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Mu : A it b AE ANT Au PRECIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS DE ROUEN , Pspvis sa fondation en 1744 jusqu’à l’époque de sà restauration , le 29 juin 1805, PRÉCÉDÉ DE L'HISTOIRE DE L'ACADÉMIE. à auteur da TE PER & sk émpors Gap Aer Lo doisaba, se trs FAR : L'SHES ANCIENS «vds ut Qc ne ss asAhT | SEE, 2 k e ; dE - LR MAR rar dut. LE 1 rats | es “madaoga aa smorelty si _ F F . , * Lt ès : “ ro h E DENTS El Carte $ F è 2 5e 4 #3 ; ‘2 ra Ca k 0 AE, > L'EURTE ‘ À tt À ve PRÉCIS ANALYTIQUE US TRAVAUX LARA AE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS DE ROUEN , Pspuis sa fondation en 1744 jusqu’à l’époque de sa restauration , le 29 juin 1805, PRÉCÉDÉ - 5» D DE L'HISTOIRE DE L’ACADEÈMIE; Par M. GOSSEAUME , D.-M., Meuvrx ET AnCuivisrz De L'ACApÉMEe I A US A A A TOME PREMIER. 1744 à 1750. AT TT PT A ROUEN, De l'Imprim. de P. PERIAUX , Imp. de l'Académie , rue de la Vicomté , n° 30, PACS eV nr LRIMAAS | aMor Le | 2 4 ame deue PTE ” te NH - « LA " : $. » Lee . . LES L* 4 A ne w:, < , 0. Et L 2ororeamnress ronteseums el { L Ts fil 1e 2080 6 PR ATEN IS . À L y Ë : à A LU +: on RE (res DEC TT EDR SN NES », Ta + RDA: AE hi Ed A al er 1 (0 ASSET de , Li 4 RTE i à ANT = AE r x ù RTE GA à ner ant AUAIAAT .1 dr °ù rein 28 va se sp : (É ra L rs ; 2 (We 47 Ur l ‘an a Fer : CR » + si i ur VE \# L ” P re é 11: . * Les e Pie , > . LA à « 1 ” MY ? Ad ri a A RAT) A OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. RAR PAR AS ‘ à 4 L'Acansre » dès les premiers temps de son institution, s'était proposée de commu- niquer au public , par la voie de l'impression, le précis de ses travaux. Elle avait juste- ment senti que le compte qu’elle en rend chaque année à sa Séance publique ne rem- plissait qu’imparfaitement celte intention , et elle avait chargé plusieurs Commissions spé- ciales du choix , de l’examen, de la classi- fication des Mémoires qu’elle se proposait de publier. Le Gouvernement , de son côté , avait favorisé des dispositions si équitables, en donnant à l'Académie l'autorisation né- cessaire à cette fin » et lui confiant à elle- même la censure de ses Ouvrages. Cependant , toutes ces tentatives n'avaient obtenu aucun résultat satisfaisant. Quelle en pouvait être la cause ? car les talents et le (6) zèle des Commissaires nommés ne pouvaient être révoqués en doute. S'il m'est permis de dire mon sentiment , trop de collaborateurs concouraient au même travail, et la multi- plicité des instruments en retardait la marche. À joutons que les Mémoires , répostés en divers dépôts , ne pouvaient être ni consultés, ni comparés au moment du besoin ; la lenteur des communications faisait languir l’ou- vrage , et finissait par en faire perdre le souvenir. | Lorsqu'au rétablissement de l'Académie , cette Compagnie me fit l'honneur de me con- fiér le dépôt temporaire de ses archives, je. pus réunir en un même local et sous mes yeux tous les Mémoires qui avaient échappé au malheur des circonstances. Je pus les arranger , les co-ordonner à loisir , et, ce pre- mier travail terminé, J'osai former une en- treprise qui plusieurs fois avait échoué avec des moyens bien supérieurs aux miens. Je communiguai mon projet. à l'Académie ; je lui soumis mes, premiers extraits, etelle daigna encourager ces essais. Ajoutant ainsi chaque jour quelque nouvel extrait à ceux que j'ayais recueillis , je suis parvenu à Ccom- 44 7 4 À (73 pléter les mâtériaux du premier volume; je dirai même que j'ai disposé l’universalité de nos Mémoires , dont le précis , dans Son en- semble, doit former cinq volumes, de telle manière que , si des circonstances très-natu- rellés à mon âge m'empèchaïiènt de püursuivré mon travail, jé laisserais à mes successeurs tous les matériaux arrangés pour les volumes qui doïvént suivre. L'ordre que j'ai adopté est simple : j'ai rangé tous les articles sous deux grandes di- visions , les Sciences ét les Pelles-Lettres. La Poësiè forme une sous-division de cette der- nière , à laquelle jai cru devoir encore réunir les notices biosraphiques sur les Académi- viens décédés. J'ai réuni d’ailleurs sous des titres généraux les matières analogues entre elles , en m'assujettissant , autant qu'il m'a éié possible , à l’ordre chronologique. Relativement aux précis eux-mêmes , je me suis spécialement attaché à faire bien connaître l'esprit, l'intention et la marche des auteurs ; et pour mettre à portée de con- haître également leur style et leur coloris, je les ai fait parler autant qu'il m'a été possi- ble, évitant avec le plus grand soin de ineure le rédacteur à leur place, | (8) Malgré toute mon attention , puis-je me flatter d’avoir réussi? Ce n’est pas à moi de me juger ; mais Je puis asshrer que j'ai tou- jours été animé par le désir de bien faire. Si on était tenté de juger avec une sévé- rité rigoureuse les premières productions de nos laborieux devanciers, je répondrais pour eux avec un auteur célèbre : La critique est aisée et l’art est difficile ; je prierais de se souvenir qu’un établissement naissant est tou- jours éloigné de la perfection , et je tâcherais de profiter pour moi-même des observations dont ils ne peuvent plus tirer avantage. P.-L.-G. G. HISTOIRE HISTOIRE L'ACADEMIE DES SCIENCES ; BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN. TRS AE D D ET PCNCT RTE PRE LC 2 2 CE NÉ SR OR SRG e + TOME LR UMA NE M, + Le lecteur est prié de corriger les fautes ci-après : Pages lignes au lieu de lisez 2Yessssss 30... primariamque..., primariumques S'ele refais te D Lee c 2e e a Pr an etes io lele is cie les 165eesees 1Qvecsses SCTIEUTES ve se + SETICUSES, DUR esse eme D lentes vec LINENTs este os: se TIMENS, 20OBe ete see 240.0. » 010 01. ANCIA se ete Soie eo © | ASCIAe IUT eee RDS eue ue fendDne Re -b/te -e.Nend0- Ibid::4, 5.009 Deco, CxtTaXErUntsse ++ EXtrUXerunt. 205.009 Dhesssees SCLVENTes esse SET VANT, 10 207... ovsese CNUNSELsu esse CIUNLCTEs 7 | ans 7 LES. us ae D HISTOIRE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES , BELLES : LETTRES ET ARTS DE ROUEN. tre (È pmreees Évevrones d'une Société littéraire consiste essen- tellement dans l'exposé de ses travaux , et c’est le but que je me suis proposé dans la rédaction de ce recueil. Mais les circonstances qui ont concouru à l'établissement de notre Académie, sa composition, les institutions utiles qui se sont formées dans son sein, sont faites pour piquer la curiosité, je dirai même pour intéresser les amateurs des sciences, des lettres et des arts : c'est pour eux spécialement que j'ai réuni les matériaux de cette Histoire. Je renfermerai dans quatre chapitres tout ce qui y est relatif. Le premier fera connaître les circonstances qui donnèrent lieu à l'établissement de l'Academie ;. il sera terminé par les lettres patentes qui la constituent, et le catalogue de ses premiers membres. A 2 C4) Le second exposera sa composition morale. On donnera un apperçu des talents et des goûts qui pré- dominèrent pendant les dix premières années, et formèrent en quelque mauière le caractère et la physionomie de la Société. Le troisième traitera des travaux de l'Académie , de ses séances particulières et publiques, et des prix qu'elle distribuait dans ces séances solemnelles. Le quatrième enfin fera connaître les établissements utiles qui s'étaient formés dans son sein. CHAPITRE Ier. Etablissement de l’ Académic. Quoique les lettres patentes portant établissement d’une Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts dans la ville de Rouen ne datent que de l'année 1744, les sciences étaient en honneur dans cette capitale, et des établissements particuliers s'y étaient formés depuis long-temps pour les cultiver avec plus d'ayan- tage par la réunion d'hommes instruits et le con- cours de leurs lumières. Dès l’année 1716 , MM. de Couronne (1), Néel, Le Baillif , et de Missi , formèrent une Société dans l’inten- tion de cultiver en commun les sciences et les beaux- arts. On peut regarder cette association comme l'ori- gine de l'Académie. Le zèle l'avait formée, l'amitié en avait dicté les réglements, et l'intelligence avait déterminé les attributions conformément aux talents et au goût de chaque associé, (1) C’était le père de notre confrère, qui a prouvé que le goût des lettres était héréditaire daus sa famille, C5) Combien de temps dura cette Société? À quels motifs dut-elle sa dissolution ? Produisit-elle quelques ouvrages dont les lettres et les beaux-arts auraient pu tirer quelques avantages ? Ce sont autant de ques- tions que les notes qui nous ont été communiquées ne nous permettent pas de résoudre. Il est probable qu'elle ne subsista pas long-temps et que le souvenir s’en était bientôt perdu, puisque M. l'abbé Legendre, né à Rouen en 1659 , et mort chanoine sous-chantre de l'église de Paris et abbé de Claire-Fontaine , le 1°° février 1734 , témoignait son étonnement etses regrets, en rédigeant son acte de dernière volonté , l'an 1735, » de ce qu’à Rouen, ville si célèbre, dit-il, et quia » produit dans tous les temps de si beaux et de si » bons esprits, il re se soit point formé de Société » de gens de lettres, et que , pour animer la jeunesse _» qui a du talent, on n'y .distribue point de prix » honorables et publics. » Ces motifs l'engageaient à léguer à la ville de » Rouen 1200 livres de rente, pour y établir des » jeux floraux ou des prix de beaux-arts ou de ma- » thématiques, laissant d’ailleurs ceux qui exécute- » raient sa fondation les maîtres de changer les prix » selon qu'ils croiraïent convenir. « Le premier établissement dont nous avons parlé et celui dont il va être question ne prévenaient qu'imparfaitement le reproche de notre respectable compatriote , mais ils étaient le prélude d’une asso- eïation en l'honneur des sciences et des beaux-arts , fondée sur des bases plus solides. , En 1755, MM. Berthault, chanoïne de l'église de Rouen , Moyencourt et Dufay , chirurgiens fort instruits, s'étaient réunis pour cultiver en société la botanique et les belles-lettres. Un petit jardin , dans un de nos fauxbourgs , était le point de réunion de A5 C6) ces hommes studieux. 11 fut également le premier théâtre du célèbre Lecat, qui dans ce même temps fondait dans nos murs l’école d'anatomie et celle de chirurgie, que, depuis, il avait rendues si célèbres. Cet établissement subsista encore peu de temps; mais bientôt il fut remplacé par une association pareille, dont l'accroissement et les succès furent rapides , et qui obtint enfin d’être honorée du titre d'Academie. Au commencement de 1756 , MM. Delaroche, médecin distingué ; l'abbé Guérin, littérateur habile ; Moyencourt et Thibault, chirurgiens éclairés, tous amateurs de la botanique et des beaux arts, fondérent cette Société nouvelle. M. Delaroche fournit, pour y cultiver les plantes, un terrein spacieux, au faux- bourg Bouvreuil. M. de Moyencourt y porta les plantes de son premier jardin, et le nombre en fut considérablement augmenté. M, Guérin y porta son goût éclairé pour la littérature, et M. Thibaulr son infatigable activité. On construisit, à frais communs, une serre chaude en 1739. En 1740, la Société s'accrut de deux associés nou- veaux, MM. Clerot et Lecat. Nous aurons plus d'une fois occasion de remarquer combien ce dernier fut une acquisition précieuse. On forma à cette époque le projet de consolider la Société naissante. Plusieurs agrégations nouvelles en facilitaient l'exécution, M. Dufay , qui's’en était éloigné, y revint avec ses richesses botaniques ; MM. Saas, Antheaume, de Fourmetot , Boisduval , d'An- gerville, le Danois, Dubocage, Pinard, de Bréquigny , de Bléville furentinscrits parmi ses membresrésidants, Fontenelle , né à Rouen, et Morand, chirurgien cé- lèbre à Paris, furent ses premiers associés. C7) l'éloignement du jardin détermina à changer le lieu des séances. On eut la liberté de s’assembler à la bibliothèque de la cathédrale , lieu parfaitement central. Les discussions étaient verbales pour la plu- part; on ne gardait aucunes minutes, on ne tenait aucuns registres : c’est la raison pour laquelle nous avons si peu de témoignages sensibles des premiers travaux de nos devanciers. Cependant , un petit nombre de mémoires échappés aux ravages des temps serviront à montrer le soin et le zèle que l'on appor- tait dans les discussions, M. Pigou fut une nouvelle acquisition également utile et honorable. M. de Cideville , qui le suivit de près, doit étre regardé comme un des promo- teurs les plus ardents et un des bienfaiteurs les plus généreux de l'Académie, Nous verrons , au 4° para- graphe du chapitre IV , combien il coopéra à fixer parmi nous M. Descamps, le fondateur de notre école de dessin, peinture, etc., et le professeur le plus propre à la faire prospérer. M. l'abbé Guérin avait été élu secrétaire, et seul il suffisait , dans le commencement , à une place où aboutissaient tous les genres de travaux. Les mémoires sur les belles-lettres s'étant multi- pliés, on sentit la nécessité d’instituer pour ce dé- partement un secrétaire particulier , et M. de Béthen- court, avocat célèbre , réunii les suffrages. Au mois d'août 1741, on présenta à MM, de l'Hôtel- de-Ville un mémoire tendant à obtenir que la Société fût par eux adoptée comme une Compagnie propre à remplir le vœu et les intentions de M. l'abbé Legendre , dont le legs en conséquence lui serait applique. Cette demande ayant été favorablement accueillie, ou s’occupa sans relâche de l'obtention de lettres À 4 (8) patentes qui érigeassent la Société en Académie des Scences, Belles-Lettres et Arts. Vers la fin de l'automne de 1745, M. de Cideville, qui retourwait à Paris, où il passait les hivers, voulut bien se charger de toutes les démarches à faire au- près du Gouvernement pour faire légaliser la con- cession faite par l'Hôtel-de Ville, formalité qui devait précéder l'obtention des lettres patentes. I! fit plus, il se chargea de la poursuite d’un procès qui durait depuis long-temps, et que les prétendus héritiers de M. l'abbé Legendre avaient intenté contre son acte de dernière volonté. Un hiver suffit à M. de Cideville pour terminer le procès et obtenir les fa- veurs sollictées auprès du Gouverrement. À son retour à Rouen, le 18 août 1744, il eut la gloire et le plaisir de présenter à la Compagnie la ratifica- tion de la délibération du corps municipal, et les lettres patentes qui Périgeaient en Académie, Le dis- cours éloquent qu'il prononça à cette occasion, dis- cours qui se trouve dans ce volume, à la tête des mémoires pour la partie littéraire, exprime avec autant de vérité que d'énergie le vif intérêt qu'il prenait à cet établissement. La reconnaissance que nous devons à M. de Cide- ville pour les soins, les fatigues, les sacrifices que ces opérations lui coûtèrent , et l'expression que nous. nous plaisons à consigner ici ne nous font pas oublier la part bien essentielle qu’y prirent MM. de Fonte- nelle, qui rédigea nos premiers statuts, de la Bour- donnaye, intendant de la généralité de Rouen, et M. le duc de Luxembourg ; gouverneur de la pro- vince de Normandie. Son zèle et son crédit avaient puissamment secondé les démarches de M. de Cide- ville, et il avait été le protecteur de l'Académie avant que S: M. lui en conférût le titre. (a Suit la teneur des lettres patentes : LETTRES PATENTES portant établissement d’une Académie des Sciences , des Belles-Lettres et des Arts à Rouen, » LOUIS , PAR LA GRACE D£ Dieu, Ror DE FRANCE ET DE NAVARRE : À tous présents et à venir , salut. Nous avons été nformés que depuis quelques années il s’est formé dans notre ville de Rouen une Société de gens de lettres dont l’objet est de se perfectionner dans les sciences, dans les belles-lettres et dans les arts, et que , quelqu'étendu que puisse paraître ce projet , elle est dès-à-présent très en état de le remplir, avec les lumières et les talents de ceux qui la composent. Plusieurs assemblees qui se sont déjà tenues en ont fait connaître l’unlité, et le public, instruit des observations et mémoires en diflérents genres qui y ont été présentés , attend avec empres- sement plusieurs ouvrages importants commencés sur la physique, l’anatomie , et particulièrement sur la ch mie et sur la botanique, dans lesquelles on peut se promettre des découvertes heureuses, attendu Pordre et l'abondance qui règnent dans le Jardin des Plantes, qui est cultivé avec autant de soin que de succès dans notre ville de Rouen. Le désir que Nous avons toujours eu de contribuer aux progrés des sciences, des belles-lertres et des arts; la gioire et les avantages qui en résultent pour notre état , Nous déterminent à donner des fondements solides à cet établissement, et à seconder en cette occasion le zèle que les Conseillers-Maire et Echevins de notredite ville ont marqué pour que cette Société naissante fût aussi durable que doit l'être aussi la mémoire de notre amé et féal feu Louis Legendre, (10) chanoine et sous-chantre de Notre-Dame de Paris, des libéralités duquel ils ne veulent profiter que pour avoir la gloire d’en faire eux-mêmes la distri- bution en faveur de la nouvelle Académie. Nous avons vu avec satisfaction dans son testament, du quatre ‘février mil sept cent trente-quatre , les plaintes qu’il forme sur ce qu’une ville célébre par les talents et le goût particulier de ses citoyens pour l'étude et les plus hautes sciences , fût privée de ce qui peut ser- vir à les mieux cultiver , et Nous avons lieu d'espérer que la disposition qu’il a faite d’onze cents livres de rente perpétuelle en faveur desdits Maire et Echevins pour les arts et les belles-lettres ayant pour objet d'animer les savants, cette ville sera désormais dis- tinguée par la littérature et les sciences, comme elle l'est par l'étendue et l'éclat de son commerce ; ainsi , pour mettre les sujets qui composent et qui forme- ront par la suite cette Société en état de se soutenir avec honneur et à perpétuité, Nous avons bien voulu autoriser ses assemblées et les réglements né- cessaires pour en maintenir l’ordre et la splendeur. À cës CAUSES, voulant favoriser l'empressement que nous ont marqué les premiers Magistrats de notredite ville de Rouen, et augmenter de plus en plus l’'ému- lation des amateurs des beaux-arts et de ceux de nos sujets qui seront en état de se procurer par de semblables dispositions une sorte de postérité aussi durable qu'utile et glorieuse, Nous avons, de notre grace spéciale, pleine puissance et autorité Royale , permis , approuvé et autorisé, et par ces présentes , signées de notre main, permettons, approuvons et autorisons lesdites assemblées et conférences ; Voulons et Nous plait qu'elles soient faites et continuées dans notredite ville de Rouen, sous le titre d’Académie des Sciences, des Belles-Lettres et des Arts, que Cr) nous ayons mise et mettons sous la protection parti- culière de notre cher et bien amé cousin Charles- François de Montmorency Luxembourg , duc de Luxembourg, de Piney et de Montmorency, pair et premier baron chrétien de France , notre gouver- neur et lieutenant-général de notre province de Nor- mandie , lieutenant-général de nos armées, et che- valier de nos ordres; Voulons aussi que le nombre des sujets qui la composeront soit fixé et limité à vingt-six Académiciens de fonction, à douze Associés et à douze Adjoints, outre les personnes, au même nombre de douze, qui pour raison de leur dignité pourront y avoir entrée et place honorable , sous le titre d'Académiciens honoraires, conformément aux statuts et réglements ci-attachés sous le contre- scel de notre chancellerie, que Nous avons agréés et approuvés, ainsi que tous autres qui seront jugés nécessaires et convenables, sans qu'il soit besoin d'autres lettres de Nous que les présentes, par les- quelles nous confirmons dès maintenant , comme pour lors , tout ce qui sera fait pour ce regard. Per- mettons en outre à ladite Académie d’avoir un sceau avec telle marque, figure et inscription qu'il lui plaira , pour sceller tous les actes qui émaneront d'elle : Voulons en outre qu’elle soit pour le pré- sent composée des personnes dont la liste est ci- attachée sous le contre-scel de notre chancellerie , lesquelles nous avons nommées et nommons pour cette fois , laissant auxdits Académiciens la liberté de remplir les places qui vaquent et pourront vaquer à l'avenir par la voie d'élection , conformément aux- dits statuts, et que les Académiciens jouissent des mêmes honneurs, priviléges, franchises et libertés dont jouissent ceux de nos Académiciens de Paris, à l'exception du droit de committimus, $s DonNons C12) FN MANDEMENT à nos amés et féaux Conseillers les gens tenant notre Cour de Parlement de Rouen , et à tous autres nos Officiers et Justiciers qu’il appar- tiendra, que ces présentes ils aient à faire enregis- irer, et icelles garder et observer selon leur forme et teneur : CAR TEL EST NOTRE PLAISIR ; et, afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes. Donné à Lille, au mois de juin, l'an de grace mil sept cent Quarante-quatre, et de notre règne le vingt-neuvième. Signé LOUIS. Au revers est écrit : Lesdites lettres ont été registrées ès registres de la Cour, pour être exécutées selon leur forme et teneur, et jouir par les impétrants de l’effet et contenu d'icelles , suivant l'arrêt de la Cour rendu en Parlement à Rouen, la grand'chambre assemblée , le douze août mil sept cent quarante-quatre. Signé AuwzANET. Par le Roi; signé PHELYPEAUX. » Lesdites lettres patentes ont été registrées au greffe de l'Hôtel-de-Ville , le quatorze août mil sept cent quarante-quatre , en conséquence de l’assemblée générale dudit jour. Signé Co1GNARD , avec paraphe ; visa, DaGussseau. Pour confirmation d'établissement d'une Académie des Sciences , Belles-Lettres et Arts à Rouen. Signé PHELYPEAUX, « > ExrTrAIT des registres de la Cour de Parlement de Rouen. » Vu par la Cour, la grand'chambre assemblée , les lettres patentes accordées par le Roi , à Lille, au mois de juin dernier, aux Conseillers-Maire et Eche- vins de ceite ville de Rouen, par lesquelles Sa Majesté permet, approuve et autorise les assemblées et con- férences qui seront faites dans ladite ville de Rouen, C15) sous le titre d'Académie des Sciences, des Bellesa Lettres et des Arts, et confirme dès maintenant, comme pour lors, tout ce qui sera fait à cet égard ; le tout suivant qu'il est plus au long mentionné aux- dites lettres : requête présentée à la Cour par les Conseillers-Maire , Echevins et Substituts du Pro- Cureur-général du Roi de ladite ville , et les Associés à l'Académie des Sciences , des Belles-Leures et des Arts, tendante à ce qu’il lui plût ordonner que les- dites lettres patentes seront registrées ès registres de la Cour, pour étre exécutces selon lénr forme et teneur : ordonnance de la Cour étant au bas de ladite requête , en date de cejoard’hui, portant : soit communiqué au Procureur-général du Roi ; lesdites lettres patentes ci-dessus datées, ensemble le régle- ment que Sadite Majesté veut être observé, et autres pièces attachées sous le contre-scel d’icelles. Conclu= sions du Procureur-général , etcouile rapport du sieur Hubert, Conseiller - commissaire : Tour consiptrf. LA COUR, la grand'chambre assemblée, a ordonné et ordonne que les lettres patentes seront registrées ès registres de la Cour, pour être exécutées selon leur forme et teneur , et jouir par les impétrants de l'effet et contenu d’icelles. A Rouen, en Parlémenit , le douze août mil sept cent quarante-quatre. Signé , AUZANET ; Collationné, signé , FOuzT , avec paraphe. « SrArvrs et RéGIxMmENTS de l’Académie, » Le Roi voulant donner des marqués de sôn affection à l’Académie des Sciences , des Belles-Lettres et des Arts que Sa Majesté a établie à Rouen, Elle a résolu le, présent réglement , lequel Elle veut'et entend être exactement: observé: » Premièrement, Le sieur duc de Luxembourg , C4) gouverneur de la province de Normandie, lieutenant- général des armées de Sa Majesté, a été choisi pour être le protecteur de l'Académie. » Il, L'Académie sera composée d'Académiciens honoraires, d'Académiciens de fonction, d’Associés et d’Adjoints ou Elèves. » III. Les Académiciens honoraires ne pourront étre plus de douze, et seront choisis parmi des personnes recommandables par leur condition où par leurs charges, mais en méme-temps par leurs talents ou par leur goût pour les sciences, les belles- lettres et les arts. » IV. Les Académiciens de fonction seront au nombre de vingt-six; savoir : Dix-huit pour les sciences et les arts. 3 Physiciens, 2 Géomètres , 2 Astronomes, 2 Anatomistes, 3 Botanistes, 2 Chimistes, 2 Mécaniciens, 2 Dessinateurs ; £t huit pour les belles-lettres, dont 2 Pour l’histoire, 2 Pour les langues, 1 Antiquaire, 2 Pour la poésie , 1 Pour l’éloquence. » V. Les Associés seront des Savants recus sous le titre de Correspondants de l'Académie, et ne pourront être plus de douze. » VI. Les Adjoints ou Elèves seront des jeunes gens de l'âge de vingt ans au moins, dont les dis- positions annonceront de grands progrès dans quel- que partie des sciences , des belles-lettres ou des arts. Ca5) » VII. Les Académiciens de fonction et les Elèves seront établis à Rouen, et si quelqu'un d'eux fixe sa résidence ailleurs , sa place sera vacante. » VIIL, L'année académique commencera après la rentrée du Parlement, et aura les mêmes vacances. » IX. L'Académie aura un Président, un Vice- Président, un Directeur, un Vice-Directeur, un Secrétaire pour les sciences , un Secrétaire pour les belleslettres et les arts, un Intendant du Jardin des Plantes , et un Trésorier. Le Président et le Vice- Président seront pris parmi les Académiciens hono- raires, et les autres places seront remplies par les Académiciens de fonction. » X. Les élections des Officiers se feront à la plu- ralité des voix et par scrutin, à la dernière assemblée qui précédera les vacances de chaque année ; les deux Secrétaires seront perpétuels , et les autres Officiers ne pourront être en fonction plus d’un an de suite. » XI. L'Intendant du Jardin des Plantes sera éla avec les autres Officiers pour un an, et pourra seul être continué : on lui donnera deux aides, savoir : un Académicien de fonction et un Adjoint attaché à la botanique. » XII. Les Secrétaires auront chacun un registre, dans lequel ils rédigeront en substance ce qui aura été proposé à chaque assemblée , les traités et les mémoires dont on y aura fait lecture; chacun des deux Secrétaires se chargera des matières de son département , et en donnera à la fin de chaque année un extrait raisonné , qui sera examiné par la Compagnie. » XHI. Le Trésorier sera chargé de la recette et de la dépense ; il aura en sa garde les titres, lettres, instruments et meubles appartenont à l'Académie. A son entrée en charge, le Directeur les lui remettra par C16) inventaire, dont il gardera un double, qui sera récensé à la fin de chaque aunée. Le Trésorier ne pourra laisser transporter aucune des choses qui seront à sa gare, ni faire des dépenses qui. exrèdent vingi-quatre livres, sans une permission par écrit du Directeur. » XIV. Le-Président ouvrira les assemb'ées et fera délibérer sur les différentes matière: ; il prendra les voix et donnera la sienne le dernier , il prononcera les résolutions de la Compagnie qui auront passé à la pluralité des voix; sa signature et celle d’un des Secrétaires, sil s’agit d'étude, et celles des deux Secrétaires, sil s'agit d'élections ou d’affaires , suffi- ront pour la val: Tr des délibérations ; en l'absence du Président, le Vice-Président ; en l'absence de tous les deux, le Directeur , et les autres Officiers de suite «en feront les fonctions. » XV. Les assemblées de l’Académie se tiendront au jour marqué par semaine, dans une salle de VHôtel-de-Ville, et seront de deux heures, depuis trois jusqu’à cinq; et quand il sera fête ledit jour, l'assemblée se tiendra la veille. » XVI. Les Académiciens de fonction et les Adjoints ne pourront s'absenter plus de six mois de la ville sans un congé de l’Académie , ni, étant dans la ville, manquer aux assemblées pendant six semaines, sans cause légitime connue de P Académie. » XVII. Les occupations des Académiciens seront de trois sortes : lecture des ouvrages importants dans les sciences, les belles-lettres et les arts; examen des découvertes et des expériences faites par les Savants, et des productions de leur propre fond ; ils rendront compte de leurs lectures par des extraits, des expé- riences par des répétitions, et de leurs productions par des mémoires. » XVII. Quand on n’aura point de productions nouvelles (17) nouvelles qui puissent occuper la séance, élle séra employée à la lecture raisonnée de quelques mé- moires des autres Académies , que chaque membre fera à son tour ; selon l’ordre du tableau, On laissera à chacun le choix dès matières, mais elles ne pour= ront être tirées que des sciences, des belles-lettres et des arts. » XIX, La première lecture d’un mémoire ou autre ouvrage sera faite de suite et sans interruption ; à la fin de ia séance , l’auteur laissera ce qui aura été lu à l'un des deux Secrétaires, suivant la matière qui y sera traitée, jusqu'à la séance prochaine; ef pendant ce temps, les autres Académiciens pourront en prendre communication pour faire leurs obser- vations à la seconde lecture qui se fera de l'ouvrage, et ces observations seront faites avec politesse par les Açadémiciens qui en seront requis par le Prési dent, suivant l’ordre du tableau. » XX, Quand une pièce aura été lue deux fois, -et que l’auteur voudra la faire imprimer, l'Académie nommera deux Académiciens au moins avec le Secré- taire pour en faire un nouvel examen, et il en sera rendu compte à la Compagnie, » XXI. Nul ne pourra faire imprimer d’ouvrage sans s'être conformé à ces dispositions et sans avoir obtenu un certificat signé des Commissaires ; du Prés sident et du Secrétaire. » XXII. Les Académiciens éntretiéendront commerce de lettres avec les Savants étrangers, et les lettres seront lues à l'Académie après avoir été communis quées à celui qui présidera et au Directeur. » XXIH, Nul ne pourra être reçu à l'Académie sil west de bonnes mœurs et de probité reconnue; les réguliers ou personnes attachées à quelqu'ordre de religion n'y pourront être aduwis que sousle.titre d'Associés, B C18) » XXIV. Celui qui demandera à étre reçu sera tenu de voir les Officiers en exercice ; il sera ensuite proposé par le Président à la prochaine assemblée , et, à celle qui suivra, son élection sera mise au scru- tin et sera faite à Ja pluralité des voix. Si quelqu'un des Académiciens honoraires ou de fonction est absent , il lui sera écrit par un des Secrétaires pour ayoir son avis, faute de quoi l'élection serait nulle. » XXV. Ceux qui ne seront point de l'Académie ne pourront assister aux assemblées ordinaires s'ils v'y sont conduits par quelqu'un des Officiers pour y proposer quelque découverte nouvelle. » AXVI. Toutes personnes auront entrée à l’assem- blée publique qui se tiendra une fois l’année, le premier mercredi d'après Quasimodo. » XXVII. Les Académiciens honoraires, les Aca- démiciens de fonction, les Associés et les Adjoints auront voix délibérative lorsqw’il s'agira des sciences, des belles-lettres et des arts; mais les seuls Acadé- miciens honoraires et de fonction seront admis à donner leur avis quand on fera les élections ou qu’on traitera d'affaires concernant l’Académie. » XXVIIL. L'Académie fera célébrer tous les ans un service solemnel, auquel elle assistera en corps, en mémoire dudit abbé Legendre, son bienfaiteur , et des Academiciens décédés. » XXIX, Les Secrétaires feront , chacun selon son département , mention historique, sur leurs registres , des Académiciens décédés pendant le cours de l’année, et lecture en sera faite à la rentrée publique. » XXX. Si l'Académie se trouve par la suite dans quelques cas qu’on n’ait pas prévus dans les articles du present, l'Académie se conformera aux usages des Académies de Paris. » XXXI et dernier. Veut Sa Majesté que le présent (19) réglement soit lu dans la prochaine assemblee , et inséré dans les registres pour étre exactement observé suivant sa forme et teneur; et s’il arrivait qu'aucun Académicien y contrevint en quelque partie, Sa Majesté y pourvoira suivant l'exigence des cas. Fait à Lille, le dix-sept juin mil sept cent quaranite-quatre, Signé, LOUIS ; et plus bas, PHELYPEAUX. « Telles furentleslois qui régirent l’Académie pendant les treize premières années, L'exposition des circons- tances qui y introduisiren: des modifications et pro- voquèrent de nouvelles lettres patentes en 1757, se trouvera à la tête du second volume, TABLEAU des Membres de l’Académie en 1745, Monseigneur le duc de Luxembourg, gouverneur de la pro- vince, Protecteur» Académiciens honoraires , MM. Macé Camus de Pontcarré , premier président du parlement, Président. De la Bourdonnaye , intendant de la généralité de Rouen, Vice-Président. De Cideville , ancien conseiller an parlement, De Limesi, chevalier de l’ordre de Saint-Lovis, Pigou , conseiller au parlement, Lebas, idem, De Rouville, président à mortier. : De Say, conseiller au parlement. De Nainville, L'abbé Terrisse , vicaire-général , chanoine de l’église métro- politaine. L'abbé de SaintsHilaires B 2 C2) Académiciens de fonction , MM. Tiphaigne Delaroche, D. M. , Directeur. Lecat, D. M., chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, #Wice- Directeurs L’abbé Guérin, vice-promoteur, Secrétaire pour le dépar- tement des sciences. De Béthencourt, avocat, Secrétaire au département des belles-lettres. De Moyencourt, lieutenant du premier chirurgien , intendant du Jardin des Plantes. Thibault, chirurgien, Trésorier, Dufay, chirurgien. Clerot, avocat. L'abbé Saas , curé de Saint-Jacques Antheaume , négociant. Boisduval , D. M. Delahoussaye de Fourmetot. Ledanoiïis , apothicaire, De France , architecte, Le Rat, directeur des pompes de la ville, Hébert , peintre. Pivard , D. M. Descamps , peintre, De Prémagny, homme de lettres. Larchevèque , D, M. Delaisement, chimiste. De Longueville , auditeur des comptes, D'’Angerville, botaniste, # Associés correspondants , MM. De Fontenelle, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences de Paris, etc, , etc, C21) Morand, chirurgien à Paris, Da Resnel, de l’Académie Francaise. De Jussieu (Bernard), démonstrateur au Jardin des Plantes de Paris. L'abbé Pinand, official de Montivilliers. Dubocage , homme de lettres. De Brequieny, à Montivilliers. De Beyer , à Nimégue. Descroizilles , pharmacien à Dieppe. Budhor , mathématicien à Strasbourg. - Vignon , chanoine du prieuré de Saint-Los Leboulenger , secrétaire du Roi. . De la Soudexterie , conseiller à la Cour des Monnaies à Par!s. CHAPITRE IE Composition morale de l’Académie. On vient de voir que l’Académie avait pour pro- tecteur le gouverneur de la province; qu’elle se com- posait d’Académiciens honoraires , parmi lesquels le Président et-le Vice-Président étaient choisis ; d’Aca- démiciens de fonction , qui fournissaient les autres Officiers ; enfin d’Associés ou résidants ou étrangers, En formant une elasse d'honoraires, on avait eu l'intention d'associer à l'Académie et de grands noms et de grandes dignités qui entourassent son berceau de leur considération personnelle, Quoique cette classe renfermât des hommes très- recommandables par leur savoir, l'espèce de liberté dont ils jouissaient , jointe aux obligations de leurs places, permettait beaucoup moins de compter sur leurs travaux que sur céux des Académiciens de fonction, Ainsi, pour se former une juste idée de la B 35 (22) composition morale de l'Académie, c'est beaucoup plus sur les Académiciens de fonction qu'il faut atta- cher ses regards que sur les honoraires. Or , à l'époque où nous nous trouvons, les sciences naturelles, et sur-tout la médecine et ses diverses par- ties , étaient pour le département des sciences les études prépondérantes. De vingt-trois Académiciens de fonction, dont se composait alors la Compagnie , dix cultivaient quelque partie de l’art de guérir. Les mécaniques , l'architecture , etc. , comptaient à peine quelques amateurs ; l'astronomie n’était pas connue. Dans le département des belles-lettres, deux mem- bres s'occupaient de la peinture , quelques-uns culti- vaient avec avantage lés muses françaises et latines, un se livrait à la critique historique , le reste s’occupait de littérature sans adopter aucun genre particulier. Indépendamment de cette division des Compagnies savantes , fondée sur la diversité des goûts et des talents, il en est une qui tient particaliérement à la nature des caractères, division extrémement inégale qui met d’un côté un très-petit nombre de génies actifs prompts à se mettre en évidence, et de lautre Ja très-grande majorité, pour laquelle toute espèce d'em- barras est onéreux, et qui laisse volontiers le soin des affaires à ceux qui prennent la peine de s’en charger. Un seul homme alors donnait l'impulsion à presque tous ses collègues. Doué d’un génie ardent, infati- gable au travail, passionné pour tout genre de gloire, également dévoré du désir d'apprendre et de celui de communiquer ses connaissances, se livrant sans réserye à l'exercice de sa profession, qu’il honorait; s'identifiant avec l'Académie, et la regardant peut- être un peu trop comme son patrimoine ; conquérant (25) lestime et la considération, qu’il eût été plus flatteur d'obtenir de la bienveillance ; ami de tout homme laborieux, auquel enfin il ne manquait pour étre chéri que des formes un peu plus douces, M. Lecat, c’est l'homme extraordinaire que je viens de signaler, était donc fait pour avoir une grande influence sur l'Académie , et elle se ressentit en tout tempsde l’ascen- dant qu’il sut y conserver. Les goûts de M. Lecat se manifestèrent donc dans les travaux de l’Académie. La médecine, l’anatomie , la chirurgie, la physiologie occupèrent un grand nombre de séances, etles morceaux les plus piquants du Traité des Sens, qui devait acquérir à son auteur une gloire immortelle, y furent entendus avec le plus vif intérêt , et y reçurent les premiers applau- dissements. M. Lecat ambitionnait tous les genres de célébrité, et ce fut un bonheur pour l Académie. La physique expérimentale et l’histoire naturelle étaient publique- ment professées dans la capitale ; il était du bon ton d’en suivre les cours , et méme de se former des collections de curiosités naturelles : M. Lecat eut un cabinet de physique et d’histoire naturelle, et en donna publiquementdes lecons. L’ Académie eut con- naissance de ses expériences et de ses suecés. Il eut des querelles littéraires avec plusieurs Savants ; l'Aca- démie en fut instruite aussitôt, et telles furent les occasions des lectures nombreuses et variées dont cet homme extraordinaire occupa la plupart de ses séances. L'Académie ne manquait pas cependant d'hommes de mérite dans plus d’un genre. Plusieurs d'entre eux professaient même avec honneur, mais , doués d'un caractère doux et tranquille , ils n'avaient de chaleur que ce qu'il en fallait pour remplir leurs B 4 (24) fonctions avec utilité : ils n'étaient ni enthousiastes ni exclusifs ; au lieu que M. Lecat, qui, comme Sénèque , ne pouvait rien apprendre pour lui seul , et dont les connaissances et les talents, dans un état perpétuel de fermentation, cherchaient incessamment l’occasion de se répandre, devait se mettre par-tout en avant, prendre par-tout l'initiative, et, sans affi- cher un esprit dominateur , exercer sur ses collègues, sur leurs travaux et sur leurs goûts un empire assez marqué, Ainsi ,- pendant les premières années , les sciences physiques et médicales prédominèrent dans lP'Aca- démie, Ce ne fat que peu-à-peu, et par le concours de circonstances que nous aurons occasion de déve- lopper, que les autres sciences en balancèrent la pré- pondérance et se mirent enfin de niveau. La nomina- tion de M. Lecat à la place de Secrétaire perpétuel pour la partie des sciences n’y contribua pas médio- erement. Plus occupé par la correspondance ; qu’il avait rendue extrémement active , il dut lui rester moins de loisirs pour ses autres travaux académiques, CHAPITRE III. Travaux académiques , séances publiques et particulières. Les sciences , les lettres et les arts étaient le triple objet des travaux de l'Académie. Le nombre des membres qui la composaient était trop peu consi- dérable pour pouvoir être divisés en classes, aux- quelles les individus qui, y:auraient été attachés eussent été tenus. de consacrer exclusivement leurs travaux, Physicien et littérateur tour-à-tour, chacun 4(:25m) avait la liberté de s'occuper de diverses matières, et accueillait ayec complaisance toute espèce de pro- duction qui présentait quelque degré d'intérêt. Les séances étaient ou particulières ou publiques. IL y avait chaque semaine une séance particulière , de deux heures de durée, et une seule séance pu- blique chaque année, à la clôture des travaux aca- démiques, Les séances particulières étaient remplies par la lecture des mémoires fournis par les Académiciens titulaires et correspondants , et par les Savants qui, sans appartenir à la Compagnie, se faisaient un plaisir de lui communiquer leurs observations et leurs dé- couvertes. À la séance publique, l'Académie rendait à ses concitoyens un compte solemnel de ses trayaux. On y lisait les mémoires qui semblaient faits pour ins- pirer un intérêt général. On proclamait le nom de l'auteur qui avait remporté le prix au concours, et on lisait son mémoire, à moins qu’il ne füt d'une trop grande étendue. Si l'auteur était présent, il recevait au milieu des applaudissements la palme qu’il avait méritée. Dans cette même séance, on faisait une mention honorable des Académiciens décédés pendant cette année , et on payait à leur mémoire le tribut de louanges qui lui était dû : l’analyse de leurs travaux était toujours la partie essentielle de leur éloge. On publiait enfin le programme du prix à dé- cerner à la séance publique de l’année suivante. Une scène du plus tendre intérêt se joignait à cette séance et contribuait encore à l’embellir : c’était la distribution des prix qui se faisait avec appareil aux élèves qui s'étaient distingués dans les diverses écoles formées par les soins de l'Académie et mises sous sa protection. Nous parlerons de ces écoles intéres- (26) santes au chapitre IV, en désignant les établisse- ments utiles formés dans le sein de PAcadémie , et aux progrès desquels elle s'intéressa toujours. Nos registres ont conservé les noms de ces élèves labo- rieux que nous nous ferons un plaisir de faire con- naître. Ils trouveront dans ce procédé le témoi- gnage de l'estime permanente de la Compagnie, qui, depuis , s'est honorée d'en compter plusieurs au pombre de ses membres. Une anecdote qui mérite d’être connue, est que Jes premières médailles qui furent offertes à ces jennes athlètes étaient dues à la générosité d'un sexe ai- mable et qui a sur l'éducation des hommes l'in- fluence la plus marquée. Les noms de mesdames de Marles et Lecat méritent ainsi d’être connus. Peu d'années après, MM. de l'Hôtel-de-Ville leur dispu- tèrent cette prérogative, et consolidèrent par une délibération la dotation de cet utile établissement. CHAPITRE IY. Ætablissements utiles formés dans Le sein de l’Académie (*). $. er. Ecole de Botanique. Le goût de la botanique avait réuni les premiers ‘(*) Plusieurs des instituteurs de ces écoles, décédés pendant la révolution, n’ayaut pu recevoir le tribut de louanges que l’Académie se plait à payer à,ses honorables devanciers, nous nous ferons un devoir de donner ici une courte notice de leurs. talents , de leurs-services et de leurs ouvrages, (27) fondateurs de l'Académie, et on peut dire avec vérité que son jardin fut son berceau. M. Dufay en avait été le premier directeur, mais, à l’époque de l'érection de la Société en Académie, M, Pinard , D. M., en fut nommé le professeur, Le jardin était situé au fauxbourg Bouvreuil , et d'abord le professeur n’eut d'autre prix de son travail que le plaisir d’être utile. On ne tarda pas à s'apperce- voir que le grand éloignement ralentissait le zèle des élèves ; on forma donc le projet d’en réunir les plantes dans un local plus voisin et plus spacieux. La ville avait fait enclorre de murs, au bout du Cours-Dauphin, un terrein assez vaste, qu’elle desti- nait à former le dépôt des cidres. Ce projet étant demeuré sans exécution, ce fut sur cet enclos que l'on jeta les yeux pour y établir le nouveau jardin. Dès 1742, M, Lecat avait été nommé commissaire pour rédiger un mémoire relatif à cet objet et le pré- senter à MM. de l'Hôtel-de-Ville, Il est digne de re- marque que ce mémoire indiquait un terrein voisin du Mont-Riboudet comme très-propre à former le dépôt des cidres, et que c’est à ce même endroit qu'il fut effectivement transféré sous ladministra- tion et par les soins de M. de Crosne , alors inten- dant de la généralité de Rouen. Les projets de la Société, qui n’était pas encore l'Académie, demeurèrent sans exécution jusqu’en 1756. Alors M. de Brou, intendant , membre hono- raire de l'Académie, prenant à l'établissement du nouveau jardin tout l'intérêt que sa magistrature et son goût pour les sciences étaient capables d’inspirer, interposa ses bons offices auprès de MM. üe l'Hôtel- de-Ville. Le terrein fut concédé à l'Académie , et le contrat, qui ne fut passé qu'au mois de mai 1758, stipule une redevance annuelle qui honore infiniment (28) le corps municipal; c'était un bouquet que l’Aca- démie devait ofirir tous les ans, à une époque dé- terminée , au bureau de l'Hôtel-de-Ville, redevance à laquelle l'Académie n’a jamais manqué de satis- faire exactement, et dont il était dressé procès-verbal. Dès l'année 1756, M. Pinard avait fait des démarches pour obtenir du Gouvernement la dotation du jardin. M. le maréchal duc de Luxembourg et MM. dela Bour- donnaye et de Brou, son successeur , avaient appuyé de tout leur crédit cette demande. Au mois de janvier 1556, le Roi conféra à M. Pinard le titre de pro- fesseur royal, avec 1000olivres de pension; S. M: accor- dait pareillement 600 livres de rente annuelle pour l'entretien du jardin, et conférait à l'Académie le droit de nommer les professeurs. L'Académie, devenue propriétaire du terrein des- tiné à l'établissement de son nouveau jardin, ne né- gligea rien pour le préparer à cet usage. Les clôtures en furent perfectionnées; une belle grille de fer en ferma l'entrée sur le port. On y forma un bassin en maçonnerie au milieu, avec un jet d’eau et des con- duites de plomb pour y porter les eaux qu’on éle- vait de la rivière dans un réservoir pareillement de plomb. On construisit, sur les dessins de M. Couture , architecte , une vaste serre chaude et deux orange- ries qui l’accompagnent d’une manière symétrique. Les plans et le devis de cette construction ont depuis peu été remis, par M. Descamps, aux archives de l'Académie. M. Descamps père, professeur de l’école de dessin , les avait conservés, ayant été un des com- müssaires nommés pour surveiller les travaux. En 1759 , M. de Luxembourg , protecteur de l’Aca- démie , fit présent des deux beaux vases placés entre les orangeries et la serre. / (29) M. Lecarpentier , la même année, fit présent de la sphère armillaire en fer et de grande proportion qui en couronne le fronton. L'Académie désirait d’en décorer la facade, des bustes des grands-hommes originaires de la ville de Rouen : M. Pigalle, associé, donna ceux de Pierre Corneille et de Nicolas Lemery ; M. Lemoine , égaie- ment associé, donna ceux de Fontenelle et de Jouvenet. La première pierre des serres fut solemnellement posée par M. le maréchal duc de Luxembourg, re- présenté par M. de Brou , directeur de l’Académie. Une planche de cuivre placée dans les fondations en conserve le souvenir : on y a gravé l’inseripüiou latine qui suit : Regnante Ludovico XF. Protectore , et auspice D. D. Frederico Montmorency duce de Luxembourg Franciæ Pari, et Polæmarcho. Colendis et demonstrandis guotquot , ubique terrarum natura gignit plantis et arboribus Hortum hunc , majoris et Ædilium munificentià concessum , Regia Scientiarum, Litterarum et Artium Academia. Sanitati, studio , decori optimcæ civitalis exornavit , dicavit anno M. DCC,. LVII. Primariamque hujus œædificii Lapidem auspiciis et nomine sui protectoris posuit anno 1758 die Julii 12 On voit comment s’était formé, par les soins de l'Académie , l'un des plus agréables jardins, et vrai- (50) semblablement le plus riche de la France en plantes étrangères, après les magnifiques jardins de Trianon, de Paris et de Saint-Germain. En le considérant tel qu'on le voit aujourd'hui, on peut estimer qu’il a dû coûter, en bâtiments, meubles et décorations , des sommes considérables ; mais on sera forcé d'ajouter beaucoup à cette estima- tion quand on saura que le sol, originairement un fond de prairie , avait été élevé de plusieurs pieds de moëllon pour en former un champ-de-foiré , qu’il avait fallu enlever une partie de ces remblais pour les remplacer par des terres végétales, travail im- mense et dont la dépense ne peut s'apprécier quand on ne voit que la surface. Le seul reproche que l’on parut fondé à faire à cet établissement est sa petitesse pour la multitude des plantes qu'on est parvenu. à y réunir. Mais il faut observer d'abord que c’était une concession gracieuse que la cité faisait à l'Académie , concession qui faisait perdre à l’Hôtel-de-Ville un revenu annuel de 800 livres, et qu'ainsi on recevait un bienfait tel qu'il convenait au propriétaire de le faire, sans avoir le droit d’en déterminer l’étendue. 2° Il faut se reporter au temps où ce nouveau jardin avait été formé. Il contenait alors 1000 plantes au plus, et il en contenait au-delà de 3000 lorsque la révolution enveloppa l'Académie dans la proscription qui fit disparaître du sol de la France tous les éta- blissements analogues consacrés à la culture des sciences , des lettres et des arts, L'Académie , rétablie dans ses fonctions , a dû re- gretter de voir échapper de ses mains cet objet pré- cieux de ses complaisances ; et la seule considération d’avoir créé un établissement utile et l’un des-objets les plus dignes de fixer à Rouen l'attention des étran- gers peut en adoucir l'amertume, C35:) M. Pinard, qui professa long-temps et avec hon- neur Ja botanique au jardin de l'Académie, était né à Rouen, lan 1715. Il se consacra de boune heure à l'étude de la médecine, et après avoir suwi pendant le temps prescrit par les lois les maitres habiles de la capitale , il revint dans sa patrie, et prit ses degrés à l’université de Caen. Après avoir passé à Bernay les deux années de stage que les statuts du coilége de médecine de Rouen exigeaient des médecins qui désiraient s’y faire agréger , il vint se fixer de nouveau dans sa ville na< tale, en 1742, et y soutint la même année sa thèse d'agrégation. Il se lia étroitement avec les hommes studieux qui se faisaient estimer alors dans cette grande cité, et particulièrement avec ses collègues , qu’il honora , et dont il fut également chéri, Il fut un des fonda teurs de l'Académie et le premier professeur titré de son jardin de botanique. Il remplit cette fonction gratuitement pendant plusieurs années, puisque la dotation du professeur et du jardin ne date que de 1756. Sérieux, grave, laborieux , M. Pinard lut à l'Aca- démie un assez grand nombre de mémoires. Nous allons en présenter les titres , en suivant l'ordre chro- nologique dans lequel ils furent entendus. 1744. Essai sur la Saignée dérivative et révulsive. 1746. Dissertation sur les Fièvres miliaires , impri- mée à Rouen 1747. Préface d’un ouvrage sur les Fièvres miliaires. 1749. Sur une affection hystérique extraordinaire. 1750. £xtrait et Observations sur le deuxième vo- lume de l'Histoire Naturelle de Buffon. 1752. Sur l'établissement du Jardin des Plantes. 1754. Genre de plante dédié à M, dela Bourdonnaye C5) sous le titre de Burdoneja. C'est le Polÿ- carpon de Linné, 2755. Sur l’espèce de Violette connue sous le nont de Viola Rothomagensis. :756. Sur une nouvelle espèce de Jalap. 1757, Nouveau genre de plante Penthemi-Cyclan- thus , nommée depuis Ayenia. L. 1759. Sur l’utilité des Jardins de Botanique. 1765. Description du Bananier. ; Aucun de ces mémoires n’a été déposé au secré- tariat des sciences , et ce serait une perte si presque tous n'avaient été refondus dans un ouvrage inédit, dont en 1787 M. Pinard lut à l’Académie la savante préface : il a pour titre Histoire générale des Plantes, et est orné d’un grand nombre de planches dessinées et gravées par madame Pinard, épouse de notre habile professeur. Cette dame aimable , pleine d’es+ prit et de vivacité, par attachement pour son mari et par amour de la science , consacra à ce travail long et appliquant les plus belles années de sa vie. L'ouvrage dont nous parlons devait former plusieurs volumes in-4° , etoffre la description de tousles genres et de toutes les espèces de plantes connues, avec une ample synonymie. Cette compilation immense, fruit de trente années de recherches et de méditations , est une combinaison de la méthode de Tournefort et du système de Linné. Les classes sont établies sur la présence ou l'absence , sur l'unité ou la pluralité, sur la régularité ou lirré- gularité des corolles, sur l'isolement ou l'agrégation de ces mêmes corolles. Les sections sont fondées sur la supériorité ou l'infériorité des germes, la forme des péricarpes, etc. Le système sexuel y est adapté de maniére que les plantes d'une même section qui n’ont que peu d’étamines t 48] d'étatnines ou de pistils précèdent toujours celles qu, en ont un plus grand nombre. Rien ne prouve mieux l'excellence de la méthode de Tournefort que cette tendancé naturelle qui porte les hommes les plus instruits à s’en rapprocher ; et l'usage intéressant que vient d'en faire M. A.