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LE STAR te sf a: € We eh ya ssarrs hais, ee en » ER L À ou TT”; Sr: a seu ns rade a. sn sb «quil « CP euc 1] e PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L’'ACADEMIE DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1812, D’ \ / . C4 Ld L APRES le comple qui en a été rendu par MM. les Secrétaires , à La Séance publique du 7 Août de la méme année. OUVERTURE DE LA SÉANCE. M. Lezurier de la Martel, Vice-Président >» a ouvert la séance par un discours dans lequel ïl à fait sentir le secours que les Sciences, les Lettres et les Beaux-Arts ürent de leur union. Il a rappelé combien les Sayants, en cultivant les Lettres, ont A C2) prêté de charmes aux Sciences les plus austères et combien les Arts eux-mêmes ont concouru à leur propagation et à leur perfectionement. Il est à regretter que ce discours, dont l'auteur a perdu le manus- crit, ne puisse étre consigné en entier dans les actes de l'Académie. MR D Em meme | SCIENCES: ETiAR TS. RAR PPARARE"T Fait à l’Académie des Sciences , Belles-Lettres ef Arts de Rouen , sur les travaux relatifs aux Sciences et aux Arts qui en dépendent , dans la Séance publique du 7 Août 1812 , par J.-B. Virazss , Secrétaire perpétuel de la classe des Sciences. MESSIEURS, : DÉja dix années se sont écoulées depuis que l’Académie a repris les travaux dont les événements politiques qui ont signalé Ja fin du 18° siecle l'avaient forcé d'interrompre le cours. De nouveaux athlètes ont été appelés dans l’hono- rable carrière parcourue avec tant d'éclat par les Cideville , les Lecat , les Dambourney , les Pingré, les Giraud , les Dulague, les Lallemant, etc. Pour se rendre dignes de succéder: à ces pre- miers fondateurs de l'Académie, il fallait se péné- trer de leur esprit, marcher d'un pas ferme dans la route qu’ils avaient tracée, et poursuivre avec activité l'ouvrage qu'ils avaient si habilement et si heureusement commencé. ; Héritiers du vaste domaine qu'ils vous ont légueé , on vous a vus, MESssIEURS , constamment occupes du soin d'en cultiver et d'en améliorer toutes les parties, d'entretenir la richesse de son sol et d’en AAA _ C4) accroître même la fertilité. Les Lettres , les Sciences et les Arts vous sont redevables d'une foule de productions qui attestent votre zèle pour le progrès des connaissances humaines. Parmi ces productions , les unes, fruits d'une imagination brillante et féconde , intéressent éga- lement par le choix des sujets, la pureté du goût et les graces de l'élocution; les autres , moins sus- ceptibles des ornements et de la pompe du style, ont , en revanche , le précieux avantage d'offrir l'heureuse application des principes des sciences aux nombreux établissements consacrés ,; parmi nous , à l’industrie manufacturière. En présentant à ses concitoyens l’hommage public et solennel de ses travaux, l'Académie veut en méême-temps qu’il leur en soit rendu un compte exact et fdile, afin de les mettre à portée de juger en quoi ils pourraient être pour eux de quelque utilité, Chargé de la partie des ouvrages qui regardent les Sciences et les Arts qui en dépendent, je vais avoir l'honneur , Messieurs , de vous les faire con- naître le plus succinctement qu’il me sera possible. Sciences MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. M. Le Priol, proviseur du Lycée de Rouen , a communiqué à l'Académie deux mémoires. Le premier a pour titre : Observations sur l’ordre et les démonstrations de quelques théorèmes relatifs à la résolution des équations numériques à une seule inconnue, Dans le second , notre confrère a donné la solution analytique du probléme suivant : Déter- miner , par une seule expérience, l'angle refringent d’un prisme triangulaire donné , et le pouvoir re- cl C5) fringent de la matière dont ce prisme est composé: L'Académie a délibéré que ces deux mémoires seraient imprimés en entier , à la suite de ce rapport. ( Zoyez ci-après. ) = L'Académie a reçu de M. Francœur , Profes- seur de la Faculté des Sciences de Paris, et ‘membre non résidant, un ouvrage de sa compo- sition , qui a pour titre : Uranographie ou Traité élémentaire d’astronomie. Une Commission , composée de MM. Lhoste , Meaume et Lepriol, avait été chargée d'examiner cet ouvrage et d’en rendre compte à la Compagnie : le temps ne lui a pas encore permis de faire son rapport. = M. Periaux, membre résidant , a fait hommage à l'Académie de ses Tables de conversion des livres tournois en francs et des francs en livres , pour toutes sommes depuis 1 jusqu’à 1000 , et en nom- ères ronds au-dessus de mille. L'empressement du public à se procurer ces Tables en montre suffisamment l’exactitude et l'utilité. = M. Periaux vous a aussi communiqué, Mes- StEURS , un mémoire rempli de recherches et d’éru- dition , dans lequel il examine cette question : La Lune pascale doit -elle être appellée Lune de Mars ? En d'autres termes : 4 quel mois solaire un mois lunaire est-il censé appartenir ?*(1) La modestie de notre confrère l'ayant porté à prier la Compagnie de nommer des Commis- saires pour examiner son travail, l'Académie à (1) Ce mémoire est imprimé , et se trouve à Rouen chez l’Au- teur et chez les principaux libraires. 3 (6) chargé MM. Meaume et Bonnet de cet examen. » M. Periaux, dit M. Meaume , Commissaire- Rapporteur , a divisé son mémoire en deux parties. Dans la première , l'auteur accumule toutes les preuves qui établissent la véritable époque à laquelle doit être célébrée la fête de Pâques , d’après la décision du Concile de Nicée ; et il résulte de ces preuves , puisées dans les sources les plus pures , que la fête de Pâques doit être célébrée le Dimanche après le 14° jour de la lune qui arrive le 21 Mars ou après le 21.,... C’est donc mal interpréter la décision du Concile de Nicée que de dire que Ja fête de Päques doit étre célébrée le Dimanche d’après la pleine lune qui suit l'équi- moxe du printemps ,; ou encore que la fête de Pâques est fixée au déclin de la lune de Mars, c’est-à-dire , de la lune qui a son plein le jour de l’équinoxe. » Dans la deuxième partie de son Mémoire ( c’est toujours M. le Rapporteur qui parle}, M. Periaux revient à la question principale qu'il s’est proposé d'examiner : à quel mois solaire un mois lunaire est-il censé appartenir ? et , fondé sur des autorités auxquelles il croit devoit déférer , l'auteur du mémoire regarde comme bien décidé qu’une Junaison ap partient au mois ou elle finit, d’après l'ancienne règle : - In quo completur , mensi lunatio detur. » Cette opinion a été celle de plusieurs Savants tels que Clavius, Blondel , etc ; et Lalande affirme que Pusage d'attribuer chaque lunaison au mois où elle finit a du être adopté préférablement à tout autre. 679 » Néanmoins , continue M. Meaume , la question pe nous parait pas résolue , parce qu’elle peut l'être d'une maniére arbitraire. » En effet , une lunaison présentant trois époques principales, savoir : La nouvelle lune , la pleine lune et la fin de la lunaison, on peut l'appeler du nom du mois solaire pendant lequel se passe l'une ou l’autre de ces trois époques . ... C’est entre ces trois systèmes qu'ont été partagées les opinions de ceux qui ont voulu faire correspondre les mois lunaires aux mois solaires, Chacun a fait valoir en faveur de son opinion des raisons plausibles, et a opposé de solides objections contre les autres «. M. je Rapporteur discute rapidement les opinions diverses , et conclut qu'aucun des systèmes pro- posés pour la répartition des lunes entre les mois solaires ne semble à la Commission offrir assez d'avantages sur les autres pour devoir être exclusivement adopté. » D'ailleurs, il est reconnu que cette question n'intéresse ni l'astronomie , ni le calendrier , ni l'agriculture , ni les besoins de la vie civile, et c’est pour cela sans doute qu’elle a été laisséo indécise. » Quoiqu'il en soit, reprend M. le Rapporteur, en ne prononçant point sur la question de savoir quels noms de mois il convient de donner aux lunaisons , vos Commissaires ne balancent pas à déclarer que le mémoire de M. Periaux leur a paru trés-intéressant par le grand nombre de citations qu'il contient et qui ont exigé beaucoup de recherches et de lectures , par l'exposition très-clairement établie des principes d’après lesquels est réglée la fête de Pâques, et par l'indication de presque toutes les sources où l’on peut puiser À 4 (8) pour connaitre ce qui a été dit sur la question qui fait lPobjet du mémoire «, — Dans la séance du 30 Novembre 1810 , M. Boismare a communiqué à l'Académie un Mé- moire très-étendu sur la position de la ville de Quillebeuf , sur les causes d’insalubrité qui peuvent en résulter ,et les maladies qui s’y observent. Ce premier mémoire , qui a été accueilli avec un grand intérêt par la Compagnie, a obtenu l'ap- probation de S. Ex. le Ministre de l'Intérieur , auquel M. Boismare a eu l'honneur d’en adresser une copie. M. le Comte de Montalivet s'occupait alors de recueillir tout ce que l'embouchure de la Seine peut offrir de remarquable : les dangers de la navigation et l'amélioration dont elle peut être sus- ceptible excitaient sur-tout sa sollicitude. S. Ex. , par une lettre qui contient des remer- ciments flatteurs pour notre confrère , l'invita a lui donner la solution d’une serie nombreuse de questions qui n’entraient point dans le plan du premier mémoire. M. Boismare a répondu à l'invitation de S. Ex. par un second mémoire dont l'Académie a délibéré l'insertion dans le Précis analytique de ses travaux. ( Voyez à la suite de ce Rapport.) PHYSIOLOGIE ANIMALE. MEDECINE. Organe de la Commission chargée de rendre compte d'un travail adressé à l'Académie par M. Thillaye, D.M. P., sur une Nouvelle Théorie de la Vision à distances variables, dans l'homme et les animaux , M. Vigné a fait uu rapport dont ces ni une (9) nous regrettons de ne pouvoir offrir iei qu'un court extrait. » M. Thillaye , dit M. le Rapporteur , dans l'explication du phénomène qu'il se propose d’é- claircir , rejette les deux opinions relatives à lPaction des muscles droits ; conteste l'existence de celui que l'on a dit correspondre à louver- ture de iris ; nie l'effet contractile du cercle ciliaire sur la cornée, des processus eiliaires sur le cristallin , les changements de forme et de position de ce corps lenticulaire, la nécessité indispensable de l'action de Piris , et revendique, en faveur de la choroïde, le privilége de faire changer de forme à l'œil, de le rendre plus saillant et susceptible de voir également bien des objets placés à diverses distances , dans les limites de la vision; il défère à la turgescence des vaisseaux dont cette membrane est abondam- ment pourvue, l'effet de pousser en avant les humeurs de l’œil, et d'augmenter ainsi la con- vexité de la cornée. » Le pecten des oiseaux , selon l'auteur de l'essai , remplit les mémes fonctions que celles qu'il attribue en nous à la cornée «. Après avoir discuté les raisons alléguées par M. Thillaye en faveur de la théorie nouvelle qu'il soumet au jugement de l'Académie , M: Vignë conclut ainsi : » La Commission se croit autorisée à ne point admettre la turgescence de la choroïide comme le principe de la convexité plus grande et tem- poraire de la cornée transparente , et nous nous garderons bien, après avoir éloigné cette opinion, de Jui en substituer une autre en faveur de telle ou telle partie de l'œil, soit externe , soit interne , TE jusqu’à ce que le temps ou l'expérience nous aient mis à portée de le faire. » Mais, continue M. Vigné , pour ne point adopter le sentiment de M. Thillaye , nous ne l'en félici- terons pas moins de lavoir émis, puisqu’en cela même il a donné la preuve d'un esprit de recher- ches qui fait honneur à son zèle pour le progrès de la physique animale. » = Dans un ouvrage dont il a fait hommage l’année dernière à l'Académie , M, Girard, D. M. à Lyon, avait exposé sur la Rage une opinion qui a rencontré, parmi les hommes de l’art, un grand nombre de contradicteurs, et qui, sur le rapport de M. Boismare , a semblé à l'Académie elle-même n’être pas suflisamment appuyé sur les principes reçus , ni d'accord avec les faits que fournit l'observation. M. Girard, en adressant à la Compagnie une Morice sur la Rage, insérée dans la gazette de santé, la prie de vouloir bien donner son attention à quel- ques faits qu’il croit propres à confirmer l'opinion qu'il s'est formée sur la nature de cette maladie. L'Académie a examiné ces faits ,et aucun d’eux ne Jui à paru concluant en faveur de la nouvelle opinion , qu’elle persiste à regarder comme dénuée jusques à présent de preuvessuflisantes pour l’établir solidement. — M. Cosseaume , dans divers rapports qui réu« missent l'exactitude à la précision, a rendu compte des numéros 25, 24, 25 et 26 du Bulletin des Sciences médicales du Département de l’Eure. Notre confrère, sans rien omettre d’essentiel, a trouvé le moyen de faire connaître en peu de mots le grand nombre d’articles dont se composent les cahiers soumis à son examen. Cu) M. Gosseaume conclut que ces derniers bulletins des sciences médicales d’'Evreux contiennent une foule d’articles très-importants , qu’ils sont rédigés avec soin ,;et se font lire avec le plus grand intérêt, = M. J’igné nous a communiqué l’Eloge que vous l'aviez chargé de faire, de M. M.-A. Peut, D. M. à Lyon , membre non résidant de l'Académie. Par délibération de PAcadémie , cet Eloge sera imprimé en entier à la suite de ce rapport. ( l’oyez ci-après. ) = M. Robert a donné lecture d’un Essai sur l’Opium. Depuis Hippocrate jusqu’à nos jours , l'opium a été regardé tantôt comme un médicament héroïque , tantôt comme un des poisons les plus redoutables. Des idées aussi contradictoires mavaient pu prendre leur origine que dans l'ignorance où lon était de la nature et de la composition chimique de lopium. M. Derosne , pharmacien distingué de Paris, dans un excellent mémoire qu'il a publié ( Ann. de Chim., 1ome 45 ), avait dejà répandu un grand jour sur les principes constitutifs de lopium; mais il restait encore quelques incer- ütudes à lever, quelques doutes à éclaircir. Par des recherches particulières , par des expériences qui lui sont propres, M. Robert est heureusement parvenu à fixer enfin l'opinion sur un des médica- ments les plus intéressants pour l'art de guérir, Dans l'impossibilité où nous sommes de soumettre à la précision de l'analyse des détails historiques (12) assez étendus et une suite d'expériences nombreuses , nous nous bornerons à exposer les principaux résultats du travail: de notre confrère ; ils suff- ront pour en faire connaitre le mérite et l'im- portance. L'opium jouit de deux propriétés très-distinctes : l'une calmante, l'autre narcotique. De-là les efforts d’un grand nombre de pharmacologistes pour arriver à la séparation de la substance exclusive- ment calmante. M. Robert, après avoir rapporté les travaux entrepris à ce sujet par ceux qui l'ont précédé , continue ainsi: » En attribuant à un acide, quel qu'il soit, la dissolution du Sel d’opium , qu'on regarde au- jourd'hui comme le principe narcotique par excellence, M. Derosne a entrevu la vérité.... Il s'agissait de reconnaitre la nature de cet acide, » M. Robert entre ici dans le détail des expé- riences qu'il a faites pour déterminer ce point essentiel , et il conclut que l'acide soupconné par M. Derosne n’est autre chose que l'acide acétique. , Notre confrère remarque que lorsqu'une infusion d'opium a été précipitée par l'ammoniaque en excès, l'extrait qu’on en obtient n'est plus sus- ceptible de précipiter par ce réactif: d’où il tire cette conséquence très-importante que si la propriété narcotique de l'opium réside dans la substance saline qu'il contient, une goute d’am- moniaque suffira pour lindiquer dans les extraits d'opium qui n'auraient pas été préparés par la méthode particulière qu'il a suivie et qu'il developpe dans le cours de son mémoire. » I reste donc démontré , dit M. Robert, 1° que (525 } l'opium du commerce contient de l'acide acétique. » 2° Que c’est à cet acide que lon doit attri- buer la solubilité du Se! d'opium dans l'eau ; solubilité qui n'aurait pas lieu sans le secours de cet intermède. » 5° Qu'en enlevant l'acide acétique, soit par la distillation , soit au moyen des alcalis, on parvient à séparer la plus grande partie du sel narcotique qui en se précipitant trouble la liqueur et prend le plus souvent la forme cristalline. » Notre confrère a terminé son mémoire en pro- mettant à l’Académie de lui communiquer les expériences qu’il a entreprises à la suite de ces premiers trayaux. = Nous devons à M. Dubuc un Mémoire sur les Baies de nerprun ( Rhamnus catharticus ) et sur le suc qu'on en extrait, en pharmacie, pour l'usage médicinal , avec l'analyse de cette substance , et un procédé nouveau tendant à régulariser la confection du sirop purgatif qu'elle fournit. De savants médecins, des pharmaciens très-expé- rimentés , avaient remarqué que l'action du rob ou du sirop de nerprun n’est pas toujours uni- forme ; qu'elle se montre même quelquefois si peu énergique, qu’on serait tenté de refuser à ces deux préparations les propriétés qu'on leur attribue généralement. L'objet du mémoire de M. Dubuc est de rechercher la cause de ces variations dans le mode d'action du sirop de nerprun et du rob de la même substance , et d'examiner sil ne serait pas possible de préparer ces deux médicaments de manière à pouvoir en attendre des ellets aussi utiles que coustants. C4) Suivant notre confrère , l'inégalité d'action du sirop de nerprun , en médecine , tient à plusieurs causes: 1° il arrive souvent que les baies qu’on emploie à sa préparation n’ont pas acquis le dégré de maturité convenable ; 2° on se permet quelquefois d'ajouter de l’eau au suc exprimé des baies, ou même de le méler avec un suc étranger , celui des baies de bourdaine; 5° on ne suit pas exactement la recette indiquée dans le Codex de Paris, qui prescrit d'employer trois parties de suc épuré de nerprun sur deux parties de sucre ; 4° dans quelques pharmacies , aux deux substances qui entrent essentiellement dans la composition du sirop de nerprun, on ajoute du miel, de la can- nelle et du mastic. Pour prévenir les inconvénients qui résultent de ces modes vicieux de préparation , M. Dubuc indique les caractères auxquels il a reconnu , par l'expérience, le dégré de maturité que doivent avoir les baies de nerprun , et la densité qui caractérise un suc de bonne qualité et récem- ment préparé. Cette densité doit être de 12 degrés au moins à l’aréomètre de Baumé , ayant d’avoir fermenté, et de 10 dégrés après avoir subi la fermentation. La diminution de densité qui a lieu, soit par le calorique , soit par l'effet de la fermenta- tion, a pour cause la soustraction d’une matière qui se précipite de la liqueur dans lun comme dans l'autre cas, et que l’auteur du mémoire regarde comme un mélange de gluten et d'amidon. En évaporant le suc fermenté, jusqu’à consistance de miel, on obtient le rob ou S$apa de nerprun, dont une partie représente quatre parties de suc, ce qui permet de faire aisément le sirop dans tous les pays et dans tous les temps de l'année. (359) À ces deux moyens de faire le sirop, notre confrère en ajoute un troisième , qui consiste à faire dessécher les baies de la plante, en les ex- posant à une température de 32 à 55 dégrés. Les baies peuvent alors se conserver en bon état pendant plusieurs années , et servir également à préparer le sirop ou l'extrait de nerprun, et méme le vert de vessie, si utile en peinture. À ces renseignements si précieux pour art pharmaceutique ,; M. Dubuc ajoute l'analyse du suc du Rhamnus catharticus, comparée à celle du suc que fournit le Rhamnus frangula , la bourdaine ou faux nerprun. Sans entrer dans les détails analytiques présentés par notre confrère , nous dirons seulement que le rob de nerprun, évaporé d’abord à siccité et privé ensuite, 1° de la gomme, par l'alcool, 2° par léther , de la résine qu’il contient , n’est presque plus amer, et que ce résidu offre toutes les propriétés de l’extractif, D'après les données du mémoire , 100 parties de rob de nerprun , amené , par la dessiccation , à l’état pulvéculent , contiennent : Creme en ee Board in 0 Résine. 44. Au ste ce 8 i Extractil, dei ne lee sOIUS EAU nee Re Portes 5 CERTES 100, L'examen du Rhamnus frangula a présenté à notre confrère les observations suivantes : 1° le suc de cette espèce de Rhamnus est plus épais, plus visqueux, moins coloré, moins amer ; il ne verdit pas la salive comme celui du Ahamnus catharticus ; 2° les olcalis donnent au premier une (16) nuance d’un vert sale , tandis qu’ils colorent le second en beau vert clair ; 5° l'alcool faible sépare du suc du faux nerprun une quantité considérable de mucilage, et n’occasionne qu'un léger précipité dans le suc du vrai nerprun; 4° l’eflet de l'alcool rectifié et de l'éther est presque nul sur le rob*des baies de bourdaine, parce qu'il ne contient qu’une quantité presqu’inappréciable de résine. = Le même membre (M. Dubuc ) a fait connaitre à l'Académie l'analyse de la plante connue des botauistes sous le nom de V’ergerette äcre , ou d’Erigeron de Canada ( Erigeron Canadense ) , ayec une note sur la potasse et les matières salines qu'elle contient. Après avoir exposé ce que M. Bouillon-Lagrange a dit de l’Erigeron Canadense , en messidor an VI, dans le journal de pharmacie , et parlé de l’ou- vrage de MM. Perthuis et Lesage sur le méme sujet , notre confrère décrit les propriétés physiques de la plante , et donne le détail des expériences auxquelles il s'est livré pour en découvrir les propriétés chimiques. La conclusion principale de ce mémoire est que l’Erigeron Canadense est de toutes les plantes celle qui, sur un poids donné, fournit, par linci- nération , la plus grande quantité de potasse. — Organe de la Commission nommée pour cet objet, M. Robert a fait connaître à l’Académie le mémoire qui lui a été adressé par M..Boullay , pharmacien distingué à Paris, et membre non ré- sidant,. Ce mémoire a pour titre : Examen d'un nouveau principe immédiat auquel la coque du Levant ( ménisperme lacuneux }) doit ses qualités vénéneuses. » Les C17) » Les Indiens , dit M. le Rapporteur, sont les pre- Mmiers qui aient fait usage du méuisperme lacuneux pour prendre du poisson. Ils broyent ses baies demi-mûres avec des crustacés, et en forment une espèce de pâte qu’ils jettent dans l’eau après Pavoir divisée en boulettes, Le poisson qui les avaie éprouve une sorte d'ivresse qui le ramène à la surface de Veau , et permet de le prendre à la main. Bergius semble croire que le poisson pêché au moyen de cet appât peut être mangé sans danger. Bosc n’est pas de cet avis : il ne faudrait, dit-il, qu'un cuisinier négligent , qui aurait oublié de vider un poisson pris par ce moyen, pour occasionner au moins un yomissement violent, » M. Boullay s'est proposé de découvrir à quelle parue du fruit du ménisperme lacuneux apparte- nait la propriété vénéneuse qu'il manisfeste, et il ÿ est parvenu par le moyen suivant. On fait bouillir dans l'eau les semences de la coque du Levant, mondées de leur péticarpe; on filtre la décoction et on précipite par l'acétaie de plomb. On filtre de nouveau et on évapore avec précaution la liqueur jusqu'à consistance d'extrait. On dissout l'extrait dans l'alcool à 40 degrés ; on évapore de nouveaü, et on répète cette opération jusquà ce que le résidu de fl'évaporation soit soluble en totalité dans l'alcool et dans l'eau : ce résidu contient la substance amère unie à une partie colorante jaune. On agite une très-petite quantité d’eau à la surface de la ma- uüère ; l'eau dissout la partie colorante , et laisse des cristaux amers qu’il faut laver et purifier au moyen de l'alcool ». » M. Boullay donne ensuite les caractères
à rap-
peler eux-mêmes tout le bien qu’il a su faire !
