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Article 59. — L'Académie déclare laisser à leurs auteurs toute la responsabilité des opinions et des propositions consignées dans les ouvrages Ins à ses séances où imprimés par son ordre. Cette disposition sera insérée , chaque année , dans le Précis de ses travaux. te © 6 © em— PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE Des Sciences, Belles-Lettres et Arts DE ROUEN. PENDANT L'ANNÉE 1851-1852. D Q-— DISCOURS D'OUVERTURE De La Séance publique du 6 Aoùt 1859, PRONONCÉ PAR M. N. LEROY, PRÉSIDENT. re LE PRÉMDENT DANS L'EMBARRAN ou MA CONFESSION. —— — Messieurs, je vais vous conter l'embarras Qui m'a troublé pendant toute l'année ; Je me disais , de journée en journée, « Composerai-je en vers purs, délicats, « Ou seulement en prose bien tournée, « Un bon discours ? » En l’un et l’autre cas, Six pages sont, en vers ainsi qu’en prose, Une assez rare et difficile chose , Oui, difficile , encor que de nos jours Nombre de gens aient plume en main toujours. 1 [Re] ACADÉMIE DE ROUEN. Pendant six mois , je suis resté perplexe Sur le seul choix de la prose ou des vers. La question n’est pourtant pas complexe , Mais sur le choix les avis sont divers. Monsieur Jourdain , le bourgeois prosaïque, Me conseillait la prose absolument ; Mais Francaleu , d’esprit tout différent , N'admettait, lui, qu’un discours poétique. Las de rester si longtemps indécis , En équilibre entre ces deux avis, J'ai conclu : « Fais de la prose rimée , « Nos bons auteurs s’en sont parfois permis ; « Mais tâche , au moins, de la rendre animée. » Ce procédé , tout de juste milieu , Echauffera d'une même colère Monsieur Jourdain et Monsieur Francaleu ; Je m'en rirai, si je sais la manière De bien penser , de bien dire et de plaire. A l'œuvre donc aussitôt je me mis, Sans consulter plus longtemps mes amis. Une saison est bien vite passée , Et cet hiver, qui peut compter pour trois , A déchiré ma poitrine oppressée. Je suis resté , sans écrire , trois mois. Au coin du feu combattant la froidure , Je végétais , sur mon fauteuil assis : DISCOURS D'OUVERTURE. Quand, par hasard , la folle du logis A mon oreille apportait son murmure , Et m'induisait du côté des neufs sœurs, Bientôt hélas ! la goutte impatiente, Le lumbago, la toux retentissante Semblaient crier : « Malade , à tes douleurs ! » Le mal cessait, mais avec la souffrance S’étaient enfuis pensers, plan , ordonnance. Vingt fois, la folle a tenté de semer, Sans que le grain ait jamais pu germer. J'en fus réduit à cette vie inerte Où l’œil tourné vers l’âtre du foyer, S’attache à voir la flamme chatoyer. Tout est spectacle et tout est découverte : On prend plaisir, c’est s'amuser de peu, A mille riens écrits en traits de feu Sur des tronçons , ou de charme ou de hêtre. Là, je découvre un pâtre et son troupeau ; Plus loin, se montre ou je crois reconnaître Un pont brisé , le pan d’un vieux château ; Puis, tout à coup, des figures nouvelles ; Sans art aucun , le tableau va changer : Le pont brisé, le troupeau, le berger Et le château volent en étincelles. Le voyageur qui , brûlé du soleil, Demande aux bois du repos, des ombrages, Jouit aussi d’un spectacle pareil, Lorsqu’au ciel bleu glissent de blancs nuages. Selon le goût, le caprice ou l'humeur, Chaque sujet revêt une enveloppe, Et, sur l’azur, vrai kaléidoscope , Se multiplie à l’œil du spectateur. De même encor le timbre d’une église, A qui pourtant nul ne fait la leçon , n ACADÉMIE DE ROUEN. Redit toujours ce qu’on veut qu'il redise, Informez-vous au curé de Meudon (1). Tel fut, Messieurs , tant que dura la bise, Mon passe temps dans l'arrière saison. Juin est venu : tout renaît, je respire, Et du printemps l'haleine tiède inspire. Nos champs flétris s’ornent de tapis verts; La fleur se penche , une autre fleur lattire , Et Philomèle a repris ses concerts Sous ma fenêtre , avec son gai refrain ; A ses concerts j'accorderai ma lyre. Je vais chanter, je sens le feu divin ; Mais c'était bien de chants et de musique , De poésie ou prose académique Qu'il s'agissait vraiment , au mois de juin ! (1) Rabelais, liv. 3 , chapitre XX VII. — Panurge se détermine à se marier, sur la parole de frère Jean , et sur le son des cloches de Varennes qu’il interprète à bon augure. Esroute , dist frère Jean, l’oracle des cloches de Varenes. Que disent-elles ? Je les entendz, répondit Panurge. Leur son est, par ma soif, plus fatidicque que des chauldrons de Juppiter en Dodone, Escoute, marie toy, marie toy : marie, marie. Si tu te maries , maries , maries , très bien l'en trouveras, veras, veras. Marie, marie. Je t'asseure que je me marieray : tous les élémens me y in- vitent, Ce mot te soyt comme une muraille de bronze. Rabelais avait là souvenir d'un conte charmant de Jean Raulin : La femme qui vient consulter son curé pour se marier avec son va- let et qu'il renvoie aux cloches. Le conte de Raulin est écriten latin. Raulin, né à Toul en 1443, était l’une des lumières de l'Université de Paris. DISCOURS D'OUVERTURE. 5 Des vagabonds , des voleurs, des faussaires, (1) Au bruit lointain des armes, des verroux, Quittaient , un jour, leurs prisons solitaires, Et de nos lois venaient subir les coups. À leurs côtés sont des incendiaires ; Plus loin , je vois les restes mutilés D'un pauvre enfant ; lâche et froid sacrifice, Que d'enfants morts sur les autels du vice, Et par la main de leur mère immolés ! Quand on assiste à de semblables drames, L'esprit chagrin en retient la couleur. On est peu propre à réjouir les âmes, Avec la honte et la tristesse au cœur. On est peu propre aux fines épigrammes, Aux madrigaux, aux bouquets à Chloris, Ces mets sucrés qui plaisent tant aux dames. Si le contraste à vos yeux a du prix, Dit un voisin , non sans quelque malice , Vous oubliez de nous conter comment Du bon public, devant votre justice, Où tout se fait si solennellement, La gravité maintes fois se dément. Or, parlez-nous de ces défenseurs rares, Rares en nombre et qu’on voit à Paris, Qui ne sont point de paroles avares, Pour qui le monde est riche de souris. (1) Allusion à une session de Cour d'assises où ont été jugés des procès pour cause d’incendies et d’infanticides. 6 ACADÉMIE DE ROUEN. J'en sais un, moi, le seul dont me souvienne . En ce jour-là d'un vol il était cas. Dès le début , voilà mon Démosthène Visant les lois et de Sparte et d’Athène. On rit, je ris, mais lui seul ne rit pas ; Il continue, et tout l'aréopage Apprend qu'à Sparte il a fait son voyage, Pour y chercher cet argument vainqueur Qu'on y fêtait le vol et le voleur. Et l'accusé , tirant la conséquence , Sollicitait déjà sa récompense, Quand vint un mais. _. ce mais fut incompris. Notre accusé le couvrit de ces cris : « Vive à jamais Sparte et sa république ! » Puis, il prouvait, et par pièce authentique , Selon l'usage, en semblables débats, Quels sont ses droits, et civil et civique. Pour exhiber de bons certificats, Vivent les gueux et vivent les forçats ! Mon cher voisin n'avait, qu'à la surface ; Vu l'argument et l'argumentateur : Mais l'argument était à double face , Et le sermon ressemblait au prôneur. Disciple ardent d'une nouvelle école , Le Démosthène aiguisait sa parole Pour écorner , par un trait innocent ; Le piédestal où brille l’auréole De nos vieux Grecs, rois de l'enseignement. Monsieur voulait, en zélé camarade ; Donner aussi son petit coup de pié Au lion vieux, mais non encor malade. Mais laissons là, c'en est trop de moitié, DISCOURS D'OUVERTURE. 7 Ces orateurs , Dupins surnuméraires , Dont l’éloquence et le talent stagiaires (1) Briguent, vingt ans, les honneurs du tableau, Car mon discours, que je veux bref et beau, N’avance en rien. Aux calendes dernières , Et n'ayant plus logés dans le cerveau Les noirs soucis, la grippe, ni le rhume. J'eus le désir de reprendre la plume ; Il faisait chaud ; quand le temps est si lourd, Le blond Phébus à présent devient sourd. Le blond Phébus ! Plaisanterie amère ! Plaisanterie et ridicule abus ! ! On n'est plus blond , quand on date d'Homère. Blond Phébus ! Soit. Va pour le blond Phébus. Il se fait vieux ; le poids de l’atmosphère, Tout Dieu qu'il est, l’incline vers la terre. Le sang lui monte au cerveau, d’où je crois Qu'il est ou sourd ou rebelle à ma voix. Quelques sujets s’offraient à ma pensée , Phébus ! Phébus!.. J'appelais vainement. (1) Pour ceux qui prétendent qu'on ne peut dire que sta-gi-aires, j'écrirais : Dont l’éloquence et l’accent stagiaires. Pourquoi ne dirait-on pas s{a-giaires, comme on dit bré-viaire ? Ou bien encore, ad libitum, sta-giaires ou sta-gi-aires, comme il est permis de bi-ai-ser ou de biai-ser. Les poètes et la légion des versificateurs, rimeurs, ctc., prennent, ma foi, d’autres licences ! Je m’arrête de peur de tomber dans le galimathias où galimathi-as. s ACADÉMIE DE ROUEN. Tout m'a failli, dans ma verve éclipsée , L'esprit d’abord , le temps secondement ; Puis, au banquet où j'aspire, où j'arrive , Les devanciers, qui nous ont présidés, Qu'ont-ils laissé pour le dernier convive ?.… Ce rien qu'on sert aux dineurs attardés. Ah! si j'avais un peu de la science Qu'aux siens Dieu verse avec tant d’abondance , J'aurais aussi, comme d’autres l’ont fait, Aux éléments pu surprendre un secret , Et j'aimerais , honny qui mal y pense, Oui, j'aimerais à me faire indiscret. Je vous dirais l’ingénieux mystère D'un art nouveau , d’un art presque divin, Enfant de l'ombre et fils de la lumière, (1) Qui reproduit tous nos traits sans burin, D'un jet plus prompt et d’une main plus sûre Que le dessin ou sa sœur la peinture. Je le dirais, si mon heureux destin M'avait créé Boutan (2) ou Girardin. (3) Oui, sij’avais un peu de leur science, Tel phénomène , où tout paraît obscur, De l’azur même aurait la transparence, Tant leur esprit est prompt, limpide et sûr. (1) Le Daguerréotype. (2) M. Boutan , professeur de physique au lycée de Rouen, vice- président de l’Académie. (3) M. Girardin , professeur de chimie , secrétaire de la classe des sciences, DISCOURS D'OUVERTURE. = Nous admirons, quand, sur un fil magique, (1) Dont le réseau couvrira l'univers, Notre pensée, en fluide électrique, Court et revient comme vont les éclairs ; Nous admirons ! Mais par quelle puissance Notre pensée attachée à ce fil, Vient-elle ainsi des bords du Guayaquil En un instant ? Quel effort d'adhérence , Dans le trajet de replis sinueux , La tient captive et l’apporte à nos yeux ? Comment peut-elle, en moins d’une seconde, Se promener , six fois, autour du monde ? Comment enfin, ce trait est curieux , Semble arriver d'Europe en Australie Une dépêche , avant d'être partie ? Je le saurais , si mon heureux destin M’avait créé Boutan ou Girardin. A bout de soins et dans mon impuissance A ressaisir un sujet qui m'a fui, N’ai-je pas fait un traité sur l'ennui, Et l'auditoire un cours de patience ? La patience est vertu d’auditeur. Cette vertu , pleine de politesse, Prend à propos certain air d’allégresse , Et par maintien sourit à l’orateur. Elle s'ennuie et bâille avec décence. Sous le sommeil , plus fort que l’éloquence, (1) La télégraphie électrique. 10 ACADÉMIE DE ROUEN. Si la vertu parfois se sent faiblir, Droit sur son axe, elle apprend à dormir, Et l'orateur peut, sans vanité, croire Que, loin d'avoir endormi l'auditoire , Chaque auditeur ne ferme ainsi les yeux Que pour l'entendre et pour le goûter mieux. Ilest enfin, Messieurs, temps de me taire ; Et je renonce à trouver un sujet. Par le discours que j'aurais voulu faire , Pardonnez-moi celui... qui n’est pas fait. Vous , qui m'offrez la vivante figure , Dont j'essayais tout à l'heure un portrait , Plus de contrainte , et , si veut la nature, D'un doux sommeil acceptez le bienfait. Aussi déjà votre lourde paupière Languissamment ne s'ouvre qu'à demi, Et dans votre œil le regard endormi Distingue mal la nuit de la lumière ; Le lin échappe à vos doigts défaillants. Laissez , laissez s'éteindre tous vos sens, Jusqu'au moment prochain où votre oreille Ira porter à ce reste qui veille Des sons faussés, indécis et confus, Qu'elle entend, mais qu’elle n’écoute plus. A ce moment , l'esprit rêve ou sommeille , Plus d’auditeurs.. . Silence... Désormais Vous qui dormez, Messieurs , dormez en paix. CLASSE DES SCIENCES. Rapport SUR LES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE PENDANT L'ANNÉE 1851-1852. PAR M. J. GIRARDIN, Secrétaire de la classe des Sciences. Messreurs, Les membres de la classe des Sciences de l’Académie ont encore, cette année, apporté un riche contingent aux lectures et aux discussions qui ont occupé nos séances heb- domadaires. Toutes les branches des connaisances, pour ainsi dire, ont été parcourues, et, comme toujours , à côté des spéculations sont venues se placer les applications qui en découlent et qui élargissent incessamment le domaine des arts et de l’industrie. Il me serait agréable de pouvoir présenter ici une ana- lyse aussi complète que possible des nombreux travaux de mes confrères. Malheureusement , le temps et l’espace me manquent ; je suis forcé de me restreindre dans des limites qui nuiront, bien certainement, à l'intérêt de ce compte- SCIENCES MATHÉMATIQUES Démonstration des lois de Képler, par M. Girault. Dromographe planétaire, par M. Lévy père. 12 ACADÉMIE DE ROUEN. rendu. Plus qu'aucun autre, je déplore cette nécessité ; mais, en m'y soumettant, j'accomplis un devoir, ce qui me vaudra, je l'espère, toute votre indulgence. La découverte des lois qui régissent le mouvement des centres de gravité des planètes autour du soleil, appartient, comme on sait, à Képler, qui a eu ainsi l'insigne mérite de faciliter à l'illustre Newton les moyens de trouver le principe même de la gravitation. La démonstration de ces lois est l’une des applications les plus simples etles plus intéressantes des théorèmes gé- néraux de la mécanique et du calcul infinitésimal. Mais, par cela même , elle exige préalablement une étude de ces deux branches des mathématiques. M. Girault a pensé qu'il pourrait y avoir quelque utilité à l'en dégager dans une certaine mesure, et à la présenter comme une conséquence immédiate des principes fonda- mentaux de la mécanique et des théorèmes relatifs à la dé- rivation des fonctions, de manière à en rendre l'intelligence plus facilement abordable. Telest l'objet du Mémoire que M. Girault nous a soumis, et dans lequel on retrouve cette clarté d'exposition et cette profonde connaissance de la science des nombres qui dis- tinguent si éminemment notre savant confrère. En même temps que l'un de nos membres résidants re- portait nos esprits vers ces hautes spéculations de la science astronomique , l’un de nos membres honoraires , M. Lévy père, nous faisait suivre les magnifiques effets de ces lois de la gravitation qui s'étend jusqu'aux dernières limites du monde accessible à nos regards. Déjà, il y a trois ans , l’ancien secrétaire de l'Académie, nous avait présenté un Dromographe planétaire, c'est-à- dire un tableau synoptique du cours des divers corps cé- CLASSE DES SCIENCES. 13 lestes de notre système planétaire pour l’année 1849. Cet ingénieux moyen graphique a été singulièrement perfec- tionné par son auteur. Le dromographe, pour l’année 1852, qu’il nous a soumis , est composé de deux parties, l’une fixe, l’autre mobile. Cette dérnière est divisée en heures, subdivisées elles-mêmes en dix parties de chacune six minutes. Quant à la partie fixe , les teintes unies et noires représentent les nuits; les teintes bleues unies indiquent les nuits éclairées par la lune, et les teintes fondues marquent la durée du crépuscule astronomique. Les lignes tracées montrent le lever et le coucher des planètes ; la ligne rouge qui serpente autour de la ligne de midi désigne le midi moyen. Le milieu du cercle est une carte du ciel et le prolongement de l'indicateur mobile fait connaître les cons- tellations qui passent au méridien à dix heures du soir. Le nouveau dromographe planétaire de M. Lévy mérite de figurer dans le cabinet de tous les savants. Un ouvrier de Rouen, le sieur Noiret, nous a institués juges de procédés qu’il croyait propres à produire de grands effets mécaniques avec une faible dépense de force. Ces procédés sont défectueux et bien inférieurs à ceux qui sont en usage dans les ateliers. Dans un second mémoire, le même M. Noiret, mù par un sentiment généreux , s’est efforcé de faire disparaître l’une des causes les plus fréquentes des accidents qui at- teignent les ouvriers des fabriques, en supprimant les roues dont sont pourvus les axes de rotation et sur les- quelles s’enroulent les courroies sans fin. Les appareils qu'il propose et dont il nous a envoyé des modèles, n’offrent malheureusement aucune des conditions qui pour- raient les faire adopter dans la pratique, et ils sont loin de pouvoir servir dans l’enseignement de la mécanique , ainsi que leur auteur en exprimait le vœu. Mécanique industrielle. Communica- tions de M. Noiret. SCIENCES PHYSIQUES. Météorologie, par M. A. Levy. 14 ACADÉMIE DE ROUEN. A l'occasion des dangers auxquels sont exposés les ou- vriers des filatures, M. Girault a récapitulé les divers moyens fort simples proposés depuis longtemps pour prévenir les accidents causés par les mécaniques. Ces moyens, on doit le regretter, ne sont presque pas mis en usage, probable- ment parce qu'ils ne sont pas assez généralement connus. Le gouvernement devrait s'attacher à les vulgariser. l'est d’autres dangers auxquels la prudence humaine ne peut pas toujours se soustraire ; je veux parler de ceux qui proviennent de ces phénomènes naturels dont notre atmosphère terrestre est le théâtre. Sur les côtes de la Normandie, à l'embouchure de la Seine, et principalement dans la portion du pays de Caux qui forme l'arrondissement du Havre , il existe une opinion universellement répandue, admise sans contestation par la population entière et que les habitants de la campagne formulent dans leur simple langage en disant que : La Seine attire les orages, le fleuve empêche les orages de monter. Préoccupé de cette idée qu’il pouvait y avoir quelque chose de vrai dans cette croyance populaire, M. A. Lévy a cherché à vérifier l'exactitude du fait, puis à déterminer les causes de sa production. Sur le premier point, le doute n’existe plus pour lui. Il n'en est pas de même pour le second. La question est complexe, et les documents font défaut pour arriver. à une explication directe et précise. Discutant les diverses hypo- thèses qui se présentent à l’esprit, M. A. Lévy arrive, en procédant par voie d'élimination, à regarder comme pro- bable que les arbres des rives de la Seine, et notamment de la grande fôret de Touques, voisine de l'embouchure du fleuve, sont la cause la plus influente du phénomène ob- servé. CLASSE DES SCIENCES. 15 Notre confrère, M. Boutan, regarde cette opinion comme trop exclusive. Bien des causes peuvent influer sur la marche des nuages orageux. Parmi celles qui doivent agir simultanément sur lesorages qui se forment à l'embouchure de la Seine, M, Boutan regarde comme la plus importante l'existence de ces courants d’air que détermine surtout la configuration du sol. Sans nier la part que cette dernière cause peut prendre à la production du phénomène , M. Lévy persiste à croire, par suite des comparaisons qu'il a établies entre notre pays et plusieurs localités situées sous deslatitudes très diverses, que les forêts ont la propriété d'attirer les orages, et que ce sont elles qui exercent une influence prédominante sur le phénomène en question. C'est ici le lieu de signaler les nombreux et importants ouvrages, tant sur la météorologie que sur la statistique et la littérature scientifique, que nous devons à M. Quetelet, le savant secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences de Bruxelles. Je mentionnerai principalement sa discus- sion des variations régulières du baromètre qui ont con- duit à l'étude des marées atmosphériques, ses nombreuses recherches sur le climat de la Belgique, sa notice sur la répartition du contingent des communes dans la levée de la milice, enfin son travail sur l'appréciation des docu- ments statistiques, qui est une heureuse application du cal- cul des probabilités aux résultats que fournissent lessciences d'observation. L'Académie a été heureuse d'ouvrir ses portes au savant qui a voué toute sa vie à l'étude, et qui peut se glorifier, après trente-huit années de professorat, de compter parmi ses élèves tous les hommes distingués de la Belgique. Ouvrages de M. Quetelet. Physique appliquée. Concours sur l'électricité. Appareils calorifiques de M. Pimont. 16 ACADÉMIE DE ROUEN. Dès 1849, l'Académie avait destiné l’un des prix fondés par le vénérable abbé Gossier à l'examen d’une question de physique appliquée de la plus haute importance, à savoir l'étude des appareils galvaniques et des moyens de tirer parti des courants électriques pour obtenir une force mo- trice applicable à une branche quelconque de l'industrie. Plusieurs années avaient été laissées aux concurrents pour leurs essais. Trois physiciens ont répondu à l’appel de la Compagnie, mais leurs efforts n’ont pas été assez heureux pour mériter la récompense proposée. L'un d'eux , cependant, a paru digne d'une distinction. Le rappori de M. A. Lévy, sur le concours spécial, indique la valeur respective des trois Mémoires envoyés et précise les points qui ont engagé l’Académie à accorder, à titre d’indemnité et d'encouragement, une somme de 300 fr. à l’auteur du mémoire inscrit sous le n° 3, M. Rivière, pro- fessseur de physique au Lycée de Saint-Étienne. L'Académie, en présence du prix de 50,000 f. institué par le décret du Président, en date du 23 février dernier, ne pou- vaitremettre une seconde fois au concours la question que le Gouvernement a cru devoir prendre sous son patronage. Elle a donc affecté le reste de la somme provenant de la fon- dation Gossier à un nouveau sujet, qui s'applique plus spécia- lement à l’un des besoins industriels de notre département. L'année dernière, nous donnions notre approbation aux appareils que M. Pimont a inventés pour économiser le combustible dans la production de la vapeur, et que, sous le nom de caloridores, il adapte aux machines, aux générateurs des paquebots, aux cuves de teinture. Notre confrère s’est empressé de mettre sous les yeux de la Compagnie les tableaux d'expériences auxquelles ses appareils ont été soumis dans les établissements d'Alsace, où ils fonctionnent actuellement. Chez MM. Dolfus, Mieg CLASSE DES SCIENCES. 17 et comp., l'économie qu'ils apportent s'élève à plus de 8,000 fr. par an. Chez MM. Steinbach, Black et Mantz, cette économie pourra monter au chiffre de 28,455 fr. Des faits aussi significatifs, qui justifient pleinement les éloges accordés par l’Académie , consolent notre confrère de l'oubli inqualifiable dans lequel ont été laissés ses appa- reils par le jury de l'exposition universelle de Londres. Un ingénieur civil de Rouen, M. E. Burel, a soumis au jugement de l’Académie un nouveau photomètre perfec- tionné par lui, et qu’il nomme Parasynoptique. En impor- tant d'Angleterre le photomètre de Bunsen, et en lui faisant subir quelques utiles modifications, l'intention de M. Burel a été de fournir à l’industrie française du gaz un moyen facile et cependant assez rigoureux d’estimer la valeur relative, au point de vue du pouvoir éclairant, des divers combustibles employés pour la production de la lumière. Frappé de l’imperfection du photomètre le plus usité en France jusque dans ces derniers temps, celui de Rumfort, il a voulu substituer à la méthode des ombres comparées l'observation d’un effet nouveau, d’une appré- ciation plus facile ; il a voulu ensuite que la manipulation de l'instrument füt assez peu délicate pour qu’un observateur inexpérimenté pût, au besoin, effectuer des détermina- tions exactes, et que son volume füt assez faible pour que le transport en devint très commode. Une Commission composée de MM. Boutan, Girault, Lévy, et à laquelle , plus tard, M. Preisser fut adjoint , fut chargée d'examiner l'appareil de M. Burel, ainsi que le Mémoire explicatif qui l’accompagnait. Après six mois d’études et de discussions, la Commission, par l'organe de M. Boutan, déclara, malgré l'opinion contraire de l'un de ses membres : 1° Que le photomètre présenté par M. Burel se distingue 2 Photométrie, par M. Boutan. Chimie. Ouvrage sur les eaux potables, par M. Marchand. 18 ACADÉMIE DE ROUEN. autant des photomètres actuellement connus et usités en Angleterre que ceux-ci se distinguent les uns des autres ; 2% Que ces derniers, d'ailleurs, ont tous pour origing commune l'écran différentiel de Bunsen , et ne varient entre eux que par des dispositions de détail plus ou moins importantes ; 3° Que, sur les einq modifications apportées par M. Burel au photomètre de Bunsen, trois paraissent lui appartenir en propre et peuvent être considérées comme un progrès. L'Académie, adoptant les conclusions de la Commis- sion, a voté des remerciments à M. Burel. A l'occasion de cette communication, M. Boutan a rédigé un exposé historique , aussi concis que méthodique , de la science photométrique, restée pendant si longtemps dans l'enfance. Mon regret de ne pouvoir donner ici un résumé de cette partie si intéressante du rapport de M. Boutan est affaibli par ce fait qu’elle sera imprimée dans le Précis. La chimie, cette science admirable dont l'heureuse influence s'étend depuis les opérations les plus humbles de l'économie domestique jusqu'aux arts les plus sublimes, et qui ouvre, à chaque instant, à notre curiosité native un monde immense de merveilles, nous a fourni, cette année , de nombreux sujets d'étude. Le plus important , sans contredit, c’est celui qui a trait aux eaux potables en général, et en particulier aux eaux utilisées dans les arrondissements du Havre et d'Yvetot. L'ouvrage que M. Marchand, de Fécamp, nous a envoyé sur cette question , prouve dans son auteur la plus louable persévérance , une profonde sagacité et une grande habi- leté des opérations chimiques les plus délicates. La pre- mière partie du manuscrit est consacrée à l'étude générale des eaux, envisagées dans leur constitution et dans leurs CLASSE DES SCIENCES. 19 rapports avec l'hygiène publique , la physiologie, l'indus- trie et l’agriculture. La deuxième partie est exclusivement réservée à l'histoire physique et chimique des eaux pota- bles du pays de Caux. Les nombreuses recherches auxquelles notre confrère s’est livré depuis longtemps à ce sujet, lui ont permis de découvrir plusieurs faits très curieux qui jettent une vive lumière sur différents points de la physique générale du globe. Ainsi, le premier, il a trouvé l'iode, le brôme et la lithine dans toutes les eaux douces, du fer dans toutes celles qui prennent leur source dans les terrains superfi- ciels de la craie. Le premier, il a mis hors de doute que la constitution physique et chimique des eaux varie pour chaque jour de l’année, et même pour chaque instant de la journée ; que dans les terrains calcaires , au moins, les sources sont d'autant plus abondantes que la végétation est plus active , et qu’elles sont à leur minimum de rendement vers le 15 ou 20 janvier, c’est-à-dire à l'époque de l’année où la vie végétale est la moins développée. Ces faits ont conduit le chimiste de Fécamp à une foule d’aperçus ingénieux que je regrette de ne pouvoir citer, mais qui témoignent d’une grande puissance de réflexion. Le travail de M. Marchand est un livre du plus haut intérêt, surtout pour l’histoire physique de notre contrée. Il faut espérer que notre confrère étendra ses recherches aux autres arrondissements. Si, dans tous les départe- ments, on l’imitait avec autant de conscience et d’habi- leté, on pourrait dire que l'histoire hydrologique de la France serait à peu près complète. L'Académie ne pouvant insérer dans son volume annuel un aussi volumineux manuscrit, orné de tableaux et de cartes coloriées , l’a recommandé à toute l'attention du Conseil général, et a sollicité une allocation spéciale pour couvrir les frais considérables de son impression. L'impor- r M. Gobley. 20 ACADÉMIE DE ROUEN. tance du travail lui donne lieu d'espérer que sa demande sera favorablement accueillie. La physiologie générale trouve un puissant secours dans l'analyse chimique qui peut, seule , presque toujours, jeter une vive lumière sur les phénomènes les plus complexes qui s’accomplissent au sein de l'organisme. Au nombre des jeunes chimistes qui, depuis quelques années, ont dirigé leurs travaux dans cette direction, nous devons surtout citer avec éloges M. Gobley, de Paris, qui nous à adressé deux Mémoires dont M. Boutan nous à rendu compte avec ce talent d'exposition qui le caractérise. L'auteur prend l'animal dans son état le plus rudimen- taire, dans l'œuf , et suit les matières, qui le constituent tout d’abord, dans les diverses transformations qu’elles subissent jusqu'au moment où l'animal arrive à l’âge adulte. Les deux Mémoires de M. Gobley, relatifs à la composi- tion des œufs et de la laitance des carpes , contiennent la première partie de ce grand ensemble de recherches ; ils font suite à un travail de même ordre sur l'œuf de poule, dont j'ai parlé dans mon rapport général de 1849. Des recherches du chimiste parisien , il ressort que l'œuf des poissons ressemble complètement, non pas à l'œuf entier des gallinacées, mais bien au jaune de ce dernier. Les mêmes principes immédiats se retrouvent dans la lai- tance, seulement dans des proportions telles, qu'on est amené à croire que cette liqueur génératrice contient les premiers rudiments du système nerveux de lanimal. L'opinion émise en premier lieu par MM. Prevost et Dumas sur le rôle du spermatozoïde qui, selon ces observateurs, fournirait le germe du système nerveux cérébro-spinal , se trouverait acquérir ainsi quelque probabilité. CLASSE DES SCIENCES. 21 M. le professeur Morin nous a exposé la manière dont il a procédé à l'examen d’un liquide provenant du tube intes- ünal d'un cheval empoisonné par l'acide sulfurique. Pour pouvoir mettre en évidence la présence de cet acide libre dans un liquide organique azoté , il faut tout d’abord ajou- ter à celui-ci de l'alcool pur, afin de s'opposer à la fer- mentation putride, autrement la forte proportion d’ammo- niaque, qui se produit toujours par la putréfaction, neutra- tralise et dissimule l'acide, en le convertissant en un sel ammoniacal neutre. C'est pour avertir les chimistes qui n'ont pas l'habitude des opérations si délicates et si minu- tieuses de la chimie légale, que M. Morin a rédigé la note dont il nous a donné lecture. Votre secrétaire de la classe des Sciences , poursuivant ses investigations chimiques sur les divers objets d'art que l'antiquité nous a laissés , a élargi de plus en plus le cercle des connaissances technologiques qu’on ne peut plus dé- sormais contester à l’ancienne civilisation grecque et ro- maine. Îl vous a fait voir que même au moyen-âge, alors que d’épaisses ténèbres enveloppaient les arts et les sciences, il ÿ avait encore des pratiques industrielles et artistiques qui montrent que tout n'avait pas disparu sous le courant dévastateur de l'invasion des hordes Asiatiques et Scandi- naves. Le second mémoire que M. Girardin va publier sur les analyses de plusieurs produits d'art d'une haute anti- quité, tels que: peintures murales, verres colorés Lu poteries, bronzes, médailles, monnaies, etc., trouvés par MM. Deville et Cochet, tant dans notre département que dans d’autres régions, nous révèle que les anciens em- ployaient la cire pour donner plus de durée et de solidité à leurs couleurs murales, qu'ils fabriquaient le verre , le cristal et les émaux avec un très grand succès , qu'ils fai- Fait de toxicologi par M. Mori Analyse d'objets antiques, p M. Girardin — | | | | {Fabrication de l'acide sulfurique , r M. Holker. 29 ACADÉMIE DE ROUEN. saient servir le peroxyde de manganèse à la coloration des matières vitreuses en pourpre , en violet et en rose, qu'ils savaient teindre le verre avec la fritte d'Alexandrie, l'oxyde de Cobalt, les oxydes de cuivre et de fer, qu'ils connais- saient l’argenture et le plaqué métallique. Sans doute, chez eux , les sciences physiques n'étaient point formulées en corps de doctrine, ni même professées comme sciences expérimentales. Mais grâce au hasard, au tatonnement , à une longue habitude , ils étaient arrivés à des résultats inouis dans les arts Industriels. Disons , toutefois, que leurs progrès en technologie ne pouvaient dépasser certaines limites, par la raison qu'ils manquaient des agents les plus puissants, de cet acide sulfurique entre autres, l'âme, pour ainsi dire, de tous les arts chimiques, et dont le chiffre de consommation dans un pays présente la mesure précise du développe- ment de son industrie générale. Les arts n'ont, en effet, commencé à se multiplier et à grandir qu'à partir de l’époque, encore bien rapprochée de nous, où le bas prix de cet acide permit de l'appliquer largement dans tous les cas, si nombreux, où il est besoin de se servir d’une matière acide quelconque. Découvert à la fin du xv° siècle, ce n’est réellement que dans les der- nières années du xvin siècle que , son prix étant tombé à 40 ou 50 c. le kilog., on put l'utiliser comme un agent gé- péral. Aujourd'hui, on en consomme annuellement , en France, plus de 20 millions de kilog. au prix réduit de 20 c. le kilog. C'est un enfant de Rouen, le célèbre Lémery, qui, l'un des premiers, favorisa sa production en introduisant, dans le procédé primitif, une importante amélioration. Plus tard, en 1766, c'est dans nos murs, rue Pavée, au fau- bourg Saint-Sever, que fut établie la première fabrique où CLASSE DES SCIENCES. 23 l'on fit usage des chambres de plomb importées d'Angle- terre par Holker, le même qui dota Rouen des calendres à chaud pour l’apprêt des étoffes, des filatures de coton, de la teinture en bleu à chaud, des fabriques de plusieurs es- pèces de tissus de coton, particulièrement de velours, alors inconnus dans le pays. En 1774, un des membres de notre Académie , ingénieux De la Follie, conseilla un per- fectionnement remarquable , l'injection de la vapeur d'eau pendant le cours de la combustion du soufre. Enfin, vers 1810 , c’est encore à Rouen que fut imaginé le système de combustion continue qui, de prime abord , éleva cette in- dustrie au niveau de la science. C’est Jean Holker , petit fils de l’importateur des chambres de plomb qui est l'au- teur du procédé vraiment méthodique que suivent actuel- lement nos grandes fabriques de Rouen, Paris, Saint- Gobin, Dieuze , Marseille et Montbrison. On peut donc dire que la fabrication de l'acide sulfurique est une industrie toute rouennaise. J'ai été amené à grouper ces faits historiques , à l’occa- sion d’un mémoire manuscrit qui nous a été envoyé, cette année , par M. Holker, fils et arrière petit-fils des Holker qui ont si bien payé leur dette à leur nouvelle patrie. Dans ce mémoire, M. Holker fils donne de précieux renseigne- ments pratiques sur la nouvelle méthode de fabrication , telle qu’elle a été pratiquée depuis 1813 dans l'usine de Nanterre, créée par son père, en compagnie de Chaptal et d'Arcet , et qu’il a dirigée pendant fort longtemps. Les détails dans lesquels il entre, tant sur les dimensions de toutes les parties de l'appareil que sur la manière d’opé- rer , comblent une lacune qui existe dans les traités de chimie les plus complets. Les réflexions dont M. Holker accompagne ses descriptions , les améliorations qu'il en- trevoit, présentent le cachet d’un praticien exercé et d'un excellent observateur. Deux graves inconvénients restent HISTOIRE NATURELLE. Recherches ‘de la houille à Sotteville. 24 ACADÉMIE DE ROUEN. encore à faire disparaître de l'industrie qui nous occupe : {" La nécessité de sortir un immense capital, en raison de la grande surface de plomb qu'il faut employer ; 2° la des- truction très rapide de ce même plomb, par suite de la propriété corrosive des agens employés et de l'acide pro- duit. Le problème se résume donc à réduire les capacités et à amoindrir le pouvoir destructif de l'acide sulfurique. Ces perfectionnements , destinés à faire de sa fabrication une industrie plus simple , plus répandue et aussi plus sa- lubre, seront l'œuvre de nos successeurs. Les diverses branches de l’histoire naturelle ont été étu- diées , cette année , par plusieurs de nos membres. En mi- néralogie, nous avons entendu les communications de MM. Pimont et Morière; en botanique, celles de M. Bi- gnon; en zoologie, celles de MM. Largilliert et Verrier. Résumons leurs travaux en moins de lignes possible. L'année dernière, à pareille époque, je vous entrete- nais , Messieurs, des travaux de sondage entrepris à Sot- teville depuis le 29 décembre 189, pour la recherche de la houille. A la profondeur de 283 mètres, une puissante source d’eau salée jaillissait du trou de sonde. Depuis, les forages ont continué, malgré cette colonne d'eau, et ont été poussés jusqu'à 321 mètres, à travers des alternats d'argiles bleues, de calcaires tendres et durs, de grès fria- bles ou durs, de sables gris très fins. Le Comité voyant bien que dans les 14 mètres qui res- taient à percer pour arriver au terme du marché conclu avec les sondeurs , il n’y avait aucun espoir de rencontrer des couches minérales plus intéressantes, s’est décidé à discontinuer les travaux, en conservant, toutefois , la co- loune d'eau jaillissante pendant six mois, temps plus que suflisant pour trouver les moyens d’en tirer parti dans l'in- CLASSE DES SCIENCES. 25 térêt des populations environnantes. Malheureusement cette eau est restée presqu'aussi salée que par le passé, puisqu’à la fin d'avril j'ai trouvé 11,237 de sel marin par litre, avec 3,513 de sulfates de chaux et de magnésie. Dans un pareil état d’impureté, il est fort douteux qu'elle puisse être utilisée d’une manière avantageuse. M. Morière nous a montré une série d'échantillons des marbres qu’on exploite actuellement à Laize-la-Ville, non loin de Caen. Ces marbres, qui peuvent rivaliser avec le Royal de Belgique, autant par la richesse des nuances que par la dureté et la résistance aux agents atmosphéri- ques , sont fort prisés des architectes de Caen, et com- mencent à être employés en Basse-Normandie pour la dé- coration extérieure. Le calcaire marbre forme trois zônes distinctes dans le département du Calvados. L'une d'elles, qui a de 12 à 15 kilomètres de longueur, se montre dans la vallée de la Laïze ; c’est celle que les Romains exploitèrent ; c’est elle qui a fourni les belles colonnes qui décorent l'autel de la Sorbonne , à Paris ; c’est elle enfin dont les carrières ont été rouvertes depuis trois ans. La communication de M. Morière a provoqué M. Mar- chal à faire ressortir l'utilité d’une exposition permanente des marbres indigènes, Les architectes et les sculpteurs m'iraient plus chercher fort loin , et à grand frais, des ma- tériaux qu'ils ont à leur portée, si on leur faisait connaître toutes les richesses minérales qui restent enfouies sur tant de points de notre territoire. L'Académie , adoptant et élargissant cette pensée, a de- mandé à M. le ministre de l'intérieur : 1° Que des collections de marbres français, classés mé- thodiquement , fussent créées et déposées au Muséum Marbres du Calvados, par M. Morière. Ouvrages de M. Morière. Botanique. Envoi de plantes, par M. Debooz. 26 ACADÉMIE DE ROUEN. d'Histoire Naturelle, à l'Ecole des Beaux-Arts et au Con- servatoire des Arts-et-Métiers ; 2 Que de semblables collections fussent envoyées dans toutes les villes qui possèdent déjà un Musée d'Histoire Naturelle ; 3° Qu'un projet fût étudié pour que, dans les plans d'embellissement de la place du Carrousel, un édifice en marbres français fût élevé; que ce monument fût conçu de telle sorte qu’en même temps qu'il contribuerait à l’en- semble de la décoration de la place, il pût être aussi une exposition permanente et raisonnée de nos richesses minérales. M. Lévy nous a présenté l'analyse de diverses publica- tions de minéralogie et de géologie, de M Morière; elles sont relatives à un gisement de baryte sulfatée , découvert en 1848, à Laize-la-Ville, à un affaissement de terrain qui s’est produit aux environs d'Honfleur , le 24% janvier 1849, à un cas remarquable de production de sulfate de chaux , enfin à l'industrie potière dans le Calvados; cette industrie, malgré la modicité du prix des objets fabriqués , crée chaque année des produits pour une valeur de 400,000 fr. Un botaniste instruit et zélé, M. Debooz, colonel d’ar- tillerie en retraite, à Servaville-Salmonville, près de Dar- nétal , a offert à l'Académie une collection de plus de 300 plantes desséchées, dont un grand nombre appartiennent à la Flore de la Seine-Inférieure , et portent l'indication de localités inédites ; les autres ont été recueillies dans di- verses parties de la France , et ne sont pas moins intéres- santes. Ces fascicules sont accompagnés d'observations critiques précieuses. CLASSE DES SCIENCES. 97 Un choix aussi remarquable de bonnes plantes ‘est un trésor pour l'Académie, depuis surtout que, sur la pro- position de M. Bignon, elle a décidé la fondation, dans ses archives, d’un herbier départemental. Les avantages qui résulteront pour la botanique de la formation de cet herbier seront appréciés par tous ceux qui aiment cette science et qui en désirent le progrès ; dans ce dépôt, ou- vert à tous, les botanistes du pays et les étrangers même pourront faire des vérifications qui éviteront bien des er- reurs , et serviront à donner aux Flores spéciales un carac- tère qu’elles n’ont pas. La Flore de la Seine-Inférieure vient d’être enrichie d'une plante nouvelle, grâce à M. le colonel Debooz. Le Rumex maximus de Schreber a été trouvé tout récem- ment par lui dans les prairies de Ry et de Blainville. Jus- qu'ici cette espèce n'était indiquée que sur les bords de l'Epte , aux environs de Gisors. M. Bignon , qui a vérifié la découverte de M. Debooz, pense qu'on retrouvera le Rumex mazximus dans d’autres parties de notre territoire, sur le bord des ruisseaux limpides et des petites rivières , aux eaux vives et fraîches, du pays de Bray. ° Un colon algérien, M. Chérot, nous a envoyé des ra- cines de garance sauvage qu'il a rencontrées sur les bords de la mer, dans les environs de Bou-Ismaël , commune de Castiglione, département d'Alger. I nous a signalé, parmi les plantes tinctoriales qui abondent dans la même con- trée , le genet épineux aux fleurs jaunes, et la maurelle ou éournesol (crozophora tinctoria, Neck. ), avec laquelle on prépare , dans le midi de la France, le tournesol en drapeaux. M. Chérot nous a également donné des renseignements étendus sur les cultures actuellement entreprises par les Création d'un herbier départemental. Nouvelle plante pour la flore départe- mentale. Envoi de M. Chérot. Alternance des essences forestières. 28 ACADÉMIE DE ROUEN. colons européens ; pour son compte , il cultive très en grand le ricin, le lin, le chanvre et le cactus à la coche- nille. L'Académie a entendu, avec d'autant plus d'intérêt, ces détails qu'ils viennent d’un enfant de Rouen, qui veut faire tourner au profit de sa ville natale l'expérience qu'il acquiert en des climats lointains. En nous rendant compte de l'important mémoire de M. Laurent, professeur à l’école de Nancy, sur l'alternance des essences forestières, et la méthode du recensement na- turel, M. Bignon a agité plusieurs questions de botanique appliquée , qui ont donné matière à discussion dans le sein de l'Académie. Adoptant les idées de M. Laurent, con- traires à la méthode de recensement naturel, notre confrère nous a montré, par des faits nombreux, que la loi d’al- ternance régit aussi bien les forêts que les plantes herba- cées soumises à la culture. De toutes les théories proposées successivement pour expliquer cette loi, M. Bignon incline à admettre celle de M. Laurent, qui croit pouvoir établir que les racines des arbres, morts ou abattus, ont toujours une influence vénénense, et souvent mortelle pour les racines des arbres de la même espèce qui les remplacent. M. Laurent ne dit pas quel est le principe vénéneux contenu dans les racines en décomposition. M. Bignon croit le trouver dans cette végétation de cryptogames qui envahit les matières orga - niques aussitôt qu'elles sont soustraites à l'influence de la vie, cryptogames dont l’action destructive est prodigieuse, et qui a ceci de particulier, qu'en général chaque espèce de champignon ne s'attaque qu'à une seule espèce végé- tale. « Si donc, comme cela est très probable, dit M Bi- gnon , la décomposition des racines souterraines a lieu par un agent de cette nature, on conçoit qu'il n’attaque que les CLASSE DES SCIENCES. 29 racines pour lesquelles il a une aflinité particulière, et qu'il soit si dangereux pour les racines qui sont identiques à celles qui favorisent son développement naturel. » Reste, il est vrai, à prouver l'existence de ce champignon imper- ceptible. M. Bignon est convaincu que des études micros- copiques viendront la mettre en évidence , et dès lors la question sera résolue. Tous les membres de l'Académie n’ont pas partagé cette conviction , et parmi les faits mis en avant pour combattre la théorie de MM. Laurent et Bignon, M. Bergasse a rap- pelé que la vigne, dans certaines localités, prospère indé- finiment dans le même terrain, tandis qu'ailleurs il y a nécessité d'en abandonner la culture dans le même sol après une période de vingt-cinq ans. Deux ouvrages de botanique appliquée ont attiré l’atten- tion de l’Académie : L'un, offert par le docteur Cazin, de Boulogne-sur-Mer , est un Traité pratique et raisonné de l'emploi des plantes médicales indigènes. M. Vingtrinier nous en a fait apprécier le mérite. Fontenelle avait dit, dans son éloge de Tournefort : « La botanique ne serait qu'une simple curiosité, si elle ne se rapportait à la méde- cine ; et quand on veut qu'elle soit utile, c'est la botanique de son pays qu’il faut étudier. » Le docteur Cazin a suivi ce conseil , et il a eu pour but, en publiant son livre, d'engager les médecins de campa- gne à répandre l'usage des plantes qui croissent spontané- ment autour des villages qu'ils parcourent. L'autre ouvrage , adressé par M. Mouchon, de Lyon, est un dictionnaire de bromatologie végétale exotique, ou en français vulgaire, dictionnaire des plantes alimen- taires qui croissent en pays étrangers. L'auteur énumère toutes celles dont on pourrait essayer d'introduire l'usage Traité des plantes médicinales indigènes , par M. Cazin. Bromatologie végétale exotique, par M. Mouchon. Zoologie. £mpoisonne- ment par les huîtres, les moules, etc., par MM. Chevallier et Duchesne. 30 ACADÉMIE DE ROUEN. en Europe , afin de varier davantage le mode de nourriture , et d'éviter , peut-être, à l'avenir ces perturbations pro- fondes qu'amène si souvent la disette des céréales, et qui menacent de persister par suite de la maladie de plus en plus générale de la pomme de terre. On voit que c’est encore une pensée philanthropique qui a inspiré la publication de M. Mouchon. Toutefois, M. Bi- gnon, qui nous en a parlé, craint qu’elle ne réponde qu'imparfaitement aux besoins qu'elle devait satisfaire, car ce n’est pas avec le sagou ou le tapioka, ni avee les plantes potagères de l'Inde ou de l'Australie, qu’on pourra suppléer, pour les classes pauvres, au manque de pain et de pomme de terre, ces deux aliments substantiels de nos populations européennes. S'il est utile de chercher à augmenter le nombre de nos matières nutritives , il ne l’est pas moins de signaler celles d’entre elles qui peuvent occasionner , parfois, des acci- dents plus ou moins graves. Les huîtres , les moules, les crabes et certains poissons de mer et de rivières sont sus- ceptibles de produire, d’après nos confrères, MM. Che- vallier et Duchesne, de véritables empoisonnements, ou au moins des indispositions caractérisées. M. Largilliert, qui nous a rendu compte du mémoire qu'ils ont publié sur cette question, n’est pas toujours de leur avis, et nous a rassurés sur le degré de nocuité des substances alimen- taires dont il vient d’être question. Lorsque les huîtres ont été parquées dans des endroits malsains , ou lorsqu'on en fait usage pendant l'été, alors qu'elle sont gorgées d'un suc laiteux , elles sont quelque- fois la cause de légères incommodités, qui cèdent ordinai- rement à quelques tasses de thé. Les moules sont difliciles à digérer pour certains esto— macs , et déterminent chez quelques individus de graves LASSE DES SCIENCES. 31 indispositions qu'on peut encore combattre avec succès au moyen du thé. Il est, d’ailleurs, prudent d’en faire un usage modéré, et même de s’en abstenir, pendant les mois d'août et de septembre. Les crabes, les homards et autres coquillages sont dif- ficiles à digérer, sans posséder , néanmoins , aucune pro- propriété malfaisante. S'il est bien vrai que plusieurs poissons à chair compacte ou onctueuse sont vénéneux ou accidentellement dange- reux, n'y a-t-il pas quelque exagération à ranger dans ce nombre le barbeau , le brochet, le hareng, le maquereau, la sardine et autres? Les malaises que ces poissons peu- vent occasionner sont évidemment des exceptions fort rares. Dans le brochet , il n’y a que les œufs qu'il faille éviter de manger , parce qu'ils provoquent des vomisse- ments. M. Verrier nous a présenté un monstre très remarqua- ble , appartenant à l'espèce bovine, du sexe féminin, et offrant assez exactement l'aspect d’un chien bouledogue. Ce monstre, qui n’a pas eu de vie extra-utérine, a offert les particularités suivantes à l’autopsie : Les quatre membres se terminent brusquement aux carpes et aux tarses par des moignons recouverts de poils ; le museau est renfoncé; la mâchoire inférieure saillante est garnie de toutes ses dents ; les deux oreilles sont cou- pées symétriquement ; il n’y a pas de queue; le sternum n’est pas réuni ; le cœur est situé au-dehors de la poitrine, dans une poche sous-cutanée placée à la base de l’encolure ; ce viscère ne présente, pour ainsi dire, bien développées que les cavités propres à la circulation artérielle ; les ca- vités droites ne sont qu’à l’état rudimentaire ; tous les au- tres organes viscéraux sont à leur place, mais affectent des formes anormales. Le système artériel est parfaite- Cas de tératologie, par M. Verrier. 32 ACADÈMIE DE ROUEN. ment développé, les vaisseaux ont leur formé et leur vo- lume ordinaire, le système cérébral et cérébro-spinal existe dans son intégrité complète. « Si, ajoute M. Verrier, la tératolagie n’eût fait, dans ces derniers temps, des progrès immenses, grâce surtout à MM. Geoffroy-Saint-Hilaire , et si aujourd'hui on ne sa- vait à quoi s’en tenir sur les causes probables de ces dé- formations congéniales, on n’eût pas manqué, à l'exemple de Muys, d'Arnoult et de Mallebranche, de les attribuer au pouvoir de l'imagination de la mère sur le fœtus renfermé dans son sein. La forme si régulière du monstre exposé aux regards de l’Académie eût donné une grande force à cette opinion. » : M. Bignon, sans contester le mérite des recherches de MM. Geoffroy-Saint-Hilaire qui leur ont permis de rendre compte, philosophiquement et physiologiquement, de bien des bizarreries de l’organisation, ne croit pas qu’on puisse nier complètement l'influence que peuvent exercer les impressions morales sur les troubles fonctionnels , et la production des monstruosités. Lorsque des faits nombreux, authentiquement attestés, établissent que la mère a subi une impression d'une nature déterminée, et qu'ensuite, il est constaté que le produit de la conception porte une em- preinte ou une monstruosité qui correspond à cette impres- sion, sera-t-il possible de nier l'influence? M. Bignon permet le doute, mais la négation absolue ne lui paraît pas con- venable. Il rappelle , à cette occasion , que l’opinion popu- laire de l'influence des regards remonte aux temps les plus reculés , ainsi que le prouvent les conventions entre Jacob et Laban, mentionnées dans les livres saints. M. Hellis appuie par des faits tirés de sa pratique médi- cale et par des raisonnements l'opinion que les sensations extérieures et l'imagination exercent souvent un effet marqué sur le produit de la fécondation. Les soins dont les CLASSE DES SCIENCES. 33 anciens entouraient les femmes enceintes, le culte avec lequel on veillait à ce qu'elles n'éprouvassent que des im- pressions douces et agréables, témoignent qu'ils avaient très bien observé cette réaction prononcée du moral sur le physique. Quant à M. Vingtrinier, entré à son tour dans la discus- sion, il proteste contre cette théorie des impressions , re gards ou émotions. Sans doute, la science tératologique n’a pas encore tout expliqué, mais elle est dans la seule voie qu’il soit permis de suivre. Comment, avec cette théorie de l'influence morale , expliquerait-on ces manques d'organes qu’on remarque si fréquemment chez les mons- tres? Notre confrère a, en ce moment, dans sa pratique, un cas de monstruosité assez curieux : c'est l'absence d'anus chez un enfant ; ceci ne peut être évidemment rap- porté à aucune impression psychique. Nous voici amenés tout naturellement à vous parler des communications qui nous ont été faites sur les diverses branches de l’art médical. M. le docteur Guillaume , de Dôle , nous a offert les deux premiers volumes de sa Physiologie des Sensations. M. Vingtrinier en a présenté une analyse critique qu’il a terminée par des éloges. M. le docteur Plouviez, de Lille, avait envoyé quatre brochures, intitulées : 1. Quelques idées de philosophie médicale. Paris, 1834. 2. Quelques considérations physiologiques et hygié- niques sur l'alimentation. 3. Nouvelles vues thérapeutiques sur l'épilepsie. 1847. 4. Quelques mots sur l'éthérisation en médecine, sur les moyens de remédier aux accidents dont elle est susceptible. 3 SCIENCES MÉDICALES. Physiologie des sensations, par le Dr Guillaume. Ouvrages de M.Plouviez, de Lille. Essai sur les anévrismes , par M. Pellegrino Salvolini. Choléra- morbus épidémique, par le Dr Millet. 34 ACADÉMIE DE ROUEN. Ces ouvrages , sur lesquels une commission a prononcé d'une manière favorable, attestent un bon observateur. Dans son mémoire sur l’éthérisation, le docteur Plouviez signale les heureux effets qu'il a retirés, pour le traitement de plusieurs affections nerveuses, de l’épilepsie entre autres, des agents anesthésiques auxquels il reconnaît une action spéciale sur le système nerveux. Beaucoup d'expé- riences faites sur les animaux l'ont conduit également à conseiller, dans les cas d’anesthésie poussée au-delà de la mesure utile , la saignée et les insufflations d'air au moyen d’un soufflet. Le docteur Pellegrino Salvolini, de Sarzane, dans l’état de Gênes, a composé, pour l'instruction des jeunes chirur- giens, un mémoire sur les anévrismes. Cet essai, destiné à faire partie d’un manuel abrégé de médecine opératoire, a reçu les éloges des commissaires de l’Académie, dont M. Vingtrinier a été l'organe. M. Hellis nous a fait connaître le volume que le docteur Millet, de Tours, a publié sur le choléra-morbus épidé- mique. Chargé du service de l'hôpital temporaire établi à Tours en 1849, lors de la dernière invasion du fléau asiatique, M. Millet prit soin de noter ce qu'il avait vu. Peu à peu, son cadre s'élargissant, il y joignit ce qu'il avait recueilli dans la lecture des ouvrages nombreux sur la matière , et, sans avoir eu d'abord cette ambition , il a fini par écrire un traité complet sur cette maladie. S'il manque parfois de cette critique éclairée , si nécessaire quand on recueille en tous liëux, il a réuni dans son ou- vrage des faits intéressants, des citations heureuses, dont la médecine pratique pourra profiter. CLASSE DES SCIENCES. 35 Notre confrère, M. Boileau de Castelnau, a rédigé une notice sur la folie instantanée. 11 a eu pour but de tenir en éveil l’attention des médecins et des magistrats sur les altérations instantanées des facultés psychiques, qui ont souvent pour première et unique manifestation un acte qualifié crime. Dans ce type nouveau de la folie, le sujet est poussé , par l'effet de sa volonté subitement malade, à des actes intellectuels et automatiques qu'aucun signe anté- rieur n’a fait prévoir. La folie instantanée est donc un dé- sordre mental qui apparaît soudainement à l'instar de la sidération dans les maladies organiques. M. Vingtrinier tire de sa pratique journalière des faits curieux qu'il ajoute à la liste de ceux que M. Boileau de Castelnau a réunis pour prouver l'existence de ce genre de folie. Il est d'avis, comme notre confrère de Nimes, que les individus coupables d’actes répréhensibles commis sous l'influence de la folie instantanée , soient déposés dans un asile spécial, jusqu'à ce qu’un jury composé d'hommes de l’art ait constaté leur guérison. Un minimum de séques- tration serait fixé par la Cour ou le tribunal qui aurait pro- noncé. Les médecins, suivant M. Vingtrinier, se sont toujours montrés très circonspects dans l'admission de la folie, comme excuse de crimes ou de délits, et ce qui le prouve, en ce qui le concerne, c’est que, depuis 30 ans qu'il est médecin des prisons , il n’a signalé la folie que pour 15 prévenus de crimes sur 7,000, et qu'en matière correc- tionnelle, il n’a pas reconnu plus de 10 à 12 cas de folie, sur environ 2,000 individus qui entrent chaque année dans les prisons de Rouen. M. Nepveur a présenté à ce sujet quelques observa- tions qui tendent à établir que la loi est allée au devant des désirs de MM. Boileau de Castelnau et Vingtrinier, en remettant aux magistrats de l’ordre administratif le soin De la folie instantanée , par M. Boileau de Castelnau. Cas de morve aiguë chez l'homme, par M. Légal. Intoxication par venin animal, par M. Vingtrinier. 36 ACADÉMIE DE ROUEN. d'intervenir dans les cas de folie furieuse qui pourraient compromettre la sécurité publique. La justice répressive n’a pas à instrumenter, car si elle prononçait la détention, pour un certain temps, des insensés ou des furieux , ce serait le renversement des principes de notre législation criminelle , la loi ne reconnaissant pas de crime ou de délit lorsque le prévenu était en état de démence au moment de l’action. L'article 24 de la loi du 30 juin 1838 dispose, de plus , que, dans aucun cas , les aliénés ne pourront être ni conduits avec les condamnés ou les prévenus , ni dé- posés dans une prison. La démence n'est pas une excuse légale, comme l’a rappelé M. Nepveur ; c’est mieux que cela, c’est un fait exclusif de toute intention criminelle , c'est-à-dire de l’un des éléments dont se compose tout crime ou délit. M. le docteur Légal, de Dieppe, nous a transmis une très curieuse observation de transmission de la morve aiguë du cheval à l’homme. Les cas de ce genre sont heu- reusement encore peu nombreux , et on ne saurait trop, dans l'intérêt de la science et de la société, les consigner avec exactitude dans les annales médicales. MM. Avenel et Verrier, chargés d'examiner le mémoire de M. Légal , ont trouvé que c'était une page importante de l'histoire de l'Equinia , et l'Académie, partageant cette opinion, en a ordonné l'insertion dans son précis. Un autre accident déplorable, dont notre ville a été té- moin , c’est la mort du docteur Quesnel , causée , d’après M. Vingtrinier, par une viciation spontanée du sang, à la suite de l’inoculation du sang inflammatoire d’un malade que ce médecin avait soigné; ce sang aurait agi à la ma- nière du venin des serpents. La note de M. Vingtrinier a soulevé une controverse, CLASSE DES SCIENCES. 37 tant sur le fait en lui-même, que sur les conséquences théoriques que notre confrère en a déduites. Cette note devant être imprimée, je crois superflu d'entrer dans plus de détails à cet égard. Une autre question médicale qui a donné liéu à d'inté- Origine | ressantes discussions, c'est l'origine du goître et du du Soitre et du | crétinisme. Les uns, comme le docteur Grange, veulent la trouver dans la présence de la magnésie dans les eaux potables ; d'autres , dans celle de la chaux et spécialement du sulfate de chaux, et tels sont MM. Mac Clelland et Bou- chardat. crétinisme. { . Pour notre confrère Marchand, de Fécamp , ces tristes | affections résultent de l'absence de l’iode dans les eaux. Pour M. Vingtrinier, elles sont provoquées par des éma- nations ou efiluves sortant de ces sols marécageux, de ces vallées humides qu'on rencontre en Suisse et partout, d’ailleurs, où l’on signale des goîtreux et des crétins. Ses observations dans le Bas-Valais, et notamment à Mar- tigny, puis dans la vallée de la Seine, lui font regarder comme nulle l'inffluence des eaux, tandis que les émana- tions marécageuses lui paraissent agir, au contraire, avec beaucoup d'intensité et de continuité. M Hélot ne partage pas cette dernière opinion , attendu qu'il existe des goîtreux ailleurs que dans les vallées hu- mides. Il cite, à cet égard, le Mont-aux-Malades et Pont- Saint-Pierre , où l’on en trouve bon nombre, bien que ces localités soient dans de tout autres conditions que celles signalées par M. Vingtrinier. Si les crétins ont presqu'en- tièrement disparu de Martigny, ce n'est pas à l'élévation et à l’assainissement du sols survenus à la suite de la vaste inondation du 21 juin 1828, qu'il faut rapporter ce fait, mais aux migrations d'habitants qui ont porté les crétins dans de nouvelles localités. Dans tous les cas, il ne faut ER | Colique épidémique au Havre, par le Dr Lecadre. 38 ACADÉMIE DE ROUEN. pas établir de relation trop intime entre le crétinisme et l'affection caractérisée par l'hypertrophie de la glande thyroïde, puisqu'il y a des crétins qui ne sont pas goitreux, et des goîtreux qui ne sont pas crétins. Sans prendre un parti définitif dans une question encore aussi obscure , M. J. Girardin , rapporteur du beau travail de M. Marchand, sur les eaux potables, n'a pu s'empêcher d'incliner vers les idées de ce dernier observateur, idées qui acquièrent une grande importance quand on les rapproche du traitement adopté pour combattre le goître. L'un de nos correspondants, le docteur Lecadre, a détaché d'une histoire inédite des épidémies qui ont régné dans le pays de Caux, quelques pages consacrées à l'étude de la colique épidémique qui a sévi au Havre en 1817 et 1818. Il décrit cette affection avec soin, et la désigne sous le nom d'affection névralgique des deux systèmes nerveux, le ganglionaire et le cérébro-spinal. Cette dénomination est peut être bien hasardée, car rien ne prouve, suivant M. Vingtrinier, son caractère prèmitivement névralgique. Dans tous les cas, M. Lecadre rapproche, avec quelque raison , cette maladie de la colique de Poitou, observée en 1616 par Citois, La cause en fut rapportée à l'usage des huîtres. Notre correspondant combat cette opinion et donne pour cause plus probable les alternatives brusques et fré- quentes de température qui eurent lieu en 1817 et en 1818. Tout ea regrettant que l'auteur ait oublié de mentionner le traitement employé, et surtout que ses idées sur la na- ture de l’altération ne s'appuient sur aucune observation nécropsique, M. Vingtrinier, rapporteur, n'en considère pas moins son Mémoire comme digne de fixer l'attention des médecins, et l'Académie, adoptant cette manière de voir, l'a déposé honorablement dans ses archives, CLASSE DES SCIENCES. 39 C'est surtout à l'hygiène qu'il appartient, sinon de pré- venir le retour de toutes ces affections désastreuses, au moins d'en atténuer singulièrement les effets, en vulgari- sant les conditions de régime, d’habillement, d'habitation, de conduite dans la vie journalière, auxquelles il convient de se soumettre dans quelque position sociale que ce soit. L'Académie a montré l'importance qu’elle attache à cette branche de la médecine, par l'appel réitéré qu'elle a fait depuis quatre ans aux médecins et aux penseurs de toutes les classes pour la rédaction d’un petit traité d'hygiène po- pulaire. Cette année, 19 concurrents se sont présentés, et bien que dans ce nombre considérable de Mémoires, aucun n'ait été trouvé complètement digne du prix proposé, la Compagnie a eu la satisfaction de pouvoir décerner des récompenses assez élevées à trois des auteurs. Mais je me borne à cette mention d’une des occupations les plus graves de la classe des sciences, puisque le rapport de M. Hélot sur le concours d'hygiène doit être imprimé à la suite de mon compte-rendu. C'est à la fois une question d'hygiène et d'économie so- ciale que celle dont M. Bergasse nous a fréquemment en- tretenus, dans le cours de l’année, touchant la consommation de la viande et du paisson à Rouen depuis 1800. Dans ses recherches importantes qui intéressent aussi bien l’administrateur que l’économiste théoricien, notre honorable confrère s'est proposé : De constater quels ont été, depuis le commencement du siècle jusqu’à ce jour, dans notre ville, le mouvement de la population et celui de la consommation des deux den- rées animales les plus communes; De rechercher si ces mouvements se sont toujours fait équihbre ; si la consommation a augmenté ou diminué, soit d’une manière absolue, soit d'une manière relative ; Concours d'hygiène. ÉCONOMIE SOCIALE. Consommation de la viande et du poisson à Rouen, par M. Bergasse. EE. : Propriété des cours d’eau non navigables ui flottables , par M. Marchal. 10 ACADEMIE DE ROUEN. D'examiner les circonstances qui ont pu influer sur sa progression ou son ralentissement ; De découvrir, enfin, les moyens à employer pour lui donner une extension qui réponde au besoin de l'agricul- ture et au désir si légitime d'améliorer la condition des classes ouvrières. C'était là un bien vaste programme, qui devait exiger d'immenses et fastidieuses recherches, soulever des difli- cultés de plus d’un genre. Notre confrère, puisant dans son ardent amour du pays et dé la science les forces néces- saires à l’accomplissement d’une telle œuvre, et ce courage patient qui est à lui seul une vertu, n'a pas reculé devant la grandeur de la tâche ; il a réussi à composer un de ces travaux de Bénédictins, si rares à notre époque, où les ou- vrages de longue haleine effraient, et où les esprits, même les plus sérieux, sacrifient ; sans y penser, à ce besoin du siècle , de faire vite et de jouir, par anticipation, des avan- tages qui jadis n'étaient que le bénéfice du temps. Le mémoire de M. Bergasse devant figurer en entier dans le Précis de cette année, je laisse au lecteur le soin d'en apprécier toute la valeur. Un autre sujet qui ne pouvait également manquer d'ex- citer l'intérêt dans un département aussi éminemment in dustriel et agricole que le nôtre, c’est celui que M. Marchal a traité : La propriété des cours d'eau qui ne sont ni navi- gables ni flottables. ’ Le but de notre confrère est de prouver, contrairement à l'opinion de beaucoup d'hommes distingués, et notam- ment d’un jurisconsulte très-compétent en semblables ma- tières (M. Daviel), que les lois anciennes et modernes, la ju- risprudence et l'intérêt public nécessitent la confirmation et le maintien de ce grand et salutaire principe exprimé par le code Justinien : Communis est aqua profluens. CLASSE DES SCIENCES. 