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ROUEN, IMPRIME CHEZ NICÉTAS PERIAUX, RUE DE LA VICOMTÉ, n° 55. 1851, ru" ie A y + AE ES * PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L’ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1831. DISCOURS D'OUVERTURE, PRONONCÉ PAR M. BLANCHE, PRÉSIDENT. MESSIEURS , Dans la littérature et la science , comme dans l’ordre moral et politique , les révolutions sont diversement ac- cueillies par les contemporains. C’est le sort de tonte nouveauté de faire naître, chez les uns, la crainte et les regrets, chez les autres, la confiance et l'espoir. De là deux factions rivales, deux puissances intellectuelles qui se disputent le monde et représentent la lutte éternelle de deux idées, de deux intérêts dans l'humanité, la conservation et le progrès. (2) Jamais cette lutte ne fut plus apparente que de nos jours; les deux régimes littéraires, l'ancien et le nouveau, sont aux prises et se font une guerre violente. Le libé- ralisme a étendu son heureuse influence sur l’art et la poésie, comme sur toutes choses. De jeunes indépendants, nés avec le siècle, contemporains de ses merveilles, s'isolent hardiment du passé qu'ils récusent tout en l’admirant, s’insurgent contre l'autorité des modèles, et traitent de routine envieuse et pédantesque ce que d’autres appellent les règles du beau. Arrêtez! ont crié ceux qui se sont constitués les gardiens du bon goût , vous perdez l’art, vous en transgressez toutes les lois ! Et les novateurs ont répondu par une foule de productions pleines de har diesse et de pensée. Une merveilleuse sympathie les accueille ; tout ce qui est jeune et plein de vie les entoure et leur fait cortège; plus d’un vieillard même les admire et les absout, et le temple qu'ils viennent d'élever se remplit d'admirateurs. Vous le savez, Messieurs, la jeune école est déjà constituée : elle a ses ramifications diverses, ses talents secondaires, ses médiocrités pa- rasites et ses obscurs imitateurs. C’est un nouveau monde littéraire , avec ses chefs, ses puissants et ses masses ! Le succès n’est donc plus douteux ; le temps de la résistance est passé. Pour moi, Messieurs, je ne veux juger ici ni les ouvrages, ni les systèmes; le temps et le bon sens général prononceront. Je ne me suis pro- posé que de chercher avec vous si, dans le nouvel or- dre de choses, il n’y a point encore, pour Part, quel- ques éléments de prospérité et de vie; si la poésie, surtout, eette haute et sublime expression de la vie terrestre, cette forme divinisée de la pensée humaine, ne peut trouver une place au milieu de nos institutions sociales, de nos croyances et de notre sagesse moderne. Si l'on a dit, Messieurs, que la littérature était l'expression de la société , sur laquelle elle réagit ensuite, (3) cette vérité devra surtout s'appliquer à la poésie, qui, de sa nature , est de toutes les émanations de l'ame la plus instinctive et la plus spontanée, car elle ne vit que d’émo- tions et de sentiment. « Ce que les philosophes ont pensé, les poètes l'ont senti », disait un écrivain. Le poète parle donc de la plénitude de son cœur ; sa science est lout “entière dans son organisation morale , dans une sensibi- lité profonde et énergique qui exclut l'analyse et la ré- flexion. Ainsi l'avait conçu Platon dans sa brillante allé- gorie : ainsi semble l'avoir décrit Virgile sous la forme d'une sibylle aux accents prophétiques. Or, Messieurs, si haut qu'il soit placé, le poète n’est pas tellement isolé sur cette terre, qu'il puisse se soustraire au contact des autres hommes et des idées contemporaines. Il est de son siècle , il marche avec lui , s’il ne le devance ; c’est une loi qui pèse également sur tous , et de laquelle résulte pour lui une sorte de position morale dans les limites de laquelle il pense et agit. Quelle sera donc cette position du poète au dix-neu- vième siècle ? ou, si l’on veut , quelle est la pensée do- minante des hommes de nos jours, celle à laquelle se rattachent nos actions , nos intérêts , nos passions ;, nos vœux et nos espérances ? Celte pensée n’est rien moins que la haute application des vérités morales à la poli- tique. C’est le libéralisme chrétien, qui, après s'être long temps débattu contre l'esclavage ancien et la barbarie du moyen âge, fort de ses développements et de son im- posant cortége de peuples, commence enfin l'édifice de la société moderne. C’est la grande réforme sociale, qui n'agit plus, comme autrefois, dans le silence et dans l'ombre, mais qui marche pleine de force et de con- fiance, parce qu’elle est devenue la pensée et la volonté de tous. Cette grave préoccupation politique a donné naissance à cet amour du positif et des vérités pratiques à cette vie d’affaires et de combinaisons sociales qui, il C4) faut l'avouer , ne ressemblent guère aux tableaux et aux traditions des âges héroïques. Reste à savoir si la poésie est tout entière dans une forme unique , si elle ne peut se passer des prouesses ou des fictions homériques, si, enfin, l’héroïsme né de la vérité et de la science lui offre moins d’inspirations que l’héroïsme aveugle et brutal des premiers âges de l’'huma- nité. Messieurs, l'erreur la plus grave de ceux qui refusent un avenir à la poésie est l'exclusion dans l’admiration et dans l’idée qu'ils se forment de l’art; ils ’enferment dans certaines limites, ils rétrécissent son domaine, parce qu'ils prennent pour l’art lui-même ce qui n’est que son objet passager. Mais, s’il est vrai, comme l’a dit un grand philosophe de notre époque, « que le caractère « de l’art consiste à réveiller dans nos ames certaines « sympathies cachées, mais puissantes, avec la vérité, « par l'entremise de la beauté, qui elle-même n'est « qu'une forme de la vérité », qui peut fixer le terme où s'arrêtera le travail de l'artiste? À qui a-t-il été donné de calculer combien de nobles sympathies pourrait ré- veiller tout-à-coup dans une ame d'homme la voix du génie ? De nouveaux besoins naissent à chaque progrès que {ait la science; une croyance s’épuise et vieillit; une autre lui succède ou vient la rajeunir, et le génie s’en empare. C’est ainsi qu'à cette vieille civilisation latine, implantée dans notre occident par la conquête romaine, est venu se mêler l’esprit du nord, avec ses pensers rudes et austères comme la nature des contrées scandinaves, avec son instinct grave et méditatif, ses sombres et mys- térieuses traditions et sa rêveuse mélancolie, Quel vaste champ pour la poésie, que cette société septentrionale qui, après avoir si long-temps vécu comme en dehors de nous, commence à peine à se révéler et nous offre (5) tout-à-coup un monde ignoré avec des siècles de mer- veilleux souvenirs. Que la science les recueille, que l'imagination les pare de ses brillantes couleurs , et qu’un barde inspiré réveille au milieu de nous les sons harmo- nieux de la harpe du Nord! Quant à cette philosophie chrétienne sur laquelle s’ap- puie notre état social, et dont le caractère spiritualiste et pratique fait le désespoir de quelques esprits chagrins, n’a-t-elle pas aussi son côté poétique ? Dans le moyen âge , de grands esprits, le Dante à leur tête , ont fait des efforts inouis pour se dégager des liens de la civilisation latine et chanter le christianisme. Les poèmes cheva- leresques tendaient indirectement vers ce but; mais l'œuvre est restée imparfaite. Qui peut dire qu'elle ne s’achèvera point? qui peut mesurer le vol et la puissance du génie qui l’entreprendra? Sous nos yeux, un grand poète a déjà célébré, dans des vers qu’envierait Horace, l’imposant tableau de l’émancipation des peuples. Il n’est point allé chercher des inspirations sur les bords de PEuripe ou dans les plaines de la Troade , mais sur les champs de bataille où sont passés les héros de sa patrie, et dans une ame que remplit l'amour de la liberté. Pourquoi donc ne verrions-nous pas naître, de nos croyances philosophiques, une poésie de vérité qui répondrait à tous les besoins de notre ame, et, renon- çant à ces traditions usées, à cet héroïsme fabuleux, à ces images fantastiques que, dans le domaine de l'art, la force même de l'habitude ne saurait plus défendre , célébrerait et la pensée de l’homme civilisé et ses innom- brables résultats. Dès-lors, l’art s’agrandirait, car il deviendrait, comme la science , le plus noble instrument de l'amélioration morale et du perfectionnement des sociétés. Mais cette haute préoccupation politique n'est-elle pas elle-même un obstacle aux paisibles travaux de l’art? (6) Au milieu des luttes violentes et des révolutions qu’elle amène, des passions et des intérêts qu’elle arme les uns contre les autres, que fera le poète? Ce qu’il fera, Mes- sieurs, ce que fit le Dante, qui, soldat et théologien, au milieu des disputes scientifiques et des guerres de parti, trouva le temps d’être le plus grand poète du moyen âge; ce que fit Milton le puritain, au sein même de la révo- lution de Cromwel, et près du trône sanglant qu'éleva ce politique entreprenant et dissimulé. Croit-on que le génie poétique ait peur des grands événements et des fortes commotions qu'ils font naître? Loin de là, Mes- sieurs, il les cherche , il les revendique comme son bien, car il y puise l'enthousiasme et la vie. Pour le poète, la mort serait ce repos de l’humanité après lequel sou- pire le vulgaire des esprits, cet âge d'or si précieux à la paresse de certaines intelligences. Les époques d’action et de mouvement, dans l’histoire des hommes, sont les champs fertiles où s’enrichissent l’art et la poésie. Quelle époque , en France, leur offrit jamais plus de garanties et de sécurité que la nôtre? La pensée, libre jusque dans ses écarts, n’est plus en butte aux caprices de l'arbitraire, aux vengeances du pouvoir! L'artiste ne vit plus des dons que lui jetait, avec une dédaigneuse parcimonie, la main d’un courtisan ; ses œuvres s’adres- sent à des concitoyens. Et, sous le règne d’un prince ami des lois et de la liberté, placé par le libre choix du peuple sur un trône où ce peuple saura le maintenir et le res- pecter comme son ouvrage et sa conquête, les arts, dès long-temps accoutumés à ses bienfaits, ne sauraient man- quer de cette noble protection dont il couvre également tout ce qui tend à la grandeur , à la prospérité, à l'illus- tration de la patrie dont il s’honore d’être le premier citoyen. CT A AAA AA AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA AA AAA AAA CLASSE DES SCIENCES. RAPPORT Fair par M. DES-ALLEURS , Secrétaire perpetucl de la Classe des Sciences (x). Messieurs, Je vais avoir, pour la première fois, l'honneur de vous présenter le rapport général annuel sur les travaux de la Classe des Sciences. Vous avez toujours entendu mes devanciers avec faveur, puissiez-vous m'écouter avec indulgence ! J’adopterai les divisions suivies avant moi, et je ran- gerai les divers objets dont j'ai à vous entretenir sous les titres suivants : - 1° Physique, mathématiques et arts mécaniques ; 20 Chimie ; 3° Aits industriels , commerce ; 4° Histoire naturelle ; 5° Agriculture , sciences économiques ; G° Medecine, chirurgie, physiologie. J’entre en matière. (1) Les alinéas marqués de ce signe * ont été supprimés à la lecture, en séance publique, (8) a Section. — PnYsiQUuE, MATHÉMATIQUES ET Arts MÉCANIQUES. Vous avez déjà eu l’occasion, Messieurs, de rendre justice aux consciencieuses recherches de M, Morin , in- génieur, correspondant de l’Académie. Cet observateur zélé, par l'établissement de sa correspondance météoro- logique , a tâché de rendre profitables, en pratique, les observations atmosphériques , en les coordonnant d'après la science. MM. Cazalis et Léoy avaient donné de justes éloges aux premiers efforts de l'honorable ingénieur ; M. Girardin, non moins compétent que ses prédéces- seurs, a rendu un nouvel hommage à la suite de ces mêmes travaux que M. Morin vous a communiquée, et fait ressortir avec habileté les points fondamentaux d’une doctrine qu'un examen superficiel aurait pu ranger dans la classe des idées purement spéculatives, tandis qu’elle donne l'espoir de joindre bientôt la certitude à la clarté. * Si le système de M. Morin, qui consiste à prédire les variations atmosphériques long-temps à l’avance, sur un point donné de la terre, venait à être adopté, et qu'il obtint le succès que l’auteur s’en promet, point de doute que ce système n’eût promptement une grande vogue , puisque les almanachs, qui, sans que je veuille attenter par là à leur réputation, se trompent tous les jours, sont encore recherchés avec avidité par le peuple, et même par des classes plus élevées. * Les spéculations de M. Morin ne sont point la suite d’une idée fixe plus où moins enracinée dans une tête d’ailleurs meublée de connaissances aussi solides que nombreuses ; ses recherches sont fondées sur des bases très réelles, et il met une grande persévérance à lier, avec les observateurs de divers pays, sous le rapport météo- (9) rologique , une correspondance qui mérite à la fois l’es- time et la reconnaissance des savants. Tout porte donc à croire que ses efforts finiront par organiser une société qui, s'occupant sans relâche de météorologie, d’après le plan proposé, ne pourra manquer de rendre à la physi- que d’importants services. * M. Girardin a dit, en terminant son rapport , qu'il se faisait un devoir de rendre justice au zèle et au talent de l’auteur, mais surtout à son courage. « Qu'il persévère, ajoute le rapporteur, qu'il s'attache surtout à présenter d'une manière claire et précise les conséquences des faits observes ; qu'il mette un peu plus de lucidité dans la discussion scienti- Jique, et il ne tardera pas à faire de nombreux proselytes. » = La seule chose qui manque peut-être à la capitale de la France pour en faire la première ville du monde, est une distribution d’eaux saines et abondantes, mises en tous lieux et sans interruption à la disposition des habi- tants ; par là Paris deviendra la plus salubre et la plus commode des villes, comme elle en est la plus belle et la plus riche en monuments de tous les genres. Plusieurs fois on a parlé de la réalisation de ce projet & qui sera le complément de travaux immenses déjà ter- minés. L’attention publique se porte de nouveau, en ce moment, sur l’accomplissement de cette entreprise. M. Mallet, ancien ingénieur en chef à Rouen, corres- pondant de l'Académie, vous a adressé une Notice sur une distribution générale d’eau à domicile dans Paris. M. Lévy, chargé de vous la faire connaître, a rendu une éclatante justice au travail de notre confrère , à l'in- térêt duquel son opportunité ajoute encore. * ]la su faire sentir quel immense intérêt s'attachait à une conception de cette nature, qui tenait, par tant de points, à l'économie publique , à la salubrité générale et à l'embellissement de la capitale, à laquelle, ainsi 2 (10) que nous le disions tout-à-l'heure, il ne manque peut ètre en ce moment que l'achèvement de ce projet pour être enfin la première ville de l'Europe sous tous les rap- ports. Or, il faut bien avouer que, de ce côté , les Anglais nous ont devancés et bien dépassés. IL serait d'un faux esprit national de ne pas vouloir leur emprunter ce qu'ils ont de bon et de vraiment utile ; et nul ne peut nier qu'ils n'aient, au moyen de canaux en fonte et de machines à vapeur, en mettant à profit les lois physiques de l'hydrau- lique , obtenu les effets et les avantages que les anciens avaient également recherchés et obtenus, à grands frais, au moyen de ces nombreux et immenses aqueducs dont quelques-uns existent encore , et dont les autres excitent chaque jour notre admiration dans leurs majestueuses ruines. * L'ouvrage de M. Mallet, chargé lui-même en ce ruoment de l’inspection des eaux de Paris, a pour but de faire valoir les meilleurs procédés usités , de présenter les modifications exigées par l'expérience et la connais- sance des localités, de manière à obtenir un succès com- plet aux moindres frais possibles. « Cet ouvrage, dit le rapporteur, ayant pour but de faire sentir l'utilité de cette grande entreprise à tout le monde , c’est pour tout le monde qu'il est écrit. L'auteur aurait pu se mon- trer savant ; il a mieux aime étre clair et précis. Aussi il sera lu par tous avec un vif intérêt, et, après l'avoir lu, il n’est personne qui ne fasse des vœux bien sincères pour voir la prompte exécution du projet qu'il a si heureusement conçu. » = Vous avez entendu, avec une avide curiosité, les détails que M. Brunel père vous donna, il y a deux ans, de vive voix et par écrit, sur son beau travail sous-ma- rin de la Tamise ; vous admirâtes, dans le récit animé des terribles catastrophes survenues durant le cours de son travail , le dévoùment, le courage et la présence d’es- C0) prit de son fils. Voici qu'aujourd'hui M. Brunel vous adresse les vues d’un pont merveilleux conçu par ce même fils, qui a été chargé de le construire après un concours avec les ingénieurs les plus renommés de la Grande- Bretagne. Ce pont, qui doit être élevé sur l'Avon, près de Clifton, dans le Sommersetshire, à peu de dis- ‘tance de Bath et de Bristol, entre lesquels il procurera une communication commode, sera dans le genre des ponts dits de suspension. Fondé sur deux roches escar : pées, il formera un plancher isolé de trente-six picds de largeur et de sept cents pieds anglais de longueur, d’un seul jet, et sera élevé, au-dessus du niveau des plus hautes eaux, de deux cent trente pieds environ, de sorte que la navigation avec les vaisseaux de haut bord sera libre et facile sous ce pont audacieux. M. Gossier, que M. Brunel père avait chargé de vous présenter ces dessins, vous a donné des détails circons- tanciés sur cette belle construction, qui doit nous inté- resser d'autant plus que le jeune ingénieur est français, élève de notre Ecole polytechnique et à peine âgé de vingt-cinq ans (1). Aussi nous répèterons avec complai- (1) Voici les détails techniques que M. Gossier a recueillis de M. Bru- nel père, et qu'il nous a communiqués dans sa notice, Il faut se rappeler que toutes ces mesures sont données en pieds anglais, lequel pied ne représente que onze pouces et une ligne environ de notre pied de roi. « La flèche de l'arc que doivent former les chaînes de suspension sera de soixante-dix pieds. Quatre chaînes doivent supporter le pont, deux de chaque côté. La section transversale des chaînes, quelqu'en soit le nombre, présentera une surface de quatre cent quatre-vingts pouces car rés; ainsi, la section transversale de chaque chaine, s’il y en a quatre, sera de cent vingt pouces carrés. & De plus, le pont étant à vide, chacun des quatre cent quatre-vingts pouces carrés des chaînes ne supportera pas plus de deux tonneaux et demi, dit M. Brunel ; d'où l’on peut conclure que le poids du pont seul sur les deux arches de suspension, ne surpassera pas, mais approchera beaucoup de douze cent vingt tonneaux, ou 2,440,000 livres. » (C:2) sance un mot que la joie du génie paternel, qui se voit survivre dans un fils adoré, rend aussi touchant qu’il est d'ailleurs remarquable : « Les mêmes vaisseaux, dit le vieil ingénieur dans sa correspondance avec son digne ami, des mêmes vaisseaux qui passeront sur la tête du père, pas- seront sous les pieds du fils » ; et, dans la satisfaction qu'il éprouve de cet heureux rapprochement, il ne peut s’em- pècher de s’écrier : bien trouvé ! On sourit à la fois du bon mot , et l’on s’attendrit sur le sentiment qui l’a dicté. ome Section. — CHIMIE. — M. Polydore Boullay, de Paris, fils de l’estimable pharmacien de ce nom, a fait hommage à l'Académie des thèses qu'il a soutenues à la Faculté des sciences de Paris, pour obtenir le grade de docteur ès-sciences (1). Ces deux thèses, qui ont pour titre, l'une, de l'Ut- mine et de L Acide azulmique ; V'autre , Dissertation sur le vo- TL —— ——————————————————————…———“—“îû———————————— (1) Le rapporteur a joint la note suivante à son travail. C’est un de- voir pour nous de l’insérer ici. « Notre impartialité nous a engagé à dire que, plusieurs années avant les travaux de M. Boullay sur l'ulmine, un chimiste allemand, le docteur Sprengel, professeur privé de chimie économique à Gœtiingue, a fait paraître un mémoire fort intéressant sur l’Aurmnus végétal, qu'il a considéré, à l'exemple de Dœbereiner, comme un acide capable de saturer les bases, et auquel il a donné le nom d'acide humique, créé par Dœbereiner. M. Sprengel a fait une étude assez approfondie de cet acide humique, qui n’est autre chose que l’ulmine ou l'acide ul- mique de M. Bonllay ; et il a décrit les propriétés générales des hu- mates, et en particulier celles des humates neutres. Son mémoire à été publié dans Ærchiv für die gesammte Naturlehre, tome vin, v. 141. (OEkonomische Neuighkeïten und Verhandl;ann.1827, nos 57, 59, 61, 67 et 68. — Voyez aussi 4€ section du Bulletin uni- versel des sciences et de l’industrie; juillet 1830, p. 200.) Il est grobable que M. Boullay n'avait aucune connaissance des travaux du chimiste allemand, car il n'en fait aucune mention dans sa disserta- lion. » (132) lume des atomes dans les combinaisons chimiques, traitent des points de chimie transcendante, et ont trouvé dans M. Girardin, rapporteur, un homme qui a pénétré fort avant dans ces matières abstraites. Il s'est plu à rendre justice à l’auteur, qui paraît devoir tenir avec la science tous les engagements que son nom lui avait fait contrac- ter lorsqu'il est entré dans cette glorieuse et pénible car- rière. = M. Girardin vous a vivement intéressés, dans une de vos dernières séances, en vous soumettant les résultats d'expériences qu'il a tentées pour confirmer d'abord celles de M. Braconnot , de Nancy, et ensuite pour donner une extension nouvelle aux avantages que promettent ces mêmes expériences, qui ont pour but de conserver le lait pendant très long-temps, ce qu’on n'avait pu faire jusqu’à présent. Elles consistent à extraire , par des moyens par- ticuliers, du résidu que laisse le lait après qu'on en a retiré le petit-lait, soit un fromage soluble, soit une crème très utile pour les usages domestiques, soit, enfin, par l'addition du sucre, un sirop de lait très agréable. Ce sirop de lait, qui peut se conserver d’une manière illimitée, donne une boisson excellente et qui sera d’un grand secours à nos marins. Ce même sirop rapproché forme une sorte de frangipane ou confiture inaltérable, qui, par une nouvelle concentration, peut permettre de fabriquer des tablettes de lait très salubres. M. Girardin a encore indiqué, d’après M. Braconnot, le moyen de tirer du caseum soluble un liquide émulsif qu'on peut utiliser, mais surtout une sorte de colle de lait qui a la consistance de la colle de poisson, se con- serve aussi bien, est à très bas prix , et peut la remplacer dans tous ses usages pour les arts, Ce dernier résultat est fort important ! Notre confrère nous a offert ensuite des échantillons (4) de choix, présentant une grande pureté , de belles cris- tallisations , de produits immédiats végétaux encore rares et peu connus, tels que l’alizarine, l'orcine , la sa- licine , le piperin , l'asparagine , l'hespéridine , la plombagine , la caféine. U y a joint un magnifique échantillon de #ro- mure de potassium, récemment vanté par M. Magendie pour le traitement des scrofules. —= Une Notice sur une cendre colorée très alcaline, par M. Dubuc, a pour but de faire connaître les résultats obtenus par l'analyse chimique d’une cendre qui s’agglomérait dans le foyer sous forme de scories, et qui provenait de la combustion de bois de hêtre excru sur un terrein ocreux et graveleux , dans une propriété de M. le baron Adam, notre confrère. = Un mémoire de M. Dubuc , sur la falsification de la garance au moyen de la terre ocreuse, mais surtout de l'écorce connue dans le commerce sous le nom d’écurce de pin, et sur les moyens de découvrir facilement ces so- phistications si préjudiciables aux intérêts de nos fabri- cants et de nos teinturiers , a mérité que vous en ordon- nassiez l'impression en entier dans le précis de vos travaux. Vous avez accordé le même honneur à la notice précédente , ainsi qu'à celle de ML. Girardin, qui a pour objet de déterminer la nature de l’alliage qui entre dans la composition de la cloche dite d'argent placée dans le beffroy de Rouen. M. Girardin a démontré, contre le préjugé populaire, qu’il n’entre pas dans cette cloche, non plus que dans les autres cloches anciennes, un atome de métaux précieux, que ce n’est donc point à leur pré- sence qu’elles doivent leur son clair et brillant. Il à expliqué, d’une manière à la fois ingénieuse et plaisante, par quelle supercherie les anciens fondeurs s’appropriaient l’or et l’argent que la piété ou la vanité (15) faisaient prodiguer aux personnes invitées à la céié- monie de la fonte des cloches, opération qui se faisait jadis avec beaucoup d'appareil et de solemnité. Il à également essayé une explication probable du nom de cloche d'argent donné à ce grand corps sonore. Un dessin de M. Deleau, architecte, fournit une idéeexacte des proportions du Kouvel ou eloche d'argent, dans ses diverses dimensions. Ce travai de M. Girardin, qui doit exciter la curio- sité de nos compatriotes, est le complément des ren- seignements archéologiques que nous à communiqués M. Ballin sur cette même cloche qui donne, depuis si Jong-temps, dans nos murs, le signal de la retraite, des réjouissances et des alarmes (1). 3me Section. — ARTS INDUSTRIELS, COMMERCE. = Un rapport de M. Le Prevost, médecin, sur le Bulletin industriel de l'arrondissement de S.-Étienne , a fourni à notre confrère l’occasion de remarques cri- tiques judicieuses , appuyées de faits concluants et contradictoires, sur la suppression des charroïs dans les grandes exploitations, sur les brevets d'invention, qui devraient être entièrement distincts, selon lui, de ceux d'importation, si même l’on ne supprimait entièrement ces derniers; et enfin, sur l'emploi du chlore liquide ou gazeux dans les affections de la poitrine. = M. Pimont, en vous rendant compte des travaux (1) Voir, à la page 353 du Précis de 1830, l'analyse du travail de M. Ballin, qui a mis hors de toute discussion la question de savoir si la cloche dite d'argent est l'ancienne Rembol, comme quelques-uns le pretendaient. Il a démontre évidemment que cette ancienne cloche n'existe plus, et que celle qui est actuellement dans le beffroy se nomme Le Rou- vel, nom qu’elle porte inscrit en toutes lettres sur son listel. Voici, au (16) de la Société académique de Nantes, après avoir signalé plusieurs mémoires sur divers points de la science, no- tamment sur la fabrication des chaux hydrauliques, vous a exposé, à son tour, ses propres vues sur les brevets d’in- vention, à propos d’un mémoire contenu dans ce même recueil. Ses connaissances spéciales sur cette matière et sa situation personnelle lui ont permis de jeter une nouvelle lumière sur les causes qui exigent impérieuse- ment la révision la plus prompte de cette législation, qui se rattache d’une manière intime à la prospérité de nos établissements industriels. reste, cette inscription, telle que M. Ballin l’a découverte et nous l’a communiquée : INSCRIPTION, sur une plaque de cuivre, placée au-dessus de la porte du bas de l'escalier du Beffroy de la Grosse-Horloge , à Rouen. Œn Lan de lincarnarcion nre segnour. mil LE 2 » ec. nur, et neuf, fu comence cest. berfrop : ct És ans ensuiuas iusques enlan mil. cer. ZT x .… . = aux €t ot. fu fait ct parfait. ou quel Œemps noble home mess. quille de bellep Gues rcheuallier chambellen du HKop nostre Sie estoit cappitaine de ceste ville honorable home pourueu et sage toljan de Latuille bail lp et sie guillaume alorge. Toban mustel. quille. de. gaugp. Richart. de sommerp. nicolas Leroux. gaultier campion. conseilliers de La Dicte ville. et pierres bjerme veseueur d'irelle. INSCRIPTION sur la Cloche dite d'argent, dans le méme Beffroy. + 1€ SU : NOMME : HOUUEL : ROGIER : LE SERON : ME $5IS€ : SERE : IESGAN : DAMJENS : ME IST + C9 = M. Dubuc a essayé de réaliser l'espoir conçu par notre illustre prédécesseur Dambourney , de remplacer par des substances indigènes les matières tinctoriales exotiques. Il a fait de nombreux essais, dont quelques- uns ont été suivis du plus heureux succès, sur le Phito- lacca decandra de Linné. Ces expériences intéressaient trop le commerce en général, et l’industrie rouennaise en particulier, pour que vous ne leur donnassiez pas une utile publicité : elles seront imprimées en entier dans vos actes (1). = Un important mémoire de M. Lepasquier, sur la navigation de la Seine entre le Hävre, Rouen et Paris, mais notamment entre ces deux dernières villes, a fixé votre attention d’une manière toute spéciale. Il a pour but de tracer l’histoire des modifications apportées et des améliorations introduites par la concur- rence, la révision des tarifs de frais, etc., depuis dix ans environ, dans les transports de marchandises par eau entre le Hävre, Rouen et Paris. Des tableaux détaillés, qui rassemblent sous un as- pect synoptique les différents produits des entreprises diverses, la nature des matières transportées, etc., rendent ce travail aussi clair qu'il est curieux : c’est une des bases sur lesquelles doivent reposer les calculs qui serviront à déterminer l’exécution d’un plan alterna- üf de canalisation, de dragage , etc., qui tend à donner au lit de la Seine, de Rouen jusques à Paris, un étiage QG) M. Dubuc a joint depuis à son mémoire une note supplétive dans laquelle il annonce qu'il vient de s’apercevoir que les feuilles du phitolacca, auxquelles on pouvait faire contracter une rougeur artifi- cielle au soleil et à la rosée, la contractaient de même à l'ombre et dans l'obscurité. Il a annoncé qu'il poursuivait sans interruption ses essais pour tirer de ces feuilles , ainsi que des fanes de pommes de terre et du stramonium ordinaire, un bon tabac à priser. 3 (18) fixe de deux mètres au moins, dans toutes les saisons, Nous vous avions dit, Messieurs, que c'était une archive précieuse à mettre le plus promptement possible à la disposition de tous ceux qu'intéresse, d'une manière directe , la navigation de la Seine, vous avez voté l'im- pression du mémoire de M. Lepasquier et des tableaux synoptiques qui en forment, à la fois, le résumé et le complément. fe Sectiun. — HISTOIRE NATURELLE. = Il n’est pas, en Normandie , un fermier ni un pro- priétaire qui n'ayent à déplorer les ravages d’un insecte qui, depuis un certain nombre d'années, s’est fixé sur plusieurs espèces de pommiers et les a infectés d’une sorte de lèpre chancreuse incurable jusqu'à présent. MM. Dubuc, A. Le Prevost et d’autres de nos con- frères ont fait de nombreuses recherches pour trouver le remède à cette peste qui désole nos vergers. M. Houtou La Billardière vous a lu de nouvelles observations qui tendent à démontrer les causes de l'action corrosive du puceron, et à provoquer ainsi la découverte d'un agent qui en opère sûrement et à peu de frais la destruction. Vous avez décidé que cétte notice, d'un intérêt local si pressant, serait imprimée en entier dans le recueil de OT CT) = M. À. Le Prévost a mis sous vos yeux un fragment de pierre calcaire détaché de la côte Sainte - Catherine à Rouen , dans lequel on a trouvé, incrustées et disposées dans leur ordre naturel, deux des rangées supérieures des osselets pétrifiés de la patte antérieure d'un #46 oo (1) Voir, à la suite de ce rapport, le programme du prix proposé pour la classe des sciences, (19) saure. Ce fragment curieux a élé envoyé à M. Passy, auteur de l'ouvrage géologique que vous avez jugé digne du prix extraordinaire mis au concours en 1829. Je dois rappeler, à cette occasion, Messieurs, un fait qui témoigne hautement de votre dévoñment à la science. Vous deviez à M. Passy une riche collection d'échan- tillons minéralogiques et géologiques qu'il avait jointe à son ouvrage ; vous avez Cru que cette collection serait utile à tons ceux qui s'occupent de la géologie, science qui ne fait, pour ainsi dire, que de naïre, et cependant à l'étude de laquelle un grand nombre de talents distin- gués se sont voués récemment avec une ardeur qui promet les plus heureux résultats: vous en avez donc fait hommage à l'administration municipale, en expri- mant le désir qu’elle fût placée dans le cabinet d'his- toire naturelle de la ville, de manière à pouvoir toujours y être consultée séparément. Elle a été acceptée , et M. le maire vous en a témoigné sa reconnaissance dans la lettre qu’il vous a adressée , en vous transmettant l’ex- trait de la délibération prise en conseil le 4 mai der- nier (1). = Un botaniste que lon peut hardiment ranger parmi les plus studieux, M. Desmazières, de Lille, votre cor- respondant, a consacré depuis plusieurs années ses connaissances et sa rare patience à des recherches mi- croscopiques el autres sur les plantes cryptogames du nord de la France; il vous a communiqué souvent les fruits de ses travaux, et, cette année encore, vous avez (1) D'après le vœu exprimé par l’Académie, la délibération porte: que la collection sera renfermée dans une armoire distincte et sé- parée, et que l'étiquetage des différentes pièces qui la forment sera coordonné avec l'ouvrage de M. A. Passy, sur La Géologie de la Seine- Inférieure, qui s'imprime en ce moment, de manière que l'on puisse, en lisant l'ouvrage, trouver de suite les échantillons désignés. (20 ) reçu une nouvelle fascicule qui contient un grand nombre d'espèces décrites et classées par ce laborieux botaniste. M. 4. Le Prevost, dans un rapport très remar- quable, vous a fait juger l'importance des résultats dûs aux efforts de notre correspondant ; il vous a laissé entre- voir le terme prochain de l’entreprise commencée par M. Desmazières , « qui, dans ce nouvel envoi, j'emprunte ici les propres expressions de l'honorable rapporteur, vous à offert beaucoup de faits nouveaux , beaucoup d'indica- tions précieuses, pressés dans un petit nombre de pages. Vous lui devez donc de doubles remerctments , et pour le fond de ses Jjudicieuses Observations, et pour la forme à la fois concise et claire sous laquelle il vous les a présentées, et qui leur donne un nouveau prix. » = M. 4. Le Prevost, sans cesse à la découverte de ce qui peut intéresser la science dans ses diverses branches, vous a présenté un fragment de bois cylindrique qui laissait voir, enfermées au centre de ses couches ligneu- ses, quatre empreintes symétriques, dont l'existence à paru dépendre d’une cause extraordinaire, sur Pexpli- cation de laquelle il a appelé les investigations de ses confrères. M. Dubreuil s’est occupé spécialement de la recherche de cette cause, et vous a lu une note dans laquelle il donne à ce problème une solution physiologique qui a satisfait tous les esprits, et a paru si naturelle et si con- cluante, que vous avez décidé que cette nolice serait insérée en entier dans le Précis, avec la lithographie du fragment de bois qui en a fourni l’occasion. 5e Section. — AGRICULTURE , SCIENCES ÉCONOMIQUES. = L'agriculture est la base véritable de la prospérité matérielle de La France, Ce fait, généralement senti avant (21) notre première révolution , a été combattu par les écono- mistes, qui ont cherché dans les ressources industrielles et dans la promulgation de théories erronées sur l'impor- tance, la répartition, etc., des produits indigènes, des fon- dements au bien-être général de la population, qui ont bien vite fléchi quand on a essayé de l’élever sur eux. Les gouvernements de la France ont alors reconnu que les faits étaient plus forts que les raisonñements, et ils se sont associés à l’élan des bons citoyens et des proprié- taires ruraux que leurs connaissances et leur fortune met- taient à même d'éclairer les nouveaux procédés, et d'en aider l'application , par les subventions et les encourage- ments nombreux qu'ils ont donnés à nos florissantes So- ciétés d'agriculture. Nous possédons dans nos rangs beau- coup de membres qui ont fait leurs preuves dans cette science , la première de toutes, puisqu'elle est la plus di- rectement utile, la plus directement nécessaire. De tout temps l'Académie a entretenu de fréquentes relations avec les sociétés et les hommes qui se sont le plus occupés de l’agronomie et de ses dépendances; cette branche in- téressante n'a pas été plus négligée cette année que les précédentes, comme le prouvent les rapports successifs que nous ont faits : M. Meaume, vétéran, qui, appelé à d'honorables fonctions (1) loin de Rouen, a toujours profité de ses divers séjours dans sa famille pour prendre part à nos travaux, sur plusieurs numéros de la Société d'Agriculture de Tarn-et-Garonne et sur un numéro d'un des trimestres de 1830 de la Société centrale d'agriculture de la Seine-lnférieure ; ME. Prevost , pépiniériste , sur ceux de la Société de Caen (2); M. Leprevost , trésorier, sur (1) Inspecteur de l'Académie d'Amiens. (2) M. Prevost, dans son rapport sur le tome troisième du mé moire de la Société d'agriculture et de commerce de Caen, a donné des détails très étendus relatifs au rapport de M, Eudes Deslong- (22) ceux de la Société d'agriculture de Seine-ei-Oise , séant à Versailles, dans lesquels il a saisi heureusement l’occa- sion de rendre un juste hommage à la mémoire de M. le marquis Delalonde , notre compatriote ; M. Pimont, sur ceux de la Société de Saint-Quentin , dans lesquels des considérations sur l'importance et les avantages du dessé- chement des marais lui ont surtout paru dignes d’une at- tenlion sérieuse, et ont mérité ses éloges ; M. Dubuc, sur ceux de la Société d'Indre-et-Loire, sur ceux de la Société de Chälons-sur-Marne , sur ceux, enfin, de la Société royale et centrale d'agriculture de Paris , et sur l’ouvrage de M. Gasparin , imprimé par ordre et aux frais de cette Société,et ayant pour titre : Guide des propriétaires de do- maines ruraux affermés. Ce dernier rapport de M. Dubuc doit être distingué des rapports ordinaires ; l’auteur y provoque ; avec un zèle dont personne ne peut douter, l'établissement d’une ferme expérimentale en Norman- die, à l'instar de celle de Rôville, et ilindique les objets à vérifier ou à expérimenter dans cette exploitation. Nous aurons soin de consigner dans notre rapport imprimé huit propositions extraites du travail de M. Dubuc, qui méritent de fixer l'attention des agronomes et de déter- miner les essais des cultivateurs (x). 2220 champs, qui traite des divers ouvrages envoyés à la Société sur le puceron lanigère, ainsi que sur le mémoire du docteur Frédéric Blot, inséré en entier dans ce recueil ( Ÿ. tom. 3e de ces Mémoires, de La page 295 à la page 357 ); mais les personnes qui auront parcouru l'ouvrage, d’ailleurs intéressant , de ce naturaliste, se convaincront faci- lement que la question proposée cette année par l’Académie est encore très opportune et très importante, puisqu'elle est loin d’être résolue dans les fragments cités ci-dessus. QG) Voici textuellement la portion du rapport de M. Dubuc, que nous indiquons ici : « C’est dans un vaste faire-valoir que toutes les grandes questions peuvent être résolues par l'expérience de plusieurs années, Il est donc (23) = Je dois également mentionner séparément un rap- port très étendu de M. Duputel sur trois cahiers de la Société centrale d’agriculture de la Seine -Inférieure , dans lequel le rapporteur se plaît à rendre justice aux travaux nombreux el variés des membres de cette société, et à donner des éloges personnels à nos confrères MM. Dubuc, Gossier, Prevost, pépiniériste, et Leprevost, vétérinaire. Le ton de conviction profonde et d’entière bonne foi avec lequel ces éloges sont donnés, doit en faire apprécier le véritable prix à ceux qui en sont l'objet. bien à désirer pour la Normandie, et dans l’intérèt général de la science agronomique, de voir le domaine d'Harcourt converti en ferme expéri- mentale par la Société centrale, qui seule, en France , possède assez de capitaux pour réaliser une pareille entreprise. Ce vaste établissement est digne d’elle, et si jamais il se formait, je crois que les principaux essais devraient avoir lieu sur les sujets suivants : « 19 Déterminer si la terre arable , terre à blé, peut être mise en rap port perpétuel, sans nuire, malgré l'abondance des fumiers , à la récolte des froments sous le double rapport de la quantité et de la qualité, « 2° Rechercher pour quels motifs les Ganlois, et plus tard les Fran— çais, adoptèrent l’assolement triennal et diennal avec jachères, pour la culture des fromentacées. « 3° Déterminer, par des expériences répétées, s’il est vrai que le fumier frais l'emporte de beaucoup, par ses qualités, aux champs, sur le fumier noir ou fermenté. « 4° Fixer, autant que possible, l'effet des sels terreux déliquescents, surtout de ceux à base de chaux, considérés comme stimulants végétatifs, soit employés seuls , soit mêlés aux fumiers des étables, « 5° La nourriture et l’engrais du bétail par les nouvelles méthodes font encore un sujet de controverse parmi nos cultivateurs ; chacun s'appuie d'arguments plus ou moins spécieux pour l’admettre ou pour le rejeter : c’est donc encore par des essais comparés et multipliés qu'on trouvera la solution de ces questions, et ils ne peuvent se faire d’une manière con— cluante que dans une grande ferme expérimentale. « 60 L'emploi des fourrages hachés et mélés ensemble, et celui des graines concassées pour la nourriture des animaux de trait, compte de nombreux partisans dans quelques parties de la France, et plus encore à (24) = Dans un rapport sur une brochure de M. Le Mar- chand de la Faverie, relative aux abeilles, M. Gossier, qui a été chargé par l’auteur de la garde et de la surveillance des ruches qu'il possédait à Rouen, et qu'il observait avec un intérêt presque passionné, a donné des détails techniques sur la construction des alvéoles de ces indus- trieux insectes ; il s’est même élevé, à cette occasion, à des considérations supérieures sur le commerce des cires et sur l'application, qu'il avait proposée il y a déjà long-temps, de la forme de ces alvéoles aux poids et mesures, comme étalon de celles de capacité. IL a prouvé que ses propres réflexions et ses études sur ce sujet le rendaient tout-à-fait digne de la marque de À l'étranger; mais en Normandie, soit raison, soit préjugé, on n’admet guère ce mode d'alimentation ; cependant il parait démontré que quatre parties, en poids, de plantes époudrées et hachées grossièrement ensemble, nour- rissent autant les animaux de travail que Cinq parties de ces mêmes herbes prises isolément et entières. On a encore remarqué que trois mesures d'orge ou d’avoine concassées et humectées avant la pourvende, équiva— laient, comme aliment , à Quatre mesures de ces mèmes graines données aux chevaux sans aucun apprèt, Ce sont autant de faits à confirmer par des expériences en grand. « 7° Les racines sarclées, dites à fourrages, et les végétaux azotés, turneps, betteraves, carottes, raphanus, etc., ete., font aussi partie des nouveaux procédés d'alimentation pour l’engrais des bestiaux, soit à V'étable , soit aux champs ; mais ces méthodes, que nous trouvons bonnes, rencontrent de nombreux opposants; il est donc important de vériher, comme beaucoup le prétendent, s’il faut préférer à ces substances, dont quelques-unes sont débilitantes, les foins, les plantes trifoliacées, la paille ordinaire , etc., comme valant mieux, notamment pour le cheval. « 8° Déterminer encore s’il est vrai, comme l’affirment de bons fer- “miers, que le pois gris (pisum arvensis), et la vesce sont moins grenus el leur herbe moins nourrissante pour les animaux que ces végétaux ne l'étaient avant l’emblavüre perpétuelle des terres arables. » M. Dubuc ajoute qu'il ne fait qu’indiquer une très faible partie des travaux à faire dans la ferme expérimentale, et qu’il estime qu'il faudrait au moins une période de dix années pour rendre les résultats concluants. (25) confiance que lui avait donnée M. de la Faverie, en lui transmettant l'héritage de ses ruches, et l'Académie en lui renvoyant son ouvrage. = Un second travail de M. Gossier, divisé en deux par- ties, et intitulé: Pommes de terre, fiégime végétal, a suggéré à l’auteur des remarques diététiques d’un haut intérêt. I'asu, par des exemples puisés dans un recueil de faits que ses voyages lui ont permis de rassembler en Jrlande, prouver d’abord que le régime végétal, et notamment celui dont la pomme de ierre forme la base, pouvait offrir les mêmes ressources que le régime animal en général , et procurait ensuite d’autres avantages spéciaux dont M, Gossier vous a fait sentir vivement les consé- quences morales. * Voici une analyse rapide, mais exacte, du mémoire de M. Gossier. * 11 commence par établir que le préjugé qui ferait regarder une population comme inférieure à une autre parce qu’elle aurait une nourriture plus simple, exclu- sivement végétale, et plus rapprochée de la nature que celle dont on use dans nos climats, serait un préjugé absurde, Le pain de froment , que nous regardons comme le plus noble et le plus sain des aliments, n’est en usage que dans la plus petite portion du monde, puisqu'il n'est pas même général en Europe. M. Gossier pense que l'alimentation végétale, et notamment celle par la pomme de terre, est capable de donner à l'homme toutes les forces physiques et toute l'aptitude morale désirables. L'Irlande, où ce tubercule forme la base de l'alimentation en général, lui fournit des preuves con- cluantes à l’appui de son système. Il reconnait cepen- dant que les ouvriers tirés de ce pays, et employés en Angleterre à des ouvrages de force, ne peuvent y deve- nir aptes que par l'emploi de la diète animale, même 4 (26) poussée à l'excès. Mais M. Gossier croit que ce surcroît de forces artificielles, amassées pour les dépenser au profit des entrepreneurs, loin d’être favorable à les- pèce, lui nuit, au contraire, en usant plus vite l’exis- tence el la vitalité chez ces mêmes sujets. Les résu- més statistiques établis sur cette classe d'individus, fournissent , en effet, des arguinenis irrésistibles à l’ap- pui de cetle opinion. M. Gossier s'élève aveg raison conire l'abus de ces spéculations, fondées sur l’exagéra- tion des forces productives de certains individus, spécu- lations devenues trop fréquentes, et il combat ces mêmes abus avec une supériorité de raison et une conviction religieuse imposanies : cela lui fournit une heureuse transition morale pour examiner un point sur lequel ont beaucoup insisté les physiologistes , et qui, s’il était accordé, semblerait devoir ruiner, de fond en comble, le système de notre confrère. * Les physiologistes ont dit qu'il résultait de la denti- tion de l’homme et de la disposition de ses organes digestifs, la preuve qu’il était exclusivement propre au régime animal; mais M. Gossier réplique que ces mêmes organes ne sont pas moins propres à la digestion des aliments végétaux, ce qui détruit déjà, en partie, l’ar- gument; d'un autre Côté, l'industrie de l'homme le met à même de s'approprier toutes espèces de substances pour sa nourriture, mème celles qui y paraissent le moins propres. Or, ce même homme, dans l'échelle des créatures, semble avoir été formé pour exercer une sorte de suprématie sur toutes les autres: il a donc reçu la faculté, suivant les positions diverses dans lesquelles il se trouve, de pouvoir user également de la diète ani- male et de la diète végétale; mais rien ne prouve, dès-lors, que la première ait le droit de prétendre à une préférence exclusive. * Dans la seconde partie de son mémoire, M. Gossier (27) ‘outient sa thèse par des arguments tirés de la nature mo tale de Fhomme ; il cite donc, à l'appui de sa proposition, l'impression involontaire que preduit la vue des ani- maux lués, l'idée instinctive que le peuple conserve de la profession de bourreau, Feffet involontaire que nous produit l’idée du meurtre, la vue du sang et de la viande morte, tandis qu'au contraire une impression doure s'allache à la pensée du régime végétal, régime que les poètes ont dit être celui de l’âge d’or. L'auteur, rentrant dans la discussion technique de son sujet, fait encore des rapprochements statistiques qui tendent à prouver aussi que le régime végéial est celui qui permet, sur une surface donnée , le développement de population le plus grand qu'il soit possible d'atteindre. Un fait semble dé- montrer encore combien l’homme est peu fait pour manger la chair des animaux, c'est qu'il est obligé de la dénaturer entièrement pour lapproprier à ses vrganes. Cette manie d’aliérer par l'art ious les mets, lui a même fait donner, par un spirituel écossais, comme définition de Pespèce, le nom d'animal cuisinier. * M. Gossier, après avoir résumé tous ses arguments, dit qu'il sait bien qu'il ne faut pas prétendre à l’appli- cation rigoureuse des théories dans la pratique, mais qu'il faut quelquefois renouveler l'exposition de celles-ci dans toute leur nudité, et cela dans l'intérêt des économistes et des législateurs ; il termine enfin en ces Lermes : « Convanquons-nous bien que plus l'homme «y procherait de la simplicité dé la nature dans ses gouts, dus sa manière de se vélir et de se nourrir, plus grand propor- lionnellement serait, à coup sûr, le nombre de nos sem- blables, qui pourraient être exempls de travaux pénibles, vivre dans une honnête et tranquille aisance, enrichir leur esprit, culliver la science et la pratique de la verln,. se montrer égaux à lu grandeur de leur origine et dignes de deurs hautes destinres, » (38) Ge Section. — MÉDECINE, CuiRURGIE, PHaysioOLOGIt; = M. Hellis, au nom d'une commission composée en outre de MIX, Vigné et Godefroy, vous à fait un rapport très étendu sur un ouvrage manuscrit de M: de Parchappe, docteur-meédecin , intitulé : Fragment d'une Histoire philo- sophique de la Medecine. Démontrer que la pratique du père de la médecine, fondée sur l'observation, se coordonnait, dans son en- semble, par une théorie basée sur deux principes féconds en résultats, l’un qui est la théorie des humeurs et des qualités élémentaires ; l’autre, la théorie de l’action de la nature; tel semble être le but principal de l’auteur dans ce fragment, où l’érudition est employée avec profit et discernement. H suit Hippocraie sommairement dans l'application immense et variée de ces principes aux lois diverses de l'organisme. Ce coup-d'æil rapide, jeté avec assurance sur une docirine si vaste, qui a reçu tant de développements de son créateur et surtout de ses succes- seurs, ne peut appartenir qu'à un homme versé dans la science et doué d’un jugement et d’un esprit d'analyse trop rares aujourd'hui. NT. Hellis a fait ressortir, dans leurs détails, le but et lä marche que je viens de signaler ici, el, après avoir tracé un tableau aussi vrai que piquant de la situation de l'art médical en ce moment, et du début dans la pratique des jeunes docteurs formés à l’école hippocratique ou d'observation, ou sortis de la nouvelle école, dite physto- logique , il a rangé l’auteur parmi les sujets produits par la première , et qui donnent les espérances les plus légitimes. # Voici ce passage du rapport de M. Hellis * Ils n’ont pas été rares, dans la dernière période qui Vient de s'écouler, ces jeunes docteurs , encore tout pou: freux dés bancs de l’école, qui parlaient en maîtres, et qui, { 29 ) s'érigeant en réformateurs, afiectaient un profond mépris pour toute espèce d’antiquité qu'ils ne connaissaient pas , s’épargnant ainsi la peine de l’étudier et de l’approfondir. Mieux servis par leur mémoire que par leur jugement, on les reconnaissait aisément à l'assurance avec laquelle ils débitaient les axiomes du maître qui les avait formés, d’après lequel ils juraient, et qui seul leur suffisait à tout. « IL était facile de prédire à ces praticiens si dédaï- gneux du passé, si confiants au présent, ce qui les atten- dait pour l'avenir : chacun de leurs pas dans la carrière n'est que déception; chaque jour ils se voient égarer par la lueur infidèle qui devait les guider, et trop tard, hélas! ils comprendront, qu'en médecine surtout, l’âge mûr ne réalise pas les utopies de la jeunesse. « Mais, à côté de ces débutants si présomptueux et si funestes à la société, il faut avouer qu'il s’en présente aussi qui sont animés de sentiments tous différents ; qui, doués d'un jugement sain, d’un esprit indépendant, d'une grande aptitude pour le travail, sont curieux de voir par eux-mêmes, et ne reculent point devant les obstacles qu'il faut surmonter pour connaître et apprécier les modèles laissés par l'antiquité, objets, tantôt d’un culte si profond, tantôt de si amères dédains! « Convaincus que l'édifice des sciences d'observation ne peut s'élever que par la suite des temps, avant de songer à en couronner le faîte ou à en ébranler les fon- dements, ils sont jaloux d’en sonder les bases et d'éprou- ver le sol sur lequel elles reposent, afin de juger ce que chaque siècle y a ajouté de vraiment durable, et de ce qui reste encore à faire pour le perfectionner. » = M. Duhamel, ancien praticien de cette ville, vous a fait hommage d’une Thèse sur la Pneumonie , qu'il a sou- tenue récemment devant la Faculté de médecine de Paris, pour obtenir le titre de docteur en médecine. ( 30) M. le docteur Godefroy, qui vous en a rendu compte ; dit, dans ses conclusions, que cette thèse « est l'ouvrage d'un médecin distingué, nourri de la lecture des anciens, cl qui, malgré une assez longue pratique de son art, a su se tc- nir au niveau des découvertes que l’on y a faites. » W ajoute : « J'aime à payer à l’auleur ce tribut d’eloges mérites, auxqrtels l’obligeance et les conventions sociales n'ont aucune part. » = M. Bonfis fils aîné, médecin à Nancy, et notre correspondant, vous avait soumis, en 1829, un mémoire dans lequel il proposait d’allier l'opération de la rhino- plastie à celle de la staphyloraphie, dans des cas où la perte de substance du voile de palais était trop considé- rable pour que l’on püût réussir par le procédé ordinaire: M. Vingtrinier, dans le rapport qu'il vous fit, au nom d'une commission, sur ce mémoire, vous dit que l’idée de M. Bonfils était à la fois ingéniense et hardie, mais l'opération difficile et d'un succès douteux : vous enga- geâtes, en conséquence, M. Bonfils à vous faire con- naître le succès qu'il obtiendrait, s’il avait occasion de pratiquer l'opération ; cette occasion s’est présentée, ct vous avez reçu, cette année , un nouveau mémoire dans lequel il vous expose les résultats de sa tentative. M. Vingtrinier, auquel ce second travail a été renvoyé, à prouvé que l'expérience avait confirmé les prévisions théo- riques de l’auteur, qui donne à cette modification de là staphyloraphie le ñom de staphylodémie, où staphyloexie ; ou staphiloplatie (x). Cette note, et le rapport auquel elle a donné lieu, doivent être insérés en entier dans le Précis de 1831: = Me voici arrivé, Messieurs, aux trois ouvrages les (1) De deze, je bâtis, je construis; eo ,j'augmente, j'agran- dis; ThaTos, large, ample, (STE plus importants de cette branche de vos travaux scienti- fiques, et cependant je n’en ferai qu'une mention très sommaire, puisque vous avez arrêté leur impression dans votre Précis analytique, où ne manqueront pas de venir les consulter tous ceux qui s'occupent de l’art de guérir et de ses progrès. ‘Le premier de ces ouvrages , dont M. Hellis est l’au- teur , est intitulé : Mémoire sur les malades militaires traités à l’'Hôtel-Dieu de Rouen, en 1830. Le second, résultat des observations de M. Le Prévost, docteur-médecin , a pour titre : Notice sur une maladie cruplive peu connue. Le troisième enfin, dû à M. Vigne, est un Essai sur l'ame. Les deux premiers sont des ouvrages pratiques ; résu- més d'observations nombreuses et auläentiques , ils cherchent à ramener l’art de guérir à la véritable obser- vation , à l'examen impartial des faits, et à en faire un rapprochement qui prouve que les anciens et célèbres praticiens , dont une jeunesse présomptueuse et aveuglée essaye en vain de vouer les noms à la dérision et au mépris, avaient observé avec fruit et avec vérité. Ce témoignage , rendu par deux praticiens exercés à la mé- decine bippocratique , fixera l'attention des vrais mé- decins ; obtiendra leurs suffrages et méritera leur recon- naissance. Le dernier, application des vérités morales qui dé- coulent de Pobservation des phénomènes invariables de la plus haute, de la plus saine physiologie , est l'œuvre d'un médecin qu’une pratique longue et assidue n'a jamais détourné des méditations théoriques ; il sera une réponse victorieuse à ceux qui ont prétendu que l'étude de ja médecine conduisait au matérialisme ! Affont sanglant fait à un art dans lequel les hommes qui ÿ on! vraiment excellé, à commencer par Hippocrate , le premier de (32) tous (1), ont toujours professé la morale la plus pure et les sentiments religieux les plus profonds, parce qu'ils étaient les plus sincères ! = C’est maintenant l'instant de mentionner deux rap- ports que leur étendue, que les détails curieux dans lesquels sont entrés leurs auteurs rendent tout-à-fait re- marquables, et que le défaut de spécialité des ouvrages qui y ont donné lieu ne m'a pas permis de ranger dans les divisions précédentes : je veux parler du rapport que M. Dubuc vous a présenté sur le précis de l'Académie d'Or- léans , mais surtout de celui que M. A. Le Prevost vous a lu sur le recueil de l'Académie de Dijon. Les travaux tou- jours intéressants, toujours remplis d’à-propos, de cette Académie, l’une des plus anciennes, l’une des plus zélées dont s’honore la province, ont trouvé dans le rapporteur un homme capable de faire apprécier des œuvres si va- riées ; leur mérite est devenu évident à vos yeux par les fragments dont les rapporteurs vous ont donné lecture, et qui ont obtenu vos suffrages unanimes. * M. 4. Le Prevost, dans son rapport, n’a passé sous silence aucun des nombreux objets contenus dans le volumineux compte rendn de l'Académie de Dijon, Profitant d’une circonstance que lui présentait natu- rellement ce dont il avait à nous parler, ila exprimé, avec une énergie de conviction qu'il a su nous faire par- tager, le vœu que la province s’'émancipât, enfin, du joug que les corps savants de Paris lui ont imposé. = * Le temps vous a manqué pour entendre les rapports que MM. Blanche , Delaquérière, Pimont, Du- dreuil, Floquet, Vingtrinier , Destigny , Lévy, Morin, Le- (1) F. l'ouvrage intitule : Du Génie d'Hippocrate et de son influence sur l'art de guérir, pages 103, 152, 37, 64, etc. (33) prevost, vétérinaire, Girardin, Durouzeau, Pouchet, Ma- gnier, Houtou La Billardiére et Th. Licquet , doivent vous présenter sur les travaux de l’Académie de Besançon , sur ceux des Sociétés de Limoges, du département de l'Eure, de Tarn-et-Garonne, de Saint-Etienne, de Poitiers, de Saint-Quentin, d'Orléans, de la Loire-Inférieure , d'En- couragement pour l’industrie nationale , de Géographie , du département d’Indre-et-Loire, de Boulogne-sur- Mer, etc:, etc. — Plusieurs de ces mêmes membres sont chargés de rapports spéciaux sur un prospectus d’une école théori- que et pratique d’horlogerie établie depuis peu à Mâcon ; sur des expériences faites avec la semence de moutarde blanche, par MM. Henri fils et Garot : sur le Manuel de l’horloger et sur celui du Fabricant d’étoffes imprimées et de papiers peints , que nous devons à M. Lenormand ; sur le Résumé d'ictiologie de M. Ajasson de Grandsagne ; sur une thèse intitulée : Du tempérament de la femme, par M. Navet , docteur en médecine à Rouen ; sur un mémoire de M. Ch. Derosne , relatif à l'emploi du sang séché comme engrais; enfin , sur deux ouvrages de M. Moreau de Jonnès, membre de l’Institut, notre correspondant ; ouvrages dont le premier , relatif au choléra-morbus pes- tilentiel de Russie , rencontre dans les circonstances ac- tuelles une cause naturelle de la plus pressante attention ; le second, intitulé : Histoire physique des Antilles françaises, est rendu plus curieux pour nous par Essai sur les Volcans, de M. Girardin, inséré dans le Précis de l’année dernière. Ces nombreux et importants matériaux , que nous pou- vons compter parmi les richesses acquises en 1851, garantissent l'intérêt de vos premières séances de 1832. = Vous avez aussi déposé honorablement dans vos archives plusieurs ouvrages et brochures périodiques, notamment les numéros du Journal de l’Académie de 5 (34) l'Industrie , fondé par M. César Moreau, votre correspon- dant ; la Liste générale des médecins, chirurgiens , pharmaciens, etc., du département de la Seine-Inférieure, que M. le Préfet vous a adressée : la sixième livraison du premier volume des Annales de la Sucièté académique de Nantes, les recherches de MM. Plisson et Henry fils, sur les substances organiques azotées , diles neutres ; la nouvelle édition de l'ouvrage sur le Traitement des scrophules, par M. Chaponnier ; les programmes des prix proposés par l'académie de Bordeaux, par la Société industrielle de Mulhausen, etc., etc. Jusques ici, Messieurs , je ne vous ai entretenus que du tribut payé par des membres résidants ou correspon- dants, ou par d’autres savants étrangers à la Compagnie ; il me reste à mentionner deux objets qui appartiennent à l’Académie tout entière, et font également honneur à son amour pour la science et à ses efforts pour la ré- pandre : je veux parler , Messieurs , du plan d’une statis- tique générale du département de la Seine- Inférieure ; de l'impression que vous avez votée et de la publication que vous allez faire très incessamment de l’ouvrage sur la Géo- logie de la Seine-Inférieure , par M. A. Passy, votre corres- pondant, et aujourd'hui préfet du département de l'Eure. — Une commission nombreuse s’est occupée pendant plusieurs mois de poser les bases d’un traité complet sur la statistique de la Seine-Inférieure ; elle a, dans des conférences multipliées, arrêté ce plan, qui renferme des détails immenses. M. Ballin, chargé de vous en pré- senter le résultat, a remis sous vos yeux la lettre remar- quable et la fin du discours d'installation de M. le comte de Murat (x), alors votre président, qui provoquait ces (1) Nous transerivons ici le passage du discours prononcé le #4 dé- cembre 1829, et cité par M. Ballin : (35) recherches importantes que l'Académie méditait aussi de son côté (1). El a exposé avec clarté les motifs qui avaient déterminé la commission à proposer, non-seu- « Tout se lie dans l’ordre social , et les arts de l'esprit ne sont sans influence ni sur la paix publique, ni sur la prospérité des empires, car lèur action sur les mœurs peut donner de sages et d’utiles impulsions, surtout à une époque signalée par l'expansion des lumières, par cette marche constamment et rapidement ascendante dont s'étonne l'esprit humain, et qui a porté les sciences, les lettres et les arts au point où nous les voyons aujourd'hui. Vous-mèmes, Messieurs, avez marché avec distinction dans cette brillante carrière , et, guidés par un patrio— tisme éclairé, vous vous êtes presqu'exclusivement occupés des spécia- lités locales. Tout ce qui peut se rattacher à la gloire ou à l’intérét de la terre est devenu l'objet de vos soins, de vos études ; et vous vous êtes livrés , avec un égal empressement et avec un égal succès , aux recherches scientifiques , littéraires, historiques, monumentales , agricoles et indus- trielles. Cette belle Normandie, riche, féconde et célèbre à tant de titres, méritait bien, en effet, une telle prédilection, et j'oserais at— tendre encore une heureuse application du système que semble avoir adopté l’Académie, si elle jugeait convenable de s'occuper , dans le dé- partement de la Seine-Inférieure , d’une statistique élevéë et complète, dont ceux de la Seine et des Bouches-du-Rhône ont offert les premiers modèles. Un tel ouvrage serait d’un haut intérèt , et je serais heureux d'y concourir par la-communication de tous les documents à ma dispo- sion, » QG) M. T. Licquet nous lut, en cffet, dans la séance du 22 janvier 1830, où La lettre de M. de Murat fut remise à l'Académie, un travail qui lui était personnel , et qui avait pour but d'engager l'Académie à prendre l'initiative et à s'occuper spontanément de ce plan. Voici un fragment de ce mémoire, cité par le rapporteur : « À quelle illustration prétendront désormais les Académies si elles demeurent stationnaires, quand tout s’agite sous leurs yeux, si elles restent en arrière du grand mouvement qu’elles ont imprimé ? Il ne tient qu'à vous, Messieurs , d'échapper à cet état de dégénérescence qui me— nace, je crois, toutes les sociétés savantes, et je viens vous en pro- poser ou plutôt vous en rappeler les moyens. « Plus d'une fois les chefs de notre administration départementale ont émis le vœu que des hommes offrant la réunion des connaissances nécessaires , se rapprochassent dans le but de composer une statistique générale du pays. Vœu stérile jusqu'à ce moment , peut-être parce qu'il (36 ) lement les grandes divisions de l'ouvrage, mais encore les chapitres qui en sont le développement. Des tableaux séparés vous ont offert chacune de ces grandes divisions avec leurs subdivisions en titres et en chapitres (1). Vous n'y eut point d'appel direct. Aujourd'hui, Messieurs, cet appel est fait, et c'est à vous qu’il s'adresse. & M. le président nous a dit, si je me rappelle bien ses expressions , qu’il favoriserait de tout son pouvoir la publication du grand travail dont il s’agit. Emparons-nous , Messieurs, de cette déclaration posi— tive; n’abandonnons pas à d’autres l’importante et honorable mission qui nous est offerte; élevons à la gloire de l'Académie ce monument d'utilité générale ; qu'il ne soit pas dit que le premier corps savant du pays ait refusé son intervention dans l'accmplissement d’une idée géné- reuse, libérale, dans la réalisation d'un bienfait immense et tout pa- triotique. « Confer au pinceau le soin de retracer l'image d’un grand homme, dresser des statues au génie, il n'y a rien là, sans doute, que de juste et de méritoire; mais, sans doute aussi, Messieurs , il n’y a rien là que d’assez facile, et que tout le monde ne puisse entreprendre. Un senti- ment d’adiniration légitime suffit à provoquer la pensée; un seul artiste peut être chargé du travail; un peu d’or vient à bout du reste, Tel n’est pas l’état des choses pour la création d'une statistique générale, Il faut des géologues pour présenter le sol tel que l'a fait la nature, des hommes versés dans les sciences exactes pour calculer les hauteurs et mesurer les surfaces, des médecins pour faire connaître la constitution médicale du climat , des historiens pour les faits et les mœurs, la géographie ancienne et moderne, la chronulogie, dont les derniers écrivains sont parvenus à faire un cahos; des antiquaires pour décrire les monuments, des artistes pour les dessiner; des philologues pour remonter à la source du vieux langage et le comparer au langage de nos jours; des jurisconsultes pour expliquer la législation primitive du pays et en dévoiler l’origine; des naturalistes pour explorer les trois règnes ; il faut, enfin, la réunion de toutes les sciences, le tribut de tous les talents. « Aussi, Messieurs, si vous adoptiez le principe de cette proposition, je demanderais que personne de nous ne füt exempt de travail. Ce n'est pas l’œuvre d’une commission que je provoque, c’est à la coopération franche et complète de l'Académie tout entière que j'en appelle, et nos confrères correspondants pourraient aussi faire partie des commissions di erses. » (1) Ces divisions forment déjà 14 livres, 45 titres et près de 140 chap. } , P ( [ C3) avez favorablement accueilli ce rapport, qui a fait naître dans votre sein de nouvelles recherches sur le même sujet. Plusieurs membres, embrassant le projet dans son ensemble, vous ont communiqué d'importantes modi— fications à y faire. Parmi ces membres, je dois surtout citer M. Le Prevost, docteur-médecin , qui vous a prouvé qu'il avait fait une étude approfondie de cette grave matière. De nombreuses séances ont été presque exclusi- vement consacrées à la discussion de ce plan: il est adopté aujourd’hui. Ainsi donc, avant de vous séparer, vous pourrez transmettre à l'administration départemen- tale le travail qu’elle a demandé, qu’elle attend avec impatience et avec confiance , ainsi que vous l’a témoigné M. le préfet lui-même, dans une de vos séances. Il pourra bientôt se convaincre, en le recevant, que vous avez fait tout ce qui dépendait de vous pour bien vous acquitter de votre mission, = Enfin, Messieurs, grâce à votre zèle et à vos sacri- fices (1), grâce au désintéressement de l’auteur, qui a voulu s'associer à vous, en abandonnant, pour cet objet, la plus grande part des 1500 francs qui étaient la valeur du prix que vous lui aviez décerné ; grâce, enfin, à la bienveillance du conseil général du département, qui a payé aussi son tribut à cette entreprise scientifique , vous allez incessamment livrer au public l'ouvrage sur la géologie de la Seine-Inférieure de M. A. Passy, couronné en 1829. Cette publication, d'une exécution typogra- phique remarquable, va hâter encore les progrès d’une science qui marche déjà à pas de géant. Une belle carte géologique du département , gravée par A. Tardieu, sur (1) L'Académie à fait un emprunt à la caisse dite de cotisation, qui est entretenue exclusivement par la contribution annuelle des membres, pour pouvoir suffire à cette dépense considérable. ( 38 ) une grande échelle, de nombreuses hithographies repré- sentant des coupes de terreins et les falaises du littoral de la Seine-Inférieure, complèteront ce monument nouveau des efforts constants de l'Académie pour faci- liter l'étude des sciences à ses concitoyens, qui se diront sans doute , eh cette circonstance , que si les événemens politiques vous ont dépouillé de la propriété de tant d'établissements d'utilité publique érigés à grands frais et de vos propres deniers, ils n’ont pu vous ôter, du moins, ce dévoûment à la science et cet empressement à rechercher les moyens de la mettre à la portée de tous, dont vous avez hérité de vos devanciers. Telle est, Messieurs , l'analyse succincte, ou, pour mieux dire, tel est le résumé rapide de ce que vous doit la science cette année. Il m'a fallu résister souvent au plaisir de m’étendre autant que je l'aurais désiré ; mais J'ai été forcé de céder à la nécessité de ménager vos instants et votre attention , et j'ai dû sacrifier plus d’une fois le désir d’être tout-à-fait complet au besoin plus impérieux encore d’être court. En jetant les yeux sur ce que vous avez fait, dans un de ces moments où les intérêts particuliers, mis en émoi par les intérêts généraux, enlèvent à ceux qui cultivent les sciences tant d'heures irréparables, vous avez lieu d’être satisfaits. Un autre dira les encouragements glo- rieux que vous avez donnés aux beaux arts; j'ai exposé ceux que vous avez offerts aux sciences. Cet ensemble d'efforts, ces travaux estimables qu’on peut nier malgré leur évidence, déprécier malgré leur utilité, rabaisser malgré leur but honorable, mais que l’on ne peut heu- reusement détruire , vous auraient mérité, dans tous les temps , le respect et la reconnaissance de vos concitoyens et de tous les gens instruits, ils seront plus que suffisants aujourd’hui pour vous les conserver ! (39) PAM AAA AA Prix PROPOSÉ pour 1832. . L'Académie propose , pour sujet du Prix qui sera dé- cerné dans la Séance publique de 1832, la question suivante : « Exposer l'Histoire naturelle du Puceron lanigère. » « Les concurrents devront rechercher quelle est son origine ; décrire ses habitudes , ses moyens de conserva- tion et de reproduction; dire l’époque où les jeunes pucerons naissent ou éclosent ; quelle est la durée de leur vie. Les mâles sont-ils seuls pourvus d’ailes ? Est-il constant que le puceron lanigère s'enfonce dans la terre pendant l'hiver? Vit-il sur les racines de la même ma- nière que sur les branches? À quelle cause peut-on at- tribuer sa disparition subite de quelques arbres ? A-tl des ennemis qui puissent le détruire ou le faire fuir des contrées où il se trouve ? Comment se transporte-t-il d’un pays dans un autre ? Le trouve-t-on sur d’autres arbres ou arbustes que le pommier ? Combien , enfin, y a-t-il d'années qu'il a commencé à se montrer en Nor- mandie ? » Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 300 francs. Chacun des auteurs mettra en tête de son ouvrage une devise, qui sera répétée sur un billet cacheté dans lequel il indiquera son nom et sa demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où l’ouvrage aurait obtenu le prix. « ( 40 ) Les Académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les ouvrages des concurrents devront être adressés , francs de port, à M. pes ALLEURS fs, D.