-L. de Jussieu , dans ses Ordres naturels des Plantes, prouve qu'elle se prête à toutes les combinaisons des végé- taux, et qu’elle en rend l'étude plus facile. En 1758, M. Pinard fut nommé l’un des médecins de l'Hôtel-Dieu de Rouen , et en remplit les fonctions avec distinction pendant prés de 50 ans. Membre de plusieurs Sociétés savantes , estimé, respecté des appréciateurs judicienx des talents et des vertus, il termina sa carrière en 1790, âgé de 85 ans. $. 2. Bibliothèque de l'Académie , Cabinet d'Histoire Naturelle, de Médailles, etc, L! Le nom de M. de Cideville, qui sé trouve lié à tous les établissements utiles formés dans le sein de l’Aca- démie, tient ici une place essentielle , et nous rappelle que ce magistrat fut véritablement le fondateur de notre bibliothèque. à Par contrat passé, le 17 août 1768, devant les notaires de Rouën , M. Le Breton en gardant la minute , M. de Cideville vendit à l'Académie , représentée par MM. de Couronne , directeur ; Duboullay, secrétaire pour les belles-lettres ; Dam- bournay , intendant du Jardin des Plantes ; Hé- bert, trésorier ; Deshoussayes, bibliothécaire, et Descamps, peintre du Roi, sa bibliothèque, conte- nant un grand nombre de volumes, parmi lesquels C (54) on remarquait beaucoup d'excellents ouvrages. Il était stipulé qu'encore bien que la propriété de ladite bibliothèque fût acquise à l'Académie du jour de la passation du contrat, elle n’en aurait la jouissance qu’à dater de celui du décès de M, de Cideyille. Cette vente fut ainsi faite, et. moyennant le prix de quatre cents livres de rente viagère, dont l'Aca- démie ne fut pas long-temps chargée, M. de Cide- ville ayant cessé de vivre en 1776. Cet événement malheureux ayant été notifié à la Compagnie, elle nomma MM, de Couronne et Dam- bournay , ses secrétaires, qu’elle investit de tous ses pouvoirs , pour former auprès des héritiers de M, de Cideville la réclamation des objets désignes au contrat ci-dessus. Il y eut quelques difficultés que le zèle et l’activité de MM. les Commissaires par- vinrent bientôt à applanir, et l’Académie se trouva en possession d'un fonds de livres assez considérable pour former dès-lors le projet d'en faire part à ses concitoyens en rendant sa bibliothèque publique. Ce trésor littéraire avait reçu et recevait habituel- lement des accroissements par les offrandes volon- taires que lui faisaient les Académiciens de toutes les classes de leurs productions individuelles , et des ouvrages imprimés que leur amour pour l’Académie les engageait à distraire de leurs bibliothèques. Les mêmes motifs avaient rendu l'Académie pro- priétaire d'un très-grand nombre de gravures des meilleurs maîtres , de tableaux , de bustes , de mé- dailles, de curiosités naturelles, pétrifications, co- quilles, etc,, de machines, etc., qui lui faisaient entrevoir la possibilité d'ajouter à sa bibliothèque un cabinet d’antiques, et d'en augmenter ainsi l'intérêt. Cependant, l'Académie manquait d'un local com- mode pour loger tous ces objets : ce fut le motif d'une. (35 requête que M. d'Ornay , que nous avons s«core le plaisir de compter au nombre de nos collègues, fut prié de présenter, au nom de Ja Compagnie , au bureau de l'Hôtel-e-Ville, dont il était membre, aux fins d'obtenir dans l'enclave de l'Hôtel-de-Ville ün local assez spacieux pour y loger commodément les chjets désignés. L’'Hôtel-de-Ville accueillit avec la plus grande bien- veillance la demande dé l'Académie , et, par délibé- ration du 5 juillet 1774, mit à sa disposition l'empla- cement qui lui avait eté désigné, L'Académie reçut ayec une entière reconnaissance te nouveau bienfait du Corps municipal, en consigna Je témoignage dans ses registres, et l'expression de sa sensibilité envers M. d’Ornay pour Ja part qu'il avait bien voulu prendre à cette allaire , et les mou vements qu’il s'était donnés pour la faire réussir, Mais un examen réflechi ayant montré que le local concédé pouvait, par son humidité, être pré- judiciable aux objets qu'on se proposait d'y déposer, on se trouva dans l'impossibilité d’en profiter, et ce re fut qu'en 1782 que les mêmes Magistrats ayant bien voulu faire préparer dans le voisinage une galerie au premier étage, aussi sèche que bien éclai- rée, l'Académie y déposa ses livres et eu ouvritles portes à ses concitoyens. Le Gouvernement, protecteur de tous les établi:= sements utiles, accorda à la bibliothèque de l’Aca- démie une somme de 600 livres de revenu. M. de Couronne , par ses relations avec M, le contrôleur général des finances; eut beaucoup de part à cette dotation , qui permettait de compléter beancoup d'ouvrages et de faire de nouvelles acquisitions. La révolution a encore fait perdre à l'Académie une propriété si légitime; en Ja confondaunt ayee la C 2 (36) bibliothèque départementale ; mais elle ne peut lui ravir la gloire d'avoir ouvert à Rouen la première bibliothèque publique, et de coopérer encore tous les jours aux agréments et à l'instruction des hommes studieux. 6. 5. Ecole d’Anatomie , Chirurgie , etc. M. Lecat ne fut pas plutôt nommé chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Rouen qu’il crut ne pas faire assez en prodiguant aux malades dont il était chargé les soins les plus assidus; qu’il devait spécialement aux jeunes élèves qui se destinaient à Ja chirurgie des principes lumineux qui les guidassent sûrement un jour dans leur pratique. Mais il ne suffit pas de vouloir le bien pour l'opérer tranquillement. À peine M. Lecat avait-il commencé à donner ses premières leçons d'anatomie, que la su- perstition et l'ignorance s’efforcèrent de le noircir. Il s'était proposé d'établir son école à l'Hôtel-Dieu même , où toutes les convenances montraient qu’elle devait être placée ; » il éprouva, dit M. Ballière, élo- » quent auteur de l'Eloge' de ce grand-homme, une » contradiction universelle. Il redoubla ses instances » auprès de ses protecteurs et des administrateurs, » qui lui accordèrent enfin un terrein commode hors » de la ville, et s’engagèrent à y construire un am- » phithéâtre. Une opposition formée dans le temps » que l’on commençait à bâtir détruisit encore une » fois ses espérances. » M. Lecatne se rebuta pas. Etantallé visiter la porte » Bouvreuil , et l'ayant trouvée propre à l'exécution (37 ) » deses projets, M. de Pontcarré , premier président » du Parlement, voulut bien la demander pour lui à » MM. del Hôtel-de-Viile, qui en firent la concession » au mois de mars 1756....... Alors les cours de » M. Lecat furent publics ; mais il était encore bien » éloigné de cette tranquillité qu’il avait droit d’at- » tendre........Le peuple, excité par des rivaux » jaloux, en croyant l'être par sou respect pour » les morts, accablait d’outrages et d'insultes les » élèves en chirurgie. Il fallut employer l'autorité » publique pour réprimer cette sédition supersti- » tieuse. Le zèle mal réglé de la populace ne lui n permettait pas de sentir que le respect pour les » morts le mieux dirigé est celui qui contribue le » plus à l'avantage de l'humanité, » M. Lecat faisait gratuitement ses cours. Il obtint » en 1758 des lettres patentes portant établissement » à Rouen d’une école d'anatomie, sous la condition » que l'instruction continuerait d'être gratuite. « Ce désintéressement lui valut, la même année et celle qui la suivit, une gratification de 1000 livres de la part du Parlement. Quoique l'anatomie füt la partie que M. Lecat pro- fessait spécialement , il n’est aucune branche de la chirurgie qu'il n’enseignât avec succès. Tous les jours après ses repas il faisait des leçons d'opérations aux pensionnaires étrangers que sa célébrité lui atti- rait, et sa pratique journalière était une école per- manente , puisque jamais il ne se dispensa de faire lui-même ses pansements le soir et le matin. Dans la vue d’'exciter l'émulation , il distribuait des prix dont il fit d’abord les fonds , et sous ce nouveau rapport il avait encore prévenu les libé- ralités du Gouvernement. Il en reçut alors des mar- ques de distinction bien couformes à ses sentiments G 3 (38) dans les lettres de noblesse que le Roi lui accorda en 1764. à » Quatorze cours de physique expérimentale , » est-il dit dans l'Eloge cité, auquel nous renvoyons » pour les particularités relatives à ce grand homme , » et des dissertations sur l’histoire naturelle , furent » les moyens dont notre philosophe se servit pour » introduire dans cette ville le goût des sciences , » et pour l'y entretenir. L’auditoire nombreux et » choisi qui assista constamment à ces cours en » fut l'éloge continuel , et nos dames , par leur » assiduité, rendirent un témoignage authentique et » du goût qu'elles avaient acquis, et de la satis- » faction que leur avait causé le professeur, « On conçoit à peine que la vie d'un homme puisse suffire à tant et de si pénibles entreprises ; mais, Jorsque l'amour du travail se joint à une sage éco- nomie du temps , quand on ne connait d'autre bon- heur que de remplir fidèlement ses dévoirs, d'autre amusement que de communiquer ses connaissances , d'autre jouissance que de fairé le bien , quelque bornée que soit la durée de nos jours , elle suit encore à une infinité d'opérations utiles , et tel se montra toujours M. Lecat. Ses bienfaits ne se bor- nèrént pas aux services qu’il rendit personnellement à la cité et aux établissements utiles qu'il y forma et qu’il porta à un haut degré de perfection , il peupla les villes et les campagnes d'élèves instruits qui furent la gloire de leur maitre , et , comme Jui , firent le bonheur de leur patrie. Nous ne croyons pas nous écartér de notre sujet, en observant ici que M. Béaumont , qui , depuis plusieurs années , faisait des éours publics d'accou- chement, demanda , le 5 juillet 1771, conformé- ment à un arrêté du bureau de PHôtel-de-Ville , que (39) ses élèves fussent examinés par des commissaires tirés du sein de l'Académie , et reçussent , en sa séance publique , les prix fondés par les Magistrats de la cité, Quoique M. Beaumont fût étranger à l'Académie, Ja Compagnie se conforma aux intentions de MM. les Officiers municipaux , et, depuis 1771 jusqu’en 1795 , ses élèves furent examinés et couronnés con- formément aux dispositions ci-dessus. Ainsi se rattachait à l'Académie une nouvelle branche d'instruction. 6. 4. Ecole de Dessin, Peinture, Architecture, etc. M. de Cideville, que nous avons déjà vu prendre à l’Académie un intérét si marqué , va figurer de nouveau dans ce paragraphe. En 1740 , M. Descamps , jeune peintre flamand, passa par Rouen en allant au Havre , dans l'in- tention de s'y embarquer pour se rendre en An- gleterre où l’attendaient des travaux relatifs à sa profession ; M. de Cideville , qui depuis long-temps désirait l'établissement d’une école de dessin à Rouen, saisit une occasion qui lui parut favorable et engagea M. Descamps à en être le fondateur. Le voyagé d'Angleterre fut ajourné et on s’occupa sérieuse- ment de l'établissement du nouveau professeur, dont on n’avait pas tardé à apprécier les talents, M. de la Bourdonñaye , intendant | favorisa dé tout son pouvoir cette institution ütile ; M. Leétcat se lia d’amitié avec le jeune professeur , partagea quelque temps son amphithéâtre avec lui, et fi; complaisamment des cours d'anatomie en : faveur des élèves, C à 51 décem- bre 1746. 18 septem- bre 1746. 3747° (40) C'est dans l'Eloge dè M. Descamps , ouvrage couronné par l’Académie , qu'il faut chercher les détails intéressants de la vie de cet homme labo- rieux et zélé pour les progrès de son art, Nous nous contenterons d'extraire de sa correspondance avec M. de Cideville quelques notions , quelques anec- dotes relatives à l'établissement de cette école, qui acquit par la suite une juste célébrité. » LE » Enfin , grâces à votre zèle , c’est M. de Ci- deville qui écrit à M. Descamps, et à quelques soins que je me suis donné, voici une école de dessin bien établie dans une des plus grandes villes du royaume. On va s'appercevoir d’ici à deux ou trois ans, par la perfection des ouvrages en tout genre, des avantages que le dessin/procure au commerce , en prétant à toutes les matières la précision, l'ordre et l’élégance...... Vous jugez bien que vos intérêts me sont plus chers qu’à aucun autre. Nous avons mille raisons de songer à vos aflaires, vous qui vous prêtez de si bonne grâce à faire les nôtres. « » Il est digne de la générosité de MM. de Ville, et de Ja protection que M. de la Bourdonnaye accorde si volontiers aux choses utiles , de donner dans l'Hôtel-de-Ville même un endroit pour l'école de dessin..... Je vois avec une joie extrême que tout concourt à vous marquer l'estime qui vous est due..... L'applaudissement que donnent à vos succès MM. Lemoine et Lebas est très-flatteur ; c’est être loué par le mérite même..... J'espère, si j'en suis cru, que nous ne nous en tiendrons pas envers vous à la simple reconnaissance « « «(€ » Vous avez bien raison de dire que notre aimable et zélé M. de la Bourdonnaye vient de mettre le sceau à l'établissement de l'école de dessin ,; en C4) » exemptant les élèves de la milice. Voilà cette » école sur le pied de celle de Saint-Luc , à Paris. « » Le projet d'étre de l'Académie de Paris ne me » parait pas même téméraire de votre part , bien » loin que je le trouve insensé. Qui voulez-vous qui » y aspire si ce n’est un homme qui a autant de talent que d’application !« M. Descamps fut reçu avec applaudissement ; une phrase d'une lettre de M. Cochin à M. Descamps en fournit la preuve : » Je participe à la satisfaction que la Compagnie » ressent en faisant l'acquisition d'un membre aussi » estimable que vous. « M. Descamps fut à la veille de quitter Rouen pour aller se fixer à Rheims. M. de Cideville lui en ex- prime ses regrets en l’engageant à changer de réso- lution ; » songez , lui écrivait-il, que vous aban- » donneriez votre ouvrage , et que vous avez créé » nos talents. « M. Descamps ne put résister à des sollicitations aussi pressantes. Bientôt M. de Cide- ville eut le plaisir de lui annoncer le succès de ses démarches. » Du côté de l'honneur , vous mettrez » votre gloire à perfectionner un établissement que » vous avez formé ; du côté de l'intérêt , en atten- » dant mieux, vous aurez un logement, 1000 livres » pour votre école , etc. « Tout faisait sentir la nécessité d'avoir un modéle pour l’école de dessin , mais il fallait l'agrément de l'Académie de peinture , et sur-tout des fonds annuels pour le payer. Les détails consignés dans beaucoup de lettres de M. de Cideville , que nous avons sous les yeux, montrent combien de démarches furent nécessaires , combien se présentèrent d’obstacles qu'il fallut surmonter. Enfin , aidé du crédit de M. le duc de Luxembourg, de M. de la Bourdon- naye , secondé par le bureau municipal et par l'Aca- : 7 mars 1 748° 29 aoû 1745. Ibid, (42) démie , il parvint à obtenir, avec la sanction du Gou= vernement , une pension de 1000 livres pour le pro- fesseur et 5oo livres pour le modèle. En 1765, le Roi s'étant fait rendre compte des progrès de l’école de dessin , etc. , de Rouen, du nombre des élèves qui se montait à plus de 300 , voulut donner à M. Descamps une preüve de sa satisfaction ; en ajoutant 1500 livres de pension au traitement qui Jui avait été précédemment accordé. L’Hôtel-de-Ville de Rouen voulut pareillement lui donner ün témoignage de son estime. Il arrêta qu’une somme de 200 livres serait annuellement employée pour les prix décernés aux élèves , et qu’une bourse de jetons d'argent , dux! armes de la ville, serait oflerte tous les ans au professeur. Ainsi fut créée uñe école de dessin dans laquelle se formèrent une infinité d'élèves dont plusieurs ont acquis une juste célébrité (1), école dont la répu- tation devint assez grande pour lui mériter le utre d'école normande ;, et dont le professeur estimé , (1) Peintres: MM. Bellenger , Lavallée - Poussin Lebarbier , Lemonnier, Thierce , Legillou , Descamps fils. Graveurs. MM, Lemire frères , Strange , Lefebvre Léveau, Godefroy, Sculpteur. M. Jadouille. Architectes. MM. Couture frères, Malorty, Loyer, Le= brument, le price de Beaujour , Prétrel, Barraguai , Allais , Vauquelin , Gronit ; de Fierville, Ingénieurs. MM. Loÿer , Brémontier , Bernardin-de-Saint- Pierre , Broude, Godefroy; Desvaux , Ribard. » Vous avez raison , écrivait M. Cochin à M. Descamps , »> en 1768 , vous et votre Académie de vous applaudir d’avoiz » formé de pareils élèves et en aussi grand mombre, « (45) chéri des artistes les plus distingués , eut pour amis tous les appréciateurs des talents et de la vertu. "5, Ecole de Mathématiques , Géométrie , etc. C'est aux soins généreux de M. Bouin, chanoine régulier de la congrégation de France |, demeurant au prieuré de Saint-Lo, à Rouen, et un des fon- dateurs de l’Académie , que notre cité doit l’éta- blissement d’une école de géométrie. Cet homme, également vertueux et habile dans les sciences ma- thématiques, désirant de procurer à l'école de dessin les secours que les sciences exactes prêtent aux beaux arts , Comme aux arts mathématiques, avait formé avec MM. Lecat et Descamps , un triumvirat de ta- lents, et une conspiration honorable contre l’igno- rance et le mauvais goût. M. Lecat donnait aux élèves des leçons d'anatomie , science indispensable à celui qui se propose de manier le pinceau avec succès. M. Bouin s'était chargé de leur enseigner les mathé- matiques. Le peintre habile , en mille circonstances , en sait tirer un parti avantageux. Architecture , compartiments , distribution de la lumière, perspec- tive , etc., quelle partie de la peinture ne doit pas aux Mathématiques des secours puissants et variés ? C'était particulièrement dans l'intention de per- fectionner nos manufactures nombreuses que M. de Cideville avait conçu lidée d'établir à Rouen une école de dessin ; mais ces manufactures réclament à chaque instant le secours des mécaniques , et les mathématiques sous cet autre rapport leur promet- taient un nouvel appui. I r’appartieut en eflet qu'aux sciences exactes (44) de porter la précision et la régularité dans toutes les opérations ; elles seules créent et perfectionnent les machines , ces précieux enfants de la science des combinaisons , à l’aide desquelles l'homme le plus grossier laisse à de grandes distances en arrière l'homme le plus favorisé de la nature, et qui serait privé de leur secours. Nos voisins jaloux s'étaient emparés du métier à fabriquer les bas , et, à l’aide de quelques améliora- tions qui le rendaient d’un usage plus facile , étaient parvenus presque à faire oublier que c'était chez nous qu’il avait été inventé, Des machines analogues, appliquées aux diverses filatures et à toutes les espèces de tissus , leur donnaient dans les grands marchés de l'Europe un avantage décidé, en ajoutant au mérite de la régularité l'économie dans la main-d'œuvre. C'était aux mathématiques qu’il appartenait de nous venger , et c’est à elles que nous devons ces ma- chines ingénieuses dont l'opération calculée , j'ai presque dit l'intelligence , ont élevé nos fabriques à un si haut degré de splendeur, et nous mettront sans doute , dans des temps plus heureux, à portée de re- prendre dans les arts industriels la place éminente que nous ne devons céder à personne. M. Bouin fut le premier instituteur de cette école pré- cieuse , M. Ligot en fut le premier professeur en titre. Né avec un esprit sage et réfléchi, M. Ligot était un des hommes les plus propres à assurer le suc- cès de ce nouvel établissement. Ce n’est pas assez que celui qui enseigne possède les connaissances essen- tielles à sa profession , il doit encore être doué de la faculté de communiquer ses idées avec clarté , d'une patience infatigable pour inculquer avec dou- ceur les éléments toujours épineux d’une science abstraite , d’une intelligence et d’une sagacité toute (45) particulière pour en proportionner les développe- ments à la capacité si différente des élèves, et par- venir à les faire marcher , sinon de pair et sur la même ligne , au moins d’une manière régulière, à les mettre enfin en harmonie entr’eux quoiqu'ayec des talents inégaux. Toutes ces qualités se trouvèrent heureusement réunies chez le nouveau professeur. Son école en peu de temps devint justement célèbre , et il en est sorti un grand nombre d’élèves qui ont tenu dans la société un rang distingué , et dont plusieurs ont été nommés au paragraphe consacré à l'école de dessin. L’instruction et les prix que recevaient les élèves , furent long-temps des bienfaits particuliers. Ce ne fut qu'en 1767 que MM. de lHôtel-de- Ville arrétèrent de fonder les prix de mathémati- ques. L'Académie en rendit compte à la séance publique de la même année, en adressant ses re- merciments à ces Magistrats qui avaient eu l’hon- néteté de faire remettre à l'Académie une copie de leur arrété relatif à cet objet. Le Roi sétant fait rendre compte de l’école diri- gée par M. Ligot , et des avantages qui en résul- taient, daigna l'approuver et lui donner un carac- tère public : une pension annuelle fut accordée au professeur , et l'Académie fut investie du privilége honorable de nommer les professeurs qui succéde- raient à M. Ligot. 6. 6. Ecole d'Uydrographie. On pourra voir dans l Æloge de M. Dulague , com- posé par M. Vitalis, secrétaire de l'Académie pour (46) la partie des Sciences , Eloge lu à la séance publi- que de 1806, et imprimé dans le Précis analytique de nos travaux pour la même année , comment les liaisons intimes de M. Dulague avec le savant et modeste M. Bouin , le même dont au paragraphe précédent nous avons signale les intentions bienfai- santes , devinrent les causes de l'établissement à Rouen d’une école d’'hydrographie. Pourrions-nous oublier sans ingratitude les servi- ces importants que ces pieuses réunions d'hommes studieux ont rendu à la morale, aux sciences et sur-tout à l’histoire? C’est par elles que le dépôt des sciences fut conservé pendant les siècles d’'ignorance. C’est par elles qu’une infinité de manuscrits précieux nous ont été transmis. C’est à elle que nous devons un grand nombre d'éditions d'ouvrages utiles, également recommandables par la correction typographique et par les notes critiques qui les accompagnent. Elles seules pouvaient concevoir et exécuter ces ouvrages immenses qui demandent de. grands loisirs ; le con cours de plusieurs collaborateurs animés du même esprit , le dégagement des affaires et des soins do- mestiques , le secours des grandes bibliothèques et la certitude de trouver des successeurs imbus des mêmes principes , et capables de continuer des ouvrages dont la terminaison excède la durée de la vie lndite Que d'obligations , sous ce rapport , n'avons-nous pas aux savantes Congrégations de Saint-Maur , Saint-Vannes , etc. Egalement animée du désir de faire fleurir les sciences et les lettres, mais beaucoup plus rappro- chée de J'esprit de son siècle, particulièrement dirigé vers les sciences mathématiques, la Congrégation de France prenait un essor glorieux, et nourrissait (47) dans son sein un grand nombre d'hommes habiles, Quelques uns d'entr'eux faisaient à Rouen des Prieurés de Saint-Lo , du Lieu-de-Santé et du Mont-aux-Ma- lades , l'asile des sciences et des vertus solitaires: Il suflira de citer ici les noms de MM. Pingré, Bouin, de Mongez , etc., pour éveiller des souvenirs pré- cieux , et donner un apperçu des talents distingués qui s’y firent connaître. Ce fut à cette école que M+ Dulague se forma et apprit à voler enfin de ses propres aîles. Au mois de juin 1756, M. Bouin lut à l'Acadé- mie un mémoire dans lequel ilindiquait les moyens d'établir à Rouen une école d'hydrographie. 11 est facile d'imaginer que son jeune ami M. Dulague ne fut pas oublié quand il fut question de jeter les yeux sur un homme capable de professer cette branche des mathématiques, si essentielle x une grande cité, que son port fréquenté par les navi- gateurs de toutes les nations, que son commerce et ses rapports avec tous les comptoirs de l'univers rendent la rivale des villes maritimes les plus célèbres. M: Dulague commenca alors à se montrer dans une carrière quil a glorieusement parcourue pen- dant 40 années , et les services qu’il y a rendus lui méritent une grande reconnaissance. Laborieux , recueilli et ne connaissant aucuns des amusements frivoles , il trouva le moyen de faire marcher de pair les devoirs de professeur et ceux d’a- cadémicien ; il lut pendant ce long espace de temps à nos séances un grand nombre de mémoires inte= ressants que nous ferons connaître ei suivant l’or- dre chronologique dans lequel ils ont été présentés, Mais l’ouvrage le plus important de M. Dulague , travail qui lui assure une place distinguée parmi les écrivains utiles, est celui qu'il publia pour la C 48 ) première fois, en 1768, sous le titre de Zecons de Navigation. C'est un traité complet de ce qû’un pilote doit savoir pour diriger habilement un vais- seau, et suivre une marche assurée à travers les écueils et les vastes solitudes des mers. Six éditions, dont la dernière est de 1805 , et l'adoption qu’en fit le Gouvernement , en le faisant servir de base à l’enseignement dans les écoles d'hydrographie , en sont le plus bel éloge,. Les hommes ne vivent que peu d'années , mais leurs travaux utiles bravent la faulx du temps et les orages révolutionnaires. Tandis que l'homme de bien que nous venons de signaler dormira dans la poussière , le pilote imbu de ses principes bénira sa mémoire en maîtrisant les éléments. Nous terminons ici ce qui concerne les institu- tutions formées dans le sein de l'Académie , ou perfectionnées par ses soins , et il est facile de re- connaître que toutes furent dirigées vers l'utilité publi- que ; si les commencements en furent faibles, les progrès en furent constants. L'instruction comme la nature travaille dans l'obs- curité au développement des germes, mais une fois débarassés de leurs premières entraves , ils pren- nent chaque jour un accroissement nouveau ;, €t présagent, par la vigueur de leur jeunesse, les fruits heureux de leur maturité. Nous allons présenter le titre des mémoires lus à l'Académie , jusques et compris 1750. Mémoires dont le précis eût dû composer ce premier volume. En considérant que les astérisques qu’on y remar- que en petit nombre indiquent les seuls mémoires que nous possédions , et que tous les auires sont perdus (49) pérdus potir nous , on peut se former une idée du déficit qui s’est trouvé dans nos archives ; il ne suivra cependant pas toujours la même proportion, Un rapport tres étendu , fait à l'Académie par M. Gosseaume, bibliothécaire-archiviste , dans les séances des 17 décembré 1806, 4 et 18 février 1807, porte le total des mémoires présentés à l'Académie , depuis son institution jusqu’à sa suppression en 1795, au nombre de 22c0 , et celui de ceux que nous possédons encore, à 862, Il assigne plusieurs motifs de cette enorme diffé: rence : 1° la négligence ävec laquelle les mémoires lus ont été déposés entre lés mains de MM. les secrétaires ; 26 l’incéndie du 26 décembre 1762; qui consuma lé cabinet de M. Lecat, dépositairé alors de nos cartons, ét qui fit périr avec les papiers de cet hommie célèbre une partie de ceax de l'Acädé- mie ; 5° les mallieurs de la révolution qui à fait voyager cés mêmes papiers de dépôt en dépôt , d’où ils n’ont été tirés, pour nous être remis, que dans le plus grand désordré...... Ces circonstances, ajouté M. Gosseaume , engageront sans doute l'A- cadémié à fairé ün appél à la bienveillance des parents de nos honorables devariciers qui pourraient possédeé quelques-uns des manuscrits qui nous manquént. La lecture dé leurs titres, que nous nous proposons de placer à là’ tête de chaque volume , fixera leurs idées sur la part qu'ils peuvent pren< dre à notre trävail , et les droits qu’ils acquéres rout à notre réconnaissance. DÉPARTEMENT DES SCIENCES: Auteurs A MM. Observations anatomiques *..,.:..,.,.. Lecait, Maladie extraordinaire *.:.,4,44,43.:: De Fourmetot, D C50) Auteurs, MM. 2743. Sur les fourberies des Charlatans*.....+ Lecat. 1744 Homme artificiel présentant plusieurs phé- nomènes de l'homme vivant..........N. Tumeur venteuse à La tête , avec exoslose * Thibault. Discours sur la Physiologie........... Delaroche. Sur la saignée dérivative , elCossnssss.e Pinard, Sur la Physique systématique et expéri- mentale se sseaue use selon jee oo eee Guérin. Observations médico-chirurgicales *..... Lecat père. Mouvement des liqueurs dans les canaux artificiels et ceux du corps humain. ... Mercastel. Origine , progrès , décadence , renouvelle- ment de la Chimie. ..sesessess...e. De Fourmetot. Maladie et ouverture de M. Chopin. .... Lecat. Haricot introduit dans la trachée-artère, ni Mit ii sein. dose SN ER Sur les calculs de MM. de l'Académie des Sciences de Paris y @lCrsssss.sseese Lecate Sur une fille de quinze ans qui n'a point de dents , et un jeune homme de quinze ans qui a Les cheveux gris .u....esss.s.e Idem. Sur un spina ventosa, se.sssss.ss.sses Idem. 17450 Influence de l'imagination des mères sur Les enfantsesssesesssstesesesesssesss Thibault, Sur la Chimie médicale.............. Ledanois. Sur la figure de la Terre.s...s.s..... Lecat, £ur un ulcère de la vessie. ............ Idem. Sur La fracture de la jambe de M. de Four- intro ses déesse - Ratio e ME Hydrophobie terminée par la mort *..,.. Idem, Calculs fétides sortis d'une tumeur. ..... Idem, Colonne de fumée observée à Metz...... Budhor. Sur l'électricité te ..sssesssssserseese Lecat. Sur la retenue des malières dans les intes- C51) Auteurs, MM, PIS ts dede tie lisse se ce de MCCTL Sur la topographie de la ville dé Rouen, : : Boisduval, Sur les dissolvants*,.,., 23.22.54: De Fourmetots De la nature et préparation des Sels : :. : : Ledänoïs. Observations de Chimie: : 2:10... 2,4 Delaisement. Sur une mole extraordinaire. .......... Beyer, Urilité de l'étude dé la Physique....., Dufrène, SA pl Lrouvé A à une AT PR ZE géométrigae dés ‘alvéoles du GueSpier LEUR NeroRi tele ÆEnfant né avec une plaie au dos #3... 24% Thibault, Sensation singulière de froid et de chaud: : Lecat. Sur un prétendu Hermaphrodite :.....,. Idéin. Sur un prétendu os de Géant. ::.:,...+, Ydem. Découverte d'un phénomène électrique .s.. Jde. De l'électricité falninante .....1....:. 1dèm, Du progrès de l'intérét'er des règles tes- lament@res ee ee NS FT Lémonmier, Sur des pétrifications de La valléë de Bon- AN oué SET RÉ ES EN OU Sur une machine de'M. dé Vaucanson... Dela Bourdonnayc, Sur les fièvres Milratrés.:::::1:1::, 102) Pivards Sur le Cancre soldät ôù Bernard l'hérmite. Dubocage, Sur l'utilité des Mathérnatiques, ....... De Fréval, Sur la formation dé là larme bätavique . .. Lécat. Sur un cure-dent avale et tiré dé là vessié: Wen. * Sur les maladies des fntestins: :,, 4... den, Sur une imperforatton väginale.......:. Idem. Probléme de géométrie propôsé ét résolu... Léinonnier, Pétrifications trouvées àu rie 8 1112: Dübocage, Surune hydropisie énkistée : sea seeds DOLNVAly Discours sur loutes Tes parttes'de 14 Sri sophie. . Me sun ANS Lt D 2 (52) Auteurs, MM. #747. Ascension des liqueurs dans les tubes ca- pillaires,sesersessssssrossssss.s. Lecat, Préface d'un ouvrage sur les fièvres mi- liairer Aie ae se sens dass PIN, Guérison d'une gangrène sèche......... Lecat. Sur la transplantation des maladies .«,... Saas. Sur la fontaine pétrifiante d'Orcher*..... Dubocages Sur la pierre nommée Caillou d'Angle- eme ohahait idea ecouter eve se IN, Sur l'aiguille aimantée, ..,....,...... Idem. Surles(rdantet 2 is iclatibiete sise Tecits Observations météorologiques. ....,,.4:. Idem. Sur la Botanique... ..s..s.e.sses.:.. Simone Préface du Traité des Sens.....,.....4: Lecat, Sur les taches appelées joues de vin...... Thibault, Sur le balancement présumé de la Terre.. Lecat, Sur un vomissement extraordinaires « « «.. Delaroche, 1748. Sur les polypes......,...,,.......... Pinant. Sur du blé prétendu vivace.......,...,. De Brequigny, Sur l'attraction. « « + ete ee oi016 o à 0.6.6... Clerault, Cure d'un sarcocële... esse... Lecat, Sur La maladie et la mort de M. Labbé. . . Idem, Dé Arteriis duræ matris*....,....:::: Gunz. Sur une femme prodigieusement BTOSSE»» «+ Lecate Sur quelques propriétés des nombres. ...4. Mercastel. Sur les Tables calculatoires de San- dersons venise ab chne essaie, Observations sur Les nombres.,......... Idem. Sur les combinaisons des nombres. ...... Idem, Sur un veau à deux télés... ssse.ses... Lecate Sur les polypes..........e.sse.e.... Idem. Fœtus de vingt-un jours.-........,.... Thibault, Sur la poudre à canon*,........,.,.... Delaroche, Sur les maladies héréditaires. ....,..,, Lecat, C5) Auteurs ; MM4 ‘Variations du baromètre + ....,,,.4... Lecat. Sur les polypes d'eau douce*......... Idem. Enfant trouvé dans la cavité abdominale par La rupture de la matricet...........'"Fhibault, Sur l'insuffisance du mécanisme en méde- CINE sed sddéslenenmensnnmans «sas à Delasochod Sur le gui de chéne*................: Guérin, Sur le passage en Chine par Le nord ..... Simon, Sur l'incision du corps de la vessie dans laitaille. medousaras 4 ad ado iechts Changement de couleurs par le mélange des liqueurs. ......s.s.s..sssss.es... Ledanoise Améliorations à faire au pont de Rouen *. Huger. Propriétés médicinales du gui.......... Boisduval, Sur une dilatation du cœur.....,.,.... Pinard, Sur les propriétés des nombres .......,. Mercastel{ Sur les métastases purulentes ........,. Lecat. Sur une mine de plomb en Bretagne. ..... Delaisement, Sur la pesanteur et le ressort de l'air... . Dufresnes Sur les qualités secondaires des corps *.. Duboullay, Aiguille trouvée dans le cräne d'un enfant *.......sssssssessseuse..e Fhibaulty Projet de construction d'un pont , réponse aux objections ,etc................ Huger. Sur une maladie singulière *..,......... Lecat. Sur le pont de bateaux proposé par M, Huger …...s.ssssssssssss.ssss... Idem Lettres sur la taille..........s++s.. Idem. , Affection histérique extraordinaire, . .... Pinard, Mécanisme de la Terre......:........ Guérin, Préface d'un Traité de Physiologie..... Lecat. Curiosités nouvelles des environs de Rouen. ra) ose e meet sroraiorstetatatotote" ss GUÉr ins Observations microscopiquessssssssss «+ De Prémagny. D35 x 740% (54 ) Auteurs, MM. Sur La theorie de la Terre... ..... «2: Lecat. Réponse aux objections sur la théorie de la Terre. ce sie °° 08 siot da atlas side Sur le systéme cosmographique de M. l'abbé de Brancas,...s..ssesssssesess. Pingré. Sur la fernnentätiont.….…..…....…..........…...… Ledanois : Sur une plante singulière... . Lecat. Æéfutation d'une critique d'une planche de la base du cerveau. 0... 2.4 Idem, Continuation, de la Réfutation ci-dessus.…..dem. . Lettre critique sur le système du baron de Garbonniäneel...ccenssnvoscuess den Féflexions criliquessur le deuxième volume de Buffon... s ses se. Pingré, Sur la chaleur centrale.de la Terres... Lecat. Utilité d'un cours de Botanique. ..,...+ Delaroche, Sur la hauteur du Pôle... sus. ss... Lecat. Utilité, ete, des Tables du mouvement diurne de, la lune. us... eee sv em. Sur la structure des.os,5...ss. sise. Lecat. Plomb pour sceller Les marchandises... Hoden: Sur la méridienne du temps JUOY Etre « «+ « Lecat. . DÉPARTEMENT D55s.BeLres-LeTTRES: démos. RE Sete ue docsan MEL TES Sur la Mythologie des anciens*,,,.,.,.. Guérin, Histoire de la révolution de La Æaëésie. ,,. Idem, Sur les principales sectes.des. philosophes modernes » an:mele »e pe nrinekoive tiens MR. Sur l'uniformité des Opérations. de la TLALUTE cje)nfn ep She, do je dois join sai one eue cest ŒUCTID En . {77 ê D: Wœux pour PRES nn den s Le 1mimiets De Prémagny, C55) Auteurs, MM. Discours pour la séance publique ...»... De Prémagny. Essai sur les principes de la perspective... Hébertet Descamps, Est-il avantageux que les gens de la cam- pagne sachent lire? etc.*.....s.s... Terrisse. Sur l'ode francaise et la poésie lyrique*.. Auger, c. de Toste, Du pouvoir de Jupiter sur les Parques*.. Beyer, Félicitation à l'Académie sur ses travaux *, De Cideville. Doutes sur les écrits des anciens philoso- phes*t...s.s.sssssssssersssesss.. Beyer. Sur l’utilité que les lettres retirent des Sociétés littérairests.s.s+ss..e1:.++ De Prémagny. Sur l'usage chez les Romains de brüler les monstre de es 1 2 ve 10DeBiéquignÿs Traduction d'un morceau de Strade *.... Saas. Sur Le culte du feu................eN Traduction de plusieurs odes anglaises... Yart. Traduction d'un Essai sur la poésie an- glaise du duc de Bakingham......... Idem. Discours sur les principes de la poésie... . Idem. Sur la conduite des études............. Mercastel. Sur la signification de ces mots : Terra Salicatels de ane Ch et imuiaisiete ne cie sos DINAN Plusieurs traductions de poésies anglaises. De Fréval. Réflexions sur le style historique. ...... De Prémagny. Sur'les costumes. ss ouuss corses... Descamps. Sur Le poëme didactique et l'ode........ Yart, Sur l'antiquité et les progrès de la sculp- CRE TES SA uettpeen e eelsimaiciercters LE TMC» Sur le fleuve Oaxès*.....ssssssssssse Dumolard. Origine et caractères de la Fable et de l'Apologue, ...........s.sssse.... Yart Sur les découvertes à faire dans les sciences COMPTAIT ES à cran moe docaslais es o de, IDE, KTEVRL Sur le comique larmoyant*.,........... Duboullay. D 4 1746, 17474 1748, hi 749 W750. 1744 750. Auteurs, MM, Sur. Leseatoñé at de Chilpéric *..,.+.... De Brequigny. Sur les avantages de l'homme sauvage et police Ses moitie tt, Crus Sur l'usage et l'ancienneté des armoiries. Pigou. Projet de lectures raisonnées + .....,... De Cideville. Sur les épitaphes, élégies, etc...,...... Yart. Sur la poésie anglaise... ..,........... Idem. Sur les tragédies dont Electre est le sujet. Dumolard, Epitaphes anglaises. ,,s,eveseevsveue Xart. Réponse à M. de la Louptière sur le co- mique. larmoyant *eosvsesserere... Duboullay. Sur le génie et les talents... ........... Idem Projet d'une Histoire de l'Académie, . . . . De Cidevilles Méthode d'examen des mémoires de l'Aca- démie. rennes snemteneesse Idem. PorñsSrErs Sur les Roÿs de France qui se sont montrés les défenseurs de la foi ; LodEue » e raie à De Rougeville. Evénements de année 3 744 ; ode....... Idein, Sur La campagne du Roi ; ode..,....... N. Plaidoyers poéliques.. sessssessssss.. De Prémagny, Ode à la gloire du Roi. MATE + Delalonde, à Caen, Traduction en prose el en vers ee une pasto= rale anglaise ...,.... sale 0. co RRS De Erévél Poëme uilégorique sur l'Académie*..... Fontaine, Ans En EEE 06e AD ai nn 010 Idem, Sur le goût ; pire ee ete Med ie à 1 le J'raduction en vers de plusieurs odes | PE. CN CSN PPT RE ne Idem, Ode à l'Amour..................... De Fréval, Sur l'art d'écrire et de juger. Pet? N. (57) Eroces nisroriques Dr MM. Auteurs, MM. Cleror*+....,.,.,,...........,,.... De Prémagny. HO OUMelOL ventre ge ses siese se 0 IUT DetBellenCoUr Mass see es s'en ele ste : a Ïdermns Zarchevéque, médecin à Rouen. ....... Guérin. L'ablé de Saint-Hilaire * .......,.... Idem. RS SE ae de diaia da de etais ere da ds: Teme Il ne nous reste, pour compléter l'indication des travaux de l’Académie par le catalogue de ses mé- moires , qu’à présenter ici un extrait fort sommaire des procès-verbaux de nos séances publiques pour les années aux récensements desquelles ce premier volume est destiné , et ce sera yraisemblablement une marche que nous suivrons dans la rédaction des autres volumes ; et dans le fait cette exposir tion se lie également au catalogue dontil est question, et à l'histoire de l’Académie. On y verra 1° la date de ces séances solemnelles dans lesquelles l’Académie se plait à rendre compte au public de la nature et du résultat de ses trayaux ; 2° Pindication des mémoires qui y ont été lus ; 3° l'annonce du programme du prix à décerner à la séance publique de l’année suivante ; 4° le nom des concurrents qui auront obtenu le prix ou qui auront mérité une mention honorable ; 5° le nom des élèves studieux qui ont mérité des couronnes dans les diverses écoles établies dans le sein et vivi- fiées par le zèle de l'Académie. Quelle autre place eût mieux conyenu pour conserver le souvenir de ces nombreux nourrissons des sciences , aux pre- 174% 1746 1748 (58) fe miers succès desquels nous eùmes le bonheur d’ap- plaudir ? Quant aux mémoires envoyés aux concours et qui ont mérité la couronne , ils seront imprimés à la suite de nos mémoires , soit en entier , soit dans des extraits suffisamment étendus, en les renvoyant chacun à la classe et à la date qui leur conviennent, Séance publique de 1745 (1° juin). Ce fut le premier juin de 1745 que l’Académie tint sa première séance publique , sousla présidence de M. de Pontcarré , premier président du Parle- ment et président de la Compagnie. M. de Prémagny eu fit Pouverture par un discours sur la nécessité du travail , Putilité de la critique , et sur l'établissement de l’Académie. Il y fit l'éloge de M. l'abbé Legendre , son fondateur , et fit en- suite une mention honorable de MM. Clérot , de la Houssaye de Fourmetot ; et de Bettencourt , décédés (1). M. Guérin, secrétaire perpétuel pour la partie des sciences , lut un mémoire sur la mythologie des anciens, M. Lecat, vice-directeur, lut ensuite un mémoire sur l’électricite. | M. de Prémagny termina cette séance par la lecture d’une pièce en vers dontle titre est V’æux pour la Paix. On fit enfin l'annonce du prix à décerner à la PS (1) Ces notices biographiques et autres seront placées à la suite des méinoires du département des belles-Jlettres dans lequel elles se rangent naturellement, (59) séance publique de 1746 ; le sujet était : » la fon: » dation même du prix alternatif pour les sciences » et les belles-lettres «. On demandait que ce sujet füt traité en vers ou dans une ode , ou dans une pièce de cent vers. Séance publique de 1746 ( 12 juillet ). M. Guérin , secrétaire perpétuel pour le départe- ment des sciences, en fait l'ouverture par un dis- cours dans lequel il rend compte des travaux de l'Académie pendant l’année qui vient de s’écouler. M. de la Bourdonnaye lit ensuite un mémoire sur l’utililé des machines appliquées aux manufac- tures, Nouveau mémoire sur l'électricité, par M. Lecat , c’est la suite du mémoire sur le même sujet , lu à la séance publique de l'année dernière. M. de Prémagny lit ensuite un mémoire sur la juste sévérité qui doit présider au jugement des pièces adressées à l’Académie pour le concours. » Le sujet proposé , dit ce critique judicieux , pour » le premier prix en faveur des belles-lettres a été » un tribut de reconnaissance envers notre illustre » Mécène..... La vérité d’un éloge ou la flatterie » et lPexagération n'étaient pas nécessaires pour le » rendre brillant, s'est présentée sans peine à l'esprit » des aspirants..... Mais la vérité elle-même, quand » elle emprunte le langage divin de la poésie, » ne peut plus paraître avec négligence : ses images » doivent être embellies , ses expressions plusnobles, ” » plus élevées ; c’est à ces traits que l’on recon- » naît le poëte : c’est sur ces principes que nous » avons tâche d'appuyer notre jugement , en évi- » lant également l’excés de sévérité et d’indulgence. C6o ) » Vous allez décider vous-mêmes, Messieurs , à la » lecture du poème auquel nous ayons adjugé le » prix (1), si nous avons été fidèles à nos principes. « Suit la lecture du poëme couronné , dont l’auteur est madame Dubocage , de Rouen. Le sujet du prix à décerner à la séance publique de 1747 est le principe de l’ascension des liqueurs dans les tuyaux capillaires , et son application à divers phénomènes qui en dépendent. Séance publique de 1747 ( 1°r août ). Dans le discours d'ouverture prononcé par M. de Prémagny , secrétaire perpétuel pour la partie des belles-lettres , cet académicien rend compte à l'As- semblée de l'établissement de l’école gratuite de dessin , de son utilité et de ses progrès , dont on est redevable au zèle de M. Descamps, professeur et académicien , et à la protection des personnes les plus distinguées de l'Académie , et de MM. du Corps de Ville. Les autres lectures qui occupent cette séance , sont : 1° Des Observations météorologiques , par M. Lecat. Ce physicien annonce que, par des corrections im- portantes , il a amélioré le thermomètre et l'hygro- mètre , dont l'usage à ce moyen devient plus com- mode et plus sûr. 29 Des Réflexions critiques sur le frivole dans les ouvrages d’esprit, par M. de Prémagny. (1) La fondation du prix annuel est due à la munificence. de M. le maréchal dnc de Luxembourg , protecteur de l’Académie. C6:) 30 La Préface de la traduction de plusieurs Poëmes anglais , par M. l'abbé Yart. 4 Mémoire sur les Géants | par M. Lecat. Le prix, dont le sujet était les Causes de l’ascen- sion des Liqueurs dans les tuyaux capillaires , n'ayant point été remporté , l'Académie en proroge le sujet à l’année prochaine. Elle y joint une autre pro- gramme dont voici l'énoncé : » Quelle était la situation topographique de cette » partie de la Neustrie appelée depuis Normandie , » ses bornes , ses villes, ses ports , ses places fortes , » etc. , lorsqu’après plusieurs incursions les Nor- » mands s’y fixèrent en 912 ; et, par rapport à la » religion, s’il n'y restait pas quelques traces du pa- » ganisme , des temples et des cérémonies qui tins- » sent du culte des Gaulois et des Romains? « Pour la première fois on décerne , en séance publique , deux médailles d'argent , dues à la li- béralité de madame de Marles , à deux élèves de l'école de dessin , M. D. Bonnet , de Rouen, et M. J.-B. Derrey , de la même ville. Séance publique de 1748 ( le 15 août }. Cette séance est occupée par 1° Le compte rendu des travaux de l'Académie pendant l’année qui vient de s’écouler ; 2° La lecture du mémoire couronné et relatif à l'Ascension des Liqueurs dans les tuyaux capillaires. Le prix est décerné à M. Sigorne. M. Maillet-Duboullay mérite l'accessit. 3° Un mémoire de M. Lecat , sur les Polypes d’eau douce, Aucun des autres mémoires envoyés au concours (62) n'ayant obtenu le prix, l’Académie proroge à l’année prochaine le sujet relatif à la Neustrie. Elle propose le nouveau programme qui suit : » Quelles sont les différences essentielles qui dis- » tinguent le fœtus de l'adulte ? « Les prix du dessin donnés par Madame de Marles ont été décernés , Le premier, à M. Derrey , de Rouen, Le deuxième ; à M. Bellenger. Deux prix donnés par madame Lecat ont été obtenus , Le premier , par M. Colibert , Le deuxième , par M. Lebas, Séance publique de 1749 ( 12 août }. Les mémoires qui ont occupé cette séance , sont : 10 Le Discours d’ouverture , par M. de Prémagny, Il y rend compte des travaux de l'Académie depuis la dernière séance publique. 2° La préface du Traité de Physiologie , par M. Lecat. 3° Idée de la Poésie anglaise, par M. Yart. 4° Mémoire sur la structure de la terre , par Me Guérin. 5° Du Comique larmoyant , par M. Duboullaÿ. 6° Amélie ,| poëme allégorique de M. Fontaine. Aucun des concurrents pour les deux prix à dé- cerner n'ayant mérité la couronne , le sujet d'histoire est prorogé à l’année prochaine, On propose le nouveau sujet qui suit : » Est-on » plus heureux d’être né avec des passions fortes , » qu'avec des passions modérées ? « Quatre prix sont décernés aux élèves de l’école de dessin. (65) Le premier dans la classe du modéle , à M. Robert Stringe , gentilhomme écossais ; Le deuxième, à M. Lemire , de Rouen; Le prix de la bosse, à M. Lévéque , de Rouen. Le prix du dessin ; à Mademoiselle Ribard , de Rouen. Les prix d'anatomie ont été décernés , Le premier , à M. J.-B.-A. Léchevin , d'Auberville, prés la ville d’'Eu; Le deuxième , à M. A. Dufay fils, de Rouen; Le troisieme, à M. J.-B. M. Quesney , de Lieuray , près Lisieux ; Accesserunt , MM. CI. Vaquet, L' Beaumont, Je" Simon. Séance publique de 1550 ( le 4 août ). M. de Prémagny ouvre la séance par le compte rendu des travaux de la Compagnie pendant la der- nière année académique. Quatre mémoires de M, Lecat occupent cette séance. Le premier , offre ses observations météo- rologiques pour l’année qui vient de s'écouler ; le second , traite des aurores boréales , le troisième roule sur la chaleur intérieure de la terre ; le qua- trième, enfin , sur les ouragans, les volcans et sur les incendies spontanés terrestres. M. Dnboullay montre qu’il y a entre les grands hommes dans tous les genres des rapports qui doi- vent servir à les unir, Ces rapports sont fondés sur les qualités essentielles au génie , le goût du vrai, l'étendue de l'esprit et des conmaissances , la justesse du discernement , la facilité à faire passer ses idées dans l'esprit des autres. (64) Suit un mémoire de M. Délaroche ; sur La culs ture et les propriétés de l’Fpréau. M. l'abbé Yart lit ensuite un Mémoire sur les Epitaphes , les Elégies , les Panégyriques funéraires des Grecs , des Romains , des Francais et des Anglais. Leslectures sont terminées par une épitre en vers dé M. l’abbé Fontaine , sur l’art d’écrire et de juger. Les deux sujets de prix qui avaient été prorogés sont de nouveau remis au concours. Le prix d’éloquence sur cette question : » Est-on » plus heureux d’être né avec des passions fortes, » qu'avec des passions modérées? « est adjugé à M. l'abbé Bellot, de l'Académie des Belles-Lettres de Montauban. L’Accessit à M. de Coris, professeur au collège d'Harcourt, à Paris. Les prix fondés par Mesdames Demarles et Lecat pour l’école de dessin, sont décernés, Le premier prix du modèle, à M. Lemire de Rouén; Le second ; à M. Bellenger , de Rouen; Celui de la bosse, à M. Mallart, de Rouen; Celui du déssin , à M. Leveau , de Rouen. Les prix d'anatomie fondés par M. Lecat, sont obtenus, Le premier, par M. Lechevin, d’Auberville ; Le second, par M. Dufay, de Rouen ; Le troisième, par M. Beaumont , de Rouen. Accesserunt. MM. Simon , de Saint-Vallery-en< Caux , et Dulys, de Rouen. PRÉCIS PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVA X DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETIRES ET ARTS DE ROUEN, DEPUIS SA FONDATION EN 1744. . 4 (ue He M. A IQOR aa ic É . i | A ? - à “ ou 5 ox À Le Xe #3 J ‘1 LE 1 . ES cn “wa ATTATNNR en MTS L prirera . a LA Rarafare n 14 PTE 4 to 24e me PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX , DE L'ACADEÈMIE DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS DE ROUEN, DEPUIS SA FONDATION EN 1744 DÉPARTEMENT DES SCIENCES. . TT A SCIENCES PHysrques. Mémoire sur l’Electricité ; par M. Lecar. Nous ne donnerons ici que le titre d'un mémoire qui offrait le plus grand intérêt à l'époque où il fut présenté à l'Académie , et qui fut entendu à la séance publique avec beaucoup de plaisir. L'électricité alors était une science presque neuve, . au moins pour la majeure partie des personnes pré- E 2 1 on . 1745, C 66 ) sentes à cette assemblée , et les principes comme le détail des expériences qui font le sujet de ce mé- moire avaient alors de Ja fraicheur. Depuis ce temps , les expériences sur l'électricité se sont multipliées ; et nous ne pourrions qu’indi- quer ce qui se trouye imprimé dans un détail beau- coup plus étendu , dans les nombreux traités de l'électricité qui ont été publiés depuis. Sur la Pierre lenticulaire ; par M. Guérin, . Les philosophes modernes ont repris dans le der- nier siecle les idées vagues des anciens sur la dis- persion des dépouilles de la mer dans toutes les parties de notre globe , et sur le mélange confus d'animaux et de plantes terrestres qui s'y trouvent, et nous ont donné sur ce sujet quelque chose de plus lié que les anciens. François Patrice a rema- nié l'opinion de Platon sur la chute de l'ancien monde. Thomas Burnet l’a traitée d’une manière systématique. Bernard de Palissy a adopté le senti- ment d’Aristote , sur le séjour de la mer dans les lieux où l’on trouve des coquillages. MM. Leibnits et Valisnieri ont ajouté de nouvelles nuances à cette opinion. Les physiciens d'Angleterre et d'Allemagne ont suivi ie sentiment de M. Voodwart sur la dis- solution et la fonte de l'ancien monde. M. Bourguet, sayant naturaliste et professeur de philosophie à Nenfchâtel en Suisse ,. s'est exercé sur deux pétrifications fort communes dans notre province ; c’est la belemnite et la pierre lenticulaire. Il prétend que la première est la dent d’un poisson de mer ou d’un crocodile de l'Amérique...Il .a LA: 5 changé de sentiment depuis peu , et renvoyé cette Mlfienion au règne végétal. M. Guérin abandonne cette question pour ne s'oc- cuper , dans cette dissertation , que de la pierre lenticulaire. M. Bourguet pense que cette pierre est le couver- cle de la corne d’ammon. » Voici d'abord , dit M. Guérin, un préjugé peu favorable à cette opinion, c'est que dans les lieux où lon trouve des pierres lenticulaires, om ne trouve aucunes cornes d’ammon, et dans les lieux où l’on trouve les cornes d’ammon en abondance , on ne trouve presque point de pierres lenticulaires. Ce préjugé est fortifié par un fait, c’est le peu de rapport qu'il y a entre la pierre lenticulaire et le coquillage dont on suppose qu’elle est l’opercule, la pierre lenticulaire étant orbiculaire , et la corne d'ammon étant aplatie de manière que sa section transversale offre un ovale et non un cercle. * Au défaut de rapport dans la figure de ces deux pétrifications , on doit ajouter le défaut de pro- portion dans la grandeur. » Ce n’est pas tout , on peut, dit M. Guérin , ayec uu peu d'adresse , séparer en deux parties ces pier- res Jlenticulaires. Leurs bords paraissent dentelés ; l'intérieur est d’une organisation régulière. Une vo- lute commence à un point fixe au milieu des deux lames , et va se terminer au bord extérieur de chacune, en formant dans sa marche un canal partagé d’espace en espace par de petites lames qui for- ment autant de cellules. » À quoi bon un travail si constant et si régulier , si la pierre lenticulaire mavait pas d’autre sage que celui que lui assigne M. Bourguet. » Que lou considère la corne d'ammon elle-même, la E 3 (70) coque du limacon, l'étui des teignes , la coque des œufs ; le tissu de toutes ces enveloppes ne présente rien de comparable à Ja structure pleine d'art de la pierre lenticulaire. » Il résulte de ces considérations et autres que fournit l’histoire naturelle , que la pierre lenticu- laire n'est point un couvercle | et moins encore celui de la corne d’ammon.