41 Discutant les nombreux textes de lois, reproduisant les opinions des jurisconsultes, qui ont trait à cette grave question, M. Marchal établit que les eaux courantes non navigables ni flottables sont la propriété de tous. Au point de vue économique et pratique, il montre que le maintien et les développements ultérieurs des trois industries prin- cipales : la mouture des blés, la filature du coton, la fa- brication des huiles, qui fournissent un travail lucratif à une grande partie de la population et qui absorbent plus des 9/10 de la force motrice actuellement utilisée sur les cours d’eau, exigent qu’on repousse la prétention qu'ont les riverains de regarder les cours d’eau qui traversent leurs propriétés comme leur appartenant. Reconnaître cette pré- tention, ce serait faire à la propriété, en général, un fu- neste cadeau qui amènerait infailliblement un bouleverse- ment, car la Société entière serait atteinte dans l’une des sources principales de sa richesse. L'irrigation ne serait pas moins compromise que l’industrie manufacturière ; M. Marchal le démontre par une argumentation très-serrée. Pour lui, il est évident que les cours d’eau, dans l’état où la nature nous les donne, se refusent à l'appropriation particulière. Seulement, quand un propriétaire à fait, en se conformant aux lois et règlements, des travaux pour utiliser les chutes ou l’action bienfaisante des eaux sur les terres, il a acquis des droits réels , sinon de propriété absolue , au moins d'usage. M. Ballin nous a présenté le tableau décennal des opéra- tions du Mont-de-Piété de Rouen pendant la période de 1842 à 1851 inclusivement. Dans l'exposé dont il a accompagné ce tableau, notre confrère nous a fait remarquer que les engagements, les renouvellements, et par suite les dégagements, tendent à s'équilibrer depuis quatre ans : ce qui prouve, suivant lui, STATISTIQUE. Opérations du Mont- de -Piéte de Rouen, par M. Ballin, Ouvrages de M. César Moreau. 12 ACADÉMIE DE ROUEN. que, si la prospérité n’est pas en progrès, la misère, du moins, ne s’est pas accrue. Il exprime l'opinion que la multiplicité des opérations du Mont-de-Piété n’est pas, comme on le croit généralement, un thermomètre sûr du plus ou moins d’aisance répandue dans le peuple; car il pense qu’une grande prospérité peut amener, ainsi que l'extrême misère, de nombreux engage- ments, par suite de la légèreté avec laquelle les ouvriers dépensent l'argent qu'ils gagnent facilement. Les opérations de la dernière année diffèrent peu de celles de la précédente. En 1851, il y a eu 84,875 enga- gagements et renouvellements pour 1,001,262 fr.; c’est, terme moyen, 11fr.80 c. par article. Les nantissements en argenterie et bijoux entrent dans la totalité pour le quart en nombre, et pour plus de moitié en somme. Il y a eu, en effet, 19,#91 engagements de ce genre s'élevant à la somme de 510,760 fr.; ce qui donne une moyenne de 26 fr. 20 c. par article. En résumé, de l'ensemble des opérations du Mont-de- Piété, en 1851, on peut tirer cette heureuse conclusion que les classes pauvres n’ont pas eu beaucoup à souffrir pendant la dernière année. Un de nos membres correspondants, M. César Moreau, a profité de son long séjour à Londres, en qualité de vice- consul de France, pour étudier l’état de l'industrie, du commerce d'exportation , des finances de la Grande-Bre- tagne, ainsi que l'état passé et présent des possessions an- glaises dans les Indes depuis l'établissement de la Compa- gnie des Indes-Orientales en 1600. M. C. Moreau à fait don à notre bibliothèque des nom- breux tableaux statistiques qu'il a composés à ce sujet. La presse anglaise les a accueillis avec une faveur marquée ; c'est la meilleure mesure de leur valeur et de leur utilité. CLASSE DES SCIENCES. 43 Un important document que la Chambre de Commerce de Rouen a publié l’année dernière, et dont M. Ballin nous a présenté un aperçu , c’est la Statistique du Commerce maritime du port de Rouen pendant les années 1848, 1849 et 1850. Ce travail, qui se compose de 20 pages de tableaux et de chiffres, nous apprend que le trafic maritime de Rouen a suiviune progression ascendante de 1844 à 1846, qu'il a un peu diminué en 1847, beaucoup en 1848, qu'il y a eu une amélioration en 1849 et 1850, quoique le mouvement de cette dernière année n'ait été guère plus de moitié de celui de 1846. La diminution de 41 0/0 dans le nombre des tonnes entrées pendant les trois dernières années au port de Rouen, provient non-seulement de la perturbation causée par les événements de 1848, mais aussi, et surtout de la concurrence redoutable des chemins de fer du Havre et de Dieppe, qui ont enlevé à la Seine une partie de ses trans- ports. L’achèvement des digues du fleuve donnera, il faut l'espérer, une nouvelle vie à notre port et sera le salut du cabotage français. D'un autre côté, la navigation à vapeur a pris un peu d’ac- croissement. Les droits de douane et d'attache au port se sont très- sensiblement élevés, ainsi que les transports de marchandises de Rouen sur Paris. En 1850, nous avons expédié à l'étranger, en tissus de coton, 2,156,000 kil., et, en Algérie particulièrement , 1,320,000 kil., c'est-à-dire à peu près les mêmes quantités qu'en 1848, tandis qu'il y a eu une forte diminution à l’é- gard des tissus de laine. Un de nos jeunes compatriotes, que la Chambre de Commerce à délégué dans les mers du Sud et de Chine pour étendre les relations commerciales de notre cité, M. Marc Arnaudtizon, nous a donné, par l'organe de M. Frère, une idée assez complète du prodigieux déve- Statistique du commerce maritime de Rouen. VOYAGES. Renseignements sur l'Australie, par M. Mare Arnaudtizon. 4h ACADÉMIE DE ROUEN. loppement de la puissance anglaise dans l'Australie. C’est après un séjour de six mois dans cette partie du monde, l’antipode de la nôtre, que le voyageur français s'est mis à rédiger ses notes d'exploration , et qu'il a tracé de cette île, dont l'étendue égale les 4/5 de l'Europe, un tableau aussi exact qu’animé. Descriptions topographiques , docu- ments statistiques sur la population , les productions agri- coles , l'industrie et le commerce, renseignements sur les articles d'importation et d'exportation, rien n’est omis dans ces pages écrites avec une simplicité qui prouve la bonne foi de l'observateur. Ce qui a surtout vivement intéressé l’Académie, c’est la relation d'un voyage aux mines d’or, situées à 170 milles de Sydney. On n'yarrive qu'après avoir traversé , non sans bien des fatigues et des privations, toute la chaîne des montagnes bleues et de magnifiques forêts vierges, spec- tacle si grandiose et si nouveau pour un européen. D'après les détails de M. Marc Arnautizon , on voit que les mineurs, au nombre de 8 à 10,000, ont abandonné les machines à mercure, et emploient tout simplement le cridle ou ma- chine à laver la terre, et le plat en ferblanc ou la jatte en bois pour extraire en dernier ressort For de la terre pré- parée au moyen du cridle. On voit aussi que des compagnies pour l'exploitation des mines, emploient des ouvriers à la journée , dont le salaire , en sus de la nourriture, s'élève à 5 ou 6 fr. par jour. On estime à 50 millions de fr. la quantité d'or qui pourra sortir de l'Australie en 1852. Une autre richesse de cette immense région, c’est la laine, qui vient maintenant faire sur nos marchés une con- currence si redoutable à nos laines indigènes. Dans la seule colonie de la Nouvelle Galles du Sud, il n’y « pas moins de 13 millions de moutons. Dans la prtie récemment dé- frichée , on voit se créer de grandes propriétés rurales à la tête desquelles se mettent les fils des riches familles d'Angleterre , et dans la dépendance desquelles il n’est pas CLASSE DES SCIENCES. 45 rare de compter jusqu'à 25 mille moutons et plusieurs centaines de gros bétail. Il serait à désirer que la Chambre de Commerce publiât les nombreux rapports qui lui ont déjà été et qui lui seront encore adressés par M Arnaudtizon ; ce serait servir tout à la fois la science et le commerce français. M. De Caze, à son tour, nous a transportés dans une région aussi peu connue que la précédente, l'Abyssinie méridionale, dont M. le docteur Roth, de Munich , a tracé un magnifique tableau que notre confrère s'est empressé de traduire. La relation du voyageur allemand fait con- naître une partie jusqu'ici peu explorée de l'immense presqu'ile. Elle dément les rapports exagérés de la plupart des voyageurs qui l'ont précédé, en même temps qu’elle offre aux sciences physiques et naturelles de précieux renseignements, M. De Caze a surtout pris le soin d’énumérer les pro- ductions indigènes, dans les trois règnes, qui caractérisent essentiellement l’Abyssinie. La flore et la faune y comptent quelques grandes espèces. La médecine européenne s’est appropriée tout récemment le kwoso ou cosso ( Brayera anthelmintica, de Kunth), de la famille des spiracées, dont les fleurs, prises en substance, possèdent la propriété spéciale d'expulser le tœnia. Grâce à ses montagnes, l'Abyssinie est un des pays les plus favorisés de la nature. Mais dans cette région tropi- cale, comme dans les terres polaires, le genre humain n’atteint pas ce degré de vigueur ou d'intelligence qui semble l'héritage destiné aux habitants des latitudes tem- pérées. Une abondance démesurée, aussi bien que le manque des choses nécessaires, détournent les races hu- maines de leurs voies ; elles marchent à une dégénération Renseigne- ments sur l’Abyssinie, par M. Roth. NÉCROLOGIE. 46 ACADÉMIE DE ROUEN. toujours croissante ; elles oublient le but.de leur existence et même leur créateur ! Je ne terminerai pas ce résumé bien imparfait des tra- vaux de la classe des sciences, sans mentionner la perte d'un de nos plus anciens membres correspondrnts, le docteur Lafisse, que l’Académie s'était attaché dès le 6 décembre 1811. Le travail qui lui mérita cet honneur est un mémoire important , intitulé : Recherches sur l'emploi du quinquina dans les fièvres intermittentes accompagnées d'hydropisie. M. Lafsse ( Alexandre-Gilbert-Clément) , né à Paris, le 9 janvier 1785, y est décédé le 15 janvier 1852. II fut reçu docteur le 24 août 1809 , et depuis cette époque jusqu'à sa mort , il a exercé la médecine avec une grande assiduité. Pendant plus de 20 ans, il fat attaché au bureau de bien- faisance du 2: arrondissement de Paris, et il y a toujours rempli ses pénibles fonctions avec le plus complet dévoue- ment. Lors de l'invasion du choléra en 1831, il soigna les pauvres avec tant de zèle, que sa santé en fut profondé- ment altérée pendant longtemps. En 1826, le docteur Lafisse a publié une traduction des purgatifs d'Hamilton. C'était un praticien instruit et modeste, aimant la science pour elle-même, et dont toute l'ambition a été de laisser la réputation d'honnnête homme et d'ami de l'humanité. Il y est parvenu. RAPPORT SUR LES TROIS OUVRAGES MANUSCRITS SOUMIS À L'ACADÉMIE POUR LE CONCOURS DU PRIX GOSSIER, RELATIF A L'EMPLOI DE L'ÉLECTRICITÉ COMME FORCE MOTRICE, FAIT PAR M. LÉVY, rapporteur, Au nom d’ane Commission composée, avec lui, de MM. Avenel, Boutan, Girault, Marchal et Preisser. ( Séance du 27 duillet 1852.) Messreurs , Une commission, composée de MM. Avenel, Preisser, Boutan, Girault, Marchal et de votre rapporteur, a été chargée par M. le président d'examiner s’il y avait lieu d'accorder cette année le prix fondé par le vénérable abbé Gossier. D'après le texte même du programme, un prix de 800 fr. devait être déc erné à l’auteur du meilleur mémoire sur la question suivante : S Quels sont les systèmes d'appareils galvaniques qui, sous le rapport de la force , de l'économie, de la régularité et de la simplicité, doivent être préférés par ceux qui es- saient de tirer parti des courants électriques pour obtenir une force motrice applicable à une branche quelconque d'industrie ? 18 ACADÉMIE DE ROUEN. L'énoncé seul du sujet suffit pour en faire comprendre toute la portée; il existe d’autres questions d’une haute importance qui ont besoin, pour être bien appréciées, d'être entourées de longs commentaires; celle-ci répond trop à un besoin qui se rencontre dans tous les esprits, pour qu'il soit nécessaire de disserter longuement à son sujet. Les populations ont vu avec étonnement les premiers résultats obtenus au moyen de l'électricité ; la galvano- plastie, la dorure, et surtout la télégraphie électrique ont été l’objet de l'admiration générale. Et, pour parler de faits moins connus du vulgaire, nous pourrions rappeler la belle expérience d’OErsted qui, peut- être, serait restée longtemps inféconde, sans le vaste génie d’un Français à jamais illustre, le savant Ampère. Ai-je be- soin, devant un auditoire aussi éclairé, de m'étendre lon- guement sur les beaux travaux de MM. Faraday et Arago? Je rappellerai seulement que, grâce à leurs découvertes, M. Jacobi a pu tenter l'emploi de l'électricité comme force motrice, et montrer à la cour du czar un navire voguant sur la Néva et recevant l'impulsion de ce moteur nouveau. Naguère encore, la matière de la foudre était envisagée avec effroi ; aussi le plus grand parmi les dieux du paga- nisme était-il représenté avec l’attribut redoutable du tonnerre ; et longtemps les hommes s'étaient habitués à ne considérer la foudre que comme un agent de la colère céleste. Mais, dans ce cas comme dans beaucoup d’autres, il entre dans les desseins de la Providence de permettre à l’homme de faire tourner à son profit les causes mêmes qui lui paraissaient les plus contraires à sa sécurité, les plus funestes à son bonheur. Voyez plutôt la vapeur etses merveilleux effets : au pre- mier abord, sa puissance ne se manifeste que par les acci- CLASSE DES SCIENCES. 49 dents dont elle est la cause; c’est la rupture d'un vase renfermant un liquide élevé à une haute température ; la violence de l'explosion est extrême, le désordre occasionné est à son comble, la mort même de plusieurs victimes en est peut-être la cruelle conséquence, et cependant cette force, mieux étudiée, habilement dirigée, anime, pour ainsi dire, ces prodigieuses machines qui ont donné une im- pulsion si grande à l'industrie, et font voler plutôt qu'elles ne transportent les immenses convois sur nos chemins de fer. Mais déjà ces merveilles ne nous suflisent plus, la va- peur est trop lente au gré de nos désirs ; il faut près de deux semaines pour traverser l'océan ; un jour pour par- courir la France dans sa plus grande longueur; trois heures pour aller de Paris à la mer. Rassurés désormais contre les dangers du tonnerre par suite de l'admirable découverte de Franklin ; fiers d’avoir pu tracer à la foudre la route qu'elle doit suivre désormais, nous nous demandons s’il ne serait pas possible d'utiliser un jour comme force motrice cette électricité devenue cap- tive ? Non, cette question n'est pas téméraire , si nous son- geons aux admirables travaux que je viens de rappeler tout à l'heure. Volta, Davy, Argpère, Arago, Faraday, Becquerel, Ja- cobi, Bunsen, Morse et Weatstone ! Vos admirables décou- vertes nous ont donné le droit d'espérer, je dirai plus, d'être convaincus que le jour où se réaliseront ces merveil- leuses applications n’est pas éloigné. Pour avoir cette con- viction, nous ne cédons pas à un entraînement de notre “imagination , nous envisageons froidement la question, et ce calme avec lequel nous étudions les travaux de ces hommes illustres, ne sert, au contraire, qu'à faire grandir notre foi dans l’avenir. Aussi l'Académie de Rouen n'a-t-elle pas hésité à pro- poser sa plus belle récompense pour la solution de cette n 50 ACADÉMIE DE ROUEN. importante question, et l'Etat, Messieurs, que vous devez être fiers d’avoir devancé dans cette circonstance, appré- ciant toute l'importance du sujet mis au concours, promet aujourd’hui à l'inventeur un prix que le gouvernement d’une grande nation peut seul accorder. Trois Mémoires ont été présentés, ils portent des numé- ros qui indiquent simplement l’ordre dans lequel ils ont été reçus. Le mémoire n° 1, écrit en anglais, répond incomplète- ment à la question; le début aurait quelque mérite histo- rique s’il était toujours impartial ; l’auteur remonte jusqu’à la découverte d'OErsted en 1819, et il attribue la meilleure part des découvertes ultérieures à Faraday, en négligeant un peu les belles recherches et admirable théorie d’Am- père ; il cite les expériences de Watkin faisant tourner les pôles contraires de deux aimants autour de fils électrisés, celle de Barlow consistant dans la rotation d’un conducteur autour de son axe ; il mentionne l'importante découverte de l’aimantation du fer doux par les courants, mais sans en indiquer les auteurs. Il décrit ensuite la machine de De- venport en 183%, de Jacobi en 1837, de Davidsen en 1839, il arrive enfin à la machine qu'il propose. « J'ai récemment inventé, dit l’auteur, une machine « électro-magnétique qui, pour le succès qu'elle procure et « la simplicité de sa construction, sera trouvée infiniment « supérieure à toute autre du même genre connue jusqu'à « Ce jour. [nous serait difficile, après une semblable affirmation, d'entrer en discussion avec l’auteurrelativement au mérite de son invention, alors même que son appareil ne nous pa- raîtrait pas présenter tous les avantages qu’il lui attribue ; mais cette discussion, dans tous les cas, serait stérile ;. là n’est pas la question. I s'agissait de déterminer les systèmes d'appareils galvaniques qui, sous le rapport de la force , de CLASSE DES SCIENCES. 51 l'économie, de la régularité et de la simplicité, doivent être préférés pour être employés comme force motrice. I fallait donc, avant tout, traiter la question de la production de l'électricité, ensuite serait venue la description de la ma- chine employée comme moteur, et encore eût-il été nécessaire de prouver alors, que, placée dans les condi- tions qu'il eût été indispensable d'indiquer, principalement pour ce qui concerne la nature de la source électrique, cette machine répondait-à toutes les exigences du programme. Voici, du reste , la description de l'appareil donnée par l’auteur lui-même : « Cette machine consiste en deux aimants puissants ; lun «est un électro-aimant, l’autre un aimant permanent; l’élec- « tro-aimant est fourni par une barre de fer doux, recourbée «et recouverte de fil de cuivre isolé; l’aimant permanent, « par un certain nombre de barres d'acier courbées, ai- « mantées par la méthode ordinaire. Ces deux appareils « sont placés horizontalement dans un chassis, leurs pôles « de nom contraire en regard, l’aimant permanent est placé « sur quatre roues se déplaçant sur les rails, il est inva- « riablement fixé à l'extrémité de deux tringles de fer pas- « sant d’abord dans un collier et communiquant par l’au- « tre bout avec des manivelles, de manière à produire la « rotation des roues à la façon ordinaire. « Les fils de la batterie galvanique et les fils isolés de « l'électro-aimant, communiquent avec un commutateur « dont le but est de changer, en temps utile, le courant « électrique dans l’électro-aimant, afin que l’aimant per- « manent soit alternativement attiré et repoussé par l’élec- « tro-aimant, et produise ainsi la rotation demandée. Les « oscillations du commutateur qui doit produire le chan- « gement de sens du courant électrique, sont engendrées « par un levier qui communique avec l’aimant mobile et « participe à son mouvement de va-et-vient. » 52 ACADÉMIE DE ROUEN. L'auteur insiste, après cette description sur le prix de revient de sa machine ; il termine son Mémoire en indiquant la méthode suivie par lui pour obtenir un fer doux de très bonne qualité capable de donner des électro-aimants d’une très grande puissance. Son procédé consiste à dépouiller le fer de presque tout son carbone en le calcinant avec de la chaux vive et de la baryte. L'auteur possède un électro-aimant, obtenu de cette manière, qui soutient l'énorme poids de 6,705 livres an- glaises en le faisant communiquer avec une batterie de Smée de 26 couples ; la barre de fer de l'électro-aimant a 3 pieds anglais de longueur, deux pouces d'épaisseur ; la bobine qui l'entoure est formée par un fil de cuivre isolé de &,000 pieds de longueur. La commission, tout en reconnaissant que ce travail peut renfermer quelques renseignements utiles qu'il sera possible d'employer dans la pratique, pense que le Mé- moire ne répond nullement à la question posée par l'Académie. Le Mémoire n° 2 est d’une faible étendue ; il commence par un résumé rapide des défauts que l’on reproche aux appareils galvaniques actuellement en usage. Pour apprécier la force des courants électriques, l'au- teur prétend que les galvanomètres connus sont trop dé- licats ; singulier reproche lorsqu'il s'agit de déterminer le mérite relatif d'appareils capables de produire une force aussi importante. Il eût fallu, ce nous semble, donner des motifs sérieux de cet abandon d'appareils justement esti- més et surtout entrer dans quelques détails descriptifs du rhéomètre inventé par l’auteur du Mémoire ; la commission eût été à même d'apprécier la valeur des résultats qu'il est susceptible de fournir : « C’est à l’aide de cet instrument, « dit l’auteur, que j'eus l'occasion de remarquer les deux «espèces de puissances bien tranchées qui distinguent les CLASSE DES SCIENCES. 53 « deux espèces de piles, savoir : celles qui sont destinées « à produire, avec plus ou moins d'efficacité, divers effets « chimiques, et celles dont la propriété est d’'engendrer des « courants d’une plus où moins grande intensité. » Nous ignorons si, pour arriver à cette détermination , il est bien nécessaire d’avoir recours à un rhéomètre moins délicat que ceux qui sont généralement employés. Nous ne pensons pas non plus que l’auteur ait la prétention d’avoir découvert, à l’aide de son rhéomètre, ces différences notables qui existent dans les courants et qui sont connus depuis longtemps. A l'époque même où les piles dites à courant constant n'étaient pas encore inventées , on savait parfaitement que la pile à colonne ou à auge, contenant un grand nombre d'éléments, produisait des effets chimiques et physiologiques très intenses, tandis qu'avec la pile de Wollaston, composée d'éléments ayant une grande surface, on pouvait produire des effets physiques plus marqués. Avec un seul couple de Wollaston, on peut volatiser un fil métallique et donner des étincelles très sensibles, ce qui n’arrivait pas avec les premiers appareils à moins d’aug- menter leurs dimensions. Nous aimons à croire que l’auteur a eu en vue, seule- ment, d'établir qu'il avait vérifié ces faits, sans en reven- diquer la découverte. Nous reconnaissons avec l’auteur du Mémoire que l’élec- tricité produite dépend toujours de la quantité de zinc qui entre en combinaison et de lhydrogène mis en liberté ; aussi la consommation du zinc dans un temps donné est- elle loin d'être en rapport avec l'électricité engendrée à cause de l’impureté du métal. Les procédés d'amalgamation ont sans doute été un progrès, mais alors le zinc devient tellement cassant qu'il présente d’autres inconvénients en- core assez graves, particulièrement d'augmenter la dépense. Ces considérations amènent l’auteur à entrer dans quel- 54 ACADÉMIE DE ROUEN. ques détails intéressants au sujet de modifications introduites dans la construction des piles ; il fait remarquer qu'il est peut-être bien difficile d'obtenir en même temps les trois conditions de puissance, de constance et d'économie ; il a pensé qu'en sacrifiant l’une d'elles, au moins en partie, la puissance, par exemple, son appareil pourrait gagner en constance et en économie ; partant de ce fait, il proscrit l'emploi des acides qui produisent, il est vrai, des résultats très intenses, mais ils sont d’un prix élevé (l'acide azotique surtout.) L'auteur montre ensuite les inconvénients du charbon auquel l'hydrogène s'attache constamment par couches régulières, et revient à l'emploi du cuivre qui se charge, au contraire, par la décomposition du sulfate dans la dis- solution du sel qui le baigne. Le zinc forme le pôle négatif, mais alors ce métal est extrêmement divisé; l’auteur emploie le zinc en gre- nailles. tel qu'il s'obtient par le refroidissement subit, lorsqu'étant fondu, on le fait tomber d’une certaine hau- teur dansl’eau froide. Le zinc est placé dans le diaphragme avec de l’eau pure, et, dans cet état, les impuretés y adhèrent si peu, qu'elles s’en détachent seules avec facilité. Le diaphragme plonge lui-même dans une dissolution de sulfate de cuivre : « C'est ainsi, dit l’auteur, que j'obtiens « une constance et une économie qui ne se rencontrent dans « aucune autre pile (1). » L'auteur pense en outre que le sacrifice de puissance qu'il a dû faire n’est pas considérable, eu égard à la grande (1) L'emploi du sulfate de cuivre n’est pas une innovation, c’est M. Becquerel qui l’a indiqué le premier ; et l'eau pure remplaçant les acides est d’un usage assez fréquent pour la télégraphie élec- rique; elle à été adoptée pour les piles du chemin de fer de Rouen. CLASSE DES SCIENCES. 55 économie qui résulterait de son procédé: il apprécie l'in tensité du courant produit à l’aide d'un des couples avec lesquels il opère, aux trois quarts de l'intensité du cou- rant fourni par un élément de la pile de Bunsen. Votre Commission , Messieurs, a constaté que cette mo- dification pouvait recevoir l'approbation de l’Académie, mais n'avait pas une importance assez notable pour mériter la haute récompense que la Compagnie ne désire accorder qu'à un travail complet et d'une valeur incontestable. L'auteur du Mémoire n° 2, pour compléter son travail , aurait dû présenter des résultats tendant à établir, suivant les termes mêmes de la question posée, si l'emploi de la pile ainsi modifiée devait être préféré par ceux qui essaient de tirer parti des courants électriques pour obtenir une force motrice. L'auteur, ilest vrai, nous fait remarquer : « que les ap- «pareils magnélo-électriques exigent moins une grande « puissance qu'une constance sans reproches, et une éco- «nome proportionnée aux résultats obtenus et qui per « mette à l'appareil-moteur de fonctionner avec quel- « qu'avantage sur les moteurs actuellement en usage, » Tout cela est vrai, mais indéterminé. Dans une question de ce genre, il faut plus qu’une affirmation, il faut des faits, il faut des chiffres qui permettent d'établir une compa- raison précise. Cette étude importante manque complète- ment dans le Mémoire dont nous venons d’avoir l'honneur de vous présenter l'analyse. Le Mémoire n° 3, portant cette devise : £ pur si muove, est d’une valeur scientifique incomparablement supérieure aux deux précédents. Il est à regretter que l'auteur n'ait pas eu le temps de terminer les nombreuses études aux- quelles il va nécessairement se livrer par la suite. Obligé de présenter son Mémoire dans l’état où il se trouvait, à cause du terme fatal fixé pour la remise des travaux, l’auteur ne 56 ACADÉMIE DE ROUEN se dissimule pas que ses résultats laissent encore à désirer ; il indique lui-même les études nouvelles qu'il doit entre- prendre. La Commission, en outre, pour se former une idée com- plète de tous les appareils, aurait eu besoin de les voir fonctionner ; elle se serait alors trouvée dans de meilleures conditions pour apprécier les résultats obtenus. Malheu- reusement , ce vœu de la Commission n'a pu être réalisé à cause de l'éloignement vraisemblable de l’auteur. Cependant , Messieurs, vous nous permettrez d'entrer dans quelques détails pour vous mettre à même de ratifier ou d’infirmer les conclusions de votre Commission. Le Mémoire qui nous occupe comprend deux parties : dans la première l’auteur expose des modifications qu'il à introduites dans la pile de Bunsen et en fait un appareil presque nouveau. Dans une seconde partie, il donne la description d’une machine électro-dynamique susceptible de recevoir plusieurs applications. Avant d'entrer dans l'analyse du Mémoire, nous ferons observer qu'il est regrettable que l’auteur, trop pressé sans doute par le temps, n’ait pu donner un aperçu même sommaire des essais qui ont été tentés jusqu’à nous, afin de rattacher aux travaux antérieurs les essais plus ou moins complets qui nous sont soumis. Il a paru à la Com- mission que, dans cetétat, le Mémoire eût présenté un en- semble plus satisfaisant, et d’ailleurs la question posée impliquait une discussion sur les appareils déjà existants, une comparaison entre leurs effets, et une conclusion indi- quant celui de ces appareils qui doit être préféré. L'auteur nous montre la pile de Bunsen qui, sous un faitle volume , présente une grande énergie, « mais on lui « reproche, dit-il, son peu de constance ainsi que Îles « frais d'entretien qu'elle occasionne. Ge sont ces deux CLASSE DES SCIENCES. 57 «inconvénients, ajoute-t-il , que j'ai fait disparaitre en « partie. » La dépense qu'occasionne l'emploi de l'acide azotique fait rechercher à l'auteur du Mémoire s’il ne serait pas pos- sible de diminuer, d’une manière notable, sa consomma- tion , et, en effet, il montre que deux causes accidentelles tendent à l’accroître considérablement : 1° L’endosmose qui a lieu de l'acide azotique au sulfate de zine, à travers le vase poreux ; 2° La nécessité où l’on est de n’employer que de l'acide suffisamment concentré pour absorber complète ment l'hy- drogène qui se rend au pôle négatif de la pile, et par suite de remplacer cet acide dès qu'il est trop étendu. L'auteur entre dans des détails intéressants sur une série d'observations faites pour établir que le phénomène de l'endosmose est plus ou moins énergique selon que le dia- phragme qui sépare les deux liquides est plus ou moins poreux. Ces résultats font voir, d'une manière évidente, que l’en- dosmose peut occasionner une dépense considérable d'acide azotique et de zinc. Cette dépense, il est vrai, est moindre dans le cas où le cylindre de charbon est placé à l'intérieur du vase en por- celaine , mais aussi le courant s’affaiblit plus vite ainsi que le prouvent les résultats très concluants consignés dans le Mémoire. Pour atténuer les inconvénients que nous venons d’énu- mérer, l'auteur propose un appareil qui est la pile de Bun— sen modifiée. Un élément de la batterie se compose de trois pièces: cylindriques s'emboîtant les unes dans les autres sans frot- tement , ces pièces sont ; 1° Un vase en fonte ou en zinc renfermant les deux autres; 2° Un diaphragme en porcelaine dégourdie ; 58 ACADÉMIE DE ROUEN. 3° Un eylindre de charbon de cornue. On met dans le vase extérieur de l’eau acidulée avec + en volume d'acide sulfurique concentré, auquel on ajoute -; ou + d'acide azotique pour prévenir le dégage- ment des carbures d'hydrogène gazeux et régulariser plus vite le courant. On place ensuite, dans le diaphragme, un mélange d'acide sulfurique et d’azotate de soude dans la proportion de 100 grammes d’azotate contre 100 grammes d'eau et 115 grammes d'acide sulfurique concentré. Le vase en verre, qui renferme ordinairement les autres pièces , est supprimé par économe ; de cette manière le métal qui contient l'eau acidulée n’est attaqué qu'à l'inté- rieur et, par conséquent, il résiste plus longtemps à l'action des acides, sans que néanmoins l'intensité du courant en soit notablement diminuée. Ce dernier fait est mis hors de doute par l'expérience suivante, Un des éléments décrits précédemment étant en activité, on observe la déviation que le courant imprime à l'aiguille aimantée, puis on introduit le couple dans un vase cylindrique en faïence contenant lui-même de l'eau acidulée, la déviation de l'aiguille ne varie pas. L'auteur va lui-même au devant d'une objection d'une certaine gravité. Il est évident que lorsque le vase métal- lique sera presque entièrement détruit, il se formera des fuites, et le liquide s’épanchera au dehors. On nous pro- pose , il est vrai, l'emploi de vases à parois épaisses, et on aura soin de les renouveler avant que ces parois soient percées, mais cela suppose des vases bien homogènes et aussi que l’action s'exercera d’une manière uniforme ; un pareil résultat nous paraît dificilement admissible. Nous ne pouvons pas non plus approuver l'emploi d'un anneau en cuivre qui embrasse la partie supérieure de chaque cylindre de charbon, la rupturede cet anneau nous paraît inévitable après un emploi peu prolongé CLASSE DES SCIENCES. 59 L'auteur établit d’une manière concluante que la fonte, qui coûte moitié moins cher, produit presque autant d’élec- tricité que le zinc dans un temps donné, et résiste beau- coup mieux à l’action des acides ; il faut ajouter que le sul- fate de fer, recueilli dans les vases en fonte, a une valeur commerciale que n’a pas le sulfate de zinc. Les chiffres produits dans le Mémoire constatent une économie no- table. « L'emploi du sulfate de soude présente . dit l'auteur, « deux grands avantages : 1° la dissolution intérieure étant « beaucoup plus concentrée que l'eau acidulée extérieure, « on évite ainsi les effets d'endosmose ; 2° le bisulfate de « soude, qui se forme dans l'intérieur du diaphragme, et « l'acide sulfurique en excès s’emparant de l’eau employée « pour la dissolution, l'acide azotique mis en liberté est « constamment concentré, et, par suite, peut servir à « l'absorption de l'hydrogène jusqu’à ce qu'il soit presque « totalement épuisé, sans que le courant en soit notable- « ment affaibli, circonstance importante qui permet de ne « renouveler le liquide intérieur que bien plus rare- « ment. » L'auteur pense qu'un couple qui consommera 10 grammes de fonte par heure, pourra fonctionner pendant vingt- quatre heures pour la modique somme de 15 à 20 centimes. Des tableaux d'observations montrent que la substitution de l’azotate de soude à l'acide azotique n’affaiblit point le courant. Pour entretenir la constance du courant, 1l faut rem- placer à chaque instant le sulfate de fer formé dans le vase extérieur par de l’eau acidulée. Quant au mélange d’acide sulfurique et d’azotate de soude, 1l suflira de le renou- veler deux fois au moins et trois fois au plus dans l’es- pace de vingt-quatre heures. Une disposition ingénieuse est adoptée par l’auteur pour 60 ACADÉMIE DE ROUEN. faire arriver l'eau acidulée d'une manière continue dans les vases en fonte et pour enlever en même temps le sulfate de fer formé. Votre Commission, Messieurs, approuve l'emploi de la fonte à la place du zinc, sans considérer cependant cet em- ploi comme une innovation. L'idée d'introduire une légère quantité d'acide azotique dans l'acide sulfurique qui doit attaquer le métal, a paru heureuse, parce que l’on prévient ainsi le dégagement des carbures d'hydrogène gazeux et qu'en outre onrégularise plus vite le courant. Mais ce qui a le plus fixé l'attention des membres de la Commission, c'est l'emploi de l'azotate de soude dont les effets sont d'ailleurs si nettement expliqués dans l'extrait du Mé- moire que nous avons cité tout à l'heure. Les inconvénients de l’endosmose sont évités et la concentration de l'acide azotique nous paraît assurée. Votre Commission pense donc, avec l’auteur, que, s'il n'a pu détruire les causes de dépenses qui sont une con- séquence de l'emploi de l'acide azotique , il les a diminuées et qu'il est parvenu à donner plus de constance aux cou rants employés. Dans la seconde partie de son travail, l'auteur donne la description d’une nouvelle machine électro-dynamique se composant principalement d'un balancier pouvant osciller entre deux électro-aimants. La pile employée se compose de quatre couples fonte- charbon décrits précédemment. Quatre électro-aimants sont disposés, deux vers le haut de l'appareil, deux autres vers le bas. Le balancier touche en même temps deux électro-aimants opposés, par suite de l'effet simultané de leurs attractions sur les deux extrémités du balancier. Le courant étant in terrompu, un ressort repousse le balancier et joint son effort à la puissance attractive des deux autres électro- CLASSE DES SCIENCES. 61 aimants. On conçoit alors facilement le mouvement d’os- cillation qui se produit. Deux leviers communiquent le mouvement à un cylindre cannelé, au moyen d’un large grapin quiles termine, un volant régularise le mouvement qui peut ensuite être trans- mis par des procédés ordinaires. Cette machine se complète au moyen d’un appareil-ré- gulateur qui se compose de deux parties essentielles : d'un moteur et d'un commutateur; il est regrettable que la machine elle-même ne puisse pas fournir la force motrice employée. et que l’on soit obligé d’avoir recours à un mo- teur étranger qui consiste en un mécanisme d’horlogerie mû par un poids ou par un ressort. L'auteur déclare qu’en employant le volant pour mettre en mouvement le com- mutateur, il n'a jamais pu parvenir à régler la machine d’une manière aussi parfaite. « Le commutateur se compose de roues en verre portées « sur le même axe et qui servent à diriger le courant de « la pile dans le mécanisme; chacune de ces roues porte « sur sa circonférence deux garnitures métalliques munies « de dents qui engrènent les unes dans les autres sans ce- « pendant se toucher. Un petit ressort communiquant avec « le pôle positif de la pile s'appuie sur le milieu de la cir- « conférence de la première roue, et se trouve tour à tour «en contact, pendant que l'appareil est en mouvement, « avec les deux garnitures métalliques. Deux autres res- « sorts, s'appuyant constamment sur la partie pleine de « ces garnitures , l’un à droite, l’autre à gauche, commu- « niquent le premier avec le fil de deux électro-aimants « opposés, le second avec le fil de deux autres. Ces fils « viennent d’ailleurs aboutir à deux autres ressorts qui « s'appuient de même sur les bords de la circonférence de « la seconde roue, identique de tous points à la première, «et sur le milieu de laquelle frotte un sixième ressort qui 62 ACADÉMIE DE ROUEN. « ramène le courant au pôle négatif de la pile. I résulte de « cette disposition que le courant passe d’abord dans les «deux premiers électro-aimants, puis dans les deux « autres et ainsi de suite, de là le mouvement d’oscillation « du balancier. » Il est important de remarquer que les dents métalliques du commutateur seront bien vite altérées par le passage de l'électricité ; chaque fois que le courant sera interrompu, une étincelle se manifestera, et une détérioration rapide de l'appareil en sera une conséquence immédiate. L'auteur exprime en terminant le regret qu'il éprouve « de ne pouvoir présenter quelques considérations écono- « miques sur la machine précédente, et entrer dans quel- « ques détails sur les avantages qui peuvent résulter de son « emploi, particulièrement sous le point de vue industriel ; « mais, dit-il, une telle discussion suppose deux données « qui me manquent encore, savoir : 1° la limite que l’on « doit assigner au nombre d'oscillations que le balancier « peut exécuter dans un temps donné ; 2° la loi suivant la- « quelle la puissance attractive d’un électro-aimant dimi- « nue à mesure que la distance à laquelle il agit augmente ; « de ces données dépend, en effet, le travail de la « machine. » | Votre Commission, Messieurs, a partagé les regrets de l'auteur ; elle a compris, comme lui, qu’elle avait besoin, pour se former une idée complète du mérite des appareils proposés, que des expériences décisives et qu’une étude plus approfondie des faits vinssent, pour ainsi dire, donner une sanction aux travaux, d’ailleurs si intéressants, consi- gnés dans le mémoire n° 3. Il faut, pour que la question se trouve complètement résolue, qu'il soit prouvé que l’ap- pareil présenté réponde aux conditions de force, d’éco- nomie, de régularité posées dans le programme. Ce travail, encore incomplet, renferme des éléments CLASSE DES SCIENCES. 63 nombreux qui pourront conduire l’auteur à la solution de la question. Pénétrée de cette pensée , votre Commission à Messieurs, n’eût pas hésité à vous proposer d'accorder un délai nouveau aux concurrents. Mais le décret du 23 février dernier nous met dans la nécessité de changer la nature de nos conclusions. Permettez-nous, Messieurs, de vous rappeler le texte même de ce décret : Art. 1%. Un prix de cinquante mille francs est institué en faveur de l’auteur de la découverte qui rendra la pile de Volta applicable avec économie, soit à l'industrie comme source de chaleur, soit à l'éclairage, soit à la chimie, soit à la mécanique, soit à la médecine pratique. Art. 2. Les savants de toutes les nations sont appelés à concourir. Art. 3. Le concours demeurera ouvert pendant cinq ans. Art. 4. Il sera nommé une Commission chargée d'exa- miner la découverte de chacun des concurrents, et de re— connaître si elle remplit les conditions requises. Devant les termes mêmes de ce décret, l'Académie pen- sera sans doute qu'elle doit fermer le concours qu'elle avait ouvert. ; Mais, de plus, en considération du mérite incontestable du Mémoire n° 3, en réfléchissant surtout aux peines et aux dépenses que ce travail a dû occasionner, et en con- cevant d’ailleurs l'espoir que l’auteur pourra, après de nou- veaux efforts, entrer avec des chances de succès dans la lutte ouverte par le Gouvernement, votre Commission vous propose, en s'appuyant sur le texte même du testament du vénérable abbé Gossier, d'accorder à l’auteur du Mémoire n° 3 une somme de 300 fr. à titre d'encouragement et d'indemnité, en l’engageant à continuer ses intéressantes recherches. 64 ACADÉMIE DE ROUEN. Enfin, la Commission a l'honneur de vous proposer d'af- fecter la somme de 500 fr. restée libre sur les fonds pro- venant du legs Gossier, à un nouveau prix dont le sujet sera présenté par la classe des sciences. Après cette lecture, l'Académie a décidé qu'une médaille d'or de 300 fr. serait accordée à l’auteur du n° 3, s’il con- sentait à se décéler, et que les 500 fr. restant disponibles seraient consacrés à un nouveau prix. A la séance suivante , du 30 juillet , l’auteur du Mémoire n° 3 s'étant fait connaître par une lettre, l’Académie a décidé que son nom serait proclamé à la séance publique : c'est M. Rivière , professeur au Lycée de Saint-Étienne. Elle a adopté, dans la même séance, pour l'emploi des 500 fr. disponibles , le sujet de prix qu'on trouvera dans les programmes, à la fin de ce volume. CONCOURN POUR LA COMPOSITION D'UN MANUEL D'HYGIÈNE POPULAIRE ; RAPPORT GE M. HÉLOT, Lu À LA SÉANCE PUBLIQUE DU 6 AOUT 1852. ( La Commission d'examen des Mémoires se composait de MM. Avenel, Boutan, Girardin, Hellis, Hélot et Vingtrinier. ) Messreurs , Un prix d’une valeur de 600 fr. devait être décerné, 1l y a deux ans, par l’Académie des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Rouen, au meilleur Mémoire manuscrit et inédit dont le sujet était : Un petit traité d'Hygiène popu- laire, dégagé de toute considération purement théorique, à l'usage des ouvriers des villes et des campagnes. Ce livre, particulièrement applicable au département de la Seine- Inférieure , devait présenter, sous la forme la plus simple et la plus attrayante possible, les préceptes généraux d’hy- giène qu'il importe de vulgariser. Onze concurrents s'étaient eflorcés de remplir ce pro- gramme ; mais, comme vous pouvez vous en souvenir, personne n’avait atteint le but que se proposait l’Académie, et la question fut remise au concours. 66 ACADÉMIE DE ROUEN. Nous avons, dans notre précédent rapport de 1850, exposé combien il nous paraissait difiicile d'écrire sur un sujet aussi aride d'une manière à la fois attrayante, simple, claire et concise. Nous nous sommes alors efforcés, par notre critique, de faire bien comprendre l'intention de l'Académie , dont l'apparente sévérité n'a pas été une cause de découragement. En effet, dix-neuf concurrents sont entrés cette fois dans la lice. Cet empressement et ce zèle, si digne d’éloges, prouve mieux que nous ne pourrions le faire, l'importance du sujet mis au concours. Cependant, vous ne vous étonnerez pas, Messieurs, qu'un grand nombre de ces Mémoires soient encore restés bien loin du but proposé ; car les livres destinés au peuple, par cela même qu'ils doivent être dégagés de tout aperçu théorique et de toute donnée pure- ment scientifique , présentent à leurs auteurs des diflicultés sans nombre. Oublier sa propre science, écrire avec sim- plicité, sans prétention, abaisser le niveau de la science, pour la rendre saisissable à des intelligences peu dévelop- pées, en évitant toutefois de tomber dans ja trivialité, est une entreprise dans laquelle il est facile d’échouer. Nous nous plaisons à le reconnaître , avant d'entrer dans lap- préciation critique des travaux soumis au jugement de l'Académie. Comme garantie complète d’impartialité, une des con- ditions de tout programme de concours académique est que le nom des auteurs soit enfermé sous papier cacheté, portant la même devise que le manuscrit. Si l'ouvrage est jugé digne du prix, le nom de l’auteur est mis au grand jour ; dans le cas contraire , le secret reste inviolable. Plusieurs Mémoires ont été écartés du concours, parce que les auteurs ne s'étaient pas conformés à cette pres- cription , soit en envoyant des ouvrages imprimés, soit en se faisant connaître d’une manière plus ou moins directe. CLASSE DES SCIENCES. 67 Dans le même cas se trouve encore un petit traité que l’auteur n'a pas eu le temps d'achever, et nous pouvons Joindre à celui-ci deux ou trois autres qui, bien que ter- minés, sont tellement incomplets, qu'ils n’ont pu fixer l'attention sérieuse de l’Académie. L'un d’eux, sous le ütre de : Conseils d'un grand-oncle à ses petits-neveux, se compose à peine de vingt pages qui ne rempliraient pas une feuille d'impression. Si le grand-oncle n’a pas dit tout ce qu'il savait, il a certainement oublié bien des choses qu'il devait savoir. Le grand nombre des concurrents ne nous permet pas d'entrer, comme il y a deux ans, dans la critique particu- lière de chacun de ces Mémoires. Pour ne pas abuser de votre attention, nous nous contenterons d'indiquer les défauts généraux, et nous espérons que les auteurs, qui ne seront pas mentionnés, pourront facilement comprendre ce qui les place au-dessous de leurs compétiteurs. Les uns, avec une science bien complète du sujet, donnent à leurs conseils une tournure si sèche et si mono- tone, qu'ils seraient certainement peu lus par les ouvriers. En effet, lorsqu'on écrit pour des hommes qui n’ont pas l'habitude de la science , il faut savoir parler à l’imagina- tion pour arriver jusqu'à l'intelligence. Les autres, pour éviter ce défaut , ont cru devoir cacher leur titre de professeur et de maître sous une fiction plus ou moins heureuse. Tantôt, c’est un vieux docteur nor- mand qui donne paternellement ses leçons aux ouvriers de son village ; tantôt, c'est le Père Anselme, l’un de ces personnages qui servent à tout, et que l’on emploie si souvent dans les ouvrages didactiques, qu’on veut mettre à la portée de toutes les intelligences; une autre fois, c’est un chirurgien-major, qui raconte ses prouesses, en y ajoutant, suivant les circonstances, de bons avis sur l'hygiène. 68 ACADÉMIE DE ROUEN. Une morale nue apporte de l'ennui, Le conte fait passer la morale avec lui; mais il faut éviter pourtant de faire plus de contes que de morale. Un autre a cru devoir adopter la forme de dialogue entre un docteur, un étudiant et un ouvrier. L'ouvrier fait l'igno- rant , l'étudiant fait l’érudit , le docteur veut faire le savant, et chacun remplit assez mal son rôle. En effet, si parfois le bon sens se trouve chez quelqu'un des trois, c’est plutôt du côté de l’ignorant que du côté du docteur : cela se voit quelquefois ; mais, pour l’hon— neur de l’école, hâtons-nous de dire, qu’à la manière dont il traite son sujet, il est facile de juger que le maître en question est un docteur de circonstance qui a oublié de prendre ses grades. Ainsi , Messieurs , voulez-vous savoir quel rapport existe entre le cerveau et les membres, c'est que « la moëlle « qui remplit les os est, au fond, la même substance que « celle du cerveau » (textuel). Aussi, pour fcrtifier les membres , et par-là même fortifier le cerveau, il faut, dit l'auteur, se laver chaque matin les yeux et les mains, se frotter les dents..., ete. Et la raison qu'il en donne, c'est que l’école de Salerne l'a dit, il y a six cents ans. Comment voulez-vous que l'ouvrier résiste à cette auto rité? Et que sera-ce donc quand, toujours de par l'école de Salerne , il lui faudra donner du vinum aquosum (du vin coupé aux enfants en bas âge ! Vous comprendrez facilement qu'arrivé au 24° et der- nier conseil de ce genre, toujours appuyé de l'école de Salerne , d'Hippocrate, de Gallien, de Mélancton , à grand renfort de citations latines , l’ouvrier devra se tenir pour bien convaincu. On ne peut nier pourtant que le docteur, l'étudiant, l'ou- CLASSE DES SCIENCES. 69 vrier, ne découvrent parfois, dans leur bon sens , quel- ques conseils utiles : comme par exemple de manger avec modération, d'éviter l'ivresse, d'exercer le corps, d’exer- cer l'esprit, etc.; mais quant au 18% conseil , qui veut que nous fassions du bien; au 19°, qui nous invite à aimer nos parents; au 20°, au 21°, qui nous engagent à respec- ter les lois, à espérer en Dieu, je pense qu'ils importent peu à l'hygiène et qu'ils seraient mieux placés dans un ca- téchisme que l'Académie ne demandait pas à l’auteur. Pour ce qui est de la forme , l'auteur a pris lui-même le soin de se critiquer dans son 8 conseil , où il fait dire, de la manière la plus naïve à son étudiant : « Ce qu'il y a « de plaisant dans notre conversation hygiénique , c'est « que nous parlons toujours d'abord de ce qui ressemble «le moins à ce que nous avons annoncé en commen- « Çant. » Eh! bien, que cela soit dit pour le commencement et pour la fin. Le style est peut-être la partie qui, chez tous les au- teurs , laisse le plus à désirer. On trouve, chez l'un, des fautes de français et de grammaire qu'il est difficile d’excu- ser ; chez l’autre, des trivialités et des idées si étranges, qu'on est souvent obligé de chercher longtemps sous la fi- gure le sens réel de la pensée. Il en est un pourtant qui, dans une épitre à ses juges, expose les raisons qui lui ont fait écrire son petit ouvrage en style peut-être un peu trop relevé. « Les livres , dit-il, qui ont pour but de‘propager dans « le peuple des vérités utiles, et qui les présentent dans le «Style du Petit-Poucet ou du Chaperon-Rouge , lui font « l'eflet des contes bleus dont on copie la forme. Les Saint- « Simon, les Fourrier, les Cabet, les Proudhon, les Louis « Blanc sont parfaitement compris , et ne sont pas tombés « dans cette erreur. Si, pour corrompre le peuple, on peut 10 ACADÉMIE DE ROUEN. « lui parler français, pourquoi ne pourrait-on pas lui par- « ler français pour l’éclairer réellement et le moraliser ? » Il s’est du reste efforcé, dit-il, de donner à son style un cachet de simplicité ferme qui rende l'expédient de la tri- vialité inutile pour la compréhension des idées. Nous sommes loin de blâmer l'auteur de vouloir parler français, et nous n'avons jamais pensé que pour être clair, il fallüt devenir trivial; mais les hommes qu’il semble prendre pour modèles de style sont-ils, même sous ce rapport , bien dignes de sa prédilection ? Je ne le pense pas. D'abord ils n'ont pas précisément écrit pour les ou- vriers ; la clarté d'exposition n’est pas ce qu’on doit le plus admirer en eux. De l'imagination, quelques lieux communs présentés avec verve, voilà leur principal mérite, et leur succès dépend beaucoup moins de la lucidité de leurs théo- ries, que de l'attrait fourni par les conséquences qui en découlent. Dites au pauvre qu'il sera riche , au paresseux qu'il n'aura rien à faire , à l'ambitieux qu'il obtiendra tous les honneurs, au voluptueux que tous les plaisir l'accable- ront en foule ; quelles que soient vos raisons , quels que soient vos moyens, quel que soit votre style, vous serez toujours écoutés. Mais pour se faire comprendre, il fau- drait se comprendre soi-même ; or, il est incontestable que souvent ces auteurs ne se sont pas plus compris qu’on ne peut les comprendre. Du reste, pour dédaigner le style de Perrauit, même dans ses contes de fées, il faudrait avoir la verve du sati- rique Boileau; et ce traité, qui, après tout, ne manque pas d'un &2riain mérite, où l’on rencontre beaucoup de bonnes pages sur l'hygiène des professions , etc., est tellement déparé par des bizarreries et des trivialités sans nombre, que l’auteur est loin d’avoir répondu , dans la pratique, aux principes qu'il posait d'abord en théorie sur la clarté et l'élégance du style. CLASSE DES SCIENCES. 71 « Un point important, dit-il, c'est de fermer l'oreille à «tous ces marchands d’orviétan politique , qui vous pro- « mettent de convertir l’eau de l'Océan en limonade, ou « de faire de la France une lcarie, où le blé poussera tout «seul, et où les allouettes tomberont toutes rôties des « nues, Avec des variantes, c’est là le fond de tous les pro- « grammes révolutionnaires. Si vous avez de la tête, vous « conviendrez qu'avec ces billevesées, on veut vous con- duire à l’'émeute où, en attendant les allouettes rôties, vous recevrez des balles toutes chaudes en guise d’ab- « sinthe. » Il faut convenir que le conseil est salutaire ; car s’il est une chose peu hygiénique au monde, c’est bien celle de manger du plomb. Je n'aurais jamais , quant à moi, pensé à ce moyen de battre en brèche le socialisme , sans sortir de l'hygiène. Plus loin , à propos des nourrices et des biberons , blä- mant les femmes qui se dispensent du devoir de nourrir leurs enfants, il s’écrie : « Ce n’est pas pour faire du fromage de Hollande ou de « Neufchâtel que les seins des femmes se gonflent de lait. » Je vous laisse le soin de juger la forme. Quant au fond, nous ne pouvons nous empêcher d’avertir l'auteur, qu'il est certains vices tellement contraires à la nature, qu'il faut un concours extraordinaire de circonstances pour le révéler. Vouloir prévenir ces vices, c’est s'exposer à les en- seigner, et nous pensons qu'il est au moins inutile d’en parler dans un traité d'hygiène populaire. qui peut être lu en famille. Dans tous les cas, une allusion suffisait, L'au- teur s’est étendu sur ce sujet avec trop d'abandon. Un autre a cru devoir prendre pour épigraphe la phrase suivante : « Instruire le peuple, c'est la meilleure manière de le « préparer à sa complète émancipation. » À A 72 ACADÉMIE DE ROUEN. Il est assez diflicile de comprendre de quelle émancipa- tion l’auteur veut parler. Pour moi, j'ai toujours été con- vaineu que le peuple, du côté de ses droits, avait fort peu de choses à conquérir, et qu'il s’émancipait assez de lui- même du côté de ses devoirs. Instruire le peuple, c’est lui apprendre ce qu’il doit aux autres, tout aussi bien que ce que les autres lui doivent ; c’est lui apprendre que sa complète émancipation , c'est-à-dire la suppression de l'autorité et des lois, serait sa ruine et son plus grand malheur. À propos d’épigraphe , nous ne pouvons passer sous si- lence les quatre lignes suivantes , que l’auteur du n° 15a si richement rimées : « Par les recherches et l’émulation, « On recule les bornes de la science ; « L’hygiène, par son application , « En fait autant sur celles de l’existence. » Le bourgeois gentilhomme faisait de la prose sans s'en douter ; on en pourrait dire autant, je pense, du poétique auteur de ce Mémoire. Un autre défaut de forme que plusieurs auteurs n’ont pas su éviter, c’est le nombre presqu'infini des divisions et des subdivisions, plus ou moins naturelles, plus ou moins tirées des sujets. Cette prodigalité de divisions clas- siques rend ces livres fort peu instructifs et encore moins intéressants. Sous le rapport de l'exactitude des divisions, que penser d'un traité d'hygiène divisé en deux parties, où l’on traite : Premièrement, Des causes principales de notre existence, et Secondement, Des causes secondaires de cette même exis- tence ? J'avoue que je n'aurais jamais eu l’idée de remonter ainsi CLASSE DES SCIENCES. 73 à la création du monde pour trouver la division naturelle d'un Traité d'hygiène ; mais il suflit de s’entendre, et votre étonnement cessera lorsque vous saurez que, parmi les causes principales de notre existence , nous devons ranger l'air atmosphérique, la ventilation des appartements, les aliments en général. le pain de froment, le pain bis, le pain de seigle, le pain d'épices, le pain de gruau, le ver- micel, la pomme de terre, le cerfeuil, l'oseille, la citrouille, le bœuf, le veau, le cochon de lait. Dans les causes secondaires , vous trouverez les véte- ments, la chemise d'homme, la chemise de femme, les jar- retières, les cravates, les gilets de flanelle, etc. L'auteur confond assurément les causes de l'existence avec les moyens de la conserver. Il y a pourtant quelque différence ; car la cause d’un être c’est ce qui fait, ce qui produit cet être , et l’auteur ne veut pas dire, sans doute, qu'il est le produit du bœuf qu'il mange, ou de la jarretière qui soutient ses chausses. Pourle fond, nous devons reconnaître que tous les compétiteurs sont animés des meilleures intentions , qu'ils donnent généralement d’utiles et de sages conseils. On pourrait même citer des passages de leurs mémoires traités d’une manière vraiment supérieure. À part quelques er- reurs qu'il est inutile de relever, et certains avis dont on ne voit pas toujours l’utilité, la plupart de ces traités seraient dignes d’éloges à plus d’un titre. Cependant il en est quelques-uns qui, par excès de con- cision, sans doute, ont omis des détails importants. Des parties assez considérables de l'hygiène sont même parfois oubliées ; mais le reproche le plus grave que nous devions faire à la plupart de ces petits traités, c’est d'être souvent trop scientifiques. Si, pour bien manger, bien digérer, il fallait connaître le mode et la théorie de ces deux fonc- tions, beaucoup de gens , même des plus savants, seraient 74 ACADÉMIE DE ROUEN. réduits à mourir de faim. Toutes ces descriptions anato— miques et physiologiques, que l'Académie ne demandait pas, sont complètement inutiles aux ouvriers. Quant à ceux qui, dans un traité d'hygiène, pensent de- voir parler de physique, d'optique, de chimie, d’astrono- mie, je crois qu'il est inutile d'en faire la critique. D'autres, médecins sans doute , se sont laissé entraîner à faire beaucoup plus de médecine que d'hygiène. « Si soulager est beaucoup, dit l'un d'eux, guérir est « bien davantage. » C'esttrès-vrai ; mais guérir n’est pas le but de l'hygiène, et lorsque ces auteurs décrivent fort au loug les différentes maladies, la manière de les traiter, et s'appliquent à nous faire connaître les signes certains de la mort, ils oublient sans doute qu'ils écrivent pour prévenir les maladies et non pour les guérir, moins encore pour constater les décès. Quelques-uns enfin n’ont pas su se tenir dans les bornes d'un traité d'hygiène populaire. Ils parlent fort bien et fort longuement du déboisement des montagnes , des construc- tions, des cours malsaines qu'il faut daller et bituminer. Toutes ces choses, bonnes pour un propriétaire, sont au moins inutiles pour un ouvrier, qui ne possède sou- vent qu'une chambre à loyer au troisième ou quatrième étage. Un autre, à propos des fonctions nutritives et des subs- tances alimentaires, donne un tableau indicatif de la con- sommation comparative du thé dans toute l'Europe, docu- ment'peu‘intéressant pour le travailleur qui n’en consomme guère. Après avoir dit quelques bonnes choses sur les vête- ments, les habitations, et quelques autres parties de l'hy- giène , il parle, dans des chapitres successifs, des doctrines médicales, du système Raspail, de la méthode homæopa- thique , de la confiance qu'on peut accorder aux médi- caments, des maladies qui peuvent étre traitées sans le CLASSE DES SCIENCES. 75 secours du médecin, comme la constipation , les pâles cou- leurs. la rougeole, le piétin de moutons, etc. Toutes ces considérations qui, mieux exposées, eussent pu intéresser les bêtes à cornes , les médecins ou les apo- thicaires, importaient peu dans un traité d'hygiène popu- lire. Je n’entrerai pas, Messieurs, dans de plus longs détails pour motiver l'insuffisance de ces mémoires. J’ai hâte d'ar- river aux trois traités dont la supériorité nous a paru in- contestable. Le n° 14 se présente avec cette phrase pour épigraphe : « Avec du bon sens et de la sagesse, on s'épargne bien « des indispositions, on prévient souvent les maladies, on « prolonge son existence. » Dans une introduction beaucoup trop longue, il nous montre un vieux maître d'école, ancien soldat décoré, instruisant, au milieu de son jardin, ses élèves et toutes les personnes qui veulent bien venir l'écouter. Ces leçons, faites sous la simple forme de causeries de famille, ont un charme tout particulier qui fait oublier bien des imperfections. Le maître, sans nulle prétention scien- tifique, raconte, dans un style très-pur, souvent avec es- prit, les moyens qui lui ont conservé la belle santé que tout le monde admire en lui. De petites ahecdotes semées dans le cours de ses entretiens donnent à ces conseils quelque chose de saisissant qui aide beaucoup la mémoire des au- diteurs Cette forme simple et intéressante était certaine- ment ce que demandait l'Académie; car pour être utile, cen'est pas tout d'écrire , il faut encore savoir se faire lire, en intéressant ses lecteurs et en sachant se mettre à leur portée. La seconde partie de cet ouvrage remplit, on ne peut mieux, ces conditions, En effet, avec l'intérêt que l’auteur a su répandre partout , on peut dire que, dans cet endroit 76 ACADÉMIE DE ROUEN. de son livre, le fond est presque irréprochable. Mais nous regrettons qu'il ait oublié complètement l'hygiène des pro- fessions. Si l'auteur eùtsu combler cette lacune importante, et si, dans la première partie de son livre se trouvaient moins de longueurs et de définitions qu'on peut regarder comme des hors-d’œuvre ; il eût certainement dépassé ses rivaux. On y doit remarquer surtout d'excellents chapitres sur le charlatanisme, sur l'éducation des enfants, sur l'utilité de la médecine, sur la confiance et la soumission des ma- lades aux prescriptions de l'homme de l’art, etc. A propos de la respiration, le vieux professeur ne peut cependant résister au désir de faire un peu de science ; mais la théorie de la combustion lente du carbone par l'oxygène dissous dans notre sang, n'est pas tout à fait à la portée des ouvriers qui se figurent difiicilement ces réactions inté- rieures. Du reste , la connaissance de ces détails importe peu à la pratique , et leur suppression ne ferait qu’ajouter à la clarté des conseils. Nous devons dire encore que, dans certaines parties, l'auteur est parfois incomplet , beaucoup de choses utiles ne sont qu'indiquées. Cependant, malgré ces défauts, l’A- cadémie a crdevoir récompenser le zèle de l'auteur qui mérite des encouragements. Le n° 3 porte pour épigraphe : « Benè adhibita ratio cernit quid optimum sit, neglecta «multis implicatur erroribus. » Ce Mémoire est le même que celui qui se trouvait classé dans notre rapport de 1850 sous le n° 4. Il était incontes- tablement le meilleur du concours. Méthodique, concis, simple dans sa forme, on n'avait à lui reprocher que quel- ques inexactitudes de détail, comme aussi certaines omis- sions qui formaient des lacunes regrettables. Trop bref sur beaucoup de points, ilindiquait les choses plutôt qu'il ne CLASSE DES SCIENCES. 71 les développait. Cependant, ce petit traité, très moral, écrit simplement, sans prétention, avait mérité les encou- ragements de l’Académie. Aujourd'hui, il n’a rien perdu de son mérite. Il a même subi , sous la plume de l’auteur, des changements impor- tants qui l'ont rendu plus complet et plus capable encore d'atteindre le but proposé. Je n’entrerai pas dans le détail de son plan, qui renferme tout ce qu'il est important de dire aux ouvriers sur l'hy- giène. Ce travail consciencieux remplirait bien les condi- tions du programe, s’il n'était, dans sa forme , d’une sé- cheresse qui en rend la lecture difficile. Les anecdotes qu'on y trouve ne manquent pas d’à propos; mais elles sont souvent distribuées sans art et mal fondues avec le reste de l'ouvrage. Quelques points sont encore assez su- perficiellement traités, et l’auteur n’a pas su se mettre à l'abri de quelques légères erreurs et de plusieurs exagé- rations. Son style, souvent négligé , est parfois incorrect. A part ces petits défauts, ce Mémoire mérite aujourd’hui plus que les encouragements de l’Académie, qui croit devoir décerner à l’auteur une récompense. L'auteur du n° 4 a pris pour devise ce mot tiré de son ouvrage : « De bonnes mœurs et la santé sont la meilleure garantie « contre la misère et le malheur. » L'auteur est le neveu d’un ancien et vénéré chirurgien militaire qui, après avoir exercé la médecine avec succès, s’est retiré aux environs de Rouen, dans une agréable maison de campagne. Ce vieux médecin avait autre fois professé un cours d'hygiène, il aimait à en parler. Le bruit du concours ouvert par l’Académie a réveillé ses instincts bienveiliants pour les ouvriers ; et chaque jour son neveu, qui conçoit l'idée de lui faire composer un traité d'hygiène, sans qu'il s’en doute, écrit sous forme d'entretiens les 78 ACADÉMIE DE ROUEN. conseils donnés par ce bon vieillard. Les circonstances dans lesquelles ces avis paternels ont été formulés ne sont pas oubliées dans l'ouvrage. Une aventure imprévue, une question, un accident, lui fournissent ainsi le moyen d’ins- truire d'une manière agréable , sans pédanterie , et sou- vent même avec esprit. Le vieux docteur est un jour demandé pour un malade pris de vomissements. Ce malade a mangé imprudemment du pain sortant du four. Le maître en profite pour donner de sages avis sur la manière de cuire le pain et tout ce qui concerne les travaux de la boulangerie. A propos d’un de ses malades qui entre en convales- cence , il raconte les causes déterminantes de sa maladie, dont chaque détail devient un conseil. IL arrive ensuite à parler des propriété nutritives de la viande. Il indique la manière de la préparer, prescrit celle qu’on doit préférer pour les convalescents, signale celle qu'on doit éviter. Plus loin, il parlera des légumes et des autres ali- ments. Au chapitre IV, il raconte l'histoire du sergent Bertot qui, invité à la table d’un financier, se crut victime d'une mystification. En passant devant la cuisine, il avait senti l'odeur appétissante d’une soupe au lard, près de laquelle se trouvait un jambon de la plus belle apparence. Mais grande fut sa surprise quand on ne lui servit qu’un potage fort clair, accompagné de quelques légumes , avec du thé pour tout rafraichissement. Il s’en plaignit au cuisinier, qui lui répondit que le financier, d’un tempérament faible et toujours occupé de son cabinet , aurait, s’il s'avisait de manger autre chose, dix indigestions pour une. « Fort bien, s’écria Bertot, je serai désormais des vôtres, «et j'accepterai de manger avec le bourgeois, quand le « major m'aura mis à la diète. » Par cette histoire, il montre que l'alimentation doit va- CLASSE DES SCIENCES. 