- tés. Daps la vision au moyen d'instrumens réfring^ns, le cône lumineux émané d'un point est de nouveau réuni, par la ré- fraction, en un point qui se trouve sur la réline. Mais la ré- fraction par des milieux réfringens est triple dans Tœil de l'homme et des animaux supérieurs. D'abord les rayons du Fig- 25. cône lumi- neux parti des points fig. 25 A et B, sont brisés par la cornée ce et par l'humeur aqueuse comprise entre cette membrane et le cristallin, c'est- à-dire qu'ils sont rapprochés du rayon médian , de celui qui marche parallèlement à l'axe ; car ces milieux réfractenl en vertu et de leur convexité et de la différence de densité entre eux et l'air. Une seconde réfraction s.'opère à travers la face antérieure du cristallin EE, et les rayons du cône lumineux se rapprochent encore davantage du rayon qui suit l'axe , à cause de la convexité de cette face et de la différence de densité entre l'humeur aqueuse et le cristallin. Une troisième réfraction a lieu quand les rayons du cône quittent le milieu plus dense du cristallin pour passer dans le milieu moins dense du corps vitré. J'ai démontré précédemment qu'une lentille rapproche les rayons de l'axe tant lorsqu'ils passent d'un mi- lieu moins dense à la face antérieure convexe d'un plus dense, que quand ils repassent de la face postérieure convexe de celui-ci dans un milieu moins dense. Donc les rayons des cônes lumineux A et B se réunissent, chacun en un seul point, en b et en^a , et si la rétine F se trouve là, A et B seront semis 34o DE l'œit, en a et h comme points parfaitement correspondans. Si la ré- tine n'était point placée en a et b^ mais au devant ou en ar- rière, par exemple en H ou en G, au lieu de points , des cer- cles diffus seraient vus, savoir, pour G les cercles c et o, et pour H les cercles e et f; car en H les cônes lumineux ne sont pas encore réunis en un seul point , et en G ils ne le sont plus, puisqu'ils ont recommencé à diverger après leur réu- nion en b et en a. Il faut donc, pour qu'une image nette se produise, c'est-à-dire pour que les rayons émanés d'un point se réunissent de nouveau en un point , que la rétine F se trouve exactement à la distance du cristallin où s'opère leur coïncidence. Nous avons prouvé que cette distance devient plus grande quand l'objet est plus proche, et moins considé- rable lorsque l'objet est plus éloigné. La direction que les rayons prennent, en vertu de la réfraction, dépend d'ailleurs du rayon médian du cône lumineux , vers lequel s'inclinent les rayons latéraux. L'image d'un point se projette donc tou- jours dans la direction des rayons médians , c'est-à-dire de ceux qui sont parallèles à l'axe Ba et Ab, A la vérité, le rayon médian d'un cône lumineux qui, au lieu de passer par l'axe même du cristallin, tombe obliquement sur la cornée et la len- tille, subit aussi des déviations de sa route. Mais, si l'on fait abstraction de cette circonstance, l'endroit où l'image d'un point se projette sur la rétine est déterminé par le prolongement du rayon parallèle à l'axe, ou par le rayon qui traverse le mi- lieu de la pupille de l'œil. On peut donc , à la figure précé- dente, substituer celle qui suit : Fiff, 26, A-è est le rayon central du cône lumineux parti de A, fig. 26. et B a celui du cône lumi- neux émané de B. L'image de A apparaît en-6 , et celle ^deBapparaîten a, renversée par conséquent. Ce qui était en haut dans l'objet est vu COMME APPARKït D OPTIQUE. 34 1 en bas /ce qui était en bas l'est en haut ; de même pour les parties droite et gauche , qui sont vues la première à gauche , et la seconde à droite. On peut se convaincre de tout ce qui a été discuté jusqu'ici par une expérience sur l'œil d'un animal. Si l'on ouvre avec précaution cet œil par le haut , de manière qu'il soit possible de voir , à travers le corps vitré, ce qui se passe sur la rétine, on distingue au fond de l'organe l'image d'un objet brillant, par exemple d'une fenêtre éclairée. L'expérience est plus fa- cile encore à l'aide de l'œil d'un Lapin atteint d'albinisme , dont les membranes sont translucides à cause de l'absence du pigment noir ; il suffit de le bien préparer , d'en placer la par- lie antérieure en face d'une croisée éclairée , et d'en obser- ver la paroi postérieure translucide. Dans cette expérience , citée par Magendie , on aperçoit au fond de l'œil une image très-nette de la fenêtre, et tout y est renversé. On nomme angle optique l'angle a^-compris entre les rayons centraux croisés de deux points d'un objet. Cet angle croît avec la distance du point A au point B, et comme x-zzy l'é- loignement des points de l'image a ti h sur la rétine croît aussi avec l'angle optique x. Des objets diversement éloignés qui ont le même angle optique a?, par exemple les objets c,d,e^ doivent donc aussi projeter sur la rétine des images d'égale grandeur , et s'ils appartiennent au même angle , leur inoage doit occuper le même emplacement sur cette membrane. Précédemment , nous avions admis comme rayons paral- lèles à l'axe ceux, qui passent par le milieu de la pupille , et qui par conséquent tombent au voisinage du centre de la len- tille cristalline. Cependant cette hypothèse ne répond point d'une manière rigoureuse à la réalité , c'est-à-dire qu'une ligne qui passe par le centre de la pupille ne rencontre point exactement l'image de la rétine. En effet , les rayons médians d'un cône lumineux subissent aussi, quand ils tombent obli- quement sur la cornée et le cristallin , une réfraction qui les 342 DE l'oeil , dévie de leur direction. De là vient qu'il faut recourir à Tex* périencé et au calcul pour trouver le rayon qui sert réellement de guide au cône lumineux émané d'un point , et que ce qui a été dit de l'angle optique doit subir une modification en conséquence. Les points de l'image a etb ne sont donc pas dans le prolongement de B o et Ao. Maintenant une question se présente : de combien une ligne droite allant de l'objet à l'image sur la rétine s'écarte-t-elle du rayon central passant par le centre de la pupille ? Ne pouvant pas m'engager ici dans tous les détails que com- porterait la discussion aprofondie du problème, je me bor- nerai à donner le résultat des expériences qui ont été faites à ce sujet. Volkmann a publié là dessus d'intéressantes recher- ches , desquelles il résulte que , dans l'œil , se trouve «û point où les hgnes tirées de différens objets à leurs images sur la rétine se croisent , et que le point où le croisement a lieu n'est situé ni au milieu de la pupille , ni au milieu du cristal- lin , mais derrière celui-ci. Comme le plan de l'œil, sur lequel les images se forment , est concave , et que , du milieu vers les bords, il se rapproche peu à peu du cristallin , on comprend que les images des ob- jets placés de côté ne peuvent pas être aussi nettes que celles des objets médians, à la distance focale desquels se trouve le milieu de la rétine. Mais le défaut de netteté des images laté- rales a encore d'autres causes. Car les rayons d'un cône lumi- neux provenant d'objets placés sur le côté , ne se réunissent pas exactement au même point, à cause de l'inégalité de la réfraction. Cependant la principale cause qui fait que la net- teté des images va en décroissant du milieu de la rétine à son pourtour, paraît tenir à cette membrane elle-même. Les rayons qui tombent sur le bord du cristallin subissent une autre réfraction que les rayons médians ou centraux , en vertu de l'aberration de sphéricité ; la netteté de la vision exi- geait qu'il y eût dans l'œil un appareil analogue à celui dont COMME APPAHEIL d'oPTIQUE. 34$ on se sert dans les instrumens d'optique , c'est-à-dire que le bord du cristallin fût couvert d'un diaphragme qui ne permît qu'aux rayons centraux de passer par son ouverture médiane. Le diaphragme de l'œil est Tiris , et son ouverture la pupille; mais lia l'avantage d'être mobile , de pouvoir s'élar- gir et se rétrécir. La dilatation de la pupille dans les lieux peu éclairés permet qu'au moins la quantité de lumière compense la perte éprouvée du côté de la netteté de l'image. Il peut aussi arriver, dans certaines circonstances , qu'avec une pu- pille très-large Timage des rayons marginaux soit nette, lors- que celle des rayons centraux manque de netteté , ou même n'est point vue, parce qu'elle n'est pas reçue à la distance re- quise. L'étroilesse de la pupille, une juste distancé et une lumière vive sont les conditions qui rendent l'image aussi nette et claire que possible, parce que, dans ce cas, la quantité de la lumière suffit, malgré le peu d'ouverture de la pupille, et que l'étroitesse de celle-ci empêche la formation d'une image sans netteté des rayons marginaux, qui ont une autre distance focale. Relativement au cristallin, cette lentille doit être d'autant plus dense et plus convexe, qu'il y a moins de différence de densité entre l'humeur aqueuse et le milieu dans lequel vjt l'a- nimal. Chez les Poissons, le cristallin est sphérique et la cornée plate, la plupart du temps. Chez les animaux qui vivent dans l'air, la cornée est plus convexe et le cristallin plus déprimé. L'intérieur des parois de l'œil , derrière l'iris et le corps ciliaire , derrière même la rétine , est couvert de pigment noir. Celte disposition offre le même avantage que la couleur noire dont on teint les parois intérieures des instrumens d'op- tique. Le pigment absorbe les rayons lumineux qui pour- raient être réfléchis , les empêche de parvenir une seconde fois au fond de l'œil , et fait ainsi qu'ils ne peuvent pas trou- bler la netteté de l'image. Tel est le but du pigment qui gar- nit la face postérieure de l'iris et du corps ciliaire. Mais celui 344 ^^ ^'^''^ 5 qui existe à la face postérieure de la rétine et celui même de la choroïde ne sont point sans importance sous ce rapport. La rétine est translucide : si, au lieu d'une membrane de cou- leur foncée , il s'en trouvait derrière elle une capable de ré- fléchir la lumière, les rayons lumineux qui auraient déjà rencontré la rétine elle-même seraient réfléchis par elle , et reportés sur d'autres points de cette membrane , ce qui non seulement causerait l'éblouissement par excès de lumière , mais encore troublerait les images. Les animaux chez lesquels manque le pigment de la choroïde, et les hommes atteints d'albinisme , se trouvent dans ce cas ; la lumière du jour les éblouit aisément , et ils voient mieux dans Tobscurité. Plu- sieurs animaux qui se montrent actifs et qui chassent au cré- puscule, tandis qu'ils sont lourds et lents pendant la journée, ont également des points de leur choroïde dépourvus de pig- ment, ou plutôt couverts d'un pigment blanc, comme les Chats et autres animaux ennemis de la lumière. La netteté ou la clarté de l'image sur la partie moyenne de la rétine tient à plusieurs conditions diverses : 1° A ce que les rayons lumineux venant d'un point se réu- nissent complètement en un point correspondant de la rétine, de manière à éviter les cercles de diffusion ; 2° A ce que l'éclairage ait une intensité suffisante ; 3** A ce que les plus petites parcelles de la rétine soient aptes à percevoir, comme si elles étaient séparés les unes des autres. La première condition dépend de ce que la rétine se trouve exactement à la distance focale de l'image. A elle se rattache le plus ou moins de portée de la vue distincte chez les différens hommes , qui , comme on le sait , tantôt sont myopes , tantôt sont presbytes , tantôt n'ont pas de hmites arrêtées sous ce rapport , leur œil pouvant s'ajuster à toutes les diversités de l'éloignement des objets et de la distance focale des images. Cependant , comme la faculté de s'accommoder aux ditTéren- COMME APPAREIL d'oPTIQUE. 545 tes distances, par des changem^ns intérieurs, a des limites, il y a , pour chaque individu , un éloignement auquel il voit plus nettement qu'à tout autre , et dont la distance focale de l'i- mage est celle qui correspond le mieux à Tiniervalle compris entre la rétine et le cristallin , ainsi qu'au pouvoir réfringent des milieux de son œil. Cette distance de la vision distincte peut être évaluée de cinq à dix pieds pour la majorité des hommes. Les objets qui sont trop rapprochés de l'œil projet- tent sur la rétine des cercles de diffusion d'une grande éten- due ; c'est ce qui fait qu'un corps mince , par exemple une épingle , qu'on tient trop près de son œil , ne peut être aperçu, ou ne procure que la sensation d'une nébulosité. Il est peu d'hommes qui puissent lire encore l'écriture à une distance de plus de vingt pouces. Cependant la puissance réfringente des milieux de l'œil devient la source de nombreuses différences à cet égard. Le myope ne voit distinctement que les objets :rès-rapprochés de lui , et ne distingue pas ceux qui sont placés à une grande distance ; le presbyte , au contraire , est obligé , pour bien voir un objet petit et difficile à distinguer, de le porter à une plus grande distancQ. La seconde condition de la netteté de la vue est une quan- tité suffisante de lumière. L'excès et le défaut de lumière rendent également tous deux l'image confuse. Enfin la netteté de la sensation dépend des particules de la rétine qui sont susceptibles de percevoir isolément des autres, comme si elles étaient séparées de celles-ci dans l'espace. Nous en avons un exemple dans les corps qui présentent-dés lignes très-fines , alternativement blanches et noires. Quand on regarde une gravure d'une distance telle que les images des traits blancs et noirs tombent à la fois sur des parcelles de la rétine d'une certaine grandeur, on ne peut pas distin- guer les limites de ces lignes, et l'on n'a qu'une impression mixte de gris. La même chose arrive pour les lignes très-fines, diversement colorées, et dont les teintes alternent ensemble : 346 DE t'OEIt , si elles sont bleues et jaunes , par exemple, elles font naître l'impression mixte du vert. C'est cette cause enfin qui fait que tous les mélanges de deux couleurs différentes ne nous ap- paraissent pas comme mélange , mais comme teinte intermé- diair*e homogène. De là résulte donc qu'il y a, dans la rétine, des minima , qui confondent en un seul tout les impressions reçues par eux , et ne peuvent plus les distinguer les unes des autres, quoiqu'elles soient réellement distinctes dans l'image. Or ridée se présente naturellement que ces minima sont, sui- vant toute probabilité, les terminaisons papillaires de la cou- che interne de la rétine. On peut donc présumer que des rayons différens qui tombent à côté les uns des autres sur ces minima de la membrane nerveuse, -ne sont plus sentis distincts, et que chaque papille n'obtient et ne transmet qu'une seule impression moyenne de toutes les influences qui l'affectent en même temps. De celte manière, l'image ressemblerait à une mosaïque , dont chaque élément serait homogène en lui- même. Or les plus petites parcelles delà rétine coïncident as- sez bien avec les plus petits points sensibles de cette mem- brane. L'angle le moin^ ouvert sous lequel nous puissions dis- tinguer deux points est de quarante secondes. Smith a cal- culé d'après cela que le plus petit point sensible de la rétine avait 1/8000*^ de pouce. D'après les recherches de Treviranus, le diamètre transversal des papilles de cette membrane est de 0,0033 dans le Lapin, et de 0,002 à 0,004 dans les Oiseaux» Or 0,003 millimètreszi:0, 00011 pouce anglais, et 0,004 milli- mètreszi:0,00015 pouce. Donc, en évaluant le diamètre moyen des papilles de la rétine entre 0,003 et 0^,004, c'est-à-dire à peu près entre 1/6000* et 1/10000'= de pouce, la plus petite partie sensible de celte membrane correspondrait très-exacte- ment à sa plus petite partie matérielle. Les mesures que E.-H. Weber avait déjà données des globules de la rétine, en les portant de l/8000« à 1/8400^ de pouce, s'accordent parfai- tement aussi «ivec ces appréciations. C05IME APPAREIL d'opTIQUE. 34? Cependant il n'y a plus correspondance lorsqu'on prend d'autres déterminations pour point de départ , et Volkmann croit très-probable que la faculté de distinguer avec la rétine a plus de portée qu'elle n'en aurait si les fibres nerveuses étaient les derniers élémens. Muncke admet que le plus petit angle visuel est de trente secondes, Treviranus distinguait jusqu'à une distance de quarante- huit lignes, uu point noir de 0,00833 ligne de diamètre sur un fond blanc , etVolkmaua calcule d'après cela que le diamètre de la plus petite image sur la rétine est de 0,000060 ligne. Cette évaluation est trop forte encore; car un œil médiocre distingue , à la distance de trente lignes , un cheveu qui n'a que 0,0U2 ligne de diamètre, ce qui donnerait une image sur la fétine ayant un diamètre de 0,00U023 ligne. Un élève de Baër pouvait encore apercevoir à une distance de vingt-huit lignes un poil d'un soixantième de ligne, ce qui, selon Volkmann , donnerait une image sur la rétine de 0,00000014 ligne de diamètre. De là , Volkmann conclut qu'en faisant abstraction du dernier cas, qui est tout- à-fait extraordinaire, les plus petites images sur la rétine sont inférieures aux moindres élémens de cette membrane dont nous connaissons la masse. lu. Changemens intérieurs dans i'œil pour la vision distincte à des distances diverses» De ce qui précède on peut déjà conclure d'une manière gé- nérale que la vision distincte à des distances diverses exige qu'il se passe des changemens dans l'intérieur de l'œil. Le foyer de l'image est un peu plus rapproché du cristallin pour les objets proches, et un peu plus distant pour les objets éioi- î^nés. Olbers s'est occupé de rechercher à combien s'élève la différence dans la distance focale pour la vue de près et de loin, avec les conditions de réfraction qui existent dans l'œil (1). (1) De internis oculi mutationibus, Gœttingue, 1780. 348 M I^'OEIL , Je \ais faire connaître par avance quelques uns des résultats auxquels il est arrivé, afin qu'on puisse se faire une idée nette de l'étendue des changemens nécessaires dont il s'agit ici. D'après le calcul d'Olbers, voici quelle serait la distance de l'image à la cornée pour quatre distances de l'objet choi- sies à litre d'exemple. DISTANCE DE l'objet. DISTANCE DE l'image a la cornée. Infinie •• 27 pouces 1 0,8997 pouce. 0,9189 0,9671 1,0426 De là résulte qu'une diffn-ence de 0,143 pouce dans la dis- tance focale de Timage serait nécessaire pour la vision dis- tincte à des distances diverses depuis quatre pouces jusqu'à un éloignement infini. En conséquence, si la cornée et le cris- tallin conservent leurs convexités, la distance de la rétine au cristallin n'aurait besoin de changer que d'une ligne environ pour toutes distances des objets , ce qui pourrait être opéré , soit par l'allongement de l'œil , soit par le déplacement du cristallin. Young porte le changement à un sixième de l'axe de l'œil. On conçoit que le même but pourrait être obtenu sans chan- gement de la distance du cristallin à la rétine, si la convexité ou de la cornée ou du cristallin était susceptible de modi- fications. Olbers a recherché aussi par le calcul quel serait le chan- gement que la convexité de la cornée devrait subir pour la vi- COMME APPAREIL D'oPTIQUE. 349 sion distincte à des distances diverses. Le rayon de la cornée pour les quatre cas précédens serait ainsi qu'il suit : DISTANCE DE l'objet. RAYON DE LA CORNÉE. Infinie 27 pouces 8 1 0,333 pouce. 0,321 0,303 0,273 S'il était possible que le rayon de la cornée changeât seu- lement de 0,333 à 0,300 pouce , et que la longueur de l'œil s'accrût d'une ligne , la vision distincte aurait lieu pour toutes les distances au-delà de quatre pouces. Ces résultats serviront de base aux discussions dans les- quelles je vais entrer. Il paraît certain que des changemens dans l'intérieur de l'œil sont absolument nécessaires pour que la vision puisse s'accomplir avec la même netteté à des distances diverses. Mais les uns , tels que Delabire et Haller, parmi les anciens, Magendie,Simonoff(l) et Treviranus(2), parmi les modernes, ont réfusé à l'œil l'aptitude à subir de tels changemens, tandis que la majorité des physiciens et des physiologistes la regar- dent comme étant démontrée par les faits. Magendie se fonde sur ce que l'image dans l'œil du Lapin ne perd pas de sa net- teté, quoique la distance de l'objet change , ce qui n'est pas vrai pour tous les cas. En calculant les effets de lentilles (i) Journal de Physiologie , t. IV, p. 260. (^)'Beitraege zur Anatomie und Physiologie der Sinnezwerkzenuye ^ 1828. — Beitraege zur Aufklaerung der jSrscheinungen und Gesetze des orgaîiischen Lelens, cah, I, 3. 35o DE I^'OElt , d'une densité croissante de dehors en dedans , Treviranus est arrivé à conclure qu'en supposant au cristallin une texture de ce genre, la distance focale de rimage resterait la même pour les différentes distances des objets , de sorte qu'il n'y aurait pas nécessité que des changemens intérieurs s'accomplissent dans l'œil. Tout en reconnaissant l'élégance avec laquelle il a traité ce problème d'optique mathématique , on ne saurait concilier les résultats de ses calculs avec les observations faites sur l'œil. D'ailleurs Kohlrausch a nié la justesse de la déduction elle-même. La réalité de changemens dans l'œil pour la vision distincte à distances diverses est démontrée incontestablement par des expériences aussi simples qu'exactes. 1» L'état d'accommodation de l'œil subit souvent de grands changemens dans un court espace de temps. Non seulement l'habitude de ne voir que des objets proches rend les enfans myopes , mais encore il n'est pas rare qu'une myopie passa- gère , qui dure quelques heures , se déclare après qu'on a fait long-temps usage du microscope. Fort souvent alors on distingue mal les objets dans la rue à vingt pieds de dislance, quoique d'ailleurs on ait une très-bonne vue^ de près comme de loin. J'ai fréquemment éprouvé cet état, qui dure parfois plusieurs heures. 2" Si l'on vise d'un seul œil les extrémités alignées de deux épingles placées à une distance différente, on aperçoit distinc- tement la première tandis que la seconde paraît nébuleuse , et on distingue très-bien la seconde tandis qu'on voit mal la première. Les deux images sont dans Taxe et se couvrent ; cependant il dépend d'un effort volontaire , qui se fait sentir dans l'œil , que la vision distincte soit pour l'une ou pour l'autre. Donc, quand je fixe un objet rapproché avec ma pu- pille rétrécie , comme elle l'est toujours en pareil cas , et que la distance focale de l'image nette de cet objet se prouve au COMME APPAREIL D OPTIQUE. 35 1 centre de la rétine, les rayons centraux de l'objet éloigné qui traversent la pupille forment un cercle de diffusion autour du centre de la rétine , c'est-à-dire qu'ils n'ont pas leur foyer à la distance où est cette membrane , mais au devant (1). On peut varier l'expérience en visant une égingle à travers une petite ouverture pratiquée dans une carte. Il dépend de la volonté de voir nettement le bord de l'ouverture ou l'épin- gle , mais alors aussi nous n'apercevons pas distinctement l'un ou l'autre. Treviranus n'a pas accordé à ces phénomènes l'attention dont ils étaient dignes , et l'explication qu'il donne en disant que l'action nerveuse se dérive vers d'autres points, n'est nul- lement propre à satisfaire. Lfs deux images tombent sur le même point de la rétine ; une épingle couvre l'autre, et ce- pendant on voit la première à travers le cercle de diffusion de la seconde , ou celle-ci à travers le cercle de diffusion de la première. Il ne saurait donc êîre question ici du report de l'attention sur d'autres points de la rétine. Je vois indistinc- tement une feuille chargée de lettres, dès que j'opère dans mon œil le changement approprié à une autre distance : ici il n'y a point d'objet de la vision distincte , c'est-à-dire que le changement a lieu pour une distance, ou plus petite ou plus grande, à laquelle ne se trouve aucun objet qui puisse être vu. 3» L'expérience de Scheiner. Si l'on fait , dans une carte , (1) Jahrlfuecher fuer wissenschafiliche Kritik, 1829, octobre, p. 623. # 352 DE L'œit, deux trous d'épingle plus rapprochés Tun de l'autre que le diamètre de la pupille n'est grand, et qu'à traversées ouver- tures on regarde un petit objet a placé au devant d'un œil, cet objet ne paraît simple qu'à une distance déterminée ; à toute autre, on le voit double. Ainsi fig. 27, A et B étant les ouver- tures de la carte , on le voit simple en o quand la rétine se trouve en E ; si la distance de a est plus considérable, et la rétine placée en D , de manière que l'image ne tombe plus sur la membrane , mais au devant d'elle , en o , les rayons se croisent derrière (? , et la double image a' a" tombe sur la ré- tine D ; de ces deux images , l'inférieure a" disparaît quand on bouche le trou opposé ou supérieur A de la carte , et vice versa. La même chose arrive si la distance de a est trop pe- tite ; car alors l'image tombe derrière la rétine F, en o , et la rétine F reçoit deux images a' a\ dont l'inférieure a" dispa- raît dès qu'on bouche le trou correspondant B de la carte. Les conséquences de cette expérience ont été poursuivies par Porterfield, Young, Purkinje , Plateau et Volkmann , et ce dernier l'a variée de plusieurs manières. Elle prouve évi- demment la nécessité de changemens intérieurs pour la vision distincte et l'inexactitude de l'hypothèse de Treviranus , en faisant voir qu'il a des circonstances dans lesquelles l'image tombe ou devant ou derrière la rétine. Ici se range encore une expérience de Beudant et de Cra- hay. Si l'on regarde une épingle à une distance de cinq ou six centimètres de l'œil , au travers d'un petit trou percé dans une carte , et qu'on fasse mouvoir celle-ci de droite et de gauche , l'épingle semble être aussi animée d'un mouvement en sens inverse. Le phénomène s'explique par le défaut de netteté delà vision quand l'image tombe en avant et en arrière de la rétine. Dans le premier cas , par exemple , les rayons s'écartent de nouveau après s'être réunis , et un cercle de diffusion se projette suria rétine. La carte, pendant ses mou- vemens , interceptant une partie des rayons , il n'arrive à la COMME APPAREIL d'oPTIQUE. 355 rétine que les rayons croisés provenant d'un côté. De là le déplacement apparent de l'image. Au reste , la diffraction qui a lieu au bord de Touverture de la carte joue aussi un rôle dans ces phénomènes. Les causes qui permettent à l'œil de s'accommoder aux distances peuvent être cherchées dans des parties très-diffé- rentes. On peut les attribuer aux mouvemens de l'iris, au dé- placement du cristallin , à l'allongement de l'axe de l'œil , au changement de la convexité du cristallin et de la cornée. On trouve dans la grande Physiologie de Haller (1) , dans l'ou- vrage d'Albers et dans la Biologie de Tréviranus (2), l'exposé de toutes les hypothèses qui ont été imaginées à ce sujet, 1** Mile etPouillet ont admis pour cause les mouvemens de l'iris. Le premier comptait sur l'inflexion ou la diffraction de la lumière au bord de cette membrane , ce qui , selon lui , devait faire naître des distances focales très-différentes pour les rayons respectifs : le second sur la vision au moyen des rayons marginaux ou centraux suivant le degré d'ouverture de la pupille. 2° Young a cherché cette faculté dans l'allongement et le raccourcissement de Taxe du cristaUin. Hunter et Young attri- buent à la lentille une contractilité qui lui appartient en propre. 3° Home croyait, avec Englefield etRamsden , à un chan- gement de la convexité de la cornée , provenant , suivant lui, de l'action des muscles oculaires , et déterminé , chez les Oi- seaux , par le muscle particulier que Crampton a découvert dans le cercle ciliaire. 4° Le déplacement du cristallin par le cercle ouïes procès ciliaires a été invoqué par Kepler , Scheiner , Porterfield , Camper et beaucoup d'autres. •(1) Elem. physiol.,[X. V, L. XYI^^ect. 4, § 20. (2) Tona. VI, p. 512. ir. s5 354 ^E l'œil , 5° Enfin divers physiciens , comme Rohault , Bayle , Olbers, Home , Schroeder van der Kolk , ont fait valoir l'in- fluence des muscles oculaires sur la forme de l'œil entier, les uns attribuant le changement de cette forme aux muscles droits , et les autres aux muscles obliques. Quant à ce qui concerne Tirïs et la pupille , lesmouvemens de l'iris ont une liaison incontestable avec la faculté qu'a l'œil de s'accommoder aux distances. Car l'iris est large quand on voit de loin, étroit lorsqu'on voit de près, et une forte im- pression de lumière , celle , par exemple , d'une lampe tenue devant l'œil , n'empêche pas qu'on puisse changer beaucoup la grandeur de la pupille , en dirigeant les axes des yeux de manière tantôt qu'ils convergent vers un objet proche , tantôt qu'ils se portent parallèlement vers un objet très-éloigné. Ce- pendant ces changemens de l'iris ne dépendent que du mou- vement imprimé à l'œil par les muscles oculaires , et de l'in- fluence que le nerf oculo-musculaire commun exerce sur le ganglion ophlhalmique et les nerfs iriens. Ce sont des mou- vemens associés ; car, pour déterminer la contraction de l'iris, il suffit , en fermant un œil , de tourner l'autre en dedans , ou en dedans et en haut , de manière que, à ce titre de mouve- ment associé, elle se trouve liée indissolublement au mouve- ment volontaire de plusieurs muscles oculaires dépendant du nerf oculo-musculaire commun. On ne saurait donc reconnaî- tre dans ces phénomènes une connexion immédiate entre le mouvement de l'iris et la faculté qu'a l'œil de s'accommoder aux distances. Mais on se demande jusqu'à point la vision dis- tincte à des distances diverses peut être expliquée par lesmou- vemens de la pupille. 1" Voici comment Mile explique la vision distincte à des distances diverses par lesmouvemens de l'iris et par l'inflexion de la lumière au bord de celte membrane. Soit fig. 28 «un point d'un objet dont les rayons centr^iux se réuniraient non sur la rétine elle-même, mais en avant d'elle, et qu'en conséquence COMME APPAREIL d'oPTIQIE. 355 Fig. 28. on ne pourrait pas voir netle- .^iment à Taide de ces rayons. Les rayons ak et oB, passant au bord de l'iris , se réuniraient , au contraire , sur la réiine. Car la lumière subit une inflexion au bord de Tiris et les rayons marginaux , au lieu de suivre la direction ko et Bo^ prendront celle de A;^ et de Bt* , et iront se réunir en /• sur la rétine. L'endroit où les rayons se réunissent en un point se trpuve donc prolongé , par le bord de l'iris, au-delà du foyer des rayons centraux , et comme l'inflexion augmente près de ce même bord, plus les rayons en passent près, et plus ils se réunissent loin derrière le cristallin. La distance focale des rayons centraux et des rayons marginaux n'est donc pas un point déterminé , mais une ligne d'une certaine étendue , en sorte que l'œil aperçoit encore distinctement, par le moyen des rayons infléchis au bord de l'iris un objet dont les autres rayons ne pourraient plus lui procurer la vision disiincte. Le vice de cette théorie consiste, comme Vont montré Treviranus et Yolkmann , en ce qu'elle ne fait servir à la formation de l'image que le petit nombre de rayons qui pas- sent au bord de l'iris, négligeant ainsi et la plus grande masse de la lumière , et les réunions de rayons qui ont lieu sur d'autres points , par exemple en ce et en z. 2° L'hypothèse de Pouillet ne repose par sur l'influence de la lumière au bord de l'iris , mais sur la différence du foyer des rayons centraux et des rayons marginaux , dont les pre- miers traversent le milieu du cristallin formé de couches plus denses, et les auires ne passent qu'à traders le bord de la lentille, qui est^composé de couches moins denses. Les rayons qui tombent sur la parlie centrale du cristallin doivent se réunir plutôt que ceux qui viennent frappei' le bord. Or, comme la pupille s'é!ai\îii pour voir au loin, et se rétrécit pour 556 DE l'oeil, voir de près , les rayons marginaux se trouvent écartés dans le second cas , et les centraux seuls se réunissent, tandis que, dans le premier cas , Toeil admet les rayons marginaux, dont le foyer coïncide avec la distance de la rétine au cristallin , puisque le foyer est plus rapproché pour les objets lointains que pour les objets voisins. Mais quand la pupille est large et Tobjet éloigné , les rayons centraux, qui alors se réunis- sent au devant de la rétine, produisent des cercles de diffusion, que Pouillet croit avoir peu d'influence , à cause de l'intensité de l'image formée par les rayons marginaux convergens. Les phénomènes précédemment cités , qui ont lieu quand on vise deux épingles parallèles placées à des distances diffé- rentes , contredisent absolument cette théorie. Nous avons vu qu'en visant d'un seul œil les extrémités alignées des épin- gles , on aperçoit distinctement la première quand la seconde est nébuleuse , et qu'on dislingue bien la seconde lorsque la première n'est vue qu'imparfaitement. Ainsi , dans le cas de pupille éhoile pour Fobjet proche, l'objet éloigné produit un cercle de diffusion par ses rayons centraux, qui se réunissent au devant de la rétine. Il suit de là , contre l'hypothèse de Pouillet , que quand on fixe l'objet éloigné et qu'on le regarde avec une pupille large , les rayons centraux ne peuvent point être perdus malgré la pureté de limage produite par les rayons marginaux , et que s'ils ne se perdent pas , la vision distincte à des distances diverses doit dépendre d'une autre cause que celle qui est assignée par ce physicien. 3» Les mêmes réflexions s'appliquent aussi à l'hypothèse de Treviranus , qui admet pour élémens , non seulement la dif- férence de densité du cristallin , mais encore le changement de la pupille. D'après ses calculs , une lentille doit être ca- pable de réunir en un point les rayons lumineux d'objets pla- cés aux distances les plus diverses, quand la pupille modifie, en vertu d'une loi indiquée par lui , le rapport des rayons marginaux aux rayons centraux. COMME APPAREIL O'OPTIQUE. 557 Enfin on peut , avec Volkmann , objecter contre toutes les théories qui dérivent du mouvement du l'iris la Inculte qu'a l'œil de s'accommoder aux distances , que si le changement de la pupille était l'unique moyen de parvenir au but , tout changement imprimé par la lumière à celte ouverture , de- vrait en occasioner un aussi dans l'état d'accomodation, ce qui n'a pas lieu. La vision distincte d'un objet regardé à travers une pupille artificielle en carte , et la possibilité persistante , mal- gré ce diaphragme , de voir clairement l'une ou l'autre à vo- lonté de deux épingles alignées, prouvent aussi que la faculté d'accommodation n'a point pour cause le changement de grandeur de la pupille, et que si cette ouverture varie suivant les distances , l'eifet doit dépendre de quelque autre cause. Si je regarde les lettres d'un Hvre éloigné de quinze pouces à tra- vers UH trou d'épingle percé dans une carte que je tiens im- médiatement au devant de la cornée, il dépend de ma volonté, avec celte pupille invariable , de voir ou distinctement ou in- distinctement. Quant à l'hypothèse du changement de la convexité de la cornée, elle paraît être réfutée déjà par les faits dont nous sommes redevables à Olbers ; car les muscles oculaires ne sauraient exercer sur l'œil une compression assez forte pour apporter au rayon de la cornée un changement de 0,273 à 0,333 pouce. Home et Ramsden disent bien avoir aperçu des changemens dans l'œil vivant pendant la vue à des distances diverses; mais Young n'a pu constater le fait , et la mobilité de l'œil ne permet d'entreprendre à cet égard aucune expé- rience sur l'exactitude de laquelle on puisse compter. Ce qu'il semble y avoir de plus convenable, c'est d'observer les images réfléchies par la surface de la cornée , et de voir si leur gran- deur et leur situation varient selon la distance des points auxquels elles correspondent. La théorie suivant laquelle la faculté que l'œil possède de s'accommoder aux distances, dépend d'une compression que 35$ DE i'œh , ses muscles propres exercent sur lui, pre'sente aussi des dif- ficultés. A la vérité, on parvient à expliquer les faits par elle; mais rien ne prouve qu'elle soit exacte , puisque les faits se prê- tent également à d'autres explications. Il est difficile , comme le fait remarquer avec raison Treviranus , de concevoir un al- longement de l'œil dans le sens de son axe, par l'action de ses muscles droits , tel que l'admettait Olbers. La pression de ces muscles doit refouler le corps vitré en arrière et en avant; mais les mnscles oculaires ne tirent l'œil qu'en arrière , et si le coussin graisseux oppose un obstacle , le globe sera plutôt aplati qu'allongé ; or cette circonstance ne favoriserait que la vue de loin , dans laquelle le foyer est plus court. D'ailleurs , on ne sent un effort intérieur dans l'orbite que quand oti re- garde des objets très-rapprocbés. La compression et l'allon- gement de l'œil sont beaucoup plus faciles à accomplir par les muscles obliques , qui ont le pouvoir d'attirer l'organe vers le côté , contre la paroi interne. C'est de cette manière que Le- camus, Rohault et Schrœder Vander Kolk ont expliqué l'ac- commodation. Une circonstance parle en sa faveur, c'est que les yeux sont toujours obligés de converger fortement lors- qu'on regarde de près ; les muscles obliques pourraient fort bien agir alors, ainsi que Luchtman(l) Ta établi avec beaucoup de sagacité. Mais des objections s'élèvent contre cette théo- rie, de même que contre toutes celles qui attribuent l'accom- modation à l'action des muscles oculaires. L'impression locale des narcotiques peut mettre rapidement l'œil dans un tout autre état d'accommodation , tandis qu'en môme temps la pu- pille se dilate. Ce phénomène ne saurait être expliqué par la transmission du narcotique de la conjonctive aux muscles ocu- laires et à leurs nerfs , puisque l'imbibition ne rend raison que de la pénétration à une profondeur bornée. En outre , la nar- (1) De mutatione axis oculi secundum ditersam distantiam ohjecti , Utrecht, 1832. COMME APPAREIL d'OPTIQUE. SSq cotisation locale ne trouble en rien le mouvement des yeux par les muscles obliques. Le meilleur moyen à employer pour cela consiste à instiller sur la conjonctive quelques gouttes d'une solution légère d'extrait de belladone. Au bout de quel- ques temps (un quart d'heure), la pupille devient très-large, et alors l'état moyen d'accommodation de l'œil se trouve en- tièrement changé , sans cependant que la faculté elle-même soit abolie. Les observations que nous possédons sur ce sujet sont très-nombreuses. La plupart témoignent que l'influence des narcotiques détermine la presbytie , conséquence contre laquelle s'élèvent Purkinje et une partie des expériences de Volkmann. J'ai fait de mon côté quelques expériences à ce sujet. Je vois bien à toute distance. Ce qu'il y avait de remarquable , c'e^t que l'instillation de l'extrait de belladone dans l'un de mes yeux affectait également l'autre. Lorsque j'ouvrais les deux yeux , le bien portant avait un état de réfraction pour les ob- jets les plus proches , qui seuls paraissaient distincts , tandis que l'œil malade ne distinguait pas nettement de près. Qiîand les deux organes se disposaient pour la vision distincte à des distances diverses , tantôt l'un et tantôt l'autre voyait plus distinctement. Si l'œil malade se changeait pour des objets rapprochés, involontairement celui du côté sain s'accommodait pour les objets les plus rapprochés. Donc Fœil malade, tout presbyte qu'il était, n'avait nullement perdu son pouvoir inté- rieur d'accommodation. Il n'avait pas nén plus perdu, malgré la grande dilatation de la pupille , l'aptilud ^ aux mouvemens de l'iris. Volontairement il voyait mieux tantôt de près, tantôt de loin ; dans le premier cas , l'œil était presque entièrement revenu sur lui-même; dans le second , la pupille se rétrécis- sait un peu par contraction de l'iris. Lorsque les deux yeux voyaient ensemble, il y avait, en général, des images doubles, et tantôt le spectre de l'œil sain , tantôt celui de l'œil malade était net , suivant que l'effort commun accommodait l'un ou 36o DE i'OEIL , Vautre œil à la vision distincte de l'objet. Quand l'œil malade, presbyte, s'accommodait avec effort pour voir nettement les objets rapprochés, les images étaient d'un tiers environ plus petites que nature , tandis que les images confuses de l'œil sain , qui , dans ces circonstances , ne voyait nettement que tout près de lui , conservaient leur grandeur naturelle. En laissant de côté les hypothèses qui ont été discutées jusqu'ici , il resterait encore celles qui placent la cause de l'ac- commodation dans l'intérieur de l'œil , et qui l'attribuent à un changement de la situation ou de la convexité du cristallin, déterminé par le corps ciliaire. Quoiqu'on ne puisse pas réfu- ter positivement ces hypothèses , il n'est pas possible non plus d'en apporter la preuve directe. Et tel est , en général , l'état de la question , que les phénomènes peuvent être exphqués de plusieurs manières différentes , sans qu'aucune expHcation soit à l'abri de la critique. Dans cet état de choses, ce qu'il y a de mieux, c'est de mettre en relief quelques faits importans qui n'étaient connus d'aucun des auteurs des théories préci- tées , et qui , s'ils ne nous apprennent rien sur les causes de la faculté d'accommodation , indiquent au moins la connexion intime existante entre elle et d'autres phénomènes. Les re- cherches que j'ai faites , en 1826 , sur la vue double et la vue simple , m'ont conduit à découvrir, entre les mouvemens de l'œil pour l'accommodation et les mouvemens des yeux et des axes visuels eux-mêmes , une liaison non moins intime que celle qui existe entre l'accommodation et les mouvemens de l'iris , ou entre les mouvemens de l'iris et ceux des axes vi- suels. Presque tous ceux qui ont écrit sur les changemens in^ ternes de l'œil pour rendre la vue distincte aux diverses distan- ces, ont négligé d'avoir égard à cette circonstance importante. Porterfield est le seul, parmi les anciens physiciens, qui l'ait prise en considération. De même que l'iris se rétrécit constamment dans la position des yeux en dedans , et s'élargit dans leur situation en dehors COMME APPAllEIL d'oPTIQUE. 56 f OU dans leur parallélisme , de même aussi , quand l'œil se porte en dedans , il s'accommode involontairement pour la vue distincte de près , tandis que , quand les axes visuels s'écar- tent l'un de l'autre jusqu'à redevenir parallèles, l'accommo- dation change aussi , se dispose pour la vue distincte de loin , et finit même par la rendre possible à la plus grande distance. On sait qu'on voit distinctement un objet lorsqu'on le fixe , c'est-à-dire qu'on dirige les deux axes visuels sur lui ; mais c'est un fait non moins certain qu'on voit un objet indistincte- ment, et que la faculté d'accommodation se perd, quand cet objet est situé hors des axes visuels, alors même que les parties latérales de la rétine verraient très-bien d'ailleurs. La fausse situation des axes visuels entraîne une fausse accom- modation , la fausse accommodation détermine une fausse si- tuation des yeux , et les deux mouvemens sont absolument liés l'un à l'autre en dedans de certaines limites. Si , en voyant un objet, on prend l'accommodation pour une distance plus grande ou moindre , il apparaît double , c'est- à-dire que les axes vi- suels ne se réunissent pas en lui. Soit, parexemple, fig. 'iOal'objet sur lequel les axes des yeux se réu- nissaient ; si l'on cherche à le voir indistinctement , en faisant inter- venir l'accommodation pour l'ob- jet imaginaire d , aussitôt les yeux se dirigent sur d ; c'est pourquoi l'on voit a double , car il apparaît en b pour A , et en c pour B. Ces doubles images de a sont aussi in- distinctes que le permet l'accom- modation calculée pour l'objet plus distant d. A mesure que l'accom- ^j^ ^^ modation pour d se rapproche de Celle pour a , les deux images non seulement deviennent plus 362 i>E l'Œrt , distinctes, mais encore se rapprochent Tune de l'autre, jusqu'à ce qu'elles se confondent avec l'accommodation pour a; les axes visuels se croisent alors en a. Des deux images, h appartient à l'œil opposé A , et a à l'œil opposé B. Aussi b dis- paraît-il quand on ferme l'œil A, et a lorsqu'on ferme TœilB. Constamment les deux images sont du côté opposé , lorsqu'on établit par force une accommodation pour une distance au- delà de l'objet a. Si , au contraire , d est l'objet vers lequel les yeux se dirigent , et qu'on fasse intervenir l'accommoda- tion pour le point imaginaire a , l'objet d devient non seule- ment indistinct , mais double , car, avec l'accommodation pour a, les yeux se dirigent involontairement aussi sur a ; rf se trouve alors sur le côté de Taxe visuel kh et sur le côté de Taxe visuel Bc, de sorte qu'il apparaît double et confus. Avec , le degré de confusion croît la distance des deux images. Celles-ci sont , dans ce cas, situées du même côté que l'œil auquel elles appartiennent , la double image de d pour a s'é- carte de a sur le côté de l'œil A , et la double image de d pour B s'écarte aussi de a sur le côté de l'œil B , comme l'indique la figure. Les effets dont il vient d'être parlé c^/s'entraînent réciproquement , même /'/ lorsque l'un des yeux est couvert, et, / par cela même , on parvient à dé- montrer qu'ils sont dépendans l'un de l'autre. Soit fig. 30 a l'œil ouvert, A l'œil fermé, ^, c?, e, /"des objets placés à di- verses distances sur l'axe visuel de Tœil a. Si a voit distinctement le point a?, l'axe visuel, même de l'œil fermé ô, est dirigé involontairement sur ce point , et si l'on découvre l'œil ^, se ap- paraît simple au point de convergence Fig. 30. COMME APPAREIL d'oPTIQUE. 363 des deux axes visuels. Si alors l'œil a passe de Tétat de ré- fraction pour s à d'autres états de réfraction pour des objets plus éloignés de la ligne a /", par exemple pour e, pour /*, l'œil couvert se dirige involontairement aussi sur e ou sur f. Par contre , on peut changer Taccomodation en changeant l'inclinaison des axes visuels, et ces changemens surviennent non moins simultanément avec l'accroissement ou la diminu- tion de l'inclinaison des axes , que le rapetissement ou l'agran- dissement de la pupille. Si , par exemple , les axes visuels de a et de fc sont dirigés sur le point imaginaire de l'espace d , et qu'en conséquence a? paraisse double , pour l'œil a dans la di- rection af^ pour l'œil b dans la direction ^ c , les deux images de X sont confuses aussi, parce que l'état de réfraction est celui qui convient pour d. Si l'axe visuel afne change pas, mais que l'axe visuel bd se meuve dans les directions bc , b/, etc., de manière que l'inclinaison des axes visuels dimi- nue, l'état de réfraction pour e, /, etc., change aussi, pen- dant que les deux images de x deviennent de plus en plus confuses. L'un des axes visuels, savoir celui de l'œil ouvert, peut rester sans changement; mais si celui de l'œil fermé change secrètement , un changement survient aussi dans l'état d'accomodation de l'œil ouvert (1). Dans le cas d'objets placés à de grandes distances , comme le changement de l'état de réfraction a enfin une limite , mais que les yeux peuvent prendre toute situation voulue l'un à l'égard de l'autre , il peut survenir des inégalités entre les deux. Ainsi, par exemple , quand on ne fixe la lune que d'un seul œil , l'autre étant couvert par un objet tenu au devant lui, l'axe de Tœil couvert , malgré l'accomodation pour la distance de la lune , ne se rencontre cependant pas exactement avec celui de l'œil ouvert ; car si l'on rend la liberté à l'œil cou- (1) PoRTERTiEiD, A troatise on the Eye^ Edinbourg, 1759, t. I,|p. 410. — VOLKMAWN , loc. Cit.^ p. 144. i 564 ^^ i'CElL , vert, il voit une image double; mais les deux images des deux yeux ne tardent pas à se réunir, parce que roscillalioa des axes visuels est promptement corrigée. Cette observation, que j'indiquai à quelqu'un , n'a point réussi de sa part. Je la mentionne de nouveau, parce qu'elle m'a toujours donné le même résultat. De ces faits il suit que le changement des axes visuels l'un par rapport à l'autre , entraîne un changement de l'accomo- dation , alors même qu'il n'y a que l'œil fermé qui change de position à 1 égard de l'œil ouvert. Il en est ici absolument comme pour les mouvemens de l'iris ; si l'œil ouvert demeure invariablement dirigé vers un point , et que l'œil fermé se meuve , la grandeur de la pupille subit , même dans l'œil ou- vert , le changement exigé par la convergence des axes vi- suels , ce qui fait que la volonté semble avoir de l'empire sur Tiris. Nous avons considéré ailleurs le mouvement de l'iris coïncidant avec celui des axes visuels comme un mouvement associé , parce qu'il ne se manifeste que pendant l'action des muscles pourvus par le nerf oculo-musculaire commun , qui fournit aussi les nerfs moteurs de l'iris , au moyen de la courte racine du ganglion ophthalmique. L'accomodation peut de même être un mouvement associé avec celui des muscles ocu- laires de dehors en dedans , qui s'est opéré soit par une con- nexion organique intime dans l'action nerveuse,soitpar l'eflet de l'habitude. Cependant il est difficile que le mouvement de riris associé à celui des axes visuels reconnaisse pour cause une connexion qui soit le fruit de l'habitude. La volonté exerce aussi quelque peu d'influence sur l'acco- modation , sans que les axes des yeux se déplacent nécessai- rement , et cette circonstance indique que la connexion dont il s'agissait tout à l'heure est secondaire , qu'elle n'agit paa comme cause constante. Plateau a observé sur lui-même qu'on peut, à l'aide d'un effort de sa volonté, rendre la vue des ob- jets confuse par changement de l'état de réfraction , sans même COMME APPAREIL d'oPTIQUE. 365 modifier la situation des yeux. J'avais déjà remarqué qu'il nous arrive quelquefois de ne parvenir que très-imparfaite- ment , malgré tous nos efforts , à rendre la vue confuse sans production d'images doubles ; mais je me souvenais fort bien que , même alors , les images doubles existent , que seule- ment elles se couvrent en partie. Des expériences que j'ai faites depuis me déterminent à adopter pleinement l'opinion de Plateau, c'est-à-dire à penser que, quelque liaison qui existe entre l'état de réfraction de l'œil et le changement de l'inclinaison des axes visuels , cependant , à force d'exercice , on réussit , sans rien changer à la direction des axes visuels sur un objet , à rendre la vision de ce dernier confuse par changement volontaire de l'état de réfraction , en remplaçant celui-ci par un autre qui soit en rapport avec une autre dis- tance. Dans cette confusion apportée à la vision , l'iris change aussi , comme l'a fait voir Plateau , car la pupille grandit avec l'état de réfraction pour la vision distincte de loin , et diminue avec celui pour la vision distincte de près. Ce serait un exem- ple de mouvement presque purement volontaire de l'iris, en tant qu'ici le mouvement n'est du moins pas lié au mouvement volontaire des muscles oculaires en dedans et en haut. Mais ici encore, comme dans tous les phénomènes qui ont été décrits précédemment , le mouvement de l'iris et le chan- gement de l'état de réfraction se montrent unis l'un à l'autre par les liens les plus intimes , et cependant nous ne sommes point autorisés à attribuer au mouvement de l'iris une in- fluence , même indirecte , sur l'accomodation. On a déjà pré- sumé que le mouvement de l'iris peut agir aussi sur le corps ci- liaire, et par suite sur la situation du cristaUin , parce que le corps ciliaire adhère avec force au pourtour extérieur de la face postérieure de la membrane. Cependant cette hypothèse peut être réfutée d'une manière formelle. Car les change- mensde l'iris sont déterminés aussi par la lumière. Mais nous voyons un objet distinctement, qu'il soit fortement éclairé et 366 DE l'CElLy par conséquent la pupille rélrécie , ou que l'œil soit dans Tom- bre et la pupille large (1). Donc, ce qu'il y a de plus vraisem- blable encore , c'est que raccomodalion dépend d'un organe qui se meut facilement avec l'iris , mais qui peut néanmoins en être indépendant jusqu'à un certain point. En raisonnant par voie d'exclusion , on est porté à croire que cette faculté appartient au corps ciliaire , et lui permet d'influer sur la si- tuation du cristallin , mais nous manquons de preuves établis- sant que ce corps possède la contractilité. D'après les observations de Young et de Volkmann , la fa- culté qu'a l'œil de s'accommoder aux distances est diminuée par l'exlraclion du cristallin dans l'opération de la cataracte. IV. ISyopie et presbytie ; moyen d'y remédier ; lunettes. 4. Défaut de netteté des objets trop rapprochés. Effets des diaphragmes, La vue distincte au plus grand rapprochement possible des objets a des limites chez tous les hommes. Les objets qui ne sont éloignés de l'œil que d'un à trois pouces , ou moins en- core, ne produisent plus d'image nette, parce que la réunion de leurs rayons lumineux tombe, chez tous les hommes, derrière la rétine. Si les objets sont petits, ils ne donnent lieu qu'à une espèce de nébulosité , à travers laquelle on en aperçoit d'au- tres plus éloignés, quoique le petit objet, ainsi tenu devant Tœil , couvre la partie moyenne de la pupille. La vue des objets éloignés à travers la nébulosité des objets proches , tient à ce que , quoique le petit corps arrête ceux des rayons du corps éloigné qui devraient traverser le centre de la pu- pille , il en laisse cependant passer , sur ses bords , qui par- viennent au fond de l'œil. De là résulte qu'une condition né- cessaire pour qu'un objet lointain soit aperçu à travers la nébulosité d'un corps tenu très-près de l'œil , c'est que ce dernier soit plus petit que la pupille , afin de laisser passer (1) VoiiMÀUK, loc, eit., p. 156. COMME APPAREIL d'oPTIQUE, 367 les rayons marginaux de Tautre. Dans le cas même où le corps le plus proche couvre presque entièrement la pupille , les rayons périphériques du cône lumineux du corps éloigné n'en passent pas moins par inflexion sur ses bords , pénètrent dans l'œil, et y produisent un image. On voit aussi un objet éloigné au moyen des rayons qui tra- versent le pourtour extérieur du cristallin , lorsqu'il passe au bord d'un autre corps tenu devant l'œil. Il est connu que guand , tandis qu'on regarçie un corps placé à une certaine distance , un second passe plus près que lui , au devant de Tœil , d'un côté à l'autre , le premier se déforme un peu , et semble s'élargir , dès que le bord du second s'approche de lui. Cet effet paraît tenir en partie à ce que le corps éloigné est vu par les rayons marginaux du cristallin , en partie aussi à l'inflexion que la lumière subit au bord du corps intermé- (iiaire; La nébulosité que les petits objets très -rapprochés pro- duisent , au lieu d'une image , est d'autant plus grande que la pupille a plus de largeur. Car, comme le cercle de diffusion pour chaque point de l'objet est un segment du cône lumi- neux qui traverse la pupille , ce cercle doit aussi avoir d'au- tant plus d'étendue que la pupille est plus large. Mais la né- bulosité d'un objet tenu tout auprès de l'œil , par exemple d'une épingle , est due aux cercles de diffusion superposés de tous les points de l'image. Ceci nous explique quelques plié- ^' nomènes intéressans. Si l'on lient une épingle à une telle dis- tance de l'œil , qu'elle produise encore une image , mais une image nébuleuse, la grandeur de cette nébulosité est plus ou moins considérable suivant que l'œil se trouve éclairé ou dans l'ombre , c'est-à-dire suivant que l'iris s'élargit on se resserre. On a là une excellente occasion de voir le mouvement de l'iris de son propre œil dans un phénomène de vision. Mais il y a aussi des circonstances où l'on voit distincte- ment encore, même lorsque les objets sonttrès-rapprochésde 368 DE l'œil , l'opil , et où ces objets paraissent très-grossis , bien qu'on n'emploie pas de verres d'optique. C'est ce qui arrive toutes les rois qu'on regarde un objet très-rapproché à travers un petit trou fait à une carte. Henle, qui s'est beaucoup occupé de ce phénomène , a appelé mon attention sur lui et sur les causes d'où il dépend. Lecat, Monro et Priestley le connais- saient. Si l'on tient une page d'écriture tout près de l'œil , on ne distingue aucune lettre ; mais si , la distance restant la même , on regarde à travers un trou fait avec une épingle à une feuille de papier , tenue immédiatement devant l'œil , sur-le-champ on distingue très-bien l'écriture, et les lettres paraissent fortement grossies, ainsi que leurs intervalles blancs. On pourrait croire que la netteté de la vision tient à ce que l'étroite ouverture isole les rayons centraux des objets rapprochés , et à ce qu'en vertu de la plus grande densité du noyau du cristallin , ces rayons sont amenés plus tôt à la con- vergence ( tandis que si la densité de la lentille était la même partout, ils se réuniraient plus tard que les rayons margi- naux). Mais alors la grandeur des objets ne devrait pas croî- tre. Si l'on objecte que leur grossissement n'est qu'apparent , parce qu'en voyant sans l'ouverture de la carte l'écriture te- nue proche de l'œil , on aperçoit seulement le noyau des images par diffusion , sans tenir compte de la grandeur en- tière des images , cette objection sera facile à réfuter en com- parant les images simultanées des deux yeux, dont l'un regarde librement les lettres très-rapprochées de lui , tandis que l'autre les aperçoit à travers le trou de la carte ; car les ca- ractères et les blancs paraissent bien plus grands à celui-ci ^ et comme on voit les deux images à côté l'une de l'autre , on reconnaît qu'un même espace qui renferme trois lignes dans l'une, n'en contient que deux dans l'autre. Lecat et Priestley attribuent le phénomène à l'inflexion de la lumière aux bords de l'ouverture de la carte , et Lecat se fonde sur le change- ment éprouvé par le contour d'un objet éloigné qu'on vise au COMME APPARElt b'OPTIQUE. 56g bord d'une baguette : le bord du corps éloigné s'élargit , en effet , lorsqu'on fait passer la baguette devant. Il est possible certainement d'expliquer par l'inflexion la netteté avec la- quelle on distingue , à travers l'ouverture d'une carte , les objets très-rapprochés l'œil. Quand elle subit ce qu'on appelle l'inflexion , ou mieux la diffraction , la lumière s'écarte de deux côtés de sa direction : la partie extérieure des rayons infléchis au bord de l'ouverture de la carte tombe encore plus loin, derrière la rétine, que ne le font les rayons d'objets très- rapprochés : ces rayons ne produisent donc plus du tout d'image ; la partie interne des rayons infléchis au bord de l'ouverture arrive plutôt à la convergence, ne tombe par conséquent plus derrière la rétine , mais sur elle , et cela ex- plique la netteté de l'image , malgré la faible quantité de lu- mière qui y contribue. On n'entrevoit pas bien , dans celte théorie , à quoi tient le grossissement de l'image. On peut, avec Henle, donner une autre explication du phé- nomène. Soit aZ» le corps tenu immé- diatement devant l'œil , AB les mi- lieux réfringens , ^C la rétine. Le cône lumineux du point h se réunit en e, et celui du point a en f. Donc 1>g est le rayon principal du cône lumineux de a. Les points de réunion e et f sont situés arrière la rétine, parce que l'objet est trop proche, h est donc vu avec le cercle de diffusions' b\ et a avec le cercle de diffusion ap. Si maintenant on interpose entre l'objet et l'œil une carte percée de la petite ouverture o, les cônes lumineux sont réduits aux faisceaux bc et ad, qui tra- versent l'ouverture o. L'image de h est donc vue sans cercle de diffusion en a\ et celle de «, également sans cercle de diffu- sion , en p. L'inflexion peut concourir à l'effet , et faire que II. 24 Fig. 31. * 3^0 ^^ DE l'oeil, le faisceau lumineux filiforme qui traverse l'ouverture de la carte ne représente qu'un point sur la rétine. L'image paraît plus grande , parce que la distance des rayons périphériques a' et p des deux cônes est plus considérable que celle des rayons principaux des deux cônes. 2. Myopie^ presbytie. Lunettes et optomètres. Certains hommes n'ont pas la faculté de produire des chan- gemens dans leur œil pour l'accommoder aux distances , ou du moins n'en ont qu'une si bornée , qu'ils ne distinguent les objets qu'à une distance déterminée; ils sont myopes ou pres- bytes. 11 est impossible de prouver à ces individus que l'œil possède réellement cette faculté ; tel était probablement le cas de Treviranus et d'autres encore. La myopie s'observe sur- tout pendant le milieu de la vie. On rencontre plus fréquem- ment la presbytie chez les personnes âgées. Ces défauts de la vision sont souvent attribués aux milieux réfringens , à la forme de la cornée ; et , en effet , la cornée des vieillards est plus aplatie que celle des jeunes gens ; mais c'est dans l'en- fance que cette membrane a le plus de convexité, et cependant, comme le fait remarquer Volkmann, il n'est pas rare de trou^ ver des enfans qui soient myopes. La myopie et la presbytie paraissent bien plutôt avoir leur cause prochaine dans le dé- faut du pouvoir d'accommodation, ou dans la grande faiblesse de cet acte d'énergie musculaire. Car , naturellement , l'œil ne voit d'une manière distincte qu'à une certaine distance, la plus appropriée à la forme de ses milieux réfringens. Ce qui prouve que la myopie et la presbytie dépendent surtout d'une modification ou de la perte de la faculté d'accommoder l'œil aux distances , c'est qu'on peut se rendre méthodiquement myope en négligeant les occasions de voir de loin. Les enfans qui rapprochent trop la tête du papier en lisant et écrivant, deviennent myopes. L'usage constant du microscope rend, myope , et détermine souvent une myopie passagère , qui COMME APPAREIL D OPTIQUE. 37 1 dure quelques heures. Sous ce rapport, les lunettes nuisent, en deshabituant l'œil de s'accommoder aux distances. Il arrive quelquefois que les deux yeux ont, pendant la vie entière , un état moyen de réfraction difTérent , quoiqu'on ne remarque pas toujours alors de différence entre leurs pupilles. Ce défaut d'harmonie peut être l'effet de Thabitude contractée de ne regarder les objets proches qu'avec un seul œil , de l'u- sage du microscope, et autres circonstances semblables. [La cause qui y donne lieu le plus rapidement est la narcotisation d'un œil par le moyen de quelques gouttes d'une solution d'ex- trait de belladone qu'on y instille. Dans tous ces cas, les deux yeux, malgré l'inégalité de leur état moyen de réfraction, ou de leur portée moyenne, possèdent cependant encore la faculté de s'accommoder aux distances ; l'accommodation volontaire de l'un d'eux agit aussi sur l'autre , mais les deux organes n'en demeurent pas moins inégaux. 1 Supposons que les deux séries ci-contre de chiffres 2 expriment l'accommodation dans les deux yeux ; l'ac- 3 1 commodation 1 a lieu dans l'œil B en même temps que 4 2 l'accommodation 3 dans l'œil A. Si A s'élève jusqu'à 5, 6 3 B monte d'autant , mais ne va que jusqu'à 3. Avec l'ac- 6 4 commodation de 1 l'œil A voit distinctement les objets 7 5 éloignés , tandis que B ne distingue rien. Il peut se 8 6 faire que tous deux ensemble voient distinctement en 9 7 dedans d'une certaine limite, l'image nébuleuse de 10 8 l'un ne troublant pas l'image de l'autre, et toutes deux 9 se couvrant; mais, dans l'état de réfraction approprié 10 aux objets rapprochés, l'œil demeure en jouissance de 11 toute sa faculté visuelle , qu'il n'avait pas pour les ob- 12. jets éloignés. Peut-être A a-t-il atteint en 10 la limite A B. de la portée de sa vue , tandis que B distingue encore avec 11 et 12. L'inégalité de l'état de réfraction est , chez certaines personnes, la cause qui fait qu'elles commencent à loucher, parce qu'elles emploient de préférence l'œil qui a la 372 DE l'OEIt , portée moyenne , la plus commode' pour Tusage , et négligent l'autre, dont l'image ne les trouble point. De là, quaifd riiomme , dont les deux yeux ont la même portée , regarde un objet de l'un avec des lunettes, et de l'autre sans lunettes, les axes des ses deux organes ne se réunissent point sur cet objet , et il voit souvent double , comme il arrive lorsqu'on se sert de lunettes dont les verres sont d'inégale force. Les dou- bles images produites par la non-réunion des axes optiques sur l'objet s'éloignent encore davantage quand Tétat de ré- fraction d'un des yeux vient à être changé par l'extrait de belladone , cas dans lequel , à une certaine portée de l'un des yeux , l'image de l'autre flotte à côté de la sienne , faible et confuse. La cause de ce dédoublement se déduit sans peine de ce que j'ai dit à la fin de l'article précédent. L'état de ré- fraction influe sur la situation des axes des yeux. La manière dont l'image de l'œil qui voit faiblement perd son influence perturbatrice sera exposée plus loin, quand nous aurons appris à connaître les faits qui prouvent que les champs des deux yeux se trouvent dans une sorte de lutte, qui fait que l'activité nerveuse peut pencher tantôt du côté de l'un , tantôt du côté de l'autre , et la domination osciller entre eux deux. Il faut maintenant présenter quelques remarques relative- ment à la manière dont les lunettes corrigent la myopie et la pi^esbyiie. L'œil presbyte est corrigé par des verres convexes, et l'œil myope par des verres concaves. Dans le premier, les rayons des objets éloignés se réunissent sur la rétine ; mais les rayons des objets voisins , et surtout très-rapprochés , dont la réunion a lieu plus tard , ne convergent que derrière cette membrane. Un verre convexe remédie à ce vice , parce qu'il rapproche le point de convergence des rayons envoyés par les objets proches, et le fait tomber sur la rétine elle-même. Dans l'œil myope , c'est l'inverse : les rayons des objets rap- prochés se réunissent sur la rétine, et produisent une image nette ; mais ceux des objets éloignés , dont le foyer est placé a COMME APPAREIL D OPTIQUE. S^S à une moindre distance que celui des autres , se réunissent au devant de la membrane , sur laquelle ils projettent des cercles de diffusion. Un verre concave fait disparaître ce défaut , en dispersant davantage les rayons lumineux , d'où résulte qu'ils se réunissent plus lard , et par conséquent sur la rétine. Fig. 32. La figure 22 re- ® présente les mi- lieux' réfringens j'^'d'un œil myope. Les rayons lumi- neux de l'objet rapproché a se réunissent sur la rétine a' ; ceux de l'objet éloigné h convergent au devant de cette membrane , en h'. Tin verre concave B ramène les rayons A h\ A h' dans la direction de Ao' et A o', ce qui fait que l'objet éloigné l se trouve vu distinctement en a'. Fig. 33. Supposons que fig. 33 A A soient les fe,,----^-=* * milieux ré- fringens d'un œil presbyte : l'objet éloigné « réunira sa lumière en a', c'est-à-dire sur la ré- tine; mais celle de l'objet rapproché /» convergera en h', derrière cette membrane. Le verre convexe B fait converger davantage les rayons de l'objet rapproché h , de manière qu'ils se réu- nissent , non plus en ^, mais en a\ c'est-à-dire sur la rétine. L'optomètre, instrument fondé sur l'expérience de Scheiner, sert à déterminer la portée moyenne de la vue de l'homme. On voit, en effet, à quelle distance un petit objet peut être aperçu simple , d'un seul œil , à travers deux trous de carie dont l'éloignement est moindre que la largeur de la pupille. Ou bien on voit à quelle distance la double image d'un fil aperçu à travers les deux trous se croise ou se réunit. C'est 3^4 ^^ l'oeil, là ce qu'on appelle la portée moyenne de la vue. En avant comme en arrière , un objet qu'on regarde à travers les deux ouvertures , paraît double , c'est-à-dire que son image tombe devant ou derrière la rétine. Cependant l'oplomètre de Young ne procure jamais qu'un résultat imparfait , parce que la dif- fraction que la lumière éprouve en passant sur les bords des petites ouvertures, donne lieu à des phénomènes d'inflexion. 3. Changement de la portée de la vue par les verres grossissans. Examinons maintenant l'influence que les verres propres à grossir l'image exercent sur la portée de la vue. Les plus sim- ples de ces instrumens sont les loupes ou microscopes. Lors- qu'on tient un petit objet très-près de Tœil , il paraît fort gros, mais tout est confus, parce que la convergence des rayons lumineux a lieu derrière la rétine. L'effet d'une lentille placée entre Tobjet et l'œil est de raccourcir la distance à laquelle ces rayons se réunissent. Si , en plaçant convenablement la lentille , on parvient à les faire converger sur la rétine , tous les détails deviennent nets , et l'objet apparaît sous le volume qu'il semblait avoir lorsqu'on le tenait , sans loupe , immédia- ment devant l'œil. Dans ce cas , le grossissement n'est qu'ap- parent; il résulte uniquement du grand voisinage de l'objet, et l'eff'et de la lentille se réduit à rendre la vue distincte mal- gré un rapprochement qui augmente le volume. Avec le télescope et le microscope , l'image ne tombe plus dans l'œil, mais au devant de lui -. les rayons lumineux se réunissent là pour la produire j mais comme ils n'y sont pas reçus, ils con- tinuent leur route en divergeant , absolument comme si l'ob- jet d'où ils sont partis en divergeant se trouvait sur ce point. C'est là-dessus que reposent et le grossissement et la netteté des images. Car l'angle optique d'une image qui flotte devant l'œil est plus grand que celui de l'objet lui-même. Si l'image flottant devant l'œil occupe la distance de la vision distincte (8 lignes), l'objet , en même temps qu'il est grossi, se dessine COMME APPAKEII d'opTIQUE. O'jS avec autant de netteté qu'en peuvent avoir les objets vus à la distance de la vision distincte la plus naturelle. Les télescopes servent à grossir et faire apercevoir plus nettement les objets fort éloignés ; les microscopes remplissent le même objet à l'égard des objets rapprochés. Le nombre des verres qui entrent dans leur composition varie beaucoup. Si , derrière le premier, il s'en trouve un second , celui-ci change l'image et son lieu , ou bien , quand l'image du premier verre tombe devant le second, elle tient la place d'un objet pour le second verre. L'image du second peut également être changée par un troisième , ou lui servir d'objet. Le verre qui reçoit la luuiière de l'objet même se nomme objectif , et celui qui est tourné vers l'œil porte le nom d'oculaire. Dans le mi- croscope, l'image physique produite par une ou plusieurs len- tilles est vue à travers l'oculaire , comme un objet l'est à tra- vers une loupe. La clarté de l'image dépend de la quantité de lumière que l'objectif reçoit de l'objet, ou, dans le micro- scope, de celle qui esî projetée sur l'objet par l'éclairage arti- ficiel (1). Si cette quantité de lumière avec laquelle l'image de Tobjet apparaît dans le télescope et le microscope , est plus grande ou plus petite que celle que l'objet projette dans la pupille de l'œil sans l'instrument, la clarté de l'image est plus grande ou plus petite que quand on voit l'objet à nu. Le téles- cope rend 1 image plus claire que l'objet lui-même, parce que l'objectif reçoit de celui-ci, et emploie pour former l'image , plus de lumière qu'il n'en arrive à la pupille quand on regarde l'objet à la vue simple. V. Chromasie et achromasie de l'œîl. 1. Lentilles chromatiques. Quoique les rayons d'un objet éclairé , réfractés par une (1) Voyez L. Mandl et Ehrenberg , Traité pratique dit microscope , Paris, 1839, in^S, fig. 576 DE l'œil , lentille, produisent, quand on a évité l'aberration de sphéri- cité, une image nette dès qu'ils sont reçus à la distance fo- cale de celle-ci, cependant la netteté n'est parfaite qu'autant qu'il s'agit d'une lumière colorée homogène. Car une réunion absolue de la lumière blanche sur un point, par réfraction, est impossible sans secours étranger, même en ayant soin d'éviter l'aberration de sphéricité, parce que les rayons colorés con- tenus dans cette lumière n'ont pas la même réfrangibilité , et par conséquent ils ne convergent pas tous à la même dis- tance. Fig. 34. : Soit a le point lumineux, et AB fig, 34 la lentille, les rayons colorés contenus dans le cône lumineux a&c sont inégalement ré- fractés^ de manière que, par exemple , les rayons violets, qui sont les plus réfrangibles, se réunissent les premiers, puis les jaunes, et en dernier lieu les rouges. Quelque concentrée que puisse être la lumière, au lieu d'un point coloré, on aura en CD un cercle de diffusion, dont le milieu sera blanc, parce que les rayons colorés s'y couvrent , et dont les bords paraîtront purpurins , parce que les limites extrêmes des rayons violet et rouge s'y feront sentir. Le phénomène de coloration croîtra si l'image est reçue , non pas à la distance moyenne CD , mais en avant ou en arrière d'elle, soit en EF, soit en GH. Que l'image soit reçue, par exemple, en EF, les rayons rouges les COMME APPAREIL d'oPTIQDE. ù'jn plus extérieurs , qui ne sont couverts par aucun autre rayon coloré, forment un cercle rouge , et les rayons jaunes ex- térieurs, qui ne sont couverts que de rouge , en forment un orangé contenu dans le rouge , autour d'un centre inco- lore correspondant à Tendroit où se couvrent les cônes des différens rayons colorés. Si l'image est reçue en GH, les rayons violets les plus extérieurs, qui ne sont pas couverts , forment le cercle coloré le plus extérieur; après eux viennent, en de- dans, les rayons bleus , qui, pour la réfrangibilité, les suivent immédiatement ; le milieu est blanc. Lorsque les rayons qui traversent une lentille sont reçus à la distance focale de l'image , le phénomène de coloration se réduit à très-peu de chose, et c'est à peine si les bords de l'i- mage blanche sur un fond obscur oflrent une légère teinte purpurine. Mais plus l'écran qui reçoit l'image s'éloigne de la distance focale de celle-ci , plus la bordure colorée et les cercles de diffusion de l'image blanche augmentent. 