« Il paraissait assez naturel de placer cette pétrif- cation au nombre des coquilles ; mais on n'y ap- perçoit aucune ouverture , et les cellules ne com- muniquent point entr'elles. Par où l’animal pour- rait-il respirer? Par où prendrait-il sa nourriture? Si ces. raisons ont quelque force , il ne reste plus que le règne végétal dans lequel on puisse placer la pierre lenticulaire ; quoique l'imagination se prète difficilement à convertir en pierre une plante, uue graine , une fleur. Cependant, à la faveur de plu- sieurs exemples et de l'analogie, M. Guérin se dé: termine à considérer la pierre lenticulaire comme ayant été originairement la gousse ou le follicule de quelque plante. La comparaison de la silicule de la grande lunaire, de la silique du scorpioïdes , de quelques espèces de medica le détermine à ce sentiment, qui aura, dit-il, le sort de mille autres conjectures , s’il s’en présente une qui offre en sa faveur des probabilités ou des preuves plus décisives. Sur la Fontaine du Château d’Orcher ; par M.Duzocace, » Le château d’Orcher , belle propriété de Madame de Mellemont , est situé à deux lieues et demie du Havre, et une petite lieue d'Harfleur, sur la rive (9 droite de la Seine, au bord d’une falaise fort haute et fort escarpée. » Au milieu de la cour d'honneur est un grand puits de plus de 4o toises de profondeur, dont l’eau parait parfaitement limpide et pure. » Le hasard m’ayant conduit au pied de la falaise, sur le bord de la mer, par un chemin semé de rochers et qui n’est fréquenté que par quelques misérables pêcheurs , je remarquai immédiatement au-dessous du château , et cinq à six toises au- dessus du niveau de la mer, une fontaine sortant du roc et fournissant une eau très-claire et très-abon= dante , et que j'estime être la même que celle qui traverse le puits dont je viens de parler. » Cette fontaine en quelques endroits forme des cascades fort agréables, en d’autres elle se divise en une infinité de petits ruisseaux qui coulent le long de la falaise ; ailleurs elle coule goutte à goutte et semble suinter à travers-la substance de la roche. » Cette falaise et lesrochers surlesquels cette source coule , sont, dans une longueur de 10 toises environ, couverts ou de mousse ou de terre grisàtre, dure ou friable, prenant une infinité de configurations , mais le plus souvent poreuse et comme travaillée en filigrammes. » Les premières personnes auxquelles je fis remar- quer cette fontaine ne manquèrent pas d'attribuer à ses eaux une vertu pétriliante et capable de chan- ger la nature des corps, et de proscrire l’eau du puits comme d'un usage dangereux. » Ce qu'il y a de constant, c’est qu’elles ont le même défaut que celles d'Arcueil, près Paris ; et qu'elles incrustent comme elles les corps sur les- quels elles coulent , avec cette différence qu’en comparant les incrustations d'Arcueil et celles d'Or- E 4 (72) cher, les premières m'ont paru infiniment plus solides. Beaucoup d’autres sources ont les mêmes propriétés ; telles sont celles de Saint-Alire , “de Salency , etc. etc. » Par tout où l’eau de la fontaine d’Orcher coule avec rapidité, elle enduit la falaise et les rochers d'une matière visqueuse, noire , grise ou roussä- tre, molle d'abord et prenant peu-à-peu de la consistance , et formant enfin un encroûtement par couches, mince, blanchâtre , rabotteux , et qu’on ne peut enlever qu’en intéressant la pierre à laquelle il adhère, » Dansles lieux où l’eau coule lentement, on ob- serve des groupes de stalactites, dont quelques-uns ressemblent assez à certains lithophytes qui nous viennent d'Amérique ; ils sont de couleur grise, et les plus gros n’ont pas plus d'un pouce de diamètre. » Le lieu où l’eau coule goutte à goutte est tapissé d'une mousse touflue , fraiche et verte par le haut, mais dont la racine et la tige à la hauteur de neuf à dix pouces sont incrustés d’une manière admi- rable. La plante périt par le pied, mais la partie supérieure continue à végéter et à croitre. Ainsi se forment des rochers assez considérables , lesquels cessant d’être arrosés ne produisent plus de mousse et effacent les autres par leur blancheur ;: ils ont en cet etat l'aspect de la pierre-ponce. Les bran- ches, les cailloux, les limaçons qui s’y reucontrent sont pareiïllement encroûtés ; enfin l'eau s'écoule dans la mer à travers le galet qu’elle cimente et agglomère par les dépôts d’une matière analogue. » Çe west, ce me semble, qu'a la matière vis- queuse dont la fontaine d’Orcher est pourvue , qu’on doit attribuer les incrustations dont il est question, ‘Toutes les fontaines devraient sous ce (73) rapport être pétrifiantes , puisque toutes charient des matières calcaires gypseuses , vitrioliques, etc. , et elles le sont en effet toutes les fois qu’elles contien- nent une certaine quantité de cette matière visqueuse qui sert à fixer les molécules terrestres. » Je n’entreprendrai point d'examiner quelle est la nature de cette matière visqueuse ; il faudrait l'analyser , et je ne suis point chimiste. » Serait-ce s’écarter de la vraisemblance , que ‘de supposer un gluten pareil dans le bitume dont les Égyptiens se servirent pour la consiruction des pyramides et autres édifices qui ont bravé depuis tant de siècles les injures des temps? Et je suis tenté de croire que si des eaux de la nature de celles de la fontaine d’'Orcher coulaient long-temps entre les pierres superposées d’un édilice , elles finiraient par les lier entre elles de la manière la plus solide. « Mémoire pour servir à l'histoire des Géants; par M. Lecar. » Des observations d'anatomie et de chirurgie qui avaient rapport aux géants , jointes à quelques obser- vations particulières, m'ont donné l'idée de ce mé- moire. » Grand nombre d’auteurs ont écrit sur les géants, les uns pour prouver, les autres pour nier l'existence de ces hommes extraordinaires. On a cité beaucoup de faits, beaucoup d’autorités ; mais quand il s’agit de faits merveilleux, il faut que la physique vienne au secours de l'histoire. » Il y a bien de l'apparence qu'il n'y aurait pas eu d’incrédules sur le compte des géants si la pro- duction de deux espèces de monstres, les uns par _ 1 47e Genes. , 4,5. IVombr. , ch. 13, v. 33, 34. Deuter., D, V: Tile , C74) excès, les antres par défaut d'accroissement , avait été démontrée compatible avec les lois de la nature : c’est l'objet particulier de ce mémoire, qui sera à-la- fois historique et physique. » Pour avoir des témoins dignes de foi sur le fait des géants, je me garderai bien de m'adresser aux poëtes grecs et romains, Leurs Titans , leurs Briarés, leurs Encelades, ne furent peut-être que des impies que leur audace et leur puissance a fait transformer en géants. La seule conséquence que j'en tire est que l'antiquité a reconnu des hommes d’une taille extraordinaire. » Je ne donne pas plus de considération aux tra- ditions des rabbins , qui enchérissent encore sur les fables des grecs, les pères du mensonge. » Mais ouvrons le texte même que les rabbins ont défiguré par leurs commentaires , et nous y ver- rons les géants figurer en plus d’une circonstance. » Ici, ils portent le nom de Raphaïns, et nous lisons que Chodor Lahomor remporta sur eux une vic- toire signalée. Là , ils sont désignés sous celui d'Ena- ciens ou les enfants d'Enac, Les espions de Moyse, en parlant d’eux , les représentent comme étant d'une si haute stature qu’en comparaison ils n'étaient que des sauterelles. » Og, roi de Bazan, vaincu par Moyse ,: était le demeurant de la race des géants. Le Deuteronome dit que son lit de fer, qui est à Rabbath, avait 9 coudées ou 15 pieds 4 pouces de longueur. » Les Raphains furent aussi les aïeux de Goliath et Saphaïi. Ce dernier est désigné comme étant de la race des géants. Goliath avait 10 pieds 7 pouces de hauteur. (Voir Rois, 1. ©. 9. v. 4.) » Les historiens profanes ne sont pas moins féconds sur cette matière. (75) » Ils donnent à Hercule 7 pieds de hauteur; à l'empereur Maximien , S pieds 4 pouces. Osoropius cite une fille de 10 pieds. Le corps d’Oreste en avait 11, Jacob Lemaire, dans son /’oyage au détroit de Magellan , parle de squelettes de 11 pieds, etc., etc. » Ces géants de la première classe sont en si grand nombre, qu’en ne tenant compte que de ceux dont nous avons des descriptions régulières , on aurait de quoi en faire une armée, » Les plus incrédules se préteraient même à ad- mettre cette première espèce. Mais l’histoire n’en démeure pas là, et je ne crois pas que la nature s'y soit non plus fixée, » Le chevalier Sivry , daus son f’oyage au pic du Ténériffe, parle d’un squelette trouvé dans une grotte sépulcrale , lequel avait 8o dents et 15 pieds de longueur. Le géant Faragut tuëé par Roland , ne- veu de Charlemagne, avait 18 pieds. Riolan cite la tombe du géant Isoret qui avait 20 pieds. » Farin écrit qu’à Rouen , on trouva, dans les fossés de Cauchoise , un squelette dont le crâne contenait un boisseau de bled , environ 56 livres pesant, et los de la cuisse avait 4 pieds environ, ce qui donnait à ce géant 17 à 18 pieds de longueur: Une lame de cuivre gravée faisait connaitre que ces ossements étaient ceux du chevalier Ricou de Val- mont. » Platecat, médecin célèbre , parle de véritables, os humains trouvés à Lucerne , qui faisaient esti- mer que le corps dont ils avaient fait partie devait avoir 19 pieds de longueur. | » On montrait dans le 15° siècle, aux Cordeliers de Valence , les ossements du géant Buart, lequel avait 22 pieds et demi de hauteur. Florus, 1, 3, ch, 5, cite le géant Theutobochus, C76) vaincu par Marius, que l'on fit voir à Rome. Les dimensions qu’il donne font estimer qu’il ne devait pas avoir moins de 17 à 18 pieds. » Les historiens du Daupliiné contredisent l’his- torien romain, et rapporteut que, le 11 janvier 1613, des maçons fouillant proche les masures du château de Chaumont, en Dauphiné, sur la terre de M, de Langou , découvrirent un tombeau de brique , long de 30 pieds, sur 12 de large et 8 de profondeur. Il contenait un squelette humain ,de 25 pieds de longueur ; une inscription portait ces deux mots : Theutobochus rex; des médailles qui s’y trouvaient aussi , portaient d’un côté l'effigie d’un général romain , et de l'autre ces deux lettres M. et A. » Ce squelette fut le sujet d'une dispute litté- raire entre Habicot , chirurgien fameux , et Risbau, médecin également célèbre. Louis XII fit écrire à M. de Langou , pour avoir une description exacte et même les ossements de ce géant , et l'inscrip- tion placée sur son tombeau.« Au mémoire de M. Lecat sont annexées les copies des lettres du Roi , de M. Bagan , intendant des médailles , le procès-verbal et héprerate des médailles qu’il avait obtenues de M. de Langou , petitfils du Lnope qui en gardait les pièces originales. » Je pourrais ajouter à cette histoire celle du géant de Thomas Fazellus , lequel avait 50 pieds , et fut trouvé en Sicile, près de Mazarino, en 1516; de deux autres découverts près de Palerme , un , en 1548, avait 50 pieds , l’autre, en 1550 , en avait 33: » Mais je ne pousserai pas mes prétentions aussi loin que les détails historiques m'’autoriseraient à le faire, et j'abandonnerai volontiers ces squelettes C7 monstrueux de 96, 100, 200 ,; 300 pieds de lon- gueur. » Je remarquerai cependant que le célèbre M: Sloane , président de la société royale , ne révoque point en doute l'existence d’ossements monstrueux, mais il pense que ces os sont ceux d’éléphants, de baleines , et autres animaux gigantesques que l'on a pris pour des os humains , et d’après les dimensions desquels on a bâti d'énormes colosses. » Il est certain qu’on montre en beaucoup d'en- droits des os d’éléphants pour des os humains ; les PP. Capucins de Rouen en possédaient de cette espèce. Mais ces ossements de grands animaux n’en imposeront jamais à des connaisseurs, à des hommes accoutumés à manier des os humains. » La baleine n’a d’ailleurs ni jambes ni bras , et les plus grands éléphants sont bien éloignés des di- mensions citées ; ils n’ont point de clavicules , et la forme de leur tête ne ressemble en rien à celle de l'homme. » L'existence des géants ne me parait donc nul- lement équivoque , et un seul squelette bien con- servé suffit pour en fournir la preuve «. Ici l'auteur se fait une double question par la solution desquelles il termine son mémoire. » Pour quelle raison la race des géants at-elle disparu des régions qui nous sout connues ? Pourquoi la nature de temps en temps nous montre-t-elle des hommes d'une grandeur extraordinaire ? A la première , M. Lecat répond : » deux choses ont concouru à l'extinction des géants , et c'est, dit-il, Ecriture qui nous les fait connaître : 1°-la conspi= ration des autres hommes infiniment plus nombreux contre ces colosses qu’ils regardaient comme des monstres dangereux ; 2° la stupidité’ ordinaire à ces Mém. de l'Acad., de Paris,1727 (98) Baruch ; masses énormes. Ces géants , dit le prophète Baruch, eh. 5,v.26 27° ’ n’ont pas reçu du Seigneur la sagesse en partage , et c’est pour cela qu’ils ont péri, 1bi fuerunt gi- gantes nominati illi, qui ab initio fuerunt scatur& magn& scientes bellum, Non hos elezit dominus ; neque viam disciplinæ invenerunt : proptereà perie- runt. Et quoniam non habuerunt SpA perie= runt propter insipientiam suam, » L'auteur d’un livre sur les jugements qu’on peut tirer de la physiomonie , renouvelle cette obser- yation que les hommes d’une stature gigantesque sont pour l'ordinaire stupides. Il semble que la nature ayant employé tous ses fonds à la construction de ces édifices énormes ,.ne se trouve plus en état de meubler les dedans... Les hommes d’une taille médiocre , plus spirituels , plus industrieux , se sont encore emparés des arts et des sciences ; qui bientôt les ont rendus les maitres et les vainqueurs de ces colosses imbéciles. » Quant aux raisons qui de nos jours font paraître de temps en temps des hommes d’une stature ex- traordinaire , ce sont celles qui, dans des êtres calqués primitivement sur de grands modèles , retardent les progrès de la consistance et de lossification, permettent ainsi aux fibres de prendre une exten- sion insolite. Nous croissons sans cesse : d'abord la grande extension se fait en longueur ; elle se fait ensuite en épaisseur , en densité. Les cavités se rem plissent de sucs nourriciers , et si l'exercice des fonctions pouvait subsister avec une condensation illimitée, nous finirions par une ossification univer- selle. .... Ainsi la vie devient elle-même l'agent de sa destruction. » Nous rencontrons souvent chez les rachitiques des portions de leur individu qui parviennent aux (79) plus grandes dimensions. Charles Glatigny , né à Duclair , en 1755 , peut en oflrir un exemple: La tête de cet eufant devint si enorme qu’en 1740 ; année dans laquelle il périt d’une fluxion de poi- trine , il ne pouvait la supporter. C'évait particu= lièrement dans les pariéraux que s'était fait l'exten- sion la plus grande. Le crâne au surplus avait une épaisseur suffisante , et on a lieu de présumer que si toutes les parties eussent pris un accroissement proportionné , cet enfant fût parveou à sept ans à la hauteur de 7 pieds. » Que ce vice rachitique que nous voyons si souvent agir sur des parties isolées qui, en consé+ quence, prennent les plus grandes dimensions ; agisse en même-temps sur tout l'individu, alors l'ex tension peut excéder de beaucoup les dimensions ordinaires ; mais aussi l'individu paiera par le déficit des forces , on de l'énergie morale , les grands bénéfices qu'il aura faits du côté de l'extension, « Observations sur le Gui; par M. l'abbé Guérix. Ce mémoire est divisé en trois parties. Dans la première , l'auteur considère le gui comme un arbre consacré chez les druides, et l'objet d'un culte religieux. | Dans la seconde, il Pexamine comme naturaliste, et développe quelques singularités de sa végétation, Enfin , dans la troisième, il le considère comme appartenant à la matière médicale, et ne s'occupe plus que de ses propriétés. » Ilest bien difficile , dit M. l'abbé Guérin, dans la premiére partie , d’assigner la cause véritable de cette véuération que les anciens gaulois ayaieut pour 1748 « ° Plin., le XVI, chap. XLIIT, ( 30 ) le gui de chéne. Sa récolte se faisait avec la plus grande solemnité ; et comme l’époque de cette céré- monie coincidait avec le renouvellement de l’année, le cri de ralliement 4v gui l’an neuf! indiquait que le soleil commençait à parcourir sa nouvelle carrière, et qu’on allait faire la distribution de l’arbuste sacré en souhaitant au peuple toutes sortes de prospérités. « M. l'abbé Guérin ayant extrait de Pline une partie intéressante de cet article , nous croyons satisfaire doublement Îa curiosité de nos lecteurs en leur présentant le texte même dé cet historien énergique : » Nihil habent druidæ K( ita suos Galli appellant magos ) visco , et arbore in quä gignatur (si modo sit Robur) sacratius, Jam per se Roborum eligunt lucos : nec ulla sacra sine ed fronde conficiunt ; ut indé appellati quoque , interpretatione græcä& (*) possint druidæ videri. Enim verd quidquid adnascatur illis, è cœlo missum putant, signumque esse electæ ab ipso Deo arboris. Est autem id rarum admodum inventu , et repertum magnä religione petitur : et ante omnia sextà lun&, quæ principia mensium annorumque his facit, et sœculi post tricesimum annum , quia jam virium abunde habeat , nec sit sui dimidia, Omnia sanantem appellantes suo vocabulo , sacrificiis epulis que ritè sub arbore præparatis, duos admovent candidi coloris Tauros, quorum cornua tunc prèmüm vinciantur, Sacerdos candidä veste cultus arborem scandit, falce aureä& demetit. Candido id excipitur sago. Tum deinde victimas immolant , precantes ut suum donum Deus prosperum faciat his quibus dederit. Fœcunditatem (*) Ce passage, qui semble fixer l’étymologie du mot druide, d'pus quercus et d'pvoyr nemus , aurait pu épargner aux étymo- logistes des recherches aussi fastidieuses que stériles, co (8r) æo poto dari cuicumque animali sterili arbitrantur , contra que 1'énena Omnia esse remedio. T'anta gentiurb in rebus frivolis plerumque Religio est. « Pline, comme on vient de le voir, fait observer que le gui, qui croit si communément sur les pom- miers, est extrémement rare sur les chênes, et cette rareté pourrait bien être la causé de la célé- brité dont il a joui et des vertus merveilleuses qu’on a attribuées à son usage, On ne doit pas oublier que les druides étaient prêtres, médecins, etc., et qu'une opinion religieuse une fois accréditée a bien de la peine à tomber dans l'oubli. Dans la deuxième partie , l'auteur se livre à des rechérches physiologiques sur la plante parasite dont nous nous occupons. Il fait observer que, contre l'usage de toutes les plantes de s'élever vers le ciel, quelle que soit la direction primitive de leurs tiges, le gui pousse indistinctément vers le ciel ou la terre, et à la partie inférieure ou supérieuré dés rameaux auxquels il est implanté, I a observé encore que les branches du gui, comme nos os longs, sé terminaient par deux espèces da têtes, le milieu de la tige restant plus menu. » Les nœuds du gui sont de vraies articulations pat engrenures, et les pousses de chaque année se joignent les unes aux autres comme les épiphyses se joignent au corps de l'os. Les articulations du gui sé séparent aisément dans les jeunes branches , comme les épiplryses, chez les jeunes animaux , se séparent aisémert du corps de l'os, » Etant, il y a quelque temps à la campagne, j'ap+ perçus , dit M. l'abbé Guérin , un pied de gui attaché à la partie inférieure de la branche d’un arbre (il n’en dit pas le nom). Cette disposition me parut former une objection contre Popinion commuuse sur F (82) l'origine du gui. C’est aux grives que l'on attribue le soin de le multiplier. Ces oiseaux se nourrissent des baies de cet arbrissean, et en déposent avec leurs excréments les semences sur les écorces des arbres où la nature prend soin de leur germination, , . .. Cette opinion, déjà en vogue du temps de Plaute, lui fait dire : Zurdus cacat in sui excidium. « Cette méthode ne parait pas applicable aux troncs de gui qui naissent à la partie inférieure des rameaux, ei la nature sans doute a plus d’un moyen de pour- voir à la reproduction de cet arbuste singulier. _» Cette première observation fit sur moi assez d’im- pression pour m’engager à disséquer la portion, de la branche d'arbre où était le gui. J'en examinai- méme une, certaine longueur... ... Je vis, aux envi- rous du pied de ce gui, et à une distance de piu- sieurs pouces, des boutons qui percaient l'écorce de l'arbre de dedans en dehors, J'allai jusqu’à l'ori- gine de ces boutons : je vis que leurs racines péné- traient fort avant dans le corpsligneux ; j'en observai quelques-uns qui n'avaient percé qu’à moitié l'écorce , d’autres encore tout entiers dans le bois. Tous ces boutons n'avaient aucune liaison ou entre eux ou avecle tronc principal: Ils présentaient une substance mollasse ou un paquet de fibres posées à côté les npes des autres, de longueur inégale, et assez sem- blables aux barbes d’une plume. Ils étaient engagés dens le corps lgneux presque toujours perpendi- culairement à l'axe de la branche, à des profon- deurs inégales ; mais aucun ne pénétrait jusqu'à Ja moëlle. . .... » Le bois de gui n’a presque point de fil; il se conpe à-peu-près aussi facilement en travers qu’en long. Au lieu de fibres ligneuses, il présente un assemblage d’utricules, une moélle endurcie. » SC et pass POP Te « !:. à (83) Nous ne suivrons l’auteur ni dans les tentatives qu'il fait pour expliquer la dichotomie des rameaux ou des feuilles du gui, ni dans le détail de ses conjectures sur la germination naturelle de cette plante parasite. Pjusieurs de ses idées s'écartent trop des lois de la physique, qui ne permettent d’adop- ter ni les générations fortuites , ni l'aptitude de la part d’un végétal à produire des végétaux d'une autre espece. » Telest, dit M.Guérin , en terminant cette deuxième partie, le sort des arbres sur lesquels le gui s'accu- mule : à mesure qu'il se fortilie , ils tombent dans l'épuisement , leurs branches ne produisent plus de jeune bois, leurs fleurs sont languissantes , leurs fruits sont avortés, Il est donc probable que le gut participe aux qualités de l’arbre sur lequel il végète , ce qui n'est nullement indifférent quand on en use comme médicament. « Cetie nouvelle considération est le sujet de la troisième partie. » La nédecine moderne , plus éclairée que l'an- cienne sur la nature et la composition des médica- ments, est aussi plus sage dans ses promesses. Le gui, autrefois, n’était rien moins qu’une médecine universelle. Ou a resserre l'étendue de ses propriétés, et les plus prévenus en sa faveur ne le regardent plus que comme un spécifique dans les maladies convulsivés , et sur-tout l’épilepsie. » M. Colabatch , médecin anglais, a composé une Dissertation sur les propriétés du Gui} toute remplie des,eures merveilleuses qu'il en a obtenues}; mais ilimanque à cette dissertation une analyse bien faite de ce végétal. Le gui, comme les! autres plantes, doit avoir ses principes élémentaires: ses sels, ses huiles, ses esprits peuvent lui communiquer des vertus exwaordinaires ; mais encore il faudrait les dé- F a 1748, (84) montrer, et encore alors nous resterions dans une profonde ignorance sur les changements qu’ils «pèrent en nous et Ja manière dont ils combattent ou appaisent ces principes turbulents qui excitent en nous des ré- volutions si terribles. « M. Güérin termine son mémoire en citant quelques- ünes des principales cures rapportées par le docteur Colabaich. Il est étranger à notre plan d’en grossir cet extrait; nous nous contenterons d’en indiquer la source. M. l'abbé Guérin cite le Mémoire sur le Gui, de M. Duhamel, et qui se trouve parmi ceux de l'Aca- démie des Sciences de Paris, pour l’année 1740. Conjecturés sur la cause des variations du Baromètre ; par M. Lecat, » Chacun a son baromètre , et chacun sait que lorsque le mercure est au-dessous de 27 pouces et demi à Rouen , on est présque assuré d’avoir de la pluie , ét que lorsqu'il sélève à 28 pouces 4 lignes , on peut hardiment se promettre du beau temps ». Avant Pascal et Torricélli , l'horreur dû vuide était regardéé comme la cause de la suspension du mercure ; depuis les travaux de ces physiciens, on l'a attribuée à la pesanteur de l'air. Ici, comme dans son mémoire sur la nature et les propriétés de l'air, M. Lecat dispute à l'air sa pesanteur pour faire dépendre de sa pression l'action qu'il exerce sur la colonne de meréure ; or, cette pression elle- même dépend de la densité ou de la raréfaction de l'air. | » Quoique cette pression de l'air soit évidemment la cause de la suspension du meréûre et des va- (85) riations de sa hauteur , je ne la regardais pas comme la cause unique , et je croyais que le vuide qui se trouve à la partie supérieure du baromètre contri- buait à cette variation. Je supposais que les vents du midi , plus rares d’abord , se chargeaient encore d'un fluide subtil qui pénétrait à trayers le verre, y diminuaït le vuide , et , par sa réaction surla colonne de mercure, l'obligait alors à descendre. Par la raison contraire , l'air boréal plus dense et moins chargé du fluide pénétrant dont j'ai parlé , devait par ce double motif nécessiter l'élévation du mercure. » Mais je désirais encore que l'expérience vint confirmer cetie hypothèse, et pour y parvenir je construisis quatre baromètres dont le yuide supérieur avait des capacités différentes et calculées ; tous étaient fixés sur la même planche, et une seule cu- vette remplie de mercure recevait l'extrémité in- férieure des quatre tubes. » Ce n’est pas tout, mes quatre tubes avaient des diamètres différents et de manière que les plus grands diamètres appartinssent aux tubes dont le vuide supérieur était aussi le plus grand, » Si mon hypothèse était fondée , Je mercure devait toujours être plus bas dans les tubes qui présentaient supérieurement un plus grand vuide , et il arriya précisément le contraire. Je reconnus enfin , après bien des tentatives et des observations, qu'il était à-peu-près indifférent que le vuidesupérieur fit considérable ou médiocre , et que le plus grand diamètre des tubes était la cause xéritable qui tenait le mercure suspendn à une plus grande hauteur. » On en sera peu surpris quand on fera atten- tion que les frottements sont d'autant plus considé- rables que les tubes sont plus capillaires. » Cette observation semblerait faire exception % F3 C6) celle sur l'hydrostatique, qui établit que les liqueurs montent plus haut dans la branche capillaire d’un syphon que dans la grosse branche qui correspond à la première. Mais on voudra bien faire attention qu’il n'y a aucune parité entre les deux expériences ; que lune se fait en pleine communication avec l'air exterieur et l’autre dans le vuide ; que lune met en équilibre la même liqueur , et l’autre des liqueurs hétérogènes, etc. » Je fus done forcé, par les expériences ci-dessus, de reconnaître que la différence des diamètres et l'attention plus ou moins grande de purger la partie supérieure des tubes de tout l'air qu’on pouvait en chasser , étaient les véritables causes de l'élévation plus ou moins considérable du mercure dans une même constitution atmosphérique. » Arrêté à cette opinion , je ne cessais de re- chercher la raison pour laquelle l'air était tantôt dense ; tantôt rare , puisque cette rareté on cette densité, était la cause immédiate de l'élévation ou de Pabaissement du mercure. » Après environ deux années d'observations , je crus ävoir trouvé cette cause dans la différence des airs qui nous sont apportés des divers climats. » C'est un fait constant en physique , que l'air de l'équateur fait très-peu monter le baromètre , et que celui du nord le fait monter considérablement, comme d’une ligne en descendant de 20 toises, Pour le porter ici à la même élévation, il faut descendre de 13 ou 14 toises, et à l'équateur encore davantage. » J'ai souvent observé que le vent E.-N.-E. portait élévation du mercure au plus haut degré, et que, le vent S.-S.-W,. le faisait descendre au degré le plus bas ; ce qui s'accorde parfaitement avec les phénoraènes observés vers le pôle et à l'équateur ; (87) et dans le fait , si les vents désignés nous apportent Pair ou dense ou raréfié de au climats , ils doivent avoir des résultats analogues à la propriété de cet air d’une nature si différente. » Mais pourquoi n’est-ce pas le vent N. ou le vent S. qui produisent ces variations extrêmes ? C'est que pour arriver en France , le vent N. passe un long trajet de mer, ce qui le modifie de di- verses manières, au lieu que le N.-E. ne traverse que des terres et nous apporte l’air de Moscovie sans mélange et comme de la première main. Pa- reillement le vent S.-S.-W. nous apporte par les terres de l'Espagne l'air d'Afrique avec le moins d’altération possible. » Je ne dois pas dissimuler une objection assez spécieuse contre mon opinion. Si le vent ou l'air qu'il apporte était le régulateur absolu des varia- tions du baromètre , nous le verrions toujours à 28 p. 41., par exemple , quand le vent E, N.'E. souffle, et dans cette circonstance il se trouve souvent à plusieurs lignes au-dessous. » À cela je réponds que s'il ne régnait jamais qu’un vent à-la-fois , les hauteurs du mercure sous l'influence d'un vent déterminé seraient régu- lièrement les mêmes. Mais un vent unique est très- rare : la plupart du temps il règne à différentes hauteurs des courants différents et souvent Oppo- sés. De leurs combinaisons résultent des tempé- ratures mixtes de l'air qui doivent nécessairement influer sur l'élévation du mercure , et modifiez plus ou moins la règle générale que j'ai établie. « Ici M. Lecat rapporte un grand nombre d’obser- vations qui confirment ses principes , avec les dates fixes de chacune, Il en conclut que la girouette serait souvent un guide infidèle si on ne faisait F 4 …- Lee] (85) attention qu'à sa direction , et si on ne tenait compte des divers courants indiqués par les routes différentes que suivent les nuages. » J'ai, dit-il, en finissant, un grand nombre d'observations analogues ; mais celles-ci me parais- sent suflire pour donner une idée des fondements de mon système, qui est extrémement simple , et qui néanmoins m'a paru jusqu'ici rendre raison de toutes ces variations du baromètre que les phy- siciens regardent encore comme des énigmes. « Dissertation sur les Polypes d’eau douce. M, Lecat, auteur de ce mémoire , a lu, dans plusieurs de nos séances particulières et publiques , des dissertations assez étendues sur cet insecte curieux , dont l'histoire était encore nouvelle, puis- que ce n’est qu’en 1740 que M. Tremblay l'a fait connaître. » Deux découvertes, dit notre infatigable collè- gue, rendront principalement notre siècle mémo- rable dans les siècles à venir , l'électricité et les polypes d’eau douce. » J'ai eu l'honneur d'entretenir plusieurs fois la Compagnie des merveilles de lélectricité ; celles des polypes vont nous occuper à leur tour. « C'est d'après l'auteur que je viens de citer , c'est d’après les observations de M. Bernard de Jussieu; c’est d'après ses observations personnelles que M. Lecat décrit la forme , les espèces , les mœurs , la reproduction des polypes d'eau douce. Nous ne suivrons pas M. Lecat dans les details curieux que contient son mémoire , lequel à son tour offre un précis de celui de M. Tremblay. Il u’est point d'ouvrage général sur l’histoire naturelle, ( 89) point de dictionnaire des sciences physiques, dans lesquels on ne les rencontre ; mais nous présenterons ici quelques réflexions philosophiques par lesquelles M. Lecat termine sa dissertation. » Quelque raccourci que soit le tableau que nous venons de faire des avantages du polype sur tous les autres animaux , il nous en montre assez pour nous convaincre que cet insecte est le favori de la nature ; qu'elle a épuisé sur lui tous ses dons, tous ses secrets , tous ses miracles ; que nous, qui nous flattions d'être ses fils aïnés , sommes comme des enfants déshérités du côté des facultés corpo- relles. N’accusons cependant pas cette bonne nature d’être une marâtre à notre égard.... Ce feu d’ima- gination qui porte l'homme au-delà des bornes de J'univers....; ces réflexions si vastes et si profondes qui forcent à reconnaître en lui une portion de Ja science et de la sagesse divine , exigeaient sans doute tout l'appareil circulatoire, l’organisation admirable des poumons , ce cerveau immense si on Je compare À celui d’autres animaux d’un même poids , tout l’attirail du système nerveux , etc... Mais, si aux avantages des sentiments et des réflexions , nous opposons les orages des passions qui ont la méme source, Ja vie agitée et tumul- tueuse qu’elles procurent à l'homme , alors nous ne trouverons plus sur la terre de compensation aux misères corporelies auxquelles notre organi- sation composée et fragile nous assujettit, à cette mort fatale qui à chaque instant est prête à nous frapper. Alors nous porterons envie au polype , invulnérable , immortel , toujours sain , toujours entier , et simple apparemment dans sa yie comme dans son organisation ; et si nous n’aspirions pas à une ut infiniment plus solide , il (90 ) faudrait convenir qu’en achetant un génie supé- rieur par la perte de ces priviléges admirables du polype, ce serait le payer bien chèrement. « LD ssertation historique sur l’origine et l'usage de la Poudre à canon en Europe , et particulièrement en France ; par M. DELAROCHE, Médecin, » Que l'on passe en revue, dans l'histoire des arts et des sciences , toutes les découvertes que lon doit à l’industrie et au hasard , on n’en trouvera aucune qui ait aussi généralement excité l'admira- tion que la découverte de la poudre à canon. » Tout est dans les arts imitation de la nature , puisque lesprit humain ne peut rien créer; et si la poudre à canon porte son empreinte d'imitation , elle a la prérogative de reconnaitre pour type ce que la nature a de plus grand et de plus terrible, la foudre et les éclairs. » Cé caractère , sans doute, a donné naissance à cette opinion que l'inventeur de cette merveille devait être un génie privilégié, comme il a consacré la maxime proverbiale qui assure d’un homme borné qu’il n’a pas inventé la poudre à canon. » Mais en examinant cette singulière composition , il devient plus que probable que le hasard en a été l'inventeur ; chacun des ingrédients qui en font partie ne présente aucun phénomène analogue à ceux que produit leur réunion, et c’est vraisembla- blement Pinflammation fortuite d’un pareil mélange , peut-être destiné à des usages bien différents , qui aura éveillé l'attention sur cette composition redoutable. » [Fest encore probable que d'abord on n’a pas connu les méilleures proportions ,; et que ce na été qu’à force de tentatives et d’essais qu'on est Cor) parvenu à lui faire produire des effets aussi prompts et aussi terribles. » Elle a servi d'abord à composer ces poudres incendiaes que les anciens lançaient contre leurs ennemis. Nous trouvons dans Elien , dans Jules Africain, historiens du 5° siècle , et dans plusieurs autres auteurs , des formules de compositions pareilles dont le salpêtre fait partie. Les plus actives, les plus durables , les plus difficiles à éteindre durent acqué- rir le plus de célébrité. Les grecs, sous ce rapport, s'acquirent une grande réputation, et les sarrasins, leurs imitateurs , leur en firent honneur en donnant à ces feux le nom de feux grégeois. Xls contenaient, sauf les proportions , tous les ingrédients de notre poudre de guerre ; pour l'obtenir dès-lors il eût suffi d'en retrancher les bitumes et les résines qui y étaient sur-ajoutées. » On pourra nous objecter que l'opinion commune et le témoignage de nos historiens modernes, fixent l’époque de l'invention de la poudre à canon vers le milieu du 14° siècle, Mais, pour detruire cette assertion, il me suflira de prouver, par des autorités plus anciennes et également respectables, que non- seulement l'usage de la poudre , mais encore celui des canons et des bombes , remontait même en France à des époques beaucoup plus reculées. Poly- dore Virgile paraît être celui qui, d’abord , a fixé Ja découverte de la poudre à canon vers le milieu du 14° siècle , et son premier emploi dans la bataille que les vénitiens livrèrent aux génois en 1580 ; les autres auteurs qui l'ont suivi l'ont servilement copie. » Ducange et Moréry désignent l'inventeur sous le nom de Schouart , nom qui, en allemand, signifie le noir ; il était moine et cordelier de profession. Ch. 158. Cg2) » Pour réfnter ces autorités , nons ferons voir l'usage de la poudre et dn canon plus ancien que la bataille de Fossa Claudia. » Un passage de Froissard nous apprend qu'en 1306, vingt-quatre ans avant Ja bataille ci-dessus, les anglais se servirent de canon au siége du château de Romorantin. À la bataille de Créci, en 1546, le roi d'Angleterre , suiyant le P. Daniel , se servit de canons contre les français. » Le même Froissard parle de l'usage que firent les anglais, en 1559 , de canons et des espingoles qu'ils avaient de long-temps usage de mener. » Le même , au 105° chap. de sa Chronique , dit » qu’ils firent ouvrir une bombarde merveillen- » sement grande , laquelle avait 5o pieds de long... » et quand cette bombarde décliquait on l'oyait bien » de 5 lieues loin par jour et de 10 par nuit, et menait » si grand noir au décliquet qu’il semblait que tous les : diables d’enfer fussent en chemin, « » En vain Ducange prétend que par ce mot hom- barde il faut entendre des machines qui , sans le secours de Ja poudre , peuvent lancer des pierres, etc. ; le bruit et le fracas de l'explosion décident ici la question. Au reste , cette longueur était pro- portionnée à la faiblesse de la poudre qu’on fabriquait alors. » On peut douter, dit Vossius, que les canons fussent d’une senle pièce. » Outre ces bombardes d’une longuenr énorme , il y en avait de petites qu'on nommait ombardelles et de moyennes qu'on appelait rabodequins. » Enfin , en consultant nos propres archives, nous voyons dans les registres de la chambre des comptes de Paris, qu'en 1538 , Bartholomée Dudrack , tré- sorier des guerres , passe en compte yne somme fournie pour avoir poudre , canon , etc. Lo (95) » Pétrarque ; dans son traité de Remediis utriusque Fortunæ, composé en 1504, nous fournit uné preuvé aussi élégante qu'énergique dé l'usage qué l’on faisait alors de la poudre ét dé l'artillerie { Miror glandés æneas quæ flammis horrisono tonitru jaciuntur. Non érat satis de cœlotonantis ira Dei imimortalis homunciis. O crudélitas juncta superbiæ , de terra étiain tonuis$et : non imitabile fulmen humana rabiès imitata est ; éË quo de nubibus mitti solet tartaréo rhittitur instru- mento. » James ,; dans son Dictionnairé de Médecine , rapporte un passage traduit du traité dé Roger Bacon , de Secretis Artis et Naturæ : » On imite par art les # éclats du tounerre , car le nitre , le soufre et le » charbon qui, séparés, ne produisent aucun effet » sensible , éclatént avec grand bruit lorsque , mélés » dans des proportions convenables , et enfermés dans » unlieu étroit, on y met le feu.« Bacon était mort à Oxfort en 1284 , et écrivait environ uni siècle ayant Schiouart , et cependant il ne sé donné nullémient pour l'inventeur de la poudre x canon ; il en parlé comme d’une chose connue. » Toutes ces autorités me portent à conclure qué Porigine de la poudre à canon se perd dans l’obs= curité des temps. Il est probable que d’'abérd ellé n'a pas été portée au degré de perfection que hous Jui connaissons aujourd'hui ; et combien la violence de sa détonation estellé éloignée de celle de l'or fulminant ? » Elle ne servit d'abord qu’à incendier les édi- fices dés villes qu'on assiégeait. On lui associait des résines et des bitumes pour réndre son actiou plus durable. Jules Africain , que jai cité plus haut, donne la description d'uné espèce de feu grégeois. = Ce morceau curieux a été Coriservé par Vossins Co4) qui l'atiré d'un manuscrit grec de la bibliothèque du Roi. » La poudre automate se fait ainsi : on prend parties égales de soufre , de salpêtre et de pierre de foudre (c’est le cerannia des latins, espèce de charbon de terre). On les pile dans un mortier » et on les réduit en poudre très-fine. Lorsque le soleil est à son midi, on y ajoute égale partie de sicamen noir, de bitume liquide de zacynthe , et par-dessus le tout un peu de cendre de bitume... On garde cette composition dans des vaisseaux de cuivre qu’il ne faut pas ouvrir tandis que le soleil est sur l’horison. » Le feu grégeois décrit par Valturius ,est à-peu- près le même, si ce n’est que le salpêtre y entre en moindres proportions. Il brülait dans la mer et y acquérait de l'activité. Constantin Porphyrogenète, en son Traité de l’administration de l’Empire (chap. 40), nous apprend que ce fut un certain Callinicus , d'Héliopolis , qui le fit connaitre à Cons- tantinople , en 660, sous l’empire de Constantin Pogonat ; que cet empereur s’en servit avec avan- tage contre les sarrasins dont il brüla la flotte. » Les sarrasins cependant devaient en connaitre l'usage, puisqu’au rapport d'Élien, c'était chez eux que Callinicus en avait appris la composition. » On trouve donc en quelque sorte , dans ce temps , l'origine des canons et même des bombes ; car les vases remplis de-ces matières incendiaires qu’on lançait avee des mortiers, au rapport du même Elien , étaient, dit cet auteur, d'un ancien usage chez les rois de Perse. » L'art de lancer des boulets de fer et de miner avec la poudre ne parait pas plus ancien que le commencement du 14° siècle. On attribue l'inyen- C9) tion de cet art terrible à un ingénieur génois, Pierre de Navarre, qui, en 1487, en fit un essai infructueux. Il perfectionna sa méthode en 15053, au siège du château de l'OEuf , au royaume de Naples, et mit ainsi les espagnols en possession de cette forteresse. » Je termine, dit M. Delaroche , mon mémoire par cette réflexion: quoique les peuples de l’Eu- rope se yantent d’avoir inventé la poudre à canon , il ya, au contraire, bien de l'apparence qu'ils ont été plus tardifs que les asiatiques à la rendre ful- minante. » Le P. Lecomte, qui n'accorde aux chinois que ce qu’il ne peut leur refuser , convient qu'ils ont de temps immémorial la poudre à canon, limpri- merie et l'usage de la boussole, « Travaux proposés pour rendre, l'abord du pont de bateaux plus facile dans les hautes et basses eaux ; par M. Hucer, Nous ne possédons pas le mémoire relatif à cet objet ; mais des objections formées par M. Lecat, qui avait té chargé de l’examiner et d'en rendre compte à l’Académie , et de la réplique de M. Huger, il résulte que des plus hautes aux plus basses eaux, il y a une différence ‘de 19 pieds. M. Huger propose de distribuer les 9 pieds ,et demi qui s’ob- servent au-dessus ou au-dessous des eaux moyen- nes à un plan incliné de 72 pieds de longueur , et, pour l'exécution de son projet , il demande qu'un nouyeau bateau soit ajouté du côté de la ville, et que le quai du même côté soit élevé de 5 pieds et demi. Li 749» 1747° (36) M. Lecat, en apprôuvant lé mécanisme proposé , fait deux objections qui paraissent mériter une grande attention. La première est que M. Hugér, prenant pour un de ses extrêmes Pélévation des eaux en 1746, s'appuie sur une exception dont on ne connaît pas d’exemples , taridis qué la baissé indiquéé est une chose assez ordinaire. Il voudrait donc que le maximum de l'élévation fût restreint considérable ent , sauf à préndré dans les cas extraordiniaîrés , rares par conséquent , telles précautions que les circonstances exigeraient. Il en résulterait unñé dimi- nution sensible dans Pinclinäison du plan indiqué, tant au-dessus qu’au-dessous des éaux moyÿennes, et une plus grande cotmodité dans son usage. La seconde objection que fait disparaître la ré- forme proposée par M. Lecat, est qu’en élevant le quai de 5 pieds et demi, on enterrait les maisons du port, ainsi que la porte du Bac, et on ren- dait plus difficile l'écoulément des eaux , sur-tout celles de la porte du Bac. Il ne paraît pas que l'on ait donné de suite à ce projet, que les travaux éntrepris pour Ja cons- truction d'un pont en pierres rendront sous peu d’années parfaitement inutile. Observations anatomiques ; par M. Lecar. Le recueil de M. Lecat ayant pour titre : Observa- tions anatomiques , ét destiné à entrer dans le premier volume des mémoires de l’Académie, forme un petit in-40 de 71 pages et se compose de trois mémoires. Le premier est une lettre à M. Winslow , doit lé but principal est de déterminer la véritable situation du cœur, Le (97) Le deuxième contient un grand nombre d’expé- fiences faites pour vérifier celles de MM. Mery et Helvétius sur la capacité des cavités du cœur et des gros vaisséaux, tant de l'adulie que du fœtus. Le troisième comprend dés singularités et mons truosités. | Nous allons donner un apperçcu de ces divers mémoires , et nous nous attacherons , autant qu’il nous sera possible ; à faire parler notre savant col- lègue. - Lettre à M. FVinslow. — » Notre ami commun, M. Larchevéque , médecin, à présumé un peu trop de mes forces en exigeant da moi que je lisse , cet hiver; quelques remarques sur votre excellent ou2 vrage, et que Je prisse la hberté de vous les com- muniquér, J'ai senti, comme je le devais, mon in suffisance pour une pareille commission; mais, d’un autre côte , j'ai trouvé mon compte à lier commercé avec vous sous ses auspicés..... La première et la plus solide rémärque que je puisse faire à l'égard de votre excellent ouvrage, c’est que je n'ai jamais lu d'anatom'e plas éxacte, plus parfaite, et que je nai pas eu d’autré guide depuis que je suis privé d'entendré son äuteur. » ] y en a qui se. plaignent des détäils..... Jo vous tronve at contraire trop concis eu bien des endroits... Il me semble que je vous ai entendu dire une fois que vous n’en avez que trop imprimé, et je ne puis m’enipécher de m'en plaindre à vous- même. Par esemple, cé trou aveugle que vous nous montrâtes à l'école de medecine, en 1796, vous weh dites rien dans votre exposition , et de tant d'autres éhoses..... Quant à l'ordre de votre livre, 1 m'a semblé que ceiui que vous gardiez dans yüs GC (98 ) démonstrations était un ordre plus naturel : peut-être est-ce un préjugé qui vient du plaisir que j'avais à vous suivre...... Voici pour le général, Ce que j'ai actuellement à observer pour le particulier, ce sont plutôt des doutes qui me restent ou des éclaircisse- ments dont j'ai besoin , que des remarques dont vous ayez affaire. « Suivent des observations, 1° sur les régions du bas-ventre ; 2° sur la situation respective du prlore et du cardia ; 3° sur l'omission du sinus découvert par Morgagny dans le ’erumontanum. » En exposant l'histoire de la grosse veine hon- teuse , vous ajoutez : » On trouve à cet endroit un » plexus veineux qui couvre la convexité supérieure » de la première portion de l’urètre, avant qu’elle » devienne entourée de son tissu spongieux.« ( Page 575 , n° 581.) Ce plexus serait-il, demande M- Lecar, le méme que celui que je vais décrire, et dont je me suis imaginé être l'inventeur? .. .. » Vous dites que le cœur est couché sur le dia- phragme , et vous avez donné là-dessus, comme sur. tout le reste , le ton à tous les anatomistes. Il est vrai que dans tous ou presque tous les cadavres on trouve le cœur couché comme vous le dites ; mais, 1° la regle est-elle générale dans le cadavre ; 2° a-t-elle lieu dans le sujet vivant?...... | » J'ai examine le cœur dans un grand nombre de cadavres placés sur le dos, et je l'ai trouvé , comme vous dites, couché sur le diaphragme. » J'ai fait le même examen sur des cadavres tenus assis; j'ai trouvé en tous le rebord antérieur du cœur , sur-tout vers la pointe, comme pendant sur le diaphragme , tandis que le rebord postérieur, trés-souvent, en était séparé de l'intervalle de plu- sieurs lignes, et quelquefois d'un travers de doigt, principalement vers la base ou les oreillettes. ( 99 ) #” Ayant ôbservé que c'était lé vuide et l'affaisse- ment des yentriculés et des vaisseaux qui rendaient le cœur et sur-tout son bord antérieur si pendant, J'ai injecté ces parties et j'ai trouvé un vuide reel entre le cœur etle diaphragme , vuide qui va à 10 lignes vers sa base et à 4 à sa pointe. « L'auteur indique les precantions qu'il a prises nour rendre ses expériences exactes, puis il ajoute : » Ces expériences m'ont fortiñé dans ma pre mière idée que Ja situation naturelle du cœur est d’être un peu séparé du diaphragme. C'est le sentiment de Vesale, page 750 : Cor septi transversi nervosæ parti quim proxime accedit,. Secûs longè guäm cantbus et simiis quibus.... magno intervallo re- movetur, J'ajoute que j'ai vu des gens qui avaient des palpiations après avoir mangé, et j'ai soup- çoune que cet accident résultait de ce que leur esto- mac plein faisait tomber le diaphragme au cœur. Ce contact serait donc un état coutre nature. » Je n’abuserai pas plus long-temps de vos bontés, Mousieur, etc. « Le second mémoire, dont nous ayons donné le titre, se compose presque entièrement du détail des expériences faites par M. Lecat pour vériher celles de MM. Méry et Helvetius, Cet ouvrage ,comme on voit, est peu susceptible d'être restreint, et nous nous contenterons , pour n’en pas répéter les calculs, d'en présenter les résultats, Si on injecte d'abord avec un mélangé de cire et - de suif l'oreillette et le venatricule droit du cœur, e! ensuite l'oreillette et le ventricule gauche, l'excès de capacité des cavités droites sur les gauches est extrêmement sensible. Si ou fait la même opération en commencant per G 2 1€r résultats a‘ résultat, 3° résultat. 4° résultat, 5€ résultat. ( 100 ) les cavités gauches, elles présentent à leur tour un excès de capacité bien marqué sur les cavités droites. D'où l’auteur conclut que la première cavité que l'on injecte cède à l'injection et s'amplifie au déui- ment de la seconde. En injectant à-la-fois les cavités droites et gauches, tantôt la capacité des cavités droites l’emporte sur la capacité des cavités gauches , tantôt on observe le contraire. Que cette irrégularité procède de Piné- galité de force avec laquelle les injections sont poussées ou de toute autre cause, l’auteur en con- clut que ces expériences sont extrêmement infidèles, et que ce serait sans raison qu'on prétendrait en tirer des conclusions rigoureuses. Le cœur ne pousse pas dans les artères qui s'y abouchent tout le liquide qu’il contient, et une petite portion reflue après la contraction dans la cavité qui l'avait chassé. Dans le fœtus , le trou ovale laisse refluer le li- quide de la cavité gauche dans la droite. L'auteur se propose d'examiner cet objet plus en détail. ‘» De l'infidélité de ces nombreuses experiences , contraires à celles de M. Helvétius, nous croyons pouvoir conclure , ajoute M. Lecat, que son sys- tême , tout évident qu'il est, ne tire point sa force, comme on le croyait, des expériences qu’il cite, mais de toutes les autres raisons physiologiques dont il l’appuie. « Le trou ovale n’est pas rigoureusement fermé chez tous les adultes. L'auteur en a trouvé des vestiges dans les cœurs du cinquième à-peu-près des femmes qu'il a disséquées. Dans un appendice, M. Lecat décrit la fabrique singulière du bec de la bécasse, et telle que cet oiseau non-seulement a la faculté d’ouyrir un large C6 tar) bec , mais encore d'en recourber les deux valves en sens coutraire, l'indique une description analogue du bec de cer- tains oiseaux aquatiques, par M. Hérissan , Mém. de l’Acad, des Sc. 1748. Le mémoire relatif aux singularités et monstruo- sités anatomiques est divisé en plusieurs paragraphes. Le paragraphe premier contient, entrautres, 1° l'observation d'un cordon médullaire qui descendait les deux éminences restes sur la grande éminence valvulaire de Sylvius. 