79 rier selon le tempérament et les habitudes des individus. I parle ensuite du laitage , des assaisonnements, des fruits. Une visite, faite à une femme empoisonnée par du vert- de-gris , lui fournit l'occasion d'indiquer les précautions à prendre pour éviter de semblables accidents. [l enseigne ce qu'il importe de faire en pareille occurrence et parle en- suite des champignons et de leurs propriétés vénéneuses. Le moindre accident de la vie, la moindre circonstance motive un conseil Il n’y à pas dans ce livre d'autre ordre que celui qui semble résulter d’une occasion imprévue. Plus bas, le docteur vient visiter Rouen, et notre ville lui donne matière à un entretien fort utile sur l’air respi- rable et l'air insalubre de nos malheureux quartiers. Une jeune fille qui se trouve mal dans un bal champêtre l'amène à parler des corsets et des cravates trop serrés, comme aussi des chaussures trop étroites Le temps ne nous permet pas de passer ainsi en revue tous les incidents ingénieux qui donnent à la partie scien- tifique de cet ouvrage un attrait tout particulier. Le seul reproche que nous puissions lui faire, c’est d’être écrit en style un peu trop monotone. Tous les chapitres s’agen- cent à peu près de la même manière, et les épisodes dont ils sont ornés ne sont pas amenés avec tout l’art et toute la variété qu'on pourrait désirer. Je ne parlerai pas non plus de quelques inexactitudes de détail, de quelques conseils qui ne sont pas applicables. Il est incontestable qu’il y a souvent des longueurs ; que les petites histoires , qu’il raconte pour arriver à son sujet, ne sont pas toujours en rapport avec lui et que, très souvent, le récit gagnerait à leur suppression ; que plusieurs parties sont faibles ou écourtées ; mais le style est correct, et si l’on peut lui faire le reproche d’avoir effleuré plutôt qu’ap- profondi certaines parties , je pense que l’auteur l’a fait à dessein ; car ce travail est certainement dû à la plume d’un s0 ACADÉMIE DE ROUEN. homme exercé, qui s’est attaché à dissimuler sa science pour mieux faire goûter de bons conseils sous le voile d'une agréable fiction. Par ces considérations : L'académie , ne pouvant prendre sous son patronage la publication d'aucun de ces Mémoire , a cependant voulu récompenser le zèle et les efforts des trois derniers auteurs que nous venons de citer, et, bien qu’elle ne prétende en aucune manière décerner le prix , elle accorde, à titre de récompense et d'encouragement : A l’auteur du n° 14, une médaille d'or de 100 fr. A l’auteur du n° 3, une médaille de 200 fr. Et enfin une autre de 300 fr. au dernier Mémoire classé sous le n° 4 Les concurrents , ayant consenti à l'ouverture des billets cachetés joints à leurs Mémoires, leurs noms ont été pro- clamés à la séance publique. Le n° 4 est de M. Esrarp, docteur-médecin à Bourg (Ain) ; le n° 14, de M. Leczerc ( Louis), homme de Lettres à Paris, et le n° 3 est l’œuvre de deux médecins de Rouen, MM. Duccos ( Henri) et Boureizer fils (Jules ). Une médaille d’or a été offerte à chacun d'eux. Mémoires DONT L’ACADÉMIE À ORDONNÉ L IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. DÉMONSTRATION DES LOIS DE RÉPLER, Par M. GIRAULT. (Séance du 23 Avril 1852.) Nous nous proposons d'étudier le mouvement d’un point matériel soumis à une impulsion initiale et constamment at- tiré vers un point fixe par une force dont l'intensité varie en raison inverse du carré de la distance de ces deux points. Ce mouvement est précisément celui des centres de gra- vité des planètes autour du soleil, quand on néglige leurs influences réciproques, et il est soumis à des lois que décou- vrit Képler, en rapprochant les résultats d'observations nombreuses, et d’où Newton déduisit plus tard le principe même de la gravitation ou de la pesanteur universelle. La démonstration de ces lois est l’une des applications les plus simples et les plus intéressantes des théorèmes généraux de la mécanique et du calcul infinitésimal. Mais, à cause de cela même , elle exige préalablement une étude assez étendue de ces deux branches des mathématiques. Nous avons donc pensé qu'il pourrait y avoir quelque ütilité à l'en dégager, dans une certaine mesure, et à la 6 82 ACADÉMIE DE ROUEN. présenter comme une conséquence immédiate des prin- cipes fondamentaux de la mécanique:et des théorèmes rela- tifs à la dérivation des fonctions. Aussi aurons-nous atteint notre but si, en nous écartant des méthodes ordinairement consacrées, nous parvenons , dans les pages qui suivent, à rendre accessible: à un plus grand nombre l'intelligence de ces grandes lois qui régissent les corps célestes. Soit O le point fixe attirant, M le mobile à l'instant t,p la distance OM, « l'angle de OM avec une direc- CLASSE DES SCIENCES. 83 tion fixe OX prise dans le plan du point O et de la vi- tesse initiale | plan dans lequel la symétrie indique que le mouvement doit s’effectuer ) ; soit MM À l'élément décrit par le mobile pendant un temps infiniment petit 8, avec une vitesse », w l'angle que forme cet élément avec le pro- longement MK du rayon OM; soit enfin g l'accélération due à la force attractive s’exerçant à l'unité de distance. Le mouvement du point M est déterminé si l'on connaît les valeurs de p, © et » en fonction du temps #. Appelons p”, w’, w’ et v” les dérivées des fonctions p, w, u et y par rapport au temps, et proposons-nous d'exprimer les premières quantités en fonction des dernières. Menons la droite OM, et, du point O comme centre, avec le rayon OM, décrivons dans l'angle MOM, l'arc infi- ment petit MN qui se confond avec sa corde. Le triangle MNM est rectangle en N et l'angle en M, y est égal à w. On a donc MN = MM, Cos u ; d’où MN ‘MM, TT 3 Tÿ0Q Cos u, ou p = v Cosu. (1) On a aussi MN = MM, Sin u; d’où MM, Sin u MON = ï OM 8% ACADÉMIE DE ROUEN. puis MON MM, Snu si Ml MS c'est-à-dire ( y Sin u OU à . (2) Après que le mobile a parcouru l'élément MM, avec une vitesse », pendant un intervalle de temps 8, il par- court, dans l'intervalle suivant, un second élément dont la grandeur et la position dépendent de la vitesse » et de l'attraction exercée par le point fixe pendant la durée du premier intervalle. Soit prolongé MM, d’une quantité M A égale à la vitesse v à l'époque { ; soit porté sur M0 la longueur M,B égale à gè FE ou à la vitesse due à l’action de la force attractive pendant le temps 8. La diagonale M C du parallélogramme construit sur MA et sur MB représentera la vitesse au bout du temps p + 8;et, Si du point G comme centre on décrit dans l’angle M CB l'arc M D qui se confond avec sa corde, — BD sera l'accroissement de vitesse pendant le temps 4. Mais, dans le triangle infiniment petit BMD rectangle en D, et aont l'angle M BD ne diffère de l'angle u que par l'infiniment petit MON, on a 8 BD = BM, CosM BD — . Cos u ; d'où BD __gCosu 8 % p? ‘ CLASSE DES SCIENCES. 85 ou D NE (3) y = £ p° D'une autre part, K,M C — KMA AMC — MON M,CD FT g 4 8 TNT Or, ge. men — D ME Si MBD g Fe £ M,C M,C y et, comme à y Sin u Se Bu il en résulte Die g Sin u 7e vSinu (à) por P Au moyen des formules (1), (2), (3) et (4), nous allons pouvoir démontrer la première des lois de Képler, consistant en ce que le point M décrit une section conique dont le point O occupe un des foyers. Supposons, en effet, qu'il en soit ainsi, la valeur de p est alors de la forme = ———_— © ÿ 5 f 1 +eCos(o + 0) 6) P, etc y représentant des quantités constantes et conve- nablement déterminées. On peut écrire Pl +eCos{o+e)]= p; 86 ACADÉMIE DE ROUEN. d’où l'on voit que la dérivée du premier membre doit être nulle , ou que l’on doit avoir p [1+eCos(w+c)|]— peSin( dt ne , en vertu des relations (1) et (2), Cos u + e Cos(u + w+e) —=0, __ (6) ce qui peut s'écrire Cos u + A Cos(u+w)—BSin(u+o)=0, (1) en posant A =e CoscC, B= e Since” 6 (8) Or, on tire de la relation (7) B Sin (u+w)—Cosu 19) Cos (u + © ; ; ce qui indique que la dérivée du second membre doit être . Lio Ÿ nulle, ou que l’on doit avoir æ (à w [B — Cos u.Sin(u +o)]+u [.B —.Sin.o | =,0, condition qui devient, en vertu des relations (2) et (A) ; B = Sin « JF Sin u. Cos Cu + AAUE (10) T g CAT et exige, pour être satisfaite, que la dérivée du second membre soit nulle, ou queFon'ait ? [OX [Cos peu Les Æ (4 o)|+ o' (A | PL | ve g u. Sin (u + pag u. Costa puy) rte OS pv” 2p + uw e Cos (24 +0) Herr — Sin u. Cos (u + w) \ CLASSE DES SCIENCES. 87 C’est ce que l’on peut vérifier, en effet, en substituant aux quantités ©’, p’, u’'et y leurs valeurs tirées des for- mules (1), (2), (3) et (4). Réciproquement, de ce que la dérivée du second membre de la relation (10) est nulle, on en conclut que le second membre a une valeur constante , et que la relation (10) est satisfaite en y donnant à B cette valeur constante. De là on conclut ensuite que la dérivée du second membre de la relation (9) est nulle, ou que ce second membre est cons- tant, en sorte que la relation (9) est satisfaite, en choisis= sant A convenablement. Or, la relation (9), équivalente des relations (7) et (6). exprime que la dérivée du produit p[1 +6 Cos(o 4e) ] est nulle, ou que ce produit est constant. Si.donc on appelle p la valeur constante de ce produit, la relation (5) est satisfaite et la trajectoire du mobile est une section conique ayant pour foyer le point attirant. ‘Ainsi, la première loi de Képler.se trouve démontrée. Déterminons maintenant les valeurs des trois constantes. Pour cela, ilsuflira de connaître à une époque, particulière, à l'époque initiale par exemple, les valeurs particulières de p,ow,uety. En effet, de la formule (10) on pourra déduire alors la valeur de B, puis de- la formule (9) celle de A, et les relations (8) permettront d'en conclure celles de e et de c. Ces quantités une fois connues , la formule (5) fournira la valeur de p. | Cherchons l'expression de e ou de l'excentricité. On a + € 0 A7 4 BR’. Or, les formules (9}.et (10) peuvent s’écrire - L PU A = — Cos w + nt Sin u. Sin (u +), 88 ACADÉMIE DE ROUEN. ba— Sin w + + Sin u. Cos (u + « ). On en conclut y? y? e214+7 (= — 2) sim u. La trajectoire est donc un ellipse, une hyperbole ou une parabole , selon que py? — — 2 g est négatif, positif ou nul : c'est-à-dire que l'espèce de la courbe ne dépend que de la distance initiale et de l'inten- sité de la vitesse initiale, et nullement de la direction de cette vitesse. Les constantes p, e et c étant déterminées , la formule (5) fait connaître la trajectoire du mobile ; la formule (6), la direction du mouvement , et la formule (10) sa vitesse. Dans la première de ces formules, p est exprimé en fonction de «. Si l’on veut obtenir les valeurs de « et de en fonction de la même variable , on tirera d’abord de la relation (6) _1+eCos(s +c) rs e Sin(o + c) she puis, de la relation (10), après substitution de e Sin c à la place deB, er e Sin © — Sin © 7 p Sin u. Cos (u + «) y? Remplaçant dans le second membre » par sa valeur en fonction de ©, et remarquant que Sin u. Cos (u + © CLASSE DES SCIENCES. 89 est égal à ig u |Cos © — tqu Sin w) 1 +ig u ou, en vertu de (11), à Le Sin c — Sinw] [14e Cos(o + c)] e? + 2e Cos w + 1 ‘ on à HE Le + 2% Cos(o+e)+1]. (19) On peut encore exprimer » en fonction de p ; il suffit, pour cela, de remplacer, dans la formule précédente, Cos (w +c) par l’expression équivalente De gi ce qui donne = or rstib (13) P P La formule (5), avons-nous dit, est l'expression de la première loi de Képler. Des formules (5), (11) et (12), on peut déduire les deux autres lois. La seconde consiste en ce que les aires décrites par le rayon vecteur OM sont proportionnelles au temps. Soit s l'aire décrite à partir de la position initiale, s’ sa dérivée par rapport au temps. On a Surf. MOM S = = 8 90 ACADÉMIE DE ROUEN. ou , puisque Surf. MM N est un infiniment petit devant Surf. MOM, [4 FR Surf. MON Or, 1: Nu ct ir Surf. MON = _ p.MN = : p.MM . Sin u. Donc ;| 1j" 8. Su Sin u, ou, en vertu des formules (5), (11) et (12), PE : V/#. CV æ. cab ge puisque l’aire doit être nulle pour &= 0. et par conséquent Ainsi , les aires décrites sont, en effet, LS nement au témps. to" h Supposons que, la trajectoire. décrite soit une ere et désignons par 2a le grand axe-et par: 2b le petit. Son aire aura pour expression rab. Si done on-remplaces par æab dans la formule;(14), la valeur que l'on en déduira pour € représeritéra la durée d’une révolution. On trouve à ainsi, en représentant par T cette durée ; 100] 27 ab ven , CLASSE DES SCIENCES. 91 ou, à cause de LL SE ps 027 Ce 9 d’où T2 Ur M Fi (15) On voit donc que , pour tous les points matériels pour lesquels l'accélération à l'unité de distance a la même rn2 valeur g, le rapport as St Constant, c'est-à-dire que les carrés des temps des révolutions sont proportionnels aux cubes des grands axes. C'est en cela que consiste la troisième loi de Képler. Rouen, le 93 avril 1852, NOTE SUR QUELQUES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES, Lue par M. Augt LÉVY, Dans la Séance du 30 Janvier 1851. Messreurs , Sur les côtes de Normandie, à l'embouchure de la Seine et principalement dans la portion du pays de Caux qui forme l'arrondissement du Havre, il existe une opinion universellement répandue, admise sans contestation par la population entière, et que les habitants de la campagne formulent, dans leur simple langage, en disant que la Seine attire les orages, que le fleuve empêche les orages de monter. Ces faits n'ont pas pour eux, nous le savons, la sanction d’une sévère observation; mais faut-il dédaigner l'opinion de ces hommes qui, constamment livrés aux travaux des champs, ont sans cesse sous les yeux la voûte du ciel? « Aulant je suis éloigné, dit M. Arago, de regarder l’en- « semble des proverbes, des dictons populaires comme le « code de la sagesse des nations, autant je crois que les « physiciens ont eu tort de n'accorder que leur dédain à CLASSE DES SCIENCES. 93 « ceux de ces proverbes qui se rapportent à des phéno- « mènes naturels. » Pénétré de cette idée qu'il y avait peut-être quelque chose de vrai dans cette opinion admise par toute une po- pulation, nous avons cherché, en plusieurs circonstances, à vérifier d’abord l'exactitude du fait, puis à déterminer les causes de sa production. Nous avons eu plusieurs fois l’occasion de constater par nous-même que des orages , formés au-dessus de la mer, en vue du Havre , cédaient à une influence mystérieuse et venaient se porter au-dessus de l'embouchure de la Seine ; souvent des nuages épais dominaient la baie, et le ciel était pur partout ailleurs; ce phénomène, dont nous n'avons pu être témoin qu'en passant, se reproduit fré- quemment ; nous nous en sommes enquis auprès de plu- sieurs habitants de la ville du Hâvre, qui nous ont affirmé qu'il en était presque toujours ainsi. Nous avons enfin vu bien des fois, dans le canton de Saint-Romain , des orages, poussés par un vent du sud- ouest, lutter longtemps avant de pouvoir franchir cette bar- rière que le fleuve semblait élever devant eux. C’est dans ce cas que lé paysan prétend que la Seine empêche l'orage de monter. Le doute ne nous paraît pas possible ; le fait est trop fa- cilement observable, trop fréquemment observé et enfin trop -universellement admis pour que nous puissions, le moindrement du monde, prétendre contester son exis- tence; voyons maintenant ce que nous pourrons dire Sur la cause:de ce phénomène. Les habitants de notre littoral , voyant les masses nua- geuses se porter de préférence au-dessus du fleuve . ont été amenés à dire que la Seine attirait les orages. Mais nous ‘demanderons: d'abord qu'est-ce qui attire ? Est-ce l’eau? Sont-ce les terrains: marécageux qui'se trouvent: à 94 ACADÉMIE DE ROUEN. l'embouchure du fleuve ?:Sont-ce les collines qui le bor- dent ? Sont-ce enfin les arbres qui couronnent ces collines etremplissent les longues vallées perpendiculaires au cours de la rivière? Malheureusement la question est complexe, et les docu- ments nous manquent pour arriver à un résultat précis ; cependant nous pensons, dès à présent, pouvoir procéder par voie d'élimination ét établir que plusieurs de ces causes sont inadmissibles: L'eau du fleuve peut-elle attirer les nuages orageux ? Il serait vraiment. étrange d'accorder à l'eau du fleuve cette propriété d'attirer! les nuages orageux que l’eau de l'océan serait inefficace à:retenir ;; il faudrait supposer à l’eau douce .des propriétés physiques bien différentes de celles qui caractérisent l'eau salée; et d’ailleurs, il est bon de re- marquer qu’à l'embouchure d'un fleuve, l’eau tient en sus- pension une grande partie des principes qui se rencontrent dans l’eau de la mer ; un fleuve aurait, par l’eâu qu'il ren- ferme, la propriété d'attirer les orages, tandis que les océans sembleraient jouir de la propriété précisément in- verse de détruire la cause qui produit le tonnerre. Il est en effet bien constaté, et c'est un fait acquis à la science, qu'il ne tonne pas autant en pleine mer qu’au milieu des continents; et même M. Arago incline à croire qu’au-delà d'une certaine distance de toute terre, il ne tonne jamais ! Peut-être cherchera-t-on à attribuer à l’eau en mouve- ment , suivant une loi régulière , d’autres propriétés qu'à l'eau dela mer, qui:est soumise à l’action de courants contraires. Nous croyons cette hypothèse aussi peu admis- sible que-la première; il existe d’ailleurs des faits qui les combattent l'une et l’autre. | Cependant nous éroyons devoir, avant d'exposer les faits qui se trouvent-en contradiction avec ces hypothèses, en citer quelques-uns qui sembleraient, au premier abord, CEASSE DES SCIENCES. 95 venir les appuÿer. Calcutta, par exemple, où il tonne beau- coup, se trouve sur le Gange ; ‘la ville de Patna , placée dans des conditions analogués relativement aux EE - estisituéelsur le même: ere) Suivant M. Arago , à Denainvilliers ; petite ville Situé entre Pithiviers et Orléans, le nombre moyen des jours de tonnerre s'élève à /vingt-un‘par année ; tandis qu'à Paris, il tonne; terme moyen, onze fois dans le mérire temps, cé qui Faure à la rigueur'être attribué au PRE de la Loiret MTL TEEN fi à Il est important dé remarquer que les faits qué nous ve- nôns de produire prouvent fort peu en faveur de l’hypo- thèse! que! l'eau d’un fléuve aurait la propriété ‘attirer les orages; ils ne sont pas en contradiction avec! ‘cette hypot thèse et, ‘par conséquent, ne la renversent pas; mäis ils ne pourraient être administrés comme preuve qu'autant que beaucoup de faits analogues viendraïent leur prêter un vé- rablé appui ; et pourvu surtout qu'aucun fait ne vint établit une contradiction , et c’est précisément un résultat a que’nous allons atteindre. # Au Caire ; ‘près du Nil', il ne tonne , en moyénne , que trois à quatre fois par an, ef il tonné béaucoup à Alexan- drie. Les eaux du'Nil séraient-elles donc, par exception, privéés dé la propriété d'attirer les orages ? Lave “À Quito, a Popayan, il tonne beaucoup ; ‘tandis que dans une côntrée voisine, le bas Péron, qui est baignée par plu- sieurs ee de’ l'immense Amazone , il'né tonné ja- mais. à Dans la vallée de Chillo, auprès de Quito, il tonne beau- coup plus que dans les contrées peu dass qui sont tra- versées par le fleuve des Amazonés. ‘Un seul dé ces faits ‘eût suffi pour montrer combien se- rait vaine l'hypothèse qui attribuerait à l’eau des fleuves la propriété d'attirer les orages ! 96 ACADÉMIE DE ROUEN. La cause de l’attraction réside-t-elle dans les terrains marécageux qui se trouvent à l'embouchure de la Seine ? Nous vous l’avouerons, messieurs , pendant un certain temps, nous avons cru que telle était la cause productrice du phénomène; des preuves sérieuses semblaient venir à l'appui de cette hypothèse. Ainsi, le grand nombre de jours orageux observés à Calcutta s’expliquerait par la position de cette ville auprès des terrains marécageux du Gange. A Denainvilliers , nous verrions la cause de la multipli- cité des orages dans les marécages de la Sologne. D'autres exemples analogues pourraient être cités ; ce- pendant nous n’avons pu encore réunir les documents suf- fisants pour être sùr de leur exactitude , et d’ailleurs , ce travail n’a pas été nécessaire , puisque deux faits viennent nous montrer d’une manière certaine que les marécages n’exercent aucune influence directrice sur les orages. A Popayan, dans la république de la Nouvelle-Grenade, le nombre des jours d'orage est considérable. M. Boussin- gault en a compté vingt dans le mois de mai ; aussi, ajoute- t-il, personne ne conteste aux Popayannais le droit de se vanter d’avoir le plus puissant tonnerre de la république. Et cependant, il existe, parmi les provinces qui consti- tuent la république de la Nouvelle-Grenade , des contrées beaucoup plus-humides que la province de Popayan ; nous citerons, par exemple , Bogota et Quibdo, chef-lieu de la province de Choco; les territoires de ces deux villes sont classés parmi les contrées les plus humides que l’on con- naisse, et cependant.les orages y sont moins nombreux qu'à Popayan. Enfin, dans le bas Pérou, où il ne tonne jamais, il existe d'immenses plaines très fertiles, mais humides, chaudes et malsaines. Ces faits sont en contradiction trop manifeste avec les CLASSE DES SCIENCES. 97 premiers pour qu'il nous soit possible d'attribuer aux ter- rains marécageux la plus faible puissance attractive. Voyons maintenant si les collines et les montagnes peu- vent avoir quelque influence. Quito, il est vrai, où il tonne beaucoup, se trouve pla- cée à deux mille neuf cents mètres au-dessus du niveau de la mer, dans un ravin ayant à l’ouest le volcan Pichin- cha, à l’est un rang de collines appelé Panecillo. Popayan , si célèbre par ses orages , se trouve placé au pied des grands volcans de Puracé et de Sotara. Ne semblerait-il pas, Messieurs, en présence de ces deux faits, qui paraissent si concluants, que nous venons de dé- couvrir la cause du phénomène que nous étudions ? Et ce- pendant, dans le bas Pérou , où il ne tonne jamais, nous trouvons une partie de la chaîne des Cordillières ; çà et là apparaissent aussi des volcans et, entre autres , l’un des plus célèbres dans le monde , le volcan d’Aréquipa ( Gua- gua Plitina). Vous le voyez , Messieurs, dans ce compte-rendu suc- cinct de notre étude, combien il nous a été donné de ren- contrer de faits contradictoires ; nous n’avons dû, pour ne pas fatiguer votre attention, ne citer que les principaux. Nous avons suivi, dans notre exposition, l’ordre même de notre étude; d'abord nous cherchions les faits à l’appui, puis les faits contraires, et jusqu'à présent nous avons ren- contré les uns et les autres. Nous terminerons ce travail en examinant si nous pou- vons trouver, dans les nombreuses plantations qui bordent la Seine, la cause que nous recherchons. Les premières hypothèses étant mises de côté et recon- nues impossibles , il semblerait, au premier abord, que cette dernière devrait être admise. Cette manière de pro- céder serait peu logique cependant, car nous n'avons pas eu la prétention de prévoir toutes les causes possibles, et 7 98 ACADÉMIE DE ROUEN. l'on pourrait nous objecter, avec juste raison, que pas une de celles que nous avons prévues n’est la véritable ; trai- tons donc la question en elle-même, comme dans les cas précédents. Auprès de Denainvillers, dont il a été déjà question, se trouve la vaste forêt d'Orléans. Suivant Plutarque , il ne tonnait jamais autrefois au sud de l'Egypte, celui-là. dit-il, ne craint pas le tonnerre qui demeure en Ethiopie. Cependant, aujourd'hui, il tonne beaucoup à Gondar, en Abyssinie ! Sans contester l'exactitude du fait rapporté par Plu- tarque, ne serait-il pas possible d'expliquer comment, au- jourd'hui, il tonne beaucoup à Gondar. M. Coflin, qui a visité cette ville en 181%, dit que si elle était bâtie comme nos villes d'Europe , la huitième partie de l’espace qu'elle occupe la contiendrait sans peine ; mais toutes les maisons sont si isolées et entourées d'arbres en si grand nombre et si épais, qu’on ne les voit guère que lorsqu'on y entre. Si les végetaux ont sur les orages l'influence qu’on peut leur attribuer, tout serait expliqué, et la fréquence actuelle des orages, et leur absence dans l'antiquité, si ces planta- tions n’existaient pas alors sur le sol de ces contrées. Si, dans la suite, les orages venaient à diminuer, à une époque où cette végétation exceptionnelle pourrait dispa- raître des villes de l’Abyssinie, la question serait complète- ment résolue ; à l'avenir seul est réservé ce moyen de so- lution. Poursuivons : à latitude égale, il tonne beaucoup plus en Amérique que dans nos contrées ; ce fait pourrait être attribué aux immenses forêts qui couvrent une grande partie du continent américain. Dans la Nouvelle-Grenade , presque toutes les hauteurs sont revêtues d'arbres jusqu'à leurs sommets ; tandisque , CLASSE DES SCIENCES. 99 dans le Pérou, la chaîne des Andes s’y montre âpre et stérile; et Lima, où il ne tonne jamais. se trouve entre cette chaine et la mer. Ici le contraste est frappant : dans la Nouvelle-Grenade, où il tonne beaucoup, à Popayan,. par exemple , où l’on a compté en un mois vingt jours d'orage, la chaîne des Andes présente des montagnes recouvertes d’arbres nombreux jusqu’à leur cime ; dans le bas Pérou , au contraire , où il ne tonne jamais, la même chaîne de montagnes ne présente que des surfaces arides. Ces faits, que nous venons de citer et qui nous paraissent avoir une certaine importance, sont cependant insuffisants pour fournir une preuve complète; nous devons déclarer pourtant que, jusqu'alors, nous n'avons encore rencontré aucun fait contradictoire ; toutefois nous ne prétendons pas établir que les forêts aient seules la propriété d'attirer les orages ; nous pourrions , au contraire, citer beaucoup de localités privées de forêts et où il tonne fréquemment. Alexandrie, par exemple, où il tonne beaucoup , est bâtie sur une langue de sable , entre la mer et le lac Mariout (ancien lac Mareotis). Notre intention était seulement de rechercher si, dans plusieurs circonstances , les forêts n'agissaient pas sur les orages , et si nous étions en droit d'attribuer aux arbres qui couvrent les rives de la Seine, le phénomène observé. Nous regardons cette cause comme probable ; nous pen- sons non-seulement que les arbres des rives de la Seine agissent pour leur part, mais aussi que la grande forêt de Toucques, voisine de l'embouchure du fleuve, agit aussi avec une grande énergie. De nombreuses observations pourront seules venir con- firmer ou renverser cette hypothèse, que nous sommes amenés à regarder aujourd'hui comme admissible. Constatons une fois de plus, Messieurs, combien les ob- 100 ACADÉMIE DE ROUEN. servations météorologiques ont une immense importance dans les questions de cette nature. Sans doute on observe de nos jours avec un grand soin , dans certaines localités ; mais malheuréusement, on n’observe pas partout. Si au moins, dans les contrées où l’on est privé des instruments de précision ; si, dans chaque commune, on consignait d'une manière permanente les observations que ne man- quent jamais de faire chaque jour les habitants de la cam- pagne, on aurait, nous n’hésitons pas à le dire, un recueil qui ne laisserait pas, quoique incomplet, de fournir des do- cuments précieux. Plus tard, les hommes d'étude consul- tant ces annales, pourraient arriver à des conséquences im- prévues, qui jetteraient un grand jour sur la scienee mé- téorologique. Rouen, le 17 septembre 1851. NOTICE HISTORIQUE SUR LA PHOTOMÉTRIE, PAR M. A. BOUTAN. Il est, dans le vaste domaine des sciences physiques, certaines régions longtemps inexplorées et dont l’impor- tance pratique n’a pu susciter qu’à de rares intervalles des études sérieuses et approfondies. Souvent, à côté de ces branches de la science, délaissées malgré leur valeur réelle, se développaient et grandissaient des théories et des sys- tèmes qui auraient retiré de leurs progrès, s’ils avaient été acomplis , les plus utiles secours. Dans ce cas, nous trou- vons la photométrie, la science de la mesure des intensités lumineuses qui, après être bien longtemps restée dans l’en- fance, n’a acquis un caractère scientifique véritable que depuis les brillantes découvertes en optique de Malus, de Fresnel, depuis les ingénieuses indications de M. Arago. A toutes les époques, on a pourtant senti le besoin de comparer entre elles les intensités de deux lumières et de déterminer avec rigueur le rapport de leur pouvoir éclai- 102 ACADÉMIE DE ROUEN. rant Cette nécessité a surtout été comprise depuis que sont agitées ces nombreuses questions qui se rapportent au meilleur mode d'éclairage, au meilleur combustible à em- ployer pour la production de la lumière , questions qui, dans notre siècle de progrès industriels, ont déjà occupé tant d'esprits. Le problème, du reste, est toujours le même : arriver, avec le plus d'économie possible, à pro- duire une lumière possédant un pouvoir éclairant déter- miné et jouissant d’ailleurs des qualités qu’on exige de tout système d'éclairage : absence d'odeur, immobilité du foyer lumineux, disposition et emploi facile des appareils. Sans remonter bien loin dans le passé, on est surpris de voir le nombre de solutions tentées dans l’espace de quelques années pour décider la question du meilleur combustible en matière d'éclairage. En 1815, l'anglais Winsor, venait proposer en France l'éclairage au gaz de la houille, indiqué dès 1786 par l'ingénieur français Lebon. Winsor parvenait à grand'peine, en 1817, à l'installer à Paris, au passage des Panoramas seulement, encore avait-il fallu triompher d’une résistance presque générale et des plus opiniâtres. Un peu plus tard, les gaz extraits de l'huile, de la résine, tentaient contre le gaz de la houille une concurrence qui ne pouvait avoir un plein succès que dans le cœur de la Russie, où la houille est si chère et la résine, au contraire, à si bas prix. En 1825, MM. Gay-Lussac et Chevreul prenaient un bre- vet en Angleterre pour la fabrication des bougies stéari- ques, fabrication qui ne fut exploitée que plusieurs années après , par MM. Milly et Motard. Vint ensuite l'emploi du blanc de baleine pour obtenir des bougies transparentes ou colorées , plus belles que les précédentes ; l'extraction du gaz de l’eau, la distillation des schistes par M. Selligue. En 1842, M. Dubrunfaut appliquait à l'industrie les dé- couvertes de la chimie sur la saponification des corps gras par les acides ou la chaleur, et, quelque temps après, CLASSE DES SCIENCES. 103 M. Tribouillet remplaçait avec économie, dans cette même fabrication, les graisses et les suifs, seules matières grasses jusque-là employées , par l'huile de palme qui nous vient en grande quantité de la Guinée et du Sénégal. De nos jours, on reproduit sous toutes les formes et sous tous les noms un mode d'éclairage importé en France dès 1839, et qui, suivant le caprice du fabricant, porte les noms d'hy- drogène liquide, de gaz liquide, de gazogène. Quelles que soient les dénominations qu'on leur donne, les combus- tibles employés résultent, dans tous les cas, d’un mélange analogue ; c’est toujours l'union d’une huile fortement car- burée, comme l'essence de térébenthine qui, brülant seule, donnerait une flamme jaunâtre et fuligineuse, avec une substance contenant peu de carbone, comme l'alcool, l'éther, l'esprit de bois, de façon à arriver, par compensa- tion, à la production d’une flamme parfaitement-blanche. Enfin des essais d'éclairage’ par le gaz oxyhydrogène de M. Gaudin et par le jaillissement de l'électricité voltaïque, dans le vide , entre deux cônes de charbon, ont fourni, sous le rapport de la vivacité de la lumière , des résultats supérieurs à ceux des systèmes précédents, mais en même temps d’une obtention trop coûteuse et d'une irrégularité qu’on n'a pu jusqu'ici maîtriser. Voilà certes bien des inventions, bien des procédés Hô la production de la lumière. Les uns ont résisté à l'épreuve d'une longue expérience , les autres ont été loin de ré- pondre aux espérances des inventeurs. Quoi qu'il en soit de la valeur relative de ces divers systèmes, le meilleur moyen de juger sainement leur mérite consiste à mettre en regard, pour chacun, le prix de revient avec le pouvoir éclairant. Les mesures photométriques deviennent donc, dans chaque cas, la pierre de touche qui doit guider le consommateur dans le choix d’un mode d'éclairage. Je dois ajouter, pour mieux faire sentir l'importance de 104 ACADEMIE DE ROUEN. la photométrie, qu'il est une foule de questions théoriques qui ne peuveut être abordées qu'à son aide. Telle est la détermination des intensités lumineuses du soleil, des pla- nètes, des étoiles, rapportées à une unité arbitraire. La re- cherche des lois de l'absorption de la lumière par des mi- lieux de nature diverse, et en particulier par notre atmos- phère ; le classement des étoiles, d’après l'intensité de leur lumière, afin d'en déduire le rapport probable de leur dis- tance à la terre ; l'estimation des variations d'intensité des étoiles changeantes ; telle estenfin l'étude des changements de puissance de la lumière solaire aux différentes époques de l'année , aux différentes heures du jour. En rentrant dans le domaine des applications, je citerai encore la com- paraison du mode de perfectionnement des différentes lampes qui ont été proposées dans les derniers temps, afin de reconnaître celles qui, pour la même quantité d’huile brülée, fournissent le plus de lumière. Je mentionneraï, en dernier lieu, la fixation de la source de lumière qu’il faut préférer dans les phares, fixation qui a fait l'objet de sa- vantes recherches de MM. Fresnel et Arago. En un mot, le photomètre est, pour l'optique, ce que le thermomètre est pour la chaleur ; cependant, quelle diffé- rence entre les progrès accomplis pour la construction des deux instruments ! Tandis qu'on sait, depuis longtemps déjà, apprécier les températures avec une rigueur presque mathématique, on ne peut estimer les intensités lumineuses qu'avec une grossière approximation, et le photomètre de précision est encore à trouver. C’est que la chaleur produit dans les corps des modifications mesurables , des change- ments de volume, des changements d'état appréciables à la fois par la vue et le tact ; tandis que la lumière n’en- gendre qu'un seul ordre de sensations , celles qui appar- tienuent à l'organe dela vision. Quelqu'admirable que soit l'organisation de notre œil, son degré de sensibilité est CLASSE DES SCIENCES. 105 bien limité, et nous le trouvons tout-à-fait impuissant à éva- luer numériquement, même d’une manière approximative, le rapport des intensités de deux lumières qui le frappent cependant à la fois. Ces difficultés, qui dépendent de l'imperfection de nos organes, nous expliquent pourquoi la photométrie, malgré son importance, a été étudiée si tard et par un si petit nombre de savants, C’est à peine si on peut faire remon- ter sa création à la première moitié du xvim: siècle. Avant Bouguer, qui publia en 1729 un petit essai sur la grada- tion de la lumière (1), les mesures d'intensités lumineuses n'offraient aucune exactitude ; bien des tentatives avaient été faites , il est vrai, mais par des procédés si imparfaits, que les résultats énoncés ne pouvaient inspirer aucune con- fiance. Pour justifier cette opinion, je vais indiquer suc- cinctement quelques-unes des méthodes qui avaient été proposées avant l'apparition du livre de Bouguer. André Celsius (2). l'astronome d'Upsal, indiquait, vers 1725, comme un moyen photométrique applicable, de tra- cer sur un papier blanc des cercles noirs de rayons diffé- rents, et de chercher ensuite à quelle distance il fallait placer successivement les lumières qu’on voulait comparer pour que l'œil du même observateur pût nettement distin- guer l'un ou l’autre de ces cercles. Une méthode tout-à- fait semblable, quant au principe, mais perfectionnée dans les détails, fut employée plus tard par le fameux naturaliste (1) Traité d'optique sur la gradation de la lumière, par Bou- guer, 1° édition en 1729. — 2e édition publiée par l'abbé Lacaille, en 1760. (2) Dissertatio de novo methodo dimetiendi distantiam soli à terra. — 1730. — 106 ACADÉMIE DE ROUEN. de Saussure qui parvint, à l’aide d’un appareil qu'il nomma diaphanomètre , à exprimer par des nombres la transpa- rence de l'atmosphère dans les conditions variables de tem- pérature, de pression et d'humidité auxquelles elle est sou- mise. Vers 1667, Adrien Auzout, mathématicien né à Rouen, l'inventeur du micromètre à fil mobile employé après lui avec tant de succès dans les lunettes astronomiques pour mesurer le diamètre apparent des astres, s’oc- eupait aussi, par des procédés du même genre, d'études photométriques, et cherchait à trouver le rapport des puis- sances lumineuses du soleil et des planètes. A une époque encore plus reculée, vers 1653, l'illustre hollandais Hugghens , à qui l'astronomie et l'optique sont redevables d’une partie de leurs progrès, essayait de com- parer les facultés éclairantes du soleil et de l'étoile Sirius. Pour arriver à cette estimation , Hugghens cherchait, par voie de tätonnement, à évaluer les distances auxquelles son œil devait être placé pour qu'en regardant par un petit trou les lumières des deux astres , elles produisissent sur sa rétine la même sensation. J'en ait dit assez pour montrer l'intérêt que les physi- ciens et les astronomes attachaient aux évaluations d’in- tensité des radiations lumineuses, et en même temps l'imperfection et, par suite, l'inefficacité des procédés qu'ils avaient adoptés. J'arrive maintenant à l'exposition de méthodes plus précises. La première en date est celle de Bouguer. Voici quel était son point de départ : notre œil, qui ne peut fixer nu- mériquement le rapport des intensités de deux sources lu- mineuses, est apte cependant à reconnaître et à constater l'égalité de deux lumières qui l’impressionnent simultané- ment. Seulement, pour que cette appréciation puisse être eflectuée sans hésitation, il est quelques conditions favo- CLASSE DES SCIENCES. 107 rables qui doivent se trouver remplies. Ainsi les deux sur- faces qui envoient la lumière doivent être juxta-posées de telle sorte que le même œil puisse les apercevoir à la fois. Elles doivent être d’égale étendue, de même forme , uni- formément éclairées dans toutes leurs parties. Les lumières que l’on compare ne doivent avoir des facultés éclairantes ni trop vives, car l'œil en serait ébloui, ni trop faibles, car la perception en deviendrait incertaine. Le principe posé, arrivons au procédé lui-même. Deux orifices circulaires de quelques centimètres de diamètre, fermés par une lame de papier huilé, étaient pratiqués dans la cloison verticale qui partageait la même chambre en deux compartiments bien distincts. L'un de ces comparti- ments était plongé dans une obscurité complète ; c'était celui que devait habiter l'observateur pour effectuer la me- sure en question L'autre compartiment était éclairé par les deux foyers de lumière qu'il fallait comparer. Chacun d'eux pouvait, en se déplaçant sur une règle graduée horizon- tale . perpendiculaire à la cloison, être porté par un aide à des distances diverses des orifices recouverts par le pa- pier que l'huile avait rendu translucide. Les deux lumières étaient séparées dans tout leur parcours par une cloison médiane opaque , de manière que chacune d'elles ne pût éclairer à la fois qu’un seul des orifices. On comprend dès lors que l'observateur, placé dans la chambre obscure, pou- vait parvenir, après quelques tâtonnements, à indiquer à son aide quelles étaient les positions respectives qu'il fallait donner aux deux foyers lumineux pour que les disques de papier huilé lui parussent également éclairés. Il ne restait plus qu’à effectuer une mesure que les graduations de la règle fournissaient immédiatement, c’est-à-dire à estimer la distance de chaque lumière à l’orifice correspondant , et à appliquer ensuite cette loi d'optique incontestable qu'’in- dique le raisonnement et que vérifie l'expérience, à savoir : 108 ACADÉMIE DE ROUEN. que les intensités d'une même lumière varient en raison in- verse des carrés de ses distances Ce procédé, d’une exécution facile en apparence, est sujet , quand on en vient à l'application , à des reproches très graves. Pour le même individu, il existe un assez long intervalle dans lequel peut se déplacer impunément l'une des lumières , l’autre demeurant fixe , sans que l'éga- lité d’éclairement des deux disques appréciés par l'œil paraisse troublé. Il en résulte une incertitude réelle dont la cause première réside dans le degré trop restreint de la sensibilité de notre rétine. Or, ce degré change d’un in- dividu à l’autre. D'après les expériences de M. Masson, dont nous parlerons bientôt, cette sensibilité est comprise entre des limites assez distantes. Pour les vues faibles, elle varie de Z à ;: ; pour les vues ordinaires, d5à-; pour les bonnes vues de + à +. Les limites extrêmes seraient donc, d’après ce physicien, exprimées par les deux fractions , +. Il en résulte que là où tel observa- teur admettra une identité de teinte entre les deux disques de papier huilé, un autre , possédant une rétine plus déli- cate, reconnaîtra des différences dans leurs clartés. Il modifiera donc les distances, de deux lumières pour arriver à l'identité qui convient à son organe et obtiendra ainsi un rapport nouveau pour les facultés éclairantes des deux mêmes foyers. Cet inconvénient n’est pas le seul : si les deux lumières comparées n'ont pas rigoureusement la même couleur, les disques seront eux-mêmes différem— ment colorés et il devient alors presque impossible, même à un œil très exercé, de constater l'égalité d’éclairement. Ce procédé de Bouguer a été mis en pratique avec quel- ques modifications par Lambert vers 1760. Ce savant pu- blia à cette époque un traité qui a pour titre : Photometria grudibus luminis dans lequel ses expériences se trouvent consignées. CLASSE DES SCIENCES. 109 Bouguer ne se borna pas, toutefois, à cette première tentative : il voulut déterminer la relation qui existe, au point de vue de la puissance d’éclairement, entre la lune et le so- leil et adopta pour cette mesure nne méthode toute nou- velle, différant essentiellement de la précédente par son principe. On sait que l'intensité de la lumière dépend de l'inclinaison des rayons sur la surface qui les émet. Elle est proportionnelle au sinus de l'angle d’'inclinaison des rayons sur cette surface. £i donc on présente alternati- vement au soleil et à la lune une même surface plane, de telle sorte que les rayons lunaires, c’est-à-dire les moins intenses, la frappent à angle droit et que les rayons solaires, c'est-à-dire les plus intenses, soient au contraire très incli- nés on pourra parvenir à l’aide de quelques essais succes- sifs à douner à ces derniers une inclinaison assez grande pour que la surface quiles reçoit paraisse aussi peu éclairée que lorsque les rayons lunaires la frappaient perpendicu- lairement. A cet instant il suffira de mesurer l'angle d’in- clinaison du faisceau envoyé par le soleil sur la surface plane, et le rapport des intensités lumineuses des deux astres, sera donné par le sinus de l’inclinaison des rayons les plus intenses. Il est bien entendu que, pour rendre cette expérience praticable, on était obligé de comparer indivi- duellement , dans deux expériences distinctes , chacun des deux astres à une même lumière artificielle, prise pour unité pour en déduire, par le même calcul, le rapport demandé. Le principe de cette méthode est , à coup sûr, parfaite ment rigoureux. mais, dans la pratique, on reconnaît bien vite une complication de phénomènes. La portion de lumière disséminée irrégulièrement par la surface, ou comme on le dit habituellement diffusée, la seule qui devrait contribuer à la perception de son éclairement, se trouve toujours mêlée avec une portion de la lumière régulière- ment réfléchie, laquelle varie à son tour dans son intensité 110 ACADÉMIE DE ROUEN. avec l'inclinaison des rayons ; celle-ci contribuera donc à rendre le jugement de l'observateur entaché d’une plus grand incertitude L'expérience perdait encore de sa pré- cision à cause de l’impossibitité où l’on était de comparer directement entre eux les deux corps lumineux. En outre, les difficultés déjà signalées pour le premier procédé de Bouguer subsistent ici dans toute leur étendue et la né-— cessité d’une estimation exacte de l'égalité des teintes de la surface plane amène les mêmes incertitudes. Le physien écossais Leslie, qui a fait de si beaux travaux sur la chaleur rayonnante,reconnaissant les erreurs inhéren- tes aux procédés photométriques employés avant lui, voulut tourner la difficulté et substituer à des appréciations d’éclai- rements égaux, des mesures thermométriques toujours beaucoup plus rigoureuses. Il admit en principe une propor- tionnalité constante entre la quantité de chaleur émise par un corps lumineux et l'intensité de la lumière qu'il rayonne. Partant de cette hypothèse , qui n'avait pour elle qu'un certain degré de probabilité, mais qu'aucune expérience n’établissait positivement, Leslie exposait successivement son thermomètre différentiel, dont l’une des boules avait été rendue opaque et l'autre maintenue transparente, au rayonnement des diverses sources lumineuses qu'il voulait comparer. Il avait le soin de placer toujours ces dernières dans la même position relative par rapport à la boule trans- parente et de ramener ensuite par le calcul les deux foyers à l'influence thermométrique qu'ils auraient produite si les faisceaux lumineux, envoyés par eux, étaient demeurés compris dans le même cône enveloppant à la fois et la source et la boule transparente du thermomètre différen- tiel. II admettait que, dans ces conditions , les différences de température des deux boules données par l'instrument étaient proportionnelles aux intensités des lumières proje- tées par les corps éclairants. CLASSE DES SCIENCES. 111 Il faut avouer que le procédé de Leslie est d’un emploi très commode, surtout quand il s'agit de comparer la lu- mière des astres à des lumières artificielles. Mais, malheu- reusement, le principe qu'il avait admis est inexact, et de- puis les magnifiques découvertes de M. Melloni sur la cha- leur rayonnante, ilest impossible de considérer les radiations lumineuses des corps comme placées sous la dépendance exclusive de leurs radiations calorifiques. Il existe de la chaleur obscure comme il existe de la chaleur lumineuse ; les deux faisceaux de lumière et de chaleur qui se propa- gent simultanément dans une direction commune sont net- tement séparés par leur passage simultané à travers un prisme , et l’on projette sur un écran les denx spectres distinéts qui ne se superposent plus complètement, l'un calorifique, l’autre lumineux. C’est à peine si la proportion- nalité admise par Leslie pourrait être considérée comme approximative, quand il s’agit d’un même corps placé dans des conditions diverses. An reste, Leslie reconnut lui-même les imperfections de sa méthode expérimentale, quand il voulut mesurer avec elle l'intensité de la lumière de la lune. Celle-ci ne déter- minait, dans son thermomètre , aucune influence calori- fique appréciable ; il fut obligé de recourir à un nouveau mode de mesure plus imparfait encore et qu'il serait su- perflu dé développer ici. Nous arrivons maintenant au procédé photométrique qui a eu le plus de succès et qui, jusques dans ces derniers temps, a été à peu près le seul utilisé dans les applications industrielles : c’est le procédé indiqué par le comte de Rumford. Celui-ci est tellement connu que je m’abstiendrai de tout détail, je n’en donnerai que le principe, afin de pou- voir le discuter. Un corps opaque, étant placé sur le trajet de deux 112 ACADÉMIE DE ROUEN. flux de lumières envoyés à la fois par deux sources différentes, donne naissance à deux ombres distinctes sur un écran placé à une petite distance. Rumford admettait que l'identité d'aspect des deux ombres correspond à des intensités égales d'éclairement, de telle sorte que le rap- port des carrés des distances à l'écran des lumières qui produisent cette identité, est égal au rapport direct de leurs intensités. Ce mode d'évaluation est, comme on le voit, d'une grande simplicité, et c'est même probablement là la cause principale de son grand succès, mais, quand on arrive à la mise en œuvre, on reconnaît bientôt que cette simplicité n’est qu'apparente et que la fixation exacte du moment précis où les deux ombres sont égales est tout aussi difiicile que l'estimation d’éclairement des deux disques dans le photomètre de Bouguer. Cette difiiculté se fait surtout sentir quand les lumières ne diffèrent même que très faible- ment par leur coloration; c'est là, cependant , les cas ordinaires quand on met en présence des sources lumi- neuses alimentées par des combustibles de natures di- verses. M. Peclet, dans son traité sur l’éclairage, a signalé des perfectionnements très importants à l'appareil de &umfort et qui, sans contredit, en augmentent la précision. Mais, même en adoptant les dispositions indiquées par M. Péclet, on reconnaît que l'instrument laisse encore beaucoup à désirer, etla meilleure preuve qu'on puisse en donner, c’est que, si on le met entre les mains de différents observateurs, ayant cependant l'habitude des expériences d'optique, sion les place tous dans les mêmes conditions et qu'on leur donne à comparer les mêmes lumières, ils arriveront le plus souvent à des résultats notablement différents. Sou- vent, le même expérimentateur, en opérant à diverses reprises avec le photomètre de Rumford et avec les mêmes CLASSE DES SCIENCES. 113 sources lumineuses , ne retombera pas sur le même chiffre. à s Je ne puis mieux faire, pour vous démontrer d’une ma- tière évidente l’inaptitude des méthodes précédentes à four- nir de bons résultats, qu'à citer quelques nombres obtenus par Leslie, Bouguer et Wollaston » Qui employa aussi le procédé de Rumford. Ces trois physiciens ont trouvé, pour la valeur du rapport , des inténsités lumineuses du soleil et de la lune , lés nômbres suivants ; D'après Leslie ce rapport est celui de, : 94,500. à 4 D’après Bouguer il est de... .... 256,289. à 1 D’après Wollaston..… dar su ssssto 800,000 .à 1 En prenant pout terme de Comparaison l'intensité lu minéuse d’une bougie ,.et rapportant les nombres précé- dents à cette unité. | Nous ‘trouvons que:, d'après Leslie la clarté du : soleil équivaut à environs es LL Lulu 12,000 bougies. D'après Bouguer, à... sue 20 30,000 D’après Wollaston à ee, à 100,000 La mise en regard de ces chiffres fait comprendre mieux que tous les raisonnements ; l'imperfection des moyens photométriques. Depuis Bôuguer , Leslie , Rumford, la photométrie de précision est entrée dans une voie toute nouvelle. Les phy- siciens ont tiré parti des immenses progrès qu'a accomplis depuis le commencement du siècle la science de la Ju- mière, en appelant à son aide le calcul mathématique. M. Arago, qui à contribué pour ‘une part si importante à l'avancement de l'optique , à signalé le premier deux moyens pour mesurer le rapport de radiation lumineuse en se fondant , cette fois , sur des données positives et sur des principes ! démontrés. Mais , avant d'aborder l’examen dé ces méthodes, qui n’ont pas été assez vulgarisées jusqu'ici, 8 114 ACADÉMIE DE ROUEN. et dont l'application n'a jamais été faite, à ma connaissance, du moins pour les besoins de l’industrie, il est nécessaire de rappeler quelques principes d'optique dont la connais- sance est indispensable, pour se rendre compte , même d’une manière générale , des procédés de M. Arago. Quand un rayon de lumière se réfléchit à la surface d'une lame de verre où se réfracte dans sa masse, avec une in- clinaison primitive de 35° 25”, il éprouve dans sa constitu- tion physique , une modification spéciale, qui le distingue nettement de la lumière naturelle. Le rayon provenant d'une réflexion ou d’une réfraction effectuées dans les con- ditions précédentes, est dit polarisé. Ainsi, tandis qu'un fais- ceau de lumière ordinaire en traversant un cristal de spath d'Islande s’y partage, en général , en deux faisceaux d’é- gale intensité, en vertu de la propriété de double réfrac- tion du spath; le faisceau , dit polarisé, s'y partage, au contraire , en deux faisceaux d’inégale intensité, l'un plus obseur, l’autre plus brillant. Si ce même faisceau polarisé avant de pénétrer dans le spath traverse une lame de cris- tal de roche, taillée perpendiculairement à son axe , de cristalisation, on reconnaît que le dédoublement a lieu comme dans le cas précédent; seulement les deux images obtenues ne sont plus seulement d’inégale intensité, mais elles possèdent chacune une coloration différente , assez vive et d'une nuance telle que si l’on superpose ces deux images , soit partiellement, soit en totalité, on repro— duit, dans la portion correspondante à la superposition , de la lumière parfaitement blanche. Les images coloriées sont nommées , dans ce cas, complémentaires. Ce dernier fait qui a servi de point de départ à la polarisation rotatoire, et par suite à la saccharimétrie optique a été découvert par M. Arago. . D'autre part , nous disions tout à l'heure que le faisceau provenant d'une réflexion , et le faisceau provenant d’une CLASSE DES SCIENCES. 115 réfraction simultanée dans la lame de verre sous l’incli- naison primitive de 35° 25° renfermaient tous les deux, de la lumière polarisée. Nous devons ajouter qu'ils en renferment exactement la même quantité, et cependant ils n’ont pas la même structure physique. En voici la preuve : Je prends d'abord le rayon polarisé par réflexion, je lui fais traverser successivement la lame de quarz et le prisme de spath, il me donne à sa sortie de ce dernier deux images complémentaires, l’une verte, par exemple, ce sera l’image placée à la partie supérieure de l'écran qui les reçoit toutes les deux , l’autre rouge, ce sera l’image in- férieure Je prends à son tour le rayon polarisé par réfrac- tion, provenant du même faisceau incident, et je le pré- sente au système du quarz et du spath, exactement dans la même position relative ; il les traverse, et me donne en- core les mêmes images complémentaires, seulement dans un ordre inverse , l’image rouge est devenue supérieure , la verte inférieure. On voit donc que si, au lieu d’expérimen- ter sur chaque faisceau individuellement , j'avais opéré sur les deux à la fois, j'aurais obtenu les images ; seulement su- perposées deux à deux; la verte, provenant du premier faisceau recouvrirait la rouge du second, et comme elles sont complémentaires, cette superposition donnerait du blanc; la verte du second recouvrirait la rouge du pre- mier, et, par la même raison, donnerait encore du blanc. J'aurais donc finalement, par cette transmission simultanée, dans le quarz et dans le spath des deux faisceaux polarisés, une seule image parfaitement blanche. Le même résultat serait évidemment obtenu si les deux faisceaux polarisés, étaient arrivés à la fois dans le quarz et dans le spath en s’échappant de deux sources d’égale intensité : l’une par voie de réflexion , l’autre par voie de réfraction. L'égalité des pouvoirs éclairants des deux sources, se reconnaîtra donc à ce signe : que les rayons 116 ACADÉMIE DE ROUEN. qu'elles émettent dans les conditions susdites, devront im- pressionner l'œil placé derrière le spath , comme le ferait de la lumière blanche. Toute la difficulté de ce, moyen:photométrique , consis- tera à reconnaître le moment où les deux images: que l'œil reçoit deviennent blanches; or, cette appréciation est rendue très facile, par celte circonstance : que les deux images , avant de devenir blanches sont différemment co- lorées, et, au moment où les lumières ont.même intensité, ces deux images juxta-posées doivent offrir une teinte par- faitement plate et uniforme. TRE Cela posé, le photomètre de M. Arago peut être ramené à une construction fort. simple : sur une règle horizontale divisée. en parties d'égale: longueur ,sont mvariablement fixés deux cadres parallèles garnis du, même papier huilé ; derrière l'un d' eux et, pour son éclairement-par voie.de translucidité , est placée la lumière prise pour unité ; der rière l'autre, est le foyer dont on veut mesurer l'intensité. Celui-ci est mobile sur la règle graduée, et n'envoie de lumière qu'à l'écran le plus voisin. Dans un, plan vertical parallèle a aux deux cadres à égale distance de chacun d'eux, et.en dehors de l’espace parallèlipipédique qu'ils compren- nent , est fixée d’une manière, stable une lame de, verre à faces parallèles , de manière que l'œil placé dans une posi- tion convenable aperçoive, l'image de l’un des écrans par réfraction ? à travers le verre ; l'image de l'autre par réflexion à sa surface ; d’après, la disposition adoptée ces, deux images se superposeront. Un tuyau, de cuivre portant à l'une de ses extrémités une lame de quarz perpendiculaire à l'axe , et à l'autre un prisme ‘de spath achromatisé est fixé à une petite distance de la lame de verre , de manière que son axe fasse, avec lasur face de cette lame, un Angle de 35° 25°. L'appareil étant réglé; il suffit de placer l'œil pe A le CLASSE DES SCIENCES. 117 spath'et de faire varier avec la main la position du fover de la lumière , jusqu’à ce qu'on apercoive une image par- faitement blanche. A ce moment l'opération est terminée, et la lecture , sur la règle graduée des distances des deux sources lumineuses aux disques de papier huilé qu'elles éclairent , fournira, par un calcul fort simple, le rapport de leurs facultés éclairantes. J'avoue que je m'explique difficilement pourquoi l'in- düstrie n'a pas tiré partie d'un instrument aussi rigoureux. Quand les lumières sont parfaitement blanches les résultats présentent une certitude absolue ; ce n’est que dans le cas de coloration un peu prononcée que les déterminations deviennent difficiles et incertaines. Jeine dirai qu'un mot de la seconde méthodede M. Arago. Le point de départ est le même ; seulement l'œil cherche, cette fois, à constater pour quelles distances respectives des sources éclairantes les anneaux ‘colorés par réflexion et par transmission que produisent les lames’ minces et qui sont complémentaires les uns’ des autres, disparaissent complètement. Les procédés de M. Arago, malgré leur rigueur abso- lue, ne satisfont pas cependant à tous les cas qui peu- veritse présenter. Ils sont d'une application facile, quand il s’agit de foyers qui envoient dé la lumière blanche et qui persistent eux-mêmes pendant un temps appréciable ; mais leur emploi devient impossible pour des lumières colorées ou pour des lumières instantanées. Il est, cependant, quelques questions théoriques qui avaient besoin, pour être résolues, d’un photomètre applicable à T4 compa- raison de lumières qui ne durent qu'un temps très court et de colorations variables, comme l'étincelle électrique, l'éclair, la traînée lumineuse des étoiles filantes. Ce côté du problème a été étudié il y a peu de temps, par 1. Masson, professeur de physique au lycée Louis-le- 118 ACADÉMIE DE ROUEN. Grand. Ce physicien est parvenu, par un moyen fort ingé- nieux, à découvrir quelques-unes des lois les plus impor- tantes qui concernent l'intensité et le mode de production de la lumière électrique. Son appareil est, à l'inverse des précédents , d’une sensibilité plus grande quand les lu- mières sont colorées, alors que les autres photomètres sont inapplicables. Je craindrais de m'écarter beaucoup trop de l’objet de ce travail, en exposant, même succinc- tement, le principe du photomètre de M. Masson. Je me bornerai à dire que ses expériences l’ont conduit à proposer aux physiciens, l'adoption d’une unité photométrique inva- riable, qui pourrait servir, dans tous les cas, de terme de comparaison. Cette lumière constante serait engendrée par l'explosion d'une étincelle électrique dans des condi- tions parfaitement définies. C'était à, à coup sûr, un grand progrès accompli par la photométrie; mais, malheureu- sement, l'unité proposée éprouve des variations, comme M. Masson l’a plus tard reconnu lui-même , et la cause de ces variations la plus influente, c’est la conductibilité des milieux que l’étincelle est obligée de traverser. Parmi les méthodes photométriques assez récemment publiées, et qui se trouvent décrites, soit dans les jour- naux scientifiques, soit dans les divers traités d'optique, nous signalerons celles qui présentent un certain caractère d'originalité, soit par le principe qui leur sert de base, soit par la mise à exécution d’un principe déjà connu. Nous nous garderons, toutefois, de porter un jugement sur des procédés qui n’ont point été jusqu'ici expérimentés sur une assez large échelle. Dars les Annales de physique et de chimie (1'° série , 3° vol. — page 102) , nous trouvons indiqué le photomètre de M. Nicod-Delom. Il consiste en un ensemble de deux tubes cylindriques en carton ou en métal noircis à l’inté- rieur, et qui glissent l’un dans l'autre comme les tubes CLASSE DES SCIENCES. 119 d’une lunette. Une mire portant des caractères est fixée au tube le plus large, et demeure immobile avec lui. Cette mire est éclairée par une fenêtre latérale pratiquée dans le tube le plus étroit, qui est mobile ; ce dernier tube, par son déplacement progressif, permet d'agrandir ou de diminuer l'ouverture de la fenêtre qui, en laissant passer des faisceaux lumineux de diamètres variables, permet à l'observateur d'arriver dans chaque cas, et pour chaque lumière , à une perception nette des caractères tracés sur la mire. L’éclaire- ment de l’objet varie, d’ailleurs , avec la position de l’ou- verture , suivant une loi simple à l’aide de laquelle on a pu tracer sur l’un des tubes de l'appareil une graduation qui donne le rapport des intensités lumineuses. M. Nicod- Delom destinait surtout son instrument à l'observation des degrés de lumière de l'atmosphère. M. Raymont a fait, un peu plus tard, une critique exacte de la méthode précédente. Il fait observer , avec raison, que la netteté avec laquelle un objet est aperçu , dépend moins de la quantité de lumière dont cet objet est frappé, que de sa distance à l'œil; il propose , en conséquence, de modifier le photomètre de M. Nicod-Delom, en rendant la mire fixe à l'extrémité du tube mobile. Cette mire étant ainsi toujours placée à la distance de la vue distincte, se présenterait toujours à l'observateur dans les mêmes condi- tions de netteté. La fenêtre doit être pratiquée dans le tube extérieur, afin d'éclairer par-dessous le diaphragme rendu transparent. Là, comme dans l'instrument de M. Nicod-Delom, l’é- clairement de l’objet varierait avec la position de l'ouver- ture , et suivant une loi très simple. M. Quételet, directeur de l'observatoire de Bruxelles, est aussi l'inventeur de plusieurs instruments photomé- triques qui se trouvent décrits, soit dans les notes qui font suite à sa traduction de POptique d'Herschell, soit dans 120 ACADEÈMIE DE: ROUEN. les Annales de physique et de, chimie de Poggendorf (n° 9, 1833), soit dans la Bibliothèque universelle dé Ge- nève ,.1832. à Voici les trois principaux instruments, Fou il s'est servi : T'ES L'un forme une espèce de lunette. dont le, tirage, est gradué, et qui est remplie d’un, Jiquide, absorbant la lu- mière. Ce photomètre esb semblable en tout, à l'instrument que M. Donné a proposé plus tard sous, le: nomde laeto- mètre. On comprend qu'avec une semblable dispositionäl sera possible de juger de l'égalité d’éclairement. de deux lumières placées dans des conditions déterminées, car:le liquide étant le même dans tous les cas Let la quantité de lumière absorbée dépendant uniquement de la longueur de la colonne liquide , il s'en suit que , pour éteindre com plètement les faisceaux, envoyés, séparément, par.les deux lumières égales, il faudra que le tube mobile, soit déplacé de la même quantité; à l'inégalité de. clarté :correspondra semblablement une inégalité de longueur ,de, la colonne li quide; par suite, une graduation, préalable portée, pan l'appareil pourra donner. ALLER ARE le appart des pouvoirs éclairants. ( f ox Le second photomètre de, \. Quételet. consists en, deux prismes , pouvant glisser l° un. sur l’autre , et formant, par leur réunion , une lame transparente à faces parallèles; la quelle varie d'épaisseur, suivant. la position, relative..des deux prismes. Chacun des prismes étant constitué, par un milieu qui absorbe,d'autant plus la lumière qu'ilise. pré- sente sous une plus grande épaisseur, il est facile de con-, cevoir que, pour l'extinction complète. et, successive de deux lumières égales , il faudra provoquer un glissement semblable des deux prismes l’un sur l’autre , afin d'ame- ner la même épaisseur totale. Une division avec vernier , inesure exactement l'épaisseur de la lame dans chaque cas. CLASSE DES SCIENCES. 121 M: Quételet s'est rencontré, pour éetté invention, avec! M. Lemaistre; seulement, tandis que cé derniér prend pour coustruire Finstrument deux verres différents par leur co- loration, M. Quételet choisit, pour la confection du sien, deux verres identiquement les mêmes: il à ainsi ‘une teinte uniforme qui paraît préférable à une’ teinte variable, dans toute son étendue, avec le glissement des prismes. Le! troisième photomètré imaginé par M. Quételet , et publié enscollaboration ‘avec M. Plateau , repose sur la diminution: que la lumière éprouve par des réflexions ré- pétées entre deux miroirs de forme triangulaire , platés pa rallèlement Fun vis-à-vis de l'autre , et à très petite dis- tance. L'expérience doit être disposée'de telle manière qu'ou puisse compter le nombre d'images distinctes , et, par suite, lenombre de réflexions appréciables éprouvées par les faisceaux qui proviennent d'une source queléonque. Deux sources seront dites égales en intensité; $i, dans la même position relative par rapport ans déux miroirs, elles fournissént au même observateur ‘un égal nombre d'i- mages perceptibles. Une manière avantageuse de réaliser Féxpérience ; consiste à faire étamer un fragment de glace sur ses deux côtés, et dans des espaces de-forme {riangu- laire ; mais l'un doit déborder un peu l’autre pour que les rayons réfléchis puissent être ‘observés: Pour ‘éteindre là lumière :du soleil ; il fallait vingt-huit à vingt- neuf ré— flexions, et l'erreur ne pouvait guère dépassér une! ou deux réflexions. La’ lumière des étoiles de première grandeur était éteinte après vingt réflexions. MM: Fizeautet Foucault ont proposé l'usage du daguer- réotype pourcompärer les rapports d'intensité des di- verses lumières; cette méthode serait surtout applicable dans le cas:où les deux iumières à comparér ne brille- raient pas simultanément , circonstance qui est éminem- ment défavorable à la précision des expériences dans la 122 ACADÉMIE DE ROUEN. plupart des autres procédés. Ces physiciens admettent que des plaques daguerriennes semblablement impression nées , étant soumises à l'influence chimique des images qu'engendrent, au foyer d’une lentille, les corps lumi- neux étudiés, doivent éprouver dans la couche sensible un degré d’altération qui peut servir de mesure aux intensités des lumières émises. De cette façon, ils ont pu étudier, comparativement , la lumière du soleil et celle de la lune, et trouver les rapports d’éclairement des principaux foyers utilisés dans l’industrie et dans l'économie domestique. Cette méthode, très simple dans l'exécution, ne me paraît pas reposer sur un principe incontestable. En effet, dans un faisceau dit lumineux, on est obligé de reconnaître l'existence simultanée de trois radiations différentes. Des radiations lumineuses, capables d’impressionner la rétine; des radiations calorifiques influençant le thermomètre , et enfin des radiations chimiques capables d’altérer les sels d’ar- gent dans leur composition intime, de provoquer la décom- position de l'acide carbonique dans le tissu cellulaire des feuilles, etc. Or, de ces trois radiations, les seules qu’il faudrait comparer pour résoudre le problème général de la photométrie, ce seraient les radiations lumineuses ; au contraire , les seules qui affectent la couche sensible de la plaque daguerrienne , ce sont les radiations chimiques ; il faudrait donc admettre, ce qui est loin d’être démontré, que, dans un faisceau ordinaire , les radiations chimiques sont proportionnelles en intensité aux radiations lumineuses , proprement dites. L'erreur sera surtout considérable dans la méthode de MM. Fizeau et Foucault, quand on aura affaire à des lumières de colorations différentes. J'ai terminé l'exposition critique des travaux photomé- triques les plus remarquables, Je pourrais mentionner encore, mais ceci m'entraînerait dans de trop longs détails, l'appareil de Wheatstone, fondé sur la rotation d'une perle CLASSE DES SCIENCES. 