-M., Secrétaire perpétuel de l’Académie pour la classe des Sciences , rue de Ecureuil, n° 19, avant le 1t° juin 1832. Ce terme est de rigueur. (41) RAA AAA AAA AA AAA AAA AAA MAN AAA AAA AU AA AE MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. —> 2h DD GE de e— NOTICE SUR UNE CENDRILLE RICHE EN SALIN, Provenant d'un hêtre (fagus sylvaticus) excru sur un sol ocreux et graveleux ; Lue à l'Académie, le 18 février 1831, Par M. Dueuc. Messieurs , C'est à l'honorable M. Adam , notre confrère , que je dois aujourd’hui l’occasion d'offrir à l’Académie la notice alkalimétrique suivante. En voici le sujet : M. Adam s'étant aperçu que des cendres provenant de son foyer s’aggloméraient, par leflet de la chaleur, en formant une espèce de scorie brune violacée , m’in- vita à en faire l'analyse. M. Adam m’assura qu'elles pro- venaient d’un hêtre excru dans le Roumois , sur un sol ocreux, rougeâtre et graveleux, circonstances qui contri- buaient probablement pour quelque chose dans la pro- duction de cette cendre , qui n'a aucun rapport physique avec celle que donne le hêtre ordinaire. 6 (42) J'en expose un échantillon à vos regards. Cette singulière anomalie dans des cendres produites par la combustion rapide d'un bois d'arbres congénères, s’observe parfois par les fabricants de potasse ; mais les causes en sont encore assez obscurés pour mériter l’atten- tion des chimistes et de ceux qui s'occupent de la physio- logie végétale , etc. Ces motifs m'ont déterminé à me ren- dre à l'invitation de M. Adam. J’ai donc fait l'analyse des cendrilles en question. Je vais décrire succinctement les procédés que j'ai cru devoir employer pour atteindre ce but, c’est-à-dire pour constater la quantité de salin que recèle cette cen- drille, la cause de son agglomération et celle de sa colo- ration. Quatre onces de ces cendres ont été lessivées avec une suffisante quantité d’eau, pour les dessaler complètement. La lessive fut ensuite évaporée jusqu’à siccité complète , et donna près de huit gros de salin un peu jaunâtre, mais très détersif. J'en expose aussi à vos regards. Ce salin, examiné chimiquement, donna plus des trois quarts de son poids de bonne potasse. Ces expé- riences me firent voir aussi que la couleur jaunâtre de ce même salin lui était communiquée par une faible quantité de fer en état d'oxide, qu'il retient opiniâtre- ment, J'ignore par quelle cause ce métal se trouve aiosi allié à l’alcali; mais le fait est constant et mérite d’être noté, surtout à l'égard de l'usage de cet alcali fer- rugineux dans les buanderies , etc. Ici, je crois devoir faire observer que certaines potasses dun commerce sont parfois colorées par le manganèse ; mais ce métal ne colore pas les tissus blancs, comme cela peut avoir lieu avec un salin ferrugineux, surtout si l’on emploie la lessive très-chaude. J'ai aussi analysé la charrée où le résidu provenant (43 ) de lexpérience précédente ; il pesait trois onces, étant bien desséché. Ainsi la cendre, telle qu’elle sort de l’âtre, donne le quart au moins (1) de son poids de salin de bonne qualité , comme matière détersive ; mais, ainsi que je viens de l’observer, cet alcali est légèrement ferruyineux. Analyse de la Charree. L’acide sulfurique aqueux , un peu en excès, en dissout avec effervescence tout le calcaire et le fer qu’elle con- tient; pendant l’opération, il y a dégagement d’acide carbonique et de gaz hydrogène sulfuré (acide hydrosul- furique ). J'ai séparé la chaux et le fer de cette dissolution par les moyens connus, moyens assez nombreux, mais que je crois inutile de rapporter ici pour ne pas donner trop d’étendue à cette notice. J’ai aussi reconnu, dans cette même dissolution, une faible quantité d’alumine , mais point de magnésie. Cette même charrée fut également soumise à l’action de lPacide hydrochlorique étendu d’eau. Ce réactif en sépara la chaux et l’oxide de fer, avec une forte effer- vescence et dégagement d'acide carbonique et de gaz hy- drogène très inflammable. Des expériences faites avec soin sur les dissolutions précédentes m'ont prouvé, par leurs résultats, que cette charrée renfermait près de la moitié de son poids de carbonate de chaux, et environ quatre décigrammes (huit grains ) d’oxide de fer. Le résidu , insoluble dans l'acide muriatique, n'était 1) Je dis au moins, parce que la charrée, malgré le soin qu'on prend 1 q , 5 pour la laver, retient toujours une faible portion d’alcali dans l’eau qui s’y trouve interposée pendant son lavage. (44) qu'un mélange de sable siliceux et d'alumine. Je lui enlevai cette dernière au moyen de l’acide sulfurique aqueux, et l'en précipitai par l’'ammoniaque. Le poids en était d'environ dix grains. La silice, ou mieux le sable blanc siliceux, resté à nu et privé d'humidité par une légère calcination, pesait près de quinze décigrammes ou trente grains; et, comme j'avais opéré sur cent parties en poids de cette charrée, il en résulte, très approximati- vement, que cent grains de cette matière, privée de son salin, sont composés , savoir : De carbonate de chaux ... : . ... Bo grains. Sable siliceux très blanc . . . . . ... 30 PUTNETEES LED . ue à ee tes ce LA Fer c@iéocreux 2.2. 7 24/4, . Point de magnésie. Total... 100. Chacune de ces matières se trouve dans un état de ténuité extrême, circonstance qui explique pourquoi la charrée ordinaire des buanderies est si fort recherchée pour l'amendement de certains sols ; d’où il suit que les quatre éléments du règne minéral, réunis, on ne sait comment (j'en demande pardon aux chimistes et aux na- turalistes }, avec le carbone, l'hydrogène , l’oxigène , et parfois l’azote , forment le corps ligneux dont est pro- venue la cendrille qui m'a été fournie par M, Adam. Car, ici, il faut bien noter que l’alcali que donne cette cendre n'existe pas tout formé dans les bois de hautes futaies, mais qu'il est le résultat d’une combinaison dont la cause est encore inconnue, et qui a lieu durant la combustion du végétal (x). (1) L’azote, jusqu’à ces derniers temps, ne jouait, disait-on, qu’un rôle peu signifiant dans Ja végétation, et on ne le trouvait guère que dans (45) Il résulte encore de cette analyse que le hêtre excru sur un sol ocreux, graveleux et bien orienté, est plus riche en alcali que le même arbre cultivé dans des terreins ar- gileux, glaiseux et humides; car la cendre provenant de ce dernier bois contient un quart moins de salin que la - première , l’une et l’autre prises à poids égal : circon- stance à noter pour les fabricants de salin, de potasse, et même pour les ménagères qui font usage des cendres sortant de l’âtre pour faire la lessive. Tout porte à croire également que la forte chaleur que produit le bois de hêtre excru sur des sols ocreux, et la coloration de la cendrille produite par sa combustion, sont dues à la silice et à l’oxide de fer que cette espèce de bois renferme naturellement. En définitif, cette cendre ou cendrille , quoique riche en salin, pourrait avoir quelque danger par son emploi dans les buanderies, et tacher certains tissus fins, par l’oxide de fer qu’elle recèle ; mais l’aleali qui en provient peut servir dans une foule d'occasions où cet oxide est sans influence , telle que la fabrication du savon mou, celle du salpêtre , le lavage du gros linge, etc. Messieurs, l'analyse de cette espèce de cendre et les remarques qui en sont comme le corollaire, ne sont pas dénuées, nous le croyons du moins, de quelqu'intérèt, surtout pour ceux qui s'occupent de la physiologie végé- tale, des plantations, de la fabrication de la potasse en grand , etc. Je remercie donc M. Adam de m'avoir procuré l’occasion d'offrir à l’Académie un travail sur un sujet encore peu exploré, et dont l’ensemble peut être utile aux arts, à l’industrie et dans les buanderies. les plantes dites crucifères et dans la famille des nicotianes; mais des recherches nouvelles font présumer qu’il en est autrement, et qu'il forme la base des alcalis végétaux, des alcaloïdes, etc. (46) AAA OA AAA AAA AA AAA A AAA NOTICE AAA AA AAA AAA AAA AAA A AAA SUR LA GARANCE ( AUBIA TINCTORUM, L.), Avec des moyens simples d'en reconnaître la falsification ; Lue à l'Académie, le 24 décembre 1830, Par M. Dusuc. MEssiEuRrs , Si l'ingrédient qui fait l’objet de cette notice s'em- ployait entier, c’est-à-dire sans être moulu, dans les ateliers de teinturerie, la falsification en deviendrait pres- qu'impossible , vu que la garance en racine offre un aspect physique particulier et un goût douceâtre sucré que n’ont aucunes autres matières végétales teinturien- nes: mais il en est autrement; la garance ou alisary se vend dans le commerce à l’état pulvérulent et renfermée en fortes masses dans des tonneaux où elle s’échauffe et prend une couleur brunâtre, analogue à celle de l'écorce qui sert à la sophistiquer. Cette écorce vient de Barbarie par la voie de Marseille. On lui donne le nom de pin ou de fausse garance, et l’on prétend qu'elle est produite par un arbre de la famille des conifères, d’autres disent par un chêne rouge non décrit par Michaux et encore inconnu en France. J’expose de cette écorce à vos regards. On se sert encore de l’ocre rouge ou de terres bolaires pour la falsification de l’alisary. Voici des moyens simples que nous avons toujours em- ployés avec succès, dans notre longue pratique , pour dé- couvrir la falsification de la garance moulue, ou alisary, par les ingrédients que nous venons de citer (x). (1) La garance en poudre est connue dans le commerce et par les teinturiers sous le nom d’alisary ou Lisary, C47) Procedé pour y découvrir l’ocre el autres matières terreuses. On met dans un grand verre conique environ deux onces d’alisary soupçonné ; on y ajoute assez d’eau pour bien délayer le tout ensemble; ensuite on agite fortement le vase pendant une minute, puis on laisse déposer un moment, et l’on décante le fluide et la racine qui le surnage, On répète une seconde fois l'opération. Si la garance moulue contient de locre ou de la terre , ces matières , vu leur pesanteur spécifique et leur insolubilité dans l’eau, se précipitent au fond du verre, et, en les faisant sécher, on peut apprécier, à la balance, dans quelles proportions elles se trouvent additionnées à la matière tinctoriale. Ainsi, au moyen d’un procédé presque mécanique, le commerçant et le téinturier peuvent s'assurer de la pureté de l’alisary, ou savoir s’il n’est pas mêlé de terre, avant d’en faire la vente ou la mise en œuvre. Procedés pour découvrir l'écorce dite de pin, ou fausse ga- rance, dans l’alisary tinctorial. D'abord, pour mieux comprendre l'effet des réactifs chimiques sur l'écorce de pin, il faut savoir que la vraie garance est une racine résineuse , et qu’elle ne contient ni acide gallique ni tanin appréciables, tandis, au con- traire, que l'écorce en question recèle abondamment ces deux matières (1). C’est d’après ces notions que nous avons dû employer l’acétate de fer et l’alcool, pour recon- naître la fausse garance dans l’alisary. Premier procédé. On verse sur environ deux onces de garance moulue ou d’alisary du commerce , deux verrées d’eau bouillante ; (1) On peut faire une bonne encre à écrire avec l'écorce de pin, vu qu'elle est riche en acide gallique et en tanin, bases de ce fluide; mais (48) on agite bien ce mélange à plusieurs reprises ; après vingt ou trente minutes, on coule cette infusion à travers un linge serré, et on la met dans deux verres. On ajoute dans l’un environ un gros d’acétate de fer neutre, et dans l’autre une cuillerée de solution aqueuse de belle colle forte. Dans le premier cas, et si l’alisary est mêlé de fausse garance , le liquide prendra sur le champ une couleur noire d'encre ; dans le second , ce même fluide deviendra lactescent, et en vingt-quatre heures on verra au fond du vase un dépôt d’un blanc grisätre : c'est du tannate de gélatine; tandis que ces effets n'auraient pas lieu si l’alisary était pur. Deuxième procédé par l'alcool. 1° On met quatre gros de garance pure à infuser dans deux onces d’esprit de vin à trente-six degrés ; on agite plusieurs fois le mélange ; k 2° On fait une autre teinture, en prenant également quatre gros d’écorce de pin ou fausse garance et deux onces d’alcool. En vingt-quatre heures, on retire de ces deux ingrédients une belle teinture rouge. Épreuves et résultats servant à constater la différence chimique qui existe entre les deux ingrédients traités par l'alcool. Si l’on mêle une cuillerée de la première teinture dans une demi -verrée d’eau , sur le champ le mélange devien- dra trouble et lactescent. Cet effet a lieu par la séparation de la résine de garance. L’acétate de fer ou le vitriol vert (x) ne trouble pas cette teinture. - on la rend plus belle et plus noire que l’encre ordinaire en y ajoutant um peu de noix de galle de Smyrne. Gi) I y a plus de trente ans que je préfère l'acétate de fer au vitriol vert (proto-sulfate de fer), comme réactif plus sûr que ce dernier pour dé- couvrir les matières astringentes dans les teintures et infusions végétales. (49) Si on soumet la teinture de fausse garance aux mêmes réactifs, on a des résultats tout différents : d'abord elle n'est pas troublée par son mélange avec l’eau; les sels ferrugineux la font virer au noir; enfin cet alcoolat diffère encore du premier en ce qu'il est amer et styptique au goût. © Ainsi, en résumant les résultats des essais précédents, on voit que l'esprit de vin, alcool, peut servir de réactif, comme les sels ferrugineux, pour découvrir la présence de l'écorce de pin dans l’alisary tinctorial, puisque la tein- ture de cette écorce wire au noir en l’additionnant seule- ment de quelques gouttes d’acétate de fer, effet qui n’a pas lieu en faisant subir la même épreuve à la teinture de l’alisary non frelaté de matières astringentes végétales. On pourrait encore proposer d’autres moyens que ceux que nous avons indiqués pour reconnaître la pureté de la garance moulue, mais sans multiplier les réactifs. Tout le monde peut atteindre ce but avec l’acétate de fer, l'alcool, l’eau et le goût. Je termine par dire particulièrement un mot sur l'écorce exotique qui sert à sophistiquer la garance moulue. î Tout porte à croire que cette écorce épaisse, rouge intérieurement, rugueuse à l’extérieur et d’un goût très styptique, appartient à une espèce de chêne inconnu dans l’Europe, et non à un arbre résineux de la famille des pins ou sapins ; car on ne connaît aucune écorce des conifères dont les propriétés soient astringentes et riches en tanin et en acide gallique comme celle dite de Barba- rie , dont on se sert pour falsifier la garance moulue. Enfin j'ai cru, dans un temps où la garance est rare, d’un prix très élevé, et par ce motif sujette à être falsi- fiée, que cet ouvrage pratique pourrait être de quelqu'uti- lité au commerce et à l'industrie. Ces motifs m'ont déterminé à le présenter à l’Académie. «3 AAA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AA NOTE SUR LA COMPOSITION DE L’ALLIAGE QUI FORME LA CLOCHE D'ARGENT , Renfermée dans le Beffroy de Rouen; Lue à l'Académie, le 7 juillet 1331, Par J. GirARDIN, Professeur de chimie, etc. MESStEURS , Tout ce qui se rattache d’une manière plus ou moins directe aux antiquités de notre ville, excite votre atten- tion à un haut degré. Vous accueillerez donc, je pense, avec quelque intérêt , la note que je vais avoir l'honneur de vous lire sur la composition chimique du métal de la cloche du Beffroy de Rouen. Cette cloche, sur l'ancienneté de laquelle les historiens n'ont que de vagues données, est connue sous le nom vulgaire de cloche d'argent , et pas un bourgeois de notre ville ne met en doute qu'elle ne renferme une grande quantité d'argent , comme semble l'indiquer cette déno- mination. Dans le mois d'avril 1830, M. le maire m'invita à faire l'analyse du métal qui la compose, ce fonctionnaire désirant savoir si le son particulier qu'elle répand lorsqu'elle est mise en branle était une consé- quence de sa constitution chimique. J'acceptai la propo- sition de l'autorité municipale avec d'autant plus de plaisir, que , depuis long-temps, je cherchais l’occasion Frecis A nalge 4851, 72 194 ?L17 77 ce e h ) CC. (51) de m'assurer si, comme on le pense généralement , les cloches anciennes renferment des métaux précieux, métaux qui auraient été ajoutés par les fondeurs , dans l'intention d'embellir leur son. M. Deleau, architecte ordinaire de la ville, eut la complaisance de me conduire au Beffroy de la Grosse-Horloge, et de mettre à ma disposition plusieurs grammes du métal qu’il fit enlever aux parois de ce grand corps sonore. Je fus accompagné . dans cette visite au Beffroy, par nos honorables confrères MM. Licquet, Auguste Le Prevost et Ballin. Ce dernier académicien vous a rendu compte, dans la séance du 23 avril 1830 , des résultats de cette exploration archéo- logique , qui lui a fourni l’occasion de relever, avec exactitude , l'inscription du bas de l'escalier de ce Beffroy, que les historiens de la ville de Rouen n’ont rapportée qu'imparfaitement, et celle de la cloche d'argent qui paraît n'avoir été citée par aucun d'eux. D'après l'inscription qui se voit sur le listel de cette cloche, il est bien évident aujourd’hui que celle-ci n'est pas la même que la cloche nommée Rembol, dont Charles vi gratifia deux de ses pannetiers, pour punir les Rouennais d’une insurrection qui éclata en 1390.1l en résulte que toutes les hypothèses qu’on a successivement émises sur l’origine du nom de cloche d'argent, hypothèses faites dans l'opinion que notre cloche actuelle est le Rembol de cette époque, sont sans aucun fondement (1). Quoi qu'il en soit, voici les dimensions de cette cloche, Je dois ces renseignements, ainsi que la figure que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux (p1. 1), à l’obligeance de M. Deleau. Elle a trois pieds trois pouces de hauteur à partir de l'ouverture inférieure jusqu'à la naissance des anses qui (1) Foir, au Rapport général, l'inscription de M. Ballin. (5) surmontent le cerveau où partie supérieure. Sa plus grande largeur est de quatre pieds. Le cerveau a un diamètre intérieur de deux pieds quatre pouces six lignes. Les pa- rois, dont l'épaisseur est de trois pouces trois lignes à l'ouverture intérieure , région où frappe le battant, n’ont plus qu'un pouce une ligne au cerveau. Son battant a deux pieds onze pouces de longueur ; il est en fer, et sus- pendu à une forte lanière en cuir. = La portion du métal qui a été enlevée à cette cloche à l’aide de la lime , présente tous les caractères extérieurs de la limaille de bronze. Sa composition chimique dif- fère très peu de celle du métal des cloches modernes. En eflet, à l’aide des procédés analytiques très simples et babituellement usités dans de pareils cas, ce qui me dispense d entrer dans aucun détail à cet égard, je n’ai reconnu dans cet alliage. que du cuivre , de l’étain, dans des proportions très rapprochées de celles du métal des cloches actuelles, plus un peu de zinc et de fer. Voici, au reste, les résultats numériques de mon analyse. : Sur cent parties en poids, le métal de la cloche d'ar- gent se compose de :Goivre.# 27 cell RAS LU SUILE-E sous dtaims-nag 2 louud2l a6 ” Zinc s ates4b us gi 1,80 Fer sde a is ue 1,20 4 100, Les cloches françaises, modernes sont généralement formées d'un alliage composé de (ER TAPER 0 78 Étain 22 Parfois on y trouve des métaux étrangers , tels que fer, zinc, plomb , etc., en quantités variables. Ces métaux n'ont d'autre ‘objet reconnu que celui de diminuer le (53) prix de l’alliage, c'est-à-dire d'augmenter les bénéfices des fondeurs, On voit, par cette comparaison, qu'il n’y a pas une très grande différence , sous le rapport de la nature chi- mique, entre la cloche du Beffroy de Rouen et les cloches modernes. Le fer et le zinc que j'ai trouvés dans la première sont en si faible proportion, qu'on doit les considérer comme accidentels à sa composition. Ils pro- ‘viennent, sans aucun doute, du cuivre dont le fondeur a fait usage ; car le cuivre du commerce est rarement exempt de ces deux métaux. On ne peut supposer que le zinc ait été ajouté à dessein, puisque ce métal a été indiqué pour la première fois par Paracelse, qui mourut en 1541, et que la cloche du Beffroy paraît être bien antérieure à cette époque. D'ailleurs, ce n’est guère que depuis un siècle que le zinc est devenu très commun et qu'on a commencé à l’employer dans les arts. D'un autre côté, l’on sait que le cuivre gris, une des espèces miné- ralogiques du cuivre les plus abondamment répandues ét exploitées , est toujours accompagné de sulfure de zinc, et que presque toutes les autres espèces de la même fa- mille sont mélangées de sulfure de fer, notamment le cuivre pyriteux , qui est une combinaison, à proportions égales, de sülfure de cuivre et de sulfure de fer. Il n’est donc pas étonnant que le cuivre du commerce renferme ordinairement de petites quantités de ces deux métaux étrangers, et que, par suite, on en trouve dans les objets fabriqués avec le premier. La cloche du Beffroy, d’après mon analyse , ne con- tient donc pas un seul atome d'argent, et il est très vraisemblable que les autres cloches coulées à cette épo- que et antérieurement n'en renferment pas davantage. Cependant , ilest bien constant que, lors de la fonte de ces corps sonores , on introduisait une assez grande quan- tité de ce métal précieux dans le bain, dans l'intention (54) de leur communiquer un son clair et pur, et cette croyance , sur lutilité de l’argent dans cette circonstance , s’est perpétuée jusqu'à nos jours, car elle fait encore partie de ces nombreux préjugés qui circulent dans tous les rangs de la société. Comment se fait-il donc que l'analyse chimique ne nous démontre pas plus de traces d'argent dans les cloches anciennes, où l’on en ajoutait, que dans les cloches modernes où l’on n’en met pas? La cause de cette singularité doit exciter vivement votre curiosité , Messieurs ; l'explication que je vais en donner , d’après l'autorité d'un chimiste connu, va la satisfaire complète- ment, tout en faisant naître votre admiration.pour l’a- dresse merveilleuse des fondeurs de cette époque. Vous connaissez tous, Messieurs, l’ancien usage de bénir les cloches et de leur donner un parrain. Alors, comme aujourd'hui, les personnes de haut rang ou dis- tinguées par leur piété, recherchaient avec empressement l'honneur de tenir les cloches sur les fonts baptismaux ; mais, non contentes de cette distinction, elles voulaient donner des marques de leur générosité ou de leur dévo- tion, en offrant à la paroisse la quantité d'argent néces- saire à embellir, comme on le croyait et comme le fai- saient entendre les fondeurs , le son de la cloche. Toutes les dames de l'endroit s’empressaient de s'associer à cette œuvre de vanité plutôt que de vraie dévotion, en ajoutant quelques pièces de leur argenterie, en sorte que souvent une immense quantité d'argent travaillé était apportée dans l'atelier où devait s’opérer la fonte de l’alliage. Les donateurs et parrains étaient invités à plonger dans le four, et de leurs propres mains, l'argent qu'ils consacraient à cette opération ; néanmoins, malgré la publicité donnée à la fonte des cloches, il ne s’y trouvait pas plus d’argent après leur confection qu'il n’y en avait dans les métaux employés par les fondeurs. Voici comment ces derniers, (55) tout aussi habiles que leurs successeurs, savaient proli- ter d’une erreur qui les enrichissait. Le trou ouvert sur le haut du fourneau, et destiné à l'introduction de l'argent, était pratiqué directement au dessus du foyer, et cette partie du fourneau , à réverbère, comme le savent toutes les personnes qui ont visité les ateliers dans lesquels on travaille les métaux, est séparée de la sole du four sur laquelle les matières sont mises en fusion. El résultait de la disposition de ce trou, qui ser- vait aussi à l'introduction du combustible, que la tota- lité de l’argent que l’on y projetait, au lieu d’être intro duite dans le bain de bronze liquéfié, tombait directe- ment dans le foyer, coulait et allait ensuite se rassembler dans le fond du cendrier, d’où le fondeur s’empressait de le retirer une fois la cérémonie terminée et l'atelier désert. Vous voyez, Messieurs, que les fondeurs anciens, plus instruits et plus fins que leurs concitoyens, savaient exploiter adroitement leur crédulité, et mettaient en pra- tique ce vieil adage d'Horace, qui sera sans doute apphi- cable à tous les temps : Vulgus vult decipi, decipiatur ! Il west donc pas étonnant que les cloches anciennes n'offrent pas plus d'argent dans leur composition que celles fabriquées de nos jours. Leur timbre , quoi qu’on en dise, n'est pas plus beau que celui de ces dernières, et si quelqu'un avait quelques droits de se plaindre de l'abolition d'une coutume aussi inutile que coûteuse, ce ne serait assurément que les fondeurs de notre époque. Pour en revenir à notre cloche d'argent, je ne crois pas que la petite différence qu’elle présente , dans les rap- ports du cuivre et de l’étain avec les autres cloches, influe sur la nature du son clair et retentissant qu’elle répand. Celui-ci doit tenir plus vraisemblablement à sa forme et à l’état d'homogénéité de ses parties. (56) Le surnom de cloche d'argent donné au Rouvel renfermé dans le Beffroy, a fait naître bien des suppositions plus ou moins hasardées , et il embarrasse encore beaucoup nos antiquaires. Notre estimable confrère M. Ballin dit, dans sa notice que je vous ai rappelée en commençant , qu'on peut l’attribuer, soit au son argentin qu'il rend lorsqu'on le met en volée, soit à quelque circonstance analogue à celle qui a fait appeler tour de beurre l'une des tours de la Cathédrale. Cette dernière hypothèse est plus vraisemblable que la première; mais ne pourrait-on pas trouver l’origine de cette dénomination dans ce qui a pu se passer au moment de la fabrication de cette cloche ? Un tocsin, destiné, comme le Rouvel, à servir dans toutes les circonstances solennelles, a dû être fondu et coulé avec une grande pompe. Les bourgeois les plus distingués de la ville ont dù briguer l’honneur de contribuer à la beauté de son timbre ; et si, lors de la fonte des cloches ordinaires de paroisse, les parrains et les fidèles faisaient don de grosses sommes d’argent, ilest permis de suppo- ser, avec quelque apparence de raison, que les présents offerts aux échevins de la ville pour embellir le son du Rowvel, ont été magnifiques et considérables. Ne serait-ce pas alors, à cause de cette grande quantité d’argent qu’on supposait avoir entré dans la préparation de l’alliage, tandis qu’il passait dans la cassette du fondeur, que le nom de cloche d'argent aura été donné à ce grand corps sonore ? Cette opinion ne me semble pas dénuée de toute vraisemblance : cependant, Messieurs, je la soumets à votre sagacité, et ne la soutiens qu'avec la défiance que mon peu de lumières en fait d'archéologie doit m'ins- pirer. li AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AA RAA A AAA AAA MÉMOIRE SUR LE PHYTOLACCA DECANDRA, L., ou PHYTOLAQUE, Communiqué à l’Académie les 25 mars et 15 avril 1831; Par M. Dueuc. AVERTISSEMENT. MESSIEURS, Deux fois, en 1827 (1) et en 1829 (2), j'exposai à vos regards des feuilles et des baies du p#i/olacca decandra, À. , récoltées aux envi- rons de Rouen. Je vous fis voir cette plante dans l’état d’accroissement où je la juge le plus convenable aux essais variés queggen ai faits comme ingrédient tinctorial. Je promis aussi de nur À l'Aca- démie les résultats les plus remarquables de ces essais, plus une note sur la culture de la phytolaque. Je viens aujourd’hui acquitter cette double promesse. Ce travail est un peu long, mais je n'ai pu lui don- ner moins détendue, vu les nombreux détails qu'il comporte. Je de - mande votre indulgence ordinaire pour en entendre la lecture. (@) 6 Juillet. (2) 8 Août. MÉMOIRE tent sur les feuilles que sur les Laies du Phylolacca decandra, L., ou Phytolaque, considérées spécialement sous leur rapport tinctorial et atramentaire (bonnes à faire de l'encre); avec une Notice sur la cülture de cette plante en France. MEssiEURs , Il y a plus de cinquante ans , en suivant les cours que M. Dambourney faisait au jardin des plantes de cette ville , sur les propriétés tinctoriales d’un grand nombre de nos végétaux indigènes, que je conçus le projet de faire un travail sur les baies du phitolacca decandra, L. ; et en effet, je m'en occupai dès l'époque où j'étais phar- macien en chef à l’Hôtel-Dieu de Rouen; mais la tour- mente révolutionnaire me força bientôt d'abandonner des expériences et des «bservations qui exigent calme et sécurité pour être bien faites. Ayant repris ce travail de- puis quelques années, je vais aujourd’hui vous en com- muniquer les principaux résultats. Le beau végétal, dont les feuilles changent de couleur trois fois l’année , qui fait le sujet de ce mémoire , porte aussi le nom de plante de fard, parce que le suc rouge carminé dë son fruit sert aux insulaires à se farder ; de s0- lanum magnum , à cause du superbe aspect de cette plante, qui fait souvent l’ornement de nos jardins, etc. ; enfin, ce végétal , originaire de l'Amérique septentrionale , est acclimaté depuis long-temps en Europe, où il prospere dans presque tous les sols en bravant les hivers les plus rigoureux de nos conirées. Il est rangé, par Linneus, dans sa Décandrie décaginie. D'abord , j'avais borné mes essais, dans cet ouvrage, en n'y traitant que des baies de la phytolaque ; mais bientôt je m’aperçus que les feuilles (59) de cette plante, prises vertes ou rouges, fournissaient aussi un bon ingrédient tinctorial. J'ai donc opéré sur l’une et l’autre partie de ce végétal, lei, et pour servir à l'intelligence de ce travail, je dois faire observer que les feuilles de la phytolaque ont des propriétés variées en raison de leur état d’accroissement. Les feuilles vertes sont riches en tanin, tandis que ces mêmes feuilles, rougies sur l'herbe à la rosée où natu- rellement sur la te ne contiennent guère que de l’a- cide gallique ; circonstance qui établit une différence très notable entr'elles, considérées comme ingrédient tincto- rial. Les expériences suivantes, par leurs résultats, vont venir à l'appui de cetie assertion. Avant de faire mes essais sur les baies de cette plante, je consultai le bon ouvrage que M. Dambourney publia à Rouen en 1786 (cet ouvrage fut imprimé aux frais du gouvernement), sur les propriétés tinctoriales de ces fruits et de bien d’autres en indigènes , et j'y lus avec une sorte d'étonnement, qu'il n'avait Rone de ces baies, avec la laine et les lainages, qu’une couleur fugitive ou pres- que négative... Un tel jugement , porté par un aussi savant expérimentateur que M. Dambourney , m'avait presque fait abandonner le projet de faire de nouvelles recherches sur ce fruit ; mais, en examinant la nature des essais de notre conciloyen et ceux tentés postérieurement par M. Braconot, à Nancy, et Kuhlmann, à Lille, sur les mêmes baies , je vis que la matière était loin d’être épuisée. J'ai donc fait de nouvelles recherches, non seulement sur le fruit de la phytolaque , maïs encore sur les feuilles de cetie plante, récoltées aux environs de Rouen, à diverses époques de leur croissance. Les résultats que j'en ai obtenus ne sont pas, je crois, dénués d'intérêt pour l'art du teinturier; vous en jugerez par le travail que voici : Je traiterai d'abord des feuilles de cette plante ; en- ( 6o ) suite d’autres essais auront lieu sur ses baïes ; enfin , ce mémoire sera terminé par une notice sur la culture du phytolacca decandra , considéré dans son ensemble sous divers rapports , et aussi comme une annexe intéressante pour l'Agriculture française. Par des motifs que j'exposerai ailleurs, j’ai dû opérer sur des feuilles de phytolaque récoltées à trois époques de l'année : 1° Vers la fin de juillet, où quand elles ont acquis leur plus grand degré d’accroissement , et dont la couleur verte est encore pure et sans nuance de rouge (x); 2° Sur les mêmes feuilles récoltées en septembre, ou au moment où elles ont pris, sur la tige, une couleur rouge verdâtre ; 3° Enfin, sur ces feuilles tout-à-fait rouges, cueillies avec des baies du dix au quinze novembre, époque où ces deux produits sont le plus riches en principes colo- rants et teignants. Voici maintenant la série d'expériences que j'ai faites pour constater les propriétés teinturiennes et altramen- taires de ces feuilles , employées fraîches. Première Expérience. On fit bouillir successivement dans un litre d’eau, pendant quinze minutes, huit onces de chacune de ces feuilles hachées menu; puis on laissa refroidir la décoc- tion , et ensuite elle fut coulée avec expression. a — — —————————— (1) Ces mêmes feuilles, et celles cucillies en septembre, étant exposées sur l'herbe ou rouies au grand air et à la rosée, y contractent, en quinze ou vingt jours, une belle couleur rouge qui les rapproche beaucoup, comme ingrédient tinetorial et atramentaire, des mèmes feuilles rougies naturellement sur la plante , et dont la récolte avec les baies a lieu dans l'arrière-saison. (61) La décoction des feuilles vertes porte le n° +, Celle faite avec les feuilles rougeâtres, le n° 2, La troisième, préparée avec les feuilles rouges, le n° 3. Lemarques et observations fuites sur ces trois decoctions, examinées d'abord physiquement , et ensuite au moyen de divers réactifs chimiques. . La décoction numéro 1 avait une forte couleur jaune olivâtre ; elle était sensiblement amère et styptique au goût, point d’odeur prononcée ; elle déclinait au noir brun par son exposition au grand air. Les décoctions numéros 2 et 3 avaient une belle cou- leur rouge ponceau ; leur goût était plus amer et styp- tique que celui de la précédente ; elles noircissaient for- tement à l’air et à la lumière. Enfin, les trois décoctions étaient sans effet appréciable sur les teintures aqueuses de violette et de tournesol, et tout-à-fait inodores. Ces épreuves, faites sur cette plante pendant trois années de suite, et dans les mêmes circonstances, ont toujours donné les mêmes résultats, ce qui prouve que la phytolaque a des propriétés diverses en raison de son état d’accroissement (x). Effets des réactifs sur ces trois décoctions, prises chacune séparément. Le vitriol vert neutre, ou proto-sulfate de fer, et l’acétate de ce métal, les altèrent et les noircissent plus ou moins; (1) On est souvent, dans le commerce, en désaccord sur les qualités variées et sur les propriétés de certains ingrédients tinctoriaux. Mais les anomalies que nous signalons dans les feuilles de la phytolaque peuvent servir à expliquer aux tribunaux la valeur de ces réclamations, et éclairer les juges sur le fond de ces difficultés, qui résultent presque toujours de l’état d’accroissement où ces végétaux sont cueillis avant d’en faire l'em- ploi dans les ateliers. (62) ils font virer en noir brun la décoction numéro 1 et en noir violacé la décoction numéro 2; mais ils colerent plus fortement en noir le numéro 3, Ces couleurs pren- nent de l'intensité à l'air. La colle forte trouble plus fortement la décoction nu- méro 1 que celle numéro 2, tandis que son effet est presque nul sur la décoction numéro 3. Enfin, la décoction des feuilles du phytolacca, rouies ou rougies à l'air et à la rosée, n'est pas non plus sensiblement troublée par la même solution aqueuse de colle forte, quoique noircie fortement par les sels de fer. Ces résultats prouvent chimiquement que les feuilles du phytolacca varient dans les proportions de tanin et d'acide gallique qu’elles recèlent en raison de leur état d’accrois- sement et de leur coloration, soit sur la plante , soit étant rouies par leur exposition à la rosée, circonstances essen- tielles à noter, surtout à l'égard de leur emploi comme ingrédient tinctorial et atramentaire. L’acétate de plomb liquide et le sel de saturne du commerce précipitent et décolorent ces décoctions. Le précipité produit dans la décoction numéro 1 est d’un jaune clair, celui que donne le numéro 2, jaune ravenelle ; mais la décoction nu- méro 3 en donne un très volumineux d’un beau jaune jonquille, et plus abondant, toutes choses égales, que ceux obtenus des deux premières décoctions. Enfin, le sel d’étain ( permuriate d’étain du commerce) décolore également ces décoctions, en y occasionnant des précipités volumineux de couleur jaune de ravenelle, surtout dans celle numéro 3 (1). Ces précipités, et ceux (1) La décoction de feuilles rouges donne un précipité brun foncé avec l'alun, gris cendré avec le sulfate de zinc, jaune olivâtre avec le sulfate de cuivre, et jaune avec le tartrite de potasse antimonié (émétique des pharmacies ); mais je n'ai pas éprouvé ces mordants, excepté l’alun, en teinture, Je les indique simplement ici comme objet de recherches, et (63) produits par es sels de plomb, adhèrent fortement aux tissus, surtout à la laine el aux lainages. Les expériences suivantes vont, par leurs résultats, conlirmer cette asser- uon. Deuxième Expérience. Huit onces de feuilles vertes du phytolacca (ou quatre onces de sèches), mais particulièrement les rouges, bouillies dans un litre d’eau rendue alcaline par quatre gros de carbonate de soude du commerce, donnent un bain jaune foncé et parfois brunâtre, qui teint en brun clair les fils de lin et de coton préalablement décreusés et alunés par les méthodes connues. La laine désuintée et alunée prend aussi, dans le même bain, une belle couleur olivâtre, peu altérable à l’eau de savon, et par l'exposition au grand air et à la lumière. Les fils de lin et de coton doivent être teints par une température de cinquante à soixante degrés. La laine peut soutenir le bouillon pendant douze à quinze mi- nues, sans que la couleur s’en dégrade ; mais, dans l’un et l’autre cas, l'opération dure environ une heure. Troisième Experience. Si, dans une forte décoction de feuilles de phytolaque prises veries et dans leur plus grand degré d’accroisse- ment (quand la plante commence à fleurir), on met à bouillir pendant vingt à trente minutes de la laine désuin- tée, puis imprégnée de muriate d’élain comme mordant, cette laine y prendra une belle couleur jaune mordoré bon teint, et très agréable à la vue. As LE L LT L comme pouvant être utiles à ceux qui voudront faire l'emploi du pAyte- dacca comme ingrédient tinctorial, etc. (64) Si, au lieu de feuilles vertes, on emploie à cette opéra tion des feuilles rouges, la laine prendra alors une cou- leur jaune nankin également solide. On peut, dans ces opérations, se servir pour mordant du sel de saturne du commerce ; il produit presque les mêmes effets que le muriate d’étain sur la laine. Les toiles de lin et de coton sont teintes en jaune ravenelle par ce même procédé. Quatrième Expérience. Cette autre expérience a eu lieu avec les feuilles du phytolacca rougies sur les tiges et ramassées avec les baies dans l’arrière-saison. La décoction de ces feuilles est très riche en acide gallique , et donne à la laine désuin- tée et imbue d’acétate de fer ou d’un autre mordant ferrugineux , une couleur d’un assez bon noir, surtout en exposant cette laine, au sortir du bain, au grand air et à la lumière. Si à six onces de ces feuilles fraîches on ajoute seule- ment une once de noix de galle ordinaire écrasée, on ob- tient alors un bain qui teint du plus beau noir les lainages avec les sels ferrugineux (1). Nous croyons que ce bain, ainsi préparé, équivaut pour l'effet tinctorial à quatre onces de noix de galle du commerce employées seules. Ainsi, les feuilles rouges de la phytolaque, seules ou mêlées d’un peu de noix de galle, peuvent remplacer, dans les ateliers, les ingrédients astringents exotiques qu’on y emploie pour la teinture noire, noir fauve, etc. (x) J'ai toujours observé dans mes essais, faits en petitil est vrai, que l’acétate de fer neutre, préparé avec le vinaigre incolore provenant dn bois, donnait à la laine traitée avec la phytolaque ou avec d'autres matières astringentes une couleur plus belle et plus noire que le sulfate de fer ou vitriol vert employé pour mordant avec ces mêmes in- grédients, (65) Ici se terminent nos essais et nos observations sur les propriétés tinctoriales des feuilles du phytolacra de- candra, el nous allons nous occuper de leur propriété atramentaire. Cette autre application fera voir de plus en plus combien on a négligé en France de tirer parti de ce beau végétal. Encre de phytolacca decandra, préparée avec Les feuilles rouges de cette plante. Prenez : feuilles sèches de phytolacca quatre onces, ou huit onces de fraîches, c’est-à-dire cueillies en novembre; bois d'inde moulu quatre gros ; vitriol vert non rouillé et gomme arabique écrasée, de chaque une once et demie ; eau pure de pluie, de rivière ou de mare, un litre. Faites infuser à une douce chaleur (sans bouillir) dans l'eau, et pendant vingt-quatre heures, les feuilles coupées menu avec le bois d'inde ; ensuite on coule le mélange avec expression. L'on y ajoute la gomme ; quand elle est fondue , on y met le vitriol vert, puis on agite le tout ensemble. Quand ces deux derniers ingrédients sont dis- sous, l’encre est faite. On la décante deux heures après pour l’usage. Cette encre, dont la quantité est d'environ un litre, marque trois à quatre degrés au pèse-sels. Sa couleur sur le papier est d’abord pâle , parfois jaunâtre , mais bientôt elle noircit à l’air, comme cela a lieu pour la plupart des encres dont on fait usage dans les pensions, dans les écoles. Si elle était trop épaisse , on y ajouterait un peu d’eau. Si l’on veut avoir une encre aussi belle et aussi noire que l’encre dite de bureau, il suffit, pour obtenir ce ré- sultat, d'ajouter aux deux ingrédients la phytolaque et le bois d'inde , une once de noix de galle écrasée. Cette encre, ainsi préparée, revient à moitié moins cher que celle faite avec la noix de galle seule. Elle présente encore dans son emploi un autre avantage précieux, celui de 9 (66 ) n'èlre pas tout-à-fait efacée ou détruite par la vapeur du chlore , par les chlorures, par l'acide nitrique , ete. ; car, après l’action de ces réactifs, il reste toujours sur le papier des traces bien visibles des lignes qu'on y avait écrites. On peut encore les rendre plus lisibles en chauf- fant légèrement l'écriture altérée, ou en l’imbibant d’une solution aqueuse de prussiate de potasse. J'ai aussi éprouvé, par deux années d'expériences, que cette dernière encre était moins altérable par son exposition au grand air et à la lumière, que l'encre où il n'entre pas de feuilles rouges de phytolacca. Les résultats de ces essais prouvent donc que les feuilles de la phytolaque peuvent être employées avec succès et avec économie à faire de bonne encre à écrire, soit seules, soit mêlées d’une faible quantité de bois de campèche et de noix de galle. Enfin, je termine ce chapitre par les observations suivantes , concernant l’emploi des feuilles du phytolacca decandra, considérées comme ingrédient tinctorial ou atramentaire. Les nombreux essais que j'ai faits sur les feuilles de ce végétal m'ont définitivement prouvé que plus elles sont rouges, plus elles sont riches en acide gallique et em- preintes du principe jaune colorant qui doit les rendre précieuses pour la préparation d’une encre presqu'in- délébile (1). Je crois encore -que la couleur jaune et (1) Jusqu’à ce jour, on ne connaît point d’encre à écrire tout-à-fait indélébile, ou qui puisse résister à l’action combinée des nombreux réac- tifs que la chimie possède, Mais l'encre faite avec les feuilles très rouges du phytolacca et un peu de noix de galle, offre au moins l'avantage pré cieux de n’être effacée qu'incomplétement par les moyens assez connus des faussaires, et de laisser des traces jaunätres très visibles sur le papier. Outre cet avantage, elle a encore celui de résister bien et plus long-temps à l’action de l’air et de la lumière que l'encre ordinaire du commerce et de bureau, (67) jaunâtre que certains tissus prennent dans le bain de ces feuilles est spécialement due à ce même principe. C'est à l'expérience des chimistes teinturiers que je m'en rapporle pour vérifier ou infirmer la vérité de cette asser- tion. J'ai déjà fait quelques expériences pour isoler ce principe jaune des feuilles et du suc des baies du phyto- lacca decandra ; mais sans succès prononcé. Je vais maintenant traiter des propriétés colcrantes et teinturiennes des baies de la phytolaque. Observations et expériences sur les baies du phytolacca. Tandis que je m'occupais à Rouen des propriétés colorantes et teignantes du beau suc carminé que donnent en abondance (souvent les trois quarts de leur poids } les baies de la majestueuse plante qui orne souvent nos jardins, M. Kuhlmann, savant chimiste à Lille, faisait savoir à l'Académie de cette ville que ce suc n’a point un effet aussi négatif en teinture que le pensait M. Dam- bourney. En effet, M. Kuhlmann est parvenu à donner à la soie, avec le suc de ces baies, des couleurs hortensia et lilas foncé solides, en employant, pour fixer ces cou- leurs, l’alun ordinaire et le permuriate d’étain comme mordants (voir, à cet égard, le Recueil des travaux de l'A- cadémie de Lille, année 1827 ); mais le lin, le coton et même la laine furent, dit-il, rebelles à ses essais. Je crois avoir mieux réussi que le chimiste de Lille, en opérant sur les feuilles de la phytolaque ( expériences deuxième , troisième et quatrième de ce mémoire }). Les baies de cette plante m'ont aussi fourni de belles et bonnes couleurs, soit en teinture , soit employées comme objet de fard... Je vais successivement rendre compte à l'Académie de mes expériences sur ces fruits, et en- suite de leurs résultats. Nota. M faut, dans ces essais, employer les baies très (68 ) mûres, prises récentes, ou desséchées avec soin, c'est-à- dire cueillies dans leur état de complète maturité, ou au moment où elles se détachent de leur grappe; car autrement ce fruit donnerait des résultats incertains comme ingrédient teignant (x). La dessication doit s’en opérer à une chaleur de trente- six à quarante degrés centigrades et être très prompte, car autrement les baies pourraient s’altérer par la moi- sissure ou par la fermentation, et acquérir de nouvelles propriétés : cela s'explique de soi-même. Extraction du suc de phytolacca decandra pour teintures , pour les arts, etc. On prend, par exemple , un kilogramme de ces baies fraîches; on les écrase dans un vase de grès, de terre ou de bois, puis on y mêle peu à peu vingt onces d’eau à moitié chaude ; on couvre le vase, qu'il faut tenir en lieu chaud pendant deux heures, ensuite on coule à travers un linge serré, avec forte expression. Si l’on opère sur des baies sèches, on met trois livres d’eau chaude par kilogramme de ce fruit, et on laisse macé- rer quatre heures avant de couler le mélange. Pen- dant cette. macération, il s'opère un léger mouvement fermentatif dans le suc, qui en facilite l'extraction et en exalte la couleur, C’est dans cet état que nous le croyons le plus convenable pour être employé en teinture et dans les arts. Ce suc, ainsi préparé, est d’un beau rouge carminé ; sa saveur est douceâtre, un peu amère, et il n'a aucune action sur les teintures aqueuses de fleur de (Gi) Ce west guère, en Normandie, que dans les premiers jours de novembre que ce fruit est bon à cueillir pour l'usage teinturien, ou pour en extraire un beau fard qui peut remplacer le carmin ordinaire. (69) violette et de tournesol; ainsi il ne contient pas d’acide libre. Le sulfate de fer neutre, vitriol vert, et l’acétate du même métal, préparé avec le vinaigre de bois non co- loré, font virer ce suc en noir brunâtre. Le permuriate d’étain et le sel de saturne ordinaire du commerce le décolorent presque complètement. Le premier y occasionne un beau précipité couleur jaune ravenelle ; le deuxième un précipité jaune jon- quille (x). Ces derniers essais et leurs résultats étaient utiles à consigner dans ce travail, et ont servi avec succès pour nous guider dans les expériences suivantes. Première Expérience avec le sur. Si l’on plonge du fil de lin ou de coton, ou de la toile, préalablement décreusés, alunés et bien secs, dans ce suc, l’un et l’autre, mais particulièrement le coton, y prendront, au moyen d’une chaleur modérée ( cinquante à soixante degrés ), et en moins de trente minutes, une couleur orange peu altérable à l'air et résistant à l’eau de savon. On peut augmenter l'intensité de la couleur en ajoutant dans le bain quelques grains de muriate d’étain, vers la fin de l'opération. Par une deuxième im- mersion, on donne plus d'intensité à cette couleur. Le coton y devient parfois violacé ; mais cette couleur décline souvent en un beau jaune jonquille par son exposition au soleil. (1) J'ai aussi soumis ce même suc à l'effet des réactifs cités dans la deuxième note qui dépend de la première expérience faite sur les feuilles rouges de la phytolaque. Ils occasionnent tous des précipités abondants de diverses nuances ; mais je ne les ai pas encore essayés en teinture, (7o) Deuxième Experience. Si, au lieu de fil de lin ou de coton, on emploie avec ce suc de la laine désuintée et imbue d’une solution aqueuse de sel de saturne comme mordant , cette laine prendra, au moyen de ce procédé ( première expérience ), une couleur jaune curcuma bon teint ou peu altérable au savon el au vinaigre. En substituant au sel d'étain le sel de Saturne , dans cet essai, la laine acquiert alors une belle couleur jaune ravenelle , aussi bon teint ; si c’est l’acétate ou le sulfate de fer, cette laine se teint en une bonne couleur bru- nâtre, déclinant parfois au vert. Nous le répétons ici, les fils de lin et de coton doivent être teints à une chaleur de cinquante-cinq à soixante degrés. La laine peut supporter le bouillon pendant douze à quinze minutes, sans altération dans sa couleur. Les laines et lainages teints avec le suc et les sels ferrugineux ne sont pas non plus dégradés par une longue ébullition avec ce même suc. Toutes ces couleurs se foncent par leur exposition à l'air et au soleil. Troisième Expérience. Laque ou matière colorante extraite de ce suc. Prenez : suc de phytolacca préparé par le moyen ci- dessus indiqué , une livre ; alun ordinaire, préalablement fondu dans l’eau , quatre onces. Mêlez ces deux matières, et agitez-les ensemble pendant quelques minutes. Enfin, ajoutez-y une once d’ammoniaque ou alkali volatil. Agi- tez encore; bientôt le suc se décolore et laisse déposer au fond du vase un sédiment de couleur rouge foncé et parfois rouge violet. Cette matière , étant desséchée au feu doux et à l'ombre, peut servir, en peinture, dans les arts, à colorer (729 ie papier. Le suc de phytolucca rend beaucoup de cette espèce de laque... On peut employer, en place d'ammo- aiaque, le carbonate de soude pour la précipiter ; mais alors elle décline tout-à-fait au brun (x). Quatrième Experience. Rouge de fard. Prenez : baies très mûres et entières quatre onces ; alcool non coloré douze onces : versez l'esprit de vin sur le fruit, bouchez le flacon et agitez plusieurs fois ; après deux jours de macération la teinture est faite. Sa couleur est un beau rouge carminé; elle se garde indéfiniment sur le fruit , sans s’altérer ni se décolorer. On peut aussi préparer ce rouge de fard avec l’eau-de-vie à vingt degrés ; mais sa couleur est moins vive et elle se garde moins bien que celle faite à l’alcool. Ce beau rouge végétal colore très bien la peau et peut remplacer économiquement le carmin du commerce , qui contient souvent du cinnabre , et sans en voir les incon- vénients. Cette même teinture colore aussi en beau rouge le papier blanc non collé; et je suis convaincu qu'en va- riant ces essais, on en peut tirer diverses nuances utiles dans les arts industriels. Cinquième et dernière Expérience, Ayant pour but l'extraction de la carmine ou matière carminée des baies du pAytolacca decandra. La riche couleur de ces baies me fit présumer qu'elles (1) Tout porte à croire, et par analogie, que le suc extrait des feuilles rouges de la phytolaque donnerait aussi de la laque ou une matière colo- rante par ce procédé; mais je n’eu ai pas fait l’essai. « (72) pourraient bien, comme la cochenille, corcus cacti, fournir le beau produit auquel MM. Pelletier et Caventou ont donné le nom de curmine. J'ai donc tenté, en em- ployant le procédé indiqué par ces deux chimistes , d’ex- traire ce beau rouge des fruits en question bien desséchés. A cet effet , j'ai commencé par les soumettre à l’action de l’éther chaud. Ce réactif, sans toucher à la couleur rouge des baies, en a dissout une matière jaunâtre poissante aux doigts et donnant, par la combustion, une odeur tranchée de matière animale. (On trouve également ce même principe dans le coccus cacti.) Ensuite je soumis ces baies, purgées de cette matière grasse, à l’eflet de l'alcool à trente-deux degrés. Cet autre réactif en tira une belle couleur écarlate , et tout porte à croire que cette matière colorante est de la carmine où au moins un principe très analogue ; mais nous n’avons pas encore pu l’extraire isolée par le procédé indiqué par M. Pelletier. Cet alcool, seul ou mieux réduit en consistance syru- peuse par une évaporation lente, peut également servir de rouge de fard, à colorer le papier, etc., etc. Ainsi, il résulte de ces essais que les fruits de la phy- tolaque renferment une matière grasse animalisée et un principe rouge écarlate ou phytolacine. Ce principe est-il analogue à la carmine ordinaire? C’est ce qui reste à déterminer ; mais, dans tous les cas, pour le rendre utile aux arts industriels, il faudrait pouvoir l'obtenir par un procédé plus simple et plus économique que celui suivi jusqu’à ce jour pour l'extraction de la carmine de la cochenille (x). (1) J'invite, dans l'intérêt de la science et des arts, les jeunes chi- mistes à s'occuper de cet objet. J'ai de fortes raisons pour croire que ce principe colorant est uni à la matière jaune que j'ai déjà signalée en traitant des feuilles du pæytolacca; mais tout porte croire que ces deux principes colorants pourront être obtenus isolément. (73) J'ai donné ailleurs une recette pour préparer une encre presqu'indélébile avec les feuilles rouges du phytolacea, Des expériences m'ont prouvé que le fruit de cette belle plante, quoique moins riche en acide gallique que les feuilles, était encore supérieur, employé sec, à ces der- nières pour faire une encre du plus beau noir et moins attaquable à l'air, à la lumière et par les agents chi- miques, que toutes les encres connues jusqu'à ce jour, qui ont pour base la noix de galle ou le bois d’inde. Il suffit, pour obtenir cette bonne encre, de mêler à une livre de noix de galle noire quatre onces de ces baies sèches, de faire infuser ces deux ingrédients écrasés en- semble, pendant vingt-quatre heures, dans quatre pintes d’eau bien chaude, mais sans bouillir, et d’ajouter à l’infusion coulée avec expression six onces de gomme arabique blanche et six onces de vitriol vert non rouillé ( sulfate de fer }. On commence par faire fondre la gomme, puis le proto-sulfate de fer, l’un et l’autre préa- lablement écrasés; on remue bien le tout pendant quel- ques minutes, et l'encre est faite. Si, en place de vitriol vert, on emploie l’acétate de {er dans cette opération (on n’en met que cinq onces), on ob- tiendra encore une encre plus belle etmoins altérable aux réactifs chimiques que celle noircie par le premier sel. Cette encre est vraiment précieuse pour écrire les actes d'une grande importance ; mais elle revient à un prix plus élevé que l’encre ordinaire du commerce, dite encre de bureau (x). Ici, nous devons faire observer que les baies du phyta- lacca, employées vertes ou desséchées, ne donnent pas seules une bonne encre; il faut donc les mêler à d'autres () Dans les fabriques en grand, l’acétate de fer neutre, bien soluble dans l’eau et préparé avec le vinaigre de bois , reviendrait à peu près à 4 fr. le kil., tandis que le vitriol vert vaut au plus 10 sous dans le commerce, 10 (74) ingrédients astringents pour obtenir ce fluide d'un beau noir et bien eoulant. Cette observation pourra aussi être utile aux teinturiers, etc, Ainsi, Messieurs, en examinant les résuliats des expé- riences consignées dans les deux premières parties de ce mémoire , plus les observations et les notes qui en font souvent les corollaires, on voit : 9 Que les feuilles du pAytolacca decandra, employées plutôt rouges que vertes, donnent aux tissus, avec les sels ferrugineux et autres mordants terreux et métal- liques, des couleurs jaunes, fauves, violacées, etc. 29 Que les baies de cette plante peuvent donner au fil de lin, mais particulièrement au fil de coton et même à la laine , des couleurs variées et solides , en raison des mor- dants employés pour fixer ces couleurs, et produire en outre un rouge de fard économique , qui peut remplacer le carmin ordinaire sans en avoir les inconvénients (x). 