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ROUEN, IMPRIMÉ CHEZ ALFRED PÉRON, RUE DE LA VICOMTE, 55. 1847. AAUJOA » | | LE MA ee fun ARTE 4 ve DL AU RUES LS ‘= È PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE Des Sciences, Belles-Lettres et Arts DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1847. Se DISCOURS D'OUVERTURE De La Séance publique du 9 Aoùt 1847, Prononcé par M. l'Abbé PICARD, Président. MESSIEURS , Lorsque de vieux et solides amis voient arriver le mo- ment qui, ne fûüt-ce que pour un temps, doit les sépa- rer les uns des autres, un sentiment impérieux s'empare de leurs ames et semble en bannir toute autre pensée. Ramassant, comme en un faisceau , tous les souvenirs qui se rattachent à leur longue et cordiale intimité, en même temps qu'ils en savourent les douceurs avec plus de délices que jamais , il leur semble que tout cela va leur manquer { 3 ACADÉMIE DE ROUEN. à la fois, et le vide qui s'ouvre devant eux, ils ne l'envi- sagent qu'avec une sorte d’effroi, une indéfinissable préoc- cupation. Aujourd'hui, Messieurs , j'éprouve quelque chose de semblable au milieu de vous. Cette réunion plus solennelle que toutes les autres, et que viennent honorer de leur présence les hommes éminents de la cité, c’est aussi la dernière des séances que nous aurons tenues cette année. Pendant plusieurs mois , il ne sera plus donné aux mem- bres de cette Académie de se réunir régulièrement à des Jours marqués, de mettre en commun le fruit de leurs tra- vaux et de leurs recherches, d'échanger entre eux ces témoignages de confiance, d'affection , de cordialité qui répandent un charme si puissant sur leurs réunions scienti- fiques et littéraires. Plus que tout autre , Messieurs , je dois ressentir cette privation, parce que personne plus que moi n'avait à profiter de cet utile et agréable commerce. Vous ne serez donc pas surpris que, tout entier à cette pensée, dans le peu de mots que je dois vous adresser aujourd'hui selon l'usage, je m'attache tout particulière- ment à retracer les caractères, à faire ressortir les avanta- ges de l'amitié littéraire et intellectuelle. J'ai dù, Messieurs, ne pas entreprendre un sujet plus vaste et plus relevé. II y aurait présomption de ma part à affecter le langage de l'érudition et de la science. Il me convient tout au plus de parler celui du cœur. Ses exigences sont moins sévères et ce sera pour moi un moyen de plus de me concilier votre indulgence. De tout temps, on a cherché à pénétrer les mystères de l'amitié. C'est un sentiment si doux pour chacun en parti culer, si précieux pour la Société tout entière, que les esprits profonds et méditatifs n’ont pu manquer d'en faire l'objet de leurs réflexions et de leurs recherches. Tout le DISCOURS D'OUVERTURE. 5 monde connait la haute idée qu'avait conçue de l'amitié le divin Platon, ce génie supérieur qui sonda si profondé- ment les secrets de l'ame et de la pensée , etiln'est, non plus , personne d’entre vous , Messieurs, qui n'ait lu et relu avec délices le traité composé sur cette matière par l'homme à jamais illustre que Rome proclama tout à la fois le prince de ses orateurs et de ses philosophes. Mais, comme il arrive toujours dans ces sortes de re- cherches, chacun a jugé de l'amitié selon le système de philosophie qu'il avait précédemment adopté, et de là sont venus les diflérenis aspects sous lesquels elle s'est pré- sentée à ceux qui ont voulu l'étudier à fond, et se former une juste idée de ses motifs et de ses principes. La philosophie sensualiste n'a vu dans l'amitié qu'un calcul d'intérêt personnel. Pour elle, ce qui lie les hom- mes, c'est uniquement le besoin qu'ils ont les uns des au- tres, et leur amitié s'accroît, elle prend plus d'intensité, si Je puis m'exprimer de la sorte, à mesure qu'ils espèrent mutuellement pouvoir se rendre de plus importants ser- vices. Plus pure et plus désintéressée , la philosophie idéaliste a conçu aussi de l'amitié une idée plus noble et plus re- levée. Elle en place le principe dans la sympathie qui se manifeste invinciblement entre les esprits, lorsqu'ils se trouvent avoir les mêmes vues, les mêmes affections, les mêmes désirs. Plus cette conformité de vues et de pensées est parfaite, plus aussi l'amitié qui les unit devient intime et indissoluble. Enfin, des ames plus grandes encore ont conçude l'amitié une plus grande idée. Il leur semble que c'est trop re- trécir ce noble sentiment que de le faire seulement consister 4 ACADÉMIE DE ROUEN. dans ces jouissances intellectuelles, d’ailleurs si pures, mais enfin qui se réduisent toujours à la satisfaction per- sonnelle. Pour ces ames généreuses , il faut à la vraie amitié un but plus vaste, plus désintéressé , plus universel. Pour elles, l'amitié c’est l'union intime de plusieurs vo- lontés qui se combinent ensemble pour opérer le bien. Elles se savent gré mutuellement de leurs efforts communs, elles se réjouissent réciproquement de leurs succès, et c'est là que se trouve le lien de leur amitié, c'est là ce qui en produit tous les charmes , toutes les délices. Il n'entre pas dans mon dessein, Messieurs , de discuter ici le mérite respectif de ces explications philosophiques. S'il en est une qui doive être préférée, votre choix , j'en suis sûr, est déjà arrêté d'avance. L'amitié qui vous paraît surtout digne de vos hommages, c'est celle qui, dans son principe et dans ses motifs, se montre la plus généreuse , la plus dégagée des étroites préoccupations de l'égoisme. Mais , sans entrer dans ces discussions , sans rien pré— juger sur ces théories, je crois pouvoir avancer que l'amitié littéraire et intellectuelle réalise tout ce qu'il y a de grand et de noble dans ces opinions diverses, et, après la cha- rité chrétienne avec laquelle d’ailleurs elle se confond, lorsque la religion vient l'ennoblir et la consacrer , je ne vois pas de sentiment humain plus propre à en remplir toutes les exigences. D'abord, elle a pour mobile, si vous le voulez, l'intérêt particulier, mais un intérêt bien plus pur, bien plus relevé que celui qui forme les autres associations humaines. Ces hommes de lettres , ces hommes de science qui se réunis- sent, qui se recherchent les uns les autres, quel but DISCOURS D'OUVERTURE. ù croyez-vous qu'ils se proposent, lors mème qu'ils n'envi- sageraient que leur intérêt personnel ? Ce qu'ils veulent se procurer , est-ce l'argent ? est-ce la fortune ? est-ce seule- ment le bien-être physique, l'unique ambition des ames vulgaires? Non , Messieurs, une pensée plus digne domine dans ces ames pour lesquelles l'esprit vaut infiniment mieux que la matière. Ce qu'elles se proposent, c’est de s'éclairer, de s’instruire de plus en plus , c'est d'ajouter à la somme des connaissances qu'elles ont déjà acquises par elles-mêmes, des connaissances plus abondantes encore, fruit du travail des autres intelligences avec lesquelles il leur est donné d'entretenir un commerce intime et familier. Voilà, Mes- sieurs, une des sources principales de cette attraction mu- tuelle des esprits qui cherchent ainsi à se compléter les uns les autres ; et de même que dans la Société matérielle , tous ont besoin de tous, de même aussi, dans la Société des intelligences, chacun sent que, pour la réalisation de ses propres désirs , il ne suflit pas de ses seuls efforts, mais qu'il lui faut encore le concours des autres. C'est là , Messieurs , la base , la raison de ce qu'on à si bien nommé le commerce des sciences et des lettres. Et, chose bien remarquable, ce sont précisément les esprits supérieurs qui ressentent plus vivement, qui avouent avec plus de franchise ce besoin d'autrui. La mé- diocrité ne voit d'ordinaire rien autre chose que ce qu’elle croit posséder ; sur tout le reste, elle se montre trop sou- vent jalouse, dédaigneuse ; le vrai mérite, jamais. Son ca- ractère le plus marqué, c'est une indulgence toute bien- veillante. II ne rougit pas de recevoir de celui qui a bien moins que lui. I fait peu d'attention à ce que présentent d'imparfait les productions de ceux qui sont loin de l'égaler 6 ACADÉMIE DE ROUEN. en pénétration et en génie, et ne leur sait pas moins gré de lui avoir suggéré quelquefois des pensées utiles. L'ignorant foule aux pieds avec dédain le sable répandu sur les rives de certains fleuves ; le savant l'examine, l'analyse avec at- tention, et bientôt il en extrait des parcelles d’or, et, de ces parcelles d'or, il compose des objets précieux où le mérite de l'art le dispute avec succès à la valeur de la matière. Considérée sous ce premier point de vue, l'amitié intel- lectuelle se montre déjà assez recommandable. Elle peut déjà, à plus d'un titre, se poser en face des autres af- fections humaines et leur disputer la prééminence. Cepen- dant, nous n'avons considéré encore qu'en partie et ses avantages et ses douceurs. En se liant avec ceux dont le commerce peut leur être si utile, les hommes voués aux lettres et aux sciences ne se proposent pas seulement de tirer profit de leurs connaissances, mais encore ils y trou- vent une occasion précieuse de satisfaire une noble passion qui les anime , passion impérieuse, qui , si elle ne trouvait enfin à se reposer sur son objet, ferait à jamais le tour- ment de leur vie. Il est, Messieurs, un sentiment commun à toutes les ames qui ont su conserver leur propre dignité, et ne pas déchoir de la haute position où Dieu les a placées. Ce senti- ment, c'est l'amour du beau et du vrai, et, par cela même, de l’utile, qui, bien entendu, n’est autre chose que le beau et le vrai combinés ensemble. Donnez-moi un homme vraiment homme, vraiment philosophe, et vous verrez, qu’en lui, cette pensée domine toutes les autres. Non seulement il aime le beau et le vrai pour son propre compte , mais encore , ce même amour , il veut le trouver dans les autres , et tout ce qui ne le pos- DISCOURS D'OUVERTURE. ri sède pas, tout ce qui ne le réalise pas, a pour lui quelque chose qui le heurte, qui le choque , de même qu'un ton faux et discordant blesse l'oreille de l'habile musicien qui s’est fait de l'harmonie comme une nécessité vitale. Au milieu des préoccupations matérielles qui n’influent que trop souvent sur notre civilisation moderne, et semblent labsorber presque tout entière, l'homme de goût, l'homme de génie a souvent à souffrir. Il voit la grande masse du genre humain toute livrée aux choses de la matière ; 11 la voit indifférente, souvent même dédaigneuse et méprisante pour les pures et sublimes conceptions de la pensée, et, lui cependant, c'est là seulement ce qu'il estime , ce qu'il apprécie. C'est là seulement ce qu'il regarde comme digne d'être le dernier but de l’activité humaine. A quel triste isolement, à quel pénible silence ne se trouve-t-il donc pas condamné ? Jugez-en par vous-mêmes, Messieurs , vous que consume cette flamme presque divine du génie. Au sein même de toutes les jouissances matérielles, seriez- vous heureux si vous ne pouviez épancher au dehors les nobles sentiments qui affluent dans vos ames; si vous ne rencontriez personne pour vous écouter , pour vous COM— prendre ; si vous n’aviez pas quelqu'un à qui vous puissiez dire dans un moment d'enthousiasme : O que cela est beau! O que cela est vrai ! et si vous ne l’entendiez pas répondre à vos acclamations par des acclamations semblables? Cet écho, cette délicieuse sympathie, on les trouve surtout dans les sociétés intellectuelles où viennent se réunir à l'envi les vrais amateurs des sciences et des lettres. Sans doute, parmi les membres divers qui les composent, chacun peut suivre une route différente dans le vaste do- maine de l'intelligence. Les uns s'adonnent plus particu- lièrement aux sciences , les autres aux arts, les autres aux lettres ; mais tous, ils recherchent la même chose , le beau 8 ACADÉMIE DE ROUEN. et le vrai, et lorsqu'ils sont parvenus au terme de leurs efforts, ils ne peuvent contenir leur joie, il faut qu'ils la fassent éclater autour d'eux ; il leur faut des amis qui sym- pathisent avec les profondes convictions dont ils sont pénétrés eux-mêmes. Aussi, lorsque, de temps en temps, dans les sociétés savantes auxquelles ils appartiennent, ils viennent faire part à leurs confrères du fruit de leurs tra vaux et de leurs études, ce qu'ils recherchent , ce ne sont pas de vains applaudissements, de stériles félicitations. Ils croient d'autant moins les mériter qu'ils en sont plus dignes. Mais les sentiments délicieux qu'ils ont éprouvés , ils veulent les faire goûter à ceux qui les entourent, et, de leur part, ces communications sont, par dessus tout, l'expression et l'aliment de la sincère amitié qui les lie. Ai-je tout dit, Messieurs, pour bien retracer les carac- tères de cette amitié qui déjà se montre à vous si belle et si pure? Non, sans doute , et ici, plus d'une ame géné- reuse, si je n’ajoutais pas quelques traits au tableau, me reprocherait d'être resté bien au-dessous de la matière, Un champ plus vaste encore s'ouvre devant ceux que pénètre ce sentiment sublime. On a dit autrefois, et avec raison, du vrai orateur, que c'est, avant tout , un homme de bien, habile à communi- quer aux autres, par la parole, les sentiments justes et droits dont il est rempli lui-même. Cette définition, je l’appliquerais aussi volontiers au vrai savant, au vrai litté- rateur, lorsqu'en eux, rien ne vient altérer et obscurcir les qualités qui leur donnent droit à ces titres. Ce sont aussi des hommes de bien, des hommes qui veulent le bien , et ils le veulent non seulement pour eux- mêmes , et pour ceux avec qui ils ont déjà formé des liens de confraternité, mais ils le veulent aussi pour tous. Les DISCOURS D'OUVERTURE. 9 connaissances qu'ils ont acquises, ils n’ont rien plus à cœur que de les répandre. Ils voudraient voir les masses elles-mêmes y participer, du moins dans une certaine pro- portion, et en recueillir les avantages pratiques, et la com- munauté de leurs efforts pour atteindre ce but éminem- ment désirable, n’est pas ce qui contribue le moins à rendre plus étroite encore et plus intime l'amitié qui les attache les uns aux autres. C’est une sainte et noble passion, Messieurs, que celle de faire le bien. C’est elle qui inspire les grands dévoue- ments, les grands sacrifices. Elle ajoute un prix tout par- ticulier aux avantages dont il nous est donné de jouir en ce monde , ou plutôt, elle seule en fait tout le prix pour les ames d'élite. Pour celui qu'anime ce sentiment , qui touche de si près à la Charité chrétienne, que sont les richesses matérielles, s'il ne peut s’en servir pour soulager ses semblables? Que sont les trésors de l'intelligence , si lui seul doit les posséder , ou s'ils ne sont réservés qu'à un petit nombre de privilégiés? Plus il apprécie ces biens , plus il en désire la diffusion autour de lui; il n'a pas de repos, pas de tranquillité d'esprit qu'il ne voie ceux qui l'entourent participer, du moins en quelque chose, à son abondance. Mais quelque riche qu'il soit, que peut l’homme isolé pour le bien matériel et intellectuel de ses semblables? Il peut, tout au plus, faire tomber une goutte d'eau, là où, pour remplir le vide qui existe, il faudrait un océan immense, et cette goutte d’eau, si d'autres en grand nom- bre ne viennent s’y joindre, on la verra bientôt s'évaporer, se dessécher et disparaître. Que fera-t-il alors? Découragé par son impuissance individuelle, se condamnera-t-il à une stérile et désolante inaction ? Non, Messieurs, mais il portera ses regards autour de lui. I se dira : je ne puis. 10 ACADÉMIE DE ROUEN. ilest vrai, que bien peu par moi-même, mais il en est beaucoup qui peuvent autant que moi, plus que moi. Réu- nissons nos efforts, mettons en commun nos ressources , et alors une foule de difficultés s'aplaniront sous nos pas, et nous ferons, tous ensemble, ce dont, isolés les uns des autres, nous n’eussions jamais osé concevoir la pensée. Les fruits de cette association d'efforts, souvent , Mes- sieurs , vous les avez vus se réaliser sous vos yeux, lors- qu'il s'agissait de soulager la misère matérielle des masses. Par là, on a opéré de véritables prodiges, surtout à cette époque même où nous nous trouvons, en cette année si pénible et si désastreuse. D'abord chacun avait été frappé comme de stupeur, en mesurant d'un premier coup d'œil la profondeur de l’abime. On se disait : non, il ne sera jamais possible de satisfaire à tant de besoins, de soulager tant de misères ! Mais bientôt, on s’est réuni, on s’est con- certé, on a confondu ensemble de mutuels efforts ; et qu’en est-il résulté? C’est que, non seulement on a fait un grand bien, mais encore une sympathie toute nouvelle s’est éta- blie entre ceux qui venaient y coopérer, chacun pour leur part, et bien des amitiés pures et généreuses , des amitiés fondées sur la conscience d’avoir fait ensemble le bien, sont nées de ce touchant concours de toutes les classes, de toutes les opinions, pour venir au secours de ceux qui souffrent. Or, quelque chose de semblable se passe dans l'ordre des intelligences. Celui qui s’est voué sincèrement à la culture des sciences et des lettres, celui qui sait en appré- cier les immenses avantages, ne veut pas que ces avan- tages ne soient que pour lui et ses amis. Il gémit amère- ment à la vue de l’apathie qu'il voit trop souvent régner autour de lui par rapport à tout ce qui s'élève au dessus DISCOURS D'OUVERTURE. {i des sens et de la routine. Il sait que les peuples ne vivent pas seulement d'un pain matériel, mais qu'il leur faut encore l'aliment de l'ame. Il sait que, même à leur insu, les multitudes les plus ignorantes profitent toujours des lumières dont le foyer est religieusement entretenu dans leur sein. C’est donc pour lui une œuvre bonne et pré- cieuse par excellence, que de se consacrer à la conserva- tion et à la diffusion des doctrines utiles à la société hu- maine. C'est à ce but qu'il rapporte tous ses soins, tous ses travaux, toutes ses veilles ; et lorsque , près de se décourager peut-être en pensant au peu qu'il pourrait faire par lui-même, il trouve des hommes en grand nombre, consumés du même feu que lui, animés des mêmes inten- tions bienveillantes, lorsqu'il est appelé par eux à venir leur fournir sa part de coopération et de zèle, c’est alors que son ame se dilate, qu'elle est enivrée de la joie la plus délicieuse. Ce sont de nouveaux amis qu'il vient d'acqué- rir. Il leur sait gré du bien qu'ils veulent opérer avec lui- même, et le sentiment qui l’attache à eux participe tout à la fois et des douceurs de l'amitié et de l’ardeur de la reconnaissance. Ceci, Messieurs, nous explique une sorte de phénomène moral que nous ont présenté les siècles passés et dont nous aimons encore à recueillir les précieux avantages. Des hommes avaient quitté tout pour se donner à Dieu seul; ils avaient dit un éternel adieu au monde; ils vou- laient ne s'occuper que des pensées sérieuses de l'éternité. Il semblait donc que, désormais , ils dussent rester tout à fait étrangers au mouvement des sciences humaines, ou- blier entièrement le monde qui passe, pour ne s'occuper que de celui qui ne finit pas. Cependant on les a vus bien tôt se livrer à des distractions qui, au premier aspect, pa- raissaient peu en rapport avec la vie humble et silencieuse 12 ACADÉMIE DE ROUEN. qu'ils avaient embrassée, Aux pratiques pieuses du cloitre, ils ont joint l'étude approfondie des sciences humaines. Philosophie, littérature, histoire, critique, beaux-arts, sciences exactes et industrielles, rien ne leur a été étran- ger, et grâce à l’inaltérable patience qui brillait au nombre de leurs plus belles vertus, grâce à des travaux assidus qui absorbaient la vie tout entière, non pas seulement d'un seul homme, mais de plusieurs hommes, ils ont amassé dans l’ordre intellectuel des trésors immenses, aux- quels viennent puiser tous les jours après eux , ceux qui ont hérité de leur ardent amour pour les sciences et les lettres. Des hommes éminents en savoir et en sainteté diri- geaient ces illustres enfants du cloître. Ils avaient avant tout pour but de leur faire conserver l’esprit de leur état , de les préserver des séductions et des préoccupations mon- daines. Les ont-ils cependant détournés de ces études, de ces recherches scientifiques et littéraires ? Bien loin de là, Messieurs, ils les ont encouragés au contraire ; souvent ils leur en ont fait une obligation consciencieuse. Pourquoi ? Parce qu'ils savaient que c’était un moyen précieux de ren- dre à la société d'immenses services , et, en échange des biens temporels qu'ils en avaient reçus , de lui offrir des biens d’un ordre tout à fait supérieur , les biens de l’intel- ligence et de la pensée. Et un autre avantage est venu, comme par surcroît , se Joindre à ce premier résultat. En même temps qu'ils ont fait le bien pour les autres, ils l'ont fait aussi pour eux- mêmes. Par cette heureuse communauté d'efforts, de sa- crifices et de dévouements pour se rendre utiles, ils ont senti se resserrer encore davantage les liens de fraternité qui déjà les unissaient devant Dieu et devant les hommes, DISCOURS D'OUVERTURE. 13 et, on l'a remarqué dans tous les temps, les congrégations religieuses qui ont le mieux conservé l'esprit de leur voca- tion, c'est-à-dire l'esprit de paix, de charité, de bienveil- lance, ce sont précisément celles qui se sont livrées avec le plus d'ardeur à l'étude des sciences et des lettres. Ce sentiment , Messieurs , ne s’est pas perdu au milieu de nous. Il a survécu à la ruine de ces savantes congréga- tions auxquelles maintenant , plus que jamais, on s'ac- corde à rendre justice. Partout encore, il se trouve des hommes de cœur et de génie qui se recherchent les uns les autres, afin de se livrer ensemble aux travaux de l’intel- ligence , et les rapports qui s'établissent entre eux, sont, par la nature du but qu'ils se proposent , pleins de dou- ceur , de cordialité et de confiance. Voilà l'origine de ces associations intellectuelles, de ces Académies qui se multiplient tous les jours sous nos yeux ; voilà aussi ce qui en forme le lien principal, ce qui les rend solides et durables. Elles sont donc un bien, un véritable bien, non-seulement pour les membres qui les composent, mais encore pour la société tout entière. Puisse cet esprit s'étendre , se propager de plus en plus! Ce sera une précieuse compensation à l'esprit d'intérêt et d'égoisme qu'on reproche si souvent, peut-être même trop souvent , à notre siècle. Messieurs , il ne m'appartient pas de faire l'éloge du corps savant que j'ai l'honneur de présider aujourd'hui pour la dernière fois. Dans ma bouche, cependant, cet éloge serait moins suspect que dans toute autre, puisque je n'aurais rien à en revendiquer pour moi-même. Mais qu'il me soit permis de le dire ici en finissant, cette 1 ACADÉMIE DE ROUEN. amitié , cette confraternité littéraires que je viens de dé- crire , bien imparfaitement sans doute , je les ai constam- ment trouvées parmi mes confrères ; et si j'ai la confusion de les représenter si mal au milieu de cette Assemblée , je suis du moins heureux et fier de pouvoir leur rendre ce publie et solennel témoignage. SPORE ES QE ee CLASSE DES SCIENCES. apport PAR M.J. GIRARDIN, SECRETAIRE PERPETUEL DE LA CLASSE DES SCIENCES. Messieurs , En prenant pour la première fois la parole comme or- gane ofliciel de la classe des Sciences de l'Académie, je reporterai tout d'abord vos souvenirs sur mon honorable prédécesseur, dont le brusque départ a causé dans cette ville de si justes et de si unanimes regrets. M. Levy a occupé avec une grande distinction , et à deux reprises différentes, les délicates fonctions de secrétaire perpétuel. Il m'est agréable de vous rappeler avec quel talent il résumait les questions les plus abstraites, avec quel art il exposait les travaux si divers de ses confrères, avec quelle facilité il savait faire parler aux sciences le langage de la raison. SCIENCES MATHÉMATIQUES 16 ACADÉMIE DE ROUEN. En présence de l'obligation qui m'est imposée de pré- senter, après lui, un tableau fidèle des occupations scien- tifiques annuelles de l'Académie , je sens renaître toutes les hésitations qui sont venues m'assiéger lorsque j'ai été appelé à l'honneur de lui succéder. Ce qui m'enhardit quelque peu, c’est de savoir qu'un auditoire est d'autant plus porté à l'indulgence qu'il est plus éclairé et plus intelligent. Toutes les sciences, vous le savez, Messieurs , se prêtent un mutuel appui , et les progrès de l’une ne sont pas sans influence sur la marche et le développement des autres. Toutes, d’ailleurs , viennent plus ou moins aboutir à des applications qui rendent les conditions de la vie commune plus faciles et plus douces , et qui servent , elles aussi , aux progrès des sciences dont elles dérivent; car les applications mettent les doctrines à l'épreuve, et l'erreur ne peut sub- sister longtemps. Il est donc rationnel d'envisager toutes les branches des connaissances humaines sous le double point de vue de la théorie et de la pratique ; c’est ce que comprend l'Académie, qui n'a jamais séparé l’art de la science , qui a constamment cherché à faire servir les don- nées les plus élevées de l'observation et de l'expérience à l'amélioration matérielle et morale de la Société. Cette année encore, vous allez en acquérir la preuve, notre compagnie , fidèle à sa grande mission, a accueil avec le même intérêt les spéculations de la théorie et les résultats positifs de la pratique industrielle. Je commencerai cette revue rétrospective , par ce qui a trait aux mathématiques , qui viennent en aide à toutes les sciences sans exception, et qui en sont , pour ainsi dire , l'instrument le plus précieux. CLASSE DES SCIENCES. 17 Notre confrère, M. Amiot, aujourd'hui professeur sup pléant en exercice au collége de France, a envoyé à l'Aca- démie deux mémoires sur les surfaces du second degré, qui ne sont , comme on sait, qu'une extension des sections coniques. Ces surfaces se rattachent aux phénomènes de la lumière et de la chaleur , et il est infiniment probable que leur rôle s'étendra de plus en plus à mesure que leurs propriétés et les phénomènes naturels seront mieux con- nus. Leur étude est donc de la plus grande importance, et déjà d'illustres géomètres s’y sont livrés d'une manière soutenue. M. Amiot s’en est aussi occupé avec beaucoup de talent et de succès , et il a démontré un grand nombre de propriétés et de théorèmes nouveaux qui avaient échappé à la sagacité de ses devanciers (a)*. L'Institut, sur la proposi- tion de M. Cauchy, l'un des premiers, sinon le premier mathématicien de l'Europe , a donné sa haute approbation aux travaux de notre confrère. Ce qui fait le plus grand honneur à M. Amiot, c'est que ses recherches ont servi à M. Cauchy de point de départ pour exécuter lui-même des travaux très remarquables sur un sujet analogue. Une circonstance qui se rattache à la publication des mé- moires de M. Amiot , peut mieux que toute autre chose en faire sentir l'importance. M. Chasles, membre de l'Institut et géomètre très distingué, éleva une question de priorité sur une petite partie du travail de notre confrère. Cette ré- clamation suscita dans le sein de l'Académie des sciences une discussion à laquelle prirent part MM. Chasles, Pon- celet et Amiot, et de laquelle ce dernier sortit vainqueur. « De quelque face qu'on envisage les choses , a dit M. Pon- celet , l'idée des nouvelles définitions et des nouveaux théorèmes sur les foyers des lignes et des surfaces du deuxième ordre appartient, sans aucune restriction, à L'an] da. na pieds * Voir les notes à la fin de l’article. 5) PA Mémoire de M. Amiot sur les surfaces du 24 degré. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. 18 ACADÉMIE DE ROUEN. M. Amiot, et 1l est certain que les théorèmes démontrés analytiquement par ce savant, sont venus présenter la théorie des foyers sous un aspect qui n'avait point attiré l'attention des géomètres. » Dans un autre écrit, qui a été couronné par l’Académie royale de Bruxelles, M. Amiot a signalé de nouvelles pro- priétés des surfaces, et dans un troisième mémoire , il a complété et même rectifié les travaux de Monge , le célè- bre auteur de la géométrie descriptive. L'Académie de Rouen, sur la proposition de M. Bigour- dan qui lui a fait connaître en détail les beaux mémoires de M. Amiot, s’est empressée de joindre ses suffrages à ceux des Académies des sciences de Paris et de Bruxelles. Dans ie vaste domaine des sciences physiques et natu- relles , quelques points seulement ont été abordés par l'A- cadémie , car ce n’est qu'en circonscrivant le champ de l'observation et de l'expérimentation qu'on peut espérer des conquêtes fructueuses et sûres. Dans l’état actuel de nos connaissances , les mystères abondent encore ; cette multitude même atteste le peu de progrès que nous avons faits, et l'immensité de la carrière qui reste à parcourir. Des faits viennent d'être expliqués, c’est-à-dire compris dans les lois générales déjà connues ; sur le champ, d’autres faits les remplacent, comme pour entretenir l’activité des recherches ; de nouvelles découvertes ébranlent les théo- ries et la confiance ; le doute revient avec son cortége de mystères. C’est ainsi que la physique , la chimie, l'histoire naturelle ont changé plusieurs fois de face; que leurs doc- trines fondamentales ont été renouvelées , et qu'aujourd'hui même on se demande si elles sont dans la bonne voie. Au reste, sans ces doutes, sans ces mystères , la marche des sciences serait bientôt arrêtée , et l'esprit humain s’endor- mirait dans une trompeuse et stérile admiration. CLASSE DES SCIENCES. 19 Parmi tous ces phénomènes naturels qui révèlent à l'homme une puissance éternelle et infinie , il n’en est au- cun qui soit à la fois plus terrible et plus majestueux que la foudre. Sans doute, grâce à Francklin et aux physiciens des cinquante dernières années , nous savons l’origine et les causes de ces effets grandioses qui agitent les vastes plaines de l'air, et qui, trop souvent, produisent à la sur- face de la terre de désastreuses perturbations. Mais qu'il nous reste encore à apprendre sur tous ces mouvements désordonnés des fluides électriques ! M. Boutan, professeur de physique au collége royal de Rouen, a essayé d'éclairer quelques-uns des points encore obscurs de l'électricité atmosphérique, en imaginant des expériences nouvelles. En première ligne, il faut placer comme non défini, le bruit qui suit l'apparition de l'éclair , et qu'on appelle vulgairement le tonnerre. On a donné de ce bruit, si variable dans son mtensité et dans son timbre, un grand nombre d'explications qui ne peuvent satisfaire les esprits sérieux. M. Boutan les a examinées successive- ment, a montré leur insuflisance , les a remplacées par une autre qui lui est propre et qui sort du domaine de la théorie , car il l'appuie et sur des observations au centre des nuages orageux , et sur des expériences de laboratoire fort concluantes. La voici en peu de mots: Dans un nuage orageux, l'électricité tout entière forme une couche à sa surface , et son intérieur est dans un état detension supérieure à la pression atmosphérique ambiante; il est par conséquent très dilaté. Qu'il perde brusquement son fluide électrique , par une décharge sur un nuage voi- sin ou sur le sol, la pression extérieure va devenir prépon- dérante, puisque la force antagoniste a disparu, et dès lors l'air ambiant va se précipiter dans le milieu raréfié repré- Mémoire de M. Boutan, sur l'électricité atmosphérique Explication du bruit du tonnerre Odeur de la foudre. 20 ACADÉMIE DE ROUEN. senté par le nuage orageux. De cette rentrée subite de l'air doit résulter un choc violent tout à fait comparable au bruit engendré dans l'expérience du crève-vessie, et ana- logue aussi, pour l'intensité, au bruit du tonnerre. Cette explication satisfait à toutes les exigences du phénomène ; elle rend parfaitement compte de la persis- tance du bruit, des effets de roulement, des variations de volume, des changements rapides de forme que présen- tent les nuages orageux, du grand refroidissement qui survient au sein des nuées électriques et qui produit la grêle; enfin de ces vents violents, de ces tourbillons, de ces trombes même (b) qui apparaissent au moment des orages et que toute autre théorie est impuissante à jus-— tifier. Une autre particularité, qui est encore à éclaircir, c'est l'odeur forte et pénétrante qui signale la chute de la foudre, et qu'on a comparée, bien mal à propos, à celle du soufre en combustion. M. Boutan croit pouvoir la rapporter , avec MM. Schænbein, Fisher et Marignac, à l'Ozône, corps particulier d'odeur nauséabonde dont la véritable nature est encore un problème, mais que les chimistes allemands considèrent comme un nouvel élément. Cette odeur se manifeste aussitôt qu'on fait passer, au moyen de pointes métalliques , un courant d’étincelles électriques dans du gaz oxygène (c). Une expérience de M. Boutan semblerait indiquer que, dans certaines circonstances , la sensation des odeurs peut être déterminée à la manière des sons et de la lumière, c'est-à-dire par les mouvements vibratoires de l’éther. Il est certain que la seule transmission du fluide électrique dans l'air, engendre une odeur très appréciable, analogue à celle de la foudre, sans qu'il y ait aucun phé- nomène chimique produit, ni volatilisation de matières CLASSE DES SCIENCES. 21 quelconques. Malgré les recherches du professeur du collége, cette importante question nécessite de nouveaux travaux ; il lui appartient de les continuer. Les observations météorologiques qu’on exécute mainte- nant de tous côtés, en fournissant de précieux documents sur tous ces grands phénomènes dont l'atmosphère est le théâtre, aideront les physiciens à en découvrir l’origine, à mieux en expliquer les eflets, à déterminer toutes les conditions de leur manifestation. L'Académie est heureuse de pouvoir apporter son contingent, sous ce rapport, grâce à l’un de ses membres, M. Preisser, qui, depuis 1845, tient note, jour par jour, de tout ce qui a trait à la physique atmosphérique. Le même membre, en mettant sous nos veux un modèle de l'appareil électro-magnétique qui fonctionne sur le che- min de fer de Paris à Rouen, a rappelé les principes sur lesquels repose cette admirable application de la science à l'un des besoins les plus impérieux de notre époque, la rapidité de la propagation des idées et des communications de la pensée. Il à indiqué quelques-uns des moyens mis en usage pour tirer parti de la force motrice créée par lé- lectricité, et pour transmettre son influence à de grandes distances avec une incommensurable vitesse. A l'aide d'expériences exécutées devant l'Académie, il à fait mieux comprendre l'ingénieux mécanisme du télégraphe électri- que le plus employé, c’est-à-dire de celui qui repose sur l'importante découverte de M. Arago, l’aimantation du fer doux à l’aide de la pile. De la physique à la chimie la transition est toute natu- relle, car un lien très intime unit ces deux belles branches des sciences d'observation. Iei de nombreuses communi- cations sont à enregistrer. Observations metéoro- logiques de M. Preisser. Télégraphe électrique. Communica- tion de M. Preisser. État du soufre dans les eaux sulfureuses. MM. Boullay et Henry. 29 ACADÉMIE DE ROUEN. Deux de nos confrères de Paris, MM. Boullay et Henry , ont résolu un point important de l'histoire chimique des eaux minérales sulfureuses, à savoir l’état sous lequel y existe le soufre, cet agent thérapeutique si puissant lors- que la nature a présidé elle-même à sa dissolution. Les expériences de nos confrères ont terminé les débats que cette question avait soulevés depuis longtemps entre les chimistes, et il est bien constant aujourd’hui que, dans les eaux sulfureuses de la chaîne des Pyrénées, c’est à un sulfure de sodium hydraté (NaS, HO), associé acciden- tellement à une proportion variable d'hydrogène sulfuré , qu'il faut rapporter tous les effets physiologiques et chi- miques qu'elles exercent sur l'économie animale. Le dégagement du gaz azote qu'on remarque, en plus ou moins grande proportion, au bouillon de toutes les sources sulfureuses des Pyrénées, a été expliqué diverse- ment. Anglada semble avoir émis à ce sujet l'opinion la plus admissible. Ce gaz provient, selon lui, de la décom- position des courants d’air souterrains en présence du principe sulfureux. De là une dégénérescence plus ou moins grande des eaux, d’où résultent à la fois for- mation de sulfate, puis dégagement d'acide sulfhydrique et d'azote. Admettant, avec Anglada, que les choses se passent ainsi, MM. Boullay et Henry pensent, comme le chimiste de Montpellier, que l'élément sulfureux des eaux des Pyrénées est à l’état de monosulfure de sodium hydraté (Na S, HO) dans la nappe originelle, et ils expliquent alors l'odeur plus ou moins sensible d'œufs pourris au point d'émergence, par la présence d’une certaine quantité de gaz hydrogène sulfuré devenu libre sous l'influence de ces courants d'air souterrains, Si ce genre d’altération, auquel CLASSE DES SCIENCES. 23 il est sans doute diflicile de remédier , ne nuit pas à l'efli- cacité des eaux, il ne justifie pas toutefois l'opinion de M. Fontan, c'est-à-dire l'existence d'un sulfhydrate de sulfure (NaS + HS +HO) dans les proportions qui constituent ce genre de sels. Dans les eaux, comme celles de Challes en Savoie, où il y a complète absence d’odeur au sortir de la roche, on n'aperçoit pas de dégagement gazeux à ce point, et alors le sulfure doit être tout à fait neutre, jusqu'à ce que, dans les bassins de réception , il se modifie plus tard. Le travail de MM. Boullay et Henry est digne, à tous égards, de l'attention des chimistes et des médecins , et c'est à juste titre, à dit M. Girardin, rapporteur, qu'il a obtenu les suffrages de l'Académie royale de médecine. M. O0. Henry, chargé en 1845, par l'Académie royale de médecine, de procéder à une nouvelle analyse des eaux ferrugineuses de Forges, a rempli cette mission avec le talent qui le caractérise, et a complété nos connaissances sur ces eaux qui méritent toujours la célébrité dont elles ont joui dès le xvu° siècle. Grâce aux procédés plus sûrs de l'analyse minérale, notre confrère a rectifié ce qu'il v avait de défectueux et d'incomplet dans le beau travail chimique de feu Robert de Rouen sur ces mêmes eaux. Il a constaté, entre autres choses, que le fer y est salifié , non par l'acide carbonique, comme on l'avait admis jus- qu'alors, mais par cet acide organique que Berzélius a dési- gné sous le nom d'acide crénique; que le crénate de fer peroxydé par l'air et associé à plusieurs conferves, constitue en totalité le dépôt jaune que forment les eaux dans les conduits qu'elles parcourent, dans les bassins où elles séjournent, dans les bouteilles qui les contiennent. Sous Analyse des eaux ferrugineuses de Forges, par M. Henry. Aualyse de la gratiole, M. par Marchand, 19 4 ACADÉMIE DE ROUEN. ce rapport, elles sont analogues aux eaux naturelles de Porla, de Saint-Allyre, et à toutes les autres eaux ferru— gineuses de notre département (d). C'est avec le crénate de fer impur, ramassé dans les bassins , qu’on prépare les nouvelles pastilles ferrugineuses de Forges, dont l'usage a été approuvé par l’Académie royale de Médecine , par la raison que le dépôt ocracé des bassins représente assez bien le produit naturel spécial des eaux de Forges, et parce que sa composition chimique étant connue , il devient facile au médecin d'en préciser l'emploi. Un autre correspondant de l'Académie , M. Marchand , de Fécamp, a porté son attention sur l’une de nos plantes les plus vulgaires, mais aussi les plus actives, la Gratiole, dont notre célèbre Vauquelin avait déjà entrepris l'étude en 1809. Les perfectionnements apportés, depuis cette époque , à l'analyse immédiate des matières organiques, ont permis à notre confrère d'ajouter des faits nouveaux et importants aux recherches de son habile prédécesseur. Ainsi, ce que Vauquelin avait considéré comme une ma- tière résineuse amère, à laquelle il rapportait les propriétés purgatives et toxiques de la gratiole, n’est qu'un mélange de tannin et d'une substance neutre fort active que M. Mar- chand propose de nommer Gratiolin. Mais avant d'ad- mettre cette substance dans le catalogue de nos principes immédiats définis , il faut en faire une étude plus com plète , en déterminer la constitution élémentaire. C'est à M. Marchand lui-même qu'il appartient de combler ces lacunes; nous nous en rapportons sur ce point à son zèle et à son talent. CLASSE DES SCIENCES. 25 M. Lepage, de Gisors , nous a envoyé une note intéres- sante sur un empoisonnement commis au moyen de la céruse introduite dans de la farine, et sur l’efticacité du persulfure de fer hydraté pour annihiler presque instanta- nément les formidables effets des composés du plomb. Ce fait confirme les assertions de MM. Sandras et Bouchardat qui, les premiers, ont proposé de ranger le persulfure de fer hydraté en tête des antidotes contre les poisons métalliques M. Morin nous a rendu compte des expériences chimico- judiciaires qu'il a faites sur les estomacs de vaches dont la mort était attribuée à l'ingestion de chlorure de chaux. Il n’a trouvé dans les liquides des viscères que du chlo- rure de calcium , sans traces de chlore libre, et, dans les parois mêmes de ces viscères, que du chlorhydrate d'ammoniaque. Dans le cours de ses recherches, M. Morin a reconnu que les toxicologistes ont commis une grave erreur en in- diquant qu'on peut découvrir des traces d’eau de Javelle , ou d’autres composés décolorants du chlore à la couleur brune que prend une lame d'argent qu'on plonge dans les liqueurs suspectes , après qu’on les a additionnées d’acide sulfurique. Notre confrère a obtenu les mêmes réactions, alors que les liqueurs ne contiennent aucune trace de chlore libre, mais seulement des chlorures alcalins. Il en conclut que pour accuser la présence du chlore libre dans un liquide alimentaire , on doit se borner à em- ployer la lame d'argent sans le concours d'aucun acide susceptible de décomposer les chlorures alcalins, qui presque toujours s'y rencontrent, et que, d’ailleurs, ce moyen méme est sans valeur, s'il n'est pas corroboré par Empoisonne- ment par la céruse. Efficacité du persulfure de fer hydraté. Recherches toxicologiques de M. Morin. Faits nouveaux en toxicologie, observés par MM. Girardin et Morin. Aualyses d’ob- jets antiques, M par Girardin. 26 ACADÉMIE DE ROUEN la coloration bleue que présente, au contact des produits de la distillation des liquides de l'estomac , un papier recou- vert tout à la fois d'iodure de potassium et d’amidon. MM. Morin et Girardin ont fait connaître à l'Académie la série d'expériences qu'ils ont exécutées, par ordre de la justice , sur les cadavres d’un homme et d’une femme de la petite commune de Saint-Lucien, canton d'Argueil , morts à un mois de distance, après de violents vomisse- ments. La mort de ces individus était le résultat d'un crime, puisque les experts trouvèrent dans tous les or- ganes une quantité notable d’arsenic. Les aveux des cou- pables avant leur exécution , confirmèrent complètement les dires des chimistes. Ce que cette affaire médico-légale a présenté de nouveau, c’est l'existence simultanée de deux poisons , l'arsenic et l'antimoine. Ce dernier provenait de l'administration par les empoisonneurs à leurs victimes du vomi-purgatif de Leroy. Ce remède, malheureusement trop populaire, n’est autre chose qu'une forte infusion de séné dans du vin blanc, additionnée d’une forte dose d'émétique. On l'avait donné pour faire disparaître les traces de l’arsenic , par suite de cette absurde croyance répandue dans la société , que tout poison devient inaccessible aux recherches de la science , lorsqu'il n’est plus à l’état de liberté dans l'estomac et les intestins. On ne saurait le dire trop haut , une fois que le poison circule dans nos organes, qu'il y soit libre ou caché dans la profondeur des tissus, la moindre trace ne peut échapper aux investigations des chimistes expérimentés. Si la chimie vient ainsi en aide à l’histoire naturelle ni la thérapeutique , à la médecine légale, elle n’est pas moins nécessaire pour l'étude des monuments de l'antiquité. Caylus est le premier qui s'en soit aidé sur une échelle CLASSE DES SCIENCES. 27 un peu large ; malheureusement, les antiquaires qui l'ont suivi, sont peu entrés dans cette voie; ils n'ont pas su apprécier l'intérêt qui s'attache à ce genre de vérification. Le mémoire que M. Girardin a lu à l’Institut , sous le titre de : Analyse de plusieurs produits d'art d'une haute an- tiquité, prouve de nouveau tout ce qu'il y a d’utile pour l'archéologie dans ces sortes de travaux. Plus on étudie à fond l'antiquité, a dit M. Deville, plus on se convaine que les anciens sont nos maitres en tout. Il ressort, en effet, des expériences de M. Girardin, que les Romains ont connu et employé habilement de superbes couleurs miné- rales, soit pour la peinture murale , soit pour la coloration du verre ; qu'ils ont fabriqué du véritable cristal , fait usage de la soudure autogène , pratiqué l’étamage, l'argenture du cuivre et du bronze, et même le plaqué d'argent. Une découverte, fort ordinaire pour les chimistes, mais merveilleuse pour tous ceux quine sont pas initiés aux admirables et si faciles métamorphoses dont sont suscep- tibles les produits du règne organique , a vivement préoc- cupé l'attention publique à la fin de l’année dernière. C'est la conversion du coton, du linge , du papier, du bois, en une matière excessivement combustible , par leur simple immersion dans l’eau forte. Ce curieux résultat, déjà si- gnalé en 1833, par M. Braconnot, de Nancy, mieux étudié en 1838, par notre confrère , M. Pelouze, a donné l'idée au professeur Schœænbein, de Bâle, dans les derniers mois de 1846, de remplacer la poudre de guerre par le coton fulminant, où fulmi-coton. La nouvelle poudre possède, en effet, une force de projection cinq à six fois plus consi- dérable , l'avantage de ne pas encrasser les armes , puis- qu'elle ne laisse aucun résidu par la combustion, de pou- voir être mouillée sans perdre de son inflammabilité, et Communica- tion de M. Preisser, sur le fulmi-coton. Consommation de la bouille. 28 ACADÉMIE DE ROUEN. transportée au loin sans danger ; car bien comprimée , elle prend diflicilement feu. Quant aux inconvénients qu'elle présente dans son emploi, ils disparaissent lorsqu'on l'ap- plique seulement à l'explosion des rochers et des mines, à la confection des feux d'artifices. L'expérience ultérieure apprendra ce que l’on peut attendre des services réels de ce produit qui a, tout d’abord, excité une trop vive admi- ration, et fait naître de trop grandes espérances. Au moment où, de tous côtés, chacun s'empressait d'é- tudier et de fabriquer cette poudre à canon d'un nouveau genre , M. Preisser en a fait le sujet d’une communication à l’Académie , et a répété devant elle les jolies expériences pyrotechniques dont le fulmi-coton est devenu l'occasion. Des applications de la chimie et de la physique plus im- portantes, plus directement profitables à l'industrie gé- nérale, ont été pour nous la source d’intéressantes dis- cussions. L'économie du combustible est un des points qui attirent particulièrement l'attention des théoriciens et des praticiens , et le moindre succès dans les moyens em- ployés pour arriver à ce but, est un véritable progrès dans un temps où la consommation de la houille s'accroît chaque jour d’une manière si rapide. De renseignements statistiques recueillis par M. Pimont, il résulte que les 11,298 appareils à vapeur fonctionnant en France en 1845, ont exigé, pour leur entretien, 20 millions d’'hec- tolitres de houille (e) ! Cette consommation prodigieuse de combustible n'est- elle pas faite pour inspirer des craintes sérieuses sur notre avenir industriel, et pour nous porter à rechercher les moyens de nous procurer la houille aux meilleures conditions possibles , aussi bien que ceux qui peuvent en CLASSE DES SCIENCES. 29 diminuer l'emploi ? C'est à ce double but que l'un de nous a consacré tous ses soins depuis quelques années. Faisant appel aux lumières de la science, M. Pimont a essayé de tirer profit de cette immense quantité de cha- leur perdue dans nos appareils calorifiques. Employer d'une manière bien plus avantageuse qu'on ne l'avait fait jusqu'alors la chaleur perdue , provenant soit de l'échap- pement des machines à vapeur, soit de la vapeur et de l’eau condensée des machines à parer, des machines à sécher et des chauffages, soit enfin des bains de teinture, quand ils sont jetés comme inutiles ; tels sont les résultats qu'il a obtenus à l’aide d'appareils qui fonctionnent sans nul embarras , sans le moindre inconvénient, et qui ont déjà reçu la sanction toute favorable de l'expérience. M. Pimont nous à présenté successivement la description de ses ap- pareils caloridores et de toutes les modifications qu'ils peuvent subir selon leur application à chaque spécialité industrielle , et aussi dans la même industrie, suivant les conditions dans lesquelles elle se trouve placée. Mais tout en découvrant la manière de produire la vapeur avec le plus d'économie possible, notre ingénieux confrère n'a pas négligé les procédés capables de la conserver et de la maintenir au degré de chaleur et à la tension qu'elle a acquis , et de pouvoir la conduire dans cet état et sans refroidissement à de grandes distances ; de là, l'invention d'enveloppes imperméables , qu'il appelle calorifuges , dont il revêt les tuyaux , les conduits, les cylindres et même les grands générateurs, soit dans les machines de nos ateliers , soit dans celles qui sont appliquées à la na- vigation ; ces enveloppes, tout en apportant une grande économie de temps et de combustible, préservent les chauffeurs de cette chaleur étouffante qui énerve leurs forces et détruit leur santé. Appareils HOouveaux de M. Pimont, pour économiser lecombustible. Recherche de la houille dans le département. 30 ACADÉMIE DE ROUEN. Les appareils de M. Pimont, placés à bord des divers remorqueurs de la Basse-Seine , et notamment du Robert- Guiscard , ont réalisé une économie de 20 p. ,° de com- bustible sur l'ancien système. Une commission de l'Académie est chargée de suivre les effets et d'apprécier les avantages des inventions de M. Pimont. Sans empiéter sur ses droits, il nous est peut-être permis d'avancer que notre confrère à singu- lièrement préparé la solution d'une partie du problème que nous posions précédemment. L'autre partie de ce problème , c’est à la géologie à la résoudre. Pourquoi, puisque nos extractions de houille ne sont pas en rapport avec nos besoins , de plus en plus impérieux, ne chercherions-nous pas dans les profondeurs de notre sol ce minéral que nous avons peut-être sous nos pieds , et que nous allons demander à des nations voi- sines , nos rivales en industrie ? Les progrès récents de la géologie , les documents recueillis sur la constitution du sol de notre département , les perfectionnements ap- portés à l’art des sondages, tout ne tend-il pas à favoriser le projet conçu , dès 1837, par M. Pimont, de se livrer à la recherche de gites houillers dans la Seine-Inférieure ? Un rapport circonstancié de M. Pouchet sur cette ques- tion, soulevée cette année dans le sein de l’Académie , démontre que si, dans l’état actuel de la science , il n’est pas permis de prononcer affirmativement sur l'existence de dépôts de houille dans les parties inférieures de nos formations secondaires , on a cependant des probabilités bien encourageantes. M Pouchet tire surtout ses preuves de l’analogie de constitution géologique existant entre les formations de notre pays et celles de l'Angleterre et de CLASSE DES SCIENCES. 31 la Belgique , de l'identité des débris d'animaux fossiles dans les régions anthracifères de la Grande-Bretagne et celles situées à l'embouchure de la Seine. « Lorsque de semblables conditions existent, qui oserait dire, s'écrie M. Pouchet, que notre département est absolument dépourvu de charbon ? Qui oserait contester qu'un jour à venir ce précieux combustible n'y sera point découvert ? » Que la recherche de la houille ait un insuceès complet , la sonde ne pourra-t-elle pas laisser , après son passage, un puits artésien, ou rencontrer des dépôts de calcaires . compactes , d’argiles plastiques, de lignites, de karstenite, de sel gemme , etc. , toutes matières minérales suscep- tibles de vivifier le pays ? Les sondages fussent-ils même absolument stériles pour nos intérêts matériels , la science géologique n’en recevra-t-elle pas de curieux et instructifs renseignements ? Ces diverses considérations ont engagé l'Académie à s'associer à l’œuvre toute nationale du Comité formé à Rouen par les soins de M. Pimont pour la recherche de la houille dans le département. Elle à manifesté le désir que le Comité fit collecter avec soin des échantillons minéralogiques des couches traversées par la sonde, et en opère le dépôt dans les archives de l’Académie, chez l'ingénieur en chef des mines, et dans le Muséum d’his- toire naturelle de la ville. Les discussions intéressantes que le projet du Comité des houilles a suscitées dans notre sein, ont amené natu- rellement M. Bergasse à donner des renseignements curieux sur l'état actuel des houillères de Littry, dans le Calvados. En voici un résumé succinct : Houillère de Littry, dans le Calvados 32 ACADÉMIE DE ROUEN. Les mines de Littry, situées à peu de distance de Bayeux, avaient été originairement concédées par Louis XV au marquis de Balleroy, en 1740. Le marquis s'empressa de les exploiter et d'établir une usine pour la fonte du minerai de fer que l'on trouvait en assez grande abon- dance à la surface des couches de charbon. Il ne rechercha que le charbon à maréchal , et négligea toutes les qualités inférieures. Son exploitation , dirigée avec peu d'intelli- gence, ne fut pas heureuse, et en 1745, il céda la con- cession à une commission de treize personnes. Plusieurs actions se trouvent encore dans les familles des premiers . associés. En 1745, on évaluait à 200,000 francs la valeur des mines et du matériel. On a caleulé que , depuis , ce capital arapporté plus de huit millions de produit net. Les destinées de la compagnie n'ont pas toujours été également prospères. Les couches de charbon ont peu de puissance ; souvent elles n’ont qu'un mètre ; elles sont très profondes, forment de distance en distance des espèces de rognons, c'est-à-dire des accumulations un peu plus con- sidérables de minerai, puis se redressent tout à coup et cessent entièrement. Les premiers exploitants n'avaient pas administré en bons pères de famille. Ils avaient, pour ainsi dire , jardiné çà et là, sans suivre aucun système. Lorsque tout le charbon de première qualité s’est trouvé épuisé , il a fallu reprendre en sous-œuvre et suivre des couches qui n'avaient été qu'effleurées. Depuis quelques années, le seul charbon que l'on trouve à Littry est d’une qualité médiocre, mélangé de schiste, et n'est employé que par les chaufourniers, qui sont d'autant CLASSE DES SCIENCES. 33 plus nombreux dans cette partie du Calvados et dans la Manche, que la chaux y est utilisée en grand comme amen- dement, et n'y produit pas de moindres miracles que dans le département de l'Ain. Même pour ce modeste emploi, les charbons de Littry ont rencontré une concurrence re- doutable dans les charbons belges et anglais. Aussi, par suite de cette concurrence, les actionnaires de Littry n'ont touché en 1845 presqu'aucun dividende. Cependant les chaufourniers sont revenus peu à peu s’approvisionner à Littry. Ils ont reconnu que les charbons qu'ils y achètent, brûlant avec moins de rapidité que les charbons anglais, sont plus propres que ces derniers à la cuisson de la chaux. Malgré le rétablissement de ce débouché, les actionnaires auront à peine 100 mille francs à se partager en 1847, et cependant a compagnie n’emploie pas moins de 900 ouvriers. Toutes ses espérances d'avenir sont fondées sur un puits de 200 mètres de profondeur, auquel on travaille depuis un an, qui ne sera pas terminé avant 18 mois, et qui lui coûtera 200,000 francs. Ce puits a pour objet l'exploitation d'une couche de charbon de maréchal, de 2 mètres et demi d'épaisseur, dont des sondages multipliés ont révélé l'existence. Il y a loin, d'après cela, des mines de Littry à celles de Newcastle, où le charbon est superficiel, et à celles de Fir- my dansl'Aveyron, où les couches de houille ont, à ce qu'on assure, 100 mètres d'épaisseur. Nous devons encore à M. Bergasse la connaissance de la reprise des travaux d'exploitation de plusieurs gites métallifères en France, notamment des mines de cuivre et de plomb argentifères de l'Aveyron, et de la découverte dans les Hautes-Pyrénées d'une mine très riche de plomb argentifère et de manganèse. Le manganèse è Nouveaux gites métallifères en France. Tremblement de terre dans la Seine- Inférieure. 3% ACADÉMIE DE ROUEN. des Pyrénées est bien supérieur à celui de Bourgogne et vaut celui d'Angleterre. Il en arrive déjà de grandes quantités sur notre place, pour le service de nos belles fabriques de chlorure de chaux. Un phénomène géologique, presque toujours terrible et désastreux dans sa brusque apparition, ce sont ces secous- ses, ces trépidations, ces ondulations souterraines qui soulèvent, disloquent, ou agitent le sol, et qu'on désigne sous le nom général de tremblements de terre. Causés très probablement par le retrait ou l’inégal refroidissement de la croûte solide du globe , et liés d’une manière assez inti- me avec les éruptions volcaniques, ces tremblements sont beaucoup plus fréquens dans les terrains ignés que par- tout ailleurs. Excessivement rares dans nos régions secon- daires et tertiaires, leur manifestation est, par cela même, la source de frayeurs presque toujours exagérées, car ils ont ordinairement peu de puissance, d’étendue et surtout de durée. Il y a un mois à peine, le 10 juillet, entre 10 heures 1/2 et 11 heures du soir, deux très légères secousses de quel- ques secondes de durée ont agité le sol, depuis Paluel, à l'embouchure de la Durdent jusqu'au Havre, en suivant, pour ainsi dire, les côtes sans descendre dans les vallées. Elles ont été très sensibles à Fécamp, Montivilliers, Sanvic, Ingouville , Graville, Orcher et le Havre. C’est dans cette dernière ville qu'elles ont produit le moins d'effet. Le bruit qui les accompagnait ressemblait au roulement d’une voiture pesamment chargée. Les mouvements ont été assez forts pour ouvrir et fermer des portes, faire écrouler des toits et des tas de briques. Toutefois, aucun phéno- mène atmosphérique visible n’a précédé , accompagné ou suivi ce tremblement de terre, et, chose remarquable , ULASSE DES SCIENCES. 39 le baromètre et le thermomètre n'en ont pont été influencés. Ces faits ont été constatés et signalés à l'Académie par notre confrère M. Marchand de Fécamp, et par M. Leudet, pharmacien au Havre. M, Marchand , notamment , NOUS à transmis des renseignements fort détaillés sur ce qui s’est passé dans sa localité le 10 juillet , et nous a rappelé que le 22 juin 1843, à 7 heures du matin, un tremblement se fit sentir dans les environs de Fécamp. On.a gardé le sou- venir de celui qui eut lieu en 1782 ou 1783. Si la physique , la chimie , l'histoire naturelle ont oc- cupé largement les instants de l'Académie, l’agriculture n'a pas été négligée par elle, au moins dans ses généra— lités. De nombreuses communications, d’intéressants rap- ports ont été présentés à ce sujet par M. Bergasse, qui puise, dans sa parfaite connaissance des pratiques agricoles de presque toutes les régions de la France, des points très instructifs de comparaison avec les habitudes norman— des (f). Dans une notice sur la pomme de terre, l'une des meil- leures, sans contredit , qui aient été publiées depuis quel- ques années sur ce précieux tubercule, notre confrère, M. Philippar, démontre parfaitement l'inutilité de la plan- tation automnale , recommandée naguère avec tant d'en- thousiasme par Morren de Liége et certains agronomes anglais. C'est encore à M. Bergasse que nous avons dù l'analyse critique des ouvrages de MM. du Breuil fils et Girardin, l’un sur {a théorie et la pratique de l'arboriculture, l'autre sur les fumiers considérés comme engrais. Le premier de ces AGRICULTURE Notice de M.Philippar sur la pomme de terre. Ouvrages agricoles de MM. Du Breuil el_ Girardin. PHYSIOLOGIE ANIMALE. Inhalation éthérée. 36 ACADÉMIE DE ROUEN. ouvrages qui, d'après M. Bergasse, est le manuel le plus complet , le plus satisfaisant qui ait été écrit sur la culture des arbres , a valu à son auteur des témoignages non équi- voques d'approbation, tant de la part de plusieurs Sociétés horticoles du royaume, que du gouvernement Russe qui en fait publier une traduction. Même faveur lui est accordée en Angleterre. La physiologie de l'homme est peut-être encore plus di- gne que celle des plantes de fixer l'attention des observa- teurs, car elle est plus compliquée et moins bien connue. Cultivée avec plus d’ardeur que jamais, cette branche des sciences médicales a fait, dans ces derniers temps, de très remarquables progrès , mais il lui était réservé de nous fournir cette année un nouveau sujet d'étonnement et d'admiration, en découvrant le moyen de supprimer la douleur dans les opérations chirurgicales. C’est l’éther sulfurique, ce stimulant diffusible par excellence , qui, dans les mains du docteur américain Jackson, devient l'agent des effets stupéfiants les plus curieux et les plus intenses. Inspirée avec l'air, pendant quelques minutes, la vapeur éthérée plonge le cerveau dans un état d'inertie, d'engour- dissement tel qu'il ne perçoit plus la douleur, et que les mutilations les plus cruelles peuvent être exécutées sur l’homme et les animaux vivants sans qu'ils en aient cons- cience. On avait jusqu'ici vainement cherché dans l'ivresse alcoolique, le narcotisme opiacé, le magnétisme, les moyens d'épargner à l'humanité les tortures auxquelles la soumettent les opérations chirurgicales. L'ivresse éthérée produit cet admirable résultat , ainsi que le démontrent les centaines d'expériences exécutées depuis 6 mois en Amé- rique, en Angleterre, en France, en Allemagne. Sans doute , l'emploi des inbalations éthérées n’est pas applica- ble à tous les cas; il peut offrir des inconvénients , des dan- CLASSE DES SCIENCES. 37 gers même quand il est mal administré, mais son utilité est incontestable dans des conditions données. Des discussions du plus haut intérêt ont été élevées au sujet de cette découverte merveilleuse dans le sein de l'A- cadémie , et les membres qui s'occupent particulièrement des sciences médicales nous ont fait connaitre les résultats des opérations qu'ils ont pratiquées avec succès en se ser- vant de la vapeur éthérée. MM. Preisser, Pillore et Mélays nous ont aussi rendu compte de leurs expériences sur les animaux. Répétant les essais de M. Amussat, ils ont constaté, comme cet habile chirurgien, que pendant l'inhalation éthé- rée , le sang des artères devient noir, que cette transforma- tion précède l'apparition de l’insensibilité, et que dès que l'animal respire de l'air pur, le sang artériel reprend sa cou- leur rouge avant le retour de la sensibilité. L'inspiration de gaz autres que l'air a produit les mêmes effets. Il résulte donc de là que l’insensibilité est le résultat de l'influence qu'exerce sur les centres nerveux le sang qui n’a pas subi l’hématose pulmonaire ; qu’en un mot, elle doit être attri- buée à un commencement d’asphyxie qui, à un degré plus avancé, amènerait la cessation des mouvements respira- toires et la mort. Quant à remplacer l'inspiration de l'éther par celle d'un gaz, pour éviter l'influence fâcheuse sur les suites des opé- rations chirurgicales de l'ivresse et de l'irritation pulmo- naire qu'elle provoque , tout le monde n'a pas été d'accord avec les auteurs du mémoire que nous analysons, et il a été reconnu généralement que l’éther est encore, jusqu'à présent, le moyen le plus commode et le moins dangereux de provoquer l'insensibilité , lorsqu'on à soin de ne pas ar- river jusqu'à la période de stupeur où d'asphyxie propre- ment dite Nouvelle maladie cutanée, par M. Forget. 38 ACADÉMIE DE ROUEN. L'observation clinique, qui ne cesse de progresser, apprend aux praticiens à mieux distinguer, sinon à mieux guérir, ces mille et une variétés de maux qui aflligent notre pauvre humanité. Il nous serait doux de vous annoncer que, grâce à ces progrès, une maladie vient de disparaître du cadre nosologique. Malheureusement c'est le contraire que nous avons à vous signaler, car notre habile correspon— dant de Strasbourg, M. le professeur Forget, vient de dé- couvrir une affection cutanée non encore décrite par les auteurs. C’est un resserrement chronique des couches profondes du derme , à la suite d’une phlegmasie chro- nique de la peau ; et ce qu'il y a de plus fàcheux dans cette triste acquisition, c'est qu’elle se montre très rebelle aux remèdes les plus actifs et les mieux appropriés. Cette nou- velle infirmité a reçu de M. Forget les noms par trop scien- üifiques de Chorionitis, de Sclérostenose cutanée. A cette occasion, M. Avenel, après un éloge mérité des qualités éminentes d'observation de notre correspondant , fait une critique des dénominations tant soit peu barbares imposées à une maladie encore incornue dans son essence ou dans ses rapports les plus essentiels. Cette manie des appellations grecques aurait dû succomber sous le ridicule dont l’a cou- verte le spirituel Gosse, qui prête à l’un de nos botanistes classificateurs la bouffonne idée de substituer au nom si vulgaire de la carotte la dénomination plus scientifique de : Micromacroglucoxanthoerythroleucorhizos ! ce qui veut dire en bon français : racine petite, grosse , sucrée , jaune, rouge et blanche. « Les hommes de science de la valeur de M. Forget, dit M. Avenel, peuvent se passer de ce clinquant si commun de nos jours, et laisser l'affectation à ceux qui ne possè- dent point autre chose. » CLASSE DES SCIENCES. 39 J'ai encore à vous parler, Messieurs, des communica- tions qui nous ont été faites sur la statistique morale, dont on peut tirer un excellent parti, lorsqu'on la consulte avec cette réserve que commande l'abus qu'on en fait trop souvent. Si nous étudions, avec notre confrère M. Homberg , le compte général de l'administration de la justice civile et commerciale en France pendant l'année 184%, nous cons- taterons avec regret que le nombre des procès va sans cesse en augmentant. Il y en a aujourd’hui un sur 29% ha- bitants, et, chose à noter, c’est qu'en Normandie, dont la vieille renommée en fait de chicane est bien établie , il y en à un pour 247 habitants. Toutefois, hâtons-nous de dé- clarer que le Caivados, l'Eure et l'Orne se chargent seuls de soutenir l'antique réputation des plaideurs nor- mands , puisque le chiffre des procès dans la Manche et la Seine-Inférieure ne s'élève pas à la moyenne de toute la France. Mais c’est toujours Rouen, d'un autre côté, qui, d’après le compte-général , vient immédiatement après Paris dans le nombre des faillites, comme dans celui des ventes judi- ciaires et des séparations de corps. Notre département est fécond en misères de beaucoup d'espèces; contributions , procès, faillites, séparations de corps. Mais ces misères-là, comme le fait observer M. Homberg, attestent ses ri- chesses. Les contributions se paient en raison des fortu- nes; les procès, les ventes judiciaires, les faillites sont l'inévitable conséquence d’un grand mouvement d’affaires ; et quant aux séparations de corps, comme elles entraînent séparations de biens, beaucoup de femmes qui se résigne- raient à leur sort, ou se contenteraient d'une séparation de STATISTIQUE. Administration de la Justice civile et commerciale en France. Résume des opérations du Mont-de-Picte de Rouen, par M. Ballin. Ouvrages de Statistique de M. Fayet. #0 ACADÉMIE DE ROUEN. fait, veulent la séparation judiciaire, pour rentrer en pos- session de leur dot. Toutes ces raisons atténuent la mauvaise opinion qu'on pourrait prendre tout d'abord de nos populations , en ne consultant que les chiffres bruts de la Statistique, sans en scruter l’origine et la moralité. Un autre genre de documents qui rappelle encore les misères de notre état social, nous a été fourni par M. Ballin; c'est le résumé des opérations faites par le Mont-de-Piété de Rouen, de 1837 à 1846. Il en ressort : 1° Que les engagements s'élèvent , année cominune, au nombre de plus de 96,000 , qui donnent lieu à plus d'un million de prêt ; 2° Que les renouvellements portent sur plus de 20,000 articles, dont les prêts se montent à plus de 300,000 fr. : 3° Enfin, que les ventes ne portent que sur 6,000 articles, représentant plus de 64,000 fr. de prêt. Ainsi , les objets abandonnés par les emprunteurs ne dépassent guère 6 p. ,/° des engagements , ce qui prouve que la plupart d'en- l'eux attachent beaucoup d'intérêt à leur conservation. Je saisirai cette occasion pour vous annoncer que M. Ballin a reçu, pour sa Statistique du canton du Grand- Couronne, la seule récompense que l'Institut ait décernée cette année pour le concours de Statistique. M. Fayet, professeur de mathématiques , à Colmar , nous à fait hommage de son Essai sur l'accroissement de la population et sur les progrès de la criminalité en CLASSE DES SCIENCES. #1 France, ainsi que de deux grands tableaux qui résument, dans des colonnes bien entendues , la Statistique intellec- tuelle et morale de plusieurs départements (Moselle, Bas et Haut-Rhin, Allier, Puy-de-Dôme, Cantal, Haute- Loire. ) « C'est une entreprise utile autant que curieuse, que celle qu'a conçue M. Favyet, a dit M. Vingtrinier , rappor- teur de ces ouvrages ; il cherche à rendre populaire pour ainsidire , les faits , les constatations d’une époque ; il offre à chaque département des moyens de se bien connaître , et tout le monde conçoit aujourd'hui qu'une bonne Sta- tistique , donnant avec vérité l'étendue territoriale de chaque commune , la valeur et la nature des productions du sol , la population , les établissements de tous genres, le mouvement des prisons, des hôpitaux , ete., sera une œuvre extrêmement utile , si elle est vraie. » Cette dernière condition peut être facilement remplie , grâce aux eflorts de l'administration supérieure , qui à réuni depuis longtemps déjà une immense quantité de documents ofliciels ; aussi, maintenant, y at-il des moyens de recherches et de contrôles qui font que beaucoup de travaux statistiques ont pris le cachet de la vérité. Toute- fois , il est nécessaire , d’après M. Vingtrinier , dans les études de cette nature, de ne jamais prendre pour assurés les faits établis par un auteur comme étant la parole du maître, et avant de partir d'une aflirmation faite par un autre , il est toujours bon de repasser le calcul, comme on fait en arithmétique. e Comme preuve de cette nécessité, notre confrère cite ce qui lui est arrivé. Sur la foi des économistes et des criminalistes , il a cru pendant longtemps qu'il existait, 12 ACADÉMIE DE ROUEN. en France, une malheureuse tendance vers une augmen- tauon dans la criminalité. Or, en étudiant par lui-même , en disséquant les chiffres avec scrupule , il est arrivé à une conclusion tout opposée. M. Fayet, lui, s'est rangé parmi les alarmistes , et il a trouvé le moyen de se procurer des chiffres pour établir que l'ascension annuelle des crimes en France est mar— quée par le nombre 332. Ce résultat a paru si extraor- dinaire à notre rapporteur, qu'il a voulu savoir l'opinion de nos confrères MM. Moreau de Jonnès et Arondeau , juges si compétents en pareille matière. Tous deux ont trouvé , comme M. Vingtrinier, la cause de l'erreur de M. Fayet, dans l’association qu'il a faite des chiffres correctionnels avec les chiffres criminels. Qui ne comprend que l'aug- mentation du chiffre correctionnel , étant subordonnée à l'état de la misère du peuple, il n’y a pas de conclusion grave, alarmante à en tirer ! Ainsi, par exemple , en 1847, les prisons correctionnelles sont encombrées d’un tiers en plus que dans les années ordinaires. A Rouen , la maison de correction montre , chaque année , en juin, un chiffre de 500 ; aujourd’hui il est de 800. Mais, d’un autre côté, la maison de justice criminelle n'a pas dépassé son chiffre annuel ; c'est ce qui rassure. La mendicité est le délit de ces 300 malheureux qui ont gonflé le chiffre ordinaire ; conséquemment ce serait à tort que M. Fayet les ferait servir à prouver le progrès de la criminalité en France. Malgré toutes ses observations critiques à l'égard des ouvrages de M. Fayet, M. Vingtrinier n'est pas moins d'avis qu'il faut encourager de pareils travaux, et user de bienveillance envers les hommes zélés qui, comme le pro- fesseur de Colmar, veulent bien se livrer aux recherches difficiles et peu agréables de la statistique, parce que ce CLASSE DES SCIENCES. #3 nest Jamais que dans l'intérêt public que ces hommes travaillent. J'aurais voulu vous parler, Messieurs , des rapports étendus et substantiels de MM. Bergasse, Vingtrinier , Gi- rardin, Avenel, Preisser, sur un grand nombre d'ou- vrages adressés à l'Académie ; de l'envoi, par notre cor- respondant, M. le docteur Duchesne, des copies de deux lettres autographes de Rouelle et Lecat, ces grandes illustrations normandes du xvure siècle. J'aurais voulu vous énumérer les diverses publications scientifiques faites en dehors de l'Académie par plusieurs de ses membres ; tels que MM. Moreau de Jonnès, Amiot , Pelouze , Bussy, Philippar , Payen , Boutigny , V. Pas- quier, Michelin, Boucher de Perthes , Soyer-Willemet , Lesauvage, Lamare , Jules Reiset , Forget, Avenel, Du Breuil, Girardin (g) ; mais le temps me presse, et je me hâte de terminer ce trop long rapport, en vous signalant les changements survenus dans le sein de la Compagnie pendant l’année qui vient de s’écouler. Nous avons eu la douleur de perdre le dernier des mem- bres qui aient concouru à la nouvelle organisation de l'Aca- démie, M. Le Tellier, qui a laissé de si honorables souve- nirs dans cette ville, où il a été successivement excellent professeur, industriel habile , inspecteur d'Université in- tègre et consciencieux. Notre confrère M. Lévy a rédigé, sur celui qui fut son maître, son protecteur et son ami, une notice biographique que nous nous empresserons d'insérer dans le Précis de nos travaux. Nos regrets se sont accrus lorsque nous avons vu dis- paraître de nos rangs, et presque coup sur coup, Virey, Rapports, publications des Membres de l’Académie. NECROLOGIE Nouveaux Membres de l’Académie AA ACADÉMIE DE ROUEN. cet auteur fécond et érudit qui a écrit avec un égal succès sur la médecine, la pharmacie , l'histoire naturelle ; Du- trochet, ce physiologiste profond , qui a doté la science de vues si mgénieuses , de découvertes si capitales ; Cotte- reau, ce médecin zélé et philanthrope , dont la vie a été si active et malheureusement si courte (h). Mais, comme il est dans la destinée des Académies de se régénérer continuellement, nous avons, pour combler ces vides regrettables , appelé dans notre sein des hommes qui apporteront leur concours empressé à l'œuvre civili- satrice que nous poursuivons. Ces nouveaux collabora- teurs sont : MM. Boutan, professeur de physique au Collége royal de Rouen. Lepage , pharmacien, professeur de physique et de chimie au Collége de Gisors ; Herberger, chimiste , directeur de la Société Pa- latine des sciences chimiques, à Kaiserlautern en Bavière ; Boileau de Castelnau , médecin en chef de la maison centrale de Nismes. Les travaux antérieurs de ces estimables confrères sont , pour l'Académie, un gage assuré des services qu'elle recevra de leur collaboration future. J'ai sans doute bien incomplètement raconté les occu- pations scientifiques de l'Académie pendant l'année; signalé imparfaitement la tendance générale de ses efforts pour l'accroissement des connaissances , pour l'entretien parmi CLASSE DES SCIENCES. #5 nous de cette émulation, de ce feu sacré qui poussent in cessamment les esprits à découvrir de nouvelles voies dans les sentiers encore mal frayés de la science. Avec un aussi beau sujet à traiter, j'aurais dû mieux faire ; mais ce qui, je l'espère, rachètera ma faiblesse, c'est que j'ai voulu, avant tout, être impartial et véridique autant qu'on peut l'être quand on a grande envie d'être vrai , et qu'on n'a pas besoin d'autre chose pour intéresser. COMPLÉMENT. 16 ACADEMIE DE ROUEN. COMPLÉMENT DU RAPPORT DU SECRÉTAIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES. Je crois devoir donner ici quelques détails qui auraient allongé, outre mesure, mon Rapport destiné à être lu en séance publique. Ce sera satisfaire à la fois aux exigences du public scientifique et aux justes égards qui sont dus à d'honorables confrères dont le zèle a fourni à l'Académie des occasions de travaux et de discussions. (a) Voici l'exposé analytique du mémoire de M. Amiot sur les surfaces du second degré, par M. Bigourdan, rapporteur. » On sait que lorsqu'on cherche, dans un plan, le lieu de tous les points, dont les distances à une droite donnée et à un point fixe, situés dans le même plan, conservent un rapport constant, on obtient l'équation la plus générale du 24 degré entre deux varia- bles. Si l’on identifie cette équation avec celle d’une courbe quel- conque du 21 degré, on obtient immédiatement non-seulement les foyers et les directrices de cette courbe, mais encore ses élé- ments en grandeur et en position. » M. Amiot, dans un premier travail, s'est proposé une ques- lon analogue par rapport aux surfaces du 24 degré, et il a trouvé, CLASSE DES SCIENCES. 17 non un foyer unique, mais des courbes dont les différens points jouissent de propriétés assez semblables à celles des foyers des courbes du 21 ordre. » Le procédé de M. Amiot est aussi élégant que fécond. Il s'est proposé de trouver le lieu décrit dans l’espace par un point mo- bile, dont la distance à un centre fixe offre un carré constamment proportionnel au rectangle construit sur les distances du même point à deux plans donnés. On obtient ainsi une équation qui re- présente généralement une surface du 2e ordre. En étendant aux surfaces du 2e ordre et en généralisant la définition des foyers et des directrices des sections coniques, l’auteur est conduit à se proposer cette question : étant donné une surface du 2e ordre par son équation, cherchons si cette surface admet un ou plusieurs foyers , ainsi qu’un ou plusieurs systèmes de plans directeurs. » En poursuivant son analyse avec beancoup de sagacité, M. Amiot trouve que les foyers ne forment pas des points isolés , mais des courbes continues qu'il appelle des focales , et il prouve que toute focale est une des trois courbes du 2e ordre. Aux fo- cales se trouvent intimement liées d'autres lignes qu'il nomme synfocales. » M. Amiot expose ensuite les propriétés des focales-synfo- cales et plans directeurs, d’abord dans les surfaces douées d’un centre et particulièrement dans l’ellipsoide , et ensuite dans les surfaces dépourvues de centre. Enfin il applique sa théorie des focales à la discussion d’une surface du 24 degré , donnée par son équation. » Dans son travail, M. Amiot a démontré un grand nombre de propriétés et de théorèmes nouveaux, indépendamment de quelques autres déjà connus. » Dans un second mémoire, M. Amiot a donné une plus grande extension à son premier travail. En démontrant des théorèmes nouveaux très importants sur les surfaces du second degré , il a de plus en plus étendu l’analogie qui existe entre les focales des surfaces et les foyers des courbes. Enfin , à l’aide de sa savante et féconde analyse , il a résolu par des moyens nouveaux des proble- mes très importants sur les surfaces du 2 degré, » 18 ACADÉMIE DE ROUEN. (b) Dans son rapport sur le mémoire de M. Boutan, M. Preis- ser s'exprime ainsi à propos des trombes : « Je ferai une observation critique à mon collègue, qui me sem- ble avoir oublié, dans son explication de la trombe, un élément essentiel et qui doit singulièrement contribuer à donner à ce mé- téore son effroyable propriété de destruction. Il explique bien les tourbillons électriques dans les hauteurs de l'atmosphère, et je rends pleinement justice à la clarté de sa théorie, mais un nuage orageux n’agit pas seulement en vertu de sa masse ; mais surtout par sa distance au sol. » La trombe est un immense entonnoir électrique qui rase, pour ainsi dire, le sol en tourbillonnant. Dans ce gouffre, viennent se précipiter tous les nuages orageux qui lancent de tous côtés la foudre qu'ils recèlent. Pour que son action destruclive s'exerce dans les dimensions gigantesques que nous avons observées dans le météore qui est venu bouleverser la belle vallee de Malaunay et de Monville, il faut que les distances entre la nuée et le sol soient presque nulles. Alors rien ne limite plus sa force attractive. Les arbres sont déracinés , les édifices les plus solides sont soule- vés et anéantis. » Mais pour que des nuages électriques puissent ainsi s’abais - ser vers le sol, il faut qu'ilssoient surmontés par d’autres nuages possédant un fluide de même nom. Dès lors il s'opère une puis- sante répulsion et le nuage surbaissé, en se déchargeant d'une grande partie de son fluide , éprouve le mouvement de rotation que M. Boutan a décrit si clairement dans son mémoire. » (ce) Relativement à cette odeur de la foudre, le rapporteur s'exprime ainsi : « Je regrette de ne pas avoir trouvé dans le mémoire de M. Boutan une autre explication de ce phénomène ; quoiqu’elle soit soumise à des objections, elle me semble cependant présenter quelque chose de très plausible. » L'air, comme on le sait , est formé des mêmes éléments que l’eau forte, et nous pouvons , en faisant passer une série d'étin- celles électriques à travers de l'air renfermé dans un ballon hu- mide , opérer la formation d’une petite quantité de ce liquide. - sam CLASSE DES SCIENCES. 19 Si avec nos faibles machines, nous arrivons à ce résultat, que ne doivent pas faire ces immenses éclairs, ces nuages électrisés qui viennent se décharger sur la terre? D'ailleurs, l'analyse chimique démontre l’existence de l'acide nitrique dans presque toutes les pluies d'orage. Il n’est donc pas déraisonnable d'admettre que quand la foudre tombe sur un édifice, il se forme de l'acide ni- trique dont les vapeurs désagréables peuvent , jusqu'à un certain point, être comparées à celle du soufre qui brûle; d'autant plus que cette expression, mauvaise odeur de soufre, est adoptée par beaucoup de personnes pour désigner une odeur désagréable. Probablement aussi cet acide, en réagissant sur les métaux, donne naissance à un peu d'acide hyponitrique dont l'odeur est plus nauséabonde encore. La production de ce corps nous expli- querait cette formation de vapeurs blanches et rongeâtres que l’on observe dans les lieux foudroyés, immédiatement après le pas sage de la foudre. Les ouvriers de Monville, qui ont été enve- loppés par la trombe , ont tous signalé l'existence d'une odeur très désagréable et d'une vapeur épaisse qui les environnait. » (d) Voici un extrait du rapport que M. Girardin a présenté à l'Académie , sur le mémoire de M. Henry : « Je vais extraire de ce mémoire , ainsi que d’une notice spé- ciale , communiquée en 1843 par le docteur Cisseville à l’Associa- tion Normande , séant à Neufchâtel , les faits qui me paraissent nouveaux et dignes de fixer l’attention de l’Académie. » Le monticule sur lequel est situé le bourg de Forges, se di- rige de l’est à l’ouest. Il est composé, depuis l'argile bigarrée qui apparaît à la surface du sol jusqu’au grès vert, de nombreu- ses alternances d'argile plastique, de sables et de grès ferrugi- neux , ayant une puissance de 50 à 55 mêtres, et desquelles sor- tent, au nombre de trois, les sources minérales exploitées. » Ces trois sources, appelées la Æeinette , la Royale et la Cardinale, sont situées au couchant du bourg, dans un vallon do- miné par quelques éminences. Elles sourdent à trois mètres en- viron au-dessous du sol, dans une petite cour dallée en mica- schiste, dans laquelle on descend par quelques marches. La Xei- nette et la Cardinale coulent horizontalement : la Aeinette, de h 50 ACADÉMIE DE ROUEN. l'est à l’ouest ; la Cardinale , du nord au sud. La Æoyale sourd perpendiculairement au milieu des deux autres, et coule ensuite de l’est à l’ouest, comme la Aeinette. » D’après un jaugeage fait avec soin par M. Cisseville : La Aeinette donne 900 litres d’eau par heure, ou 21,600 litr. par 24 beures. La ‘Aoyale. . . . 450 . . .. . . . - . ..-,. 10,800 La Cardinale … : 180 .-..- .». RE PU, Les trois sources réunies fournissent donc , dans les 24 heures, 36,720 litres d’eau. » La densité de l’eau des trois sources est, à peu de chose près, la même , 4,5 environ. » La température est aussi à peu près la même dans les trois sources , et dans le réservoir qui lesreçoit en sortant de leur canal. Elle est de 7° cent. pour la Reinette et la Royale, de 6° pour la Cardinale , de 6° 4/4 dans le réservoir commun. » La saveur n'est pas la même dans l’eau des trois sources ; elle est fraîche dans toutes; peu ferrugineuse dans la Aeinette , plus prononcée dans la Aoyale , et décidément atramentaire dans la Cardinale. » Toutes forment dans leurs bassins respectifs des dépôts ocreux et floconneux. La Cardinale présente à sa surface une pellicule irisée prononcée, que les buveurs recherchent avec soin , et désignent sous le nom de Créme de la Source. » Lorsqu'on vient à découvrir le bassin qui reçoit séparément chacune des sources , on est frappé de l'aspect que présentent les dépôts qui s’y trouvent. Ce n’est plus un amas rouge ocracé, mais une réunion de flocons, d’aspect lanugineux, rouges ou rosés très légers; quelques-uns même sont tout-à-fait blancs et comme soyeux. Vient-on à recueillir ces flocons qui se divisent avec une grande facilité ; on y aperçoit à l’aide du microscope une réunion de conferves parfaitement organisées, au milieu d’une masse gri- sâtre amorphe , et de parties ferrugineuses n'offrant également aucune forme. Ces végétations se composent d'oscillaires et d'une CLASSE DES SCIENCES. of autre conferve particulière. On les retrouve dans les rigoles et les conduits où circulent les eaux. » Les trois sources renferment les mêmes principes minéralisa- teurs, à savoir : des bicarbonates de chaux et de magnésie, des chlorures de sodium et de magnesium , des sulfates de chaux, de soude et de magnésie, de la silice et de l’alumine, un sel ammonia- cal (sans doute du carbonate), du crénate de potasse, du crénate de manganèse et du crénate de protoxyde de fer. La Xoyale a offert de plus des traces de nitrate de magnésie. Il y a, en outre, dans toutes , des gaz azote , oxygène , et surtout du gaz acide carbo- nique en dissolution. » Le résidu salin, laissé par l’évaporation , varie peu dans cha- cune des trois sources ; ainsi: La Aeinette fournit un résidu de 0 g. 250 p. 4,000 gr. d’eau. HAN AOYUIE ES 0 C0) 0200 La Cardinale -… 2. . : : 0, 1245 » La proportion des principes dissous est, au contraire, fort variable lorsqu'on fait entrer en ligne de compte l'acide carbonique et les différentes substances qui sont altérées par la chaleur. » La quantité du sel ferrugineux (crénate de protoxyde), qui communique aux eaux de Forges leurs propriétés spéciales, est loin d'être la même dans les trois sources. D’après M. Henry, il v a dans chaque litre d’eau : De la Aeinette. . . ; 0, gr. 0220 de crénate, ce qui repré- UT PRE CRETIOR ERP 0,0103 de fer métall. De la Royale. . . . . 0, 0670 . 0,0402 De la Cardinale. . . 0, 0980 . C,0588 » Le sel ferrugineux est donc plus abondant dans la Cardinale, en moindre quantité dans la Aoyale, et en proportion fort mi- nime dans la Aeinette. » Ce sel est en complète solution dans les eaux, au moment de leur sortie de terre, mais il ne s’y maintient pas à l’état soluble lorsqu'on les expédie ; car , on n’en trouve , pour ainsi dire, plus ACADEMIE DE ROUEN. alors dans la Aeinette et la Royale, et à peine même si la Cardi- nale en retient sensiblement. Tout est séparé au fond des vases à l'etat d’un produit rouge insoluble. De là, l'importance de boire ces eaux à leur point d'émergence, et la nécessité pour le chi- miste de les analyser aux sources mêmes. » L'examen du dépôt floconneux qui se forme spontanément dans les bassins de réception des eaux, était très important, par- ce qu'il doit représenter le principe spécial ferrugineux des eaux de Forges dans un état, on peut dire, plus concentré, et qu'il devient alors plus facile , par l'analyse , d'en bien connaître la nature. M. Henry a trouvé ce dépôt composé ainsi qu'il suit, sur 100 parties : Matière organique , c'est-à-dire acides crénique et apocré- TIQUE ae CU ES ce HN EAU Peroxyde de fer avec trace de manganèse. . . 81,1 Sable ou mica , carbonate de chaux et con- . . LERVES s : s'aste io CD CE ECREUR-2- 4,2 100,0 » C’est donc à l’état de crénate de fer , et non à l’état de car- bonate, comme le croyait M. Robert, que le fer existe dans les eaux qui nous occupent, puisque ni dans les eaux, ni dans le dépôt ocracé qu’elles forment , il n’y a de traces de carbonate de fer. Tout prouve que dans les autres eaux ferrugineuses, dans lesquelles le fer n’est pas à l’état de sulfate, c’est aux acides or- ganiques, crénique et apocrénique, découverts par Berzélius , en 1854, qu'il est combiné. Cela est bien évident pour les eaux de Porla, de Ste-Allyre, et pour toutes les eaux ferrugineuses de notre département , ainsi que je m’en suis assuré tout derniè- rement encore sur la source éminemment ferrugineuse de Rolleville, auprès de Montivilliers. Cette dernière source m'a offert, dans le bassin où l’eau séjourne, le même dépôt ocracé , les mêmes conferves et oscillatoires que ceux qu'on remarque dans les bassins des sources de Forges. Je rappellerai que c'est également à cet état de crénate et d'apocrénate de fer que nous avons trouvé le fer, M. Preisser et moi, dans les eaux de St-Paul CLASSE DES SCIENCES. 