2° Celle d'un petit muscle accessoire du sublime, dont le tendon aliait se rendre au petit doigt. 39 D'une veine coronaire qui, au lieu de se dé- gorger dans l'oreillette droite, allait se perdre dans la souclavière. 4° De la veine azigos, qui, dans un sujet, se bifur- quait pour se jeter dans l’une et l’autre oreillettes , au lieu de se dégager dans la cave. 5° Celle d'un sujet de G ans dans lequel la sou- clavière droite naissait de l'aorte inférieure , au-dessous de sa courbure. 60 La description de quelques fruits monstrueux , dont le plus singulier est une poire composée de sept poires toutes aboutissant à une même queue, et recouvertes , sans interruption, d'une même peau. La deuxième section est relative à un enfant mons- trueux, avec des réflexions sur la formation des monstres, » Quoique l’histoire naturelle ne manque pas de description de monstres, il est peu de ces descriptions où celle des parties internes soit comprise, et moins encore où elle soit exacte. .... L'atteution que l'Aca- démie des Sciences a portée à cet examen est une G 3 ( 102 ) preuve convaincante de son utilité. Qu'il me soit permis de suivre un modèle si respectable. » H naquit à Rouen, le 7 janvier 1735 , rue des Savetiers, un enfant double , on un composé de deux têtes, quatre bras , quatre cuisses et quatre jambes : les deux trones, unis et comme confondus, se fai- saïient face. L'enfant gauche semblait embrasser le droit, était renversé en arrière, de sorte que les fesses tombaient presque à ses épaules. Le venire manquait de peau , de muscles, et n’avait pour téguments que le péritoine, dans lequel il y avait un épanchement séreux. Chaque jumeau n’avait qu’une artère ombilicale ; chacun avait son cordon , qui bientôt se réunissaient. Les deux poitrines formaient une cavité commune, avec un double sternum. Chacunavait son thymus, ses poulmons ; maisils n'avaient qu'un cœur à deux. Ce cœur avait trois cavités comme la tortue; celle du milieu, faisant office des denx ventricules droits réunis , était du double plus grande que les. autres. La pointe du cœur était conmme fourchue , ce qui annonçait le principe de leur confusion. Les veines caves ei les artères pulmonaires s’'abouchaient au ven- tricule moyen; les veines pulmonaires et les aortes, aux deux ventricules latéraux. Ces vaisseaux avaient leurs valvules, mais se présentaient dans le fœtus droit dans un ordre reuversé. Le diaphragme était commun ; chacun avait son œsnphage, son estomac, sa rate, son pancréas, etc, Dans l'enfant gauche, les parties étaient dans l’état ordinaire; dans le droit, l'ordre était encore renversé : le fond de l'estomac, la rate à droite. Les deux duodenum, larges et courts, se réunissaient bientôt en un seul intectin qui, alter- nativement rétréci et dilaté, se terminait, en se bifur- quant, en un sac qui communiquait avec la vessie ou le sac qui en faisait fonction. Un foie soutenait , ( 105 ) un autre couvrait les estomacs. Chaque jumeau avait deux reins, deux capsules atrabilaires. L'ouverture extérieure de l'espèce de vessie dont j'ai parlé était trés-large ; mais l'urine y était retenue par un grand nombre de plis valvulaires : pareil mécanisme rete- nait les excréments à l’angle de la fourche intestinale. Le sacrum occupait la place du pubis, qui était écar- telé en se portant vers les hanches. Point de bassin. Je n'ai point trouvé de testicules. Avaient-ils été enle- vés dans un examen qui avait précédé le mien? » Le mémoire est terminé par des réflexions sur Ja génération en général , et sur la formation des monstres en particulier. Nous serons courts dans l'exposition qui va suivre. Le temps des systèmes est passé, et on a reconnu qu'il était plus raisonnable de convenir que l'on ne sait pas tout que de s’exposer , comme on l'a fait tant de fois, à expliquer obscurum per obscurius. » Le système de la génération par développement, presqu'universellement reçu, a fait imaginer, dit M. Lecat, deux explications de la formation des monstres. La première fait exécuter la formation des parties doubles par l'union de deux embryons; celle des mutilations, par la privation de nourriture de quelque partie , et celle des parties qui, devant être doubles dans un double enfant, sont uniques et com- munèes à deux, par la confusion de ces mêmes parties. L'autre manière d'expliquer la formation des monstres est de les supposer tout formés dans des œufs naturellement monstrueux, et dont le dévelop- pement ne fait que nous montrer en grand ce qu'ils étaient réellement dans leur petitesse primordiale. « L'auteur n’a pas de peine à combattre cette double hypothèse, Est-il plus heureux quaud il y substitue son propre système ? G4 U74r. (104 ) #» La génération n'est, selon Jui, que la formation mécanique et successive des parties, dirigée et exeécu- tée par l’action de l'esprit séminal combinée avec les lois du mouvement appliquées à une matière disposée aux phénomènes qui en résultent. +... La formation des monstres s'exécute, non par la destruction où la confusion des ouvrages de la nature, mais par des variétés dans le principe formateur ordinaire ; variétés produites quelquefois parles mouvementsnouveaux que l'imagination.de la mére ajoute à ceux qui opérent naturellement cette formation , mais le plus souvent par les modifications nouvelles qui résultent de l'union de plusieurs œnfs fécondés , et par celles quirésuktent dela combinaison de plusieurs courants de matières disposées et exci- tées à former un embryon.............., L'agent recteur que nous faisons entrer dans cette combi- naison est, je l'avoue, une suppositiou, au moins en partie, car personne n'osera nier l'esprit séminal et son énergie dans l'œuvre de la génération. Quant à cet instinct primitif et à la fonction d'architecte dont je le crois doué, je réserve pour un plus grand ouvrage la production des pièces justificatives de ce titre, et je les tirerai des archives de la nature. méme. « Tumeur à lorifice inférieur de l’estomac suppurée et rendue par les crachats ; goître suppuré et. guéri; par M. Lecar. » Le mercredi 11 décembre 1740, M. ****, âgé de 54 ans , d’une complexion robusté , se trouva aHecté d’une petite fièvre , accompagnée de vomis- sements, {105 } » Je fus appelé le lendemain , c'est M. Lecat ;, auleur de cette observation , qui parle , et con- naissant le malade homme de bonne société et amaleur de la bonne chère, je conjecturai qu’il pouvait y avoir de Pindigestion , et lui fis prendre l'émétique en lavage. 11 yomit trois ou quatre fois et n'eut aucune autre évacuation , ce qui me dé- termina à lui prescrire deux onces de manne et deux gros de sel de glauber dans un bouillon gras. I vomit de nouveau et ne rendit rien par les selles. Un lavement composé avec les plantes émollientes u'eut pas un meilleur succès. » Le minoratif fut réitéré , le malade usa d'une potion huileuse , tout fut rendu par le vomissement , et le ventre ne devint pas plus libre. » Le 12, à onze heures du soir, ayant trouvé le pouls embarrassé , je tirai trois ou quatre palettes de sang. Le lendemain 13 , la saignée fut répétée. Le 14 au matin , après avoir fait prendre , sans succés , le layement ci-dessus, je fis mettre le ma- lade au bain. 11 y eut dans le bain quelques légères évacuations qui n’apportèrent aucun soulagement. » L'après-midi du même jour, arriva M. Petit, cé- lèbre médeciu de Soissons, auquel j'avais commu- niqué par écrit les détails ci-dessus , en le priant de venir au secours du malade si la chose lui était possible. » M, Petit approuva le traitement indiqué, pro- posa une potion cordiale et la teinture anodine. Elle fit cesser un hocquet importun qui s’était joint aux autres accidents. M. Petit proposa de nouveau la saignée , et le 15 il partit pour Compiègne. » L'état du malade ne s'améliorant pas, j'appelai de nouveau M. Petit. A son arrivée , sur les deux heures après midi, nous le visitâmes ensemble. I € 106 ) fat pris d'un crachement plus copieux. Ayant exa- miné les crachats, je trouvai que c'était du pus tout pur. M. Petit en tira le pronostic le plus funeste. » Ce pus nous annonçait un abcès intérieur, ct certes il ne venait pas de la poitrine. Aucun symp- tôme n’avait annoncé la lésion des organes respira- toires ; les vomissements, au contraire , les hocquets , la constipation nous annoncaïent que les désordres avaient leur siége dans l'estomac, et même à son orifice inférieur ; et en effet, le malade prenait et retenait un certain temps les substances qu’il avait prises, et les rendait ensuite de la manière qui vient d'être exposée. Cependant, le tact ne nous avait annoncé aucune tumeur , ce qui nous fit présumer que la partie postérieure du pylore était ia partie affectée. Une circonstance cependant me faisait penser que la tumeur attaquait l’estomac lui-même : c’est que le malade, naturellement fort et vigoureux, devint tout-à-coup d'une faiblesse qui fit présumer qu'il allait périr. M. Petit, qui devait partir , différa son voyage au lendemain, dans l'intention de eon- naître , par l'ouverture du cadavre, le siége positif du mal. Le malade cependant se soutint dans l’état déplorable où il était, et continua de cracher du pus. Il fut mis à l'usage d'un apozème composé avec les capillaires, la racine de guimauve, le lierre ter- restre et le miel. Il en prenait deux pintes par jour. Après deux mois de persévérance dans l'emploi de ce simple moyen, la source du pus se tarit, et le: malade parvint à une heureuse convalescence. » Après un événement aussi favorable., nous a4mi- rions , le malade et nous, les ressources extraor- dinaires de la nature, lorsqu'un événement nou- veau vint renouveler nos frayeurs et notre adm yation. ( 107 } » Le malade portait, depuis quelques années, un goitre de la grosseur d’un œuf d'oie. Je fus sur- pris, vers la fin de la cure précédente, de voir celte tumeur augmenter sensiblement ets'enflammer. Le malade n'assura que cet accident lui arrivait toutes les fois qu'il avait la fièvre. Mais, bientôt désabusé par l'augmentation de la tumeur , qui ac- quit en peu de temps la grosseur d’une bowteille , il consentit à l'application des cataplasmes matura- tifs. Le pus se forma, et l’ouverture devint néces- saire. Le malade s'y refusa d'abord, et ce ne fut qu'après bien des représentations qu'il y consentit , sous la condition que l'on emploierait une lancette ordinaire. L'ouverture fut ainsi faite , mais elle était trop petite, et la nature en fit deux autres qui furent encore insuffisantes. J'obtins enfin la permission de les élargir à l'aide de tentes trempées dans un esca- rotique. Je réduisis les trois ouvertures en une scule de deux travers de doigt de largeur ; mais j'avais un fond plus large que la main, il avait trois doigts d'épaisseur ; la base était la trachée-artère même , les muscles et les vaisseaux. Ces parties étaient recou- vertes d'une substance blanchâtre qui ne se son- mettait pas à la suppuration , et qui paraissait être le kyste de la tumeur. On ne pouvait l'enlever que par lambeaux. Il eût été nécessaire d’employer le fer on le caustique, et le malade se refusait à Pun et l’autre. La nature heureusement tint paume droite. jusqu'au bout. J'entretins l'ouverture fort long-temps ; j'injectai ces cavités ; enfin je réduisis le pansement à la simple charpie, et recouvris le tout d’un emplâtre. » Au bout de trois mois, le pus devint louable, des portions du kyste se détachèrent, et en quinze jours de cette dernière suppuration la guérison fut entière et sans aucun yestige de l’ancienne tumeur. « 1 = ( 108 ) — Histoire d’une maladie calculeuse ; communiquée par M. FourMEToT, Une religieuse , Âgée de 21 ans, d’un tempéram- meut peu sanguin et faible , sujète, dans sa pre- mière jeunesse, à des fièvres intermittentes opi- niâtres, suivies de douleurs de tête violentes, éprouva à 15 ans les signes de la nubilité, et cette crise, quoique médiocre , s'est soutenue depuis avec assez. de régularité. À 25 ans et demi, elle fut attaquée d’une douleur fixe à la région des reins, avec nausées et diminu- tion considérable des urines. L'hypogastre successi-. vement devint également douloureux. Délayants, bains, saignées, narcotiques, tout avait été infructueusement administre. La douleur cessa tout-à-coup par la sortie d'une petite pierre et d’une cuillerée environ de sable que la malade rendit en deux jours par la voie des urines. Au bout de quelques semaines, pareilles dou- leurs reparurent avec les mêmes symptômes. Le lait d’ânesse administré parut d’abord y apporter un calme sensible ; mais les douleurs reparurent de nouveau, et la malade rendit par les mêmes voies une pierre. de la grosseur d’une noisette , assurant qu’elle en ressentait encore d’autres qui faisaient effort pour sortir, Un peu secondée par la dame infirmière , elle. en rendit une seconde, plus grosse que la première ;. ais la continuité des mêmes symptômes ayant vaincu, Ja répugnance de la jeune malade, un chirurgien fut appelé, et il ne fut pas médiocrement étonné de trou+ ver daus le vagin une pierre assez grosse pour qu'il. . (109 ) ne püt l’extraire sans la briser avec des pinces. Le leodemain , il en tira du méme lieu sept à huit, et pendant plus d’un mois il en a extrait un pareil nombre chaque jour. » Depuis un mois et demi, dit la relation, il n’en tire plus que de deux en deux ou de trois en trois jours ; mais si le nombre diminue, la grosseur aug- mente , et il y en a qui surpassent le volume d’un œuf de poule, « On a reconnu dans l’un de ces calculs un mor- ceau de bois de la grosseur d'une queue de poire , et deux petites pailles. Leur couleur varie : quelques- uns sont blanchâtres , d’autres plus rembrunis ; tous ont une extrême dureté ; plusieurs sont larges et plats, et présentent un aspect gypseux. Enfin, on observe que la malade a rendu plusieurs de ces calculs par l'anus. Elle-même estavertie, par la nature de la douleur, du lieu par lequel les pierres doivent sortir , et elle se plaint de ressentir comme une espèce de mur qui la tire en arrière, et croit avoir le bas-ventre rempli de pareilles concrétions. Ce mémoire est suivi d’une longue dissertation , sous le titre de Conjectures, dans laquelle l'auteur tâche de donner une théorie de la formation des calculs dans les diverses cavités, ou des destructions possibles qui auraient établi des communications de la vessie au vagin et du vagin au rectum. Les collecteurs d'observations chirurgicales nous ont conservé des exemples de pareilles destructions ; mais, comme l'auteur du mémoire dont nous offrons le précis n’articule aucun fait qui justifie ses conjec- tures, nous nous contentons ici de les indiquer d'une manière générale, | 4 74 3. Ç 110 ) Mémoire pour servir à l’histoire des fourberies des charlatans connus sous le nom d’Opérateurs , et des moyens de les découvrir ; par M. Lecar. » Un des poisons les plus dangereux que la méde- cine ait à combaitre et que les lois aient à punir, c'est le charlatanisme. Les plus grandes villes comme les bourgades sont iufestées de faiseurs de miracles, qui n’en imposent pas seulement à des hommes bornés, mais encore à des personnes que leur es- prit et leur éducation devraient garantir des erreurs pardonnablés à la mulitude......... » Le D. T*** me servira à prouver ce que j'avance. J'ai eu occasion d'examiner à fond sa conduite , et j'aicru que l’histoire en pourrait être utile au public et agréable à l’Académie. » Cet homme spirituel, aimable, arrivé à Rouen le ...., y devint en peu dé jours l’objet de l'admi- ration générale. Il possédait un arsenal superbe d’ins- truments, s’en servait avec déxtérité, et faisait voir des porte-feuilles remplis de certificats les plus avan- tageux et les plus authentiques. La porte de son hôtel était gardée par des soldats ; il fallait des recomman- dations pour entrer chez lui, et ses opérations se faisaient dans un cercle brillant de personnes choisies. » Je fus peut-être le seul qui metus, el suspendis mon jugement à son égard jusqu'à ce que je pusse voir les merveilles qu'il promettait. » 11 me rendit plusieurs visites, et, à la dernière, m'enleva dans sa voiture pour me rendre le témoin des opérations dont il m'avait parlé, et qu'il me voulait, disait-il, enseigner à faire comme lui. J'ac- Crir) ceptai , par provision, la première partie de ses olires, et ne le quittai presque pas durant trois jours. » Je sus mon homme par cœur dès le premier jour, car les sujets ne nous manquaient point, et ses opérations métaient pas fort diversifiées ; trois où quatre seulement faisaient toute sa pratique. » Il faisait l'opération de la cataracte avec les ai- guilles de M. Cheselden , qu'il disait être de son invention , et la faisait comme un autre, en assu- rant qu’il avait un procédé très-particulier. » À l'entendre, il attaquait le cristallin par sa face postérieure , et l’abaissait sans toucher à la couronne ciliaire. » I prétendait également avoir le secret d'empécher le cristallin de remonter, en le rendant plus pesant que lhumeur vitrée, par l'évacuation d'une humeur aqueuse qui s’accumulait dans ses membranes. » Profitant de la liberté qu’il me donnait de le contrarier pour mon instruction , jJ'essayai de lui démontrer qu’il ne pouvait attaquer postérieurement le cristallin sans le faire tomber dans Phumeur aqueuse et sur l'iris, et que cet accident n’arrivant point , il fallait qu'il avancät son aiguille sur le bord antérieur du corps transparent , comme tous les autres operateurs le font, et qu’ainsi il blessât comme eux les fibres ciliaires. » Dans le fait, il opérait comme tous les oculistes et avec beaucoup moius de succès, puisque très- peu de ses malades guérissaient. » Pour les inflammations de la conjonctive , il tirait du sang de cette membrane avéc les barbes de l'épi d'orge. » Pour les yeux recouverts de cicatrices , il les brossait avec les mêmes barbes d'épi, et promettait d'emporter ainsi peu-à-peu ces cicatrices, (1:12) » Pour les yeux faibles, à démi paraiysés, et même pour les gouttes sereines récentes, il les égra- tignait, pour ainsi dire , avec une espèce de râpe pratiquée sur la convexité d’une petite cuiller d'ar- gent. Quelquefois il appliquait la concavité de la même cuiller sur l'œil fermé , la remuait , et donnait une vive secousse au globe. Il employait de violents sternutatoires, et accompagnait le tout d'un collyre dont les petites bouteilles se vendaient jusqu’à un louis. » Quant à la saignée locale, je suis de son avis lorsque l’ophtalmie est produite par relâchement , parce qu'elle aiguillonne et éveille la tonicité; mais je la crois mauvaise quand l'icritation est le prin- cipe du mal, et la pratique même de Kopéesieue me l'a confirmé plus d’une fois. » L'usage des brosses , des frictions , de la râpe; des commotions, me paraissait raisonnable ; mais était-il bien certain que la cicatrice enlevée , une nouvelle cicatrice n'en prendrait pas la place ? Etait- il bien certain que cette vigueur, je dirais presque artificielle , se soutiendrait à la cessation des moyens qui l'avaient créée? C'est ce que je ne ponvais me persuader. Il n’appartenait qu'à l'expérience de pro- noncer , et il fallait du temps pour l'obtenir : la conclusion de ce mémoire fera voir si j'étais dans l'erreur. » La grande opération, la plus merveilleuse de toutes , était celle par laquelle il prétendait redresser les yeux louches. En voici la manœuvre : » Avec une aiguille enfilée de soie , il prenait une portion de la conjonctive de l'œil louche , vers la partie inférieure du globe , et, ayant fait une anse de cette soie, il s’en servait pour zirer à soi Ja por- tion de la conjonctive qu'elle comprenait, et la cou- pait É Tr2") pait avec des ciseaux ; ensuite il mettait un emplâtre sur l'œil sain, l’œil louche se redressait , et chacun criait miracle ! (*) » J'usai de nouveau de la liberté qu’il m'avait ac- cordée , en lui demandant le motif d'une opération qui me paraissait parfaitement inutile, pour ne pas dire dangereuse. IL me répondit qu'un œil n’était louche que parce que l'équilibre entre ses muscles était détruit; que, pour rétablir cet équilibre, il nè s'agissait que d’affaiblir le muscle qui l’emportait sur les autres, et que c'était ce qu’il faisait en coupant un des filets nerveux quise portaient à ce muscle trop puissant. » Je répondis que je ne connaissais aucun filet nerveux qui, de la partie qu'il incisait, se portât aux muscles de l'œil. IL me répliqua qu'il me le ferait voir sur le premier œil que je voudrais lui procurer! j'acceptai sa proposition. Je lui de- mandai encore la raison pour laquelle il mettait un emplâtre sur l'œil sain et non sur le malade? Il fit le distrait, et ne me répondit rien. Mais , de retour chez moi, ayant réfléchi sur cette matière, je me rappellai une observation que j'avais souvent faite sur des louches: c'est que toutes les fois qu’ils ferment l'œil sain, œil louche ne manque pas de se redresser. En voici la raison : un œil n’est louche que parce qu’il est dans l'inaction, et qu’il n’a plus avec son collègue cette symipathie, cet accord qui les fuit ordinairement obéir également au même acte (*) Cette manœuvre , au surplus , de fermer ou couvrir l’œil sain pour redresser l’œil malade , est une excellente pratique, et celle qui réussit le mieux ; mais elle doit être louguemens continuée, H Cai14) de la volonté. L’æil louche est un paresseux qui laisse faire toute la besogne à son collègue. En cou- vrant l'œil sain , on oblige le paressenx à obéir à la volonté, et à exécuter un travail auquel il aimait à se soustraire ; et dès-lors l’incision de la conjonctive ne me parut plus qu'une jouglerie. Mais le point décisif était de me montrer le nerf qui jouait dans l'opération le principal rôle. Nous allons voir comment le chariatan y réussit. » IE m'avait invité à un diner splendide ; et je le lui rendis en bonne compagnie ; mais je lui servis, au dessert , un plat couvert sur lequelil ne comptait, pas: c'était une tête humaine , divisée en deux parties égales et verticalzment du front à la nuque. J'avais préparé les deux yeux avec soin, sans dé- placer aucune partie ; les nerfs sur-tout s’y trouvaient disséqués avec exactitude, depuis leur origine jusqu’à ce qu’ils échappent à la vue. Comme il était tou- jours question avec notre opérateur de ses cures surprenantes , je trouvai facilement l'occasion de le ramener à son filet nerveux; il me fit la même ré ponse, et ne me demanda qu'un œil pour me Île faire voir. Je découvris la tête et le mis à même d’une pièce qui, pour un connaisseur, eût été bien intéa ressante , mais qui devint pour lui une vraie tête de Méduse. Il demeura comme pétrifié, et laissa appercevoir sur son visage une horreur indigne d'un médecin , et la honte de sa défaite, Il ne put me montrer ce qui u’existe pas. Je parlai alors avec la sécurité que donne la vérité ; je fis la critique rai- sonnée de ses opérations , et l'engageai à exercer avec honnêteté les talents heureux qu’il avait reçus de la nature. » En moins de quatre jours, son crédit tomba , som hôtel fut désert, ce qui le fit songer à la retraite, (-i15 ) Ïl lui restait encore des partisans , et les murmures éclataient contre moi. Quinze jours suflirent pour me venger. Les yeux faibles, harcelés par les aiguil- lons dont nous avons parlé, se trouvèrent épuisés, et tombèrent dans un aveuglement total joint à des inflammations et des douleurs considérables ; les taches des yeux demeurèrent entières ; presque toutes les personnes opérées de la cataracte restè- rent aveugles ; enfin, les louches, débarassés de leur emplâtre , ne furent pas deux jours à redevenir louchés...... Puissent ces exemples rendre le public plus prudent, et les charlatans plus rares ! « Observation d’une tumeur venteuse à la tête , avec fonte et exostose des os du cräne ; par M. Lecat. » Pendant l'automne de 1741, M. Ch.... me fit appeler en consultation chez M. Delaroche , som médecin, pour une tumeur qu’il avait à la tête , au- dessus de l'oreille droite , vers la jonction de l'os tem- poral avec le pariétal. Cette tumeur, presque grande comme la main, avait près de deux pouces d’épais- seur ; elle était molle , flatuéuse et tendue, et, lors- qu'on la comprimait pour en déplacer le fluide élastique qu’elle contenait, elle faisait entendre un bruit semblable à celui d'un parchemin sec qu’on froisse. » L'examen attentif me fit reconnaître qu'il y avait au crâne des enfoncements et des éminentes. Je conjecturai que les enfoncements étaient dénués du péricrâge , car cette excavation était l'eflet de V'alté- ration de los, et celui-ci n'avait pu s'altérer sens que le péricräne n'edt été lui-même , et vraisem- H a (116) blablement le premier, ou altéré et fondu , ou séparë de l'os. ÿ »Le malade ne savait trop à quoi attribuer l’ori- gine de cette maladie. Nous l’examinämes attenti- vement sans reconnaître aucun principe scrophuleux ; les caractères de l'affection scorbutique convenaient encore moins. il nous restait une troisième source , dont la malheureuse fécondité n’est que trop connue. M. Ch... s'était livré au plaisir avec trop d'ardeur pour l'avoir toujours pu faire avec choix; cependant, il nous assura avec sincérité qu’il avait toujours été plus heureux que sage, et son bon tempérament comme la vigueur de sa santé contribuërent à nous persuader que c'était un vice purement local. » L'opération nous parut d’abord le seul moyeu cüratif; cependant, un peu de condescendance pour la répugnance du malade détermina à l'ajourner , et il fut décidé qu’on emploierait pendant un certain temps les résolutifs et les fondants , tant intérieure- ment qu’extérieurement , ce qui fut vainement exécuté. » Au commencemént de 1743, je revis le malade avec M. Delaroche, et je fus eflrayé de l'énorme accroissement de la tumenr , qui occupait alors les deux tiers du crâne. La matière flatueuse , accumu- lée en plus grande quantité, y était plus aisée à distinguer, et la tumeur ;, percutée, rendait du son comme une timbale, » L'opération , que le malade réclamait enfin avec instance , était le seul secours eflicace ; mais elle aurait pu être pratiquée beaucoup plutôt, et l'étendue de la maladie rendait l'opération plus dangereuse, 11 fallait mettre à découvert les deux tiers d’un crâne malade , fondu , exostosié et irrégulièrement revêtu d’un péricrâne dont le désordre n’était pas moins considérable. L Cr) »1l fut enfin résolu d'attaquer la tumeur par parties, et, le 8 mars , à neuf heures du matin, je fis à sa partie la plus déclive nne incision de quatre à cinq travers de doigt. L'air s’en échappa avec impétuosité, J'emportai un lambeau des téguments, alors les parties furent sensibles à la vue. La por- tion de l'os découvert paraissait creusée en rayons du centre à la circonférence ; et nous nous per- suadâmes qu’il en était de méme des autres en-. foncements que nous reconnaissions au crâne à travers les téguments. » En pressant doucement avec les mains , je parvins à expulser tout le fluide élastique , à la réserve de quelques cellules qui en conservérent quelque portion. Je remplis mon ouverture de charpie brute, et couvris la tête de compresses trempées dans un, mélange d’eau d'orge et d’un peu d’eau de lavande spiritueuse. Je visitai le malade quelques heures. après , je trouvai son appareil et son traversin pénétrés d’une eau sanglante : je renouvellai l'ap- pareil, et fis une saignée. »Je fisune autre visite l’après-midi : je trouvai encore son appareil et ses oreillers pénétrés , mais Phumeur était entièrement séreuse et blanche. L'abondance de cette évacuation , qui dura les trois premiers jours,, jetta le malade dans un état de faiblesse et d’accable- ment qui me fit craindre de le voir bientôt saccomber. » Je pansai l'os découvert et le péricräne avec, l'eau de lavande seule, les téguments avec le digesti£ animé ; je fis des injections avec l’eau d’orge animée. d'un peu d’eau de layande. » Les os découverts se recouvrirent en peu de jours de bourgeons charnus , excepté quelques, pointes d’exostoses qui restèrent douze ou quiuze, jours à se garnir. . KH 3 (118 ) » Le sixième jour de l'opération , la fièvre s'allnma avec délire, boufissure des paupières ; je fis une seconde saignée. » Le septième , mêmes accidents : une saignée du pied les calma sans les dissiper entièrement. » Le huitième , le délire subsista avec moins de violence. Il survint une espèce de rhumatisme univer- sel et tel qu'on ne pouvait remuer le malade sans lui faire éprouver les plus vives douleurs. » Nouvelle consultation, qui apporta aucun chan- gement au traitement. Peu-à-peu le délire et les principaux accidents cessèrent. » Je proposai de faire supérieurement une ou- verture pour porter les injections et autres remèdes dans toute l'étendue de la tumeur ; elle w’eut lieu que quinze jours après , et nous en tirâmes un trés-grand avantage. J1 survint une suppuration gé- nérale et abondante. Peu de temps après, je dé- couvris un nouveau sac purulent ; je fus d'avis de VPouvrir , mais le malade s'y refusa opiniâtrément. Le caustique, itérativement appliqué , fut insuffisant pour pénétrer l'épaisseur des téguments , et on fut obligé, en usant encore de surprise, d'achever l'ou- verture avec une lancette , le quarante-cinquième jour de la maladie. » Je passai des mèches imbibées de la décoction d'aristoloche , animce d'eau de lavande. Nous faisions des injections avec la méme décoction «et la lessive de cendres de sarments. En continuant per- sévéramment ces moyens, le malade, avec plus de force , reprit bientôt ses premières espérances. » Il avait une faim dévorane , et était souvent infidèle au régime. On s'appercevait facilement dé ses erreurs au Mauvais état de ses sinus, qui don aient alors une suppuration moins louable. C:r9 ) : » Maloré tant de désordre , nous marchions vers le terme dé la maladie, et l'accomplissement de cette grande eure ne paraissait pas éloigné, Un nouvel accident vint renverser nos espérances. » Le dernier résultat du rhumatisme universel avait été l'enflure des cuisses, et spécialement de la cuisse droite. Le genou droit était resté douloureux , lin- flammation s’y joignit, et, le premier juin, j'apperçus au-dessus du genou une fluctuation dans l'espace de trois à quatre pouces, et, quelques jours après ; J'annonçai avéc beaucoup de méuagements la nécés- sité d'ouvrir ce dépôt. Le malade refusa opiniätré- ment d'y consentir, et c'ést de cette époque qu'il faut compter son entière décadence. » La tumeur et la douleur allaient tonjours en croissant, Les cataplasmies émollients , anodins , ma- turatifs, n'offraient que de faibles secours. La matière s’éténdit à là cuisse et à la jambe, ét fit une saillie plus prononcée vers le milieu de la cuisse. Enfin, le 25 juin, etle cent huitième jour de la maladié, M.Ch... me permit d'ea faire l'ouverture avec une lancette à saigner. »Je fis avec ce faible instrument la plus grande incision qu’il me fut possible , et, ayant introduit les deux doigts dans l'ouverture, je sentis que la cuisse n’était qu’une vaste caverne remplie de matière, et qu’il fallait absolument faire une contre-ouver- ture à son fond. Il féllut encore lutter long-témps contre l’indocilité du malade, il eut une faiblesse légère après la grande évacuation qui la suivit; elle weut pas de suite, et il restait encore dun courage et des forces , mais l'appetit était encore plus grand 4 le malade ne pouvait s'assujettir an régime. Des frissons annoncèrent Ja fièvre ; la qualité da pus s'akéra ; il prit la couleur er la consistance de la A 4 (120 } lie de vin. Je pansai avec des mèches en plusieurs doubles , mais les ouvertures, trop petites, em- péchaient d'en tirer un grand parti. 11 fallait les élargir, le malade s'y refusa. On fit une nouvelle consultation : une nouvelle ouverture fut unanime- ment conseillée, et on proposa la diète purement laitée. Etait-ce une circonstance favorable ? Il y eut des objections, et on résolui de la couper avec une légère infusion de vulnéraires suisses , et de la tenter. avec prudence. » Dès le lendemain, le malade ernpira, les matières prirent un plus mauvais caractère ; enfin , il suc- comba le 18 juiilet, le cent trente-huitième jour. de la maladie. l » Le lendemain, l'ouverture en fut faite en pré- sence de MM. Delaroche et de deux chirurgiens qui y avaient été appelés. »Les enfoncements de la tête étaient recouverts de cicatrices solides, sans aucune matière inter- posée. Plusieurs trous pénétraient jusques dans l'intérieur du crâne, qui était altéré comme sa partie externe. La dure-mère , en ces endroits , était fongueuse : le cerveau était mou et sans con- sistance du côté malade. » Les deux tiers du poulmon droit étaient enflam- més; une partie du cœur, vers les oreillettes , était comme æœdémateuse et de couleur de chair lavée, n Dans l’abdomen , la vésicule était distendue par la bile, les boyaux par les vents ; ils contenaient une espèce de lait caillé: les reins étaient durs. » Du côté de la cuisse, il y avait carie entre la rotule et les os avec lesquels elle s'articule, etun vaste abcès , avec pourriture et noirceur , s'étendait depuis le haut de la cuisse jusqu’au milieu de la jambe , en faisant tout le tour de l'articulation du genou. | (127) » Ce rapport offre la vérification des choses précé- demment énoncées, de la fonte d’une partie des os du crâne , des exostoses , des matières flatueuses , qui seules remplissaient d'abord lintérieur de la tumeur, » La métamorphose des os en parties molles n'est pas rare, et il est pareillement reconnu que la fer- mentation donne Jieu au dégagement des vapeurs, et telle était vraisemblablement la source de celles dont nous parlons. »La guérison de la tête prouve qu’on eût pu obtenir pareillement celle de la cuisse, si le malade eût permis de faire en temps convenable les ou- vertures indispensables en pareil cas, et sur-tout si, par un régime inconsidéré , il n’eût pas Contrarié les secours que nous lui administrions, et plus encore les eflorts salutaires de la nature. « Observation sur un haricot introduit dans La trachée- artère, où il est demeuré vingt-un jours ; par M. Ferrand (*), chirurgien , de Buchy. : » Une enfant de cinq ans, fille du sieur Leroi , Drapier à Bosc-Edeline , près Buchy , se jouant , le 9 avril, avec une de ses sœurs, mit une féve blanche dans sa bouche. Dans ce moment un autre enfant Jui donna sur le haut du dos un coup de poing qui lui fit avaler la féve ; mais, au lieu d'aller dans l'estomac, + NON S IS SU A OUR (*) Ce M. Ferrand fut un chirurgién de mérite, le père et le premier instituteur de M. Ferrand , associé à l’Académie en 1760, et successeur du célèbre Desault dans la place de chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu de Paris, ( 192) cile resta dans la trachée-artère ou condait de F’air. La petite fille fat prise de suffocation , et vomit tout l'après-midi de cette journée. Le soir , elle eut du calme et mangea un œuf frais. Les accidents re- commencérent Ja nuit ; il s’y joignit un râlement d’agonisant. Elle était encore dans le même état le lendemain matin que je la vis ( c’est l'auteur qui parle ). » La gorge était bouffe , la face livide , le poul- mon dans des convulsions perpétuelles ; les envies de vomir étaient fréquentes , et elle vomissait quel- quelois, » Je prescrivis l'huile d'amandes douces , la tisane de guimauve, le bouillon, et portai un pronostic très-ficheux pour la malade. Eile demeura vingt- un jours dans cette triste situation. Il y avait cepen- dant quelques instants de relâche ; l'enfant sommeillait méme de temps en temps et prenait quelque nourri- ture. Enfin , le vingt-unième jour , elle rejetia la fatale féve , avec un germe d’un tiers de doigt. De ce moment , tous les accidents ont cessé, et la petite malade est parfaitement guérie. » Tous les faits rares sont intéressants , ajoute l'auteur de cette observation , en l'adressant à M. Lecat, auquel il demande ce qu'il eût cru devoir faire en pareille circonstance, « | (] Observation d’une plaie au dos d'un enfant nouveau né ; par M. Thibault. » En décembre 1745, on me fit voir un enfant qui vénait de naître, et qui avait une cicatrice s'étendant des premières aux dernières vertèbres lombaires , sa largeur de quatre travers de doigt, (125) rt présentant assez bien la figure du poisson qu’on uomime sole. » On remarquait au centre de cette cicatriceune solution de continuité qui en occupait environ le tiers : la couleur de cêtte cicatrice était rouge foncé. » Les personnes présentes attribuaient la cause de cet événement à quelques coups d'ongles de la sage-femme , et je fus prié d’en dire mon avis. » Je fis plusiéurs questions à l’accouchée , et J'appris que, six semaines avaut son accouchement, elle était tombée sur le ventre dans sa cour, pavée de larges pierres , mais qu’elle w’avait ressenti aucunes douleurs depuis sa chute. » J'appliquai , pour tout remède , quelques com- presses imbibées de vin chaud , et en huit jours l'enfant se trouva guéri. » N'a-t-on pas lieu de croire que l'enfant , à cette époque , ayant le dos appuyé contre les muscles abdominaux de sa mère , avait recu presque tout l'eflort de la chute, et que telle était la cause de accident dont il est question ? . » Si la femme eût accouché plus tard , et si l'en- fant eût été entièrement guéri , qu’aurait-on pensé à la vue d'une cicatrice d’une aussi grande étendue ? On n'eût pas manqué de la regarder comme l’effet de l'imagination de la mère, et on aurait été d’au- tant plus porté à le croire que la mère ne se sou- venait pas de sa chute, et que plusieurs questions de ma part, relatives à cet objet, furent nécessaires pour lui rappeller cet accident, entièremeut eflace de sa mémoire. « (124) 1743. Mémoire sur l’hydrophobie , lu à l'Académie en 1745, et depuis revu et amélioré; par M. Lecat. Cette dissertation , formant un petit volume én-4°, est partagée en trois parties. Dans la première, l'auteur expose les divers phénomènes que présente la rage, et communique deux observations qui lui sont per- sonnelles. Il traite , dans la seconde, de la nature et des causes de la rage , et essaie d’en expliquer les phé- nomènes, Enfin, la troisième, consacrée à la thérapeutique, traite des préservatifs et des remèdes de la rage. » La rage, qu'on nomme aussi lhydrophobie , est, dit M. Lecat, réputée avec raison pour la plus terrible de toutes les maladies (*}. Non seulement elle attaque et éteint en peu de temps les principes de la vie , comme ce que nous avons de plus indomptable parmi les maladies malignes et pestilentielles ; mais ;, ce qui est pis encore , elle pervertit cette faculté qui nous distingue du reste des autres animaux , et fait de l'homme une bête féroce , sans comparaison plus à craindre que les ours et les tigres irrités. Elle raérite donc que les médecins réunissent leurs efforts pour la dompter. Je vais exposer ceux que j'ai faits dans la vue de concourir à une fin si désirée. Dsslus morose pra pure binm ges sut Eapre (*) Cette vérité reconnue détermina , en 1777 , la Société royale de Médecine de Paris, à proposer un prix relatif! à eet objet intéressant, On peut voir dans le rapport de M. Nerdry, le précis de nos connaissances et les ouvrages publiés sur cette maladie redoutable, C(:125) » Tous les animaux, aussi bien que l'homme , sorit susceptibles de la rage ; mais le plus souvent chez l'homme , Cest une maladie communiquée , au lieu que, dans le loup et le chien , elle est souvent spontanée , c’est-à-dire qu’elle s'établit en eux par des dépravations intérieures, et forme une maladie maligne particulière à l'espèce. » Entre les causes occasionnelles de cette maladie chez les chiens, on compte la chaleur immodérée des chiennes auxquelles on ne procure point de mâles, et, pour le reste des animaux , des courses outrées pendant les grandes chaleurs, une soif et une faim excessive, en un mot toutes les espèces d'irritations extrêmes qui excitent dans leurs organes les plus nerveux cet incendie particulier qui cons- ütue la rage. » Quoique la rage spontanée soit très-rare chez l'homme , cependant elle n’est pas sans exemple. En voici des observations assez récentes : » Un paysan de dix-huit à vingt ans, au mois de juillet 1755, vint de Solem à Cambray:ilya six lieues, La chaleur était excessive, Il était à jeun, avait bu en route un peu d’eau-de-vie. Il était en compagnie, et avait fait une partie du chemin en sautant. À deux lieues de Cambray , il commenca à se plaindre d’un grand mal de tête et de fatigue, Il s’assit, dormit, se réveilla, marcha commeivre, assoupi , accablé , se reposant plusieurs fois. Il arriva à une heure après midi, excédé de fatigue. Il tomba saus connaissance , et n’en revint que pour donner des signes d'hydrophobie ; car quelqu'un ayant apporté devant lui une cuvette pleine d'eau pour le saigner du pied , il entra en fureur, hurla, eut des tremblements, des mouvements convulsifs. » Un homme de treute ans, d’un tempérament J. de Méd. juill, 1757 Ilid, aoët, ( 126 ) mélancolique , asthmatique depuis plusieurs années; fatigué dans un magasin de papier où il avait avale beaucoup de poussière, s'était exposé à l'air étant en sueur, et avait fait une marche forcée. Il éternua beaucoup sur la route, eut en arrivant une diffi- culté d'avaler , de respirer ; triste, inquiet , ne prenant rien, il devint enragé, cherchant à mordre ; et mourut dans cet état. » Ces deux observations suffisent et me dispensent d'en rapporter d’autres. » La rage par communication est la plus com- mune. La voié de communication la plus ordinaire est la morsure ; mais la voie générale est celle de toutes les contagions, le passage du virus dans la tissure nerveuse de l'animal qui la reçoit. » L'une et l’autre espèce se distinguent en rage mue et en rage blanche, Dans la première, l'animal est triste, ne boit et ÿe mange, point, mais 1} est tranquille et ne mord pas. Dans la seconde, l'animal est furieux , ne connait personne, et mord tout ce qu'il rencontre. » On peut encore distinguer cette maladie en hydrophobie naissante et confirmée. Les signes du premier degré sont , après la morsure reçue ; de petits accès de fièvre, des sueurs , quelques maux de tête , des bruissements ou tintements d'oreilles, des Maux d'estomac à la suite des repas, des tranchées, des crachements, des vomissements, des frayeurs sans motifs apparents ; enlin, l'endroit de la morsure fait sentir des picotements , et alors la rage n’est pas long-temps à se manifester: » Chez les animaux l'appétit ne se perd pas tou- jours ; mais ils sont tristes, cherchent la solitude , abandounent les personnes auxquelles ils étaient attachés, ont la tête penchée , la queue pendamue. C127) » Les signes les plus ordinaires de la rage con- firmée sont, une frayeur excessive, l'horreur des aliments et sur-tout de l'eau, la bave ou Îles cra- chats écumeux , l'oppression convulsive , le teint livide ; enfin , la fureur , le désir de mordre , des cris analogues aux aboïements des chiens dout ils ont été mordus, et, suivant quelques-uns , des actions portant le caractère des animaux par lesquels la contagion leur a été communiquée. » La durée de ces accidents est variable , com- munément trénte à quarante jours , rarement plus précoce ou plus tardive. » Je joinsici la description de deux hydrophobies que j'ai observées. » Le nommé ELebret, maître à danser , et un des premiers violons de notre ville, fut mordu par un petit doguin à la main droite, le 6 décembre 1744. Ce petit chien buvait, mangeaït, et n’était nulle- ment soupçonné de rage. Cependant, comme il était devenu tout-à-coup méchant et mordant le premier venu, son maître le tua d’un coup de poing au moment où il venait de mordre quelqu'un. » Leébret concut beaucoup d’inquietude de sa morsure , prit des remèdes, et continua ses affaires , se plaignant d'un rhumatisme , accident qui chez lui wétait pas nouveau. » I lui survint des bruissements aux oreilles. Le 4 janvier, nouvelle invasion du rhumatisme, grandes lassitudes. Il se coucha , et fut mieux le lendemaiv. Le 5, aprés avoir partagé le gâteau des rois à sa famille , il fut plus incommoilé, se concha sans sou- per, avec grand mal à la tête : sueurs , loquacité, » Le 6, il mangea un potage. La nuit mal à la gorge ; bruissements d'oreilles; il croyait eutendre. le son des instruments , des aboïiemeunts de chiens. 1" Observ, (128 ) Ül fut saigné du bras et du pied : sang vermeil et beau: » Le 8, je fus appellé auprès du malade, dont J'étais particulièrement connu. En entrant , il me cria d'approcher lentement , parce que ma présence lui causait les convulsions et les suffocations où je le voyais. Son teint était pâle et livide, ses traits allongés , ses yeux grands , effrayés et effrayants: » J'essayai de le calmer par des discours con- solants. On me rendit compte de sa maladie , et aux détails ci-dessus on ajouta que tout ce qu’il pyait inopinément remuait vivement ses sens ; lumière , sons , odeurs , les vives aflections morales, repro- duisaient ses convulsions. 1] ne pouvait , sans se faire violence , porter rien à sa bouche, l'ouvrir même pour prendre le moindre aliment. » L'eau Jui causait moins de convulsions que le bouillon , parce qu'elle avait moins d’odeur. Il éter- nuait, avait des nausées. Il était cependant le maître de sa raison, » Je proposai les vésicatoires et l'émétique: rien de cela ne fut exécuté. Ses douleurs et ses con- vulsions redoublèrent ; il fit des sauts affreux sur son plancher , se fit lier sur son lit, parut plus calme ; mais bientôt il devint agonisant , et mourut à huit heures du soir. » J'obuns la liberté d'en faire l'ouverture. » J'ouvris verticalement là tête, afin de voir fa- cilement le fond du gosièr. Le cerveau était gorgé de sang. » Le pharynx et les fosses nasales étaient d’une couleur livide ; cette couleur était produite par un mucilage mélangé de points sanguinolents. Le larynx etles poulmons étaient remplis d'écume, semés de plaques rougeâtres et enflammés. L’œsophage était comme férmé , et de la même couleur du pharynx ë is cette + (12002 tette couleur entourait l’orifice supérieur de l'es tomac, dont le surplus était dans un état naturel; mais il contenait une liqueur sale, glaireuse, bleuâtre. » Le péricarde né contenait point'de sérosité, Le cœur , le foie, étaient dans un état naturel. » Mademoiselle Aubé, âgée d'environ vingt-deux ans , fut mordue à la lèvre par un petit chien, la veille des rois 1750. Elle prit les remèdes de Made- moiselle***, et était chez elle lorsqu'on amena un chien pour lui fairé préudre le même reméde. Ce chien fut pris d'un tournoiement. La demoiselle Âubé, saisie de frayéur, cCourut chez sa tante, et, lui jettant brusquement les deux bras sur les épan- les : » je vous étranglerais , dit-elle, si vous n’étiez ma tante. » Peu après, elle lui demanda pardon , et passa le reste de la journée dans des alternatives de füreur , de repentir, de téndresse. Je fus ap- pele le lendemain auprès d'elle , et me présentai avec précaution. Je m'apperçus, malgré sa bonne contenance , que ma présence lui causait de l’effroi. Elle avait le pouls élevé, les yeux égarés , se plai- gnait d’un ressérrement à la gorge ; elle chantait ou riait par intéryalles. » De temps en temps, elle était prise de frayeurs qui étaient suiviés immédiatement d’une sorte de fureur , exprimée par des injures et des gestes me- naçants, Dans d’autres accès , elle faisait de grands éclats de rire, chantait avec effort , ainsi qu'il arrive aux personnes qui délirent. Hors de ses âccès , elle n’était pas absolument tranquille : elle éprouvait des hocquets , des nausées , des crachiats écumeux ; cependant elle n'avait pas là même anti- . pathie que Lebret pour les odeurs, pour les aliments et pour les liquides. Elle prenait du bouillon , mais ayec peine , à cause de son mal à la gorge, et I 22€ Observi (150) sans répugnance. Instruit du principe de ces acci+ dents , et la trouvant fortement colorée , etc., je prescrivis Ja saignée du pied. Je comptais, lé ten- demain , lui faire prendre les remèdes dont il sera question ; mais elle était plus voisine de sa fin que nous ne le croyions, et mourut la nuit suivante. » J'aurais désiré pouvoir en faire l'ouverture , on ne m'en accorda pas la liberté. J'appris encore que le chien avait été jetté à la rivière sans qu’on eût pris la peine de l’observer avec attention.« La seconde partie du mémoire de M. Lecat est consacrée à l'explication des phénomènes de la rage, et comme, de son propre aveu, ces explications sont plus souvent des conjectures que des démon:= trations, nous n’en extrairons que Ce qui est né- cessaire pour montrer l'idée que ce praticien cé- lèbre se formait de l'hydrophobie , de sa manière de s’'introduire dans nos humeurs, et quels organes en étaient le siége plus immédiat. » La communication de la râge se fait par la sa- live de l'animal enragé appliquée à une partie dé- chirée et dénudée de la surpeau ; elle se fait aussi par la vapeur respirée des matières rejettées par le méme animal, et introduites dans la poitrine avec l'air qu’on respire. La communication n’a pas lieu à travers la peau saine et recouverte de son épi- derme. » Où réside essentiellement Je virus hydropho- bique? Est-ce dans le sang, la lymphe ou telle au tre de nos humeurs? Est-ce dans les esprits? « C'est cette dernière idée que l’auteur adopte , et il en donne pour preuve , 1° l’altération de nos hu- meurs les plus saines par l'influence des passions, de la colère , par exemple ; 2° la guérison de la rage par des surprises et de grandes affections , qui (151) changent ou la nature ou la direction des esprits ; 5° la nature des médicaments communément admi- nistrés en breuvages , et dont l'odeur et la saveur âcre , nauséabonde , excitent nécessairement la plus grande répugnance ; répugnance que les malades ne surmontent qu'avec de grands efforts sur eux-mêmes; 4° la rage développée spontanément , après être res= tée assoupie pendant un grand nombre d'années, au seul récit des dangers qu'elle aurait encourus. » Mais pourquoi le virus hydrophobique attaque: t-il de préférence tel on tel organe , les glandes sa- livaires, l'æœsophage , estomac, par exemple ? C'est qu’il existe entre eux une analogie qui ne se rens contre pas ailleurs : c'est ainsi que le virus varioleux affecte de préférence les membranes muqueuses, la peste , les glandes , etc. » La rage est une affection nerveuse et périodi- que, comme l’épilepsie , la danse de $S, Gui, mais affection d’une nature très-particulière. Elle parait encore avoir avec la colère de grands rapports. Or, l'audace et la terreur se touchent pour ainsi dire, et rien n'est plus commun que de voir succéder le découragement et la pusillanimité à des paro- xysmes violents d'hydrophobie. » Le délétère ne détruit pas toujours l'empire de Pame et celui de la raison ; de là naissent l'ina tensité où la médiocrité des symptômes, suivant la prépondérauce de lun ou l’autre principe. » Le caractère inflammatoire simple ne suffit pas pour produire des accidents hydrophobiquess On a vu l'æsophage, le larynx, le pharvnx, l'estomac enflammés, sphacelés même , sans produire le moin« dre symptôme de la rage. L'excés de tonicité ; le spasme , n’en sont pas plus les signes constats: 9 l'état contraire sy fait remarquer , et la plupart ba (132.9 des antidotes de la rage sont des stimulants et dés toniques. » La sensibilité des enragés est extrême ; le moin- dre bruit les épouvante ou les excite , et tous leurs sens , la vue , l’ouie , le goût , l’odorat, le toucher , peuvent , par des ébraniements toujours dangereux, ressusciter les paroxysmes. Les affections morales ont sur eux le même empire. Le simple frotte- ment des liqueurs dans leur mouvement circulatoire semble produire de semblables impressions. » On a cru remarquer que les enragés avaient quelque chose des inclinations de l'animal qui les a mordus, ce qui ne peut s'entendre qu’en sup- posant que le virus hydrophobique communiqué participe lui-même au caractère de l'animal dont il émane. « La troisième partie du mémoire de M. Lecat est consacrée à la thérapeutique. L'auteur distingue trois états difiérents dans la maladie cruelle dont il s'occupe , et leur applique trois espèces particulières de traitement. » Dans le premier ‘temps , qu’on peut nommer de contagion, et qui n’est pas de longue durée , tous les soins doivent tendre , 1° à s'assurer si l’ani- mal qui a mordu est enragé ; 2° à empêcher le vi- rus de pénétrer et de vicier nos humeurs; 5° à l'ex- pulser sil est possible. On doit enfermer l'animal, l'observer scrupuleusement, et, comme cet examen pourrait entrainer des délais et qu'il n’y a pas de temps à perdre, on emportera avec le fer la partie mordue , le membre même, si la, morsure était bien considérable ; au moins on y fera de profondes scarifications , et on y appliquera de puissants es= charotiques. » Si l'on est appellé trop tard, on emploie les vtt | | | (133) moyens propres à changer la modification des esprits, et ceux qui sont propres à expulser le levain rabide. » À la première classe appartiennent les surprises, les submersions, les ablutions avec l’eau froide , les breuvages dégoûtants, les secours moraux > qui calment les esprits et tranquillisent l'ame. » À la seconde appartiennent les saignées, les émétiques , les purgatifs, les bains, les spécifiques , parmi lesquels on cite Le remède de Paulmier ; celui des chinois, dont le cinabre et le muse sont la base ; le mercure en frictions , et les diverses pré- parations mercurieiles, tous moyens évacuants direc- tement ou secondairement par leur action tonique , et propres, par les oscillations qu’ils occasionnent dans les solides, à accélérer le mouvement circu- latoire et à expulser le: principes contagieux, « L'auteur cite plusieurs moyens proposés comme spécifiques, et dont la manière d'opérer est celle que nous avons indiquée. Lè turbith minéral, re- commandé par James; le /ichen cinereus et le poivre noir , préconisés par Mead, etc. , etc. » Dans le second temps , où le virus a pénétré dans les parties intimes , et les malades sentant déja les avant-coureurs de la maladie , il faut, sans délai , passer aux moyens les plus décisifs, tels que la saignée du pied, les émétiques énergiques , les frictions à doses rapprochées, les autres secours auxiliaires. » Lorsque les désordres sont entièrement déve- loppés , les secours sont communément d’une faible ressource. Ce n’est pourtant pas un motif de les négliger ; c'en est un, au contraire , de combiner l'action des plus recommandables. « Parmi un grand nombre de spécifiques , tous à-peu-près composés. des mêmes ingrédients , nous citerons celui de M, de L 3 (134) Valigny , que cet homme estimable communiqua à M. Lecat, en le laissant le maitre d'en faire part au publie: » . Marguerittes, toute la plante , 15 ou 16 poignées; rhue , 2 poignées ; ail , 9 gousses ; sel commun , 2 onces: pilez le tont , exprimez-en for- tement le suc, ajoutez-y racine de petit houx pul- vérisée, 2 gros et demi. Dose , 4 cuillerées chaque matin , à jeun. On peut manger deux heures Après. La méme dose se répète pendant neuf jours. » NN. B. Récente ou non, on frotte le lieu de la morsure au point de la faire saigner , et on appli- que dessus le marc des plantes ci-dessus. » Je tiens, dit M. Lecat, ce remède de M. de Valigny même, qui m’a assuré n’avoir jamais man- qué personne , et le bruit public confirme le té- moignage de ce généreux citoyen. « Justi Godofredi Gunzii commentatio de arteriis duræ matris ad Academ. Scientiar, , etc., Rothomagen- sém missa ; c'est-à-dire: Dissertation sur les artères de la dure-mère , offerte à l’ Acad. des Sciences , eic. ,; de Rouen ; par M. J.