2. Lentilles achromatiques. ' Quand les couleurs ont été séparées par un prisme, on peut les ramener à la convergence par un second prisme de même substance et de même angle réfringent que le pre- mier, mais tourné en sens inverse. Les deux prismes, pris ensemble , forment un milieu réfringent à plans parallèles , d'où les rayons lumineux sortent , comme s'ils avaient tra- versé une table de verre , sous des angles égaux à ceux de leur incidence. Cependant Dollond a découvert que le pou- voir de disperser les couleurs n'est point proportionnel au pouvoir réfringent, qu'il y a des milieux qui réfractent forte- ment la lumière et la dispersent peu , et mce versa. Cette re- marque a fait naître l'idée de construire des primes achroma- tiques en unissant ensemble des prismes dont le pouvoir dis- persif et le pouvoir réfringent fussent différens. Un prisme de crown , uni à un prisme de flint ayant le même angle réfrin- 378 DE l'œil , gent, dévie davantage les rayons parallèles incidens', mais ne les laisse pas sortir incolores, comme il arrive à deux prismes de crown ayant le même angle réfringent que l'on unit en- semble : loin de là les rayons sont décomposés par l'excès du pouvoir dispersif du flint. Mais si Ton diminue assez l'angle réfringent du prisme de flint pour que les deux prismes dis- persent la lumière avec la même force, l'un des verres détruit l'effet de l'autre quant à la mise en évidence des couleurs , tandis que la simple réfraction de la lumière persiste. Un prisme achromatique se compose d'un prisme de crown ayant un angle réfringent de trente degrés et d'un prisme de flint dont l'angle réfringent soit de dix-neuf degrés. On conçoit d'après cela la construction de doubles lentilles achromatiques qui détruisent réciproquement leur efl'et dispersif. Au reste, la double lentille achromatique la plus parfaite ne garantit pas de toute apparition de couleur, quand on ne reçoit pas l'i- mage à sa distance focale, et l'on aperçoit des anneaux colorés dans les meilleurs télescopes, lorsque l'oculaire est porté au- delà des limites de la vision distincte. 3. Achromasie de Vœil, L'œil de l'homme est achromatique , tant que l'image est reçue à sa distance focale, ou tant queTœil s'accommode à la distance de l'objet. On ne peut pas dire précisément qu'elle est la cause de l'achromasie ; mais la construction optique de l'organe en démontre la possibilité. En effet, les milieux réfrin- gens diffèrent les uns des autres par leur force réfringente , par leurs convexités , et par leur constitution chimique. L'un est le cristallin , qui a deux convexités inégales, le second la cornée avec l'humeur aqueuse. Celle-ci , réunie à la cornée , forme une lentille convexo-concave , dont la force réfrin- gente n'est pas la même que celle du cristallin. Peut-être le pouvoir dispersif des deux milieux réfringens n'est-il pas pro- portionnel à leur puissance réfractive, et l'achromasie dépend- COMME APPAREIL d'oPTIQUE. 379 elle delà. Les objectifs doubles achromatiques et aplanatiques qu'indique Herschel jeune, ont une ressemblance éloignée avec les milieux réfringens de l'œil pour la forme et la com- position. Ils consistent en une lentille antérieure biconvexe , en crown, dont les demi-diamètres sont inégaux et dont la face la plus convexe regarde en dehors, et en une lentille pos- térieure convexoconcave , en flint , dont le côté concave est tourné vers la précédente. 4. Chromasie de Vœil. C'est par erreur qu'on attribue une achromasie complète à Tœil humain. La chromasie s'y montre plus ou moins pronon- cée dès que Timage ne se trouve point placée à la distance focale. Les bandes colorées qui naissent à travers les milieux réfringens de notre œil, et qu'on peut jusqu'à un certain point produire volontairement , paraissent avoir été observées la première fois par Scheiner(l). Pour les étudier sur soi-même, il faut regarder un champ blanc sur un fond noir, ou un champ noir sur un fond blanc, en fixant un objet rapproché ou éloigné ; en agissant ainsi, le champ est vu d'une manière in- distincte, avec des cercles de diffusion, et, d'après des raisons qui seront indiquées plus loin, il se développe en deux images doubles, qui s'éloignent d'autant plus Tune de l'autre, que les axes des yeux s'écartent davantage de la fixation du champ. Au commencement de rexpérience, on ne les remarque point; mais, avec de l'exercice et de la patience, on parvient à recon- naître la bordure colorée extrêmement étroite qui entoure (1) Consultez à ce sujet Comparettï, Observatio'kes dioptricœ et ana- iomicœ comparatœ de coîoribus appareritibus visu et oculo , Padoue , 4798. f^oyez aussi un mémoire sur les phénomènes physiologiques de coloration dans Schweigger , Journal der Chemie und Physik^ X. XVI. — MriLER, Zur Physiologie des Gesichtssinnes^ Léipzick, 4826, p. 494- 204. — Et un excellent mémoire de Tortual,dans Meckel's Archiv ^ i830. 38o DE l'oeil , les champs. Le moyen le plus facile d'arriver à la vue indis- tincte d'un objet est de fixer les axes des yeux sur un corps ou un point idéal de l'espace beaucoup plus rapproché ou beaucoup plus éloigné ; aussi ce procédé est-il celui à l'aide duquel on aperçoit le plus aisément les bandes colorées. Ce- pendant, lorsqu'on s'y est exercé pendant long-temps, on peut aussi produire à volonté la vue indistincte avec un seul œil, l'autre étant fermé, en faisant intervenir l'état de réfraction qui correspondrait à un point plus éloigné ou plus rapproché dans l'espace : par-là on donne lieu aux bandes colorées avec un seul œil, et sans avoir d'images doubles de l'objet. Voici quels sont les résultats de mes propres observations. i° Si l'on considère d'un seul œil un champ blanc sur un fond noir, de manière que l'état de réfraction corresponde à un point plus éloigné que le champ , le champ blanc qu'on aperçoit confusément sur le fond noir, paraît entouré d'une légère et étroite bande colorée, dont les couleurs sont, du blanc au noir , le violet, le bleu, le jaune et le rouge. La plu- part du temps, il n'y a que le bleu et le jaune qui soient un peu prononcés. 2° Si l'on contemple un champ blanc sur un fond noir, de manière que l'état de réfraction corresponde à un objet plus rapproché que celui qu'on regarde, les bandes colorées de l'i- mage confuse sont aussi rouges , jaunes, bleues et violettes , mais en sens inverse , le violet et le bleu se trouvant du côté du noir, le jaune et le rouge du côté du blanc. Si l'on se sert des deux yeux , et que, par conséquent , on ait des images doubles, la succession des couleurs est la même que dans le premier cas quand les axes se croisent derrière l'objet de la double apparition , et le même que dans le second lorsque les axes se croisent au devant de l'objet. Les bandes colorées subissent une altération par la proci- dence des images subjectives secondaires au bord de l'image objective, quand l'œil exécute un léger mouvement de côté. COMME APPAREIL d'optique. 58 Î L'image subjective secondaire d'un champ noir sur un fond blanc est blanche, celle d'un fond noir est grise, et celle d'un fond coloré offre la couleur complémentaire opposée. Quand on fixe un champ pendant long temps, l'image secondaire ou physiologique couvre l'image objective ; mais si l'on imprime à l'oeil un très-petit mouvement sur le côté, le bord de l'image physiologique apparaît au bord de l'objective. Ces bandes, qui ne paraissent que du côté vers lequel l'œil se porte , doivent être bien distinguées des bandes colorées dioptriques , qui sont objectives, et qui ont leur source dans les milieux ré- fringens de l'œil. Gompareiti a décrit les deux phénomènes mêlés ensemble. La vision des bandes colorées a, comme on voit, des causes entièrement objectives dans l'œil, et, pour ce qui les concerne, il ne faut pas songer à ces changemensdans la rétine dont parlent certains traités de pathologie. Lorsqne le phénomène a lieu pathologiquement , il est la suite , non d'un changement dans l'acte de la vision , mais d'un change- ment dans le pouvoir qu'a l'œil de s'accommoder aux distances. Certaines personnes se plaignent de voir des bandes colorées, quoique leur faculté visuelle n'ait subi aucune altération , et qu'il n'y ait chez elles aucune tendance, soit à Tamblyopie, soit à la cataracte. Ici se rangent aussi les lignes rouges qui se peignent autour des caractères noirs de l'écriture toutes les fois que les moyens internes de changer l'état de réfraction sont paralysés par une affection morale , par un travail d'es- prit assidu, par l'envie de dormir. Les bandes colorées diop- triques deviennent très-fortes lorsqu'au moyen de l'extrait de belladone on détruit la faculté qu'a Tœil de s'accommoder aux distances. Il faut distinguer les auréoles lumineuses colorées des ban- des colorées dioptriques. 38a DES EFFETS DE LA RÉTINE CHAPITRE III. Des effets de la rétine, du nerf optique et du sensorium dans la vision. Tous les phénomènes qui ont été examinés dans le chapitre précédent découlent de la structure optique de l'œil , c'est- à-dire de la construction des milieux transparens placés au devant de la rétine. D'autres, très-nombreux, ne sauraient être expliqués de la même manière ; ils tiennent aux proprié- lés vitales de la rétine, au conflit qui a lieu entre cette membrane et le sensorium. Tels sont , non seulement Tacte de la sensa- tion elle-même etla perception comme lumière et couleurs du changement qui a eu lieu dans la rétine , mais encore la con- version des images de la rétine en intuitions de l'espace , de la distance , de la corporalilé et de la grandeur des objets. Tels sont encore le conflit entre les diverses parties de l'ap- pareil sensitif, et beaucoup de phénomènes que la lumière extérieure ne fait point naître, ou du moins ne provoque qu'in- directement dans la rétine. I. Action de la rétine et du sensorium dans la vision. A. action de la rétine et du sensorium. J'ai démontré, dans l'introduction à la physiologie des sens , que la rétine ne se borne pas à transmettre des effets du dehors, et qu'elle réagit aussi sur eux. La lumière et la cou- leur sont des actions de celte membrane nerveuse et de ses prolongemens au cerveau. Du mode de l'impression exté- rieure , il dépend que telles ou telles couleurs, telles ou telles images claires soient senties. Aussi la manière d'agir de la ré- tine est-elle si peu inconnue , que sa propriété , généralement appréciée, de voir des couleurs et de la lumière , quand elle vient à être irritée , est le phénomène fondamental sur lequel reposent toutes les recherches ayant trait à la vision. Les vibra- tions d'un fluide répandu dans l'univers entier; et qu'on nomme DANS lA VISION. 385 éther, produisent, avec une certaine vitesse d'ondes, la sen- sation de telle couleur, et avec une autre vitesse , celle de telle autre couleur , qui , l'une et l'autre , sont l'effet de la réaction delà rétine. L'irritation d'un même point de cette membrane par des ondes de vitesse diverse , donne lieu à la sensation du clair. Mais les mêmes sensations se développent aussi sans le concours des vibrations de l'éther , quand la rétine est irri- tée, ou par l'électricité, ou par la compression. Puisque ce sont les changemens de la rétine que nous sen- tons lorsque nous voyons, on peut dire aussi que, durant l'acte de la vision , celte membrane se sent elle-même , ou que le sensorium la sent dans un état quelconque. Le repos de la rétine est la cause de l'apparition de l'obscurité devant les yeux ; son activité est celle de la clarté du champ visuel dans la sensation. En certaines circonstances , on la voit faire naître en elle des images sans nul objet extérieur. Tel est le cas , non seulement des figures que l'électricité et la compres- sion déterminent , mais encore d'un phénomène que Purkinje a observé le premier, et dont je dois parler ici. Si , dans un espace obscur, on promène ou fasse tourner devant ses yeux une bougie de six pouces , on aperçoit , au bout de quel- que temps , une figure obscure et ramifiée , dont les branches s'étendent sur le champ visuel entier, et qui n'est autre chose que lexpansion des vaisseaux centraux de la rétine , ou que celle des parties de la membrane qui sont couvertes par ces vaisseaux. A proprement parler, il y a deux figures arbori- sées, dont les troncs ne se couvrent pas, mais naissent dans la partie droite et la partie gauche du champ visuel , en s'écar- tant sur-le-champ l'un de l'autre. A chaque œil appartient un tronc ; les branches des deux figures s'entrelacent dans le champ commun. Ces figures naissent de la manière suivante. Le mouvement de la bougie à droite et à gnuche répand de la lumière sur le pourtour entier de la rétine , et tous les points de celle membrane qui ne sont pas couverts immédiatement 384 ^^^ EFFETS DE LA RÉTINE par les vaisseaux centraux reçoivent une lueur pâle , tandis que ceux qui sont couverts par les vaisseaux ne peuvent être éclairés, et paraissent en conséquence obscurs , sous la forme d'arbres noirâtres. L'expérience réussit très-bien chez la plupart des hommes ; chez quelques uns , elle présente des difficultés, ou même échoue. Les figures rameuses semblent être placées au devant des yeux , et voltiger dans le champ visuel. Celte expérience donne une preuve convaincante de la réa- lité du fait qu'en voyant nous sentons les états de la rétine , et rien autre chose , et que cette membrane est en quelque sorte le champ visuel lui-même , obscur dans l'état de repos , clair dans celui d'excitation. Mais l'un des problèmes les plus difficiles est celui du con- flit entre la rétine et le sensorium , dans l'acte de la vision. On peut dire que cette partie de la physiologie des sens est en- tièrement métaphysique , puisque nous manquons jusqu'à présent de moyens empiriques pour nous aider à concevoir ce conflit. Où l'état de la rétine est-il senti? Est-ce dans la ré- tine elle-même, ou dans le cerveau? Si les états des particules de la rétine n'arrivent à la sensa- tion que dans le cerveau , il faut que le nerf optique les trans- mette à cet organe dans le même ordre que les particules de la membrane observent les unes par rapport aux autres. A chaque parcelle de la rétine doit correspondre une fibrille du nerf. L'expérience ne s'accorde nullement avec cette hy- pothèse. Si l'on compare l'épaisseur du nerf optique avec l'expansion de la rétine , il paraît y avoir peu d'espoir d'arri- ver à un semblable accord ; car le nombre des fibres du nerf semble être beaucoup plus petit que celui des papilles de la membrane. L'accord ne pourrait donc avoir lieu qu'autant que les fibres dites primitives du nerf optique contiendraient encore une multitude d'élémens infiniment plus petits ; cepen- dant il faut penser que la sensation n'est bien nette qu'au DANS LA ViSlON. 585 milieu de la rétine ; or, si l'on admet que les extrémités des nerfs sont très-serrées les unes contre les autres en cet en- droit , mais qu'en dehors elles se trouvent séparées par des intervalles de plus en plus grands, une partie des difficultés s'efface. La sensation est aussi nette au milieu de la rétine , et aussi confuse sur ses côtés, que si une extrémité de fibre nerveuse correspondait à chaque parcelle de l'image dans le premier point , tandis que , sur les côtés , une seule fibre cor- respondrait simultanément à plusieurs parcelles de cette image , ou que si chaque fibre du bord recevait l'impression sur une partie de sa longueur, tandis que chaque fibre du centre serait affectée seulement par son extrémité puncli- forme. Il importerait beaucoup ici de savoir comment les pa- pilles nerveuses de la rétine , observées par Treviranus , se comportent à l'égard de la couehe fibreuse de la membrane , et si chaque fibre nerveuse se replie réellement en une papille, comme le dit ce physiologiste, ou si à chaque fibrt corres- pondent des séries, entières de papilles. Mais comment une fibre pourrait-elle transmettre jusqu'au sensorium les change- mens de séries entières de molécules matérielles sur sa lon- gueur, si la sensation des lieux ne doit naître que dans le sensorium ? Si la représentation des sensations n'a lieu que dans le cerveau, par les extrémités des fibres nerveuses^ une fibre ne peut représenter qu'en un seul point toutes les affec- tions survenues dans des parties aliquotes de sa longueur. Si , au contraire , la sensation des différens Heux s'affectuait dans les parties aliquotes de la longueur d'une fibre , il faudrait se figurer lame agissant dans chaque particule de la longueur de cette fibre , hypothèse contre laquelle parlent , pour ce qui concerne les nerfs rachidiens , les observations faites sur les sensations qu'éprouvent les amputés. Cette difficulté dispa- raîtrait en supposant que les nerfs des sens supérieurs parti- cipent plus à l'action de l'âme que les autres nerfs , de sorte que rame continuerait d'agir jusqu'aux extrémités nerveuses II. 2 5 386 DES EFFETS DE LA. RÉTINE de la rétine , les nerfs sensoriels n'étant qu« des prolonge- mens du sensorium. Dans l'état présent de la science , il est totalement impossible de résoudre cette énigme. De quelque manière que les choses se passent , ce qu'il y a de certain , dans tous les cas , c'est qu'après la perte de la rétine ou de la partie extérieure du nerf optique , les portions inté- rieures ou cérébrales du sens de la vue ne peuvent plus pro- duire non seulement les sensations de lumière , mais même les intuitions d'un champ visuel dans lequel desimages soient vues. Ici se rangent les phénomènes remarquables observés par Lincke. Un homme auquel on avait extirpé un œil cancéreux, voyait , le lendemain de l'opération , quand il fermait l'œil sain , différentes images voltiger au devant de son orbite vide, comme des lumières , des cercles de feu, de nombreux per- sonnages dansans (1). On avait déjà remarqué souvent des phénomènes analogues sur des personnes totalement aveu- gles (2). fl paraît découler de là que les affections des fibres ner- veuses du nerf optique ne sont employées que dans le cerveau à la construction d'un champ visuel , et il s'ensuivrait aussi , comme conséquence , que toute la mosaïque de la rétine serait représentée dans le sensorium par un nombre correspondant de fibres nerveuses , ce dont o-n ne peut donner la démonstra- tion empirique. Le conflit entre les parties igi-minales et les parties centra- les de l'appareil visuel est donc encore fort obscur , et nous sommes obligés de nous en tenir au fait que tout ordre régnant parmi ce que nous voyons dans le champ visuel , dé- pend de l'ordre des particules de la rétine qui viennent à être affectées. (1) De fungo meduUari^ Léipzick, 1834. (2) MiJLLER , Ueher die phantastischen Gesichtsserscheinunyen , Co- blentz, 1826. DANS LA VISION. 087 B. Grandeur du champ visuel dans la représentation. La grandeur du champ visuel dépend de celle de la rétine ; car 00 ne saurait jamais voir en même temps plus d'images qu'il n'en peut tenir à la fois sur la rétine entière. En ce sens, la rétine sentie par le sensorium est le champ visuel lui- même. Mais, pour la représeniation de celui qui voit, le champ visuel n'a point de grandeur déterminée , et la représentation que nous avons de l'espace au devant de nous, varie à l'infini , tantôt fort petite, tantôt extrêmement grande. En effet, larepré- sentation de ce que nous voyons le projette en dehors de nous , par des motifs qui seront déduits plus tard. Aussi le champ visuel est-il trèsrpeiit quand cette représentation se trouve bornée par des obstacles situés au devant de l'œil , et très- grand , au contraire , lorsque la projection hors de nous ne rencontre pas d obstacles. Le champ visuel est très-petit dans la représentation lorsque nous voyons à travers un étroit corps creux placé devant notre œil , grand lorsque nous con- templons un paysage à travers une petite ouverture , plus grand encore quand nous regardons par la fenêtre , et aussi grand que possible quand nous sommes en plein air, où rien ne gêne notre vue- Dans tous ces cas , la représentation de la grandeur du champ visuel diffère beaucoup , et cependant sa grandeur absolue est toujours la même , c'est-à-dire dépen- dante de l'étendue de la rétine. En effet, comme je l'ai déjà dit , il nous est impossible de jamais voir plus d'images à la fois qu'il n'y a de place pour elles sur la rétine. Cependant , quoique , en regardant un paysage à travers une ouverture, son image entière ne soit pas plus grande que l'ouverture , et occupe sur la rétine le même espace que le pourtour de celte dernière , la réprésentation d'un même champs visuel n'en est pas moins extrêmement variée. Il suit donc de là que l'i- magination joue toujours un rôle dans la vision, à tel point qu'on aurait finalement de la peine à établir ce qui lui appar- 388 DES EFFETS DE LA RÉTINE lient et ce qui est du ressort de la simple sensation. Si nous pouvions , à l'âge adulte , faire abstraction de l'imagination quand nous voyons, il ne resterait plus que la sensation nue , ce qui est peut-être le cas chez Tenfanî nouveau né. Pour l'enfant , qui n'a encore aucune idée du voisinage ou de l'éloigrement de ce qu'il voit , le champ visuel devrait pa- raître également grand quand il regarderait dans un tuyau fermé au bout , ou quand il verrait le paysage entier à tra- vers le même tube , mais ouvert. De ces considérations il suit encore que la simple sensation de ce qu'on voit doit être quel- que chose de primitif et d'indépendant des représentations. Fig. 53. Tout ce qui apparaît sous le même angle obtique axb , n'a non plus , sur la rétine , qu'une image de même gran- deur ab. Les objets d ^ e ^ f, g, h^ très-difFérens de grandeur et placés à des distances diverses , ont le même angle optique et la même image ab sur la rétine. Cependant leur image dif- fère beaucoup , pour la représentation , dès que des idées de proche et de loin se sont développées. Car là représen- tation agrandit successivement le champ visuel de d^ e, f, g, h , et l'image ab de la rétine se trouve peinte par elle à l'âme aussi grande qu'elle le serait si l'objet était vu de près , c'est- à-dire dans les conditions les plus ordinaires de la vision. D'après cela , un paysage ab peint sur le rétine , sous l'angle optique axb\ peut être représenté ayant des lieues d'étendue, si nous savons que telle est réellement sa grandeur , ou si, de la quantité d'objets connus que nous découvrons en même- temps , nous concluons qu'il doit l'avoir. Et de même que des images d'un même angle optique sont représentées diverse- ment grandes dans le champ visuel , de même aussi le champ entier des particules atî'ectées de la rétine , dont la grandeur DANS LA VISION, 389 absolue demeure constamment la même, est représenté avec des diversités infinies dans son étendue, c'est ce qui fait qu'en contemplant l'image dans une chambre obscure , on la prend pour un paysage vivant , pour le véritable champ visuel lui- même, quoique ce ne soit qu'une très-petite image projetée sur une table. La même action de projeter hors de nous dans la représentation fait naître aussi la représentation de la profondeur dans l'espace , idée à la consolidation de laquelle ce qui contribue le plus , c'est que , quand nous marchons en avant, d'autres images s'oflrentà notre rétine, de sorte que nous semblons cheminer, pour ainsi dire , entre des images , ce qui , pour la représentation , produit le même effet que si nous passions réellement entre les objets vus dans l'espace. Il est donc clair que le champ visuel représenté est extrême- ment variable , tandis que celui de la sensation simple dé- pend absolument de l'étendue de la rétine ou des parties cen- trales internes de l'appareil visuel dans le cerveau. Ce qui correspond le mieux à ce dernier , c'est k sensation que nous éprouvons dans la rétine quand nous ne nous représentons au- cun objet, c'est-à-dire celle du champ noir étendu devant nos yeux fermés , ou la sensation du champ clair également étalé devant nos yeux fermés , quand la lumière passe à travers nos paupières. Ici encore le champ paraît être immédiatement au devant de l'œil ou dedans. Mais dès qu'une représentation quelconque d'objets déjà vus se joint à ce que nous voyons, la projection au dehors a lieu aussitôt , et la grandeur sous laqUell«5 on se représente ce qu'on voit , dépend de l'expé- rience individuelle. De là les différences dans la taille que divers individus assignent aux arborisations de la rétine qu'ils voient en répétant l'expérience de Purkinje , et dans la dis- lance à laquelle ces figures leur semblent être de l'œil. Le sens de la vue se comporte en cela d'une tout autre manière que celui du toucher, à l'égard des objets extérieurs. Pour le toucher, les objets sont immédiatement présens, et la jgO DES EFFETS DE LA RETINE mesure de leur grandeur est retendue de notre propre corps avec laquelle ils entrent en conlact. Une table qu'on touche de la main paraît , à Tendroit louché , aussi grande que les parties de la main qui sont affectées par elle ; car ici c'est la partie de noire corps que nous sentons qui nous sert de me- sure. En effet, la portion palpante de la main fait partie de la surface semante de notre corps, et la portion touchée de la table paraît aussi grande que la portion palpante de la main le paraît proportionnellement à notre corps entier. Mais toute distinction des parties de notre corps dépend de la pos- sibilité de distinguer dans le sensorium les fibres nerveuses provenant des diverses parties. Dans le sens de la vue, au con- traire , les images des objets ne sont que des fractions des objets eux mêmes réalisées sur la rétine, dont les dimensions ne changent jamais. Mais l'acte de la représentation , qui ana- lyse les sensations de la vue, agit en dehors, et par-là élève les images des objets , ainsi que le champ entier de la rétine , à des grandeurs variables ; la seule chose qui demeure intacte , c'est le rapport des images au champ visuel entier, ou des particules affectées de la rétine à la rétine entière. Volkmann fait remarquer que , dans aucun cas , la rétine ne sent son étendue matérielle , et que même le sens du tou- cher ne nous procure pas l'intuition de notre propre corpo- ralité. Il se fonde sur les observations de E.-H. Weber , d'a- près lesquelles la distance entre deux points est très- diverse- ment sentie dans des régions diverses de la peau. D'après cela, il pose en principe que la peau estime la grandeur des objets en prenant pour unité leur distance appréciable. Soit « l'unité de mesure , la grandeur d'un pouce est 12 a; pour le doigt indicateur , et 1 a; pour un point de la région moyenne du bras. Car chaque partie de la peau donne à un objet touché autant de fois Ta grandeur oe qu'elle contient de parties qui sont en état de distinguer w comme chose à part. D'après cette hypothèse , quand je me touche le milieu du bras avec le bout DANS LA VISION. 3g 1 du doigt, ce point devrait me paraître douze fois aussi grand avec le bout du doigt qu'avec la peau du bras. Volkmann applique ces vues à la rétine. Il admet aussi que, dans l'estimation des grandeurs, Tuniié de mesure est la dernière distance visible. Cependant les phénomènes observés par We- ber se prêtent à une autre explication ,• on peut les conce- voir aussi par le mélange ou l'irradiation des sensations ;, qui fait qu'il se produit en quelque sorte des cercles de diffu- sion. C. Action du sens de la vue au dehors. Plusieurs physiologistes, comme Tortual, Volkmann , Bar- tels , attribuent au sens de la vue lui-même l'action au dehors c'est-à-dire la faculté de rapporter hors de nous les objets que nous voyons , ou d'en constater l'extériorité. Mais qu'est-ce qui se trouve d'abord au dehors ? Comme celui qui voit pour la première fois ne peut point encore distinguer l'image de son propre corps d'autres images , le placement hors de soi de ce qu'on a vu ne peut être autre chose qu'une distinction établie par le sujet entre lui-même et ce qu'il voit, une dis- tinction entre le moi sentant et la chose sentie. La faculté d'apprécier l'extériorité des objets est une affaire du juge- ment, comme je l'ai établi dans l'introduction à la physiologie des sens. On dit que'le nouveau-né place de suite les objets de la vue hors de son corps et de son œil ; mais le nouveau-né ne connaît ni son œil ni son corps sous la forme de sensations visuelles, et il a besoin que l'expérience lui apprenne laquelle des images qu'il voit est son propre corps. En conséquence, tout ce qu'il est permis de dire , c'est qu'il place ce qu'il sent hors du moi sentant , et c'est en ce sens seulement qu'il le re- porte au dehors. Chez les animaux , cette réaction du senso- rium vers l'extérieur est beaucoup plus sûre par le concours de l'instinct; car l'animal ne tarde pas à se traîner vers la mamelle de s:\ mère, de sorte qu'il doit y avoir, dans sonsen- 592 DES EFFETS DE LA RÉTINE sorium , un peKcbant inné à sb porter par des mouvemens vers riiTiDge qu'il aperçoit, et qui, par rapport au moi voyant, est extérieure , c'est-à-dire objet. Si le nouveau-né ne sait pas d'abord distinguer l'image de son propre corps de celle du monde extérieur , il ne tarde pas à s'apercevoir que cer- taines petites images reviennent presque constamment dans le champ visuel, et qu'elles se meuvent quand lui-même meut volontairement son corps : ce sont les images de son propre corps. Toutes les autres changent indépendamment de son corps , ou leurs changemens ne correspondent point à ceux de son individu : celles-là sont les images du monde exté- rieur , qu'il admet désormais comme existant hors de lui dans l'espace , et qui se répètent de jour en jour dans le champ visuel de la représentation , dont l'origine remonte à cette époque. Le nouveau-né ne sait rien de l'œil en tant qu'il voit. L'individu qui voit a, généralement parlant, peu d'occasions de reconnaître que c'est dans l'œil qu'il voit. Les cas oii il éprouve une sensation dans l'œil , sans apercevoir rien de déterminé à l'extérieur , sont les seuls qui lui permettent de remarquer que l'œil est le théâtre de ces effets ; tels sont ceux de la sen- sation d'obscurité qn'il éprouve en fermant les yeux , et de la sensation que la clarté lui procure en agissant à travers ses paupièl'es abaissées. D. Images de son propre corps dans le champ visuel. Certaines régions de notre corps font preque toujours par- tie du champ visuel de l'œil , et par conséquent aussi des re- présentations du sens de la vue. Lorsque nous voyons d'un seul œil, l'un des côtés du champ visuel est occupé par le côté visible du nez ; si nous abaissons les sourcils , ils occupent la partie supérieure de ce champ ; si nous élevons les joues , nous en voyons une partie au bas du champ visuel ; enfin , si nous contractons le côté extérieur du muscle orbiculaire des paupières , h partie externe du champ est limitée par une DANS LA VISION. 3^5 ombre qui provient des alentours de l'œil. Des images de par- lies de notre corps peuvent donc apparaître dans toute la pé- riphérie du champ visuel , et alors les images des objets ex- térieurs se trouvent placées entre celles de notre propre corps. Lorsque nous fixons d'un seul œil le bout de notre nez, l'image du nez s'avance d'un des côtés du champ visuel jus- que dans le milieu ; si nous le fixons des deux yeux à la fois, l'image se trouve au milieu de la partie inférieure du champ visuel , appartenant aux deux yeux en même temps , tandis que les images des côtés du nez se perdent en partie , l'un des yeux voyant des objets extérieurs à l'endroit où l'autre aper- çoit une image confuse du nez. Si Ton tourne l'œil davantage en dehors, on voit paraître à la partie inférieure du champ vi- suel non plus seulement le nez , les joues et les lèvres , mais encore le tronc et les extrémités. Ainsi , quelque situation que prenne l'œil , il découvre toujours une portion de notre corps, qui occupe un emplacement déterminé à h périphérie du champ visuel , en haut, en bas, à droite ou à gauche, et l'i- mage des parties de notre corps fait partie intégrante de la plupart des sensations et représentations dont nous sommes redevables au sens de la vue. Quoique les images de notre corps ne soient non plus re- présentées que sur le champ visuel de lu rétine , d'où elles sont transmises au sensorium, cependant celui-ci leur attribue le caractère de l'objectivité ou de l'extériorité avec la même certitude qu'aux images des objets extérieurs. Rigoureuse- ment parlant , l'image de notre main que nous voyons n'est pas la main elle-même , mais seulement son apparence. Nous cherchons à saisir un corps , et tandis que nous le faisons ^ la même chose arrive dans l'image du champ visuel de la rétine; nous voyons que nous saisissons, parce que l'apparence de notre main saisit l'apparence de l'objet. Nous sommes aussi informés du même acte par un autre sens , par le toucher de la main et par ses mouvemens. Ce qui semble singulier, c'est 594 DES EFFETS DE LA RÉTINE que , quoique le toucher et la vue des parties de notre corps s'exécutent en des points tout-à-fait diflerens , jamais cepen- dant il . n'y a contradiction» entre les deux sortes de sensa- tion. C'est aussi par Tintermède de l'imagination qu'a lieu l'harmonie qui règne entre elles et leur réunion. Nous pou- vons nous convaincre que les choses se passent réellement ainsi j d'après un cas où la différence de lieu est plus frap- pante encore , bien que l'imagination n'en lie pas moins inti- mement les deux sensations Tune à l'autre : quand nous voyons l'image de notre corps et ses mouvemens dans une glace , que nos mains remuent , et que nous /en sommes in- formés à la fois par le toucher et par l'image dans la glace, Ti- maginalion parvient à ne faire qu'une seule et même chose de ce que nous touchons et de ce que nous voyons , bien que le lieu soit totalement différent. E. Vae renversée et 'vue droite. D'après les lois de l'optique , les images se représentent , sur la rétine , renversées par rapport aux objets. Ce qui est en haut dans ceux-ci nous paraît en bas dans l'image, etc., la position relative des parties de celle-ci restant d'ailleurs la même. Mais voit-on réellement les images renversées comme elles le sont , ou bien les voit-on droites , comme les ob- jets ? Les images et les particules affectées de la rétine ne fai- sant qu'un, la question, traduite en langage physiologique, est celle-ci ; lorsque nous voyons , les particules de la rétine sont-elles senties par nous dans leur relation naturelle avec le corps ? Mon opinion , que j'ai publiée et développée dès 1826 , est que, quoique nous voyions les objets renversés , nous ne pou- vons jamais en acquérir la conscience que par des recherches d'optique , et que , voyant tout de la même manière , l'ordre des objets ne s'en trouve nullement altéré. Il en est ici comme du renversement quotidien des objets avec la terre entière , DANS LA VISION. SgS dont on ne s'aperçoit qu'en observant la situation des astres , et cependaût rien de plus certain que, dans l'espace de vingt- quatre heures , une chose qui était en bas par rapport aux as- tres , finit par se trouver en haut. Voilà pourquoi il n'y a point, dans l'acte de la vision, défaut d'harmonie entre la vue et le toucher, qui aperçoivent les objets, la première renversés et l'autre droits : car nous voyons tout à l'envers , même les parties de notre corps, et chaque chose conserve sa position relative. L'image de notre main qui palpe se renverse aussi. Nous appelons les objets droits, parce que nous les voyons tels. On a déjà quelque peine à remarquer la simple inversion des côtés dans la glace , où la main droite occupe la gauche de l'image , et nos seniimens tactiles , quand nous réglons nos mouvemens d'après l'image de la glace , contredisent fort peu ce que nous voyons , par exemple lorsque nous faisons un nœud à notre cravate dans un miroir. Cependant il y a bien là un peu de contradiction , parce que le renversement porte sur les côtés seulement , et que tout n'est pas renversé. Volkmann a embrassé la même opinion que moi. Il sou- tient aussi que nous n'avons pas besoin d'une explication de la vision droite tant que nous voyons tout renversé, et non pas uniquement un objet parmi d'autres. Rien ne peut être renversé , dit-il , quand rien n'est droit -.car les deux idées n'existent que par opposition. L'hypothèse qui attribue la vision droite à ce que nous voyons , non pas l'image de la rétine , mais la direction des rayons lumineux , renferme quelque chose d'impossible puis- qu'il n'y a point de direction déterminée des rayons lumineux, mais qu'à chaque point correspond un cône entier de lumière, et qu'il ne nous est jamais possible de sentir autre chose que Tétat des particules de notre rétine. L'hypothèse de ceux qui prétendent que la rétine agit en dehors et qu'elle y reporte les objets en sens croisé , par exemple suivant la direction de la perpendiculaire à la rétine (Bartels) , est aussi purement 596 DES EFFETS DE Là KÉTINE arbitraire; car il n'y a pas même moyen d'enlrevoirpourquoi une direction aurait la prééminence sur l'autre , et chaque particule delà rétine , si elle avait le pouvoir d'agir en dehors, devrait le faire en tout autant de directions qu'il y aurait pos- sibilité de tirer des rayons d'elle au monde extérieur. Gomme nous ne nous apercevons jamais que nous voyons à l'envers, il n'est pas probable non plus que la nature ait placé dans le cerveau ou quelque part ailleurs un moyen de corriger une erreur dont nous ne parvenons à nous instruire qu'en étudiant les lois de l'optique. On ne saurait alléguer ici la décussalion des nerfs optiques , puisque l'entrecroisement n'est que par- tiel. S'il était possible qu'une image d'un objet se produisît sur la rétine sans le concours de la lumière , par exemple au moyen du contact immédiat, alors cette image ne serait pas renversée ; et s'il était possible de voir un même objet d'a- bord par la lumière extérieure , puis par son application im- médiate à la rétine , les images produites de ces deux ma- nières seraient en sens inverse l'une de l'autre. On parvient à réaliser cette hypothèse dans certaines expériences. Que, par exemple, on comprime la rétine avec le doigt, à travers la sclérotique, on obtient une figure déterminée immédiate- ment par ce doigt. Mais on peut en même temps voir le doigt par l'intermédiaire de la lumière extérieure. Or les deux ima- ges sont situées sur des côtés opposés. Quand, les yeux étant fermés , on comprime avec le doigt la partie supérieure de l'œil , l'image se montre en bas ; elle apparaît en haut , à droite , à gauche , si l'on opère de même sur les parties infé- rieure, gauche et droite. F. Direction de la vue. Avant de quitter ce point de doctrine , il nous reste encore à examiner ce que quelques physiologistes appellent la direc- tion de la vue. Des objets qui projettent leurs images sur la DANS LA VISION. Ô^J même particule de la rétine, sont situés dans la même direc- tion , quant à la vue. Il y a , par rapport aux causes qui dé- terminent la direction de la vue , deux hypothèses possibles , mais dont une seule semble juste. 1° La direction suivant laquelle on voit quelque chose, dé- pend uniquement de la particule affectée de la rétine , de la distance à laquelle cette particule se trouve du centre de la membrane, de la direction qu'elle affecte par rapport à lui, ou , en d*autres termes , de la place qu'elle occupe dans la mosaïque entière de la rétine. Alors même que rimagination agit au dehors, et y projette les affections de la rétine, la re-. lation des petites images demeure la même , et la représen- tation visuelle peut être considérée jusqu'à un certain point comme un déplacement en avant du champ visuel entier de la membrane ,' déplacement qui n'en altère nullement les côtés, ce qui apparaît en haut étant représenté en haut, et ce qui ap- paraît en basTétantenbas-Supposons, par exemple, que dbac Fig. 36. efig. oG^ soient \ixréime, et d'b^ a' c' e' I la projection au dehors des images de la représentation ; a' serait la pro- jection de a, h' celle de b^ c' celle de c , etc. ; b' se trouve , dans la repré- *sentalion , du même côté que b dans rimage de la rétine , d du même côté que c , et ainsi de suite pour les autres points correspondans. De sorte qu'en fig 37, concevant la rétine pla- ine , la projection se- rait comme dans la f.gufe 37. L'étendue que â! e' acquiert dé- pend uniquement de la représentation ; il n'y a d'invariable que eo b a. c e \e% situatious relatives de a'b' c'^'e'. & Fig. 38. 398 DES EFFETS DE LA RÉTINE 2" Les projections des images se croi- sent^ de manière que a de l'inaagedelaré- line est projeté du côté opposé dans la représentation , ou va dans la direction a a\ fig, 38. Cette seconde hypothèse est suscepti- ble de varier beaucoup , suivant la situa- tion du point d'entrecroisement qu'on ^ admet pour les directions. a. Les uns croient qu'on aperçoit la direction de la lu- mière , que par conséquent on voit dans la direction de la lu- mière elle-même. Celte opinion est exposée, chose assez remarquable , jusque dans quelques manuels de physique. Porterfield avait déjà démontré qu'elle est insoutenable ; Volk- mann Ta combattue également. Dans la vision ordinaire, cha- que point de l'image sur la rétine est déterminé par le som- met d'un cône lumineux ayant pour base la largeur de la ré- tine. Lequel de ces rayons du cône doit déterminer la direction? Serait-ce le rayon parallèle à l'axe? Mais les rayons périphériques suffisent aussi, quand on les isole en regardant Fig. 39. à travers le trou d'une carte. Si le pointa est assez distant de l'œil «pour que les rayons se réunissent en o avant de parvenir à la rétine , et qu'on place une carte percée de deux trous en w w , il se projette en^y deux images des faisceaux lumineux qui passent à travers ces Fig. 40. trous. Qu'au contraire a soit trop rapproché de l'œil , en sorte que l'i- «mage tombe derrière la rétine, et qu'il y ait deux trous de carte en m n, DANS LÀ. VISION. Sgg les rayons périphériques du cône lumineux qui passent par ces trous projettent deux images, savoir x'y. Aune dislance 'déterminée du point radieux a, la distance a?' et y de la se- conde figure peut être aussi considérable que celle x ei y de la première, et alors les images paraissent au même endroit; cependant la direction des faisceaux lumineux ^ o de la pre- mière figure et oa?' de la seconde est totalement différente. b. Porterfield et Bartels supposent que chaque point de la rétine voit dans la direction d'une ligne perpendiculaire à la rétine ou à sa tangente. Celte hypothèse est purement arbi- traire. c. Suivant Volkmann , la direction de la sensation dépend de la situation du point sentant par rapport au point d'entre- croisement des rayons visuels , qui , d'après ses observations, se trouve sur la même ligne que la petite image de la rétine et l'objet. Il ajoute que c'est la conséquence d'une loi innée et qu'on ne doit pas chercher à expliquer. Certes, il y a, phy- sicalement parlant , le plus parfait rapport entre les objets et les images de la rétine , et c'est par le point d'entrecroise- ment que passent les lignes tirées des uns aux autres. Cepen- dant je ne pense pas qu'il y ait, dans l'activité du nerf opti- que , une action au dehors suivant une direction déterminée et exclusive. Volkmann suppose un rapport inné et inexplica- ble entre les particules de la rétine et un point d'entrecroi- sement derrière le cristallin. Il n'y a pas nécessité , dans la première hypothèse , d'admetire rien qui se refuse à explica lion. La direction de chaque image est déterminée par sa si- tuation sur la rétine et par la situation de ce point eu égard à la membrane entière , et les objets se projettent dans le même ordre, mais sans croisement, dans la représenîation. La pro- jection ne peut pas dépendre d'une simple inflexion ou cour- bure de la rétine ; elle doit , suivant moi , tenir à l'ordre des particules de cette membrane par rapport les unes aux autres. Toutes les explications de la direction de la vue , d'après le 4 00 DES EFFETS DE LA RÉTINE principe de la seconde théorie , sont affectées d'un vice com- mun. La vue des deux yeux à la fois les contredit toutes. Si la direction de la vue dépend d'une action de la rétine dans une direction quelconque, déterminée de dedans en dehors, soit- dans la direction du point autour duquel l'œil tourne sur lui- même , soit dans une direction perpendiculaire à la rétine , il y a i mpossibilité de'comprendre comment on voit les objets sim- ples avec les deux yeux. Car l'œil Ay^^. 41 verra dans la direc- Fig. 41. tion ace l'image du point c , située au milieu âe la rétine , et l'œil B le verra dans la direction b c d. Ce point e est donc porté , par la théo- rie, en deux endroits tout-à-fait diffé- rens. On ne peut objecter que les centres des deux rétines sont toujours vus simples -. car s'ils voient un objet au même endroit, ils ne peuvent pas le placer en dehors dans les directions a c e et b c d : autrement ils ne le Iverraient pas simple. Si, au contraire, la direction suivant laquelle on voit quelque chose dépend uniquement du rapport entre la par- ticule affectée de la rétine et la rétine entière, c sera vu sim- ple sur des points identiques a et b des deux membranes , et il occupera le milieu du champ visuel des deux yeux. G. Jugement sur la forme , la grandeur , la distance et le mouvement des objets. Le jugement que nous portons , d'après la vue , sur la forme des corps, est la suite, en partie de la sensation , et en partie de représentations combinées. Comme la forme des images dépend absolument de l'éten- due des points affectés de la rétine , la simple sensation suffit pour nous faire distinguer les unes des autres des formes bor- fi DANS lA VISION. /^0\ nées à de simples surfaces, par exemple un carré d'un cercle. Molyneux demandait à Locke si un aveug^le de naissance qui sait distinguer un cube d'une sphère par le toucher, sau- rait également établir cette distinction à Taide du sens de la vue , en supposant qu'il le recouvrât tout à coup. On ne com- prend pas comment ces deux philosophes ont pu se prononcer pour la négative. Car le toucher et la vue reposent sur les mêmes intuitions fondamentales de l'étendue de nos propres organes dans l'espace. Aussi l'animal qui vient de naître a-t-il sur-le-champ la sensation de la forme déterminée , lorsqu'il aperçoit la mamelle de sa mère , et cela seul prouve que la faculté de saisir des formes simples n'est pas le fruit de l'édu- cation. Mais celle de juger des différentes dimensions des corps d'après les images de la vue , exige de l'exercice , parce que toutes les intuitions du sens de la vue ne sont ori- ginairement que des surfaces, et pour procurer la représenta- lion d'un corps , le jugement doit ajouter les différentes faces qu'on aperçoit à ce corps , quand on lui donne une autre si- tuation. L'opéré de Cheselden voyait tout à plat, parce que c'est effectivement ainsi que tout se représente. Mais , comme les images changent tandis que nous nous remuons dans l'es- pace , parce que nous passons en quelque sorte entre elles , il il résulte de là en nous la représentation de la profondeur du champ visuel , qui n'est qu'une simple idée , et non une sen- sation. La grandeur apparente des objets dépend immédiatement de celle de la partie affectée de la rétine , ou de la grandeur de langle sous lequel ils apparaissent cà l'œil. Pour juger de leur grandeur réelle d'après leur grosseur apparente , il faut combiner des idées déjà acquises de proche, de lointain, etc. Juger de la proximité et de Téloignement est l'affaire de l'esprit, et non de la sensation. Tout objet qui apparaît sons un angle plus petit que celui sous lequel on le voit dans un voi- sinage immédiat ^^ est jugé éloigné. On juge plus éloigné celui ir. 2G 402 DES EFFETS DE LA RÉTINÊ qu'un autre couvre en partie , ou qui paraît plus petit relati- vement qu'il ne devrait le sembler s'il était placé à la même distance que les autres objets. Ce jugement s'acquiert, et ce n'est point une faculté innée, du moins chez l'homme. Pour l'enfant , tout se trouve à la même distance; il cherche à saisir la lune aussi bien que le corps le plus rapproché de lui. La plupart des physiologistes prétendent que la situation des arcs des yeux qui est nécessaire pour fixer un objet , con- tribue aussi beaucoup à l'appréciation des distances , parce que les axes des yeux convergent d'autant plus qu'un objet est plus rapproché. Cependant on s'exagère la valeur de ce moyen. Il peut sans doute avoir beaucoup d'efficacité pour des objets qui sont placés en droite ligne devant les yeux , mais il la perd toute pout* ceux qui sont situés de côté , et la chose est facile à démonîrer. En effet , les objets latéraux exi- gent, pour qu'on puisse les fixer , une tout autre convergence des arcs des yeux que les objets placés en ligne droite , alors même que la distance est identique pour tous. Ainsi la conver- gence des axes des yeux est la même pour les points a h cfig. 42, et néan- moins a est fort éloigné des yeux , tan- dis que c en est très-rapproché. Les angles4, 4' et 5 sont égaux , si a 5 c est un cercle : car c'est une propriété \du cercle que les triangles [dirigés 'd'une corde commune vers la péri- phérie , ont des angles égaux à cette périphérie. Donc, de ce que les deux objets situés à côt4 les uns des autres ont la même parallaxe , nous ne concluons pas qu'ils sont placés à inégale distance, mais qu'ils sont situés dans le même cercle. Le jugement que nous portons sur le mouvement des objets vus , dépend en partie du mouvement de l'image sur la ré- Fiï. 42. DANS LA VISION. 4^3 tiné , et en partie de celui des yeux , qui suivent un corps quand il se meut. Si l'image se meut sur la rétine, tandis que l'œil et notre corps demeurent en repos , nous jug^eons que l'objet vu change de position par rapport à nous. Son mouvement peut cepen- dant n'être qu'apparent , comme il arrive quand le corps sur lequel nous nous trouvons , un bateau par exemple , se meut. Si l'image reste en repos sur la rétine , si elle y demeure fixée au même point , et que les mouvemens des yeux suivent le corps mu , nous jugeons que celui-ci se meut d'après la sen- sation de mouvement que nous éprouvons dans nos muscles^ oculaires, ou d'après les courans qui leur sont envoyés par lé sénsorium. Lorsque l'image sur la rétine et les muscles des yeux se meuvent en même temps d'une manière correspon- dante, comme en lisant, nous jugeons que l'objet est tran- quille , et nous savons qu'il n'y a que nous qui changeons de situation par rapport à lui. Quelquefois , il y a mouvement ap- parent des objets , bien que ceux-ci et les yeux soient tran- quilles. Ainsi, après qu'on a tourné sur soi-même, on les voit tourner à leur tour, mais en sens inverse. Purkinje a fait, su^ ces phénomènes , des observations remarquables qui semblent prouver qu'ils dépendent d'une impulsion au mouvement en un certain sens imprimée au cerveau. Car la direction de la ro- tation reste le même, par rapport à la tête, qu'elle était primi- tivement, quoiqu'on détourne la tête en cessant de tourner. Ainsi , a t-on tourné la tête droite, si l'on s'arrête tout à coup, lés objets tournent horizontalement ; puis si l'on incline l'axe de la tête sur le côté , ce n'est plus autour d'une ligne perpen- diculaire au sol que les objets tournent , mais autour d'un axe incliné de la tête , c'est-à-dire que le mouvement circulaire s'exécute obliquement de bas en haut. Le même phénomène a lieu lorsqu'on tourne horizontalement sur soi-même, la lête penchée de côté, et qu'en s'arrêiant brusquement on redresse la tête. Il ne faut pas confondre avec ces mouvemens appa- ^04 ^^^S EFFETS DE LA RÉTINE reos , d'autres qui dépendent d'images consécutives , et dont nous aurons à traiter plus loin : rien de commun ne les rap- proche , et ceux qui sont dûs au tournoiement peuvent avoir également lieu après qu'on a tourné sur soi-même en fermant les yeux. H. Effets de Vattention dans la vision. L'âme peut consacrer plus ou moins ou entièrement son at- tention à un sens ou à l'autre. Lorsqu'elle est exclusivement occupée de l'un , elle perçoit peu ou point les effets des au- tres. Sous ce rapport , le sens de la vue participe au sort commun ; l'âme ne reçoit aucune influence de sa part lors- qu'elle est plongée dans de profondes contemplations. L'homme qui médite ne voit souvent rien, malgré la fixité de ses regards, parce que les effets des fibres nerveuses ne sont point en état d'exciter le sensorium livré à d'autres oc- cupations, et qu'ils se perdent dans le cerveau sans émouvoir l'attention. L'attention est donc nécessaire pour que nous ■voyions. Mais elle analyse aussi ce qui se passe dans le champ visuel. Tout n'est pas saisi avec la même netteté par le champ visuel entier de la rétine ; c'est taniôt telle chose et tantôt telle autre qui frappe davantage. Une figure mathé- maiique complexe se trouve saisie par nous de différentes ma- nières, suivant que nous consacrons notre attention à telle ou telle de ses parties. Ainsi , dans la figure ci-contre , c'est Fig. 43. tantôt l'ensemble que nous saisissons le mieux , et tantôt les détails , les six triangles de la péri- phérie , l'hexagone médian , ou les deux grands triangles. Plus une figure est complexe, plus elle présente de variations au jeu de l'attention. Voilà pourquoi les ornemens de l'architecture sont pourvus à nos yeux d'une sorte d'animation, parce qu'ils créent sans cesse de nouveaux matériaux à la vie de notre activité représen- tative. DANS LA ViSION. 4^5 II, Effets consécutifs des impressioas visuelles; ou images consécutives. La durée des impressions sur la rétine est beaucoup plus longue que celle de l'action de la lumière. D'après Plateau , la sensation dure 0,32 à 0,35 seconde au-delà de cette ac- tion , et la durée de l'impression consécutive croît en raison directe de celle de l'impression première. Aussi peut-on con- server très-lon^T^-temps dans l'œil l'image consécutive d'un objet éclairé, par exemple des carreaux d'une fenêtre, après qu'on les a fixés pendant un assez long temps de suite. La du- rée de ces images peut également être prolongée de beau- coup , en faisant aller et venir la main devant les yeux fer- més, de manière que ceux-ci soient alternativement plongés dans l'ombre et frappés de la lumière du jour. Cette persis- tance explique le phénomène du cercle de feu qu'on aperçoit quand on tourne une lumière en rond devant les yeux ; elle rend aussi raison du mélange des couleurs d'un disque co- loré tournant, et de l'impossibilité de distinguer les uns des autres les rais d'une roue qui marche avec rapidité. Lors- que l'illumination n'est que momentanée , par exemple dans le cas d'éclair ou d'étincelle électrique, la confusion des ima- ges n'a point lieu, et l'on parvient même à distinguer les vi- brations d'une corde. Quand on contemple pendant fort long-temps un corps dont les parties se meuvent à la suite les unes des autres, les ima- ges consécutives conservent aussi une apparence de mouve- ment dans la même direction, parce qu'elles s'effacent succes- sivement. C'est ainsi , à mon avis , que s'expliquent certains mouvemens apparens. Si l'un a tenu ses regards fixés pen- dant long-temps sur les ondes d'une eau courante, et qu'on les reporte tout à coup sur le sol, celui-ci semble se mouvoir, mais en sens inverse du courant. J'ai souvent re- marqué ce phénomène en regardant de ma fenêtre la rivière 4o6 DES EFFETS DE LA RÉTINE couler , et détournant ensuite mes yeux vers le pavé. Je Vai observé aussi sur mer, en regardant tout à coup le pont du bâtiment après avoir fixé long-temps les flots passant le long de ses flancs. Si l'on admet qu'il y avait encore dans mon œil des images consécutives de vagues , qui disparaissaient les unes après les autres, en suivant le même ordre que celui de leur formation par l'effet du mouvement, le passage des ima- ges les unes au devant des autres, quand les yeux sont re- portés sur le sol, doit produire l'apparence d'un mouvement de ce dernier en sens opposé. En considérant les images consécutives sous le point de vue de leurs qualités , on peut les rapporter à trois classes = ce sont ou des images consécutives incolores d'images dépour- vues elles mêmes de couleur^, ou des images consécutives co- lorées d'images incolores, ou des images consécutives colorées d'images également colorées. A. Images consécutives incolores après des images objectives incolores. Les images consécutives pures d'objets blancs ou brillans sont aussi brillantes ou blanches ; celles d'objets obscurs sont également obscures. Ainsi l'image consécutive d'une lu- mière mue avec rapidité est lumineuse. Lorsque, après une vive sensation, l'œil rentre soudainement en repos par la clô- ture des paupières , et qu'on le détourne de la clarté , ou mieux encore qu'on le couvre, l'image consécutive est blan- che et lumineuse, ou obscure et noire , suivant que l'objet qui a causé cette sensation était blanc , brillant, sombre ou noir. Si l'on fixe pendant long-temps les vitres et le châssis d'une croisée, puis qu'on ferme tout à coup les yeux, qu'on se dé- tourne de la fenêtre , et qu'on couvre les yeux avec la main, de manière qu'il ne puisse plus y pénétrer de lumière , même à travers l'épaisseur des paupières , l'image consécutive du vitrage est claire et celle du châssis obscure. DANS Là VISION. 4^7 L'éclairage des images peut néanmoins, en certaines cir- constances, se renverser dans l'image consécutive, de telle sorte que ce qui était lumineux paraisse noir, et que ce qui était noir semble lumineux. Cette inversion a lieu toutes les fois que Timage consécutive d'un objet brillant a été vue sur un fond objectif clair, lorsqu'on ne ferme pas les yeux, et que , pour observer l'image consécutive , on fixe ses regards sur une paroi ou une feuille de papier blanche. De là vient qu'après avoir regardé le soleil, on aperçoit une tache noire ou grise sur un mur blanc , et une tache blanche sur un es- pace lout-à-fait obscur. De même, les images consécutives des vitres d'une croisée sont noires et celles du châssis blanches , lorsqu'en fermant les yeux on demeure tourné vers la fe- nêtre , de manière que la lumière agisse encore à travers les paupières fermées, et affecte doucement la rétine. L'explica- tion de ce phénomène est facile. Le point de l'œil qui a vu de la clarté conserve encore de l'irritation, et celui qui a vu du noir est , au contraire , tranquille et beaucoup plus irritable. Si , dans cet état , on reporte l'œil sur une paroi blanche , la lumière de la paroi produit une impression bien plus faible sur les points irrités de la rétine que sur ceux qui étaient de- meurés tranquilles et qui ont conservé plus d'irritabiHté. De là vient que le point tranquille de cette membrane , qui avait vu du noir auparavant, aperçoit la paroi blanche beaucoup plus claire que le point qui avait vu de la lumière : de là aussi le renversement des images consécutives. Des phénomènes analogues ont lieu même par l'effet d'un changement subit de la clarté et de l'obscurité dans le champ visuel tout entier. En sortant des ténèbres , la grande irrita- bilité de la rétine fait que nous voyons tout très-éclairé , et en passant d'un lieu éclairé dans un autre médiocrement obscur, nous ne distinguons d'abord rien, jusqu'à ce que la rétine se soit mise au repos, et son irritabilité en rapport avec le faible degré de clarté : alors on distingue bien les objets. Un lieu 4o8 DES EFFliTS DE LA RÉTINE éclairé nous le paraît toujours plus qu'il ne l'est réellement, lorsque nous sortons d'un endroit obscur, et même quand il se trouve placé à côté de choses obscures. Les mêmes phéno- mènes ont lieu aussi pour d'autres sens : le froid ne nous semble jamais plus sensible qu'après la chaleur, et il suffit d'une légère différence de température, dans un lieu qui, en tout autre temps, nous semblerait chaud, pour que nous y éprouvions du froid au sortir d'un autre très-échauffé. La clarté et l'obscurité, le froid et le chaud, sont donc de simples relations. Du reste, à chaque mouvement de l'œil, les images consécu- liveschangent d'emplacement , eu égard au corps entier , et, par des motifs faciles à concevoir , elles apparaissent toujours là où l'on tourne la rétine. Qu'on fixe pendant long-temps un Fig. 44. carré noir sur un fond blanc , puis qu'on ^ détourne un peu la vue sans que l'œil quitte entièrement le carré noir, une par- tie a' c' d' de l'image consécutive tombe sur la feuille blanche , et par conséquent -^ZyK'^^^Aa, forme comme une bordure plus claire à l'un des côtés de cette image. L'image objective et l'image consécutive se superposent l'une à l'autre dans une certaine étendue; une portion de l'image objective, a, hd^ est devenue libre. La portion libre de l'image consécutive a' c' d paraît très-claire , la portion libre de l'objective ahd très-noire , et le point où ces deux images se superposent, gris, comme pour offrir en quelque sorte le terme moyen des deux états. Voici l'explication du phénomène : le point a' c' d' de la rétine qui avait du noir auparavant, voit le blanc plus clair, parce qu'il est tranquille ; de là ia bordure claire a c' d'. Le point de l'image où le carré objectif et le carré subjectif se superpo- sent n'a pas changé. Le point devenu libre de l'image objec- tive (ibd semble plus noir qu'auparavant, parce que, le regard s'étanl porté de côté , ce^^point tombe sur une partie de la ré- d DANS LA VISION. 409 tine qui avait vu auparavant le fond blanc , et qui par cela même est émoussée. B. Images consécutives colorées après des images objectives incolores. Quand la rétine a été affectée par une forte impression de clarté , telle que celle de la lumière du soleil même , l'image consécutive ne paraît pas seulement claire sur un fond noir , ou noire sur un fond clair , elle prend encore des couleurs subjectives , jusqu'à ce que la membrane soit entièrement re- venue aux conditions ordinaires , et ces couleurs sont les étals que la rétine parcourt depuis Téblouissement jusqu'à son retour aux conditions normales. Dans l'ima^je sombre du soleil sur un fond clair, les couleurs se succèdent, de la plus foncée à la plus claire, selon l'ordre suivant : noir, bleu , vert , jaune , blanc. Leur apparition commence sur le bord. Quand l'image consécutive est devenue blanche, on ne la distingue plus de la paroi blanche , c'est-à-dire que ce point de la rétine voit alors la paroi blanche de la même manière absolument que tous les autres points de la membrane qui n'ont pas été éblouis. Si l'œil se reporte du soleil dansl'obscurilé, la succession des couleurs est du blanc au noir , des couleurs les plus clairos aux plus sombres, blanc , jaune , orangé, rouge , violet , bleu et noir. Lorsque limage consécutive a passé du blanc au noir , on ne la dislingue plus du fond noir , c'est-à-dire que ce point de la rétine est redevenu aussi tranquille que tous ceux qui n'a- vaient point été irrités auparavant. Ces phénomènes , qu'on ne saurait expliquer par des causes objectives, sont une nouvelle preuve que les couleurs ont leur cause intérieure dans les états de la rétine elle-même. 410 DES EFFETS DE LA RETINE C. Images consécutives colorées après des images objectivet colorées. Fig.45. oîYtn^i jaune ^^erd Les images consécutives d'i- mages objectives colorées sont .^toujours colorées elles mêmes ; mais jamais elles ne reprodui- sent la couleur objective; elles offrent toujours la teinte com- plémentaire de la couleur pri- mitive. Ainsi l'image consécu- tive du rouge est verte; celle du vert, rouge; celle du jaune , violette ; celle du violet, jaune; celle du bleu, orangé; et celle de l'orangé, bleu. Si l'on regarde pendant long-temps un champ d'un rouge vif sur un fond blanc , et qu'ensuite on détourne tout à coup le regard de côté sur le champ même , limage consécutive du carré apparaît sous la même forme et les mêmes dimen- sions, mais verte. Si l'on ne détourne qu'un peu le regard, qu'on le fasse porter, par exemple, sur le côté de l'image objective , celle-ci et l'image consécutive se couvrent en partie , comme dans la figure 46; mais une partie de l'i- mage objective R est libre, et une partie de l'image consécutive G l'est également ; or , cette dernière partie apparaît comme une bordure verte sur l'un des côtés de l'image objective. Là où les deux images se superposent, la couleur de l'image objective existe , mais tirant sur le gris, parce qu'en cet endroit , la rétine est plus émoussée pour le rouge par l'image consécutive verte , que ne l'est la portion libre de l'image objective R, reposant sur une partie de la rétine qui voyait le fond bianc avant qu'on détournât le regard. Fig. 46. B a DANS LA VISION. 4^ 1 Ce phénomène peut être expliqué de deux manières , par les principes de la physique, et par ceux de la physiologie. 1° Explication physique. La lumière blanche renferme toutes les couleurs à la fois. Lorsque la rétine se détourne d'une image objective rouge , elle est émoussée pour la lumière rouge , mais susceptible encore de sentir les autres lumières colorées. La reporte- t-on ensuite sur une paroi blanche, son émoussement pour le rouge ue lui permet plus de sentir le rouge contenu dans la lumière de la paroi , mais ne l'empêche pas d'apercevoir les autres couleurs , c'est-à-dire la couleur complémentaire du rouge , ou le vert. 2° Explication physiologique. La vue d'une des trois cou- leurs principales n'est qu'un des trois états auxquels la rétine tend dans l'état d'irritation. Si l'art excite cet état , la rétine se trouve au maximum de tendance à la couleur complémen- taire, qui par conséquent apparaît dans l'image consécutive. Les deux explications sont , en général , satisfaisantes. La première semble même plus précise et plus vraisembla- ble : cependant les faits lui ôtent de sa probabilité. Car si la paroi blanche est la cause de limage consécutive colorée, la couleur complémentaire ne doit plus apparaître sur un fond obscur. Or , l'image consécutive d'une couleur est toujours complémentaire dans ce cas , et elle demeure telle quand on regarde dans un espace totalement obscur. Tous les hommes ne sont point également accessibles aux phénomènes des images consécutives colorées. Il s'en trouve auxquels on a de la peine à les montrer, tandis que d'autres les voient sur-le-champ. Mais, lorsqu'on les a une fois observées , on parvient à les faire renaître avec une grande facilité. La plupart des hommes connaissent peu les images consécutives, faute d'attention. Une fois cependant qu'on les connaît, on en est poursuivi souvent jusqu'à la fatigue. Ici se rangent les bor- dures claires des objets pendant le crépuscule , ce qui tient à ce que l'on aperçoit l'image consécutive sur l'un ou l'autre 4l2 DES EFFETS DE LA. ïlÉTINE bord. Telles sont aussi les apparentes lueurs qui entourent quelquefois les objets , et qui sont devenues un mystère pour certains hommes. Celui qu^ la piété fait tomber en extase de- vant une image peut en voir l'image consécutive partout où il tourne ses regards. III. Conflit entre les différentes parties de la rétine. Quoique les particules de la rétine représentent invariable- ment chacune la place qu^elle occupe dans le champ visuel , cependant il y a entre elles un certain conflit en vertu duquel l'état de Tune influe sur celui de l'autre, et l'image qui se des- sine sur l'une peut être modifiée par celle qui se peint sur l'autre. Un grand nombre de phénomènes qu'on a jusqu'ici considérés comme difl"érens les uns des autres, peuvent être rangés sous cette rubrique commune , tels que la disparition des images , l'échange de leurs couleurs contre celle du fond, la manifestation de couleurs opposées en diverses circon- stances , les ombres colorées , l'effet du clair sur la sensation de l'obscur , et vice versa. On peut rapporter ces phénomènes à deux classes. Dans l'une , l eiat de la partie la plus grande de la rétine se com- munique à la plus petite. Dans l'autre , l'état de la partie la plus grande de cette membrane en détermine un opposé dans la plus petite. A. Communication des états entre les dicter ses parties de la rétine. Irradiation. Lorsque deux impressions opposées ont lieu à la fois dans une image , l'une influe sur l'autre en certaines circonstances. Si l'image représente à moitié l'un de ses états et à moitié aussi l'autre , l'action n'a point lieu ; car les deux moitiés se font pour ainsi dire équilibre l'une à l'autre. Mais si l'une des impressions n'occupe qu'une petite partie de la rétine, et q e l'autre occupe la plus grande partie de cette membrane, DANS LA VISION. 4*^ il peut arriver , quand on contemple très-loni^-temps la pre- mière , qu'elle se répande sur la membrane entière , et fasse disparaître la petite image opposée , à la place de laquelle apparaît alors Tillumination du fond. Les parties latérales de la rétine, placées hors de l'axe, sont plus appropriées que son milieu à ces phénomènes ; mais aucune n'en est exempte. C'est surtout à l'entrée du nerf optique qu'on les observe. 4. Disparition des objets visuels en dehors de rentrée du nerf optique. Que l'on fixe , jusqu'à ce que Tœil éprouve de la fatigue , un morceau de papier placé sur un fond blanc ; tout à coup rimpression colorée disparaît entièrement pour un court es- pace de temps , et le fond blanc prend sa place , de manière que l'image colorée semble avoir été comme effacée de ce fond. C'est sur les parties latérales delà rétine que le phéno- mène réussit le plus facilement ; cependant la partie moyenne de la membrane est susceptible aussi de l'offrir, comme on ne tarde pas à s'en convaincre par l'expérience. Purkinje a décrit ces phénomènes. Ils prouvent que, quand l'impression dure long-temps , les particules de la rétine se communiquent réciproquement leurs états , et que leur acti- vité est susceptible d'un certain degré, assez borné d'ailleurs, d'irradiation dans le sens de la largeur. Les images colorées sur un fond blanc sont celles qu'il faut choisir de préférence : une petite figure noire disparaît très-difficilement et fort tard sur un fond blanc , parce que la sensation d'une impression est plus vive , quand celle du contraire a lieu en même temps. Au reste , la disparition ne dure que quelques secondes , après quoi l'image objective redevient visible. 