93 et de la Maréquerie, à Rouen, dans celles de Rançon , prés de St-Wandrille. » Quelle est l'influence sur le fer de cette matière organique que les progrès seuls de la science ont permis de reconnaître dans les eaux ferrugineuses? En quoi modifie-t-elle son action sur l’économie animale ? Le docteur Cisseville est disposé à croire qu’elle atténue d’une manière avantageuse les propriétés trop styptiques ou trop astringentes du fer. Ce qu'il y a de certain, d’après le même praticien, e’est qu'on ne remarque pas, chez les personnes qui font usage des eaux de Forges , les accidents qui accompagnent ordinairement l'emploi des ferrugineux artificiels ou de certaines eaux ferrugineuses naturelles. » » Sur l'avis exprimé par notre confrère, M. Chevallier, on a eu l'idée d'utiliser le dépôt ocracé naturel des eaux de Forges comme succédané de ces eaux elles-mêmes , dans le cas où les malades voudraient en faire usage au loin, ou ne pourraient aller prendre les eaux sur place. M Cisseville a donc fait préparer des pas- tilles avec le dépôt des bassins, et l’établissement de Forges à concédé aux deux pharmaciens de ce bourg, MM. Gillet et Mallard, le droit de les fabriquer et de les vendre, sous le nom de Pastilles ferrugineuses de Forges. » (e) Voici quelques chiffres que j'emprunte au mémoire de M. Pimont. En dix ans, de 1835 à 1845, le nombre des appareils à vapeur, existant en France, a plus que quadruple. I était ainsi qu'il suit, dans la dernière année de cette période décennale : 1802 chaudières calorifères , réparties dans 4124 éta- 5022 chaudières motrices , blissements ; 3026 machines à vapeur à haute pression; 618 machines à moyenne et à basse pression; 416 locomotives ; T 382 machines pour la navi- ? 58 à haute pression. gation , à savoir: 254 à moyenne et basse press. Enfin 52 machines sur bateaux ? 27 à haute pression. stationnaires , 5 à moyenne et basse press En tout, 11,298 appareils à vapeur. 5% ACADÉMIE DE ROUEN. Sur ce nombre , les 4,474 machines à basse , moyenne et haute pression , représentent 75,260 chevaux-vapeur, ce qui correspond à 219,780 chevaux de trait, ou à la force de 1,758,240 hommes de peine. Cette force énorme est obtenue au moyen de 45,121 hectolitres de houille par jour. La quantité totale de houille nécessaire à l'entretien de tous les appareils travaillant en France pendant l'année 1843, a été de 19,617,900 hectolitres. (f) M. Bergasse nous a appris que toutes les variétés de fro- ment cultivées dans notre département , même celles qui y out été introduites sous le nom de blés anglais, appartiennent à l'espèce Touxelle du botaniste Seringe, c'est-à-dire au Zriticum vulgare, qui réunit actuellement les 7riticum œstivum et hybernum, mal à propos distingués par Linné. L'espèce dite Patanielle, Triticum turgidum,. est cultivée sous le nom de gros blé daus quelques cantons du Calvados, privilégiés par leur fertilité. On croit généralement, même à Rouen, que la farine de la Durelle (Triticum durum) et de la Patanielle ( Triticum polo- nicum) absorbe moins d'eau que celle de la ouxelle et de la Patanielle. C’est là une erreur, d’après M. Bergasse. Ce qui a pu y donner naissance , c'est que les blés durs anglais, qui sont beaucoup plus riches en gluten que tous les autres , fournissent, par une mouture imparfaite , une farine qui forme avec l’eau une pâte sirupeuse ou glaireuse , et qui semble repousser l’eau au lieu de vouloir l’absorber. Mais lorsque ces blés ont été lavés préalablement, comme on le fait à Marseille, lorsqu'ils ont été soumis à des meules taillées à grains fins, leur emploi présente d'immenses avantages. Le Ministre de la guerre ne l'ignore pas, lui qui exige que les agens comptables, lorsqu'il leur fournit des blés durs , rendent à l'Etat poids pour poids et ne leur alloue aucun déchet. CLASSE DES SCIENCES. DD (g) Parmi les nombreux ouvrages dus aux Membres de lAca- démie , nous nous fesons un devoir de mentionner d’une manière toute spéciale l'Annuaire , de chimie ou répertoire des décou- vertes et des nouveaux travaux en chimie faits dans les di- verses parties de l'Europe, publié par MM. Millon et Reiset. Le deuxième volume de l'Annuaire qui renferme tous les tra- vaux accomplis en 1845, donne l'analyse raisonnée de 218 mé- moires de chimie minérale et de 215 mémoires de chimie orga- nique. Le troisième volume , qui comprend les travaux de 1846, présente l'examen critique de 219 mémoires de chimie minérale , et de 307 mémoires de chimie organique ; c'est presque un cin- quième de plus qu’en 1845. « Un ouvrage de ce genre, a dit M. Girardin , dans son rapport, n'a d'autre mérite que l'exactitude et la clarté des résumés, que l’impartialité des appréciations portées sur chaque travail en particulier. Or , l'Annuaire de MM. Millon et Reiset réunit à un haut degré ces conditions , et de tous les recueils analogues, car il y a d’autres répertoires scientifiques publiés par MM. Berzélius, Kopp et Gerhardt, c'est l'Annuaire dont notre confrère est un des auteurs, qui me paraît le plus exact, le plus clair, le plus impartial. Il y a encore un point sur lequel je trouve cet Annuaire supérieur, ou au moins préférable aux autres compendium, c’est l'absence de vues systématiques dans l'analyse ou la traduction des ouvrages examinés. Les auteurs se bornent à faire connaître aussi exactement que possible les recherches et les opinions des savants dont ils signalent les écrits, sans les interpréter d’après des vues théoriques qui leur soient propres, et sans forcer les faits à entrer, bon gré malgré, dans un cadre factice, véritable lit de Procuste, sur lequel trop souvent la vérité est sacrifiée. » L'Annuaire, en condensant chaque année les nombreux détails que la pratique des laboratoires met à jour, sera d'un immense secours pour ceux qui construiront plus tard l'édifice de la chimie philosophique. , » Sans doute un pareil livre n'est pas de nature à donner beau- coup de gloire à son auteur , mais c'est à coup sûr une œuvre méritoire qui lui assure la reconnaissance de ses confrères, et du public lettré qui suit avec intérêt la marche d’une science si grande par son but, si belle par ses conceptions, si utile par ses résultats, si universelle par ses applications. » 56 ACADÉMIE DE ROUEN. (h) Voici quelques détails biographiques sur ces trois membres correspondants : Julien-Joseph Virey , fils d'un notaire royal, naquit à Hortes (Haute-Marne), le 22 décembre 1775. Après avoir fait ses huma- nités au collége de Langres, il fut placé chez un parent, pharmacien de cette ville, pour y commencer ses études en pharmacie , et, quelques années après, les guerres de la Révolution survenant, il fut appelé dans les hôpitaux et attaché comme pharmacien sous-aide à l'hôpital militaire de Strasbourg. Distingué par le célèbre Parmentier, qui ne laissa dans l'ombre aucun des jeunes pharmaciens qui annonçaient du mérite , il fut envoyé par lui à l’hôpital du Val-de-Grâce, de Paris, Dans cette situation, les dispositions de Virey trouvèrent largement à se dé- velopper. Non content de remplir exactement ses devoirs, Virey se livra au travail, aux recherches scientifiques , avec une acti- vité,une persévérance peu communes. Exact à tous les cours, il passait à la bibliothèque du Panthéon les instants qui lui restaient libres, et, outre l'étude de l’histoire générale, l'étude de la botanique et de la matière médicale, celle de l'histoire du genre humain, considérée moralement et physiquement, devint une de ses occupations favorites. Aussi, la partie la plus considérable peut-être des travaux qu'il a publiés, est relative à l'histoire de l'homme. « C’est de cette manière, dit notre confrère, M. Sou- beiran, auquel j'emprunte tous les détails de cette notice , qu'a- près avoir contribué dans les hôpitaux à soigner et guérir les affections du corps, il voulut, avec les philosophes, concourir au but si noble et si élevé de faire faire un pas de plus aux travaux de l'intelligence. » Les travaux que Virey a publiés sont très nombreux et de divers genres. Appelé à être l’un des rédacteurs du Journal de Phar- macie et des Sciences accessoires , il a inséré dans ce journal une multitude de notices relatives soit aux animaux, soit aux vé- gétaux , soit aux minéraux qui entrent dans le domaine de la matière médicale. Il avait acquis, sur ces matières, une expé- rience profonde; aussi était-il souvent consulté par l’administra- tion des Douanes, sur les substances étrangères introduites en France comme médicaments. CLASSE DES SCIENCES. 57 Collaborateur du nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle appliquée aux arts, et l’un des principaux auteurs du grand Dictionnaire des sciences médicales, il a traité dans ces deux recueils, qui forment chacun une encyclopédie spéciale, les sujets d'ensemble. Ainsi, on lui doit les articles Nature, Animal, Règnes, et divers sujets généraux de physiologie, d’hygiène, de philosophie et de l'histoire de la science. I à enrichi l'édition de Buffon de Sonnini d'un assez grand nombre de notes. Avec des matériaux aussi nombreux que ceux que Virey avait rassemblés, il ne pouvait manquer de publier des ouvrages originaux ; ils se succédèrent continuellement dans le cours de sa vie. Telles furent trois éditions d'un 7raité de Pharmacie théorique et pratique ; une traduction de la Chimie organique, de L. Gmélin, augmentée de notes critiques et de résultats d’ex- périences de laboratoire ; deux éditions de Histoire naturelle du genre humain, en 3 volumes, et qui furent réimprimées à l'étranger; deux éditions de l'Histoire de la Femme sous les rapports physiologiques , moraux et littéraires, ouvrage qui fut traduit en allemand; l'Histoire des mœurs et de l'instinct des animaux avec des classifications naturelles, 2 volumes. Telles furent encore, lorsqu'il se fit recevoir docteur médecin, en 1814, sa thèse inaugurale intitulée : Æphémérides de la vie humaine ; et un autre travail sous ce titre : Examen im- partial de La médecine magnétique. On doit aussi à Virey une Histoire naturelle des médicaments, des aliments et des poi- sons ; un livre sur La puissance vitale dans les fonctions phy- siologiques ; une Hygiène philosophique appliquée à la civili- sation moderne, ouvrage traduit en italien ; et enfin son dernier ouvrage , intitulé : De la Physiologie considérée dans ses rap- ports avec la Philosophie, 1844. La simple énumération des titres de ces livres suffit pour mon- ter avec quelle ardeur Virey se livrait au travail. L'étude était son occupation et sa distraction de tous les instants. Un seul motif le guidait, et il respire dans toutes ses œuvres, l'amour de ses semblables, le désir de concourir à leur bonheur et à leurs progrès. Tant de travaux ne restèrent pas sans récompenses. Virey avait été pendant longtemps pharmacien en chef de l'hôpital d'instruc- 58 ACADÉMIE DE ROUEN. tion du Val-de-Grâce. 11 était membre de l’Académie royale de Médecine, du Comité historique des Sciences près le ministère de l’Instruction publique, officier de la Légion d'honneur. Eu 1825, il fut appelé à la Chambre des Députés; la même année, il fut présenté par l’École de Pharmacie et par l’Institut pour une chaire d'histoire naturelle vacante dans cette école; la Restauration le repoussa. Un grand nombre de Sociétés savantes le comptaient au nombre de leurs membres correspondants ; il fut reçu à l'Académie de Rouen, en 18928. Une attaque d’apoplexie a enlevé Virey à ses nombreux amis 4 au commencement de mars 1846. Réné-Joachim-Henri Durrocnet, né en 14776 au château de Néon, dans le département de l’Indre , était, comme fils ainé d’une famille noble et riche, destiné à posséder un jour une fortune considérable; mais son père ayant émigré, tous les biens qu’il pouvait attendre furent confisqués, et le jeune Dutrochet se vit dans la nécessité de choisir une profession ; il embrassa la carrière médicale, afin de ne pas renoncer aux goûts qu'il res- sentait déjà pour l'observation de la nature , tout en s’assurant une existence honorable et utile. En 1806, Dutrochet prit le grade de docteur à la Faculté de médecine de Paris, après avoir soutenu une thèse sur la théorie de la voix, essai remarquable par l'originalité des vues qui y sont exposées, et qui pouvait faire prévoir la direction qu'il a invariablement suivie dans les travaux qui, depuis, lui ont valu une si juste célébrité; quatre ans plus tard, il complétait ce premier essai en publiant une nouvelle théorie de l'harmonie. Depuis lors, Dutrochet s’est livré, avec un zèle infatigable , à l'étude des phénomènes physiques , considérés dans leur relation avec l'organisme des plantes et des animaux. Pendant quelques années, il exerça la médecine , et, en 1808 et 1809, il servit comme médecin militaire dans l’armée qui combattait en Espagne. Mais une vie aussi rude , qui soumet la volonté, la pensée même, à une foule d’éventualités doulou- reuses, ne pouvait convenir longtemps à un esprit méditatif, qui avait besoin de toute son indépendance et de toute sa liberté. Aussi renonça-t-il de bonne heure aux avantages que son grand CLASSE DES SCIENCES. 59 savoir n'eût pas manqué de lui faire obtenir, et s’adonna-t:il, dans la retraite la plus absolue, à des travaux qui absorbèrent tous ses moments. C’est dans cette retraite de Château-Renault qu'il fit d'ingénieuses observations sur l'accroissement des végétaux, des recherches anatomiques et physiologiques sur l’or- ganisation des plantes et des animaux, sur leur motilité; son histoire de l'œuf avant la ponte. Un des premiers, Dutrochet entrevit combien il restait à faire pour asseoir la physiologie végétale sur une base inébranlable, sur l'expérience et sur l’observation. Observateur patient, minu- tieux même jusque dans les plus petits détails, il n’en procla- mait pas moins toute la puissance des vues générales et com- paratives. Dès ses premiers travaux, il annonce aux botanistes , aux zoologistes, aux médecins, que les phénomènes de la vie, pour être compris, doivent être étudiés successivement dans le végétal, dans l'animal, dans l’homme , dans toutes les classes des êtres organisés. Dans toutes ses recherches, Dutrochet a été inspiré par le véritable esprit biologique, l'esprit de comparaison et d'analogie. En 1819, l’Académie royale des Sciences le nommait un de ses correspondants. Quelques années plus tard, elle couronnait deux de ses Mémoires : en 1821 , ses Recherches sur l'&ccrois- sement et lareproduction des Fégétaux; en 1822, ses recherches sur le développement du Triton ou Salamandre aquatique dans ses différents degrés, depuis l'œuf jusqu’à l'animal par fait. Enfin , en 4851 , elle se l'associait en qualité de membre résidant, et comme membre de la section d'économie rurale. Une pensée juste et profonde, à savoir que si une force in- connue préside au développement des êtres vivants et aux actes qu'ils accomplissent, un grand nombre de ces phénomènes ne peuvent être analysés et définis sans les secours puissants que la physique et la chimie fournissent à l'observateur, a inspiré à Dutrochet ses plus beaux travaux , et l’a conduit, en 4826, à une découverte capitale dans la physiologie moderne, la théorie de l’'endosmose. Cette théorie et la démonstration des faits qui lui servent de base, ont placé Dutrochet au premier rang parmi les hommes éminents qui se sont occupés de physiologie géne- rale. Il en jaillit les plus vives lumières sur les phénomènes de 60 ACADÉMIE DE ROUEN. l'absorption et de la circulation dans les végétaux; il en jaillit, en même temps, l'explication simple et naturelle d'une foule de phénomènes de la nutrition et de la secrétion. Ne pouvant mentionner tous les écrits dus à la plume infa- tigable de Dutrochet, nous citerons les principaux, et entre autres : Mémoire sur les parties végetantes des animaux vertébrés (1821 ); Mémoire sur l'influence du mouvement sur les directions spéciales qu'affectent les parties des Végétaux ( 1822 ); Mémoire sur la direction que prend une aiguille aimantée placée à la circonference d'un cercle qui tourne sur son centre (1822 ); Nouvelles expériences sur les Sensitives (1825) ; Expériences sur la circulation des liquides dans les tubes de verre verticaux (1829 ) ; Recherches sur la température propre des Végétaux (1839); Recherches sur la chaleur vitale des Animaux à basse tem- pérature (1840 ); Recherches physiques sur la Force épipolique (184%2) ; Observations relatives à l'action motrice exercée sur la sur- face de plusieurs liquides , tant par l'influence de la vapeur de certaines substances que par le contact immédiat de ces mêmes substances (1842 ); Des mouvements révolutifs spontanes qui s’observent chez les Végétaux (1845 ); De l'infleæion des Tiges végétales vers la lumière coloree (4845 ); Recherches sur la volubilite des tiges de certains VFégetaux , et sur la cause de ce phénomène (1844), etc. Membre de la Société royale et centrale d'agriculture , Dutro- chet en suivit avec intérêt tous les travaux, et parmi les déli- bérations auxquelles il prit une part active, on peut citer les projets de perfectionnement de l'instruction agricole , les obser- vations sur les procédés de décortications partielles destinés à suspendre les ravages de certains insectes qui attaquent les ormes CLASSE DES SCIENCES. ü1 des grandes plantations publiques. Par une série d'observations microscopiques et d'essais chimiques, il parvint à constater, en 1843, l'origine antique de filaments de laine trouvés dans un sarcophage égyptien; et par l'examen de lambeaux de tissus ap- portés par M. Jomard, des hypogées de la ville de Thèbes, il démontra d'une manière évidente que cette terre d'Egypte, si an- ciennement dotée des avantages d'une civilisation avancée , pos- sédait la race des moutons mérinos. Privée, depuis bien des siècles, de cette antique civilisation et des avantages matériels qui en résultaient, l'Egypte avait vu disparaître les mérinos que l’Europe lui a rendus il y a une trentaine d'années, après les avoir reçus de l'Espagne qui, elle-même , les avait reçus des Maures d'Afrique. L'origine africaine de cette race précieuse de moutons sert à confirmer l'opinion de Dutrochet , que cette race existait réellement dans l'antique Egypte. L'Académie de Rouen s'empressa, dés 1816, de recevoir Dutrochet au nombre de ses correspondants. I] avait sollicité cet honneur en lui envoyant son Mémoire sur les Rotiferes, et des développements sur le mécanisme de la rotation chez les Rotifères. Plus tard, il lui communiqua ses recherches sur les enveloppes du fœtus. Dutrochet a été enlevé aux sciences le 4 février 1847. Pierre-Louis COTTEREAU , né à Vendôme, Le 4er décembre 1797, d'une famille aisée manifesta de bonne heure les plus heureuses dispositions pour les sciences naturelles. Reçu bachelier ès-lettres à 14 ans, il commença aussitôt l'étude de la médecine à l'hôpital civil et militaire de Vendôme, et en 1814, il se fit élève en pharmacie. Reçu pharmacien vers la fin de 1820, il n'exerça cette profession que fort peu de temps, et, entrainé par son goût pour la pratique de l’art de guérir, il reprit ses premières études médicales ; ses examens furent passés rapidement , et le 7 juillet 1825, il soutint avec un grand succès une thèse latine : De vene- ficio a miasmatibus paludosis. Cette thèse lui valut le titre de docteur de la faculté de Paris. En 18927, il obtint par concours la place de professeur agrégé à cette faculté, après avoir soutenu une thèse latine : £æx Fluidis imponderabilibus quænam auæilia therapeutica? I se lança 62 ACADÉMIE DE ROUEN. aussitôt dans la pratique médicale, en même temps qu'il ouvrit des cours particuliers de thérapeutique , de matière médicale et de pharmacie , qui, depuis, n’ont pas été interrompus. Pendant cinq ans, à partir de 4851, il remplaça M. Deyeux, dans la chaire de pharmacie’ de l’École de médecine, et fut l’un des professeurs les plus suivis de la faculté. En 1859, la Cour royale l’admit au nombre des experts chimistes assermentés. Il était depuis long- temps médecin des bureaux de charité et des dispensaires , secré- taire de la commission sanitaire du 5° arrondissement de Paris, et membre d’un grand nombre de sociétés savantes avec lesquelles il correspondait très activement. Il reçut la décoration de la Légion d'honneur en 1839. Travailleur infatigable et consciencieux, toujours poussé par une insatiable avidité de savoir vers l’inconnu, riche d’immenses connaissances , appliquant sans cesse à de nouvelles ramifications de la science l’activité de son esprit, Cottereau était devenu le médecin le plus instruit et en même temps le plus occupé de la capitale. Mais à aucune époque de sa vie, les sciences ne purent lui faire oublier le côté le plus agréable des travaux intellectuels. Profond latiniste , helléniste distingué, parlant toutes les langues vivantes, versé dans les langues orientales et asiatiques, il a par- tagé les travaux de l’illustre Rémusat , et, au milieu de recherches si variées, sans perdre de vue un seul instant son but principal, il a conservé en lui le souvenir et le culte trop oublié des impé- rissables modèles de l’antiquité. Cottereau a succombé le 19 février 1847 , après cinq jours de maladie , aux atteintes d’une pleuropneumonie. Il laisse un grand nombre d'ouvrages inédits. Le nombre de ceux qu’il a publiés est considérable. Nous citerons entre autres : Un Dictionnaire de Posologie médicale , fait en collaboration de MM. Chevallier et Bricheteau, ( 1829 ); Un Traité élémentaire de Pharmacologie , ( 4856 }); Treize mémoires d'histoire naturelle, communiqués à la Société médicale de Tours, ( de 1817 à 1819 ); Seize mémoires sur la thérapeutique et la pathologie , commu- niqués à diverses sociétés savantes ( de 1827 à 1829 ). CLASSE DES SCIENCES. 6: Cottereau était arrivé, par de nombreuses expériences sur lui-même, à un emploi aussi heureux que nouveau du chlore à l’état gazeux, dans les maladies de poitrine. Il a employé le premier, et avec succès, l’iode et le brôme, dans les mêmes affections. Pour l'administration de ces substances, il a construit un appareil qui lui est propre et qui porte son nom. Avec MM. Leblanc et Trousseau, il a encore étudié l'application du chlore au traitement de la morve, regardée comme incurable par tous les vétérinaires. L'Académie de Rouen admit Cottereau, en 1829, au nombre de ses correspondants. Elle avait reçu de lui, en juillet 1828, un très intéressant Mémoire sur quelques effets singuliers produits par l'usage interne et externe de certains médica- ments. RS SES ESESERS SES EEE = CONCOURS POUR LE PRIX DES SCIENCES DE 1847. L'Académie avait proposé, pour le prix des sciences à décerner cette année , le sujet suivant : « Ÿ at-il accroissement du nombre des aliénés des deux « sexes, dans le département de la Seine-[nférieure ? « En cas d’affirmative , rechercher les causes de ces ac- « croissements , et indiquer les moyens d’y remédier. » Un seul mémoire est parvenu; mais comme son auteur, en se bornant à quelques allégations vagues , n'a cité aucun fait, rapporté aucune observation , établi aucune hypothèse qui puisse amener à la solution de la question, l'Académie a décidé qu'il n’y avait pas lieu de décerner le prix, et a retiré le sujet du concours. CLASSE DES SCIENCES. Mémoires DONT L'ACADÉMIE 4 DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES, ér re D TIR Pet dE 2 vi 71 F3 à Le è srpire Le ANT Vodge: dire. ul . - L'o PA FORME ° & OMR E | | À eu au ne L A An Ti : D ASIN UP AO x . 7e Le Ve | 1 ; ; V'LUR L =. (1 (® } : . nee À LC: PRUTEER he" ; | La L 4 al FUN di da ne ‘ = ’ $ Ce o è û ES .. . ie dl Lt + x , l n NOTICE NÉCROLOGIQUE M. LETELLIER , PAB M. LÉVY, Membre vétéran. Germain-François LereLLier naquit le 8 avril 1767 à Villette (Eure), d'un cultivateur chargé d’une nombreuse famille. Destiné, dès sa naissance à l’état ecclésiastique, ses premiers succès dans les études le firent nommer grand boursier au Collége d'Harcourt (aujourd'hui Saint-Louis. ) Ses progrès furent rapides. A vingt ans, il était maître-ès- arts de l'Université de Paris, lorsque la révolution vint le détourner de la carrière qu'il avait embrassée. 11 se voua dès lors à l'étude des Sciences qui lui offraient un attrait particulier. Admis à l'École normale , il suivit avec avidité les leçons de Monge, Lagrange, Laplace et Fourcroy. Ces maîtres habiles, charmés de l’ardeur et du savoir du jeune homme , le firent rommer, le 1° février 1791 , pro- fesseur de mathématiques et de physique au Collége de Rouen; puis, en 1795, professeur de mathématiques à l'École centrale de la même ville. En 1804, il devint pro- fesseur de mathématiques transcendantes au Lycée de Rouen. Il remplit ces fonctions jusqu'au 15 décembre 1809, où il fut nommé inspecteur de l'Académie de Rouen. Il 68 ACADÉMIE DE ROUEN. en exerca les fonctions jusqu'en 1834, époque à laquelle il fut, sur sa demande , admis à la retraite. Déjà, depuis plusieurs années , ils’était livré à des entre- prises industrielles avec autant d'intelligence que de succès. Membre de l'Académie depuis 1809 , il était demeuré le seul membre parmi ceux qui avaient contribué à sa réor- ganisation. Il mourut à Paris le 17 novembre 1846 , à l'âge de 79 ans. M. Letellier fut remarquable par sa haute intelligence , son activité et son attachement à ses devoirs. L'École cen- trale compta en lui un professeur distingué ; l'Académie universitaire , un inspecteur ferme , indulgent et éclairé ; l'industrie , un homme qui comprenait le progrès dans ce qu'il a de durable et d'utile. Il dut à cette sûreté de jugement une position honorable et une réputation qu'au- cun nuage n'est venu ternir. Son aménité , sa douceur, la sûreté de ses relations, la bonté de son cœur lui avaient créé de nombreux amis. Il avait su se les préparer de longue main par l'intérêt qu'il portait à la jeunesse, qu'il ne se bornait pas toujours à aider de ses conseils et de ses applaudissements. Je n'en citerai qu'un fait, qui ne blessera plus sa modestie , mais qui, jusqu'à ce jour, était presqu'ignoré. Le condisciple de l’un de nous , appartenant à des pa- rents peu fortunés, lui dut son éducation tout entière , et une position honorable qui le mit à même d'assurer une existence paisible à l’auteur de ses jours. Puisse, ce faible tribut payé à la mémoire d’un de nos dignes confrères, sauver de l'oubli le nom d’un homme de bien , qui nous fut cher à plus d’un titre. D — ” c ee — D PE RQ => RES SSEREELEE=SEIESISI = — NOTE sur Les TÉLÉGRAPHES ELECTRIQUES, PAR M. F. PREISSER, Docteur és-Sciences physiques, Professeur de Physique à l'Ecole muuicipale, etc. Messreurs , Les sciences physiques fournissent de nos jours de si nombreuses applications, que beaucoup d’entre elles passent inaperçues, et que l’on ne porte son attention que sur celles qui paraissent les plus importantes et qui excitent le plus notre curiosité . De toutes les branches de la physique , la plus intéres- sante peut-être est l'électricité, qui comprend aujourd'hui le galvanisme et le magnétisme. Parmi les applications les plus surprenantes, vous avez déjà nommé les télégraphes électriques, Tout le monde les 70 ACADÉMIE DE ROUEN. connaît de nom , mais peu de personnes en conçoivent le mécanisme. Pensant que l'Académie accueillera favorablement une lecture sur cet intéressant sujet, j'avais depuis longtemps le projet d'en faire l'objet d’une communication, mais j'ai toujours été arrêté par la crainte de n'être pas assez clair dans des explications trop arides quand les yeux ne sont pas frappés par le mécanisme fonctionnant. Aujourd'hui je n’ai plus les mêmes motifs de garder le silence, car je puis faire manœuvrer devant vous le télé- graphe électrique que j'ai acheté pour la collection des instruments de physique de l’école municipale. Dans tout ce que je vais avoir l'honneur de vous lire, Messieurs, je n’ai cherché qu'à être clair, et j'ai écarté avec soin les détails théoriques et les expressions techni- ques qui pourraient vous embarrasser. Mon intention est surtout de parler à vos yeux. Avant de vous donner la description des télégraphes électriques, il est indispensable que je vous fasse connaître les principaux phénomènes qui forment le point de départ de cette application. Rien n'est comparable à la rapidité avec laquelle le fluide électrique se propage. [ ne lui faut qu'une seconde pour parcourir 117 mille lieues, et, chose extraordinaire , le génie de l'homme est arrivé à mesurer cet espace, il a démontré qu'il était supérieur à celui que parcourt la lu- mière. C’est au physicien anglais Wheastone que l'on doit cette détermination; c'est lui aussi qui a eu, un des premiers, l’idée d'utiliser cette vitesse inouie pour la pro- pagation des nouvelles,et de mettre en rapport,avec la rapi- CLASSE DES SCIENCES. 71 dité de la pensée, les pays les plus éloignés du globe. En un centième de seconde, les communications peuvent être échangées d’un pôle à l’autre. Les différents télégraphes électriques qui sont en activité en Angleterre, en France, en Allemagne, en Amérique, sont fondés sur l’action des courants électriques développés par les piles constantes : 1° Sur l'aiguille aimantée ; 29 Sur le fer doux ; 3° Sur les appareils d'induction. Examinons rapidement ces différentes actions. Action des courants sur l'aiguille aimantée : Toutes les personnes qui se sont occupées de sciences, savent qu'Arsteo, de Copenhague, posa les premiers fon- dements de l'Electro-Magnétisme , en découvrant qu'une aiguille aimantée, placée au-dessus ou au-dessous d’un courant électrique, se tourne toujours en croix avec ce dernier, comme vous pourrez vous en assurer par l’expé- rience suivante. Maintenant vous pouvez déjà avoir une idée du sys- tème de télégraphe le plus simple que lon ait imaginé. Qu'on se figure, tendus entre deux points aussi éloignés qu'on voudra, 25 fils de fer ou de cuivre parallèles et isolés sur des supports en bois, et, qu'au point d'arrivée, ces fils entourent par plusieurs circonvolutions autant d’aiguilles et boussoles, puis reviennent au point de départ. En ce point, sera établi une pile; les fils de retour seront fixés par un bout à l'un des pôles, et les autres extrémités 72 ACADÉMIE DE ROUEN. ne communiqueront à l'autre pôle que par la poussée d’au- tant de touches, dont chacune fera buter contre le zinc le bout des 25 fils, selon la poussée que lui imprimera le doigt de l'opérateur. Chacune des touches portera inscrite une des 25 lettres de l'alphabet, et, à l'extrémité bleue de cha- cune des 25 aiguilles, sera fixé un petit cercle vertical de papier qui portera la même lettre que la touche corres- pondante. Veut-on transmettre la lettre A? l'opérateur appuiera sur la touche marquée A; le fil de cette touche butera contre le zinc ; le couple voltaïque entrera en action, et il se produira un courant qui fera tourner l'aiguille de ma- nière à ce que, sortant de son cadre, elle vienne se placer transversalement devant les yeux du receveur, en lui montrant la lettre À , qu'il inscrira sur le papier. On peut ainsi transmettre facilement de 12 à 20 lettres par minute. Ce système est le premier qui ait été imaginé, mais on lui a bientôt préféré d’autres systèmes plus parfaits. Je ne vous l’expose ici qu'à cause de sa grande simplicité théo- rique, et il donne une idée très nette de la transmission rapide de la parole à une distance quelconque par les pro- cédés électriques. Le second système est fondé sur l'emploi des électro- aimans. C’est celui que j'ai l'honneur de vous présenter et qui fonctionne sur la plupart des grandes lignes. L'aimant attire le fer, tout le monde sait cela. Mais ce qu'on sait moins communément, c'est que le fer doux peut, au moyen de l'électricité, être changé en aimant d’une pro- digieuse puissance. Que l'on prenne une lame de fer doux ou un fer à cheval , et qu'on l'entoure d'un fil de cuivre en hélice. CLASSE DES SCIENCES. 73 Dès que l’on fait communiquer les deux extrémités du fil avec les deux pôles d'une pile, aussitôt le fer doux devient aimant, et, comme un aimant, il attire le fer. Interrompez la communication entre la pile et l'hélice, et aussitôt le fer doux perd la propriété d'attirer le fer; il cesse d'être un aimant. Supposons maintenant qu'il s'agisse d'établir un télé- graphe électrique entre Paris et Rouen. Plaçons une pile à Paris, disposons à Rouen les lames de fer doux et les hélices qui, en donnant accès au fluide électrique, transformeront ces lames en aimants; puis, éten- dons de l’une à l’autre de ces deux villes les fils conduc- teurs qui, partant de la pile, iront aboutir à l'hélice. Mettons actuellement la pile en action. Aussitôt que le fluide électrique se développe dans l'hélice, le fer doux est aimanté et attiré par la pièce de fer stationnaire; 1lse porte au devant d'elle. Maintenant , interrompons le courant électrique; aussi- tôt, l'électricité n’arrivant plus jusqu’à l'hélice, le fer doux perd sa puissance magnétique; il n’attire plus, iln'est plus attiré. Or, imaginons que pour se porter vers l'aimant, le fer stationnaire ait à vaincre la résistance d’un petit ressort, la force magnétique que lui prête le courant électrique lui permettra de vaincre cet obstacle. Mais dès que par l'in- terruption du courant, cette force magnétique cessera de l'animer, aussitôt le petit ressort repoussera la lame de fer doux jusqu'à la place qu'elle occupait avant l'arrivée du courant. De sorte que chaque fois que nous établirons et que nous romprons ce courant, le fer doux sera porté en avant, 74 ACADÉMIE DE ROUEN. puis repoussé en arrière. Cet effet mécanique , ce mouve- ment de va et vient une fois produit , il ne nous reste plus qu'à chercher un moyen de l'utiliser pour la transmission des signes. Vingt moyens sont praticables. Voulez-vous que l’action de l'électricité amène devant vos yeux des lettres, et compose ainsi de toutes pièces des mots et des phrases ? Rien de plus facile. Voici comment on s’y prend : Les fils que nous venons d'employer, conduisent bien l'électricité, mais toutes les substances n'ont pas cette pro- priété. Il en est qui opposent un insurmontable obstacle au passage de l'électricité. L'ivoire est au nombre de ces substances non conduc- trices. Ceci une fois posé, prenez une roue d’engrenage en cuivre, portée sur un axe également en cuivre, puis rem- plissez d'ivoire les intervalles qui séparent les dents de cette roue. Vous aurez un cercle complet dont la circonfé- rence sera composée alternativement de substances con- ductrices et de substances non conductrices de l’électri- cité. Admettons qu'il y ait 24 parties de chacune de ces substances; maintenant, rompons près de la pile l’un des deux fils qui vont de Paris à Rouen, faisons que l'extrémité libre de la porte de fil restée adhérente à la pile, soit tou- jours en contact avec la circonférence de la roue, et enfin attachons à l'axe de la roue l'extrémité libre de l'autre portion du fil brisé. Cette disposition étant prise, il arrivera évidemment, quand nous ferons tourner cette roue , que l'extrémité du fil qui touche le bord de la roue se trou- vera alternativement en contact avec le cuivre et avec l'ivoire. Quand il touchera le cuivre, le courant électrique CLASSE DES SCIENCES. 75 passera de ce fil sur la roue, de la roue sur l'axe de celle-ci, et de cet axe sur le fil qui lui est attaché et qui le conduira à Rouen. Quand, au contraire, il touchera l'ivoire, celui-ci s'opposera au passage de l'électricité, et le courant sera interrompu, et comme la roue se compose de 2% parties cuivre et de2# ivoire, le courant électrique sera 24 fois éta- bli et 24 fois interrompu, et, par conséquent, la lame de fer doux qui communique à Rouen avee les fils de la pile, sera 2% fois rendue magnétique et retournera 2% fois à l'état naturel. Imaginez maintenant qu'en avant de cette pièce de fer doux, soit placée une roue d’engrenage, et supposez que cette roue soit empêchée de tourner par une petite pièce de fer; quand la pile sera en mouvement, la lame aimantée attirera à elle cette pièce de fer, et l'engrenage, au mouve- ment duquel rien ne s’opposera plus, avancera d'une dent. Lorsqu'au contraire le courant sera interrompu, le fer abandonné par l’aimant sera reporté contre la roue qui, dès lors, cessera de tourner. Imaginons , pour plus de simplicité , que chacune des parties de cuivre de la roue de cuivre et d'ivoire que nous avons établie à Paris, porte l’une des lettres de l'alphabet; imaginons encore que chacune des dents de l’engrenage que nous avons monté à Rouen, porte également une lettre ; convenons que la lettre qui fera partie de la dépê- che sera celle qui occupera le sommet des deux roues ; ayons soin qu'au début de chaque expérience , les mêmes lettres occupent les mêmes places sur les deux roues de Rouen et de Paris; supposons que c’est en ce moment la lettre À qui occupe le sommet des deux roues ; pour amener la lettre B, par exemple , àla place occupée par la lettre A , il faut observer qu'il y a entre les deux lettres une pièce d'ivoire, Done, quand cette pièce passera sous 716 ACADÉMIE DE ROUEN. le fil adhérent à la pile, il n'y aura pas d'effet produit , mais aussitôt après la partie cuivre qui porte la lettre B viendra occuper la place de cette pièce d'ivoire, et aussitôt le fil qui la touche versera sur elle son électricité , l'élec- tricité se communiquera de la roue à l'axe de celle-ci, de l'axe au fil qui mène à Rouen. A Rouen, le fer renfermé dans l'hélice entrera en action , il attirera à lui la pièce de fer qui tenait l'engrenage en arrêt : une dent s’avancera , la lettre B viendra se placer au sommet de la roue , et l'ob- servateur de Rouen sera prévenu que le premier mot de la missive commence par B. C’est ici le cas d'indiquer comment on sera prévenu à Rouen que le correspondant de Paris a une dépêche à transmettre. Rien de plus simple ; il suflira d’une son- nette, placée dans la chambre du télégraphe à Rouen, que l’on mettra en mouvement , de Paris, par l'électricité pour faire savoir que l’on a un signal à transmettre. Nous avons employé deux fils pour établir la communi- cation entre nos deux stations , car pour que l'électricité, dégagée par la pile , produise l'effet désiré , il faut qu’elle se propage dans un circuit entièrement fermé. On rem- plit aujourd'hui cette condition , en rompant le fil à l’une des stations, lui laissant seulement la longueur néces- saire pour qu'il puisse descendre dans un puits creusé près de la pile et le terminant par une plaque qui plongera dans l’eau de ce puits ; on disposera de même à l’autre station la portion de fil qui sera en rapport avec l'hélice. Les deux plaques seront séparées l'une de l’autre par une étendue de terre égale à la distance de Paris à Rouen; cette étendue de terre remplira l'office du fil retranché, et malgré cette soustraction de plus de 30 lieues de fil, le courant s’établira avec autant de régularité que jadis, les CLASSE DES SCIENCES. 17 signaux seront transmis avec la même fidélité, avec la même promptitude. On peut encore, comme M. Bréguet l’a observé derniè- rement , remplacer le fil supprimé par l'un des rails du chemin de fer. Si l'employé , chargé d'écrire la correspondance , est absent , l'appareil écrit lui-même la dépêche, et voici com- ment : Plaçons au-dessous de l'électro-aimant une bande de papier que nous mettrons en mouvement à l’aide d’un mé- canisme quelconque: disposons de plus un pinceau ou un crayon de telle sorte qu'un mouvement de bascule im- primé au fer doux suflise pour pousser ce pinceau ou ce crayon sur la bande de papier ; faisons enfin que ce mou- vement de bascule soit imprimé au fer doux chaque fois que le courant électrique viendra développer en lui la vertu magnétique. Ces dispositions étant prises, il est clair que chaque fois que le fer doux sera mis en mouvement, le pinceau tracera un signe sur le papier. Le courant ne dure-t-il qu'un instant? il n°y aura qu'un point marqué. Dure-t-il plus longtemps ? il y aura une ligne ; plus long- temps encore? une ligne plus longue sera produite , et si nous avons à l'avance donné une signification précise à tou- tesles combinaisons possibles de points de lignes de diver- ses grandeurs, il est évident que nous pourrons faire , d’un bout à l’autre de la ligne télégraphique, l'échange de nos pensées. Télégraphie par induction. On a donné le nom de courants d'induction à des cou- rants particuliers qui se développent dans les conducteurs 18 ACADÉMIE DE ROUEN. au moment où ces corps conducteurs s'approchent ou s'é- loignent, soit de courants voltaïques, soit de barreaux ai- mantés. Si l’on enroule autour d'une bobine deux fils de cuivre couverts de soie, à un très grand nombre de tours ; que l’un soit attaché par les deux bouts aux pôles d'une pile, l’autre appliqué par les siens à un multiplicateur ; à l'instant où la pile entre en action, l'aiguille du multipli- cateur est fortement déviée, mais revient aussitôt à sa posi- tion première. Tant que la pile est en activité, l'aiguille reste au zéro ; mais à l'instant où l’on interrompt l'action de la pile, l'aiguille est encore chassée vivement, mais du côté opposé, et elle revient aussitôt à son point de départ. Il résulte de là, comme il n'y a pas communication, que les courants et la pile produisent dans le fil voisin des cou- rants instantanés quand commence ou cesse l’action de la pile. On peut obtenir le même effet sans pile en faisant péné- trer brusquement dans la bobine précédente un aimant un peu puissant , il y a développement de courant dans le fil au moment de l'entrée et de la sortie du courant. Les phénomènes d'induction fournissent un système de télégraphie électrique auquel on a donné , le long de cer- taines lignes, la préférence sur celui que nous avons in- diqué. Toutefois , il ne s’agit que du mode de production des courants ; car le mécanisme du télégraphe est le même au fond ; seulement on remplace la pile par un appareil d'in duction purement magnétique. On concoit aisément cette production de courantsavec une large bobine creuse entourée du double fil conducteur, et dans l’intérieur de laquelle on introduit brusquement un CLASSE DES SCIENCES. 79 barreau magnétique suspendu, ce qui détermine un cou- rant instantané ; on en obtient un autre par la brusque sor- tie du barreau. Or, comme on n'a jamais besoin que de courants instantanés , on conçoit qu'on puisse remplacer avec cet appareil la pile pour la production de tous les cou- rants qu'exige la transmission télégraphique. Un appareil de ce genre est établi en Allemagne , mais on préfère aujourd'hui la disposition imaginée par Wheal- stone. C'est le système qui fonctionne au chemin de fer de la ligne d'Orléans. Dans ce système , une roue horizon- tale à 26 divisions engrène dans un-pignon vertical ; le mouvement de cette roue qu'on tourne à la main , a pour effet, par l'intermédiaire du pignon , de produire de brus- ques entrées et sorties d’un petit barreau aimanté, par rapport à une bobine , comme ci-dessus. Chaque passage d'une dent de la roue produit donc, par mduction, un courant instantané , et ces courants parfaitement gouvernés par la main qui tourne la roue, sont aussi rapides, aussi multipliés qu'on le veut. Ici, le passage d'une dent, dé- terminé par un mouvement de la main, remplace la pres- sion du doigt sur une touche dans l'appareil cité plus haut, c'est-à-dire détermine un courant instantané qui anime un électro-aimant, contre lequel vient battre le petit levier régulateur du mouvement d'horlogerie. 1 n'y a donc, au fond, d'autre différence que la substitution de l'action inductive magnétique à l’action de la pile : ce qui semble offrir quelques avantages. Au lieu de faire mouvoir avec elles une aiguille indica- trice, la roue d'horloge fait tourner un léger cadran de carton qui porte des lettres correspondantes à celles de la roue motrice. On amène une des lettres de celle-ci contre un repère fixe, et le petit cadran de carton tourne d'autant de divisions, de manière à amener la même lettre dans 80 ACADÉMIE DE ROUEN. une position fixe et convenue. Les deux opérateurs ont done sous les veux cette lettre, comme ils avaient l'aiguille indicatrice dans l'appareil que celui-ci remplace. Enfin, je terminerai ce rapide aperçu en mentionnant les expériences de Matteucci. Ce physicien s'est assuré par des expériences directes que le courant électrique ne se perd pas dans l’eau. Il a creusé de chaque côté de l'Arno des puits profonds dans lesquels il plonge les plaques ter- minales d’un seul fil; ce fil repose sur le lit de l'Arno. Pour que le courant s’établisse , il faudra donc que l’élec- tricité passe dans le fil submergé et dans le sol au-dessous même du fleuve. C’est ce que l'expérience a pleinement démontré. M. Matteucci propose de joindre par ce procédé les côtes de France à celles d'Angleterre. Un Américain va plus loin , il veut lier, de la même façon, l'Europe à l'A- mérique : la Nouvelle-Écosse à la côte d'Irlande. Le même principe peut servir à régler et à faire cireu- ler le temps dans les maisons et dans les villes exactement comme on fait cireuler l’eau et le gaz dans les tuyaux. Une seule horloge mettra en mouvement toutes les horloges, réduites dès-lors à un cadran {et à des aiguilles qui, pour la première fois, marqueront toutes rigoureusement la même heure. Et, comme on conduit le temps , on peut conduire aussi la musique. Un habile constructeur , M. Froment , trans- met à toute distance le jeu du pianiste. RECHERCHES SUR L'ÉLECTRICITÉ ATMOSPHÉRIQUE, PAR M. BOUTAN, Professeur de Physique au Collége royal de Kouen. Un siècle tout entier s’est écoulé depuis la publication du Mémoire où l'abbé Nollet signalait, pour la première fois, d'une manière positive, l'identité qui existe entre l'électricité et la cause qui produit les orages : cette con- ception du physicien français fut bientôt confirmée par des expériences nombreuses, indiquées d'abord par Francklin, répétées ensuite par d’'Alibard, Romas, Beccaria, Ro- nayre, Read, le duc de Baulno, et une foule d’autres savants , séduits et enthousiasmés par cette idée hardie d'aller puiser l'électricité au sein même des nuages ora- geux. Cependant, malgré les observations multipliées et consciencieuses qui ont été faites depuis cette époque ; malgré les travaux si remarquables de Volta, Saussure , Schubler, Peltier, de MM. Becquerel et Pouillet ; malgré la 6 82 ACADÉMIE DE ROUEN. multitude de faits authentiques qui ont été publiés, la science de l'électricité atmosphérique est encore dans l’en- fance, et parmi les phénomènes que nous observons pendant les orages, il n’en est qu'un très petit nombre dont on puisse donner aujourd’hui une explication satis— faisante. Quelle est la cause de la marche si lente de cette partie de la météorologie? Elle réside évidemment dans la diffi- culté même du sujet, dans les complications nombreuses qui l'entourent , et surtout dans cette impossibilité où nous sommes d’assimiler les expériences faites dans nos cabi- nets de physique aux actions électriques qui se produisent dans notre atmosphère. En effet, dans toutes les théories d'électricité statique, nous ne nous occupons que des résul- tats produits par des sources d'électricité très peu intenses ; nos machines, nos batteries, ne nous fournissent que des quantités d'électricité bien minimes , lorsque nous les comparons à ces torrents de fluides libres qui résident dans les immenses conducteurs aériens, désignés sous le nom de nuages orageux. En outre, les conducteurs que nous employons sont toujours des corps métalliques isolés complètement du sol, tandis que dans les orages , les ré— servoirs d'électricité, ce sont des masses gazeuses dans un état de condensation qui nous est à peu près inconnu. Enfin, iln’y a qu'un bien petit nombre de physiciens , qui, accidentellement , ou par un dévouement à la science que nous ne saurions trop exalter , aient pu observer , au sein même des nuages orageux, les phénomènes successifs qui s'y manifestent. Nous ne pouvons donc posséder sur cette partie de la physique météorologique, que des données bien incertaines; nous ne pouvons , par suite, produire que des théories plus CLASSE DES SCIENCES. 83 ou moins hasardées, ayant toujours pour points de départ les lois que nous avons établies en électricité statique. Il est pourtant une méthode qui me semble devoir, de préférence à toute autre, amener d’heureuses consé- quences. Elle consiste à nous rapprocher le plus possible , dans nos expériences de cabinet, de ce qui se passe dans la nature , de chercher à nous placer dans les mêmes cir- constances , afin que nos résultats soient assimilables , et nos inductions plus légitimes. C'est en partant de ce point de vue, que j'ai été conduit à faire quelques recherches sur différents points de l’élec- tricité atmosphérique , et à tenter des expériences qui me paraissent fournir une explication satisfaisante de quelques- uns des fait qu'elles nous présente. Ce sont ces re- cherches que j'ai l'honneur de soumettre au jugement de l'Académie. 1. DU TONNERRE. Quelques instants après l'apparition de l'éclair qui a jailli entre deux nuées, ou bien entre une nuée et le sol, on entend habituellement un bruit éclatant, d'une grande intensité ; tantôt sec et strident, et comparable alors, selon l'ingénieuse expression de Lucrèce, à l'aigre cri du papier qui se déchire . tantôt sourd , continu, variable dans son intensité, et engendrant alors un véritable rou- lement ; quelquefois , enfin , ce bruit est saccadé , il a des interruptions nombreuses , il change de nature d'un instant à l’autre. Ce bruit, si variable dans son intensité et dans son timbre, c’est le tonnerre. On a donné du tonnerre un grand nombre d'explica- tions; quelques-unes sont spécieuses, il est vrai, mais Si ACADÉMIE DE ROUEN. elles ne sauraient cependant résister à un examen sérieux ; je me bornerai à discuter les principales. Celle qui est le plus généralement admise, et qu'on expose dans la plupart destraités de physique, rend compte du bruit qui accompagne l'éclair de la manière suivante : « L'étincelle qui part entre deux sources abondantes d'électricité, divise brusquement l'air qui est interposé entr'elles ; cette expansion est, en effet, confirmée par l'expérience du pistolet de Kinneroles, et par celle du mortier électrique. Or, cette expansion brusque produit un vide momentané dans toute la portion d'air sillonné par l’étincelle. Alors donc, que celle-ci a disparu, l'air ambiant doit se précipiter dans le vide formé, et de à, un choc intense de l'air contre l'air, un bruit analogue à celui que nous engendrons à l’aide du crève-vessie. Une fois cette idée admise, on rend compte avec la plus grande facilité de l'intervalle de temps qui sépare l'apparition de l'éclair de l'audition du tonnerre , de la continuité du bruit pendant quelques secondes, et même de ses roulements. » Il est facile de montrer que cette théorie est tout-à-fait insuffisante , et contraire , d’ailleurs, aux observations des météorologistes. En effet, on y assimile le bruit du ton- nerre au craquement de l’étincelle de nos machines ou de nos batteries ; et, certes, il faut avouer, qu'entre les deux bruits , il n'existe aucune analogie, et que des milliers de craquements semblables , produits simultanément, ne sau- raient donner un caractère de son pareil à celui du ton- nerre. D'ailleurs, le bruit de l’étincelle ne devient un peu intense qu'à la condition que l’étincelle sera suflisamment longue ; or, nous le savons, pour expliquer les éclairs en lames ou éclairs diffus, comme les nomme M. Arago, on est obligé d'admettre l'existence de décomposition par CLASSE DES SCIENCES. 85 influence primitive dans les lames d'air qui séparent les deux nuages, et puis, de recomposition de couche à couche. Dans ce cas , par conséquent , l’étincelle n'a qu'une longueur très faible, plus petite à-coup-sûr que l'inter- valle qui sépare les losanges d'étain dans les carreaux étin- celants ; le bruit engendré par chacune de ces étincelles doit donc être excessivement faible; et l'ensemble de ces bruits ne saurait donner naissance au tonnerre. Il faut ajouter, pour renverser complètement cette théo- rie, qu'il est incontestable qu'il se produit quelquefois des éclairs sans tonnerre ; les éclairs de chaleur (pour me servir de l'expression vulgaire), en sont un exemple. En outre, il se produit aussi du bruit sans éclairs ; des faits de ce genre sont consignés dans la notice de M. Arago’. Déluc a vu des éclairs très intenses, jaillir à une petite distance de la place où il se trouvait , et il n'entendait aucun bruit. Voilà donc une preuve bien évidente qu'il n'existe pas une liaison nécessaire entre le tonnerre et l'étincelle électrique qui le précède ordinairement. Je terminerai cette discussion en citant un dernier fait qui est encore très concluant. Il paraît prouvé, d’après les observations des physiciens qui se sont trouvés dans le voisinage de nuages orageux , que le foyer du bruit serait au sein du nuage lui-même, et non pas dans la portion des “couches d’air sillonnées par l'éclair ; que, par suite, la continuité et la durée de ce bruit dépendraient unique- ment de la longueur , de la forme et de la tension élec- trique du nuage. La seconde hypothèse dont je m'occuperai a été pro- posée par M. Pouillet. Ce physicien attribue le bruit, à une innuaire du Bureau des Longitudes, 183$. 86 ACADÈMIE DE ROUEN. vibration moléculaire excitée dans la masse d’air am- biante par le choc de l’étincelle, vibration qui irait en se propageant par le fait de la communication du mouve- ment, et en augmentant d'intensité, attendu que des vibrations analogues se manifestent dans les lames d'air qui transmettent le son. Cette théorie est, comme on le voit, sujette aux mêmes critiques que la précédente ; comme elle aussi, elle est obligée d’avoir recours aux échos des vallées et des mon- tagnes pour expliquer les renforcements du tonnerre et ses roulements prolongés. Il est cependant bien certain, que dans les pays de plaines , le tonnerre a aussi ses rou- lements ;: mais alors, on se rejette sur la réflexion du son par les nuages eux-mêmes. Enfin, on a voulu expliquer les roulements du ton- nerre, et cette idée est due à Kaemtz', par les interfé- rences du son. Il admet plusieurs centres simultanés d’ex- plosion , qui engendreraient des ondes sonores se pro- pageant dans tous les sens , se croisant dans certains points de leurs parcours , et déterminant aux points de croise- ment, suivant que les vibrations seraient concordantes ou discordantes, des renforcements ou des diminutions d'intensité dans le son. Cette explication a le défaut de ne pouvoir s'appliquer à la généralité des cas. Car, tout le monde sait qu'il n’est pas nécessaire de voir apparaître plusieurs éclairs en lames simultanés, ou un seul éclair en zigzag, pour entendre plus tard les roulements du tonnerre. En d’autres termes , ceux-ci n'exigent pas pour se produire l'existence , au même instant, de plusieurs centres sonores. * Cours de Météorologie, traduit par Martins. CLASSE DES SCIENCES. 37 Nous voilà donc arrivés à cette conséquence , que les diverses théories proposées pour l'explication du ton- nerre , sont insuflisantes et inadmissibles. On n’a pas tenu compte , dans ces explications, d’un fait important qui doit, à mon avis, jouer un rôle nécessaire dans la production du phénomène qui nous occupe. Ce fait a été cependant signalé à ma connaissance , d’abord dans les Archives de l'Électri- cité, publiées par M. de la Rive, et, ensuite dans un Mémoire de M. Peltier'. Mais on n’en a point tiré toutes les consé- quences, et, surtout, on n'a point tenté d'expériences pour vérifier l'explication qui s’en déduit. Ce fait, le voici: On démontre par des expériences directes et aussi par le calcul, que dans tous les corps conducteurs qui sont électrisés , le fluide libre doit se porter tout entier à la sur- face où il doit former une couche d’une certaine épaisseur. On sait encore que cette couche doit varier d'épaisseur , ou, ce qui est la même chose, que l'électricité doit avoir des tensions différentes dans les divers points, suivant la forme de la surface. Ce sont là des lois générales qui dé- pendent de la nature même du fluide électrique; elles doivent donc être encore vraies lorsque l'électricité, au lieu de résider dans un corps conducteur métallique, se trou- vera à l’état libre dans les nuages orageux. Ceux-ci sont, il faut l’avouer, des conducteurs bien moins parfaits que les métaux ; mais enfin ils conduisent assez bien l'électricité de tension, et celle-ci doit encore chez eux se porter en grande partie à la surface, en vertu de la répulsion du fluide sur lui-même. On peut objecter que la surface d'un nuage n'est jamais nettement définie comme celle d’un corps solide. Je vais répondre par des faits d'observation. tdanales de Physique et «de Chimie, 3° Série, tome IX. 88 ACADÉMIE DE ROUEN. Dans un mémoire publié dans les Annales de physique et de chimie (1841), M. C. Schafhaeutl raconte que, se trouvant sur le Mont Brenner, muni de plusieurs instruments de physique, un hygroscope et un électros- cope, il fut assailli par un violent orage. Il était placé à quelques mètres seulement d’un nuage orageux; et, cependant, l'air était assez sec pour que l'hygroscope ne fût pas influencé; l’électroscope ne l'était pas davan- tage. Bientôt les deux appareils furent affectés simultané- ment ; l'observateur était arrivé au sein même du nuage. Il est done certain, d’après cette observation, que le nuage électrisé avait une surface bien déterminée qui le séparait de la masse gazeuse environnante. M. Schafhaeutl ajoute qu'il ne peut douter que chaque nuage ne se constitue en une masse substantielle , par les mêmes forces d'attraction qui font que l’eau affecte la forme sphérique ; qu'il a sou vent remarqué des nuages flottant l’un sur l’autre et se poussant mutuellement sans se mêler en aucune façon. Ce fait étant bien établi, continuons notre explication. Si l'électricité forme une couche à la surface du nuage, elle y est maintenue par la pression atmosphérique ; donc le nuage ne subit plus, de la part du milieu environnant, qu'une pression égale à la force élastique de l'atmosphère , diminuée de la tension de l'électricité qui se trouve à sa surface. Mais, avant que le nuage fut électrisé, la masse gazeuse qu'il renferme avait une force expansive égale à la pression ambiante : l'équilibre existait, le nuage devait conserver sa forme et son volume ; aussitôt qu'il devient électrique, sa force élastique intérieure devient prépondé- rante et doit faire dilater le nuage, jusqu'à ce que les deux pressions soient égales. ° 3° série, tome II, p. 44. CLASSE DES SCIENCES. 89 Notons bien que l'augmentation de volume du nuage par le fait de son électrisation , doit se déterminer quelle que soit d’ailleurs l'hypothèse que l'on admette pour la constitution de ces masses semi-liquides. En effet, les nua- ges sont-ils formés par une agglomération de vésicules creuses, pleines d'air humide, etcomparables, moins le vo- lume , aux bulles de savon dont la pellicule est si mince ? Alors , la surface du nuage est formée par des portions de surface de quelques-unes de ces sphères, et ce sera l'air qui sépare ces vésieules et celui qui les remplit . qui se di- latera. Admet-on comme MM. Fresnel et Saigey que ce sont des globules d'eau très divisés qui constituent les nuages? Dans ce cas, on est obligé de convenir que ces globules d’eau ne peuvent se toucher, que, par suite, ils sont séparés par de petites atmosphères d'air saturé , et, dès lors , il est clair que ce seront ces atmosphères qui su- biront la dilatation indiquée. Supposons maintenant que, par l'influence attractive de l'électricité de nom contraire, contenue dans un nuage voisin ou dans le sol, le premier nuage se décharge de son électricité ; à ce moment, la pression extérieure va l'em- porter, et, dès lors, l'air ambiant va se précipiter dans le milieu raréfié représenté par le nuage orageux. De cette rentrée subite de l'air, doit résulter un choc violent, tout à fait comparable au bruit engendré dans l'expérience du crève-vessie, et analogue aussi, pour l'intensité , au bruit du tonnerre. Malheureusement, il est si peu de phy- siciens qui, se trouvant au milieu d'une nuée orageuse , aient pu constater ce qui s’y passe au moment de l'éclair, qu'on pourra accuser l'explication précédente d'être une simple théorie, sans preuves positives. Cependant, je trouve dans la relation du docteur Schafhaeutl que je citais tout À l'heure , une preuve à l'appui : ce physicien 90 ACADÉMIE DE ROUEN. ajoute, que peu d'instants après son arrivée au sein même du nuage , circonstance qui lui fut indiquée par la diver- gence considérable des pailles de son électroscope, un éclair jaillit, et en même temps une décharge considérable d’eau se produisit. Aussitôt après cette décharge, (je cite ses propres paroles ,) l'hygroscope revint à son point primitif, et les feuilles d'or de l'électroscope se rapprochèrent comme auparavant. Le vent soufflait alors vers le centre du nuage. J'ai cherché , d’un autre côté , s’il ne serait pas possible, en plaçant, autant que faire se pouvait, une masse gazeuse électrisée dans les mêmes conditions que le nuage ora- geux, s’il ne serait pas possible, dis-je, de manifester cette diminution que doit subir la force élastique du gaz électrisé, pendant que l'électricité libre se trouve à la sur- face. Voici une expérience très simple , qu’on peut facile- ment répéter dans un cours, et qui me semble confirmer pleinement cette opinion. A l'extrémité d’un tube de verre, on prend de l'eau de savon, et on en forme une bulle à parois minces et remplie d'air humide; pour garantir la bulle des courants d'air qui pourraient l’agiter et la faire crever , on la forme dans un grand flacon muni d'une tubulure unique ; on ferme le tube avec un peu de cire molle , afin que la bulle ne dimi- nue pas de volume, et on attend un certain temps pour que l’air intérieur de la bulle se mette en équilibre de tem- pérature avec l'air extérieur. Maintenant, par un fil de cui- vre, revêtu de soie et terminé en pointe, qu'on a eu le soin d'introduire d'avance dans l’intérieur du tube jusqu'à l'o- rigine de la sphère , on fait arriver de l'électricité qui s'é- coule librement par la pointe du fil de cuivre et se répand dans l'atmosphère humide de la bulle ; celle-ci s'électrise done, et, à sa surface , il y a une certaine épaisseur de CLASSE DES SCIENCES. 91 couche électrique. On voit, en effet, la bulle grossir; car on constate l'apparition de couleurs brillantes sur ses pa- rois, les anneaux colorés de Newton se forment, ce qui est un signe certain de la diminution d'épaisseur de la pel- licule liquide , et, par suite, de l'augmentation de volume de la sphère électrisée ; puis , si on décharge brusquement la machine de son électricité, la pression atmosphérique réagit, et l’on voit la bulle crever instantanément. Ainsi, soit par des inductions tirées des lois de l’élec- tricité statique , soit par des observations faites dans les nuages eux-mêmes, soit enfin par une expérience où les circonstances sont analogues, on parvient toujours à légi- timer cette explication. Ce n’est pas tout , je vais montrer encore qu'elle rend compte des moindres particularités que l’on peut signaler dans la production du tonnerre. Pourquoi le bruit persiste-t-il pendant un certain temps ? Pourquoi varie-t-il d'intensité? Comment le roulement du tonnerre peut-il prendre naissance ? A toutes ces ques- tions, la réponse est facile. Supposons un nuage élec- trisé qui soit à 340 mètres de l'endroit où nous sommes placés, et qui, lui-même, ait une longueur de 3,400 mètres ; le nuage se déchargeant , l'air va se précipiter dans toute cette longueur, et le bruit se produira à la fois dans tous les points ; mais, à cause de la vitesse du son dans l'air, si différente de celle de la lumière, il est évident que nous n'entendrons le commencement du bruit qu'une seconde après avoir vu l'éclair , et que ce bruit durera dix secondes ; voilà pour la continuité. Expliquons le roulement. Le nuage électrisé est toujours soumis aux influences des nuages voisins qui sont généralement à des distances iné- gales des différents points de sa surface ; par suite, la ten- sion électrique est elle-même variable d’un point de la surface à un autre ; par suite, aussi, la raréfaction de l'air 92 ACADÉMIE DE ROUEN. intérieur doit changer avec la portion du nuage que l'on considère. Sans doute, cette variation empêche qu'iln'y ait équilibre dans le nuage, et des courants nombreux doivent s'établir dans son sein; courants, qui, au bout d’un cer- tain temps, amèneraient un équilibre stable, si toutes les circonstances extérieures restaient les mêmes. Mais, les tensions électriques latérales changent à chaque instant, et si l'étincelle part, l'air rentrant dans un milieu dont la raréfaction est inégale, doit produire des chocs d'intensité variable ; par conséquent , le bruit que nous entendrons, pourra ressembler à un véritable roulement. Il ne s'en suit pas que les échos des montagnes, que les nuages eux-mêmes, en réfléchissant le son, n’influent pas sur ce roulement ; j'ai voulu seulement montrer qu'on peut en concevoir la production indépendamment de ces dernières causes. Si plusieurs nuages orageux sont à la suite l'un de l'au- tre, séparés par de petites distances , et qu'ils se déchar- gent à la fois de leur électricité, il doit en résulter des interruptions dans le bruit, correspondantes aux intervalles qui existent entre les nuages eux-mêmes. Ces moments de silence se présentent, en eflet, assez fréquemment dans certains roulements de tonnerre. La variation de volume que doit éprouver un nuage au moment de son électrisation , nous permet de concevoir encore et d'expliquer les changements rapides de forme que nous voyons éprouver aux nuages orageux, au moment où ils arrivent au-dessus de nos têtes, et qui sont devenus, pour nous, des signes certains de la présence de la foudre dans leur intérieur. Nous trouvons encore , dans cette dilatation des nuées, l'une des causes de ce grand refroidissement qui doit sur- CLASSE DES SCIENCES. 93 venir au sein des nuées électriques pour que la grêle puisse s'y former; car, nous savons que toute matière gazeuse, pour se dilater, est obligée de convertir une portion de sa chaleur sensible en chaleur latente , lorsque celle-ci ne lui est point fournie par une source étrangère. Un autre fait constant d'observation, que toute autre théorie est impuissante à justifier, le fait de l'existence de vents violents, de tourbillons, quelquefois de trombes, au moment des orages, trouve ici une explication très na- turelle. Chaque nuage qui se décharge de son électricité , devient un centre, un foyer d'aspiration pour les masses d’air environnantes ; et, de proche en proche, l'aspiration doit se continuer dans les couches atmosphériques jusqu'à de grandes distances. Le transport de ces couches sera d'autant plus rapide, que la tension électrique primitive était plus forte et le bruit du tonnerre plus intense. Or, si l'on suppose qu’au même instant, ou à des intervalles très rapprochés , plusieurs nuages, situés dans différents points du ciel, lancent la foudre, chacun d'eux va imposer au vent une direction particulière , de telle façon que nous allons avoir des courants se croisant dans tous les sens, et devant engendrer, au moment de leur croisement, un mou- vement giratoire , ou un véritable tourbillon. En vertu de la force centrifuge développée par le mouvement rotatoire des molécules d’air du tourbillon, celles-ci doivent s'é- loigner de l'axe même et engendrer un véritable vide, tout-à-fait analogue à celui qui se produit dans le venti- lateur à force centrifuge. Si ce tourbillon s'appuie sur le sol, la pression atmosphérique latérale fera monter dans le vide les corps terrestres ou des colonnes liquides, dans le cas où cette base serait en contact avec l'eau. Si, en même temps, la partie supérieure du tourbillon passe à une petite distance d'un nuage, par la même raison 94 ACADÉMIE DE ROUEN. celui-ci s'engouffrera dans le canal aspiratoire; et, s'il est orageux , il lancera la foudre et les éclairs à droite et à gauche, vers la surface du sol. Enfin, il ne me reste plus, pour vérifier complètement la théorie proposée , qu'à faire comprendre comment il peut se faire qu'un même nuage donne successivement nais- sance à plusieurs éclairs. Il semblerait, au premier abord, que lorsqu'une fois le nuage s’est déchargé, il devrait ne plus donner signe d'électricité. Pour résoudre cette difii- culté, je ne saurais mieux faire que de rappeler l'idée que M. Peltier s'était formée, à la suite d'observations multi- pliées, de la constitution d’un nuage orageux ". «La demi- « conductibilité des nuages, dit-il, leur donne des atmos- « phères distinctes : une extérieure et un grand nombre « d’autres intérieures ; toutes agissent à distance comme « tension statique, mais à cause même de leur demi- « conductibilité, toutes ces tensions ne peuvent se réunir à « la fois dans un écoulement. Lorsque l'atmosphère élec- « trique extérieure s’est écoulée par une décharge instan- « tanée, toutes les petites masses ou flocons de vapeur qui « ont leurs atmosphères propres ne peuvent rendre que « peu à peu à la périphérie ce qu'elle a perdu; de même, « l'atmosphère électrique des flocons étant diminuée , ne « peut se reformer que peu à peu au moyen d’un nouvel « écoulement provenant des particules isolées qui ont con- « servé une partie de leur atmosphère électrique. » M. Pel- tier confirme cette opinion à l’aide d'expériences faites avec des électroscopes très sensibles avant et après les déchar- ges électriques. ‘ Annales de Physique et de Chimie, 3° série, et Mémoire de Peltier sur les trombes. CLASSE DES SCIENCES. 95 Je crois donc pouvoir tirer, de la discussion précédente, cette conséquence : que l’on n'a pas assez tenu compte , dans les études faites sur le tonnerre, de la constitution des nuages orageux, et que l'introduction de l'idée que nous avons développée conduit à une théorie plus naturelle et plus complète que celle qui est généralement admise. II. ODEUR DE LA FOUDRE. Je passe à un autre ordre de phénomènes. Tout le monde sait qu'au moment où ( pour me servir du langage ordinaire ) la foudre tombe , on sent une odeur forte et pénétrante, qui a été comparée tantôt à l'odeur du soufre qui brûle, tantôt à celle du phosphore. Deux explications ont été proposées au sujet de cette odeur. Les uns admettent, d’après M. Fusinieri, que la foudre entraîne avec elle dans sa marche des particules de diverses matières , qui, portées à une haute température par l’étin- celle électrique, brüleraient dans l'air , en produisant lo- deur en question. M. Fusinieri prétend que le long des fissures produites par le passage de la foudre, il a rencon- tré du fer oxydé et du soufre. Quoiqu'il en soit de l'exac- titude de ce dernier fait, il est certain que, chaque fois que la foudre tombe , une odeur est engendrée, et qu'on ne rencontre que très rarement, dans les fentes ou les sillons qu'elle a produits , des traces de matière nouvelle. Les arbres foudroyés de la vallée de Monville n'offraient aucune substance étrangère au bois ; ils n'avaient été que profondément déchirés, en même temps que desséchés par le passage de l’étincelle électrique. D'ailleurs, com- ment pourrait-t-on assigner l’origine de ces matières pul- vérulentes que la foudre entraînerait ? D'autres physiciens pensent qu'il faut attribuer l'odeur de la foudre, à la vaporisation rapide des liquides contenus 96 ACADÉMIE DE ROUEN. dans les bois qu'elle traverse, dans les pierres qu'elle brise, dans le sol où elle disparaît. Mais alors, on ne con- cevrait pas la nature de l'odeur produite ; car de la sève de bois qui se volatilise , des pierres qui laissent échapper des particules de matière pondérable, ne sauraient fournir une odeur analogue à celle du soufre, du phosphore ou du gaz nitreux. En outre, il arrive assez souvent que la foudre n'a rien lacéré, ni bois, ni pierres, et cependant la même odeur se manifeste. Voici une expérience qu'il est très facile de répéter, et qui prouve , à mon avis , que l’étincelle électrique seule , sans traverser aucun corps solide, par sa seule transmis- sion dans l’air, engendre une odeur très appréciable et tout à fait analogue à celle de la foudre. Je prends un long tube de verre de deux centimètres environ de diamètre ; dans les trois quarts de la longueur de ce tube, j'introduis un fil de cuivre contourné en spirale, et dont l’une des ex- trémités qui dépasse l’orifice du tube est mise en contact avec le conducteur de la machine électrique. En insufflant de la vapeur d’eau, à l’aide de la bouche, dans l’intérieur du tube de verre par son autre extrémité, je forme une chaîne conductrice interrompue , constituée par les gout- telettes d'eau qui se sont déposées le long de la paroi in- térieure du tube de verre. Si, maintenant, la machine étant chargée, on approche le nez de l’orifice libre du tube, on sent une odeur forte et désagréable qui a bien, en effet, une certaine analogie avec celle du soufre ou du phosphore. Dans ce cas, cependant , l’étincelle n’est passée dans l’intérieur d'aucun corps solide, elle n’a pu tra- verser que l'air atmosphérique etde l'eau pure. Si l'électri- cité était produite par le frottement d'un corps contre le cui- vre, On pourrait attribuer l'odeur à la volatilisation de ce mé- tal; mais ici, c'est de l’électricité rendue libre par l'influence CLASSE DES SCIENCES. 97 du plateau de verre qui réside sur le conducteur de la machine; sa tension ne peut devenir bien forte ; un trans- port de matière pondérable n'aura done pas lieu au mo- ment de son écoulement. Nous arrivons, par conséquent, à ce résultat : de l'électricité qui circule dans une atmosphère d'air humide, donne naissance à une odeur bien caractérisée. Mais, me dira-t-on, l'électricité qui est un fluide impon- dérable, aurait done une odeur? Cependant dans le plus grand nombre de cas, une odeur suppose toujours le contact de molécules matérielles avec la membrane du nez ; les essences, et, en général, toutes les substances volatiles odorantes en sont un exemple. A cette objection, je répon- drai que plusieurs faits semblent indiquer que, dans cer- taines circonstances, la sensation des odeurs peut être déterminée comme celle des sons ou de la lumière, c’est- à-dire par la vibration d’un certain milieu. Je citerai comme preuve, l'arsenic qui est complètement inodore tant qu'il ne s’oxyde pas, et qui devient odorant au moment de l'oxy- dation , quoique, cependant, le produit de cette oxydation, l'acide arsénieux, soit lui-même inodore. C’est donc l'ac- tion chimique qui développe l'odeur ; mais, une action chimique, c’est un mouvement, un groupement molécu- laire nouveau qui ne peut avoir d'autre effet que de com- muniquer un mouvement vibratoire à l’éther. Je pourrais citer beaucoup d’autres faits de ce genre ; je me bornerai au précédent, car je n’attacherais à cette opinion une importance réelle, qu'autant qu'on parvien- drait à produire la réflexion des odeurs , ou quelqu'autre phénomène semblable ; actuellement , je ne la donne que comme une hypothèse qui n’a rien de contradictoire et qui expliquerait parfaitement le phénomène que nous étudions. Je dois rappeler , à cette occasion, un fait im- portant que l'on a trop vite oublié, et qui signale l'influence 4 98 ACADÉMIE DE ROUEN. que l'électricité exerce sur l'émanation des odeurs. Voici l'exposé qu'en donne M. G. Libri. « Lorsqu'un courant «continu d'électricité traverse un corps odoriférant, le « camphre par exemple, l'odeur de ce corps devient de « plus en plus faible , et, enfin , elle disparaît entièrement. « Quand ceci est arrivé, qu'on soustraie le corps à toute « influence électrique , qu'on le mette en communication «avec le sol, et l'on remarquera qu'il reste sans odeur « pendant quelques instants. Le camphre ne reprend ses « anciennes propriétés que peu à peu et assez lentement.» On trouvera peut-être une solution plus probable de cette question, en se reportant à des expériences récentes de MM. Schæœnbein, Fisher et de Marignac *, sur un ra- dical nouveau qu'ils ont nommé Ozone. Ces chimistes ont établi, qu'en faisant passer, au moyen de deux pointes de platine, une série d’étincelles électriques dans l'oxygène, celui-ci a aussitôt manifesté la propriété de l'Ozone; son odeur est devenue forte et nauséabonde , l’'amidon mélangé avec l’iodure de potassium a été bleui. On comprend que si, au lieu de très petites étincelles, ce sont de larges éclairs qui sillonnent une atmosphère oxygénée, la production de l'Ozone sera abondante, et l'odeur pourra devenir très forte. Au reste, pour décider quelle est la plus probable de ces deux théories , il me reste à faire une série d’expé- riences dont je puis d'avance indiquer le cadre. D'abord, il faudra examiner si la nature du gaz , au sein duquel se produit l'étincelle électrique , a une influence quelconque sur l'odeur produite ; dans le cas où cette influence serait nulle, rechercher si, en faisant écouler l'électricité dans le vide, les réactifs ordinaires de l'ozone éprouveront une ‘ Annales de Physique et de Chimie, tome xxXXvVH. ? Annalen der Physik und Chemie, tomes LXVIX et LXVIH. CLASSE DES SCIENCES. 99 modification sensible ; dans le cas où elle existerait, déter- miner quels sont les gaz dont la présence est nécessaire à la production du phénomène , et si les gaz eux-mêmes n'éprouvent pas une altération dans leur nature intime. Ces questions , si intéressantes au point de vue physique, le sont peut-être davantage pour jeter quelque lumière sur cette partie encore si obscure de la chimie moléculaire. Si je suis assez heureux pour arriver à des résultats satis- faisants, je me ferai un devoir de les communiquer suc- cessivement à l’Académie. ITT. Je me suis encore occupé d’une troisième classe de faits qui se rapportent à l'électricité atmosphérique : j'ai tâché de déterminer l'influence que des sources d'électricité exercent sur des masses d'air saturées de vapeur et isolées. Le temps m'a manqué pour compléter mes recherches à ce sujet; aussi, je ne signalerai qu'un seul des résultats auxquels je suis arrivé. Je prends un "grand flacon à trois tubulures, dont la surface extérieure est recouverte jusqu'à une certaine hau- teur d’une feuille d’étain, comme l’armature externe d’une bouteille de Leyde. Dans la tubulure du milieu, est soli- dement mastiquée, par l'intermédiaire d'un bouchon, une tige de cuivre terminée en boule à l'extérieur, et en pointe à l'intérieur. Dans l'une des tubulures latérales , est fixé un tube de verre recourbé à angle droit, s’ouvrant dans le flacon, et communiquant avec l'air ambiant à l'aide d'un robinet. A la troisième tubulure, est adapté un ma- nomètre à eau, ouvert à ses deux extrémités. D'avance , on à introduit un peu d'eau dans le flacon, de telle sorte que , quand tout est fermé, l'air intérieur se sature de 100 ACADÉMIE DE ROUEN. vapeur d'eau. On place le flacon sur un gâteau de résine isolant, et on attend pendant un temps suflisant pour que l'atmosphère saturée du flacon soit en équilibre par- fait de température avec l'atmosphère extérieure. On re- connaît que cette condition est remplie, lorsque, le robinet étant fermé, l’eau se trouve à la même hauteur dans les deux branches du manomètre. Cette précaution est tout- à-fait indispensable, car, l'appareil, d’après sa construc- tion même, joue le rôle d’un vaste thermomètre à air d’une sensibilité extrême. A ce moment, on fait com- muniquer la tige de cuivre de la tubulure du milieu avec le conducteur électrisé de la machine ; le fluide libre s'écoule par la pointe dans le flacon, et électrise positi- vement l'air saturé de vapeur; cela fait, on établit une communication métallique entre la machine et l'armature extérieure du flacon, et, alors, on voit l'eau monter dans le manomètre du côté du flacon; ce qui indique qu'au moment où l'électricité positive d'une source réagit sur l'électricité de même nom, contenue dans un gaz Sa turé de vapeur, celle-ci se condense en partie, et, de là, survient une diminution dans la force élastique du mé- lange. Je dois avouer que, pour que cette conséquence füt mise hors de doute, il faudrait montrer qu'en opérant de la même manière dans un flacon semblable rempli d'air parfaitement sec, le liquide du manomètre reste stationnaire. Il faudrait ensuite chercher quelle serait, sur le mélange gazeux électrisé , l'influence d’une source d'électricité contraire. Ce sont là des problèmes dont je me propose de pour- suivre la solution, car elle me paraît devoir jeter un jour nouveau sur plusieurs points de l'électricité atmosphé- rique. CLASSE DES SCIENCES. 101 En résumé, je conclus : 1° Qu'en introduisant, dans l'explication du tonnerre, la notion du transport de l'électricité à la surface des corps conducteurs , on arrive à une théorie très rationnelle, qui rend compte des moindres particularités du phénomène ; 2° Que les théories, généralement admises pour cette explication, doivent être rejetées, attendu qu'elles sont en contradiction avec les faits observés ; 3° Que la théorie nouvelle rend compte de l'abaissement de température qui se produit dans les nuages orageux ; 4° Qu'elle fait connaitre la cause des vents violents et des trombes qui accompagnent quelquefois les décharges électriques ; 5° Que l'odeur qui se répand, au moment où la foudre tombe, ne doit être attribuée, ni à un transport de ma- tières , ni à une volatilisation de corps liquides ; 6° Qu'on doit plutôt l’attribuer à la formation d'ozone dans l'air par le passage de l’étincelle électrique ; 7° Que l'influence réciproque de deux masses gazeuses électrisées de même nom, pourrait être une des causes de la condensation partielle de la vapeur d'eau qu'elles contiennent. —_St— SISISISISISSIS SSI = PIÈCES TREMBLEMENT DE TERRE Du Havre et de Fécamp. & Seance du 23 Juillet 1847. L'Académie, ayant désiré recueillir des renseignements sur les secousses de tremblement de terre qui se sont manifestées dans quelques parties du département de la Seine-Inférieure au commencement de juillet 1847, a jugé utile de les consigner dans ses mémoires, et elle à, en conséquence, ordonné l'impression des pièces suivantes: 1° Extrait du Journal de Rouen , du 13 juillet 1847. « Un tremblement de terre vient de se faire sentir au Havre et dans plusieurs localités environnantes où , s'il n'a causé aucun dommage notable , il a du moins excité dans la population une émotion très vive. « Voici , au sujet de ce phénomène, ce que nous lisons dans le Journal du Havre : CLASSE DES SCIENCES. 103 « On ne s’entretient, depuis deux jours, en ville , que d'un phénomène géologique fort rare en nos climats , et qui nous est signalé par un grand nombre de personnes dignes de foi. Samedi soir, entre dix heures et demie et onze heures, une légère secousse de tremblement de terre a été ressentie à Ingouville , Graville , sur la côte , et s'est prolongée dans les environs du Havre jusqu'à Harfleur, Montivilliers et Orcher. Le mouvement à duré quelques secondes , dans la direction de l’ouest à l’est , avec accom- pagnement d’un bruit sourd , semblable à un roulement de voiture éloigné , qui a surtout été entendu dans la cam- pagne. « Diverses personnes qui étaient couchées , ont senti leur lit trembler, d'autres ont été réveillées en sursaut par le bruit de leur vaisselle et de leur argenterie s’entre- choquant , ou d'une porte qui s’ouvrait avec fracas. Celles qui étaient encore éveillées ont vu vaciller les lumières et se sont aperçues que le sol tremblait au-dessous d'elles. Plusieurs autres ont cru à la présence de malfaiteurs, et se sont levées en toute hâte pour chercher d'où provenait ce bruit extraordinaire. « Au Havre, la secousse a été peu sensible, et n’a duré qu'un instant; mais elle a été constatée de manière à ne laisser aucun doute. Une personne, occupée à sa fenêtre à suivre , dans le ciel , une observation de préci- sion , a été surprise par le frémissement marqué imprimé à ses instruments , et le dérangement général de ses points de repère. Elle attribuait d’abord cet ébranlement au pas- sage d'une lourde voiture ; mais , reconnaissance faite de la solitude des lieux , elle a cherché maintes autres expli- cations au phénomène , avant de s'arrêter à la véritable. « Le Courrier du Havre contient , sur le même événe- ment, les détails qui suivent : 104 ACADÉMIE DE ROUEN. « Samedi soir 40 juillet, un phénomène , rare dans nos contrées , a mis en émoi plusieurs localités de l'arrondis- sement du Havre. A onze heures moins dix minutes du soir , une violente secousse de tremblement de terre s’est fait sentir à Fécamp, dans plusieurs communes environ— nantes , à Graville, et même dans le quartier du Havre voisin de l’église. « À Graville et à Fécamp, surtout, les oscillations ont été très vives, et la terreur est devenue générale ; mais , après plusieurs secondes environ , le mouvement, qui se faisait sentir du nord au sud, s’est complètement calmé , et on en a été quitte pour la peur. Un témoin oculaire nous rapporte que les oscillations ont été si fortes à Fé- camp, qu'elles ont renversé et brisé, dans la boutique d'un faïencier , toutes les poteries qui garnissaient les étagères. «Le même mouvement s’est fait ressentir à la même heure à Gerville et à Goderville, et nul doute que les ren- seignements qui nous parviendront bientôt des autres loca- lités ne nous apprennent que ce phénomène s’est étendu sur tout le rayon de notre arrondissement. « La chaleur avait été très intense pendant toute la journée , et le ciel paraissait orageux. On a remarqué à Fécamp que le vent qui, pendant tout le jour, avait soufflé du nord-ouest, a, lors de l'événement, subitement passé au nord-est. « Il y a soixante-cinq ans (en 1782), Fécamp fut aussi visité par un tremblement de terre , qui ne causa que des dommages insignifiants ; mais les secousses ne s'étaient point alors fait ressentir sur une aussi vaste étendue que celles de samedi soir. » CLASSE DES SCIENCES. 105 2° Lettre adressée le 13 juillet, par M. J. Girardin, Secrétaire perpétuel pour la classe des Sciences, à Messieurs E. Leudet et Poulain, au Havre, et à M. E. Marchand, à Fécamp. « Monsieur, « J'apprends , par le Journal de ce jour, que plusieurs secousses de tremblement de terre ont été ressenties au Havre et à Fécamp le samedi 10 courant. Désirant recueillir pour l’Académie de Rouen des renseignements précis et tout-à-fait scientifiques sur ce phénomène si rare dans nos localités, je vous prie de vouloir bien réunir toutes les données exactes sur le jour , l'heure, la durée, l'étendue et les autres particularités de ce tremblement. Je commu- niquerai ces intéressants documents à l'Académie en faisant connaître que c'est à vous que je les devrai. « Veuillez interroger le plus de personnes graves possi- ble , afin de contrôler les renseignements les uns par les autres , et arriver à connaître la vérité Vous concevez que, dans une telle question, les observations et les faits n'ont véritablement de valeur scientifique que par leur certitude et leur clarté. Je m'en rapporte, sur ce point, à votre intelligence éclairée. « Je vous remercie à l'avance des soins que vous voudrez bien donner à cette affaire, qui intéresse à un si haut degré l'histoire physique du globe. «@T, GiRARDIN. » 3° Réponse de M. E. Marchand, en date du 19 juillet. « Monsieur , «J'ai différé jusqu'à ce jour pour vous transmettre les renseignements que vous me faites l'honneur de me de- 106 ACADÉMIE DE ROUEN. mander par votre lettre du 13 de ce mois, parce que m'étant adressé à un assez grand nombre de personnes de la campagne pour recueillir le plus possible de faits bien authentiques , j'ai dû attendre jusqu’à hier pour voir ces diverses personnes. Cependant, Monsieur, je dois vous le dire de suite, je n'ai pu recueillir d’autres faits que ceux que j'ai déjà eu l'honneur de faire connaître à M. Arago , dans une lettre que je lui ai adressée le 11 de ce mois , c’est-à-dire le lendemain du tremblement de terre. Je vais dans un instant vous transcrire ici cette lettre , mais auparavant, je dois vous dire que bien que je fusse éveillé au moment où les secousses du tremblement de terre se sont fait sentir à Fécamp ( j'étudiais dans mon lit), je n'en ai eu aucune connaissance. C'est ce qui vous expliquera le manque d'observations barométriques et thermomé- triques au moment de la manifestation du phénomène. Si j'avais ressenti quelques-unes des secousses, je n'aurais pas manqué de faire ces observations , et je serais à même aujourd’hui de compléter l'histoire de ce phénomène. J'ajouterai encore qu'il n’est pas vrai, comme l'ont avancé quelques journaux , qu'à Fécamp, toute la vaisselle placée sur les étagères d'un marchand , ait été cassée. A Fécamp, pas plus qu'ailleurs , aucun accident de ce genre ne s’est manifesté; seulement , dans un très grand nombre de maisons , les assiettes placées debout, comme on le fait généralement à la campagne , ont vacillé en faisant entendre un bruit résultant de leur choc les unes contre les autres. M. Delaquerrière , membre de l'Aca- démie , en ce moment à Mentheville, m'a assuré qu'une partie du toit en tuiles de la maison occupée par M. Du- saussey , à Mentheville , s'était écroulée Un éboulement de terre a eu lieu dans l'une des carrières qui existent sous notre ville, mais cet accident Rs nc. —…——_— CLASSE DES SCIENCES. 107 ne doit pas , je le crois du moins, être considéré comme dû aux effets du tremblement de terre, car dans la partie surtout où cet éboulement s'est produit, plusieurs fois déjà , à des époques plus ou moins rapprochées, des acci- dents du même genre, mais souvent plus graves dans leurs conséquences, se sont manifestés. « Des bruits assez généralement accrédités annonçaient une foule de faits curieux comme ayant accompagné le tremblement de terre ou résulté"de ses effets. On parlait de lueurs vues aux clochers de quelques églises ou sorties du sein des eaux, d'un bolide aperçu en mer, etc. ; tous ces faits ont disparu devant une investigation sérieuse, et, pour moi, il en est résulté la certitude qu'aucun phéno- mène atmosphérique, remarquable pour la multitude, n'a précédé, accompagné ou suivi la manifestation du trem- blement de terre. « Vous remarquerez, Monsieur, que, dans ma lettre à M. Arago, je dis que les tremblements de terre sont rares à Fécamp; cela est vrai, mais je dois vous rappeler que le samedi 22 juin 1833, à 7 heures du matin, un trem- blement de terre s'est fait sentir à Angerville-Bayeul, Gonfreville-Caillot, Limpiville, Saint-Maclou, etc., et que les secousses, qui ne durèrent que quelques secondes, furent assez fortes pour effrayer les habitants de nos cam- pagnes. « Maintenant , Monsieur, je transcris ici ma lettre à M. Arago : « Fécamp, 11 juillet 1847. « Monsieur, je m'empresse de vous informer qu'hier soir, vers 40 heures 50 minutes, deux secousses de trem- blement de terre se sont fait sentir dans notre ville et dans les campagnes environnantes. 