Imposez donc, pour quelques instants , silence
à votre douleur , vous, MEssiEURs, qu’anime un
mème intérêt pour la vérité, pour la mémoire d’un
collègue auquel vous avez voulu rendre publique-
ment hommage, parce qu'il est digne de vous de
oo
€) Je dois des remerciments à M, le docteur Cartier pour
avoir bien voulu laisser prendre , dans son excellent Eloge de
D. Petit, des renseignements qui m'ont été transmis et me
sont devenus fort utiles,
| (3)
propager, d’honorer l'amour des sciences et de
l'humanité.
Désigné pour remplir cette tâche, j'en ai reconnu
toute la difüculté, et l'aurais remise en des mains
plus exercées si je n'avais dû vous témoigner mon
respectet ne m'étais flatté de vous trouver encore
indulgents à mon égard.
Ne serai-je pas sur-tout excusable à vos yeux si
ce que j'aurais involontairement dérobe à l'éloge du
sayant je le rends à l’homme qui toujours fut sen-
sible et généreux ?
Marc-Antoine Petit naquit à Lyon, le 5 novembre
2766. Dès le berceau, pour ainsi dire, s’annon-
cèrent en lui les plus aimables qualités du cœur , et
d’heureuses étincelles décelèrent l'un de ces géuies
pour qui le temps n’a point d'intervalle , la science
point de secrets , point de bornes.
Un si doux présage appelait tous les moyens de
le réaliser , et ce devoir fidèlement rempli a été
une cause perpétuelle de satisfaction.
Prompt à concevoir, à exécuter , à manifester sa
reconnaissance , ainsi répondait l’ardent élève aux
soins de ses premiers instituteurs , dans lesquels on
croit voir l'industrieux agricole secondant les pro-
grès d'un jeune arbre dont les rameaux prêteront
un jour au voyageur fatigué leur ombre hospita-
lière, et paieront au centuple le prix de sa culture.
Cette attention scrupuleuse, de la part de ses
maîtres, à bien enseigner leur plus cher disciple ,
devait entièrement tourner à l'avantage de l'art mé-
. dical, qui, en revanche, lui assurait tant d’occa-
sions de se faire estimer. 11 y fut initié par un
homme de mérite, et put bientôt profiter de linstruc-
tion pratique des hôpitaux, instruction fondamen-
tale , inépuisable, Maïs combien ne Jui en coûta-t-il
pas
(33)
pas pour s’accoutumer aux plaintes, aux gémisse«
ments , et disposer, en quelque sorte, son ame
compatissante à se taire devant l'appareil formidable
de la douleur !
S'il est une science capable de rendre l'homme
aussi parfait qu’il puisse être, c’est, sans contredit
celle de l’homme lui-même , de l'homme invoquant
de la pitié la plus tendre le remède aux maux qui
l’assiégent ; puisque si, d’un côté , le besoin, le bonheur
de soulager, de guérir son semblable Pattachent à
la terre, de l’autre, ses regards se portent vers
l'Auteur dont il admire la sagesse et la toute-puis-
sance dans le plus grand de ses œuvres.
Petit ne pouvait donc arriver par une voie plus
sûre à cette perfection désirable,
La médecine, offrant à son génie ses nombreuses
difficultés, à son imagination ses beautés, ses mer-
veilles, à son cœur le bat qu’elle se propose, ne
l'excitait-elle pas à cultiver ses rares dispositions ?
Aussi , toujours le trouvait-on attentif aux lecons de
l'expérience, soigneux de les recueillir, de les mé-
diter, habile à les mettre en pratique, et suppléant
au nombre d’années qu’exige en général une grande
étendue de connaissances par son aptitude singulière
à les acquérir.
Tandis qu’il en donnait ostensiblement les prémices
à sa patrie, secrètement il lui vouait tous les avan-
tages que, par la suite, il pourrait en obtenir : sen-
timent vertueux qui n'avait pas peu contribué , sans
doute, à ses premiers succès dans l’école de Lyon,
et le suivit dans celle de Paris, dont il reçut le prix
qu'à la fin de ses exercices elle décernait à Pelève
qui s'y était le plus distingué,
Peu de temps après , la place de chirurgien en
chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon ayant été mise au
[e;
(34)
concours, il eut la gloire de la conquérir , malgré
son jeune Âge, malgré tous les talents qui la lui dis-
putérent, et l’on se félicita de voir , à cette époque
mémorable, l’art triompher de lui-même, et l'amour-
propre vancu par cette passion sublime qui nous
porte à louer le mérite par-tout où ilest, et nous
fait ardemment désirer de l'imiter.
Petit ne se dissimula point la gravité des fonctions
qu’il aurait à remplir, et s'expatria une seconde
fois pour aller puiser dans la doctrine de Desault
ces grands principes que lui-même il devait trans-
mettre dans toute leur intégrité.
Ensuite, il se rendit auprès de la faculté de Mont-
pellier, satisfaite de pouvoir lui deferer le titre de
docteur.
Revétu de ce titre , qui dans sa personne acquit
un nouveau lustre , il songea sérieusement aux obli-
gatons que lui avait imposé le suffrage unanime de
ses juges, de ses rivaux eux-mêmes, et se mit en
possession de sa place, après la guerre cruelle qui
avait désolé son pays,
Remédier, s’il se pouvait, à de si tristes effets fut
son premier désir et lun des puissants motifs de sa
sollicitude pour les malheureux, dont il se montra
moins encore le médecin que le père.
Ami de ses élèves, il leur communiquait ses vastes
connaissances avec tant de zèle que lou eût dit d’un
prêt qu'il s'était obligé de rendre avec usure.
Entrainé par ce zèle infatigable , il fonda dans
l'Hôtel-Dieu de Lyon les cours publics d'anatomie
et de chirurgie qui manquaient à ce magnifique éta-
blissement, et, certes, personne ne fut plus digne
que Marc-Antoine Petit de professer la science des
Chauliac, des Paré, des Wiseman, des J.-L. Petit,
des Desault; celle des Hérophile , des Vesale, des
ET |
Vieussens, des Malpighy, des Ruysch, des Wins-
Jow ; des Morgagny , des Haller , des Mascagny,
des Vicq-d’Azir, des Bichat, des Spallanzani , et de
tant d’autres vrais praticiens, vrais anatomisies et
physiologistes anciens et modernes,
On aimera toujours à se rappeler sa méthode ct
son exactitudé dans la démonstration, la facilité, la
pureté de son élocution, et l'on croira toujours le
voir et l'entendre , car il avait l'éloquence de la voix,
des gestes et du cœur.
Au commencement de chaque année scholaire, il
prononcait un discours solemnel.
Le premier est leloge de Desault. Avec quelle
chaleur d'imagination , quel touchant intérêt, quelle
dignité de style, quelle force de‘vérité n’y fait-il
pas connaître ce grand-homme , dont le nom seul
commande le respect !
Le second discours traite des rapports de la révo«
lution française avec la santé publique, et tend à
prouver spécialement l'eflet tonique de la terreur
sur l’économie animale. Parmi les exemples que l'on
y trouve, un surtout démontre invinciblement que
la première action de cette passion véhémente est
d'imprimer aux forces vitales une exaltation prodi-
gieuse , à tous nos organes la plus grande énergie.
Mais ne dois-je pas vous en épargner le récit, pour
ne point jeter la tristesse dans vos ames? D’autres
sentiments sont attachés à l'examen de la vie et des
ouvrages de Marc-Antoine Petit.
Et quoi de plus aimable que ses conseils sur la
manière d'exercer la bienfaisance dans les hôpitaux !
et quel maïtre plus estimable, soit qu'il inspire à
ses disciples l'amour du devoir, en leur exposant que
l'homme porte en Jui-même un juge impartial et
sévère de toutes ses actions ; l'amour du travail, eu
C2
(56)
les plaçant au milieu de l’immense carrière qu'ils
ont à parcourir ; l’amour de leur art, en leur faisant
envisager toute son importance ; l'amour de l'huma-
nité, pour les mettre à portée d'opposer la douceur
à l'emportement , la patience au reproche, le zèle
à la méfiance, à l'incrédulité, l'espérance au décou-
ragement , le bienfait à l'ingratitude ; soit qu’il cherche
à les intéresser au sort de l’infortuné que la douleur
et l’indigence conduisent dans ces asiles destinés à
lui faire oublier l'une et Pautre; soit qu’il leur en-
seigne à rivaliser du soin religieux d’alléger le poids
de ses maux, de l'en affranchir , d’éloigner de sa
vue l'affreux spectacle d'un malade expirant, et, sil
faut que lui-même il périsse , le dérober , pour ainsi
dire , à ses derniers instants !
Nous venons d'admirer le médecin vertueux,
maintenant admirons, dans son discours sur la dou-
leur, le médecin doué du meilleur esprit d’obser-
vation ; €t, pour vous en convaincre, MESSIEURS ,
qu’il me suffise de dire ici que votre savant collègue
a signalé toutes les causes de la douleur sous toutes
ses formes , en a calculé tous les degrés et distingué
le traitement , selon qu’elle est symptomatique, sym-
pathique, etc.; qu'il l'a suivie dans ses effets meur-
triers, dans ses eflets salutaires. Ainsi, la douleur
aurait été créée pour notre conservation, pour notre
perte, serait tout à-la-fois ministre de la vie et de la
mort,
A la suite de ce discours , éloquent comme tous
ceux qui le précèdent, comme eux, monument du-
rable du sentiment récl des infirmités, des mal-
heurs d'autrui, se présente le compte que Petit rend
à ses disciples de toutes les années qu'il a consa-
crées à leur instruction particulière.
Combien leur ame ne fut-elle pas émue par ce
37 )
compte exact d'un temps si bien employé pour eux,
pour l’humanité soufirante ; par l'exposé fidèle de
ses opérations , Où toujours ils avaient vu réunies
l'adresse la plus rare et la plus douce compassion
à l'aide de laquelle semblait s’effacer le sentier dou-
loureux que sa main venait de se frayer !
Ceute partie si essentielle de l'art de guérir a été
pour Marc-Antoine Petit l’objet de réflexions conti-
nuelles, d'essais sans nombre , a été l’occasion prin-
cipale de la haute réputation à laquelle il est parvenu,
et du surnom glorieux que lui donne l’auteur de la
Mosographie Chirurgicale , déjà si célèbre lui-même.
Je ne saurais donc assez louer ce praticien, qui,
marchant sur les traces des Guérin , des Pouteau,
des Bouchet , a mér'té de revivre avec eux dans
le cœur de ses concitoyens ; ce praticien , lémule de
tous ses modèles, jusque dans le sincère aveu qu’ils
ontfait de leurs propres fautes ; leur émule dans les
opérations les plus délicates, puisqu'il égala Wenzel
en dextérité; dans les opérations les plus graves,
puisqu'il pourrait étre comparé, comme lithotomiste,
à Raw , Chéselden, Côme, Le Cat, et leurs dignes
successeurs ; dans celles qui laissent à peine entrevoir
un rayon d'espérance, puisque , à l'instar de Manne,
il extirpa complètement un polype nasal que son
volume énorme rendait presque inexpugnable ; puis-
qu'il sut, armé d’un fer ardent , combattre et vaincre
le charbon le plus redoutable : expériences qui,
comme celles de White, de Cooper, de Duret,
d’Imbert de Lonnes, de Larrey, attestent moins la
hardiesse de l'opérateur que la conscience de ses
moyens, son courage héroïque et son extréme habi-
leté,
Mais, autant que dans l’art d'opérer , il excellait
daus l'art de choisir les méthodes, de réduire au
C5
( 38 )
plus petit nombre d'instruments cet arsenal terrible
qui rappelle la multiplicité des procédés, leurs com-
plications, leurs dangers, et met dans toute son
évidence la perfection actuelle de la médecine opé-
ratoire , fondée sur l'anatomie ; de rendre plus rare,
à l'exemple de Pibrac, de Louis, de Bilguer, de
Desault, l'application de ces mêmes ageuts de dou-.
leur et de destruction ; cependant, d’atiliser quels
Ques-uns d'entre eux dans les cas mêmes où leur
usage avrait été proscrit, témoin le succès éclatant
qu’il obtint de la suture faite à l'extenseur de l'index,
qui, depuis long-temps demeuré perclus, recouvra
son état primitif ; d'observer toutes les ressources de
la nature, et de l'abandonner à elle-même quand
elle peut se suffire; témoin encore le part qu’il pre-
nait relativement à la section, à la rupture du tendon
d'Achille, en moins de trente jours parfaitement
guéri dans la position moyenne entre l'extensiou et
la flexion, de manière que , le malade étant debout,
la plante du pied reposät sur le sol,
Et pourquoi, Messieurs, faut-il que la crainte
d’abuser de vos moments l'emporte sur le désir que
j'aurais de vous faire connaître une infinité d’autres
preuves de la sagacité de Marc-Antoine Petit, de
son activité constante pour la gloire et les progrès
de son art; comme si j'avais dû, par un sacrifice ,
vous disposer à celui de son dernier ouvrage ma-
nuscrit, intitulé : Collection clinique , digne fruit,
sans doute, de ses prefondes lumières , de son
immense pratique ; sans doute aussi, dépositaire
d’ebservations propres à faire apprécier le secret qu'il
a révélé sur le mode heureux d'enlever aux dépôts
les plus profonds l'humeur qu'ils contiennent , et à
faire mettre la bonté , la franchise de son caractère
en parallèle avec les élans de son génie créateur?
(59)
Tant de droits à la confiance publique ne pouvaient
être méconnus, aussi lui fut-elle accordée sans ré-
serve, aussi le suivit-elle jusqu'au tombeau , après
avoir au loin porté son nom et ses brillauts succès.
Cependant, si multipliées que fussent ses occu-
pations, il ne put résister à son goût pour la poésie.
C'est elle qui de tous ses charmes embellit les
Epitres à Forlis, embellit les Leçons de l’Art, les
Préceptes du cœur ; et quel témoignage plus irrécu-
sable à cet égard que l'accueil fait notamment à la
seconde de ces épitres par l'un des corps savants
les plus illustres !
Ainsi , toujours accompagné des talents et des
graces , il fixait tous les regards , attirait sur lui
toutes les récompenses auxquelles il püt aspirer.
Honoré dans sa patrie, recherché par tous ses
collègues, agrégé à la plupart des réunions formées
par leur utile et noble penchant pour les sciences,
les arts et les lettres ; associé à la gloire de l’Institut,
dont le choix flateur élevait la sienne à son plus
haut période ; chéri des indigents , objet de sa pré-
dilection , de ses largesses ; chéri de ses malades,
auxquels il portait le plus vif intérêt ; jouissant de
la félicité domestique et de toutes les délices de
l'amitié, il n'avait plus que des vœux à faire pour
la durée de son existence, qui devait, hélas! se
terminer à l'époque où serait comblée pour lui la
mesure des prospérités humaines.
L'une de ces maladies supérieures à toutes les
ressources de l’art est venue porter atteinte à cette
existence précieuse , et l’a détruite par des coups
d'autant plus certains que d'abord ils étaient plus
leuts et plus obscurs. Ainsi, consumé par uu insecte
rongeur, se flétrit et penche sur sa tige mourante
le lys, ornement de nos jardins.
C4
Cao)
Dans cette longue épreuve à laquelle furent mis
le courage et la constance de Marc-Antoine Petit,
se fit éminemment remarquer sa confiance dans les
vérités éternelles, et, le 7 juillet 1811, son ame
remonta vers sa source, au milieu des vertus qu’il
avait tant aimées,
Heureux donc, à le meilleur des hommes, heureux
Je siècle, heureuse la cité qui vont vu naître, puis-
que tu les honores incontestablement lune et l'autre!
Heureux tes disciples, puisqu'ils furent témoins de
l'esprit de recherche, de perfectionnement, d'utilité
publique qui présidait à tous tes instants et déter-
minait leur emploi, puisque tant de fois ils tadmi-
rérent alliant les sentiments les plus élevés avec la
manière la plus noble de les exprimer , le bienfait
avec cet air de complaisance qui lui donne tant de
valeur ! Heureux moi-même si pour te louer digne-
ment J'avais eu ton génie , tes talents! Heureux au
moins situ me pardonnes d’avoir osé, avec la douce
persuasion que tes mânes erraient autour de moi,
acquitter devant eux Île juste tribut d’éloges que
jamais tu n’ambitionnas, uniquement sensible aux
jouissances que tes bonnes actions pouvaient te pro=
curer !
C41)
LS 1
RS AA Te
MÉMOIRES
Dont l'Académie a délibéré l'impression
en entier dans ses Actes.
OBSERVATIONS
Sur l’ordre et les démonstrations de quelques théo«
rémes relatifs à la théorie des équations numériques
à une seule inconnue,
1. Avant la publication du Traité de la résolution
des équations numériques , par M. Lagrange, toute la
théorie des équations se bornait, dans nos auteurs
classiques, à la recherche des racines commensu-
rables, à la résolution générale des équations des
quatre premiers degrés, et à quelques observations
isolées sur les équations des degrés supérieurs. Depuis
cette époque, l'enseignement de cette partie impor-
tante des mathématiques a entièrement changé de
face. Cet ouvrage admirable, où l'auteur expose d’une
manière lumineuse ses belles découvertes et celles
des grands géomètres qui l'ont précédé dans la même
carrière, a servi de type à tous les traités qui ont
été écrits depuis sur le même sujet, et l'algèbre est
devenue comme une science nouvelle. Il ne nous
resterait, sans doute , rien à désirer sur cette matière y,
si des recherches d’un ordre encore plus élevé avaient
permis à l'illustre auteur de la Résolution des équa-
tions de refondre son ouvrage. Mais il a voulu con+
C4)
server en son entier le mémoire qu'il avait publié
dans le recueil de l'Académie de Berlin pour 1767,
et s’est contenté d'y adapter des additions et des notes
qui portent bien l'empreinte da génie de l’auteur,
mais semblent, par leur forme méme , peu propres
à présenter l’ensemble d’un édifice très-régulier et
parfaitement coordonné dans trutes ses parties.
2. L'arrangement des parties n’est pas la seule
difficulté qui se présente dans Pexposition de la
thcorie des équations numériques : il faut encore
poser un fondement solide et convenable , et trouver
pour base de cetie théorie une proposition que lon
puisse démontrer rigoureusement sans rien emprun-
ter de cette même théorie ni de principes étrangers
à la pure algèbre.
M. Lagrange , dans le mémoire que je viens de
citer, prend pour base ce théoréme, connu depuis
jong-emps : » Si l’on a une équation quelconque,
» et que l’on connaisse deux nombres tels qu’étant
» substitués successivement à la place de l’inconnue
» de cette équation ils donnent des résultats de signes
» contraires, l’équation aura nécessairement au moins
» une racive réelle, dont la valeur sera entre ces
» deux nombres » ; et, après avoir fait la remarque
qu’on n'avait coutume de le démontrer que par la
ihéorie des lignes courbes , il essaie de le demon-
trer directement. Mais sa démonstration est fondée
sur la théorie même des équations ou sur la décom-
position des polynomes en facteurs du premier degré,
et l’auteur a observé depuis qu'elle supposait aussi
connu le théorême sur la forme desracines imaginaires,
dont la démonstration, d'après la marche qu’il avait
suivie, dépendait elle-même du théorème qu’il
s'agissait de démontrer. En conséquence, il a cherché
de nouyeau à démontrer ce théorème par la nature
(43)
même des équations, indépendamment d'aucune de
leurs propriétés. Cette nouvelie démonstration, qui
a été adoptée par tous ceux qui ont donné, depuis
cette remarque, les éléments de la théorie des équa-
tions , m'est pas elle-même exempte d’un inconvé=
mient assez grave; car elle est fondée sur le prin-
cipe de continuité , principe qui , sans doute, est
généralement vrai, mais tout aussi étranger à l'algèbre
pure que le mouvement de deux points placés sur
Ja même ligne droite qui sert à en éclaircir l'appli-
cation. D'où il suit que cette démonstration, quoi-
qu’elle ne laisse aucun doute sur la vérité de la pro-
position , laisse cependant à désirer une autre qui
soit tirée uniquement de la nature de la chose. La
première démonstration donnée par M. Lagrange
dans les mémoires de Berlin , remplirait parfaitement
cette condition si les théorémes sur la forme des
racines imaginaires et sur la composition ou décom-
position des équations étaient démontrés d’une ma
nière absolue et indépendante de la théorie des
équations.