2. Disparition des objets visuels à Ventrée même du nerf optique. La disparition des objets visuels à l'entrée du nerf optique, est connue depuis long- temps, et elle a été découverte par Mariolte. Mais c'est une prérogative qui n'appartient pas à ce 4l4 I>ES EFFETS DE LA RÉTINE point seul du nerf ; il le possède seulement à un plus haut de- gré que les autres. Si, d'un œil, on considère un point de manière qu'un objet placé de côié doive projetter son image sur rentrée du aerf optique , l'image disparaît subitement, ou du moins très vile. Si, par exemple , on ferme l'œil gâu- ^ . che, et que de Tœil droit on fixe le point ci-contre ^ à une distance de cinq pouces, la croix s'efface, et à sa place paraît la couleur du fond. La distance de l'objet à l'œil doit être environ cinq fois plus grande que celle de la croix au point. Ce qui prouve que le phénomène dépend de l'en- trée du nerf optique, c'est que, quand on procède en sens inverse , c'est-à-dire qu'on fixe la croix , le point ne disparaît pas , ou du moins ne le fait pas plus vite que sur toute autre partie de la rétine. On a conclu à tort de cette expérience que l'entrée du nerf optique est tout-à-fait insensible; le nerf y sent réellement, mais il y sent la couleur du fond , ou l'impression qui prédomine soit dans le reste de la rétine , soit dans les portions les plus rapprochées de l'étendue celte membrane. Il suit de ces phénomènes que les particules delà rétine sont susceptibles d'un certain degré de réaction les unes sur les autres. Mais cette réaction peut aussi s'exercer d'une tout autre manière , comme le prouveront les phénomènes décrits dans l'article suivant. B. Eœcitation d'états opposés dans des parties contiguës de la rétine. Dans les phénomènes qui viennent d'être décrits , l'impres- sion dominante se propage en largeur, sans subir aucun changement , et fait taire l'impression moins étendue qui dif- fère d'elle. Dans ceux dont il nous reste à parler, l'une des im- pressions change l'autre de telle sorte que la seconde per- siste, mais montre en même temps le contraire de la première. Les phénomènes mentionnés précédemment n'ont lieu que DANS LA VISION. 4^^ peu à peu , et à la suite d'une contemplation prolongée des images ; ceux dont il va être question arrivent instantanément et durent. 1. Images claires et obscures qui deviennent plus prononcées par contraste. Un champ gris sur un fond blanc paraît plus obscur sur ce fond que quand on contemple une teinte de gris répandue uniformément sur le champ visuel entier. Une ombre tranche d'autant mieux , par coniraste , que la lumière qui Toccasione est plus vive. Je citerai l'exemple suivant , pris parmi beau- coup d'autres. Qu'on éclaire un papier blanc avec une bougie, il produit l'impression du blanc ; mais qu'on place une se- conde bougie à quelque distance de la première , et qu'à l'aide d'un corps on fasse naître une ombre, celle-ci est grise , quoique le lieu qu'elle occupe soit tout aussi éclairé par la première bougie qu'il l'était auparavant. Oti voit pa- raître grise la place qui, avant l'approche de la seconde bou- gie, paraivssait blanche. C'est la même raison qui rend une ombre bien plus foncée sur un champ blanc que quand on la contemple seule à travers un tube (1). 2. Couleurs physiologiques par contraste. Si l'on considère un très-petit morceau de papier gris sur un grand champ éclairé ,il paraît, non plus entièrement gris, mais offrant une légère teinte colorée , qui est le contraste de la couleur objective du champ. Ainsi par exemple, on le voit rougeâtre sur un fond vert , verdâtre sur un fond rouge , orangé sur un fond bleu clair , bleuâtre sur un fond orangé , jaunâtre sur un fond violet clair , et violet sur un fond jaune clair. Pour apercevoir ce phénomène, il est nécessaire que le fond coloré ait une couleur claire très-pure , qui renferme en (1) Consultez , pour beaucoup d'autres phénomènes du même genre , l'ouvrage de Tortual, die Erscheinung des Schattens ^ Berlin, 4836. 4» 6 DES EFFETS DE LA. RETINE même temps beaucoup de lumière blanche. Tous les papiers colorés ne conviennent point. Le phénomène n'est jamais plus sensible que quand on tient devant la lumière d'une lampe un verre couvert de papier mince, sur un point duquel se trouve fixé le petit morceau de papier gris. Celui-ci apparaît alors très -facilement avec la couleur qui fait contraste. Les con- trastes physiologiques sont précisément ce que nous avons appris plus haut à connaître sous le nom de couleurs complé- mentaires. La couleur contrastante qui se manifeste donne toujours , avec la primitive, la somme des trois couleurs prin- cipales, bleu , rouge , jaune. Ainsi , par exemple , la couleur contrastante du jaune est le violet , qui contient du bleu et du rouge ; ainsi le jaune et son contraste , pris ensemble , sont autant que du jaune , du bleu et du rouge , ou que toutes les couleurs réunies. Les couleurs constrastantes étant purement subjectives , il suit de ces phénomènes que la couleur qui contraste est pro- voquée , comme état opposé de la rétine , par la couleur ob- jective , et que les oppositions qui naissent dans cette mem- brane se font équilibre par conflit , ou réaction mutuelle. Ces phénomènes prouvent aussi que , sous le point de vue physio- logique , les couleurs ne sont que des états déterminés de la rétine , qui peuvent s'appeler réciproquement dans les diffé- rentes parties de cette membrane. Une condition nécessaire pour la manifestation du contraste physiologique est un repos relatif à l'endroit où il doit éclater ; or le repos relatif est le gris ; aussi n'y a-t-il que le gris qui fasse apercevoir coloré le contraste d'une couleur objective. Une seconde condition lient à ce que la couleur objective soit très-claire. Il paraît qu'on doit ranger également ici quelques phéno- mènes qui ont été observés par Smith , Brewster et moi. Lorsqu'on tient la flamme d'une bougie assez près de l'œil droit pour qu'elle ne puisse pas être aperçue de l'œil gauche, €t qu'on dirige les deux yeux sur une bande de papier blanc, DANS tA. VISION. 4^7 eiî les plaçant de manière qu'ils la voient double , le papier paraît vert à l'œil droit , et rougeâtre à l'œil gauche. Celte remarque , que Smith a faite le premier , a été reprise par Brewster. Smith en concluait que la lumière agissant sur Tœii droit exerce réellement , en vertu du concours du cerveau , de l'influence sur la vue de l'œil gauche , que le vert et le rouge sont complémentaires l'un de l'autre , que la couleur verte dépend d'une diminution de la sensibilité de l'œil droit pour la couleur rouge , et la couleur rouge d'une exaltation correspondante de la sensibilité de l'œil gauche pour la lu- mière rouge. Brewster prétend, au contraire , que les cou- leurs tiennent à la nature de la lumière qui tombe sur la bande de papier , qu'elles ne sont point complémentaires, et que , quand on emploie de la lumière blanche pure, l'œil non excité voit le papier incolore. Il a tenté beaucoup d'expériences qui ne paraissent pas tirer la question à clair. On peut faire l'ex- périence avec un seul œil , en fermant l'autre. Si l'on con- temple d'un seul œil la bande mince de papier posée sur un fond noir 5 pendant qu'une bougie l'éclairé de côté, elle paraît d'un blanc pâle. Si on la considère du même œil , tandis qu'elle se trouve dans l'ombre , on la voit d'un blanc jaunâtre. Qu'on la regarde alors de manière à ne l'apercevoir qu'indis- tinctement, c'est-à'dire en opérant dans l'œil les changemens nécessaires pour une autre distance , l'œil , s'il est en même temps éclairé , la voit verte, et s'il est dans l'ombre, l'aperçoit rougeàtre. Cette expérience démontre que la lumière rougeâ- tre de la bougie ne laisse paraître la bande de papier avec une teinte jaunâtre que quand le reste de l'œil n'est point atfecté en même temps par la même lumière rougeàtre, c'est-à-dire quand il est dans l'ombre , qu'au contraire lorsque les autres parties de la rétine sont éclairées par de la lumière d'un jaune rougeàtre, un contraste physiologique se dessine entre le reste de cette membrane et sa partie qui voit la bande de papier , d'où il suit que celle-ci doit paraître plus pâle que n. 27 4l8 DES EFFETS DE LA RÉTINE dans le premier cas, et offrir une teinte de verdâtre pâle, à cause du contraste avec les autres parties de la rétine qui reçoivent une lumière rouge jaunâtre. J'ai de la peine à con- cevoir pourquoi c'est précisément lorsque la vue est indis- tincte , que cette couleur verdâtre apparaît. 3. Ombres nolorées. Le phénomène des ombres colorées appartient à la même catégorie que les précédens. Cependant toutes les ombres co- lorées ne sont pas de cette espèce , et il y en a un certain nombre qui ne reconnaissent pour cause que l'éclairage d'une ombre par une lumière colorée. , a. Ombres colorées objectives. Lorsque l'ombre d'un corps, produite par une lumière in- colore ou colorée , se trouve éclairée elle-même par une autre lumière colorée , elle a tout naturellement une appa- rence de coloration. Pendant le crépuscule du soir, les om- bres des corps paraissent bleues ou jaunes à la lumière arti- ficielle, suivant qu'elles sont éclairées ou par la lumière bleuâtre du ciel , ou par celle de la bougie. En effet , le dou- ble éclairage donne lieu à deux ombres , de couleur diverse. Dans ces circonstances, l'une des deux ombres qu'une pe- tite tige projette sur du papier blanc , est jaune , et l'autre bleue , parce qu'elles sont éclairées la première par la lumière artificielle, et la seconde par la lumière bleuâtre du ciel. Au- cun des autres points du papier n'a de couleur prédominante, attendu que tous sont éclairés à la fois par les deux lumières. Pohlmann a démontré que ces ombres sont de nature entiè- rement objective (4). h. Ombres colorées subjectives. Si l'on fait tomber , soit à travers un verre de couleur, soit (1) ^oy. PoGGEMDORPF Anuolen ^ t. XXXYII, p. 319. DANS LA VISION. 4^9 par reflexion , une lumière colorée sur une table blanche , et que, sur la surface qui paraît alors colorée, on fasse naître une ombre au moyen d'un corps grêle placé au devant de la lumière, puis, qu'on éclaire cette ombre avec la lumière blan- che du jour, alors elle offre la teinte coniplémentaire de la couleur primitive , savoir : le vert pour la lumière rouge , le rouge pour la verte , le violet pour la jaune , le jaune pour la violette, l'orangé pour la bleue, et le bleu pour Torangée. L'expérience réussit alors mêms qu'on se sert de la lumière artificielle pour éclairer l'ombre. L'illumination de celle-ci par de la lumière incolore est une condition nécessaire à la pro- duction du phénomène. Si l'on fait entrer un rayon de lu- mière colorée dans un espace obscur , et qu'on y détermine une ombre, celle-ci, comme Ta montré Grottliuss, n'est point colorée. Il faut donc le concours de la lumière blanche pour donner lieu au phénomène , soit parce qu'elle exerce de Tin- fluence sur la lumière colorée , soit parce qu'elle provoque l'ombre colorée de la rétine. Quelques explications qu'on a données jadis du phénomène doivent être passées sous silence; la seule admissible ne peut reposer que sur un changement objectif, que sur des modifications réciproques de la lumière colorée et de la lumière blanche, ou sur les. phénomènes phy- siologiques du contraste. Munchow a essayé une explication qui se base sur des cau- ses objectives. Elle a pour point de départ Thypoihèse que la lumière colorée possède, dans l'espace occupé par elle, la propriété de réduire à i'înaciion la portion homogène à elle- même de la lumière incolore qui pénètre d'ailleurs dans cet espace , et de ne laisser percer que la lumière complémen- taire. D'après cette hypothèse de Munchow , lorsque de la lu- mière bleue se rencontre avec de la lumière blanche , elle et la portion bleue de celle ci se neutralisent réciproquement , de manière qu'il ne reste plus q^iie la couleur complémentaire du bleu , ou l'orangé. Munchow , pour étaJ^lir la possibilité 420 DES EFFETS DE LA RÉTINE d'une action exercée mutuellement l'une sur l'autre par deux lumières provenant de côtés différens, invoque une expérience de Frauenhofer , d'après laquelle un rayon lumineux peut en détourner un autre de sa direction. Pohlmann a réfuté cette hypothèse par une expérience. La lumière colorée d'un dis- que en verre éclaire une surface blanche dans l'intérieur d'une caisse , et sur le disque se trouve une cordelette , dont l'om- bre se projette sur le fond blanc ; mais , au lieu d'éclairer l'ombre de la lumière colorée par la lumière du jour , il ne laisse parvenir cette dernière qu'à travers un tuyau dont l'ex- trémité plonge dans l'ombre. A la vérité , dans cette expé- rience , une certaine quantité de lumière colorée peut être projetée sur l'ombre par la réflexion des parois de la caisse , et produire le même effet sur la lumière du jour. L'explication la plus ordinaire des ombres colorées est celle qui les attribue aux contrastes physiologiques , de manière que les couleurs complémentaires de l'ombre sont regardées comme étant purement' subjectives. Cette théorie est adoptée par Rumford , Goethe, Grothuss, Brandes, Tortual, Pohlmann, etla plupart des physiciens. On peut alléguer en sa faveur l'observation déjà faite par Rumford, que la couleur de l'ombre ne saurait être distinguée d'une ombre incolore lorsqu'on contemple Tombre seule, sans le fond coloré , à travers un tuyau. Les phénomènes dont il a été question dans l'article précé- dent la rendent très-vraisemblable. Là , en effet , il n'y avait aucun de ces élémens d'erreurs qui se présentent dans les ombres colorées. Un petit champ gris sur un fond vert blan- châtre clair a une teinte claire lorsque la couleur du vert renferme beaucoup de lumière ; si le vert n'est point clair et blanchâtre , le spectre gris conserve son simple gris. Le pro- cédé suivant peut être employé pour obtenir des couleurs claires : on tient immédiatement devant une lampe un verre vert sur lequel est collée une petite baade de papier qu'é- BANS t A VISION. . 4^1 claire une lumière incolore ; on a ainsi du rouge. De cette ma- nière , le phénomène se trouve réduit aux plus simples con- ditions. C. Effet agréable des contrastes physiologiques. Principes physiologiques de Vharmonie des couleurs. Théorie de Gœthe. Les phénomènes dont il vient d'être donné la description prouvent que la rétine est mise par une seule couleur dans un état qu'on pourrait appeler unilatéral ou incomplet , et qu'elle tend d'elle-même à développer les contrastes qui complètent cet état. Nous ne devons donc point être surpris de ce que les associations de couleurs qui renferment déjà ces contras- tes au complet font une impression agréable et salutaire sur l'œil et l'âme. En effet , toutes les couleurs complémentaires plaisent , et celles qui ne le sont pas choquent lorsqu'elles do- minent, Dans ce sens , on peut dire que les premières sont harmoniques , et que les autres ne le sont point. Un assorti- ment de couleurs complémentaires est harmonique , et un as- semblage de couleurs non complémentaires l'est d'autant moins, qu'il y a moins de rapport entre ces dernières. Un rouge ardent qui prédomine affecte aussi désagréablement la vue qu'un jaune ou qu'un bleu uniforme. Aussi Tinstinct porte-l-il les hommes à adoucir ces couleurs, et à les rendre plus supportables, par l'addition du blanc ou du gris , toutes les fois qu'il y a nécessité de les étaler sur de larges surfaces. Par contre, le rouge le plus pur flatte à côté du vert, son complémentaire , le bleu auprès de l'orangé ou du jaune d'or, le jaune dans le voisinage du violet. Les femmes qui ont du goût adoucissent les couleurs de leurs vétemens, qnand elles sont uniformes, en les choisissant d'une teinte foncée , ou si elles portent des couleurs pures , elles les associent harmoni- quement, par exemple un châle rouge sur une robe verte, du lilas sur du jaune , du bleu avec de l'orangé. Quelle magnifi- cence et quel éclat dans l'union du jaune d'or et du bleu, 42 2 DES EFFETS 1>E LA RÉIINE dans la frange dorée qui borde titie draperie bleue ! Mais la mise d'une femme portant ensemble du jaune pur et du rouge , ou du jaune pur et du bleu , ou du rou^o^e et du bleu , choque autant la vue qu'elle annonce peu de goût ; ce n'est que dans les insignes des nations et les uniformes militaires qu'on voit de ces associations tranchantes. Ce qu'il y a de plus choquant et de plus désagréable , c'est le rapprochemena de deux couleurs pures sans la complémen- taire ; par exemple, du jaune et du rouge, ou du bleu et du rouge , ou du jaune et du bleu. Il y a là défaut d'harmonie. L'association de deux couleurs , dont une fait passuge à l'au- tre , n'est ni harmonique ni désharmonique , comme celle du jaune et du vert , ou du rouge et de l'orangé , ou du violet et du bleu. Un défaut d'harmonie peut dispuraîire par l'addition d'une troisième couleur qui soit harmonique avec l'une des deux autres , et indifférente quant à la seconde. Je citerai pour exemples le rouge , le vert et le jaune , le jaune , le vio- let et le rouge , le bleu , l'orangé et le rouge , le rouge , le vert et le bieu , etc. Le défaut d'harmonie entre le rouge et le jaune cesse en raison du vert, qui est harmonique avec le rouge, et indifférent quant au jaune. Les peintres font , sciemment ou à leur insu , des applica- tions fréquentes de ces principes physiologiques; car l'impres- sion agréable des couleurs d'un tableau tient à l'habileté avec laquelle l'artiste a su rapprocher les harmonies et sauver les discordances. Ce principe est souvent poussé jusqu'à l'obser- vation des ombres colorées. Un choix calculé de couleurs ternes et grises évite Terreur des désharmonies, mais prive aussi du puissant charme des couleurs harmoniques. Runge a traité fort au long de ce sujet dans son ouvrage sur les couleurs. IV. Action simultanée des deux yeux. L'action simultanée des deux yeux donne lieu aux phéno- mènes de la vue simple avec deux organes dans certaines con- DANS LA VISION. 423 ditions , à ceux de la vue double dans d'autres circonstances , et à ceux de la rivalité des champs optiques des deux yeux. A. V^ue simple avec deux; yeux. Quelques physiologistes ont pensé que le moyen le plus fa- cile d'expliquer comment on voit les objets simples avec deux org^anes , consiste à admettre , avec Gall , qu'on ne voit pas avec les deux yeux à la fois, mais seulement tantôt avec l'un , tantôt avec l'autre. A la vérité , certaines personnes dont les deux yeux ont une portée fort inégale , sont dans l'habitude d'en employer un de préférence à l'autre ; mais, chez la plu- part des hommes , tous deux concourent ensemble à la vision du même objet , ce dont il est facile de se convaincre par les doubles images qui se produisent dans des conditions déter- minées. De deux doigts placés l'un derrière Tautre , le pre" mier paraît double lorsqu'on fixe le premier, qu'on aperçoit simple : l'une des deux images appartient à un œil, et l'autre à l'autre. La vue simple avec les deux yeux n'a lieu que dans des points déterminés de la rétine ; d'autres poiiits de cette mem- brane des deux yeux voient toujours double lorsqu'ils sont affectés simultanément. Il s'agit d'abord d'apprendre à con- naître par l'expérience quels sont les points des deux rétines qui ont la propriété, quand ils sont affectés ensemble , devoir leur image au même endroit du champ visuel. Pour abréger, on peut donner à ces points l'épilhète d'identiques. Voici cam- ment on les reconnaît. Si , après s'être placé dans l'obscurité , en tenant les yeux fermés , on comprime avec le doigt un point déterminé de son œil , et par conséquent de sa rétine , on aperçoit un cercle de feu dans le champ visuel ; par des motifs qui ont été expli- qués précédemment , le cercle correspondant au point com- primé, apparaît sur le côté opposé du champ visuel, ^i l'on appuie un doigt sur la partie supérieure de l'un des yeux , et >x- 424 I>ES EFFETS DE Ik RÉTINE un autre doigt sur la partie inférieure de l'autre œil , on voit deux cercles de feu, l'un supérieur, l'autre inférieur, qui ap- partiennent le premier à l'œil comprimé en bas, le second à l'œil comprimé en haut. Ces points des deux yeux ne sont donc pas identiques , puisqu'ils voient leurs affections dans des endroits tout-à-fait différens. Si l'on comprime le côté externe des deux yeux , il se produit aussi deux figures , dont chacune appartient au point comprimé qui lui est opposé. Si l'on com- prime le côté interne des deux yeux , il apparaît également deux cercles de feu aux côtés externes du champ visuel ; ce- lui de droite appartient à l'œil gauche , et celui de gauche à l'œil droit. Ce qu'il y a de certain, c'est que ni la partie su- périeure d'une rétine et l'inférieure de l'autre , ni les côtés externes ou internes des deux rétines ne sont identiques en- semble. Ils voient toujours leurs affections en des lieux diffé- rens, et la distance des lieux comporte souvent la largeur entière du champ visuel. Au contraire, le côté externe d'un œil et le côté interne de i'autre , ou , dans la figure .5'46, a de l'œil A et a' de l'œil B, h de l'œil A et b' de l'œil B, sont identiques ensemble. Il y a , de plus , identité entre la partie su- périeure d'un œil et la supérieure de l'autre, entre la partie inférieure de l'un et la partie inférieure de l'autre. Par exemple , si l'on ap- puie le doigt, dans l'obscurité , sur le bas des deux yeux fermés , il ne paraît qu'un seul cercle de feu en haut , dans le milieu du champ visuel : si l'on comprime les deux yeux en haut, on n'aperçoit qu'un seul cercle de feu en bas, dans le milieu du champ visuel. De même , quand on comprime le côté externe a de l'œil A, et le côté interne a' de l'œil B, ou, ce qui revient au même , le côté gauche des DANS LA VISION. 425 deux yeux , il ne se montre qu'un seul cercle de feu , qui est placé à l'extrême droite. Comprime-t-on, au contraire^ fc d'un œil et h' de l'autre , ou le côté droit des deux yeux à la fois , il n'y a non plus qu'un seul cercle de feu , mais situé à l'ex- trême gauche. En un mot , on peut concevoir les sphères des deux rétines se couvrant , en quelque sorte , comme dans la figure précédente , de manière que la gauche de l'une soit identique avec celle de l'autre , la droite de l'une avec celle de l'autre, le haut de l'une avec celui de l'autre, et le bas de Tune avec celui de l'autre ; a couvre a', h couvre h\ c couvre c'. Les points situés entre a et c dans un œil, ne sont pas iden- tiques avec les points correspondans placés entre a' et c' de l'autre , ni les points intermédiaires h et c de l'un avec ceux qui leur correspondent dans l'autre. Car si l'on traîne les doigts sur les deux yeux à partir des mêmes points , si, par exemple, on comprime uniformément les deux yeux en allant du côté gauche vers le haut , la figure produite demeure toujours simple, et l'on peut tourner ainsi en cercle sans cesser d'aper- cevoir cette figure simple ; mais, dès que le doigt qui exerce la compression s'éloigne de ces points identiques des deuxyeux, sur-le-champ il apparaît des images doubles. Ces expériences procurent déjà la conviction que ce qui se trouve dans des points parfaitement correspondans , est iden- tique aussi. Or les points parfaitement correspondans sur la coupe de lu sphère de la rétine , sont ceux qui occupent le même méridien et le même parallèle, en considérant le milieu de la membrane comme pôle , ou ce qui se trouve, dans une même direction, à une même distance du milieu de la rétine. Tous les autres points des deux membranes sont différens ; viennent-ils à être affectés, les choses se passent comme si des points différens d'un même œil l'avaient été, et les images doubles de l'œil A et de l'œil B sont aussi éloignées l'une de l'autre que l'image de l'œil A Test du point de l'œil B avec lequel le point de la double image dans l'œil B est identique. « 426 DES EFFETS DE lA RÉTINE Ou, pour en revenir à la figure précédente, lorsque a d'un œil se trouve affecté, que iTest dans l'autre, commeilya idenlité entre a et a\ de même qu'entre h et h\ la distance entre les doubles images a et b' est précisément égale à celle entre a et  dans l'un des yeux , ou à celle entre a' et b' dans l'autre ; car les choses se passent exactement comme si les points a et è du seul œil A étaient affectés. L'application aux phénomènes objeciifs de vision ressort maintenant de soi-même. Si les yeux sont tellement placés par rapport à lobjet radieux, que des images semblables du même objet tombent sur des parties identiques des deux rétines, l'objet ne peut être vu que simple; mais, dans tout autre cas] il doit y avoir des images doubles. Or , la position des deux yeux , eu égard à l'objet , dans laquelle des points identiques de ces deux organes reçoivent de lui une image, est celle dans laquelle les axes des deux yeux se rencontrent sur un même point de l'objet, comme il arrive toujours quand on fixe ce- lui-ci. Que les axes des yeux A et B soient dirigés, de manière à se concentrer en a, alors a sera vu simple au même endroit, ^'°' ^^- dans le milieu du champ visuel, parce qu'il y a iden- tité entre a d'un œil et a' de l'autre. Mais d'autres objets y situés sur le côté de a , par exemple p et 7 , peuvent également apparaître sim- ples. Que p soit placé de telle sorte que son image dans les deux yeux tombe à une égale distance du milieu de la rétine, savoir, en h de l'un des yeux et en h' de l'autre, il paraît simple sur des points identiques des deux rétines. La JM DANS LA VISION. 4^7 même chose a lieu pour y , si la distance de c à a dans l'œil A est égale à celle de c à a! dans Tœil B. Une iig^ne ou un plan qui passe parle point de convergence des à^ny^ axes oculaires^ ou par le point de fixation, avait reçu des anciens le nom de horoptre^ et Ton se figurait qne les objets situés sur le côté de l'horoptre étaient inégalement simples. Une analyse plus rigoureuse démontre cependant que l'horop- tre n'est ni une ligne droite ni un plan , mais qu'il représente une surface circulaire. La question est effectivement de savoir si, ahc d'un œil étant égal à a'h'c' àe, l'autre œil, ou les angles 1 et 4 d'un œil aux angles 1 et 4 de l'autre , les points a, g, 7 peuvent être situés en ligne droite , et sur quelle ligne ils se trouvent. «6 zza'è', d'après la supposition que l'angle 1 dans l'œil A est égal à l'angle 1 dans l'œil B : par conséquent, l'an-, gle 1' est égal à l'angle 1'. Mais comme l'angle 2 est égal à l'angle 2, l'angle 3 doit être égal à l'angle 3. On prouve de même que l'angle 5 en 7 est égal à l'angle 3, car hc zz h'c' , c'est-à-dire qu'il y a égalité entre les angles 4 et 4. Mais si les angles 3, 3, 5 sont égaux,.- 67 ne peuvent être une ligne droite, car il n'y a que le cercle qui ait pour propriété que les triangles élevés d'une de ses cordes à la périphérie aient des angles égaux à celte périphérie (1). L'horoptre est donc toujours un cercle , dont la corde est la distance des deux yeux, ou plus exactement le point d'en- trecroisement des rayons lumineux dans les deux yeux, et ce cercle est déterminé par trois points, savoir, parles deux yeux et parle point de fixation des axes oculaires. Soit ah la (1) La découverte de la vraie forme de l'horoptre m'a été attribuée par quelques physiologistes, et moi-même j'ai cru qu'elle m'appartenait jus(|u'au moment où j'ai trouvé que \ieth avait déjà reconnu la nécessité de la forme circulaire de l'horoptre (Gilbert, Annalen, t. LVIIL p. 233). DES EFFETS DE LA RETINE distance des deux yeux, le cercle/ est l'horoptre pour le point de conver- gence des axes oculaires en c ; le cercle g est celui du point de con- vergence d ; le cercle h pour le point de conver- gence e, etc. La vue simple par des points identiques des deux rétines doit avoir sa cause dans l'organisation des parties profondes ou cérébrales de l'appareil visuel, et, dans tous les cas, une cause organique. Car jamais ce n'est une propriété de nerfs pairs, qu'ils rapportent leurs affections à un même lieu. Il est fort invraisemblable aussi que l'identité des points correspon- dans des rétines soit la conséquence d'une certaine habi- tude contractée , ou de l'imagination. La congruence des deux rétines en un même champ visuel, quelle qu'en puisse être la cause, est bien plutôt la source de toutes les idées qui nais- sent ultérieurement de la vue simple et de la vue double. On a objecté contre la constante identité des points corres- pondans des deux rétines , que la vue double a lieu dans le vertige , dans l'ivresse , dans des maladies nerveuses , où l'harmonie des mouvemens des deux yeux ne semble cepen- dant pas être troublée. Mais s'il doit se produire des images doubles dès qu'on ne fixe point un objet , où dès qu'il ne se trouve pas compris dans l'horoptre, ce phénomène n'est ja- mais plus naturel et plus nécessaire que dans le vertige , l'i- DANS LA VISION. 429 vresse , et les fièvres nerveuses. Il n'est pas vrai non plus, comme l'ont prétendu Treviranus, Steinbuch, et d'autres avant eux, que l'identité des champs visuels soit acquise, et que si la vue double a lieu au commencement du strabisme , il se produise plus tard , en proportion du déplacement des yeux , une nouvelle identité des rétines , différente de la pre- mière , qui fait que , malgré le strabisme , la vue simple se trouve rétablie. Le strabisme est relatif. En vertu de la con- vergence des axes oculaires sur l'objet, la position de nos yeux pour apercevoir un corps très-rapproclié , est celle d'une personne qui louche , si on la compare à celle que ces orga- nes affectent pour fixer un corps éloigné. Lorsque les yeux se trouvent morbidement dirigés en dedans , on devrait voir simple ce qui est placé dans l'horoptre de cette situation , et l'on ne conçoit pas quelle est la distance pour laquelle il de- vrait alors se former une nouvelle identité des rétines, puis- que l'œil qui ne louche point voit à toutes les distances. D'ail- leurs les observations faites sur les personnes qui louchent , ne prouvent pas que le rapport originaire des points identi- ques des deux rétines soit détruit : elles attestent seulement que l'œil qui louche est, en général , inactif (1). Il arrive fort souvent au strabisme d'être associé à la presbytie ou à la myopie d'un des yeux. Le champ visuel de l'œil qui louche , ayant une tout autre portée , trouble peu ou point celui de l'œil sain. La même chose a lieu quand on regarde avec l'un des yeux dans le microscope et avec l'autre sur la table : le champ visuel de celui-ci trouble très-peu celui de l'autre , quoique placé au même endroit, parce que quand l'un des yeux s'accommode pour l'image du microscope, l'autre l'imite, (1) Consultez sur le strabisme ; Mdiler, Physiologie des Gesichtssinnes. Léipzick , 1826, p. 216. — Fischer, Théorie des Schielens^ Ingolsladt , 1781. — P.-J. RoTix, Observation sur un strabisme divergent de Vœil c?roï7,|Paris, 1814, in-8. — L.-J. Sanson, art. strabisme du X'îc^ deméd^ et de chirurgie pratiques , t. XV, p. 37. 4oO DES EFFETS DE LA RETINE et en conséquence ne voit pas distinctement la table. J'ai tout récemnïent examiné une personne louche ; dans les conditions ordin aires de la production des images doubles, conditions sur lesquelles je reviendrai plus loin, il ne lui arrive jamais, quand plusieurs objets sont placés devant elle à diverses distances , d'en voir un double lorsqu'elle fixe les autres d*un seul œil. La congruence des points identiques des deux rétines est donc innée , et elle ne change jamais. On peut comparer les deux yeux à deux liges sortant d'une même racine dont chacune des particules est , en quelque sorte , fendue en deux branches pour ces deux organes. Plusieurs expériences ont été faites dans la vue d'expli- quer ce remarquable enchaînement. d° Comme les racines des nerfs optiques des deux côlés se croisent par la partie interne de leurs fibres , qui va se rendre à Toeil opposé , tandis que rexlerne marche vers celui qui lui correspond, que par conséquent le côté gauche des deux yeux reçoit des filets d'une même racine , et qu'au contraire , leur côté droit en reçoit de deux racines différentes, l'idée devait se présenter d'attribuer la vue simple à la distribution des racines des nerfs optiques dans les deux yeux. C'est la théorie de Newton et de WoUaston. Wollaston expliquait par- là un phénomène qu'il n'est pas très-rare d'observer, celui de rhémiopie , dans laquelle tout un côié du champ visuel des deux yeux , jusqu'au centre de ceux-ci, demeure inactif; il croyait devoir l'attribuer à l'inaction de là portion cérébrale d'un nerf optique (1). 2'' Cette théorie est insuffisante. Pour qu'elle expliquât com- plètement les phénomènes , il faudrait que chaque fibre d'une racine de nerf optique se partageât , dans le chiasma , en deux branches pour les points identiques des deux yeux , comme dans la figure ci-contre. Une théorie fondée sur le rap- (1) Annales de chimie, 1824 , septembre.— ^oy. Vater , dans Haller, Piss. med, pract,, t. I. Fig. 49, DANS LA VISION. 43 1 port des fibres est seule capable de satisfaire; mais plusieurs variétés sont possibles à cet égard. Newion avait peut-être eu aussi une idée vague de la division dichotomique de chaque fibre. Tréviranus et Volkmann n'en ont aperçu aucune trace dans le chiasma , et je n'ai pas été plus heureux non plus. Il faudrait aussi, pour que la théorie fût juste , que la racine du nerf optique fût de moitié plus .grêle que la por- tion oculaire du nerf. Ainsi nous sommes obligés de nous en tenir au simple fait , anciennement connu , que la racine d'un côté se divise en deux parties dans le chiasma , que la partie- interne se croise avec celle du côté opposé , et que l'externe continue sa marche du même côté (1). C'est dans le Cheval que j'ai le mieux aperçu cette disposition. ^'^'^^*/ / ^° ^°® ^^^^^ théorie est celle de Ro- / / hault (2). Ce physicien suppose que chaque , [^ nerf optique contient exactement autant de C\ ^^^^s que l'autre , et que les fibres corres- y \ pondantes des deux nerfs sont unies dans le \ ^^y/ J j ^^^^ point du sensorium. Cette théorie n'a ^ X X" X aucun égard au croisement partiel des fibres dans le chiasma. 4° Une quatrième théorie offre une modification ou une amélioration des deux précédentes, et fait entrer la structure j.j„ 51 du chiasma en ligne de compte. Les fibres a j, £t,.t ^^ *' v^^^'^t de points identiques des deux yeux , deviennent , dans le chiasma , partie in- tégrante de la racine du nerf optique d'un côté , et communiquent ensemble par une anse dans le cerveau , ou naissent du même point '\ du sensorium , du même corpuscule ganglion- ***^ naire de l'encéphale. Il en est de même pour (1) Consultez les figures que j'ai données du chiasma daus mon ouvrage Zur veryleichenden Physiologie des Gesichtssinnes^ Léipzick, 4826 (2) PhyHqu^^ p, I, çap, 3i. 45a t>ES EFFETS DE LA RETINE les fibres identiques h et h', L'imao^e des deux moitiés gau- ches des yeux se représenterait dans la moitié gauche du cerveau , et celle des deux moitiés droites des yeux dans la moitié droite de l'organe cérébral. 6» Enfin on peut encore admettre une commissure trans- versale , sur la ligne médiane du cerveau , entre les fibres identiques des deux yeux. Porterfîeld (1) prétend que la véritable cause qui fait qu'on ne voit pas les objets doubles avec les deux yeux, dépend uni- quement de la faculté que nous avons , suivant lui , de voir les ^^S- 52. objets à l'endroit où ils sont. Mais cette hypothèse n'a pas de sens juste, et il est facile aussi de la renverser par l'expérience. Car si l'œil A voit l'objet c simple dans son axe , et si l'œil B en fait au- tant, parce qu'ils aperçoivent cet objet là où il se trouve placé , les deux yeux doivent aussi voir les /^objets a G,i h séparés, puisqu'ils les voient là où ils sontj mais quand ces objets sont situés dans les axes, ils apparaissent simples , et non séparés , au même endroit que c , parce que leur image tombe , dans les deux yeux , sur le point médian de la rétine. A la vérité , il se produit bien une double image de a dans l'œil B , au point a', et une de h dans l'œil A , au point Z>'; mais les images des points a et & , qui tombent sur le milieu de la rétine des deux yeux , ne sont pas vus où ils sont ; on les aperçoit réunis en un seul heu. On ne peut pas dire non plus de c qu'il est vu simple , parce qu'on le voit là où il est. Voire une chose où elle est , signifie seulement la voir dans la direction qu'elle a par rapport à l'œil ; or c est (1) loc, cit., t. II, p. 293. DANS LA VISION. 455 VU dans la direction ce par l'œil A, et dans la direction cd par l'œil B ; donc , d'après cette théorie , on devrait l'aperce- voir double^ tandis que, parles motifs précédemment dé- duits, il est vu simple. La cause pour laquelle nous voyons simple sur les points identiques des rétines, doit donc être organique. Plusieurs théories sont en état d'expliquer le phénomène par une struc- ture organique supposée ; mais, parmi ces suppositions , il n'en est aucune dont on puisse démontrer la réalité, et il s'en trouve même à l'égard desquelles on peut prouver qu'elles manquent de tout fondement. Or il est facile, d'après cela, de voir quelle direction on doit donner à l'explication. Chez les Mammifères , le rapport des parties identiques et des parties différentes des deux rétines ne saurait être le même que chez l'homme , puisque les yeux de ces animaux sont , la plupart du temps, divergens, et que leurs axes ne se réunis- sent jamais sur un même point d'un objet. Quand les Mammi- fères contemplent un objet situé devant eux , dans la direction de l'axe de leur corps, l'image tombe sur la partie externe de chaque œil. Par exem- ple, l'image de a tombe en a' et en a" ; ces points doivent donc être identi- ques. En effet , un Chien meut ses yeux, comme , nous le faisons , suivant qu'un objet placé devant lui , dans Taxe de son corps , est proche ou loin- tain. Mais les axes visuels de cet animal ne sont pas, comme chez nous, iden- tiques avec les axes oculaires ; ils ne sont pas les lignes a; œ' et j /, mi^is les lignes \a a' ttaa". Pour que le Chien voie II. '^S m 434 DES EFFETS DE LA RÉTINE ' clairement des objets situés devant lui et apercevables par ses deux yeux , et que des images doubles ne se produisent pas , il faut que h' dans un œil et b" dans l'autre soient égale- ment identiques ; car c'est sur ces points que tombe l'image de b. Toutes les parties de l'un des yeux qui ne reçoivent que la lumière d'objets latéraux ne sauraient au contraire avoir de points identiques correspondans dans l'autre œil : car autre- ment un objet placé à droite et un autre situé à gauche se- Fig. 54. raient vus au même endroit subjectif. \ Donc, tout porte à croire que, dans les yeux •; 1 des animaux , il y a des points en partie \ y identiques et en partie différens, sans points gO-. , «(^ %X^ correspondans dans l'autre œil. Vient-on à d ^ superposer seulement les points des deux champs visuels de l'animal qui voient le même objet , la figure précédente donne celle qui est placée ci-contre. B. Vue double avec deux yeua. Toutes les fois qu'un objet ne se trouve pas placé dans l'horoptre , son image tombe sur des points différens des deux yeux, et par conséquent il est vu double. La distance entre les deux images est toujours déterminée -, 6 étant le lieu de l'image dans un œil , 4 celui de Tirnage dans l'autre œil , et 6 du premier œil étant identique avec 6 du second , la distance des deux images est constamment celle de 4 et 6 , c'est-à-dire que son rapport au champ visuel entier est le même que celui de la distance entre 4 et 6 au diamètre entier du plan d'une rétine. Les expériences les plus simples pour observer les images doubles sont celles-ci. On tient deux doigts des mains alignés devant les yeux , le premier tout proche de ces or- ganes , et l'autre à un certain éloignement. Si l'on fixe le pre- mier , en dirigeant sur lui les axes des yeux , le second paraît double; si Ton fixe le second, c'est le premier qu'on voit double. Plus la dislance entre les deux doigts est considérable, //,^.. DANS LA VISION. 435 plus celle entre les deux images devient grande ; plus lesdeux doigts sont rapprochés, plus les deux images du doigt qui pa- raît double sont voisines , jusqu'à ce qu'elles se confondent ensemble lorsque les deux doigts entrent dans le même ho- roptre. Fig. 55. ô^ Dans la figure 55 , les axes / \ des yeux sont dirigés vers le point a. Derrière a se trouve un objet b. a projette son image sur des parties identiques des deux yeux, savoir sur le milieu des deux rétines , en 5 ; le point est donc vu simple . b projette la sienne dans l'œil gauche en 6 , et dans s l'œil droit en 4 ; or 4 d'un œil et i^ 6 de l'autre œil sont différens , car o 's 4 est identique avec 4 de l'autre œil ; donc h est vu double , et la distance des images doubles par rapport au champ visuel entier, est comme celle de 4 et de 6 à la distance 1 — 10. Si l'on suppose les surfaces des deux réti- nes placées l'une sur l'autre, comme dans la figure 56, ce qui vient d'être dit semble plus clair encore. Soit A la rétine de l'œil gauche de la figure précédente, et B celle de l'œil droit , 4 est la situation de la double image dans Tœil droit , et 6 sa situation dans l'œil gauche. Gomme les deux champs superposés dans la figure sont un et le même dans la na- Fig. 57. lure , on peut aussi convertir dans la figure W 57 ci-contre, en faisant remarquer que la dou- ble image 6 appartient à l'œil gauche, et la — double image 4 , à l'œil droit. Si les axes visuels se croisent au devant de l'objet c, en a, on voit aussi g double. Car c projette sa lumière , dans Tcftil Fig. 56. A n ^56 DES EFFETS DE LA. RETINE gauche , sur 4 , et dans l'œil droit , sur 6, 4 n*est point iden- tique avec 6 ; mais 4 l'est avec 4 , et 6 avec 6. La distance des deux images doubles est 4-5 dans l'œil gauche , et 5-6 dans l'œil droit , ou , en considérant les deux yeux comme un seul, elle est de 4-6 , c'est-à-dire que le rapport de la distance 4-6 à la distunce 1-10 est comme la distance des doubles images de c au champ visuel entier. Quant à ce qui concerne la situation des doubles images par rapport aux yeux auxquels elles appartiennent , lorsque les axes optiques se croisent entre lobjet et l'œil , la double image gauche appartient à l'œil gauche , et la droite à l'œil droit. Si , au contraire , les axes optiques se croisent au de- vant de l'objet, la double image de l'œil droit se trouve au côté gauche opposé , et celle de l'œil gauche au côté droit, comme on peut aisément le reconnaître en fermant un des deux yeux. Cette situation des doubles images est importante sous le rapport théorique. Au premier aperçu, la meilleure manière de concevoir la situation des images à l'égard des yeux dans lesquels elles existent , est de recourir à la théorie qui prétend que les objets sont vus dans la direction où ils se trouvent , et non d'après la situation des particules de la rétine. Ainsi , lorsque les axes des yeux se croisent au devant de l'objet a , l'objet ù paraît double , et la double image est située à gau- che pour l'axe de l'œil gauche , à droite pour l'axe de l'œil droit, ce qui arrive réellement ainsi quand on fait l'expé- rience. Les phénomènes de la vue double pourraient donc être regardés comme une preuve du rétablissement ou de la cor- rection de la vue renversée , soit par la direction de la vue au dehors , soit par le cours des fibres du nerf optique dans le cerveau. Cependant les phénomènes s'expliquent égale- ment au moyen de la théorie opposée , celle que les images ou particules de la rétine sont vues là où elles sont; et non là où se trouvent les objets. DANS LA VISION. 4^7 Dans TexpérieDce rapportée précédemment , la double image gauche est vue au côté gauche de l'axe médian ; soa objet serait donc à droite , d'après les principes de l'optique. Dans la sensation visuelle de la rétine elle-même, il n'y a ni œil droit ni œil gauche , ces deux organes étant identiques ; mais , en tant que la lumière tombe de notre propre corps sur la rétine , et que par conséquent il y a aussi une image de notre corps sur cette membrane , il suit de là , d'après les principes de l'optique , que l'objet se trouve du côté opposé de l'image, par conséquent que la portion visible droite de notre corps est à gauche et la portion visible gauche à droite . Donc , le fait de l'expérience dans laquelle , quand les axes optiques se croisent derrière l'objet , la double image gauche disparaît dès qu'on ferme l'œil gauche , peut être exprimé de la manière suivante : lorsque nous fermons l'œil du côté gauche en apparence ou droit en réalité , la double image gauche disparaît , et c'est ce que prouve la construction de la figure ; car la double image ôe:b dans l'œil droit B est située à gauche en à. Les expériences que j'ai décrites sur les doubles images sont susceptibles de variations à l'infini. Mais toutes ces va- riations dépendent de la même condition fondamentale, c'est- à-dire qu'elles tiennent à ce que les images , dans les deux yeux , ne tombent pas sur des parties identiques. Que les axes des yeux soient dirigés sur le point a , tous les points placés dans l'axe «^c paraissent doubles ; car les images tombent , dans l'un des yeux, sur le milieu de la ré- tine en 6, et dans l'autre œil en 6, 7, 8, 9. etc. 3g DES ErrEÎS J?>E LA RETINE rrg. 59. \ / / Que les deux axes des yeux soient dirigés sur a. Les points ^ et c représentent des épin- gles implantées dans la direc- tion de ces axes. Au lieu de deux doubles images de 5 , et de deux doubles images de c , ou au lieu de quatre doubles images, on n'en verra que trois; h sera vu en 5 dans l'œil gau- che , et c en 6 dans l'œil droit : 5 et 5 sont identiques ; par conséquent , les deux yeux voient ces deux images au ^ " même endroit. Mais c apparaît dans l'œil gauche en 4, et dans l'œil droit en 6; donc on aperçoit trois épingles , dans l'ordre et à la distance 4, 5, 6. Les doubles images sont toujours confuses , ce qui résulte nécessairement des considérations précédentes; car elles sont , la plupart du temps , placées sur les parties latérales du champ visuel; et alors même qu'une des images est vue dans l'axe, elle ne l'est jamais avec l'état de réfraction con- venable, puisque, comme on l'a dit, cet état change réguliè- rement suivant Thoroptre auquel il se rapporte. Les phénomènes de la vue double dépendent si nécessai- rement de l'organisation des deux yeux , et sont unis d'une manière si intime aux causes de la vue simple , qu'ils doivent se représenter à chaque instant dans l'usage habituel que nous faisons de nos yeux. Mais nous n'y avons point égard d'ordinaire , parce que les doubles images sont confuses , et parce que, notre habitude étant de diriger les axes de nos yeux sur un objet, nous le voyons simple. Dans les cas néanmoins où nous voyons simultanément deux objets placés à d'inégales distances et qui ne se trouvent pas dans le même horopire, il DANS LA VISION. 4^9 faut , de toute nécessité , que l'un ou l'autre nous apparaisse double. C'est qui arrive quand nous regardons une tour à tra- vers une fenêtre ; ou la croisée ou la tour nous paraît double , suivant que nous fixons ou la seconde ou la première. Toutes les fois qu'une cause interne change morbidement la fixation des yeux pour une distance déterminée de l'objet , ou la rencontre de l'horoplre , il doit survenir des images dou- bles, par exemple dans l'ivresse , dans les fièvres nerveuses , dans les accès des maladies nerveuses , dans le strabisme , avant qu'on s'endorme. Cette double vue ne dépend point d'un changement dans les parties centrales du système nerveux , ou dans la rétine ; elle résulte tout simplement de la perte du pouvoir de fixer un objet. Au moment de nous endormir, nos yeux se tournent toujours fortement en dedans ; aussi tous les objets , même ceux qui sont assez rap- prochés , nous paraissent-ils doubles. On reconnaît la conver- gence plus grande des yeux en dedans à la situation des dou- bles images, dont la gauche appartient à l'œil gauche. Chez les personnes ivres aussi , les yeux sont tournés en dedans. Il faut bien distinguer la vue double avec deux yeux, de la vue double ou multiple avec un seul. La plupart des hommes voient plusieurs images de la lune, même avec un seul œil ; ces ima- ges iiODt situées les unes sur les autres , et ne se couvrent quen partie; chacune a ses bords particuliers. Chez moi, comme chez beaucoup de personnes , ce phénomène n'a lieu que quand mes regards portent sur des objets extrêmement éloignés ; il est cependant quelques individus chez lesquels des objets même rapprochés y donnent lieu. Prévost l'avait remarqué sur lui-même. Steifensand en a fait le sujet d'inté- ressantes observations. Cet écrivain est myope. Lorsqu'il con- temple une tache claire sur un fond blanc , et qu'il s'éloigne peu à peu , non seulement l'image du point clair devient con- fuse , mais encore elle se déploie , indépendamment de plu- sieurs images accessoires sans netteté , en deux images situées 440 DES EFFETS DE LA. RÉTINE de côté , dont la distance auf^mente avec réloignement du corps; à mesure que ces imaf^jes s'écartent l'une de l'autre, elies deviennent conliises. De Toeil droit, l'image gauche est un plus élevée ; de Toeil gauche , c'est la droite. En tournant la léte à droite , l'image gauche s'abaisse, et la droite s'élève, quand l'œil gauche regarde; l'inverse a lieu si l'œil droit agit. En tournant lout-à-fait la tète , les images tournent aussi autour d'un centre commun (1). Griffin rapporte également que, quand il a regardé pendant longtemps dans le télescope , l'œil qu'il tenait fermé voit ensuite triples les objets rappro- chés de lui. Ces phénomènes se rattachent à- la construction optique de l'œil ; ils tiennent vraisemblablement aux divers champs de Hbres dont se compose chaque couche du cris- tallin. C. Rivalité entre les champs visuels des deuœ yeux. Un des phénomènes les plus intéressans de la vue avec les deux yeux consiste eu ce que des impressions de couleurs dif- férentes faites sur des points identiques de ces deux organes ne se confondent point en une impression mixte , mais que Tune d'elles prédomine dans une partie ou dans la totaUté du champ visuel, et que l'état de l'autre l'œil ne se manifeste qu'en d'autres points de ce champ. On a occasion d'observer ce phénomène lorsque l'on contemple une feuille de papier blanc à travers deux verres diversement colorés, par exem- ple un bleu et un jaune , que Ton tient immédiatement devant les yeux. Au lieu de voir le papier vert , on le voit en partie bleu et en partie jaune. Quelquefois le bleu ouïe jaune prédo- mine ; parfois aussi , on aperçoit soit un nuage bleu ou des taches bleues sur un fond jaune , soit un nuage jaune ou des taches de même couleur sur un fond bleu. Ici c'est le bleu qui absorbe le jaune, et là le jaune qui absorbe le bleu. On con- (4) J)ans le Journal de chirurgie de Graefe cl Walther, 1835. DANS LA VISION. 44 1 çoit qu'il est difficile que les impressions diverses sur des points identiques des deux rétines ne se mêlent point ensem- ble , et je me suis convaincu aussi de cette difficulté -dans la superposition de deux doubles images diversement colorées produites par l'action de loucher ; je regarde comme possible le mélange des deux impressions dans ce dernier cas , que Huschke dit avoir obsevé, mais je le crois difficile. Herrmann et Volkmann ont vu les phénomènes absolument de la même manière que moi, quant au fond. Si Ton continue longtemps les expériences avec des verres colorés , c'est-à-dire si l'on regarde pendant un laps de temps fort long une feuille de papier blanc à travers deux verres colorés tenus immédiatement devant les yeux, les deux im- pressions se confondent déplus en plus, ce à quoi elles n'ont pas d'abord la moindre tendance; mais, même alors, l'une des deux couleurs reprend de temps en temps la prédomi- nance , ou se manifeste sous la forme de taches , comme l'a vu Voelcker. Le mélange ne présente aucun intérêt sous le point de vue physiologiifue ; mais l'espèce de rivalité établie entre les deux champs visuels , et la suppression partielle ou totale de l'une des couleurs par l'autre, en ont un très-grand. Nous avons là , dans un phénomène facile à observer, la preuve la plus évidente du mode d'action simultanée des deux yeux ; car, non seulement l'expérience elle-même , mais encore d'au- tres faits nous autorisent à conclure que ces organes se com- portent de la même manière dans le cas même d'impressions qui ne sont pas diversement colorées. La manifestation par taches de l'une des couleurs sur l'au- tre, la suppression momentanée de l'une par l'autre, et la diffi- culté de leur mélange ensemble prouvent 1° Que les deux yeux agissent simultanément dans certains momens , puisqu'on voit des taches ou des nuages d'une cou- leur sur l'autre ; 2» Que, par momens, l'impression faite sur l'un des yeux 44 2 DES EFFETS DE lA RETINE s'éteint totalement, ou à peu près, et l'autre devient prédo- minante ; 3° Que , par momens aussi , les impressions des deux yeux se confondent ensemble. Comme les états varient continuellement , les actions des deux yeux nous semblent des phénomènes résultant du trou- ble de l'équilibre , ainsi que les oscillations du fléau d'une ba- lance. Le repos , ou l'équilibre des actions , a lieu très-diffi- cilement, quoiqu'il soit possible. Mais l'équilibre est troublé, en partie par des influences internes qui nous sont inconnues, en partie aussi probablement par l'attention qui se porte sur l'un ou l'autre œil. Au reste , les phénomènes de rivalité dont il s'agit ici sont très-prononcés chez les personnes qui , comme moi , ont les deux yeux doués d'une faculté visuelle parfaite- ment égale. L'apparition, sous forme de taches ou de nuage, d'une couleur à la place de celle qu'elle efface, tandis que celle-ci prédomine sur d'autres points, annonce encore qu'il est possible que les diverses parties de la rétine n'agissent point également, et prouve d'ailleurs combien il importe d'ob- server avec attention les états intérieurs de cette membrane. Le trouble de l'équilibre dans l'activité simultanée des champs visuels se manifeste en d'autres occasions encore , qui sont assez fréquentes. Il arrive parfois qu'une des deux ima- ges , dans la vue double , disparaît tout à coup. Si les deux yeux n'ont pas la même portée, c'est tantôt l'une, tantôt l'au- tre , qui prédomine et qui détruit entièrement celle de l'autre œil. L œil dominant est celui à la portée duquel se trouve un objet , vers lequel l'attention se dirige alors. Quelquefois l'i- mage de l'œil qui ne voit plus que d une manière indistincte , flotte encore vaguement à côté de l'autre ; mais elle échappe très-facilement à l'atteniion. Il en est de même chez l'homme qui louche; l'œil qui louche a presque toujours une portée très-différente de celle de l'œil sain ; son image est confuse, tandis que celle de l'autre œil est nette, et l'attention la né- DANS LA VISION. 44^ glig'e, On conçoit la disparition complète de cette image d'a- près les phénomènes que présentent les verres colorés. C'est même là très-souvent une occasion de loucher, car on n'em- ploie pas convenablement le mauvais œil dans la fixation des objets, et , sous tous les rapports, il demeure hors d'usage. On peut aussi, en regardant d'un seul œil à travers des verres grossissans, observer la faculté qu'a le sensorium de ne s'occuper que du champ visuel d'un œil. En eiFet , il arrive souvent que l'œil appliqué au microscope est le seul qui voie ou qui distingue; l'autre ne dislingue rien, ou du moins son image n'est pas au même point que le champ microscopique de l'autre. Parfois aussi, cependant, il reprend son activité, et limage qu'il perçoit, venant flotter pour ainsi dire sur l'i- mage microscopique, trouble l'observation. V. Phénomènes subjectifs de vision. Si nous laissons de côté les phénomènes de l'action de la rétine dans lesquels la lumière extérieure joue un rôle , tels que ceux des images consécutives, de l'irradiation , et de la vue double , il en reste encore beaucoup d'autres , purement subjectifs , qui nous fournissent des exemples d'action de la rétine provoquée par des causes totalement différentes de la lumière extérieure. C'est à Purkiiije (1) surtout qu'on doit la connaissance de ces phénomènes , dont je vais indiquer les plus remarquables. A. Figures produites par la pression, Purkinje a donné ce nom aux phénomènes de lumière qui ont lieu lorsque l'on comprime l'œil avec le doigt. Ces figures sont tantôt annulaires, tantôt rayonnées, et quelquefois divisées régulièrement en carrés , de sorte que Purkinje les compare à (1) Beobachtungen und Fersuche sur Physiologie der Sinne. Prague , 1823, 1825. 444 ^ES EFFETS DE LA RETINE celles que les vibrations des corps sonores font naître. Lors- qu'on frotte avec un archet de violon un plateau couvert d'eau, le disque ne se divise pas seulement en points vibrans et points immobiles , mais encore l'eau se partage , sur les par- ties mues du verre, en figures rhomboidales ou en ondes sta- lionnaires. La figure qui se produit dans l'œil rappelle le croi- sement des ondes. B. La figure arborisêe dont il a été parlé plus haut parait quelquefois lumineuse. • Purkinje l'a observée quelquefois à la suite de la compres- sion , surtout le malin. Il m'est arrivé souvent aussi de la voir lumineuse sur le champ visuel noir , lorsqu'après avoir gravi un escalier, je me trouvais tout à coup dans un espace obscur, ou quand je plongeais subitement la tête dans l'eau. Le phé- nomène de lumière est évidemment produit par la pression que les vaisseaux remplis de sang exercent sur la rétine. C A pparition lumineuse du pouls. Lorsque le sang se porte à la tête , on aperçoit souvent un changement isochrone au pouls dans la clarté du champ visuel, un sautillement pulsatif dans ce champ. Ce phénomène est très-facile à observer. J'ai vu parfois quelque chose d'analogue, mais c'était un changement du champ visuel isochrone à la respiration et à ce qu'on appelle le mouvement du cerveau , ou l'apparition rhylhmique d'une petite tache brillante au mi- lieu du champ visuel, dans l'obscurité ; il n'y a pas possibilité de produire ce dernier phénomène à volonté , et il ne s'est otfert que rarement à moi. D. Mouvement du sang visible. On voit aussi , dans beaucoup d'occasions , une expression générale du mouvement du sang. C'est ce qui arrive parti- culièrement lorsque Ton contemple des surfaces bien éclai- DANS LA VISION. 4/|5 rées , sans l'être toutefois assez pour éblouir , par exemple , quand on regarde le ciel , ou qu'on a tenu pendant long-temps ses regards attachés sur du papier blanc ou sur de la neige , sans les en détourner. Le phénomène consiste en une scène de confusion , un entrecroisement, un sautillement de points, ou un mouvement irrégulier, comme celui d'une vapeur. Il est tellement vague, qu'on ne peut indiquer la direction du mouve- ment. Mais il provient manifestement du mouvement du sang. 11 faut également rapporter ici le phénomène bien plus prononcé qu'on aperçoit quelquefois , dans le cas de conges- tion du sang vers la tête , ou de pléthore , loriqu'après s'être baissé on se redresse brusquement : on voit une foule de petits corps noirs et pourvus de queues, qui sautent et courent en toutes sortes de directions. Le fourmillement est un phéno- mène analogue dans les nerfs du sentiment. E. Apparition de cercles lumineuiV dans le champ visuel obcur quand on tourne brusquement les yeux de coté. Ce phénomène a lieu toutes les fois qu'on tourne brusque- ment les yeux de côté , dans l'obscurité. L'affection doit avoir son siège dans des points non identiques des deux rétines ( à rentrée des nerfs optiques ? ) ; car le phénomène n'apparaît pas au même endroit , et on le voit double. F. Figures électriques dans Vœil. Ces figures ont été étudiées par Ritter , Purkinje et Hjort. Lorsque l'œil se trouve compris dans un courant galvanique , que, par exemple , les deux pôles sont appliqués aux deux conjonctives, on aperçoit une sorte d'éclair toutes les fois qu'on ferme ou qu'on ouvre la chaîne. Le phénomène a lieu aussi quand l'œil n'est pas placé directement dans le courant, entre les deux pôles , par exemple , lorsque les pôles louchent la paupière inférieure et la membrane muqueuse buccale. Une simple paire de plaques en cuivre et en zinc suffit déjà 446 DES EFFETS DE LA BETINE pour le provoquer , dans uo endroit obscur. Il a plus de vivacité quand on emploie une petite pile. Alors , d'après les expériences de Purkinje , on aperçoit au pôle zinc une sorte de vapeur jaunâtre , et au pôle cuivre une teinte de vio- let clair. En réunissant les conditions que Purkinje assigne, il se produit encore dans le champ visuel des phénomènes lo- caux particuliers correspondant à Tentrée du nerf optique et au point central de la rétine. G. Apparition spontanée de lumière dans le champ visuel obscur. Si Ton observe le champ visuel des yeux en tenant ceux-ci fermés , il arrive quelquefois , non seulement qu'on y aperçoit un certain degré d'éclairage , mais encore qu'on y découvre une lueur plus prononcée , affectant même, dans certains cas, la forme d'ondes circulaires , qui se développent du centre vers la périphérie , où elles disparaissent. Parfois la lueur ressemble à une nébulosité , à des taches , et il est rare qu'elle se reproduise chez moi avec un certain rhylhme. A cette ap- parition spontanée de lumière dans l'œil , qui est toujours très-vague, se rattachent les formes mieux dessinées qui se montrent au moment où l'on va céder au sommeil , et qui dé- pendent de ce qu'avec le concours de l'imagination les lueurs nébuleuses s'isolent les unes des autres , en revêtant des for- mes plus déterminées. Un phénomène opposé à celui-là s'observe quelquefois chez les personnes nerveuses , quand il leur passe devant les yeux une espèce de nuage ou de fumée colorée , qui tient à la las- situde passagère de la rétine. Un individu bien portant peut le provoquer aussi en fixant pendant très-long-temps un champ blanc ou coloré. ' DANS LA VISION. 44? H. Flamboiement au dei^ant des yeux après V usage des narco-» tiques. C'est principalement la digitale qui détermine la manifesta- tion de ce phénomène. Purkinje en a fait le sujet d'observa- tions sur sa propre personne. Lorsque Taction est intense , il se produit aussi des formes déterminées. I. Mouvemens apparens des objets après que le corps a tourné en rond. Il a déjà été fait mention de ce phénomène. Sous le rap- port de ses causes , que j'ai également indiquées, on doit bien le distinguer des mouvemens apparens qu'on aperçoit lors- qu'on a précédemment observé des mouvemens réels ; car ceux-ci dépendent de l'extinction successive des images con- sécutives. Le mouvement apparent après l'action de tourner en rond a lieu aussi dans le cas où celle-ci a été exécutée les yeux fermés. J. absence de la faculté d'apercevoir les couleurs. Il y a beaucoup de personnes qui, par une disposition innée de leur rétine, distinguent malles couleurs. Les nombreuses observations du jeune Seebeck sur ce phénomène ont fourni les résultais suivans. Outre les hommes qui ont de la peine à déterminer les couleurs, sans cependant regarder comme iden- tiques celles qui diffèrent entre elles , il y en a d'autres qui confondent plus ou moins ensemble des couleurs totalement différentes. On remarque des nuances eu égard , non seule- ment au degré , mais encore au mode de la confusion. Sous ce dernier rapport , les sujets examinés par Seebeck for- maient deux classes , en négligeant les différences peu impor- tantes. Chez les individus de la première classe il y avait des diffé- rences assez considérables relativement au degré où la con- 448 DES EFFETS DE LA RÉTINE fusion était portée par eux ; mais on en remarquait peu sous le rapport du mode de celte confusion. Les couleurs qu'ils confondent facilement ensemble sont l'orangé clair et le jaune pur ; l'orangé foncé , le vert jaunâtre ou brunâtre et le brun jaune ; le vert clair pur , le gris brun et la couleur de chair ; le rose , le vert ( plus bleuâtre que jaunâtre ) et le gris ; le cramoisi , le vert foncé , et le brun châtain ; le vert bleuâtre et le violet sale ; le lilas et le gris bleu ; le bleu de ciel, le gris bleu et le hlas gris. Ces personnes sont très-peu sensibles à l'impression spécifique de toutes les couleurs en général -. ce qu'elles sentent le moins, c'est le rouge et le vert complémen- taire , couleurs qu'elles distinguent peu ou point du gris ; vient ensuite le bleu , qu'elles ont assez de peine à distinguer du gris. C'est pour le jaune qu'elles ont pour la plupart le plus de sensibilité ; cependant elles le distinguent beaucoup moins du blanc que ne le fait un œil réunissant toutes les conditions normales. Quant aux sujets de la seconde classe , c'est le jaune qu'ils discernent le mieux. Ils distinguent le rouge un peu mieux et le bleu moins bien que ceux de la précédente ; mais ils sont surtout moins aptes à établir la distinction entre le rouge et le bleu. Les couleurs qu'ils confondent ensemble sont : l'o- rangé clair, le jaune verdâlre, le jaune brunâtre et le jaune pur; l'orangé vif, le brun jaune et le vert herbacé; le rouge briqueté , le brun couleur de rouille et le vert olive foncé ; le rouge de cinabre et le brun foncé ; le carmin foncé et le vert bleu-noirâtre ; la couleur de chair, le brun gris et le vert bleuâtre ; le vert bleuâtre mat et le gris ( un peu bru- nâtre) ; le rose sale (un peu jaunâtre) et le gris pur; le rose, le hlas, le bleu de ciel et le gris (tirant un peu sur le lilas) ; lecramoisi et le violet ; le violet foncé et le bleu foncé. Ce qui les différencie des sujets de la classe précédente , c'est qu'ils n'ont qu'une faculté sensilive plus faible pour les rayons les moins réfringens. ^ » DANS LA VISION. ;in ÔJ'.' 449 11 faut exclure des phénomènes subjectifs de vision les ima- ges d'objets qui se trouvent dans l'intérieur de l'œil même , et qui projettent une ombre sur la réiine. Telles sont les fi- fjures Hliformes et contournées, dans lesquelles semblent être conienues des séries de globules. Ces figures sont mobiles; leurs parties ne conservent pas la même situation les unes à l'ég'ird des liuires , et elles-mêmes changent de place dans le champ visuel. A l'aide d un mouvement énergique de ^'œil, on peut les transporter un peu de côté ou vers le haut, muis elles reparaissent bientôt, et quand on les a fait monter, elles redescendent peu à peu. Chez certains individus, elles sont en grand nombre dans le champ visuel , quoiqu'on n'a- perçoive bien nettement que celles qui en occupent la partie moyenne. 11 leur arrive souvent , dans les observations mi- croscopiques , de se placer au devant de Tobjet qu'on exa- mine, et de contrarier jusqu'à un certain point les recher- ches : j'ai coutume de me débarrasser d'elles en portant l'œil de côté. Beaucoup de peisonnes ne les connaissent pas, tan- dis qu'elles deviennent pour d'autres un véritable sujet de tourment. Quelques écrivains les désignent sous le nom im- propre de mouches volantes , et les confondent à tort avec certains phénomènes subjectifs de vision qui accompagnent la formation de la cataracie; car elles sont fort innocentes, et n'inttnent en rien sur la bonté de la vue. On ignore encore si elles tiennent ou non à des particules flottantes dans l'humeur aqueuse ou dans le corps vitré. îï. î»9 45o DES CONDITIONS PHYSIQUES Section seconde. Du sens de inouïe. CHAPITRE PREMIER. Des conditions physiques de l'audition. Une impulsion mécanique imprimée à l'organe acoustique produit la sensation du bruit dans le nerf auditif. Lorsque celte impulsion vient à se répéter avec vitesse et d'une manière ré- j^ulière, elle donne lieu à un bruit déterminnble, qu'on appelle son. L'élévation ou l'acuité du son croît en proportion du nombre des impulsions dans un temps donné. Les vibra- tions de corps élastiques sont la plus fréquente de toutes les causes du son. Pendant l'action d'une scie, delà roue de Sa- vart, ou de la sirène de Gagniard-Latour, de simples chocs, qui, par eux-mêmes, produisent tout au plus la sensation du bruit, acquièrent par leur accumulation la valeur d'un son déterminé. Un corps élastique vibrant qui , en comptant ses excursions des deux côtés , ferait mille oscillations par se- conde , donnerait dans le même laps de lemps cinq cents im- pulsions à l'organe auditif par l'intermédiaire de l'air ou du milieu conducteur du son. Ces impulsions correspondent par- faitement, quant au résultat, à cinq cents secousses d'un corps qui résonne par des chocs seulement, et non par des oscilla- lions semblables à celles du pendule. Que les sons soient produits par des oscillations ou par des heurts, la propagation des oscillations ou des secousses à l'or- gane auditif s'effectue toujours d'après les lois du mouvement ondulatoire, qui s'appliquent également à la formation pri- DE l'audition. 4^1 mordiale des sons engendrés par des oscillations. Il faut donc commencer par traiter du mouvement ondulatoire. I, Mouvement ondulatoire en général (1). Quand l'équilibre des molécules d'un corps vient h être dérangé par une cause extérieure, son rétablissement est précédé d'un mouvement de ces mêmes molécules, en vertu duquel elles se rapprochent et s'éloignent alternativement de leur situation primitive. Lorsqu'on pousse un pendule de côlé, il marche jusqu'à ce que sa force motrice soit devenue z=o ; alors il est tiré de haut en bas par sa pesanteur, et tombe avec une vitesse accélérée ; mais, ne pouvant point par cela même demeurer en repos, il remonte du côté opposé , et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli. Les mouvemens par lesquels les molécules d'un corps se rapprochent et s'éloi- gnentalternativementde leur position d'équilibre, sont appelés vibrations OU ondulations. Les ondulations sont ou des ondes d'inflexion OU des ondes de condensation. Dans le premier cas, la surface du corps se couvre de protubérances et de dépressions , sans que sa densité subisse aucun changement. Dans le second , l'onde consiste en une condensation sans changement de la surface : à la dépression des ondes d'in- flexion correspond ici une raréfaction. L'oscillation est ou progressive , quand elle s'avance successivement à la surface du corps , ou stationnaire , quand elle ne change pas de lieu et ne fait que s'écarter à droite et à gauche. A. Ondes d'inflexion des liquides. • Les ondes d'inflexion des liquides sont des changemens que l'équilibre éprouve à leur surface et jusqu'à une certaine (1) Consultez E.-H. Weber et W. Weber , TVtlhnlehre , Léipzick , 1825. 452 DES CONDITIONS tHYSIQUES profondeur. La pesanteur est la cause de ce mouvement on- dulatoire. Les ondes d'inflexion de l eau sont beaucoup trop lentes pour pouvoir devenir la cause de sons. Cependant il importe d'en connaître les lois , car c'est en elles qu'on ob- serve le plus facilement les luis du mouvement. 