123 d'acier poli, et dont l'emploi a fourni à M. Faraday les meil- leurs résultats. J'ai voulu seulement montrer les tâtonne- ments multipliés, les essais laborieux entrepris par les phy- siciens des siècles derniers, avant que la science arrivât aux découvertes contemporaines de M. Arago et à ses pré- cieuses indications, qui promettent de fournir les données les plus précises sur des pointsencore mal connus de l'opti- que météorologique et de l'astronomie. Les procédés pho- tométriques généralement suivis, dit M. Arago dans un des derniers mémoires présenté à l'Académie des Sciences, reposaient sur l'emploi de lumières artificielles dont l'état variable se prêtait difficilement à des mesures exactes ; or, ces sortes de lumière sont totalement exclues dans les ex- périences nouvelles. La méthode suivie repose sur l'emploi de deux artifices : le premier consiste à dédoubler suc- cessivement les images par voie de double réfraction; le second, à emprunter toujours la lumière à un large écran de papier, vu toujours par transmission et éclairé par une grande partie du ciel couvert. La vérification n’est rigou- reuse que dans la supposition qu'aucune portion de lumière ne s'éteint, ni dans l'acte de la réflexion, ni dans celui de la réfraction à la première et à la seconde surface; M. Arago a constaté ce fait capital. Il ne me reste plus qu'à parler des appareils dont la des- cription fait l’objet principal de ce travail, des photomètres employés depuis quelques années dans les usines à gaz de l'Angleterre. Frappé de l’imperfection du photomètre le plus usité jusques dans ces derniers temps, celui de Rumford, un physicien anglais, M. Bunsen, a voulu substituer, à la méthode des ombres comparées, l'observation d’un effet nouveau d’une appréciation plus facile. Il a voulu ensuite que la manipulation de l'instrument fût assez peu délicate, pour qu'un observateur inexpérimenté püt , au besoin , ef- 124 ACADÉMIE DE ROUEN. fectuer des détérminations exactes, et que ‘&on volume fût assez faible | pour que le transport en dévint très commode. L'idée première | qui sert de | point de départ à célte nou: vêlle espèce de photornètre , appartient exclusivement à M. Bunsen. Voici ée point de‘ départ : Une feuille dé papier blanc, portant une tache de matière grasse en son milieu, tache qui la rend translucide dans toute la portion impré- gnée par le corps gras, est placée entre les deux lumières que l'on M comparer, de manière que chacune de ses faces'se frouve éclairée seulement par les faisceaux que rayonne une seule des sources : celle qui est en regard de la face considérée. Les rayons lumineux, dont LATEST constitué les faisceaux incidents, frappent à angle droit la lame de papier servant d'écran ; dans ces conditions, il est facile de prévoir que, siles deux foyers ont la même inten— sité, les deux faces de la tache huileuse devront pr ésenter lei même aspect. Maïs l'expérience indique là genes d'un résultat beaucoup plus marqué, c'est la disparition , à peu près complète, de 14 tache au moment où l'écran est égalément éclairé des deux côtés. Maintenant , queilé est l explication de ce fait intéressant ? I me semble qu'on peut s’en réridré compte à l’aide de considérations fort simples. Qu on examine la tache huileuse de l'écran de M. “Fun sen, en interposant entr'elle et l'œil la flamme d’une bou- gié, on reconnaîtra que la tache paraît presque noire; ce qui prouve que lé papier, dans cet état particulier d'imprégna- tion, a un pouvoir réflecteur ou diffusif à peu près nul ponr leS rayons lumineux qui le frappent pérpeñdiculairement à sa surface | taridis qu'à côté de la tache le papier non huilé paraît d’un blanc mat, et renvoie une forte. proportion des raÿons qui lui arrivént Qu'on place, au contraire, le même écran entre l'œil ét {lumière de la bougie , la tache paraîtra d'un blanc éclatant , tandis que lé reste du papier sera beaucoup moins éclairé que tout à l'heure. Je conclus CLASSE DES SCIENCES. . 195 de ces deux observations que, lorsque l'écran sera dis- posé comme dans la méthode de M. Bunsen, et, que ses deux faces seront à la fois éclairées chacune par la-source qui lui correspond, l'aspect, de la tache, vue du côté, droit, par exemple, dépendra des rayons qu "elle, diffuse, desquels lui arrivent surtout par transmission et lui viennent de la lumière qui est à gauche; au contraire, l'aspect ducpapier non graissé sera dû principalement aux rayons: que ce papier réfléchit à son tour, et, qui, lui viennent, de l’autre lumière, de celle qui est à droite. Si , maintenant, on admet l'égalité des fractions de lumière, perdue pour, l'œil dans le faisceau, transmis, par, a tache et, dans. Je faisceau diffusé par, le papier blanc, quand les faisceaux, incidents sont égaux en intensité, on comprendra sans peine que, si les deux lumières sont inégalement. intenses, la tache....vue toujours du côté droit, sera perceptible sur le fond de; l'é- cran, et, se dessinera avec une teinte obseure., SL C: estl la lumière de droite qui est, la plus intense ; avec une teinte brillante , si c'est la lumière. de gauche qui l'emporte, Si, au contraire , l'égalité d’ éclairement est établie des deux côtés, de l'écran, les rayons , diffusés sur une même face par. la tache et le papier blanc; seront en même nombre ; les sensations produites par ces deux portions, de surface, qui se trouvent cependant posséder des états moléculaires; dif- férents, seront. donc identiques: la tache devra disparaître. Le principe, de, Bunsen étant établi et expliqué, nous allons faire. connaître les. Principaux appareils photomé- triques fondés Sur l'emploi. de l'écran différentiel , et qui ont été construits en Angleterre pendant les quatre ou cinq dernières années. us .Ces instruments , qui ont ‘été ou sont encore, presque exelusiv ement employés dans les usines à gaz del l'Angle- terre, se réduisent à à Six principaux : ; pi 42 Photomètre de M. Bunsen ; “pes 126 + ACADÉMIE DE ROUEN. 2° Photomètre de poche, construit par M. Wright, opti- cien de Londres. 3° Photomètre de Croll et Glover ; 4 Photomètre construit par MM. Hulett et comp. ; 5° Photomètre de M. Edge, exposé, en 1851, dans le palais de cristal ; 6° Photomètre de M. King, ingénieur du gaz de Li- verpool. Décrivons successivement chacun de ces appareils : 1° Photomètre de M. Bunsen. La partie essentielle de l'appareil est une boîte noircie à l’intérieur, munie à l’une de ses parois d’un tube cylin- drique susceptible de glissement comme ceux des lunettes, et dont l'ouverture extérieure est fermée par un dia- phragme de papier, rendu en partie transparent. La boîte renferme, en outre, une source lumineuse aussi constante qu'il est possible, une lampe d’Argant par exemple. Cette boîte , avec son appendice, peut glisser dans une rainure ou coulisse pourvue de deux rebords avec échelle graduée et portée par un bâti en bois Si l’on observe le diaphragme à l'extérieur de la boîte, pendant qu’il est éclairé par la lampe d’Argant seulement, on reconnaît que l’anneau du diaphragme non enduit de matière grasse, se détache en noir sur un fond blanc ; mais si l'on porte une lumière devant ce diaphragme et qu'on la fasse avancer progressivement , on constate que l'anneau obscur gagne en clarté , en même temps que la tache hui- leuse perd de son éclat, et qu’il arrive un moment où, pour une distance convenable de la source lumineuse nouvelle, l'écran paraît homogène. Pour un rapprochement même très faible de cette dernière, à partir du point où s’est mon- trée l'homogénéité de teinte du diaphragme , on voit reparaître la tache centrale, mais cette fois avec une teinte obseure, tandis que l'anneau qui l'entoure est devenu CLASSE DES SCIENCES. 127 brillant : tout le talent de l’expérimentateur se réduit donc à savoir saisir avec précision la phase de passage de l’un de ces états à l’autre. A l’aide de quelques tâtonnements, le moment de la transition qui correspond à légale inten- sité des sources, est toujours assez facile à reconnaître. Il n’y à plus, dès-lors , qu’à prendre les distances du dia- phragme aux deux sources, et à appliquer la loi du rap- port inverse des carrés des distances Quelques précautions sont signalées par M. Bunsen pour la préparation du diaphragme : « On pose le papier sur « une plaque chauffée, et l'on y promène de l'acide stéa- «rique , en y décrivant des cercles concentriques avec le « doigt, jusqu'à ce qu'il ne reste plus au milieu qu’une « petite surface circulaire non enduite. On met, au milieu de « cette surface , un petit grain de stéarine, pendant que le « papier est encore sur la plaqué chaude, et, avec un peu « d’adresse , on parvient aisément à produire un anneau « régulier, non enduit, sur le papier pénétré partout « d’acide (1). » > Photomètre de poche. Cette première modification du procédé de M. Bunsen est d'une grande simplicité. L'écran est posé sur un simple ruban qui porte des divisions d’égale longueur. On attache ce ruban, par une de ses extrémités, à la lumière qu'il s’agit d'évaluer ; par l’autre, à la lumière type, consistant habi- tuellement en une simple bougie passée dans un anneau et qu'on tient à la main. En faisant alors glisser l'écran sur le ruban tendu , de manière à produire l'égalité d'aspect de la tache huileuse sur les deux faces de cet écran, éga- lité d'aspect qu’on apprécie en portant la tête alternative- ment des deux côtés , on parvient à déterminer, par une (1) Le Technologiste (septemibre 1840, p. 469.) 128 ACADÉMIE DE ROUEN. lecture faite sur le ruban, quelles sont les distances rela- tives des deux sources lumineuses nécessaires pour ame- ner un éclairement égal du disque sur ses deux faces. En mettant alors à profit, comme dans la méthode: précé- dente, la loi connue de la raison inverse des carrés des distances, on,arrive sans peine à l'estimation demandée. Malheureusement, les dispositions adoptées pour la con- struction du photomètre de poche laissent -beaucoup à dé- sirer sous le rapport de, la précision. On peut lui adresser les reproches suivants ; 14° L'instrument n'a pas de stabilité, à cause de la flexi- bilité même du ruban ; 2° On n° est jamais, sùr que la flamme de la hougie, le foyer lumineux à évaluer et le centre de la taéhe , soient alignés? à la même hauteur;; les rayons des deux lumières peuvent donc. avoir des inclinaisons différentes sur l'écran ; 3° La bougie, placée à l'air libre ,: a une flamme vacil- lante, variable d° intensité par Je fait même de ses mouve- ments : be 4° L'œil est obligé d'examiner attentivement. cage côté de l’écran, circonstance très défavorable à une juste appré- ciation d'égalité de teintes ; ; 5° Un calcul est _Décessaire, à Le de expérience nou velle , ce qui ne permet l'emploi de l'instrument qu'à des observ ateurs intelligents ; $ 6° Enfin, l'écran différentiel de Ronan) ne fournit pas un signe certain de F instant précis auquel l'égalité d'éclaire- ment se produit, la, tache, huileuse ne disparaissant jamais complètement; sa perceptibilité passe par un minimum qui pérsiste pour un déplacement. notable de l'écran mobile, Ces imperfections ne pouvaient manquer de frapper les expérimentateurs anglais; aussi le photomètre de poche a-t-il bientôt subi de nombreuses transformations. C'est grâce à l'obligeance des premiers physiciens.de l’Angle- CLASSE DES SCIENCES. 129 terre, aux communications des constructeurs et des inven- teurs eux-mêmes, que nous avons pu nous former une idée nette de l’état de la question en Angleterre. 3° Photomètre de MM. Croll et Glover. Le premier progrès accompli a été la substitution d’une règle fixe en bois, au ruban flexible des photomètres de poche. Poser la question d’une stabilité plus grande, c'était évidemment la résoudre. A l’une des extrémités de la règle est vissé le bec de gaz ; à l’autre bout, le support de la bougie. Sur la tringle, se déplace en glissant l'écran ordi- naire de Bunsen, qui donne, par sa position finale, le rap- port des intensités lumineuses qui a été d'avance inscrit sur le règle de bois. Tel est le premier instrument perfectionné construit par MM. Croll et Glover. Vers 1849, M. Croll imagina d’adap- ter derrière l'écran deux miroirs inclinés presqu’à angle droit, afin que l'observateur placé en avant du disque püût apercevoir simultanément ses deux faces, et accuser ainsi avec plus de certitude le moment de la disparition de la tache huileuse. 4° Photomètre de MM. Hulett et comp. ‘ L'instrument construit par M. Hulett diffère essentielle ment du précédent par son principe. Le bec de gaz est vissé comme d'habitude à l’une des extrémités dela tringle en bois; mais l'écran est invariablement fixé au milieu de cette dernière, la bougie se déplaçant seule sur une glis- soire dans des limites très restreintes. Il y a donc ici, à la différence des instruments déjà décrits, un terme con- stant introduit dans le calcul des intensités; c’est la distance invariable du disque à la source de lumière qu’on veut évaluer ; le seul terme variable, c’est la distance de la bougie à l'écran. Cette particularité, qui distingue l’appa- reil de M. Hulet, est capitale , car elle influe puissamment , comme nous le verrons bientôt, sur la graduation et sur la 9 130 ACADÉMIE DE ROUEN. sensibilité du photomètre. L'un des chimistes les plus distingués de l'Angleterre , M. Graham, qui a bien voulu nous fournir des renseignements à ce sujet, blâme avec raison, dans l'instrument de M. Hulett ; ce déplacement nécessaire de la bougie , dont la flamme est constamment vacillante dans l'air, et se trouve ainsi influencée d’une ma- nière variable dans sa faculté éclairante. 5° Photomètre de M. Edge. Un numéro du Journal de l'éclairage awgaz, publié en Angleterre, en juin 1849, signale une autre disposition photométrique due à M Edge ; seulement la description que renferme ce numéro ne nous est connue que par un extrait fort incomplet. Il nous est done impossible de nous pro- noncer d’une manière positive à son sujet. Le point essentiel qui distingue le nouvel appareil de tout autre, dit l'auteur, c’est que le disque et la bougie sont fixés à une distance invariable l'un de l’autre, arrangement qui facilite considérablement le calcul qui doit suivre chaque expérience. En etlet, M. Edge adoptant une du invariable de dix pouces, de la lumière type à l'écran , il s'en suit que , pour calculer les rapports des carrés des distances du gaz et de la bougie à cet écran, il sufira de former, par une simple multiplication, le carré de la distance variable, et de diviser le produit par 100, carré de la distance fixe 10 pouces. Le calcul se trouve ainsi ramené à une très grande simplicité. Mais èe quemne dit pas l'extrait que nous possé- dons, et ce point aurait cependant une assez grande im-— portance, c’est de savoir lequel est mobile, ou du gaz, ou du système commun de la bougie et de l'écran. On woit, en eflet, que le même mode de calcul subsiste, que ce soit le gaz qui varie seul de position, le disque et la bougie demeurant fixes, ou bien que ce soit l'inversé qui ait lieu, le zéro seul de la graduation changerait suivant CLASSE DES SCIENCES. 131 les cas, ce zéro se trouvant correspondre, quand le gaz est mobile, à l'écran fixe, et, dans le cas du gaz invariable de position, à la verticale passant par l’axe du bec. 6° Photomètre de M. King. M. Alfred King, ingénieur des gaz de Liverpool, est l’in- venteur du photomètre le plus employé aujourd’hui dans les usines à gaz de l'Angleterre. Nous connaissons son ap- pareil d’une manière très complète, par un dessin et une description détaillée qu'il a eu l’obligeance de nous en- voyer. Pour montrer l'importance que l’on attache à la mé- thode de M. King , nous extrayons les lignes suivantes d’un article inséré dans le numéro du 10 février dernier, du Journal du gaz de l’éclairage. « Dans toutce qui concerne l'emploi du photomètre , la «méthode suivie par M. King, de Liverpool, semble non « seulement la plus facile et la plus simple, mais encore « la plus suivie de toutes celles employées jusqu’à ce jour. « Elle a constamment fourni des résultats de beaucoup su- « périeurs à ceux de l'analyse chimique. Cette facilité d’ex_ « périmentation et cette précision de résultats n’exigeant « pas, pour être obtenues, que M. King opère lui-même, « car beaucoup d’autres, en marchant sur ses traces, sont «arrivés à des résultats tout aussi satisfaisants. Nous n’a- « vons besoin de citer, parmi ces derniers, que le nom « de M. Wright, si favorablement connu par ses travaux « dans ce genre d’expérimentation. » Voici maintenant la description du photomètre de M. King, qui ne diffère que très peu, en réalité, de celui de Croll et Glover. Le bec de gaz, placé à l’un des bouts d’une longue tringle rigide en bois, est porté par un compteur qui indique la consommation en un temps donné. La bougie, placée à l’autre extrémité, est portée par une barre métal- lique qui se meut à frottement dur dans une colonne creuse, où l’on peut la fixer à une hauteur quelconque par une vis 132 ACADÉMIE DE ROUEN. de pression. Cette mobilité est nécessaire pour régler la hauteur de la flamme de la bougie. Sur la tringle se meut une glissoire emportant avecelle l'écran différentiel. M. King ne se sert pas des deux miroirs inclinés ; il pense que la facilité d'appréciation qu'ils procurent, ne compense pas l'excédant de poids qu'ils occasionnent sur le support de l'écran. Il recommande expressément de ne se servir de l'instrument que dans une chambre dont les murs et le plafond soient peints en noir, afin d'éviter les erreurs qui résultent d’une réflexion variable de la lumière. Il emploie pour unité des bougies de blanc de baleine, qu'on pèse avant de les allumer et après leur combustion partielle, de ma- nière à estimer la quantité de matière brûlée en une heure. ; L'expérience porte toujours sur trois de ces bougies suc- cessivement, afin que le chiffre final exprime une moyenne de plusieurs essais. Par ce procédé, on se met à l'abri des chances d'erreurs qu'entrainent infailliblement la constitu- tion chimique variable des matières grasses et le défaut d'identité de la structure physique des bougies. Tels sont les photomètres principaux utilisés par lindus- trie anglaise du gaz de l'éclairage. Ils ont tous, pour origine commune, l'écran différentiel de Bunsen, et ne se distin- guent les uns des autres que par des dispositions de détail plus ou moins importantes. Un ingénieur civil de Rouen, M. E. Burel, a importé d'Angleterre le photomètre de Bunsen , et lui a fait subir, à son tour, quelques modifications spéciales qui séparent l'appareil nouveau de ses congénères. En voici la description sommaire : La tringle qui supporte les diverses pièces de l’instru- ment, est constituée par une barre prismatique en cuivre solidement établie et rendue absolument inflexible à l’aide d'un galet porté par le pied même de l'écran, et susceptible de glisser en roulantsur la table qui sert de base commune CLASSE DES SCIENCES. 133 à tout l'appareil. A l’une des extrémités de la barre de cui- vre est maintenu , par une vis de pression, en un point qui est le zéro de l'échelle photométrique, le support qui re- çoit la source dont on veut mesurer l'intensité. La lumière prise pour unité est une bougie dont la flamme est rendue immobile par l'adaptation d'une cheminée de verre ana- logue à celle des becs de gaz. Elle est maintenue à une hauteur constante par un ressort à boudin, comme dans les lanternes de voiture, de telle sorte que le centre de la flamme du bec de gaz, le centre de l'écran, celui de la flamme dela bougie, setrouvent constamment sur une même ligne droite ; le long de la règle de métal se meuvent si- multanément, en demeurant à une distance invariable, le disque et la bougie, rattachés l’un à l'autre par un cadre en métal ; ce système mobile a un poids assez considé- rable, qui aurait pour effet de faire ‘échir la barre métal- lique si le galet dont nous signalions tout à l'heure lexis- tence ne rendait cette flexion complètement impossible. En arrière de l'écran se trouvent deux miroirs inclinés, qui permettent à l'œil la perception simultanée des deux faces du diaphragme, et favorisent la détermination de l'égalité d'éclairement. D'avance se trouvent inscrits sur la règle des chiffres qui donnent le rapport éclairant des deux lu- mières comparées, en prenant pour unité l'intensité de la bougie; une fenêtre pratiquée dans la pièce à coulisse qui porte la lumière type découvre l'échelle et un index cor- respondant à l’axe vertical de cette lumière , marque ins- tantanément le nombre de bougies auquel équivaut la source examinée. Enfin, M. Burel, frappé de l'imperfection de l'écran différentiel de Bunsen , dans lequel la tache ne dis- paraît jamais complètement, circonstance qui amène un peu d'’indécision dans les résultats, propose l'emploi d'une feuille de papier vergé de bonne fabrication, dont le fili- grane bien net et bien pur cesse d'être complètement per- 134 ACADEMIE DE ROUEN. ceptible sous l'influence des deux lumières opposées. Toute- fois, à la difiérence des diaphagmes ordinaires de Bunsen, l'écran de M. Burel présente cette particularité que, même en le déplaçant dans un certain intervalle, de tel point à tel autre de l'échelle graduée , l'éclipse totale du filigrane persiste ; il faut dès-lors prendre une moyenne entre les positions extrêmes de l'écran correspondant à la disparition du filigrane, pour en déduire, par un calcul très simple, le rapport des intensités. En comparant au photomètre primitif de Bunsen, les instruments perfectionnés qui viennent d'être décrits, nous remarj;uons deux modifications principales sur les- quelles il est utile d'insister. La première consiste dans l'adaptation de deux miroirs inclinés, introduits d’abord par M. Croll, plus tard par M. Burel. Cette adaptation est très heureuse ; car, malgré l'opinion contraire de M. King , elle facilite singulièrement l'estimation exacte de l'égalité de teinte, en permettant à l'œil de l'observateur de saisir à la fois, en les projetant à côté l’une de l'autre, les deux faces opposées de l'écran. Mais la priorité de ce perfectionnement appartient-elle bien réellement aux ingénieurs anglais? Si nous remontons à l'époque (1729), où le français Bouguer expérimentait sur la gradation de la lumière, nous trouvons, parmi les procé- dés qu’il indique, une disposition où se rencontrent préci- sément deux miroirs plans inclinés l’un sur l'autre à angle droit. Les faisceaux lumineux qui partent des deux sources que l’on compare, viennent frapper les miroirs sous un angle de 45 degrés et tombent perpendiculairement, après réflexion , sur des disques de papier huilé dont l’état d'é- clairement guide l'observateur qui veut arriver, par des va- riations convenables des distances des deux sources, à des intensités lumineuses identiques. Il est vrai que les mi- roirs, dans l'appareil de Bouguer, ne remplissent pas CLASSE DES SCIENCES. 135 absolument le même but que dans les instruments photo- métriques précédents, Toutefois, cette application, déjà ancienne , de deux miroirs plans inclinés , faite à propos d’un photomètre, et inscrite dans les livres de Bouguer , a pu être connue des inventeurs plus récents, qui n'ont pas manqué, en étudiant l'historique de la question, de re- connaître le fait que je signale , et d'en tirer profit dans leurs essais. En cela, ils ont usé d’un droit incontestable ; mais j'avoue que cette‘ circonstance affaiblit un peu, à mes yeux , les titres des ingénieurs anglais à la priorité de l'invention. La seconde modification qui nous paraît avoir une grande importance, importance qui a été méconnue par la plupart des ingénieurs anglais , et même par M. Edge, qui ne lui reconnaît que l'avantage de simplifier le calcul des intensités, c'est la solidarité permanente établie entre la bougie et l'écran. Qu'importe, en effet, la facilité plus ou moins grande du calcul des résultats , lorsque, comme cela se pratique , aujourd'hui, dans la plupart des photo- mètres , la graduation de la règle fournit immédiatement le rapport cherché. Le point capital, c’est que Finstrument présente, dans toutes les parties de son échelle, un de- gré à peu près égal de sensibilité. Or, les photomètres de Croll et Glover , de M. Hulett, de M. King, sont essen- tiellement défectueux à ce point de vue. Pour les lumières d’une faible intensité, leur sensibilité est suffisante, et le déplacement nécessaire de la partie mobile, pour une diffé- rence d’une bougie dans la puissance éclairante, est assez notable. Mais cette sensibilité décroît très rapidement à mesure que l'intensité de la source à évaluer numérique - ment augmente , et bientôt, pour une différence de 4 à 5 bougies , le déplacement sur la tringle fixe du système de- vient à peine appréciable. Un calcul fort simple prouve la réalité dé cette assertion. 136 ACADÉMIE DE ROUEN. Appelons, dans l'appareil de MM. Croll et Glover, {, la demi-longueur de la tringle en bois qui représente la dis- tance invariable du gaz à la bougie. Lorsque , au moment de la disparition de la tache huileuse, l'écran différentiel se trouve placé juste au milieu de la tringle, c'est que les deux lumières ont la même intensité, ou bien que le rapport des intensités est égal à 1. Ce chiffre 1 devra donc être inscrit au milieu de la règle divisée. Or, prenons ce point milieu pour origine de nos divisions, et appelons z la distance, comptée à partir de ce point milieu, à laquelle doit être placé l'écran pour qu’il paraisse homogène sous l'influence des deux lumières dont les intensités sont Jet à. En appli- quant la loi de la raison inverse des carrés des distances, si souvent rappelée dans ce travail, on trouve facilement la relation suivante : / I It l— 7% ve Si représente l'intensité de la bougie, et qu'on prenne celle-ci pour unité de comparaison, il vient : / Frs À V4 4.4 Or, si l’on fait successivement Levis udlese oué bec 69h. 20) on trouve : 1 1 2 PORT D \ 3 2 b] 3 7 4 CLASSE DES SCIENCES. 137 On voit avec quelle rapidité décroît la valeur du dépla- cement de l'écran, à mesure que l'intensité de la flamme du gaz augmente, et, tandis que ce déplacement est, au début, de “+ {, ou du quart de la longueur totale de la tringle, pour une variation de 8 bougies, il n’est plus que de Æ de l, ou du cinquante-sixième de cette longueur totale, quand on passe de 36 à 49, c’est-à-dire pour un intervalle de 13 bougies. Il est vrai que, dans les expériences sur le pou- voir éclairant du gaz, on n’atteint jamais cette limite de 49 bougies ; mais ce résultat extrême n’en montre pas moins avec quelle rapidité la sensibilité des indications de l’ins- trument décroît pour les degrés intermédiaires. En appliquant le même calcul au photomètre de M. Hu- lett, on reconnaît que l’imperfection signalée est plus grande encore; on trouve, en effet, en donnant aux mêmes lettres les mêmes significations, ge ohne /1 Donc, pour TM NI 4 9 41607095 36 49, on a 1 1 1 4 \ su. ee AE = Le ai C'est-à-dire que lorsque, au début, pour une différence de 3 bougies dans les intensités, le déplacement de l'unité de lumière est de + de {, ou du quart de la longueur de la tringle; pour une différence de 13 bougies, de 36 à 49, le déplacement n’est plus que de Æ de ? ou 5 de la lon- gueur totale. Au contraire, quand l'écran et la bougie sont mainte- nus à une distance invariable l'un de l’autre, et solidaires 138 ACADÉMIE DE ROUEN. dans leurs mouvements, comme dans les instruments de MM. Edge et E. Burel, le système mobile se déplace tou- jours de quantités égales, quand les intensités lumineuses varient comme les carrés des nombres consécutifs, 1... Où... dirarhttrete En effet, en appelant / la distance invariable de la bou- gie et des diaphragmes, eten conservant aux autres lettres le même sens, on trouve : kel ré Donc, en faisant successivement DE 9 POP ON PE RER NOUS À PS0 ER 4, on trouve = (0-2: 1. . 2 . -ARMPOONEE EMI PR EGP Ce qui revient à dire que, pour des différences d’inten- sités lumineuses égales aux différences des carrés des nombres consécutifs, le déplacement du système est} constant en grandeur, égal à /, et par conséquent toujours très notable. A la rigueur, la sensibilité décroit encore, mais d’une manière beaucoup moins rapide. On peut donc aflirmer que, grâce à cette solidarité per- manente de la bougie et de l'écran, les résultats obtenus à tous les degrés de l'échelle photométrique, présentent à peu près le même degré de précision. EXAMEN D'UN LIQUIDE PROVENANT DU TUBE INTESTINAL D'UN CHEVAL EMPOISONNÉ PAR L’ACIDE SULFURIQUE , PAR M. MORIN, Professeur de Chimie à l'École de Médecine dé Rouen. ( Séance du 11 Juin 852.) Un domestique, chargé de nettoyer une bassine de cuivre, se servit d’une torche de foin imprégnée de l'acide sul- furique , et l'abandonna près d’un cheval qui la mangea. Bientôt des symptômes alarmants pour la vie de l'animal se manifestèrent, et la mort arriva après d’abondantes déjections alvines d’une putridité remarquable. M. Verrier, vétérinaire, dont le zèle pour la science vous est bien connu, désira savoir si l'acide sulfurique, dans de pareilles circonstances, pouvait échapper aux recherches du chimiste. En conséquence, il empoisonna un cheval par les mêmes moyens et, après l'autopsie, il me remit le liquide contenu dans le tube intestinal, avec la prière de rechercher cet acide. Ne pouvant me livrer de suite à ce travail, je crus de- voir partager ce liquide en deux parties, après en avoir constaté la réaction acide. 140 ACADÉMIE DE ROUEN. L'une fut additionnée d’alcool pur, pour s'opposer au dé- veloppement de l’ammoniaque qui, indubitablement , au- rait saturé l'acide ; tandis que l'autre portion du liquide, abandonnée à la réaction spontanée de ses éléments, a fourni, comme nous l’avions prévu, une quantité d'ammo- niaque telle, que le liquide avait perdu toutes ses propriétés acides. Il suit de à que , dans un cas d'empoisonnement , chez l’homme comme chez les animaux, par l'acide sulfurique, le médecin chargé de l'autopsie ne doit pas négliger d'ajouter de l'alcool au liquide contenu dans le tube diges- tif, pour éviter la formation de l’ammoniaque. Cette précaution est indispensable , et nous n’hésitons pas à la conseiller à certains chimistes qu'une vanité cou- pable égare au point de se charger de toute opération chi- mique indistinctement. Avec l'espérance que l'Académie voudra bien me conti- nuer la parole, je vais mettre sous ses yeux le mode ana- lytique que j'ai suivi. Après avoir additionné le liquide d’une certaine quantité d'alcool qui, comme tout le monde le sait, est un agent de conservation , toutes les matières organiques se précipi- tèrent sous forme de flocons, avec les sulfates qui se ren— contrent habituellement dans les liquides animaux. On filtra la liqueur à travers un papier Berzélius, et l'on y versa de l’eau de baryte, qui donna lieu à un précipité insoluble dans l’eau distillée et dans l'acide azotique pur. Ce caractère suflirait au chimiste pour établir l'existence de l'acide sulfurique; mais, en chimie judiciaire , il faut mettre en évidence le radical du poison. Alors nous avons mêlé le sulfate de baryte obtenu avec du charbon en poudre pour le calciner dans un tube de fusion préalablement luté avec de l'argile, et nous avons obtenu un résidu qui déga- geait, par le concours de l'acide ehlorhydrique, une odeur CLASSE DES SCIENCES. 141 manifeste d'œufs pourris, en donnant lieu à un dépôt de soufre. Or, le soufre étant le radical de l'acide sulfurique, il est évident que l'acidité du liquide est due à cet acide. A ces expériences, nous avons ajouté un autre procédé que nous avions employé précédemment pour reconnaître cet acide sur les vêtements. Il consiste à introduire , dans une petite cornue, le liquide alcoolique avec du charbon en poudre en quantité suflisante pour faire une pâte molle ; on adapta au col de la cornue un tube effilé à la lampe, qu'on fit rendre dans un mélange d’acide iodique et d'hy- drate amylacé récemment fait. Par l’action de la chaleur, l'alcool se volatilisa , et bientôt la réaction s’opéra de ma- nière à fournir de l'acide sulfureux , qui, en présence de l'acide iodique et de l’hydrate amylacé, développe une cou- leur bleue très-intense. Ces résultats, réunis aux précédents, mettent hors de doute la présence de l'acide sulfurique dans le liquide sou- mis à notre examen. Quant au liquide qui n’avait point reçu d'alcool , il avait perdu ses propriétés acides, car un papier bleu de tour- nesol ne fut point rougi par suite de son immersion. Mais ce liquide laissa dégager une quantité remarquable d'am- moniaque , en le mettant en contact avec les alcalis caus- tiques. Ces différentes expériences démontrent que, pour con- stater la présence de l'acide sulfurique dans un liquide or- ganique animal, il est d’absolue nécessité de s'opposer à sa fermentation putride, en y ajoutant de l’alcool pur. ANALYSES DE PLUSIEURS PRODUITS D'ART D'UNE HAUTE ANTIQUITÉ. 9 MÉMOIRE, PAR J. GIRARDIN, Professeur de Chimie de la ville de Rouen , Correspondant de Pinstitut ( Académie des Sciences), etc. Dans un premier Mémoire, lu à l'Académie des Inserip- tions et Belles-Lettres, le 29 mai 1846, et inséré dans les mémoires de cette illustre compagnie (1), j'ai réuni les analyses d'un certain nombre de produits de l'industrie et des beaux-arts chez les anciens, afin de venir en aide aux savants qui se vouent à l'étude des faits antiques , et de mettre ainsi à leur disposition les lumières d’une science qu’on n'interroge jamais en vain. Encouragé à poursuivre ce genre de recherches chi- miques par les archéologues éminents de Paris et de la Normandie, j'ai, depuis 1846, collecté assez de faits cu- (1) Analyse de plusieurs produits d’art d’une haute antiquité, t. Il de la première série des mémoires présentés par divers savants à l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres. CLASSE DES SCIENCES. 143 rieux pour en composer un nouveau Mémoire, dont je me fais un devoir de présenter un court sommaire à l’Aca- démie, L. Sur des peintures recouvrant les murs d’un hypo- causte gallo-romain découvert à Rouen. Le 6 mai 1846, dans une vieille maison de la rue des Prêtresses (actuellement réunie à la rue Impériale }, que des ouvriers étaient occupés à démolir, on découvrit, à 2 mètres 25 centim. en contre-bas du sol de la rue actuelle, et à peu près au niveau des eaux de Robec, une salle an- tique d'environ 4 mètres 15 centim. de long sur 3 mètres 25 centim. de large, ornée de panneaux ou de lambris peints dans un très bon état de conservation. Le sol de cette salle était dallé en carreaux de terre cuite de 0 mètre 60 centim. de long sur 0 mètre 40 centim. de large et O0 mètre 05 centim. d'épaisseur, reposant sur des piliers de même nature, très peu épais, distancés les uns des autres et placés au-dessus d’une étuve, où hypo- causte cimenté. Des conduits de chaleur, partant de cette espèce de calorifère et pris dans les murs, s’élevaient jus- qu'au haut de cette salle qu'ils servaient à chauffer. Cette salle était donc une salle d'hiver, semblable à celles qu'on a trouvées à Herculanum et à Pompéïia, et qui étaient si communes dans les maisons romaines. Sé- nèque et Pline ont parlé, Vitruve a décrit des chambres chaudes dans lesquelles un fourneau isolé fournissait la chaleur, qui circulait sous un pavage intermédiaire , avant de monter par des conduits placés dans les murailles, afin de chauffer les pièces supérieures. | Les deux planches que je joins ici (1,2 et 3), et qui La 144 ACADÈMIE DE ROUEN. ont été dessinées par M. Deville, au moment de la décou- verte de ce précieux trésor archéologique, indiquent la dis- position des lieux et le système de construction de ces hypocaustes, dont nos calorifères modernes ne sont que le perfectionnement. Ces ruines appartiennent incontestable- ment à la période gallo-romaine ; les dimensions des bri- ques, le mode de maçonnerie, la formes des tuiles à rebord, l'agencement des matériaux, le prouvent suflisamment. Notre savant confrère , M. Deville, regarde cette habita- tion romaine comme appartenant aux dernières années du ur‘ siècle de notre ère. Ce que la salle placée au-dessus de l'hypocauste offrait surtout d’intéressant, ce sont les peintures qui en recou- vraient les murs dans presque toute la hauteur. Elles ne présentaient ni figures ni ornements quelconques ; c’étaient tout simplement des panneaux simulant des marbres de diverses couleurs. Au moment où on les mit à nu, en pré- sence de M. Deville, les couleurs étaient encore dans un si bon état de conservation, qu’on y distinguait parfaite- ment les filets de séparation et même leur nuance. Nous les vimes le lendemain, en compagnie de M. Deville et de M. Liger, architecte, qui a inséré de courtes notices sur cette curieuse découverte dans les journaux de Rouen (1). Les peintures avaient été appliquées par l'artiste sur une couche de chaux d’un millimètre d'épaisseur, qui, elle- même, reposait sur un enduit de 40 millimètres d’épais- seur, offrant ceci de particulier qu’il était composé de chaux, de sable et de paille hachée. Ce ciment était étendu sur un crépi grossier couvrant le vif de la muraille formée de pierres d'appareil de 10 à 16 centimètres de long sur 10 à 12 de hauteur. M. Liger a retrouvé sur ce crépi l’em- (1) Voir le Mémorial de Rouen des 7 et 11 mai 1846. 910$ "0. te V4 ù ANassA Ÿ CO UN EN AA LACS ÈN XNRAMRI \A SU R LQ ML 9 RAR SUONRONL Na SÉTOD a SabLA Va SARUD 13 3880 à “PION AE Y momaubrv PAIANAGT FF Y ang Je awmmb FM? EUve 52220920 uma EJ26 € ®7 anaçervds ç k +920 HALLE avd x} 20 rvdac proie app tordre nd vu mo,mb MN] MM pipe ne PV Pom 2729 sndp) VAE ù “ su moipmvdse 20. 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Deville, correspondant de l’Institut, directeur du Musée d’antiquités. « Mon cher confrère, « Suivant votre désir, j'ai examiné, avec beaucoup d’at- tention, les échantillons de peintures antiques trouvées dans la rue des Prêtresses , et que vous avez mis à ma dispo- sition « J'ai recherché d’abord la nature de l’enduit blanc très mince sur lequel les couleurs sont appliquées, et qui les isole du ciment formant la masse du revêtement peint à fresque. «Et, en second lieu, j'ai analysé les couleurs elles- mêmes, non pas tant pour connaître la nature des subs- tances colorantes, qui ne devaient m'offrir que ce que je connaissais déjà, que pour savoir si de la cire ou toute autre matière grasse n'aurait pas été employée pour assu- rer leur conservation. « L. Relativement à l’enduit blanc, qui forme une couche homogène et très uniforme dans toute son étendue à la surface du ciment, je n’ai trouvé que de la chaux caus- tique, dont une petite quantité a été carbonatée, J'y ai re- cherché vainement une matière azotée analogue au sérum du sang ou au lait caillé, qu’on emploie depuis si long- temps pour faire, avec la chaux éteinte , un excellent ba- digeon. Je n’y ai trouvé, non plus , ni matière grasse, n1 substance résineuse. 10 146 ACADÉMIE DE ROUEN. « C’est donc une simple bouillie de chaux caustique qui a été appliquée sur le ciment, afin de rendre sa surface plus unie et plus propre à recevoir la peinture. Q IE. La peinture qui repose sur cet enduit blanc est très adhérente, et supporte très bien le frottement de l'ongle sans le colorer sensiblement ; elle est excessive- ment mince et offre des teintes encore assez vives. « J'ai gratté, avec un instrument convenable, la surface colorée de l’enduit, de manière à ne détacher que la cou- leur, et, en opérant sur un assez grand nombre de frag- ments, je suis parvenu à me procurer une certaine quan— tité de poussière de diverses teintes. « Après avoir desséché à 4100° cette poussière colorée, je l'ai mise en contact avec de l'alcool froid à 90° centé- simaux , qui ne lui a rien enlevé, puis avec de l’éther alcoolisé anhydre et bouillant, et j'ai répété les traitements avec ce dissolvant à plusieurs reprises, en filtrant à chaque fois les liqueurs. « L’éther ne s’est pas coloré. Par son évaporatien spon- tanée, il a laissé, sur les parois de la capsule de porcelaine dans laquelle il avait été mis, un très léger résidu jaunâtre. La matière m'a offert les caractères suivants : « Elle est poisseuse, complètement insoluble dans l’eau, mais très soluble dans la potasse caustique ; les acides la précipitent de sa dissolution alcaline en petits flocons blanes. Ces flocons réunis, lavés, desséchés , puis calcinés dans un tube avec un fragment de potassium, ne m'ont pas donné la réaction des substances azotées où animales. « Chauflée progressivement, cette matière se colore un peu et répand des fumées blanches dont l'odeur, bien dif- férente de celle des huiles et des graisses qu'on brûle, rappelle complètement celle de la cire qu’on chauffe. Ce ca- ractère ést tellement prononcé , que mes élèves, à qui je faisais percevoir cette odeur, sans leur dire l’origine de la CLASSE DES SCIENCES. 147 matière que j'essayais , n'ont tous dit, l’un après l’autre (ils étaient sept à travailler dans mon laboratoire), que cette odeur était identique à celle des cierges d'église qu'on vient d’éteindre , ou mieux à celle d’un morceau de cire jaune qu'on pétrit entre les doigts. ‘ « Le peu de matière que j'avais à ma disposition ne m'a pas permis de pousser plus loin mes recherches , mais les caractères que j'ai constatés, dans la substance isolée par l'éther des peintures antiques de la rue des Prêtresses , suffisent pour mettre hors de doute qu’on a fait usage de cire pour leur application. C'est là un fait capital qui dé- montre que les anciens employaient la cire pour donner plus de durée et de solidité à leurs couleurs murales. « Vous savez, mon cher confrère, que Vitruve recom-— mande l’encaustique pour fixer le vermillon et l'empêcher d’être altéré par la lumière. D’après lui, on couvrait la peinture d’une couche de cire punique, en liquéfiant cette cire de manière à former un vernis (1). Pline décrit aussi ce procédé , et il mentionne que plusieurs ouvrages des maîtres grecs étaient peints à l’encaustique, les différentes couleurs , avant d'être employées , étant mélangées avec de la cire (2). « Sir H. Davy dit n'avoir trouvé ni cire, ni aucun gluten animal ou végétal, dans des stucs peints recueillis dans différentes ruines de Rome et d’ailleurs (3). J'ai été plus heureux que le savant chimiste anglais, comme vous le voyez d’après ce qui précède, et je m'en réjouis. « Recevez, etc. » (1) Vitruve, VII, 9. (2) Pline, Histoire naturelle, XXXV, cap. XXXH, 7. (3) H. Davy. — Expériences et observations sur les couleurs dont se servaient les anciens. — Annales de Chimie, première série, t. 96, p. 72. 148 ACADÉMIE DE ROUEN. En m'accusant réception de cette lettre, M. Deville me disait en terminant : « Je regarde votre analyse des pein- tures de la chambre chaude de la vieille maison gallo- romaine de la rue des Prêtresses, comme une chose émi- nemment intéressante, sous le point de vue archéologique.» Les résultats que j’obtenais, au commencement de 1846, ont été confirmés deux ans après par un de nos plus ha- biles chimistes. M. Chevreul, en examinant, en 1848, des fragments de peinture murale trouvés en 1845 et 1846 sous le pavé d’une salle voisine de l'atrium d'une villa dé- couverte à Saint-Médard-des-Prés, à un kilomètre de Fon- tenay, département de la Vendée, à constaté que les ma- tières colorantes employées pour faire les carnations renfermaient une très faible quantité de matière grasse, qui pouvait être de la cire ou un mélange de cire et de ré- sine (1). Ainsi, par les faits précédents, il est certain maintenant que les artistes anciens, lorsqu'ils voulaient assurer une plus longue durée à leurs peintures, ajoutaient de la cire à leurs couleurs, ou les recouvraient d'une couche de cette sub- stance grasse, après leur application sur les stucs ou la sur- face des murs. Ce mode d'opérer, connu sous le nom de peinture à l'encaustique, a, sur la peinture à l'huile, l'avan- tage de mieux préserver les couleurs de l’action de la lu- mière et de l'air ; aussi celles-ci, dans ce cas, jaunissent moins, ne poussent jamais au noir, et, de tous les agents chi- miques, les alcalis, l'alcool etles essences sont les seuls qui puissent les attaquer.C’est bien certainement à la cire que les peintures murales de Pompéïa et d'Herculanum, dont on (1) Chevreul. — Recherches chimiques sur plusieurs objets d'archéologie trouvés dans le département de la Vendée. (Wémoires de l'Académie des Sciences, t. XXIT, 1849.) CLASSE DES SCIENCES. 149 voit de si nombreux spécimens dans le Musée de Naples, doivent la fraîcheur de leurs tons, malgré leur si long sé- jour sous les couches de cendres volcaniques qui les ont englouties. La peinture à l’encaustique, perdue aux temps de bar- barie, est restée longtemps un secret pour les modernes. C'estle comte de Caylus qui, en multipliantles expériences, est parvenu à la retrouver. Il indique quatre procédés dit- férents pour la pratiquer ; les deux derniers se rapportent parfaitement à ce que disent de l'encaustique, Vitruve, qui est assez détaillé, et Pline, quine l’est guère (1). L'examen d’une peinture murale du xnr° siècle, trouvée à la Sainte-Chapelle de Paris, vient de montrer que les artistes du moyen-âge n'étaient pas sans connaître et imiter les procédés des anciens pour la décoration des édifices. Sous une épaisse couche de badigeon, on a découvert, l’année dernière, dans le plus parfait état de conservation, une Annonciation peinte à cru sur le mur dans une fausse fenêtre du côté nord de la chapelle basse. MM. Dumas et Persoz, qui ont fait l'analyse des nombreuses couleurs de cette peinture, nous apprennent comment elles ont été disposées. Un enduit gras et résineux, analogue à celui que MM. Thé- nard et d’Arcet ont imaginé de placer à chaud et à cru sur la coupole du Panthéon, fut d’abord appliqué de même sur la pierre, puis recouvert d’un ciment rouge-orangé formé d'emplâtre simple et de minium{ Des feuilles d’or furent ensuite collées sur cette pâte intermédiaire, destinée à re- hausser ou à soutenir la couleur du métal. C’est sur cet or —__———————————..————— ——— — — (1) Voir les recherches du comte de Caylus, dans le Recueil des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, t. XLVH, d l'édition in-12. 150 ACADÉMIE DE ROUEN. que le peintre de la Sainte-Chapelle posa ses couleurs, non avec la brosse ou le pinceau, comme on le ferait de nos jours, mais en les répandant, à l’état de poudre sèche, sur un mordant d'huile siccative étendu à la surface de l'or, absolument comme dans le procédé suivi pour la fa- brication du papier velouté. C’est au moins ce que semblent indiquer le peu d'épaisseur, les tons frais et purs des cou- leurs. Enfin le tableau a reçu, comme dernière préparation, un enduit de cire qui donne à ces couleurs un aspect légè- rement brillanté, en même temps qu'il a dà contribuer à les préserver de l’action de l'humidité (1). On voit qu'au xnre siècle on se préoccupait beaucoup plus que nousne le faisons, et avec autant desollicitude que chez les anciens, des moyens d'assurer la conservation des peintures destinées à l’ornementation des monuments publics. IL. Analyses de Verres antiques. 1° Le 22 décembre 1846, M. Deville m'adressait la lettre suivante : « Voici encore deux échantillons antiques, mon cher confrère, l’un de verre violet, l’autre d’une pâte vitreuse, que plusieurs antiquaires qualifient de quasi-porcelaine ; il serait fort intéressant de l’analyser. J'ai détaché ce dernier échantillon d’un fragment de joli vase, qui a été trouvé en Italie. « Tout à vous, Devil. » (1) Dumas et Persoz. — Note sur une peinture murale du xtrre siècle, trouvée à la Sainte-Chapelle. — (Comptes-Rendus de l'Ins titut, séance du 10 novembre 1851, t. XXXII, n° 19, p. 509). CLASSE DES SCIENCES. 151 A. Le verre, d'un très beau violet et bien transparent , sans aucun indice d’altération, doit sa couleur au peroxyde de manganèse, c’est-à-dire au même oxyde métallique qui colore le cristal de roche naturel violet, connu sous le nom de quartz améthyste, et qui sert à teindre, dans nos verre- ries et cristalleries modernes, le verre et le strass en violet, pour imiter la pierre précieuse qui porte en joaillerie le nom d'améthyste. Déjà, en 1815, sir H. Davy à examiné deux échantillons d'un verre pourpre-romain, dont la couleur était due à l'oxyde de manganèse (1). = Les anciens connaissaient très bien les mines de manga- nèse et faisaient un fréquent usage de cet oxyde pour donner des teintes pourpres, violettes et roses, aux matières vi- treuses qu'ils employaient dans la décoration des édifices ou limitation des pierres précieuses. On sait par Pline et par Trebellius-Pollion, que l’art de contrefaire les pierres pré- cieuses naturelles avec le verre coloré était déjà fort ancien, très lucratif, et porté à Rome à un haut degré de perfection. Cet art avait pris naissance en Egypte, et Thèbes était re- nommée pour les ouvrages en verre coloré qui sortaient de ses fabriques et qui s’exportaient au loin par l’intermé- diaire des Phéniciens et des Carthaginois (2) B. La pâte vitreuse, opaque, d’un blanc de lait, que les antiquaires qualifient de quasi-porcelaine, n’est autre chose que de lémail blanc, c’est-à-dire du verre dans la pâte duquel on a ajouté une certaine quantité d'oxyde d’étain. C'est encore ainsi qu'onfait l'émail blanc de nos jours. (1) H. Davy, loco citato, p. 201. (2) Pline, Histoire naturelle, lib. XXXVII, cap 26, 33, 38, 44, 66. Ibid. XXX VI, cap. 17. — Diodore de Sicile, Il, p. 163, t. I., édit. Wesseling 152 ACADÉMIE DE ROUEN. On sait que l’art d'émailler le verre a suivi de très près la découverte de celui-ci; les anciens le pratiquaient avec un très grand succès. Dans les hypogées de la ville de Thèbes, on trouve de petits tubes d’émail coloré, des po- teries émaillées de diverses couleurs. On voit encore au- jourd'hui, dans plusieurs villes de l'Egypte, des édifices construits en briques émaillées recueillies dans les ruines des villes anciennes (1). 2 En 1849, M. l'abbé Cochet a découvert, dans la pro- priété de MM. Souday frères, à Cany, un vaste cimetière gallo-romain, dans lequel il a recueilli une immense quan- tité d'objets fort curieux en verre, en bronze, en terre cuite (2). Dans le cercueil en plomb d’un enfant, se trou- vait un fragment de verre blanc dont mon honorable ami m'a chargé de faire l'analyse. Ce verre épais, blanc, légèrement opaque et d’une assez grande densité, m'a fourni du plomb en proportion mar- quée. C'était donc véritablement du cristal, analogue à celui que j'ai trouvé dans un cercueil gallo-romain de Quatremares, et dont j'ai parlé dans mon premier Mé- moire sur lesobjets antiques ‘3). Un autre fragment vitreux , blanc, transparent, de forme irrégulière et de la grosseur d’une aveline , trouvé dans le même cimetière, m'a encore offert la composition du cristal plombifère. Ces nouvelles analyses confirment donc ce que j'ai an- (1) Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte, pendant l'expédition de l’armée française, 2° édit. in-8°; Paris, 1821, t. IX, p. 247. (2) Revue de Rouen, 17° année, nouvelle série, t. I, p. 353-407 et 454 (année 1849). (3) 3 Girardin, loco citato, art. I, p. 12. CLASSE DES SCIENCES. 153 noncé en 1846, à savoir : que les Romains fabriquaient le cristal. 3° Dans le même cimetière de Cany, à l'intérieur de cer- cueils d'enfants, au milieu d’autres joujoux de diverses formes, on remarquait des boules de verre blanc et de verre émaillé de bleu, de vert et de blanc. Une de ces boules bleues m'a été remise pour en faire l'examen. Cette boule, de la grosseur d’une aveline , offrait à l'in- térieur une teinte bleue pâle ; elle était opaque et présen— tait des indices de frottements, comme si elle avait roulé longtemps sur le sol. Sa cassure était brillante et la pâte était criblée de petits trous ; le centre était comme poreux, de sorte que l'intérieur de cette boule était à peu près comme celui des larmes bataviques. J'ai reconnu, par l'analyse, que c'était un verre à base de chaux, avec traces de fer et de magnésie ; la matière colo- rante était de l’oxyde de cuivre. C'était donc de la fritte d'Alexandrie qui avait été employée comme couleur. Je renvoie à mon premier mémoire pour ce qui regarde cette matière colorante, si employée chez les Romains (1). 4° Petit prisme hexaëdre en verre opaque, teint en vert foncé, trouvé à Cany. Ce petit prisme, long de 2 centimètres et de 1 centi- mètre de large, est percé d’un trou à son centre; il de- vait faire partie d'un collier ou d’un bracelet. Il est opaque et terne à l'extérieur; sa cassure est opaque et brillante ; la pâte en est bien homogène. C’est du verre ordinaire, coloré par un mélange d’oxydes de cuivre et de fer. 5° Fragment de verre bleu transparent, trouvé par (1) J. Girardin , {oco citato, chap. IV, P. 14, et chap. V, p. 16 154 ACADÉMIE DE ROUEN. M. l'abbé Cochet, en octobre 1851, dans le cimetière mé- rovingien de Parfondeval, près Londinières. Ce verre, d'un bleu intense, doit sa coloration à l'oxyde de cobalt, et non au cuivre , comme les précédents. Il est probable, d’après cela, qu'il a une origine gallo-romaine. J'ai déjà parlé, dans mon premier mémoire, de verres an- tiques ainsi colorés par l'oxyde de cobalt (1. IL. Poteries antiques. Dans les fouilles pratiquées, en 1847, par M. l'abbé Co- chet, dans le cimetière mérovingien de Londinières, l'ha- bile antiquaire a trouvé, aux pieds des morts, un grand nombre de vases parfois vides, parfois contenant de la terre avec des restes de charbon. Trente de ces vases étaient en terre noire, seize en terre grise, six en terre blanche et deux en terre rouge (2). Je me suis assuré que la matière colorante noire, qui à servi à la coloration ou au vernissage des trente premiers pots, n’est autre chose que de la plombagine où graphite , dite improprement mine de plomb, c'est-à-dire un char- bon ferrugineux naturel. La mauvaise qualité de ce vernis, ainsi que la forme des vases, la terre qui les compose , le genre de fabrique , le style des ornements , indiquent une époque de dégra- dation et de barbarie; c’est le Bas-Empire avec sa civili- sation décrépite. (L) Te Girardin , loco citato, art. IV, p. 14. 2) Revue de Rouen, 16° année, nouvelle série, t. I, p. 67. — (Année 1848) CLASSE DES SCIENCES. 155 IV. Couleurs murales. 1° Crépis coloriés, trouvés dans une villa romaine, à Etretat, en 1842, par M. l'abbé Cochet. Ces crépis, teints en rouge uni de divers tons, ne m'ont offert, comme matières colorantes . que de locre rouge. 2 Crépis coloriés , trouvés dans un édifice romain de Lillebonne, en 1842, par M. l'abbé Cochet. Ces crépis offraient des bandes alternativement rou- geâtres, brunes, vertes et bleues. Les teintes rouges étaient dues à de l’ocre additionnée de craie , les brunes à de la terre d'ombre, c’est-à-dire à de l'ocre ferro-manganésifère, les bleues à de la fritte d'Alexandrie. Dans lesteintes vertes, j'ai trouvé des oxydes de fer et de cuivre avec dela craie, ce qui semble indiquer qu'elles ont été obtenues avec un mélange d’ocre jaune et de fritte d'Alexandrie. 3° Couleurs et mastic décorant les sculptures du por- tail de Saint-Romain de la cathédrale de Rouen. Au mois de novembre 1849, M. Barthélemy, architecte en chef de la cathédrale de Rouen, fit nettoyer le petit portail situé vers le nord, sur la façade principale de la cathédrale de Rouen, et dont la construction remonte au commencement du x siècle. Sous l'épaisse couche de poussière qui recouvrait depuis longtemps ce portail, on a trouvé des traces de coloration et de dorure assez bien conservées, et qui datent de l’épo- que de sa construction, si l’on en juge par le caractère et le style des peintures qui décorent les bandeaux et sculp- tures d'ornement des voussures de l’ogive , la partie entre logive et le plein-cintre situé au-dessus où l’on voit des 156 ACADÉMIE DE ROUEN. restes de figures peintes se détachant sur un fond gauffré en creux et doré , le bas-relief du tympan représentant la décolation de saint Jean-Baptiste, et quelques autres par- ties de ce portail. D'après ce que l’on peut encore apercevoir de cette an- cienne décoration, il est facile de se rendre compte de l'effet admirable qu'elle devait produire lorsqu'elle était dans toute sa splendeur. L'analyse chimique des couleurs employées dans ces peintures m'a fait reconnaître que les rouges étaient, dans quelques parties, du vermillon, et dans d’autres, de l’ocre rouge , et que les bleus étaient de l’oxyde de cobalt. Voici une nouvelle preuve à ajouter à celles que j'ai déjà fournies dans mon premier Mémoire (1) et dans celui-ci, que le cobalt était connu bien plus anciennement qu'on ne l'avait supposé jusqu'ici. On à trouvé aussi, sur les faces des ogives , des bandes ou bordures composées avec des pâtes formant relief, fixées sur la pierre et entièrement dorées. Ces pâtes, d'après l'analyse que j'en ai faite, se com- posent de chaux en partie carbonatée et d’une matière animale analogue à la gélatine ou au caséum. On sait que le fromage mou forme, avec la chaux vive , un composé insoluble et imputrescible , qui devient excessivement dur en séchant, et qui peut recevoir toute espèce de peinture ou d'impression. Les anciens connaissaient le mastic fait avec la chaux et le blanc d'œuf (2. De toute antiquité, en Chine, on a préparé un excellent badigeon pour les murs et pour les bois qui doivent être peints, avec le sérum du sang mélangé à la chaux très divisée ; ce badigeon est éga- (1) J. Girardin, loco citalo, chap. #, p. 14 2) Pline, Histoire naturelle, XXIX , 3 CLASSE DES SCIENCES. 157 lement employé en Espagne depuis fort longtemps. Il n’est donc pas étonnant que les artistes du moyen-âge aient composé des mastics avec la chaux et des matières ani- males , telles que la colle forte , le sérum et surtout le caséum. Une circonstance assez curieuse , C’est que, dans l’île de Sumatra, on connaît et on utilise la propriété qu'a le lait caillé de former, avec la chaux vive , Un mastic ou ciment d’une remarquable solidité. On trouve, dit-on, des pâtes analogues à celles du por- tail de Saint-Romain dans les décorations intérieures de la Sainte-Chapelle , à Paris V. Analyses de divers bronzes antiques. 1° Hachette gauloise trouvée à Antifer, près Etretat, en 1842. Il y avait dix-huit hachettes en bronze dans une mar- nière. Une d’elles, fort bien conservée, a fourni à l'analyse les éléments suivants : GUINEA EN e IS es Etaide soucie ts Feret plomb. . . . . . traces 100,00 Le bronze de ces hachettes est donc très différent de celui qui constituait les hachettes de Roumare et d'Elbeuf, que j'ai analysées en 1845 et 1846 (1). Il est identique à celui du poignard antique rapporté d'Egypte par Passalac- qua et analysé par Vauquelin. (1) 3. Girardin, loco citato, art. VI, P. 19. 158 ACADÉMIE DE ROUEN. 2 Patère étrusque, donnée par M. Deville, en mars 1847. J'y ai trouvé, sur 100 parties : CNT: 5 EE" DC PEER ESR HN dofn 9e à. SU 0 PENSER Feet zINC ets 7 LOUU:S 100,00 C'est donc un bronze peu riche en étain, comme le pré- cédent. Le fer et le zinc proviennent évidemment de Fim- pureté des deux métaux principaux employés. 3° Miroir antique trouvé en 1849, par l'abbé Cochet, dans le cimetière gallo-romain de Cany. Cette plaque, jaune et brillante d’un côté, présente sur l’autre face une croûte verte qui se détache facilement. Le métal, bien dépouillé de cet oxyde, se laisse facilement attaquer par le couteau, et offre, dans les parties coupées, une surface jaune d’un brillant éclatant ; il se dissout ra- pidement dans l'acide azotique, en fournissant une poudre blanche ; il ne renferme que du cuivre et de l’étain , sans aucune trace d’or ni d'argent ; il n'y a également ni plomb, ni zinc, ni fer. Sur 100 parties, l’alliage se compose de : CMWRE... 4 du es cu 0D RMI 0 oo Vo aalD 100,9 C’est, par conséquent, un bronze analogue à celui des cloches et des cymbales. Quant à la croûte verdâtre qui recouvre l’une des faces de la plaque, c’est de l’oxyde d’étain ne contenant que des traces de carbonate de cuivre, avec quelque peu d’oxydes de plomb et de fer. CLASSE DES SCIENCES. 159 Il est évident, par là, que cette plaque de bronze avait été étamée sur l’une de ses faces, pour servir de miroir. 4° Ornements d’un baudrier de sabre ; trouvés en mars 1850, par l'abbé Cochet, dans le cimetière mérovingien d'Envermeu (1). C'est une grande plaque de bronze avec boucle artiste- ment ciselée, recouverte dans toute son étendue d’une lé- gère couche d'étain fin. Ceite pièce prouve avec quelle habileté les anciens pra- tiquaient l’étamage. 5° Boucle servant à attacher le couteau au ceinturon de cuir des soldats francs , trouvée dans le cimetière méro- vingien d'Envermeu. Cette bouclé est un très mauvais bronze , ainsi que le démontre l’analyse suivante : Chien Ne a 170 BiGinb.t 25e 4 ee 44,0 Bains ce 198 Heron: PR cts frACES 100,0 6° Anneau trouvé dans le cimetière mérovingien d'En- vermeu. C’est encore un mauvais bronze, ainsi composé : Cuivre. - ; ne 45,1 Plomb era: ve 40,9 Etang - : . . . . : 1440 Antimoine . . . . . . traces 100,0 a )HULONNS DAIN RME AN NN nait (1) Revue de Rouen, 18° année, nouvelle Série, te1IV, D. 377. — (Année 1850). 160 ACADÉMIE DE ROUEN. 7° Boucle de ceinturon, trouvée dans le cimetière méro- vingien de Lucy, près Neufchâtel , en 1851, par M. l'abbé Cochet L'anneau de cette boucle est en deux morceaux, dont le plus petit représente le tiers de la masse. Il pèse en tout 28 gr. 5. Une partie de la cassure est blanche et paraît ancienne ; l’autre, récente, est grise. La partie externe est aplatie et brillante ; sa couleur est d’un gris plombé. L'al- liage est cassant; sa limaille est jaune pâle. Les deux pointes de l'anneau, qui avaient le contact de la charnière, sont entièrement recouvertes de rouille. Les porte-charnières sont formées par des branches de fer sur lesquelles on a coulé le bronze ; ces branches ont environ un centimètre et demi de longueur. La portion de l'anneau touchée par l’ardillon de la boucle, présente une dépression recouverte de rouille Composition : Cuivre . . . . . 69,32 Etain es 5720 190)78 Plombise 1e.0.770:90 100,00 8° Fibules et boucles, trouvées en 1847, par M. l'abbé Cochet, dans le cimetière mérovingien de Londinières. Ces objets étaient, en grande partie, oxydés. La couche de vert-de-gris se composait de carbonates hydratés de cuivre et de plomb. Les parties les moins altérées m'ont offert la composition suivante : Cuivres - + + à à à: à «79 Plomb. >: = + +... 98 100 C'est donc un bronze dans lequel l’étain a été remplacé complètement par du plomb. D’après l’analysedes objets inscrits sous lesn°5,6,7et8, il paraît qu'à l'époque mérovingienne, où les arts de l’an- CLASSE DES SCIENCES. 161 tiquité étaient en décadence, on ne savait plus faire le beau bronze grec et romain, et que le plomb était substitué, soit partiellement, soit même en totalité, à l’étain, devenu plus rare et plus cher que dans les siècles antérieurs. 9° Cloche des heures du beffroi de Rouen. Au commencement de 1847, M. Richard a publié, dans la Revue de Rouen, une intéressante notice sur les deux grandes cloches qui sont renfermées dans le beffroi de Rouen (1). L'une d'elles, nommée la Rouvel , apparaît dès le xrre siècle. C’est la cloche , dite d'argent, qui sonne tous les soirs le couvre-feu. L'autre , dont jusqu'ici personne n’avait parlé, est la cloche des heures, qui remplit toute la circonférence de la lanterne du beffroi ; elle était désignée, dans les anciens actes de la municipalité , sous le nom de la Cache-Ribaut. M. Richard en a donné une histoire com- plète. Il m'a prié de faire l'analyse du métal qui la forme : Je mets ici en regard la composition de cette cloche et celle de la Rouvel , que j'ai analysée en 1831 (2). La CacHe-RiBAUT : LA ROUvEL : Forme évasée : hauteur, 1m 25; Forme plus droite: hauteur, diamètre du cerveau, gt centim.; 1M 03; diamètre du cerveau, diamètre de l’ouverture , 1 50. 55 centim. ; diamètre de l’ou- verture , 1M 32. Cnivre ee 0 70,10 M ACUINTE ee UT 00 Etain. 0 Om dON. taille à 10 2. 2: 20,00 Fer'etzine ras MT OO. eee tiene Mo 00 Plomb Pme + tr traces Pere Eee me ie NI 20 100,00 100,00 (1) Richard. — Cloches du beffroi de Rouen. — Revue de Rouen, 15° année, nouvelle série, t. 1, p. 17 (année 1847). (2) Note sur la composition de l'alliage qui forme la cloche d'argent renfermée dans le beffroi de Rouen. — Précis analytique des travaux de l'Académie de Rouen pour 1831, p. 50. 11 162 ACADÉMIE DE ROUEN. Il n'y a pas une trace d'argent dans les deux cloches, et elles offrent, à très peu de chose près, la même com position. Les légères différences qui existent dans les proportions des deux principaux métaux , cuivre et étain , entre les deux cloches du beffroi, s'expliquent très bien par ce fait que toutes les fois qu'on fond et coule de grandes masses d’alliage , il est impossible d'obtenir une homo- généité parfaite dans toutes les parties, attendu les diffé- rences de densité des métaux alliés, et parce que, dans les alliages non cristallisables, il y a plutôt simple mélange que combinaison chimique réelle ou à proportions constantes et définies. il est évident pour moi que c’est le même bronze qui a servi à la fabrication des deux cloches du beffroi. Lorsque je transmettais ce renseignement scientifique à mon ami M. Richard, j'ignorais les résultats de ses investigations historiques, qui l'ont également conduit à ce fait capital que la Cache-Ribaut et la Rouvel sont de même époque , de même origine, et sont sorties toutes deux des fourneaux du même fondeur Jehan d'Amiens. 10° Agraffe en bronze , trouvée en 1851, par M. Bar- thélemy, architecte en chef de la cathédrale de Rouen. Au commencement de l’année 1851 , en démontant l’an- cien pignon à jour, situé sur la grande rose du portail des Libraires de la cathédrale de Rouen , on a trouvé que les pierres des parties rampantes de ce pignon étaient reliées entr’elles par des agraffes de bronze, dont quelques-unes avaient environ 0 m 23 c. de longueur, avec retour d'équerre de chaque bout formant crochet d'environ 0 m. 05e , et d’un équarrissage de 0 m. 02c.; d’autres, plus petites , n'avaient qu'environ 0 m 18c. de longueur, avec crochets de 0 m. 03c et0 m. 015 c. d’équarrissage. ( Voir la fig. 7 de la planche 3 ) Les parties formant crochets CLASSE DES SCIENCES. 163 avaient été limées en forme de dents de scie sur leurs angles , afin, sans doute, de leur donner plus d’adhérence avec leurs scellements en plomb. La présence de ces agraffes de bronze dans une con- struction de cette époque (xiv° siècle), est un fait d'autant plus curieux à constater que, dans les autres parties de l'édifice de la même époque, on n'a trouvé, jusqu'à présent , que des agraffes de fer , scellées également en plomb. Sur l'invitation de M. Barthélemy , j'ai fait l'analyse du métal de ces agraffes. Il a un aspect rougeûtre et se laisse entamer facilement par la lime. 11 m'a offert la compo- sition suivante : Cuivres An nt. 4745870 Haider tt 06 44 Plomb. 440 24,930 99,914 C'est, comme on le voit, un bronze dont on a voulu diminuer la dureté et accroître la malléabilité, par l'intro- duction d’une forte proportion de plomb. LA Analyses de médailles antiques. En 1847, on a trouvé un certain nombre de médailles en bronze, à Saint-André-sur-Cailly. M. Deville m'en a remis quelques-unes que j'ai analysées. Voici les caractères et la composition de ces médailles. N° 1 AnrTonrA … Poids de la pièce . ... 11 gram. 47, couleur jaune.— La limaille est d’un beau jaune de laiton. 164 ACADÉMIE DE ROUEN. Cette pièce, bien conservée, est à l’efligie d'AnTONIA AuGusra. L'autre face représente un homme enveloppé dans sa toge et tenant une boule. Des deux côtés et au bas de la figure , on voit, dans le champ de la médaille, les lettres S C. On lit sur cette face : Tirus CLAuDIUS César AUGUSTUS IMPERATOR. Composition. . . . . Cuivre. . . . 