3. Le premier de ces deux ‘points est un de ceux
dont les géomètres se sont le plus occupés dans le
siècle dernier, On lit dans la neuvième note de M.
Lagrange que d'Alembert est le premier qui ait
envisagé cette question d’une manière générale. Pour
la résoudre , il a employé avec beaucoup d'adresse
la différentiation et l'intégration , et méme la théorie
des courbes; et, malgré ces ressources étrangères
à l’algébre, sa démonstration est restée incomplète.
M. Lagrange a rempli cette lacune en faisant usage
du calcul des dérivées; mais il faut convenir avec
l'auteur que cet emploi n’est nullement naturel dans
une question où il ne s’agit que d’une simple trans-
formation algébrique. On peut ajouter que Ja base
(44)
de la théorie des fonctions dérivées dépend elle-
méme de la théorie des équations.
4. Il est aisé de voir que le théoréme sur la forme
des racines imaginaires peut se réduire à faire voir
que toute équation de degré pair est décomposable
en facteurs réels du second degré. Descartes l’a dé-
montré pour les équations du quatrième degré ,
Hudde pour celles du sixième , etle P. Le Seur pour
celles du degré 4 n + 2. La question, considerée dans
sa généralité, a été l'objet des travaux d’Euler dans
les mémoires de Berlin , 17951 ; de ceux de Foncenex
dans les Miscellanea de Turin, 1759, et des re-
cherches que M. Lagrange a consignées dans les
mémoires de Berlin, 1772. Mais personne ne parait
avoir été aussi heureux que M. Laplace dans cette
recherche. Sa démonstration , imprimée dans Île
recueil des Lecons de l’Ecole normale, a été plus ou
moins heureusement adoptée par tous ceux qui ont
écrit depuis sur la même question, et elle ne laisse
rien à désirer comme simple preuve; mais elle re-
pose sur la proposition n° 2, et j'ai déjà fait observer
que la démonstration de celle-ci dépendait d’un prin-
cipe étranger à l'algèbre.
Je ne dirai rien du beau travail de M. Lagrange
sur la résolution effective d'une équation donnée en
ses facteurs réels de deux dimensions, et qui fait
l'objet de sa dixième note. Il y suppose démontrés
les théorèmes dont nous recherchons ici les démons-
trations.
5, Il semb'e résulter de cet exposé historique ,
extrait des notes de M. Lagrange , que pour asseoir
la théorie des équations sur une base prise dans la
nature méme de la chose, il reste encore à trouver ,
10 pour Je théorème sur la forme des racines imagi-
waires, 2° pour la composition des équations, des
C4)
démonstrations qui soient fondées uniquement sur
les simples opérations de l'algèbre ordinaire , et
soient en même- temps indépendantes de cette même
théorie des équations et de tout principe étranger à
l’algèbre élémentaire.
Dans le temps que j'étais professeur à Strasbourg,
j'essayai de résoudre ce double probléme, et je
donnais tous les ans à mes écoliers le résultat de mes
essais sur cet objet. J'ai même publié, dans un pro-
gramme imprimé en juillet 1807 , l'énoncé et l'ordre
des propositions que j'en déduisais, Ce sont unique-
ment ces souvenirs que je me propose de retracer
dans ce mémoire.
6. Pour arriver à la forme des racines imaginaires,
je partirai de ces deux définitions ou principes :
1° Que les quantités algébriques ne résultent que
des opérations ordinaires de l'algèbre , qui sont:
l'addition , la soustraction, la multiplication , la di-
vision, l'élévation aux puissances et l'extraction des
racines ; :
20 Que toute imaginaire algébrique n’est que le
résultat de l'extraction de racines de degré pair de
quantités algébriques négatives ;
Et je démontrerai que toute expression de cctte
nature peut se réduire à la forme AT D y — 1.
7. Je représenterai par g la quantité sous le signe
radical, prise positivement, et je la regarderai d'abord
comme ne provenant que des quatre premières opéra-
üons de l’alsèbre.
Je ferai observer ensuite que tout nombre pair
peut être représenté par une puissance entière ide2,
multipliée par un nombre impair L. Ainsi toute ima-
ginaire de la nature de celles que je considère ici,
C46)
* JTE
pourra étre représentée par PHR}/—39,P et R
étant des quantités réelles quelconques.
2
Mais par la nature des radicaux 2 qg =
VV a VTVLE
I
V/— 1 = — 1. Faisant donc, pour abréger, la
quantité réelle R Vi V/g = Q, on aura
P+rÿ—5 = ro ÿ
Tout se réduit donc à faire voir que W/— 1 peut
se mettre sous la forme À + B W— 1.
Si i = 1, la chose est évidente. Faisons donc
È— 2, puis
ra
V—i=a+s y:
et voyons si l'on peut toujours trouver pour a et à
des valeurs réelles.
En carrant les deux membres de cette équation,
on aura W/— 1 = a° + 2abÿ/—:1 — &*, équa-
tion qui se partage dans les deux suivantes a° — £*
=o,2ab =1; ce qui domea = += +——
2e
PER =:
Donc, P+Q = 1 est réductible à la forme
(47)
À+B#/—1:,et peut étre représentée par cette
expression.
e
Soit maintenant ? = 3; on aura |/— 1 —
—
4 y ——————
Vy— = PERRE V— 1. Faisons de plas
(ire EN a =za+BV—:,
nous en tirerons .
A+BV—i1=e +248 /—1— 6; d'où
A=a—{f",et B=2af; et par conséquent :
IA CRT ERRRT 8 = VASE
Donc « et 8 sont réelles, et P + Q es 1 peut sa
ramener à la forme A + B W—1.
Faisant successivement i = 4,i=5,i=06,etc.,
16 32 6:
on aura] — 1, Fu x; 7 —1, etc ;ét l'on dé-
montrera de la même manière qu’elles sont réduc
tibles à cette mé
— (4 peut
aussi se ramener à cette même forme , tant que g
ne résulte que des quatre premières opérations de
l'algèbre.
8. En se permettant l'usage des sinus et des cosi-
nus , On arriverait tout de suite à ce résultat. En
effet , tout nombre pair peut être represente par
2n,n étant un nombre entier. Représentons aussi
par m un autre nombre entier, et par æ le quart
C4)
de la circonférence ou 100° centésimaux ; on aura
at
V—i1=(V—:) = { cos. (2m +1) =
+V—: sin Cam4t)e À.
Or , l'on sait que cette dernière expression est égale à
co. [ Em | £ y sin [2241 |
Donc aussi ”
NT men cos. [eme « |
112
+ ÿ/—:1 sin. pe z | :
expression dont la forme revient à celle que nous
avons annoncée. |
Il est aisé de se convaincre que toutes les expres-
sions de cette forme, combinées entr’elles d'une
manière quelconque par les quatre premières voies
de l'algèbre , pourront toujours se ramener à cetté
même forme.
9. Généralisons maintenant le résultat que nous
venons d'obtenir, et concevons que la quantité radi-
cale, réelle d’ailleurs ou imaginaire, soit élevée à
une puissance quelconque, réelle ou imaginaire.
Tant que l’exposant ne sera pas lui - même affecté
d'exposants , cette imaginaire ne pourra étre ,
d'après ce que nous venons de voir , que de la forme
m+nV=
(9 ie) , » 4» b, met n étant des
quantités réelles , d’ailleurs positives, négatives ou
uulles , comme op voudra. Or,
C 49 )
Or, l'on sait que, par le simple développement
du binome, qui peut être démontré d’une manière
générale et indépendante de la théorie des équations,
on peut toujours ramener l’expression précédente à
la forme A +BV—1.
On sait même qu’on pourrait en obtenir l’expres-
sion finie sous cette méme forme , en introduisant
dans le calcul des expressions trigonométriques et
logarithmiques. Car en faisanta =—r cos.x,b=rsin.x,
e = la base des logarithmes népériens, et en dési-
gnant par / les Jogarithmes pris dans ce systéme,
on aura
Cie V—:
m —nz,
ire cos. (mx
ds +n L'HLET
nlr) + W—:1 sin. Cm +nir) À.
10. Enfin, si l’exposant a lui-même un exposant,
et que l’imaginaire soit de la forme
IP Q/R
goss Pam jm + He
?
r+l V—r
onfera, par le n° précédent, ee +nV/—: )
(a +8 W—x) ; puis on réduira l'expression
( a+BY/—:
a+tbW—: à la forme A + B W/—1.
La marche de cette démonstration est évidente,
et nous conclurons enfin le théorème énoncé ; savoir :
que toute expression algébrique imaginaire est réduc-
tible à La forme À + BV—1.
15. D'où il suit que, dans un polynome qui n'a que
des coëfjicients réels , les facteurs imaginaires du pre-
D
C5)
rnier degré sont toujours en nombre pair ; et s’il y en
a un roprésenté par x—@—{@{W{—\,ily en a né-
cessairement un autre représenté par x — a +8 V—: .
Cette conclusion est connue depuis long-temps,
et se trouve démontrée dans plusieurs traités d’'al-
gébre.
12. Le produit des facteurs de chaque couple est
donc de la forme
(z—a) +6. ape
Or, cette quantité est évidemment réelle et positive,
tant que l’on ne substitue pour x que des nombres
réels. Donc, dans tout polynome qui n’a que des coëf-
Jficients réels, le produit des facteurs imaginaires de
la même couple est toujours réel et positif.
15. D'où il suit évidemment,
10 Que tout polynome qui n’a que des coéfficients
réels et n’est composé que de facteurs imaginaires du
premier degré, reste toujours positif, quelque valeur
réelle que l’on y substitue à la place de l'inconnue ;
° Que tout polynome de degré pair, et dont tous
les coëfficients sont réels, est décomposable en fac-
teurs réels du deuxième degré, s’il l’est en facteurs
soit réels soit imaginaires du premier degré.
14. Ceute condition même fait l'objet de la seconde
ques!ion, que nous avons annoncée au n° 5, sur la
composition des polynomes. C’est uniquement, dit
M. Lagrange, dans la transformation des polynomes
qui en résulte, que consiste la théorie des équations ,
et les relations qui existent entre les seconds termes
des facteurs simples et les coëfficients des polynomes,
constituent les propriétés générales des équations. La
possibilité de décomposer tout polynome en autant
de facteurs du premier degré qu'il y a d'unités dans
C51)
l# nombre qui marque le degré du polynome, est
donc le point fondamental de la théorie des équa-
tions. Noûs'essaierons de la démontrer de deux mas
nièrés, dont la première, moins rigoureuse peut-
être , nous conduit seule directement au but que
nous nous sommes proposé dans cet essai : elle est
indiquée par la composition méme des polynomes.
_15. Si l’on a un nombre quelconque m de binomes
Ta, z—b,x—c,x—d, etc, à müliplier
entre eux ; il est évident que, dans le développe-
ment de ce produit,
m
1° Le 1‘ terme sera æ , et l’exposant de x, ent
passant d’un terme quelconque au suivant , dimi-
nuera d’une unité jusqu’au dernier terme, où il des
viendra nul ;
2° Tous les termes seront de la même dimension m;
5° Les 2 termes &, 8, c,d, etc., des binomes.
entreront tous. de la même manière et n’entreront
chacun qu’une fois dans chacun des termes de ce
développement,
D'où il est aisé de conclure que, dans le déve-
loppement du produit d'un nombre m de binomes
qui ont chacun x pour premier terme ,
mi I
Le 2° terme est x multipliée par la somme
des seconds termes des binomes ;
1 = 2
Le 5° terme, x multipliée par la somme des
produits distincts de ces seconds termes , pris deux
à deux ;
m— 5
.-Le,4 terme, x multipliéé par la somme des
produits distincts des seconds termes, pris trois x trois,
DRM NE UT sd à Ve "5 à: à: à AUONNUSRAL NS. AF VS
(52)
Enfin, le n° terme est le produit de x
multipliée par la somme des produits des seconds
termes , pris n—1 àn—1 (*).
m—n<+Li
ant
LES
16, D'où il suit que , par la multiplication d’un
nombre m» de binomes x—a,x—b,rx—c,x—d,
etc. , entre eux, on peut toujours former une équa-
tion
ii Ham né Ra + Bx Cr A Es:
24 ALPINE 0
du degré m , et dont tous les coëfficients soient tels
que l’on veut, — A, + B,—C, etc. , pourvu toute-
fois que l'on puisse toujours faire les #2 suppositions
qui suivent :
ÈS ANR SRE ee
B = ab + ac + ad + be + bd + cd +, etc.
[2], C = abc + abd + acd + bed + , etc.
notes
M 4DGAX,. sors
Or , les indéterminées a, b,c, d, etc., qui sont
au nombre de "7, permettent toujours de faire ces
m supposilions.
La preuve la plus directe de cette dernière pro:
position consistérait, sans doute, à faire voir qu’il
est toujours possible de déterminer a, & , c, d,
etc., de manière à satisfaire à ces équations ; mais
une pareille entreprise n’aboutirait tout au plus,
suivant les apparences , qu'à ramener la ques-
tion au même point. Heureusement il ne parait pas
a
(*) Un auteur anonyme et un autre qui s'est fait connaitre,
ont fait i imprimer cette démonstration : je m'en servais loug-tempe
avant cette publication,
© 55,)
impossible d'arriver au but sans toucher à cette diffi-
culté.
En effet, en éliminant des équations [>] toutes les
indéterminées, excepté une, par exemple a, on
trouvera
m MI M — 2 m— 535
a —Aa +Ba —Ca se. M0,
équation qui ne diffère de la proposée que par la
dénomination de l’inconnue , et qui donne par con-
séquent les mêmes valeurs pour cette même in-
connue. Donc, les suppositions [2] reproduisent
seules, et indépendamment de toute autre hypo-
thèse , l'équation proposée. On peut donc toujours,
en multipliant un nombre m de binomes simples
entre eux , composer une équation quelconque
donnée , et du degré m. Donc aussi
Toute équation est décomposable en autant de fac-
teurs du premier degré qu'il y a d'unités dans le
nombre qui marque le degré de cette équation , et les
racines en sont liées par les rapports méme qui exis-
tent entre les coéfficients des polynomes énoncés
au n° précédent.
17. Si donc on représente par æ, b, c, etc, les
racines réelles, et par Fx le produit des facteurs
imaginaires d'une équation quelconque, cette équa-
tion pourra se mettre sous la forme
(xz—a)(x—db) (x—c).....Fx = o.
Soient maintenant p et 9 deux nombres tels que,
substitués à la place de x dans cette équation, ils
donnent des résultats de signe contraire, ou que
l'on ait
(p—a)(p—8) (p—c}.....Fp 20
(g—a)(q—b)(q—c)h.....Fqg S$ =0;,
D 5
(C:.54)
Pars ces deux inégalités, les facteurs Fp, F9 sont
nécessairement de même signe (15, 1°). Il faut donc
qu’il y ait un nombre impair de facteurs réels , comme
P—aetq—a, qui soient de signe contraire. L’équa-
ton a donc un nombre impair de racines réelles,
qui sont chacune plus grandes ou plus petites que
P; et plus petites ou plus grandes que g.
Cette conclusion resterait la méme en supposant
des racines égales en nombre quelconque dans
l'équation proposée.
Donc, si l’on a deux nombres pet q tels qu'étant
substituëés successivement dans une équation quel-
conque à la place de l’inconnue ils donnent des ré-
sultats de signes contraires , cette équation aura né-
cessairement un nombre impair de racines réelles dont
les valeurs seront comprises chacune entre les nombres
Ps.
C’est le théoréme que nous avons déjà énoncé au
commencement du n° 2.
18. Il suit de là,
19 Que toute équation de degré impair a nécessai-
rement une racine réelle d’un signe contraire à celui
de son dernier terme ;
2° Que toute équation d’un degré pair, et dont le
dernier terme est négatif, a deux racines réelles ,
lune positive et l'autre négative.
19. Ces conséquences vont nous eonduire à dé-
montrer de nouveau que toute équation a autant
de racines qu'il y à d'unités dans le nombre qui
en marque le degré,
Si l'équation proposée en x est de degré impair }
elle aura nécessairement une racine réelle a (n° 18),
et sera, par conséquent, divisible par x— a, Cette
division abaissera d’une unité le degré de l'équation.
C55 Ÿ
I suffira donc de considérer ici les équations dé
degré pair.
Faisons m nombre pair dans l'équation générale
du n° 16 [1], et concevons d’abord que le dernier
terme M soit négatif, L’équation aura nécessairement
deux racines réelles, par le n° précédent ; et, quoi-
que dans l’état actuel de l'algèbre il soit impossible
d'assigner la valeur ou même la forme de ces ra-
cines, il est cependant évident que ces valeurs ne
peuvent étre que des fonctions des coëfflicients A ,
B,C,...... M, ou que
Hi: 2 = RCARB,C,..... M}
Eu divisant l'équation proposée par le produit des
facteurs correspondant à ces deux racines , on. aurait
un quotient de la forme
IN == 2 M — 3
FRÈRE +Px Porte
.…. a 5 V=0o,
quation dont le degré est inférieur de deux unités
celui de la proposée.
Si le dernier terme M de la proposée était positif,
on changerait , dans les valeurs [1] de x, les signes
des termes affectés des puissances impaires de M,
et , puisqu’en algèbre on opère de la même manière
sur les quantités négatives et sur les quantités posi-
tives , les valeurs n'en seraient pas moins celles de
linconnue., À juger de la nature de ces racines par
celle des racines que l’état actuel de l'algèbre permet
d'obtenir, elles seront toutes deux réelles , où toutes
deux les imaginaires de la même coûple ; et, dans
ces deux cas, on obtiendrait éncore Péquation [2],
dont tous les coéfficients seraient réels, et l'on en
déduirait les mêmes conclusions.
Mais, pour ne rien appuyer sur une analôgie done
D 4
é
“
à
C56)
nous ne connaissons pas les lois, supposons que l’une
de ces racines soit réelle et l’autre imaginaire, ou
qwelles soient toutes deux imaginaires et appar-
tiennent à des couples différentes ; dans ce double
cas , le produit des facteurs simples correspondant
à ces deux racines sera imaginaire , et, en divisant
l'équation proposée par ce “brbdait, on obtiendra
un quotient de la forme
TN = 2 TN = 5 MN— 4
[5e æ - <+px + gx 2 —
dont un ou plusieurs coëfficients seront aussi ima-
ginaires.
En prenant, au lieu de cette équation, celle que
nous avons désignée plus haut par [2], dans laquelle
nous supposerons V négatif, on concevra encore
que + aura deux valeurs réelles dont chacune pourra
être représentée par
T=f(P,Q,.... V);
et comme les opérations se font sur les quantités
positives et imaginaires de la même manière que
sur les quautités négatives et réelles, on substituera
dans ces racines de x, à la place de P,Q,....V,
leurs valeurs p,q, .... #, qui conviennent à l'équa-
uon [5], et cette dernière équation donnera elle-
même deux valeurs pour x. En la divisant par le
produit des facteurs correspondant à ces deux ra-
cines , on aura un quotient dont le degré sera moindre
de quatre unités que celui de la proposée.
Ce quotient sera réel comme l'équation [>], ou ima-
ginaire comme l’équation [5]. On y appliquera done
les mêmes raisonnements, et l’on en couclura enfin
la proposition qu’il s'agissait de démontrer.
Cette démonstration n’est que le développement
(57)
des réflexions que M. Lacroix a présentées sur le
méme sujet dans son Complément des éléments d’al-
gèbre. En adoptant cette démonstration et celle du
théoréme n° 17, fondée sur le principe de continuité,
on pourrait, comme en suivant l’ordre que nous
avons indiqué, commencer la théorie des équations
par les propositions qui en découvrent le mieux la
nature et les propriétés les plus générales.
AR A AT A TS
MÉrTaoDs très-simple pour déterminer les petits angles
réfringents et la force réfractire d'un Prisme
diaphane.
1. Pour déterminer la réfraction ordinaire dans un
milieu donné, on a coutume de prendre un prisme
triangulaire fait avec la matière méme qu’on veut
soumettre à l'expérience, si cette matière est solide ,
ou bien lon forme avec trois verres plans, bien
polis , et dont les faces opposées soient exactement
parallèles, un prisme creux, propre à contenir le
fluide dont on se propose de connaître la réfrac-
tion. On introduit ensuite dans une chambre obscure
un petit faisceau de rayons solaires , que l’on fait
tomber sur ce prisme perpendiculairement à son
axe. La lumière se réfracte en traversant le prisme,
et le spectre coloré va se peindre sur le mur ou sur
un carton qu’on a disposé à cet effet dans une situa-
tion verticale. Si l'on a placé l'axe du prisme dans
une position horizontale, et que les côtés de l'angle
réfringent soient dirigés vers le haut, on remarque
qu'en faisant tourner doucement le prisme autour
de son axe, le spectre coloré monte ou descend,
suiyant une verticale , et qu’il y a un point au-des-
€ 58)
sous duquel il ne descend point : il y reste station-
naire.. Dans cette position du prisme, la somme des
réfractions par les deux faces du prisme est la plus
petite possible ; ces deux réfractions sont égales entre
elles, et l'angle de réfraction du rayon lumineux ;,
à son entrée dans le prisme, est égal à la moitié de
l'angle réfringent,
Pour connaître l'angle d'incidence du rayon lus
mineux sur le prisme, on mesure avec uu cercle,
un quart de cercle, etc, , les angles que le rayon
incident et le rayon émergent font avec l’horizon,
2t l’on ajoute ces deux angles ensemble ; ou l'on
retranche Je second du premier , suivant que le
spectre solaire est au-dessus ou au-dessous du plan
horizontal, mené suivant l'axe du prisme, La moitié
de cette somme ou de cette différence, ajoutée à
langle de réfraction ou au demi-angle réftivgent ,
donne l’angle d'incidence. Ot, lon sait que le sinus
d'incidence et le sinus de réfraction ordinaire sont
entre eux dans un rapport constant pour les mêmes
milieux. Pour déterminer ce rapport dans la matière
du prisme démmé, il ne reste donc plus qu’à mesurer
l'angte réfringent , et c'est ici, à mon avis, que se
présente la plus grande difficulté attachée à cette
méthode.