1, Ondulations progressives ^ ou ondes. Quand l'équilibre d'un liquide est troublé sur un point , il se forme, autour de ce point, une onde circulaire, avoc pro- tubérance et dépression circulaires, qui se propage en de- hors, et à laquelle succèdent de nouvelles ondes. Plus le choc a été fort, plus les ondes sont élevées, et plus leur vitesse est grande; mais celle ci dépend aussi de la profondeur du li- quide. Lorsqu'on produit des ondes dans une gouttière pro- fonde et à piirois parallèles, au moyen d'un choc dirigé sur toute la largeur de la gouttière , ces ondes marchent en ligne droite, et noncirculairement. Du reste, le mouvement ondu- latoire n'est point un mouvement pro{;ressif des particules de l'eau ; car celles-ci re^tent en place pendant que les ondes passent par dessus. Les molécules du liquide éprouvent seu- lement, à l'endroit où une onde passe sur elles, une rotation qui dépend de ce qu'à l'arrivée de l'onde, elles sont situées à sa partie inférieure , tandis que, durant la marche de celte onde, elles en g;jgnent successivement le sommet : l'onde continue cependant son cours, et les mo éculps d'eau descen- dent le long du versant postérieur jusque dins la dépression , d'où elles remontent à rapj)roclie de l'unJe suivante. Ttjuies les fuis que deux ondes, d'égale hauteur et prove- nant de lieux opposés, se rencontrent, elles se croisent sags se porter obstacle luneà l'autre. La protubérance de Tune et celle de l'autre se confondent, et en forment une de hauteur double ; les deux dépressions font de même. Ici deux forces qui agissent en sens contraire sollicitent les molécules du li- DE l'addition. 453 quide à des rotations en sens opposé. Ces sollicitations se dé- truisent mutuellement, et les molécules ne se meuvent que verticalement. Après le croisement, les onies continuent de marcher chucune dans sa direction. Si, à la rencontre de deux ondes, la protubérance de Tune coïncide avec la dépression de Taulre, elles se détruisent ré- ciproquement , et le point demeure uni. Après le croisement, les ondes reprennent leur direction. Lorsque des ondes paralèlles se croisent avec d'autres ondes paralèlles ayant une directi( n différente, mais non op- posée, les divers cas qui viennent d'être passés en revue ont lieu à la fois sur des points différens. Supposons que, dans Figure 60, la figure 60, les lignes pleines représen \ \ \ V tent les proiubérances des ondes, et les lif^nes •A^ \ \ --^ ponctuées leurs dépressions, il arrive qu'aux ^XX I : ï^ P''^^^ ^^ '^^ premières se croisent , des pro- f ^MTTT^ tubérunces d'une hauteur double se forment, J^fi ; / "^ ^"'à cew\ où les secondes se croisent , des * dépressions d'une profondeur double ont lieu, et qu'à ceux où les li{}nes pleines se croisent avec les lignes ponctuées, la protubérance des unes et la dépression des autres se détruisent mutuellement, de sorte que ces en- droits demeurent unis. C'est là Tinterférence des ondes. Les ondes sont réfléchies par les parois des corps solides. Leur réflexion a lieu sous le même angle que leur incidence, comme pour la lumière. Supposons une onde décomposée en une série de forces qui marchent côte à côte, chaque partie de cette onde est réfléchie par la paroi solide sous un angle égala celui sous lequel elle le choque, d'où résulte un sys- tème de pai ties réfléchies d'ondes formant ensemble une onde réfléchie, et qui ont ou la même direction que les ondes pri- mordiales, ou une direction différente. Les ondes réfléchies et les ondes primordiales ont une même direction quand on ex~ cite des ondes en ligne droite dans une gouttière profonde, ' ^ f 4D/| des COiNDlTU)NS PriYàlQCES et que leur direction est perpendiculaire à la paroi réfléchis- sante , ou aussi lorsque des ondes circulaires partent d'un point, et choquent une paroi qui décrit elle-même un cercle autour de ce point : dans ce dernier cas , les ondes réfléchies reviennent vers le centre du cercle. Une onde circulaire qui rencontre une paroi droite subit la même réflexion que si elle venait d'un point situé derrière cette paroi, à une distance égalant celle qui estcomprise entre celle-ci et le centre de Tonde primitive. Les ondes qui partent d'un des foyers d'une ellipse, à la périphérie de laquelle elles renconirent une paroi, sont réflé- chies de telle sorte qu'au retour leur centre coïncide avec l'autre foyer de l'ellipse, attendu que l'angle de réflexion est égal à celui d'incidence. Par la même raison , celles qui partent circulairemeni du foyer d'une parabole , à la périphérie de laquelle elles ren- contrent une paroi, reviennent sur elles-mêmes suivant une ligne droite paralèlle à l'axe de la figure. De même, les ondes rectilignes qui suivent une direction paralèlle à l'axe d'une parabole sont réfléchies par les parois de celle-ci , de telle sorte qu'à leur retour elles aient pour centre commun son foyer, où, en conséquence, elles se réunissent circulairement et conceniri(|uement. Donc, quand des ondes circulaires, par- tant du foyer d'une parabole dont les parois les renvoient transversalement dans une direction paralèlle à l'axe , vien- nent à rencontrer ufl second segment de parabole, elles éprou- vent une nouvelle réflexion qui les fait coïncider au foyer de cette seconde ligure. Figure Cl. Vient- On à produire des ondes dans ■ — 'Z/^^><^^>o.. .y_ — présenter chaque point de cette ligne comn:ie un centre d'ondes circulaires dont le départ est si- multané, et qui, par conséquent, conservent toujours la même DE l'audition. 4^5 dimension dans leur course ultérieure. De la superposition des cercles, il résulte, paralèllenient à la ligne d'où le choc est parti, une plus grande onde droite , antérieure et postérieure {a b). Fig. 62. Un corps qui chemine dans l'eau donne lieu sans cesse à des ondes circulaires. Les plus ré- centes sont encore petites , tandis que les plus anciennes, derrière le corps , ont déjà d'autant plus d'étendue qu'elles sont nées plus tôt. Sur les côtés , où ces ondes se couvrent , elles en produisent de plus grandes, a, 6, qui divergent en s'éloignant du corps d'où émane le choc. ^ Quand des ondes passent à travers une ouverture, elles ne conservent pas la forme qu'elles avaient dans celte dernière ; leurs extrémités , en passant près des bords , s'infléchissent circulairement autour deux, de manière qu'après leur pas- sage les ondes s'étendent non pas seulement en avant, mais encore sur les côtés. C'est là ce qu'on appelle l'inflexion des ondes. Figure 63. A. A. I. A. II. A •m. V. Al. Av. 456 DES CONDITIONS PHYSIQUES 2. Oîidulations statiotw aires. Supposons que ahcde (fig. A.) re- présentent une onde excitée dans un liquide; cde^ la protubérance de Ton- de ; aie, sa dépression; et e une paroi ^ solide contre laquelle cette onde vient battre. II y a un moment où Tonde s*est rapprochée de la paroi e d'une moitié de sa protubérance , ou d'un quart de sa lonfjueur, et affecte la fi- gure a b c d {Ps. i). Alors la première moitié de sa protubérance est déjà ré- fléchie, de sorte que la demi protubé- rance appliquée à la paroi se compose d'une demi-onde progressive c c? , et d'une demi onde réflpchie d' e\ ce qui ,^ fait qu'elle est plus haute. Après un -y - second moment , Tonde s'est avancée vers la paroi jusqu'à sa dépression, et toute sa protubérance est réfléchie. Dans An, ahc est la dépression de Tonde, c' d' e' sa protubérance réfléchie, et toutes deux s'ef- facent mutuellement, de sorte que Tendroit est uni pendiant le second moment. Après un troisième moment, la dépression de Tonde s'est aussi avancée de moitié , et il n'en reste plus que la moitié ab. Dans Aui, la première moitié de la dépression est déjà réfléchie, h' c' ; mais la protubérance , qui avait été précédemment réfléchie, a rétrogadé de la moitié de sa lon- gueur, c' d' e'. Après un quatrième moment, la seconde moitié de la dépression de Tonde, primitive a achevé sa course et elle est réfléchie, a'b' c\ tandis que la protubérance réfléchie avant elle s'est reculée de la seconde moitié de sa longueur. Ainsi ( A iv ), après ces quatre momens. la position de Tonde Ntf' B. DE l'audition. 4^7 réfléchie a' h'c' d' e\ est la même que celle de l'onde primitive avant le premier moment , mais inverse, de manière (A., v.) que là où était la protubérance de la première , se trouve la dépression de la seconde, et que la dépression de celle-là a été remplacée par la protubérance de celle-ci. Si maintenant , derrière la première onde primordiale B ahcde^ s'en trouve une seconde x a, la situation sera, après le premier moment, comme dans la fig. Bi , après le second, comme dans la fig. Bii , après le troisième , comme dans la fiy. Bill. Alors la protubérance de la seconde onde primor- Figure 64. diale et celle de la pre- ;ff y^ ^Nfg C/^ Xg niière onde réfléchie se couvrent. D'où il suit J que là se trouve une pro- *^tubérance plus élevée. B.ii. B. m. i i B. IV. c. C. !. Après le quatrième mo- ment, la protubérance de la seconde onde pri- mordiale couvre la dé- pression de la première onde réfléchie , et réci- proquement. A ce mo- ment la surface sera unie (B IV). Pendant, le moment suivant , les ,/ïdeux sortes d'ondes ont encore marché du quart d'une onde entière en sens inverse, c'est-à- dire que les parties qui se couvraient aupara- vant, se sont éloignées Tune de l'autre d'une demi- longueur d'onde; la position devient donc telle qu'elle est représentée en C, ou 458 DES CONDITIONS PHYSIQUES les dépressions se couvrent, ainsi que les protubérances, d'où résultent et une protubérance plus haute et une dépression plus profonde. Dans le sixième moment (G i), les protubé- rances recouvrent de nouveau les dépressions. Ces ondes qui se répètent régulièrement portent ie nom d'ondes stalion- naires. Ici les protubérances et les dépressions ne s'avancent point sur d'autres parties du liquide, et les changemens ver- ticaux demeurent à la même place. Ce sont des élévations et des dépressions verticales aliernaiives , suite de deux mou- vemens ondulatoires qui se croisent. On produit des ondulations stationnaires dans une gout- tière droite, en y excitant régulièrement des ondes qui se dé- veloppent à !a suite les unes des antres, après quoi elles éprouvent une réflexion. On en détermine aussi , dans un vase circulaire , en excitant avec régularité des ondes au ' milieu. Les frères Weber en ont également observé dans des vases pleins de liquide et posés sur un tambour, ou sur une chaise de canne, lorsqu'ils frappaient en mesure la base élas- tique. .1 B. Ondes d'inflewion des corps solides . Les ondes d'inflexion reconnaissent la pesanteur pour cause dans les liquides ; celles des corps solides dépendent du trou- ble et du rétablissement de la cohésion et de l'élasticité. Elles sont beaucoup plus rapides qne celles de l'eau , et, dans des corps élastiques, elles deviennent cause de sons. Une corde tendue qu'on frappe , non dans le milieu , mais près d'une de ses extrémités, éprouve sur ce point une dilatation qui , à l'instar d'une onde , se communique à ta corde entière , marche d'une extrémité à l'autre , revient sur elle-même quand elle est arrivée au bout , et en un mot se comporte comme on le voit dans le mouvement ondula- toire des liquides. X Si l'on répète plusieurs fois de suite le choc de la corde, '^ DE l'audition. 4S9 des ondes régulières se succèdent , comme sur Teau , et ces ondes étant réfléchies à Tautre bout de la corde , il s'ensuit que le croisement d'ondulations opposées donne lieu à des ondes stationnaires , comme dans le cas dont il a été parlé plus haut. C'est ainsi que de vibrations progressives il résulte des vibrations stationnaires. Les points de repos entre les ondes portent le nom de nœuds. La plus simple vibration siationnaire d'une corde n'est ce- pendant pas celle qui procède de vibrations progressives , mais celle qui a lieu quand la corde vibre entre ses points d'attache, ou la vibration transversale. En pareil cas, les points d'attache sont les nœuds. Le moyen le plus facile de faire naître ces sortes de vibrations est de pincer ou de frotter une corde. La vibration transversale de corps rigides non tendus, par exemple de verges métalliques fixées à l'un des bouts , est également une vibration stationnaire. C. Ondes de condensation des liquides^ des gaz et des corps ri- gides. Dans les ondes d'inflexion de l'eau , il n'y a ni condensa- tion ni raréfaction ; ces deux phénomènes n'accompagnent pas non plus nécessairement celles d'une corde. Si la corde n'est point extensible , ou n'est point élastique , les ondes d'inflexion peuvent être produites par une simple torsion des molécules et par leur tendance à se redresser. A la vérité,, les ondes d'inflexion des cordes sont la plupart du temps ac- compagnées aussi de condensation et de raréfaction. Ce qu'il y a de particulier dans les ondes d'inflexion, c'est qu'un grand nombre de molécules reçoivent simultanément un mouvement si fort , dans une direction perpendiculaire à la surface du corps , que cette surface éprouve un changement visible. Les ondes de condensation, au contraire, se produisent, dans tous les corps, quand le choc ne meut que les plus petites molécules, successivement et Tune par l'autre. Aussi les nomme-t-on en- 46o DES CONDITIONS PHYSIQUES core ondes du choc progressif. Le choc que les particules mises en mouvement impriment aux suivantes donne néces- sairement heu à une condensation, qui , à son tour, détermine une raréfaction derrière elle. Le mouvement propagé de mo- lécule à molécule est d'ailleurs si petit, qu'aucun changement ne devient visible à la surface des corps. C'est ainsi que le choc parcourt loule une série de billes , sans que celles-ci changent de place. La direction du mouvement des molécules , que produit le choc condensateur, peul, dans une verge ou dans une corde , différer de celle suivant laquelle Tonde de condensation mar- che. Si, par exemple, la verge ou la corde a h vient à êire frappée , djns le voisinage de a , perpendicu- lairement à sa longueur, les particules mises en mouvement poussent les particules voisines dans la même direction, c'esl-à- dire perpendiculairement vers a 6 , et celles-ci font de même pour les suivantes, jusqu'à ce qu'en dernier heu b se meuve : donc , toutes les particules comprises entre a et ô sont suc- cessivement mues ou mises en état de condensation dans une direction perpendiculaire à o fe ; en d'autres termes une onde court depuis a jusqu'à h^ pendant que le mouvement des mo- lécules par le choc est tout différent , c'est-à-dire perpendi- culaire à a /&. Si le choc a été donné au milieu de la y^r^Q , Tonde marche en deux sens , vers a et vers h. De semblables ondes naissent aussi dans une plaque , comme l'a montré Sa- \art. La propagation du choc dans des corps affectant les trois di- mensions, par exemple dans des rochers, dans de 1 eau, dans des masses d'air, a lieu de tous les côtés. Celle du son, dans tous les corps, s'opère par propagation du choc ou des ondes de condensation. Les ondes qui sont excitées dans l'air consistent en conden- sations et raréfactions progressives. Le point condensé est la protubérance de l'onde , et^ le point raréfié en est la dé- DE t^AUDITION. 4^* pression. Une onde d'air qui marche dans un tuyau revient sur elle-même quand ce tuyau est fermé à Textrémilé , et con- serve ses propriéiés au retour. Elle revient également d'une manière incomplète dans un tube ouvert ; m.ais l'expérience enseigne qu'elle acquiert alors des propriétés inverses, qu'elle devient raréfiante quand elle était condensante , et vice versa. En plein air, les ondes sont sphériques. H. Ondes stationnaires et progressives^des corps résonnans. Les corps resonnans produisent, quand ils vibrent ou des ondes d'inflexion ou des ondes de condensai ion. Les unes ou les autres, ou toutes deux à la fois, s'observent dans les cordes et les corps solides qui résonnent. Les masses d'air résonnan- tes n'ont que des ondes de condensation. Les ondes des corps resonnans sont tantôt stationnaires, tantôt progressives. Lorsqu'on soulève ime eorde dans son milieu , et qu'ensuite on l'abandonne à elle-même , on ne remarque pas d'ondes progressives, ou elles ne sont point très-prononcées. Mais la corde vibre de droite et de gauche dans toute l'étendue de l'écart qu'on lui a donné; elle vibre de toute sa longueur dans une direction transversale, comme le fait un pendule. Arrivée au terme de son excursion, elle cherche à redevenir reciiligne , en vertu de son élasticité ; mais la vitesse dont elle est animée la rejette au delà de la ligne droite, du côté opposé, et ainsi de suite jusqu'au moment du repos. C'est là une vibration stationnaire. La vitesse de ses oscillations, ou le nombre de chocs qu'elle imprime à l'air, croît en raison inverse de sa longueur et en raison directe des quarrés des forces qui la tendent , c'est-à- dire qu'une corde qui fait cent vibrations par seconde, en fait deux cents lorsqu'on réduit sa longueur de moitié, sans modi- fier la tension , et que si , sa longueur demeurant la même , elle donne cent vibrations par seconde avec une tension d'une 462 DES CONDITIONS PHYSIQUES once, elle en donnera deux cents avec une tension de quatre onces, et quatre cents avec une tension de seize onces. Les verges aussi sont susceptibles de vibrations transversa- les stationnaires. Ici le nombre des vibrations est en raison directe de l'épaisseur des verges et inverse des carrés de leur longueur. Dans certaines circonstances , une progression longitudi- nale de la crête de Tonde est accompagné d'une vibration transversale stationnaire de la corde , sans que pour cela le nombre des vibrations devienne autre qu'il n'est dans la sim- ple vibration transversale. Par exemple, qu'on pince la corde au voisinage de son point d'atiache, elle ne fait pas seulement des vibrations transversales, comme lorsqu'on la pince dans le milieu de sa longueur, c'est-à-dire des vibrations transver- sales à longueur d'onde égalant la longueur de la corde, mais la crête de l'onde court alternativement d'une exirémité à l'au- tre, attendu que chaque, fois qu'elle rencontre les points d'at- tache, elle revient vers le côté opposé de la corde. Le nom- bre des vibrations d'une corde qui vibre ainsi est absolument le même que quand cette corde vibre à situation constante de la crête de Tonde dans son milieu^ et comme Télévation du son dépend du nombre des vibrations dans un temps donné , elle est la même dans les deux cas ; mais le timbre diffère un peu. Cette circonstance est importante pour la théorie du timbre. Il se produit aussi des ondes stationnaires lorsque, soutenant doucement la corde par dessous , ou appuyant légèrement le doigt dessus, on donne lieu à un nœud, et qu'ensuite on frotte la portion isolée. Par exemple, qu'on touche la corde dans le milieu , puis qu'on passe un archet de violon sur Tune de ses moitiés , non seulement cette moitié éprouve des vibrations transversales, mais encore l'autre en offre dans une direction opposée. Alors le nombre des vibrations est double de celui des vibrations de la corde entière, et le son produit est Toc- DE L*ATJDinON. 4^3 tave du son fondamental. Si l'allouchement ou l'appui a lieu entre le premier et le second tiers , il se forme aussi de soi- même un nœud entre le second et le troisième tiers , et le nombre des vibrations est triple de celui de la corde entière. On peut de même , en isolant un quart , un cinquième , etc., déterminer une division régulière de la corde entière en quarts, en cinquièmes, par des nœuds qui s'établissent d'eux-mêmes. Des chevrons de papier placés sur les nœuds ne sautent point pendant la vibration. Les sons ainsi produits sont appelés sons de flageolet. Des plaques qu'on fait vibrer au moyen de l'archet, se par- tagent régulièrement en quatre, six, huit, parties aliquotesj- vibrant en des directions opposées , et entre lesquelles se trouvent les lignes nodules de repos , qui ne rejetent point le sable étalé à leur surface. Il suffit de toucher le bord de la plaque sur un point pour faire naître une ligne nodule , qui devient déterminante pour la séparation des autres» Le se- conde ûetermination part du point sur lequel passe l'archet. Ce point appartient aux parties mues, et agit d'une manière déterminante sur la formation des segmens mis en mouve- ment. C'est là dessus que reposent les figures de Chladni. Les vibrations , tant stationnaires que progressives , des corps élastiques peuvent produire des sons dans noire organe auditif , quand elles se répètent régulièrement. Car les vibra- tions stationnaires deviennent aussi des ondes progressives lorsqu'elles sont communiquées aux corps conducteurs du son, puisque toute vibration excite une onde progressive dans l'air, dans l'eau, ou dans les corps solides conducteurs du son. Des corps solides peuvent, tout aussi bien que l'air contenu dans des tuyaux, résonner par des ondes de condensation progressives. Les verges donnent des ondes de condensation longitudinales, quand on les frotte dans le sens de leur lon- gueur. Une corde peut aussi produire des sons sans vibrations 464 Î>ES CONDITIONS PHYSIQUES transversale», par de simples oncles de condensation progres- sives. La durée de l'allée et de la venue d^s condensations et des raréfaciions, qui détermine le nombre des ondes excitées dans Tair, dépend naturellement de la longueur et de la ten- sion des cordes. Mais, sans des chocs continuellement répétés, ces ondes ne conservent pas la force et la durée requises , tandis que les vibrations transversales des cordes durent plus long-temps. Le frottement produit ces chocs continuellement répétés. Cependant il est une modification des chocs au moyen de laquelle on exerce aussi de l'influence sur la rapidité de la succession des ondes longitudinales. Tel est le cas des vibra- tions longitudinales des cordes, que Chladni excitait par le frottement dans le sens de la longueur. Les sons de harpe éolienne des cordes paraissent aussi le ranger ici. Pellisov (1) prétend qu'il n'y a point de vibraiian transversale commen- surable dans les sons de harpe éolienne produits au milieu de Fair. Suivant la force du vent , il se produit des sons harmo- niques différens , sans qu'on aperçoive de nœuds. Pellisov a de plus indiqué un moyen de faire rendre des sons fort difle- rens à une corde de violon, dont la tension demeure la même, en modifiant la manière dont on la frotte. Ce moyen consiste à poser l'an het tout près du chevalet dune corde de violon longue de deux pieds , épaisse d'un tiers de ligne, et montée en sol^, et à la frotter aussi légèrement que possible, d'une manière toujours égale. Le son se règle alors tout- à- fait d'a- près la force et la rapidité du frottement, et l'on peut produire avec facilité , non seulement tous les sons que la corde donne d'ailleurs au moyen du vent> ou tous les sons de la harpe éo- lienne , sol^ , rcg , 5o/g , si^ , r^4, fa^ , sol^ , la^ , mais encore la plupart de ceux qui sont intermédiaires, et d autres plus éle- vés. Dans cette circonstance , suivant Pellisov , les vibrations de la molécule que Tarchet touche immédiatement courent à ^ (1) PoecEHooRrF, Annalm^ XIX» 237. .i DE L AUDITION. 465 l'extrémité opposée, et y sont réfléchies. En tenant Tarchet d'une manière particulière , il a produit , sur des cordes, des sons plus graves que leurs sons fondamentaux, et qui par con- séquent ne dépendaient pas de vibrations transversales. Pellisov va plus loin encore : il prétend que, même dans les vibrations transversales de la corde, le son n'est pas produit par celles-ci, mais par les allées et venues des ondes de con- densation et de raréfaction, qu'il nomme aussi vibrations mo- léculaires. D'après la manière de voir ordinaire , ces petites ondes d'un corps élastique , qui partent du point où le choc a lieu , et qui se communiquent à la totalité du corps en vertu de l'élasticité, n'entrent en ligne de compte qu'en tant qu'elles produisent pour résultat la vibration du corps entier entre ses extrémités ou entre ses nœuds de vibration. Pellisov pense , au contraire, que le son dépend de la rapidité avec la- quelle vibrent les plus petites parties de la corde , de la co- lonne d'air, de la verge, de la plaque, etc. Les vibrations de la corde , de la colonne d'air, de a plaque entière, ou de leurs grandes divisions n'ont d'importance ici qu'en ce qu'elles agis- sent comme cause déterminante par rapport à la rapidité de la vibration moléculaire. D'après cela, il ne se produirait point de son si une corde vibrait transversalement , sans que ses molécules fissent chacune des vibrations , c'est-à-dire sans les ondes condensantes progressives , qui vont et viennent entre les nœuds. Quoiqu'on ne puisse pas regarder comme prouvée l'hypo- thèse de l'impuissance des vibrations transversales des cordes à produire des sons, cependant la simultanéité de ces vibrations et des ondes condensantes progressives, allant et venant dans un corps résonnant , fait très-bien concevoir la manifestation de certains sons. Indépendamment du son fondamental, une corde en donne aisément un autre léger et harmonique avec celui-là, l'octave de la quinte, ou la double octave de la tierce. II. 3o 466 DES CONDITIONS PHYSIQUES On connaît aussi les sons harmoniques que fait entendre une cloche. Dans l'air des sifflets il n'y a point de vibrations transver- sales , mais seulement des ondes condensantes progressives et récurrentes. Bien que continu, le souffle détermine un effet intermittent. Le nombre des ondes dans un temps donné, ou , ce qui revient au même , leur épaisseur, dépend de la longueur de la colonne d'air contenue dans le tuyau. Lorsqu'on souffle modérément dans les sifflets couverts , on fait naître leur son fondamental, pendant la durée duquel le nœud de vibration se trouve à Textréniité de la colonne d'air. Dans le sifflet ouvert, le nœud de vibration est placé au milieu, et le son plus élevé d'une octave. En soufflant plus fort , on produit encore d'autres divisions de la colonne d'air , et par conséquent des sons plus aigus. Du reste, quant à ce qui regarde les lois auxquelles sont assujéiis les instrumens de musique , je dois renvoyer au cha- pitre de la voix , où la théorie de ces instrumens a été ex- posée. Il me reste encore à expliquer la différence qui existe en- tre son , bruit et timbre. Toute impression produite sur l'organe auditif par une onde qui lui est communiquée , ou par plusieurs ondes, est un son. Un seul ébranlement donne lieu à un son simple , qu'on ap- pelle explosion lorsqu'il est fort. La force du son dépend de l'amplitude de la vibration des molécules. Sa qualité peut va- rier beaucoup. Le bois, le carton , les métaux ont des qualités de son différentes. Ces qualités paraissent dépendre , en partie de la forme de l'onde , en partie de l'isochronisme d'ondes animées d'une vitesse diverse. Un corps , quand il n'a pas la même élasticité dans tous les sens , peut aussi , lorsqu'on l'é- branle , produire , en différens endroits , des ondes de lon- gueur différente, qui se transmettent, à un plus ou moins long intervalle l'une de l'autre , du corps résonnant au corps con- DE l'audition. /^6'J ducteur du son , et qui communiquent à ce dernier une onde composée, de forme particulière. Cette onde composée, ou la somme d'ondes, arrive à l'organe auditif dans le même ordre et dans la même forme qu'elle avait en traversant le milieu conducteur, puisque toutes les vibrations sont propagées avec une égfale vitesse par un corps conducteur du son. Ce qui con- tribue.encore à la qualité du son , c'est qu'un corps peut ac- complir en même temps une vibration transversale et une vi- bration longitudinale. Une corde pincée près de son extrémité, et abandonnée à elle même , exécute des vibrations transver- sales dans toute sa longueur , tandis qu'en même temps la crête de l'onde court alternativement d'un bout à Taulre, en revenant chaque fois de l'autre côté de la corde. De là vient que la qualité du son d'une même corde varie un peu , à éga- lité de longueur et de tension , suivant le point où l'on pince cette corde. Enfin, Pellisov et Eisenlohr pensent que la forme de l'onde est modifiée aussi par la densité du corps réson- nant. Dans un corps dense, l'excursion de la vibration est moin- dre que dans un corps qui a moins de densité. Les molécules d'air qui le touchent sont repoussées par lui d'une manière plus isochrone , et l'espace raréfié qu'il laisse en se contrac- tant est plus étroit. Enfin , lorsque la densité du corps réson- nant n'est point uniforme, la condensation communiquée à l'air , et la raréfaction qui y succède , ne doivent pas l'être non plus. Quand plusieurs ondes se succèdent l'une à l'autre, il se pro- duit un son plus ou moins soutenu , qui est tantôt un bruit , et tantôt un son proprement dit ou appréciable. Une succession de sons égaux ou inégaux dans des temps inégaux donne lieu au bruit (cliquetis, grattement, bourdonnement, etc.). Une succession de sons simples ou de bruits dans des temps égaux , n'est point perçue comme son proprement dit, tant qu'on dis- tingue encore chacun des ébranlemens ; il ne résulte de là qu'un bruissement. Dès qu'on ne peut plus distinguer les 468 DES CONDITIONS PÎIYSIQDES. ébraiilemens , il y a son proprement dit, dont l'élévation ou l'acuité varie suivant la vitesse avec laquelle se succèdent les ébranlemens. C'est ce qu'on apprécie très-bien avec la roue de Savart , dont les dents ne produisent que du bruit aussi long- temps qu'on peut distinguer les chocs ; mais , lorsque ceux-ci se succèdent plus vile , les bruits se confondent en un son , quoiqu'on puisse encore continuer d'entendre le bruit. D'où il suit que ce n'est pas seulement une succession régulière d'on- des simples , mais encore une succession régulière d'ondes très-composées ou bruyantes, qui devient un son musical.. Uu son éclatant est celui que produisent des ondes simples, d'une force suffisante , sans ondes irrégulières intermédiai- res, c'est-à-dire sans bruit. La qualité de l'éclat, ou le tim- bre d'un son, dépend des mêmes causes que la qualité du son simple: il n'y a de plus ici que la succession régulière des ondes. m. Mouvementîondulatoire dans la propagation du son. A. Ondes progressives dans la propagation du son. La propagation des vibrations de corps résonnans a lieu, généralement, par des ondes de condensation et de raréfaction, et non par des ondes d'inflexion. L'eau aussi conduit les ondes sonores de cette manière. Ce mode de mouvement est donc to- talement différent des ondes d'inflexion de l'eau. Un ébranlement communiqué à l'air , à partir d'un point, et dans toutes les directions , détermine une onde sphérique d'air condensé, ayant la forme d'une boule creuse, qui s'é- tend d'une manière uniforme en tous sens , et conserve par conséquent sa forme sphérique. Une sphère qui se dilaterait tout à coup dans l'air, produirait une onde de ce genre. Les molécules de l'air repoussées par la boule qui se distend, ac- quièrent un mouvement correspondant à cette distension dans la direction du rayon, et pendant le moment qui succède im- DE l'audition. 4^9 médiatement, lorsque la boule, revenant sur elle-même, dé- termine une raréfaction à sa périphérie, elles y acquièrent un mouvement en sens inverse. Toutes les molécules de Tair à travers lequel passe Tonde sphérique acquièrent ainsi le même mouvement. Mais l'amplitude de Texcursion que ces molécu- les font en avant et en arrière , et qui , en la comparant avec les ondes de l'eau , correspond à l'élévation de la protubé- rance de Tonde , diminue à mesure que Tonde avance , tandis que Tépaisseur de celle-ci demeure la même pendant son ex- pansion , absolument de même qu'une onde sphérique pro- duite sur Teau s'abaisse , tout en conservant la même largeur, à mesure qu^elle prend de Textension. La sphère creuse de Tonde progressive croît donc en raison proportionnelle des quarrés de son diamètre. La protubérance de Tonde diminue dans le même rapport. C'est ce qui fait que l'intensité du son diminue à Tair libre, en raison deTaccroissement des carrés des distances comprises entre Tonde sonore et le lieu de son origine. Il n'y a pas de motif pour que ce décroissement ail lieu à l'égard du mouvement ondulatoire de Tair dans un tuyau. -■ Si le corps ébranlant ou vibrant n'imprime point à Tair li- bre un choc en tous sens , comme ferait une sphère qui se di- laterait , mais qu'il ne lui en donne que dans une seule direc- tion, Tonde résultante de là est également sphérique, tout comme une onde, déterminée sur Teau par un choc en un seul sens , n'en marche pas moins dans toutes les directions , et af- fecte conséquemment une forme circulaire. Cependant la gran- deur de la protubérance de Tonde , ou Tamplitude de Texcur- sion que font les molécules de Tair à travers lesquelles passe Tonde , est plus forte dans la direction du choc , parce qu'elle dépend en partie de cette direction elle-même. D'après cela , si les ondes sonores affectent une direction quelconque dans le corps résonnant , comme cela a lieu lorsqu'une corde ou une colonne d'air vibre , le son est également plus fort et plus distinct dans celte direction. Il me paraît que la circonstance 470 DES CONDITIONS PHYSIQUES suivante contribue aussi à cet effet dans certains cas. L'onde d'un milieu susceptible d'éprouver le mouvement ondulatoire peut , lorsque l'ébranlement agit sur ce milieu dans une cer- taine largeur, être considérée comme composée d'ondes cir- culaires de même diamètre , placées les unes à côté des au- tres. Ces ondes se couvrent dans une direction parallèle à la largeur de l'ébranlement, mais elles ne se couvrent point à leurs extrémités libres. L'onde est donc plus forte dans une direction perpendiculaire à la largeur de l'ébranlement. La force avec laquelle le son est conduit dépend, toutes choses égales d'ailleurs , du rapport entre le corps résonnant et le corps conducteur. Plus il y a d'homogénéité entre ces deux corps, plus aussi la communication est parfaite; moins ils sont homogènes, plus la communication est imparfaite. L'air résonnant, par exemple, celui d'un instrumenta vent, transmet si parfaitement ses vibrations à l'air extérieur, qu'il n'y a point de renforcement opéré par d'autres milieux ; mais il les com- munique difficilement à des corps solides. Les corps solides, au contraire , transmettent incomplètement leurs vibrations à l'air, et complètement à d'autres corps solides. De pi us, lorsque les vibrations passent d'un milieu dans un autre qui n'est point de même nature, elles sont , comme la lumière, en partie trans- mises et en partie réfléchies. Ceci explique pourquoi des mas- sifs de rochers font obstacle au son excité dans l'air, tandis que le son d'un corps solide , par exemple , d'une verge , est transmis avec plus de force à l'oreille par un cordon que par l'air. Suivant Wheatstone, on peut , au moyen d'un fil métalli- que , conduire les sons d'un instrument à cordes sur un foyer de résonnance éloigné. A part les différences qui viennent d'être signalées dans la force de la propagation, un son peut devenir, par le fait de la résonnance, plus fort qu'il ne l'était dans le coFps sonore lui mêine. La résonnance provient de l'agrandissement de la surface des parties homogènes vibrantes ; c'est pourquoi^ le DE l'audition, 471 diapason résonne avec plus de force quand on le place sur un corps solide. Là-dessus repose aussi l'effet du chevalet et de la caisse dans les instrumens à cordes. La résonnance est plus forte avec un corps limité qu'avec un corps non limité. En effet, le premier réfléchit les ondes so- nores en partie par ses bords et ses surfaces , et ces ondes ré- trogrades se croisent avec les nouvelles ondes excitées par le corps sonore ; mais quand les protubérances des ondes Se croisent , leur élévation devient plus considérable. B. Ondulations stationnaire* dans les corps conducteurs du son. Des vibrations stationnaires naissent dans les corps conduc- teurs du son , hmités, et en même temps élastiques. Il a déjà été dit précédemment qu'un corps conducteur limité réfléchit les ondes progressives par ses bords et par ses angles , que par conséquent les ondes qui viennent et celles qui reviennent se croisent. Un corps résonnant ne se partage pas nécessai- rement en parties aliquotes, de sorte quela largeur de ces ondes ne dépend pas de lui , mais des corps qui produisent le son. Dans un corps qui produit du son, les ondes qui naissent sont toujours des parties aliquotes de son tout. Mais un corps conducteur limité peut se partager lui-même, comme un corps sonore , en portions plus ou moins étendues , par la formation de nœuds et de lignes nodales. Ainsi , par exemple , il se forme de ces lignes nodales , d'après les expériences de Savart , sur des membranes tendues et conduisant le son, lorsqu'on les soupoudre d'une poussière légère. Des plaques offrent le même phénomène quand on les met en communication avec le corps producteur du son, par le moyen d'une verge , ainsi que Ta fait voir Savart. Le son d'un corps peut , sous certaines conditions, non seu- 472 DES CONDITIONS l^HYSIQUES lement provoquer de la résonnance dans un corps élastique Lmité , mais encore exciter celui-ci à produire du son par lui- même , auquel cas le dernier corps donne le son qui lui est propre , et qui diffère du premier. Les cordes tendues sont susceptibles de résonner ensemble dans le ton qui leur appar- tient en propre. Il paraît être nécessaire pour cela non seule- ment que l'élasticité soit portée à un haut degré , et la limita- tion bien tranchée, mais encore que les ondes du premier son soient dans un rapport simple avec celles du son fondamen- tal du corps consonant. Enfin, un corps élastique et limité peut aussi, dans des con- ditions déterminées, modifier l'élévation du son d'un corps sonore par lui-même , lorsque les deux ordres de vibrations se modifient réciproquement pour former des ondes qui ne seraient propres ni à l'un des deux corps ni à l'autre. Ainsi la colonne d'air qui résonne en même temps qu'une languette, modifie le son de cette dernière. J'ai observé un autre exem- ple remarquable de cette action réciproque dans un sifflet dont je bouchais l'extrémité ouverte avec une membrane (une vessie de cochon). On sait qu'un sifflet d'un pied, fermé à l'extré- mité par un bouchon , donne Vut^ pour son fondamental ; mais si Ton remplace le bouchon par une membrane médio- crement tendue , le son fondamental , lorsqu'on souffle aussi faiblement que possible , au lieu d'être Vut^', devient plus grave d'une tierce à une quinte ; si la membrane est plus ten- due, le son fondamental s'élève ; et, au plus haut degré pos- sible de tension , cette membrane agit comme un bouchon solide. Les liquides conducteurs du son , lorsqu'ils sont en contact immédiat avec les corps sonores , montrent encore , à leur surface, des ondes d'inflexion pariicuhères, qu'il faut bien dis- tinguer des ondes condensantes de la conduction du son. Il s'établit, en effet, sur leur surface , de petites élévations et dépressions onduleuses régulières , comme des ondes station- DE l'audition. 475 naîres. Ces phénomènes ont été décrits par OErsted, Purkinje, Chladni, G. Sœmmerring et Faraday (1). Si l'on fait TÎbrer dans Tair un diapason tenu horizontale- ment, et dont un côté soit couvert d'une couche d'eau peu épaisse, on voit se produire, dans celle-ci , les plus belles ondes stationnaires parallèles , qui , pour la plupart, occupent toute la largeur du diapason , et ont environ trois quarts de ligne de long. Ce sont en quelque sorte les reflets des vibra- tions du corps sonore, provenant des mouvemens que ces vi- brations communiquent aux molécules de l'eau. Si l'on tient le diapason résonnant par une de ses faces dans un vase plein d'eau, on voit partir de ses côtés des divisions parallèles très- régulières du liquide, absolument comme si l'eau qui le tou- che entrait simultanément avec lui dans un mouvement on- dulatoire, qui ne serait que la continuation ou le prolonge- ment des ondes de Tinstrument» Si la surface large de ce der- nier est au dessus de l'eau, ou couverte seulement d'une cou- che mince, mais que les côtés plongent dans l'eau du vase, on reconnaît que les ondes à la surface du diapason et celles dans Teau du vase sont des prolongemens les unes des autres. Mais ce qu'il y a de remarquable , c'est que, quelque face du dia- pason qu'on immerge, on aperçoit toujours dans l'eau des on- des stationnaires dont les limites sont perpendiculaires à la surface de l'instrument; il n'y a d'exception que pour les bords, où les lignes deviennent divergentes. Le phénomène a lieu aussi dans des vases résonnans pleins d'eau, par exemple dans des verres qu'on fait parler avec un archet de violon ; la masse de l'eau se trouve alors , comme le verre^ partagée, suivant l'élévation du son , en quatre , six ou huit parties, avec des lignes nodales entre lesquelles s'a- perçoivent , lorsqu'on passe légèrement l'archet , des ondes (1) f^oyez Sœranierring, dans Kasther, Jrchiv fuer die gesammte Na-» turlehre, t. VIII, p. 91.— Faraday, dans Philos. Trans., 1831, 319. 4^4 ^^^ CONDITIONS PHYSIQUES stationnaires, dont les limites sont perpendiculaires à la sur- face intérieure du vase. En frottant plus fort , il se produit d'autres figures, et le croisement des ondes donne lieu à des ondes stationnaires rhomboïdales. La largeur des ondes est rigoureusement proportionnée à l'élévation du son ; elles sont plus larges pendant les sons graves. Du reste , Teau s'accu- mule aussi dans les portions vibrantes du verre, et quand on passe l'archet avec force , elle est lancée par jets au dehors. Si l'on met le verre en vibration par le frottement du bord avec le doigt, les portions vibrantes et les lignes nodales se déplacent continuellement, et suivent en tournant le doigt qui imprime le mouvement. Les lames de verre couvertes d'une mince couche d'eau présentent le phénomène d'une manière plus belle encore, quand on les frotte avec un archet. Si l'on fixe un morceau de liège sur la peau d'un tambour, qu'on y assujétisse une petite baguette de bois terminée par une plaque ronde ou carrée , et qu'on place le tambour de manière que la plaque de la baguette trempe aisément dans Teau , on voit , lorsque la membrane vibre , se former dans le liquide des ondes semblables, dont les limites sont perpendi- culaires au côté de la plaque. Aussi obtient-on une figure éroilée dans l'eau lorsque la plaque est ronde. Il n'est pas pos- sible jusqu'à présent d'expliquer ce phénomène d'une ma- nière satisfaisante. Faraday dit que la plus légère différence possible dans une circonstance quelconque pourrait occasioner, pendant les vi- brations d'une plaque , une élévation ou une dépression du liquide, et donner ainsi la première impulsion au phénomène. Mais je ne crois pas qu'on parvienne à expliquer des effets si réguliers par-ià et sans une subdivision régulière ou sans un mouvement ondulatoire dans le corps sonnant, bien que ceci ne conduise pas non plus à une explication satisfaisante. Du reste, pendant la conduction du son, les ondes sont con- DE I'aUDITION. 475 densantes, dans l'eau aussi bien que dans Vaîr. Mais les on- des dont il vient d'être parlé à la surface du liquide sont des ondes de soulèvement ou d'inflexion» La vitesse de la propagation du son dépend de la densité et de l'élasticité des corps. Dans l'air sec, elle est, à la tempé- rature de zéro , de 332,49 mètres par seconde. La chaleur l'augmente. Dans l'eau, la propagation de son a lieu près de quaire fois plus rapidement que dans l'air. Les corps solides l'effectuent avec plus de vitesse encore. Le fer conduit le son dix fois et demie plus vite que l'air, et le bois onze fois. Sous le rapport de la réflexion , les ondes sonores se com- portent comme les ondes lumineuses. Quand elles passent dans un milieu différent, elles sont en parties transmises et en parties réfléchies. Une montre placée au foyer d'un miroir concave fait entendre ses battemens dans le foyer d'un autre miroir. concave, qui réunit les rayons sonores. Comme les ondes sonores de l'air se communiquent aux corps solides avec plus de difficulté qu'elles ne continuent à marcher dans l'air, la force du son se conserve parfaitement dans un tuyau de communication, comme aussi les ondes sonores transmises à un corps solide en forme de baguette conservent leur force presque sans changement à de grandes dislances. Un porte- voix représente une parabole au foyer de laquelle le son est excité; en vertu de la réflexion qu'ils éprouvent sur les parois de cette parabole , les rayons sonores marchent dans des di- rections qui sont parallèles à Taxe. La cause du grossissement de ia voix tient en grande partie à la coïncidence des ondes primitives avec les ondes réfléchies , d'où résultent de plus grandes condensations. Mais il faut avoir égard aussi à la ré- sonnance de la masse d'air limitée dans le tube. Car l'air d'un tube ouvert à ses deux bouts ou à l'un, résonne lorsqu'il con- duit le son. Le cornet acoustique se rétrécit du côté de l'o- reille; en conséquence, il condense les ondes sonores. Sises parois sont paraboliques, et que l'oreille se trouve proche du 476 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS foyer de la parabole , les ondes sonores dont les directions sont parallèles à l'axe de cette dernière, se réunissent en un point voisin de l'oreille. Un retentissement a lieu lorsqu'à dis- tance plus grande de la paroi réfléchissante, les ondes réfléchies parviennent à l'oreille sensiblement plus tard que les ondes pri- mitives.Si la différence est assez considérable pour que les deux sortes d'ondes ne s'accollentplus l'une à l'autre, il y a écho. CHAPITRE II Des formes et des propriétés acoustiques des organes auditifs. I. Formes de l'organe auditif. On ne connaît pas de parties comparables à l'org^ane audi- tif chez la plupart des animaux sans vertèbres , et l'on peut même douter, pour certains d'entre eux, qu'ils entendent ; car de ce qu'un être réagit à l'occasion de vibrations, il ne s'ensuit pas qu'il a perçu un son , puisque ces vibrations peuvent être senties aussi par le toucher, comme ébranlement (1). Ce qu'il y a de plus essentiel dans l'organe auditif est, en tous cas , le nerf spécifique de l'audition , qui a la pro- priété de percevoir les chocs comme son ; vient ensuite un appareil capable de bien conduire ces chocs à l'organe auditif. Mais , toutes les matières conduisant les vibrations sonores comme ondes de condensation, il peut ne point y avoir d'appa- reil conducteur spécial. On explique ainsi pourquoi il n'a pas été jusqu'ici découvert d'organes particuliers d'audition chez un si grand nombre d'animaux invertébrés. Le nerf auditif, quoiqu'étant seulement appliqué contre les parties solides de (1) Foyez ^ sur les parties comparées à l'organe auditif, chez les In- sectes : CoMPÀEETTi , Observ. anat. de aure interna comparata, Padoue , 1789. — Trevirands, dans Annalen der TVetterauischen Gesellschaft, t. I. — B.ÀUDOHR , dans Magazin der Gesellschaft naturforschender Freunde, Berlin , 1811 , p. 389. — P. Lyonet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces dHnsectes, Paris, 1832, in-4, fig.— MuLLER , Physiologie des Gesichtssinnes , p. 437. DES ORGANES AUDITIFS. 4?? la tête, devra sentir les vibrations communiquées à ces der- nières, tout comme s'il était étalé sur un appareil spécial. La plus simple forme de l'organe auditif, comme appareil parti- culier, abstraction faite du nerf spécifique, est celle d'une vé- sicule pleine de liquide et sur laquelle se répand le nerf. Les vibrations sont amenées à celui-ci ou par les parties dures de la tête, ou en même temps par une membrane tendue au dehors. Telle est la forme qu'on rencontre, parmi les animaux articulés, chez les Crustacés, et parmi les Mollusques, chez les Céphalopodes. Dans les Crustacés, l'organe est situé de chaque côté, à la partie inférieure de la tête , et près de l'article basai des grandes antennes extérieures. Il consiste en un vestibule os- seux, dont la fenêtre extérieure est fermée par une membrane analogue à la membrane tympanique secondaire des animaux supérieurs. La cavité osseuse renferme un sac membraneux plein d'eau, à la surface duquel s'épanouit le nerf auditif. L'organe auditif des Céphalopodes se compose d'un vesti- bule cartilagineux, simple excavation du cartilage céphalique, sans fenêtre ni membrane au dehors. On trouve, dans cette cavité un sac membraneux, sur lequel se répand le nerf audi- tif. Chez le Poulpe , la paroi interne du vestibule est lisse; chez la Seiche et le Culmar, elle est parsemée de petits tuber- cules mous, ou de prolongemens, qui maintiennent la vésicule nageante. Il y a une concrétion, une pierre auditive, dans l'in- térieur de la vésicule (1). Aucun animal vertébré n'a l'organe auditif aussi simple que ceux dont il vient d'être question. Jadis on croyait que les Lamproies ressemblaient sous ce rapport aux animaux sans vertèbres; mais je me suis assuré qu'elles ont un labyrinthe compliqué et deux canaux semi-circulaires. Du reste, l'or- (1) Voyez, sur l'organe auditif de l'Ecrevisse et du Poulpe, E. H. WB' BER, De aure et auditu hominis et animalium, L^ipzick ,;1820. 47^ DES FORMES ET DES PUOPRIIÈTÉS gane auditif suit une progression dans son développement et sa composition, depuis les Poissons jusqu'aux Mammifères (1). Al. Poissons, Les Poissons manquent de limaçon et de caisse du tympan. Mais ils ont le labyrinthe membraneux , c'est-à-dire le sinus commun des canaux semi-circulaires, avec son appendice utriculiforme, qui existe la plupart du temps , et des canaux semi-circulaires. Le labyrinthe membraneux est logé, ou en totalité dans la substance du cartilage céphalique , comme chez les Poissons cartilagineux, Plagiostomes et Cyclostomes , ou en partie dans les os du crâne et en partie dans lu cavité crânière, entre le cerveau et la paroi du crâne , comme chez les Poissons osseux, les Esturgeons et les Chimères. Les principales différences, et les plus essentielles, chez les Poissons, sont les suivantes : 1° Il n'y a qu'un seul canal semi>circulaire, qui revient sur lui-même en forme d'anneau, et dont une partie , celle dans laquelle se répand le nerf auditif , correspond au sinus com- mun. Ce cas^ qui a été observé pour la première fois par Retzius, est celui des Myxinoides {Myxine etBdetlostoma). 2° Il y a deux canaux semi-circulaires, dont chacun naît du sinus commun par une ampoule à trois tubéi osilés. Les deux canaux convergent en reposant sur la surface du sinus com- mun, et se réunissent en arcade : sur ce point ils communi- quent une seconde fois avec le sinus par une fente ; ce der- nier présente en même temps un appendice en forme de sac. Tel est le cas des Petromyzon et àQS Ammocetes (2). (1) yoy.^ sur sa structure chez les animaux vertébrés et chez l'honiniç, A. ScARPA, Anatomicœ disquisiones déjivditu et olfactu ^ Ticini, 4789, in-fol. 8 pi. — Weber, loc. cit. — G. Breschet , Recherches anatomiques etphy. sur V organe de V ouïe et sur l^ audition dans l'homme et les ani' maux vertébrés, Paris, 4836, in-4, avec 43 pi. — P. -J. Vidal, De laphy- siologie de l'organe de Vouie chez l'homme, Paris, 4837, in-8. (2) G. Breschet, Recherches anat. et physiol, sur l'organe de Voûte d9S poissons , Paris, 1838, in4, avec 17 pi. DES ORGANES AUDITIFS. ^79 Dans ces deux premières formations, le labyrinthe ne con- tient pas de pierres auditives. 3° Il y a trois canaux semi-circulaires disposés comme chez les animaux supérieurs, c'est-à-dire partant d'un sinus com- mun ; ce dernier a pour appendice le sac. Dans tous deux on trouve des concrétions , comme chez les Plagiostomes, ou de petites pierres auditives osseuses et dures, comme chez les Poissons osseux ; les unes et les autres sont libres. Le sac ne correspond point au Limaçon des animaux supérieurs et de rhomme, puisque le sinus commun offre, même chez ceux-ci, un petit appendice utriculiforme. Les Plagiostomesont de plus un prolongement du labyrin- the jusqu'au dessous de la peau. Chez les Squales, la cavité du ^vestibule cartilagineux se prolonge seule jusque sous la peau, par l'ouverture existante à la région supérieure de la portion occipitale du crâne. Chez les Raies, au contraire, la cavité du labyrinihe cartilagineux et le labyrinthe membraneux se prolongent tous deux jusque sous la peau. Une fosse creusée dans la région moyenne de la portion occipitale du crâne, et qui est tapissée par une peau ou plus mince ou plus épaisse, contient quatre ouvertures, deux à droite et deux à gauche. Chacune des postérieur es conduit au vestibule cartilagineux, et est close par une petite mem- brane. Chacune des antérieures appariient à la communication avec le labyrinihe membraneux. Entre les deux ouvertures du crâne et de la peau se trouvent effectivement deux sacs membraneux , de chacun desquels la cavité se prolonge jus- que dans le sinus comn^n du labyrinthe membraneux par un canal qui traverse l'ouverture du crâne. Ce sinus auditif ex- terne et son canal sont remplis de carbonate calcaire, dont on rencontre aussi des concrétions dans le sinus commun. Lapor- tien de sinus auditif qui adhère à la peau s'ouvre au dehors par trois petits canaux fort étroits, creusés dans les tégumens ex- térieurs. Les Chimères m'ont offert aussi une ouverture au 48o i>ES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS crâne et deux amincissemens correspondans à la peau ; mais l'ouverture mène dans la cavité crânienne, où se trouve placée une partie du labyrinthe. Chez les Poissons osseux , la communication du labyrinthe osseux avec la surface extérieure à l'aide d'ouvertures au crâne fermées par des membranes , n'a lieu qu'exceptionnel- lement, par exemple dans deux espèces de Lépidolèpres, sui- vant Otto (1), et dans le Mormyrus cyprinoides , d'après Heu- singer (2). E.-H. Weber a découvert que le labyrinthe de plusieurs Poissons communique d'une manière indirecte avec la vessie natatoire (3). Chez certains de ces animaux , tels que les Cyprinus , Si- lurus et Colites , la communication a lieu par l'iniermédiaire d'une chaîne d'osselets mobiles. Ainsi, par exemple, dans les Cyprins, les deux labyrinthes membraneux, formés du sinus commun, des canaux semi-circulaires et du sac à pierre , sont en connexion , par continuité des membranes , avec un sinus membraneux impair caché dans la base de l'occiput , qui se prolonge postérieurement et de chaque coté en une oreillette membraneuse , laquelle , placée à lu surface de la première vertèbre , a une couverture en partie osseuse. A cette oreil- lette aboutit le premier osselet conchyliforme ; le dernier est uni avec l'extrémité antérieure de la vessie natatoire. Chez les Sparoides {Boops et Sargus), il part, de l'extré- mité antérieure de la vessie natatoire , deux canaux dont les extrémités en cul-de-sac sont fixées à des ouvertures particu- lières du crâne que bouchent des membranes. Dans les Clupées , l'extrémité antérieure de la vessie se (1) f^oy. MuLLER, Jrchiv, 1836, LXXXIV. (2) Tiedemann's Zeitsckrifty t. II, p. 86, — Le Lepidoleprus norweyi- eus n'a pas cette ouverture. (3) Meckel's Archiv, 1825, p. 324, DES ORGANES AUDITIFS. 4^' prolonge en un canal qui se bifurque. Chacune des divisions pénètre dans un conduit osseux de rocciput ; là elle se bifur- que encore une fois. Entin chacun des petits canaux se dilate en une capsule osseuse. L'une de ces capsules contient seule-j ment l'extrémité en cul-de-sac du proioa^enient de la vessie, natatoire; mais, dans l'autre, à ce prolongement en cul-de-sac s'en adosse un du labyrinthe membraneux. Le labyrinthe du Myripristis communique aussi , d'après. Cuvier , avec la vessie natatoire. Le crâne est ouvert en des- sous, et fermé seulement par une paroi membraneuse , à la- quelle celte dernière pend. La caisse du tympan et la trompe d'Eustache des animaux supérieurs , les cavités accessoires du nez( hez ces animaux , les sacs à air des Oiseaux , et la vessie natatoire des Poissons, appartiennent du reste à une même classe , attendu qu'ils doi- vent naissance à des prolongemens pleins d'air du tube res- piratoire et intestinal , qu'ils continuent plus tard de commu- niquer avec ces cavités par des conduits ou des ouvertures , ou qu'ils s'en isolent complètement comme la vessie natatoire de plusieurs Poissons, dont, avec le temps, s'ellace le canal de communication avec le pharynx. B. Reptiles. A partirdes Poissons, on trouve généralement au labyrinthe deux fenêtres qui tantôi ne communiquant point avec une caisse du tympan, sont seulement couvertes de peau et de muscles, et rappellent alors les deux prolongemens du laby- rinthe conduisant sous la peau qui se voient chez quelques Poissons, tantôt sont en communication avec une cavité ivai- panique contenant de l'air. Le labyrinthe membraneux est situé en totalité dans 1 intérieur des os du crâue. L'eau de ce labyrinthe ne contient que rarement de peîites pierres audi- tives , comme chez quelques Reptiles, notamment ceux qui se rapprochent des Poissons (A/e/j'DisceMA,KN , De peniiiori auris in ampîiibiis structura, Bonn , dS31. DES ORGANES AUDITIFS. 4'^ 3 Tenclume osseuse et Téirier. La trompe d'Eustache , prolon- gement de la cavité gutturale , existe ici , comme elle le fait toujours quand il y a une caisse du tympan. Tel est le cas de tous les Batraciens , ou Reptiles nus anoures, à l'exception des Bombinateurs. C'est parmi les Reptiles nus anoures qu'on observe les plus grandes différences eu égard à la partie extérieure de l'organe auditif. 1° Il y a des Batraciens sans caisse du tympan , membrane du tympan , ni trompe d'Eustache. Tels sont les Bombinateurs, ou les genres Bomhinator (ligneus)^ Cuîtripes de MuUer ( C. provinciaîis ) , et Pelohates de Wagner ( P. ftiscus , W. , qui est le Cuîtripes minor , M. ). 2° 11 y a des Batraciens qui ont une membrane du tympan "visible à l'extérieur ou cachée sous la peau, une caisse du tym- pan, la plupart du temps membraneuse, trois osselets de Touïe, et une ouverture pour chacune des deux trompes d'Eus- tache séparées l'une de l'autre (i). Ici se rangent la plus grande partie des genres de Grenouilles et de Crapauds , tels que, parmi les nôtres, Rana^ Bufo , Alytes , etc. 3° Il y a des Batraciens pourvus d'une membrane du tym- pan cartilagineuse , d'une caisse du tympan totalement cir- conscrite par des os, de deux osselets de l'ouïe, et d'une seule ouverture , dans le milieu du palais , pour les deux trompes d'Eustache. Celte catégorie ne comprend que les genres pri- vés de langue , Pipa et Dactylethra. Des trois osselets de l'ouïe qui existent chez les Batraciens précédens, le premier est devenu la membrane cartilagineuse du tympan , le second a la forme d'un très-long pédicule arqué , et le troisième est un appendice à peine perceptible du second, qui â la forme d'une petite feuille , et qui bouche la fenêtre (2). (1) A. DuGÈs , Recherches sur Vostéologie 9t la, myologie des batraciens àleurs différens âges ^ Paris, 1835, in-4, p. 39. (2) Voy. MutiïR Archiv, 1836, LXVII. 484 I>ES FORMES ET DES i>ROPRlÉTÉS 2. Reptiles écailleux. Les Reptiles écailleux ont les deux fenêtres, et leur limaçon, si l'on excepte celui des Chéloniens , présente la structure de celui des Oiseaux. a. Reptiles écailleux sans caisse du tympan. L'osselet de l'ouïe est la plaque de l'éirier , qui s'étend en un pédicule plus ou moins long (columelle). Ce pédicule et les fenêtres sont couverts par des muscles et par la peau. On rencontre cette disposition dans les Ophidiens , comme aussi dans les genres Chirotes , Lepidosternon et Amphishœna. h. Reptiles écailleux pourvus d'une caisse du tympan et d'une trompe d'Eustache. On trouve chez eux la columelle des précédens , dont l'ex- trémité esî fixée à la membrane du tympan par une masse fibro-cartiîagineuse. Ici se rangent les Chéloniens , les Cro- cocii'es, les Lézards. C'est aussi le cas des Sauriens apodes pourvus de paupières, Bipes^ Psendopus^ Ophisaiirus, Anguis^ Aconiias (1). Chez lu plupart de ces animaux, la membrane du tympan est visible à l'extérieur : il s'en trouve cependant quel- ques uns , parmi les derniers , chez lesquels elle est couverte par la peau. C. Oiseaux. L'organe auditif des Oiseaux ressemble à celui des Croco- diles et des Lézards sous la plupart des rapports, par exemple dans la structure de la caisse du tympan , de la columelle et du limaçon. La caisse du tympan amène de l'air aux cavités des os de la tête, ce qui agrandit le volume des parois réson- nantes. Le hmaçon n'est point contourné ; c'est un canal pres- que droit , et terminé en cul-de-sac , qu'une cloison mem- braneuse très-délicate partage en deux conduits , la rampe du tympan et celle du vestibule. La cloison est tendue dans (1) Foij. Mdller, dans Tiedemann V Zeitschrift, 4. 2. DES ORGANES AUDITIFS. '^. 4^5 un cadre cartilagineux qui se réflchit en forme d'utricule vers l'extrémité , et qui se comporte envers la lamelle de la cloison comme l'empeigne d'une pantoufle à l'égard de la semelle. La courbure de cette espèce de bouteille est continuée, sur toute la longueur du limaçon , par une membrane vasculaire plissée en travers. Ces plis ou rides sont ce que Treviranus a le pre- mier décrit comme autant de petites lamelles isolées repré- sentant des touches de clavecin. Le sinus commun des canaux semi-circulaires et la bouteille du limaçon contiennent une poudre cristalline de carbonate calcaire (1). D. Mammifères. L'organe auditif des Mammifères ne diffère en rien d'essen- tiel de celui de l'homme , et les différences de détail n'ont point , quant au plus grand nombre , assez d'importance phy- siologique pour que nous devions les mentionner ici. Le li- maçon est toujours contourné , et possède une lame spirale , en partie osseuse , en parue membraneuse , qui court autour de la columelle. Il n y a que celui de l'Ornithorhynque et de l'Echidné qui ressemble, sous tous les rapports , à ce- lui des Oiseaux. La caisse du tympan d'un grand nombre de Mammifères représente une grande vésicule osseuse , qui est fermée la plupart du temps par l'os tympauique. Chez beau- coup de ces animaux , elle se prolonge dans d'autres os limi- trophes (2). Quelques uns ont aussi un tympan supérieur, attendu que le rocher fait une saillie vésiculaire en haut et en arrière , comme dans les genres Pedetes , Dipus et Macrosce- îides. De cette manière , les espaces résonnans se trouvent agrandis. Les Cétacés et l'Ornithorhynque n'ont point d'oreille externe : la trompe d'Eustache des Dauphins s'ouvre dans le (1) HuscHKE , dans Mulier Jrchiv , 1835, p. 335. — G. Brescuet , Recherches anat.et phys. sv,r V or ijane de V audition chez les oiseaux, Pans, 1836, in-8, avec 8 pi. m-4.— Muller Archiv, 1837, LXIV. (2) HA6£KBikCH, Die Paukenhœhle des Sœu g ethiere ,Bài\e, 1835, 486 DES FORMES ET DES PROPKlÉlés nez , et le conduit auditif externe des Mammifères totalement aquatiques est extrêmement étroit. J'ai fait connaître ailleurs les observations de Treviranus et de Goltsche sur la distribution des nerfs dans le Limaçon. De même que les fibres nerveuses s'y répandent sur la lame spi- rale , pour être entourés de deux côtés par la lymphe laby- rinthique , de même aussi , d'après la découverte de Steifen- sand (1)^ ils s'épanouissent, dans les ampoules, sur une saillie , qui ne traverse pas l'ampoule de part en part , mais ne fait que s'élever dans son intérieur. Dans l'ampoule des Mam- mifères, il y a un renflement transversal, formant une cloison incomplète , qui correspond à l'épanouissement du nerf. Chez les Oiseaux , au contraire , on trouve sur cette cloison deux branches libres , l'une supérieure, l'autre inférieure , qui se terminent en forme de bouton , de manière que le tout repré- sente une croix, dont les branches transversales sont adhéren- tes, tandis que les branches perpendiculaires sont libres. Dans la Tortue, la cloison , comme renflement , présente seulement dans le miheu une espèce de bosse. La cloison de l'ampoule an- térieure repose obliquement sur la paroi de l'ampoule , et n'a point de bosse : dans l'ampoule externe il n'existe qu'une moi- tié de la cloison. Chez le Crocodile et les Lézards l'ampoule extérieure est comme dans la Tortue ; les autres ont la con- formation en croix dans l'intérieur. La cloison des Poissons est un pli transversal renflé en bourrelet. Toutes les dispositions acoustiques qu'on observe dans l'or- gane de l'ouïe ne sont que des appareils conducteurs du son , de même que celles qu'on voit dans l'œil sont des appareils conducteurs de la lumière. Comme toute matière quelconque conduit les ondes sonores , il faut que Taudiiion soit possible même dès les plus simples conditions , car tous les entourantes matériels du nerf auditif doivent nécessairement lui amener (1) MuiLF.R, Arckiv , 1835, p. 71. DES OKGANES AUDITIFS. 4^7 le son. Dans l'œil, il fallait une certaine construclioa pour di- riger les ondes lumineuses de manière à ce qu'elles prissent sur le nerf la même disposition que celle qu'elles affectent en partant de l'objet. Cette précaution était inutile pour l'organe auditif. Tous les milieux conduisent sans le moindre trouble, et malgré les croisemens les plus variés , les ondes sonores les plus diversifiées eu égard à leur direction comme à leur succession ; pourvu que ces ondes viennent à rencontrer l'organe et son nerf, elles arrivent infailliblement à la per- ception. La structure entière de l'organe auditif ne peut donc tendre qu'à un seul but, celui de faciliter la transmission des ondes et de les multiplier par résonnance. Or, tous les appa- reils acoustiques de l'organe se laissent effectivement rame- ner à ces deux principes. Pour l'audition en elle-même, il n'est donc besoin ni de membrane du tympan , ni d'osselets de l'ouïe , ni de limaçon , ni de canaux semi-circulaires, ni même de vestibule et de lymphe du labyrinthe. Aussi toutes ces parties peuvent-elles manquer. L'organe auditif des animaux sans vertèbres est déjà réduit a une simple vésicule , qu'on ne rencontre même pas chez beaucoup d'entre eux , où le seul nerf spécifique paraît suffire. Tout corps conduit des ondes : le corps d'un animal et les entourages immédiats du nerf auditif les reçoi- vent dans le même ordre que le milieu conducteur du son les propage. On ne peut donc pas même prétendre que l'aptitude à distinguer l'acuité et la force relative des ondes exige des appareils particuliers ; mais la netteté et l'intensité absolue des sons augmLUtent à mesure que l'organe se développe davan- tage sous le point de vue acoustique. La meilleure manière de comprendre la destination de ces appareils, est de les suivre depuis leurs formes les plus sim- ples jusqu'aux plus compliquées, et d'examiner ce qui s'y ajoute peu à peu. On apprend ainsi à connuître ies'circonstances qui 488 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS sont indépendantes de telle ou telle autre , et celles qui sont étroitement liées ensemble. III. Transmission du son jusqu'au labyrinthe chez les animaux qui entendent dans l'eau. Chez les animaux qui vivent dans Tair, les ondes sonores de loir arrivent d'abord aux parties solides de l'animal et de l'organe auditif, et de là elles passent à la lymphe du laby- rinthe. La force de l'ouïe d'un animal qui vit et qui entend dans Tair doit donc dépendre du dejjré auquel les parties so- lides de son organe auditif sont aptes à recevoir des ondes aérie^iues, de la diminution que les excursions de molécules vibrantes éprouveni au moment où les vibrations passent de Tair dans les parties extérieures de Torgane auditf , et du de- .gré d'npliiude de la lymphe labyrinthique à recevoir des vi- brations des parties externes de l'organe auditif. La portion extérieure toiu entière de l'organe d'audition est calculée, comme nous le verrons , dans la vue de rendre plus facile la transmission des vibrations de l'air à des parties solides, transmission qui présente en elle-même des difficultés. Chez les animaux qui vivent et qui entendent dans l'eau, le problème est tout autre. Le milieu qui transmet les vibrations sonores est l'eau ; il les amène aux parties solides du corps de l'animal , d'où elles parviennent encore une fois dans l'eau, dans la lymphe du labyrinthe. Ici l'intensité de l'ouïe dépend du degré d'aptitude qu'ont les parties solides de l'organe au- ditif, que les ondes sonores doivent traverser en premier lieu, a recevoir des ondes de l'eau ambiante , pour les transmettre de nouveau à de l'eau , et de la diminntion que les excursions des molécules vibrantes éprouvent pendant ce passage. Nous verrons encore ici que toufo la partie extérieure de l'organe auditif est calculée dans le but de faciliter celte transmission. Gomme la transmission des ondes de l'air à des corps so- DES ORGANES AUDITIFS. 4^9 lides, et celle de ces mêmes ondes de Teau à des corps solides , sont fart inégales , et qu elles sont fortifiées par des moyens fort différens , la nature a eu besoin de dé- ployer pour cela des appareils tout autres dans la partie extérieure de l'organe auditif chez les animaux qui enten- dent dans l'air et chez ceux qui entendent dans Teau, tandis que la partie interne de l'organe pouvait avoir et a effectivement beaucoup plus d'uniformité dans les deux cas. En général , le problème est plus simple chez les animaux qui vivent dans Teau. Le cheminement des vibrations, depuis le milieu extérieur jusqu'au nerf, a lieu par trois conducteurs successifs , mais dont deux sont semblables , savoir d'abord Veau extérieure, puis les parties solides de l'animal et de l'or- gane auditif, enfin Teau du labyrinthe. Chez les animaux aériens, ce cheminement s'opère aussi à travers trois milieux différens tous les uns des autres : ce sont l'air, les parties so- lides de l'animal et de l'organe auditif, et l'eau du labyrinthe. C'est cette circonstance, sans qu'il soit nécessaire d'en cher- cher d'auti^e, qui fait que l'organe auditif des animaux aériens l'emporte généralement en complication sur celui des animaux aquatiques. Comme l'organe auditif de ces derniers, des Pois- sons par exemple, est d'ordinaire totalement entouré de parties solides, la première question qui se présente à résou- dre est celle de savoir ce qui se passe pendant que des ondes sonores passent de l'eau dans des parties solides et sortent de celles-ci pour rentrer dans l'eau. Lorsque des ondes d'air sont transmises à des corps solides , une diminution considé- rable a lieu dans l'amplitude des excursions ou des chocs des molécules vibrantes , tandis que la communication des ondes de l'air résonnant à l'air, et celle des ondes d'un corps réson- nant solide à d'autres corps solides, s'accomplissent sans la moindre diminution. Le plein son d'un corps solide, d'une corde par exemple (sans caisse résonnante), ne s'entend que quand des corps solides le conduisent du corps solide gêné- 490 DES FORMES ET DES PROPRIETES rateur aux parues solides de Tor^jane auditif, comme lorsqu'on interpose une verge entre le chevalet de la corde et Toreille externe bouchée. Mais s'il y a de Tair entre le corps solide qui produit le son et l'oreille , le son est faible , parce que la transmission des ondes s'opère difficilement d'un corps solide à l'air , et qu'en pareil cas elle ne peut s'accomplir sans une diminution dans l'amplitude des excursions des particules vi- brantes ou de l'ébranlement. Par contre , le son de l'air qui résonne , comme celui d'un instrument à vent , est parfaite- ment propagé par l'air, et porté par lui à l'organe auditif, mais il ne se communique à des corps solides que difficilement et avec une diminution de l'intensité des ébranlemens. Aussi n'entend-on jamais mieux le son d'un sifflet qu'en appliquant à l'oreille bouchée une verge qui s'étend jusqu'au voisinage de l'air résonnant. En est-il de même lors du passage des ondes de l'eau dans des corps solides? Y a-t-il également ici dimi- nution de l'ébranlement? On n'a point encore fait de recher- ches à cet égard. L'imperfection dans laquelle a langui jusqu'à présent l'acoustique des organes auditifs, qui, pour parler plus exactement, existe même à peine, m'a déterminé à en- treprendre une série d'expériences , dont je vais donner ici les résultats. I. Les corps solides reçoivent de l'eau , douées d'une plus grande force , les ondes sonores produites dans ce liquide lui- même. On emplit d'eau Jusqu'au bord , un vase de verre , de por- celaine , ou de bois. Une soucoupe nage sur l'eau , sans tou- cher le vase. On produit un son en faisant tomber un corps dans cette soucoupe. Si l'on se bouche bien les oreilles avec des boulettes de papier tordu , dont on a préalablement mâché le bout introduit dans le conduit auditif, et dont l'autre extré- mité sèche sort de Toreille, on n'entend le son que très-fai- blement à travers l'air ; mais , à travers une baguette de bois, ou mieux un tube de verre appuyé sur le corps solide qui DES ORG AISES AUDITIFS. 