-G. Guntz. » Des diverses parties de l'anatomie cultivée de nos jours avec tant d'avantage , aucune, dit M. Guntz, n'a été traitée avec plus de succès que celle qui a pour objet les vaisseaux destinés à transmettre le sang dans nos divers organes ; et, quoique nous ayons de beélles descriptions de beaucoup d’artères, il me semble qu’on aun peu négligé celles qui se distribuent à la dure-mère. Cette membrane cepen- dant est fort importante par elle-même , et les 6355) blessures nombreuses auxquelles elle est exposée, les hémorrhagies qui en résultent si souvent , font une loi de connaître, le plus exactement qu'il est possible , le nombre et la direction des artères qui s'y ramifent ; et tel est le motif du travail de M. Guntz, dans les détails duquel plusieurs motifs nous empéchent de le suivre. 1° Un mémoire de cette nature m'est pas susceptible d’être morcelé ; il faudrait tout copier , ce qui s’eéloignerait du plan que nons avons adopte ; 20 depuis l’époque de cette dissertation , l'angiologie cérébrale a été traitée avec tant de soins , qée nous n’aurions rien de nouveau à offrir; 5° enfin, et de l'aveu même de M. Guntz, il y a tant de variétés dans la distribution des petits vaisseaux sanguins, qu’on peut désespérer d’en pré- senter jamais une description absolue. Nous céde- rons cependant au plaisir de transcrire l'article sui- vant , qui donnera une idée du style de l'auteur, en même-temps qu’il présente une observation in- téressante : » Recordor jam viri cui ex ictu per fustem illato, anterior ossis parietalis pars ita fissa erat , ut prœ cipuus arteriæ duræ matris ramus in tali canali quasi cultro dissectus inveniretur. Tumen Æger, etsi pro- tinùs conciderat , brevi ad se rediüt , et nihil ferè incommodi sentiens , per aliguot horas incessit, et duros admodüm labores perfecit. Tum verd subve- niente bilis vomitu , sopore , cœteris que malis , de- cimd octav& circiter , abictu illato , hor& animam reddidit. » Ce mémoire , ainsi qu'on en peut juger, est écrir avec sagesse et clarté. On regrette cependant que la crainte de latiniser quelques termes techniques ait fait prendre à cet estimable auteur le parti d'y substituer des périphrases qui ralentisseut la V4 1748, C:36) marche du discours. On lit plus volontiers : sutura lambdoïdea , et sagittalis , sinus longitudinalis , que sutura à sagittæ formé , à litter& lambda dicta , si- nus à longitudine dictus , où secundum longitudinem. M. Guntz moutre dans ce mémoire une connais- sance profonde des ouvrages des anatomistes cé- lèbres qui l'ont précédé. Les descriptions d'Albinus, de Ruysch, de Vésale, de Duverney , de Vieus- sens , de Spigel, de Palfyn , de Ridley , de Halles » lui servent souvent de point de comparaison ; et lorsque ses observations personnelles ne lui per-, mettent pas de partager leur sentiment , ce qui ne peut manquer d'arriver souvent, quand il est ques- tion d'objets à l'égard desquels les jeux de la nature ne sont pas rares, il propose ses exceptions et ses doutes avec l'honnêteté et les égards que l’on doit à de grands talents. Observation d’un Enfant de neuf mois trouvé dans le bas-ventre, où il s'était introduit par une ou- verture de la matrice au point de son union apec. le vagin; par M. THisAuLT. » Le 5 de novembre dernier, à minuit, une femme de cette ville , arrivée au terme de l'accouchement, en ressentit les douleurs, qui furent violentes et continuelles. Les enveloppes de l'enfant s’ouyrirent d’elies-mêmes et la tête se présenta dans la situa- tion la plus heureuse , ce qui donnait lieu d'espérer que l'accouchement serait bientôt terminé. Ceue espérance fut vaine. La malade assurait que de huit enfants qu’elle avait eus, aucun ne lui avait causé de douleurs si aiguës. (137) » Elle sentait , disait-elle , quelque chose qui lPoppressait vivement et lui Ôtait la respiration , et sa principale douleur était sous lombilic. » Elle avait des nausées et des vomissements accompagnés de faiblesses ; elle se fit faire une médiocre saignée. » Appelé sur les cinq heures du matin, je trou- vai les choses dans l'état que je viens de décrire; tout annonçait un accouchement naturel, » Je pris des informations d’un chirurgien qui n'avait pas quitté la malade , sur son tempérament, son régime , etc. , et j'appris que, pendant toute sa grossesse , elle n'avait pas mangé trois livres de pain, et que le peu de nourriture qu'elle prenait fui avait toujours causé une sorte de suflocation. La malade cependant conservait un É t assez considérable. » Elle avait été saignée trois fois pendant la darée de sa grossesse, à cause de son oppression, et l'avait été sans succés. » Cependant , la malade s’affaïblissait -sensible- ment, et annonçait elle-même que sa fin était pro- chaine : elle devint froide , et, malgré tous les se- cours que nous lui administrâmes , elle expira trois- quarts d'heure environ après mon arrivée. » Toutes mes vues se portèrent du côté de l'enfant , et je fis aussitôt l'ouverture du bas- ventre pour passer à celle de Putérus. Mais quelle fut ma surprise en voyant le derrière de Penfant se présenter à nud sans que j'eusse ouvert l'utérus ! La tête était restée comme enclavée sous l’arcade du pubis : le corps, obliquement posé sur les in- testins de la mère , occupait le côté droit du ventre , où il nageait dans un bain de sang. Il avait sous lui son arrière-faix , très-ample , et le cordon ombilical était fort long. (158) » L'enfant , lui-même très-volumineux , pesant plus de vingt livres, était sans vie, et livide en quelques parties. » La matrice était appuyée sur le côté gauche, en opposition avec le corps de l'enfant ; elle excé- dait en grosseur la plus forte tête humaine. Son corps et ses trompes étaient dans la plus parfaite intégrité, et l'épaisseur de ses parois de vingt à vingt-six lignes; toute sa substance était spongieuse. » À son union avec le vagin et postérieurement s je trouvai une large rupture par laquelle l'enfant et ses membranes avaient pu s'échapper. » Voilà mon observation dans toutes ses circons- tances , et , si je n’ayais à la communiquer qu’à des personnes instruites, je ne me permeltrais aucuue autre discussion ; mais elle a trouvé des incrédules, même parmi mes confrères , et c’est pour eux que j'écris les notes suivantes : » Les exemples de rupture de lPutérus ne sont pas rares, et ils en trouveront dans Corneille Solingen , Guillaume Fabrice , Henri Roonhusius , Francois Mauriceau , Corneille Stalpart, Philippe Salavouth, Thomas Bartholin , etc. , et , s'ils veulent s'épargner la peine de remonter aux sources , ils trouveront ces observations rassemblées dans le livre intitulé : Embryologia hysterico medica , de Martin Schereigius in-4° , pag. 242 et suivantes. » Je ne chercherai point à expliquer les diverses causes d'un accident aussi désastreux ; mais je ne dois par taire un fait qui me fut communiqué par le chirurgien présent à l'ouverture du cadayre ; c’est que la femme dont il est question avait eu, à la suite de sa septième couche ; un abcès con- sidérable à l'aine , qu’il avait été obligé d'ouvrir s et qui ayait été long-temps à se cicatriser. Ce long dort slot oi or ( 159) état suppuratoire aurait pu influer sur les parties du voisinage , altérer le vagin ou ses adhérences, ou Putérus, ou peut-être le tout ensemble , et con- courir ainsi à la rupture dont cette infortunée fut la victime. « Observation d’une Aiguille trouvée sous le crâne d’un enfant ägé de neuf ans; communiquée par M. TuiBAULT. » Un enfant de g ans menait dès le berceau Ja vie la plus languissante. Tous les ans, il éprouvait des maladies fort graves , et sur-tout de fréquentes hémorrhagies. Parvenu à cet âge, je tentai de ré- tablir par la diète blanche une santé aussi déla- brée : j'obtins d’abord quelques succès, Trois se- maines après , il fut pris de la fièvre ;. les symptômes en étaient assez légers, mais elle était accompagnée de frissons perpétuels. » Le quatrième jour de l’invasion, la fièvre aug- menta , l'enfant ne pouvait plus se soutenir ; il avait des frissons , et à chaque minute la joue gau- che était agitée de mouvements convulsifs, Versle dixième jour de la maladie , il perdit l'usage de la parole sans cesser de voir ni d'entendre. I fut saigné , son pouls se développa ; mais il fut pris de cette raideur convulsive appelée teranos. Il resta huit jours dans cet état. Je lui appliquai des vé- sicatoires ; douze heures après, il prononça quel- ques mots mal articulés, et il mourut. » J'en fis l'ouverture. N'ayant rien trouvé de par üculier dans la poitrine ni dans le bas-ventre , je passai à l'examen de la tête, 1748. (140) » La dure et pie-mère étaient fort tendues. Je les ouvris, et il en sortit environ huit onces de sérosité. En soulevant la faulx , je trouvai une aiguille qui passait à travers le sinus longitudinal supérieur , et pénétrait très-avant dans le bord supérieur et antérieur du lobe gauche du cerveau. Il y avait un grand pouce en tout sens de ce vis- cère detruit. à » l'aiguille , qui était au centre de cet espace, était rouillée , et, par cette raison, je ne la dé- barassai qu'avec peine de la dure-mère. » J'examinai la partie du crâne qui y répondait ; Ÿy trouvai un trou oblique pénétrant le coronal : ce trou, à l'extérieur , conservait la forme oblon- gue de la grosse extrémité de l'aiguille ; en dedans il était rond. » On a tout lieu de croire que cette ouverture s'était faite lorsque le crâne était encore mou, et qu'on se sera servi d’une aiguille au lieu d’une épiugle pour attacher le bonnet de l'enfant, et que Vaiguille n'ayant point de tête aura été introduite peu-à-peu par les propres mouvement de l'enfant. » Ce n’est pas la seule faute de cette espèce que l’on puisse citer. » Je tiens d’une personne de confiance qu’elle a vu un enfant nouveau né dont le bonnet était atta- ché au cuir chevelu par deux fortes épingles. Cet enfant est mort huit jours après. Je n'ose cepen- dant prononcer que sa mort soit la suite de ses piquûres; mais je sais qu’en naissant il était fort etvigoureux. » On apporta, vers le même-temps, chez M. Lecat, un enfant qui avait au-dessous de la nuque une &stule dans laquelle on sentait une pointe solide, li coulait de cette fistyle une lymphe trés-limpide, PL ; Crér) Mais il n'a pu déterminer de quelle nature était la pointe dont on vient de parler. Il n'a vu cet enfant qu'une fois, et présame que cet écoule- ment lui avait coûté la vie, » Ce qu'il y a, de surprenant dans notre obser+ vation, c'est que d'enfant qui en est le sujet ait pu vivre si long-temps avec une aiguille de 18 lignes de longueur dans des organes aussi précieux que le cerveau et ses membranes, sans qu’il ait existé aucun signe sensible dela lésion de ces mêmes parties. » Ne pourrait-on pas expliquer cette singularité ; 19 par l'extrême mollesse des parties dans un en- fant nouveau né ; 2° par le petit volume de l’aiguille et son introduction graduelle ; 30 par le peu de sensibilité de la substance corticale du cerveau. » Ne voit-on pas tous les jours des balles de mousquet et autres corps voyager insensiblement à travers nos parties, et faire quelquefois des trajets considérables sans produire en nous des lésions importantes, » Ces observations , au surplus, doivent redoubler l'attention des parents et des personnes auxquelles ils confient leurs enfants, à éloigner de ces tendres objets les aiguilles , les épingles même, et géné- ralement tous les corps pointus et solides qui peu- vent devenir, par la négligence ou par un hazard malheureux, la cause de lésions toujours fâcheuses , quand même elles ne sont pas mortelles. « Description d’une Maladie singulière qui subsiste depuis 5 ans ; par M. Lecar. » Une jeune fille de vingt-cinq ans, d’un embon- point passable, bien réglée, bien colorce, fut saisie, 1749 ,Ci42) au mois de fevrier, ....., d'un froid excessif, suivi d’une commotion fébrile ; presque au même moment, elle éprouva un mouvement semblable à celui d’une anguille , mouvement qui s'èst accru par degrés, au point de réagir aujourd'hui sur la main qui l'explore, comme ferait un fœtus de huit mois. » Si la pression est forte, le mouvement s'évanouit presque entièrement et west extrêmement sensible que lorsque la pression est légère. » Il y a eu des nausées, des vomissements. On a soupconné un état de grossesse ; mais la longue durée des accidents , la régularité des évacuations périodiques , et autres motifs, ont fait abandonner cette idée. » Un appétit insatiable, qui s'est joint aux symp- tômes énoncés, a fait soupçonner la présence des vers : tous les anthelmintiques ont été employés sans succès. » La malade , sans cesse tourmentée , ne prenant aucun repos, s'abandonvant au chagrin et aux larmes, n’a rien perdu de son embonpoint et de sa frai- cheur. ; » Elle est persuadée qu’elle à un animal dans: le corps, et qui suit assez la position qu’elle affecte !: si elle est debout, c’est vers le siége ; si ellé est couchée, c’est vers la colonne épinière ; si elle se repose sur un des côtés, c'est vers ce côté que le prétendu animal semble se porter de préférence ; mais, pour mettre mieux en défaut toutes les conjectures , souvent il semble se porter vers les points les plus opposés à-la-fois. » l'agitation des viscères semble tenir de la con vulsion , etles symptômes sont analogues à la nature des organes aliectés; de là les pincements , les dou- leurs d’entrailles , les suffocatious , etc. , etc: È | | L | --L] C145) » Tous les aliments ne sont pas également admis. Le lait, les fraits crus, les viandes solides aggravent les accidents ; les potages réussissent mieux. » Tous les temps ne sont pas indifférents : la malade est plus tourmentée dans Ja pleine que dans la nouvelle lune , quand la lune éclaire que lorsqu'elle quitte l'horison. » Dans le temps des règles , les douleurs sont aussi moins vives. . » Quant à la forme de l'abdomen, il est creux vers lombilic et plus saïllant vers les côtés, un peu tuméfié , mais nullement relevé ou dur comme celui d'une femme enceinte. » Le ventre est libre ainsi que les urines ; mais, quand la douleur se fait sentir à lhypogastre ; la région de la vessie est aplatie , et l'émission des urines impossible jusqu'à ce que la douleur soit sensiblement remontée. « Le mémoire dont nous présentons ici l'abrégé ne contenant rien de relatif à la terminaison de cette maladie singulière , et qui semble accroître Île nombre des bizarreries nerveuses , ne nous permet pas d’en tenter Pexplication. Il faut voir et bien voir pour se permettre d'adopter une opinion , et un examen bien réfléchi fait souvent évanouir des illusions dont la précipitation eût été la dupe, \ CRIMIE Sur les Dissolvants des Mixtes, M. de Fourmetot , auteur de ce mémoire, n’était pas chimiste de profession ; il cultivait les sciences vaturelles par goût , et s'occupait, pour son agrément, 1744: C148) d'expériences de chimie. Aussi ne donnons-nous pas ici un extrait de son mémoire comme pouvaut ajouter quelque chose à une science qui, depuis un demi-siècle , a fait des progrès si étonnants : qu’elle n’a presque rien de commun que le nom avec l’ancienne chimie, mais commeun témoignage de la révolution qui s’opérait alors dans les esprits , qui les dirigeait vers l'étude de la nature, et pré- parait les magnifiques découvertes que la chimie a faites depuis. Ilne sera pas inutile d'observer que l'importance des dissolvants avait spécialement frappé un amateur qui, confiné souvent à la campagne , faisait de l'étude de la chimie l'amusement de ses loisirs , et qu'au renouvellement de cette belle partie des sciences naturelles, le célèbre Guyton de Morveau en fit le fondement du Traité de Chimie qu’il com- muniqua alors au public. » La chimie, suivant M. de Fourmetot , est l’art d'analyser les mixtes et de les recomposer. Elle les analyse à laide des dissolyvants, qui portent également le nom de menstrues. L'application du feu durant un mois entier , pour donner à cer- taines dissolutions une plus grande perfection , fut le principe de cette dénomination. » La dissolution se distingue de la simple division ‘ en ce que, dans la dissolution , il y a combinaison entre le corps dissous et le dissolvant. » La dissolution philosophique serait celle qui parviendrait à isoler , sans les dénaturer , les divers principes dont un mixte se compose. » Dissoudre et coaguler , disent les anciens chimis- tes , sont le but de tous nos travaux. » Il est des dissolvants aqueux, spiritueux , salins , etc. n Les (1457 » Les corps se composent ou de particules homos gènes ou de parties hétérogènes, » La progression dé l’union des mixtes peut donuer lieu à de nombreuses élassifications. Le soufre , par exemple , qui emprunte de la terre un bitume et un esprit acide de l'air, lorsqu'il est üni au mercure , compose ce qu'on appele le cinna- bre... Cette phrase , toute hypothétique qu'elle est, Montre que la conversion du soufre eu acide avait exercé la sasacité des anciens. » Plus les molecules constiluantes d'un mixte sont simplés, plus leur cohérence est grande, plus aussi leur dissolution o:1 leur isolement est difficile. Pour expliquer la dissolution, on a supposé des poro- sitcs dans le corps à dissoudre, et, de la pat du menstrue ; des pointes , des crochets, des coins, etc. Mais qui ne voit que tous ces moyens n'opére- ront jamais que des divisions méchaniques ? On est donc obligé de recourir à des principes plus actifs , et on les trouve dans lPhomogénéité et la confor- mité des principes constitutifs des dissolyvants et des corps à dissoudre. » Mais cette convenance ne suffit pas encore ; il faut de plus que le dissolvant ait un degré de raré- faction suffisant , et je vous démontrerai , Messieurs , par des expériences directes , que l'huile de vitriol trop concentrée n'opère pas la même dissolution quelle opérera si, aû moyen d'une certaine quantité d'eau qu'on y ajoute, on lui procure un plus haut degré de raréfaction, » Mais cés conditions, tout essentielles qu’elles sont, ne sullisent pas encore. Il faut de plus qu'il se rencontre dans le dissolvant un excès et de parties, similaires qui Ini donneut des rapports avec celles du corps à dissoudre. À ce moyen, la propor- (146) ton anatique de la nature est dérangée, le corps dissous ne peut plus reprendre sa première forme. » En nous conformant à ces principes > NOUS pourrons, conciut M. de Fourmetot, opérer des dissolutions plus parfaites ; nous nous dégoüterons de ces analyses stériles et sèches des végétaux , qui nousoffrent par-tout pour résultat , de l’eau , de l'huile, une terre presque toujours DU à mais , au contraire , nous parviendrous à connaitre les dissolvants les plus convenables à chaque mixte et les plus propres à nous rendre sensibles leurs premiers éléments. « Essai pour corriger et.adoucir les vins qui ont de la verdeur ; par M. Descroizilles , apothicaire à Dieppe. Le procédé de l’auteur consiste à introduire dans chaque barrique du vin que l'on prétend adoucir , une livre de râpure de corne de cerf. On laisse le mélange durant six semaines , après lesquelles le vin se trouve infiniment plus potable. Moyen de rafratchir les liqueurs par l’addition des sels qu'on y fait dissoudre ;. par un Anonyme. Ce mémoire présente aux personnes qui aiment à boire frais dans l'été, un moyen de suppléer la glace qui pourrait leur manquer. L'auteur donne les doses convenables de sel ammoniac ou de nitre pour des quantités d’eau déterminées; et , joiguant l’économie à la libéralité, C147) enseigne à conserver le sel pour une opération nouvelle, par une évaporation et une crystallisauion bien dirigées. Il ne faut d’ailleurs chercher dans ce mémoire aucune théorie du refroidissement des liqueurs par la dissolution des sels. De la fermentation ( vineuse ) et des caractères qui . La distinguent de l’effervescence et de l’ébullition ; par M. Lepanois , apothicaire à Rouen. La première partie expose d'une manière lumi- neuse les procédés employés dans la fabrication de Ja bière , et le moyen de conduire avanta-= geusement le suc du raisin , des pommes, etc., de l’état de moût à l'état vineux. Quant à la théorie de cette belle opération , pouvait-on se flatter de la faire connaître quand on ignorait la nécessité de faire passer les graines céréales à l’état sucré pour en obtenir une liqueur vineuse, quand on ignorait jusqu’au nom de cette vapeur sauvage , suivant l'expression de Vanhel- mont, dont la formation et le dégagement sont des conditions essentielles de la fermentation, et qu’on ne soupçonnait pas même l'existence et la réac- tion de l'hydrogène sur une portion de Ja partie sucrée ? Nous ne suivrons pas plus particulièrement l'au- teur dans ses distinctions de l'ébullition et de l’effer- vescence ; il est reconnu aujourd’hui que l'une et l'autre ne sont que Île résultat du dégagement d'un fluide aériforme à travers un autre fluide , phénomène qui peut être accompagné ou non d’ une chaleur sensible. K 2 2744 (148) —_— = DÉPARTEMENT DES LETTRES. BELLES-LETTRES. Discours lu à la première séance de l’Académie ; par M. DE CipeviLe. » Enfin , Messieurs , notre ville, si renommée par son commerce avec tous les peuples de l'uni+ vers , va se faire connaitre par sa correspondance avec tous les arts. La capitale de la Normandie r’enviera plus à une de ses cités la gloire de posséder une Académie littéraire. Si la ville et le territoire de Caen sont illustrés par la naissance d’un nom- bre considérable de grands hommes ; si, depuis jong-temps, on y a élevé un temple aux muses sur le tombeau des Malherbe , des Ségrais , des Villedieu , nous en élevons un aujourd'hui sur des cendres aussi révérées, » Oui, Messieurs, sans emprunter de cette illus- tre rivale une splendeur que nous nous glorifions ce- pendant de partager avec elle , sans nous écarter des limites et des environs de Rouen , nous trouvons des ancêtres fameux et des noms célèbres à citer dans tous les genres. » Dans ces jours brillants où la France, illustrée par ses armes, prétendit à une supériorité pareille dans les sciences , elle jetta les fondements de l'Académie des Sciénces de Paris. À cetie époque , (149) le docte Ausout fut tiré de nos murs pour aider à commencer cet immense édifice. » Nous avions déjà contribué À la gloire littéraire de l'état, et cette enceinte retentissait encore des chants de la Pharsale française. » Un de nos poëtes, par les allusions fines de ses ballets avait fait les délices de la cour brillante de Louis XIV. » Née sur les bords de notre Océan, une nou- velle Sapho se faisait admirer par des romans où respirent la grandeur d’ame , l'amour et la vertu. » Un des premiers écrivains de ce siècle avait tiré de l'obscurité un village peu éloigné de nous, par l'histoire de la conjuration de Portugal, » C’est parmi nous que le réformateur , j'ai pres- que dit le créateur de la chimie en France , coneut le projet de ramener cette science sublime à des principes constants , et d’en faire un art nouveau qu'il enseigna à toute l'Europe. » Quelle foule de noms illustres n'aurions-nous pas à réclamer ! Turnèbe , Lepelletier , Bochard, Basnage , Saint-Amand , Charleyal , Brumoi , Chau- lieu , Poussin , Jouvenet , c'est dans nos murs ow dans leur voisinage que vous reçüûtes le jour # Et toi, l'honneur de la scène française , nouvel émule des Sophocle, toi qui sus bannir du théâtre l'enflure et la licence pour y faire régner la noblesse , le pathétique et la vertu ; toi qui dictas des règles qu'on ne crut possibles que par les exemples que tu donnas; immortel auteur du Cid , des Horaces de Cinna , de Rodogune , etc. , ton nom seu suffirait à l'illustration littéraire de ton pays! » Mais ces aïeux si respectables ont subi la loi commune : ils n'étaient immortels que dans leurs ouvrages , et il ne nous resterait que le souyenix K 3 B rébeuf, Benserade, Madem!ie de Scudéry L’abbé de Vertot, né à} Bennetot. Lémerye M. J'abbe Jurénel. Voir le vol, del” Hist, le l Acad. les Belles- eltres. ( 150 } honorable de leur gloire passée , si la nature , atten+ tive à perpétuer ses bienfaits, ne nous offrait des modèles vivants dans d’illustres compatriotes. » Elle a placé sur le Parnasse, et dans un rang distingué , le traducteur et le rival de Pope, lite- rateur aimable à l’Académie Française , érudit et piquant à celle des Inscriptions. » Héritier des talents d’un oncle justement estimé, M. Restout les fait revivre à l'Académie de Peinture. . » Mais pourrions-nous ne pas réclamer l'historien cé- ‘Jébre de l’Académie des Sciences , l’auteur ingénieux de la Pluralité des Mondes , cet homme que la nature sembla former dans un moment de complaisance, philosophe , poëte , littérateur, panégyriste égale- ment distingué, l'homme de tous les goûts , de tous les talents, de tous les temps, et, pour finir par un seul trait, le digne neveu des Corneille ? » C’est notre guide , Messieurs. Notre Académie est réglée sur ses conseils ; nous sommes des nourrissons qu’il couvre de ses ailes ; notre gloire doit étre de chercher à limiter. » Avec (ant de richesses sorties de notre propre fonds , notre patrie languissait dans l’indigence ; hotre or allait parer ailleurs les lyeces er les por- üques : il fallait apprendre à le façonner et à le mettre Ca œuvre. » Vous dûtes, Messieurs, vos premiers pas ; voLre premier élan vers la gloire, À votre penchant , à votre goût inné pour les sciences: Il vous rassembla , il y a plusieurs années, pour travailler à la culture des plantes, et pour des conférences instructives. » Mais qu'il y a loin de l'entreprise au sucoës ! Et quelle main affermira vos pas encore chance- lants? Celle du plus tendre et du plus généreux de vos concitoyens. M. l'abbé Legendre, né parmi (151) vous, dévoué dès son enfance à Ja piété et aux lettres , avait saivi dans la capitale un de vos illustres prélats, M. de Harlay nommé par le Roi pour en occuper le siége épiscopal. M. Legendre y mérita l'estime des gens de leures. Ses Anecdotes sur Les mœurs et les usages des Francais , ses Annales de notre Monarchie , ses Recherches sur la généa- logie de la Maison Royale, sa Vie du Cardinal d’Amboise , le placent au rang de nos écrivains les plus estimables. Il avait pressenti votre goût pour les lettres par la passion constante qu'il avait éprouvée pour elles, et , confus de ne voir dans sa ville natale aucun asyle consacré aux muses , il les dota dans le lieu même où elles prirent tant de soin de ses premières années , et Îles derniers traits de sa plume sont un monument éternel de tendresse et de générosité envers nous. » Il y ajouta un nouveau prix en confiant la dispensation de ses dons aux magistrats citoyens qui veillent avec autant de prudence que de zèle à la sûreté et à l’'ornemeut de la ville, et dont le bonheur est de vous confier l'exécution du plus- noble dessein. » Le digne magistrat qui tient la balance dans le plus auguste de vos tribunaux a puissamment secondé vos démarches. » Le magistrat qui justifie le choix de l'état dans les fonctions difficiles de conserver les intérêts du Roi en ménageant ceux du peuple, crut remplir ce double devoir en vous aidant de son autorité. » Le héros qui tient les rènes du gouvernement de cette province, sa compagne charmante et respec- table, qui joint à la dignité de son rang l'empire plus doux de la beauté , se déclarèrent vos protec- teurs ; la valeur eules grâces vous présentérent aux K 4 C 152) pieds du trône. Que de titres pour réussir i Le Roi signa vos lettres patentes , et cette main qui fait rte nos ennemis, érigea dans notre patrie une demeure paisible aux sciences , aux lettres et aux arts. » Encouragés par de si grands exemples, soute- nus par des protecteurs si puissants, comblés des faveurs de notre auguste Monarque , il semblait qu'il ne vous restàt plus que de vous en montrer dignes ; mais le legs de M. abbé Legendre restait embarrassé dans les liens d’un procès épineux , nos lettres patentes demeuraient confondues parmi une multitude d'ordres émanés de la suprême autorité. » Il fallait, presque au même moment, démasquer aux yeux des juges ces concurrents que le nom d'héritiers, tout usurpé qu’il était, rendait favorable, et dérober aux ministres un instant de cette atten- tion que sollicitaient des ambassadeurs. Comment même oser y prétendre ? » J'ai tout tenté pour vous, Messieurs ; obstacles , retardements , refus, j'ai tout surmonté four m'ac- quitter de la commission honorable de travailler à votre établissement : j'ai vu confirmer votre legs; voici vos lettres patentes, voilà mes travaux et mes succès. Si je m'arrête trop à les détailler’, par- donnez dans ce jour de votre triomphe à l’excès de ma joie, pardonnez à l'orgueil que je ressens de vous avoir été utile. Dans ce moment d'ivresse, je me compare à ces amants qui vantent plus qu'il ne doivent leurs services auprès de l'objet de leur tendresse , pour obtenir d’en être plus aimés. x Sur la Mythologie des anciens ; par M. l'abbé Gutriw: ” L'origine de la mythologie des anciens est une des questions les plus curieuses et en même-temps des plus difficiles de la littérature. » Nous sommes, dit M. l'abbé Guérin , à cet égard , comme un homme qui se trouverait au milieu des débris d’un vaste palais, Quand il serait certain d’en retrouver toutes les parties , ce serait toujours un prodigieux effort ou de les réunir ou dese faire à leur aspect une juste idée de l'édifice qu'its composaient. » Mais si un grand nombre de ces matériaux étaient perdus, la difficulté deviendrait beaucoup plus grande, et il serait possible que l’on fit de ce palais différents plans qui n'auraient pas plus de rapport entre eux qu’avec le dessin primitif : telle est notre situation lorsque nous voulons étu- dier lhistoire de ces temps reculés, Les livres originaux , composés par les égyptiens, les pères de la mythologie , sont perdus ; Pécriture hiéro- glyphique qui en retraçaït les mystères est devenue imintellisible pour nous, Nous n'avons de connaissance sur ces objets que par les grecs, nation remplie de vanité, qui, pour paraître n'avoir rien em- prunté des égyptiens , ont altéré le dépôt qu'ils en avaient reçu. « Dans une route si épineuse , et où souvent le flambeau de l'histoire s'éteint devant nous , il faut suppléer les preuves de fait par l'étude de la nature et des mœurs des peuples anciens , et c'est d’après ces principes que M, l'abbé Guérin a formé le lan de son travail. “IE distingue quatre sources de la mythologie : la 1744e : (154) philosophie, la politique , la poésie ; Ja superstition. » La première idée qui frappa les philosophes livrés à la considération du spectacle admirable de la nature , fut cette matière indefinie dans son étendue, une daus son essence , si variée dans ses formes , qui, sans pertes , sans destruction , se reproduit sans cesse dans des combinaisons nouvelles ; de là ces fameux axidmes : rien ne se fait de rien , et rien ne rentre dans le néant , la dissolution d’un corps est la re- production d’un autre. » Ce premier degré conduisit facilement à la re- connaissance intime d’un principe formateur qui animait tout dans l'univers et y entretenait l’har- monie. » C'était, selon eux , lame universelle du monde , sans laquelle la matière n’aurait eté qu’une masse informe , incapable d’aucune action. » » Ces deux principes , la matière et la vertu agissante , sont le fondement de la mythologie et d'un système religieux qui a long-temps gouverné les hommes. » Le peuple ne distingue pas toujours la matière. passive du principe agissant, mais, dans tous les. temps, il éxista des hommes privilégiés qui s’éle- vérent au-dessus des idées communes. Platon et Pythagore , imbus de ja science des sages de l'Inde. et de l'Egypte, avaient une idée positive dela Divinité. Les uns et les autres n’en divinisèrent pas moins, quoique par des motifs différents, toutes les parties. de l'univers. . » Les égyptiens d’abord n’eurent que deux divi- nités : Osiris, représentant l'esprit uuiversel , et Isis, le symbole de la matière. Ce système était trop vaste pour fixer l'esprit grossier du peuple. On associa à ces deux principes ce que la nature a de plus majestueux ; et bientôt le Soleil partagea. (,155 y les honneurs divins. Les philosophes , à la vérité, wy reconnaissaient que le trône, que le voile de la Divinité , in sacris Osiridis canticis , inr'ocant eum qui in solis occultatur ulnis ; mais le peuple adora le soleil. » Le culte d’Isis ne resta pas plus long-temps dans sa première simplicité. Son nom passa de la nature en général à la terre et à la lune : à la pre- mire , comme l'élément commun de tous les corps; à la deuxième , parce qu’on la supposait cou- courir à leur formation. » Les quatre principes de l’ancienne philosophie , le feu , l'air, l'eau et la terre , se partagèrent bientôt l’hommage des mortels , sous les noms de Jupiter, de Juvon , de Neptune et de Pluton. Enfin, on placa des Diviuités par-tout où lon re- connut l'influence de Pesprit universel. Les rivières eurent leurs nymphes , les forêts leurs dryades et leurs hamadryades , et le peuple grossier , con- fondant le symbole avec la matière, n'adressa ses vœux qu'à des êtres inanimés. » Orphée avait puisé cette doctrine chez les égypüens ; il la transporta chez les grecs , où elle fut de nouveau défigurée. » Le langage et l'écriture contribuèrent de leur côté à cette corruption. » Si le langage est naturel à l'homme, les lan- gues particulières ne sont que des institutions humaines et le fruit de l'éducation ; elles sont plus ou moins simples , suivant la force ou la ’expression figurée fut la source d’une infinité de méprises. La fiction, l'apologue et autres figures grammaticales sont le principe d'une foule d’erreurs. Le langage sym- bolique est entendu dans un temps et ne l’est pas faiblesse de l'imagination. L RU Ce Le (156) dans un autre, et c'est du fond de ce langage qu'est sortie une foule de dieux. » L'écriture n’a pas été moins féconde chez les égyptiens et chez les grecs. Les images de l’écri- ture hiéroglyphique furent personnifiées , et beau- coup, d'entre elles furent converties en Divinités. » La découverte du Mexique et nos voyages à la Chine nous ont appris que l'écriture primitive fat la peinture des objets. » Tels sont les principaux éléments que la phi- losophie employa pour former le système mytho- logique. La politique étaya cet édifice, et ajouta pour le consolider quelques! pièces de son inven- tion. Les prêtres avaient tout fondé sur la connais- sance de la nature, la politique bâtit particulière- ment sur celle du cœur humain. Le Tartare , Elysée , la métempsycose , l’apothéose des grands hommes furent les principaux dogmes de la poli- tique, L'espérance et la crainte sont les grands mobiles des actions des hommes, et l'intérêt de la vie présente, essentiellement bornée, n’était pas capable de contenir les passions et d’exciter à la vertu. » L'origine religieuse de la fabl edu Tartare et des Champs-Elysées tenait à une coutume sage établie chez les égyptiens. » Diodore de Sicile nous apprend , sans le dé- signer plus particulièrement , qu’en Egypte était un lieu consacré à la sépulture commune , et situé au-delà d’un lac nommé Acherusie (*). Le corps a —————— ——— (*) J’observe que le mot Æcherusie ne se trouve point dans. le X° chap, , mais simplement celui de marais TC AI4YNG- H se trouve , à la vérité, dans le XIIe chap. , qui Je place ( 1572) mort était apporté sur le bord du lac en présence de juges sévères. Ils s'informaient de la vie et des mœurs du défunt , et, s'il n'avait pas été fidèle aux lois , il était privé de la sépulture et jetté dans une espèce de voirie appellée Tartare, S'il avait mené une vie honnête, on cessait de le p'eu- rer, on faisait son éloge , et son corps était con fié à un batelier nommé Caron, qui le transportait à lElysce , lieu champétre , orné de plantations agréables. A l'entrée, était la figure d'un chien à trois têtes, nommé Cerbère. Il n’est pas difficile de reconnaitre ici l’origine du Tartare et de l'Elysée des grecs. » Pour la métempsycose , il faut distinguer celle des corps et celle des esprits La première est une vérité physique dont les exemples se mul- üplient sous nos yeux, La deuxième était de pure invention, mais elle avait un but moral, et Pythagore, qui la transporta en Italie, s’en servit pour con- duire les hommes à la vertu. » L'apothéose des grands hommes , pareillement inventée par la politique , dut tourner au profit de la société. Le désir de voir son nom révéré fut la source des actions les plus utiles et les plus brillantes. » La poésie, dans son institution, fut l'interprète de la religion et de la morale. Presque aussi an- cienne que la parole , elle fut consacrée d’abord auprès de Memphis. Alors ce serait du lac Moœris qu'il faudrait l'entendre, Zoir l'art, Æcherusie du Dictionnaire de læ Martinière. Pline parle du lac Acherusie, muis il le place dans l’Epire. (3:58 ) à la louange des dieux et des héros, et à trans- mettre à la postérité le souvenir des belles actions. » Mais peu-à-peu elle dégénéra de sa dignité première, et quand elle n'eut plus qu’à nous pein- dre des dieux sujets à toutes les faiblesses hu- maines , elle devint elle-même une école de superstition. ‘ » L'Egypte en général commerçait pen ; l’agrieul- ture et les arts fleurissaient chez elle , et elle avait peu à envier aux autres peuples, Mais toutes les pations y abordaient , attirées par sa haute réputa- tion de sagesse. Ce fut une source nouvelle de corruption pour la mythologie. Chaque étranger ; dépositaire de leurs lois et de leurs principes religieux , les interpréta , les commenta à sa ma- nière , et, les adaptant aux usages de son pays , les défigura souvent assez pour ne leur laisser aucune ressemblance avec les dogmes primitifs. » Le peuple, pour qui le merveilleux le plus extravagant l'emporte sur les vérités les plus subli- mes , s’accoutuma si bien à prendre à la lettre les fictions et les allégories des poetes, que lorsque , dans des temps postérieurs , Porphyre et son disciple Jämblique tentèrent de lui expliquer ces dogmes défigurés et de les rappeller à leur première sim- plicité , ils ne furent pas écoutés , et on regarda comme une nouveauté cette restauration de l'an- cienne philosophie. Le peuple s'en tint à ses idoles et à son culte licencieux, » Cependant, au milieu de cette perversion de l'esprit et du cœur, il resta encore quelques re- traites à la vérité, les lieux où s'étaient etablis les mystères de l'initiation. Les plus célébres en Egypte furent Thèbes et Memphis. Lieusis, Sa- mothrace et Lemnos furent renommés dans Îla 2 (159) Grèce. Le secret était l'ame de,ces mystères ; la but de l'initiation était la révélation de vérités que l'on cachait au peuple. » C’est ainsi que la mythologie, si simple dans son principe , se trouva défigurée. J'ai essayé d'expliquer les raisons qui la rendirent enfin si différente d'elle-même , et j'ai cru que je pouvais sans scrupule venger l'antiquité payenne des absur- dités et des indécences qui déshonorèrent sa phi- losophie, « Discours prononcé à l'ouverture de la première séance publique ; par M. de PRÉMaGNY. » Nous éprouvons tous le désir de nous ins- truire et de perfectionner nos connaissances utiles ou simplement agréables : les unes sont notre tutelle contre les besoins , les autres lamusement de nos loisirs ; toutes exigent de l'application, des recherches. » La nécessité du travail a été sagement imposée à l'homme dans le temps même de son état le plus parfait. Il est dans notre position actuelle rigoureusement indispensable. L'homme naît dans une indigence universelle, mais il naït laborieux, adroit , intelligent. L’'inégalité qui se trouve dans ses facultés et ses lumières n’est pas un obstacle à son bonheur : la correspondance, les secours mutuels , l'amitié même en sont la suite. » Celui qui n’a reçu en partage que la force du corps , travaille par nécessité et par habitude; äl subsiste , il vit heureux, en respectant celui qui ESS 5 ( 160 } l'occupe. Telle est la condition de la plus grandé partie des hommes. D’autres , en plus petit nom- bre, mieux partagés par la nature et par la for- tune , sentent le besoin et se trouvent dans la possibilité de perfectionner leurs facultés morales ; mais cette culture, quelque soit sa prééminence et sa noblesse , est le fruit du travail , et d’un travail opiniâtre. » Celui qui s’est ainsi rendu capable de con- cevoir et d’ordonner, est fait pour commander. C'est l'architecte habile qui, par la force de son génie , forme le plan d’un superbe édifice : ül distribue à chacun des ouvriers la portion de travail qu’il doit exécuter et qu'il exécute automatique: ment, sans s’'embarrasser ni de la place que son ouvrage occupera , ni de l’effet qu'il produira dans l'édifice; souvent méme insensible à sa beauté, et incapable de juger de sa perfection. » C'est ainsi que l’homme dont l'esprit est cul- tivé exerce l’homme simple et docile. » Si le talent n’est pas inné, s’il est la conquête du travail , il est rarement le prix d'un travail solitaire. L'esprit a besoin d’être dirigé , d'être réglé , d’être réprimé si son essor est trop rapide; de Îà la né- cessité de l'instruction et de la critique. L’instruction nous donne des principes éprouvés et noûs met devant les yeux des exemples utiles ; la critique est le frein salutaire qui nous empêche d’errer à l'aventure ei de franchir les limites de la raison; remède quelquefois amer; mais toujours avanta+ geux à l'homme qui à beaucoup de grandeur joint encore plus de faiblesse. » Quiconque communique au public les fruits de ses veilles, se soumet tacitement à: la censure que chacun a le droit d’exercer; mais les sociétés littéraires , étant en quelque manière un patri- moine (161) moine qui lui appartient ,; se trouvent ainsi plus immédiatement placées sous le regard pénétrant de ce juge, qu’elles ne peuvent décliner. » Si la critique est amicale, c’est un bienfait qui doit exciter la reconnaissance ; elle serait amère, qu’on ne pourrait encore la taxer d’injustice. Dès qu'on se présente à lui sous cette forme, ïl a le droit de se montrer exigeant ; c’est un créan- cier dont on ne peut éviter les poursuites, quelque volontaire que soit dans son principe la dette qu’on aurait contractée, » En nous présentant aujourd’hüi devant ce tribunal respectable , nous invoquons son indul- gence pour les premiers essais de notre Société naissante. » Vous ne serez peut-être pas indiflérents , Messieurs , au récit de la manière dont elle s’est formée. » L'émulation et l'amour de l'étude avaient réuni depuis plusieurs années un petit nombre de per- sonnes qui cherchaient à s'instruire en se confiant mutuellement leurs idées. Leur correspondance avec des savants servit à les guider dans leur marche. Déjà, dans le secret de leurs modestes assemblées , elles avaient essayé de se rendre utiles par des recherches, des observations , des expé- riences de plus d'un genre : 11 leur manquait pour prendre l'essor un plus grand nombre de collaborateurs et une forme régulière approuvée par l'autorité souveraine, » Nous avons obtenu ces bienfaits, qui méritent de notre part une éternelle reconnaissance, » Le projet en avait été conçu par un de nos concitoyens que distinguent à-la-fois son amour pour les lettres , les succès qu'il ayait obtenus , L ( 165 } et la fottüne qui en avait été le prix , fortuné qui semblait n'avoir passé dans ses mains que pour se répandre sur notre cité et y féconder les talents. » M. l'abbé Legendre fut ainsi notre fondateur: Elevé au sacerdoce par un prélat illustre qui avait cultivé ses talents et son goût pour Petude, le suivit à Paris quand il fut appellé au gou- vernement du premier siége épiscopal de la France. » Particulièrement attaché à l'église de Paris, il sut profiter des secours que trouvent dans cette capitale les hommes laborieux. Il s'’occupa de l'Histoire de France , rapprocha avec discernement ce qu'il y a de plus avéré chez les historiens les mieux accrédités , et forma ainsi une histoire com- plète depuis lorigine de la monarchie jusqu’à nos jours. » Il y joignit un ouvrage non moins intéressant ; l'Histoire des mœurs et des coutumes des français dans les différents âges de la même monarchie. Ces deux ouvrages lui méritèrent Pestime des savants et les bienfaits de la cour : il fut nommé par le Roi abbé de Clairfontaine. Sa Vie de M, de Harlay acquitta sa reconuaissanee, celle du Cardinal d’Amboise acquitta celle de ses concitoyens, » Nourrisson et favori des muses , il chercha à étendre leur empire ; son zèle sur ce point a été jusqu’à l'inquiétude, » En confiant l'exécution de ses dernières volon- tés, à ce sujet, et la dispensation de ses bienfaits aux magistrats de la cité, il a rendu une justice éclatante à leur zèle et à leur perspicacité. Combien nous nous estimerions heureux si nous pouvions justifier la même confiance qu’ils nous ont léguée ! ». Qu'ils partagent notre reconnaissance avec notre instituteur ! ( 165 ÿ » Et vous, savant modeste, qui avez si puis Sammeit secondé ces intentions généreuses , l'hom- Mage de tous les cœurs sensibles ira vous cher« cher malosré l’incognito dont vous aimez à vous couvrir. Votre secret serait trahi par votre zèle pour nos succès , s'il ne l'était déjà par notre juste reconnaissance. » Pourrions-nous , Messieurs, en finissant , ne pas observer avec vous le concours d'événements remarquables qui à signalé notre établissement. D'abord , il s'est formé sous les auspices de la Victoire (*) et tout nous présageait des jours sereins. Mais, quelles ont été nos alarmes (**) quand la mort , planant sur notre Monarque chéri ; nous menacait d'un deuil universel,..... Le ciel , qui Je rend à nos vœux , semble n’avoir eu pour objet que de nous faire goûter plus vivement le bonheur de vivre sous ses lois , et de lui montrer avec plus d'énergie toute l'ivresse de notre amour, Extrait d’un Discours sur l'utilité des Académies de province ; par M. DE CipeviLce. 