On mesure ordinairement cet angle au moyen de
deux règles que Pon dispose sur une table bien
unie ; on place entre elles l’angle du prisme, et
Von fait varier celui que forment les règles jusqu’à
ee que cehes-ci ceineident avec les côtés du prisme.
On trace ensuite sur la table Pawgle aïnsi formé par
les deux règles, et on le suppose égal à l'angle ré-
fringent du prisme, Mais il faut convenir qu'on ne
sdwrait Compter sur lexactitude de ce procédé,
et que ; dans l'application , l'erreur sera d'autant plus
à craindre que l'angle réfringent sera plus petit,
C59 )
À l'appui de cette opinion, j'oserais en appeler
aux différences énormes que l'on remarque entre
les valeurs des pouvoirs réfringents trouvés par
Newton, et celles données par M. Rochon, membre
de l’Institut de France. Aussi M. Rochon , malgré
sa dextérité bien connue dans l'art délicat des expé-
riences d'optique , paraît-il avoir soupçonné lPinexac-
titude de ses résultats. Au mois de juillet 1805 , il
envoya à M. Charles, son confrère à l’Institut, un
petit prisme de diamant, et le fit prier d’en déter-
miner l'angle réfringent. M. Charles, de concert
avec M. Gonichon, opticien à Paris, mesura cet
angle d’après la méthode graphique dont je viens
de parler , et le trouva beaucoup trop petit, comme
M. Rochon l'avait trouvé lui-même. Frappé de lim-
perfection de ce procédé, et persuadé, d’ailleurs ,
qu'il ny a jamais de réfraction sans réflexion (?),
j'entrevis la possibilité de déterminer et l'angle et
le pouvoir réfringents du prisme par la même expe-
rience. M. Charles voulut bien, à ma prière , faire
cette expérience en présence de M. Gonichon; et,
quoiqu'il ny eût pas apporté tout le soin dont il
est capable , le résultat ne différa pas d’un 40"€ de
celui de Newton. C'est cette méthode que je me
propose de soumettre à l'Académie , en résolvant
le probléme suivant :
2. Déterminer par une seule et même expérience
l'angle réfringent d'un prisme triangulaire donné , et
la force réfractive de la matière dont ce prisme est
composé.
@) M. alus a trouvé, depuis cette époque, un moyen de
modifier la lumière de manière à ce qu’elle échappe à la ré
flexion partielle qu’elle éprouve ordinairement à la surface des
corps diaphanes et à celle des corps opaques polis,
(Go)
Je commencerai par faire observer que l’on est
toujours maitre de donner la direction que l’on veut
au rayon de lumière que l'on introduit dans une
chambre par une petite ouverture. La meilleure
machine pour cet effet est l'héliostat de Grayesande,
Sur-tout ayec les changements qu'y a faits M. Malus.
Mais on peut aussi y réussir par le moyen d'une
machine trés-simple , composée de deux tuyaux de
carton noir, doit l’un, intérieur et mobile autour
de l'axe commun aux deux, porte à son extrémité
un miroir plan, mobile aussi autour d’un axe per-
pendiculaire à celui des tuyaux. Cette machine est,
si je ne me trompe, de l'invention du P. Boschovich ,
qui l'a décrite dans la première de ses Dissertat'ons
sur la lumière, Nollet en décrit une troisième au com-
mencement du cinquième volume de ses Lecons de
À hi rsique.
Soit donc I une petite ouverture pratiquée dans
le volet de la fenêtre d’une chambre obscure, Il la
direction horizontale d’un rayon Jumineux qui , sans
l'interposition du prisme, irait tomber perpendicu-
lairement en L sur le mur ou sur le carton MN;
ABC une section faite dans le prisme réfringent par
un plan perpendiculaire à ses arêtes , et disposée
horizontalement , de manière que le côté antérieur
AB soit perpendiculaire au rayon incident ID. On
s’assurera de cette dernière disposition en remar-
quant que ce n’est que dans le cas de la perpen-
dicularité que le rayon ID tombant en D est réflé-
chi en I. On observera aussi que la situation cons-
tante des rayons réfléchi et réfracté dans le pian
du rayon incident et de la normale au point d’in-
cidence, permet de considérer la section ABC du
prisme à la place du prisme même.
La partie du rayon lumineux ID qui pénétrera
(61)
dans le prisme en D, ira directementtomberenE,
sur la face postérieure AC, où elle se partagera en
deux ; June, en traversant AC, sera réfractée , et
ira, en s’écartant de la cathète EP , se peindre quel-
que part en R sur le mur MN; l’autre se réfléchira
sur la face antérieure en F, en faisant l'angle de
réflexion FEG égal à l'angle d'incidence DEG. En
F, le rayon lumineux repassant en partie dans Pair,
se réfractera suiyant une certaine droite FR’, en
s'écartant encore de la normale HK , et se peindra
en R’ sur le volet, sur le mur ou sur un carton dont
le plan passe par 1 ; perpendiculairement aux droites
horizontales 1D, FK.
On mesurera les distances EL’, i’R, et l’on en
conclura l'angle VER , dont la tangente = — :
nous représenterons cet angle par #. De méme, les
longueurs des droites FK-=1D,e RK=R'I—DF
feront connaître l’angle R’ FK , que nous ferons = 4”.
Il s’agit maintenant de déduire de ces données , 1°
l'angle rétringent B A C , que nous désignerons par w;
29 le rapport 1 : 2, que nous supposerons être Ja rai-
son constante du sinus d'incidence et du sinus de
réfraction.
D'abord , à cause de la similitude des triangles
rectangles AEG, EDG, l'angle d'incidence DEG
sur la face postérieure du prisme est égal à l'angle
réfringent ©. D'ailleurs, l'angie de réfraction par cette
même face est PER = © + «. On aura donc 1 :n
2: sin. © : sin, (w + «),ou, ce qui est la même chose,
[r]..... n sin. w = sin. (w Lx).
De plus, l'angle d'incidence en Fest EFH = FED
2 Fe]
= 26, et l'angle de réfractiou est KFR' = 4. On
aura donc aussi
CG)
L]l-:..,n sin, 2 © = sin, #.
Eliminant » de ces deux équations , et substituänt
à sin. 2 © sa valeur 2 sin, © cos, w, nous aurons
[5]... sin, «’ = 2 cos. © sin. (w + ).
‘ C’est la formule qu en juillet 1805 je priai M:
Charles de remettre à M. Rochon. On peut la mettre
sous une forme plus commode pour le calcul,
On sait, en eflet, que e étant la base des loga-
rithmes népériens, l’on a
2 cos, © sin, (w + selaoipus LE 2
Ha) Vs (oO a) Vi
— €
Dh
C2o+a)W—1 —(20+au) V—:
e —e
2V—:
aV—i ai
PAC 0 ‘
+ = sin, (20 + 4) + sin. &
2VW/—:
Mettant cette valeur dans l'équation [5], on en dé-
duira
=
sin. (20 +4) = sin. —sin.«,
ou, enfin,
[4]. sin. (20 + a) = 2 sin, (2) cos. : (a + a) (D
(*) A la fin de 1807 , M. Henry, ingénieur-eéographe et
astronome distingué, me demanda la solution du problème qui
fait le sujet du n° à : je lui donnai cette formule [41.
(65)
. Cette équation fera connaitre l'angle à © 4 2,et, par
conséquent , l'angle réfringent & : c’est la première,
partie du probléme. La valeur de © , substituée dans
[1] ou dans [2], donnera celle de n. Or, la différenoel
des carrés des sinus d'incidence et de réfraction ,
divisée par le carré du sinus de réfraetion , et mul
pliée par le carré de la vitesse de la lumière dans
le vide, laquelle est constante, exprime l'action du
milieu sur la lumière. Cette expression, divisée par
la densité du milieu , sera donc celle de la force
réfractive de ce même:milieu. La deuxième partie
du probléme est donc aussi résolue, puisque le
rapport » est connu.
5. Il faut cependant remarquer que la méthode,
telle que je viens de l'exposer, n’est applicable
qu'aux angles réfringents assez petits pour permettre
aux rayonsincidents DE, sur la face postérieure AC,
de se réfléchir sur la face antérieure A B. À cet effet,
il est évident que l'angle réfringent doit être plus
petit qu’un demi-angle droit : sans cette condiion ;
le rayon réfléchi EF rie cor irait point de cet angle.
Il faut aussi que le côté A B du triangle B A C ait une
certaine longueur pour être rencontré par ce même
rayon réfléchi.
Pour éviter les tâtonnements dans cette recherche,
on pourra, par la méthode graphique, déterminer
la valeur approchée de «; puis faisant AF = a,
AE=6,EF=c, on aura
7e J- Here c?
cos. © —
2ab <
d'où l'on tire
a = b cos. © + (c + 6 sin: © ) (C—b sin.o ).
Pour l'application de la méthode, il faut que le
(64)
côté AB soit plus grand que cette valeur de a , la-
quelle sera elle-même d’autant plus petite que le
rayon lumineux tombera plus près du sommet de
l'angle réfringent.
Je terminerai ces réflexions par rappeler que, vers
la fin de 1807 , on s’est servi avec le plus grand
avantage du cercle répétiteur pour résoudre le
probléme dont je viens de m'occuper. On peut voir
le parti qu’en a tiré M. Malus , au commencement
de la deuxième partie de sa Théorie de la double
réfraction de la lumière ,; mémoire couronné par
l'Institut.
MEMOIRE
1
N
20
RAA, Po
A Pa
MÉMOIRE
Sur la Topographie et la Statistique de la ville
de Quillebeuf et de l'embouchure de la Seine ,
ayant pour objet principal la navigation et la
péche (*) ;
Par M. Borsmarr , D. M. P.
Cet amour de la vérité, ce besoin irrésistible de
la découvrir , cette curiosité qui fait chercher à
homme observateur des connaissances utiles, se
développent en lui dès l’âge même où il ne peut
encore montrer que du zèle. Avide de connaitre la
nature jusque dans ses opérations les plus cachées,
à peine est-il capable de quelque raisonnement, que
sans cesse il s'exerce à considérer sous toutes leurs
faces les phénomènes qui frappent ses yeux ; chacun
de ses regards ajoute à ce qu’il a précédemment
acquis un nouveau degré de consistance et de réalité.
C'est ainsi que, peu-à-peu, son jugement se rectilie
par l’application , et qu’il approche de plus près du
résultat qui fait l'objet de ses recherches.
Né avec ce goût décidé pour l'analyse et l'obser-
vation, rien ne me paraissait plus propre à l'exercer
(*) Ce mémoire fait suite à un autre mémoire sur la to-
pographie et les constitutions médicales de la ville de Quille-
beuf et des lieux circonvoisins , lu à l’Académie des Sciences ,
Belles-Lettres et arts de Rouen , le 30 novembre 1810,
E
(66)
que les phénomènes variés qni se remarquent à l'em-
bouchure de la Seine; aussi fixèrent-ils mon atten-
tion pendant tout le temps que j’habitai ces parages-
Sans autre but que ma propre satisfaction , et sans
espoir de jamais voir mes observations utiles , je
recueillis tout ee qu’offrait d'intéressant à mes yeux
cette agréable contrée.
La lecture de l'ouvrage justement estimé de M.
Lepecq de la Clôture sur les maladies et constitu-
tions épidémiques de la Normandie , m'offrit une
occasion d'appliquer quelques-unes de mes remar-
ques. J'y apperçus, dans la description de la ville
de Quillebeuf et de ses épidémies , des erreurs qua
je crus nécessaire de rectifier. J'en fis le sujet d’un
mémoire que j'ai eu l'honneur de vouslire , MEsst&URS,
dans votre séance du 30 novembre 1810.
L'examen des maladies épidémiques qui peuvent
régner à Quillebeuf étant l’objet principal de ce
mémoire , il était utile de décrire les localités avec
précision, de porter l'attention sur les phénomènes
météorologiques qui, par leur action permanente ou
accidentelle sur les habitants, modifient leurs consti-
tutions ; de considérer la position de la ville de Quille- .
beuf relativement aux vents , la nature de son sol,
celle de ses eaux , les mœurs de ses habitants , leurs
professions, la distribution des rues et des maisons,
les émanations qui s’en exhalent, etc., pour en
déduire les causes d’insalubrité qui peuvent en ré-
sulter, et passer à l'examen des maladies qui s'y
observent.
Telle fut la base de ce travail, auquel je crus
devoir joindre un plan des localités (*).
a ——————————————— — —— —————— — ————— © Û_ — ûÛ — 2e
(*) Ce plan est joint au premier mémoire,
67)
Son Excellence le Ministre de l'intérieur, qui,
malgré l'immense étendue des travaux du ministère,
ne néglige rien de ce qui peut reculer les limies des
connaissances humaines et procurer à ia France
quelque nouveau moyen de prospérité, s’occupait
alors de recueillir tout ce que l'embouchure de la
Seine peut offrir de remarquable. Les dangers de
sa navigation et l'amélioration dont elle pourrait être
susceptible excitaient sur-tout sa sollicitude. Ou essaya
de me persuader que mon faible travail pourrait
offrir à Son Excellence quelques rense'grements
utiles, et je crus devoir céder au conseil qui me fut
donné de lui en adresser copie.
Le Ministre , toujours plein de bienveillance pour
ceux de ses administrés qui lui prouvent de la
bonne volonté, a bien voulu l’accueillir favorable-
ment , et na fait l'honneur de me charger , par
une lettre contenant des remerciments flarteurs , de
ui donner un travail supplémentaire qui puisse lui
offrir la solution d'une série de questions sur les-
quelles il appelle spécialement mon attention.
Jaloux de prouver à Son Excellence mon respec-
tueux dévouement , j'ai eu l'honneur de lui pré-
senter ce qui m'a paru digne de remarque à l'em-
bouchure de la Seine , et qui n'a pas été placé dans
mon premier mémoire. $es questions out formé la
base de ce nouveau travail, et l'ont divisé en autant
de chapitres particuliers. Je m'étais proposé, Mes-
sIEURS, de le rédiger dans l'unique intention d’en
faire hommage à l’Académie ; mais j'ai dû souscrire
à la demande de Son Excellence, et j'ai l'honneur
de vous en offrir un double aujourd'hui.
En vain, Messieurs , vous y chercheriez la pompe
et les ornements du style oratoire ; je parlerai le
längage simple d'un témoin qui dépose fidèlement
Ha
(68 )
ce qu'il a vu, ce qu'il a observé avec la plus scrupu-
leuse attention,
Embouchure de la Seine.
Par cette désignation, on doit entendre rigoureu-
sement l'espèce de baie dont les rivages sont formés,
au nord, par les côtes du pays de Caux qui, en
partant de la ville du Havre, remontent le long de
Ja Seine jusqu'aux approches de Lillebonne, et ,au
sud, par la chaîne de rochers qui s'étend des en-
virons de Villerville jusqu’à Quillebeuf ; mais notre
objet principal étant de considérer les obstacles
qu'éprouve la nayigation à l'embouchure de la Seine,
nous étendrons cette dénomination jusques à la
Mailleraye, où cessent les écueils à redouter.
Ce n’est point ici le lieu de décrire avec détail
les rives de cette partie de la Seine ; ce serait don-
ner à mon travail une extension pour le moins inu-
le. Parmi les différents pays qui la bordent, la
ville de Quillebeuf, célèbre par les dangers que
son passage offre à Ja navigation, fixera spéciale-
ment mOn attention sous le rapport de sa situation,
de son commerce, de l'importance de son port, de
l'industrie de ses habitants , de leur langage ; je
décrirai ensuite les bancs de sable , les rochers et les
autres écueils funestes qui se rencontrent soit à Quille-
beuf, soit dans embouchure de la Seine en genéral,
etje rapporterai les phénomènes auxquels donnent
lieu la barre, les courants, les marées, les vents,
les pluies , etc. Tels sont les différents points sur
lesquels Son Excellence a désiré des renseignements.
La ville de Quillebeuf, comme je lai dit dans
mon premier mémoire , est placée à l'extrémité d'une
langue formée par la pointe d’un rocher qui se pro-
(69 )
jète dans la Seine. Son port n'offre aucun commerce
intéressant ; on ny embarque rien; on n’y débarque
maintenant que la brique et la pierre nécessaires
aux constructions de la ville, du bois à brüler qui
se tire de la forét de Brotonne, et quelque peu
d’avoine venant du pays de Caux. Lorsque la navi-
gation du long cours était praticable, on y débar-
quait des cuirs pour les manufactures de Pont-Aude-
mer et un peu de savon.
Mais tous les navires qui font la navigation de Ÿa
Seine étant rigoureusement forcés de poser à Quille-
beuf, sauf quelques légères exceptions ; son port
devient, sous ce point de vue, d’une assez grande
importance, En montant la rivière , si les navires
apportent avec eux vent et marée favorables, ils
peuvent se dispenser de poser à Quillebeuf ; alors
ils gagnent Villequier d'une seule marée. Mais en
descendant il n’en est pas ainsi : forcés de passer la
traverse d’Aïzier à la pleine mer, ou même un peu
plus tard , ils w’arrivent à Quillebeuf qu’à mer basse,
et doivent nécessairement y poser et y séjourner
plus ou moins long-temps. On a vu souvent, dans
les temps où la liberté des mers permettait à la ville
de Rouen d’étendre son commerce, 100 navires et
plus à-la-fois à la posée de Quillebeuf, attendant
un concours favorable des vents et des grandes ma-
rées pour continuer leur route. Les navires d'un grand
tirant d’eau restaient quelquefois à Quillebeuf cinq
à six semaines avant de pouvoir en sortir, si les
vents d’amont ne soufflaient point dans les
marées dont ils avaient besoin.
Pour donner à-la-fois une idée de l'importance du
port de Quillebeuf et du commerce de Rouen par
la rivière, j'ai fait le dénombrement des navires qui
ont posé à Quillebeuf, en descendant la Seine, pen=
E5
RATS D
grandes
En
Co)
dant, 1° l’année 1780, qui m’a paru occuper le terme
moyen parmi les années de liberté des mers avant
Ja révolution ; 2° l’an 10, durant lequel cette même
liberté permit aux négociants de Rouen de reprendre
leurs anciennes relations commerciales ; 3° enfin,
l’année 1810, qui n'a permis que le petit cabotage
de la rivière.
Dans l'intention de faire connaître aussi d’une
manière complète les rapports de la place de Rouen
avec les puissances étrangères en temps de paix ,
j'ai placé dans une colonne particulière les navires
de chaque nation , ‘et j'ai fait pour tous une masse
du port en tonneaux , ainsi que le présente le tableau
suivant :
‘sal IAB N
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‘XnEJuuUO] *SHITACN]
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1104 91qtu0 NT
‘SIVONVUA
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«dos e[opor
C72)
On voit par ce tableau qu’en temps de paix mari.
time , il montait à Rouen , année moyenne , 2075
uavires donnant 137,818 tonneaux de marchandises ,
que lon peut facilement porter à 150,000, les na-
vires étant ordinairement jaugés au-dessous de leur
véritable port, ce qui, à raison de 2000 livres pesant
le tonneau , donne 500,000,000 livres pesant de mar-
chandises apportées à Rouen, d’où il en est expé-
dié à peu-près la même quantité pour le dehors.
Mais , revenons à Quillebeuf en particulier :
Les moyens d'existence de ses habitants se tirent
principalement de la péche , du pilotage , et en gé-
néra! de la navigation pour les hommes, et de la
fabrication de la dentelle pour les femmes.
Je parlerai d’abord de cette dernière branche
d'industrie comme devant occuper une très-petite
place parmi les ressources des Quillebois.
Toutes les femmes se livrent exclusivement à ce
genre de travail; mais leurs dentelles ne sont pas
d'un grand prix. Tissues d'un fil assez résistant, ces
dentelles ont le mérite de supporter le blanchissage
sans en beaucoup sonfirir , mais elles ne flattent
pas l'œil ; eiles ressemblent en tout à celles connues
dans le commerce sous la dénomination de den-
te les d'Hontleur ; leur prix s'élève de 75 centimes à
25 francs laune , et ne produit point à l’ouvrière un
gain proportionné à sa peine. Elle est en général peu
recherchée , et ne se vend qu'aux paysannes. Dans
les remps où la navigation procure de l'aisance à
Quiliebeuf, les femmes vendent peu de dentelle ,
elles la réservent pour leurs ajustements qui d’ail-
leurs en exigent beaucoup.
(75)
Péche,
La péche n’est pas d’une grande importance dans
la baie qui se trouve entre Honfleur , le Havre et
Quillebeuf , et le nombre des pécheurs y est peu
considérable, C'est sur le banc du Tot qu'elle de-
vient plus intéressante sous le rapport du produit ;
mais le poisson qu’on y pêche est en général moins
bon que celui qui se trouve un peu plus haut en
rivière.