49 ^ résonne et sur le bouchon de l'oreille, on Fentend extrêmement fort. Si ensuite on plonge dans l'eau du vase la baguette tenue contre l'oreille , pendant qu'on laisse tomber quelque chose dans la soucoupe , on entend de l'eau un bruit très-fort et pur, tel qu'il est propre à la soucoupe , et beaucoup plus fort que celui qui est transmis par l'air. Dans ce cas , les ondes sonores passent de la soucoupe , ou du corps solide, à l'eau , puis de l'eau à la baguette , et ensuite à l'organe auditif. On voit , d'après cela , non seulement que des corps solides qui résonnent transmettent leurs ondes sonores à l'eau avec une grande force , mais encore que l'eau les rend avec plus de force au corps solide, au bâton , par le moyen duquel on les entend. En tenant la baguette dans l'eau pendant l'expérience, ou touchant avec elle la paroi du vase extérieur, les condi- tions sont à peu près les mêmes. Le son passe de la soucoupe dans l'eau, et de celle-ci dans la baguette, soit immédiate- ment , soit par l'intermédiaire d'un second corps solide. Dans ce dernier cas , le son peut être un peu plus fort , parce qu'il faut alors faire entrer en ligne de compte la résonnance du vase extérieur. II. Les ondes sonores de corps solides se transmettent avec plus de force à d^autres corps solides mis en communication avec ceux-ci^ quà Veau ; mais la transmission des ondes a bien plus d'intensité quand elle s^ opère de corps solides à Veau , que quand elle s'accomplit de corps solides à l'air. Ce théorème découle très-facilement de l'expérience précé- dente. Car le son n'est jamais plus fort que quand la baguette communiquant avec le bouchon de l'oreille appuie sur la soucoupe flottante pendant qu'on fait sonner celle-ci. Le son de l'eau qui environne la soucoupe, et dans laquelle on plonge la baguette , est déjà beaucoup plus faible. Mais l'air conduit le son bien plus faiblement encore , puisque celui qui arrive au bouchon de l'oreille par son seul intermède , est très- faible proportionnellement au son qui , de la soucoupe elle- 492 DES FORMES ET DES PROPRIETES même ou de Teau , vient à Tobturateur par le moyen de la baguette. m. Les ondes sonores de tair se transmettent très-difficile- ment à Veau^ et avec bien plus de difficultés qu elles ne marchent dvns Cair ; mais elles se communiquent très-facilement à ce liquide par l'intermédiaire d'une memhrane tendue. Personne n'ignore qu'on entend dans l'eau les sons qui sont excités dans l'air. Mais un autre fait que j'ai observé me sem- ble avoir un grand intérêt : c'est qu'une membrane tendue , en contact avec l'eau et l'air à la fois , facilite à un degré extraordinaire le passage des ondes aériennes dans l'eau. Si je fais souffler dans un sifflet en laiton ou en bois , long d'un pied , et sans trous latéraux , de telle manière que l'extrémité inférieure plonge dans l'eau , et que je me bouche les deux oreilles, je n'entends que irès-f:iiblement le son au moyen de la baguette plongée dans l'eau , alors même que la surface du liquide est perpendiculaire à l'axe du sifflet, et que par con- séquent les ondes aériennes choquent l'eau d'une manière verticale. Mais si le bout inférieur du sifflet est entouré d'une membrane mince (vessie de cochon), qui soit peu tendue, qu'on plonge cet instrument dans l'eau , et qu'on souffle de- dans , j'entends le son très-fort avec la baguette plongée dans l'eau et appuyée sur l'obturateur de mon oreille , principale- ment lorsque la baguette se trouve dans la direction du mou- vement ondulatoire, ou dans celle du sifflet. Les sons que je discerne ainsi sont irès-éclalans. Ceux qui conviennent le mieux pour l'expérience sont le son fondamental que le sifflet rend lorsqu'on y souffle aussi faiblement que possible, ou aussi l'un des sons moyens. On emploie pour conducteur une ba- guette de bois , ou mieux au tube de verre, d'un diamètre de six à huit lignes , dont on tient les parois parallèles à la direc- tion des ondes sonores de l'eau. Si , tout en tenant le tube ap- pliqué à l'oreille bouchée, on le promène çà et là dans l'eau , le son ne manque jamais de se renflor beaucoup chaque fois DES ORGANES AUDITIFS. /^gZ qu'il passe devant la membrane du sifflet. Cet appareil est in- dispensable dans les expériences suivantes sur l'audition dans Teau et sur la valeur acoustique de chacune des parties de l'organe auditif : il m'a rendu les plus grands services, et sans lui je ne serais arrivé à aucun résultat. Pour les sons aigus des sifflets le renforcement est peu ou point perceptible* L'expérience qui vient d'être rapportée , prouve aussi que la propagation du son se comporte dans l'eau comme dans l'air, c'est-à-dire que les ondes d'imptilsion sont plus fortes dans la direction de l'impulsion primordiale, quoique les ondes soient aussi , généralement , circulaires ou spliériques. IV. Des ondes sonores, qui se propagent dans l'eau et gui traversent des corps solides limités , ne se communiquent pas seulement avec force au corps solide , mais encore résonnent des surfaces de ce corps dans Vrau^ de manière que le son dans l'eau ^_ au voisinage du corps solide ^ est encore entendu fort là oh il devrait être plus faible d'après la seule transm,ission dans Veau. En exécutant l'expérience rapportée dans le paragraphe précédent, l'observateur dont les oreille^ sont bouchées, et qui se sert d'un condiK^teur plongé dans l'eau suivant la direction d'un sifflet fermé à son extrémité par une membrane et plongé également dans le liquide , entend le son de cet instrument très fort, lorsqu'il ne se trouve que de l'eau entre le bout du sifflt^t et le conducteur. Vient-on à interposer entre ces deux derniers corps une petite et mince planchette en bois , de manière que les ondes sonores aient à traverser de l'eau, puis la planchette, enfin de l'eau encore, pour parvenir jusqu'au conducteur, on entend le son , dans la direction du sifflet, avec autant ou presque autant de force que si la planchette ne se trouvait pas là ; mais on l'entend aussi avec assez de force , au voisinage des surfaces de la planchette entière , lorsque , sans toucher à celle-ci , le conducteur n'est mis en rapport qu'avec l'eau qui en avoisine les surfaces. Là 494 ^^^ FORMES ET DES PROPRIÉTÉS le son est plus fort que dans le reste de Teau. Ce renforce- ment a lieu dans le voisinage de toutes les parois de la plan- chette, et on le remarque encore à une assez grande distance de la direction principale de Tébranlement. Si l'on éloigne la planchette résonnante, le son n'est fort qu'aux endroits placés vis-à-vis du point sur lequel porte le choc des ondes du sif- flet, La résonnance des parois du vase contenant l'eau est notable aussi dans leur voisinage, lorsqu'elles sont en bois. Y. Des ondes sonores qui se propagent dans Veau subissent aussi une réflexion partielle de la part des parois du corps solide. Cette proposition, qui nous servira dans l'acoustique du labyrinthe , a besoin d'être déjà développée ici. L'appareil précédemment décrit est celui à l'aide duquel on parvient le mieux à se convaincre de la réflexion partielle des ondes so- nores dans l'eau. On plonge dans Teau d'un grand vase le sif- flet fermé par une membrane. Ce vase contient un cylindre de verre , long de six pouces , fermé à Tun de ses bouts , et éga- lement plein d'eau, qu'une personne embrasse aVec ses mains, et tient de manière à ce qu'il ne touche point les parois du vase. On enfonce l'extrémité du sifflet dans l'orifice du cylin- dre, et l'on souffle faiblement dedans, pour en tirer le son fondamental. En tenant alors le conducteur dirigé aussi vers l'orifice du cylindre, sans qu'il touche ni ce dernier ni le sifflet, on entend , avec îson secours , le son des ondes d'eau avec tout autant de force que s'il était opposé à l'orifice du sifflet. Cette force du son est une suite non pas seulement de la ré- soiiiiance du cylindre , mais encore de la réflexion que ses pa- rois déterminent : car elle reste la même quand on a rendu la résonnance du cylindre aussi faible que possible en le cou- vrant intérieurement d'une couche de suif, et assourdissant ses parois extérieures en les embrassant avec les deux mains. Au contraire , le son dans l'eau est beaucoup plus faible dans le liquide qui entoure le cylindre à l'extérieur. DES ORGANES AUDITIFS. 49^ VI. De minces membranes conduisent le son dans l'eau sans affaiblissement , qu elles soient ou non tendues. Si l'on placé , dans l'eau , une cloison membraneuse entre le bout du sifflet fermé par une membrane et le conducteur tenu dans la direction de' ce dernier, on n'aperçoit pas la moindre différence dans la force du son , tandis qu'il est par- tout faible dans les directions latérales. J'employai d'abord pour cloison une membi ane tendue , un morceau de vessie de cochon étendu sur un lar^^e anneau. Mais les membranes non tendues , et simplement suspendues dans l'eau , donnent le même résultat. J'appliquai l'une sur l'autre plusieurs couches de vessie de cochon séchée et ensuite ramollie , je les com- primai ensemble , pour exprimer l'air compris entre elles, et je suspendis le tout dans l'eau. Alors même tjue la cloison se composait de quatre à huit lamelles superposées , je remar- quais encore un peu de renforcement dans la direction du sif- flet. Un plus grand nombre de membranes le rendait nul. Un morceau de peau humaine et la paroi de l'utérus d'une femme enceinte , qui avait trois lignes de diamètre , empêchaient tout renforcement, lorsqu'on les employait comme cloison, et le son n'était pas perçu derrière ces corps avec plus d'intensité que dans tout autre point de l'eau situé en dehors de la direc- tion principale des ondes. .^Vll. Les propositions III^ IV et VI expliquent le phénomène de la transmission du son chez la plupart des animaux qui vi- vent dans Veau et ne respirent point l'air. Lorsqu'aprèsnous être bien bouché les oreilles, nous écou- tons les ondes sonores de Teau au moyen d'un conducteur en bois, nous nous plaçons précisément dans la situation du pois- son, et nous entendons les sons de la même manière que lui. L'immersion de la tête dans l'eau est une chose inutile, et qui d'ailleurs ne permet pas de se livrer avec calme à l'observa- tion. Le conducteur solide agrandit les parties solides de notre tête, et, comme chez le Poisson , les expose immédiatement 4g6 DES FORMES ET DES PROPRIETES aux ondes sonores de Teau. Le labyrinthe simple ou composé des animaux qui vivent dans i'eau , tantôt est entouré de tous côiés parles cartilages et les os du crâne, comme chez les Cé- phalopodes , les Cyclostomes et les Poissons osseux, tantôt communique avec la surtace du corps de l'animal, et la com- munication a lieu au moyen d'une membrane , telle que la membrane tendue au devant de la capsule auditive des Crus- tacés, ou la peau amincie qui couvre la fenêtre des Plagio- slomes, à la surface de la léte. Du reste, les os de la tête sont susceptibles aussi de résonnance dans l'eau, c'est-à-dire que les vibrations qui leur sont communiquées éprouvent une ré- flexion partielle de la part de leurs surfaces , et forment en eux-mêmes des ondes rétrogrades qui profitent au labyrinthe. Cette conséquence découle des faits mentionnés dans le qua- trième paragraphe. Chez les Squales et les Raies, à squelette cartilagineux et mou , cette résonnance intérieure des parties solides de la tête est peut-être moindre que chez les Poissons osseux, et c'est peut-être là aussi ce qui a rendu nécessaire chez ces animaux la communication du labyrinthe avec la sur- face du corps par le moyen d'une membrane tendue sur une fenêtre. Dans les Cyclostomes , la capsule auditive fait partie des pièces solides du squelette; chez eux, elle est recouverte en outre par des muscles , qui doivent diminuer le pouvoir conducteur du son. YIII. Des masses d'air résonnent dans l'eau par des ondes so- nores lorsque Cair est renfermé dans des membranes ou des corps solides , et produisent par- là un renforcement considéra- ble du son. Une personne était chargée d'exciter dans l'eau , au moyen du sifflet fermé par une membrane , des ondes sonores ayant une direction déterminée , tandis que , plongeant le conduc- teur dans le liquide , je le dirigeais vers mon oreille bouchée. Je suspendais alors dans l'eau , avec mes doigts, entre l'ex- trémité libre du sifflet et le , conducteur , la vessie natatoire DES ORGANES AUDITIFS. 497 d'un Gardon, de manière à ce qu elle ne louchât ni l'un ni l'autre. Dans ce. cas, le son perceptible avec le conducteur devient beaucoup plus fort que quand les ondes sonores ne parviennent à ce dernier, tenu d'ailleurs à la même distance, que par le seul intermédiaire de l'eau. Ceci prouve deux cho- ses j d'abord, qu'au moyen de membranes interposées, le son passe très-facilement de l'eau à l'air et de l'air à l'eau , sans subir d'affaiblissement ; ensuite, que, quand l'air est en même temps renfermé dans une membrane entourée d'eau de toutes parts , le son est singulièrement renforcé par la résonnance de cet air limité, attendu que les ondes sonores sont en partie réfléchies par les limites de l'air, et que de là naissent des on- des sonores plus fortes. IX. Des membranes remplies tï air résonnent dans Veau^ alors même que les ondes sonores sont communiquées à la vessie par des corps solides. Si l'on fixe la vessie natatoire d'un Gardon dans la fente d'une baguette , qu'on tienne celle-ci appliquée aux parois d'un vase , de manière que la vessie soit libre dans l'eau , et qu'ensuite on pose un diapason résonnant sur le bord du vase, le conducteur mis en communication avec i'oreilie bouchée , fera entendre les ondes sonores transmises à Teau avec beau- coup plus de force au voisinage de la vessie , que dans tout autre point du liquide placé à une même distance du lieu d'où part le son , et le son est aussi fort que si l'on rapprochait le conducteur des parois du vase dans l'eau. Avec un air plus condensé , cette résonnance doit être plus forte» C'est ce qui suit déjà de la loi connue de la transmission du son dans l'air, savoir que l'intensité augmente avec la den- sité de l'air, et que le son d'une cloche s'affaiblit jusqu'à de- venir imperceptible dans un espace où l'on raréfie l'air. Ce- pendant les expériences directes avec une vessie natatoire n'indiquent qu'une très-petite différence lorsque l'air est com- primé et lorsque le sac est flasque. Pour faire l'expérience , j'attachais la vessie au tube d'une bonne seringue , à l'aide de II, 32 498 DES FOBMES ET DES PROPRIETES laquelle je pouvc^is la remplir d'air irès-condensé. La vessie ne se distend presque pas , parce qu'elle est entourée à l'ex- térieur d'une membrane fibreuse. X. Des faits pr^cèdens , il suit que la vessie natatoire des Poissons est en même temps un appareil de résormance pour les ondes sonores qui traversent le corps de l'anitnat. Cet espace plein d'air reçoit les ondes sonores de l'eau en partie par les orf^anes mous du corps des Poissons , en partie par les os , spécialement par ia colonne vertébrale , au devant de laquelle il est placé, et il devient le point de départ d'ondes de résonnancequi, elles-mêmes, se transmettent à leurs en- tourages , particulièrement aux os. On ne peut donc pas nier, en général, que la vessie nataloire ne contribue pour quel- que chose à foriifier l'action du son sur l'organe auditif, même chez les Poissons dans le corps desquels elle n'a point de connexion avec cet organe. Mais partout 011 la connexion a lieu, soit par une chaîne d'osselets étendus jusqu'au labyrin- the , soit par l'adossement immédiat de la vessie natatoire au labyrinthe membraneux , cette vessie, comme caisse réson- nante, comme condensateur et conducteur des ondes sonores qui rencontrent le corps entier, se lie de la manière la pins immédiate au labyrinthe, quant à sa manière d'agir. Cette fonction de sa part semble être devenue le but principal chez les Cobites , dont la très-petite vessie natatoire est logée dans une excavation vésiculeuse du corps de la seconde ver- tèbre, et entourée en grande pnrtie de substance osseuse, tandis qu'en avant elle tient au labyrinthe par la chaîne des osselets de i'ouie. Comme l'apliinde à conduire et à résonner croît avec la densité de l'air dans la vessie natatoire, cet organe doit exer- cer une action plus forte sur I'ouie dans les grandes profon- deurs de l'eau , où il est considérablement comprimé par Taccroissement de la pression (1). (!) MtLLER , Physiologie des Gesichtssinnes , p, 44f. — Camp. Carus , dans Bericht veher dïc rersammUmg der Nalvrf. in Jena, Weimar, 4837. DES ORGANES AUDITIFS. 499 Chez lés Reptiles qui vivent dans l'eau , tels qtie les Pro- téides, les Amphiumes, les Ménopomes , les Tritons, les Bombinateurs , la transmission du son de l'eau à la lymphe du labyrinthe , indépendamment de celle qui a lieu par les os, n'est point favorisée par une fenêtre close d'une membrane, comme chez les Squales et les Raies, mais par une fenêtre garnie d'un petit couvercle mobile, la plaqué de Téirier. Cette plaqtie est fixée par une membrane au rebord de la fenêtre ; la peau et les muscles passent par dessus , de même qu'ils recouvrent les os de la tête. On parvient aisément , au moyen d'un appareil analogue , à se convaincre du grand rôle que cette fenêtre joue lorsqu'il s'agit d'entendre dans l'eau. Les principaux avantages qu'offre cette disposition ne sont cepen- dant pas calculés pour l'audition dans Teau, mais bien pour celle dans l'air, comme on le verra plus loin. La fenêtre n'au- rait pas été nécessaire pour entendre dans l'eau. Les Reptiles qui viennent d'être nommés sont des animaux à la fois aériens et aquatiques. m. Transmission du son jusqu'au labyrinthe chez les animaux qui vivent dans l'air. La transmission du son avec une certaine intensité , depuis la surface du corps jusqu'à l'eau du labyrinthe, exige un ap- pareil bien plus compliqué chez un animal qui vit dans l'air que chez les animaux aquatiques. Car la propagation du son de l'air aux parties solides qui entourent l'organe auditif et l'eau du labyrinthe , s^accomplit avec beaucoup plus de diffi- culté que celle du son de l'eau aux parties dures. Aussi irouve- t-oii, chez la plupart des animaux aériens, deux fenêtres fermées , Tune par une membrane , l'autre par un couvercle solide. Presque tous ont aussi une caisse du tympan , une trompe d'Eustache et deux conduits menant au labyrinthe, l'un dans lequel la tranunissioa s opère de la membrane du tympan à l'eau labyrindiique par des corps solides, les osselets 50O DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS de l'ouïe , la seconde dans laquelle elle s'accomplit du tympan secondaire , ou de la membrane tendue sur la fenêtre ronde, à celte même eau par Tintermédiaire de Tair. Les discussions dont nos ouvrages de physiologie sont pleins , relativement à celle de ces deux voies par laquelle a lieu la transmission , n'ont aucun sens aux yeux du physicien. L'air conduit, les membranes conduisent , les osselets conduisent; chacun fait par conséquent ce qu'il ne peut pas s'empêcher de faire. Deux transmissions simultanées d'espèce différente doivent naturel- lement fortifier l'impression. Les lois de celte communication n'ont point été trouvées jusqu'à présent. Le sujet va être sou- mis ici à un examen non moins détaillé que l'auditiondans l'eau. Pour apprendre à connaître la valeur acoustique de chaque portion d'organe , il faut l'étudier dans son développement graduel. A. Animaux aériens privés de caisse du tympan. Les animaux aériens privés de caisse du tympan ne sont presque jamais astreints à la seule transmission par les os de la lêie. La communication de l'air à des parties solides est trop faible pour qu'elle pût suffire. Presque tous les animaux aé- riens , même ceux qui n'ont pas de caisse du tympan , possè- dent des fenêtres qui mènent au labyrinthe , et chez les der- niers , ces fenêtres sont couvertes par de la peau et des mus- cles. Le Rhinophis et le Typhlops sont les seuls chez lesquels je n'aie trouvé ni fenêtres ni osselets de l'ouïe. I. Les ondes sonores qui passent de l'air dans teau éprouvent une diminution considérable d'intensité ^ mais elles passent avec la plus grande force de Vair à Veau par V intermédiaire d'une 'membrane tendue. C'est là le phénomène fondamental d'où nous partons. La preuve, bien simple, est fournie par l'expérience qui établit que les sons d'un sifflet dont le bout plonge dans l'eau ne sont entendus que très-faiblement au moyen du conducteur adapté DES OFGANES AUDITIFS. bOl à Toreille bouchée, même lorsque les ondes sonores frappent perpendiculairement sur l'eau , tandis qu'ils sont très-forts quand l'extrémité du siôlet qui plonge dans le liquide est close par une membrane. Ceci explique de suite et clairement l'effet de la fenêtre et de sa membrane. Cette dernière fait que les ondes sonores se transmettent avec intensité de l'air à l'eau du labyrinthe, qu'il y ait ou non une caisse du tympan. Quand bien même la mince membrane de la fenêtre' ronde est non pas libre à la superficie , mais couverte de peau et de muscles , comme chez les Ophidiens , ces tégumens ne con- stituent pas un obstacle essentiel, puisque, quand on ferme le sifflet avec plusieurs couches superposées de vessie de cochon, qu'on en plonge l'extrémité dans l'eau , et qu'on lui fait ren- dre le plus grave de ses sons , celui-ci s'entend dans l'eau , parle moyen du conducteur, avec beaucoup plus de force que quand le sifflet était clos par un bouchon adapté à son ouver- ture. Cette manière particulière d'agir des membranes ne dépend pas uniquement , comme on l'entrevoit sans peine , de leur minceur, mais elle tient aussi à la mobilité et à l'élas- ticité de leurs molécules. Le son s'afHiiblit également dans sa transmission de Taira un corps solide, que celui-ci soit épnis ou mince , car l'obstacle n'a lieu qu'au moment du preniicM- passage. Par conséquent , une membrane ne peut point, eu égard à ces sortes d'effets , être envisagée sous le simple point de vue d'un corps très-mince. De son aptitude spéciale à s'étendre , il dépend qu'elle reçoive facilement les ondes aériennes, comme si elle était elle-même air, et qu'elle les rende facilement à Teau , comme si elle était eau. Du reste , l'imbibition des membranes n'est point nécessaire pour ces phénomènes ; quelque sèche que soit la membrane placée au bout du sifflet, la communication n'en est pas moins très- forte dès avant qu'elle ait pu s'imbiber d'eau. Ceci est applicable à la membrane de Ja fenêtre ronde chez les ani- maux pourvus d'une caisse du tympan. l^V 502 DES FORMES ET D^S PROPRIÉTÉS II. Les Çfides sonores se transmettent de Vair à Veau sang altération notable de leur intensité ^ alors même que la mem-r hrane tendue intermédiaire se trouve fixée par la plus grande partie de sa surface à un corps solide court^ qui seul est en con- tact avec Veau. Ce théorème explique Faction de la fenêtre ovale et de la plaque mobile de l'élrier qui la garnit , chez les animaux aériens dépourvus de caisse et de membrane du tympan, comme les Bombinateurs et les Ophidiens. Sur la membrane que j'avais tendue médiocrement à l'extrémité du sifflet , je collai un bouchon de liège qui avait six lignes de long et assez de largeur pour couvrir cette membrane jusqu'à une ligne du bord. Venais-je alors à plonger le bout du sifflet dans l'eau , et à tirer le son le plus grave , le conducteur, tenu dans le li- quide, suivant la direction de l'instrument, transmettait ce son à mon oreille bouchée avec presque autant de force que quand le sifflet n'étaii fermé qu'au moyen d'une simple mem- brane. On remarque une différence dès que le conducteur ne se trouve plus dans la direction du sifflet et du bouchon -, car alors le son devient beaucoup plus faible. Si , au contraire , ju ferme entièrement l'extrémité du sifflet, en y introduisant un bouchon , qu'on la plonge dans l'eau , et qu'on fasse par- ler l'instrument , on n'aperçoit pas de renforcement dans la direction de ce dernier , et en pareil cas le même bouchon qui donnait lieu à une forte transmission de son lorsqu'il était li- mité et rendu mobile par un rebord membraneux , devient un obstacle à celte propagation. Il suit de ces observations que les deux fenêtres , celle qui est bouchée par luie membrane, et celle qui est close par l'é- trier mobile , sont de très-bons conducteurs pour la transmis- sion des ondes sonores à l'eau du labyrinthe. Parmi les animaux aériens qui sont privés de caisse du tym- pan , les Bombinateurs , les Salamandres terrestres et les Cé-r ciliés n'ont que la fenêtre close par un couvercle ; les Ophi-^ diens, au contraire, en possèdent aeux. DES ORGANES AUDiTIFS. 5o3 B. Animaux aériens pourvus d'une membrane du tympan et d'osselets, III. Un petit corps solide ^ adapté à une fenêtre par un re- bord membraneux qui lui permet une certaine mobilité, trans- met les ondes sonores de l'air à Veau- (ou à l'eau du labyrinthe) beaucoup mieux que d'autres parties solides. Mais la transmis- sion devient plus énergique encore lorsque le conducteur solide qui bouche la fenêtre , est fixé au milieu d'une membrane tendue que l'air baigne des deux cotés. Les vibrations aériennes se transmettent difficilement ù des corps solides , et elles ne le font jamais sans éprouver une di- minution considérable de leur intensité. Mais une membrane est facilement mise en mouvement par elles. On sait déjà, par les expériences de Savart , que de petites membranes ten- dues , celle du tympan elle-même , rejettent le sable lors- qu'un son fort vient à être excité dans leur voisinage. On peut également démontrer d'une manière directe , par des expé- riences , qu'une membrane tendue conduit les ondes aérien- nes avec beaucoup plus de facilité que d'autres corps solides limités, et que, ce qui n'est pas moins essentiel, la trans- mission des vibrations d'une membrane tendue à des corps solides limités s'accomplit fort aisément. La membrane du tym- pan n'a point encore été considérée sous ce point de vue , comme un intermédiaire entre l'air et les osselets de Touie. Voici les expériences que j'ai faii.es. Une membrane très-mince de papier tendue sur un gobelet rejette facilement la poussière de lycopode à l'approche du diapason résonnant et par suite de la communication des vi- brations aériennes, tandis qu'un corps solide de quelque épais- seur ne donne point lieu à ce phénomène. Mais la membrane tendue transmet aussi , avec plus de facilité ou de force , les vibrations que l'air lui communique à des corps solides qui ne la louchent qu'en un seul point. Si l'on pose uncî !ame de bois # 5o4 DES FORMES ET DES PROPRIETES sur la peau d'un tambour, par un de ses bouts , et qu'on em- brasse l'autre bout avec Ta main entière , celle-ci sent très- distinctement les oscillations lorsque le diapason résonnant vient à être placé en liberté sur la peau. Mais, au milieu des mêmes conditions , la lame de bois , quand elle est isolée de la membr^me , ne conduit que très-faiblement les vibrations transmises par l'air» Dans l'expérience suivante , on évite la résonnance de l'air que renferme la caisse du tambour. En tendant un papier fort mince sur un anneau que l'on saisit d'une main, on perçoit les oscillations dès que l'on approche le diapason de la membrane ; la membrane étant enlevée , la main qui lient l'anneau ne sent plus les oscillations , même lorsqu'on approche beaucoup le diapason de ce dernier. Fig. 65. On peut , de la manière suivante , démontrer , d'une manière plus péremptoire encore, l'in- tensité de la transmission du son au moyen des osselets de l'ouïe par l'intermédiaire d'une membrane recevant les vibrations aériennes. A Téxirémité d'un sifflet long d'un pied (a) , on tend une membrane mince (6) , par exemple une vessie de cochon , sur le milieu de laquelle on colle un petit morceau de hége supportant une lige mince de bois (c) , dont l'autre extré- mité porte aussi un disque de liège {d). On plonge le bout de la tige dans l'eau (e) , puis l'on fait rendre au sifflet le son le plus grave , où l'un des sons moyens. Le conducteur ( un tube de verre large d'un demi-pouce) étant tenu appliqué par un bout à l'oreille bouchée , et plongé par l'autre bout dans l'eau , le son est entendu avec une force extraordinaire dans ime direction perpendiculaire à la plaque de lipge , mais beaucoup plus faible dans les au- J- 5o6 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS ' lions qui leur sont communiquées , que ce sont des parties so- lides limitées par de l'air , et qui ne font pas corps avec les os du crâne ; car tout carps solide limité transmet les ondes sonores avec plus de force à sa propre substance qu'à ses en- tourages, ce qui fait que la dispersion est tout aussi sûre- mentévitée qu'elle l'est, lorsqu'il s'agit de vibrations aérien- nes , dans la colonne d'air limitée d'un tuyau de communica- tion. Les vibrations de la membrane du tympan parviennent donc, par la chaîne des osselets , à la fenêtre ovale et à l'eau du labyrinthe , toute dispersion des osselets à l'espace plein d'air de la caisse lympanique étant évitée par la difficulté avec laquelle la transmission se fait des corps solides aux flui- des aériformes. Comme la membrane du tympan , en sa qua- lité de corps tendu et limité , réfléchit elle-même les ondes par ses limites , et qu'ainsi il se produit sur elle des ondes de condensation croisantes , il faut aussi faire entrer en ligne de compte l'idée de résonnance. Les ondes fortifiées de celte manière agissent à leur tour sur la chaîne des osselets. Il se présente maintenant une question , celle de savoir à quel genre appartiennent les vibrations de la membrane du tympan; si ce sont des ondes d'inflexion , comme celles qui ont lieu dans les cordes vibrant entravers et dans les mem- branes , ou des ondes de condensation. Lorsqu'une corde ou une verge reçoit un ébranlement dans la direciion de sa • longueur , il ne survient pas d'inflexions , mais seulement une progression de condensations et de raréfactions successives : -^ mais quand un corps suffisamment mince , une corde , une membrane , reçoit un ébranlement dans une direction perpen- diculaire à sa longueur ou à son plan , il se produit des ondes d'inflexion qui, si le choc n'a lieu que sur un point dU corps , vont et viennent du lieu de leur origine aux limites de ce corps, comme font les ondes de l'eau , ou si le choc a poussé devant lui la largeur entière du corps , occasionent des in- flexions transversales ayant lieu dans toute cette largeur. De DES ORGANES AUDITIFS. Bo^ pareilles ondes d'inflexion se forment-elles aussi dans des mem- branes conductrices de son , lorsque le choc tombe perpendi- culairement sur elles , ou bien ne se produit-il alors que de simples condensations ? Sans doute le sable et la poudre de ly- copode sautillent sur des plaques et des membranes minces vibrantes qui conduisent du son , et même , comme Ta mon- tré Savart, sur la peau d'un tambour dans le voisinage du- quel on fait éclater des sons irès-foris. Mais on ne peut pas conclure de là que le corps sur lequel ces substances se meu- vent , fait une vibration d'inflexion; car une vibration de con- densation pourrait également , comme choc, mouvoir des corpuscules légers , et Tonde de raréfaction qui passe dans l'air , peut aussi les entraîner avec elle. Les lignes nodules des plaques conductrices de son ne prouvent pas non plus des vibrations transversales ; car un corps qui vibre par des ondes de condensation peut de même vibrer avec des nœuds , comme il arrive à l'air dans les sifflets. Des cordes qui con- duisent le son d'une autre corde tendue auprès d'elles , ne vibrent pas, du moins à la vue , par des ondes d'inflexion. Il ne suit pas non plus de là que celles-ci n'existent point ; cap on ne les voit pas quand les excursions n'ont point une ampli- tude suflisante. Mais le tambour fournit une preuve plus cer- taine de la possibilité de cette vibration dans une membrane conductrice de son. Lorsqu'on met une des peaux de cet in- strument en vibration par un coup frappé dessus , l'autre peau vibre très-distinctement en travers, avec des excursions con- sidérables. Les vitres des croisées sont également exposées , quand on tire le canon , à être fléchies et même brisées par l'onde aérienne. Il ne s'agit donc que de connaître l'intensité de l'ébranlement communiqué par les vibrations sonores, pour savoir si un corps membraneux tendu et conducteur du son fera des vibrations d'inflexion. Par conséquent, la possi- bilité de ces vibrations , dans la membrane du tympan , ne saurait être mise en doute , quoique le peu d'étendue de cette 5o8 DES FOHMES ET DES PROPRIIÉTÉS membrane fasse que Tamplitude des excursions de ses flexions soit toujours' très-peu considérable , même sous l'influence des sons les plus forts. Pour parler avec plus de précision , la membrane du tympan exécute des vibrations transversales , toutes les fois que ses excursions , ou les mouvemens pro- gressifs communiqués à ses molécules par une onde conden- sante de l'air, sont plus considérables que sa propre épaisseur; mais ce cas doit avoir lieu lorsque les chocs de Tair ont une certaine force. Comme les osselets d^ l'ouïe sont articulés et disposés de telle manière qu'un rapprochement est possible entre leurs extrémités les plus distantes , les excursions de la membrane du tympan ne sauraient être troublées par la chaîne de ces petits os. Même chez les animaux qui ne possèdent qu'un seul osselet, comme les Oiseaux et les Reptiles écail- leux', l'extrémité de cet osselet, celle qui s'unit à la mem- brane du tympan , est mobile. De là il suit encore que l'arti- culation des osselets de l'ouïe n'est pas une simple con- séquence des muscles qui s'y insèrent , ce que d'ailleurs l'anaiomie comparée démontre , puistjue les osselets de la Grenouille sont tout aussi bien articulés que ceux de l'homme, bien qu'ils n'aient pas de muscles. Une étude plus approfondie de la propagation des ondes sonores dans le libre espace de l'air fait voir cependant qu'il n'y a que les forts ébranlemens qui puissent déterminer des vibrations d'inflexion dans la membrane du tympan. Si l'ex- cursion des parties d'un corps qui produit du son, c'est-à-dir(3 si l'ébranlement est assez considérable pour imprimer aux parties du corps ébranlant une vitesse aussi grande que la vi- tesse de propagation du son dans l'air, l'espace que les parti- cules aériennes conductrices du son parcourent dans un tuyau, quand l'onde traverse le lieu qu'elles occupent , à la même étendue aussi que l'excursion du corps qui imprime le choc. Si la rapidité de l'impulsion n'est que la moitié de la vitesse du son dans l'air, l'excursion des particules vibrantes de l'air DES ORGANES AUDITIFS. 609 dans un tuyau n'est non plus que la moitié de celle du corps d'où part l'impulsion. Celte excursion demeure d'ailleurs la même pour toutes les particules d'air que l'onde traverse. Ainsi , en général , des vibrations d'inflexion n'ont ja- mais lieu plus facilement dans la membrane du tympan que quand le son , accompjgné de grandes excursions du corps qui le conduit, se propage avec la même force, par un tuyau, jusqu'à celte membrane. Mais la propagation du son dans le libre espace de l'air implique une diminution progressive des excursions des particules vibrantes de Tair. Si l'épaisseur des ondes demeure la même, c'est-à-dire si l'espace compris de- puis le commencement d'une onde jusqu'à celui de l'onde la plus prochaine , ne change point malgré l'accroissement de circonférence de Tonde qui se distend en forme de sphère, cependant l'excursion des particules à travers lesquelles cette onde passe, diminue en raison des carrés des distances. Ainsi, par exemple , que l'excursion des particules vibrantes soit d'un pouce au voisinage immédiat du corps qui imprime le choc ou produit le son, elle sera d'un quart de pouce à deux pieds, d'un neuvième de pouce à trois pieds, d'un seizième de pouce à quatre pieds , enfin à dix pieds d'un centième de pouce , ou moindre que l'épaisseur de la membrane du tym- pan. Il faut de plus prendre en considération , dans la mem- brane du tympan, la différence qui existe entre la vitesse de propagation et celle de l'air, comme aussi la résistance de ses attaches, d'oiiil doit s'ensuivre une progression bien moindre, alors même que la particule d'air qui imprime le choc à cette membrane fait une excursion qui surpasse son épaisseur. La vibration d'inflexion communiquée à la membrane du tympan par des ébranlemens très-considérables, embrasse toute la largeur de celte membrane , lorsque les ondes de l'air rencontrent perpendiculairement celle-ci; si elles la ren- contrent obliquement , de manière à en toucher une partie avant les autres , le mouvement naîtra d'abord aussi sur ce 5 10 DES FORMES ET DES PROPRIETES point, et s'étendra sur la membrdn^, de même que Tonde d'inflexion qui est excitée à l'extrémité d'une corde ou sur un seul point de la peau d'un tambour; Ces ondes auront un mou- vement de va-et-vient entre les bords. La disposition oblique de la membrane du tympan fait que cet effet doit avoir lieu, même quand les ondes sonores tra- versent le conduit auditif externe en li^jne droite , ou quand les rayons sonores sont parallèles à son axe. Dans d'autres directions des ondes, il faut avoir égard à la réflexion par les parois du conduit , de laquelle dépendent la manière dont il se forme d'abord des ondes sur la membrane , et le point où elles s'y produisent en premier lieu. Les mêmes lois s'appliquent à la propagation de simples ondes condensantes au travers de la membrane du tympan. Ou les ondes de l'air rencontrent celte membrane dans toute sa largeur à la fois , on elles en frappent d'abord un seul point, et courent ensuite sur sa largeur, en suivant une direc- tion déterminée par celle qu'elles avaient d'abord, et revien- nent sur elles-mêmes pour former des ondes de condensation croissantes, Toutes les ondes qui sont amenées à la mem- brane du tympan par des parties solides, telles que le carti- lage de l'oreille , les parois du conduit auditif , les os de la tête , sont naturellement aussi des ondes condensantes. La membrane du tympan devient aussi condensateur pour les ondes qui lui arrivent de parties solides quelconques. Si Tonde de l'air est complexe , de manière que, pendant qu'elle marche, elle jette çà et là le maximum de sa conden- sation ou le sommet de sa protubérance , de même qu'une corde qui reçoit un choc à Tune de ces extrémités exécute ce mouvement en même temps qu'elle fait une vibration trans- versale, la membrane du tympan, qui partagera le même mou- vement, produira aussi la modification du son qui en dépend, ou le timbre. La vibration d'inflexion de la membrane res- semblerait parfaitement en cela à celles de la corde dont il DES ORGANES ALDITIFS. 5ll vient d'être parlé , les ondes condensantes deviendraient une onde condensante droite s' avançant à travers la membrane , avec un maximum de condensation et de raréfaction flottant à droite et à gauche. Il est facile de voir que ces sortes d'on- des complexes doivent également être conduites sans change- ment par les osselets de l'ouïe. La nécessité de la présence de l'air au côté interne de la membrane du tympan, ou celle d'une caisse tympanique, res- sort d'elle-même. Sans cette condition, la membrane du tym- pan et les osselets de l'ouïe ne pourraient remplir la des- tination qui vient de leur être assignée. Sans elle, les vibra- tions de la membrane ne seraient pas libres, et les osselets ne seraient pas isolés comme ils doivent Têtre pour effectuer une transmission concentrée. Autant la membrane transmet avec facilité ses vibrations d'inflexion à l'air de la caisse du tym- pan , autant la substance solide des osselets les rend peu sus- ceptibles d'abandonner leurs ondes à l'air de la cavité, et de / les y disperser. Mais il n'est pas moins nécessaire qu'une communication existe entre cet air de la caisse du tympan et l'air extérieur, par le moyen de la trompe d'Eustache , afin de rétablir l'équilibre de pression et de température entre l'air du dehors et celui du dedans. La propagation des vibrations à travers les osselets de l'ouïe , jusqu'au labyrinthe, ne peut naturellement avoir lieu que par des ondes condensantes, alors même que la mem- brane du tympan fait des ondes d'inflexion. Ce n'est pas l'é- trier tout entier qui, dans cette transmission, se rapproche et s'éloigne alternativement du labyrinthe , car il faudrait pour cela que l'eau de celui-ci fût très-compressible. Les excur- sions des particules vibrantes à travers lesquelles l'onde passe, ne sont que de très-petites fractions de la longueur de l'étrier. Le manche du marteau reçoit les ondes de la membrane du tympan et de l'air dans une direction qui lui est presque perpendiculaire. Les ondes conservent aussi celle direction 5l2 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS dans tome la chaîne des osselets, quelle que puisse être la situation relative de cette chaîne et de ses pièces consti- tuantes. Du manche du marteau l'onde se propage d'abord dans la tête , qui fait angle avec lui , puis elle passe dans l'enclume, dont la longue apophyse est presque paralèlle au manche du marteau, et de cette apophyse de l'enclume elle arrive à Tétrier , dont la direction est perpendiculaire Fig. 67. à la sienne. (V. la figure 67; aa est la €t membrane du tympan, h le marteau , c l'en- clume , d l'éirier). Toutes les inflexions dans la situation des osselets de l'ouïe ne changent point la direction du choc. Celui-ci conserve la même direction qu'il avait en passant du conduit auditif à la membrane du tympan et au manche du marteau, de sorte que l'étrier, qui est perpendiculaire à la membrane du tympan, éprouve des ébranlemens longitudi- naux , qu'il transmet à la fenêtre ovale. C'est ce qui devient évident par les recherches de Savart sur la transmission du son à travers des plaques solides Fig. 68. qui se joignent à angle. Si l'on fixe la pla- que h fig. 68, sur le chevalet d'une corde a de manière qu'elle reçoive les vibrations de cette corde, elle entre , comme celle- ci, en vibrations transversales. Une pla- que perpendiculairement établie sur elle c exécute des vibrations longitudinales, c'est-à-dire dans le même sens que celles de la plaque h. Les vibrations de la pla- que d sont de nouveau transversales , quand elle-même repose perpendiculai- rement sur la plaque e , et enfin celles de la plaque d , perpendiculaire à la précé- dente, sont longitudinales. Savart a démontré le fait par la -^ DES ORGANES AUDITIFS. 5lS direction suivant laquelle la poussière est lancée. La direction des vibrations a été indiquée par des flèches dans la figure. En comparant cette figure à celle des osselets de Touie, qui la précède, on ne peut méconnaître l'analogie qui existe entre elles. La corde a de la figure de Savart est comparable à la membrane du tympan ; la plaque è, fixée sur le chevalet, re- présente le manche du marteau , qui , servant à tendre la membrane elle-même , en est aussr le chevalet; la plaque c correspond à la tête du marteau , la plaque d[ à la longue apo- physe de Tenclume, et la plaque e à Téirier. C. Tension de la membrane du tympan. IV. Une petite meruhrane conduit moins bien le son quand elle est fortement tendue que lorsqu'elle l'est peu. La question de savoir si la membrane du tympan conduit mieux le son dans son état de relâchement, ou dans celui de tension , peut s'étendre à toutes les membranes en général. Ici l'on doit de suite établir une distinction entre consonnance, résonnance et intensité de la transmission du son. Quant à ce qui concerne la consonnance , un corps élastique par tension en est susceptible lorsqu'il est tendu, et n'a plus cette apti- tude lorsqu'il est détendu. Une corde tendue a, en certaines circonstances, l'aptitude à émettre le son qui lui est propre sous l'influence d'une autre corde vibrante, et , en général, elle est susceptible de résonnance. La peau tendue d'un tam- bour fortifie le son d'un diapason posé à sa surface, bien plus que ne le fait une membrane flasque. Mais, pour qu'un corps donne son propre son fondamental par consonnance, il doit être constitué de manière que le son fondamental qu'il rend soit à l'unisson avec le son primitif , ou du moins soit dans un rapport simple avec ce dernier. Autrement il ne fait que résonner, sans faire entendre le son qui lui appartient en propre. ^ La force de la résonnance dépend aussi , toutes choses égales II. 65 Ç)4 ^^^ FORMBS £T D£9 PROPRIÉTÉS 4'ailleurs, de la disposition d'un corps, et de son rapport av«c le son primitif. Si Ton tient un diapason sur Touverture de tuyaux en carton de lonj^ueurs diverses, la résonnance de la colonne d'air est d'autant moins considérable, que le son fon- damental de cette colonne diffère de celui du diapason , de sorte que c'est à une certaine longueur du tuyau que la ré- SQnnance a le plus d'intensité. Si la longueur de la colonne d'air est telle que le son fondamental de cette colonne soit égal au son primitif, il y a consonnance, et la résonnance aussi est forte , d'après Wheatston , quand la longueur de la colonne d'air est un multiple de celle de la colonne d'air qui donne le même son fondamental que le diapason. Car alors il peut se produire des nœuds de vibration dans le corps con- dncteur du son. On peut, en versant de l'eau dans un vase de verre , le disposer de telle manière qu'il rende fortement ou faiblement le son du diapason. Ceci appliqué aux cordes et aux membranes, il est bien certain qu'une corde ou une mem- brane absolument dépourvue de tension est incapable de ré sonnance, ou qu'elle en est moins susceptible qu'une corde, qu'une membrane tendue , mais la tension ne pourra pas croître en raison directe de la résonnance. Elle sera au plus haut degré, la masse du corps tendu demeurant la même, lorsque le son fondamental de ce corps sera à l'unisson du son primitif. L'application ne serait pas très-facile à des membranes aussi petites que celle du tympan. Mais ce qui a beaucoup plus d'importance ici, c'est de savoir si l'intensité de la trans- mission de l'air à la membrane croît ou diminue avec la ten- i|ion de cette dernière. Savart est le premier, et jusqu'à présent il a été le seul, qui se soit occupé de résoudre ce problème par la voie de l'ex- périence. Il a observé qu'à l'approche d'un corps qui produit un fort bruit , une membrane sèche fait sauter plus haut le sable répandu à sa surface, quand elle est lâche que quand DBS O&GAKES AUDITIFS. 5l5 elle est tendue; et il a conclu de là que Touïe s'émousse lors- que la tension de la membrane du lympan vient à augmen- ter. Il a remarqué le même effet lorsqu'il tendait davantage une membrane par le moyen d'un levier pesant sur elle. J'ai produit ce phénomène en tendant du papier sur un gobelet. Cependant la force du mouvement imprimé au sable ne prouvé pas avec certitude que l'intensité des ébranlemens soit plus considérable. Muncke fait observer que le sautillement du sable peut seulement , sans provenir de l'intensité des irem- blemens, dépendre de leur amplitude plus grande , et que le levier employé pour opérer la tension forme , dans la mem- brane, un nœud qui diminue la largeur des parties vibrantes. L'exactitude de la conclusion tirée par Savart a aussi été mise en doute par Fecbner. Dans un tel état de choses, il m'a paru d*un grand intérêt de faire des expériences directes sur la fa- cuhé conductrice de petites membranes tendues et non ten- dues , en me servant de ma propre ouïe pour mesurer l'in-^ tensité de la transmission du son. Un tuyau de bois (a) , dont la lumière a huit lignes de dia- Fig. 69. mèire, et dont la longueur est de quatre pouces, s'allonge , à l'un de ses bouts , en un col plus étroit (c) , ayant une disposition telle qu'on puisse l'engager profondément et solidement dans le conduit auditif externe. Ce bout rétréci est ouvert. L'autre bout {b) est garni d'une membrane lâche. Sur la membrane est collée une petite règle mince (e) , large de deux lignes, qui s'étend jus- qu'au'deîà de son milieu , et dont le bout le plus long se trouve libre en dehors. A l'endroit où la règle repose sur le bord du tuyau couvert de la membrane, elle y est fixé^ par une ligature, ce qui produit une articulation. Si l'on élève l'extrémité d, l'autre bout qui repose sur la membrane s'enfonce , déprime cette membrane , et la tend. Ainsi l'ap- pareil représente , en général , les dispositions naturelles d« 5 I 6 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS la membrane du tympan , et la règle peut être considérée conome figurant le marteau. En fixant le bout rétréci de cet appareil dans une oreille , et bouchant bien l'autre oreille avec une boulette de papier mâché , il devient facile de comparer rintensité de la transmission de son suivant le plus ou moins de tension. Une très-petite ouverture pratiquée au tuyau en d permet de faire entrer aussi en ligne de compte l'iofluence de la trompe d'Eustache , et de mettre l'air de l'intérieur du luyau en communication avec l'air extérieur. Cependant , le résultai est le même au fond , et il vaut mieux se passer ici de Touveriure d^ parce qu'il pourrait se faire qu'elle livrât pas- sage à des ondes sonores, qui ainsi pénétreraient dans l'inté- rieur du tuyau et arriveraient à l'oreille sans traverser la membrane. J'ai observé le même résultat dans tous les cas. La trans- mission du son était beaucoup plus intense quand la membrane était lâche , que quand je la tendais en soulevant la règle. On peut employer une montre de prche pour corps générateur de son. Cependant , tout bruit quelconque frappe l'ouïe avec plus de force quand la membrane est lâche , et la diminution de sa vivacité croit en raison directe de la tension de cette dernière. On peut aussi tendre davantage sa propre membrane du tympan , et éprouver ainsi la même influence. Il y a deux manières de tendre davantage la membrane du tympan sur le cadavre , abstraction faite de la traction du marteau. L'une consiste à raréfier l'air dans la cavité du tym- pan , en l'aspirant par la trompe d'Eustache , l'autre à con- denser ce même air , en soufflant dans la trompe. Dans le pre- mier cas, la membrane est repoussée de dehors en dedans, et dans le second, elle l'est de dedans en dehors, sans que, dans ce dernier cas , le manche du marteau cède , de sorte que le milieu de lamembrane du tympan conserve sa situation, même lorsqu'il y a écart vers le dehors. DES ORGANES AUDITIFS. Si'] Rien n'est plus facile que de pratiquer ces deux modes de tension sur le vivant , sur soi-même. Il faut pour cela se bou- cher le nez et fermer la bouche , puis faire une expiration forte et soutenue, ou bien distendre la poitrine, d'une manière éçalenaent forte et soutenue, par le mouvement d'inspiration. Dans le premier cas , l'air condensé pénètre avec bruit dans la caisse du tympan , et au moment même on entend mal. La même dureté d'ouïe a lieu quand la membrane vient à être tendue de dehors en dedans par l'effet de l'inspiration. Wol- laston est le premier qui ait observé ce phénomène. Comme , dans le second cas , la dureté d'ouïe persiste même après qu'on a ouvert la bouche , parce que le collapsus des parois des trompes d'Eustache qui a été déterminé par l'inspiration précédente , ne permet pas à l'équilibre de se rétablir , on a aussi l'occasion de remarquer que même sa propre voix est moins bien entendue lorsque la membrane du tympan éprouve une tension plus considérable. Quand j'ai rendu la tension de la membrane plus grande par la condensation de Tait* de la caisse du tympan , il arrive ordinairement qu'en ouvrant la bouche ou débouchant le nez l'équilibre renaît promptement entre l'air de la caisse et celui du dehors , de sorte qu'en général l'ouïe se rétablit sur-le-champ. Mais il arrive aussi quelquefois que le rétablissement a lieu d'une manière gra- duelle. Lorsqu'au contraire c'est en raréfiant l'air de la caisse du tympan que j'ai procuré plus de tension à la membrane , la dureté d'ouïe dure presque toujours fort long-temps , et pendant toute sa durée je sens très distinctement que mon tympan est tendu. Dans les deux cas , si la dureté d'ouïe et le sentiment de tension de la membrane ne se dissipent pas d eux- mêmes à l'ouverture de la bouche, je puis les faire disparaître par un mouvement particulier dans l'oreille , que je démontre- rai plus tard être un mouvement volontaire du muscle tenseur du tympan. Il est vraisemblable que Técariement des parois amollies des trompes d'Eustache dépend d'une légère com- 5j& des formes et DE3 PROPRIÉTÉS pression que la traction de la membrane par son muscle ten- seur exerce sur l'air de la caisse du tympan. Celui qui ne peut pas exécuter ce mouvement du muscle tenseur du tympan , parvient j^ans peine à se débarrasser de la dureté d'ouïe pro- duite par l'une des deux méthodes en ayant recours au-moyen inverse ; si elle a été déterminée par le rejet de la membrane en dehors , il suffit de faire une forte inspiration en se bou- chant le nez et la bouche ; dans le cas contraire, c'est à une forte expiration qu'il faut recourir. Si l'air extérieur est très-condensé, sans que celui de la caisse du tympan puisse se mettre aussitôt en équilibre avec l'atmosphère , à cause de l'application exacte l'une contre l'autre des parois des trompes d'Eustache , la membrane du tympan est naturellement rejeiéeen dedans, elle éprouve une tension plus grande , et il y a alors dureté de l'ouïe. C'est ainsi , selon moi, qu'on doit expliquer l'énigmatique observa- tion faite par Colladou dans la cloche du plongeur, où il n'en- tendait que faiblement et la voix de ses compagnons et la sienne propre. On ne saurait se rendre raison du fait en ad- mettant , comme l'ont fait quelques personnes, que la trans- mission du son s'opère moins bien lorsque l'air extérieur est condensé , car il est constant que l'air condçnsé conduit mieux le son. La dureté d'ouïe qui provient d'une plus grande tension de la membrane du tympan, n'est pas générale pour les sons aigus et pour les sons graves en même temps. Wollaston a observé que quand il accroissait la tension de son tympan, en raréfiant l'air de la caisse y il ne devenait sourd que pour les sons gra* ves. S'il frappait du bout du doigt sur une table , la planche donnait un sou grave sourd , mais s'il se servait de l'ongle, il entendait un son plus a?gu et plus pénétrant • après avoir ra- réfié l'iiir dans la caisse de son tympan, il n'entendait que ce dernier so*, et i>e percevait pas l'autre.; le bruit sourd et grave d'uuQ voUure n'était, plus aperça , t^dia que celui dm DES ORGANES AUDITIFS; Sl^ chaîoes et des autres pièces en fer de l'attelâgé l'était par- faitemenL Ces expériences sont exactes , et je crois qu'aved un peu d'exercice , chacun pourra s'en convaincre sur soi- même. Du reste , il est à remarquer que la tension de la mem- brane du tympan par condensation de l'air produit le même résultat. Le bruit sourd d'une voiture qui passe sur un pont, celui du canon lire au voisinage de mon habitation , celui en* fia de tambours éloignés s'effacent instantanément lorsque moa tympan vient à être tendu de Tune ou de l'autre manière , taudis que j'entends très-bien le piétinement des chevaux et le craquement du papier. L'effet est très-remarquable à l'é- gard du tic-iac d'une montre placée à huit pieds de moi; je lé distingue tout aussi bien et peut-être même mieux que dam rétat ordinaire quand mon tympan est tendu , tandis que cette tension éteint instantanément pour moi tous les bruits sourds de la rue. L'explication de ces phénomènes ne présente aucune diffi- culté d après ce qui précède. Plus le tympan est tendu , plus le son fondamental de celte membrane et tous les sons qu'elle pourrait donner avec des nœuds de vibration s'élèvent , mais plus aussi son pouvoir de consonnance relativement aux sons graves diminue. Plus un son est homologue au son propre da tympan très- tendu , plus on l'entend facilement lorsque la ten- sion de celte membrane augmente. Ici se présente une application à la pathologie. Il n*est pas très-rare que les personnes qui ont l'oreille dure n'aient perdii que la faculté d'entendre les sons graves, tandis qu'elles Coiî- servent celle d'entendre les sons aigus , quoique , d'ailleurs , elles perçoivent ceux-ci plus faiblement. Un de mes collègues à l'Université, qui a l'oreille dure, entend les sons aigus mieux que les sons graves. Dans un pareil cas, il y a tout lieu de penser que la membrane du tympan est trop tendue. Cette circonstance peut acquérir de 1 importance pour le diagnostic si obscur de» maladies de l'oreille. La tension trop grande du tympan peut 520 DES FORMES ET DES PROPKléTES naturellement être produite de plusieurs manières différentes; d'abord par obturation de la (rompe dEustache , à la suite de laquelle, l'air se dilatant sous l'influence de la chaleur du corps, ou subissant une résorption partielle , la membrane éprouve une forte tension, soit en dehors, soit en dedans ; en- suite par contracture du muscle tenseur : chez mon collègue, la trompe est libre , puisqu'il conserve la faculté de faire passer de l'air dans la caisse du tympan. On conçoit que la perfora- tion de la membrane du tympan ou de l'apophyse mastoïd© serait utile dans le premier cas , tandis qu'elle ne servirait à rien dans le second. C'est peut être ainsi qu'on doit expliquer en partie les résultats si divers que cette opération a en- traînés. La part que prend le muscle tenseur du tympan aux modi- ficatioDS de Touie, se conçoit aujourd hui d'après les principes que j'ai posés. Si l'on peut admettre comme une chose très-probable qu'à l'occasion d'un son très-fort, ce muscle entre en action par l'effet d'un mouvement réflectif , de même que l'iris et le mus- cle orbiculaire des paupières font lors d'une impression de lumière très-vive , attendu que l'irritation est transmise des nerfs sensoriels au cerveau , et du cerveau aux nerfs moteurs, il devient évident que quand un bruit très-intense frappe l'o- reille , le muscle tenseur du tympan peut assourdir l'ouïe par son mouvement réflectif, puisqu'un son intense provoque déjà, par un effet de réflexion , le clignement des paupières , et même la contraction convulsive , le tressaillement d'un grand nombre de muscles , chez les personnes qui ont le système nerveux très impressionnable. L'hypothèse n'a donc rien que de probable (1). Quand, par une cause quelconque, ie muscle (1) Un bruit très-fort, comme celui du canon, lorsqu'il éclate au voisi- nage de l'oreille, peut d'ailleurs aussi produire un son propre de la meiii- Inane du tympan par l'effet d'une dépression de cette dernière. C'est du DES ORGANES AUDITIFS. 521 tenseur du tympan imprime davantage de' tension à celte membrane , l'aptiiude à entendre les sons graves doit , en ou- tre , diminuer davantage que la faculté de percevoir les sons aigus. ^ Ici on se demande si ce muscle est soumis à l'empire de la volonté. Mes observations m'ont appris que le muscle interne du marteau et celui de Tétrier se comportent au microscope comme tous ceux de la partie animale du corps , c'est-à-dire que les faisceaux primitifs portent des stries transversales ré- gulières. Quant à ce qu'on appelle les muscles externe et antérieur du marteau , auxquels on attribue pour usage de relâcher le tympan , ce ne sont point des muscles. Je n'ai pu reconnaître dans l'externe aucun des caractères propres aux muscles , et qui sont si prononcés dans l'interne; ce n'est qu'on simple ligament. Mais les deux muscles réels des osselets de Fouie appartiennent , sans le moindre doute , au système ani- mal. A la vérité, les muscles du système vasculaire , le cœur et les cœurs lymphatiques , ont aussi des rides transversales, et ce caractère n'est point exchisif aux muscles qui provien- nent du feuillet extérieur de la membrane proligère , puis- qu'on le retrouve également dans ceux qui émanent du feuillet médian, ou de la couche vasculaire, de cette membrane. Mais les muscles organiques des viscères sont constamment dépour- vus de stries transversales sur les faisceaux primitifs de leurs fibres. Comme, en outre, les petits muscles de Toreille externe sont soumis à la volonté (je les contracte manifestement, sur- tout celui de Tantitragus ) , il n'y a pas de motif pour refuser de placer ceux de la caisse du tympan dans la même caté- gorie. Enfin , on peut alléguer en faveur de ce rapprochement l'origine de la corde du tympan , qui naît du nerf ptérygoï- moins ce que je crois avoir remarqué en moi. Le bruit du canon me fait éprouver en même temps une secousse analogue à celle que l'on entend lorsqu'en fermant la bouche et se bouchant le nez on tend subiJement la membrane du tympan de dehors en dedans par inspiration. Saô MS FORMES ET DES PROPRIÉTÉS dien interne , et celle du nerf de Vétrier, qui provient du nètt facial. Fabrice d'Aquapendente enseignait déjà que le muscle in- terne du marteau obéit aux ordres de la volonté. Il disait pou- voir agir à son gré sur ce muscle , parce qu'il avait la faculté d'exciter à volonté du bruit dans son oreille. Il ne lui était possible que de déterminer le mouvement dans les deux oreilles à la fois. Mayer connaissait un homme qui était telle- ment maître du mouvement de ses osselets d'ouïe, qu'on en- tendait distinctement ces petits os crépiter lorsqu*on accollait l'oreille à la sienne (1). Je possède cette faculté dans les deux oreilles , mais plus prononcée dans la gauche , et je puis même restreindre Tinfluence de ma volonté à n'agir que du côté gauche. Le bruit consiste en un craquement , semblable au pétillement de Tétincelle électrique , ou au son qui se fait entendre lorsqu'on appuie le bout du doigt enduit d'une sub- stance visqueuse sur du papier et qu'on le retire brusquement. Si quelqu'un se bouche l'oreille et la met en communication avec la mienne au moyen d'une verge, il entend ce craque- ment. On le discerne encore en appliquant son oreille libre sur la mienne , et même à une certaine distance , jusqu'à un ou deux pieds. Une personne la discernait , sans conducteur et sans bouchon dans les oreilles , à une distance de trois pieds , lorsque mon oreille était placée dans la direction de la sienne ; à chaque mouvement que je produisais dans mon tym- pan , elle indiquait le résultat. Il me reste maintenant à prou- ver que ce bruit est réellement occasioné par la contraction du muscle interne du marteau et par l'action de ce muscle sur la membrane du tympan , qu'il tire en dedans , produisant ainsï un effet semblable à celui qui résulterait dun choc imprimé du dehors. Ce qui l'annonce déjà , c'e.^t que quand je pousse de Tair par la trompe d'£ustache , après avoir fermé la bouebo (1) LiHCKE , Handbuch der Ohrenheilkunde , X. t, p. 472. DES ORGANES AUDÏTlfS. 5!î3 et m'être bouché le nez , outre le bruissement dû à l'effort de cet air contre la membrane du tympan , j'entends parfois aussi le craquement qui m'est si bien connu , et je l'entends au mo- ment où je cesse d'exercer la pression , c'est-à-dire quand la membrane revient à sa situation première. Ce son peut éga- lement êire entendu par une autre personne. L'examen de la cavité buccale pendant que je produisais le craquement vo- lontaire dans l'oreille , me parut devoir offrir un intérêt partî- cuiier. En contemplant la bouche et l'arrière-bouche à l'aide d'un miroir, je vois que je fais mouvoir en même temps les muscles supérieurs du palais , puisque le voile du palais ne manque jamais de s'élever. Ceci conduirait à penser que le bruit dépend de ce que Télévation du voile du palais déter- mine un courant d'air vers les orifices des trompes d'Eusth- che. Mais la conjecture est fausse ; car je puis élever le voile du palais autant qu'il est permis de le faire , sans que le bruit se fasse entendre. Par exemple , lorsque je chante , la bouche largement ouverte devant un miroir, je vois le voile du palais s'élever autant que possible dans les sons aigus , même dans les légers sons de fausset, et cependant le bruit n'a pas lieu dans mes oreilles ; mais j'ai la faculté de le produire à volonté pendant cette élévation du voile. Ceci réfute en même temps l'objection que je m'étais faite d'abord , celle que , en raison de l'origine des muscles supérieurs du palais^ leur contrac- tion fait naître de la portion cartilagineuse des trompes d'Eus- lache , par la pression qu'elle exerce sur ces conduits , un son qui se transmet à Tdrgane auditif . celte idée était déjà ren- versée d'ailleurs par le fait que je ne suis pas le seul qui en- tende le mouvement, puisque d'autres peuvent aussi distin- guer, à plusieurs pas de distance, le craquement qu'il déter- mine. Ce mouvement paraît donc être une contraction volon- taire du muscle inierne du murieau. Indépendamment du craquement , je produis encore , à volonté , un second san dans l'orgâBe auditif , et cela des deax 5^4 ^^^ FORMES ET DES PROPRIETES côtés. C'est un bourdonnement, qui peut durer une seconde et davantage. Il a lieu aussi avec élévation du voile du palais, et paraît réellement dépendre de la contraction des muscles palatins. Il se manifeste quelquefois quand je bâille, ou que j'ai des rapports , même lorsque ces phénomènes résultent d'un acte de ma volonté. Parmi les mouvemens qui produisent le craquement comme mouvement d'association ^ je citerai chez moi la déglutition ; mais il n'accompagne pas toujours et nécessairement cette dernière. Du reste, pendant que je pro- duis un son craquant , je n'en entends pas moins nettement d'ailleurs , tandis que le bourdonnement , qu'il faut bien dis- tinguer dé ce son , trouble l'audition. Une contraction involontaire du muscle interne du marteau doit déterminer un bruit dans l'oreille. Plus d'une personne sans doute en aura entendu de semblables. La manière d'agir du muscle de Tétrier dans l'audition est inconnue. Il tire l'osselet de manière que sa plaque devienne oblique dans la fenêtre ovale , car elle s'enfonce un peu plus dans celte dernière du côté de la traction , et en sort d'autant de l'autre côté. Le seul effet qu'on pourrait lui attribuer, d'a- près ce mode d'action , serait , à mon avis , de tendre la mem- brane qui unit la plaque de l'étrielr avec la fenêtre. D. Fenêtre ovale et fenêtre ronde. La transmission par deux fenêtres n'est point une condition indispensable pour entendre, chez les animaux aériens pourvus d'une caisse tympanique ; car, ainsi que le prouvent les expé- riences précédemment rapportées , le son peut se communi- quer avec intensité à l'eau tant par une membrane tendue ( tympan secondaire ) , que par un corps solide mobile qui se trouve uni à une membrane tendue. L'anatomie comparée nous en fournit effectivement la preuve ; car les Grenouilles , bien qu'elles soient pourvues d'un tympan complet d'ailleurs, n'ont point de fenêtre ronde , et chez elles la transmission ne DES ORGANES AUDITIFS. SsS s'accomplit que par la chaîne des osselets. Dans ce cas , Tair de la caisse tympanique entre à peine^en ligne de conapte comme conducteur, puisqu'il ne peut pas communiquer ses ondes avec quelque intensité aux parties solides de l'organe auditif. Il sert principalement à isoler les osselets et la mem- brane du tympan. Lorsque les deux fenêtres existent concurremment avec une cavité tympanique , elles occasionent deux transmissions des ondes sonores à l'eau , l'une par des corps solides , l'autre par une membrane , et mes expériences prouvent que toutes deux ont de l'intensité. Celte disposition doit naturellement fortifier l'ouïe ; car alors l'eau du labyrinthe reçoit de deux points placés l'un à côté de l'autre des ondes circulaires , qui de plus produisent par leur croisement des condensations ou des protubérances plus considérables aux endroits de la dé- cussation. On se demande ici laquelle des deux transmissions est la plus forte , ou de celle qui va de la membrane du tympan à la fenêtre ovale par la chaîne des osselets, ou de celle qui va de la membrane du tympan à l'eau du labyrinthe par l'air de la cavité tympanique et la membrane de la fenêtre ronde. Jusqu'à présent ce problème n'a guère été résolu que par des hypothèses arbitraires. Les uns disent qu'il n'y a point de transmission par les osselets de l'ouïe , et ils se fondent sur l'exemple des personnes qui ont continué d'entendre après avoir perdu ces petits os, comme l'ont observé A. Cooper (1), et avant lui Galdani, Cheselden. D'autres nient la transmission par la fenêtre ronde, attendu qu'il résulte de faits nombreux que la destruction et la perte des osselets de l'ouïe abolissent la faculté d'entendre (2). Il ne convient pas d'admettre un mode exclusif de transmission, puisque chaque partie douée du {i) Philos. Tvans., iSOi. (2) HiLLER, Elem. physiol.^ t. V, p. 285. — Lt>-cKE, toc, cii,^ p. 465 J 526 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS pouvoir conducteur accomplit ce que les lois de la physique lui permettent de faire. 11 ne peut donc être question ici que d'une simple différence en plus ou en moins. Muncke , à qui l'on doit une revue critique des diverses opinions et de leurs fondemens respectifs (1) , admet une transmission plus éner- gique par les osselets de l'ouïe. Voici comment ce physicien raisonne. Supposons qu'une personne voulût tenir deux montres dont le tictac serait égala une même distance de son oreille , " mais Tune jointe à cette dernière par une verge osseuse, et l'autre suspendue librement dans Tair. De toute évidence , elle entendrait l'une parfaite- ment, et n'entendrait pas du tout l'autre. Il suffit de se rap- peler une expérience bien connue , celle de la force avec la- quelle on entend les sons d'une cuiller suspendue à un fil qui la fait communiquer avec l'oreille , tandis qu'on n'entend point du tout ces sons lorsqu'ils sont conduits par Tair. Mais ce cas, qui tendrait à prouver l'intensité plus grande de la transmis- sion par la chaîne des osselets , n'a point une parfaite ressem- blance avec ce qui a lieu pendant la transmission du son par la caisse du tympan. Les ondes sonores primaires des corps solides se rendent , sans nul doute , avec toute l'intensité pos- sible , immédiatement à la verge soljde qui touche l'oreille , et ensuite à celle-ci ; mais elles sont conduites faiblement lorsqu'elles ont l'air pour conducteur. Il n'y a qu'un son excité primairement dans l'air qui se propage avec beaucoup plus d'intensité de cet air à l'air, que de l'air à une verge so- lide. Dans notre problème , il s'agit de savoir si les ondes so- nores qui sont nées dans l'air, ou qui lui ont été communi- quées, et qui arrivent par l'air à la membrane du tympan, sont conduites plus facilement de celte membrane aux osse- lets ou à Tair de la caisse , et plus facilement des osselets à Teau du labyrinthe directement, ou de l'air de la caisse à cette même eau par l'intermédiaire du tympan secondaire. (1) Dans Rastker , Archiv fuer die gesammte Naturlehre^ t, VII, p. i- PEaE<)RPÀNES ADDITIFS. 