3° Qu'on peut encore tirer un parti avantageux des feuilles rouges de la phytolaque et de ses baies pour la préparation d’une encre économique, ou pour en faire une encre perfectionnée et presqu'indélébile , en asso- ciant l’une et l'autre, suivant certaines circonstances , avec la noix de galle , le boïs d'inde ou autres ingrédients astringents. En définitif, cet ouvrage sur les propriétés tinctoriales et colorantes des feuilles et des baies du phytolacca decan- dra, est encore incomplet, je l'avoue; mais il donnera occasion, par les nombreux détails qu'il comporte, aux chimistes manufacturiers et aux teinturiers plus instruits que moi, de faire de nouvelles recherches sur ce beau végétal, que je regarde, avec le coriaria myrtifolia, étant l'un QG) Nota. Un grand nombre d'échantillons en laine, coton, fil, toile de liu, teints par les procédés indiqués dans cet ouvrage, ont été exposés aux regards de l'Académie, et remis à Ja garde de son biblivthécaire, C75) et l'autre cultivés en France, comme pouvant suppléer, dans nos ateliers de teinturerie, bon nombre d'ingrédients exotiques qu'on y emploie et qu’on y emploiera proba- blement encore long-temps, ne füt-ce que par la force de l’habitude et souvent de préjugés ; mais, en dernier résultat, ces deux végétaux finiront par devenir indigènes chez nous comme la lavande , l'isatis que nos teinturiers .n'employaient pas autrefois. Je vais terminer ce travail en y traitant de la culture, en France, du phytolacca decandra, considéré spécialement comme ingrédient tinctorial et atramentaire ; J y ajoute- rai une note supplétive contenant diverses remarques et observations sur les propriétés générales et particu- lières de ce végétal. Culture cn grand du phytolocca decandra, L.; précédée d'observations sur l'ouvrage de M. Dambourney ; etc. Messieurs, jamais ouvrage ne parut plus utile ni plus français que celui que publia, il y a près d’un demi- siècle, feu M. Dambourney, membre de cette Acadé- mie. Aussi fut-il imprimé aux frais du gouvernement. Le savant Dambourney y traita des propriétés teintu- riennes d'un grand nombre de végétaux, dont la plupart croissent spontanément en France , sur toutes sortes de sites, dans des terreins vagues et souvent les plus ingrats. Tout faisait présager alors que les travaux de notre conci- toyen seraient continués, étendus, et qu'on finirait par recueillir ou récolter, au moins en grande partie, sur le sol de la belle France , des ingrédients pour alimenter les ateliers de teinture ; mais ilen a été autrement jusqu'à ces derniers temps, car les teinturiers n'employent guères que trois à quatre de ces ingrédients excrus en tout ou par- tie dans nos contrées ; savoir : la garance , le brou de noix, le pastel ou vouède et la vaude ; car nous n'y comprenons (76) par le chardon à bonnetier (dipsacus fullonum), qu'on ent- ploie à lainer les draps, et non à les teindre. Néanmoins M. Dambourney tira de belles et de bonnes couleurs de dix à douze plantes herbacées ou ligneuses qui s'offrent naturellement à nos regards. Dans ce nombre se trouvent, en première ligne, le bouleau ordinaire (betula alba) , la fumeterre, plante extrêmement vivace qui croît partout avec ou sans culture, et dont on peut faire au moins deux bonnes récoltes par an; le genet à balais, le peu- plier d'Italie et ses nombreux congénères, le rhamnus frangula où la bourgène, les rhus, le coriaria myrtifo- lia, etc., tous végétaux qu'on peut récolter abondam- ment dans nos contrées, sans nuire à la culture de la plante la plus utile à l'homme, le blé, et qui peuvent, selon M. Dambourney, remplacer en teinture les ma- tières exotiques pour lesquelles la France est encore bé- névolement tributaire de l'étranger. Sans doûte que de hautes considérations d'économie politique empêchèrent le gouvernement de faire donner suite aux travaux de M. Dambourney et à ceux pour la fabrication du sucre de betterave , dont la possibilité fut constatée sous le ministère de M. le baron de Breteuil(x); mais alors la France possédait d'immenses colonies dans les deux Indes, avec lesquelles on devait conserver des moyens d'échange... Maintenant, tout est bien changé, et notre intérêt bien entendu, après la perte de ces colo- nies, est que nous récoltions sur le sol français les ingré- rt () Comme nous l'avons déjà dit , l'ouvrage sur les produits tincto— riaux obtenus d’un grand nombre de végétaux indigènes fut imprimé aux frais du gouvernement en 1786. À peu près à la mème époque, M. de Breteuil, ministre de Louis XVI, fit répéter en France les expériences du chimiste de Berlin, Hachard, d'où il résulta qu’on pouvait obtenir des betteraves blanches veinées de rouge nn sucre très analogue à celui que donne l’arundo saccharifera. CY7A dients tinctoriaux qu'elles fournissaient jadis à la métro- pole contre des farines, des meubles, de l’orfèvrerie , des modes, etc., etc. C'est pour atteindre en partie ce but que je propose le phytolacca decandra, cultivé en France comme ingrédient tinctorial et atramentaire. * Culture en grand du phitolacca decandra , L. La culture de cette plante vivace , originaire, dit-on, du nord de l'Amérique , est d'autant plus facile dans nos contrées qu’elle y croît dans toutes sortes de terreins. Elle peut donner annuellement deux bonnes récoltes de ses feuilles «la première dans le mois de juillet , et l’autre en novembre ; mais elle ne produit pas de fruit si la plante est coupée en juillet. Plus l’année est chaude et la plante bien orientée, plusles feuilles et les baies qu’elle produit sont belles et propres à la teinture et dans les arts (1). On peut cultiver et multiplier la phytolaque de deux manières, 1° en retirant ses racines de terre au mois de mars pour en faire des plants; 2° en faisant des pépi- nières au moyen du semis de sa graine , et en repiquant les sujets qui en proviennent. Dans le premier cas, on prend de ses racines (âgées de trois à quatre ans autant que faire se peut); on les divise en les coupants par section longitudinales, puis on les replante en ligne dans un terrein meuble; la distance entre chaque pied doit être d’au moins un mètre en tout sens, car la phytolaque est très rameuse ; la racine ou ses tronçons doivent être recouverts de l'épaisseur de deux ————— À (1) A la seconde production des feuilles, la plante fleurit encore, mais ses baies n'ont pas le temps de mûrir; cela se conçoit aisément. Alors les fruits avortent , mais les feuilles deviennent belles et prennent une couleur rouge de sang vers l’arrière-saison. (78 ) pouces de terre, et l'époque la plus favorable en Nor- mandie pour faire ces plantations est du dix au quinze du mois de mars. La plante ne donne qu'une coupe de feuilles la première année de sa plantation. Cinq à six forts pieds de cette racine, convenablement divisés , suf- fisent pour en garnir une perche de terre à vingt-deux pieds de côté pour perche , et pour rapporter au-delà de cent kilogrammes de feuilles , en en faisant deux coupes par saison. Les racines durent six à huit ans en plein rap- port; si elles deviennent trop multiples, ce qui arrive souvent, alors on les éclaircit pour donner de Pair à la plante et pour faciliter son accroissement. Culture de la phytolaque par le semis de sa graine. D'abord on établira une couche de terre ordinaire, dans laquelle on mêle environ le quart de son volume de vieux terreau , ou à défaut une corbeille ou deux de croltin de cheval, puis, au commencement de mars, on y plante, à trois pouces environ de distance l’une de l’autre , de belle graine sèche de phytolucca decandra de la dernière récolte. Chaque baie doit être recouverte d'à peu près un pouce de terre. On peut également faire une bonne pépinière de cette plante en sem'ant ses baïes sur une terre arable bien amendée et meuble. Trente à trente-six jours après le semis, la plante sort de terre, et une graine donne souvent , comme celle de betterave, plusieurs individus. Quand les jeunes tiges ont acquis deux à trois pouces d'élévation au-dessus du sol, alors on en- lève chaque pied avec précaution, on divise les multiples et on les replante au piquet, en mettant trois pieds d’in- tervalle en tout sens entre chaque pied. Une perche de terre emblavée de cette graine peut four- nir assez de plant pour en garnir un arpent; et, comme nous l'avons déjà fait observer, tous les sols sont à peu près bons à la culture de cette belle et utile plante. (79) Ainsi, deux moyens, la division des racines ou le semis, tous deux faciles d'exécution, s’offrent aux agri- culteurs pour la multiplication aux champs du phytolacea decandra, sans autre soin qu'un sarclage et un binage dans le printemps, car les grandes et nombreuses feuilles qu'il produit finissent par étouffer les mauvaises herbes qui environnent cette magnifique plante, avantages que n'a pas la vaude et encore moins la garance , qui exigent des sols choisis et de longues cultures pour leur entière prospérité. Nous ajouterons que les tiges de la phytolaque, sèches et brûlées , donnent une cendre telle- ment riche en salin pour les buanderies ou pour en faire de la potasse, qu'elle en contient souvent jusqu’à près de la moitié de son poids. ( Braconot , etc. ) Ea définitif, la culture en grand du phytolacca decandra et celle du coriaria myrtifolia, dont j'ai entretenu l'Acadé- mie en 1829 (1), peuvent devenir en France une indus- trie aussi utile que lucrative à ceux qui s’y livreront, puisque toutes les parties de ces végétaux donnent des produits avantageux à l’agronomie , aux arts, en teintu- rerie , etc. Ici, Messieurs, se termine mon long et laborieux travail sur le phytolacca decandra; mais prêtez-moi encore un moment d'attention pour entendre une note supplétive que j'ai cru devoir y ajouter, ne fût-ce que comme objet de renseignements. QG) Voir, à cet égard, le Précis analytique des travaux de l'Aca- démie de Rouen, imprimé en 182q,. ( 80 ) Note supplétive au travail précédent. Les feuilles du phytolacca decandra, comme nous l’a- vons fait observer, peuvent servir en teinture et pour en faire de l'encre; mais il est certain que plus elles sont rouges, mieux elles valent, employées comme ingré- dient tinctorial, surtout à l'égard des couleurs fauves noirâtres et avec les sels ferrugineux. J'ignore à quelle cause on peut attribuer la coloration tardive de ces feuilles , d'abord vertes, et encore pourquoi elles perdent , en devenant rouges, en vieillissant ou par leur exposition à la rosée , le tanin qu’elles contiennent pendant les trois premiers mois de leur végétation, pour se saturer en quelque sorte d'acide gallique ; mais cet ef- fet, que je crois avoir signalé le premier, se reproduit aussi sur diverses plantes, et spécialement sur les feuilles du quercus nigra où chêne quercitron, les sumacs cultivés en France , etc. ; et plus les feuilles de ces végétaux rou- gissent par la vétusté, et plus elles sont riches en acide gallique et pauvres en tanin. En général, ces feuilles se conservent bien et ne sont jamais attaquées des vers; toutes remarques qui ne sont pas sans intérêt pour les cultivateurs , pour ceux qui emploieraient ces ingrédients en teinturerie , etc. On a dit, dans plusieurs ouvrages anciens et moder- nes, que la phytolaque, un peu congenère des solanées, pouvait servir d’aliment, et que ses jeunes pousses et même ses larges feuilles vertes, arrangées comme les épinards (spinacia oleracea) ; étaient un excellent mets... Nous avons fait l'épreuve sur nous même de cette alimen- tation, et, d’après ses effets sur l'estomac, qu’elle semble paralyser, nous ne conseillerions jamais d’en faire usage qu'avec la plus grande réserve. (8: ) Messieurs, après avoir examiné chimiquement les feuilles vertes de la phytolaque, j'ai reconnu aussi qu'elles avaient beaucoup d'analogie de composition avec celles du nicotiana tabacum , analysées précédemment par M. Vauquelin. Enfin, d’autres expériences faites l’année der- nière sur ces mêmes feuilles, me portent à croire qu’on peut en obtenir d’aussi bon tabac à priser que celui pré- paré en France avec les nicotianes qu’on y cultive. Je continuerai mes essais à cet égard, et je rendrai proba- blement compte à l’Académie des résultats que j’en aurai obtenus, ainsi que de ceux que je me propose de faire de nouveau sur les fruits du phytolacca decandra, pour en isoler les deux principes colorants : le Jaune et le rouge. Dureuc. 11 (82) AAA AAA A AAA AA AAA AAA AA AAA RAA AAA APP AA RÉFLEXIONS SUR LA NAVIGATION DE LA SEINE, Entre Paris et Rouen ; Lues à l'Académie, le 15 juiliet 183, Par M. LEPASQUIER. RTESSIEURS, La ville de Rouen était encore, il n’y a que peu d'années, l’entrepôt de la presque totalité des marchan- dises qui s’expédient par mer pour l’approvisionnement de la capitale; arrivant directement en ce port, ou transbordées au Havre sur allèges, elles remplissaient alors les magasins de nos négociants et de nos commis- sionnaires. Elles s’accaumulaient sur nos quais, où se faisait remarquer une prodigieuse activité, et n'étaient dirigées vers leur destination qu'après avoir procuré aux spéculateurs des bénéfices, aux simples expéditeurs intermédiaires des droits de commission, aux ouvriers un salaire. Le transport par eau de ces mêmes marchandises as- surait encore aux mariniers de Rouen un fret avantageux qui variait, dans les basses eaux, de 22 à 24 francs par tonneau , et dans les eaux ordinaires, de 15 à 18 francs; quelques picards venaient , à la verité, prendre part à ces bénéfices ; mais, en définitive , la portion la plus consi- dérable demeurait acquise à notre pays. Cet état de choses n’est plus le même depuis neuf à . : de s TS SR SP PR PS TT (83) années environ : la lenteur avec laquelle marchaient les bateaux de transport , les nombreux accidents qui les retardaient encore dans le trajet, soit à cause de l'excès de chargement, soit en raison des écueils si fréquents que présente en été le lit de la Seine, soit par Pimpré- voyance et le défaut de soin des conducteurs, excitaient les plaintes les plus vives, comme les mieux fondées, des négociants de Paris. De notre temps, l’activité est l'ame du commerce et l’une des conditions essentielles d’un heureux succès en affaires ; aussi souffrait-on impa- tiemment, dans la capitale, d'être toujours incertain de l'époque de l’arrivée des marchandises expédiées du port de Rouen, et de ne les recevoir ordinairement que vingt, vingt-cinq et quelquelois trente jours après leur embarquement. Cet inconvénient devenait tellement grave , que la voie du roulage, quoique beaucoup plus coûteuse, commençait d'être préférée. Ce fut dans ces circonstances que s’organisèrent suc- cessivement diverses entreprises de bateaux à vapeur pour le transport des marchandises entre le Havre et Rouen. Ces bateaux, à qui un moteur puissant permet- tait de franchir sans difficulté le passage de Quillebeuf, et dont la marche régulière garantissait, en quelque sorte, l'arrivée à heure fixe dans le port de Paris, obtinrent, dèsles premiers temps de leur navigation, des chargements considérables, etréalisèrent d'abondantes recettes. Toute- fois, les entreprises auxquelles ils appartenaient n’ont point prospéré, d’une part, à cause du peu d'ordre et d'économie qui, selon toute apparence, fut apportée dans leurs dépenses; d'autre part, parce que le poids des machines à feu dont ces bateaux étaient armés exigeant à lui seul un tirant d’eau assez considérable, il leur était impossible de naviguer pendant près de trois mois de l’année, où la hauteur de l’eau n'excède pas quatre-vingt-huit centimètres à l'étiage de Vernon. (84) En 1826, une nouvelle association se forma dans le même but d'exploiter le transport des marchandises par eau entre le Havre et Paris; mais, instruits par l’expé- rience, les entrepreneurs adoptèrent un système propre à conserver à leurs bateaux les avantages d’une marche rapide, en évitant l'inconvénient des basses eaux du fleuve, Ainsi, ils les remorquent entre le Havre et Duclair au moyen d’un bateau à vapeur ; amenés ensuite jusques dans le port de Rouen, ces bateaux franchissent le pont et se dirigent sur Paris, halés par des chevaux disposés, en relais, de distance en distance. Ils doivent arriver à leur destination cent onze heures après leur départ de Rouen. Cependant, les bateaux à vapeur, précédemment mis en navigation entre le Havre et Paris, et plus encore le projet de la nouvelle entreprise que lon vient de si- gnaler, avaient éveillé l'attention des principaux mariniers de Rouen, qui sentirent que le transport des approvision- nements de la capitale finirait par leur échapper com- plètement , s'ils ne changeaient rien à leur ancien mode de navigation. ls s’organisèrent donc en société , convinrent des dispositions nécessaires pour qu'un de leurs bateaux , au moins, fût toujours en chargement au port de Rouen, et pour que chaque bateau chargé fit également, en cent onze heures , le trajet de Rouen à Paris. On conçoit que, pour les mettre en mesure de remplir cette dernière condition, si intéressante pour le commerce , il fallait leur donner les moyens de vaincre les obstacles qui nourraient ralentir leur marche pendant le trajet; en conséquence, une décision mi- nistérielle du 3 juin 1826 , accorda à cette compagnie certains priviléges sur tous les autres bateaux naviguant par les moyens ordinaires (1). (1) Ces priviléges consistaient dans le droit de trématage et de prio- rité de passage aux ponts et perluis. (85) A peine cette société fut-elle formée , que tousles autres mariniers sentirent combien il était important pour leurs intérêts de s'organiser de la même manière ; plusieurs demandes furent , en conséquence , adressées au gouverne- ment, à l’eflet d'obtenir de semblables priviléges, qui furent accordés sans difficulté à trois autres compagnies. Ainsi , la détermination prise par quelques mariniers d'organiser un service accéléré de Rouen à Paris, eut et devait avoir pour résultat de stimuler tous les autres à suivre cet exemple. Il est seulement à regretter que cette détermination n'ait point eu lieu quelques années plutôt. Tout semble indiquer qu'en prévenant ainsi les plaintes du commerce de Paris, ils n'auraient point sugoéré l’idée de former des entreprises rivales qui en- lèvent aujourd'hui à la place de Rouen une partie des avantages dont elle jouissait auparavant, et qui menacent de l’en priver tout-à-fait. Le tableau suivant donnera une idée du développement qu'a pris, depuis quelques années, la navigation , par voie accélérée , entre le Havre, Rouen et Paris. NAVIGATION DU HAVRE À ROUEN, A PARIS. NAVIGATION DE ROUEN A PARIS. Nombre de ses bateaux. Nombre de ses bateaux. DÉNOMINATION de chaque entreprise. DÉNOMINATION de chaque entreprise. Bateaux accélérés en sapin, ateaux accélérés normands. dits chalans . 20 (1)Bateaux id. Fleury . .: . Bateaux à vapeur en fer et Bateaux id. de b. Seine. chalans + 8 Bateaux id. de Seine-et- » [e-] si © e 2 TZ 7e] AOL 2.5. (x) Ces bateaux sont pontés et du port de 220 tonneaux, ainsi que les chalans de l’entreprise des Bateaux à vapeur ; quant à ceux-ci, leur tonnage varie de 120 k 130 tonneaux. (2) Les bateaux de cette entreprise sont, en général, connus sous la dénomina- tion de besognes ; ils diffèrent beaucoup entr'eux quant au tonnage; il eu est de même de ceux des trois autres entreprises : ils portent communément 300, 850, 400 et jusqu'à 450 tonneaux. Le nombre des bateaux qui font la navigation à longs jours est de 120 à 130. ( 86 ) Le premier effet de l'établissement de ces entreprises, et de l’active concurrence qui s'ouvrit bientôt entr'elles, fut de faire baisser considérablement les prix des trans- ports. On a dit plus haut que ces prix étaient de 15 à 18 francs dans l’état des eaux ordinaires. Il sont descen- dus au point de varier de 8 à ro francs. Dans cet état de choses, la modicité des bénéfices dut stimuler les chefs des différentes entreprises à rechercher tous les moyens de diminuer leurs frais et d’applanir les obstacles qui pouvaient entraver la célérité ou la facilité de la marche de leurs bateaux. ut C’est ainsi que l’on fut naturellement, conduit à exa- miner quelles modifications il pouvait être convenable d'apporter aux anciens réglements concernant la naviga- tion de la Seine. RO PRE: Il existe entre Rouen et Paris plusieurs ponts, plu- sieurs pertuits qu’il est assez difficile de franchir, et dont quelques-uns même présentent d’assez graves dangers. En conséquence, le gouvernement avait préposé à cha- cun de ces passages, depuis un temps pour ainsi dire immémorial, des agents connus sous la dénomination de maitres de pont où perluis, chargés de procurer aux con- ducteurs de bateaux les chevaux et agrès nécessaires, de diriger leur marche ,, de leur faire éviter les écueils où viendrait échouer leur inexpérience. Ils remplissent, en un mot, un office tout-à-fait analogue à celui des pilotes à l'entrée des ports maritimes. Leurs fonctions et devoirs sont determinés par les six premiers articles du chapi- tre 4 de l’ordonnance de 1672. ; Les bateaux qui naviguent de Rouen à Paris ont à franchir seize passages de cette nature : les pertuis de Mallot, de Poses, des Gourdaines et de la Morue, et les ponts de Vernon, de Mantes, de Meulan, de Poissy, de Maisons, du Pecq, de Chatou, de Besons, d’Asnières , de Neuilly, de S.-Cloud et de Sèvres. À chacun de ces pas- ( 87 ) sages, les conducteurs de bateaux sont tenus de payer au maître et à ses agents des rétributions qui s’élevaient, en totalité, à la somme de 268 francs pour un bateau mon- tant à Paris, ayant trente-trois mètres de long et du port d'environ 200 tonneaux. Il est vrai qu'elles étaient pour la plupart abusives, en ce sens que l’on n’obser- vait plus le tarif émané autrefois du ministère de l'intérieur , et qui avait eu pour objet d’en déterminer la quotité ; mais les abus se trouvaient tellement enracinés par la succession des temps, qu'il eût été impossible aux mariniers d’invoquer ce tarif, qui, au surplus, était devenu lui-même susceptible de révision. Cette révision a eu lieu; elle résulte d’un arrêté du Ministre de l’intérieur, en date du 5 mars 1831. En conséquence , les bateaux qui, dans les circonstances précédemment indiquées, payaient en rétribution aux maîtres des ponts et pertuis une somme de 268 francs, ne leur payent plus aujourd'hui que 139 francs Go cent. Ce même réglement renferme, d’ailleurs, sur l’organi- salion du service des maîtres de ponts et pertuis, sur la police de la navigation de la Seine , sur la fixation du tirant d’eau des bateaux, diverses dispositions essentiellement propres à faire atteindre au but que doit se proposer l’administra- tion publique. Il ne reste plus, pour ainsi dire, qu'un vœu à former dans l’intérêt de la navigation de la Seine, c’est l’exécu- tion d’un projet qui aurait pour résultat de maintenir en toute saison, dans le lit du fleuve, une hauteur d’eau de deux mètres au moins. Ce projet a été étudié par un des plus habiles ingénieurs dont s’honore aujourd’hui le corps des Ponts et Chaussées, et il n’exigerait point, pour être réalisé, au-delà d’une dépense de trente-six millions. Il s’agit donc d'examiner si les droits de péage qui pour- raient être perçus sur la Seine ainsi canalisée, s’élève- raient à une somme représentative des intérêts de ce ( 88 ) capital et d’un fonds d'amortissement suflisant pour l'éteindre dans un espace de temps déterminé. Le gouvernement a seul les moyens d'obtenir, à cet égard, des appréciations exactes, en faisant dresser un état détaillé de toutes les marchandises auxquelles le lit de la Seine sert annuellement de véhicule, non-seulement entre Paris et Rouen, mais encore entre tous les points intermédiaires, soit en montant, soit en descendant, L'administration du département de la Seine-Inférieure ne peut recueillir les éléments partiels de l’état dont il s’agit qu’en ce qui concerne les marchandises qui sont expédiées de Rouen sur la capitale ; elle n’a point négligé ce soin , et le tableau ci-après indique , mois par mois, quelle a été l'importance de ces expéditions pendant les trois années qui ont précédé celle où nous venons d’en- trer. On voit que ces expéditions ont suivi une progres- sion toujours croissante , et qui est exprimée Pour 1828, par le chiffre....... 136,028,o1g kil. Pour 1829, par le chiffre. ...... 182,414,544 Pour 1830, par le chiffre....... 209,056,434 Un second tableau placé à la suite de celui dont on vient de parler, indique, quinzaine par quinzaine, et pour chaque nature de marchandises ; le prix des trans- ports pendant les mêmes années. ( Voir les tableaux x et 2 ci-contre.) TABLEAU No 7. Précis Analyt., page 88. = = zr RE D me nn AS Er nr __ : BATEAUX ACCÉLÉRE BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ARTICULÉS À VAPEUR BATEAUX À VAPEUR BATEAUX MOIS. Normanns. Freury Morer. BERTIN ET cie, HerFort Er cie. Hugert ET DELANNEAU. JorpAn ET cie, NAVIGUANT À LONGS JOURS. RE Ca er 1825. 1829. 1830. 1828. 1829. 1850, 1828. 1829, 1830. 1828. 1829 1830. 1828 1829. 1830. 1828. 1829. 1830. 1828. 1829. 1820. nn, | men, À nes | CE | | En | Ce mem | cou mers | eme menmgemmennemees | cocon | eee À un | eme | co e Noces cms | | | | commun | À kilog. kilog. kilog kilog kilog. kilog. kilog kilog. kilog kilog kilog. kilog. kilog. kilog. kilog. kilog. kilog, kilog. kilog. ; JANVIER... 3,5,2,000 2,260,700 ” (1) 2,055,000 ” 1,590,880 271,000 7 960,000 379,444 # » (3) ” " » (4) " n (5) # 619,000 ZA 5 Février ...) 5,880,000 3,149,0g1 2,022,000 2,975,000 364,000 1,063,324 ” (2) ” 780,000 1,287,478 193,068 ” ” 7 2 12,000 C2 129,000 295,800 827,800 |à Mans...... 70,000 7:306,978 | 7,263,o00 1,758,000 3,839,300 1,209,000 2,175,200 | 3,28/,500 970,000 2,689,80ÿ | 2,5/2,796 " ” " ” 140,400 “ 140,400 2,410,180 | 6,936,290 AvuL......) 4,742,000 71352,6o0 50,o0o 3,067,900 5,000 1,237,000 642,000 | 2,023,496 1,590 ,000 1,536,156 | :,707,821 u ” 2 " 125,000 "” 125,000 3,804,838 | 9,473,948 Mar...) 4,463 oo 6,818,500 6,828,000 2,519,000 2,427,900 506,500 2,/90,000 1,909,/15 4,003,500 2,716,000 2,711,422 1,628,256 ” 2 ” 2 334,760 " 334,760 146,200 245,000 2,588, 105 8,254.634 JUIN: .-- 4,611,000 7:485,000 7:005,000 3,060,000 2,000,500 3,012,500 993,000 2,104,956 3,061,500 2,290,000 1,832,218 2,897,894 / ” " ” " ” 1 107,000 360,000 5,180,563 4:413,650 Juuuer....] 5,643,000 6,762,000 6,095,000 2,255,000 77 #:755,800 1,925,000 2,066,700 1,972,000 2,556,96/ 2,135,446 ” ” 7 ” ” 635,565 ” 7 226,613 686,000 5,556,365 5,193,800 AoUT.... 4844355 4,039,000 5,555,000 2,068,760 1,995,500 1,109,000 1,190,230 1,739,200 2,515,536 2,061,117 1,789,691 2,062,843 ” 7 ” 2 491,300 212,058 " 491,300 193,932 285,947 3,148,050 5,407,500 SEprEMEREe 4:934,449 6,984,000 4,345,000 2,926,0g0 2,921,200 2,512,500 777104 754,000 2,10/,974 2,122,148 2,576,301 1,145,502 7 ” # ” 99,500 377,901 ” 90,500 433,550 2,658,;g0 4,589,465 ME Ocroëre | 7,966,045 000 5,198,750 3,007,50ÿ 1,612,500 1,952,000 2,829,912 2,758, 743 2,035,027 2,575,419 2,029,451 ”“ " " ” 120,100, 226,996 , 120; 100 449,740 5,455,188 4,462;018 47 Novemmue. | 4,841,281 | 74373,000 | 5,9%5,000 À 2,325,511 | 3,;44,500 | 3,589,200 898,250 2,96/,750 À 1,265,/68 | 2,175,077 | 1,716,955 ï ” 835,250 " ” ” ” ” 48,26 | 3,60g,100 | 4,759,z03 (, . 30- Décemne..| G,208,892 | 4,300,000 | 6,330,00p || 2,773,700 | 2,678,500 | 3,85,000 | 2,591,793 3,369,750 À 1,681,005 | 1,424,758| 31,727,463 ” ï 555,564 2 " 4715220 ” ” 144,600 | 1,697,725 | 3,307,865 SR RTE) LE ©, ee | e 7 . 5 72:283,519 | 63,949,350 À 30,373,;0 | 28,8/1,460 30,090,800 À 18,795,593 | 17,38:,168 30,328,597 20,742,460 | 23,539,93q | 29:797,675 # " 1,390,814 ” 1,431,060 4,540,645 2 1,431,060 1,337,400 | 3,428,053 | 37,023,704 | 57,626,173 (1) La compagnie des Accélérés Normands, non plus que les autres compagnies, (3) La compagnie des Accélérés Herfort et comp® n’est formée que depuis le mois > de novembre 1830. C'est ce qui explique les lacunes que présentent les colonnes 14, perce que la Seine a èté glacée depuis le 23 décembre 1824 jusqu'au 20 février suivant. n'a pu faire partir aucun bateau du port de Rouen pendant Île mois de janvier 182 15 et 16 du présent tableau. (4) Les Bateaux articulés à vapeur de la compagnie Hubert et Delannrau sont toujours chargés au Havre en destination pour Paris; mais tantôt ils se rendent directement dans la capitale, tantôt leurs marchandises sont transbordées à Rouen sur d'autres bateaux, selon que les entrepreneurs jugent cette manœuyre plus convenable (2) Aucun des bateaux de la compagnie des Æccélér. olet ne s'est trouvé au port de Rouen en février 182q. Il n'en a donc pu être mis en chargement pour la ca- pitale. — La mème observation s'applique à cette compagnie en ce qui concerne le mois de février 1830. s. Dans le premier cas, les transports directs sont indiqués en correspon- dance avec chacun des mois pendant lesquels ils ont eu lieu; dans le second, ils ont dù être omis, parce qu'ils sont confondus avec ceux qu'ont effectués les autres compa= gnies. Au surplus, cette compagnie a terminé ses opérations; sa liquidation s’est opérée et ses bateaux ont passé eu d’autres mains. (5) D'abord, les marchandises apportées du Havre à Rouen parles Bateaux à va peur Jordan et comp, élaient irausbordées sur les Bateaux accélérés Normands, en conséquence d'arrangements faits entre les deux entreprises. Ces arrangements ont : re . depuis été modifiés, et tous les bateaux vont directement à Paris ou s'arrètent à Rouen, selon que la navigation de la Haute-Seine leur offre plus ou moins de facilités, en raison de la hauteur des eaux à l'étiage régulateur du pont de Vernon. De là les La- à £ é au. cunes qui se font remarquer dans Jes colonnes :0, 21 et 22 du présent table TABLEAU N° 2. INDICA TION ÉPICERIES. LIQUIDES. ER re ct 29 des QUINZAINES MOIS. 1828, 1829. 1829. 1830. 1828. 1829. 18230. 1828. 1829. 1830, Rs mener | comen, | eoemeeemeees corse eme ae | CORRE COR LE C SERE | o nn | ire Quinzaine ; nr 12 à 131 PE 148 12,13 et14f PL 1of 11 à 120 PA q£ 11 à ax Sof JANVIER. . 20 idem. 7 ” ire Quinzaine, ” 10 50 à 12 12 à 12 50 ” 12 12 à 12 50 ” 8 9 11 50 à 12 " Sà 9 11 à 11 5o FÉVRIER. ...... 29 idem... i id, 9 à 10 id, 15 à 16 10 it id. 15 à 16 1e Quinzaine, , 10 à 10 bo 9 10 à 11 AIT 9 10 I1à » 14 Mans.. à é E ; 3 : 2% idem... # id, 7 50a8 id. 17 18 8 id. L 18 110 Quinzaine, ” 10 à 10 5o 8 10 à 11 15 50 à 16 ARTE sa ele ls alale . 5 : : * 10 idem... ” id. 8àa) id. 14 à 15 are Quinzaine, n 10 À ut 10 IL à # 13 7 Mar 12 à 12 5o un 16 id. 29 idem 17 14 à 14 14 à 15 |12,14,17 1re Quinzaine, ” 10 22 12 50 22 ” 19 à + OUIN A Maure av idem... ' 24 26 14 23" 14 id, 11e Quinzaine. ” 20 22 Jurirer 20 idem... ” 12 15 72 1114 12 72 à 10 it ” 15 ” ADUT rene à « 9 x 22 idem... “ 10 # 8 50 à 9 10 ” 16 17 ire Quinzaine. ” 10 11 8à y 11 ” 16 ” SEPTEMBRE. . 2° idem.. …. ” 10 ” 10 11 10 17 ” ire Quinzaine. ” 10 ” 11 50 à » 1 1” Ocrogne....., Q 9 7 ae idem... ” 10 11 DE SE) 10 1 à y 13 14 16 », 16 y 11 5o à 12 Er 14 15 Novennre re Quinzaine. . “ 10 ‘11 2 idem... “ 16 17 are Quinzaine. ” 1# ” Décemnre. 2e jidem.,,., ” 13 7 10 50 11 12 ” 12 à 12 50 { l ! l { l { l f { Le is { 1t6 Quinzaine, ” it 12 | { ll | ( 89 ) AAA AAA AAA AAA AAA AA A AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA A AAA NOTICE SUR LE PUCERON LANIGÈRE; Lue à l’Académie, dans la séance du 27 mar 183x, Par M. Hourou LA BILLARDIÈRE. Messieurs , Plusieurs fois notre honorable confrère M. Dubuc nous a entretenu du puceron lanigère, qui devient de plus en plus abondant dans nos contrées, et produit sur les pommiers, sur lesquels il vit habituellement, des dé- gâts tellement graves, qu'ils font craindre la perte d’un grand nombre de ces arbres, ou au moins celle d’une grande partie de leurs produits. M. Dubuc, dans ses re- cherches sur cet insecte nuisible , ne s’est pas seulement borné à présenter les dégâts q u’il produit sur les pommiers et les moyens de le détruire, mais il l’a encore examiné sous le rapport chimique, et a découvert dans cet in- secte le mème principe colorant que celui qui existe dans la cochenille. Après des travaux aussi complets que ceux de M. Dubuc sur cet insecte , et insérés par extraits dans les volumes de l'Académie de Rouen, il me reste bien peu de chose à dire ; aussi ce que J'ai l'intention de communiquer à la Compagnie est une observation assez curieuse sur ces insectes, Les pucerons lanigères vivent en société, attachés aux branches des pommiers , et toujours en dessous, eb pré- sentent , par leur réunion, des masses qui ressemblent 12 C90 ) à des tampons de coton formés par le duvet dont ces in- sectes sont pourvus sur la partie postérieure du corps. Au milieu de la partie cotonneuse de ces masses d'insectes, on remarque, surtout le matin, une grande quantité de pe- tites gouttelettes de liquide transparent et incolore , dont les plus grosses tombent lorsqu'on remue les branches. Ces gouttelettes , vues à la loupe , paraissent recouvertes d’une membrane , et adhérentes à la partie postérieure de l'abdomen de ces insectes. Le liquide qui sort de ces espèces de vésicules jouit de propriétés alcalines à un degré tellement marqué que, non-seulement le papier de tournesol rougi par un acide, sur lequel on met de ce liquide, devient d’un bleu très prononcé , mais encore que certaines matières colorées sur lesquelles on le fait agir éprouvent des effets qui dénotent la présence d’un alcali concentré. Je citerai, par exemple , l'effet produit sur de la toile teinte par le bleu de prusse , dont la couleur bleue est détruite par ce liquide, couleur qui exige, pour éprou- ver le mème effet décolorant, un alcali caustique à un degré assez fort. Les insectes dépourvus des vésicules al- calines, écrasés sur le papier rouge de tournesol, ne pro- duisent pas les mêmes effets alcalins ; ils donnent seule- ment une tache brune , mais paraissent, au contraire, rougir le papier bleu de tournesol, indiquant par là des propriélés acides. Le puceron lanigère secrétant abondamment un liquide très alcalin , et vivant sur les branches de pommier, en introduisant sa trompe dans l'écorce, y introduit peut- être en même temps une certaine quantité de matière aälcaline qui détermine, sur ces parties de l'arbre, les excroissances que l’on y remarque. Ce qui porte à penser qu'il en est ainsi , c’est que le puceron du rosica , qui a la même organisation et le même mode d’existence que le puceron lanigère , sans avoir la faculté de secréter un liquide alcalin comme ce dernier, ne détermine pas (gr) d’excroissance sur les branches des arbustes sur lesquels il vit. On peut donc supposer avec vraisemblance que les dégâts que le puceron lanigère occasionne sur les pommiers sont dûs aux secrétions alcalines, qui sont si abondantes, que ces insectes, par l'instinct que la nature leur a donné, se placent toujours sous les bran- ches pour que les vésicules dont j'ai parlé tombent par terre ; autrement , la quantité de liquide que ces insectes secrètent inonderait bientôt leur république , s’ils se pla- çaient sur les branches. Les dégâts que ces insectes font sur les pommiers me font faire tous les jours des vœux pour que l’on découvre un moyen efficace de les détruire. Loin de blâmer ceux proposés par M. Dubuc, je les regarde comme bons en eux-mêmes , mais d'une exécution longue et très diffi- cile ; je pense que ce n’est pas par de tels moyens que l’on pourra parvenir à détruire des myriades de ces insec- tes qui ravagent les vergers de la Normandie, mais en en cherchant d’analogues à ceux qui réussissent parfaite- ment pour détruire certains insectes , tels que les cha- rençons du blé: j’en citerai un exemple dont le résultat ne peut être contesté, et que j'ai mis en pratique, avec le plus grand succès , sur des masses assez considérables de blé : il suffit, pour cela , de couvrir le tas de blé avec des branches et des feuilles de sureau , et, dans l'hiver, d’'é- craser les branches pour développer davantage l'odeur de cet arbuste, qui fait fuir complètement ces insectes des- tructeurs ; peut-être que l’odeur de quelques plantes ou des fumigations produiraient des effets analogues sur le puceron lanigère , et seraient d’une application beau- coup plus facile que le moyen de détruire ces insectes qui consiste à les écraser avec june brosse mouillée d’un liquide corrosif, comme l'a proposé M. Dubuc. (92) AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA, NOTICE SUR QUELQUES ÉCHANTILLONS DE BOIS Remis à l’Académie par M. Auc. LE PREVOST ; Lue à la Séance du 15 juillet 1831, Par M. DusreuL. MESSIEURS , Notre confrère M. Aug. Le Prevost a remis à l'Aca- démie , à la séance dernière , deux morceaux de bois sur la coupe transversale desquels on remarque quatre petits corps ligneux, en état de décomposition, disposés en croix , et incrustés dans le tronc d’un jeune arbre (x). M. le président m'ayant demandé mon opinion , tant sur ces incrustations et leur {disposition symétrique, que sur la forme tétragone que présente à ce point de section le canal médullaire de cet arbre , je demandai que ces échantillons me fussent remis, afin de les exa- miner avec soin et de donner à l’Académie, sur ce sujet, les explications qu'elle pourrait désirer. Je viens m'acquitter de cette mission. La première idée qui me vint, à l'inspection de ces échantillons, fut celle que ce jeune arbre avait reçu quatre blessures sur les quatre points affectés, à l’époque où il n'avait que la grosseur correspondante aux points de ces incrustations ; mais, sur l'observation de M. le président, qui me fit remar- EEE (1) Planche 11. 3 » Freres 1ralge. 1851, 7.95. FU a à ) ) Don n D ) Dœplicaliou De Lo lœuche Lys Trongon de Marronnéer, san læ couge dixguel on rerncerguue dx LyS Cnge longitudinale da même Crençen, gui lsre voir l'origrne des Érne kéragone dis canal médullasre et lrnorustation de &reneeux ramearre à des bosrqeens axtllaines desseches et drspioses en croix Fig # Tige de Marronnier sartaguelle on remarque la drspontion es rameasrx on orne el vertécélles au pernié ou se Terminiæ la Fey 2 Trongen du rnerne arb } sar la corgrte daguet en ne rurærgree Z'erer on que de deux rares Junrnrés Le cage erérises ne ———— Zué de Nuëtur Toriaux. & Hour (93) quer qu’au point de la coupe le canal médullaire avait pris une forme tétragone , tandis qu'à deux centimètres plus bas il était parfaitement circulaire , je commençai à reconnaître à ces taches une autre cause ; après avoir dégusté l'écorce de cet arbre , que je trouvai très amère, je soupçonnai que j'avais affaire au maronnier d'Inde, M. Le Prevost m'ayant confirmé dans cette opinion , en me disant que c'était sous ce nom que ces échantillons lui avaient été remis , alors je m'expliquai le reste. J’au- rais pu, sur l'instant, faire part à l'Académie de mes observations ; mais, pour lui démontrer toutes les cir- constances de ce fait, j'avais besoin de quelques échantil- Jons que je ne pouvais me procurer qu'en différant de quelques jours. Les voici : Dans les maronniers d'Inde , les rameaux sont opposés en croix, C'est-à-dire que si deux rameaux sont dirigés nord et sud, les deux superposés regardent l’est et l’ouest ; mais, au point où se termine la pousse d’une année et où commence celle de l’année suivante , ces rameaux sont tellement rapprochés qu'ils forment presqu'une verticille ; et si, pour favoriser le développement de la tige prin- cipale , on racéourcit, à peu de distance du tronc, les rameaux latéraux, sans laisser subsister un bourgeon sur le chicot de ce rameau, pour y entretenir la vie, il meurt , non-seulement jusque contre l'écorce , mais jus- qu'à l'origine du bourgeon qui l’a produit. C'est ce qui sera arrivé à l’arbre sur lequel on a pris les échantillons qui font l’objet de cette notice ; les petits rameaux latéraux auront été coupés au-dessous du der- nier bourgeon, vers leur bosse, ou bien une autre cir- constance en aura suspendu la végétation et la vie : ils se seront desséchés, et ils auront été ensevelis dans le tissu ligneux par l'accroissement latéral et successif du tronc, ( 94 ) En exploitant cet arbre, on a fait un trait de scie un peu au-dessus du point d'insertion de ces quatre rameaux, qui les a coupés transversalement en même temps que le tronc dans le tissu duquel ils sont incrustés. Je mets sous les yeux de l'Académie un échantillon du même arbre, qui présente à peu près les mêmes circonstances , avec cette différence que, sur celui-ci, iln'y a que deux rameaux d’incrustés, parce qu'il ne s’est développé à ce point que deux bourgeons opposés comme étant la partie moyenne d’une branche , et non pas quatre rameaux disposés en croix comme dans celui qui a été offert à l'Académie , et dans un autre plus jeune que je mets sous ses yeux. On remarque aussi sur l’un de ces échantillons, à l'origine de ces rameaux incrustés, les rudiments de deux bourgeons axillaires et superposés, destinés à rem- placer ceux-ci en cas de soustraction ou altération. C’est un caractère qui est commun au maronnier et à quelques autres arbres. Quant à la forme quadrangulaire que présente le canal médullaire, au point de la coupe de cette tige, il est reconnu que cet organe affecte différentes formes à l’o- rigine des rameaux , suivant leur disposition sur les tiges. Il est de forme ovoïde lorsque les rameaux sont opposés, triangulaire lorsque les rameaux naissent trois à trois autour de la tige, quadrangulaire enfin, lorsque quatre rameaux disposés en croix naissent du même point. Je pense que l’Académie aura entendu parfaitement cette explication, et qu'elle lui suffira pour se rendre compte du phénomène que présentent les échantillons qui lui ont été offerts par notre confrère M. Aug. Le Prevost , que les questions de physiologie végétale intéressent toujours à un si haut degré. (95) AAA AAA AAA AAA AAA A AAA AAA AAA A AAA MÉMOIRE Adressé à l'Académie par M. BonFiis, Médecin à Nancy, Sous le titre de STAPHYLODÉNMIE, ou Nouveau procédé opératoire pour faire la suture du voile du palaïs. Messieurs, En novembre 1829, j'ai eu l'honneur de vous adresser un mémoire sur une modification de la staphyloraphie ; mais l'opération projetée qui y était décrite n'ayant pas été mise à exécution sur la jeune personne dont il était question, ni sur aucune autre, je n'ai pu vous trans- mettre le résultat de l’expérience qu’en craignait de voir en contradiction-avec ce que la théorie et le raisonne- ment me permettaient d'espérer. L'occasion de pratiquer la staphyloraphie selon la méthode de M. Roux, et par le procédé que j’ai proposé dans ce mémoire , ne se présentant que très rarement , j'ai dû profiter de la première circonstance pour tenter quelque chose qui püt venir à l'appui de ce que je pro- posais, et je viens ajouter à mon premier travail le ré sultat d’une opération analogue à celle que j'ai décrite, La femme Legai, âgée de 55 ans, qui vendait à boire à Jarville, petit village à la porte de Nancy, et qui demeure actuellement dans cette ville, faubourg Saint- (96) Pierre, n° 108, eut, en 1829, le voile du palais entièrement détruit par un ulcère pour lequel elle fit un traitement qui en arrêla les progrès, et elle guérit ; mais elle parlait difficilement ; elle nasillait, et, lors de la déglutition, une grande partie des aliments et des boissons remontait dans les fosses nasales , et s'écoulait par leur ouverture anté- rieure. Cette femme en eut beaucoup de chagrin. Tout en lui laissant espérer qu'après son entière guérison, et avec le temps, elle éprouverait du mieux, je ne lui cachai pas qu’elle ne parlerait jamais comme aupara- vant. Elle prit patience pendant environ trois mois, et voyant qu’il n’y avait aucun changement en mieux, elle vint me trouver et me demander si, au moyen de quel- que opération, il ne serait pas possible d'empêcher les aliments et les boissons de remonter par les narines, et de la faire parler un peu moins mal. Je lui répondis que je venais d’en imaginer une qui n'avait pas encore été pratiquée sur le vivant, et que cette opération pourrait peut-être améliorer son sort; je lui proposai donc de la subir, et elle y consentit aussitôt. Comme elle était peu à l'aise, et qu'elle ne pouvait avoir chez elle les soins qu’allait exiger sa position, je l'engageai à entrer à la Maison de secours de Nancy, dont je suis médecin. Le 26 août dernier (1830 }), je l’opérai en présence de M. le docteur Morel, chirurgien aide-major au 5° régi- ment d'infanterie légère, alors en garnison à Nancy, actuellement à Metz; de M. Magnien et d’un de ses collègues, tous deux sous-aides-chirurgiens à l'hôpital militaire de Nancy, et de trois étudiants de notre école secondaire de médecine, les autres étant en vacances. L'appareil instrumental consistait en : 1° trois bistou- ris; un droit boutonné, un droit aigu, et un autre aigu (9293 et convexe ; lous trois étaient garnis d'une bandelette de linge, qui ne laissait voir qu’un pouce de l'extrémité de la lame; 2° le porte-aiguille et les aiguilles de M. Roux pour la staphyloraphie ; 3° une paire de ciseaux ordi- naires; 4° des fils simples de grosseur moyenne, pour faire les points de suture ; 5° des petites pinces à dissé- quer, terminées par de très petites airignes; 6° une spatule à long manche pour abaisser la langue, et 7° des pinces à pansement. La malade fut placée en face du jour, assise sur une chaise ordinaire. Un aïde lui tenait la tête par derrière, un autre la base de la Jangue avec la spatule. Je saisis successivement des deux rôtés, avec les petites pinces à airignes , la membrane muqueuse cicatrisée que revêtait le bord interne de chacun des piliers postérieurs du voile du palais : j’allai, avec le bistouri boutonné , aviver ces bords dans toute leur hauteur, et sur environ quatre millimètres de largeur. Je circonscrivis ensuite, par trois incisions, avec le bistouri droit et aigu, le lambeau de la membrane pala- tine qui devait remplacer le voile du palais. Les denx premières partaient du sommet de chaque pilier du voile, et venaient parallèlement lune à l'autre jusqu’à la réunion du tiers postérieur de la voûte palatine avec le tiers moyen. La troisième s’étendait au travers du palais de l'extrémité antérieure de l’une des deux pre- mières incisions, au même point que celle du côté op- posé. Dans cette dernière incision, les deux artères palatines furent coupées, et la droite donna du sang par jet, pen- dant environ cinq à six minutes que l'opération fut sus- pendue. Ensuite je séparai, tant avec les doigts qu'avec une spatule, la membrane palatine de la voûte qu’elle tapisse, et je laissai le périoste après l'os, Ce fut le moment le 2 19 (98 ) plus douloureux de l'opération, que la malade supporta fort bien. Il s'écoula du sang en nappe, et en assez grande quantité pour m'empêcher de faire sur-le champ la suture. Je laissai donc encore reposer la malade ; je la is gargariser avec de l’eau fraîche, pour arrêter l'hémor- ragie; mais le sang ne cessa de couler qu'au bout de quinze à vingt minutes. Alors je fis la suture avec les instruments de M. le professeur Roux. Lorsque je voulus commencer cette suture, le lambeau, retracté légèrement sur lui-même, avait environ trois centimètres de largeur sur quatre de longueur , et quatre millimètres d'épaisseur. Je m'’aperçus qu'il se tenait placé horizontalement et presqu'appliqué contre la sur- face du palais, d'où il avait été détaché par arrachement, Je reconnus que des fibres qui, dans l'arrachement , s'étaient laissé distendre sans se rompre, l'avaient ainsi relevé par leur élasticité, et je les incisai avec le bistouri convexe; mais, ayant porté mon instrument un peu trop _avant, et la base du lambeau adhérente au bord posté- rieur de la voûte palatine étant assez mince, j'y lis acci- dentellement une boutonnitre transversale , comprenant le se tout le tiers moyen du lambeau; alors il cessa « relever et de s'appliquer au palais. Mais cela me fit craindre que, ne recevant plus autant de vaisseaux par sa base, il ne vint à se sphacéler. Sa suture consista en quatre points entrecoupés, deux de chaque côté. Elle ne m'offrit que peu de difficultés; elles provinrent prin- cipalement de ce qu'il est impossible de faire jouer, avec une seule main, le porte-aiguille de M. Roux. Cela serait cependant très utile; car, après avoir planté l’ai- guille d’arrière en avant, dans le pilier du voile ou dans le lambeau , il fallut en saisir la pointe avec des pinces à pansement, pour éviter qu'en se détachant du lieu où elle était plantée, elle tombât dans le pharinx ou la trachée artère, Or, si l'opérateur tient les pinces et la ( 99 ) pointe de l'aiguille , il ne peut plus faire lui-même lâcher prise au porle-aïguille ; il est alors obligé de confier l'un ou l’autre instrument à un aide qui peut déplacer l’ai- guille et causer ainsi des accidents. Pour parer à cet inconvénient, j'ajouterai au manche de cet instrument trois anneaux qui rendront son usage plus facile, ct permettront à l'opérateur de s’en servir sans avoir besoin des deux mains ou d’un aide pour le faire manœuvrer. L'opération finie, I» malade fut mise dans son lit, assise et penchée en avant. Je lui défendis expressément de parler et d'avaler sa salive, qu’elle devait laisser écouler de sa bouche dans un vase qu'elle tenait sur ses genoux. Elle ne devait ni boire ni manger. Je la revis le soir, elle avait un léger mouvement de fièvre et salivait beaucoup ; elle avait exécuté strictement tout ce qui avait été recommandé ; mais la ruitelle s'en- dormit, et elle avala sa salive. Pendant quatre jours, elle ne prit pour toute nourriture que des lavements de bouillon. Le cinquième, elle ne put résister à la faim, et, malgré mes recommandations, elle but une semoule très liquide. Le sixième, elle fit diète; mais il fallut lui donner des aliments le sep= tième. L Le second jour, la surface antérieure du lambeau était couverte d'une escarre blanche qui me fit craindre le sphacèle de la totalité du lambeau; ce que je redoutais d'autant plus que, comme je l'ai dit, le tiers moyen de sa base avait été détaché accidentellement du bord pos- térieur de la voûte du palais par l'instrument tranchant. Le troisième jour, celte surface n'avait pas encore changé d'aspect; mais le quatrième, des bourgeons charnus parurent, et le lambeau prit une couleur rouge vif qui m'ôta toute espèce d'inquiétude sur la conser- vation de sa vie. Le sixième jour, j'ôtai les fils des points de suture, Û ( 300 }) et je m'aperçus que les bords latéraux du lambeau n'é- taient adhérents aux piliers du voile que dans les deux tiers supérieurs, ce que J'attribuai aux mouvements de déglutition que la malade avait faits pendant les nuits pour avaler sa salive, et pour prendre la semoule liquide le cinquième jour. Le septième jour, la partie inférieure et libre du lam- beau s’élait repliée en avant, par la tendance qu'elle avait à s'appliquer à la voûte du palais, d’où elle avait été détachée, et par le commencement de cicatrisation de la surface antérieure et vive. Le huitième jour, je permis à la malade de prendre des aliments, et elle fit, par jour, quatre repas consis- tant en semoule au bouillon ou en soupes grasses au pain, et bien cuites. Il n’y eut presque point de fièvre et très peu d’inflammation. La malade put sortir le g septembre, quinze jours après l'opération. Les parties réunies par la suture adhéraient fortement les unes aux autres par une cicatrice imperceptible. La partie inférieure du lambeau avait toujours continué à se replier sur sa surface antérieure, où elle faisait saillie et formait comme une espèce de luette ; mais la dégluti- tion n'était nullement gênée , et les aliments étant con- duits un peu plus avant dans le pharinx, il n’en remonte que très rarement et qu’une très petite quantité dans les narines. Sa voix est un peu plus naturelle, mais toujours nasale. Enfin , la position de la malade est réellement améliorée. Je ne me proposais pas autre chose : il eût été déraisonnable de croire que ce voile du palais, ainsi entièrement constitué par la membrane palatine, et tout- à-fait dépourvu de muscles, exécuterait des mouvements et remplirait ses fonctions dans toute leur intégrité, Mais nous devons encore considérer cette opération sous un autre point de vue; elle fait pressentir ce qui résultera du perfectionnement de la staphyloraphie , que (rors) j'ai proposé dans le mémoire que j'ai eu l'avantage de vous adresser. En effet, j'avais avancé que, 1° lorsque la division du voile du palais ne s'étendrait pas à la voûte palatine, et que les lambeaux de ce voile seraient insuffisants ou trop écartés , et qu'ils ne pourraient être parfaitement rappro- chés par aucun procédé, de manière à reconstituer entiè- rement cet organe à la partie supérieure, comme M. Roux l’a vu plusieurs fois (1); 2° que, dans le cas où il ne s'agirait que de remédier à la perforation accidentelle de ce voile, avec perte de substance à sa partie supérieure , il serait possible , pour ces deux cas, de prendre dans la membrane épaisse qui tapisse la partie postérieure de la voûle palatine , un lambeau de grandeur et de forme convenables pour obturer l'ouverture qui resterait du voile du palais après la staphyloraphie. Tout ce qui précède me semble répondre suffisam- ment aux objections qu’on a pu faire contre l'opération que je proposais. Cependant, je vais les discuter les unes après les autres, et voici ce que j'écrivais, le 24 février 1830, à un praticien distingué de la capitale, à qui j'avais communiqué mon premier mémoire. « Je conviens qu’elle présente quelques difficultés de plus que la staphyloraphie simple ; mais vous convien- drez cependant aussi qu'il ne sera pas beaucoup plus difficile de rapprocher, par une suture, ce lambeau palatin des deux lambeaux staphylins, que de réunir ces deux derniers entr’eux. « D'ailleurs, cela deviendra beaucoup plus facile si, quelques jours d'avance, on habitue le malade à se pré- senter convenablement à l'opérateur et à se laisser exa- miner et toucher le fond de la bouche. Au reste, si le re —————_—_— (1) Voyez Mémoire sur La Staphyloraphie, par Plilb,-Joseph Roux, de Paris, 1825 , in-89 , pages 67, 71 et 56. ( 107 ) malade ou le chirurgien se trouvaient fatigués, malgré toutes ces précautions et quelque repos, on ferait l’opé- ration en deux temps, comme je l'indique dans le mémoire à consulter dont il est question. Le premier temps ou première opération, ai-je dit, consisterail à reunir seulement tout ce qu'on pourrait des deux lambeaux du voile du palais, et, après leur parfaite consolidation, on procéderait seulement à la seconde partie de l'opération, dans laquelle on Jormerail le lambeau obturateur et on ferait la suture. « Si, dans la rhinoplastie , le lambeau ne tient au front que par un isthme très étroit, isthme qui éprouve encore une torsion, si ce lambeau , placé à l'extérieur, est par là exposé à se refroidir facilement ; si, dans le déplace- ment qu’il éprouve , puisque pris au front , il est abaissé jusqu'à la place qu'occupait le nez, la circulation, quoiqu'ayant une direction tout-à-fait opposée, conserve encore assez d'activité pour entretenir la vie dans ce lambeau et pour l'empêcher de se sphacéler, pourquoi la portion de membrane palatine, qui viendrait com- pléter le voile du palais, ne continuerait-elle pas à vivre, et pourquoi serait-elle frappée de sphacèle , lorsqu'elle adhère au bord postérieur de la voûte du palais par une base très large, lorsqu'elle n’éprouve point de torsion dans cette base, lorsque d’horizontale qu’elle était elle ne devient que verticale , lorsqu'enfin elle reste placée dans une cavité où la température fort élevée ( de 30 à 317 degrés } est favorable à l'entretien de la vie? « Je ne doute nullement que le lambeau formé de la membrane palatine, se réunisse par ses bords épais avec les bords avivés des lambeaux du voile du palais. 11 pré- sente les mêmes tissus, moins les muscles ; il est, comme le voile du palais, abondamment pourvu de vaisseaux, de nerfs et de tissu cellulaire, organes par lesquels les réunions s’opèrent. « Quant à la cicatrisation des surfaces à l’état de cruen- GC 104: tation, je ne vois pas ce qui pourrait l'empêcher, Ne s'opère-t-elle pas à la face profonde où postérieure du lambeau de la rhinoplastie? On sait aussi avec quelle facilité et quelle promptitude les cicatrices ont lieu dans la bouche. « Ilest vrai que Le lambeau de la membrane palatine, qui va faire partie intégrante du voile du palais, est dépourvu de fibres musculaires; qu'il ne pourra, par conséquent , participer activement aux mouvements de cet organe, au centre duquel il sera inerte; mais il ne génera aucunement ses mouvements, qui l’entraîneront saus éprouver de résistance et le feront peut-être un peu plisser, Il fournira aux fibres musculaires du voile un point d'insertion et d'appui qui favorisera leur action ; il remplira un espace vide que rien ne pouvait occuper, par l'impossibilité où l’on est quelquefois de rapprocher entièrement les deux portions du voile du palais divisé, ou lorsqu'il n'y a que simple perforation ; il empêchera la voix d'être nasale, et les aliments et les boissons de passer dans les narines. » Le procédé que je viens de proposer, et que j'ai exé- cutf, ne peut plus être appelé staphyloraphie; car il s’agit de refaire, en partie ou en totalité, le voile du palais. On pourrait donc, pour distinguer ce procédé de l'opération de M. Roux, l'appeler staphylodémie (d'euo, je construis, je bâtis, j'édifie ), où staphyloexie ( as£io , augmenter, agrandir ), où enfin staphyloplatie (mAarTos, large, ample ). H me semble que la première dénomina- tion serait la plus convenable. Mais, depuis, il m'est venu à l’idée qu'on pourrait encore, par une opération analogue , obturer les perfo- ralions anciennes et cicatrisées de la voûte osseuse et de la membrane du palais, après qu'on aurait détruit la cause interne, ordinairement syphilitique, qui les a pro- duites. Alors le procédé pourrait être celui-ci : on avive- (102) rail, avec l'instrument tranchant à peu près les deux tiers de la circonférence de l'ouverture , qui est ordinairement ronde ou ovale ; on formerait ensuite, dans la membrane palatine, et du côté non avivé de l’ouverture, un lam- beau de forme et de grandeur telles, qu'après s'être retracté , il pourrait encore occuper entièrement cette ouverture, Si cette dernière était ovale, ce serait le long de l’un de ses grands côtés qu’on formerait ce lambeau, qui serait détaché de la voûte osseuse jusqu’à son bord adhérent à un point de la circonférence du trou, en ménageant le périoste, comme il a été dit dans le mé- moire à consulter. Il serait ensuite renversé sur lPouver- ture, et maintenu pendant quelques jours, soit par une suture , soit par un obturateur ou plaque métallique fixé aux dents, et qui serait enlevé lorsqu'on présumerait parfaite l’adhésion du lambeau à la circonférence avivée de l'ouverture. AAA AAA AA AAA AAA RAPPORT Sur le Mémoire précédent , Par M. ViINGTRINER, Docteur-Médecin. Messieurs, L'opération que cherche à perfectionner le docteur Bonfils est une des plus difficiles à exécuter, et elle est peut-être aussi une des plus essentielles parmi celles que l’on pratique pour remédier aux difformités. Ces deux rai- sons expliquent pourquoi elle a pu devenir l’objet d’une investigation nouvelle, après les travaux du professeur Roux, de Paris, et du professeur Grèfe, de Berlin, “ 6 10h, 1 qui ne datent encore que de quelques années, 1816 et 1819, et que d’on croyait complets. Appliquer l'opération du bec-de-lièvre aux. divisions du voile du palais, est l’idée qui à été conçue par ces deux chirurgiens célèbres, et qui a fait naître le procédé opératoire qu’on appelle la staphyloraphie, ou suture du voile du palais. Celle®qu'a conçue le docteur Bonfils est de joindre à ce procédé, dans quelques cas où il ne pourrait suffire, celui qui est usité pour faire la rhino- plastie ou le nez artificiel; c’est-à-dire emprunter lun lambeau d’une partie voisine pour fermer l'ouverture trop considérable du voile du palais, que la suture ne pourrait fermer. Il pense qu'on-poutrait appeler ce pro- cédé staphylodémie , parceWiqu'il . s’agit d'ajouter autant que de réunir. à ”* J'ai l'honneur de rappeler à l'Académie, que, dans la séance du 19 marstdernier& je lui ai rendu compte de l'invention ingénieuse de M. Bonfils, qu'il proposait alors pour être appliquée à un sujet dont il nous a fait connaître le vice de conformation, qui était presque l’absence complète du voile du palais, et qu'au nom de la commission dont j'étais l'organe , j'ai dit que l’opé- ration était suffisamment justifiée en théorie pour être pratiquée. Aujourd'hui, Messieurs, c’est sur l'application du pro- cédé que nous avons à fixer votre attention, et d'avance nous dirons que, si nous sommes heureux d’avoir à féliciter l’opérateur , nous sommes satisfaits d'avoir porté le jugement qui se trouve consigné dans le rapport pré- cité. ‘ f Ce n’est pas sur le sujet dont nous a précédemment entretenus M. Bonfils dans son mémoire à consulter, que l'opération a été tentée, c’est sur une autre femme, chez laquelle le voile du palais avait été entièrement détruit par un ulcère, et qui, par suite, éprouvait à la 14 { 106 ) fois l'incommodité dégoûtante de Voirsrevenir les ali- ments par le nez, plusieurs fois à chaque repas, et la gène de parler en nasillant. Voici quelle a été l'opération... ( Voir le Mémoire, page 97 ). Il s'agissait donc de refaire, de toutes pièces ou à peu près , le voile du palais. On concbit que , quelque soit le succès , avec toutes les chances les plus favorables, ce voile nouveau, dépourvu de fibres musculaires et tou- jours beaucoup plus étroit que le voile naturel, ne pour- rait jamais remplir les mêmes fonctions dans toute leur intégrité ; aussi l'amélioration obtenue n’a-t-elle pas été la guérison complète de la difformité, comme dans les cas moins difficiles où la staphyloraphie est pratiquée. Quoiqu'il en soit, elle à été assez satisfaisante pour justifier l'opérateur et mériter que l’Académie s’intéressât à ses succès. Le (rp) L AAA AAA AAA AAA ROSE EEE ER ERA NENPENETEEE VA AMAANAAA NAN ARS de, £ ) L , * NOTICE # L $ SUR UNE MALADIE ÉRUPTIVE PEU CONNUE » » ,« »., e d Lue à l'Académie le 8 juillet 831, S " _ Par M. Le Prevosr, D.