ÿ AAA ae à AA AARARASARRS ne AAA AAA AA AE RRARA AAA AN MAN | AAA A, aYe À! À AA AA A sa parie * RM PAPA AAA AAA Ann AAAAARA AA AA ES AAA SP An QE RAR ARRAAAI le ” EL an AnN 1 PnAnenAn rue ne AAA SA an s ARRET Aka RAP Run, AAA? CE ai 2 ARRANNA AAA = 1 ARRAAARA GER ARS lelmi,, AAA ARRÉARY À [al A AA a" RAT sun "AAA AnA PAR An PPAnTA = 4272 D à PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1857-1858. D. gb PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX L'ACADÉMIE IPÉRIALE -DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1857-1858. ROUEN, IMPRIMERIE DE ALFRED PÉRON, RUE DE LA VICOMTÉ, 55. 1858. +. 22 L'Académie des Sciences, Lettres et Arts de Rouen, instituée par lettres-patentes de 1744, confirmées en 1756, fut rétablie en 1804 et confirmée de nouveau à la Restauration. Elle fut, en outre, reconnue Ætablissement d'utilité publique , par décret du 12 avril 1852. (Voir le Précis de 1852, p. 283, et la délib. du 10 fév. 1854.) —û à 4 © — EXTRAIT des Statuts règlementaires du 30 août 1848. Article 39. — L'Académie déclare laisser à leurs auteurs toute la responsabilité des opinions et des propositions consignées dans les ouvrages lus à ses séances ou imprimés par son ordre. Cette disposition sera insérée , chaque année , dans le Précis de ses travaux. > <4- SÉANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, TENUE LE VENDREDI 6 AOÛT 1858, Dans la grande Salle de l'Hôtel-de-Ville. PRÉSIDENCE DE M, FRÉDÉRIC DESCHAMPS. Le Bureau, accompagné des invités qui s'étaient empressés de se rendre à son appel, fit son entrée à 7 heures dans la salle d'assemblée, déjà remplie d’une nombreuse assistance, composée , en grande partie, de dames élégantes qui se pressaient aux premiers rangs. Quoique les mémorables cérémonies de Cherbourg eus- sent momentanément privé la ville de Rouen de quelques- uns de ses hauts fonctionnaires, on remarquait sur l’estrade M. le premier Président de la Cour impériale, M. le Maire, M. l’Inspecteur de l’Académie universitaire , M. le Secré- taire général de la Préfecture, MM. les présidents des Sociétés savantes et plusieurs autres notabilités. M. le Président, ayant déclaré la séance ouverte, invita deux des plus nouveaux membres à introduire le récipien- 1 2 ACADÈEMIE DE ROUEN. daire, M. Amédée MEREAUX , qui oblüint aussitôt la parole pour prononcer son discours de réception , où il a savam- ment développé l'histoire de l’art musical, dont il a signalé l'importance avec autant de chaleur que d'habileté. Dans sa réponse , M. le Président, tout en partageant les opi- nions du récipiendaire , a pris à tâche de faire ressortir l'avantage de l'alliance de la musique , avec la poésie qui en rend les inspirations plus précises et plus saisissantes. Après chacun de ces discours, l’auditoire fit entendre , d'un commun accord , de longs témoignages d'approbation. On écouta ensuite avec intérêt le rapport sur le concours relatif aux moyens de prévenir les accidents dans les manu- factures, et, bien que le problème n'ait pas été entière- ment résolu, c'est au milieu d’une manifestation appro- bative que M. Duruir, filateur de lin à Dénestanville, arrondissement de Dieppe, reçut la médaille d'encourage- ment que l’Académie crut devoir lui décerner pour un mécanisme qui a atteint en partie le but désiré. Le rapport sur le concours pour le prix Bouctot à mal- heureusement démontré l’insuflisance des procédés indi- qués par l’auteur du seul Mémoire soumis à l’Académie , sur les moyens à employer pour reconnaître les déplorables sophistications qui se sont introduites dans le commerce des huiles. Le sujet est, en conséquence, retiré du concours. Après ces deux lectures sérieuses , le compte-rendu sur le concours pour le prix de poésie ramena la gaîté parmi l'auditoire , qui accueillit avec bienveillance la lecture du conte intitulé : Le Charlatan et les Héritiers ; aussi est-ce au bruit d’applaudissements unanimes que l’auteur, M. Paul VAVASSEUR, avocat rouennais , vint recevoir le prix qui lui avait été décerné. M. le Président proclama alors les noms des autres SÉANCE PUBLIQUE. 