Dans la baie dont il vient d’être parlé, la pêche ne
se fait qu'au moyen de guideaux : la violence de la
barre et des courants qui la suivent ne permet pas
l'emploi d’autres procédés. Malgré les reproches
qu’on peut faire à ces filets , ils sont employés depuis
des siècles à l'embouchure de la Seine. Le poisson
qu’on en retire est le plus souvent mort et mutilé
à raison de la force avec laquelle il est entassé par
les flots dans les guideaux ; il y est battu depuis
l’arrivée de la barre jusqu’à la pleine mer , instant
où la cessation des courants permet aux pêcheurs
d'en charger des chaloupes et de le déposer sur le
quai pour en faire un choix. Les guideaux présentent
encore un autre inconvénient d’une plus grande con-
séquence ; beaucoup de petits poissons encore sus-
ceptibles d'accroissement s y trouvent arrêtés comme
les gros et y périssent avant qu’on puisse les re-
jeter. Le Gouvernement , pour éviter cette fà-
cheuse destruction , fixa autrefois , par des ordon-
pances , l'ouverture. à donner aux mailles des gui-
deaux. M. le lieuteuant-général de lamirauté de
Quillebeuf était chargé de l'exécution des statuts ;
en conséquence il visitait les guideaux à des époques
assezrapprochées , et faisait brûler publiquement ceux
C74)
qui n'étaient pas dans les dimensions prescrites, Les
pêcheurs , n’éprouvant actuellement aucune opposi-
tion , se servent de filets à trop petites mailles, parce
qu'ils augmentent ainsi le volume de leur pêche.
Les guideaux sont en général placés d'une manière
fixe. Il en existe une rangée sur le rocher de la
pointe de Quillebeuf , dans la direction indiquée sur
le plan déjà cité ; des pieux fortement enfoncés dans
le roc et soutenus par des haubans les retiennent
contre la violence des courants auxquels ils ont à
résister.
Une autre ligne de guideaux est placée à Berville,
quatre lieues au-dessous de Quillebeuf, sur la rive
qui conduit à Honfleur ; on en trouve peu vers le
nord , où ils géneraient la navigation , le chenal con-
servant presque toujours cette direction.
La dernière rangée de guideaux qui se trouve
dans la Seine est établie sur l'extrémité sud-est du
banc du Tot.
On en place quelquefois , en été, sur les bancs
de sable du milieu de la Seine, mais en très-petit
nombre et pour quelques marées seulement.
Les guideaux reçoivent de toutes les espèces de
poissons ; cependant il en est quelques-unes qui s’y
rencontrent rarement , quoique fort abondantes dans
la Seine , et qui font l’objet d’une péche particulière
dont j'indiquerai les procédés après avoir donné la
nomenclature des poissons qui fixent l'attention des
pécheurs à l'embouchure de la Seine, en suivant les
dénominations adoptées par M. Lacépède,
Beaucoup de petits poissons de différentes espèces
sont engloutis dans les guideaux, et n'ont d'autre utilité
que de servir d'appât pour la péche des autres : ils
ne méritent point d’être cités ici; je ne parlerai que
de ceux qui peuvent se vendre au marché. Parmi
(78)
ceux-ci on distingue : le saumon (genre salmones),
l’alose ( genre clupées ) , le cahuhau et la feinte ,
le cradeau , l’anchois , le hareng ( même genre ),
l'éperlan (genre osmères), la flondre ( genre pleu-
rouectes) , l’anguille et le congre (genre murènes) ,
la lamproie et le lamproyon ( genre petromyson ) ,
la loche (genre cobites), l'épinoche ( genre gasté-
rostées ), le mulet ( genre muges. )
Les crustacées fournissent aussi deux espèces assez
abondantes, le crabe et la creveite.
Dans les gros temps, on trouve dans la Seine le
marsouin (genre dauphins ). La chair de ce cétacée
est peu estimée dans le pays , cependant les pauvres
en mangent ; mais il est recherché à cause de la grande
quantité d'huile qu’on eu retire.
Les poissons qui se péchent autrement qu'avec les
guideaux sont l’alose, la feinte, l'éperlan , la flondre
et l'anguille, ?
L’alose est assez abondante sur le banc du Tot et
plus haut en rivière ; elle se péche avec un filet
appelé #ramail , dont la description se trouve dans
l’histoire naturelle de M. Lacépède. La feinte et Pé-
perlan se péchent sur le même banc et avec un filec
de même forme que le tramail, mais plus petit et
à plus petites mailles que celui-ci, et qu’on appelle
par cette raison sramillon, On emploie quelquefois
le filet connu sous le nom de seine, mais il est peu
en usage dans le bas de la rivière,
La pêche de l’alose commence aux premiers jours
du printemps et se prolonge pendant six semaines
au plus ; la feinte lui succède immédiatement et
continue pendant une grande partie de l'été.
‘ L’eperlan se pêche en tout temps à Quillebeuf ,
mais il west beau et plein que du mois de novembre
au mois de mars ; on le péche abondamment aussi
(76)
dans les guideaux , mais il est moins beau; il est
battu et mou., ce qui lui fait perdre de sa qualité. Les
pêcheurs ont remarqué que , dans les temps doux ,
l’éperlan repose plus ordinairement sur les bancs et
se tient haut , et que , lorsqu'il fait froid, il ne se
pêche que dans le chenal où il se tient à une grande
profondeur d’eau. ]
La flondre est un des poissons les plus abondants
à Quillebeuf ; elle $ y pêche toute l’année , mais elle
est meilleure en hiver. Elle se trouve dans les gui-
deaux , où elle est battue comme les autres poissons ;
cependant elle est dure et en souffre smnoins. Elle
est aussi l’objet d’une pêche particulière qui se fait
à la ligne ou avec un filet qu'on appelle fourée ;
Y'hamecon de la ligne destinée à la péche de la flondre
est fait avec l'aubépine. On appelle fourée un filet
qu’on attache sur les bancs de sable avec de petits
pieux placés circulairement de manière à former un
pare ouvert dans une petite partie par laquelle
les flondres sintroduisent. On environne ainsi les
portions de bancs qui offrent des petits lacs ; les
flondres y restent avec assez d'eau , et quand la
mer se retire on les prend à la main.
L’anguille est aussi fort commune à Quillebeuf
et se pêche de diflérentes manières. Les guideaux
en reçoivent beaucoup ; on en prend à la ligne ,
àla vermille et dans les nasses. La ligne est le procédé
le plus avantageux et celui que l'on préfère. Les
haims en sont de fer ; on les garnit de petits poissons,
mais sur-tont de vers. La vermille a le grand défaut
de détruire les petites anguilles , mais on en use
peu; elle n'est guère employée que par les enfants,
comme un amusement, La nasse est exemple d’in-
convénients ; on s'en sert le long des rivages,
La creyelte ne se pêche que dans les guideaux ;
(pr)
elle est très - abondante à Berville et à Quillebeuf.
Les crabes se ramassent à la basse-mer, dans les
rochers et sous les pierres.
Le marsouin se trouve quelquefois entrainé dans
les guideaux que souvent il déchire ; les petits seu-
lement y sont retenus. C’est ordinairement à la
marée basse qu’on les trouve dans des lacs formés
sur les bancs par quelques souilles de navires, où
on les tue , soit à coups de fusil , soit avec des ins-
truments piquants ou tranchants,
Avant de terminer ce qui est relatif aux poissons,
je m'arréterai un instant à leur importance , sous le
rapport de leur prix.
L’alose est le poisson dont on retire un plus grand
produit pendant le peu de temps qu’elle se pêche ;
après elle, c’est la feinte qui paie le mieux les peines
des pêcheurs. L’éperlan , la flondre et l'anguille se
pêchent toute l’année, mais ne sont pas d'une abon-
dance ni d’un prix proportionné à celui de l'alose.
La lamproie se vend cher, mais elle ne se trouve
qu’en petite quantité. Le lamproyon est d’un prix
médiocre, quoiqu’assez généralement recherché pour
le goût , et on en pêche peu. Le cradeau ne se pêche
qu'au mois d'avril, et en nombre prodigieux, Il
est très-délicat lorsqu'il sort de l’eau ; cependant il
a peu de valeur, à raison de la facilité avec laquelle
il se gâte. On n’est point dans l'usage à Quillebeuf
de le saler comme on fait de la sardine dans là mé-
diterranée. On pêche peu d'anchois. Le hareng ne
se trouve également à Quillebeuf qu'en petite quaa-
tité , let cela dans certains printemps seulement.
Les autres poissons, dont nous avons cité le nom plus
haut ,se pêchent en si petit nombre que leur produit
doic être d’une faible considération.
La crevette se retire des suideaux par corbeilles,
(78)
mais elle est d'un très-médiocre prix; il en est de
méme des crabes.
Le marsouin ne se pêche qu'accidentellement
et ne doit pas entrer dans le patrimoine des pêcheurs.
La pêche a toujours été libre à laval de la rade
de Quillebeuf comme en mer; mais on ra jamais
pêché à l'amont de la ville sans payer un droit
ou louer les bancs sur lesquels les pécheries s'éta-
blissent. Pour déterminer les limites de l’exercice
des droits , on conçoit une ligne droite ayant pour
extrémités l’église de Saint-Georges et le bout du
quai de l’amont de Quillebeuf,
Les pécheurs fabriquent eux-mêmes les filets et
les lignes qu'ils emploient, mais ils n'en font point
commerce ; c’est pour eux une occupation dans
l'intervalle des marées.
En hiver, lorsque la crainte de voir leurs filets
emportés par les glaces prive les Quillebois des
produits de la pêche, ils en trouvent une indemnité
dans un autre genre d'industrie, Lors des gelées ,
les oiseaux de mer se réunissent sur les bancs qui
bordent les rivages, et y cherchent leur nourriture;
alors, on y place des filets appelés plantières ; c'est
une ficelle à laquelle sont attachés des nœuds cou
Jlants de crin. On assujétit cette plantière avec de
petits pieux à uue élévation d’environ quatre pouces;
on sème dans le trajet de ces nœuds un appt
que les oiseaux viennent manger , et les crins dans
lesquels ils s'engagent les retiennent. On prend par
ce moyen , des canards, des sarcelles , des vingeons,
des graves, des bécassines , des vaneaux , etc.
Un filet de même forme et de même nom , à
crins plus fins, est employé encore pour prendre
des alouettes à Quillebeuf , où elles se trouvent
par milliers. Lorsque la neige couvre la terre ,
(79)
elles s'attroupent le long des rivages ; mais, forcées
par le flot de se retirer, elles se jettent dans la
campagne de Saint-Aubin, où, pendant la nuit, on a
eu soin de tendre les plantières. On balaye la
neige dans la direction de la plantière et on y sème
du grain pour les attirer.
Pilotage.
Les dangers de la navigation de la Seine exigent
rigoureusement le secours de pilotes qui, connaissant
les rochers et les bancs fixes , et observant sans
cesse les variations des bancs mobiles , des posées,
des courants , etc. , puissent garantir les navires
du péril qui les menace à claque instant.
Cette nécessité reconnue , 11 était indispensable
de régler/les droits et les devoirs tant des capitaines
que des pilotes pour la sûreté du commerce. On
pouvait craindre que les capitaines ,trop confiants dans
leurs moyens , ou pressés par la cupidité , ne récla-
massent point le secours du pilote, ou que celui-ci,
profitant de la facilité avec laquelle l'homme en
danger sacrifie sa fortune , n’exigeit des salaires trop
élevés, ou refusàt ses services. Il etait utile aussi
de fixer le nombre des pilotes de chaque partie de
la Seine , afin que tous les navires pussent étre
secourus. Toutes ces considérations ont donné lieu
à diverses ordonnances des amiraux et des ministres
de la marine. Je vais rapporter l’ordre établi dans
le pilotage par celles actuellement en vigueur.
Tout navire faisant la navigation du long cours,
du grand et du petit cabotage , est tenu de prendre
un pilote. On excepte cependant de ceue rigueur
les navires au-dessous de 20 tonneaux , commandés
par un maitre ou patron résidant daus le cercle ou
( 80 )
les limites des lamaneurs de Quillebeuf , et faisant
babituellement le cabotage de la rivière de Seine ;
mais alors le maître ou patron est responsable de
tout événement.
Les pilotes de la Seine sont divisés en troïs stations :
la première à Quillebeuf, la seconde à Villequier
et la troisième à Rouen.
Le nombre des pilotes de Quillebeuf est fixé à
81, et sera porté à la paix à 99; il y aura en outre
12 aspirants.
Les pilotes de Quillebeuf doivent conduire les
navires du Havre ou d’Honfleur à Villequier , et
réciproquement. À cet effet , ils sont tenus de se
rendre dans ces différentes stations pour y attendre
les navires, et de s’y faire inscrire sur un registre,
afin d'établir le tour de service,
Ils doivent visiter souvent les chemins du Havre
à Villequier, et s'assurer des changements qui se
seraient opérés dans la disposition des bancs.
Leurs salaires sont fixés par un tarif basé sur le
port en tonneaux du navire. Les bâtiments faisant
la navigation du long cours paient davantage, et les
étrangers y ajoutent encore un tiers en sus. Les
bâtiments sur leur lest ne paient que moitié du salaire
fixé par le tarif.
Les aspirants sont assimilés en tout aux pilotes ;
ceux-ci ont seulement la préférence lorsqu'ils se
trouvent en concurrence pour la conduite d’un navire.
Nul n’est reçu pilote sil n’est âgé de vingt-cinq
ans au moins, et s’il ne justifie de mois de
navigation sur les bâtiments de commerce , et
de mois sur les bâtiments de l'Etat.
Le candidat qui réunit toutes les conditions exi-
gées se présente devant le commissaire de marine
de sou quartier, pour y être admis à un examen
qui
CS)
qui sé fait par d'anciens pilotes ; le commissairé
ie marine désigne les examinateurs , préside à
l’examen et en dresse un acte qu'il envoie à Son
Excellence le Ministre de la marine.
Le nombre des pilotes de Villequier est fixé à 59,
et celui des aspirants à 4.
Ils sont tenus de conduire les navires de Villes
quier à la Mailleraye , et de la Mailleraye à Ville-
quier. Ils doivent même aller jusqu’à Rouen ils
en sont requis par les capitaines ; mais ils ne peu
vent exiger de ceux-ci qu’ils les conservent.
De la Müilleraye à Rouen il n’y a point de pilotes;
cependant d'anciens capitaines et maitres au cabo=
tage sont choisis par le commissaire de marine ,
le tribunal de commerce et le capitaine de port,
pour conduire et piloter les navires pendant ce trajet,
lorsqu'ils en sont requis par les capitaines, ce qui
arrive rarement, Les étrangers seulement ont besoin
de leurs services.
Aucun pilote ne peut piloter un navire pendant
la nuit, depuis l'embouchure de la Seine jusqu’au-
dessus de la Mailleraye , à moins qu’il ne soit déjx
en route et exposé à quelque danger.
Il est maintenu én résidence , à Quillebeuf, un
ancien officier de marine qui, sous le ütre de chef
du pilotage , a la police directe sur les pilotes de
Quillebeuf et de Villequier , quilui sont subordonnés.
Il est obligé de rendre compte toutes les semaines,
au chef maritime de l’arrondissement du Havre ,
de tout ce qui s’est passé d’intéressant pour lé ser-
vice, et de joindre à son rapport un détail exact
des changements des bancs.
Il est chargé de faire placer sur les roches et les
carcasses de navires perdus, des balises, des bouées
ou des tonnes , pour servir de renseignement aux
pilotes. E
(8)
Le chef du pilotage exige des pilotes des rap-
ports sur les sondes des passages et les change-
ments des bancs ; il en tient registre, et note avec
soin les vents qui règnent pendant le jour et la
marée.
Il prononce sur les difficultés qui s'élèvent pour
les salaires des pilotes, des lamaneurs , etc. Il pu-
nit ceux qu’il juge coupables, et en rend compte,
dans son rapport , au chef militaire des mouvements
maritimes au Havre.
Dans le cas d’avaries, il reçoit les déclarations des
capitaines , en dresse procès-verbal ; etl'envoie avec
son opinion aux tribunaux de commerce des ports
où se rendent les bâtiments.
Le chef du pilotage dirige le service des pilotes,
exerce la police sur les bâtiments qui montent et
descendent la rivière , ordonne les secours à porter
à ceux qui courent des dangers, veille à ce que les
bateaux toueurs (*) soient armés et en état d’aller au
secours des bâtiments au premier signal de détresse.
Bancs à fonds de roche er de suble mouvant.
Les bancs qui présentent des écueils , plus ou
moins dangereux, à la navigation de la Seine , sont
placés entre la rade du Havre et la Mailleraye. Les
uns sont fixes, et par conséquent moins difficiles à
éviter ; les autres changent de position et d’étendue
d’une marée à l'autre, et sont par-là plus redoutables,
Les premiers qui se présentent à l'embouchure
cs
(*) On appelle toueurs des bateaux armés de six hommes ;
dont la fonction est de secourir les navires, soit en portant
des ancres , des grelins, etc., dans l’appareillage ou les gros
temps , soit en les amenant au port, à la rame , en temps calme,
(85)
de la Séine ñne sont sujets qu'à quelques légers
changements dans leurs dimensions ; leur fond est
de roche et leur gisement est constammeni le même.
En partant de la rade du Havre pour entrer en ris
vière , on trouve successivement, 1° le long de la côte
du nord le banc de l'Eclat, entre lequel et le cap
la Hève est un passage pour les navires , connu
sous le nom de Passe du Nord-Ouest ; 2° plus au sud,
le banc appellé les Hauts de la Rade, séparé du pré
cédent par une passe étroite désignée sous le nom
de Passe du Ouest ; et 5° le banc d’Amfar, qui, un
peu plus en rivière que les deux premiers, occupe
environ le milieu de l'ouverture de la Seine. Entre
le banc d'Amfar et les Hauts de la Rade est un troi=
sième passage pour les navires , plus ouvert que
les précédents, et appellé Passe du Hoc.
Dans le midi du banc d'Amfar, en se reportant
vers la côte du sud , on trouve encore plusieurs
autres bancs fixes, tels que le banc à Bœuf, le
Ratier , les Ratelets; mais ils ne forment point po-
sitivement obstacle à la navigation de la Seine : ils
établissent les passes qui conduisent à Honfleur.
Après ces bancs, en avançant davantage en rivière,
on ne trouve plus de bancs fixes que ceux qui
tiennent aux rivages et dont l'étendue seulement
varie. Nous allons les décrire successivement,
En partant du port d'Honfleur et suivant la côte
du sud, on trouve d’abord un banc qui occupe
toute la rive depuis Honfleur jusqu’à Ficquefleur.
De tous les bancs fixes , celui-ci offre le plus de
variation dans son étendue ; il est quelquefois im-
mense et rejette le chenal du sud presqu’au milieu
de la Seine. Son élévation est assez considérable ,
et souvent la partie la plus voisine de la terre se
recouvre de christe marine et d'herbe qui, pendant
F 2
(84)
quelque-temps, peut servir de pâture aux bestiaux.
La rivière de Saint-Sauveur, en serpentant le long
de la rive qui tend du bourg de ce nom à Hon-
fleur, forme une erique qui en détache le banc
dans ce trajet , et va se jeter dans la mer à l’en-
trée du port d'Honfleur qu’elle nétoie concurrem-
ment avec les écluses de chasse des bassins.
La peute rivière de Ficquefleur traverse aussi ce
banc dans une direction moyenne , à-peu-près per-
pendiculaire aux courants de la Seine, où elle va
se perdre.
Quelquefois le grand banc de Saint-Sauveur se
prolouge devant les jetées d'Honfleur , au point
d'en rendre l'entrée et la sortie fort difficiles, et
d'exposer les navires à sy échouer , surtout lorsque
les vents y portent en même-temps que le flot.
Le banc de Saint-Sauveur est toujours écore dans
son contour , c’est-à-dire coupé verticalement ou
même miné à sa base par les courants , et plus
particulièrement par l'ebe qui agit plus long-temps
et plus bas sur les bords des bancs qui bordent
le chenal.
En suivant la rive du sud et remontant la Seine,
on trouve, après le banc dont il vient d’être parlé ,
un autre banc ordinairement contigu à la terre, occu-
part toute la région de Joble , Grestain et Berville ,
et divisé seulement par plusieurs criques que for-
ment les sources plus ou moins abondantes qui s'é-
coulent des rivages de la Seine. Quelquefois aussi
la barre se porte vers les côtes du sud et creuse , entre
ces bancs et les villages qui viennent d’être cités ,
un chenal étroit, praticable pour les bâtiments d’un
faible tirant d’eau , qui alors y trouvent des posées:
Dans ce cas , l'embouchure de larivière de Risle s’é-
1ablit dans ce chenalet , en longeantla terre , procure
une posée à la canardière.
(85)
Le banc de Berville se continue encore souvent
avec un autre appelé le banc du nord, qui touche
au couchant de la pointe de la Roque. Ce dernier
banc ,en partie couvert d'herbe, n’est séparé du banc
de Berville que par la rivière de Risle qui se creuse
un canal étroit dont la direction varie.
La pointe de la Roque , formant un cap très-saillant
dans la Seine , qu’elle rétrécit considérablement , n’est
jamais bordée de bancs : la barre y frappe toujours
avec violence et ne permet pas l'accumulation des
sables ; mais entre cette pointe et celle de Quille-
beuf , on trouve presque toujours un banc de sable
qui borde le chenal et qui n’est qu'un prolongement
des immenses marais de Saint-Aubin et du Marais-
Vernier. Il est sujet à de grandes variations pour la
forme et l'étendue : tantôt écore , tantôt incliné vers
le chenal, il s’avance plus ou moins dans la Seine ,
se couvre de christe marine, d’herbe, et ajoute aux
marais , quelquefois en peu de temps, des centaines
d’arpents de pâturages que le flot détruit et emporte
plus tard.
En continuant de parcourir la côte du sud , on
franchit la pointe de Quillebeuf. Aucun banc n’oc-
cupe le rivage depuis son port jusqu’à Aizier , où
commence un banc qui se prolonge le long des ma-
rais de Vatteville auxquels il est contigu. Son étendue
n'étant pas toujours la même, il influe sur la largeur
et conséquemment sur la. profondeur de la traverse
d’'Aizier.
Au-dessus de ce banc , la rivière touche immé-
diatement aux terreins qui bordent son lit , et là
cessent les obstacles de la navigation.
Les bancs qui touchent au riva# du nord de la
Seine sont en très-petit nombre ; près du Havre , il
ne s'en trouve point, Le chenal longe ordinairemens
F5
(86 )
Ja terre et est bordé par des masses de galet que la
mer y apporte cênstamment. En se rapprochant du
Hode sous Orcher , on remarque quelquefois un
petit banc de sable , mais cela est infiniment rare.