81,4 PAC. en a 10 100,0 C'est donc un véritable laiton. Le métal en a tous les caractères physiques; il est facile à limer et graisse la lime. M. Gæœbel avait annoncé, depuis longtemps, que tous les bronzes qui sont originaires de l’ancienne Grèce ou de ses colonies, en Italie , en Egypte , en Asie , etc., renferment du cuivre et de l’étain. ou bien du cuivre , de l'étain et du plomb , mais jamais de zinc. M. Erdmann, qui a ana- lysé , en 1847, un certain nombre de monnaies grecques recueillies en Grèce par le professeur Ross (1), n'a pas trouvé la moindre trace de ce dernier métal dans les échantillons examinés par lui, et il en tire la conclusion que l'opinion de M. Gæbel est exacte. L'analyse que je rapporte sous le n° 1 prouve le contraire. N°2. Domirien. . . Poids de la pièce . .. 16 gram. 64, couleur rouge. — La limaille a la couleur rouge pâle du bronze. Cette pièce , en bon état , est à l’efligie de Aucusrus Domirianus consuz. La face opposée , comme la précé- dente , mais sans inscription. (1) Erdmann, Journal für prakt. Chemie. 1. XL, p. 371. CLASSE DES SCIENCES. 165 Composition. . ...... Cuivre. . . . . 88,8 Étainsl® . AMIE 10;S Plomb.‘ ‘91880 8 5919 100,0 N° 3. Trayan.. .. Poids de la pièce... . 26 gram. 95. Cette pièce est complètement oxydée , en fort bon état. La couleur de son intérieur est le jaune pâle. Elle est à l'effigie de ImperaToR César NERVA TRAJAN AuG. GERMAN. Composition. . . . Cuivre. . . . . . 85,1 Hits. 4.6 a otties PIOMD: : + 4 3,4 100,0 N° #4. Manc-Aurëce. Poids de la pièce... 2% gram. 95, couleur extérieure verdâtre.... couleur du métal intérieur jaune rougeâtre. Cette pièce est en bon état. Elle est très épaisse. Elle est à l’efligie de Marcus Anronius AuGustus ImPr- RATOR. L'autre face représente une Minerve assise? Les carac- tères sont illisibles. Composition. . . . Cuivre . . . . 84,9 Haine 14402105 Plomb..." 46 100,0 N°5. Commopr. .Poids de la pièce. . . . . 19 gram. 8, Cette pièce est en bon état, et d’un jaune rougeûtre 166 ACADÉMIE DE ROUEN. pâle , avec des traces de patine. Elle est d’un jaune rou- geâtre à l'intérieur. Elle est très épaisse. Elle est à l'effigie de Marcus AureL. COMMOD. AUGUSTUS. L'autre face présente une figure droite , avec les lettres S C ; plus, à la gauche de l'S , une étoile à 8 rayons. Composition. . . . . Cuivre. . . . . 89,5 Hlaiertiquurx 24 4008 Plomb. . 5 Ke 0,9 100,0 N° 6. ALexanDRE SEVèRE. Poids de la pièce. 18 gram. 12. Complètement oxydée. mais en bon état. Jaune rou- geâtre à l'intérieur. Elle est à l'effigie de l'Empereur Alexandre Sevère. L'autre face présente une femme. Composition. . . . Cuivre. Ut 20. 001890 Haine 0 102 Ploinne re 00108 100,0 N° 7. Paunppe père. Poids de la pièce... 17 gram. 82 Cette pièce , en bon état, a une teinte rouge-brun, avec traces de patine. Jaune rougeàtre à l'intérieur. Elle est à l'effigie de Philippe-Auguste père , Empereur. L'autre face , dont les caractères sont illisibles , repré- sente un individu ailé tenant une couronne. Composition. . ... Cuivre. . : . . . 88,8 LME A APR 8,0 Plomb. éuakirt. cou CLASSE DES SCIENCES. 167 VIL. Analyses de divers fragments de plomb antiques 1° M. l'abbé Cochet m'a remis un morceau de plomb provenant du cercueil de Gundreda, fille de Guillaume-le- Conquérant , et épouse de Guillaume de Varenne, inhumée dans l’abbaye de Saint-Pancrace de Lewel (Angleterre), dans le xr° siècle, et exhumée en 1845, lors des travaux du chemin de fer de Brighton à Hastings. Je me suis assuré que c'est du plomb ne contenant que des traces d’étain. 20 Coffres de plomb placés à l'intérieur de cercueils d'enfants, en briques rouges, trouvés en 1849, par M. l'abbé Cochet, dans le cimetière gallo-romain de Cany, dans la propriété de MM. Souday (1). Le métal de ces coffres m'a offert la composition sui- vante : Plomb: 2-00. 00560 Ham ET Ce 4,40 HO RAI. CNE OR PONS traces. 100,00 En 1831, j'ai fait connaître, dans la Revue Normande (2), l'analyse d’un cercueil romain en plomb, trouvé à Rouen, rue Saint-Gervais Le métal offrait, à peu de chose près, la composition du précédent, puisqu'il était formé de : Plombèpts Life in 94,90 Etant nee er Ar + 5,10 100,00 (1) Revue de Rouen, 17° année, nouvelle série, t. HE, p. 353, 407, 454 (année 1849). (2) Premier volume. p. 467 et 649 168 ACADÉMIE DE ROUEN. M. Dubuc avait également constaté, en 1827, qu'un cer- cueil romain trouvé dans la rue du Renard, à Rouen, était formé par un alliage de plomb et d’étain. Les Romains avaient donc reconnu que le plomb allié à l’étain est moins oxydable, moins altérable par le temps que le plomb seul. « Ceci prouve, dit M. Dubuc, que les anciens avaient déjà de grandes connaissances en métallurgie (1). » 3° Fiole en plomb, trouvée en 1849, par M. l'abbé Co- chet, dans une petite construction en brique, ou cinera- rium du cimetière gallo-romain de Cany. Cette fiole, qui devait être un de ces vases à parfums ou à libations que les anciens plaçaient à côté des corps dans les sépultures, était trop usée pour qu'on pût en apprécier la forme. Elle était formée par un alliage ainsi constitué ; OMD AE ner ME TE 60 Hfain 0.07 SE are 40 100 4° Plombs provenant de cercueils trouvés, en 1852, dans le couvent des Dames d'Ernemont, à Rouen. Voici les renseignements que M. l'abbé Cochet m'a transmis, en m'envoyant ces plombs : « En 1852, pendant les mois de mai et de juin, les religieuses d'Ernemont de Rouen ayant fait creuser les fondements d'une construction nouvelle dans la partie de leur monastère qui est située sur la rue d'Ernemont, découvrirent un cimetière antique composé de plus de vingt-cinq sépultures, dont plusieurs étaient formées avec des cercueils en plomb. Ces sarcophages, au nombre de (1) Dubuc. — Antiquités romaines — Communication faite à l'Académie royale des Sciences deRouen, dans sa séance du 11 août 1827 (Preces des travaux de l'Académie de Rourn pour 1827, p. 85.) CLASSE DES SCIENCES. 169 huit, étaient placés à 50 ou 60 centimètres du sol. Il y en avait trois grands, deux moyens et trois petits, ren- fermant tous un seul corps, dont les pieds étaient au sud- est et la tête au nord-ouest. Des clous en fer, semés autour des cercueils de plomb, indiquaient que ces sar- cophages avaient été renfermés dans des coffres de bois depuis longtemps disparus. « Un des cercueils de plomb était couvert de têtes d'hommes, espèces de mascarons très saillants et ren- fermés dans des cercles octogones. La plus belle de ces têtes, cependant, celle du milieu du couvercle , était con- tenue dans un cercle rond. Ces têtes étaient au nombre de sept sur le couvercle; sur le sarcophage, on n’en comptait pas moins de treize. « Un autre sarcophage comptait, sur son couvercle, cinq médaillons semblables à ceux du premier. Générale- ment, on les regardait comme des emblèmes d’'Apollon ou de Phébus. & A la tête de la plupart de ces cercueils avait été tracée, avec un couteau, une croix de Saint-André. Cependant, tous les archéologues qui les ont vus les considèrent comme païens et très voisins de l’époque romaine. Les terrains dans lesquels ils gisaient étaient remplis de frag- ments de tuiles à rebords, et ils y ont laissé voir une médaille en bronze de Vespasien. « J'ajoute que la parfaite ressemblance de la forme de ces tombeaux avec les cercueils gallo-romains que j'ai rencontrés à Cany en 1849, m'engage aussi à les reporter au 1v° siècle de notre ère. Il ne faut pas perdre de vue non plus que ce cimetière antique était placé sur le bord de la voie romaine allant de Rouen à Beauvais, vieille route impériale dont le souvenir vit encore dans le nom de rue Beauvoisine. Au moyen-àâge , ce coin de terre fai- sait partie du fameux Champ-du-Pardon, où un pape fit 170 ACADÉMIE DE ROUEN. prêcher les indulgences de la Croisade, et où furent inhu- més quatre gentilshommes normands au temps de Charles- le-Mauvais. » J'ai analysé les plombs de trois des cercueils les plus intéressants. Voici mes résultats : Composition. Grand cercueil. Petit cercueil, Tout petit cercueil, Plomb. . 94,995 94,635 97,00 Etain. . . 5,005 5,365 3,00 100,000 100,000 100,00 VII. Analyses de divers objets en argent et en or. 1° M. l'abbé Cochet m'a prié d'analyser une boucle d'o- reille trouvée par lui, en 1850, dans le cimetière méro- vingien d'Envermeu. J'ai reconnu que cette boucle est en argent, allié à beau coup de cuivre et à un peu d'or. Il y a des traces de plomb. La boucle était entièrement noircie à sa surface par des sulfures métalliques, qui se sont formés à l’époque où la pu- tréfaction du cadavre auquel cet ornement appartenait a produit des dégagements d'hydrogène sulfuré. 2 Une bague, trouvée dans le même cimetière, est en argent pur. 3° Monnaies mérovingiennes en or, des vie et vur° siècles, trouvées à Lucy, près Neufchâtel, en 1851, par M. l'abbé Cochet Ces monnaies, au nombre de cinq, d'une parfaite con- servation eten partie inédites, appartiennent à des époques et à des lieux différents. Elles étaient cachées sous la plaque du baudrier de cuir d’un soldat frane, dont le squelette g1- Fig 3. se Fig. 5. Avers +YN4E.. — Revers HDo + Mo. Fig. 6. _ Z | CZ set trouve dans : Prcuell en p j Objet trouve dans un ce: ueïl en plomb Agraffe en bronze trouvée dans le portail de 78 Libraires de la Cathedrale de Rouen. (V. p.162 du Cimetiëre de Cany Lith. de À Peron, Rout CLASSE DES SCIENCES. 171 sait dans une des fosses taillées dans la craie marneuse du cimetière mérovingien découvert par M. Cochet, en sep- tembre 1851, à Lucy, village du pays de Bray, situé dans la vallée de l'Eaulne , à six kilomètres de Neufchâtel et de Londinières (1). L'importance et la beauté de ces triens ne me permet- taient pas de les couper pour en faire une analyse quanti- tative. Il ne nr'a été possible que d’en détacher, sur les bords, de légères parcelles ; j ai dû alors me contenter de recon- naître si l'or était pur ou allié. Toutefois, avant de faire cette prise de matière, j'ai pesé chaque pièce à une balance de précision. Voici mes résultats. (Voir la planche 3) : N° 1... Poids : 1 gramme 322. Couleur jaune pâle. L'or est allié à très peu d'argent Il y ades traces de fer. N° 2... Poids : 1 gramme 21. Couleur jaune pâle. Même composition que le n° 1. N° 3... Poids : { gramme 215. Couleur jaune un peu plus pâle que les précédents. Or, avec plus d'argent. Traces de fer. N° 4... Poids : 1 gramme 2925. Couleur presque blanche. Or, avec beaucoup plus d'argent et de fer que les précédents. N° 5... Poids : 1 gramme 235. Couleur presque blanche. Même composition que le n° 4. (1) Cochet.— Note sur cinq monnaies d'or trouvées dans le cime tière mérovingien de Lucy, près Neufchâtel, en 1851. (Revue de Rouen et de la Normandie, 20° année, avril 1852, n° 4, p. 213.) 172 ACADÉMIE DE ROUEN. Aucune de ces monnaies n'est en or fin. La présence de l’argent, et l'absence du cuivre, prouvent qu’elles ont été faites avec de l'or natif qui a été simplement fondu et coulé. On sait, en eflet, que l'or natif est presque toujours allié à plus ou moins d'argent. IX. L'argenture était connue des anciens. Dans le courant de juin 1847, on découvrit à Avranches (Manche), un petit trésor de 450 pièces gauloises, qui étaient renfermées dans un pot de terre. M. Deville s'empressa de m'envoyer une de ces pièces, pour en connaître la compo- sition chimique. Cette pièce était blanche et ne portait aucune inscription. Elle appartenait évidemment , par son caractère, et par le lieu où elle a été trouvée, à la série des médailles armori- caines. M. Deville n’a pu fixer son âge d'une manière cer- taine , mais il est convaincu qu’elle ne devait pas être pos- térieure aux premières années de la conquête des Gaules par les Romains. Voici ce que son analyse m'a fourni : Cuivrents. nes 0e Me al GROsAE 19 6190 Argent 5.50 Peu, 0 3,10 Plomb. 1. LED MATE traces. 100 00 Cette pièce est recouverte d'argent, et je la regarde comme une médaille de cuivre qui a été argentée. Nous savons déjà, par mon premier mémoire (f), que (1) 3. Girardin, {eco citato, art. 9, p. 22. CLASSE DES SCIENCES. 173 les Gaulois argentaient les métaux ; mais comment opé- raient-ils ? C’est ce que l'histoire ne nous a pas encore ap- pris. Ils devaient employer le moyen le plus simple , à sa- voir la superposition de feuilles d'argent sur le métal moins précieux, en déterminant l’adhérence à l’aide de la chaleur et d’une pression longtemps exercée. Quand on apprend par Pline qu’il y avait, bien avant son époque, des faux-monnayeurs, et qu'on fabriquait des mon- naies fourrées, on n’est plus étonné de trouver l’argenture pratiquée avec succès, et dès les premiers temps de l’'Em- pire et chez les Gaulois, car cet art est beaucoup moins difficile que la falsification des monnaies, que la coupel- lation , que l’art de l’essayeur (ars denarios probare), déjà connus et mis en œuvre (1). X. Le plaqué d'argent était connu des anciens. 1° Dans le courant de juin 1847, M. Deville m'a prié d'examiner une feuille métallique très mince qu'il avait dé- tachée de la surface d’un plat en bronze d’origine gallo- romaine. Un centimètre carré de cette feuille pesait cinq centigrammes. J'ai constaté que cette feuille métallique était en argent, non en argent pur, mais allié à un peu de cuivre, comme notre argent de monnaies et d’ustensiles. Le métal a été noirei par le temps; il était recouvert d’une légère couche de sulfure d'argent, comme cela arrive sur nos objets d’ar- gent à la longue. (1) Pline, Histoire naturelle, XXXWH. 174 ACADÉMIE DE ROUEN. 2° Boucle en bronze d'un baudrier de soldat franc, trouvée en 1850, par M. l'abbé Cochet, dans le cimetière mérovingien d'Envermeu. Cette boucle est recouverte d’une feuille d'argent assez épaisse que l'oxydation du métal inférieur a soulevée et dé- tachée. Cet argent est allié à du cuivre ; j'y ai trouvé aussi une trace de fer. 3° Plaque et boucle de ceinturon en fer, trouvées à Lon- dinières en 1850, par M. l'abbé Cochet. Cette plaque, une des plus grandes qu'on ait trouvées jusqu'ici, est en fer recouvert d'une lame d'argent. 4° Métal provenant d'incrustations existantes sur une plaque de ceinturon en fer, trouvée par M. l'abbé Cochet dans le cimetière mérovingien d'Envermeu ou de Parfon- deval. Ces petites parcelles étaient de l'argent pur. Voilà de nouvelles preuves que les anciens connaissaient l’art de recouvrir les métaux altérables de métaux protec- teurs. Ils faisaient du plaqué d'argent, comme nous en fai- sons encore, par la juxtaposition et la pression de la lame d’argeut sur le métal oxydable. Plus on étudie à fond l'antiquité, plus on se convainc que les anciens sont nos maîtres sur bien des points de la technologie. Sans doute, chez eux, les sciences physiques et chimiques n'étaient point formulées en corps de doctrine, ni même professées comme sciences expérimentales. Mais, grâce au hasard, à l’expérimentation, au tâtonnement, à une longue habitude, ils étaient arrivés à des résultats inouïs dans les arts industriels. Chacun trouvait et tâchait de gar- der son secret. Les peintres, les teinturiers, les verriers, les potiers, les orfèvres, les joailliers, les métallurgistes, étaient habiles, et ce n’est pas sans un profond étonnement qu'onacquiert la preuve, en parcourant os musées archéo- CLASSE DES SCIENCES. 175 logiques, que les anciens étaient véritablement très avancés dans la pratique des arts chimiques. XL. Analyses d'ossements humains d'une haute antiquité. 1° Ossements humains du cimetière antique de Saint- Pierre-d'Epinay, près Dieppe. Dans les vastes déblais entrepris pour l’entrée du tun- nel qui met en communication la vallée de Dieppe avec celle de la Scie, les terrassiers anglais ont rencontré, au commencement de 1847, une masse de sépultures telle- ment agglomérées sur un seul point, que leur réunion peut constituer un cimetière antique. Notre ami, M. l'abbé Cochet , a publié, sur cette impor- tante découverte, un très curieux mémoire, dans lequel il établit que la sépulture d'Epinay devait appartenir à une fa- mille franque qui habitait ce hameau , et qui exploitait peut- être les salines établies dans cette vallée, dès le septième siècle (1). M. l'abbé Cochet m'a prié de faire l'analyse de quelques- uns des ossements recueillis par lui. Je me suis rendu à ce désir, et voici la note que je relève de mon registre de laboratoire, à la date du 24 avril 1847. Ces os, très légers et poreux , ressemblent assez bien aux os qui ont subi l’action de la vapeur d’eau dans l'appa- (1) Reoue de Rouen, 15° année » nouvelle série, t. I, p. 230.— (Année 1847.) 176 ACADEMIE DE ROUEN. reil de D'Arcet pour l'extraction de la gélatine ; seulement ils ont une couleur jaunâtre. Desséchés à4-100°, pour les priver du peu d’eau inter— posée qu'ils contiennent, ils m'ont offert la composition suivante : Matière organique azotée. . « 15,25 Sous-phosphate de chaux. . + + 72,90 Phosphate de magnésie - + : 2,60 Carbonate de chaux. . . - + + 9,25 Fluorure de calcium Alumine :::..: dei taie Silice . . Oxyde de fer . . 100,00 La grande quantité de matière organique, que ces os contiennent encore, prouve qu'ils ont séjourné dans un mi- lieu sec, où les phénomènes de la décomposition putride ne pouvaient que difficilement s'opérer. 2. Ossements romains trouvés à Vernon en 1844. Ces ossements , trouvés dans la terre végétale et en- voyés par M. l'abbé Cochet, ont absolument le même as- pect que les précédents ; ils sont toutefois plus colorés et plus souillés de terre. On voit bien, par leur composition, l'influence que le milieu humide, dans lequel ils ont sé- journé, a exercé sur eux. Après une dessiccation préalable à4-100°, l'analyse chi- mique y a démontré : Matière organique azotée. . - 10,00 Sous-phosphate de chaux. . + 74,00 Phosphate de magnésie . . . 1,10 A reporter. . . . . 85,10 CLASSE DES SCIENCES. 177 Reports Ve 0185540 Carbonate de chaux . - . - . 14,90 Fluorure de calcium. Ro Oxyde de fer. . . . | 100,00 . 3° Ossements trouvés dans le cimetière mérovingien de Londinières, en octobre 1847. Une médaille de Tetricus (273) les accompagnait. On re- connaît sur ces os l'empreinte verte des boucles de bronze qui attachaient les couteaux et les sabres des guerriers dont ces débris proviennent. Ces ossements se composent de fragments d’un crâne et d’os du bras. Ils ont une couleur fauve, un tissu très dense. Ils sont lourds, et ne paraissent pas avoir subi une grande altération. Voici leur composition sur 100 parties en poids, après une dessiccation à+-100° : Matière organique azotée. . . 19,39 Carbonate de chaux . « . . . 19,28 Sesqui-phosphate de chaux - - 36,60 Phosphate de magnésie . . . 4,28 — d'alumine . . . 6,44 Silice, alumine et oxyde de fer 14,00 99:99 Le terrain dans lequel ces ossements ont été trouvés est un calcaire marneux, recouvert d’une légère couche de terre végétale. Ce sol était donc bien choisi au point de vue de la conservation des corps, et en effet , malgré tant de siècles écoulés , on eût dit que l'inhumation de quelques - uns était toute récente. Cependant, malgré ces condi- tions favorables, la composition anormale qu'ils m'ont offerte démontre bien qu'ils ont été soumis à des actions chimiques qui les ont modifiés profondément. 12 _ 178 ACADÉMIE DE ROUEN. XIE. Examen de divers objets de nature organique trouvés dans des fouilles. 1° Objet en fer qui paraît avoir été muni d’un fourreau en cuir, trouvé à la ceinture d’un squelette , dans le cime- tière mérovingien de Londinières, en octobre 1847. Ce fragment présente une couleur jaune-orange, due à ce qu'il est converti complètement en peroxyde de fer hydraté. Il est recouvert, sur plusieurs points, de taches grises qui peuvent facilement être enlevées. Traitée par l’eau bouillante, cette matière grise lui cède une substance organique qui ne donne point à l'eau la pro- priété de se prendre en masse ou en gelée par le refroi- dissement, mais qui, évaporée à siccité et chauffée dans un tube, répand l'odeur de corne brülée et ramène au bleu, en quelques instants, le papier rouge de tournesol. Il ya donc, sur cet objet en fer, des traces d’une matière animale qui, très probablement , à été le cuir du fourreau de cette arme. M. l'abbé Cochet regarde cet objet comme un de ces couteaux en fer si communs dans les sépultures mérovin- giennes. 2° Objet trouvé dans un cercueil en plomb du cime- tière de Cany, en 1849. M. l'abbé Cochet me posait ces questions, en m'envoyant cet objet : « Est-ce du cuir? de l’étoffe? ou de la peau? » Cette matière noirâtre m'a offert, au milieu d'une poudre grossière, un fragment d'une certaine étendue présentant un bord dentelé. (Votr la fig. 6 de la planche 4.) CLASSE DES SCIENCES. 179 C’est une matière animale azotée ; Car, par la calcination dans un tube, elle donne des vapeurs blanches, alcalines , d’une odeur de corne brûlée , de l'huile empyreumatique, et elle laisse un résidu noir charbonneux. Elle se gonfle dans l'eau, mais n’abandonne rien à ce liquide froid. Par l’ébullition , elle lui cède une substance organique , qui est précipitée par l'acide tannique et l’al- cool. L'alcool et l'éther sont sans action sur elle. Elle se gonfle dans l’eau de potasse, la colore d’abord en jaune, puis en brun, et finit par s’y dissoudre complète ment. D'après ces caractères, cette matière me paraît être de la peau non tannée. 3° Couteau de fer, avec sa gaëne en cuir ou en peau, provenant du cimetière mérovingien d'Envermeu. Par suite de mes expériences. il est évident qu'il y a au- tour de ce couteau, fortement corrodé par l'oxydation, une matière organique azotée ; mais l’altération de cette ma- tière est telle, qu'il m'a été impossible de reconnaître si c'était autrefois du cuir ou de la peau non tannée. #° Sous le nom de Charbon de bois trouvé dans le ci- metière de Londinières, M. Cochet m'a envoyé une matière noire, légère , friable, brûlant sans résidu, Par la calcina- tion dans un tube fermé, elle donnait des vapeurs d’eau ayant une légère odeur de matière végétale en décomposi- tion. Elle communiquait à l’eau de potasse bouillante une couleur foncée de vin d'Alicante. Cette matière, qui enveloppait les squelettes de Londi- nières , n’est done pas du charbon, comme le supposait mon savant ami, mais bien une espèce de Zignite ou bois fossile, reste des cercueils en bois dans lesquels les ca- davres furent inhumés. 5° Substance provenant des fouilles de Cany, contenue 180 ACADÉMIE DE ROUEN. dans un petit vase en bronze , et qu'on supposait être un parfum. Cette substance , sous forme de croûtes minces et de poussière, a la couleur de la cendre de bois. Elle cède à l’eau distillée bouillante une matière incolore, qui précipite par le tannin et par l'alcool, et non par le chlore et les acides, et qui donne par la calcination les ca- ractères des principes azotés. La substance ne cède rien à l'esprit de vin et à l’éther. La partie insoluble dans ces divers véhicules fait une légère effervescence avec les acides. C’est un alliage de plomb et d’étain, avec des traces de cuivre, passés à l’état d'oxydes hydratés et carbonatés. Il m'est impossible de définir, par suite de cette analyse, quel a pu être le mélange introduit primitivement dans le vase ; il est certain qu'il s’y trouvait une matière ani- male ; mais de quelle nature ? C’est ce que je ne puis dire. REMARQUABLE EXEMPLE D'INTOXICATION PAR VENIN ANIMAL, OU CAUSE DE LA MORT DU DOCTEUR QUESNEL, bE ROUEN (I). Lecture faite dans la Séance du 19 Décembre 1851 : PAR M. LE D' VINGTRINIER. Un évènement aussi déplorable qu'extraordinaire est venu attrister le corps médical de Rouen, et lui donner en même temps un redoutable enseignement ; mercredi 12 novembre dernier, à 5 heures du soir, M. le docteur Quesnel a succombé aux suites d’un accident qui peut se reproduire et menacer chaque jour les médecins ; il s'agit d’une inoculation. Mardi 4 novembre, à 9 heures du soir, l'honorable doc- teur saignait un M. Jos... qui avait été pris la veille d'une angine aiguë inflammatoire avec symptômes généraux et locaux très-prononcés; M. Jos, dont la constitution pa- raissait excellente, mourut après une maladie qui ne dura que quarante-huit heures. (1) La Gazette des Hôpitaux, du 31 janvier 1852, a publié plu- sieurs observations du D’ Leclerc , de Caen, qui présentent quel- ques analogies avec le cas du D' Quesnel 182 ACADÉMIE DE ROUEN. La saignée opérée, notre confrère, en essuyant sa lan cette, se fit une légère incision au doigt médius de la main droite , près de l'ongle et du côté de l'indicateur ; le sang parut aussitôt et assez abondamment pour l'engager à se servir d'un morceau de papier, et l’entourer afin de ne plus être gêné dans le nétoiement de sa lancette ensanglantée, et pour écrire une prescription. Occupé de la gravité des symptômes si brusques et si in- quiétants de la maladie qu'il observait, impressionné par les paroles de désespoir de la famille Jos..., et continuant à prendre part à une consultation commencée, le docteur Quesnel ne songea pas à l'accident qui l’intéressait; son confrère, M. Achille Flaubert, ne fut pas non plus engagé à y porter son altention ; en effet, rien ne pouvait donner l'éveil, car l'inspection de la gorge du malade n'avait laissé reconnaître qu'une surface enflammée, très-rouge, et ne présentant ni taches gangréneuses, ni exsudations vé- néneuses. Ilest même positif qu'après la mort il n’en exis- tait pas sur la pièce anatomique détachée, ainsi qu'a pu s'en assurer l'honorable M. Flaubert, qui me la aflirmé. Quoi qu'il en soit, la plaie du doigt ne se guérit pas par adhésion immédiate ; elle devint le siége d’une inflamma- tion et d'une suppuration. Le gonflement , la douleur et la rougeur se développèrent ensemble, et le sixième jour, après la coupure, le médecin appelé vit une pustule res- semblant assez à nn bouton de vaccin en suppuration avancée. L'incubation dénonça ses premiers signes le dimanche 3 novembre , cinquième jour après l'incision faite au doigt; alors le malade ressentit dans la journée un malaise géné- al et un froid singulier dont il se plaignait pendant le cours de ses visites; il ressentit des frissons, des maux de tête, etc. Rentrée chez lui, dansle milieu du jour, le docteur Ques- CLASSE DES SCIENCES. 183 é nel répéta qu'il allait être malade sérieusement ; il fit re- marquer à sa femme un gonflement survenu à son doigt et à sa main ; il se fit appliquer un cataplasme. Dans la nuit, le bras setuméfia, et le lundi 10 novembre, sixième jour, les glandes axillaires devinrent douloureuses, gonflées, ainsi que le tissu cellulaire de la région pectorale et scapulaire. M. Quesnel fit alors promener des cataplasmes laudanisés sur toutes les parties douloureuses, sans se souvenir ou peut-être en affectant, devant les personnes de sa maison, de ne pas se souvenir de laccident du k novembre. Dans la soirée du lundi et dans la nuit du lundi au mardi, troisième jour du développement des symptômes généraux, et septième du jour de l’inoculation, la fièvre devint très forte, des sensations internes de souffrance le surprirent, et, à onze heures du soir seulement, il consentit à faire appeler son ami, le docteur Voranger, qui constata les symptômes susdits, locaux et généraux, excepté l’état du doigt que M. Quesnel se refusa de faire voir, malgré les sol- licitations de M®° Quesnel ; il prétendit avec humeur qu'il s'était écorché au doigt avec une’écaille d’huiître, et que cela n’avait aucun rapport avec ce qu'il avait au bras; il est vrai que cela était arrivé, mais trois semaines s’étaient écou- lées depuis cet accident, et il n’en était pas resté la moindre trace. Cependant, le docteur Voranger, déjà inquiet de ce qu'il avait vu et regrettant de n'avoir pas inspecté le doigt ma- lade, revit dès le lendemain M. Quesnel; il constata, à l'endroit de l'incision, une sorte de pustule en suppuration, et apprit seulement alors dans quelles circonstances l’ac- cident était arrivé. Ce même mardi, septième jour de l'inoculation, les parties engorgées, c’est-à-dire la main, le bras, l’aisselle, la peau, etc..., les graisses environnantes , le côté corres- 184 ACADENMIE DE ROUEN. pondant du cou étaient plus gonflés ; partout la face avait pris la teinte pâle ou livide, prélude de la gangrène ; d’au- tre part, les symptômes généraux marchaient vite, le pouls était petit, le ventre était devenu ballonné, les douleurs de tête s'étaient accrues, et, malgré les efforts intellectuels du malade, quelques paroles délirantes échappaient. Effrayé de l'aggravation survenue pendant la nuit, M. Voranger alla exposer ce qui arrivait au docteur Leudet ; bientôt réu- nis auprès du malade, nos confrères n'hésitèrent pas à voir, dans tout l'appareil des symptômes locaux et géné- raux, un empoisonnement par venin animal, comparable à celui de la vipère ou aux effets toxiques de certaines sanies putrides. Mais que faire ! l'infection était générale , les symptômes faisaient des progrès, le pouls s’affaiblissait, les forces vi- tales s'amoindrissaient , l'intelligence seule se maintenait intacte, sauf dans quelques instants ; le mercredi, à trois heures . le docteur Quesnel s’entretenait encore avec lu- cidité avec un ecclésiastique de ses amis ; mais, peu après, la divagation desidées se montra continue, et, à cinq heures, après huit jours d’inoculation, et moins dequatre de l'appa- rition des symptômes, notre malheureux confrère suc- comba ; il n’était âgé que de cinquante ans, et sa consti- tution , comme sa santé, étaient des meilleures. Ce fait, si extraordinaire, nous porte la solution de ces deux propositions : {° que le sang , chez l'homme, peut se vicier spontanément et en quelques heures, et que cette viciation est transmissible par inoculation ; 20 Que le sang passé à l'état inflammatoire peut, par l'ino- culation, produire les accidents des venins. L'honorable docteur Quesnel méritait à tous égards les regrets qui l'ont accompagné au tombeau; son souvenir vivra dans le cœur de ses confrères qui l'estimaient tous; mais le corps médical entier se souviendra qu'il est mort CLASSE DES SCIENCES. 185 au champ d'honneur de sa profession, et que la science lui est redevable jusque dans sa fin si funeste. 5 décembre 1851. Nora. — Cette observation ayant été rédigée par moi sans avoir vu le malade et sur des notes données, j'ai cru devoir la com- muniquer aux deux confrères qui ont été le plus à portée de con- naître tous les détails de l'événement et de la maladie : le docteur Daubeuf, neveu de M. Quesnel, et le docteur Voranger, son ami particulier, qui ne l'a pas quitté, ont bien voulu m'écrire pour m'assurer que la rédaction de cette note est, en tous points, con- forme à la vérité et à Leur opinion personnelle. re OBSERVATION D'UN CAS DE MORVE AIGUË CHEZ L'HOMME, Par M. J. LÉGAE. ( Séance du 30 Janvier 1852.) Le 29 novembre 1847, Auguste Terrien, âgé de cin- quante ans, voiturier, demeurant à Janval , hameau situé à deux kilomètres de Dieppe, homme fort et vigoureux, eut la jambe gauche prise entre deux énormes pierres, en déchargeant sa voiture. La douleur fut excessive. Les per- sonnes accourues à ses cris, pour le dégager, furent obligées de recourir à l'emploi d’un levier. Néanmoins, cet accident ne donna lieu à aucune lésion du membre, et Terrien, pour se remettre de la vive secousse qui en avait été la suite, se borna à garder le lit pendant deux jours Le 1+ décembre, il se sent en état de retourner à ses travaux ; mais, en se levant, il est pris d’une violente dou- leur lombaire et contraint de se remettre au lit. Cette dou- leur occupait le côté gauche des lombes. Le 2 décembre , je suis appelé à donner des soins au malade. La douleur occupe toujours le même point et se prolonge le long de la crête iliaque du même côté. La par- CLASSE DES SCIENCES. 187 tie malade n’est le siége d'aucun gonflement. Point de changement de couleur à la peau, point d'augmentation de la douleur à la pression , point de fièvre ; la langue est légèrement blanchâtre. Prescription : Frictions sur la partie douloureuse avec un liniment opiacé; cataplasmes émollients ; limonade ; repos ; diète. 3 Décembre. — La douleur a augmenté d'intensité. PRäscriprioN : quinze sangsues ( loco dolenti); le reste (ut suprà). 4 Décembre. — L'émission sanguine locale a produit un soulagement notable ; les douleurs du flanc ont sensible- ment diminué; mais, en revanche , la moindre pression dans cette région est douloureuse. La langue est sale; le malade accuse de lempâtement de la bouche. La fièvre est nulle , et cependant, Terrien a, sur sa position , les plus graves inquiétudes que rien pourtant ne semble jus- tifier. PRescripriON : #5 grammes de sulfate de magnésie ; li- monade; bouillon de veau léger. 5 Décembre. — A la suite de l'emploi du purgatif, douze selles abondantes et fétides. Les douleurs du flanc sont moindres; on remarqne une amélioration sensible dans l’état du malade. 6 Décembre : Les douleurs du flanc ont complètement disparu ; mais il est survenu des douleurs vagues dans les membres et surtout les membres inférieurs. Ces dou- leurs sont plus vives dans le pied droit que dans les autres parties, et elles présentent , dans les orteils du même côté, une plus grande intensité encore. Il n'existe d'ailleurs, dans aucun de ces points, ni rougeur ni gonflement. La langue est sale, mais humide. Le malade à eu quelques 188 ACADÉMIE DE ROUEN. selles liquides et fétides. La peau est plus chaude ; le pouls prend un peu de fréquence (70-74). Prescriprion : Eau de sedlitz, trois verres dans la jour- née ; limonade citrique. 7 Décembre. — Dans la soirée du 6 décembre, redou- blement fébrile ; insomnie dans la nuit avec commence- ment de délire. Le 7, la chaleur à la peau augmente ; une sueur abondante inonde tout le corps; le pouls est plus fort et plus fréquent {78-80 | ; les douleurs des membres sont plus considérables. Plusieurs évacuations liquides et toujours fétides. Même prescription 8 Décembre. — Redoublement fébrile qui a duré de cinq heures du soir à cinq heures du matin, plus intense que le jour précédent. Tous les symptômes observés la veille ont également augmenté d'intensité; la peau est très chaude ; la sueur très abondante. Le pouls, toujours très fort, très développé, augmente de fréquence (84-86); persistance de la douleur des membres : délire continuel ; agitation très grande ; selles liquides, et présentant toujours la même fétidité. Prescriprion : Sulfate de quinine, 1 gramme 50 centi- grammes 9 Décembre. — Le redoublement a reparu le 8 ; il a duré de neuf heures du soir à cinq heures du matin. Cependant le délire a été à peu près nulet l’agitation moins considé- rable. La douleur des membres a un peu diminué; le pouls n’a pas sensiblement changé ; la chaleur à la peau est la même ; la sueur reste abondante. La matière des garde-robes continue à être liquide et à présenter une féti- dité extrême. Le malade accuse un sentiment de faiblesse générale. CLASSE DES SCIENCES. 189 PRescriprioN : Sulfate de quinine 2 grammes ; limonade avec le sulfate de fer ; quelques tasses de bouillon de veau. 10 Décembre. — Dans la soirée du 9, le redoublement a repris son intensité, commençant plus tôt que les jours précédents. Le 10, l’afflaissement général augmente ; le pouls est à 90 et peu développé ; subdélire continuel ; dou- leurs vagues ; langue sèche , difficulté de la parole ; éva- cuations présentant les mêmes caractères. Même prescription que la veille. 11 Décembre. — Le redoublement s’est manifesté le 10 comme le jour précédent , mais avec un surcroît de force. Le malade présente le cachet d’hébétude des affec- tions typhoïdes. Le délire est incessant ; cependant on peut obtenir du malade réponse aux questions qu’on lui adresse. Persistance des douleurs vagues ; chaleur à la peau ; aucune apparence de taches; sueur toujours abon- dante, surtout la nuit; langue sèche; gargouillement dans la fosse iliaque droite ; mêmes caractères des évacua- tions ; pouls à 94, dur, contracté et repoussant le doigt. Prescriprion : Sulfate de magnésie 45 grammes; deux larges vésicatoires aux jambes ; infusion de violettes. 12 Décembre : La nuit a été un peu moins agitée ; la face conserve le même cachet d’hébétude, le pouls est moins dur, la langue moins sèche. Le purgatif a produit douze selles ; la matière des évacuations présente toujours une odeur fétide. La douleur des membres a sensiblement diminué. Prescriprion : Entretenir les vésicatoires; imfusion de violettes ; bouillon de veau très léger ; trois verres d’eau de sedlitz. 13 Décembre. -— La nuit a été mauvaise ; le malade se tourmente et se plaint beaucoup. La stupeur persiste ; toute la face est le siége d’un gonflement peu sensible ; la séche- 190 ACADÉMIE DE ROUEN. resse de la langue a reparu ; la parole est difficile et la voix nasonnée. Les selles présentent toujours les mêmes caractères. Le pouls est large et développé; il augmente de fréquence; le nombre des pulsations est de 96-100. Même prescription. 14 Décembre.— L'agitation du jour à augmenté dans la nuit; le pouls est tout aussi fréquent, mais il est petit et dur. Langue sèche ; cinq à six selles, toujours liquides et répan- dant la même odeur fétide. La peau est le siége d’une érup- tion de pustules environnées d'une auréole rouge. Sur le mi- lieu du front, on observe un gonflement de dix centimètres de diamètre environ, avec couleur violacée de la peau. Ce gonflement représente une sorte de tumeur mal circonscrite, empâtée, se déprimant sous le doigt et donnant lieu à une sensation très obscure d'une collection de liquide. La pres- sion, dans ce point, ne produit pas de douleur notable. Le nez est légèrement gonflé; de la narine gauche s'écoule un liquide composé de sérosité mêlée de sang. Le troisième orteil du pied droit est le siége d'un gon- flement exactement semblable à celui qui existe au front, la peau qui le recouvre est d’une couleur violacée tirant sur le noir ; comme au front , elle paraît soulevée par une certaine quantité de liquide; une rougenr inflammatoire environne ce gonflement ; au front et à l’orteil , la chaleur n’est point diminuée. Même prescription. Le 14% au soir, le gonflement du front et de l'orteil n'a pas changé ; la tuméfaction du nez est plus considérable ; la peau, dans cette partie, est rouge et luisante. Les yeux sont rouges et remplis de pus. La tuméfaction du nez s'étend à droite et à gauche jusqu'aux pommettes ; la peau, dans ces deux points, est également rouge et luisante. Les symptômes généraux sont les mêmes. CLASSE DES SCIENCES. 191 PRescRiPTION : Sulfate de magnésie, 45 grammes : pou- dre de quinquina, de charbon et de camphre , de chaque 1 gramme 50 centigrammes pour douze bols, à prendre un bol toutes les heures. 15 décembre. — La nuit a été très agitée, le délire incessant ; des évacuations involontaires d’urines et de ma- tières fécales ont eu lieu dans la nuit. La fièvre est continue, sans redoublement ; le pouls augmente de fréquence (110), il est petit et dépressible. Le délire dure sans cesse ; Ja langue est sèche et fuligineuse ; la matière des selles pré- sente toujours une fétidité extrême. La chaleur de la peau reste là même, l'éruption pustuleuse est plus abondante : le gonflement du nez et des pommettes est plus considé- rable ; écoulement purulent de la narine droite ; la narine gauche donne issue à un liquide séro-sanguinolent. On re- marque , à l'entrée des narines , plusieurs ulcérations et quelques pustules. Les paupières présentent un commen- cement de gonflement ; elles laissent échapper du pus en assez grande quantité Le gonflement noirâtre du front n'a pas changé ; toute la partie supérieure du visage offre une teinte violacée très appréciable. Même état de l’orteil du pied droit ; il existe à la main droite, occupant l’articu- lation métacarpo-phalangienne du médius, un gonflement rouge à la circonférence, violacé au centre et assez dou- loureux à la pression. PResCRIPTION : Continuer l’eau de sedlitz; potion avec une décoction de quinquina et 15 grammes d’acétate d'am- moniaque ; frictions avec 60 grammes d’onguent mercuriel. 15 décembre, à trois heures. — Le délire continue tou jours ; le malade est plongé dans un coma dont on le retire difficilement et dans lequel il retombe bien vite. La langue et les lèvres sont tremblantes ; soubresauts dans les tendons. La tuméfaction de la face est plus considérable ; l'écoule- 192 ACADÉMIE DE ROUEN ment nasal est toujours très abondant. La rougeur du pied droit est plus étendue ; l'éruption est plus confluente; on observe un certain nombre de pustules volumineuses, arrondies comme pemphigoïdes. Cette éruption présente cette particularité assez remarquable , que quelques-unes des pustules qui la constituent ont atteint leur période de dessication ; d’autres sont en pleine suppuration; d’autres enfin , très petites, ne font que commencer à se développer et n’en sont qu’à leur première période. Le pouls, petit, dé- pressible, est à 110 ; les vésicatoires ont très peu suppuré. Prescriprion : Nouvelles frictions avec 60 grammes d'onguent mereuriel; décoction de quinquina , même po- tion, mêmes bols. Le soir, même état : Le malade n’allonge plus la langue; lesévacuations sonttoujours involontaires et répandent,dans l'appartement, une odeur insupportable ; du pus s'échappe toujours en abondance des paupières ; l'écoulement des fosses nasales ne fait qu'augmenter ; je me suis assuré que la _ matière de cet écoulement ne présentait point d’odeur fétide. Même prescription; fumigations chlorurées dans la chambre du malade. 16 décembre, 9 heures du matin. — Tous les symptômes se sont aggravés ; le gonflement de la face a pris une cou- leur plus foncée ; les pustules qui occupent le front, la face et le col, offrent un aspect de gangrène ; la suppura- tion des yeux et du nez est toujours abondante ; la couleur violacée du deuxième orteil du pied droit s’est étendue vers le métatarse ; le gonflement qui occupe la main droite est le même. La main gauche offre, elle aussi, une couleur violacée avec gonflement et rougeur des parties environnantes, surtout au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes. Les pustules, dans toutes les parties du corps, sont d’un jaune sale, et environnées CLASSE DES SCIENCES. 193 d’une auréole d’un rouge très-foncé. Résolution com- plète des membres, insensibilité générale , coma pro- fond, pouls à 144, respiration suspirieuse ; râle trachéal. Mort à onze heures. L'autopsie n’a pu être faite. ——_. 0 — J'ai soumis à l'examen de trois de mes collégues de Dieppe le malade dont je viens de tracer l'histoire. Tous trois ont, comme moi, reconnu là un cas de morve aiguë. Je dois le déclarer tout d’abord, mon diagnostic s’est égaré dans la première période de la maladie. Ces dou- leurs intenses, sorte de douleurs rhumatismales, suivant de très près l'accident auquel Terrien avait été exposé, se calmant d’ailleurs au bout de quelques jours, n'étaient point de nature à me faire soupçonner le début de l’affreuse maladie à laquelle mon malade a succombé. Et, plus tard, lorsque l'état de Terrien s’est aggravé, lorsque les symptômes ont pris le caractère qu'on retrouve dans les fièvres typhoïdes et surtout dans les fièvres graves de notre pays, j'ai pensé encore que j'avais sous les yeux un de ces cas nombreux de fièvres rémittentes, si souvent fatales dans notre contrée ; expliquant d’ailleurs l'existence des douleurs rhumatismales dont j'ai parlé comme n'étant que la suite de l’accident du 29 décembre. Ce n’est que le quatorzième jour, que l'apparition su- bite d’une éruption pustuleuse, jointe au développement du gonflement du front et du pied et aux particularités que ce gonflement présentait, que j'ai vu mon erreur et reconnu la morve aiguë, dont, d’ailleurs, j'avais déjà observé un cas dans le service de M. Auguste Bérard à l'hôpital Necker ; l'écoulement nasal venait ajouter un nouveau degré de cer- titude à mon diagnostic. J'interrogeai alors les gens de la maison sur l’état sani- 13 19% ACADÉMIE DE ROUEN. taire des chevaux ; je m'informai si, parmi eux, il ne s'en trouvait pas qui fussent atteints de la morve. La réponse fut négative, et, malgré mes instances, je ne pus rien obtenir. Ce ne fut que le lendemain que la servante, me voyant persister dans l'opinion que j'avais émise que Terrien était atteint de la morve, opinion que les nouveaux symptômes qui se déroülaient sous mes yeux venaient si cruellement confirmer, me fit l'aveu qu'il y avait eu, dans la maison, un cheval morveux , que Terrien seul soignait ce cheval, mais qu'il avait été sacrifié huit jours avant le début de la mala- die de son maître. Elle ajouta, répondant à une nouvelle question que je lui adressai, que celui-ci ne paraissait prendre aucune précaution pour lui-même, dans les soins qu'il donnait à son cheval. Cette observation présente cette particularité intéres- sante que l’incubation de la maladie semble avoir duré au moins huit jours, puisque le cheval morveuxavait été abattu huit jours avant l'apparition des premiers symptômes. L'écoulement purulent très-abondant, dont la conjonctive était le siège, et l'inflammation qui en était la cause, résul- taient-ils de la projection, sur cette membrane, d’une certaine partie du liquide provenant du jetage, chez le cheval malade; ou bien cette inflammation et cet écoulement étaient-ils dûs à la propagation de l’inflammation de la membrane pituitaire le long du canal nasal, cette membrane, dans ce cas, ayant été le siége de l'inoculation ; ou enfin, les lésions que présentaient la conjonctive et la pituitaire se sont-elles ma- nifestées sous l'influence de l'infection générale? Ce sont là autant de questions dont la solution me paraît diflicile. La première de ces trois hypothèses n’est guère ad- missible ; en effet, le cheval a été abattu huit jours avant l’ap- parition des premiers symptômes, et ce n'est que le qua- torzième jour de la maladie que sont survenus et l’ophtal- mie et l'écoulement qui en était la conséquence ; c'est-à-dire CLASSE DES SCIENCES. 195 qu'entre la mort du cheval et l'apparition de ces accidents, il s’est écoulé plus de vingt jours. Or, si la maladie de Terrien avait été la suite d’une sorte d’inoculation par la muqueuse oculaire, des désordres locaux plus où moins graves auraient dù se manifester du côté des yeux, bien avant l’époque où j'ai pu les observer. Au contraire, cette ophtalmie purulente s’est manifestée le lendemain même de l'apparition de l'écoulement nasal, et, quarante- huit heures auparavant , j'avais déjà constaté que la voix était nasonnée ; en sorte que l’ophtalmie , ici, pourrait bien n'être que la propagation de l’inflammation de la membrane pituitaire, le long du canal nasal , jusqu’à la conjonctive. Mais la membrane pituitaire elle-même dont la lésion a précédé de plusieurs jours l’ophtalmie, n’a-t-elle pas servi d’intermédiaire à la contagion? Cette hypothèse n’est pas invraisemblable. Tout le monde connaît cette habitude de certaines gens, et notamment des voituriers, de faire usage de leurs doigts pour se moucher, et de s’essuyer ensuite le nez sur la manche de leur vêtement; serait-il impos- sible que Terrien ait usé de ce procédé et transporté ainsi sur la membrane pituitaire du pus provenant des naseaux de son cheval et tombé sur sa blouse , soit dans le pan- sage , soit lorsque l'animal a été sacrifié ? Ou bien encore le pus n’a-t-il pas été projeté directement des naseaux du cheval sur la pituitaire, et inoculé par cette voie ? La contagion par infection , dans le cas qui m'occupe, paraît moins probable. Terrien, qui se livrait à de nom- breux et pénibles travaux, ne pouvait guère panser son cheval que trois fois par jour, et, si l’on peut croire à l'in- fection chez un palefrenier, chez un homme qui sans cesse se trouve placé près des chevaux malades , qui souvent a son lit dans la même écurie, ce genre de transmission de la morve me semble plus difficile s’il s’agit d’un homme 196 ACADÉMIE DE ROUEN. placé dans les conditions de Terrien, alors même que l’écu- rie qu'habiterait le cheval malaile serait très petite, cir- constance qui existait pour le cas dont il est ici question, et dont je me suis assuré plus tard. Quoi qu'il en soit, et quelle que soit la valeur des obser- vations qui précèdent, il n'est pas douteux qu'il n'y ait ici transmission de la morve du cheval à l'homme. Mainte- nant, comment cette transmission s’est-elle effectuée ? Je laisse aux savants, auxquels j'ai l'honneur de soumettre cette question , le soin de la résoudre. L'erreur dans laquelle je suis tombé peut-elle être facile- ment évitée ? En d’autres termes, le diagnostic de la morve aiguë est-il facile ou même possible au début de la mala- die, avant l'apparition des symptômes caractéristiques qui doivent lever toute espèce de «loute? Ce n’est pas ma pen- sée. La présence d’un cheval inorveux dans une maison reste presque toujours ignorée , et il n’y a que la connais- sance de ce fait qui puisse, ce me semble, mettre l'obser- vateur sur la voie du mal. Au début, le diagnostic sera surtout impossible si, comme dans le cas que j'ai l'hon- neur de soumettre à l’Académie, il est environné de cir- constances propres à égarer l'opinion du médecin. Quant au traitement, on a pu voir, par l’histoire de mon malade, que rien de ce que j'ai fait n’a paru enrayer la marche fatale de la maladie. En aurait-il été autrement si, reconnue dès son apparition, j'avais dirigé contre elle un traitement énergique ? Je ne le crois pas encore. La morve aiguë chez l’hormme est une de ces maladies jusqu'à pré- sent au-dessus des ressources de l’art et dont la terminaison est inévitablement fatale. Peut-être qu'un jour la science ou le hasard viendra changer cette triste perspective. Dieppe, ce 12 janvier 1852. RECHERCHES SUR LA CONSOMMATION DE LA VIANDE ET DU POISSON A ROUEN, DEPUIS 1800. (Séance du 16 Janvier 1852 et autres. ) PAR M. Acrn. BERGASSE. Messieurs, C'est dans un but exclusivement scientifique que je m'étais d’abord promis d'étudier l’histoire de la consom- mation de la viande et du poisson à Rouen, pendant un certain nombre d'années. L'importance des questions que le commerce de ces substances alimentaires a récemment soulevées, et la lumière que le passé ne peut manquer de répandre sur leur solution, m'ont déterminé depuis à l’en- visager sous un point de vue plus pratique que théorique. Je vais exposer les faits que j'ai recueillis. Les conséquences qui en découleront intéresseront peut-être davantage l'ad- ministrateur que l’économiste. Je me propose de constater quels ont été, depuis le com- mencement du siècle jusqu’à ce jour , dans notre ville, le mouvement de la population et celui de la consommation 198 ACADÉMIE DE ROUEN. des substances que je viens d'indiquer, de rechercher si ces mouvements ont obéi à la même loi et se sont toujours fait équilibre, si la consommation a augmenté ou diminué, soit d’une manière absolue, soit d’une manière relative ; d'examiner les circonstances qui ont pu influer sur sa pro- gression ou son ralentissement, de découvrir, enfin, les moyens propres à lui donner une extension qui réponde à la fois aux besoins de l’agriculture et au désir si légitime d'améliorer la condition des elasses ouvrières. Plusieurs points de ce problème, appliqués à la France entière, ont déjà été traités par notre savant confrère M. Moreau de Jonnès, dans le remarquable ouvrage qu'il a publié, en 1850, sur la statistique de l’agriculture. Chargé, sous le dernier règne , de la direction des immenses et consciencieux travaux qui ont préparé et produit les Ar- chives statistiques officielles, c'est-à-dire le plus splendide monument de ce genre qui jamais ait été élevé à la science, il en à , dans son livre , rassemblé les résultats, en ce qui touche les forces productives de notre agriculture. Il a dé- terminé , avec toute la précision dont un pareil sujet pou- vait être susceptible, de quelle manière ces forces avaient Jusqu'ici répondu à nos besoins, et fait pressentir ce que l'on pourrait en attendre dans l'avenir. Placer, en regard de ces données générales, les données individuelles fournies par la consommation d'une cité aussi importante que la vôtre, m'a paru une œuvre à la fois intéressante et utile. Entreprise dans tous les grands centres de population, elle rendrait à la statistique les mêmes services que les histoires locales à l’histoire générale. Elle éclaircirait ses difficultés. Elle rectifierait ses formules . CLASSE DES SCIENCES. 199 SECTION PREMIÈRE. Notions préliminaires. — Considérations générales. J'aurais voulu prendre pour point de départ les temps qui ont précédé immédiatement la révolution de 1789, et n’étu- dier le nouvel état de choses qu'après avoir constaté les perturbations qu'avait apportées dans l’ancien notre grande crise politique et sociale L'absence de documents satis- faisants m'a promptement forcé d'abandonner cette pre- mière partie de mon plan. C’est donc de l’histoire contemporaine que je vais écrire ; et cependant, qui le croirait? j'ai éprouvé des difficultés presque insurmontables à en réunir les éléments. Une loi du 22 pluviôse an var, en autorisant la ville de Rouen à percevoir, sous le nom d'octroi, des droits déter- iminés sur les denrées destinées à la consommation de ses habitants, avait appelé son administration municipale à en constater officiellement le nombre , le poids ou la mesure ; je devais m'attendre à trouver, dans les dépôts publics, les résultats de ces recensements. IL n’en a pas été ainsi. A peine établis, les octrois de Rouen furent mis en ferme sous le titre de régie intéres— sée. Ce mode de gestion se continua sous l'Empire et la Restauration. Le fermier devait remettre d’abord, tous les trois mois , puis tous les ans , des états ou bordereaux en double expédition, destinées, l’une à la mairie, l’autre à la préfecture. Les bordereaux de la mairie ont disparu. Ceux de la préfecture existent encore, mais présentent les plus regrettables lacunes, surtout pour l'époque où le sieur Branzon, bien connu à Rouen par ses malversations et le célèbre procès auquel elles donnèrent lieu, fut chargé de cette branche du service. 1. Fixatio du chiffre « animaux livrés à |: consommati 200 ACADÉMIE DE ROUEN. D'autres documents ofliciels, que j'ai trouvés épars dans de nombreux et inforrmes dossiers, m'ont permis de com- bler la plupart de ces lacunes. En 1812 et 1813, le gouvernement impérial, qui, dès l'année 1808, avait voulu jeter les bases d'une statistique otlicielle , fit faire des recensements sur tous les points du sol, pour appuyer l'exposé de la situation de FEmpire que devait présenter le ministre de l’intérieur. Personne , sans doute, n'a oublié les spirituelles critiques que , dans ses lettres à M. de Blacas, se permit l’un des plus ingénieux écrivains des premiers temps de la Restauration, Fiévée , sur là manière dont les intentions de l’administration avaient été remplies. Ces critiques étaient méritées. Quoique bien jeune à cette époque, j'ai vu les sous-préfets et les maires de campagne à l'œuvre. Je puis attester, comme témoin oculaire, l'exactitude de ce que dit M. Moreau de Jonnès du peu de confiance que mérite l'ensemble de leur travail. Une pa- reille tâche ne peut être entreprise avec fruit que par un gouvernement libre, qui admet le contrôle de l'opinion et tient compte de ses préventions et de ses répugnances. Elle ne saurait l'être par un gouvernement absolu, qui a trop souvent le malheur de voir ses meilleures inten- tions défigurées ou travesties, et dans la bouche duquel la vérité est plus d'une fois prise pour le mensonge. Toutefois, si des dénombrements qui, dans l’origine, devaient comprendre jusqu'aux poules, aux pigeons et aux œufs du plus pauvre village , rédigés au nom d’un maire la plupart du temps illettré et toujours fort embarrassé de répondre aux trois cent trente-quatre questions que ren- ferait le premier programme, sont tout à fait indignes de fixer l'attention, il ne saurait en être de même des rensei- gnements donnés par les maires de villes aussi importantes que celle de Rouen sur leur consommation. Empruntés CLASSE DES SCIENCES. 201 aux registres authentiques de l'octroi, ces renseignements peuvent, à bon droit, passer pour authentiques. J'ai puisé à cette source. Des états, fournis par la mai- rie, embrassant la période de 1807 à 181%, et existant aux archives de la commune , dans un ancien dossier in- titulé Sfatistique , m'ont été surtout fort utiles. D’autres états, en plus grand nombre, déposés aux archives de la préfecture , m'ont servi à contrôler mon travail. Jai dû à l'obligeance de l'habile et intelligent directeur que la ville de Rouen a l'avantage d’avoir à la tête de son octroi, M. Génot, la communication de bordereaux officiels de recettes et de dépenses échappés à la destruction, com- mençant à 1813 et s’arrêtant à 1825 , et de deux tableaux fort détaillés des diverses consommations , depuis cette dernière époque jusqu'à 1851. Enfin, un citoyen qui a longtemps pris part aux affaires de la cité et à celles du département, et qui, dans leur maniement , a laissé, de son savoir et de son amour du bien public, de ces preuves qui ne s’oublient jamais, l'honorable M. Lelong a bien voulu mettre à ma disposition un état du nombre des bes- tiaux et des quantités de boissons introduites à Rouen depuis 1813 jusqu’en 1843, rédigé avec cette exactitude et cette précision qui caractérisent tout ce qui sort de sa plume. Malgré tant de ressources , je me suis vu obligé de sus- pendre pendant quelque temps mon travail. Tout le monde sait que la dénomination d'animaux vi- vants, employée dans les registres de l'octroi , comprend les bœufs , les vaches, les veaux, les moutons, les agneaux et les pores, auxquels il faut ajouter, dans quelques loca- lités , les cochons de lait , les chèvres et les chevreaux. Une longue expérience à prouvé que , lorsqu'il s’agit de déterminer le poids des animaux d’un ordre inférieur , la considération du sexe est tout à fait insignifiante. 202 ACADÈMIE DE ROUEN. Ce n'est pas que , dans chaque espèce, la nature n'ait marqué la différence du sexe par une différence dans les forces et le volume , mais, à un âge aussi tendre que celui des veaux et des agneaux , cette différence est à peine sen- sible ; quant aux moutons et aux porcs, les habitudes tra- ditionnelles de la boucherie, dans le choix des sujets qu'elle abat , permettent de n’en tenir aucun compte. Il n'en est pas de même, à beaucoup près, pour les adultes de l'espèce bovine. Dans un grand nombre de villes, la différence du sexe entraine une différence d'un tiers dans le poids; si à Rouen elle est moins forte , elle suflit, cependant , quand on la néglige , pour donner lieu aux plus monstrueuses erreurs. Depuis l'an vur jusqu'en 1821 , les bœufs et les vaches, soumis à des droits différents, avaient occupé des co- lonnes distinctes dans les registres de l'octroi ; mais, à partir de 1821 jusqu’en 1832, ils furent frappés du même droit, et ,par conséquent , confondus dans un mème chiffre. (1) Je m'étais arrêté devant cet obstacle , lorsqu'un heureux hasard fit tomber sous ma main un document existant aux archives de la préfecture : ce document nr'a fourni des nombres distincts pour les années postérieures à 1824; je n'ai plus été privé de ces nombres que pour les quatre premières années de la période. Je crois y avoir suppléé de manière à satisfaire les plus difficiles . Jusqu'en 1806, tousles chiffres m'avaient été donnés suivant le calendrier républicain ; je les ai disposés sui- vant le calendrier grégorien, en m'aidant des tableaux de concordance publiés par le gouvernement. Après les détails dans lesquels je viens d'entrer , j'ai le (1) Ce fut la nécessité de combler un déficit qu'avait occasionné, dans les finances de la ville, une réduction forcée dans les droits sur les boissons, qui détermina l'établissement le la taxe unique. CLASSE DES SCIENCES. 203 droit, ce me semble, de présenter les chiffres dont je vais faire usage , comme authentiques. Les recueillir et les grouper était peut-être la partie la plus aride de ma tâche , mais n’en était assurément pas la plus embarrassante. Tant que la statistique ne s'est préoccupée que du nombre des animaux abattus, sans chercher à déterminer leur poids , elle n’a fait que marcher d'erreur en erreur toutes les fois qu'elle a voulu évaluer la consommation de la viande à des époques diverses , et établir des comparai- sons, sous ce rapport, entre les divers peuples ou les fractions d’un même peuple. Non seulement la différence de race , de région , de climat, amène d’énormes dispropor- tions dans le poids des animaux ; mais, entre des localités très rapprochées , on tronve quelquefois des différences considérables. En 1833, le département de la Loire abat- tait des bœufs d’un poids brut de 7 à 800 kil.; celui d’Ille- et-Villaine n’en livrait à la boucherie que du poids de 306 , et la Corse, que du poids de 142 ; à Montpellier les bœufs pesaient 41% kil.; à quelques lieues de là, à Nîmes, 588. Le mouton de Corse ne donnait que 9 kil. de viande, celui d'Ille-et-Villaine que 13. En revanche, celui du Gard en donnait 25, et celui du Nord 98. Introduit pour la première fois, à Lyon, en 1842, l'u- sage de peser les animaux vivants ne s’est établi à Rouen qu'en 1847, en vertu de la loi du 10 mai 1846. Jusque RÀ , les registres de l'octroi n'indiquaient le poids en kilo- grammes que pour la viande provenant du dehors, toute dépecée, et désignée par le nom vulgaire de viande à la main. Les animaux vivants payaient un droit par tête. La loi du 10 mai 18%6 a eu pour but de dévelop- per la consommation, et par conséquent la production, 2, Pétermina- tion des moyennes. 3. Loi du 10 mai 1845. 4. Règles sur le rendement des aninaux vivauls. 204 ACADÉMIE DE ROUEN. en répartissant également la charge de l'octroi sur tous les individus abattus , et en faisant disparaitre la choquante inégalité que tous les tarifs avaient établie dans le droit supporté par la viande , suivant qu'elle était fournie par les bouchers de l'intérieur, ou par les bouchers du dehors, les bouchers forains. Grâce à cette différence, Les bou- chers urbains s'étaient créé un véritable privilége, à l'abri duquel ils avaient pu élever les prix dans une proportion lucrative pour eux , mais désastreuse pour les consomma- teurs. A compter du 1* janvier 1849, dans toutes les villes où la taxe excédait 8 fr. par tête de bœuf. le droit ne dut plus être perçu par tête, mais au poids ; d’où la nécessité de procéder à des expériences comparatives, pour obtenir des moyennes sur lesquelles pût s’opérer la conversion du droit qui, dans l'intention du législateur , ne devait subir aucune augmentation. Le droit une fois converti deux modes se présentaient pour l'appliquer. Le premier, le plus simple en apparence , et cependant le plus difficile dans l'exécution , était d'attendre que l’a- nimal eût été égorgé et dépecé par le boucher , pour peser la viande produite par cette double opération. Le second consistait à déterminer d'avance , et à priori, la proportion de viande 4épecée, de viande nette que l'a- battage de chaque espèce d'animal devait produire; à peser l'animal vivant, et à répartir sur son poids brut le montant du droit dont la viande nette devait être frappée. Ce mode, plus expéditif que l’autre , a été choisi dans toutes les grandes villes de France, Paris excepté. Le premier a prévalu dans la capitale. Le rendement en viande ne varie pas seulement suivant les espèces, mais suivant les races , la nature et le degré de l’engraissement. CLASSE DES SCIENCES. 205 Un bœuf Charolois, au dire des bouchers de Paris (1), fournit moitié moins de suif qu'un bœuf Cotentin, mais donne en revanche une quantité de viande bien plus con- sidérable. Sous le même volume, la chair d’un bœuf nourri avec des farineux est bien plus dense et plus lourde que celle d’un bœuf qui n’a eu que de l’herbe pour nour- riture. À Rouen, l'administrateur de l'octroi a adopté, pour l'estimation du rendement , des règles qui, eu égard à la qualité des animaux qui y sont abattus , m'ont semblé en général fort équitables, et que j'ai suivies. Il fixe le poids net des bœufs et des vaches , en ajoutant à la moitié du poids brut un dixième de cette même moitié. Ainsi, un bœuf qui pèse, vivant, 700 kil., doit fournir abattu 385 kil. de viande. Il obtient celui des veaux, des moutons et des pores , en déduisant 40 p. 100 du poids brut des premiers, 50 p. 100 du poids des seconds, 16 à 18 p. 100 du poids des derniers. Le rendement assigné aux moutons paraîtra bien faible et trop favorable aux bouchers Mais il faut observer qu'on (1) J'ai nommé les bouchers de Paris. Qu'il me soit permis de consigner ici l'impression que j'ai rapportée des relations passa- gères et fortuites que j’aieues avec eux! Je n’en connaissais et je n’en connais encore aucun en particulier. Mon nom leur était et leur sera probablement toujours inconnu. J’ai trouvé chez tous le plus grand empressement à me fournir des renseignements. Ce que j'ai pu juger de leur éducation et de leurs habitudes, na paru justifier tout à fait l'honorable position qu'ils occupent parmi les commerçants de Paris. J'ai visité les marchés de Sceaux et de Poissy. J’y ai été témoin de beaucoup de ventes. Elles m'ont paru se faire avec loyauté et promptitude , et sans cette prodigieuse dé- pense de ruses et de trompeuses paroles qui, partout ailleurs accompagne la moindre négociation. ? 206 ACADÉMIE DE ROUEN. ne tue guère, à Rouen , que des métis provenant du croi sement de la race mérine avec la race cauchoise, croise- ment qui a laissé subsister la forte charpente osseuse et l'abondante quantité de suif que la nature avait données à cette dernière. Appliqué aux métis du Wittemberg, dont J'aurai plus tard occasion de parler, il serait inexact Les bouchers ne paient jamais que la viande nette dans les animaux qu'ils achètent. Toutes les autres parties de l'animal , telles que le cuir, le suif , les petites issues ou abats , forment ce qu’on appelle le cinquième quartier qui constitue leurs bénéfices , et qu’ils ne paient pas. L'opéra- tion à laquelle ils se livrent pour fixer le prix auquel leur revient la viande, est dès-lors des plus simples. S'agit-il d’un bœuf qui leur a coûté 90 c. le kil., et la valeur vé- nale des issues leur permet-elle d'estimer le cinquième quartier à 25 c. le kil, , ils déduisent ces 25 c. de 90, et disent que la viande leur revient à 65 €. (1) C'est à l'œil, en s’aidant du toucher, qu'ils apprécient ainsi le poids des animaux. Une longue habitude peut seule leur en donner le moyen. Il en est, dit-on, qui ne se trompent jamais de plus de 5 kil. sur le poids d’un bœuf. Chez les adultes de l'espèce bovine , toutes les parties de l'animal n'offrent pas de la viande de même qualité. Les parties antérieures, qui contiennent l'appareil respiratoire ou jouent le principal rôle dans les fonctions dynamiques , étant moins charnues et plus musculaires que les autres, fournissent ce qu’on appelle /a basse viande, les parties pos- térieures , les morceaux de choix. La nature, dans un but facile à saisir , a donné plus de développement à ces der- nières parties chez les femelles des grands mammifères (1) Toutes ces règles sont suivies en Angleterre CLASSE DES SCIENCES. 