3 concurrents qui ont paru dignes d'obtenir les récompenses suivantes : M. J. LESGUILLON (1), littérateur de Paris, une médaille de vermeil pour le Conte de la Margrave ; M. Théodore MurEr, homme de lettres, une médaille d'argent pour Un amour idéal ; MM. Le Roy DE BONNEVILLE et DEPONNOIS, des men- tions très honorables, comme auteurs de deux contes ayant pour titres : l’un, La Sauce des harengs , l’autre, Les Deux Amis. Enfin, la séance se termina de la manière la plus agréable, par l'audition d’un Ave verum , motet inédit, de la composition de M. Charles Vervoitte, membre de l’Aca- démie , à l'interprétation duquel avait bien voulu prêter le charme de sa belle voix M. JoLLois, ténor-solo de l’église Sainte-Clotilde de Paris, avec accompagnement d’harmo- nium et de violoncelle. La satisfaction générale éclata alors de la manière la plus flatteuse pour l’auteur et les exécutants. (1) Déjà couronné par l’Académie en 1852 , dans le Concours sur l'influence fâcheuse de la camaraderie. “PS e—— L - La RRQ Ales tie “220 Last to PRE se na ea à CS POUTINE RIT ER NE MLr 71: LPO enr « = RULES L te 38 Ki vite ph Dre su trcta here # 15. 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SO 9 Œ— MESSIEURS, En paraissant pour la première fois au milieu de vous, je dois d’abord vous exprimer combien je suis sensible à l'honneur que vous m'avez fait de m’admettre au nombre de vos membres résidants. Mériter l’estime des esprits supérieurs est le plus noble but de l'artiste; obtenir cette estime est la plus douce récompense de ses travaux. Telle a toujours été mon unique ambition, et votre bienveillance n’a laissé échapper aucune occasion de la satisfaire. Deux fois de suite vous m'avez décerné le prix triennal que vous accordez depuis quelques années aux œuvres musicales , et aujourd'hui vous m'ouvrez les portes de l'Académie. Mes remerciments ne se borneront pas à quelques paroles prononcées du fond du cœur dans un discours d’apparat ; c’est dans la laborieuse intimité de vos séances particulières que je prétends vous prouver ma reconnaissance par mon dévoñment à la cause intellectuelle que vous servez si fidèlement, et en m'associant avec une foi sincère et active 6 ACADEMIE DE ROUEN. au culte aussi fervent qu'éclairé que vous professez pour les belles-lettres, les sciences et les beaux-arts. Je suis donc, grâce à vos honorables suffrages, sur Île seuil du temple, et je viens, suivant la tradition, réclamer de vous la permission d'user du droit que vous m'avez donné de le franchir. Lorsque je jette les yeux sur cette éminente assemblée de littérateurs, de savants et d'artistes, je cherche un point d'appui pour le musicien appelé à siéger parmi tant de dignes représentants des lettres, de la poésie, des sciences et des arts. À côté d’un artiste distingué , d’un confrère déjà depuis plusieurs années assis dans vos rangs, mais seul de sa spécialité aujourd’hui, je remarque une place vide, et j'y trouve un noble et artis- tique souvenir. Il me semble y voir encore une vénérable figure qui me sourit, un homme de cœur et de haute intelligence qui me tend la main : j'ai nommé M. Martin de Villers. Ce souvenir, Messieurs, je m'en empare, et ce sera mon patronage près de vous pour me présenter avec confiance au nom de la musique; ce serà mon inspi- ration pour vous parler de mon art, qui fut aussi le sien, et pour vous soumettre quelques aperçus sur sa nature , sur son influence sociale , sur son utilité, sur sa nationalité française, enfin sur les droits qu'il a bien réellement à vos sympathies et à votre protection. La vie de M. de Villers, que vous connaissez tous, offre le trop rare exemple de l’homme du monde dévoué avec passion , et jusqu'à la fin de sa carrière , au culte de la musique. Né dans une classe élevée de la société, comblé des faveurs de la fortune , appelé successivement à de hautes fonctions municipales et législatives, maire de sa commune, membre de la Chambre des Députés et du Conseil général de la Seine-Inférieure , M. de Villers à trouvé le temps de cultiver avec succès les lettres, et particulièrement l'art musical. Doué d'une fine et bonne SEANCE PUBLIQUE. 