Les courants suivent les falaises élevées du pays de
Caux, et procurent aux navires différentes posées
quelquefois dangereuses à la vérité ; mais ces dan-
gers sont dus à la violence du flot qui en rend la
tenue difficile et ron aux bancs. Dans l'anse que
termine le Nez de Tancarville , on trouve successi-
vement les posées du Hoc, de la Carrière, de Saint-
Jacques , de Cressonval et la Vieiïlle-Posée.
En contournant le Nez de Tancarville, on remarque
quelquefois , le long des rochers qui conduisent à ce
village, un banc qui se continue avec le rivage ;
mais le plus souvent il existe un chenal offrant une
posée sous le château : elle est mauvaise à cause des
roches détachées qui s'y trouvent et sur lesquelles
les courants de l’ebe portent.
Les marais de Radicatel et du Mesnil bordent ordi-
nairement le chemin du nord , mais quelquefois ils
en sont séparés par un banc écore ou à pente douce
qui se projète plus ou moins en Seine.
Nous arrivons au banc du Tot, connu par le
nombre considérable de navires qu’il a engloutis et
le dernier des bancs de la rive du nord. Le banc
du Tot est quelquefois adjacent aux falaises de Saint-
Georges et de Petitville ; mais le plus souvent il en est
séparé par un chenal peu profond qui se trouve
creusé par le flot dans les grandes marées, et que
peu de bâtiments peuvent parcourir sans danger. Le
courant des deux rivières réunies de Lillebonne et
de Gravanchon® forme un petit canal qui limite
la pointe de ce banc vers le nord-ouest ; l'extrémité
sud-est du méme banc répond au Vieux-Port dont
il est séparé par le canal de la Seine en entier.
(87)
Le banc du Tot est à bords inclinés ou écores , selon
lPaction qu’exercent sur eux les courants des flux
et reflux. Cette influence en détermine également
Pétendue , mais avec de légères différences , ce banc
se trouvant toujours formé par dépôt entre les limes
de flot et de verhole (1) , qui observent assez la
même direction.
Après avoir décrit tous les bancs des deux rives de
la Seine , il nous reste à parler de ceux qui occupent
le milieu de son embouchure, et qui, peu constants
dans leur forme et leur position ; sont transportés
d'un lieu dans un autre à toutes les grandes marées,
et exigent des pilotes une étude particulière pour
les éviter.
Aucun des bancs mouvants ne peut être décrit
avec précision à raison de leur extrême mobilité.
On peut se faire une idée de masses de sable plus
ou moins étendues ,placées dans le milieu de l'espèce
de golfe qui s'étend du Havre et d'Honfleur à Quille-
beuf, et séparées par des chemins praticables pour
les navires. Ces bancs sont presque tous écores ;
l'ebe , en rongeant leurs bords à la partie inférieure ,
en fait écrouler les masses supérieures qui tombent
avec fracas dans le courant, et sont emportées dans
une autre partie de la Seine où elles se déposent à
la pleine mer et forment un nouveau banc.
Tous ces bancs mobiles redoutables ont cependant
un avantage : en divisant la Seine entière en plusieurs
canaux plus étroits à la basse mer , ils en augmentent
les courants qui procurent à ce moyen une plus
grande profondeur d’eau dansla partie où ils ereusent
le lit du fleuve.
I | NO sr sn " à SS
(1) On entend par _verhole un contre-courant dont nous
expliquerons la marche en parlant des courants en général,
(88)
Malgré l'extrême variation des bancs, on distingue
toujours dans leur disposition deux chemins princi-
paux, l'un qui suit les sinuosités des côtes du pays
de Caux , et l’autre plus ou moins rapproché de
celles du sud , mais moins constant et moins profond
que celui du nord , et souvent séparé des rivages par
des bancs, comme nous l'avons vu plus haut.
Rochers.
Ainsi que je l'ai déjà dit , le banc de l'Eclat ;
les hauts de la rade et le banc d'Amfar sont formés
par un fond de roche recouvert de sable. Ce sont
les premiers rochers qui se rencontrent à l'embou-
chure de la Seine ; ceux qui se présentent ensuite
sont vers Quillebeuf. Au couchant de la pointe du
quai est un rocher plat s’'ayvançant , en pente douce,
assez loin dans la baie et se redressant un peu à
son extrémité nord-ouest où une balise est entretenue
pour en indiquer les limites aux pilotes.
Dans le nord-nord-ouest de l’église de Quillebeuf,
et à une distance d'environ 250 toises du quai, se
trouve un autre rocher appelé la Roche-& Mouton ,
du nom d’un capitaine dont le navire y échoua, Ce
rocher offre à-peu-près 250 toises de longueur, dans
la direction est etouest, et 8 à 9 toises de largeur,
nord et sud; il est plat dans toute son étendue ,
excepté vers l'est, où il présente trois têtes assez
saillantes , séparées par un intervalle de 9 à 10 pieds,
et sur lesquelles il reste ordinairement 2 à 5 pieds
d'eau; elles découvrent cependant quelquefois, et
cela s'est remarqué quatre à cinq fois depuis quarante
ans. À l'amont de la Roche-à-Mouton, les courants
ont creusé un puits dans lequel on trouve environ
15 pieds d’eau de basse mer. La plate-forme de ce
(89)
rocher est le plus souvent de niveau avec le fond du,
chenal ; les parties saillantes seulement sont redot-
tables,
A 5oo toises environ, dans le nord de la Roche-
à-Mouton, et vers les marais de Radicatel , il existe
encore plusieurs roches saillantes et très-rapprochées;
tout annonce même qu’elles ont formé autrefois une
seule masse. Elles sont également assises sur un fond
deroche plus profondément situé ; elles ne découvrent
point; on trouve ordinairement dessus 3 à 4 pieds
d’eau à la marée basse, Lorsque la direction du
chenal est sur ces roches, elles sont environnées
de bouillards et de forts d'ebe dangereux.
Dans le milieu de la rade de Quillebeuf, environ
à 300 toises est quart-nord-est dela pointe du quai,
on trouve une autre roche enfoncée dans le lit de
la Seine, mais plus élevée vers amont, et sur la-
quelle il reste 2 x 5 pieds d’eau dans les plus basses
marées ; elle est toujours marquée par des bouil-
lards, mais une bouée indique aux pilotes sa véri-
table situation. Au sud-est de ce rocher, l’ebe -a
creusé un puits trés-profond et fort étendu, dans
lequel est un navire naufragé dont il sera parlé ci-
après , et qui se trouve plus bas que la roche d’en-
viron 3 pieds.
Le long des côtes de Quillebeuf, du Vieux-Port
et d'Aizier, quelques roches se sont détachées des
falaises et se trouvent sur les bords du chenal,
mais elles nuisent peu à la navigation; seulement
celles qui se trouvent à la posée de Quillebeuf
exposent les navires à se crever et à couler bas
lorsqu'ils s'appuient sur ces roches, que le sable
couvre quelquefois de manière qu’elles ne sont
point apperçues. Les capitaines, pour éviter ce genre
de danger, s'obligèrent, en 1757, envers le sieur
(90 )
Letellier , ancien maître de quai à Quillebeuf, à lui
payer un droit pour chaque navire montant et descen-
dant la rivière , parce qu'il prit l'engagement de
nettoyer la posée de Quillebeuf dans toute son éten-
due et de l’entretenir à toujours, à ses frais, sans
pierres ni roches. Ce traité fut exécuté scrupuleuse-
ment de part et d’autre, et le sieur Letellier fils,
en succédant à son père dans sa place de maitre
de quai, continua de prendre les mêmes soins, et
perçut le droit jusqu’à l'époque où la révolution
rompit cet engagement. Le sieur Letellier fils n’a pas
néanmoins cessé entièrement de veiller au nettoie+
ment de la posée de Quillebeuf, mais sa fortune ne
lui a pas permis de faire des travaux dispendieux
sans en être indemnisé.
A l'ouest de Villequier, on remarque une autre
roche, dite la Pierre-du-Poirier. Elle est toujours
hors de l’eau ; sa distance de la terre ferme n’est
que d’environ 5 toises. Plusieurs autres roches plus
petites l'entourent, mais toutes sont visibles. La Pierre-
du-Poirier sert de limite aux pilotes de Quillebeuf
pour quitter le commandement du navire en mon-
tant la rivière,
A l'est de Villequier est une autre roche de la
grosseur d’un tonneau ; elle est éloignée de la terre
d'environ 15 toises; il reste peu d’eau dessus, et
souvent méme elle se découvre : on trouve à son
approche plus de 25 pieds d'eau. C’est vers cette
roche que les pilotes de Quillebeuf doivent prendre
la conduite des navires qui descendent la rivière.
Un autre rocher est placé entre Caudebec et la
Mailleraye, vers la pointe de Bliquetuit, à-peu-près
à 25 toises de la terre du sud, Sa forme est plate;
sa longueur est d'environ 200 toises , et sa largeur de
15 à 20 toises ; il reste toujours dessus 4 à 5 pieds
d'eau.
Cor)
Après avoir fait connaître tous les écueils de l’em-
bouchure de la Seine , il nous reste à décrire la ma-
nière dont ils nuisent à la navigation ; mais les dan-
gers auxquels ils exposent les navires étant subor-
donnés aux vents, aux brouillards et aux marées,
nous rapporterons d'abord les phénomènes météoro-
logiques qui s'observent à Quillebeuf et dans ses
environs , puis nous passerons à l'examen des flux
et reflux et des courants en général , pour nous
occuper ensuite de la navigation de la Seine.
Vents.
Les vents, à Quillebeuf, sont assujétis à une marche
assez constante et dont ils s’écartent rarement, et
ils exercent sur les autres météores en général une
action qui les fait participer à cette régularité. Les
saisons y apportent peu de changements; ils soufflent
seulement avec plus ou moins de violence, et quel-
ques-uns sont accompagnés de pluie ou de grêle
dans l'automne, l'hiver et le printemps.
Le vent de sud-ouest est celui qui règne le plus
souvent à Quillebeuf; les autres sont, pour la plu-
part , d’une courte durée. Cependant les vents
partant de la région comprise entre le nord et l'est,
sont un peu plus fréquents que les autres.
Le vent de sud-ouest semble étre le point de dé-
part des autres, et après les tempêtes et les orages
c’est toujours là qu'il revient.
La marche des vents influe sur leur durée et sur
les pluies. Si, en quittant le sud-ouest, ils se dirigent
vers le sud, la pluie tombe tant que le vent tient
dans cette direction ; mais il revient presque tou-
jours au sud-ouest à la prochaine marée du jour :
alors les nuages se divisent et la pluie cesse. Lorsque
C9)
les vents, en suivant cette marche , gagnent jusqu’à
l'est-sud-est , et même à l’est, ils n’y tiennent ordi-
nairement que vingt-quatre heures, et quelquefois
quarante - huit heures. Dans ce cas une petite pluie
fine tombe jusqu'à ce que le vent, en faisant une
courte station par les différents points de lhorison ,
revienne, en passant par le sud , à sa direction pri-
mitive, c’est-à-dire au sud-ouest. Rarement le vent
gagne au-delà de l’est en passant par le sud.
Si les vents, au lieu de remonter par le sud,
suivent au contraire l'horizon vers le nord, ils con-
servent plus long-temps la direction qu’ils adoptent.
Les vents d’ouest sont assez durables et produisent
des nuages, mais presque toujours sans pluie. Is ne
passent au nord-ouest que dans une tempête ; ils
sont alors très-violents, froids, et accompagnés de
grêle qui ne tombe que par instants, et cela arrive
plus particulièrement au mois de mars, où les vents
uennent davantage dans cette partie.
Presque toujours le vent de nord-ouest est suivi
de vent de nord, qui persiste plus ou moins long-
temps, ou qui gagne chaque jour de plus en plus
vers l’est, et se promène dans la région de l’amont
pendant plusieurs jours, quelquefois même pendant
une lune entière ; il revient ensuite au sud-ouest,
soit en suivant une marche rétrograde , soit en pas-
sant par le sud, et, s’il s'arrête dans le trajet de l'est
au sud-ouest par cette dernière direction , il y tent
plus que dans le cas où il remonte comme je l'ai
dit précédemment.
Il tombe infiniment peu de pluie à Quillebeuf, Je.
n’en ai pas mesuré la quantité , mais je suis persuadé
qu’elle ne s'élève pas au sixième de ce qu’il en tombe
annuellement à Paris. En hiver, les vents sont telle-
ment forts que les nuages, mus avec une vitesse
étonnante, passent sur la ville sans se déchirer.
(95)
* En été, le ciel est presque toujours pur. Les vents
suivent les courants ; ils soufflent de l’aval à l’amont
à la marée montante, et prennent la direction con-
traire au retour de l'ebe ; leur intensité augmente
vers le soir,
Les orages se forment le plus souvent vers le cou-
chant, et se dirigent tantôt vers l'est-sud-est, tantôt
vers le nord-ouest , et rarement ils passent sur la
ville de Quillebeuf. Ils n’offrent rien de particulier.
Les brouillards s’observent en tous temps et de
tous vents, mais ils disparaissent ordinairement à la
marée montante; quelquefois cependant ils devien-
ment plus épais, et sont fort dangereux pour les
navires en chemin , à raison de l'impossibilité où
sont les pilotes de reconnaître leurs amers.
Marées , barre et courants.
Les marées, comme on le sait, se répètent deux
fois par jour, en retardant de trois-quarts d'heure.
Dans les ports qui bordent la mer, au Havre, à Hon-
fleur, on ne s’apperçoit du flot que par le change-
ment de direction des courants ; la mer monte plus
ou moins rapidement pendant environ six heures,
et baisse ensuite pendant le même temps. Le port
de Quillebeuf n'est point assujéti aux mêmes règles;
les courants ny changent point de direction avec le
même calme que dans les autres ports dont nous
venons de parler. Une masse d’eau connue sous le
nom de barre , vient frapper avec violence le quai
de l’ouest de la ville de Quillebeuf.
La barre est d'autant plus élevée et les courants
qui la suivent sont d'autant plus rapides que les
marées sont plus fortes, c’est-à-dire deux jours après
les nouvelles et pleines lunes, La position des bancs
(94)
et la direction des vents influent encore beaucoup
sur la force et la direction de la barre. C'est vers
Grestain , sur la rive du sud , et Orcher , sur la rive
du nord, que la barre commence ordinaire at à
se faire appercevoir ; bientôt elle s'élève de plasen
plus, parcourt la Seine avec un murmure qui se
fait entendre à quatre à cinq lieues , et augmente
considérablement jusqu’à ce qu’elle vienne se briser
contre la pointe de Quillebeuf, qui la détruit pour
un instant.
La barre est plus forte à Quillebeuf que dans toutes
les autres parties de la Seine ; son volume y est plus
grand et les courants y sont plus rapides. Elle prend
naissance à l'endroit où la Seine , en se rétrécissant ,
force le volume d’eau qui s y introduit à se resserrer :
il prend alors une élévation qui s’accroit à mesure
que ce rétrécissement augmente. Les bancs , que le
flot recouvre rarement en entier dès son arrivée,
ajoutent encore à ce rétrécissement , et la barre,
forcée de se diviser en autant de branches que ces
bancs établissent de chemins pour les navires, exerce
ses ravages sur les rives et sur les bords des bancs,
dont elle emporte toujours quelques débris. Toutes
ces divisions cessent par laréunion des diverses barres
en une seule, vers le Nez de Tancarville ; mais la
pointe de Quillebenf diminuant considérablement
et tout-à-coup la largeur de la Seine, la barre prend
beaucoup plus d’élévation.
S'il existe entre Tancarville et Quillebeuf un banc
assez élevé pour que la barre ne le recouvre point ;,
elle se divise en deux bronches ; alors deux barres
se font sentir à Quillebeuf , et suivent, l’une lærive
du sud, et l’autre la rive du nord. Cette dernière,
lorsqu'elle est forte, est la plus dangereuse pour la
rade de Quillebeuf, parce qu’elle vient frapper la
C9)
ville à l'endroit même où posent les navires ? elle
arrive toujours cinq à six minutes , quelquefois même
dix minutes plus tard que celle du sud, dont elle
traverse les courants pour venir se briser contre les
quais.
Lorsqu'un banc de sable occupe tout le milieu de
l'espèce de golfe formé par le Nez de Tancarville,
la Roque et Quillebeuf, et qu'il ne laisse qu'un
chenal étroit au sud et un autre au nord, la barre
du sud est terrible à Quillebeuf ; elle arrive à la jetée
avec une violence extrême , et présente alors 15 à
16 pieds d’élévation. Dans ce cas, celle du nord est
moins redoutable, parce que celle-ci lui oppose une
résistance qui la tue.
Lorsqu'au contraire le banc adjacent aux marais
de Saint-Aubin savance beaucoup vers le nord ,
la barre se fait moins sentir à Quillebeuf. Dans ce
cas, toute sa masse, dirigée vers les marais de Radi-
catel et du Mesnil, ronge le banc du Tot, quelque-
fois même établit entre lui et la campagne de Saint-
Georges un chenal presque toujours dangereux, et
que les petits navires seulement peuvent parcourir.
Alors les courants sont excessivement redoutables dans
Ja traverse d’Aizier ; il s'y forme des forts de flot par
le choc des courants, qui se heurtent dans une direc:;
tion presque perpendiculaire.
La barre prend la forme que lui donnent les bords
du chenal dans la partie où elle les touche : s'ils
sont inclinés, la barre, dont la surface supérieure
s'étend horizontalement, reconvre une partie de ces
bancs, et sa hauteur se réduità zéro sur les bords;
si, au contraire, les bancs sont écores , on conçoit
que la barre est coupée verticalement comme eux.
La barre n’a donc de forme constante que dans
sa partie antérieure , dont la coupe serait perpene
C96)
diculaire si les parties supérieures de la masse d’eau ;
quoique mues d’une vitesse égale à celles inférieures ;
n’ajoutaient à la vitesse de celles-ci par la pression
qu’elles exercent sur elles. Le plan antérieur de la
barre présente donc une légère inclinaison qui lui
donne la forme d’un talus composé de vagues super-
posées et écumantes.
La barre établit des courants qui, dans les grandes
marées , sont d’une vitesse et d’une force étonnantes.
Vers Quillebeuf, elle ne parcourt qu'environ 2 lieues
à l'heure , à cause des bancs qui génent sa marche
et la retardent ; mais lorsqu'elle les a franchis et
qu’elle avance en rivière, elle acquiert une rapidité
telle qu’elle n’emploie que deux heures à faire le
trajet de Villequier à Rouen, c’est-à-dire, environ
18 lieues, .
Il est reconnu que la vitesse de la barre est d’au-
tant plus grande qu’elle rencontre plus de profondeur
d'eau; elle est cependant moins dangereuse dans
les endroits où elle marche avec grande rapidité.
Au-dessus de la Mailleraye, les navires se tiennent
méme au milieu de la rivière pour la recevoir , et
se laissent entraîner par elle : ils n’ont rien à redouter
lorsqu'ils ne touchent pas la terre.
La marée monte avec une vitesse qui diminue
graduellement. Dans les premiers instants , elle four-
nit en cinq minutes trois pieds d’eau verticalement
dans toute l’étendue de la rivière. Cette impulsion
est si grande que le courant se maintient encore
lorsque la mer a déjà baissé d’un pied.
L'élévation moyenne des eaux à Quillebeuf, en
toute saison, est, à la pleine mer, de 15 pieds dans
les syzygies, et d'environ 6 pieds dans les quadra-
tures, abstraction faite des accidents qui peuvent
faire monter plus ou moius la marée.
Lorsque
(97 )
Lorsque les vents soufflent de l'aval avec violence ;
et que cela arrive ou à la pleine et nouvelle lune,
ou dans les deux jours après, la marée monte beau
coup plus haut ; quelquefois même elle s'introduit
dans les rues, sur-tout si ces circonstances se trou+
vent réunies aux approches des équinoxes et des
solstices ; mais cela n'arrive que très-rarement ?
aussi ne l’a-t-on remarqué que trois ou quatre fois
dans l'espace de irente ans. La plus grande élévation.
des marées qu’on ait vue , eut lieu,le 11 novembre
1810 : la mer monta à-peu-près à 20 pieds, et
comme les quais n’ont que 18 pieds de haut, il se
trouva e nviron 2 pieds d’eau dans les rues.
La marée monte à Quillebeuf, dans les syzygies ;
pendant deux heures à deux heures et demie; mais
à mesure qu’on se rapproche des quadratures elle
prend un peu plus de temps, et cela va jusqu’à trois
heures. Les vents modifient un peu ce temps dela
marée montante,
Il est ordinairement pleine mer à Quillebeuf à dix
heures ou dix heures et demie, dans les syzygies ,
et à quatre heures dans les quadratures, sauf encore
la modification exercée par les vents. La marée em-
ploie le même temps à monter depuis Qaillebeuf
jusqu’à Rouen; mais depuis cette dernière ville jus-
qu'à Pont-de-l'Arche , où le flot se fait sentir un peu
dans les grandes marées, elle monte d'autant moins
long-temps qu’elle approche davantage de ce termes
Non-seulement le port de Quillebeuf n’est point
soumis aux règles générales des marées qui, dans
tous les ports de mer , montentet baissent dans des
temps égaux, mais il offre encore avec ceux-ci une
autre différence , c’est que la mér y baisse davan-
tage dans les mortes marées que dans la grande
mer ; tandis qu'au contraire c'est dans les grandes
G
(98 )
marées qu'il reste moins d’eau dans tous les ports
de mer en général. Dans les mortes marées du mois
d'août, si le temps est calme et que la sécheresse
ait existé pendant long-temps, le chenal entre Quille-
beuf et le banc du Tot se vide tellement qu’on pour-
rait, dans quelques endroits, le traverser avec des
bottes de pêcheur.