627 La question peut également être posée ainsi : Quel est le système qui , l'air étant le point de départ , diminue le moins l'excursion des parties vibrantes , ou de celui dans lequel la transmission a lieu de Tair à une membrane tendue, puis de cette membrane à un corps solide limité et mobile , enfin de ce corps à de l'eau , ou de celui qui a lieu de l'air à une mem- brane tendue, puis de celle-ci à de l'air, de cet air à une autre membrane tendue , et de cette* dernière membrane à de l'eau P Les expériences que j'ai faites à ce sujet établissent très-positivement le fait suivant ^ V. Des vibrations qui passent de l'air à une membrane teU" due^ de celle-ci à des parties solides , limitées^ librement mo- biles , et de ces parties à de Veau , se communiquent avec beau- coup plus d'' intensité au liquide^ que des vibrations qui passent de l'air à une membrane tendue , puis à de l'air ^ puis encore à une membrane tendue^ et en dernier lieu à de Veau , ou , en ap- pliquant ce théorème à la caisse du tjrnipan , les mêmes ondes aériennes agissent avec beaucoup plus d^ intensité sur Veau du labyrinthe après avoir traversé la chaîne des osselets et la /e- nêtre ovale , qu^après avoir traç^ersé Vair de la cavité tympa- nique et la membrane de la fenêtre ronde. Fig. 70. J'imitai de la manière suivante le dou- ble appareil conducteur de la caisse du tympan. Un cylindre en verre (a), ayant deux pouces et demi de diamètre, sur six pouces de long, s'allonge , à l'une de ses extrémités, en un col, à Torifice duquel s'ajuste parfaitement le tuyau en bois (6), dont la lumière a huit lignes de diamètre. Le bout extérieur {b) s'adapte exactement à l'extrémité d'un sifflet en laiton d'un pied. Le bout intérieur est revêtu d'une membrane tendue (vessie de Cochon) (c), /« qui représente la membrane du tympan, pendant que h figure le conduit auditif 5 28 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS externe. Le cylindre de verre a son ouverture la plus large close par une plaque épaisse de liège {d) ; sa capacité inté- rieure représente la caisse du tympan. Dans deux trous dont la plaque de liège est percée, et qui sont situés à égale dis- dance de la circonférence du cylindre , s'adaptent parfaite- ment de petits et courts tuyaux de bois , dont la lumière a trois ou quatre lignes de diamètre. Ces deux petits tuyaux sont bouchés par line membrane à leur extrémité extérieure. Ils représentent les deux fenêtres. La membrane de Tun d'eux seulement (/*) est mise en communication, par une petite verge (^), avec la membrane supérieure qui garnit le com- mencement du cylindre c Cette petite verge en bois, qui figure la chaîne des osselets de l'ouïe , ne touche la membrane su- périeure, ou le représentant de la membrane du tympan, qu'à sa partie moyenne; mais elle touche la membrane infé- rieure , ou celle du petit tuyau f, dans la plus grande partie de son étendue , attendu qu'elle s'étale là en une plaque qui n'est qu'un peu plus petite que la membrane tendue sur le tuyau f. La petite verge est serrée entre les membranes, qu'elle lient toutes deux légèrement tendues. Ainsi le petit tuyau e est la fenêtre ronde, avec le tympan secondaire, et le petit luyauy est la fenêtre ovale. Si l'on lient l'extrémité inférieure de l'appareil dans l'eau , qu'on place le sifflet sur le tube -&, et qu'on le fasse parler, la transmission du son jusqu'à l'eau figure exactement sa double transmission depuis la mem- brane naturelle du tympan jusqu'à l'eau du labyrinthe. La membrane qui représente celle du tympan (c) reçoit des on- des, qui se propagent tant par la^verge g à la fenêtre ovale /", que par l'air du récipient , ou de la caisse tympanique à la membrane de la fenêtre ronde (e) , et passent en même temps dans l'eau. Si on laisse un vide à l'endroit où la grande plaque dans laquelle sont percées les fenêtres s'unit avec le cylindre de verre, entre le bord de ce dernier et le liège, et qu'on tienne l'extrémiié inférieure de l'appareil dans l'eau, de telle manière que les fenêtres louchent l'eau , mais que le vide DES ouganes auditifs. 5:^9 dont il vient d'être question soit dans Tair, l'air intérieur communique avec celui du dehors pendant la transmission , et Ton a une imitation de la trompe d'Eustache ; mais le résultat est absolument le même quand cette communication n'existe pas. Maintenant, l'expérimentateur qui s'est bouché les oreilles, dont l'une communique avec l'eau par le moyen d'un con- ducteur, peut, tandis qu'une autre personne soufle dans le sifflet , juger, d'après ses propres sensations, de l'intensité des ondes qui arrivent au liquide par les deux fenêtres. La diÛ'é- rence est très-considérable. Les ondes transmises de la mem- brane du tympan à l'eau par la baguette ont une intensité infiniment supérieure à celle des ondes que les mêmes vibra- lions de la membrane tympanique envoyent au liquide par Tair du réservoir et la membrane du tympan secondaire. On entend les forts sons de la fenêtre ovale jusque dans l'espace situé au devant de la fenêtre ronde. En conséquence , pour observer isolément la part bien faible que cette dernière fenê- tre prend à la transmission , il est nécessaire de retirer la verge de l'appareil , ou de fermer tout-à-fait l'ouverture qui correspond à cette fenêtre, en y adaptant un bouchon. Alors on remarque que la transmission à travers la membrane de la fe- nêtre ronde n'est que de peu de chose plus forte que celle à tra- vers les parties solides de la plaque de liège.] Il peut se faire que les ondes du même son transmises à travers les deux fenêtres diffèrent non seulement eu égard à l'intensité, mais encore, jusqu'à certain point, sous le rapport de la qualité ou du timbre. Les ondes qui parviennent à la fenêtre ronde demeurent des ondes aériennes jusqu'à la mem- brane de cette fenêtre. Celles des osselets de l'ouïe sont des ondes de corps solides. Or on sait qu'un même son varie de timbre, suivant les corps qui résonnent. Quelle différence n'y a-t-il pas , par exemple , entre le son d'un diapason, suivant qu'on le laisse résonner librement dans une soucoupe pleine n. 34 530 DES FORMES ET DES PROPRIETES d'air, ou qu'on le lient auprès des parois de cette soucoupe ? Quelle différence aussi n'offre pas le son d'une cloche qui ré- sonne dans l'eau , suivant qu'on le perçoit à Paide d'un con- ducteur plongé dans l'eau, ou qu'on l'entend tel qu'il sort du liquide pour se répandre dans l'air? Dans le premier cas , il est^retentissant, dans le second il ne l'est point. Des expé- riences directes sur ces différences dans la qualité des sons sont difficiles à faire, parce qu'il faudrait que les sons des deux fenêtres de l'appareil précédemment décrit fussent également forts, pour qu'on pût en comparer sûrement l'éclat. Mais celles que j'ai tentées sont plutôt favorables que défavorables à l'hypothèse que je viens d'émettre. Les ondes transmises par la fenêtre ovale agissent plus pro- chainement sur le vestibule et les canaux semi-circulaires ; celles qui sont transmises par la fenêtre ronde portent prin- cipalement sur le limaçon. Mais les ondes qui parviennent dans le vestibule , et qui s'étendent circulairement , arrivent aussi au limaçon. D'ailleurs, en général, le rapport de la fe- nêtre ronde avec le limaçon n*est pas un attribut constant de cette fenêtre , puisque lesGhéloniens ont l'une et l'autre fenê- tre , bien qu'ils ne possèdent pas de limaçon proprement dit. E. Trompe d'^Eustache, La trompe d'Eustache existe dans tous les cas où il y aune caisse du tympan. Les maladies qui l'atteignent prouvent qu'elle est d'une grande importance pour l'intégrité de l'ouïe. Son obturation entraîne constamment la dureté d'oreille et des bourdonnemens. Mais on ne peut pas déduire des obser- vations pathologiques si elle est immédiatement nécessaire à la netteté et à l'intensité de la transmission , ou si son occlu- sion ne contribue que d'une manière immédiate à l'altération de la faculté d'entendre. On conçoit , en effet , que cette alté- ration serait tout aussi grande par suite de l'oblitération de la trompe , si le conduit n'avait d'autre destination que de pré- DES ORGANES AUDITIFS. 53 1 venir la tension trop considérable de la membrane du tympan par la condensation et la raréfaction de l'air de la caisse ,ou si son usagée consistait à procurer, par son mouvement vibra- tile, l'excrétion du mucus engendré dans la cavité tympani- que. La repléiion de la caisse par des mucosités doit détruire tous les avantages de cet appareil conducteur. Les usages qu'on peut hypothéiiquement attribuer à la trompe d'Eustache , et qui lui ont été assignés en effet, sont les suivans, que nous examinerons l'un après l'autre. 1° Quelques uns croyent , mais à tort , qu'une masse d'air renfermé serait impropre à transmettre les vibrations. Saun- ders dit que quand la trompe d'Eustache est bouchée, l'air de la caisse du tympan ne peut s'échapper que par condensation, et qu'il détruit alors les vibrations. Muncke fait observer, à juste titre , que cette hypothèse est en contradiction avec les lois de la physique. Nulle évacuation n'est réellement néces- saire pour la propagation de l'ébranlement. 2° Le contraire de celte hypothèse se concilierait mieux avec les les lois de la physique. Car, si l'on fait abstraction de la.transmission par la chaîne des osselets, et que l'on compare l'air compris dans le conduit auditif et la caisse du tympan à la colonne d'air de ce qu'on nomme un tuyau de communica- tion, dans lequel les ondes sonores sont concentrées sans af- faiblissement , il devrait y avoir ici , comme dans un tuyau de communication, une ouverture latérale qui déterminât une extension partielle des ondes au dehors , et qui , dans le cas d'un ébranlement trop fort , modérât cette impression , en tant qu'elle agit de l'air sur la fenêtre ronde. 3o D'autres regardent l'inégalité de densité de l'air dans la caisse du tympan et au dehors de cette cavité comme un ob- stacle à l'audition. Tel est Muncke , entre autres. Je ne puis pas non plus partager cette opinion. La propagation des ondes par des couches d'air d'inégale densité semble bien affaiblir le son ; mais , dès que deux couches d'air semblables sont se- 532 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS parées par un corps solide , comme la membrane du tympan , la triple différence des milieux existe déjà. L'onde passe de l'air à la membrane , puis de la membrane à l'air , et il s'agit de savoir, non pas jusqu'à quel point Tair du dedans et l'air du dehors peuvent différer l'un de l'autre . mais jusqu'à quel point l'air intérieur est apte à recevoir l'onde de la substance de la membrane du tympan : car c'est de cette membrane , et non de Tair extérieur, qu'il reçoit la conden- sation. ", 4« La trompe est destinée à empêcher la résonnance de Tair contenu dans la caisse du tympan. Celte hypothèse est la moins soutenable de toutes. Car un espace plein d'air ré- sonne, que le réservoir soit ouvert à l'une de ses deux extré- mités seulement, ou à toutes deux. La simple résonnance se- rait plutôt un avantage qu'un inconvénient. La seule chose qui pourrait nuire serait qu'un espace plein d'air résonnât dans son propre ton. Sous le rapport de la résonnance des es- paces remplis d'air, il est à remarquer que l'air d'un tuyau ouvert , considéré comme colonne vibrante , est comparable à une colonne^de hauteur double contenue dans un tuyau couvert. 5° La trompe a pour usage d'accroître la résonnance. On peut envisager sous ce point de vue l'opinion de Henle , qui compare l'ouverture de la trompe d'Eustache dans la caisse du tympan aux trous percés dans la table du violon , et qui sont si nécessaires pour la production d'un son bien plein. Ces trous sont cause que non seulement la table du violon ré- sonne , mais encore l'air contenu dans la caisse. De même, l'air des cavités orale et nasale résonne pour l'audition, quoi- que les sons arrivent à l'oreille par le conduit auditif externe. Cette hypothèse ne saurait être , en général , contestée. Elle a pour elle les expériences directes sur l'effet résonnant de tuyaux latéraux qui sont posés sur un tuyau principal court avec lequel ils communiquent par une ouverture. Le son d*ua DES ORGÀNl^ AUDITIFS. 55j diapason que je tenais sur l'ouverture d'un court tuyau (long de quatre pouces et large d'un) muni d'un tuyau latéral long de deux pieds , me semblait plus fort que quand le son de l'instrument résonnait seulement dans l'air du court tuyau percé d'une petite ouverture latérale ; si l'ouverture est très- petite , il ne parait pas y avoir d'influence. On peut aussi chercher directement à reconnaître si , avec une ouverture aussi étroite que celle delà trompe d'Eustache, l'influence n'est pas en grande parlie éteinte. Voici comment on peut imiter d'une manière grossière l'appareil de transmis- sion de la caisse du tympan , avec la trompe d'Eustache. l'ig- 71- Un tuyau en bois (a), ayant huit ^ lignes de diamètre, sur trois pouces de long , est recouvert d'une mem- brane à l'une de ses extrémités, et il va en se rétrécissant du côté op- posé, de manière qu'on puisse l'in- sinuer profondément dans le con- duit auditif. Ce tuyau représente la caisse du tympan. Il est percé d'une très-petite ouverture sur le côté, et l'on peut adapter en cet endroit le tuyau latéral b. Le tuyau c remplit Toflice du conduit auditif externe. Le tuyau a s'ajuste parfaitement dans son intérieur. On ne saurait employer un son développé libre- — ? —ment dans l'air, attendu qu'il péné- trerait , tant par le tuyau h que par le tuyau c , et , après l'enlèvement du tuyau latéral h , par la petite ou- verture dont la caisse du tympan est percée. On est donc obligé d'en exciter un dans le tuyau c , et de telle manière qu'il se ré- / 534 I>ES FORMES ET DES PROPRIETES pande peu hors de ce tuyau. Ce qui m'a paru le plus conve- nable pour arriver à ce but , c'est qu'une personne applique ses lèvres à l'orifice du tuyau h , et qu'en se tenant le nez bouché , elle fasse claquer les unes contre les autres les dents des deux mâchoires ; le son produit par les dents peut se communiquer à l'air du tuyau, dans les parois duquel il se disperse peu , à cause des parties molles des lèvres , et l'air du tuyau c le conduit à la membrane et à l'air de la caisse tympanique. Si maintenant j'enfonce le bout ré- tréci de cette dernière dans mon oreille , je puis comparer l'intensité du son quand Touverture latérale de la caisse est bouchée, quand cette ouverture est béante, et quand le tube latéral b a été ajusté sur elle. Lorsqu'on met le doigt, pour la boucher , sur l'ouverture latérale qui représente l'embou- chure de la trompe , le son des dents est plus sourd que quand on laisse l'ouverture découverte, mais son intensité est peu ou point altérée ; la différence est bien moindre soit quand on adapte le tube latéral b , soit lorsque l'ouverture simple de- meure béante, sans tuyau qui la recouvre : en effet , dans les deux cas, l'éclat du son est le même , et Ton n'aperçoit non plus , du moins d'une manière certaine , aucune différence dans son intensité. Ainsi , dans le cas d'une ouverture étroite entre la caisse du tympan et l'espace aérien résonnant b^ celui-ci perd entièrement ou presque entièrement son impor- tance par rapport à un son qui ne peut point agir directement sur lui. 6° La trompe est destinée à débarrasser la transmission par l'appareil de la caisse tympanique d'un obstacle que présente une colonne d'air totalement renfermée, puisque, dans ce cas, ou la faculté conductrice de la membrane du tympan elle- même est trop faible, ou la résonnance de cette membrane et de l'air contenu dans la caisse est trop peu considérable. C'est là l'opinion la plus répandue eu égard aux usages de la trompe d'Eusiache. Itard la compare au trou sans lequel DES ORGANES AUDITIFS. 535 uùe caisse militaire ne rendrait qu'un son sourd et étouffé. Mais cet exemple est peu probant , et il n'a pas la moindre analogie avec les circonstances dont il s'agit ici. Car si une caisse militaire a plus d'éclat lorsqu'elle est percée d'un trou latéral , c'est parce qu'alors les vibrations aériennes excitées dans l'intérieur de la caisse traversent non plus seulement les parois de l'instrument et ses membranes , mais encore le meil- leur conducteur qu'elles puissent trouver , l'air lui-même , pour se répandre dans l'atmosphère et arriver à l'oreille. En outre, je ne trouve qu'une différence extrêmement faible dans l'éclat du son,lorsque le trou d'une petite caisse est bouché, ou quand il est béant. Du reste , on ne peut point songer à une augmentation de l'intensité du son au moyen des ondes qui arrivent à la caisse du tympan par Tair de la bouche et de la trompe d'Eustache. Car un homme bien constitué entend tout aussi bien quand il se ferme la bouche et le nez que quand il les ouvre. J'ai entrepris , relativement à la proposition mise en thèse , plusieurs expériences qui ne parlent point en sa faveur. Lors- que je fixais profondément, et d'une manière solide , dans une de mes oreilles, un tuyau court dont le bout antérieur était clos par une membrane , comme la seule pièce a de la figure précédente, et que je me bouchais bien l'autre oreille avec du papier mâché , un son excité dans la membrane elle-même se propageait sans affaiblissement à travers le tuyau. On con- çoit qu'il n'était pas possible de se servir d'un son excité dans l'air libre : car ce son , celui d'un sifflet par exemple, peut, au moyen de l'ouverture latérale , se communiquer avec plus de force à l'air intérieur du tuyau par l'air que par la membrane. Lorsqu'on fait rendre un son à cette dernière, en la frappant ou la frottant avec le doigt, le son est constamment sourd si on tient l'ouverture latérale bouchée , plus clair et en quelque sorte plus net , si on la laisse béante \ mais je n'ai pas pu aper- cevoir de différence notable dans son intensité. Il m'a même 356 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS semblé que, quand la membrane était mouillée , le son sourd avait plus de force pendant la fermeture du trou , que le son clair pendant son ouverture. On obtient un résultat en général analogue avec l'appareil indiqué dans la figure précédente. Si une personne applique ses lèvres à rorifice du tuyau d , et qu'elle fasse claquer ses dents , en se bouchant le nez , on en- tend très-distinctement le son , entre c et a , à travers l'air du tuyau et de la membrane , quand on enfonce bien a dans sa propre oreille. Qu'on enlève le tuyau 5, le son est plus sourd si Ton bouche l'ouverture latérale , et plus clair si on la laisse béante ; mais il n'y a pas de différence appréciable dans son intensité. D'après cela , on peut donc bien convenir qu'il est possible qu'un certain émoussement du son soit évité par la résonnance de l'appareil tympanique à travers la trompe ; mais on ne sau- rait accorder qu'il soit fortifié dans le sens qu'exprime la pro- position. Quelques autres expériences sur l'audition avec ou sans occlusion des trompes d'Eustache viennent à l'appui de cette conclusion. Il est hors de doute que le plus sûr moyen de dé- couvrir l'influence des trompes consisterait à pouvoir les bou- cher de telle manière qu'on ne condensât pas l'air de la caisse, et qu'ainsi on ne tendît point la membrane du tympan. Mais il n'est guère possible d'arriver là , et d'ailleurs l'expérimen- tateur qui se ferait sonder la trompe serait toujours dans le doute de savoir si elle est ou non parfaitement bouchée par l'instrument. Il faut donc renoncer à cette idée , comme peu fructueuse pour la physiologie. Les observations pathologiques ne fournissent non plus aucune donnée pour la solution du problème. Cheselden a observé une surdité subite après une injection d'eau dans la trompe. Saunders, au contraire, a vu, chez des personnes dont l'ouïe était dure , cette opération amener une amélioration qui durait aussi long-temps que le liquide injecté restait dans l'oreille. Ces résultats inverses pa- DES ORGANES AUDlTiFS. 53^ raissent dépendre de toute autre chose que de la perméabilité ou de locelusion de la irompe. Il faut ici avoir éj^ard plutôt à la tension de la membrane du tynjpan , que l'injection déter- mine, ou si , avant l'opération , la membrane était trop rejetée en dedans par la raréfaction de l'air, à la diminution de sa tension par la compression que le liquide injecté exerce sur Pair de la caisse du tympan. Mais il y a un autre moyen de parvenir à boucher et rouvrir ses trompes d'Eustache , avec tension , à la vérité plus considérable , de la membrane du tympan ; c'est , comme je l'ai dit dans le paragraphe précé- dent , de raréfier l'air de la caisse par un fort mouvement in- spiratoire qu'on accomplit tandis qu'on ferme la bouche et le nez. Ici les parois de la trompe s'appliquent l'une contre l'au- tre , ce qu'on reconnaît à ce que le renversement en dedans de la membrane du tympan , dont on a la perception distincte, persiste jusqu'à ce qu'on la fasse cesser par le mécanisme que j'ai indiqué. D'un autre côté, on peut rendre la trompe plus large qu'à l'ordinaire en faisant un mouvement expiratoire, la bouche close et le nez bouché , cas dans lequel aussi la mem- brane du tympan éprouve delà tension. Les circonstances sont donc à peu près les mêmes , à la densité de l'air près : dans les deux cas , la membrane du tympan est tendue , mais la trompe d'Eustache est élargie dans l'un , et bouchée dans l'autre. Or on entend également mal dans ces deux cas. 7° La trompe d'Eustache est destinée à l'audition de la voix. Cette hypothèse paraît être déjà suffisamment réfutée par d'anciennes observations , notamment par une ex.périence que Schelhammer a faite. Schelhammer s'introduisit un diapason vibrant dans la bouche ; il ne l'entendit presque pas ; mais , tenu au devant de la bouche médiocrement ouverte , l'instru- ment fit entendre un son très-fort , à cause de la résonnance de l'air de la cavité orale , et l'effet fut alors le même que quand on place un diapason vibrant sur le goulot d'une bou- teille. Nul doute cependant que le son résonûant ne soit pro- 538 DES FORMES ET DES PROPRTIÉTÉS duit en grande partie par la transmission de l'oreille externe au tympan. Il n'est pas facile d'entendre le mouvement d'une montre qu'on lient dans sa bouche, sans y toucher ni de la lan- gue ni des dents. Assurément l'expérience de Schelhammer n'est pas pleinement concluante ; car le son du diapason , par cela même qu'il vient d'un corps solide, se transmet difficile- ment à l'air, tandis que , dans le son de la voix, les ligamens delà glotte, quand ils entrent en vibration , communiquent simultanément des oscillations régulières à l'air , ainsi qu'il arrive dans tout instrument à anche. Cependant on peut se convaincre d'une autre manière que l'influence de la trompe sur l'audition de la voix est extrêmement faible. J'ai dit que les mouvemens respiratoires nous rendent maîtres de clore et d'ouvrir cette trompe à volonté. En soutirant l'air de la caisse du tympan , ou le raréfiant au moyen de l'inspiration , la bou- che et le nez étant clos , la trompe se ferme pour quelque temps , et en condensant l'air de la caisse par une expiration forte, les voies aériennes étant fermées, on la rend plus large que de coutume. Il s'agit donc uniquement de produire un son de voix , dans l'un et l'autre cas , pendant que la bouche et le nez sont fermés, ce qui n'est pas impossible , du moins pour un bourdonnement de faible durée. Dans l'un, comme dans l'autre cas, on l'entend très-distinctement, et il y a peu de différence , le son n'étant que de très-peu de chose plus fort quand la trompe est dilatée que quand elle est close. Ce n'est donc point , à coup sûr, par le moyen principalement de la trompe d'Eustache que nous entendons notre voix. Il part de la bouche des ondes sonores circulaires ; les segmens posté- rieurs de ces cercles rencontrent la conque , et sont réfléchis vers le tragus , puis de celui-ci dans le conduit auditif : or la conque de l'oreille externe offre , à mon avis , la situation pré- cisément qui convenait le mieux pour favoriser la réflexion des ondes sonores parties de la bouche. Mais nous entendons aussi notre voi^ par la transmission du son de Tair aux parois DES ORGANES AUDITIFS. 539 du nez et de la bouche , puis aux os de la tête , et plus immé- diatement encore par une simple chaîne de parties solides étendue jusqu^au labyrinthe, savoir, à partir des ligamens de la glotte , par les parties molles et solides du col et delà tête. Ce qui prouve combien ce mode de transmission doit être effi- cace, c'est que nous entendons le bruit totalement emprisonné par les parties solides de noire corps , les borborygmes dans l'intestin , et autres semblables. Ou se fait une meilleure idée encore de l'audition de notre propre voix par propagation à travers des parties solides , en se bouchant les oreilles , intro- duisant un conducteur dans l'une, et l'appliquant par l'autre bout sur le larynx d'une personne qui parle : on entend alors la voix de cette personne au milieu des mêmes circonstances dans lesquelles on. entend la sienne propre. Il est vrai que l'o- blitération maladive de la trompe rend l'ouïe dure pour les sons extérieurs , mais elle ne fait pas qu'on entende mal sa propre voix , comme l'ont observé Aulenrieth (1) et Lincke (2). 8* La trompe sert à évacuer le mucus de la caisse du tympan par son mouvement vibratile. On ne saurait douter de cela , et la replétion du tympan par des mucosités explique même en partie la dureté d'ouïe qui s'observe après l'oblitération des trompes. Cependant telle ne peut point être l'unique destina- tion de ces organes. 9*^ La trompe est destinée à mettre Tair de la caisse du tym- pan en équilibre avec l'air extérieur, spécialement à éviter la trop grande tension de la niembrane, qui serait la suite d'une condensation ou d'une raréfaction permanente de l'air, et qui entraînerait la dureté de l'ouïe. Voilà ce qui me paraît être le but principal dé la trompe d'Eustache , de cet appareil qu'on rencontre partout où il y a une caisse et une membrane du tympan. Ce n'est pas de la condensation ou de la raréfaction (1) Dans Reil, Arch., t. IV, p. 321. (2) Loo, dt,^ p. 502. 5/|0 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS de Fair qu'il s'agit surtout ici , mais de la tension de la mem- brane du tympan, qui en est la conséquence nécessaire, et qui ne manque jamais de rendre Touïe dure , car l'effet est le même dans l'une et l'autre hypothèse. C'est aussi sous ce point de vue que , dans beaucoup de cas de surdité par occlusion chroûique de la trompe sous l'influence d'une maladie quel- conque , on doit juger l'utilité du caihétérisme et la coïnci- dence de ses résultats avec ceux de la perforation du tympan et de la térébration de l'apophyse mastoide. Je ne nie pas pour cela les autres avantages que procure la trompe, et que j'ai déjà appréciés ; loin de là , ceux auxquels j'attache le plus d'importance, après l'usage assigné dans ce paragraphe , sont la modification que les trompes apportent au son, qu'elles dé- barrassent de sa sourde résonnance , l'accès qu'elle procure à l'air dans la caisse , et l'issue qu'elle procure aux sécrétions de cette cavité. Chez l'homme dont la trompe d'Eustache a une largeur suf- fisante , l'équilibre doit se rétablir d'une manière insensible lorsque l'air extérieur augmente rapidement de densité. Mais les observations faites sous la cloche du plongeur prouvent qu'en d'autres cas, les choses ne rentrent point insensiblement dans l'ordre , et que le trouble de l'équilibre peut persister durant quelque temps. Carus a remarqué qu'en gravissant de hautes montagnes , il éprouvait de la tension dans l'oreille , et que quand il était parvenu à une certaine élévation , il y en- tendait un craquement , ce qui se répétait à des distances d'environ six cents pieds. On conçoit que le degré auquel ce phénomène a lieu, chez d'autres personnes, dépend en partie de circonstances individuelles. Je ne me souviens pas d'en avoir jamais fait le sujet d'observations sur moi-même. Au reste, j'aurais soin, en pareil cas, avant que le trouble de réquilibre arrivât au maximum, de le faire cesser par l'action volontaire du muscle interne du marteau , qui , comme je l'ai dit, produit aussi un craquement dans mon oreille. DES ORGANES AUDITIFS, 54 1 Muncke admet que le tympan secondaire de la fenêtre ronde sert , dans le cas d'une violente secousse dirigée contre Teau du labyrinthe, à modérer l'impression, en fuyant pour ainsi dire devant le coup. Le son peut, à la vérité, être dérivé dans un canal aérien ou dans un tuyau de communication , quand les parois qui retiennent les ondes, à cause des difficul- tés de la transmission , présentent une ouverture ; mais les ondes impulsives de l'eau se transmettent très-facilement à des corps solides. F. Conduit auditif externe. Le conduit auditif externe a de l'importance dans la trans- mission du son , sous trois points de vue : d'abord , parce qu'au moyen de l'air qu'il renferme , il conduit directement à la membrane du tympan les ondes sonores qui tombent de l'air , et rassemble ces ondes ; en second lieu , parce que ses parois mènent les ondes communiquées à l'oreille externe, par le chemin le plus direct, au point d'attache du tympan, et ainsi à cette membrane elle-même; enfin, parce que la masse d'air limitée qu'il circonscrit est susceptible de résonnance, , Gomme conducteur aérien, il reçoit les ondes aériennes di- rectes , qui doivent produire l'effet le plus puissant lors- qu'elles tombent dans son axe. Si elles parviennent oblique- ment au conduit , elles sont conduites par réflexion à la mem- brane du tympan. Le conduit reçoit aussi de cette manière , par réflexion, les ondes qui viennent choquer la conque de l'oreille , lorsque leur angle de réflexion est capable de les jeter vers le tragus. Celles des ondes sonores de l'air qui ne parviennent dans le conduit ni immédiatement ni par réflexion, peuvent encore s'y introduire en partie par inflexion ; ainsi , par exemple , les ondes aériennes dont la direction est celle de l'axe longitudinal de la tête, et qui passent au devant de Toreille, doivent , d'après les lois de l'inflexion sur les bords du conduit auditif externe , s'infléchir dans ce dernier. Ce- 542 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS pendant les ondes les plus fortes sont , dans tous les cas , cel- les qui viennent directement ; ni les ondes réfléchies , ni les infléchies ne les égalent sous ce rapport. Delà vient qu'on peut juger de la direction du son , en portant son conduit auditif externe dans des directions diverses. Les parois du conduit auditif doivent encore être étudiées comme conducteur solide ; car , en les traversant , les ondes qui se communiquent au cartilage de l'oreille sans subir de réflexion , arrivent à la membrane du tympan par la voie la plus courte. Les oreilles étant bien bouchées , le son d'un sif- flet est plus fort lorsqu'on pose le bout de cet instrument fermé par une membrane sur le cartilage même de l'oreille, que quand on l'applique sur la surface de la tête. Enfin , l'air limité du conduit auditif a encore de l'impor- tance en raison de son aptitude à résonner. Tout espace limité d'air résonne. Il suffit d'alonger le tuyau du conduit auditif externe par un autre tuyau qu'on y implante, pour se convain- cre de cette influence : on entend alors avec beaucoup plus d'intensité tous les sons , quels qu'ils soient , même sa propre voix. Si l'on ajoute des tuyaux plus longs , la colonne d'air rend même le son qui lui est propre eu raison de sa longueur, comme l'ont fait voir les frères Weber. Lorsque les colonnes d'air sont petites , cette consonnance n'a plus lieu , et l'on n'observe qu'un simple renforcement par résonnance. G. Cartilage extérieur de V oreille. Le cartilage de l'oreille produit en partie la réflexion, en partie la condensation et la transmission des ondes sonores ; sous le premier point de vue , la conque surtout mérite notre attention, puisqu'elle rejette les ondes sonores de l'air vers le tragus, d'où elles parviennent dans le conduit auditif . Les au- tres inégalités de l'oreille ne sont point favorables à la ré- flexion. Mais on ne pourrait les regarder comme sans but qu'autant qu'on perdrait de vue que le cartilage auriculaire DES ORGANES AUDITIFS. 543 est lui-même conducteur des ondes sonores. En effet , il re- çoit des ébranlemens de l'air, et, comme corps solide, il ré- fléchit les uns, transmet et condense les autres, ainsi que le ferait tout autre corps solide et élastique , et ainsi que Savart l'a dit avec raison. Il reçoit lés ondes sonores dans une grande largeur, et les conduit à son point d'insertion. On peut se faire une idée de la progression de l'ébranlement dans le car- tilage auriculaire , d'après les recherches de Savart sur la pro- pagation duchoc dans des corps à branches diversement pla- cées, expériences dont je me suis servi plus haut pour expli- quer la marche du son dans la chaîne des osselets de l'ouïe. L'onde impulsive communiquée à ce cartilage n'en suit point les inflexions ; mais, comme elle le traverse sans changer sa direction primitive, les parties limitrophes du cartilage, quelque diversifiée qu'en puisse être la situation , sont chas- sées par le choc dans une direction absolument la même. Cet effet a lieu de molécule à molécule , jusque dans l'intérieur de l'oreille, à la membrane du tympan et aux os de la tête. Il est vrai que la connexion des parois du conduit auditif avec les parties solides de la tête entière , donne lieu à une certaine dispersion , mais les points d'attache de la membrane du tym- pan reçoivent les ondes par la voie la plus courte , et les trans- mettent aussi sûrement à la membrane que la paroi d'un tambour les communique à la peau , ou le chevalet d'une corde à celle-ci. Mais , en considérant le cartilage auriculaire comme conduc- teur, toutes ses inégalités, élévations et enfoncemens, qui n'avaient aucun but par rapport à la réflexion du son , en ac- quièrent un. Car les élévations et les dépressions sur lesquel- les les ondes sonores tombent perpendiculairement , seront celles qui les recevront avec le plus de force. Mais les inéga- lités sont tellement diversifiées, que les ondes sonores, de quelque lieu qu'elles viennent , seront toujours perpendicu- laires à la tangente de l'une d'elles. De cette manière , on 544 ^^^ FORMES ET DES PROPRIÉTÉS conçoit le but de la singulière conformation de Toreille externe. L'oreille externe des animaux ressemble tout-à-fait à un cornet acoustique dont la direction appartient à la volonté , où les ondes aériennes marchent condensées dans l'air , et dont les parois font en même temps Toffice de conducteur. Elle allonge en outre la colonne d'air résonnante du conduit auditif externe, comme le fait un cornet acoustique (1). H. Corps solides et air résonnans au pourtour du labyrinthe. Tout corps solide limité et toute masse d'air limitée devient un appareil de résonnance au voisinage du labyrinthe. Il faut envisager ainsi non seulement les os de la tête , mais encore tous les cartilages et toutes les membranes qui avoisinent l'or- gane auditif. La résonnance de masses d'air limitées fait que notre voix devient plus distincte , non seulement pour les autres , mais même pour nous. Tout espace d'air limité résonne, quand on produit un son. Si l'on place le diapason vibrant sur le goulot d'une fiole à médecine , l'air contenu dans la petite bouteille résonne avec beaucoup de force , tandis que la résonnance est bien plus faible quand on tient le diapason dans le voisinage des parois de la fiole. L'air d'un tuyau résonne avec force , que ce tuyau soit ouvert à Tune de ses extrémités seulement, ou aux deux bouts. Si l'on tient le diapason vibrant immédia- tement au devant de la bouche , la résonnance est extrême- ment forte , et entendue tant par celui qui tient Tinslrument que par une autre personne (2). (1) Il arrire fréquemment qu'en parlant du cornet acoustique et du porte-voix, on néglige le grand renforcement du son par la colonne d'air limitée et résonnante du tube. (2) La résonnance sonne comme u quand on ouvre peu la bouche , et comme a lorsqu'on l'ouvre davantage. Le son d'un diapason placé au des- sus d'un tube de largeur égale, ayant huit lignes de diamètre et trois pou- DES ORGANES AUDITIFS, 545 L'enfonce-t-on , au contraire, dans la bouche largement ouverte , le son en est extrêmement faible , tant pour nous- mêmes que pour les autres. C'est à cela qu'il paraît tenir que les personnes dont l'oreille est dure , ont l'habitude d'ouvrir la bouche. On ne doit point songer ici à une audition supplé- mentaire par les trompes d'Eutache, puisque le son d'un dia- pason profondément enfoncé dans la bouche est entendu irès-faible. Cependant l'habitude qu'ont ces personnes de te- nir la bouche ouverte , tient peut-être à ce qu'alors la portion cartilagineuse du conduit auditif externe devient plus large, comme l'a déjà fait remarquer Elliot. En tous cas , la force de l'audition , lorsqu'on se fait parler , à travers un tuyau , tous près de la bouche ou du nez, dépend en partie de la résonnance des cavités aériennes. L'air du conduit auditif externe et de la caisse du tympan résonne aussi. On s'en aperçoit déjà lorsqu'on alonge le con- duit auditif par le moyen d'un tuyau qu'on y implante. Non- seulement on entend un bruissement causé par le mouvement du sang dans l'oreille, comme aussi les petits mouvemfens qui ont lieu dans l'air , malgré son apparent repos, et qui, sans être nécessairement des ondes sonores, déterminent l'air du tube à produire du son , par un effet semblable à celui que le souffle détermine dans un sifflet, mais encore tout son quel- conque , tant celui de sa propre voix , que celui des corps ex- térieurs , est accompagné d'une bruyante résonnance. Et si l'on peut constater le fait en allongeant le conduit auditif par l'implantation d'un tuyau , on y parvient aussi eu raccourcis- sant la colonne d'air de ce conduit par un bouchon qu'on y enfonce profondément : car alors, non seulement tous les sons des corps extérieurs paraissent plus faibles, à cause de l'in- ces et demi de long , el posé lui-même sur la table, est aussi celui de Vu q««nd on rétrécit l'ouverture avec la main, et ressemble davantege à ïa lorsqu'on laisse l'ouverture du tube entièrement libre. Il, 35 546 DES foumes et des propriétés teiTuption qu'éprouve la transmission , mais encore on entend moins bien celui de sa propre voix. En disant qu'il ne tombe point alors d'ondes sonores de la bouche dans le conduit au- ditif, on n'explique pas le phénomène d'une manière suffi- sante. Assurément , lorsque le conduit auditif est ouvert , les ondes sonores circulaires de notre voix , qui partent de l'ou- verture de la bouche dans toutes les directions, y tombent, jusqu'à un certain point , et par la réflexion qu'elles éprouvent de la part de la conque , et par inflexion ; mais on peut neu- traliser complètement cette influence, et la voix n'en demeure pas moins forte, quand tout le conduit auditif contient encore de l'air. Si l'on pose les mains à plat immédiatement devant les oreilles , de manière qu'aucune onde sonore de notre pro- pre voix ne puisse plus tomber dans celles-ci , on n'en entend pas moins sa propre voix avec une grande force , parce qu'ici Il y a encore la colonne entière d'air résonnant du conduit au- ditif externe. Mais si l'on bouche en grande partie ce dernier avec le petit doigt ou avec du papier mâché , on n'entend plus que faiblement sa propre voix. La suppression de la ré- sonnance de l'air du conduit auditif est donc en partie la cause qui fait qu'on entend si faiblement sa propre voix lorsqu'on se bouche les oreilles. lY, TransmissioB par la caisse du tympan , et transmission par les os de la tête. La transmission du son par la caisse du tympan imprime au labyrinthe des ébranlemens à travers les fenêtres , d'où les ondes se répandent ensuite dans l'eau labyrinthique. La transmission au labyrinthe par les os de la tête , qui est la seule chez les Poissons osseux, amène les ondes sonores à ce dernier de tous les côtés avec la même facilité. Cette transmission de tous les côtés a heu aussi chez les animaux aériens , mais elle ne peut être que très-faible dans l'air, à cause de la diûicuUé avec laquelle les cndes aériennes secom- DES ORGANES AUDITIF». 54; muniquent aux parties solides de la tête. Nous n'avons point occasion de sentir quelle intenbiié aurait la transmission des ondes aériennes par les os de la tête , si elle était la seule : car, lors même que nous bouchons nos oreilles , l'oreille n'en conduit pas moins ces/)ndes avec plus de force que ne le font les os de la tête, et les osselets de l'ouïe , en leur qualité de corps limités, font une impression plus forte sur le labyrinthe que les os de la tête, qui ne sont point isolés. Ce renforcement de h transmission par les osselets de l'ouïe peut avoir lieu aussi dans le cas oii les ondes aériennes sont amenées en pre- mier lieu par les os de la tête, puisqu'alors aussi elles sont directement conduites à la membrane du tympan et aux osse- lets de l'ouïe , et que l'appareil de la caisse du tympan ré- sonne. 11 en est de même pour les ondes communiquées par notre propre voix aux parties de la bouche, de la gorge et du nez. Elles déterminent également une résonnance de l'appa- reil de la caisse tympanique. Mais la même chose a lieu aussi pour les ondes que des parties solides transmettent aux os de la tête ; il y a toujours résonnance dans ce cas. Si, après s'ê- tre bouché les oreilles, on se pose un diapason résonnant sur le sommet de la tête, le son est extrêmement faille ; il a plus de force quand on fait l'application sur la tempe , il devient de plus en plus fort à mesure que Ion rapproche 1 instrument du conduit auditif , et il croît non pas seulement en raison de la diminution de la distance entre le corps sonore et le laby- rinthe, mais encore en raison du rapprochement existant en- tre les parties de la tête qui lui servent de conducteur et rouverture extérieure de l'oreille. La seule transmission des ondes aériennes par les os de la tête ne pourrait être entendue que par une personne chez la- quelle l'appareil de la caisse du tympan n'eiislerait pas , et dont le conduit auditif externe serait bouché. Il est probable qu'alors ces ondes ne seraient point CiMendues. ou du moin* qu'elles ne le seraient que très-faibiement. Mais la iaculté 548 DES FORMES ET DES PROPRIETES d'entendre des ébranlemens de corps solides transmis aux os de la tête par d'autres corps solides devrait avoir lieu encore si le labyrinthe était intact. On peut ennployer ce moyen chez les sourds qui n'entendent pas les ondes sonores, pour reconnaî- tre si leur labyrinthe et leur nerf auditif sont encore intacts. Un sourd qui ne peut entendre aucune onde de l'air, entend quelquefois un fort battement sur le sol, qui lui est transmis par les parties solides de son corps. Cependant il est difficile de distinguer ici ce qui appartient à la sensation de l'ébranlement par le loucher et ce qui appartient à l'ouïe. Tous les sons gra- ves agissent aisément sur les nerfs du toucher, et l'on sent les ébranlemens, comme tact , lorsqu'on s'applique la main sur la poitrine en parlant, ou quand on empoigne un corps solide qui rend du son. Les ondes sonores qu'un sifflet excite dans l'eau ne se sentent pas par le toucher lorsqu'on tient la main dans l'eau ; mais on les sent très-bien lorsqu'en même temps que la main on plonge un corps solide dans le liquide. Ces sensations tactiles de vibrations ont donné lieu à la fausse supposition qu'il est possible d'entendre par d'autres nerfs que par le nerf auditif. V. Audition des ondes sonores de milieux dîH'érens. A. Transmission immédiate du son de l'air à V organe auditif. Nous entendons le plus fréquemment par des ondes aérien- nes , qu'elles aient été produites primairement dans l'air, ou qu'après avoir été excitées dans d'autres corps, elles arrivent à notre oreille par l'intermédiaire de l'air. Les ondes qui ont été produites en premier lieu dans l'air, parviennent à notre organe auditif beaucoup plus fortes que celles qui , engen- drées par d'autres corps , se transmettent à Tair. Car, dans ce dernier cas, il y a diminution d'intensité au moment où s'ac- complit la communication à l'air. Voilà pourquoi les cordes et les diapasons donnent un son si faible sans caisse résonnante, qui doit communiquer avec le corps solide producteur du son DES ORGANES AUDITIFS. 549 par le moyen d'un chevalet, ou de toute autre manière. La caisse résonnante est, au contraire, complètement inutile dans les instrumens à vent, parce que l'air est de tous les corps celui qui propage avec le plus d'intensité les ondes primai- rement déterminées dans Pair. Il ne pourrait y avoir d'au- tre corps résonnant efficace pour des ondes aériennes primai- res que l'air lui-même renfermé dans un espace limité. Un corps solide contribuerait moins à fortifier le son, parce que , quand les ondes sonores passent de l'air dans des corps soli- des et de ceux-ci dans l'air, il y a diminution de la force des ébranlemens. De même que les ondes sonores de corps solides se commu- niquent difficilement à l'air, de même aussi les ondes sonores de l'eau passent avec peine à ce dernier. Si l'oreille se trouve dans l'air, un son provoqué dans l'eau sera toujours perçu très- faiblement par nous , et si la direction des ondes sonores fait un angle très-aigu avec la surface de l'eau et de l'air, il ne le sera pas du tout, ce qui a lieu aussi pour la lumière. Colladon éprouva cette difficulté en faisant ses expériences sur la vi- tesse de la propagation du son dans l'eau. Un tuyau tenu dans l'eau et dans Toreille ne lui était presque d'aucun secours, lorsqu'il n'avait pas fixé, à son extrémité inférieure , une pla- que solide recevant les ondes sonores de l'eau (1). Car, pour entendre avec force le son de l'eau, quand on est dans l'air, il faut non seulement faire passer les ondes sonores du liquide dans une tige solide et tenir cette tige appliquée à Toreille , mais encore la mettre en communication avec un bouchon remplissant le conduit auditif, afin d'écarter autant que pos- sible l'intermédiaire de l'air. Il n'y a pas d'autre manière d'entendre le plein son d'une petite cloche qui tinte dans l'eau même (2). (1) Relation d'une descente en mer dans la cloche dite des plongeurs , Paris, d 826, in-8. — Dictionnaire de l'industrie^ art. Cloche de plongeub, Paris, 1835, t. III, p. 448. (2) Colladon a trouvé qu'une cloche tintant sous l'eau ne faisait point 55o DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS S'il faut que le son passe d'abord dans l'eau, puis de celle- ci dans l'air, pour arriver à notre organe auditif , l'affaiblis* sèment est plus considérable encore. Voilà pourquoi les plon- geurs n'entendent pas le son produit au dessus de l'eau. Du reste, dans Taudition au milieu de l'air, la force du son dépend de la densité et de la sécheresse de ce dernier. La ra- pidité de la transmission augmente bien avec la raréfaction de l'air, mais la force des vibrations diminue en raison de cette même raréfaction. On n'entend presque pas une cloche qui linte dans le récipient d'une machine pneumatique sous le- quel on a fait le vide. Rigoureusement parlant , il n'y a de prouvé par là que la très-grande diminution de l'ébranlement lorsque les ondes passent de la cloche à l'air raréfié , et de celui-ci au récipient. On n'a presque point encore tenté d'ex- périences sur l'audition immédiate d'ondes aériennes d'air raréfié et condensé, c'est-à-dire de celles qui viennent frap- per la membrane du tympan sans traverser de corps solides. Nous ne possédons à cet égard que celle qui a été faite par Saussure sur le sommet du Mont-Blanc, où la détonation d'un coup de pistolet était moins forte que celle d'un petit pétard tiré dans la plaine. B. Transmission immédiate du son de Veau à l'organe aaditif, Quaud nous plongeons dans l'eau, les ondes sonores de ce liquide arrivent à la membrane du tympan. Tous les sons en- gendrés dans l'eau même sont alors parfaitement entendus, comme l'ont démontré les expériences de Nollet et de Monro, et comme le sait quiconque connaît l'art de nager. Les ondes entendre de son , mais seulement un clioc sec et peu prolongé. Cet effet ne pouvait tenir qu'à réloigiiement, ou à l'imperfection du procédé de transmission mis en usage. Car mes expériences m'ont appris que le son d'une cloche qui tinte sons l'eau près de nous n'est dépourvu d'éclat que quand il n'arrive point de l'eau à notre labyrinthe à travers une chaîne de corps solides, et qu'il est obligé de traverser une couche d'air. DES ORGANES AUDITIFS. 55 1 sonores passant de Tair dans l'eau sont plus difficiles à enten- dre dans cette dernière, parce que les ébranlemens des par- ticules vibrantes subissent une diminution considérable au moment du passage. ^ G. Transmission immédiate du son de corps solides à l'organe auditif. Dans le cas d'ondes aériennes primaires, le son n'est jamais plus intense que quand c'est l'air qui Tamène immédiatement à l'organe auditif : dans celui d'ondes primaires de corps soli- des , sa plus grande intensité a lieu lorsque ce sont des corps solides qui le transmettent immédiatement à l'oreille. Le son d'un morceau de bois ou de métal est conduit faiblement par l'air; mais il l'est avec une force extraordinaire lorsqu'on lient entre les dents ou qu'on adapte à ses oreilles un cordon qui aboutit au corps sonore. Herhold et Rafn entendaient le son d'une cueiller à une dislance de trois cents aunes par le moyen d'un cordon fixé à la cueiller elle-même, et au moyen de cet artifice, il leur paraissait encore , malgré la distance , semblable à celui d'une cloche. Chacune des parties ^molles ou solides de la tête est apte à recevoir les ébranlemens de corps solides ; mais les parties molles sont celles qui les trans- mettent le plus faiblement, lorsqu'on applique sur elles la verge qu'on a mise en contact avec le corps sonore (1). Cette transmission est plus forte dans les points où les os de la tête sont peu couverts, et plus encore dans ceux où ils sont (1) D'après les obsenalions de Périer et de Larrey sur des individus trépanés, on déviait cioire que les ondes se transmettent plus facilement de l'air au nerf auditif par des parties molles seules que par le crâne cou- vert de la peau. Les trépanés qui se bouchent les oreilles entendent mieux, disent-ils , le son excité au dessus de la plaie cicatiisée. Mais on assure que cet effet, qui d'ailleurs ne me paraît pas suffisamment constaté , n'a lieu que quand l'ouverture se trouve à la partie antérieure de la têle. f^oy. Larrey, Clinique chirurgicale^ Paris, 1836 , 53. 55a DÏS FORMES ET DES PROPRIÉTÉS entièrement à nu, comme aux dents. Quand on saisit une mon- tre enfreles dents, le tic-tac se fait entendre de la manière la plus distincte , surtout du côté des dents de la mâchoire su- périeure, parce que, de ce côté-là, la transmission n'a lieu qu'au moyen de parties solides. La propagation est plus faible si on met la montre en contact avec la langue, et bien plus faible encore , si l'on se contente de la tenir suspendue dans Tair delà cavité orale. Elle est tout aussi énergique, et même plus encore, à travers les parois du conduit auditif externe , quand on a bouché ce conduit , et interposé une verge entre la montre et le bouchon, ou les parties qui avoisinent immé- diatement le canal. Dans ce cas , les ondes des corps solides, au lieu de passer à travers les os de la tête pour arrivée au labyrinthe, se transmettent bien plutôt immédiatement à la membrane du tympan et aux osselets de Fouie par une chaîne de parois solides, et notamment par les parois du conduit au- ditif. L'effet du cornet acoustique des personnes qui ont l'ouïe dure, tient en partie au non-affaiblissement de la propagation des ondes aériennes , en partie à la résonnance de la colonne d'air du cornet, mais en partie aussi à la communication des parois résonnantes de ce dernier avec les parties solides du conduit auditif. On peut acquérir la preuve que cette der- nière particularité a de l'importance en examinant ce qui ar- rive dans un cas où les ondes aériennes n'éprouvent point de condensation. Si l'on fait parler quelqu'un dans un tuyau, et qu'après s'être bouché les oreilles, on saisisse le tuyau par le côté avec les dents , on entend un son extraordinairement fort, dépendant de la résonnance du tuyau, qu'on entendrait à peine par Tair seul arrivant à l'oreille. La transmission immédiate de parties solides aux parties solides du conduit auditif entre aussi en jeu lorsqu'on entend lin son en appliquant son oreille au sol. Si l'oreille est bou- chée , et que le bouchon touche la terre , la transmission est bien plus forte encore. Naturellement on ne peut percevoir / DES ORGANES AUDITIFS. 553 avec intensité , de cette manière , que des sons qui naissent primairement dans le sol , ou qui , excités dans des parties so- lides , sont conduits au soi par des parties solides , comme le bruit des pas de l'homme et du cheval. Quant aux ondes aériennes primaires, elles se transmettent beaucoup plus dif- ficilement au sol, et ne trouvent pas en lui un conducteur qui convienne pour les amener à l'oreille posée contre terre. La même chose a lieu dans l'application du stéthoscope. Des sons excités dans des parties solides , ou transmis à travers des parties solides , sont amenés par cet instrument aux par- ties solides de l'oreille appuyée contre lui. Le stéthoscope ne produit guères plus d'effet que l'oreille elle-même appliquée sur la partie , si ce n'est par sa résonnance. Dans la disposi- tion qu'on a coutume de lui donner, il s'opère deux modes de transmission , Tune des parties solides du corps qui produit le son aux parties solides de l'organe auditif par le bois , l'autre des parties solides du corps qui excite le bruit à la colonne d'air contenue dans l'instrument, puis de cet air à la membrane du tympan. La seconde transmission est beaucoup plus diffi- cile , parce que les ondes sonores passent avec peine de la surface du corps humain à l'air ; mais elle est utile néanmoins par résonnance. De là vient qu'une verge simple ne remplit pas le même office qu'un stéthoscope. Mais on peut aussi en- tendre le son avec force par le moyen de cette simple verge , en se bouchant l'oreille avec du papier mâché , et appliquant le conducteur non pas surle bouchon , car les frotlemens trou- bleraient l'observateur , mais sur les parties molles qui en- tourent l'oreille externe ; alors la transmission de parties so- lides aux parois du conduit auditif , et delà à la membrane du tympan , s'accomplit d'une manière plus complète par le se- cours du bouchon. Chez les personnes qui ont l'ouie dure, et qui ne perçoivent plus les ondes aériennes , même à l'aide d'un cornet acous- que., il est quelquefois utile de convertir ces ondes aériennes 554 ^^^ FORMES ET DES PROPRIÉTÉS en ondes de corps solides , et de faire entendre celles-ci par le contact du corps solide. Ce qu'il y a de mieux pour cela , lorsqu'il s'agit de procurer le moyen d'entendre la voix d'au^^ trui , c'est de faire parler dans un bassin d'où part une verge, que le sourd saisit entre ses dents ou applique contre un bouchon placé dans son oreille (1). VI* Propriétés acoustiques du labyrinthe* A. Eau du labyrinthe. Parmi les dispositions acoustiques du labyrinthe, il en est une, la plus générale de toutes, et qui ne manque jamais , à laquelle nous devons d'abord consacrer notre attention ; je veux parler de l'eau du labyrinthe. Dans tous les cas, en effet, les vibrations sont converties en vibrations de Teau avant de rencontrer les nerfs auditifs. Pourquoi la nature a- t-elle évité, chez le plus grand nombre des animaux , de transmettre à ces nerfs les ondes sonores commiiniquées aux os de la tête, sans employer entre eux et ces derniers l'intermédiaire de l'eau ? Chez les animaux aériens on découvre de suite la raison : c'est que la transmission des ondes sonores de l'air aux parties so- lides de la léte présente trop de difficultés , tandis que celle de l'air à l'eau , par le moyen d'une membrane tendue , est au contraire très-facile, soit que la membrane elle-même se trouve en contact avec l'eau , soit qu'elle n'agisse sur elle que par l'intermédiaire d'un corps solide , limité et mobile. Mais cette explication ne convient point aux animaux qui vivent dans l'eau. La communication des vibrations de l'eau à des corps solides, et par conséquent aux os de la tête (comme chez les Poissons osseux) , est facile. Cependant , même ici, les vibra- tions des os de la tête sont également réduites en vibrations (4) Co7isultez, à ce sujet, Chladni, Ahustik , p. 262 , 286 , et LmcKE , loc, cit. y p. 530. . • DES ORGANES AUDITIFS. 555 de l'eau du labyrinthe , pour se transmettre ensuite de ce li- quide aux nerfs auditifs. Il doit donc y avoir une cause plus générale ; nous la trouverons vraisemblablement dans ce qui suit. Le but final de Torgane auditif estime communication complète des ondes d ébranlement aux fibres nerveuses. Celles-ci étant , comme tous les nerfs , molles et pénétrées d'eau , ia transmission des ondes impulsives de parties solides à ces organes mous , serait déjà en partie une réduction à des vibrations d'eau. Mais , indépendamment de la mollesse dont les nerfs sont redevables à Teauqui les imbibe, les interstices de leurs fibres, de même que ceux de toutes les parties molles, sont remplis de liquide , de sang ou de liquide du tissu cellu- laire. Quand la propagation des ondes d'impulsion a lieu de l'eau du labyrinthe aux fibres du nerf auditif , le milieu de la plus prochaine transmission est homogène avec celui qui oc- cupe toutes les porosités et tous les interstices du nerf lui- même. Il suit de là que la vibration des particules de ce der- nier est beaucoup plus homogène qu'elle ne le serait si ses surfaces se trouvaient seulement en contact avec des parties solides , car alors celles de ses molécules qui toucheraient à des parties. solides auraient une autre contiguïté que celles qui seraient placées plus avant dans l'intérieur même du nerf , et par cela même éloignées de la surface mise en rapport immé- diat avec les parties solides. Muncke dit , eu égard à l'eau du labyrinthe , que l'eau , bien qu'incapable d'engendrer du son , le conduit parfaitement , et même mieux que ne le fait l'air. Je ne saurais accorder cela , et il ne peut s'agir ici que de la vitese de la propagation ; car l'air et l'eau sont les corps qui propagent leurs propres ondulations avec le moins d'affai- blissement possible. Les aqueducs /comme on les nomme , me paraissent devoir n'occuper aucune place dans la physiologie de l'ouïe. Ils ne contiennent ni canaux membraneux , ni liquides , ni même aucun tronc veineux ; ce ne sont que de simples communica- 656 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS lions entre le périoste et la dure-mère d'une part , le périoste intérieur du labyrinthe de Fautre. Il y a trois degrés dans le développement du labyrinthe ; 1" simple vestibule , avec une vésicule ; 2" vestibule avec des canaux semi-circulaires , et conformation analogue du laby- rinthe membraneux ; S° le degré précédent avec un limaçon. B. P^estibule. Canaux semi- circulaires. Ordinairement on assigne pour fonction aux canaux semi- circulaires, avec Scarpa, de recueillir les ondes des os de la tête. Quand il s'agit de canaux , on a trois choses à considérer, l'aptitude de leur contenu à résonner , la propagation con- densée dans leur intérieur , et la résonnance de leurs parois. En ce qui concerne d'abord la résonnance du contenu d'un tuyau , il faut lui refuser toute espèce d'importance dans le labyrinthe, puisque l'eau, étant limitrophe à des (iorps solides, ne possède vraisemblablement point en soi de résonnement no- table provenant de la réflexion des vagues par ses limites. Elle parait également apte à rassembler les ondes sonores de corps solides. Si je versais de l'eau dans les gouttières d'une table de dissection qui ont de nombreuses communications ensem- ble , et qu'ensuite je misse un diapason vibrant à l'extrémité de cette table , le conducteur plongé dans l'eau seulement ne me faisait pas entendre le son plus fort dans le liquide , que quand je le mettais en contact avec de l'eau répandue sur une petite étendue de la surface de la table. Je fis percer dans une planche épaisse , des canaux parallèles à sa surface ; celte planche pouvait être introduite dans le côté d'un baquet en bois , de manière que les ouvertures des canaux communi- quassent avec la cavité du baquet; je remplissais d'eau ce der- nier , et par lui les canaux , puis , avec un sifflet fermé par une membrane , j'excitais des ondes sonores dans l'eau du vase ; le conducteur ne me faisait pas entendre le son plus faible qtiand les trous de communication des canaux avec le DES OBGANES AUDITIFS. 557 baquet étaient clos par des bouchons , que lorsqu'ils étaient ouverts. On se demande maintenant jusqu'à quel point un tuyau plein d'eau peut être comparé avec un tuyau de communica- tion conducteur de son et plein d'air. On sait que , dans ce dernier , le son se propage sans que son intensité subisse presque aucun changement, parce que les ondes de l'air se com- muniquent difficilement aux parois solides du tuyau, et qu'elles éprouvent aussi une réflexion aux courbures. 11 en est touiao- rement dans un tuyau plein d'eau qui conduit des ondes sonores aqueuses ; quelque peu de réflexion a bien lieu aussi dans l'eau ; mais celle-ci abandonne bien plus facilement ses ondes à des corps solides qu'à l'air , et la force de l'ébranlement qui marche suivant une certaine direction dans l'eau ne se main- tient que jusqu'à une très-petite distance dans des tuyaux pleins d'eau. Ainsi , par exemple , si j'unissais le bout fermé par une membrane du sifîlet d'un pied avec un tuyau long de quatre pouces , sur huit lignes de large , et que je le tinsse dans l'eau de manière que la membrane fût tout entière en contact avec le liquide, le son de la colonne d'air ébranlée par le souffle s'entendait bien avec plus de force , au moyen du conducteur , à l'extrémité du tuyau , et par conséquent au bout d'une longueur de quatre pouces , que dans le reste de Teau , avec plus de force que dans le liquide baignant le côté extérieur du tuyau de communication , et avec plus de force qu'à distance égale sans tuyau de communication; mais quand la longueur de ce dernier tuyau était d'un pied , il me deve- nait impossible d'apercevoir dans l'eaudubassin, à l'extrémité du tuyau , un son plus fort que dans les autres points du li- quide. J'unis aussi deux baquets par le moyen d'un tube de verre long de six pieds, et je n'obtins rien d'analogue à l'effet d'un tuyau de communication ; le son n'était point entendu plus fort à Texirémité du tube dans l'eau , que quand j'ap- prochais le conducteur des parois résonnantes du baquet. 558 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS Il suit de là qu'avec les canaux semi-circulaires on doit bien compter sur quelque peu d'intensité de plus de la transmission du son dans la direction de leur courbure , mais que cette propagation non affaiblie par des tuyaux n'est pas à beaucoup près aussi parfaite que dans des tuyaux remplis d'air. Une condensatfon , mais très-légère seulement, résulte de ce qu'une même onde qui pénètre dans le vestibule par la branche de son canal , rebrousse chemin par la branche op- posée avec une partie de son impulsion. Ed. Young a calculé là-dessus. Si l'impulsion arrive , non par les fenêtres , mais par les os de la tête , comme chez les Poissons , et en partie aussi chez nous , ce degré de condensation par les canaux semi-circu- laires aura lieu également. Enfin il faut encore avoir égard , dans les canaux semi-cir- culaires, à la résonnance des os de la tête par les vibrations de l'eau du labyrinthe. Car, au voisinage de parois solides plon- gées dans l'eau et auxquelles des ondes sonores sont commu- niquées, celles-ci sont toujours plus fortes qu elles ne le sont, toutes choses égales d'ailleurs , dans le reste de l'eau. Il va sans dire que le conducteur ne doit pas loucher les parois elles-mêmes. Quand deux parois qui résonnent dans l'eau sont rapprochées l'une de l'autre , les ondes du liquide entre elles ont naturellement plus de force encore. On peut s'en con- vaincre dans l'appareil qui vient d'être décrit, la planche percée de canaux et mise en communication avec un baquet d'eau. Si l'on tient le conducteur, dans l'intérieur du canal de la p'anche , écarté du baquet , le son communiqué à la planche par un diapason est entendu avec un peu plus de force que quand , la distance des parois du baquet restant la même, on rapproche le conducteur. Il faut, dans ces cas , pour arri- ver à un résultat rigoureusement comparatif, avoir soin que la portion du conducteur qui entre en contact avec l'eau soit toujours de même longueur ; car le son devient plus fort lors- DES ORGANES AUDITIFS. SBg qu'on enfonce le conducteur à une plus grande profondeur. Si maintenant on admet que les canaux semi-circulaires membraneux sont en état de rassembler la résonnance des os de la tête dans l'eau , et de la mieux conduire dans la direc- tion de leur arqûre que dans celle de Tébranlement , le ren- foncement profitera aux ampoules et au sinus commun , où le nerf s'épanouit. Cet effet doit devenir beaucoup plus fort encore en raison du contact plus intime des canaux membraneux avec les ca- naux solides. Mais un fait important pour la physologie de Touïe nous conduit aussi à assigner aux canaux semi-circu- laires membraneux un concours indépendant des parties so- lides qui les entourent , et ce fait est que les canaux semi- circulaires de la Lamproie ne sont nullement isolés par des parties solides enveloppantes , qu'ils sont situés dans la même capsule solide que le sinus commun. Autenrieih et Kerner admettaient que les différens canaux peuvent indiquer au nerf la direction du son. Mais, si l'on excepte l'action plus forte sur l'une des oreilles , et la diffé- rence d'intensité du son suivant la direction du conduit auditif et de la conque , la direction du son paraît ne point être un objet de la sensation. Et quand bien même nous serions en état de distinguer la direction de l'ébranlement des particules vibrantes, il y aurait toujours deux de ces directions , et en sens inverse , car les particules vibrent aussi en arrière , et leurs vibrations d'arrière en avant et d'avant en arrière alter- nent d'une manière régulière dans un son. Les pierres auditives contenues dans le labyrinthe des Poissons et des Reptiles ichthyomorphes (1), et la bouillie (1) Les otolilhes des Poissons osseux ont une structure analogue à celle de l'émail des dents. Ceux de l'Ammodyte sont formés de couches con- centriques, dans lesquelles on reconnait, au premier coup d'oeil, une structure fibreuse régulière. Si, après avoir poli les lamelles, on les traite 56o DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS cristalline qu'on trouve dans celui des autres animaux , de^ vraient forliBer le son par résonnance, même quand ces corps ne loucheraient pas les membranes sur lesquelles les nerfs s'épanouissent. Mais ces corps touchent les parties membra- neuses du labyrinthe ; les parties membraneuses et le nerf re- çoivent donc de ces parties solides , et en raison de retendue des points de contact , des ondes impulsives , qui ont plus d intensité que celles de l'eau ; car lorsqu'on plonge la main seule dans l'eau , on ne sent point les vibrations que celle-ci éprouve en conduisant le son, tandis qu'on les perçoit quand on tient un morceau de bois à la main. Tel me paraît être le véritable usage de la bouillie cristalline et des pierres auditives. On ne saurait justifier, physiquement parlant , l'assertion que la poussière cristalline est rejetée par les parois , pendant l'audition , comme la poussière se trouve lancée à la surface des plaques et des membranes vibrantes ; car jamais on ne voit les corpuscules contenus dans l'eau exécuter le moindre mouvement pendant la transmission du son à travers ce liquide. Des expériences directes ne sont point faciles à faire. Je ren- fermai de l'eau et du sable dans un morceau de vessie de co- chon humectée , et je fis du tout une espèce de petit sac, que j'aplatis , pour imiter le labyrinthe membraneux avec la bouil- lie cristalline, et j'examinai, avec le conducteur, son action sur les ondes sonores excitées dans l'eau par le sifflet. Le sa- chet fut tenu dans le liquide entre le bout du sifflet et le con- ducteur , sans qu'il touchât ni l'un ni l'autre. Le son fut plus fort que si , toutes choses égales d'ailleurs , le petit sac n'eût point été là. Toutefois , je remarquai , dans une conire-expé- rience, que ce petit sac membraneux aplati, contenant de l'eau par Tacide chlorhydrique, on voit que les couches lésullenl d'un assem- blage de petits corpuscules pointus semblables à ceux que j'ai décrits dans l'émail non encore durci. V. poGGENDORrr, Annalen^ 38. DES ORGANES AUDTTIÏS. 56l seulement , sans sable , fortifiait également le son par réson- nance. Je n'ai pas pu m'expliquer à quoi lient la résonnance de parties membraneuses dans Teau. L'humérus d'un oiseau, dépouillé de ses sels calcaires , et mis en contact avec de l'eau en dehors comme en dedans , ne montra presque pas de résonnance ; il en fut de même d'un morceau d'intestin de veau rempli d'eau , et quand j excitais un son dans l'eau, les choses se passaient absolument de la même manière , soit que le conducteur fût appliqué à un long lambeau d'intestin , soit que , la distance du point d'origine du son restant la même, il le fût à un court lambeau plongé dans le liquide. C. Limaçon, Il faut avoir égard, en étudiant l'acoustique du labyrinthe, àla direction que suit la propagation de l'ébranlement et des ondes dans l'eau et les parties solides de celte région de l'o- reille. Les recherches de Savart sur la transmission des ondes impulsives de corps solides à Teau , et de l'eau à des corps solides , peuvent être appliquées ici. Cette transmission paraît s'accomplir de la même manière absolument que dans Fig. 72. d'autres milieux. Supposons que a soit un vase plein d'eau, h une verge fixée à son fond , et c une plaque de bois flottante sur le liquide , les ondes longitudinales qui viennent à être excitées dans la verge se transmettent, au travers de l'eau , à la pla- que, suivant la même direction, comme l'indique le sautillement du sable à la sur- — t 4 I face de cette dernière. En outre , a étant un vase plein d'eau , et h une plaque qui flotte sur celle-ci , I mais dont les bords sont obliques aux parois du vase a , si l'on passe un archet de violon sur les parois, de manière à les faire vibrer dans la direction des flèches , l'ébranlement se transmet par l'eau à lu plaque , et ensuite par celle-ci ea 56a DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS conservant la même direction ; de sorte qne l'obliquité des bords de la plaque par rapport à la direction du son, ne change rien à la direction dans laquelle ce dernier se pro- page. La transmission a donc lieu absolument, dans le pre- mier cas , comme si la verge h faisait corps avec la plaque c, et dans le second cas , comme si la paroi a était unie par une verge à la plaque h , dont la surface lui est perpendiculaire. Ainsi les lois de la propagation de l'ébranlement à travers des plaques qui se rencontrent sons des angles , s'appliquent aussi au labyrinthe. Des faits précédemment exposés , il suit que a b c et d étant des pla- ques unies ensemble, lorsqu'on com- munique des ondes sonores à la pla- que a, dans la direction de la flèche, ces ondes se propagent en suivant la même direction à travers la tige h d qu'à travers la plaque supérieure c c'. Appliquons ceci au Limaçon. La lifje h d est comparable à la columelle , et les plaques transversales correspondent à la Fig. 74. lame spirale. Si , à la figure 73 , on substitue figure 74, l'analogie saute encore davan- tage aux yeux. En quelque direction donc que /^^^Pj-*^ des ondes sonores soient communiquées ou à la l ^ ) columelle , ou à la lame spirale elle-même , la ^■" I ■ '^ direction de l'ébranlement demeurera constam- J ment la même , soit que l'impulsion ail, été trans- mise des os de la tête à la columelle ou aux parois du limaçon, et de celies-ci à ia lame spirale , soit qu'elle l'ait été d'une de ces parties à l'eau du labyrinthe. Quant à ce qui concerne les vibrations partant de l'eau du labyrinthe , la fenêtre ovale est dirigée de telle manière qu'une ligne perpendicu- laire tirée sur son champ , marche presque parallèlement à la columelle du Limrîçon , d'où il suit que les ébranlemens Q la DES ORGANES AUDITIFS. 