-M. " MEssiEurs, Depuis trois mois il existe dans Rouen et dans les environs une maladie éruptive, qu'on prendrait. au premier aperçu pour la rougeole, d’autant plus que cette dernière maladie règne épidémiquement dans notre ville depuis la fin de l'hiver et le commencement du printemps; cependant en y portant la plus légère attention on verra qu'il y a une différence entre les deux exanthèmes. Celui qui fait le sujet de cette notice paraît tout-à-coupssans aucuns signes précurseurs ; ce sont des boutons rouges qui, dès le premier jour se montrent au visage, au cou, à la poitrine, au dos, aux bras et aux cuisses; le second jour on voit que ces boutons sont plus nombreux ; on en aperçoit aussi aux jambes ; ceux poussés de la veille sont d’un rouge plus vif; le troisième jour beaucoup de boutons commencent à pâlir, et le quatrième ou le cinquième au plus tard, ils dispa- raissent tous sans qu'il y ait aucune desquammation de l'épiderme chez le plus grand nombre des malades. Pen- dant cette courte maladie le pouls est à peu près naturel, excepté le second jour où il a un peu plus de fréquence qu'à l'ordinaire. La plupart des malades ne perdent LE 108 ) pas tout-à-fait l'appétit ;Je troisième jour tous désirent ardemment des me le Sommeil est ‘peu troublé pendant tout le cours e Iémaladie ; ; les boutons sont un peu plus saillants êt plus tefdus quesceux de la roügeole ; : mais les | a caractéristiques de cette dernière maladie, tels que | la fièvre qui précède l'érup- tion, Ja toux gutturale, les étethueñients enchiffrene- ment, les saignements de pez, là rougeur et le gontie- ment des yeux, les vomis$ements , éte: , manquent chez la plupart dés malades. Cependant, sur le nombre de vingt que j'ai eu lieu ébée$er $ tx ont eu des envies de vomir, et un seul a eu un saignement dé nez peu abondant. Sur ce’ nombre de vingt, il n’y'a eu que deux garçons en bas à âge qui aient eu cette éruption ; parmi les filles, il y en avait cinq qui étaient nubiles. La plupart de ces demoiselles étaient dans des pensions, où il paraît que la maladie s’est communiquée par conta- gion, Plusieurs d’entre elles avaient eu la rougeole les années précédentes; une l'avait eue dans le mois de février dernier. J'en ai la certitude, parce que c’est moi qui les ai traitées. J'ai vu cette éruption les années précédentes sur quelques individus isolés’ et en petit nombre. Îl y a sept ans que j’eus l'occasionsde l'observer sur cinq individus, et deux d’entre eux avaient aussi eu la rougeole. Du reste, cette «maladie s’est guérie avec la plus grande facilité; quelques boissons délayantes et légèrement diaphorétiques, une diète peu nourrissante pendant deux ou trois jours ont suffi. J’ai fait garder le lit à la plupart de ces malades, et à la fin j'ai purgé ceux qui m'ont paru en avoir besoin. Pourrait-on croire que c’est une espèce de rougeole? d’autant que cette maladie a été très fréquente dans le printemps. Mais, comme je l'ai déjà observé, les symptômes principaux manquent; d’ailleurs , il y a beaucoup de médecins qui pensent qu'on ne l’a jamais deux fois. Voilà trente-cinq ans ( 109 ) que j'exerce la médecine dans Rouen, et je puis attester que je ne l’ai jamais vue survenir une seconde fois au même individu. Cependant à quel genre d’éruption peut-on rapporter celle qui fait le sujet de cette notice ? La scarlatine est une maladie qui a été peu connue des anciens médecins. Ce sont les Arabes qui les premiers en ont fait mention en traitant de la rougeole ; encore n'en donnent-ils que des notions imparfaites. Ce n’est que dans le dix-septième siècle que Sennert et Forestus l'ont fait connaître par leurs observations. C’est à tort que quelques médecins ont prétendu que Coyter, médecin allemand, qui a pratiqué la médecine pendant quelques années dans le Poitou, était le premier qui en avait parlé vers le milieu du seizième siècle. La maladie décrite par Coyter était une fièvre pétéchiale, qui fit de grands ravages à Poitiers, à la Rochelle, à Angoulême et à Bordeaux en 1557; elle différait par ses principaux symptômes , par sa durée et par sa gravité, de la fièvre scarlatine. Je serais tenté de croire que la maladie, que j'ai décrite dans ce mémoire est celle qui a été observée par Sydenham, puisqu'en parlant de cette maladie il dit que l’éruption ne dure que deux ou trois jours et que la maladie est légère, neque vehementer admodm ægrotant; mais il dit que ce sont des taches rouges qui paraissent à la peau, macul& rubræ, et non pas des boutons, papulæ, comme ceux qui caractérisent l’érup- tion que j'ai décrite ; il parle aussi de desquammation de l'épiderme. On sera étonné que Sydenham , qui était un observateur si exact, et qui a pratiqué la médecine si long-temps à Londres, ait décrit la scarlatine comme une maladie très légère, et qu'il n'ait pas parlé du mal de gorge qui en est le symptôme caractéristique , ni de lPanasarque qui en est assez souvent la suite, comme Sennert et Forestus l’ont observé dans le siècle où il vivait. El faut en conclure que cette maladie n'était pas ( x10 ) aussi fréquente , ni accompagnée des mêmes symptômes que de nos jours, et voilà sans doute la raison pour laquelle Stoll a dit que la fièvre scarlatine n'était pas encore assez connue, aondùm sat cognita. Cette maladie a com- mencé à Rouen et dans les environs l'automne dernier, a été très fréquente cet hiver, a continué ce printemps, et continue encore en ce moment sur quelques sujets. Elle s’est montrée très grave dans l’hiver et au commen- cement du printemps. L'éruption était précédée, chez tous les malades, de fièvre, de mal de gorge ; plusieurs avaient du délire et des vomissements ; le troisième jour , quelquefois plutôt, on voyait paraître, d’abord au visage, au cou et à la poitrine, des taches rouges très rapprochées les unes des autres ; l’éruption continuait les jours sui- vants sur les autres parties du corps, la fièvre devenait plus intense, la déglutition plus difficile : il sortait de la bouche et des narines une grande quantité de muco- sités ; assez souvent le mal de gorge augmentait pendant l’éruption, quelquefois il disparaissait. ‘Ce mal de gorge a été plus grave et de plus longue durée chez les jeunes gens que chez les enfants et les adultes ; assez souvent les jeunes gens n’ont eu que le mal de gorge sans éruption, ou elle ne s’est montrée qu'aux coudes et aux genoux chez quelques-uns. Dans le commencement, la langue était couverte d’un enduit blanchâtre; elle se nétoyait peu- à-peu dans le cours de la maladie ; sur les côtés et dans le milieu; sur son déclin, elle devenait d’un rouge très vif, et le passage des boissons lui faisait éprouver des cuissons et des picottements incommodes. En général, la maladie ne s’est pas terminée avant huit jours, et a duré quelque- fois jusqu'au quinzième; mais il y a eu chute de l'épi- derme chez tous ceux qui ont eu l’éruption , tantôt sous forme d'écailles surfuracées, tantôt par de larges lam- beaux qui s’en détachaient ; quelques-uns même ont perdu leurs ongles et leurs cheveux, Cette maladie n’a ( 09 été funeste qu'à un petit nombre d'individus, mais elle a été grave et pénible chez un assez grand nombre. L'érup- tion a présenté quelques variétés qu'il est essentiel de noter. Chez le plus grand nombre on voyait des taches rouges très rapprochées les unes des autres, comme je l'ai déjà dit; chez quelques-uns la peau était d’un rouge écarlate sur toute sa surface, avec gonflement et démangeaisons incommodes ; chez d’autres on voyait des plaques plus où moins rouges çà et là, et au milieu de ces plaques on apercevait des boutons quelquefois rougeâtres et le plus souvent blancs, ayant de la ressem- blance avec les pustules miliaires. Cette variété dans les éruptions m'a donné lieu de penser que l’éruption qui fait le sujet de cette notice pourrait bien être une espèce de scarlatine très bénigne plutôt qu’une rougeole ; d’au- tant plus que chez une fille de vingt-quatre ans, qui a eu cette éruption de boutons rouges sans toux et presque sans fièvre , il y a eu un mal de gorge qui n’a duré que irente-six heures. Le quatrième jour l’éruption avait totalement disparu, et la maladie s’est terminée là; mais l'épiderme est tombé en écailles. Un enfant, qui demeure dans la même maison, a eu une éruption semblable à celle de cette fille, mais sans mal de gorge ; elle a disparu aussi le quatrième jour , et l’épiderme s’est déiaché en écailles en plusieurs endroits, notamment au cou et au menton. Ce sont les deux seuls sujets sur lesquelsÿj'aie observé cette desquammation de l’épiderme sur les vingt à qui j'ai donné des soins ; mais le mal de gorge de la fille de vingt-quatre ans avec cette desquam- mation chez elle et chez un enfant à qui elle a commu niqué la maladie, c’est-à-dire une éruption de boutons rouges lout-à-{ait pareils à ceux qu'elle avait eus, et la ressembiance de ces boutons avec ceux des dix-huit autres malades que j’aivus, m'ont déterminé à considérer cette éruption comme une variété de la scarlatine. Cependant (150.2 il me reste encore quelques doutes, car, dans le nombre des filles qui ont eu cette aflection , il ÿ en a quatre que j'ai précédemment traitées de la scarlatine avec fièvre , mal de gorge, difficulté d’avaler, expuition muqueuse et desquammation de l’épiderme à la in de la maladie. Il est encore douteux s'il en est de la scarlatine comme de la variole et de la rougeole, qu’on n’a qu’une seule fois dans le cours de la vie. Des observations ultérieures, faites sans aucun esprit de système, pourront seules décider cette question. (land) AA AAA AN AAA AAA AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA PE AA A AN AAA A AAA ESSAI SUR L’AME, Lu à l'Académie, Le 15 juillet 1831, Par M. Viexé, D.-M. Messieurs, Je désire , en vous faisant hommage de mes réflexions sur l’ame, pouvoir acquitter une partie de ma dette en- vers vous. | Autant le sujet est grave, autant il m'est permis de compter sur votre indulgence. Première partie. Les plus grands philosophes de l'antiquité se sont fait de l’ame une idée bien étrange. Ils ont pu se persuader que l'ame était une substance aërienne, une chaleur innée, un composé de tous les éléments, une qualité, une modification de la matière vivante el organisée. Que d'écrivains modernes ont encore été sectateurs aveugles du matérialisme ! Mais, quelle que puisse être l'opinion des hommes à l'égard de lame, elle sera ce qu'elle a toujours été, toujours semblable à Dieu qui en est l'unique source , et rien ne saurait infirmer cette assertion, ne saurait prouver le contraire. 15 (114) Que signifient donc ces propositions : il ne peut exis- ter d'êtres immatériels ; il y a dans toute la matière une ame universelle de laquelle émanent toutes les ames particulières ; l'ame ressemble au corps qu'elle habite, elle en est la partie la plus déliée , ‘la plus mobile; la pensée consiste dans le mouvement d’un certain nombre d’atomes ; elle n’est pas un effet, un résultat de l’excita- tion de la substance cérébrale, mais cette excitation elle- même, et tant d’autres idées de ce genre qui mettent l'ame au rang des corps, et Jui font subir les mêmes lois, la même destinée ? Naturellement conduite à se juger de toute autre ma- nière , l’ame gémit de se voir confondue avec la matière et menacée de sa propre ruine, elle qui doit nous sur- vivre, et radieuse s’élancer vers les cieux. Que servirait à l’homme scn organisation particulière, s'il n’était pourvu d'une ame qui dût le guider et le faire servir à ses plus nobles desseins? Sans elle saurait-il qu'il existe ? surtout aurait-il de la divinité l’idée qu'il doit en avoir ? Aurait-il à sa gloire élevé les plus beaux monuments de tous les siècles? Pour mieux l’adorer, les ferait-il retentir de cantiques, su- blimes inspirations de son ame, et la preuve incontestable qu'elle est toute céleste, que sans cesse elle aspire à s’é- lever au-dessus de toutes les sphères , au-dessus de toutes les régions; que l'univers entier ne saurait la contenir, et que Pun de ses attributs est l’'immensité? Cependant, on s’est encore appliqué sérieusement à découvrir la place qu'elle était supposée devoir occuper dans le corps humain, et la partie la plus exiguë du cerveau en à d'abord été réputée le siége : mais, ayant reconnu qu'elle manquait dans certains sujets, que chez d’autres elle était squirrheuse ou putréfiée, sans que la raison en eût été le plus légèrement altérée , on l'a fait déchoir de cet honneur pour le décerner à toute Cia ) autre partie de l’encéphale , à toute autre partie du corps, car je n’en sais pas une qui n’en ait joui et n'en ait été dépossédée par l'observation fille du temps et de la vérité. Que peut-il y avoir de commun entre la matière et l'intelligence ? et comment l’homme a-t-il pu s'égarer au point de chercher à l’ame une demeure corporelle ? Toujours attentive, l'ame nous fait apercevoir les” dangers qui nous environnent, et nous les fait éviter ; mais de quel endroit et par quel moyen s’opèrent cette communication, ces eflets si précieux ? C’est le secret de la divinité. Vainement nous prendrions à tâche de le lui dérober. Sachons plutôt nous humilier devant elle , et nous tenir dans les bornes qu’elle nous a prescrites. Sachons l’admirer dans toutes ses œuvres, la deviner dans tous ses mystères, et dans l'impossibilité même où elle nous a mis de les pénétrer. Deuxième partie. L'homme est composé d’un corps, d'un principe qui le vivifie, d’une ame qui le gouverne et que lui seul, entre tous les. êtres créés, a reçue de Dieu. Ainsi, donner une ame aux animaux, aux végétaux, aux minéraux eux-mêmes, pour désigner, dans les deux premières classes, la cause de tous les actes de la vita- lité, dans la troisième, la persistance des forces d’agréga- tion et de combinaison, c’est évidemment profaner le nom le plus sacré. Sur cela donc apprenons à mieux nous expliquer, à mieux nous entendre, et ne souffrons plus que de toutes les substances la seule incorruptible partage une déno- mination qui lui appartient exclusivement, et laisse entre elle et la matière une distance égale à celle qui sépare la vie et la mort. (116) Émanation divine, l'ame tend à se réunir au seul être immuable, infini, souverain auteur de toutes choses; elle voit, dans le grand œuvre de la création, à la place de l'Univers-Dieu, le Dieu de l'Univers. Cet Univers, que Dieu lui-même a livré sans réserve à la dispute des hommes, est dit par quelques-uns avoir existé de tout temps et devoir exister toujours, comme si, dans sa nature , dans les lois auxquelles il obéit , dans les changements et les altérations dont il est susceptible, on ne découvrait autant de preuves qu'il a commenté, qu'il finira , et qu'il est l'effet d’une cause supérieure à tous les doutes que l’on puisse élever contre elle. On a supposé que Dieu lui-même était l'ouvrage des hommes, comme si, pour exister, il avait besoin qu'ils le reconnussent; pour être adorable , qu'ils lui adres- sassent leurs vœux et leur encens ; pour être tout puis- sant, qu'ils s’humiliassent devant lui, et fissent l’aveu de leur faiblesse. On a dit encore que l’ame était produite par le soleil, et que, dégagée de ses liens, elle irait l’habiter ; mais , si pur que soit l’astre du jour, peut-on le lui assigner pour demeure, lui dont l'éclat doit se perdre dans la nuit éternelle où lame verra plonger la nature entière ? Ainsi, l'ame est indestructible, est immortelle, et toutes les ruses du mensonge, toutes les subtilités de lerreur , toutes les conséquences tirées de l'influence que semblent exercer sur elle les maladies du corps, disparaissent comme d'épaisses ténèbres devant les lumières de la raison. L’ame perçoit, compare, juge, et détermine l’action des organes soumis à son empire. Sans elle, le corps serait une machine uniquement susceptible de mouvements automatiques. Et que l’instinct accordé à tous les animaux ne serve pas de prétexte à l'homme pour les comparer à lui. (ax) Qu'il sache mieux se juger, mieux apprécier tous ses moyens de faire briller de tout leur éclat les plus belles qualités du cœur, et de porter au plus haut degré l’exer- cice de toutes les vertus. IL est évident que les facultés de lame ont été données à l’homme pour le rendre heureux : l'imagination, pour l'élever à la hauteur des choses les plus sublimes; l’at- tention, pour l’y fixer d’une manière invariable ; la mé- moire, pour ne jamais oublier un bienfait; la volonté, pour saisir toutes les occasions de le reconnaître, par conséquent d’honorer sans cesse la source de toute bonté, de toute perfection. Troisième partie. La structure de notre corps nous pénètre d’étonnement, nous saisit d’admiration ; mais serait-il raisonnable d’af- firmer que le plus petit insecte fût, à cet égard, moins surprenant, moins admirable? La ténuité de ses organes me rend son existence encore plus incompréhensible , et lui seul, autant que toute la nature, me semble attester la puissance infinie de son auteur. Quoi qu'il en-soit, le corps humain doit paraître le plus bel ouvrage de la divinité, puisque l'ame réfléchit sur lui ses rayons célestes; et comment nier qu'elle soit l’ornement et le guide de ce corps organisé pour accom- plir toutes ses volontés? Ainsi, par elle l’homme sait mesurer le temps pour le mettre plus à profit ; observer la nature , étudier ses phé- nomènes, ses combinaisons, ses mystères , la presser, la saisir, en être le digne émule ; à son utilité particulière employer tous les éléments, en éviter tous les dangers ; attaquer les monts les plus élevés, les rochers les plus durs, les renverser, les faire entièrement disparaître ; dompter les animaux les plus fiers, les plus rebelles, ( x18 ) apprivoiser les plus féroces; au fond de leurs abimes surprendre les habitants des mers; de l'oiseau qui le fuit tromper la vitesse, et le précipiter du haut des nues ; fixer des limites à l'océan et sur une frêle barque le par- courir , le braver ; à toutes les contrées du globe imposer ses lois; s'élever dans les airs et paraître maJestueusement se frayer la voie de l’immortalité ; fouiller dans les en- trailles de la terre , lui ravir ses trésors, leur donner ses traits et presque leur donner la vie ; les convertir en palais pour sa demeure, et, j'aime à le répéter, les convertir en édifices encore plus magnifiques pour y déposer l’image de son Dieu, pour y déposer son cœur. L'ame est donc ce qui fait opérer à l’homme les plus grands prodiges, ce qui le distingue d'avec tous les ani- maux, ce qui l'élève au-dessus d'eux, au-dessus de lui-même, et je ne puis mieux faire, en me résumant, que de redire avec l'honorable auteur d'une réfutation lumineuse des principes du matérialisme : « L'ame est la cause, tant des phénomènes intellec- tuels que des phénomènes matériels qui ont leur point de départ dans notre volonté. « Dieu, régulateur et des ames et des corps, est la cause des phénomènes intellectuels où nous sommes in- volontaires , et des phénomènes matériels qui s’accom- plissent sans notre intervention. « La matière n’est ni ne peut être cause de rien. « Retranchez maintenant par la pensée, vous le pou- vez, retranchez de ce monde ces deux principes d’aclion, les seuls qu’il soit possible d’y concevoir ; retranchez-en Dieu et lame : que reste-t-il? « Des forces, pures abstractions qui ne relèvent d’au- cun être quelconque; des mouvements sans moteur réel ; des effets sans cause efliciente ; enfin l’enchaînement des phénomènes roulant à perpétuité, et sans repos, dans un cercle vicieux, » ( r19 ) Pourquoi donc nier ce qu'il y a de’plus vrai, de plus incontestable ? Si quelque chose dans l’homme participe de la na- ture divine, disait Socrate à ses nombreux disciples, c'est son ame. Il n’y a pas de doute que c’est elle qui le conduit, qui le gouverne ; néanmoins on ne peut la voir. Apprenez donc à ne pas douter des choses invisibles ; apprenez à reconnaître leur puissance par leurs effets, et à honorer la Divinité. ( 120 ) AAA A AA A AA AA AAA AAA RAA AA AAA A A AA AA AA AA AAA RAPPORT SUR LES MALADES (MILITAIRES ) Traités à l'Hétel-Dieu de Rouen en 1830, ; Lu à l’Académie, le ex juillet 1831, Par M. Herus, Médecin en chef de l'hôpital civil et militaire. Messieurs, Indépendamment des malades civils, l'Hôtel-Dieu de Rouen admet un grand nombre de militaires qui forment une division long-temps confiée à un médecin particulier. Le Pecq, en 1782, fut nommé médecin militaire ; il en exerça les fonctions jusqu'au moment où les troubles de la révolution le forcèrent à quitter notre ville. Plus d’une fois, il fit part à l'Académie de Rouen des obser- vations qu’il avait été à même de recueillir, et les anciens mémoires de la Société en conservent encore plusieurs fragments fort intéressants. MM. Bénard et Delaroche furent successivement char- gés de ce service jusqu’en 1810 (1), où les médecins mili- taires près les hôpitaux civils furent supprimés, et leurs fonctions réunies à celles des médecins et chirurgiens en chef de chaque établissement. Depuis cette époque, les militaires fiévreux sont confiés au médecin de l'Hôtel Dieu, les blessés au chirurgien; les galeux et les véné- (1) Antérieurement à cette époque, les militaires occupaient le local d'Emnemont , converti en hôpital. C’est lorsque cette maison fut rendue à sa première destination que les malades qu’elle renfermait furent trans— portés à l'Hôtel-Dien. Cast riens sont traités à l'hospice général, formant toujours une division propre sous la surveillance de l’intendance militaire (x). TE Te DS DITS EP EEE CT Ce EL (1) Pour mieux faire comprendre ce qui doit suivre, il ne sera peut être pas inutile de dire un mot sur le mode que j'ai adopté dans l'hôpital your l'instruction des élèves et pour la tenue des observations. Jusqu'en 1828, pas un d'eux n'avait pénétré dans les salles de médecine. Le mé- decin faisait sa visite avec le pharmacien. Aucune note n'était re- cueïllie. Les pansements à faire étaient écrits sur le même cahier que les médicaments et remis à la chirurgie, qui se chargeait de leur exécution : usage bien vicieux et non moins préjudiciable aux élèves qu'aux malades. De cette sorte, les intentions du médecin ne pouvaient jamais ètre com- prises, et les élèves, instruments aveugles, exécutaient avec négligence et dégoût des prescriptions dont ils ne comprenaient ni le besoin, ni le motif, Ma première pensée, lorsque je pris le service , fut d’appeler des élèves à la médecine : jusqu'alors la chirurgie seule avait composé toute leur instruction. S'ils puisaient quelques notions médicales dans les livres, aucun n’était à même de les rectifier par la pratique. Le plus ancien des internes et douze externes suffisamment instruits sont successive— ment attachés au service médical. Les malades sont partagés en divi— sions , à chacune desquelles appartiennent trois élèves, et les lits répartis de sorte que chacun n'ait à suivre qu'une vingtaine de malades, sur les-4 quels il doit, chaque jour, donner les renseignements demandés, Un cahier de visite est tenu successivement par le plus ancien de chaque di- vision, Sur ce cahier sont portés, jour par jour, les symptômes caractéris— tiques de la maladie, les médicaments administrés et l'effet obtenu, Cha- que jour ces notes sont fidèlement déposées sur un volumineux registre. On ne saurait croire avec quelle ponctualité s'exécute un trayail qui, au premier abord, semble fort compliqué. Outre cette clinique perpétuelle pour mes élèves, dix malades civils, einq hommes et cinq femmes , choisis parmi ce qu'il y a de plus intéres— sant , servent de matière aux leçons qui, pendant six mois, sont faites, tant au lit du malade que dans l’amphithéâtre, pour tous les étudiants de l’école. A la sortie ou au décès de chaque malade, les notes qui le concernent sont lues à haute voix en présence de tous, et ce n'est qu’à ce moment que Je nom de sa maladie est prononcé et porté, ainsi que le résultat du traitement , au registre d'observations dans une colonne laissée en blanc à cet effet. Cette méthode offre le grand avantage de prévenir les erreurs 16 (“x22) Long-temps la garde royale seule fut en garnison à Rouen, privilége dont notre ville jouissait avec Paris et Orléans. Depuis le mois d'août, elle a été remplacée par divers régiments de ligne qui n’y ont séjourné que pea de temps. Ce fut d’abord le 52°, ensuite le 31°, et maintenant le 61°. Outre ces militaires, les gendarmes , les marins et les douaniers sont admis dans les mêmes salles. Leur petit nombre ne méritant pas une mention particulière, il n'en sera point question ici. Le nombre des militaires admis en 1830 , pour la mé- decine , fut de quatre cent trois, ainsi répartis : Maladies chroniques. entrés, morts. Phthysies pulmonaires et pneumonies chro- Diqués nn Ale catièure sanians damaibies Pétifohties. : 2 27 100 de, tin dd 18 1e CARRE VE Al nes se ren dresser. Pustules syphilitiques. .........,,...... Hypertrophie du cœur........,..,...,... de diagnostic, La maladie n’étant désignée que par la succession et l’en- semble de ses signes propres, les élèves dont la curiosité est piquée s’exer- cent à juger par eux-mèmes, et rarement ils attendent long-temps pour se prononcer. Îl arrive souvent qu'une maladie présente, au début, une apparence de gravité qu’elle ne conserve pas; une autre, légère dans le principe, se complique d’un typhus, d’une scarlatine, d’une variole, et si, comme il est d'usage, on se bornait au diagnostic du premier jour, on s’exposerait à de fréquentes erreurs : c’est là ce que j’ai täché d'éviter. Lorsque tous les malades sont sortis, ce qui demande quatre à cinq mois, l’interne est chargé d’en faire un relevé général pour connaître la nature des maladies régnantes et les succès obtenus, Ce sont quelques réflexions sur un travail fait de cette manière pour les militaires, en 1850, que je Yais présenter ici. { 1239 Maladies aiguës. entrés. morts. Embarras gastrique et intestinal. ........ | “4 » Me divorces sh eme ln aie efretete lee 15 » NOTE ie ssl een selle ne eo elsiaieie G » Anpineses.s.cners se rersessoneseoeeée 13 » DALVATIOM. aura = die SU silos ce cd see 3 » Mr oantindes. semer... 22 nan 110 6 nb VTeS ACCES ei tieete seen cie Gg » Hit MERE ARE GE Er Nr: Morane de rer | » HÉTATEIME See cf Pelle autaie aie Sioiore se es fo Li » Ramollissement des SA AS 3 » RTE PU UE Srat o me o aa a de QU 7 » 0 oO EE ONE AT EE à » RAM neue, ca emo on 5 » Affections Catarrhales .:...:,../:.:.....1 |! 39 » PÉRAMIBEn EL ET US SU 0 en 10 » Broneintes Aigues. ve 00... 02000 23 » HémaphAe re. 2400. MSN EL. 7 »” Pleuro-pneumonies................... | 14 | » : 379 | 6 D'autre part. ........ 24, | 8 TOTAL. css 407 114 Les maladies chroniques occupent la moindre place dans le service militaire de l'Hôtel-Dieu ; il n’en est pas comme du civil, où les grabataires et les incurables sont une lèpre qui dévore et déborde sans cesse, malgré tous les efforts de l'administration. Les eaux, les réformes et les convalescences nous offrent des ressources qui nous manquent ailleurs. Sur seize phthysiques, sept périrent ; les autres fu- rent réformés. Un, qui succomba à une péritonite chro- (124) nique , offrit une dégénération tuberculeuse du péritoine. Un autre mourut d’une anasarque ; c'était un sergent de l’ex-garde royale, malade depuis six mois des suites d’une épidémie que la mauvaise qualité du pain rendit meurtrière dans les casernes de la capitale. I n’offrit de remarquable que le courage avec lequel il supporta ses longues souffrances et la prodigieuse distention de son ventre et de ses cuisses, qui fut telle qu'il ne me sou- vient pas d’en avoir vu de plus forte. * Les embarras de l’estomac et des intestins n’offrent d'ordinaire rien à citer. Ces affections simples et béni- gnes cèdent à la diète, aux délayants, souvent à de doux évacuants; c'est ce qui arriva, sans exception, sur Cin- quante qui en furent atteints. Un d’eux mérite cependant une mention spéciale. De planton chez le général Tro- briant, il s'était amusé au cabaret pour quelques verres d’eau-de-vie , dont il avait peu l'habitude ; il se hâta pour réparer le temps perdu. En entrant il chancelle, pâlit et tombe sans connaissance, les yeux fixes, les mâchoires serrées et tout le corps immobile. Appelé sur le champ, divers révulsifs furent essayés vainement ; je le fis porter à l'Hôtel-Dieu. Ce ne fut qu'après cinq heures de cet état qu'un lavement purgatif ayant fait cesser tout spasme, le tube intestinal et l'estomac reprirent leur action, et qu'une évacuation copicuse, aidée par l’'émétique, le rendit au sentiment ainsi qu'à la santé. Il fut plus de quinze jours à se remettre de cette secousse. Il rentra peu après pour une variole des plus confluentes, dont il guérit, non sans avoir couru quelque danger. Je tiendrai peu de compte des flux ; j'en reçus quinze qui offrirent peu de gravité. Huit cédèrent aux délayants, cinq à l’ipécacuanha ; un, plus rebelle, exigea l'emploi de l’opium et du simarouba. Les angines tonsillaires, au nombre de treize, se ter- minèrent, dix par résolution, trois par abcès, du 7 au 9. (@iro5n) Huit furent évacuées au début et au déclin. Trois fois seulement les sangsues furent appliquées aux angles des mâchoires, et cela n’empêcha pas une d'elles de se ter- miner par suppuration , tant nos moyens soni peu puis- sants pour détourner la nature de la voie qu'elle s’est choisie. Plusieurs vinrent pour des salivations, souvent dues au mercure; un d'eux, fort et vigoureux, mouillé par un froid de dix degrés après s'être mis en sueur dans un incendie qui eut lieu au mois de janvier, présenta d’abord une irritation de la poitrine avec toux, sans fièvre. Bientôt il rendit , sans effort, et comme par expui- tion, sans gonflement de la bouche, une énorme quan- tité de matière filante et glaireuse ; cela dura près de trois mois, à la dose de deux à trois livres par jour. La peau n'était point sèche, et le ventre se tint assez libre, Je crus n'avoir rien de mieux à faire que de sou- tenir le malade par un bon régime. I supporta parfai- tement cette énorme déperdition, qui n’altéra presque jamais sa gailé ni son appétit. I ne maigrit pas autant qu'on aurait pu le croire. il est évident que le saisisse- ment de la peau et la suppression de la transpiration furent la cause déterminante de cette affection. Je noterai cependant que, dix mois avant, il avait fait un traite- ment par les frictions ; pour une syphilis que des taches vénériennes attestaient encore. Le mercure, après un aussi long temps, peut-il ainsi manifester son action ? C'est une question que je ne déciderai point ; je me borne à noter le fait. Je me hâte d'arriver aux fièvres continues et inter- mitltentes, qui furent aussi nombreuses que graves. Leur nombre s'éleva à cent soixante-dix-neuf, cent dix continues et soixante-neuf intermittentes. Les premières se montrèrent avec une violence qui aurait pu faire croire qu’elles dépendaient d’une cause épidémique ; un flux ( 126 } séreux au début, avec douleur sourde , quelquefois même élévation du ventre ; la langue molle, humide , rouge et comme dépouillée ; tantôt épaisse, âpre et noircissant facilement ; un abattement général; des symptômes bi- lieux et des vomissements fréquents, joints à une singu- lière tendance aux fluxions vers l’encéphale , tels furent les signes observés. La torpeur, le délire, les convul- sions survinrent aussi chez un grand nombre de ces malades. Quinze seulement de ces fièvres parurent assez légères pour être abandonnées à elles-mêmes; ce fut avec succès : une moiteur générale, des évacuations fa- ciles par bas, une éruption pustuleuse aux lèvres et aux ailes du rez terminèrent la plupart. Soixante, qui of- fraient plus de gravité, furent évacués au début et soumis à des médications variées suivant le besoin. La guérison survint, secondée par des sueurs générales, plus souvent par la diarrhée, que plusieurs fois cependant il fallut modérer, tant elle se prolongeait. Des épistaxis se mon- trèrent fréquemment ; quelquefois ils soulagèrent, d’au- tres fois ils parurent dangereux ou insignifiants; un seul fut décidément critique. Sur ces soixante malades qui guérirent , les sangsues furent appliquées trois fois der- rière les oreilles et une fois à l’anus, Pas un ne fut saigné. Cinq présentèrent , bien tranchés, des cas de fièvre ar- dente dite bilieuse inflammatoire. Une d'elles ne se ter- mina qu'après six épistaxis. Toutes ces fièvres dont il vient d’être fait mention ne dépassèrent pas quinze jours. Celles qui durèrent davantage s’accompagnèrent des symptômes les plus alarmants, tels que délire, coma, convulsions , vomissements opiniâtres, gangrènes, etc. Elles furent aussi variées dans leur marche que dans leur terminaison; les mêmes moyens ne furent pas constamment efficaces. La tête parut la région le plus souvent menacée. Ces fièvres furent au nombre de trente- cinq : deux périrent qui avaient été saignés , l’un du pied, (“2570 avant son entrée , l'autre du bras, à l'hôpital, Tous deux, outre cela, avaient eu plusieurs hémorragies nasales. Un troisième , arrivé exténué par de nombreuses sang sues mises, à la caserne , sur le ventre , tomba dans un affaissement dont rien ne put le tirer. Un malade saigne du bras fut plus heureux ; il guérit , ainsi que deux auxquels des sangsues furent mises der- rière les oreilles. Sur six malades saignés, soit par les sangsues , soit par la lancette , trois périrent ; les vingt- neuf autres furent évacués lorsqu'ils vinrent au début et soumis à l'emploi des laxatifs doux, comme le tamarin, la casse, la crême de tartre, la manne suivant le be- soin. Les vésicatoires furent rarement avantageux ; le quinquiva rendit de grands services. Grand nombre de ces malades eurent des épistaxis avec une issue différente, et non sans danger pour plu- sieurs, moins par leur abondance que par l’activité que les symptômes semblaient en recevoir lorsqu'ils ne s’a- mendaient point immédiatement, ce qui faisait crain- dre une issue funeste. Deux périrent ainsi, non soulagés par des épistaxis répétés , un dans les convulsions, l'au- tre épuisé par une énorme escarre qui ne fut point cri- tique. Trois dans-le même cas guérirent, ayant eu au dé- but des hémorragies répétées à des époques variables ; chez deux la diarrhée avec moiteur fit bien espérer ; l’autre, atteint d'un tœnia dont il rendit de longues por- tions, guérit malgré une escarre gangréneuse de six pouces de largeur, survenue au vingt-unième jour. Ce n'est pas la première fois que je rencontre des fièvres graves chez des individus ayant des tœænia, et bien qu’alors les malades aient coura les plus grands dangers, il ne me souvient pas en avoir vu périr au- cun. J'ai dit n'avoir observé qu'une hémorragie décidé- ment critique ; le malade était arrivé au dix-neuvième ( 128 jour, au milieu des signes les plus menaçanis ; le délire et la prostration ne cessaient point. Le vingtième, il eut une légère hémorragie sans résultat prononcé ; mais, à l’acca- blement croissant et à l’activité particulière du pouls, j'en présageai une seconde. Je recommandai de la res- pecter, quelle qu’elle fût, l'avertissement ne fut pas de trop. Dans la nuit du 22 au 23, il en survint une ef- frayante par son abondance et par les syncopes qui la suivirent. La fièvre cessa de suite, la convalescence fut prompte et complète. Plusieurs fois j'ai remarqué, à une époque avancée de la maladie , des vomissements bilieux précédés d’un trouble général et suivis d’un calme complet. Ils étaient criti- ques. Un assez grand nombre , tourmenté sans résultat, se trouva bien , à cette époque de la maladie, de l’éméti- que à doses réfractées. Il serait difficile de dire si tel symptôme grave était déci- dément funeste , car parmi ceux qui sucecombèrent et ceux qui guérirent, on en observa souvent d’analogues. C’est ainsi qu'un périt à la suite d’un gonflement œdémateux de la face, malgré lequel son voisin guérit parfaitement. Quelques malades, arrivés au dernier degré de prostra- tion, durent leur salut au quinquina en décoction à haute dose. Dans plusieurs cas, ce médicament me parut tel- lement héroïque , que sans lui j’entrevoyais bien peu de chances de guérison. On voyait sous son influence le malade s’éveiller, la langue se nétoyer, le flux dimi- nuer, le pouls et la chaleur renaître ; et si, par erreur ou à dessein, on en suspendait l’usage , les élèves eux- mêmes s’en apercevaient au premier aspect. Ces fièvres m'ont surtout paru remarquables par leur nombre et leur gravité (1). Elles se montrèrent surtout (1) Les travaux des contemporains ne me paraissent pas avoir jelé sur l’étiologie des fièvres le jour qu’on en devait espérer. Des mots nouveaux ( 129 ) dans la seconde période de l’année, où les malades nous abondèrent d'une manière tout insolite. La cause en était palpable ; à la garde royale, corps d'élite, succé- daient des recrues, des régiments de ligne fort inéga- lement composés. La réorganisation de l’armée sou- mettait à des marches forcées une foule de soldats restés jusqu'alors dans leurs foyers, et les circonstances multipliaient, pour la garnison de Rouen, des corvées au-dessus des forces de beaucoup de ceux qui la com- posaient. Sur cent dix, il en périt six, et sur six aux- quels on tira du sang, soit par les sangsues , soit par la lancette, il en périt trois. Les autres furent pour la plupart évacués au début et soumis à une médica- tion variée suivant le besoin. donnés pour désigner des maladies anciennes, des recherches peu con cluantes d'anatomie pathologique, la réunion sous un même titre d’af- fections en tout dissemblables , et une tendance générale à localiser des altérations qui, par leur cause et leur mobilité, s’y refuseront toujours; voilà où nous en sommes sur la nature et le siège de ces fièvres, Quant au traitement, quel est l'observateur impartial qui oserait affirmer que, de- puis les doctrines nouvelles, il soit plus rationnel, moins variable et surtout plus heureux ? - Lorsqu'il s'agit de former des élèves et de leur enseigner la vérité, on conçoit que la tâche devient de plus en plus difficile; aussi jai renoncé à toute dénomination propre pour les fièvres. Je les divise en continues et intermittentes , division invariable ; et chacune de celles-ci est, suivant ses symptômes, désignée sous le nom de grave ou bénigne. J’ai soin de rappeler les dénominations anciennement usitées, sans lesquelles la lec— ture des anciens auteurs deviendrait inintelligible, et je fais connaître en mème temps leur synonymie, avec les expressions nouvelles. De cette ma— nière, aucune idée préconçue ne vient influer ni sur la nature, ni sur le traitement; l'esprit , libre de préjugés, observe avec plus d'indépendance, et, lorsque mes élèves suivent une fièvre grave, ils la dénomment eux- mêmes à leur gré; ils la qualifient indifféremment de fievre putride, adi-— namique, entéro-mésentérique, dothin-entérite, gastro-entérite, parce qu'ils savent que pour nous les mots ont peu de valeur en présence des faits. 17 { 1301) L'ouverture des corps nous a présenté, chez un grand nombre, mais non constamment, des éruptions, des ulcérations ou désorganisalions plus ou moins avancées dans les intestins , et notamment dans le cœcum et l'iléon, des engorgements du mésentère , concurrem- ment avec des désordres variés vers la poitrine ou l'encéphale , dûs à des complications survenues dans une période avancée de la maladie; l’estomac fut constamment trouvé peu gravement altéré. Les convalescences furent , en général , franches et ra- pides ; la plupart de ceux qui sortirent de l'hôpital reprirent leur service. Aurais-je obtenu d’aussi heureux résultats en usant moins sobrement de la saignée ? Je ne puis le penser : l'exemple de mes devanciers, MM. Lepecq, Rouelle et Roussel, m'a servi de guide sur ce point, et l'expérience confirme chaque jour leur manière de voir. Convaincu que, dans notre ville, les médications dé- bilitantes conviennent moins qu'ailleurs, nous y regar- dons en deux foïs pour verser le sang; nous sommes mêmes en garde contre les sangsues : nous prescrivons rigoureusement leur nombre et le temps pendant lequel elles doivent couler. Pour la saignée de la veine, nous exigeons qu'on se serve de vases d'étain de la capacité de trois onces; on nous les représente le lendemain. Nous tenons un compte sévère de la qualité du sang. IL ne me souvient pas d'en avoir fait tirer au-delà de dix onces, et jamais, je crois, je ne l’ai réitérée chez le même individu. Je pense que ces précautions, trop souvent négligées, auront l’assentiment de tout praticien éclairé. Je n’ai point fait mention de la tendance qu’avaient beaucoup de fièvres continues à devenir intermittentes vers leur déclin. Plusieurs furent décidément rémit- tentes, ce qui tint à la constitution qui, depuis trois ( x3#) ans, a rendu si fréquentes les fièvres d'accès, non-seu- lement sur les rives de la Seine, qu'elles ont désolées plus que jamais, mais encore dans notre ville, où elles se montra ent si rarement. Les militaires même récem- ment arrivés n’en furent point à l'abri. Nous en reçümes soixante-neuf : Sept irrégulières ; .Onze quotidiennes ; Quarante-trois tierces ; Sept quartes ; Une larvée. Un tiers environ céda spontanément par le repos et la diète, aidé de quelques évacuations par la peau, les selles ou le nez. On remarqua surtout des épistaxis sur les quotidiennes. Une seule fois les sangsues furent mises à l'anus ; aucun d’eux ne fut autrement saigné. Quarante-neuf furent évacuées, et vingt-neuf fois la fièvre céda à cette seule médication. Les autres guérirent par le sulfate de kinine seul ou associé à Popium. Deux résistèrent : chez l’un, la fièvre était entretenue par une tuméfaction énorme de la rate, contractée aux colonies ; chez l’autre, par un mauvais état de la poitrine. Je les fis tous deux réformer. Le reste guérit , sans exception, avec une promptitude et une sûreté à laquelle nous sommes habitués. Jamais le quinquina ne fut donné en substance ; le sulfate de ki- nine s’est toujours montré le plus doux comme le plus efficace des remèdes. Depuis trois ans, les fièvres d'accès se sont montrées aussi fréquentes qu’elles étaient rares dans notre ville, et ce n’est pas exagérer que de porter à trois cents le nombre des malades auxquels nous l’avons administré, non-seulement sans regret, mais avec un succès constant. Les fièvres ne furent pas seules dignes d'attention; les maladies de poitrine donnèrent lieu à des observations (Ç adau) aussi nombreuses qu'intéressantes. Nous allons les par- courir, après avoir mentionné quelque cas d’affections intercurrentes. Un militaire, se promenant sur les petites eaux de Martainville, introduisit sa main dans un buisson pour prendre un nid ; il fut mordu par une vipère aux @oigts index et médius ; le bras se gonfla, la main devint dou- loureuse, et des symptômes nerveux se déclarèrent. Les morsures furent cautérisées et le malade envoyé à l'Hà- tel-Dieu, où quelques doses d’éther suffirent pour cal- mer ces accidents qui n’offrirent rien de bien alarmaut. Six varioles confluentes guérirent avec facilité. Nous avons consigné ailleurs le mode de traitement que nous avons adopté (1). Une septième survint chez un malheu- reux qui languissait d’une pneumonie chronique. Une fluxion nouvelle qu’elle détermina sur la poitrine, le fit périr dans les convulsions avant la sortie complète de l’éruption; c’est là ce qui m'a déterminé à le ranger parmi les malades morts de pneumonies chroniques. Un malade, convalescent d'une fièvre d’accès fort bé- nigne , avait, depuis vingt jours, une blennorrhagie peu douloureuse ; il n’obtint aucun soulagement, ni du co- pahu, ni du poivre cubèbe administrés à haute dose. Je note ici ce cas d’infidélité de la part de ces remèdes, qui d'ordinaire réussissent si bien. Le malade était fa- tigué des médicaments ; je l’envoyai à l’'Hospice général, aux soins de notre confrère, qui, sans doute, aura été plus heureux dans le traitement de cette affection bien légère, ainsi que chacun sait, mais parfois aussi impor- tune pour le médecin que pour le malade. Parmi cinq rhumatismes, un fixé sur le nerf sciatique fut envoyé aux eaux de Bagnoles, qu'il prit avec succès. (1) Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Rouen, en 1824, ( 1839 Un autre était atteint d’un rhumatisme aigu fort dou- loureux. Déjà pris, il y a deux ans, il avait été traité par les saignées répétées ; il avait long-temps souffert, et il fut plus de trois mois sans pouvoir reprendre le ser- vice. Nous suivimes une autre marche; néanmoins les douleurs ne se calmèrent qu'après vingt-huit à trente jours, par les sueurs et les narcotiques. Il reprit son ser- vice; après avoir séjourné près de trois mois à l'hôpital. Les affections catarrhales simples et les pleurodinies offrent trop peu d'intérêt pour trouver place ici. Leur nombre s’éleva à quarante-neuf, qui guérirent avec une grande facilité. Les instructeurs et les musiciens des régiments sont souvent affectés d'hémoptisies : sept cédèrent facilement au silence, à la diète, aux boissons adoucissantes. Je juge bien rarement utile de recourir à une médication plus active, puisque celle-là me réussit constamment. I m'eût été bien facile de grossir la liste des pneumo- nies aux dépens des bronchites aiguës, car des nuances souvent bien légères séparent ces deux aflections. Habi- tués à une certaine sévérité dans le diagnostic, nous atten- dons, pour nous prononcer, que la masse des signes ne nous laisse aucune équivoque. Une crépitation douteuse est par nous comptée pour rien, et un côté du thorax mal résonnant sous la percussion ne nous suffit pas, dans la conviction où nous sommes qu’un poumon peut passa- gèrement être engoué par des causes bien variées, étran- gères à la pneumonie et sans aucun danger. Les bron- chites aiguës furent au nombre de vingt-trois, qui se terminèrent heureusement. Les pleurésies et les pleuro-pneumonies, au nombre de quatorze , ne furent pas traitées avec moins de succès. Tous ceux qui en furent atteints présentèrent au début les symptômes les plus aigus. Voici le traitement qui leur fut administré : (134) Cinq seulement furent saignés, un après le septième jour, pour une pneumonie grave, compliquée d'hyper- trophie du cœur, qui causa sans doute les accidents mul- tipliés qui retardèrent la guérison jusqu’au trentième jour. Il ne put reprendre son service que le cinquan- ième. Un deuxième fut saigné sans beaucoup de soulage- ment ; l'élève n’avait obtenu que quatre onces de sang ; un seul émétique fut donné. La guérison fut complète le douzième jour. J'en fis saigner au troisième jour un qui offrait la ma- ladie dans toute son acuité : la nature du sang me con- vainquit que j'aurais pu mieux faire. Îl eut une rechute, et guérit par des sueurs abondantes précédées d'épis- taxis : il séjourna vingt-huit jours. Une saignée du bras avait peu soulagé un malade violemment pris. Un émétique opéra mieux ; quinze sangsues enlevèrent un point douloureux qui résistait, et dès-lors la maladie suivit une marche douce et prompte vers la guérison, qui eut lieu le septième jour. Chez un cinquième, J'eus recours aux sangsues pour une pleuro-pneumonie des plus aiguës ; des symptômes alarmants de prostration suivirent ; la maladie fut grave, des sangsues furent réappliquées à l’anus, le malade guérit le dixième et sortit le quinzième jour. Les neuf autres ne furent point saignés ; l’émétique , donné au début, ne fut chez aucun répété dans le cours de la maladie. Le point douloureux, l'oppression , la fièvre diminuaient par cette seule médication. Des sueurs survenaient, des crachats mousseux étaient rendus et terminaient tout de la manière la plus douce et la plus heureuse. Chacun comprendra que les succès que nous avons obtenus sur la totalité de nos malades furent singulière- ment secondés par la position particulière où ils se trou- (12359 vaient. C’est à des résultats de même nature qu'il les faut comparer pour les bien juger. Il ne serait pas pos- sible d'établir aucun parallèle entre la médecine faite sur des hommes choisis de vingt à trente ans, et celle qui opère sur des malades civils, hommes et femmes, épui- sés par l’âge, le travail ou les infirmités. La mortalité fut d’un sur vingi-neuf pour la masse. Pendant le premier semestre, il en mourut quatre sur cent cinquante - sept, ce qui fait un sur trente-neuf; tandis que , dans le second , il en périt dix sur deux cent quarante-six, où un sur vingt-cinq (1). Le succès le plus frappant que nous ayons obtenu est sans contredit celui des pneumonies , car sur quatorze il n’en périt aucune. On peut, d’après les faits cités, juger la méthode qui fut suivie , et combien je crus de- voir être sobre de saignées dans une affection qui passe pour la réclamer si impérieusement. L'âge et la force des sujets, loin d’être ici une chance favorable , semblent produire un effet tout contraire. Si nous agissons ainsi sur des militaires dans la force de lâge , que doit- ce être pour le civil? Aussi, bien rarement chez eux je fais (1) La mortalité dans les hôpitaux varie suivant l'état physique et moral de ceux qu’on y traite. Autre est une ville florissante et dont la population est heureuse, et celle dont l’industrie souffre et ne permet pas à une partie de ses habitants de pourvoir à ses premiers besoins. Le manque de travail, la cherté du pain, plus encore que les maladies an- nuelles, grossissent le nécrologe d’un hôpital civil. Les variations sont bien autrement sensibles dans un hôpital militaire. En temps de paix, la mortalité est généralement peu considérable ; mais viennent des bruits de guerre, des recrues nombreuses , elle augmente ra- pidement. Que la fatigue, les privations , la nostalgie s’en mèlent, il n’y aura plus de rapprochement possible. Survienne enfin une maladie épidé-— mique, comme la dysenterie, la fièvre jaune, le typhus, le choléra, au lieu de perdre un malade sur trente , le médecin le plus expérimenté se trou- vera heureux d'en sauver dix sur vingt. (136) ouvrir la veine , et cependant les pneumonies n'y man- quent pas : de nombreux témoins peuvent affirmer les succès qu’on obtient par une méthode bien différente. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il en est ainsi à l'Hôtel- Dieu de Rouen; M. Laennec, qui a rendu de si grands services à la science sur cette partie, convient, d'après les observations que j'adressai à l’Académie royale de médecine, en 1825, qu'à l'Hôtel-Dieu de Rouen, il en périt un sur neuf, tandis qu'ailleurs la mortalité est d'un sur six. J’ai quelques raisons de croire que les relevés des dernières années sont encore plus satisfaisants. M. Laennec, dans son bel ouvrage sur l’ausculta- tion (x), en avouant les avantages de notre méthode, n'avait pas bien présents les faits sur lesquels il jugeait ; il n'eût pas dit qu'elle était fatigante pour les malades. Les élèves et les jeunes confrères qui fréquemment as- sistent à nos visites, peuvent attester que s’il en est peu d’aussi heureuses, il n’en est point de plus douce. Si ces faits ne résultaient que de l'observation du moment, on pourrait admettre l'existence d’une de ces constitutions particulières qui donnent aux maladies une physionomie propre et insolite. Je ne puis admettre celte supposition. Depuis dix ans, je vois les mêmes moyens suivis des mêmes résultats ; où Lepecq a-t-il puisé les faits si beaux, si concluants de ces pneumonies que la saignée exaspérait, et qui cédaient comme par enchantement à de doux évacuants convenablement ad- ministrés ? Si nous remontons un peu plus haut, nous pourrons nous convaincre qu'ailleurs qu’à Rouen ce mode de faire a été suivi avec succès. A-t-on perdu le souvenir de ce (1) LAENNEC, Auscultation médiate, 2e édition, tome 11, (137) doyen de Caen, qui eut à soutenir, en 1682, un procès contre la faculté qu'il présidait, pour avoir osé guérir des pneumonies par l’émétique et les purgatifs, moyens alors solennellement condamnés. Stoll, à Vienne, dut une grande partie de sa gloire à l'emploi des moyens qui, quinze ans auparavant, réus- sirent si bien à M. Le Pecq. Et, il y a près de deux cents ans, Lazare Rivière, par ses écrits et sa pratique, n’avait-il pas signalé les mêmes faits à la faculté de Montpellier ? Je sais que la médecine doit varier suivant les temps et les lieux ; je ne pense pas que ce mode d'agir qui réussit si bien ici, soit partout également bon, je n’ose- rais même affirmer qu'il conviendra toujours; mais je suis Convaincu que notre ville, par sa position, ses vents, ses eaux, les mœurs de ses habitants, a un climat propre, dont l'influence est tellement puissante, qu’elle modifie en peu de temps la constitution de ceux qui y viennent séjourner, et imprime aux maladies même les plus aiguës en apparence, un caractère catarrhal et bilieux qui peut bien offrir des nuances, mais qui règne trop généralement pour qu'on n’y porte pas dans le trai- tement une atténtion toute spéciale (1). J'ai dit quelques mots sur plusieurs des moyens cura- tifs dont je fais un fréquent usage. Je n’entrerai point dans un détail qui serait ici fastidieux. La plupart des médica- tions que j'emploie sont d'une extrême simplicité. Ce n'est point dans l'asile du pauvre que lon doit sacrifier (1) Romæ seribimus et in aere romano, quod ideo monemus, ne in- sulsus aliquis, cujus nomen tacemus, si contraria in suà patrià aquilonari experiatur, insulsè denuo irascatur in sequaces Hippocratis. Sancte fateor ferè centiès hujus modi veritatem expertus sum Romæ in ægrotantibus ; et sæpe cum magno animi mærore quando medicos in contrariam ire sententiam observabam. ( Baglivi opera, t.1.) 18 ( 138 ) au luxe ou au caprice de la mode; des besoins plus réels sont là qui*réclament ce qu'ailleurs on peut accor- der pour flatter le goût ou capter l'imagination. Nous ignorons ces remèdes rares et compliqués dont l’action ne saurait être expliquée par ceux mêmes qui les em- ploient. Jamais nous n'avons attaché de prix au nom- bre ni à l'élégance de nos formules; nous allons droit au but. La matière médicale est bien riche pour celui qui la sait employer. Le formulaire que j'ai tracé pour l'hô- pital est tellement simple , que je crois qu'il serait pos- sible de le graver sur une carte. Je n’y fais que de bien rares additions, et si parfois je tente l’essai d'une subs- tance nouvelle, c’est avec une réserve qu’on pourrait ailleurs appeler de la timidité, mais qui, du moins, ne m'expose à aucuns regrets. C’est surtout à l'Hôtel-Dicu de Rouen qu'on ignore les expériments dangereux; la vie de nos semblables m'a toujours été d’un trop haut prix pour la compromettre dans la moindre tentative ha- sardeuse. Depuis le sulfate de kinine, découverte dont le premier je crois à Rouen avoir constaté l'efficacité, bien peu de médicaments nouveaux m'ont paru dignes d'être usuellement conservés. L'aconit, la thridace , la salicine , les derniers dont j'ai fait l'emploi, m'ont paru infidèles ou dangereux. Soumis au creuset de l'expérience, ils n’ont pas mérité à mes yeux les éloges qu’on leur pro- diguait. Sans prétendre infirmer en rien le mérite ou l'exacti- tude des observations de praticiens recommandables, je n'ai point encore denné l’émétique à haute dose dans la pneumonie, parce que je crois qu'on peut obtenir des suc- cès par des voies plus douces et plus sûres. Jamais notre budjet ne s’est enflé d’une profusion de sangsues, dont Pu- tilité ne m'a point été assez démontrée pour en imposer aux malades le tourment et le danger; mais nous nous attachons surtout à pénétrer nos élèves des ressources in- ( #39 ) finies de la nature, sans chercher à les séduire par un vain appareil de médicaments qui les exposerait plus tard à de tristes déceptions. Quel que soit le mode de traitement que nous adop- tions, nous ne perdons jamais de vue qu'au-dessus de tous nos moyens il existe une force médicatrice toujours présente , toujours agissante, dont les efforts ne deman- dent qu’à être secondés, que le médecin doit suivre et connaître , que le plus habile est son plus digne inter- prête, et qu'il ne doit jamais compter sur plus de succès que lorsqu'il la laisse agir en toute liberté. CRE : 70 nier au tgédubts es é BRAS UE CPRLTANTE si bein é Lriët An 2 ie} EL PT 77 dR Un nb. ‘ ñ A" "es ce QE) Gus Téo Mys 14, :: MAR TAR . ne vi DAELIPL LUE lE tre WROE 010 À a: 10 4e "ia ile ET OET bibi AM du) ES EM Ov MORTE CN dirt an oi. viré rAls LIRE at migé truniaut. hr) ET ua Robe tab M à be Pibano he ue wy pe fre! Li vb aisièy cé en si nt 20 | D Lo RS Let L US Vos . eu tort eat oi a Nu ‘ir, PAG bbotfrt tu big Met al pa tal AU el { } v< 4. ra * 4 pale v ‘ rs Ven . +r pi L , dd. PA vérin CT TT i d . netrodis Lu, lagroubti nu ! " NDéE A0 Cr ErETE ] ' i ON ALES AS : L ‘ Ar i + r FA 16 : lg " n + Î CRE EPL | A “ / 0 re es Le 4 ' ‘ : + . ww à sucer à » . h : ' CP à» : ‘s en 7 z : ua RS TL ELLE ë |! ; \ T@é ny L 5 pr | * ‘ 1 ne} t i | À! ' ii ! 1 é PAREL QUE | s D e À k « SP: Mt kb .: iL 4 LE ww". (A * 4 i pe k ù MES * ‘+ s AAA AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA A AAA AA AAA AAA CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. RAPPORT Fair par M. N. BicNoN, Secrétaire perpétuel. Messieurs , Ce serait peut-être un tableau de quelque intérêt pour le public que l'exposé des produits littéraires de la der- nière moitié du 18° siècle, comparés à ceux qui signa- lent le 19°, malgré les perturbations politiques de toute espèce et l’entraînement des esprits vers les spéculations lucratives de toutes les industries. Ce pourrait être, en même temps, une solide réponse au dénigrement de ces pessimistes de profession qui s'obstinent encore à nous faire accroire que, depuis quarante ans, l'instruction de la jeunesse a été sans résultat , offusqués sans doute par l'éclat de la lumière dont l’âge viril actuel les en- vironne. Non, Messieurs, non, malgré le système rétrograde oc- culte constamment suivi depuis le commencement du siè- cle , surtout dans le personnel de la partie administrative, l'instruction publique a porté son fruit par la seule force des choses ; dans aucun temps, le professorat n’a compté plus d'hommes d’un vrai talent ; et, si l’on excepte quel- Cr#2) ques vieilles pratiques routinières et celte prétendue phi- Josophie scolastique qui, sous un nom pompeux, occupe le temps le plus précieux de la jeunesse d’une métaphy- sique abstruse, aux dépens de la théorie des idées et du raisonnement, la seule métaphysique intelligible et profi- table, jamais encore l'instruction publique en France n'offrit ni autant d’élendue ni autant de variété dans ses éléments, pour la composition d’un bon système appro- prié aux besoins de la société actuelle, La preuve en est sensible dans la jeunesse studieuse sortie nouvellement de nos colléges , et qui prend soin de cultiver les semences qu'on lui a confiées; oni, Messieurs, et (que l’on veuille bien nous pardonner cette franchise, qui n’est que l’ex- pression d'une ancienne et habituelle sympathie) pour être quelquefois admirables par l'étendue de leurs con- naissances, peut-être ne manquerait-il à nos jeunes gens que d’avoir souvent un peu moins de ce ton dogmatique et tranchant qui fait repousser la vérité même, et un peu plus de ces aimables déférences qui donnent tant de charme au savoir. Mais, Messieurs, ce ne peut être ici que le pro- gramme, en quelque sorte, d’une siatistique comparative à faire, qui demanderait un autre temps et une autre plume. — L'ouverture des travaux de cette année s’est faite sous. la direction de M. Houel; nommé subitement à la prési- dence du tribunal civil de Louviers, il n’a eu que le temps de faire à la compagnie un adieu verbal plein d’expres- sions affectueuses qui ont encore augmenté les regrets de son éloignement. M. Blanche, qui lui a succédé dans. la même séance, s’est rendu l'organe de l’assemblée, en adressant à M. Houel des remercîments sur la manière distinguée dont il avait supplééle président durant pres- que toute l’année dernière ; et il a saisi un motif de con- (143) solation pour toute la compagnie dans cet espoir que la ville pourrait reconquérir un jour, pour sa magistrature, un talent indigène qui laisse d’honorables souvenirs dans notre barreau. = L'Académie a reçu, cette année, pour orner sa bi- bliothèque et l'éclairer elle-même dans ses travaux : De M. le Préfet du département, vingt-quatre volumes des Classiques latins, faisant suite à la collection des en- vois précédents du même ouvrage ; De M. le Maire de la ville, le catalogue de la Biblio- thèque publique (partie des Belles-Lettres), par M. Théo- dore Licquet, conservateur ; De M. Tougard, avocat à la Cour royale, une Adresse aux deux chambres législatives, sur la peine de mort, et une pétition aux mêmes, sur le droit électoral; De M. Sellon, membre du souverain conseil de Genève, un programme de prix, sur les moyens d'assu- rer la paix générale, et sur le vœu à exprimer au futur congrès ; De la Société d'enseignement mutuel à Rouen, le procès-verbal de sa Séance publique, en 1830, et des progrès dûs au zèle et aux sacrifices d’une administration toute bienveillante ; De la Société royale des Antiquaires de France, le Pré- cis d'une notice sur ses travaux, par M. Sébastien Bottin ; De la Société de géographie de France, les n°° 93 et 94 de son 15 volume ; De M. Auguste Asselin, de Cherbourg, une Notice sur la découverte des restes d’une habitation romaine dans la mielle de cette ville, et sur quelques antiquités trouvées entre Cherbourg et Valognes ; De M. F. C.