207 que chez les mâles ; de là la préférence accordée, à qualité égale, par certains bouchers , aux vaches sur les bœufs. Dans quelques quartiers populeux de Paris, on ne fait figurer la basse viande que pour le quart du poids total. Généralement elle est évaluée au tiers. Ajoutons, cepen- dant, que cette proportion est souvent fort réduite, par l'habileté avec laquelle les bouchers savent répartir, entre leurs pratiques, des morceaux d’une difficile défaite, aux— quels ils donnent, sans doute par antiphrase , le nom de réjouissance ! Dans les autres animaux , on ne reconnaît , en général, à Rouen, qu'une seule espèce de viande. Je regrette de descendre à des détails aussi familiers, mais ils sont nécessaires pour l'intelligence de ce que j'au- rai bientôt à dire. Ces détails, il n’est plus permis qu'à l'ignorance ou à la mauvaise foi de les contester, depuis la solennelle consécration qu'ils ont reçue au sein de nos assemblées politiques et des congrès de l’agriculture. Avant d'aller plus loin, je dois avertir que , toutes les fois que je parlerai du poids d’un animal , sans autre dé- signation , c’est du poids net qu'il s'agira. J'arrive à la question la plus ardue et la plus difficile de mon sujet , à la détermination des moyennes en poids à at- tribuer aux animaux pour chacune des quarante-sept pre- mières années du demi-siècle que j'étudie , car , pour les autres, l'exécution de la lai du 10 mai 1846 nous fournit , avec une rigueur mathématique , tous les éléments dont nous avons besoin. Ces quarante-sept années, je les divise en deux pé- riodes : les années antérieures à 1814 et les années posté- rieures. Quiconque est au courant des progrès de notre agriculture , fera de lui-même cette division. Je réserve les années postérieures à 1846, pour en former une troisième période. 5. Distinction des périodes. 6. Origine des animaux abattus à Rouen. 208 ACADÉMIE DE ROUEN. Par un motif que bientôt je ferai connaître, je sépare, pour un moment , dans la première période, les années qui ont précéilé 1808, de celles qui l'ont suivi. Je m'oc- cupe, d'abord, des premières, et je commence par l'année 1800. Pour mieux comprendre ce qui a dû se passer à cette époque à Rouen, exposons ce qui s’y passe aujourd'hui. On distingue, dans notre ville, comme à Paris, à Lyon, à Bordeaux, les bœufs d'hiver ou bœufs engraissés à l'é- table , des bœufs d’été ou bœufs d'herbe. Les premiers fournissent à la consommation , depuis le 20 janvier jus- qu’au 20 juin ; les seconds l’entretiennent pendant les sept autres mois. Voici, sur leur origine , les renseignements fournis à la commission d'enquête de l’Assemblée législative, par M.Osmont , directeur des Abattoirs de Rouen. « Neuf dix-huitièmes proviennent du Calvados et de la « Manche, trois dix-huitièmes , appartenant à la race de « Cholet, sont fournis par le département de Maine-et- « Loire, trois dix-huitièmes sont achetés dans la Seine- « Inférieure , l'Orne et la Sarthe. Deux dix-huitièmes ap- « partiennent à la race des bœufs manceaux. Le départe- «a ment de l'Eure fournit le dernier dix-huitième. » Quant aux vaches, sur l’origine desquelles M. Osmont ne s'explique pas, elles proviennent presque toutes du département de la Seine-Inférieure et de l'Eure. (1) Ces deux départements produisent également les veaux, les moutons et les porcs que consomme notre cité. (1) Mon ancien collègue au conseil municipal, M. Lavandier , l’a démontré par âe savantes recherches , dans un travail destiné au conseil. CLASSE DES SCIENCES. 209 Mes investigations m'ont convaincu que, pour ces der- niers animaux , il en a été de même pendant les cinquante premières années du siècle. Pour les bœufs et les vaches, les choses se passaient tout autrement en 1800. Les vaches formaient les cinq sixièmes des adultes de l'espèce bovine livrés à la boucherie. Aujourd’hui elles en forment à peine le sixième. C’est déjà un premier indice de l'extrême infériorité de l'alimentation. : Pendant cinq mois, la consommation du bœnf était nulle. Pour les trois premières années du siècle J'ai fait un relevé, mois par mois, qui m'a appris qu'en l'an vin l'on n'avait abattu, dans cet intervalle, que vingt-cinq bœufs, en l'an 1x, que soixante-six. La Seine-Inférieure n’engraissait aucun bœuf. Les va- ches du pays de Bray étaient dirigées sur la capitale. Les bœufs et les vaches étaient exclusivement fournis par le Calvados , la Manche, l'Orne et l'Eure. J'ai droit de le conclure, du moins pour les premières années, du fait établi par les registres de l'octroi, que ces animaux en- traient tous à Rouen par les barrières qui correspondent aux routes de ces départements. Un peu plus tard, le Maine, l'Anjou et le Poitou, vin rent fournir leur contingent de bœufs de grain. Pour savoir quels devaient être le poids et la qualité de ces animaux , ne suffit-il pas de se reporter aux doulou- reux et cruels événements qui avaient désolé ces contrées, depuis 1793 jusqu'à 1800 , et de rappeler l'effroyable per- turbation qu’ils n'avaient pu manquer d'apporter à toutes les habitudes agricoles. Ce n’est que lentement, péniblement, avec le long cours des années , que cet état de choses s’améliora. Des 14 7. Première période, 1800-1845. Infériorité de l'alimentation de Rouen 210 ACADÉMIE DE ROUEN. marais qui déshonoraient les portions les plus fertiles du territoire furent desséchés. Des bœufs d'une taille de plus en plus forte vinrent remplacer les vaches d'un poids très inférieur, qui couvraient les cinq sixièmes des her- bages. La capitale qui, à cette époque , puisait presque tous ses approvisionnements aux mêmes sources que Rouen , pro- fita la première de l'amélioration. Rouen n'eut que ce que Paris voulut bien lui laisser. Ainsi s'explique l'infériorité de son alimentation jusqu'en 1814. Ce que je viens de dire ressortira avec évidence des trois premières colonnes d'un état annexé au rapport de M. Lanjuinais, sous le n°2, p. LXXX , pour quiconque en saura interroger les chiffres. 81,972 têtes de gros bétail avaient été nécessaires, en 1801, pour l’approvisionnement de Paris. 81,174 lui suffirent en 1814. Cependant , Paris n’avait-il pas grandi en forces, en opulence ? Ses murs ne renfermaient-ils pas cent cinquante mille habitants de plus qu’en 1801 ? Comment expliquer cette apparente anomalie, si ce n’est par l'imperfection de l'élève du bétail en 1801, et la graduelle amélioration qu'elle avait subie depuis. En 1812, le Calvados envoyait, sur les marchés d’approvision- nement de la capitale, 29,835 bœufs. En 1816, il n’en en- voyait plus que 19,609 Avait-il diminué sa production ?.… Non, sans doute. Les 9,428 bœufs formant la différence, avaient été dirigés sur Rouen , le Havre, Evreux, et en avaient relevé l'alimentation. Les faits que j'ai exposés ne sauraient être méconnus. Comment les traduire en chiffre ? Je possédais des moyennes constatant l'infériorité pour les années écoulées de 1807 à 1814; je n'en possédais au- cune pour les années antérieures. Pouvais-je, devais-je les appliquer à ces années ? Voilà une question qui m'avait longtemps embarrassé. CLASSE DES SCIENCES. 211 Je savais que les hospices de Rouen avaient joui de tout temps du double privilége d’abattre les animaux néces- saires à leur consommation, et de vendre de la viande aux habitants de la ville, exclusivement à tous autres, pen- dant le carême , et qu'ils avaient usé du premier de ces droits jusqu'en 1818. Je priai M. Masse, secrétaire de la commission adminis- trative, de me procurer le relevé, année par année, de tous les animaux abattus et de leur rendement. En de- mandant ce relevé, j'étais loin d’avoir la pensée d’y puiser les moyennes qui me manquaient. Je savais bien que les hospices opéraient sur un trop petit nombre d'animaux, et dans des conditions trop spéciales , pour qu’on püût tirer de leurs opérations des conclusions applicables à la consom- mation de la généralité des habitants. Je voulais simple- ment vérifier si, entre le rendement des années antérieures à 1807 et celui des années postérieures, il y avait eu quel- que différence, ou bien si ces années s'étaient assez res- semblé pour que je pusse appliquer aux unes les moyennes officielles des autres. M. Masse m'a donné plus que je ne lui avais demandé. Il m'a remis un tableau qui présente, pour chaque année, depuis 1800 , le nombre des bœufs , vaches, veaux , mou- tons et porcs abattus, leur prix d'achat, le montant des droits perçus, la quantité de viande nette obtenue, la quan- tité de petites issues, de cuirs, de peaux de mouton, de suif, de sang, produite par l'abattage , le prix de revient de la viande nette et le prix auquel les autres objets ont été vendus par adjudication publique. Malheureusement , ce tableau offre une lacune pour les années 1802, 1803 et 1804. Je prie M. Masse de recevoir ici l'expression de ma gratitude. Elle est d'autant plus vive, que je sais combien il a fallu dépouiller de dossiers et de pièces comptables pour arriver à un semblable résultat. 8. Moyennes des hospices de Rouen. 212 ACADÉMIE DE ROUEN. Voici la série des rendements annuels que j'ai établis à l'aide de cet état, Année 1800. Bœufs. .. 266k. Vaches .. 212 Veaux... 50 Moutons. 21 Porcsis .- Année 1803. 740), Pores:s: jusqu'en 1813. Année 1801. Bœufs.….. Vaches. . Veaux... Moutons. 226 62 20 105 Année 1804. Année 1802, 971 k. Point de documents. Année 1805. Point de documents. Documents insuffisants. Bœufs.. 313 Année 1806. Vaches. Veaux.. Moutons Porcs.: ... 304 Bœufs. . es DOG Vaches... 10 165 Veaux ..… PO PE Moutons.. + 41500 Porcs. 2. Vaches. 229 Veaux. 77 Moutons 33 Pores.. 144 Annce 1807. 301 211 63 En supposant que les années 1802, 1803 et 1804 aient ressemblé aux autres , on obtient le rendement moyen sui- vant, pour les h uit années : Bœuls serie 285 Vacheste.2.:..1,9220 Veaux. ec". 63 Moutons::..:.° 21 POS URLE SE 98 (1) Les porcs étaient élevés dans l'établissement. De là les diffé- rences que présente leur poids d’une année à Pautre. Année 1808. Bœufs .... Vaches .. .. NVeaux..s4t Moutons... Porcs. .... Année 1811. Bœufs..... Vaches. ... Veaux .... Moutons... Porcs::1: CLASSE DES SCIENCES. Année 1809. 213 Année 1810. 301 Boœufs. 277 Bœufs.... 261 299 Vaches... 225 Vaches... 212 62 Veaux.... 60 Veaux.... 54 20 Moutons.. 2% Moutons.. 9293 139 Porcs.... 97 Porcs..... 84 Année 1812. Année 1813. 274 Bœufs.... 277 Bœufs.... 279 225 Vaches... 225 Vaches... 259 63 Veaux.... 61 Veaux.... 63 21 Moutons... 21 Moutons.. 22 113 Porcs. 58 HPoOrCs 0 m90 Rendement moyen pour les six années : BŒœUIs- Lecce. 278 Vaches. 22:2.: 298 VNeaux 7e 60 Moutons..... 21 POrCS 2.5. aa 94 Certes , il y avait trop peu de différence entre les ren- dements de la première série d'années, et les rendements de la seconde , pour que j'hésitasse plus longtemps à ap- pliquer à la première les moyennes que l'administration avait adressées au gouvernement pour la dernière. Les voici : Moyennes des années 1808, 1809, 1810, 1811 , 1812 et 1813. Poids des Bœufs......... des Vaches desVeaux: 4.410 des Moutons destPorcs 1. 265 kil. 220 60 9. Moyennes de l'administra tion. 214 ACADÉMIK DE ROUEN. Ces chiffres, pour les bœufs et les vaches , paraîtront singulièrement faibles, quand on les comparera à ceux que présente , en ce moment, la consommation, et qui sont de 366 kil. pour les premiers, et de 290 pour les vaches. J'ai épuisé tous les moyens de contrôle et d'en quête; je n'ai rien recueilh qui autorisât à en’ suspecter l'exactitude. Aux raisons générales que j'ai déjà données , ajoutons- en quelques-unes de plus'particulières. D'abord, le grand nombre de bouchers. Le registre des mercuriales de l'Hôtel-de- Ville n’a appris qu'en 1808 et 1811, il y avait à Rouen cent quarante bouchers et cent quarante-trois boulangers. Le nombre des bouchers est aujourd’hui réduit de moitié. Sur ces cent quarante bou- chers, quelques-uns seulement , plus anciens et plus ri- ches que les autres , abattaient habituellement des bœufs pour les ménages opulents qui formaient leur clientelle. Les autres n’en tuaient que rarement, toujours d’une qualité inférieure , et débitaient de la vache pour les artisans et les ouvriers, bien moins difficiles qu'aujourd'hui dans le choix des aliments. Puis les circonstances extérieures. De 1800 à 1514, le numéraire fut rare dans les campagnes. La lèpre de l'u- sure, qui, pendant la révolution, avait fait tant de victimes, y dévorait encore bien des cultivateurs. Rouen n'avait point de commerce maritime L'année 1812 fut affligée par une affreuse disette C'est dans l'hiver de 1812 à 1813 que la population pauvre de Marseille fut réduite à se nourrir de son trempé dans du sang. Des mesures suran- nées, contraires aux règles de l’économie politique, adop- tées par le gouvernement , ne firent qu'aggraver le mal en entravant la circulation des grains. L'année 1813, si fatale au dehors pour la France, fut marquée au dedans pour CLASSE DES SCIENCES. 215 l'agriculture par plus d’une souffrance. Jamais le joug de la conscription, qui déjà lui avait enlevé tant de bras, ne s'appesantit plus durement sur elle. Les départements qui approvisionnent Paris et Rouen, étaient remplis de réfrac- taires, sillonnés par des colonnes mobiles. Des réquisi- tions multipliées, qui n'étaient que trop justifiées par les dangers de la patrie, enlevaient aux cultivateurs une partie de leurs instruments. Est-il surprenant qu’en de pareilles circonstances l'infériorité de l'alimentation se soit main- tenue! Le chiffre de 60 kil., assigné aux veaux, dès le com- mencement du siècle, étonnera quelques personnes: je le crois exact. Le poids du veau dépend du temps plus ou moins long pendant lequel on le garde à l'étable. C'est ce qui explique pourquoi, dans certains départements, tels que le Calvados, le Cantal et le Doubs, où l'espèce bovine est plus grande que dans la Seine-Inférieure , on tue néan- moins des veaux beaucoup plus petits. Dans les habitudes de la boucherie de Rouen, le poids du veau est tradition- nel. Il à plutôt diminué qu'augmenté depuis 1832, par suite de l'accroissement qu'a pris la consommation du lait, et surtout par l'effet d’une fausse mesure du conseil muni- cipal, sur laquelle je reviendrai plus tard. J'ai pris trop de renseignements auprès des producteurs et des consomma- teurs, et mon enquête date de trop loin (elle remonte à 1822, époque de mon premier séjour dans cette ville) pour que, sur ces points, le moindre doute me soit pos- sible. Le chiffre de 25 kil., pour les moutons, est conforme à ce que m'a appris la tradition. Celui de 125 kil., attribué aux pores, quoique supérieur au chiffre actuel, n’est pas seulement vrai, il est vrai- semblable. 216 ACADEMIE DE ROUEN. « Le porc, dit M. Moreau de Jonnès (1), est l'animal de « la petite propriété. Il faut avoir de grandes terres pour « élever du bétail, et de plus grandes encore pour possé- « der des troupeaux, tandis que le champ de pommes de «terre, qui fournit à la subsistance d'une famille villa- « geoise, pourvoit aussi à la nourriture des pores, qui «vivent presque en société sous le même toit. L'humble « destinée de ces animaux se prolonge par-delà leur vie : « dans les campagnes , leur chair est l'aliment unique des « paysans , et, dans les villes, celui des prolétaires qui, «n'ayant point de foyers, sont réduits à vivre de charcu- «terie. Il en était déjà ainsi à Rome et dans la Grèce ; I Y « a deux à trois mille ans. » Réduits à la viande de vache, qui était souvent de mé- diocre qualité, les ouvriers de Rouen devaient fréquem- ment recourir à la chair du pore, et comme il y a toujours de l’avantage à abattre des animaux d’une grande taille , quand le débit en est assuré, les bouchers et les charcu- tiers durent rechercher, de préférence, les pores d’un poids élevé. Ajoutons que, depuis trente ans, la substitution des races anglaises , ou plutôt indo-chinoises , qu'on dit mieux disposées à l’engraissement que toutes les autres, à la race cauchoïise , a fait baisser d’une manière très sensible, dans nos campagnes , la taille de ces animaux. Disons enfin que le pore consommé à Rouen est d’une qualité inférieure à celle des pores du Midi et de l'Est de la France , probablement à cause de la nourriture qu'on lui donne , dans laquelle il n’entre que peu de farine et ja- mais de gland. —— ———————_—_—_—_ _——_—— meme (1) Statistique agricole, p. 450. / 1 5 I CLASSE DES SCIENCES. 217 Je croyais en avoir fini avec le sujet si important des moyennes antérieures à 1814. Une publication récente m'oblige de continuer. Le commerce de la boucherie rendu libre à Paris comme dans le reste de la France, en 1791, n’a cessé de l'être que le 30 septembre 1802, en vertu d'un arrêté consu- laire. Dans le lumineux rapport fait au nom de la commis- sion de l’assemblée législative chargée de l'enquête sur la production et la consommation de la viande, par M. Lan- juinais, on lit p. 12, que Paris a consommé plus de viande en 1799, et dans les trois premières années du siècle, que dans les quatre années suivantes. Ce fait, s’il était exact, contrarierait singulièrement tout ce que je viens de dire. Mais sur quel document est-il appuyé? Sur un état de la consommation depuis 1799 jusqu'en 1846, dans lequel le poids de tous les animaux abattus est calculé d’après les moyennes adoptées en 1846, pour la conversion du droit par tête en droit au poids , et qui sont de 350 kil. pour les bœufs , et de 230 pour les vaches. C’est l’état que j'ai cité tout à l'heure. Comment celui qui l’a rédigé ne s'est-il pas aperçu de l'énorme faute qu'il commettait , en appli- quant à toutes les années antérieures des moyennes qui n'étaient bonnes que pour 1846, époque marquée, pour notre agriculture, par tant de progrès. Deux pages plus loin, M. Lanjuinais ne dit-il pas que les bœufs ne pesaient, en 1825, que 334 kil. , en 1828 , que 320, en 1829, que 310, en 1830 , que 312? Hé bien! pour toutes ces an- nées , les calculs de l’état sont faits d’après les moyennes de 1846. Une vérification bien facile aurait fait reconnaître sur- le-champ, à M. Lanjuinais, dans quelle étrange erreur, de pareils ealeuls allaient le précipiter. La population de 10. Discussion d'un passage du rapport de M. Lanjuinais sur la production et la consommation de la viande. 11. Secondo période, 1814-1846. Progrès de l'agriculture. 218 ACADÉMIE DE ROUEN. Paris était, en 1801, de 546,856 habitants (1). En divi- sant par ce nombre celui de 50,320,056 kil. assigné à l’an- née 1801, on trouve pour chaque habitant 92 kil. de viande, proportion fabuleuse qui dépasse de beaucoup celle fournie par les économistes, pour les habitants de la Grande-Bretagne ; en divisant par 1,053,897, chiffre of- ficiel (2) de la population parisienne en 1846, le nombre de 68.075,670 kil. attribué à cette année, on n'obtient plus par habitant que 64 kil., décroissance énorme et contraire à toutes les vraisemblances. Que si, dédaignant les calculs erronés du rédacteur de cet état, on ne fixe son attention que sur les chiffres au- thentiques qu'il renferme , on y trouve , sur-le-champ, la preuve la plus irréfragable de tout ce que j'ai avancé sur la marche rétrograde qu'avait suivie l'élève du bétail à la fin du dernier siècle , et sur la lenteur de ses progrès, au commencement de celui-ci. On abattait à Paris, en 1800, 13,333 vaches et 67,280 bœufs. En 1804, nous ne trouvons plus que 6,051 vaches pour 67,634 bœufs, en 1809 que 5,025 vaches pour 69,995 bœufs. Il est regrettable qu'avant d’asseoir son opinion sur ce point historique , la commission ne se soit pas transportée sur les lieux de production ; elle y aurait appris tous les faits que j'ai exposés. Je passe bien vite à la seconde période. Elle marque une grande époque dans les annales de la- griculture française , celle de sa rénovation et de ses pro- grès , les plus grands et les plus féconds. Sans doute , les temps du Consulat et de l'Empire se re- (1) {rchives statistiques. Population (2) Méme recueil. CLASSE DES SCIENCES. 219 commanderont toujours au souvenir de l'historien par les travaux des Daubenton, des Pictet, des Châteauvieux, des Tessier, etc., et des nombreux successeurs de cette pléïade d'hommes illustres qui, vers le déchn du dernier siècle, portèrent dans toutes les parties de la nature le flambeau de la science. Cependant , il faut bien le recon- naître, quel que ait été leur mérite, leurs conseils, dépour- vus en général de la sanction de l'expérience , pénétrèrent peu dans les masses; l’agriculture fut florissante sans doute , et la meilleure preuve , c’est que ses produits éga- lèrent les besoins et satisfirent aux exigences d’une popu- lation toujours croissante. Mais, pour les élever à ce ni- veau, elle ne fit, en général, que marcher dans les voies anciennement battues. Les contrées où ses progrès furent le plus sensibles sont celles où les héritages sont le plus morcelés. Les prairies artificielles s'y étendirent. Le bé- tail s’y multiplia. Ce qui assura sa prospérité, n’hésitons pas à le dire , puisque l’occasion s’en présente, ce fut le prix élevé et toujours rémunérateur auquel ses produits se maintinrent. Ajoutons que le joug de l'impôt était plus léger qu'aujourd'hui. Une cause toute contraire, l’avilissement du prix des céréales, ralentit, au commencement de la seconde période, la vigoureuse impulsion que ne pouvaient manquer de lui donner le rétablissement de la paix générale, l’augmen- tation de la consommation, l'essor de toutes les industries, l'activité et la liberté d’allures et de mouvement, commu- niquées à tous les esprits par les institutions représenta- tives et libérales que nous donna la Restauration. L’agri- culture est par instinct stationnaire. De nos jours , sur les bords du Nil, dans cette contrée où, après les prêtres et les soldats , les laboureurs occupaient la plus noble place dans l'échelle sociale. les Fellahs emploient, pour la préparation du terrain, l'ensemencement du grain et sa 220 ACADÉMIE DE ROUEN. récolte, les procédés que décrivit Hérodote. Hérodote, à son tour, n'avait fait que reproduire ceux que les hypogées de Thèbes nous montrent en usage, quinze siècles avant lui (1). Il n’a pas fallu moins que le concours des circon- stances que je viens d'indiquer, pour décider les cultivateurs français à se frayer des voies nouvelles , à changer leurs procédés , à transporter d’un département dans un autre , telle ou telle culture, telle ou telle race d'animaux. En- core ce concours füt-il resté impuissant, si les lois des 16 juillet 1819 et 14 juillet 1821, perfectionnées plus tard par celle du 15 avril 1832, n’eussent élevé la bar- rière à l'abri de laquelle ont été réalisées toutes les inno- vations, ont été obtenues toutes les améliorations dont nous voyons, autour de nous , les merveilleux résultats. Il ne saurait entrer dans ma pensée de les décrire ; je renverrai Ceux qui désireraient en mesurer l'étendue, à l'excellent ouvrage de M. Moreau de Jonnès. Je les résu- merai en disant que, depuis 1822 jusqu'à 1848, où l'énorme dépréciation de tous ses produits a amené pour elle une crise sans exemple, depuis le commencement du siècle, l'Agri- culture française a, comme la Renommée, sans cesse ac- quis des forces en marchant. J'ajouterai, pour revenir au sujet spécial qui m'occupe, qu’elle à non-seulement multiplié les animaux nécessaires à la nourriture âe l'hom- me, dans une proportion inconnue au passé, mais qu'elle a amélioré leurs races, perfectionné les procédés de leur engraissement, introduit ces procédés dans des contrées où ils n'avaient jamais été pratiqués, et mis à la portée des villes de second et de troisième ordre et des campagnes, une ali- mentation dont les grands centres de population avaient eu seuls, jusque-là, le monopole et le privilége. (1) Consulter sur ce point les considérations sur les céréales de Loiseleur-Deslongchamps, et les lettres de Champoliion sur l'Egypte, CLASSE DES SCIENCES. 291 C'est bien plus par les moyennes de ces villes que par celles des villes de premier ordre, telles que Paris, Lyon, Marseille ou Rouen, qu’on peut juger de ses progrès. Ces opu- lentes cités ont depuis longtemps adopté, pour les ani- maux qu'elles abattent, des types élevés qui subissent peu de variations et dont elles ne se départent pas. Les contrées qui les avoisinent n’en renferment-elles point, il en vient de lieux beaucoup plus éloignés s'offrir d'eux-mêmes, pour ainsi dire, à la consommation. L’attraction produite par un prix rémunérateur élevé, s'exerce dans un rayon de cinquante, de cent lieues autour d'elles. Ainsi doit s'expliquer l’uniformité que nous allons ren- contrer dans les moyennes fournies par l'administration municipale de Rouen, pendant la seconde période. Voici d'abord celles des années 1814 et 1816 : Bœuf 325 kil., vaches 275, veaux 60. Le document se tait sur les moutons et les porcs. La subite élévation du poids des bœufs et des vaches surprendra beaucoup de personnes. Elle est constante : herbagers, consommateurs , tanneurs , j'ai tout consulté ; je me crois en mesure d'affirmer, sans crainte de démenti, que, depuis la paix , la moyenne des bœufs abattus à Rouen n'a jamais été inférieure à 325 kil. Diverses cir- constances peuvent expliquer cette brusque transition d’un régime alimentaire inférieur à celui de la capitale, à un régime au moins égal; je vais me contenter d'en indiquer quelques-unes. Renaissance du commerce maritime. Ce n’est pas une médiocre influence qu'exerce, sur la consommation de Rouen , la visite de milliers de bâtiments comptant tous cinq à six hommes d'équipage, et venant lui demander pour quinze Jours ou trois semaines des approvisionne- ments de viande de première qualité. 42. Moyennes de l'administra- tion. Uniformité de ces moyennes. 299 ACADÉMIE DE ROUEN. Essor et prospérité de toutes les industries. Diminution dans le nombre des bouchers, qui permit à ceux qui survécurent de consacrer un plus fort capital à l'achat des animaux. Il existe d'énormes dossiers à l'H6- tel-de-Ville, sur la boucherie. J'y ai vainement cherché des lumières sur la marche qu'a suivie cette diminution. C’est, je crois, dans les premiers temps de la Restaura- tion qu'elle a eu lieu. En 1836, demande de renseignements adressée par le gouvernement à la mairie, pour préparer les matériaux des Archives statistiques. Voici les chiffres fournis : Bus Vaches: LR o63 Veaur' Nec 55 Moutons..... | te 2% POrCS AE TE SERRE 95 Nouvelle demande en 1839. Même réponse. En 1845, nouvel envoi des mêmes chiffres par la mai- rie, avec cette seule différence que le rendement des va- ches est abaissé à 250 kil. Ainsi, de 181% à 1845, il n’y aurait eu qu'une aug- mentation de 5 kil. dans le poids des bœufs. Je m'expli- querai plus tard sur la diminution de poids des vaches. Ce fait était trop conforme à mes observations person- nelles, dans les villes du Midi et du Nord de la France, pour me surprendre. Mais, comme il ne sera pas aussi fa- cilement admis par tout le monde, cherchons, par des comparaisons, à nous éclairer. Les Archives statistiques contiennent les plus précieux documents sur la consommation de la viande aux trois épo- ques de 1816, de 1820 et de 1833, documents dont on ne trouverait assurément le pendant dans aucun pays. Les ren- seignements sont fournis par département , et ne concer- CLASSE DES SCIENCES. 223 nent que les chefs-lieux et les villes au-dessus de dix mille âmes. Malheureusement, ils ne vont pas au-delà de 1833, et c'est surtout à partir de cette époque que les améliorations apportées dans l'élève du bétail ont dû devenir sensibles. Plus malheureusement encore, le rédacteur des tableaux a confondu dans un seul chiffre la consommation de toutes les villes du même département, si bien que, par exemple, celle de Rouen se trouve jointe à celle du Havre, de Dieppe et d'Yvetot. Paris seul à eu les honneurs d’une exception. Nousne pourrons, dès-lors, opposer ville à ville. mais seu- lement département à département. Cette comparaison sera moins coneluante que l’autre. Essayons-la cependant. Voici les moyennes de la Seine-{nférieure : Bœufs. Vaches. Veaux. Moutons. Porcs. 14816... 9279 216 44 22 81 1820... 279 218 44 22 78 1833... * 280 219 44 29 78 Faisons remarquer, en passant, qu’elles ne font que con- firmer celle de Rouen Comparer la Seine-Inférieure à chacun des quatre-vingt- six autres départements, serait une tâche aussi fastidieuse que peu instructive. Choisissons donc ! Mais, pour qu'on ne puisse nous accuser d’arbitraire dans notre choix , prenons un point de départ fixe et qui nous permette d'atteindre, sinon tous les départements qui ont pour chef-lieu de grands centres de population, du moins la plupart d’entre eux. C'est ce que j'ai tâché de faire par le tabieau suivant. J’ai choisi, dans les Archives, le département qui avait abattu les bœufs les plus lourds en 1833, et j'ai placé les autres à sa suite, en adoptant une progression toujours décrois- sante, Jusqu'à ce que j'aie eu atteint la limite de 300 kil. En face des poids de 1833, j'ai inscrit ceux de 1820 et de 18416, 45. Moyennes du département de la Seine- Inférieure. 14. Compa- raison de la Seine- Inférieure avec vingt-cinq autres départe- ments , aux trois époques de 1816, 1820 et 1833. 224 ACADÉMIE DE ROUEN. afin que, d’un seul coup d’æil, on pût embrasser les varia- tions ; enfin j'ai indiqué, pour 1833, la quantité d'animaux abattus, la connaissance de ce nombre étant indispensable pour apprécier l'importance de la consommation. Relevé des vingt-cinq départements qui, en 1833, ont abattu les bœufs les plus lourds. Nombre des animaux abattus Poids moyen Idem Idem en 1833. en 1833. en 1820. en 1816. Loire :2rec 8: 1884 431 426 320 Haut-Rhin... .... 3025 359 358 348 Alhersdatne 2e 2366 354 361 364 Dordogne....... 1219 351 280 303 Gironde... .... 8924 350 350 349 Tarn-et-Garonne. 1070 348 352 344 Aveyron........ 281 333 328 334 Card: 4e 3720 326 318 314 Bas-Rhin.. .... 6856 32% #95 3925 Vienne se. 1834 321 318 306 Lot-et-Garonne . 488 316 318 315 Doubs: ae 3143 316 318 315 Meurthe........ 5093 316 334 328 Cher elteus- 1435 316 325 320 Charente. ...... 1674 315 301 302 Séinestr crie 69,974 312,50 337,50, 325 Rhône: tas: 127 310 313 314 Hautes-Pyrénées. 160 307 301 303 Haute-Garonne 5019 305 304 304 Haute-Loire..... 6 304 308 300 Seine-et-Marne. . 2668 303 306 309 Maine-et-Loire. . 2209 301 298 301 Eure-et-Loir... . 1629 301 299 304 Cantal ..... RE 325 300 292 300 Vendée . ..::2: 726 300 300 300 CLASSE DES SCIENCES. 225 Parmi ces départements , quelques-uns, tels que la Seine, le Rhône et le Gard, consomment des bœufs sans en produire. Quelques autres , tels que la Loire , l'Allier et le Doubs, sont à la fois consommateurs et producteurs. Je ne m'occuperai que des treize où la consommation est le plus considérable , et qui doivent être rangés dans l’ordre suivant. La Seine, le Rhône , la Gironde, le Bas-Rhin, la Haute-Garonne, la Meurthe, la Loire, le Doubs, le Gard, le Haut-Rhin, l'Allier, Seine-et-Marne , Maine-et- Loire. Je laisserai de côté les douze autres qui, en géné- ral, produisent plus qu'ils ne consomment. Seulement, j'avertirai les personnes, sous les yeux desquelles tombera ce tableau, qu’elles ne doivent pas juger de la force des animaux qu'ils engraissent, par les moyennes que j'ai don- nées. Ces moyennes sont celles de l'abattage. De même que les pays qui produisent les vins les plus précieux ne sont pas ceux qui les consomment , de même les départe- ments qui élèvent les plus grands animaux ne sont pas ceux qui en profitent. Qui n’a été frappé, en visitant le port de Bordeaux , des proportions gigantesques des bœufs qui y sont employés au camionage? Ces bœufs ne naissent pas dans le département, mais viennent des rives supé- rieures de la Garonne et de l'ancienne Saintonge , où se trouve l'une des plus grandes races françaises. Les moyennes d'abattage fournies par ces contrées, n’ont ce- pendant rien d’extraordinaire. Sur les treize départements dont la consommation peut être utilement mise en parallèle avec celle de la Seine-In- férieure, (j'ai oublié d'indiquer le chiffre d’abattage de celle-ci en 1833, il a été de 9,026 bœufs;, il en est huit, ou même neuf, où les moyennes doivent être considérées comme stationnaires. Ce sont ceux du Rhône, de la Gi- ronde, du Bas-Rhin, de la Haute-Garonne, du Doubs, du Haut-Rhin, de l'Allier, de Seine-et-Marne et de 15 45. Détails sur les progrès de Saint-Etienne. 226 ACADÉMIE DE ROUEN. Maine-et-Loire. Il en est quatre, au contraire, où elles présentent des augmentat:ons ou des oscillations assez no tables. Ce sont la Loire, la Seine, la Meurthe et le Gard. Etudions de près les conditions dans lesquelles chacun d'eux se trouve, et nous reconnaîtrons qu'on ne peut en rien inférer de contraire à la loi que j'ai indiquée. C'est dans la Loire que commencent les fertiles prairies qui, s'étendant dans Saône-et-Loire, dans l'Allier et la Nièvre , sous le nom de Prés d'Embouche, y nourrissent l'une de nos plus célèbres races, la race Charolaise. De 1816 à 1833 , la moyenne s’y est élevée de 320 à 426, et par conséquent s’est accrue de 416 kil. Est-ce à dire que cette prodigieuse augmentation soit due aux progrès de l'agriculture? Ce serait une extravagance. Que s'est-il donc passé dans ce département ? Saint-Etienne , qui, avant la révolution, comptait 30,000 habitants, et en 1814 à peine 20,000 , a pris rapidement les proportions d’une ville de premier ordre, et est devenue le Birmingham de la France. L'exploitation de plus en plus active des houil- ières qui l'entourent , et sur lesquelles il est bâti, la pros- périté toujours croissante des diverses branches de lin- dustrie métallurgique qui y sont cultivées, la concentra- tion de l’industrie des rubans, autrefois éparpillée entre plusieurs localités voisines , y ont déterminé une énorme accumulation de capitaux, la hausse de tous les sa- laires (1), un besoin de confort dans les diverses classes. Saint-Etienne, avec ses 70 ou 80,000 habitants , ne fait pas comme Melun, modeste faubourg de Paris, qui ne prend que ce que sa métropole veut bien lui laisser, et de là les lé- ———_——————————— ——————— = - (1) L'extraction de la houille est trois fois plus chère à Saint- Eticunce qu'à Anzin. CLASSE DES SCIENCES. 297 gères fluctuations qu'on aperçoit dans les moyennes deSeine- et-Marne ; il prélève sa dime, au passage, sur les bœufs que les Prés d'Embouche et l Auvergne envoient à l'agrégation Lyonnaise, et il la prélève largement, puisque la moyenne du département auquel il appartient dépassait, si fort, en 1833, celle des quatre-vingt-six autres. Les économistes Anglais nous apprennent que les choses se passent abso- lument de la même manière chez eux, et que Manchester et Birmingham consomment les plus beaux produits de l'agriculture. Mais que l’état de souffrance et presque d’a- gonie dans lequel se trouve l’industrie métallurgique se prolonge encore quelque temps, et l’on peut être assuré que les habitants du district de Saint-Etienne ne consacre: ront plus à leur alimentation des bœufs d'un poids brut de près de 800 kil. La Meurthe, comme la Moselle , doit une partie de ses approvisionnements à son sol et à celui des Vosges, et demande le reste à la Prusse Rhénane, qui nourrit des bœufs beaucoup plus grands que Fancienne Lorraine. C'est à cette cause exclusivement qu'il faut attribuer les oscilla- tions de ses moyennes. Le caractère flottant d’une partie notable de la popula- tion parisienne, et la variété des sources où elle puise ses approvisionnements, expliquent suflisamment les fluc- tuations de celles de la Seine. Leur marche ascendante dans le département du Gard est exclusivement due aux progrès de notre agriculture, dans la Lozère, l'Aveyron. le Cantal, la Creuse, la Corrèze et la Haute-Vienne. Examinons comment ces progrès sont venus se manifester et se traduire en chiffres à Nimes. 16. Sources des appro- visionnements de la Meurthe. 17.Oscillations des moyennes de la Seine. 48. Détails sur la révolution qui s’est opérée dans l'alimentation des grandes villes du sud-est de la France. 298 ACADÉMIE DE ROUEN. Au commencement du siècle, Nimes, Montpellier, Avignon et Marseille ne consommaient d'autre viande que celle du mouton et du porc. Il y a à peine quarante ans qu'aux fêtes de Pâques, dans la dernière de ces villes, chaque famille se réunissait pour manger , àtitre de régal, un morceau de bœuf venu de loin, et apprèêté suivant une mode particulière au pays. La hausse constante du prix du mouton , que le défrichement des garriques et leur planta- tion en vignes rendaient de plus en plus rare, a produit une véritable révolution dans leur régime alimentaire. Leurs besoins ont énergiquement stimulé la production et l'élève du bétail et des troupeaux dans le Limousin, l'Auvergne, l'Aveyron et la Lozère. Les fertiles et verdoyantes mon- tagnes qui séparent ces deux derniers départements , les beaux pâturages de Mur de Barrés se sont couverts de vaches et de moutons. De nombreuses bandes de bœufs ont pris la route de la Méditerrannée. Nimes, ville riche, indus- trieuse , active, de plus en plus florissante, a fait un peu comme Saint-Etienne. Elle ne laisse à Montpellier que les animaux inférieurs ou fatigués par la marche. De à lé- norme diflérence entre les moyennes des deux villes, qui ne sont, cependant , séparées que par 8 myriamètres. Des animaux de qualité supérieure sont dirigés sur le départe- ment des Bouches-du-Rhône, qui, en 1833, consommait déjà autant de bœufs que la Seine-Inférieure (9,011 contre 9,026). Toutefois, les moyennes de Marseille, tout en s'élevant, n’ont pas atteint celles de Nîmes, sans doute parce que les bœufs sardes, plus petits que les bœufs français, concourent à son alimentation. Mais ce qui prouve bien l'exactitude de ce qne j'ai dit de la fixité des types, c’est l'immobilité des moyennes en poids des moutons dans les Bouches-du-Rhône et le Gard. Nous les trouvons, dans le premier de ces départements, de 16 à 17 kil., et dans le Gard, de 25, supérieures, pour le dire CLASSE DES SCIENCES. 229 en passant, de 3 kil. à celles que les Archives statistiques assignent à la Seine-Inférieure. Nousavonscomparé. Remontons maintenant aux sources des approvisionnements de Rouen: mais rappelons-nous bien que les moyennes que je vais donner sont des moyennes d’abattage et non de production. Elles s'appliquent aux dix départements qui, directement ou indirectement , en voient des bœufs dans la Seine-Inférieure : 1833 1820 1816 PURE PU ue, Bœufs ... 231 231 220 Vaches .. 245 216 9217 Calvados... Bœufs. ... 285 271 266 Vaches... 199 202 190 Manche. use Bœufs.... 9299 285 258 Vaches... 188 194 179 Orne. dou Bœufs.... 262 260 259 Vaches... 153 159 155 Mayenne. ....... Bœufs.... 250 250 250 Vaches... 150 150 150 SAPIN - : ” vod ap sap ss [59 | nue 2858 | no jnoq |e ad onuoigo| vom | 'ATANON NOLLYN9IS30 É "S0[r4 np 5 > C A 1° Ë a 2 sapurtA s2p EÉo= “sapuriA 2puerA 2p a9ad | a naxon x1ga | YNVINON =. SAR S| ‘"Iv101 5e D sion sop |-so aubrgo ap|SQ10d | PS 2 5 ne IVLOL AULENVAŸ | x “ANMVHOO'TIIM AT ONVUA ES 'IIVLAQ NV HONVIA V'T HG XIUd —— "LOS LE 0081! == ‘ændoaa AVYINIUHd a Si 0€ o8ed ej & 32J9 09 op aunsgu af TL2ANOI uQ) "2Y2LDU DS 24919990 NO 1JU9]D4 JU ab Saoupsu09410 op png — ‘1684 2 nbsnl 0084 sindop unoy » apuDia p} 2p UoUDUOSULO D 2p 101 “ANHIXAAG - NOILOAS 291 CLASSE DES SCIENCES. "SI{UPIOQRUT NPUII FUIIEANE, IN D S9AJJIUD 2p SAMSS 9P [PAPA] UOW JaSSHIPU sus. 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Lanjuinaïs, 332 ACADÉMIE DE ROUEN. p.1#), les vaches, les veaux, les moutons et les porcs, par les moyennes de 230 de 60, de 22 et de 100 kil, qui, d'après une étude approfondie, que j'ai faite des documents contenus dans les archives statistiques officielles, m'ont paru devoir être celles de Paris pour la même année, lon obtien- dra un total en viande de boucherie ou de pore, abattue à l'intérieur ou provenant de l'extérieur, de 54,032,807 kil. qui, divisé par le chiffre de 740,000 âmes, que la progres- sion arithmétique assigne à Paris en 1825, donne, par habitant, 73 kil. (1). Comparée à 1825, l'année 1851 prouve donc que la con- sommation a diminué à Paris au lieu d'augmenter. Je n'aime à détruire les illusions de personne. A plus forte raison , respecterais-je celles d’un magistrat appelé à remplir la glorieuse, mais lourde tâche de continuer MM. de Chabrol et de Rambuteau, si je ne m'étais promis de dire tout ce que je croirais vrai et utile. M. le Préfet, et la commission municipale qui l'entoure, me paraissent livrés à une bien étrange préoccupation. Ils désirent procurer à leurs administrés la viande à bon marché. Rien assurément de plus louable, mais ils ne veulent rien réduire des taxes énormes et oppressives qui pèsent sur la viande à Paris, et qui s'élèvent à 12,34 par kil, suivant la commission parlementaire, (voir T. I** de l'Enquête , p. 23 et 374), et presque à 13 en tenant (1) Voici le chiffre de la population de Paris à diverses époques, tel qu'il résulte des documents officiels : Années 1801.:..:...... 524,186 RER 622,636 LISRINE MR 713,966 FA NT RE 774,388 1836 02; _ 909,126 LES SR PRET 935 261 1840227. TM 003) 897 CLASSE DES SCIENCES. 333 compte d'une circonstance qui a échappé à cette commis- sion (1). Ils ne veulent point revenir sur la mesure qui fait payer à la boucherie foraine un droit d’abattage pour des abattoirs dont elle n'use pas. Ils entendent ne rien retran- cher des profits de la caisse de Poissy que M. Lanjuinais asijustement flétris par l'épithète d’usuraires. Ils paraissent peu disposés à faire cesser le singulier état de choses en vertu duquel six cents bouchers ont seuls le droit d’abattre à Paris et sont néanmoins affranchis de toute taxe. Dans de pareilles conditions, la viande à bon marché est une chimère. Rendons toutefois cette justice à la commission muni- pale. elle ne s’est jamais beaucoüp fatiguée pour l'at- teindre. De la comparaison de ces chiffres avec ceux que nous avons recueillis pour Rouen, il résulte qu’en 1825, l'habi- tant de Rouen a consommé 18 kil. de viande de moins que celui de Paris, et en 1851, 15 kil. Que si, allant plus loin, nous cherchons à établir un pa- rallèle entre la manière, dont l'habitant de Rouen et celui de Paris associent entre elles les diverses viandes, voici les chiffres que nous obtiendrons. A Paris, je n'ai opéré que sur l’année 1825 pour le porc, et que sur les années 1825 et 1850 pour les trois autres viandes. La proportion du pore , dans le chiffre de la consom- mation générale de Rouen, est de 15 à 16 p. 100. A Paris, elle est de 20. La proportion respective des trois sortes de viandes, Bœuf ou vache, veau et mouton, est à Rouen de 68p 100 (1) Dans les villes de province , à Rouen, par exemple, les bou- chers ne paient rien pour le cuir et le suif provenant de l’abat- tage. A Paris, le cuir et le suif sont frappés d’un droit distinct. 4. Nécessité d'une entière liberte pour le commerce de la viande. 334 ACADÉMIE DE ROUEN. pour la première , de 16 pour la seconde, et de 16 pour la troisième. A Paris, elle est de 68 pour la première, de 10 pour la seconde, et de 22 pour la troisième. Ce qu'il y a de fort remarquable , c'est que les chiffres de Lavoisier nous donnent , en 1791, les mêmes propor- tions. SECTION TROISIÈME. Conséquences pratiques des faits exposés. — Avis aux consommateurs et aux producteurs. I n'appartient qu'à un esprit vulgaire et sans portée, de se placer dans le temps présent pour juger les temps pas- sés , et de déverser à pleines mainsle blâme et le dénigre- ment sur les institutions qu'ils ont produites. Que les corporations de bouchers, à une époque où les commu- nications étaient difficiles , les capitaux rares, les approvi- sionnements incertains, aient rendu d'importants services ; qu'au commencement de ce sièele, dans un moment où le numéraire était peu abondant, et où une usure effrénée rançonnait les villes et les campagnes, la concentration du commerce de la viande dans un petit nombre de mains probes et connues, ait contribué à rétablir et à encoura- ger parmi nous l'élève du bétail : voilà ce qu'il y aurait une extrême injustice à méconnaitre. Mais , aujourd'hui , les circonstances ne sont plus les mêmes. Les communica- tions sont facile, rapides, instantanées, les capitaux abondants. La concurrence a forcé chaque industrie, chaque commerce , à réduire ses frais généraux, à dégre- ver ses produits ou ses marchandises des charges parasi- tes qui en augmentaient le prix de revient , à se contenter de faibles bénéfices , souvent reproduits. Il est impossible CLASSE DES SCIENCES. 335 de soustraire plus longtemps le commerce de la boucherie à la loi commune. Un régime de complète liberté est le seul qui lui convienne, le seul qui puisse protéger à la fois les intérêts des producteur: et ceux des consommateurs. C'est par l'adoption de ce régime , c’est par l'abolition de tout monopole, de tout privilége , bien plus que par une introduction de bestiaux étrangers, nécessairement limitée par la position insulaire de la Grande-Bretagne , et les pré- férences de ses habitants, que nos voisins ont réussi à mettre la viande à la portée des classes les plus mo- destes (1). (1) Ce que je viens de dire doit être entendu d'une manière re- lative et non absolue. I ne faut pas croire, qu’en Angleterre, la viandesoit moins chère qu’en France. L'Enquête parlementaire con- tient, sur ce point, (t. 1°", p. 264 et 394) quelques détails qui manquent de précision et d’exactitude. Je suis en mesure d’assi- gner ici des chiffres positifs au prix des principaux comestibles. Je les tiens d’une personne digne de la plus grande confiance, appartenant à une famille angiaise qui, aprèsavoir habité la France pendant de longues années, l’a quittée pour l'Angleterre ea 1848, et a cherché, avec un soin tout particulier, à se rendre compte des différences de prix qui peuvent exister entre les deux pays. La chose m'a été d'autant plus facile, que l’usage impose aux four- nisseurs anglais l’obligation de se présenter tous les matins dans les maisons un peu opulentes, pour y prendre les ordres du maitre ou de celui qui le remplace, et les inscrire sur un livre. Il serait bien à souhaiter que la même habitude s’introduisit en France. Elle couperait court à ce honteux échange de complaisances cou- pables et de cadeaux , qui a lieu entre nos fournisseurs et les geus de service, et qui est l’une des plus grandes plaies de la boucherie parisienne. A Les prix que je vais donner sont ceux de Brighton. Dans cette ville, la vie est aussi chère qu’à Londres. Les Anglais ont deux livres, l’une appelée Livre de Troy, qui ne représente que 393 de nos grammes, et ne sert que pour la monnaie et les objets précieux d’un petit volume; l’autre, qu’ils désignent sous le nom de livre émpériale avoir du poids, qui correspond à 453 grammeset une fraction, et qui est la seule employée par le com- 336 ACADÉMIE DE ROUEN. A Rouen, nous sommes entrés à pleines voiles dans cet unique port de salut. Nos marchés publics à la viande qui, de fait, pendant quarante-sept ans, étaient restés fermés, alors que ceux de Paris étaient fréquentés, se sont rou- verts, comme nous l'avons dit, et ont vu chaque jour leurs approvisionnements augmenter. Non-seulement les bouchers de la banlieue, mais ceux de la ville, y sont venus exposer des viandes dont le prompt débit à leur étal était dif- ficile. Le total des viandes dépecées qui n'avait été en 1846, que de 38,692 kil., a atteint, en 1851, le chiffre élevé de 681,884 kil. Les ouvriers employés par les diverses industries ma- merce. Notre kilogramme peut donc être regardé comme l’équiva- lent de deux livres, avoir du poids, plus un neuvième. A Brighton, depuis le commencement de 1852 jusqu'à la récolte, le pain de quatre livres de première qualité s'est vendu 60 cent., ou 33 cent. le kil. Depuis la récolte, il se vend 65 cent., ce qui met le kilog. à 36 centimes. On trouve qu'aux époques correspondantes, le pain valait, à Rouen, 30 et 32 centimes. La viande de bœuf, de première qualité, vaut 80, 75 et 70 cent. la livre, suivant qu’elle est prise au centre de la partie postérieure de l'animal ou sur un point qui s’en éloigne. L'usage de séparer le filet de l’aloyau n'existe nulle part. Seulement, on paie 1 fr., et quelquefois davantage, un morceau destiné aux beefsteak. La basse viande se vend 60, 55 et 50 cent. la livre, jamais moins. Le mouton de qualité inférieure vaut 65 cent.; celui de qualité supérieure , 80 cent. Le prix du veau, qui du reste est fort rare, se rapproche de celui du bœuf. Prenant pour moyenne les prix de 75 et de 45, et y ajoutant un neuvième, nous trouvons, en nombres ronds, { fr. 46 cent. pour le kilogramme de viande de première qualité, et { fr. 22 cent: pour celui de la basse viande, prix supérieurs aux nôtres. Il y a une circonstance importante , cependant , dont il faut tenir compte. L'usage de joindre à la viande ur morceau de réjouissance, ou n'a jamais existé en Angleterre, ou n’y existe plus. Une très ancienne règle, suivie parmi nous, voulait, je crois, que ce morceau n'excé- dât jamais le sixième du poids total. Aujourd'hui, on le porte au CLASSE DES SCIENCES. 337 nufacturières de Rouen, sont réunis dans de vastes ate- liers , où le nombre des femmes dépasse ordinairement celui des hommes. Peu de temps leur est accordé pour la préparation de leurs aliments. L'administration municipale a parfaitement compris que , pour une population placée dans de pareilles conditions , il ne suffisait pas d'ouvrir des marchés, mais qu’il était indispensable de les placer au sein même des quartiers qu’elle habite, et qu’au lieu qu'or- dinairement , c’est le consommateur qui va chercher les objets à consommer, il fallait que ce fussent ces objets qui vinssent chercher le consommateur. Les dernières entraves que des règlements de police quart en beaucoup de lieux. L’affranchissement de la réjouissance a été estimé tantôt à 5, tantôt à 10 cent. par kil. Adoptons le chiffre de 10. Nous aurons celui de 1 fr. 36 pour la première espèce de viande, et celui de 1 fr. 12 pour la seconde. La viande ne supporte, en Angleterre, aucun droit d’octroi ou d’abattoir. Ces droits la renchérissent, dans nos grandes villes, de 10 cent., et, à Paris, de 13. Pour établir une comparaison juste entr les prix de revient des deux pays, il faut donc les déduire. Les seuls comestibles qui y soient meilleur marché, sont le pois- son et le gibier, dont les ouvriers font peu d'usage. Pour le turbot, la barbue et la sole, la différence est de près de moitié. Pour le sau- mon, elle est moindre. Quand il est très abondant, son prix descend, à 1 fr. 40 cent. le kil. ; quand il est très rare, le prix Sélève à 6 fr.J0. Grâce aux droits qui pèsent sur la drèche, l’ouvrier paie 30 cent. le litre de bière. Il y supplée, il est vrai, par du gén, boisson moins chère, mais moins salubre. En présence de ces faits, explique qui le pourra l’intrépidité avec laquelle certains écrivains français osent affirmer, que les me- sures de Robert Peel ont eu pour résultat de rendre la vie de l’ou- vrier anglais moins chère que celle de l’ouvrier français! J'oubliais de dire qu’à Brighton, comme à Paris et à Turin, les bouchers se plaignent de la modicité des prix, et assurent que si elle continue, ils seront ruinés, qu'ils seront obligés de fermer leur étal; ce qui ne les empêche pas de le tenir toujours convenable- ment garni. 29 A 2. Détresse des éleveurs. Causes de cette détresse. 338 ACADÉMIE DE ROUEN. présentaient au développement de la concurrence, ont dis- paru, et un arrêté vraiment libéral a été récemment pro- mulgué par M. le maire. Ce ne sera pas l'un de ses moin- dres titres à la reconnaissance des habitants de Rouen. D’autres projets, nous le savons, sont médités par lui pour assurer à notre ville l'abondance et la facilité des ap- provisionnements. Ces mesures sont excellentes. Généralisées dans toutes les villes de France, elles auraient d'heureux résultats ; mais elles ne répondent pas, à beaucoup près, à ce qu'exige impérieusement l'intérêt combiné du producteur et du consommateur. s L'intérêt apparent du dernier est d'acheter toujours au meilleur marché possible ; l'intérêt apparent du premier est de vendre toujours très cher. Mais l'intérêt réel de tous les deux veut, qu'entre la li- mite où l’un ne peut plus acheter, et la limite où l’autre ne peut plus vendre , il y ait une certaine latitude qui per- mette aux prix d'osciller, et à la spéculation de s'exercer. Or, malheureusement, le commerce du bétail n’est plus dans ces conditions normales , sans lesquelles tout com- merce, toute industrie, est inévitablement condamnée à périr. La limite où le gain cesse, et où la perte commence podf le producteur, est atteinte parmi nous depuis plus de trois ans. Aussi un mortel découragement s'est-il emparé des éleveurs, et de tous les points de la France, ne cessent-ils de faire entendre des cris de détresses. Plusieurs, dans le Calvados et la Manche, ont abandonné leurs herbages. Le plus grand nombre a demandé et obtenu des réductions du quart, du tiers même , dans le prix de leur ferme. Les propriétés consacrées à l'engraissement du bétail y ont perdu plus d’un cinquième de leur valeur. Dans les dé- CLASSE DES SCIENCES. 339 partements où le sol est exploité, soit par le propriétaire lui-même , soit par des colons partiaires, et ce sont les plus nombreux, la gène a dépassé toute expression. Dans le département de l'Ain, j'ai vu en £849 de malheureux cultivateurs trouver à peine 1 fr , de jeunes porcs de six semaines, et l'élève de ces animaux formait leur principale ressource. En 1850, dans l'arrondissement d’Yvetot , de petits propriétaires ou de pauvres fermiers ont été réduits à abattre, à dépecer eux-mêmes leurs porcs , à en colpor- ter la chair dans les villes. Ils s’estimaient heureux quand ils en obtenaient le prix de 70 à 80 c. le kil. Le mouve- ment qui poussait tous les cultivateurs aux progrès, aux prrfectionnements, et dont j'ai constaté avec tant de bon- heur les symptômes dans mon introduction, s’est soudain arrêté. Les améliorations ont cessé. Ainsi les mines de Litry, dans l'arrondissement de Bayeux, qui fournissaient chaque année pour 800,000 fr. de charbon, employés à produire de la chaux pour la culture, en vendent à peine, depuis 1848, pour 400,000. Et cependant , malgré l'énorme dépréciation des ani- maux , la viande n’est pas descendue dans les villes, aussi bas qu’elle aurait dù le faire. Que l’on consulte les états que j'ai donnés plus haut, que l’on rapproche les années 1849 , 1850 et 1851 des premières du siècle , et l'on re- connaîtra que ce n’est pas à 1 fr. 20, mais à 1 fr. qu’elle aurait dù être livrée aux consommateurs de Rouen. A quoi donc attribuer ce funeste état de choses? A qua- tre causes générales : d'abord , et avant tout, au défaut de liberté dans le commerce. de la viande , défaut de liberté qui, dans plus d’une ville, a laissé des traces, malgré la loi du 10 mai 1846, et qui prend sa source à Paris, dans un état de choses anormal dont il n'y a plus d'exemple ailleurs, ensuite à l'élévation des droits d'octroi et autres charges municipales, à lavilissement du prix du euir, du suif, etc., , De la basse viande. 4. Élevation des roits d'octroi. 340 ACADÉMIE DE ROUEN. enfin au taux extrêmement inférieur auquel la boucheriea été obligée de livrer ce qu'elle appelle , à Paris et à Rouen, basse viande ou bas morceaux. Je n'ai rien à ajouter à mes considérations sur la première de ces causes. Tout ce mémoire en est la justification. Je dirai quelques mots de la dernière, puis je passerai aux deux autres. S'il fallait en croire quelques témoignages peu dignes de confiance, la différence entre le prix de la viande ordi- naire, et celui de la viande de première qualité n'aurait été, pendant les vingt premières années du siècle, que de 10 ec. par kil. De nos jours, elle a été de 30 et même de 40 c. Dans certains quartiers de Paris, la basse viande ne se ven- dait l’année dernière que 60 c. le kil. Depuis huit mois elle est remontée à 80 c. Le seul moyen que puisse employer l'autorité pour combattre cette cause d’avilissement, c’est de multiplier les marchés où la basse viande est débitée. Méconnaître l'influence des droits d'octroi et d’abattoir sur la consommation, serait nier l'évidence. Retranchez-les, et vous rendez sur le champ aux prix leur élasticité! C'est ce qu'a parfaitement compris la commission d’en- quête parlementaire. Aussi a-t-elle demandé qu'à partir du 4er janvier 1860, la viande , considérée comme substance alimentaire de première nécessité , fût affranchie de tout droit d'octroi, et qu’en attendant, à compter du fer jan- vier 1853, les droits d'octroi et d'abattoir réunis ne pussent excéder, en aucune commune, 5 €. par kil. Je doute beaucoup, je l'avoue, que la position financière des 1218 communes où la viande est imposée (1) leur per- (1) Le rapport de M. Lanjuinais n’en mentionne que 1213, p. 52. Mais, d’après un document provenu du ministère des finances, il y en a 1218. Sur ces {2181il en est 643 où le droit, étant de 8 fr. et au- dessous au moment de la loi du 2 mai 1846, a continué à se perce- voir par tête, et 575 où il doit se percevoir au poids. CLASSE DES SCIENCES. 341 mette jamais d'adopter la réforme radicale proposée par la commission, et de retrancher les 2% millions, qui repré- sentent le produit des droits sur la viande, des 86 millions auxquels s'élève le produit brut de leurs octrois. fais quant à la seconde proposition, elle me paraît aussi sage que conforme aux principes. Je crois que non- seulement dans l'intérêt de leurs habitants, mais même dans l'intérêt de leurs finances qui, se trouveront toujours mieux d'un impôt modéré que d'un impôt excessif, les grandes villes doivent se hâter de l’adopter. Un décret récent va leur permettre de le faire, simon totalement, du moins partiellement, sans que leurs revenus en éprouvent la plus légère atténuation. Le budget de 1852 renferme l'abandon par l’état, non pas au profit des villes, mais au profit des consommateurs, du décime qui était prélevé sur le produit des octrois. Répartie sur tous les objets compris dans les tarifs, cette diminution d’un décime n’amènera qu'une réduction peu sensible, diflicile, pour ne pas dire impossible, à traduire dans les relations du consommateur avec le marchand , et dont , en définitive, ce dernier seul profitera. Combien il est regrettable que l’auteur de cette mesure, si longtemps sollicitée par les villes, n’ait pas complété son œuvre en faisant porter exclusivement la réduction sur l'objet qu'il était le plus urgent de dégrèver, sur la viande! Ce qu'il n’a point fait, ila, par des instructions : subsé- quentes. autorisé les villes à le faire. li serait non moins honorable pour Rouen, que conforme aux véritables intérêts des populations dont il est la métro- pole, d'entrer le premier dans cette voie. Les droits sur la viande lui ont rapporté en 1851, 448,314 fr. Le décime représente 140,000 fr. La réduction, comme on le voit, serait assez considéralile pour exercer une influence sen- sible sur les prix. 342 ACADÉMIE DE ROUEN. Toutefois ce chiffre de 140,000 fr. devrait, dans mon opinion, subir un prélèvement peu important, dont je vais indiquer l'application. Bien que la création des abattoirs n'ait eu pour objet que d'assurer la propreté et la salubrité des villes, et de rendre plus facile la perception des droits et la surveillance de lau- torité , il est malheureusement vrai que plusieurs d’entre elles, croyant y trouver une source importante de re- venus, se sont laissé entraîner à des dépenses tout-à-fait hors de proportion avec le but qu'il s'agissait d’at- teindre. Sous quelque face que la science envisage cette spécula- tion, elle ne peut que la blämer. Voici les seuls principes que la justice et l’économie po- litique puissent avouer. Les villes ne doivent mettre à la charge des bouchers, et par conséquent de la viande, que le prix du service rendu, c'est-à-dire le prix de ce qu’il leur en aurait coûté pour abattre chez eux, au lieu d’abattre dans l'édifice com- munal. Le surplus de la dépense doit rester à la charge de tous les habitants , et comme, en définitive , les octrois sont à peu près le seul revenu des villes, il doit être réparti entre tous les articles du tarif. Je ne saurais souscrire aux calculs auxquels on s’est livré, dans l'intérêt des bouchers de Rouen, sur l'aug- mentation de leurs frais généraux, par suite de l'ouverture des abattoirs (1). Mais je ne puis ra’empêcher de déclarer, que l’ensemble des taxes qui pèsent sur chacun d'eux, excède les frais de location d'une tuerie particulière, quand, (1) On à affirmé qu'ils étaient tous obligés d’avoir un cheval et une voiture, quand il est notoire que plusieurs font transporter lcur viande par des entrepreneurs, com ne à Paris. CLASSE DES SCIENCES. 343 à ces taxes, on ajoute l'obligation d’un déplacement plus ou moins dispendieux. Je verrais un double avantage à rentrer dans le vrai; d’abord , celui d’être juste, et c’est bien quelque chose, et puis celui d’être autorisé à tenir la balance parfaite- ment égale entre la boucherie urbaine et la boucherie fo- raine; car ce n’est qu'à cette condition qu’on maintiendra une concurrence sérieuse et durable. Le rapporteur de la loi du 2 mai 1846 à la chambre des pairs, et le ministre des finances (M. Lacave-Laplagne), dans des instructions remarquables par leur précision et leur netteté, avaient formellement annoncé que, dans la fixation du droit sur la viande dépecée , on ne ferait ja- mais entrer les charges d’abattoir , attendu qu'il y avait une iniquité flagrante à faire payer aux bouchers du dehors, un service qu'on ne leur rendait pas. Néanmoins, dans un grand nombre de villes, on est par- venu , en adoptant , pour l'évaluation de la viande nette, des bases que la science ne saurait ratifier, à éluder ces sages prescriptions et à imposer, sur la viande dépecée au dehors, un droit supérieur à celui de la viande débitée par la boucherie urbaine. C'est ce dont il est facile de sg convaincre, en je- tant un coup d'œil sur le relevé des droits d'octroi sur la viande, dans les principales villes de France, que je vais donner. Après avoir accordé aux bouchers de Rouen une réduc- tion dans les taxes d’abattoirs, on établirait donc entre eux et les bouchers foraips cette égalité de droits qui a été la pensée dominante des législateurs de 1846. Pour que la réduction ne portât point atteinte aux reve- nus de la ville, on prendrait d'abord, sur le chiffre de 140,000 fr., une somme égale à celle dont elle les dimi- nuerait. 5. Tableau des droits d'octroi sur la viande dans les principales villes de France. 344 ACADÉMIE DE ROUEN. Le reste serait employé à faire disparaître ce que j'ap- pellerai les erreurs hygiéniques et économiques du tarif, c'est-à-dire , à niveler les droits sur les quatre sortes de viande (1), puis à les abaisser dans une proportion uni- forme. Voici l'indication des droits d'octroi dans les villes de Paris, Rouen, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille et Strasbourg, en 1851. Octroi de Paris. — Produit brut : Environ 7,500,000 fr. Toutes espèces de viande abattue à l’intérieur 0,0940 le kil. Les mêmes viandes provenant de l'extérieur 0,112 Abats et issues de veau . . . . . . . . 0,08 Abats et issues de porc cire. 0008 CHATOMIEMIEN SE de dé ti cé TT dr Il faut ajouter à ces droits le décime; plus, pour la viande abattue à l’intérieur. les taxes d'abattoir et de caisse de Poissy. Octroi de Rouen. — Produit brut : 448,314 fr. Bœuf sur pied. . . . . . . 0,046 Dépecé. 0,09 Veau sur pied . . . . . 0,068 _ 0,14 Mouton sur pied + . . . . 0,0545 — 0,11 Porc surpled 1". +. 0,07 — 0,085 Viande salée. 0,30 1) On ne se figure pas les avantages que présente une taxe unique pour la perception des droits. CLASSE DES SCIENCES. 345 Octroi de Lyon — Produit brut : 950,000 fr. (1). Bœuf et mouton sur pied. . 0,0449 Dépecés. 0,12 VEDHR A. is) sys TO UONZ — 0,12 Porc, par tête. 419 — 0 12 ?) Viande salée. 0,20 Octroi de Marseille. — Produit brut: 870,000 fr. Tous les bestiaux sur pied . 0,0593 Dépecés 0,12 Octroi de Toulouse. — Produit brut : 433,000 fr. Tous les bestiaux sur pied . 0,055 Dépecés 0,11 Octroi de Bordeaux. — Produit brut : 833,000 fr. Bœuf, mouton, chèvre, etc. 0,0440 Dépecés 0,0875 Veau et porc. . . . . . . 0,0620 — 0,0875 Viande salée. 0,1150 Octroi de Nantes. — Produit brut: 322,000 fr. Tous les bestiaux, sauf le porc. 0,0465 Dépecés. 0,09 Poscluetuasin OL NUS 00778 L 0,10 Viande salée. 0,15 (1) Dans ce chiffre n'est pas compris le produit de l'octroi des trois villes , de la Croix-Rousse, de la Guillotière et de Vaize. (2) Le droit au poids ayant été établi à Lyon par ordonnance royale, bien avant la loi du 2 mai 1846, et les porcs ayant été ex- ceptés de la mesure, le gouvernement n’a rien voulu changer à l'état de choses existant. C’est la seule exception de ce genre qui ait été admise en France. 6. Mesures à prendre par le Gouvernement, Réflexions sur l'introduction des bestiaux étrangers. 346 ACADÉMIE DE ROUEN. Octroi de Lille. — Produit brut : 254,000 fr. Tous les bestiaux sur pied . . 0,0% Dépecés. 0,09 Viande salée. 0,10 Octroi de Strasbourg. — Produit brut : 190,000 fr. Bœuf sur pied. . . . . . 0,0238 Dépecé. 0,05 Vache id . sutk art 0,090 _ 0,05 Veau et mouton . . . . . 0,0360 — 0,07 Porc RSR Ne. LOTO ET _ 0,05 Viande salée et fumée. 0:15 Je regrette que la nature du sujet m'ait entrainé à tant de détails. J'arrive à la seconde cause de perturbation du commerce de la viande, à la dépréciation du cuir et du suif. Ici, les mesures à prendre ne regardent plus les villes ; elles concernent le Gouvernement. La responsabilité qui pèse sur lui est des plus redouta- bles. N’a-t-il pas été le premier à signaler la détresse , les souffrances , les mortelles angoisses de l’agriculture ? N'a-t-il pas promis de les soulager, tout en assurant aux classes laborieuses une nourriture saine et abondante ? Croirait-il avoir rempli ses solennelles promesses par l'établissement des Sociétés de crédit foncier ? Je n'ai point à m'expliquer sur l'avenir réservé à ces sociétés. Quel qu'il soit, elles ne sauraient être considérées comme un remède au mal que j'ai indiqué. Vous procurerez des ressources au propriétaire obéré, pour dégrever au bout de quarante ans sa propriété. Mais rendrez-vous par là les procédés de culture plus simples , CLASSE DES SCIENCES. 