563 qui partent de cette fenêtre excitent vraisemblablement, dans les parties solides du limaçon , des secousses ayant la même direction que la columelle ; c'est-à-dire que ce sera la lame spirale qui aura le plus de facilité à vibrer, dans toute son étendue , suivant une direction presque perpendiculaire à sa surface. Je reconnais aisément, à l'aide du conducteur, la di- rection de rébranlement dans des plaques qui se communi- quent un son au milieu de l'eau ; le son est toujours plus fort lorsque le conducteur est placé sur les plaques dans une di- rection parallèle à celle suivant laquelle a lieu la propagation de l'ébranlement. Dans l'exposé qui précède , les diverses parties du lima- çon ont été considérées comme étant affectées simultanément, ou à peu près, par l'ébranlement. Il reste maintenant à savoir s'il ne pourrait pas aussi s'opérer une transmission successive de l'ébranlement le long des spires du limaçon , c'est-à-dire depuis le vestibule ou la fenêtre ronde jusque dans la cou- pole, de manière, ou que l'eau la propageât successivement par les rampes , ou que cette succession eût lieu le long de la ligne spirale. Comme le canal du limaçon , et avec lui la lame spirale, présentent une longueur considérable, puisque les tours ont dix-huit à dix-neut lignes au pourtour extérieur, il pourrait se faire, dans le cas où la propagation de l'ébranle- ment s'accomplirent le long des tours du limaçon, que celui-ci fût destiné à prolonger l'impression : mais cette hypothèse est fort douteuse. Une propagation semblable devrait avoir lieu, par l'air , dans un tuyau roulé sur lui-même. Au contraire , la facilité avec laquelle l'ébranlement se communique de l'eau à des parties solides, fait que la transmission successive des spi- rales d'eau logées dans un corps solide, ne se maintient pas pure , et que les ondes , en partant du commencement des tours , passent presque aussi aisément à travers la columelle, dans une autre partie des tours. Ce mode ^e transmission n'est guère possible non plus par la lame spirale , puisqu'elle 56/| DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS se continue avec les parois solides du limaçon, et qu'elle a loiit autant de facilité à communiquer les ondes qu elle reçoit aux parois du limaçon et à la columelle , qu'à les conduire elle-même plus loin. Mais les ébranlemens imprimés à la colu- melle et aux parois du limaçon rencontreront d'autres par- ties de la lame spirale , indépendamment de la propagation qui a lieu dans cette lame elle-même. Il n'y aurait qu'un seul moyen pour que Tonde impulsive pût suivre le canal du li- maçon, ce serait que ce canal ne tournât pas sur lui-même, et qu'il fût disposé en ligne droite , dans toute sa longueur , et dans la direction du son. D'aptes cela , il est certain qu'on ne peut point compter sur celte marche non troublée de l'ébranlement dans l'eau du li- maçon , el à la surface de la lame spirale. D'ailleurs , il serait plus nuisible qu'utile à la netteté de la sensation que les ébran- lemens parcourussent aiosi une étendue d'un pouce et demi de parties riches en nerfs ; car, pendant ce trajet des ondes , certaines particules du nerf se trouveraient au maximum d'é- branlement et de condensation , tandis que d'autres n'auraient point encore atteint leur maximum , comme dans le retentis- sement. Les tours du limaçon doivent bien plutôt, en resser- rant le canal de l'organe dans un petit espace , obvier à cet inconvénient, en supposant qu'il pût avoir Heu. La lame spirale du limaçon doit donc être considérée comme une plaque portant des fibres épanouies, sur laquelle toutes les fibres du nerf reçoivent presque ^simultanément l'onde sonore , et atteignent simultanément leur maximum de condensation , puis leur maximum de raréfaction : d'après cette théorie , il serait, en général, à peu près indifférent que les fibres nerveuses s'épanouissent sur plusieurs lames circu- jaires , disposées autour de la columelle , comme dans la fi- gure qui précède , ou sur une même plaque contournée en hé- lice. Cette dernière forme, que la nature a adoptée, présente l'avantage que toutes les parties de la plaque font corps en- DES ORGANES ALDITIFS. bbO semble , et se communiquent avec plus de facilité leurs ébran- lemens. Les tours du limaçon ont en même temps un autre avan- tage , celui de réaliser , sous le plus petit espace possible , la surface considérable qui était nécessaire pour l'expansion des fibres nerveuses. La destination finale du limaçon paraît être d'étaler les tibres nerveuses sur une lame solide , qui soit en contact tant avec les parois solides du labyrinthe et de la têie, qu'avec l'eau du labyrinthe , et qui , indépendamment de cet avantage , ait encore celui d'être limitée. C'est de ce principe que doivent être dérivés tous ses avantages acoustiques. L'union de la plaque avec les parois solides du labyrinthe rend le limaçon propre à l'audition des ondes sonores des par- ties solides de la tête et des parois du labyrinthe. Cet usage lui a déjà été assigné par E.-H. Weber. Le labyrinthe mem- braneux se trouve libre dans l'eau du labyrinthe , et il est évidemment plus approprié à l'audition des ébranlemens com- muniqués à cette eau elle-même , que les ébranlemens arri- vent à celle-ci par les os de la tête , comme chez les Poissons, et les dents , comme chez l'homme qui place une montre entre ses mâchoires, ou par la fenêtre. Sans doute , le labyrinthe membraneux est exposé à la résonnance des parois solides dw labyrinthe; car les ondes sonores communiquées à l'eau sont toujours , comme je l'ai fait voir, entendues avec plus de force dans le voisinage des parois. Cependant il ne reçoit jamais immédiatement ces ondes que de l'eau. Au contraire , la lame spirale du limaçon , faisant corps avec les parois solides du labyrinthe , reçoit immédiatement de ces dernières les ébran- lemens qui leur sont communiqués. Il y a là un avantage con- sidérable, car les secousses transmises aux parties solides ont, toutes choses égales d'ailleurs , une force absolue plus grande que celles de Teau . Ceci ressort en toute évidence des expériences que j'ai déjà 566 DES FORMES ET DES PROPRIÉTÉS relatées. Si , pour comparer l'intensité des ébranlemens des corps solides et de ceux de Teau , on appliquait d'abord le conducteur aux corps solides , puis qu'on le plongeât dans l'eau , on se tromperait. En effet, les ébranlemens des corps solides passent, sans changement dans leur intensité, au con- ducteur mis en contact avec ces derniers , tandis que ceux de l'eau ne lui parviennent qu'affaiblis dans ce liquide. Mais si , pour comparer des ondes sonores dans l'eau, au moyen du conducteur, on place ce dernier d'abord au voisinage de pa- rois solides qu'il ne touche pas, puis à distance d'elles, le milieu au sein duquel s'opère la comparaison est le même dans les deux cas. Dans l'un et l'autre, le conducteur fait entendî e des sons qui proviennent de l'eau. Les deux sortes d'ébranlemens sont ici réduits au même milieu. Or comme , même lorsqu'un son vient à être excité dans l'eau , l'eau ré- sonne avec plus de force dans le voisinage des parois du vase que dans d'autres points de son étendue également distans de celui d'oii le son lire son origine, il suit de là que, toutes choses égales d'ailleurs , les ondes sonores des corps solides agissent avec plus d'intensité que celles de l'eau. D'où l'on voit de suite quelle est la grande utilité du limaçon. Cependant le limaçon n'a pas été établi uniquement dans cette vue. Sa lame spirale reçoit encore du vestibule et de la fenêtre ronde, tout aussi bien que le labyrinthe membraneux, les ondes impulsives de l'eau du labyrinthe. Elle est même mieux disposée pour cela , chez l'homme et les Mammifères , que le labyrinthe membraneux , puisque sa qualité de corps sohde et limité la rend susceptible de résonnance. On peut se convaincre de cet effet par une expérience. Place-t-on une plaque mince de bois dans un vase en bois plein d'eau et à parois fort épaisses , celte plaque , toutes choses égales d'ail- leurs, résonne avec plus de force dans le liquide que ne le font les parois épaisses du vase. En effet , quand on excite des ondes sonores dans l'eau par le moyen du sifflet clos à l^aide SUR r,ES NERFS AUDITlfS. 567 d'une membrane, en dirigeant rextrémité de ce dernier, dans le liquide, perpendiculairement à la plaque fixée, sans ce- pendant la lui faire toucher, le conducteur fait entendre le son avec force partout dans le voisinage des parois de la pla- que, mais à distance du point d'où le son lire son origine. Si l'on dirige le sifflet , sans rien changer à la distance, vers les parois du vase épais en bois , le conducteur donne aussi la percepiion d'un son fort au voisinage des parois, mais l'inten- sité n'est pas la même que dans le cas précédent. Peu importe que la plaque soit fixée à un bord seulement , ou à deux bords opposés , pourvu que ses côtés soient hbres et en con- tact avec l'eau. Enfin on entrevoit pourquoi les fibres du nerf sont étalées, les unes à côté des autres sur la lame spirale. Plus le nerf auditif s'étendrait en couches épaisses sur les parties solides du limaçon, moins il recevrait les ébranlemens de ces derniers, puisqu'il n'est pas homogène avec elles ; mais pîuâ les couches qu'il y forme sont minces , plus les ébranle- mens des parties solides se communiquent avec facilité à ses fibres, qui sont en contact avec elles. L'intensité de la communication croît , en outre , avec la surface du corps que les ondes sonores touchent. Si , après s'être bouché les oreilles, on tient le conducteur dans de l'eau où l'on excite un son , ce son augmente d'intensité à mesure qu'on enfonce le conducteur, c'est-à-dire à mesure que la surface qu'il présente à l'eau acquiert plus de largeur. CHAPITRE III. Des effets des ondes sonores sur les nerfs auditifs , et de l'action propre à- ces derniers. I. EEFets des ondes sonores sur les nerfs auditifs. La discussion doit partir ici des propriétés dont jouissent les ondes qui parviennent dans le labyrinthe. On doit distinguer les qualités suivantes dans une onde 568 EFFEIS DES OîvDES SONORES impulsive qui est excitée par un corps produisant du son et qui arrive au labyrinthe : 4° Son volume et la durée de son impression; 2» Sa longueur; 3*» L'amplitude des excursions, ou l'étendue de Tespace que parcourent les parties vibrantes. Le volume des ondes est l'extension de cette onde dans la direction suivant laquelle elle marche. Le volume d'une onde dans un milieu qui transmet du son, dépend en partie du temps que le corps vibrant d'une manière sonore emploie d'une vibration à l'autre , ou pour accomplir une vibration entière, en partie de la faculté conductrice du milieu que le son parcourt. La colonne d'air du tuyau d'orgue de trente- deux pieds exécute, par minute , trente- deux doubles vibra- tions , ou seize ébranlemens dans une même direction. Une partie des doubles vibrations produit la condensation du mi- lieu conducteur , ou la protubérance de l'onde ; l'autre pro- duit la moitié récurrente de la vibration , la raréfaction ou la dépression de l'onde. Comme la vitesse du son dans l'air est de 1022 pieds par seconde , la distance entre le commence- ment et la fin d'une onde impulsive, ou l'épaisseur d'une onde dans l'air , est de mille vingt-deux divisé par seize , ou à peu près de soixante-quatre pieds pour Vut du tuyau d'orgue de trente-deux pieds. Pour Vut du tuyau de seize pieds , qui a soixante-quatre doubles vibrations, ou trente-deux ébranlemens dans le même sens , l'épaisseur de l'onde dans l'air est de mille viiigt-deux divisé par trente-deux, ou d'environ trente-deux pieds. Pour le son du tuyau de huit pieds {ut^), qui a cent vingt-huit doubles vibrations ou soixante -quatre ébranlemens dans le même sens, l'épaisseur de l'onde dans l'air est de mille vingt- deux divisé par soixante-quatre , ou d'environ seize pieds. Cette longueur de l'onde dans l'air est de huit pieds pour le son du tuyau de quatre pieds (ut^). Elle est de quatre pieds SLR LES ÎNERFS AUDITIFS. 669 pour r«^ , de deux pieds pour Yut^, d'un pied pour Vut^, La vitesse du son dans l'eau est quatre fois plus grande que dans l'air , et s'élève à quatre mille quatre vingt dix pieds par seconde. Donc l'épaisseur des ondes est plus considérable dans l'eau , suivant la même proportion , c'est-à-dire qu'elle est de deux cent cinquante-six pieds pour le son du tuyau de trente-deux pieds, de cent vingt-huit pour celui de seize pieds, de soixante-quatre pour Vut^ , de trente-deux pour I'm^, , de seize pour l'a/g, de huit pour Vut^^ de quatre pour Vut^. C'est donc avec cette épaisseur que les ondes traversent l'eau du labyrinthe , et l'on voit d'après cela que le peu d'ampleur de ce dernier ne permet pas que , même dans les sons les plus élevés, pluî^ieurs ondes le traversent simulianément, quç loin de là , généralement parlant , la protubérance d'une onde , ou son sommet , son. maximum de condensation , l'a quitté , quand il est rencontré par la protubérance de l'onde suivante. La durée de l'impression qu'une onde produit sur une par- ticule quelconque du labyrinthe , en la traversant , dépend de la durée d'une vibration du corps qui produit le son. Cette durée est d'un seizième de seconde pour Vut du tuyau de trente-deux pieds; elle est d'un mille-vingt-quatrième de seconde pour Vut^. Il faut encore , pour certains cas , distinguer l'épaisseur des ondes de la distance des ondes. Quand le son est dû à des corps qui vibrent par va-et-vient , cette distance est égale à zéro , et les ondes se touchent immédiatement , comme le représente la figure ci contre, avec celte seule différence qu'au lieu des inflexions , il faut imaginer des condensations Fig. 75. et des raréfactions. Mais si le /'""^v^x^^^"* — ^ '^^son doit naissance à des ébran- lemens entre lesquels il y ait des mouvemens de repos , le milieu conducteur est arrivé —~—-\j^ s^y^ ail repos, derrière une onde, ^mo SFFETS DES ONDES SON0RE9 avant que Tonde suivante commence , comme l'Indique la fl- gure ci-contre. Cela peut avoir lieu lorsque les sons provien-» nent du simple choc , comme dans h roue de Savart et dans la Sirène. En conséquence, il peut y avoir certaines conditions dans lesquelles la durée de l'impression, ou celle du passage des ondes à travers un point donné du labyrinthe , soit plus courte que les intervalles de temps qui séparent leurs maxima. Il s'opère , dans 1 épaisseur d'une onde , une gradation in- sensible de la densité , depuis le commencement jusqu'à la fin. Au commencement de l'onde , la densité commence à croître ; elle atteint le maximum à la fin du premier quart, et diminue jusqu'à la moitié de sa longueur ; dans lé reste de l'onde , il y a raréfaction, puisqu'ici les molécules, auparavant condensées, tendent à s'éloigner les unes des autres. La raré- faction va toujours en augmentant vers )e dernier quart , où elle diminue de nouveau. Tandis que l'onde impulsive marche dans le labyrinthe, toutes ses particules passent successivement par ces degrés de con- densation et de raréfaction dans la direction du l'ébranlement. Comme la condensation est produite par un rapprochement, et la raréfaction par un éloignement des molécules , toutes les particules de Tonde parcourent en même temps une cer- taine étendue de l'ébranlement. Cette étendue est peu consi- dérable au commencement de Tonde , car l'ébranlement, communique un mouvement d'autant moindre aux molécules, qu'elles sont plus distantes du point primordialement ébranlé. Dans la partie postérieure de Tonde , les molécules s'écartent les unes des autres , et leur vitesse y est affectée de la même différence. Au passage de l'onde par un point du milieu qu'elle parcourt , les molécules qui se trouvent en ce lieu éprouvent successivement une condensation croissante , puis une conden- sation diminuante , et , dans la partie postérieure de Tonde , elles reviennent à Tétat de raréfaction. En même temps, la vi- tesse avec laquelle les molécules du milieu se meuvent pen- SUR lES NERFS AUDITIFS, 671 dant le passage de l'onde à travers ce point , devient succes- sivement plus grande , atteint un maximum, puis se ralentit. Pendant le passage de la dépressioi\ de Tonde à travers ce point , la particule exécute sa vibration récurrente avec une rapidité d'abord croissante , ensuite décroissante. Tout cela est applicable au nerF auditif. L'épaisseur des ondes demeure la même pendant la pro- pagation de son à toutes les distances; mais l'amplitude des excursions des particules vibrantes croît avec le carré de ces distances. De la seule amplitude des excursions des particules vibrantes dépend l'intensité ou la force du son ou de Touie. La forme des ondes dans l'air est sphérique. L'organe de l'ouïe n'est rencontré que par un segment de cette sphère , qu'on peut appeler la largeur de Tonde , ou son étendue en surface. La largeur des ondes qui profitent à l'ouïe dépend de Tétendue en largeur dans laquelle le nerf auditif est frappé par- Tonde. Les ondes qui parviennent de la caisse du tympan au labyrinthe, n'ont, à leur entrée dans le labyrinthe , que la largeur de la fenêtre ovale ou de la fenêtre ronde ; mais , à partir de ce point , elles s'étalent. II. Distinction des sons. Il paraît suffire, pour la sensation du son, d'un simple ébranlement imprimé au nerf auditif , comme par une explo- sion, par la division de Tair , par la réunion de deux couches séparées d'air , dans le bruit du fouet , etc. Rien , du moins , ne s'oppose à ce qu'on adopte cette manière de voir , et Chladni la trouve vraisemblable , quoiqu'on doive avouer que même un simple ébranlement détermine des ondes dans Tair. Nul doute que la perception de l'ébranlement comme son ne dépende le plus souvent de plusieurs ondes. Cependant la question peut être soulevée de savoir si , dans le son qui pro- vient d'une succession d'ébranlemens , chacun de ces derniers ne doit pas avoir une force telle qu'on Tentendît comme son sîi^ 5-^2 EFFETS DES ONDES SONORES. était seul , et si une succession d'ébranlemens faibles , dont chacun , s'il était isolé , ne ferait aucune impression sur To- reille, est entendue. Le'problème n'a point été examiné jus« qu'à présent, et les moyens de le résoudre paraissent manquer. D'une succession rapide de plusieurs ébranlemens séparés par des intervalles inégaux naît un bruit ou un fracas, de même qu'une succession rapide de plusieurs ébranlemens entre les- quels se trouvent des intervalles égaux , donne un son déter- miné , dont l'élévation croît avec le nombre des ébranlemens dans un temps donné. On peut rendre ce phénomène sensible avec la sirène de Cagniard-Laiour et avec la roue de Savart. Un son déterminé se produit aussi quand chacun des ébranle- mens qui se succèdent avec régularité est composé lui-même de plusieurs ébranlemens, qui produiraient déjà un bruit par eux-mêmes , ou d'une succession régulière et suffisamment rapide de bruits. Or , c'est précisément ce qui arrive dans les sons produits par les appareils qui viennent d'êlre indi- qués. Car ici chaque ébranlement , pris en pariiculier, est déjà un bruit complexe , que l'on dislingue avec facilité , alors même que la réduction des bruits en une seule somme fait naître l'impression d'un son d'une valeur déterminée. Ici on se demande combien au moins il faut d'ébranlemens successifs pour donner la sensation d'un son déierminé et compa- rable. D'après les recherches de Savart, deux ébranlemens, ou l'équivalent de quatre vibrations , suffisent pour cela. En effet, si les ébranlemens sont causés par le choc des dénis d'une roue contre un corps , on peut supprimer successivement toutes les dents de la roue jusqu'à n'en laisser qiie deux , sans qu'il cesse de se produire un son ayant sa place déterminée dans la gamme. Lorsqu'une roue armée de deux mille dents , qui fait une révolution sur elle-même dans l'espace d'une seconde, se trouve réduite à la moitié de ce nombre de dénis , par la soustraction qu'on opère de ces dents sur une moitié de la roue , on conçoit que l'intervalle des ébranlemens ne change SDR LES NERFS AUDITIFS. 673 pas pour cela; or on peut continuer d'enlever des dents jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que deux , et si la roue continue de se mouvoir avec la même rapidité , c'est-à dire d'accomplir une révolution sur elle-même dans l'espace d'une seconde , le son résultant des deux ébranlemens peut encore être comparé avec celui d'un instrument , de manière à reconnaître tous deux sont a 1 unisson. Si , au contraire , on réduit les dents d une roue à une seule, on n'entend plus le son déterminé , mais seulement le bruit que cette dent produit , en supposant la rotation de la roue assez rapide pour que riniervalle d'un des chocs donnés par la dent unique au choc le plus prochain , ne soit pas plus con- sidérable que ne l'exige l'intervalle des ébranlemens du son déterminé. Lorsque lessons sont excités par des vibrations dont Tune com- mence régulièrement lorsque la précédente a cessé, on pour- rait être dans le doute de savoir si l'acuité du son ne dépend pas de la longueur de l'onde , ou d'une autre qualité de cette dernière. Mais les expériences faites avec la roue de Savart prouvent que l'élévation ou Tacuité du son ne dépend en au- cune façon de la constitution des ondes. Dans les sons produits par la roue, -les ébranlemens qu'impriment à l'air les chocs du corps soulevé par les dents de celle-ci, sont parfaitement égaux , que la roue tourne sur elle-même avec rapidité ou avec lenteur ; seulement l'intervalle des ébranlemens est inégal. Le problème du maximum et du minimum des intervalles des ébranlemens qui sont comparables comme sons , a été résolu aussi par Savart d'une manière plus satisfaisante et plus exacte qu'il ne l'était avant ce physicien. L'intensité étant con- venable , on entend encore des sons qui correspondent à qua- rante-huit mille vibrations par seconde , ou à vingt-quatre mille ébranlemens, et tout porte à croire que ce n'est même pas là l'extrême limite des sons les plus aigus perceptibles à 5n4 [ EFFETS DES ONDES SONORES Touïe. Trente-deux vibrations simples par seconde ne sont point non plus la limite extrême des sons les plus graves , comme on l'avait admis , car Savart est parvenu à faire enten- dre des sons qui ne comportaient que quatorze à dix-huit vi- brations simples , ou sept à huit ébranlemens par seconde .• il est même probable que des sons plus graves encore seraient accessibles à l'oreille , si les ébranlemens avaient une durée suffisante. La durée qu'un ébranlement doit avoir pour être entendu , est effectivement d'autant plus courte que le son a plus d'acuité , parce Tinlervalle entre lés deux ébranlemens, dans les sons aigus, diminue en proportion correspondante. Il faut donc que , pour les sons plus graves perceptibles à l'ouie; la durée des ébranlemens soit d'autant plus longue qu'ils ont plus de gravité. Pour donner une durée plus longue aux ébranlemens dans les sons les plus graves , Savart employait une roue à deux ou quatre rayons libres , qui , en passant en- tre deux lattes , sans y toucher , produisent , pendant la rota- lion de la roue , par la condensation et la raréfaction qu'ils déterminent dansrair,deforts ébranlemens, susceptibles d'être entendus chacun en particulier , mais qui , en s'additionnant , font naître l'impression d'un son lorsque la roue tourne avec une rapidité suffisante. Du reste , les appareils de Savart per- mettent de se livrer à des calculs rigoureux , puisqu'ils sont accompagnés d'un compteur dont on peut arrêter à volonté les révolutions. Savart a pu se convaincre aussi , en retranchant une ou plusieurs dents à une roue tournante , que la durée de l'im- pression sur les nerfs auditifs remporte sur celle des ébran- lemens , ce qui a lieu également pour la lumière : car l'enlè- vemenl d'une dent ne produit pas d'interruption dans le son. Quant à la durée de cette prolongation d'impression , il est difficile de la déterminer, l'impression ne s'effaçant que d'une manière insensible. SUR £ES NERFS AUDITIFS. 5^5 XZI, Audition de plusieurs sons simultanés. Le plus simple de tous les cas de cette espèce est l'audition de deux sons simultanés , qui sont à l'unisson. En pareille circonstance , les intervalles sont éfjaux ; les maxima des ébranlemens tombent les uns sur les autres , ce qui a lieu ra- Fig. 76. rement, ou n'y tom- bent pas. Dans le premier cas , il s'o- père des condensa- tions plus fortes , comme la figure 76 ie rend sensible à là vue ; dans le second , les maxima des deux ou plusieurs sons à l'unisson marchent en formant une série, à la suite les uns des autres , comme dans la seconde fi- gure , de manière que les membres des séries se correspon- dent, et que les intervalles restent les mêmes. Cette disposi- ion ne peut en rien porter, le trouble dans l'audition. Ici se range aussi la résonnance ; car les ondes résonnantes et pri • maires, étant égales entre elles, se comportent exactement <:omme les ondes de plusieurs sons à l'unisson qui serait pri- maîrement donnés. La figure ci- contre peut donc aussi servir d'image pour la simultanéité d'ondes primaires et résonnantes. Dans la production du timbre les ondes du son se croisent avec des ondes accessoires. L'audition de deux sons simultanés qui n'ont pas le même nombre de vibrations doit être plus difficile que celle d'un son unique ; car la comparaison des intervalles présente des dif- ficultés en raison de ce que les maxima des vibrations de l'un tombent dans les vibrations de l'autre . En effet, si les deux Fig. 77. sons a et ^ sont en- ^« • • • • tendus avec les in- tervalles indiqués dans la fig. 77, des deux séries d'inter- • ^f>';6 EFFETS DES ONDES SONORES valies marqués les uns au dessous des autres résulte la série composée c. Si les sons doivent naissance à deux roues dont les dents se ressemblent pour la forme , les ébranlemens par- ticuliers eux-mêmes sont égaux, et le mode d'ébranlement ne peut point être la cause pour laquelle on entend l'un des sons percer pour ainsi dire à travers l'autre. Cependant l'oreille distingue très-bien les deux sons simultanés , comme je m'en suis convaincu par l'expérience. Cette distinction doit donc alors aussi dépendre de la perception des intervalles de l'un €t de l'autre son dans la série entière des ébranlemens. Donc, pendant que la série composée entière des ébranlemens s'é- coule , l'oreille a la faculté de distinguer , entre les ébranle- mens h , les maxima des ébranlemens a séparés par des in- tervalles égaux , et vice versa ^ parce qu'ils reviennent tou- jours. Les intervalles , plus petits encore, qui doivent provenir du croisement des deux séries, échappent à l'audition, parce qu'ils ne reviennent point d'une manière régulièr.e , et qu'il y a beaucoup d'inégalité entre eux , en raison de leur situation. Celle distinction a de l'analogie avec celle que notre œil par- Fig^S. vient à établir dans le cas d'images compo- sées. Dans la figure 78 les triangles princi- paux , l'hexagone du milieu et les petits trian- gles de la périphérie arrivent tous ensemble à l'intuition ; mais il dépend de l'esprit que telle ou telle impression soit instantanément la plus vive. La même chose arrive dans l'hypothèse de deux ou d'un grand nombre de sons ; l'esprit perçoit alors tels ou tels intervalles donnés avec plus d'intensité ou plus clairement que les au- tres. C'est là ce qui nous rend capables de distinguer les sons d'un instrument au milieu de tout un orchestre , fa- culté à laquelle contribue naturellement d'une manière puis- sante la différence qui existe entre les divers instrumens sous le rapport du timbre , et qui fait que les ébranlemens de leurs sons se font remarquer par des vibrations accessoires. SDH LES NERFS AUDITIFS. Ô^-J %-7& Il est un cas qui présente un intérêt particulier; c'est celui dans lequel deux ^ons se trouvent presque à l'unisson , sans toutefois y être complètement , de manière, par exemple, que l'un fait cent et l'autre cent et un ébranlemenspar seconde. Alors les ébran- lemens de Tim prennent peu à peu le devant sur ceux de Taulre , jusqu'à ce qu'enfin ils coïûcident de nou- veau ensemble à chaque seconde. Les maxima des ébranlemens sont placés à la plus grande distance possible l'un de l'autre pendant la moitié d'une se- conde ; il arrive même que la raréfaction de l'un et la condensation de l'autre se couvrent ou s'eflfa- cent réciproquement , comme la figure 79 le repré- sente pour deux ondes ; mais toutes les secondes , les maxima des deux sons se couvrent ou se fortifient. Depuis le commencement jusqu'au milieu de la figure, l'intensité du son diminue, parce que la portion de la condensation de l'un qui couvre la raréfaction de l'au- tre devient peu à peu de plus en plus considérable , jusqu'à ce qu'enfin uu point arrive où elles se neutra- lisent réciproquement ; après quoi le son s'accroît à mesure que la raréfaction de l'un s'éloigne de la condensation de l'autre, jusqu'à ce que, à l'autre extrémité, il n'y ait plus de nouveau que les conden- sations qui se couvrent. Il devrait donc , à propre- ment parler, y avoir un moment de silence complet au milieu. Comme nulle interruption n'a lieu, que y seulement le son a moins de force en ce moment V_ qu'en tout autre , l'expérience peut aussi servir de preuve pour démontrer que la durée de l'impression exercée sur les nerfs auditifs l'emporte sur celle de la cause. Mais si deux sons simultanés sont presque à l'unisson , sans y être parfaitement , outre la valeur déterminée du son, on perçoit une augmentation et une diminution flottantes de son inten- ii. ^ i; 5^8 EFFETS DES ONDES SONORES site. C'est ce qu'on appelle le battement , phénomène qu'il est facile de remarquer quand on pince deux cordes du sono- mètre qui ne sont point parfaitement à Tunisson. Deux sons simultanés , entre les vibrations desquels rè- gne un rapport simple , comme celui de 2 à 3 , de 3 à 4 , de 4 à 5 , et dans lesquels la coïncidence de deux ébranlemens se reproduit avec une rapidité suffisante , produisent , par l'effet de celte coïncidence, un troisième son subjectif, qui cependant a aussi ses causes hors du sujet. Supposons que le a . , . . . son a fasse deux vibrations pendant que le son b en fait ^ . trois , si les ébranlemens de l'un et de l'autre ont com- mencé ensemble, leur coïn- *^ • • • cidence se répète chaque fois après deux intervalles du premier et trois du second , ce qui fait que l'oreille entend aussi à part les ébranlemens plus forts c , avec des intervalles plus grands , et constituant un troisième son , ou le son de Tartini. La figure rend le phé- nomène appréciable à l'œil ; seulement il faut remarquer que les points indiquent non pas les ébranlemens , mais seulement leurs maxima , et qu'on doit se figurer les maxima de la raré- faction dans le milieu de lintervalle qui sépare les points. On peut produire ces sons , tant avec des instrumens à cordes qu'avec des instrumens à vent , pourvu que les sons soient suffisamment forts et soutenus. La corde /ég d'un violon étant montée en mi^ , et attaquée d'une manière soutenue par l'archet en même temps que la corde la^ , on produit le son /»!. De même, on obtient obtient tu^ avec ut^ et mi^ , ou i^o/g avec si^ et r^^^. Dans certaines circonstances , il se manifeste encore un son de Tartini, ce que la théorie faisait déjà prévoir, et ce qui a été observé par Blein. Dans l'exemple précédent, il a été supposé que les deux sons commençaient exactement ensemble , ou faisaient leur SUR LES NERFS AUDITIFS. 5^9 premier ébranlemerit au même moment: S'il n'^n est pas ainsi, une coïncidence parfaite des ébranlemens ne pourra avoir lieu , et il y aura seulement un maximum d'approximation à des momens déterminés , c'est-à-dire que Tun des sons par- viendra au maximum de son ébranlement quand l'autre n'aura pas encore atteint le sien , ce qu'exprime la figure suivante. Les séries a et ^ ont les mêmes intervalles que dans l'exem- Fig. 80. pie qui précède; a fait deux vibrations tandis que ^ en ac- complit trois. Des deux séries provient la série composée c. Mais cette approximation des maxima , dès qu'elle se répète, suffit pour être perçue, et pour produire le son de Tartini, qui seulement ne saurait être aussi fort que dans le cas pré- cédent. Plus l'approximation des maxima est grande , plus le son de ïartini a d'intensité. On conçoit en même temps , d'après cela , pourquoi il y a tant d'inconstance dans l'observation de se son , et pourquoi l'on ne peut jamais compter sur lui en musique. Le son de Tarlini , qui est toujours plus grave que les sons primaires , doit être soigneusement distingué , comme son subjectif, des sons accessoires plus aigus des cordes, des clo'Iies, etc., qui se font entendre indépendamment du son fondamental , et qui appartiennent aux sons de flageolet. Ceux- là ont une cause objective dans les instrumens eux-mêmes qui produisent le son. IV. Harmonie des sons. Intervalles musicaux. Les rapports des sons dont on fait usage en musique se fondent , en partie sur le plus ou moins de développement de 58o EFFETS DES ONDES SONORES la farullé que l'ouïe possède de distinguer l'impression totale d'un certain nombre de vibrations , en partie sur le plaisir que causent au sens les rapports simples des sons les uns avec les autres sous le point de vue du nombre de leurs vibrations. Le rapport que l'oreille saisit a Vec le plus de facilité est celui de 1 : 2 : 4 : 8, etc., c'est-à-dire le rapport du son fonda- mental à l'octave et aux octaves subséquentes. Des sons , dont l'un fait deux fois autant de vibrations qu'un autre dans un même laps de temps , se ressemblent à tel point qu'ils n'agis- sent sur nous que comme des répétitions l'un de l'autre. Aussi le rapport de deux sons n'éprouve-t-il pas d'altération essen- tielle lorsqu'on rend l'un d'eux plus aigu ou plus grave d'une ou de plusieurs octaves. Un autre rapport , également facile à apprécier, et agréable parce qu'il est simple , est celui de 2 : 3 , ou du son fondamental à la quinte , et celui de 4 : 5 , ou du son fondamental à la tierce. Si l'on désigne le son fon- damental par 4, la tierce est par conséquent 5 , la quinte 6, et l'octave 8. Prend-on 1 pour son fondamental , on a ut^ «*»s sol^ ut^ 1 5/4 3/2 2 son fondamental tierce quinte octave quatre sons qui , pris ensemble , forment l'accord le plus sim- ple et le plus efficace ; les trois premiers seuls en font déjà un fort agréable. Mais la musique n'en est point restée là. Il y a encore d'au- tres rapports de sons qui sont susceptibles d'être saisis facile- ment et de flatter l'oreille. Le son dont l'octave ut,, est la quinte , ou dont 3 : 2 exprime le rapport , est 4/3 ou /«g, et il y a en conséquence un rapport tout aussi simple entre lui et le son fondamental ut„ qu'entre lui et l'octave ut^ ; la tierce de sol g est 15/8 ou si^. 1 5/4 4/3 3/4 45/8 2. Entre ut. et mi^^ se trouve encore un son qui se comporte SUR LES NERFS AUDITIFS. 58 i comme quinte à l'égard du sol de l'octave plus grave , et^qui est par conséquent r^a, avec 9/8. Enfin ut est à ré , ou 1 : 9/8 , comme un son {la) intermé- diaire entre sol et «/est à «i ; ce la est 5/3. Tels sont les sons de la gamme ut^ ré^ mi^ fa.^ sol^ la^ si^ ut^ 1 9/8 5/4 4/3 3/2 5/3 15/8 2 Dans cette série ut est à rè comme 1 : 9/8 ré est à mi comme 1 : 10 9 mi est à fa comme 1 : 16/15 fa est à sol comme 1 : 9/8 sol est à la comme 1 : 9/10 la est à si comme 1 : 9/8 jî'est à îit comme 1 : 16/15 Les rapports 1 : 9/8 et 1 : 10^9 sont appelés tons entiers , et celui de 1 : 16/15 prend le nom de semi-ton. Entre les sons qui sont séparés par des tons entiers, on distingue encore des semi-tons. Il n'y a pas égalité entre élever un son d'un semi-ton ou du rapport de 1 : 16/15, et abaisser le son suivant de la même quantité, et par conséquent ut dièse diffère de ré bémol. L'in- tervalle de 1 : 5/4 , ou à'^u à mi, s'appelle tierce mi^jeure , et l'intervalle de 1 •• 6/5 , ou d't*^ a wi bémol , prend le nom de tierce mineure. Dans un accord consonnant de plusieurs sons , ceux-ci doi- vent être dans un rapport simple tant avec le son fondamental qu'entre eux. C'est à celte seule condition que leur réunion produit un effet agréable. Ut : mi -. sol, ou 1 : 4/5 : 3/2, for- ment une triade harmonique-, car mi est àw^dans un rapport simple, celui de 5 : 4 , et so\ est à ut dans un rapport égale- ment simple , celui de 3 : 2 ; mais mi et sol sont aussi conson- nans, puisque le rapport entre eux est de 1 : 6/5. Au con- traire , ut : mi bémol . mi , OU 1 '• 6/5 : 5/4, ne foraient point D§2 EFFETS DES ONDES SÔNOMS lin accord harmonique ; car ut est bien à mi bémol comtne d : 6/5 , et ut à mi comme 1 : 5/4 ; mais mi et mi bémol ne sont point consonnans , nttencîu que 6/5 : 5/4 = I : 25/24. L'harmonie a donc pour cause la simplicité des rapports numé- riques. L'accord du son fondamental avec la tierce majeure et la quinte , ut : mi : sol , ou 1 : 5/4 : 3/2, s'appelle Taccord ma- jeur; celui du son fondamental avec la tierce mineure et la quinte , ut : mi bémol : sol , ou 1 : 6/5 : 3/4 , se nomme ac- cord mineur. Tous deux sont composés d'une tierce majeure et d'une tierce mineure , 5/4 et 6/5 ; tous deux ensemble for- ment une quinte. Dans l'accord majeur, la tierce majeure pré- cède la tierce mineure ; dans Taccord mineur, c'est la tierce mineure qui précède la majeure. Ces deux accords produisent un effet différent sur l'oreille. La consonnance est plus satis- faisante dans l'accord majeur que dans l'accord mineur. Les dissonances produisent aussi un effet agréable sur Vô- reille lorsqu'elles font le passage à des consonnances , ce qu'on appelle les résoudre ou les sauver. Un accord dissonnant, ou- tre des intervalles consonnans, en contient aussi un dissonnant. L'octave est consonnante avec la tonique , la tierce et la quinte; mais la septième fait dissonnance. L'accord de septième peut servir comme exemple d'un accord dissonnant : outre la toni- que , la tierce et la quinte , il renferme encore la septième. On parvient à résoudre la dissonnance par un accord qui , au lieu du son dissonnant, renferme les consonnans, ou qui est consonnaat avec le son dissonnant. Le rapport est le même que quand nous voyons plusieurs couleurs à la fois-, le défaut d'harmonie entre le bleu et le rouge s'efface par l'interposi- tion d'une autre couleur qui est harmonique avec ces deux-là et indifférente pour les autres. Du vert, entre du rouge et du bleu , fait disparaître le défaut d'harmonie , parce qu'il est harmonique avec le vert et indifférent par rapport au bleu. Le même effet résulte de l'orangé, qui est harmonique avec îé SUR LES NEBFS AUDITIFS. 583 bleu et indifFérent eu égard au rou{je. Descartes a très-bien peint l'effet des dissonnanceset des consonnances sur Toreille. Inter objecta sensus illud non animo gralissimum est, quod fa- cile sensu percipitur, nequeetiam difjiciUime^sed quod non tant faciie^ut naturale desidcrium^ quo sensus feruntur in oùlçcta plane non impleat^ neque eliam tant difficulter^ ut sensus faiio-et. L'harmonie de l'ociave est trop simple pour salibfaire , et la dissonnance elle-même devient satisfaisante lorsque ce qu'il y a de difficile à saisir en elle se résout en un rapport plus facile. Il y a impossibilité , quand la série des sons est considé- rable , d'employer les intervalles avec une pureté arithméti- que, telle que l'ouïe en elle-même l'exige. L'exemple suivant, cité par Chladui , en fournit la preuve. Quand on emploie seulement à la suite l'un de l'autre les intervalles «o/, ut, fa ré, sol^ ut , le second ut n a déjà plus la valeur du premier, et il en est de même du jo/. La pureté des intervalles exigerait : sol '. ut "m O : % ut : fa zn Z '. li fa : re zz: 6 : 5 ré : «o/ ZZ 3 : 4 sol : ut zn Z '. 1 OU Jol : ut : fa : ré : sol : ut =^ 243 : 162 : 214 : 180 ; 240 : 160. La première fois sol a la valeur de 243, et la seconde fois celle de 240 ; la première valeur d'ut est de 162, et la seconde de 160. En répétant davantage, on s'éloignerait tou- jours de plus en plus de la valeur priinordiale des sons. Ce qu'on nomme le tempérament pare à cet inconvénient , en alté- rant la pureté des sons d'une manière légère , mais insensible à l'oreille. Il est dit égal ou inégal suivant que Taltération se trouve répartie d'une manière uniforme ou non. Le lempéra- ment égal est généralement admis dans la musique, comme étant le plus facile à mettre en pratique. Tenter de maintenir *a pureté des sons entre les octaves , ne pourrait qu'entraîner 584 EFFETS DES ONDES SONORES de plus grands inconvéniens pour les autres sons. Les incou- véniens du tempérament égal ne sont point sensibles à l'oreille, pas plus que ne le sont en général les légers défauts dans l'aceord d'un instrument. Si l'oreille pouvait remarquer de si petites différences , la pratique des intervalles purs serait im- possible sur des instrumens , puisqu'on éprouve déjà de si grandes difficultés à se procurer un instrument dont raccord soit parfaitement pur. Vm Audition* Distinguer la direction du son n'est pas un acte de la sen- sation elle-même, mais un jugement, porté d'après l'ex- périence acquise. En raison de la modification que l'ouïe éprouve suivant cette direction , la perception place le corps qui produit le son dans tel ou tel sens déterminé. Le seul guide certain à cet égard est l'impression plus vive que le son exerce sur l'une des deux oreilles. Cependant la réflexion des ondes sonores, la résonnance, la transmission non affaiblie du son par l'air des tuyaux de communication recourbés, éta- blissent la possibilité de nombreuses erreurs. La transmission condensée du son dans des tubes contenant de l'air, ou sa pro- pagation, par des conducteurs solides , à un foyer de réson- nance éloigné, peut faire naître une illusion telle que son point de départ semble être le bout du tuyau dans le premier cas, ou le foyer de résonnance dans le second. La direction du son peut également être appréciée? au moyen de l'ouïe, en donnant des positions variées à la tête et à l'oreille, qui font que les ondes sonores tombent sur cette dernière, tantôt perpendiculairement et tantôt obliquement. Si ces deux moyens échouent, que les deux oreilles aient une même situation eu égard au lieu du son , comme , par exemple , quand ce dernier est excité devant nous ou der- rière, il est hors de notre pouvoir de di^tinglJer si les ondes sonores viennent de l'avant ou de l'arrière, ainsi qu'il résulte SUR LES NERrS AUDITIFS. 585 des expériences de Venuinni , et que les lois de la physique suffisent déjà pour l'établir. Les ondes ne déterminent pas seulement l'ébranlement condensant dans une direction, elles produisent aussi l'ébranlement dilatant dans la direction op- posée, et quand il s'en succède plusieurs les unes à la suite des autres, ces deux sortes d'ébranlemens alternent réguliè- rement ensemble. Quand bien même on pourrait distinguer la direction de l'ébranlement sur le nerf, on n'aurait pas moins, dans le dernier cas, tout autant de fondement à placer le son dans une direction que dans la direction opposée. Les ventriloques profitent de l'incertitude que présente la distinction de la direction du son, et du pouvoir de l'imagina- tion sur le jugement ; ils parlent dans une certaine direction, et font comme s'ils entendaient le son venir de là. Nous ne sentons pas la distance du son , mais nous jugeons d'elle d'après l'intensité de celui-ci. Le son lui-même occupe toujours la même place dans noire oreille ; mais nous plaçons hors de nous le corps qui le produit. Il suffît d'assourdir la voix et de le rendre telle que nous l'entendons dans le loin- tain, pour faire croire à son éloignement , ce qui se pratique dans la ventriloquie. Mais l'imagination influe aussi sur l'acte même de la sensa- tion, et celle-ci devient plus vive par le fait de l'altention. Elle parvient alors à distinguer un bruit déterminé parmi plu- sieurs autres ou parmi des sons nombreux , et à suivre le jeu d'un seul des instrumens dans un orchestre. Si deux personnes nous disent des choses différentes, chacune datis une oreille , les deux impressions se mêlent ensemble ; ce n'est qu'à l'aide d'un effort soutenu d'attention, et par la différence du timbre des deux sons , qu'il nous est donné de suivre l'une des deux séries , et de rendre notre ouïe plus ou moins inaccessible à l'autre série , qui agit sur nous comme un bruit distrayant. Accroître volontairement l'aiteniion qu'on consacre à des sons, s'appelle écouler. Lorsque l'intention de l'âme tombe 586 EFFETS DES ONDES SONORES sur ce qui est apporté au sensorium commune par les nerfs auditifs, nous n'entendons même point le son existant. Mais souvent aussi nous n'entendons faiblement une chose que parce qu'une autre occupation, qui absorbe notre atten- tion, nous empêche de l'écouter, et qu'ensuite nous nous sou- venons du son ; un phénomène ana'ogue a lieu dans d'autres sens. Les actes contraires de Timagination se troublent en quelque sorte les uns les autres, comme il arrive à des ondes douées de qualités opposées , qui , après s'être traversées ré- ciproquement, continuent à marcher chacune de son côté. VI. Prolongation de la sensation auditive. Déjà les expériences de Savart, qui ont été rapportées pré- cédemment, établissent que l'impression des ondes sonores sur les nerfs auditifs dure un peu plus long-temps que le passap;e du son à travers l'oreille. Mais une longue durée ou une répétition fréquente de même son fait persister bien da- vantage la sensation consécutive dans le nerf, et la maintient même au-delà de dix à onzelieures^ comme le savent fort bien ceux qui ont passé plusieurs jours de suite dans une pesante chaise de poste ; arrivés à leur destination, ils continuent pen- dant long-temps d'entendre du bruit dans leurs oreilles. On peut juger d'après cela que la sensation du son, comme tel ne dépend point, en dernière instance , de l'existence des ondes sonores, et que le son, comme sensation, tient à un état du nerf auditif, qui peut bien être excité par des ébranlemens, mais qui est possible aussi d'une autre manière. On a cru ex- pliquer les sensations consécutives, dans le sens de la vue, en admettant que la lumière, supposée matière, est retenue pen- dant quelque temps par la rétine, comme dans le cas où elle vient à être absorbée. Pour ce qui concerne le sens de l'ouïe, la fausseté de cette hypothèse saute de suite aux yeux. Il n'y a point ici de matière excitante qui puisse être retenue , et pour que les ondes déterminées par l'ébranlement persistas» éDR LES NEKFS AUDITIFS. 687 sent, il faudrait que le principe nerveux lui-même éprouvât, dans le nerf auditif, des fluctuations qui se succédassent jus- qu'à ce que l'équilibre fût rétabli. VII. Audition double. A la double vue du même objet par les deux yeux corres- pond la double audition par les deux oreilles; à la double vue avec un œil, à cause de l'inégalité dans la réfraction, la double audition avec une oreille , à cause de celle dans la trans^ mission. Le premier mode d'audition double est fort rare. Sauvages et Itard en citent des exemples. Dans l'un des deux cas de Sîflivages, outre le son fondamental , l'individu entendait en- core son octave , ce qui serait difficile à expliquer, si le fait était exact. Chez le sujet dont parle Itard , des sons d'une acuité différente étaient entendus par les deux oreilles. Il est probable que les faits de cette nature deviendraient moins rares si Ton observait avec plus d'attention. J'ai moi-même été une fois tourmenté par une sorte de retentissement sur un ton plus élevé , qui me frappait lorsque j'entendais des sons d'une force modérée, tels que ceux de la voix humaine ; mais ce phénomène fut très-passager, et il ne s'est point reproduit; je ne sais pas non plus si le retentissement provenait d'une inégalité d'action des deux oreilles. Le second mode d'audition double dépend non de l'inégalité d'action des deux oreilles, mais du défaut d'uniformité dans la manière dont deux milieux différens transmettent un même son à l'organe auditif. On peut le produire en écoutant avec une oreille, dans l'air, le son d'une petite cloche qui tinte dans l'eau, pendant que, de l'autre oreille bouchée, on écoute les vibrations que le liquide lui transmet à l'aide d'un conduc- teur. Les deux sons diffèrent l'un de l'autre eu égard à l'in- tensité et au timbre. Il en est de même lorsqu'au moyen d'uû sifflet fermé par une membrane et plon^'é dans l'eau, on 588 EFFETS DES ONDES SONORES produit un son qui arrive à une oreille par l'air, et à l'autre oreille bouchée par le conducteur plongé dans l'eau. VIII. Finesse de l'ouïe. 11 faut distinguer pour la vue plusieurs genre de perfection, qui portent sur la faculté de voir à des dislances diverses , ainsi que sur celles de reconnaître le champ des particules de la rétine, de distinguer la clarté et l'obscurité , d'apprécier les nuances des couleurs. Le sens de l'ouïe ne se prête à aucun pa- raîèlie avec la première de ces quatre facultés, non plus qu'avec la seconde. Mais, de même que tel homme ne voit bien qu'au grand jour, et tel autre qu'à une lumière modérée , de même l'ouïe n'a pas la mênie aptitude chez tous à distinguer les sons graves et aigus. Et comme un sujet doué d'une bonne vue peut cependant mal apprécier les couleurs, et manquer totalement de sens pour jnger de leur harmonie et de leur défaut d'harmo- nie, ainsi un homme qui entend bien, qui saisit même le moindre bruir, peut être incapable d'établir des distinctions musicales entre les sons , de sentir Tharmonie et la dissonnance , tandis qu'il est possible qu'un autre, avec l'ouïe faible, possède celte faculté à un haut degré. Certains individus entendent très- bien d'une manière générale, mais les limites de l'audition pour les sons aigus sont fort peu étendues chez eux.Wollaston en a observé des exemples. Les personnes qui ont l'ouïe dure entendent quelquefois encore les sons fort aigus avec facilité. Il paraît, d'après ce qui a été dit précédemment, que ce phé- nomène peut dépendre , entre autres , d'une trop grande tension delà membrane du tympan par une cause quelconque. Certains sourds entendent mieux les sons faibles quand on fait beaucoup de bruit autour d'eux. Willis a décrit deux cas de ce genre, relatifs, l'un à une personne qui ne pouvait suivre un entretien qu'autant qu'on battait de la caisse auprès d'elle, et l'autre à un individu qui n'entendait que pendant le jeu des cloches. D'autres exemples ont été vus par Holder, Bach- SUR LES EFFETS AUDITIFS. 689 rhann et Fielitz. Cet effet peut tenir à la torpeur du nerf au- ditif, qui a besoin d'excitement pour déployer toute l'énergie de son action. Le pouvoir qu'ont certains sourds d'entendre tels ou tels sons aussi bien que d'autres personnes, au milieu d'un grand bruit, peut aussi dépendre de ce que le bruit les trouble beaucoup moins (1). Tel devait être , par exemple , le cas de celui qui, dans une voiture fermée , prenait part sans difficulté à l'entretien de ses compagnons de voyage ; les au- tres, disait- il, n'entendent pas mieux que moi là voix des per- sonnes qui parlent dans la voiture , parce qu'ils entendent da- vantage le bruit du roulement. La finesse excessive de l'ouïe provient d'une trop grande irritabilité du nerf auditif, et cor- respond à la pbotopliobie . On ignore quelles sont les causes qui font que tel ou tel n'a point Toreille musicale j mais quiconque manque de cette aptitude , sera toujours un mauvais chanteur, eût-il d'ailleurs une belle voix. IX. Sons> subjectifs. Les sons purement subjectifs sont ceux qui tiennent , non à des ondes impulsives , mais à un état d'excitation dans le nerf auditif, car quelqu' excitation qu'éprouve ce nerf , il la ressent comme son, ill'entend. Tels sont les tintemens et bour- donnemens d'oreilles chez les personnes qui ont les nerfs dé- licats , ou le cerveau malade , et chez celles dont le nerf au- ditif lui-même est le siège d'une lésion ; tel est encore le bruissement qu'on discerne dans ses oreilles après avoir long- temps couru dans une voiture dure. Quelques-unes des expé- riences de Kitter sur l'électricité ont été accompagnées de manifestation d'un son dans l'oreille : ici l'affection du nerf auditif est déterminée par le seul courant du fluide électrique, qui donne lieu à une sensation de lumière dans l'œil , à une sensation tactile dans les nerfs du toucher , à la sensation (1) De Gebawdo, Z)e V éducation des sourds-muets , Paris , 1827, 2 vol. in-8. 590 EFFETS DES 01SDE3 SONORES d'une odeur phosphoreuse dans les nerfs olfactifs , à celle d'une saveur ai^releite ou acre dans les nerfs gustatifs. On peut consulter à cet ég^rd ce que j'ai dit dans Tinlroduction à la physiologie des sens. Il faut distinguer des sons purement subjectifs ceux dont la cause ne réside pas uniquement dans le nerf auditif, mais tient à un son qui s'est produit dans les organes eux-mêmes de l'audition. Ici se range le bruisseqaent qui s'observe dans les cas de congestion vers la tête et Toreille , ou .dans ceux de dilatation anévrismatique des vaisseaux. Souvent même on entend déjà , sous la forme d'uo sifflement saccadé , le simple bruit de ja circulation du sang dans l'oreille. Ici prennent place encore et le craquement qui accompagne la contraction des muscles des osselets de Touïe, et le bruit qu'on entend lors- f| que les muscles du voile du palais se contractent, qu'on baille, que Ion condense l'air de la caisse tympanique de manière à tendre la membrane du tympan, qu'on se mouche» qu'on abaisse violemment la mâchoire inférieure, etc. J .Le bourdonnement d'oreilles qui accompagne l'oblitération 1 de la trompe d'Eustache ne peut point encore être expliqué * d'une manière suffisante. ,, M Le docteur Henle présente cette particularité individuelle < qu'en passant légèrement le doigt sur sa joue, il excite un bruissement dans Toreille. Ceci peut dépendre d'une action réfléchie du nerf facial sur le cerveau et par suite sur le nerf acoustique , ou aussi d'un mouvement de réflexion des mus- cles des osselets de l'ouïe. X. Sympathies du nerf auditif. Les excitations du nerf auditif peuvent déterminer et des mouvemens et même des sensations dans d'autres sens. L'un et l'autre effet a lieu vraisemblablement d'après les lois de la réflexion, par l'intermédiaire du cerveau. Un bruit violent produit, chez tous les hommes, le cillement des paupières , SUR LES NERFS AUDITIFS. Ôgi et chez les personnes qui ont les nerfs délicats, une secousse par tout le corps. Les sensations qui succèdent à des impressions auditives sont principalement des sensations tactiles. Chez les personnes à système nerveux impressionnable , un son inopiné est quel- quefois suivi d'une sensation tactile désagréable, comme d'iine commotion électrique dans le corps entier , ou même d'une sensation tactile dans rcreille externe; certains bruits, comme le frottement du papier , le frôlement du verre et autres semblables , causent à beaucoup d'individus une sen- sation désagréable dans les dents, ou un frisson par tout le corps. Certains hommes sont sujets à ce que l'eau leur vienne à la bouche quand ils entendent des sons violons. Tiedemann (1) et Lincke (2) ont réuni plusieurs exemples de sympathies qui se rapportent ici. L'ouïe peut , en outre , subir des altérations ayant pour point de départ beaucoup de parties du corps. Elle est surtout sus- ceptible de s'altérer dans les maladies du bas-ventre et dans les affections fébriles. Tout porte à croire qu'en pareil ca^ aussi , les parties centrales du système nerveux servent d'in- termédiaire. (1) Zeitschrift fuer Physiologie , 1. 1, cah. 2. (2) Loc. c4V.,pag. 567. 5^2 DES CONDITIONS PHYSIQUES Section troisième.- Du sens de l'odorat. CHAPITRE PREMIER. Des conditions physiques de Tolfaction. Le sens de l'odorat n'agit , dans la règle , qu'à roccasion d*impressions matérielles et de changemens correspondans subis par le nerf olfactif. Gomme celui du goût , il est suscep- tible d'une infinité de modifications, toutes relatives au mode de l'impression matérielle. La première condition de l'odorat est le nerf spécifique , dont les changemens matériels sont sentis sous la forme d'o- deurs : car nul autre nerf ne transmet celte sensation , même lorsqu'il est sollicité par des causes identiques , et la substance qui a de l'odeur pour le nerf olfactif , a de la saveur pour le nerf gustatif, et elle peut être acre, brûlante, etc., pour le nerf tactile. Kant disait que l'odorat est un goût à distance ; cette manière de s'exprimer ne me semble pas exacte. La seconde condition de l'odorat est un état déterminé du nerf olfactif, ou un changement matériel et spécial de ce nerf par le stimulus, c'est-à-dire par ce qui est susceptible de porter une odeur. Les choses susceptibles de faire naître la sensation des odeurs sont , chez les animaux aériens , des substances répan- dues dans l'air, en molécules extrêmement ténues, et des émanations gazeuses , souvent si subtiles que nul réactif ne saurait en indiquer là présence, si ce n'est précisément le nerf olfactif. Chez les Poi.ssons , les matières susceptibles d'affecter DE l'olfaction. 5^3 Todorat sont contenues dans l'eau. Le défaut absolu de con- naissances physiques sur la manière dont les substances odo- rantes se répandent, nous laisse incertains de savoir si elles sont dissoutes dans l'eau , comme le serait un gaz absorbé par ce liquide. On conçoit , d'ailleurs , que leur état de dissolution dans l'eau ne saurait être un motif de refuser l'odorat aux Poissons ; car Tesseniiel de la sensation olfactive ne lient pas à la nature gazeuse de la matière odorante , mais à la sensibi- lité spécifique du nerf olfactif, à la différence qui existe entre cette sensibilité et celle de tous les autres nerfs sensoriels. Chez les animaux aériens eux-mêmes, les odeurs sont obligées de se dissoudre dans le mucus de la membrane pituitaire avant de pouvoir affecter le nerf olfactif , et il doit s'opérer là un mode d'expansion analogue à celui de la répartition d'une matière odorante dans l'eau. De même, le nerf gnstatif n'est pas seulement sensible aux choses sapides liquides ou solides , car il y a des corps gazeux , comme l'acide sulfureux et plusieurs autres , qui donnent lieu à des saveurs , lorsqu'ils se dissolvent dans l'humidité qui recouvre la langue. On peut donc très-bien concevoir qu'un même principe provoque des sensations différentes dans le nerf olfactif et dans le nerf gus- tatif, Todeur dans l'une, la saveur dans l'autre. En compa- rant l'organe olfactif des animaux aériens à un poumon et ce- lui des Poissons à une branchie , Treviranus s'est servi d'une image , bonne en général ; mais il ne faut pas s'imaginer que les matières odorantes dissoutes dans l'eau repassent à l'état de gaz , avant d'affecter les nerfs olfactifs , pas plus que les branchies n'ont besoin de ramener les gaz dissous dans l'eau à leur état aériforme pour qu'ils puissent être admis dans le sang. L'état sous lequel ces gaz sont contenus dans le sang est le même exactement que celui sous lequel ils se trouvaient dans l'eau. Enfin , les nerfs olfactifs des Poissons sont identi- ques avec ceux de tous les autres animaux; ils naissent des mêmes points du cerveau, des mêmes lobes de cet organe, li. 38 5g4 ^^ t'ORGANE OLFACTIF. les lobes olfactifs , dent on aperçoit même encore des vesligêâ chez les Mammifères. Une autre condition de Todorat est que la membrane mo- queuse nasale soit humide ; car rhumidilé est le véhicule à la faveur duquel les substances odorantes arrivent jusqu'au nerf. Quand la membrane pituitaire est sèche , on ne sent rien , et la diminution de la sécrétion muqueuse , pendant la première période du coryza^ suffit déjà pour abolir ou affaiblir l'o- dorat. Chez les animaux qui vivent dans l'air , un courant des ma-^ tières odorantes à travers l'organe olfactif est nécessaire aussi foniv que l'odorat s'accomplisse. Ce sont les mouvemens res- piratoires qui y donnent lieu. En modifiant à volonté ces mou- vemens, nous exerçons de Tinfluence sur Tolfaetion, nous rinlerrompons par la suspension de la respiration , et nous la rendons plus active par des inspirations répétées. Chez les animaux qui vivent dans l'eau, ce mouvement n'existe pas, en grande partie, puisque leur nez n est générale- ment point perforé , et qu'il n'a pas de communication immé- diate avec l'organe respiratoire. Cependant , là même encore, il y a une disposition particulière qui rend le courant possi- ble : car les mouvemens de l'opercule donnent lieu à un cou- rant continuel d'eau , qui traverse la bouche et ressort par l'ouverture placée sous ce couvercle. CHAPITRE II. De l'organe olfactif. Les organes olfactifs des animaux sans vertèbres sont peu connus encore , quoique plusieurs de ces animaux aient le sens de l'odorat très-développé , comme par exemple la Mou- che à viande , qui dépose ses œufs dans les substances ani- males en putréfaction , et qui se laisse induire en erreur par l'odeur fétide du Stapelia hirsuta. Le principe qui préside à la formatiou et aux modifications DE l'ok(^ane olfactif. 595 de l'organe de l'odoraî , est la multiplicité des surfaces olfac- tives dans un petit espace. Sous ce rapport, il y a une grande affinité entre l'appareil de la respiration et celui de l'olfaction. Chez les Poissons , et, parmi les Reptiles nus , chez le Pro- tée , la multiplication des surfaces résulte du plissement de la membrane muqueuse , dont les plis sont ou appliqués les uns contre les autres , à l'instar des lames branchiales , comme chez les Cyclostomes , ou disposés en manière de rayons qui partent d'un centre commun , comme chez l'Esturgeon , ou rangés parallèlement les uns aux autres sur les côtés d'une bandelette médiane. Les lames se divisent souvent en bran- ches , pinceaux , etc. Chez la plupart des Poissons , les cavités nasales sont des fosses superficielles, qui ne traversent pas le palais. Dans la Baudroie , ce sont des espèces de petites cloches pétiolées , au fond desquelles se trouvent des pfis. Chez les Cyclostomes, ces cavités sont réunies en une seule, c'est-à-dire ne présentent pas de cloison : elles sont pourvues d'un tube qui aboutit à la surface de la tête {Petromyzon, Am- mocetus) , ou à la partie antérieure du museau (Myxinoides). Ce tube est très-long chez les Myxinoides , et garni d'anneaux cartilagineux , absolument comme la trachée-artère. Le nez des Cyclostomes est percé , et un conduit traverse le palais osseux. Cependant la Lamproie n'a pas d'ouverture à la membrane palatine ; son canal naso palatin se termine en cul-de-sac dans la voûte palatine , et il est logé entre le crâne et la membrane du pharynx. Le canal forme également un cul-de-sac chez TAmmocète. Cet appareil ne sert donc qu'à attirer leau dans le nez, et à l'en faire sortir. Chez les Myxi- noides , au contraire , le palais osseux et le palais mou sont perforés tous deux , et derrière l'ouverture naso-palatine, on découvre seulement une valvule dirigée en arrière , qui pa- raît servir au mouvement et au renouvellement de l'eau con- tenue dans le nez. 5q6 de l'orga-NE olfactif. L'espèce d'évent des Lamproies et la valvule mobile des Myxinoïdes semblent être une conséquence nécessaire du reste de rorganisaliun de ces animaux. Pour qu'une odeur puisse se faire sentir , il faut que le milieu qui la transporte se meuve vers la surface olfactive. Les animaux aériens ne flairent qu'à la condition d'attirer Tair dans le nez. Chez ceux qui vivent dans l'eau , le renouvellement des couches odo- rantes d'eau autour de la tête tient à ce que , par l'effet des mouvemens respiratoires , le liquide entre dans la bouche et sort par les fentes des branchies. Ce mode de renouvellement de l'eau dans le nez n'est pas possible chez les Cyclostomes , lorsque leur bouche fait office de suçoir -. de là , l'appareil particulier de leur cavité nasale , qui sert à attirer de nou- velle eau dans le nez, et à en chasser l'ancienne. Le nez des Reptiles est toujours perforé. Chez quelques Protéides , le canal naso-palatin ne traverse même pas les os, et l'état rudimentaire de la mâchoire supérieure , qui n'est qu'engagée dans les chairs , fait qu'il perce la lèvre supé- rieure. Mais ce n'est point là un caractère général de la fa- mille des Protéides, car l'ouveriure naso-palatine de l'Axo- lotl est limitée par des os, comme à l'ordinaire. Tous les Pro- téides n'ont pas non plus la membrane pituitaire plissée comme les Poissons : cette disposition ne s'observe que chez le Prêtée. Dans les Reptiles écailleux et les Oiseaux , on trouve des prolongemens en forme de cornets , qui servent à multiplier les surfaces. Les Mammifères ont les masses laté- rales de l'eihmoïde , les cornets et les sinus des fosses na- sales. L'accroiesement que le cornet inférieur procure aux surfaces est très-remarquable chez les Mammifères. Les for- mes les plus singulières de cet os sont celles qu'on rencontre, d'un côté , chez les Ruminans , les Solipèdes , et en général les herbivores, d'un autre côté, chez les Carnivores. Les cor- nets inférieurs des herbivores représentent une lame , dont la portion fixée ^est simple, tandis que ia portion libre se di- DE l'organe olfactif. 697 vise en deux lamelles , l'une supérieure , Tautre inférieure , qui se roulent sur elles-mêmes , en sens inverse Tune de l'autre , la première vers le haut, et la seconde vers le bas. Chez les carnivores , les cornets inférieurs se partagent en branches et rameaux , qui ressemblent assez bien à l'arbre de vie du cervelet. Ceux de l'homme , comparés à ceux-là , semblent être réduits à l'état rudimentaire. Les organes de Stenson entretiennent, chez beaucoup de Mammifères, une communication entre le nez et la bouche , et remplacent le trou incisif. Il faut distinguer des conduits de Sienson l'or- gane de Jacobson , tube en partie membraneux et en partie cartilagineux , qui est placé sur le plancher du nez, entre le vomer et la membrane muqueuse , et qui communique avec le conduit de Stenson. Les fonctions de ces parties sont in- connues. Les cavités accessoires du nez ne paraissent pas servir à l'olfaction. De l'eau camphrée a été injectée par Deschamps dans une fistule communiquant avec les sinus frontaux , et d'autres substances odorantes l'ont été par Richerand dans l'antre d'Highmore, sans que les sujets discernassent la moin- dre odeur. Il semble indifférent à la nature de remplir les ca- vités des os avec de l'air ou avec de la graisse ; dans les deux cas , les os deviennent plus légers que s'ils étaient solides. Chez les Oiseaux , beaucoup d'os du corps et de la tète s'em- plissent d'air , les premiers par les poumons , les autres par les trompes deFallope. Chez l'homme, l'air ne s'introduit que dans quelques os de la tête, tels que les cellules de l'apophyse mastoïde et les sinus des fosses nasales. On observe le mou- vement vibratile sur la membrane muqueuse du nez et de ses cavités accessoires, chez tous les animaux. Le mécanisme de la transmission, qui présente tant de com- plications dans les autres sens , est fort simple dans celui de l'odorat. Les substances odorantes , disséminées dans l'air, à l'état de gaz, ou peut-être même de poussière fine , sont ame- 5qS de l'organe olfactif. nées aux surfaces de la membrane muqueuse par le mouve- ment de l'inspiration. L'air qui sort de la bouche peut aussi faire naître la sensation d'odeurs , quand il est chargé de substances développées , soit dans les organes respiratoires , soit dans les organes digestifs , comme dans réructation.ll n'y a donc à s'occuper ici que de la manière dont l'odorat peut être exalté ou supprimé. Nous pouvons supprimer à volonté Todorat , et nous sous- traire à la sensation de vapeurs désagréables , en n'inspirant pas par le nez. Nous exaltons ce sens, au contraire , en inspirant avec plus de force, ou en faisant de petites inspirations , rapidement ré- pétées. L'animal qui halène cherche dans l'atmosphère la cou- che chargée d'une substance odorante, et pour cela il exécute, en diverses directions , des mouvemens inspiratoires qui se succèdent avec vitesse. Une fois qu'il a découvert celte cou- che , il la suit de la même manière. Le courant des odeurs peut aussi être favorisé par le vent qui , à ce qu'on assure , suffit souvent aux herbivores pour sentir des odeurs dévelop- pées à de grandes distances. Indépendamment de l'odorat , le nez possède aussi le sens du toucher , par le moyen des filets nasaux de la seconde et de la troisième branches du nerf trijumeau. En effet, il sentie froid , le chaud , les démangeaisons , le chatouillement , la pression , la douleur. Ces nerfs ne sauraient remplacer le nerf olfactif , comme le démontre l'exemple des personnes qui , privées d'odorat, n'en ont pas moins uue sensibilité tactile très- développée dans le nez. Il y a certaines substances, gazeuses ou vaporeuses, par rap- port auxquelles on parvient difficilement à distinguer la sensa- tion taciiie de la sensation olfactive ; telles sont l'ammoniaque à l'état de gaz , les émanations du raifort, de la moutarde, etc. Les sensations que Ton éprouve de leur part ressemblent beaucoup à celles du toucher, et l'analogie devient plusfrap-^ DE l'action des NERFS OLFACTIFS. Sggl prante encore lorsqu'on réfléchit que ces vapeurs acres agis- sent pour ainsi dire de même sur la membrane muqueuse des paupières. CHAPITRE III. De l'action des nerfs olfactifs. Les animaux n'ont pas tous la même aptitude à sentir les odeurs , et il doit dépendre des forces qui animent les parties centrales de l'appareil olfactif, que le monde odorant d'un herbivore diffère totalement de celui d'un Carnivore. Les car-» nassiers ont un nez très-fin pour les qualités spécifiques des substances animales , pour suivre à la piste , mais ils ne pa- raissent pas sensibles à l'odeur des plantes, des fleurs. L'homme se trouve placé bien au dessous d'eux par rapport à la finesse de l'odorat , mais le monde de ses odeurs est plus homogène. La fétidité est pour l'odorat ce que la douleur est pour le toucher, l'éblouissement ou le défaut d'harmonie des couleurs pour la vue , et la dissonnance pour l'ouïe ; c'est l'opposé de l'odeur suave. Nous ne connaissons pas les causes de cette différence, mais il est certain que la fétidité et la suavité sont purement relatives dans le règne animal , car beaucoup d'a- nimaux recherchent avec empressement ce qui nous offense le nez. Les hommes eux-mêmes présentent beaucoup de variété à cet égard. Il s'en trouve qui ne peuvent supporter certaines odeurs agréables; l'odeur de la corne brûlée déplaît aux uns , et plaît aux autres, sans que ceux-ci aient besoin , pour cela , d'être hystériques. Il y a beaucoup de personnes qui ne trouvent au réséda qu'une odeur herbacée : Blumenbach en cite des exemples , et je suis du nombre. On ignore si certaines odeurs contrastent ensemble , comme il arrive aux couleurs et aux sons, s'il y a aussi des consonnances et des dissonnances à cet égard ; mais la chose est très-probable , et d'autant plus qu'elle a certainement lieu pour le sens du goût. Les sensa- tions consécutives du sens de l'cdorat ne sont pas connues 6oo DE l'action des nehfs olfàcïïfs. non plus , bien qu'il soit difficile de croire qu'elles n'existent pas : on ne saurait citer pour exemple l'odeur cadavéreuse qui souvent persiste fort long-temps dans le nez après les dissec- tions, car tout porte à penser qu elle est objective et dépend de la dissolution d'une substance odorante dans le mucus. Les odeurs subjectives , sans substances objectives , sont peu connues encore. Des dissolutions de substances inodo- res, comme les sels , ne font naître aucune sensation d'odeur quand on les injecte dans le nez. On sait que l'électricité par frottement a une odeur de phosphore. En appliquant le gal- vanisme à l'organe olfactif, Ritier a observé qu'outre l'envie d'élernuer et le chatouillement, il se développait au pôle né- gatif une odeur amoniacale et au pôle positif une odeur acide , effets qui persistaient avec le même caractère tant que la chaîne demeurait fermée , mais qui se renversaient dès qu'on l'ouvrait. 