…, une Biographie d'Abbeville et de ses ænvirons ; De la Société des antiquaires du Nord, à Copenhague, (144) un rapport très détaillé fait au roi de Danemark, par M. le chevalier d'Adamson, le 31 mai 1830, et qui cons- tate l'existence, à cette époque, de 2,824 écoles d’ensei- gaement mutuel dans ces petits états, où la méthode n’a commencé à s'établir qu’en 1822 ; ce qui prouverait assez ‘peut-être que le bon sens et la lumière de l’esprit ne sont pas en raison directe de la proximité du soleil. = Organe d’une commission nommée pour les poésies de M. Edmond du Petit-Bois, M. Duputel, dans un préli- minaire , a jugé notre siècle bien propre à fournir des su- jets de tragédies à la postérité, mais très peu poétique pour l’âge présent. Il a entendu les cris des factions, le retentissement ce la chute des empires, précurseur du bouleversement de la vieille Europe! Aussi fait-on bien peu de vers aujourd'hui, dit notre confrère; et, venant ensuite à ceux de M. du Petit-Bois, qu'il soupçonne être encore fort jeune , n'ayant point dans son style un genre déterminé, la Mort de Landais, par la chaleur d'expression et les vérités de sentiment, lui a paru digne de plaire en tout temps et en tout pays; il a signalé des beautés et des défauts dans la ballade et dans l’ode, quel- quefois un peu tachetée de romantique. Ici, Messieurs, nous devons faire une remarque essen- tielle pour la statistique de l’Académie ; c’est que, depuis plusieurs années, nous n’entendons plus que le nom de ce phénomène littéraire, de cette école vaporeuse pré- chée naguères parmi nous avec tant de chaleur, qui de- vait envahir tous les genres, pour laquelle 7/ n’y avait pas assez de presses, et qui paraît destinée à s’abîmer au milieu des farces théâtrales ; à moins, toutefois, que , pour con- server au système ce qu'il peut avoir d’applicable à l’état actuel de la civilisation française, ses coryphées, guéris d’un enthousiasme irréfléchi, ne rentrent dans les limites de la raison et du vrai goût, si légèrement sacrifiés à C145) cette bizarre fantaisie, qui ferme peut-être la voie de lPimmortalité à quelques-uns de leurs ouvrages. = La Revue normande, ouvrage périodique annuel de M. de Caumont, professeur à Caen, a pour but, suivant M. 4. Le Prevost, d'affranchir les provinces du monopole des réputations, que la capitale continue à s’arroger en fait de sciences, de littérature et d’arts ; et le moyen choisi par l’auteur pour l'émancipation des talents de toute espèce, c’est d'offrir, dans sa revue, un centre de renom- mée à tous les produits intellectuels des cinq départe- ments formés de l’ancienne Normandie, et de les publier par la voie de la presse, dans un recueil indépendant des coteries parisiennes. L'analyse de notre confrère, pour le recueil de cette année, est bien capable d’inspirer la confiance , et la manière dont il s’est exprimé sur les ta- lents et la personne du rédacteur, offre encore une nou- velle garantie. = Un Cours d'antiquités monumentales, professé gratui- tement par le même M. de Caumont, et dans la même ville, a corroboré, sur le rapport de M. Deville, l'opinion avantageuse de M. Le Prevost. Ce cours, qui contient cette année l'ère celtique avec son atlas, doit embrasser la domination romaine etle moyen âge, pour se termi- ner avec l'époque de la renaissance. Notre confrère à fait sentir, en connaissance de cause, l’importance, en géné- ral, d’une tâche aussi vaste et aussi remplie de difficultés; combien, en particulier, il a fallu de sagacité pour percer les épaisses ténèbres de cette première partie, et de cons- cience, en même temps, pour se défendre de la manie trop ordinaire des systèmes sur l'histoire monumentale d’un peuple qui n’écrivait pas. Cependant les éloges n'ont pas été sans restriction : notre confrère, qui lui-même a procuré quelques renseignements à M. de Caumont, au- 19 (146) rait désiré plus d’étendue dans la section touchant les médailles. = L'Examen de l'Essai historique, géographique et statisti- que sur le royaume des Pays-Bas, par MM. Balbi et de la Roquette, a offert à M. Ballin des résultats de recher- ches nombreuses, sinon toujours exacts, du moins ap- prochant aussi près que possible de la vérité; mais il aurait désiré que la précipitation de ce travail de circons- tance eût permis d'établir une ligne de démarcation fixe entre le territoire des Belges et celui des Hollandais, quoiqu'il paraisse difficile de réunir plus de documents utiles dans un tableau d’aussi peu d’étendue ; et notre confrère a saisi l’occasion d'offrir un tableau du même genre, inventé et publié par lui-même à Paris, il y a plus de trente ans, lorsqu'il n’était âgé que de treize. C’est le Tableau des principes de la langue française, que Boiste, son imprimeur, a mis en tête du dictionnaire de ce nom, malgré deux condamnations judiciaires avec dépens et indemnité envers le jeune auteur. Et voilà comme on fait tous les jours, avec plus ou moins d'adresse, des gram- maires et d’autres livres, etc. MEMBRES CORRESPONDANYTS. = La Compagnie a entendu avec tout l'intérêt des bons souvenirs la lecture du discours prononcé par M. #ouel, lors de son installation à la présidence du tribunal civil de Louviers. = L'Opinion de M. Boucher de Perthes sur le système prohibitif des douanes, est un dialogue assez piquant dans la forme , suivant M. Deville ; mais, quant au fonds, « j'en « appelle, dit notre confrère, au jugement de tous les « économistes, même des plus hardis: tous ont reculé de- ee nie anne à (147 ) « vant l'application des systèmes absolus ; et ce n'est ja- « mais que par voie d'amélioration qu'ils ont procédé en « pareille matière... » = Le Banquet d'Esther, par M. Charles Malo, seraitun succès, dit encore M. Deville, si l'on pouvait oublier le sujet, les pensées et Les vers de Racine. Les artistes, con- tinue-til, et les poètes qui, chezles Grecs, remportèrent le prix pour avoir corrigé les ouvrages des autres, s'étaient bien gardés de s'attaquer aux statues de Phidias et aux tragédies de Sophocle. = Les Chants armorirains de M. Boucher de Perthes, sont un ouvrage composé d'odes et de récits ossianiques. D’après le rapport de M. Magnier, la nature des sujets de poésie étrangers à nos habitudes et à nos mœurs offre de grandes difficultés à l'intelligence du texte. Mais il a trouvé un puissant auxiliaire dans les notes, qu'il juge très bien faites, et la partie pour nous la plus intéres- sante de l'ouvrage. Il regrette que, renonçant à la lyre, l’auteur n'ait pas adopté la forme des récits poétiques... Cependant il a remarqué de beaux vers, imagination, poésie de style, sentiments élevés, etc.; mais, pour les récits ossianiques, M. le rapporteur avoue qu'il n'a ja- mais pu se faire à ce ton forcé, à ce langage semi-barbare, et il ne conçoit pas non plus comment un jeune homme guéri par deux beaux yeux d’une antipathie innée pour Pamour, peut se donner la mort au festin même de la noce, sans être tenté d'attendre un peu plus tard. = On doit encore à M. Boucher de Perthes un re- cueil de romances, légendes et ballades, qui fournissent une des preuves de la flexibilité d’un esprit cultivé dans tous les genres de littérature. = Dans un compte rendu de six opuscules religieux (148 ) de M. l'abbé La Bouderie, M. l'abbé Gossier a reconnu le talent d’un écrivain rempli de connaissances utiles, tou- jours parfaitement en harmonie, dans les productions de sa plume, avec les devoirs de son état, et heureux du succès de ses ouvrages, si les utopies pouvaient rendre les bommes parfaits. « Il est beau, dit M. Gossier, de voir la « politique et la religion marcher ensemble en temps de « calme, mais je ne suis pas surpris que quelques per- « sonnes instruites et bien intentionnées aient pensé « qu'aux approches de l'orage ce sont deux vaisseaux « qui, pour éviter le choc, doivent se séparer, au risque « d'être privés, au besoin, d’un secours mutuel. » = Dans un rapport sur l’Apologie pour Henri VIT, roi de la Grande-Bretagne, M. Lévy convient avec l’auteur, M. Spencer Smith, que les mérites de Henri l'emportent sur ses démérites ; mais l’apologiste lui paraît bien au- dessous des autres historiens, sur la partie louable de ce règne, et beaucoup trop indulgent à l'égard d’une insa- tiable avarice et des crimes qu’elle a fait commettre. M. Lévy n'admet pas que le monarque ait été taxé par les bons historiens d’un caractère farouche et sangui- paire, ni qu'il ait accordé à Perkins un seul des trois pardons dont l’apologiste lui fait honneur ; il n’admet pas non plus que les vices de Henri VIT aient été ceux de son siècle; c'étaient les siens, dit M. Lévy, et ses vertus, celles d’un siècle sortant de la barbarie. Quant aux droits à la couronne, abstraction faite de la conquête, notre confrère n’a vu nulle part qu’on ait reproché au monarque breton de s'être appuyé de ceux de la maison d’York, mais bien de n'avoir pas eu la bonne politique de se fon- der sur son droit, joint à celui de son épouse. = L'Académie a reçu de M. Berger de Xivrey: 1° Un prospectus, avec le 1° chapitre, en grec, d’une (149 ) nouvelle édition, par N. D. Manos, de la Géographie de Ptolémée d Alexandrie; 2° Les Pastorales de Longus, édition complète, dont la conquête a coûté tant de peines et de traverses à l’infor- tuné Paul-Louis Courrier, avec une édition latine du même auteur, par M. Louis de Sinner ; 3° Quatre pièces de vers latins, grecs et allemands, à la louange de ce dernier, par ses amis; 4° Le Prospectus d’une édition nouvelle, suivant Por- dre alphabétique, du Trésor de la langue grecque, d'Henri Estienne, publiée par MM. Hase, de Sinner et Fix; 5° Un travail manuscrit de M. Berger lui-même, sur celte immense entreprise, et destiné à l'impression par l'académie. (J’ide infrà.) = Une méditation d’une philosophie religieuse sur les Cimetières, par M. de Bonardi, rappelle l'homme à son origine et à sa fin dernière, en distinguant dans son être la partie matérielle, qui se dissout pour entrer dans la composition d’autres corps, et la partie spirituelle, qui émane de Dieu, se réunit à lui, et, comme la divinité même, co-existe à la nature entière sans occuper un point dans l’espace. De là l’auteur prend occasion de nous appeler sur la tombe des personnes dont la mémoire nous est chère, pour y recevoir leurs inspirations, et nous élancer par la pensée hors d’une vie souvent misérable , vers l’éternelle durée du bonheur infini... Conseil assuré- ment bien salutaire! mais, puisque les ames co-existe- raient à toute la nature, sans aller dans le domaine de la mort pour interroger les mânes, que de vertus de plus, que de bassesses et d’atrocités de moins, si quelquefois seulement l’orgueilleuse misère humaine songeait sérieu- sement au bras de fer de l’inévitable nécessité qui nous y pousse. = Un ouvrage qui peut donner l’idée de quelque re- (150) mède à un grand mal que l’on cherche à guérir dans notre état social en France, c’est l'Histoire des Colonies pénales de l'Angleterre, dans l Australie, par M. Ernest de Blosse- ville, conseiller de préfecture au département de Seine- et-Oise. Cet ouvrage, mis au rapport de M. Duputel, à été renvoyé à l’année prochaine. Il en a été de même pour les recueils de la Société de l'Eure et de celle de Nantes, dont plusieurs membres sont chargés de rendre compte. = Malgré l'usage de ne mentionner dans le précis an- nuel que les ouvrages reçus durant la tenue des séances, nous croyons devoir donner à M. Albert Montemont acte de l’envoi d'une ode de circonstance , qui nous est parvenue depuis l'ouverture des vacances, sous le titre de la Nymphe de la Vistule aux Français , et portant la date du 29 août 1831. C’est, dans la crise actuelle, une œuvre de courage qui n’a pu être inspirée que par un louable sentiment d'humanité. NIEMBRES RÉSIDANTS. = Un compte très détaillé rendu par M. Ba/lin sur le bon ordre qu'il a su établir dans la bibliothèque et les archives de la Compagnie, malgré l'exigence de ses fonc- tions civiles, a mérité à l’auteur des témoignages de satis- faction. = M. Periaux père, auteur du Tableau bibliographique de tous nos mémoires depuis 1744, persistant à faire le service actif dans la vétérance, a reçu des remerciments bien mérités pour l'offrande de 300 cartes contenant le dépouillement du précis de 1830, faisant suite à son im- mense travail. = M. l'abbé Gossier a fait don d’un buste très ressem- Ci51) blant, exécuté par ses soins et à ses frais, de notre con- frère M. Brunel, ingénieur du tunnel sous la Tamise. L'Académie a reçu l’offrande comme un monument de famille consacré par l'amitié à la mémoire du génie. = M. Magnier, comme récipiendaire, est venu se marquer une place distinguée dans nos rangs, par un discours sur la cause du peu de popularité de notre poésie. = M. Paumier, au même titre, a signalé son entrée en traitant des rapports entre la religion et les sciences, et des services mutuels qu'elles se sont rendus. (Ces deux discours sont imprimés à la suite.) = L’Analyse critique et littéraire de l’Enéide, publiée en deux volumes, par M. Magnier, a été l'objet d'un rapport par M. Licquet. Ce rapport présente la manière d’expli- quer les morceaux de détail, l'examen de l’ensemble du poème, et desremarques sur l'intelligence du texte. Sur la 1€ partie, M. Licquet félicite l’auteur d’avoir fait une habile et heureuse application de la méthode du savant Rollin, imitée, dit-il, par M. Jacotot, peut-être avec trop de hardiesse, etc. Sur les éléments et la conduite du poème, M.Magnier re- marque un certain nombre de personnages éphémères, des rôles mal soutenus, trop d'épisodes aux dépens de l’action, et un héros qui palit au milieu de cette brillante marque- terie de tableaux divers, dont chacun ne peut toutefois se lire sans beaucoup de plaisir; mais, à la fin du poème, M. Magnier pense que l'esprit est moins satisfait de l’en- semble qu'après la lecture de lIliade ou de la Jérusalem délivrée; et laraison, c’est que le but principal de l'Enéide lui paraît être dans les idées du poète plutôt que dans celles du héros, qui ne connaît sa mission que vers le milieu de l'Epopée...... Néanmoins l’auteur reconnaît C 254 7 ici, dans le but principal du poème, un objet d’un grand intérêt pour les latins, mais seulement pour ceux de l’é- poque et de la contrée. À Quant à l'intelligence du texte, M. le rapporteur fait observer en particulier deux corrections qu'il juge très importantes; M. Magnier entend par le dona ferentes, de Laocoon, des présents faits aux dieux ; et par le pauci lœta arva tenemus du 6° livre, le petit nombre des ames purifiées destinées à rentrer dans l’ame universelle. « Au « reste, conclut M. Licquet, M. Magnier a voulu mon- « trer que ces passages étaient mal entendus, et il me « semble qu'il a parfaitement réussi. J'ai rappelé au « commencement de ce rapport le vœu émis par M. Ma- « gnier qu'une analyse raisonnée accompagne toujours « l’explication des auteurs; j'en formerai un autre en « terminant, c’est que tous les professeurs puissent s’ac- « quitter de ce devoir avec le talent, la conscience et « Pérudition de M. Magnier. = Une question grammaticale, bien au-dessous du tra- vail précédent par l'importance, mais qui s’en rap- proche par le genre, c’est de savoir s’il est correct d'écrire : les difficultés que j’ai eues à vaincre, autrement le participe passif eu doit-il être variable ou non? Dans une discussion verbale sur la valeur et les rapports des mots français, comparés aux locutions analogues de plu- sieurs langues mortes et vivantes , M. Bignon s’est déclaré pour l’affirmative, comme applicationexacte et nécessaire de la règle générale. M. Lévy a attaqué cette décision, verbalement d’abord ; ensuite il a composé un mémoire très étendu sur la ma- tière, dans lequel il a cherché à réfuter son confrère et à établir le système opposé. Cependant , au moyen d’une distinction délicate dans le sens de la phrase, d’après la grammaire de M. Boniface, il a conclu que le participe { 153% peut être ‘variable ou non, suivant la qualité ou l’état du sujet de la proposition. MM. Gossier et Adam ont aussi, chacun dans un mé- moire, fourni de grands développements sur la théorie des participes français, et conclu en faveur de la variabi- lité dans l’état de la question. Mais, malgré tout l'intérêt que pourrait présenter l'analyse de la proposition qui distingue le premier, et les remarques du second sur nos verbes comparés à ceux des Anglais, c'est si peu de chose pour certaines gens que l'orthographe d’une langue universelle que toute la civilisation du monde se pique d'apprendre à parler correctement! Et l’on nous saura gré peut-être de supprimer des détails qui rappelleraient des hommes instruits aux éléments d'une science que chacun sait ou croit savoir. Ce n’est guère qu'au pre- mier âge que l’orthopédie est applicable ; l’âge mûr a pris et veut garder son pli: c’est toujours là que nous en sommes. = Toujours empressé d'enrichir le présent des con- quêtes qu'il fait, pour notre histoire locale, dans les ar- chives des siècles passés, M. Deville a lu un mémoire sur l'étendue de la partie du territoire neustrien concédée à Rollon par le traité de St.-Clair-sur-Epte, en 911. D'abord, sur la garantie de Flodoard, l’auteur met la Bretagne occupée par les Normands de la Loire hors de la partie concédée aux Normands de la Seine ; il rejette l'identité de limites entre la Normandie à l'époque du traité, et la province qui en a été le résultat. Ne trouvant point de traité écrit, et doutant même qu'il en ait jamais existé un de cette nature, c'est à l’histoire contempo- raine qu'il demande la solution du problème relatif à l'étendue de la province moderne. Ainsi, après avoir comparé et discuté les témoignages de Flodoard et de Dudon de St.-Quentin, suivant, à 20 (154 ) lorient, le cours de la Bresle jusqu'à la ville d'Eu, M. Deville trouve que , sur la rive droite de la Seine, la Normandie de Rollon paraît avoir embrassé tout ce qui appartenait, de ce côté, à la Haute-Normandie. Passant ensuite sur la rive gauche du fleuve, d’après l'autorité des chroniqueurs et des chartes, notre confrère prend l'Eure pour sa ligne de démarcation, dont la ri- vière d’Avre est le prolengement, à partir de son confluent avec la première, embrassant ainsi Evreux et son terri- toire dans la dépendance de Rollon. D'après d’autres au- torités, tant anciennes que modernes, l’auteur est porté à croire que la Normandie de Rollon, ainsi limitée à l’orient , s'étendait , ici comme dans la première partie, jusques à la mer, non compris d’abord les pays Bessin, Avranchin et Cotentin, qui, avee le Maine et le terri- toire de Caen , ne furent réunis qu'en 924 et en 933, par des stipulations particulières. Ainsi se trouva complétée la province de Normandie, telle qu’elle était de nos jours. — Lecture faite de ce mémoire, M. Théodore Licquet a déclaré qu'un travail sur l’histoire de la Normandie, dont il s'occupe, comprend le même sujet traité par M. De- ville. La Compagnie a donné à M. Licquet, dans ses re- gistres, acte de sa déclaration. — M. Deville a joint à son mémoire une carte géogra- phique, sur laquelle sont tracées les limites assignées à la Normandie de Rollon. = Dans des recherches curieuses sur l’ancien pont de Rouen, M. Deville établit qu'il n’en existait pas en 885 ; P ni en 962. D'après une charte de Richard IE, il reconnaît l'existence du premier pont en 1027, dans le voisinage de Il ? 5 la rue Potart, probablement en bois, atteint du feu en Cru) 1:35, consolidé par Geoffroy Plantagenet en 1145, et qui fat remplacé, sous les auspices de Mathilde, épouse de ce prince, par l’ancien pont de pierre, entre les années 2151 et 1167. C’est ce pont qui périt en 1564, et dont les piles, tronquées avec tant d'efforts, semblent encore en attendre un autre. (Ce mémoire est imprimé à la suite.) Ainsi, Messieurs, d’après les documents authentiques recueillis par notre laborieux confrère, tous les ponts de Rouen, jusqu'au 19° siècle, ont été successivement dirigés sur une ligne à peu près perpendiculaire au centre. Nous serait-il permis de regretter qu'il ait fallu 800 ans pour découvrir l'utilité d’une pointe d'’île, et pour imaginer la position du nouveau pont à l'extrémité la moins commer- çante de la ville? = Une lettre de M. Deville à M. {lavoine, ingénieur de la flèche actuellement en construction de notre cathé- drale , sur l’ancienne flèche élevée par Robert Becquet, offre des détails intéressants qu'il n’est permis de dédai- gner qu'à l'ignorance superbe qui ne connaît pas le prix de pareilles recherches pour les amateurs de notre histoire locale. (Cette lettre se trouve imprimée à la suite.) = Les bibliographes ne liront pas sans intérêt une no- tice bibliographique de M. Duputel, sur une tragédie in- titulée Tyr et Sidon, par Daniel Danchères, imprimée à Paris en 1608, parodiée et augmentée par Jean de Schelandre, etc. (Cette notice est également imprimée à la suite.) = On doit, en outre, à M. Duputel un petit souvenir d’ancien fabuliste, dans un apologue fécond plus que ja- mais, par le temps qui court, en applications de toute espèce. Abstraction faite du mérite de la pièce, nous avons dù regarder comme une bonne fortune, vu la pénu- rie d'inspirations poétiques, d’être mis à portée de prou- (1:56 ) ver que, du moins, on fait encore des vers dans cette Académie, et d'interrompre la prescription d'un genre agréable au milicu de tant d’affaires sérieuses : ss cceee se GED ANMOTE LETL Temperetrisu.... eee LES DEUX LIVRES, FABLE, Sur les tablettes d’un libraire, L'autre jour, un livre nouveau, Fort médiocre au fond, mais d’un beau caractère, Papier fin, grande marge et reliüre en veau, Se trouvant à côté d’un excellent ouvrage Dont l’habit, fait d’un ancien parchemin, A tout le monde attestait l’âge, D'an ton fier lui tint ce langage : « Que fais-tu près de moi? Loin d'ici, vieux bouquin ! « En vérité, c’est bien ta place! « N’est-elle pas chez l'épicier ? « Ou, si l’on te garde par grâce, À Tu devrais te cacher du moins dans le grenier. « Sous ton antique et sale couverture, « Ne vas-tu pas t'imaginer 2 Qu'un amateur de toi se laissera tenter, « Et surtout en voyant les filets, la dorure « Dont on a pris soin de m’orner?.... « — Si le mérite est dans la reliûre, « Sur moi, lui répond son voisin, « Vous avez, j'en conviens, un puissant avantage, « Mais, quand même il serait couvert en maroquin, « Aux yeux des connaisseurs jamais un sot ouvrage « N'en vaudra davantage ; « Au lieu que, de celui qu'on appelle bouquin, - 2 Ils offrent tous les jours une assez forte somme. » (a5z ) Cette fable s'adresse à plus d’un parvenu Qui paraît ignorer le proverbe connu : Ce n’est pas l'habit qui fait l'homme. Et je crois bien, sans contredit, Que maint exalté romantique Et maint imberbe politique Pourraient également en faire leur profit. = M. Hellis a jeté nn coup-d'œil d’amateur sur le ta- bleau à l'honneur de Pierre Corneille, dont l’habile et brillant pinceau de notre jeune compatriote , M. Court, a décoré la salle de nos séances hebdomadaires; et il a terminé par la proposition d'un témoignage de reconnais- sance et de satisfaction envers un talent désintéressé qui voit dans la gloire la plus belle récompense du génie. L'Académie a senti toute la justesse de l'initiative, et a arrêté que, dans la prochaine séance publique , il serait décerné à M. Court une médaille d’or de la valeur de 600 francs, à l'effigie du Poussin. Ainsi, Messieurs, si la littérature n’a pas répondu cette année à votre appel, vous allez être bien dédommagés par le grand intérêt que le génie des arts vient répandre sur vos travaux. Les lectures achevées, M. le Président a invité M. Court à monter sur l’estrade ; et là, prenant affectueusement la main du jeune artiste, en présence d’une assemblée nom- breuse de ses concitoyens, qui le couvraient de leurs regards avides de le connaître, M. Blanche lui a adressé quelques phrases improvisées, mais empreintes du sen- timent profond de la reconnaissance de la Compagnie et du vif intérêt qu’elle attache, avec la ville entière , aux progrès d’un si beau talent, toujours, malgré l'envie, su- périeur à lui-même comme à sa croissante renommée. (158 ) Cette courte allocution, pleine de chaleur et de verve, terminée par la remise de la médaille, a été spontanément suivie d’une décharge d’applaudissements extraordinaires et de bravos répétés avec cet élan du cœur qui distingue les vraies fêtes de famille. Macte animis, generose puer!.….. AAA AAA AAA PRIX PROPOSÉ POUR 1832. L'Académie royale de Rouen propose, pour le con- cours de 1832, le sujet suivant : Quelle peut être l'influence de l'instruction des classes infe- rieures sur le bonheur des nations et sur le perfectionnement de l'espèce humaine. Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 300 francs. Les auteurs mettront en tête de leur ouvrage une devise, répétée sur un billet cacheté, dans lequel ils feront connaître leur nom et leur demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où l'ouvrage aurait obtenu le prix. Les Académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les ouvrages seront adressés, francs de port, à M. N. BiGNON, Secrétaire perpétuel pour la classe des Belles-Lettres et des Arts, rue Sénécaux, n° 55, avant le x juin 1832, terme de rigueur. E-=) es EQ æ "1 Qi me) fl | Lao ,F PAR ] "HEATRE SUR LE 1 ACCUEILLI LE GRAND CORNEILLE AAA AAA AAA AA A EN AAA AAA AA AAA AAA AAA MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. RÉFLEXIONS SUR LE TABLEAU DEMANDÉ PAR L'ACADÉMIE A M. COURT, Lues à l’Académie le Q août 1851, Par M. Hezus, D.-M. Messieurs , La gloire est la vie de l'artiste ; elle seule le dédom- mage de ses peines et le soutient dans ses travaux. L’es- poir d’un peu de renommée double ses forces, échauffe son génie et lui fait enfanter des merveilies. Le jeune compatriote à qui nous devons le plus bel ornement du lieu de nos séances n’est point infidèle à cet adage. Il a dignement répondu à votre appel, et vous avez pu vous convaincre à loisir du charme et de l'éclat qu’il a su ré- pandre sur une composition qui en paraissait si peu sus- ceptible , lorsqu'on songe au lieu de la scène qui lui était imposée, aux difficuliés qui naissaient, et de la forme du costume et de la vérité obligée des personnages ; on peut s'étonner que le peintre n'ait pas reculé devant tant d'obstacles, et l’on est réduit à admirer avec quel bon- heur il en a su triompher. ( x60 ) Les ouvrages de ce genre ne sont pas de ceux qui se jugent au premier coup-d'œil ; il faut, pour les bien ap- précier, se reporter aux temps et aux lieux, se rappeler le caractère des personnages, s'identifier avec le peintre dans ses études comme dans ses idées, sans quoi on s’exposerail à critiquer ce qui est le plus digne d’éloges. Jean-Jacques avoue avoir blâmé, comme inconvenante , une scène de Mahomet que plus tard il reconnut être un chef-d'œuvre. Ceci, dit-il, doit nous rendre réservés lorsqu'il s’agit de juger nos maîtres. Le Dominiquin, persécuté par les partisans d’une école rivale , était telle- ment écrasé que son nom était mis en oubli. Sa santé, affaiblie par de continuels revers, ne lui permettait guère de sortir de chez lui; on le croyait mort. Il eut la dou- leur de voir ses plus beaux ouvrages devenir des objets de mépris et de dérision. Son tableau de la Flagellation était méconnu, sa Communion de Saint-Jérôme fut ar- rachée de la place qu’elle occupait dans l’église San-Gi- rolamo della Carità, et jetée dans un grenier, Les moines de cette église, désirant avoir un nouveau tableau d’au- tel, en chargèrent Poussin , et lui envoyèrent le tableau du Dominiquin pour peindre dessus et lui éviter les frais de la toile. Notre compatriote eut à peine regardé cette œuvre du génie, que, frappé de ses rares beautés, il la reporte dans l’église d’où elle avait été si indignement arrachée , il en fait le sujet d’une leçon publique, et, établissant un parallèle entre la Communion de Saint- Jérôme, la Transfiguration de Raphaël et la Descente de croix de Daniel Volterre, il fait ressortir tout ce qu'il y avait d’admirable dans ces trois sublimes productions, qu'il proclame les chefs-d'œuvre de l'Ecole romaine. Dès ce moment, le Dominiquin fut rendu à la vie et à la célébrité, et son nom prit la place qui lui appartenait parmi les grands peintres de l'Italie, Le tableau demandé par l'Académie à M, Court était ( 161 ) Corneille accueilli au théâtre par le grand Condé, après une représentation de Cinna. Le peintre a disposé son sujet de telle sorte que tout s'explique à la première vue. Nous sommes au théâtre = le parterre, l’amphithéâtre , les loges sont sous nos yeux. Une image fidèle nous met à même de juger des dimen- sions de la salle, de son architecture, de ses riches or- nements. Ces objets, placés dans le lointain, se perdent dans une teinte légèrement vaporeuse propre aux salles de spectacle éclairées par un grand nombre de lumières et garnies de spectateurs nombreux. Le premier plan nous offre un côté de la scène: c’est là que se passe l’ac- tion principale. Cette partie du tableau est fortement éclairée par la rampe, par les candélabres qui décorent les loges et par les foyers lumineux qu'il est d'usage de placer sur les divers points de la scène, Suivant l'usage du temps, Condé, ayant à ses côtés le prince de Conti, assiste à la représentation sur le théâtre même, entouré des notabilités de l’époque. Le prince vient d'apercevoir le père de la tragédie française, arrivé tardivement et cherchant sans doute une place du côté opposé ; il se lève, va au-devant de lui, lui serre affectueusement la main, et se dispose à l'embrasser, pour l’offrir ensuite aux applaudissements d'un public encore tout ému de l'effet d'une de ses plus sublimes productions. Chacun peut juger avec quelle richesse de coloris , quelle vérité d'expression, quelle sévère observation des convenances , ces divers objets sont rendus. On se de- mande par quel artifice le peintre a pu, dans un espace aussi retréci, réunir sans confusion tant de choses di- verses et ajouter au motif principal des épisodes qui s'y lient d'une manière tellement heureuse, qu'ils semblent indispensables pour jeter du charme et de la variété sur un sujet rebutant par sa froideur et sa monotonie, Là où un talent médiocre n'eûùt vu que des obstacles, le 21 (162) génie sait découvrir une source de beautés imprévues. C'est le bloc informe dans les mains de Michel-Ange, c'est le marbre s’animant sous les doigts de Canova. L’ordonnance du tableau est telle, que l'esprit satisfait n’en cherche point d’autre ; il semble que chacun eût ainsi fait. Il en est de tout ce qui est simple et vrai comme de ces vers de Racine, qui rendent si naturelle- ment la pensée qu'on croirait ne pouvoir l’exprimer au- trement. On ne peut nier que le front de Corneille ne soit d’une grand beauté; cet œil qui n’ose se lever, ces lèvres sur lesquelles le contentement se trahit par un demi- sourire, celte tenue un peu embarrassée plutôt qu'hum- ble, me semblent ce qu'il y avait de plus convenable quand on se reporte aux temps et aux événements du jour. La vieillesse du grand homme avait été affligée par des revers qui l'avaient éloigné du lieu de ses triomphes, et, dans cette ovation inattendue, il se trouvait en face et de la gloire de Condé et de ce même public qui, par un arrêt bien sévère, avait flétri les palmes que si long- temps il s'était plu à lui décerner. Le génie n’avait pas encore obtenu ses lettres de no- blesse , et il y avait loin alors de l'humble poète au grand seigneur qui le pensionnait et daignait l’admeitre à sa table. Peut-être pourrait-on désirer un peu moins de roideur dans la pose du grand Condé et quelque chose de plus gracieux dans sa physionomie. L'idée qu’on se fait d’un grand homme le place en tout au-dessus du vulgaire. On aime à retrouver dans les traits d’un héros l'empreinte d’une belle ame, et je suis sûr qu’on eût aisément par- donné au peintre s’il eût été moins scrupuleux. Je sais que le vrai a toujours son prix. L'artiste a cru ne pas pouvoir mentir à l’histoire, et si quelqu'un s’avisait de (163) Jai en faire un reproche sérieux, ne serait-il pas en droit de demander à l'Académie par quelle fatalité, ne lui im- posant que deux personnages à peindre, elle les avait choisis d’une nature aussi rebelle ? Un courtisan de Louis XIV trouverait le vainqueur de Rocroy trop embelli, tandis que e’eût été rendre son frère méconnaissable que de le représenter avec des for- mes élégantes et une figure spirituelle. Le peintre peut donner carrière à son imagination lors- qu'il s’agit des Grecs et des Romains. Libre à lui d’em- bellir Didon, Léonidas et Brutus; ils ne vivent, pour nous , que dans leurs actions. Mais une pareille licence ne saurait être accordée pour les hommes de notre pays, dont les portraits sont vingt fois retracés sous nos yeux, et qui, par les souvenirs de nos pères, sont presque des contemporains. En agir autrement ne serait plus peindre l'histoire, mais bien faire du roman. Il était, dans l’exécution de ce tableau , une difficulté dont il faut tenir compte , parce qu’elle était insurmon- tables. Deux personnages vont au-devant lun de lautre , et sont prêts à s’embrasser ; ils doivent être vus à la fois par le public qui assiste à la représentation, et par un autre public pour lequel le tableau est fait. Il est impos- sible, dans ce cas, d'éviter le profil, et deux profils en regard au premier plan nuisent singulièrement à la grâce et à l'expression. Corneille est un peu de trois quarts et gagne à être vu de la sorte; Condé est absolument droit, et ne pouvait être autrement. Ïl n’appartenait pas au peintre de changer cette disposition, car elle entrait ri- goureusement dans le programme. Assez de figures nobles et gracieuses attestent le talent du peintre dont le pinceau est libre. La figure de La Fon- taine est pleine d'esprit et de vérité; le jeune page qu'il interroge rappelle cette tête charmante qui inspire tant d'intérêt dans le tableau de la Maternité du même (164) auteur ; et il me semble que l'image vivante du Poussin, placée dans un tableau destiné à l'Académie, est une attention délicate et une manière flatteuse de lui rappe- ler une de ses plus belles illustrations. Il est une partie du tableau qui n’a point essuyé de critique et qui n'a trouvé que des admirateurs. C'est cette loge charmante où se groupent si heureusement la prude , la coquette et la bonne. Pourquoi cette compo- sition a-t-elle de suite enlevé tous les suffrages? c'est qu’elle est toute d'imagination; c’est que le peintre, libre de son allure , a pu largement sacrifier aux grâces ; c’est que cette scène ne lui était point imposée. Elle lui a, certes, coûté bien moins d'efforts que celle qui se passe plus bas et qui demande à être plus long-temps étudiée pour être bien sentie. Je ne m'étendrai point davantage sur le mérite d’une composition qui, jusque dans ses moindres détails, at- teste la main du maître. Mon but, en vous parlant de l'ouvrage, est de rappeler aussi l’auteur à votre souvenir. Absent de cette ville, il n’a pu jouir des éloges de cette foule qui n'a cessé d’accourir pendant la trop courte exposition de son tableau. L' n’a point encore triomphé : sa modestie fortifiant ses doutes, peut-être craint-il ne pas avoir atteint le but et mal saisi vos intentions. IL est un jugement qu’il préfère à celui du public, qui se laisse aisément entraîner et séduire : c’est celui des juges éclairés et réfléchis ; c’est là surtout le suffrage qu'il ambitionne et qu'il n’a point encore obtenu. Je n'entre pas une fois dans la salle de nos séances, que , frappé du bel effet de ce tableau, je ne reporte mes idées sur les études qu'il a exigées, le temps qu'il a ré- clamé; je pense ensuite au désir exprimé par l’Académie de posséder un tableau de chevalet ou un portrait en pied de Corneille. L'auteur me paraît avoir tellement dépassé ce qu'on attendait de lui, qu'il n'existe plus “ SD PT =) Er re : ARR TOR 2 is De ( 165 ) aucune proportion entre ce qui était demandé et ce qui a été offert. | Les sentiments qui animent M. Court éloignent toute idée d’une compensation possible; mais, Messieurs, il est dans la mission de l'Académie d'encourager les arts, et si, dans cette circonstance, elle doit s'avouer vaincue en gé- nérosité, elle peut ne pas l'être en nobles procédés. IT lui reste un moyen facile de rétablir la balance, en témoi- gnant à l’auteur, d'une manière authentique et digne d'elle , et l'estime qu’elle lui porte et la reconnaissance qu'elle lui doit pour le beau tableau dont il l’a dotée. C'est là, Messieurs, ce qui me détermine à proposer qu'une médaille d’or soit publiquement décernée à M. Court, comme témoignage de satisfaction. ( 166 } AAA AAA AAA AAA A AAA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA ANA Sal RECHERCHES SUR L'ANCIEN PONT DE ROUEN, Lues à la Séance du 10 décembre 1830, Par M. A. Device. Messieurs, Malgré les recherches faites jusqu’à ce jour, il règne encore beaucoup d’obscurité sur l’époque où il aurait été établi un pont sur la Seine à Rouen pour la première fois, sur l'âge que pouvait avoir notre ancien pont de pierre, et sur le prince auquel on doit l’attribuer. Ces questions ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de cette ville ; je me propose de les traiter. Le savant annotateur du Roman de Rou dit, au sujet du pont de Rouen: « Nous établirons ailleurs que ce « pont, dont l’existence est constatée de la manière la « plus authentique sous Richard IT, doit avoir été bâti « avant l'invasion normande. » ( Roman de Rou, t, X°, pag- 210.) Notre confrère ayant depuis renoncé à lui accorder une si haute antiquité, nous passerons de suile aux preuves qui l’auront probablement engagé à modifier son opinion. Un passage des Annales de Saint-Vast prouve qu’en 885 il n'existait point de pont à Rouen. En voici la traduction : « Année 885. Or donc au mois de juillet , le 8"e des ca- « lendes d’août, les Normands entrèrent avec toutes leurs « forces dans la ville de Rouen, Les Français les suivirent (167 ) « jusqu’au même lieu; et, comme leur flotte n'était pas « encore arrivée, ils passent la Seine avec les navires « qu'ils avaient trouvés sur le fleuve (x) ». Cette date est antérieure , il est vrai, à la prise de pos- session de la Normandie par Rollon; mais, portons-nous à la 19% année du règne de son petit-fils, de Richard Ier, et nous verrons qu'à cette époque il n'existait point encore de pont à Rouen. Thibaud /e Tricheur, comte de Chartres, était venu attaquer cette ville par la rive gauche de la Seine. N'ayant point de navires, il se trouva arrêté tout court. Le duc Richard, qui en avait sur la rive oppo- sée, traverse la rivière en face du quartier Saint-Sever, marche à Thibaud et le met en fuite. Cet événement est de 962, d’après Flodoard. Voici les paroles que Dudon de Saint-Quentin, historien normand et contemporain, met dans la bouche du duc Richard, à cette occasion: « Quia altum Sequanæ pelagus nobis et illis obstaculum « extat, navesque absunt illi, quibus transeat, nulla- « tenüs nos bello lacessere temptat..… Nos verd quibus « adsunt naves, ascitis principibus nostris ad illos trans- « eamus. » (Scriptores normannicæ Historiæ , pag. 143. ) Je vais au-devant d’une objection qui pourrait m'être faite. Robert Wace, dans son Roman de Rou, mentionne un pont à Rouen, sous le même Richard [*, dès l’an- née 946, lors du siège de cette ville par Othon et Louis d'Outremer (2). (1) Anno D ccc LxXxXV, mense itaque julio viti kal. augusti (Nor- manni) Rotomagum civitatem ingressi cum omni exercitu ; Francique eos usque in dictum locum insecuti sunt : et quia necdum corum naves ad- venerant, cum navibus in Sequana repertis fluvium transeunt, (Recueil des Historiens de France, t. viut, p. 84.) (2) Vit par /i pont de Saine è venir à aler, De verz Hermentreville è venir & passer. ( Vers 4112.) Seingmors, dist li Roiz Otes, cil ki là dedenz sont ( :68 ) Mais qui ne sait que Robert Wace a suivi pas à pas, dans sa chronique rimée , Dudon de St-Quentin et Guil- laume de Jumiéges, abréviateur et copiste de ce dernier ? Il n’a pas d’autres guides. Seulement, en sa qualité de poète, il se permet de temps en temps quelques enjoli- vements, comme il le fait ici en parlant d’un pont; Dudon et Guillaume de Jumiéges, dont il répète les termes pour le fond du récit, n’en parlent pas. Ce qui prouve l'erreur, involontaire ou non, de Robert Wace, c’est que, racontant plus loin, toujours d’après Dudon son devancier, mais sans le dénaturer cette fois, l’attaque de Thibaud Ze Tricheur, attaque postérieure de seize ans à celle d’Othon et de Louis d'Outremer, il fait passer, au même duc Richard, la rivière au même endroit, dans des bateaux, faute de pont (1). Robert Wace aura peint, la première fois, ce qu’il avait sous les yeux, sans s’inquié- ter de la vérité historique, car il existait un pont à Rouen de son temps; la seconde fois, il a suivi son guide à la lettre. Quoi qu'il en soit, au surplus, le témoignage de Robert Wace, qui écrivait dans la seconde moitié du XII: siè- cle (2), ne pourrait tenir contre celui de Dudon, histo- Se desfendent de nos as semblanz ke il font; Jà n’aront mal par nos ne destruit ne seront, Se nos ne lor tollunz Saine de soz Li pont. ( Vers 4125.) (1) Tot soef à sanz noise fist sa gent asemler, Chalanz e eskéis kank’il en pout trover ; Tote noit fit sez homs ultre Saine passer. (Vers 47:8.) (2) Si l’on en croyait l’auteur de la notice qui précède le Roman de Rou, Robert Wace aurait terminé son poème en 1160. Il y a erreur de dix années pour le moins : Wace dit, à la fin de la vie de Richard Ler : Treiz reis Henris vi è cunui, LL E cler lisans en lur tems fui, (169 ) rien contémporain et témoin oculaire. Ainsi, il reste constant qu’en 962, sous le duc Richard 1°, il n’y avait point de pont à Rouen. En 1002, Richard meurt (1); Richard II lui succède. Ce duc, étant à Fécamp, lieu de sa résidence de prédi- lection, fit, en 1025, un acte de donation en faveur de l'abbaye de Jumièges (2). Il est question dans cet acte du pont de Rouen; c’est la première fois que son exis- tence nous est révélée. Le prince donne aux moines de Jumiéges ses droits de pêche, depuis le Pont-de-lAr- che jusqu’au pont de Rouen, et du pont de Rouen au village d'Estaindrat. « À ponte Archas usque ad pontem civitatis, et à ponte « civitatis ad locum qui dicitur Stindrap (3). » Des Engleiz furent Reis tos treis, E tos treis furent Ducs è Reis. (Vers 5324.) Or Henri-le-Jeune, le troisième d’entr'eux, ne fut admis à la royauté, par Henri II son père, qu’en 1170. (1) Orderic Vital, Robert du Mont, et les autres historiens nor mands, d’après Guillaume de Jumièges, placent la mort de Richard Ier en 996. La chronique de Fécamp fait mourir ce prince en 998 ; Dudon de Saint-Quentin en 1002. Le témoignage de Dudon, contemporain de Richard Ier et son commensal, me paraît devoir l'emporter sur celui de ces chroniqueurs. Un ancien fragment de l’histoire de France, inséré au Recueil des Historiens de France, t. X, p. 213, donne également la date de 1002. En général, la chronologie de nos premiers dues offre beaucoup d'incertitude. (2) Cet acte, dont on ne possède que des copies, porte la date de 1027; mais il donne en même temps l’Indiction et l'année relative du règne du roi Robert ; or, l’une et l’autre concordent avec l’année 1025. 11 est constant, d’ailleurs, que Richard IT n'existait plus en 1027; il était mort dès l’année précédente, au mois d'août, (3) Ce village est cité dans la charte de Guillaume-le-Conquérant pour l'abbaye de Saint-Georges-de-Bochenille. On ignore aujonrd’hui sa véritable position, mais il devait être placé entre Rouen et Saint- 22 (170) Ce pont avait-il était bâti par ce prince, ou par Ri- chard 1% son prédécesseur, dans les quarante dernières années de son règne? C’est ce qu'il est impossible de dire. Des documents inattendus pourraient seuls per- mettre de résoudre cette question. Ce pont était-il en pierre ou en bois? Même incerti- tude. Tout porte à croire, néanmoins, qu’il était en bois, suivant l'usage assez général d'alors, et d’après les nom- breux exemples qu’il nous serait facile de citer. Il ne fau- drait pas, en effet, Messieurs, confondre cet ouvrage d’un de nos premiers ducs avec l’ancien pont de pierre qui a fait place au pont de bateaux actuel. Ce n’est qu'au douzième siècle que ce pont de pierre fut élevé, comme je le prouverai plus bas. Notre premier pont se trouve mentionné, pour la se- conde fois, dans la charte de fondation de l'abbaye de Saint- Amand, donnée par Goscelin d'Arques, sous Guillaume-le-Bâtard, en 1035 au plutôt par consé- quent (1). On y lit : à « In foro Rothomagi unam aream, deinde unym mo- « lendinum in Ravelini villa, post hæc unum concedi- < mus cellarium juxta pontem Sequanæ, positum in loco « qui dicitur Poteria. » (2) « .…. Nous concédons, en outre, un cellier placé auprès « du pont de la Seine, dans le lieu dit la Poterie (3). » Georges, sur le bord de la Seine. « Decimam de villa quæ vocatur Es— « taindrat, quæ est super ripam Sequanæ. » (Essai historique et descriptif sur l'abbaye de Saint-Georges, p. 60.) (Gi) D. Pommeraie, qui rapporte cette charte dans son Histoire de l'abbaye de Saint- Amand, \a place sous la date de 1030. C’est nne erreur, puisque le donataire parle du duc Guillaume, qui ne succéda à Robert son père que vers 1035 au plutôt. ; (2) Cartulaire mss. de l’abbaye de Saint-Amand, aux archives du dé- partement de la Seine-Inférieure. (3) Ce lieu n’est autre aujourd'hni que la rue Potart. C171) IF faut franchir un siècle pour retrouver, dans nos vieilles annales, le pont de Rouen. La chronique de cette ville dit, sous la date de 5136: « cette année , le feu prit « à partir de la tête du grand pont, etc. » (1) Neuf ans après, en 1145, Geoffroy Plantagenet s’oc- cupait à le solidifier : « pontem refecit firmissimum. » (2) Il appartenait à sa femme Mathilde, fille de Henri E*, mariée en premières noces à l’empereur Henri V, de faire encore plus pour la ville de Rouen. Cette princesse avait rapporté de grandes richesses d'Allemagne (3); elle en possédait de plus grandes encore en Normandie. Elle en consacra une partie à l’embellissement et à l'utilité de Rouen, en y élevant un pont en pierre, celui-là même dont, aux marées basses de l’année, chacun de nous a pu voir les débris (4). « Ad pontem lapideum super Sequanam a se inchoa- <_tum multam summam pecuniæ dimisit. » C'est ainsi que s'exprime un contemporain, historien exact et qui fut nécessairement témoin oculaire, Robert (1) Recueil des Historiens de France, t. XI, p. 785. (2) Robert du Mont, apud Duchesne, p. 482. (3) « Gäzas enim imperatorias, quas secum de Italià incomparabiles « attulerat, » ( Le Continuateur de Guillaume de Jumiéges, l. vint, C, XXVII. ) (4) Peut-être fut-elle mue, en cette circonstance, par le même sen timent qui la porta, lors de plusieurs de ses maladies , à ouvrir ses trésors aux pauvres et aux monastères, (Voy. le Rec. des Historiens de France, t, 11, p. 305.) Car il faut bien se persuader que, dans ces temps recu lés, on croyait aussi accomplir un devoir religieux, et s’aplanir la route du ciel, en consacrant ses richesses à des travaux d'utilité publique. J’en citerai un seul exemple, qui trouve ici parfaitement son application, Je l'emprunte au cartulaire mss. de l’abbaye de Saint-Florent de Saumur : « Sciatis quod burgenses et milites Salmuri, pro remedio animarum « suarum, fecerunt pontem Salmuri ligneum super Ligerim. » (A annum 1162.— Archives d'Angers, ) (172) du Mont (1). Il ne fixe pas l’époque de ce grand travail. Appliquons-nous à la rechercher. Si nous admettons que ce soit l’ancien pont des ducs Richard que Geoffroy Plantagenet ait consolidé en 1145, ilest plus que probable que quelques années se seront écoulées avant que Mathilde ait conçu, ou du moins ait mis à exécution le projet d'élever un pont de pierre à Rouen. Elle n'aurait pas renversé l'ouvrage de son mari avant que la nécessité ne s’en fût fait sentir. Ce ne serait donc tout au plus qu'après la mort de Geoffroy, arrivée six ans plus tard, en 1151, qu’elle aurait jeté les fondations du nouveau pont. Dans tous les cas, elle ne l'aurait pu commencer au plutôt qu'en 1147, puisque ce ne fut qu’à cette époque qu'elle quitta l'Angleterre pour venir se fixer définitivement à Rouen et s’y reposer de ses longues agitations politiques (2); mais il me paraît plus naturel, sous tous les rapports, de pencher vers la première opi- nion. L'époque de la construction de notre ancien pont de pierre se trouverait donc enfermée entre les années 1154 et 1167, l’impératrice Mathilde étant morte au mois de septembre de cette dernière année. Ce pont avait donc quatre siècles d'existence, lorsque , le 6 mars 1564 (3), deux de ses arches s'écroulèrent subitement et en inter- dirent définitivement l’usage. Si l’on voulait que les travaux de consolidation entre- pris par Geoffroy Plantagenet en 1145, dont nous avons QG) Abbé du Mont-Saint-Michel en 1154, mort en 1186. Il fit pro- fession en 1128. (2) « Anno gratiæ MCXLVIT. ... Imperatrix jam anglicanæ discordiæ tædio affecta....in Normanniam transfretavit ; malens sub tutela mariti sui in pace quiescere, quam in Anglià tot molestias sustinere. » (Recueil des Historiens de France, t, xW1 ,p. 123.) (3) Miss. n0 494, supp., Bibl. royale. C173) parlé plus haut , s'appliquassent, non au pont des ducs Richard, mais à celui-là même que Robert du Mont fait élever en pierre par Mathilde, ce qui ferait remon- ter par conséquent la construction de ce dernier à la pre- mière moitié du XII siècle au lieu de la seconde, les objections se presseraient en foule. En effet, Mathilde, mariée à l’âge de onze ans à l’empereur Henri V, ne re- vint d'Allemagne à la cour de son père , à Londres, qu’en 1126. Amenée, vers la fin de l’année suivante, sur le con- tinent, pour épouser en secondes noces Geoffroy Plan- tagenet, elle le suivit au Mans. De 1129 à 1135, époque de la mort de son père Henri Er, elle ne fit que de courtes apparitions à Rouen. A partir de 1135, jusqu'à l'entrée de son mari dans cette ville par la force des armes en 1144, elle n'y mit pas le pied. Quand aurait-elle pu en- treprendre et mener à fin, dans ce laps de temps, un ou- vrage aussi considérable ? Comment supposer, d’ailleurs, dans tous les cas, qu’en 1145 on eût été obligé de solidi- fier un pont en pierre bâti à peine depuis quelques années? Tout se réunit donc pour repousser cette suppo- sition. Ainsi, il résulte de ce qui précède, qu’en 962 il n’exis- tait pas de pont à Rouen; qu’en 1025, il y en avait un; que, de 1151 à 1567, Mathilde, fille de Henri If et femme de Geoffroy Plantagenet, substitua à ce premier pont, qui probablement était en bois, un pont en pierre, celui dont on s'occupe en ce moment de détruire et d’ex- traire les fondations. (174) AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AA AAA AA AA AAA LETTRE ADRESSÉE À M. ALAVOÏINE, Architecte de la nouvelle Flèche en fonte de fer de la Cathédrale de Rouen, SUR LA FLÈCHE DE ROBERT BECQUET; Lue à l'Académie, dans la séance du 29 avril 185, Par M. A. DEvicce. Moxsieur, Si les artistes chargés de la construction de l’ancienne fièche de la Cathédrale de Rouen, qui fut incendiée par la foudre le 15 septembre 1822, avaient eu l’heureuse idée d'écrire l’histoire du monument qu'ils avaient élevé, nous ne serions pas réduits à des conjectures sur une foule de détails qui se rattachent à l'érection de cette flèche célèbre. Déjà notre savant confrère M. E.-H. Lan- glois avait cherché à suppléer à leur silence, dans sa Notice sur l’Incendie de la Cathédrale de Rouen, publiée en 1823. Aidé par les faibles indications éparses dans les anciennes histoires de la ville de Rouen, mais guidé, avant tout, par les souvenirs et l'étude approfondie du monument principal, M. Langlois avait fait tout ce qu'on pouvait attendre d’un artiste aussi versé dans l’é- iude de nos vieux édifices religieux. Malheureusement, on ne connaissait pas encore , à cette époque, les pièces qui viennent d’être découvertes dans les archives du dé- (175) partement. Muni de ces précieux documents, M, Lan- glois eût écrit une histoire complète. Vous proposant, Monsieur, de décrire vous-même le beau et hardi monument en fonte de fer qui va s’élan- cer dans les airs à la place de la flèche consumée en 1822, et que vous aurez eu la gloire d'élever, j'ai pensé qu'il pouvait entrer dans votre plan de faire précéder votre travail de quelques réflexions sur l’ancienne pyra- mide : c’est ainsi qu'on la nommait jadis. Vous m'avez depuis assuré que tel était votre dessein. Je m’estimerai heureux, Monsieur, de pouvoir vous fournir quelques notes, qui n'auront d'autre mérite que d’avoir été pui- sées à des sources originales et contemporaines. Il vous sera facile de les coordonner et de suppléer à ce qu'elles laisseraient encore d’obscur ou d'incomplet. Je ne vous parlerai pas, Monsieur, du plan de la py- ramide découvert depuis peu parmi les papiers du cha- pitre de la Cathédrale ; je me suis empressé de vous le faire connaître : plan d’autant plus précieux que c’est tout ce qui nous reste aujourd'hui de la flèche de Robert Becquet, et qu'il est incontestablement de la main de cet habile homme. Vous rendriez, Monsieur, un véritable service aux arts et à la gloire de votre devancier en le pro- duisant dans votre ouvrage. Il deviendrait impérissable. Les documents que m'ont fournis les archives du dé- partement, et dans la découverte desquels j’ai été sou- vent aidé par le zèle complaisant de M. Legendre, un des conservateurs de ce précieux dépôt, peuvent se diviser eu deux casses. Je rangerai dans la première les nombreuses délibérations du chapitre de la Cathé- drale, qui sont consignées dans les registres capitulaires. Dans la seconde viennent se placer plusieurs pièces détachées et les comptes du trésorier du cardinal d'Am- boise , II du nom , archevêque de Rouen, lequel contri- bua si puissamment à la restauration et à l’embellisse- (176) ment de son église métropolitaine. Je signalerai surtout le compte de l’année 1544—1545 (1), comme étant du plus haut intérêt; on y trouve le nom des principaux ouvriers employés à la construction de la pyramide et le détail de la dépense. DÉLIBÉRATIONS DU CHAPITRE. Le clocher qui décorait la tour centrale de l'Église ca- thédrale de Rouen, avant celui qui fut élevé par Robert Becquet, avait été incendié le 4 octobre 1514. Je trouve dans les registres capitulaires le récit de cet événement ; il mérite d’être conservé ; en voici la traduction (2) : « Mercredi, quatre octobre. « Incendie de la Tour. « Ce même jour, mercredi, quatre octobre, fête de saint « François, après la clôture du chapitre , entre neuf et « dix heures du matin, Messieurs étant dans le chœur « de l’église, comme on commençait la messe de ce « jour, on aperçut à la tour qui est assise entre le chœur « et la nef de ladite église, et qu’on nomme vulgaire- « ment en français l'esguille, une très forte fumée. Aus- « sitôt s’éleva une clameur dans l’église et par toute la « ville que le feu était à la tour. Au même instant, la « ville entière fut dans l'émotion. Le peuple d’accourir « en foule à église , d'apporter de l’eau et de la monter. « Mais il était impossible d'arrêter ainsi le feu. Que (1) Tous ces comptes sont arrêtés de Saint-Michel en Saint-Michel. (2) Les registres capitulaires de la Cathédrale ne commencèrent à être écrits en français qu’en 1562. Jusqu’à cette époque, ils sont rédigés en latin, LÉ AD dis-je! bientôt, à douleur! aux yeux de tous, toute la tour, celle tour si somptueusement revêtue de plomb, au bout d'une heure s’écroula. La croix qui était placée à son sommet tomba tout enflammée sur le toit du chœur, aussi couvert en plomb, le brisa, et, pénétrant dans la charpente, l’enflamma de telle ma- nière que l’on crut que toute la ville allait être la proie du feu. Et se faisaient alors dans chaque monastère, dans chaque église, dans chaque couvent, et par la ville, des prières, des oraisons et des processions avec les reliques, les châsses, les croix, et au milieu des gémissements et des larmes. Aussitôt, par un effet de la clémence divine , vers midi, le feu s’appaisa , après que le chœur (x) eut été brûlé jusqu'à la maçonnerie. Aucune des maisons situées autour de l’église ne fut endommagée , bien que le plomb coulât par les gout- tières comme eût fait la pluie et volât sur les toits avec les flammèches, qui furent portées jusqu'au monas- tère de Saint-Ouen de Rouen. Dans cet incendie, quatre cloches qui étaient dans la tour furent consu- mées et perdues. MM. les chanoines et les chapelains portèrent révérencieusement les châsses, les reliquai- res, les tables, les ornements et les autres choses pré- cieuses de l’église jusqu’à église de Saint-Maclou et dans les maisons et les lieux voisins, pour les sauver. L'église fut complètement dépouillée et évacuée ; et elle était tellement remplie d’eau qu’il eût été impos- sible d'y célébrer l'office divin. Cet incendie fut cause pour elle d’une perte inestimable. IL fut dù à la négli- gence des plombiers qui étaient occupés à la répara- tion de la tour. » Le clocher avait été consumé le 4 octobre 1514 ; dès le (1) Pour le toit du chœur. t. © (178) 27 du même mois, des plans de reconstruction furent présentés au chapitre, qui les renvoya à l'examen d’une commission. Dans le cours du mois de novembre, on s'occupa à plusieurs reprises de savoir, sans rien décider toutefois , attendu la diversité des opinions, disent les actes capitu- laires, si on élèverait le nouveau clocher en bois ou en pierre. Le 6 décembre de la même année, il fut arrêté que la portion de la maçonnerie de la tour, qui avait été calci- née par le feu, serait réparée ; qu'on monterait la nou- velle bâtisse de cinq ou six pieds plus haut que l’an- cienne , et que le réste de la flèche serait construit en belle charpente, le mieux qu'il se pourrait faire, d’après les modeles qui en seraient dressés. Ce ne fut qu'au mois d'avril de l’année suivante (1515) que le chapitre jeta les yeux sur Martin Desperroys, maître charpentier de Rouen, homme très expérimenté dans son art, disent les registres capitulaires, pour le charger de la direction des travaux (+). I lui fut promis soixante livres tournois par année de salaire, Il n'était pas alors question de Robert Becquet. Je ne vois son nom cité pour la première fois , dans les nom- breux registres que j'ai consultés, qu'en 1526 (2). A la mème époque ; Martin Desperroys, ou mieux Desper- rois, était le charpentier en chef de la Cathédrale. Il avait sous lui un autre maître charpentier nommé Jean Dumouchel. Si l'on n’eût point laissé passer trente an- nées avant de remplacer le grand clocher consumé en (1) Il avait exécuté, un petit nombre d’années auparavant, tous les grands travaux de charpente du magnifique château de Gaillon. J’en ai trouvé la preuve dans les comptes de la maison d’Amboise, (2) I s’agit d’une réparation qu'il est chargé de faire à une grange de Sotteville, appartenant au cardinal d’ Amboise IL. (179 ) 1514, il est bien probable que nous ne connaîtrions . même pas aujourd'hui le nom de Robert Becquet ; celui de Martin Desperroys fût seul arrivé jusqu’à nous. Un marché avait été passé avec un marchand de Pa- ris, moyennant quatorze cents livres tournois, pour la fourniture des bois nécessaires à la confection de la nou- velle pyramide (1). La livraison éprouvant de longs re- tards, il fut délibéré, le 10 novembre, si on ne la ferait pas en pierre. La chose resta en suspens. Les travaux de la maçonnerie avaient été confiés à Rouland Le Roux, maître maçon de la Cathédrale (/atho- mus ecclesiæ, à la lettre : tailleur de pierre de lPéglise). Cet artiste, car, malgré la modestie de son titre, c’en était un, au lieu de se borner à réparer la partie de la tour endommagée par le feu, et de la surhausser de cinq ou six pieds, ainsi que cela avait été décidé, conçut le plan d'un nouvel étage en pierre, et le commença. Le 3 janvier 1516, cette bâtisse dépassait de neuf pieds la maçonnerie primitive, Mandé le lendemain devant le chapitre assemblé, Rouland Le Roux, interrogé pourquoi il s'était écarté du plan qui lui avait été tracé, répondit « que ce qu'il avait fait était pour l’embellissement et « la plus grande beauté de l'édifice , et qu'il n'avait agi « que sur l'avis de personnes expertes , et, entr'autres, « de maitre Martin Desperroys ; qu'il jugeait même né- « cessaire de continuer l'ouvrage de sept toises et demie « en sus pour que la chose fût bien; qu'il pourrait, à « la rigueur, se borner à quinze pieds, mais que cela « produirait un moins bon effet, » Martin Desperroys ayant été entendu, Rouland Le Roux fut engagé à dépo- ser le plan de ce qu'il voulait faire. L'hiver interrompit les travaux. (1) Délibération du 23 mars 1515, ( 180 ) On voit qu'il s’agit ici du dernier étage en pierre de la tour encore existant, que vous venez de réparer. Le ca- ractère de son architecture ne permet pas le moindre doute à cet égard. Ce document est intéressant , surtout en ce quil fournit la preuve que le clocher qui avait précédé la pyramide incendiée en 1822, partait d’un étage plus bas que celle-ci (1), par conséquent de trente- six pieds au-dessous. Si, comme on le dit, il s'élevait dans les airs à une hauteur égale à celle qu’atteignit plus tard la flèche de Robert Becquet, il devait nécessaire- ment paraître plus élancé que celle-ci, et l’on ne sera plus étonné qu’on l'ait vulgairement désigné sous le nom de l’éguille. L'année 1516 se passa à discuter de nouveau si le clo- cher serait construit en pierre ou en bois. Quatre maîtres maçons , de Chartres, de Beauvais, de Harfleur, de Ca- rentan, auxquels on en adjoignit plusieurs de la ville, furent appelés à Rouen pour donner leur avis. Tous se déclarèrent pour la pierre, comme étant plus somptueuse (2). Ils affirmèrent en même temps, d’après l'examen qu'ils en avaient fait, que la base et les murs de la tour étaient sains, solides et en état de porter une pyramide en pierre. Nonobstant, par suite de l'opposition de quelques cha- noines, rien ne fut encore arrêté. Rouland Le Roux continuait à travailler à la tour. Il dut, par précaution, ainsi que vous avez constaté que QG) La tour, jusqu’à cette partie inclusivement, date du commence ment du treizième siècle ; seulement , la décoration des huit grandes fe— nêtres de l'étage immédiatement au-dessous de celui de Rouland Le Roux est d’une époque postérieure, Je serais porté à croire qu’elles ont été remaniées lors de l'agrandissement des fenêtres du chœur, qui eut lieu en 1430. (2) IL est bien probable que si, au lieu de maîtres maçons, on eût appelé des maîtres charpentiers, le bois eût eu la préférence sur la pierre, ( 187) cela avait eu lieu, disposer la maçonnerie pour recevoir une flèche en pierre, le cas échéant ; car on n’était point encore fixé sur le choix de la matière. Ce ne fut que sept années après qu'on trancha définitivement la question. Elle resta continuellement flottante dans ce long inter- valle de temps. Ce ne fut que dans les premiers mois de l’année 1517 que la maçonnerie du dernier étage actuel de la tour fut achevée , et qu’on le couvrit d’une charpente provisoire formant un beffroi. On y plaça quatre cloches, dues, à ce qu'il paraît, à la libéralité de plusieurs particuliers, et offertes l’année même de l'incendie (x). Les choses restèrent en cet état durant vingt-cinq ans. On s’occupait toujours du projet de reconstruction et de la grande question de savoir si on emploierait la pierre ou le bois ; ne füt-ce, comme l’insinue le procès-verbal d’une des délibérations du chapitre, que pour tenir en haleine le zèle et la piété des fidèles. Les dons , malgré les indulgences promises, arrivaient lentement. L'exemple du souverain n'était pas fait pour les appeler. Louis XII, au premier bruit de l'événement, avait accordé une somme de douze mille livres, payables en six années, pour réparer les désastres causés par le funeste incendie de 1514. Un paiement de 2,000 livres venait d’être ef- fectué, lorsque la mort ravit ce bon prince à la France. (1) L'une d’elles, donnée par l'amiral de Graville, le 6 novembre 1514 ,et qu'il nomma Louise, pesait six cent soixante livres. Elle fut destinée à remplacer la cloche appelée Losquelle, (Registre capitu- laire. ) M. Langlois (Notice sur l’Incendie de la Cathédrale de Rouen, p. 48) a pu croire, d’après l'inscription d’une autre de ces cloches, conçue en ces termes : L’an 1514 je fus faite pour servir à cette église, que le beffroy avait été construit l’année de l'incendie. Les re— gistres capitulaires détruisent cette opinion. (182) François {* s'engagea à remplir les engagements de son prédécesseur. Il est certain qu'il en renouvela plusieurs fois la promesse : les registres capitulaires en font foi ; il l'est beaucoup moins qu'il l'ait accomplie. Peut-être en fut-il empêché par les guerres qu'il eut à soutenir et par les besoins sans cesse renaissants de l'Etat. Le 1% mars 1521, le chapitre examinait un plan de reconstruction en pierre présenté par Rouland Le Roux. Deux ans après, il décidait, une fois pour toutes, que la flèche serait faite en charpente, dans sa forme antique, et sous la direction de Martin Desperroys. Restait à mettre la main à l'œuvre ; mais les dépenses extraordinaires et d'urgence dans lesquelles les désastres causés par l'incen- die de 1514 avaient jeté le chapitre, avaient, si ce n'est épuisé, du moins fort altéré ses ressources. On préféra re- mettre cette entreprise à des temps meilleurs ; et achever les travaux commencés. Ils étaient nombreux : une partie de la décoration du grand portail (1), l'orgue (2), le tom- beau du cardinal d' Amboise, la fontaine du parvis (3), la balustrade en cuivre du chœur (4), le couronnement exté- QG) C’est au talent de Jacques et de Rouland Le Roux, père et fils, que l’on doit ce riche et élégant morceau d'architecture. Les sculptures furent exécutées par des artistes de Rouen, dont je me propose de révé- ler plus tard les noms. (2) I fut exécuté de 1515 à.1518, par un nommé Ponthus Cancelin. On fit marché à 300 livres pour le peindre et dorer. (Regist. capitul.) Les gages de l’organiste étaient de 20 livres tournois par an. (3) IL est inutile, je pense, de dire que ce n’est point de la fontaine actuellement existante qu'il s’agit. (4) Une partie de la magnifique clôture en cuivre du chœur fut exé— cutée par Benoist Huart et Guillaume Boucher, fondeurs de Rouen, de 1524 à 1528. La dépense générale s’éleva à 5,256 livres tournois, et fut supportée, à peu près par moitié, par le chapitre et par le cardinal d'Amboise LL. (Registres mss. de la maison d'Amboise. } ( 183 ) rieur de la chapelle de la Vierge (1), la couverture de la nef (2), etc., datent en effet de cette époque , et atteste- raient au besoin les efforts et le zèle du clergé de l'église métropolitaine. J'arrive à l’année 1542. Ici commence à figurer Robert Becquet; il va jouer le rôle principal. C’est l'époque de l'érection de la flèche. Comment fut-il substitué, pour cette entreprise, à Martin Desperroys? c’est ce que je ne puis dire avec certitude , privé que je suis, pour cette année-là, de mon guide ordinaire : le registre capitulaire manque, Je présume toutefois que ce fut par suite de la mort de Martin Desperroys : je ne trouve plus celui-ci à partir du milieu de l’année 1526. Robert Becquet paraît dans les travaux de la Cathédrale dès l'année 1529. Mar- tin Desperroys, si vous admeitez ma conjecture , serait décédé entre ces deux époques. (1) Voici ce que je trouve dans les mêmes comptes, année 1540-1541, relativement à la couverture de la chapelle de la Vierge : « À Ligier Symont marchand de Rouen pour l'achat de 60 milliers de DIM se dns aet asser en AIIAOoiNy res: & À Nicollas Lehucher serrurier de Rouen, pour les croix et feraille « mise à la craiste de la chapelle Nostre-Dame et ès lucarnes et aultres « ‘ouvrages de lad: chapelle. ...,.....:.........n 97 iv. 8. 