Les courants établis par le flot suivent des direc-
tions déterminées par la disposition des bancs, et
varient donc autant que ceux-ci; mais on peut dire
qu’en général ils suivent parallèlement les rivages du
fleuve, La plus grande déviation qu'ils éprouvent est
opérée à la pointe de Quillebeuf, qui force le flot
à se diriger vers le pays de Caux; disposition heu-
reuse pour la navigation, puisque toute la rade de
Quillebeuf s’en trouve affranchie. Le flot forme, en
partant de la pointe de Quillebeuf, une ligne circu-
laire de démarcation entre lui et l’ebe, qui se dirige
en sens contraire le long de la rade et va se jeter
dans cette ligne que les marins appellent lime de flot.
Le courant qui subsiste dans la rade jusqu’à la pleine
mer se nomme verhole. Il est séparé de la lime de
flot par une eau tranquille. Les courants s’observent
seulement le long des rivages, où ils ont une direc-
tion entièrement opposée ; ils diminuent progressive-
ment; enfin la mer est étale, puis elle commence à
baisser et l'ebe se rétablit. Chaque navire profite de
l'un ou de l'autre de ces courants, selon la route
qu’il veut parcourir.
Dans quelques endroits de la Seine, les courants
de la marée montante sont dangereux ; ils forment
des bouillards appelés forts de flot qui peuvent
étre funestes aux navires en leur faisant perdre
l'action du gouvernail. Ces forts de flot ne se re-
marquent que dans les lieux où le nouvezu cou-
( 99 )
rant rencontre le cours habituel du fleuve dans une
direction trop perpendiculaire et dans les endroits
où il reste peu d’eau à mer basse : c'est sur-tout à
cette dernière cause qu'il faut attribuer les forts
de flot.
Il existe aussi des forts d’ebe , et ils sont plus à
craindre que les forts de flot : ceux-ci cessent promp-
tement , parce que la mer en montant rapidement
fournit bientôt l’eau propre à faire cesser le tumulte
des flots, tandis qu’au contraire, la mer en se reti-
rant de plus en plus, donne aux forts d’ebe une
augmentation redoutable. Pour se soustraire à leurs
dangers ; les navires doivent arriver à la pleine mer
dans ces parages. «
Les forts d’ebe sé remarquent dans les raz d'Aizier,
dans la rade de Quillebeuf , et quelquefois sur
divers points du trajet de Quillebeuf au Havre.
Navigation.
Un grand nombre de personnes parlent des dan-
gers de la navigation de la Seine. Chacun demandé
avec instance des travaux propres à les faire cesser :.
plusieurs, entraînés par leur zèle, vont même jus-
qu'à en offrir les moyens avec une confiance qui
peut être appuyée sur des talents consommés; mais
les hommes les plus recommandables par leurs lu-
mières ne sont pas toujours exempts d’illusion sur
le bien qu'ils désirent faire. Je ne pense pas qu’on
ait assez porté son attention sur les dangers en eux-
mêmes, et qu’on ait considéré jusqu’à quel point
on peut les détruire ou les diminuer. Signaler le
mal est déjà un grand pas vers cet heureux résultat ;
c'est ce que je vais essayer de faire ; et, pour
mieux y parvenir, je suivrai les navires dans leur
G2
( 100 )
marche soit en montant la Seine, soit en la des-
cendant.
Dangers auxquels sont exposés les Navires en montant
la Seine.
Tout navire doit diriger sa route en parcourant
le chenal qui lui est le plus commode. Cest au
pilote à en faire le choix et à prendre les amers
qui lui sont utiles. Pour entrer en rivière, il doit
attendre la marée montante. S'il est sur la rade du
Havre , il do't prendre une des trois passes décrites
en parlant des bancs.
Plusieurs considérations déterminent le moment
de l’appareillage , et le pilote, par une heureuse
habitude , se trompe rarement dans la juste mesure
de leur réunion. La force des marées , la direction
des vents , la marche plus ou moins bonne du navire,
sont autant de moyens qu’il sait saisir à propos pour
donner le signal du départ.
- Les navires en montant la Seine ont à redouter ,
1° de toucher sur un banc ou sur quelque point
du chenal ; 2° de manquer de vent et de courants
suffisants pour gagner une posée qui les mette à l'abri
du danger.
Pour éviter le premier accident, ils doivent ap-
porter avec eux assez d’eau en rivière pour passer
sur les hauts fonds du chenal dont les pilotes con-
naissent les dispositions. Le pilote avant de mettre
à la voile doit donc évaluer la quantité d’eau qu’il
trouvera dans le trajet qu’il se dispose à parcourir ;
s’il se trompait , il exposerait , à la fois, le navire
et la vie de l'équipage.
J'ai vu deux naufrages de ce genre peu de temps
avant la revolution.
( rot )
Un brick français, bon voilier, entra trop tôt em
rivière ; il toucha dans le chenal du nord entre le
Hode et Tancarville, et renversa à l'instant même.
L'équipage put cependant se sauver dans la chaloupe
et le canot; une demoicelle de 18 ans, fille du
second capitaine , qui se trouvait alors dans la cham-
bre , fut seule victime de ce malheureux événement.
Le pilote fut interdit de ses fonctions.
L’antre navire qui périt à-peu-près de la méme
manière , était un sloop anglais dort le naufrage fut
dû à un brouillard épais qui se déclara tout-à-coup
lorsqu'il était en route , et qui ne permit pas de
reconnaître les amers. Le navire toucha sur un banc
près le Nez de Tancarville et renversa en ne laissant
à l'équipage que le temps de se jeter dans la cha-
loupe. Au retour de l'ebe il redressa; mais il s’en-
fonça dans le sable verticalement avec une rapi-
dité telle que le lendemain on ne voyait plus qu'en-
viron dix pieds de la tête de son mât.
Loriqu'un navire manque de ventet de courants,
c'est presque toujours entre Tancarville et Quille-
beuf qu'il se trouve dans ceite inquiétante position.
Il sent à peine son gouvernail , et, s’il n’est pas promp-
tement secouru , les courants l’entraînent sur les
bancs où il est exposé à renverser par la force de
Ja barre à la marée suivante , où même avant, sil
est placé surle bord d'un banc que l’ebe mine en-
dessous, J'en citerai un exemple capable d’étonner
ceux qui ne conuaissent point la nature de ces
dangers.
Uu brick français venant de Cette , chargé de vins
et d’eau-de-vie, fut pris de calme à une distance
d'environ une lieue du port de Quillebeuf. Les
secours ordinaires ne purent lui être admiaistrés »
et le pilote fit jeter l'ancre pour attendre la marée
G5
{ 102 }
de nuit, Néanmoins, dans la crainte d’un danger que
Jui seul sur le navire prévoyait, il engagea le capi-
taine à débarquer avec son équipage et sa famille,
et à se saisir des choses précieuses qu’il pourrait
facilement emporter de son bord. Le capitaine , qu’un
beau ciel d’été et le peu de force du flot rassuraient,
résista longtemps aux instances du pilote, qui, ce-
pendant, donna l'exemple et entraina l'équipage.
Enfin le capitaine , pressé par son épouse et son fils,
s'embarqua avec eux dans son cauot, et il eut la
douleur de voir son navire renverser lorsqu'il n’en
était éloigné que d'une portée de canon. L’ebe
avait échoué sur le bord d’un banc écore qui céda
au poids du navire et le fit chavirer dans le chenal.
Un bâtiment pris de calme aux approches de
Quillebeuf a besoin d’être secouru à l'instant méme
du danger. Des bateaux toueurs toujours prêts au
prenÿer signal de détresse vont le remorquer et
V'amènent à force de rames, en refoulant les cou-
rants, jusques à la portée des grelins , au moyen
desquels il est assuré ensuite de gagner le port.
L'importance de cessecours détermina, longtemps
avant la révolution , la chambre de commerce de
Rouen à établir à Quillebeuf un dépôt d’ancres,
grélins et autres ustenciles nécessaires au sauvetage
des navires ; elle en confia l'administration à un
maître de quai chargé de veiller à tout ce qui pou-
vait être utile aux bâtiments, et de placer un fanal
sur le quai dans les marées de nuit. Tous les grélins
et cables de ce dépôt ont été détruits par da vétusté.
Le commerce de Rouen par la rivière étant, depuis
pombre d’années, d’un faible intérêt pour les négo-
ciants, ils ont négligé de l’entreterir , et sans le zèle
vraiment admirable de l’ancien maître de quai qui,
malgré son peu de fortune, s’est procuré des cables
(105)
et grélins neufs à ses frais, beaucoup de navires
auraient péri au passage de Quillebeuf, à défaut de
secours, La chambre de commerce de Rouen paraît
néanmoins vouloir rétablir ce dépôt, et les ordres
qui viennent d’être donnés pour la construction
d’un phare à Quillebeuf, annoncent qu’on s'occupe
de son port.
On à vu dans la description des courants que
le flot prend à la pointe de Quillebeuf une direc-
tion qui le porte sur le banc du Tot; d’après cela
il est facile de concevoir qu’un nayire qui arrive-
rait trop tôt après la barre, et qui ne pourrait résis-
ter à la violence des premiers courants qu’elle éta-
blit, serait jeté sur ce même banc où il renverserait
soit à l'instant , soit à la marée suivante. Par la
méme raison , tous les navires échoués à l'aval de
Quillebeuf, qui ne seraient point engloutis par la
barre , seraient entraînés sur le banc du Tot, aux
dangers duquel il leur serait difficile de se sous-
traire, à moins que les mâts ne se rompissent à
leur base, ce qu'on a vu quelquefois. Alors le navire
roule comme un tonneau et peut se trouver sur sa
quille à la pleine mer, instant où il est facile de
le remorquer ; et cela suppose que les écoutilles
n’ont pas été enlevées.
Après le passage de Quillebeuf , la traverse d’Aiïzier
est le premier endroit périlleux qui se présente ,
en montant la rivière. Les forts de flot qui s’y ren-
contrent obligent à y passer de pleine mer ; quel-
quelois il existe une posée assez près de la traverse,
mais il est souvent imprudent d'y chercher un
refuge. Beaucoup de navires ont péri dans ce passage
qui est peut-être un des plus dangereux de la Seine.
Au-delà de la traverse on peut craindre encore
d'échouer sur le banc de Vatteyille ; mais il est
souvent facile de l’éviter. G4
Cio4 )
Plus haut en rivière il se rencontre peu d’écueils:
des navires y ont péri, mais par imprévoyance de la
part des capitaines ou par quelques-uns des incon-
vénients attachés à la navigation en général,
Dangers redoutables pour les navires en descendant
la Seine.
De Rouen à la Mailleraye , comme nous venons
de le dire , les navires ne sont exposés qu'aux acci-
dents inséparables de la navigation ; mais les capi-
taines ne peuvent pas parcourir avec la même sé-
curité le trajet de la Mailleraye au Havre.
De la Mailleraye à Villequier il arrive peu de
naufrages , il faudrait pour cela quelqu’imprudence
“de la part des pilotes, ou une tempête qui
jetât le navire à la côte ou sur le banc de Güer-
baville.
Mais de ce dernier point à Quillebeuf on trouve
plusieurs écueils qu’il est souvent difficile d'éviter.
La traverse d’Aïzier offre en descendant les mêmes
inconvénients qu’en montant. Les forts d’ebe y sont
aussi redoutables que les forts de flot, et la pru-
dence veut qu'on la passe également à la pleine
mer. Il est des temps cependant où elle présente
une grande profondeur d’eau , et alors les navires
peuvent y passer un peu avant ou après la pleine
mer sans danger, On peut craindre encore de ne
pas trouver assez d’eau dans-lé chenal du Vieux-
Port à Quillebeuf ; mais cet inconvénient ne se
trouvant jamais dans le temps où la traverse est
mauvaise, on na qu'une de ces difficultés à com-
battre à-la-fois.
C’est ordinairement deux à trois heures après la
pleme mer que les navires descendant la rivière
( 106 }
arrivent à la posée de Quillebeuf et souvent plus tard.
Les pilotes doivent donc apporter le plus grand soin à
connaître les sondes, pour ne pas s'engager impru-
demment. Je vais donner une idée des accidents qui
pourraient s’en suivre , en rapportant un événement
qui s’est passé sous mes yeux.
Au mois de janvier 1793, trois navires ayant passé
la traverse d'Aïzier après la pleine mer, firent voile
pour Quillebeuf avec un vent favorable, En appro-
chant du port , les pilotes s'appercurent que le che-
nal n'offrait qu'à peine la profondeur d'eau qui leur
était nécessaire, Ils jetèrent l'ancre à l’amont de la
ville et filèrent du cable peu-à-peu, comme cela se
pratique ordinairement, dans l'intention de dimi-
nuer graduellement la vitesse du navire et de mettre
le cap à lébe; mais les ancres dérapèrent. Il fut
impossible de gouverner les navires , et bientôt ils
cédèrent à l’action des courants. Un d'eux, plusavancé
que les autres, rencontra la roche du milieu de la
rade de Quillebeuf, dont nous avons parlé plus haut,
et renversa , toutes voiles dehors. Un autre alla
s'échouer sous Radicatel , et le troisième renversa
assez près du quai pour que ses mâts y trouvassent
un appui. Ces deux derniers furent sauvés; mais
le premier est encore englouti à l’amont de la roche,
malgré les frais considérables qu'on a faits pour l'en
tirer. Les moyens qui furent employés, quoique
sans succès , pouvant faire connaître la force de la
marée montante, je ne crois pas inutile de les rap-
porter iei Jlaconiquement.
Ce navire pouvait, par sa position , nuire à la na-
vigation , en gênant l’'apparcillage dans la rade, et
cette raison détermina à tenter son émersion. Après
en avoir enlevé les mâts et tout le gréement, des
plougeurs ceintrèrent le corps du navire avec un
( 106 }
câble auquel on attacha des tonnes réunies, à la
basse mer. On pensait que les tonnes, soulevées
par la mer à mesure qu’elle monterait, enlëveraient
avec elles le navire, et qu’on pourrait ainsi l'amener
au rivage; mais les câbles cassèrent, quoiqu'ils
eussent 18 à 20 pouces de circonférence , et l'effet
désiré ne fut pas obtenu. On crut ensuite qu’on fa-
voriserait l'effort des tonnes en excitant le mouve-
ment du navire. En conséquence, on y porta des
cäbles auxquels on attacha des cayornes fixées sur
le quai à des cabestans : tout cela fut également sans
effet ; les câbles cassèrent comme auparavant, et le
navire abandonné s’est enfonce dans un puits que
lui ont creusé les courants , ce qui le rend moins
nuisible à la navigation.
Les dangers auxquels sont exposés les navires de-
puis Quillebeuf jusqu'au Havre sont d'échouer sur
les bancs et d'y recevoir le coup de la barre. Nous
en avons précédemment examiné les conséquences.
Dans les mortes marées, on peut cependant échouer :
sans courir aucun risque, et souvent les petits na-
vires font leur route en échouant sur les bancs pour
attendre la marée suivante.
Je crois avoir suffisamment étendu mes observa-
tions sur l'embouchure de la Seine, pour satisfaire
aux questions que Son Excellence le Ministre de
l'Intérieur a bien voulu m'adresser , et qui ont servi
de base à la rédaction de ce mémoire.
Il me reste cependant à répondre à une derniére
question , à celle relative au langage populaire des
habitants de Quillebeuf : c'est ce que je vais faire
avant de terminer. Ce qu'il offre de particulier doit
être attribué à la prononciation seulement , et il est
difficile de la peindre. Les Quillebois chantent en
quelque sorte les syllabes etles articulent si mal qu’on
Cio7)
croirait entendre des expressions étrangères à la lan-
gue française ; est sur-tout la prononciation du get
de lÿ, du ch qui dénature les mots et embarrasse
l'oreille qui n’y est pas exercée. Les Quillebois sont
en général ignorants, et cependant ils ont des pré-
tentions à bien dire. Alors ils cherchent des expres-
sions peu ordinaires, dont ils ne connaissent point
la valeur, et en font un emploi d’autant plus ridi-
cule qu'ils les dénaturent par la prononciation et qu’il
est impossible de les reconnaitre. Pour bien juger
l'originalité de leur langage, il faudrait nécessaire-
ment les entendre : il ressemble beaucoup à celui
des habitants du Polet de Dièppe. Je ne pense pas
qu'il puisse rien indiquer d’utile à l’histoire des
peuples. Il n’a point d’analogie avec aucune langue
étrangère, et c’est d’après M. Mouton, quia long-
temps exercé à Quillebeuf la fonction d’interprète
des langues du nord, que je donne cette assertione
(108 }
PROCÉDÉ NOUVEAU
Pour extraire lIndigo du Pastel.
Par M. BENJAMIN PArrr.
Messieurs ,
Dans une de vos Séances de 1811, j'ai eu l'hon-
neur de vous soumettre le procédé que j'employais
alors pour extraire l'Indigo de la plante dn Pastel,
Ce procédé consistait à mettre des feuilles noa-
vellement cueillies dans de l'eau froide que l'on
amenait, en 24 heures au plus, de 20 à 22 dégrés
de chaleur ( thermomètre de Réaumur ) , au moyen
d'un courant d'air chaud. On soutirait la liqueur
et on précipitait la fécule avec de l'eau de chaux. Le
produit n'était qu'un Indigo trèsimpur que j'étais
parvenu à raffiner par la manière décrite dans mes
Observations sur le procédé pour teindre en bleu à chaud
au moyen de l’Isatis tinctoria , V’ouède ou Pastel,
Par ce procédé de raffinage on obtient du Pastel
un Indigo supérieur au plus bel Indigo guatimalo-
flore du commerce ; mais, pour l’exécuter , il faut
posséder des connaissances qui ne sont pas à la
portée de tout le monde, et, pour les acquérir , il
faut une longue expérience , afin de pouvoir vaincre
tous les obstacles qu'on y rencontre.
Pénétré de cette vérité , je me suis livré à de
nouvelles recherches , et je suis parvenu à un procédé
plus simple et d’une exécution plus facile, par lequel
on obtent un Indigo très-beau et qui nexige pas,
pour être employé en teinture , d’autres procédés
(:09 )
que ceux de lPIndigo exotique. Cependant il est
moins pur que ce dernier , et son prix est plus
élevé que celui qu’on obtiendraïit par le rafnage.
Voici en quoi consiste le procédé nouveau dont
je me sers actuellement :
Da s un tonneau placé au-dessus d'un second ,
on met 200 kilogrammes ( 4ooliv. } pesant de feniiles
de Pastel récemment cuelies, et , après les avoir
assujetties avec une cla'e d'osier, on verse par-dessus
600 kilogrammes ( 1200 livres) d’eau froide , de
manière que les feailies soient recouvertes de 5 cen-
timètres ( 1 pouce ) d'eau tout au plus. On laisse le
tout en cet état pendant 20 ou 40 heures , suivant
le dégré de maturité du Pastel et la température de
l'atmosphère.
On s'assure que la macération est suflisante en
examinant une pete portion du liquide dans un
verre ordinaire,
Si ce liquide, regardé à contre-jour , offre à l'œil
une couleur verdâtre , et si sa surface présente une
apparence bleuâtre , on verse 12 kilogrammes et
demi ( 25 livres) de ce liquide dans un vase , et
par-dessus 15 grammes ( une demi-once ) d’ammo-
niaque liquide , et on agite le mélange avec une
baguette. Lorsque la nuance de l'écume qui se
forme à la surface est d’un petit-bleu très-vif, on
peut étre assuré que la macération est parvenue à
son terme.
Alors on fait couler la liqueur dans le tonneau
inférieur , et on ajoute 6 décagrammes (2 onces )
d'ammoniaque liquide par 50 kilogrammes ( 100 liv, }
de liqueur. On agite, pendant un quart - d'heure
environ. Le précipité se forme peu-à-peu, On se
débarrasse successivement de la liqueur > au moyen
de robinets placés à diverses hauteurs.
(110 )
Le précipité déposé au fond de la cuve peut
être lavé si on a de l’eau à sa disposition : l’'Indigo
en acquiert une nuance plus brillante ; mais on
peut le mettre sur-le-champ dans des sacs de toile
un peu serrée et le laisser égoutter pendant deux ou
trois jours. Quand il a la consistance d’une pâte
un peu ferme , on lui donne telle forme que l’on
veut, et on le fait dessécher sur des claies de bois.
Plus la dessication est prompte , plus l’Indigo est
agréable à l'œil.
Le procédé dont je viens , Messtxurs , de vous
donner la description , a été exécuté sur du Pastel
semé à la fin d'Avril 1812, et qu'on a commencé à
récolter le 2 juillet suivant , pour la première coupe
qui a fourni 2 hectogrammes ( 7 onces ) d’Indigo par
5o kilogrammes ( 100 livres ) pesant de feuilles.
La seconde coupe a eu lieu le 20 Juillet, et le
produit a été plus fort, car on a obtenu par 50 ki-
logrammes ( 100 livres) de feuilles, 2 hectogram-
mes et demi (8onces) d’Indigo supérieur en qua-
lité au précédent.
On a opéré de même sur du Pastel semé en Avril
1811 , et qui, quoique coupé cinq fois l’année
dernière , ne l’avait cependant pas été assez fréquem-
ment. C’est la quatrième fois qu’on le coupe cette
année , et le produit qu'on obtient de ce Pastel,
à poids égal et comparativement à celui qui a été
semé cette année , donne un Indigo plus riche en
substance colorante , et en plus grande quantité ,
puisqu'on en a retiré 5 hectogrammes (9 onces ) par
50 kilogrammes ( 100 livres ) de feuilles.
D’après ces observations , je me crois fondé à
dire que les personnes qui c'ltiveront le Pastel ont
un grand intérêt de multiplier les coupes , puisque
les jeunes pousses produisent plus de fécule.
TABLEAU GÉNÉRAL des Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1812 ; par M. J.-B. Vitaris, Professeur dé Sciences physiques , du Lycée,
A N 1812.
(Les principaux phénomènes sont indiqué
s ont été plus considér bles.
0e
à re | Maximum Ms :
BAROMETRE , . .
s par une apostrophe ,
© ‘Minimum. »
J AN VIE R.