11 arrive souvent à quelqu'un de sentir une odeur spécifique dont personne autre ne s'aperçoit : ce phé- nomène est commun chez les individus d'une complexion ner- veuse , mais tous les hommes y sont plus ou moins sujets. Chez un homme qui s'était toujours plaint de sentir des odeurs désagréables , Cullerier et Maingault trouvèrent l'a- rachnoïde parsemée d'ossifications, et le milieu des hémisphè- res cérébraux contenant des tumeurs scrofuleuses en suppu- ration. Dubois connjissait un homme qui, après une chute de cheval , crut, pendant plusieurs années, et jusqu'à sa mort, sentir une odeur fétide autour de lui. On n'a point encore expérimenté si des substances forte- ment odorantes , introduites dans le sang, donnent lieu au dé- veloppement de sensations olfactives par l'effet de la circu- lation. Au reste , nul sens n'a des rapports plus intimes que l'odo- rat et le goût avec les actes instinctifs de l'économie animale. Les odeurs excitent puissamment l'appétit vénérien des ani- maux , et font entrer en jeu les organes génitaux par la sti- DES CONDITIONS PHYSIQUES DE LA GUSTATION. 6o 1 mulation qu'elles exercent sur le cerveau et la moelle al- longée. Section quatrième. Du sens du goût. CHAPITRE PBEimER. Des conditions physiques de la gustation. Les condifions du sens du goût sont la présence du nerf spécifique, l'excitation de ce nerf par une chose sapide, et la dissolution de celle-ci dans les liquides de l'organe gustatit*. Il serait tout aussi difficile au goût qu'à l'odorat d'être affecté par une irritation purement mécanique ; la sapidité tient à un changement matériel opéré dans le nerf par une matière dis- soute , et la sensation varie à l'infini en raison des différences sans nombre que cette matière peut offrir. Cependant la pro- vocation d'une saveur par un changement mécanique des nerfs gustatifs ne doit pas être considérée comme une chose absolument impossible. La compression , les tiraillemens , les piqûres, les frottemens de la langue ne donnent lieu qu'à des sensations tactiles , mais Henle a observé qu'un courant d'air délié détermine une saveur fraîche et salée , analogue à celle du nitre , et la titillation mécanique du pharynx ou du voile palatin provoque la sensation du dégoût , qui a tant d'affinité avec le goût qu'on ne saurait Ten séparer. Parmi les impon- dérables , il n'y a que l'électricité qui fasse naître la sensa- tions d'une saveur. Pour être susceptible d'agir sur l'organe du goût, une sub- stance doit être ou dissoute , ou au moins susceptible de se dissoudre dans l'humidité de la langue. Les substances inso- lubles n'ont d'action que sur la sensibilité tactile de celte der- 602 DE l'oRGANE DU GOUT, nîère. On ne sait pas d'une manière certaine s'il suffit du con- tact de l'organe vivant avec un aliment animal humide pour produire une saveur, sans le concours des matières dissoutes qui sont contenues dans l'aliment. Les gaz aussi sont quelque- fois sapides, comme l'acide sulfureux. L'humidité de la langue n'est pas moins nécessaire à l'action intime des substances sapides, que celle de la membrane pi- tuitaire à l'exercice de l'odorat. Le sens du goût n'a pas d'ap- pareil spécial de transmission autre que les mucosités de la langue. Aussi l'étude de ce sens est-elle fort simple , de même que celle du sens de l'odorat. CHAPITRE II. De l'organe du goût. Le goût a pour siège la gorge et surtout la langue , qui néanmoins a souvent , chez les animaux , plus d'importance comme organe de déglutition que comme appareil sensoriel , de même que les nombreuses diversités de cet organe , dont l'anatomie comparée constate l'existance, intéressent fort peu la physiologie du goût , et peuvent être passées ici sous si- lence. Lorsque la langue est dépourvue de tissu musculaire, et sèche, comme chez les Poissons et beaucoup d'Oiseaux , il ne faut pas conclure de là que le sens du goût soit absent : car la sensation qui le caractérise est une propriété de l'ar- rière-gorge entière : elle appartient non à un organe particu- lier, mais à la membrane muqueuse de cette cavité. Les ani- maux qui avalent leur proie couverte de plumes ou de poils, tels que les Serpens , dont il faut rapprocher, sous ce rap- port, les Oiseaux insectifores et granivores, sont les seuls aux- quels le goût manque, en raison même de leur mode de dé- glutition. J'ai parlé ailleurs d'un organe mobile qui existe au palais des Cyprins , et que quelques physiologistes regardent comme un appareil de gustation. DE l'organe du GOUT. 6o3 Chez l'homme , l'attouchement du voile du palais provoque la sensation du dégoût. Cette sensation pourrait, rigoureusement parlant, être attribuée à une réflexion sur les nerfs gustatifs ; mais les expériences de Dumas, Autenrieth, Richerand, Horn, Lenhossek , Treviranus et Bischoff , ont mis hors de doute la sensibilité du palais pour les choses sapides, et moi-même j'y distingue très bien la saveur du fromqge. Le grjind hypo- glosse est le nerf moteur de la langue , et le lingual son nerf sensitif : c'est ce qui ressort des expériences de Dupuytren et de Mayo, comme aussi des miennes; car, en, irritant le premier de ces nerfs parle galvanisme , ou par des tiraille- mens, on détermine des convulsions dans la langue, tandis que la section du second entraîne de vives douleurs. Les expé- riences sur le nerf lingual exigent , par rapport au mouve- ment , les mêmes précautions que celles qui sont nécessaires quand on expérimente sur les racines des nerfs rachidiens. Il faut détacher d'abord le nerf de la partie centrale, après quoi on en irrite le bout qui se porte à la périphérie. Si l'on irri- tait le nerf lingual tandis qu'il tient encore à son extrémité centrale, il serait à craindre que la langue et d'autres parties vinssent à se contracter par réflexion, comme je l'ai observé moi-même il n'y a pas long-temps. Quant à la controverse qui s'est élevée relativement à la question de savoir lequel du hngual ou du glosso-pharyngien doit être considéré comme nerf gusiatif , et aux théories de Panizza , Bischoff, etc., sur ce point de doctrine , je renvoie à ce que j'ai dit précédemment. Wagner adopte la théorie de Panizza , en se fondant sur des motifs tirés del'anatomie et de la physiologie. Valentin et Bruns l'adoptent également , en conséquence de leurs expériences, tandis que mes expériences, celles de Kornfeld et celles de Gurlt ne sont point favorables à cette hypothèse. Je ne regarde pas celles de Valentin comme décisives , car il en résulterait qu'un animal com- mence à recouvrer le goût quinze jours après la section du 6o4 ï>E l'action des nerfs GCSTATIFS. glosso pharyngien. Or ce laps de temps est tellement court, qu'il porte à croire que ropération n'avait point aboli le sens. Les expériences d'Alcock n'ont point eu de résultats positifs. La faculté de percevoir les saveurs amères n'existait plus après la section du glosso-pharyngien, et après celle du lin- gual, elle n'était perdue qu'à la partie antérieure de la lan- gue : l'auteur attribue le goût tant au glosso-pharyngien qu'au lingual, et même aux branches palatines de la cinquième paire : ses expériences sur ces derniers nerfs n'ont produit rien de définitif. Les observations pathologiques sont ici d'une haute importance. Ainsi , le goût s'est trouvé aboli après la destruction de la cinquième paire , comme dans les faits rap- portés par Parry, Bishop et Romberg. Une compression exer- cée sur le nerf lingual donna lieu au même phénomène: chez le sujet de cette observation, qui avait perdu le goût et la sen- sibilité de tout un côté de la langue , le commencement de la troisième branche était altéré par une petite tumeur, mais le glosso-pharyngien n'offrait rien d'anormal. Je crois que le lingual est le principal nerf gustatif de la langue. Mon opinion repose sur les expériences de Magendie, de Gurlt et de Kornfeld , sur celles que j'ai faites moi-même , et sur les observations pathologiques de Parry, Bishop et Rom- berg. Mais je ne regarde pas comme prouvé que le nerf glosso-pharyngien soit sans participation à cette fonction dans le région postérieure de la langue et l'arrière-gorge. Rom- berg lui attribue la sensation du dégoût, qui protège l'entrée du système digestif. CHAPITRE III. De l'action des nerfs gustatifs. Il y a impossibilité complète d'établir une théorie des phé- nomènes du goût. Ce qui constitue la qualité propre de ce sens , et le différencie de l'odorat , du toucher , de la vue , de l'ouïe , n'est pas moins inexplicable qu'à l'égard de tous les DE i'aCTION des NEUFS GUSTATIFSa 6o5 autres. On ne saurait traduire l'essence du bleu , comme sen- sation ; nous ne pouvons que sentir cette couleur , et il faut s'en tenir au fait que c'est une qualité propre aux nerfs spé- cifiques, si l'un voit le bleu, l'autre entend le son, un troi- sième sent les odeurs , etc. Mais les causes qui font que l'on parvient à distinguer plusieurs sensations dont un seul et même nerf est susceptible, peuvent être trouvées, comme elles l'ont été pour la vue et l'ouïe. On sait qu'un son diffère d'un autre par le nombre des vibrations , et qu'à chaque cou- leur correspond un certain nombre d'ondes dans un temps donné. Nous sommes bien loin encore d'une pareille théorie pour ce qui concerne le goût et l'odorat. Bellini s'est servi de l'ancienne hypothèse de la forme di- verse des molécules des corps pour expliquer les différentes saveurs. Théoriquement parlant , rien ne s'élève contre cette opinion ; mais il n'y a pas moyen non plus d'en apporter la preuve. A l'époque où l'on croyait tout expliquer par les po- larités chimiques, on fit aussi l'application de cette hypothèse de l'organe du goût. Indépendamment du goût , la langue a encore un toucher très fin et très-juste: elle sent la chaleur, le froid, le cha- touillement, la douleur, la pression, et par-là la forme des surfaces. La faculté tactile peut exister dans la langue , et celle de goûter y être abolie , ou celle-ci s'exercer tandis que l'autre est perdue. Cette particularité rend probable qu'ici, comme dans le nez, les conducteurs des deux ordres de sensations ne sont point les mêmes. On conçoit très-bien qu'un même tronc nerveux pourrait contenir des fibres douées de qualités fort différentes, Des faits qui ont déjà été exposés , il suit que le nerf lingual est la cause des sensations gustatives , mais les manifestations de vive douleur qui accompagnent la section de ce nerf met- tent hors de doute qu'il est aussi le nerf sensitif de la langue. 6o6 DE l'action des nerfs gustatifs. Le sentiment appartient égaletnent au grand hypoglosse , en outre de sa propriété motrice. Gomme beaucoup de substances portent de l'odeur, en même temps qu'eiles ont de la saveur, l'impression totale qu'elles produisent est souvent plus ou moins mixte. Mais, en pareil cas , il suffit de se boucher îe nez pour découvrir la part qui revient à l'odorat. Certains vins délicats perdent beaucoup de leur finesse lorsqu'on se bouche le nez en les buvant. D'après les expériences de Horn , toutes les substances ne paraissent pas produire la même saveur sur les diverses pa- pilles de la langue , conclusion à laquelle on semble déjà de- voir être conduit par la différence qui se fait souvent remar- quer entre Tarrière goût et la saveur primitive. Horn à essayé une foule de substances dont les unes donnaient une même saveur dans toutes les régions de l'organe gustatif , et dont les autres en déterminaient une fort différente suivant qu'el- les touchaient les papilles filiformes et les papilles fongifor- mes (1) . Les sensations consécutives sont très-prononcées, et durent souvent fort long-temps , dans l'organe du goût. La dégusta- tion d'une substance change la saveur d'une autre. Lorsque j'ai mâché de la racine de roseau aromatique , le lait et le café me semblent aigres ensuite ; la saveur des choses dou- ces altère le goût du vin , que celle du fromage rehausse. Il en est donc ici comme des couleurs, dont une exalte la sen- sation de celle qui lui est opposée ou complémentaire. Je n'ai pu rapporter les oppositions des saveurs à des principes gé- néraux , comme on l'a fait pour les couleurs -, mais l'art culi- naire a eu , dans tous les temps, le talent empirique de profi- ter des consonnances dans leur succession et leur association, de même que la musique et la peinture ont mis en pratique les principes de Tharmonie, sans en connaître les lois. (1) yoij., pour les détails, Horn, Ueher den Geschmackssinn des Men- scheny Heidelbeig > 1825. DE l'action des NERFS GDSTATIFS. 6of La répétition fréquente d'une même saveur l'émousse de plus en plus , comme une couleur nous paraît d'autant plus sale que nous la regardons plus long-temps. Un homme à qui l'on bande les yeux distingue d'abord le vin blanc et le vin rouge l'un de l'autre ; mais il ne tarde pas à perdre cette aplitude , lorsqu'il les goûte tous deux à plusieurs reprises , ce dont chacun peut aisément se convaincre. Lorsque les substances sapîdes ne font qu'entrer en contact avec l'organe , sans être promeiiées à sa surface , il leur arrive souvent de ne donner qu'ur.e saveur très-confuse , ou même de n'en pas produire du tout. Au contraire , le goût devient plus parfait quand on fait mouvoir la substance entre la lan- gue et le palais , qu'on l'y frotte , qu'on l'y applique à plusieurs reprises. Ici, ou le mouvement rend l'impression plus forte, comme il arrive dans Todorat , ou bien le fait dépend du ra- pide émoussement des molécules nerveuses , qui rend néces- saire de promener la substance sapide pour la mettre sans cesse en rapport avec de nouvelles molécules non encore fa-: liguées. Les saveurs subjectives sont encore peu connues. Outre la sensation de dégoût , déterminée par toute irritation mécani- que de la base de la langue et du voile du palais , il faut ranger ici l'observation précédemment citée de Henle , celle qu'un courant délié d'air provoque une sensation gustative , et qu'on ressent la saveur acide et la saveur alcaline en armant la langue de deux métaux hétérogènes, mis en contact l'un avec l'autre. J'ai déjà dit que ce phénomène ne paraissait pas pou- voir être expliqué par la décomposition des sels de la salive. Les changemens du sang seniblent agir sur le goût , de même que les narcotiques introduits dans ce liquide modi- fient la vue. Magendie a remarqué que des Chiens dans les veines desquels il avait injecté du lait , se léchaient les lèvres avec leur langue. Tout porte à croire qu'un changement inté- rieur des nerfs peut en déterminer un aussi dans le sens du 6o8 DU SENS DU TOUCHER. goût , et faire naître des saveurs particulières ; mais ces sa- veurs sont difficiles à distinguer de celles qui tiennent à des causes objectives hors de la langue , c'est-à-dire à des modi- fications du mucus buccal. Section cinquième. Du sens du toucher. Le sens du toucher a bien plus d'étendue que les autres. Toutes les parties dans lesquelles il y a possibilité de sentir la présence d'un stimulus , depuis le simple sentiment jus- qu'aux modifications de la douleur et du plaisir , toutes celles qui sont susceptibles des sensations de chaleur et de froid, appartiennent à ce sens. Les causes extérieures qui pro- voquent de telles sensations sont leschangemens de température et les impressions tant mécaniques que chimiques et électriques. Mais ces sensations s'étendent à la totalité du système animal et du système organique, bien que leur netteté varie à l'infini dans les diverses parties. Le sens du loucher pénètre même dans les organes d'autres sens , où il dépend de nerfs autres que ceux qui président à la sensibilité spécifique ; ainsi il y a sen- sation tactile à l'œil, dans l'oreille, dans le nez, dans l'organe gustatif. Les nerfs des sensations tactiles sont les racines postérieures, ganglionnées à leur origine, des nerfs du système vertébral , système auquel se rapportent tous les nerfs de la moelle épinière et une partie de ceux du cerveau. Les filets sensilifs qui constituent ces racines , passent pour la plupart dans les nerfs du système animal ; quelques uns , néanmoins, se rendent dans ceux du système organique. Us procurent les sensations tactiles vives dans les premiers , et les sensations tactiles vagues ou sourdes dans les secondes. La sensibilité générale, appelée cœnœsthesis , n'olïi^e rien de particulier : DU SENS DU TOUCHER. 609 ce n'est que le toucher dans les pariies internes, toucher dont le mode est susceptible d'une infinité de modifications; ea santé , depuis le sentiment du bien-être jusqu'à la volupté et au chatouillement, en maladie, depuis la lassitude jusqu'à la douleur. I. Étendue et organes du toucher. Le tact proprement dit, ne diffère pas, quant à son essence, du toucher envisagé d'une manière générale. La différence tient uniquement aux rapports de l'organe, soit avec le monde extérieur , soit avec le reste de Torf^anisme. Toute partie ayant la sensibilité tactile, qui se trouve placée à la surface , jouit du tact, en ce sens qu'elle peut recevoir la sensation de corps extérieurs. Elle possède cette aptitude à un d'autant plus haut degré , que la faculté de distinguer est plus perfec- tionnée en elle , et qu'elle-même peut se mouvoir. En consé- quence , les organes du tact sont la peau entière , mais surtout les mains ;, la langue, les lèvres, notamment chez les Chats et les Phoques, où ces appendices sont munis de longs poils, ayant un germe auquel de nombreux nerfs communiquent une grande sensibilité ; le nez chez les animaux pourvus d'une trompe , les tentacules des Mollusques, les antennes et les palpes des Insectes , les appendices digitiformes des nageoi- res pectorales des Trig'es, dont les nerfs naissent même d'une série de lobules ou renflemens particuliers de la moelle épinière. A la peau , Torgane du tact est le corps papillaire , assem- blage de petites inégalités visibles à la loupe , que le tissu de Malpighi enveloppe en manière de gaîne, et auxquelles abou- tissent les nerfs. De plus amples développemens sur les organes du tact ap- partiennent à l'anatomie comparée. Les parties pourvues de la sensibilité tactile générale sont certaines régions du^sysième nerveux lui-même , les nerfs spinaux, et, par eux, la plupart des organes. Il, 3q 6 10 DtJ SENS DU TOUCHER. Dans les organes centraux , il y a des parties qui semblent êlre privées de toute sensibilité , comme la surface des hé- misphères , dont une foule d'exemples aitestent que les plaies ne causent aucune douleur ni chez Thomme , ni chez les animaux. Toutes les fois qu'à la suite de plaies de tête , il a fallu pratiquer, chez des sujets en parfaite connaissance , l'a- blation d'une partie de la surface de l'encéphale , soit parce qu'elle faisait hernie, soil parce qu'elle avait subi une altéra- tion quelconque, l'opération n'a été nullement sentie. D'autres parties des or(][anes centraux possèdent , au con- traire, une sensibilité irès-développée. Mais les sensations qu'elles éprouvent ne sont pas partout du genre de celles du toucher. Quand les parties centrales du sens de la vue viennent à être irritées, elles déterminent des sensations de lumière. On sait, depuis long-temps, qu'en comprimant le cerveau d'un homme, on lui fait voir des lueurs et des éclairs. Cependant il y a aussi des régions de l'encéphale qui sont susceptibles de sensa- tions tactiles ordinaires. Quoique plus d'un mal de tête ne dé- pende que d'une sensation éprouvée dans les nerfs des tégu- mens extérieurs, il n'en est pas moins possiLle que l'on res- sente de la pression et de la douleur dans le cerveau ; c'est ce qu'attestent les cas d'affections chroniques de ce viscère dans lesquels le malade avait un sentiment plus ou moins net du lieu où le changement de texture s'était opéré. Dans la portion spinale du cerveau et dans la moelle épinière il n'y a pas d'autres sensations que celles du gpnre des tactiles. Ces sensations sont éprouvées , avec le caractère de dou- leurs ou de f<»urmillemens, tantôt dans le lieu même de leur siège objectif, savoir au milieu du dos , tantôt dans les parties extérieures auxquelles se rendent les nerfs rachidiens. Les fourmillemens et les douleurs ont quelquefois lieu sans qu'il se manifeste aucune sensation locale au dos. La cause de cette particularilé remarquable est inconnue. DU SENS DU TOUCHiiR. 6il Les lois qui président à la sensation dans les nerfs, lorsque ces org^anes deviennent le siège d'une irritation , peuvent être passées ici sous silence , puisque tout ce qui les concerne a déjà été exposé dans la physique des nerfs. Le tissu corné et le tissu dentaire sont complètement in- sensibles, à l'exception de leurs germes, auxquels se rendent et des nerfs et des vaisseaux. L'agacement des dents par les acides doit donc être considéré comme une affection du folli- cule dentaire. Cependant la structure tubuleuse de la sub- stance de ces osselets permet de concevoir la possibilité d'une transmission de Tacide au germe par les tubes capillaires, soit qu il agisse sur la portion de la dent qui n'est pas couverte d'émail, soit qu'il s'introduise à travers les fissures que ce dernier présente si souvent. Les tendons, les cartilages et les os ne sont point sensibles dans l'état de santé. Les nombreuses expériences de Haller l'ont démontré sans réplique. Elles ont pi'ouvé aussi que le périoste est également insensible. La dure-mère semble toute- fois faire exception : du moins est-il certain qu'elle possède des nerfs. Dans les maladies, les os peuvent devenir très- douloureux, comme aussi les organes du système chyîopoïé- tique, auxquels se distribue le grand sympathique, et qui n'ont qu'une faible sensibilité chez Ihomme en santé. La sensibilité est bien moindre dans les muscles qu'à la peau , comme on peut le constater en piquant avec une épingle les légumens et les masses musculaires. La peau elle- même offre, à cet égard, de grandes différences, tenant vrai- semblablement au nombre des fibres nerveuses qui se répan- dent dans ses diverses régions ; j'en ai donné la preuve pré- cédemment, en rapportant les faits dont on doit la découverte à E. H. Weber. Les régions de la peau où l'on perçoit une faible distance entre deux points irrités, sont aussi, d'après les observations de cet aniuomiste , ceux où l'on distingue le plus sûrement les différences de la température et les poids 6l2 DD SENS DU TOtJCHEB. des corps appliqués sur les té({umens : la pression d'un poids posé sur la face palmaire des doigts paraissait plus forte que celle du même poids posé sur la peau du front. La sensibilité est très-grande dans les membranes muqueuses qui font par- lie du système respiratoire, des organes sensoriels, des par- ties génitales, etdépendent des nerfs du système animal; elle est beaucoup plus faible dans celles du canal intestinal , où cependant elle peut se développer au plus haut degré par l'effet de la maladie. Les systèmes cutanés interne et externe diffèrent encore l'un de l'autre , sous le rapport du mode de leurs sensations, en ce que le sentiment subjectif de formica- lion, qui provient de causes internes, et qui s'observe si fré- quemment dans les affections de la moelle épinière, paraît n'avoir lieu qu'à la peau, et ne point se manifester dans les membranes muqueuses. II. Modes ou énergies du toucher. Le mode des sensations tactiles est tout aussi particulier que celui des autres organes sensoriels. La manière dont ce sens annonce la présence d'une irritation, depuis l'affection la plus légère jusqu'à la plus intense, n'est ici ni son, ni lumière ou couleur, etc., mais ce quelque chose indescriptible qu'on appelle sentiment, et dont les modifications ne dépendent sou- vent que de l'étendue des parties affectées. Ainsi , par exem- ple, les élancemens annoncent une afleciion violente de parties peu étendues, la douleur gravative une affection moindre, mais plus étendue et plus profonde. Cette dernière cir- constance distingue le sentiment de la pression de celui du simple attouchement. La sensation de choc ou de coup naît d'un changement brusque de l'état des nerfs par une cause externe ou interne, par l'influence mécanique d'un corps , ou par la rupture de l'équilibre électrique. Un courant de principe nerveux qui s'échappe soudainement du cerveau, dans l'effroi ? peut aussi DD SENS DU TOUCHER. 6l3 être senti comme coup ou comme choc. Le mode de cette sensatioQ ne dépend donc point de l'action mécanique d'ua corps. Une répétition rapide de chocs provoque , dans quelques autres sens, des sensations particulières , dont la qialiié dé- pend de la succession des secousses , comme dans le sens de l'ouïe , et, à ce qu'il paraît aussi , dans celui de la vue. Ce mode d'excitation n'exerce , au contrait e, aucune influence sur les sens de l'odorat et du guût. Comment celui du toucher se comporte -l il à son égard ? Une succession rapide de chocs égaux , tels que ceux qui sont nécessaires pour produire la sensation d'un son musical, est sentie comme tremblement par le sens du toucher. C'est ainsi qu'on sent non seulement la résonnance d'un corps solide, mais encore un son excité dans Teau, lorsqu'on p'onge dans ce liquide la main tenant un corps solide , par exemple un morceau de bois. Si la sensation des vibrations est plus forte, et si elle a lieu dans des parties irritables, telles que les lèvres, elle peut avoir l'expression commune ou géné- rale du chatouillement, tel qu'on l'éprouve quand on ap- proche de ses lèvres un diapason vibrant. La même sensa- tion se manifeste aisément aussi à la langue par l'effet des vibrations. On pourrait être induit par-là à conjecturer que le chatouillement provoqué par d'autres causes, comme les at- touchemens , les mouvemens de l'escarpolette , et la volupté qui s'en rapproche beaucoup, sont également accompagnés de vibrations d'une vitesse déterminée du principe nerveux lui- même dans les nerfs. La sensation du chatouillement et de la volupté est possible dans toutes les parties du corps soumises au sens du toucher en général ; elle est développée au plus haut degré dans les parties génitales, moinrire au sein de la femme, aux lèvres , à la peau et dans les muscles. La sensation de la douleur parait être déterminée parla violence de l'excitation du toucher. 6l4 I>U SENS DC TOUCHER. Celle du froid et du chaud se manifeste surtout par suite d'un chang^ement d'état de la matière, que la chaleur physique détermine dans les parties animales ; mais elle a lieu aussi dans des circonstances oii nulle modification de la température n'est appréciable à l'aide du thermomètre , par un désaccord dans les nerfs , et les sensations soudaines du froid glacial et d'ardeur brûlante paraissent se ressembler beaucoup. Au reste, quand on compare, au moyen du toucher, les tem- pératures de milieux différens, il faut avoir égard à lacapaciié des corps pour lachuleurphysique. Une même température agit avec bien plus de force sur notre peau, et nous semble beau- coup plus chaude lorsqu'elle a pour véhicule l'eau, au heu de l'air. L'eau froide nous paraît plus froide aussi que Tair à la même température, parce qu'elle soustrait plus rapidement la chaleur à noire corps. XXI. Toucher et idée. Une sensation tactile arrive toujours à la conscience lorsque le sensorium commune y fait attention ; sans cette circon- stance le phénomène organique de la sensation a bien lieu , mais il n'est pas remarqué. L'intention rend aussi plus nettes les sensations que procure le toucher. Une douleur devient d'autant plus pénible que l'atieniion s'y attache davantage. Une sensation insignifiante par elle-même peut également acquérir par ià une durée très-fatigante : c'est ce qui arrive , par exemple, aux démangeaisons qui surviennent dans un point irès-limité de la peau. Lorsqu'une personne lance de la salive au visage de ses interlocuteurs , l'idée de la saUve rend la sensation plus vive et plus insupportable. Par le concours de l'imagination et l'usage de l'expérience acquise , nous en venons à placer ce que nous; sentons tantôt au dedans ettaniôtau dehors de nous mêmes. Rigoureusement parlant, on ne peut sentir que l'état de ses nerfs, qu'd ail d'ail- leurs été provoqué par une cause interne ou par une cause DD SENS DU TOUCHER. 6i5 externe. Quand nous sentons quelque chose , ce n'est pas la chose extérieure elle-même, mais seulement la main mise en contact avec l'objet ; l'idée de la cause extérieure fait que nous donnons à ce que nous sentons le nom du corps qui détermine en nous cet etl'et. J'ai fait connaître la manière dont nous ac- quérons l'idée du monde extérieur par opposition à notre propre corps. La notion d'objets tactiles repose , en dernière analyse , sur la pos>ibiliié de distin;»uer les diverses parties de notre corps comme occupant une place différente dans Tes- pare. La distinction devient plus nette et plus sûre par l'usage du sens. Elle acquiert un tel degré de certitude chez l'adulte, que , même dans le cas où les parties de noire corps ont une position forcée, si nous ne faisons pas attention à cette cir- constance , nous nous représentons les sensations suivant le même ordre relatif que les parties d'où elles émanent conser- vent entre elles dans létal normal. De là le phénomène, connu déjà d'Arislote, qu'une boule roulant entre les deux doigts superjK)sés de la même main , procure la sensation de deux, surfaces spheriques opposées , qui semblent appartenir à deux boules différentes. L'extension d'une sensation tactile à une grande surface pro- duit sur nous , toutes choses égales d'ailleurs , l'effet d'une impression plus intense que celle qui résulterait de la môme sensation bornée à une petite partie. Lorsque Weber plongeait la main entière dans de l'eau chaude, celle-ci lui semblait plus chaude que quand il y enfonçait un doigt seulement. On peut répéter l'épreuve en se baignant dans l'eau froide et chaude. Comme chaque sensation s'accompagne d'une idée, et en laisse une après elle, qui peut être reproduite, l'idée d'une sensation est comparable à une sensation réelle. Ainsi un poids nous semble plus lourd ou plus léger qu'un autre que avons soulevé auparavant , et dont l'idée subsiste encore en nous au moment où nous semons te second, E.-H. 'Weber est 6l6 DtJ SENS DU TOtJCHEB. même parvenu à percevoir dislinctemem la dîiïérence de deux poids ou de deux températures mis en contact l'un après l'au- tre avec sa main , comme s'ils (taienl sentis simultanément par les deux mains. Mais la capacité de comparer s'affaiblit d'au- tant plus qu'un laps de temps plus long s'écoule entre la pre- mière sensation et la seconde. IV. Toucher et mouvement. Les muscles jouissent aussi d'un certain degré de sensibi- lité tactile, qui peut s'accroître beaucoup dans le cas d'affec- tion maladive de leurs nerfs. Celte sensation n'est pas toujours en raison directe de la contraction des muscles, et de là on peut conclure , avec vraisemblance , que ce ne sont pas les mêmes f^Uflt nerveuses qui président au mouvement et au sentiment de ces organes. Ainsi, par exemple, la sensation de crampe dans les muscles du mollet peut être très-vive, et le mouvement extrêmement faible. On observe quel(|uefois la même chose au muscle digastrique de la mâchoire infé- rieure , pendant le bâillement : lorsqu'on éprouve le besoin de bâiller plusieurs fois de suite , il n'est pas rare qu'après un bâillement très considérable , le ventre antérieur de ce muscle soit pris d'un spasme fort douloureux; mais alors le mouvement du bâillement a cessé, et le mouvement convulsif est beaucoup plus faible qu'il ne l'était quelques momens au- paravant. La sensation de contraction dans les muscles nous permet de comparer leur force quand nous résistons à une pression ou quand nous soulevons des fardeaux. Suivant Weber, la sen- sation des poids est plus prononcée que celle d une simple pression. Cet écrivain assure que l'on perçoit encore une dif- férence existant entre deux poids , qui ne s'élève pas à plus d'un trentième ou d'un quinzième de l'un deux. Il ne s'agit point ici de l'étendue absolue , mjis seulement de l'éiendue relative de la différence. Au reste, il n'est pas bien certain DU SENS DU TOUCHER. 617 que ridée de la force employée à la contraction musculaire dépende uniquement de la sensation. Nous avons une idée très-exacte de la quantité d'action nerveuse partant du cer- veau qui est nécessaire pour produire un certain degré de mouvement. Nous employons , pour soulever un vase dont la capacité nous est connue , un effort qui est calculé d'avance d'après une simple idée. Si par hasard la pesanteur du con- tenu dépasse nos prévisions , comme lorsque ce contenu est du mercure , le vase nous échappe , ou il fait promptement baisser la main qui cherchait à le soulever , parce que nous avons commis une erreur dans la prévision de la quantité de contraction ou d'action nerveuse dont nous aurions besoin. La même illusion se produit quand nous montons un escalier ob- scur, et que nous calculons nos mouvemens pour franchir une marche qui n'exisie pas. Il serait très-possible que l'idée du poids et de la pression , dans le cas où il s'agit soit de soule- ver, soit de résister, fût, en partie au moins, non pas une sen- sation dans le muscle , mais une notion de la quantité d'action nerveuse que le cerveau est excité à mettre en jeu. La certi- tude de n'avoir pas assez de force pour tenir plus long temps un poids , doit aussi être bien distinguée du véritable senti- ment de lassitude dans les muscles. La même idée se représente dans les sensations accompa- gnées de mouvement. La sensation de mouvement est très- faible quand nous faisons agir la main , et les personnes qui ne connaissent point la situation des muscles chargés d'ac- complir un mouvement donné , ne soupçonnent même pas que le mouvement des doigts s'exécute à lavant-bras. Cependant l'idée de l'effet du mouvement dans l'espace a une grande précision , et celle qu'elle fait naître de la corporalité et de la forme d'une chose dépend en grande partie de l'idée que nous avons de l'effet du mouvement. Il peut donc très-bien se faire qu^; , sans avoir besoin du sentiment pour cela, le sen- sorium sache juger de l'espace parcouru par le mouvement 6l8 DU SENS DU TOUCITERo volontaire , d'après les groupes de fibres nerveuses vers les- quelles afflue le courant du principe nerveux. Ce qu'il y a de plus merveilleux , c'est l'assurance avec laquelle nous mesu- rons nos efforts, soit pour maintenir notre propre corps ou des corps extérieurs que nous soutenons en équilibre sur un point d'appui peu étendu , soit pour exécuter les mouvemens vo- lonîaires ou involontaires qui déplacent notre corps entier. Le palper n'est autre chose qu'un toucher volontaire avec mouvement. Entre lui et le toucher, il y a le même rapport qu'entre flairer et sentir une odeur. Toute partie sensible qui peut , par des mouvemens , varier ses points de contact avec les corps extérieurs, est susceptible de palper. Le palper n'appartient donc à aucune ré(jion du corps exclusivement : seulement la main y est plus propre que toute auti e pai lie , en raison de sa structure, parce que les mouvemens de pro- naiion et de supination qu'elle peut exécuter lui permettent de mesurer l'espace à l'aide d'une sorte de rotation , parce que le pouce est opposable aux autres doi.'jts, et parce que ceux-ci jouissent d une mobilité relative. L'aptiiude à palper dépend, en outre , de la finesse du toucher, et de l'isolation de la sensation dans les molécules de l'orf^ane sensible. Les sillons ré^'uliers du creux de la main, et la disposition des pa- pilles cutanées en séries, doivent accroître la délicatesse du toucher; car ces inéjjalités découvrent plus aisément celles des corps, et sont plus facilement afl'ectées par elles isolément les unes des autres. Lorsque nous nous formons , par le toucher , l'idée de la forme et de l'étendue d'une surface, nous multiplions Té- tendue de la main ou du doigt mis en contact avec cette sur- face , autant de fois qu'elle se trouve contenue dans l'espace que le membre mobile parcourt en palpant. Pour acquérir l'idée de l'étendue dans l'espace , nous répétons le même acte suivant les diff'érentes dimensions du corps. Dr SENS DU TOUCHER. 619 V. Sensations consécutives et contrastes du toucher. Les sensations consécutives du toucher sont irès-vives et persistent loog- temps. Tant que dure l'élJt dans lequel le. stimulus a mis Tor^jane, les sensations de celui-ci continuent,, bien que le stimulus soit 'depuis lonjj-temps éloigné. Lea sensations, tant douloureuses que voluptueuses, en fournissent desexemp'es. Ce qui a été dit des oppositions entre les sensations , quand nous avons parlé de la vue, s'upplique égal» ment au toucher. Lorsqu'on e.Nt demeuré pendant quelque temps exposé à une température élevée , le moindre abaissement du thermomètre nous fait éprouver du froid , dans un lieu même qui , en toute autre circonstance, nous semblerait chaud. Une différence brusque de quelques degrés suffit , quand la chaleur a été sou- tenue auparavant, pour faire naître la sensation d'un froid glacial. Aussi Ihomme est-il tiès-sujet à se refroidir dans tous les climats, même les plus chauds. Le froid et le chaud sont purement relatils. Le chaud est froid, pour la sensa- tion, suivant l'état dans lequel se trouve Torgane. La dimi-^ Dution d'une douleur qui durait depuis long-temps nous sem- ble un bienfait , quoique 1 irritation continue encore à ua degré qui nous paraîtrait insupportable dans l'état de santé. VI. Sensations tactiles subjectives. De tous les sens, le toucher est celui où les sensations sub- jectives provoquées par des causes internes sont le plus fré- quentes. Les senlimetis de p!ai>ir, de douleur, de froid , de chaud , de légèreté , de pesanteur, de fatigue , etc., tous peu- vent être détf^rminés pur des états intérieurs. Les névralgies, le frissonnement , la formicaiion , les états des org mes géoi- nitaux qui surviennent spontanément pendant le sommeil, en sont des exemples frappans. L'accroissement de l'afflux du 620 DU SENS DD TOUCHER. sang vers ces organes se fait sentir dans presque tous les sens , et dans chacun d'une manière correspondante à l'éner- gie du nerf spécifif lie, comme figure lumineuse dans le nerf optique , comme sifflement ou bourdonnement dans l'oreille , comme pulation dans les nerfs tactiles. Cette sensation a des causes mécaniques ; mais elle peut être provoquée par un états des nerfs dans des parties où le pouls ne se fait d'ailleurs point sentir. Il faut également ranger ici les sensations tac- tiles provocables par 1 imagination. De même que l'idée d'une chose dégoûtante détermine souvent le dégoût, de même aussi ridée de la douleur appelle fréquemment celle-ci dans une partie qui y est prédisposée. Lorsqu'un organe se trouve exposé à la sensation d'un courant dans son intérieur, cette sensation reparaît , long-temps après que le courant a cessé, quand on y pense. L'idée d'une chose propre à faire frissonner, détermine la sensation tactile du frisson. La tension de l'es^ prit , rémotion , l'extnse occasionent chez certaines personnes un sentiment de concentration au sommet de la tête » et un frissonnement par tout le corps. Lorsqu'on éprouve de l'effroi, on a des sensations dans un grand nombre de parties du corps. La seule idée du chatouillement suffit pour en taire naître la sensation chez les personnes chatouilleuses , lorsqu'elles voient quelqu'un faire mine de les chatouiller. Les sensations tactiles subjectives ont lieu surtout chez les personnes dont le système nerveux est très-irritable , chez les hystériques et les hypochondriaques , auxquels on reproche quelquefois d'accuser des maux imaginaires. Si l'on entend par-là que leurs douleurs existent seulement dans leur ima- gination , on se trompe beaucoup. La douleur n'est jamais une chose imaginaire ; due à une cause interne , elle est tout aussi vraie que quand elle provient d'une cause extérieure. Il n'y a que l'idée de lu douleur qui soit sans sensaliim ; mais per- sonne ne se plaint d'avoir cette idée. Au reste , une imagina- tion exaltée peut accroître une douleur existante , et , si la DU SENS DU TOUCHER. 6lil personne est prédisposée à une douleur, rappeler celle qui s'est déjà fait sentir. Les sympathies du loucher avec les autres sens et avec les mouvemens ont lieu par réflt^xion ; il en a été question dans le chapitre consacré aux effets de celte dernière. Le conflit des sensalioos tacliles avec les sécrétions a été discuté aussi dans la physique des nerfs. yfltillttgltgtttgtlttîgllltîlîgl^gt^^ EXPLICATION DES PLANCHES. Les figures que je donne sont destinées à faciliter Tintelli- gence de mes expériences sur la voix. En ce qui concerne les détails anatomiques , je renvoie aux ouvrages d'anatomie, savoir, pour les Mammifères , aux travaux de Wolff et de Brandt, pour les Oiseaux, à l'excellent travail de Savart, pour les Reptiles , aux recherches de Mayer et de Henle , enfin pour plusieurs classes , à celles de Humboldt. Les changemens que le larynx subit chez les Mammifères ne se rapportent pas tous à la production de la voix , qui , dans ces animaux , a lieu d'après les mêmes lois que chez riiomme ; ils sont principalement destinés à des effets de ré- sonnance , et , sous ce point de vue, n'ont pas besoin d'expli- cation spéciale. Fig. 1 et 1' expliquent le chevalet antérieur et le chevalet postérieur des cordes vocales, chez Thomme. Fig. 1. «S 7'^. Chevalet antérieur, cartilage thyroïde. a. h. c. Chevalet postérieur, cartilage aryténoide. b. d. e. Cartilage cricoïde, sur lequel les chevalets se meu- vent. c. 0. Corde vocale. B. Point d'appui du chevalet antérieur. §. 0. Ligne tirée du point d'appui à l'insertion de la corde vocale, qui représente le bras du levier. 07. Cordon imitant le muscle thyro-aryiénoïdien. Fig. 1'. Ici les deux chevalets sont représentés par de sim- ples lignes, qui expriment les bras du levier» Dans les deux figures, w, n sont des muscles, les tracteurs du chevalet antérieur et du chevalet postérieur, pour la ten- EXPLICATION DES PIANCHES. 62 5 sion des cordes vocales , le crico-lhyroïdien et le crico-aryté- noïdien postérieur, x, fig. 1, est le ligament crico-thyroïdien élastique, qui tend également en tirant sur le chevalet an- térieur. Fig. 2. Elle représente la préparation du larynx pour les expériences dans lesquelles la tension des cordes vocales doit avoir lieu en sens horizontal , ou plus exactement suivant la direction de leur longueur. Les deux cartilages aryiénoïdes sont liés ensemble sur une forte épingle qui les traverse , et fixés sur la colonne f. Celle ligature a pour but de fermer la partie postérieure de la g otie. o. Cartilage aryténoide (la pointe est coupée). b. Reste du cartilage thyroïde, dont la plus grande partie a été enlevée. c. Cartilage cricoïde. d. Corde vocale. Tout ce qui se trouvait au dessus d'elle a été enlevé. e. Membrane interne du larynx; le ligament crico-lhy- roïdien, situé en cet endroit, et qui met obstacle à la tension des cordes vocales dans lu direction de leur longueur, doit être enlevé. Fig. 2'. La préparation précédente vue par le haut. aa. Les bases des cartilages aryténoïdes liées ensemble et fixées sur une épingle. h. Reste du cartilage ihyroïJe. c. Cartilage cricoïde. dd. Cordes^vocales. ee. Mtjscles thyro-aryténoïdiens. Fig. 3. Préparation du larynx pour les expériences dans lesquelles on emploie le cartilage thyroïde comme chevalet. Les lettres ont la même siî^nificaiion. Les cartiLiges aryténoï- des sont liés, comme à l'ordinaire. Leur partie supérieure, celle du cartilage thyroïde et tout ce qui se trouve au dessus des cordes vocales, a été enlevé. De cette manière, les côtés 62/} EXPLICATION DES PLANCHES. des cordes vocales sont devenus libres, et Ton peut appliquer les branches du compresseur. Fig. 3'. fa préparation précédente vue en dessus. aa. Bases des carlilages aryiénoides liées ensemble sur une épingle. b. Cartilage thyroïde. c. Cartilage cricoide. d. Cordes vocales. e. Muscles thyro-aryténoïdiens. Gomme la paroi postérieure des carlilages aryténoïdes, dans leur position moyenne, n'est point sur le même plan que celle du cartilage cricoide, il convient , en les fixant au poteau , de les diriger en arrière , afin que leur fixation ne détermine pas déjà une tension des ligamens de la glotte. Pour produire les sons les plus graves de la voix humaine^ et amener le relâchement des cordes vocales qu'ils exigent, il est bon non seulement que le cartilage cricoide puisse se rap- procher des cartilages aryiénoides , mais encore que ceux-ci puissent se porter en avant. Dans ce mouvement, leurs apo- physes antérieures s'enfoncent davantage. On conçoit que, pour les expériences sur la voix de poitrine, il faut prendre des larynx d'hommes. Du reste , la différence dans la forme des larynx d'hommes et de femmes dépend uniquement de la longueur des cordes vocales. Ces ligamens étant plus longs chez l'homme que chez la femme, d'un tiers environ , il fallait que le chevalet antérieur, ou le cartilage thyroïde, s'évasât davantage sous la forme d'un angle. Telle est la seule cause de la saillie anguleuse qu'il présente chez l'homme. D'ailleurs, j'ai également observé , chez l'homme adulte, une grande diversité dans la longueur des cordes vo- cales, et même dans la largeur de la trachée. Fig. 4. Les petits muscles du larynx vus de haut en bas. Le cartilage thyroïde a été excisé; il n'en reste plus que la partie b. Les cartilages aryiénoides sont coupés jusqu'à leurs bases. EXPLICATION DES PUNCHES. 6^5 a. Apophyse antérieure du cartilage aryténoïde. a' Apophyse externe du même. c. Cartilage cricoide. d. Cordes vocales. e. Muscle ihyro-aryténoïdien. f. Muscle crico-aryténoïdien latéral. Il fait tourner le car- tilage aryténoïde sur son axe, et rapproche l'une deTautreles apophyses antérieures des deux cartilages, afin de clore , avec le secours du muscle aryténoïdien g , la partie postérieure de la glotte, qui ne sert point à la voix. Ftg. 5. Appareil pour la compression latérale des ligamens de la glotte, lorsqu'on veut produire la voix de poitrine. a. Tige à laquelle la pince /'est fixée ; c'est la lige a de la fig,6. b. Traverse sur laquelle la pince peut se mouvoir d'arrière en avant et d'avant en arrière , au moypu de la pièce c, ce qui permet de lui donner la position convenable par rapport à la longueur des cordes vocales, comme en h de la fig 6. d. Vis servant à fixer la pièce c. e. Vis servant à fixer la tige o, afin de pouvoir placer la pince juste à la hmieur des cordes vocales. /. Pince, dont les branches ont cinq à six lignes de large. Fig. 6. Appareil pour faire des expériences sur la voix avec le larynx humain. N. Pilier servant à fixer le larynx et le compresseur a hf. u. Tuyau pour souffler. V. Manomètre qui communique avec u. M. ô. P.liers pour fixer les poulies x' et y'. s. Cordon servant à tendre les cordes vocales, qu'il tire dans la direction de leur longueur ; il passe .•'Ur la poulie a?'. j. Cordon servant à détendre les cordes voca'es et à les ré- duire au minimum de tension que le ligament crico-thyroi- dien leur procure par son élasticité; il passe sur la poulie y\ s. Cordon pour tendre les cordes vocales , en exerçant une n, 4o 626 EXPLICATION DEÔ PLANCHES. traction de haut eâ bas sur le chevalet antérieur ou le cartilage thyroïde. Fig. 7. Compresseur à l'aide duquel on peut mesurer la po- sition des branches g h, qui s'ajustent dans une rainure dé la face inférieure de la pièce a h. e. ê. Vis servant à rapprocher et éloigner les branches gr/i ; les pas de vis marchent en sens inverse. e. Saillie qui indique la position de la branche g par rapport à l'échelle f. La tige à laquelle ce compresseur est fixé s'adapte à la pièce c d e delà fig. ^. De cette manière , le compresseur peut être fixé à l'appa- reil de h^g. 6 en &, comme la pince de la fig. 5 , et on lui donne la position qu'on juge nécessaire. Fig, 8. Compresseur pour les expériences sur le larynx in- férieur des perroquets. La branche g est fixe ; la branche h est mobile dans une charnière en 0. La pièce m 0 peut avan- cer et reculer; on la fixe au moyen de la vis n. La tige s'adapte à la pièce c c? e de la ^^. 5, et peut , au moyen de c dans cette même figure, être fixée sûr la pièce h ; x est un cor- don servant à mouvoir la branche A; il passe sur une poufie » et peut être chargé de poids. Fig. 9. Compresseur à deux brandies mobiles , pour les expériences sur la voix de poitrine avec le larynx humain. Les pièces c d ^ sur lesquelles les branches e/se meuvent à charnière, sont mobiles dans une fente de la pièce a J, et peu- vent être fixées à l'aide de vis ; g h sont des cordons qu'on peut charger de poids, et qui meuvent les branches l'une vers l'autre. Fig. 10. Appareil pour les expériences sur la voix de poi- trine, avec compression mesurable des cordes vocales au moyen du compresseur fig. 9. Fig. \\. Compresseur pour les expériences sur la voix de poitrine avec des larynx auxquels tiennent encore l'arrière- EXPLICATION DES PLANCHES. 6^7 gorge, la bouche et le canal nasal. Les branches a 6 se pla- cent sur les côtés des cordes vocales. Fig. 12. Appareil complet pour ces expériences, avec le compresseur fig ii, a. Pharynx. h. Hyoïde. c. Cartilage cricoide. d. Reste du cartilage thyroïde, servant à fixer le cordon e , qui tend les cordes vocales. Fig,l^. Larynx inférieur du Psittacus ararauna^ vu de côté. a. Os semi-circulaire, qui se meut en manière de valvule sur le tympan c. h. Cartilage semi-circulaire inférieur. a h'. Membrane vocale , qui , en ^ , forme un angle en dedans. Fig. 14. ab. Muscles qui tirent les bronches de bas en haut, rendent les angles en œ plus aigus, et les rapprochent l'un de l'autre. c. Muscles qui tirent de dedans en dehors les os semi-cir- culaires , rendent les angles en x plus oblus , et dilatent la glotte. d. Muscle de 1» trachée-artère. Fig. 15. Position des parties pendant l'action des muscles c. Fig. 16. Position du larynx de perroquet dans le compres- seur a b^ pour les expériences au moyen de l'appareil fig. 8. On souffle par la trachée-artère. Fig. 17. Tubes en verres, dont les bouts, coupés oblique- ment, sont en partie couverts de baudruche. Fig. 18. Union de ces tubes avec un tube court et plus large, pour renforcer le son. Fig. 19. Position de deux tubes par lesquels on souffle en même temps, et dont l'un est pourvu d'une membrane vocale en baudruche. Fig. 20, Coupe horizontale du larynx de Pipa. 628 EXPLICATION DES PLANCHES. a. Tambour. b. Cartilage vocal. c. Ouvenure des bronches. Fig. 21. Imilalron da larynx de Pipa. Le lube b peut être introduit dans le lube a, qui est fermé en d, de manière qu'il ne reste là qu'une petite fenie. A rextrémilé antérieure du lube b, la languette méial ique c est fixée sur une courroie transversale; Texirémité de cette languette s'étend jusqu'au voisinage de la fente ri. Fig, 22. Cartilage aryiénoïde a de la Grenouille mâle, avec la corde vocale b. Fig, 23 et 24. Isthme supérieur ou larynx du Sapajou, qui se prolonge en un lube assez long. ' ^Fig. 23. Coupe du larynx de ïAteles arachnoïde», a. Cartilage thyroïde. h. Cartilage cricoide. ^ €, Cartilage aryiénoïde. d. Epiglotte. e. Cartilage de Wrisberg renflé en un coussin épais. Entre d et c se trouve le canal tubuleux du larynx. /. Corde vocale inférieure ou proprement dite. Elle a un bord supérieur très-tranchant. g. Corde vocale supérieure, située très-profondément et en dehors. Fig, 24. Larynx de V^teles arachnoïdes^ VU de côté ; la moitié du cartilage thyroïde est enlevée. a. Cartilage thyroïde. h' Cartilage cricoïde. c. Cartilage aryiénoïde. c' l'extrémité supérieure, corres- pondante au cartilage de Santorini, s'unit avec celle du côté opposé, et forme la lèvre inférieure du lube. d. Épigloite. d' prolongement quelle envoie au cartilage arytéaoïde, ou de Suntorini. L'épig lotte forme la lèvre supé- EXPtICATION DES PLANCHES. 629 rieure du tube ; les prolongemens d' de Tépiglotte » avec les cartilaf^es de Santorini, forment la lèvre inférieure, «. Masse cartilagineuse molle de Wrisberg. f. Région des cordes vocales. Le larynx des Sapajous se dislingue par celte particularité que la cavité laryngienne s'allonge, au dessus des ligamens inférieurs de la glotte, en un tube recourbé. Ce tube se di- rige d'abord de bas en haut , puis d'avant en arrière. Là paroi antérieure est formée par le cariilage tliyroïvie, la supérieure par l'épiglotte , la postérieure par la portion ascenlante du tube , et l'inférieure de la portion transversale par les pe- lotes appliquées l'une contre l'autre des grands cartilagns de Wrisberg. Comme ces pelotes se continuent avec le pour- tour antérieur des carlibges aryténoïdes, lorsque ceux-ci se rapprochent pour clore la partie postérieure de la glotte, elles se serrent l'une contre l'autre , de manière qu'il ne reste plus àVair d'antre passnge que le long canal entre le cartilage thy- roïde, l'épiglotte ei les peloltes. Les lèvres du canal, qui s'ou- vre en arrière dans le pharynx , sont en haut l'épiglotte , en bas les extrémités réunies des cartilages aryténoïdes. On parvient aisément à allonger ce tube en y ajoutant des tubes en verre de longueur diverse -, j'ai fait des expériences en ce sens , mais je n'ai proJuit aucun changement appréciable dans la hauteur des sons. Le long canal du larynx paraît donc avoir plutôt pour but de donner de l'éclat à la voix. En posant le doigt sur son orifice, je faisais baisser chaque son d'un semi- ton. L'intonation a lieu au moyen des dispositions ordi- naires. Quand le larynx entier était coupé en \ou^ , et qu'on diri- geait le courant d'air d'un petit tube au devant d'une des cordes vocales , dans le sens de Taxe du larynx , on obtenait d'assez bons sons. Les cordes vocales ont leurs bords supé- rieurs tranchans , et parlent avec une grande facilité. 630 EXPLICATION DES PLANCHES. Fig, 25. Coupe longitudinale du larynx et de l'appareil à résonnance du Mycetes ursinus, a. Cartilage thyroïde. b. Cartilage cricoïde. c. Cartilage aryténoide. c', son extrémité, unie avec celle du côté opposé , pour former la lèvre inférieure de Torifice du larynx. d. Épiglotte. Elle forme le couvercle du canal tubuleux et recourbé du larynx , au dessus des cordes vocales. L'extré- mité d' forme la lèvre supérieure de Texlrémité de ce canal. e. La grande masse molle du cartilage de Wrisberg, unie avec le cartilage aryténoide. Elle forme une pelote , qui , lorsque les cartilages aryténoïdes se rapprochent l'un de l'au- tre , pour clore la partie postérieure de la glotte , s'applique à la pelote du côté opposé. d^. Canal entre l'épiglotte et les pelotes. /. Ligament inférieur de la glotte. g. Ligament supérieur de la glotte. Un* est pas fixé au car- tilage thyroïde , mais à la racine de l'épiglotte , et fait corps avec la pelote ; il forme un ruban très-solide , élastique , descendant en ligne droite , entre le ventricule de Morgagni et la partie médiane de la cavité laryngienne. Le sinus entre fQig mène entre le cartilage thyroïde et les parois de la cavité médiane du larynx , dans le sac membra- neux g^ qui est le prolongement du ventricule de Morgagni. Au devant de la racine de l'épiglotte se trouve, entre deux ligamens qui attachent l'épiglotte au cartilage thyroïde, l'entrée i du sac impair i\ qui, en ^, revêt la cavité de l'hyoïde lll. w. Le sac laryngé observé par Brandt. Il a son entrée au côté de Touverture supérieure du larynx , et fait saillie entre l'épiglotte et le cartilage thyroïde, Fig. 26. Coupe de haut en bas à travers le larynx et les ven- # ft { EXPLICATION DES PLANCHES, 65 I triciiles de Morgagni du Mycetes arsinus , suivant la ligne x y de la figure 25. Segment postérieur. Les lettres ont la même signification que dans la figure précédente. e e. Les peloiles appliquées l'une contre l'autre. d e. Le canal du krynx entre l'épiglptle et les pelottes forr mant la paroi inférieure. Fi^. 27. Segment antérieur de la coupe précédente. Les lettres ont la même signification que dans la figure 25. Entre la racine de Tépiglotte d et le cartilage thyroïde a se trouve rentrée du sac impair de l'hyoïde i. g. Continuation des ligamens supérieurs de la glotte , ou des rubans élastiques qui les remplacent, avec Tépiglotte. Les appareils de résonnance , chez les Singes hurleurs, sont doubles ; d'un côté , des membranes , des os et des cartilages; d'un autre côté , l'air renfermé dans ces parties. Les rubans élastiques partagent la cavité laryngienne en un tube médian et deux cavités latérales. Le canal médian sert au mouvement progressif de l'air, aussi bien qu'à la résonnance ; les sacs la- téraux et le sac hyoïdien servent à la résonnance de l'air. La résonnance de ces masses d'air doit être rendue plus facile par les rubans élastiques qui bordent l'entrée des sacs. La résonnance du son d'une anche posée sur un réservoir d'air reproduit exactement ce qui a lieu ici. On peut aussi se con- vaincre , par des expériences , que ces appareils servent à fortifier la voix. Je produisis des sons, à la manière ordinaire, avec un larynx entier de Singe hurleur, dont l'appareil de ré- sonnance était en parfaite intégrité , et je comparai la force que ces sons, toutes choses égales d'ailleurs, avaient lors- que je permettais à l'air de remplir les sacs, ou lorsque, com- primant le col de ceux-ci avec des pinces , je ne leur permet- tais pas de s'emplir. Dans le premier cas, ils étaient beaucoup plus forts et hurlans. Les cordes vocales de l'animal , dont le bord supérier §st très-tranchant, donnent aussi, à elles seules, 632 EXPLICATION DES PLANCHES. ' des sons très-vifs, dans le larynx coupé en travers, lorsqu'on fait passer un courant d'air au devant d'elles. On peut faire des expériences sur le larynx des Sinjyes, et en général de tous les animaux, en se servant de pièces conservées dans Talcool, pourvu qu'on uilsoin de les plonger auparavant dans l'eau pendant quelque temps. Je conserve ainsi, et je m*en sers dans l'occasion, des larynx d'hommes, que j'ai préparés, et que j'ai trouvé propres à servir dans les expé- riences sur la voix. Fig. 28. Larynx ouvert de Y Alligator lucius. a. Corde vocale. h. Cartilage cricoïde. c. Bandelette cartilagineuse arquée sur laquelle repose la corde vocale. d. Hyoïde. e. Membrane muqueuse au dessus de l'hyoïde. Fig, 29 à 39. Elles expliquent les expériences sur les an- ches en caoutchouc et sur les larynx artificiels construits d'a- près le type de celui de l'homme. Fig. 59 à 31. Anches à une seule lèvre de diverses espèces. Fig. 32. Tuyau d'anche à deux lèvres horizontales, avec des tuyaux allongeant la colonne d'air en avant et en arrière des lèvres. C'est quand les languettes sont perpendiculaires au courant , comme dans le cas présent, que la colonne d'air en change le plus facilement le son. ' Fig. 33. Anche bilabiée en caoutchouc, dont les lèvres sont appliquées l'une à l'autre parleurs faces. Les pinces servent à maintenir les lèvres d'un côté. Lu fixation des lèvres de l'autre côté n'est pas absolument nécessaire. Fig. 34. Anche bilabiée, avec des pinces fixant les deux ex- trémités de la glotte. Les appareils 33 et 34 sont destines à être unis à des tuyaux , pour apprendre à connaître l'influence de l'air. EXPLICATION DES PLAlVCHES. 633 Fig. 35. Tuyau d'anche bilabié , dont les lèvres ont leurs faces tournées Tune vers l'autre , et dont les tubes serventà allonger et raccourcir la colonne d'air. J'ai remarqué que quand les lèvres ont les faces tournées l'une vers l'autre, comme dans le cas présent , la colonne d'air qui passe devant et derrière leslangueiies exerce souvent fort peu , et même parfois n'a pas du tout d'influence sur le changement du son de l'ancbe. Ces anches à lèvres adossées par leurs faces , et à isthme qui va en se rétrécissant peu à peu vers la glotte , sont celles qui ont le plus d'ana'ogie avec 1 organe vocal humain , dans lequel la colonne d'air qui passe devant et derrière les lèvres n'a non plus presque aucune influence sur la hauteur du son. Fig, 36. Anches à lèvres analoguessur lesquelles les pinces peuvent être à vo'onté éloignées au moyen d'une vis , ou rap- prochées à l'aide d'un ressort , pour accroître et diminuer la tension. Fig. 37 à 39. Imitation du larynx humain. Fig. 37. Pièces en laiton, a cartilage cricoïde. h chevalet an- térieur, mobile en Z>'dans une articulation, c. chevalet posté- rieur, mobile en c\ dans une articulation. Le chevalet posté- rieur est une pince courbe , dont les branches se rapprochent au moyen d'une vis. d pince analogue , qui est fixée au pour- tour antérieur du chevalet antérieur, sans être mobile dans une articulation. La vis e peut presser le chevalet antérieur d'arrière en avant. Fig. 38* Préparation de l'anche bilabiée en caoutchouc , avec les faces tournées l'une vers l'autre , et liée sur un tube. On unit cet appareil à celui de la figure 37, et l'on enferme dans les pinces les extrémités antérieure et postérieure des lèvres. 634 EXPLICATION DES PLA.NCHES. 'J^ De là résulte le larynx humain artificiel , figure 39, qu'on peut unir au manomètre. On peut remplacer le caoutchouc par de grosses artères. Dans tout ces appareils à deux lèvres en caoutchouc qui se regardent par leurs faces , la glotte peut être assez largement ouverte , sans que les sons cessent de sortir avec une grande force. FIN. TABLE DU TOME SECOND. SECTION III. De la voix et de la parole. i Chap. I". Des conditions générales de la production du son, Ib, I. Corps solides élastiques, 5 A. Corps élastiquespar tension. Ib. 1. Corps filiformes élastiques par tension ; cordes. Ib, 2. Corps membraniformes élastiques par tension. ^ B. Corps élastiques par eux-mêmes. 8 1. Verges droites ou courbes. Ib. 2. Corps membraniformes rigides , droits et cour- bes ; plaques , cloches. Ib. II. Fluides élastiques ; air. Ib, III. Insirumens dans lesquels entrent à la fois en jeu les propriétés de corps élastiques solides , celles de corps élastiques solides et celles de corps élasti- ques fluides. Instrumens à anche. i5 A. Instrumens à anche faits d'un corps élastique rigide , métal ou bois. i6 I. Anches simples sans tuyau. Ib a. Anches ayant de l'analogie avec les verges. Ib, b. Languettes accompagnées d'un tuyap qui modifie le son. ai 2. Languettes métalliques en forme dç disques. 23 54979 636 TABLE. B. înstrumcns à anche membraneuse ou élastique par tension. * 25 1. Anches membraneuses simples sans tuyau. 27 a. Anches tendues à la manière des cordes. Ib, b. Anches tendues en manière de Ijmpan. 35 2. Anches membraneuses avec tuyau. Ib. 3. Influence du porte-vent sur le son des anches membraneuses. 5a 4. Anches membraneuses avec corps de tuyau et porte-vent. 56 5. Instrumcns de musique à anche membraneuse. 58 6. Conclusion sur la théorie des sons produits par les anches. 6a Ghap. II. De la voix, de l'organe vocal et des autres or- ganes producteurs de sons, chez Thomme et les animaux. 70 I. Voix de l'homme. 71 A. Organe vocal de l'homme en général. Ib. B. Faits relatifs au changement des sons de l'organe vocal et à leurs causes. 78 C. Conclusions générales. 1 1 1 D. Chant. lao 1. Etendue de la voix. 121 2. Espèces de voix des divers individus. ia3 3. Espèces de voix d'un même individu ; voix de poitrine et voix de tête. 125 4. Timbre particulier de la voix. Voix nasonnante. 128 5. Force de la voix. 129 6. Accroissement et diminution de la force des sons. Ib. 7. Pureté des sons. i32 8. Perfection de l'instrument vocal de l'homme. i33 E. Compensation des forces physiques dans l'or- gane vocal de l'homme. 1 34 ÎI. Sons buccaux produits par l'homme. 181 TABLE. 637 lïl. Voix des Mammifères. i85 IV. Voix des Reptiles. 187 V. Voix des Oiseaux. 189 1. Organe vocal des Oiseaux. ' Ib. 2. Théorie de ia voix des Oiseaux. 194 VI. Voix des poissons. 208 Chap. III. De la parole. 209 A. Système des sons muets de la parole à voix basse. 212 I. Voyelles muettes. Ib, II. Consonnes muettes et soutenues. 2i4 III. Consonnes muettes explosives. 217 1 . Consonnes explosives simples. Ib. 2. Consonnes explosives aspirées. 218 6. Système des sons de la parole à haute voix. 219 Voyelles. Ib- II, Consonnes qui restent muettes dans la parole à haute voix. Ib. HT. Consonnes qui , dans la parole à haute voix, peu- vent être aussi bien prononcés muettes, c'est-à- dire comme simple bruit , qu'avec intonation de la voix. 220 C. Ventriloquie. 2a5 D. Vices de la parole. 226 E. Accent. a3i TROISIÈME PARTIE, Des sens. 282 Notions préliminaires. ib. SECTION 1". Du sens de la vue. açZ Chap. I. Des conditions physiques des images en gé- néral. Ib. I. Espèces possibles d'appareils de vision. Ib. 658 TABLE. II, Conditions physiques de la production des images par des milieux réfringens, 233 III. Conditions physiques des couleurs. 297 A. Couleurs dioptriques. Théorie newtonienne des couleurs, Ib. B. Couleurs naturelles des corps. Pigmens. Sog C. Couleurs par interférence des rayons lumineux. 3 10 Chap. II. De l'oeil conHne appareil d'optique. 3 16 I,. Construction optique de l'œil, I^» A. Yeux simples, ou points oculaires des Vers et autres animaux inférieurs. Ib, B. Yeux composés, ou à mosaïque, des Insectes et des Crustacés. 819 C. Yeux simples des Insectes, Arachnides, Crus- tacés et Mollusques, avec des milieux dioptri- ques réunissant les rayons lumineux. 322 1 . Yeux simples renfermant une lentille. Ib. 2. Agrégation d'yeux simples. 325 D. OEil de l'homme et des animaux vertébrés, 326 1. Entourage de l'œil. Paupières. Ih. 2, Tuniques de l'œil. 828 3, Parties transparentes de Tœil. 829 4. Nerf optique et rétine. 83o II. Théorie de la vision d'après la structure des yeux. 333 A. Vision au moyen d'yeux composés et de milieux dioptriques isolés par du pigment. Ib. 1. Degré de netteté de l'image. 334 2. Vue de près et de loin. 335 3. Etendue du champ visuel. Ib, 4. Angle optique. 887 B. Vision au moyen d'yeux pourvus d'appareils ré- fringens. 338 « TABLE. 639 III. Changemens intérieurs dans Tœil pour la vision distincte à des distances diverses. 347 IV. Mjopie et presbytie ; moyen d'y remédier ; lu- nettes. 366 1. Défaut de netteté des objets très- rapprochés. Effets des diaphragmes. Ib, 2. Myopie, presbytie. Lunettes et optomètres. 670 3. Changemens de la portée de la vue par les verres grossissans. 574 V. Chromasie et achromasie de l'œil. 375 1. Lentilles chromatiques. Ib. 2. Lentilles achromatiques. 377 3. Achromasie de l'œil. 3n8 4. Chromasie de l'œil. 37g Chap. III. Des effets de la rétine , du nerf optique et du sensorium dans la vision. 382 I. Action de la rétine et du sensorium dans la vision. Ih, A. Action de la rétine et du sensorium. Ib, B. Grandeur du champ visuel dans la représenta- tion. 387 C. Action du sens de la vue au dehors. 391 D. Image de son propre corps dans le champ vi— . suel. ^. 392 E. Vue renversée et vue droite. 394 F. Direction de la vue. 396 G. Jugement sur la forme , la grandeur , la dis- tance et le mouvement des objets. 400 H. Effets de l'attention dans la vision. 4o4 II. Effets consécutifs des impressions visuelles, ou images consécutives, 4o5 A. Images consécutives incolores après des images objectives incolores^ 4^^ 64© TABLE. B. Images consécutives colorées après des Images objectives incolores. 4^9 C. Images conséculives colorées après des images objectives colorées. 4^0 III. Conflit entre les différentes parties de la rétine. 4^^ A. Communication des états entre les diverses par- lies de la rétine. Ii radiation. Ib, 1. Disparition des objets visuels en dehors de l'entrée du nerf optique. 4*^ 2. Disparition des objets visuels à l'entrée même du nerf optique. Ib, B. Excitation d'états opposés dans des parties con- ligues delà rétine. 4'4 j. Images claires et obscures qui deviennent plus prononcées par contraste. 4'^ 2. Couleurs physiologiques par contraste. Ib, 3. Ombres colorées. 4' 9 a. Ombres colorées objectives. Ib» b. Ombres colorées subjectives. Ib, C. Effet agréable des contrastes physiologiques. Principes physiologiques de l'harmonie des cou- leurs. Théorie de Goethe. 4** IV. Action simultanée des deux yeux. 4^2 A. Vue simple avec deux yeux. 4^3 B. Vue double avec deux yeux, 4^4 C. Rivalité entre les champs visuels de deux yeux. 44^ V. Phénomènes subjectifs de vision. 44^ ^ A. Figures produites par la pression. Ih. B. La figure arborisée dont il a été parlé plus haut paraît quelquefois lumineuse. 444 TABLE, 64 1 C. Apparition lumineuse du pouls. Ih, D. Mouvement du sang visible. Ih, E. Apparition de cercles lumineux dans le champ visuel obscur quand on tourne brusquement les yeux de côté. X/S F. Figures électriques dans l'œil . " Ib, G. Apparition spontanée de lumière dans le champ visuel obscur. AAi^ H. Flamboiement au devant des yenx après l'usage des narcoliques. ^^n I. Mouvement apparent des objets après que le corps a tourné en rond. Jb, j. Absence delà faculté d'apercevoir les couleurs. Ib. SECTION II. Du sens de l'ouïe. Chap. I". Des conditions physiques de l'audition. iSo ï. Mouvement ondulatoire en général. ^5i A. Ondes d'inflexion des liquides, Ib, » 1. Ondulations progressives, ou ondes. ^52 2. Ondulations stationpaires. /55 B. Ondes d'inflexion des corps solides, 458 C. Ondes de condensation des liquides, des gaz et des corps rigides. ^5q II. Ondes stationnaires et progressives des corps rëson- nans. ^61 III. Mouvement ondulatoire dans la propagation du son. ^68 A. Ondes progressives dans la propagation du son, Ib, £. Ondulations stalionnaires dans les corps conduc- teurs du son. 471 Chap. II. Des formes et des propriétés acoustiques des or- ganes auditifs. 4?^ IL 4i 642 TAtJLE. I. Formes de l'organe auditif. * . Tb, A. Poissons. 47^ B. Repliles. 4^1 1 . Reptiles nus. 4^^ a. Bepliles nus sans caisse du tympan. Ib* b, Repliles nus pourvus d\ine caisse du tympan. Ib* 2. Reptiles ccailleux. 4^4 a. Repliles ccailleux sans caisse du tympan. Ih, h. Repliles ccailleux pourvus d'une caisse du tym- pan et d'une trompe d'Euslache. /6. C. Oiseaux. /^. D. Mammifères, 4^5 II. Transmission du son jusqu'au labyrinthe chez les animaux qui entendent dans l'eau. 4^^ III. Transmission du son jusqu'au labyrinthe chez les animaux qui vivent dans l'air. 499 A. Animaux aériens privés de caisse du tympan. 5oo B. Animaux aériens pourvus d'une membrane du tympan et d'osselets. 5o5 G. Tension de la membrane du tympan. 5i3 D. Fenêtre ovale et fenêtre ronde. 624 E. Trompe d'Euslache. 53o F. Conduit auditif externe. 54l G. Cartilage extérieur de l'oreille. 542 H. Corps solides et air résounans au pourtour du labyrinlhc. 544 IV. Transmission par la cuisse du tympan et transmis- sion par les 0$ de la lêle, 646 TABLE. '^ 545 Y. Audition des ondes sonores de milieux différens. 548 A. Transmission immédiate du son de Tair à l'or- gane auditif, r^^ B. Transmission immédiate du son de Teau à l'organe auditif. 55^ C. Transmission immédiate du son de corps solides à l'organe auditif. 55 ^ VI. Propriétés acoustiques du kbyrinlhe. 554 A. Eau du labyrinthe. j^ B. Vestibule. Canaux semi-circulaires. 555 C. Limaçon. ^g^ Chap. ht. Des effets des ondes sonores sur les nerfs au- ditifs^ et de l'action propre à ces derniers. 55- I. Effets des ondes sonores sur les nerfs auditifs. Jh, II. Distinction des sons. g.| IIÏ. Audition de plusieurs sons simultanés. 5^5 IV. Harmonie des sons. Intervalles musicaux. 570 V. Audition. 53^ VI. Prolongation de la sensation auditive. 586 VII. Audition double. 587 VIII. Finesse de Touïe. 588 IX. Sons subjectifs. 58q X. Sympathies du nerf auditif. 5qo SECTION III. Du sens de Todorat 5g2 Chap. I". Des conditions physiques de l'olfaction. Ib. — - II. De l'organe olfactif. So^ — III. De l'action des nerfs olfactifs. 699 SECTION IV. Du sens du goût. 601 Cbhp. I^^ Des conditions physiques de la gustation* Jb^ 644 TABtE. — II. De l'organe du goût. 602 — lïl. De l'action des nerfs gustatifs. 604 SECTION V. Du sens du toucber. 608 I. Etendue et organes du toucher. 60g II. Modes ou énergies du toucher. 612 III. Toucher et idée. 614 IV. Toucher et mouvement. 616 V. Sensations consécutives et contrastes du toucher. 619 VI. Sensations tactiles subjectives. Ib. Explication des planches. 623 FIN DE LA TABLE DD SECOND VOLUME. 1 ^ u ./■ — - il 3.3. 4 / 34.