4.d. « A Nicollas Quesnel ymaginier pour la façon de l’ymage Nostre-Dame « pour mettre sur la craiste de la dicte chapelle selon le marché. 20 liv ( Cette statue existe encore en place. ) « À Nicollas Lefumyevre paintre et doreur sur le marché de dorures « de la craiste de la d, chapelle Nostre-Dame des ymages lucarnes ar- « moryes et aultres ouvrages par marché faict à lui au rabaïiz au prix CAROL TRAME REMENT LE ACT snnssrsenenennnss …... 47o liv. » (2) Robert Becquet y fut employé de 1539 à 1540. La nef avait été couverte provisoirement en tuiles, peu de temps après l'incendie, Plus tard un la revetit de plomb, afin de mettre cette partie de l'édifice en harmonie avec la toiture du chœur. Il est dit au registre capitulaire, sous la date du 15 janvier 1540, que la tuile de la couverture du chœur sera vendue au plus offrant, et qu’elle sera remplacée par du plomb. (184) PIÈCES DÉTACHÉES ET COMPTES DU TRÉSORIER DU CARDINAL D'AMBOISE I. On ignorait jusqu'à ce jour que Robert Becquet eût eu un frère, maître charpentier comme lui. Les deux frères, qui prennent le titre de maistres de charpenterie à Rouen (x), passèrent avec le chapitre, le 3 mars 1539, un marché pour refaire le comble du chœur de la Cathé- drale , afin de le mettre à l'unisson de celui de la nef. Ils traitèrent moyennant 375 livres tournois. J'ai trouvé la pièce originale portant les signatures de Robert et Laurens Becquet. Je vous ai remis précédemment la éopie d'une se- conde pièce fort intéressante , dont malheureusement les premiers feuillets et la date manquent. C’est une espèce de factum de Fobert Becquet, dans lequel il répond, ar- ticle par article, à une série d'observations faites contre le plan de sa flèche par plusieurs maîtres maçons qui avaient été chargés, sans doute , par le chapitre , de l’exa- miner et de donner leur avis. Cette pièce doit être du commencement de l’année 15/42. Bien qu’il demeure constant, par ce factum et par la tradition, que la pyramide incendiée le 15 septembre 1822 ait été conçue et exécutée par Robert Becquet (2), (1) Dans une autre pièce, Robert Becquet s'intitule : charpentier du Roy à Rouen, et de sa grande église Nostre-Dame du dit lieu. On sait bien peu de chose sur Robert Becquet. Rouen, et Darnétal au- près de cette ville, se disputent l'honneur de lui avoir donné le jour ; bien que tout porte à croire que Rouen soît sa patrie. On ignore l’année de sa naissance. Je vois par les registres capitulaires de la Cathédrale qu’il mou- rut en 1554, à Rouen, dans une maison située auprès de l’abbaye de Saint-Amand , qu'il tenait à bail viager ; qu’il laissa une veuve, et un fils qui portait le om de Guillaume. (2) En général, Robert Becquet est cité seul, dans les registres ca pitulaies, lorsqu'il s’agit de le flèche; ce qui doit achever de prouver ( 185 ) il n'est pas juste de ravir à un autre maître charpentier de Rouen, nommé Toussains Dubuc, son associé dans cette entreprise, la part qu’il y prit. C’est la première fois que ce nom est révélé aux amis des arts ; je me fais un devoir religieux de le consigner ici. Avant d'exécuter la pyramide, on en fit faire un mo- dèle en petit par un menuisier. Je lis dans le compte du trésorier du cardinal d'Amboise IT, année 1541-1542 (x): « À Martin Guillebert menuisier pour les matieres et « façon du modelle de la dite tour par lui faict selon le « marché et ordonnance des députez..... 67 10°. » Enfin, le 19 juin 1542, on commença le travail de la charpente. Elle se trouva prête à être posée à la fin du mois de septembre. Cette étonnante célérité contraste singulièrement avec les trente années écoulées à délibérer sur le projet de reconstruction. Voici ce que porte le compte du trésorier : « Aux maistres charpentiers, scieurs d’aitz et aultres « personnes qui ont besongné pour faire la d. tour de- « puys le lundy dix neufvieme jour de juin jusques au « samedy dernier jour de septembre le tout aujourd huy « mil cinq cens quarante et deux il y a quinze sep- PU dE Ce OO OC een 1 OC AC TO L'année 1543 se passa à descendre le beffroi et à pré- parer la tour à recevoir la pyramide. Je crois vous avoir donné copie d’un rapport de Ro- bert Becquet , sous la date du 30 décembre 1542, relatif à cet objet. Il entre dans d’assez grands détails. que, s'il fut aidé dans l'exécution du monument, la conception lui en appartient, (1) Le cardinal d’'Amboise s'étant offert généreusement, à défaut du chapitre, pour élever la flèche à ses dépens, il n’est pas étonnant que ce soient les comptes de son trésorier, et non les registres capitulaires, qui m'aient fourni ces nouveaux détails et ceux qui vont suivre. 24 (1:86) L'année 1544 fut employée utilement ; elle vit dresser et s’élancer enfin dans les airs la flèche si long-temps at- tendue. Vous êtes impatient, Monsieur, de connaître les détails et la dépense de cette opération. Ouvrez avec moi le compte du trésorier du cardinal d'Amboise pour l'année 1544—31545 : il ne vous laissera presque rien à désirer. Vous y verrez que Robert Becquet et Toussains Dubuc, les deux maistres charpentiers de la tour, comme s’exprime le compte, reçurent pour leur travail, suivant marché fait, deux cents écus d’or soleil, qui valaient 450 livres tournois de ce temps (x); que Jacques Hallé et Nicolas Dumonstier exécutèrent la couverture en plomb de la flèche, et qu'ils furent payés à raison de trois deniers par livre de matière employée ; que le plomb fut acheté au prix de trois livres dix sous les cent livres (2); que la flèche fut peinte en entier, et quelques-unes de ses par- ties dorées. Pierre Hellot, Jehan Gaugain, Georges Le- pilier, Nicollas Fumyevre et Louys Debray, cités comme peintres de Rouen, furent chargés de cet ouvrage. Je pourrais pousser plus loin cette analyse; mais je croirais affaiblir l’intérêt que présente ce compte en me bornant à vous en présenter un simple aperçu : il mérite, ce me semble, d’être transcrit en entier. 1544— 1545. Aultre mise à cause de l'édifice e bastiment de la tour et clocher de l’église de Rouen. « À Pierre Hellot et Jehan Gau- gain pour leur payer d’avoir doré le (x) L’écu d’or au soleil, en 1544, valait 45 sous tournois. 71 éeus 1/6 pesaient un marc d’or. (2) Le prix du plomb est aujourd’hui d'environ 35 francs les cent livres. (187 ) coq mys sur la d. tour (x) les troys pommes et toute la croix, et l’es- taige prochaine de au dessoubz de la d. croix la cornice et première platte forme d'icelle croix dix escus soleil selon le marché faict avec eulx par M. de Brennetot M. Jac- ques Lecueur (2) et le comptable du dt. par leurs quittances....,... sxm. X. « Au dit Jehan Gaugain pour la peyne d’avoir doré le second es- taige de au dessoubz de la d. croix contenant unze piedz de la cornisse de dessoulx et pour avoir mis les couleurs des ditz doreures seulle- ment sans comprendre l'or cent solz t selon le marché sur ce faict par les d® S' de Brennetot et le comptable ez la quittance du d. Gaugain pour ce. .....s.s.ssese. G « À Jehan Venot batteur d’or soixante douze livres pour ung mil- solz lier et ung cent de feuilles d’or fin double et deux papiers deux cens d’autre feuille d’or simple et six pa- piers de fin or lesquelles feuilles et papiers d’or ont esté livrés par le dit Venot à M. Louys Le Maistre (a) Il est question, dans les actes capitulaires, sous la date du 14 oc- tobre 1544, du choix à faire, pour dorer le coq, entre l'or mat et l'or à feu. On se décida pour l'or à feu. La croix fut déposée et replacée aux frais du cardinal d'Amboiïse, au mois de mai 1550, comme ayant été mal adaptée, ( Regist. capitul. ) (2) Chanoines de la Cathédrale, ( 188 ) comys à prendre garde sur les com- paignons et ouvriers du d. basti- ment par les quittances du dit Ve- DORE eee nes. 000 UOTE « Pour achapt de millier cinq cens et demy de lattes achaptez et livrez au d', M. Louys, pour latter la cus- pide (1) de pyramide de la d. tour selon les achaptz et quittances sur ce portez la somme de dix huit li- vres dix solz pour ce...........: « À Jacques Halléet Nicolas Du- monstier sons consors plombiers la somme de quattre cens soixante huyt livres dix huyt solz neuf denier Pour avoir employé le nombre de trente sept milliers cinq cens quinze livres de plomb neuf à la couverture de la piramide de la tour et pour le deché du dt plomb au prix de douze livres dix solz pour millier qui est troys deniers pour livre selon le marché faict avecques eux de ce compte et estai qu'ils en ont baïillé à la certification du dt M. Louys Lemaistre et pour le denier adieu du dt marché faict avecques eulx de la d. plomberye deux testons pour CB) ee pre sie se aieiete ete TE CU : LXXII. 1 s XVIII. X: ce 1 s LA VEXX. IX, DE ES US () La pointe ; toute la partie qui s'élevait au-dessus des colonnades. (2) La différence que l’on remarque entre la somme en chiffres et celle énoncée en toutes lettres provient de ce qu’on a ajouté à cette première la valeur des deux testons, qui sont mentionnés dans le corps de l’article. (189 ) « À... Le Prevost bourgeoys mar- chand demourant à Rouen la somme de treize cens quaranie deux livres quinze solz troys deniers pour ven- due et délivrance de trente ung mil cinq cent ving deux livres de plomb au prix de trente cinq livres pour le millier ainsy qu’il appert par quattre quitiances signez tant de luy que de ses facteurs et serviteurs pour ce icy. « À Nicollas Dumonstier plom- bier la somme de trente deux livres dix solz & sur et tant moinys et en dé- duction de quarante livres tournois pour ung marché faict avecques luy pour faire les establis de toute la d. cuspide de piramide de la tour pour servir aux plombiers et paintres se- lon le d. marché et deux de ses quit- lances pour Ceessssssssesesesre. « À Georges Lepillier et Nicol- las Fumiebvre paintres suivant le marché par transport de Louys De- bray aussi paintre de Rouen pour avoir doré cinq (x) georges de la d. pyramide d’icelle tour les cornices et contours diceulx estaiges ensem- ble les escussons des armoryes de Mons"... especes et aultres choses à dorer es ditz cinq estaiges la somme de deux cens trente huyt livres tour- nois suyvant le marché faict avec- ques le dt, Debray ainsy par luy ce XI. XLIT. XXXIT. XV. 5 IR CH) uSre, d ( 190 ) transporté au fils Le Pillier de Fu- mievre et par les quittances diceulx ? POUT Ceessssesssrss.essseseuses II. XXXVHI. « À Guillaume Helouyn mar- chand cloustier de Rouen pour le clou qui a esté nécessaire et requis à couvrir la dicte piramide de la tour qui a été receu par Maistre Louys Lemaistre la somme de soixante deux livres deux solz troys deniers tournoys selon les parties du d. cloustier et certiffication du d. Le- maistre et la quittance du d' clous- 2 ain ee ter pouriCe... 1." re-.-0e LXAT- 1 ITNIIT. « À Thomas Delahoulle charpen- tier juré de la ville de Rouen pour une visitation par lui faicte en la d. tour pour savoir si les fortiffications qui y avoient esté faictes de nou- veau estoient deuement faictes ou non et pour en avoir faict son rap- POIL sui eue see oies eiele AU ENTER: X. « À maistre Toussayns Dubuc l’un des maistres charpentiers de la d. tour (1) dix livres tournoys pour reste de parpaye de deux cents escus soleil (2) de tout le guindage et montaige du boys de la d. tour se- (1) I est inutile de dire que l’autre était Robert Becquet. Ce dernier, comme il appert aux registres capitulaires, avait une pension de cent sous sur la fabrique à raison de son office de maître charpentier de la Ca- thédrale. Le 22 octobre 1548 , il réclamait les arrérages de trois années qui lui étaient dùs. (2) L’écu d’or au soleil valait alors 45 sols tournois. 14 livres tournois £ ormaient le marc d'argent, ( 191 ) ion le marché que l'on avait faict avecques luy monstré aux comptes précédens par sa quittance... ..... «A Jehan de Blacquetotferonnier de blancœuvre demourant à Rouen la somme de soixante une livre dix neuf solz, neuf deniers tournoys pour toute la feraille par luy four- nie et livrée tant pour parfaire et paragrer la piramide de la d. tour el pour faire les liaysons d’icelle que aussy pour toute l’autre fe- raille qu'il a convenu faire pour la fortiffication de la d. tour et beffroi d’icelle comme appert par ses par- ties et quittances et par certiffica- tion du d', S' Lemaistre pour ce A PÉNO DOUANES CU e5 ss « Pour le reste du boys nécessaire pour peragrer de parfaire la d, pyramide d’icelle tour voyturaige brouetaige et siage du d, boys pour faire la montée de la d. tour et le beffroy et pour faire les fortiffica- tions qu'il a convenu faire pour obvyer à l'inconvénient des ventz la somme de deux cens quarante huyt livres ung solz deux deniers tournoys comme appert par la d. certification du dt. Lemaistre et les quittances des marchands de boys brouctiers et scieurs d’aitz pOUT Ce. eue» Re be de de eee « Aux maistres charpentiers et aultres ouvriers et compaignons du cc Y1, XLVIII, J. C1g2) dict meslier scieurs d’aitz, manou- vriers et aultres personnes qui ont besongné par journées et sepmaiu- nes durant l'an de ce présent compte payé au dernier jour d’icelles sep- mainnes suyvant le papier de mais- tre Louys Lemaistre commis à faire le registre et papier des jour- nées et sepmainnes que ont beson- gné et défailly les dits ouvriers et par mandement de Mons'. exhibé aux comptes précédents et les quit- tances de maistre Jehan Lemercyer greffrier à ce commys pour faire les parties et registres diceulx paye- menz pour toutes les d‘ sepmain- nes la somme de mil troys livres deux solz cinq deniers ainsy qu'il appert par les papiers nottes et re- gistres du d' Lemaistre de Le Mer- ne bts cier monstrez et exhibez pour ce... M. HI. Ov. vi. : 4 m ce xx [l s d $Somma hujus capituli.. XII. V. HIT. VIN. IN. VI. Pour trouver le compte général de la dépense de la flèche, il faudrait, à ces trois mille cinq cent qua- tre-vingt- dix-huit livres quatre sous sept deniers, CYeosssossesseseseeseenesesesses 3,598! 45 qd ajouter : 1° Pour l'achat des bois de charpente fait par le chapitre.................. 1,400 » » 2° Aux ouvriers charpentiers pour l'assemblage de la charpente......... 417 x «x 3° A Robert Becquet et Toussaint Dubuc un premier paiement......... 44o » » A reporter... 5,855! 5° 84 (193) Reports... 58551 bs gi &° Le petit modèle en bois de la He lac Su COUR E 67 10 » 5° Premier paiement à Dumonstier, plombier, pour l’échafaud de la tête de AMI GHE ER NES MOTEUR PT 10 » > Ce qui donnerait une somme de.... 5,g3o! 5° 84 Il resterait à l’'augmenter du prix du plomb employé à l'achèvement de la couverture et du montant de la main- d'œuvre, car la flèche ne fut complètement couverte que quelques années après, bien que l’opinion générale soit qu’elle ait été entièrement terminée en 1544. Un passage d’une lettre du cardinal d’Amboise IT imprimée dans plusieurs recueils pouvait faire soupçonner cette vérité; mais on ne s’y était pas arrêté. Dans cette lettre, datée du 29 avril 1544, le cardinal dit, en propres termes : « Pour ce qu'il reste encore à couvrir de plomb la dite « tour et y faire encore plusieurs autres ouvrages et be- « songnes pour la magnificence et enrichissement d’i- « celle ; et aussi que pour le présent il est très difficile de « pouvoir fournir entre autres matereaux recouvrer et « faire venir d'Angleterre le plomb requis et nécessaire « à couvrir la dite tour, pour raison des guerres de pré- « sent étants entre le Roy, notre souverain seigneur, et le « Roy d'Angleterre, etc. » Or, cette guerre, allumée en 1543, ne fut terminée qu'en 1550. J'ai découvert dans nos archives une pièce qui vient à lPappui de la lettre du cardinal d’Amboise. C'est un procès-verbal de l'examen fait par Robert Becquet et Toussaint Dubuc, et signé par eux, de la plomberie de la flèche, sous la date du 16 mai 1547. On y lit : « Nous trouvons que le plinte du pied destalle servant « d'empatement sur la première plate forme sur la mas- 25 (194 ) « sonerye est deubment plombé à six pieds de hauteur « et le reste du dict pied destalle est imparfait et doibt « estre parfait jouxte le pourtrait, et pour la segonde « haulteur où sont les premiers colonnes il n’est com- « mencé à plomber reste qu’il est tarase , la troisiesme et « quatriesme haulteur ne sont encommencées à faire « comme dict est tant les colonnes que le double corps « de la dite tour. la cinquiesme haulteur est plombée « reste l'arriere corps de force, » Et plus loin : « L’estimation du plomb qui convient avoir pour la « perfection de la tour nous ne pourrions estymer si nous n'’aviont fait ung essay d’une toize de plomb « pour veoir ce que pourrait peser. » Les comptes des cardinaux d’Amboise manquant dans nos archives à partir de l’année 1545, il ne m'est pas possible de fixer la date précise de l'achèvement de la couverture (1), et de compléter le compte général de la dépense. Je ne doute pas, cependant, Monsieur, quant à ce der- nier point, qu’aidé par l'extrait du procès-verbal de Ro- bert Becquet et de Toussaint Dubuc, et en prenant pour base les frais et les évaluations du compte que je viens de transcrire en entier, vous ne pussiez Calculer presque rigoureusement combien il fut employé de plomb pour les parties non achevées, et trouver le chiffre de la dé- (1) Un acte capitulaire du 6 décembre 1550, où il est question des établis qui ont servi au plombier de la flèche, fournirait, au besoin, la preuve que le plombage n’a été terminé au plutôt qu'en cette même an— née 1950. | Je vois, dans les mêmes registres, sous la date du 25 juillet 1545, que le chapitre avait député un de ses membres vers le cardinal d’'Amboise, à Gaillon, pour le supglier de faire achever la couverture de la flèche, afin de prévenir la détérioration de la charpente. Il remit à s’en occuper plus tard, C195) pense. De celte manière, nous aurions le compte total de la flèche de Robert Becquet. Je ne pense pas, en partant des données ci-dessus indiquées, qu'il s’élevât beaucoup au-delà de sept mille livres du temps, les- quelles représenteraient (1) environ trente-six mille francs de notre monnaie , en admettant que le marc d’or, sous le rapport du poids, soit le même en 1542 et en 1829. Tels sont, Monsieur, les détails que j'ai recueillis sur la pyramide de Robert Becquet, et que je m’empresse de vous communiquer. S'ils peuvent vous être de quel- que utilité, j'aurai atteint en grande partie le but que je me suis proposé en m'occupant à les réunir. J'ai l'honneur d’être, Monsieur, etc., A. DEVILLE. (r) La livre d’or vaut, dans ce moment, 1,680 fr. En 1545, 165 liv. 7 5. 6 d. tournois équivalaient au marc d’or, d’après Le Blanc. (196 ) PAPA AA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA AA RAA AA AE AA SUR LA CAUSE DU PEU DE POPULARITÉ DE NOTRE POÉSIE. Discours de Réception de M. MAGNIER, Lu en la séance du 11 février 1831. MESSIEURS, En m'admettant parmi vous, vous avez eu égard aux fonctions que je remplis, aux connaissances qu’elles sup- posent, et peut-être à une œuvre de critique qui n’est elle-même que le résultat de mes occupations quoti- diennes. Vous n’aviez pas d’autres raisons de m’adjoin- dre à vos travaux. C’est à moi maintenant de vous épar- gner les regrets qui ne suivent que trop souvent un vote de confiance. Permettez-moi donc de vous faire hom- mage de quelques idées qui, sans être neuves pour sous, prouveront du moins mon intention de prendre part aux questions littéraires qui doivent quelquefois s’agiter dans vos réunions, J’ai cru ne pouvoir mieux vous témoigner ma reconnaissance qu'en cherchant à justifier, par le sujet même de ce discours, l'opinion bienveillante que vos suffrages ont exprimée. Un fait incontestable, et qu'il suffit d’énoncer pour qu'il soit à l’instant même avoué et reconnu, c’est que chez nous la poésie n’est pas populaire. Et, par-là, je n’entends pas seulement que les poètes ne sont point (197 ) lus par cette partie de la nation, qui, désignée sous le nom commun de peuple, en représente la classe la moins éclairée, et souvent même la classe tout-à-fait ignorante ; je parle de ceux qui lisent, de ceux qui se font de la lec- ture un moyen d’amusement autant que d'instruction, des esprits éclairés pour qui les jouissances du goût et les plaisirs de l'imagination sont un des charmes de la vie. Combien en est-il parmi eux, et, pour cela, je puis en appeler à cette assemblée , où je me vois environné de tant d'instruction et de lumières, combien en est-il parmi vous, Messieurs, qui , cherchant le délassement de leurs travaux ou le moyen de passer sans ennui les moments qui pèsent, trouvent dans les vers, plutôt que dans la prose, le sujet de leurs lectures favorites? Et cependant le but de la poésie est surtout de plaire. Si le poète a re- noncé à la liberté du langage ordinaire pour s’astreindre au joug du vers, c’est dans l'espoir de charmer votre oreille ; si, laissant là les routes communes et les champs du vulgaire, il vous transporte avec lui dans un autre univers, c’est pour y faire goûter à votre ame des plai- sirs inconnus ailleurs. D'où vient donc que la plupart de ceux qui lisent préfèrent la prose à la poésie? Ce n’est pas une question sans importance , Messieurs, un de ces lieux communs sur lesquels on fait rouler un moment des paroles oiseuses. Parmi les divers sujets que j'aurais pu choisir, celui-ci m'a paru digne de votre atttention, et, sans me flatter de l’approfondir, les difficultés mêmes qu'il présente, et que vous saurez apprécier, me seront du moins un sûr garant de votre indulgence. Personne ne niera que la poésie antique n'ait été plus populaire que la nôtre. L'esprit des hommes aurait-il changé? 'Serions-nous moins sensibles aux charmes de l'harmonie, moins disposés à nous plaire aux jeux de l'imagination? Non, sans doute. Comme si la nature et notre cœur, et l'univers, et Dieu lui-même, ne pouvaient, (198 ) tels qu'ils sont, suffire à notre ame , l'homme se plaît à en former une foule de combinaisons imaginaires, qui deviennent pour lui autant de créations nouvelles , et la source des impressions les plus fortes et les plus variées. C’est aujourd'hui, comme autrefois, un des besoins de l'humanité; et c’est encore à la poésie qu’il appartient d'y pourvoir. Notre nature est donc toujours la même : les circonstances seules ont changé. L’antiquité avait des moyens de poésie que nous n'avons pas : elle avait une histoire poétique, elle avait surtout un merveilleux qui n'existe plus, et que rien n’a remplacé. Développons cette idée; nous y trouverons plus de vérités qu’elle ne semble en promettre, et peut-être même une réponse à la question que nous avons posée. Des siècles d’ignorance et de barbarie aux siècles de science et de civilisation, il y a une époque de transition où l'esprit humain, sorti de son premier état de faiblesse, a besoin de croître encore pour arriver à toute sa force et sa grandeur. Les hommes ne sont alors que de grands enfants. C’est l'époque de la crédulité. Sans parler des terreurs ou des surprises religieuses qui, dans ces temps, ont animé et rempli les cieux et la terre d’êtres fantas- tiques et d'événements merveilleux, combien de faits, que d'histoires extraordinaires n’ont pas dû résulter du penchant naturel de l’homme à entendre ou redire les actions de ses pères! Il suffit de considérer un seul et le mieux connu de ces faits antiques, pour juger des chan- gements que, par eux-mêmes et le cours naturel des choses , ils ont subis dans les souvenirs et l’imagination des peuples. La Grèce entière, soulevée de son sol par la haine na- tionale, qui devait se rallumer tant de fois entre l'Eu- rope et l'Asie, a pesé de toutes ses forces et de toutes ses passions sur un peuple rival, qu’elle renverse après dix années de constance et d’héroïsme, Les âges suivants ont (199 ) long-temps retenti de ce long et vaste ébranlement. Pour la génération même qui en fut témoin , il se joignait à la réalité bien des merveilles. Les pères en ont fait le récit à leurs fils, et, de générations en générations, deux siècles à peine écoulés, il existe, sur la guerre de Troye , une foule de traditions presque toutes merveilleuses; on ne connaît plus autrement la guerre de Froye ; et, quand on veut plaire aux Grecs, c'est de la guerre de Troye et de ses héros qu'il faut leur parler. Homère paraît! il ras- semble toutes ces traditions ; sans avoir besoin de les em- bellir autrement que des couleurs de son divin langage, et de l’ordre sublime qui les fait paraître dans toute leur grandeur et leur clarté, ses chants deviennent pour ses contemporains le récit véritable de la guerre de Troye et de ses conséquences , telles qu’on les connaît, telles qu'on les croit, telles qu’il les croit lui-même. Comme son siècle, il a la foi dans les faits et les merveilles qu'il raconte et qu’il n’a pas créés. 11 n’a fait que de l'histoire, la seule qu’on püt faire et croire alors. Ainsi, en remontant à l'origine de l'épopée homé- rique, nous trouvons que, dans ses fictions, et jusque dans ses merveilles les plus extraordinaires et les plus bizarres, elle n'offre que des faits généralement admis, et dont le charme réside dans la foi du poète qu’elle inspire et du peuple qu’elle enchante. Il en fut de même à l'ori- gine de toute poésie : il n’y en a point qui n'ait eu pour fondement les croyances populaires ; et, quelque absurdes qu'elles puissent nous paraître aujourd'hui, c’est par ces croyances sérieuses alors et presque toutes religieuses , que les poètes ont régné dans lés premiers âges et sur la postérité. En effet, il est si difficile d’abuser les hommes sur ce qu'ils savent ou sur ce qu'ils ont vu, qu'à moins de les trouver imbus des idées ou des faits merveilleux dont vous prétendez les charmer, vos contes pourront bien les ( 200 }) amuser un moment, mais ils ne resteront pour eux que des contes. L’imagination et la raison sont presque tou- jours en guerre ; on ne peut souvent satisfaire l’une qu'aux dépens de l’autre. Si vous vous abandonnez à l'imagina- tion, vous pourrez bien éprouver la joie, le transport d'une ivresse momentauée; mais bientôt un sentiment secret viendra troubler vos jouissances : craignez, si vous sortez de la vérité, que la raison ne se révolte, et qu’en reprenant ses droits elle ne détruise vos plaisirs. Mais supposez aussi que , tout entiers à la raison, sans autres inspirations que celles du bon sens, vous suiviez pas à pas ce guide froid et vulgaire, vous courrez risque de tomber bientôt dans un sommeil mortel. Le seul moyen d’un plaisir sûr et constant, que rien ne trouble et n'af- faiblisse, c'est de satisfaire à la fois l'imagination et la raison. Or, vous avez beau faire, l'imagination ne se contiendra pas dans les bornes du monde réel; penchant que j’appellerais un travers de notre nature, si je n’y voyais le besoin, le pressentiment d’un monde où tout doit changer, s’embellir et s’agrandir pour l’ame délivrée de sa dépouille terrestre. Mais comment la raison se pliera-t-elle au joug de l'imagination? Comment servira t-elle ses caprices? Comment la suivra-t-elle dans son univers de mensonge ? L’antiquité a résolu le problème, Messieurs ; les fictions et les merveilles sont nées d’elles- mêmes. N'ayant été d’abord que les résultats successifs de la crédulité de quelques générations, maïs ensuite consacrées par le génie plein de foi dans un langage har- monieux et sublime, elles se sont fixées et maintenues, comme l'histoire et la vérité, dans la mémoire et l’ima- gination des âges suivants. C’est ainsi que le monde de la poésie merveilleuse se trouva créé pour les anciens ; non pas un monde fantastique où l'imagination du poète se jouait, suivant ses caprices, au milieu des prodiges qu’il inventait lui-même , mais un monde réel , où , forcé ( 2071 }) de se conformer aux traditions antiques, il trouvait en elles des merveilles toutes faites, qui, pour ses contem- porains, avaient les charmes de la vérité joints à ceux de l'invention poétique. Malgré toutes les différences qui devaient résulter de la religion et du mélange bizarre et burlesque des débris de la civilisation romaine avec la barbarie du Nord, le moyen âge est l’époque homérique des temps modernes. Les héros et les demi-dieux semblèrent renaître avec les souvenirs du siècle de Charlemagne , et la guerre de Troye se renouvela plus vaste et plus sublime dans l’ébranle- ment religieux de l'Europe contre l'Asie et Mahomet. À travers deux ou trois siècles de ténèbres, l’histoire de Charlemagne, dont les traditions se retraçaient sans cesse à l'imagination, n’offrait plus qu'un ensemble de fictions, où se retrouvent l'esprit même et les idées chevaleres- ques du temps qui les a créées. Et si nos regards s’arré- tent sur les croisades seules , quelles merveilles n'avaient pas dû naître, à une époque ainsi disposée , de l’éloigne- ment des contrées où ces guerres saintes précipitaient les peuples , et de l'enthousiasme religieux, si fécond en pro- diges réels ou imaginaires ? Parcourez les souvenirs du moyen âge; le miracle y est chose commune, l’inter- vention divine et l’action des démons toute naturelle, les prédictions aussi fréquentes, aussi sûres que les ora- cles de Calchas ou des sibylles. Il semble même que ce qu'il y a d’extraordinaire dans une action soit pour les esprits une raison d’y croire. N'est-ce point là cette époque de foi et de crédulité qui créa le merveilleux antique , l’âge d’or de l’imagination, la source unique de cette poésie, la seule vraie, qui, dans ses fictions même, est encore la vérité? Les grandes actions, les figures héroïques, les faits gigantesques s’oflraient en foule ; il ne leur a manqué qu'un Homère, c’est-à-dire l'historien des siècles de crédulité et d’inventions popu- 26 ({ 202 ) laires. Si, au milieu de toutes ces créations merveil- leuses , résultant de l’état des esprits et des croyances de l’époque, dans cette abondance prodigieuse des légendes et des contes religieux ou chevaleresques, il se fût trouvé, pour les mettre en œuvre et en consacrer à jamais la vé- rité, un génie crédule et puissant, qui, en les élevant par son langage à la hauteur de sa pensée, leur eût donné l’empire homérique sur l'imagination moderne, peut-on se figurer sans enthousiasme et sans regrets la vasle carrière où nos poètes auraient marché, non plus suivis de quelques adeptes, mais environnés de cette foule innombrable qui, dans leurs chants et leurs ta- bleaux , croirait s'entendre et se voir elle-même chanter et peindre ? Le Dante devait être l'Homère du moyen âge; mais il ne traita point le véritable sujet de l'épopée moderne. Deux siècles plus tard, l’Arioste et le Tasse s’'emparèrent de Charlemagne et des croisades : d’après leur succès, on peut juger de l’empire qu'aux temps mêmes de la crédulité les fictions du moyen âge pouvaient prendre sur le monde, Mais, heureux de trouver encore assez de souvenirs et de traditions populaires pour que leurs fic- tions ne fussent pas étrangères ou contraires aux idées et au goût de leur temps, ils ne trouvèrent plus cette cré- dulité, qui, par les chants de la poésie, grave ses inven- tions et se consacre elle-même dans l'esprit des hommes. L'époque avait été manquée ; il était trop tard alors, à plus forte raison depuis ; et ce devait être le résultat iné- vitable de la renaissance des lettres. Lorsque nos pères sortirent des ténèbres où le monde était plongé, ce fut à la lueur d’un flambeau, qui, long- temps à peine entrevu dans la nuit des siècles, reprit peu à peu sa lumière , pour en inonder l'Europe entière. Dès-lors ils marchèrent à grands pas dans la carrière de civilisation, où peut-être nous entrerions à peine , si la PE (203) littérature ancienne, en leur révélant avec ses chefs- d'œuvre le goût et le génie qui les avaient inspirés, ne les eût tout-à-coup élevés à la hauteur des Grecs et des Romains. Mais aussi qu'en arriva-t-il? Les yeux pres- que uniquement fixés sur cette lumière, ceux dont la voix et les écrits devaient diriger les peuples, portèrent les esprits du mème côté. Les Romains envahirent en- ‘core une fois le monde ; les écrivains anciens devinrent les nôtres ; leur poésie, toute créée, parut la seule et vé- ritable poésie ; on ne connut plus d’autres fictions que celles de la crédulité grecque ou romaine. IL en résulta de nouveaux chefs-d’œuvre ; et qui de nous n’oppose avec orgueil aux plus beaux siècles de la Grèce et de Rome le siècle de Louis XIV et ses productions merveilleuses ? Mais en même temps nous en conviendrons, cette poésie n'était plus celle du peuple. Pour se plaire à ses fictions , il fallait , par de longues études, s’être dépouillé de la rouille populaire ; les femmes, à qui les mœurs chevaleresques avaient donné tant de part aux jouissances de la vie moderne, devaient rester en dehors de cette poésie régénérée des Grecs et des Latins ; enfin, la na- tion presque entière n’entendait plus la voix de ses poètes. | Mais, dans cet envahissement de la poésie antique, que devenaient les traditions populaires des âges précé- dents? Elles n'avaient plus, dès-lors, ce qui les aurait consolidées et maintenues dans lesprit des peuples, le concours , la croyance égale et la consécration nécessaire de ceux qui dominent par le génie ou par le pouvoir. Comment auraient-elles pu résister à l’action du temps? Si du moins, comme les traditions homériques, elles s'étaient trouvées mêlées à la religion, elles auraient par- ticipé de son empire et de sa durée; mais le christia- nisme ne pouvait, sans s’ébranler lui-même, imposer d’autres merveilles à la croyance des hommes que celles (204 ) de sa fondation. Il fallait donc que le peuple, en restant étranger à la poésie antique , perdit aussi les traditions du moyen âge : il ne les connaît pas plus que celles du temps d'Homère. D'un autre côté, au-dessus et loin du peuple, ceux qui s’en étaient séparés pour vivre dans l’ancien monde , n’y vivant qu'en imagination, n'avaient pas cette foi solide sans laquelle la fiction n’a plus tous ses charmes. La science elle-même se fatigua bientôt de formes et d’idées qui ne lui retraçaient rien de ce qu’elle voyait ou croyait. Ainsi, Messieurs, grands ou petits, savants ou igno- rants, nous n'avons plus de merveilleux : antique ou mo- derne , il a perdu son empire, et, dans l’état actuel des nations, rien n’annonce qu'il puisse jamais se rétablir. Fenteriez-vous, par exemple, de nous offrir un nou- veau genre de fictions? Soyez sûr que vous errerez seul dans ce nonvel univers , que votre imagination peut rêver ou créer au gré de ses caprices ou de son délire. Quelle que soit la puissance du génie, Homère et ses succes- seurs ne produiraient pas aujourd'hui sur l'humanité ce qui, de leur temps, n'avait été que l’œuvre des siècles et des peuples eux-mêmes. Tenterez-vous, comme quel- ques-uns de nos poètes, de nous rendre les fictions du moyen âge? Mais nous venons de montrer que, depuis long-temps déjà, le fil des générations s’est rompu pour elles; et, pour croire aux merveilles, il faut les avoir reçues avec la vie ; il faut que nos pères les aient, pour ainsi dire , fait passer en nous avec leur sang. Et qu'avons-nous besoin, me dira-t-on, de toutes vos créations bizarres, bonnes seulement pour amuser les enfants et les peuples enfants ? Toutes ces inventions des temps antiques, toutes ces merveilles dont vous nous faites la poésie , ne sont pas la poésie telle que nous l’en- tendons aujourd'hui. C’est vrai, Messieurs, et c'est une des raisons pour lesquelles notre poésie n’est pas et ne Re ( 2095 ) peut pas être populaire. Bien des siècles après les temps héroïques et l’époque d'Homère ; dans toute la splendeur de la civilisation grecque ou romaine, lorsque la lyre de Pindare ou d'Horace faisait entendre à l'oreille des hommes plus instruits des accents plus savants et plus variés, lorsque la voix des personnages évoqués par So- phocle et Euripide faisait frémir et pleurer Athènes , lorsque Virgile, en chantant la fondation de l'empire romain , révélait les sublimes destinées de la ville éter- nelle, la poésie ne communiquait avec les hommes que par ces faits de tradition auxquels l’antique cré- dulité, les chants des premiers poètes, la religion même, et les idées de l'enfance, assuraient la foi des peuples. Le grand avantage de la fiction, quand elle est admise, quand elle est dans l'esprit de la nation, c’est d'être à la portée de tout le monde. File parle également à toutes les imaginations , et c'est par là que la poésie ancienne était celle du peuple : elle avait, pour tous les yeux, des images réelles et vivantes, une foule d'actions, de ca- ractères , de personnages ; qui lui permettaient de pré- senter , sous des traits et des formes connus, et en quel- que sorte corporels, les idées, les sentiments et les passions pour lesquels nous n'avons souvent qu'une expression, qui, dans sa généralité philosophique ou sentimentale, échappe à la plupart des esprits , et surtout à l'imagination populaire, accoutumée à ne saisir et ne comprendre que les faits et les réalités. On conçoit, Messieurs, comment notre poésie, ré- duite à n'employer qu'un merveilleux auquel personne ne croit, ou forcée de s’en passer , a perdu son plus fort moyen d'action et d'empire. Heureux ceux qui croient ! Dans la poésie, comme dans la religion, de quelles jouis- sances l’incrédulité ne prive-t-elle pas les ames sèches et froides qui n’admettent que les réalités de notre monde et de la vie présente ! Mais le mal est irréparable; il ( 206 ) faut s'y résigner, Messieurs. Voyons cependant s'il ne resterait pas quelque moyen de satisfaire encore aux be- soins de la poésie, ou plutôt des esprits qui devraient y trouver leur charme. De tous les faits et des raisonnements qui nous ont conduit à notre conclusion fatale sur le merveilleux an- tique ou moderne , nous sommes en droit de conclure d’autres vérités. Le poète ne trouvera croyance et sym- pathie dans la raison, le cœur et l'imagination de ses contemporains , qu'en leur présentant ce qu'ils savent , ce qu'ils sont disposés à croire et sentir. Il n’y a de poésie populaire que celle qui rend au peuple ce qu'il a prêté, celle qui, prise dans l'esprit du temps et dans la na- tion même, n’est en réalité que l’image et l'expression fidèle de ses idées et de ses sentiments, embellis et non changés par l’art et le pinceau du poète. Vous donc qui, dans les transports de votre imagination , voyez un peuple entier séduit et entraîné par vos chants, dé- trompez-vous : le peuple reste immobile à sa place, et il y restera si vous n'allez le chercher. Présentez-lui ses idées , parlez-lui sa langue , qu'il croie enfin s'entendre lui-même , si vous voulez qu'il trouve du charme à vous entendre. Au lieu de le façonner à vos travaux, et de chercher à lui faire partager des inspirations et des pensées qui ne sont pas dans sa nature et dans ses dispositions présentes , conformez-vous à ses goûts , servez-le suivant ses idées et ses désirs : alors vous se- rez pour lui dans le vrai; alors, seulement alors vous dominerez son ame. En voici la preuve. Nous ne sommes plus dans ces heureux temps où la religion , maîtresse de tousles cœurs, ne connaissait presque point d'enfants ingrats ou rebelles. Cependant, il reste encore bien des ames embrâsées de feu divin ; et, comme il arrive dans les temps d'opposition, com- bien se sont affermis dans leurs sentiments par les (207) combats mêmes qu'ils soutiennent pour les conserver ! Bien plus, chez la plupart, il n'y a qu'indifférence , et non pas rebellion ouverte où abandon complet : ils ne croient pas en apparence, mais sans raison de ne pas croire ; et soyez sûrs qu'au fond de leurs cœurs il reste, à leur insu , bien des idées d'enfance qu'on ne secoue pas à son gré, et qui, doucement réveillées, ont encore le charme de la vérité. Et, quand il n’y aurait que ces ames toujours ouvertes aux douces impressions, qui, dans leur besoin d'appui , sentent mieux le plaisir de croire au protecteur du faible , au consolateur de l’af- figé, la religion n’aurait-elle pas encore pour elle la plus belle moitié de la nation, celle qui s'émeut le plus vivement aux beautés de l'imagination, et dont le goût naturel aura toujours tant d’empire sur le nôtre? Les idées les plus fécondes sont en même temps les plus simples ; mais elles ne viennent qu'au génie. Cha- teaubriand eut celle-ci, Messieurs : il vit que le senti- ment religieux est encore le plus généralement répandu parmi nous, Peinte ou mise en action dans ses ouvrages, la religion est devenue lame de son style et la base de ses succès. C’est par là que , trouvant son point d’ap- pui dans la nation, il a commencé la révolution lit- téraire de notre siècle. La poésie s’est emparée de cette idée. Comme Chateaubriand , Lamartine voyant dans le peuple même linstrument aussi bien que le but de ses chants, a touché la même corde , et vous savez les sons qu'elle a rendus sous ses doigts, non plus des sons solitaires, mais entendus de plus de monde que ceux des autres poètes. La poésie religieuse est donc celle qui trouve encore le plus de sympathie et d'ac- cord avec ses chants, celle dont les accents résonnent le mieux au fond des cœurs; et n’en soyez pas surpris : par conviction, habitude ou souvenir, nous sommes presque tous disposés à l'entendre. ( 208 ) Cependant, il ne suffit pas d'offrir au peuple ses pro- pres pensées et des sentiments à lui: il faut encore qu'il les saisisse et les admette sans peine. Dans la poésie, l’idée du travail exclut celle du plaisir. Le tort de la plupart de nos jeunes poètes, et trop souvent de Lamartine lui- mème, est d'exiger une contention d'esprit qui ne suf- fit pas toujours pour les suivre dans le monde intérieur où ils se complaisent:leur poésie de sentiment et de con- templation reste inaccessible à la raison commune, Mais ce que tout le monde comprend sans peine, et presque toujours avec plaisir, c’est une action, ce sont les choses que l'imagination saisit, pour ainsi dire, par les yeux. Il a bien senti cette vérité celui qui, dans sa prose , a été sans contredit le plus grand poète de notre siècle, Non content de trouver dans la religion des idées neuves qui semblaient appartenir à tout le monde, il a vu que le seul moyen de parler à toutesles imaginations, c'était de mettre en action sa pensée religieuse. Il s’est trompé sans doute, quand il a voulu créer un merveilleux qui n’était pas dans la nation; et son exemple prouve assez que la grande difficulté, c’est d’avoir un genre d’action qui, permettant toutes les beautés et toutes les hardiesses du langage poé- tique, soit, comme l'antique merveilleux , à la portée de tous les esprits et conforme à toutes les croyances. Où trouverons-nous donc ce genre d’action qui convienne à notre siècle? En terminant, permettez-moi d'exposer sur ce point ma pensée et mes espérances. Le goût naturel à l’homme qui, dans les siècles d’igno- rance, se fait des souvenirs de ses pères la source des plai- sirs de son imagination, renaît parmi nous plus sévère, mais encore susceptible de charmes. Déjà même, sur les pas d’un homme de génie, le roman, si habile à connaître et saisir les moyens de plaire, est sorti de la vie présente et a pris pour domaine le passé. Mais la poésie laisserait- elle usurper ses droits ? elle qui, dès sa naissance et chez ( 209 ) tous les peuples, s’est fait des traditions antiques son moyen de gloire et d’empire, croirait-elle qu'aujourd'hui le passé reste pour nous sans grandeur et sans illusion ? Les faits et les personnages, à mesure que le temps nous en éloigne, semblent grandir et prendre une figure plus imposante; ce qui ne fut que vulgaire, ce qui ne serait maintenant qu'une action commune et bientôt oubliée, revêt, dans le lointain des âges, une importance moins imaginaire que réelle. Ce nouveau genre de merveilleux, le merveilleux historique, n'attend peut-être que son poète. Qu'un homme de génie se rencontre qui nous rende le passé tout vivant, qui, exhumant, pour ainsi dire les personnages fameux des diverses générations et les générations elles-mêmes, les fasse apparaître devant nous avec leurs vertus, leurs passions, leurs crimes, et un lan- gage qui imprime à ces figures antiques leur caractère et leur sceau de vie ; les hommes des temps anciens, et ces temps eux-mêmes, comme autant de figures coulées en bronze, resteront pour la postérité les types éternels des idées, des caractères et des passions qui, aux diver- ses époques, ont animé le monde. Combien ces créations du génie devront encore ajouter au goût de l’histoire si facile à satisfaire, et que de toutes parts l'instruction tend à répandre ! Ne voyez-vous pas, dès-lors, l’histoire et la poésie se prêter un secours mutuel , l’une donnant à l’'au- tre son action et sa vérité, l’autre secondant de toute sa puissance l’empressement des esprits à se reporter dans les temps antérieurs ? Si, de cette manière, et comme il est permis de l’espérer, un jour vient où chaque fran- çais ne trouve , dans la manifestation poétique du passé, que des vérités populaires et des souvenirs presque fami- liers , la poésie n’aura-t-elle pas reconquis, dans toute sa grandeur, cet empire qu'aujourd'hui, loin du peuple, elle se plaint d'exercer sur un petit nombre d'ames pri- vilégiées et seules dociles à ses lois ? ( 210 ) Eañfin, Messieurs, dans l’état actuel des esprits, il n est personne qui ne s’altende à quelque changement. On sent de toutes parts le besoin de replacer la poésie sur d’autres bases ou dans une autre voie; et de là ce mal- aise, cetle agitation, ce mouvement de réaction, qui, de- puis quinze ans surtout, menacent de bouleverser notre monde littéraire. Il en sera comme de ces révolutions qui, dans le cours inévitable des choses, et aux épaques marquées par la providence, remuent quelquelois les peuples pour les renverser à jamais ou pour leur don- ner une vie plus forte et pleine de destinées nouvelles. Espérons que celle-ci ne sera point fatale. Les époques de décadence littéraire n’ont jamais éié que des époques de décadence dans la nature et la dignité des nations. Après Alexandre, la Grèce devient esclave , et son génie perd , avec la liberté, son essor et sa grandeur. Sous les iyrans qui l’abrutissaient ;; Rome pouvait-elle conserver les sentiments qui inspirent les grandes pensées et font les grands hommes ? L'Italie même, dans les temps mo- dernes, n’a joui de son génie et de sa gloire que dans les luttes de ses villes rivales et parmi les combais de ses citoyens divisés pour la cause de la liberté ; quaud elle a fléchi sous la verge étrangère, son génie s'est tù, Et nous, dont le génie a devancé les temps qui devaient l'inspirer , nous à qui les progrès de notre siècle assu- rent cette liberté qui donne à l’homme ioute sa force et sa puissance, nous qui, loin de ramper sous ce joug étranger qui ravale les nations, serions prêts à renouve- ler les prodiges dont le souvenir fait encore trembler le monde, ce serait à cette époque de gloire, de puissance et de liberté que nous tomberions dans cet état de fai- blesse et d’an‘antissement qui n'appartient qu'aux peu- ples dégradés! Laissez marcher la nature humaine ; le génie est de tous les temps ; il ne lui a souvent manqué qu'un siècle inspirateur : avec les sentiments qui seuls (arr ) dé ormais doivent animer nos cœurs et honorer la France, des hommes se présenteront, n’en doutez pas, qui sauront se faire entendre , et rendre populaires le vrai beau et la belle nature. M. Blanche , président, a répondu : « Monsieur, lorsque l'Académie vous a ouvert ses rangs, chacun de ses membres avait pu apprécier l’éléva- üon de votre esprit et l'indépendance de vos sentiments. La dissertation que nous venons d'entendre aurait achevé la conviction, si, à cet égard, il fût resté quelque chose à faire. » M, Blanche ne suivra pas l’orateur, at-il dit, dans les développements pleins d'intérêt qui servent à la preuve et à l’ornement du discours , etc. ; mais il a adopté comme vérité incontestable l'impossibilité d'admettre chez nous les machines poétiques de l'antiquité, repoussées par la raison et les croyances de notre époque. Il à embrassé avec plaisir l’heureux espoir de voir l’histoire concourir à la résurrection d’une poésie populaire. Quant à la coïn- cidence des décadences littéraires avec celles des peuples, admise par M. Magaier, M. Blanche l’a confirmée par un passage analogue de madame de Staël, qui, parlant d'Homère , paraît fixer l’origine du poème à des temps renommés par la simplicité des mœurs, quoiqu’elie ajoute que « ce n’est ni la vertu ni la dépravation qui font le sort de la poésie » ; mais, suivant elle ; la poésie doit toujours beaucoup à la nouveauté de la nature et à l'enfance de la civilisation, etc. PRE AA AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AA AA A NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LA TRAGÉDIE DE TFR ET SIDON, Lue à l'Académie, le 3 juin 1831, Par M. Dururer. / Messieurs , La bienveillance avec laquelle vous avez reçu quelques notices bibliographiques que je vous ai précédemment soumises, et dont vous m'avez donné une preuve bien sen- sible en les insérant dans le Précis de vos travaux pour les années 1827 et 1828, m'enhardit à vous en présenter une nouvelle aujourd’hui, dans l'espoir que vous ne lui ferez pas un accueil moins favorable. Cette notice aura pour objet deux pièces de théâtre de- venues assez rares pour que peu de bibliographes aient eu l'occasion de les voir, ce qui a pu induire ceux qui en ont parlé dans lès erreurs que je me propose de vous indiquer. La première des pièces dont il s’agit, imprimée à Pa- ris, in-12, chez Jean Micard, en 1608, a pour titre : 7yr et Sidon, tragédie, ou les funestes amours de Belcar et de Me- liane, avec autres meslanges poétiques, par Daniel d'Anchères, gentilhomme verdunoïs ; et la seconde, intitulée (1) : Tyr et (1) Le seul exemplaire de cette pièce que j'aie pu me procurer étant sans frontispice, j'en rapporte ici le titre d’après MM. de Beauchamps et de La Valière, ce qui fait que je n’en garantis pas l'exactitude. (Re Sidon, tragi-coméedie en deux journées, dont l'une représente les funestes succès des amours de Léonte et de Philoline, et la seconde les empéchements et l'heureux succès de Belcar et de Meliane; chacune en cinq actes et en vers, avec une préface el un avis de l’imprimeur au lecteur, a été imprimée in-8° à Paris, chez Robert Estienne , en 1628, sous le nom de Jean de Schelandre. -Cetie seconde pièce , qui a d’autres rapports que ceux du titre et du sujet avec la première , puisque l’on y re- trouve tous les personnages , toutes les siluations, les scènes, les vers même de celle-ci, n’en est-elle qu’une seconde édition avec quelques variantes, la suppression des chœurs, l'addition d'une première partie, et un dé- guisement du nom de l’auteur ? Ou Jean de Schelandre ne serait-il qu'un plagiaire effronté qui se serait approprié, avec aussi peu de scrupule que de réserve, l'ouvrage de Daniel d'Anchères, dont il n'aurait pas même pris soin de changer ou de modifier le titre? C'est ce que j'aurai bientôt à examiner, Messieurs; mais permettez qu'au- paravant je vous signale ici quelques erreurs échappées aux deux seuls bibliographes qui aient, à ma connais- sance , parlé, avec quelques détails, des deux pièces en question, erreurs d'autant plus essentielles à relever, selon moi, que l'autorité du nom de leurs auteurs leur donne plus de poids. Dans ses Recherches sur les Thédtres de France, tome 2, page 14, M. de Beauchamps indique la tragédie de Tyr et Sidon de Daniel d'Anchères comme étant en prose et en vers, avec l'argument et l'abrége des personnages en sonnet, et se trouvant dans les mélanges poétiques de l’auteur , intitulés, d’après lui, Amours d'Anne, etc. Eh bien! Mes- sieurs, pas une de ces assertions qui ne soit erronée. En eflet, loin d’être en prose et en vers, la tragédie de Daniel d'Anchères est toute en vers alexandrins, sauf les chœurs, qui sont d'une autre mesure; l'argument est en prose, et (214) l'abrégé des personnages seul est en vers; c'est à dire que, sous le nom de chaque personnage, se trouve un vers, em forme de sentence , indiquant l’esprit ou la moralité de son rôle. Enfin, ainsi que vous avez pu en juger par le titre, que j'ai rapporté textuellement, Tyr et Sidon ne fait point partie des mélanges poétiques de l’auteur, et ces mélanges placés à la suite de la tragédie, ne sont pas, comme l'annonce à tort M. de Beauchamps, intitulés Amours d'Anne, mais portent, au haut des pages, différents titres tels que procez de Hollande, meslanges, gayetez, et les stances, sonnets, quatrains, etc., consacrés à célébrer les amours d'Anne, n’en occupent qu'à peu près un tiers. M. de La Valière , dans sa Bibliothèque du Theâtre français , tome x°", page 408, partage les principales erreurs de M. de Beauchamps, en répétant, d’après lui peut-être, que l'argument et l'abrègé des personnages sont en sonnels, et que la tragédie est en prose et en vers; ce qui est d'autant plus étonnant que l'analyse qu'il en donne peut faire présumer qu'il a dà la lire en entier. Mais, quelque remarquables que soient ces erreurs, on peut ent signaler une bien plus grave, également commune à MM. de Beauchamps et de La Valière. Elle consiste en ce que ces deux savants bibliographes ont, l’un et l’autre, indiqué la même tragédie sous deux dates différentes, pré- senté comme une autre pièce une réimpression avec va- riantes et additions, et, confondant, si je puism’exprimer ainsi, le masque et le visage, consacré deux articles à un même individu, tantôt sous son nom propre, et tantôt pseudonyme. En effet, pour peu qu’on lise avec quelque attention les deux tragédies, ou tragi-comédies, de Tyr et Sidon, il est facile de reconnaître que celle publiée en 1628 est, ainsi que je l'ai déjà observé, identiquement la même, sauf quelques variantes et l’addition d’une première par- tie, que celle qui avait paru vingtans auparavant. (215) Quant à identité de l’auteur, elle ne ressort pas moins de quelques détails dans lesquels lui-même ou son édi- teur sont entrés sur sa personne, que de la transparence du voile dont il a cru devoir s’envelopper, et à travers lequel on ne cesse de le voir, comme j'espère vous en convaincre bientôt, On trouve, en tête de l'édition de 1608, une épître dédicatoire au sérénissime Jacques, E* du nom, roi de la Grande-Bretagne, dans laquelle l’auteur promet à ce monarque que, « si il lui fait l'honneur d’avoir pour « agréables les prémices qu'il lui offre, s'étant fortifié la « voix sous ses favorables auspices, il fera retentir au « Parnasse françois le divin sujet de ses louanges ». Cette épître dédicatoire est suivie de plusieurs pièces de vers adressées , tant à Jacques 1°", q'à la reine son épouse et au prince de ##/alles ou de Galles, leur fils, etc., qui prouvent que Daniel d'Anchères était particulièrement attaché au service de Jacques Er. Dans la réimpression de 1628, l'éditeur, désigné par les initiales F. O. P., apprend, dans sa préface au lec- teur, que l’auteur avait, « à l’âge de vingt-cinq ans, com- « posé trois livres d’une Stuartide admirée de ce docte « roi de la Grande-Bretagne, qui à fait asseoir auprès de « lui les Muses dans son propre throsne ». Ce qui fait voir que l’auteur de Tyr et Sidon avait réalisé, dans lin- tervalle de 1608 à 1628, la promesse qu’il avait faite, à cette première époque, à Jacques I", de faire retentir au Pärnasse françois le divin sujet de ses louanges, et que, par conséquent , le prétendu Jean de Schelandre se char- geant d’acquitter les dettes contractées par Daniel d’An- chères , ne doit former avec lui qu’un seul et même in- dividu. Mais ce qui achève, selon moi, la démonstration et doit dissiper tous les doutes qui pourraient encore rester à cet égard, c'est que l’un des noms est absolument l’a- {216 ) nagramme exacte de l'autre, et que, par la simple trans- position des lettres qui entrent dans les mots Daniel de Anchères, on composera, sans y faire aucune addition ni retranchement, ceux de Jeun de Schelandre. Je devrais maintenant examiner lequel de ces deux noms est réel, et lequel supposé. Mais je crois que , d'après ce que je vous ai déjà exposé, Messieurs, votre opinion ne peut être incertaine à ce sujet. Je n'ajou- terai donc qu’un mot. Il me semble évident que l’auteur réel de la tragédie de Tyr et Sidon ne peut être que Daniel d’'Anchères. En effet , c’est Daniel d'Anchères qui a signé l’épître dédicatoire à Jacques I**; c’est à lui que Hodey et Paul-Antoine d’Agent ont adressé des vers apologétiques, placés, selon l’usage du temps , au-de- vant de sa tragédie , au nombre de ce qu’on appelait alors les approbations du Parnasse ; ce qui n'eût pas eu lieu s’il neût été qu’un personnage imaginaire, un être de raison. D'ailleurs, il ne pouvait avoir aucun motif de déguiser son nom , en publiant , pour la pre- mière fois, sa tragédie en 1608, au lieu qu'il n’en était pas de même lorsqu'il la fit réimprimer vingt ans après, avec l’addition d’une première partie pleine de détails si obscènes , de vers si grossiers, qu’il n'était vraiment pas possible à un honnête homme de les avouer ni de les publier sans le secours d'un mas- que qui pût dérober à tous les yeux combien il en de- vait rougir. Car , Messieurs, ne nous y trompons pas, malgré les éloges que l’on reproduit chaque jour de la pureté des mœurs de nos bons aïeux, qui pouvaïent être très chas- tes, mais dont le langage , à coup sùr, ne l'était guère, un grand nombre d'ouvrages en tout genre des qua- torzième , quinzième , seizième et commencement du dix-septième siècle, sont là pour attester , au besoin, la nécessité de la recommandation que le législateur de (. au notre Parnasse a cru devoir faire aux poètes de son temps, lorsqu'il a dit, dans son Art poétique : ... Le lecteur français veut être respecté; Du moindre sens impur la liberté l’outrage Si la pudeur des mots n’en adoucit l’image. Mais il paraît qu’à l’époque où écrivait Daniel d'An- chères , on n’y regardait pas de si près. Aussi, a-t-il eu soin, sur la demande de son imprimeur, comme ce- lui-ci nous l’apprend dans un avertissement qui précède la tragédie de Tyr et Sidon , édition de 1628 , d'indiquer les retranchements des passages et des vers les plus indé- cents, qu'il y aurait à faire pour la représenter , ainsi qu’il paraît que c'était la mode alors, sur les théâtres particu- liers. « Cette pièce ayant, dit-il, été composée pro- « prement à l’usage d’un théâtre public, où les acteurs « sont privilégies de dire plusieurs choses qui seraient « trouvées ou frop hardies où mal séantes aux personnes « plus retenues que les comédiens ordinaires. » Permettez, Messieurs, qu'avant de terminer ces re- marques, je vous en soumette une que je n'y crois pas tout-à-fait étrangère , et qui'me semble pouvoir , sous plus d’un rapport, être offerte aux méditations du philosophe moraliste. Il paraît, d’après le passage que je viens de vous rapporter de l’avertissement de limprimeur de la tra- gédie de Tyr et Sidon, en 1628, et les observations qu'il a fait naître à M. de Beauchamps ( Recherches sur les Théâtres de France , tome 2, page 61), que le goût des représentations domestiques était aussi général en France, au commencement du dix-septième siècle , que nous lavons vu depuis à la fin du dix-huitième, et que, pour me servir de ses expressions ,; à chacune de ces deux époques « les honnêtes gens ne se fai- « saient point un scrupule de se rassembler pour jouer, 28 (218 ) « entre eux, des pièces de théâtre. » Mais , et c'est le point sur lequel j’appellerai plus particulièrement votre attention , il existe une différence bien remarqua- ble entre la première et la seconde époque, dans le choix des pièces destinées à ces représentations. Au commencement du dix-septième siècle , les acteurs de profession avaient seuls, comme vous venez de le voir, le privilége de dire plusieurs choses, ou #rop har- dies, ou mal séantes; et les pièces qu'ils ne rougissaient pas d'offrir au public ne pouvaient se reproduire sur les théâtres particuliers qu'après qu'on en avait retran- ché ce qui aurait trop ouvertement blessé la décence. À la fin du dix-huitième siècle, au contraire , la scène pu- blique , épurée , s’est montrée plus retenue, plus réser- vée, tandis qu’on n'hésitait pas à représenter, dans les petits appartements des grands seigneurs, les châteaux des traitants, et sur les théâtres bourgeois, ces pièces à équivoques grossières , ces parades indécentes, ces vau- devilles graveleux , auxquels les Fagan , les Moncrif, les Piron, Collé, Laujon, etc., ont dû une célébrité dont notre siècle , plus positif, a déja fait justice. D'où peut provenir; Messieurs, cette différence ? In- dique-t-elle une amélioration dans nos mœurs? est-elle un effet des progrès de la civilisation? Il n’entre pas dans le plan que je me suis proposé de résoudre ces questions ; mais je n’en ai pas moins cru devoir vous les soumettre , persuadé qu’elles sont de nature à fixer votre attention. C219) RAA VAN AA AA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA PPS DISCOURS DE RÉCEPTION LE M. L.