3% On ne pourrait sans ingratitude contester aux Académies de Paris leur utilité. Nous devons à ces corps illustres notre célébrité dans tous les genres. L'Académie Française, par ses préceptes (*) Les lettres patentes sont datées du camp devant Lille, et, lors de la séance publique , la bataille de Fonienoi gagnée mettait le comble à la gloire de nos guerriers, (**) La maladie du Roi à Metz La 1745: C164) et par ses exemples, en lui conciliant l'harmonie ; la douceur et la clarté, a rendu la langue française la langue de toute l'Europe. » L'Académie des Inscriptions, par ses recher- ches pleines de sagacité et de goût, dévoile l’an- tiquité , épure lhistoire, conserve les monuments anciens , et en élève de nouveaux à la gloire des grands hommes. n L'Acadénie des Sciences, digne d’un si beau nom , invente , perfectionne , et se montre , dans ses décisions pleines de sagesse, l'interprète fidèle de la pature et l'organe de la vérité. » Mais, dira-t-on, ces grands corps de Jumrière ne suffisent-ils pas à la gloire de la France? Quel besoin pourrait-elle avoir des faibles secours des Académies de province ? Ne serait-il pas même à craindre que ces Sociétés ne détournassent de leurs trayaux habituels des citoyens destinés à des professions plus nécessaires ? » Ce qui concerne l'utilité de ces Sociétés sub- sidiairesa été müûrement discuté avant leur ins- titution , et nous pourrions nous dispenser de $oumettre à un nouvel examen les conceptions de Richelieu et de Colbert, étayées de la protec- tion de Louis-le-Grand et de son successeur auguste. » Mais nous répondrons par des faits à ces ob- jections spécieuses , et c’est la conduite même des Académies de Paris que nous opposerons à nos censeurs. » Les hommes habiles qui les composent connais- sent trop l'immense domaine des Lettres et des Arts, pour se flatter de suffire seuls à leur culture. Ce motif leur a fait chercher dans les provinces des collaborateurs pour tous les genres de travaux, C 165 Y et tels furent les principes de ces institutions litté- raires, On crut avec raison que les secours que l'on espérait de trouver chez des savants isolés , on les trouverait avec surabondance dans une grande réunion d'hommes studieux. » Quant à la crainte de distraire de professions utiles, ce n'est certainement pas pour les paisibles habitants des campagnes que cette sollicitude se fait sentir; ce n’est pas même pour les ouvriers et les artisans, qui forment la majorité de la popu- lation des grandes villes : ce ne serait au plus que pour les magistrats , les négociants et les hommes qui cultivent les arts libéraux. Mais, je vous le demande , premièrement , Messieurs, peut-on se livrer sans relâche à l'étude des lois et aux spé- culations commerciales , et envierez-vous au ma- gistrat , au négociant éclairé , à tout homme livré à la pratique des arts libéraux , le bonheur de se délasser d’occupations sérienres dans la douceur de la société et le commerce des muses ? Combien, d’ailleurs, de personnes sans état , ayant recu une éducation soignée , jouissant d'une honnête aisance , n'attendent que l'appel honorable que vous pourrez leur faire pour se consacrer en entier à la culture des beaux arts? Profitez de toute la latitude de leurs loisirs; profitez des amusements ingénieux des autres ; monirez à la jeunesse active, appla- nissez pour elle les avenues du temple de la gloire, et , loin de devenir un motif de distractions dan- gereuses , votre société relèvera l'éclat des pro= fessions utiles, mettra à profit des loisirs perdus, et deviendra pour vos enfants, sensibles au pouvoir: des bons exemples, un principe d'émaulation et un préservatif utile contre les orages des passions, » Il faut aux. qualités de l'esprit comme. aux L 5 ( 166 ) vertus du cœur des occasions pour se faire con: naître : Achille, déguisé, se décèle par sa prédi- lection pour les armes. Combien de génies étouffés, pour ainsi dire, dans leurs germes par le défaut de circonstances ? Le hazard en fournit rarement ; mais un établissement fixe pour les sciences et pour les arts, en présentant sans cesse des prix et des couronnes, l'estime publique et la consi- dération pour dédommagements du travail, invite les talents , les sollicite , les entraîne , et leur ofire continuellement les moyens de se produire et de s’agrandir, » Tous les genres de travaux , tous les genres de connaissances rentrent dans votre domaine , Messieurs : vos talents, aussi bien que vos titres, vous donnent le droit d'y prétendre ; mais vous penserez peut-être avec moi que c'est parüculè- rement au profit du pays que nous habitons que vous devez les faire servir. Ce qui est sous nos yeux et dans nos mains semble être placé par la pature pour en faire l’objet principal de notre attention , et nous serons plus chers à nos conci- toyens si nous leur indiquons dans leur propre fonds des sources de richesses et de prospérité. » Que de trésors cette belle province renferme, dans son sein ou étale à sa surface, et qui sont encore jignorés ; que de faits importants son his- toire laisse à éclaircir ; que de branches d'industrie à perfectionner ou à lui faire connaître ; que de procédés utiles à l'agriculture , à l'éducation des animaux domestiques , à l'amplificaion du com- merce il tombe à votre charge de lui révéler ! Plus vous la parcourrez , plus la carrière s’etendra sous vos pas. Par vos soins les sciences préteront aux lettres leur méthode et leur justesse , et, en (167) échange , les lettres rendront aux sciences cette pureté de langage, cette clarté de construction qui donne la plus grande valeur au style dogmatique. De l'assemblage de vos dissertations utiles sur tant d'objets que je ne fais qu’indiquer , se for- mera un jour un édifice majestueux , un corps complet d'histoire civile, physique et politique de cette province. Quel trésor abondant pour Pétat si les différentes parties de la France contribuaient pareillement à la richesse publique ! » Si je ne vous ai pas dissimulé , Messieurs , Pétendue de vos obligations, je ne dois pas non plus garder le silence sur les succès qui signalent votre entrée. dans la carrière. Un si grand nombre de mémoires intéressants a occupé nos séances particulières » qu’on ne s'est presque pas apperçu à notre séance publique que ce fussent les essais d’une première aunée. Vous aviez appellé à cette solemnité des hommes eapables de vous juger; leurs applaudissements ont passé notre attente. » Nous avons la consolation de voir que l'union et le zèle animent nos conférences , et qu'une cer- taine considération commence à nous entourer. Les talents se montrent avec sécurité, les sciences ont Vair moins étrangères dans la ville , on les cherche, on leur fait accueil ; c’est une des plus grandes preuves de leurs progrès. » Perfectionnons , Messieurs , les établissements utiles que nous avons déjà formés , et ajoutons-en de nouveaux s'il est possible. Justifions l'opinion favorable d'un gouvernement protecteur des talents; rendons-nous dignes de la munificence de notre illustre protecteur ; instruisons nos concitoyens, et méritons leur estime ; tàchons, enfin , que l’on xougisse de ne pas savoir , et encore plus de ne P ; Ë 4 1745. (1:68 ) pas vouloir apprendre , et ne désespérons pas de voir de grands hommes illustrer de nouveau notre patrie. «e Essai sur l’uniformité des opérations de la nature, contre le systéme d’Epicure ; par M. Gutrix. » L'ancienne école d’Epicure ne voulut jamais reconnaitre d'ordre dans l'univers. L'épicurisme moderne , pressé par l'évidence des faits , sembie reconraître un fonds de régularité ; mais il refuse d'en admettre et la durée et la constance. » Les atomes , disent-ils, ont un mouvement éternel, et leur concours fortuit doit avoir épuisé, dans cette éternité de combinaisons , toutes les combinaisons possibles, et le systême présent du monde est une de ces combinaisons. Le concours des atomes qui l'a formé se décomposera pour en former d’autres à l'infini ; le hazard en sera le créateur , comme il a été celui du système que nous admirons. » Mais cette succession éternelle de systèmes. variés est une hypothèse gratuite , et les monu- ments historiques les plus anciens nous montrent le monde sous la même forme sous laquelle nous le voyons aujourd'hui. L’astronomie ancienne n’a point de principes différents de ceux de la mo- derne ; les plantes et les animaux que nous voyons sont ceux des temps les plus reculés ; ils se repro- duisent régulièrement dans des temps marqués et par les mêmes voies, Les individus périssent, mais ils soutiennent la durée des espèces par leur re- production..,....u« € 169 ) M. Guérin parcourt dans son mémoire toute la nature. Il ÿ trouve à chaque pas des preuves de régularité , et d’une régularité constante ; il y trouve même quelques-uns des principes de cette régu- larité qui pourraient servir à la formation d’un corps de physique raisonnée. Il n'aurait point traité (ajoute-t-il } cette matière sil n'eût été persuadée que le mépris que lon fait de la physique systématique vient en partie de lopinion qu'il combat ; et véritablement si tout est l'effet du hazard , il est assez inutile de rechercher les raisons naturelles des choses ; la variété des combinaisons opérées par des mou- vements tumultueux et sans règle ne laisse ni cer- titude dans les principes ni aucun intérêt à en faire la recherche. Observations sur l'Ode et sur la Poésie lyrique ; par M. Aucer, curé de Tôtes. | » La poësie etla musique ont eu une commune origine , et il parait qu'elles ont été long-temps inséparables. Avant l'invention de l'écriture , on employa la poësie pour conserver le souvenir des événements importants. On lui associa la musique, la déclamation et la danse. Ces arts, réunis dans les fètes et dans les cérémonies publiques , faisaient entrer par tous les sens les faits qu'on voulait per- pétuer ,; et les gravaient dans la mémoire en caractères ineÎlacables, » Lorsqu'on eut fait la plus précieuse de toutes les découvertes , celles de donner aux pensées et aux paroles des hommes l'immortalité qui leur 1746. C170) a été refusée à eux-mêmes , la possibilité de s’ap- proprier ce trésor par des moyens plus faciles, rendit la poésie et la musique moins nécessaires ; et par cela même qu'elles devinrent d’un usage moins commun, elles ne furent plus cultivées que par des génies privilégiés qui les portèrent au plus haut degré de perfection. » Ces deux arts cependant restèrent encore long- temps unis. Les plus anciennes poésies que nous connaissious , les cantiques de Moyse, les pseaumes de David , les vers d'Orphée et d’Hésiode , ont tous été destinés à être chantés et accompagnés du son, des instruments. » On sait que l’Iliade même et l'Odyssée étaient chantés par leur auteur dans les principales villes de la Grèce. Les wagédies même de cette nation, essentiellement lyriques dans les chœurs, étaient assujetties aux lois de l'harmonie, et ressemblaïent. beaucoup plus à nos opéras qu'à nos tragédies françaises. ; » Il n’en est pas de méme des poësies des latins : celles de Virgile, d'Ovide, de Juvenal, l'Art Poëtique , les satyres, les épitres d'Horace ne pa- raissent pas avoir été composées pour être chantées. L'ode parait seule avoir fait exception. Elle possède, en effet , et au plus haut degré, tous les carac- tères d'un poème vraiment Jyrique : la chaleur , Ja pompe , la variété , la rapidité. Il y a aussi bien de l'apparence que l'ode est le plus ancien de tous les poëmes. Le désordre et l'enthousiasme qui la caractérisent sont le langage des grandes passions , et les grandes passions font devenir tous les hommes poëtes, sil est vrai que la différence de la poësie du langage ordinaire consiste moins dans une certaine mesure que dans la magnilicence des tours et l'énergie des expressions. Cigt) » La signification gramimaticale des mots cantique pseaume , ode , ne permet pas de douter que ces morceaux de poësie , dans le principe , aient été destinés à être chantés , et probablement accom- pagnés par des instruments de musique. Nos poëtes modernes sont les premiers qui aient fait des odes qui n'ont de lyrique que le nom. Cette dénomi- nation leur est restée comme celle de chant aux différents livres des poëmes épiques. » On a bien de la peine à se persuader que des chefs-d'œnvres qui flattent si délicieusement les oreilles , soient incompatibles avec la musique. » Malherbe , le créateur de l’ode et de la poésie française voyant,par les tentaiives inutiles de Ronsard et de ses prédécesseurs , que notre langue n'était pas susceptible de la mesure et de la quantité comme les langues anciennes , souvrit une route nouvelle, trouva une harmonie qui lui est propre et qui ne ressemble en rien à celle des langues anciennes. » Cette harmonie , qui consiste dans la distribu- tion des repos, la coupe et la situation des vers, le mélange des rimes , séduisit les oreilles françaises: les règles de l’art furent irrévocablement fixées , et il ne fut plus permis de s’en écarter. » Mais cette harmonie si sublime et si noble rendit l'ode française incompatible avec la musique. Quelle musique en effet pourrait marquer continuellement les mêmes intervalles, répéter les mêmes sons, faire sentir les mêmes repos et observer une constante uniformité, sans fatiguer par sa longue mouotonie. Une pareille musique ressembleraii beaucoup au chant uniforme de nos hymnes ou de nos vaudevilles, et par celà seul ne peindrait rien. Un pareil chant ne serait-i pas inférieur à la récitation des strophes faite pat yn homme de goût qui saurait donner à sa voix (172) les inflexions nécessaires, faire sentir la cadence des vers, l'harmonie des rimes, la distribution des intervalles et des repos? » C'est cette dernière loi qui distingue sur-tout nos strophes françaises des strophes anciennes. Celles-ci , comme les nôtres, étaient composées de vers de différentes mesures qui se correspondaient toujours régulièrement ; mais, dans les strophes françaises , les repos ne sont nullement arbitraires, et les anciens à cet égard jouissaient de la plus entière liberté. Le poëte pouvaic chez eux les distribuer à son gré dans toutes les parties de la strophe ; il pouvait même le transporter à la strophe suivante. On voit ainsi quelle latitude la poésie ancienne donnait au musicien , et de quelles entraves la nôtre ne cesse de l'embarrasser ; qu'il me soit permis de le prouver par un exemple. Je choisirai deux chefs-d’œuvres des deux plus grands poètes lyriques que Rome et la France aient produit , deux odes sur le même sujet , quoiqu’envisagé d’une manière à-peu-près inverse. Fortune , dont la main O Diva,gratum que regis Antium, couronne Præsens vel imo tollere de gradu Les forfaits les plus Mortale corpus , vel superbos inouis , Vertere funeribus triumphos ; Du faux éclat qui t’envi- Te pauper ambit sollicité prece q paup P ronne Ruris colonus ; Le dominam Serons - nous toujours æquoris , éblouis ?.. Quicunque Bithyn& lacessit Carpat hium pelagus carinä. Jusques à quand , trom- Te Dacus asper , Le profugi peuse idole , Scythæ, (175) D'un culte honteux et Urbesque, gentesque, et Latium frivole feroz , Honorerons - nous tes Regurnique matres barbarorum,et aütels ? Purpurei metuunt Lyranni, Verrons-nous toujours tes Znjurioso ne pede proruas caprices Stantem columnam ; new populus Consacrés par les sacrifices frequens Et par l’hommage des Ad arma cessantes , ad arma mortels ? Concitet , imperiumque fran- gate » On copierait toutes les stances françaises qu’on ÿ verrait une uniformité invariable dans les repos, » Mais quelle variété dans ceux de l'ode latine ! » Avec une obligationet une contrainte si gênante, dans nos stances françaises , il me parait morale- ment impossible que le musicien le plus habile puisse se montrer en même-temps si différent et si semblable à lui-même : et encore la mesure qué j'ai choisie est une de celles où la monotonie. est le moinssensible ; il en est où je la trouve si frappante que la prose me paraitrait moins indomptable. » Rousseau , le grand Rousseau , sentit si bien l'incompatibilité de ce poëme avec la musique qu'il introduisit , d’après les italiens, un genre particulier, destiné à être embelli de toutes les richesses de cet artadmirable. Dans cette espèce d'odes qu’on appelle cantates , il sactiGa au musicien la régularité de ses stances , et leur harmonie périodique ; les vers er sont diversement coupés ; suivant que le sens demande plus de lenteur ou plus de rapidité ; mais sous cette irrégularité apparente ce grand poëte cache un art d'autant plus admirable qu'il est déguisé sous les traits de la facilité. Ses cantates C174) sont presque toutes des chef-d'œuvres, sa poësie est un protée qui prend toutes les formes , par-tout ses vers ont le ton, la mesure , l'harmonie la plus propre aux divers objets qu’il veut peindre. » Cette affectation d'éviter tout ce qui ressemble à l’uniformité dans ses pièces destinées au chant , se remarque aussi dans ses cantiques. Ses poësies ont toutes le même caractère que ses cantates profanes. » Au surplus ;, je suis très-éloigné de vouloir restreindre l'empire de notre poësie lyrique ; je forme à ce sujet les mêmes vœux d’un auteur ingé- nieux , qui prétend avec raison que la cantate peut être aussi variée que l’ode régulière et s'exercer sur les mêmes sujets. Je connais un acte lyrique d'Annibal à Capoue traité avec toute la fierté de Corneille , et qui échaufferait le génie du plus habile compositeur. » Des principes que je viens d'établir , il résulie que le nom de poësie lyrique ne devrait être donné qu’à la poësie destinée à être mise en chant ; qu'il ne convient en aucune manière à l’ode française , dont la construction est peu propre à la musique ; que tout ce qui peut être peint par des sons est du ressort de la poësie lyrique , définition qui lui donnë une étendue infiniment plus vaste que celle qu’on lui avait donnée jusqu’à présent, puisqu'il est peu de genres dans la poésie récitative qui ne puisse avoir son correspondant dans la poësie lyrique, lorsqu'un génie heureux et créateur , poëte et mu- sicien , voudra s'ouvrir une route nouvelle, et étendre l'empire des arts (1759 De l'utilité des Machines propres à suppléer le travail des Hommes ; par M. DE LA BOURDONNAYE. » Les sciences né doivent point être l’objet d’une vaine curiosité ; c'est les rappeler à leûr vraie desti- nation que de les faire servir ou à éclairer la raison de l’homme, ou à satisfaire plus abondamment et plus facilement ses besoins légitimes. » Ces principes ne peuvent être contestés , mais leur application est susceptible de contradiction. Lorsqu'il est question d’un établissement nouveau et qui semble attenter à la routine commune , non-seulement on n’en présume pas les avantages ; mais on les contesté souvent, même aprés les avoir reconnus, tant la nouveauté qui, par-tout ailleurs a des charmes, semble les perdre entièrement dans cette circonstance. » Que de contradictions et d’obstables M: Colbert n'éprouva-t-il pas dans les premiers établissements qu'il fit de nos nombreuses manufactures. Il ne fallait pas moins que sa persévérance et son courage pour les surmonter. » Nous étonnerons-nous présentement des diffi- cultés qu'on fait éprouver à un homme souverai- nement estimable par ses connaissances dans les méchaniques et par l’utile emploi qu’il en fait pour le perfectionnement de nos fabriques ? » M. de Vaucanson , après avoir long-temps étudié à Lyon la fabrique des étofles de soie , a inventé et exécuté une machine à l’aide de laquelle un seul mouvement fait agir dix métiers qui fabriquent sans aucun autre secours chacun une pièce d’étoile unie. 1746e C1976) Îl ne désespère pas, au moyen des addiions néces- saires, de parvenir à leur faire fabriquer des étoftes brochées. » Les avantages de cette machine sont ceux qui vont être exposés : 1° les étoffes qu’elles fabriquent sont plus également frappées , plus unies, et consé- quemment de meilleure qualité ; 2° la machine en faconue une plus grande quantité dans un temps déterminé ; 5° une seule personne suffit à dix métiers, et seulement pour raccommoder les fils qui pourraient se casser dans les chaînes ; et comme deux hommes sont employés au service de chacun des métiers ordinaires , il y a, de ce seul côté, une économie de dix-neuf individus pour dix métiers. » Ces avantages eux-mêmes, et sur-tout le dernier, sont devenus la source de nombreuses objections, Tout le monde sait que ces brillantes manufactures font vivre à Lyon, x Tours, à Rouen et dans beau- ‘coup d’autres endroits un nombre prodigieux d’indi- vidus, ce quia porté le gouvernement à les fayo- riser dans tous les temps, à les soutenir et à les étendre. » Il ne doit pas ÿ avoir dans Lyon et aux environs, moins de 55 à 40,000 individus qui travaillent à la soie , et Qui, successivement , sont venus s'y établir. » Tous ces gens y trouvent un état et une vie assurée. Les femmes et les enfants s'emploient à la préparation de la soie, et les hommes en forment différents tissus. Plus la famille est nombreuse, plus elle gagne , et les différents travaux ayant une connexion nécessaire , les individus peuvent rester réunis, s’'instruire facilement à Ja profession de leurs pères , vivre avec plus d'économie , faire des béné- fices plus constants ; voici pour les particuliers. La cité, de son côté, en tire des avantages , la consom- mation (157) mation devient plus forte , le débit des denrées et des marchandises plus certain , le paiement des contributions plas facile, le crédit mieux consolidé , l'argent plus abondant , Plaisance plus générale. L'état est assuré de tirer des secours plus puissants d'un pays qui possède de telles ressources ; plus que tout autre , il est en etat de contribuer à ses besoins. » Supposons présentement l'adopuüon des machines; que ferez-vous d'abord d’un très-grand nombre de bras que vous rendez inutiles ? Prétendez-vous qu’à quarante et cinquante ans, des hommes qui n’ont que la routine dans l'exercice de leurs tra- vaux fassent l'apprentissage d'une nouvelle profes- sion ? Renverrez-vous à la culitre de nos champs, peut-être trop négligés, des ouvriers qui n’en connais- seut en rien les éléments , et dont la constitution est amollie par une vie plus douce ? N’avez-vous rien à craindre de leur oisiveté et de leur misère? Ne craignez-vous pas des émigrations nombreuses qui enrichiraient de nos pertes des états voisins , rivaux , et toujours attentifs à profiter de nos faux calculs ? » Je crois n'avoir déguisé en rien la force des objections de nos adversaires ; voyons présentemeut si elles ne sont pas plus spécieuses que solidés. Je répondrai d'abord en général que les objec- Uons proposées tombent indistinctement sur toutes les espèces de machines. N » On cultiva la terre ayec les bras avant que d'em- ployer les instruments aratoires : on transporta les fardeaux sur ses épaules avant que d'employer les charriots qui en faisaient la circulation : on écrivait , aux risques de les défigurer par la négligence ou l'impéritie des copistes , les maximes des philosophes, les découvertes des savants , les anecdotes :de'l'his- M (133) toire , leschef-d'œuvres des poëtes, avänt l’invert of de l'imprimerie , etc. Or , je le demande , où en serions-nous si la crainte de laisser des bras inutiles , ou de faire abandonner d'antiques professions , eût pu prévaloir contre les inventions du génie ? Nous p’aurions ni la charrue , ni nos charriots ; ni l'im- primerie , etc. , etc. ; nous nous traluerions servi- lement sur les traces de nos premiers pères , ec les ténèbres de lPignorance couvriraient l'Europe. » 2° On ne se persuadera pas , sans doute, que le passage à l'usage des machines soit l’aflaire d’un moment, ou qu’elles soient d’abord universellèement adoptées ; il faudrait connaitre bien peu la force de l'habitude ou l'empire des préjugés , pour se bercer d'une pareille chimère. Premiérement , on devrait se reposer sur la sagesse du Gouvernement, quant aux précautions nécessaires à preudre pour éviter toute espèce de secousse. En second lieu , il est un mobile universel au pouvoir duquel rien re résiste , et ce mobile est lintérét, Le commerce ne réclame déla part du Gouvernement que des moyens de communieation et une protection assurée Contre des aggressions hostiles ; on peut d’ailleurs s'en rapporter à lui sur les moyens d'exécution qui lui soient le plus profitables. » Si done il est de l’intérêt du commerce d'adopter les machines , illes adoptera ; je soutiens qu'il est de son intérêt de les adopter ,et j'ajoute qu’il ne peut les adopter que peu à peu. » Ne nous imaginons pas, Messieurs, que nous soyons la seule nation qui fabrique des étofles de ‘soie ; Angleterre et l'Italie dans notre voisinage nous disputent cette branche d'industrie. » Mais les étofles sont de deux espèces, les unies et les brochées, (179 } » Les étoffes unies se fabriquent dans une propor tiôn infiniment plus grande que les étoiles brochées ; et à l'égard des premières, les étrangers n'ont rien à nous envier pour la beauté et pour la bonté des tissus, » C'est uniquement à l'égard des étofles Lin que nous les laissons à de grandes distances pour la correction du dessin , l’assortiment des couleurs ; la variété inépuisable des formes. Ce sont là les sources de l'estime qu'on fait par-tout des étoiles de France , et de la possession où nous nous trouvons d’assujettir le reste de l'Europe à nos modes et à notre génie inventif. » Les connaissances des peuples policés sont arrivées à un point de perfection tel qu'une invention dans un pays ne puisse jamais être long-temps ignorée et imitée dans les pays limitrophes. » Si des métiers à fabriquer les étoiles s ’établissent aujourd’hui à Lyon, dans peu d’annéesil s'en établira de pareils en Italie et en Angleterre sur-tout où l’on connait l'avantage d'économiser les hommes. Qu'en résultera-t-il ? Que ce ne sera qu'à l’aide des métiers que nous pourrons soutenir la concurrente dans les grands marchés de l'Europe , relativement aux étofles unies, c’est-à-dire pour les trois-quarts et demi des étoffes de soie qui se fabriquent ; et je suppose d’ailleurs que nous ne cesserons pas de conserver notre superiorite relativement aux étolles broches, » Il est donc dé nécessité indispensable que nous adoptious les niétiers À fabriquer si nos voisins les adoptent ,; comme il est impossible qu'ils ne les adoptent pas si une fois nous les avons adoptés, » Quant à Ja manière dont ce passage s’ellectuerx rassurons-uous ; Messieurs ; suc la crainte qu'il M 2 ( 180 ) soit trop rapide. Ce qui s’est fait est Ja règle de ce qui se fera. » Lorsque Colbert fit venir d'Angleterre le pre- mier métier à fabriquer les bas, il lui coûta 24,000 livres, sans compter les frais de transport. Les pre- miers que l'on fit ensuite en France , à limitation de celui-ci ; coùtèrent , pendant plusieurs années , 12,000 livres ; ils tombèérent ensuite à six; enfin ; ce nest que de nos jours que le prix en a été réduit entre 1200 livres et Goo livres | suivant la perfection de l'ouvrage. » La grande cherté des premières machines à fa- briquer les étofles en rendra donc d’abord l'usage assez rare ; le défaut d'ouvriers accoutumés à s’en servir ajoutera encore à cette rareté. On ne verra d’abord qu'un très-petit nombre de chefs d’ateliers riches et zèlés, pour le progrès des arts , qui se dé- termineront à leur faire de pareils sacrifices , et ce ne sera que peu à peu et par degrés que l’exemple et l'intérêt sur-tout exciteront à les imiter. » La crainte de voir déserter nos ouvrierset porter dans d’autres pays leurs talents et leur industrie, p’est pas moins illusoire. Dans quelles circonstances avons-nous été témoins de pareilles émigrations ? Lorsque l'intolérance religieuse tyrannisait les cons- ciences et voulait régver sur l'opinion. C'était encore lorsque des droits onéreux venaient tarir dans la main des particuliers les sources de la prospérité publique. Mais ici tout est libre , tout est volon- taire ; l'étranger entretient chez Jui les mêmes fa- briques que nous entretenons , et nos ouvriers ÿ touveraient les mêmes difficultés qu’ils auraient eu l'intention d’éviter en France, » Nous n'avons donc rien à redouter des incon- vénients qu'on nous a présentés ayec tant de com- (181) plaisance : adopter de pareilles objections , c’est se créer des monstres pour les combattre. » On se prévaudrait vainement de l'autorité d’un auteur infiniment respectable par la pureté de sa morale et la solidité de ses principes d'éducation ; mais il est probable que M. l'abbé Duguet n'avait Jamais approfondi la matière dont il s’agit , et qu'il aurait eu besoin de prendre des leçons des anglais , sur l’atilité des machines et les ressources de l’in- dustrie. » Ce n'est pas aux vues superficielles et aux raisonnements specieux qu’il faut s’arréter dans une matière comme celle-ci. Plus l'examen des bons effets de la machine nouvellement inventée sera réflééhi, plus on la trouvera estimable de tous points, Tout bon citoyen doit désirer que l'usage en soit adopté , favorisé , protégé , et qu'on encourage l’auteur à continuer de consacrer à l'utilité publique des talents aussi supérieurs et aussi rares que les siens. « Est-il avantageux ou préjudiciable au bien de l'Etat que les Gens de la Campagne sachent lire et écrire ? par M. l'Abbé FERRISSE. | » Messieurs, le mémoire que j'ai l'honneur de vous communiquer, et pour lequel je réclame votre indulgence, doit son origine à une de ces conver- sations dont Ja morale et les arts ont souvent tiré de grands avantages. [ s'agissait des moyens les plus propres à faire fleurir l'agriculture , et cette question générale ameua la question particulière de l'instruction des gens de la campagne. Je prétendis, Ù M 3 1746, (182 ) contre l'opinion de quelques personnes qui compa- saient notre réunion, que, loin d'être nuisible , l'instruction était avantageuse aux plus simples habi- tants des champs, et qu’il était d'une bonne poli- tique de lenr procurer tons les moyens de s’instruire. » On peut considérer linstruction, que je réduis ici à la lecture et à l'écriture , on relativement à la morale ou relativement à la politique, La pre- mière considération n'est point ici de mon ressort ; mais il me serait facile de prouver que lorsque les désordres ne résultent pas d'une corruption pro- fonde qui brave les lois les plus saintes, ils sont le plus souvent le fruit de l’ignorance. » Quant à la politique, nous avons tous des PP à remplir envers l'état. N’'examinons, pour un mo- ment, que les charges les plus ordinaires et que l'équité veut que chacun exerce au besoin. En est- il une seule pour l'exercice de laquelle il wimporte. au citoyen de savoir au moins lire et écrire ? » Une des plus universelles est celle de collec- teur, et concevez-vous, Messieurs, qu’un homme privé du secours de l'instruction puisse s'en acquitter sans inconvénient, sans préjudice pour lui ou pour les autres? » La mort d’un père tendre et chéri laisse des pupilles malheureux sans appui ; la loi les confie à la vigilance d'un tuteur dont le degré de narenté per a l'élection pour l'ordinaire. Il faudrait que. des pupilles fussent bien malheureux pour n'avoir aucunes propriétés de la régie desquelles le tuteur. leur devra rendre compte, et comment retenir tous les détails d’une gestion qui pent s'étendre à vingt années , si par lécriture on n’en a constaté ni la nature ni les dates? La loi défend aux tuteurs de faire aucun acte sous des marques rustiques ; il ( 185) faudra par conséquent qu'il quitte la culture de ses champs ou un travail nécessaire à la subsistance de sa famille pour aller au loin requérir un. notaire, et cumuler ses pertes de celle d'un temps précieux et des frais indispensables. » Les hommes de la campagne se partagent en trois ordres : les cultivateurs , les artisans et les journaliers. Or, j'estime qu'il leur est utile à tous de savoir lire et écrire, et que cette instruction ne porte aucun préjudice général ou particulier. » Les laboureurs forment, sans contredit, le pre- mier ordre des habitants de la campagne ; leur pro- fession est la plus ancienne et la plus noble, et on ne peut raisounablement lui refuser la prééminence sur toutes les autres, » Croira-t-on que pour exércer un état aussi im-= portant il soit indifférent de savoir ou de ne pas savoir lire et écrire ? D'abord, ces connaissances sont nécessaires à un chef de maison pour la tenne régulière de ses propres aflaires; mais le cultivateur est presque nécessairement en compte courant avec ses domestiques, avec des ouvriers et des marchands de toute espèce. De quel travail chargez-vous sa mémoire si vous lui refusez d'écrire ses propres aflaires? Et, s'il est oblige de recourir à une main étrangère , vous compromeitez à chaque instant sa sécurité et son crédit, par la possibilité d'oublier un grand nombre d'articles et la nécessité d'associer un étranger au secret de ses aflaires. » Si la lecture était interdite au labonreur , à Fasage de qui aurait-on, dans tous les temps et chez tous les peuples, composé tant de livres sur l'agriculture? Les romains, avant que le luxe eüt corrompu leurs mœurs, préféraient ces ouvrages à tous les autres, et de tous ceux qui se trouyéreur M 4 (184) dans Carthage après la prise de cette ville, ils ne se réservérent que les ouvrages sur l'agriculture , composés par Magon, un de leurs plus grands ca- pitaines. Notre siècle voit éclore tous les jours une foule d’écrits sur la même matière. Pour qui seraient- ils composés si les cultivateurs étaient privés de la faculté de les lire? A qui importe-t-il de connaitre les améliorations introduites dans la méthode de cultiver , les corrections qu'auraient pu recevoir les instruments aratoires , les nouvelles productions dont on peutenrichir notre sol, des méthodes plus écono- miques, plus parfaites, pour diriger la fermentation et extraire de ces liqueurs des esprits d’un usage si étendu dans les arts et dans le commerce? Est-ce pour des citadins insouciants ou pour Je frivole amuse- ment des toilettes ? Ah ! défendez d'écrire sur cette matière si le laboureur n’en doit tirer aucun profit. 20 Les ouvriers qui habitent nos campagnes sont presque tous des ouvriers nécessaires, des maçons, des charpentiers, des couvreurs , des menuisiers , des charrons , etc. ; or, il n’en est aucun auquel il n'importe beaucoup de savoir lire. D'abord , il est essentiel qu'ils connaissent les principes de leur profession, et c’est dans les livres qu'on les trouve consignés. La science du trait, du toisé, est d'une pratique journalière, À qui d’ailleurs conferont-ils la rédaction de leurs devis, de leurs rapports , de leurs mémoires, de leurs quittances ? Ah! soyons de bonne foi, s’il fallait interdire la faculté de s'ins- truire à une partie de la société, ces hommes ncé- cessaires mériteraient qu'on fii en leur faveur une exception particulière, » Le journalier parait être celui auquel le talent de lire et d'écrire est le moins nécessaire. Mais , pour étre pauvre, est-il exempt de toutes les charges (185 ) publiques ou particulières qui pèsent. sur chaque citoyen? Lui iuterdirez-vous , parce qu’il est mal- heureux , les moyens d'améliorer son sort, de culti- ver des talents qu’il reçut de la nature en dédom- magement des richesses que la fortune lui a refusées ? Avez-vous oublié combien d'hommes célèbres dans les sciences et les arts ont eu une origine également obscure , et que c’est à ces premiers degrés de l’édu- cation qu’ils ont dû le bonheur d'illustrer les arts et d'éclairer le monde? » Mais il serait dangereux , dira-t-on, d'instruire les gens de la campagne, par la crainte de les dé- tourner de leurs utiles travaux , de les porter ainsi à venir habiter les villes au détriment des campagnes. La lecture pourrait devenir pour eux le mouf de satisfaire une vaine curiosité et de s’immiscer dans des spéculations abstraites et des discussions dange- reuses à la tranquillité de l’état. Ils pourraient, à laide de demi-connaissances , contracter un esprit de chicane incommode à leurs voisins, etc., etc. » Je réponds, en général, que si la crainte des abus était un titre de proscription, quelle institution utile pourrait long-temps subsister, çar de quoi wabuce-t-on pas? Faut-il proscrire le talent de la parole, dont on se sert avec tant de succès pour éclairer la raison, pour adoucir les mœurs, pour défendre les intérêts de la veuve et de l’orphelin, parce que témérairement il a pu être employé à la défense du déshonneur et du crime, à exciter des séditions , à provoquer à la révolte? Faut-il renon- cer à la milice, qui fait la sûreté intérieure et nous protège contre les attaques du dehors , parce qu’on peut faire des armes un usage criminel? Faut-il re- uoncer à l'usage des minéraux et des végétaux, que la nature créa dans sa sagesse, et qu’elle a multi« ( 186) fliés avec tant de profusion, parce qu'à eûté des substances saiutaires il existe des poisons? Non, Messieurs, il west personne de sensé qui voulüt se charger de la défeuse d'un tel paradoxe. » La distribution des hommes dans les différents ‘états de la vie est un des trats qui caractérisent le plus la sagesse de la Providence ; mais serait-il con- forme aux lois de son équité souveraine de les laisser toujours dans les mêmes états ? L'égalité absolue entre tous les hommes les rendrait tous également malheureux. 1] a fallu que les besoins du plus grand nombre les forçät à travailler pour recevoir un salaire nécessaire à leur subsistance ; il a fallu que l'habi- tude des jouissances fit écouler les trésors de l’opu- lence et les échangeât contre le travail d'hommes moins fortunés. Mais les acteurs de cette scène sont sujets à échanger leurs rôles; ils donnent et re- coivent tour-i-tour des lecons terribles de la patience et de la résignation avec laquelle on doit supporter la dépendance, et de l'humanité compatissante avec laquelle on doit tenir les premiers rangs. » Au reste, ne croyons pas, Messieurs, qu’il suffise de savoir lire et écrire pour s'élever et pour parvenir : le désir pourrait bien en avoir été donné. à la plupart des hommes; mais ce génie, cette capacité, qui sont les degrés essentiels de leur élé- vation, n’ont été accordés qu’à un très-petit nombre. H résulte de là qu’en leur accordant même les se- cours qui mènent à l'instruction , la plupart restent attachés à l’humble profession de leurs pères. » La crainte de voir la culture se détériorer en donnant aux habitants des campagnes les simples éléments des sciences , est démentie par l'expérience. £omparons l'état florissant de nos campagnes , où out le monde est instruit, et l’état malheureux de (187) quelques pays où le curé, dans un village , est souvent le seul qui sache lire et écrire, et nous nous rassurerons contre un fantôme dont on voudrait nous épouvanter, L’ingratitunde du sol, la paresse des habitants, le défaut de consommation et de dé- bouchés, voilà la cause véritable de la langueur de la culture et de la stérilité des campagnes. » Quant à la crainte de multiplier les chicanes et les procès , vous le savez, Messieurs, cet esprit funeste à la société vient ou d’un fonds d’'injustice ou d'un génie inquiet , absolument indépendants de quelques talents. Ah! ces funestes penchants me feraient désirer au contraire que tous les hommes fussent instruits ? si ke méchant seul avait cet avan- tage , il prévaudrait trop sûrement sur des hommes simples et dépourvus de tous moyens de défense. » L'exemple des peuples les plus sages nous fait un devoir d'instruire et d'éclairer les hommes et de leur communiquer au moins les connaissances nécessaires à tous les états, : » Les autorités d'Hérodote, de Diodore et autres auteurs anciens, donnent à connaître que chez les égyptiens le peuple savait lire. Le savant auteur des Mœurs des Israëlites énonce la même opinion au sujet des hébreux. Le peuple, sans doute, ne connaissait pas l'écriture des savants, dont les carac- Hérodot, : tères étaient réputés sacrés, mais seulement les lettres lib. à, n° populaires. 36, » Je terminerai ce mémoire par l'exposition des conseils que l'illustre archevêque de Cambrai met dans la bouche de Mentor. » Quelle détestable » maxime , dit cet éloquent écrivain , de ne croire » trouver sa sûreté que dans l'oppression des peuples! » Ne les point instruire, ne les point conduire à la » vertu, c'est les mettre dans l’aflreuse nécessité 7 Y, c. 40, Gédoyn,t.1 pas 126. 125 et (188) » ou de ne pouvoir jamais respirer librement ou de * secouer le joug de votre tyrannique domination. Il » faut faire garder inviolablement les lois de Minos » pour l'éducation des enfants. Il faut établir des » écoles publiques : c’est la mollesse et l'oisiveté qui » rendentles peuples insolents et rebelles. L'igno- » rance des choses utiles ne peut jamais procurer * aucun avantage. Plus on possède de moyensde s’ins- » truire, plus on est à portée de connaître l'étendue » de ses devoirs ; et plus on en connaît l'impor- tance , moins on est tenté de s’en écarter. « Du pouvoir de Jupiter sur les Parques ; par M. l'abbé BEyer', chanoine de l'église d’Utrecht. » Je me propose d'examiner quelle était la nature du pouvoir de Jupiter sur les Parques. Les Des- tinces, les Parques , le Destin , représentent ri- goureusement ici la même chose , quoique l’on mignore pas qu’en rigueur les Parques ne faisaient qu’exécuter les résolutions des Destinées. » Le savant traducteur de Pausanias, M. l'abbé Gédoyn , donnerait lieu de penser que la théologie payenne aurait varié à ce sujet. Il prouve par le passage suivant que , du temps de Pausanias, elles devaient obéir an maître des Dieux. » Cet » auteur, nous dit-il, fait la description d'une statue » de Jupiter olympien ayant le visage d’or et » ivoire , le corps de plâtre et de terre: cuite. » Sur Ja tête du Dieu sont les Heures et les Par- ” ques, pour signifier que les Destinées obéissent » à Jupiter, et que les saisons et les temps dé- » pendent de sa volonté suprême. « Sur quoi , C159) M. Gédoyn fait la remarque suivante ! » la théolo- » gie payenne, du temps de Pausanias, n'était pas » la même que du temps d’Homère , chez lequel » on voit toujours Jupiter assujetti aux Destinées. « » Ayant que de montrer les modifications dont cette assertion est susceptible , je ferai observer qu’en un autre endroit le même Pausanias parle d’un autel sur lequel on lisait cette inscription : Au conducteur des Parques (*). » Onne peut douter, » ajoute-t-il, que ce ne soit un surnom de Jupiter; » puisque lui seul commande aux Parques. « Est- il d’ailleurs bien exact de dire qu'Homère soit opposé sur ce fait au sentiment de Pausanias ? C’est ce que nous allons bientôt examiner. » M, l'abbé Bannier, dans sa Dissertation sur les Parques , n’a pas peu contribué à embrouiller cette matière. Il rapporte le sentiment de Fulgence , qui assure que les Parques servaient sous les ordres de Pluton ; et ailleurs il dit: » que les Parques » servaient sous les ordres du Destin, qui commande » à Jupiter méme ; que c’est pour cela qu’on le » réprésente avec une Parque sur la tête, pour » marquer , suivant ün yers du poëte Æschyle , » qu'il cite, que ce Dieu était sous leur empire. «& » Je me défie de ces assertions avec d'autant plus de raison què M. l'abbé ne cite ni le lieu de Pausanias ni celui d'Æschyle dont il emprunté les témoignages, et que je ne vois rien dans les Eliaques qui cadre avec ce qu'il dit; encore moins dans Æschyle. Mais voici un passage des Tableaux de Philostrate , traduction de Blaise de Vigenère, qui peut-être jettera quelque jour sur cette con- (*) Eliaques. Acad. des Inser.,t. 7: (180 ) troverse. Cet auteur dit » que Pausanias a écrit ét » ses Eliaques qu’à Olympie.... il y avait un autel » dédié à Jupiter Mæragetès, c’est-à-dire, conducteur » des Parques....,et, ès Phocaïques, il dit que dans » le temple d'Apollon , à Delphes , il y avait deux » statues de Parques tant seulement ; Jupiter Mæra- » getès faisait la troisième ; et Apollon, qui est aussi » conducteur d’icelles....« Il] cite ensuite un vers d'Æschyle qui rend Jupiter soumis aux Parques, etc. ; d’où il résulte , 1° que le temple de la Grèce décrit par Vigenère d’après Philostrate est le même que celui de Pausanias; 2° que le vers qu'il cite est le même que cite M. l'abbé Bannier , et que ce vers, qui ne met qu’une Parque sur la tête de Jupiter ;, est l’origine dé lPopinion que Jupitér est soumis au pouvoir des Parques ; mais il ne fallait pas confondre le sentiment de Pausanias avec celui d’'Æschyle ; 3° que M. l'abbé Gédoyndit avec grande raison que, du temps de Pausanias , la théologie payenne croyait que les Parques étaient soumises au pouvoir de Jupiter. Mais est-il pareillement cer- tain que, du temps d'Homère, l’opiuion avait bien changé et que Jupiter était lui-même soumis au Destin ? » Je vais tenter de prouver que , de l’'ayeu même d'Homère , Jupiter demeure toujours le maitre absolu des Destinées. ÿ Je considère cette doctrine sous deux rapports : 1° en tant qu'elle regarde Jupiter en particulier ; 2° en tant qu'elle se rapporte spécialement aux hommes. » Sous ce dernier rapport , il y a une distinction essentielle à faire , et madame Dacier va nous la rendre sensible, » Partout, dit-elle, on voit dans » Homère qu'il avait connu la double destinée des Ci91) homtmés.:.. Il y a deux chemins por tous lés hommes : s'ils prennent celui-là , ils leur arrivera telle chose ; s'ils prennent celui-ci, leur sort serä » différent. « » Je n’en offrirai que deux exemples. Le premier est tiré du X[° liv. de l'Iliade. Il y est dit que les deux fils de Mérops ; entraiués par leurs destinées qui les appellait à la mort, avaient méprisé les défenses de leur père , excelient dévin , et s'étaient dérobés de sa maison pour aller au siége de Troye, » Écoutons madame Dacier : » Mais, dira-t-on ’ » les enfants de Mérops, qui étaient entrainés par » les destinées, pouvaient-ils leurs résister? C’est mal »# entendre la doctrine d'Homère , qui reconnait et # établit une double destinée pour les hommes, Les » fils de Mérops, en obéissant à leur père; se » procuraiënt une longue vie , et en lui déso- » béissant , ils se précipitaient à la mort, « L'autre exemple est tiré du {Xe liv. de l'iliade. Achille y parle en ces termés aux envoyés des grecs qui venaient le prier de revenir au camp : » La déesse Thétis, ma mère , m'a souvent dit » que les Destinées iMm'avaient ouvért deux chemins # bien diflérents pour arriver à la mort; que si je » m'opinidtrais à demeurer ici pour combattre devant » Troye ; toute espérance de retour était perdue # pour moi ; mais, qu'en revanche, j'acquerrais une - _ ES - # gloire immortelle ; au lieu que si je prenais la ré- » solution de m'en retourner dans ma patrie , il n'ÿ ñ avait plas pour moi de gloire immortelle , mais » aussi que je jouirais d’une longue vie , et que la » mort ne viendrait trancher mes jours qu'au bout » d'une très-longue et paisible carrière. Pour moi, » non-seulement je choisis le dernier parti, mais je » conseille à tous les grecs de suivre mou exeuw- n ple....« Cr92) » 20 En éonsidérant la méme doctrine relativemerit à Jupiter , il sera facile de se persuader que les Destinées lui obéissent, Je ne puis mieux le fairè sentir qu’en rapportant le discours que tient Jupiter à Junon , au XVI° liv. de l'Iliade , au sujet du danger où se trouvait Sarpédon : » Quelle douleur » pour moi, lui dit le maître des dieux et des » hommes, de voir que la cruelle Destinée ait » condamné Sarpédon , le plus cher de mes enfants, » à mourir par les mains de Patroclée! Mon cœur » combattu ne sait à quoi se déterminer. Dois-je » lParracher au danger qui le menace dans cet affreux » combat et le transporter tout d'un coup en Lyciè » au milieu de ses peuples , où l’immolerai-je pat » les mains de ses ennemis? « Junon , effrayée de ce doute, employa tout les moyens pour émpécher Jupiter d'arracher des bras de la mort un mortel que les Destinées avaient condamné et conduit à sa dernière heure. » Sauvez Sarpédon , lui dit-elle , » mais aucuns dés dieux de l'Olÿmpe n’approuvera » cette tendresse hors de saison , « etc: Suivant Martianus-Capella , Junon obtint souvent de Jupiter des faveurs contraires aux décrets des Parques. Pour cette fois il ÿ céda, tout en montrant qu'il était le maître d’agir autrement. Homère na donc pas, sur cet objet, un sentiment différent de celui de Pausanias. La conclusion de madame Dacier est parfaitement analogue à ce que j'énonce : » Homère a donc connu, dit-elle , cette vérité , » que Dieu est lé maître des Destins , et peut les » changer comme il lui plait. « Véritablement , Jupiter est représenté par Homère comme le maître du Destin ; s’il y cède, c’est par condescendance , et il y cède souvent et presque toujours à ses dépens. C'est-là, je crois ; le juste fondement de (193 ) de la raillerie de Lucien dans son Jupiter confonda. Au surplus, le pouvoir du Destin n’est ni absolu ni immuable : Hercule prit et saccagea Troye no- nobstant le Palladium qui devait la rendre im- prenable. » Il n’est pas aisé de se tirer de ces mensonges où lon surprend le Destin, et il fallait que le systéme de la fatalité fût bien enraciné pour ré- sister à une foule d'événements qui se pressaient pour le détruire. » Bien des siècles après Homère , Sénèque re- connaissait cette autorité absolue du Destin. Tout ce qu'il peut faire pour conserver à Jupiter la suprématie universelle , est de lui confier la rédac- tion des arrêts © :stin: » Îpse quidem ( Jupiter } » omnium Conditor ac\rector scripsit quidem fata , » sed sequitur ; semper paret simul jussit. « Et ailleurs il ne distingue pas le Destin de Jupiter lui-méme : » Hunc , Jovem , eumdemque et fatum si dixeris » non mentieris. « » Si je voulais exposer les raisonnements divers qui se faisaient sur les Destinées , je trouverais là matière d'une longue dissertation ; mais il faut savoir se borner et se renfermer dans les limites qu’on ee prescrites. Mon intention était de prouver l'opinion qu'avaient les anciens du pouvoir sou- véerain de Jupiter ; et de venger Homère d'une inculpation que je crois qu’ il ne mérite pas. J'ai produit mes preuves, et je laisse aux personnes éclairées qui voudront bien les peser, le soin de les apprécier à leur juste valeur, à De Provi- dents, Ci: De Benef, j € XII: 3746. ( 194) Discours prononcé à la rentrée de l’ Académie , à la Saint-Martin ; par M. pe Cipevizte. » Messieurs , vous me faites l'honneur de me placer à votre tête, mais il faudrait pour le mériter que le chef fût digne de ses membres. Ce poste est aussi difficile qu’il est élevé , et je sens, quand j'ai à vous en remercier, que je donne lieu à un parallèle qui sera toujours à mon désavantage. Je l’occupe , ce poste, après un maägistrat aussi re- commandable par l'étendue de ses connaissances que par l'intégrité et la douceur de ses jugements. Il réunit dans sa personne les qualités d'homme d'état et d'académicien, Capable des détails les plus multipliés sans en être accablé , après s'être prêté sans réserve à la pitié et à la bienfaisance , il se rend tout entier à la société et à l'étude , et porte par-tout son esprit, son cœur , son enjouement , sa solidité.... Nos recueils seront parés de ses ouvra- ges, et chaque page de nos registres fait mention de ses bienfaits. ... Voilà quel est monillustre prédé- cesseur ; je ne puis lui être comparé que par mon zèle, Ce zèle, Messieurs , m’a tenu lieu de mérite auprès de vous ; il me devient bien cher, puisque vous daignez vous en contenter; il est juste qu'il soit sans bornes, comme l’a été pour moi votre bonté. » Plein de ces sentiments d'’attachement que je vous ai voués , Messieurs , et avec la confiance que donne l'intention la plus pure, je viens vous pro- poser des moyens de vous distinguer en vous rendant utiles; c’est mériter votre attention et presque m'acquitter de ce que je vous dois. C195) » Deux ans sont à peine écoulés depuis votre étas blissément , et déja vous vous êtes fait connaître avec avantage, ... Le Roi avait fondé pour vous une école d'anatomie , vous avez fondé une école de bota- nique. Votre ville presque la seule dans toutes nos provinces, partage avec la capitale, par votre libé- ralité et par vos soins, l'honneur de l’établissement d'une école gratuite de dessin ; et, quand on vous croyait encore dans la nécessité de vous instruire des termes et de la définition des sciences, vous êtes en état de leur fournir à presque toutes des professeurs. Au dehors de ces murs, vous ouvrez un champ vaste à tout genre de littérature, par les prix que vous annoncez, et votre première couronne de laurier s’est mélée aux fleurs qui paraient la tête d'une de vos aimables concitoyennes. Précieuse con- formité avec l'Académie française qui adjugea son premier prix à la Sapho de son siècle.... » C'est un usage recu dans toutes les sociétés littéraires , de payer au public le tribut que nous lui devons de nos travaux, et de mériter ainsi son estime ; le moment approche de nous acquitter envers lui. Vous avez un assez grand nombre de mémoires pour en former plusieurs volumes ; dis- posez-vous au moins à lui offrir incessamment le premier, Que chaque auteur s’empresse de rapporter les ouvrages qu’il nous a lus dans nos assemblées particulières, et qu’éclairé de nouveau par une criti- que amicale et sévère, il s’occupe de les corriger s de les polir et de les rendre plus dignes de l'atten- tion de ce public judicieux que vous avez accou- tumé à ne rien croire au-dessus de votre courage et de vos forces. « N a MIE de Scudery , du Havre, h746. C196 ) Doutes sûr les Écrits des anciens Philosophes ; par M. Beyer. »Quelqu'effort qu’aient pu faire certains esprits superfciels pour décrier les ouvrages des anciens ; Ja vénérable antiquité s’est toujours maintenue contré leurs vaines clameurs, et il n’a fallu que les écrits de ces anciens philosophes pour faire voir que les modernes qui avaient imaginé de les proscrire, où ne les entendaient pas, ou ne les avaient lus qu'avec des préjugés plus dangereux que l'ignorance. Si donc j'ai quelques doutes , ils ne tombent nulle- ment sur le mérite de leurs maximes , mais uni- quement sur la légitimité des ouvrages qu’on leur attribue. »En admirant les écrits qui ont paru sous le nom de Platon et de Socraté , est-il bien vrai que ce soit leurs écrits que j'admire ? »Nous n'avons que deux manières de connaître les sentiments de ces anciens philosophes , leurs propres écrits où la trädition ; mais cette dernièré source est-elle bien pure ? » Beaucoup d’anciens philosophes n’ont pas écrit, ou leurs ouvrages ne sont point parvenus jusqu’à nous. Il ne nous est rien demeuré des livres de Solon , de Thalès , d’Anaxagore , de Protagore , de Gorgias, de Zenon, de Cléante, d’Antisthène ; rien des 705 volumes que Chrysippe avait composés. Quand on considère , d’un autre côté , que la plu- part des ouvrages des anciens , qui sont parvenus jusqu'à nous, ont été publiés par leurs disciples , on est tenté de penser » que les philosophes n’en (197) » ont usé avec tant de précaution que parce qu'ils » avaient allaire à des hommes entétés de leurs » fausses divinités , à des esprits indociles, à des » libertins ennemis de la vérité et de la philoso- » phie..... Ajoutez que le commun des hommes est » maitre des livres; c’est le vulgaire qui en juge. On » ne conserve et on ne reçoit que ce que l’on goûte » et que l'on estime ; de sorte que l'intérêt de ceux » qui les lisent en fait ordinairement la destinée , » et, comme la multitude penche souvent du côté » des préjugés et de la superstition , il arrive que » les meilleures choses s’anéantissent..... Bien loin » de solliciter les habiles gens à travailler pour » l'avancement des sciences , on les persécute , on » les contraint, et lorsque , malgré notre ingrati- » tude , ils se donnent la peine de nous commu » niquer les fruits de leurs meditations , nous tà- » chons de faire avorter: leurs meilleurs dessins , » tant il est vrai que l’ombre méme de la vérité » est odieuse à la plupart des hommes. Faut-il donc » s'étonner que les plus illustres des anciens aient » écrit si peu de choses, et doit-on trouver étrange » que la plupart de leurs ouvrages nous aient été » donnés par leurs disciples ? « ( Foir Aulugelle , Liv. 14, chap. 5, et la Vie de Socrate , par Char- pentier , page 36. ) » Quoiqu'il en soit, nous ne connaissons les opi- nions et les sentiments d’un grand nombre de philo- sophes que par la tradition qui n’est uniquement foudée que sur la bonne foi et les lumières de leurs disciples..... Quant à la bonne foi, j'ai grand peur que plusieurs d’entr'eux n'aient suivi l'exemple de Platon à qui on a reproché , et non sans cause » d'avoir prêté à Socrate des choses auxquelles ce philosophe n'avait jamais pensé..... LA N 3 Foucher À Recherches de La véri- té , GC. Ve Descartes , Discours sur la me- thode, (198) » Quant aux lumières , écoutons parler un philo. sophe dont on ne soupconne pas la véracité, » Bien » Que j'aie souvent expliqué quelques-unes de mes » opinions à des personnes de très-bon esprit , et » qui, pendant que je leur parlais , semblaient les » entendre fort distinctement ; toutefois lorsqu'ils » les ont redites , j'ai remarqué qu’ils les ont » changées presque toujours, en telle sorte que je » ue pouvais plus les avouer pour miennes. « » Mais enfin les écrits même des philosophes , dans les choses qui regardent le fonds de leur systéme , ne seraient-ils pas aussi sujets à caution ? Car , sans parler ici de la manière dont ces écrits nous ont été transmis , des aventures diverses qui leur sont arrivées, soit par le malheur des temps , soit par la fourberie des hommes , ne serait-on pas bien simple de s’imaginer que les philosophes anciens aient cru quantité de choses dont il semble même qu'ils ne se mettaient guères en peine de persuader leurs lecteurs ou plutôt leurs disciples? Déjà ils affectaient de se rendre obscurs par un style dont chacun deux se réservait l'usage ; de sorte qu’ils écrivaient plutôt pour se faire estimer que pour se faire entendre (*). » Je ne me persuade pas aisément, dit fort bien » Montagne, Essais, liv.2, chap. 12, qu'Épicure, » Platon et Pithagoras nous aient donné , pour » argent comptant, leurs atomes, leurs idées et leurs » nombres. Ils étaient trop sages pour établir leurs » articles de foi de chose si incertaine et si dé- » battable. Mais en cette obscurité et ignorance » du monde , chacun de ces grands personnages » s'est, travaillé d'apporter une telle qu’elle image Mind LL as ER in Ce. LA. 2e sait mL #2. (° Voir la Vie d'Æpollonius de Thyane, tome 1 , page 44e ( 199 ) » de lumière et ont promené leur ame à des inven- » tions qui eussent au moins uve plaisante et sub- » tile apparence , pourvu que toute fausse elle » se pût maintenir contre les oppositions contraires. » Unicuique ista pro ingenio finguntur , non €x » Scienti®æ vi. « » C'est peut-être en ce sens qu’il faut entendre le reproche fait aux philosophes dans un ouvrage de Cicéron , savoir qu’il n'y a rien de si impertinent, de si absurde que quelqu'un d’entr'eux n'ait osé dire. » Le grand dictateur Aristote , dit Lamothe- » Levayer , s'est rendu maïtre de l’école à l'Outo- » marne , en ayant chassé autant qu’il a pu ses com- » pétiteurs, n’a jamais expliqué nettement ni fidè- » lement ce qu'il pensait de la nature. ‘Ses inter- » prètes grecs l'ont nommé pour cela une sphynge » qui ne proposait , non plus que la Thébaine , que » des énigmes indissolubles , et Thémistias, l’un » des plus estimés d’entrreux , témoigne que ce » prince des Péripathétiques enseignait toute autre » chose en particulier à ses amis que ce que » contiennent ses livres époptiques ou anomatiques , » d’où c’est folie de penser qu'on puisse recueillir » ses véritables sentiments. « » Quoiqu'il en soit, pour se faire une idée un peu juste des écrits des anciens , il suflit de les envi- sager comme l’a fait le savant chanoine de Dijon. » Lorsqu'on dit que les anciens n'ont pas connu la » vérité, on se fonde sur ce que , s'ils l'avaient » reconnue, on la trouverait dans leurs livres ; or » est-il qu’on ne l'y trouve pas; d'où il faut penser » qu'ils ne l'avaient point connue. C'est ainsi que » l’on raisonne communément et que l’on suppose que -l'on doit juger entièrement des connaissances des N 4 Queæst, Tuscul, 4,3 7oe Tome XV | page 104 Foucher * de la Vertu desPayens, 2° partie, ( 200 } anciens par leurs écrits ; mais, en premier lieu, on a raison de douter que ceux qui nons ont précédé ont écrit toutes leurs pensées ; et, en eflet, il se peut qu'ils n'aient pas trouvé bon d'exposer aux insultes des ignorants la vérité qu'ils auraient pu counaître. Ou sait que Pythagore et la plupart de ses sectateurs r’écrivaient pas , ou du moins qu’ils enveloppaient leurs sentiments dans des symboles et des énigmes. Pour ce qui est de Plaion , il n'y a qu'à voir sa seconde lettre à Denys , roi de Syracuse: Non extat opus Platonis., nec extabit unquäm. » C'est ainsi que Platon a témoigné qu'il n'avait pas abandonné ses connaissances à la fortune d’un papier ou d'une membrane.