108 ACADÉMIE DE ROUEN. « Depuis quelques jours , le temps était orageux. Hier, le vent était au nord-ouest ; aujourd'hui, il est à l’est, Le thermomètre accusait hier soir à 8 heures, + 20° centigr.; ce matin, à 8 heures, la température était encore au même degré. Je n'ai point déterminé hier la hauteur du baromètre ; aujourd’hui , il est à 0" 765. Le ciel est sans nuages. « La première secousse a été la plus forte ; elle était accompagnée d’un bruit que l'on peut comparer à celui occasionné par une voiture lourdement chargée, et cou- rant avec rapidité sur le pavé. Chose remarquable, ce bruit a semblé , à toutes les personnes qui l’ont entendu, se faire entendre dans les parties supérieures des habita- tions, de sorte que plusieurs d’entre elles se sont imagi- nées que les toits de leurs maisons s’écroulaient. « D'après tous les renseignements que j'ai pu recueillir, il paraît assez positif que les oscillations se sont mani- festées dans la direction du nord au sud, de telle sorte qu’une personne couchée dans la direction ouest-est, après avoir senti son corps s’incliner à droite, c'est-à-dire vers le sud, a éprouvé une sorte d’exhaussement vertical , puis est retombé sur le côté gauche. La durée de ces trois mouvements peut avoir été de 15 secondes environ. Immédiatement après cette première secousse , l'atmo- sphère était calme. « La seconde secousse, qui s'est fait sentir 5 minutes environ après celle-ci, a été beaucoup moins forte, et elle n’a duré qu'une ou 2 secondes au plus. « Ces deux secousses de tremblement de terre ont été inégalement senties dans les diverses parties de notre ville ; au centre , elles ont été moins fortes que dans les extré- CLASSE DES SCIENCES. 109 mités. Cela tient probablement à ce que le centre de la ville est construit sur de très anciennes carrières , êt que peut-être les vides existant dans ces carrières ont amoindri la force des secousses. Quoi qu'il en soit, il paraît que, dans beaucoup de maisons, des phénomènes curieux se sont manifestés : les vitres et les refends en planches fai- saient un assez grand vacarme , et, dans une chambre où se trouvait un malade , la garde de celui-ci fut fort effrayée en voyant des vases danser ( c’est son expression ) sur une table , et les portes d’une armoire s'ouvrir brusquement. « Un autre fait assez remarquable est celui-ci : un très grand nombre d'oiseaux , troublés dans leur sommeil , ont abandonné les bois sur lesquels ils étaient juchés, et sont tombés soit à terre, soit au fond de leurs cages. « Les tremblements de terre sont rares à Fécamp. Il paraît assez bien établi, d’après le souvenir des anciens , que, depuis 60 ans, il ne s’en était pas fait sentir dans cette ville, mais que, vers 1782 ou 1783, une secousse égale, pour l'intensité, à celle que nous avons ressentie hier, y aurait produit des phénomènes analogues. «Je n'ai pas encore appris qu'à Fécamp ni dans ses environs l’on ait d'accidents à déplorer. « Agréez, etc. « Depuis que cette lettre a été envoyée à M. Arago, et surtout, Monsieur, depuis que j'ai reçu la vôtre, j'ai pu encore recueillir quelques détails que j'ajoute ici pour ter- miner celle-ci. « Le samedi toute la journée, le baromètre est resté stationnaire à 758 millimètres 1/2 ; il a donc remonté, du soir au lendemain, de G millimètres 12. 110 ACADÉMIE DE ROUEN. « Le bruit qui a accompagné (peut-être même précédé ) le tremblement de terre, s’est aussi fait entendre en mer, à une lieue environ des côtes. On a cru remarquer une légère agitation à la surface de l’eau. Je n'ai pu apprendre d'aucun marin si l'aiguille aimantée a éprouvé quelques variations. « Le tremblement de terre s'est fait sentir au moins depuis Paluel (lieu d'embouchure de la Durdent ) jusqu'au Havre. Je n’ai pas de renseignements précis sur son éten- due dans l'intérieur des terres ; je ne pense pas, cepen— dant, qu'il se soit fait sentir à plus de 12 ou 15 kilomètres des côtes. « Voici, Monsieur, tous les renseignements que je puis vous transmettre ; je regrette bien vivement qu'ils ne soient pas plus complets. « Depuis longtemps, j'avais le désir de tenir note de toutes les variations météorologiques qui se manifestent à Fécamp ; le phénomène du 10 de ce mois me décide à prendre des mesures pour être à même de faire des obser- vations régulières trois fois par jour, à partir du 1% jan- vier prochain. » L° Réponse de M. E. Leudet , en date du 20 juiller. « MONSIEUR , « Je me suis livré à une petite enquête relativement aux secousses de tremblement de terre qui ont été éprouvées dans notre localité ; malheureusement, ce que j'ai recueilli n'est pas tout-à-fait satisfaisant. « Le baromètre n'a point été examiné au moment des secousses ; la dernière observation à été faite à 8 heures CLASSE DES SCIENCES. 111 du soir ; il n'avait rien éprouvé à ce moment; il était au même point à 6 heures du matin, le lendemain. « Le thermomètre n'a pas été davantage affecté. « D’après tous les rapports, deux secousses ont eu lieu successivement, et la durée n’a été que de quelques se- condes ; le mouvement se faisait de l’ouest vers l’est. Elles ont été presque insensibles au Havre, plus sensibles à Sanvie , Ingouville, Graville, et surtout Montivilliers. Une remarque à faire, c'est que les vallées n’ont à peu près rien ressenti, tandis que , sur les hauteurs, les secousses ont été très sensibles. Cet effet a surtout été observé à Montivilliers et environs, où, dans la vallée, on n'a éprouvé qu'un très léger mouvement , tandis que , sur les hauteurs, les mouvements ont été assez forts pour ouvrir et fermer des portes, et faire écrouler un tas de briques. La même remarque s'applique au Havre. « Les deux secousses étaient accompagnées d'un bruit souterrain, semblable au roulement d’une voiture lourde- ment chargée. Il a commencé un peu avant les secousses, et s’est continué un peu après ; mais, comme Je vous l'ai déjà dit, le tout n'a duré que quelques secondes. « Tels sont le peu de renseignements que j'ai pu me procurer. » EXPÉRIENCES TENDANT A PROUVER QUE LA CESSATION DE L'HÉMATOSE PULMONAIRE Est la cause de l’insensibilité qui suit les inspirations d’éther en vapeur, Par MM. F. Preisser, Pillore et Mélays. Mémoire lu à l'Académie royale des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Rouen, dans sa seance du 12 Mars 1847. Lorsqu'on annonça que l'inspiration de l’éther en va- peur éteignait si complètement la sensibilité que nulle opération chirurgicale ne pouvait éveiller la douleur, nous fümes du nombre de ceux qui accueillirent avec dé- fiance les merveilles qu'on prônait; d’ailleurs, ce n'était pas sans crainte que nous voyions remplacer par l’éther en vapeur l'air atmosphérique, cette nourriture gazeuse, indispensable à la v'e de notre sang. Il fallut, pour nous rassurer , l'autorité des maîtres de l'art, qui proclamèrent l'innocuité de ce genre d'inspiration et ses résultats mer- veilleux. Dès lors, nous acceptâmes, comme chose démontrée expérimentalement, qu'au contact d’un mélange d'air at- CLASSE DES SCIENCES. 113 mosphérique et d'éther en vapeur, le sang veineux se transformait dans le poumon comme avec l'air seul, et que C'était à l’éther absorbé qu'il fallait attribuer cette modification si profonde de l'innervation qui rendait l'homme insensible à la douleur. Dans les premiers temps, les appareils à inhalation se multiplièrent , et il fut généralement admis que le meil- leur, pour provoquer l'insensibilité, était celui au moyen du quel-on inspirait beaucoup d'éther et peu d'air atmosphé- rique. Enfin, M. Amussat vint affirmer que l’expérience lui avait démontré que l'inspiration de l’éther en vapeur empêchait l'hématose pulmonaire. En effet, en mettant à nu chez un animal l'artère et la veine de la cuisse, il avait reconnu , disait-il, que le sang artériel devenait noir ; car, l'artère, d'abord rose, avait pris pendant la durée de l'inha- lation éthérée la couleur noire de la veine. Il ajoutait que l'artère avait repris la couleur rose lorsqu'on avait rem- placé l'éther par l'air atmosphérique. A ce moment, la question de l'insensibilité après l’inspi- ration de la vapeur d’éther se présenta à nous sous une face nouvelle. La modification que subissait le système nerveux était-elle due à la présence du sang imprégné d’éther ab- sorbé, ou à la présence du sang non hématosé dans les poumons ? L'insensibilité était-elle le résultat d’une sorte d'ivresse ou de l'asphyxie? Telles furent les questions que nous cherchâmes à résoudre par la voie expérimentale. Nousrépétämes plusieurs fois l'expérience de M. Amussat et toujours il fut démontré pour nous : 1° Que pendant l'inhalation éthérée . le sang dans l'ar- tère devenait noir ; 2° Que cette transformation précédait l'apparition de l'insensibilite ; s 114 ACADÉMIE DE ROUEN. 3° Que , dès qu'on cessait l'inhalation éthérée , et que l'animal respirait de l'air atmosphérique , constamment le sang contenu dans l'artère reprenait sa couleur rouge avant le retour de la sensibilité. Dans une de nos expériences, malgré la durée de l'inhalation éthérée, nous fûmes étonnés de ne pas voir l'artère changer de couleur ; nous ouvrîimes une branche collatérale , et nous reçumes dans une capsule un sang noirâtre, tout-à-fait semblable au sang veineux. Ce sang, malgré son contact avec l'air atmosphérique , ne prit pas la teinte rouge , et fut remarquable par la promptitude de sa coagulation. À quoi tenait cette persistance de la cou- leur de l'artère? A son opacité. Le chien était de très haute taille ; l'artère était en outre couverte d’un peu de tissu cellulaire; elle paraissait jaunâtre, et n'avait pas changé. Sur les chiens de petite taille, l'artère étant très transparente , l'expérience donne des résultats incontes- tables. Avant l’expérimentation, l'artère est rouge clair, elle passe très vite au rouge foncé, et enfin présente la couleur noirâtre de la veine à laquelle elle est accolée. Après que ce premier ordre de phénomènes fut par nous constaté irrévocablement par plusieurs expériences, il fallut essayer si l'insensibilité résulterait de l'inspiration de gaz qui, non toxiques , n'ont d'autre action que d'être im- propres à l'hématose pulmonaire; et si, dans ce cas comme dans l'inspiration éthérée, la coloration noire du sang artériel précèderait l'insensibilité. Nous remplimes de gaz azote une vessie terminée par un tube en caoutchouc, fermé par un robinet; à ce tube, nous adaptâämes un entonnoir. L'artère et la veine étant mises à nu préala- blement , nous étendimes un chien sur une table, et nous Jui introduisimes le museau dans l’entonnoir pour le forcer à respirer le gaz contenu dans la vessie. CLASSE DES SCIENCES. 115 Comme dans les expériences avec l'éther , le sang arté- riel prit la teinte du sang veineux, et l'insensibilité survint avant la cessation des mouvements respiratoires. Aussitôt que l'insensibilité fut bien constatée en mettant une patte de l'animal dans un brasier, on retira le museau de l’en- tonnoir , on rendit l'air atmosphérique au chien qui res- pirait encore, etbientôt le sang artériel reprit sa coloration, et la sensibilité reparut. Nous répétâmes la même expérience avec l'acide carbo- nique , le gaz hydrogène , la protoxide d'azote, et toujours les résultats furent les mêmes, sauf quelques diffé- rences dans le temps écoulé avant la production de l’in- sensibilité. En résumé, les chiens soumis à l'inspiration de ces quatre gaz ont tous présenté la coloration en noir du sang rouge et! l'insensibilité avant la cessation des mouvements inspiratoires. Arrivés à l'insensibilité, nous avons rendu à tous la liberté de respirer l'air atmosphérique , et l'inspi- ration de l'air a toujours rendu au sang artériel sa cou- leur rouge, et aux animaux leur sensibilité. Il faut noter, qu'à l'instant même, ils ont pu marcher sans vacillations : ils différaient , sous ce rapport, des animaux qu'on avait soumis à l'inhalation éthérée; ces derniers, au réveil , vacillaient, semblaient avoir de la difliculté à mouvoir les membres postérieurs, et paraissaient être dans un état d'ivresse qui exigeait un temps assez long pour se dis- siper. De ces expériences, nous concluons : {° Que l'insensibilité a été le résultat de l'influence qu'a exercée sur les centres nerveux le sang qui n'avait pas subi l'hématose pulmonaire ; en un mot, qu’elle doit être attribuée à un commencement d'asphyxie qui, à un de- 416 ACADÉMIE DE ROUEN. gré plus avancé, eût amené la cessation des mouve- ments respiratoires et la mort. (Chez un chien de forte taille, après avoir obtenu en 15 minutes l’insensibilité, nous avons continué l’inhalation éthérée; 25 minutes après, le chien avait cessé de respirer , il était mort) ; 2° Que l'insensibilité a été provoquée par des gaz qui ne déterminent pas l'ivresse ; 3° Qu'il est possible que l'ivresse et l'excitation pulmo- naire que provoquent les inspirations éthérées , aient une influence fâcheuse , indépendante de l’asphyxie ; k° Puisqu'il résulte des expériences, que l’insensibilité précède toujours la cessation des mouvements respiratoires, et que l'inspiration d'air rend au sang artériel sa couleur rouge et aux animaux leur sensibilité, nous pensons qu'il est probable que cette asphyxie , provoquée sous les yeux du médecin et limitée par lui, n’expose pas à de graves dan- gers ; 5° S'il était démontré que l'ivresse et l'irritation pulmo- naire que provoquent les inspirations éthérées, ont une influence fâcheuse sur les suites des opérations , il serait peut-être permis, dans certaines circonstances rares , de provoquer l'insensibilité sans déterminer l'ivresse et sans irriter les muqueuses ; 6° Nous croyons qu'il y aurait avantage à préférer un gaz à une vapeur, parce qu'avec un gaz, il sera beaucoup plus facile de déterminer très rigoureusement la quantité absolue ou proportionnelle que le patient aura inspirée. ——2120)} 5 REEe— ERRES CHIEKS SIPRKS DRRKO DANÈEO CRKO CAMES CRÉES SHYES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES Saites à Rouen, PENDANT L'ANNÉE 1846 ET PENDANT L'HIVER ET LE PRINTEMPS DE L'ANNÉE 1847, Présentées et lues à l’Académie à diverses époques, PAR M, F. PREISSER, Docteur es-Sciences, Professeur de Physique industrielle à l'École muvicipale de Rouen. Décembre 1845 à Mai 1846. ( Hiver et Printemps.) Hiver. Température. — L'hiver de 1846 a été très doux. La moyenne de la température a été de + 5°8. La moyenne correspondante en 1845 a été de + 2° 2. Le thermomètre n’est descendu que rarement au-dessous de 0. Le plus fort abaissement a été remarqué le 11 février ; l'instrument à marqué — 7° #. Le maximum de tempé- rature a été de 17° 4, le 11 février. Il n’y a eu que trois jours de neige. La moyenne de la température à Paris, en hiver, est de 3°3, d'après trente-trois années d'observations. 118 ACADÉMIE DE ROUEN. Prinremes. — La moyenne du printemps a été, à Rouen, en 1846, de 11°2. Celle de l'année dernière n’a été que de 8° 1. A Paris, pendant la même saison , la moyenne est de 10° 3: à Rouen, pendant ces trois mois, le thermomètre n'est pas descendu une seule fois au-dessous de 0. La température la plus basse a été de +- 0°,2le 13 mars, et la plus élevée, de + 27° 8, le 25 mai. L'oscillation thermométrique , pendant cette période de six mois, peut donc être représentée par 34° 9. Je n'ai pas à vous signaler de brusques variations dans la température de ces deux saisons. Le froid qui a commencé à se faire sentir les 10, 11 et 12 février, a disparu progressivement. Des Vents. — Voici comment nous avons classé les vents dominants qui ont régné en hiver : N. ARE RC RE PET? 7 Nas 7, 2 0 ee ES RÉDPUSE À S.-0. 29 E. 5 Pan ER IPRRPNIE enr SU 27 SARA O LE dr À mn » éné N.-0, 9 Comme on le voit par ce tableau, ce sont les vents de S.-0. et d'O. qui ont surtout soufflé sur notre ville. Ces vents chauds et humides ont naturellement dù avoir une grande influence sur la température ambiante. Vents qui ont règné au printemps. N LR Re LME ASE S. 19 NEA EAST TA Rae . S.-0. 18 E. DRE L'URSS Hi; 0. 12 S.-E. #4. N.-0. 6 . CLASSE DES SCIENCES. 119 Ici nous observons encore la prédominance des vents chauds. L'hiver a été signalé par des vents forts et des ouragans, deux en décembre, quatre en janvier, et deux en février ; quatre sont venus du S.-0. et deux de l'O. Au printemps nous avons également noté cinq violentes bourrasques , toutes engendrées par des vents de S.-0. Pluie. — Si l'hiver a été d’une douceur remarquable , en revanche , il a été très pluvieux. On y compte trente six jours de pluie, et la quantité totale d’eau tombée dans ludomètre est de 25° 528. Cette quantité est moindre que celle de l'hiver 1845 (27° 454), mais elle est notablement plus grande que celle qur est tombée pendant la même période de temps à Paris. Pendant la durée du printemps, il est tombé à Rouen, 20° 969, et en 1845, 27° 506. Ï y a eu quarante-deux jours de pluie et exactement quatorze jours chaque mois. En 1845, avec une plus forte quantité d’eau , le nombre de jours pluvieux n'a été que de trente-un pendant cette saison. A Paris, il n'est tombé que 14° 107 de pluie. En général, depuis que je me suis livré à Rouen aux 5 ue ] observations météorologiques, J'ai constaté chaque mois qu'il pleut plus souvent à Rouen, et que la quantité d’eau tombée est plus grande. La réputation de notre ville ne serait donc pas usurpée sous 6 rapport. 120 ACADÉMIE DE ROUEN. Pression atmosphérique. — Le tableau suivant va nous donner la pression barométrique moyenne de chaque mois de l'hiver et du printemps : Décembre . 755,96 Mars.. . 755,60 Janvier. . . 759,31 Avril... ‘751,62 Février. . . 755,66 Mai. ."1756:09 de l'hiver = 756,96 Pression moyenne { x : du printemps 754,44 Nous observons "encore cette élévation de la colonne barométrique pendant les jours froids de l'année, les oscillations barométriques et thermométriques sont en sens inverse. Nos tableaux confirment ce fait général qui a déjà été si souvent signalé, que pendant les vents violents, les bour- rasques et les coups de vents, le mercure du baromètre descend, et souvent d'une manière fort brusque. Enfin, l'inspection attentive de la onzième colonne de nos feuilles et leur comparaison avec les pressions atmos- phériques démontrent que les oscillations lentes et régulières du baromètre, coïncident généralement avec un temps constant, et les perturbations dans l'atmosphère sont annoncées par des changements brusques de hauteur de la colonne mercurielle. Voir les Tableaux. OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES bus a” Hbécembre 2845 Au 40 Rai 1846. Observations météorologiques faites 7 H'° du matin. | 2 H': du soir. | 9 H': du soir. JOURS. Baromètre] Therm. |Baromètre| Therm. |Baromètre Therm. à 0. extérieur. à 0. extérieur àa10. extérieur. 1 759,41 107 760,54 758 760,72 + 5,8 2 761,04 708 757,31 io | 753,82 + 9,1 3 749,10 33 749,89 2 7 749,69 + 5,4 4 755,93 + 2,4 749,99 81 749,21 + 8,6 5 750,11 + 2,9 752,59 + 9,4 751,25 + 6,4 ô 749,19 + 5,1 750,60 ns (Ye 750,04 + 5,1 7 752,61 + 4,0 753,37 + 8,9 761,04 9,1 8 763,11 25,1 766,47 7 760,41 + 3,4 9 764,94 + 6,7 765,57 + 9,6 767,31 + 4,2 10 765,06 + 2,1 766,14 GA 768,81 + 92,1 11 759,31 + 6,1 757,96 + 8,6 || 760,04 + 6,4 12 763,81 + 5,4 764,44 + 6,4 768,42 | 13 770,18 0,3 769,69 SE 7) 769,78 7 14 769,18 I 766,32 12167 764,04 + 5,4 15 758,38 120559 756,69 + 9,8 758,34 78 16 756,61 HN) 756,69 410,4 756,91 77 17 756,34 + 9,4 755,74 410,2 750,92 +i1,4 18 743,54 EEE 743,11 +-10,3 743,91 7 19 746,11 SNS 742,57 EE) 737,11 707 20 733,04 + 4,6 733,64 + 5,3 735,25 rs 21 749,94 En 747,21 + 3,8 750,21 C7 22 754,68 Sn 746,11 DE 7 736,84 + 9,1 23 738,83 2 Er 741,65 + 5,5 748,04 + 4,3 21 755,91 PONS 759,14 on 762,91 100 25 768,04 + 0,4 767,44 + 5,4 766,84 2 26 767,18 ni 766,10 + 8,1 || 765,04 A 27 767,82 + 6,4 766,35 + 7,9 || 763,90 + 6,4 28 756,01 + 9,4 754,24 10,1 || 751,53 + 7,4 29 753,90 3 Si 755,23 19 01075977 + 8,3 30 758,71 +10,1 758,40 +12,4 759,15 + 9,6 31 762,81 0001S 761,98 + 9,9 753,91 +10,4 | RE lard M S | 756,57 JE 72 | 756,23 720 755,08 + 5,4 | | où Rouen. Thermomètre l maxima Dia minima. | _… + + » + … L2HNHNALNCRCXLESX EXC Dem ep D Dm HER ER EEE EEE CEE SHPLPONDED ADD = - S S + + © CO = Co TO I & © À C0 me LÉ EH EAEEE … œ ©. HART UE HER LE EEE eh © Or O1 Em © ND et © DO DD °° O7 CE D C5 9 CO + + + + - DE = = ND © NS NO me mé RQ me D DT Se VUS ST. NT DV SULOT DUO SE ST PTT G TUE N'®@ © — © O0 O0 4 ei © © mt mé OO ee ES met D OO DUR be DO OHN— - ÉTAT DU CIEL A MIDI. Nuageux. Pluie. Pluie. Pluie. Pluie. Pluie. Pluie. Variable. Nuageux. Nuageux. Pluie. Pluie. Nuageux. Pluie. Pluie. Pluie, Pluie. Pluie. Pluie. Pluie. Pluie. Pluie et neige, Pluie et grêle, Pluie. Pluic. Couvert. Nuageux. Pluie Pluie. Pluie. Pluie. Decembre S.-0. S.-0. fort. O.-N.-0. fort. O. fort. 0. | $.:s.-0. S.-S.-0. O. fort. O. fort. N.-E, tr. fort. N.-0. tr, fort. N.-N.-O. fort. 0. O. fort. 9: très fort. DOTE. 1845. RÉCAPITULATION. Moyenne du mois, = 5,74 Moyenne vraie, — 73, Moyenne baromét., = 755,96. Pluie et neige, — 13,642. 24 Jours de pluie. { Jour dé neige. 1 Jour de grêle. VE NTS. 13 Vents O. 5. 1d. S-0 {1 id. O.-N.-0 11 ide:S 314. S:-S.-0 2 id. N-E. 35114. IN-0: 3 id. N.-N.-0. Observations météorologiques faites 1 ER TOME À 7 H°° du matin.| 2 H'* du soir. | 9 H'* du soir. TT JOURS. | {Baromètrel Therm. |Baromètre} Therm. |Baromètre| Therm. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur . à 0. 1 754,77 + 5,4 758,40 +10,1 760,31 + 7,1 2 763,19 + 4,2 765,45 + 8,4 767,11 + 7,3 3 771,84 + 2,0 770,71 + 3,1 768,92 + 1,7 4 763,36 + 0,3 758,34 + 1,1 759,11 — 2,4 5 760,34 0,0 759,84 + 3,1 760,34 + 1,4 6 762,61 + 3,2 761,39 + 1,0 759,11 + 2,4 7 763,19 + 1,4 762,10 + 4,1 766,24 + 3,0 8 772,27 + 1,7 761,84 + 6,4 773,44 + 5,2 9 773,11 — 3,0 775,11 + 3,2 773,50 + 2,4 10 770,25 — 1,1 770,01 — 1,0 770,31 — 0,8 11 770,34 — 1,4 768,07 ms | : 765,46 — 2,1 12 762,04 — 2,1 758,91 — 0,7 756,92 — 1,8 13 753,86 + 2,0 750,24 + 3,7 749,72 + 2,4 14 747,01 + 3,7 746,85 + 8,6 747,91 + 6,1 15 754,37 + 4,4 755,89 + 7,9 755,40 + 4,2 16 755,84 + 2,1 754,83 + 6,1 754,21 + 5,9 17 753,12 + 6,6 753,84 +10,1 752,55 + 5,1 18 753,04 + 1,2 753,95 +"5,1 751,47 + 4,1 19 746,21 + 6,4 741,39 + 8,8 742,61 + 9,9 20 749,20 + 7,0 748,40 + 9,8 751,25 + 5,4 21 748,80 + 7,7 747,21 +10,1 745,24 +10,6 22 746,27 +11,4 746,04 +12,8 743,03 +11,4 23 737,61 +10,4 742,36 +14,3 753,15 +10,0 24 744,70 + 8,1 748,10 +10,3 745,80 + 8,1 4 25 749,25 +10,0 747,21 +10,2 742,08 +10,1 26 743,37 + 9,8 749,81 +10,8 745,03 + 9,1 27 747,65 + 8,8 748,13 + 9,4 751,04 + 7,8 28 749,64 + 8,0 749,27 +11,4 754,34 + 8,1 29 743,37 7,2 755,72 +11,6 758,81 + 8,2 30 747,65 SL 0 758,21 410,2 758,34 + 8,4 31 749,64 + 9,1 761,21 +12,0 760,50 + 9,1 nd Moyences. 755,22 + 6,5 || 755,55 + 5,4 | ! | l ! 756,04 + 4,1 | ù Houen. — danvier 1846. | ÉTAT DU CIEL VENT:S Thermomètre RÉCAPITULATION. | " À MIDI. A MIDI. LE maxima, | minima. +10,2 + 4,1 | Nuageux. S-0: Pression moyenne , + 8,7 + 2,4 || Beau. S.-0. — 755,60. + 4,3 "1,1 Beau. N.-E. + 1,2 — 3,8 Couv!, neige. | N.-0O. Température moy., 4 3,2 — 2,2 || Beau. N.-0. 45 "9 — 2,5 — 5,6 Couvert. N.-E. + 4,4 — 0,6 || Couv!, pluie. | N,-E. Maximum de temp'*, + 6,7 + 1,1 Nuageux. 0. — 15°,1 (23 du mois) + 4,1 + 2,0 Couvert. E° — 1,0 12,0 Couvert. E, | Minimum de temp'*, — 1,1 — 2,8 Couvert. E. — 5,6 (6 du mois). — 0,4 — 3,1 Couvert. N. + 4,8 — 2,2 Beau. N. Pluie et neige en + 9,1 + 1,6 Nuageux. N. centim., — 8,310. + 8,1 + 3,2 Nuageux S.-0. + 6,2 + 1,3 || Couv!, pluie. | S.-O. 14 Jours de pluie. +10,1 + 5,0 Couv!, pluie. | S. 1 id. de neige. + 5,6 — 0,4 Couw!, pluie. | S.-0. +10,2 + 3,1 Couv!, pluie | S,-0. | — +10, + 5,0 || Nuageux. S.-0. +11,7 + 5,6 || Couv!, pluie. | O. | VE NTS. +14,6 +-10,2 Couv!, pluie. | 0.-0. +15, + 9,2 Couv!, pluie. | S.-O. tr. fort.| 2 Vents N. +19, + 7,7 Couv!', pluie. | S.-0. 2 id. N.-0. +-12,1 + 7,9 C!, pl., ourag. | S.-O. tr. fort.| 3 id. N.-E. +10,9 + 6,2 Nuageux. S.-0. CODE (5: PU +-10,7 + 5,8 | Nuageux. S -0. L'hYrd S: +11,7 + 6,1 Couv!', pluie. | S.-0. Pas de vents S.-E. +11,8 + 6,0 | Couv!, pluie. | S.-0. 3 Vents 0. +-10,4 + 5,1 Couv'. pluie, | S.-0. tr. fort.| 16 id. S.-0. +12,8 + 6,8 Couv!, pluie. | S, tr. fort. | | + 8,0 + 2,3 Observations météorologiques faites 7 H'°: du matin. || 2 H:° du soir. | 9 H': du soir. JOURS. Baromètre] Therm. ||Baromètre| Therm. ||Baromètrel Therm. à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0, extérieur. | | 1 758,04 + 9,0 756,21 +-12,4 756,91 + 8,4 2 754,27 + 8,1 756,31 +11,3 757,44 + 7,1 3 759,31 + 7,3 759,24 + 8,9 759,67 + 8,0 4 759,40 + 8,1 759,12 + 9,1 759,92 + 7,1 5 757,38 + 7,6 757,31 + 9,6 758,14 + 8,0 6 756,65 + 4,1 757,91 + 8,4 759,20 + 4,1 7 762,03 —+ 8,1 760,82 + 9,1 759,82 + 7,3 8 759,81 = UE) 759,02 + 6,2 759,91 + 5,7 9 760,89 + 3,8 760, 24 + 3,4 761,84 0,0 10 765,34 — 1,4 765,82 di 766,21 + 1,2 il 763,11 — 7,2 761,54 + 2,0 760,31 + 2,4 12 762,12 + 9,1 762,44 + 6,8 763,21 + 1,0 13 762,14 + 2,0 761,16 + 5,1 763,72 + 3,4 14 762,17 + 4,1 761,82 + 5,7 763,54 + 44 15 766,15 + 4,0 764,75 + 6,5 765,42 + 5,2 16 764,31 + 3,7 763,17 + 7,1 765,34 4 732 17 762,84 + 8,9 761,69 +10,0 760,61 + 7,1 LL e78 758,31 + 5,1 756,57 + 6,4 757,48 + 6,0 19 760,42 + 1,6 760,30 + 5,7 761,84 + 9,1 20 762,04 + 1,0 762,03 + 8,4 762,40 + 6,7 21 763,81 + 4,7 755,48 + 9,9 764,64 + 6,1 22 762,11 + 4,0 762,04 +-12,4 760,31 + 6,3 23 758,12 + 8,3 758,00 +-12,7 757,12 + 9,9 24 754,39 + 8,1 754,65 +14,2 754,99 +-10,7 25 753,01 + 7,0 753,72 1158 754,75 +12,1 26 756,75 67 756,45 +13,4 756,80 +-10,2 27 739,99 +-10,0 || 752,08 +-16,4 753,84 +12,5 28 754,31 +-14,% 756,11 | +-16,1 758,64 412,4 | | Moyennes. || 759,77 + 5,3 758,07 | 85 760,11 + 6,2 | an Üouen. — Sevrier 1846. | ÉTAT DU CIEL| VENTS | RÉCAPITULATION. A MIDI. A MIDI. Thermomètre. à à maxima. | minima. +12,4 + 8,0 Couv', pluie.| 0 Pression moyenne , EN + ei Cou, pluies Q- — 759,91. ,1 ouy', pluie.| ©. +-10,2 + 7,0 Couv!, pluie.| O. Température moy., +-10,0 + 6,4 Conv', pluie.| O. — 6°5,. +94 | +5,1 | Variable. N.-0. He + 9,5 + 4,0 Couv', pluie.| O. fort. Maximum de temp'*, + 8,2 + 3,7 Cou, pluie,| O. fort. — 17,9 (28 du mois). + 4,0 — 0,2 Couv', neige.| N.-E. + 1,7 — 2,7 Beau. "FN Minimum de temp'°, + 2,2 — 7,4 Couvert. N.-0. — 7,4 (11 du mois). + 7,0 — 3,6 Beau. N. + 6,1 0,0 C!, pl., brouill.| 0. 11 Jours de pluie. + 6,5 + 3,1 Très couvert,| 0. l id. de neige. + 7,0 + 4,1 || Nuageux. N.-0. 1 id. de brouill. + 8,0 + 2,2 Couvert. 0. +-10,7 + 4,5 Nuageux. 0. — + 7,1 + 4,0 || Couvert 0. É 16,2 + 1,0 || Couvert. S.-0 FENTS. + 8,8 + 0,1 || Nuageux. S. +10,1 + 1,4 || Nuageux. S. 15 Vents O. nee % 3,9 cu AE A k f ss 13% ouv pluie, . » -.N.=E. 415,4 + 6,8 Cou! pluie. | ©. Pas de sos E. +13,9 + 5,2 Couvert. 0. 2 Vents N. 415,7 + 5,8 Beau. Se 5 id us. +16,8 + 8,2 Beau. S: 2 id. S.-0. +-17,9 +10,1 Beau. S. Pas de vents S.-E. Observations météorologiques faites 7 H': du matin, || 2 H': du soir. | 9 H'* du soir. ef , JOURS. | Baromètre! Therm. |[Baromètre| Therm. |[Baromètre Therm. à O0. à 0. extérieur. extérieur. mé Moyennes. || 755,86 | + 6,1 755,08 +11,3 || 856,86 | + 0,0 l 763,10 +-10,6 762,45 +15,9 761,04 + 9,9 2 761,39 + 7,1 760,70 +14,8 760,84 +10,2 3 760,21 + 9,1 758,81 +16,1 756,14 +-14,0 4 755,31 +-12,0 748,31 +13,2 749,11 +11,0 5 753,94 + 8,9 751,10 +11;1 753,02 +11,1 6 753,72 + 7,9 756,08 +10,2 761,04 + 3,1 7 754,74 + 3,9 752,07 +-14,8 751,91 + 7,8 8 760,01 + 5,0 761,18 + 9,4 764,34 + 5,1 9 761,79 + 3,9 762,43 +-10,1 765,38 + 3,8 10 768,41 + 3,9 769,37 +19,2 769,24 + 4,4 11 770,94 + 1,8 771,09 SR 771,81 + 3,4 12 773,31 + 3,8 779,14 + 8,1 772,25 + 1,2 12 771,79 + 0,6 770,67 +14,1 770,29 + 6,3 14 767,56 + 8,0 766,51 +12,8 764,92 + 8,9 15 762,56 +-10,2 762,01 +12,0 760,84 + 8,1 16 755,58 + 8,1 750,30 +16,8 749,03 + 8,0 17 745,31 + 8,0 745,54 +10,8 746,04 9,3 18 745,08 + 4,1 745,59 + 6,5 746,39 == 19 749,99 + 1,9 749,06 + 8,9 749,75 + 4,1 20 748,45 + 2,0 751,04 + 7 750,31 + 2,9 21 743,65 + 3,1 746,82 +#10,4 746,75 + 5,6 21 749,11 + 7,0 749,31 +10,1 741,71 + 6,8 23 744,19 + 4,7 744,34 +-10,4 746,04 + 4,0 24 746,81 + 7,8 744,67 + 9,8 745,08 + 5,4 25 748,19 + 8,2 746,31 + 6,4 748,03 + 6,1 26 749,94 + 8,5 751,96 +10,2 754,48 + 4,0 27 755,92 + 6,1 753,62 +10,4 751,39 + 6,8 28 746,56 + 6,8 743,92 + 8,4 747,02 + 5,8 29 756,59 + 8,1 759,30 +-10,1 760,38 + 5,8 30 763,82 + 2,5 758,20 +14,8 756,25 + 5,1 31 752,25 + 7,4 751,55 15,7 754,21 + 6,8 | ù Rouen. — Alars 1846. Thermomètre ÉTAT DU CIEL] VENTS RÉCAPITULATION. A MIDI. A MIDI, maxima. | minima, à Couv', pluie. CA gr. abond. Cou! 0 pluie. Couv!, pluie. Nuageux. Beau. Beau. Pas de vents N.-E. Pas de vents E 1 Vent S.-E. + 9,1 Beau. S. Pression moyenne + 5,8 || Couv!, pluie. | O — 755,60. 1 FE Hs ne ie a Température moy., , ? > 2 + 7,2 Couv!, pluie. | ©. er: + 2,8 Couvert. N. Maximum de temp'*, + 20 BE e 5 — 17,1 (16 du mois). L: œ X . . * de are Rp sen RO: Minimum de temp'*,| + 1,6 Nuageux. N.-0 mc 5 2(13 du mois} + 1,1 Beau. N. Pluie, = 6,327. LE we Sners s£ 14 Jours de pluie. + HE Couvert. 0. 2 Le de neige. + 7,7 Couv!, pluie. | S.-0 2 Id. de grèle. + 7,9 Beau. 0. + 3,0 || Nuag., pl., gr.| S.-0. fort T + 1,5 Id., pl.,neige| S. F : + 0,8 Nuag. , pluie. S.-E. VENTS + 1,2 Id., pl., neige! S.-0. : s + 1,0 Cotes pluie. N.-O. À Yes à 0 + 4,6 Couvert. S.-0. fort 6 id. ©. + 3,3 Nuag,., pluie, } S. 3 id N_ + 4,0 Couv!, pluie. | S. ñ El N. 0 + 4,6 S. ; ETES + 3,8 Se + 4,0 0 "20 S. + 4,8 0. + 2,0 S. + 4,8 (aE +-12,4 Observations météorologiques faites 7 H:: du matin. | 2 H'“ du soir. | 9 H'* du soir. + 9,0 751,46 +-12,7 752,20 + 9,2 7 , = e — JOURS. Baromètre| Therm. [Baromètre Therm. |Baromètre| Therm. à 0. |'extérieur . à 0. extérieur. à 0, extérieur. 1 752,80 + 8,4 751,72 +-15,4 750,11 +-12,0 2 749,71 +10,1 748,10 +14,3 749,10 +13,1 3 750,00 + 5,2 751,30 12,0 751,11 + 7,2 4 748, 11 + 6,3 746,73 +-10,1 746,02 +11,0 5 743,08 +11,1 742, 62 15,2 740,32 +10,8 6 738,21 +10,1 739,11 —+12,2 737,02 + 4,6 7 736, 16 + 7,0 735,30 + 8,2 736,82 + 6,1 8 737,97 + 7,1 736, 37 + 8,8 738,80 + 7,4 9 749,11 + 9,2 62,13 +11,0 753,34 + 9,1 10 755, 68 +10,1 753,79 +-13,6 754,21 +11,0 il 748, 771 + 9,4 743,60 +14,1 743, 03 +12,4 12 746,61 +12,8 747,53 +16,3 748,44 +-12,8 13 749,09 +12,2 750,33 16,1 750,47 +12,8 14 749. 13 13,0 750,04 +17,0 749,17 +-12,1 15 748,40 +-11,1 750,20 + 14,1 751,80 +-10,8 16 755,04 +13,4 757,70 +-14,4 758,99 +14,0 17 || 757,41 +-13,1 756,12 +16,2 756,82 +10,4 18 756,40 + 9,4 758,20 +-11,4 758,73 + 9,0 19 759,07 + 7,7 757,04 +10,1 756,24 + 9,1 20 754,11 + 7,1 755,34 + 8,7 756,60 + 7,0 21 756,32 + 7,0 756,98 +-10,7 757,41 + 7,2 22 755,11 + 9,0 754, 731 +12,2 702,17 + 9,2 23 751,50 LOGE 750,62 +-10,7 749,18 + 7,4 2% 753,91 +10,1 754, 64 +14,4 755,71 + 9,4 25 756,20 CIC 754,12 +16,6 753,14 +11,2 26 753, 707 + 9,6 753,34 +-13,1 753,21 + 8,8 27 756, 80 + 8,1 757,82 +11,1 758,47 + 3,3 28 || 757,04 + 5,4 757,11 +15, 1 760,02 + 4,8 29 761,00 + 5,1 763,51 + 9,1 766,11 + 5,1 30 768,32 + 5,0 768,71 +-10,4 769,04 + 5,1 | % | | | a Rouen. — Avril 1846. Thermomètre à à maxima. | minima. +-16,2 + 7,3 414,4 + 8,7 +#13,0 + 5,0 +12,9 + 5,8 +-16,8 + 8,9 +-13,0 + 84,1 + 9,1 + 4,8 +-10,4 + 5,7 +-11,8 re) +14,9 +- 8,0 +-16,8 + 8,3 +-18,4 +10,1 +18,8 410,4 +17,8 + 9,4 +-15,4 + 8,6 415,6 +-10,8 +-16,8 + 8,4 +-14,0 + 7,7 410,8 + 7, +10,7 + 6,2 +-10,8 + 5,0 +-13,4 + 4,1 +-11,4 + 4,0 ER + 4,3 +-19,1 + 5,6 +14, + 7,0 +11,4 170 +16,2 te +-10,4 + 4,0 +14 + 4,2 +141 + 7,0 ÉTAT DU CIEL A MIDI. Beau. Couv’, pluie. Jouv, pluie. Couv', pluie. Nuag., pluie. Nuag., pluie. Couv!, pluie. Couv!, pluie. Couv!, Couvert. Beau. Beau. Nuag., pluie. Nuag., pluie. Couvert. Couv!', Beau. Couv!, pluie. Couvert. Couv!', pluie. Couvert. Couvert. Nuageux. Nuag., pluie. Beau. Beau. CSD, Nuageux. Beau. Beau. Beau. pluie. grêle. VENTS A eu 066 Ü , m1 AU EE 22222PPPPAOMRONLPROE2ZAROOO 2 MIDI. 5 RÉCAPITULATION. Pression moyenne, — 751,62. Température moy., — 10,5. Maximum de temp'", —+-19,1 (25 du m°). Minimum de temp*,| —+4-1,8 (28 du mois) — 9,371. 14 Jours de pluie. Pluie, | 1 id. de grêle. FŒENTS. > Vents sS. 4 Mid S-0. Sd T0: Jde SE: Side NN: 4 id. N.-E. VAUINE: 2 1d-.N-0. Observations météorologiques faites 7 H:: du matin,| 2 H': du soir. | 9 H'* du soir. . CC , JOURS. | Baromètre! Therm. |Baromètre! Therm. ||Baromètre , Therm. à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur. 766,03 763,08 760,11 755,25 752,60 753,21 +11,7 +14,0 +14,4 +16,8 +13,3 410,0 756,31 +12,8 758,82 415,9 759,14 417,4 763,11 +16,1 755,01 414,6 753,27 +17,1 750,39 +14,1 751,30 +16,8 754,21 +11,4 754,03 +-17,1 757,81 +16,0 758,40 +-20,1 760,02 +15,2 658,31 +-21,4 758,11 415,1 760,44 +18,4 764,12 413,5 762,60 +16,4 759,42 415,2 754,25 +-24,4 750,32 413,5 748,19 +15,1 751,82 +11,0 755,04 +15,0 756,52 +11,1 755,30 417,3 761,17 +-14,2 753,72 | +15,2 747,00 | —+19,1 758,03 | “+ 8,1 754,71 + 8,2 CR © © # CO DD = © CO © 1 © O7 de CD DO 768,91 + 8,3 766,11 +15,2 766,39 414,3 764,80 217,1 761,82 415,1 760,32 +18,7 756,24 415,1 754,04 +-25,0 | 755,96 +18,8 750,04 + 9,1 745,41 +-12,4 744,08 +-15,1 17 742,03 + 8,4 740,80 2,1 741,17 +10,1 18 740,94 + 8,9 738,54 —+-15,6 742,81 +11,5 19 751,20 +-14,6 753,54 +18,6 752,17 +-16,8 20 751,31 +-10,0 751,04 21,3 752,15 +17,1 21 753,21 —+-14,2 755,11 +16,7 758,35 +15,4 22 763,04 +-14,0 761,27 + 17,4 762,64 +14,5 23 765,91 +-15,6 766,31 +-24,1 767,34 +17,1 24 765,84 +16,7 765,91 +-24,3 766,13 +-18,2 25 766,11 +-17,1 764,08 —+-27,1 765,14 +19,1 26 763,04 —+-15,7 763,64 +24,3 763,86 +18,1 27 762,82 +-16,2 761,05 +-19,8 762,71 +-17,2 28 763,11 sr lit 763,30 +-18,1 764,14 +15,5 29 768,45 12,2 765,98 +15,0 764,55 +13,1 30 765,86 +15,0 763,75 +-18,9 764,12 16,0 31 761,30 +-16,1 760,91 +940 762,34 417,8 bete 2e | | Moye DS. 756,42 +13,7 | +-14,6 1 | — —. ù Rouen. — lai 1846. Thermomètre ETAT DU CIEL VENTS a —, , RECAPITULATION. . 5: A MIDI. A MIDI. maxima, | minima. +16,8 + 7,8 Beau. N. Pression moyenne, +18,9 + 8,0 | Beau. N. — 756,09. +-20,3 + 9,1 Beau. N.-E. +-26,0 92 Beau. S. Température moy., +-18,1 +10,4 Beau. S'- — 15,1. +17,7 + 9,1 Couv!, pluie, | O. +-18,6 +10,2 || Couvert. S.-0. Maximum detemp'*, +-21,0 +-11,4 Nuageux, S.-0. —27,8 (25 du mois) +-22,4 +13,0 Nuageux. S.-0. +-20,3 +13,4 Beau. S. Minimum de temp'°, +-18,8 +-12,1 Beau. S.-0. —5,0 (17 du mois). +-25,1 +-12,3 Beau. S. +16,7 +-10,0 Couv!, pluie. | N. Pluie, — 5,271. +-15,8 + 7,0 Beau. N. +18,1 + 6,4 | Beau. N. 7 jours de pluie. +-14,8 + 5,1 Couv', pluie. | N. +13,4 + 5,0 || Couv', pluie. | S.-0. fort. — +16,1 + 7,4 || Couv', pluie, | S.-0. fort. +-19,4 +10,8 Couv!', pluie. | S.-0. fort. VENTS. +-22,5 + 9,1 Couv!', pluie. | S.-0 +-18,2 +10,2 || Nuageux. E. 6 vents N. +18,8 +-11,4 Beau. E. 7 id. N.-E. +-24,8 +11,7 Beau. E. Pas de vents N.-0. +-24,9 +-10,7 Beau. N.-E. { vent O. +-27,8 +13,1 Beau. S: 5 id. S. +-25,2 +-13,0 Beau. N.-E. 8 id. S.-0. +-20, 1 +12,2 Beau. N.-E. Pas de vents S.-E. +-18,9 + 9,5 Beau. N.-E. # vents E. +-16,4 + 8,4 || Nuageux. E. +-20,5 + 9,0 Beau. N.-E. +-25,6 + 9,2 Beau N.-E. | | Il +-20,4 + 9,8 | | | CLASSE DES SCIENCES. 121 Juin à Novembre 18,6. (Été et Automne.) Érs. Pressionde l'atmosphère. —Lacolonne barométrique s’est maintenue durant le cours de cet été à une hauteur plus grande qu'à Paris, et que l'année dernière pendant la même époque à Rouen. En effet, la hauteur moyenne de la saison qui a été de 758,27 en 1846, est de 756,35 seulement en 1845. En général, il n'y a pas eu de brusque variation dans la colonne mercurielle ; la plus grande élévation a été de 767,82 (le 27 juillet), et le plus grand abaissement, de 748,90 (le 47 du même mois), de sorte que l’oscillation barométrique de cette saison n'est que de 18,92, tandis qu'en 1845 elle était de 24,77. Température. —L'été de 1846 a été très chaud à Rouen, et le thermomètre s'est élevé à une hauteur qu'elle atteint rarement dans nos contrées. C’est ainsi que le 5 juillet, l'appareil placé au nord et à l'ombre a marqué 36°,8. La température la plus basse a été de 9,1 dans la nuit du 12 juillet. On voit que la différence des températures extrêmes de cette saison a été de 27°,7. La température moyenne de l'été est représentée par 209,1, tandis que celle de l’année dernière n'a été que de 17,2, et que le thermomètre ne s'est pas élevé au-delà de 30°,2. Vents. — Ce sont les vents chauds du S.-0. et du S. qui ont dominé pendant cette saison. 122 ACADÉMIE DE ROUEN. Nous avons observé à cet effet : 29 vents dominants venant du S.-0. 15 — — du S. 13 — — d'E. 12 — — d'O. 10 — — de N.-E. 6 — — de N. 5 — — de N.-0. 2 — — de $.—E. Pluie. — J'ai recueilli, dans l'udomètre, 16°%,654 de pluie. Le nombre de jours de pluie a été de 19. En 1845, la quantité d'eau tombée était de 21°,319, et le nombre de jours de pluie de 22. Cet été, comme l'été dernier, il est tombé à Rouen no- tablement plus de pluie qu'à Paris. Il y a eu 5 orages : 2 en juin. 2 en juillet. 4 en août. Celui du 14 juillet a été très violent; la foudre est tombée à plusieurs reprises sur notre ville. L 1 Aurome. Température. — La température moyenne de l'automne qui a régné à Rouen, a été de 11°,8. Elle est exactement la même que celle que j'ai observée l’année dernière , pendant la même saison, dans les mois de sep- tembre et d'octobre ; le thermomètre n’est pas descendu une seule fois au-dessous de zéro. Le maximum de la température a été de 26°,8 ; il a été observé le 11 septembre. CLASSE DES SCIENCES. 123 Le minimum a été observé le 12 novembre ; il a été de 2°,5. L'oscillation thermométrique de cette saison a done été de 29°,3. Le froid qui a commencé à se faire sentir vers le milieu de novembre , n’est arrivé que progressivement, et a dis- paru de même à la fin du mois. Vents.— Les vents dominants qui ont régné en automne peuvent être classés ainsi : N 7 5-0... 1m N.-E..... 11 Le DHANOE 6 N.-0 (D S À ES OLA. 3 DA CNE 6 On voit par ce tableau que, dans cette saison, les vents chauds et humides de S.-0. et de S. ont souvent dominé. La température ambiante a dû naturellement se ressentir de leur influence On n'a observé à Rouen, ni bourrasques violentes ni ouragan. Pluie. — Cette saison a été très pluvieuse; [es vents de S.-0. nous ont amené une énorme quantité d’eau, plus considérable même que celle tombée pendant l'automne de 1845, qui pouvait cependant être considérée comme une des saisons les plus pluvieuses que l’on ait observées dans notre contrée. Il est tombé pendant les trois mois de septembre, ac- tobre et novembre , 26,396° d’eau. Pendant le mois d'octobre seul , j'en ai recueilli 1#°710 , et il nous à fourni plusieurs exemples de ces pluies tor- 124 ACADÉMIE DE ROUEN. rentielles qui versent sur la terre de 30 à 40 millimètres d'eau. En 1845, la quantité d'eau tombée pendant l'automne a été de 21°643. Le nombre de jours de pluie a été, en automne 1846, de 40 , et, en 1845, de 41. Pression atmosphérique. — La pression atmosphérique a été de 756,42 pour le mois de septembre, 751,13 —_ d'octobre, 758,40 = de novembre. La pression moyenne de la saison a été de 755,41. La pression correspondante, en 1845, a été de 757,08. On peut observer ici que, pendant le mois d'octobre, si remarquable par ses fortes averses , le baromètre a été constamment très bas. La moyenne (751,43) est en effet de plusieurs millimètres moindres que toutes celles que J'ai observées à Rouen. Le baromètre est descendu le 145 octobre, après une forte pluie, à 736,03. C’est la plus grande dépression de la saison. Le 9 novembre, le mercure s’est élevé à 770,64. C'est la plus grande hauteur. L'oscillation barométrique de la saison a donc été de 34®®,61 ; l'oscillation correspondante de l’année dernière n'a été que de 26"",07. Voir les Tableaux. OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES Du 1° Juin 1846 Au 30 Novembre 1846. l JOURS. Moyennes. | Observations météorologiques e 7 H:: du matin. > 7 Baromètre| Therm. à 0. extérieur. 762,11 +-18,2 761,31 +19,4 762,94 418,4 761,24 424,5 760,32 +24,8 760,62 +29,1 760,12 25,0 758,04 SU TE 756,32 7 761,74 +-14,3 765,61 417,4 767,04 +16,2 762,61 20,1 760,32 +18,2 760,14 +19,2 766,17 +18,8 767,24 +21,7 762,84 +29,4 760,86 425,2 761,64 429,6 758,37 +20, 1 757,81 +24,8 753,58 417,9 750,40 +19, 752,25 412,8 754,02 411,5 752,62 15,5 758,31 +14,2 757,05 415,1 760,80 +15,6 759,79 +-18,8 2 H': du soir. on Baromètre] Therm. 10; extérieur 761,91 426,4 762,04 426,3 762,46 428,1 760,11 +-29,4 760,02 +30, 1 759,20 | -+%6,4 758,48 430,7 757,30 | 20,4 756,02 419,3 760,81 +21,5 763,10 +20,4 764,52 +24,5 760,26 +28,4 759,24 431,4 761,34 +273 765,80 24,9 764,17 +26,4 761,39 431,4 758,12 129,8 760,00 +28,4 757,18 27,3 755,04 +-28,6 754,96 419,4 747,94 | 16,1 752,08 +13,0 753,21 421,4 754,92 419,7 758,14 +18,4 755,70 420,4 760,02 493,4 757,51 +-24,6 9 Hr:: du soir. a Baromètre} Therm. à O. extérieur. 761,64 +-23,0 761,39 +-23,6 761,54 419,9 760,21 420,7 760,64 422,9 759,62 422,6 759,31 24,7 757,62 +18,8 758,40 414,2 762,86 418,1 762,17 1732 763,30 419,8 761,46 +24,4 760,38 426,9 762,11 +94,1 766,27 +4-29,0 763,30 +21,6 761,91 427,4 759,61 +-26,4 758,63 424,5 757,92 +21,7 753,31 +-20,6 752,34 +16,8 750,31 +14,2 752,63 11,5 752,71 415,3 756,34 +16,4 759,11 +14,7 758,14 417,2 761,38 +-20,0 758,55 +-20,7 faites à Rouen. — Juin 1846. Thermomètre ÉTAT DU CIEL VENTS | RÉCAPITULATION. à à A MIDI. A MIDI. maxima. | minima. +28,8 +13,7 Très beau. +-28,8 +13,4 Très beau. +-30,2 +15,7 Très beau. +-30,8 +15,9 Très beau. +-27,4 +16,1 Nuageux, +-30,9 +16,0 Nuag. pet. pl. +-21,4 +14,4 || Couv!, pluie. +-22,1 +-13,0 Couvert. +-22,4 +13,4 Couvert. +21,4 +14, Nuageux. +-25,8 +15,2 Beau. +29,8 | +181 || Beau. | La moyenne de la! pression atmosphé- rique, 758,61. , le) 1! © Moyenne de la tem- pérature, 21°4. +28, 1 +11,1 Très beau. Moyenne des thermo- mètres maxima et minima. — 2095, . re +31,6 +-17,7 || Beau. +-28,8 +17,0 || Beau. 28,4 +16,4 || Beau. +-27,8 +-16,7 Beau, +-32,2 +19, || Beau. +-30,3 +-20,4 || Beau. +-30,0 +-18,7 Beau timètres , 4 c. 341. +-30,0 +17,8 Quelq. nuages +29, 1 +16,5 || Couv', orage. -E. = 22,3 +112 || C', pl, orage.| S.-O. fort. Û mir 6 jours de pluie. 2 orages. ‘ FE Pluie tombée en cen- 2H222222H2000O0NR2RR EE © © +18,4 +-10,8 Pluie contin. | S.-O. FIRINTIS: 417,1 +10,4 || Pluie. S.-0. +-22,8 10,6 Nuageux. S. | 8 Vents E. +-21,2 11,8 Couvert. S. 6 id. N.-E. +-24,7 +11,7 Nuageux. S.-0. | 1 id. N.-0. +-26,2 +-12,4 || Nuag., pluie. | N.-0. LS MEMO: +-23,7 +11,2 || Nuageux. 0. FA SO. 200 À ICE | Pas de vents S.-F. 3 Vents N. | +-26,4 +14,9 | | | (l SHIDGRCE | 7 H'° du matin.|| 2 H'° du soir. JOURS. Observations météorologiques faites 9 Hr:: du soir. et | {Baromètre Therm. |lBaromètre! Therm. [Baromètre] Therm. AD: extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur . 415,7 761,30 | “<+22,7 763,92 418,7 417,5 763,18 +-26,3 764,36 421,4 415,5 761,60 | —<+28,4 761,82 19927 +16,4 756,41 +-34,7 758,21 425,4 17,4 754,20 +20,4 755,29 418,4 414,2 755,95 | —+21,2 758,14 + 14,4 417,5 756,82 +-25,2 755,86 417,8 7 753,60 18,4 753,91 415,4 +16,6 757,64 | —<+-22,1 758,80 +16,7 416,5 760,03 +-24,4 761,33 +17,3 416,9 761,27 +-24,4 762,71 +18,7 416,2 758,02 427,1 759,64 +21,1 182 755,62 +-24,1 757,35 410,4 Et 759,61 421,5 760,58 416,3 418,8 752,04 | —+24,3 750,21 415,4 416,4 748,98 419,2 749,32 +141 414,2 748,94 +-20,4 750,47 415,7 415,8 754,71 424,5 757,34 +18,1 416,9 762,04 421,8 764,25 414,7 417,0 759,30 | --20.7 758,92 TA 416,4 756,34 421,4 757,25 417,4 415,8 755,25 30,7 756,21 422,7 419,0 756,92 425,4 758,14 +-20,0 415,6 761,03 20,8 764,61 +18, 415,3 766,61 +91,4 766,86 +18,7 413,7 765,14 | 23,9 766,11 +20, 1 414,7 763,91 +26,7 764,61 +18,9 41858 760,18 | 30,4 759,82 424,5 420,1 756,63 34,8 757,36 +95,1 +-21,7 753,51 433,6 || 753,02 90,1 415,8 | 761,61 +-20,5 | 762,44 +-15,7 | | | +16,8 757,10 | —+24,6 758,99 +18,7 à Uoucn. Juillet 1846. EE, à maxima, | minima. | +-26, 1 Thermomètre à 413,9 ÉTAT DU CIEL À MIDI. Nuag., pluie. Nuageux. Beau. Beau. Beau. Nuageux. Nuag., pluie. Nuageux. Beau. Beau. Couvert. Beau. Beau. Couvert*. Couvert. Nuageux. Couv!, pl., or. Couv!', pluie. Beau. Nuageux. Trèsnuageux. Couvert. Beau. Beau. Nuageux. Nuageux. Beau. beau. Beau. Beau. Nuageux. * Orage très lviolent, pluie, A L 1200) | 20C PHARES OnOOS OO VENTS MIDI. 0 © : fort. = C RÉCAPITULATION. Pression atmosphér. moyenne, 758,44. Moyenne des ther- momèêtres maxima et minima.=— 20°,0. Température la plus élevée , 369,8 (le 5) Température la plus basse. — 9°,1 (le 12) 5 Jours de pluie. 2 orages. Pluie tombée en cen- timètres. — 2,642, VFENTS. 7 Vents O. GORE OO: & "10.0 E: 11 ITS: Pas de vents S.-E., N -E., N.-0. et N. Observations météorologiques 7 He du matin.| 2 H:: du soir. | 9 H'*: du soir. ne, Baromètre! Therm. |[Baromètre| Therm. |Baromètre| Therm. à 0. extérieur. à 0. extérieur. a 10: extérieur. 1 752,21 423,9 751,64 432,4 759,46 +26,4 | 2 753,62 +-20,2 752,46 +26,0 755,14 419,2 3 753,42 +19,6 756,21 227,1 757,18 +19,9 4 758,46 +17,5 757,61 +96,4 754,21 18,4 5 753,38 418,5 753,10 433,8 751,20 427,2 6 752,13 420,5 751,25 97,3 752,75 +20,4 7 751,83 +18,0 751,20 +24,4 752,21 418,4 8 754,75 ir 753,67 423,3 755,54 19,9 9 758,19 16,4 757,17 H,7 758,91 +-20,0 10 761,13 2 760,77 +23,4 761,72 419,4 11 760,71 +19,0 760,24 +-91,7 761,37 nel 12 758,17 +-21,0 760,30 25,8 761,55 20,1 13 757,38 419,7 756,27 24,9 757,18 419,1 14 754,29 +-20,0 756,14 +22, 4 755,50 NT 15 754,18 18,4 753,71 427,1 754,72 +-20,1 16 756,29 4173 754,12 495,4 756,82 +18,1 17 751,12 416,2 756,03 +-23,7 757,12 +417,8 18 752,92 418,4 752,64 +4-29,4 752,60 18,4 19 756,30 418,7 752,50 +-20,2 752,18 +151 20 751,14 +20, 1 755,03 99,7 754,80 +16,4 21 756,38 108 750,08 +21,0 751,29 | 16,6 92 757,28 416,7 754,62 +-20,1 755,34 +18,1 93 760,11 417,1 757,91 419,4 PA | ET 94 761,39 415,2 759,28 420,2 759,79 | —+18,1 95 760,10 417,9 760,64 419,9 762,79 it 26 754,18 415,8 757,01 + 24,1 755,13 +189 27 754,72 416,1 753,61 424,0 752,18 +184 28 752,60 417,4 752,21 424,1 752,27 71 29 761,94 415,7 752,34 +29,4 753,91 +18,2 30 761,74 117,1 760,12 +-29,1 761,79 419,1 31 763,12 415,1 762,18 +-23,0 763,56 419,0 Moyennes. || 756,29 +-18,0 755,55 +-24,0 757,75 +19,1 faites à Rouen, — Août 1846. Thermomètre. | ÉTAT DU CIEL] VENTS À | RÉCAPITULATION. é A MID. A MIDI. maxima. | minima. | Beau , le s' or. Hauteur barométr. +34,5 +17,6 violent et pl.| S.-0. moyenne.— 757,75. +28,5 +-17,2 Nuag., pluie. | S.-0. : : : e +284 +156 Nuageux. S. Le Le Cu moy., —+27,1 —+14,8 Couvert. S: "TRE +34,9 +16,7 Nuageux. S.-0. Moyenne des ther-| —+-28,0 +17,1 Couvert. S -0. momètres maxima +-25,1 +15,4 Nuag., pluie, | O et minima 19°, 8. +24,6 + 14,8 Nuageux. S.-0. Température la plus +-22,4 +14,1 Nuageux. S.-0. éléféd Au mois TA 9 +-25,0 +#15,4 || Nuag., pluie. | S.-0. (Le 5 du mois.) à +-22,9 +15,0 || Nuag., pluie. | S.-0. + —+27,2 -+16,1 Beau. S,-0. Température la plus, —+-25,1 -+-15,0 Beau. S.-0. basse. — 11°,7. (Le +-23,7 +14,7 Beau. S.-E. 19 du mois. ) +-28,1 +15,6 || Nuageux. O. 8 Jours de pluie. +-26,2 H12,2 || Beau. S.-E. 1 orage. +-24,1 -+13,3 || Couvert. S.-0. ; l +227 | +126 | Nuag. pluie. | S.-O. fort. | Pluie tombécen cen +-21,2 +-11,7 || Nuag., pluie. | S.-0. OR Chou + 22,8 H14,7 Nuageux. N.-0. 1e +21,1 +15,1 Pluie. N.-0. fort. +-20,4 14,7 Nuageux. N. : 420,0 -13,3 Couvert. N.-E. PS: +21,4 +-14,7 Beau. N.-E. ‘ +201 | +156 || Beau. N.-E. Fi RONSE +25, 1 +13,0 Beau. E. 9 td S Ê 25,5 +15,0 Nuageux. N.-E. 1 td F +24,3 +16,1 Couvert. N. 2 dd S_-E 23,7 +13,6 Nuageux N.-0. RUN O +-23,0 +14,1 Beau. N. 3 id N. è +-23,7 +-15,0 || Nuageux. N.-0. & à A4 NE. Observations météorologiques faites 7 H': du matin, || 2 H': du soir. | 9 H': du soir. a Baromètre| Therm. [Baromètre Therm. JOURS. Baromètre| Therm. à 0. extérieur. extérieur. extérieur. à O. 763,74 +18,4 763,08 —+-22,4 764,38 +19,1 764,27 +-18,1 763,82 +-21,6 763,32 +-20,0 763,31 +-20,4 761,92 +-24,8 762,30 +-20,1 760,81 +-19,7 759,71 +-23,3 760,39 +18,1 757,22 +-20,0 757,03 +-23,7 756,72 —+20,2 758,17 +-20,7 756,30 +-24,1 756,90 +18,4 758,10 +-19,7 757,67 +-24,2 759,41 +17,3 760,24 —+-21,7 759,71 +24,9 760,47 +-22,6 761,30 +-18,4 763,46 +-23,7 764,11 +-20,5 765,13 +-20,0 764,36 +-25,3 765,87 +18,7 766,34 +-17,4 765,09 +241 766,30 17,4 763,20 +-16,1 762,60 +-21,5 763,71 +-17,1 763,18 +-16,1 762,79 +-20,7 763,92 +16,7 764,02 +15,2 764,71 +21,4 763,73 +16,9 763,34 +-14,4 762,79 +-21,4 763,18 +-16,0 761,20 +15,1 758,09 +-29,1 757,11 417,1 753,08 +16,0 752,64 21,7 751,69 +#16,0 752,24 +14,6 756,26 +-20,1 748,60 +15,4 745,12 +-17,4 743,38 +-24,4 743,98 +-18,1 748,64 +16,2 748,02 +-21,0 748,39 +18,0 749,71 +-14,7 750,66 +-20, 1 749,12 +17,7 748,24 +15,1 747,08 +19,9 745,20 +16,4 748,79 +15,6 747,31 +-19,3 748,61 +16, 750,20 +16,1 750,73 +19,8 751,72 16,6 754,39 +-15,0 754,02 +19,0 754,88 +13,9 756,27 +15,2 755,11 +18,1 755,08 +13,6 749,25 +13,0 748,05 +14,5 747,34 +11,7 747,31 +10,7 746,31 15,1 || 748,04 11,2 749,04 +11,7 750,79 +-15,0 754,67 17,8 SON QE CD —= Hs 762,71 +-18,8 762,09 +-21,9 763,30 +-20,7 756,55 +16,7 755,98 +91,4 || 756,75 +16,9 male = a Rouen. Thermomètre 2 à à maxima. | minima, +-22,0 +13,6 +-29,7 +13, 1 +-23,1 +-15,4 +25,4 +-14,7 +-24,7 15,1 +-21,8 —+17,9 +-25,8 —+-16,4 +-26, 1 16,1 +-26,0 +-17,0 +-24,6 —+-16,8 26,8 +17,4 +-25,7 +-16,2 +-22,9 +15,6 +-22,1 +-15,0 +-22,0 +-14,4 —+-22,7 +13, 1 +-23,1 +13,2 +-22,4 +-14,7 +21,9 +-14,0 —+-24,8 +-15,7 +-22,0 +15,0 +-21,1 —+14,0 +-20,2 +14,1 +-20,6 +-13,7 +-19,9 +-14,1 +19,2 +-12,7 +18,9 +-11,7 +-14,9 +11,2 +15,2 + 9,1 +-15,4 + 6,4 -1-22,2 414,3 ÉTAT DU CIEL A MIDI. Couvert, Beau. Beau, Beau. Pluie, couv*. Beau. Nuageux. Nuageux. Beau. Beau. Beau. Beau. Nuageux. Beau. ‘Beau. Nuageux. Nuageux. Nuageux. Couvert. Cou!, pluie. Pluie, couv!. Couvert. Couv!, pluie. Nuageux. Couv!, pluie Couv!, pluie. Couvt} pluie. Couv!, pluie. Couv!, pluie. Nuageux. = CS RG TR er Er ET) mn EE SS60 © © ” LA ZIP PROPOVEPGAZLZLZRVU 609 Ü — — Septembre 1646. RÉCAPITULATION. Pression barométr. moyenne.— 756,42. Température moy., +18,3 Températ. moyenne observée par les ma- xima et minima, 18°,2. Température la plus élevée, — + 26°,8 (Le 11.) Tempér la pl. basse, + 162,4. (Le 30.) | Pression barométr. la plus élevée, — 766,34. (Le 12. ) | Pression la plus basse du mois , — 743,38. ( Le 30.) Pluie tombée en cen- timètres, — 7,740. FEN. TS: 1 Vent N. 4 id. N.-E. 21810 AN: 0: Pas de vents O. 13 Vents S.-0. JAP TS. 40 10. .6S;: 3 ed. FE: Observations météorologiques faites Therm. 7 H:: du matin. | 2 H': du soir. = Baromètre! Therm. 9 H:: du soir. —_ Baromètre] Therm. à 0 extérieur. à 0. poses | à 0. extérieur. 1 757,14 +12,1 756,28 +4-16,1 756,09 +153,8 2 756,29 13,8 751,68 +17, 1 751,86 +-14,8 3 751,30 —+16,1 749,10 +17,7 751,70 +-14,1 4 747,17 +14,9 746,74 +-18,0 748,19 +16,6 5 748,34 +13,4 748,07 —+18,4 747,48 +14,7 6 751,37 +14,8 750,28 417,3 750,86 415,3 7 756,04 +-12,1 755,23 415,6 754,47 +10,9 8 753,84 12,7 759,71 +-17,0 752,20 415,5 9 753,80 +13,1 754,21 +17,4 754,75 +15,6 10 752,70 15,6 751,27 +16,9 754,12 +13,7 il 748,30 +-10,4 749,70 +-15,7 750,28 +-14,2 12 750,28 411,5 759,64 +16, 1 752,27 +-14,0 13 749,12 410,0 750,57 +12,7 753,20 + 9,8 14 752,49 + 6,5 745,71 + 9,7 738,61 +- 7,8 15 736,95 +11,8 736,03 +13,5 ‘|| 738,42 +-11,9 16 739,40 +-10,9 739,18 —+15,4 742,12 —+12,8 17 745,32 + 9,8 743,61 +-13,6 744,61 +-10,7 18 746,82 +10,7 749,52 —+14,9 752,34 +-10;7 19 755,10 CÉNTI6 753,21 15,4 753,64 L 9,4 201 ‘1! 751,72 + 9,8 751,20 +-13,4 752,23 + 7,6 21 738,24 + 8,0 740,72 411,6 740,81 + 7,0 22 745,81 + 7,9 745,08 +10,0 747,29 + 6,5 23 752,24 + 6,4 755,86 + 9,1 754,82 207,0 24 751,81 + 6,5 749,27 +-10,1 746,20 + 7,8 25 749,20 + 8,1 751,82 +11,9 755,34 + 7,9 26 756,12 + 4,8 757,31 +11,8 760,04 + 8,1 27 763,14 + 4,4 761,60 +10,1 762,34 + 7,0 28 PAP 763,11 + 3,5 760,74 +10,4 760,30 + 7,3 [E %29 756,38 7 756,07 + 9,1 757,61 + 8,1 1 «30 2100758:82 + 7,7 760,01 +11,5 759,90 + 8,0 31 762,42 + 8,0 761,07 +10,4 762,34 + 8,1 { | | PRE AU RE nr | | | Moyennes. | 351,72 | 10,0 || 751,18 | +13,8 || 751,38 | +410, Î ü Üouen. — Ortobre 1846. ‘| Thermomètre | =. 2, |IÉTATODU CIEL, VENTS x RÉCAPITULATION. à A MipDi. A MIDI. maxima. | minima, +-16,8 + 7,4 Nuageux. N.-0. Pression barométr. +17,7 + 9,1 Pluie. S.-0. moyenne,=— 751,43. +-17,4 +-12,1 Pluie. S.-0. P : +18,6 +12,4 Nuageux. S. Températ. One 418:7 | +12,7 || Couvert. S.-0. 119,5. +18, +12,8 || Couv!, pluie. | S.-0. Températ. moyenne +15,9 + 9,6 Nuageux. S.-0. observée par les ma- +-17,6 +11,6 Pluie. S.-0. xima et les minima, +18,4 LÉ Couvert. S.-0. OTCES 17,5 11,7 Couvert. S.-0. Li163 410,0 || Couvert. de FER RR PIRE EE 416,7 +10, || Couvert. 20: vée, — 18°,7. (Le 5 ) +13,1 =.9;0 Nuageux. S. Température la plus +-12,6 + 6,5 Pluie contin. | S.-0. basse, — + 2,4 +15, 1 + 9,1 Nuageux. S. ( Le 231) +15,0 + 8,4 Eclaircies. S.-E. PAS st. 1: 414,6 | + 9,1 || Couv!', pluie. | S.-0. ression baromét. la +15,1 + 6,4 || Nuageux. 0. plusélev.,— 763,14. 415,6 | + 9,2 || Nuag., pluie. | S.-0. (Le 27.) +-14,0 + 7,1 || Nuag., pluie. | S.-O. Pression la pl. basse, +13,5 + 6,7 Pluie contin. | S.-0. — 736,03. ( Le 15.) +-10,8 + 6,8 Nuag. ., pluie. | S.-0. : 2-44 + 9,8 + 2,4 Couv!, pluie. | S.-0. Pluie tombée en cen- +10, ( + 6,1 Pluietr. forte.| O. timètres , — 14,710. +-10,5 + 3,8 || Pluie. S.-0. = 419,1 + 4,2 || Nuag., pluie. | N.-O. ss +11,5 + 3,5 | Noere N.-0. VENTS. +11,8 + 3,1 || Nuageux. N.-E. Pas de vents N. +11,4 + 4,0 Nuageux. N.-0. 3 Vents N.-E. +-12,2 + 7,4 Couvert. N.-O. & id. N.-0O. +11,0 + 7,2 Beau. N.-E. Id O0! | 17 id. S.-0 { id. S.-E Sd tie Sas + CORRE | Pas de vents E. 16,5 + 8,1 | | Observations météorologiques faites 7 H:°: du matin, | 2 H': du soir. | 9 H'* du soir. RE CE Si — a Baromètre| Therm. DCE SU Therm. ||Baromètre! Therm. l à 0. extérieur. à O0. extérieur. à O0. extérieur. | | 1 758,40 | + 8,4 || 759,31 |:-+11,7 || 759,70 | + 9,4 2 760,61 + 8,7 | 759,08 +-12,1 760,71 +-10,1 3 761,92 + 6,8 || 762,14 +13,2 762,92 + 9,8 4 763,11 + 5,0 763,92 +-192,5 764,71 + 8,2 5 764,80 + 6,7 763,18 + 7,8 763,94 + 6,0 | 6 763,04 + 3,8 762,21 + 4,9 763,71 + 3,9 7 765,82 + 4,0 764,36 + 5,0 765,60 + 3,0 8 767,11 + 9,7 767,09 + 5,5 768,14 + 2,8 9 770,04 + 1,8 769,07 + 1,0 770,64 + 0,4 767,91 + 2,0 765,92 + 0,2 766,11 + 0,8 763,12 + 0,4 762,34 + 4,1 763,67 + 0,9 764,34 + 0,8 764,03 + 3,8 764,72 + 1,0 765,36 api 764,17 + 4,0 765,44 + 0,7 764,32 0,0 763,18 + 4,4 763,75 + 0,4 763,11 + 1,0 762,93 + 0,2 763,60 + 0,7 763,04 + 0,2 762,61 + 0,8 763,17 + 0,8 759,40 + 0,4 758,24 + 6,1 758,03 + 9,4 757,64 + 4,6 756,27 + 9,7 757,11 + 6,7 757,31 + 6,1 759,40 +-10,8 756,61 + 8,6 749,27 + 8,1 752,12 +-10,0 753,11 + 7,7 754,29 + 7,1 754,01 +-10,0 755,27 + 8,0 756,40 + 8,1 755,21 +11,2 754,21 + 9,8 752,61 + 8,9 752,12 +-10,8 753,61 + 9,0 752,04 + 8,1 751,17 +13,2 751,64 +-10,1 752,92 + 9,0 750,11 +40,1 749,20 + 9,0 745,08 + 8,0 744,10 +-12,4 742,74 + 8,7 743,75 il 749,11 + 9,1 742,04 + 6,1 743,84 + 5,0 742,10 + 7,1 742,09 + 5,1 751,71 + 4,0 750,29 + 5,1 750,60 + 3,2 754,20 + 0,5 754,62 + 3,4 754,71 + 1,5 | Moyenues | 758,55 + 4,4 758,30 +7,3 758,36 24,6 n Rouen. — Uovembre 1646. Thermomètre | LACS ETAT DU CIEL VENTS | : : RECAPITULATION. A Mipi. A MIDI. maxima. | minima. | +-13,4 + 4,0 Beau. S.-E Pression barométr. +13,5 + 4,4 Beau, E. moyenne, —758,40. +-14,8 + 5,2 Couvert. S: | 413,5 EEE Fear s Température moy,. , re . . — | 4 n +90 | 32 | Beau. SE. mA + 5,2 + 3,1 Couvert. N. Température moy., + 5,2 + 1,2 Couvert. N. observée par les + 6,0 0150 Couvert. N. maxim. et minim., + 2,8 + 0,9 || Couvert. N.-E. = 5°,5. + 4,5 + 0,8 Beau. N.-E. He se 20 Beat. NE. Fenperitere la plus HE 0 + 26 Heu N. ev.,—14°,8. (Le 3.) + 5,0 + 2,2 Beau. N.-E Température la plus + 4,5 + 2,0 Beau. N. basse,—2°,5(Le 12.) l : 3 a 1. dE Le Labo Es Pression barométr. la + 73 HET vert. So. plusélev.—770°,64. +10,5 + 4,0 Couvert. S=0: (Le 9.) +11,7 + 6,0 Couvert. 0.-0. Pression la plus basse +10,7 + 5,4 Pluie. S.-0. — 742,04. (Le27.) 10 ie. É Ê ; Eire È ae ce FR à 0. PSS encen- SET + 6,8 Pluie. $.-0. timètres, 3,946. 14,5 + 8,0 | Pluie. S.-0. E +10,5 + 8,1 Pluie. SO. VENTS. +13,1 + 7,8 Couvert. Se0: RATE + 9% | +60 | Pluie. S-O. ROSE +708 | +50 | Pluie. S.-0. MORE CCE + 5,6 AREA Couv!, éclaire. 0. (oi 0. St Mn LC Bent N. il id. S.-0. 2 id. S-E. SR (1 CRC | SD (6 en 1 Il | | TE? à FASIS AE Di 2 A CLASSE DES SCIENCES. 125 Décembre 1846 à Mai 1847. ( Hiver et Printemps.) Hiver. Température.—L'hiver de l'année 1847 a présen- té, à Rouen, de nombreuses alternatives d’abaissement et d'élévation de température. J'ai observé un maximum de + 7 à + 12° pendant une semaine du mois de décembre, pendant la moitié de janvier et de février. Mais il y a eu aussi plusieurs périodes d’un froid assez vif pour faire des- cendre la température moyenne de la saison au-dessous de la moyenne ordinaire. En 1846, elle était de + 5°,8, en 1845, de + 2,2; cette année, elle est de 4 1°,6. Comme on le voit, il a fait à Rouen plus de deux fois plus froid qu'à Paris, où la température moyenne de l'hiver est de 3°,5. A la fin de décembre , la Seine a été très près de se prendre en glace. Pression atmosphérique. — Voici quelles ont été les in- dications barométriques moyennes pendant les 3 mois de l'hiver : Décembre........... 75k,97. EN CNUTE RAR SE 755,94. Piper iii 757,68. La pression moyenne de la saison a donc été de 755,96. L'hiver a été signalé par de nombreuses et brusques variations du baromètre qui ont presque toujours précédé de violentes perturbations de l'atmosphère. Les récits des journaux ont signalé de fréquents désastres sur mer depuis quelques mois, et les nombreuses pertes de navires éprouvées par les marines des différents pays. 126 ACADEMIE DE ROUEN. Le 23 décembre , j'ai observé un remarquable abaisse- ment de la colonne mercurielle ; le baromètre est des- cendu à 723°,64. Jamais à Rouen je ne l'avais vu tomber aussi bas. Les vents soufflaient du S.-0. Ce brusque abaissement du mercure a été signalé le même jour sur d’autres points de la France. Outre plusieurs bourrasques violentes , nous devons en- core signaler un orage, avec éclairs et tonnerre, qui a éclaté dans la nuit du 26 au 27 janvier. Les extrêmes de la variation barométrique ont été de 723",64 et de 774,11, de sorte que l'amplitude de l'oscillation pendant la saison, doit être représentée par 50,47. Vents. — Les vents dominants qui ont régné cet hiver peuvent être ainsi classés : AN RS 0 N.-0 12 PR EE 3 NE. 16 ; a Et P ME 20 RES ME SU 27-140 Pluie. — 11 y eu 25 jours de pluie et 12 jours de neige pendant cette saison. J'ai recueilli dans l'udomètre 25,719 seulement. Le mois de janvier a été très pluvieux, mais, en février, il est tombé plusieurs averses de 2 à 3 cen- timètres d'eau. La neige a été amenée par les vents de N. et N.-E., et la pluie, par ceux de S.-0. Printemrs. Température. — La moyenne température du printemps de l’année 1847, a été de 9°,3. La moyenne correspondante de l’année dernière a été de 1 1°,2. La température la plus élevée a été de 29°,8, le 28 Mai, et la plus basse de — 7, 8, le 11 Mars. CLASSE DES SCIENCES. 127 L'oscillation thermométrique est donc représentée par 37°, 6. Nous observerons que la température moyenne du mois de Mars, 5°,6 et celle du mois d'avril 7°, a été plus basse que celle des années précédentes. La dernière quin- zaine du mois de Mai a, au contraire , présenté une nota-— ble élévation de la colonne barométrique. La moyenne du mois a été de 15°,2. Pression barométrique. Le tableau suivant nous donne la pression moyenne de chaque mois de la saison. Mars :- 79990 AVUL 70-100 19: Mat... 27100 48 La pression moyenne a donc été de 757,67. Elle est plus forte que celle du printemps de l'année der- nière (75%, 44), mais aussi la température en 1847 a-t-elle été moins élevée. La pression la plus élevée a été de 771,0#, et la plus basse de 741, 0%, de sorte que l'amplitude de l'oscillation de la colonne mercurielle est exactement représentée par 30 millimètres. Il n'y a pas eu pendant cette saison de violentes perturbations de l'atmosphère. Le baromètre à, en général, oscillé d’une façon assez régulière, et les dé- pressions un peu brusques que l’on a observées ont eu lieu en Mai avant les quatre orages notés pendant ce mois. Vents, — Voici comment on peut classer les vents domi- nants pendant cette saison : ESP à > APS | .N.-0. 12 S.-0. 29 di. 18 N.-E. 9 PER SE. 6 128 ACADÉMIE DE ROUEN. Il ya eu en Mai deux orages par un vent de S., et deux autres par un vent de S. O. Le 9 du même mois j'ai observé , à Rouen , un fort Coup de vent , une véritable bourrasque tourbillonnante venant du S. O. D’après les journaux, elle se serait fait sentir sur d’autres points du département. Elle a été immédiatement suivie d’une forte averse. Du reste, à part cette exception, il n’y a pas eu pendant toute la saison de perturbations atmosphériques, ce qui est dénoté par la marche régulière du baromètre. Pluie. — I est tombé à Rouen 19 centimètres 979 de pluie, et, l’année dernière, pendant la même saison , 20,969. Le nombre des jours de pluie a été un peu moindre en 1847. Je n’en ai compté que 33, et 42 l'année passée. Ces 33 jours de pluie sont repartis de la manière suivante : 6 en Mars, 19 en Avril, et 8 en Mai. Nous devons aussi signaler trois jours de neige en Mars et deux jours en avril. Pendant le mois de Mai il est tombé 2 fois de la grèle, et 6 fois en avril. Pendant ce dernier mois, il est tombé plus de pluie que pendant les deux autres réunis, et nous y avons observé : 19 jours de pluie 2 jours de neige et 6 jours de grèle. Voir les Tableaux. 2-50 Mod OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES Du 4”: Décembre 1846 Au 31 Mai 1847. Observations météorologiques faites 7 H'° du matin. | 2 H'°* du soir. | 9 Hr:° du soir. = >, || — Baromètre| Therm. |Baromètre} Therm. ||Baromètre| Therm. à 0. extérieur. à 0. extérieur. A7 0: extérieur. | l 1 754,71 —onlarenes CNE | 747,21 | + 0,4 2 749,80 | — 3,4 || 740,71 | 0,4 || 741,67 | — 1,3 3 746,72 | —0,8 | 747,91 | —1,7 | 748,34 | — 2,7 4 352,64 | —1,8 | 756,61 | + 0,3 || 757,92 | — 1,0 5 759,86 | + 0,8 | 758,22 | 1,7 | 757,57 | + 0,7 6 152,64 | + 1,3 | 758,70 | + 4,7 || 754,79 | + 2,7 7 757,82 | + 2,6 | 756,39 | +44 | 758,60 | — 0,4 « 261,87 08 last ch is || Zeogn à 02 9 76134 | +07 | 760,68 | +26 | 760,17 | + 1,4 10 158,04 | + 2,7 || 756,186 | + 4,7 || 754,20 | + 0,8 11 749,30 | — 1,0 | 748,60 | — 2,9 || 749,12 | — 3,7 12 749,32 À — 1,5 || 748,84 | + o,2 || 749,41 | — 3,2 13 752,20 | —92,8 | 751,87 | — 40 | 751,660 | — 5,1 14 750,21 — 5,8 | 747,33 | — 3,1 | 746,66 | — 2,7 15 745,21 A 744,61 —90 | 74899 | — 3,1 16 750,64 — 3,4 || 749,21 + 09 | 750,12 | — 2,6 17 751,64 — 0,9 757,11 + 1,9 || 756,15 + 152 18 765,60 | — 3,0 | 765,04 | — 2,0 || 765,36 | — 7,0 19 758,66 | — 1,2 | 758,27 | + 3,0 | 759,40 | + 2,0 20 757,21 + 4,8 | 755,48 | + 7,4 || 750,14 | “+ 3,9 21 746,27 | + 7,1 745,08 | + 87 || 742,71 | —+ 6,9 22 736,20 | + 5,0 | 738,61 | + 5,0 | 735,41 | + 4,5 23 723,72 + 6,8 723,64 + 8,1 || 723,92 + 5,9 24 735,22 + 5,7 736,61 + 8,0 || 739,73 9,4 95 747,31 +192 | 750,2% | + to || 755,91 ET er 26 762,39 vol 7es ul aa rete he:0;2 97 766,84 | +924 | 767,64 | + 3,0 || 768,11 0,0 28 772,20 | — 09 | 772,04 | — 4,1 || 773,17 | — 6,1 29 772.80 le — 530) 77225 le 6al|09773800 107,0 30 | 776,11 — 80 | 773,34 | — 7,2 || 773,60 | — 8,1 31 772,35 | — 3,2 | 769,60 | —7,8 | 768,13 | — 6,6 | | on | ——— — Fosses —— a — ya | 754,43 0,4 || 754,02 | +o,9 || 754,36 | — 0,7 | | Décembre à maxima. 0 0 se 0 JE mm DOME meOQQ = DO mb IOG Je OO Job + + » sv. + + + e_._… - DUREE AE ET T4 + 2,0 AA ER ERA A ASSIS SRI EI AIO Thermomètre à minima. A RE TR SE A 5 © © © + © © @ Or © O0 D = Or = © © © = Où D D © D E = C0 O1 - se Se + + 0 © DÉEDUD me OOGRUDOUSUINOGQUTDOO me © LÉ C0 Co 2,8 ÉTAT DU CIEL A MIDI. Beau. Beau. Couvert. Beau. Cou", pluie. Couv!', pluie. ! Couvert. Couvert Couvert. Couvert. Neige abond. Neige abond. | Neige. Nuag., neige. | Nuag., neige. Couvert. Couvert. Beau. Neige, pluie. Pluie. Pluie. Couv*, pluie. Nuag., pluie. Couvert. Couvert. Couvert. Beau. Beau. Beau. Beau. Beau 2O22222LO222LD 2227 VENTS A MIDI. sé 2222222020 HE à 5 225 L — fort. fort. 1646. RÉCAPITULATION. Hauteur barométr. moyenne.— 754,27. Température moy.,! 0 Moyenne d'après le thermométrograp.,! = — 0,2. | Température la _blus élevée du mois — +-9,5 (21 du mois). Température Ja plus basse, — —9,2 ( 30! du mois ). 7 jours de pluie. ô id. de neige. Pluie tombée, “éval. en cent. — 7,475. Pression barométr. la plus forte, = 774,11 (30 du mois). Pression minima, — 723,64 (23 du mois). Cette pression mini- ma est la plus basse que l’on ait obser- vée à Rouen, FENNITS 9 Vents N. 70bidèe N'-0: 24140 0: | Pas de vents E. | 1 Vents. 7 ï1d. S:-0. 5 id. N.-E. Pas de vents S.-E. Observations météorologiques faites | "7 Hrs du matin.| 2 H': du soir. | 9 H': du soir. ne 5, | + —2— \\Baromètre| Therm. [Baromètre] Therm. |Baromètre] Therm. | | | à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur . 1 767,37 ES 766,71 tot 765,14 CE 2 758,40 = if 756,61 — 190 754,76 — 3,4 3 750,35 — 0,8 748,50 + 1,0 750,79 2478 4 755,84 + 2,4 754,20 | + 4,2 756,11 + 4,0 5 757,04 + 5,0 756,92 | —+ 5,8 758,14 + 5,5 6 758,40 + 5,0 758,72 + 6,4 760,47 + 6,2 7 762,14 ET 759,60 + 5,0 758,19 + 4,0 8 761,34 US 761,04 + 9,4 762,60 US 9 766,25 + 2,0 765,29 UE 765,91 ES 10 764,78 EE 763,04 #0 763,80 290 11 762,71 US 760,42 + 0,8 760,92 Et) 12 758,79 a 707,30 0002 MOTS 755,20 MA 13 756,40 | + 1,5 757,31 EE 757,79 En 14 758,91 Me 758,04 | + 2,9 758,86 7 15 759,78 M0 758,40 | + 2,5 758,71 Pot 16 758,47 2190 757,39 + 5,1 757,92 + 4,1 17 760,05 M0 760,42 | + 4,5 759,14 + 1,0 18 759,82 + 0,2 759,08 0,0 760,89 — 0,4 19 762,45 of 762,09 | + 0,2 762,92 on 20 761,35 US 760,92 + 1,0 761,07 EvIS 21 758,34 EM 757,20 | + 1,0 757,89 + 0,4 22 756,91 2010 754,60 | —+ 4,1 754,92 + 0,6 93 759,95 + 9,0 753,14 + 5,0 753,61 + 4,0 24 747,20 Mer 746,39 + 6,1 747,30 + 4,5 25 747,71 + 5,1 749,22 + 8,9 750,37 + 7,0 26 748,13 + 6,0 749,21 + 8,7 749,71 + 6,6 27 747,31 + 8,0 745,71 +10,0 745,38 L10,1 28 743,17 CRT 743,04 | —+10,0 742,79 + 5,6 29 745,92 + 2,0 743,95 + 5,8 744,30 + 4,1 30 749,20 + 5,0 749,30 Er 750,01 + 4,0 31 748.21 1013 748,04 ar 749,61 + 2,0 Moyences. || 756,17 | LU | 755,61 on 756,06 + 9,4 Ù 1! | ù diouen. —— Sanvier 627. Thermomètre | ÉTAT DU CIEL VENTS ; RÉCAPITULATION. à à A MIDI. A MIDI. maxima. | minima. — 9,5 — 9,3 Beau. N. Hauteur barométr. — 0,9 — 5,0 Beau. N.-E. moyenne, —755,94. + 1,9 — 0,9 Pluie. S.-0. Températ. moyenne, + 5,0 + 2,1 Pluie. S.-0. 1e + 5,8 + 5,0 Couv!, pluie. | S.-0. Moyenne d’après le 217,0 + 5,0 Couv', pluie. | S.-0. thermométrograp., + 6,0 + 3,1 Couv!', pluie. | S.-U. =); + 2,9 + 1,8 Couvert S. Températ. la plus + 2,0 — 9,1 Beau. N. élevée du mois, — — 9,0 — 3,2 Beau. N.-E. 10,5 (27 du mois }: + 0,9 — 4,9 Beau. E. Températ. la plus + 2,0 — 1,5 Couv', pl. fine.| N.-E. basse , — — 9,3 + 4,3 — 1,2 Beau. E: (le 1°" du one + 3,0 — 3,1 Beau. E. Pression barométr + 3,2 — 0,8 Beau. E la plus forte, — + 5,5 + 1,0 Couvert. S.-0. 767,37 (le 1°" du m.). + 4,6 0,0 Couv', pluie. | S.-0. Pression minima, — + 0,8 — 2,8 |! Couv!', pl. fine| S.-0. 742,79 (28 du mois). + 1,0 — 0,8 Beau. N.-E. 13 Jours de pluie. + 1,0 — 3,0 Couv', neige.| N.-E. 1 id. de neige. + 1,4 2,8 Couvert. N. 1 Orage avec © écl. + 4,8 — 0,7 Beau. N.-0. et tonnerre. + 6,8 + 1,9 Nuageux. S.-0. Pluie tombée en cen- + 6,7 + 3,0 Couv!, pluie. S.-0. timètres. — 10,534. +-10,0 + 5,0 Couv', pluie.| S.-0. + 9,4 1087 Pluie. S.-0. Æ É +10,5 + 6,8 Couv!', pluie ,*| S.-0. fort. ETES 10,0 + 3,1 || Pluietr. forte.| S.-0. fort. VENTS. + 6,1 + 1,8 Couvert. S.-0. 7,0 + 2,2 || Nuageux. S! ; Fr ne 0 5 Couvert. .-O, Ia. N.-U. "as HE RE Pas de vents O. 4 vents E. ————— 2Oid..S: 15 id. S.-0. 5 id. N.-E. + 4,2 + 0,2 * écl. et tonn. Pas de vents S.-E. Baromètre! Therm. |Baromètre| Therm. [Baromètre © © 1 O1 C0 D mt Observations méteorologiques faites et | » 7 H': du matin. 2 H:° du soir. | 9 Hr: du soir. Therm. à 0. extérieur. à 0. extérieur. à O. extérieur. 750,69 + 0,2 750,30 + 4,0 751,10 + 1,0 753,37 + 1,8 753,07 00 752,91 + 1,0 756,40 "10 757,92 01 759,07 TH 761,71 0,0 762,14 + 1,0 763,54 + 0,7 763,64 1-0 762,60 C9 761,91 + 2,4 756,71 Dr 752,34 NT 749,40 + 6,4 749,04 + 4,9 743,61 ES 740,31 ri 751,17 — 9,4 756,44 + 1,4 743,71 — 0,6 746,12 "159 745,87 06 745,94 269 745,20 0 746,34 2Ù {1 747,71 0 753,14 A 752,64 20919 753,15 AT 756,92 8 756,34 ,/) 756,91 31 758,34 5 759,13 1 760,71 + 0,5 755,30 + 2,4 754,25 + 4,7 754,10 + 6,0 749,86 716 749,21 + 9,1 748,54 194 756,14 + 7,1 756,34 + 9,0 756,10 Pr 762,67 + 9,4 762,07 +11,8 763,48 + 7,8 764,04 + 9,8 762,75 +-10,8 761,09 07e 761,04 ONE 764,65 +10,4 768,60 + 6,1 768,92 720 767,31 +10,0 768,69 + 6,0 768,81 + 4,7 769,72 —+-10,4 770,40 + 5,4 768,77 + 1,7 767,20 + 9% 767,29 22137 765,02 CD 7 764,31 + 7,2 764,09 + 4,1 763,39 107 762,17 + 5,0 761,91 1 762,47 = Si 760,49 1,5 760,91 EH 760,94 = ji 760,42 TE ii) 760,84 Er 759,18 1410 758,40 06 757,82 240 760,27 40 760,46 0,0 761,10 Lire . 757,82 HS 757,34 + 4,5 757,89 Thermomètre. ÉTAT DU CIEL| VENTS à | | b } à à “ A MIDI. | A MIDI. maxima. | minima. | + 3,8 0,0 Couvert. N. + 3,0 — 1,2 Gt, pl. neige.| N. + 2,9 — 0,9 Couvert. Ne + 1,8 0,0 Couv', neige.| N.-E + 8,0 + 0,7 Nuageux. N. + 8,5 + 2,2 Couv', pluie.| O. + 8,5 — 19,4 Couy!', pluie.| S.-0. fort. + 2,0 —19:5 Beau, neige.*| N.-0. 08 — ,2 Neige, abond.| N. 1,8 —14;1 Neige, abond.| N. + 3,0 — 7,8 Couvert. N.-0. —1,5 — 4,9 Nuageux. N. + 3,1 — 2,0 Beau. 0. 219,0 + 2,4 Pluie. } S.-0. + 9,8 + 5,4 || C° pl. contin.| S.-0. +11,8 + 7,0 || Couv' pluie. | S -0. +-12,2 + 8,4 || Nuageux. O. fort. +11,0 + 7,2 Nuageux. S.-0. +-10,0 + 1,2 Nuageux. O. fort +-10,8 + 1,0 Nuageux. S.-0. +10,7 + 0,8 Beau. 0. + 9,4 + 1,4 Beau. N.-0. + 8,5 — 0,8 Beau N.-E. + 5,0 — 2,5 Beau. N. + 2,0 — 4,5 Beau. N.-E. + 1,2 — 5,1 Beau. N.-E. + 0,2 — 4,8 Beau. N.-E. + 0,8 — 4,1 Beau. N.-E. - ü Üouen. Sévrier — 0,5 * Ouragan pend' la nuit. RÉCAPITULATION. Température moy., = + 2,6. Moyenne de la temp. d’après le thermo-| métrogr. — + 2,0. Temp. la plus élevée du mois, — + 19,2 (le 17). Temp. la plus basse du mois , = — 7,8 (lenti10): > Jours de pluie. > Jours de neige. Hauteur barométr moyenune,— - 1 Ourag. les du m. Pluie tombée éval.! en cent.;, — 7,710. Pression baromét. la plus forte, —770,40 (le 21 ). | Pression minima, — 743,71 (le8.), quelq. heures avant l’ou- ragan. | FE NTS. 8 Vents N. 3 id. N.-0. CN Ti EM TT À Pas de vents E. Pas de vents S. 6 id. S-0O. 6 id. N.-E. Pas de vents S.-E. Observations météorologiques 7 He du matin, | 9 Hr: du soir. | 9 H'°* du soir. oo —— | JOURS. Baromètre | Therm. |Baromètre| Therm. ||Baromètre Therm. à 0. extérieur. à O. extérieur. à 0. extérieur. 1 763,24 — 3,9 763,95 + 1,2 764,49 — 1,0 2 770,08 — 0,6 769,13 + 4,6 770,40 + 2,6 3 770,37 + 3,0 770,09 + 5,0 770,42 + 2,4 |@ 4 769,88 + 2,4 769,18 + 4,8 766,83 + 2,5 fl 5 765,02 + 2,0 763,41 + 5,0 762,91 + 2,4 6 760,54 + 1,1 759,61 + 3,0 759,47 + 1,8 7 757,20 + 2,6 756,87 + 5,0 757,48 + 3,2 8 761,55 + 1,4 760,36 + 6,1 760,81 + 3,1 9 758,23 + 3,0 759,14 + 5,1 760,07 + 2,0 10 759,08 0,0 757,84 Er 0 756,92 11,0 11 766,92 — 5,6 767,39 — 3,1 768,07 — 4,1 12 763,84 — 5,0 764,52 + 1,6 764,65 + 0,8 13 769,02 + 0,9 768,45 + 7,1 767,10 + 3,1 14 770,56 + 3,8 769,31 + 7,5 768,14 + 4,1 15 766,22 + 4,6 765,04 +10,4 766,21 + 4,2 16 759,08 + 6,1 758,71 +12,3 758,90 + 6,0 17 758,30 + 4,9 756,75 +15,0 755,47 + 8,7 18 758,24 + 5,4 758,03 +14,2 758,75 + 6,2 19 755,60 + 4,8 749,81 +14,1 748,30 + 8,2 20 749,72 + 9,1 759,14 +13,8 752,60 + 8,1 21 750,31 + 9,9 750,67 +13,0 749,17 +.8,0 22 750,27 7410 |100759536 +14,0 753,61 + 7,7 23 757,21 + 6,5 755,90 +14,1 755,27 + 9,0 24 755,34 + 6,8 757,61 +11,5 757,11 +Æ.7,t 25 760,13 + 8,1 759,08 +14,3 || 760,64 +10,4 26 761,11 + 8,0 || 760,27 +15,1 || 760,92 +10,6 27 759,44 + 7,1 | 759,10 +16,4 || 756,87 12,5 28 749,30 + 8,4 || 748,69 +10,1 || 748,42 + 7,1 29 755,36 + 5,6 753,07 + 2,0 || 754,36 + 4,1 30 754,29 + 84,1 752,87 | + 7,8 || 750,61 + 4,7 31 745,87 + 4,5 744,44 + 7,2 745,11 + 4,2 Moyennes. || 759,52 | + 3,7 | 759,34 | + 8,4 || 759,93 | + 4,8 faites à Rouen. — fHars 1847 Thermomètre _ k =. |ÉTATOUCIEL| VENTS J ; RECAPITULATION. : è - A MIDI. A MIDI. maxima. | minima, + 2,5 — 4,0 Beau. N.-E Hauteur barométr. + 6,0 — 0,6 || Couv', p!. fine] N.-0 moyenne.— 759,36. + 5,8 + 1,0 Couvert, N. Tempér rature moy. , + 4,8 — 1,5 Nuageux. N. — +-5,6. + 5,2 + 1,0 Couv!, pluie. | N.-E Moyenne de la tem + 4,0 + 1,3 Couvert. N.-0. pérature d’après lei + 5,0 + 1,2 Couvert. N.-O. thermométrograp., | + 5,2 + 1,5 Couvert, N.-0. = 5,5. + 5,5 —10;2 Couv!, pluie. N.-0. fort. Température la plus: + 2,2 — 7,0 || Couv!, neige. | S.-O. élevée du mois, —\ — 92,4 07,0 Beau. N. {17,4 (le 27): À + 2,9 m1) Neige. N.-0 Température la plus | + 7,9 LE) Couvert. S.-0 basse du mois, — + 8,4 — 2,6 Beau. S. —7,8 (le 11.) l +-12,0 + 0,9 Beau. Se 6 Jours de pluie. | +-13,8 + 3,0 Très beau. S.-E. 3 id. neige. f +15,5 + 4,8 Très beau. S.-E. Pluie tombée éval. i +-14,0 1221 Très beau. SE; en centimètres, —| +14,2 + 4,3 Très beau. S. 2,710. i +15, 1 + 9,0 Nuageux. S.-0. Pression barométr. +13,8 457 Beau. S.-0. la plus forte, —; +-14,9 + 6,0 Nuag., pluie. | S.-E. 770,56 ( le 14). +14,0 + 5,2 || Nuageux. S.-0 Pression la pl. faible, +11,0 + 3,4 || Nuageux. S.-0. — 744,44 ( le 31). +15,3 + 6,2 || Beau. S.-0. 1$ | +16,4 + 5,3 Beau. S.-0. +-17,1 + 7,0 Beau. S: VENTS. +16,1 + 6,3 || Nuageux. S.-0. DCE + 6,1 + 0,8 || Pluie etneige.| S -O. à Ex RE + 8,0 + 1,4 || Nuag., pluie. | O. o" AD à +-10,0 — 0,8 Nuageux. 0. FT im ? D Pas de vents E. 4 VentssS. hs 10 id, S.-0. 2 id. N.-E. Ad SE: 19,3 HAVE Observations metcorologiques 2 H': du soir. | 9 H':* du soir. | 7 H:: du matin. a , er — , ES JOURS. Baromètre! Therm. |Baromètre| Therm. |Baromètre| Therm. à 0. extérieur. à O. extérieur. à O. extérieur. 1 745,30 + 0,2 745,50 + 9,6 746,32 9,1 2 744,20 + 1,4 743,71 +-10,0 741,04 + 2,1 3 742,75 C0 744,38 + 5,0 745,07 + 1,8 4 747,18 6 755,36 + 6,7 756,17 + 3,9 5 755,11 + 2,4 756,34 10,1 755,71 + 5,7 6 755,20 + 4,1 755,07 + 9,8 756,47 + 6,7 7 757,39 + 7,7 756,86 + 9,8 756,31 + 8,0 8 758,11 + 6,9 755,02 +-11,1 753,71 + 8,1 ! Ent g) 752,62 84 756,73 +10,1 756,91 + 8,0 10 757,14 + 8,1 756,91 + 9,7 756,60 a A) it 756,42 + 8,0 752,80 + 9,4 757,39 + 8,1 12 754,24 + 7,8 753,62 +-10,1 753,24 = y 13 753,25 184 754,61 + 9,4 753,73 + 7,4 14 754,44 | + 6,4 753,70 + 9,2 754,17 + 5,7 15 756,91 | + 2,1 754,75 + 6,2 754,31 + 3,7 16 750,93 | + 3,2 757,39 04,2 756,20 + 2,0 17 757,48 | + 3,0 || 753,69 + 6,0 754,12 + 4,4 18 756,30 | —+ 3,0 756,47 + 6,5 756,90 + 4,0 19 753,29 | + 5,4 754,38 + 7,5 755,60 + 5,1 20 755,17 2L 756,42 410,0 756,61 + 5,6 21 157,38 | + 7,0 758,80 +13,0 759,60 0746 22 75900! 27,3 759,39 +-14,1 760,33 + 4,8 23 759,55 | —+ 6,0 760,40 410,1 759,10 + 7,8 24 758,14 2e A 758,90 410,5 759,71 + 5,0 25 HSE IN, 760,17 +14,7 760,80 + 8,7 26 760,84 + 6,8 758,75 +14,2 758,12 + 5,8 27 16784 | D 1287 :9 757,24 414,0 759,04 + 9,0 28 757,30 + 8,4 755,17 +-13,4 755,02 728 29 752,60 + 9,1 752,21 +10,4 753,14 + 7,4 30 753,61 + 6,0 753,40 io 754,20 Hire — UT 06 NP |L ER De | HE | | | Moyeunes. | 75502 |N4153 755,11 + 9,6 755,27 + 6,4 l | | è 1 faites a Rouen. — Avril 1847. +11,1 l Thermomètre | ET ÉTAT DU CIEL VENTS | RÉCAPITULATION. à à | A MIDI. A MIDI. maxima. | minima, | | +-10,0 — 0,8 Couvert. SS Pression barométr. +-10,0 — 1,4 Couvert. S.-0. moyenne, 755,13. + 5,0 + 0,8 (Et neige, pl.[ N.-0 Pression baromét. la + 8,0 al Nuag., pl., gr.| O. plusélev.,— 760,84. +-10,8 ann Couv!, pluie. | S.-0. ( le 26.) +10, 1 + 3,4 || C!', pl., grêle. | N.-0. Pression la pl. basse, + 11,1 + 7,5 Couv!, pluie. | S.-0. — 741,04. (le 2.) +-11,6 + 6,8 Couv!, pluie. | S.-0. tr. fort.| Moyenne de la tem- +11,1 + 7,6 Couvert. 0. fort. pérature, = 7,1. +-11,4 10; 2 Couv', pluie. | 0. Moyenne donnée par +11,3 + 7,2 || Couv', pluie. | S.-0. le thermométrogr., +11,0 + 7,8 Cou’, pluie. | O — 71; Î +111 + 4,1 Couv!, pluie. | 0. Tempér. la plus éle- + 9,8 + 2,0 Nuageux. N.-E. vée, — 15,1. (le 26.) + 8,8 + 1,0 (BE pl. , D. gr.| N. fort Tempér ature la plus + 9,2 — 0,2 || Couv!', pl. gr.| N. basse, — — 1,4. + 8,1 + 0,2 Couvert. N. (le:20) + 7,4 + 2,8 Gouv”, pluie. | N. 19 Jours de pluie. +12,0 + 2,5 || Couv!, pluie. | N.-O. 2 id. de neige. +-12,1 + 3,0 || Couvert. N.-E. 6 id.de grêle. | +-13,0 + 3,0 Beau. N.-E. Pluie tombée en cen-| +13,0 + 3,8 Beau. N.-E. timètres , = 11,552. +10; 1 + 1,2 || Nuageux. N.-E. . | +-14,0 +450 Beau. N.-E +15,0 + 2,9 Beau. N.-E VENTS. + 15,1 + 3,0 Couv', pluie. | 0. 2 Van +-14,0 + 6,1 Couv', pluie. | S.-0. 3 ee Be +-14,5 + 2,4 | Cou! © pluie, | S.-0. 6 TL 0. ; +13,2 + 6,0 | CG ouv', pl.,gr.| S.-0. Pas de vents E +-13,0 + 4,0 Nuag.! pl. gr. S.-0. RE ETS 9 id. S.-0. AOGIO ONE | VE A Pas de vents S.-E. + 3,2 || Observations météorologiques 7 H:° du matin, || 2 H'° du soir. | 9 H': du soir. JOURS. | Baromètre] Therm. |Baromètre, Therm. |[Baromètre! Therm. il à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur. 1 756,60 729 755,86 +-14,2 754,02 18,4 2 755,89 + 8,4 750,31 +-10,0 751,08 + 8,0 3 752,84 + 8,3 756,92 +11,2 757,04 + 9,0 4 756,90 + 8,9 755,17 +11,0 756,18 + 8,4 5 755,24 + 6,7 753,04 +11,1 753,49 + 9,1 6 755,10 + 9,0 754,64 +-15,0 755,37 + 9,6 7 752,40 + 9,4 750,39 +16, 1 751,04 +10,0 8 746,66 +10,1 749,87 +12,0 753,11 + 9,0 9€ «1! 756,77 + 9,0 756,39 +19,0 755,07 +15,0 +-10,0 753,22 +18,0 753,07 +-15,4 2,0 752,28 +18,0 751,96 +-15,8 +11,2 754,22 +-13,1 754,47 +10,1 756,30 +18,1 757,84 +15,7 14 755,02 +11,2 758,17 +-17,6 758,77 +-15,3 15 759,27 +-13,1 759,80 420,4 259,17 +16,4 16 752,62 +16,3 754,72 +21,0 755,09 +-16,7 17 759,14 +13,4 761,36 417,4 761,90 +-15,4 18 762,62 +-14,0 758,14 +-20,0 758,98 +-18,0 19 759,03 +-15,7 758,64 +-21,4 759,67 +-17,0 20 759,72 +16,7 760,46 +-21,0 762,50 +12,2 21 763,04 +13,7 764,04 417,4 765,11 413,7 22 762,84 14,4 760,36 24,2 760,36 +-18,9 23 759,92 +-15,9 756,27 +-28,3 755,35 +-25,2 24 753,75 +-16,2 761,35 295,5 760,20 +19,3 25 764,10 11,3 769,40 +-15,5 768,83 +13,9 26 766,46 +-13,1 764,07 +-21,6 763,71 +16, 1 97 763,35 | 15,12 | 760,64 | 25,1 || 75946 | “17,1 28 761,10 19,7 759,10 +-29,2 758,60 +-24,4 759,15 +19,5 760,08 +-20,2 762,61 +-15,9 767,92 +13,3 771,04 +-24,6 770,05 +17,2 769,43 +14,2 769,81 +-25,4 770,02 +-17,4 758,50 412,2 758,25 18,8 758,70 +-14,6 CD ND = © _*_ rue. D SNS E 1-7 2e; IIS C1 Q1 Or ©” SSSE AG SR © & © et DR uRR SAR faites à Rouen. — lai 1847. Thermomètre | ETAT DU CIEL VENTS — —, : RECAPITULATION. È = A MiDi. A MIDI. maxima. | minima. +14,0 | + 7,1 Nuageux. S. Pression barométr. +-12,0 + 6,1 Couv!, pluie. | S.-0. moyenne, —758,48. +-12,0 + 5,0 Nuageux. N.-0. Pression barométr. la +12,0 + 5,1 Couv!, pluie. | N.-0. plusélev., — 771,04 +15,0 + 4,1 Nuageux. S.-0. (le 30). +-16,9 + 7,1 Nuageux. S. Pression la plus basse +-18,0 + 7,2 Nuageux. S. — 746,66 (le8). +18,1 + 7,4 C!,pl.,gr.,or.| S. Moy. delatempérat., +-19,0 + 8,0 Beau , quelq.*| S. — 19,2% +-20,0 + 9,4 Beau , pl., or.| S. Moyenne donnée par +-18,6 + 8,6 Beau. S. le thermométrogr., +-16,5 + 6,8 C!, pl.,or.,gr.| S.-0. = 14,8. +-18,9 +-10,0 Nuageux. S.-0. Température la plus +19,0 + 9,4 Nuageux. S.-0. élevée du mois, — +-20,8 +13,0 Nuageux. S. + 29,8 (le 28). +-21,4 +-12,0 Nuageux. S: Température la plus +-21,0 +10,5 Nuageux. S.-0. basse du mois , — +-21,7 +13, Nuageux. 0. 4,1 (le5). +-21,9 +13,5 Nuageux. S.-0. 2 Jours de pluie. 18,3 +11,7 Nuageux. S.-0. 2 id. de grêle. +21,4 + 8,9 Beau. S 4 orages. +25,9 +14,2 Beau. S.-E. Pluie tombée, éval, +-28,4 +12,2 Beau. S.-E en cent. — 5,917. +-25,9 +10,5 Couvert. N.-0. : +17,1 + 6,2 || Couv', pluie. | O. 22,8 + 8,4 || Très beau. E. VENTS. +-27,8 +11,0 || Très beau. E. Pas de vents N —+29,8 +16,8 Très beau. S.-0. 3 vents N.-0. +-22,4 +10,1 Nuag., pl., or.| S.-O. % id. O. +25,0 + 8,2 Beau. E. & id. E. +25,5 +11,2 Beau. E. 10 id. S.-O0. 10 id. S. : | Pas de vents N.-E. RUE 2 vents S-E. * nuag., pl. et +-20,3 + 9,3 BXL coup de v. Il 1 leseseseseste eeetaMesenentesienek hesle teste steak state se se esse se sa See CLASSE DES BELLES-LETTRES. Rapport M. LE SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE TA CLASSE DES BELLES LETTRES ET DES ARTS. MESSIEURS , Si j'ai mille raisons pour me réjouir du choix que l'Aca- démie à fait en me donnant un nouveau Collégue , j'en ai une aussi pour m'en inquiéter ; c’est l'obligation où je me trouve de prendre la parole après lui, dans cette solen— nité. Je vous prie, Messieurs, de me tenir compte de la position défavorable où me met le rapport que vous venez d'entendre, et de me continuer l'indulgence dont vous m'avez fait une douce habitude ; la comparaison à laquelle je ne puis me soustraire, me la rend, aujourd'hui, plus nécessaire que jamais. Je vous ai parlé, dans un de mes précédents rapports, du Mémoire de M. Homberg sur le Régime dotal. Notre confrère en traçait alors l'histoire. J 130 ACADÉMIE DE ROUEN. Cette année, il a critiqué l'application actuelle, et signalé les inconvénients et les dangers de ce régime, qu'il regarde comme également nuisible à l'intérêt des époux, dont il paralyse souvent la fortune, sans l'assurer toujours ; à l'in- térêt des tiers, auxquels il tend des piéges qu'ils ne peu- vent ni découvrir, ni éviter ; enfin , à l'intérêt général du pays, par la gène qu’il apporte dans le mouvement des propriétés et la facilité des transactions. Notre confrère a fait preuve d’une courageuse conviction, en publiant cette opinion dans une contrée que des habitudes enracinées soumettent à l'empire presque exclusif du Régime dotal. M. Homberg , à lui seul , a fait, dans nos travaux, une assez belle part à la Jurisprudence. Voici quelle est celle de l'Histoire et de l'Archéologte. L'Académie des Sciences morales et politiques avait mis au concours le Tableau de l'Administration monarchique, en France, depuis Philippe-Auguste jusqu'à Louis XIV inclusivement. Un de nos confrères a traité ce vaste sujet, et il a obteuu un succès dont personne ici ne pourra s'é- tonner. Le nom de M. Chéruel a été proclamé par l'Aca- démie des Sciences morales, qui lui a décerné une médaille d'or. Notre confrère ne pouvant pas nous lire, à cause de son étendue, l'ouvrage qui lui a valu cette nouvelle distinction , nous l'a fait connaître par un résumé. M. Chéruel pose d’abord le problème qu'avait à résoudre le pouvoir royal, de centraliser dans une seule main, et de diriger, par une seule volonté, toutes les forces de la nation. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 131 Ce système de la monarchie absolue, on en trouve la première application dans les derniers temps de l'empire Romain ; mais il est anéanti par les Barbares, et quelques- uns des rois Francs, Charlemagne lui-même, s'efforcent en vain de le rétablir. La Féodalité l'emporte. Philippe-Auguste recommence la lutte , et crée les pre- miers éléments de l'administration. Ses successeurs agran- dissent leurs possessions et forment le royaume. Le pou- voir se constitue ; le Parlement et la Cour des Comptes centralisent la Justice et les Finances ; les fonctionnaires, représentants de la Royauté, vont porter son action et son influence dans toutes les parties de la France. Telle est la part du x siècle. Cependant, il faut deux siècles encore pour vaincre la Féodalité et les Communes. Cette victoire est remportée sous Louis XI, par l'établissement d'une armée et d’un impôt permanants. Alors commence l'organisation des Provinces, à l'image du pouvoir royal ; elle s'accomplit dans la première moitié du xvi° siècle. Bientôt les guerres de religion deviennent une occasion de résistance. Henri IV, Richelieu et Mazarin répriment définitivement ces dernières tentatives d'indépendance, et laissent enfin pour héritage, à Louis XIV, le problème résolu de l'Unité monarchique. L'étude des différentes phases que le pouvoir royal a parcourues pour arriver à cette unité, bienfait impérissable dont il a doté la France , prêtent à la royauté absolue un caractère incontestable de grandeur. Mais ce n'était là 132 ACADÉMIE DE ROUEN. qu'une grandeur factice ; et cette puissance artificielle de- vait s'écrouler, parce qu'elle n'était pas appuyée sur les principes de liberté et d'égalité devant la loi, qui sont la seule base inébranlable de l’organisation des sociétés. Vous regretterez, comme moi, Messieurs, qu'il ne m'ait été permis de vous offrir que le plan abrégé d’un travail qui comporte tant de considérations élevées et de si larges développements. Mais vous jugerez facilement quel parti M. Chéruel doit avoir tiré d’un aussi beau programme. Nous devons encore à M. Chéruel une Notice sur Nicolas Bretel, sieur de Grémonville, dont les biographes nor- mands ont eu le tort de ne pas parler, et dont la Biogra- phie Universelle a eu le tort de parler avec inexactitude. Nicolas Bretel, né à Rouen en 1606, était fils d’un pré- sident au Parlement, et petit-fils de Claude Groulard. Sans être un de ces hommes éminents qui font rejaillir sur leur patrie l'éclat d'une grande renommée , Grémonville, par son intelligence distinguée et son noble caractère , a mérité que sa ville natale conservât son souvenir. Ses talents le conduisirent à de hautes fonctions ; sa vertu lui attira une honorable disgrâce. Nommé ambassadeur à Venise, en 1644, il fut chargé d'abord d'une mission près d'Innocent X, relativement aux différends qui s'élevaient entre la France et l'Espagne. Mais Mazarin fit manquer la négociation en sacrifiant misé- rablement les intérêts du royaume à ceux de sa famille : il voulait, avant tout, obtenir pour son frère le chapeau de cardinal. Puis, cherchant un prétexte pour déclarer la guerre à Innocent X, il fit demander à Grémonville un certificat de ses conférences avee le pape, dont il lui CLASSE DES BELLES-LETTRES. 133 envoya le modèle, et qui n'était qu'un tissu de men- songes. Grémonville refusa avec fermeté de souiller son nom d'une pareille infamie, quoi qu'il sût bien que ce refus entraînerait sa perte. En effet, il tomba dans la plus pro- fonde disgrâce , et vit se fermer devant lui, alors qu'il n'avait que trente-sept ans, la carrière qui lui promettait un si bel avenir. Ce trait seul méritait à Grémonville l'hommage que M. Chéruel a rendu à sa mémoire. M. l'abbé Picard nous a retracé Quelques cérémonies allégoriques qui étaient autrefois en usage à la Cathédrale de Rouen, et dont on lit la description dans un traité de notre archevêque , Jean d’'Avranches. C'était l'Office des Enfants, qui se célébrait le jour des Saints Innocents, et dans lequel toutes les fonctions du chœur étaient, en effet, remplies par des enfants, dont l'un recevait les insignes de l'Épiscopat, et donnait, en qualité d’évêque , la bénédiction aux fidèles. C'était l'Office de l'Étoile, qui se disait le jour de l'Épi- phanie, et où étaient représentés l'étoile miraculeuse et l'adoration des Mages. C'était, enfin, l'Office du Sépulcre, par lequel on faisait l'ouverture de la Pâque , et où l'on reproduisait la scène des trois Marie et de la Résurrection. Mais ces cérémonies , instituées par une foi naïve, ne tardèrent pas à être dénaturées par les abus, et à perdre 13% ACADÉMIE DE ROUEN. leur innocence et leur simplicité primitives. I fallut bientôt les supprimer. M. l'abbé Picard, en indiquant les hymnes qui étaient chantées dans ces trois solennités, a particulièrement in- sisté sur les beautés du Victimæ Paschali laudes, dont il nous a lu la traduction en vers. L'Abbaye de Bellosane, a été, pour M. l'abbé Cochet, le sujet d’une notice dans laquelle il a raconté sa fondation au xir° siècle, sa ruine pendant les guerres religieuses du xvi*, et sa reconstruction de 1680 à 1732. Dans la pre- mière période de son existence, ce monastère a compté, parmi ses 35 abbés, Vatable, Amyot et Ronsard. Notre confrère a été surtout ébloui par le « reflet de gloire que ces trois illustrations littéraires ont jeté sur l'Abbaye de Bellosane » , ce sont ses expressions. Mais ne peut-on pas aussi être quelque peu surpris de voir décoré du titre d'abbés , Vatable , qui passait pour hérétique, et Ronsard, dont les poésies licencieuses devaient être, pour les moines de son abbaye, un objet de scandale et d'horreur. L'Abbaye de Bellosane supprimée, ainsi que toutes les autres, à la Révolution, fut vendue comme bien national, et devint une propriété particulière. Peut-être ne parta- gerez-vous pas entièrement les regrets bien naturels, d’ail- leurs , que cause à notre confrère ce changement de des- ünation , lorsque vous apprendrez que le personnel de ce riche établissement était alors réduit à 7 religieux ! On peut même douter que ces bons moines aient été désolés de l'arrêt qui leur ouvrait les portes du cloître; du moins est-il certain que leur désolation ne fut pas unanime , car ce fut l'un d'eux qui se chargea de présider à la démolition du couvent, pour être bien assuré, sans doute, qu'on ne l'y ferait jamais rentrer. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 135 Plusieurs des objets d'art qui décoraient l'Abbaye de Bellosane ont été recueillis dans les églises d’Argueil, de Sainte-Marguerite et de Brémontier. M. Pottier a communiqué à l'Académie, avant de le livrer à l'impression, son article sur l'Origine de la Porce- laine en Europe. Quoique je me fasse une loi de n’accorder qu'une simple mention aux œuvres dont la publication a prévenu l'analyse que je pourrais en faire, je ne puis m'empêcher de rappeler que M. Pottier a donné un nou- veau lustre à notre viüle, en prouvant, contre l'opinion admise jusqu'ici, qu’elle a été le berceau d'une de nos plus belles industries. Ce fait est ofliciellement constaté par les lettres-patentes de Louis XIV, du 31 octobre 1673, qui autorisent l'inventeur, Jean Poterat, à établir à Rouen une fabrique de porcelaine, tandis que celle de Saint Cloud, que l'on regardait comme la première, n'a été créée que 22 ans plus tard, en 1695. Le nom de Jean Poterat doit donc grossir désormais la liste, déjà si remplie, des hommes remarquables de notre ville. M. Fallue nous a donné lecture d’un fragment sur l'agrandissement de la Bibliothèque de la Cathédrale, dans le second quart du xvrre siècle , époque à laquelle elle reçut des dons considérables de plusieurs chanoines , et surtout de l'archevêque François de Harlay. Une circonstance qu'il importe de noter, c'est que ce prélat imposa au Chapitre la condition que ses livres se- raient mis à la disposition des travailleurs, et qu'il dota ainsi la ville de Rouen de la première bibliothèque publique qui ait été ouverte en France. 136 ACADÉMIE DE ROUEN. A propos des Lettres sur l'Histoire monétaire de la Normandie, par M. Lecointre-Dupont, M. Deville a ré- pandu la lumière sur la question si obscure encore des monnaies de nos ducs, sur les causes de leur excessive rareté, et sur l’histoire monétaire de notre province , depuis sa réunion à la France, sous Philippe-Auguste, jusqu'au règne de Henri IV. M. Deville a aussi entretenu l'Académie de la découverte faite à Caudebec-lès-Elbeuf , le 27 mai 1847, de médailles Romaines, au nombre de plus de 8,000. Un Claude le Gothique qui en faisait partie, place l'enfouissement entre les années 269 et 270. Dans cette énorme quantité de médailles, M. Deville n’en a trouvé qu'une seule, à laquelle sa rareté donne un grand prix, c'est une Cornelia supera , qu'il s’est empressé d'acquérir pour notre Musée d’Anti- quités. Enfin, notre laborieux confrère a rencontré, dans un passage de Pline , une révélation qui intéresse au plus haut degré l'histoire des Arts, et qui rend aux Romains l'hon- neur d'avoir trouvé les premiers rudiments d’une décou- verte qui a changé la face du monde. Pline, dans son Histoire Naturelle, dit, en substance, que Varron avait employé, pour reproduire les 700 por- traits de son ouvrage sur les Hommes illustres, « un cer- tain procédé, digne, par les avantages de son invention, d'exciter l'envie des Dieux mêmes, et au moyen duquel il pouvait répandre ces portraits dans tout l'univers. » De plus , Aulugèle nous apprend que les portraits publiés par Varron, étaient accompagnés d'épigrammes ou inscrip- tions d'une certaine étendue. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 137 Quel était le procédé dont Pline parle avec tant d'admi- ration , et qui multipliait ainsi le dessin et l'écriture ? C’est ce qu'on n'avait pas approfondi jusqu'à présent. M. Deville laissant un moment de côté les textes dont l'interprétation admet toujours le doute, a présenté à l'Académie une explication vivante , si je puis dire ainsi, du moyen de reproduction employé par Varron. Ce sont des épreuves tirées avec des cachets antiques, qui por- tent les noms de ceux à qui ils ont appartenu , tracés au burin , en relief, en caractères auxquels il ne manque que la mobilité, et qui ne peuvent être reproduits que par l'application d'une encre et au moyen d'une pression. C'est l'imprimerie ! Mais ce procédé est-il bien celui dont Varron s’est servi? Oui, positivement, car Lysimaque écrivant à son père, auteur d’un livre sur les Hommes illustres , que , dans sa partialité filiale , il compare et préfère à celui de Varron, dit, en parlant de l'œuvre paternelle, et en fai- sant allusion à celle de Varron : « Vos épigrammes n'ont pas besoin de demander au temps d'être gravées sur un vrai métal, elles ont, si je ne me trompe, trouvé une matière plus durable. » Cette allusion , Messieurs , est claire et décisive. Il est certain, désormais , que les Romains avaient trouvé, en ciselant le métal, un moyen de multiplier le dessin et l’'é- criture ; et n'est-ce pas là le premier pas de la gravure et de l'imprimerie ? Ce fait considérable, acquis par M. De- ville à l'histoire des Arts, est une des belles conquêtes de l'Archéologie. M. l'abbé Cochet, dans un mémoire intitulé De l'Ogive el du Plein-Ceintre, à propos de deux églises de campagne, 138 ACADÉMIE DE ROUEN. cherche à renverser tous les principes posés par l'expé- rience des archéologues sur ces deux genres d’architec- ture qui, sous les noms de style roman et de style go- thique, marquent les deux époques les plus curieuses de notre histoire monumentale. Il induit du rapprochement des églises d'Osmoy et de Bures, dont la première est à plein-ceintre et la seconde à ogives , et qui, toutes deux, portent la date du xn° siècle , la preuve que le style ogival a vu régner simultanément avec lui le rival qu'il devait détrôner. Notre confrère pense qu'on ne saurait préciser l'époque à laquelle l'ogive a paru pour la première fois en Normandie; il étend cette incertitude jusqu'à la ca- thédrale de Rouen elle-même, et avance qu'on ne peut pas affirmer que cette basilique ne soit pas celle que bâtit l'archevêque Maurile , en 1063; c’est-à-dire qu'il fait remonter au x1° siècle, l'introduction de l'ogive en Normandie. M. Deville s'élève avec force contre cette opinion. Il re- garde l'apparition de l'ogive dans la seconde moitié du x siècle, comme un article de foi archéologique. Ii repousse les conclusions que tire M. l'abbé Cochet du rap prochement des églises d'Osmoy et de Bures, parce qu'un examen attentif de cette dernière lui a fait apercevoir , au milieu des ares ogivaux qui ont déterminé la conviction de son adversaire , les traces évidentes des ares à plein-ceintre qui les ont précédés et qui témoignent du style primitif de l'église. Et ces vestiges d'architecture romane se re- marquent particulièrement à l'endroit même où a été in scrite la date sur laquelle repose toute l'argumentation de M. l'abbé Cochet. Quant à la cathédrale de Rouen, M. Deville ne veut op- poser, aux doutes de son confrère, qu'un fait attesté par CLASSE DES BELLES-LETTRES. 139 des actes authentiques , c'est que notre église métropoli- taine fut brûlée en 1200 , et que sa reconstruction est, par conséquent, postérieure à cette date. En résumé, M. Deville maintient que le style ogival n'a remplacé, en Normandie , le style à plein-ceintre que dans la dernière moitié du xu° siècle, de 1150 à 1200. M. Barabé est l’auteur d'une Notice historique sur l'Eglise Saint-Sauveur de Montivilliers. Après quelques détails sur la fondation de l'abbaye de cette ville, notre confrère raconte les luttes que l'Abbesse eut à soutenir contre les Échevins. Il ne s'agissait de rien moins que de savoir si les Te Deum devaient être chantés à Saint-Sauveur, qui était en même temps église abbatiale et paroisse principale de la ville, ou dans la chapelle du cou- vent. Ces discussions, qui se prolongèrent dans toute leur vivacité durant un demi siècle, furent entremêlées , comme vous le pensez bien, de quelques curieux épisodes. En 1678, par exemple , les Échevins, pour se venger de la résistance de l'Abbesse, imaginèrent de faire sonner la retraite tous les soirs à 10 heures, par la grosse cloche de Saint-Sauveur, suspendue dans une tour qui touchait au dortoir des nonnes; et, de peur que le mugissement de l’airain ne troublàt pas suflisamment le sommeil de leurs victimes, ils le renforcèrent du roulement des tam- bours qui battaient en même temps à la porte du mo- nastère. Les religieuses se plaignirent, avec raison, mais sans succès , de ce que ce tapage nocturne pouvait exercer sur leur salut une influence fâcheuse, car après ces cruelles insomnies et ces nuits agitées, elles n'avaient plus lv force de se lever pour matines,. 140 ACADÉMIE DE ROUEN. Mais un siècle plus tard , les rôles étaient changés, et, en 1763, les Échevins humiliés étaient réduits à porter le dais sous lequel l’Abbesse triomphante parcourait proces- sionnellement la ville, le jour de son installation. Le résultat de ces conflits fut déplorable pour l’église Saint-Sauveur. L'Abbesse prétendait que les réparations devaient être faites aux frais de la ville, parce que Saint- Sauveur était église paroissiale ; le corps des Échevins sou- tenait, de son côté, que ces dépenses devaient être à la charge de l’abbaye, parce que Saint-Sauveur était église abbatiale ; et ils avaient tous deux raison. Mais la malheu- reuse église eut le temps de dépérir et de se ruiner pen- dant les querelles de ses propriétaires, car ils se disputèrent jusqu’à la Révolution qui les mit enfin d'accord en les dé- possédant tous les deux. Ces relations de bon voisinage étaient à peu près les mêmes , partout où il y avait en contact une abbaye et des échevins. J'aborderai maintenant, Messieurs, la Littérature et la Poésie. M. Guiard, dans une dissertation sur le Philoctète de Sophocle, montre d’abord, par des dates, qu’il faut relé- guer au rang des fables le procès impie que l’on accusait les fils de ce grand tragique d’avoir intenté à leur père pour le faire interdire. Il discute ensuite les opinions des critiques allemands qui se sont attachés avec prédilection à une tragédie qui avait pour eux tout l'attrait d'une étude psycologique. M. Guiard ayant été amené, par son sujet, à examiner quelques principes sur l'art dramatique émis par Schiller, en a profité pour venger la scène française des snjustes dédains du dramaturge allemand. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 141 M. Ballin a extrait d'une brochure qui lui a été apportée de Rome, des détails sur une solennité célébrée au Capi- tole, en l'honneur du Pape, le 1° janvier 1847. Au milieu des magnificences de cette fête, une nombreuse réunion de musiciens et de voix d'élite ont exécuté une cantate dont les paroles sont de M. le comte Marchetti, de Bologne, et la musique de Rossini. C'était un chant d’admiration , de gratitude et d'espérance , poétique et harmonieux écho des sentiments qu'ont inspirés, aux populations des États Romains, les actes de haute raison et de généreux libé- ralisme, par lesquels Pie IX a si glorieusement marqué son avènement au pontificat. Cet écho lointain, Messieurs, quelque faible que soit la voix qui l’apporte dans cette en- ceinte, doit retentir jusque dans vos cœurs, et y éveiller de sincères et vives sympathies. L'Académie sait gré à notre confrère de l'avoir associée , en quelque sorte, à l’un des hommages dont a été l'objet ce souverain pontife qui poursuit si courageusement, malgré les obstacles qui l'entourent et les dangers qui le menacent, sa grande œuvre de régénération et de pro- grès. M. Ballin nous a lu ensuite une Notice sur M. le comte Marchetti, dont il a été le collaborateur en 1812, dans la Secrétairie d'Etat du royaume d'Italie. Après bien des vicissitudes , M. le comte Marchetti obéit enfin à sa vocation, et deux volumes de productions, pleines à la fois d'élévation et d'originalité, l'ont placé au premier rang des poètes de sa patrie. L'ode sur les Derniers mo- ments du fils de Napoléon, que M. Ballin nous a traduite, a complètement justifié, à nos veux, la brillante réputation de son auteur. 112 ACADÉMIE DE ROUEN. M. Dutuit, dans son discours de réception, a traité un sujet pour lequel il est passé maître : Le Goût des Livres. Notre nouveau confrère commence par décrire trois variétés d'amateurs de livres : le Bibliophile, qui a, pour guider ses choix, toutes les ressources du bon goût et de l'érudition ; le Bibliomane , chez qui la fantaisie et la passion l'emportent quelquefois sur les lumières ; et le Bouquiniste, qui participe de tous les deux, et au quel, pour être l'un ou l’autre , il ne manque que la fortune. M. Dutuit combat le préjugé qui ne voit dans le goût des livres qu'une futile et ridicule manie. Il fait ressortir la haute position qu'occupent, dans l’ordre social, les Biblio- philes, parmi lesquels on compte des princes, des rois et même des saints. Il énumère les bienfaits que les ama- teurs de livres ont répandu sur le monde , et cite, comme leurs titres de gloire, le progrès de l'imprimerie et de la reliure , la création des bibliothèques publiques et de la science bibliographique, la perfection des éditions clas- siques, la découverte des textes inconnus et des raretés historiques et littéraires. Que si on n'était pas convaincu, et que la réhabilitation des Bibliophiles souffrit encore quelque difficulté, M. Dutuit passe condamnation. Il consent, et c’est une concession bien méritoire de sa part, il consent à ce que le goût des livres ne soit qu'une manie. Mais, alors, il faut bien convenir que c’est la plus charmante et la plus inoffensive des manies, celle qui procure aux hommes qui en sont possédés, les plus vives, les plus douces et les plus durables jouis- sances. M. le Président remercie le récipiendaire d’avoir pris la défense des amateurs de livres, à la réhabilitation des CLASSE DES BELLES-LETTRES. 143 quels il est personnellement intéressé. Il attribue la plu- part des railleries dont les Bouquinistes sont assaillis, à la jalousie de certains faux frères, qui voudraient dégoûter les autres du métier , afin qu'il devint meilleur pour eux- mêmes. Tactique odieuse, à laquelle M. le Président, qui revendique hautement ses droits incontestables au titre de bouquiniste, promet bien de ne pas se laisser prendre. Il insiste à son tour avec de nouveaux arguments, sur les services que les collecteurs rendent aux sciences et aux lettres, même lorsqu'ils entassent les livres sans discer- nement. Les directions diverses et souvent bizarres dans lesquelles les entraîne leur caprice, permettent à toutes les branches des connaissances humaines de profiter de leurs découvertes. M. Ballin nous a raconté, en vers, deux historiettes : Le Débiteur moraliste et Les Deux Proverbes. L'une et l’autre sont le récit des ruses à l’aide des quels un débiteur échappe à l'huissier qui le poursuit. M. Deschamps, sous le titre de L'OEïil de Dieu, donne à son fils des conseils que vous allez entendre. M. Guiard va vous lire aussi une pièce intitulée Jeanne et Marie. Il faut ajouter à ces travaux, dont la série est épuisée, les rapports qui nous ont été présentés sur des ouvrages que l'Académie a reçus de leurs auteurs ou des Sociétés qui correspondent avec elle, par MM. Bénard, Bergasse , De Caze, Deville, l'abbé Picard et Vingtrinier. Je voudrais bien pouvoir terminer ici ce compte-rendu , qui a déjà mis trop longtemps à l'épreuve votre bienveil- 144 ACADÉMIE DE ROUEN. lance et votre attention ; mais j'ai à vous parler encore, et je le ferai le plus brièvement possible, de quelques objets auxquels leur spécialité assignait une place à part. L'image d'un homme de génie inspire toujours, à ceux qui la contemplent, un sentiment de curiosité respectueuse et d'irrésistible intérêt. Aussi la conservation des portraits des grands hommes est-elle une partie essentielle du culte qui leur est dû. Mais il faut, pour qu'elles aient toute leur valeur, que ces représentations matérielles de l'intelligence portent un cachet irrécusable d'authenticité. Un portrait de Pierre Corneille qui remplirait cette con- dition, serait d'un prix inestimable pour ses compatriotes, qui, jusqu’à ce jour, indécis, égarés au milieu d'une foule de types dissemblables, cherchent encore quel est celui qui leur a conservé fidèlement les traits du grand Cor- neille. M. Hellis a entrepris de mettre un terme à ces incerti- tudes; et vous apprendrez bientôt, par la lecture qu'il va vous faire , l'heureux résultat de ses recherches. Mais ce que M. Hellis ne vous dira peut-être pas, c'est que, étant devenu momentanément possesseur du vrai portrait de Pierre Corneille, il en fait faire, en ce moment, une reproduction qu'il destine à l'Académie , et qui viendra bientôt se réunir à une belle copie du portrait de Thomas Corneille , d’après Jouvenet, dont la libéralité de M. Deville vient d'enrichir notre galerie. Une autre de nos grandes célébrités a trouvé un digne interprète, dans un homme qui, lui aussi, parcourt avec une égale supériorité, la double carrière des sciences et des lettres. M. Flourens, secrétaire perpétuel de l'Aca- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 125 démie des Sciences et membre de l’Académie Française ; a consacré à Fontenelle un volume , dans lequel il étudie surtout le continuateur de Descartes et l'historien de Newton. Le premier soin de M. Flourens , après la publi- cation de son livre, a été de l'envoyer à l'Académie. M. Bénard, chargé de nous en rendre compte, termine ainsi son rapport : « Le livre de M. Flourens est du plus haut intérêt pour «le philosophe et pour le savant. Il sera lu, avec plaisir, «même par les hommes qui, étrangers aux sciences , « s'intéressent à leurs progrès. Il est impossible, en lisant « cet éloge de Fontenelle , loué comme il a loué lui-même « ses devanciers , c’est-à-dire par une appréciation histo- « rique et philosophique de ses œuvres, de n'être pas & frappé de la ressemblance du panégyriste avec son héros. « Même élévation, même justesse de coup-d’œil ; même clarté de plan et d'exposition ; même netteté, même simplicité élégante de style ; même finesse d’aperçus. A À A «La ville de Rouen doit être reconnaissante envers «M. Flourens du monument qu'il vient d'élever à l'un « des hommes illustres auxquels elle est glorieuse d’avoir « donné le jour. L'Académie, en particulier, doit des «remerciements empressés à l’auteur d’un livre qui l'in «téresse si vivement, puisqu'il s'agit du grand homme « qui à contribué à sa fondation, et qu'elle place , entre « Corneille et Poussin , au rang de ceux dont elle invoque « le patronage. » = L'Académie a été profondément touchée, en effet, de l'hommage délicat que M. Flourens a bien voulu lui offrir , et elle à accueilli avec bonheur la demande qu'il lui adressait, en même temps, du titre de membre corres- d 10 146 ACADÉMIE DE ROUEN. pondant. Nous sommes fiers, aujourd'hui, de compter M. Flourens parmi nos confrères. L'ouvrage de M. Flourens n’est pas le seul qu'ait inspiré Fontenelle. Tandis que M. le secrétaire de l’Académie des Sciences appréciait, comme philosophe et comme écrivain, celui qu'il remplace et qu'il égale, notre confrère M Charma, professeur de philosophie à la Faculté de Caen, se faisait l'historien de sa vie. La Biographie de Fontenelle, par M. Charma, est un tableau coloré, brillant et vrai, de cette existence si calme, si laborieuse et si longue, ta-— bleau dans lequel l’auteur a su, par l'étendue de ses re- cherches, introduire beaucoup de faits nouveaux, en même temps que, par le charme et l'animation de son style , il a rendu aux faits déja connus tout le piquant de la nouveauté. Enfin, comme pour compléter ces hommages, un de nos confrères a été assez heureux pour découvrir, chez un brocanteur. un portrait de Fontenelle, exécuté par un artiste habile. Ce portrait, sauvé de la destruction par l'acquisition que nous en avons faite, figure , dans le lieu de nos séances, parmi ceux des grands hommes du sou- venir desquels nous tâchons de nous inspirer. Vous n'avez pas oublié, Messieurs, que, dans notre séance de l’année dernière, le prix de 800 fr., fondé par l'abbé Gossier, a été décerné à M. de Fréville, auteur d'une Histoire du Commerce maritime de Rouen. depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du xvi° siècle. Ce sujet si intéressant pour notre ville industrieuse et conm- merçante, et la manière vraiment distinguée dont il a été traité, nous faisaient désirer que le travail de M. Fréville eût les honneurs de l'impression. Malheureusement, la ne CLASSE DES BELLES-LETTRES. 147 faiblesse de nos ressources ne nous permettait pas d'en faire les frais. Mais nous avons trouvé dans les représen— tants du département, de la ville et du commerce , un appui bienveillant et un généreux concours. La Chambre de Commerce, le Conseil général de la Seine-Inférieure , et le Conseil municipal de Rouen, nous ont accordé cha- cun une somme de 500 fr., et nous pourrons bientôt faire subir l'épreuve de la publicité à l'ouvrage que nous avons couronné. L'Académie témoigne ici sa gratitude aux hommes éclairés qui ont partagé son dévouement et secondé ses efforts, et elle remercie particulièrement M. J. Rondeaux, M. le baron Dupont-Delporte et M. Henry Barbet, du se- cours puissant qu'ils lui ont prêté, en prenant, auprès des corps qu'ils présidaient , une pressante initiative. L'Académie de Rouen, Messieurs, comprenant toute l'étendue de sa mission, ne la circonscrit pas dans le cercle de ses réunions intimes. Toutes les fois qu’elle trouve l'occasion d'exercer son influence au dehors, dans l’in- térêt des lettres, des sciences et des arts, elle la saisit avec ardeur. Aussi, lorsqu'une mesure inattendue est venue dernièrement porter un coup funeste à l'instruction publique dans notre ville, elle a fait entendre sa voix une des premières, parmi celles qui se sont élevées de toutes parts, pour en conjurer les effets. Vous allez connaître , tout-à-lheure , les motifs qu'elle à fait valoir et qu'elle croit de nature à éclairer ses concitoyens et le pouvoir sur cette grave question. La lettre qu'une députation de trois membres a été chargée de remettre à M. le Ministre de l'instruction publique , fait partie des lectures qui doivent remplir cette séance. Je finis en proclamant les noms des nouveaux confrères 148 ACADÉMIE DE ROUEN. que la classe des Lettres a reçus dans ses rangs qu'aucune perte n’a éclaircis : M. Clogenson, conseiller à la Cour royale de Rouen, a été nommé membre résidant. MM. Viguier, Inspecteur général des Études, et Flourens, ont été admis au nombre des membres correspondants. De pareils choix s'expliquent et se louent d'eux-mêmes. Je suis vraiment désolé, Messieurs, de la longueur des instants que l’accomplissement de mon devoir de secré- taire m'a forcé de vous dérober. Jose espérer, pourtant, que vous n'avez pas entendu, sans quelqu'intérêt , ce fidèle résumé des travaux de mes confrères. S'il en est autre ment, la faute doit en être imputée tout entière à celui que l'Académie a choisi pour organe. PROGRAMME DU PRIX PROPOSÉ POUR 1848. 6 000e——— CLASSE DES LETTRES ET ARTS. L'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, décernera , dans sa séance publique du mois d'août 1848, une médaille d'or de la valeur de 300 fr. , au meilleur mémoire manuscrit et inédit, dont le sujet sera : Recherches biographiques sur Thomas CorNeiLLe, ef revue critique de ses ouvrages. PROGRAMME DU PRIX GOSSIER, PROPOSE Pour 1849. L'Académie décernera un prix de 800 fr. à l'auteur du meilleur Mémoire sur les Artistes normands, et les OEuvres d'Art en Normandie au xvi° siècle. Observations. Chaque ouvrage devra porter en tête une devise qui sera répétée sur un billet cacheté, contenant le nom et le domi- cile de l'auteur. Dans le cas où le prix serait remporté, l'ouverture du billet sera faite par M. le président, en séance particulière, et M. le secrétaire des Lettres et Arts don- 150 ACADÉMIE DE ROUEN. nera avis au lauréat de son succès, assez tôt pour qu'il lui soit possible de venir en recevoir le prix à la séance publique. Les académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les mémoires devront être adressés, francs de port, pour le premier concours, AVANT LE 1% Juin 1848, et pour le second, avant LE 1° gun 1849, TERME DE RIGUEUR , à M. Richard, secrétaire perpétuel de l'Aca- démie, pour la classe des Lettres et Arts. CLASSE DES BELLES-LETTRES. #Hemoires DONT L'ACADËMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. SOCOSCOCOOSCTOIESESE MÉMOIRE Présenté à M. le Ministre de l'instruction publique, TOUCHANT LA CRÉATION DE FACULTÉS DES LETTRES ET DES SCIENCES À Rouen, Par M. A. DEVILLE, rapporteur. —étle Q mé — Monsieur LE MINISTRE , L'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, fidèle au but de son institution, n’a cessé de suivre avec sollicitude les progrès et la marche de l'en- seignement intellectuel à Rouen, et de tout ce qui se rattache à l'instruction publique. Elle signalait les premières années de son existence dans cette ville , en créant, à ses frais, un jardin bota- nique et en ouvrant un cours de botanique et d'histoire naturelle. Un peu plus tard, elle prenait sous son patro- nage immédiat , l'école de dessin et de peinture , où pro- fessait Descamps, le cours public d'anatomie de Lecat, les cours d'hydrographie de Dulague, qui ont servi de, modèle aux cours fondés dans nos ports par Napoléon. 154 ACADÉMIE DE ROUEN. Dès 1781, elle créait une bibliothèque qu'elle ouvrit au public. L'Académie n’avait pas été la dernière à applaudir à la grande création de l'Université conçue par Napoléon, qui relevait en France l'instruction publique, et dotait nos grandes villes de colléges et de chaires professorales. La ville de Rouen, en vertu des art. 13 et 15 du décret impérial de 1808, base et loi encore vivante de l'ins- truction publique en France, avait droit, comme chef- lieu d’une Académie, à une Faculté des lettres et à une Faculté des sciences. Une Faculté des lettres y fut établie. Des professeurs distingués , Jondot, Chenedollé, Etienne Quatremère , S'y firent entendre et applaudir. La Restauration porta la main sur l'institution de Napo- léon. Ce qu'un décret impérial, ayant force de loi, avait créé, elle voulut le défaire. Fut-ce en vertu d’une loi? non. Un simple arrêté d'une Commission de l'instruction pu- blique, Commission qui n'existait qu'en vertu de ce décret, supprima la Faculté des lettres dans dix-sept villes, chefs- lieux d'Académie. Rouen était du nombre. Une ordonnance royale, rendue le 18 janvier 1816, consacra , par un effet rétroactif, sans lui apporter plus de légalité, l'arrêté de la Commission de l'instruction pu- blique , qui avait été rendu et mis à exécution, deux mois et demi auparavant (le 31 octobre 1815). Rouen, dépossédé de sa Faculté des lettres, fut moins heureux que Bordeaux, Lyon, Montpellier, Poitiers et CLASSE DES BELLES-LETTRES. 155 Besançon , qui avaient été frappés comme lui, mais qui, plus tard, sans avoir plus de droits à cette préférence , obtinrent la réintégration de leur Faculté. Rouen a longtemps gémi de ce déni de justice. Il trou- vait une compensation, quelque faible qu’elle fût pour son collége royal, dans la création de la Commission d'examen, dont l'ordonnance du 18 janvier 1816, par un retour à un sentiment de justice , il faut le reconnaître, avait du moins doté tous les chefs-lieux d’'Académie qu'elle privait de Facultés. Cet ordre de choses était en vigueur lorsque l'ordon- nance royale, rendue sous votre ministère, le 1% janvier 1847 , vint rapporter l'ordonnance royale de 1816. Cette ordonnance de 1816, derrière laquelle s’abritait l'arrêté de la Commission de l'instruction publique du 34 octobre 1815, étant rapportée purement et simplement , que restait-1? Le décret impérial de 1808, constitutif de l'Université, qui rendait nécessairement à Rouen sa Faculté des lettres, et lui donnait droit à une Faculté des sciences. Une ordonnance ministérielle umiversitaire en a décidé autrement. Cette ordonnance, du 2 janvier 1847, porte : « Art. 1%. Les Facultés des lettres desserviront, pour la « collation des grades, les Académies dépourvues de Fa- « cultés, qui leur seront annexées en vertu d’un tableau de « circonscription qui sera arrêté par le Grand-Maitre de « l'Université, » Jusques-à, Rouen, l'une des quatre grandes villes du royaume , pouvait, devait espérer que son nom figurerait, 156 ACADÉMIE DE ROUEN. et même un des premiers, sur la liste des villes favo- risées. L'arrêté du Conseil royal de l'Université réglant le ta- bleau de circonscription des Facultés , inséré au Moniteur du 11 avril 1847, est venu détruire cet espoir : Treize Facultés son créées. Rouen, la quatrième ville du royaume après Paris, n’y figure pas! Rouen, ville de cent mille ames, est mis sous la dépendance de Caen, qui n’en compte pas même la moitié! L'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, justement émue, vient faire entendre sa voix, sûre qu'un Ministre, animé d’un zèle si éclairé pour tout ce qui touche au progrès des lettres et des sciences, et qui en à donné de si nombreuses preuves, daignera pèser, dans sa sagesse, les considérations qu'elle prend la liberté de lui soumettre. Si on s'arrête, pour apprécier les droits des villes à pos- séder des Facultés, à leur importance relative et à leur population, que voyons-nous? Sur le tableau des treize villes dotées de Facultés, en mettant de côté Paris qui fait exception, dix d’entre elles sont au-dessous de Rouen pour la population ; une lui est à peine égale, Bordeaux ; une seule, Lyon, lui est supérieure. Quelques-unes des villes portées au tableau, comme Aix, Poitiers, Besançon, Grenoble , Dijon , n’atteignent pas le tiers de la population de Rouen. Rouen, préfecture de 1" classe, n'est-il pas le siége d'une cour royale, d’une division militaire, d’un arche- vêché? N’a-t-il pas toujours compté parmi les villes de France de premier ordre ? Que si nous nous reportons à la population même des colléges royaux, chefs-lieux d'Académies, qui figurent Poe CLASSE DES BELLES-LETTRES. 157 au tableau des Facultés, et que nous mettions en re- gard celle du collége royal de Rouen, nous arriverons au même résultat. Paris toujours mis hors ligne, une seule ville encore, Lyon, offre un chiffre plus élevé que Rouen; les onze autres colléges royaux du tableau restent au-dessous de celui de Rouen. Le collége royal de cette ville ne compte pas moins de 6#% élèves, tandis qu'il est tel collége de la liste des Facultés qui n’en a que 371 (Montpellier), tel autre, 305 (Dijon), tel autre, enfin, ( Grenoble ) que 277 *. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Citerons-nous la ville de Caen, chef-lieu de la Faculté dont Rouen est déclaré l'annexe ? Sous le double rapport et de la population urbaine et de la population collé- giale , il est inférieur à la ville qu'on rend sa vassale. Qui osera, sous tous les autres rapports, comparer Caen à Rouen? Rouen possède un archevêché ; Caen n'a pas même d'évêque; Rouen est le siége d'une division militaire ; Caen est placé dans son ressort. Ce que nous disons ici, ce n'est point pour enlever à la ville de Caen les Facultés dont elle est en possession, mais pour faire ressortir les droits de la ville de Rouen à jouir au moins de la même faveur. Objectera-t-on qu'à l'époque où Rouen avait une Faculté de lettres, les cours de cette Faculté n'étaient pas suivis par un nombre très considérable d’auditeurs? mais n'en était-il pas de même partout ? A la sortie de nos grandes commotions révolutionnaires, alors qu'un long oubli avait pesé sur les lettres, qu'elles avaient été, non-seulement abandonnées, mais proscriptes, où trouver une popula- tion préparée à suivre les leçons d'un haut enseignement ? * Almanach de l'Université de France, 1847. Nous avons défal- qué, dans cette appréciation, les élèves primaires, qui ne figurent pas pour le colléve de Rouen. 158 ACADÉMIE DE ROUEN. Les hommes de 20 à 25 ans, toujours avides d'instruction, se fussent présentés ; ils étaient dans les camps : le sys- tème militaire avait tout enlevé, tout absorbé. Le même reproche avait été adressé à Lyon, à Bor- deaux, qui présentaient une population égale et supérieure à Rouen. Aussi, leur Faculté leur avait-elle été enlevée, en 1815, comme à tant d’autres villes. Depuis, on la leur a rendue , et c'était justice. Rouen n’a pas revu la sienne. Plus tard, on lui a donné une Faculté de théologie, c'était à bon droit; mais pourquoi pas une Faculté des lettres, une Faculté des sciences? Dira-t-on que Rouen est une ville essentiellement commerçante et industrielle , où le goût des lettres et des sciences a peu de racines et a pris peu de développement ? Mais les deux villes que nous venons de nommer, Lyon, Bordeaux, auxquelles on avait restitué leur Faculté , et qui la conservent , ne sont- elles pas absolument dans les mêmes conditions que Rouen? Pourquoi donc déshériter cette dernière ville? Il y a plus, en renonçant même à invoquer ces exemples, nous ne craignons pas d'avancer qu'on se tromperait sin- gulièrement si l'on croyait que la ville de Rouen est restée étrangère au mouvement intellectuel qui, depuis un quart de siècle, grâce au bienfait de la paix, s'est manifesté en France ; loin d’être en arrière, elle est une des pre- mières qui ait donné le signal. Qu'on passe en revue les institutions, les établissements scientifiques, litté- raires et d'art en tous genres, qu'on y a créés, déve- loppés, dans ce court espace de temps; leur nomenclature seule étonnera. Sans parler de notre Académie, signalons la Société libre d'Émulation, la Société d'Agriculture, la Société d'Horticulture , les Sociétés de Médecine et des Pharma ciens , la Société de Commerce et de l'Industrie , la Société Du CLASSE DES BELLES-LETTRES. 159 Philharmonique , la Société des Amis des Arts , la Commis- sion d’Antiquités, la Commission des Archives, l'École dé- partementale d'Agriculture et d’Économie rurale ; les cours municipaux de Chimie , de Physique , de Mathématiques , d'Histoire naturelle, de Dessin et de Peinture, de Musique, qui sont fréquentés par un si grand nombre d'élèves ; ceux qui ont été institués par la Société libre d'Émulation ; le Musée de peinture , le Musée des Antiquités, le Jardin botanique , les Expositions des tableaux, etc., etc. Quelle ville a fait plus que Rouen, sous ce rapport? quelle ville a plus fait pour le développement, l'encouragement des lettres, des sciences et des arts? Que de publications, dans ces diverses branches des connaissances humaines, sorties de son sein, depuis trente années! Si notre Aca- démie n'était pas ici aussi directement intéressée, nous citerions, pour terminer ce tableau, les récompenses si honorables qui sont venues chercher les auteurs de quelques-uns de ces ouvrages. L'Institut a fait plus, il a ouvert ses rangs à plusieurs d’entre eux. Veut-on la preuve que des Facultés seraient accueillies à Rouen avec une faveur marquée , que leurs cours seraient suivis avec empressement? Des professeurs étran- gers sont venus donner passagèrement, dans nos murs, des leçons publiques de littérature et d'histoire. On s'y portait en foule, et pourtant il fallait payer pour entendre ces leçons. Dira-t-on que Rouen est trop rapproché de Paris pour avoir une Faculté? mais Dijon et Grenoble, qui en sont dotés, sont bien plus rapprochés encore entre eux. Si l'objection pouvait avoir quelque valeur, il faudrait done enlever à Rouen sa cour royale, sa division militaire, son archevêché ? Quelque voisin que Rouen soit de Paris, 160 ACADÉMIE DE ROUEN. ce n’en est pas moins une ville de cent mille âmes, dont il faut satisfaire les besoins intellectuels. Il ne peut être ici question, puisque nous avons nommé Paris, de centralisation ; le Gouvernement et le pays sont d'accord, pour vouloir, non resserrer, mais étendre le bienfait de l'instruction publique. En faire jouir directement, sur la plus large échelle, tous les grands centres de population , c’est un devoir comme c’est un besoin. D'autres voix, Monsieur le Ministre, se feront, sans au- cun doute, entendre dans l'intérêt spécial du collége royal de Rouen, des études et des familles, pour faire ressortir les conséquences que la suppression de la Commission d'examen et l'annexion de notre collége à la Faculté de Caen auraient pour elles; pour vous montrer, dans un avenir prochain, l'affaiblissement des études, l’éloigne- ment des élèves, le découragement des professeurs, et, par suite, ajoutera notre Académie, l'influence fâcheuse qui pèserait sur la marche générale des établissements in- tellectuels dans cette ville. D'autres voix s’élèveront pour signaler les mêmes symptômes, les mêmes effets sur notre école préparatoire de Médecine, qui, privée du puissant auxiliaire d'une Faculté des sciences, ne peut que s’affaiblir, et remplir imparfaitement le but de son institution. D'après toutes les considérations qu'elle vient de déve lopper , l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen , dans sa profonde conviction, croit de son devoir de faire , Monsieur le Ministre , un appel à votre justice et à votre protection éclairée, pour réclamer, en faveur de la ville de Rouen, le rétablissement de sa Faculté des lettres et la création d'une Faculté des sciences. Des Jortraits PEINTS ET GRAVÉS PIERRE CORNEIÏLLE, Par M. HELLIS. MESSIEURS , On a dù parfois s'étonner que la ville de Rouen, ne possédât pas une seule peinture qui pût donner une idée exacte de ce qu'était Pierre Corneille (1). L'Académie éprouvait ce regret lorsqu'il y a quinze ans, elle s'adressa à M. Court, pour avoir un portrait du poète. L'artiste, dans cette circonstance, nous traita avec générosité, je puis dire avec magnificence ; notre reconnaissance doit égaler le bienfait. Pour un portrait en pied qui lui était demandé, il nous dota d’une riche page retraçant un des plus glorieux épisodes de la vie du grand homme (2); nous ne saurions cependant discon- venir que le but tant souhaité n'a pas été atteint, Ce 11 162 ACADÉMIE DE ROUEN. que nous désirions par-dessus tout, c'était l'image vivante de Corneille ; c'était de pouvoir contempler chaque jour les traits révérés de notre compatriote. Si l'artiste, dans son tableau, ne nous a offert qu'une figure à peu près de convention, c'est qu'il a manqué d'un guide sûr pour diriger son pinceau, ses recher- ches ayant été vaines pour trouver un portrait original du grand homme. Ils sont en effet des plus rares, car il demeure avéré que Lebrun seul mérite confiance sous le rapport de l'authenticité et de la vérité. Les vicissitudes de l'image de Corneille formeraient une curieuse histoire; elles ont donné naissance à une foule de gravures et de portraits, qui, par leurs dissem- blances, jettent les curieux dans de singulières perplexi- tés. Je vais tenter de répandre quelque clarté sur ce point obseur. Puissai-je livrer le fil qui conduira désormais dans ce dédale encore inconnu. Corneille, qui s’éleva si promptement au plus haut degré de gloire, dont les chefs-d'œuvre, enfantés coup sur coup, ne laissaient point à l'admiration le temps de se refroidir, lui qui fut, à 36 ans, salué du titre de grand homme que la postérité lui a conservé, Corneille devait exciter la curiosité au plus haut degré; chacun à l'envi dut souhaiter de connaître celui qui jetait un si vif éclat sur la littérature, et qui répandait sur son pays une telle illustration. On ne doit pas s'étonner des nom breux eflorts que les artistes tentèrent pour nous trans- mettre ses traits. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 163 Dans cette revue, je ne m'occuperai que des œuvres vraiment remarquables; ma tâche serait trop pénible et trop fastidieuse s'il me fallait tout mentionner. Je signalerai ce qui fut fait aux diverses phases de la vie de notre poète; j'examinerai ensuite l'authenticité des modèles qui ont dirigé le pinceau et le burin. Il n'existe point de gravure antérieure à celle de Michel Lasne , sous la date de 1643 ; celui-ci originaire de Caen, condisciple de Corneille, toujours lié d'amitié avec lui, dut éprouver quelque joie à faire connaître un homme qui était parvenu à une si haute célébrité, Son témoi- gnage est du plus grand poids; aussi nous arrêterons nos regards sur cette belle gravure, qui doit être notre point de départ. Corneille avait 37 ans; il est représenté la figure ovale, un peu fatiguée par le travail: le front uni, haut, dé- garni de cheveux, qui flottent abondans sur les épaules; les sourcils bien arqués, un épi à celui de droite, les yeux vifs; le nez droit un peu renflé à son extrémité ; des moustaches et la mouche au menton; un pli règne de l'aile du nez à l'angle de la bouche, un plus léger sur la joue; la bouche est belle et pleine de distinction. L'expression générale est douce et grave. Le costume se compose d'une calotte sur la tête, d’un manteau long avec large rabat. Cette gravure in-#° semble faite avec prédilection ; un gracieux ornement entoure le buste, et se termine en bas par les armoiries récemment accordées à la famille. On hit au dessous: delineavit et excudit, ce qui prouve qu'il grava d'après son propre dessin. Il n'existait pas encore de portrait; plus bas on lit: Peter Cornelius, Rothomagensis, anno domini 1643. 164 ACADÉMIE DE ROUEN. Nous retrouvons là toute la sollicitude de l'amitié. Ce mot Rothomagensis me paraît remarquable ; il sent bien son normand, revendiquant pour sa ville l'honneur qui lui devait revenir d’avoir donné le jour à un si grand homme. Michel Lasne a plus d’une fois répété cette gra- vure pour les publications des œuvres du poète. Ainsi, en 1644, il en fit paraître une in-12, d'une très fine exécution, en tout conforme à la première, sauf l'orne- ment; et, plus tard, une troisième in-8°, pour mettre en tête de la traduction de l'Imitation; on sait que l'Imitation avec gravures ne parut que de 1654 à 1656. On lit au bas de cette gravure l'annotation suivante, qui me paraît remarquable par son intention: PIERRE CORNEILLE , NATIF DE ROUEN, S'EST RENDU CÉLÈBRE PAR QUANTITÉ DE PIÈCES DE THÉATRE ET PAR LA TRADUCTION EN VERS FRANÇAIS DU LIVRE INCOMPARABLE DE L'IMITATION DE JÉSUS-CHRIST. C'est vers cette époque que Lebrun fit son portrait; sa date est de 14647. Si nous y retrouvons les mêmes traits et la même expression, nous ne pourrons douter de la vérité de la ressemblance; ces deux témoignages se prêteront un mutuel appui. Mais que devint ce por- trait pendant un siècle? Il paraît qu'il fut bientôt oublié, puisque nous verrons les artistes les plus célèbres puiser à d'autres sources, et s’écarter tellement de la vérité que tout rapprochement devient impossible ; mais n'antici- pons pas sur l'avenir. Les productions de Michel Lasne, et le portrait de Lebrun, composent la première phase de la ressemblance PIE IRIRIS CORN ET ILILIE. d'aprés Paillet, 1663 CLASSE DES BELLES LETTRES. 165 que l'art a parcouru ; c'est aussi la plus vraie comme la plus glorieuse. Corneille, jeune encore, avait produit ses chefs-d'œuvre; il était tel que la postérité l'eût toujours dù connaitre. Mais il semble que son image devait suivre la décrois- sance de son génie, jusqu'au moment où, rappelé à la vie par l’admirable talent de Ficquet, il reparut à nos yeux sous une forme toute nouvelle. Voulez-vous conserver de pieux souvenirs? Ayez des portraits des derniers ans. Voulez-vous transmettre un grand homme à la postérité ? Saisissez ses traits dans la force de l’âge et du talent, dans la crainte de ternir sa brillante auréole. En suivant l’ordre chronologique, se présente la gra- vure de Vallet, d'après le dessin de Paillet, en 1663. Il ne saurait y avoir de méprise, car Vallet indique qu'il a exécuté sur le dessin fait d’après nature, ad vivum delineavit ; cela ne souffre pas d’'équivoque. On y voit déjà de nombreuses dissemblances avec les gravures de Michel Lasne et le portrait de Lebrun, qui paraît tout-à- fait oublié, et qui n'a point, jusqu'alors, été reproduit. Ces dissemblances sont telles , que la réflexion seule peut convaincre que l'artiste ne s’est point écarté de la vérité. Il s'était écoulé près de 20 ans entre les deux ouvrages, et le temps n'avait pas épargné ses outrages à la figure d’un homme qui s'était livré à de si longs et si constants travaux. Corneille avait alors 57 ans; je ne parlera point du costume, qui se rapproche de celui décrit précédemment ; mais la figure parait plus courte, plus massive , la bouche 166 ACADÉMIE DE ROUEN. plus large , les cheveux flottant plus abondants , et garnis sur le front bien au-delà de la calotte, la barbe moins apparente; une verrue est survenue à la joue droite, et une plus petite à la joue gauche : tout cela demande expli- cation. Le front de Corneille, dégarni à 30 ans , ne pouvait être touffu à 57, il y suppléait par de faux cheveux , ce qui vieillit singulièrement ; la chute de quelques dents, en élargissant la base de la face, diminue son ovale et rap- proche le nez du menton, La barbe blanchit et s’éclaircit, de là, sa moindre apparence ; des verrues sont survenues aux deux joues, elles nous serviront bientôt utilement ; de plus, une légère patte d’oiïe se montre sur les tempes et quelques apparences de rides au front. Fascinés que nous sommes par la gravure de Ficquet, d’après Lebrun, nous avons quelque peine à nous rendre à la fidélité de cette image. Un examen attentif ne permet pas d'en douter ; d’ailleurs, Vallet nous répète : Ad vivum deli- neavit , il l'a prise sur le vivant. Elle justifie du même modèle à deux époques différentes de la vie; les progrès de l’âge peuvent seuls rendre compte des altérations qu'on y remarque. Cette gravure a été souvent repro- duite, notamment par Desrochers en 1704; et, beaucoup plus tard, Petit, Cars fils et Dewritz y ont consacré leur burin; ce qui prouve qu'elle passait pour authentique (3). Vallet et ses traducteurs composent la deuxième période de la ressemblance : nous avons, pour la première , Michel Lasne en 1643, et l'autorité du portrait de Lebrun. La distance qui sépare ces deux sortes de productions, n’est guère moins de 20 années, ce qui nous met à mème d'es- ümer l’âge du Corneille reproduit par Ficquet. ue CLASSE DES BELLES-LETTRES. 167 Nous ferons remarquer que, jusqu’à l'an 1663, pas une gravure n'a été faite d’après un portrait. Celui de Lebrun était si complètement ignoré des artistes, que Paillet fut obligé de faire un dessin pour la gravure de Vallet. Ainsi, jusque-là , il ne faut compter sur aucun portrait original autre que celui dont je viens de parler. Si, au premier coup-d'œil, nous avons quelque peine à retrouver Corneille dans la première transformation, l'étude de quelques parties fixes et immuables nous amène à le re- connaître ; nous allons assister, dans la troisième période , à une métamorphose si étrange, si complète, si inexpli- cable, qu'on ne sait qu’en penser. Si 15 ou 20 ans avaient apporté un tel changement dans les traits, que l'analyse seule pouvait démontrer l'identité, 20 ans de plus devaient faire bien d’autres ravages ; car, chez l'homme, la déca- dence est rapide, surtout au déclin de la vie ; alors les années semblent compter deux fois. Il n'en est point ainsi, c'est tout le contraire qui arrive : tâchons de découvrir la vérité. Il est en nous un sentiment qui nous porte à souhaiter de laisser, aux yeux de nos semblables, une idée avanta- geuse de notre personne. Corneille vieillissant, négligé, oublié pour un rival qui avait captivé les faveurs du public, n'était peut-être pas sans quel- que désir de transmettre ses traits à la postérité. Cossin, cé- lèbre graveur, demandait un modèle ; mais où le prendre? Le portrait de Lebrun était bien loin ; on ne l'avait proba- blement pas, puisqu'il ne figure nulle part; d’ailleurs , une si petite toile, cet air grave et froid , cette figure pâle, cette calotte monacale, devaient produire bien peu d'effet et lutter désavantageusement avec ce brillant Racine, alors 168 ACADÉMIE DE ROUEN. l'idole de la Cour. Le dessin de Paillet était trop ressem-— blant pour plaire , et le poids des ans eût rendu la vérité plus triste encore. Il fallait un autre type ; on s’adressa à Sicre, en lui recommandant de retrouver, sur cette figure outragée par le temps , une ressemblance qui lui fit plus d'honneur. L'artiste, ainsi autorisé, se mit à la besogne : le génie ne connaît point d’obstacle ! Il affubla le père de la Tragédie d’une énorme perruque (#), retrancha la barbe qui n’était plus un ornement ; il allongea la figure, effaça les rides, rendit vermeil ce visage que le travail avait pâli à 30 ans ; il ne respecta pas même la couleur des yeux ; il conserva le nez, la verrue à la joue et le menton bifurqué; mais, pour ce qui est de la forme du crâne, de l'ouverture des orbites, de la direction des sourcils, où les prit-il? Je ne le saurais dire. Il fit un portrait de fantaisie: puis, fidèle à son programme, il revêtit son modèle d'une magnifique simarre , ayant un élégant rabat, les bras ornés de somptueuses manchettes, les mains magistralement croisées et supportées par un livre indi- quant l’auteur et la nature de ses travaux; de plus, une riche draperie faisait valoir le fond , et une colonne entre- vue donnait au tout un aspect monumental, qui s’éloignait passablement de la modeste habitation de la rue de la Pie. Il traduisit Corneille en un lourd financier. La famille dut sourire : les idées un peu nobiliaires de Thomas durent être satisfaites (5); si la ressemblance était nulle, le portrait n'avait pas de date, et l’on travaillait pour la postérité. Le talent de Cossin répandit cette image : ce type fut si généralement adopté, que plus d’un peintre de talent refit des Corneille nouveaux, en variant, suivant son goût, la pose et le costume. Des graveurs de renom reproduisirent ces œuvres et leur donnèrent une sorte d'authenticité , ce qui a séduit beaucoup d'amateurs. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 169 Je soumets aux curieux la réflexion suivante : Corneille est mort en 168%; le portrait de Sicre, gravé en 1683, n'était point connu avant cette époque; on accordera au moins qu'il fut postérieur de quelques années à la gravure de Vallet. Toutes les imitations qui ont suivi ne peuvent être originales. On sait que le grand poète, arrivé à la caducité , fut, pendant près de deux années, dans un état d'infirmité qui causa la gène où il mourut. Ceci suffit pour condamner tous les portraits originaux qui ont paru dans le xvur* siècle et dans la dernière partie du xvrr°. Il est à remarquer qu'en gravant ces productions men- songères, pas un artiste ne cita de noms de peintres. Ficquet grava d'après Lebrun, Michel Lasne d’après son propre dessin, Vallet d'après cel de Paillet, Cossin d'après Sicre; mais toutes les autres variantes que la gravure fait connaître , n'indiquent point leur origine, ce qui doit toujours tenir en réserve les collecteurs un peu difliciles. Ainsi Lubin en 1696, Bernard Picard en 1716, Dupin en 1740, etc., n'ont point indiqué quel était le maître qui leur avait servi de guide. Pour satisfaire des amateurs qui désiraient des portraits de Pierre Corneille, des peintres d'un talent distingué ont, depuis 1683, produit des œuvres remarquables, parfois bien dignes, sous le rapport de l'exécution , de figurer dans les cabinets les plus riches; mais, postérieures à la mort du grand homme, elles ne peuvent prétendre à aucune ressemblance. Ce qu'il y a de certain, c'est que le Corneille imaginé par Sicre fut accrédité comme véritable pendant 80 ans ; beaucoup de cabinets en fournissent la preuve. Les efforts de Thomassin et de Ficquet n'ont point encore complète- ment détruit cette illusion; j'en pourrais citer plus d'une preuve , je me contenterai du fait suivant : 170 ACADÉMIE DE ROUEN. En 1806, un arrière petit-fils du célèbre Lebrun , vou- lant témoigner sa gratitude à la Société d'Émulation de Rouen , qui l'avait admis dans son sein, copia lui-même le portrait de Sicre , croyant reproduire l’œuvre de son aïeul. Pour un commissaire du musée Napoléon, l'erreur était lourde ; toujours est-il que je m'en félicite, puisque cela me met à même de vous offrir un fidèle spécimen de cette œuvre curieuse (6). Quel était ce Sicre? Qu'a-t-il fait ? Je l'ignore. Son travail paraît n'être pas dépourvu d'art, et devoir produire un assez bel effet ; n'eut-il peint que cela, il peut prétendre à l'immortalité ! En expliquant cette métamorphose comme il précède, nous nous trouvons à l'aise , et les faits suivants découlent tout naturellement. On s'est demandé comment Perrault, dans sa Vie des hommes illustres, publiée 14 ans après la mort du poète, avait donné, gravée par Lubin, une si étrange figure de Pierre Corneille ; c'est qu'il était dans la confidence. Car comment admettre que Perrault qui avait connu Corneille, qui était lié avec Fontenelle, qui siégeait à l'Académie avec Thomas, eût commis une pareille méprise ! Il n’y eut point méprise, mais intention. Toutefois , cètte pieuse fraude ne passa point sans réclamations. La gravure de Cossin, toute belle qu'elle était, fit peu de sensation; c'était en 1683, Corneille allait cesser d'être, ou plutôt il n'existait plus, sa personne était complètement oubliée ; il n’en fut pas de même lors de la publication de l'œuvre de Perrault. L'Histoire des hommes illustres souleva plus d'une cri- tique. Les contemporains, à même de juger sainement la chose. s'étonnèrent d'une pareille dissemblance (7) ; d'autres pensèrent que par erreur on avait pris le portrait de Thomas pour celui de Pierre (8). Erreur impossible : CLASSE DES BELLES-LETTRES. 171 les suppositions faites à la légère, tombent au moindre examen, En 1696, le portrait peint par Jouvenet n'existait pas, et celui de Mignard n'avait pas encore été gravé, Ce dernier, représentant Thomas à 30 ans, ne pouvait con- venir, et l’on admettra diflicilement que l’auteur d'Ariane ait posé pour le portrait de son frère. D'ailleurs quand Perrault écrivait, Thomas vivait encore; il regrettait son frère autant qu'il l'avait aimé. Je vous soumets toutes les gravures d’après son portrait exécuté par Mignard (9) dans sa jeunesse ; et l'original de celui de Jouvenet, qui est sous vos yeux, doit complètement détruire cette suppo- sition (10). Il est à remarquer que, bien que le portrait de Lebrun revint dans les mains de Fontenelle, peu après la publi- cation de la Vie des hommes illustres, il ne fut gravé pour la première fois par Thomassin que 27 ans après la mort de Perrault, arrivée en 1705. Si mes explications ne vous paraissent pas satisfaisantes, j'attends que l’on m'en donne d'autres que j'adopterai de grand cœur ; mais les miennes n'ont-elles pas pour elles bien des probabilités ? Toujours est-il, Messieurs, que les faits existent, vous en avez sous les yeux les preuves irré- cusables. Ainsi, nous trouvons dans la première période, Corneille gravé par Michel Lasne et peint par Lebrun; dessiné dans la seconde par Paillet; dans la troisième, travesti par Sicre. L'erreur, souvent plus flatteuse que la vérité, obtient de grands succès. Offrez au public le somptueux portrait de Sicre et l'œuvre simple de Lebrun, l'effet ne sera pas douteux sur la masse ; la vérité trop nue ne compte qu'un petit nombre d'adorateurs. 172 ACADÉMIE DE ROUEN. Ne nous étonnons donc pas si le merveilleux portrait fut porté aux nues, si on tàcha de l'accréditer. Aussi fut-il constamment reproduit depuis l'an 1683 jusqu'en 1766, et même au-delà. Pendant cette longue période, le portrait de Lebrun sommeillait encore, attendant, pour paraître au grand jour , un interprète digne de lui. En vain Thomassin (11) le grava-t-il pour la première fois vers 1730; son burin exact, mais trop dépourvu de charmes, ne fit aucun tort à Sicre, qui fut, malgré cela, reproduit dans une de ses plus riches variantes par Dupin, en 1740, après la mort de Thomassin. Il fallait une main plus ferme pour détrôner l’usurpateur , et assurer le triomphe de la légitimité. Enfin Ficquet parut; le célèbre Cochin se chargea du dessin d’après lequel il exécuta, en 1766, une vignette avec de gracieux ornements’. Cette production se recommande trop d'elle même, pour que j'en fasse ici l'éloge. A peine Corneille fut-il ainsi réhabilité, que sa gloire parut briller d’un nouveau lustre; si tout ce qui avait pré cédé ne fut pas mis en oubli, le plus grand nombre des artistes ne s’inspira plus que de ce nouveau modèle. Les reproductions en sont si nombreuses, qu'un volume suffirait à peine à les décrire (12). Pour opérer une pareille révolu- tion, il fallait un chef-d'œuvre ; Ficquet en enfanta un. On ne douta point de la fidélité d'une gravure que chacun admirait; il fut donné à un si petit nombre de s’assurer de la vérité, que, sans l’heureuse découverte du portrait, la gloire de Ficquet serait restée entière chez la postérité. TT * La Bibliothèque historique mentionne une gravure in-4° du même auteur. Les recherches infructueuses que j’ai faites pour la trouver, me portent à croire qu'elle ne différait de la première que par la marge. 2 = CLASSE DES BELLES-LETTRES. 173 Nous ne parlerons point des bustes et des statues élevés à Corneille , pour y chercher un type primitif de sa ressem- blance ; le marbre et le bronze ne furent point à son usage pendant sa vie. Alors on se hâtait un peu moins de décer- ner des apothéoses ; ce soin fut légué au siècle suivant. Ce que j'en dirai, servira à démontrer que Lebrun, ou Ficquet d'après lui, furent les guides qu'ont toujours suivi les grands artistes ; ceux qui ont voulu marcher dans une autre voie, n’ont rien produit de recommandable. J'ignore s’il existe des bustes ou des statues antérieurs à la moitié du siècle dernier; pour mon compte, je n'en connais point (13). Depuis cette époque, le goût des arts et le culte des souvenirs, singulièrement étendus , en ont fait éclore une telle quantité, que je ne terminerais pas à les énumérer ; je me bornerai à citer ceux qui décorent notre ville; ce que j'en dirai peut s'appliquer aux autres. L'Académie de Rouen réclamera toujours pour ses membres l'honneur d’avoir été fidèle au œilte du grand poète. Dès l'an 1756, elle souhaita orner le lieu de ses réunions des bustes des hommes célèbres que la ville avait vu naître. Ce vœu fut bientôt rempli ; M. Pigalle, associé, donna les bustes de Corneille et de Lémery ; M. Lemoine, ceux de Fontenelle etde Jouvenet. Lorsque l'Académie périt en 1793 avec les autres institutions, elle fut par cela même dé- pouillée des livres et des objets d'art qu'elle possédait. Le buste donné par Pigalle fut religieusement recueilli par M. Licquet, ancien conservateur de la Bibliothèque pu- blique ; c’est à lui qu'on doit de le retrouver dans cet éta- blissement. On ne saurait douter que Pigalle ait pris Lebrun pour guide ; ses relations avec Fontenelle ne lui permettaient 174 ACADÉMIE DE ROUEN. pas de s'égarer. Son buste est conforme aux bonnes tradi- tions ; sa tête moins étudiée dans les détails que celle de Cafiéri, est d’une large exécution. Il a seulement modifié le costume , en laissant le cou nu, et en attachant le man- teau avec une cordelière dont les glands retombent sur la poitrine, ce qui était d'usage au temps où Corneille écrivait. Il était réservé à un membre de la Compagnie d'offrir à notre compatriote un plus éclatant hommage. Le nom trop oublié d'un artiste aussi recommandable que malheureux doit trouver ici sa place. Parmi les élèves dis- tingués que fit éclore l'École de peinture de Descamps", 1 L'École de peinture fondée par Descamps et dignement conti- nuée par ses successeurs, MM. Descamps fils, Chaumont, Car- pentier , Langlois et Morin, comptait, dès l’an 1765, 300 élèves. Plus d’un artiste habile est sorti de ses rangs. Nous citerons : Peintres , MM. Bellenger , La Vallée-Poussin, Le Barbier, Lemon- nier, Thierce, Leguillon, Descamps fils. Graveurs , MM. Le Mirefrères, Stange, Lefèvre, Leveau, Godefroy. Sculpteurs , M. Jadoulle. Architectes , MM. Couture frères , Malorty, Loyer , Lebrument, le prince de Beaujour, Prêtrel, Barragay, Allais, Vauquelin, Grout , de Sierville. Ingénieurs, MM. Loyer , Bremontier, Bernardin de St-Pierre, Broude, Godefroy, Devaux, Ribard, « Vous avez raison, écrivait, en 1768, M. Cochin à M. Descamps, vouset votre Académie, de vous applaudir d’avoir formé de pareils élèves, et en aussi grand nombre, » Qu'il me soit permis d'ajouter aux uoms déjà cités ceux de MM. De Boisfremont , Court et Brevière. Ce dernier , si connu par la perfection où il a porté la gravure sur bois, dont il a fait un art tout nouveau, est le chef d’une école dont la plupart des élèves, sortis de Rouen, comme lui, sont devenus des maitres. Qui n’a admiré les productions dues au burin spirituel et délicat de MM. Hans, Hébert et Dujardin ? CLASSE DES BELLES-LETTRES. 175 un jeune homme montra pour la sculpture des disposi- tions remarquables ; Jadoulle (Marie-Nicolas), né à Rouen en 1739, souvent couronné par l'Académie, était néces- sairement appelé à entrer dans son sein. Ce sculpteur dont les œuvres se faisaient remarquer par la grâce et la pureté du style, eut la douleur de voir anéantir pendant la Révolution la presque totalité de ses ouvrages. On a cependant conservé le souvenir des belles figures qu'il avait faites pour l’église de Saint-Yon, de son bas-relief à l'église de Saint-Ouen, et de la statue en pied d'Henri IV qui ornait la fontaine du Vieux-Palais. En 1775, il soumit à l’Académie un buste de P. Corneille, destiné au nouveau théâtre de cette ville, et, de plus, il exé- euta, en 1776, trois bas-reliefs encore existants, placés entre les croisées et l’entablement de la façade de cet édifice. Celui du milieu représente P. Corneille; la tête se dé- tache presqu'en entier d’un grand médaillon que deux génies attachent au Temple de Mémoire; une couronne, un sceptre , des armures , des faisceaux et l'aigle romaine, forment de gracieux ornements. On lit sur un bouclier : Jadoulle 1776. Les deux caissons qui accompagnent le premier, représentent la Tragédie et la Comédie sous la forme de deux femmes assises, de grandeur plus que nature, et reconnaissables à leurs attributs. Cet ensemble d'une belle et facile exécution est anté- rieure aux productions de Cafliéri sur le même sujet. Jadoulle à puisé ses inspirations aux bonnes sources, pour ce qui regarde la figure et le costume du poète. 176 ACADÉMIE DE ROUEN. Les trois bas-reliefs qu'on voit à l’église de Sainte- Madeleine! complètent ce qui nous reste de cet artiste. Celui de La Charité, qui couronne la porte d'entrée, est plein de charme et de sentiment. Jadoulle, dont le nom mérite d'être conservé parmi nous, ne cessa d’être pour- suivi par l'infortune. Le besoin le força à chercher un asile à l'hôpital, où il mourut en 1805. Vient ensuite J. J. Cafhiéri, petit-fils de celui qui, en 1660, fut appelé d'Italie par Mazarin, pour travailler en France. Il surpassa son père et son grand-père qui furent ses maîtres. Il se fait remarquer par le goût, l'expression, le fini de ses ouvrages. Le ciseau et le burin cédèrent alors à la même inspiration; Cafliéri et Ficquet se plurent à reproduire les hommes célèbres du grand siècle. En 1785, l'artiste fit hommage à l'Académie des bus- tes de Pierre et de Thomas Corneille, fac-simile de ceux qu'il sculpta pour la Comédie-Française à Paris. Ces bustes enlevés à la Compagnie pendant la Révolution, décorent aujourd'hui le premier étage du péristyle de l'Hôtel de Ville (14). Ce fut, pendant longtemps, les seules images des deux frères que notre autorité municipale possédât ; aussi sont-elles quelque peu endommagées à force d’ovations. Bien étudié, bien modelé ,le buste de Corneille rappelle le portrait de Lebrun plus que le médaillén de Ficquet. C’est absolument la même attitude, ce sont les mêmes traits et le même ajustement. Mieux qu'aucune statue de ce maître, il approche de l'exactitude du modèle. * L'église de Sainte-Madeleine n’est autre que la jolie chapelle de l'hôpital, convertie en paroisse depuis 1802. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 177 La statue en terre cuite du même auteur, placée au Musée, est d'un bel effet ; elle est pleine de vigueur et de mouvement; c’est le premier jet de celle qui lui fut com- mandée par le-roi Louis XVI(15). La pose est noble, les draperies bien jetées; on y reconnaît la manière large mais un peu négligée de l'époque. Jouvenet eût fait ainsi. L'artiste ne visant qu'à l'ensemble, laisse à désirer dans les détails. La figure est vieillie, la tête anguleuse laisse voir des rides et des veines que la tradition ne consa- cra pas; peut-être est-ce à dessein, mais il en résulte moins d'exactitude que dans le buste du même auteur. Un buste placé rue de la Pie par M. Lefoyer, propri- étaire de la maison où naquit et vécut Corneille, signale cette demeure aux Étrangers. Ce souvenir d’un bon citoyen honore son auteur, mais ne peut compter parmi les pro- ductions de l'art. Si je parle de la statue en marbre de Cortot, qui dé- core la grande salle de notre Hôtel-de-Ville, (présent du Ministère en 1822), c'est pour regretter que l’auteur se soit écarté des excellents modèles qui l'avaient précédé. Je n'ai point à me préoccuper de l'ensemble, dont je ne m'é- tablis point juge; mais ce que je puis affirmer, c’est que la ressemblance s'éloigne beaucoup des productions de Fic- quet et de Cafhiéri. On se plait davantage auprès de la statue en bronze placée sur le Pont-Neuf. L'œuvre de David n’est point au- dessous de la réputation de ce grand artiste. La tête du poète est belle, conforme aux traditions de Cafhéri , et suffi- samment étudiée pour une statue qui ne doit être vue que de loin et jugée dans son ensemble. Nous devons nous féliciter que ce monument , le plus capital en ce genre , ait été confié à un homme d’un talent aussi distingué (16). 12 178 ACADÉMIE DE ROUEN. On conserve au Musée d’Antiquités de la ville un médail- lon en cuivre à l’efligie de Corneille, de forme ovale; bien qu'il soit peu remarquable sous le rapport de l'exécution, il n’en offre pas moins la véritable empreinte du poète. S'il n'a point été fait d’après nature, ce que le séjour de Corneille rendait très facile, comme tout porte à croire que le portrait de Lebrun fut rapporté à Rouen vers 1647, il se pourrait bien que cette efligie, qui le rappelle parfaitement, fût sa première révélation. J'ignore dans quel but il fut exécuté, mais ce n'est pas le seul en ce genre qui soit conservé en Normandie. Malgré toute l'habileté qu'a déployée Ficquet, on sait combien il est peu sûr de peindre d’après un graveur, celui-ci se permettant souvent des changements suivant son goût, son but, sa manière de voir; ce qui donne par- fois au sujet une face toute nouvelle. Ce sont autant de traductions en langues différentes, qui s’éloignent plus ou moins du texte. Le burin peut-il toujours tenir compte du ton des chairs, de la teinte de la barbe et des cheveux, et donner cet aspect qui témoigne la vie en faisant circuler le sang? Cela n'appartient qu'au pinceau. Il ne faut donc pas s'étonner si toutes les ressemblances de Corneille diffèrent entre elles et laissent tant à désirer. On retrouve bien quelques traits, quelques parties saillantes, une construction uniforme consacrée depuis l'œuvre de Ficquet ; mais de cette em- preinte, que Lebrun seul a été appelé à saisir sur la nature, il n°y faut point compter. Il en est à comme de ces légen- des accréditées d'âge en âge, où les produits de l'imagina- tion permettent à peine de saisir le fait incontesté qui leur à donné naissance. Vous serez peu surpris maintenant des variations qui CLASSE DES BELLES-LETTRES. 179 ont régné touchant les ressemblances de Corneille. Pen- dant longtemps, on ne posséda que les gravures de Lasne et le portrait de Lebrun; les premières ne pouvaient répon- dre à tout, le portrait seul de Lebrun pouvait faire loi. Nous tacherons d'expliquer pourquoi, pendant 80 ans, il n'en fut pas question. Le dessin de Paillet, sous la date de 1663, vint jeter du trouble dans les ressemblances, et le tableau de Sicre mit le comble à cette confusion. En 1766, Ficquet vint nous révéler une œuvre trop long- temps ignorée; néanmoins cela ne suffisait pas pour ren- dre à la vérité tout son éclat. Je l'ai déjà dit: la gravure la plus parfaite laisse toujours à désirer, ses éléments sont trop simples. Si la toile peut se traduire par le burin, celui-ci ne peut pas, avec le même succès, animer la toile. La gravure est à la peinture ce que la sécheresse de la pointe est à la souplesse du pinceau. C’est là ce qui rendait si regrettable le précieux portrait de Lebrun. Corneille, comme on sait, n'habitait point Paris, lorsqu'il se fit peindre. 1l est à penser qu'il rapporta son image à Rouen, lieu de son séjour. C'est là qu'il écrivait au milieu des charmes de l'intimité d'une vie patriarcale. Sa sœur Marthe, si remarquable par l'affection qu'elle lui portait et par son jugement exquis, était pour lui l'objet d'une prédilection particulière. D’ordinaire, quand on se fait peindre, ce n'est pas pour soi, mais bien pour ceux qui nous portent un véritable attachement. Son fils aîné, capitaine de cavalerie, qui demeura le seul héritier de son nom, dut tenir à conserver un souvenir auquel il avait plus de droits que personne. Lorsqu'on à un père qui à joui d'une grande célébrité, il est naturel qu'un sentiment d'amour-propre vienne se joindre à l'amitié, et 180 ACADÉMIE DE ROUEN. nous fasse souhaiter plus vivement de conserver les traits de celui qui nous lègue un glorieux héritage. Il est incontestable que Corneille ne possédait point son portrait à Paris, lorsqu'il s’y fixa vers 1663 (17); j'en prends pour témoin Paillet, qui fut, à cette époque, obligé de faire un dessin d’après nature, pour fournir motif au graveur. Corneille en avait fait don , et il n'y songeait plus. S'il était dans les mains de son fils, comme tout porte à le croire , quelques raisons s’opposaient à ce qu’il le réclamät. On sait que ce fils se mit en défaveur par son mariage secret avec la fille d’un marchand de Paris ; on s’étonnera peu alors de la demande faite à Sicre en 1683, mais cela sert de preuve irrécusable, que le portrait de Lebrun n’était point alors à la disposition de Pierre ni de Thomas. Il m'a fallu arriver jusqu'à l'an 1730, pour retrouver la trace de ce portrait, dont aucun souvenir depuis 16#7 ne m'a révélé l'existence. C'est vers cette époque que Thomassin en fit la gravure, quoi qu'il soit à croire que déjà il fut, depuis bien des années , revenu aux mains de Thomas ou de Fontenelle; voici à cet égard ce qui me paraît le plus probable. Corneille mourut en 1684, et son fils en 1698; à cette dernière date, l'ouvrage de Perrault avait vu le jour. Corneille fils en mourant ne laissa qu'un enfant en bas-âge, dont Thomas, son grand-oncle, fut le tuteur; c’est proba- blement alors que le portrait revint aux mains de Thomas, et plus tard dans celles de Fontenelle. Celuiéi, admirateur passionné de son oncle, et collabo- rateur de cet excellent Thomas, voulut sans doute réunir sous ses veux l’image des deux frères, qui, pendant toute CLASSE DES BELLES-LETTRES. « 181 leur vie , avaient offert le modèle d’une si constante amitié. Le portrait de Thomas qui accompagne celui de Pierre , fut peint par Jouvenet vers 1700. Les liens d'amitié et de parenté qui existaient entre Fontenelle et Thomas, ne permettent pas de savoir si les portraits furent dans les mains de Fontenelle avant la mort de son oncle, ou s'ils n'y revinrent qu'après ; cela, au fond, importe peu , puisque, soit d’un côté soit de l’autre, ils ne sortirent pas de la famille. Quant à celui de Lebrun, il s'était écoulé plus d’un siècle depuis son origine jusqu'à sa réhabilitation par Ficquet ; pendant le siècle suivant, il est de nouveau tombé dans l'oubli. Qu'était-il devenu depuis Fontenelle ? Avait-il péri par l'effort du temps? Était-il passé à l'étranger avec tant d’autres richesses ? Avait-il disparu au milieu de la tour- mente qui, il y a 60 ans, bouleversa tant d’existences et détruisit tant de nobles demeures? C'est ce qu’on avait lieu de craindre; heureusementil n’en est rien. Ce por- trait existe, Messieurs , ilest sous vos veux ; rien ne me sera plus facile que d'établir sa filiation depuis Fontenelle jusqu'à nous. Ce dernier ne s'étant point marié, et ses deux frères étant entrés dans les ordres, fit un testament par lequel il divisa sa succession en quatre parts, entre madame de Forgeville, cette amie dont il est si souvent question dans ses ouvrages, les deux demoiselles de Marcilly, petites- filles de Thomas, et madame de Montigny chez laquelle il mourut, et qui lui prodigua jusqu'au dernier jour les soins de la plus tendre amitié (18). C'est elle qui recueillit les deux portraits qu'elle obtint de la libéralité de Fonte- nelle, Cette dernière épousa à Portmort près Andely, en 182 ACADÉMIE DE ROUEN. 1743, Nicolas Jubert de Bouville, Maréchal-de-Camp. Cette dame , née en 1723, vécut jusqu'en 1803. Après sa mort, le château et la terre de Portmort furent vendus et les objets mobiliers transportés au château du Plessis , près de Pont-Audemer, chez madame d’Anneville, une des héri- tières de madame de Bouville. En 1842, madame d’An- neville mourut après avoir institué M. le comte d'Osmoy son légataire universel. Si ces preuves ne vous paraissent pas suflisantes, je vous demanderai où l'on doit chercher des portraits de famille si ce n’est dans la famille. Là, on ne se méprend point sur la ressemblance. Sous le rapport de la fidélité, ce témoignage est irrécusable. Quant à l’originalité, des copies plus ou moins heureuses peuvent faire naître des doutes et fortifier la confiance ou l'espoir des amateurs qui les possèdent; mais, outre le mérite de l'exécution, que la comparaison peut aisément faire apprécier, il faut mettre en ligne de compte ce qui est le plus naturel et dans l'usage de tous les temps. Un portrait de famille ne sort point d'ordinaire des mains de ses membres; quand on permet des copies, on a soin de se réserver l'original. Qui prouve, me direz-vous, que Fontenelle avait ce por- trait? Ces choses-là ne sont point de celles dont on jus- tifie par acte notarié et qu'on peut démontrer après un siècle. Mais qui pouvait l'avoir? Du côté de Pierre, un enfant en bas âge dont Thomas était le tuteur; de V'éntié, Fon- tenelle , neveu et ami de Thomas et admirateur passionné de son oncle; je l'ai dit, il le tenait ou de sa mère Marthe, sœur des Corneille, ou plutôt de Thomas qui l'avait re- trouvé dans l'héritage de son pupille. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 183 Suivant cette hypothèse, en quittant Paris en 1707, l'on- cle aurait donné à son neveu les deux portraits comme un précieux souvenir. S'ils eussent fait partie de la suc- cession de Thomas, ils seraient demeurés aux mains d’une de ses filles, soit de madame La Tour du Pin, soit de madame de Marailly ; ils ne seraient pas échus à madame de Montigny qui n'était point parente de Fontenelle , mais qui méritait bien cette faveur par son culte pour le grand homme, et pour le dévouement qu'elle porta au vieillard centenaire dont elle fut la compagne assidue et l'ange tuté- laire jusqu'au dernier jour. N'oublions pas que Thomassin, 25 ans avant la mort de Fontenelle , grava d’après le portrait de Lebrun, ce qui éloigne l'idée qu'il aurait pu être par Thomas porté au château de Portmort avant cette époque. . Quand on pourrait élever quelques doutes relativement à Fontenelle, on n’a jamais contesté qu'après lui madame de Bouville posséda les deux originaux ; ce qui va suivre en fournira la preuve surabondamment. M. Corneille, inspecteur de l'Académie de Rouen, que vous connaissez tous (19), mu par un sentiment que chacun appréciera, avait à cœur de retrouver ce portrait de Lebrun qu'il pensait devoir exister; il apprend qu'on en con- serve un à l'Institut provenant du Louvre , lorsque l'Aca- démie Française y faisait sa demeure. Il se rend à Paris, et trouve dans le cabinet de M. Raynouard, alors secré- taire perpétuel de la Compagnie, ce portrait si désiré. Il le contemple avec bonheur, et, quelques années plus tard, M. Auger étant secrétaire , il y retourne de nouveau, demande la permission de le décrocher pour le voir de 184 ACADÉMIE DE ROUEN. plus près. En le retournant , il lit sur la traverse du chassis, écrite à la main, l'inscription suivante: PIERRE CORNEILLE. CE PORTRAIT À ÉTÉ COPIÉ D'APRÈS L'ORIGINAL PEINT PAR CHARLES LEBRUN, LEQUEL EST À LA COMTESSE DE BOUVILLE À QUI IL APPARTIENT , ÉTANT EN SON CHATEAU DE PORTMORT , EN NOR- MANDIE. Désenchanté par cette découverte, M. Corneille se dirige vers le château de Portmort, et demande à voir le pré- cieux original ; vain espoir ; la propriété a changé de maître depuis 20 ans, et la succession de madame de Bouville , divisée entre plusieurs collatéraux, laissait dans une grande incertitude. Seulement, il apprit que beaucoup d'objets mobiliers avaient été transportés au château du Plessis, près de Pont-Audemer. Madame d'Anneville vivait fort retirée dans cette char- mante retraite, pleine de nobles et doux souvenirs ; là, elle aimait à oublier les orages qui avaient agité sa vie. Bien peu connaissaient la valeur des richesses qu'elle avait re- cueillies du château de Portmort ; aussi, pendant longues années , il ne fut plus question ni de Pierre ni de Thomas Corneille. Cette dame étant décédée en 1842, lorsque sa suc- cession fut réglée, on trouva en 1844, dans le château où ils séjournaient depuis #1 ans (20), deux portraits désignés comme étant ceux de Pierre et de Thomas Cor- neille. Une simple indication ne suflisait pas pour cons- tater leur originalité ; aussi les avis furent loin d'être una- nimes. De plus, les mutations nombreuses survenues CLASSE DES BELLES-LETTRES. 185 depuis #0 ans, jetaient un grand trouble dans la généa- logie, madame de Bouville étant décédée fort âgée, après avoir perdu son fils qui mourut sans laisser d'enfants. Madame d’Anneville était une parente éloignée , qui , elle- même, avait testé en faveur de M. le comte d'Osmoy, parent de cette dame à un degré éloigné aussi. Ce fut alors que, frappé du mérite de ces deux portraits, je recueillis en silence les preuves de leur authenticité. Ce n’est pas sans bien des démarches et sans de longues recherches, que je suis arrivé à l'évidence et à la simplicité de faits que je viens de présenter. J'avouerai ici que, parvenu au terme de mes re- cherches, j'aurais bien souhaité posséder un portrait qui devenait précieux à tant de titres; mes offres ne furent point acceptées, mais l'obligeance de son heu- reux possesseur n'eut point de bornes, et me mit à même de faire exécuter, par un artiste distingué, des copies qui réunissent toute la perfection désirable (21). M. le comte d'Osmoy est trop bon appréciateur des belles choses, et trop jaloux de la gloire de son pays, pour se dessaisir jamais de ce qu'il regarde presque comme un titre de famille. Il pense que son château ne tire pas moins d'honneur de l'image des deux frères, que des visites qu'il reçut jadis du roi Jacques IF, pendant son exil. Corneille et son frère resteront confiés à sa garde, au sein de cette Normandie qui s’énorgueillit de leur avoir donné le jour, et qui fut pour eux la souree et l'objet de leurs plus chères affections. J'espère, Messieurs, que vous ne douterez plus de l'au- thenticité des originaux qui sont sous vos veux, et que 186 ACADÉMIE DE ROUEN. vous n'hésiterez point à classer parmi les copies ou les invraisemblances , ce que vous rencontrerez ailleurs. Le portrait de l'Institut se voit actuellement dans la Salle des Académiciens, au musée de Versailles. Si l'Académie se contentait d'une reproduction, per- sonne ne pensera que le Théâtre-Français ait été plus heureux ; il possède les deux bustes de Cafliéri, et des copies des portraits de Pierre et Thomas Corneille (22). Longtemps il voua son culte aux faux Dieux; Sicre et compagnie y régnaient sans partage; mais le buste de Pierre lui ayant dessillé les yeux , l’habile artiste qui s'était inspiré des originaux appartenant à madame de Bouville, fit présent de deux copies qui n'étaient point mensongères. Heureux s’il se fut adressé à un peintre plus digne de la tâche qui lui était confiée ! Marchands toujours si bien approvisionnés, amateurs qui vous flattez tous de posséder dans vos collections des portraits originaux de Pierre Corneille, ne jetez pas les yeux sur cet écrit, si vous tenez à conserver les douces illusions qui font votre bonheur ! Maintenant je demanderai si beaucoup d’entre vous se fesaient une idée exacte de la figure de notre compatriote, et si les artistes qui ont tenté de le reproduire, l'ont fait avec fidélité. Pourquoi, me direz-vous, attacher tant d'importance à une forme qui ne devait durer qu’un jour? Le poète ne revit-il pas dans ses œuvres, pur reflet de son ame? A cela je répondrai : L'art qui reproduit, est aussi une œuvre du génie. Renversez les statues, déchirez les toiles, les CLASSE DES BELLES-LETTRES. 187 Barbares en usaient ainsi. Pour nous , nous serons toujours avides de contempler les traits des grands hommes, et d’entourer d'hommages leur enveloppe passagère, parce qu'elle fut comme une humble demeure , un jour favo- risée d’une émanation de la Divinité. Pensant que pour constater une aussi précieuse authen- ticité, rien n'était à négliger, j'ai d’abord examiné le ta- bleau dans sa forme et ses dimensions. Il a 0, 52, sur 0, 65 ; il est peint sur une toile du temps qui a nécessité le ren- toilage sur un chassis à clef. Cette opération date de l'é- poque où Cafliéri exécuta les bustes. Derrière la toile, on lit, sur une bande de papier , en caractères d'imprimerie fortbien tracés à la plume, l'inserip- tion suivante : Pierre CORNEILLE , NÉ À ROUEN EN 1606, mort 4 Paris EN 108%, PRINT PAR CHARLES LEBRUN. Je sais généralement le peu de cas qu'on doit faire des étiquettes ; il en est cependant qui peuvent fournir d’utiles renseignements. Nous verrons que celle-ci est des plus importantes. La teinte du papier , conforme à celle de la toile , atteste que cette inscription remonte à l’époque du rentoilage. Cette admirable peinture est étonnante de pureté et de conservation , rien ne prouve mieux qu'elle fut toujours dans des mains qui lui vouèrent un culte assidu. Une sœur ou un fils nous sont révélés par ce seul fait, comme les premiers possesseurs. La figure est exempte de toute altération. On n'y voit ni brisures ni retouches ; on croirait qu'elle sort des mains du peintre, si deux siècles ne lui 188 ACADÉMIE DE ROUEN. avaient donné cette teinte légèrement rembrunie qui est la consécration du temps. J'ai dû ensuite comparer la vignette de Ficquet avec le tableau, et vérifier si c'était bien le même modèle. Il est hors de doute que le graveur a copié d’après Lebrun ; lui même il l’atteste. Je pense avoir démontré que le por- trait dont je m'occupe est bien l'original (23); voyons s'ils se ressemblent. La pose , les traits, le regard , les plis des vêtements sont fidèlement rendus ; les moindres détails sont étudiés avec le plus grand soin. Ainsi, ce léger épi au sourcil droit, signalé par Michel Lasne et par Thomassin , n’a point été omis, mais l’ensemble diffère très notablement, soit par l'infidélité du dessin , soit par les étroites proportions de la vignette. Ainsi, dans la gravure, le front est plus fortement modelé ; les plis du visage plus prononcés, le nez plus ré- gulier, presque aquilin , la bouche plus large et plus sèche. Il en résulte qu'indépendamment de la douceur et du charme de l'original dont elle s'éloigne beaucoup, la vi- gnette représente Corneille à soixante ans, quand le por- trait n’en accuse pas plus de quarante. Qu'on me pardonne cette expression qui ne diminue en rien mon admiration pour le talent de Ficquet : depuis que j'ai sous les yeux l'original de Lebrun , son Corneille gravé me fait l'effet d’un tuteur de comédie, tant il s'éloigne de l'aménité et de la juvénilité du modèle. Comme peinture, l'œuvre de Lebrun se fait plutôt remarquer par la finesse des tons , que par la vigueur de l'exécution ; ce n’est point le brillant de Philippe-de-Champagne, le relief et le luxe de Claude Lefèvre ou de Rigaud. Cela ne ressemble en rien au riche portrait de Thomas , par Jouvenet. Je crois même que la fougue et la verve de cet artiste eussent été moins appro- priées au caractère grave et réfléchi du poète , que la mé- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 189 thode sage , et, parfois, un peu froide de Lebrun. On a lieu de s'étonner comment cet artiste, homme d'imagination, qui ne se trouvait à l'aise que sur de grandes toiles, put s’astreindre aussi minutieusement aux rigueurs du modèle. On sent qu'il a mis là toutes ses complaisances. Si le por- trait saisit peu au premier coup-d’œil, plus on l'examine, plus on aime à le voir. Sa touche, large, simple et facile, ne laisse aucun doute sur une peinture originale. L’expres- sion en est douce et calme , les traits bien prononcés, le teint pâle , la bouche belle, pleine de distinction, les yeux pénétrants ; le nez droit, un peu renflé à son extrémité, le front haut, dégarni de cheveux qui flottent abondants sur les épaules. Une calotte sur la tête , la chevelure ainsi que les sourcils, les moustaches et la mouche d’un chatain clair ; ce sont bien les mêmes traits que dans la gravure, mais ce n'est plus le même ensemble ; c'est au point que voyant l'un et l’autre à distance , je doutai d’abord que ce fut le même personnage. Ce qui charme dans le portrait, c'est le calme, la dou- ceur et l'intelligence traduits par de beaux traits sans trop de vulgarité. « Corneille , dit Fontenelle , était grand, assez plein, l'air « fort commun, toujours négligé et peu curieux de son «extérieur. Il avait un visage agréable, un grand nez, « la bouche belle, les yeux pleins de feu , la physionomie « vive , les traits fort marqués et propres à être transmis « à la postérité dans une médaille ou dans un buste. » On peut, d’après cet ensemble, reconnaitre cet homme qui se trouvait mal à l'aise parmi les grands , où il rencontrait si peu de héros à la hauteur de son ame; dont on disait : qu'il n'avait point de monde, et n'était bon qu'à lire (2%). On doit peu s'étonner qu'à la Cour, lorsqu'il cessa de 190 ACADÉMIE DE ROUEN. vivre, on dit, pour toute oraison funèbre : le bon homme Corneille est mort...…, Oui, ilest mort le bon homme, mais pour aller à l'Immortalité !.…. La ville de Rouen, par son admiration, n’a jamais cessé d'être digne d'avoir été le berceau du grand poète (25). Nos places , nos rues, nos maisons , offrent son image à chaque pas. Le bronze, la terre, le marbre et la toile le reproduisent à l'envi. Sa fête et le jour de sa naissance ont chaque année leur solennité. Les enfants savent son nom. C’est le plus noble citoyen de la vieille Cité. Sept villes de la Grèce se disputaient l'honneur d'avoir donné naissance à Homère ; Corneille est pour nous ce qu'Homère fut pour elles. Ne craignons point de trop mul- tiplier nos hommages, car nous n’aurons jamais fait assez. S'il est partout connu et admiré, nul part son culte n'a été plus fervent que dans notre Académie. Il préside à nos séances, il est l'ame de nos réunions, le lien de notre confraternité; il nous protège de son égide et nous om- brage des rayons de sa gloire. Nos plus beaux jours sont ceux où l’on vient nous parler de ses OEuvres, ou nous révéler quelques particularités de sa vie. La Compagnie, à peine constituée , proposa son éloge quarante ans avant l'Académie Française (26), et depuis, que n’avons-nous pas fait pour pouvoir chaque jour contempler ses traits. Félicitons-nous de trouver l’occasion de contenter nos vœux ! Que l'Étranger ne nous reproche plus de douter de la ressemblance d'un de nos plus grands hommes! Sa fidèle image, trop longtemps méconnue , ornera le lieu de nos séances, et nous pourrons, en la montrant avec orgueil, dire à notre tour ; Rien ne manque à sa gloire, Il manquait à la nôtre. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 191 NOTES. NCIS Il n'existe, au Musée de Rouen, qu'un tableau de chevalet relatif à Pierre Corneille ; il est de Desoria, et ne remonte pas à plus de 60 ans. Le poète est représenté dans son cabmet d'étude, per une soirée d'hiver. Lafontaine s'est endormi au coin du feu; madame Corneille sort au moment où arrive le père Delarue, grand ami de la maison. Cette peinture, dont les détails sont agréables, ne se recommande point par la ressemblance de Corneille, dont l’auteur s’est fort éloigné. Le plafond de la salle du Théâtre des Arts, peint par Lemoine, représente l'apothéose de Corneille. Cette vaste composition ne manque ni de grâce ni d'effet; elle représente Corneille d'après Ficquet. Je ne pense pas néanmoins que ces deux productions puissent compter sous le rapport de l’art et de la ressemblance. N° ©. Le sujet choisi par M. Court, est Corneille accueilli sur la scène par le grand Condé, après une représentation de Cinna. Ce tableau, d'une grande dimension, est d’une fort belle exécu- tion, et renferme une foule d'épisodes et d'accessoires remar- quables. Le peintre a su y faire entrer les principaux personnages de l’époque, et les faire valoir de tout le charme et la vigueur de son pinceau. C'est une de ses plus belles productions. 192 ACADÉMIE DE ROUEN. N° 3. Cette gravure est précieuse par les lumiéres qu’elle nous donne sur les altérations que les progrès de l’âge avaient amené dans la figure du poète. Nous retrouvons les mêmes plis du visage que dans le portrait de Lebrun, mais plus prononcés; la barbe plus rare laisse voir la forme du menton; la bouche offre aussi de notables change- ments. La perruque qui supplée aux cheveux, ne permet plus de saisir le développement du front, et contribue encore à donner à l’ensemble un aspect tout particulier. Le dessin cependant est loin d’être fidèle; tant il est vrai que rien n'est plus difficile que d'obtenir, même des plus habiles artistes, un trait de tout point exact. Les parties immuables sont d'autant plus à conserver, que ce sont elles qui justifient du type primitif; elles n’ont pas toutes été respectées. Ainsi la projection du nez ne change point avec les années. De droit, lenez ne peut devenir aquilin. Quand la barbe s’éclaircit, quand les cheveux tombent, les sourcils ne peuvent être plus épais. Tels sont les reproches que nous adressons à Vallet, dont l’œuvre est d’ailleurs remarquable; j'ai mis tout mes soins à reproduire ici dans toute sa pureté, le trait de sa gravure. Cars donna, il y a 80 ans, une jolie vignette d’après Vallet, mais voulant perfectionner son modèle , il s’éloigna tellement de sa simplicité, qu'il fit à Corneille une figure aussi disgracieuse qu'inintelligente ; il n'existe plus de rapprochement possible entre lui et Ficquet. La vérité est une, mais l'erreur se multiplie à l'infini. Ce qu'il y a de plus étonnant , c’est que Cars devait connaître les gravures de Michel Lasne et de Ficquet, qui l'avaient pré- cédé ; c'est qu'il était lié avec Caffieri qui le réclamait souvent, et le proclamait le plus habile graveur de son époque. M. Baratte, dans sa charmante publication sur les poètes nor- mands, a donné, gravée par Dewritz, une reproduction de l'œuvre CLASSE DES BELLES-LETTRES. 193 de Cars. Il est à regretter que cet ouvrage, qui date de 1846, n'ait point paru un peu plus tard; l’auteur eût pu s'enrichir d’une ressemblance exempte de reproche. Ficquet, ce me semble , était à préférer, car Ficquet est vrai dans beaucoup de points. Existe-t-il des portraits peints d’après la gravure de Vallet ? j'en serais peu surpris, tant on rencontre dans les cabinets d’é- tranges et inconcevables figures sous le nom du grand homme. On serait tenté de dire en les voyant : toute figure est celle de Corneille, excepté celle donnée par Lebrun. N° &. Pierre Corneille , non plus que son frère , ne porta jamais la grosse perruque ; le premier, peu curieux de son costume, se contenta de ses cheveux et d'une calotte, tant qu'il vécut à Rouen. En 1665, Vallet nous le représente ainsi ; il est peu cro- yable qu’il ait changé ses habitudes pendant son séjour à Paris. Il peut se faire qu'il l'ait mise quelquefois pour se présenter à la Cour, mais on peut affirmer que jamais elle ne fit partie de son Costume. A cette époque, il fallait être Jouvenet pour oser peindre un homme célèbre sans la coiffure officielle, Ce n'est qu’en voyant ce portrait, donné par Sicre, qu'on peut se faire une juste idée de la lourde et insignifiante figure que le peintre a donnée au père de la Tragédie ; on voit bien qu'il a cher- ché à réparer les outrages du temps. La forme du nez, la verrue à la joue, Le mentou bifurqué , et quelques plis au front signalés par Vallet, attestent qu'il étudia la figure de Corneille ; ne pouvant se conformer à la vérité, il a donné dans d'étranges écarts. C'est sans doute en songeant à Thomas qu’il fit les yeux de couleur jaune, car les yeux de Pierre étaient de la couleur de ses che- veux. Je suis porté à croire que M. Sicre était un jeune artiste qui n'avait pas été à même de connaitre Corncille bien des années avant que d’être appelé à le peindre, 13 19% ACADÉMIE DE ROUEN. N° 5. Le père de Corneille fut anobli par Louis XIIT, en 1637. Ses armes étaient d’azur à la fasce d’or, chargée de trois têtes de Lion, de gueule, et accompagnées de trois étoiles d'argent, posées deux en chef et une en pointe. Les deux frères furent toujours fort sensibles à cette distine- tion ; Pierre avait le titre d’écuyer , sieur de Danville, et Thomas aimait à être appelé sieur de Lisle. Combien cependant pälissait la noblesse en vertu d’une Charte royale, auprès de celle conquise par le génie du poète! La pre- miére a disparu, la seconde subsistera toujours; autre temps autres mœurs. Alors cela pouvait avoir son mérite et son utilité. Pierre Corneille avait fait recevoir son fils gentilhomme de la Chambre ; sa mésalliance avec mademoiselle Cauchois , fille d’un marchand de Paris, fut cause de la mésintelligence qui régna entre le pére et le fils. N° 6. La copie dont il est ici question, porte derrière la toile : PIERRE CORNEILLE , COPIÉ D'APRÈS CHARLES LEBRUN, MON BYSAÏEUL. J.