-D. PAumiER, Pasleur; Lu à l’Académie, séance du 11 mars 183r. Messieurs, En venant, pour la première fois, occuper ici la place à laquelle vous avez daigné m'appeler par vos hono- rables suffrages , si, d’un côté, j’éprouve le besoin de vous remercier de cette marque distinguée de votre bienveillance ; de lautre, je désire vous donner une juste idée, et me bien pénétrer moi-même, de l’étendue de la reconnaissance que cette bienveillance m'inspire. Si je ne considérais que l’Aonneur attaché au titre d’a- cadémicien, je pourrais craindre de prendre pour de la gratitude ce qui ne serait peut-être en moi qu'un mouvement d'amour - propre flatté ; et encore serais- je forcé de me dire tout bas que ce titre n’est véri- tablement un honneur que pour l’homme qui le reçoit, non comme une faveur où un témoignage de tolérance, mais comme une récompense qu'il a su mériter par ses travaux scientifiques ou littéraires. Si je ne pensais qu'aux obligations que je contracte en entrant dans cette savante Compagnie, j'aurais lieu de redouter aussi une augmentation de travail et même une tâche au-dessus de mes forces, puisque déjà les fonctions de mon ministère absorbent presque tous mes instants. J'ajouterai même que je me ferais un ( 220 ) scrupule de dérober aux membres de mon église des heures que je leur dois toutes, si c'était pour ne venir les passer à vos séances que comme à un délassement agréable , ou pour oublier des devoirs plus importants et plus sérieux en goûtant ici le charme de vos entre- tiens. On connaît la réponse de cet homme auquel un savant prélat (1), pour étudier sans distraction, avait plusieurs fois refusé de donner audience : « Eh ! pour- « quoi donc, dit avec humeur et malice le visiteur « éconduit, pourquoi le Roi ne nous a-t-il pas envoyé « un évêque qui ait fait ses! études? » Messieurs, je regarderais une pareille plainte comme un grave repro- che, si mes relations futures avec l'Académie don- naient jamais occasion au plus humble de mes parois- siens de la proférer contre moi avec quelque justice. Mais plus j'y réfléchis, plus je suis convaincu qu’il n'y a rien d'incompatible entre les fonctions du pasteur et les occupations ou plutôt les jouissances de l’acadé- micien. W me sera facile , Messieurs , de vous faire par- lager ma conviction à cet égard : c’est dans ce but que je vais vous soumettre quelques considérations , nécessaire- ment très-incomplètes, sur les rapports qui me paraissent exister entre la Religion et les Sciences, et sur les services qu'elles se sont mutuellement rendus. Premiere partie. Plus d'une fois on a prétendu que la religion était l'en P q 5 nemie des sciences humaines. Plus d'une fois on a dit qu'elle redoutait l'examen et des recherches approfon- dies , et que les hommes religieux étaient naturellement partisans de l’ignorance et de l’obscurantisme. Rien n’est 22 get (1) Huet, évèque d’Avranches. RÉ 7, (ax ) moins fondé pourtant que ces assertions hasardées, que lon répète encore si souvent de nos jours. Non, cette Révélation divine descendue du ciel pour éclairer les fils d'Adam sur leur origine , leurs devoirs, leurs immortel les destinées, ne favorise point l’'indolence de l'esprit , et n’a point la funeste propriété d'éteindre le flambeau de la raison, qui est aussi un don de la Divinité. Disons mieux : loin de rétrécir l'intelligence , et par là de nuire au savoir, elle l’étend , au contraire , et lui four- nit des lumières nouvelles. En prescrivant à l’homme l’activité, la tempérance , l'amour de l’ordre , le perfec- hionnement moral de cette ame qui constitue la partie essentielle de son être, l’emploi de tous les moyens qu'il peut avoir de contribuer à la gloire de son Créateur et au bonheur de ses semblables, elle tend à laffranchir des passions basses qui l’abrutissent ; et dès-là même elle le dispose à rechercher tout ce qui estutile, tout ce qui est noble et véritablement digne de son admiration. Et ne suffit-il pas, Messieurs, de rappeler les grands noms des Pascal, des Newton , des Leibuitz, et de tant d’au- tres savants du premier ordre qui se distinguèrent tou- jours par leur attachement au Christianisme , pour dé- montrer, par les plus beaux exemples , combien la reli- gion élève l'esprit ? Or, plus l'esprit est élevé, plus il est propre à former de vastes plans et à poursuivre de sublimes découvertes. C’est donc par la religion, autant , et plus encore ,; que par tout autre moyen, que les bi- mites des sciences ont été reculées. L’ame , fatiguée de l'incertitude et des fréquentes contradictions des sys- tèmes humains, a pu enfin se reposer dans la contem- plation ravissante d’une cause unique qui explique tout. Aux yeux de limpie, la nature n'était qu'un assemblage fortuit, échappé des mains du hasard ; aux yeux du sa- vant chrétien, elle s’anime et s’embellit encore, en lui apparaissant comme une émanation de la suprême intel- (222) ligence et de l'infinie bonté; et le sentiment le plus pur vient se mêler, chez lui, au calcul de la science, sans lui rien Ôter de sa justesse, sans jamais compromettre ses succès et ses triomphes (1). Je n'ignore pas, Messieurs, qu'en interprétant mal, et en appliquant, hors de propos , à d’autres temps et à d’autres mœurs telle maxime ou telle action attribuée à Moïse ou aux patriarches, quelques personnes ont par- fois voulu justifier, par la Bible, leur fanatique intolé- rance ou leurs pratiques supertitieuses. Je sais encore qu'au nom de Josué on défendit jadis, dans Rome, à la terre de tourner, et que Galilée fut condamné à la prison par sept cardinaux inquisiteurs, pour avoir sou- tenu que le système de Copernic ne contredisait point PEcriture Sainte. Mais, que prouvent de tels exemples, sinon que l’on confond trop souvent deux choses qu'il faudrait toujours soigneusement distinguer ; savoir : l’au- torité des livres saints et l’autorité des interprétations et des explications des hommes ? Dès-lors, tout ce qui porte atteinte à la seconde semble ébranler la première, et aussitôt on s’en alarme. Confusion pleine d’erreurs , dont il serait aussi absurde qu’injuste de rendre le Chris- tianisme responsable, et sur laquelle on ne peut trop gémir (2). Mais, s’il est vrai que la religion n’est point contraire aux sciences ; si elle leur est favorable par les disposi- tions qu’elle produit chez ceux qui les cultivent , on peut affirmer , de plus, qu’elle même est la science par ex- cellence , à laquelle la plupart des autres se rattachent, ou viennent puiser comme à une source commune. Ici, Messieurs, quelle immense carrière s’ouvrirait à (1) Mélanges de Religion, etc., tom. 2. (2) Relig. et Christ., Are année, { 223) notre méditation, si le temps me permettait de la par- courir avec vous ! S'agit-il, parexemple, de la saine philosophie, de celle qui est vraiment digne de ce beau nom, et que chérissent tous les amis de la sagesse ? La religion la seconde puis- samment dans ses recherches sur Dieu , sur l'ame , sur toutes les existences, toutes les généralités , toutes ces innombrables chaînes d’agents et d’eflets, qui font de l'univers un seul tout et nous conduisent à une pre- mière cause. S'agit-il des sciences physiques, qui, non contentes d'étudier les œuvres matérielles de la création , d’en ob- server les phénomènes, d'en examiner les rapporls et les ressemblances, doivent aussi les ramener sous certaines lois et sous certains principes ? Jamais ceux qui s’en oc- cupent ne sont meilleurs observateurs et ne se rendent plus utiles, jamais ils n’appellent sur leurs travaux un intérêt plus vif et plus durable, que quand ils nous en parlent avec un cœur religieusement ému. S'agit-il de la chronologie ? C’est dans les écrits de Moïse qu'elle a trouvé ses premières dates certaines ; et, sans ce guide divinement inspiré, elle se serait égarée , peut-être ,; avec les Chaldéens, les Egyptiens et les Chi- nois, dans ce nombre incalculable de siècles inventés, dont, comme on l’a si bien dit, Ze temps n’est point le père. S'agit-il de l'histoire ? Comment, sans le secours de la Bible, eût-elle pu découvrir la vérité dans les bril- lantes fictions de la Mythologie , et à travers les profon- des ténèbres qui enveloppent les temps fabuleux ? S'agit-il de la jurisprudence et de l'amélioration des mœurs ? Que l’on parcoure tous les traités publiés par les écrivains anciens et modernes, sur ces sujets si im portants et si intimement liés au bonheur et à la pros- périté des peuples ; et qu’on nous dise si l’on pourrait trouver ailleurs que dans l'Evangile les meilleurs (224) principes de législation , la plus forte sanction des lois, et les sublimes préceptes d’une morale tonjours appro- priée à la nature et à la destination de l’homme? « Chose « admirable , » s'écrie à cette occasion l’illustre Montes- quieu , « la religion chrétienne, qui ne semble avoir « d'objet que la félicité de l'autre vie , fait encore notre « bonheur dans celle-ci; et nous lui devons , dans le « gouvernement , un certain droit politique , et dans la « guerre un certain droit des gens, que la nature hu- « maine ne saurait assez reconnaître. » ( Esprit des Lois, liv. 24 , art. 3). S'agit-il enfin, Messieurs, de la civilisation, sans la- quelle il n’y a point de sciences? rappelez-vous ce qu'é- taient , sous le paganisme, les habitants des Gaules et des Les Britanniques. Voyez nos ancêtres immolant de malheureux captifs sur les autels des faux dieux, et se faisant remarquer par leur paresse et leur inaptitude aux arts de la vie civile ; tellement qu’au rapport de Tacite, « l’inertia Gallorum » (1) était passée en proverbe. Voyez aussi ces Bretons, dont Cicéron, dans ses lettres à Atti- cus (2), disait qu’on ne devait pas s’attendre à trouver parmi eux des esclaves bien propres au service, parce qu'ils étaient un peuple grossier et sans aucune espèce de culture ; au point que, quand Agricola les eut subju- gués , ses soldats durent leur montrer à se construire des maisons et des temples : « Hortari privatim, adjuvare pu- « blicè, ut templa, fora, domus extruerent ; laudando promp- « Los, et castigando segnes (3). » Après avoir contemplé cet humiliant tableau , pensez à ces Français et à ces An- glais de nos jours, descendants de ces mêmes peuples, et (1) Germania, 28, (2) Lib. 1v, epist. 16. () Vita Agricole, S 21. ( 225 ) parvenus à un tel degré d’activité, d'instruction, de goût et d'industrie, qu'aucune nation ne les surpasse. Et re- connaissez là les fruits de ce christianisme, qui a porté constamment avec lui, partout où il a pénétré, les arts, les sciences et les mœurs. Et ne croyez pas, Messieurs, que ce que l'Evangile a fait pour retirer l'Europe de l'ignorance et de la barba- rie, il y a douze ou quinze siècles, il ne puisse plus le faire aujourd'hui, comme le prétendent ces hardis fai- seurs de systèmes, qui vont en tous lieux répéter « que « le christianisme a fait son temps et rempli sa mis- « sion; qu'il est tombé pour ne plus renaître, parce « qu'on ne ressuscite point le passé ». Laissons les élé- gants disciples de l’infortuné Saint-Simon s’applaudir de leur triomphe idéal, en redisant à satiété ces phrases lugubres autant que mensonoères. Tandis qu’ils nous montrent ainsi l’auguste religion du Fils de Dieu comme « mourant de vieillesse, de décrépitade et d'impuis- « sance », le christianisme poursuit glorieusement sa carrière , et n’en continue pas moins, SOUS nos yeux, son œuvre régénératrice. Les habitants du Groënland le reçoi- vent par milliers; les Hottentots, les Cafres, les Béchua- nas, et d'autres.tribus africaines , tellement sauvages que naguère encore un publiciste fameux les représentait comme « incapables d'être apprivuisées », se soumettent aussi, en grand nombre, à ses salutaires influences, et bâtissent des villes, des hôpitaux et des écoles, sous la direction des pasteurs européens qui les instruisent, Les Indous, abandonnant peu à peu le culte avilissant de Brama, commencent à renoncer à la barbare coutume de brûler leurs veuves, et à préférer les grandes et conso- lantes vérités de la Bible aux fables ridicules de leur védam. Parmi les peuplades indiennes encore éparses sur l'immense lisière des Etats-Unis d'Amérique, les Chactas et les Chiroquois , en devenant chrétiens, ont fait 29 ( 226 ) de tels progrès dans la civilisation, que l’un de ces der niers publie un journal fort remarquable, qui compte parmi ses correspondants et ses abonnés le célèbre voya- geur baron de Humboldt. Surtout, Messieurs, c’est dans les îles de la mer du Sud que le christianisme à récemment obtenu le triomphe le plus rapide et le plus complet. « En moins de dix années, dit l’un des rédac- « teurs de la Revue encyclopédique (1), la Polynésie a « changé de face; et l’on trouve des églises chrétiennes , « de sages lois, un gouvernement régulier, des arts, de » l'industrie, des écoles florissantes, auxquelles les seules « îles Sandwich envoient quarante-cinq mille enfants, là «où naguère il n’y avait que le despotisme , un culte san- «_glant, des sauvages malheureux et des passions brutales. « Quelques missionnaires anglais et américains, avec la « Bible, ont fait là ce que les anciens attribuaient à tous « leurs dieux réunis! » Ajoutons à ces résultats, attestés par les rapports authentiques d’un de nos officiers de marine les plus distingués (2), et d’autres documents non moins irrécusables (3), les secours que procurent à la géographie ces missionnaires voyageurs ; ajoutons-y encore Les progrès immenses qu'ont fait faire à la philo- logie tous les traducteurs de la Bible , qui, depuis trente ans, a élé imprimée en plus de cent quarante-cinq langues ou idiômes divers , pour être répandue par millions d'exem- plaires chez tous les peuples du monde ;.... et deman- (1) Numéro d'octobre 1830. (2) M. Duperré, devenu depuis amiral et pair de France. (3) Voyez, entr'autres ,un discours de M. Hyde de Neuville, alors ministre de la marine, (Moniteur du 2 janvier 1830); le Journal des Missions évangéliq., de Paris: et les Rapports annuels des Sociétés missionnaires de Londres, de Paris, de Bäle, etc. — Voyez aussi 4 visit Lo the South Seas, during the years 1829 and 1830, by C.S, Stewart, 2 vol , New-York, 1331. ’ (3272) dons-nous , Messieurs , si, indépendamment du point de vue religieux et chrétien, il n’y a pas là de quoi exciter l'admiration et la vive sympathie de tous les amis des sciences et de l'humanité ? Seconde partie. Il me reste à prouver, Messieurs, que les sciences ren- dent à la religion de précieux et importants services , en re- tour de tous ceux que nous venons de voir qu’elles en reçoivent. Si je parviens à établir cette seconde partie de ma thèse; si je démontre, par des faits incontestables, qu'à cet égard encore on voit régner entre la religion et les sciences la plus parfaite harmonie, ne sera-ce pas, pour la révélation divine, un nouveau titre pour captiver les hommages et la confiance des mortels? En entrant dans le développement de cette seconde idée, je ne dois pas dissimuler une objection qu'on ne manquera pas de me faire ; c’est qu’on a vu des hommes distingués par leur savoir se constituer les ennemis dé- clarés de la religion, et n’employer leurs talents qu'à la décrier et à la combattre. Je conviendrai sans difficulté de ce fait, quelque affligeant qu'il puisse être, comme je convenais tout-à-l’heure que quelques personnes, aussi pieuses que peu éclairées, regardent mal à propos les sciences d’un œil défiant et jaloux. Mais l’un de ces exemples prouve-t-il donc plus que l’autre? Qui ne com- prend que plusieurs causes peuvent concourir à faire d’un savant un incrédule ? Tantôt, ce sont les passions du cœur qui aveuglent l'esprit ou lui suggèrent la manie des systèmes et la folls présomption de vouloir tout expliquer; tantôt, c’est une excessive préoccupation, une attention trop exclusivement portée sur un seul objet, qui inspire , pour tous les autres objets dont on ue s'est point occupé, de l’indiflérence et du dédain: ( 228 ) d’autres fois, c’est l'impossibilité où est l’homme d'ap- profondir en même temps toutes les sciences , de sorte que, tout en méritant le titre de savant , à certains égards, il n’en mérite pas moins, sous d’autres rapports, le re- proche d'ignorance et même de témérité, quand il entre- prend de juger de ce qu’ilne connaît pas. Qu'il me serait aisé d'appliquer ces simples remar- ques à plusieurs des coryphées de la philosophie légère et anti-religieuse du dernier siècle ! On les regarda long- temps comme les suprêmes arbitres du savoir et du goût , et leurs noms seuls faisaient autorité ; au lieu que, dans notre siècle, beaucoup plus positif, on apprécie leur mérite réel à sa juste valeur, en matière de recher- ches consciencieuses et de solide érudition. Ah ! si, à la place de l'ignorance relative et de la frivolité qui les ca- ractérisèrent trop souvent, au jugement même de ceux qui furent long-temps leurs plus zélés admirateurs (1), ils avaient eu un savoir véritable avec de la circons- pection et de limpartialité ; si, surtout , ils eussent été attentifs à ne rien admettre que sur des preuves cer- taines, et à ne pas rejeter une vérité de fait, par cela seul qu'ils la trouvaient inexplicable , eUX aussi, n'en doutons pas , auraient confirmé , par leur exemple , cette assertion d’un grand homme qui, le premier , ramena les séiences à l'expérience et à la nature, c’est que « si (Gi) Benjamin Constant, qui, comme il nous l’apprend lui-même dans sa lettre à M. Hochet (voyez Chateaubriand, Etudes historiques, préface, pag. 155), « se vit forcé de reculer dans les idées religieuses, « en approfondissant les faits, en en recueillant de toutes parts, et en « se heurtant contre les difficultés sans nombre qu'ils opposent à lin- « crédulité», Benjamin Constant n’a pas craint de dire: « pour s’égayer « avec Voltaire aux dépens d'Ezéchiel et de la Genèse, il faut réunir « deux choses qui rendent cette gaité assez triste, /a plus profonde « ignorance et la frivolité la plus déplorable! » (De la Religion, etc., t, 2, pag. 210.) ( 229 ) « un peu de philosophie conduit à l'incrédulité, beau- « coup de philosophie ramène à la religion (1). » En eflet, Messieurs, que fait l'astronome, quand, à l’aide de ses instruments perlectionnés et de ses laborieux calculs, il perce, pour ainsi dire, la profondeur des cieux ; quand il découvre dans l'univers une grandeur dont l'imagination est écrasée ; quand il reconnaît, avec une sorte d'épouvante, que cet univers lui-même n’est qu'un des univers sans nombre semés dans l’espace à d’effroyables distances ? IL fournit à la religion la plus magnifique idée de la puissance et de la majesté du Créateur. Que fait l’anatomiste, quand il expose l’ordre si régu- lier qui règne dans tous nos organes, les rapports déli- cats qui les lient, les soins si ingénieux qui en éloignent la destruction ? Il nous peint, avec une force irrésistible, la prévoyance et la suprême sagesse de celui à qui nous devons tout ce que nous sommes. Que fait le naturaliste, quand il enregistre cette mul- titude d'êtres organisés dont la terre est peuplée partout ; quand il nous montre le plus petit espace occupé par la vie, sous mille formes diverses , et à chacune de ces for- mes répondant des moyens de conservation et de plaisir? Il étale à nos yeux, avec un charme inexprimable, tous les trésors de la bonté divine (2). Maintenant donc, si, parmi ces hommes appelés par état ou par goût à étudier et à décrire les merveilles de la création, il s’en trouvait qui fussent matérialistes ou athées, aurait-on droit d'en conclure que les cieux et (1) « Leves gustus in philosophià moyere fortassè ad atheismum, sed « pleniores haustus ad relisionem reducere. » (Bacon, De augment. scientiar., hb, 1.) (2) Voy. Mélanges de relig.,t.2, et Bonnet, Contemplat, de la nature. ( 230 ) la terre n’ont plus de langage, et ne racontent plus la gloire de leur auteur (1)? Cela prouverait, tout au plus, qu'ilest des sourds qui ne veulent pas entendre. Mais, outre ces idées générales, qui s'appliquent à la religion naturelle aussi bien qu'à toute autre, que de ser- vices les sciences n’ont-elles pas rendus, en particulier, à la religion révélée ! Forcé de me restreindre, je regrette vivement de ne pouvoir indiquer que quelques-uns des résultats frappants qui s'offrent ici en foule. On sait que l'infortuné Bailly (2) s'était donné beau- coup de peine pour justifier la chronologie reculée des Indiens, en soutenant l'exactitude et l'authenticité de leurs tables astronomiques. Ce système acquit en France , et dans toute l'Europe , une grande célébrité. Il y a qua- rante ans , le savant professeur Playfair Venseignait pu- bliquement devant la Société royale d'Edimbourg , et la fameuse Revue de cette ville lui prêtait activement l'appui de toute son influence. Déjà lincrédulité triom- phait, et il semblait que la chronologie mosaïque ne se relèverait plus du discrédit où elle était tombée. Frivole et passager triomphe , Messieurs ! Bientôt les Bentley , les Laplace, les Delambre , refirent les calculs de Bailly, et prouvèrent qu'il s'était trompé. En sorte qu'il fut reconnu que ces mêmes tables indiennes, que les Bra- mines voulaient faire remonter à vingt millions d'années, avaient été fabriquées , après coup, il y avait à peine huit siècles (3) ! Malgré cette défaite, on revint bientôt à la charge, (Gi) Ps. 19, v. 1er. ( Le dix-huitième dans la vulgate. ) (2) L'un des savants français victimes de la terreur révolutionnaire en 1793. (3) Voyez Ure’s New system of Geology; Laplace, Système du monde; Delambre, Hist. de l'Astronomie; Cuvier, Révolutions du globe, cte,, etc. { 231) et ce fut principalement à l’occasion du fameux Zodiaque de Denderah , apporté d'Egypte à Paris. On se rappelle tout le parti que Dupuis et ses disciples espéraient en ürer, pour appuyer leurs rêveries sur l’origine des cultes, et sur une prétendue civilisation égyptienne , bien anté- rieure à Moïse et même au déluge. Leur hypothèse oc- cupa vivement un grand nombre d’esprits : « Dans les « journaux , dans les salons , il n’était bruit que du Zo- « diaque. Avez-vous vu le Zodiaque ? que pensez-vous « du Zodiaque ? étaient des questions auxquelles on ne « pouvait hésiter de répondre, sous peine de déchoir « du rang d'homme ou de femme du bon ton, puisque « la mode, cette souveraine capricieuse , si puissante « surtout en France, daignait faire à un monument de « cette antiquité l'honneur de l’admettre un instant « dans son variable empire (1). » Dans le monde savant se trouvèrent des hommes supérieurs qui refñrent aussi les calculs de Dupuis et de ses partisans, et en prouvè- rent l’inexactitude (2). Des archéologues et des artistes, profondément versés dans l’étude comparative des mo- numents anciens, s’accordèrent généralement à donner pour âge au Zodiaque l'époque de la domination ro- maine en Egypte (3). Mais, quoique lhypothèse qui lui attribuait une antiquité de plus de soixante siècles me- naçât ruine , on osait encore la soutenir, parfois même avec avantage. Tout-à-coup elle s'est évanouie comme un songe trompeur ! Sur le front des temples ruinés, de (1) Greppo, Essai sur le Syst. hiéroglyphig. de M, Champol- lion, pag. 259. (2) Biot, Visconti, l'abbé Testa, etc., Journal des Savants, 1823 ot 1824. (3) MM. Huyot et Gau, Letronne, Recherches pour servir à l'histoire de l'Egypte; le mème, Observations sur l'objet des re- résentations zodiacales. Paris, 1824. ) LL (492 7 l’un desquels le Zodiaque, objet de tant de discus- sions, avait été extrait, et au milieu des peintures mystérieuses dont ces temples étaient ornés, lesquelles devaient , disait-on, renufermer les premières connais- sances du monde encore enfant, MM. Letronne et Champollion ont lu, l’un en grec, l’autre en hiérogly- phes, qu'il a enfin rendus intelligibles (1), les titres et les noms de Ptolémée, de Cléopâtre et des empereurs romains qui les avaient fait construire vers le commen- cement de l'ère chrétienne. Jamais démonstration de la vérité de la Bible , et de l'inutilité des efforts de ceux qui l’attaquent , fut-elle plus piquante et plus complète à la fois (2)? Et que n’aurais-je pas encore à dire, Messieurs, de tant d’autres précieux renseignements du même genre qu'ont déjà recueillis les deux frères Champollion, pour lesquels, au moyen de l'admirable découverte de l'alpha- bet hiéroglyphique , les monuments d'architecture et les papyrus de l'Egypte n’ont plus de secrets ! On ne dira plus des pyramides : « Vingt siècles descendus dans l’éternelle nuit & YŸ sont sans mouvement , sans lumière et sans bruit, » Ces muets séculaires viennent de reprendre la parole dans leur désert (3). Et quoi de plus providentiel que ces voix imposantes qui, après un silence de trois mille six cents ans, semblent sortir des vastes tombeaux des Pharaons et du milieu des enveloppes des momies, tout exprès pour rendre hommage à la religion révélée, en confirmant les récits de la Genèse et de l’Exode! Tout oo (1) Précis du Système hiéroglyphiq. des anciens Egyptiens. (2) Cellerier fils, Origine authentig. de l'ancien Testament, pag: 103. (3) Chateaubriand, Etud. historiq., préface, p. 159. ( 233) récemment, MM. Champollion le jeune et Lenormant ont parcouru l'Egypte du nord au midi, et leurs infa- tigables explorations ne leur ont fait rien découvrir qui remontât au-delà de l’époque d'Abraham. Pour les temps antérieurs , ils n’ont trouvé, dans les monuments comme dans Manéthon , que des débris et des fables. Au contraire, tous les documents qu'ils ont rapportés, ou qu'ils avaient déjà explorés en Europe avant leur départ, ont démontré les récits de Moïse, ou éclaire des passages regardés jusqu'ici comme obscurs et sujets à contestation. Aujourd'hui, Messieurs, Voltaire ne demanderait plus comment et sur quoi le législateur des Hébreux a pu écrire le Pentateuque, puisqu'on à la preuve que de son temps on écrivait sur le papyrus. Il ne demanderait plus comment le sacrificateur Hilkija put retrouver, dans le temple de Jérusalem, après un intervalle d'environ mille ans , l'autographe de la loi di- vine, puisque des papyrus et des contrats de l’époque des Pharaons subsistent et sont lisibles encore. Il ne deman- derait plus comment Moïse a pu faire exécuter , dans le désert, tant d'objets d'art pour le tabernacle et pour les vases et les vêtements sacrés, puisqu’alors tous les arts florissaient en Égypte, où Moïse en avait acquis la connaissance (1). I ne demanderait plus si Esdras n’a pas forgé les livres saints dont il forma le recueil ; car, si ces livres étaient l’ouvrage de l’imposture, comment aurait-on pu falsifier l’histoire écrite et monumentale d'Egypte, pour la faire coïncider avec eux dans une foule Gi) M. Eus. Salverte, sans trop s'inquiéter s’il contredisait Voltaire, qui contestait au fils adoptif de la fille de Pharaon jusqu'à l’art d'écrire, représente Moïse, dans un ouvrage récent, comme un génie supérieur qui connaissait l’usage de la poudre à canon, etc. ! Que de contra- dictions semblables ne trouve-t-on pas dans les livres des adversaires du christianisme ! (254 ) de circonstances et de dates essentielles ? Mais je ne fi- nirais pas si je voulais épuiser ce riche sujet, dont le développement remplirait des volumes (1). Il est plus que temps de laisser reposer votre attention, et je n’a- joute plus que quelques remarques tirées de la géologie. Cette belle science, Messieurs, est encore toute nou- velle ; elle est, pour ainsi dire, née d'hier, et déjà elle aussi a payé son noble tribut à la religion, contre la- quelle on dirigea trop souvent ses laborieuses, mais en- core imparfaites recherches. On n’a pas oublié, en effet, qu'après avoir épuisé vainement leur arsenal d'arguments métaphysiques, les incrédules ont eu recours à des attaques d'un nouveau genre. Frappés de l'obscurité et de la contradiction qu'ils observaient dans les divers systèmes par lesquels on chercha long-temps à expliquer l’origine et la compo- sition de notre globe , plusieurs tournèrent de ce côté l’ac- tivité de leur esprit. Ils explortrent les rivages des fleuves et des mers, les couches des montagnes, les entrailles de la terre ; et, semblables aux géants de la Mythologie, ils crurent avoir puisé, dans leur mère commune, des forces suffisantes pour combattre le Tout-Puissant et sa parole de vérité (2). La plupart des écrivains sceptiques du siècle passé furent séduits par les objections de ces gologues de leur temps. Plntôt que de croire au déluge, le patriarche de Ferney aima mieux admettre que des coquillages et des poissons pétrifés , trouvés à de grandes (1) Voyez cette matière traitée dans l'excellent Essai sur le Sys- tème hiéroglyphiq., etc, de M. Greppo (déjà cité), et une Lettre sur ce mème Système considéré dans ses rapports avec l’Ecriture sainte, par M. A. Coquerel, pasteur. Paris, chez Dondey-Dupré, (2) @....,.,......:e.e Cùm tetigere parentem, « Jam defecta vigent, revocato robore, membra, » (Lucan, lib. 1v, v, 600.) ("235") distances de la mer, avaient été portés là par des voya- geurs. Un chanoine, nommé Récupéro, qui a écrit l'his- toire du mont Etna, s’imagina, d’après quelques données évidemment fautives, qu'il fallait deux mille ans à une couche de lave pour devenir propre à la végétation. Et comme , dans une cavité près de Jaci, on découvrit des marques certaines de sept couches distinctes superpo- sées, dont les surfaces sont parallèles , et la plupart cou- vertes, en apparence, d'un lit de terre végétale, on en conclut que la première couche avait dù couler il y avait au moins quatorze mille ans. Effrayé, sans doute, d’une telle conclusion, l’évêque de Récupéro lui recommanda, dit-on, très sérieusement de bien penser à ne pas faire sa montagne plus ancienne que Moïse n'avait fait le monde (1). Aujourd'hui qu'un voyageur géologue (2) a démontré, sur les lieux mêmes, que la conjecture du bon chanoine était sans aucun fondement, personne ne partage plus , grâces aux progrès de la science, les alar- mes de son évêque. Ne sait-on pas, d’ailleurs, qu'Her- culanum est aussi recouvert de sept couches de lave du Vésuve , qui ont entr'elles des veines de 4on tearrin, et qu'il n’y a pourtant que dix-sept cent cinquante ans que la plus profonde de ces couches a englouti cette malheu- reuse ville ? Ilest, en particulier, Messieurs, un point de critique sacrée qui se rattache à l’idée que je développe, et sur lequel les théologiens ont long-temps disputé, malgré les nombreux commentaires destinés à l’éclaircir (3) : je veux parler du vrai sens qu’on doit donner aux premiers CREER LEE CR be 0 (Gi) Bridone’s Sicilian tour. (2) Le Dr Daubeny, Edinburgh philosophical Journal, vol. C4 4 pag. 266; et Christian Observer, march 1830. (3) On peut en lire l'interminable liste dans la Bibliothèqg. sâtrée, de Calmet. ( 236 ) versets de la Genèse. Après n’y avoir vu qu'une création unique , on en vint à conjecturer, d’après la signification de quelques mots hébreux , qu'il fallait faire une distinc- tion entre la création primitive de l'univers et la confor- mation progressive de notre globe (x). Les travaux, quoi- que très imparfaits, des premiers géologues rendaient déjà cette distinetion nécessaire. Mais les six jours de cetle création, racontée en détail par Moïse, présen- taient encore bien des difficultés insolubles. Il en résul- tait des doutes qui semblaient porter atteinte à l’autorité divine de la Bible; et les personnes pieuses qui, sans renoncer à la science du salut, cultivent en même temps les sciences humaines et font profession de croire que les vérités révélées ne sauraient être en contradiction avec celles que les sens nous manifestent ou que la rai- son nous démontre, voyaient avec douleur les détrac- teurs des livres saints puiser dans le plus ancien de tous les principales armes dont ils se servaient pour les atta- quer. Tout-à-coup les études géologiques ont pris un nouvel essor. L’antiquité matérielle du globe a été im- mensément élendue. Les anciennes théories , qui souvent s’entre-détruisaient et se neutralisaient l’une par l’autre, ont cédé à des chservations incontestables, et les adver- saires de l’ancien Testament ont cru voir la vérité de la Genèse abîmée sans retour avec la vieille science. Ce- pendant, qu'est-il arrivé? La science nouvelle, perfec- tionnée avec la plus louable émulation par une multitude de savants français et étrangers , et telle qu’elle est sortie principalement des mains de notre célèbre et infatigable compatriote, M, le baron Cuvier (2), paraît avoir anéanti (1) Dissertation sur la vrai Système du monde, etc., par D. En- contre, ministre. Montpellier, 1807. (2) Voyez ses Recherches sur les ossemens fossiles, et surtout le Disc. préliminaire, sur les Révolutions du globe. ( 237 ) sans retour, il est vrai, l'explication vulgaire et littérale des six jours (1), maïs, au lieu de convaincre la Genèse de mensonge, elle nous en a donné un commentaire aussi admirable qu'imprévu, plus propre que toutes les dissertations critiques à lentourer de confiance et de respect. Elle nous a découvert, avant la naissance de l'homme et la dernière organisation du globe, de longues périodes où le Dieu de la nature revêtait successive- ment son ouvrage de formes diverses et progressives ; préparant ainsi lentement l'empire de l’homme intelli- gent et moral. Avant celui-ci, le globe est occupé d'a- bord par le chaos des ondes, puis par des végétaux monstrueux, puis par des reptiles gigantesques ou étran- ges, puis par des mammifères énormes et pourtant ana- logues aux nôtres. Ce ne sont pas là, Messieurs, de simples conjectures, des hypothèses brillantes, mais plus ou moins hasardées ; ce sont des faits qu’il est im- possible de nier. Lorsqu'en effet, guidé par la géologie, on examine attentivement l'enveloppe solide de notre terre, on se convainc qu'après les couches de granit, qui annoncent qu'à l’époque de leur formation nul être organisé n'avait encore paru , se retrouvent les végétaux, par fragments ou par empreintes. (Gen. 1, v. 11.) En s’élevant aux couches supérieures, les coquillages et les débris de poissons se découvrent (ib., v. 20 et21}, et successivement les restes des grands reptiles et les os des quadrupèdes (ib., v.24 et 25); en démontrant ainsi (1) Le mot hébreu 16m, Jour, signile aussi une époque, unstemps indéterminé. (Genèse, ch. 2, v. 4; Exode 20, v. 123 Daniel 2, v. 44, etc.) Au reste, on retrouve, chez quelques anciens peuples, l'idée de ces époques plus ou moins longues employées dans la création. Les Ztrusques supposaient des époques de mille ans chacune. (//ist. univers., in- trod, , pag. 52.) Les Perses admettaient six espaces de temps, équiva- lant en tout à une année, ( Hyde, Relig. veter, Pers., pag, 166. ) ( 238 } l'accord parfait des Jours ou époques mentionnés par l'historien sacré , avec les grandes époques de la nature. Au milieu de ce vaste cimetière, triste amas de ruines d'un monde primitif, l’homme cherche avec un vif in- térêt , et même avec inquiétude , mais en vain, les restes de son semblable ; il interroge sans succès les annales des siècles; elles Ini répondent que l'homme, créé le dernier (ib., v. 26 et 27), n’a point été enveloppé dans ces épouvantables catastrophes, car alors Dieu ne lui avait point encore donné la vie (1). « Ainsi donc , » s'écrie à ce sujet un savant et pieux professeur étranger (2), dont j'ai emprunté plus d’une fois, dans ce discours, les idées et même les expres- sions, « ainsi cette mystérieuse histoire de la création, « ensevelie dans les abimes du passé ; ce secret infini «_ que nul œil n’a pu voir, nulle oreille entendre , par « conséquent nulle tradition conserver; ce secret qui, « après avoir été enfoui pendant des milliers d'années « dans les entrailles de la terre, n’en a été retiré que « de nos jours, avec les ossemens des mastodontes et « des megalosaurus ; ce secret, Moïse le possédait, et « il l’écrivit dans son livre... Où l’avait-il trouvé? Qui « avait dirigé sa plume? On a cherché de pauvres so- « lutions à cet admirable problème ; et, quoi qu’on « fasse , la science de Moïse, instruit dans toute la sagesse « des Égyptiens (3) , ne peut assez bien expliquer de tels « hiéroglyphes. Les prêtres de l'Egypte n'avaient sûre- « ment pas dépassé notre dix-neuvième siècle dans « l'étude de la géologie; et il n’est pas vraisemblable « que M. Champollion retrouve jamais, dans leurs (Gi) Voyez Relig. et Christ., numéro d'octobre 1830, et une Thëse physico-théologique, de M. B.-D.-E, Frossard. Montauban, 1824. @) M. Cellerier fils, de Genève. (3) Act, des Apôt., c, 7, v, 21. ( 239 ) ; à + : ‘ « papyrus, l'ouvrage de M. Cuvier, ni rien qui y soit « « analogue. Non, il n’y a qu’une intervention divine qui « puisse expliquer ce mystère ; et Moïse ne l’a connu « que parce qu’il l’avait appris de Dieu mème qui « l'inspirait (1). » De tout ce qui vient d'être dit, Messieurs , découle cette conséquence bien réjouissante pour l’homme instruit et ami sincère du christianisme, c'est qu'on voudrait vainement nous faire craindre de nouvelles découvertes scientifiques. Pourquoi les redouterions-nous comme dangereuses pour la foi? Le Dieu de la nature n'est-il pas en même temps le Dieu de la religion? Et ne sommes-nous pas sûrs d'avance que le plus parfait accord régnera toujours entre ses différents ouvrages? Sans doute, il est permis à la foi d’être quelquefois timorée ; maïs elle ne doit jamais être ombrageuse , comme l’orgueil qui s'attache aux vaines théories des hommes. 11 n’y a que le mensonge qui gagne à s’envi- ronner de ténèbres : or, la religion ne veut que la vé- rité , et la vérité est aussi le but des sciences. Bien loin donc d’être jaloux des découvertes des vrais savants, nous les appellerons de tous nos vœux ; l'expérience nous ayant appris qu'elles confirmeront constamment nos li- vres saints, et pourront , tout au plus , nous faire aperce- voir un sens nouveau dans des passages obscurs que , jusqu'ici peut-être , nous avions mal compris. Si quelque difficulté, quelque contradiction apparente vient parfois nous embarrasser , prenons patience. Laissons au temps le soin de dérouler ses mystères. Une génération passe et L'autre vient (>); mais le genre humain subsiste. Le divin (1) Relig. et Christ., ubi supra. (a) Ecclés,, c. 1, v. 4. ( 240 ) Rédempteur qui a dit dans l'évangile : Je suis la lumière du monde (x), vit et règne éternellement; sans aucun doute il tiendra sa promesse , et l'obscurité qui reste en- core sera tôt ou tard dissipée. Mais, outre cette conséquence, que, comme pasteur, j'ai dû indiquer la première, en est une autre que je m’ap- pliquerai comme académicien. Puisque tant de rapports intimes unissent la religion aux sciences, et les sciences à la religion, que de motifs n’ai-je pas pour vous remer- cier, Messieurs, à cause de mon admission dans cette honorable Compagnie , où presque toutes ces sciences sont cultivées et encouragées ! Il en est quelques-unes que j'ai à peine effleurées : il en est beaucoup plus qui me sont étrangères. Mais, en venant à vos séances, en assistant ici à la lecture de vos mémoires , de vos rapports, et à vos lumineux entretiens, je pourrai, du moins, connaître les principaux résultats des recherches qui se font ailleurs, et nourrir mon esprit des fruits de vos savantes veilles. Je trouverai parmi vous des natura- listes et des chimistes distingués , des antiquaires que la capitale s'honorerait de posséder, et qui déjà ont ré- pandu un si grand jour sur les nombreux monuments que tant d'étrangers viennent admirer dans notre belle province : j'y trouverai des littérateurs et des poètes, à l’école desquels j'apprendrai à mieux sentir les beautés de nos meilleurs auteurs, et à mieux mettre à profit les richesses de l’histoire : jy trouverai des magistrats aussi éclairés qu’intègres, des hommes qui se dévouent à soulager les maux de l'humanité souffrante, des amis des lumières , des arts et de l’industrie : j'y trouverai, surtout ( qu’il me soit permis de m'en féliciter d’une façon toute particulière ) , un ecclésiastique vénérable et (1) Saint-Jean, c. 8, v. 12. a — mm C24r) justement estimé (1), qui prouve par son savoir et sa piété tolérante , mieux que je n'ai pu le faire par ce discours, combien la religion et les sciences ont entre elles d'harmonie! Oui, je trouverai tout cela parmi vous, Messieurs; et c’est avec une sincère gratitude que j'anticipe sur les avantages aussi réels que variés que j'espère en retirer. Puissé-je , de mon côté, ne pas rester tout-à-fait spectateur oisif de vos travaux persévérants , qui ont toujours ce double but de favoriser les progrès des sciences, des lettres et des arts, et d’être utiles à vos concitoyens ! À ce discours, approprié, par la gravité du style, à la grandeur du sujet et au caractère de l’orateur , M. Blanche, président, a répondu : « Vous avez, Monsieur, proclamé d’imposantes vé- rités ! Oui, sans doute , la religion rend l'ame accessible aux plus nobles conceptions; les esprits justes et sans préventions ne sauraient aujourd'hui le contester. Les erreurs de quelques hommes, les préjugés d’un plus grand nombre ,.ne prouvent rien contre elle ; ils ne té- moignent que de la faiblesse de l'humanité. Si ce fut au nom de la religion que Galilée souffrit la persécu- tion, ce fut aussi pour l’une de ses plus intimes émana- tions, la vérité, qu’il supporta ses maux avec résignation et patience; et la vérité, Messieurs, vaut bien qu'on fasse quelque chose pour elle! Galilée n’en était pas moins religieux, pour avoir soutenu l’existence des deux QG) M. l'abbé Gossier, chanoine honoraire, qui vint , avec la plus cor- diale bienveillance, annoncer le premier à M. Paumier sa nomination, et qui, le jour de sa réception, voulut encore être son introducteur au sein de l'Académie. 31 (242) révolutions de la terre autour du soleil et sur elle- même ; mais il était plus éclairé que les sept cardinaux inquisiteurs qui le condamnèrent. « Nous nous plaisons à reconnaître avec vous , Mon- sieur , cette double vérité que la religion, en révélant à l’homme le sentiment de sa dignité, la conscience de sa noble origine , fait naître en lui le besoin de pénétrer les mystères que lui dévoile l’étude des sciences hu- maines , et que ses lumières, en s’agrandissant, rendent en même temps sa foi plus vive et plus sincère. Quel naturaliste osera proclamer, en effet, s’il est de bonne foi, que tant de merveilles dans la structure ‘des êtres qui peuplent l’univers ne sont que l'œuvre d’un hasard qu'on ne saurait comprendre? Et comment ne pas reconnaître la main d’une intelligence supérieure et divine, dans l’arrangement admirable de nos tissus et dans les étonnants rapports que présente l’organisation des êtres vivants avec leurs habitudes, leurs mœurs et la nature du sol qui les porte et les nourrit ? IL est encore , pour la religion , d’autres titres à nos respects, à nos hommages! ce sont les vertus qu’elle inspire. Vous n’en avez point parlé, Monsieur , comme si vous aviez craint de nous entretenir de vous-même ! Ras- surez-vous : je saurai m'imposer un silence qui plaît à votre modestie; et d'ailleurs, l’homme de bien met peu de prix à la louange ; il lui suffit de lavoir mé- ritée. » AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AE à MÉMOIRE Adressé à l'Académie par M. BERGER DE XIVREF, Sur la nouvelle édition du TRÉSOR DE LA LANGUE GRECQUE DE HENRI ESTIENNE, Que publie en ce moment M. Firmin Didot. Messieurs, M. Ambroise-Firmin Didot, imprimeur du Roi ei de llustitut, publie, dans l’ordre alphabétique, une édition du grand ouvrage intitulé : Thesaurus Linguæ græcæ, qui fut imprimé à Paris par Henri Estienne, son auteur, en 1572. Je vous donnerai d’abord, Messieurs , plusieurs dé- tails sur la composition de ce livre et la personne de son auteur, ensuite sur la nouvelle édition qui s'exécute en ce moment, et sur les personnes qui concourent à ce iravail, beaucoup plus considérable qu'il ne paraît au premier abord. Enfin, je vous présenterai les titres par- ticuliers d’un des principaux collaborateurs de cette en- treprise, M. Louis de Sinner, qui regarderait son ad- mission parmi vous comme un des plus honorables encouragements. Depuis long-temps, faire un dictionnaire, c'est publier le meilleur des dictionnaires précédents, en rectifiant ( 244) quelques définitions, choisissant de meilleurs exemples, et ajoutant un certain nombre de mots. Cette opération, souvent repétée, donnant chaque fois un résultat supé- rieur au résultat précédent, a fini par nous procurer des dictionnaires à peu près complets sur toutes les langues les plus répandues. Mais le plus ancien de ces ouvrages, celui qui forme le premier anneau de cette chaîne de perfectionnements successifs, quelque incomplet qu'il fût, supposait plus de travail et de recherches de la part de son auteur qu'aucun des suivants. La langue grecque et la langue latine ont eu cela de particulier que, pour chacune d'elles, ce premier travail a produit un chef- d'œuvre accompli, tel que, malgré cette succession des travaux lexicographiques dont nous venons de parler, il est encore à faire dans la plupart des autres langues. Deux hommes que la France doit compter avec orgueil parmi ses plus grandes illustrations, Robert Estienne et Henri son fils, sont les auteurs de ces étonnants ouvrages. Celni de Robert Estienne est le Thesaurus Lingucæ latin® , en deux volumes grand in-folio, imprimé à Paris en 1543, et contenant quinze cent cinquante pages d’im- pression à deux colonnes. Voici ce que dit de ce travail M. Firmin Didot père, chef actuel de cette famille dis- tinguée , où le mérite typographique et littéraire semble aussi se transmettre comme un héritage : « Il engagea plusieurs personnes à se charger de la « composition de ce dictionnaire : il offrit même de « fortes récompenses pour un pareil travail; mais ce fut « en vain; on n'avait pas alors le secours des index qui « facilitent les recherches. Il fallait, pour retrouver les « passages des auteurs, les chercher dans sa mémoire , « et user, comme il en fit l’expérience, les livres à force « de les feuilleter. Enfin, sentant la nécessité urgente « d’un tel ouvrage pour l'éducation publique, il prit le « parti de l’exécuter lui-même, et donna aux savants le (245 ) « Trésor de la Langue latine, dont il fit un abrégé pour, « les jeunes gens. Il augmenta et améliora par la suite « cet important dictionnaire. Mais il pensa succom- « ber à,ce, pénible travail, qu'il avait accompli en deux « ans, S'en occupant nuit et jour , et négligeant, comme « ille dit, jusqu'au soin de son corps, lui qui, lorsqu'il « était libre enfin de ses longs travaux , plein d'élégance «, dans ses mœurs, tenait, avec une épouse aussi ins- « truite qu'aimable , sa maison, non pas sans doute « avec luxe, mais dans l’aisance la plus honorable. En « réfléchissant sur un tel ouvrage, exécuté dans un si « court espace de temps, on est tenté de ne pas trouver « exagérée l'expression de son fils, laborieux auteur du « Trésor de la Langue grecque , lorsque, étonné de tout « ce qu'a fait son père, il dit, dans des vers énergiques « et ingénieux, que le travail, qui dompte les autres « hommes, s'est vu lui-même dompté par Robert « Estienne (x). » : J’ajouterai à cet intéressant passage de M, Didot, que l exactitude parfaite de toutes les citations est jointe, dans ce livre, à une correction typographique bien rare au- jourd'hui, remarquable surtout dans un dictionnaire , genre d'impression plus difficile qu'un autre. Ce mérite appartient encore à Robert Estienne, comme imprimeur, et augmente la masse, déjà si accablante, du travail qu’il s'imposa pendant ces deux années. Il n'entre pas dans notre plan de passer en revue tous les autres travaux de Robert Estienne, comme imprimeur et comme savant, sur les littératures latine, grecque et hébraïque. « IL établit chez lui, dit encore M. Didot (2), (1) Observations littéraires et typographiques sur Robert et Henri Estienne, insérées à la suite des Poésies et Traduction en vers de Firmin Didot, — Paris, 1826, in-12, pages 194, 195. (2) Mème lieu. ( 246 ) « une réunion de savants de diverses nations, qu'il ac- « cueillait avec autant de grâce que de générosité. Plu- « sieurs étaient correcteurs d'épreuves dans son impri- « merie. Pour avoir un langage commun, ils se servaient « de la langue latine, qui devint tellement familière « chez Robert Estienne, que les domestiques même la « parlèrent. C’est dans cette maison que l'épouse de « Robert Estienne lui donna un fils, Henri Estienne, « qui devait être, comme son père , l'honneur éternel de « la typographie. » Ce que nous venons de rapporter sur Robert Estienne, pour le latin, peut s'appliquer pour le grec à ce fils qui, élevé avec les plus grands soins par un tel père, fut un véritable prodige. Nous prendrons la liberté de rappeler ce que nous disions nous-mêmes sur les travaux de ce grand homme, dans un essai (1) que vous avez ac- cueilli favorablement, Messieurs, grâce à l'extrême bien- veillance du rapport de votre savant confrère M. Lic- quet , rapport qui eut pour nous le résultat honorable en vertu duquel nous correspondons aujourd’hui avec votre Société, « Il semble, disions-nous, avoir surpassé les forces ordinaires de l’homme , à considérer comment , dans le cours d'une vie sans cesse agitée, se mêlant d’affaires po- litiques et religieuses, dirigeant son imprimerie dont il corrigeait lui-même toutes les épreuves grecques, com- ment il a pu mettre fin à ce travail immense du Thesau- rus , et publier plus de cinquante autres ouvrages latins, sans compter des notes sur plus de trente auteurs grecs ou latins, et des traductions latines de plus de douze au- teurs grecs. (Gi) Recherches sur les sources antiques de la Littérature fran- gaise.— Paris, Crapelet, 1829, in-80, partie J, page 114. (247) « Mais l'étounement que causent d'aussi vastes tra vaux est à son comble , lorsqu'on voit ce même homme traduire en français des livres de tous les principaux auteurs grecs, et composer plus de vingt ouvrages dans notre langue, qu’il passait pour parler et écrire aussi bien qu'homme de son temps. » Le grandiose qui s'attache à une aussi étonnante ca- pacité, a frappé même des littérateurs voués exclusi- vement aux lettres modernes. Dans un recueil périodi- que , destiné à l’amusement des gens du monde, et ha- bitué à préconiser les nouveautés littéraires les plus bizarres , je trouve sur Henri Estienne ce jugement aussi juste qu'élégamment exprimé : « Figurez-vous un enfant élevé dans une maison où « les fondeurs de caractères , les correcteurs d'épreuves « étaient des savants qui, tout en travaillant, passaient « leur vie à discuter sur des passages hébraïques et des « étymologies grecques; bercé par la fille de Joseph « Badius , professeur et imprimeur ( car ces deux qua- « lités ne s’excluaient pas), aux sons des purs vers d'Ho- « race qu'elle lui chantait pour l’endormir ; plus fa- « milier, dès l’âge de huit ans, avec l’idiôme et les « mœurs des vieux romains qu'avec le langage et les « usages gaulois du quartier Saint-Jacques; et qui, « jouant avec ses camarades, représentait la Médée « d’'Euripide , et faisait retentir le clos de Sainte-Géne- » viève de chœurs grecs et de scholies latines. A quinze « ans, on le confie aux soins de Pierre Danès, élève lui- « même de l'illustre Budé, de Jean Lascaris, et qui « passait pour le premier helléniste de son temps. Voyez « ensuite ce jeune homme, qui compose en latin, en grec « et en hébreu, avec autant de facilité que dans sa langue « maternelle, parcourir à cheval l'Italie pour rechercher « des éditions rares, et s'amusant, pour se distraire « sur sa selle , à traduire de mémoire des poètes latins (248 ) « en vers grecs, et des poètes grecs en vers latins. En- « trez dans toutes les universités ; pénétrez dans les ga- « leries du Vatican, parcourez les longues salles des bi- « bliothèques de Leipsig, de Halle, d'Oxford , de Cam- « bridge, de Florence, de Milan ; ayez la patience de « vous faire présenter ces nombreuses éditions des pères, « des poètes classiques , des historiens ; chargées de la « devise de Henri Estienne : et ensuite essayez de pro- « noncer , sans une sorte d’effroi, ce grand nom auquel « se rattachent tant de science et de travaux gigan- « tesques (1). » Les preuves de ces assertions se trouvent dans le grand ouvrage de Maittaire, S/ephanorum Historia. M. Fir- min Didot, dans la notice que nous avons déjà citée , explique , en imprimeur très-instruit, toutes les difficul- tés typographiques surmontées par Henri Estienne dans la belle édition des Poetæ grœci principes, à laquelle nous ne connaissons rien de supérieur. Laissons le en- core parler : « Dans un caractère déjà savamment hérissé « de jeux de plume et d'innombrables ligatures, et pen- « dant tout le cours de l'impression de tant d'auteurs grecs « différents, dont même quelques-uns étaient publiés pour « la première fois, il introduisit plusieurs signes particu- « liers, quatre surtout qu'il avait inventés pour distin- « guer, 1° les noms propres ; 2° les pays; 3° les mon- « tagnes ; 4° les rivières : s’entourant ainsi de chances « d'erreurs , soit pour la littérature, soit pour la topo- < graphie. Mais , quand il s'agissait de l'utilité des lec- « teurs, n’épargnant aucuns frais, se jouant des plus « grandes difficultés typographiques, qu’il sut vaincre par « des opérations singulièrement rapides, ce qui appor- a QG) Article intitulé : Le Trésor de Henri Estienne, par A. Loëve- Weimar, et inséré dans la Revue de Paris. (249) « tait encore de nouvelles chances d’erreur , et cherchant «ces difficultés avec autant de zèle que nous en mettons « à les fuir (1). » On voit que, dans les ouvrages composés par Henri Estienne , et imprimés chez lui, tout, absolument tout, était de lui, jusqu'aux poinçons destinés à la fonderie des caractères, lesquels étaient gravés d’après des let- tres figurées de sa main; car son écriture, dont il reste de nombreux échantillons à la Bibliothèque du Roi et ailleurs, était aussi belle que celle du fameux calli- graphe crétois Ange Vergèce, que François Ier avait fait venir en France, et dont l'écriture avait servi de modèle aux premiers poinçons gravés par ordre de ce prince. J’ai eu occasion d’en faire moi-même la com- paraison. « Son Trésor de la Longue grecque, dit encore M. Loève Weimar (2), œuvre plus qu'humaine , prope incredibile monumentum ; ainsi que l’écrivait à Joseph Scaliger le savant Casanbon, gendre de Henri Estienne, devait rem- plir sa vie tout entière. Le père de Henri Estienne lui en avait recommandé l'exécution en mourant , et celui- ci obéit avec Joie, car c'était le rêve de sa jeunesse et de son âge mèr, et il s'était disposé à l’accomplir, dans ses vieux jours , par des travaux dont on ne pourrait se former une idée qu'en joignant le savoir du philologve à la science du typographe le plus expert. Un mot suf- fira : le Trésor de Henri Estienne consuma son riche patrimoine et sa vaste intelligence ; il mourut insensé et réduit à l’aumône (3) ! « Son dévoüment à la science fut bien entier, car il (1) Pages 218, 219. (2) Dans l'article déjà cité. (3) I mourut à l'hôpital de Lyon, dans sa soixante-dixième année. 32 ( 250 ) n'avait pas entrepris ce travail sans en connaître les dé- sastreux résultats , ainsi que le témoignent ces vers tou chants qu'il adresse à son lecteur : At Thesaurus me hic de divité reddit egenum; Et facit ut juvenem ruga senilis aret ; Sed mihi opum levis est, levis est jactura juventæ, Judicio haud levis est si labor iste tuo. « Ce Trésor, de riche m'a rendu indigent, il a fait de « moi un vieillard avant l'âge; mais la perte de mes « biens, la perte de ma jeunesse me sera légère, si ce « travail est de quelque poids dans ton estime. » « Véritables typographes , auprès desquels nous ne « sommes rien! » s’écrie M. Firmin Didot, qui cite ces vers dans son recueil de poésies. Et il ajoute : « Puissé-je, « avant de mourir, voir une nouvelle édition du Trésor « de la Langue grecque, publiée et imprimée par les soins « de mon fils Ambroise-Firmin Didot! Oui, je vou- « drais voir mon fils apporter à la publication du Trésor « de la Langue grecque le soin religieux que Henri « Estienne voulait donner à la nouvelle édition qu'il « préparait de l'ouvrage de son père, le Trésor de la « Langue latine. » « Cette joie d'honnête homme et d'ami sincère de la science, M. Firmin Didot est à la veille de la goù- ter (1). » Ici je vais entrer dans quelques détails sur la ma- nière dont a commencé à s'accomplir le vœu de notre célèbre imprimeur. Lorsqu'il l'émettait en 1826, une réimpression de cet ouvrage était publiée à Londres par le libraire Valpy, et allait être terminée; et, telle fut l'estime que le monde savant fit d’une telle publication, (1) Dans ces citations de M. Loève Weimar, j'ai supprimé quelques endroits inexacts, où inutiles pour mon objet. ( 257 ) que cette nouvelle édition , dont le prix était de douze cents francs par exemplaire, obtint, dès son appari- tion, mille quatre-vingt six souscripteurs. Après un tel nombre de souscriptions, qui semblait devoir faire face à peu près à toutes les demandes, quels ont été iles mo- tifs de M. Firmin Didot en engageant M. son fils à employer son temps, sa science et sa fortune , à une aussi vaste entreprise ? car il est évident que , père de famille et administrateur éclairé autant que littérateur instruit, il a dû voir, dans cette entreprise si honorable, sinon des chances de gain, au moins l'espoir de rentrer daus les frais énormes qu’elle entraîne. Une phrase de M. Didot, que M. Loève Weimar, dans sa citation, a supprimée à dessein, comme trop spéciale pour un article destiné uniquement aux gens du monde, va vous faire apercevoir ces motifs. M. Didot y exprime le désir de voir son fils, « non seulement remettre à leurs places « les divers suppléments, mais donner à l'ouvrage un « ordre plus facile , que Henri Estienne, sans y songer, « indique lui-même dans cette longue et savante lettre « sur l’état de sa typographie ; ordre qui, en conservant « au dictionnaire tout l'avantage qu’il a reçu de l’auteur, « par une distribution ingénieuse mais un peu difficile , « quelquefois sujette à contestation , et qu'il se repentit « plusieurs fois d'avoir suivie, épargnerait beaucoup de « temps pour les recherches. » (x) Quelques explications seront peut-être nécessaires ici pour ceux d’entre vous, Messieurs, qui, sans être au courant de cette matière, s’intéresseraient cependant à une entreprise qui ne peut être que très-honorable pour notre pays, et voudraient, par conséquent, comprendre bien en quoi elle consiste. Je vais vous donner ces ex- (1) Page 221, ( 252 ) plications, d'autant plus volontiers qu'elles me fournis- sent l’occasion de vous démontrer d'une manière encore plus palpable cette capacité extraordinaire de notre grand Henri Estienne , et toute la perfection qui a été donnée à son œuvre par les soins de M. Ambroise- Firmin Didot, puissamment secondé par MM. Hase, de Sinner et Fix, avec lesquels je m'honore d'être en relations assez intimes. , Henri Estienne portait, dans les sujets qu'il traitait, ce coup-d'œil perçant et original d’un génie supérieur qui sait s'approprier un sujet par un point de vue neuf et saillant, sa création à lui. C’est ainsi qu'il vit, dans cette langue grecque si prodigieusement riche, et dont il réunit plus de cent mille mots (1), un nombre assez restreint de formes primitives ou racines , souches com- munes d’un nombre égal de familles, méthode aussi in- génieuse que commode pour la mémoire de Pétudiant. U employa ainsi, pour l'étude du grec, ce système de classification qui, plus tard, appliqué d’une manière plus heureuse et plus complète à une science qui s'y prêtait davantage, devait faire la gloire du suédois Linnée, porter l’ordre et la elarté dans toutes les branches des sciences naturelles, et s'étendre presqu'à tout. Car ces classifications, ingénieuses fictions de l’es- prit philosophique, se sont appliquées, de nos jours, aux sciences les plus différentes. Henri Estienne réduisit donc à environ trois mille fa- milles tous les mots de son vaste dictionnaire. Les peines et les recherches que lui causa un pareil travail furent peut-être , pour un esprit comme le sien, l'attrait prin- cipal qui contribua à le soutenir dans cette tâche dont (1) Le Dictionnaire de l'Académie française en compte à peine qua- rante mille, = mt PE ES me tot tél ("253") vous appréciez à présent l'étendue. Maïs, quoiqu'il y ait entre les mots de la langue grecque des rapports étymo- logiques plus marqués que dans d'autres langues, que dans la nôtre par exemple, cependant, pour compléter un tel système d'étymologie, on ne peut se dissimuler qu'il fallait souvent hasarder des explications dont les plus ingénieuses sont quelquefois les moins fondées. C'est ce qu'a prouvé, dans ces derniers temps, l'étude des langues antérieures à la grecque : l’on y a retrouvé les véritables racines de plusieurs mots auxquels Henri Es- tienne avait donné à tort pour racines d’autres mots grecs. Néanmoins, cette méthode a quelque chose de bien ordonné qui séduit. Elle a introduit, dans l'Univer- sité de France, un usage qui y subsiste encore , celui de faire apprendre les racines grecques et de les faire con- sidérer comme la base de la langue : usage qui, au dire de plusieurs savants hellénistes, est peut-être l’une des causes de notre infériorité dans cette partie. Vous voyez, Messieurs, que notre admiration pour Henri Estienne ne nous aveugle point sur ce qu’il peut y avoir de défectueux dans son œuvre. Mais ce même respect pour la vérité doit nous faire ajouter qu'il était impossible de neutraliser avec plus de talent les inconvé- nients d’un pareil plan. Et, d’ailleurs, des efforts qu'il fit pour lexécuter jaillirent presque à chaque mot de petites dissertations nourries de la plus saine érudition, et que les gens de l’art considèrent comme des morceaux achevés. A ce défaut de vérité que nous venons de signaler dans le plan du Thesaurus, nous ajouterons qu'il est réellement moins commode pour l'usage qu'un dictionnaire disposé tout bonnement dans cet ordre où le hasard assigne aux mots leur place, d’après le rang que tient leur première lettre dans l’alphabet, au lieu de cette classification éty- mologique qui plaît à l'intelligence , en rapprochant les (254) mots par les idées. Henri Estienne apporta à cet incon- vénient le seul remède possible, qui était de faire suivre le premier dictionnaire d’un autre qui contint tous les mêmes mots dans l’ordre alphabétique, avec l’indica- tion de la page et de la partie de la page où le mot était expliqué. De cette manière, il faut presque tou- jours chercher deux fois. Cette table, ou index, que j'ai appelée second diction- naire, forme la seconde partie du cinquième volume, intitulée : Appendix libellorum ad Thesaurum grœcæ Linguæ pertinentium, et qui comprend d’abord les traités suivants, en grec : 10 Des dialectes grecs, par Jean le Grammairien; 2° Un autre traité sur le même sujet, par Grégoire de Corinihe. Deux extraits de Plutarque , dont : 3° L’un sur l'usage qu'a fait Homère des différen's dialectes ; 4 L'autre sur l'emploi des figures dans le même poète. 