-Arcesilas et Carneades n’ont rien écrit, ou du moins très-peu de chose ; Epictète , Plotin et plusieurs autres illustres phi- losophes n’ont rien exposé au jugement du public ; mais d’ailleurs on peut croire raisonnablement que quand ils auraient écrit , ils n'auraient pas dé- couvert tout ce qu’ils savaient, pour ne pas dire que cela était moralement impossible ; d’où il suit que nous ne pouvons étre assurés s'ils avaient reconnu la vérité, « | Plusieurs autres raisons nous forcent de demeurer dans Je doute par rapport aux écrits des anciens. L'obscurité même des termes qu'ils employaient et qui ont aujourd’hui un sens différent de celui qu’ils avaient de leur temps, n’en est pas une médiocre. »” LL LL ” 2) ” Ovcia , qui signifiait autrefois Essence , est pris à cette heure pour Substance..... Nous ayons üne autre idée de l’accidentqueles anciens. .... Le mot eyTeAgxiæ ; que lon ne sait comment traduire , et plusieurs autres ne réveillent plus les mémes idées qu’ils réveillaient dans l'esprit des anciens. € 207 à » Mais ce ne serait rien sil n'y avait que les mots » qui eussent changé ; les axiomes les plus impor- » tants se conçaivent-ils mieux ? Comçoit-on la dé- » finition que les pythagoriciens donnaient de l'ame , » Numerus se movens ? L'ont-ils bien entendue eux- » mêmes? « » Tant de motifs sont bien propres à justifier nos doutes. » Rien n'empêche pourtant que nous ne puissions ürer de grands avantages de la doctrine des anciens philosophes , telle que nous l’avons et que nous la pouvons concevoir. Un peu de synonisme sur ce fait ne peut faire qu'un tort bien médiocre , et tout retombe dans le cas des événements qui ne font point de contraste avec la raison , et que nous lisons dans quelque histoire : » advenu ou non advenu, c’est » toujours un tour de l’humaine capacité duquel » je suis utilement advyisé par ce récit. « Sur l'usage de brûler les Morts chez les Romains ; par M. DE BREQUIGNY. » M. Fabretti , dit le P. Montfaucon, prouve que l'usage de brûler les morts et celui de les inhu- mer sans les brûler , ont subsisté dans le même temps à Rome. Mais personne ne doute qu’on ne brulât le plus grand nombre. Cet usage a duré jusqu’au temps de Théodose le Grand ; il ne subsis- tait plus du temps de Théodose le Jeune, puisque Macrobe , qui vivait sous ce prince , nous assure que de son temps cet usage était aboli. » Mais dans quel temps cette pratique commença: 17474 Antiq. Expl. T, 5 P: 20: II. ( 202 ) t-elle d'être en usage? Je présume qu'elle est aussi ancienne que Rome méme. » Cependant, D. Martin a voulu établir comme un point incontestable , qu'au temps que les loix des XII tables furent dressées , les romains ne brûlaient point les morts, et que cet usage ne s’éta- blit que pendant les guerres civiles ; et il s’auto- rise d'un passage de Pline qu'il est d'autant plus important de connaître, que ce passage lui-même va servir à la réfutation de ce savant bénédictin. » Ipsum cremare apud Romanos non fuit veteris instituti : terrd condebantwr. At postquäm longin- guis bellis obrutis erui cognovere , tunc institutam et tamen multæ familiæ priscos servavere ritus : sicut in Cornelia nemo ante Syllam dictatorem traditur crematus , idque voluisse veritum Talionem , eruto C: Marii cadavere. « Le même D, Martin s'autorise pareillement d’an passage de Ciceron que je dois citer dans la même intention. » At mihi quidem antiquissimum sepul- turæ genus id fuisse videtur , qud apud Xeno- phontem Cyrus utitur. Redditur enim terræ corpus, etita locatum ac situm , quasi operimento matris obducitur. Eodemque ritu in eo sepulchro quod procul ad fontis aras regem nostrum Neumam conditum accepimus : gentem que Corneliam usquè ad memoriam nostram häc sepultur& scimus esse humatam. Caii Marii sitas reliquias apud Anienem dissipari jussit Sylla victor , acerbiore odio incitatus. Quäm si tam sapiens fuisset | quàm fuit vehemens. Quod haud scio aut timent suo corpore posse acci- dere , primus à patricüs Corneliis igni voluit cremari. » Sur quoi je prie d'observer , en premier lieu, que Pline ne dit pas que l'usage de brûler les ( 203 ) morts n'ait commencé à Rome qu'au temps des guerres civiles , mais seulement lorsque les romains portérent la guerre dans des contrées lointaines , et qu'ils s'apperçurent que les ennemis violaient l'asyle des morts, ce qui peut porter celte époque à des temps fort reculés. 29 » Que Cicéron ne donne pas comme une vérité historique son opinion sur l'ancienneté du mode de sépulture adopté par Cyrus, mais seulement comme présomption qui a pour elle beaucoup de pro- babilité et de convenance: id fuisse videtur quod, etc. Ainsi rien jusqu'ici ne nous empéche de croire que l'usage de brûler et d’enterrer les morts n’ait été pratiqué dès les premiers temps de Rome, » Mais si nous trouvons des preuves écrites que cette pratique était en vigueur à Rome dans ces temps si reculés , on s'empressera encore moins de donner aux passages que j'ai cités une extension plus considérable que celle que leurs auteurs eux- mêmes leur ont donnes. » Or, nous trouvons ces preuves d'abord dans la loi des XII tables, publiée l'an de Rome 303, dont la VIII: défend de polir.le bois du bûcher. Rocom areiä nei polito ; etla VII, citée par Cicéron même : Hominem mortuum eudo (in) urbe nei sepelito,neïurito. Credo, dit Cicéron, vel propter ignis periculum. La IX° loi me fournirait au besoin une preuve nouvelle. J'en ferai une mention plus particulière quand je me proposerai de répondre aux objections de D. Martin, 5° » Denys d’Halicarnasse rapporte au sujet des funérailles de Siccius, qu’on lui éleva un très-grand bûcher : ei maximam pyram extraxerunt. » Lors de la peste qui ravagea la ville, l'an 507, on cessa de brüler les corps: principio quidem cada- L,.XI. ,an de Rome 305, D. d'Hali- carn,p.354. : { 204 ) vera cremabant , et terræ mandabant , sed PO5/€& à rérumnecessariarum inopid , .. in fZuvium projicicbant. » Le corps de Coriolan fut brûlé l'an 266. Rogo jam constructo imposucrunt x deindè mactatis ei victi- Jhid, 381. mis , ibi remanserunt donec Jlamma languescens sub- sideret. Jbid, 146. » L'an de Rome 251, le corps de P. V. Publi- cola fut brülé, et ses obsèques faites aux dépens de l'état. Locum ubi crematus et sepultus est, senatus in urbe prope forum assignavit. » L'an de Rome 245 , c'était pareillement l'usage de brüler les morts, et, parmi les crimes que Brutus reproche à Tarquin le Superbe, il l'accuse d’avoir empoisonné son frère et sa femme , et d’avoir épousé sa belle-sœur , avant qu’un jour entier fût écoulé depuis leurs funérailles, Antequäm integer dies quo infelicia illa corpora rogis fuerant mandata interponeretur. » En voilà sans doute plus qu’il n'en faut pour prouver que l'usage de brûler les corps remontait à l'origine de Rome, Si les exemples que j'ai cités eussent été une dérogation à l'usage établi, les auteurs qui se sont montrés attentifs à nous en conserver le souvenir , n’eussent pas manqué d’en faire la An qd Temarque, Et l'attention qu’ils ont eue de nous faire Rome 82, *eMarquer que le corps de Numa ne fut point brülé, | semble indiquer que cette conduite était insolite , et que Numa probablement avait manifesté sur cela ses intentions. | » Enfin, pour ajouter de nouvelles autorités aux précédentes, je dirai que les auteurs latins, si atten- ufs à nous représenter les anciens peuples avec leurs usages, ne manquent pas d'allumer des bûchers SAEneid.L. pour brûler Jenrs morts. Le corps de Micène VI. Ve2u2. fut consumé par les flammes. Ibid, (205 ) » Âu XI° livre du même poëme , Enée forme des büchers pour brûler , suivant l’usage de ses pères, les corps de ses compagnons. Les latins , de leur Côté, en font autant. » Didon , au IVE , se tue sur le bûcher qui devait Ja consumer. » Un homme du mérite et de l'érudition de D. Martin ne pouvait ignorer aucune des autorités que je cite, et laloi des XII tables lui était parfaitement connué, Mais, pour étayer son sentiment , il prétend que le mot rogus ne signifie pas un bûcher, mais une fosse, et voici ses motifs: le mot rogus, dit-il, est grec d’origine, et il le dérive de Poyun Rima , une ouverture, et par extension une fosse. » Mais, 1° cétte interprétation est purementgratuite, et quand on prétend que l’universalité des auteurs traduit mal un terme , il faut, pour faire adopter sou opinion contraire ; des preuves plus positives. | » D'un autre côté | la première syllabe dé rogus latin est brève, et dans Poys» ellé s'écrit par un ü, et par conséquent est longue. 39 » Tous les auteurs par rogus entendent un amas de bois arrangé pour en former un bücher. 4° » Enfinla X!° loi des XII tables ainsi concue : Rocom bustom ve novum proprius Ædeis LX pedeis invito domino nei adjicito : nei ve forom (vest'bulum ) sepolcrei bustom ve wso (usu) capito , détermine l'interprétation que l'on doit donner à rogus. » Le mot bustum fixe d’ailleurs la signification de ce méme terre rogus, Bustum ; selon Festus ; désigne le lieu où un mort a été brûlé. » Virgile le prend pour les morts même demi- brüles. » Tum lititore toto » Ardentes spectant socios , semiustaque servent » Bustas | Vers 184 et 205: 1748 ( 206 ) D'où je conclus que l'usage de brüler les morts chez les romains était infiniment plus ancien que l'origine que D. Martin lui assigne; Que ni le passage de Pline, ni celui de Cicéron, que j'ai cités, n’appuient solidement son opinion ; Enfin , qu'il est prouvé par la loi des XII tables, et les autres témoignages que j'ai invoqué , qu’à cette époque et bien avant , l'usage de brûler les morts était adopté à Rome. Depuis quand et pourquoi salue-t-on ceux qui éternuent ? Discours traduit du latin du P, Strada ; par M. Suas. L'ouvrage latin dont M. Saas présente ici la traduc- tiôn , porte pour titre : Problema, à quo tempore, cur sternutantes salutentur, Nous ne présenterons à nôs lecteurs qu'un précis très-abrégé de ce mémoire que chacun est le maître de lire dans l'original. Strada montre dans la solution de son probléme Ja plus vaste érudition. Après une courte introduc- tion , dans laquelle l’auteur raconte que l’histoire d'un boulanger ; mort à Rome en éternuant , avait été pour lui l’occasion d’écrire sa dissertation , et après avoir montré ; par beaucoup d'exemples cé- lèbres, qu’il y avait mille manières de descendre chez les morts, cite l’opinion de Sigonius , qui reporte au temps du pontificat de Grégoire le Grand et à l'année 590 , l'usage de saluer ceux qui éter- nuent , et l'explique de cette manière : { règna alors une épidémie très-meurtrière. Beaucoup mourraient en éternuant ou en baillant ; de là s’introduisit l’usage de souhaiter l'assistance de Dieu aux premiers , et de faire un signe de croix sur la bouche des autres. (207) Mais cette origine paraît trop récente à notre auteur , et il en cherche une beaucoup plus ancienne. Apulée et Athenée son contemporain lui permet- tent dejà de remonter au deuxième siècle. Pline, au premier. Aristote ,; qui a savamment traité cette question , donne à cette pratique une date beaucoup plus ancienne. L'auteur cite une épigramme d’un poëte grec qui y a rapport , et dont voici la tra- duction : Von potis est Proculus digitis emunger nasum Quippe est pro nasi mole , pusilla manus , IVec vocat ille Jovem sternutans , quippe non audit Sternutamentum , tam procul aure sonat. Le nez de Proculus est si prodigieux Que, voulant se moucher, sa main ne peut le prendre ; Il éternue encor sans invoquer les Dieux, Le bruit part de trop loin pour qu’il le puisse entendre, Ce n'était pas assez pour l'importance du sujet d'assigner des dates respectables par l’autorité et l’an- cienneté des auteurs qui les fournissent ; il entrait encore dans le plan de l'auteur d’assujettir son sujet à des divisions méthodiques ; c’est particulièrement dans l'exposition de la cause de cette pratique que sa marche devient plus sévère , et, puisqu'on re peut se contenter de celle de Sigonius , il est bien nécessaire d’en chercher une ou plusieurs autres , et il en trouve cinq : 1° la religion ; 2° la médecine ; 3° un badinage ingénieux; 4° la poësie ; 5° l'art augural, 19 La religion. La tête était regardée par les an- ciens comme sainte et sacrée ; elle est le siége de tous les sens , et Pallas nâquit du cerveau de Jupiter, Aristote ( histoire des animaux }) dit que l’éternuement est le plus saint de tous les sens. Liv, Prob, 7 6 3; Prorret, L Apl. VE, 13, lb. V., 35. Les gre- aouilles, ( 208 ) ' Pourquoi , dit-il ailleurs , l’éternuement passe-t-il pour une divinité et non la toux? C'est parce qu'il tire son origine de la tête, la partie la plus divine de l'homme. Strada cite à cette occasion une prati- que assez plaisante. Quand l'empereur du Monomo- tapa éternue , ses courtisans l’adorent suivant la pratique du pays, et le saluent d’un ton assez haut pour étre entendus de ceux qui sont dans l'anti- chambre , et ceux-ci de ceux qui sont dans la cour: Ce signal se communiquant ainsi de quartier en quar- üer , la ville retentit en un instant des vœux que l'on fait pour le Monarque. 20 La médecine. L’éternuement, suivant le divin Hippocrate , est une concussion du cerveau pour en chasser des principes importuns. Ses avantages sont nombreux : il guérit le hocquet opiniâtre ; il soulage les affections hystériques , aide l’accouche- ment , est utile dans l’épilepsie , la paralysie , l'apo- plexie, etc. , etc. Aristote l'appelle un signe de santé, et, dans le langage familier , on dit d’un convyales- cent qui éternue, qu’il va sortir de l'hôpital. Aristo- phane en a la même idée qu’Aristote , et il fait dire à Denis , qu’Æacus a a bien étrillé, je ne m'en suis pas apperçu , j'ai éternué. Il faut donc , dit Aristote ; honorer l’éternuement comme un signe de santé dans la plus noble partie de l'homme. 3° Le badinage. Un plaisant, Fabullus, ne saluait pas indifféremment toutes les personnes qui éter- nuaient , mais seulement celles qui ont la tête rem- plie de chimères, désirant qu’ils puissent ainsi s’en débarrasser. Est-ce de cette source qu'est dérivé l'usage de ne pas saluer, quand ils éternuent , les personnages constitués en dignités, et que l’on doit estimer au-dessus des DUR communes. MM. de P.R. et les frères des écoles chrétiennes ont ( 209 ) ant cénsacré cette pratique dans leurs traités de la civilité. Au reste, il faut convenir que les lieux et les temps ont apporté de grands changements ; on saluait un consul romain, et on salue encore l’em- pereur du Monomotapa. 4° La poësie. Homère regarde l’éternuement comme tin préservatif contré les embûches de ses ennemis, et cite les paroles de Pénélope qui interprète ainsi l'éternuement de Télémaque. C'est aussi le sentiment d'Albert le Grand. 59 L'art augural. Aristote , au premier livre des animaux , et Cicéron , en celui de la divihation , rangent l’éternuement au nombre des signes au- guraux. Les éternuements du matin et ceux du côté géhche étaient d'un mauvais présage , les contraires étaient regardés comme heureux. Thémistocle sa- crifiant , avant de livrer bataille à Xercès, entendit éternuer à droite , présage heureux de la victoire. il yena qui prétendent que l’éternuement était le génie de Socrate et dirigeait ses opérations. Lorsque Xénophon haranguait l'armée des grecs , un soldat éternua ; ce qui parut un bon augure , et Xénophon fut élu général. Le méme général délibérant sil fallait combattre ou se rendre aux Perses, un soldat éternua ; cet augure fut jugé favorable , et on en rendit à Jupiter de solemnelles actions de grâces. La retraite des 10,000 est trop célèbre et trop connue pour qu'il soit nécessaire d'entrer à ce sujet dans de plus longs détails. La postérité a regardé l'éternnement de même œil que l'antiquité. Chez les anciens , comme chez les modernes , on a félicité cenx qui éteruuaient, on a formé des vœux en leur faveur: Quant à l'origine de ceite coutume , elle doit remonter à l'origine des. sociétés , puisque nous [# 0 Odyssée ; liv. 17e Plutarque Vie de Thé: mistocle. Petraite des 10,ov0. Ibid, 1749: ( 210 ) trouvons décrite comme un usage reçu £hez :.. premiers pères de l’histoire. Projet de Lectures raisonnées ; par M. DE CipEviLLe. » Le but principal des séances d’une société litté- raire est de fournir à ceux qui la composent des occasions fréquentes de travail et d'instruction. Vous avez pourvu, Messieurs, à ces deux objets im- portants en remettant en vigueur l'article de vos statuts qui ordonne qu'à défaut de pièces nouvelles de littérature ou de physique, €hacun de nous, à son tour, y suppléerait par une lecture raisonnée. » ..... Une lecture raisonnée, telle que nous la demandons , est une lecture accompagnée de ré- flexions dont on fait part à l’Académie. » Sans doute, l'invention d’une machine utile, la découverte d’un spécifique, un morceau neuf de poësie , de critique, etc., sont des présents du plus grand prix; mais comme ils exigent plus de talent, plus de recherches, on à dà craindre qu'ils ne devinssent rares. Accordons notre admiration aux productions du génie, mais ne refusons pas notre estime à des réflexions justes, mises en ordre et conçues en bons termes. « M. de Cideville consacre au développement de ces principes la première partie de son mémoire , qu’on peut considérer comme la partie théorique. La seconde, consacrée à la pratique, présente di- vers modéles de lectures et de réflexions. Nous nous contenterons d'en indiquer les sujets. Le premier projet de conférence roule sur un Cr “assage de Pétrone où il est question de la malléa- bilité du verre. Le second a pour objet un morcéau de la comé- die d'Aristophane intitulée les Nuées, où il s'agit de l'emploi ‘du verre pour brüler certains objets par la concentration des rayons solaires, ce qui montrerait que si on peut faire honneur à Archi- mède de l'invention des miroirs catoptriques, les verres lenticulaires ou dioptriques sont de beaucoup antérieurs à lui. Le troisième roule sur le pouvoir de l'harmonie dans le traitement de certainés maladies. Personné n’ignore les merveilles que l’on a débitées sur lac: tion des instruments contre lés accidents qui sui- vent, dit-on, la piqüre de la tarentule. Dans la quatrième , l'auteur traite de la question importante du nombre des actes que doit contenir une tragédie. Aristote, dans sa Poëtique , trace des règles qui semblent laisser à ce sujet une liberté assez illi- mitées Horace ; beaucoup plus sévère, veut que ce poëmé contienne cinq actes : IVeve minor, neu sit quinlo productior actu. M. de Cideville montre dans l'observation rigou- reuse de ce précepte des inconvénients graves, et exposition rapide de pièces qui avec trois actes seulement ont parfaitement réussi, où qui ayec cinq äctes semblent offrir un double intérêt, une double action, laisse percer le désir qu’il à d'accorder au poëte toute la liberté relative à la nature et à l'étens due de son sujet. Ces projets de discussion, qui peuvent servir de modèles pour une infnité d'autres, montrent dans Q'-a 749. Virg. Buco- lic.1,v. 17, etc» (212) M. de Cideville le zèle le plus ardent pour les pro grès de l'Académie , le désir d’exciter l'émulation et d'occuper utilement les séances particulières de cette Compagnie. Æecherches sur le fleuve Oaxès ; par M. Dumorarr: » L'empereur Auguste , après les guerres civiles, confisqua le territoiré de Crémone pour en punir les habitants, et le partagea ensuite eutre ses soldats. Ce territoire n’ayant pas été suffisant , on y joignit le Mantouan. C'est le sujet des plaintes du berger Mélibée : Impius hœc Lam culla novalia miles habebit Barbarus has segeles ! En quù discordia cives Perduzxit miseros, » Et quelques vers plus haut il dit : At nos hinc alii silientes ibimus afros ; Pars Scythiam , et rapidum Crelæ veniemus Oaxem ; Et penitès loto divisos orbe Britannosi » Tout le monde sait que Virgile fut excepté de cette confiscation. » Tout le monde est encore parfaitement d'accord sur la situation des lieux d’exil dont Mélibée fait mention , à la réserve du fleuve Oaxès. » Plusieurs commentateurs cherchent ce fleuve dans l'ile de Crète, d’autres le placent dans Ja Mésopotamie , d’autres enfin en Scythie. » Je vais, dit M. Dumolart, examiner ces trois sentiments , et tâcher ensuite de déterminer la yé- (13 } ritable situation du fleuve Oaxe et fixer ainsi le sens des vers de Virgile. » Les cyrénéens attribuaient la fondation de leur ville à Battus , fils d'Etéarque, roi d'Oaxe , en Crète: Cette histoire est rapportée assez au long dans Hérodote. Je remarquerai seulement que les thé- réens et les spartiates racontaient les faits bien différemment. Les théréens disaient que Battus avait été choisi parmi eux pour être le chef de la colo- nie qu’ils envoyèrent en Lybie. » Je ne vois aucun autre historien grec qui parle de la ville d'Oaxe ; pas même Strabon , quoi- que cet auteur fasse mention des villes de l'ile de Crète qui étaient déjà détruites de son temps. » Apollonius parle d'une caverne , dans l'ile de Crète , près la ville d'Oaxès , où la nympbhe An- chilaé fit ses couches. » Philistide dit qu'Oaxès, fils d'Apollon et d’An- chilaë, fonda une ville en Crète ec lui donna son nom. | | » Les géographes modernes placent la ville d'Oaxe et son fleuve vers le nord de l'ile de Crète, » Vibius Sequester parle de l'Oaxe , et le place en Crète ; mais l'ouvrage de cet auteur, dont l’éradition est assez bornée , n’est qu’un amas de noms de lacs , de fleuves , de rivières , dont il est parlé dans les poëtes. Il à trouvé dans Virgile le nom d'Oaxès avec l'épithète de Cretæ, et c'en a été assez pour lui pour faire d'Oaxus an fleuve et le placer en Crète. » Mais il y a peu d'apparence que Virgile ait voulu parler ni de la Crète ni d'un fleuve situé dans cette ile. » 19 Il est question d’un lieu d’'exil dont l'éloi- gnement et les désagréments puissent figurer avec: 0 5 Voir Hé- rod. , liv. a, Strabon , 1, 17e Argonaut, ; liv.r. (214) ceux de la Scythie , de l'Afrique et des îles bri- tanniques. Or , est-il naturel de penser que Virgile eût placé ce lieu d’infortune au centre de l'empire et dans une des positions les plus agréables ? » 2° L'ile de Crète a, suivant Pline , 590 milles de circonférence. Elle ne renferme que des ruis- seaux dont le plus considérable n'a pas 50 lieues de cours , et aucun d'eux ne porte bateaux, Croira- ton que Virgile; si exact dans ses descriptions , si réserve dans l'emploi des épithètes , ait tenté de faire connaitre cette Île , que sa position , ses montagnes , son labyrinthe, ses rois, etc., ont rendue si fameuse , par le nom d'un fleuve imagi- paire, nom qui n'est pas même connu des anciens pour appartenir à l'ile de Crète, et qu’il eùt dé- signé ce ruisseau ; ou peut-étre ce torrent ,. par l'épithète imposante de rapide : rapidum veniemus Oaxem, » Ce que je viens de dire suflit pour démon- trer que ce w’est pas dans l’ile de Crète qu'il faut chercher le fleuve Oaxès. On ne doit raisonna- blement le chercher qu'aux extrémités de Pempire, et du côté de l'Orient , car Virgile a fixé par l'Afrique, la Scythie et la Bretagne les autres points cardinaux du monde. C’est probablement ce motif qui a fait croire à Servius que Oaxès n'étant point en Crète, il fallait le chercher ou dans la Mésopo- tamie ou dans la Scythie. » La première de ces opinions ne peut se sou- tenir. On ne connaît entre Je Tigre et l'Euphrate aucune ville, aucune rivière d'Oaxe. Le mom de Carrhæ ne ressemble en rien à Cretæ, ni} Araxe à l'Oaxès. Le fleuve , d’ailleurs , et la ville sont à de grandes distances ; ainsi il faut abandonner celle première hypothèse, (215) » La seconde n'est pas mieux fondée. 1° Les romains n’eurent jamais une connaissance bien étendue des pays situés hors de leur domination, et spécialement de la Scythie et des provinces limitrophes du côté de l'Asie. L'Jaxarte était si peu connu du temps de Quinte-Curce, que cet auteur le confond avec le Tanais. 2° Les limites de la Scythie ont été si peu constantes, que Diodore de Sicile dit qu'elles s'étaient étendues des bords de l'Araxe à l'Egypte. » Ce sont ces idées confuses des limites de la Scythie qui ont fait dire à Servius que l'Oaxés était un fleuve de Scythie. » Mais peut-on raisonnablement présumer que Virgile ait voulu désigner par Oaxès la Scythie » qu’il venait de nommer pars Scythiam...veniemus ? Il faut donc , sous ce dernier rapport , abandonner de nouveau le projet de placer l'Oaxe en Scythie ; car , enfin , il faut considérer ce pays comme la partie la plus septentrionale de l'Europe. » Ce poëte ayant ainsi désigné, sur quatre ré- gions queles malheureux exilés sont destinés à habiter, celle du Nord, celle du Sud et celle de l'Ouest, c'est à l'Orient de llialie qu'il faut chercher la quatrième et le fleuve sous le nom duquel elle est désignée. Or , nous trouvons dans le fleuve Oxus tous les caractères qui peuvent s'accorder avec les intentions du poëte. 19 Un grand fleuve. Les Orientaux donnent à l'Oxus Le titre de fleuve par excellence. 2° Un fleuve limoner x et rapide ; car Cretæ, suivant l'expression de Servius , ne désigne par lilede Crète , mais la couleur de l'eau : Oazxis fluvius.... velocitate su& rapiens albam terram turbulentus efficitur.... in 04 Quinte-C liv. 7,1,2e Epod. 7° Lucain Ph, div, 2 L Ad, ibid. (2167 Cret& non est, sed agu4 cretacei coloris est. Quinte- Curce , en parlant de l'Oxus, dit : » Hic quia limrr vehit turbidus semper , et insalubris est potu. Plu- tarque , dans la vie d'Alexandre , dit que l'eau de l'Oxus est très-onctueuse et engraisse la peau. Enfin, Polybe assure qu'il est impétueux et bourbeux. 5° Un lieu d’exil, Ce fleuve arrose , en eflet, des terres ou inconnues aux romains, Où connues par le caractère féroce de leurs habitants ; ; telles que l'Hircanie , la Bactriane , etc. Horace loue Mécëne de-surveiller de près la conduite de ces derniers : Urbi sollicitus , times Quid Seres ; et regrata ,Cyro Bactra parent. » Ainsi , 1l trouvait à l'Ouest les bretons in- aprés : Tatactus aut Britannus ut descenderet Sacrd calenalus vid. » À PEst , la Bactriane » représentée per son fleuve justement célèbre. » Au Sud, un pays dévoré par les ardeurs du soleil et placé sous la ligne équinoiale : Quäque dies medius , flagrantibus œstuat horis. » Aù Nord , la Scythie , dont le froid rigoureux était encore exagéré par les poëtes : : Quà bruma rigens ; et neScia vere remilti. » Ainsi, de quelque côté que les malheureux bergers me Virgile fussent envoyés , ils trouvaient par-tout l’exil et l’infortune ; et les bords de lOxus devaient être pour eux d'autant plus redoutables , quon m'ignorait pas que c'était le lieu où les parthes avaient envoyé les prisonniers romaits après la défaite de Crassus, (217) » Quant au rom du fleuve , il doit faire peu de difficulté. Saumaise, sur Pline, dit que les grecs appellaient l'Oxus Q£'or , Ofos , Nic, O'afos et O'aEns. Il ne serait pas étonnant que Virgile eût adopté cetie derniére variante. » Quand au mot Cretæ , il serait très-possible que ce füt le nom de la capitale de l’'Hircanie, Certa , la transposition de quelques lettres étant chez les grecs et chez les latins une chose assez commune. D'un autre côté, la réunion des noms du plus grand fleuve et de la ville capitale d’un pays serait un moyen sûr de le faire connaitre. » Concluons de tout ceci que Mélibée n’eût formé que des plaintes ridicules si le lieu de son exil eût été l'ile de Crète, placée au centre de l’empire, sous le ciel le plus pur , et l’un des pays les plus policés et les plus fertiles de l'Europe ; qu'il eût été pareillement ridicule de mettre cette île fortu- née en parallele avec des pays barbares et des peuples qui ne connaissaient pas même les lois de l'hospitalité + hospitibus feros. Horar. » Que toutes les raisons déterminent à chercher POaxès dans des pays barbares, et qui, parfaite- ment en harmonie dans l’opinion des proscrits avec la Bretagne , la Scythie et l'Afrique , n'excitassent en eux que des idées malheureuses, Or, ces con- ditions se réunissent dans l'Oxus et les régions qu'il arrose. Virgile lui-même plaçait les ugres les plus féroces dans l'Hircanie : Duris genuit te cautibus khorrens Caucasus, Hircanæque admorunt ubera tigres. » C'est par conséquent de lP'Oxus qu'il faut en- tendre lPOaxès de Virgile ; fleuve sur lequel les commentateurs se sont épuisés en conjectures et en faux raisonnements. « AEneid. 4, 36% (218) Réflexion sur l'espèce de Poème dramatique impro- prement appelé comique -larmoyant ; par M. DuBoulLaY. » Ceux qui ont voulu réveiller l'attention de leur siècle par des beautés dont le goût s'était presque perdu , se sont volontairement exposés à une criti- que inévitable. L'espèce de dramatique renou- velée depuis peu sur notre théâtre est une preuve sensible de cette vérité. Le dramatique n’est point nouveau ; l'Andrienne , de Térence, ses Adelphes , montrent assez la connaissance qu’en avaient les anciens et l'usage qu'ils en savaient faire. Les Fils ingrats,V Ecole des amis, plusieursscènes du Glorieux, du Philosophe marié , etc., prouvent aussi que le goût ne s’en était pas perdu chez les modernes. Les talents supérieurs de M. de la Chaussée l'ont développé, l'ont enrichi , et il a fait l’objet prin- cipal de ses pièces de ce qui n'était que comme accessoire dans celles qui l'avaient précédées. Les succès les plus heureux et des applaudissements que le temps à confirmés, semblent avoir fixé à ce sujet lopinion publique , et cependant ils n’ont point imposé silence à la critique. On s'est élevé contre une innovation imaginaire ; on a regardé comme une bizarrerie l'idée d'une comédie qui attendrit le cœur et fait verser des larmes. » Essayons de venger d'un reproche injuste un genre: intéressant , parce qu'il contribue à nos plai- sirs , et que d’ailleurs il west contraire ni aux règles de la raison ni à celles du bon goût. J'irai plus loin , et j'établirai qu'il est utile , que méme il est { 219 ) nécessaire, Ces deux propositions bien prouvées doivent faire tomber toutes les objections que l'on pourrait lui faire. » Je déduis l'utilité du dramatique , 1° des jouis- sance innocentes qu’il procure ; 2° des instructions utiles qu'il nous donne ; 5° j'ajoute qu'il est exempt des dangers dont les autres geures ont quelquelois eucouru Îles reproches. » La tragédie, en exaltant ses héros , leurs pas- sions et leur langage , en fait une classe d'hommes extraordinaires à laquelle nous osons à peine nous comparer. La comédie , en exposant aux yeux des travers et des ridicules , laisse presque toujours à l'amour-propre le pouvoir de les attribuer au pro- chain et de s'en croire exempt. Le dramatique nous offre des tableaux plus rapprochés de nous; c’est dans notre propre cœur quil en puise les sujets, et, en nous offrant la peinture naïve de la xertu et des sentiments qui intéressent l'humanité, il est toujours sûr de, nous captiver et de, mous plaire, parce que l'amour-propre n’y voit rien qui puisse le révolter; rien qu'il ne se croie capable d’atteindre. » Les instructions que nous donne la tragédie sont trop sublimes pour le commun des hommes. Ils ne se trouveront probablement jamais dans les circonstances qu'elles représentent ; il faut de la réflexion pour en profiter , et bien peu d'hommes réfléchissent ; voilà pourquoi elle n’excite ordinai- rement qu'une admiration stérile. La comédie nous donne , il est vrai, des instructions à notre usage ; mais elles tombent souvent sur des vices révoliants et que nous évitons. Le dramatique nous peint direc- iement les charmes de la vertu , nous donne , par çouséquent , des instructions propres à tous les ._ (220 ) états et à toutes les circonstances ; il ne faut pas réfléchir pour se les approprier ; l'estime et le res pect en sont au moins je résultat, si nous sommes assez faibles pour ne pas aller jusqu'à l'amour et la pratique. » Non-seulement le genre dramatique a des avan- tages qui Jui sont particuliers , il est encore exempt des dangers qui.se glissent quelquefois dans les autres genres. N’est-il pas à craindre , en eflet , que la tragédie ne nous donne une fausse idée de la grandeur de l'homme , qu’elle ne nous enfle au lieu de nous élever , qu’elle ne nous fasse con- sidérer comme vertu , comme héroisme , ce qui n’est l'ouvrage que de l’orgueil et de la fortune ? La comédie ne peut-elle pas augmenter le penchant que nous avons à la médisance et à la malignité ? Ne nous a-telle jamais fait sourire, fait applaudir à des tours adroïts, à des escroqueries habilement conduites, à des peintures licencieuses et dange- reuses pour les mœurs? Le dramatique ne fournit rien à la malignité, S'il peint souvent l'amour, c’est ou an amour légitime ou tendant à le devenir ; il ne déguise pas les précipices qui l’environnent ; il le peint, en un mot, tel qu'il est , comme une passion qui peut causer beanconp de b'ens ou beau- coup de maux. Or, une telle peinture ne parait- elle pas plus propre à inspirer pour Pamour de la crainte et de Ha déliance que du goût et du penchant ? _ » Lutilité du genre dramatique est déja un motif puissant pour ladopter ; il deviendra plus décisif encore si je montre que ce genre est nécessaire, » On ne me soupconnera pas de parler d’une névessité physique et indispensable ; sans doute que le genre dramatique n’est pas nécessaire comm (1321) l'air ou la lumière ; mais d'une nécessité dé con venance dans l’ordre de nos amusements et de uos plaisirs honnétes, » La nécessité dont je parle ne peut être con- testée, 1° si le dramatiqne peint d’après notre cœur des tableaux ressembiants, qui ne sont du domaine ni de la tragédie ni de la comédie ; 20 s’il remplit une lacune que les autres genres ne peuvent rem- plir. Or, ces deux propositions ne peuvent étre contredites. La tragédie ne s'empare que des passions violentes et propres à exciter de vives impréssions, la pitié sur-tout et la terreur. La comédie , par l'arme puissante du ridicule, s’eflorce de corriger nos travers. Les passions douces sont l’objet essentiel du genre dramatique. Et combien de tableaux in- téressants sont capables de nous offrir la bienfai- sance , l'amitié pure , la tendre humanité ; l'amour sur-tout, si varié dans ses rapports , et parlant toujours d’une manière si insinuante el si persua- sive ; l'amour paternel, conjugal , filial ; toutes affections communes ; générales , et dont chacun peut , sans réflexion sans contrainte , trouver le prin- cipe dans son propre cœur ! » Le dramatique a un nouvel avantage , c'e:t de peindre encore moins les afections tendres et hon- nétes que la source d'où elles émanent. L'homme sensible et bienfaisant qu'il met sur la scène est essentiellement honnête homme. » Quoique toutesles qualités du cœur de Sainville, dans la Gouvernante , de Constance , dans Le Pre- jugé à la mode, n'y soient pas détaillées, ce qu'on en voit suflit pour faire supposer celles qui sont passées sous silence. On peut supposer d’aptres défauts à un avare , à un joueur , mais on ne suppo- sera jamais que Sainville ou Constance soient capa- ( 252 }) bles d’une bassesse , parce que d’une source purë il ne peut rien couler que de pur. Cette exclusion des vices que renferment ces vertus caractéristiques , si je puis m'expliquer ainsi, est la cause de l’atten- drissement qu'elles excitent en nous ; nous sentons que nous sommes faits pour elles, ét nous nous y abandonnons parce qu’elles supposent et produisent tout ce qui peut dans un homme mériter amour et le respect. » J'ajoute que le dramatique remplit une lacune que laissaient entre elles la tragédie et la comédie. » Les veriusde la tragédie sont plus qu'humaines, et par cela seul sont peu faites pour nous intéresser. Celles de la comédie; si quelquefois ellés nous en présente , sont froides et peu propres à aller jus- qu'au cœur. » Pareillement , les vices de la tragédie sont des crimes qui révoltent; ceux de la comédie, des ridi- cules et des bassesses qu’on rougirait de s'approprier: Le dramatique remplit le vaste champ que laissent entreeux ces deux extrêmes; ses vertus sont celles que nous admirons dans la société, que peut-être on admire en nous ; ses vices sont des erreurs souvent rachetées par des qualités estimables. Par-tout c’est notre cœur qu’il expose , c’est nous-mêmes qu'il met sur la scène ; etle moyen de ne pas s'intéresser à une scène attendrissante dont nous-mêmes nous nous plaisons à être les acteurs ! » Ce n’est pas assez pour le dramatique de pein- dre un grand nombre d'affections qui n’appartien< nent ni à la comédie ni à la tragédie , il peint encore d'une manière différente celles que l’une et l’autre peuvent s'approprier. » Un exemple parlera miéux qu’une simple dis- eussion, L'amour maternel fait l'intérêt commun de ER (:223)) Mérope et de l'Ecole des rères ; mais dans la pre- miére de ces pièces l'amour maternel ne fait pas le premier intérêt. Le sort d'Egiste , lorsqu'il ignore encore sa naissance, les inquietudes , les combats de Mérope , la punition du crime , le triomphe de la vertu , voiià ce qui forme les mouvements vrai- ment tragiques de cette production admirable. L'amour maternel tout seul et dénué de ses brillants accessoires n’eût jamais fait une tragédie. C’est ; au contraire , cet amour seul, accompagné des seules circonstances qui en dérivent vatureilement , qui fait tout l'intérêt de l'Ecole des mères ; c’est l'in- gratitude d’un fils exclusivement aimé ; c’est l’amour tendre et naïf dont une fille sacrifite paie l'indiffé- rence de sa mère : voilà tout le fond de cette pièce, qui jamais n'eût pu faire ni une tragédie , ni une comédie. » C’est encore en essayant de peindre , d’après les principes énoncés , tous les hommes de toutes les espèces et de tous les états, que le dramatique rem- plit le vuide que laissaient au théâtre la tragédie et la comédie. » Ses vertus sont des vertus sociales et non des vertus héroïques; elles sont quelquefois aussi réelle- ment grandes , mais elles sont toujours plus modestes. Ses vices, quand il en a, nè se montrent pas avec assez d’eflronterie pour donner matière à uue forte touche de ridicole ; un certain air de dignité et de noblesse embellit ses qualités et fait excuser ses défauts. 11 faut de l'adresse pour les démèéler , ces défauts, encore plus pour les peindre. Et ce geure agréable ne mériterait pas de paraître sar le théâtre comme les autres! N’intéresse-t-il pas même davan- tage le général des spectateurs , puisque ce sont eux quil met sur la scèue ! Concluons que, puis+ 1749. Poir1. VI, chap. 46. (224) qu’il contribue à nos plaisirs, il ést utile ; que ; puisqu'il complète la série des tableaux qui em- bellissent la scène ; il est nécessaire ; que , par consé- quent , nous avons des obligations aux auteurs in- génieux qui ont fait servir à le perfectionner les talents distingués qu’ils ont reçus de la nature. « Recherches sur les auteurs de l'assassinat de Chilpéric I*, Roi de Soissons; par M. de BRÉQUIGNY. Après ün court préambule ; dans lequel l'auteur de ce mémoire cherche à prouver que les recherches tendant à éclaircir un point de l’histoire de notre pays ne peuvent être étrangères aux travaux de l'Académie , il poursuit ainsi : » Chilpéric I«, roi de Soissons, eut sous sa domi- nätion cetté partie de la France qui forme aujour- d’hui notre province, Ce prince fut tué à Chelles, comme l’on sait, en revenant de la chasse..... et comme il était presque nuit, le meurtrier se sauva à la faveur de l'obscurité. On fit dans la suîte bien des informations , mais si elles ne furent pas inu- tiles, le résultat ne fut pas rendu public. Grégoire de Tours; plus à portée d’en être instruit qu'aucun des historiens qui nous restent, aflecte de garder à ce sujet un silence profond. » Nos historiens anciens, mais postérietirs à Gré- goire de Tours ; se sont expliqués d'une façon posi- tive sur les auteurs de cet assassinat; maïs ils sont peu d'accord entre eux. Les uns accusent de ce crime Frédégonde , femme de Chilpéric ; les autres en accusent Brunehault, sa belle-sœur. Nas écrivains (235) écrivains moderrtes sont partagés entre ces deux opinions. ....... » Au milieu de cette incertitude , et malgré le silence qu'il affecte, j'ai cru trouver dans Grégoire de Tours lui-même, cet historien si fidèle et si instruit, des traces de la vérité | et des motifs de croire que le meurtre de Chilpéric fut l'ouvrage d'un parti forme en faveur de Goudebalde, qui se prétendäit fils de Ciotaire 1, et qui, à ce ütre; demandäit sa part de l'héritage de son père: » Avant que de produire mes preuves, ie dois exposer en deux mots comment se forma le parti de Gondebalde, et quels furent les principaux res- sorts de cette intrigue. » On sait que, de tout temps, Gondebalde, que nous écrivons Gondebaud , s'était prétèndu fils de Clotaire; que Childebert Ir, roi d'Austrasie , l'avait élevé quelque temps comme son neveu , mais que Clotaire ne lPavait jamais reconnu pour son fils , et qu'à la mort de ce prince il ne s'était point pré- senté pour partager ses états ; » Gondebalde , persécuté en France, plusieurs fois enfermé: dans des monastères, s'était enfui en Italie auprès de Narsès ; qui y commandait, et de là avait passé à Constantinople, où l'Empereur l'avait reçu avec bonté : des raisons de politique en pou- varient être les motifs. Condebalde demeura à la Cour de Byzance jusqu’en 582, » Vers ce temps, Gontran Boson passa à Constan- tinople sous prétexte d'aller visiter les lieux saints, mais dans l'intention de s'aboucher avec Gondebalde, qui; persuadé par ce seigneur, repaséa en France, débarqua à Marseille avec tout l'argent qu'il put ramasser , et y fut reçu avec distinction par quel- ques chefs du parti qu'il s'était formé, et eu par- P Grégoire de Tours, 1° VX: L. VII, ch. 27. Grégoire de Tours , 1, VI. ( 226 ) ticulier par Théodore , évêque de cette ville, qiti avait été déterminé à se conduire ainsi par les sei- gneurs d'Austrasie, » Les principaux chefs de ce parti étaient Didier ; Bladaste, Vardo, du royaume de Soissons; Nummol , du royaume de Bourgogne , et l'un des meilleurs généraux de son temps; beaucoup d'évêques , qui, mécontents de Gontran, de Frédégonde et de Chil- debert, faisaient servir Gondebalde à l'exécution de leurs desseins : Brunehault n'y fut pas étrangère. » En réclamant une partie des états de Clotaire I*, le projet de Gondebalde et de son parti n’était pas de faire tort à Childebert ; Chilpérie et Gontran devaient seuls fournir leur contingent. Gondebaide, ainsi que l'écrit Grégoire de Tours, devait se rendre maitre de Paris et en faire sa capitale. éd » Le projet fut déconcerté. Gondebalde disparut, mais le projet n en demeura pas moins lié. » Vers ce même temps, le mariage depuis long- temps projeté de Rigonte , fille de Chilpéric et de Frédégonde, avec Ricarède, fils du roi des visigoths, fut conclu. La princesse partit en 584 avec des ri- chesses immenses. Une armée entière , commandée par Didier , l'escoriait , elle et ses trésors ; Vardo était son majordome , et ces deux seigneurs étaient des principaux partisans de Gondebalde. » Quand ils furent arrivés à Toulouse , ils y arrétèrent long-temps sous divers prétextes, et ce fut dans ces circonstances que Chilpéric fut assas- siné à Chelles. Didier se rendit maître de Toulouse, mit Rigonte dans un monastère, se saisit de ses trésors et se rendit en toute diligence à Avignon. Gondebalde y était déjà arrivé. Bientôt tous ses par- tisans furent rassemblés. Ils entrèrent à main armée dansle Limousin, et proclamèrent roi Gondebalde, à Brive-la-Gaillarde. (227) » Lé reste de cette entreprise est étranger à mon sujet, et je me hâte de revenir à la mort de Chil- péric et aux raisons qui me font croire que la faction de Gondebalde ÿ eut la plus grande part. » Je commence par montrer combien, en faisant commettre ce crime par Frédegonde, on heurte la vraisemblance. » Quoique cette princesse parût avoir peu de cré- dit à la Cour, elle régnait cependant pr l’ascendant qu'elle avait pris sur l'esprit de son mari. {l im- portait donc à son ambition de le conserver : en le sacrifiant , elle perdait à-la-fois son autorité et sa fortune. La faible ressource de son fils , âgé de quatre mois , était un rempart bien impuissant contre des sujets mécontents et des voisins jaloux. Cette situa- tion même a paru suffisante à l’un de nos plus judi- cieux écrivains, assez décisive pour disculper Fré- dégonde; et Gontran ne la crut jamais coupable, ns rs que fit Childebert pour le lui persuader. » La mort de Chilpéric, malheureuse pour Fré- Bégondé, devenait l'événement le plus avantageux pour Gondebalde : elle le débarrässait d’un ennemi brave et actif, et lui livrait un royaume qui m'était défendu que par un enfant au berceau. Il n'avait rien à craindre de la cour d'Austrasie ,_avec la- quelle il était d'intelligence ; Gontran aimait la paix, et il était possible à Gondebalde de se l'attacher de nouveau par la cession de quelque portion de ses nouveaux états. » Toutes lés circonstances se réunissent pour donner à cette opinion un nouveau degré de vraisemblance. Gondebalde, dont on ignorait la retraite, reparaît au moment Où sa présente se trouve nécessaire, Ïl fallait de l'argent pour lever une armée , la dot immense de Rigonte vient les enrichir en ue instants P a Daniel ; ŒU1,p.210 et 2704 Grégoire de Tours, ch. 50, 3e, 85 et 54. (228) Enfin , le séjour de cette princesse à Toulowse ; prolongé sans aucun motif décisif, fait naître plas que des soupçons sur les intentions de ceux qai l'y retenaient sous de faibles prétextes. » Si quelqu'un fat bien instruit des secrets de la faction de Gondebalde, ce fut Gontran. H intercepta les lettres que Gondebalde même écrivait a ceux de son parti, et sans doute il y lut la révélation de bien des mystères. Il fit mettre à la question de pré- tendus ambassadeurs que Gondebalde lui envoyait : ils avouèrent les motifs du voyage à Constantinople de Gontran Boson. Sans doute qu'il apprit la part que Brunehault avait dans toute cette aflaire , puis- qu'il recommande à Childebert d'empêcher que cette princesse n’entretienne un commerce de lettres avec Gondebalde, » Or, Gontran, si bien instruit des menées de Condebalde, ne doutait pas qu’il n'eût fait assassi- ner Chilpéric : c’est Grégoire de Tours qui nous l'apprend. .».Cet évêque étant un jour à diner à la table de Gontran avec plusieurs évêques, peu de temps après la mort de Gondebalde, Gontran reprocha à quelques-uns de ces prélats d’être entrés dans le parti de Gondebalde et de s'être ouvertement dé- clarés pour Jui, Brunehault ne fut pas oubliée dans les plaintes du roi de Bourgogne ; mais son ressen- timent éclata de la manière la plus marquée contre Théodore , évêque de Marseille , qui avait reçn Gondebalde à son arrivée en France. Il ajouta , en parlant du méme Théodore : » Je sais que, pour » servir les gens de son parti, il a fait tuer mon » frère Chilpéric. Scio quod horum causä germa- » num meum Chilpericum interfici fecit. « » Voici donc un témoignage porté par un auteur ( 229 ) instruit, non suspect, et qui avait entendu Île re«. proche. Que répondit à cela Grégoire? Que c’était les injustices de Chilpéric et la vengeance du Ciel qu'il fallait accuser. Discours vague , qui décèle l'amitié de Grégoire pour Théodore , et rend en même-temps raison du silence de l'évêque de Tours sur les auteurs du meurtre du roi de Soissons. ... » En voilà , je crois, autant qu'il en faut pour reudre probable l’opinion que je propose. » On à accusé de ce meurtre Brunehault, et on a vu qu’effectivement elle y avait pris part, » On en a accusé Frédégonde , j'ai montré com= bien cette accusation était invraisemblable. ». Les faits que j'ai rapportés semblent donner le fl de la conspiration. Envain M. de Valois a-t-it prétendu que Grégoire de Tours s’était trompé en rapportant ce fait, parce que ce n’était pas en Aus- trasie qu’on devait trouver le meurtrier du roi de Soissons. Mais j'ai montré que cette Cour était pleine des partisans de Gondèbalde, et cette manière na- turelle de justifier Grégoire de Tours me parait une. nouvelle preuve en faveur de mon sentiment. « y a entre les grands Hommes de tous les genres, des Rapports qui doivent servir à les unir ; par M. Dusourrax, » Si la sublimité et l'étendue du génie annonçait joujours une raison exempte de préjugés et de faiblesses , il serait inutile de recommander à ces ? hommes privilégiés , qui se font remarquer par de grands talents , de s'unir entr'eux par les liens d'une. gstime et d’une amitié réciproques ; ils sentiraiexg, ( 230 ) que leur gloire et Jeux bonheur y sont pareïllement intéressés , et que l'étude n’a jamais plus de charmes que lorsqu'elle se partage entre des’ esprits d'une étendue et d’une trempe également recammandables. » Pourquoi des motifs si puissants font-ils souvent sur eux assez peu d'impression? Pourquoi l'histoire brillante de leurs succès se trouve-t-elle souvent obscurcie par celle de leur division et de leurs rivalités ?.... » Toutes les connaissances humaines peuvent se rapporter aux sciences et aux belles-lettres ; les arts tiennent aux premiers par les principes , et aux secondes par le goût. » Rien au premier coup-d'œil ne semble plus opposé que les sciences et les beiles-lettres ; de tout temps elles se sont disputé la considération et la préséance. Quel rapport , dira-t-on , peut-il exister entre l’aus- térité et les grâces ? Les sciences sont environnées d’épines , les belles-lettres mènent au plaisir par un chemin semé de fleurs. Défions-nous cependant d’un jugement précipité ; prenons la raison pour guide , et bientôt nous appercevrons que, sans les qualités essentielles au génie , on ne peut se distin- guer ni dans les sciences ni dans les lettres...... » La vérité n’est pas moins essentielle aux belles- lettres qu'aux sciences , mais l'une et l'autre y arrivent par des routes différentes. Les passions m'ont rien de commun avec les vérités que les seiences présentent à l'esprit ; les belles-lettres , au contraire, pour les faire goûter s'efforcent de les rendre ai- mables. Les sciences ne parlent qu’à la raison ; elles peuvent dédaïgner tout çe qui s'écarte d’une pro- gression méthodique et rigoureuse ; les belles-lettres parlent de plus à lesprit , au cœur et à l'imagina- sion , et emploient le coucours de toutes les impres+ (33m) sions réunies pour faire