28 pouces 3 lignes 2 le 18.
27 2 6 le 5,
THERMOMÈTRE à Mercure,) Maximum. .
Échelle de Réaumur. ) Minimum .
Maximum . +
HYGROMÈTRE p5 SAUSSURE.(
| Minimum
7 degrés o les 19 et 50.
o les 53, 10 et 24.
= \
98 degrés.
7o le2r.
SIX PREMIERS MOIS.
JOUM"N:
FÉVRIER.
28 pouces 2 lignes o le 10,
27 5 3le 4.
11 degrés o le 22.
o o le 11
98 degrés les 4, 6, 14, 16.
70 les 22 et24.
VENTS DOMINANTS , « +
7 N.-O., NE.
( Grand-Vent le 23, )
SAOMENTONMISEE
(Grand Ventles2,6,14,22', 24,25.)
JOURS DE PLUIE..
JoURS DE NEIGE. + . . .
TOURS IDRICRÉLES == ee Ce
UDOMÈTRE f Quantité d'eau de plie, de neige
Vent Perle. 14
Jours DE GEtËt.
h Nors. Aux jours de gel
en décembre 111, ajoutez les 27, 58, 29, 30 er 31
1025010 0h 0720101120), 20),
29, 30.
1 pouce 11 lignes 10/16.
1,939; 10,11,19, 24.
JOURS DE BRUME ET BROUILLARD,. « , à « « « «
11,12,13,14, 19, 2432
JOURS DE TONNERRE . .
Néant.
MARS.
28 pouces 5 lignes 8 le 26.
27 0 8 le 20.
14 degrés 5 le 5r.
o o le 26,
99 degrés le 24.
70 les 5 et 27.
N.-0., S.-0., N.
( Grand Vent le 28.)
254567; 8 30) 15, 14,20,22,
25%, 24, 25}, 27; 285 20, 30}, 31.
0, 15,10,071% 10) 10);120:
2 pouces 7 lignes 4/16.
8.
2 pouces 8 lignes 9/6,
Néant,
Act. de l’Académie 1812. ( page 110 bis ).
A VRIL.
28 pouces 2 lignes 5 le
o le 16,
7 7
15 degrés 5 le 30.
1 o les 9, 10, 11.
100 degrés,
68 o le rr.
N.-E., N.-0.
NZ ON Lo 145110223120 ;2031474
28, 30°.
25.
Néant.
2 pouces G lignes 14/16.
93 10 3 113 ZI.
Néant.
MA I.
pouces 4 lignes o le 24,
7 6 le 12.
28
27,
21 degrés o le 19.
6 o le rer.
100 degrés.
68 o les 6 et 9.
S.-E., S.-0.
9% 10,11,120,15, 14, 15”, 16,17,11,2 55, 10, 14,15, 16,°1ÿ, 18, 19,
20!, 21, 25, 2), 28, 29, 50, 51.
Néant.
5 pouces 5 lignes 9/16.
Néant.
A —
28 pouces 5 lignes o le 9.
27 7 5 le 20.
21 degrés 0 le 14,
10 Oo:
100 degrés.
70
S.-0. , N.-0.,0.-N.-0., N.-E:
(Grand Vent le 16.)
0.
20,21, 22,24 , 25, 26, 28.
Néant.
1 poucé 6 lignes 12/16,
Néant:
a
Néant,
20, 21,024
TABLEAU cÉnÉRAz des Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1812 ; par M. J.-B, Virazis, Professeur de Sciences physiques , au Lycée.
(Maximum. .
BAROMÈTRE. . .
} Minimum .
THERMOMÈTRE à Mercure,) Maximum. , « ..
Échelle de Réaumur. Minimum ....
\ Maximum. . ..,
HYGROMÈTRE pe sn M + LÉ
V Minimum See
VENTS DOMINANTS, , 4 4 «1.
Jouns p8 pLuin... Total pour l'année 164 jours.
Jours pe NeiGr. . « Total. .. . ,. . 15 jours.
Jouns De Gréce... Total , . . 6 jours.
Quantité d’eau de pluie, neige
et grêle. “
.. 24 pouces 5 1. 12/16.
UDOMÈTRE, \
Tr
2|
JUN LATNENT
28 pouces 4 lignes 2 le 11.
27 7 Sex
25 degrés o le 19
8 o le 5,
100 degrés o le 2.
7o o
NE MOSN::0 5.0:
( Grand Vent le 27 }.
2,5, 5542,16; 19,20, 24, 26, 275
28,29, 30, 51.
SLI DéE AR NV NE RAS MIONTLS:
ATONUME
»
27 9 o le 3.
———…———_—————…_———.————
22 degrés. o le 2r,
10 o le 10,
97 degrés o les 2
Bo 0,
S.-0., N.-0., N.-E.
1,23 5,43 5365 19:22:27 528,29;
50, 51.
Néant, Néant.
Néant, Néant.
o pouce y lignes 8/16.
2 pouces 3 lignes 9/6.
Jours DK GELÊE . . . Total... 54 jours.
Jours DE BRUMS ET HRoUILLARD. {utal 58 jours.
Jouns DE TONNERRE, Total. : ,1,. + « 15 jours.
|
cr
19, 27 3 264
Néant.
Néant.
Néant.
Néant.
SEPTEMBRE.
28 pouces 4 lignes o les ra el 15.
27 10 2 le 28.
1Q degrés o,
6 o le 19.
98 degrés o le 27.
75 ON CI"
OXCYLNOB'R LE:
} 25 pouces 1 ligne o le 3.
27 o 5 le 14.
18 degrés o le 6,
4 o le 50,
98 degrés o le 9.
6a o les m et 51.
N.-E.
(Les Ra RER Ras pe |
17, 25, 24,25, 28, 30.
S.-E,, O0.-S.-0., N.-0.
(Grand Ventles6,7,8,.18, 19.)
146:6%7,8,193410, 411,112, 14.14;
Cr à ni
15,16,17,18,19,20,21,22, 25,
24, 25°, 26,27 ,28!, 29
Néant.
Néant.
Néant.
o pouce 4 lignes 10/6.
Néant.
Néant,
5 pouces 11 lignes 13/16.
Néant,
Néant.
NOVEMBRE.
28 pouces 3 lignes 8 le 25.
27 o 4 le 17.
12 degrés © le 4.
—4 o le 25,
100 degrés o les 15 et 14.
72 o le 22.
N.-O,, NeE.
BIG, UE, 12", 10; 147110,
Néant.
Néant.
1 pouces 6 lignes 1/16.
73 8 213 22, 23, 24, 25 ; 26,
1, 554973 109 11,12”, 25, 24,2,
26:, 27 , 29 30:
Néant, .
DÉCLMBRE
28 p.5lig.4. (haut.rem.les7et 28).
26 10 2 le 17.
9 degrés o le 2.
—ù o les 14 et 26.
95 degrés o le 1°.
67 o le 27.
N.E., N.-0.,E,
€ Grand Vent le 16, )
17, 18, 22.
L15 10, 25!
Néant,
1 pouce o ligne 2/16,
758» 9»10, 11,123 13, 14,15, 16,
20,24 ,°25,
|
1,3,4, 10,21, 26,26, 20.
Néant,
(ur)
A — ——
BELLES-LETTRES.
ReA:P PQ: RUE
Fait par M. Piwarn De BoisxégerrT , Secrétaire
perpétuel de l’Académie , pour la classe des Belles-
Lettres.
Messieurs,
Vous venez d'entendre le rapport des travaux de
la classe des Sciences. Chargé de vous rendre compte
des différentes productions qui sont du domaine des
Lettres , et forcé de me renfermer dans les bornes
d’une simple analyse, je crains de ne pouvoir vous
les présenter avec le mérite qui leur appartient.
Autant qu'il sera possible, par des citations choisies,
je donnerai au public éclairé , qui honore cette séance
une idée de la manière de chaque auteur.
Les communications qui existent entre l'Académie
et plusieurs Sociétés savantes et quelques individus
qui cultivent les Arts et les Lettres, donneront à l’as-
semblée une preuve de cette belle harmonie dont
le résultat ne peut qu’avancer le progrès des lumières.
= M. Poitevin, secrétaire perpétuel de l'Académie
des Jeux Floraux, vous a envoyé le recueil de l’Aca-
démie , pour l’année 1812,
= M, Delandine, bibliothécaire à Lyon, vous a
(112)
fait hommage d’une brochure qui présente l'état de
la bibliothèque publique, avec une notice intéres-
sante des livres et des mémoires qui ont été envoyés
dans le cours de 1811.
= Vous ayez reçu de l'Académie des Sciences ,
Belles-Lettres et Arts de Lyon le compte rendu de
ses travaux pendant le premier semestre de 1811,
par M. Martin, président de cette Compagnie.
— De la Société des Sciences, Belles-Lettres, Arts
et Agriculture de Nancy , le précis analytique de
ses trayaux en 1810.
= De la Société Académique de Cherbourg, le
sommaire des ouvrages lus aux séances publiques
et particulières, depuis le 7 juin 1810 jusqu'au 14
novembre 1811.
= De l'Académie de Marseille, le programme des
prix proposés par la classe des Sciences.
— De l’Académie de Caen, un rapport général de
ses travaux pendant dix années entières.
= Vous avez reçu une brochure ayant pour titre:
Séance publique de l’Académie des Sciences , Belles-
Lettres et Arts de Dijon.
= M. Dauvers vous a fait hommage d'un mémoire
intitulé : Essai sur la Théorie de la Musique,
— M. Cubissol vous a adressé un opuscule en
prose, sous ce titre : Mes Souvenirs ; ou le charme de
da Solitude,
Tels
(113 3
Tels sont, Messteurs , les objets qui vous ont été
communiqués. Je regrette de ne pouvoir présenter
l'analyse qu’en ont fait avec bien de l'intérêt nos
confrères , sur-tout le rapport de M. Duputel, sur le
charmant recueil des Jeux Floraux. Ces productions
n'étant pas la propriété de l'Académie, j'ai cru devoir
employer les moments dont je peux disposer, à vous
remettre sous les yeux les travaux de nos collègues.
ELOQUENCE.
M. le Président a ouvert la séance de rentrée par
un discours. L'orateur présente la France , dont les
conquêtes de Napoléon-le-Grand ont fait le plus vaste
empire, comme destinée à donner aux nations des
lois dans tous les genres. Il observe que, sous ce
rapport, l’Académie embrassant à-la-fois, dans le
domaine de ses études) les Sciences, les Lettres et
les Arts , est appelée à seconder les vues du Gouver-
nement.
» Grâces à nos efforts, dit notre collègue, et à ce
concert d’émulation qui règne entre les savants de
l'empire , nos arts et nos fabriques vont bientôt se
passer des productions exotiques qui nous rendaient
tributaires de l’étranger.
» Les prétentions d’une nation rivale ne seront bien-
tôt plus funestes qu’à elle-même; cette nation, qui
nous hait et nous estime, sait à ses dépens que le
peuple francais, si brave dans les combats, est patient
et laborieux dans ses ateliers «.
M. le Président, adressant la parole à l'Académie,
dit que la langue française, devenue la langue de
l'Europe , un goût sage et sévère doit régner dans
nos productions littéraires. Il invite la Compagnie à
profiter de l'avantage attaché aux réunions des lu-
I
C114)
mières chez les Corps savants, celui d'une censure
douce et fraternelle , avantage dont est privé le Savant
absolument isolé.
M. le Président termine ainsi : » Avec cette urba-
nité qui est personnelle à chacun de nous, avec
cette cordialité qui unit tous les membres de cette
Compagnie, exerçons entre nous, MessiEURS, une
censure utile; qu’un heureux concours produise
de nouveaux efforts, atteigne À de nouveaux succès,
enrichisse , pendant cette année, les Sciences par
des découvertes importantes au bien général ».
= M. Boieldieu a donné lecture d'une Notice nécro-
logique sur M. Thieullen , Premier Président de la
Cour impériale de Rouen, et membre de l’Académie.
Cette notice est imprimée en entier à la suite de ce
rapport. ( /’oyez ci-après, )
= M. Delaporte Lalanne a prononcé son discours
de réception.
Dans un exorde modeste , notre collègue ne veut
attribuer le choix de l'Académie qu'aux fonctions
qui le placent à la tête de l'instruction publique
dans ce département. L'alliance de l'Université avec
les Sociétés savantes lui parait une suite naturelle
de l’organisation de cet établissement , fruit du génie
vaste qui préside aux destinées de l'empire français,
établissement où les jeunes nourissons des Muses
reçoivent aujourd’hui le complément à toutes leurs
études.
» Les leçons de l'histoire , dit l’orateur , donnent
à cette jeunesse une expérience anticipée, utile
à tous, et sur-tout à ceux qui auront à exercer
des fonctions publiques. Et le tableau développé
de tous les systèmes de philosophie , les met en
Cn5)
possession des vérités qu'ils présentent ; et leur
en découvre les erreurs «,
Ceci conduit M. de Lalanne à passer rapidement
en revue tout ce que l’homme , abandonné à ses
propres forces, a pu énfanter pour découvrir l'homme
à lui-même,
» Dès les premiers pas, dit notre collègue, les phi-
losophes se divisent ; c’est l'empirisme qui ne voit
que des faits, et cependant est forcé de Îles rap
procher pour en déduire des analogies ; c’est le
dogmatisme qui , ne voulant d'autre source de cer-
titude que le raïsonne “ent , se voit encore forcé
d’avoir recours aux faits pour donner un appui à
sa théorie; c’est le matérialisme , obligé de recon-
naître la pensée qui échappe à la matière ; cest
l'idéalisme qui conteste aux corps leur existence , et
ne met pas ses partisans, dit l’orateur , à l'abri
des jugements que fait naître à chaque instant
l'impression des objets extérieurs : tant il est vrai
qu'il n'y a rien de tranchant , rien d’absolu dans
la nature de l'homme. L'unité est le partage ex-
clusif de l'essence souveraine ; l'infini le borne de
toutes parts, et malheur à lui s’il veut en sonder
les profondeurs «,
» Descartes rappelle , dans l’étude de la philo-
sophie, ce doute méthodique; mais c'est là son
point de départ et non le terme de ses recherches,
» Entouré desystêmes, qui tous sé combattent et
se détruisent, dont aucun ne satisfait ni le cœur
ni l'esprit, l'homme ne trouve de refuge que dans
l'idée d'un étre unique, source de toute existence
et de toute pensée. »
» C'est dans cette idée féconde et consolatrice que
Platon ‘a puisé cette élévation, ce feu, cet esprit de
vie qui anime toutes les conceptions philosophiques,
H 2
(116 )
Dans nos temps modernes, Descartes, Bacon , Malle-
branche, Leibnitz y ont trouvé le repos à l'appui
de leurs méditations. Locke, le judicieux Locke, a
cru pouvoir en négliger le secours, Malgré la force
de raisonnement qui le caractérise , et la pureté de
ses vues , sa philosophie est aride et ne dit rien
au cœur «
Ici s'offrent naturellement à l’orateur les Bossuet,
les Fénélon. Il voudrait les citer. Cette réflexion
sage se présente @ l’arrête : mais ils étaient Théo-
logiens ; il ne s’agit ici que des eflorts de l'esprit
humain livré à lui-même.
M. de Lalanne dit un mot de Volf qui veut en-
tourer sa philosophie de lappareil des formes ma-
thématiques. La sécheresse de sa méthode a éloigné
tous les esprits.
» Bayle avait ouvert la voie du doute indéfini ;
Fontenelle y entre après lui ; mais, sous le voile d’un
badinage ingénieux , il sut couvrir les conséquences
de ce système dangereux. Voltaire saisit après lui
le sceptre de l'opinion , et employa , pour dominer
son siècle, toutes les ressources d’un génie habile,
toute l'autorité que lui donnaient des talents supé-
rieurs. Cet homme, qui a épuisé tout le blâme et
tous les éloges, a traité la philosophie à la manière
de Lucien ,et, si l’ou veut, d’Aristophâne , et s'est
plu à ébranler le fondement de toutes les certitudes.
» D’'Alembert a voulu imiter Fontenelle , dont le
style était bien mieux assorti à son caractère per-
sonnel et à ses talents.
» Condiilac , dans le même-temps, rendait aux
sensasions l'empire absolu sur nos idées ; Helyvétius
pressait les conséquences de ce système que Con-
dillac n'avait pas apperçues. Il osa professer le
matérialisme pur, théorie qu’il désavouait par sa
sensibilité et ses verius domestiques «.
C7)
Tout fut mis en question, dit encore l’orateur;
et, tandis que Leibnitz retrouvait chez les anciens
ce qu'il appelle nova inventa antiqua , on se crut
autorisé à refaire l'édifice des connaissances humaines.
L'origine des Sociétés fut recherchée ; l’état de
nature fut trouvé dans la vie sauvage , qui n’en est
que la dégradation. C’est encore Rousseau , cher-
chant à expliquer l'origine des langues , après avoir
tourné en ridicule cette recherche, par ce mot bien
connu : comme si la parole n’était pas nécessaire
pour établir la parole,
» Homme étrange , s’écrie notre collègue, qui,
dans ses nombreuses contradictions , a quelque-
fois trouvé le vrai, dont il s'était proclamé l'apôtre ;
et, malgré ses paradoxes , à l’aide d'un style plein
de nombre et de chaleur, d'une dialectique vive
et pressante, el sur = tout d'un ton dogmatique et
absolu , a balancé lPascendant de Voltaire , et
exercé , comme lui, une grande autorité sur les
esprits «,
Ces deux hommes célèbres n'étaient plus, lorsque,
dans un coin de l'Allemagne, Kant , professeur d’une
vigueur d'esprit bien rare , vint annoncer que jus-
qu’à lui il n'y avait pas eu de philosophie.
Tout-à-coup. cet homme devint le pythagore de
son pays. Le maïtre l’a dit, était le mot qui im-
posait silence au contradicteur. Ses disciples , déjà
partagés, font prévoir que le Kantisme aura plus
d'éclat que de durée.
Il est à peine connu parmi nous, et il est permis
de n'en avoir pas de regret, dit M. de Lalanne; on
rest pas étranger à la philosophie lorsqu'on est à la
suite de Descartes et de Leibnitz,
L'enseignement tiré de leurs leçons, peut étre
encore la base de celui que reçoivent les élèves de
H 3
C(u8)
l'Université ; et si, pour remplir les vues vastes et
élevées de son anguste fondateur , les professeurs
présentent aux jeunes élèves le tableau des diverses
opinions philosophiques , ce sera pour les convaincre
que tout est incertitude et tenèbres pour l'homme,
s’il dédaigne de marcher à la lamiè-e des grandes
vérités qui, pour parler le langage de Platon , pren-
nent leur source dans les idees éernelles.
C'est par ce paragraphe , qui renferme toute la
pensée de notre collègue, que je termine l'analyse
de ce discours plein de sagesse et d'erudition,
= M. Priquet, membre non résidant , vous a fait
hommage de trois ouvrages : l'£loge de Nicolas
Boileau Despréaux , celui de la Quintinie , et celui
de Jules-César Scaliger.
L'auteur , dit M. Duputel , chargé d’un rapport
sur les deux premiers , divise l'Eloge de Boileau
en trois parties ; dans la première , il examine le
mérite de ses ouvrages ; dans la deuxième , ses
qualités morales , et dans la troisième , son influence
‘sur la littérature de son siècle,
M. le Rapporteur croit devoir peu s'arrêter sur
le mérite littéraire du poëte que l'on peut regarder
‘comme l'oracle de Ja raison et du goût.
Mais si les détracteurs de Boileau , sous le rapport
de ses talents , ne peuvent être que des gens pleins
d’ignorance où de mauvaise foi , il n’en est pas de
méme de ceux qui, faute d'avoir assez réfléchi ,
se permettent d’avoir une opinion défayorable de ses
mœurs,
» On peut, dit M. Briquet , pardonner à Des-
» préaux plus qu’à tout autre , d'avoir censuré les
» mœurs de son siècle, parce qu'il etait irreprochable
» dans les siennes ; sa vie fut pure comme ses éCrits ;
C119)
» il ne portait pas dans la société l’äpreté dont ses
» satyressontempreintes. Sa douceur lui fit plusieurs
» amis , et les lui conserva ; sa tendresse, sa
» constante amitié pour Racine, qui lui rendit cet
honorable témoignage , qu’il ne connaissait pas un
» meilleur ami ni un meilleur homme au monde «.
Tous les traits que raconte M. Briquet vengent
Boileau de l’injuste accusation de dureté , d'avarice
et d'insensibilité.
» Je regrette , dit M. Duputel , de ne pouvoir vous
faire connaître en entier le passage dans lequel l'au-
teur développe en quelque sorte le secret de la
sympathie qui existait entre l'ame sensible et déli-
cate de l’auteur d’Athalie et l'ame de Boileau , si
bien faite pour l'entendre et Jui répondre. Ce mor-
ceau est plein de verve , de chaleur et de véritable
éloquence «.
Dans la troisième partie , l’orateur examine qu’elle
a été l'influence du législateur du Parnasse sur son
siècle. Elle a eu deux caractères , celui de défendre
et de venger le génie , et celui de fonder l'empire
du goût.
Il ne fallait rien moins qu’un grand courage et
une grande supériorité de talents pour oser élever,
contre ce torrent du mauvais goût , une digue qui
dès-lors devait étre respectée.
» C'est dans l'ouvrage même , dit M. Duputel,
qu'il faudrait voir le développement de ce que je
viens d'indiquer ; et , malgré quelquestaches légères,
on ne peut que féliciter l’Institut d’avoir reçu des
discours plus dignes que celui-ci de la palme aca-
démique «.
= Le même Rapporteur vous a rendu compte de
l'Eloge de la Quintinie. Cet ouvrage ne donne pas
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(120 }
nne idée moins favorable du talent de M. Briquet:
Après un exorde d’une élégante simplicité , l’o-
rateur entre dans l'examen des services que 1a
Quintinie a rendus à l’agriculture.
Destiné, par ses premières études , à la profession
d'avocat , il se distingua par