5° Un traité des figures de mots, par le grammairien Tryphon ; 6° Une liste des mots qui ont un accent différent se- lon la différence de leur signification, par Philoponus ; 7° Un traité d'Ammonius sur ce qu’on appellerait au- jourd’hui les synonymes ; 8° Une liste hiérarchique des titres des magistrats grecs, par Orbicius; 9° Une longue table des verbes irréguliers, par Henri Estienne ; 10° Un traité des chiffres ; par Hérodien ; 119 Un traité des poids et mesures des Grecs, par Galenus, auquel sont joints deux autres traités sur la même matière, l’un par Cléopâtre, l’autre par Diosco- ride, avec la traduction latine par Henri Estienne ; ( 255 ) 12° Un traité latin d'Henri Estienne sur le même sujet. - Vient ensuite l'index alphabétique, qui comprend 1,723 colonnes (1). Le véritable dictionnaire comprend quatre volumes, formant en tout 6,273 colonnes. Au commencement du premier volume sont les pièces suivantes : ‘1° Deux épigraphes, l’une grecque, l’autre latine , et les extraits de trois priviléges, dont deux accordés par Pempereur Maximilien 11 pour toute l'étendue de lem- pire, et un par Charles IX pour la France ; 29 La dédicace à Maximilien II, empereur; Char- les IX, roi de France; Elisabeth, reine d'Angleterre; Frédéric, comte palatin du Rhin; Auguste, duc de Saxe ; Jean George, marquis de Brandebourg; et aux plus illustres Académies des états de ces souverains ; 3° Le catalogue des auteurs cités; 4° La préface de Henri Estienne. Puis trois éloges de la littérature grecque, dont : 5° Le premier, par Scipion Cartéromaque ; 6° Le second, par Marc-Antoine Antimaque ; 7° Le troisième, par Conrad Herbasch. Viennent ensuite, dans un sixième volume , deux glos- saires où recueils de mots plus rares que les grammai- riens nous ont appris être d’origine étrangère ; car c'est là le sens que les critiques anciens donnent au mot yhwsca (glossa). L'un de ces glossaires est latin-grec, l'autre grec-latin. De plus, des extraits de plusieurs an- (1) Il y a deux colonnes à chaque page. En comparant la contenance de ces colonnes avec celle des pages d’un in-8° ordinaire d'aujourd'hui, j'ai trouvé qu’une colonne représente deux pages in-8°, Ensuite, ayant fait l'addition des colonnes de tout l'ouvrage, j'ai calculé qu'il faudrait, pour en représenter le contenu, trente-six volumes in-80 de cinq cents pages chacun. ( 256 ) ciens lexiques grecs et un traité du dialecie attique par Henri Estienne. Ce traité comprend à lui seul cent qua- rante-six pages (sans division par colonnes). La pre- mière partie, où sont les glossaires, est de six cent soixante-six colonnes. Tel est l'ouvrage que Henri Estienne imprima en 1572, sans autre secours antérieur que les Commen- taires de la Langue grecque de Budé. Ce savant parisien avait jeté pêle-méle , dans un volume in-folio , au fur et à mesure de ses lectures , d'excellentes observations sur les véritables acceptions de beaucoup d'expressions grecques. Henri Estienne en fit passer la substance dans son Thesaurus, en rendant toujours un éclatant hommage à Budé. Mais, comme son désir insatiable d'instruction lui faisait faire tous les jours de nouvelles lectures, il plaça à la fin des deux premiers volumes des adjicienda , et, de plus, introduisit dans l'index alphabétique un as- sez grand nombre de mots qu'il avait découverts depuis l'impression du dictionnaire. Le Trésor de Henri Estienne fut, comme on le pense bien, la source médiate ou immédiate des nombreux dictionnaires grecs qui ont paru depuis , soit en latin, soit dans les langues modernes. Seulement , on peut af- firmer que les meilleurs y recoururent toujours direc- tement et sans intermédiaire. Mais il n‘y avait pas eu de nouvelle édition de l’ouvrage même , jusqu'en 1815, où le libraire Valpy, à Londres, en commença la réim- pression dont j'ai eu l'honnenr de vous parler , et qu'il termina en 1829. Je qualifie cette opération de ré- impression, parce que, malgré les nombreuses addi- tions de mots que, de toute l'Europe , les savants en- voyaient aux éditeurs anglais (1), ils ne donnèrent pas à l’œuvre d’Estienne ce degré de perfection qui doit ——————— (1) M, Boissonade en envoya, pour sa part, environ douze mille. a C 257) caractériser une édition nouvelle. Au contraire , ils y ont introduit un grand désordre par le peu de soin qu’ils ont mis dans la répartition des richesses qui leur arrivaient de tous côtés. Ainsi, comme dans les nouveaux aperçus sur la signification de mots déjà connus , qu’envoyaient beaucoup de savants, il devait se trouver tout naturel- lement et assez fréquemment les mêmes exemples , les miêmes citations , les personnes chargées de mettre en œuvre ces matériaux, conservant trop religieusement dans son intégrité l'envoi de chacun , ont souvent répété jusqu'à trois et quatre fois absolument la même chose. De plus, parmi ces mots que Henri Estienne ajouta, après son travail principal, dans l'index alphabétique, les uns sont reportés à leur place dans le dictionnaire ; les autres restent dans cet index. Les addenda sont im- primés à part, les glossaires de même : en sorte que ce que fit Henri Estienne jusqu’au dernier moment, par les seuls moyens qui lui restaient pour donner à son édition toute la perfection qui dépendait de lui, est de- venu , dans l'édition anglaise, une source d’imperfection par la négligence des éditeurs. Aussi ai-je entendu dire à un savant du premier ordre, qui la examinée at- tentivement , que cette édition est un véritable chaos. Les Anglais nous ont donc laissé l'honneur de donner la dernière main à ce beau monument national. « Ce- « pendant, » disent les éditeurs français dans leur grand prospectus, « bien que le plan de notre édition « soit totalement différent, nous ne nous serions point « permis d'établir une concurrence qui eût pu porter « préjudice au courageux éditeur d’une telle entreprise, « s'il ne nous avait, auparavant , assuré lui-même que « son édition était épuisée. Nous aurions craint de « nous attirer les reproches qu'a mérités Scapula (+). » nt 2 cé pop Re (1) Ce domestique do Henri Estienne, qui se nommait L'Epaule, 2 v) ( 258 ) S'étant mis à l'abri de tout reproche par la délica- tesse de ce procédé, M. Ambroise-Firmin Didot s’est occupé d’obéir au désir de son père, en évitant non- seulement les fautes des éditeurs anglais, mais aussi en remédiant aux inconvénients qu'une expérience de deux siècles et demi avait fait reconnaître dans l'édition primitive : c'est-à-dire en adoptant l’ordre alphabéti- que, et en fondant dans le corps du texte tous les sup- pléments d’'Estienne , et toutes les éditions postérieures , soit consignées dans les dictionnaires subséquents , soit envoyées en dernier lieu par les savants de nos jours aux éditeurs anglais ou à M. Didot lui-même, « Ce- « pendant (dit encore le grand prospectus, au sujet de « l'ordre étymologique ), afin de ne rien laisser à perdre, « même sur ce point, du travail de Henri Estienne , « travail prodigieux qui lui causa tant de peine, ainsi « qu'il le dit lui-même (1), et de ne faire que ce qui « semble nécessaire, nous ajouterons à la fin de notre « nouvelle édition la table étymologique des mots, « selon l’ordre présenté par Henri Estienne, et suivi « par les éditeurs anglais. Nous osons même promettre « que les savants trouveront plus de recherches éty- « mologiques dans notre édition que dans celle des « Anglais. » Voilà les principaux perfectionnements de la nouvelle édition française , qui se recommande encore par beau- coup d’autres perfectionnements particuliers, dont le détail se trouve exposé avec une grande lucidité dans le fut une des principales causes de la ruine de son maître , par l'abrégé qu'il ft du Thesaurus. Cet abrégé, paraissant en même temps, coûtant beaucoup moins cher, et suffisant au commun des lecteurs, paralysa, pour ainsi dire, la vente de l'ouvrage d’Estienne, et détruisit de si légitimes espérances, QG) Epistolæ ad Lectorem, p. XXH sqq- (259) prospectus in-folio joint, avec d’autres pièces, au présent mémoire. Ajoutons qu’au lieu de 1200 francs, prix de l'édition anglaise, la nôtre ne coûtera que 336 francs. Maintenant , quel moyen M. Didot a-t-il employé pour exécuter une si vaste entreprise ? Dès la fin de l’année 1828 , il parla de son projet à deux jeunes savants de Berne, MM. Louis de Sinner et Théobald Fix. Celui-ci, élève du célèbre professeur Go- defroi Hermann , sans avoir encore rien publié , a acquis sur la littérature grecque , et particulièrement sur la mé- trique , une érudition à laquelle les savants qui le con- naissent se plaisent à rendre hommage. Quant au premier, il était déjà connu du monde savant par trois ouvrages, D'abord , une Oratio festa (1), ou discours d’apparat sur l'importance de l'étude de l'écriture sainte, morceau qui s'était fait remarquer entre tant d’estimables productions dues à cet usage de la savante Allemagne , de faire tour- ner au profit des études fortes et profondes toutes les solemnités littéraires. L'année suivante, en 1824, il avait joint à ce premier titre une édition critique de Bondel- monti, auteur florentin du commencement du quinzième siècle, qui écrivit en latin une description fort exacte des îles de l’Archipel(2). Cette publication, faite à Paris, et qui reçut un nouvel éclat du nom de M. Hase, sous les auspices duquel elle parut, montra dans M. Sin- ner, maloré sa jeunesse (il avait alors vingt-trois ans), (1) De ambitu, utilitate et necessitate studii Exegeseos sacræ Oratio festa die XIL aprilis recitata, auctore Lud, de Sinner. Bernæ , 1823 , in-60. (2) Christoph. Bondelmontii Florentini librum insularum Ar- chipelagi e codicibus regiis nunc primum totum edidit, præfa- tione et annotatione instruxit Gabr, Rud. Ludov. de Sinner, Helveto-Bernas. Leipsiæ, 1824, in-50. ( 260 ) une excellente latinité et une érudition solide, jointe à un e-prit plein de lucidité, entendant parfaitement le plan d'un ouvrage. Il passa ensuite quatre ans en Russie, où son érudition obtint les plus augustes suf- frages (1). À son retour à Paris, en 1828 , il y re- trouva M. Fix, son compatriote et son camarades et, comme ils cherchaïient une manière d'employer utile- ment leurs connaissances pour eux et pour le public, ils trouvèrent M. Didot plein du désir d'assurer à notre pays un titre que les Anglais avaient été sur le point de nous ravir. Dans l'intervalle de cette première proposition et de l’arrangement définitif, M. de Sinner entra en relations plus intimes avec M Didot, par la publication du texte complet des Pastorales de Longus. Ce délicieux roman, connu des gens du monde par la belle traduction d’Amyot, nous était parvenu dans des manuscrits in- complets. Le fragment qui le complétait fut retrouvé, en 1809, dans une bibliothèque de Florence, par ce Paul-Louis Courier au nom duquel se rattache l’idée de tant de mérites différents ; qui mania la satyre litté- raire avec tant de bon sens, d'esprit et de malice ; qui porta dans l'étude des anciens l’érudition la plus solide et les aperçus les plus lumineux, et qui écrivit le français avec une telle perfection, que la postérité (déjà commencée pour lui par sa fin tragique) doit le placer à côté des Pascal, des Fénélon, des Voltaire, des Buffon, des Rousseau, ces maîtres de la prose française. La découverte de ce fragment de Longus donna lieu, dans le temps, à une polémique assez animée qui in- (G) L'impératrice-mère lui ft remettre une tabatière de prix , en té- moignage de sa satisfaction pour les soins qu’il ayait donnés à l’instruc- tion de plusieurs jeunes gentilshommes russes, Re (261) téressa tout le monde savant. Mais comme Courier, par l'extrême roideur de son caractère, semblait aller au- devant des persécutions et des tracasseries, son édition du Daphnis et Chloé (la seule complète), tirée , x Rome, à cinquante - deux exemplaires seuiement , et aujour- d'hui presqu'aussi rare qu'un manuscrit , fut encore en- travée par la police impériale, qu'avait offusquée la trop libre allure du savant canonnier à cheval (1), frondeur républicain comme il y en avait alors bien peu. M. de Sinner publia donc, chez M. Didot , en 1829, d’après cette édition de Courier , un texte arrêté du Lon- gus (2), accompagné d'une préface et de notes , où tout ce qui est relatif à cet auteur et aux travaux de Courier sur Longus, fut traité ex professo. A m'en a remis un exemplaire, dont il m'a chargé de faire hommage à l'Académie , et que j'ai l'honneur de lui adresser. M. Didot, dans ses rapports journaliers avec M. de Sinner , ayant müri le plan de sa grande entreprise , désira qu’elle obtint , aux yeux de l'Europe savante, la garantie d’un nom respecté de tous. Il proposa donc à M. Hase de prendre la direction de tout l'ouvrage. Mais M. Hase voulut auparavant que le plan en fût sou- mis à l’Académie des inscriptions et belles-leitres, qui, l'ayant fait examiner par une commission spéciale , lap- prouva le 29 mai 1829. Tout se trouvant ainsi fixé, M. Didot ne négligea plus rien, ni soins, ni dépenses, pour assurer à cette publication toute la perfection dont une œuvre humaine (1) Il était chef d'escadron d'artillerie; mais il a pris le titre de canonnier à cheval en tète de ses pamphlets. (2) Longi Pastoralia e codd. mss. duobus Italicis primum græce integra edidit P. L. Courier. Exemplar romanum emendatius et auctius typis recudendum curavit G. R. Lud, de Sinner. Paris, 1829, in-50, ( 262 ) est susceptible. x° Un prospectus français, accompagné d'un appendix latin pour la partie prosodique, con- tenant seize pages in-folio à deux colonnes ( donnant échantillon du papier, du format et de la disposition de l’ouvrage même }, fut suivi : 2° du même prospectus tout latin, en quarante-huit pages in-8°; 3° d’un extrait français contenant seize pages in-8° ; et 4° d’un addita- mentum latin de huit pages, également in-8°. J'ai l’hon- neur d'adresser à l’Académie ces différents prospectus , où sont consignées toutes les améliorations apportées dans l'édition nouvelle ; les soins des savants éditeurs pour faire passer chez eux , mais avec ordre , toutes les richesses de l'édition anglaise, et les nombreux tri- buts envoyés encore depuis par des savants français et étrangers. Je citerai seulement encore ici un passage du prospectus in-folio, pour vous donner , Messieurs , un exemple des difficultés qui caractérisent cette entre- prise. | « Si les Anglais avaient pu ou voulu vérifier les ci- « tations que leur communiquèrent les savants , ils au- « raient mérité la reconnaissance des lecteurs. Malheu- « reusement, sous ce rapport, tout nous reste encore à « faire; cependant nous espérons pouvoir, presque en « totalité, réussir dans le long et fastidieux travail dont, « au premier abord, les difficultés nous avaient paru in- « surmontables, puisqu'il fallait tâcher de se procurer « tant de livres qui, depuis long-temps, avaient disparu « du commerce , et particulièrement divers ouvrages de « critique , imprimés pour la plupart à un petit nombre « d'exemplaires, dans les pays étrangers, et en outre la « série complète des éditions qui , dans les suppléments « fournis aux éditeurs anglais par les divers savants, sont « citées sans aucune exacte indication, et suivant la bi- « bliothèque qui se trouvait à la portée de chacun « d'eux. Ut 564) « Pour arriver à ce but, les nouveaux éditeurs ayant réuni à la bibliothèque d M. Didot celle de M. de « Sinner, ont fait venir d'Angleterre et d'Allemagne tous « les ouvrages dont ils ont reconnu l'indispensable néces- « sité; et, ne pouvant obtenir de toutes les bibliothèques « ne de Paris la permission de garder trop long « temps certains ouvrages , ou rares , Ou trop souvent de- « mandés, ils ont fait reporter la pagination sur les marges « de celles qu’ils possédaient. De cette manière, ils sont « parvenus, pour quelques auteurs, à réunir en un petit « nombre d'éditions la plupart de celles qui leur man- « quent. » La riche collection de livres, résultat de tous ces soins, a été rassemblée dans un petit appartement loué dans le voisinage de M. Didot, et décoré du nom de Stephanium. Deux exemplaires de l'édition anglaise , du prix de 1200 francs chacun, y sont découpés ; Pour transporter tous A les mots de l’ordre étymologique à l’ordre alphabétique. Il en a fallu deux, parce que les feuillets d’un livre ainsi découpé ne peuvent servir que d’un côté. Il faut donc un exemplaire pour le recto et un pour le verso. Un homme, qui n'est pas étranger à la connaissance des deux langues élassiques , est continuellement occupé à coller attentivement ces bandes, plus ou moins divisées selon le nombre des intercallations manuscrites faites par les éditeurs et leurs collaborateurs correspondants. Ces grandes feuilles, ainsi préparées par les soins de MM. de Sinner et Fix, sont remises à M. Hase, qui les rapporte, au moment de l'impression, toutes chargées d’additions et de corrections dont il est inutile de qualifier le mé- rite. M. Didot, à qui un séjour de deux ans dans la Grèce a rendu la langue grecque familière, et que l'é- ducation la plus soignée, dirigée par le célèbre docteur Coray, à initié aux secrets de l’érudition, corrige lui- mème toutes les épreuves, qui passent aussi par les mains (264 ) de MM. Fxet de Sinner. Les dépenses déjà faites dès le début suflira cnt seule. pour conduire à fin une très grande entreprise or inaire de librairie. Les relations d'un riche libraire avec les gens de let- tres qu'il emploie , unt été souvent, pour ces derniers ; l’occasion de justes plaintes. C’est que souvent les li= braires les plus riches, tout en devant leur fortune au commerce des productions de l'esprit , conservent une grossièreté et acquièrent une impertinence provenant du défaut d'instruction et des habitudes purement mer- cantiles. M. Didot ne peut avoir rien de commun avec ces gens-là. Le mème zèle pour la science fait dispa- raître l'inégalité de fortune ; et il est l'ami des savants dont il peut être le collaborateur. Le Stephanium, dont M. de Sinner fait les honneurs , sert de point de réunion à une petite académie de sept ou huit hommes studieux, assez étrangers aux plaisirs et aux occupations favorites de la brillante capitale au milieu de laquelle ils demeurent. On vient consulter quelque édition rare, apporter quelque mot qu'on a trouvé pour la première fois dans une lecture de la veille; on s’informe, par la même occasion, où en est lim- pression du Thesaurus; on se donne réciproquement des nouvelles des principales productions philologiques : tout cela se fait gaiement et sans pédanterie; et, dans ces occupations qui paraîtraient bien insipides aux person- nes qui y seraient étrangères , nous trouvons la satisfac- tion que tout le monde éprouve à parler de ce qui l’oc- cupe avec des gens qui s’occupent de la même chose ; à acquérir de nouvelles connaissances sur la partie que l’on a plus spécialement cultivée. On se réunit le soir, au moins une fois par semaine ; on dîne souvent ensemble. Une petite circonstance littéraire devient l’occasion d’un dîner un peu plus soigné. Quand l’Académie de Tubin- gue envoya le bonnet de-docteur à M. de Sinner , le 30 des er lee da (_265,) juin dernier, il nous réunit dans un repas aussi bien servi que cordialement offert ; et trois des convives, MM. Walz, Hauthal et Anders, célébrèrent lè nouveau docteur en vers grecs, latins et allemands. Communi- qués en secret à M. Didot (qui était aussi des nôtres }, au moment de nous mettre à table , ces vers furent im- primés pendant le dîner, et nous furent distribués au dessert. J'en joins un exemplaire aux autres pièces que j'ai l'honneur d'adresser à l'Académie. TABLEAU DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 18311832. SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. % Ordre royal de la Légion d'honneur. O. signifie Offcier. C — Commandeur. G. — Grand-Officier. G.C. — Grand'Croëz. TABLEAU DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1831—1932. OFFICIERS EN EXERCICE M. Lepasquier (Auguste) X, Président. M. Hezus, J’ice-Président. M. Des Arceurs, Secrétaire perpétuel pour la Classe des Sciences. M. Bicnox (N.), Secrélaire perpétuel pour la Classe des Belles- Lettres et des Arts. M. Bazuix (A.-G.), Bibliothécaire-Archiviste. M. Lepreyost , vétérinaire, Trésorier. _ ACADÉMICIENS VÉTÉRANS , ML. se 1803. Le Comte Beuexor ( G. C. :K), ancien D du 1806, département de la Seine-Inférieure, à Paris, rue de la Michodière, n° 8. 1562. D'Onxax (Jean-François-Gabriel) , doyen des Acade- 1807. miciens , membre de l’Académie de Lyon, de celles des Arcades de Rome et des Georgilles de Florence, à St-Martin-de-Boscherville. 1811, Le Baron AsseziN DE ViuxequiEr ( O. #), premier 1819. Président de la Cour royale, membre de la Chambre des Députés, rue de la Seille, n° 10. 180%. Vrraurs ( O. :K), ancien Secrétaire perpétuel de 1822. l'Académie pour la classe des sciences; Docteur ès sciences de l'Université; Professeur émérite des sciences physiques au Collége royal de Rouen; an- 1916. 1824. 1830. (270) cien professeur de chimie appliquée aux arts ; membre de plusieurs Académies et Sociétés sa— vantes, Curé de Saint-Eustache, à Paris. 5. Brière X , Conseiller à la Cour de cassation , à Paris, re de Bondy , n° 62. . Le Baron Lezurrer DE LA Marrez ( O. #), ancien Maire de Rouen, à Hautot. Descamps ( Jean-Baptiste), Conservateur du Musée de Rouen, membre de l’Académie des Arcades de Rome, re Beauvoisine, n° 31. 3. Pavre (Benjamin), Manufact., Trésorier honoraire J > ; ’ faubourg S.-Hilaire, n° 75. Rigarp (Prosper) ##, ancien Maire de Rouen, rue de la Vicomté, n° 34. Perraux (Pierre), ancien Imprimeur du Roi, mem- bre de l'Académie de Caen, et des Sociétés d'agri- calture et de commerce de Rouen et de Caen, Zoz/. Leauvoisine, n° 54. MeaumE (Jean-Jacques-Grégoire ), ancien Professeur de Mathématiques spéciales au Collége de Rouen, Doct. ès-Sciences, Oflic. de l'Université, Inspecteur de l’Académie , à Amiens. Levieux, Commissaire du Roi près la Monnaie de Rouen , à /’Hôtel des Monnaies. ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM. 1822: 1823. 1824. 1827. 1828. 1830. 1835, S. À. S. Mgr le Cardinal Prince DE CRoY, Archevèque de Rouen, etc., au Palais archiépiscopal. Le Licutenant- Général Barun Teste (O.XK), Commandant la 14e division militaire. Le Baron Duronr-Derrorte (O0. :K), Préfet de la Seine- Inférieure , ex l'hôtel de la Préfecture. Barger (Henri) #, Maire de Rouen, Zouler. Cauchoise, no 54, jé ur, ct Y803. 1804 1808. 1809. 1813. 1815. #317. (271) ACADEMICIENS RÉSIDANTS, MM. Viaxé ( Jean-Baptiste), D.-M., correspondant de la So- cicté de médecine de Paris, 7ve de la S'eille, n° /. LerTeczier, Inspecteur de l’Académie universitaire, rue de S'otteville, n° 5, faubourg S.-S ever. Gopgrroyx, D.-M., rue des Champs-Maillets, no 11. Brexox ( N.), Docteur ès-lettres, Professeur émérite de rhétorique au Collége royal de Rouen et à la faculté des lettres, offic. de l'Université de France, rve Sénécaur, n° 55, Dusuc l’ainé, Chimiste , ancien Pharmacien à Rouen, membre de l’intendance sanitaire du département de la Seine-[nfé- rieure, de la Société centrale d'agriculture du même dépar- tement , correspondant de l’Académie royale de médecine de Paris, etc., etc., rue Percière, n° 20. Durvurez ( Pierre), rue du Duc de Chartres, n° 12. Le Prevost (Auguste), Membre honoraire de la Société des antiquaires de Londres; Membre des Sociétés des anti quaires de France , d'Ecosse et de Normandie; de la Com- mission des antiquités de Ja Seine-Inférieure ; de la Société géologique de France; de la Société linnéenne de Nor- mandie ;. Correspondant de la Société royale et centrale d'agriculture; des Sociétés d'agriculture de Rouen, Evreux et Caen; de la Société d’émulation d’Abbeville, 74e de Buffon, n° 21. Licquer ( Théodore), Membre des Sociétés des antiquaires d’'Ecosse et de Normandie; de la Commission des antiquités du département de Ja Seine-Inféricure; Conservateur de la Bibliothèque publique de Rouen, à /’ÆHütel-de-V'ille. Fraugerr, Docteur-Médecin, Chirurgien en chef de l'Hô- tel-Dieu , rze de Lecat, ne 5. Lerrevosr , Vétérinaire, rze S.-Laurent, n° 3. Le Baron Anam #, Président du Tribunal de première iuslance , place S,-Ouen, n° 23, 1817. / 1818. 1819. 1820. 1822. 1824. (272) Du Rouzelu X, chevalier de l’ordre de l’Eperon d’or de Rome, Conseiller à la Cour royale, place S'aint-Elor , no 6. Le Prevosr , Docteur-Médecin', rve Malpalu , mo 12. Braxcae , Médecin en chef de l’'Hospice général, rze Bour- gerue, vis-à-vis l'Hospice général. Tarz K, Procureur général, rze Dinanderie, n° 15. Dessriexx , Horloger, place de la Cathédrale. Hezurs fils, D.-M., Médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, pZace de la Madeleine. Le Marquis DE MARTAINVIZLE X, ancien Maire de Rouen, rue du Moulinet, n° 1x. DezaquéRiÈREe (E.), Négociant, ve du Fardéau, n° 24. Lévy, Professeur de mathématiques ‘et de mécanique ; Mem- bre des Académies de Dijon, Bordeaux et Metz, des So— ciétés académiques de Strasbourg, Nantes et Lille; Chef d'institution, ze S'airt-Parfrice, n°36. Leprasquier (Auguste) 2%, Secrétaire général de la Pré- fecture du département de la Seine-Inférieure , à Z’Adlel de Za Préfecture. Des Arreurs , D-M., Médecin adjoint de l'Hôtel-Dieu, membre du Jury médical, Secrétaire du Comité central de vaccine , etc. , 7ve de L >Écureuil, n° 19. L’'Abbé Gosster , Chanoine honoraire à la Cathédrale , ze du Nord, n° 1. Marzcer-DugourcAx, Architecte en chef de la Ville, gzar de la Romaine , n° 72. Prévosr, Pépiniériste, au Bois-Guillatme, ( son adresse à Rouen, rte du Champ-des-Oiseaux , n° 65 ). Durreuz, Directeur du Jardin des plantes, 44 Jardin des ‘ plantes, à Rouen. LanGcors (E.-H.), Peintre, Professeur de dessin à l'École municipale, rze Beauvoisine, enclave Sainte-Marie. Reiser XK , Receveur général des finances , gear d’Harcourt. Hourou-LaBrzLARDIÈRE , ancien Professeur de chhnie appli- quée aux arts, apenue du Mont-Riboudet. 1825 1825. 1827. 1828. 1829. 1830. ( 273 } Paru (A.-G.), Secrétaire des Commissions des antiquités et des archives du département de la Seine-Unférieure; Chef de la 1re division à la Préfecture , rze de Crosne, n°0 14. Donmesxiz (Pierre), rue de la Chaïne , no ox. Mori , Pharmacien ; correspondant de l’Académie royale de médecine, de la Société de, chimie médicale de Paris , de la Société linnéenne et des Sciences physiques et chi- miques de la même ville; de la Société académique de Nantes, et de plusieurs autres Sociétés savantes, re Bou vreuil, n° 27. Device (Achille), membre des Sociétés des antiquaires d'Écosse et de Normandie, des Commissions des antiquilés et des archives du département de la Seine-fnférieure, et de la Société d’émulation de Rouen; Receveur des contributions directes, rze de Fontenelle, no 2 bis. Vixérmnier, D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, 7ze de la Prison, n° 33. Pimoxr (Prosper), Négociant, rve Herbière, n° 38. Fcoquer (A) fils, Greflier en chef à la Cour royale de Rouen. GirarniN (3), Professeur de chimie industrielle ; collabo- rateur du Bulletin des sciences naturelles et de géologie, de la Revue normande; membre résidant de l’Académie royale des sciences, de la Société libre d’émulation de Rouen; membre de l’intendance sanitaire de Rouen, du conseil central de salubrité du département; correspondant de la Société d'histoire naturelle de Paris, de la Société géologique de France, de l’Académie royale des sciences de Bordeaux; de la Société linnéenne de Normandie , industrielle de Mul- hausen, de pharmacie de Paris, polymatiqie du Morbihan, hygiénique et industrielle de Paris; des Sociétés d'agriculture et des sciences de Lille, de Clermont-Ferrand, de Seine-et- Oise, etc., re de la Glacière, près le boulev. Beauvoïsine. Poucuer, D.-M., Professeur de botanique, rze Beauvoï- sine, n° 200. Fôvrie, Médecin en chef de l’Asile des aliénés, rze de S'o- crale , n° 12, 35 (274) 1851. Mar, Docteur ès-lettres, officier de l'Université, Pro= fesseur de rhétorique au Collége royal, éoulevard Bou- vreuil, n° 6. Paumrer (L.-D.), Pasteur, Président du Consistoire de Rouen, rampe Bouvreuil, n° 16 bis, ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 1803. 1804. 1805. .… Le Colonel Vicomte TousTain DE RICHEBOURG , à St-Martin- du-Manoir, près Montivilliers. . Levavasseur le jeune, Officier d'artillerie. . Le Baron DesceneTTes (C. #), Médecin, membre de l’Aca- démie royale de médecine , à Paris, gzai Vollaire, n° x. versité, n° Gt. Le Chevalier Tessrer 2X , membre de l’Académie des sciences de l’Institut, de la Société centrale d'Agriculture , Inspec- teur général des Bergeries royales , à Paris, ve des Petits-Augustins , n° 26. GuEnsexT X, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, rue Gaïllon, n° 12. Lnosre , à Sartilly, près Avranches, départt de la Manche. Le Comte CHapTaz (G. 2), Pair de France , membre de l’Institut, à Paris, ve de Grenelle-S1-Germain, n° 88. Morzevauzr (C. L.), membre de l'Institut, à Issy, près Paris. L'Abbé pe La Rue, membre de l’Académie de Caen, cor- respondant de l’Institut, à Caen. Le Baron Cuvier (G. O. X), Conseiller d'Etat, membre de l'Institut, à Paris, au Jardin du or. Deccaxn (J.-V), D. M., Professeur d'histoire naturelle, à Rennes. Le Baron DEMADIÈRES ( Pierre-Prosper) X, à Paris, ve Notre-Dame-des-Victoires , 5° 4o. Boucxer , correspondant de l’Institut, Académie des sciences, Directeur des Douanes, à Abbeville. D . Monnet , ancien Inspecteur des Mines, à Paris, rue de l'Uni- 1806, 1808. 1809. 3810. x8ur. (275) Le Baron DE GErAxno (C. K), membre de l'Institut, à Paris, 2mpasse Férou, n° 7. Deragouisse , Homme de lettres, à Paris. Boïecnreu, Avocat, à Paris, Palars des Païrs. SERAIN, ancien Officier de santé, à Canon, près Crois- sanville. ( Calvados.) Lai ( Pierre-Aimé), Conseiller de Préfecture, Secrétaire de la Société royale d'Agriculture et de Commerce, etc., à Caen. Derancy K , à Paris, re Duphot, n° v4. Fraxcœur 2, Professeur à la Faculté des sciences, à Paris , rve du Cherche-Midi, no 25. Henvanpez, Professeur à l'Ecole. dé anédecine de la Ma- rine , etc., à Toulon. Lamoureux (Justin), à Bruxelles. : ‘ Rosnayx DE VILLERS , à Amiens. * Dusuissox (J.), D.-M., membre de plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, re Hautevrlle | n° 10, faubourg Poissonnière. Durois-Maisonneuve, Homme de: lettress à Paris, rue du . Pot-de-Fer-Süint-Sulpice ; n° 14. : in à Dexis ( Jean-Pierre Auguste ), D-M:Xà Argentan, dépar- tement de l'Orne. Le Baron DE Bonarnr-DumrsniL, aneien Officier de ca- rabiniers, au Mesnil-Lieubray, canton d’Argucil, arron- dissement de Neufchätel. Deranue , Pharmacien, secrétaire de la Société d'agricul- ture, médecine et arts, à Evreux. ‘ Le Comte Dônatien De Sesmatsons (C. Xt) » Pair de France, à Paris, rue de Vaugirard , m°°54. Saissy , Docteur-Médecin, à, Lyon. Barme, secrétaire de la Société de médecine ; à Lyon. Leroux des Trois-PrerRes , Propriétaire, aux Trois-Pierres près St- Romain-de-Colbosc. : L'Abbe Leprtoz , ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, à Paris. 1811. 1812. 1813. 1814. 1815. 1816. 1817. (276) De LaAPpoRTE-LALANNE 2, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, à Paris, av Carrousel. Le SauvacEe, D.-M., à Caen. LarIsse, D-M., à Paris, rue de Menars, n° 9. Hercort ( A.) 2, à Paris, rue d’Astorg , n° x3. BouzLax #, Pharmacien, à Paris, rue des L'ossés-Wont- martre , n° 17. BriQuer (B.-A.), ancien Professeur de Belles-Lettres, à Niort (Deux-Sèvres ). LAMANDÉ (Mandé-Corneille) #, Inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaussées, à Paris, rze du Hegard , n° x. Gous fils (E.), Statuaire, à Paris, au Palais des Arts. FLAUGERGUES, Astronome , correspondant de l'Institut , à Viviers ( Ardèche ). TaRBÉ prs Saërons (Sébastien-André) #, ancien Chef de division au Ministère du commerce, à Paris , rue du Grand- Chantier, n° 12. Pécueux (B.), Peiatre, à Paris, rue S-Florentin, n° 14. Massox DE Sarxr-Amanp #, ancien Préfet du département de l'Eure, à Paris, zue de Bellechasse, n° 15. Le Maréchal Comte Jourpax (G. C. #), Pair de France, rue de Bourbon, n° 52. PERCELAT, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, Inspecteur de l'Académie de Metz. Fagre (Jean-Antoine) , correspondant de l’Académie des sciences de l’Institut et de diverses Académies, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, à Brignoles (Var). Box (O. %#), Médecin en chef des Hospices, à Bourges. Lorseceur DesconGcHames (Jean-Louis-Auguste) #, D.-M., Membre honoraire de l’Académie royale de médecine, etc., à Pais, rue de Jouy, n° 8. Durrocuer (Réné-Joachim-Henri), D.-M., correspondant de l’Institut, Membre de l'Académie royale de médecine, etc., à Chareau, près Château-Renault (Indre-et-Loire ). Pain, maitre des conférences à l'Ecole normale, à Paris, rue Casselle, n° 15. “ pas ii tnt dr de (277) 1817. MÉRAT (François-Victor) #£, D.-M., membre de l’Aca- démie royale de médecine, etc., à Paris, rve des S'aints- Pères , n° 15 6. Hurrrez p’Argovaz, correspondant de plusieurs Sociétés savantes nationales et étrangères, Vétérinaire, à Montreuil sur-Mer ( Pas-de-Calais). ; Moreau DE JonnÈs (A.) #, Oflicier supérieur au Corps royal d'Etat-Major, membre du Conseil supérieur de santé, chargé au Ministère du commerce des travaux statistiques, correspondant de l'Académie des sciences de l'Institut, Chef de bataillon, à Paris, place Vendôme, n° 8. 1818. DE Gournayx, Avocat et Docteur-ès-lettres, à Caen (Cal- vados), re Gemare, n° 18. Parru, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées , à Caen. Borra, ancien Recteur de l'Académie de Rouen, Homme de lettres, à Paris, place S.-S'ulpice, n° 8. Le Comte pe Kercanou (O0. %), Pair de France, à Paris, rue du Pelit-Vaugirard, n° 5. Le Chevalier Aurssax De Cuazer ( O. X ), Homme de lettres, à Paris, rue de Clichy, n° 48. Le Marquis De Monrauzr #, à Nointot, près Bolbec; (à Rouen, rue d'Écosse, n° 10.) Le Marquis Eunes DE MiRvilLe, à Gommerville, près St- Romain. 1819. BoucHarLaT, membre de la Société philotechnique, à Paris, rue de Savoie, n° 9, près da quai de la Vallée. Le Baron Mazourr ( C. #), ancien Préfet de la Seine- Inférieure, Maitre des comptes, à Paris, rue Godot, n° 5. Dspauzts (Alexis-Joseph), Graveur de médailles, à Paris, rue Furstenberg, n° 8 ter. 1820. Garon, Receveur principal des Douanes, membre de plu- sieurs Sociélés savantes, à Abbeville (Somme). 1821. Benruren (P.) X#, Ingénieur en chef des Mines, Profes- seur de chimie à l'Ecole royale des Mines, membre de l'Institut, à Paris, rve d'Ænfer, n° 54. 182r. 1522. x824. 182), (278) L'Abbé JAMET (Pierre-François), Prètre, Supérieur de la Maison du Bon-Sauveur, Instituteur des sourds-muets, À Caen (Calvados ). Cuauery X, Inspecteur général honoraire des Ponts et Chaus- sées, à Oyré, près la Flèche (Sarthe). L'Abbé LABOUDERIE (Jean), Vicaire général d'Avignon, à Paris, cloître Notre-Dame , n° 20. Lemonnter ( Hippolste), Secrétaire-Bibliothécaire de l’Aca- démie royale de France, à Rome. Moréox (de) #, Ingénieur, à Paris, re Godot, n° 2. TuarÉBauT DE BERNEAUD , Secrétaire perpétuel de la Société linnéenne, à Paris, rve de Verneuil, n° 51. BeuGxoT (Arthur), Avocat, à Paris, rue du faubourg S.- Honoré, n° 119. Desrouer , D.-M., à Paris, rve Ste-Marguerite, n° 3/. SorcicorFre ( Louis Henri-Joseph) %, Directeur des Douanes , à S.-Malo (Ille-et-Vilaine ). Estanceztx, Membre de la Chambre des Dépntés, à Eu. FoxTanreR ( Pierre), Humme de lettres, Officier de l'Uni- versité, à St-Flour (Cantal). Marzer 2, Inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaus- sées, à Paris, ze du Regard, n° 14. Jourpan #, D.-M., à Paris, rze de Bourgogne, n° 4. Moxrazcox, D.-M., à Lyon. Bourçrois (Ches) %#, Peintre en portraits, à Paris, rve de l'Oratoire-du-Roule, n° 50. Janvier (Antide), Horloger ordinaire du Roi, à Paris, Pa- dais de l'Institut. DELAQUESNERIE, correspondant des Sociétés d'émulation et d'agriculture de Rouen, de la Société centrale d’agriculture de Paris, etc, à St-André-sur-Cailly. Descuamps, Bibliothécaire-Archiviste des Conseils de guerre , à Paris, re du Cherche-Midi, n° 39. SaLGues, D.-M., à Dijon (Côte-d'Or). Le Baron BourrexGer (O. #), ancien Procureur général à la Cour royale de Rouen. 1825. 1820. 1827. C279 ) Prec X , Juge de paix, au Havre. D’ANGLEMONT ( Edouard), à Paris, rue de Savoie , n° 214, DesmaresT, Professeur à l'Ecole royale vétérinaire d’Alfort, correspondant de l'Institut, à Paris, rue S.—Jacques, n° 161. Bexoisr, Lieutenant au corps royal d'État-Major, Chef d'es- cadron, à Paris, rue S'aint-Dominique, n° 23. Juzra-FonTENELLE, D.-M., Chimiste, à Paris, rue de l'École-de-Médecine, n° 12. Civiae #, D.-M., à Paris, ve Godot-de-Mauroy, n° 30. FERET ainé, Antiquaire, à Dieppe. Paye #, Manufacturier, à Paris, rue des Jeüneurs , n° 4. Le Comte BLANCHARD DE LA Musse, ancien Conseiller au Parlement de Bretagne, Homme de lettres, à Montfort- sur-Meu (Ille-et-Villaine ). Moreau (César) , Fondateur de la Société française de statistique universelle et de l’Académie de l'industrie, etc., à Paris, place Vendôme , n° 24. Moxrémont (Albert), Homme de lettres, à Paris, rue du Four-S.-Germain, n° 13. LapEvÈzE, D.-M., à Bordeaux. Savix, D.-M., à Montmorillon (Vienne). LevormaxD , Professeur de technologie, à Paris, ve Percée- S.—-André, n° 11. Boïecoreu 2, membre de l'Institut, à Paris, éou/evart Montmartre, n° 10. Bençasse X, Procureur général, à Montpellier (Hérault ). Germaix (Thomas-Guillanme-Benjamin), correspondant de la Société des pharmaciens de Paris et de la Société royale de médecine, Pharmacien, à Fécamp. Huco (Victor), Homme de lettres, à Paris, rue Jean- Goujon, n° 9. DE Bzossevicce (Ernest), Conseiller de préfecture, à Ver- sailles ( Seine-et-Oise ). De BLossevizce (Jules), à Paris, rue de Hichelieu. DssmaziÈnes (Jean-Baptiste-Heuri-Joseph), Naturaliste, à 1828. 1829. ( 280 }) Lambersart, près Lille: chez M. Maqnet, propriétaire , ruà de l'Hôpital-Militaire, n° 110, à Lille (Nord). Maro (Charles), Homme de lettres, à Paris, ve Dauphine, no 335. Le Baron C. A. pe Vaxssay (C. X), ancien Préfet de la Seine-Inférieure , à la Barre, près Saint-Calais (Sarthe ). Cour, Peintre, à Paris, rve des Beaux-Arts, n° à. Virex (J-3.), Docteur-Médecin, à Paris, rve Soufflot, n° 1. Boxrics (Joseph-Francois) fils aîné, Docteur-Médecin, Pro- fesseur à l'Ecole secondaire de médecine de Nancy, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Nancy (Meurthe ). Marccer-Lacosre ( Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté des lettres de Caen. Laurar», Membre de l’Académie, à Marseille (Bonches-du- Rhône). Dupras, Homme de lettres, à Paris. SPENCER Smirx (Jean), membre de l'Université d'Oxford, de la Société royale de Londres, de la Société des Anti- quaires de Londres, de la Société pour l’encouragement des arts, etc., de Londres, et de plusieurs Sociétés savantes, à Caen, 7ve des Chänoïnes. Le Baron pe MorTEMART-Borsse 2, Membre de la Société royale et centrale d'agriculture, ete , à Paris, rve Jean- Goujon, n° 9. Morix ( Pierre -Etienne }, Ingénieur des Ponts et Chaussées, à St-Brieux ( Côtes-du-Nord ). CoTTEREAU (Pierre-Louis), D.-M., Professeur agrégé de la Faculté de médecine de Paris, médecin du Bureau de charité du 5e arrondissement et du 2e dispensaire de la So- ciété philantropique, à Paris, rve du Petit-Carreau, n° 19. Fée, Chimiste, Pharmacien en chef de l'hôpital militaire , à Lille (Nord). Portez , D.-M., à Evreux (Eure ). GurninGuer (Ulric) , Homme de lettres, à Paris ; (à Rouen, rue de Fontenelle, no 35). + AE 1829. 2830. 1831. ( 28r ) Cazaus , Professeur de physique au Collége royal de Bour- bon, à Paris, rue des Grands-Auguslins, n° 22. ScHwiLGué , Ingénieur des Ponts et Chaussées , au Havre. ALAVOINE (Jean-Antoine) #, Architecte, chargé des tra vaux de la flèche de la Cathédrale de Rouen , à Paris, rve Neuve-des-Bons-Enfants, n° 25. Péerx, Homme de lettres, à Metz (Moselle ). BerGer DE XIVREY (Jules), Homme de lettres , à Paris, 7ve du Guay-Trouir, près le Luxembourg, n° 3. Le chevalier CHaponnter ,D.-M. , à Paris, rve de Cléry, n° 16. Passx (A.), Préfet de l'Eure, à Evreux. Soxer-VViieMET (Hubert-Felix), Botaniste, membre de plusieurs Sociétés savantes, Bibliothécaire de la ville, à Nancy (Meurthe ). LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme ). RrrauD, Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rve de la Rochefoucault, no 5. Banré De JALLAIS, ancien Admioïstrateur, Homme de lettres, à Chartres, pavé de Bonneval (Maine-et-Loire ). Housc (Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes, Pré- sident du Tribunal civil, à Louviers (Eure ). Le Comte ne Murar (C. K), ancien Préfet de la Seine- Inférieure, à Euval, près Vayre (Puy-de-Dôme), ou à Paris, rve S'aint-Honoré , n° 345. Le Comte DE Rivaup LA RAFFINIÈRE (G O. 2K), Lieute- nant-Général, à la Raflinière, près Civray (Vienne); (à Rouen, 7e Porte-aux-Rats, n° 13, chez Mme de Bra- quemont ). Lerrcceuz DES GuERROTS, chevr de l’Eperon d'or de Rome, aux Guerrots, commune d'Heugleville-sur-Scie, par Bel- lemare, arrond. de Dieppe. Le Terrier 2, Inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaus- sées , à Paris, quai d'Orsay, n° x. BoucHer DE PerTnes , Présideut de la Société royale d'Ab- beville ( Sorame ). 36 ( 282 ) CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 1803. Demorr, Directeur de la Chambre des finances , et corres- pondant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg. Le Comte DEBrAY , Ministre et Ambassadeur de S. M. le Roi de Bavière , à Vienne. Gerrroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow. ExcGgcsrorr , Docteur en philosophie , Professeur adjoint d'Histoire à l'Université de Copenhague. John SinccAR, Président du Bureau d'agriculture , à Edimbourg. 1812. Vocez , Professeur de chimie à l’Académie de Munich, 1816. Campgetz, Professeur de poésie à l'Institution royale de Londres. 1817. Le Chevalier DE KikckworF, Médecin militaire, à Anvers. 1818. Dawson Turner , Botaniste, à Londres. Le R. Th. Froënazc Diepin , Antiquaire , à Londres. 1821. VÈNE XK, Capitaine de génie, au Sénégal. 1823. CHAUMETTE DES Fossés, Consul général de France , à Lima. 1825. Le Comte ViINCENZO DE ABBATE, Antiquaire , à Alba. 1827. Deruc, Professeur de Géologie, à Genève. 1828. Brunez 2XK, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre de la Société royale de Londres, à Londres. 1830. Le Chevalier RAFN (Gratien), Professeur, Secrélaire de la Société royale des antiquaires du Nord, à Copenhague, re du Prince-Royal, n° 40. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES, Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où elles sont établies. Abbeville. Société royale d'Emulation (Somme ). Air. Société académique (Bouches-du-Rhône ). Amiens. Académie des Sciences (Somme ). ( 283 ) Besançon. Académie des Sciences , Belles-Lettres et Arts (Doubs ). —— Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. Bordeaux. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Gi- ronde ). — Société royale de médecine. Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture, du Commerce et des Arts (Pas-de-Calais). Caen. Académie royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Cal- vados ). — Société royale d'Agriculture et de Commerce. —— Société des Antiquaires de la Normandie. Cambrai. Société d'Emulation (Nord ). Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne. Chäteauroux. Société d'Agriculture du département de l'Indre. Cherbourg. Société d'Agriculture , Sciences et Arts (Manche ). Dieppe. Société archéologique. Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles - Lettres (Côte- d'Or). Douai. Société royale et centrale d'Agriculture , Sciences et Arts du département du Nord. Draguignan. Société d'Agriculture et de Commerce du département du Var. Evreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. Limoges. Société royale d'Agriculture, des Sciences et des Arts (Haute-Vienne). Lons-le-S aulnier. Société d'Émulation du Jura. Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhène). — Société de Médecine. Marseille. Académie des Sciences , etc. ( Bouches-du-Rhône ). Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d'Agricul- ture ( Moselle ). Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du département du Tarn-et-Garonne. ( 284 ) Mulhausen. Société industrielle. Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ). Wantes. Société académique des Sciences et des Arts du départe- ment de la Loire-Inférieure. Nimes. Académie royale du Gard. Niort. Athénée; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- tement des Deux-Sèvres. Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). Paris. Athénée royal, rue de Valois, n° 2. — Institut de France , au Paluis des Quatre-Nations. Acadé- mie des Sciences et Académie Française — Société d'Economie domestique et industrielle, rve Ta- ranne, n° 12. — Société de Géographie, passage Dauphine. — Société de la Morale chrétienne, rve T'aranne, n° 12. — Société de Pharmacie, ve de l’Arbalète, n° 13. — Société des Sciences physiques. — Société Linnéenne, rue de Verneuil, n° 51, faubourg St- Germain. — Société médicale d'Emulation, à /a Faculté de Médecine — Société royale et centrale d'Agriculture, à /’Hôlel-de-Ville. — Société d’'Horticulture, re T'aranne, n° x2. — Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale, 72e du Bac, n° 42. Poitiers. Société académique d'Agriculture , Belles-Lettres, Sciences et Arts ( Vienne). Le Puy. Société d'Agriculture , Sciences, Arts et Commerce ( Haute- Loire ). Rennes. Académie des Sciences, etc. (Ille-et-Vilaine ). fiouer. Société centrale d'Agriculture du département de la Seine- Inférieure® — Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, Lettres et Arts. —— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de l'Industrie. — Société de Médecine, ( 285 ) — Société des Pharmaciens. —— Société pour l’encouragement de lInstruction élémentaire par l’enseignement mutuel, dans le département de la Seine-Inférieure. Saint-Etienne (Loire). Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Commerce. Saint-Quentin. Société des Sciences, Arts, Belles-Lettres et Agriculture (Aisne ). S/rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- ment du Bas-Rhin. Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- ment de Seine-et- Gise. SOCIÉTÉS ETRANGERES. Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. Liége. Société libre d'Emulation et d'Encouragement pour les Sciences et les Arts. Londres. Société des Antiquaires de Londres. ( 287 ) TABLE MÉTHODIQUE, COMPRENANT , OUTRE LES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME, La mention de tous les ouvrages reçus par l'Aca- démie, ou dont les rapports ont été faits pen- dant l'annee académique 1830—1831x. Discours d'ouverture de la Séance publique, par A. le doc- teur Blanche , président , pag. x CLASSE DES SCIENCES. RAPPORT fait par M. des Alleurs, D,-M., secrétaire per- peéluel , 7 are Section. — PHYSIQUE, MATHÉMATIQUES ET ARTS MÉCANIQUES. Correspondance météorologique (4° memoire | déjà mentionné dans le volume précédent), par M. Morin, ingénieur des ponts et chaussées. — Rapporteur, M. Girardin, 8 Notice sur une distribution genérale d'eau à domicile dans Paris, par M. Mallet, inspecteur des ponts et chaussées. — À. M. Lévy, \ 9 Pont de suspension qui doit étre élevé sur l'Avon, près de ( 288 ) Clifion, en Angleterre, d'après les plans de M. Brunel fils, 11 2° Sections — CHINE. Thèses de M. Polydore Boullay , de Paris , intitulées, l’une de l'Ulmine et de l’Acide azulmique , l’autre Dissertation sur le volume des Atomes dans les combinaisous chimiques (mentionnées dans Le Précis précédent ). — R. M. Gi- rardin , 13 Expériences sur les moyens de conserver le lait sous diverses formes et pour divers usages, faites par M. Girardin, d'après celles de M. Braconnot , de Nancy, 1b. Cristallisations , produits de végétaux rares et peu connus , présentées par M. Girardin , 14 Notice sur une cendre colorée très alcaline, par M. Dubuc, ib. Tmprimée en entier p. 4x1. Mémoire sur la falsification de la garance, par M. Dubuc , b. Imprimé en entier p. 46. Note sur la composition de l’alliage qui forme la cloche d’ar- gent renfermée dans le Beffroy de Rouen, par M. J. Girardin , ib. Imprimée en entier p. 50. 3e Section. — ARTS INDUSTRIELS , COMMERCE. Réflexions de M. Le Prevost, D. M., sur les charrois dans les grandes exploitations , les brevets d'invention , et l'em- ploi du chlore liquide ou gazeux dans les affections de la poitrine , 15 Réflexions de M. Pimont sur la fabrication des chaux hy- drauliques et sur les brevets d'invention , 16 Mémoire sur les proprièlés tinctoriales et autres du Phyto- lacca decandra de Linné, par M. Dubuc, 17 Imprimé en entier p. 57. (289) Mémoire sur la navigation de la Seine entre le Havre , Rouen et Paris, par M. Lepasquier , 17 Imprimé en entier p. 82. 4° Section. — HISTOIRE NATURELLE. Notice sur le puceron lanigère, par M. Houtou-Labitlar- . dière (VW. note 2, p. 21. ), 18 Tmprimée en entier p. 89. Fragment de pierre calcaire détaché de la côte Saïnte-Cathe- rine, et contenant les osselets pétrifiés de la patte d’un ichtyosaure présenté par M. A. Le Prevost , 1b. Dépôt au cabinet d'histoire naturelle de Rouen des échan- tillons minéralogiques et géologiques de M. Passy , 19 CV. 8e section, STATISTIQUE, p. 291.) Recherches sur les plantes cryptogames du nord de la France , par M. Desmazières , de Lille (x), ib. Note sur un fragment de branche d'arbre , dont le centre pré- sente quatre empreintes symétriques , par M. Dubreuil , 20 Imprimée en entier p. 92. 5° Section. — AGRICULTURE , SCIENCES ÉCONOMIQUES. Divers rapports de MM. Meaume , Prevost ( pépinieriste ), Leprevost ( vétérinaire ) et Pimont , sur des ouvrages d’agri- culture , 21 Rapport sur l'ouvrage de M. Gasparin , intitulé : Guide des propriétaires de domaines ruraux affermés, par M. Dubuc, et vues de ce dernier sur l'établissement d'une ferme expérimentale en Normandie , 22 (1) Monographie du genre næmaspora des auteurs modernes, et du genre libertella, etc. ; Observations microscopiques sur le blanc du rôsier, etc.; Observations cryplogamiques et zoologiques, etc. — 1831. 37 ( 290 ) Rapport de M. Duputel Sur trois ‘cahiers de la Societé centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure , 23 Mémoire sur les abeilles, par M. Lemarchand de la Faverie. — R. M. l'abbé Gossier , 24 Remarques diététiques sur la pomme de terre et le régime vé- gétal , par M. l'abbé Gossier , 25 Ge Section. — MÉDECINE , CHIRURGIE ,; PHYSIOLOGIE. Fragment d’une histoire philosophique de la médecine ; par M. de Parchappe, D. M. — R MM. Hellis, Vigné et Godefroy , 28 Essai sur la pneumonie aiguë , thèse par M. Duhamel , D.-M. — R. M. Godefroy , 29 Compte rendu par M. Bonfits fils aîné, D.-M., à Nancy , d’une opération de staphyloraphie modifiée { V.. le vol. de 1830, p.29.) — R. M. Vingtrinier , 30 Le Mémoire de M. Bonfils est imprimé en entier, p. 95, éf Le Rapport de M. Vingtrinier se trouve à la suite, p. 104. Mémoire sur les malades militaires traités à l'Hôtel-Dieu de Rouen , en 1830 , par M. Hellis, 35 Imprimé en entier p. 120. Notice sur une maladie éruptive peu connue, par M. Le Prevost, 1b. Imprimée en entier p. 107. Essai sur l’ame , par M. 'igné, ib. Imprimé en entier, p. 113. 7° Section. — MÉLANGES. Rapport de M. Dubuc sur le Précis de l Académie d'Or- léans, et de M. A. Le Prevost sur le Recueil de l'Aca- démie de Dijon , 32 Indication des sujets de divers rapports ajournés à l’année prochaine : Prospectus d'une école théorique et pratique d’horlogerie à Mâcon; Expériences faites avec la semence € 294 ) de moutarde blanche, par MI. Henri fils et Garvt ; Manuel de l'horloger et Manuel du fabricant d'étoffes im- primées et de papiers peints, par M. Lenormand ; Résumé d'ichtyologie , par M. Ajasson de Grandsagagne ; Du tem- pérament de la femme ; thèse par M. Navet ; Mémoire sur l'emploi du sang sèché comme engrais, par M. Ch. Derosne ; Mémoire sur le choléra-morbus pestilentiel de Russie, et Histoire physique des Antilles françaises , par M. Moreau de Jonnès , 33 Journal de l’Académie de l'industrie, fondé par M. César Moreau , ib. Liste générale des médecins, chirurgiens , etc. , du départe- ment de la Seine-Inferieure , 34 Recherches sur les substances organiques azotées dites neu- tres, par MM. Plisson et Henri fils , ib. Traitement des scrophules , nouvelle édition ; par M. Cha- ponnier, 1b. 8° Section. — STATISTIQUE. Plan d'une statistique générale du departement de la Seine- Inférieure, présenté à M. le préfet (x) par l’Académie royale de Rouen , 34. (V. Ze volume précédent, p. 35.) Géologie de la Seine-Inférieure , par M. A. Passy. Ouvrage que l’Académie a couronné en 1829, et dont elle a or- donné l'impression , qui touche à sa fin (2), 19, 34, 37 Prospectus de la Société française de statistique universelle ; et prospectus de divers ouvrages statistiques , par M. César Moreau. Plan manuscrit de statistiqne, par M. Isidore Simard. (1) I l'a été en effet, peu de jours après la Séance publique. (2) Un beau volume in-4o, avec atlas et carte. Se trouve, à Rouen, chez Nicétas Periaux, éditeur; à Paris, chez Lance, libraire, rue Croix-des-Petits-Champs, n° 50, (292 ) PRIX PROPOSÉS POUR 1832. Pour la classe des sciences , 39 Pour la classe des lettres , 158 MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. ( V.p, 297). Notice sur une cendrille riche en salin , par M. Dubuc ( V. P. 14. ); 41 Notice sur la garance , par M. Dubuc (F.p. 14.), 46 Note sur la composition de l’alliuge qui forme la cloche d’ar- gent , par M. J. Girardin (V. p. 14.), 5o Mémoire sur le phytolacca decandra , par M. Dubuc (F. P-17); 57 Réflexions sur la navigation de la Seine, entre Paris et Rouen, par M. Lepasquier ( V.p. 17.), 82 Notice sur le puceron lanigère, par M. Houtou-Labillar- dière ( V. p.18 et21, note 2.), 89 Notice sur quelques échantillons de bois, par M. Dubreuil CMP pr20:)6 92 Mémoire adressé à l'Académie , par M. Bonfils, médecin à Nancy , sous le titre de Staphylodémie, etc. ( 7. P-50°); 95 Rapport sur ce mémoire , 104 Notice sur une maladie éruptive peu connue, par M. Le Prevost , D.-M. (V.p.31.), 107 Essai sur l'ame , par M. Vigne, D.-M.(V.p. 31.), 113 Rapport sur les malades militaires , traités à l’'Hétel-Dieu de Rouen , en 1830 , par M. Hellis (V. p. 31.), 120 ( 293 ) CLASSE DES BELLES-LETTRS ET ARTS. Rapport fait par M. N, Bignon , secrétaire perpétuel, v41 1e Section. — GRAMMAIRE. . Tableau des principes de la grammuire française, par M. 4.6. Ballin , 1°% et 2° édit. ( La °°° édit. a paru en 1798, sous de titre de Resumé general, etc., imprimé sur une seule Jeuille de grand-raisin. ), 146 Trésor de la langue grecque d'Henri Estienne ; prospectus d'une nouvelle édition publiée par MM. Hase , de Sinner et Fix , 149 Mémoire sur cette entreprise, par M. Berger de Xivrey. — R. M. Floquet, 1b. Imprimé en entier p. 243. Dissertations sur le participe eu, suivi d'un anfinitif, par MM. l'abbé Gossier et le baron Adam , 152 2® Section. — FLOQUENCE. Discours prononcé par M. Juste Houel, lors de son ins- tallation , comme président du tribunal civil de Louviers , le 27 novembre 1830 , 149 Discours sur les rapports entre la religion et les sciences , par M. L. D. Paumier, pasteur, 197 Imprimé en entier p.219 Réflexions sur le tableau demande par l Académie à M. Court, par M. Hellis, (médaille décernée à cet artiste. ) 157 Imprimées en entier, p. 159. 3° Section. = POËsIE. Le Génie, le Combat des Trente, l'Épée et le Cavalier, la Mort de Landaiïs et la Mort de Gilles de Bretagne , par C 294 ) M. Edmond du Petit Bois. — R. MM. Duputel ( rappor- teur), Adam et Vingtrinier , 144 Le banquet d'Esther, fragment de poème , par M. Chartes. Malo. — R. M. Deville , 147 Chants armoricains ou souvenirs de Basse - Bretagne ; par M. Boucher de Perthes. — R. M. Magnier , 1b. Romances , ballades et légendes , par le méme. — R. MM. Deville (rapporteur), Licquet et l'abbé Gossier , ib. La Nymphe de la Vistule aux Français, dithyrambe , par M. Albert Montémont , 150 Longi Pastoralia, edition complète, publiée par MM. P. L. Courier et Louis de Sinner, (V.p. 260.) 149 Quatre pièces de vers latins , grecs et allemands à la louange de M. Louis de Sinner , 1b. Les deux Livres , fable, par M. Duputel, 155 4° Section. — CRITIQUE LITTÉRAIRE. Analyse critique et littéraire de ’Enéïde, par M. L. Magnier. — R. M. Licquet , 151 Classiques latins ( 24 vol.), publiés par M. N. E. Lemaire, Discours sur la cause du peu de popularité de notre poesie , par M. Magnier , 1b. Imprimé en entier p. 198. 5° Section. — LÉGISLATION. Pétition présentée aux Chambres , relativement à l'application de la peine de mort , par M. Tougard. Rapport sur la demande de la reconnaissance légale de la Société libre d’émulation de Rouen | par M. Tougard. Opinion de M. Cristophe (x) , vigneron , sur les prohibitions et la liberté du commerce, par M. Boucher de Perthes. — {1) L'auteur écrit ainsi, ( 295 ) R. MM. Deville (rapporteur), Licquet et l'abbé Gos- sier , 146 Vœux adresses au futur congrès, et avis préliminaire , etc. , par M. J.-J. de Sellon. — R. M. Delaquerière , 143 6° Section. — HIsroirE. ‘ Apologie pour Henri VIII , roi d’ Angleterre , par M. Spencer Smitt. = R. M. Lévy, 148 Histoire des colonies pénales de l’ Angleterre dans l’Austra- lie, par M. Ernest de Blosseville. — R. M. Duputel, 150 Essai historique , géographique et statistique sur le royaume des Pays-Bas, par MM. Balbi et de la Roquette. — R. M. Ballin, 146 Mémoire sur la portion de territoire concédée à Rollon par le traité de Saint-Clair-sur-Epte , par M. Deville, 353 Déclaration de M. Th. Licquet à ce sujet , 154 Recherches sur l'ancien pont de Rouen , par M. Deville, 154 Imprimées en entier p. 166. Lettre à M. Alavoine, sur l’ancienne flèche de la cathédrale de Rouen, par M. Deville, 155 Imprimée en enfier, p. 174. 7° Section. — ARCHÉOLOGIE, Cours d'’antiquités monumentales ; €. x, 1°® partie. — Ëre celtique , par M. de Caumont. — R. M. Deville, 145 Notice sur la découverte des restes d'une habitation romaine dans la Mielle de Cherbourg, par M. Auguste Asselin. — R. M. Delaquérière. Recherches sur le cuir doré , anciennement appele or basané , par M. Delaquérière. Mélanges d’archeologie , etc., prospectus, par M. Séë. Bottin. ( 296 ) 8° Section. — GÉOGRAPHIE. Géographie de Ptolémée d'Alexandrie, par N. D. Manos , nouvelle édition , prospectus , 149 9° Section. — BIOGRAPHIE, Biographie d'Abbeville et de ses environs, par M. F. C. Louandre. — R. M. Licquet. 10° Section. — BIBLIOGRAPHIE. Catalogue de la bibliothèque de la ville de Rouen , 1. 1°; Belles-Lettres , par M. Théod. Licquet. Catalogue des livres doubles de la bibliothèque de la ville de Lyon. Paquet de cartes pour servir de catalogue au Précis analy- tique des travaux de l'Académie, vol. de 1830 , par M. Periaux , père, 150 Notice bibliographique sur la tragédie de Tyr et Sidon, de Daniel Danchères , par M. Duputel , 155 sa Section. — MÉLANGES. Examen de la doctrine des écritures touchant la personne de Jésus-Christ, etc., par M. De Luc. Discours prononcé au mariage de M. le vicomte Portalis. — Article Schisme , extrait de l'Encyclopédie moderne. — Lettre à M. le curé de... — Gloria in excelsis Deo. — De la béatification et de la canonisation.— Préface... Six Opuscules , par M. l'abbé Labouderie. — R. M. l'abbé Gossier , 147 Méditation sur les cimetières, par M. le baron de Bonardi, 49 Rapport de M. Ballin sur les archives , 150 Buste en plâtre de M. Brunel, donné par M, l'abbé Gos- sier , 1b, (297 ) MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES (V. p, 292). Réflexions sur le tableau demandé par l’Académie à M. Court, par M. Hellis (V. p.157), 159 Recherches sur l'ancien pont de Rouen, par M. Deville (CF. p.154), 166 Lettre adressée à M. Alavoine , architecte de la nouvelle flèche en fonte de fer de la cathédrale de Rouen , sur la flèche de Robert Becquet, par M. À. Deville (V. p. 155), 174 Sur la cause du peu de popularité de notre poésie ; discours de réception de M. Magnier (V. p.151), 196 Réponse de M. le Président , 211 Notice bibliographique sur la tragédie de Tyr et Sidon, par M. Duputel (V. p. 155), 212 Sur les rapports entre la religion et les sciences, et Les services mutuels qu elles se sont rendus; discours de réceplion de M. L.-D. Paumier , pasteur (V.p. 153), 219 Réponse de M. le Président, 241 Memoire adrèssé à l’Academie sur la nouvelle édition du Trésor de la Langue grecque de Henri Estienne, que publie en ce moment M. Firmin Didot; par M. Berger de Xivrey (V. p. 149), 243 Tableau de l’Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen , pour l’année 1831—1832, 267 38 ( 298 ) OUVRAGES ENVOYÉS PAR DES SOCIÉTÉS SAVANTES, ET OUVRAGES PÉRIODIQUES, Classés suivant l'ordre ulphabétique du nom de la Ville où ils sont publies. Besançon. Académie des sciences , belles- lettres et arts, Séance publique de 1830. — R. M. Blanche. — Plusieurs anciens cahiers pour compléter, en partie, la collection de l'Académie. — La Société d'agriculture et arts du départe- ment du Doubs a aussi fait un semblable envor. Bordeaux. Académie des sciences, belles-lettres et arts, Programme. Boulogne-sur-Mer. Société d'agriculture. Procès-verbal de la Séance publique de 1830. — R. M. Licquet. Caen. Revue normande , publiée sous la direction de M. de Caumont ; 1° vol., 1'° et 2° partie, 1830 et 1831. — R. M. Auguste Le Prevost, 145 — Société royale d'agriculture et de commerce. Plusieurs volumes et brochures pour compléter la collection de l'Academie. (299 ) Châlons - sur - Marne. Société d'agriculture , commerce, sciences et arts du département de la Marne. Programme. — Séance publique de 1830. — R. M, Dubuc. Douai. Societé royale et centrale d'agriculture, sciences et arts du département du Nord. Deux anciens cahiers pour completer la collection de L Académie. Draguignan. Societé d'agriculture et du commerce du dépar- ‘ tement du Var. Bulletin n° 34, 12° année , 1831. Evreux. Societé d'agriculture , sciences , arts et helles-lettres du département de l'Eure. Recueil n° 4, 1830; n% 5 et 6, 1831. — R. MM. Floquet et Houtou-Labillardière. — Plusieurs volumes d'anciennes publications qui man- quaient aux archives de l Académie. Lille. Societé royale et centrale d'agriculture , sciences et arts du département du Nord. Mémoires de 1829 et 1830. — R. M. Girardin. Limoges. Société royale d'agriculture , sciences et arts. Bulle- tins n® 3 et 4, t. 9. — R. M. Delaguérière. Montauban. Société des sciences , agriculture et belles-lettres du departement de Tarn-et-Garonne. Recueil agronomique, ni graoanles à +: sr Son zx 23, 446, 1.12, 1831. — R. MM. Pimont, Leprevost ( trésorier ) et Deville. « ” Mulhausen. Societé industrielle. Programme des prix propo- sés. — Prospectus de la statistique générale du département du Haut-Rhin. Nantes. Société académique. Annales, 4°, 5° et G° livr. di 1 vol. — R. MM. Girardin et Duputel. Orléans. Société royale des sciences, belles-lettres et arts. Annales , t. xx, n° x et 2 ( avec 5 lithographies), 1830. — À. MM. Dubuc et Floquet. Paris. Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Trois cahiers de programmes des prix proposés le 29 de- cembre 1830. — R. M. Lévy. — Sociélé royale et centrale d'agriculture. Mémoires de l'an- ( 300 ) née 1828,t.1et2. — R. M. Dubuc. — Rapport sur le concours ouvert pour le percement des puits forés, fait à la même Societé par M. le vicomte de Thury. — R. M. Dubuc. — Société de géographie. Bulletins n° 93 à 97 dut. 15, 1831. — À. MM. Lévy, Du KRouzeau et Magnier. — Académie de l'industrie agricole , manufacturière et com- merciale, fondée par M. César Moreau. Circulaire et jour- nal, n° 1 à 8. Poitiers. Societé d'agriculture , belles- lettres , sciences et arts. Bulletins n°% 29 et 30 de la x'° partie; 5 et 6 de la 2°, 1830. — R. M. Dubreuil. Rouen. Société centrale d'agriculture du département de la Seine-Inférieure. Cahiers 37, 38 et 39, 1830. — R. MM. Duputel et Meaume. — Plusieurs anciens cahiers pour compléter la collection de l’Académie. — Societé libre d’émulation. Séance publique du 6 juin 1830. — À. M. Foville. — Plusieurs anciens cahiers pour com- pléter la collection de l Académie. — Société pour l’encouragement de l'instruction élémentaire par l’enseignement mutuel, dans le département de la Seine-Inférieure. Distribution des prix , le 24 août 1830. Saint-Etienne (Loire). Société d’agriculture, sciences , arts et commerce. Bulletin industriel, t. 8, 6°, 7°, 8e etvgt Lw., 183054 9, 2°. et3% Go. x03r. — R. MM. Pimont et Auguste Le Prevost. Saint-Quentin. Société des sciences, arts, belles-lettres et agriculture. Séances publiques des 21 décembre 1826, 3 jan- vier 1828 et 16 juillet 1829.— R. M. Pimont. — Plu- sieurs anciens cahiers pour complcter la collection de l’Aca- demie. Tours. Societé d'agriculture , de sciences, d'arts et de belles- lettres du département d’'Indre-et-Loire. Annales d’agri- culture, t.10,n%4et5, 1830;t.11,n% 1,2, 3,4 et 5, 1831, — R. MM. Dubuc et Leprevost (trésorier ), me or am re ( 301 ) Versailles. Société d'agriculture et des arts de Seine-et- Oise. Mémoires, 30° et 31° année. — R. M. Leprevost (trésorier). — Plusieurs anciens cahiers pour compléter la collection de l’Académie. PAys ÉTRANGERS. Copenhague. Société des antiquaires du Nord. Extrait de ‘ son règlement. Fix DE LA TABLE. Omission dans la Liste des Sociétés correspondantes. Le Mans. Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts, AVIS AU RELIEUR. ee Les Planches doivent être placées dans l'ordre suivant : Cloche du Beffroi de Rouen, ...........er regard de la page 51 Troncons de Marronnier, etc.,........... sootbtée roses. 0 Tableau de M: Court, .............. PC CNADE ere X00 P. 33, ligne 17, 35, 14; 753 110 106, Gi 109, dernière, 159, à partir de la ligne 14, &l faut Lire : I] a dignement répondu à votre appel, et vous avez pu vous convaincre à loisir du charme et de l'éclat qu'il a su répandre sur une composition qui en paraissait si peu susceptible. Lorsqu'on songe au lieu de la scène qui lui était imposée , aux difficultés qui naissaient, et de la forme du costume et ERRAT A. au lieu de ictiologie, Lisez : ichtyologie: après terre, aj. : natale. au Lieu de la lavande, Lisez : la vaude. au lieu de quelque soit, lisez : quel que soit. au lieu de où il vivait, Lisez : où ils vivaient, de la vérité obligée des personnages, on fieut s'étonner, etc. REP F k * L : « en! , : : «“ ' Ê Fake 1 Re Û LA AAAAAA AA AA AA APpADA AA "OAADR Ax° a A: # A°ÉEAR AA AANAADO + An AN DA AA A sR NE AA aÂa:8.