-B. LesruN , F. 4806, DU RÈGNE DE L'EMPEREUR NAPOLÉON LE GRAND. Ce M. Lebrun passait pour un grand connaisseur en tableaux. Il fut chargé par Napoléon de faire des acquisitions pour le Musée. Je crois qu’il fut le mari de madame Lebrun, si connue par ses beaux portraits. Marchand de tableaux à Paris, le curieux portrait de Sicre était dans ses mains en 1806. IL orne sans doute le cabinet de quelque curieux, et certes il est à conserver. M. Lebrun est auteur de la Galerie des Peintres Flamands, Hollandais et Allemands, en 3 volumes in-folio, avec 201 planches. Il a publié aussi quelques opuscules sur la peinture. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 195 Ni: Si l'on ne veut point admettre intention de la part de Perrault, il est possible que Bégon, grand collecteur de portraits, qui lui en a fourni un grand nombre, ait donné, par l'entremise de Lubin, une variante du portrait de Sicre, fort accrédité à cette époque. Alors on y regardait de beaucoup moins près que de nos jours, et Bégon qui n’habitait point Paris, pouvait n’avoir jamais vu Corneille, et être tout-à-fait dans la bonne foi, Sur des faits de cette nature, chacun est libre d'adopter l'explication qui lui convient; cela ne change rien à la chose. N° 8. Cette erreur a encore été admise par M. Taschereau , dans sa vie de Corneille, publiée en 1829. Il s'exprime ainsi, p. 305. « Par une singulière confusion, Charles Perrault, ou plutôt J. « Lubin, a, dans sa Galerie des hommes illustres, donné le « portrait de Thomas Corneille pour celui de Pierre. Cette erreur « a été reproduite par beaucoup de graveurs. Ficquet n'y est « point tombé pour son joli portrait de notre tragique. » N°79; Thomas Corneille fut, dans sa jeunesse, peint par Mignard. Il ne m'a point été donné de voir ce portrait, qui sans doute est conservé dans quelque collection. IL représente Thomas à 50 ans. Il est connu par la gravure de Thomassin , en 1700. Le même le reproduisit encore en 1708 , en le vieillissant. Debois, Des- rochers, Dupin, Delalave, Bernard Picard, Roger, Pourvoyeur , Bretonnier, Touquet , Delvaux, Landon , Ch. Dewrits, ont gravé d’après Mignard; St-Aubin et Revel ont gravé le profil de son buste. Dévéria l’a peint en pied, mais peu ressemblant. Toutes ces œuvres ne sont pas également recommandables, elles offrent de nombreuses variantes, comme on le peut croire 196 ACADÉMIE DE ROUEN. Néanmoins le portrait de Mignard fut tellement effacé par celui de Jouvenet, que ce dernier a prévalu, grâces à Caffiéri, qui l’adopta pour l'exécution de son buste. N° 10. il n'existe point, pour le portrait de Thomas, les mêmes incertitudes que pour celui de Pierre; quoiqu’on n'ait jamais hésité sur sa ressemblance, on est surpris des portraits faux et singuliers qu’on rencontre sous le nom de cet homme célèbre. L'œuvre si remarquable de Jouvenet a fini par faire autorité, et la plupart des copies ressemblent assez pour qu'on ne s’y puisse méprendre , tant cette figure , dont les traits sont forte- ment prononcés, prête à l'imitation. Je pense faire plaisir aux amateurs en donnant la description de cette toile, comme je l'ai fait pour celle de Lebrun; cela plus tard peut avoir son utilité. Thomas Corneille est représenté à 75 ans environ. La toile a 0 65 sur 0 75, ayant été agrandie de quelques centimètres et rentoilée sur un chassis à clef; sa conservation est parfaite. On lit sur une bandelette de papier collée sur le chassis, en très beaux caractères d'écriture batarde : 7'homas Corneille, né à Rouen, en 1625, mort à Andely le 8 décembre 1709, dgé de 84 ans, peint par J. Jouvenet. Presque vu de face, vêtu d'un riche manteau à ornements couleur d’or sur un fond lilas, cravatte blanche retombant en forme de jabot. La tête, d’un beau caractère, indique beaucoup de bonhomie mélée d'intelligence. Le front est large, les sour- cils épais, le teint légèrement fleuri, le nez aquilin, la bouche légèrement entr’ouverte, le menton bifurqué, une verrue au bas de la joue droite. Une magnifique chevelure blanche tombe abondamment sur les épaules, sans frisure aucune. Les yeux, de couleur fauve, ont les pupilles fort dilatées, ce qui fait présa- ger la cécité, si déjà elle n'existait. On ne retrouve là aucune ressemblance avec le portrait de Sicre , si ce n’est la couleur des yeux. La touche ferme et hardie rend bien difficile toute espèce d'imitation; c’est la manière de Ribera dans plusieurs de ses CLASSE DES BELLES-LETTRES. 197 œuvres. Aussi tous ceux qui ont tenté de saisir cette ressemblance, renonçant à aborder cette manière heurtée , si propre à produire des effets et à rendre avec tant de vérité les dégradations d'un âge très avancé, ont pris le parti de peindre lisse et tout uni, ce qui, en rajeunissant de beaucoup le modèle, ne donne au- cune idée de l'original. Ce remarquable portrait a été gravé par B. Picart, Duflos, Dequevauvilliers, et par un autre dont je n'ai pu trouver le nom, l'épreuve, que j'ai consultée, étant avant toute lettre. Je regrette de ne pouvoir le citer, à cause de sa bonne exécution. NRA La gravure de Thomassin parut vers 1750. Alors le por- trait était aux mains de Fontenelle; il fallait que l'erreur fut encore bien complète, puisque 10 ans après, Dupin grava une variante du portrait de Sicre. L'œuvre de Thomassin manque de détails, et, sous ce rapport, laisse beaucoup à désirer ; mais l'effet général est assez satisfaisant. Il est tombé dans un excès opposé à Ficquet, en donnant à Corneille moins d’âge qu’il n’a dans le portrait de Lebrun. No: Les reproductions d’après Ficquet et Thomassin sont extré- mement nombreuses; elles se sont surtout multipliées depuis 30 ans, pour servir d'ornement aux nouvelles éditions des œuvres de Pierre Corneille. Je citerai par ordre alphabétique les graveurs suivants: Adam, Bretonnier, Burel, Bonneville, Chapnian, Couche fils, Delvaux, Duflos , Dequevauvilliers, Dewrits, Droyer, Elvaury, Ethiou, Ferdinand, Frilon, Gaucher, Goulu, Gouttière, Hardiviller, Ingoulf, Jamont, Macret, Meurillon , Masne, Simonet , Schoflier, Soliman, Taurel. Je citerai en dernier lieu, comme toute récente, lajolie publication du Plutarque Français, qui, dans sa série de portraits enluminés, et certainement fort agréables aux jeunes demoiselles, n'a point omis Pierre Corneille. Ces imitations dont 198 ACADÉMIE DE ROUEN. quelques-unes se recommandent par leur bonne exécution, s'e- cartent souvent beaucoup aussi de Ficquet, qui déjà laissait à désirer. Chez plusieurs, les égarements dépassent toutes les limites ; tous n’ont pas éte fidèles au costume, à la pose ainsi qu'aux or- nements, parfois modifiés sans trop de désavantage. Les Anglais ont aussi reproduit d’après le même modèle; je cite- rai parmi eux, Birrel, Fonfell, S. Wedgwood, Hopwood, Valkep et Seriven; plusieurs de ces ouvrages sont remarquables par la finesse de leur exécution. Je citerai surtout celui de Scriven, publié à Londres en 1824, qui, de tout ce qui a été fait en ce genre, s'approche le plus du sentiment de Lebrun, bien plus que Ficquet même. Ceci est d'autant plus remarquable, que l'artiste ne peut avoir eu connaissance du portrait original alors oublié au château du Plessis. Peut-être a-t il été à même de consulter une bonne copie, celle de l’Institut probablement, car il indique qu'il a gravé d’après un tableau de Lebrun, nous savons que cette copie passa plus d'une fois pour être l'original. Il existe aussi des gravures d’après des portraits en pied de Pierre Corneille par des artistes modernes. Ainsi, Geille grava d’après Rogier, L'Estudier d’après Meissonier, Trichon d’après Valtier, Lévy d’après Gigoux; ces œuvres, dont l’idée est puisée dans Ficquet ou Thomassin, s’éloignent de la vérité plus encore que les vignettes. Je dois cependant mentionner à part la gra- vure de Bouchot d'après Charon, où Corneille est représenté à son bureau, composant Rodogune; cette production m'a paru remarquable. La lithographie a aussi, dans ces derniers temps, voulu payer son tribut à la ressemblance de Corneille; il y en à sans doute un grand nombre. Il ne m'a été donné de consulter que celles de Sandré, Noël, Delpech, et Le profil par Marc-Aurèle. Parmi les statues, ont été gravées celles de Caffieri ainsi que ses bustes, et la statue en bronze de David. Je ne devrais point mentionner ici les gravures d'après les sculptures de Cortot et Laîtié, ces auteurs ne pouvant figurer parmi ceux qui se sont inspirés du Corneille de Lebrun. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 199 La gravure de Ficquet, publiée il y a près d'un siècle, est depuis longtemps épuisée ; malgré sa perfection comme art, nous ayons dû signaler ses défauts comme ressemblance. D'ailleurs, un aussi petit format ne convient plus aux goûts et aux besoins de notre époque. Il est à souhaiter qu'un de nos habiles graveurs s'empare de la découverte que nous avons faite, et nous donne un portrait digne de ceux de Raphaël, de Michel-Ange, du Titien et Wandick. C’est un vœu que forment les amis des arts et de la littérature. Espérons qu'il se réalisera hientôt. Lg La Je ne sais si je dois compter au nombre des statues élevées à Pierre Corneille, celle qui se voit dans le Parnasse Français, à cause de sa petite dimension , et la réunion nombreuse d'hommes célèbres qu'on y a rassemblés, Ce travail dû aux soins de M. Titon du Tillet, fut exécuté par Garnier en 1718. J. Audran en a fait une gravure, et M. du Tillet en a donné une description en un volume in-folio, orné de figures. Cette date de 1718 est remarquable; c’est, comme statuaire , la première fois que Corneille est ainsi représenté , mais on y cher- cherait en vain des traces de sa ressemblance. Vêtu d’une cotte de mailles à la romaine , il tient une couronne d’une main, et, de l’autre, un rouleau sur lequel on lit: Ze Cid et Cinna ; un man- teau qui ceint les reins, se relève sur le bras droit. Il est sans barbe , avec un nez grec et une flamme sur la tête, les cheveux flottants sur les épaules ; on ne saurait vraiment où M. du Tillet puisa ses inspirations , si l'ouvrage publié en 1760 ne renfer- mait la gravure d’une médaille avec cette inscription : ROME N'esr PLUS DANS ROME , ELLE EST TOUT OÙ JE SUIS. On ignore peut-être que le Parnasse Français qui se voit à la Bibliothèque royale à Paris, est un faible aperçu du monument que M. Titon du Tillet avait à cœur d'élever aux gloires de la France. Boileau qui vivait encore lorsqu'il conçut son projet, l’approuva et l’aida de ses conseils. Apollon, sous les traits de Louis XIV, devait couronner le monument; trois des plus illustres dames françaises devaient y oceuper la place des Grâces, et neuf 200 ACADÉMIE DE ROUEN. de nos poètes les plus distingués , celles des Muses. Dans un rang inférieur , des médaillons eussent présenté des hommes célèbres dans un genre moins élevé. Enfin, des Génies tenant des rouleaux ouverts, eussent présenté à Apollon le titre des ouvrages moins importants, mais dignes cependant de souvenir. Les figures toutes de marbre, en pied , devaient avoir 40 à 12 pieds de haut, les médaillons 3 pieds de diamètre , la montagne une hauteur proportionnée. On estimait à deux millions la dépense de ce monument. N'ayant pu obtenir les fonds nécessaires pour cela, M. du Tillet exécuta à ses frais le Parnasse en bronze, et y plaça Boileau qui avait terminé sa carrière. 1l était digne à tous égards de figurer au milieu de cette illustre compagnie. N° 14. Les bustes de Caffieri que possède le Théâtre Français, jouissent d’une juste célébrité ; c’est bien ce que l’on connait de plus parfait en ce genre. Le sculpteur exécuta en 1777 celui de Pierre ; avant cette époque , il ne connaissait point le portrait de Lebrun; il crut pouvoir se servir des anciennes copies qui étaient à la Comédie Française. Les ayant reconnues fausses, il s’adressa à madame de Bouville, qui lui confia les originaux d'après lesquels il exécuta les bustes. Il est à remarquer que la vignette de Ficquet avait paru douze ans auparavant. Si le buste de Pierre Corneille est beau d'exécution , on y sou- haiterait plus d’aménité et de distinction. Le poëte parait plus agé, et la bouche est tout-à-fait dépourvue de charmes. Le Musée de Versailles offre aussi une copie du buste de Caffieri, où les imperfections signalées sont plus sensibles encore. Caffieri obtint pour sou travail ses entrées à perpétuité ; l'année suivante , il offrit de faire le buste de Rotrou aux mêmes condi- tions, en faveur d’un de ses amis qu'il désirait obliger. On pour- rait croire qu'il comptait peu sur sa santé, puisqu'il offrit de faire un acte par lequel, si la mort venait à le surprendre, le buste serait terminé à ses frais par l'artiste le plus éminent de l’é- poque; il donne aussi toute garantie sur sa solvabilité. La CLASSE DES BELLES-LETTRES. 201 réponse se fit un peu attendre; en 1782, il proposa les bustes de Thomas Corneille et de La Chaussée, demandant les entrées pour un ami et son épouse. Il y a lieu de croire que ses offres furent acceptées, puisqu'en 4785, Thomas parut en terre cuite à l'exposition, où il reparut de nouveau en marbre en 1785. L’exécution de ce buste ne le cède en rien à celle de Pierre, seulement le sculpteur a de beaucoup rajeuni son modèle. Je ne puis, dans cette revue, passer sous silence la jolie sta- tuette en bronze de M. Mélingue, qui orne la salle du comité. N° 15 Le buste de Cafliéri qui réhabilitait si glorieusement l'image de Corneille, produisit une telle sensation, que le Roi Louis XVI, en 1778, fit demander à l’auteur une statue en pied du figura en marbre à l'exposition suivante de 1779. Si des pièces justificatives n’établissaient pas la vérité de ce fait, il passerait pour incroyable. La statue de Corneille est peut être le chef- d'œuvre de Caffieri, tant elle est noble et pure. On n’y remarque point les imperfections que j'ai signalées dans le modéle en terre cuite que possède la ville de Rouen. Accordée à l'Institut, elle se voit dans le salon de l'Empereur. Cette pièce, située à l'extrémité du vestibule qui conduit à la salle des séances publiques, ne compte que cinq personnages. Mais quelle réunion! Napoléon , Corneille, Molière, Racine et Lafontaine. Napoléon debout, comme prêt au combat, revêtu des orne- ments de l'empire , le sceptre en main, semble tenir conseil au milieu de ses ministres assis. Je l'avouerai; en contemplant cette réunion, je n'ai pu que rappeler ce mot du captif de Sainte-Hélène : si Corneille eut vecu de mon temps, je l'aurais fait prince. Ce vœu semble réalisé. On voit encore à l'Institut, dans la salle des séances ordinaires, une statue de P, Corneille, de Laitié; elle est fort belle aussi, mais dans une attitude dramatique qui ote au personnage toute vérité, et, à sa figure , toute ressemblance. Baron l'acteur eut 202 ACADÉMIE DE ROUEN. été parfait, représenté de la sorte. Je doute que Corneille ait jamais posé ainsi, même au plus fort de ses inspirations. L'Académie française n’a point été infidèle à la mémoire d’un des plus beaux génies dont la France s'honore. La statue de Corneille, élevée derrière le fauteuil du président, semble être l’âme de la Compagnie. Vis-à-vis, se voit la statue de Molière, d’une très belle facture. J'ai cherché en vain l'inscription ancienne qui était si heureuse. On sait que , de son vivant , Molière n’eut point l'honneur de faire partie de l’Académie. C'est sans doute faute d’attention que je n’ai point apercu, dans la salle des séances , les bustes de Fontenelle et de Thomas Corneille. Outre une copie des bustes de CafBieri , le Musée de Versailles possède une fidèle copie ou répétition du Corneille de Laitié. N° 10. La statue en bronze que possède la ville de Rouen, est due aux soins de la société d'Émulation. Une souscription fut ouverte, une noble ardeur s’empara des grands et des petits. Chacun voulut contribuer à cette œuvre de patriotisme, et bientôt on arriva à la somme suffisante. En 1834, le monument fut élevé au milieu du Pont-Neuf, absolument dans la même situation qu'Henri IV à Paris, sauf le point de vue que Paris pourrait nous envier. Ne,17- Les registres de la paroisse Saint-Sauveur, conservés aux archives de la préfecture de Rouen, justifient que Corneille sé- journa à Rouen jusqu’en 1663; sa signature, régulièrement ap- posée aux comptes de la paroisse dont il était marguiller, le prouve surabondamment. N° 18. Fontenelle, dans les premières années de son séjour à Paris, demeura chez son oncle Thomas, puis chez M. Le Haguais, avocat-général de la Cour des Aides; de là, il fut au Palais Royal CLASSE DES BELLES-LETTRES. 203 où le régent lui avait accordé un logement; il fut ensuite 20 ans chez M. Richer d'Aube , son neveu à la mode de Bretagne. Après la mort de ce dernier, il vécut chez madame de Montigny, depuis madame de Bouville, qui remplaça son frère près de leur ami commun. L'opinion que Fontenelle posséda le portrait de Pierre Cor- neille, se trouve fortifiée de l’autorité de M. Guilbert qui dit dans ses mémoires biographiques, Æouen 1812, page 244. « Un des plus célèbres peintres de l’école Française, M. Lebrun, nous a conservé les traits du père du théatre. Le portrait de ce grand homme était passé, après la mort de Fontenelle, dans les mains de madame la comtesse de Bouville, et c'est d’après ce portrait original que Caffieri fit en terre cuite la statue en pied de Pierre Corneille, qu'on voit au Musée des monuments antiques.» N°19: Le chef de la famille des descendants du grand homme, est actuellement mademoiselle Corneille, qui fut élevée par M. de Malsherhes. J'ai éprouvé d'autant plus de satisfaction à lui pré- senter mes respectueux hommages dans sa modeste habitation rue de Vaugirard, que l’âge n’a diminué en rien son urbanité, son enjouement et la vivacité de son imagination. M. Pierre Corneille, inspecteur de l’Académie universitaire à Rouen, dont il est ici question, est un des nombreux descendants du poète; il est l’ainé des arrières petits-fils de Claude Corneille qui alla trouver Voltaire à Ferney ; ce Claude était lui-même ar- rière petit-fils du grand homme. Pierre Corneille eut deux autres fils, dont un fut tué au siége de Graves , l’autre entra dans les ordres. Il eut aussi une fille qui se maria, et eut pour petite-fille Char- lotte Corday, dont le courage ne fut point infidèle à sa noble ori- gine. On sait avec quelle fermeté elle affronta le Tribunal révolu- tionnaire, Condamnée à mort, elle monta sur l’échafaud sans palir; ses dernières paroles furent ce vers si connu du comte d'Essex: Le crime fait la honte et non pas l'échafaud ACADÉMIE DE ROUEN. 19 =] + N° 20. 20. Avec les portraits de Pierre et de Thomas Corneille, on retrouva celui de madame de la Mésengère, un très beau portrait de Charles Ier. donné par Jacques IT, et le portrait de ce prince par Lesly; plus, un grand nombre d’autres toiles bien précieuses, soit par leur exécution , soit par les souvenirs auxquels elles se rattachent. Le château du Plessis avait été acquis, il y a un siècle, par Guillaume Scott , grand-père de madame d’Anneville; Ce M. Scott , Irlandais resté fidèle au parti du roi détrôné, vint se fixer en France ; ce qui explique l'origine des précieux souvenirs que renferme ce château. M. Scott avait aussi acheté la terre de la Mésengère, et son fils porta le nom de président de la Mésengère. N° 21. Pour exécuter les copies, j'appelai près de moi M. Lebrun, ancien pensionnaire de la ville de Rouen, à Paris. Il semble vrai- ment que Corneille soit voué aux artistes de ce nom. M. Lebrun de Rouen ne descend point du peintre des batailles d'Alexandre, il n’a rien de commun avec l’auteur égaré de la copie de Sicre. C'est un enfant de la ville, élève de M. Coignet, qui a bien cons- ciencieusement reproduit son modéle, et qui est capable lui- même de faire des portraits qu'on pourra copier un jour. LL N° 22. Le portrait de Pierre porte, sur la traverse du chassis, la même inscription que celle du musée de Versailles; cette in- scription , comme celle de l'original , est en caractères d’impri- merie , tracés très nettement à la main ; de plus, on lit en beaux caractères d'écriture ronde , de la même main que l'inscription placée derrière le portrait original de Thomas, par Jouvenet : Donné par Caffiéri, en 4777. Derrière la copie d’après Jouve- net, on trouve de la même écriture et de la même main que les CLASSE DES BELLES-LETTRES. 205 autres inscriptions : Z'homas Corneille, né à Rouen, en 1625, mort à Andely, en 1709. Copié d'après J. Jouvenet. Et sur la traverse du chassis : L'original appartient à madame la comtesse de Bouville, donné à la Comédie-Française, par J.-J. Caffiéri, sculpteur du Roi. La copie du musée de Versailles a beaucoup souffert; elle est d'une touche ferme, un peu sèche; mais, en somme, c’est la meilleure de toutes celles que j'ai rencontrées. Elle ne paraît point être de lamême main que celle du Théâtre-Français. On lit au bas engros caractères , sur une bande dont le fond est différent du tableau : Pierre Corneille peint en 1647. Cette date est précieuse, et plusieurs fois a pu faire croire que c'était l’œuvre même de Le- brun ; plus d'un artiste l’a pensé ainsi. Je ne citerai que l'œuvre bien faible d’Alix , faite en 1795, qui est souscrite ainsi : D'après le portrait original de Lebrun, appartenant à la ci-devant Aca- démie-Française. Nous savons à quoi nous en tenir sur ce point ; l'inscription que nous avons citée comme étant derrière la toile, va nous faire connaître la date de cette copie; elle ne remonte point au-delà de 1777 ; elle fut exécutée en même temps que celles que Caffiéri donna au Théâtre-Français : cette identité d'écriture et d'inscription prouve sans réplique que les copies de Versailles et de la Comédie-Française datent de la même époque. Madame de Bouville, qui, plus que personne, connaissait le prix de ces originaux , mit à sa complaisance cette condition qui fut fidèlement remplie. La copie du portrait de Thomas , placée dans la salle des académiciens à Versailles, porte la date de 1783, qui est bien celle de l'exécution du buste. On voit aussi à Ver- sailles , deux autres portraits , sans date , de Thomas ; ces copies sont toutes d’après Jouvenet , et d’une faiblesse bien grande ; une surtout, qui semble plus moderne, s’écarte de la vérité au-delà de toute mesure. Les copies , d'après l'original, doivent être fort rares. Pendant bien des années , la famille accrédita le portrait de Sicre. On peut présumer, d'après les inscriptions que j'ai citées, que madame de Bouville ne se dessaisissait pas facilement de ses portraits. Il est douteux qu’ils aient fait plusieurs fois le voyage de Portmort à Paris. Nous connaissons deux copies : celle du 206 ACADÉMIE DE ROUEN. Théâtre-Français et celle de l'Institut. La correspondance de Caffiéri en fait présumer une troisième , qne désirait un de ses amis. Peut-être était-ce celle qui, plus tard, fit partie de la collection de Talma, et qui fui détruite lors de l'incendie du cabinet de M. le marquis de Biancourt. Les copies peuvent, je le sais, avoir engendré des copies toujours moins fidèles , ainsi que je l'ai signalé en parlant des reproductions de Thomas, d’après Jouvenet. N° 93. Que l'on compare la description du portrait de Lebrun, avec celle que j'ai donnée de la gravure de Michel Lasne, on ne pourra douter de la parfaite ressemblance; ces deux témoi- gnages ne laissent aucun doute sur le véritable type de la figure de Corneille. Le portrait peint par Sicre, exposé comme je l'ai fait à l’Aca- démie et à l’Hôtel-de-Ville, ne permet pas plus de rapprochement avec celui de Lebrun qu'avec celui de Jouvenet ; d’où j'ai été conduit à admettre que c'était une œuvre de fantaisie exécutée pour satisfaire la famille. N° 24. Voici le portrait que Labruyère trace de Pierre Corneille : « Simple, timide, d'une ennuyeuse conversation ; il prend un « mot pour un autre, il ne sait ni réciter, ni lire son écriture. « Laissez-le s'élever par la composition, il n’est point au-dessous « d’Auguste, de Pompée, de Nicomède, d'Héraclius. Il est roi « et un grand roi; il est politique, il est philosophe. Il entre- « prend de faire parler des héros, de les faire agir ; il peint les « Romains, ils sont plus grands et plus Romains que dans leur « histoire. » 2 N° 25. C'est bien à tort que M. Taschereau reproche à la ville de Rouen d’avoir eu peu de souci pour ce qui touche la gloire de Pierre Corneille. On douterait qu'il soit jamais venu à Rouen, et 2 * CLASSE DES BELLES-LETTRES. 207 qu'il eût été au Théâtre, à l'Hôtel-de-Ville, au Musée, à l'Acadé- mie, à la société d'Émulation. Cette dernière Société a placé le jour de sa séance publique le 6 juin, anniversaire de la naissance du grand homme, et, chaque année, le jour de la Saint-Pierre, des acteurs de la Capitale viennent fidèlement représenter quelqu'un de ses chefs-d'œuvre. N° 26. En 1768, l'Académie de Rouen couronna le discours de M. Gaillard; ce fut le duc d'Harcourt, gouverneur de la province, qui fit les fonds du prix. Le célèbre et infortuné Bailly obtint l'accessit. L'Académie Française et les notabilitéslittéraires étaient trop sous l'influence de Voltaire pour oser songer à Corneille. EPILOGUE. La bibliothèque historique, publiée en 1775 par Lelong et Fon- tette, dit, à l'article Corneille, qu'il a été peint par Lebrun et par Sicre. Quant à Thomas, elle cite les portraits de Mignard et de Jou- venet. Je pense qu’elle était parfaitement renseignée. Il n'existe pas d’autres portraits originaux de ces deux hommes célèbres. Dans le cours des recherches auxquelles je me suis livré, j'ai partout rencontré sympathie et bienveillance ; j'ai abondam- ment profité des richesses que renferme la Bibliothèque de Rouen, et je dois beaucoup au concours éclairé de mes excellents confrè- res MM. Floquet et Ballin. Je dois cependant mentionner par- ticulièrement l'accueil que j'ai reçu de Messieurs du Théatre-Fran- çais, qui m'ont mis à même de consulter, avec la plus grande liberté, et leurs archives et leur charmante collection. Je dois à l'obligeance de M. Régnier, sociétaire, quelques lettres relatives à l’objet qui m'occupe ; on ne sera peut-être pas fâché de les trou- ver ici. : 208 ACADÉMIE DE ROUEN. M. Molé à M. Cafferi, 4777. « La Comédie, après avoir admiré votre ouvrage du buste de Pierre Corneille que vous avez placé dans notre foyer , n’a rien de plus pressé que de vous témoigner ses sincères remercie- ments du cadeau précieux que vous lui avez fait du portrait peint du même grand homme. Elle est désespérée de ce que, dans mille occasions, des raisons de prudence insurmontables l’em- péchent de se livrer à tous les mouvements d'une reconnais- sance fondée, telle que celle qu'elle devrait à un homme d’un talent aussi distingué que le vôtre. Mais au moins elle vous prie de compter et sur son admiration pour Île vôtre , et sur l’em- pressement qu’elle mettra dans toutes les occasions à vous prou- ver des sentiments d’attachement et d'estime. Je suis enchanté pour mon compte de celle qui me procure la satisfaction de vous assurer de tous les sentiments particuliers d'estime et de reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être, « Le Semainier. » Dans une lettre du 2 novembre 1778, Caffiéri dit que M. le comte d’Angeviller le chargea de l'exécution de la statue de Pierre Corneille, en marbre, pour le roi. Il demande le buste où il avait réussi, pour reproduire la tête. Il demande aussi le portrait peint de Thomas, un particulier désirant avoir son portrait pour faire pendant de Corneille. En réponse à cette lettre, le semainier de la Comédie répondit : « FE D Ne Elle voudrait pouvoir vous témoigner sa gratitude, en vous communiquant le portrait de Thomas Corneille dont vous avez besoin. Mais elle ne peut ni ne doit vous trom- per, et vous exposer à des reproches en vous laissant transmettre à la postérité un ouvrage qui serait précieux sans doute par son travail, mais qui manquerait de ce qui intéresse le plus dans un portrait, la vérité. Le portrait qu’elle possède de Thomas Corneille, ainsi que celui de son frère, qu’elle vous a prêté et dont vous n'avez pu faire usage, sont faux tous les deux : elle a été trompée à cet égard. Ils lui ont coûté fort cher, mais on ne doit pas vous en imposer. M. Bouret a dit à la dernière assemblée qu'il avait eu l'honneur de vous informer de ces détails, et de vous assurer E* CLASSE DES BELLES-LETTRES. 209 que vous étiez le maître de faire emporter le buste que vous avez fait de Pierre Corneille, pour en faire une copie, la Comédie n'ayant rien, Monsieur, à refuser à une personne comme vous, dont elle estime la personne et les talents. » Lettre de Caffiéri, 16 mars 1778. « Messieurs et Mesdames, « Lorsque je vous ai emprunté les portraits de Pierre et de Thomas Corneille, j'étais persuadé qu'ils ne leur ressemblaient nullement. Mon intention a toujours été de les remplacer par deux autres plus vrais et plus fidèles. Je vous ai donné une copie de Pierre Corneille, faite d’après Ch. Lebrun. Depuis, j'ai profité de la bonne volonté de madame la comtesse de Bouville, qui m'a confié le portrait original de Thomas Corneille, peint par Jouvenet , pour en faire une copie. Je vous prie, Messieurs et Dames , de vouloir bien l’accepter comme une preuve de mon attachement et de l'intérêt que je prends à votre collection des grands poètes. « J'ai eu l'honneur de vous proposer d’exécuter en marbre le portrait de J. de Rotrou, pour faire pendant à Pierre Corneille, aux mêmes conditions auxquelles j'ai fait Pierre Corneille, pour l'entrée d’un ami que je veux obliger. J'ose espérer que vous voudrez bien acquiescer à ma demande. « J'ai l'honneur etc. » Une lettre du même, du 22 novembre 1779, porte que , le 42 juillet de la même année, il a offert le portrait peint de Thomas, qui fut placé dans le foyer, et demande réponse à sa lettre pré- cédente, dont les conditions n'étaient pas encore acceptées. Lettre de Caffieri, 1782. Messieurs et Mesdames, « J'ai l'honneur de vous proposer de faire les portraits en marbre de Thomas Corneille et de La Chaussée, pour un ami et son épouse, que je désire obliger. J'ose espérer que mon offre 11 210 ACADÉMIE DE ROUEN. vous sera agréable, et que vous voudrez bien m'accorder ma demande. « P.S. Je vous observerai, Messieurs , que j'ai acquis le portrait de La Chaussée, peint par M. De Latour , qui est le seul qui existe. « Pour celui de Thomas Corneille, je le ferai d’après l’origine” que possède madame la comtesse de Bouville , sa petite-fille. » ? « CAFFIÉRI. 3 janvier 1785.» M. Caffiéri a l'honneur de vous observer qu'il a fait présent à la Comédie, en 1778, de deux fidèles copies qu'il a fait faire à ses dépens, de Pierre Corneille, peint par Lebrun, et de Thomas Corneille , peint par Jouvenet, d’après lesdits originaux que possède madame la comtesse de Bouville. Auimé du même zèle d'enrichir la Comédie des portraits de ses illustres auteurs, il a donné , en 1779, à MM. les Comédiens du roi, les deux bustes en terre cuite de Philippe Quinault et de Jean Lafontaine. M. Caffiéri rappèle qu'il vend ordinairement chacun de ses bustes en terre cuite 23 louis. Il estimait ses bustes en marbre à 5,000 fr., sur lesquels il avait à payer 560 fr. pour le marbre et 600 fr. pour l’ouvrier. ? Caffiéri pouvait croire que madame de Bouville était petite-fille de Thomas. Je dois ici rétablir la vérité. Elle était de la famille Mathieu de Lamperière, père des deux femmes des Corneille. Son frère, Jean-Louis de Lamperière, chevalier , seigneur de Montigny, conseiller au parlement de Paris, épousa , en 1717, Marthe Richer d’Aube, dont il prit le nom , sous lequel il est plus connu. Fonte- nelle vécut 20 ans chez lui. Celui-ci étant mort, sa sœur, du nom de Jeanne-Suzanne de Lamperière de Montigny, conserva pour l'ami de son frère une tendresse filiale. C'est cette dame qui épousa, en 1743, à Portimort, M. Nicolas-Jubert de Bouville, mort maré- chal-de-camp. DONNE NON LE OO OODON ONE ONONNN NO À S. M. LA REINE. JEANNE ET MARIE. Génie au vol puissant, qui, bien loin de la terre Balances ton essor dans les plaines des cieux , Suspends l'oreille d'une mère A ce récit mystérieux ! ? Quand celle dont le nom vibre encor dans votre ame ; Celle que vous priez, ô Reine , avec des pleurs, De ses jours précieux voyait s’user la trame , Et de son beau printemps se ternir les couleurs : Un soir que, faible hélas! sur sa couche étendue , Entre ses blanches mains tenant un crucifix , La mourante, en rêvant , laissait errer sa vue Du portrait de son père au berceau de son fils : 212 ACADÉMIE DE ROUEN. A cette heure douteuse où la nuit qui s'avance Prépare son dictame aux cœurs lassés du jour, Où de la terre au ciel monte une plainte immense , Un immense soupir de tristesse et d'amour ; D'un souvenir touchant quand votre ange bercée, Comme un écho lointain du concert des Élus, Entendait vaguement, dans les airs balancée , La cloche aux sons pieux murmurer l’Angelus ; À ce moment suprême où, seule et recueillie , Invoquant pour les siens les grâces de son Dieu, Elle chargeait tout bas la brise d'Italie De porter à la France un doux, un tendre adieu. . . Soudain, à la lueur d’une lampe d’albâtre , Semblable aux êtres purs que créait Canova , Dans la pâle clarté d’un demi-jour bleuâtre , Une blanche figure à ses yeux se leva. Des fastes des Hébreux était-ce une héroïne ? Était-ce un lys éclos du sang des Confesseurs ? Agnès ou Débora? Judith ou Catherine ? Sœurs au maintien pareil comme il sied à des Sœurs. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 213 Par l'ineffable loi d'une exquise harmonie, Dans son port chaste et fier, dans son œil doux et vif, Brillait la passion à la candeur unie , L'enthousiasme ardent joint au bon sens naïf. Elle était à debout. Sa brune chevelure Se partageait sans art sur son front ingénu , Et sur son sein, couvert d’une brillante armure, Ses virginales mains pressaient un glaive nu. Alors, quand tout émue à ce spectacle étrange, Votre fille admirait l'habitante des Cieux, L'immortelle sourit du sourire d'un ange, Et sa bouche exhala ces mots mélodieux : 18 « Ô vous que j'ai toujours chérie « Entre les filles d'ici-bas, « Vous suis-je étrangère, à Marie ! « Ne me reconnaissez-vous pas ? « Avez-vous, jeune et noble femme , « Oublié les songes de flamme « Qui vous portaient aux saints parvis ; « Extase solennelle et grande, « Où le ciel, qui vous redemande, « S'ouvrait à vos regards ravis ? ACADÉMIE DE ROUEN. « Avez-vous oublié ces heures « Pleines d'un charme austère et doux, « Où, des éternelles demeures, | « Mon esprit descendait sur vous ? « Ne vous souvient-il plus, Marie, « Que, de la céleste patrie, « Je me penchais avec amour « Vers cette patrie encor chère, « Vers cette vieille et noble terre , « Vers la France où j'ai vu le jour ? « Sur votre royale famille, « Quand l'orage en courroux grondait , « Vous le savez, aimable fille, « Mon cœur au vôtre répondait. « Mes pleurs s’unissaient à vos larmes, « Quand l’émeute accourait en armes « Pour frapper la patrie au sein. « Mes chants suivaient vos chants de fête , « Quand le ciel, d’une auguste tête, « Détournait le fer assassin. « Depuis, pour rendre témoignage « D'un commerce mystérieux , « Vous imprimätes mon image « Sur le marbre religieux. « Votre ciseau pur et fidèle « Des traits ingénus du modèle CLASSE DES BELLES-LETTRES. « Releva la naïveté : « Et par l’art votre main guidée « Tira , d’une pieuse idée , « Une noble réalité. « Désormais , à fille royale, « Cette France que nous aimons, « Dans sa reconnaissance égale , « Ne séparera plus nos noms. « Elle inscrira Marie et Jeanne, « La princesse et la paysanne , « Dans son blason énorgueilli, « Partageant un cuite de mère « Entre l'artiste et la guerrière, « Entre Vaucouleurs et Neuilly. « Réjouis-toi donc , à Marie ! « La gloire survit au trépas. « Ton nom est cher à la patrie, « Et l'Éternel te tend les bras. « Je sais . . . tes soupirs me le disent . .. « Combien, sur tes jours qui s'épuisent, « On pleure , hélas ! loin de ces lieux. . « Viens ! le chœur des élus commence, « Viens, pour les tiens et pour la France, « Prier avec moi dans les cieux. » 16 ACADÉMIE DE ROUEN. ILE. Oui, la France bénit la guerrière et l'artiste. Marie a, comme Jeanne , une auréole au front. Des noms chers au pays son nom grossit la liste, Et sur son œuvre en vain les siècles passeront. Dans ce noble palais dont la gloire éclipsée D'un lustre renaissant brille aux yeux éblouis, Où d’un âge voisin l'histoire retracée Joint ses fastes rivaux aux pompes de Louis; Sous ces lambris altiers où Fabert et Turenne, Où Desaix et Marceau paraissent dans leur jour, Sur les traits inspirés de la bonne Lorraine , Le regard attendri s'attache avec amour. Il est doux, lorsqu'on vient saluer nos batailles, De rencontrer au seuil notre ange protecteur : Jeanne est bien dans ce lieu ; sa place est à Versailles ; Elle fut à la peine, elle a droit à l'honneur. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 217 Jeanne est bien dans ce lieu ! — Mais il est une terre Qui doit à son martyre un éclat immortel. Rouen donna jadis des pleurs à la guerrière , Et Rouen de la Sainte a négligé l'autel. Que dis-je, plût à Dieu qu'à sa pure mémoire , Jamais , dans la cité des nobles monuments, L'art n’eût tenté de rendre un honneur dérisoire , Un profane tribut qui pèse aux cœurs normands ! Rouen de la Pucelle offre une informe image , OEuvre sans dignité d'un ciseau sans vigueur : Ah ! l’auteur indiscret d’un si vulgaire hommage , Jamais du feu divin n'eut l’étincelle au cœur. Mais l'œuvre du faux goût tombera détrônée ; 0 Reine , c’est à vous que s'adressent nos vœux, Votre ame maternelle est d'avance gagnée , Qui peut mieux nous comprendre etnous seconder mieux! IV. « Reine, accueillez notre prière ! « Que sur un noble monument , « Par vous l'artiste et la guerrière « Joignent leur souvenir charmant. ACADÉMIE DE ROUEN. * « Tout une cité vous en prie . . « Réunissez Jeanne et Marie « Aux yeux d’un peuple transporté ; « Et que Rouen qui les appelle, « Par vous sente augmenter son zèle « Pour la gloire et la liberté. » CONSIDÉRATIONS CRITIQUES LE RÉGIME DOTAL, PAR M HOMBERG., © Nous avons fait l'histoire du régime dotal. Nous l'avons montré naissant à Rome d’un concours de circonstances bien complétement étrangères à notre époque , à notre pays , à nos MŒurs. Nous avons dit comment il s'était perpétué d'âge en âge, jusqu'au temps où nous vivons malgré les change- ments successifs apportés dans les institutions et dans les lois. 11 nous reste à remplir une tache sans laquelle nos premiers travaux seraient bien inféconds; il nous reste à l’apprécier dans ses résultats pratiques. Qu'importerait en effet la manière dont le régime dotal s’est introduit dans notre législation , si son action s'y mon- trait bienfaisante et utile. 220 ACADÉMIE DE ROUEN. Quand un citoyen fait l'honneur et la gloire d'un peuple, personne assurément ne songe à lui demander ses lettres de naturalisation ; mais le régime dotal est à nos yeux un fléau véritable. Il diminue les richesses du pays , il paralyse l'essor du commerce et de l'industrie, il outrage la morale , viole l'équité, et porte des semences de discorde et de chagrin jusqu'au sein des familles les mieux unies. Voilà pourquoi nous nous sommes cru en droit de nous enquérir d’où venait cet intru , et de discuter les titres que son grand âge semblait lui donner à notre considération. Maintenant que nous avons découvert les pieds d'argile du colosse , nous nous sentons plus fort pour le combattre. Nous l’envisagerons d'abord au point de vue de l'intérêt des époux qui l’adoptent pour base de leur union , et nous montrerons d'une part combien sont vaines et dérisoires les garanties qu'il parait offrir à la conservation de leur for- tune ; puis, d’une autre , par combien de troubles et d’em- barras il fait payer cette fausse protection ? Nous l’envisagerons ensuite au point de vue de l'intérêt des tiers qui contractent avec les femmes dotales , et nous ferons voir combien les précautions dictées par la prudence la plus craintive sont souvent impuissantes à prévenir pour eux de cruelles déceptions. Enfin nous considèrerons le régime dotal dans ses rap- ports avec l'intérêt général du pays et nous signalerons sa fatale influence sur la propriété foncière qu'il déprécie, sur l'industrie qu'il paralyse , sur la morale publique qu'il per- vertit. Zu CLASSE DES BELLES-LETTRES. 221 Ce plan nous parait embrasser tous les aspects de la question. Nous sentons bien qu'il faudrait, pour le remplir conve- nablement, une plume plus exercée que la nôtre; mais quand on a agi dans la mesure de ses forces pour le triom- phe d’une idée qu'on croit salutaire, on a pour soi la conscience d’avoir satisfait à toutes les exigences du devoir. $ Ier. Du régime dotal considéré dans ses rapports avec l'in- térêt des époux. Les plus ardents défenseurs du régime dotal ne le considèrent pas comme entièrement exempt d’inconvé- nients, tant à cause des facilités qu'il donne à la fraude, qu'à cause de la dépréciation dont il frappe une masse énorme de biens-fonds; mais, s’il y a [à danger pour les tiers et diminution évidente de la richesse territoriale du pays, il ya, suivant eux, de tels avantages pour les femmes mariées dans la stipulation d'un régime qui leur assure la conservation de leur dot, que cette considération doit pré- valoir sur toutes les autres. Ce sont ces avantages que je veux tout d’abord discuter; car là est le cœur de la question, et c'est toujours au cœur qu'il faut viser quand on veut abattre un ennemi. Une femme est mariée sous le régime dotal, son mari est un dissipateur ou bien un spéculateur malheureux. Il se ruine, tombe en déconfiture ou en faillite; tout, autour de lui, est misère et désespoir, tous ses fournis 222 ACADÉMIE DE ROUEN. seurs, ses domestiques, ses amis les plus intimes, tous ceux qui ont eu confiance en lui, qui, trompés par les ap— parences de fortune dont ils le voyaient entouré, ont dé- posé leur argent dans ses mains , sont entraînés dans son désastre ; mais la fortune de sa femme , qui n’a pu s’obliger avec lui, n’a reçu aucune atteinte. Alors fuyant les cla- meurs de ses créanciers , il se réfugie dans l'intérieur de son ménage où règne encore l’aisance. Une séparation de biens intervient entre les époux. Ce qui reste de l'avoir du mari, si quelque chose en reste , est jeté en pâture aux créanciers; puis, les biens de la femme, qui peuvent être considérables, donnent aux époux les moyens de mener encore une vie somptueuse. Voilà le triomphe du régime dotal. C’est devant de pa- reils résultats que s’inclinent ses partisans. Combien n'’est- il pas heureux, disent-ils , que ce mari n'ait pu compro- mettre la fortune de sa femme et l'avenir de ses enfants ! Au moins les époux auront toujours de quoi vivre! et les enfans pourront être dotés par leur mère. Oh! sans doute il sera‘ heureux ce banqueroutier, si, étouffant tout sentiment de pudeur, il peut , à travers les glaces de l'élégante voiture dans laquelle sa femme le promène , contempler d'un œil paisible le malheureux ou vrier qui lui avait confié ses épargnes, et qui maintenant balaie les rues où décrotte les souliers pour pouvoir nourrir sa famille ! Elle sera heureuse l'épouse qui, après avoir ruiné son mari par ses prodigalités, pourra narguer la misère de la pauvre veuve dont le petit pécule aura servi à satisfaire quelques unes de ses luxueuses fantaisies, et les enfants seront heureux aussi, car, richement dotés, ils pourront un jour se faire servir par les fils des créan- ciers de leur père. _ CLASSE DES BELLES-LETTRES. 223 Est-ce donc là l'espèce de bonheur que rèvent les pa- rents qui veulent marier leur fille sous le régime dotal? Un mari va enlever leur enfant loin d’eux, il va devenir maître à peu près absolu de sa personne, il pourra la faire expirer de douleur sous les coups répétés de ce petit poignard domestique qu'on appelle «incompatibilité d'humeur, » et qui atteint le cœur sans laisser de trace à l’épiderme. Il pourra, chose bien plus grave encore, per= vertir son esprit et corrompre son âme. Ce sont là des nécessités du lien conjugal auxquelles se résigne l'amour paternel, et même assez facilement, si l’on en juge par le peu de précautions que l'on prend le plus souvent pour s'assurer du bon caractère et de la moralité de celui que l'on accepte pour gendre. Mais ce qu'on veut sauvegarder avant tout, c’est la fortune, et quand on a mis la dot à l'abri des spéculations malheureuses du mari, on s’endort avec la confiance d'avoir fait tout ce que l’on pouvait faire pour le bonheur de sa fille. C’est que malheureusement il se mêle toujours un peu d'égoisme aux sentiments humains , et beaucoup de pa- rents aiment à se dire : «quoiqu'il arrive maintenant, notre « tâche est remplie. Notre fille conservera la fortune que « nous lui donnons , notre considération n'aura jamais à « souffrir de sa position dans le monde, et, sur les biens « que nous nous réservons, nous n’aurons pas de nouveaux « sacrifices à nous imposer pour venir au secours de sa « misère. » Il n'est pas bien étonnant que, par le temps qui court, ce raisonnement assure le succès du régime dotal, et, en écrivant ces pages , notre espoir n'est pas , il faut le dire, de dissuader le plus grand nombre des parents de cher- cher en lui des garanties qui suflisent à leur sécurité. 294 ACADÉMIE DE ROUEN. Nous écrivons pour des hommes désintéressés dans la question , et qui, voyant les choses de plus haut, ne peuvent sympathiser avec les odieux calculs que nous venons de dire. Nous écrivons aussi et surtout, pour un petit nombre de parents, véritablement désireux du bonheur de leurs enfants , et c'est avec ceux-ci que nous voulons descendre dans l’intérieur du ménage soumis au régime dotal, pour l'examiner , ce régime, non pas d’une manière purement théorique , non pas non plus au point de vue de quelques monstrueuses excentricités, mais tel qu'il est habituelle- ment, bourgeoisement, honnêtement, tel que nous le fait connaître notre pratique de tousles jours, tel, enfin, quenous le voyons fonctionner, soit dans notre cabinet par nos relations d’affaires, soit dans le monde par nos relations de société ou de famille. Le mari est le chef de l'association conjugale, il en ad- ministre les biens, touche les revenus, règle les dé- penses. Mais ce n’est pas dans son intérêt seul qu'il agit ainsi, c'est dans l'intérêt de l'association, de l'être col- lectif qui constitue le ménage, la famille, et qui se com- pose tout à la fois du mari, de la femme et des enfants. C'est là une différence radicale , et jamais assez observée en cette matière, entre la société moderne et la société ancienne. Cette différence n’est pas dans les lois seule- ment, elle est, d'abord et surtout, dans les mœurs. Le Pater familias autrefois à Rome , était un tyran , un mo- narque absolu qui pouvait dire : « La famille c’est moi », car lui seul avait une existence propre , une individualité ; les autres vivaient pour lui, et en quelque sorte par lui. De nos jours le mari n’est plus qu’un roi constitutionnel ayant mandat de gouverner dans un intérêt commun , et ne pouvant plus dire moi, mais devant dire nous. Sans doute, ce gouvernement constitutionnel du mari CLASSE DES BELLES-LETTRES. 225 reçoit bien des modifications du caractère respectif des époux , de leur éducation, de leur manière de vivre , de leur position socialé , de la profession qu'ils exercent. L'influence de la femme dans certains ménages sera à peu près nulle ; dans d’autres , elle asservira entièrement le mari, et ne lui laissera aucune liberté d'action : mais : mettant de côté les exceptions pour nous en tenir à ce qu'il y a de plus normal dans la constitution actuelle du ménage et de la famille, nous croyons pouvoir dire sans crainte d’être démenti par personne , que l'association entre le mari et la femme est si intime, que tous leurs intérêts sont tellement confondus que, ce qui est jouissance ou privation pour l'un , est aussi jouissance ou privation pour l'autre , et, enfin, que la femme est aussi intéressée que le mari à la prospérité et à la considération du ménage. Il est même vrai de dire que, tant que durera l’asso— ciation , la distinction entre les biens du mari et ceux de la femme préoccupent peu les époux. S'il ont des enfants, les uns comme les autres devront se réunir un jour dans les mains de ceux-ci ; s'ils n’en ont pas, les uns comme les autres devront concourir à leur procurer pendant leur vie commune la plus grande source de jouissances pos- sible, et il est bien rare que la pensée des collatéraux qui devront recueillir ces biens après leur mort, change quel- chose à ce problème. Ce qui est donc avant tout désirable dans l'intérêt des époux, j'entends dans leur intérêt sainement et honnête- ment entendu, c’est que le mari tire le meilleur parti pos- sible des biens confiés à son administration. De là, cette conséquence, que toutes les entraves que le mari rencon- trera dans cette administration , pèseront également sur les deux époux. 15 226 ACADÉMIE DE ROUEN. Aussi, combien de fois n'avons-nous pas vu des femmes, mariées sous le régime dotal, déplorer , dès les premières années de leur union, les rigueurs de ce régime , et cher- cher , d'accord avec leur mari, les moyens de se soustraire à ses entraves. Nous pourrions citer bien des cas où la raison la mieux éclairée , la prudence la plus craintive n'aurait pu désa- vouer les motifs de ces plaintes et de ces efforts. Nous avons connu, par exemple, des parents qui, en mariant leur fille, lui avaient constitué en dot une belle propriété d'agrément. Au moment du mariage , la fortune des époux, leur position dans le monde comportait la possession de cette propriété, et l'orgueil un peu aristocratique des parents était flatté de la pensée que le noble manoir, illustré par les ancètres , resterait à toujours dans la famille, pour y conserver l'éclat du nom qu'ils avaient porté. C'était fort bien alors ; mais les évènements se plaisent à confondre les prévisions de la prudence humaine. Une révolution politique a fait perdre au mari une position lucrative et brillante; des capitaux, placés avec des sûretés apparentes , ont été perdus, et, tandis que les re- venus des époux diminuaient ainsi, leur famille s’aug- mentait, leurs charges s’aggravaient. Il leur faut aujour- d'hui pourvoir à l'éducation de nombreux enfants ; forcés de passer à la ville une grande partie de l'année, ils ont cessé d'habiter le manoir féodal, dont les splendeurs ne conviennent plus à l'état de leur fortune , au genre de vie qu'ils mènent. Ce château, n'étant plus habité, se détériore, et pour le conserver en bon état, comme la loi lui en impose le CLASSE DES BELLES-LETTRES. 227 devoir , le mari est obligé d'y dépenser chaque année des sommes qui seraient bien plus utilement employées à instruire et à doter ses enfants. Vienne le jour de la dissolution du mariage , les époux auront vécu dans la gène, les enfants auront été pauvre- ment élevés , peut-être pauvrement mariés. On s'empres- sera de liciter le vieux château, qui ne pourrait trouver place dans le lot d'aucun d'eux, dont aucun d'eux , d’ail- leurs, ne voudrait se charger, et le prix que ceux-ci en tireront , sera bien inférieur à celui que leurs parents en auraient pu tirer trente années auparavant , sans compter que, pendant ces trente années, il aurait pu être triplé par les intérêts cumulés. Nous savons bien qu'autrefois on ne calculait pas ainsi. Les fortunes étaient plus stables, et, lorsqu'un mariage avait apporté dans une famille noble un nouvel apa- nage , cet apanage y restait pendant bien des généra- tions, se transmettant de mâle en mâle par ordre de pri- mogéniture. Les exigences de l'éducation des enfants ne nécessi- taient pas comme aujourd'hui le coûteux séjour des villes. Les parents, sans peut-être pour cela aimer moins leurs enfants, craignaient moins de se séparer d'eux , et, pen- dant que les filles étaient au couvent, et que les garçons faisaient leurs études chez les oratoriens ou chez les Jé- suites, les gentilshommes qui ne remplissaient pas de fonctions politiques, n'avaient d'autre soin que de cultiver et d'habiter leur domaine. Quant à ceux qui étaient dans les emplois, leurs regards restaient toujours attachés sur le manoir des champs qui devait les recevoir au jour de la disgrâce ou de la retraite. D'un autre côté, les spéculations de l'industrie n'ap- 228 ACADÉMIE DE ROUEN. pelaient point les capitaux , de sorte qu'il y avait, dans les fortunes comme dans les existences, une stabilité qui n’est plus connue aujourd'hui. R Que faut-il de nos jours pour qu'une famille quitte son berceau, et aille vivre loin des lieux où sont situées ses propriétés ? Combien de personnes, appelées dans une province éloignée de la leur, soit par des fonctions publiques, soit par des raisons de santé , n’ont-elle pas fini par y prendre racine et s’y fixer. Nous examinerons plus tard , au point de vue de l'intérêt public, les conséquences de ces émigrations. Bornons- nous, quant à présent, à constater en fait, qu'elles sont très fréquentes, et souvent déterminées par des motifs que la raison la plus sévère ne saurait désavouer. Des parents ont marié leur fille près d'eux. En frappant de dotalité les biens qu'ils lui donnent , ils espèrent atta- cher le ménage qui se forme au sol sur lequel ils ont l'intention de continuer à vivre. Mais , c’est pour toute la durée de ce ménage qu'ils stipulent, et l’effet de leurs dispositions pourra bien survivre aux considérations qui les ont inspirées. Viendront peut-être des circonstances qu'ils n'avaient pu prévoir : Une position avantageuse of- ferte au mari à l’autre extrémité du royaume , ou bien la santé de la femme elle-même exigeant un climat plus doux. Supposons que, dans l'intérêt de celle-ci, pour prolonger des jours qui lui sont chers , son mari quitte les brouillards de la Flandre ou de la Normandie pour aller habiter le midi de la France.#Combien n'est-il pas regrettable alors de laisser derrière soi des biens qu’on ne peut plus administrer, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 229 surveiller soi-même. Combien les parents de la femme, s'ils vivaient encore, ne déploreraient-ils pas eux-mêmes les entraves que, dans l’égoisme de leur affection, ils ont voulu imposer à leurs enfants, et, que ne feraient-ils pas au- jourd’hui pour les en dégager ! Mais les regrets sont su- perflus ! Jamais, dans leur nouvelle résidence , les époux ne jouiront des avantages que donne la propriété, tandis que loin d’eux , privés de la surveillance du maître , leurs biens dépériront. Est-il mème besoin de supposer un éloignement et un changement de résidence, pour admettre un légitime désir de vendre une propriété foncière. L'article 1558 du Code civil permet d’aliéner la dot pour faire de grosses répa- rations indispensables à la conservation de l'immeuble dotal, c'est-à-dire que si la femme possède deux im- meubles dotaux, elle en pourra aliéner un pour se pro- curer les moyens de réparer l’autre. Mais si elle n’en possède qu'un, comment fera-t-elle ? Il lui faudra conser- ver une ruine dont elle ne pourra tirer aucun parti. Sup- posons , sur un terrain avantageusement situé , des cons- tructions trop mauvaises pour pouvoir être réparées. Supposons des usines consiruites d’après un système vieilli et abandonné ; voilà encore des propriétés stériles. Il fau dra attendre la dissolution du mariage pour abattre et reconstruire. De tous côtés on ouvre des canaux, on perce des routes , on établit des chemins de fer. De colos- sales entreprises, que l’on n'aurait jamais soupçonnées au- trefois, bouleversent le sol, et exigent dans un intérêt d'utilité publique le sacrifice de la propriété privée. Combien n’avons-nous pas vu de domaines subir , à la suite de ces travaux, de profondes altérations, et sortir en- tièrement de leurs conditions premières. Une route nouvelle s'ouvre à travers des terrains qui 230 ACADÉMIE DE ROUEN. n'avaient jamais été destinés qu'à la culture. Par le seul effet du percement de cette route, ces terrains, devenus propres à être bâtis, acquièrent une grande valeur ; mais si leur propriétaire n’est pas assez riche pour bâtir lui- même, il n'en pourra tirer convenablement parti qu'en les vendant par portions à des entrepreneurs. Malheur à lui si la dotalité les frappe. Il verra ses voisins s'enrichir, et lui, continuera à louer , pour une ingrate culture, de mauvaises terres qui, tout près de lui, se vendront pour bâtir. Qu'’au lieu d’une route , ce soit un chemin de fer qui vienne tracer, à travers un domaine , son infranchissable sillon, coupant par la moitié un château , une ferme, un jardin d'agrément, laissant, comme nous en avons vu tant d'exemples, la maison d’un côté, le jardin de l’autre, les bâtiments d'exploitation à droite, les terres à exploiter à gauche, mettant une lieue de distance entre le pâturage et l’étable, le commencement et la fin des avenues, l’allée dans laquelle on se promène, et le banc de gazon sur lequel on se repose. Assurément, si les auteurs du contrat de mariage avaient vu ces propriétés dans l’état où elles sont aujourd'hui, ils se seraient bien gardés de les rendre dotales ; ils seraient les premiers à conseiller de les vendre. Mais, stipuler dans un contrat de mariage, c’est graver sur le bronze, et jusqu'à la dissolution du ma- riage , le régime dotal vivra avec toutes ses rigueurs. Les circonstances ne sont plus les mêmes : fortune, position, gouvernement , tout a changé autour des con- joints, et, combien de révolutions ne peuvent-elles pas s'accomplir pendant la durée d’une association conjugale ! mais le pacte matrimonial reste immuable, et tant que les époux vivront , son joug pèsera sur eux. Voilà ce à quoi ne réfléchissent jamais assez ceux qui CLASSE DES BELLES-LETTRES. 231 tracent ce cercle dé Popilius, qu'on appelle un contrat de mariage. Is obéissent aux idées du moment , se laissent influencer par de mesquines considérations, et ne songent pas que les liens qu'ils forgent peuvent durer plus d’un demi-siècle , et que nous vivons dans un temps où il n’est pas donné à la prudence humaine de voir si loin dans l'avenir. Il est vrai de dire que, dans la province que nous ha- bitons , les inconvénients que je viens de signaler sont un peu atténués par la longue habitude , généralement prise , d'insérer dans le contrat de mariage une clause qui permet l’aliénation des immeubles dotaux moyennant rem- ploi. C'est déjà quelque chose de gagné sur les déplorables rigueurs du régime dotal, que cette faculté donnée aux époux de remplacer des biens qui leur sont devenus oné- reux, par d’autres qui peuvent leur être profitables. Mais remarquons bien que si cette faculté est accordée avec quelque étendue , la dotalité n’est plus qu'un vain mot, et toutes ses prétendues garanties deviennent illu- soires. Si, par exemple, le remploi peut se faire en biens d’une nature différentes de celle des biens vendus ; si des immeubles peuvent être remplacés par des actions in- dustrielles ou autres valeurs mobilières susceptibles de s’aliéner ou de se perdre sans être elles-mêmes rempla- cées, le régime dotal n’a plus de sens , car la conserva- tion de la dot n’est plus assûrée. Il faut donc, pour ne pas sortir des conditions de ce régime , que le remploi des immeubles vendus ne puisse s'effectuer qu'en immeubles de même nature, devenant dotaux comme ceux qu'ils remplacent , et ne pouvant plus 1Ù 232 ACADÉMIE DE ROUEN. être vendus eux-mêmes sans un nouveau remplacement. Les intérêts de la femme sont alors à couvert, car l'acqué- reur du bien dotal est obligé de surveiller le remplacement, et si ce remplacement n'était pas jugé suflisant , il serait responsable de l'insuffisance. Nous examinerons plus tard, au point de vue de l’inté- rêt des tiers, les conséquences de cette responsabilité ; disons seulement, dès à présent, qu’elle a pour les époux ce déplorable effet, que l'acquéreur, voulant trouver une compensation à la responsabilité qu'il encourt , ne se décide que par la vileté du prix qui lui est demandé, et que cette vileté doit naturellement être d'autant plus grande que les difficultés de la surveillance du remploi sont plus consi- dérables. Acheter une pièce de terre en remplacement d’une autre qu'on a vendue , ne paraît pas chose bien difficile; mais la question ne se réduit pas toujours à des termes si simples. Souvent , en remplacement de biens vendus en Norman- die, ce sera en Provence qu’on en voudra acquérir ; ou bien, on aura vendu une terre et on aurait besoin d’une maison, une maison et on voudrait une usine. Ou bien encore, au moment où l'on aura trouvé à vendre on ne trouvera point à acheter, il faudra laisser ses fonds entre les mains de l'acquéreur qui les consignera et fera ainsi perdre des intérêts. Souvent il arrive que , par suite d’un partage de succes- sion ou d’une expropriation pour cause d'utilité publique , une faible somme revient à une femme dotale, et ne peut être touchée que moyennant un remplacement en im- meubles. Pense-t-on qu'il soit bien facile d'employer 100 fr. ou CLASSE DES BELLES-LETTRES. 233 200 fr., quelquefois une somme plus modique encore, à l'acquisition d'un fonds de terre où d'une propriété bâtie ? La dificulté équivaut, dans bien des cas, à une impossi- bilite véritable, et les deuiers versés à la caisse des consi- gnations y attendent éternellement un emploi que les époux ne se trouvent jamais en mesure de réaliser. Remarquons en outre que ce ne sont pas seulement les immeubles de la femme dont la disposition se trouve para- lysée par les effets du régime dotal ; les arrêts ont étendu la prohibition d'aliéner à la dot mobilière, et encore que cette jurisprudence ait été, lorsqu'elle s’est établie, vive- ment attaquée comme contraire à tous les textes du code civil et du droit romain , elle n’en a pas moins acquis l’au- torité d’un point de doctrine que l'on n'ose plus contester devant les tribunaux. La plus grave conséquence de cette inaliénabilité, c’est que la femme ne peut renoncer à l'hypothèque légale que la loi lui donne sur les biens de son mari pour la conser- vation de ses droits. Or, comme les apports de la femme ne sont pas toujours complètement énoncés dans le pacte matrimonial ; comme, après le mariage, ces apports peuvent être augmentés par des successions ou des donations dont des inventaires régu- liers ne constatent pas toujours l'importance , il en résulte que les tiers ne peuvent jamais connaître avec exactitude le montant des reprises conservées par cette hypothèque légale de la femme , qui doit cependant primer toute autre hypothèque consentie pendant le mariage sur les immeu- bles qui en sont frappés. On conçoit aisément , d'après cela, que ces immeubles ne soient pas facilement acceptés comme garantie hypo- thécaire des obligations que le mari veut souscrire. 234 ACADÉMIE DE ROUEN. Surtout si l’on fait attention qu'outre les reprises actuelles de la femme et ses droits déjà acquis, le prêteur a encore à considérer l'éventualité d’une séparation de biens entre les époux , d’une expropriation, d'un état d'ordre dont les frais viendraient accroître le montant de la créance que l'immeuble aurait à payer avant la sienne. (1) Maintenant, est-il besoin d’insister sur la gravité des inconvénients que peuvent entraîner, pour la femme elle- même, ces entraves dans lesquelles le mari se trouve placé pour l'administration de sa fortune. Sans doute, il existe des maris dissipateurs qui se ruinent en folles dépenses, et, pour ceux-là , la loi ne saura jamais (1) Dans son excellent ouvrageintitulé: Du Régime dotal et de la nécessité d'une réforme dans cette partie de notre législation, M. Marcel a traité ces questions en homme consommé dans la pratique des affaires, et, par des chiffres, il démontre fort bien combien est sérieuse l’objection du prêteur qui rencontre l'hypothèque légale d’une femme dotale sur les biens qu’on lui offre en garantie hypo- thécaire. Ainsi, par exemple, il suppose un cultivateur, un petit marchand, un simple ouvrier, propriétaire de quelques immeubles évalués à 4,000 fr.; cet homme éprouve un incendie, une inondation, une maladie, un de ces mille accidents qui peuvent faire naître des besoins pressants; il voudrait emprunter 1,000 fr. sur ses immeubles qui en valent 4,000. Admettons que sa femme ne lui ait apporté en mariage qu'un simple trousseau estimé 1,000 fr.; le prêteur fera tout naturelle- ment ce calcul: Valeur du trousseau, 1,000 fr. Frais de séparation de biens, 500 Frais d’expropriation et d’état d'ordre, 2,000 Total. 3,500 Les biens valussent-ils 5,000 fr. au lieu de 4,000, on pourrait encore trouver imprudent celui qui donnerait 1,000 fr. sur un pareil gage. 2 CLASSE DES BELLES-LETTRES. 235 assez multiplier ses entraves ; mais ce sont, Dieu merci, des exceptions pour lesquelles il ne faut pas mettre en interdit les gens sages et honnêtes qui, dévoués aux inté- rêts de leur ménage, ne cherchent à augmenter leur for- tune que pour augmenter le bien-être de leur femme et de leurs enfants. Or, dans combien de circonstances, non-seulement une sage spéculation à faire dans la vue d’un accroissement de fortune , mais une utile mesure de conservation à employer pour une fortune déjà acquise, ne nécessiteront-elles pas un emprunt hypothécaire ? Puis, quelle entrave au crédit du commerçant que ce déplorable régime dans lequel l'homme, le plus riche en apparence, peut n'offrir aucune prise à ses créanciers ! Nous dirons plus tard , quand nous nous occuperons de l'intérêt des tiers, à quelles fraudes peut donner lieu contre eux cette étrange anomalie entre les dehors de la fortune et l'insolvabilité. Notons seulement, dès à présent, les justes défiances qu’elle inspire et les entraves que ces dé- fiances apportent naturellement à l'essor de l’industrie et du commerce. Que sera-ce maintenant si nous établissons que les ga- ranties achetées au prix de tous ces inconvénients, sont le plus souvent illusoires, et que le régime dotal, inflexible pour l'homme de bien qui respecte trop la justice pour la vouloir tromper, offre encore au dissipateur plus d'un moyen d'arriver à l’aliénation et à la perte de la dot. Le législateur, effrayé lui-même des conséquences de l'aliénation dotale, a cru devoir y faire quelques exceptions, et ila prévu plusieurs circonstances devant l'impérieuse nécessité desquelles la rigueur de ce principe devait fléchir. 236 ACADÉMIE DE ROUEN. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'établir les enfants , ou de tirer de prison le mari ou la femme, ou de fournir des aliments à la famille, ou de payer les anciennes dettes , soit de la femme , soit de ceux qui ont constitué la dot, ou de faire de grosses réparations à l'immeuble dotal, le fonds dotal peut être aliéné. ' Ces dispositions sont assurément fort sages et leur néces- sité n’a pas besoin d’être démontrée. Mais, ce qu'il peut être intéressant de remarquer, c'est l'abus qu'il est possible d’en faire, et les différentes manières dont le mari dissipateur, pour lequel elles n’ont pas été écrites, peut arriver à s’en faire faire l'application. ILest, par exemple , un tour que nous avons vu souvent jouer à la justice , et qui, à notre connaissance , a été tou- jours , ou presque toujours, couronné d’un plein succès. Un mari, à bout de ressources, ayant épuisé tout son avoir personnel, ou bien, désireux de tenter la fortune par une spéculation hasardeuse , veut faire argent du bien dotal de sa femme ; voici comment il s’y prend : Il souscrit une lettre de change au profit d’un compère qui , à l'échéance , obtient contre lui une condamnation au tribunal de commerce et le fait mettre en prison. Aussitôt sa femme présente une requête au tribunal , et, pour tirer son mari de prison, la justice l’autorise à aliéner sa dot. L'immeuble est vendu , l'acquéreur verse son prix aux mains du créancier apparent qui , tout de suite , le remet à son compère. Le titre est détruit ou il est fait une contre-lettre, et le tour est joué. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 237 Nous savons bien qu'un emprisonnement cause toujours, en province surtout, une sorte d’esclande qui répugne à beaucoup de gens ; mais la cupidité triomphe de bien des répugnances , et puis les gens bien avisés savent s'y pren- dre de telle façon, que le secret couvre leurs manœuvres. Ainsi, une affaire supposée appelle le mari dans la capitale ; c'est à que l'ami complaisant le fait incarcérer. La femme éplorée révèle à la justice le secret de l'ab- sence prolongée de son mari, mais, dans le monde, cette prolongation d'absence se colore des mille et une raisons qui peuvent retenir un homme pendant quelques semaines hors de ses foyers. Nous avons connu des hommes fort considérables qui ont employé ce moyen. Jamais, dans le monde, on ne s’en est douté. Si nous choisissons cet exemple des fraudes qui peuvent être faites à la loi, ce n’est pas que celle-là soit la plus facile ni la plus fréquente Il est même assez rare que les maris dissipateurs soient obligés d'y recourir, et ne trouvent pas de moyens plus simples pour obtenir de la justice l’au- torisation qui leur est nécessaire à l'effet d’aliéner la dot de leur femme. Tantôt, c’est un établissement qu'ils veulent procurer à leurs enfants, et ceux-ci sont d'accord avec eux pour leur payer le prix de cet établissement. Tantôt, ce sont des ali- ments qu'ils veulent fournir à leur famille, et l'on parvient à dissimuler à la justice les ressources qui pourraient être employées à cet usage et qu'on livre aux chances de la spéculation. Il y a dans les rangs inférieurs de la société une certaine classe de praticiens, s'intitulant hommes de loi ou hommes d’affaires, qui ont l'esprit singulièrement 238 ACADÉMIE DE ROUEN. ouvert pour toutes ces sortes de manœuvres, et savent {rou- ver, pour les positions difliciles, des ressources que les plus habiles jurisconsultes n'inventeraient jamais. Il ne peut entrer dans le plan de notre ouvrage d'énu- mérer ici tous les moyens par lesquels il peut être fait, en cette matière , violence à la loi et surprise à la conscience des juges, mais nous avons bien la conviction que nous ne serons démentis par aucun homme versé dans la prati- que des affaires, quand nous dirons qu'il est peu d'exemples de maris voulant arriver, per fas et nefas, à l'aliénation du bien dotal de leur femme et ne pouvant y parvenir. Que l’on cesse donc de tant vanter les garanties protec— trices du régime dotal, puisque son action s’amoindrit et s’efface dans les cas précisément où elle serait le plus néces- saire, tandis que , là où elles sont inutiles, elles entravent de la manière la plus déplorable l'administration des for- tunes. $ IE. Du régime dotal, considéré dans ses rapports avec d l'intérêt des tiers. Si dans les pages qui précèdent, nous sommes par-— venus à convaincre que, pour les époux eux-mêmes qui le prennent pour base de leur union , le régime dotal pré- sente plus d’inconvénients que d'avantages , la cause de ce régime est perdue , car il ne se trouvera personne qui, l’envisageant au point de vue de l'intérêt des tiers, ose con- tester qu’il ouvre une large porte à la fraude, et soit, pour tout ceux qui se trouvent en contact avec les femmes dotales, une source féconde de troubles , de déceptions et de ruine. PTS CLASSE DES BELLES-LETTRES. 239 Et, en effet, comment en serait-il autrement, si l’on considère que, sous ce régime , les biens constitués en dot sont d’une inaliénabilité tellement absolue que, quel- ques soient les engagements pris sur ces biens par les époux, ils n'ont jamais, pour s'en dégager, d’autres efforts à faire que de produire leur contrat de mariage , et de citer l'art. 1560 du Code civil, véritable épée d'Alexandre, qui tranche sans difliculté les liens les plus solides, les nœuds les plus indissolubles. Cet art. 1560, qui doit être un légitime épouvantail pour tous ceux qui se trouvent en rapport avec des femmes mariées sous le régime dotal, ne saurait être trop connu ; qu'on nous permette d'en rappeler le texte : « Si, hors les cas d'exception qui viennent d'être ex- « pliqués , la femme ou le mari, ou tous les deux con- » jointement, aliènent le fonds dotal, la femme ou ses «héritiers pourront faire révoquer l’aliénation après la « dissolution du mariage , sans qu'on puisse leur opposer « aucune prescription pendant sa durée : La femme aura « le même droit après la séparation de biens. «Le mari, lui-même, pourra faire révoquer l’aliénation « pendant le mariage, en demeurant néanmoins sujet aux « dommages-intérêts de l'acheteur, s'il n’a pas déclaré « dans le contrat que le bien vendu était dotal. » Ainsi, quand une femme a vendu , avec ou sans l’as- sistance de son mari, un immeuble faisant partie de sa dot, quelque soient les termes du contrat, les engagements pris , les assurances données , les garanties promises pour surprendre et tromper la bonne foi de l'acquéreur , il ne sera même pas besoin d'attendre la dissolution du mariage; le lendemain du jour où les époux auront reçu le prix de 240 ACADÉMIE DE ROUEN. l'immeuble vendu , ils pourront reprendre cet immeuble, et laisser, pour toute ressource, à l'acquéreur spolié une action en dommages-intérêts à intenter contre le mari, si le mari n’a pas déclaré dans le contrat la dotalité de l'im- meuble (1). Voilà l’article 1560 ! Peut-on maintenant réfléchir sans effroi aux consé- quences que peut entraîner l'ignorance de cet article. Un immeuble est à votre convenance ; vous l’achetez, vous le payez, vous vous en croyez propriétaire. Un demi- siècle s'écoule; l'immeuble a changé de nature ; sur un terrain nu , vous avez bâti des maisons, d’une ferme vous avez fait un château, d’une maison une usine ; vous vous croyez riche, et vous avez marié vos enfants en consé- quence ; vous avez contracté des engagements sur la foi de la fortune que vous pensiez avoir, vous avez pris des habitudes de vivre en rapport avec cette fortune ; enfin, vous êtes bien installé dans votre propriété, vous espérez y finir vos jours et y mourir en paix....; mais vous avez compté sans l'article 1560 !!! Depuis moins de dix ans, votre venderesse a cessé de (1) Remarquez encore, que, si la vente n’a pas été faite par le mari lui-même, mais par la femme autorisée de son mari , encore que le contrat n’indique pas la dotalité de l’immeuble, l’action en dommages-intérêts contre le mari échappe à l’acquéreur. C’est ce qu'a jugé la cour royale de Paris, par un arrêt du 14 mai 1829. La cour de Toulouse a jugé, par arrêt du 22 décembre 1834, que la peine du Stellionat ne peut être appliquée au mari qui a vendu le bien de sa femme sans en déclarer la dotalité, Ainsi l'acquéreur n'aura pas même la ressource de la contrainte par corps pour se faire payer les dommages-intérêts qui lui seront dûs. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 21 vivre (1) ; un de ses héritiers découvre dans son contrat de mariage le vice de l’aliénation qui vous à été faite, il en demande la résolution , vous expulse et vous ruine ! Demanderez-vous des dommages-intérêts au mari qui ne vous a pas déclaré la dotalité de l'immeuble ? Appellerez- vous en garantie le notaire qui aura trompé votre con- fiance ? Tous deux peut-être seront morts insolvables. Mais, diront les défenseurs du régime dotal, personne n'est censé ignorer la loi. Le Code civil est ouvert à tout le monde, et tout le monde peut y lire l’article 1560. Tant pis pour ceux qui s'y laissent prendre. Nous dirons alors, tant pis pour bien des gens ; car bien des gens y sont pris. Et comment, dans le fait, en serait-il autrement ? La loi n'est-elle pas définie par les auteurs de droit naturel : « L'expression de ce qui est juste dans des cas « donnés? » Montesquieu ne l’appelle-t-il pas : La raison « du père de famille?.. Et, enfin, n’est-on pas tellement habitué à la trouver d'accord avec la raison et avec l'équité, que partout où l'équité et la raison se font clairement apercevoir , nul ne songe à consulter la loi ? Comment donc imaginerait-on facilement qu'une femme, parce qu'elle est mariée sous le régime dotal, peut impunément se Jouer de ses engagements, violer ses promesses, et reprendre son bien après l'avoir vendu et en avoir touché le prix. ns (1) Suivant quelques auteurs, la prescription n’est même que trentenaire. Voir notamment M. Benoit, Traité de la dot, tom. r, page 562. 16 282 ACADÉMIE DE ROUEN. Nous savons bien qu'en Normandie, et généralement dans tous les pays où le régime dotal est en usage , les acquéreurs ont l'esprit ouvert sur les conséquences de ce régime, et que, là, avant d'acquérir un bien de femme , la première chose que l’on exige c’est la représentation du contrat de mariage de la venderesse. Mais il ne faut pas juger de toute la France par les habitudes du pays que nous habitons. Dans la plus grande partie du royaume, le régime dotal est si peu usité qu'on le connaît à peine, les chances d'inaliénabilité dotale sont si rares qu’on ne s'en préoc- cupe pas, et, quand, par hasard, il se trouve par-là une femme dotale, la fraude lui est d'autant plus facile qu'on est moins attentif à la prévenir. Remarquez, d’ailleurs, que cette fraude dont nous par- lons, se trouvera environnée de circonstances telles qu’elle pourra être pratiquée contre un acquéreur fort soucieux de ses intérêts, qui, pour connaître la condition de ses vendeurs , aura fait tout ce qui lui était humainement pos- sible de faire. Ce n’est pas, en effet, chose toujours bien facile que de savoir sous quel régime des époux sont mariés. On sait qu'après de longues discussions sur la préémi- pence du régime dotal ou du régime de la communauté de biens , les auteurs du Code civil ont fini par les adopter tous deux , laissant les époux libres de prendre l'un ou l’autre pour base de leurs pactions matrimoniales , et les laissant libres aussi de ne prendre ni l’un ni l’autre, et de se faire, suivant leur fantaisie , un régime mixte, amal- gamé de dispositions puisées tout à la fois au chapitre du régime dotal et au chapitre de la communauté de biens. Comme, toutefois, les préférences du législateur étaient pour ce dernier régime, il en a fait le droit commun de ue. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 243 la France , et y a soumis à l'avance tous ceux qui se ma- rieraient sans contrat. De là suit que, pour connaître les droits d’une femme mariée, deux questions sont à résoudre : Existe-t-il un contrat de mariage ? S'il existe, quel est- il? Il est certain que s’il n'existe pas de contrat , le mariage est régi nécessairement par les règles relatives à la commu- nauté de biens ; mais, en supposant qu'il en existe , il reste à savoir si, des stipulations souvent fort ambigues de ce contrat, il résulte soumission des époux au régime dotal et constitution en dot de tels ou tels biens. Déjà, la première de ces deux questions est, dans beau- coup de cas, insoluble. Comment, en effet, l'acquéreur à qui on déclare que la venderesse s’est mariée sans contrat de mariage, qu'elle est , en conséquence , commune en biens et capable d’alié- ner, peut-il vérifier la sincérité de cette déclaration ? Lors de la discussion du code civil, une mesure fort sage était proposée ; un des articles du projet voulait que toute clause de soumission au régime dotal fut affichée dans la principale salle de chacun des tribunaux de pre- mière instance, dans le ressort desquels se trouvaient et le domicile des époux et les immeubles dotaux. (1) C'eût été quelque chose pour la garantie des tiers que cette publicité donnée à un contrat qui allait placer deux citoyens dans une position toute exceptionnelle, toute exhorbitante du droit commun ; mais l’article fut rejeté (1) Art, 191 du projet rectifié, présenté dans la séance du 4 bru- maire an XI. 244 ACADÉMIE DE ROUEN. sur les observations d'un membre de l'assemblée législative qui le soutintinutile, en se fondant sur cet axiôme du droit: Nemo debet esse ignarus conditionis illius cum quo con- trahit : peut-on présumer, ajoutait-il, que celui qui achète un bien, ne se fasse pas représenter les titres qui en ren dent le vendeur propriétaire. (1) Ni ce député, ni l'assemblée qui s'empressa de faire droit à sa proposition, ne songèrent, sans doute, que l'ac- quéreur qui ne trouverait pas le contrat de mariage de son vendeur au nombre de ses titres, serait bien forcé de se payer de cette raison. «Nous voulions nous marier en COM- » munauté de biens, nous nous en sommes tenus aux » dispositions de la loret n'avons pas fait de contrat. (2)» Tout ce que l'acquéreur peut exiger quand une pareille déclaration lui est faite, c’est un acte de notoriété dressé par un notaire devant lequel plusieurs témoins sont appelés et viennent dire que, quoiqu'ils connaissent les époux , #/ n'est pas à leur connaissance qu'ils aient fait un contrat de mariage. On comprend bien, sans que nous ayons besoin d’in- sister, toute l'insuffisance d’une pareille preuve. Les démar- ches que pourra faire l'acquéreur dans les études de notai- res, n’amèneront pas pour lui un résultat plus satisfaisant ; car, la loi n'exigeant pas que le contrat de mariage soit passé devant tel notaire plutôt que devant tel autre, ce sera mr (1) Fenet, t. 13, p. 600. 2) L'art 1393 du Code civil est ainsi COnÇu : « A défaut de stipula- « tions spéciales qui dérogent au régime de la communauté ou le « modifient, les règles établies dans la {re partie du chapitre 2? farmeront le droit commun de la France.» CLASSE DES BELLES-LETTRES. 245 souvent un notaire fort éloigné de la résidence des époux qui aura été le rédacteur de leur contrat. Remarquez , d’ailleurs, que les vendeurs ou les auteurs des vendeurs peuvent avoir été mariés bien loin du lieu où ils con- tractent et à une époque bien reculée. L'acquéreur qui se laisse tromper par les fausses décla- rations d’une femme dotale, se disant mariée sans contrat, , Par conséquent, commune en biens, ne mérite done pas qu'on lui applique la maxime un peu brutale du droit romain : Vigilantibus non dormientibus jura subvenrunt. C'est bien éveillé sur ses intérêts qu'il a contracté. Il a fait appeler à une enquête de nombreux témoins: il a fouillé beaucoup d’études de notaires, et l'existence de ce mal heureux contrat n’a pu lui être révélée. Sa ruine n’en est pas moins consommée. La femme qui a concouru au contrat, qui à participé à la fraude, qui, peut-être , l'a inventée et conseillée , se cache derrière son mari que la loi considère comme en étant le seul auteur, et, en fait, seul responsable. Elle a dissipé avec lui le prix de l'immeuble, elle va main- tenant demander sa séparation de biens, et, quand l’'acqué- reur aura épuisé toutes ses ressources à poursuivre un insolvable , cet insolvable viendra partager avec elle les re- venus de l'immeuble augmenté de toutes les améliorations, de toute la plus value que l'acquéreur, qui s’en était cru irrévocablement propriétaire, lui aura fait acquérir (1). ————— (1) La Cour royale de Rouen a jugé, par un arrêt du 30 novembre 1840, que l’acquéreur d’un immeuble dotal ne pouvait, après l'an- nullation de la vente , retenir la possession de l'immeuble jusqu'à ce que la femme ou ses héritiers lui aient tenu compte de Ja plus value résultant des ainéliorations par lui faites, De Villeneuve 6%, Tt. XL, p. 71. 246 ACADÉMIE DE ROUEN. Ce sont là de véritables spoliations que nous voyons la justice consacrer tous les jours. (1) Maintenant, allous plus loin, et plaçons-nous dans la seconde des deux hypothèses que nous avons posées plus haut. Le contrat de mariage existe ; pas de difficulté sur ce point. Il est produit à l'acquéreur, et c’est à lui à démêler, à travers les ambiguités souvent calculées de sa rédaction , l'étendue des droits de sa venderesse. Qu'il y prenne garde , car la question sur laquelle il a à se prononcer aujourd'hui, sera soumise un jour à la déci- sion d’un tribunal, et si la majorité des juges composant ee tribunal allait ne pas la décider comme lui, sa ruine serait consommée. Or, pour faire bien comprendre jusqu'à quel point peut être épineuse et ardue la question de savoir si le bien qu'on veut lui vendre est ou n’est pas aliénable , si en l'acquérant il courra ou ne courra pas les dangers d’une éviction , nous avons besoin d'entrer dans quelques détails. Pour que des biens soient frappés de l’inaliénabilité do- tale, d’après les principes du Code civil, deux circons- tances sont nécessaires : —————— (1) De nombreux arrêts ont même décidé que lorsque la femme avait des biens paraphernaux, c'est-à-dire non soumis à la dotalité, elle ne pouvaitêtre contrainte, sur ces biens-là, à indemniser l’acqué- reur de son bien dotal, qu’elle avait, dans le contrat de vente, déclaré expressément garanti de tonte éviction. Voir notamment ceux des Cours royales, de Rouen du 5 décembre 1840, de Toulouse du 19 août 1843, de Limoges du 10 février 1844, de Riom du 13 août même année, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 247 1° La soumission des époux au régime dotal, et 2° la constitution en dot des biens dont il s’agit. Sans la réunion de ces deux circonstances les biens res- tent libres. « La constitution de certains biens en dot, porte l'art. » 1392, ne suflit pas pour soumettre ces biens au régime » dotal, s'il n’y a dans le contrat une déclaration expresse » à cet égard. » Et, d’un autre côté, il résulte des art. 1574 et 1576, qu'alors qu'il y a dans le contrat de mariage une déclaration expresse de soumission au régime dotal, les biens de la femme non constitués en dot sont parapher- naux , c’est-à-dire que la femme en conserve la libre dispo- sition et peut les aliéner valablement avec l'autorisation de son mari. Maintenant, quand y a-t-il, dans un contrat de mariage , soumission au régime dotal ? Quand y a-t-il constitution de dot? Ici naissent des difficultés sans nombre. A la disposition de la loi qui veut que la soumission au régime dotal soit expresse, la doctrine et la jurisprudence se sont empres- sées d'ajouter qu'elle n'avait pas besoin d’être sacramen- telle, c'est-à-dire que ces mots : nous nous soumettons au régime dotal, pouvaient être remplacés par des équivalentsz C'était tout de suite ouvrir le champ aux interprétations, et c’est un déplorable champ que celui-là. Jamais on ne peut y marcher avec sécurité ; les entraves s’y rencontrent à chaque pas, et les limites reculent toujours à mesure qu'on avance. Deux exemples choisis parmi beaucoup d’autres vont nous faire bien comprendre : 248 ACADÉMIE DE ROUEN. Des époux déclarent se marier en communauté de biens, ce qui est une exclusion formelle du régime dotal ; mais, par une disposition ultérieure de leur contrat, ils stipulent que les immeubles de la femme seront soumis à la disposition prohibitoire de l’art. 1554 du Code civil. L'art. 1554 est situé au chapitre du régime dotal. Il porte que les immeubles constitués en dot ne peuvent être aliénés ni hypothéqués pendant le mariage. Un créancier des époux imagine que s’il ne peut faire vendre les immeubles, il peut, au moins, faire saisir les revenus qui sont saisissables sous le régime de la commu- nauté, auquel les époux lui paraissaient n'avoir voulu appor- ter de restriction qu'en ce qui concerne les immeubles seulement. Ce créancier gagne sa cause devant la Cour royale de Paris, mais il la perd devant la Cour de cassation qui, interprétant autrement les stipulations du contrat de ma- riage, décide qu'il a été dans l'intention des époux de soumettre leurs revenus aux conséquences de la dota- lité. (1) Autre exemple: Des époux se marient sans déclarer sous quel régime ils entendent se marier; puis ils stipulent «que les biens » donnés à la future par ses parents lui seront censés de » nature dotale pour en conserver les privilèges et préro- » gatives accordées par la loi. » Un créancier qui ne croit pas voir dans cette clause obs- EEE (1) Arrêt du 24 août 1836, rapporté par M. Dalloz. Vol. de 1837, °° partic, pag 141. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 249 cure et ambiguë une soumission expresse au régime dotal, fait saisir les immeubles; il triomphe devant le tribunal de Jonsac, mais la Cour de Poitiers juge que les stipulations du contrat expriment suffisamment l'intention de sou- mettre les biens de l'époux au régime dotal, et équivalent à une déclaration expresse à cet égard. (1) Nous pourrions multiplier beaucoup ces exemples sans nous donner, pour cela, d'autre peine que de feuilleter les recueils de jurisprudence , tristes monuments de l’imper- fection des jugements humains, et qui montrent combien sont sujets à des appréciations différentes les termes dans lesquels sont rédigés les contrats. Quant à ce qui concerne la constitution de dot, la loi n'exige même pas qu'elle soit expresse. Elle peut être implicite, elle peut être tacite. Il suflit que l'on juge que des époux mariés sous le régime dotal, ont eu l'intention de se constituer certains immeubles en dot, pour que ces immeubles-là jouissent du privilége exhorbitant de l'inalié- nabilité. Citons seulement pour exemples deux arrêts de la Cour de Rouen : Dans l'espèce de l’un de ces arrêts, la femme avait dit tout simplement, à l'égard de ses immeubles, qu'elle les apportait en mariage. La Cour a jugé qu'apporter en mariage ou constituer en dot, c'était la même chose. (2) (1) Arrêt du 17 juillet 1838, rapporté par M. Dalloz. — 1839, 2° partie, page 3. (2) Arrêt du 26 mai 1842, jurisprudence de la Cour royale de Rouen. Vol de 1842, p. 297 250 ACADÉMIE DE ROUEN. Dans l’autre espèce, la femme n'avait même pas dit qu'elle apportait ses immeubles en mariage ; seulement le contrat contenait certaines expressions et certaines clauses d’après lesquelles la Cour a pensé que les époux avaient considéré leurs immeubles comme dotaux. (1) Ce qu'il y avait de déplorable dans les deux espèces que nous citons, comme, du reste, dans toutes celles analogues que nous pourrions citer, c’est que, pour surprendre la confiance de l'acquéreur ou du prêteur, les époux n'avaient (1) Arrêt du 3 février 1845. Souvent, dans les contrats de mariage, surtout dans ceux faits à une époque peu éloignée de la promulgation du Code civil, on ren- contre des formules empruntées aux usages de l’ancienne coutume de la province où ces contrats sont passés. Ces formules sont une cause à peu près inévitable de surprise et d'erreur pour les acqué- reurs étrangers qui en ignorent la signification. Ainsi, on a vu dans des contrats de mariage cette déclaration faite par des époux qu’ils se prenaient en tous leurs biens et droits*, ou bien qu’ils s’associaient avec tous et chacun de leurs biens et droits et contractaient une société usagère**, ou bien encore, que la femme instituait son mari son procureur irrévocable pour le régime et administration de ses biens présents et à venir ***. On a jugé qu’en employant ces expressions , autrefois usitées dans les pays de droit écrit , les époux avaient suffisamment mani- festé leur intention de soumettre leurs biens à la dotalité, et les malheureux acquéreurs qui, dans ces expressions étrangères pour eux, n'avaient pas vu une constitution de dot, ont été ruinés. Ces décisions étaient très rationnelles et très conséquentes avec ce prin- cipe consacré par la jurisprudence: que les contrats de mariage doi- vent, comme tous les autres contrats, s’interprêter par la volonté présumée des parties contractantes. * Voir un arrêt de la Cour royale de Poitiers, du 8 décembre 1824. ** Voir un arrêt de la méme Cour, du 24 mars 1826, #** Arrêt de la Cour de Grenoble, du 28 mai 1425. —_—.. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 251 négligé aucun moyen. Rendant même de très honorables jurisconsultes involontairement complices de leur fraude , ils avaient demandé des consultations, et, grâce à cette diversité d'appréciations dont nous parlions tout à l'heure et qui est le triste apanage de l'intelligence humaine, ils avaient pu s'appuyer sur des autorités respectables pour persuader aux tiers qui contractaient avec eux que leurs biens i'étaient pas constitués en dot, et pouvaient, dès lors, être aliénés ou servir de gage à leurs engagements ; puis, une fois le contrat signé et l'argent reçu, ils avaient tout de suite changé de langage et plaidé le contre après avoir plaidé le pour. Nous ne connaissons, pour notre part, rien de plus immoral que ce double jeu, et notre ame se révolte quand nous le voyons triompher devant la justice. Allons plus loin encore, et pour montrer tous les dan- gers que courent les tiers qui contractent avec les femmes dotales, supposons un contrat de mariage rédigé dans les termes les plus clairs, contenant expressément soumission au régime dotal et constitution de dot, mais en même temps contenant cette clause si généralement usitée dans la province que nous habitons, à savoir : que les biens do- taux de la future sont aliénables moyennant remploi. Pour bien apprécier la portée d'une pareille clause , il faut se rendre compte qu'elle laisse subsister, en principe, linaliénabilité dotale avec toutes les conséquences qu'elle entraine ; qu'elle n'autorise l'aliénation que sous les con- ditions expresses, indispensables , d'un remploi, c'est-à- dire, de l'existence, dans les mains de la femme, d’un autre bien qui remplace pour elle celui qu'elle a vendu, qui lui devienne dotal, et dans la valeur duquel elle puisse retrouver la valeur de celui-ci. 252 ACADÉMIE DE ROUEN. De à, cette conséquence, qui doit causer l'effroi des acquéreurs, que , si la condition n’est pas rigoureusement remplie, l'exception cessant, le principe reprend toute son énergie, et l’aliénation est invalidée. Maintenant, dépend-t-il toujours de l'acquéreur de faire que cette condition, si essentielle à sa sécurité, soit accom- plie? C’est là ce qu'il faut examiner. Pour que le remploi soit valable , il faut qu'il soit ac cepté par la femme ; il faut en outre qu'il soit légalement constaté par les contrats et par les quittances que le prix de l’acquisition a été payé avec les deniers provenant de la vente du fonds dotal. (Art. 1434 et 1435 du Code civil). Cela suppose que le fonds dotal doit être d'abord aliéné, et que c’est postérieurement qu'un autre fonds est acquis pour le remplacer. Entre l’aliénation et le remploi, l'acquéreur se trouve dans cette position que la condition indispensable à la va- lidité de son acquisition n'étant pas remplie , il peut se voir évincé de l’immeuble qu'il vient d'acquérir. En vue de cette éventualité , il dépose ordinairement son prix à la caisse des consignations , afin qu'il ne soit versé dans les mains du vendeur qu'au moment où celui-ci, en fournissant un remploi à la femme, effacera le caractère dotal de l'immeuble, et consolidera la propriété dans les mains de l'acquéreur. Mais qu'arrive-t-l souvent? c'est que le remploi qui aura été annoncé, ne se réalisera pas. La femme, mieux conseillée, refusera de l'accepter , ou le vendeur voudra conserver son bien. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 253 L'acquéreur du fonds dotal demandera alors la réalisa üon de son contrat ; il voudra reprendre son prix et resti- tuer aux époux un immeuble dont ils pourraient le dé- pouiller quand ils voudraient. On lui répondra avec la doctrine et la jurisprudence, que la nullité résultant de l'art. 1560 du Code civil, n’est que relative; qu'elle peut bien être invoquée contre lui, mais non par lui; que tout ce qu'il a droit de faire, c’est de contraindre ses vendeurs à faire un remploi, mais pour le remploi, il faut trouver un immeuble qui convienne, et cela peut bien ne pas se ren- contrer de suite. Pour peu que les époux y mettent de la mauvaise volonté, quelques mois se passeront, et si, pen— dant ce temps, l’un d'eux vient à mourir, le remplacement sera devenu impossible, et le malheureux acquéreur se verra dépouillé par suite de circonstances qu'il n'était pas en son pouvoir de conjurer. Une fois le remploi réalisé, c'est-à-dire accepté par la femme , et fait en son nom avec les deniers provenant de la vente de son fonds dotal , l'acquéreur de ce fonds pour- ra-t-il au moins s'en regarder comme irrévocablement propriétaire ? Hélas ! non; car si un jour les époux viennent à subir léviction du fonds acquis par eux en remploi, pour des causes antérieures à ce remploi, ils auront droit de recou- rir sur lui et de se faire renvoyer en possession de l'im- meuble qu'ils lui auront vendu. Or, on sait combien, dans l'état actuel de notre législa- tion hypothécaire, sont fréquentes les évictions résultant de causes qui n’ont point été prévues par les acquéreurs : une vente antérieure n'a pas été transcrite et est demeurée inconnue; un ancien vendeur n’a pas été payé et a conservé son droit de résolution ; une hypothèque légale n'a pas été 254 ACADÉMIE DE ROUEN. purgée; tous ces cas, et beaucoup d’autres, peuvent donner lieu à des évictions qui, en frappant l'immeuble acquis en remploi, atteignent par un fatal ricochet l'immeuble dotal remplacé. De façon que les chances périlleuses qui accom- pagnent inévitablement toute acquisition immobilière, sont nécessairement doublées pour l'acquéreur d’un bien dotal, aliénable moyennant remploi. Mais, sans qu’il y ait eu précisément éviction de l’im- meuble acquis en remploi, combien de fois n'est-il pas arrivé que cet immeuble a été jugé insuflisant pour mettre l'acquéreur du fonds dotal à l'abri des recherches de ses vendeurs. Il est certain que si la femme ne trouve pas dans l’im- meuble acquis la valeur de l'immeuble vendu, le remploi n’est pas complet. Il y a perte réelle pour la femme, alté- ration de sa dot, et, comme il est dans les principes du régime dotal que la dot ne peut jamais être perdue ou altérée , la femme est, ce cas échéant , parfaitement rece- vable à soutenir que les conditions sous lesquelles l’aliénation de son bien dotal avait été permise dans son contrat de mariage, n'ont pas été remplies; que cette aliénation, illé- galement faite, doit être considérée comme nulle, et qu’elle est en droit de reprendre son immeuble en quelques mains qu'il se trouve, et quelque soit le prix pour lequel il lui a déjà été payé. Veuillez bien considérer maintenant quelles seront pour l'acquéreur les conséquences de cette réclamation, qui pourra fort bien ne se produire qu'un demi-siècle après son acquisition. La contestation qui lui sera faite pourra également porter, soit sur le prix de l'immeuble dotal que l'on soutiendra avoir été payé au-dessous de sa valeur , soit sur celui de l'immeuble acquis en remploi que l'on CLASSE DES BELLES-LETTRES. 255 dira vendu trop cher. Or, depuis 50 ans, les circonstances auront changé Les conditions dans lesquelles se trou- vaient l'un ou l’autre de ces immeubles, ne seront plus les mêmes ; la valeur de lun aura pu augmenter beaucoup, et la valeur de l'autre aura pu diminuer. Cependant des experts seront nommés, et leur appréciation deviendra la règle des juges ; or on sait ce que sont les appréciations d'experts, même lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur actuelle des biens soumis à leur examen. Quelles ne devront pas être les légitimes anxiétés d’un acquéreur qui sera peut-être fort éloigné des lieux où le procès lui sera intenté, qui aura peut-être depuis long- temps revendu lui-même l'immeuble en litige et en aura employé le prix, et qui se verra appelé en garantie par plusieurs acquéreurs successifs de ce même immeuble, pour répondre à une action en éviction, fondée sur ce que des gens, qui lui seront devenus tout-à-fait étrangers, auront fait jadis une mauvaise spéculation en lui vendant ou en vendant à ses auteurs un immeuble et en le remplaçant par un autre. La seule éventualité d'un pareil procès doit faire frémir tout homme soucieux de son repos, et personne au monde ne voudrait , à quelque prix que ce fût, acquérir un im-— meuble dotal, s’il arrêtait sa pensée sur tous les troubles qui peuvent suivre une pareille acquisition. Et que ‘sera-ce maintenant si le contrat de mariage contient, comme la plupart en contiennent, des res- trictions à°la faculté d’aliéner moyennant remploi , expri- mées dans des termes sujets à interprétation. S'il est dit , par exemple, comme cela est dit le plus souvent , que le remplacement devra se faire en immeubles de même nature ? 256 ACADÉMIE DE ROUEN. 1D Combien de procès sont nés et naîtront encore , si Dieu prète vie au régime dotal, sur le sens de ces trois mots, de même nature ! La femme dotale possédait une ferme, elle achète un château ; ou bien une pièce de terre en labour, et elle achète une prairie; ou bien une maison, et elle achète une usine ; ou bien une auberge , et elle achète un théâtre; ce sont également des immeubles, également des biens ruraux ou des biens de ville ; mais le produit n’est pas le même ; les chances d'amélioration ou de dépréciation ne sont pas les mêmes non plus. Sont-ce là des biens de même nature suivant le sens que les rédacteurs du contrat de mariage ont voulu donner à ces mots ? Sur cinquante bons esprits à qui la question sera soumise, vingt-cinq résoudront par l’affirmative , et vingt-cinq par la négative. Eh bien! un jour viendra où, quand vous aurez payé votre immeuble, quand vous l'aurez embelli et amélioré , quand vous l'aurez disposé suivant vos convenances et vous serez fait une habitude de sa possession, ou bien quand vous l'aurez transmis à vos héritiers , l'idée viendra à votre venderesse , ou à son mari, ou à ses héritiers de soumettre à un tribunal cette question si controversable, et, s’il arrive que la majorité des membres composant ce tribunal soit d'avis que l'immeuble qui vous a été vendu n'était pas de même nature que l'immeuble acquis en remploi, vous aurez à subir toutes les conséquences d’une éviction. Plaçons-nous maintenant dans une autre hypothèse , et supposons qu'au lieu d’un remplacement en immeubles, le contrat, comme cela arrive encore si souvent, autorise un remploi en garanties hypothécaires. Voilà l'acquéreur obligé de répondre de la validité et de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 257 la suflisance de l'hypothèque qui sera donnée à la femme. Le voilà assumant sur lui toutes les chances périlleuses qui accompagnent toujours dans notre législation les place- ments hypothécaires. Que l’affectation ne soit pas consentie par le véritable propriétaire des immeubles hypothéqués; qu'elle soit don- née par un incapable ou sur des biens placés sous le coup d'une action résolutoire ou en revendication; que l'ins- cription ne soit pas régulièrement prise ; la femme voyant son remplacement lui échapper, rentrera dans tous ses droits contre l'acquéreur de son bien dotal, et, armée du terrible article 1560 , elle viendra l'expulser de l'immeuble qu'elle lui avait vendu. Ilen sera de même si les immeubles hypothéqués sont jugés insuffisants pour répondre de l'hypothèque ; or cette insuflisance peut résulter non-seulement de la valeur in- trinsèque de ces immeubles, mais encore de l'importance des autres hypothèques dont ils étaient grevés antérieure- ment au remploi, et parmi lesquelles peuvent se trouver ces hypothèques légales, qui, étant dispensées de publicité, sont une source si fréquente de mécomptes pour les em- prunteurs. Nous pourrions multiplier jusqu'à l'infini ces hypothèses dans lesquelles la rédaction plus ou moins ambiguë des contrats de mariage, peut devenir, pour les acquéreurs de biens dotaux , une cause de déception et de ruine. Nous aimons mieux les résumer toutes par cette double considération qui suflira pour faire apprécier, à quiconque y voudra bien réfléchir, toute l'étendue du mal. D'une part, que la plus grande latitude est donnée par la loi aux ré- dacteurs des contrats de mariage ; qu'ils y peuvent faire entrer toutes les clauses qui leur sont inspirées par le ca- 17 258 ACADÉMIE DE ROUEN. price de leur fantaisie, sous la seule réserve du respect dû aux bonnes mœurs , à la puissance paternelle ou maritale, et à l'ordre légal des shccessions (1), et, d’une autre part, que les contrats de mariage s'interprètent , comme tous les autres contrats, par la volonté présumée des parties contractantes ; d’où sort cette conséquence désolante pour les tiers qui ont contracté sous la foi d’un contrat de mariage , que leur sort sera réglé par les dispositions d’un acte auquel ils n’ont point été partie , et dont les obscurités s'interpréteront par la présomption d'une volonté qui leur à été étrangère. Maintenant, si l'on considère combien les lois rédigées par les hommes les plus éminents du royaume, dans un in- térêt général et avec la plus grande clarté possible, don- nent encore lieu, tous les jours , à des difficultés d’inter- prétation qui divisent les plus habiles jurisconsultes ; et cela encore, lorsque de nombreux monuments de la vo- lonté qui a présidé à la rédaction de ces lois demeurent dans les discussions des Chambres législatives, pourra-t-on trouver supportable la position d’un acquéreur, dont la sé- curité dépend de l'interprétation qui pourra être donnée un jour à une clause dont l’ambiguité a peut-être été calcu- lée à dessein pour le tromper ! Les cas sont donc bien rares où l'acquéreur d’un bien dotal pourra se considérer comme propriétaire incommu- table de l'objet de son acquisition. Le danger à cet égard est si réel et si généralement senti, que la plupart des acquéreurs , dans les cas où le contrat de mariage autorise l’aliénation du bien dotal sous condition de remploi, refusent de payer leur prix et se (1) Art, 1387, 1388 et 1389 du Code civil. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 259 laissent assigner ; un procès s’en suit, et ce n'est que lors- qu'un jugement, passé en force de chose jugée, les a con- damnés , qu'ils consentent à se libérer. a ,q Mais alors de deux choses l'une : ou le procès n’est pas sérieux, c'est-à-dire est concerté à l'avance entre le ven- deur et l'acquéreur, comme moyen de donner à ce dernier une sécurité de plus, et, à l'aliénation, une garantie de fixité qui lui manquerait sans cela, et, alors, si un jour la collision est découverte, la femme ou ses héritiers, invoquant la fraude qui fait exception à toutes les règles, feront annuler le jugement et révoquer l’aliénation : quoties'in fraudem legis fit alienatio, non valet quod actum est ; Ou bien ce sera après une contestation sérieuse que l’ac- quéreur sera condamné à payer son prix, et alors, il aura à subir toutes les conséquences d’un procès perdu ; c'est- à-dire que pendant tout le temps où le procès aura duré, et l’on sait ce que les procès durent, il aura été privé, tout à la fois, et des avantages de son immeuble dont il n'aura osé prendre possession, et des intérêts de son prix qu'il lui aura fallu consigner ; puis, qu'après la décision qui l'aura condamné, il aura à payer, outre les frais de justice qui pourront être considérables , les dommages-intérêts que le vendeur ne manquera pas de réclamer. En vérité, quand on considère bien tous ces inconvé- nients et tous ces dangers, on se demande comment les biens dotaux trouvent des acquéreurs. Ils en trouvent ce- pendant, mais c’est aux dépens de leur valeur On les paie moins cher en considération des risques auxquels on s’ex- pose en les acquérant, et cette moins-value est une perte, non-seulement pour les vendeurs , mais aussi pour l'Étai qui voit diminuer ainsi les richesses du pays. 260 ACADÉMIE DE ROUEN. Si encore les rigueurs du régime dotal n'atteignaient que les époux qui s’y sont soumis et les tiers qui con- tractent avec eux, nous l’absoudrions avec la maxime : va- lentibus non fit injuria ; mais , il n’en est pas ainsi, Déjà nous avons cité bien des piéges tendus à la bonne foi des acquéreurs, et auxquels les plus vigilants devaient se laisser prendre. Ajoutons qu'il est une foule de positions dans lesquelles on se trouve involontairement en contact avec la dotalité , et exposé à souffrir de ses exhorbitantes immunités. Ainsi, vous êtes créancier, votre débiteur meurt, et sa succession est acceptée par sa fille, mariée sous le régime dotal. Celle-ci ne fait pas d'inventaire, et dilapide la suc- cession ; il se trouvera des juges qui décideront que vous ne pouvez poursuivre sur ses biens dotaux le recouvre- ment de votre créance (1). Vous êtes débiteur, etil plait à votre créancier de donner pour dot à sa fille sa créance sur vous, en stipu- lant dans le contrat de mariage l'emploi des deniers do- taux. Si cetemploi n’est pas fait dans les termes du contrat, vous pouvez être condamné à payer deux fois (2). Une femme dotale vous intente un procès; vous vou- driez en sortir par un arbitrage , la dotalité s’y oppose (3). Le procès qui vous est fait est d’une révoltante injustice, vous gagnez votre cause en première instance, en appel, (1) Citons pour preuve et pour exemple un arrêt de la Cour d'Agen du 26 janvier 1833, et un arrêt de la Cour de cassation du 3 janvier 1825. (2) Art. 1553. (3) Art. 83 et 1004 du Code de procédure civile. Arrêt de la Cour royale de Montpellier du 15 novembre 1830. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 261 en cassation; mais les dépens sont considérables, vous ne pouvez les faire payer à votre adversaire , et vous êtes ruiné (1). Enfin , il y a plus. Une femme sous le régime dotal se rend coupable envers vous d'un délit ou d’un crime. Elle vole votre bourse , incendie votre maison , vous ne pouvez vous venger sur ses biens dotaux (2). On voit que personne ne peut se flatter d'être à l'abri des atteintes du régime dotal, puisqu'alors même qu’on n'est ni créancier, ni débiteur, ni propriétaire , on ne peut être à l'abri d’un mauvais procès intenté par une femme dotale , d'un quasi délit, d’un délit ou d’un crime commis par elle. Nous terminerons d'ailleurs par une considération qui sera comprise par tout le monde : C'est que, dans le courant habituel des affaires , il est une foule de petites transactions , de petits contrats , de petits engagements pour lesquels il n’est véritablement (1) Arrêt de la Cour d’Agen du 26 janvier 1833 et de Cassation du 26 février 1834. Il y a, toutefois, des arrêts contraires, et la question est contro- versée. (2) Cette doctrine a trouvé, il est vrai, des contradicteurs dont l'esprit d'équité s’est révolté contre la rigueur du texte ; mais elle a aussi des défenseurs. V. notamment Terisier, Traité de la dot, n° 78, note 675. V. aussi un arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 1834 et un arrêt tout récent de la Cour de Montpellier du 4 février 1842. Tout ce qu’on peut dire dans l’état actuel de la jurisprudence, c'est que, sur ce point comme sur le précédent, la question est controversée, ce qui est peu rassurant pour les tiers. 262 ACADÉMIE DE ROUEN. pas possible de prendre toutes les précautions que , dans les grandes affaires, la prudence conseille. Par cela seul que des époux occupent dans le monde un rang distingué, qu'ils font de grandes dépenses, étalent un grand luxe, chacun les croit riches ; qu'il leur plaise d'acheter à crédit ou d'emprunter une petite somme , se fera-t-on représenter leur contrat de mariage , s'inquié- tera-t-on de savoir si la fortune vient du mari ou vient de la femme , si les biens de l’un sont plus que suflisants pour solder les reprises de l'autre, et si dans le cas d’une séparation de biens, entre les époux, après la liquidation des droits de la femme , il resterait au mari de quoi payer les dettes du ménage... ? La pensée n'en viendra même pas. Il y a plus, c’est que, même après la séparation pro- noncée en Justicej, même après l'insolvabilité du mari constatée par la ruine de nombreux créanciers, les ap parences de fortune que, grâce à la dot de sa femme, celui-ci conserve, sont pour les tiers une cause inces— sante de tromperie. Nul ne peut imaginer que ce brillant équipage dans le- quel il se promène, cet hôtel somptueux qu'il habite, les domestiques nombreux qui le servent, rien de tout cela n’est à lui. On lui vend et on lui prête sur la foi des biens qu'il étale et de la fortune qu'on lui suppose; puis , quand on vient saisir, la femme se montre , et dit : « Tout est à «moi, à moi l'équipage, à moi l'hôtel, à moi les beaux « meubles ; mon mari n’a rien, c’est moi qui le nourrit, qui le vêlit, qui le loge, qui le promène en voiture. Je fais tout cela parce que je le veux bien, parce que, d’ailleurs, la loi m'oblige à vivre avec lui et à pourvoir à son entre- = = CLASSE DES BELLES-LETTRES. 263 «tien; mais la loi ne m'oblige pas de payer ses dettes, « je ne veux pas les payer et ne les paierai pas. » En vérité , il serait peut-être d'une bonne police d'o- bliger tous les époux mariés sous le régime dotal à se munir de crecelles , comme autrefois les lépreux, pour écarter les passants, et tenir les gens en garde contre les dangers qui peuvent résulter de leur contact. $ Hi. Du régune dotal considéré dans ses rapports avec l'intérêt général du pays. Après avoir examiné le régime dotal au respect de l'in- térêt des époux et de l'intérêt des tiers, il nous reste à l'envisager au point de vue de l'intérêt général du pays. Ce troisième aspect de la question est tout à la fois le complément et la conséquence des deux autres. L'intérêt public se compose de la réunion des intérêts privés , et il est bien impossible que , lorsqu’au sein d’une société tant de froissements particuliers se font sentir, la société toute entière ne s'en trouve pas, Jusqu'à un certain point , ébranlée. Ainsi, déjà , quant à la morale publique, combien n'a- t-elle pas à souffrir du scandale de toutes ces fraudes dont nous avons parlé, et qui se réalisent au grand jour, sous les yeux, et, en quelque sorte, avec la protection de la justice qui en consacre , par ses décisions, les résultats spoliateurs. Lorsque , dans le sanctuaire des lois, il est permis à une femme d'élever la voix, et de dire : 26* ACADÉMIE DE ROUEN. « Pour obtenir de vous le paiement de mon immeuble, « je vous ai caché mon contrat de mariage , et vous ai dit « qu'il n'existait pas. Ou bien : j'ai abusé de votre igno- «rance et de votre confiance en moi, pour vous faire « croire qu'il me donnait le droit de recevoir votre argent, « mais tout cela de ma part était fraude et mensonge, « payez-moi une deuxième fois, ou rendez-moi mon bien. » Lorsqu'un pareil langage, loin d'être couvert par les huées de l'auditoire et flétri par l'indignation des ma- gistrats, est au contraire couronné de succès et suivi de la spoliation de l'acquéreur trompé, ne sort-il pas de Rà, pour les masses, une impression mauvaise qui tend à pervertir chez elles le sentiment du juste et du vrai, et à ébranler dans le peuple la confiance et le respect qui sont dus aux dispensateurs de la justice! Mais ce n’est pas seulement la morale publique qui est blessée par de pareils exemples. Les intérêts généraux de la propriété en souffrent éga- lement. Pour être utile et féconde , la propriété a surtout besoin d'une grande stabilité , et le propriétaire qui voit son voisin dépouillé par des causes qu'il n'avait pu prévoir, croit sentir aussi le sol trembler sous ses pas. S'il possède avec crainte , il hésitera à faire des amé- liorations dont il ne se croira pas sûr de recueillir les fruits, et ce sera autant de perdu pour les richesses du pays. Mais, ce qui est une cause de perte bien plus grande encore pour le pays, c'est, d’une part, l'immutabilité de tous les biens-fonds frappés de l'inaliénabilité dotale, et, de 7 CLASSE DES BELLES-LETTRES. 265 l'autre, la moins-value de tous ceux qui, quoique dotaux, sont aliénables sous certaines conditions. Nous n'avons pas besoin de nous arrêter à de longues considérations d'économie politique pour démontrer ces deux propositions fort évidentes par elles-mêmes. Des biens qui ne circulent pas, sont, à certains égards , pour la fortune publique, comme s'ils n’existaient pas, et des biens qui exposent à des dangers d'éviction ceux qui les acquièrent, voient nécessairement leur valeur dimi- nuer en raison de la gravité et de l'imminence de ces dangers. Avant la loi du 27 avril 1825, qui, en accordant une indemnité aux émigrés victimes des confiscations révolu- tionnaires, a donné à ces confiscations l'irrévocabilité d'une juste et équitable consécration, il est certain que la vague inquiétude qui agitait les possesseurs de leurs biens, malgré tout ce qui avait été dit et fait pour les rassurer, suflisait pour faire subir à ces biens une notable dépré- ciation. Une dépréciation bien plus grande , parce que les dan- gers sont bien plus réels, frappe aujourd'hui les biens dotaux. Celui qui ne peut acquérir qu'à la condition de fournir un remploi à son vendeur, de demeurer garant de la va- lidité de ce remploi , de ne pouvoir se libérer avec sécu- rité qu'après avoir soutenu et perdu un procès ; enfin, à la charge de tous les périls que nous avons signalés dans le paragraphe qui précède, celui-là , bien certaine- ment, s'il consent à se soumettre à ces embarras et à courir ces périls, en voudra trouver le dédommagement daus la vileté du prix de son acquisition. 266 ACADÉMIE DE ROUEN. Aussi, voyons-nous en Normandie , par exemple, où les biens dotaux aliénables, moyennant remploi, couvrent une grande partie du sol, que la première question que fait un acquéreur tend à savoir si le bien qu'on lui offre n’est pas un bien dotal, comme on demandait autrefois si les biens à vendre n'étaient pas des biens d'Église ou des biens d’émigrés , confisquées révolutionnairement. Mais, au contraire de la dépréciation des biens d'émigré qui allait toujours diminuant, parce que les craintes de dépossession s’amoindrissaient à mesure que s'éloignait le fait unique qui aurait pu y donner lieu , la dépréciation des biens dotaux augmente tous les jours, parce que tous les jours de nouveaux exemples de dépossession viennent effrayer les acquéreurs ; parce que , dans un temps où les capitaux sont sollicités de toute part par les avantages que présentent les spéculations hasardeuses de l'industrie et du commerce, ce n’est que la considération d’une grande solidité qui peut poïter les capitalistes à se con- tenter des faibles intérêts que donne la propriété foncière ; parce que , enfin, la soif du gain domine de plus en plus, et qu'elle inspire aux vendeurs des tromperies qui en- gendrent, à leur tour, de justes méfiances chez les ac- quéreurs. La dotalité porte donc une double atteinte à la richesse du pays qu'elle diminue dans la double proportion des mutations de propriété qu'elle empêche , et de la moins- value qu'elle fait subir aux immeubles aliénables moyen- nant remploi. Nous ne pensons pas que cette fächeuse conséquence du régime dotal , ait jamais été contestée , ni qu'elle puisse l'être par qui que ce soit, mais souvent nous avons en— tendu les partisans de ce régime s’applaudir des entraves CLASSE DES BELLES-LETTRES. 267 5 qu'il apporte à la transmission des propriétés foncières dans l'intérêt de l'agriculture, qu'ils voient menacée dans son avenir par le morcellement toujours croissant des héritages. Sans vouloir contester les ressources que les grandes exploitations présentent à certaines branches de notre agri- culture, et tout en comprenant les légitimes préoccupations de nos économistes en présence des dangers que fait pres- sentir le morcellement dont ils se plaignent, nous nous croyons fondés à dire que, non seulement le régime dotal n’oppose pas de véritables entraves au morcelle- ment des propriétés , mais qu'il met obstacle au seul re- mède utile qui puisse être apporté à ce fléau agricole, en rendant plus diflicile la réunion des propriétés con- tigues. Cela demande quelques développements. Deux causes, suivant nous, concourent au morcellement des propriétés : Les partages entre héritiers et les ventes en détail. Ce n'est pas à dire, toutefois, que ces deux causes doi- vent être placées sur la même ligne. Il en est une dont l’action est plus lente que celle de l'autre, mais en même temps bien plus puissante, bien plus générale, bien plus sérieusement inquiétante. & Les ventes en détail n'affectent ordinairement que cer- tains terrains , situés dans des positions exceptionnelles, ou bien des héritages qui ne peuvent gagner à être divisés que parce qu'ils seront mieux cultivés par parcelles qu'ils ne l’étaient dans leur ensemble , et, dans ce dernier cas, l'agriculture regagne d'un côté ce qu'elle perd de l'autre. 268 ACADÉMIE DE ROUEN. Mais les partages de succession font sentir leur influence dissolvante sur toute la surface du territoire. Toutes les exploitations agricoles vont s'amoindrissant en passant du père aux enfants, de l'oncle aux neveux. Ce sont des ar- bres qui se divisent, d’abord en grosses branches, puis en petits rameaux , et cela, tant que la matière est divisible, c'est-à-dire jusqu'à l'infini. Sous l’ancien régime, chacune des deux causes que nous venons d'indiquer, avait son retenail, s'il nous est permis d'emprunter à Bossuet cette expression énergique. Les substitutions empêchaient les ventes en détail, et le droit d’aînesse conservait l'héritage entre les mains de l'aîné de la famille. Le droit d’ainesse a disparu de nos lois sans y laisser aucune trace de sa longue existence, et le partage égal des successions suflirait bien à lui seul, et en peu de temps, pour amener entre tous les héritages ce morcellement justement redouté, si, à côté de son action destructive, ne se trouvait une autre force constituante et créatrice , dont tout à l'heure nous allons parler. Quant aux substitutions , c'est évidemment en mémoire d’elles que les sectateurs de la dotalité ont vanté les avan- tages conservateurs de l'inaliénabilité dotale ; mais 1l nous paraît évident qu'ils ont été frappés d’une fausse analogie. Les biens substitués étaient à toujours inaliénables. Les biens dotaux, au contraire, ne sont inaliénables que pendant la durée du mariage pour lequel ils ont été constitués en dot. Cette inaliénabilité temporaire peut bien retarder l’exé- cution des projets du spéculateur, mais elle n'y fait pas re- noncer,; et, si une propriété se trouve telle par sa situation, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 269 qu'il y ait avantage à la diviser, ce ne sera pas aujourd'hui, mais ce sera demain que la spéculation la divisera. L'avenir n'y aura rien gagné, et, en matière de législa- tion et d'économie politique, c’est sur l'avenir qu'il faut avoir toujours les yeux fixés. Il est donc certain qu’en l'absence du droit d’aînesse et des substitutions, et par la double action des ventes en détail et des partages successoraux, les biens ruraux ten- dront toujours à se diviser et à s'amoindrir, jusqu'à ce que, cédant à des forces d'une nature différente, leurs parties divisées se réunissent, s’agglomèrent, et forment de nou- velles grandes exploitations sur les débris de celles qui disparaissent. Ces forces dont nous parlons et dont le facile développe- ment doit exciter maintenant toute la sollicitude des éco- nomistes , ne manqueront jamais au pays. A côté des fortunes qui s'écroulent, il en est d'autres qui se créent. Les spéculations qui ruinent les uns, enri- chissent les autres. Tel a toujours été et sera toujours l’inévitable effet des vicissitudes humaines. Dans tous les temps, nous verrons les capitaux s'amon- celer dans certaines mains privilégiées, et, quelque soit la source de ces richesses, qu'elles soient dues au commerce ou à l'industrie, à l'exercice des professions libérales, aux efforts du génie ou au hasard de l’agiotage, leurs heureux possesseurs chercheront toujours à les consolider dans leurs mains au moyen des garanties de fixité que peut seule offrir la propriété foncière. Nous aurons donc dans l'avenir, comme nous avions dans le passé, de grands propriétaires fonciers. 270 ACADÉMIE DE ROUEN. Le sol ne sera plus comme autrefois à l'aristocratie no- biliaire ; mais il appartiendra toujours à l'aristocratie d'ar- gent, et, pour ce qui concerne les intérêts de l’agriculture, peu importerait si, dans les mains de ces possesseurs nou- veaux , les héritages pouvaient comme autrefois se consti- tuer en grands domaines , en grandes exploitations. Malheureusement il n’en est pas ainsi. Ceux qui, de nos jours , possèdent de grandes fortunes territoriales , ont leurs biens éparpillés sur beaucoup de points différents. Tel qui pourrait posséder un vaste do- maine et y déployer avec avantage toutes les ressources de l'agriculture appliquée en grand, en est réduit à ne posséder que de petites fermes , isolées les unes des autres, et sou- mises aux conditions défavorables de la petite culture. Assurément ce n’est pas dans le caprice des propriétaires qu'il faut chercher la raison de ce fâcheux état des choses. L'intérêt est un guide dont les avis sont rarement négligés, et ici, il parle assez haut pour croire qu'on l’écouterait, si l'on pouvait librement suivre ses inspirations ; mais, dans le temps où nous vivons, acquérir suivant ses convenances n'est pas toujours chose aisée. D'abord les convenances sont entrées dans le commerce, il faut les payer et souvent les payer fort cher. Puis, outre cette triste conséquence de l'esprit de cupidité et d'égoïsme qui a envahi nos mœurs, la législation apporte aussi ses entraves, au nombre desquelles celles résultant du régime dotal doivent être comptées en première ligne. Malheur en effet au propriétaire dont l'héritage se trouve borné par un bien dotal. Cette limite sera pour lui infran- chissable, et jamais il ne pourra, de ce côté, agrandir son domaine. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 271 Abolissez le régime dotal, diminuez les droits de mu- tation, corrigez les vices de notre système hypothécaire , en un mot, rendez plus faciles et plus sûres les échanges et les transmissions d'immeubles, bientôt vous verrez de tous côtés de petites propriétés contiguës se réunir et se confondre, pour former, dans les mains d’un propriétaire commun, une exploitation unique, importante par son éten- due, et, par cela même, avantageuse dans son exploitation. L'agriculture y gagnera , l'industrie y trouvera aussi ses avantages. La loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique donne à l'État et aux compagnies concessionnairés de tra- vaux publics, subrogées dans ses droits, des moyens pour franchir les entraves de la dotalité. Les biens dotaux de- viennent aliénables dès qu'ils sont nécessaires pour l'exé- cution des travaux légalement reconnus pour être d'utilité publique. Le tribunal ordonne alors les mesures de remploi qu'il Juge nécessaires, et l'embarras n'existe plus que pour les propriétaires obligés de se conformer à ces mesures. Mais, quand c'est un particulier qui , pour une opération industrielle, a besoin de réunir plusieurs propriétés privées, les mêmes facilités ne lui sont point octroyées par la loi. Si, au nombre de ces propriétés dont la réunion est utile, il se trouve un bien dotal, toute la spéculation est entravée. Il faudra renoncer à créer une de ces grandes usines qui répandent le travail, l’activité, l'aisance dans tout un pays, à ouvrir un de ces beaux passages qui, tout en faisant la fortune de ceux qui les exploitent, offrent au publie des 272 ACADÉMIE DE ROUEN. moyens si commodes et si agréables de communication ; à former un de ces vastes établissements de santé ou d'é- ducation qui permettent de respirer au sein des villes l'air salubre de la campagne. Encore que l'utilité publique de pareilles entreprises ne reçoive pas la sanction d'une décision administrative , elle n’en est pas moins incontestable; car tout se tient en éco- nomie politique , et l'intérêt public n'est autre chose que cette espèce de solidarité qui existe entre tous les intérêts privés. Pour qu'une spéculation fasse la fortune de ceux qui l'entreprennent , il faut qu’elle réponde à des besoins, qu'elle donne satisfaction à des intérêts généralement sen- tis. Il faut, en d’autres termes, qu’elle soit avantageuse au public. D'où suit, qu’entraver la spéculation de l'intérêt privé, c’est nuire à l'intérêt public. Tels sont nos griefs contre le régime dotal. Nous les avons exposés avec bonne foi et sincérité, nous les livrons maintenant aux méditations de nos lecteurs, avec la confiance que peut inspirer une conviction profonde et le sentiment d'un devoir accompli. Déjà nous savons avoir pour nous les sympathies des ju- risconsultes, des praticiens, des économistes les plus éclai- rés de cette province dans laquelle le régime dotal a pour- tant de si profondes racines. Contre nous, nous aurons nécessairement le grand nom- bre qui ne voit dans le régime dotal que la planche de salut qu'il tend, après le naufrage de leur fortune, à des familles intéressantes , victimes de spéculations, de prodigalités auxquelles leur chef seal a pris part. CLASSE DES BELLES LETTRES. 273 Sans contester les avantages de cette planche de salut , nous croyons qu'elle est payée de trop de gènes, de trop de sacrifices, de trop de douleurs par ceux même à qui elle peut devenir un jour utile; puis, à côté de ces fa- milles intéressantes auxquelles elle conserve l'aisance, nous voyons les familles des créanciers souvent bien intéressantes aussi, et s’il faut que les unes ou les autres soient ruinées , il nous paraît préférable que ce ne soit pas celles au sein desquelles il n°y a eu ni prodigalité, ni dissipation. 18 D on NON D SONO S D UNS D DNS D NS SN NS L'OEIL DE DIEU, ŒCanserie paternelle d'une Soirée d'Octobre. PAR M. F. DESCHAMPS. Mon enfant , la nuit est venue; Enfoncé dans mon grand fauteuil , Le front couvert du garde-vue, J'ai l'air grave comme un aïeul. Toi, près de mon feu qui flamboie , Assis bien bas, presqu'à mes piés, Vers moi tu lèves avec joie ! Tes veux encor tout éveillés. A travers ton malin sourire Et tes petits airs agaçants, J'ai compris ce que tu désire : Tu demandes des jeux bruyants. CLASSE DES BELLES LETTRES. 275 A tes vœux si je veux répondre, Il faut, dépeuplant mon lambris , Te laisser entasser, confondre, Chaises , fauteuils, tables, tapis. Puis il faut t'aider à construire , Avec mes meubles renversés , Quelque port ou quelque navire, Quelque donjon aux grands fossés. Non — tiens, regarde à la fenêtre, Quel triste ciel ! quel sombre soir ! Octobre siffle ! il pleut peut-être ! La lune a pris son voile noir, L'arbre gémit, la vitre tremble, Le temps est triste et soucieux , Au soleil nous joûrons ensemble ; Mais ce soir soyons sérieux. Mon fils, au-dessus du tonnerre, Bien haut, bien haut , au fond des cieux, Il est un grand œil sans paupière , Qui voit tout, qui plonge en tous lieux ; 1 ACADÉMIE DE ROUEN. De la terre il voit les entrailles, Perce la voûte des forêts, Et les plus épaisses murailles Où l'homme cache ses secrets. Cet œil qui jamais ne se ferme, Profond , immense et plein d’un feu Sans commencement et sans terme , Cet œil, mon fils, c'est l'œil de Dieu ! Dieu ! mot qui confond la science, Mot que nul ne sait définir, Et que ta frèêle intelligence Ne peut concevoir ni sentir. De ce mystère de l'espace Tu ne peux voir la profondeur, Je t'en veux montrer la surface ; Ne m'écoute qu'avec ton cœur. On t'a dit que dans sa puissance Dieu créa tout ce que tu vois : Les cieux avec leur voûte immense, La mer, les montagnes, les bois ; = CLASSE DES BELLES-LETTRES. Tout ce qui marche , vole ou nage , Peuple le sol, les eaux, les airs, L'homme, enfin, son plus grand ouvrage, Auquel il donna l'univers. Or, comme l'ouvrier habile Veille à l'œuvre qu'il a construit, Rend sa marche sure et facile, Répare, entretient, affermit : Dans sa sublime prévoyance , Dieu veille aussi. Ce soin jaloux , Mon enfant, c'est la Providence , C'est le grand œil ouvert sur nous ; Ïl nous suit partout où nous sommes, Nous voit , les petits et les grands, Regarde les travaux des hommes Et les jeux des petits enfants. Près de lui, sous le doigt d’un ange, S'ouvre le grand livre d’airain Où se lit le rare mélange Du bien avec le mal humain. 1D -{ Si ACADÉMIE DE ROUEN. Quand Dieu rencontre sur la terre Le bien dans son divin essor, Le bien, ce fils de la lumière, Dieu l’inscrit sur les feuillets d’or. Mais son regard perce les ombres, Et, quand il aperçoit le mal, Il l'inscrit sur des feuillets sombres Trempés dans le plus noir métal. Ce que tu fais, ce que tu pense, Ce que ta bouche ou ton cœur dit, Par Dieu , qui le connait d'avance, Aux cieux chaque jour est écrit. Car il ne néglige aucun être ; Dans cette immense égalité Qu'il nous convie à reconnaitre , Sur tous il étend sa bonté. Les grands efforts de la science , Les grands desseins du conquérant, Ne sont pas, devant sa puissance , Plus que les rêves de l'enfant. a CLASSE DES BELLES-LETTRES. Bien plus , sa sagesse profonde Préfère accorder son appui A ceux qu'a moins touchés le monde , Qui sont encor plus près de lui. Pour lui', c'est une douce chose : Souvent , fatigué des méchants , Il se détourne et se repose Sur le front des petits enfants. Mais, s’il faut aussi qu'il les nomme Injustes , jaloux ou menteurs , S'il trouve les vices de l’homme Implantés dans ces jeunes cœurs : Alors il prend un front sévère , Il étend son bras, il maudit , Et, dans sa divine colère : Sur les feuillets noirs il écrit. S'il voit l'enfant, l’ame attendrie Puiser dans son petit trésor Pour donner au vieux qui mendie , Dieu l'écrit sur les pages d'or. [Da 1 9 280 ACADÉMIE DE ROUEN. S'il voit l'enfant près de son père Soumis , docile , affectueux , Cherchant avant tout à lui plaire, Lisant ses désirs dans ses yeux ; Si pour le travail, loi suprême Que Dieu dicte à l'humanité, Il sait quitter le jeu qu'il aime Sans trop pleurer sa liberté ; S'il entoure de gratitude Celui qui, par un lent effort, L'appelle aux secrets de l'étude, Dieu l'écrit sur les pages d'or. Mais si Dieu voit l'enfant colère , Cruel, envieux , querelleur, S'il est sans amour pour son père, Sans respect pour son précepteur ; Ces devoirs que le maître donne , S'il les repousse et les maudit , S'il résiste quand on ordonne, Dieu sur les feuillets noirs écrit. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 281 Si, pour le pauvre prolétaire Que le sort fit son serviteur , [n'a qu'une parole altière Pleine de morgue et de hauteur ; S'il passe avec indifférence Auprès du pauvre qui gémit, Sourd à la voix de la souffrance , Dieu sur les feuillets noirs écrit. Mais sur le livre ouvert par l'ange, Si trop souvent s'inscrit le mal : Dieu lassé punit et se venge, Et son courroux devient fatal. À l'enfant que gonfle et soulève L'envie et l’orgueil, maux cuisants À Ou bien qui, sans repos ni trêve , Veut au jeu vouer tout son temps ; À celui qu'irrite , exaspère L'avis des amis bienveillants , Qui par le feu de la colère Excite, brûle, aigrit ses sens , ACADÉMIE DE ROUEN. Dieu, pour le châtier, envoie La maladie et ses douleurs , Messagère tuant la joie, Arrachant les cris et les pleurs. Elle a pour compagne fidèle La fièvre, aux membres amaigris , Qui vient saisir l'enfant rebelle Et dompter l'élève insoumis. Alors , pour le petit malade, Plus de fête, plus de plaisir, Plus de bois pour la promenade , Plus de prés unis pour courir. Alors le jouet inutile Excite des vœux superflus ; Et sur sa bascule immobile Le grand cheval ne danse plus. Le buis tournant que le fouet chasse, En ronflant ne peut plus rêver, Et le cerf-volant , dans l’espace , Tout fier, ne peut plus s'élever. CLASSE DES BELLES-LETTRES. La voiture reste arrêtée , Et le joli petit bateau Ne suit plus la pointe aimantée Qu'il cherchait en glissant sur l’eau. Ainsi, tu le vois, sur la terre , Où tout n'est pas juste pourtant , Le bien a déjà son salaire , Le mal déjà son châtiment. En m'écoutant , l'âme étonnée , Et tourmenté par le regret, L'auditeur, la tête inclinée , Songeait au mal qu'il avait fait à Et sa petite voix tremblante, Eclatant en sanglots confus s Disait, plaintive et suppliante : «Père , je ne le ferai plus. » 283 D10000000000000000000020000000000000000000LNOOONONQNONENNENTONNOEDEO M BIOGRAPHIE NORMANDE. NICOLAS BRETEL. Ambassadeur de France à Home et à Venise. 1644—1648. La Normandie est peut-être la province qui a donné à la France le plus de négociateurs. L'esprit de Sapience, la finesse , la ruse poussée jusqu'à la duplicité, la pru- dence qui devine et déjoue les plans des adversaires, la persévérance à poursuivre le même but en variant les moyens, tous ces traits caractéristiques du génie Nor- mand conviennent merveilleusement aux luttes diploma- tiques. Aussi, trouve-t-on un grand nombre de Rouennais employés dans les ambassades. A l'époque surtout où Ri- chelieu abaissait l'aristocratie féodale et élevait le Tiers- État , les familles parlementaires de Normandie lui four- nirent des agents habiles ; ainsi, les Gremonwville ( Nicolas CLASSE DES BELLES-LETTRES. 285 et Jacques), les Groulart, les d'Amontot (1), pour ne citer que quelques noms, servirent la glorieuse politique de Richelieu et de Mazarin , en Italie, en Autriche et en Hol- lande, et prirent une part active à des négociations du plus haut intérêt. Et, cependant , leurs noms sont restés obseurs. Il faut surtout l’attribuer à la nature de leurs services, qui, enveloppés des mystères de la diplomatie , ne pouvaient avoir l'éclat des succès obtenus dans les lettres ou sur les champs de bataille. Leur correspon- dance, qui aurait pu seule révéler l'importance de leur rôle, était presque toujours condamnée à l'oubli par des considérations politiques. De nos jours, ces motifs n'im- posent plus silence à l'histoire, et une publication récente a fait ressortir le mérite d'un de ces diplomates rouennais, le chevalier de Grémonville (2). Ses dépêches montrent une audace, une souplesse d'esprit et une fécondité de génie qui le placent à un rang élevé parmi les ambassadeurs. Mais son frère ainé, qui remplit aussi des fonctions diplo- matiques, a été moins heureux. La Biographie Univer- selle , dans l’article de quelques lignes qu’elle lui a con- sacré (3), a entassé erreurs sur erreurs. Elle le confond avec son père, Raoul Bretel de Grémonville , président au Parlement de Normandie, et avec son jeune frère, Jacques Bretel, ambassadeur à Vienne. Elle le fait vivre (1) Ce personnage, aujourd’hui profondément oubiié, eut une grande réputation au xvn'siècle. Il se nommait Raoul Le Seigneur, sieur d’Amontot, et fut successivement négociateur en Hollande, à Cologne , à Bruxelles, et ambassadeur à Gênes. (2) Négociations relatives à la succession d'Espagne , publiées par M. Mignet, dans la collection des documents inédits de l'His- toire de France. a paru quatre volumes in-4 de cet ouvrage. (3) Biographie Universelle , art. BRETEL ( Nicolas ). 286 ACADÉMIE DE ROUEN. en 1671, plus de vingt ans après sa mort. J'ai cru utile, pour la biographie de la Normandie et même pour l'histoire de la diplomatie française de rectifier de pareilles er- reurs. Sans avoir la ridicule prétention de découvrir des grands hommes inconnus, il est du devoir de ceux qui ont à cœur la gloire de la Normandie et la justice due à ses enfants, de rendre hommage à leur mérite, et de sauver leur mémoire d’un injuste oubli. Tel est le motif qui m'a porté à tracer cette esquisse biographique ; elle aura, du moins, l'avantage de s'appuyer sur des docu- ments d’une authenticité incontestable (1). Nicolas Bretel, naquit à Rouen en 1606. Il était fils aîné de Raoul Bretel, sieur de Grémonville, président au Parlement de Normandie , et d’'Isabeau Groulart, fille du premier président Claude Groulart. Nicolas Bretel fut baptisé au mois de juillet 1606, dans l’église de Saint- Cande-le-Jeune (2). Ilfit ses premières études au collége des Jésuites de Rouen, suivit plus tard un cours de droit dans la maison paternelle sous la direction d’un jurisconsulte appelé par le président de Grémonville , et alla enfin com- pléter son instruction à l'Université d'Orléans , qui s’oc- cupait principalement de l’enseignement du droit. Nicolas Bretel fréquenta les cours de l'Université d'Orléans pendant (1) J'ai eu à ma disposition tous les papiers de Nicolas Bretel, qu'a bien voulu me confier M. Bezuel, propriétaire des archives de la famille de Grémonville. L'ambassadeur avait déposé un double de sa correspondance diplomatique dans la bibliothèque de Saint- Germain-des-Prés. Ce manuscrit fait maintenant partie de la Bi- bliothèque royale. M. Daru s'en est servi dans son histoire de Venise. (2) Gette église était située rue aux Ours; elle sert maintenant de magasin. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 287 deux ans, puis se rendit à Paris, et s’y forma à la pratique en suivant le barreau sous la direction d’un docteur en droit, maître Colombel. En 1631 , il acheta une charge de con- seiller au Grand Conseil, et fut reçu l’année suivante en qualité de membre de ce tribunal suprême (1). En 1632 , il épousa Anne-Françoise de Loménie , d’une ancienne famille de secrétaires d'État, et ne tarda pas à entrer dans les fonctions administratives. Richelieu venait de créer un des plus puissants ressorts du gouvernement monarchique , les Intendants de province. Ces magistrats , nommés par le Ministre, placés sous sa main, changeant souvent de résidence, agents dévoués de sa politique, étaient choisis d'ordinaire parmi les jeunes conseillers d'État, dont Richelieu avait distingué le zèle et la capacité. Grémonville fut désigné pour remplir ces fonctions. Le 18 avril 1639, Richelieu le nomma Intendant de Justice à l'armée que commandait en Picardie le maréchal de Châtillon. Grémonville assista, en cette qualité , au siége d'Arras (1640), et contribua, par son activité et sa pré- voyance , à la prise de cette ville, et à la conquête de toute la province d'Artois. Richelieu récompensa ses services en le nommant aux fonctions d'Intendant de justice , fi- nances et police en Champagne (23 septembre 1640). Le titre seul de la charge indique quelle vaste puissance exer- çaient ces délégués du Ministre. Grémonville prit part à toutes les opérations de l'armée de Champagne qui cou- vrait notre frontière septentrionale menacée par les Espa- gnols. Il assista à la bataille de la Marfée , près de Sédan (1641), et les éditeurs des Mémoires de Montrésor ont ES (1) Tous ces détails sont tirés du procès-verbal d'information de vie et mœurs de Nicolas Bretel, qui fut dressé , suivant l'usage , avant son entré au Grand Conseil. 288 ACADÉMIE DE ROUEN. emprunté à sa correspondance quelques détails sur cette journée (1). Appelé le 12 août 1642 à l’Intendance de Lan- guedoc, Grémonville contribua à organiser l’armée qui envahit la Catalogne, et, l’année suivante, fut envoyé avec la même charge en Piémont, où commandait le maréchal d'Harcourt, illustré par les victoires de Casal et de Turin. Il y resta un an de 1643 à 1644. La capacité dont Grémonville avait fait preuve dans tous ces emplois , où il fallait unir l’activité du soldat à l'habileté du diplomate , le désignait pour de plus hautes fonctions. Il fut nommé ambassadeur à Venise, vers la fin de l’année 164%, et chargé, avant de s’y rendre , d’une mission près du Saint-Siége. Innocent X (Pamphilio) venait d’être élu pape , malgré la France , et par l'influence de l'Espagne. Mazarin , qui avait remplacé Richelieu dans la direction de la politique française, punit l'ambassadeur, Saint-Chamont, de sa négligence ou de son malheur; il le rappela, et chargea Grémonville de passer par Rome, et d'entamer une négociation avec le nouveau pape pour l'enlever, s’il était possible, à l'influence exclusive des ennemis de la France. C'était l'époque d’une lutte acharnée entre les deux principales puissances de l’Europe, la France et l'Espagne. Celle-ci, qui voyait le Portugal, la Catalogne et le Piémont lui échapper, espérait se relever par le crédit d'Innocent X. Grâce à lui, elle troublait les églises de Por- tugal et de Catalogne qui restaient sans pasteurs depuis leur révolte contre Philippe IV ; et elle soutenait son in- fluence en Italie, malgré les attaques du parti français. La négociation de Grémonville, destinée à déjouer ces in- trigues de l'Espagne , avait donc une haute importance, (1) Voy. les Mém. de Montrésor , édit. de Cologne, 1723 , T. IT, , 1773 15 1EEMISE CLASSE DES BELLES-LETTRES. 289 et pouvait faire pencher la balance en faveur de la France. Malheureusement, aux questions nationales se mêlait une intrigue domestique que Mazarin avait surtout à cœur. Il voulait relever à Rome la considération de sa famille , et demandait le chapeau de cardinal pour son frère , Michel Mazarin , moine dominicain, maître du sacré palais. Grémonville ne se dissimulait pas les difficultés de cette affaire de famille. À Gênes, il vit le cardinal de Lyon, qui revenait de Rome , et qui lui parla « de l'humeur de ce & bon religieux (Michel Mazarin), » «de sorte, écrivait l’am- « bassadeur (1), que je le crains plus que tous les écueils « de la mer, et ce n'est pas sans raison, prévoyant quasi « le naufrage inévitable. » Et encore ; « ce bon religieux « faict de son ambition les intérêts de l'Estat, et il croit «que tout doit estre sacrifié à ses prétentions, au succès « desquelles il fait consister la réputation de la France. » Grémonville ne tarda pas à reconnaître que le cardinal de Lyon n'avait rien exagéré. Dès les premiers jours de son arrivée à Rome (février 1645) , il vit quels embarras lui causerait le frère de Mazarin : « L’ambition, écrivait-il «à Brienne (2), a tellement desmonté l'esprit du bon père, « qu’il veut que son intérest marche devant celui de l'Estat, « et que je parle de son affaire dès ma première audience « à l'exclusion de toutes celles du roy... Jamais démon «ne fust plus importun et plus pressant et n’entendist « moins la raison que celui-là. » L'impatience et l'indiscrétion de Michel Mazarin com promettaient le succès de la négociation , à laquelle il at- (1) Lettre à M. de Brienne , datée de Gênes , 22 janvier 1649. (2) Lettre à M. de Brienne , en date du 6 février 1649. 19 290 ACADÉMIE DE ROUEN. tachait tant d'importance. Il avait répandu le bruit que Grémonville apportait au cardinal Pamphilio, neveu du pape, le brevet d’une riche abbaye , et, dès sa seconde audience, l'ambassadeur fut si vivement pressé par In- nocent X , qu'il se laissa arracher la promesse de l'abbaye de Corbie, qui valait 25,000 liv. de rente. Voici com- ment Grémonville raconte cette scène, qui fut le prétexte de la plupart des accusations dirigées contre lui(1) : « Sans « me donner le loisir d'achever, (le pape) me demanda «si S. M. désiroit donner quelque abbaye à son neveu. « Après cela, je ne crus pas devoir différer d'offrir une « chose qui estoit demandée avec tant d’avidité. Aïnsy, « luy expliquois-je la pensée de S. M. en faveur du car- « dinal Pamphilio, exagérant, le plus que je pus, la gran- « deur du bienfaict et la grâce dont on l'accompagnoit , « le donnant de si bonne façon. Alors le visage du S. P. « se rassérena et sembla rajeunir de dix ans, et son élo- « quence redoubla pour mieux faire ses remerciements « en disant : vous avez esté les premiers à nous gratiflier. » Mais Innocent X , après avoir accepté ou plutôt arraché l'abbaye de Corbie pour son neveu, ne se soucia plus de la France. Il prétendit que deux frères ne pouvaient être li (1) Fontenay-Mareuil accuse M. de Grémonville de trop de confiance : « Le cardinal Mazarin fist donner au cardinal Pam- « phile, neveu du pape , l'abbaye de Corbie, qui est de très grand « revenu , et M. de Grémonville, qui allait à Venise comme am- « bassadeur, eust ordre de passer par Rome pour Jui en porter « le brevet et arrester par mesme moyen la promotion du père « Mazarin. Mais, ayant, par trop de confiance aux bonnes chères « qu'on luy faisoit, donné le brevet sans estre assuré de rien, « le pape, qui n’avait voulu ceste abbaye que pour tirer un acte « de reconnaissance de la France , etc. Mém. de Fontenay-Mareuil, coll. Petitot, T. Il, p. 317. : CLASSE DES BELLES-LETTRES. 291 en même temps cardinaux, et éluda les autres demandes relatives au Portugal, à la Catalogne et à l'archevêque de Trèves, dont la France prenait la défense contre la maison d'Autriche. En un mot, il joua l'ambassadeur français , qui, dans son irritation, rejetait la faute sur Michel Maza- rin. Il l’accusait d’avoir tout perdu par son indiscrétion. «C'est ce qui nous a obligez, écrivait-il à Brienne (1), à « bailler si promptement l'abbaye pour n'en pas perdre la « grâce, et mériter davantage par cette manière de procé- « der.» L'ambition de Michel Mazarjn faisait échouer toutes les autres négociations. «Sans cette maudite prétention, «ajoutait Grémonville (2), il n'y a rien que l’on ne fit « faire au pape par amour ou par force... Mais ce bon « moine prend la chose d’une telle hauteur, qu'il a passé « jusques à me dire que son affaire estoit la principale « affaire de la France en cette cour, et que les autres n’es- » toient que des accessoires (3). » Grémonville, en loyal serviteur de la France, ne céda pas à cette ridicule prétention du frère de Mazarin , et ne sacrifia pas les intérêts nationaux à une intrigue de fa- mille. Il pressa vivement le pape d'intervenir en faveur de l'archevêque de Trèves, de reconnaitre le roi de Portugal, et de pourvoir aux évêchés de Catalogne. Innocent X traîna d’abord les négociations en longueur , et finit par braver ouvertement la France, en nommant huit cardi- naux tous dévoués à l'Espagne. La position de Grémonville n'était plus tenable ; il saisit la première occasion d'en sor- tir avec éclat. © 07 (1) Lettres dn 15 février 1645, à M. de Brienne. (2) Ibidem 3) Lettre du 6 mars 1645, à M. de Brienne. 292 ACADÉMIE DE ROUEN. Il y avait alors à Rome un député du clergé de Portugal, vicillard respectable , qui s'était placé sous la protection de la France. « Comme il revenoit dimanche dernier de la Ma- « dona del popolo, écrivait M. de Grémonville vers la fin de « mars 1645 (1), parmi tout le peuple de Rome qui venoit « de voir passer une cavalcade des ambassadeurs extraordi- « naires de Lucques, il fut attaqué par cinquante bandits « napolitains ou domestiques de l'ambassadeur d'Espagne, « lesquels, à coups d'arquebuses et d'épée se ruèrent sur « son carrosse, tuèrent un gentilhomme qui estoit avec « lui, blessèrent grièvement son cocher, et ayant tiré sur « lui trois coups dont ils pensoient l'avoir tué, le laissèrent « sur la place, sans que néantmoins il ayt esté blessé. En- « suite , ces assassins se retirèrent cffrontément à la barbe « des sbires dans le palais de l'ambassadeur d'Espagne. » Grémonville , décidé à obtenir satisfaction ou à rompre avec le pape, lui demanda audience sur-le-champ , et fit entendre les plaintes les plus énergiques : « Dès le lende- «main, lui dit-il, on sçauroit s'il seroit pape ou non, « c'est-à-dire s’il vouloit régner avec autorité ou se rendre « honteusement le capelan des Espagnols (2).» Grémon- ville exigeait une réparation immédiate. Il fallait que dans les vingt-quatre heures l'ambassadeur d’Espagne livrât les assassins ou sortit des États pontificaux. En casde refus, il menaçait de quitter lui-même Rome avec tous les Français. RES (1) La lettre de M. de Grémonville est de la fin de mars ou du commencement d'avril. La date manque dans le manuscrit, maïs ilest facile de la retrouver, en la comparant aux lettres qui pré- eèdent et qui suivent, la première du 27 mars, et la seconde du 4 avril 1645. 2) Même lettre de M. de Grémonville, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 293 Innocent X tergiversa, et Grémonville se prépara à exé- cuter sa menace. Avant son départ, il offrit, de la part du gouvernement français, l'archevêché d'Aix à Michel Ma- zarin (4), qui se hâta de quitter Rome. Grémonville partit lui-même pour Venise dans les derniers jours d'avril 1645. Ainsi, sa mission de paix avait complétement échoué, Ma- zarin exaspéré contre le pape, eut recours à la violence. H fallut une guerre pour arracher à Innocent X ce chapeau de cardinal vainement sollicité par un ambassadeur. Les mémoires du temps, si prolixes sur les intrigues de cour, ne disent rien de cette négociation qui mit l'Italie en feu: ils racontent la guerre, mais ils en suppriment la cause. Une flotte française, sous les ordres de l'amiral de Brézé , cingla vers la Toscane (mai 1646), et, lorsque cet amiral eut succombé, une nouvelle expédition fut dirigée par le maréchal de la Meilleraye, s’empara de Piombino et de Porto-Longone , (octobre 1646), et jeta la terreur dans Rome. Fontenay-Mareuil, que Mazarin chargea alors d'ou- vrir une nouvelle négociation avec le pape, sut habilement profiter de l'effroi d’Innocent X, et obtint enfin pour Mi- chel Mazarin la dignité de cardinal (2). Je ne m'arrêterai pas aux réflexions que suggère la con- duite du ministre; chacun peut apprécier la vanité qui sacrifie tout à une intrigue domestique et allume la guerre pour une question d’amour-propre. J'aime mieux vous montrer Grémonville, relégué à Venise, expiant dans une sorte d'exil les torts de la fortune ou plutôt de Michel Ma- Zarin (3), et supportant noblement sa disgrâce. Une autre nn (1) Lettre du 17 avril 1645. (2) Mémoire de Fontenay-Mareuil, t. Il, p. 317 et suiv., dans la collect. Petitot. (3) Sa correspondance avec Brienne reproduit plus d'une fois ses griefs contre Michel Mazarin. 29% ACADÉMIE DE ROUEN. cause, honorable pour l'ambassadeur, vint porter le der- nier coup à son crédit. Pendant son séjour à Rome, il avait été chargé de récla- mer l’extradition d'un Français, nommé Beaupui, qu'on accusait de tentative d’assassinat contre Mazarin (1). Le pape avait promis de le faire arrêter et juger, mais sans prendre l'engagement de le livrer à la France. Lorsque plus tard, irrité contre Innocent X , Mazarin voulut lui dé- clarer la guerre , il fit demander à Grémonville un certifi- cat des négociations qu'il avait suivies pour cette affaire, et lui envoya un modèle qui n'était pas conforme à l’exacte vérité. Grémonville refusa de le signer, et rédigea Un acte certifié, où il rendait un compte détaillé et sincère de ses démarches et des réponses du pape (2). La cour ne par- donna pas à l'ambassadeur cette honorable résistance. Lui-même comprit qu'il était perdu, mais il n’hésita pas entre sa conscience et l'intérêt, « Fai été mauvais courtisan, écrivait-il à Henri Grou- « lart, son beau-frère et son ami (3), mais un homme qui « veuten tous rencontres suivre les debvoirs de l'honneur, « ne pouvoit, en celui-là, se dispenser de l'austérité à la- « quelle je me suis attaché... Je ne suis pas marri d’avoir « faict l'action d’un homme de vertu, mais je dois me tenir « malheureux que l'occasion S'en soit présentée ; il m'est « arrivé, en cela, comme aux gens de guerre qui sont es— (1) « Nobilis Beaupuy Romà hüe captus mitlitur navibus longis suspectus fuisse inter præcipuos consiliorum quæ contrà cardina- lem Mazarinum suscepta fuere.» Grotii epist. 25 mars 1645 ; p. 746, 2e colonne, édit. de Blaeu. Amsterdam, 1687. (2) Lettre du 9 septembre 1645. (3) Lcttre du 16 décembre 165. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 295 « galement obligez de hazarder leur vie devant une bico- « que aussi bien que devant une bonne place. La qualité « et l'importance des occasions auxquelles l'on a à s'expo- « ser, faict souvent une bonne partie du mérite des actions, « ou, pour le moins, les signale et les relève. J'ay hazardé «et peut-estre perdu ma fortune en une occasion obscure, « et laquelle ne contribuera pas à mon honneur. Mais pour « cela, j'aurois cru le perdre, si je n'avois pas faict ce que « j'ay faict. » Arrêté au milieu d'une carrière brillante et dans la force de l’âge, Grémonville aimait à se consoler par le témoi- gnage de sa conscience. «Je n’ay que 37 ans, écrivait-il « le 6 janvier 1646 (1), et j'ay passé desjà sans aucune fa- « veur par plusieurs beaux et honorables emplois, où je « me suis bien assuré d’avoir acquis de l'honneur et de « la réputation ; c'est ce que l'on ne me scaurait oster, et, « quoiqu'il me peust arriver maintenant de pire, tousjours « aurois-je cette satisfaction de n'estre privé des fonctions « publiques que pour avoir faict une action qui m'en doit « rendre plus digne, et pour avoir voulu constamment et « hautement persévérer dansla profession d'homme d'hon- « neur et véritable : «,...Phalaris licet imperet ut sis Falsus, et admoto dictet perjuria tauro, Summum crede nefas animam præferre pudon, Et propter vitam vivendi perdere causas. » « Voilà jusques où l’austérité de nostre règle, à nous « autres qui faisons profession d'estre gens de bien, nous « oblige ; l'honneur veut avoir ses martyrs aussi bien que (f) Lettre à Henri Groulart, Grémonville avait 40 ans, étant né en 1606, 296 ACADÉMIE DE ROUEN. « la religion ; je ne crois pas que l’on soit obligé d'en re- « chercher les occasions, mais quand elles se présentent « il faut les embrasser. » Je ne sais si je m'abuse, mais il me semble retrouver dans ces paroles l'écho des grandes pensées dont le poète rouennais faisait, à cette époque même, retentir la scène. Cette hauteur de sentiments n'était pas de mise avec Ma zarin , et Grémonville avait raison de se croire perdu dans l'esprit d’un ministre, qui exigeait avant tout, de ses agents , le bonheur (1) et l'obéissance passive. Mazarin le laissa languir quelque temps dans un poste sans impor tance , et où on ne lui payait même pas ses appointements d’ambassadeur. Grémonville finit par demander un congé vers le milieu de l’année 1647; il revint à Paris, et y mourut l’année suivante , le 26 novembre 16#8. Il est per- mis de supposer que le chagrin abrégea sa vie ; il écrivait après avoir vu ses espérances trompées (2) : «Les emplois « publics se font désirer et ont de la douceur, mais sou- « vent elle se convertit en poison bien amer, qui tue la « fortune des hommes, pour laquelle on les souhaite. « Contre ce péril, il n’y a qu'une seule précaution , qui est « de l'honneur et de la probité. » Grémonville avait #2 ans au moment de sa mort (3); ilme semble de ceux qu'on peut plaindre , suivant l'expression du cardinal de Retz, de n'a- voir pas rempli tout leur mérite. Mais, dans ses infortunes mêmes , il s’est montré loyal et courageux ; il a figuré un instant sur un théâtre élevé où se débattaient les questions (1) « Est-il houroux? » Telle était la première question de Maza- rin sur les hommes qu'on lui présentait. (2) Lettre à Henri Groulart, en date du 8 janvier 1646. (3) IL fut enterré aux Carmélites de la rue St-Jacques, à Paris. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 297 européennes, et il n’a jamais voulu sacrifier sa conscience et les intérêts de l'État à des intrigues de cour et aux conseils de l'ambition. Pendant son ambassade , Grémonville entretenait une vaste correspondance avec les principaux personnages de l’époque. On trouve, dans ses papiers, des lettres de Ga- briel Naudé, de Jacques Dupuy, de M®° de Motteville, de Saint-Amand, de Turenne, et d’autres personnages célèbres. Je me bornerai à transcrire deux lettres autographes de Turenne ; eHes prouvent à quel point ce grand homme avait souci de l'histoire. Un annaliste italien, Vittorio Siri, avait accusé le maréchal de trahison envers son frère, le duc de Bouil- lon. Turenne s'était eflorcé, selon cet historien, de lui enlever la ville de Sedan, pour la livrer au cardinal de Richelieu (1). Turenne écrivit à M. de Grémonville les deux lettres suivantes, pour obtenir la rectification de cette erreur (2). «Monsieur, J'ai veu dans un livre imprimé en Italie , par un nomme Vittorio Siri, que lon dit estre à ceste heure à Venise, qu'il parle très mal de moi dans laffaire de Sedan , et dit que quand jallai lever en Liegeois, que jestois gagné de feu M. le cardinal pour me saisir d'une porte ; je vous supplie très humblement de vouloir lui parler afin que dans un se- (1) Vittorio Siri, ë{ Mercurio, t. 1. p. 351, édit. de Casel, 1646. (2) Les autographes font partie @e la collection de M. Bezuel. J'ai conservé l'orthographe et la ponctuation des originaux. 298 = ACADÉMIE DE ROUEN. cond volume qu'il met au cours , il tesmoigne comme il à esté mal informé sur cette affaire. Je vous demande comme une grace très particuliaire de vouloir voir le meilleur moien qu'il y aura de faire que cet historien en desabuse tout le monde; jay cela extrêmement à cœur, et ne scau- rois pas vous estre obligé plus estroictement de chose du monde. Je vous demande cependant la continuation de l'honneur de vos bonnes graces, et que vous me croiés très veritablement Monsieur Votre tres humble et tres affectionné serviteur TURENNE. A Paris, ce 28 mars (1646). Deux mois après, Turenne insistait : «Je me donnai lhonneur de vous escrire de Paris sur une chose que j'appris au voiage que j'ai fait; c’est qu'un historien nommé Vittorio Siri, a mis dans son livre que quand jallai faire des levées au pais de Liege, on m'avoit gagné pour surprendre Sedan, et que mon frère laiant sceu , si jetta pour lempescher; je croi navoir pas besoin de manifeste la dessus , et cela nest pas seulement appa- rent ; car mon frère ne bougeoit de Sedan en ce temps la. Ceux qui me cognoistront bien ne maccuseront pas davoir souhaité cette conqueste la au roi. « Cette affaire ne me toucheroit point si ce n'est que cela est imprimé ; jai suplié a Paris M. de Lione d'en escrire. On croit quele meillieur est qu'il dise dans son second livre quil fait imprimer comme il a eu de mauvais mémoires sur CLASSE DES BELLES-LETTRES. 299 cela. Je vous demande, monsieur, cette grace di chercher le meillieur expédient quil se pourra, afin que lon voie cette fausseté. Vous ne men scauriez faire une plus particuliaire et dont je me sentis plus vostre obligé. Je vous suplie de vouloir envoier vostre responce par Francfurt et l’adresser à M. Cursius qui vous fait tenir celle ci et me croire véri- tablement - Monsieur Vostre tres humble et tres aflectionné serviteur TURENNE. se dieste Sade HAosteitode teste + destot, 4 $ ke de + st: deste + ht tedtacts #s % + + BE s fs se EXAMEN . D'UN PASSAGE DE PLINE RELATIF À UNE INVENTION DE VARRON, PAR M. A. DEVILLE, NE Pline l'Ancien est un des auteurs qui nous ait laissé les documents les plus précieux sur l’état des arts dans l'An- tiquité. Son grand ouvrage sur l'Histoire naturelle est une mine où l'on a puisé à larges mains , mais qui n'est point épuisée, soit que des faits épars dans ce long ouvrage, soient restés inaperçus, soit que quelques-uns de ceux qui ont fixé l'attention des savants n'aient pas été présentés sous leur vrai jour, et n'aient point, jusqu'à présent, reçu une solution satisfaisante. Au nombre de ces derniers , nous placerons ce que Pline raconte d’une invention qu’il attribue à Varron , et qui cons- titue , selon nous , un fait tellement important, tellement CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301 extraordinaire, que nous n'avons cessé de nous étonner que le passage où elle se trouve rapportée n'ait point été soumis à une controverse plus approfondie, n'ait point soulevé une discussion solennelle pour prendre rang dans l'histoire des arts. On ne trouvera pas que je me serve d'expressions trop fortes, quand on saura qu'il résulte de ce passage, ainsi que je crois pouvoir le démontrer, que l'invention dont parle Pline s'applique à la gravure et touche à celle de l'imprimerie. Voici le passage de Pline ; il est extrait du livre xxxv, au chapitre 11, qui traite des portraits et qui a pour titre Honos imaginum : «Imaginum amorem flagrasse quondam testes sunt et » Atticus ille Ciceronis, ædito de his volumine, et M. » Varro benignissimo invento insertis voluminum suorum » fæcunditati, non nominibus tantum septingentorum illus- » trium, sed et aliquo modo imaginibus, non passus interci- » dere figuras , aut vetustatem ævi contra homines valere, » inventione muneris etiam diis invidiosus , quando immor- » talitatem non solùm dedit, verum etiam in omnes terras » misit, ut præsentes esse ubique et claudi possent. » Je traduis aussi littéralement que possible : «L'amour des portraits a été très en vogue jadis, ainsi » que le témoignent et Atticus, l'ami de Cicéron, qui a » publié sur ce sujet un volume, et M. Varron qui, par » une très heureuse invention, a pu joindre à la fécondité » de ses volumes, non seulement les noms de sept cents » hommes illustres, mais, par un certain moyen, leurs » portraits, ne voulant pas que leur image fût perdue ou » que la rouille de l'âge eût prise sur eux ; digne, par le 302 ACADÉMIE DE ROUEN. « bienfait de cette invention, d'exciter l'envie des dieux « eux-mêmes ; car, non seulement il a donné l'immorta- « lité à ces personnages , mais encore il les a répandus par « toute la terre, pour qu'ils fussent présents et conservés «en tous lieux. » Les traducteurs et les commentateurs ont expliqué ce passage comme nous l'avons fait, et ont tous entendu, de cette invention de Varron, un procédé de reproduetion , mais sans aller au-delà, sans se rendre un compte exact de ce qu’il pouvait être. Plusieurs archéologues distingués, parmi lesquels je citerai Visconti, Quatremère, Muller, Becker, ont, à leur tour, plus ou moins examiné la question, et se sont pro- noncés, la plupart, sans s’accorder toutefois entr'eux , pour un système de reproduction mécanique. Avant d'aborder nous-même cette question, et pour nous aider à la mettre à nu, il est nécessaire que nous fassions précéder l'examen du passage de Pline de quel- ques détails sur l'ouvrage de Varron, auquel il est fait allusion. Varron, d'après le témoignage de toute l'Antiquité, passait pour le plus savant des Romains ; on aurait pu ajou- ter pour le plus fécond. En effet, Ausone nous apprend qu'il avait composé six cents volumes : Condix sexcentis Varro voluminibus. (1) L'âge n'avait pas ralenti sa fécondité, car Aulugelle rap- porte, d'après Varron lui-même, qu'à 84 ans, il avait 1) Professores, XX, au rhéteur Staphilius. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 303 écrit #90 volumes. Ainsi, il en aurait encore écrit plus de cent, à partir de cet âge. Bien que Varron ait prolongé sa carrière au-delà de 90 ans, cette fécondité n’en reste pas moins un des faits les plus extraordinaires qu’on ait signalé dans l'histoire des lettres. Bien peu de chose est parvenu jusqu’à nous de ce nom- bre prodigieux de compositions. C’est à peine si on pour- rait arriver à faire un volume avec ce que nous en possé- dons : un petit traité sur l'agriculture , quelques livres du grand ouvrage sur la langue latine, des lettres, quelques fragments disséminés ça et là dans les grammairiens, voilà tout ce qui nous reste du plus fécond des auteurs, du polygraphe par excellence, ainsi que l'appelaient ses contemporains. Un des ouvrages de Varron, que le temps a emporté, était consacré aux hommes célèbres. Il avait pour titre : Des Portraits, de Imaginibus; on le désignait aussi sous le nom de Semaines, Hebdomades. N était divisé en plu sieurs livres. (1) C'est à cet ouvrage que Pline:fait allusion dans le passage qui nous occupe. Nul doute qu'il ne dût son nom aux por- traits que Varron y avait introduits, et qui devaient être au nombre de sept cents, si on admet, comme l'indique le sens de la phrase de Pline et le titre même de l'ouvrage, que chaque homme célèbre avait le sien (2). Ces portraits ne pouvaient pas être tout simplement (1) Libri qui inscribuntur Zebdomades vel de Imaginibus. In primo (libro) de Imaginibus. Aulugelle, 1. I, c. XI. (2) Insertis non nominibus tantüm septingentorum illustrium. sed et aliquo modo imaginibus. 30% ACADÈMIE DE ROUEN. «77 _ des portraits dessinés ou peints à la main, et répétés, copiés également à la main, à chaque reproduction, à chaque copie du manuscrit original; car, de tout temps, on avait peint des portraits, tous les jours, à Rome, on en traçait sur marbre, sur bois , sur ivoire , sur toutes ma- tières , et il n'y aurait pas eu là pour Varron une inven- tion qui füt de nature à inspirer à Pline cette exclamation de digne d’exciter l'envie des dieux, qui lui échappe : Inventione muneris etiam diis invidiosus. Pour employer une expression aussi forte, aussi pompeuse , il fallait que Varron eût trouvé, eût réellement inventé quelque chose de nouveau, de particulier, d'extraordinaire. Pline , bien qu'il n'entre dans aucun détail, et à raison même de l’es- pèce d’obseurité dont il enveloppe le mot qu'il emploie , aliquo modo, par un certain moyen, le donne, ce nous semble , suffisamment à entendre. C'est dans ce certain moyen, que Pline ne décrit pas , que devait résider l'invention qui a appelé sous sa plume un éloge si emphatique, que les chef-d'œuvres des arts, les sublimes productions des Apelle, des Phidias, des Praxitèle, sur lesquelles il s'étend avec complaisance, n'ont pu lui arracher. Ce moyen, ce procédé, évidemment, devait avoir quelque chose d’analogue à la gravure moderne , dans une de ses nombreuses applications. Si Pline, qui ne descend à aucun détail technique , ne prononce pas le mot de repro- duction, d'impression, qui eût aidé à trancher la difficulté, on peut inférer, du sens général de ses paroles , du fait en lui-même, de quelque manière qu'on veuille le commen- ter, qu'il s'agit bien d’un procédé qui permettait de multi- plier, de propager l’objet qui y était soumis. Qu'on se rappelle, en effet, ce que Pline ajoute en termimant son CLASSE DES BELLES-LETTRES. 305 article : que l'invention de Varron lui avait permis de répandre par toute la terre ses portraits , èn omnes terras misit, ut præsentes esse ubique possent. Un moderne, je le demande, s’exprimerait-il autrement en parlant de Part de la gravure ? La difficulté de faire dessiner ou peindre sept cents por- traits, parfaitement identiques et ressemblants, à chaque nouvelle copie de l'ouvrage , sans parler de la dépense d’un pareil travail , fut, sans doute, le motif qui conduisit Varron à chercher et qui lui fit découvrir un procédé, en même temps expéditif et sûr, inconnu jusqu'à lui, qui lui donnait la facilité de remplacer la main des artistes et de multiplier à volonté les images auxquelles son ouvrage était consacré. C'était là, en effet, une heureuse, une belle invention et digne de justifier l'expression de Pline. On sait par Aulugelle, dans ses Nuits attiques, que Varron, dans le premier livre de ses portraits, qui com- prenait les poètes (1), avait donné le portrait d'Homère, et qu'au bas était placée une inscription, comme il le dit, une épigramme, nom que portaient en effet chez les Anciens ces inscriptions laudatives, souvent en vers, dont les modernes ont si singulièrement métamorphosé le sens et le but. Voici comment s'explique Aulugelle : (1) D’après Ausone , le X° livre était consacré aux architectes : Forsan et insignes hominumque operumque labores Hic babuit decimo celebrata volumine Marci Hebdomas..…. Edyllia, Mosella. 1 semblerait résulter de ce passage que chaque livre de l'ouvrage formait un volume. 20 306 ACADEMIE DE ROUEN. M. Varro, in libro de imaginibus primo, Homeri ima- gini hoc epigramma apposuit : Capella Homeri candida hæe tumulum indicat , Quoi ara letæ mortuo faciunt sacra. ET1à réneis d'iepituss mrepi pitay Ouhpou Epbpve, Podos, Konovwv, Sænauiy, los, Apyos, Abñvar. «M. Varron , dans le premier livre des Portraits, a mis « au bas de l'image d'Homère l'épigramme smvante : « Cette chapelle, en marbre blanc , indique le tombeau « d'Homère. Les Gétes, sur cet autel, font des sacrifices «à ses mânes. « Sept villes se disputent l'honneur d’avoir donné le jour «à Homère: Smyrne, Rhodes, Colophone, Salamine , « los, Argos, Athènes(1). » Sous le portrait de Plaute, c'est encore Aulugelle qui nous l’apprend, Varron avait inscrit ces trois vers, qu'on attribue à Plaute lui-même : Postquam morte datu' st Plautus ; comædia luget ; Scena est deserta : dein Risus, Ludu”, Iocusque , Et Numeri, Innumeri simul omnes collacrumarunt. « Après que Plaute eut été livré à la mort, là comédie « pleure , la scène est déserte ; puis, le rire, les jeux, la « gaieté, les vers et la prose ont tous versé des larmes. » (1) Iest à remarquer que Varron ne mel pas au nombre de ces villes Chio. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 307 Ainsi, au bas de chaque portrait, était placée son épi- gramme, son inscription. C’est ce que confirme Symma- que, lorsqu'il dit, en parlant de l'ouvrage de Varron : Quorum imaginibus præscripta videmus epigrammata. La nécessité de tracer, au bas de chaque portrait , une inscription de trois ou quatre lignes de caractères qui en faisaient comme partie intégrante, ainsi que cela se voit sur bon nombre de nos estampes modernes, apportait une difficulté de plus à l'invention de Varron; aussi, suis-je moins étonné qu'elle ait encouragé le doute qui s’est élevé dans quelques esprits sur la nature, si ce n’est sur la réa- lité de l'invention. En effet, nous touchons, iei, à l’art de l'imprimerie : la gravure et l'imprimerie , ainsi que je l'ai dit au début de cette dissertation, sont ici en jeu. - Je ne me suis point caché ce que cette nouvelle question présente de grave, ce qu’elle ajoute à la difficulté princi- pale ; mais en l’examinant , en l'étudiant, en cherchant à m'éclairer, j'ai puisé, dans cette circonstance même, un nouveau motif de conviction ; je dirai plus , elle m'a con- duit sur la voie du procédé employé par Varron, qui ne n'apparaissait encore que dans un lointain vague et incer- tain. Les Anciens, je ne suis pas le seul qui l'ait répété, ont connu avant nous une foule de procédés dont nous nous glorifions d'être les inventeurs. Plus on étudie, plus on creuse l'Antiquité, plus on arrive à cette conclusion , qui, au fond, n'a rien de blessant pour les Modernes, mais bien faite pour honorer le génie des Anciens. IL n'est pas jusqu'à ces découvertes, qui font la gloire des temps modernes, parmi lesquelles je range celle de 308 ACADÉMIE DE ROUEN. l'imprimerie, qui n'aient été entrevues par eux, qu'ils n'aient pressenties , qu'ils n'aient été sur le point de saisir. Quelque neuve, quelque hardie que soit l'application que je fais ici des connaissances des Anciens à l’art de l'impri- merie, je crois pouvoir, dans une certaine mesure , la jus- üifier : je ne sors pas du sujet que je me suis proposé de traiter. lei, ce ne sont plus des textes, plus ou moins obscurs , plus ou moins embarrassés, dont l'interpréta- tion laisse par conséquent, presque toujours, une porte ouverte au doute, que j'invoquerai. Je m'appuierai sur des monuments, sur des objets saisissables aux yeux, palpables , que tout le monde est à même d'apprécier. 1l existe dans plusieurs cabinets (et notre Musée des Antiquités est très riche en ce genre de monuments, puis— qu'il en possède une cinquantaine )|, il existe, dis-je, des sceaux ou cachets, en bronze, plus ou moins grands, sur lesquels sont gravés en relief, au burin, des caractères, des noms propres, des qualifications. Il est tel de ces ca- chets qui a jusqu'à 6 et 7 centimètres de longueur et qui porte deux et trois lignes de caractères. Les lettres ont été gravées, de droite à gauche, à rebours, de manière à reparaître, à l'impression, dans leur vrai sens. J'emploie à dessein le mot impression, car on ne pouvait se servir de ces cachets qu’en déposant, sur le relief des lettres, une encre, une couleur quelconque, ainsi que nous le pratiquons pour nos caractères d'imprimerie , afin d'obte- nir leur reproduction , au moyen d'une pression, soit ma nuelle , soit mécanique. (1) ————@——@—Z— (1) La majeure partie de ces cachets étant armée d’un anneau lixe pour recevoir le doigt , on doit admettre qu’on les employait le plus généralement à la main. R:SVLPI PRIME" se CARS RES PRIME" LES 88 fn LAN CLASSE DES BELLES-LETTRES. 309 N'avais-je pas raison de dire que nous touchions à l'im- primerie? Il n'y avait plus qu'un pas à franchir ; que ces caractères, de fixes qu'ils étaient, par une illumination soudaine, eussent été rendus mobiles, et l'imprimerie était trouvée ! En faisant fonctionner quelques-uns de ces cachets, en voyant sous mes yeux l'empreinte de leurs caractères, à volonté produite et répétée , je me suis demandé si le voile qui couvre l'invention de Varron n'était pas, en partie, soulevé, si je n'étais pas autorisé à voir dans ces caractères gravés en relief et se multipliant par impression, le type, le modèle de ces quelques lignes placées par Varron au- dessous de ses portraits , le mode adopté pour leur repro- duction. ( Voir le dessin ci-joint. ) Des inscriptions passant aux portraits, ne semblerait-il pas naturel d'admettre que le procédé employé pour les unes était commun aux autres ; que portrait et inscription étant réunis, joints l’un à l'autre, l'un ne pouvait se repro- duire sans l'autre, ni par un procédé, par un moyen dif- férents. Je pense donc que les portraits de Varron, dont parle Pline, étaient, ainsi que les inscriptions qui y étaient jointes , gravés, d’après un même mode, en relief, sur la même planche de métal ou autre matière, dans le système de notre gravure sur bois, dont les traits et le dessin sont réservés en relief, Les graveurs de médailles qui existaient à Rome à l’époque où écrivait Varron, et qui ont produit de si beaux types de monnaies que nous admirons encore , étaient touttrouvés sous sa main pour réaliser son invention. Ces portraits étaient figurés au simple trait; c'est le moins qu'on puisse admettre. Vouloir aller au-delà, vou- 310 ACADÉMIE DE ROUEN. loir retrouver daus le procédé antique notre gravure mo- derne perfectionnée . avec ses tailles et contretailles, ses ombres, ses demi-teintes, ou bien encore, notre système de lithochromie ou nos gravures coloriées à la planche, ce serait s'aventurer dans des conjectures qu'aucun texte, aucun monument ne viendraient justifier. Nous ne devons donc admettre, pour ces portraits, qu'une gravure au sim- ple trait. Comment ce trait, une fois gravé, était-il reproduit ? Etait-ce par une pression, par un foulage exercé mécani- quement où à la main ? Il ne nous serait pas possible de le dire , à moins qu'on ne voulût s’autoriser de l'exemple du monnayage qui s’opérait , au temps de Varron, par la per- eussion au marteau mu à la main, pour l'appliquer ici. Cette supposition acquierrerait un certain degré de vrai- semblance, si on admettait, ainsi que nous l'avons insinué, que Varron s'était servi, pour la réalisation de son inven— tion , des graveurs monétaires, auxquels ce dernier procédé était familier. Quelle était lamatière employée? A raisonner par analogie avec nos cachets antiques , ce devait être du bronze. On sait, d’ailleurs, que les Anciens avaient une prédilection marquée pour cette composition qu'ils travaillaient admi- rablement. Ils s'en servaient pour presque tous leurs ms-— truments et ustensiles et jusque pour leurs armes , même défensives, telles que javelots et épées. La résistance et la durée de cette matière se prêtaient parfaitement à un sys- tème d'impression répétée. Quant à la matière colorante servant à l'impression, nous inclinerions à croire qu'elle n'était autre que leminium, tant cette couleur était affectionnée des Anciens, Ce goût _. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 311 était si prononcé, si général, qu'il s'est perpétué jusque dans le Moyen-Age, où il a donné naissance au nom de miniature, appliqué aux initiales et aux dessins des manus- crits. Il est à remarquer, à ce sujet, que ces dessins et initiales étaient, très souvent, réservés et leur place laissée en blanc sur les manuscrits par les copistes, pour être livrés plus tard à une main plus habile et plus exercée ; ce qui n'était peut-être qu'une réminiscence de ce qui devait s'être pratiqué pour l'invention de Varron. I me reste à justifier ce que j'ai dit de l'emploi d'une planche de métal gravée, pour son application ; question qui domine et entraine toutes les autres. Une phrase de Symmaque va compléter la démonstration. Cette phrase, incomprise jusqu'à ce jour, mais qui s'explique, dans l'hy- pothèse que je viens d'établir, donne un nouveau poids, me sera-t-il permis de le dire, un nouveau degré de cer- titude à l'opinion que j'ai émise. Le père de Symmaque (1) s'était exercé dans le genre épigranmmatique (je prends le mot dans son acception anti- que). Il avait entrepris l'éloge en vers des hommes illustres de son temps, ou du moins qu'il réputait tels. Son ils , l’auteur dont il nous est resté dix livres de lettres, aveugle par l'amour filial, lui écrit pour lui adresser des comph- ments sur son travail, qu'il compare à celui de Varron , mais qu'il met beaucoup au-dessus, ajoutant que les épi- grammes paternelles n'avaient pas eu besoin d'être gravées sur métal pour être assurées de vivre : « Vous imitez , ilest vrai, dit Symmaque à son père, le » travail de Varron, mais vous avez su le surpasser. Je (1) Lucius Avianus Symmachus, Il avait été préfet de Rome en 364%, sous Valentinien 1°”. 