347 moins dispendieux? Réduirez-vous le prix de revient des produits agricoles? Déplacerez-vous la limite où le gain cesse, où la perte commence, pour cette foule de petits propriétaires qui ne doivent rien à personne qui cultivent eux-mêmes le modeste héritage qu'ils ont recu de leurs pères , et qui cependant , déclarent que depuis trois ans, l'élève du bétail est pour eux la plus ruineuse de toutes les . industries ! Ah! Qu'on ne s’abuse pas! Qu'on ne s’aveugle pas ! Toutes les sociétés de crédit foncier du monde ne feront jamais autant de bien à l'agriculture que lui feront de mal des actes tels que la mesure que j'ai signalée page 278, mesure qui, si elle atteignait les proportions que d’égoistes inté— rêts n'ont pas rougi de demander , rendrait en France l'élève du bétail impossible, et transformerait en vastes solitudes les contrées les plus favorisées du Ciel. Vous voulez assurer à l'humble travailleur une nourriture saine, abondante, fortifiante. Vous voulez lui procurer la viande à bon marché. Mais pour cela ne faut-il pas, de toute nécessité, que le producteur trouve un prix rémuné- rateur suflisant dans le renchérissement des produits mul- tiples, autres que la viande qui proviennent de l'abattage, car pouvez-vous espérer qu'il consente plus longtemps à s'immoler au bien des autres? Combiner les tarifs de douane, de manière à assurer à ces produits un placement avantageux, encourager, par des primes ou des restitutions de droit, les industries qui les utilisent, accorder la plus grande liberté aux spéculations dont ils sont l’objet, voilà les seuls moyens d'atteindre le but. D'autres conseils sont donnés au Gouvernement , je le sais, par des écrivains auxquels je ne contesterai pas le mérite d'avoir étudié ce qui se passe chez nos voisins, mais qui, assurément, ne connaissent pas leur propre pays. 348 ACADÉMIE DE ROUEN. Ouvrir toutes nos frontières aux bestiaux étrangers , voilà la grande, la salutaire mesure qu'ils appellent de tous leurs cris Certes, pour les plaies de l’agriculture, le remède serait héroïque , car il détruirait la maladie en détruisant le ma- lade. La question est vaste, elle est immense. Je ne puis m'em- pêcher cependant d’en dire quelque chose. Pour nos mal- heureux cultivateurs, cet appel à l'étranger sans cesse ré- pété, est l'épée de Damoclès. De nombreuses raisons ne nous permettent pas de pro- duire le bétail aux mêmes conditions que les nations con- tinentales qui nous avoisinent. J'en vais indiquer quelques- unes prises au hasard : 1° Différence dans le chiffre de l'impôt. Après la Grande- Bretagne , la France est le pays où il est le plus élevé. Dans les Etats Sardes, en Savoie, par exemple, le cultiva- teur ne supporte pas la moitié des contributions qui pèsent sur le cultivateur français. En Suisse, le joug est à peine senti. Qu'on veuille bien se rappeler que le premier ma- gistrat du canton de Genève, le plus riche de tous les cantons, ne touche que 6,000 fr. de traitement ; 2° Différence énorme dans l'alimentation. Dans tous les pays dont nous avons à redouter la concurrence, c’est-à- dire dans les Etats Sardes, en Suisse, dans le grand-duché de Bade, en Bavière, en Prusse, en Hollande, l’alimenta- tion de l'habitant de la campagne est fort inférieure à celle de nos cultivateurs et, par conséquent , beaucoup moins chère. Que les écrivains auxquels je réponds apprennent donc, puisqu'ils l'ignorent, qu'il n’y a que deux nations en Europe, chez lesquelles le froment soit la base de l’alimen- tation commune : la nation française et la nation anglaise ! L'habitant du grand-duché de Bade vit de pommes de terre mélangées avec un peu de graisse. Celui de la Frise CLASSE DES SCIENCES. - 349 ne se nourrit que de pain de seigle, et quand ce céréal Jui manque, il vient le chercher jusque dans nos ports. J'ai visité plusieurs de ces contrées; j'ai assisté au repas de l'ouvrier, du laboureur , du pâtre : je parle de ce que j'ai vu; 3° Différence non moins grande dans les salaires. Dans les Etats sardes et en Suisse, ils atteignent à peine le tiers du chiffre auquel ils s'élèvent en Normandie ; 4° Différence sous le rapport de la répartition du numé- raire. Fest rare dans la plupart des contrées que j'ai nom- mées. Il est. à peine connu dans quelques-unes. Toutes les transactions intérieures du grand-duché de Bade se règlent en papier. Cette rareté ou cette absence de numéraire les place, vis-à-vis de nous, dans une position assez étrange. Elles ne peuvent nous acheter sans perte, elles ne peu- vent nous vendre qu'avec avantage. Aussi sont-elles très désireuses de nouer ce dernier genre de relations. L'intro- duction du bétail étranger serait un excellent moyen de nous débarrasser de l’excédant de numéraire qui, suivant quelques économistes, est l’une de nos plaies sociales ; 5° Différence dans le mode de répartition de la pro- priété. M Moreau de Jonnès l’a dit avec raison : Pour éle- ver du bétail, il faut de grandes terres ; pour avoir des troupeaux, de plus grandes encore. Le plus illustre des agronomes français modernes, Mathieu de Domballe, pré- voyait l'époque où le morcellement indéfini de la propriété, rendrait impossible en France cette industrie. Qui donc, s’il a conservé un peu de pudeur, osera comparer les frais généranx de nos herbagers ou de nos nourrisseurs, opérant sur des parcelles de plus en plus restreintes, avec ceux du propriétaire Suisse , ayant à sa disposition une montagne toute entière, peuplée de centaines d'animaux, ou bien du fermier de la Frise, laissant ses bœufs errer en toute liberté, dans des herbages dont l'œil n'aperçoit pas plus 350 ACADÉMIE DE ROUEN. les limites, que celles de l'atmosphère toujours humide qui les couvre ? Avec de pareilles différences , le résultat de l'abandon du système protecteur serait facile à prévoir. Cet aban- don commencerait par ruiner sans ressource toute cette généreuse population agricole qui garnit nos frontières de l'Est, qui produisit les Joubert et les Klébert, et qui forme la plus valeureuse avant-garde que jamais nation ait pu opposer à l'étranger. Les bœufs suisses et les bœufs sardes auraient promptement expulsé du marché de Lyon , les bœufs de Bresse et du Charolais , supérieurs en qua- lité, et par conséquent plus chers. Ces derniers, qui ne paraissent plus sur les marchés de la capitale, ou qui n’y paraissent qu’en petit nombre, y afflueraient en masse ap- portés par les chemins de fer, et y rencontreraient les bœufs du Limousin et de l'Auvergne, que les bœufs sardes auraient repoussés des marchés du Midi, et les bœufs lor- rains, que les bœufs de Prusse auraient également éloi- gnés de ceux de Nancy et de Metz. Où les herbagers nor- mands, qui ne peuvent engraisser qu'à des conditions plus onéreuses que tous les autres, trouveraient-ils de la place pour les leurs ? Sur les marchés de la Grande-Bretagne. La généreuse politique de sir Robert Peel ne les a-telle pas ouverts à toutes les nations ?.… Les marchés de la Grande-Bretagne? Qu'on apprenne donc que , depuis trois ans, les efforts des herbagers nor- mands ont été impuissants et stériles pour y placer leurs produits. Encouragements du conseil général du Calvados, associations, spéculations entreprises par des particuliers parfaitement au fait des habitudes anglaises , tout a échoué. Ce n'est que pendant les mois de juin et de juillet que la lutte est possible , parce qu'elle ne s'établit qu'entre nos produits et ceux de l’agriculture anglaise , encore plus CLASSE DES SCIENCES. 351 malheureuse que la nôtre, quoiqu’en disent certains jour- naux de Londres, dont la hardiesse , en fait d’aflirmations, n’a pas d'égale dans le monde. Mais au mois de juillet, commencent les arrivages de la Hollande , et alors toute lutte devient impossible. Or, ce n’est précisément qu’à cette époque que la Normandie, comme toutes les con- trées qui élèvent des bœufs d'herbe, peut se livrer à l’ex- portation. Un abaissement énorme dans le prix de la viande au détail, serait la conséquence immédiate de cette libre fran- chise accordée aux produits de l’agriculture étrangère. La commission municipale de Paris pourrait, sans inconvé- nient, augmenter de quelques décimes les droits qu’elle fait peser sur la viande. Mais, aux jours d’abondance et de prodigalité , succèderæent promptement les jours de dé- tresse et de famine. Les comptes de l'agriculture française, une fois épurés et liquidés par la réalisation de toutes ses ressources , l’agriculture étrangère se trouverait hors d'é- tat de satisfaire tout à la fois , aux exigences des villes que dans son état normal elle approvisionne, et aux besoins des nôtres. Stimulée par ce renchérissement , l'élève du bétail renaîtrait sans doute parmi nous. Mais il faudrait au moins quinze ou vingt ans, avant que la production éga- lât la consommation, car il suffit d’un jour pour détruire une prairie, mais dix ans au moins sont nécessaires pour la remettre en pleine valeur. Il arriverait nécessairement quelque chose de semblable à ce qui se produisit en France, si j'en crois la tradition orale , à la suite des décrets rendus par cette assemblée qui eut tant de bonnes pensées, mais qui, malheureuse- ment, sut si rarement les mettre en pratique. On ne pesait plus la viande , on la livrait par morceaux. Mais après cette folle dissipation de toutes nos ressources, survint, au bout de quelques mois, le renchérissement , puis la famine. 332 ACADÉMIE DE ROUEN. Arrêtons-nous! S'il est vrai que la Providence ait pris à sa charge le gouvernement de la France {1}, elle ne per— mettra jamais qu’un pouvoir, quelles que soient son origine ou sa forme, donne son appui à la croisade sacrilége, que l'étranger est venu prêcher parmi nous, contre l'agriculture nationale. Je n'ai point à ma disposition nos nombreux tarifs de douane. Je sais tous les droits qu'a notre marine mar- chande à la sollicitude du gouvernement. Mais quels que soient ces droits, ils doivent céder quand la question de- vient pour notre agriculture, une question de vie ou de mort. J'admettrais volontiers une distinction entre d'anciennes relations avec les pays étrangers, dont elle se serait habi- tuée à supporter les conséquences , et de nouvelles à éta- blir. Ainsi, je comprends que le gouvernement hésite beau- coup à apporter des modifications à celles que nous entre- tenons avec les rives de la Plata et le Sénégal, les seuls points du globe où notre pavillon ait ebtenu la supé- riorité (2). Mais, au nom du ciel, quand il s’agit d'en créer de nouvelles, qu'on daigne tenir compte des intérêts de nos cultivateurs. (1) Quoique nouvellement exprimée , cette pensée n’est pas nou- velle. L'un des plus illustres contemporains de Louis XV, le pape Benoît XIV disait souvent: Le peuple francais doit étre le mieux gouverné de la terre, car il n'a pas d'autre gouvernement que la Providence. (2) Comme une faible compensation des énormes quantités d'huile de palme que le Sénégal nous envoie, nous Jui renvoyons une petite quantité de chandelles préparées avec du suif, qu on a débarrassé, par la compression, d'une partie de son oléine, Les femmes des indigènes les recherchent, et les emploient à nourrir et à entretenir leur chevelure. CLASSE DES SCIENCES. 353 il ne suffit pas de protéger les produits de la boucherie contre la concurrence étrangère, il faut encore en faciliter l'emploi. Sous ce rapport, la fabrication de la bougie stéa- rique peut rendre les plus utiles services. Ce sont ses besoins qui ont contribué, pendant tant d'années, à maintenir les suifs à un prix élevé. Les procé- dés des chimistes français, MM. Chevreuil et Gay-Lussac, se sont promptement répandus, non-seulement en Europe, mais en Amérique, et néanmoins les bougies de Paris . à raison de leur blancheur, de leur éclat et de leur durée, sont préférées par les nations étrangères , à toutes les au- tres. Encourageons-la donc , non pas d'une manière aveugle et dommageable pour tous, comme on l’a proposé, mais d’une manière éclairée et utile , par des restitutions du droit , lorsque les produits qu'elle destine à l'exportation ont été préparés avec des suifs exotiques , par des primes, lorsqu'ils l'ont été avec des suifs indigènes ! J'ai parlé de la liberté des transactions. Les Anglais sont plus avancés que nous, sous ce rapport. Chez eux les mots magiques d'accapareurs, de monopoleurs qui, dans le midi comme dans le nord de la France, ont la vertu d’ameuter les populations, sont des mots vides de sens. Les marchés aux grains sont fréquentés par tous les négociants, et les courtiers qui leur servent d'intermédiaires ne sont pas, comme chez nous, des espèces de parias, qui n’osent avouer leur profession. Qu'on respecte nos préjugés ! Que nos lois punissent , que nos magistrats poursuivent les accapareurs de grains, quand on en pourra trouver !.. J'y consens volontiers. Mais, de grâce, qu'on ne punisse plus, qu'on ne poursuive plus les accapareurs de suif et de cuir ! On a vu, page 237 , que les marchés d’approvisionne- 23 7. De la fabrication d bougies stéariques. 8. Liberté à accorder at transactions sur le suif, cuir, etc. 354 ACADÉMIE DE ROUEN. ment de Paris avaient livré à la consommation , dans une seule année , 180,423 bœufs ou vaches, et 946,528 mou- tons. Les industries de la capitale ne suflisent pas pour utiliser l'énorme quantité de cuirs, de peaux et de suif, qui provient de l’égorgement de tant d'animaux. Force est donc pour la boucherie, d’écouler une grande partie de ses produits dans les départements. On comprend la pression qu'ils doivent exercer sur tous nos marchés, et l'influence des prix de Paris sur les nôtres. En 18#% et 1845 , le syndicat de la boucherie de Paris, voulant empêcher le prix du cuir et du suif de s’avilir da- vantage, imagina diverses combinaisons, dont on trouvera le détail dans le premier volume de l'enquête parlemen- taire, page 240 et suivantes, et dont le résultat devait être de ne livrer à la consommation, qu'une quantité de cuirs et de suifs proportionnée aux besoins, et de garder en réserve l'excédant. Je n’entreprendrai point ici d'apprécier ces com- binaisons au point de vue légal. Je connais nos lois pénales; je sais avec quelle facilité on peut envelopper dans leurs réseaux des spéculations de cette nature. Encore moins entreprendrai-je de justifier les étranges moyens, auxquels l'administration municipale de Paris a eu recours, pour tirer le syndicat du mauvais pas où il s'était placé. Mais enfin, envisageant ces combinaisons au point de vue économique, le seul qui doive me préoccuper en ce moment, je soutiens que, la pensée qui les avait inspirées, était une pensée bonne, utile, salutaire, conforme à tous les principes. Je son- tiens que, si elles eussent réussi, le syndicat de la boucherie de Paris eût rendu un immense service à l’agriculture , et par conséquent, à la France entière. L'opinion publique réclame en ce moment, à grands cris, la liberté pour le commerce de la viande. Donnons-la lui, mais aussi étendue qu'aux autres, sauf, bien entendu, la sujétion à certaines règles établies dans l'intérêt de la sa- CLASSE DES SCIENCES. 355 lubrité. Le résultat que se promettait le syndicat de la boucherie de Paris, ne se produit-il pas tous les jours dans les diverses branches du négoce et de l’industrie, sans que personnes’en émeuve ? Les fabricants de glaces ne se sont- ils pas associés pour empêcher la dépréciation de leurs pro- duits ? Les maîtres de forge n’arrêtent-ils pas, aux grandes foires de Châlons et de Saint-Dizier, etc., des prix au- dessous desquels il est convenu que personne ne livrera? La haute banque de Paris , d'accord avec le ministre des finances, et même à sa sollicitation, n’a-t-elle pas pris des mesures, pour que l'émission des actions et des obligations de chemins de fer n'eût lieu que par fractions, et de ma- nière à ne pas alourdir le marché? Serait-ce parce que le commerce de la viande n’est exercé que sur une fort petite échelle, par un grand nombre d'hommes obscurs et modestes, qu'il n'aurait droit à aucun égard, ou bien au- rions-nous la folle pensée de ne prendre, dans le régime suivi par nos voisins, que ce qui nous conviendrait , et de repousser tout ce qui ne nous conviendrait pas ? Car nous sommes ainsi faits en France. Nous emprun- tons de temps en temps à d’autres des institutions, des maximes de conduite; nous ne les adoptons toutefois qu'a près les avoir mutilées, dénaturées; c’est ce que nous appe- lons nous les approprier : et puis nous nous étonnons de leur stérilité et de leur impuissance. Il ressort toutefois de l’ensemble des faits que nous ve- nons d'exposer , des enseignements précieux pour les éleveurs. Puisque le cuir et le suif présentent si peu d’avan- tages, qu'ils s’attachent surtout à la production de la viande ! Un kilogramme de viande ne coûte pas plus à pro- duire qu'un kilogramme de suif, et se vend plus cher. Qu'ils fassent porter leurs préférences sur les races qui, na- turellement, en offrent une plus grande quantité! Qu'ils 9. Conseils aux éleveurs. 336 ACADÉMIE DE ROUEN. renoncent surtout à l'habitude de ne livrer leurs bœufs à l'engrais, que quand ils sont arrivés à un âge avancé ! Cet usage de n’engraisser que de vieux bœufs, existe surtout dans les pays où l'on se sert de la race bovine pour les labours. Dans une partie du département de l'Ain , le cultivateur qui emploie six paires de bœufs, en engraisse une tous les ans à l’étable, et la remplace par une autre beaucoup plus jeune, qu'il va chercher dans les foires voi- sines, et qu'il choisit de race charolaise, attendu que cette race a le double avantage d’être propre au travail et propre à l'engrais. Jadis il gagnait jusqu'à 300 fr. sur la paire qu'il vendait, et qui se trouvait, par ce système de rotation, avoir toujours dix, onze et même douze ans quand elle était livrée à la boucherie. Qu'il conserve cet excellent système, mais que désormais, au lieu d’engraisser chaque année deux bœufs, il en engraisse quatre, et qu'il se souvienne qu’en agriculture, comme en industrie, l'habileté consiste aujour- d'hui à se contenter de faibles profits, et à les multiplier ! De ce que je viens de dire, cependant, il faudrait se garder de conclure que, dans mon opinion, on puisse gé-— néraliser en France l’usage , adopté par les Anglais, de n’élever des bœufs qu'en vue de la viande qu'ils produisent, et de les livrer à la boucherie dès l'âge de trois ans. On se tromperait. Nous sommes dans des conditions fort diffé rentes de celles de nos voisins. La Grande-Bretagne, à rai- son de sa forme insulaire, du peu d’élévation de son sol, de la constante humidité que les influences océaniques y en- tretiennent, présente une innombrable quantité de prairies naturelles où l'élève et l'engraissement du bétail sont fa- ciles et peu coûteux. Depuis qu'elle a consenti à être tri- butaire des autres nations pour un quart à peu près des céréales qu’elle consomme, la production de la viande a dù devenir le but exclusif vers lequel ont convergé tous les efforts de ses agriculteurs. CLASSE DES SCIENCES. 357 En France, au contraire, la configuration du sol, les diffé- rences d'exposition et de climat, la différence de composi- tion des terres arables ont introduit une grande variété de culture, qui fait notre force et notre prospérité. La nature ne nous à donné qu'un nombre limité de prairies et de pacages, et elle ne les a pas, à beaucoup près, également répartis entre les départements (1). De toutes les industries agricoles, l'élève du gros bétail est, en elle-même, la plus coûteuse etla moins productive. Elle ne peut être exercée en grand qu'en vue du labourage , et ne convient qu'aux contrées où la vie est à bon marché, aux contrées monta- gneuses, telles que l'Auvergne qui, avec sa race rouge dite de Salers et sa race grise, accroît, chaque année, nos res- sources de 180,000 sujets (2). Si la plus grande partie du sol arable de la France n'était cultivée par des bœufs, la viande manquerait bientôt sur tous les points. L'élève des bœufs doit donc avoir deux buts : d’abord les travaux de (1) Sous ce rapport, aucun ne semble avoir été mieux partagé que le Calvados. Comment, en visitant les herbages du pays d’Auge et de la vallée de Corbon, ne pas se rappeler involontairement ces vers de Virgile: Non liquidi gregibus fontes , non gramina desunt. Et, quantum longis carpent armenta diebus, Exiguà tantum gelidus ros nocte reponet. Georg., lib. 17, v. 200-203. Comment encore n'être pas tenté de croire que c’est pour leurs habitants que la description suivante a été faite : ET NE MM, 10 . Optima torvæ Forma bovis, cui turpe caput, cui plurima cervix, Et crurum tenus à mento palearia pendent ; Tum Jlongo nullus lateri modus : omnia magna : Pes etiam , et camuris hirtæ sub cornibus aures,. Georg., lib. 117 , v. 51-55. {2) Voir le t. 1 de l'Enquéte parlementaire, p. 163. 358 ACADÉMIE DE ROUEN. l'agriculture, et ensuite la production de la viande ; et le perfectionnement doit consister à abréger le temps qui est consacré, dans la vie du bœuf, à la première de ces desti- nations. Nous ne sommes pas, au reste, les seuls qui nous trou- vions dans de pareilles conditions. En Europe, je ne vois guère que la Grande-Bretagne, la Hollande et un on deux petits Etats de l'Allemagne, qui puissent élever la race bovine uniquement pour en obtenir de la viande. Le vaste empire de l'Autriche qui contient, dit-on, un sol arable plus étendu que la France, la Belgique et la Hollande réunies, malgré ses innornbrables paturages naturels , ne pourrait fournir à ses habitans la quantité de viande qu'ils consomment , et qui est fort inférieure à celle que nous consommons , si la plus grande partie de son sol n'était cultivée par des bœufs. En présence de ces faits incontestables, me sera-t-il permis de demander si la distinction établie par le Gouver- nement , entre les primes qu'il distribue , est rationnelle? Au concours de Poissy, on ne s'occupe que de la produc- tion de la viande, et les animaux que l'on prime sont, à ce que l'on m'a assuré, car je n’ai pu en juger par moi-même, des animaux monstrueux, dignes de rivaliser, par leur poids , avec les plus beaux spécimen de la Grande-Bre- tagne, mais que leur conformation rend tout-à-fait impro- pres au travail. Au concours de Versailles, on ne s'occupe que des exigences de l’agriculture et, sans tenir compte de la richesse en viande, on donne la préférence aux animaux que leurs formes et leurs forces rendent plus aptes et plus propres au labourage. Je crois connaître l'agriculture du midi, du nord et du centre de la France. Les auteurs de cette distinction me pardonneront-ils de les prier de m'in- diquer à quelle partie ils destinent les premiers de ces animaux, et à quelle autre ils destinent les seconds? Sans doute ils ne manqueront pas de me citer les départements CLASSE DES SCIENCES. 359 du Nord et du Pas-de-Calais, où l'on engraisse maintenant des bœufs très jeunes (1), et cette portion de la Seine- Inférieure où, de mon propre aveu, on livre à la boucherie de jeunes génisses. Que, pour ces cas exceptionnels , on délivre des primes exceptionnelles, je le conçois : mais que l'ensemble des primes soit organisé de manière à les rendre inaccessibles à la masse des éleveurs, voilà ce que je ne puis comprendre. Je ferai observer de plus, que les 10 ou 12,000 bœufs engraissés dans le Nord et le Pas-de-Calais, proviennent de la Franche-Comté. Qu'on se transporte au milieu des éleveurs franc-comtois , et qu'on leur demande si une race impropre au travail pourrait leur convenir ! En relisant mon travail, je m'aperçois que j'ai laissé sans réponse une objection qui a été faite, contre l'influence attribuée par la Commission parlementaire et par moi, aux droits d'octroi sur la viande. Cette omission , il faut que je la répare. En 1848, at-on dit, le Gouvernement provisoire avait supprimé les droits d'octroi sur la viande à Paris , et néan- moins cette denrée, pendant les trois mois qu'a duré la suppression, ne s'y est pas vendue un centime de moins qu'auparavant. J'admets le fait, qui pourrait bien être con- testé, mais j'ajoute que ce fait n’a aucune valeur. Le com- merce de la boucherie est exploité à Paris, comme nous l'avons vu, par six cents individus affranchis de toute taxe. Il leur a plu de ne pas faire profiter le public de la réduc- tion, et le public n’en à pas profité. Mais en aurait-il été de même, si le commerce y eût été libre, comme à Londres, à Berlin, à Turin?.. Evidemment non. L'inefficacité de la réduction à tenu, avant tout, à l’état anormal dans lequel la capitale se trouve placée, puis à son peu de durée. (1) Voir l'Enquête sur la boucherie, t. 1, p. 66. 008‘1#)'£ 0t'0 092 ‘L68'S 0&°0 001‘80c‘# ogs‘ce |'} £80‘OIE 0/08 1#99'#8 [4 L6L‘90€ o/0c scores |l'3 LTc‘66t | &0 « 0 « | « «0 °0 « | 00 lama": este ça | 0/05! K'amotpA M A" - 2 es eeo SIPIJ UOSSI0G | &0:0 **15010 a[ ss... 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La diminution, qui s’est manifestée depuis, ne peut être attribuée qu'à l'attraction exercée par Paris, au moyen des chemins de fer, sur les produits de tous les ports de mer ; et cependant, le poisson se vend moins cher à Paris qu'à Rouen, et y supporte des droits plus élevés. On remarquera que l'influence des circonstances cala- miteuses , telles que la disette, les troubles politiques, le chômage des manufactures , ne s’est pas moins fait sentir sur la consommation de cette denrée, que sur celle de la viande. Le poisson, frais ou salé, entre dans l'alimenta- tion des classes ouvrières pour un chiffre élevé, et y joue un rôle tout autrement important que dans celle desouvriers de Paris. Il y a, à Rouen, des milliers d'individus qui n'em- ploient pas habituellement d’autres moyens pour animaliser leur régime , tandis que les habitants de la capitale con- somment tous de la viande. L'état que j'ai donné ne pré- sente pas la totalité des produits de la mer dont ces classes font usage. Les moules , en été, deviennent un de leurs mets favoris, et ce mollusque n’est pas atteint par l'octroi. Les grosses huîtres que l’opulence dédaigne, sont fort re- cherchées par elles et ont été, avec beaucoup de raison, soumises, en 1832, à un droit moins élevé que les petites. L'administration leur rendra un service signalé, en multi- pliant les lieux où elles pourront se procurer du poisson frais ou salé, en même temps qu’elle fera le bien de toute la cité, en assurant aux mareyeurs un placement quotidien de leurs produits. La consommation du poisson, par individu, est-elle plus considérable ou moins considérable à Rouen qu'à Paris ? CLASSE DES SCIENCES. 367 Il est difficile de répondre à cette question. À Paris, tout est imposé ; à Rouen, tout ne l’est pas. Voici, au surplus, des chiffres qu'on pourra rapprocher de ceux que j'ai donnés. Suivant Lavoisier (p. #7 de l'ouvrage déjà cité), les 600,000 habitants de Paris consommaient, en 1791, pour 3,000,000 de fr. de marée fraîche, pour 400,000 fr. de ha- rengs frais, pour 1,500,000 fr. de saline, pour 1,200,000 fr. de poisson d’eau douce. Les 1,200,000 fr. de ce dernier poisson étaient représentés par 800,000 carpes, 30,000 brochets, 56,000 anguilles, 30,000 tanches, 6,000 perches et 75,000 écrevisses. Le million et demi d'habitants, que renferme aujourd'hui Paris, a consommé, en 1850, pour 6,238,575 fr. de ma rée fraîche, et seulement pour 676,602 fr. de poisson d’eau douce. J’emprunte ces derniers chiffres à un fort bon traité, dans lequel M. Alfred Péron a su résumer, en quel- ques pages, les faits les plus saillants concernant les pêche- ries françaises, l'élève et la multiplication du poisson (1). CONCLUSION. Ce travail est bien long. Et cependant je n'ai pas dit tout ce que j'aurais voulu dire... De toutes les questions d’in- térêt matériel qui s’agitent parmi nous, il n’en est pas de plus importantes que celles que j'ai essayé detraiter, à l'oc- casion de la consommation de la viande. Si la production du froment a augmenté de plus de moitié en France , de 1811 à 1840 (2), ne nous le dissimulons pas, c’est surtout (1) L'ouvrage, imprimé par l’auteur lui-même, a paru, en 1851 et 1852, dans la Revue de Rouen. (2) Statistique agricole, p. 186. Lire tout l’article consacré par M. Moreau de Jonnès , à la culture du froment. 368 ACADÉMIE DE ROUEN. au développement qu'a reçu l'élève du bétail qu'on doit l'at- tribuer. Que l’état de malaise et de souffrance que j'ai dé- peint continue ; et bientôt nous suivrons une marche ré- trograde. Le jour arrivera où , loin de pouvoir alimenter nos voisins avec nos excédents de récolte, nous serons obligés d’aller demander à des plages lointaines, les appro- visionnements qu'ils auront bien voulu y laisser. Sans doute on relèvera dans mon écrit plus d'une er- reur. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour les éviter. On vou dra bien considérer qu'un simple et obseur particulier ré- duit, comme moi, à ses seules ressources, ne pouvait qu'ébaucher une tâche qui ne saurait être remplie qu'au nom du Gouvernement, et avec les innombrables docu- ments qu'il possède. J'ai nommé le Gouvernement. Qu'il ne soit pas surpris, si je lui déclare qu'il s'est privé des plus sages et des plus indispensables conseils, en Sup- primant ces congrès pacifiques où des cultivateurs, partis de tous les points de la France, venaient s'entretenir de leurs communs intérêts , et former des liens d'autant plus précieux, que leur position habituelle les condamne à l'iso- lement, et à l'ignorance de tout ce qu'il leur importe de sa- voir. J'exprimerais aussi, en terminant, le regret d’avoir vu refuser à l’agriculture le droit imprescriptible qu'on a re- connu au commerce et à l'industrie , délire elle-même ses représentants , sije n'étais bien sûr que la Société cen— trale de la Seine-Inférieure qui , pendant tant d'années , a combattu avec la plus louable énergie pour le lui assu- rer, ne laissera échapper aucune occasion de le revendi- quer. CLASSE DES SCIENCES. 369 P.-S.— Pendant que cet écrit était sous presse, de nouveaux faits se sont produits. Le prix des animaux vi- vants s’est un peu relevé, celui du bœuf de première qua- lité a atteint le taux de 1 fr. le kilogramme. Le suif a été plus recherché, et l’augmentation de sa valeur est venue compenser, pour les bouchers, l'augmentation de leurs dé- boursés. Le mouton, dont la viande n'entre. comme on l’a vu, dans l'alimentation, que pour un faible chiffre, a ren- chéri d’une manière très sensible dans la Seine-Inférieure. Les bouchers de Rouen se proposent, dit-on, de rétablir le prix de la viande au détail à 1 fr. 30 cent. le kilogramme. De leur part, ce serait une grande faute. Le public, qui n'a point encore absous les bénéfices qu'ils ont faits en 1849 et 1850, se montrerait peu disposé à accueillir une pareille exigence. L'autorité municipale se trouverait for- cée d'aviser. Peut-être lui proposerait-on d'accorder à la bouche- rie foraine la permission, qu’elle sollicite depuis si long- temps, de porter directement la viande à domicile, sans être obligée de la faire figurer préalablement sur le mar- ché; je n’y verrais, pour mon compte, aucun inconvénient. Les habitants de Rouen qui réciameraient ses services, ne seraient pas plus empoisonnés que ceux de la banlieue. Sur cette question de salubrité, la science a prononcé un juge- ment que l'expérience des grandes cités, telles que Lon- dres, a ratifié, et dont il n’est plus possible de relever appel. Une loi sur le commerce de la viande est préparée en ce moment par le conseil d'Etat. Elle mettra en action les principes de liberté que la commission d’Enquête a pro- clamés. Mais ne contiendra-t-elle point, à l'égard de Paris, 24 370 ACADÉMIE DE ROUEN. quelqu'une de ces fâcheuses exceptions qui ont si souvent contrarié et rendu impuissantes les plus salutaires me- sures ? Forcera-t-elle l'administration municipale de cette grande cité à ramener ses droits d'octroi, d’abattoir , de caisse de Poissy, d’abri, ete., aux sages proportions indi- quées par la commission parlementaire ? Extirpera-t-elle ces habitudes fiscales qui viennent toujours à bout de se faire jour et qui, par exemple, ont rendu si chére aux pro- ducteurs, l'hospitalité que la ville de Paris a daigné accor- der aux viandes destinées à être vendues à la criée (1)? Voilà des questions que les amis de l’agriculture française s'adressent avec inquiétude. On a pu juger, par le petit nombre de détails que j'ai eu occasion de fournir, de l'im- portance de la consommation de la Capitale. On a pu ap- précier quelle influence cette consommation ne peut man- quer d'exercer sur la production. Cinquante-trois dépar- tements, assure-t-on, concourent à l’approvisionnement de Paris. Cinquante-trois départements se trouvent donc blessés dans leurs plus précieux intérêts, par l’exagération des taxes qui y pèsent sur la viande. Ajoutez à cela que tous lesexemples de Paris sont contagieux, que ses prix finissent, de proche en proche, par influer sur ceux de toute la France. C'est le cas, ou jamais, de rappeler une maxime appliquée autrefois à une tout autre matière. Une réforme est urgente , indispensable, mais il faut absolu- ment qu'elle commence par la tête, par le chef, pour, de là, s'étendre à tous les membres. Si le contraire doit arri- ver, qu'on ne l’entreprenne pas !. . () Voir, sur ee point, les curieux détails recueillis dans le tome 1°" de l Enquête parlementaire. ce —— CLASSE DES BELLES-LETTRES. RAPPORT DE M. LE SECRÉTAIRE PERPÉTUEL De la Classe des Lettres et des Arts. Messieurs, L'année qui vient de s’écouler fera , à juste titre, époque dans les annales de l'Académie de Rouen. Instituée , il y a plus d’un siècle, par lettres patentes émanées de l’auto- rité souveraine, notre Société avait vu, à diverses époques, confirmer son existence et renouveler ses priviléges ; mais il lui manquait une dernière sanction qui, consacrant ses prérogatives, l'appelât à participer à l'exercice de quel- ques-uns des droits que confère la loi civile ; en un mot, il importait à sa dignité autant qu’à ses intérêts d'être pla- cée au rang de ces institutions que l’État a déclarées d'u- tilité publique, et auxquelles il reconnaît une existence légale. Un décret récent (1) du chef de l'État est venu combler, à cet égard, les vœux de l’Académie, et ajouter, par cette haute faveur, un stimulant de plus à son zèle, une nouvelle activité à ses travaux. (1) On le trouvera à la suite de ce rapport, p. 383. Philosophie. 372 ACADÉMIE DE ROUEN. Le tableau varié des sujets appartenants à la classe des Lettres et des Arts , que nous allons rapidement dérouler, témoignera suflisamment que cette activité s’est toujours largement et fructueusement exercée. Les problèmes ardus de la philosophie spéculative ont un attrait décidé pour M. l'abbé Picard, dont l'esprit net et précis sait dégager ces matières de leur obscurité. Il a fait preuve de cette rare faculté d'élucidation, en exposant à l'Académie le but, les divisions et les principales propo- sitions d’un traité inédit de Nicolas Oresme, philosophe péripatéticien du x1v° siècle, dont le manuscrit venait d’être retrouvé par M. de Fréville, un de nos anciens lauréats. Cette savante étude avait un double intérêt pour M. l'abbé Picard: Nicolas Oresme, en effet, appartient de tout point à notre province , il naquit à Caen, dans la première partie du x1v° siècle; il fut doyen du chapitre métropoli- tain de Rouen; il mourut évêque de Bayeux, en 1382. Pendant sa longue carrière , noblement remplie par des missions politiques, par de hautes fonctions auprès de Charles V, dont il avait été le précepteur , la philosophie resta toujours l’objet de sa constante étude ; témoin la tra- duction qu'il fit des principales œuvres morales et politi- ques d’Aristote. Le traité sur lequel notre confrère a exercé sa péné- trante sagacité, a son origine dans une pensée qui préoc- ' cupait, au moyen-äge, tous les esprits, et qui, depuis, n’a pas cessé d’agiter les écoles philosophiques. Il s'agissait de remonter jusqu'aux sources de l’étre, et de découvrir, s’il se pouvait, des entités plus primordiales que celles qu'a- vaient découvertes les devanciers dans la même carrière ; en un mot , Oresme se demandait si, avant la réalisation de l'être comme tel, il n’était pas possible de découvrir en lui, par la pensée, quelque chose qui eût une priorité de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 373 raison. C’est alors qu'il admet que l'être peut être conçu comme ayant la tendance , l'aptitude à le devenir, et à le devenir de plus en plus. Cette faculté, il la désigne par le mot intensio , c'est-à-dire tendance vers un but quelcon- que. Les qualités sont la réalisation de cette in-tension ; tout être tend à acquérir des qualités et à devenir, suivant le langage alors reçu, tale ; lorsqu'il a acquis ces qualités. il devient quale, par rapport à son intension, et il est dit alors informé par cette qualité. C’est à rechercher comment se mesurent ces intensions, ces qualités, ainsi que les rapports d'uniformité ou de ressemblance, de difformité ou de dissemblance, qui peuvent exister entre elles, et comment on peut les figu— rer, pour les rendre accessibles à l'imagination humaine , qu'est consacré le traité de Nicolas Oresme ; de là son titre qui, sans ces explications , paraîtrait à peu près inintelli- gible : De confiquratione qualitatum; de uniformitate et difformitate intensionum ; de figuratione potentiarum et mensura difformitatum. Nous devons rendre , à M l'abbé Picard, cette justice qu'il a su répandre, sur ces questions aussi subtiles qu’ab- struses , toute la clarté dont elles sont susceptibles, faire même trouver un certain charme à entendre cet écho loin- tain de discussions qui, autrefois, passionnèrent vivement nos pères , et enfin, découvrir, dans les choses du passé, de piquants rapprochements avec les choses du présent. Les explorations archéologiques, appliquées principa- lement aux monuments des deux périodes gallo-romaine et mérovingienne , ont toujours un fervent et infatigable promoteur dans M. l'abbé Cochet. Ses recherches, pres- que toujours heureuses , et souvent d’un intérêt inattendu, ont fourni de précieux éléments pour arriver à la détermi- nation des lieux occupés, dans nos contrées, parles an- ciennes races conquérantes de notre sol, et surtout pour Archéologie. Histoire. 374 ACADÉMIE DE ROUEN. l'attribution, à chacune d'elles, des armes , des ustensiles, et des bijoux retrouvés dans leurs sépultures. C'est ainsi que , dans la fouille dont il nous a entretenus, et qu'il opéra l’année dernière, à Lucy, dans la vallée de l'Eaulne, à peu de distance de Londinières et de Neufchâtel , il a rencontré, au milieu de beaucoup d’autres sépultures an- tiques , le corps d’un guerrier, avec l'accompagnement or- dinaire d'armes et d’ustensiles qui signalent ces ensevelis- sements , et , en outre, avec un petit trésor de emq pièces d’or, que ce guerrier portait cachées sous la boucle de son ceinturon. Ces monnaies sont de l'espèce de celles qu'on appelle triens ou tiers de sol d’or ; elles portent les noms des monétaires qui les ont frappées : Berebodus , Alemun- dus, Domnesigilo , Ado. ceux des localités où étaient si- tués les ateliers monétaires : Burdegala, Turonus, Vatu- naco, Anderitum , et enfin, suivant l'opinion d’un numis- mate très exercé, M. Thomas, elles doivent être rappor- tées au vu siècle. L'origine mérovingienne de la sépul- ture qui a fourni cette précieuse trouvaille, est donc évi- demment constatée (1). M. Fallue, qui a engagé avec M. l'abbé Cochet, au sujet de l'attribution à l'époque mérovingienne de la plu- part des sépultures rencontrées dans la vallée de l'Eaulne, une discussion contradictoire , ne pense pas que la décou- verte dont nous venons de parler soit un argument pro- bant , quant à la généralité de ces sépultures ; il prouve- rait seulement, suivant lui, que, dans le cimetière de Lucy, on a inhumé des corps depuis le premier siècle jus- qu’à l'établissement des cimetières chrétiens. Les études historiques , les recherches d'histoire litté- raire et de biographie sont le but de prédilection vers lequel se tournent, à notre époque, une foule d’esprits (1) Voir les analyses de M, Girardin , p. 170. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 375 sérieux. Il semble que l’on se soit proposé d'explorer toutes les sources, de dérober au passé tous ses secrets. M. l'abbé Langlois, qui paraît s'être fait de l'étude des institutions artistiques ou littéraires qui appartinrent jadis à notre métropole, une spécialité de choix , a traité, avec des développements étendus , l'histoire des anciennes bi- bliothèques des Archevêques et du Chapitre de Rouen. Cette histoire remonte aussi loin que le commencement du x siècle. Déjà, à cette époque, ainsi que le constate un inventaire contemporain, la Cathédrale possédait une soixantaine de manuscrits, parmi lesquels, entre beaucoup d’écrits des Pères , de commentateurs et de liturgistes , on remarquait quelques ouvrages des plus célèbres auteurs de lantiquité. En moins d’un siècle, ce premier fonds avait plus que doublé ; accroissement bien remarquable, et qui témoigne d'une puissante impulsion donnée aux études dans notre métropole, puisque, à la même époque, les bi- bliothèques monastiques les plus célèbres étaient loin de posséder un fonds aussi riche et aussi diversifié. Un pareil récit, on le comprend, se compose plutôt d’un enchaîne- ment de particularités et de détails que de grands évé- nements. Cependant l’auteur jalonne sa narration de quel- ques faits notables : c'est, par exemple, au commence- ment du xv° siècle, la construction d’une première salle consacrée à létude, et, en même temps, au dépôt de toutes les richesses littéraires déjà accumulées. A la fin du même siècle, on voit s'élever cette magnifique salle de cent pieds de long sur vingt-cinq de large, qui borde la Cour des libraires, et l’élégant escalier qui est encore l'un des principaux ornements du transept de notre cathédrale. Mais , au point de vue général le fait le plus considérable de cette histoire , celui qui fait le plus d'honneur aux gé- néreux promoteurs de l'institution, c’est que, vers 1635, cette bibliothèque fut rendue publique, et dès-lors régu- 376 ACADEMIE DE ROUEN. lièrement ouverte, non-seulement aux savants, mais en- core aux lecteurs de toutes les classes. De sorte que, grâce à l'esprit éclairé du Chapitre qui prit l'initiative d'une me- sure jusqu'alors presque sans exemple, la ville de Rouen fut dotée d'une institution que la plupart des capitales de- vaient attendre encore bien longtemps. M. Martin de Villers a communiqué à l'Académie quel- ques extraits détachés d’un ouvrage qu'il doit incessam- ment livrer à la publicité, et qui a pour objet de retracer la captivité et les derniers moments de cette malheureuse reine d'Ecosse , que la grandeur de ses infortunes a puri- fiée, aux yeux de la postérité, malgré la grandeur de ses fautes. Nous regrettons qu'une simple audition ne nous ait pas permis d'analyser ce remarquable fragment, rempli d’aperçus et de rapprochements nouveaux, et dans lequel l’auteur prouve, avec une grande vigueur d'arguments, que ce fut en violation manifeste du droit des gens qu'Elisa- beth retint dix-huit ans captive et finit par envoyer à la mort sa rivale devenue sa victime. L'histoire de la Révolution , cette gigantesque épopée qui , pareille à celle du Dante , semble se dérouler en des- cendant une longue spirale de cercles infernaux , fournira longtemps encore de lamentables épisodes à tous ceux qui s'appliqueront à les recueillir, C’est un épisode de ce genre, et se rattachant à la proscription des Girondins, que M. Fallue est venu nous raconter. On savait que le ministre Roland , fuyant le décret de mort lancé contre lui, avait trouvé pendant cinq mois un secret asile à Rouen; qu'il avait quitté cette retraite pour ne pas entrainer dans la proscription les personnes généreuses qui s'étaient dé- vouées pour l’abriter, et qu'enfin, succombant sous le poids de son infortune, il s'était donné la mort, à quelques lieues seulement de notre ville. Mais , si l’on connaissait la route qu'il avait prise , on ignorait l'endroit précis où il s'é- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 6 7 fi tait arrêté et celui qui avait reçu ses tristes restes. M. Fal- lue, à l’aide des souvenirs d’un vieillard , et sur l'autorité d'actes authentiques recueillis dans les mairies voisines , a raconté cette déplorable fin, en désignant, en quelque sorte du doigt, l'endroit précis où, sur le bord d’un sentier, gît la tombe ignorée de l'intègre et malheureux Roland. Ce ne sont pas seulement les tombeaux et leur fragile mémoire qu'il est utile et généreux de disputer à l'oubli, ce sont aussi, et bien plus justement encore , les œu- vres de l'écrivain à qui la renommée a failli de son vivant, et dont on peut dire qu'ilest descendu tout entier dans la tombe. M. de Duranville a tenté une de ces réhabilitations tardives, en faveur d'un auteur rouennais, François- Joseph Lange de la Maltière, physicien et poète, rédac- teur de mémoires scientifiques , inventeur d’un ingénieux instrument de physique amusante, et chantre, en vers hé- roi-comiques, d'une célèbre toulousaine, que l'admiration de ses contemporains a surnommée la belle Paule. Mal- heureusement, nous doutons que, malgré les efforts de leur loyal défenseur , les vers de la Maltière méritassent mieux que l'oubli auquel ils sont demeurés condamnés. Prendre pour héroïne d’un poème semi-burlesque , une des plus nobles et des plus pures illustrations du xvi' siècle, cette belle Paule que Toulouse admirait, non-seulement pour ses talents et sa beauté . mais encore pour ses vertus; celle que le connétable de Montmorency proclamait, devant Charles IX , la merveille de l'univers et l'honneur éternel de son siècle et de la ville de Toulouse , c'est une licence hyperbolique, trop visiblement imitée d’une audacieuse profanation du même genre , et que le bon goût ne sau- rait pardonner. De l'histoire, capricieusement défigurée par la poésie légère , à l'histoire gravement et, en quelque sorte, solen- nellement retracée par la nécrologie, quoiqu'il y ait une 378 ACADÈEMIE DE ROUEN. distance immense , nous sommes cependant obligé de la franchir. En s'empressant, auprès d’une tombe à peine re- fermée , de raconter, pour les léguer à l'histoire dans toute leur sincérité , les phases si belles de l’existenée d'un de nos plus grands concitoyens, M. Lézurier de la Martel, M. Ballin a fait plus que composer une notice exacte et con- sciencieuse , nous serions tenté de dire qu'il a fait une bonne action. Il y a, en effet, dans cette carrière si plei- nement et si dignement remplie , un si noble modèle à proposer aux hommes publies de tous les temps! Dans la jeunesse d'abord , l'étude obstinée, conquérant le bienfait d’une éducation aussi solide que brillante ; puis après, les voyages lointains initiant l'homme à la connaissance des mœurs et des rapports des peuples; au sortir de la jeu- nesse , la pratique des grandes affaires commerciales for- tifiant dans l'esprit les habitudes d'ordre et d'économie ; plus tard, la gestion des fonctions qu'on pourrait appeler de confiance, auxquelles vous appellent l'estime et le choix de vos concitoyens , et que remplacent bientôt les impor- tantes fonetions administratives que vous décerne la haute faveur du gouvernement ; dans cette suprême période de l'homme arrivé à la maturité de son caractère et de ses forces, la constante pratique des mâles vertus qui vous font, au besoin, exposer votre vie pour le salut de vos con- citoyens ; la fidélité inébranlable à vos convictions politi- ques; puis, au déclin d’une longue carrière , l'étude pai- sible. qui vous aide à réaliser ce bonheur du sage: Otium cum dignitate ; et la bienfaisance enfin, qui fait qu'au jour où Dieu vous appelle, un immense cortége d'amis, de concitoyens, et de malheureux surtout, vous arcompagne à votre dernière demeure : tel est le tableau que M Ballin a déroulé avec tous ses détails, et qu'on pourrait croire imité de Plutarque, si les plus âgés d’entre nous ne la- vaient eu longtemps sous les yeux. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 379 La poésie a, dans l'Académie, de trop dignes inter- prètes, et d’ailleurs, au jour des séances solennelles . se voit saluée de trop unanimes acclamations, pour qu'elle n’ait pas le droit d'occuper sa place dans ce compte-rendu. Toutefois, nous nous défierions de notre tact et de notre adresse, s’il nous fallait analyser ces œuvres délicates et gracieuses, qu'il faut aspirer comme une fleur embaumée, plutôt que savourer. Dans un petit poème, intitulé : Amour et Musique, M. Clogenson a su ranimer les pipeaux un peu assoupis de l’Idylle, et peindre, avec délicatesse et fraîcheur, un tableau fin, animé, harmonieux de nuances , du genre pastoral. M. Leroy, président , en tentant , pour son discours d’ou- verture de la séance publique , une innovation hardie , une allocution en vers , a réussi complètement à mettre le pu- blic de son côté. A sa causerie pleine d’atticisme et de finesse railleuse , et qui, souvent, s'élève jusqu’à la perfec- tion du genre didactique , de nombreux applaudissements ont répondu. M. Deschamps, tout en conservant la forme du récit fa- milier, a pris la poésie par son côté sérieux ; il pense, sans doute, comme le pensait, en son temps, l'immortel fa- buliste, qu’une bonne et sérieuse vérité a tout à gagner pour se produire, si l’auteur, la tenant prudemment en réserve , sait la faire éclater comme le trait final, l’argu- ment décisif de quelque ingénieux apologue. Dans un conte intitulé : Un Petit Capital, qu'il a lu à la séance pu- blique de l'Académie, M. Deschamps a ingénieusement dramatisé d’utiles conseils à l’ouvrier : C’est déjà beaucoup, sans doute, que de savoir épargner, mais ce n’est pas assez encore, si l’on ne sait faire fructifier l'épargne amassée. Gardez-vous de la confier à ces avides spéculateurs, tou- jours prêts à s’en emparer pour la faire disparaître. Pour l'ouvrier, 1! n'est qu'un placement solide... Le banquier Poésie. Musique. 380 ACADÉMIE DE ROUEN. du pauvre, c'est l'État. D'enthousiastes bravos ont dû prouver à l’auteur qu’il avait rencontré une voie aussi juste que sûre, pour faire arriver la morale à son bnt. La musique est sœur de la poésie ; c'est une raison suf- fisante pour ne pas séparer l’une de l’autre. M. Vervoitte, dont l'Académie couronnait solennellement , il y a quatre ans , les belles œuvres de musique religieuse, et qu'elle a depuis admis dans son sein , a offert à la compagnie deux nouvelles compositions, que nous devons mentionner dans ce rapport. L'une est une messe à quatre voix avec aCcom- pagnement d'orchestre, encore inédite, mais que la pa- roisse de Saint-Roch, à Paris, doit faire entendre, dans quelques jours, lors de la célébration de la fête de son patron; l'autre est un Chœur pastoral , que la société des compositeurs instituée , à Paris, sous le patronage de Sainte-Cécile , a fait exécuter, à son dernier concert an- nuel, avec un immense applaudissement ; véritable succès auquel la presse parisienne, unanime en cette circonstance, a chalensement donné sa sanction. L'Académie a encore reçu du même auteur quatre morceaux de musique manuscrits et inédits, dont voici les titres : Gloria, Sanctus, Benedictus et l'Offertoire de la messe, à 4 VOix. lei se termine le compte-rendu des œuvres originales et inédites , communiquées à l’Académie par quelques-uns de ces membres; cette énumération, quelque riche qu'elle soit , est cependant bien loin de représenter l’ensemble des travaux variés , sur lesquels s’est exercée l'activité de la compagnie , pendant la période annuelle qui vient de s'é- couler. Les travaux des rapporteurs, soit au nom des coramissions dont ils sont l'organe, soit en leur propre nom, sur les ouvrages renvoyés à leur examen, ne sont CLASSE DES BELLES-LETTRES. 381 pas une des parties les moins importantes de cet ensem-— ble. Malheureusement, malgré tant de savoir, de justesse d’appréciations et de sagacité critique, déployés dans ces travaux secondaires, acceptés de si bonne grâce , et ac- complis avec tant de dévouement, il est difficile de sou- mettre à l'analyse ce qui n’est presque toujours qu'un compte-rendu. Les limites étroites de ce rapport s’oppo- seraient, d’ailleurs, à ce qu'on rendit, à cet égard, une entière justice à chacun et à tous. Nous regrettons donc de ne pouvoir ici mentionner que des noms, quand il nous paraîtrait si équitable de faire ressortir des travaux et de distribuer des éloges. Parmi ceux qui nous ont initiés à la connaissance des œuvres de tout genre adressées à l’Académie, nous de- vons citer M. Ballin, qui nous a exposé , d’après quelques opuseules italiens, différentes particularités de la dernière révolution romaine. M. Blanche prend toujours, pour nous, le soin minutieux de résumer , en chiffres exacts et en rapprochements instructifs, l'immense statistique de l’ad- ministration de la justice civile et commerciale en France, pendant les précédentes années. M. De la Quérière nous a entretenus d’un piquant écrit de M. l'abbé Corblet, sur les proverbes et dictons de la Picardie. M. Delzons a con- sacré une rare sagacité et une connaissance approfondie de la langue et des formes littéraires du xvn: siècle, à con- tester l'attribution faite par M. Louis Passy, à l’auteur de l'Art poétique, d’une satire inédite retrouvée dans les Re- cueils de l’académicien Conrart. M. de Duranville, rapporteur aussi fécond que zélé, a surtout dévoué sa plume à tout ce qui concerne l’histoire de notre province ; c’est ainsi que les essais de M. l'abbé Decorde sur l'arrondissement de Neufchâtel , et l'Annuaire de l'association Normande , ont été analysés par lui avec un intérêt tout spécial, 382 ACADÉMIE DE ROUEN. M. de Glanville a particulièrement extrait de la Revue des Beaux-Arts toutes les notions d'histoire et d’archéolo- gie qui pouvaient paraître profitables. M. Largilliert, avec sa haute expérience dans les sciences naturelles, a rendu compte des mémoires de la Société de Calais. En s'attachant à relever le mérite du Bulletin de l'Athénée du Beauvaisis, M. Lévesque a trouvé l’occasion de nous faire participer à une excellente étude historique et littéraire sur le grand jurisconsulté picard , Philippe de Beaumanoir. M. l'abbé Neveu et M. l'abbé Picard, en ana- lysant divers ouvrages d'éducation ou de littérature, ont su payer à deux de nos confrères , MM. Delzons et Bache- let, une juste dette de reconnaissance pour leurs tra- vaux. Chargé d’une tâche difficile, celle de rendre compte de la partie historique et littéraire des travaux de la docte Académie de Munich , M. Rondeaux s’est acquitté de cette mission en digne interprète de ces savants mémoires; toujours attentif à ne rien négliger de ce qui pouvait inté- resser notre histoire nationale , il a lucidement détaillé tous les arguments d’une dissertation approfondie , entreprise dans le but de prouver que la célèbre bataille de Tolbiac , qui ouvrit la carrière à la supériorité de la puissance fran- que, fut, conformément à l'opinion de nos historiens, li- vrée à Zulpich, aux environs de Liége. Quant aux impor- tants rapports de M. Lévesque, sur le concours proposé par M. Duputel , sur l'influence fâcheuse de la camarade- rie, et de M. Hellis, sur les encouragements à décerner aux Beaux-Arts , nous avons à peine besoin de les men- tionner, puisqu'ils sont insérés dans ce volume. Après avoir complété cet exposé, auquel, sans doute, manquent beaucoup de particularités intéressantes et de développements indispensables , n'est-il pas juste de répé- ter que l’activité des membres de l'Académie de Rouen , dans le vaste champ de l’histoire, de la littérature et des CLASSE DES BELLES-LETTRES. 383 arts, ne s'est presque jamais plus largement et plus fruc- tueusement exercée ? RECONNAISSANCE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN Comme Établissement d'utilité publique. Mastère de l'instruction publique et des Cultes. LOUIS-NAPOLÉON, Président de la République Française, Sur le rapport du Ministre de l'Instruction publique et des Cultes, Le Conseil d'Etat entendu, DÉCRÈTE : Article 1%. L'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen est reconnue comme établissement d'utilité pu- blique. Son règlement est approuvé, tel qu'il est et demeure ci-annexé. Il ne pourra y être apporté de modification qu'en vertu d’une nouvelle autorisation donnée dans la même forme. 384 ACADÉMIE DE ROUEN. Article 2. Le Ministre de l’Instruction publique et des Cultes est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des Lois. Fait au Palais des Tuileries, le 12 avril 1852. Signé : L. NAPOLÉON. Par le Président : Le Ministre de l'Instruction publique et des Cultes, Signé : H. Forrour. Pour ampliation : Le Chef du Secrétariat, Signé : JourDax. Le présent décret enregistré au Secrétariat-général de la Préfecture de la Seine-Inférieure, sous le n° 8764. Rouen, le 1:" mai 1852. Le Conseiller de Préfecture, Secrétaire-général, Signé: Prox. Pour expédition conforme à transmettre à Monsieur le Maire de Rouen : Le Conseiller de Préfecture, Secrétaire-général, Signé : Prox. Pour copie conforme : Le Maire de Rouen , Signé : Fieury. RAPPORT AU NOM D'UNE COMMISSION Composée de MM. De Caze, DE Vicrers, DEscHames , DeLzons et LÉVESQUE , rapporteur, SUR LE CONCOURS : De l'influence fâcheuse de la Camaraderie dans les Sciences, les Lettres et les Arts, et des moyens d'y remédier. Lu À LA SÉANCE PUBLIQUE pu 6 AOUT 1852 Messteurs, Dans la dernière séance solennelle de l'Académie , l'ho- norable secrétaire de la classe des Lettres et des Arts, après les regrets donnés à l’un de nos vénérables doyens , M. Duputel , « littérateur d’un goût exercé, bibliophile érudit «et passionné, collecteur infatigable de pièces rares et « curieuses , » finissait par ces paroles que j'aime à répé- ter comme préambule de ce rapport : « L'intérêt qu’il por- « tait à notre Compagnie ne l’abandonna jamais, pas même «au milieu des infirmités d’une vieillesse avancée, et il « s’est encore manifesté à ses derniers instants, par un legs « généreux que l’Académie a dû recueillir avec reconnais- « sance. » C'est en effet, Messieurs, de M. Duputel et de son legs à l’Académie que j'ai ici à vous parler : car c’est lui qui a ouvert ce concours, qui en a donné le sujet, qui l’a doté d'un prix , et l'Académie, en acceptant ce legs de celui qui 25 386 ACADÉMIE DE ROUEN. fut pendant quarante ans un de ses membres, qu'elle s'était fait la longue habitude d'aimer et vénérer, en l’ac- ceptant comme un dépôt, comme une mission de haute confiance, n'a eu d’autre soin que celui d'assurer l'exé- cution du fidei-commis; de même qu'elle n’a ici d'autre qualité que celle, non d’héritière, même sous bénéfice d'in- ventaire, de M. Duputel, mais celle de son exécuteur testamentaire, et rien de plus. Ceci posé, et la part de chacun étant ainsi faite, les rôles ainsi marqués , ilest peut-être superflu de se préoc- cuper autrement du choix de la question mise au concours, de son caractère plus ou moins académique, de son inté- rêt d'application plus ou moins réalisable, et à tout ce qui pourrait être dit à cet égard, il suflirait peut-être de ré- pondre par un seul mot : L'Académie n’a pas choisi ; elle n'a eu qu'à exécuter : ce n’est pas elle ici qui donne, elle n'a qu'à juger, et, s’il y a lieu, à décerner le prix. Et, puisque j'ai dû tout d’abord signaler la main géné- reuse qui donne , à côté du nom de M. Duputel, j'ai à placer de suite un autre nom, un nom qu'on est sùr de rencontrer partout où une haute pensée de bienfaisance et de philanthropie se révèle , un nom qui est à lui seul tout un éloge , celui de M. De Larochefoucauld-Liancourt, qui, à la première publicité donnée à la question, est accouru pour solliciter comme une faveur le droit d'ajouter au legs de M. Duputel sa propre offrande , et qui, par là , en aug- mentant la valeur matérielle du prix, l’a bien mieux aug- mentée quant à sa valeur morale. Honneur done, au nom des sciences, des lettres et des arts, honneur et reconnaissance à ces deux noms, unis ici dans une même et sympathique pensée, dans la pensée de se placer à la tête de cette nouvelle croisade, de cette sorte de ligue sainte et de bien public des esprits d'élite , des hommes d'étude et de savoir, mais de foi et de conviction CLASSE DES BELLES-LETTRES. 387 avant tout, des hommes purs de tout esprit de cabale et de coterie, et, pour dire le mot, de camaraderie ! La camaraderie ! Messieurs, c’est une vieille histoire ! c'est une histoire longue et triste ! on pourrait dire que c'est presque celle de l'humanité, et à remonter le cours des temps , chez tous les peuples, dans toutes les civilisa- tions . partoul , toujours , sauf la variété des noms et des formes , c’est la même et déplorable uniformité de choses, le même tableau de scandales et d’iniquités ; de sorte que, pour prouver son influence fâcheuse , on n’a guère qu'une chose à faire, à raconter , et le seul embarras. dans ce long et affligeant récit, c’est l'embarras du choix. Toutefois , ce qu'il est utile, avant tout, de constater, ce que chacun a dû se demander tout d’abord, c’est ceci : qu'est-ce que la camaraderie ? et à quel point de vue faut- il ici envisager la question ? La camaraderie, c'était, il y a vingt ans, le nom sous le- quel on était convenu, dans le monde littéraire, de dési- gner une certaine coterie, dont la querelle et les préten- tions firent alors plus que du bruit, et dont la coalition, l'accord intime , indissoluble , furent signalés par un écri- vain courageux , qui s’attira par là de cruelles représailles. Plus tard, dans une comédie célèbre, une véritable co- médie de mœurs, une des meilleures d’un auteur ingé- nieux , qui en a fait beaucoup de bonnes, la camaraderie eut un sens plus large. Ce fut, non plus seulement une co- terie littéraire, formant telle école, sous tel chef et tel drapeau ; mais une coalition embrassant jusqu'au monde social , n’aspirant pas moins qu'à tout dominer , jusques dans la sphère politique. Pour ne citer, à cette double époque, à ces deux phases de la camaraderie, que quelques traits seulement, emprun- tés aux deux publications dont il s’agit, on se rappelle dans celle de 1829... « Cette petite société d’apôtres, qui, 388 ACADÉMIE DE ROUEN. « se disant persécutée dans les pratiques d’un culte nou « veau , s'est enfermée en elle-même pour s'encourager.… « cette compagnie mutuelle d'assurances pour la vie des « ouvrages. Des poètes qui encamaradent des musiciens, « des musiciens des peintres, des peintres des sculpteurs. « chacun se chantant sur la plume et sur la guitare, se « rendant en madrigaux ce qu'on a reçuen vignettes... » et tant d’autres traits non moins piquants, qui sont restés dans la mémoire de tous. Et de même de la comédie de M. Scribe : on n’a oublié aucun de ces caractères peints avec tant de verve, sous des couleurs si vives et si vraies: on n’a oublié ni le mé- decin Bernardet , ou l'avocat poète Oscar Rigaut , ou le vrai modèle du genre, la Comtesse de Miremont ; ni ces maximes naïves et devenues proverbiales.. « Pour s'éle- « ver, seul on ne peut rien, mais montés sur les épaules « les uns des autres , le dernier , si petit qu'il soit, est un «grand homme... » Ou bien celle-ci : « Amitié à toute « épreuve !.… Alliance offensive et défensive !.. Vos en- « nemis seront les nôtres. à charge de revanche... » Ou bien encore : «Mais nous l'abhorrons ! nous le détestons ! — « Qu'est-ce que cela fait ? entre amis, entre camarades, «il ne s'agit pas de faire du sentiment ni des phrases ; il « s’agit d'arriver !.., » Voilà ce qu'a été la camaraderie ; et maintenant, de quoi s'agit-il, si non de savoir ce qu'elle est? A d’autres épo- ques la comédie lui a porté de rudes atteintes, témoins les Précieuses ridicules, contre l'hôtel de Rambouillet , ou la pièce des Philosophes, contre la secte encyclopédique. En a-t-il été de même de notre temps? et l'œuvre habile de M. Scribe, malgré toute sa verve, malgré son immense succès , a-t-elle , non pas tué , mais seulement blessé , af- faibli la camaraderie ? C’est là la question posée , question ou étude de mœurs, autant que de science et de littérature. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 389 Il est teraps de voir comment il y a été répondu par le con- cours. Dix mémoires ont été adressés à l'Académie ; c’est assez peut-être quant au nombre : mais’, sur les dix, trois ont dû de suite être écartés, l'un comme n'étant guère qu'un exposé, une simple esquisse, qui, pour de- venir un mémoire, aurait eu besoin de plus d’études et de développements ; l’autre comme n'étant presque , d’un bout à l’autre, qu'une attaque contre M. Victor Hugo, attaque violente, passionnée , aussi peu académique que peu parlementaire; le troisième enfin, comme portant ostensiblement, contrairement à la règle du concours, le nom de l’auteur en tête même du manuscrit. Quant aux sept mémoires restant , plusieurs, avec des qualités réelles et plus ou moins dignes d'éloges , n’ont pu toutefois soutenir sérieusement la concurrence, ni arrêter longtemps Les doutes et le jugement de l'Académie Tel est le mémoire n° 4, œuvre d’un compatriote, comme il l’an- nonce, d’un enfant de la noble ville de Rouen , suivant son expression, œuvre sage d'ailleurs, inspirée par de bons et généreux sentiments, digne en tout de notre sym-— pathie ; mais qui, pour mériter également notre approba- tion , aurait eu besoin de qualités qu'on a trop souvent à désirer. Tel est encore le mémoire n° 9, avec cette épigraphe : Amicus Plato, sed magis amica veritas ; mémoire judi- cieux , généralement bien pensé et bien écrit, mais trop peu appliqué à l’étude de notre époque ; l'auteur ne nous apprenant guère, le plus souvent, ou plutôt ne nous ré- pétant que des noms et des exemples connus, ne nous montrant, parmi les victimes de la camaraderie, que Ra- cine, ou Gilbert, ou Descartes, ou, dans les arts, que Le Brun ou Lesueur ; ou bien des victimes qu’il est peut-être diflicile de mettre sur le compte de la eamaraderie, 390 ACADÉMIE DE ROUEN. comme le grand ministre Colbert, par exemple ; et sur- tout comme l’illustre et infortuné Lavoisier, dont la mort . fut certainement un crime , mais un crime qui est enregis- tré ailleurs que dans l'histoire de la camaraderie. Tel est enfin le mémoire n° 10, ayant pour épigraphe ce vers célèbre : Nul n'aura de l'esprit , hors nous et nos amis, mémoire offrant, sans aucun doute, plus d’une pen- sée utile et bonne à méditer, mais qui a, il faut le recon- naître, un défaut grave, celui d’être peu en rapport avec la question posée. L'auteur , sous le nom de la camaraderie , ou plutôt sous ce prétexte, n'attaquant rien moins que les doctrines autant politiques que littéraires du xvm® siècle, et pour remède ne proposant qu'une seule chose, le re- tour aux doctrines littéraires du xvr° siècle, et la pro- tection des lettres et des arts, sous les auspices des Fouquet et autres Mécènes de cette époque. Aux mémoires ci-dessus, j'ajoute encore le n° 3, ayant pour épigraphe cette sentence empruntée à la science mé- dicale : Melius anceps quam nullum. Sur ce travail qui, à propos de camaraderie , débute par une théorie de l’as- sociation, dont le principe , suivant l’auteur, est dans Py- thagore , qui fit, dit-il, /e premier essai du socialisme.….; sur ce travail, qui parle de la puissance mystérieuse du nombre trois , en métaphysique comme en morale, en phy- siologie comme en religion , comme en politique et en ap- plication sociale ; qui parle de Malthus et de Godwin, de Saint-Simon et de Fourier, je n’ai rien à dire , sinon que ce mémoire s'est trompé d'adresse , et qu'il n'a pas été fait pour l’Académie. Restent donc maintenant trois mémoires seulement, trois mémoires auxquels l'Académie a reconnu plus de valeur , auxquels elle a donné son approbation, non sans réserve , toutefois, et dont il me reste à rendre compte d’une ma- nière un peu moins sommaire. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 391 Je m'occupe d’abord du mémoire n° 7, ayant pour épi- graphe : Nemo erit doctus, nisi nos et amici. Voici le plan de l’auteur : La camaraderie, suivant lui, est de deux classes : la camaraderie académique . c’est celle, dit-il, qui à envahi les corps savants, et la camaraderie extra- académique ou libre, c’est-à-dire celle qui résulte de las- sociation, de la coalition de certains talents inappréciés « qui se posent en chefs d'école dissidente, et qui entrai- « nent dans leur orbite cette foule de jeunes intelligences « déclassées, qu’une éducation vicieuse a laissées sans em- € ploi dans la société, sans utilité pour leurs semblables ; « qui, sans position , sans état, en savent trop pour n'être «rien, et n’en savent pas assez pour être quelque chose ; « hybrides des sciences, des lettres et des arts ; orgueil- « leux et suffisants, suppléant par l’aplomb et l'audace au « fond qui leur manque , ennemis hargneux du vrai mé- « rite ; s’efforçant, dans leurs cercles d’admiration mutuelle, « de donner le change à l'opinion publique au moyen des « éloges qu'ils se prodiguent réciproquement. Assez aveu- « glés sur leur compte pour se croire victimes d'une so- « ciété basée sur des institutions vicieuses , ils s’agitent et « conspirent, ou bien ils s’'abandonnent au découragement «et cherchent le repos dans le suicide... » Telle est, Messieurs, la thèse, tel est le plan du mé- moire , dont j'ai voulu , par cette citation , vous faire ap- précier de suite le caractère et le mérite, mérite réel dans le style comme dans la pensée , et qui, dans toute la première partie, n’a droit presque toujours qu'à des éloges. Mais en est-il de même de la seconde partie , et l'auteur s’y est-il montré aussi bien inspiré? Vous en jugerez, Messieurs, dans un instant. Le plus grand mal , suivant l’auteur , la source , le cen- tre de la camaraderie, c’est surtout dans les Académies ; c'est dans le système d'élection de leurs membres par les 392 ACADÉMIE DE ROUEN. académiciens eux-mêmes ; c'est dans un nouveau système d'élection que doit être le remède. Voici comment il vou- drait qu'on procédât : « Un candidat produirait les titres « à l'appui de sa candidature : tous les savants domiciliés « dans le ressort de l'Académie, les examineraient conscien- «cieusement, et quand leur opinion serait formée avec im- «partialité, ils enverraient leur vote dans un pli cacheté.» Rien de plus simple assurément, mais en même temps rieu de plus décisif, suivant l’auteur. « Ainsi élus, dit-il, « les académiciens n'auront plus désormais d'autre règle « de conduite , que le rigoureux accomplissement du de- « voir..... que l'obligeance, les bons conseils, les avis « paternels pour moyens d'action... » A ce compte, et pour de tels académiciens, pourrait-on craindre de trop faire , de leur faire trop d'avantages et de trop hautes attributions? L'auteur voudrait d’abord un traitement convenable , qui leur serait payé par l'Etat, au- quel, en échange , ils devraient tout , et leur temps et les œuvres mêmes de leur pensée , lui appartenant ainsi corps et âme, sans pouvoir cumuler avec leur titre aucune autre fonction quelconque. Parmi leurs attributions, il en est une à noter : ils seraient juges, arbitres souverains , absolus, de toutes les productions de l'intelligence, avec le pouvoir illimité d'en permettre ou d'en empêcher la publication. C'est là, il faut l'avouer, un grand pouvoir, et il y au- rait peut-être à cela quelque chose à dire!... L'auteur n'y trouve à dire que ceci : « Peut-être la librairie pourrait se « plaindre de cette sorte de censure ; mais ces plaintes se- « raient-elles justes ? et l'intérêt de la nation ne doit-il pas « passer avant le sien ? » C'en est assez, je crois, sur ce mémoire : ce qu'on ne peut trop regretter, c’est que l'auteur , après un travail remarquable par la justesse d'observation, par l'esprit ju dicieux et de bon goût de ses appréciations, ait fini par CLASSE DES BELLES-LETTRES. 393 être si inégal à lui-même , si loin de ses premières et heu- reuses inspirations. Le mémoire n° 6, ayant pour épigraphe cette sentence de La Bruyère : Il n’est pas si aisé de se faire un nom par un ouvrage parfait. que d'en faire valoir un médiocre par le nom qu'on s'est déjà acquis, diffère du n°7 par la forme, sans en différer beaucoup quant au fond , quant à la pensée et quant au but. Voici, dans une analyse som- maire, quelles sont les idées de l’auteur. Après un début un peu embarrassé sur le Hasard. sur Plutus... sur le Gé- nie... ilse demande ce que c’est que la camaraderie : il la définit par un exemple, par la querelle des deux écoles rivales , classique et romantique, querelle qui fut , dit-il , si folle , si passionnée , puis il ajoute :.. « Mais venait-il à « paraître, dans ces temps de lutte furieuse, un pauvre au- «teur modeste, assez honnête pour aimer le vrai, un « éclectique , si l’on veut, qui, ennemi du bruit , avait dé- « daigné de se ranger sous l’un ou l’autre étendard , et de « mendier un appui auprès des chefs ou des comparses ! « Hélas ! sous quel écrasant dédain ne voyait-on pas som- « brer son œuvre ! pas un sifflet même n’apprenait à Pa- «ris que cet éphémère avait vécu! il mourait, et pas un «ennemi ne saluait sa fin d’une injure ; maisil avait passé « comme la goutte d’eau dans la tempête !.…. » Ainsi s'exprime l’auteur du n° 6, et c'est à peu près le ton du reste du mémoire. On voit de suite ce qu’il a de sage, de judicieux , et sauf peut-être quelques critiques de détail, par exemple sur le choix des citations, tout ce qui est consacré à l'étude de la camaraderie, à sa funeste in- fluence , n'offre généralement rien que d’heureux, au fond comme dans la forme; mais là où il est plus difficile de louer, là où le mémoire laisse à regretter , c'est encore dans ce qu’il propose comme remède à la camaraderie. Laissons un instant parler l’auteur. 394 ACADÉMIE DE ROUEN. . QA la camaraderie des corporations, dit-il, il faut « opposer une autre camaraderie plus haute et plus puis- « sante, celle du pays tout entier! … 11 faut que l'Etat «inscrive , au sommet comme à l'entrée de toutes les car- « rières, cette épigraphe féconde : Au plus digne! » C'est bien pour l’épigraphe, mais est-ce assez ? on sait parfois ce qu'elles valent, et comment on peut s'y fier !.… En outre de l'épigraphe, voici ce que voudrait l'auteur. « On instituerait trois grands jurys nationaux, pour les « lettres, les sciences , les arts... » Mais ces juges qu'on veut impartiaux, c’est-à-dire choisis en dehors de toute influence , de toute faveur , par quel moyen sûr les obte- nir ? C’est aux grands corps savants, répond l’auteur, qu'il faat les demander. « Les Académies nationales. le collége « de France, les hautes Facultés des lettres, des sciences, « l'Université , le clergé, l'Ecole des beaux arts, l'Institut « de musique, les principales Académies de France nom- « meraient à l’un des trois grands jurys leurs délégués .. » Le tout, bien entendu, sans intrigue, sans calcul, sans camaraderie. Ce n'est pas ainsi, il est vrai, que l'entend l’auteur du mémoire n°7, qui ne voit nulle part la camara- derie plus forte , plus active que dans les grands corps sa- vants. Mais, évidemment, c'est le n° 7 qui atort, et le n° 6 est bien plus consolant ; il faut croire avec lui que les trois grands jurys nationaux seront l’ultima ratio, le dernier mot du problème. « Avec eux , » ce sont ses propres pa- roles, « nulle place pour le hasard , pour la camaraderie , « puisque toute distinction , toute renommée émanerait «d'un corps incorruptible, incessamment recruté aux « sources vives de la nation, et de plus, richement doté...» Car, sur ce point, l’auteur est parfaitement d'accord avec le n° 7... Les trois grands jurys seraient entourés de la plus éclatante”solennité !.. Is seraient dotés des plus magnifi- ques récompenses !. « Les héros de la science, de la lit- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 395 « térature et des arts tiendraient rang parmi les premiers et « les plus honorés de la nation. . On saluerait en eux les « rois de la pensée. » Tel est, Messieurs, suivant l’auteur, le remède contre la camaraderie. Je me garde, bien entendu, d’opposer une objection où même un doute. Jarrive de suite, et sans réflexions, au dernier mémoire. Ici, j'aurais besoin encore de temps et de votre pa- tience, Messieurs. L'un me manquant, et l’autre aussi peut-être, je le crains, je vais abréger ; je sais que de mes devoirs ici, c’est le premier. Le mémoire n° 5 a pris pour épigraphe ces paroles di- vines : Qui non est pro me, contrà me est. Voici comment il entre franchement dans la question. « Oui, s'écrie-tl, rien n’est plus fatal , plus dangereux, « que cette infiltration pernicieuse de la camaraderie dans « les sciences, les lettres et les arts. Oui, c'est une in- « fluence funeste : mais ce n’est pas cela seulement. c'est «un crime. Qu'un malfaiteur, poursuit-il, envahisse un « magasin , brise un comptoir, qu'il dérobe le fruit d’un « commerce ou des économies , est-il plus blâmable que « celui qui me dérobe le fruit de mes travaux, de mes « recherches, de mes méditations? Ai-je moins de titres «que le marchand qui se pétrifie dans sa boutique, que « l’homme de loi qui se consume à rendre son étude meil- « leure, pour la revendre à plus haut prix ?.. Non, mille « fois non! Si une main spoliatrice nuit au labeur de « ces hommes , vous le jugez, vous le condamnez ! et ce- «lui qui m'a nui,à moi, qui m’a dérobé le fruit de mes «insomnies, m'a imposé la misère et le désespoir, vous « ne le flétrissez pas ! vous ne le condamnez pas !.… Est- «ce que le malheureux, dépouillé ainsi, n’est pas ruiné comme le négociant à qui un correspondant infidèle a «fait faillite , comme le rentier à qui on a enlevé ses cou- 2 396 ACADÉMIE DE ROUEN. « pons?.. Que dis je ? il a perdu plus qu'eux! Un état se «refait; une banqueroute se répare... mais l'œuvre de « l'esprit n’est pas de tous les jours !.… elle est quelque- « fois unique , et celui qui a été trompé n’a plus ni avenir, « ni courage , ni ressource !.… Alors il arrive de ces infor- « tunes qui ne nous émeuvent pas, parce que nous vou- « lons que la cause en soit frivole. C’est un poète qui ex- « pire à l'hôpital, c’est un peintre qui se suicide , c'est un « savant qui demande à la science la fin la plus prompte, «seul privilége que la science puisse lui apporter !.. Et « on se dit : vous savez , ce poète. ce peintre, ce savant, «ils sont morts! ils se sont tués! — Bah ! et pourquoi? « — Ah! je ne sais trop : une pièce refusée, un tableau repoussé par le jury, une découverte méprisée par « l'Institut. — Vraiment ! et c’est pour cela ? en vérité, ces « hommes ne font rien comme les autres! » « — Mais, dit l’auteur, avant de prononcer si légère- « ment linfâme ve victis, il faudrait analyser le livre, « le tableau, l'invention. — On les avait jugés, répon- « dez-vous : il y a quelque part des arbitres payés, rentés «et décorés pour cela. Ces arbitres ont dicté la sentence, « et nous nous y tenons. « Mais là est la question: cette sentence est-elle irré- «prochable? ces juges n’avaient-ils pas d’autres choix « convenus ? n’avaient-ils pas leurs préférences, leurs ac- « ceptations imposées ? n’avaient-ils pas à protéger le fils « du caissier aux finances? le frère du chef au bureau « des pensions, souscriptions et gratifications , le gendre « d’une comtesse qui fait les préfets dans son salon, et « les ambassadeurs dans son boudoir ? —- Que vouliez-vous « que fit le génie contre de si formidables coalitions ?.. « qu’il mourût ! c'est ce qu’il a fait! » J'ai cité, Messieurs, ce tableau, sans rien omettre, sans réflexions, pour vous faire apprécier de suite, et le carac- = CLASSE DES BELLES-LETTRES. 397 tère du mémoire, et la manière de l’auteur. Vous en voyez à, la fois les qualités et les défauts. Peut-être , sous le rap- port des formes, n'est-ce pas là précisément le ton et le style académique avec sa dignité, sa gravité sévère ; mais on ne peut nier tout ce qu'il ÿ à de verve, ce qu'il y a d’incisif et de mordant, en même temps que l'énergie , la vivacité des couleurs, qui frappe et qui saisit. — Le reste du mémoire répond à ce début : c’est la même couleur , la même inspiration, facit indignatio versum. C'est le mot même de l’auteur. — « Je suis triste et indigné , » « dit-il; la phrase doit se ressentir des émotions du « CŒUT. » Sous cette inspiration, l'auteur se livre à une suite d’ob- servations , à une série de tableaux variés et pittoresques, où la camaraderie est en action. Parmi ces tableaux, dont il convient peut-être de n'accepter la vérité que sauf exa- men et sous réserves, mais qui sont tous vifs, pleins d’in- térêt et de mouvement, j’en prends au hasard quelques scènes pour les faire passer sous vos yeux. Le théâtre est un des points qui fournit à l’auteur le plus de traits de la plus funeste camaraderie. « Le théâtre, qui « porte si haut , dit-il, la renommée de la France, qui fixe «sur lui les regards du monde, et va alimenter les émo- « tions étrangères !.… qu'y voyons-nous ? » Dans les petits théâtres, d'abord, l’auteur signale les obstacles, les difficultés d'arriver jusqu’à l'administration , «assiégée , dit-il, comme un palais aux jours d’émeute , « par des diplomates consommés , qui savent toutes les « finesses du métier. hors celle d'écrire. « Voyant les difficultés d'arriver jusqu’au maître , vous « vous adressez à ses ouvriers : vous portez votre ouvrage « à l’un de ces faiseurs dont le nom revient périodiquement « sur l’afliche , mais c’est là que se cachent , suivant l'au- «teur, mille piéges , dont il donne en détail les noms, 398 ACADEMIE DE ROUEN. « les ruses et les fraudes. — J'en citeun seul exemple, a celui qu'il appelle Le pipeur. « Votre sujet, dit-il, était le sien. Voilà longtemps qu'il « a cette idée, et qu’il doit l'exécuter avec Charles, Adolphe « ou Bonaventure, qui en a le plan tout tracé. Charles «arrive. On le prend à témoin... En effet , il a le plan « chez lui ; il venait même ce matin pour en finir, et c'est « par un hasard étrange qu'il l'a oublié... Du reste, la pièce «est fort avancée. Il en a écrit le dialogue : il n°y manque « plus que les couplets.. Cela pourra être joué dans une « quinzaine... Vous partez la mort dans l'âme , et trois « semaines après , votre sujet est sur l'affiche. Vous avez «un grand succès. par procuration , bien entendu, et « après la représentation , vous entendez les amateurs s'é- « criant dans le café : ces diables de Charles et de Bona- « venture , c'est étonnant ! ils ont toujours des idées « neuves ! » Ceci est vif, sans doute , et très piquant : seulement on pourrait se demander peut-être si c’est bien là de la ca- maraderie, ou si ce tour d'adresse ne s’appellerait pas d'un autre nom. Le nom ! l’auteur le dit en effet, et voici com- ment il rattache l'épisode à son sujet. « Si le spoliateur à agi à la face du ciel, sans ménage- « ment, sans pudeur , s’occupant peu de vous paraître in- « digne , pourvu qu'il vous exploitât ; si, après vous avoir «invité à sa maison de campagne pour élaborer votre « donnée , il vous a mis de côté quand il a exprimé le jus « de l'orange ;.… devant une telle effronterie, il vous reste «encore un moyen ; ilexiste, vous dit-on , des tribunaux « fraternels institués pour protéger le faible. « Vous y portez votre plainte ; on la reçoit : vous com- « paraissez avec votre adversaire , et vous plaidez votre « cause. D'abord , la commission est très mortifiée que « vous la dérangiez pour quelque chose d'aussi peu im- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 399 « portant que votre gloire et votre fortune... et puis, le « coupable est un grand seigneur dramatique. Il est de « la commission ; il est même quelquefois de l’Académie. « Votre réclamation est d’une audace qui a déjà indisposé son « juge... Quand vous avez bien longtemps parlé, on confie « l'examen de la cause à une sous-commission, qui charge « un de ses membres de rédiger un rapport. Ce membre «est un ami, un collaborateur peut-être de votre larron… « Il rédige son rapport ; il n’examine pas s’il y a eu entre « vous commencement de collaboration , chaîne qu’on ne «peut pas rompre... Il confesse qu'entre votre idée et « la pièce de laccusé, il y a des ressemblances ; mais, « dit-il, 1l y en a entre toutes les pièces. puis, il cite une « pastorale inconnue, où l’autre a pris sans doute cette idée, « que vous croyez lui avoir apportée... et le tribunal vous « condamne, et le président vous semonce, pour avoir « douté dela probité d’un si honnête homme, sonami! ..» Quant au grand théâtre. au théâtre de la nation, bâti, protégé et subventionné pour fournir des Molière et des Racine, et, s’il se peut , des Corneille. « Là, dit l’auteur, « est l'empire de la plus rayonnante camaraderie ! c’est là « qu’elle s'étale dans le luxe de son omnipotence !... Il y eda super parabolas Salomonis, couvert de cuyr noir, garni de fermaus de loton. Beda super Apocalipsim , couvert de cuyr rouge à fer- maus de loton. Prima Ethi. Aristotelis, couvert de cuyr vert, garny, à fermaus de loton , façon de coquille. Methaphisica Aristotelis, et alia ejus opera , couvert de cuyr tenné , à fermeau de loton. | Strabonis prima pars, couvert de cuyr vert, garny de fermaus de loton. 552 ACADÉMIE DE ROUEN. Strabonis secunda pars , couvert de cuyr vert, garni de fermaus de loton. Strabonis de situ orbis, couvert de velours rouge , à fermaus de loton. Laurencii Vallensis de notulis raden , couvert de euyr noir, à fermaus de loton. Laurencii Valensis Thucididis , couvert de cuir violet , à fermaus de loton. Dyalectica Laurencii Vaila , couvert de euyr violet, à fermaus de loton. Troys volumes non reliez et,imparfaictz. Cirillus. Sic erat in capite : presté à M. de Lodève (1). Ja DE CASTIGNOLLES 2). (1) Le célèbre cardinal Guillaume Briçonnet. (2) Chancelier et chanoine de la Métropole de Rouen, trésorier du cardinal d'Amboise. NOTA. M. Deville a, le premier, mis au jour ce cata- logue , dans son bel ouvrage sur le Château de Gaillon. Mon sujet exigeait qu'il fût inséré ici, à la suite des autres. Le travail du savant historien m'a facilité l'étude du manuscrit, dans la lecture duquel je me sépare très rarement de lui. —DAGes.— - AMOUR ET MUSIQUE, POBMIE » PAR M CLOGENSON. ( Séance du 9 Juillet 1852.) « My torments are allayed by « your Arcadian Musick. » — VOLTAIRE, 1773. — AVERTISSEMENT. Ce petit poème pastoral, dont l'idée et un certain nombre de vers ont été pris dans le second chant de La Musica d'Yriarte , était composé depuis un an, lorsque l'Académie de Rouen en écouta la lecture avec une grande indulgence le 9 juillet 1852. Tous ceux qui connaissent la langue cas- üllane, ou espagnole, la lengua castellana , savent quel succès obtint le poème, en cinq chants, de La Musica, en 1779 et depuis. Don Thomas de Yriarte , ou /riarte, né vers le milieu du dernier siècle, n'avait guère plus de vingt cinq ans quand il commença ce bel ouvrage. Ce grand poète, neveu de don Juan de Iriarte, savant élève de notre père Porée , eut une multitude de 554 ACADÉMIE DE ROUEN. petits ennemis. 1 fut poursuivi aussi par l'Inqui- sition de Madrid, en 1786, et déclaré , quoique innocent , légèrement suspect. On ne sait précisé- ment quand l'auteur de La Musique mourut. Il n'avait peut-être pas quarante ans quand il cessa d'exister , vers 1791. Dans un des bourgs principaux d’Arcadie (1), Pays heureux, cher à la mélodie , Près de l’Alphée et de Tripolitza , Vivait jadis la jeune Criséa, Bergère sage , instruite, et si jolie, Que les pasteurs galants de ces temps-là Ne l’appelaient que la Belle accomplie. En son canton, pour mesurer le temps De l'existence, on comptait par printemps. Ils y régnaient presque toute l'année , Toujours fleuris en leurs retours constants , Et Criséa, depuis qu'elle était née, En comptait neuf plus huit. en dix-sept ans. Une beauté qui veut qu'on la révère Doit se montrer réservée et sévère ; Et c'est aussi, vrai modèle en cela, Ce que faisait la jeune Criséa , Très attentive aux conseils de sa mère. CLASSE DES BELLES-LETTRES. Quoique un peu fière en son discret maintien, Cette beauté n'affectait jamais rien De dédaigneux, de moqueur ou de rude; La vertu vraie est si loin d’être prude ! La fleur des champs, d’un éclat tout nouveau, Chaque matin couronnait son chapeau. La plus modeste étant sa fleur chérie, La violette y brillait ; son troupeau Etait toujours pourvu d'herbe choisie. Jamais l'amour n'avait troublé ses sens ; Mais on était toujours bien venu d'elle, Quand, pour complaire à ses goûts innocents, On lui chantait quelque chanson nouvelle. Elle évitait ceux qui ne chantaient point, Ou chantaient faux . gens au gosier rustique ; Les bons chanteurs, c'était un autre point ; Elle parlait avec eux de musique , N'ayant sonci, pour charmer ses moments, Que de beaux airs, sans songer aux amants. Si son oreille était inaccessible Aux doux propos, aux soupirs des bergers, Amoureux d'elle en ces lieux bocagers, A l'harmonie elle était très sensible ; L'ouie , en elle, était à tout instant Seule attentive à l’art qu’elle aimait tant. Un Arcadien de la cité voisine, Des mieux appris, tout jeune et fait au tour, Ayant chassé dans les bois d’alentour, Par un heureux destin, sur l'herbe fine, De Criséa fit rencontre un beau jour. Dès qu'il la vit, il la trouva divine. 299 ACADÉMIE DE ROUEN. La voir, l'aimer du plus pur sentiment, De cet amour faire son bien suprême , En désirant d être chéri de même , Fut l'œuvre , en lui, de ce premier moment. Ne pouvant plus vivre loin du village Qu'embellissait l’objet de son amour, Le citadin change alors d'équipage Comme de nom, sans perdre même un jour. Le voilà donc qui renonce à la ville; Il est berger ; il a son domicile Près de l’enclos soigné , riant et frais , Où Criséa loge avec ses attraits. Quel était donc celui qui de la sorte Se transforma ? Fut-il comte, marquis, Ou gentilhomme un peu douteux? — Qu'importe Son rang, s'il fut un virtuose exquis ? Tu n'es connu que sous ton nom champêtre, Salicio ; mais, dans l’art musical, Combien de gens t’admiraient comme un maître ! Tout jeune encore, en ton pays natal, Comme amateur tu n'avais pas d’égal. Quand il joua du luth, de la cithare, Quand sur la harpe , avec un goût nouveau, Il déploya le talent le plus rare, Les villageois, joueurs de chalumeau , Crièrent tous : vive Salicio ! Et de ce cri nul d'eux ne fut avare. Salicio chantait aussi très bien. Les doux accents de sa voix étrangère CLASSE DES BELLES-LETTRES. Secrètement émurent la bergère ; Mais Criséa, composant son maintien , Affecta l'air de n’en éprouver rien ; Cette apparence était bien mensongère. Fameux bientôt parmi ces paysans, Charmés , ravis de sa douce science , Salicio, plein de soins complaisants , Leur enseigna les lois de la cadence. Comme il était unique en son savoir, Maintes beautés se plaisaient à l'entendre, Sans s’avouer le désir de le voir. Sa voix était si flexible et si tendre ! La plus charmante , à ses leçons du soir N'osant aller, restait en son manoir, Quelle que fût sa passion d'apprendre. Salicio, dans ce pays charmant, Fit réformer tout grossier instrument ; Par son exemple et ses leçons orales, Il corrigea les flûtes pastorales, Pipeaux , chélys (2), buccines , barbitons ; N'oubliant rien , tambourins ni cymbales. On ignorait les cornets à pistons, Et les serpents à clés et sans spirales. Il fit connaître. à ces joyeux coteaux , Longtemps soumis aux routines rurales, De nouveaux tons et des accents nouveaux. Les jeunes gens des voisines contrées Vinrent en foule aux champêtres soirées Que le doux maître, aux abords du hameau, Organisait sous le hêtre et l’ormeau. Pour ajouter au plaisir qui rassemble Tant de joueurs d'instruments si divers, ph) ACADÉMIE DE ROUEN. Il leur enseigne à former des concerts Harmonieux, unanimes d'ensemble. Salicio, de la tête et du cœur Dirigeait seul son orchestre vainqueur, Ainsi que fait un brillant capitaine Menant sa troupe à la gloire certaine. Le beau pasteur avait d’autres talents ; Dans ce pays si propice aux églogues, Il composait des stances, des prologues, En vers aisés, naturels et coulants, Qu'il mariait à des airs analogues. Dans le village et les hameaux voisins, On ne voyait jeux ni cérémonies, On n'’assistait à nuls publics festins , Sans le berger aux douces symphonies. S'agissait-il d'offrir aux immortels L'encens pieux qu'on doit à leurs autels, Salicio, ses élèves champètres, Tous réunis en ces jours solennels, Chantaient en chœur. accompagnant les prêtres. Salicio , dans le village, aux champs, Rêvait toujours des succès plus touchants. Pendant six mois Criséa, trop superbe , Du beau pasteur sembla priser les chants Presque aussi peu qu'un brin de paille ou d'herbe. De Criséa berger tant méconnu, Rassure-toi ; le moment est venu Où ce cœur fier a frémi d’être tendre. A ton nom seul elle baisse les yeux ; Son cœur encore à peine à se comprendre. Si de sa bouche, un jour, tu peux l'entendre , Qu'un mot d'amour te sera précieux ! CLASSE DES BELLES-LETTRES. 559 Combien de fois, vers l'heure où tout sommeille , A tes accents elle a prêté l'oreille, Quand , sous son orme enlacé de sarments , Tu célébrais cette austère merveille, Et le pouvoir de tant d’attraits charmants ! Combien de nuits, quand ta voix moins sonore , S’affaiblissant par degrés sous l'ormeau , Sans rencontrer dans la sienne un écho, Restait muette , elle écoutait encore ! Naguère, enfin, on entendait sa voix, Plus expansive et bien plus régulière, Chanter tes airs, à l’écart, près du bois Où tu la vis pour la première fois. En t’imitant, sa grâce est singulière ; L'amour du chant l'a soumise à tes lois. Et sur sa lyre elle est ton écolière. Le beau chanteur, pour tromper son ennui, Eût, comme on dit, fait tourner bien des têtes , S'il eût voulu faire d’autres conquêtes ; Mais Criséa régnait seule sur lui. Il attendit l'instant où cette belle, Sage toujours, lui serait moins cruelle. Accompagné de ses chiens haletants , Loin des regards et des bruits du village, Salicio, vers la fin du printemps, Goûtait le frais dans un sombre bocage. Fuyant aussi le soleil, Criséa Sur le gazon reposait près de là. Le tendre artiste en eut l'âme ravie, Et Criséa , cessant d'être endormie, Dut rendre grâce à ce double hasard, Dont chacun d'eux profita pour sa part. 60 ACADÉÈMIE DE ROUEN. Elle allait donc , au gré de son envie, Interroger Salicio sur l’art Qui fait le charme unique de sa vie. Unique? — \on; un autre sentiment Envahissait son cœur tout doucement. « Salicio, qui composez, dit-elle , « De si beaux airs, donnez-moi des leçons : « Expliquez-moi la puissance des sons, « Vous dont la voix est si pure et si belle ; « Révélez-moi, de grâce , les secrets « De ce pouvoir divin de l'harmonie ; « En vous le goût guide un heureux génie : « Parlez, parlez, ces lieux seront discrets. » = Discrets ? — Oh! non. Les nymphes du rivage , Abandonnant l'onde claire en son cours, Vont écouter, à travers le feuillage , Du beau berger le musical discours : « Beauté charmante , arbitre de ma vie, « Vous présumez trop bien de mon savoir : « Mais vous complaire étant ma seule envie, « J'essairai plus que je ne crois pouvoir. « N'exigez pas que je sois votre maître « Dans l’art des sons que vous rendez si doux ; « Votre humble ami, digne de vous peut-être , « Ne sait qu'aimer, et tremble à vos genoux. » Salicio, par ordre didactique (3), Sur tous les tons parla de la musique, De tous les tons n'’ignorant que celui Qui cause en nous le sommeil ou l'ennui. CLASSE DES BELLES-LETTRES. Des passions musical interprète, Il les peignit en artiste poète ; Tour à tour gai, sérieux, lent ou vif, Simple ou sublime , et toujours instructif, Recommandant surtout qu'on parle à l'âme, Quand de l'amour on veut peindre la flamme. Sur ce point-là, qu'il connaissait si bien, Salicio ne dut oublier rien. Plus d’une nymphe, à l'écho du bocage, De ce discours pendant longtemps parla; Le souvenir jamais ne s’en perdra ; Il est venu jusqu'à nous d’âge en âge. Comme un heureux reflet d’antiquité, Ce souvenir brille dans un poème Sur la Musique, œuvre d’Yriarté, Que l’on croirait l’œuvre d’Apollon même. Jamais discours , par Euterpe dicté, En Castillan ne fut mieux translaté. Salicio , prenant en main sa lyre , A Criséa fit entendre des sons Qu'elle ne put écouter sans délire , Tout en cachant pleurs, soupirs et frissons. Que ne m'est-il donné de reproduire De si beaux airs joués sous des buissons ? Le beau pasteur , qui faisait des chansons, Improvisa les quatrains qu'on va lire, Et les chanta; la chose va sans dire : — Je vous aime d’un sentiment (4) Dont l’ardeur m'était inconnue Jusqu'au premier et doux moment Où votre aspect charma ma vue. 36 561 ACADÉMIE DE ROUEN. L'amour sans égal que je sens Ne peut être que votre ouvrage ; S'il n’aveugle pas mon bon sens, Je vous en aime davantage. On dit qu'aux plus rares beautés Il faut pardonner des caprices ; Ayez pour moi quelques bontés ; Je ne craindrai pas vos malices. Vous possédez d'aussi beaux yeux Que celle qui mit Troie (5) en flamme ; Mais le ciel vous a donné mieux : Esprit, prudence et beauté d'âme En ce langage sans détour Si je parle autant de tendresse , Criséa, c’est que mon amour Est pur comme votre sagesse. Votre mère n'a plus d'époux Qui la protége et vous défende ; Elle n'a plus d'appui que vous ; J'ai vingt ans , et ma force est grande. On vante beaucoup les agneaux , Richesse de ma bergerie ; Je vous offre tous les plus beaux , Et la moitié de ma prairie, CLASSE DES BELLES-LETTRES. Je vous offre en entier mon cœur ; Mais voyez mon malheur étrange , Si, n’en étant plus possesseur , Je n’obtiens le vôtre en échange ! De votre bouche un aveu doux Charmerait mon tendre martyre ; Cet aveu , me le ferez-vous ? Vous n’auriez que trois mots à dire. Vous pourriez briller chez un roi Comme vous brillez sous le chaume ; Régnez au village, et sur moi, Qui vous aime plus qu’un royaume, — Ce chant naïf, nonobstant sa longueur, Plut doublement à la bergère émue. En lui disant trois mots pleins de douceur, Elle tendit la main au professeur Qui la charmait par l'oreille et la vue, Et qui , dès lors , fut maître de son cœur, Discrètement , en honnête vainqueur. Quand le soleil, sur la vallée ombreuse , Ne jeta plus qu'une clarté douteuse , Les deux amants, charmés d’un si beau jour , Durent enfin songer à leur retour . Salicio s’en revint au village, Où , plein d'espoir et de joie , il rentra, Le front paré d’un amoureux feuillage , Et par la main tenant sa Criséa (6). Le lendemain, Salicio bien vite À Criséa dut faire une visite, 063 56% ACADÉMIE DE ROUEN. Elle fut courte ; en de si doux moments Le temps paraît toujours bref aux amants. La jeune fille était près de sa mère, Quand sous leur toit le pasteur fut admis. S'il fut reçu par l’une comme un fils, Il fut , par l’autre , accueilli mieux qu'un frère. Le professeur de musique et d'amour , A Criséa plus cher de jour en jour , Obtint enfin qu'un champêtre hyménée Rendit leur vie à jamais fortunée. En Arcadie on voit leur tombeÿencor; On lit dessus , en style simple , antique : « Ces deux époux furent toujours d'accord « En leur ménage aussi bien qu'en musique. » Depuis Paris jusqu’à Tripolitza , Bien peu d'époux ressemblent à ceux-là. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 565 NOTES. (1) Voici les vingt-neuf premiers vers du poème espagnol, canto segundo : « En la mas deliciosa Y mas poblada aldéa De la feliz Arcadia residia La zagala Criséa, Que asi como de hermosa Se Hevaba entre mil la primacia , Tambhien por desdenosa Gand justa opinion y nombradia. Con tal delicadeza De oïdo la criù naturaleza, Y alma la diô tan docil, é inclinada A sentir de la muüsica el encanto, Que en toda aquella rüstica morada Sôlo algunos pastores, Diestros en el tanido y en el canto, Osaban aspirar à sus favores. Pero quiso el destino Que à la gentil Serrana Viese un mancebo principal, vecino De una cindad cercana, Dotado de viveza y gallardia, Y müsico extremado, à quien un dia La aficion à la caza Por entre aquellas selvas conducia. Apénas de la ninfa se apasiona, En trage pastoril ya se disfraza ; Ya sôlo aspira à merecer su agrado ; Ya la patria abandona; Dexa su nombre; toma el deiSaticie. ; 566 ACADEMIE DE ROUEN. (2) <\Pipeaux. CHÉIVE -n La Chélys (on prononce Æéliz) était une espèce de lyre plus petite que le, barbiton, instrument à cordes dont il serait difficile de bien indiquer la forme aujourd'hui. (3) « Salicio, par ordre didactique, ... » Les douze vers de cet alinéa ne sont que le résumé indirect et décoloré du beau discours adressé, sous forme de leçon, en 400 vers, owenviron, par Salicio à Criséa, dans le chant Il du poème d’/riarte, nom qu’on prononce Iriarté, en espagnol. Pour bien traduire ou imiter en français ce discours sur l’expression musicale, il faudrait être poète, amoureux et musicien, comme l’auteur original l'était de 1775 à 1779. (4) Yriarte est innocent de ces dix quatrains. Il dit seulement que Salicio composait des chansons , paroles et musique. (5) « Que celle qui mit Troie en flamme. . » On fait remonter cette chanson à cinq ou six cents ans seule- ment avant J.-C. (6) « Et par la main tenant sa Criséa. » Le second chant de a Musica se termine ainsi : « Se encaminan gozosos à la aldéa, « Salicio jantamente y su Cricéa. »* LA LINOTTE ET LE CHAT, FABLE » M. LE FILLEUL DES GUERROTS. De sa jolie et douce voix Certaine Linotte, naguères , Chantait aux habitants des bois L'hymne des amours printanières. Un Chat qui la guettait , en rampant se coula Au pied de l'arbre où perchait la chanteuse, Et galamment lui miaula Cette harangue flagorneuse : — Quels merveilleux accents ont réveillé l'écho ! L'harmonieuse Philomèle Dans nos climats déjà reparaît-elle ? Oui, c'est elle qui chante. Ah ! si de cet ormeau, Rossignol , tu daignais descendre , De plus près je pourrais l'entendre , Ce chant délicieux , pour moi toujours nouveau, Et je ne perdrais rien , rien d'un chant aussi beau. — 568 ACADÉMIE DE ROUEN. L'orateur , du regard caressant la Linotte , Croyait, par l'air benin que son coup d'æil-dénote Assurer le succès de son discours flatteur ; Il le croyait si bien , le malin escogrifte , Que d'avance il tenait sa griffe, Prète à saisir l'oiseau , qui le tira d'erreur En ces termes : — Moi ! moi ! qu’à terre je descende ! Oh ! non, minet, pas ne veux m'y risquer. Pour tes pareils ma chair est si friande! En descendant , je me ferais croquer. Je sais que, sans bruit, en revanche, Tu pourrais jusqu'à moi, montant de branche en branche, M'ajuster de manière à ne pas me manquer, Car c'est le but où tend ta patte blanche ; Aussi vais-je m'enfuir loin de l'arbre natal Qu'un séjour prolongé me rendrait trop fatal. En attendant, du nom de Philomèle, Du nom de Rossignol , cesse de m'appeler ; Avec ces noms pompeux penses-tu m'enjôler ? Moi que tout simplement Linotte l’on appelle ? — Cela dit, elle part et vole à tire d'aile ; Elle vole vers d'autres cieux , Tandis que le matou , qui la suivait des yeux, Se demande à part soi comment la péronnelle A si lestement évité L'écueil où l’amour-propre , avec moins d’art flatté , Fait tomber tous les jours mainte forte cervelle, PROGRAMME DES PRIX PROPOSÉS POUR 1853, 1854 et 1855. L'Académie distribuera, dans ses Séances publiques annuelles des mois d'Août 1853, 185% et 1855, les prix spécifiés ci-après : POUR 1853. L'Académie décernera une médaille d’or de la valeur de 300 fr., au meilleur mémoire sur le sujet suivant : Eloge de LépecQ ve LA CLÔTURE, ef appréciation de ses Ouvrages. POUR 1854. L'Académie de Rouen, voulant honorer la mémoire de tous les hommes nés en Normandie, qui se sont rendus illustres dans les divers genres de sciences et de littérature, met au concours l'éloge d’Anrien Turnèse, l’un des plus savants philologues du xvi® siècle, éditeur et traducteur d'un grand nombre d'auteurs anciens, directeur de l'Imprimerie royale pour les livres grecs, sous Henri IF, et professeur de langue et de philosophie grecques au Col- lége de France; l'un des maitres du célèbre Henri-Estienne , et enfin, homme d'une érudition si vaste et si profonde, 570 ACADEMIE DE ROUEN. que Montaigne n’a pas craint de dire que, dans la profession des Lettres, c'estoit le plus grand homme qui feust il y a mille ans , et qu'il sçavoit plus et sçavoit mieulx ce qu'il sçavoit qu'homme qui feust de son siècle, ny loing au delà. En conséquence, l'Académie décernera une médaille d'or de la valeur de 300 fr. à l’auteur du meilleur mémoire , écrit en français ou en latin, sur la vie et les travaux d'Adrien Turnébe. PRIX GOSSIER ( HORS TOUR ). L'Académie, qui n'a pas cru devoir décerner le prix qu'elle avait annoncé pour 1852, a seulement accordé un encouragement de 300 fr. à l'ouvrage qui lui a paru le plus méritant ; en conséquence elle propose un nouveau prix de 500 fr. à l'auteur du meilleur mémoire sur le sujet suivant : Moreurs nyprauLiQues. — Donner la théorie mathé- matique de tous les systèmes de moteurs hydrauliques connus : roues à palettes et à aubes, roues de côté, en- dessus et en-dessous, turbines, etc. Discuter, au point de vue pratique , le genre de moteur le plus avantageux à employer dans chaque cas , en faisant varier le volume d’eau et la chute. Donner, pour chacun des systèmes reconnus préférables, des méthodes de construction simples et faciles à com- prendre , par les charpentiers de village , pour les moteurs en bois, et par les ouvriers mécaniciens, pour les moteurs en métal. Les concurrents devront appuyer leurs mémoires de dessins suffisamment nets et corrects pour en faciliter l'intelligence , et citer le plus grand nombre d'applications CLASSE DES BELLES-LETTRES. 571 pratiques qu'ils pourront, en faisant connaitre, dans chaque cas, les rendements effectifs constatés. L'Académie se réserve la faculté de diviser le prix, dans le cas où une partie seulement de la question aurait été complètement résolue. POUR 1855. PRIX GOSSIER. L'Académie décernera un prix de 800 fr. à l’auteur du meilleur mémoire sur le sujet indiqué ci-après : Essar PHILOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE SUR LE DIALECTE NORMAND AU MOYEN—AGE ; exposer ses formes principales et ses varia- tions ; son rôle dans la constitution définitive des langues anglaise et française ; rechercher, dans les pateis actuels des diverses parties de la Normandie, ce qui subsiste de cette ancienne langue , en dehors de l'anglais et du fran- çais modernes. Encouragements aux Beaux-Arés. L'Académie décernera des médailles d'encouragement aux artistes nés ou domiciliés dans un des cinq départements de l’ancienne Normandie , qui, pendant les trois dernières années, c’est-à-dire depuis le mois d’Août 1852, se seront le plus distingués dans les Beaux-Arts, à savoir : /a peinture, la sculpture, l'architecture, la gravure, la lithographie et la composition musicale. 222 D EDr— Observations communes à tous les Concours. Tous les Mémoires devront ètre manuseérits et inédits. Chaque ouvrage portera en tête une devise qui sera 572 ACADÉMIE DE ROUEN. répétée sur un billet cacheté. contenant le nom et le domi- cile de l'auteur. Dans le cas où le prix serait remporté, l'ouverture du billet sera faite par M. le Président, en séance particulière, et l'un de MM. les secrétaires donnera avis au lauréat de son succès, assez tôt pour qu'il lui soit pos- sible de venir en recevoir le prix à la séance publique. Les académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les mémoires devront être adressés francs de port, pour chaque concours, avant le 1% juin 1853, 1854 ou 1855, TERME DE RIGUEUR , soit à M. J. Girardin, soit à M. 4. Pottier, secrétaires de l'Académie. Extrait de l'Art. 66 du Règlement du mois d'Août 1848. « Dans tous les cas, les Ouvrages envoyés au concours appartiennent à l'Académie, sauf la faculté laissée aux auteurs d'en faire prendre des copies à leurs frais. » FÉFFRISESSEEIFFRFENTESSEIIFEIFFIFEEIE TABLE DES OUVRAGES Reçus pendant l’année académique 1851-1852, et classés par ordre alphabétique , soit du nom de l'auteur ou du titre des ouvrages anonymes ; Soit du nom de la ville où sont publiés les ouvrages périodiques et ceux des Sociétés savantes. Dressée conformément à l’art. 63 des nouveaux statuts. Académie nationale agricole, manufacturière et commer- ciale , et Société française de Statistique universelle. Jour- nal mensuel des travaux. — Août à décembre 1851. — Janvier à mai 1852. Académie nationale des Sciences. — Mémoires , 4° serie, Las CONPELN 1E Aïx. Académie. Bulletin des travaux , 1851. Amiens. Académie. Mémoires, 1850-51, 4° semestre. — Inauguration de la statue de Gresset , le 2x juillet 1851, — 2° sem. 1851-52. Memoires anciens 1848. 4g-50. Amiens. Société des antiquaires de Picardie, — Coutumes locales du Buiiliage d’ Amiens, rédigées en 1507, etc. 185r. — À M. le Président de... Memoire au nom des Sociétés savantes de la France départementale , 1851. — Bulletin n° Li as 3 Angers, Soc. d’agric., sciences et arts. Mémoires, 1% vol., 1 et 2e livr. 1850. - — 2° vol, are livr. 1851. Angers. Soc. industrielle. Bulletin, 2° année de la 2° serte. 1851. Association normande. Annuaire 1852. Auvergne , F”. Clermont-Ferrand. 574 TABLE . Bachelet. Etudes de littérature et d'histoire. 1. Histoire des origines du Gouvernement représentatif. 2. Histoire de Marie Stuart. 3. Fénimore Cooper. — Discours prononce à la distribution solennelle des prix. au Lycée de Rouen , le 7 août 1850. Bayeux. Société d'agriculture. Mémoires , t. 4. Beaurepaire (de). Notice biographique sur Marc-Isambard Brunel. 1851. Beauvais. Athéneée du Beauvaisis. Bulletin , x sem. 1851. Béziers. Société archéologique. Séance publique du 29 mai 1851. — Idem du 20 mai 1852. Bibliographie der Schweizer -geschichte. Ein Versuch von D° G.R. Ludwig von Sinner.—Bibliographie de l'Histoire de lu Suisse ou Catalogue raisonné des ouvrages publiés de 1786 à 1851 sur l'Histoire de la Suisse, depuis ses com- mencements jusqu’en 1708. Boileau de Castelnau. De l’épilepsie dans ses rapports avec l’auliénation mentale. Bouchardat. Votice nécrologique sur F.-F. Mérat , 1857. Bouillet (Louis). Melœnis , conte romain , en vers , 1851. Boullay. Rapport sur la session du Congrès des Sociétés su- vantes des départements , 1851. Bordeaux. Académie, Recueil des actes, 2°, 3° et 4° trim. 1851.— Programme. Séance publique du 30 décembre 1857. Bordeaux (Raymond ). Principes d'archéologie pratique ap- pliqués à l'entretien , la décoration et l’ameublement ar- tistique des églises. (Caen, 1852. Boulogne-sur-Mer. Ssance semestrielle du 8 novembre 1851. — Id. du 20 mars 1852. Bouteiller fils. Corps étrunger des voies aériennes. Trachéoto- mie , guérison , 1851. Brizi (Oreste ). Sulla composizione dell'esercito pontificio , lettera al professore Gio-Batta Crollalanza da Fermo. 1851. Brunel. , Beaurepaire, DES PUBLICATIONS. 575 Burel. Photomètre parasynoptique. 30 Janvier 1852. (Ma- nuscrit. ) Caen. Soc. des antiquaires de Normandie. 18° vol. Mémo- riaux de la Chambre des Comptes de Rouen, etc. Caen. Soc. vétérinaire du Calvados et de la Manche. Me- moires ; 1849-50, Caffe (D”). Ropport à lu Suciété médicale du premier arron - dissement de Paris , etc. Canel (A). Armorial de la Province , des villes , etc., de Nor - mandie , 1849. Castel (A). Rapport sur l'Exposition universelle de Londres, 1851. Catalogue d’une julie collection ‘de hvres anciens et modernes de la Bibliothèque de MR... (Richard). F. Francois. Chälons-sur-Marne, Soc. d'agriculture du département de la Marne. Séance publique , 1851. Chesnon. Specimen d'un Catalogue de lépidoptères ou pa- pillons de la Normandie. Cherbourg. Société nationale Académique. Mémoires , 1852. Choléra-morbus. F, Millet, Clermont-Ferrand. W, Lecoq. — £atalogue des ouvrages imprimées et manuscrits concernant L ‘Auvergne, etc., 1049. Conseil général de la Seine-Inférieure. Session de 1851. Procès-verbaux. V. Département. Deboos. Liste des plantes desséchées pour herbier | adressées à l’Académie des Sciences de Rouen, 1851. (Manuscrit). Decorde (l'abbé JE.) Histoire et archéologie locales. — Essai historique et archéologique sur le canton de Neuf- châtel, 1848. — Blangy , 1850. — Londinières, 1851. De la Quérière. Histoire du prieuré du Mont-aux-Malades-lès- Rouen, par M. l'abbé Langlois { Compte-rendu de cet 576 TABLE ouvrage). — Recherches historiques sur les Enseignes des maisons particulières ; suivies de quelques inscriptions mu- rales prises cn divers lieux , 1852. Département de la Seine -Inférieure, Compte départemental de l'exercice 1849. — Conseil général du département. Session ordinaire de 1851. Procès-verbaux. Deville. Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon , publiés d’après les registres des trésoriers du cardinal d Amboise. In- 4°, avec atlas grand-aigle,— Paris, Imprimerie nationale, 1850. Draguignan. Soc. d'agr. du Var. Bulletin agricole , cinquième série , t. II, octobre , novembre, décembre 1851. Du Breuil. Des moyens de combattre le blanc de la vigne (oidium tuckeri } F. Le Roy-Mabile. Dulary. Hygiène populaire — Simples moyens de ménager et de fortifier la santé. Rouen 1852. Duranville (de) Nouveaux documents sur la ville de Neuf- chätel-en-Bray , 1852. Ebrard. Des ennemis des sangsues médicinales ; des moyens de soustraire ces unnélides à leurs atteintes , 1851. Foix. Soc. d'agriculture de lAriége. Annales agricoles , littéraires et industrielles , t. X, mai à octobre 1851. Fortin. Rapport lu au bureau de bienfaisance d'Evreux , le 20 août 1851. Francœur. PV. Jomard. François. Catalogue d'une jolie collection de livres anciens et modernes de la Bibliothèque de M. R.... ( Richard.) Gigus (Léon). Quelques réflexions sur le diagnostic des fractures de la base du crâne , etc. (Manuscrit. ) Gobley. Recherches chimiques sur les œufs de carpe, 1850. — Sur le principe odorant des feuilles de faham, 1850. DES PUBLICATIONS. 577 — Recherches chimiques sur la laitance de carpe, 1850. — Recherches chimiques sur les matières grasses du sang veineux de l'homme , 1852. Gomart. Le Château de Ham, 1852. Guiard. Thédtre complet de Sophocle , suivi des fragments de ses drames perdus. Traduction nouvelle en vers fronçais. Par f, S, 1 852 e Ham. /” Gomart. Haussez { Le baron d’). Nouvelles Etudes morales et politi- ques ; 1851. Havre. Soc. havraise d’études diverses. Recueil des publi- cations des 15°, 36° et 17° années. — 1847 à 1850. Henry (Ossv). Note sur un moyen de puiser et d’embouteiller les eaux minérales naturelles pour les expédier au loin in- tactes. — Eau minérale naturelle ferrugineuse d’ Auteuil , près Paris, 1821. — Eaux minérales ferrugineuses | ferro- crénatées) de Saint-Denis, près Blois ( Loir-et-Cher), 1851. — Nouvelles expériences sur les eaux minérales ferro-man- ganesiennes de Cransac ( sources hautes el basses). Hippeau. Le Bestiaire divin de Guillaume , clerc de Norman- die , trouvère au 13° s'ècle, etc, 1852. Industrie (L'). Journul des grands intérêts du pays, n°2 à 8 , 1852. Institut des Provinces. l”. Morière. Institut historique. L’Investigateur , 2 10° , 211° Lv., mai, Juin 1852. Institut national de France. Prix de vertu fondés par M. de Montyon. Séance publique du 28 août 1851. Jobard. Bulletin du Musée de l’industrie. Bruxelles. Juillet à décembre 1851 , janvier à juin 1852 Jomard. Discours sur la vie et les travaux de Louis-Benja- min Francœur , 1857. 578 TABLE Journal des Savants. Août à décembre 1851, janvier à Juillet 1852. Laon. (Aisne). Société académique. Bulletin ,t. 1% , 1852. Le Cadre. Colique épidémique au Havre , en 1817 et 1818. (Manuscrit, ) Lecoq. Annales de l'Auvergne. Mars à décembre 1851. Légal. Observation d'un cas de morve aiguë chez l'homme. (Manuscrit , imprimé p. 186.) Le Roy-Mabile. La muludie de la pomme de terre comparée à celle de la betterave , du ver à soie, du poirier et de la vigne , 1852. V. Du Breuil. Lettre du d' G.-D.-J. Schotel à M° J de Wal, sur les ar- chives du Royaume à La Haye , 1851. Linnée (Lettres de). Lyon. Revue du Lyonnais , t. I et IL , 1851. Maltière { Le chevalier dela). Mémoire contenant la démon- stration d'une nouvelle théorie pour construire une lanterne magique universelle. ( Mémoire mwawuscrit de cet ancien membre de l’Académie, communiqué par M. de Duran- ville. ) Mancel., Extrait d2s seécnces de la Société d'agriculture et de commerce de Caen, 1851. Mans (Le ). Soc. d'agriculture de la Sarthe. Bulletin, 1°, 2* et 3° trimestre, 1851. Marchand ( Eugène ). Ds eaux potables en général, consi- dérées dans leur constitution physique et chimique ; en par- ticulier des eaux employées dans les arrondissements du Havre et d'Yvetot. (Manuscrit in-f° de 134 pages, avec cartes et tableaux. Marolles (de). Les greniers d'ubondance appropriés à notre époque, 1850. Mende, Société d'agriculture , etc., de la Lozère. Bulletins DES PUBLICATIONS. 579 n® 17 429, 1851. — Tubles générales des Mémoires , 1827 à 1849. Mérat. F, Bouchardat. Meurein. De l'influence fächeuse des remèdes secrets et des remèdes spécieux , etc., 1852. Metz. Académie nationale, Mémoires, 1850-57. Millet (Auguste). Du choléra-morbus épidémique , 1851. Ministère de la justice. Compte général de l'administration de la justice criminelle , civile et commerciale, en 1849. 1851. Montémont (Albert.) Le Palais de cristal, Ode, 185. Moreau (César). Etat du commerce de la Grande-Bretagne avec loules les parties du monde, aperçus divers depuis 1697 jusqu'à 1822 inclus. — Ltut de l’industrie et du commerce d'exportation de la Grande-Bretagne, de 1698 à 1824 inclus. — Archives de la Compagnie des Indes- Orientales , présentant, d’après des documents officiels , l’é‘at passé el présent des possessions anglaises dans les Indes , depuis l'établissement de la Compagnie , er 1600 , Jusqu'en Juillet 1825. — Archives chronologiques des finan- ces de lu Grande-Bretagne, établies d'après des documents officiels , depuis l'année 55 Jusqu'à 1827 inclusivement. Morière. Essui sur la poterie de Noron. Caen, 1847. — Industrie potière dans le département du Calvados , 1848. — Notes sur quelques phénomènes géologiques et minéra- logiques observés dans le Calvados , 18 +9. — fnconvénients des anciennes mesures ; avantages du système métrique ; déterminalion de la base de ce système, 1848. — Rapport. (Institut des Provinces. ) Machines, carrosserie , peinture sur verre el arts céramiques , marbrerie. — 1850. Mouchon (Emile). Distonnaire de Cromatologie végétale exolique , etc. 1847-48. — licvue rapide du traité des saccharoles liquides, 185. Moulins, Société d’'Emulation du département de l'Allier, Bulletin Juillet et décembre 1851. 580 TABLE Munaret. Supplique au Président de la République en faveur de la création d'une maïson el d'une caisse de retraite pour les médecins vieux el infirmes. " Munich. Académie royale. Mémoires de la Classe mathéma- tique el physique ,t. VI, 1®liv 1851. — Les Germuins et les Romaïns dans leurs vicissitudes réciproques avant la chute de l Empire d'Occident, par le docteur W'itmaun , 1851. — Tableau de la nature dans l’Abyssinie méridio- nale, par T.-R. Roth, 1851. — l'ulletin de l'Académie , 1851.— Mémoires de la classe historique, t. VI, 2° livr. 18)1. — Mémoires de la classe de philosophie et de phi- lologie, t. VE, 2° liv. (Tous ces ouvrages sont en allemand.) Nantes. Société académique. Annules, 1851. Natale ( Giuseppe de ). Descrizione zvologrea d'una nuova specie di plojaria e di alcuni crostarei del porto di Mess'na, etc. 1850, — Su pochi crostacei del porto di Messina , 1850. Nicot. F7. Nimes. Nimes. Académie du Gard. Compte-rendu , 1851. — Mé- moires , 1891. Niort. Soc de statistique. 1", 2°, 3° Zvr. 1850, 51 , 52. Noiret. Systeme de transmission mécanique (Manuscrit, avec deux modèles.) Otreppe de Bouvette. Causeries d'un antiquaire, etc. Liege, 1852. Paris. . Académie. Institut. Journal des Savants. Société. Passy (Louis). Une Satire inédite de Boileau , 85°. Periaux ( Nicétas ). De la législation concernant la récolte du oarech, 181. Péron. Sur des pêcheries françaises et sur l'élève ct la mul- PHiplication du porssor:. 1852 DES PUBLICATIONS. 581 Perpignan. Société agricole , scientifique et littéraire ües Pyré- nées-Oricntales, 8° vol. 1851. Pierre (Isidore). Recherches sur la thermométrie, et, en par- liculier, sur la comparaison du thermomètre à air avec un grand nombre de thermomètres à liqueurs. — Sur les pro- prielés physiques des liquides ; et, en particulier, sur leur di- latation. — Sur les dilatations. — Etudes sur les engrais de mer des côtes de la Basse-Normandie , 1852. Pigeory (Félix). Ÿ. Revue des Beaux-Arts. Poisson. F. Péron. Poitiers. Société des Antiquaires de l'Ouest. Bulletin, et 4° trimestres , 1851; 1% frim. 1652. Poitiers. Société académique. Bulletin 13 à 22, 1851. Pommes de terre. F. Du Breuil et Leroy-Mabile, Poussin, Médaille de bronze , 15 juillet 1851. Puy (Le). Société d'agriculture. Annales , t. XV, 1° et 2° sem. 1850 Rheims. Académie. Travaux, 2°, 3° et 49 trim. 1851; 1er rm. 18b°. Revue des Beaux-Arts. Livr. 16 à 23, 1851. — 1° janvier 1852. — Lu basilique de Sainte-Geneviève rendue au culte. Richard. #”. Francois. Rigollot. Essai sur le Giorgion. Amiens, 1852. Rouen. Société centrale d’horticulture. Bulletin, t. IV, 2°, 3° et 4° cahiers, 1851 ; —t. II de la Pomologie , 1852. Rouen. Chambre de commerce. S/atistique du commerce maritime et des exportations de tissus de coton et de laine du port de Rouen, pendant les années 1849 et 1850. Rouen. Société centrale d'agriculture, 120 à 124° cahiers. Rouen, Cercle pratique d’horticulture et de botanique. Bulletin 5° & 9°, 18515 — ve à 4°, 1852. Rouen. Société des Pharmaciens. Bulletin des travaux, 1851. p82 TABLE Rouen. Soc. libre du commerce et de l’industrie, Memoire sur l'exposition universelle de Londres , et Considérations sur le libre-échange. Saint-Lô. Annuaire du département de la Manche. V. Travers. Saint-Quentin. Annales agricoles , scientifiques et industrielles du département de l’ Aisne, t. VIE, juin , Juillet , août, 1850. Schotel. F”, Lettre. Sinner ( Louis de ), Bibliographie de l’histoire de la Suisse , ou Cutalugue raisonné des ouvrages publiés de 1786 à 1851, sur l'histoire de la Suisse, depuis ses commentements Jusqu'en 1798. (Cet ouvrage est en allemand), Bern- Zurich. 1851. J”. Bibliographie. Société de la Morale chrétienne. 1. Bienfuisance publique. — 2. Enseignement primaire. — 3. Réformes pénitentiaires — 4. Duel. — 5. Peine de mort. — 6. Correspondance. — Chute de Séjan. — Académie française. — Hôpitaux. — Rouen. Société de l'Histoire de France. Bulletins n°° 6 à 11, 1851 ; n®3 à 6, 1852. Societe de secours mutuels et de retraite de Saint-Jean de Bolbec , 1851. Société de géographie. Bulletins n° 3 à 13, 1854. Société nationale des Antiquaires de France. Annuaire, 185. Société philotechnique. Annuaire. Travaux de 1851. Soissons. Société historique. Rapport présenté à M. le Mi- nistre de l'Intérieur au nom des Sociétés savantes de Lx France départementale. — Demande de la creution d'un Musée monumental d'architecture du moyen-äge , 1852. Suisse. F”, Sinner. Toulouse. Académie des jeux floraux, Recueil, 1852. Toulouse Académie des Sciences , ete, Annuaire pour 183>. DES PUBLICATIONS. 583 Tours. Societé d'agriculture. Annales ,t XXX, n°% 1 et 2, janvier à décembre 1850 ; t. XXXH 1° et 2 tr. 1851. Travers. Annuaire du département de la Manche, 23° année, 1851. Troyes. Soc. d'agriculture , Sciences , Arts et Belles-Lettres de l'Aube. Mémoires n® 15à18, 1851. Tudot, Album de paysages à la plume, lüthographiés. Van Duyse (Prudent) Neuve Kinderdichtjes, 1849. — De Koningin des Belgen twee gedichten ingezonden ten brus- selschen prijskampe , 1851. — Tableau de l'époque des troubles religieux à Gand, du 18 août 1565 au 7 mai 1567. — Piæ memoriæ Triestit $. Pièce de vers latins, 1851. Versailles. Société d'agriculture et des arts. Mémoires, 51° année , 1851. Vervoitte. Quatre morceaux de musique manuscrits : Gloria, Sanctus, Benedictus, et /'Offertoire de la Messe , à quatre Voix. Vingtrinier ( Le d'). Réflexions sur les secours mutuels, et particulièrement sur le règlement de l’Alliance , fondée à Rouen le 1°* janvier 1850, etr. Vingtrinier (Aimé). Histoire des journaux de Lyon, de- puis leur origine jusqu'à nos jours. — Première partie, de 1677 à 1814. 1852. CHANGEMENTS SUR VENUS DANS LE TABLEAU DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN PENDANT L'ANNÉE 15:2. OFFICIERS EN EXERCICE. - M. BouTAN, Président. M. Lévesque K, Vice-Président. M. J. Girarnin XK, S'ecrélaire pour la Classe des Sciences. M. A. PorrierR X, Secrétaire pour la Classe des Belles-Lettres el des Arts. M. Hecus K, Trésorier. M. Baruin, Biliothécaïre-Archiviste. Nora Eu conformité de l'article 70 des statuts règlementaires du 30 août 1848, la liste complète ne devant plus être imprimée que de cinq en ciuq ans, on se borne à indiquer jci les changements à faire aux listes de 18 7-48, 49, 0, 51 et 52, ADDITIONS. XÉSIDANTS TITULAIRES, MM. 1852. CLERY, ingénieur des mines, à Rouen. Desmaresr, architecte du département. TABLEAU DES MEMBRES. 585 CORRESPONDANTS, MM. 1852. CAZiIN, secrétaire de la Société d'Agriculture, du Commerce et des Arts de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais. ) GogrEey, pharmacien, à Paris. Guircauwe, D.-M. à Dôle ( Jura.) LéçGar, D.-M. à Dieppe. Mrczer, D.-M. à Tours ( Indre-et-Loire.) MoriÈèREe, directeur des cours spéciaux au Lycée de Caen. Moucon, pharmacien, à Lyon. Prouvrez, D.-M. à Lille. DE LA QUÉRIÈRE, ancien résidant, à Mentheville, canton de Goderville. GRÉGOIRF, ancien résidant, à Paris CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 1852. QuéreLET, secrélaire de l’Académie royale de Bruxelles. Van Duyse, archiviste de la ville de Gand. SaLvozini (Pellegrino ), DM. à Venise. MEMBRES DÉCÉDES, MM. LÉZURIER DE LA MARTEL (le baron Louis-Géneviève) OK, ancien maire de Rouen et d'Hautot-sur-Seine, membre honoraire. Larisse (Alexandre - Gilbert-Clément), D.-M. à Paris, membre correspondant. Courpey, juge au Tribunal de Cherbourg. Lai (Pierre-André)O #, doyen du Conseil de Préfecture, à Caen Le Sauvace #, D.-M. à Cacn. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. Discours d'ouverture de la Séance publique du 6 août 1852 : Le Président dans l'embarras, par MN Le NOTE ARE UNE EEE E- page 1 CLASSE DES SCIENCES. Rapport sur les travaux de l’Académie, par M.J. Girardin , secrélaire de la classe des Sciences. . 11 SCIENCES MATHÉMATIQUES. Démonstration des lois de Képler, par M. Girault. 12 Dromographe planétaire, par M. Lévy père. . . ib. Mécanique industrielle. Communication de M. Noi- MO à ee - Le ete D ICO CE 13 SCIENCES PHYSIQUES. Météorologie, par M. 4. Lévy. . . . . . . . .” 14 Ouvrages de M. Quételet.nsr) + 1.01, Num ma 45 Physique appliquée. Concours sur l'électricité. . 15 Appareils calorifiques de M. Pimont. . . . . .. ib. Photométrie, par M. Boutan. . . . . HT 17 TABLE DES MATIERES. Chimie. — Ouvrage sur les eaux potables, par M. Marchand. — Analyse des œufs de poisson , par M. cobéy. Fait de toxicologie, par M. Morin. ; Analyse d'objets antiques , par M. J. Girardin. Fabrication de l'acide sulfurique, par M. Holker. HISTOIRE NATURELLE. Recherches de la houille à Sotteville. . Marbres du Calvados, par M. Morière . Ouvrages du même . Botanique. — Envoi de plantes par M. Deboos . . Création d'un Herbier départemental. . Nouvelle plante pour la Flore départementale... . Envoi de M. Chérot . Alternance des essences forestières HAE RO Traité des plantes médicinales indigènes, gar M. Cazin. Bromatologie végétale exo tine) Dur . MoicRoN, Loologie. — Empoisonnement par les huîtres, les moules, etc., par MM. Chevallier et Duchesne. Cas de tératologie, par M. Ferrier. SCIENCES MÉDICALES. Physiologie des sensations, par le Dr Guillaume. — Ouvrages du Dr Plouviez. . . . . . . . . .. Essai sur les anevrismes, par le D° Pellegrino Salvolini. Cholera-morbus épidemique, par le DOM crient sed: mo ie De la folie instantanée, par le Dr Boileau de CASE NA ES ERREUR Te Et te Cas de morve aiguë chez l’homme , par le D' Légal. Origine du goître et du crétinisme. . . . . . . .. Colique épidemique au Havre, par le D Lecadre . Concours d'hygiène. . . 18 20 21 ib. 22 su Q 587 58 TABLE DES MATIÈRES. ECONOMIE SOCIALE. Consonunalion de la viande et du poisson à liouen, par 1. Bergasse.. : . . SA PRESS io :e propriété des cours d'eau non navigables ni flot- tables, par A1. Pa) MSA RATE Ke EU STATISTIQUE. Opérations du Mont-de-Pièté de Rouen, par M. Ballin. : dent Mt ts HSE. Ouvrages de M. César Moreau... . +. ++ Statistique du commerce maritime du port de Rouen... Mas hace SALES le VOYAGES. Renseignements sur l'Australie, par M. Marc ATRGUALRZON UE 0. : he ee 2e Renseignements sur l’. ibussinie, par M. Roth. NÉCROLOGIE. Mort'de We Lafsse. mme tenie CONCOURS. Rapport fait, au nom d'une Commission, par M. Lévy, sur les trois ouvrages manuscrits SOU- mis à l’Académie, pour le concours du prit Gossier, relatif à l'emploi de l’électr icité comme force motrieb. À 2 MIS PNR CIRERSENR RES SR Prix de 30,000 fr. offert par l'Etat... .. Lauréat : M. Rivière . . . . ... . . +. +. Concours pour la composition d'un Manuel d'hy- giène populaire. — Rapport de M. Ielot. + : Lauréats : MM. Ebrard, Leclerc, PDuclos et Bouteille le. es: à 2 UT, 40 41 42 43 45 45 A à Qt «1 64 65 #0 TABLE DES MATIÈRES. MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A ORDONNÉ L IMPRESSION DANS SES ACTES. 89 Démonstration des lois de Képler, par M. Girault 81 Note sur quelques observations météorologiques, DAT M AUDE. NME ri 02 Notice historique sur ï pholométrie, par M. 4. BoULGN) MEME SEMAINE RUN NE ee RS: 101 Examen d'unliquideprovenant d'un tube intestinal d’un cheval empoisonné par l'acide sulfurique, PARENT. MOTS NE ES EEE MEN EE 139 Analyses de plusieurs produits d'art d'une haute antiquité, —2e mémoire — par M.J. Girardin... 142 Bemarquable exemple d'intoxication par venin animal, ou cause de la mort du Dr Quesnel, de Rouen, par le Nr Vingtrinier. . . . . +. . .. 181 Observation d’un cas de morve aiguë chez l’homme, dir ol etats 20186 Recherches sur la consommation de la viande et du poisson à Rouen, depuis 1800, par M. 4lph. BERGASSE ECNNEN-O 2e ee se 197 SECTION Are. — NOTIONS PRÉLIMINAIRES. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 4. l'ixation du chiffre des animaux livrés à la consommation à 199 2. Détermination des mo nnnes 3 2035 5. Lotdu10mai 1845 SU nn 10: 4. liègles sur le rendement des animaux cafe 204 5. Distinction des périodes . . . . . . 207 6. Origine des animaux abaltus à Rouen. 208 7. Première période, 1800-1815. Infériorilé de l'alimentation de liouen. 209 8. Aoyennes des hospices de liouen . 211 9. Moyennes de l'Administration 213 590 10. 11. TABLE DES MATIÈRES. Discussion d'un passage du rapport de M. Lanjuinais, sur la production et la con- sommation de la viande . = Seconde période, 1814-1846. rs = Pagri culture. . Moyennes de l. réministritions Uniformité de ces moyennes . . : . eus Moyennes du D de ‘seine-Infé- rieure . . Comparaison de la Seine- fériuis avec vingt- cinq autres départements, aux trois époques de 1316, 1820 et 1835 . Détails sur les progrès de Saint- -Étienne . . Sources des approvisionnements de la Meurthe . Oscillations des moyennes de la Seine . . Détails sur la révolution qui s’est opérée dans l'alimentation des grandes villes du sud-est de la France . . . . res Moyennes, des dix tete qui contri buent à l'alimentation de Rouen. . Règles suivies pour l'application des HOpeHES officielles. . . . . . Troisième période, 1847- s51. outiuh 5e moyennes. Explication du fait. Détails sur Les sources de RP de Paris . . Jugement porté par lès toucher de Paris sur le mérite respectif des diverses races qui contribuent à l'alimentation de la Capitale. . Lutte qui s'est établie entre la Normandie, l'Anjou et le Poitou. . Du transport des bœufs par les Chemins de per . Fixation de la population de Rouen. . Circonstances qui ont dù influer sur la con- sommation . . Prix de la vente en détail | °9. Prix d'achat des animaux vivants. . . Droits d'ectroi . 226 227 229 233 TABLE DES MATIÈRES. 591 51. Droits d'abattoir . . . . Jens send 259 32. Valeur du cinquième ie Cuir et peau. ib. 33. Suif . nt LE cr SAN 20 289 MAG 34. petites : issues ou abats . . . Ca it M F1) 35. Sang du bœuf, du veau et du moi 0 ND 36. Issues et; Sang du porc. ao 1 57. Organisation de la boucherie. . . . . . . . 285 38. Prix du pain. RE re SE STE OISSON 2 ee te MN Ve e à sde eau 42 MACDE 40. Détails sur le saumon. "LUN, 26110987 41. Consommation du poisson salé . . . . . . . 289 SECTION 2€. — ÉTAT DE LA CONSOMMATION DE LA VIANDE À ROUEN DEPUIS 4800 JUSQU'A 1851. — ÉTUDE DES CIRCONSTANCES QUI ONT RALENTI OU ACCÉLÉKÉ SA MARCHE. . . . . . 290 RÉSUMÉ DES TABLEAUX PRÉCÉDENTS. . . . . . . . . 305 1. Observations sur la première époque. Augmen- tation desidroits d'OCITO MEN NE EM ONI50S D ODEUTICME EDOQUEN. le ee HOT 3. Troisième époque. (Changements a le tarif de 1332. fliéflexions sur ces changements. . 509 4. Quatrième et cinquième époques. . . . . . . 313 3. Sixième et septième époques. Héflexions . . . 516 6. Aecherches des causes de renchérissement de la viande. Tableau du prix d'achat des ani- maux vivants depuis 1800 . .: . . . . . . 18 Z'ableau des prix des bestiaux, du cuir, Hoi peaux , du suif, du sang cl des abats ou ÉSSUES. à. à s de RENOM Bla Mer USD SECTION 3°. — CONSÉQUENCES PRATIQUES DES FAITS EXPOSÉS. — AVIS AUX CONSOMMATEURS ET AUX PRODUCTEURS. 1. Nécessité d'une entière liberté pour le commerce de la viande. . . . . . . D PISTE 2. Détresse des éleveurs. Causes “. cité détresse. 338 592 TABLE DES MATIÈRES. 5. Dellatbasse viande 55070: 04.-0 00 SE 4. Elévation des droits d'octroi . . . . tb. 3. T'ableau des droits d'octroi sur la viande, Fe les principales villes de France. . . . . . . 344 6. Mesures à prendre par le Gouvernement. Réflexions sur l'introduction des bestiaux étrangers . . . sent 840 7. Dela fabrication des bougies sléariques PRMEMNGRES 8. Liberté à accorder aux transactions sur le PRE) M RP SR RE Tr: 2 9 CorRtaleauT eleveurs. |” - PNR SECTION 4°. — CONSOMMATION pu Poisson À ROUEN Depuis TUSOT'AMSS 1. 1.00 (UTAN RON AL DO TATE ve 560 1. Ziésumé de l'état de la consommation du poisson (LiROUeR ‘eh G Pare SE NE Eee" ce CONCLUSION PRET RENE PRE" OT Post-scriplumier. wma athmmi put Mattisce) CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. Rapport de M. Pottier, secrétaire de la classe des Lettres eLEArtS MESSE ME ESS, Fa PME 871 Philosophie. — Traité inédit de Nicolas Oresme. . 372 Archéologie. — Aecherches de M. l'abbé Cochet. . 575 Histoire. — Anciennes bibliothèques des Arche- véques el du Chapitre de Rouen. — Marie Stuart. — fioland. — Lange de la Maltière.. . . . . .. 574 Nécrologie. — M. Lézurier de la Martel. . . . . . 578 Poésie. — MM. Clogenson, Leroy, Deschamps... . 579 Musiquea M FentoA e à 380 Rapports faits par différents membres. . . . . .. 581 RECONNAISSANCE de l'Académie des Sciences, Belles- L etires et Arts de Rouen, comme Ætablissement 1800 TABLE DES MATIÈRES. Bapport sur le concours : De l'influence fâcheuse de la Camaraderie dans les Sciences, les Lettres et les Arts, et des moyens ne remédier, par M. Lévesque . < Rapport sur les encouragements) à décerner aux Beaux-arts, par M. Hellis. Noms des lauréats. Un petit Capital, conte en vers, Un M. Descharans. MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A ORDONNÉ L’IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. Notice nécrologique sur le baron Lézurier de la Martel, par M. Ballin. : Ouvrages de M. Lézurier de la Martel. Dissertation sur un Traité philosophique de Micutas Oresme, par M. l'abbé Picard. fra Mémoire sur les Bibliothèques des 4r chevéques. _ du Chapitre de Rouen, par M. l'abbé Langlois. Amour et Musique, poème, par M. Clogenson. . La Linotte et le Chat, fable, par M. Le Filieul des Guerrots . Programme des ne PACA pour 1835, 1834 et 1355. ë Table des Ouvrages: reçus pendant l'année acadé- mique 1851-1852 ; Changements survenus dans le Tableau 7 PAca- démie, pendant l’année 1852. s Table des matières COUPE dans le Prose volume et 4 7. bidon: + TEE Ldusgue alu at ès LE De MES sam agen LUS STE LATE L'ALE RRETTe T LL! D | äk Pa 3 es ssh to LA à in e 2 , RhaBAT Te AA AAARAA | rer Tr | | AR ANAAN AR hu RAA RAAR A RAR AAA A AREA AA É LAS Ar x 2. : NA = D) » > > 21>5 :5$ >: DE \ VV / W | AA VW JU ù Vuvv AC fe T'ON 1 CU At A? ÿ Ü UV y V : MAMA A (HE EAN OMAN D. AN NY ls TR M ut MAC : M PR | HN U ERA AMV 4 UE Ü ÿ\ vv ge Y je QU J ' VU VV 2 ù v F MA ME VUE TER UT % PAPAS AA ELA VER NS RATE ù Uy SUN A 7 W | | AD: me “ se AVE NV VA à Le # AR. VE MAN M MN UN | JUUS Vie | (V: AA or fe Â É : . V Ü De à es YYVYT EVE EE EU SOU VA /v, LAN y PIVA HE AMI VLRÉE j MA AVAVLAV CT VX US LU ET MAR: NEC 4 Nues LL TS re | Vs RÉVELS EVE SE: VU MA : Mes Lu PV TOME PE À EVE T'AS REA URS LMOY IR EMA LAS ” \y AMV M DEN VUS CU SC UMA MW, VAI t# \V2 "21 À Vÿ. ÿ CU y V VAE ma V VÉNUS NS v EN JE AE D EAU LME LT NE LL: AH 7 a, 7 LP AN A7 4