connaître et aimer la vérité... » Elles font usage de la fiction pour suppléer à l'histoire par des exemples qu'elle ne présente pas, ou pour donner de l'ame et de la vie à leurs peintu- res , par des allégories ingénieuses , et faire adopter , sous une parure agréable, la vérité qui, dépourvue d'ornements , eût pu blesser une excesssive délica- tesse ; mais ceux qui ne sentent pas pour le vrai ce goût vif qui le fait préférer à l'éclat d’une vaine Parure , ne seront jamais que des écrivains ou fri- voles ou dangereux. » Que l’on admire, avec raison , dans le savant, l'étendue de ses connaissances , mais cette étendue est-elle plus limitée dans l'homme de lettres? La seule différence n’existe réellement que dans l'objet de leurs travaux, » On conçoit facilement l'immensité des études pré- liminaires qui doivent former un savant, et que plus il possédera de connaissances physiques et mathématiques ; plus il réunira de moyens pour accéder à de nouvelles découvertes ; mais, pour traiter un seul sujet de littérature d’une manière supérieure , n’a-t-il pas fallu s'être formé le goût par la lecture des auteurs qui ont rendu la raison aimable , étudier les règles pour s'y conformer , la nature pour limiter , les passions pour les émou- voir , les faiblesses du cœur humain pour le diriger et s’en rexdre le maître ? Lequel est le plus admi- rable ou de Racine , quaud il nous ravit , quand il nous attendrit jusqu'aux larmes , ou de Newton, quaud ik soumet au calcul le mouvement des astres et l'harmonie de l'univers ? » La justesse d'esprit , si essentielle au savant pour Jui garantir l'exactitude de ses combinaisons et de ses calculs , est-elle moins nécessaire à l’homme de- P 4 Fontenelle. ( 232 ) lettres ? N'est-ce pas ce discérnement qui fait dis+ tinguer la yérité de l’errear , considérer les objets tels qu'ils sont sans les atténuer ou les grossir » les diviser ou les confondre ? C'est lui qui nous conduit dans le choix de nos sujets , de nos moyens, de nos preuves; qui nous éloigne également d'une ennuyeuse probxite et d'une brièveté obscure, et nous fait tenir ce milieu si recommandable dans lequel consiste la perféction. | » Enfin , le savant , comme l'homme de lettres, a besoin d'une grande facilité pour communiquer ses idées ; car les connaissances les plus sublimes qu’il ne pourrait communiquer seraient perdues pape le progrès des sciences et pour sa gloire. Or, c’est ici que le savant reconnaitra l'importance d’avoir cul- üvé les belles-lettres ; ou plutot , Messieurs , qui ne sentira l'avantage de réunir autant. qu’ il est pos- sible l'étude des sciences et des beaux arts ? » Si les sciences exactes servent à régler les OpéRA- tions de l'esprit , enseignent à babes LA avec mé- thode , empêchent &e franchir le cercle de la raison, les Apte lettres servent de délassement à leurs péni- bles travaux ; elles adoucissent l'austérilé, compagne si ordinaire des profondes spéculations, et répandent sur les connaissances les plus abstraites un charme inexprimable qui en fait oublier les difficultés. » C’est pour avoir su les réunir et les cultiver tour- à-tour, que notre illustre compatriote s'est acquis une gloire immortelle. Avec quelle facilité il fait passer dans l'esprit les connaissances les plus com- pliquées ? Géomètre , astronome , physicien , litté- rateur aimable , il sème de fleurs les sentiers legs plus épineux , et semble étendre l'intelligence de ceux qu’il instruit, » Si les études si différentes entr’elles sont dépen- ( 255 dantes les unes des autres et se tiennent par de nombreux rapports , l'intérêt et le plaisir sont un double motif pour ceux qui les cultivent de se re- chercher et de s'unir par les liens d’une estime réciproque, « Dissertation sur l’Andrienne de Térence et quelques autres pièces de ce poële , où l’on prouve qu'il a ému les passions jusqu’à faire répandre des larmes ; par M. Dusourray. » Dans une dissertation que j'ai eu l'honneur de lire à la dernière assemblée publique de cette Aca- démie , je réclamai Térence en faveur du drama- tique attendrissant. Cette proposition a trouvé des contradicteurs ; on a même avancé qu’on ne trour vait, ni dans Térence , ni dans aucun auteur ancien ou moderne avant M. de la Chaussée, rien qui ressemble à ce dramatique. Cette question de fait m'a paru assez intéressante pour mériter d'être dis- cutée de nouveau : ce sera pour moi l'occasion d'ajouter aux preuves de raisonnement que j'avais rassemblées dans ma première dissertation ;, des preuves de fait plus décisives encore que les pre- mièress...... » Térence ne fut pas moins habile dans l'art de peindre les ridicules que dans celui d'émouvoir le cœur en amenant des situations attendrissantes. U l'emportait, d'après les anciens, sur tous les autres poëtes comiques par léthesis : or , suivant Quintilie ét M. Rollin , dont je citerai les propres paroles, l'ethesis consiste » dans des sentiments plus doux, » plus tendres , plus insinuants , mais qui n’en sopt 1750: (254) » pas moins touchants ni moins vifs, dont l'effet v’est pas d'entralner comme de vive force , mais » d’intéresser , d’attendrir , en s'insinuant douce- ment jusqu’au fond du cœur. « Les passions citées dans Quintülien et M. Rollin sont l’amour conjugal, paterne!, filial , les vertus touchantes.... Et, certes, les anciens mettaient entre les comédies de Plaute et de Térence une assez grande différence pour ne trouver personne de comparable à ce dernier : Terentio non similem dices quempiam. » Un grand » avantage de Térence sur Plaute, dit madame » Dacier , c’est que la plupart des ses beautés con- » tentent l'esprit et le cœur, au lieu que celles de » Plaute ne contentent que l'esprit. « Je pourrais déjà conclure de ces autorités , que le grand mérite de Térence était de peindre les mœurs d’une ma- niére tendre et touchante ; mais je dois y ajouter des preuves plus positives. Je commence par l’ex- position de l Andrienne , pièce qui , au jugement des connaisseurs , est le chef-d'œuvre de lPantiquité. » Un vieillard d'Athènes a un fils né avec de bonnes inclinations et d'un excellent caractère. Dans Je moment où il se propose de lui faire épouser la fille d’un autre vieillard de ses amis , 1 découvre que ce jeure homme a une passion violente pour une jeune étrangère qui n’a en partage que la teu- dresse et la beauté. Le père fait tous ses eflorts pour rompre cet engagement; mais rien n’est ca- pable de détacher Pamphile de sa chère Andrienne, et il est résoln à tout souffrir plutôt que de l'aban- donner , lorsqu'on découvre que cette jeune étran- gère est une autre fille de ce même vieillard ami du père de Pamphile , et dont on lui proposait: la sœur : tout s'arrange et finit à la satisfaction gé- uérale, Or , je le demande ; est-il d’abord un sujets « - (233) plus intéressant, plus propre à émouvoir la sensis bilié , qu’un amour délicat, généreux et tendre ? Pamphile n’est attaché à sa maitresse que par la bonté &e son cœur et par sa prabité, In’ y a de scènes plaisantes dans la pièce que celles des ruses du yalet , et encore sont-elles accessoires et épisodiques; c’est la passion délicate de Pamphile qui fait le fonds de cette comédie. » Sans doute , l'amour se mêle à toutes les comé- dies, mais cet amour est communément ce qui in- iéresse le moins les spectateurs , et , en général , rien de plus froid dans les bonnes comédies que les rôles des amants. Mais, dansle dramatique , les vertus touchantes tiennent le premier rang , et tel est le caractère de l'amour de Pamphile. Je n’offrirai , pour exemple , que la dernière scène du premier acte ; elle se passe entre Pamphile et Mysis , la suivante d'Andrienne. Pampnize, Qui parle ici? Ah ! Cest toi, Mysis. Mysis. Bonjour , Monsieur. PAMPHILE. Que fait ta maitresse ? » Mysis. Ce qu'elle fait ? Elle commence à ressen- ür de vives douleurs. Mais elle est encore plus tourmentée par ses inquiétudes ? Elle sait qu’on a résolu de vous marier aujourd’hui, et elle craint plus que toutes choses que vous ne l'abandonniez. _» Pampuire. Ah ! Pourrais-je seulement en avoir la pensée ? Pourrais-je soufrir qu’elle fût si cruelle- ment trompée ? Elle que j'ai toujours aimée avec toute Ja tendresse dont je suis capable et comme ma chère épouse : elle qui m'a confié son cœur , son honneur , le repos de sa vie; je soufirirais qu'ayant été élevée avec tant de soin et d'honné- teté , l'indigence la contraignit de changer , et de faire des choses indignes d'elle !.... Non, je n'y çonsentirai jamais. s - = - » _ € 236 ) » Mysis. $i cela ne dépendait que de vous seul, je ne craindrais rien ; mais j'appréhende que vous ve puissiez résister aux violences qu'on pourra yous faire. N » Pamprize, Quoi! Mysis, me croirais-tu assez lâche , assez ingrat, assez barbare, pour n’étre touché ni par l’union intime de nos cœurs, ni par sa tendresse, ni par mon honneur? Crois-tu que. tant de motifs ne me déterminent pas à lui garder la foi que je lui ai promise ? » Mysis. Tout ce que je sais , au moins , c’est qu'elle mérite bien que vous ne l’oubliez pas. » PAMPHILE, Que je ne l'oublie pas! Ah! Mysis, Mysis ! Les dernières paroles de Chrysis à son sujet sont encore gravées dans mon cœur.... Elle était expirante , elle m’appella , je m'approchai ; vous étiez éloignée, et il ny avait près d'elle que ma chère Andrienne et moi. » Mon cher Pamphile , ». me dit-elle , vous voyez l’âge et la beauté de cette » malheureuse fille, et vous n’ignorez pas combien » ces deux choses sont peu propres, l’une à con- » server son innocence , et l’autre à conserver son » bien, Je vous conjure donc, par cette main que, » vous me tendez , par la bonté de votre caractère , » par la foi que vous lui avez jurée , par le dé- » laissement où elle va se trouver , de ne jamais » l’abandonner, de ne vous séparer jamais d’elle, » Si je vous ai aimé comme mon propre frère , si > elle n'a jamais aimé que vous , si elle a eu pour, » vous Îles complaisances les plus tendres , je vous » donve à elle comme son époux, son ami , son, » tuteur , son père. Je remets en vos mains toutes » ces choses , et les confie à votre bonue foi. « Ensuite , elle joignit nos deux mains, et aussitôt, elle cessa de vivre..... Je l'ai reçue d'elle, et je, la garderai toute ma vie..... C357 ) » Si tout ce fragment n’est pas extrémement tou: Chant et attendrissant , j'avouerai que je ne connais rien qui merite ce mom dans aucun auteur ancien ou moderne. Madame Dacier dit à ce sujet qu’elle ne peut lire cette scène sans être attendrie, et qu’elle ne connait rien de mieux écrit ni de plus touchant, » Je pourrais ajouter à cet exemple beaucoup d’autres , tirés du même auteur ; car Térence mwaà pas moins bien réussi à peindre l’amour paternel que l'amour conjugal. Je me bornerai , pour ne pas grossir inutilement cette dleatatt » au passage qui suit; il est tiré de la pièce intitulée : Heauton Timorumencos. » Un père, en montrant trop peu d'amitié et dë confiance à son fils, et Jui faisant , pour des fautes légères, des réprimandes trop sévères , a occasionné sa fuite de la maison paternelle. Retiré à la cam- pagne , ce père se punit lui-même de ses rigüeurs excessives. Un de ses voisins , nommé Chrémés , cherche à le consoler. Menedème , c’est le nom du père , lui demande le motif de Pintérêt qu'il lui témoigne ; Chrémès lui répond par cette belle ma- xime : » Je suis homme ; rien de ce qui intéresse » l'humanité n’est étranger pôur moi. « » Chrémès l'engage à lui ouvrir son ame , lui offre ses conseils, sa bôarse. » Menenème. Hélas ! J'ai un fils ; ou plutôt qu'ai- » je dit? Malheureux père ! Je ne l'ai peut-être plus. « » Il lui raconte ensuite en détail ce qui à occa- sionné la faite de son fils, et la douleur dont il a été frappé à cette triste nouvelle: Cette peinture est téllement déchirante que Chrémès, resté seul sur le théâtre, dit, en soupirant : » ii m'a ému jus= # qu'aux larmes ; et me fait une yraié compassion. « » Le retour du jeune homme fait naitre une (258) affection contraire et non moins attendrissante, Lé caractère de ce fils est également intéressant , ét devient un nouveau témoignage en ma faveur. » Il me resterait à prouver que le genre drama- tique a pareiïllement exercé la plume des modernes ; je me contenterai de citer le Philosophe marié , et le Glorieux. Certes! la scène où Mélite se jette aux pieds de son père , et la reconnaissance de Lycandre et de sa fille sont tellement attendrissantes qu’elles font répandre des pleurs. » Présentement, je le demande, comment se peut- il que l’on avance qu'avant la Chaussée ; aucun auteur ancien ou moderne n’avait rien écrit pour le théâtre dans le genre dramatique ? » Loin de décourager les auteurs de nos drames par une critique que le cœur désavoue , rendons justice à leurs talents ; leurs succès n’ôtent rien à la gloire de nos grands poëtes tragiques et comi- ques. Quand nous leur devons une nouvelle source d’agréments ét d’intructions , nous aurions tort de nous plaindre des soins qu’ils prennent de muiti- plier nos jouissances, « Réflexions sur lHécube d’Euripide; par M. DumorART,; # L'Hécube d'Euripide a toujours passé pour une des plus belles productions de cet auteur célèbre. Les situations en sont terribles, et la pitié et la ter- reur y sont portées à leur comble. Que de larmes Wa-t-elle pas dû arracher à une nation qui regar- dait les malheurs de cette princesse comme nne dépendance de l'événement le plus glorieux à la Grèce ! (259 ) » Mais des hommes qui longtemps après , avec des mœurs et une religion très-différentes , ne de- vaient pas penser comme les grecs, et pouvaient prendre à la guerre de Troye un intérêt médiocre , ont cru reconnaître dans la pièce d’Euripide un double intérêt, une double action , et ont poussé la sévérité de leur critique jusqu’à lui disputer le titre qu’elle porte. » J'ose essayer ici de venger un des plus beaux génies de la Grèce de reproches peu mérités, et j'espère que lersqn’on aura bien saisi le véritable sujet de cette tragédie, on rendra plus de justice à la régularité de son plan et à la beauté de l'exé- cution. » Pendant le siége de Troye, Priam avait confié Polydore , son dernier fils, à Polymnestor son ami, et l'avait envoyé en Thrace avec des trésors consi- dérables ; cet hôte barbare et perfide avait sacrifié à son avarice ce prince infortuné dom le corps était demeuré sans sépulture. » Après la prise de Troye , Hécube partagea les malheurs de sa famille et devint la captive d'Ulysse ; elle croyait Polydore en sûreté, et n'avait plus à trembler que sur les jours de Polyxème , sa fille, qui fut enfin immoiée sur le tombeau d'Achille , pour obtenir le reiour de la flotte retenue en Thrace par les vents coutraires , dans le pays même où Polydore régnait. » C'est dans le moment qu'elle s'occupe des fu= nérailles de cette princesse malheureuse que ses suivantes découvrent sur le rivage un cadavre privé de sépulture , c’est celui de Polydore, L’embre de ce prince apparait à Hécube , et elle est enfin ins- truite du malheur de son fils ; elle en tire une ven- geance terrible en immolant aux manes de ce 6ls (240) et aux yeux de Polymnestor , les deux fils de ce per: tide , et lui crevant ensuite les yeux. Les honneurs funéraires rendus à Polydore terminent la pièce. » Les critiqües ont trouvé que la tragédie était vraiment terminée au moment où Hécube a tiré la vengeance terrible qui frappe Polymnestor du coup le plus sensible, et que les honneurs funé- raires rendus à Polydnre sont une épisode par- faitement inutile , ou plutôt une pièce ajoutée à une pièce. Relativement au titre , ils auraient préféré que la pièce fût intitulée ou Polymnestor ; ou les funérailles de Polydore , et non Hécube ; puisque le rôle de cette princesse n’est , selon eux , que très-secondaire. » Pour repondre à la première de ces objections ; il faut se reporter au temps ou Euripide se faisait admirer , et considérer qu'elles étaient les mœurs des peuples pour lesquels il écrivait ses chef- d'œuvres ; et quel était le but de sa tragédie ? » Ce v’était ni le désir ni le plaisir de s'amusér qui conduisäient les athéniens au théâtre, La vra- gédie était chez eux Fécole des mœurs ; une pièce “m'était finie que lorsque le crime était puni et la vertu récompensée , et ils n'auraient point applaudi à une tragédie dans laquelle la vertu aurait suc- combé sans être vengée. D'un autre côté , un de leurs principes religieux les plas révérés était l’obli- gation derendre aux morts les honneurs funèbres. Ces idées avaient passé de l'Égypte dansla Grèce , et il n'est aurune nation policée qui ne les ait eues, quoi- qu’en ait ‘ingulièrement varié dans la manière de s'acquitter de ce devoir. La mythologie menaçait les ames de eux qui en étaient privés, d’errer un siècle entiér sur les bords du Styx ; le stoïcisme faisait bra- terla mort, rendait presque insensible à ses coups ; mais C241) mais il né mettait pas au dessus du deshonneur et du malheur d’être privé de la sépulture. Que l'on juge après cela de l'obligation dans laquelle Euri- pide se trouvait de ne pas terminer sa pièce à la punition de Polymnestor , et sans avoir rendu à Polydore des honneurs funèbres. C’est une omission que les grecs ne lui auraient point pardonnée , parce que c'eût été traiter avec indifférence un des points les plus révérés de leur religion. Virgile, qui connaissait si bien les mœurs des grecs, et qui était un observateur si scrupuleux des convenances , restreint à ce seul service la prière de Palinure et de Mezence à Enée : ; 4 AFneid , Eripe me his | invicte , malis : aut tù mihi terram 1. VI, 565. Injice Ib. X,, Et Unum hoc per (siqua ést victis venià hostibus } oro , Ve go1. Corpus humo pätiare tegi. Scio acerba meorum Circumstare odia : hunc ( oro) defende furorem , Et me consortem nati concede sepulchro. Hécube vient de perdre une fille adorée , et ses principes religieux lui font presque oublier sa dou- leur pour ne songer qu’à lui rendre les honneurs funèbres. Les grecs en ce moment semblent ou- blier qu'elle est leur ennemie et leur captive, pour lui permettre de remplir un devoir également sacré pour eux ; et l'on voudra qu'indifférente au mal- heur de Polydore , dont la mort rompt tous les liens qui l'attachent à la vie , malheug qui lui est révélé par l'ombre même de ce fils infortuné , n’allume pas dans son cœur le désir de la vengeance ! Mais c'est trop peu que de s'être vengé ; le corps de Polydore , privé de sépulture , eût été un aban- don criminel, une insulte atroce de sa part, et qui ne peut ni se conceyoir daus les mœurs des grecs, Q (232) ni.se concilier avéc la vengeance terriblé qu'elle tire de Poly mnestor. Il fallait done satisfaire aux mânes de Polydore , rendre à son corps les derniers de- voirs ; et négliger cet acte religieux eût été, aux yeux des grecs , une impiété , une barbarie. Les honveurs funèbres rendus à Polydore sont donc une partie essentielle de la pièce , et la négliger ou l'omettre eût été une inconséquence dont Euripide n’était pas capable. Cette pièce n’est pas la seule tragédie grecque qui ait un objet pareil. L'Ajax de Sophocle finirait pour nous au récit de sa mort ; mais le peuple d’Athènes eût été indigné si le poëte lui eût laissé ignorer le sort du corps de ce héros. L'ordre d’A- gamemnon , qui prétend que le corps de son en- uemi soit privé des honneurs de la sépulture , amène les scènes les plus violentes ; enfin , désarme , persuadé par Ulysse , Agamemnon consent que ces honneurs lui soient rendus, et la pièce est vraie- ment finie pour les grecs. Il est tellement vrai que n'être pas ibhué: était chez les grecs un supplice plus redouté que la mort même, que dans la tragédie des Troyennes, l'acteur qui annonce à Andromaque qu’Astianax est condamné à étre précipité du haut des remparts ;, ajoute : » obéissez sans murmurer, ou votre fils » sera privé de la sépulture et des lamentations ordi- » naires, « Mais voici une preuve plus directe encore de l'importhice que les grecs mettaient à n’étre pas privés des derniers devoirs ; c’est que les Sup- plantes n'ont pas un autre but , et que le refus de Créon, d’accorder cet honneur à Polynice et à ses alliés , suffit pour indigner Thésée et le détermi- ner à marcher contre Créon , à la tête d'une armée puissante, | (245) Ainsi , la vengeance de la mort de Polydore ,; et les honneurs funèbres rendus à ce prince inno- vent, sont l'unique sujet de la tragédie d’Hécube ; et, dans les mœurs, dans les principes des grecs , l’un ve pouvait être séparé de l’autre. Il serait donc injuste de reprocher à Euripide de s'être conformé aux usages civils et religieux de son pays, dans la composition d'une pièce dans laquelle ïl a d’ailleurs employé les grands ressorts qui peuvent remuer puissamment le cœur humain, la terreur , la piué , l’indignation, etc. Quant au titre de cette pièce , s'il appartient vé- ritablement au personnage qui, d’un bout à l'autre , est dans l'action la plus violente, qui occupe pres- que continuellement la scène sur lequel tombe essentiellement la compassion , on ne saurait dis- convenir qu’il n’appartienne rigoureusement à Hé- cube. L'ombre de Polydore n'apparait qu’une fois dans la fpièce ; Polymnestor n’excite que l'indi- gnation : c'était donc du nom d'Hécube qu'il fallait intituler cette tragédie , et tel sera , je crois , le sentiment de tout homme judicieux, sans préjugés, et qui ne lira pas Euripide dans l'intention unique de le critiquer. Extrait d’un discours de M. BELLET sur cette gestion : » Est-on plus heureux d’être né avecades passions fortes qu’avec des passions médiocres ? « » On a depuis long-temps reconnu l'illusion de ce systéme orgueilleux qui voulait dépouiller l'homme de toutes les pass ons, C'était substituer au degré de sagesse qui vous est destiné une perfection chi- Q 2 (244) mériquê ; c'était même ôter à la vertu les appuis et les secours dont elle a besoin. » Mais de cette vérité, qui n’a plus de contra- dicteurs, naît une question délicate : Si les passions sont nécessaires à l’hcemme , est-on plus heureux d’être né avec des passions fortes qu'avec des pas- sions médiocres ? » Les passions sont les aîles de lame ; elles l’élèvent et la soutiennent : leur force ne peut donc , ce semble, tourner qu’à notre avantage. » Envain le premier coup -d’æil le décide ainsi, laréflexion va détruire ce jugement précipité. Descen- dons dans notre cœur, examinons ce qui s’y passe, c'est-là le siége du bonheur. Et en quoi croyons- nous qu'il consiste? Il résulte essentiellement et de notre vertu et de notre repos. Sans la jouissance de ces deux sortes de biens, nous ne ferons jamais que grossir la foule des infortunés. Mais il est aisé d’éta- blir qu'ils sont tous deux plus compatibles avec des passions médiocres qu'avec des passions fortes... » Oui, sans doute, il nous importe de nous jeter dans les bras de la vertu...... La félicité du genre humain est incontestablement son ouvrage. Il est triste que nous éprouvions des penchants si con- traires aux lois qu’elle nous prescrit; mais nous trou- vons au-dedans de nous les plus grands obstacles à Vaincre... » La vertu n’établit son empire que sur les ruines du vice ; il faut qu’elle en triomphe pour régner en souveraine dans nos cœurs. Malheureusement il s’aide contre elle de toutes nos passions ; et dès qu’il a su les mettre dans ses intérêts , quels redoutables ennemis w’a-t-elle pas à combattre ! Elles font partie de nous-mêmes et ne nous proposent que ce qui nous flatte. Si d’ailleurs elles sont fortes, violentes, C245) le moyen de leur résister ?.... Aussi tombonsnous dans le précipice quand nous sommes poussés par un tourbillon impétueux ; nous nous arrétons sur le bord de l'abime et nous retournons en arrière lors- que, conduits par un souffle léger , nous avons le temps de fixer le péril et d'en calculer les consé- quences. | » Nous convenons que les passions peuvent servir d'instrument à la vertu comme au vice; que la sa- gesse emprunte quelquefois leur force pour exécu- ter les plus nobles projets, et que plus les monstres qui exercent notre courage sont furieux, plus il est glorieux de les terrasser. Mais l'honneur d'une vic- toire plus brillante doit-il faire autant d'impression sur nous que l'incertitude de la remporter? Un peu moins de gloire et plus de sûreté, dit la prudence, quand un laurier plus éclatant contraste avec une honteuse défaite. Or , ne nous flattons point, nous risquerons tout avec les passions : il s’en faut bien qu'elles soient aussi souvent l'instrument de la vertu que celui du vice,.... Quelle sera donc natre si- tuation si des passions fortes sont notre appanage ? Nous n'en serons que plus facilement ébranlés ; tout deviendra pour nous un piége dangereux; la sagesse aura beau nous parler, nos passions auront parlé plutôt qu’elle , ou leur voix, plus impérieuse, étouffera la sienne..... Des passions médiocres nous laissent beaucoup plus de liberté; nous rentrons avec elles dans tous les droits de la réflexion et de lPexamen, et nous nous déterminons plus sûrement en faveur de la sagesse. » Mais des passions fortes ne nous mettent pas seulement aux plus rudes épreuves lorsqu'il s’agit d’embrasser le parti de la vertu , elles nous opposent encore les plus grands obstacles quand il s'agit d'en régler la pratique. Q 5 Facilius est erclu- dere perni- ciosa,quams regere , et non admit- tere, qua admissa moderari. Senee. 1,1, de Ird , ce I, 0.7. Pirtutibus vilia confi- nia. Senec. ÆEpist, , j320,4 Prodigus liberalem ëmilalur , negligentia Liberalita- dem,lemerti- Las fortilu= dinem, Ibid, C 246) » La vertu a ses règles comme tout le reste. Elle doit être d'autant plus soumise à l’ordre qu’elle n’en est, à proprement parler, que la connaissance et l'amour. Quel préjugé contre les passions fortes ! Que faut-il de plus pour nous les rendre justement suspectes ? Elles sont par elles-mêmes impatientes du joug, toujours prêtes à le secouer , à n’en re+ connaître aucun. Leur vivacité naturelle les fait agir comme par saillies; tout ce qu’elles inspirent portent moins le caractère d'un choix libre et éclairé que celui d'une impulsion aveugle presqu’invincible : comment seraient-elles capables de mesurer tous leurs pas? Comment pourrait-on leur persuader de varier saus cesse leurs démarches pour les assortir exactement aux circonstances qui se présentent ? » On à raison de dire que les vices confinent avec les vertus : un point presque imperceptible les sé- pare , et ce point unique et délicat doit échapper aux passions fortes...... La première occasion suffit pour les emporter au-delà du cercle tracé par la sagesse...... Lés excès dans la vertu leur paraissent la vertu même portée à la perfection..... Ainsi tout dégénère entre leurs mains, et sous de tels guides la libéralité ne tarde pas à devenir profusion, la bonté faiblesse, la grandeur d’ame orgueil, le cou- rage témérité. » Qu'est-ce qui a distingué dans tous les âges ces hommes vertueux dont la vie embellit nos histoires? La modération réforma leurs penchants et dirigea dans eux l'amour de la justice. Mais des passions modérées ne font-elles pas en notre faveur l'office de la modération? Elles nous épargnent les orages que celle-ci est obligée de calmer, et nous placent d'elles-mémes dans l’état paisible où la veriu ne peut nous faire parvenir qu'au prix des plus grands sacrifices... ... (247) » Que dirons-nous du repos que l'homme désire naturellement et qu’il a raison de croire nécessaire à son bouheur?, Les passions fortes sont-elles en éiat de nous le procurer? Le cœur qu’elles mai- trisent ressemble à une mer toujours orageuse où, comme autant de vents furieux, elles excitent les plus violentes tempétes..... Toujours trop éprises de l'amour des biens où elles aspirent , elles n’en peuvent soutenir la privation , elles trouvent insup- portable le moindre intervalle qui les en sépare ; le repos du cœur s’'allierait-il avec des mouvements si inquiets , si tumultueux ?..... Voulons-nous jouir de tout le bonheur auquel il nous est permis de prétendre? A yons soin , disent les sages, de le placer près de nous et de le faire dépendre d'objets qui sont à notre portée. Mais les passions fortes savent-elles un art si salutaire , sont-elles capables de sy plier ?2..... On les croirait au comble de leurs vœux, et déjà elles en forment de nouveaux , la carrière s'étend devant elles; ce qu’elles acquiè- rent leur ouvre les yeux sur ce qui leur manque ; insatiables , leurs désirs sont infinis , leurs soucis tüujours renaissants. ..... » Heureux celui dont le cœur n’est ouvert qu'à des passions médiocres ! Il ne soupçonne presque point dans le monde de situation plus délicieuse que la sienne. Des plaisirs également simples et touchants s'offrent à Jui de toutes parts ; satisfait de la place qu'il occupe , il ne voit au-delà que de plus grandes servitudes , que des écueils plus dangereux. Il s’interdit sans effort tout ce qui doit être acheté trop cher par les soins ou par les regrets. A l'abri de ces grands ébranlements de l'ame, qui ont quelquefois amené des scènes tragiques sur le théâtre du monde, il conserve d'autant plus son repos Q 4 IVon sunk prætereà cupiditates in longin- quum mil tendeæ , sed in vicinuns illis egredi permilta- mus Senec., de Tran- quill. ani- INŒ y Ce E, (248) qu’il ne songe point à troubler celui des autres... » Personne n'ignore qu'une passion dominante nous punit toujours par les moyens mêmes que nous prenons pour Ja contenter. L’avare , à force de vouloir tout acquérir , tout conserver, ne jouit de rien. L’ambitieux , qui brûle de s'élever au-dessus de ses rivaux , se dégrade et s’avilit par des com- plaisances serviles. Le voluptueux , en outrant les plaisirs , les émousse et en perd le sentiment..... _» Puisque nous ne cherchons qu’à découvrir ce qui peut contribuer à notre bonheur, ne balançons donc plus à nous déclarer pour les passions mé- diocres contre les passions fortes. On ne peut nier que celles- ci ne nous rendent le vice plus redouta- table et la pratique des vertus plus difficiles; qu’elles ne connaissent peu les bornes que la raison prescrit à nos désirs ; ; qu'avec elles nos recherches ne soient toujours trop empressées. Quelques légitimes LS soient les objets que nous poursuivons , tous les funestes effets réunis, en éloignant de nous la sagesse et le repos , mous ravissent ja félicité qui serait pour ainsi dire dans nos mains si nous n’avions que des passions médiocres. » Nunquam assumet ratio in adjutorium improvidos et violentos impetus. Senec., de Ira , ©. IX. « (249 ) Porsre. Ce serait ici le lieu de placer les divers morceaux de poësies qui appartiennent à ce volume. Plusieurs motifs nous ont déterminé à n’en donner qu’nne notice extrêmement succincte. 1° Plusieurs de ces pièces sont relatives à l'institution de V Académie, et après une longue suite d'années elles ont perdu beaucoup de leur intérêt ; d’un autre côté , on s’est occupé assez longuement de cette institution dans les chapi- tres consacrés à l'histoire de l'Académie , pour craindre de fatiguer par des redites nouvelles ; 2° et c’est une raison plus déterminante encore , la plupart de ces morceaux ont été rendus publics par la voie de l'impression ; le Journal. de Ferdun en contient plusieurs ou en entier , ou en extrait ; et plusieurs autres ont été publiés par leurs auteurs. Ces pièces, au nombre de neuf, sont : 19 Le Poëme de Madame Dubocage , couronné à la séance publique de 1746. Le rédacteur du journal cité, à la suite de ce poëme , a imprimé pareil- lement une adresse en vers à Madame Dubocage, par M. Duboullay; galanterie de circonstance que l'urbanité et l'à-propos firent lire avec intérêt. 29 Une Ode de M. de Bettencourt à Fontenelle, sur le projet d'établir à Rouen une Académie des sciences , etc. Nous n'avons pas laissé ignorer la part que notre illustre compatriote eut à cet établis- sement, et que ce fut Fontenelle qui en rédigea les premiers statuts. ( 250 5° Une Ode du même M. de Bettencourt , sur les Révolutions de la poësie française. Ce tableau, dont le sujet se trouve dans l'Art poëtique , présente sur les Corneille , Racine, etc. , des stances heureuses, et dont le patriotisme double l'intérêt. 4° Une Eglogue allégorique sur la convalescence du Roi, par M. l'Abbé Fontaine. Tout le monde sait que cet évènement heureux fit éclore une inf- nité de morceaux de poësies, dont la vérité et le sentiment furent l’ornement principal. 50 Des Stances sur l'établissement à Rouen , d’une d'une école gratuite de dessin. C'est un hommage bien légitime rendu , par la reconnaissance , au sage fondateur de cette école ,M. Descamps , à MM. Lecat et Bouin qui, par leurs savantes leçons , concou- rurent au perfectionnement des élèves. 6° Odessur la paix, par M. de Rougeville. Des peintures vraies des malheurs de la guerre n’y font que mieux ressortir les avantages de la paix. 7°.La Paix, dialogue, par M. l'Abbé Fontaine. Deux bergers sont les interlocuteurs. On remarque dans cette pièce du naturel et de la sensibilité. 8° Amclie, poëme allégorique sur l'établissement de l'Académie. L'auteur est M. l'Abbé Fontaine. 9° Epitre sur le goût , à M. Duboullay , par le. même M. l'Abbé Fontaine. C'est une suite de conseils utiles que l'expérience donne à un jeune ami dont elle désire de former le goût. Et quel autre méri- tait mieux cette attention délicate que M. Duboullay ! Nouvellement associé à l'Académie , il se distinguait déjà par ses talents et son aménité; nous le verrons biemtôt y occuper avec honneur la place de secré- taire perpctuel , pour la partie des belles lettres. ELO'GES HISTORIQUES. Elozes de M1. Clerot , de Fourmetot et de Bettencourt ; par M. DE PRÉMAGNY, : : - 1745: Messieurs , à peine avons-nous eu le temps de vous entretenir de notre établissement que nous nous trouvons dans l'obligation de vous occuper de nos pertes. Ni les vertus, ni les talents, ni la jeunesse ne mettent à l'abri des coups foudroyants de la mort. Trois de nos collègues estimables nous en fournis- sent ici la preuve , et aux tristes devoirs que nous rendons à leur mémoire , se mélent les regrets que nous éprouvons de ne les plus voir assis parmi nous. M. Clerot , avocat au Parlement de Normandie, avait fait une étude particulière des antiquités de cette province. Il en débrouillait le cahos avec discer- nement. On en peut juger par plusieurs mémoires qu'il a publiés. Des recueils immenses , fruit d’un travail prodi- gieux, et qu'il a laissés manuscrits, font regretter qu'il n'ait pas eu le temps d’en former un ouvrage régulier, Le laborieux auteur de la Description de la Haute- D, Duples- Normandie trouvait en lui depuis quelque -temps sis, Relig. un adversaire dont il ne dédaignait pas de repousser Bénédictin ; les coups, Sans décider à qui serait demeuré l'ayan- HA a . ës . 1745: (252) tage , on peut assurer au moins que ces disputes littéraires ont toujours leur utilité, lorsque l’aigreur en est bannie et que la politesse règne entre les combattants. M. De Fourmetot joignait à de vastes connaissances en littérature, un goût décidé pour la physique. Il avait consacré le temps que lui donnait sa retraite et son séjour presque continuel à la campagne , à l'étude de la chymie , non pas de cet art ridicule et justement méprisé, fondé, créé par l’avidité des richesses et payé par lindigence ; mais de cette science vraiment utile qui nous révèle les opérations de la nature , et qui trouve dans d'utiles combi- naisons des remèdes nécessaires à la vie. Les dissolvants étaient l'objet principal de ses recherches , lorsqu'il nous fut enleyé par un de ces accidents contre lesquels la vigueur de la jeunesse , les secours de l’art, les soins de la tendre amitié ne sont que des moyens impuissants. | Il venait de nous communiquer un mémoire historique sur l’origine , les progrès , la décadence, et le renouvellement de la chymie. On a toujours reconnu en lui les fruits d’une édu- cation soignée, une belle ame, beaucoup de droi- ture , et les sentiments de religion les plus sincères. M. De Bettencourt, avocat , secrétaire perpétuel de l'Académie pour la partie des belles-lettres , était né, avec ces dispositions brillantes qui annoncent un homme capable de paraitre avec distinction dans Ja carrière littéraire. Témoins de ses premiers succès, nous yimes avec satisfaction ses talents se développer et s'accroître par les liaisons qu’il forma avec des hommes d’un mérite éminent. (3559 La poësie avait été son plus cher amusement dans cet âge heureux où l'esprit semble avoir le droit d’'égayer la raison , et de badiner avec la sagesse. La sienne ne respirait que l’enjouement, et ses ouvrages étaient le fidèle tableau de la déli- catesse de ses sentiments, de la bonté de son cœur, et de la sérénité de son ame. Le reste de son temps fut toujours consacré à l'étude de la jurisprudence, et à la défense de la veuve et de l’orphelin. Peu de personnes ont connu mieux que lui la noblésse et l'excellence de cette profession , dans laquelle on devient l’organe précieux des loix. Qui l’eût pensé , Messieurs, que je fusse destiné à rendre ces tristes hommages à sa mémoire , et à jetter des fleurs sur le tombeau d’un confrère et d’un ami dont la jeunesse et les talents nous permet- taient l'espoir de le voir long-temps orner son front de nouvelles couronnes, et que les qualités de son esprit et de son cœur nous rendaient extrêmement cher. Un seul mot suffirait pour son éloge. M. de Fon- tenelle , cet homme extraordinaire qui, pendant plus d'un demi-siècle , a été l’ornement des Acadé- mies les plus célèbres , et qui, en inscrivant son nom parmi les nôtres , daigne nous associer à sa gloire, connut M. de Bettencourt, apprécia ses talents et l'honora de son estime, 2746. (254) Eloge de M. Larchevêéque , Docteur en médecine ; par M. Guérin. » Originaire de Gonneville , au pays de Caux, M. Adrien Larchevéque fut d’abord engage dans l'état ecclésiastique, Il avait pris la tonsure en 1700 et s'était livré à l'étude de la théologie. Il renonça ensuite à cet état, et fit à Rouen des répétitions de phi- losophie. Il se livra enfin à l'étude de la médecine; reçut le bonnet de docteur en l'Université de Caen, et fut aggrégé en 1724 au Collége des médecins de Rouen. » Une application constante à l'étude , un esprit observateur et réfléchi, firent de M. Larchevéque un des hommes les plus érudits et des médecins les plus habiles. » Il avait une connaissance profonde des langues savantes , et savait plusieurs de celles qu'on parle en Europe. » ÏF s'était formé une bibliothèque nombreuse ; bien choisie , et remplie de livres rares; c'était l'aliment d’un esprit juste , et l’'amusement de ses loisirs, : » Comme médecin , il mérita la confiance de ses concitoyens , et eüt pu figurer parmi les médecins les plus célèbres s’il se fût montré sur un plus grand théâtre, ou sil eût eut moins de modestie. » Îl joignit à une grande érudition des talents distingués dans l’art de guérir , un désintéressement parfait et une grande charité. » Son application constante à l'étude lui avait fait tout apprendre, ét la bonté de son cœur avait rendu toutes ses connaissances fructueuses. » I mourut subitement le mercredi G avril 1546, « ( 255 9 Eloge historique de M. le Rat, Directeur des Pomipes de la ville ; par M, Guérin. » La nature semble marquer la place qu’elle nous destine dans la société par les goûts particuliers qu’elle nous donne. L'artiste distingué dont nous regretions la perté ya nous en fournir une nouvelle preuve. » Né à Blainville-sur-Ry , de parents peu fortunés et dont la boulangerie était l'état , M. le Rat, ‘dès son enfance, 1émoigna peu de goût pour cette pro: fession, La boutique d’un maréchal voisin était le lieu qu'il se plaisait à fréquenter , heureux d'y trouver quelques morceaux de fer ou à forger ou à limer. » À 16 ans, il vint à Rouen, où il exerça divers emplois. Par-tout maîtrisé par son goût pour les méchaniques , il leur sacriliait tous les loisirs qu'il pouyait honnétement dérober à ses autres océupa- tious. | » En 1710, MM. les Maire et Echevins firent venir de Hollande une pompe pour les incendies. Témoin de l'effet qu'elle produisait , M. le Rat ne fut pas moins frappé des imperfections qu'il y avait remarquées, Il présenta, en conséquence , à MM. de l'Hôtei de Ville un mémoire dans lequel il in- diquait les améliorations qu'il avait imaginées. Ce mémoire fut unanimement approuvé , et M. le Rat fut chargé de la construction d’une pompe d après ses principes. » Les pompes anciennes avaient bien des défauts: 1° L’assemblage des différentes pièces n'était fixé que par des cuirs et des cordes goudronnées ; 2° les (256) pistons étaient de bois garni d’un cuir gras fixé avec des cloux , et très-sujets à se déranger ; 3° l'ajutage était fixe , et ce n’était qu’à l’aide de boyaux que lon pouvait donner à l’eau une direction déter- minée. » M. le Rat fixa ses pièces avec des vis et des écroux, fitses pistons en cuivre , donna à ses soupapes une forme conique beaucoup plus avantageuse , et sur-tout donna à l’ajutage une mobilité qui le rendait docile à toutes les directions que le besoin indiquait de lui donner. » En 1729 , on forma à Rouen ure administration des pompes, sous l'autorité du gouvernement. M. le Rat en fut nommé le directeur. Cette place lui four- nit l'occasion d'ajouter de jour en jour de nouvelles perfections à ses pompes, et à les rendre d’un usage aussi certain que facile. » À cette époque , la Société des Arts de Paris lui donna une preuve d’estime en l’associant à ses travaux ; et, dans l'intention de l’attirer dans cette capitale, où ses talents étaient connus et justement appréciés. M. le duc d’Antin, intendant des bâtiments du Roi, lui fit offrir un logement aux galeries du Louvre. Il refusa cet avantage et demeura fidèle à son premier engagement. ! » C'est une chose digne de remarque que Rouen, où les pompes recévaient des améliorations si essen- tielles par les soins de M. le Rat , était encore le lieu où , pour la première fois en France , Paschal et le P. Mersenne avaient, en 1646, répété publi- quement l'expérience de Torricelli, qui substitua pour toujours la pression de Pair à l'horreur du vuide. » L'Académie dé Rouen, dont le plan s'étend à tous les arts utiles , s'empressa d'accueillir M. le Rat, el "(C257) et le comptait au nombre de ses membres les plus estimables. Sa mort laisse vacante une place que vous désirons de voir remplie par un successeur d’un mérite aussi distingué. » M. le Rat avait senti de bonne heure que l’ima- gination la plus vive devait étre subordonnée à des principes , et il avait acquis par l’étude une théorie approfondie de son art. Il ne se contenta pas de se montrer personnellement utile à sa patrie, il voulut encore laisser après lui des élèves capables de faire revivre ses talents, » À ces qualités précieuses, M. le Rat joignait la probité la plus sévère. La vraie vertu est presque inséparable de la pratique des arts utiles, » L'assiduité de notre confrère à son travail ne prenait rien sur les devoirs de la religion. Une longue maladie lui donva le temps et l'occasion de s'y appli- quer d'avantage. Ses dernières années se passèrent dans une espèce d’inaction occasionnée peut-être par les émanations dangereuses des métaux: qu'il avait travaillés. » Il mourut avec tous les sentiments d'une vraie picté, le 1e* mai 1748. Eloge de M. l’abbé de Saint-Hilaire ; par M. l'abbé GUÉRIN. » Tout ce qu'ine heureuse naissance , une belle éducation, des situations avantageuses peuvent pro- mettre de nôblesse dans les sentiments, de yéné- tration dans l'esprit, de douceur danslesriœurs, an- “onca de bonne hèure chez M. l'abbé de Saint- Hilaire un des hommes les plus intéressants et les plus estimables. R 1748. ( 258 » » Quoique les prérogatives de la naissance paséent communément pour les effets d'un heureux hazard, il n’est pas moins certain que, dans une famille où la noblesse et les vertus sont héréditaires , les exem- ples domestiques influent puissamment sur l'enfance , et contribuent beaucoup à lui inspirer des sentiments élevés. M, l'abbé de Saint-Hilaire reçut ainsi dans la maison paternelle les premières leçons de sagesse et de vertu. » Son éducation se trouva alors partagée entre les soins de sa famille et les instructions du collége. » Il n'y eut que peu d’intervalle entre ses pre- mières études et le choix d’un état. Il entra presque enfant au noviciat des jésuites, et se livra avec ferveur aux exercices de sa nouvelle profession. » Obligé ensuite de recommencer, en qualité de maître , un cours d’humanités , il dirigea ses travaux vers l'étude des belles-lettres : poësie latine et fran- çaise, étoquence , langues , etc. , il s'appliqua à tout, Il ne se borna point à une connaissance réfléchie des Dbons*auteurs , à bien saisir une pensée fine , un vers harmonieux ; il ft servir les belles-lettres à la sagesse et à la vèrtu , et, sans négliger les fleurs, il s’attacha à en recueillir les fruits. » Il cultiva les mathématiques avec succès , et sou- ünt un acte public sur cette intéressante partie de ses études en présence de MM. de l’'Académié des Sciences, M. Cassini, qui était du nombre, dit en sortant : » quel dommage qu'un esprit de cette » trempe ne puisse pas se donner tout entier aux #» mathématiques ! « » Les grandes qualités de M. FA Saint-Hilaire le rendaient précieux à sa Compagnie , et il y trouvait lui-même son bonheur. Mais il n’était pas destiné par la providence à y passer ses jours, et le déran+ C 259 ) gement de sa santé, qui ne lui laissait plus les moyens d'y remplir ses devoirs, l’obligèrent à la quitter. _» Î n’apporta point dans la société cette rudesse. ou cette euflure qu'on a reprochées aux savants. Il n’y montra que cette politesse aimable que pare le savoir , et cette modestie touchante qui relève les plus grands talents. ° » Depuis long-temps il s’appliquait au ministère de la parole ; son ame sensible se peignait dans ses discours. Digne élève des Bourdaloue et Delarue, il marcha fermement sur leur traces. En 1746, il fut choisi pour prêcher devant la Reine , et le fit avec succès. » Ses grandes qualités layaient fait connaître à un prélat auquel le vrai mérite ne peut échapper. M. de Tavannes le placa dans son église, et bien- tôt après l'appella dans son conseil ; il acheva de s'y former à la science du gouvernement, science que Ja spéculation ne donne pas, et pour laquelle il faut encore plus étudier les hommes que les livres. » M. l'abbé de Saint-Hilaire fut reçu membre ho- noraire de l'Académie dans le temps où le savoir avait besoin de cette fleur d’urbanité qui le fait passer dans le commerce du monde. Personne n’était plus propre que lui à remplir cette condition, et à donner aux gens de lettres l'exemple des qua- lités aimables qui font le charme de toute espèce. de société..... Nous jouimes trop peu de temps des agréments de la sienne. Les premiers déran- gements de sa santé ne s'étaient point entièrement réparés , et nous privaient souvent de sa présence. Les petits intervalles de santé dont il jouissait étaient employés aux devoirs de son état: le temps de la R 2 ; ( 260 ) maladie était consacré à la religion, au commerce d'un petit nombre d'amis vertueux, Ce partage si bien mesuré lui conservair une tranquillité d'ame que seules sont capables de donner une raison sage et une piété éclairée. Il mourut le 27 octobre-de l’année 1747, honoré des regrets de sa famille, de ses amis, et de cette portion du public dont l'estime sera toujours une partie précieuse du patrimoine des hommes de bien. « Fin pu TOME PREMIER. TABLE DES MATIÉRES. PV TT j À de DS L'ACADÉMIE , page 5 Cu. Ir, Etablissement de l’Académie , 4 Cu. Il. Composition morale de l’Académie , 21 CK. III. Travaux académiques , séances publiques et particulières , 24 Cu. IV, Etablissements utiles formés dans le sein de l’Académie , 26 Titre des mémoires lus à l’Académie , jusques et compris 1750 , 48 Séances publiques de 1745 à 1750, 58 Précis analytique des travaux de l’Académie , depuis sa fondation en 1744, 67 S . s | E DÉPARTEMENT DES SCIENCES. SCIENCES PHYSIQUES. Mémoire sur l’Electricité ; par M. Lecat, 67 Sur la Pierre lenticulaire ; par M. Guérin, 68 Sur la Fontaine du Chäteau d’Orcher ; par M. Dubocage , 79 Mémoire pour servir à l’histoire des Géants ; par M. Lecat. 75 Observations sur le Gui; par M, l'abbé Guérin, 79 Conjectures sur la cause des variations du Baromè- tre; par M. Lecat, 84 Dissertation sur les Polypes d’eau douce ; par le méme , 88 (262) Dissertation historique sur l’origine et l'usage de la Poudre à canon en Europe , et particulièrement en France ; par M. Delaroche , Médecin , 90 Travaux proposés pour rendre l’abord du pont de bateaux plus facile dans les hautes et basses eaux ; par M. Huger, 95 Observations anatomiques ; par M. 'Lecat, 96 Tumeur à l’orifice inférieur de l’estomac suppurée et rendue par. les crachats ; goitre suppuré et guéri; par M. Lecat, 104 Histoire d'une maladie calculeuse; communiquée par M. de Fourmetot, 108 Mémoire pour servir à l’histoire des fourberies des charlatans connus sous le nom d’Opérateurs , et des moyens de les découvrir ; par M. Lecat, 110 Observation d’une Tumeur venteuse à la tête, avec fonte et exostose des os du cräne ; par le même , 1 15 sur un haricot introduit dans la trachée-artère , où il est demeuré vingt-un jours; par M. Ferrand, Chirurgien, de Buchy , 121 — d’uñe Plaie au dos d’un enfant ; nouveau né ; par M, Thibault, - 122 Mémoire sur l’Hydrophobie , lu à l’Académie en 1745, et depuis revu et amélioré ; par M, Lecat, 124 Dissertation sur les artères de la dure-mère ; par M. J.-G. Guntz , 134 Observation d’un Enfant de neuf mois , trouvé dans le bas-ventre ; par M. Thibault, - 156 — d’une Aiguille trouvée dans le crâne d’un Enfant de neuf mois; communiquée par le méme, 1359 Description d'une Maladie singulière ; par M. Lecat, 141 CHIMIE. Sur les Dissolvants des mixtes, par M. de Four- metot, 143, ( 265 ) Essai pour corriger et adoucir les vins qui ont dè la verdeur; par M. Descroïizilles , Apothicaire à Dieppe , 146 Moyen de rafraïchir les liqueurs par l'addition des sels qu’on y fait dissoudre ; par un anonyme , 146 De la fermentation ( vineuse ) et des caractères quë la distinguent de l’effervescence et de l’ébullition , par M. Ledanois, Apothicaire à Rouen, 147 DÉPARTEMENT DES LETTRES. BELLES-LETTRES, Discours lu à la première séance de l’Académie F par M. de Cideville, 148 Sur la Mythologie des anciens ; par M. abbé Guérin, 153 Discours prononcé à l’ouverture de la première séance publique ; par M. de Prémagny, 159 Extrait d’un discours sur l'utilité des Académies de _ province ;j par M. de Cideville, . 163 Essai sur l’uniformité des opérations de la natüre, contre le systéme d’Epicure , par M. Guérin, 168 Obserrations sur l’Ode et sur la Poësie lyrique ; par M. Auger , Curé de Tüôtes, 109 De l’utilité des Machines propres à suppléer le travail des hommes ; par M. de la Bourdonnaye, 175 Est-il avantageux ou préjudiciable au bien de l'Etat que les Gens de la campagne sachent lire et écrire ? par M. l’abbé Terrisse, 18t Du pouvoir de Jupiter sur les Parques ; par M, l'abbé Beyer , Chanoine de l'Eglise d’Utrecht , 188 Discours prononcé à la rentrée de l’Académie , à la Saint-Martin, en 1746; par M. de Cideville, r94 Doutes sur lés Ecrits des anciens Philosophes ; par M. Beyer, gb (264) Sur l’usage de brûler les Morts chez les Romains ; par M. de Bréquigny , 201 Depuis quand et pourquoi salue-t-on ceux qui éter- nuent ? Discours traduit du latin du P. Strata, par M. Saas, 206 Projet de Lectures raisonnées ; par M. de Cideville, 210 Recherches sur le fleuve Oaxès ; par M, Dumollard , 212 Réflexion sur l'espèce de Poëme dramatique impro- prement appelé comique - larmoyant ; par M. Duboullay , 218 Recherches sur les auteurs de l’assassinat de Chilpéric r, Roi de Soissons ; par M. de Bréquigny, 224 I y a entre les grands hommes dé tous les genres des rapports qui doivent servir à les unir ; par M. Duboullay , 229 Dissertation sur l’Andrienne de Térence et quelques autres pièces de ce poëte ; par M. Duüuboullaÿ , 255 Réflexions sur l’Hécube PERLES ; par M. Dumol- lard , 258 Éctrais d'un discours sur cette question : Est-on plus - heureux d’être né avec des passions fortes qu’avec des passions médiocres ? par M. Bellet , 243 PoEs1E. Nors relative aux pièces de poësie lues dans les séances de l’Académie , 249 ÉLOGES HISTORIQUES. Eloge de MM. Clerot , de Fourmetot et de Betten- court ; par M. de Prémagny, SOL, — de M. Larchevéque, D.-M. ; par M, Guérin, 254 — de M. le Rat , Directeur des Pompes de la ville ; par le même, 255 _— de. M. l’abbé de Saint-Hilaire ; par ZM. l'abbé Guérin, 257 FIN DE LA TABLE. late Halte 2 feu Y 20.296. | FE, us LA æ À 4 À à 7 4 . | Û U n a ri” [ ” e : <« 3 . LI 1 1 = E : - ne a | ; - ) ï d L L L LE 2 L LE 1 ñ : ; | E » Ld Î £, | É : # 0 » 60 -. » , L à : pes ' , Î : , n l e LA Dr MEN SES VS Vs VAR MAPS) SUVUVUYTYT LAAR VYVUUY UY LA MIS VE SV MVL AA VV LV VV Ne N CPR \ PP NA Se Pig AS Re Cv ee hi AA it L SA w° 72 + + MAMA W VOUS MA EE VW?) \ ANS UE & PE 2 CEE Vauc ' e v CY M onu PO L CUY w « \ Et °v AA + VV o PRET in CM SÉPATR ,vy CASE © MEVY VV > HER ES ” VU w VE “w Mu L'2 2 : M 0 Vie b = LU “u s IS Vu LV” UE ){ LACRRE L v vous y D M À + LAS AA à dd" n M v AU ÊYS JAY MP PE