312 ACADÉMIE DE ROUEN. « pense que les épigrammes que vous venez de composer « sur nos hommes illustres, l'emportent sur les éloges des « Semaines. (Un se souvient que l'ouvrage de Varron, sur « les Portraits, avait aussi le nom de Semaines.) En effet, «elles sont courtes et dans une juste proportion, mais, « pour cela , elles ne sont point caduques. Celles-là n'ont « pas eu besoin de demander au temps (à Saturne) d’être « gravées sur un vrai métal, bono metallo cusa, et, si je ne « m'abuse, elles ont trouvé une matière plus durable. » (1) Suit une comparaison entre Varron et le père de Sym- maque. Il est impossible de ne pas voir, dans cette dernière phrase , une allusion au procédé employé par Varron pour la reproduction de ses épigrammes au bas de ses portraits, et par suite , à plus forte raison, des portraits eux-mêmes. Elle tranche , ce nous semble, la question. C'est ainsi que quelques mots restés inaperçus dans une lettre assez obscure d’un auteur peu connu lui-même, viennent jeter une nouvelle lumière sur une question jus- qu'alors non résolue, et achèvent, en confirmant nos con- jectures , de donner au texte de Pline sa véritable signifi- cation. (1) « Studium quidem Menippei Varronis imitaris, sed vincis «ingenium. Nam quæ in nostrates viros nunc nuper condis epigram- « mata, puto hebdomadon elogiis præmicare, quod hæc æquè so- « bria nec tamen casca sunt. Illa bono metallo cusa a Saturno exigi « niescierunt, et duriorem materiem , nisi fallor, admittére. » Actuarium Simmachianum , \. W. apport FAIT A L'ACADÉMIE DE ROUEN PAR M. BÉNARD, SUR LE LIVRE DE M. FLOURENS, . INTITULÉ : RONRENBRRLE, ou de la Philosophie moderne RELATIVEMENT AUX SCIENCES PHYSIQUES. Telest le titre d'un petit ouvrage, dont M. Flourens à fait hommage à l'Académie, et sur lequel je suis chargé de vous faire un rapport au nom d’une Commission composée de MM. Chéruel, Girardin et moi. Je regrette que mes occupations ne m'aient pas permis de consacrer à ce livre le temps nécessaire pour vous en faire sentir toute l’im- portance et le mérite Je tâcherai, néanmoins, de montrer par une analyse exacte et par l'appréciation des points les plus essentiels, avec quel intérêt je l'ai lu. Je suis per- suadé qu'il ne vous intéressera pas moins, puisqu'il s'agit d'une des gloires de la ville de Rouen, et, en même temps, de l'homme qui a comme personnifié en lui l'esprit et la destination des Académies 314 ACADÉMIE DE ROUEN. Ce petit livre est d'autant plus digne de fixer votre at- tention , que Fontenelle y est considéré sous cet unique point de vue. L'auteur fait abstraction des divers genres dans lesquels ce génie , si facile et si varié, s'est essayé avec un succès inégal, Il s'attache à démontrer la vérité de cette phrase de la correspondance littéraire de Grim : «L'esprit philosophi- « que , aujourd'hui si généralement répandu , doit ses pre- « miers progrès à Fontenelle. » H laisse, dit-il, de côté le bel esprit ; c’est le grand esprit qu'il étudie, et il est tout entier dans l'Histoire de l’Académie des Sciences et les Éloges des Académiciens. « Mon Fontenelle est le conti nuateur de Descartes et l'historien de Newton. » Avant de parler de Fontenelle sous ce double rapport, l'auteur place, comme introduction, quelques mots sur la philosophie moderne, représentée par Descartes, Bacon, Galilée et Newton. Il fait remarquer l'excellence des règles posées par Des- cartes, et de sa méthode entière; mais en physique, dit-il, Descartes oublie bientôt sa méthode. Cette méthode, c’est l'analyse, et il emploie partout l'hypothèse. Il y a plus, il le fait sciemment, à dessein. Au lieu d’ex- pliquer les choses qui sont dans le vrai monde, il se plait à en imaginer un autre Il appelle son Traité du monde : la Fable de son monde. Une seconde cause des erreurs de Descartes en physi- que, cest de vouloir démontrer les effets par les causes , au lieu de déterminer les causes par leurs effets ; de com- mencer par la recherche des principes pour en déduire à priori les conséquences, méthode purement hypothétique; ES CLASSE DES BELLES LETTRES. 315 de sorte que la physique de Descartes est presque par- tout hypothétique, c'est-à-dire fausse, tandis que sa mé- taphysique est presque partout vraie; et cela, parce que dans la métaphysique seule, on procède de la cause à l'effet, non de l'effet à la cause; l'âme , la seule cause que nous connaissions immédiatement, étant connue par le sens in-— time. Ce qui fait que Descartes est sans égal en métaphysique, c'est qu'il va droit à l'âme, et qu'il en tire tout; mais il aurait dû appliquer une autre méthode aux sciences phy- siques , la méthode expérimentale. Du reste, Descartes, dont le bon sens égalait le génie, a vu lui-même que la théorie sans l'expérience n'était rien, et qu'il fallait que les conséquences déduites par le raisonnement s'accor- dassent avec l'observation. «Car les choses ayant pu être « ordonnées de Dieu en une infinité de diverses façons , « c'est par la seule expérience et non par la force du rai- « sonnement qu'on peut savoir laquelle de toutes ces fa- « çons il a choisie,» — «La philosophie moderne, dit M. « Flourens, est la philosophie expérimentale. » Ce jugement, sur la méthode et la philosophie de Des- cartes, quoique vrai dans sa généralité, nous semble ce- pendant trop sévère. Sans doute, Descartes, métaphysicien et géomètre , a beaucoup trop accordé à la méthode à priori et au raison- nement , surtout dans sa physique ; mais si la physique de Descartes est presque partout hypothétique , on ne doit pas oublier que les erreurs de Descartes ont préparé la grande vérité du système du Monde de Newton. Les hypothèses d’un homme de génie, même lorsqu'elles paraissent les plus éloignées de la vérité, par l'impulsion féconde qu’elles impriment aux esprits, font plus, pour la découverte des 316 ACADÉMIE DE ROUEN. vérités capitales dans la science , que des faits de détail et des expériences sans portée dans les travaux des observa- teurs médiocres. Et nous rappellerons ici les mots de Fon- tenelle, cités ailleurs par M. Flourens. « Telles sont les erreurs de Descartes , qu’assez souvent elles éclairent les autres philosophes ; soit parce que dans les endroits où il s’est trompé, il ne s’est pas fort éloigné du but , ou que la méprise est aisée à rectifier ; soit parce qu'il donne quel- quefois des vues et fournit des idées ingénieuses, même quand il se trompe le plus. Nous ne pouvons non plus laisser passer cette autre proposition : «La métaphysique de Descartes, dit M. Flourens, est presque partout vraie, parce qu'il y suit la méthode oppo- sée à celle qui préside à sa physique.» L'illustre secrétaire de l'Académie des sciences nous paraît confondre la mé- taphysique et la psychologie. Or, dans la psychologie, la méthode n’est pas exclusivement à priori, on ne va pas de la cause aux effets, c'est-à-dire de l'âme à ses attributs et à ses actes, mais des actes, des phénomènes aux facul- tés, et de celles-ci à la nature de l'âme elle-même. Si Descartes avait constamment suivi dans l'étude de l'âme la méthode à priori, il ne serait pas le fondateur de la philosophie moderne. Et, s’il avait mieux pratiqué la méthode expérimentale, il ne serait pas tombé dans des erreurs qui, chez ses successeurs, ont révélé leurs dange- reuses conséquences. Malgré ces réserves, que nous n'avons pu nous empê- cher de faire dans l'intérêt de la gloire de Descartes, comme métaphysicien et comme physicien, nous nous plaisons à reconnaître , d'ailleurs, la justesse des obser- vations de M. Flourens. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 317 La méthode expérimentale.est représentée , dit-il, prin- cipalement par trois hommes, Bacon, Galilée et Newton. Bacon en a donné la théorie; Galilée a montré comment il fallait l'appliquer, il a appris le grand art des expériences. Newton à révélé l’art plus grand encore de remonter des faits aux causes générales, aux grandes lois, de poser, suivant son expression, des forces expérimentales. Après cette introduction, M. Flourens arrive à Fonte- nelle, dont il doit déterminer la place et le rôle dans la philosophie moderne, relativement aux sciences physiques. Cette place, elle est déjà indiquée par celle qu'il occupe dans l'Académie des sciences de Paris; ce qui fournit à l’auteur l’occasion de retracer en peu de mots l'origine de l'Académie des sciences, et de marquer sa destination. On lira ce chapitre avec un vif intérêt. — La destination principale des Académies, ainsi que Bacon l'avait indiquée, est de rendre possible l'application, en grand, de la mé- thode expérimentale , en réunissant les efforts, jusqu'alors isolés, des savants, en leur permettant de faire des expé- riences qui demandent à la fois de longues et difficiles recherches, de grandes collections d'instruments, des dépenses au-dessus de la fortune des particuliers. Les Aca- démies représentent l'époque moderne, l'époque de la division du travail, suivant l'expression de Cuvier. L'Aca- démie des sciences de Paris, qui a commencé comme la vôtre, Messieurs, par être une réunion libre de savants, et qui a eu pour fondateur Colbert, fut la cinquième de celles qui furent établies en Europe. Elle le fut en 1666. Lorsque Fontenelle fut nommé , en 1697, secrétaire per- pétuel de l'Académie des sciences, il était membre de l’Académie française depuis six ans, et, quatre ans après , 318 ACADÉMIE DE ROUEN. il le fut de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Il apportait donc, à l'Académie, un génie tout formé, des idées faites; il avait sa philosophie, son style, sa ma- nière. « Fontenelle, dit Georges Cuvier, par la manière lucide « dont il exposait les travaux de l'Académie, concourut à « répandre le goùt.des sciences, plus, peut-être, qu'aucun « de ceux qui en traitèrent de son temps. » Cela est vrai, dit M. Flourens, mais cela n’est pas assez. Fontenelle ne s'est pas borné à répandre le goût des sciences, nul n’a mieux secondé Descartes, destructeur de la philosophie scolastique. Nul n'a mieux compris la philosophie mo- derne , les grands hommes qui l'ont fondée, les Descartes, les Bacon , les Galilée, les Leibnitz, les Newton. Il est un des premiers qui aient vu la métaphysique des sciences , et le premier qui leur ait fait parler la langue commune. L'auteur s'attache à démontrer chacune de ces proposi- tions. Fontenelle combattit la scholastique, qu'il définit la philosophie des mots, en opposition avec la philosophie moderne , qui doit être la philosophie des choses. Il se moque partout des formes substantielles et des qualités occultes. En tout cela, il suit Descartes, dont il est le disciple zélé, dont il adopte les opinions sans s'y asservir. « Cet esprit fin et singulièrement juste, sait, quand il le faut, arrêter Descartes lui-même. » Il est pourtant un point, et un point capital, sur lequel il ne peut jamais l'a- bandonner, le vide et l'attraction. I soutient l'hypothèse du plein, et traite l'attraction de qualité occulte dans le système de Newton. Nul n’a mieux compris la philosophie moderne et l'esprit = Poue CLASSE DES BELLES-LETTRES. 319 de sa méthode, il l'appelle la philosophie expérimentale. Ici, ce partisan déclaré de Descartes devient l'admirateur le plus judicieux du grand Galilée. L'expérience , dit Fon- tenelle, est la maîtresse souveraine de toutes nos sciences physiques. Il décrit, avec la délicatesse et l'heureuse saga- cité qui le distinguent, les conditions du talent, du génie expérimental et du grand art des expériences. Fontenelle est un des premiers qui aient vu la métaphy- sique des sciences; M. Flourens nous paraît avoir moins bien démontré cette proposition que les deux précédentes. Dans les passages qu'il cite, Fontenelle confond les mé- thodes géométriques et l'esprit géométrique , avec l'esprit et le procédé métaphysique; confusion qu'il ne faut pas trop lui reprocher du reste, car elle appartient à toute la grande école de métaphysiciens et de géomètres , dont il était un des disciples. Descartes, le premier, l'avait faite , elle se continue dans Mallebranche et Leibnitz ; elle révèle ses inconvénients et ses dangers dans l'Éthique de Spinoza, où la géométrie prête son appareilrigoureux au panthéisme. Quoiqu'il en soit, Fontenelle à parfaitement vu et exprimé, avec sa clarté ordinaire, la nécessité d’une métaphysique des sciences. [la très bien vu qu'au-dessus de la science physique et de toutes les sciences particulières , il y a une science générale des principes que lon à appelée méta- physique , où elles retrouvent leur unité, qui leur donne une force générale , et leur communique, selon sa belle expression , un esprit universel. Fontenelle , et c’est là sa plus grande originalité, ce qui marque sa véritable place dans l'histoire de la science et de l'esprit moderne, a su appliquer la langue commune aux sciences les plus abstraites, les rendre accessibles à tous les esprits. Ce grand mérite d'avoir fait parler aux sciences 320 ACADÉMIE DE ROUEN. la langue commune, est de Fontenelle le mérite le plus conau , et M. Flourens se borne à le rappeler. Il montre, dans l'Histoire de l'Académie et dans les Éloges des Académiciens , les rares qualités de cet esprit, la manière dont il sait tout discuter, raisonner et résumer dans un style d'une clarté admirable , qui rappelle au lec— teur d'aujourd'hui ce vers de Voltaire « L'ignorant l’entendit, le savant ladmira. » Fontenelle, dit encore M. Flourens , par rapport aux sa- vants dont il écrit l'histoire, a deux mérites : celui d’éclair- cir ce qu'ils peuvent avoir d’obscur, de généraliser ce qu ‘ils ont de technique, et celui de louer toujours chacun d'eux par ce qu'il nous a laissé de plus important et de plus du- rable. Il loue par des faits qui caractérisent.—L'auteur nous parait lui-même caractériser ici parfaitement le mérite de Fontenelle. Il cite, comme exemple de la manière dont Fontenelle peint les esprits supérieurs, une revue des sa- vants qui ont illustré la première moitié du xvu° siècle. C'est, en quelques lignes, un tableau des progrès de ce siècle. Rien n’est omis ; chaque trait, chaque mot signifie. Sous ce rapport, la préface de l'Histoire de l'Académie , de 1699, et qui n’a qu'un petit nombre de pages, a mérité, dit Garet. dans son Éloge de Fontenelle, d’être mise au rang des ouvrages du siècle; c’est le coup-d'œil le plus ferme et le plus vaste qu'on ait jeté sur les connaissances humaines, depuis Bacon et avant la préface de l'Encyclope- die. M. Flourens réclame en faveur de la préface de 1670, qui Ii paraît tout aussi belle, si elle ne l’est plus, et qu'il a pris soin de faire imprimer à la fin de son volume. \ures l'Histoire de l'Académie, viennent les Eloges des académiciens. Fontenelle fait remarquer que ce titre n'est CLASSE DES BELLES-LETTRES. 321 pas juste, il faudrait dire les vies des Académiciens. Ses Éloges, dit-il, ne sont qu'historiques , c'est-à-dire vrais. Ce sont les Éloges de Fontenelle, qui, pour la première fois, en France, ont mis les savants en lumière et les sciences à la mode. Tout y est vrai, et, pour cela même, tout y est neuf. Chaque éloge a son caractère, son ton, une originalité qu'il tire de l'originalité même du personnage. L'auteur cite, comme exemple, plusieurs passages de l’é- loge de Colbert, dont il sut si bien retracer la sollicitude assidue , active, immense pour les sciences. Il cite égale- ment un passage de l'éloge du czar Pierre-le-Grand , qui n'eut pas moins à cœur que le ministre de Louis XIV l’a- vancement des sciences et des arts, et qui fut hautement flatté de l'honneur que lui fit l'Académie des sciences de Paris , de l’accueillir dans son sein. Il ya, ajoute M. Flou- rens, dans la composition de chaque éloge de Fontenelle, un art infini, l’art surtout de peindre par les faits, qui en fait une histoire en même temps qu'un portrait vivant. Cet art varie et se diversifie selon les portraits et les caractères de chaque académicien. La délicatesse et la simplicité fine font le mérite principal de ces portraits, qui, malgré leur individualité et la physionomie propre du personnage , ne laissent pas que de se rattacher à une pensée générale. Der- rière le savant , Fontenelle sait placer la science elle-même, et en louant l'un, il fait remonter l'éloge jusqu'à l’autre. Cette pensée générale, partout présente, établit un lien entre ces tableaux; cette galerie de savants devient ainsi l'histoire de la science elle-même. « Fontenelle avait dans l'esprit, (je eite) toute la hardiesse que permet, ou, plutôt, que demande une raison supé- rieure. Nul n'a mieux vu la puissance de l'esprit humain, et ne l’a vue de plus près que le continuateur de Descartes , et l'historien de Leibnitz et de Newton. Mais il l'a vue sans 21 322 ACADÉMIE DE ROUEN. en être ébloui, et ilen a vu les bornes. » Il m'en coûte de passer sur les citations habilement choisies par les- quelles M. Flourens appuie et justifie ses assertions dans tout le cours de son livre. Je ne puis cependant résister au plaisir de reproduire ici une des plus belles images de Fontenelle : « Un premier voile, dit-il, qui couvrait l'Isis « des Egyptiens , a été enlevé depuis un temps ; un second, « si l’on veut, l’est aussi de nos jours, un troisième ne le « sera pas, s’il est le dernier. » Peut-on mieux exprimer cette pensée, que la raison humaine a l'infini devant elle, et que la nature a des mystères qu’elle ne saura jamais complètement pénétrer? Ce livre se termine par un chapitre intitulé : De Fonte- nelle, par rapport à Descartes et à Newton. Déjà , ce sujet a été touché dès le commencement. L'auteur y revient , 1l insiste sur ce rapport de Fontenelle avec ces deux grands hommes qui représentent la physique moderne. Fontenelle est le disciple de Descartes, il adopte sa philosophie tout entière , sa physique comme sa métaphysique, ses er- reurs avec ses vérités. Après avoir repoussé les qualités occultes et les formes substantielles de la scholastique , il admet les tourbillons et le plein contre l'attraction et le vide. Dans son livre sur la pluralité des Mondes, le plus bel ouvrage de sa jeunesse , il avait accueilli les tourbillons. Il était homme, et ilest difficile que le même homme puisse également embrasser et comprendre deux grandes révolutions. Il n’eut pas la force d'abandonner le système de Descartes pour celui de Newton qui l'avait renversé. Il resta disciple de Descartes , et défendit les tourbillons jusque dans sa vieillesse. Toutefois, Fontenellen’en sut pas moins bien apprécier la différence fondamentale qui sépare Descarteset Newton. Jamais personne ne l’a mieux exposée. L'auteur cite le passage de l'éloge de Newton où est tracé ce CLASSE DES BELLES-LETTRES. 323 parallèle : « L'histoire des Sciences , dit-il, n’a pas de plus beau monument. Newton y est jugé par le partisan le plus spirituel et le plus constant de Descartes, et presque par Descartes lui-même. Aussi, tout y a-t-il un caractère parti- culier de grandeur et de délicate réserve. » Le disciple de Descartes saisit, d’ailleurs, avec une extrême finesse, le point où Newton peut lui-même paraître se rapprocher de l'hypothèse scholastique. Selon lui, peu s'en faut que Newton ne considère l'attraction à son tour, sinon comme une forme substantielle et une entité réelle, au moins comme une cause ou une force connue , et qu'il n'arrive à la personnifier. « L'usage perpétuel , dit-il, du mot at- traction , soutenu d’une grande autorité, et peut-être aussi de l’inclination que l'on croit sentir à M. Newton pour la chosemèême, familiarise, au moins, ses lecteurs avec une idée proscrite par les Cartésiens. Il faut être en garde pour ne pas lui imaginer quelque réalité. On est exposé au péril de croire qu'on l'entend. » M. Flourens suppose un Newtonien répondant à Fonte- « nelle: « Laissons un moment l'attraction considérée comme propriété, comme force essentielle ; n’y voyons qu'un fait. L'attraction est un de ces faits primitifs et élémentaires qui , ainsi que les causes , semblent nous avoir été cachés par la nature. La philosophie n’a qu'un but, d'arriver à la vue directe des choses, et, par conséquent , de suppri- mer tout vain intermédiaire , tout faux milieu. Descartes avait supprimé les faux milieux de la scholastique , et Newton a supprimé les faux milieux de Descartes. En un mot, l'attraction est une propriété primitive de la matière. La philosophie de Newton tend partout aux forces, mais aux forces réelles, ou aux forces données par les faits, aux forces expérimentales. » 32% ACADÉMIE DE ROUEN. S'il nous était permis d'intervenir dans cette haute dis- eussion , et de donner à notre tour la parole à un disciple de Leibnitz, celui-ci demanderait au disciple de Newton d'où il tire cette notion de force , et si elle n'est pour lui qu'un vain mot; il demanderait si e’est à l'expérience et aux sens qu'il la doit, et pourquoi il se croit obligé de la transporter dans la métaphysique des sciences. Il deman- derait si cette notion de force, introduite dans les sciences physiques, ne doit pas ouvrir une nouvelle perspective , faire considérer la nature sous un point de vue tout nou- veau ; sile monde, dès-lors, ne serait pas autre chose qu'une collection de phénomènes ou de faits rattachés à d’autres phénomènes ou d’autres faits généraux, et qualifiés de faits primitifs. Nous n'irons pas plus loin ; il nous suffit d’avoir montré qu'il est peut-être possible d'aller aude-là de Newton dans la carrière ouverte par Leibnitz, qui, prenant au sérieux la notion de force, et la développant dans la physique comme dans la théo- dicée et la psychologie, fait faire à la métaphysique un pas au-delà du point où l'avaient conduite Descartes et Newton. D'Alembert, dans la célèbre préface de l'Encyclopédie, loue particulièrement Fontenelle d’avoir appris aux sa- vants à secouer le joug du pédantisme. «Et, il a raison, dit en terminant M. Flourens : car ce n’est pas là un mé- diocre service. Les subtilités , les obseurités , les puérilités de l’école auraient peut-être détourné pour toujours les bons esprits des vraies et solides études. Le pédantisme était le dragon qui gardait cet autre jardin des Hespérides. Fontenelle apprit au monde que le bonnet, la robe, les enrouements gagnés sur les bancs des écoles n'étaient pas la science, et il apprit aux Savants qu'ils pouvaient très bien rester hommes d'esprit en devenant savants... CLASSE DES BELLES-LETTRES. 325 Son bonheur même fut de venir dans le temps même où de grands génies fondaient cette philosophie moderne qui a renouvelé les sciences. Il fut le premier interprète de ces grands génies ; il apprit d'eux à penser , et, dans ce genre, la plupart des autres hommes ont appris de lui. » J'espère, Messieurs, que cette analyse, tout imparfaite qu'elle est, a sufli pour vous donner une idée du livre de M. Flourens. Ce livre est du plus haut intérêt pour le phi- losophe et pour le savant ; il sera lu aussi avec plaisir par les hommes étrangers aux sciences , et qui s'intéressent à leurs progrès. Il est éminemment propre à en inspirer et à en fortifier le goût , par les vues élevées, les aperçus ingénieux , les citations habilement choisies dont il est semé, par la clarté du plan et de l'exposition , la netteté et la simplicité du style. Le secrétaire actuel de l'Aca- démie des sciences , le digne appréciateur des travaux de Georges Cuvier et de son frère , le successeur de Fon- tenelle, se montre aussi son vrai disciple. Il est impos- sible, en effet, en lisant cet éloge de Fontenelle, loué comme il a loué lui-même ses devanciers, c'est-à-dire par une appréciation historique et philosophique de ses œuvres, de n'être pas frappé de la ressemblance du pa- négyriste avec son héros. M. Flourens n'a pas besoin de nos éloges; mais si nous voulions relever les mérites de son livre, nous ne pourrions mieux faire que de lui emprunter les expressions avec lesquelles il énumère les qualités de Fontenelle, et apprécie ses deux principaux ouvrages. Même élévation et même justesse‘de coup-d’œil ; mème habileté à faire ressortir sa pensée ; même netteté et ne possède mieux que l'admirateur de Fontenelle son talent de résumer , de tirer au net une idée, de la mettre 326 ACADÉMIE DE ROUEN. en lumière et de la fixer dans l'esprit du lecteur, de faire parcourir à celui-ci, sans efforts et avec agrément, une série d’aperçus élevés et de résultats généraux; de les vivifier et justifier par des exemples ou des citations bien choisis et naturellement fondus dans l’ensemble. En un mot, son livre se lit comme une préface et un éloge de Fontenelle. En terminant, nous dirons que la ville de Rouen doit être reconnaissante envers M. Flourens, pour le mo- nument qu'il vient d'élever à l’un des hommes illustres auxquels elle est glorieuse d’avoir donné le jour. Quant à l'Académie , je ne crois pas sortir de mes attributions de rapporteur, en ajoutant qu'elle doit des remerciements empressés à l’auteur d’un livre qui intéresse toutes les Académies, et celle de Rouen plus que toutes les autres , puisqu'il s’agit d'un homme qui a puissamment con- tribué à sa fondation , et qu’elle place dans ses armoiries à côté de Corneille et de Poussin. Elle ne peut qu'être singulièrement flattée de l'hommage délicat qui lui en a été fait, et de la demande du titre de correspondant qui lui est adressée à cette occasion par le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences de Paris, membre à la fois de l'Académie Française, et qui occupe une position si éminente dans la science et la littérature. Le nom de M. Flourens doit jeter un nouvel éclat sur la liste de vos associés , où se remarque déjà plus d’un nom célèbre dans les Sciences et dans les Lettres. Cette demande prouve , d’ailleurs , la haute estime dont jouit votre Société dans le monde savant. Elle doit stimuler son zèle pour la conserver, et l'encourager à poursuivre avec la même ardeur ses hono- rables et utiles travaux. ee 90 — ra nn 65 eat? VORIES MISUDRIDUR SUR L'ANCIENNE ABBAYE DE BELLOSANE, Par M. l'Abbé COCHET. Hugues V, dernier des sires de Gournay, était un pieux et vaillant chevalier. L'Orient avait connu la gloire de ses armes et la collégiale de Saint-Hildevert l'avait souvent vu agenouillé au pied de ses autels. Non content d'enrichir de reliques et de trésors l’église de ses pères , il voulut lui-même laisser un monument de sa piété et de sa for- tune. Entre l'étang de Bray et l'étang du Mont-Louvet qui ne couvraient pas moins de 1,400 arpents de terre , il fonda, dans un rendez-vous de chasse, l’abbaye de Bellosane. L'Isle-Dieu florissait alors sous la conduite du bienheureux Hugues de Saint-Jovinien, et sous la protec- tion de Regnault de Pavilly et de Gilbert de Vascœuil. Depuis dix ans, les bords de l'Andelle ne retentissaient plus que de saints cantiques , les marais se desséchaient , les bois s'essartaient ; chaque jour le pays se fertilisait , et déjà on semblait entrevoir sur ces rives demi-sauvages toute la richesse qu'elles étalent aujourd'hui. 328 ACADÉMIE DE ROUEN. L'ordre de Saint-Benoît, déjà puissant, commençait à jouir de ses biens ; les Prémontrés, encore pauvres, se livraient tous lesjours à la prière et au travail des mains (1). Ce fut à eux que Hugues de Gournay, à l'exemple de Regnault de Pavilly, confia sa maison naissante, et avec elle le dessèchement de la vallée et l'assainissement du pays. C'est ainsi que Bellosane devint la fille aînée de l’Isle- Dieu. En 1198, le jour de la consécration de l'église et de l'introduction des Religieux dans le monastère , le vertueux chevalier déposa sur l'autel sa charte de fondation (2), en présence de Gautier de Coutances, archevêque de Rouen, et des abbés de l'Isle-Dieu, du Bec-Hellouin, de Beaubec et d'Ardenne. Il déclara solennellement, devant Dieu et devant les hommes , que c'était pour le repos de son ame, pour celles de son père et de sa mère, de ses ancêtres et de ses descendants, qu’il fondait cette abbaye en l'honneur de Notre-Dame, et qu'il la dotait largement, afin que les Religieux pussent faire abondamment l’aumône à tousles pauvres qui viendraient la leur demander. C’est pour cela qu'il lui donnait les dîmes et le patronage des églises d'Elbeuf-en-Bray, du Thil, de Saint-Lucien , de Brémon- tier, de Merval et de Sainte-Marguerite (3), donations qui furent confirmées l'année suivante par l'archevêque de Rouen. (1) Relation géographique et historique de l'établissement de l’abbaye de l'Isle Dieu, dressée en 1760 par P. De la Rue, abbé de l'Isle-Dieu. Chez M. Édouard Quesnel , a Auzouville. 2) Carta fundationis, apud Gallia christ, t. XI, p. 29, instrum. (3) Litteræ arch. roth. pro monast. Bellosanæ, apud Gall. christ. t. XI, instrumenta, p. 31 CLASSE DES BELLES-LETTRES. 329 Cette abbaye a subsisté près de six siècles, pendant lesquels elle a compté trente-cinq abbés. Trois d'entr'eux ont brillé dans les Lettres et dans les Sciences. Cette tri nité glorieuse apparut à la fin du xvi siècle, comme pour consoler l'abbaye de la funeste institution des Commandes. Ces trois abbés furent Vatable, Amyot et Ronsard, hommes de génie qui ont donné tous trois l'impulsion à leur siècle et à la littérature. Vatable, professeur d'hébreu à l'Université de Paris, ressuscita parmi nous l'étude des langues sacrées. Amyot, traducteur de Plutarque , rendit populaire la vie des grands hommes de l'antiquité, et embellit par ses grâces naïves le prince des biographes. Ronsard, tant de fois couronné pendant sa vie, fut un des pères de la poésie française , et l’un des créateurs de notre langue. Ces hommes ont jeté sur Bel- losane un reflet de gloire qui brille encore , et que chaque âge semble rendre plus éclatant. Mais, au xvur siècle, l'abbaye ravagée par les guerres de la Ligue, privée de ses protecteurs, abandonnée même de ses enfants , n’était plus qu'un monceau de ruines abri- tant à peine deux ou trois Religieux, errants comme des fantômes au milieu des tombeaux. Les choses étaient ainsi, en 1680 , lorsque parut un homme de cœur et de tête. Henri Blavette, devenu prieur du monastère, en administra les revenus avec tant de sagesse et d'économie, qu'il releva le cloître et tous les bâtiments de l’abbaye, embellit l'église de tableaux, rendit à la sacristie ses ornements, à l'autel ses vases sacrés, au chartrier ses titres, et à la bi- bliothèque ses livres et ses manuscrits. Ce monastère devint en peu de temps un des plus brillants de la province (1). En 1732, un homme de haute intelligence seconda beau- 1) Gallia christ, t. XI. — Duplessis. 330 ACADÉMIE DE ROUEN. coup le prieur dans l’accomplissement de ses plans de restauration et de réforme : Urbain Robinet, vicaire- général de Rouen et abbé de Bellosane, apporta dans le gouvernement de l’abbaye le même esprit d'ordre et de méthode qu'il avait déployé dans l'administration du dio- cèse. Homme de progrès et savant théologien, il avait donné une preuve de son savoir-faire dans la composition du bréviaire , et dans la réforme de la liturgie diocésaine. Le choix des hommes dont il s'entoura pour cette grande entreprise , lui fait autant d'honneur que ses travaux eux-mêmes (1). Mais pourquoi faut-il que de cette abbaye relevée avec tant de peine, il ne reste plus aujourd’hui que le souvenir. La révolution a été ici plus cruelle qu'ailleurs ; Jumiéges, Valmont, Saint-Wandrille, montrent encore des ruines vénérées par tous les voyageurs; à Bellosane, il ne reste pas pierre sur pierre. Quoique cachée au fond d’un désert, comme dans une Thébaide nouvelle , quoique placée au milieu d’un pays qu'elle avait émergé des eaux, et dont elle n'avait cessé d’être la perpétuelle bienfaitrice, la proseription générale l'a frappée encore plus impitoyable- ment que les autres. Les sept Religieux qui formaient en 1791 toute la communauté, se dispersèrent dans le monde. M. Dufour, dernier prieur, a eu seul le bonheur de mourir à l'ombre du cloître qui avait protégé ses premiers ans. Il repose derrière l’église de Sainte-Marguerite. Ses osse- ments touchent à ceux des saints ; car, en 1791, aux ap- proches de la tourmente révolutionnaire , un moine cacha i) Nous citerons, entre autres, Étienne Geffray, curé de Hautot- le-Vatois, et M. De la Chapelle, curé de Mentheville cet doyen des Loges. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 331 dans le cimetière les saintes reliques qu'il craignait ds voir profanées. L'abbaye alors fut mise au pillage, le: vases sacrés furent volés, l'orgue vendu et dilapidé, les cloches enlevées pour faire des canons , les tableaux , les bas-reliefs dispersés dans les églises et dans les maisons du voisinage. Chacun en prit tant qu'il voulut. L'église fut vendue comme propriété nationale. Achetée vers la fin du sièele par M. Certain , depuis comte de Bel- losane , elle fut démolie par ses ordres, sous la direction du dernier des moines !! Les pierres de l'édifice furent employées à paver les chemins, à réparer les fermes ou à faire de la chaux. En 1827, lorsqu'on creusa les fonde- ments du château actuel, bâti sur l'emplacement même de l’abbaye, on trouva un certain nombre de pierres tom- bales. On rencontra aussi des caveaux , dans lesquels étaient des sépultures de moines. Les Religieux avaient encore leurs croix et leurs chapelets placés près d'eux, comme ces abbés de Jumiéges que l’on retrouve encore avec leur bâton de bois et leur crosse de cuivre. L'ancienne abbaye était entourée d’eau , les fossés ont été comblés ; le seul débris qui survive, c’est la mare du fermier. Au bord de cette mare est un vieux saule , pa- triarche de la contrée, qui, dit-on , a vu la reine Blanche (d'Evreux), suzeraine de ces lieux au xiv° siècle. C'était sous son feuillage que cette vertueuse veuve venait s'embarquer quand elle voulait aller en barquette, soit à Forges , soit à Gournay. Une suite non interrompue de lacs, se continuant sur toute la vallée de Bray, lui permettait cette charmante navigation. Le vieux saule , dernier témoin de ces scènes historiques, est mort depuis quelques années , mais son tronc vermoulu a été respecté à légal d'une relique Tous les jours il tombe en pourriture, et ce n’est qu'en réunis- sant ses morceaux que nous avons pu le mesurer , peut- 332 ACADÉMIE DE ROUEN. être pour la dernière fois. Il nous a donné de diamètre 1 mètre 50 centimètres, et # mètres 50 centimètres de circonférence. Nous laissons aux naturalistes le soin d’ap- précier l’âge de ce doyen de la forêt de Bray. Faisons maintenant connaître les objets d'art échappés au pillage, et qui ont trouvé un asile dans nos églises, comme les sciences en trouvèrent un au moyen-âge. Ces précieux débris nous apprendront à regretter la perte des autres. Trois églises se sont enrichies des dépouilles de Bellosane : Argueil, Sainte-Marguerite et Brémontier. Argueil , chef-lieu de doyenné , est une église pauvre , bâtie en briques, et qui ne compte pas cent ans d'existence. Ses seuls trésors sont une jolie résurrection sur cuivre, et deux bas-reliefs dans la nef, sculptés par les Religieux de Bellosane. L'un présente un pape, dont un ange sou- tient la tiare ; l’autre un saint solitaire, accompagné du lion qui creuse la fosse de saint Paul , ermite , ou un saint Marc , avec son attribut évangélique. La petite église de Sainte-Marguerite de Bellosane est plus riche. Bâtie au xvrre siècle, par les Religieux, elle fut décorée par eux avec beaucoup de goût et de recher- ches. La chaire, sortie des ateliers de la maison , montre en relief les quatre évangélistes. Le lutrin, qui est un Moïse , le rayon sur le front, provient de l’église abba- tiale. Trois bas-reliefs sur bois , et du meilleur goût, tapissent l’abside ; c’est le martyre de sainte Marguerite, l'adoration des Bergers et l’adoration des Mages. Cette église , anciennement paroisse , est aujourd'hui la chapelle du château. Sous le chœur est un caveau sépul- cral creusé en 1838 pour être le lieu de sépulture de la famille de Bellosane. Deuxmembres y sont déjà descendus, et, sur une pierre de marbre, on lit ces inscriptions : CLASSE DES BELLES-LETTRES. 333 « Ici repose le corps de M. Charles Certain, comte de Bellosane , ancien conseiller à la Cour des Aiïdes , fonda- teur et bienfaiteur de cette chapelle, né à Paris , le 3 juin 1763 et décédé à Paris le 29 juillet 1838.» — « Ici repose le corps de M. Charles Certain, comte de Bellosane, né à Sceaux , le 10 janvier 1795, officier de la légion d'hon- neur, chevalier de Saint-Ferdinand d'Espagne, lieute- nant-colonel d'État-major, membre du Conseil général de la Seine-[nférieure , ancien maire de Brémontier , mort à Paris le 18 mai 1840. » Mais c’est dans l’église de Brémontier-Merval que l’on a entassé, comme dans un Musée, toutes les richesses artistiques de l’ancien monastère. Le lieu n’était pas mal choisi, car, selon la tradition, cette église a été une an- cienne abbaye , et Duplessis prétend que c’est là qu'il faut chercher le tombeau de saint Guitmard et l’origine de la collégiale de Gournay. Le curé assure que , dans les her- bages environnants , on aperçoit des débris de murs pro- venant de l’ancienne maison conventuelle. L'édifice actuel n'a aucun intérêt. Le chœur date de 1733 ,et la nef du xvi° siècle. Le berceau est orné de fleurons , de médaillons et d'armoiries de ce temps. Le baptistère seul date du xu° où du xm° siècle. C'est une cuve ronde supportée par une colonne cylindrique flanquée de quatre colonnettes à chapiteaux de cornes, et couronnée d’une corniche de feuillages. Tout ceci est loin d'annoncer la magnificence de la décoration mobilière. Parmi les principaux objets qui remplissent le chœur, on remarque les stalles en chêne, trop grandes pour une si petite église, la chaire décorée des attributs évangéli- ques, l'aigle servant de lutrin, l'autel construit à la romaine, dont une des faces, malheureusement , est 334 ACADÉMIE DE ROUEN. cachée ; celle qui est visible présente Jésus-Christ mis dans le tombeau. Autour de l'autel sont sculptés, en relief, les instruments de la Passion. Ces boiseries surmontaient autre- fois les ogives de la chapelle de la Sainte Vierge. I y a dix personnages dont l'un tient l'échelle , l'autre la lance et l'éponge , celui-ci les verges , celui-là les clous; viennent ensuite le marteau et les tenailles, le vase au fiel et au vinaigre, et le mouchoir de Sainte Véronique. Les sujets de la Passion paraissent avoir été reproduits au xvn* siècle avec une prédilection toute particulière. Nous les avons trouvés sur les bossets et les poutres des chœurs de Grèges et de Bracquemont , sur les vitraux de Biville-la-Baignarde et jusque sur le pied d’un calice en argent, donné en 1682 à la chapelle du château de Bellengreville. Le chœur de Brémontier est encore tapissé de quatre magnifiques bas-reliefs, en bois, de grande proportion : le premier c’est Jésus monté en Croix, le second c’est Jésus descendu de la Croix, le troisième c'est Jésus mis dans le tombeau, et le quatrième , enfin, c'est Jésus res- suscité. Dans la nef, c'est plus beau encore. Deux autels sont placés à droite et à gauche de l’arcade du Crucifix ; des bas-reliefs en forment les contretables. Sur l’un, c’est un saint évêque, sur l’autre, c'est une assomption. Le bas d’autel de ce dernier montre un Christ fort joli. Mais les morceaux de sculpture les plus parlants, ce sont quatre groupes d’une belle expression. Le premier, c'est le squelette de la mort, une faulx à la main, frappant une tête couronnée, abattue à ses pieds. Elle marche également sur un sac d’or renversé, sur un glaive, un casque, une tiare et un livre, tous emblèmes qui semblent dire que nulle puissance ne peut résister à la mort, que, la cruelle CLASSE DES BELLES-LETTRES. 335 qu'elle est, n’épargne ni la science , ni le génie , ni le sa- cerdoce, ni l'empire, ni la puissance de l'or, ni la puis- sance du glaive. Le deuxième groupe est une résurrection. L'ange du jugement sonne de la trompette et semble faire entendre ces lugubres paroles : Levez-vous, morts, et paraissez au jugement. À sa voix, un homme et une femme sortent de la tombe pour être jugés ; aussi, les deux groupes suivants sont: la récompense et le châtiment. Sur l’un est la Justice, la tiare sur la tête, tenant d'une main le miroir de la vérité et de l’autre le glaive de la ven- geance. Elle foule aux pieds une prostituée dont les seins nus sont allongés démesurément par la luxure. Autour d'elle sont des masques seéniques. Ne croit-on pas voir la Justice châtiant la grande Babylone de ce siècle de corrup- tion et d’hypocrisie ? Enfin, sur le dernier, est la récompense de l'homme juste. Le Père Eternel ouvre les bras pour recevoir l'âme chrétienne ; l'ange des saintes espérances vole au-devant d'elle, tenant dans ses mains la couronne de l'immor- talité. Toutes ces sculptures proviennent de l'abbaye de Bello- sane et ont été exécutées par les Religieux de la maison, Un ancien moine , qui fut longtemps curé dans les environs, avait connu le frère artiste, et avait souvent cité son nom aux gens du pays qui l'ont oublié. Ainsi, ces Religieux, que l'on savait occupés à écrire et à copier des livres, faisaient encore autre chose; plusieurs maniaient le ciseau avec bonheur; les sculptures de Bellosane en font foi. Nos églises, elles-mêmes, ne disent-elles pas bien haut que ces mains religieuses savaient aussi travailler la pierre. La peinture, 336 ACADÉMIE DE ROUEN. non plus, ne leur était pas étrangère ; les manuscrits colo- riés du moyen-âge , les livres d'heures qui font l'ornement de nos bibliothèques ne sont-ils pas autant de chefs-d'œu- vre de patience monastique ? Après l’Antiphonaire et le Graduel de Daniel d’Aubonne (1), après les Evangeliers et les Epistoliers de Fécamp (2), qui oserait dire que le secret du dessin et du coloris s’est jamais perdu chez les moines de l’ordre de Saint-Benoit ? Pauvre abbaye de Bellosane ! tu n'existes plus depuis un demi-siècle ! Eglise, sacristie, cloître, chartrier, biblio- thèque , tout a disparu ; mais les sciences et les arts con-— serveront ta mémoire. Toujours, tes bas-reliefs feront l'admiration des artistes et des chrétiens; toujours, les noms de Vatable, d'Amyot et de Ronsard résonneront aux oreilles des amis de la science : leur souvenir peuplera tes ruines , comme l'ombre des guerriers peuple encore les champs de bataille longtemps après leur mort ! (1) Daniel d’Aubonne , moine de Saint-Ouen , mort en 1715, mit 30 ans à composer le merveilleux Graduel que l’on voit maintenant à la Bibliothèque publique de Rouen, ainsi que l’Antiphonaire qui se trouve à la Bibliothèque du Séminaire. (2) Chez M. Robin, médecin, à Goderville, qui les a reçus de Dom Letellier, ancien moine de l’abbaye de Fécamp. DN000NONONONDNNNONN PNNONNONNNNNNNONLOLNNINNNNNNMNNNNNN NU EXAMEN DES LETTREN NUR L'HINTOIRE MONÉTAIRE DE LA NORMANDIE, De AM. fecointre-Dupont, PAR M. A. DEVILLE. M. Lecointre-Dupont a fait paraître, dans le recueil de la Revue numismatique, de 1842 à 1845, une suite de lettres sur les monnaies normandes , qu'il vient de réunir en un corps de volume, auquel il a donné le titre de Let- tres sur l'histoire monétaire de la Normandie. Ce vo- lume, il vous en a fait hommage , et l'Académie, par l’or- gane de son président , l'a renvoyé à mon examen. L'auteur a d'autant plus de mérite d’avoir abordé ce sujet, qu'il marchait à-peu-près sans guide ; 1l y a porté la lumière. Le suceès le plus complet aurait couronné ses ef- forts, si l'on devait en juger par les éloges qui lui ont été adressés de toutes parts et par des hommes compétents. Je ne serais pas éloigné de m’y associer, si l’on veut me permettre un enthousiasme plus réfléchi, quelques obser- vations , je dirai plus, quelques critiques. 22 335 ACADÉMIE DE ROUEN. Une chose qui n’a pas cessé d’étonner les personnes qui s'occupent de notre numismatique nationale, c’est la rareté excessive , prodigieuse des monnaies ducales normandes. Pour vous en donner une idée, je vous dirai, Messieurs, qu'il n'existe, dans toutes les collections publiques et particulières de l'Europe , que quelques pièces au nom des Richard, petit-fils et arrière petit-fils de Rollon, et au nom de Guillaume. On ne connaît pas une pièce de mon- naie frappée en Normandie, des Robert, le père et le fils de Guillaume le -Conquérant, de Guillaume-le-Roux, de Henri 1, de Geoffroy-Plantagenet, de Henri Il, de Ri- chard Cœur-de-Lion , de Jean-sans-Terre ; et, cependant, lon sait qu'il y a eu de tout temps un atelier monétaire à Rouen, et que sous Guillaume-le-Conquérant , spéciale- ment , il y en avait un second à Bayeux. Frappé de cette pénurie, M. Lecointre-Dupont s'est appliqué à en rechercher la cause. Il prétend que les ducs de Normandie cessèrent de frapper monnaie dès le milieu du x1° siècle; qu'il n'est donc pas possible de trouver, à partir de cette époque, des espèces portant le nom des princes que je viens de passer en revue, ni celui de nosate- liers monétaires normands. A défaut d'autre preuve que celle de l'absence de ces monnaies, (preuve toute né- gative dans la question), l'auteur en donne la raison suivante : Guiliaume-le-Batard, dit-il, voyant que ses monnaies , qui étaient d’un titre plus élevé que celles des princes ses voisins , étaient exportées et fondues , et ne voulant pas , ne pouvant pas , à leurexemple, en affaiblir le titre, (car, d'après l’auteur, il en avait pris l'engagement envers ses sujets, qui avaient consenti, à cet effet, à lui payer un droit de monnéage, dit autrement de fouage) renonça à CLASSE DES BELLES-LETTRES. 339 frapper monnaie, pour éviter des frais de fabrication et la perte que l'exportation du numéraire lui faisait éprouver. Cette supposition me paraît, pour expliquer franchement ma pensée, plus ingénieuse que vraie. Il faudrait d’abord nous dire comment, dans ce système, Guillaume-le-Conquérant et ses successeurs immédiats s’y prirent pour satisfaire aux besoins du commerce, des transactions de toute espèce et du gouvernement lui-même; Caron ne pouvait se passer d'un signe représentatif. L'au- teur ne s'arrête point à cette difliculté. Pour revenir à son système et l'examiner pris en lui- même, l’auteur aurait dù prouver, d’abord, que le titre des pièces de Guillaume était plus élevé que celui des monnaies des princes ses voisins, ce qui n’est établi nulle part et ce que l’auteur avance sans preuve à l'appui. Il faudrait ensuite montrer que le droit de fouage ou monnéage, l’un des points de départ de son argumentation, existait sous nos premiers ducs, ce qui est moins que présumable. On ne connait pas, en effet, l’origine de cet impôt redhibi- toire , si tant est qu'on doive lui reconnaitre ce caractère ; M. Lecointre-Dupont convient lui-même qu'on ne sait à quelle époque il remonte. Il faudrait prouver enfin, en troisième lieu, que les dues de Normandie , à commencer par Guillaume lui-même , ont résisté à l'exemple général et ont renoncé à altérer leurs monnaies. L'auteur n’en fournit aucune preuve. I n’a pas fait essaver une seule pièce ; il ne nous donne, du moins, le titre d'aucune. Ce qu'il nous raconte du duc Guillaume, n'expliquerait pas d’ailleurs l'absence des pièces sous son père Robert, dont on ne connaît pas une seule monnaie. En renonçant à faire valoir ces objections, qui sont, 340 ACADÉMIE DE ROUEN. certes, d'un grand poids dans la question , il serait facile de détruire , par un seul fait, l'argumentation sur laquelle repose l’assertion de l'auteur , et de lui prouver que, loin d'être fermé sous Guillaume-le-Conquérant, et à tout jamais , l'atelier monétaire de Rouen, spécialement, fonc- tionnait encore sous le dernier des fils de ce prince En effet, Henri I", dans une de ses chartes délivrée pour l'abbaye de Fontevrault, en 1137, concède des droits attachés au monnoyage de son atelier de Rouen, preuve que cet atelier était resté en vigueur : quoque anno C libras Rothomagi , in moneta mea de Rothomagi, de censu ejus- dem monetæ (1). Au surplus, l’auteur semble se charger lui-même d'af- faiblir son assertion, car, oubliant ce qu'il a avancé, il parle de pièces rouennaises sous Henri II et sous Jean- sans-Terre. Je ne sais si je m'abuse, mais je crois qu'on pourrait expliquer, plus naturellement que ne l'a fait l'auteur, l'ex- trême rareté de nos pièces normandes. Les dues de Normandie percevaient un droit assez con— sidérable sur l'émission des espèces monnoyées , qu'ils s'é- taient exclusivement réservée. Pour augmenter ce revenu, à leur avènement au trône ducal, ils décriaient toutes les pièces émises par leur prédécesseur ; elles étaient immé- diatement retirées de la circulation On était tenu, sous des peines sévères, de les porter aux ateliers monétaires du duc , où l'on recevait en échange des pièces nouvelles à son nom, en payant le droit de monnoyage ; véritable impôt, très lucratif, qui faisait rentrer immédiatement ETS i) Archives de Maine-et-Loire. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 31 une somme considérable dans les coffres du nouveau duc. La même opération se répétant d'un règne à l’autre, on conçoit que les espèces des règnes successifs ont dû s'é- teindre ainsi à la suite les unes des autres et disparaitre presque complètement. Quelque soit, au surplus, la valeur de cette explication pour rendre compte de l'extrême rareté de nos pièces du- cales, elle à du moins le mérite de reposer sur un fait positif et d'embrasser la succession des règnes d’une ma- nière uniforme , en même temps qu'elle n'a rien que de simple et de très naturel. J'ai dit qu'on ne connaissait de nos dues que quelques pièces au nom de Richard et à celui de Guillaume : ce sont des deniers d'argent, d'un métal plus ou moins pur, qui pèsent généralement de 18 à 2% grains. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que les de- niers au nom de Richard, d'après leurs types et les ca- ractères de leurs légendes, ne peuvent s'appliquer à Ri- chard Cœur-de-Lion ; mais qu'ils doivent être attribués à l'un des Richard , I, Iet IN, qui se sont succédés immé- diatement après Guillaume-Longue-Épée, de l'an 943 à l'an 1026, si même ils ne doivent leur être partagés, car rien sur ces pièces n'indique au quel de ces Richard on peut les donner de préférence. Quand aux deniers au nom de Guillaume, dont le Cabinet des Médailles à Paris possède un très bel exemplaire, sur lequel on lit Willelmus et au revers Rotomacus, un des an- ciens conservateurs de cet établissement, M. de Longpérier, le donne à Guillaume-Longue-EÉpée, fils de Rollon. Il serait trop long d'énumérer ici les raisons qui m'ont tou- 342 ACADÉMIE DE ROUEN. jours fait penser que cette pièce est plus jeune d'un siècle et qu'elle a du être frappée par Guillaume-le-Bâtard. M. Le- cointre-Dupont, dont le nom fait autorité dans la matière , partage notre opinion. M. Lecointre , dont l'ouvrage est accompagné de plan- ches gravées, a donné le dessin de dix des pièces dont nous venons de parler. Le Musée des Antiquités de Rouen , au- quel il a fait un emprunt, aurait pu lui en fournir deux ou trois antres non moins intéressantes. A part cette lacune , il est à regretter qu'il n'ait point in- diqué le poids des pièces qu'il a fait dessiner. Nous avons dit plus haut que le titre n'en avait pas été constaté. Un oubli moins pardonnable est celui que l’auteur à com- mis, de ne point nous faire connaître le système monétaire de nos dues, dont il avait entrepris , d’après le titre de son livre, d'écrire l'histoire. Il lui eût été facile cependant , à l’aide des chartes, des documents historiques, d'expliquer que la monnaie de compte en Normandie était la livre, le sou, le denier, l'obole ; qu'on ne frappait ni livre , ni sou ; que le denier, toujours en argent, auquel il faut peut-être joindre l'obole , qui en était la moitié, était la monnaie unique et courante. On disait une livre de deniers , un ou plusieurs sous de deniers, et l'on payait en deniers. La monnaie de cuivre ou de billon était inconnue. Quant à l'or, on n’en frappait pas ; il circulait, dansle commerce, sous son poids, en barre ou par morceaux ; on se contentait de le peser. On trouve souvent, dans les chartes, la mention d'une livre, d'une once d'or, jamais l'expression d'une pièce mon- dé ml CLASSE DES BELLES-LETTRES. 343 noyée (1). Cet usage avait-il été introduit en Normandie par les hommes du Nord, sous Rollon et son fils? Ce qui peut le faire penser, c'est que, dans la patrie de Rollon, il était général et s’appliquait même à l'argent. On a trouvé, il y a quelques années , dans une des îles du Nord, un vase dans lequel étaient de petites barres d'argent et des an- neaux de même métal, qui avaient été entaillés et coupés par morceaux , pour servir de monnaie. Je me suis étendu sur ce qui concerne l’époque nor- mande proprement dite, celle qui s'applique au règne de nos dues et qui finit en 120% avec l'occupation française sous Philippe-Auguste , comme étant, pour notre histoire monétaire, la plus importante de beaucoup, en même temps qu'elle est la plus obscure et la plus difficile à étu- dier. M. Lecointre-Dupont ne s'arrête pas là ; il suit la numis- matique de notre province sous les princes français et la conduit jusqu'à Henri IV inclusivement. L'auteur , soit faute de documents, soit qu'il n'ait point assez multiplié ses recherches, laisse quelque chose à désirer dans cette seconde partie de son travail. C'est ainsi qu'il ne nous indique aucunes des monnaies qui ont dû être frappées dans l'atelier de Rouen, sous Philippe-Auguste, Louis VITE, Saint-Louis et ses successeurs jusqu'à Charles V. (1) Quelquefois on parle de besants, bisancü. Cette monnaie orientale avait pu être importée en Normandie, par la voie des pélerinages, des croisades ou même du commerce. L'absence d'or monnoyé dans cette province avait dû favoriser la circulation de ces besants ct les faire rechercher. 3h44 ACADÉMIE DE ROUEN. Il a pu recueillir cependant quelques documents écrits , qui offrent certes de l'intérêt, mais qui ne suffisent pas pour combler cette lacune. Ces documents sont particu- lièrement relatifs à l’altération des monnaies, véritable plaie du moyen-âge. Ce n’est que dans le xiv® siècle que l’auteur retrouve et nous montre des pièces frappées en Normandie ; ce sont celles qui portent le nom et l’effigie de Charles-le-Mauvais , roi de Navarre. Il franchit encore un siècle, pour arriver à l'invasion de 1419. Là, dans cette période de trente années que dura l'occupation anglaise , les espèces à l’efligie et au nom de Henri V, de Henri VI, sorties de nos ateliers, or, argent, billon , abondent. [1 semblait que la Normandie en fût inondée. L'atelier de Rouen ne suflisait pas à cette émission ; Saint-Lô lui fut associé pour la Basse-Normandie. En dehors de ces deux maisons monétaires, il en existait une troisième, mais qui ne reconnaissait pas l'autorité an— glaise , et qui ne fut que temporaire. Cet atelier était établi au Mont-Saint-Michel, qui n'avait pas ouvert ses portes aux Anglais. On n’a pu encore, malheureusement, signa- ler aucune de ces curieuses pièces obsidionales. Charles VIT, rentré en possession de la Normandie, maintint l'atelier de Saint-Lô. Pour distinguer les espèces de cet atelier d'avec celles de l'atelier de Rouen, il leur donna une marque ou différent, qui consistait, pour Rouen, dans un point sous la quinzième lettre de la légende, pour Saint-Lô sous la dix-huitième. On ignore le différent des CLASSE DES BELLES-LETTRES. 345 pièces normandes antérieures (1). Toutle monde sait que, plus tard, chaque hôtel de monnaies de France reçut une lettre de l'alphabet. Rouen eut le B, Saint-Lô le C (2). Du xv° siècle, nous passons avec l’auteur au xvi°. Arré- tons-nous, avec lui, à l'invasion des Protestants et au pil- lage de Rouen en 1562. On sait par le témoignage des historiographes normands que lesReligionnaires pillèrent les trésors de nos églises, en- levèrent l'or et l'argent des vases sacrés et desreliquaires, et qu'ilsles convertirent en espèces monnoyées. M, Lecointre- Dupont aflirme que les Protestants supprimèrent, sur ces pièces, le nom et l'effigie du prince régnant, de Charles IX. C’est une erreur; les Religionnaires n'allèrent pas jusque là. Seulement, en plaçant la tête du jeune prince sur les mon- naies frappées à Rouen, ils la tournèrent, dit-on, à gauche par mépris, et appelèrent par dérision ces pièces, des Morveux , par allusion à l’âge de Charles IX. Ce prince n'avait que douze ans à cette époque. De Charles IX l'auteur saute à Henri IV, et se contente de donner, en terminant, quelques pièces à l’efligie de ce prince ffappées à Saint-Lô, qui font honneur à cet atelier monétaire. Je pense qu'il aurait pu y joindre , comme frap- pées en Normandie, quelques-unes des premières pièces qui parurent au nom du compétiteur de Henri IV, du car- dinal de Bourbon, archevêque de Rouen, abbé de Jumiéges, dont les prétentions à la couronne furent accueillies avec tant de faveur par le clergé normand. (1) Disons cependant que les princes anglais firent mettre un point sous la deuxième lettre des gros de Saint-Lô. (2) Ordonnance de Soissons, de 1539, sous François [°° 346 ACADÉMIE DE ROUEN. Je rendrais un compte incomplet de l'ouvrage de M. Le- cointre-Dupont, si je ne mentionnais les nombreuses pièces justificatives, dont il l’a accompagné, et qui n’en sont point la partie la moins curieuse et la moins importante. Félici- tons l’auteur de les avoir données in extenso et non d’une manière tronquée. Les critiques légères que je me suis permises ainsi que les lacunes que j'ai signalées , n'infirment pas les éloges auxquels je me suis associé au début de ce rapport. Il appartient à M. Lecointre-Dupont de revoir, de com- pléter son travail. Personne, plus que lui, n’est à même de l'amener au degré de perfection relatif que comportent la matière et les monuments qui nous restent. Espérons qu'il répondra à cet appel. tt @0——— API RPI AI RIT AENTIOEE NOTICE sur M. LE COMTE MARCHETTI, DE BOLOGNE, PAR M. A.-G. BALLIN. Messieurs, Lorsqu'en 1812, j'étais archiviste de la secrétairerie d'État du royaume d'Italie, j'avais pour collaborateur un jeune italien qui, par ses brillantes études et sa position sociale, pouvait aspirer aux emplois les plus importants ; il était marié à une femme charmante , fille adoptive du ministre Aldini; nous passions ensemble, dans un bien petit cercle, d’agréables soirées , où se trouvait quelque- fois un certain Carmanini, bouffe au Théâtre-Italien, plus plaisant encore dans l'intimité que sur la scène. Mon col- lègue se livrait alors sans réserve à la plus franche gaîté,; cependant il avait des dispositions à la mélancolie et je le voyais souvent, avec quelque impatience, se promener à grands pas dans notre vaste bureau de l'Hôtel de Breteuil , où, pour dire la vérité, nous n'étions pas surchargés de besogne. Que faites-vous, lui disais-je? — Je pense. — 318 ACADÉMIE DE ROUEN. Pourquoi n'écrivez-vous pas? — Îl n'en est pas encore temps, me répondait-il. Les grands événements qui ont détruit tant d'espérances, nous ont séparés ; rentré à Bologne, sa patrie, il a été as- sailli par des vicissitudes diverses qui ont dû suspendre et modifier le cours de ses méditations ; enfin , après bien des années, le calme a succédé à l'orage. Mon jeune homme était parvenu à la maturité de l’âge et du talent, le temps d'écrire était enfin arrivé, mais forcé de renoncer à devenir homme d'État, son génie le fit poète, et, cédant aux ins- tances de quelques amis, il consentit à publier deux petits volumes que l'Italie accueillit avec une telle faveur, qu'elle l'éleva dès-lors au rang de ses poètes vivants les plus re- marquables. C’est ce qui lui valut l'honneur d’être choisi , entre tant d'hommes distingués, pour composer la cantate dont je vous ai entretenus à l’une de vos précédentes séan- ces. J'ai pensé, Messieurs, que vous ne seriez pas fâchés que je vous fisse faire plus ample connaissance avec l’au- teur, M. le comte Marchetti, de Bologne. C’est aujourd’hui un homme de 57 à58 ans, d’une taille assez élevée, mais d'une complexion délicate ; son aspect est noble et gra- cieux , son front large annonce une haute intelligence et de solides pensées; il sait allier la dignité aux formes les plus agréables. Pur de toute ambition, étranger à l'envie , ami sincère et dévoué, il est bienveillant pour tous, et ses paroles graves et sérieuses sont toujours exemptes de fiel. Les deux volumes dont je viens de vous parler, se com- posent d'une cinquantaine d’odes, tant originales que tra- duites ou imitées d'Anacréon et d'Horace ; d’une trentaine de sonnets et de quelques autres poésies, outre deux dis- cours en prose ; l’un sur l’état de la littérature italienne en 1824, l'autre sur la principale allégorie du poème de Dante, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 349 où il paraît avoir enfin dévoilé la véritable signification de la fameuse Forêt obscure et sauvage, et des trois bêtes fé- roces, la panthère, le lion et la louve, qui, depuis cinq siècles, ont fait le tourment des commentateurs. Il en donne une explication toute nouvelle, fondée sur une étude approfondie des trois parties de la Divine Comédie. Peut- être essaierai-je de vous la faire connaître plus tard. Si la mission du poète, comme celle de l'orateur, est d'inspirer au cœur de l'homme la vertu , l'amour de la pa- inie, la piété, la bienveillance ; de le porter aux grandes entreprises ; de le pénétrer de respect pour le malheur, de mépris pour le vice dans la prospérité; enfin de révéler courageusement les vérités utiles à l'humanité, M. Mar- chetti à rempli cette noble mission , autant que le compor- taient les sujets qu'il a traités. Au dire de ses compatriotes, il a hérité de lalyre de Pé- trarque, et ses odes ont ce caractère d'originalité qui donne une vie durable aux œuvres de l'esprit, et distingue le poète de l'écrivain , l'artiste de l’artisan. Vous savez, Messieurs, combien ces sortes de composi- tions perdent en passant d'une langue à une autre, et sur- tout de la poésie à la prose ; vous devez donc vous attendre qu'en cherchant à vous faire connaître l’une des pièces de mon auteur, je ne vous en offrirai qu'une pâle imitation. J'ai choisi celle qui se rattache en quelque sorte à notre his- toire par les souvenirs qu’elle réveille ; elle a pour sujet le fils de Napoléon , au moment où , bien jeune encore , il va rejoindre son père au tombeau. ACADÉMIE DE ROUEN. ©2 Qt =] PER NAPOLEONE FRANCESCO VICINO À MORTE. E se re, dopo lui (1), fosse rimaso Lo giovinetto che retro a lui siede, Beme andava il valor di vaso in vaso. Dante , Purg. ce. vu. 19 D'una luce vestito Cui pari in terra non reggiô, Fortuna Entro gemmata cuna Un fanciullin ripose, Alto dicendo : Etu sarai secondo. Al suo molle vagito Con immenso rispose Grido di speme e di letizia il mondo. 2 Ze Lui salutô da cento Rocche Gradivo di festevol tuono ; D'inni votivo suono Ogni aër santo empiea ; Benedicean lingue diverse a quella, Che in si dolce momento Di mezzo il ciel ridea , Più lucente del Sol paterna stella. (1) Suivant Biagioli, il est question ici de Pierrelif, roi d'Arragon, en 1276, et du dernier de ses fils, qui avait hérité de ses vertus, mais qui n’a pas régné. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301 ODE SUR LES DERNIERS MOMENTS DU FILS DE NAPOLÉON. S1 cet adolescent , près de son siége assis , Eût, en lui succédant, pu ceindre la couronne, La gloire et la vertu passaient de trône en trône. Dans un riche berceau , la Fortune déposait un enfant entouré d’une brillante auréole, dont l'éclat n'avait rien d'égal sur la terre. Tu seras, s'écriait-elle , le second Na- poléon, et, à son faible vagissement, le monde répondait par une immense acclamation d'espérance et de joie. 2; Du haut de ses citadelles, Mars, en signe d'allé- gresse, le saluait de son tonnerre cent fois répété; dans tous les temples, des hymnes portaient au ciel des vœux pour lui, etdifférents langages célébraient, en un moment si doux, l'étoile paternelle qui, radieuse au firmament, paraissait plus brillante que le soleil. 302 (1) Amphrise, fleuve de Thessalie, sur le rivage duquel Apollon, ACADÉMIE DE ROUEN. . L'aquila trionfale, Con glauco ramo infra gli ancor vermigli Mal provocati artigli, Mosse dal Franco Seggio, Fendendo a lieto vol l'aura superna ; E delle nobil ale Fe’ col lento remeggio Parer l’orgoglio del sentirsi eterna. He. Sciogliea del Dio d’Anfriso (1) L'immaginosa figlia alte parole : « Salve, cantava , 0 Prole In leggiadro sembiante D'un miglior Numa e d’un più forte Scipio : Caro del ciel sorriso ; De la maggior fra quante Splendon vite d'Eroi novo principio. >. « Apprenderai dal Padre Come rabbia civil, come di fuore Congiurato furore Pur si sommette al piede ; Come la patria a’ vinti si ridona, Stanza all’Arti leggiadre, Templi all'avita fede, E alla raminga Astrea scettro e corona. banni des Cieux, garda les troupeaux d’Admète. DE CLASSE DES BELLES-LETTRES. 393 3. L'aigle triomphale, tenant un vert rameau dans ses serres encore rouges du sang des ennemis qui l'avaient si im- prudemment provoquée , planait au-dessus du trône de France, et, d'un joyeux essor, s’élevant jusqu'aux régions éthérées, semblait, par le mouvement majestueux de ses ailes , se glorifier de son éternité. k. L'ingénieuse poésie, fille du dieudes vers, chantait d’une voix éclatante : «Salut, noble rejeton d’un héros plus sage que Numa, plus vaillant que Scipion ; doux présent du ciel, ta gloire naissante doit surpasser celle de tous les grands hommes dont nous conservons la mémoire. D. «Tu apprendras de ton illustre père comment on écrase sous ses pieds, et le démon de la guerre civile, et celui de la guerre étrangère; comment on redonne la patrie aux vainçus, un palais aux beaux-arts, des temples à l'antique foi des ancêtres, et comment on rend le sceptre et la cou- ronne à Thémis exilée. 23 35% ACADÉMIE DE ROUEN. 6. « Quando al fren de la terra Un di porrai le venerande mani, Fian dietro a te lontani, Con ogni lor mendace Idolo, i tempi del servil pensiero : Vana gli error fan guerra ; Ei trionfa , e si piace Di nuova gente apparecchiarti impero. y Æ « Quanto fu speme appena, Fia per tuo senno e per tua man compiuto. lo da lunge saluto Del buon seme che abbonda Le altere piante e i generosi frutti. Tal di sublima vena Il Nilpiove , e feconda Largamente passando i campi asciutti. » 8. Mentre la Dea si dice , Ecco improvisa aquilonar procella, Oscurata la bella Luce del mondo, spenti Tutti d’onore i chiari germi, 6 grave Di secolo felice | Spigner feroci venti Per l'Atlantico mar perfida nave. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 399 6. « Quand tes nobles mains saisiront les rênes du monde, les temps des pensées serviles et leurs fallacieuses idoles seront déjà loin ; l'erreur combat en vain, il triomphe et se complaît à te préparer l'empire d'une nation régénérée. re « Tout ce qui fut à peine une espérance, s'accomplira par ton génie et ta main puissante ; je salue dans l’avenir les fruits généreux d'une semence si féconde. Tel le Nil étend ses eaux bienfaisantes, et porte la fertilité sur les campagnes desséchées. » 8. Mais, poussée par l'aquilon, voici qu'une tempête impré- vue vient interrompre ces chants, obseurcir la lumière du monde, étouffer tous les germes de gloire, et des vents cruels chassent devant eux le perfide navire qui emporte le bonheur du siècle. 356 ACADÉMIE DE ROUEN. 9. Ahi! qual trovà ricetto Quell’ augusto Fanciullo, o qual destino . Ei per breve cammino Corse a non degna morte : Vedete là come si strugge e langue, Sovra straniero letto , Vedete a quelle smorte Giovani membra avviticchiato un angue! 10. Tempo ora è ben di duolo, Chè l'ultimo sereno astro a crudeli Stelle abandona i cieli. Fremono i nembi intorno, Da che fatto è ‘1 valor steril memoria : Pace potea dar solo (Forse era presso il giorno }) Chi nacque in eima del cammin di gloria. ar Spesso di mezzo a’ lenti Salici dolorosi, onde coverto, Ë il tumulo deserto, Spinta dal primo affetto, L'Ombra del Magno ne la notte uscia ; E per l’aure silenti Al giovine intelletto Ignote cose a ragionar venia. | CLASSE DES BELLES-LETTRES. 357 9 Hélas ! quel asile et quel destin trouva l’auguste enfant ! Par un chemin bien court il marche à une mort sans gloire! Voyez comme il se consume et languit sur un lit étranger! Voyez le serpent attaché à ses membres affaiblis ! 10. Le temps du deuil est arrivé, le ciel abandonne le der- nier astre de salut qui brillait encore à l'horizon. Les orages grondent de tous côtés depuis que la vaillance n'est plus qu'un vain souvenir. Né au sommet du sentier de la gloire, il pouvait seul nous donner la paix, et peut-être le jour n’en était-il pas éloigné ! A1. Souvent, ranimée par sa tendresse , l'ombre du grand homme s'échappait du milieu des tristes saules qui couvrent son tombeau désert, et venait, dans le silence de la nuit, dévoiler d'importants mystères à cette jeune intelligence. . 358 ACADÉMIE DE ROUEN. 12. Quanto nel tuo secreto Dell immagin paterna animo armato Pur contrastavi al fato! Non vinto dal costume Tu sospiravi all immortal retaggio. Abhi di lassù decreto ! Parte d’eterno lume Non spanderai ne’ di futuri un raggio. 13. 0 giovinetti, speme Del secol novo, o tenere donzelle, Appressatevi a quelle Soglie dov’ Ei si muore; E a Lui, che il ciel vi promettea, di mirto Date ghirlande estreme, E un flebile d’amore Canto saluti il fuggitivo spirto. ( Di soave armonia Inebbriate quell infermo seno, Si che ne vengan meno Dolcemente suoi sensi, Pria ch’Atropo recida 1 pochi stami : Deh per pietà non sia Ch'or suo natal ripensi ! Deh che la madre nel morir non chiami ! CLASSE DES BELLES-LETTRES. 359 12. Combien de fois en secret ton ame échauffée par le génie paternel, essaya-t-elle de résister au destin! Impatiente du joug, combien de fois rêva-t-elle l’immortel héritage ! Hélas ! tu ne peux te soustraire à l'arrêt du sort! Émana- tion d'une lumière éternelle, tu n'en répandras pas un rayon dans l'avenir! 13. 0 jeunes gens, espoir du siècle qui commence ! O tendres jeunes filles! Approchez-vous de ce palais où il attend la mort au lieu de la brillante destinée que son aurore sem- blait promettre ; venez lui offrir une dernière couronne de myrte , et que vos chants d'amour saluent son ame fugitive ! 14. D'une suave harmonie inondez son sein défaillant, et qu'il s’'endorme paisiblement , avant qu'Atropos ait fermé ses fatals ciseaux ! Ah! fasse le ciel, par pitié, qu'en ce moment suprême, il ne pense point à sa naissance et n'ap- pelle pas sa mère ! DA UMUOLTNONONONNNNCNNNNNNO DOTUONOUTUONOLONONONONOEN DOULOUTTUNN NOTE SUR UNE DÉCOUVERTE LL MÉDAILLES ROMAINES, PAB M, A. DEVILLE. Caudebec-lès-Elbeuf est une localité féconde en anti- quités romaines. Une des plus intéressantes découvertes qu'on y ait faites, est celle que nous allons signaler. Le 27 novembre dernier, (1846), des ouvriers maçons, en creusant des fondations, mirent à nu , à 60 centimètres du sol, un vase de terre grise ardoisée, dont l'ouverture était recouverte d’une tuile fort épaisse. Dans ce vase, était accumulée une masse de médailles romaines , en billon, petit module, dont le poids ne s’éle- vait pas à moins de 30 kilogrammes. On a vérifié que 270 de ces pièces pesaient un kilogramme ; ce qui porte leur nombre à 8,100. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 361 Les 11/12 de ces pièces sont à l’efligie de Postume, qui gouverna la Gaule de l'an 258 de notre ère à l'an 267 ; ces médailles sont communes. Sur le 12° restant, la moitié est au nom de Gallien et de Salonine , sa femme ; l’autre moitié se distribue entre Gordien If, Philippe, père et fils, Ota- cille, Trajan Dèce, Étruscille , Trébonien, Volusien, Valé- rien père, Salonin et Valérien jeune, et Victorin. La médaille la plus récente est un Claude-le-Gothique. C'est donc au règne de cet empereur, qui n’embrasse que les années 269-270, qu'on doit fixer l’enfouissement de ce trésor. Sur les 6,800 médailles de Postume, qui en composaient la majeure partie, on compte une 60" de revers différents, dont quelques-uns sont peu communs. Il est à-propos de remarquer que parmi ces 6,800 médailles au nom de Postume, il ne s’en trouve pas une seule qui puisse être attribuée , d’une manière certaine, à Postume le fils, fait de nature à corroborer l'opinion de ceux qui disputent à ce jeune prince l'existence de ses médailles. Aucune médaille d'or, d'argent pur, ou même de bronze, n'a été rencontrée au milieu de cette masse de monnaies, toutes en billon. Parmi les raretés qui s’y sont rencontrées, en très petit nombre il est vrai, on cite : 2 Émilien, ‘1 Quietus, 1 Lœlien, 6 Marius, 2 Mariniana. 362 ACADÉMIE DE ROUEN. Mais la seule pièce véritablement rare, et qu'on peut dire rarissime, qu'on y ait trouvée, est une Cornelia Supera. Cette pièce porte, du côté de la face, la tête de cette impératrice, qu'on croit avoir été femme de l'empereur Émilien , avec la légende : CORNEL SVPERA AVG (Augusta), et, aurevers, la figure debout de Vesta, accompagnée du nom de cette déesse, VESTA. On estime la valeur de cette pièce, qui est parfaitement conservée, à 900 fr. Nous sommes heureux de pouvoir annoncer que cette précieuse médaille ne sera pas perdue pour le pays, et qu’elle est entrée dans le médailler de notre Musée des Antiquités. DE L'ADMINISTRATION MONARCHIQUE EN FRANCE, Par A. A. Cheruel. LS Messieurs , La France est, de tous les pays de l'Europe, celui où l'unité administrative a été poussée le plus loin. En étudier l'origine etles développements successifs , rechercher com- ment elle a vaincu l'esprit d'isolement soutenu par la féo— dalité et les communes, c'est pénétrer au cœur mème de l'histoire de France, c’est en toucher la question la plus vitale. Telle est la tâche que j'ai entreprise, dans un meé- moire mentionné par l'Institut. Ce travail est beaucoup trop étendu pour que j'en donne lecture à l'Académie ; chaque partie est trop intimement liée à l'ensemble pour qu'on puisse l'en détacher. Je me bornerai done à vous en soumettre une esquisse rapide. L'Institut demandait un tableau de l'administration mo- parchique en France, depuis Philippe-Auguste jusqu'à 364 ACADÉMIE DE ROUEN. Louis XIV inclusivement. Mais que faut-il entendre par administration monarchique ? À quelles conditions peut- elle exister ? L'administration est l’action du pouvoir cen- tral sur toutes les parties du royaume; elle lui donne l'ordre, elle en reçoit la force. Elle ne peut exister qu'aux conditions suivantes : un pouvoir central fortement orga- nisé, des agents qui transmettent sa volonté dans les pro- vinces , enfin l'adhésion du peuple qui livre son sang et sa sueur en échange de la sécurité et de la puissance. On trouve la première ébauche de cette centralisation administrative dans les derniers siècles de l'Empire romain. Elle date de Dioclétien et de Constantin. Ils établirent une hiérarchie de fonctionnaires relevant de l'empereur, et uniquement occupés à faire passer l'argent et les forces des provinces entre les mains du pouvoir central. Ce gouver- nement oppressif n'obtint pas l’adhésion des peuples. A la fois, faible et wyrannique, il ne leur donnait ni ordre, ni liberté ; il faisait lourdement peser le poids de son ombre ; c’est l'expression d'un poète contemporain, Sidonius Apol- linaris : ISÉRAE SE Portavimus umbram Imperii. Les invasions des Barbares ruinèrent la centralisation romaine. Mais les chefs Germains les plus éminents furent vivement frappés de l'unité administrative établie par les Césars. Ils trouvaient partout ces voies romaines qui por- taient jusqu'aux extrémités du monde les ordres et les légions de l'empereur. Les Théodoric, les Clovis, les Charlemagne s’efforcèrent d'imiter la centralisation de l'Empire romain. Mais l'esprit germanique leur opposa un obstacle insurmontable. Point d'impôts, point de magis- trats arbitres de leur sort , la vie libre et presque nomade CLASSE DES BELLES-LETTRES. 365 des forêts, ou, du moins, l'isolement du Leude au milieu de ses hommes d'armes et de ses colons, tel était, pour les Germains , l'idéal de la société; tel fut le principe du système féodal. Peu-à-peu , chaque grand propriétaire se rendit indépendant ; il devint juge suprême, chef militaire, en un mot souverain dans ses domaines. [l inscrivit en tête de ses chartes : «Sous le règne du Christ, en attendant un roi. » Quand il daignait reconnaître la suzeraineté royale, sa subordination était purement nominale , et, au x° siècle, à l'avènement des Capétiens , toute centralisation avait dis- paru. «La France s'administrait alors comme un grand fief», dit Mezeray. Voilà le point de départ de la royauté pour constituer l'unité française. Au xr siècle, elle est encore impuissante ; l'unité vient à cette époque de la reli- gion. L'Europe se lève à la voix des pontifes pour se pré- cipiter sur l'Asie. Mais, au xrr° siècle , la découverte des pandectes à Amalfi , l'étude du droit romain dans les écoles italiennes, réveillent cette pensée d'unité politique qui a sommeillé pendant plusieurs siècles. Suger écrit comme les jurisconsultes italiens «que le Roi est la loi vivante. » En même temps, il s'opère dans chaque province un tra- vail d'organisation qui subordonne les petits fiefs à la puis- sance ducale, et la France entière , à l’avènement de Phi- lippe-Auguste (1180), se partage en huit grands fiefs : au centre, le duché de France; au sud, l’Aquitaine et le comté de Toulouse, illustrés par leurs troubadours ; au nord , la Flandre , enrichie par le commerce , la Champa- gne , berceau des premiers trouvères , la Bourgogne , qui a donné des rois à la Castille et au Portugal, la Bretagne , où vivent les souvenirs celtiques, la Normandie, enfin, qui a imposé sa domination à l'Angleterre et aux Deux-Siciles. C'est du miheu de cette fédération de principautés que s'élève la royauté. Elle travaille pendant six siècles à faire 366 ACADÉMIE DE ROUEN. un royaume avec un duché, à renverser les barrières qui séparaient les provinces , à leur donner un gouvernement uniforme, et à obtenir l'adhésion des peuples en se présen- tant comme un gage d'ordre et de puissance. A chaque siècle son œuvre. Le x forme un royaume et ébauche l'administration; Philippe-Auguste ajoute au duché de France le Vermandois ou Picardie, l’Artois , la Normandie, le Maine , l'Anjou, la Touraine, le Poitou. Louis VIT, Saint-Louis, Philippe-le-Hardi s'emparent de l'Aunis et de la Saintonge, des comtés de Blois, de Chartres et du Languedoc. Enfin, Philippe-le-Bel réunit aux domaines royaux la Champagne , la Navarre, une grande partie de l'Aquitaine , plusieurs villes de la Flandre et le Lyonnais. Le royaume existe ; il faut l’administrer. Le pouvoir cen- tral se constitue; il a son parlement qui centralise la justice, et sa Cour des comptes qui centralise les finances. Il couvre la France de ses représentants, sénéchaux, baillis, vicomtes, prévôts ; cette armée de fonctionnaires , instituée par Philippe-Auguste, Saint-Louis et Philippe-le-Bel, émane du Roi, est sous sa main et combat la hiérarchie féodale , inhérente au sol et indépendante de la royauté. L’inter- diction des guerres privées, l'établissement d'une monnaie royale, la publication de quelques coutumes, les ordon- nances pour l'administration de la justice , la protection du commerce, la conservation et l'exploitation des forêts, signalent ce premier âge de la royauté. Mais pour entretenir une hiérarchie administrative , il fallait des impôts permanents, comme ceux que Rome avait jadis levés sur les provinces. La plupart des villes avaient acheté l’exemption des tailles et des aides; elles résistaient à l'impôt et opposaient aux magistrats royaux leurs franchises communales. Il fallut deux siècles de luttes, le xiv° et le xv°, pour que la royauté sortit victo- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 367 rieuse de cette nouvelle épreuve. Charles V, Charles VI, Louis XI triomphèrent des révoltes incessantes des com- munes et de la féodalité, établirent un impôt permanent , s'en servirent pour solder une armée permanente , et enle- vèrent à tous les Seigneurs les droits régaliens. Il n'y eut plus en France qu'un seul souverain , le Roi. Alors commença l'organisation des provinces à l'image du pouvoir central. Ce fut l'œuvre de Charles VIF, de Louis XIT, de François [* et de Henri I; elle remplit la première moitié du xvr° siècle. La France fut partagée en . douze provinces avec des gouverneurs nommés par le Roi. Huit Parlements, à Paris, Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon , Rouen , Aix et Rennes, administrèrent la justice. Des tribunaux inférieurs, appelés Présidiaux , formèrent un premier degré dejuridiction. Les Coutumes des diverses localités se publièrent. Les ordonnances célèbres de Cré- mieu et de Villers-Coterets substituèrent, dans les tribu- naux, l'usage du français à un latin barbare, et établirent les registres de l'État-civil. Chaque province eut sa Cour des Comptes et des Aides. Les arts et les lettres, le com- merce, la marine, prirent un rapide essor. Le règne brillant de François [°° marque l'apogée de cette période. Mais les charges étaient accablantes ; la nation payait le luxe de la Cour et des grands. I existait, d’ailleurs , au fond des provinces un vif sentiment d'indépendance , l'at- tachement aux franchises locales , la haine de la centrali- sation. Dans la seconde moitié du xvr° siècle , la résistance éclata. Elle se couvrit du prétexte de la religion. Protes- tants et Ligueurs, tous voulaient l'indépendance locale ; les gouverneurs de provinces s'érigeaient en souverains, et les agents de la royauté se tournaient contre elle. Il fallut qu'Henri IV vainquit les gouverneurs , que Richelieu rasât 368 ACADÉMIE DE ROUEN. les forteresses de l'intérieur, et que Mazarin désarmât les parlements. Ces deux ministres établirent alors dans les provinces les Intendants , instruments dociles du pou- voir central, et chargés , comme les préfets de nos jours, de veiller sur toutes les parties de l'administration. Louis XIV reçut la France ainsi façonnée à l'unité mo- narchique , et n'eut qu'à profiter de cet héritage de gloire et de puissance. Il le fit dignement. Colbert développa les sources de richesses que renferme la France. Des canaux unirent les fleuves et les mers, des ports furent creusés à Toulon, à Rochefort, à Brest, à Dunkerque ; des colonies, plus vastes que la France elle-même, ouvrirent des dé- bouchés à son industrie. Est-il nécessaire de rappeler les merveilles des Lettres et des Arts? Les Académies des Ins- criptions et Belles-Lettres, des Sciences, de Peinture et de Sculpture datent de Colbert. Son rival Louvois orga- nisait l’armée , élevait les Invalides, et triomphait de l'Eu- rope coalisée. En un mot, la royauté toute puissante obtenait l'adhésion des peuples en leur donnant , à la place des ridicules et funestes agitations de la Fronde , l'ordre, la richesse, et le premier rang en Europe. Telle est, Messieurs , la pensée générale de ce tableau de l'administration monarchique. Fondée au xmr° siècle, elle s'affermit aux xive et xv° siècles par l'établisse- ment d’un impôt et d’une armée permanents; elle orga- nise les provinces au xvi® siècle, triomphe au xvn° des dernières résistances, et parvient sous Louis XIV à un degré de puissance qui explique le mot célèbre : «L° État, « c'est moi. » La royauté réunit alors les trois conditions que nous avons indiquées en commençant, comme essen- tielles à l'administration monarchique : un pouvoir central fortement organisé, une hiérarchie de fonctionnaires sou- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 369 mis au souverain, enfin l'adhésion des peuples à l'autorité qui les gouverne, Si l’on s’arrêtait à ce tableau du progrès de l'unité monarchique, on serait tenté de croire que le gouverne- ment de Louis XIV à réalisé l'idéal de la royauté. Mais il faut écarter les voiles brillants dont il s’enveloppe, et pénétrer dans l'intérieur de cette administration pour en signaler les défauts. La royauté n'avait détruit que la sou- veraineté féodale , elle avait laissé subsister tous les abus féodaux qui pesaient sur le peuple , et donnaient à l’an- cienne France un aspect si triste et si bizarre. Droit d'ai- nesse dans quelques provinces, droits de chasse, de colombier, de garenne, dimes, corvées , variété de poids et de mesure, diversité de coutumes, douanes de province à province qui rompaient les artères de la France, pro- hibition de la circulation des grains, jurandes, corpora- tions qui entravaient le droit le plus sacré, le droit de travailler, exemption d'impôts pour les classes les plus riches, voilà quelques unes des traces que la féodalité avait imprimées sur là France. Si de la base nous remontons au sommet, nous trouvons un pouvoir absolu, qui étouffe toute liberté. Est-il nécessaire de rappeler les lettres de cachet, les tortures , les supplices atroces, les impôts arbitraires , la vénalité des charges de finances , de judicature et même des dignités militaires ? En un mot , l'ancienne constitution de la France, mélange de féodalité et de dispotisme , renfermait des principes hétérogènes qui en préparaient la ruine. Elle devait faire place à une unité plus complète , et à l'égalité de tous devant la loi. Malgré ces défauts que l'histoire doit signaler, on ne saurait trop admirer les efforts que fit pendant six siècles la royauté pour donner à la France l'unité, sa force et sa gloire : «Elle a composé 370 ACADÉMIE DE ROUEN. « pièce à pièce un royaume et une nation : Un royaume « avec le comté de Paris, une nation de plus de trente « millions d’ames avec les vassaux de l'Ile de France, et, « après ce long et laborieux enfantement , elle l’a rendue « à la liberté, riche, puissante et éclairée. (1) » re (1) Rapport de M. Améd. Thierry, sur les Etats-Généraux, dans les mémoires de l’Institut, académie des sciences morales et poli- tiques. OC EEE En A A CR ACC CS QUELQUES CÉRÉMONIES ALLÉGORIQUES, anciennement en US3q€ DANS L'ÉGLISE CATHÉDRALE DE ROUEN, PAR M. L'ABBÉ PICARD. MESSIEURS , L'année dernière, j'eus l'honneur d'appeler pendant quelques instants votre attention sur un mystère composé en l'honneur de saint Nicolas , et représenté au xur' siècle dans un monastère de Bénédictins. Vous avez bien voulu faire à cette communication un accueil qu'elle était loin de mériter. Encouragé par votre indulgence, je viens encore aujourd'hui traiter un sujet analogue devant vous. Cette fois, c’est dans les offices même de l'Eglise que J'irai chercher des exemples, et j'aborde d'autant plus volontiers cette matière qu’elle me fournit l'occasion de citer avec honneur un des plus illustres archevêques qui aient occupé le siége métropolitain de Rouen. 372 ACADÉMIE DE ROUEN. Ce prélat est Jean IT, surnommé d'Avranches , qui gou- verna l'Eglise de Rouen de 1069 à 1079. Permettez- moi d’abord quelques mots sur les principales circonstan- ces de sa vie. Après la mort du bienheureux Maurille , arrivée en 1059, l'Eglise de Rouen choisit, pour lui succéder , le célèbre Lanfranc, alors abbé de Caen , et depuis archevêque de Cantorbéry. Le pieux et savant abbé n'osa prendre sur lui la responsabilité que lui imposait cette charge , et ne né- gligea rien pour faire nommer à sa place Jean, alors évêque d’Avranches , dont il connaissait le mérite éminent, et avec lequel il entretenait des relations intimes. Guillaume , roi d'Angleterre, appuya de tout son crédit auprès du pape Alexandre, la demande de l'Eglise de Rouen. Les instances du royal protecteur ne demeurèrent pas sans succès. Nous avons encore une lettre du pape Alexandre dans laquelle ce‘souverain Pontife use destermes les plus pressants pour déterminer Jean d’Avranches à accepter le siége de Rouen. Aux éminentes vertus qui sont surtout à désirer dans l’évêque, Jean d’Avranches joignait les titres de recom- mandation que procurent la naissance et le savoir. Tous les auteurs du temps, Orderic Vital, Guillaume de Poitiers, Guillaume de Jumiéges en parlent dans les termes les plus honorables. Ils nous disent tous que ce prélat , d'une très haute naissance (il était fils de Rodolphe, comte de Bayeux, et neveu de Richard [°", duc de Normandie ), se distingua aussi par sa science et ses lumières , et que son épiscopat fut on ne peut plus glorieux pour son Eglise. Il nous reste de lui un traité latin , intitulé : De Eccle- siasticis officiis. Ce traité est une veine précieuse pour | | CLASSE DES BELLES-LETTRES. 373 les amateurs de la science liturgique, et aussi pour tout chrétien qui, non content de la lettre sèche, veut péné- trer plus avant , et connaître le sens mystérieux des céré- monies catholiques. En 1679 , Jean Leprévost , chanoine de Rouen , en pu- blia une édition. Au texte de Jean d’Avranches, il joignit de longues et savantes annotations, dans lesquelles, d’après de nombreux manuscrits qu'il avait consultés , il reproduit d'anciennes cérémonies tombées en désuétude de son temps, mais qui, précédemment, avaient été en usage dans l'église cathédrale de Rouen. C'est de ces antiques cérémonies que je viens vous parler aujourd'hui, Messieurs ; je ne serai presque que traduc- teur , et j'abrégerai plutôt que je n'étendrai la matière. J'en compte trois surtout qui méritent de fixer votre attention : l'oflice des Enfants, l'office de l'Etoile, l'office du Sépulcre. Orrice DES ENFANTS. Le jour des Saints-Innocents, une fête des £Enfants se célébrait dans l’église cathédrale de Rouen, et c'était à eux qu'en étaient réservés tous les honneurs. La veille , immédiatement après l'oflice de saint Jean l'Evangéliste, deux enfants revêtus d’aubes et de tuniques, la tête couverte de l’amict , et tenant en leur main chacun un cierge ardent, se dirigeaient du vestiaire au chœur. Venaient ensuite les autres enfants attachés à l’église , pa- reillement en aubes et en chappes , et aussi le cierge à la 374 ACADÉMIE DE ROUEN. main ; puis, enfin, celui d'entre eux qui avait été désigné pour porter ce jour-là le titre d'Evêque et en recevoir les honneurs. Il marchait, solennellement paré des vêtements pontificaux , la mitre en tête , et, à la main , la crosse ou bâton pastoral. Le cortége enfantin se dirigeait ainsi à travers le chœur, vers l'autel des Saints-Innocents; pendant la marche , le chœur exécutait des hymnes et des répons adaptés à la cir- constance. A l'autel des Saints-Innocents se faisait une station solennelle , présidée par l'Enfant-Evêque , auquel la rubrique donnait le titre de Dominus episcopus. A la fin de la station, le peuple était invité à s’humilier et à se recueillir pour recevoir la bénédiction du jeune prélat. Humiliate vos ad benedictionem. I la donnait à haute voix et avec toutes les solennités d'usage : Dominus omnipo- tens benedicat vos , etc. Le jour de la fête, les enfants étaient environnés des mêmes distinctions. A l'exception de la messe qui était célébrée en leur présence par un chanoine, ils remplis- saient, en grande pompe, toutes les fonctions du chœur. Cet office, d'après les rubriques générales, devait être sim- plement du rite double, mais les enfants avaient le droit d'ordonner qu'il fût triple , et leurs prescriptions étaient observées. ( Pueri voluntate faciunt illud triple.) Le Seigneur-Evéque commençait l'invitatoire ; il chantait la 9e leçon , la plus solennelle de Matines Il retournait en suite au vestiaire pour y reprendre les ornements ponti- ficaux , en revenait processionnellement comme la veille , précédé du même cortége, et entonnait lui-même le Te Deum. Laudes et Prime se chantaient pareillement sous la présidence de l'Enfant-Evêque. A la messe , il appartenait CLASSE DES BELLES-LETTRES. 379 aux enfants de diriger le chœur. ( Pueriregant chorum. ) Eux seuls portaient les chappes et exécutaient les diverses cérémonies. L'Evêque ( toujours l'Enfant) commençait la Prose, l'offertoire , etc. ; et ceux des enfants auxquels aucune fonction spéciale n'avait été assignée, occupaient les premières places dans le chœur. ( In superiori parte. ) Aux Vôêpres, mêmes honneurs au Seigneur-Evêque ; mais, hélas! bientôt arrivait le terme de sa gloire ; au Magnificat, pendant que le chœur chantait ces paroles : Deposuit potentes de sede , le bâton pastoral lui était ôté des mains; il était mis en réserve pour celui qui devait lui succéder l’année suivante. Le chapitre alors rentrait dans tous ses droits, et le semainier terminait l'office. On ne peut nier que cette fête ne fût belle et touchante. Plus d'un cœur maternel devait battre vivement à la vue du jeune et innocent cortége. Quelle joie surtout pour la mère du Dominus Episcopus ? C'était aussi une pensée toute chrétienne que d'honorer de la sorte, au milieu du peuple fidèle, l'enfance que l'évangile propose pour mo- dèle à tous, et dont le Sauveur a dit : Sinite parvulos venire ad me. fr: Orrice pE L'ErTolzx. A la fête de l'Epiphanie , une autre cérémonie allégo- rique représentait sensiblement au peuple chrétien le mys- tère du jour. Après Tierce, les trois premiers chanoines du chœur paraissaient revêtus des ornements royaux , le sceptre en 376 ACADÉMIE DE ROUEN. main, le diadème sur la tête. Ils partaient de l'Orient , l'un du milieu , les deux autres de chaque côté de l'autel. A leur suite marchaient des ministres inférieurs , revêtus de tuniques, portant les uns l'or, les autres l'encens , les autres la myrrhe. Le premier des Mages (on comprend que c’est eux que représentaient les trois chanoines) celui qui était parti du milieu de l'autel montrait, avec son sceptre , une étoile suspendue dans le chœur , et il chantait à haute voix ces paroles : Stella fulgore nimioirutilat. Le second, celui de droite, répondait : Quæ regem regum natum demonstrat. Et le troisième, celui de gauche : Quem venturum olim prophetiæ signaverant. Alors les trois Mages , après avoir descendu les degrés du sanctuaire, se rencontraient au pied de l'autel. Ils se donnaient mutuellement le baiser de paix, et chantaient ensemble : Eamus ergo et inquiramus eum , Offerentes ei munera, aurum , thus et myrrham. Et aussitôt commençait la procession solennelle. L'étoile disparaissait pour un temps. Au retour de la procession, dans la partie supérieure de la nef, vis-à-vis l'autel de la croix, on avait disposé d'avance une riche tente en forme de tabernacle, fermée par des rideaux brochés d'or. L'étoile reparaissait de nouveau dans la partie supérieure de la nef, Les Mages, comme l'avait fait déja le premier CLASSE DES BELLES-LETTRES. 377 d’entre eux, la montraient de leurs sceptres. Ils chan- taient : Ecce stella in Oriente prævisa Iterum præcedit nos lucida. Hæc , inquam , stella natum demonstrat Se quo Balaam cecinerat. Deux autres chanoines se présentaient à la rencontre des Mages. Ils les interrogeaient sur la cause de leur venue : Qui sunt hi qui, stellà duce, nos adeuntes inaudita ferunt ? Réponse des Mages : Nos sumus , quos cernitis . Reges Tharsis et Arabum et Saba, Dona ferentes Domino Christo Regi nato Domino Quem, stellà ducente , Adorare venimus. Les deux prêtres ouvraient alors les rideaux du taber- nacle , et montraient l'image de l'enfant Jésus couché dans une crèche, Ecce puer quem quæritis. Jam properate adorare Quia ipse est redemptio mundi. Les Mages se prosternaient devant l’image du divin Enfant. Ils le saluaient comme le prince des siècles. Salve , princeps sæculorum, Ils déposaient à ses pieds leurs présents. 378 ACADÉMIE DE ROUEN. 1 Mace. Suscipe, Rex, aurum. 2e Mace. Tolle, thus , tu verè Deus. 3° Macs. Myrrham , signum sepulturæ. Pendant les oblations des fidèles , les Mages restaient prosternés. Ils semblaient plongés dans un profond som- meil. Tout-à-coup apparaissait un jeune enfant vêtu de blanc. Il figurait l'ange dont il est parlé dans l’évangile , et chantait au pupitre les versets suivants : Impleta sunt omnia quæ propheticè dicta sunt. Ite obviam, remeantes aliam (viam), etc. Alors , se réveillant de leur sommeil, les Mages par- taient par l'aile droite de l’église, et après avoir fait à l'extérieur le tour du chœur, y rentraient par la porte du côté gauche. HE. OFFICE DU SÉPULCRE. Maintenant encore , les offices de la semaine sainte pré- sentent beaucoup de symboles sensibles, et c’est ce qui les rend si attrayants pour les fidèles. Qui de nous n'a pas été profondément ému en assistant à ces oflices où tout parle à l'ame et la pénètre d'inexprimables sentiments ? CLASSE DES BELLES-LETTRES. 379 Les solennités des Rameaux et du Jeudi-Saint , l'appareil funèbre du vendredi , anniversaire de la mort du Sauveur, le dépouillement des autels , le chant des lamentations et de la Passion, la chapelle ardente , tout nous transporte aux temps évangéliques , et semble faire revivre sous nos yeux les événements que nous racontent les livres sacrés. Autrefois, ces cérémonies étaient plus allégoriques en- core : L'oflice du Sépulere se célébrait à l'ouverture de la Pâ- que . el voici quelles en étaient les principales cérémonies : Trois diacres couverts de dalmatiques , Famict sur la tête, et représentant les saintes Femmes . traversaient le chœur , portant dans leurs mains des vases de parfums. Ils se dirigeaient vers le sépulcre d’une marche précipitée et les yeux baissés , et chantaient ensemble ce verset : Quis revolvet nobis lapidem ab ostio monumenti ? Arrivés au sépulcre , ils voyaient apparaître devant eux un Ange représenté par un enfant. Il tenait en sa main une palme , et leur adressait cette question : Quid quæritis in sepulchro , 6 christicolæ ? Réponse des trois diacres, que désormais la rubrique appelle les saintes Femmes ou les Maries : Jesum Nazarenum crucifixum , Ô cœlicola. L'ANGE , ouvrant le tombeau. Non est hic. Surrexit enim , sicut dixit. Et il disparaissait à l'instant. 380 ACADÉMIE DE ROUEN. | Les saintes Femmes entraient dans le sépulere. Elles y trouvaient deux prêtres revêtus de tuniques. Les peux PRÊTRES. Mulier , quid ploras ? La PREMIÈRE DES TROIS Maries. Quia sustulerunt Dominum meum , Et nescio ubi posuerunt eum. Les peux PRÊTRES. Quem quæritis viventem cum mortuis , Non est hic, sed surrexit , etc. Les trois Maries baisaient avec respect le lieu de la sé pulture du Sauveur. Elles sortaient alors du sépulcre ; mais au même instant, un prêtre se présentait à elles. Ce devait être un chanoïne, un des premiers dignitaires du chœur, Revêtu d’aube et d'’étole, et une croix à la main , il représentait J.-C. lui-même. Le PRÊTRE. — De Mulier , quid ploras ? Quem quæris ? La PREMIÈRE Marie ( MADELEINE. ) Domine, si tu sustulisti eum, dic mihi, et ego eum tollam. Le Prèrre, lui montrant la croix. Maria ! CLASSE DES BELLES-LETTRES. 381 Marie-MADELEINE , tombant à genoux. Rabboni ! Le Prêtre , la repoussant de la main. Noli me tangere, nondum enim ascendi ad Patrem meum , vade autem ad fratres, etc. Les saintes femmes se mettaient en marche, J.-C., représenté par le Prêtre, leur apparaissait de nouveau, du côté droit de l'autel : Avete, nolite timere Ite , nuntiate fratribus meis Ut eant in Galilæam , ibi, me videbunt. Il disparaissait de nouveau, et les Maries , pleines de joie , entonnaient le verset : Alleluia , Resurrexit Dominus Surrexit leo fortis, Christus , filius Dei. Cette cérémonie se terminait par le chant solennel du Te Deum , et nul doute que l'assemblée pieuse , électrisée par ce spectacle , ne s'y unît d’une commune voix et avec un saint enthousiasme. Telles étaient, Messieurs , les anciennes cérémonies qui faisaient la consolation et les délices de nos pères. L'es- prit le plus sévère ne peut , certes , y trouver à redire , et si, depuis, l'Eglise a jugé à propos de les supprimer , de les prohiber même sous des peines rigoureuses, c'est moins à cause de ce qu'elles renfermaient en elles-mêmes, 382 ACADÉMIE DE ROUEN. que par suite des additions imprudentes et arbitraires qui vinrent en altérer la pieuse et naïve simplicité. Ne nous applaudissons pas trop de ce que notre esprit sceptique et raisonneur les a rendues impossibles parmi nous. Plai- gnons-nous , au contraire , de ce que l'Eglise ne pourrait plus, sans danger, nous présenter ces innocents Spec— tacles. Je terminerai ce travail en vous exposant une simple conjecture que je soumets à vos appréciations Vous juge- rez, Messieurs, jusqu'à quel point, elle peut paraître plausible. Tout le monde connaît la prose qui, dans l'Église latine, se chante au jour de Pâque, et qui commence par ces mots : Victimæ paschali laudes. Cette prose remonte à une très haute antiquité. On la trouve dans les plus anciens livres composés pour les offices de l'Église, et tout porte à croire qu'elle date des commencements même de la liturgie romaine. Au premier aspect, elle parait peu remarquable sous le rapport littéraire. On la confondrait volontiers avec tant d’autres compositions du même genre, appartenant à des siècles postérieurs, et qui, si elles respirent le parfum d'une douce piété, n’ont cependant aucun droit à être proposées comme des modèles de goût et d'élégance. Mais en l'examinant de plus près, on y découvre, dans les expressions, une énergie, dans la marche du poème , (si l'on peut appeller ainsi une simple prose) , un mouve- ment, un enthousiasme qui supposent certainement du génie dans celui qui en fut l'auteur. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 383 Cette idée éminemment dramatique d'un combat solen- nel entre la vie et la mort personnifiées : Mors et vita, duello Conflixêre mirando ferait envie à plus d’un poète de notre époque , et l'on ne peut refuser de reconnaître une admirable précision dans ces paroles qui résument si bien le dogme chrétien : Dux vitæ mortuus Regnat vivus. J'oserai même aller plus loin , et je ne serais pas éloigné de croire que, dans l’origine, cette prose a pu être comme le texte d'un de ces anciens mystères dont je viens d’avoir l'honneur de vous entretenir. Pour peu , en effet , qu'on donne carrière à son imagi- nation , il est facile de décomposer cette prose de telle sorte que les strophes qui la partagent se trouvent mises dans la bouche de différents personnages, qui exerceraient alors une action vraiment dramatique. Voici, sur ce point , mes conjectures : Je suppose les fidèles assemblés sous la présidence du Pontife dans une des vénérables basiliques des temps an ciens. On célèbre la fête de Pâques. Le Pontife annonce aux fidèles l'objet de la fête. Il de- mande qu'un sacrifice de louanges soit offert, par le peuple chrétien , à la victime paschale : Victimæ Paschal , laudes Immolent christiani. 384 ACADÉMIE DE ROUEN. Ensuite , soit par lui-même, soit par l'organe de ses prêtres, il expose le grand mystère du jour : Agnus redemit oves. Christus innocens, Patri Reconciliavit peccatores. Plusieurs chœurs de psalmodie donnent comme le ré- cttatif de la mort et de la résurrection du Sauveur : Mors et vita, duello Conflixêre mirando Dux vitæ, mortuus Regnat vivus. Alors apparaissent trois personnages. Ce sont les saintes Femmes qui reviennent du sépulcre. Leurs traits -annon- cent les sentiments de surprise, de joie et d'espérance dont elles sont pénétrées. Le Pontife s'adresse à Marie- Madeleine , la première d’entre elles : Dic nobis, Maria, Quid vidisti in vi ? Chacune rend témoignage de ce qu’elle a vu, de ce qu'elle a éprouvé , et ces témoignages concordent parfai- tement avec les récits de l’évangile : Sepulchrum Christi viventis Et gloriam vidi resurgentis. Angelicos testes , Sudarium et vestes. Surrexit Christus spes mea, Præcedet vos in Galilæà. em CLASSE DES BELLES-LETTRES. 385 La foi de la pieuse assemblée, confirmée par ces té- moignages , devient de plus en plus vive et expressive. Tous, d’une commune voix, proclament la certitude de la résurrection du Sauveur , et implorent sa miséricor- dieuse protection : Scimus Christum surrexisse , À mortuis verè. Tu nobis , victor Rex, miserere. Le Chant même de cette prose, qui, probablement , est aussi ancien que les paroles, vient, ce me semble, à l'appui de mes conjectures. Il est facile d'y reconnaître un véritable dialogue. A défaut de ce chant, que je ne puis reproduire ici, je hasarderai une sorte de cantate, quelques stances timides dans lesquelles je me suis efforcé de rendre de mon mieux les pensées du texte original. Ce n'est qu'un bien faible essai, bien peu digne de vous être présenté ; mais s'il pouvait inspirer un plus habile que moi , et il n'en manque pas ici, je serais trop heu- reux, et je ne croirais pas avoir perdu ma peine. La Prose de Pâques. Victimæ Paschali laudes. LE Ponrtire. Enfants du Christ , la victime pascale En ce jour solennel vient inspirer vos chants. Chantez, chantez sa gloire triomphale , Vers Jésus de vos vœux faites monter l'encens 25 386 ACADÉMIE DE ROUEN. Ux PReTRE. Agneau sans tache , sans souillure , Pour ses brebis, ils'offrit à l'autel, Pour leur rachat, sans plainte, sans murmure, I ÿ subit le coup mortel. Ux aurTRe PRêTRe. C'est le Sauveur, l’innocente victime ! De son père irrité conjurant les fureurs, Lui qui, jamais, n'avait connu le crime , Voulut du châtiment éprouver les horreurs. Cuogur DE FInèLes. Enfants du Christ , la victime pascale En ce jour solennel vient inspirer nos chants. Chantons, chantons sa gloire triomphale , Vers Jésus, de nos vœux faisons monter l'encens. CHoeurSs DE PSALMODIE. Duel ineffable , Combat glorieux ! Spectacle admirable Même pour les Cieux ! L'auteur de la vie, O funeste sort ! Cède à la furie Des coups de la mort. Mais, dans sa victoire, La mort se détruit. Jésus, plein de gloire , Se relève.... Il vit. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 387 Cnogur pe FipëLes. Enfants du Christ, etc. Le Poxrirr. Femmes , d'où venez-vous? de cruelles alarmes , Hier encor , troublaient votre esprit éperdu ; Qui done, sitôt, a pu tarir vos larmes ? Marie , 6 vous , parlez , dites , qu’avez-vous vu ? PREMIÈRE SAINTE FEMME. Je n'ai vu qu'un sépulcre vide , Et j'en ai visité les sombres régions. Déjouant les projets d'une rage perfide , [ ne l'habite plus celui que nous pleurions. Deuxième saINTE FEMME. Un Ange, éclatant de lumière , Nous à dit : Il n'est plus ici ; Témoins ces linges, ce suaire , Ces vêtements épars et ces parfums aussi. Troisième saiNTe Femme. Il est ressuscité, Jésus, notre espérance , Le Fils de l'Eternel... . Il est ressuscité. Allez , volez aux lieux de sa naissance : Le plus prompt d'entre vous, il l'aura précédé. 388 ACADÉMIE DE ROUEN. PREMIER CHOEUR DE PSALMODIE. Gloire à Jésus ! sa victoire est certaine. Il a dompté la mort, il a rivé sa chaîne. Deuxième CHOEUR. Gloire à Jésus ! nous le bénissons tous. Jésus, à Roi vainqueur ! ayez pitié de nous. Tous ENSEMBLE. Enfants du Christ , la victime pascale En ce jour solennel vient inspirer nos chants. Chantons, chantons sa gloire triomphale , Vers Jésus de nos vœux faisons monter l'encens. À Demérdia Lab. D'après le dessin de M. BKUNET- DEBAINES , Architecte de l'Arrond' dn Hävre. l'açade occidentale de l'Église de Montivilliers. ÉGLISE SAINT-SAUVEUR DE MONTIVILLIERS. DÉTAILS ANECDOTIQUES, PAR M. BARABÉ. Comme l’église de Saint-Sauveur , considérée dans son ensemble, était à la fois conventuelle et paroissiale, son histoire se lie à celle du monastère. C’est pourquoi nous trouvons utile de parler au moins sommairement de ce dernier , afin de mieux nous rattacher aux époques de la construction, de la restauration ou de la reconstruction totale ou partielle de cette église. Ce monastère, qui a donné son nom à la ville , avait été fondé vers l'an 682 par Saint-Filibert, abbé de Jumiéges, sur une terre que Waraton, maire du Palais, avait donnée à cet abbé, pour y établir une communauté de Religieuses (1). Cette maison, richement dotée , éprouva, comme celles de Jumiéges, de Saint-Wandrille et bien d’autres, la fureur des peuples du Nord qui, dans le cours du 1x° siècle, exercèrent leurs ravages jusqu'à Rouen. (1) Duplessis, p. 106. 390 ACADÉMIE DE ROUEN. Ce fut pour réparer ces désastres que Robert duc de Normandie, surnommé le Magnifique, sur les ins- tances de Béatrix, sa tante, et de tous les fidèles , accorda en 1035 à l'abbaye de Montivilliers, où Béatrix avait pris le voile quelques années auparavant, divers priviléges (1), tels que ceux de Coutume ( totum suburbium cum teloneo et aliis consuetudinibus suis), et d'Exemption ( Ecclesiam sanctæ Mariæ ab omni episcopali consuetudine absolu- tam), auxquels participèrent les autres églises de la ville, Sainte-Croix et Saint-Germain. : On voit qu'à cette époque, l'église de Saint-Sauveur n'existait pas en titre. C'est qu'en effet ce ne fut guère avant 1200 que la nef abbatiale fut affectée au service du culte paroissial. La charte de donation ci-dessus accordée par Robert (père de Guillaume - le-Conquérant}), sur le point de partir pour la Terre-Sainte, d’où il ne revint pas, étant mort à Nicée la même année, retrace les vicissitudes malheureuses éprouvées par ce monastère, et l'origine de sa fondation, tout en confirmant les droits et libéralités que Richard IL son père lui avait concédés. Elle ajoute : « Quod quidem non nostræ potestatis violentià agitur , sed » donatione, voluntate, et concessione domini Roberti « Rothomagensis Archiepiscopi Patrui mei constituitur et « confirmatur. » A Béatrix qui avait restauré le monastère, succéda Eli- sabeth, qui rebâtit, à ce qu'on prétend, presqu'à neuf, l'église abbatiale, et l'on ne peut nier du moins , dit Du- plessis , que le portail et la tour ne soient au plus tard du x1° siècle (2). 0 do nd 1) Archives départementales. 2) Description historique de la Normandie, t.1, p. 108, n° 114. CLASSE DES BELLES LETTRES. 391 Les auteurs du Gallia Christiana reportent la mort de cette seconde abbesse à l’année 1116 ou 1117; puis, ajoutent : «Creditur Basilicam monasterii sui, quæ adhuc « superest, a fundamentis excitasse. » D’après cette au- torité, cette construction a pu aussi se terminer dans cette première période du xr° siècle. Dans la suite, cette église a encore eu besoin de plusieurs réparations considérables. «On y employa , en 1370 , la somme de 700 florins, à laquelle les habitants de la ville avaient été condamnés pour avoir causé plusieurs dom- mages aux Religieuses (1). » Lors des troubles quidésolèrent la France, et surtout à l'époque de l'occupation anglaise, les Religieuses eurent à regretter la perte de beaucoup de titres. Telle était en effet leur triste position que. par le fait de la guerre, étant privées de leurs biens, et réduites même au faible revenu de deux moulins que les habitants voulaient encore assujétir à la taille, elles présentèrent requête à Charles VIT, en 1439 (2), pour en être affranchies , comme n'étant pas tenues aux charges du guet et de la garde des portes de la ville : « Qu’autrement elles ne pourroient soutenir , ne « maintenir leur Esglise ne leurs maisons qui sont en voie « de descheoir en grant ruyne et diminution, ne aussv «ne pourroient faire ne continuer le service divin ne « avoir leur vie, estat et substantation. » Le Roi, étant à Orléans, fit droit à leur requête le 21 octobre de la même année, en considération de leur position, et en vertu d’ailleurs des priviléges qui leur avaient été accordés par ses prédécesseurs Rois de France 1) Dom Duplessis, ibidem. (2) Archives du département. 392 ACADÉMIE DE ROUEN. En 1513, l'archevêque de Thessalonique, Toussaint Varin, fit la dédicace de l’église le 16 octobre, sous le nom de Notre-Dame qu'elle avait toujours porté (1). Et, en 1518, l'abbesse Jehanne Mustel en fit encore réparer les voûtes et les vitraux, et fit faire les chaires du chœur (2). Saint-Sauveur était la grande et principale paroisse de la ville. Les Religieuses y venaient dans des auditoires qu'elles avaient fait faire exprès ; mais elle était sous le même toit que celle de l'abbaye, en sorte qu’on ne pouvait entrer dans cette dernière sans passer par l’église de la paroisse ; toutes deux avaient leur chœur et: leur autel particulier (3). La première se gouvernait comme toutes les autres églises paroissiales, dont les marguilliers sont les seuls administrateurs, sous la réserve des droits honorifiques prétendus par l'abbaye comme seigneur patron. A ce titre, l'Abbesse soutenait que c'était par l'autorité de son oflicial que le lieu pour chanter le Te Deum devait être indiqué , et que le chœur de l'église de l'abbaye devait être choisi. De à, grand tumulte et prétentions contraires de la part des Échevins et des officiers de justice, qui préten- daient que c'était à Saint-Sauveur; ce qui eut lieu à l'oc- casion du Te Deum chanté dans cette paroisse sur l’ordre de M. le duc de Saint-Aignan , gouverneur du Havre, pour célébrer la prise d’Ypres par Louis XIV, en 1678. (1) Duplessis, ibid. 2) Idem. 3) Mémoire de l’Archevëque. — Procès-verbal de prise de pos- session. Abb. de Montivilliers, — Archives du département. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 393 Du reste, un semblable conflit avait déjà eu lieu en 165%, cette fois à l'occasion d'un Te Deum chanté dans le chœur de l'abbaye. Et telle fut l'importance donnée à la première affaire, qu'il fut sursis à statuer par le Roi jusques à plus ample informé. Quant à nous, qui n'avons à nous préoccuper ici que des faits historiques qui se rattachent à l’église comme souvenirs, Voici ce que nous trouvons : Quelquefois le Te Deum commençait autour d'un feu allumé devant la Maison de Ville, et s'achevait dans l'é- glise (1). En 1613, un Te Deum y fut chanté en action de grâces à l'entrée du vice-roi des Indes. En 1615, pour l'entrée de M. de Montbazon. En 1628 , pour la prise de La Rochelle. En 1635, pour une victoire remportée sur les Espagnols. En 1638, pour la naissance de Louis XIV. Enfin, en 165%, sans doute à cause du sacre du même Roi. La Cérémonie ne se fit pas dans le chœur de l'église paroissiale, à cause de l'absence du clergé, provoquée par l'opposition de l'official de l'abbaye , mais bien dans le chœur de l'église abbatiale, nonobstant les ordres for- mels de Madame la duchesse d'Aiguillon, gouverneur du Havre, donnés en conséquence de ceux du Roï. Aussi, les Échevins et officiers de justice se retirèrent-ils de- vant l'Hôtel-de-Ville, pour allumer le bûcher qui y avait été dresse. {) Enquête en 1678. Archives de Montivilliers. 39% ACADÉMIE DE ROUEN. Mais si, en 1678, le conflit se renouvela entre les Eche- vins et l'abbaye, ce ne fut pas cette fois sans tambours ni trompettes, car ceux-ci, s'autorisant d'une ordonnance de M. de Saint-Aignan , portant que la retraite serait sonnée et battue à dix heures du soir dans les villes du Havre , de Montivilliers , d'Harfleur et de Fécamp, avec défense de laisser passer personne sans l'ordre, aux lieux où il y avait corps-de-garde , firent sonner la retraite avec la grosse cloche de Saint Sauveur tirée par six hommes, pendant une demi-heure. Nos pauvres Religieuses eurent beau ob- jecter qu'à elles seules appartenait le droit de régler la sonnerie, par suite de la concession qu'elles avaient primiti- vement faite d’une portion de leur église pour la com- modité des habitants, à la réserve de tous les droits hono- rifiques , et que, d’ailleurs, leur dortoir étant contigu au clocher, il leur était impossible de se reposer pour se relever à deux heures pour chanter matines ; il fut passé outre Elles eurent beau ajouter : que la retraite était sans objet dans une ville située dans un fond, éloignée de la mer de deux grandes lieues, sans fortifications, sans portes, et dont les murailles étaient démolies en plusieurs endroits , et où il n'y avait ni guet ni garde; les Échevins n’en firent pas moins accompagner la son- nerie du bruit de deux tambours qui battaient devant la porte de l'abbaye, sous les fenêtres même des Religieuses , jusqu'à onze heures du soir. C'était, comme onle voit, une aggravation à leurs plaintes. Et cependant, ces fiers Échevins oubliaient qu'au mois d'août 1677 , le sieur Bauney, trésorier de Saint-Sauveur , pour avoir fait sonner les cloches la veille de la fête de la paroisse et maltraité les domestiques de l'abbaye, avait élé condamné par les maréchaux de France, connaissant CLASSE DES BELLES-LETTRES. 395 de l'affaire après M. le duc de Saint-Aignan , à demander pardon aux Religieuses. Cependant, il faut le dire ; il s'agissait de savoir si l'ab- besse était bien dame et patronne de Montivilliers, et quelle était, en définitive, l'étendue de ses droits d'exemption et de juridiction ecclésiastiques , d’ailleurs contestés par l'archevêque. Dans cette occurrence, nous dirons que, pour couper court à ces débats, M. Le Blanc, conseiller du Roi et In- tendant de justice et de police en la généralité de Rouen, fut d'avis qu'il plût à sa Majesté d'ordonner que, à l'avenir, l'église où serait chanté le Te Deum, fût désignée par ce prélat, tous droits réservés, et que la retraite fût sonnée en l’église de la paroisse Saint-Germain , lorsque le gou- verneur le jugerait nécessaire, C'était, comme on le voit, tourner habilement la difficulté dans l'intérêt de la paix. Ce fut l’abbesse Éléonore-Caroline de Gigault de Belle- fonds, dont la sœur avait fondé un monastère à Rouen . qui soutint cette lutte ; etce n'était pas sans raison, car les victoires de Louis XIV ne laissaient pas plus de repos au couvent qu'aux poètes ; ce qui faisait dire à Boileau : Grand Roi, cesse de vaincre ou je cesse d'écrire. Plus tard, une autre abbesse, Madeleine-Éléonore , de la même famille, eut une autre lutte à soutenir : mais cette fois, c'était contre l'archevêque de Saulx de Tavannes, pour le règlement et l'exercice du spirituel. Elle fut forcée de se soumettre nonobstant sa résistance , à laquelle ce prélat n'opposa que la force de son droit et une modération exemplaire. Nous signalons à cette occasion le savant Mémoire manuscrit qui fut dressé, en 1748, pour l'arche 396 ACADÉMIE DE ROUEN. vêque de Rouen, aux fins de repousser l'exemption de la juridiction épiscopale que voulaient s’attribuer les Reli- gieuses en vertu des termes ab omni consuetudine quietæ de la Charte de 1035, dont l'appréciation ne paraissait relative qu'à l’affranchissement des droits temporels de l'archevêché (1). A cette abbesse, qui décéda en 1763 , succéda la dame de Conty Hargicourt, qui fut installée avec pompe dans ses fonctions. Le procès-verbal notarié qui constate sa prise de pos- session, fait preuve cette fois de l'humilité des Echevins de Montivilliers. On en peut juger par cet extrait : &« Après le Te Deum, « ladite dame étant restée à la tête de tout le clergé pré- « cédé de la bannière et de la croix de l’abbaye , fut en- «suite haranguée sur le pont attenant à la porte Châtel, « par M° Dauberville, avocat au Parlement , premier Éche- «vin de la ville, accompagné des autres Échevins, et « conduite incontinent après, et pendant toute la céré- « monie, sous le dais porté par les mêmes Echevins; les « deux compagnies de milice bourgeoise étant rangées en « haye sous les armes dans les rues par où elle passait « au bruit des tambours et de la mousquetterie. » Nous la voyons ensuite conduite hors du monastère, à la porte de l’église paroissiale de Saint-Sauveur, où elle reçoit les clefs des mains du curé, avec les compliments de son clergé, l'eau bénite et l’encens , puis agite la corde des cloches , etc. { Archives du département. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 997 A cette même époque , nous trouvons que cette église jouissait d'environ 1#00# de revenu annuel, le triple de celui de la ville, et dont la moitié était affectée à l’acquit des fondations, par le clergé, et l'autre moitié à l'achat des livres, ornements , et autres objets nécessaires au culte. Mais pour les fortes réparations à faire à l’église, l'ab- baye soutenait que ce n'était pas à elle à y pourvoir, puisque la partie consacrée au culte paroissial avait été de sa part l'objet d’une concession ; que, à la vérité, par l'effet d'une transaction passée avec les habitants de Saint- Sauveur , en 1398, homologuée par l'Échiquier la même année , elle s'était réservé plusieurs droits; mais qu’en aucune occasion, depuis cette transaction, l'abbaye n'avait été assujettie à contribuer en rien aux besoins de l’église Saint-Sauveur. Il était même ajouté par l'abbaye que, tout au plus, une réclamation pourrait lui être adressée à ce sujet dans le cas d'une entière, ou presque entière réédification de l'église , auquel cas l'abbaye contribuerait avec les autres propriétaires, mais à proportion des biens-fonds qu'elle possédait dans l'enceinte de la paroisse de Saint-Sauveur. Ce triste conflit nous explique aujourd'hui pourquoi ce monument si remarquable est resté pendant si long- temps dans un état de dégradation si regrettable. Il appartenait à notre époque adonnée au culte des sou- venirs, et surtout au Gouvernement d'un roi protecteur éclairé des arts, de conserver à la postérité ce jalon des siècles passés, autour duquel viennent se grouper et l'his- toire des arts et celle du pays : « Car tous ces souvenirs, tous ces débris vivants des temps qui ne sont plus, font partie du patrimoine national et du trésor intellectuel de la 398 ACADÉMIE DE ROUEN. France (1). » Aussi, plus tard, à l'aspect imposant de ce monument , la postérité reconnaissante ne séparera-t-elle pas le nom du fondateur de celui du monarque qui l'aura préservée de la ruine. Espérons donc de le voir classé parmi les monuments historiques, et mis sous le patronage de l'État. C'est d'ailleurs le vœu qu'a exprimé avant nous l’autorité mu- nicipale de Montivilliers. (1) Circulaire de M. le Ministre de l’intérieur , en 1837. TABLEAU DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1847 — 1848. SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. % Ordre royal de la Légion-d'Honneur. 0. signifie Offcrer. G — Commandeur. G O. — Grand-Officier. G C — Grand'Croix. TABLEAU DE I'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1847—1848. OFFICIERS EN EXERCICE. M. Caéruez K, Président. M. HomeerG, Vice-Président. M. J. GinarnN #, Secrétaire perpétuel pour la Classe des S'crences. M. RicnArp, Secrétaire perpétuel pour la Classe des Belles-Lettres et des Arts. M. BrGxow, Secrétaire perpétuel honoraïre pour la même classe. M. Avenez, D.-M , Trésorier. M. Bazuin, Pbliothécaire-Archiviste. nat et: d'admis- céeep ACADEMICIENS VÉTÉRANS , MM. sion à le ce. 1808. LEZURIER DE LA MARTEL (le baron Louis-Géne- 1823 viève) O #, ancien Maire de Rouen, Maire d'Hautot-sur-Seine. 1819. RIBARD (Prosper) K, ancien Maire de Rouen, 1828 ancien Député, etc., rue de la Vicomté, 34. 1805. MEaume (Jean-Jacques-Germain)#, Docteur ès-sciences, 1830 etc., Inspecteur émérite de l'Université, à Nancy (Meurthe), rue S'aint-Dizier, x. 1834. VERDIÈRE ( Louis - Taurin) %#, Conseiller hono- 1840 raire en la Cour royale, à Louviers (Eure ). 1804. BrGnox (Nicolas), Docteur ès-lettres, secrétaire per- 1842 pétuel honoraire de l’Académie pour la classe des Belles- Lettres et des Arts ,au Val-de-la-Haye , près Rouen. 26 402 1809. 1822. 1837. 1847. 1818. 1820. MEMBRES DupureL (Pierre), re S'ainte-Croïr-des-Pelletiers , 20. 1843 Lévy (Marc), professeur de mathématiques et de mé- canique, ancien secrétaire de la classe des sciences, à Paris, 8, rue neuve Saint-Gilles ( Marais). 1846 DE GLANviLLE (Boistard), r. des Murs-S aint-Ouen 11. id. Desrienx ( Pierre-Daniel), Directeur des Abattoirs à l’éta- blissement, /zubourg S'aint-S ever. ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM. . Mgr Branquarr De Baizzeuz C X , archevêque de Rouen, au Palais archiépiscopal. . FRANCK-CARRÉ C 3, Pair de France, Premier Président de la Cour Royale, r1e Damiette, 30. . CASTELLANE G. O. 2 (le comte de ), Lieutenant-Général, commandant la 14e division militaire, Pair de France, à Rouen, rve du Moulinet. Duroxr-Derrorte (le baron Henri-Jean-Pierre-Antoine), G. 0. %, déc. de Léopold de Belgique, Pair de France, Préfet de la Seine-Inférieure, à l'hôtel de la Préfecture. ACADÉMICIENS RÉSIDANTS, MM. BLANCHE (Antoine -Emmanuel-Pascal) #K, D.-M., Médecin en chef de l'Hospice général, rze Bourgerue, 2. HezziS ( Eugène-Clément ), D.-M., Médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, Professeur de l'École de Médecine, etc., place de la Madeleine. . De 14 QuÉRIÈRE ( Eustache), Négociant, rue Herbière, 12. . Du BreuIr (Guillaume), Conservateur des promenades pu- bliques, au Jardin des Plantes, rue d'Elbeuf. BacziN ( Amand-Gabriel) , Directeur du Mont-de-Piété; elc., rue de la Madeleine , 6. 1827. 1828, 1829. 1830 1831. 1833. 1834. RÉSIDANTS. :03 Morin ( Bon-Etienne ) #, ancien Pharmacien, Professeur à l'Ecole de médecine de Rouen, etc., rve de la Glacière, 2. Devizce ( Achille) #, Receveur des contributions directes. Directeur du Musée départemental d’antiquités, Corresp. de l’Institut, etc., etc., vai de la Bourse, hôtel Quévremont, VINGTRINIER (Arthus- Barthélemy), D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, rue des Maïllots, 15. Prmowr (Pierre-Prosper), Manufacturier, place des Carmes, 31, chez M. Noury -Vallée. FLOQUET (Pierre-Amable) fils # , ancien Greffieren chef dela Cour royale de Rouen, correspondant de l’Institut, etc., etc., rue Beffroi, 32. GIRARDIN (Jean -Pierre-Louis) #, Professeur de chimie in- dustrielle à l’École municipale de Rouen, et de chimie agricole à l'École départem. d'agriculture ; correspondant de l’Institut, de l’Académie royale de Médecine, etc., re du Duc-de- Chartres, 12. Poucaer (Félix-Archimède) %, D.-M., prof. d'Histoire na- turelle et conservaleur du Cabinet, rze Beauvoïsine, 100. Paumier (L.-D.)%, Pasteur, Président du Consistoire de Rouen, rampe Bouvreuil, 16 bis. De Caze ( Augustin-François-Joseph), ancien Négociant, re de Crosne, 15. GRÉGOIRE (Heuri-Charles-Martin) #%, Architecte des bâtiments civils, rxe des Charrettes, 128. BenGasse ( Alphonse) #, Avocat, ancien Procureur général; rue Beffroi, 26. Martin DE Viccens (Henri-Louis) #, président de la So- ciété philharmonique de Rouen, ancien député, etc., rue de la Seille, 7. CHéruEL ( Pierre - Adolphe) #, Professeur d'histoire au Collége royal de Rouen, /£oulevard Beauvorsine, 59. 40% 1833. 1838. 1839. MEMBRES BARTRÉLEMY ( Eugène), Architecte, re de la Chaine ; 16. AvENEL ( Pierre-Auguste), D.-M., secrétaire du Conseil de salubrité, place des Carmes, 30. Mauourr (Victor) #, secrétaire général de la Mairie de Rouen, à l’'Hôtel-de-Ville. Lévesque X , Conseiller à la Cuur royale, r. de l'Écureuil, 11. HomeerG ( Théodore), Avocat, ze de l'École, 34. Des Micnezs X , Docteur-ès-sciences, Recteur de l’Académie Universitaire de Rouen, r. des Carmélites, 16. PREISSER (Frédéric-Joseph), Professeur de Physique à l'École municipale , re Loyale, en face Sainte-Marie. . Mortx ( Gustave ), Directeur de l'Ecole de dessin et de peinture, 7e Poussin. Leroy (N.) , Conseiller à la Cour royale , r. des Carmélites, 16. VERRIER, Médecin vétérinaire, rve Saint-Laurent , 9. . Du Breuiz ( Alphonse), Professeur à l'École départementale d'agriculture et à l'École Normale, professeur d’horticulture à l'École municipale de Rouen, rve d'Elbeuf, 63 D. Picarp (l'abbé), Archi-Prêtre, Curé de la Métropole de Ronen, rue S't-Romaïn, cour des Libraïres. Tuixon (Arsène-Marcel-Irénée), Avocat, ancien Bätonnier de l’ordre des Avocats, rue de Socrate, 16. Descaamps (Frédéric), Avocat, ancien bâtonnier de l’ordre rue de la Poterne, 17. RicnArD (Charles-Victor-Louis), Conservateur des Archives municipales, rze Saint-Jean, 24. GiFFrarD, Professeur au Collége royal de Rouen, r. Porcherie, 3. CHassax 2#, Avocat général près la Cour royale, 7e du Contrat-Social, 24. Cocner (l'abbé), Aumônier du Collége royal de Rouen, membre de la Société des antiquaires de Normandie, etc. CORRESPONDANTS. #05 3. BénarD (Charles), Docteur ès-Lettres, prof. de philoso- phie au Collége royal, rve Hoyale Saint-Ouen, 31. Porrier (André), Conservateur de la Bibliothèque publique de la ville, à l'Hôtel-de-ville. BARABÉ, Archiviste du département, pour la partie histo- rique , rze Maladrerie, 15. Fazrue (Léon) #, commis principal des Douanes, 4ou- levard Canchoïse, 85. RONDEAUX ( Jean) O *#, ancien Négociant, Député, rue de Fontenelle, 32. FRÈRE, ancien libraire, archiviste de la Chambre de Commerce de Rouen, au Consuls, rue des Charrettes. >. NEveu (l'abbé), vicaire de St-Godard , rue du Coguet, 8. Duruir (Eugène ), avocat, membre du Conseil municipal de Rouen, guaï du Havre, 21 À. ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS, MM. 1803. 1804. 1806. 1806. 1808. Gugrsenr X, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, rue Gaïllon, 11. DeGcanp (J.-V.), D -M, Professeur de botanique, membre de plusieurs Académies, à Rennes (Ille-et-Villaine ). DeLagouisse-RochEroRtT (J-P.-Jacq.- Aug. ), Homme de lettres, à Castelnaudary ( Aude.) Boïezpreu ( Marie-Jacques-Amand), ancien Avocat à la Cour royale de Paris, à Paris. S£RAIN , ancien Officier de santé, à Canon, près Croissan- ville ( Calvados ). Lair ># (Pierre-Aimé), Doyen du Conseil de Préfecture du Calvados, Secrétaire de la Société royale d’agriculture, ete., à Caen, Pont-S'aint-Jacques. D£LANCY x, Administrateur de la Bibliothèque de Sainte- Géneviève, à Paris, rue Neuve-du-Luxembourg, 33. 406 MEMBRES 1809. FRANCŒUR O %, professeur à la Faculté des sciences, membre de l’Institut, des Sociétés royales et centrales d’Agri- culture, d'Encourag., etc., Paris, r. de l'Université, 10. Duguisson ( J.-B.-Remy-Jacquelin), D.-M., membre de plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, re Hauteville, 10, faubourg Poïssonnière. Dugois-MaïisonNEuvE, Homme de lettres , à Paris, rue des Postes | 14. | DecaruE ( Louis-Henri),ancien Pharmacien, secrétaire hono- raire de la Société libre d'agriculture de l'Eure, Juge de Paix à Breteuil-sur-Iton ( Eure ). Bazme, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes , à Lyon, rue de l'Enfant-qui-pisse, 8. 1811. Leprior (l’abbéConstantin-Julien), Prêtre, Recteur émérite de l'Académie universitaire de Rouen, à Hennebon (Morbihan). LE SAUVAGE Xe, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes, chirurgien en chef des Hospices civils et militaires, à Caen. Larisse (Alexandre-Gilbert-Clémence), D.-M., à Paris, rue Laffite, 43. Bouray ( Pierre-François-Guillaume ) , O % ; Docteur ès- sciences, Membre de l’Académie royale de médecine, à Paris, rue de Provence, 11. 1814. Pêcaeux (B.), Peintre , à Paris, rve du Faub.-S1.-Honoré, ; PERCELAT X, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, Inspecteur de l'Académie de Metz ( Moselle ). FaBre ( Jean-Antoine) , correspondant de l’Institut, et In- génieur en chef des ponts-et-chaussées , à Brignoles (Var). 18:16. Lorsezeur DEsconccaamps (Jean-Louis-Auguste) #, D.-M., Membre honoraire de l’Académie royale de médecine, etc., à Paris, rue de Jouy, 8. 1815. Pari (Henri-Joseph-Guillaume ) # , Maitre des conférences à l'École normale, bibliothécaire du Roi, etc., à Paris, rue de T'ournonz 7. 1818. 1821. 1823. CORRESPONDANTS. #07 Ménat (François-Victor )#, D.-M.-P., membre de l’Aca- démic royale de médecine et de plusieurs Sociétés savantes, etc., à Paris, rve des Saints-Pères, 15 bis. MorEAU DE JonnËs (Alexandre) O # , Chef d’escadron d'État-Major, membre de l’Institut, du Conseil supérieur desanté, etc., à Paris, rve de Grenelle-S1-Germaïn, 89. DE Gournay, Avocat et Docteur-ès-lettres, Professeur suppléant de littérature latine à la faculté des lettres de Caen (Calvados), rze aux Lisses, 15. DE KErGarrou (le comte) O 2, ancien Pair de France, à Paris, rue du Petit-V'augirard, 5. De Monraurr (le marquis) 2#, à Paris, rve de Lille, 84- (A Rouen, 7ze d'Ecosse, 10.) De MavizcE (le Mis Eunes) #, ancien Maréchal-de-Camp, à Fillières, commune de Gommerville, près St-Romain. Depauris (Alexis-Joseph) #, Graveur de médailles, à Paris, rue de Furstenberg, 8 ter. BEerRTHIER (P.) #, Inspecteur général des mines, memb de l’Institut, etc., à Paris, 7. Crébillon, à. Vène K chevalier de Saint-Louis et de l’ordre d'Espagne de Charles 111, Chef de bataillon du génie, en retraite, membre de la Société d'Encouragement , à Paris, ve Jacob, 20. LABOUDERIE (l'abbé Jean), Vicaire général d'Avignon, à Paris, cloitre Notre-Dame , 20. Lemoxnier ( André—Hippolyte), membre de l'Académie ro- maine du Tibre , rue d'Antin, 25, aux Batignolles. DE Moréon ( Jean-Gabriel-Victor }) a, Directeur de la Société Polytechnique et de ses publications, ete., à Paris, rue Caumartin, 26. TarésauT DE BERNEAUD (Arsène), Secrétaire perpétuel de la Société linnéenne, l’un des Conservateurs de la Bibliothèque Mazarine, à Paris, rue Cassette, 8. 408 1824. 1825. 1820. MEMBRES Beucxor (le vicomte Arthur) #, Pair de France, membre de l'Institut, à Paris, rue Ville-l'Évéque ; 16. Sozircorrre ( Louis-Henri-Joseph) O #, Administrateur des Douanes, membre du Conseil supérieur de santé, à Paris, rue S'aint-Lazare, 58. EsTANCELIN %# , correspondant du Ministère de l'instruction publique , à Eu. FonTaANIER { Pierre), Homme de lettres, Officier de l'Uni- versité, etc., à Moissac, près Murat (Cantal). Mazet (Charles-François) O #, Inspecteur général hono- raire des ponts-et-chaussées, à Paris, rve de Verneuil, 34. JourpAn (Antoine-Jacques-Louis) # , D.-M.-P., membre de l'Acad. royale de médecine, à Paris, ve de Bourgogne, 4. Moxrazcon X, D.-M., à Lyon, rve de la Liberté, 5. DE LA QUESNERIE , Juge de Paix de Clères, membre de plu- sieurs Sociétés savantes, à St-André-sur-Cailly. Sazcues, D.-M.-P., médecin du Grand-Hôpital, membre du Conseil central sanitaire du dép!, à Dijon (Côte-d'Or). BouzLenGEr ( le baron ) O %#, ancien Procureur général à la Cour royale de Rouen, membre du Conseil général, à S'aint-Denis-le-Thiboult (Seine-nférieure) D'Axccemont ( Edouard), à Paris, 26, r. de Ponthieu. Crvraze (Jean) #, D.-M., Membre de l’Institut, à Paris, r. Neuve-St-Augustin, 23. Fergr aîné, Antiquaire, conserv. de la Bibliothèque de Dieppe, Correspondant du Ministère de lInstruction publique. Payen (Anselme)#, Manufacturier, Professeur de chimie au Conservatoire des Arts-et- Métiers, membre de l'Institut, etc., à Paris, av Conservatoire, rue St-Martin. Moreau (César) K, Fondateur de la Société française de statistique universelle et de l’Académie de l'industrie, ete., a Paris, rue de Rivoli, 3o bis. 1827. 1827. 1828. CORRESPONDANTS. #09 Monrémonr (Albert), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue Croix-des-Petits-Champs, 27. LADEvVÈZE, D.-M., à Bordeaux ( Gironde). Savin (L.), D.-M.-P., à Montmorillon ( Vienne). Hvco (Victor) O % , Pair de France, membre de l’Académie française, à Paris, place Royale, 6. Brossevcce (le vicomte Ernest de), à Paris, 4, rue de Louvors. DESMAzIÈRES ( Jean-Baptiste-Henri-Joseph), Naturaliste, à Lambersart , près Lille; chez Mad. veuve Maquet, proprié- taire, rue de Paris, 44, à Lille ( Nord ). Maro ( Charles) :#, Fondateur-rédacteur en chef de la France littéraire, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue de l'Éperon, 6. Vanssay (le baron Charles-Achille de) C #, ancien Préfet de la Seine-Inférieure, à la Barre, près St-Calais ( Sarthe.) CourT %, Peintre, à Paris, rue de l'Ancienne-Comédie, 14, ancien atelier de Gros Maizcer-Lacosre (Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté des lettres de Caen (Calvados). LaurTarD (le chevalier J.-B.), D.-M., sécrétaire perpetuel de l'Académie de Marseille, correspondant de l’Institut, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Marseille ( Bouches- du-Rhône. ) Morreuwanr-Boisse (le baron de) #, Membre de la Société royale et centrale d'agriculture , etc., à Paris. 7. Jean- Goujor, 9. Mori (Pierre-Etienne), Ingénieur en chef des ponts- et-chaussées, en retraite, à Rouen, rze de la Cigogne. Fée (Autoine-Laurent-Apollinaire) #, Professeur de bo- tanique à la Faculté de médecine, Directeur du Jardin de botanique, ete., à Strasbourg ( Bas-Rhin ). 1830. MEMBRES Partez , D.-M., rue de la Préfecture, 13, à Évreux (Eure). GurTINGUER ( Ulric) #, Homme de lettres , à Paris, rue de Courcelles , 36. Cazauis % , inspecteur de l’Académie universitaire de Paris, 10, rue T'aranne. SCHWILGUÉ %, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Strasbourg ( Bas-Rhin). BÉGrx (Emile-Auguste), D.-M., membre de la Société royale des Antiquaires de France, etc., à Metz ( Moselle). BerGer DE XivREy (Jules), membre de l’Acad. royale des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut, à Paris, r. S/- Germain-des-Prés, 15. CHapoxnteR, D.-M., accoucheur, démonstrateur d'anatomie et prof. particulier de physiologie, à Paris, 57, r Æaufeville. Passy ( Antoine) O %, député de l'Eure, Membre de l’In- stitut , sous-secrétaire d'État au Ministère de l'Intérieur , à Paris, rue Caumartin, 5. Soyer-VWVizLemeT ( Hubert-Félix), Bibliothécaire et Conser- vateur du Cabinet d'histoire naturelle de Nancy ( Meurthe). LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville de Clermont-Ferrand ( Puy-de-Dôme). RrrauD, Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes , à Paris, rze Basse-du-Rempart, 46. Houez (Charles-Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes, ancien président du Tribunal civil de Louviers ( Eure), l’un des censeurs de la Suciété de l’histoire de France, à Paris, 28, rue S'aint-Florentin. Murar (le comte de) C # , Pair de France, ancien Préfet de la Seine-Inférieure, à Paris, re de Rivoli, 38. Le Fuzeuz nes GuerroTs, cheve de l’Eperon d’or de Rome, correspondant de l’Institut historique, à Rouen, 2, ue Bourg-Labbe. CORRESPONDANTS. #11 1831. LE TeLuter (Jean-Joseph) #, Inspecteur général honoraire des ponts-et-chaussées, à Paris, rve de Beaune, 1. BoucHER DE PERTHES (Jacques) #, Directeur des douanes , etc., à Abbeville (Somme ). 1832. SINNER ( Louis de), helléniste, Docteur en philosophie , sous- bibliothécaire de la Sorbonne, à Paris, r. des S'aints-Pères, 27. Tancaou #, D.-Médecin, à Paris, rve du Helder, 11. ForTiN (François), D.-M.-P. à Evreux ( Eure ). Dusevez (Hyacinthe), avoué à la Cour royale d'Amiens, Inspecteur des monuments historiques, membre du Comité des chartes et de plusieurs Sociétés savantes, ete., à Amiens ( Somme.) BRIERRE DE Borsmonr (A ) #, D.-M., chevalier de l’ordre du Mérite militaire de Pologne, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, Directeur de la maison de santé, rue Neuve-Sainte-Géneviève , 21. Le FLaGuats (Alphonse), membre de l’Académie royale de Caen, Conservateur de la Bibliothèque de la ville, rue des Jacobins, 10 (Calvados ). LEJEUNE (Auguste), Architecte, à Paris, r. de Greffulhe, 3 Tac #, Conseiller à la Cour de cassation et Député, à Paris, rue de Vaugirard, 50. LAURENS (Jean+Anatole), membre de plusieurs Sociétés savantes, Chef de div. à la Préfecture de Besançon ( Doubs) BouriGxY ( Pierre-Hippolyte) #, correspondant de l’Académie royale de médecine, etc., ancien pharmacien, à Paris, rue de Chabrol, 40 RiGozLor ( J.) fils, Médecin de l'Hôtel-Dieu d'Amiens, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amiens (Somme). LADOUCETTE (le baron Jean-Charles-François de) æ , ancien Préfet, secrétaire perpétuel de la Société philotechnique de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue St-Lazare, 5. 412 1832. 1833. MEMBRES Marre (P.-N.-Fr.), Docteur en chirurgie, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Strasbourg ( Bas-Rhin). Gervice (de), Antiquaire, à Valognes ( Manche). BouGron ( L.-V.), Statuaire, à Paris, rue du faubourg St- Denis, 154. Ducuesxe (Édouard-Adolphe) #, D.-M.-P., à Paris, rue d’'Assas, 1, faub. St-Germaïn. JuLLIEN (Marc-Antoine) #, Homme de lettres, fondateur de la Revue Encyclopédique , à Paris, rve du Rocher, 23. Carey (Thomas), Docteur en droit, à Dijon (Côte-d'Or), hôtel Berbisey. BREvIÈRE (L.-H.), Graveur de l’Imprimerie royale, surbois et en taille-douce, à Belleville, banlieue de Paris, . des Lilas, 12. . Mauzer-Durourray, Architecte, à Paris, rze d’Anjou- S'aint- Honoré, 58. . Le Prevosr (Auguste) Xt, Membre de la Chambre des Dé- putés, de l’Institut, ete., à Paris, rve et hôtel Jacob, faubourg Saint-Germain. Fôvizze %, D.-M, méd. en chef de l’hospice de Charenton, à Paris, r.de Lille, 101. BELLANGÉ ( Joseph-Louis-Hippolyte) #, Peintre, conser- vateur du Musée de Rouen, 7. du Champ-des-Orseaux, 55 ter. LAMBERT (Charles-Edouard), Conservateur de la Bibliothèque de Bayeux ( Calvados ). Murer (Théodore), avocat, à Paris, rue de Ponfhieu, 27. Pescne ( Julien-Réné), membre de plusieurs Sociétés savantes, Correspondant des Comités historiques du Ministère de l’In- struction publique, etc., juge de paix, à Morteau ( Doubs.) Barp ( Joseph) 4, Inspecteur, au ministère de l'Intérieur, des monuments historiques des départements du Rhône et de l'Isère, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Chorey, près de Beaune ( Côte-d'Or). 1836. 183- [l 1838 1838. CORRESPONDANTS. 413 Cuesxon (Charles-Georges), Inspecteur des Écoles primaires du département de l'Eure, à Évreux. HexneqQuix ( Victor-Antoine) , Avocat à la Cour royale, à Paris, rue de Lille, 17. LeGcay, D.-M., Archiviste, à Lille (Nord ). Le CaDre, D.-M., au Havre, ve du Chillon, 9. GUYÉTANT a, D.-Ch.-P., membre de l’Acad. ray. de Méd. et de plusieurs autres Soc. sav., à Paris, 12, passage S'ainte- Marie, rue du Bac. SouretrAN (Eugène) 4, directeur de la Pharm. centrale des Hôpitaux de Paris, Professeur de Physique à l'École spéciale de pharmacie à Paris, guar de la Tournelle, 51. Rey (Jean) #, ex-membre du Conseil général des manufactures, membre de la Société royale des Antiquaires de France, etc., etc., à Paris, rve N.-D.-de-Lorette, 31. Du Bors ( Louis) A, ancien Sous-Préfet, membre de plu- sieurs Académies, au Mesnil-Durand, près Livarot (Calvad.) Garnier-DuBourGNEUr (Jacq .-Alex.) #, maître des requêtes, direct. des affaires civiles et du Sceau , au ministère de la justice, à Paris, ze des Trois-Frères, 3. DanTaAx jeune, Statuaire, à Paris, rue Saint-Lazare, cité d'Orléans. Brzcret-RENaAL (Antony-Clodius), à Lyon, guar Monsieur, 121. GarnEray ( Ambroise-Louis), Peintre de marine, à Paris, passage S'aulnier, 19. Prevosr (Nicolas-Joseph), président du Cercle pratique d'Horticulture et de Botanique de la Seine-Inférieure , Horticulteur au Bois-Guillaume, VacseroT, docteur-és-lettres, directeur des études à l'École normale , à Paris, rue de Grenelle St-Germain, 116. SaLaDiN , Professeur de Chimie, à Moulins ( Allier ). hit 1839. 1840. MEMBRES BouLcée ( Aimé-Auguste ) , ancien Magistrat, à Lyon, re St-Joseph, 8. Muxarer , D.-M. à Thurins, près Lyon (Rhône). LescecuiÈRE-LAFOssE (François-Gustave), D.-M., Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier , p/ace de la Préfecture. GrRALDÈS ( Joachim-Albin), D.-M., professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, ve des Beaux-Arts, 11. Grarezour ( J.-P.-Sylvestre de ), D.-M.-P., Président de la Société Linnéenne, etc., à Bordeaux, re Grande-Taupe,\8. Bourron-CxarLanD (Antoine- François) 4, membre de l'A- cadémie royale de médecine, et du Conseil général de la Seine, à Paris, #oulevard Bonre-Nouvelle, 2. Cap ( Paul-Antoine )#, Pharmacien, membre de l'Académie royale de médecine, etc., à Paris, rve des Trois-Frères, 9. Tupor (Edmond), Peintre, directeur de l'École de Dessin, à Moulins ( Allier ). Gauner, D.-M., à Paris, rve Neuve-du- Luxembourg, 32. Porrrer fils (Octave), Avocat à Paris. ParcArT (Aubin-Pierre) O #, Docteur en droit, Procureur général à Nancy (Meurthe). MaLcer (Charles-Augustin), D.-ès-lettres, Prof. de philoso- phie au Collége royal de St-Lounis, à Paris, 19, r. Faufefeuille. BorGnET (Amand-Louis-Joseph), Licencié-ès-sciences, agrégé de l'Université, Proviseur du Collége royal de Tours (Indre- et- Loire ). PeLouze 24, Chimiste , Membre de l’Institut, Professeur à l'École polytechnique, à Paris, Æd/e/ des Monnaies. Caevazuter 2%, Chimiste, Membre de l’Académie royale de Médecine, Professeur à l'École spéciale de Pharmacie de Paris, etc., place Saint-Michel, 25. CORRESPONDANTS. k15 .… SCHLUMBERGER (Henri), Chimiste, Mermb. de la Soc. industrielle de Mulhouse, maison Dolfus, Miegg et Cie(Haut-Rhin ). Purcippar, Professeur de culture à l'Institut royal agronomique de Grignon , et à l'Ecole normale de Versailles, Membre de la Société royale et centrale d'Agriculture, Directeur du Jardin des plantes, à Versailles (Seine-et-Oise.) CAFFE, ancien chef de clinique de l'Hôtel-Dieu de Paris, Président de la Société médicale d'Émulation de la même ville, etc, rze de La Ferme-des-Mathurins > 45. LACABANE, premier employé au Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque royale, à Paris, Président de la Société de l’école des Chartes. Fayer ( M5) O x, évèque d'Orléans. Gursourr %, Professeur d'histoire naturelle à l'École spéciale de Pharmacie de Paris, membre de l’Académie royale de médecine , etc., rze Feydeau. ROCHEFOUCAULD-LrancourT (le marquis de la), Député du Cher, Président de la Société de la Morale chrétienne, à Paris, re St-Lazare, 56. GLEIZES ( Vénuste ) 4 » Commissaire de la marine, Chef du service des Chiourmes ; à Brest ( Finistère. ) Bussy %#, Professeur de chimie et Directeur de l'Ecole de Pharmacie de Paris, à l'Ecole, rve de l'Arbalète. Du Pasquier, Professeur de chimie à l'Ecole Lamartinière , à Lyon ( Rhône.) La Burte (Auguste), avocat, à Honfleur ( Calvados.) De Caisne, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle de Paris, Membre de l’Institut, ax Muséum. Gasparix (le comte de) C tt, Pair de France, membre de l'Institut, rue de Lille, 9. Henri (Ossian) #4, Profess. agrégé à l'Ecole spéciale de phar- macie de Paris, memb. de l'Acad. royale de médecine, etc. 1843. MEMBRES Mazcer O #, Ingénieur divisionnaire des Punts-et-Chaussées, à Paris, 46, rue Lafitte. AmioT, Licencié ès-sciences, Professeur de Mathématiques, à Paris, rue de Sorbonne, 3. Busser ( François-Charles) #, géomètre en chef du cadastre, à Dijon (Côte-d'Or ). Mancez (Georges), Conservateur de la bibliothèque de Caen. DE FRÉviLLE , Archiviste paléographe , à Paris, 15, rve de Vendôme, au maraïs. Caarma ( Antoine), Professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Caen. ALAUZET (Isidore), avocat, sous-chef du cabinet du Ministre de la Justice, à Paris. MarcHAnD (Eugène), Pharmacien à l'hôpital civil, à Fécamp. Ducxesne-Duparc, D.-M.,à Paris, rve de Louvors, 10. Gors (Laurent), Inspecteur de l’Académie de Rennes. . FAURÉ, Pharmacien, à Bordeaux. DecamARE, D.-M., à Paris, 14, rve S'arnt-Florentin. GauLTrer O %, Conseiller à la Cour de Cassation, à Paris, 5, rue Neuve-des-Mathurins. Person XX , Professeur à la Faculté des Sciences de Besançon (Doubs). Macnier , Professeur de Littérature ancienne, à la Faculté des Lettres de Poitiers (Vienne). Rotsix ( le baron Ferdinand de ), Docteur en droit et en philosophie, correspondant du ministère de l'instruction publique de France et de plusieurs sociétés savantes, à Lille (Nord), rue Françoise, 38. Reiser (Jules), Chimiste, à Paris, re de la Bienfaïsance, 3. FormeviLe (de), Conseiller à la Cour Royale de Caen. Bonn, Directeur de la Sociéte des antiquaires de Norman- die, à Caen. CORRESPONDANTS. 417 GARNIER, Conservateur de la bibliothèque de la ville d'A— miens. Harpours-Micueziw, Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, Membre de la Société géologique de France et de plusieurs Académies, à Paris. BourniN, Docteur-Médecin de la Faculté de Paris , à Choi- sy-le-Roi, place de la Madelaine , près Paris. CarPenTIER-MÉRICOURT , Docteur-Médecin à Paris, rze des Orties-S'aint-Honoré, 7. Travers (Julien), Professeur de littérature latine à la Fa- culté de Caen. ForGer , D.-M., à Strasbourg. Bernomme, D.-M., à Paris, rze de Charonne, 161. ARONDEAU, Directeur des travaux relatifs à la statistique cri- minelle et correctionnelle au Ministère de la Justice. BLANCHEMAIN ( Jean-Baptiste-Prosper), avocat à Paris, 7, rue de L'Est. ViGuier, Inspecteur-Général des études, à Paris” FLouRENSs , Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, Memb. de l’Acad.-Française , au Jardin des Plantes, à Paris. LepAGE, Pharmacien , Professeur de Physique et de Chimie au Collége de Gisors (Eure ). HergerGer, Chimiste, Rédact. en chef du Journal allemand de Chimie et de Pharmacie , à Xaiserslantern ( Bavière ). BorceAu DE CAsTELNAU, Médecin en chef de la Maison cen- trale de Nimes ( Gard ). BicourpAN, prof. de mathématiques spéciales, à Paris. Gurarp , Professeur au Collége Charlemagne , à Paris. 418 MEMBRES CORRESPONDANTS. CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM, 1803. Demorx, Directeur de la Chambre des finances, et correspon- dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche). GErFroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow (Ecosse ). 1803. EnGeLsrorr, Docteur en philosophie, Conseiller de confé- rence, Commandeur de l’ordre de Dombrog, etc., à Copen- hague (Danemarck). 1809. Lamoureux (Justin), à Bruxelles ( Belgique ). 1812. Vocez, Professeur de chimie à l’Académie de Munich (Bavière). 1816. Campsecz, Professeur de poésie à l'Institution royale de Londres ( Angleterre). 1817. KiRCKHOFF vAN DER VARENT (le vicomte Joseph-Romain-Louis de KERCKHOVE , dit de) ,ancien Médecin en chef des hôpitaux militaires, etc., membre de la plupart des Sociélés savantes de l’Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique ). 1818. Dawson TurNER, Botaniste, à Londres ( Angleterre ). 1823. CHAUMETTE DES Fossés, Consul général de France, à Lima (Amérique méridionale ). 1827. De Luc (Jean- André), membre de la Société de Physique et d'histoire naturelle de Genève (Suisse), etc. 1828. Bruner X, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre de la Société royale de Londres, à Londres ( Angleterre ). 1830, RaArx (le chevalier Carl-Christian), Professeur, secrétaire de la Société royale d'Écritures antiques du Nord, et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Copenhague(Danemarck), rue du Prince-Boyal, bo. SrassarT (le baron Goswin-Joseph-Augustin de), Président du Sénat belge, Gouverneur de la province de Namur, à Courioule, près Namur ( Belgique ). 1830. Casio (Antonio Feliciano de), Bacharel Formado en droit, membre de l'Académie des Sciences de Lisbonne, etc. a Lisbonne ( Portugal), ca/cada do Dugue, 58. 1835. 1836. 1839. 1842. 1844. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. 419 Fruipris (Pierre de), Médecin à Naples. KERKHOVE D'EXAERDE (le comte François de ), chevalier de l’ordre de Malte, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Exacrde, près de Gand ( Belgique ). REIFENBERG (le baron de), À Louvain. — A Paris, chez M. Michaud , rue de Richelieu, 6. Ws1D (James), Géographe, à Londres. De SanrTAREM (le vicomte), anc. Minist. de Portugal, memb. de l’Inst. de France et de plusieurs Académies fran. et étrang., à Paris, rve Blanche, Lo. + Narpo (Jean-Dominique), Médecin de l'Institut central des Enfants trouvés de Venise, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Venise. Morren , Docteur ès-sciences et en Médecine, Professeur de Botanique à l'Université de Liége. ZanrenescHi, Professeur de physique , etc., à Venise. GuasraLLa ( Auguste), D -M., Membre de plusieurs Sociétés savantes de France, d'Italie et d'Allemagne, à Trieste. Pasquier (Victor), Pharmacien de première classe, à Liége. De Le BrparrT DE THUMAIDE, Procureur du Roi, à Liége. Van Hasserr, Secrétaire de l'Académie d'Anvers Bocarrrs (Félix), à Anvers. Harrewerz, à Cambridge 1846. Tama, D.-M, à Bruxelles ( Belgique.) SOCIÈTES CORRESPONDANTES, Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où elles sont établies. Abbeville. Société royale d'Émulation (Somme ). Aix. Société académique ( Bouches-du-Rhône ). Amiens. Académie des Sciences (Somme ). — Société des Antiquaires de Picardie. 420 SOCIÉTÉS Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire). —— Société d'Agriculture. Angoulême, Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département de la Charente. Beauvars. Athénée du Beauvaisis. Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Doubs). — Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. Bordeaux. Acad. royale des Scienc., Belles-Lettres et Arts (Gironde). — Société royale de médecine. Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , du Commerce et des Arts. (Pas-de-Calais) Bourg. Société d'Emulation et d'Agriculture du départemt de l'Ain Caen. Acad. royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados). — Association Normande. — Société royale d'Agriculture et de Commerce. —— Société des Antiquaires de la Normandie. — Société Linnéenne. — Société Philharmonique. — Société vétérinaire du Calvados et de la Manche. Calais. Société d'Agriculture, de Commerce, des Sciences et des Arts (Pas-de-Calais). Cambrar. Société d'Emulation (Nord). Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne. Chälons-sur-S aône. Société d'Histoire et d'Archéologie (Saône et Loire. Chäteauroux. Société d'Agriculture du département de l'Indre. Cherbourg. Société d'Agriculture , Sciences et Arts (Manche ). Clermont-Ferrand. Académie des Sciences, Belles-Lettres ct Arts ( Puy-de-Dôme). Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or). —— Société de Médecine. + CORRESPONDANTES. 421 Douaï. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. Draguignan. Société d’Agricult. et de Commerce du départ. du Var. Ævreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. Falaise. Société d'agriculture ( Calvados). Havre. Société havraise d'Études diverses. Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. — Commission historique du département du Nord. Limoges. Société royale d'Agriculture , des Sciences et des Arts (Haute-Vienne). Lons-le-S aulnier. Société d'Émulation du Jura. Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhâne). — Société royale d'Agriculture , Histoire naturelle et Arts utiles. — Société de Médecine. Mäcon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire). Mans (Le). Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts (Sarthe). Marseille. Acad. royale des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du- Rhône) Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne. Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d'Agricul- ture ( Moselle ). Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du département de Tarn-et-Garonne. Morlaix. Société vétérinaire du département du Finistère. Moulins. Société d'Émulation du département de l'Allier. Mulhausen. Société industrielle (Haut-Rhin). Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ). — Société centrale d'Agriculture, Nantes, Société royale académique des Sciences et des Arts du département de la Loire-Inférieure 492 SOCIÉTÉS Nimes. Académie royale du Gard. Niort. Athénée:; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- tement des Deux-Sèvres. Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). Paris, Athénée royal, rze de Valois, 2. —- Athénée des Arts, à /’Hôtel-de-Ville. — InsrrTuT DE FRANCE, au Palais des Quatre-Nations. —— Académie royale des Sciences. — Académie française — — historique de France, rue S'aint-Guillaume, Q. — Société Anatomique. — Société centrale des Amis des arts et _ lettres, r. S'arnfonge, 19. — Société d'Economie domestique et indust., r. Taranne, 12, — Société de Géographie, rue de l’Université, 23. — Société de la Morale chrétienne, rue Taramne, 12. — Société de l'Histoire de France. (M. Jules Desnoyers, secré- taire, à la Bibliothèque du Jardin du Roi.) — Société d'Encouragement pour le commerce national , 7ze S'aint-Marc, 6. — Société d'Encouragement pour lIndustrie nationale, 74e du Bac, #2. — Société de Pharmacie, rze de l’Arbalète, 13. _— Société des Méthodes d'Enseignement, rve Taranne, 12. _— Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles et industriels de France , à /’Hôtel-de-Viülle. — Société géologique de France, ze du Vieux-Colombier, 26. _— Société internationale des Naufrages, r. Neuve-des-Matbu- TES, 17 — Société libre des Beaux-Arts, à l'Hôtel-de-Ville. — Société Linnéenne, rze de Verneuil, n° 51, faubourg Saint- Germain. — Société médicale d'Emulation, à /4 Facullé de Médecine. —— Société Philomatique, rve d'Anjou-Daupline , 6. — Société Philotechnique, rze de la Paix, 11. — Société Phrénologique , rze Jacob, 54. SOCIÉTÉS ÉTRANGÉRES. 123 x — Société royale et centrale d'Agriculture, à /'Hotel-de-Ville. — Société royale d'Horticulture, rue T'aranne, 12. Perpignan. Société royale d'Agriculture, Arts et Commerce des Pyrénées-Orientales. Poitiers. Société académique d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts ( Vienne ). — Société des Antiquaires de l'Ouest. Puy (Le).Société d’Agr., Sciences , Arts et Commerce (Haute-Loire) Beims. Académie (Marne). Æouen. Société cent. d'Agriculture du dép. de la Seine-Inférieure. — Société d'Horticulture. — Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, Lettres et Arts. —— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de l'Industrie. —— Société de Médecine. —— Société des Pharmaciens. Saint-Étienne. Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire) — Société industrielle . Saint-Quentin. Société des Sciences , Arts, Belles-Lettres et Agriculture ( Aisne ). — Société Industrielle et Commerciale. S'rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- ment du Bas-Rhin. Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). — Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres. Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube. Valence. Société de Statistique, des Arts utiles et des Sciences naturelles du département de la Drôme. 42% SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- ment de Seine-et-Oise. — Société des Sciences morales, Lettres et Arts. SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES. Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. Copenhague. Société royale d’Ecritures antiques du Nord. Liége. Société libre d’Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts. Londres. Société des Antiquaires de Londres. Munich. Académie royale des Sciences, etc. de Bavière. Nota. Vingt-un exemplaires du Précis seront en outre distri- bués, ainsi qu’il suit : A M. Deracue, Libraire à Paris, et aux DEUX PRINCIPAUX Journaux qui se publient à Rouen. ( Déc. du 18 nov. 1831, R. des L., p. 2.;et déc. du 23 déc. 1836. R. desD. p.177.) — A la Revue pe Rouex et à M. H. Canxor, Directeur de la Revue en- cyclopédique, à Paris. (Déc. du ro fév. 1832. R. des L., p. 28.) — Aux Braztoruèques de la Préfecture et des Villes de Rouen Elbeuf, Dieppe, le Havre, Bolbec, Neufchâtel, Gournay et Yvetot, { Déc. du 15 nov. 1832. Reg. des Délib., p. 153; et Déc. du 5 déc. 1834. R. des L., p. 226.) — A M. Eugène Arnourr, proprié- taire-rédacteur Cu jourral intitulé l’Institut , rue de Las-Cases , 18, à Paris. — À la PrerioTnèque de Dijon. (Déc. des 5 et 12 déc. 1834. R. des L., p. 226.)—A la Bisnioruëque du Muséum d’histoire natu- relle de Paris (M. J. Besnoyers, bibliothécaire). A la BIBL10TNÈQUE de Pont-Audemer, Eure, (M. Canel, bibliothécaire.) (Déc. du 18 décembre 1835. R. des Délib. p. 173.) — A M. Tamser, sous-chef au ministère des finances ( par continuation de la collection de feu M. Goïs fils, son beau-père), pavillon de l'Ouest, à l'Institut, à Paris. (Déc. du 26 janvier 1858). — A M. le ministre de PInstruction publique. (R. des lettres, 22 Fév. 183q, p. 20q),—et à la Biblio- thèque du Collége royal de Reuen. NoTA. Le Programme des Prix doit être envoyé, chaque année, aux principaux journaux de Paris et des départements, notamment à la Gazette spéciale de l’Instruction publique, ruedes Mathurins- Saint-Jacques , à Paris. TABLE DES OUVRAGES Reçus pendant l’année académique 1846-1847, et classés par ordre alphabétique , soit du nom de l’auteur > ou du litre des ouvrages anonymes , soit du nom de la ville où sont publiés les ouvrages périodiques , et ceux des Sociétés savantes. Dressée conformément à l'art, 13 du règlement. Aix. Académie. Bulletin des travaux. 2° sem. 18/6. Amiens. Suc. des Antiquaires de Picardie. Bulletin 1846 , n®2,et 3. — 1847.n° 1. — Tome 2, 1844-45-46. — Mémoires , tome 8. — 1846. Amiot. Mémoire sur les points singuliers des surfaces. Association Normande, V. Caen. Avenel ( A.). Le Collége des Médecins de Rouen ou Docu- ments pour servir à l'histoire des institutions médicales en Normandie | 1847. Aymar-Bression. Notice biographique sur M. Le baron Lezu- rier de la Martel. Ballin (A.-G). Inauguration du buste de Vittoria Coroxna dans le palais du Capitole à Rome. — Note sur les mono- hthes de Russie. (Extrait du Précis de 1846). — Tableuu décennal des opérations du Mont-de-Piété de Rouen , 1837 à 1846. Barthélemy et Golefroy, Eglise de Notre-Dame de Bonse- cours près Rouen, 1847. Barthélemy-Lapommeraye. Carabe d'agassis (offert par M. Michelin ). 426 TABLE Beauvais. Athénee du Beauvaisis. Bulletin 1 et 2° sem., 1846. — re sem. 1847. Belhomme. Observation d’ectugénie assymctrique, 1847. Bénard ( Ch.) Schelling. Ecrits philosophiques et morceaux propres à donner une idée générale de son système, 1847. Besancon. Société d'Agriculture du Doubs. Mémoires, 1845. Béziers (Hérault). Société archéologique. Séance publique du 13 mai 18/7. Bichat. PV. Larrey. Boileau de Castelnau. Economie médicale, 1844. — Du système pénitentiaire. — Plan d'un systéme rationnel de prévention du crime et d'amendement du coupable, 1845. — Procès-verbal des séances tenues à Nimes , par les me- decins du Gard, à l'effet d’adhérer au Congrès médical ouvert à Paris, le 1°* novembre 1845. — De l’emplui de l'appareil de Scoit dans le traitement des tumeurs blanches, 18/6. Bonafous. V. Matthieu. Bonnin, Regestrum wvisitationum archiepiscopt Rothoma- gensis. Bonsecours. V. Barthelemy. Bordeaux. Académie royale. Actes , 8° année, 1° el 5° tri- mestres , 1846. Boucher de Perthes. Du patronage ou de l'influence par la charité, 1846. Boullay et O. Henry. Nouvelles observations sur l'état du soufre dans les eaux sulfureuses des Pyrénées. Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , de Commerce, elc. Séances publiques des 17 janvier et 29 octobre 1846. Bourg. Société d'Emulation de l'Ain. — Journal d'Agricul- ture,n®%8,g,t1et12,1846. — N° 1,2, 5et6, 1847. Boutigny ( P.-H.) ( d'Evreux). Nouvelle branche de physique ou Etudes sur les corps à l’état spheroïdal , 1847. Brossard-Vidal (l'abbé). Notice sur l’ébullioscope alcoome- DES PUBLICATIONS. Cr trique ou alcoomètre-V'idal, 1846. — Quelques observations sur la fraude des vins, 1846. Caen. Association normande. Annuaire , 3847. Caen. Société des Antiquaires de Normandie. Mémoires, 2 série, 4° vol., ae et 3° liv., 1845, — Registres-mémo- riaux de la Chambre des Comptes de Normandie , feuilles 8 à 16. Caen. Sociéle française pour la conservation des monuments historiques. ( À Metz et à Trèves). — Coup d'œil sur le Congrès archéologique. Caen, Societe royale d'Agriculture. Extrait des séances, 1846. Caen. Socielé vétérinaire du Calvados et de lu Manche. Procès-verbal de la séance du 26 août 18/6. Calais. Société d'Agriculture. — Almanach de la ville et du canton ; pour 1847. Cambray. Société d'Ermnulation. Mémoires , tom. ru" partie, Séance publique du 18 avril 1843—1844. Catalogue des livres d'histoire naturelle , etc., de feu M. Fré- déric Cuvier , 1846. Cellier-Dufayel (N.-H.). L'improvisateur, Journal des ma- tinées littéraires, 3° année, 1846, n° 12. — 4° année, TN DS LE RC (RE DR T Chambre de Commerce. W. Rouen. Charma (A.). Essai sur le langage. Chassan. Discours de rentrée à la Cour royale, le 3 novembre 1846 Châteauroux. Societe d'Agriculture de l'Indre. Ephémérides , 1e partie de 1846 Cherbourg. Societe d'Hortieulture. Bulletin, 1846. Cherbourg. Societé royale académique. Mémoires , 1847. Chérot. Lettre manuscrite à M. Girardin. Clermont-Ferrand, Ænnales de l Auvergne. Mai, juin, septembre , octobre, novembre et déctmbre 184,6. Janvier el février , mars et avril 1847. 428 TABLE Cochet (l'abbé). Notice historique et descriptive sur l'eglise de Moulineaux, 1845. — Culture de la vigne en Norman- die, 1844. — Sépultures anciennes trouvées à Saint- Pierre- d’Epinay , 1847. Comte (Achille). Atlas méthodique des cañiers d'Histoire naturelle , ou Introduction à toutes les zoologies , 1838. Congrès scientifiques de France, 15° Session , 1847. Corréard (Alex.). Journal du génie civil, des Sciences et des Arts, etc., div. 4o, 42, 43, 44, 45°. Dégenétais (V°). Sur l’organisation de l'Agriculture, de la Navigation , de l'Industrie, du Commerce et des Travaux publics. — Examen des questions connexes sur le port, les fortifications et la rade du Havre , ainsi que sur les travaux à exécuter dans la Seine maritime , 1846. De Lamare. Du traitement curatif de la phtlusie pulmonaire , par le mucilage animal à haute dose, etc., 1847. Dijon. Académie des Sciences. Mémoires, 1845 —1846. Séance publique du 31 juillet 1841. Id. du 21 août 1843. Dijon. Société médicale. Journal de médecine, chirurgie , pharmacie et médecine vétérinaire de la Côte-d'Or , 1846, n#7àät2, 1847, no° 1 et 2. Douai. Société royale et centrale d'Agriculture. Mémoires , 1845—18/46. Du Breuil fils. Instructions pour le peuple , 4° li. Syloicul- ture, arboricullure. 21 div. Jardin fruitier , jardin potager. Duchesne-Duparc. Examen complet des doctrines médicales qui ont dominé jusqu'ici l'étude des maladies de la peau , 1846. — De la cautérisation dans le traitement externe des maladies de la peau , 1845. Dusevel (H.) Monuments historiques. Rapport à M. le Préfet de la Somme , 1846. Eglise de N.-D. de Bonsecours. V. Barthélemy. Evreux. Soc. libre d'Agriculture , Scienres, Arts et Belles- Lettres de l'Eure. Statistique du département de l'Eure. DES PUBLICATIONS. 429 Botanique , 1846. — Recueil des travaux. — T, 4 , 1843. — Jullet, 1846. Falaise. Suc. Acad, Agric., Industrielle , etc. Bulletin » 1846, 2°, 3° et L° trimestres. 3847, 1° frimentre. Fallue. 7, Richard. Fayet (P.) Essai sur la Statistique intellectueile et morale de la France. — N°1. Départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. — No 17. Départements de l'Allier, du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Haute- Loire. ( Tubleaux.) — Essai sur l'accroissement de la po- pulation et sur les progrès de la criminalité en France : 1845. Flourens (P.) Fontenelle , ou de la Philosophie moderne , relativement aux Sciences physiques. Paris, 1847. Fodéré, V. Matthieu. Forget (C.) Clinique médicale de la Faculté de Strasbourg. Du 1° juillet 1842 au 1% juulet 1844. — Des écueils de l'observation , 1846. — De la stabilité des principes the- rapeuliques. Fréville (De). Rouen et son commerce maritime. ( Extrait de la Bibliothèque de l'Ecole de Chartres.) Gautier de Rumilly. Rapport au Congrès agricole des sept départements du Nord , 1846. Girardin (J.) Des fumiers considérés comme engrais. 5° édit., 1847. — Analyse de plusieurs produits d'art d'une haute antiquité, 1846. — Notices sur diverses questions de chimie industrielle , médicale et agricole , 1847. — Chimie générale. Sol, amendements, engrais. ( Inst pour le peuple , 6°, 7°, 29°, 37 et 38° ivr..) Godefroy. 7. Barthélemy. Godron. F* Soyer-Willemet. Guttinguer {Ulric). Les Deux- Ages du Poëte, 2° et complète edit. , 1845. :30 TABLE Hardouin-Michelin. Iconographie zoophytologique. 18° à 23° dio., 1845. F. Barthélemy. Havre. Société havraise d'études diverses. Résume analytique, 11° 6/12 année. Henry ( O.) V. Boullay. Herberger (J.-E.) Jahrbuch für praktische pharmacie und verwandte fâcher. (52 cahiers, livres & à 13 , 1841 à 185.) Institut de France. W. Puris. — Historique , id. Instructions pour le peuple. 100 Traités. V. Girardin et Du Breuil. , Jobard (5.-B.-A-M.) Bulletins du Musée de l'industrie, 1842, à Ho. , 1845, 4 or. Journal des Savants , PV. Paris. Laroque (l'abbé). Compte-rendu de la retraite donnée au bagne de Brest , 1847. Larrey (B®). Richat. Lecoq (H.) F. Clermont-Ferrand. Le Flaguais (Alph.) Aux Antiquaires , après le manifeste de T Académie des Beaux- Arts , au sujet du style ogival. Le Jolis (Auguste). Observations sur quelques plantes rare: découvertes aux environs de Cherbourg , 1847. Lepage ( Ph.) Mémoires et observations de chimie, 1846.— Recherches sur les moyens de distinguer les alcalis végétaux par le chlore et par le sulfocyanure de potassium, 1840. Le Sauvage. Mémoire sur les tumeurs'albumino-gélatineuses, 1845. Lézurier de la Martel. . Aymar-Bression. Lille, Société royale des Sciences. Mémoires , 1844 et 1845. Limoges. Societé royale d’Agriculture. Bulletin, 1.24, no 2. Lons-le-Saulnier. Société d'Emulution du Jura. Travaux, 1844 et 1845. Lyon. Académæ royale, Mémoires, t. 2, 1"° lio , 1846. Lyon. Socièté royale d’Agricult. Annales des Sciences, etc. T.8, 1845. DES PUBLICATIONS. h31 Mans (le). Société d'agriculture de la Sarthe. Bulletin 1e Ê 2° trim. 1847. Matthieu Bonafous. Discours prononcé à l'inauguration de la statue de Francois-Emmanuel Fopëré , 1846. Maurin. Rapport sur le concours ouvert par l’Académie royale du Gard sur cette question : De l'influence que l'applica- tion des circonstances aiténuantes au grand criminel a exercée sur la bonne administration de la justice. Metz. Académie royale. Mémoires , 27° année, 1845-1846. Metz. Societé d'Histoire naturelle de la Moselle. — Bulletin , 4* Cahier, 1846. Michelin. /”..Hardouin. Montémont (Albert), De l’Orégon et de la Culifornie , 1846. — Quelques mots prononcés sur la tombe de M. Bertrand du Ban-de-Sapt , près Saint-Dié ( Vosges.) Moreau de Jonnès Éléments de statistique, 1847. Moulins. Société d'Emulation de l'Allier. —Journul » 3° série, t. 6, n°6, décembre 1846. Nantes. Sociélé royale académique. Annales. 12 Cahiers, 1845 et 1846. Nimes. Académie royale du Gard. Compte-rendu le 30 août , 1845. — Mémoires, 1845-1846. Normandie {un coin de la ). Paris. Athénée des Arts. — Procès-verbaux des 120,, 121*, 122eet 123° séances publiques , et compte-rendu des travaux de la session de 1845-1846. Paris. Institut historique.— L’Investigateur , 1482 à 155° Hv. Paris. Institut royal de France. Prix de vertu , 1846. Paris. Journal des Savants , août 1846 à juillet 1843. Paris. Société de gens de Lettres et de musiciens. — Le Tournoi, Journal des concours, scientifique , littéraire et musical. Janvier, mars 1847. Paris. Societe de Géographie. Bulletin , 1846.=T, 5,n% 28, 29 , 30.— T,6 , not 31 à 41. 432 TABLE Paris. Societé de la morale chrétienne. Journal. — T.6, n“1,2,3e5.—T.7,n“1,2,3e5. —T.8,n1. — 26e Séance générale annuelle du 26 avril 1847. Paris. Societé de l'Histoire de France. — Bulletin, n° 11, — 12,1846.— N° 1, 3-6, 1847. Paris, Societé française de Statistique universelle. — Journal des travaux . 1846—1847 , n°° 1 à 12. Paris. Société libre des Beaux-Arts. Annales, t. 12, 13 et 14, 1842 à 1844, et cahier complémentaire , 1845. Paris. Société philomatique. Extraits des procès-verbaux des séances , 1846. Paris. Snciélé philotechnique. Annuaire.—Séances de l'année 1846. — T, 8, 1847. Paris. Société royale d'Horticulture. Voyage à Pæstum. Paris. Société royale et centrale d'Agriculture. Bulletin , t. 5, no 5, 1845. — Mémoires , 1844. Pasquier (V*). De la préparation et de la vente des médicu- ments destinés aux animaux domestiques. Payen. Enquête sur la maladie des pommes de terre en France, 1847. Pesche (J.-R.) De la culture du pommier à cidre dans le département du Doubs , 1846.— De la sainteté du serment, 1846. Picard ( l'abbé.) Chants sacrés à l'usage de la métropole de Rouen , pour le mois de Marie, 1847. Philippar. Note sur les pommes de terre. Poitiers. Société des Antiquaires de l'Ouest. Bulletin, 2e et 3etrimestres , 1846. Mémoires , 1845. Pommes de terre. V. Payen et Vilmorin. Pontaumont ( de) Raoul de Rayneval , ou la Normandie au 16° siècle, 1836. Prix de vertu , 1846. Puy (le). Société d'Agriculture. Sciences, etc. — Bulletin. — T.4, 2tet3 io. — T. 5, are Jo, — Bulletin du 5 mars 184 7e DES PUBLICATIONS. #35 Reims. Académie. Séances et travaux. 3° vol. , Mai 1845. Janvier 1846, — 4e vol. , février à mai 1847. Reiset (J.) Annuaire de chimie, 1847. Rey (Ch.) Œuvres dramatiques, 1847. Richard. Réponse à l'Essai sur 1 ‘époque de construction des diverses enceintes militaires de Rouen de M. L. Fallue. Rigollot. Mémoires sur de nouvelles découvertes de monnaies picardes , et sur une petite statue de Midas , 1846. Ripault (H.) Tableau indicatif des maladies qui peuvent motiver l’ablation en totalité de l'os maxillaire supérieur, ec. Paris , 1847. Roché (J.-P.) Histoire topographique, medicale et statistique de la ville de Breteuil et de ses environs. Rouen. Chambre de commerce. Statistique du commerce ma- rüime du port de Rouen, pendant l'année 1845 , et com- paraison avec l’année 1844, 1847. Rouen. Société centrale d'Agriculture de la Seine-Inférieure. — Extraits des travaux, n° 96 à 104. — Janvier 1845 à Avril 1846. Rouen. Soc. centrale d'Horticulture. Bulletin , t. 3, 1847. Rouen, Soc. libre d’Emulation. Bulletin, 1846. Rouen. Soc. libre du Commerce et de l'Industrie de Rouen. — Mémoires sur l'impôt du sel employé dans l'industrie. Roux-Ferrand (H.) Histoire des progrès de lu civilisation en Europe depuis l'ère chrétienne jusqu'au 19° siècle. Saint-Etienne. Soc. industrielle et agricole. Bulletin , 3° serie. —T.1®, 2°,3°, 5°, Ge er qe Lo. 1845. Saint-Quentin. Soc royale acad. — Annales scientifiques , agricoles et industr. du département de l'Aisne , 2° série. — 5°. 2842: Sens. Soc. urchéologique de Sens. Bulletin , 18406. Soyer-Willemet et Godron. Revue des trèfles de la section chronosemium ; 847. 28 434 TABLE Toulon. Soc. des Sciences , etc. , du Var. Bulletin, n° 1 à4 1847. Toulouse. Acad. des Jeux floraux. — Recueil, 1846, — Id., 1847. Toulouse. Acad. royale des Sciences, etc. — Mémorres, t.3, 1847. 1 à 6, ro. Tours. Soc. d'Agr. d’Indre-et-Loire. — Annales, t. 26. Juillet à décembre 1846. Tournoi (le). W. Paris. — Soc. de gens de Lettres , etc. Troyes. Soc. d’Agr. de l'Aube. — Mémoires , n°° 98, 99 et 100. 2°, 3° et 4° ér. de 1846. —T. ver, 2° série, n° 1 et 2, 1, et 2etrimestre 1847. Valenciennes. Soc. d'Agriculture. — Mémoires. — Topogra- phie historique et medicale de Valenciennes. — T.6, 1846. Vattemare (Alex.) Ouvrages offcrts par lui à l’Académie de Rouen , au nom des États de l'Union. — Rapports du Comité spécial sur les chemins et autres communications intérieures. Quebec, 1829. — Rapport du Comité choisi, sur le Gouver- nement civil du Canadu. Québec, 1829. — Report of the special committee to the organization of the militia. Québec, 1829. — Rapport du Comité spécial sur les honoraires alloués aux protonotaires et greffiers de la justice de paix pour le district de Quebec, 1830. — An act to organize and regulate the militia of the state of Indiana. Indiano- polis, 1831. — Maria Monk and the nunnery of the Hôtel- Dieu to the convents of Montreal, 1836. — Mémoires sur le Canada, depuis 1749 jusqu'à 1760. (Québec, 1538. — Laws relating to common schools. Albany , 1843. — Instructions from the regents of the University. Albany , 1845. — Third Bulletin of the proceedings vf the national institute promotion of science. Washington, 1845. — Annual reports of 1o/l: trade and tonnage of the New-York DES PUBLICATIONS. 435 canal, 1845. — Opinions on various subjects , dedicated to the indoustrious producrcers, by William Maclare. — European agriculture and rural economy from personal observation by Henry Colman. T. 1 ett.2, part y1. Boston, 1846.— Third annual report of the managers of the lunatic asylum. Albany , 1846. Versailles, Soc. des Sciences morales, etc. Mémoires , 1847. — Procès-verbal de la séunce du 9 avril 1847. Viguier. Anecdotes littéraires sur Pierre CORNEILLE. Vilmorin. Rapport sur les moyens de suppléer au déficit des produits de la pomme de terre. TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. OS Æ Discours d'ouverture de la Séance publique du 9 août 4847, par A1. l'abbé Picard, président, sur l’'Ami- tié, CLASSE DES SCIENCES. . page À Rapport fait par M. Girardin, Secrétaire perpétuel de la classe des Sciences. ANALYSE DU RAPPORT DE M. GIRARDIN. $ 1er SciENCES MATHÉMATIQUES. Mémoire de M. Amiot sur les surfaces du deuxième degré , $ 11. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Mémoire de M. Boutan sur l'électricité atmosphé- rique , Observations météorologiques de M. Preisser, eh nn. ; Communication de ser, M. Preis- E Pen de MM. FT et Henri, Din ne ner l'état du soufre dans les eaux Sulfut euses, Analyse des eaux TUNER de Forges, par A. Henry , si Analyse de la Gratole, Dur W. Marchand , 12 15 TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. Empoisonnement par la céruse. pi du persul- [ure de fer hydraté ,. ; Recherches toæicologiques de M. Mon : Faits nouveaux en toæicologie observés par MM. Gi. rardin et Morin, ee LEA Analyse d'objets antiques , par M. Girardin , Communication de M. Preisser sur le fulmi-coton, Consommation de la houille, VERT Appareils nouveaux de M. Pimont, pour économiser le combustible, : Recherches de la houille dans le nantes Houillère de Littry, dans Le Calvados , Nouveaux gîtes metalliferes en France, . : Tremblement de terre dans la Seine-Inférieure, Û lil. AGRICULTURE. Notice de M. Philippar sur la pomme de terre , Ouvrages agricoles de MM. Du Breuil et Girardin, { 1V. PHYSIOLOGIE ANIMALE. Inhalation étherée , c : Nouvelle maladie cutanee, par M. Forget, $ vV. STATISTIQUE. 1dministration de la justice civile et commerciale en France , à - fésumé 1e opérations + Mont - de Pièté de Ebene el Stalistique du canton du Grand-Couronne, par M. Ballin, Ouvrages de Statistique de M Fayet, Bapports et publications des membres der. demie, ÿ vi. NÉCROLOGIE. Mort de MM. Letellier, lirey, Dutrochet et Cotte- reau , Note te 1 r 1e Admis. 437 28, 59 4 40 . 45, 55 45, 56 LI se 438 TABLE MÉTHODIQUE. Complément du rapport du Secrétaire de la classe des Sciences, : Concours pour le ie 7 1847, MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. Notice nécrologique sur M. Letellier, par M. Lévy, . Note sur les télégraphes électriques, par M. F. Preisser, RO :, POUR SNE DE EAN. Recherches sur l'électricité HDoRRRerIuE , par M. Boutan, Pièces sur le tremblement d tes mi Aavre et de ra camp , , Expériences PES er Due un, cessions de l’hématose pulmonaire est la cause de l’insensibilité qui suit les inspirations d’éther en vapeur, par MM. Preisser, Pillore et Mélays, Observations météorologiques faits a Aouen, pendant l’année 1846, et pendant l'hiver et le printemps de l’année 1847, par M. Preisser, CLASSE DES BELLES-LETTRES. Bapport fait par M. Richard, secrétaire perpétuel de la classe des Belles-Lettres et des A1rts,. ANALYSE DU RAPPORT DE M. RICHARD Suite de l’histoire du régime dotal, par M. Homberg, Tableau de l'administration monarchique en France, depuis Philippe-4uguste gi Louis XIV inclu- sivement, par M. Chéruel,. : Notice sur Vicolas Bretel, sieur de Chenhber. , par M. Cheruel, Quelques cérémonies noue qui tuent Pure fois en usage à la cathédrale de Rouen , par M. l'abbé Picard, ENTER MINT Notice sur l'abbaye de Belloiane par M. l'abbé Cochet, À Origine de la por PAU en EUTopE, pat M. Poltier, 46 64 67 69 81 102 112 129 129 130 132 154 133 DES MATIÈRES. Agrandissement de la bibliothèque de la cathédrale dans lesecondquart du XVII siècle ; première biblio- thèque publique de France, par M. Fallue, Réflexions sur l’histoire monétaire de notre province , par M. Deville, Sur la découverte de médailles romaines à | Caudebec- lès-Elbeuf , par M. Deville, PC UNE Examen d'un passage de Pline, par M. Deville, De l’ogive et du plein-ceintre, par M. l'abbé Cochet, Notice historique sur l’église Saint-Sauveur de Monti- villiers, par M. Barabé . : ; Dissertation sur le Philoctète de Sophocte, AE M. Guiard , : Solennité ir au aile en + TRE Fe ane Pie IX, le premier janvier 4847 , et notice sur M. le comte Marchetti , par M. Ballin, Le goùût des livres, par M. Dutuit, us Le Débiteur Moraliste et les Deux Proverbes, histo- riettes en vers, par M. Ballin, L'Oeil de Dieu, pièce de vers par M. Deschamps, Jeanne et Marie, pièce de vers, par M. Guiard, Rapports faits par plusieurs membres, Portrait de Pierre Corneille, retrouvé par M. Hellis Éloge de Fontenelle, par M. Flourens, Biographie de Fontenelle, par M. Charma, . Portrait de Fontenelle, NES Histoire du commerce maritime de Rouen, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la dt du XVT siecle, par M de Fréville, ART Demande de l'institution . d on de Facultés des Lettres et des Sciences, . D OSEO, D fe Nouveaux membres, : ; Programme des prix proposes pour 1848 et 1849 = MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. Mémoires touchant la création de facultés des Lettres et des Sciences à Rouen, par M. Deville, rappor- teur, 146 153 148 149 155 440 TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. Des portraits peints et be de Pierre Corneille , par M. Hellis, Jeanne et märié, pièce de vers, par M. Buts Considérations critiques sur le régime dotal, par M. Homberg, . : L'OEil de Dieu, causerie Datethelté dèhe soirée ed'oë- tobre , pièce de vers, par M. F. Deschamps, Nicolas Bretel, seigneur de Grémonville, ambassa- deur de France à Rome et à Venise, 1644-1648, par M. Chéruel, Examen d'un passage de Pline, rélanf a une bar de Varron, par M. A. Deville, Rapport fait à l’Académie, par M. Benard, sur ts Hivre de M. Flourens, intitulé : FONTENELLE, ou de la Philosophie moderne relativement aux Sciences physiques, Notice historique sur Pa ancienne abbaye F3 Bblisate, par M. l’abbe Cochet, Examen des Lettres sur l'Histoire Mhonélaire x la Normandie, de M. Lecointre-Dupont, par M. Deville. Notice sur M. le comte Marchetti de FA A par M. PBallin, ù Note sur une découverte xt Méalber romaines à Cau- debec-lès-Elbeuf, we De l'Administration el en D. par M. Chéruel, k Quelques cérémonies Dents FR en usage dans l’église cathédrale de Rouen, par M. l'abbé Picard, : Église Saint-Sauveur de Montivilliers. Détails histo- riques par M. Barabe. ‘ Tableau des membres de l Académie. Tableau des ouvrages recus pendant l'année DURE mique 1346-47. 284 300 QT ARR é . -22an2AAAeP \ Te ee ana re di Ar APP. + A à VE = ARAR AAA A AA she a AA “à a ARARTT me Aa AAAAA : x TS NA CA A: -AÂ:: af" A a PRAARRAR a gi Re RARARAARET AAA AA ARE À : A An Re A x à ARE INA) rt jarPri po Cf ARAEAAR ; pr esaa rare ANA pi 28 nant us A Aa ® AE ARR ARAR RRRRRE 22 RRAN anaaatt fa Ana Ê2 | RRRRARRAARR à RRARARE OSS RRAR / : AG fañnhr nan re RAR AA ne AAA ANR RAA A AR ARR TS Lu, AA À | je » LANLNTES AAA AS AAA Ê = RAA ARE x RON RAR RER CT ae ARPARTRA ”" ï ni TAB AEETER AANANNNNA AAAAAAAAA à PPCCLLCEUELESS fx QE a AI ÿ" 2E af AA AAA ARAAAANAS AAA A AAA A LA A e PEAR £ " MM SAP AAERDARZ A AAR à B ps ; - VAAAaña 5200 0 Rs AIT AXE AVAL ANR ER AARAAA NE t.! 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