1 intelligence, qu'une complète éducation humanitaire avait fortifiée, il s'est livré à l'étude de la musique avec la supériorité que donnent l’érudition et la méthode, c'est-à- dire le savoir acquis et la science du travail. Aussi ne tarda-t-il pas à se distinguer comme compositeur. Ne craignant pas de s’élancer sur la trace des maîtres, il a écrit un grand-opéra et plusieurs œuvres estimées de musique de chambre. — M. de Villers à fait aussi de pro- fondes et judicieuses recherches sur la théorie, la littéra- ture et l’histoire de la musique. Il a laissé , sur ces divers sujets, un travail important qui devait former l’appendice littéraire de la publication de ses œuvres musicales. Il est à regretter que ce double et intéressant ouvrage n'ait pas été mis au jour : on peut préjuger très favorablement de sa valeur par celle de certaines autres productions connues, dans lesquelles le savant académicien a prouvé la solidité de ses connaissances et la lucidité de son jugement , en traitant ex professo des questions musicales qu'il à réso- lues au point de vue le plus élevé de la science et de la philosophie de l'art. En France, M. de Villers ne fut qu'un amateur hors ligne ; en Allemagne , il eùt été classé parmi les artistes distingués de son époque. C’est que, il faut bien l'avouer, dans notre pays, qui a produit et qui produit toujours de grands musiciens , l’art musical n’est pas traité avec toute l’importance qu’il mérite , à titre même d’une de nos gloires nationales. Il est fâächeux de le dire, mais pour beaucoup de Français, fort instruits d’ailleurs, la musique est lettre morte, ou plutôt c’est l’art de faire des chansons. Bien des hommes, mis en demeure d’être sincères, avoueraient qu'ils ne comprennent guère qu'on occupe ses loisirs à jouer d’un instrument, où bien à chanter, ou même à composer de Ja musique. A leurs veux, la musique est un art d'agrément, tout au plus fait pour les femmes, et à 8 ACADEMIE DE ROUEN. peu près renfermé dans le talent de chanter ou d'exécuter et le plaisir d'entendre une romance, une chanson , une valse, un quadrille, mais vraiment trop frivole pour la plus grave moitié du genre humain. La musique, à leur avis, ne saurait prendre un caractère sérieux que lors- qu'elle est à l'état de profession et qu'elle fait vivre hon- nêtement ceux qui l'enseignent. Cette appréciation n'a rien que de très moral, sans doute, mais elle n'est pas artistique assurément. C’est une manière de voir qui est encore assez répandue , sans être, Dieu merci, l'opinion générale. Ce qui, par exemple, est accrédité dans notre belle France jusqu'à la presque unanimité , c'est que l'art musical est tout entier dans la composition théâtrale : l'opéra comique et le grand-opéra sont les colonnes d'Hercule du monde musical. La musique religieuse , l'oratorio , la musique instrumentale , la symphonie, le quatuor et toute la musique de chambre, pour parler poliment, c'est de la musique savante ; mais, à vrai dire , c'est de la musique ennuveuse : Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. De là, condamnation sans appel. Quant aux combi- naisons du contrepoint et de la fugue, quant à la science musicale , en un mot, c'est un grimoire dont l'étude n'est bonne qu'à torturer l'esprit et à étioler l'imagination des jeunes gens qu'on fait pâlir sur ces subtilités pédantesques, sur ces soporifiques superfluités. Le récit peu rassurant que je viens de faire de l'état de l'opinion en France en matière musicale, peut vous paraître exagéré, et pourtant il est exact, croyez-le bien. Plus loin, je vous dirai ce que je pense de l'art lyrique, et vous verrez que je lui fais une belle part, celle qui convient, du reste, à la composition théâtrale, 1lustrée par nos SEANCE PUBLIQUE. 9 celébres maîtres français Rameau, Philidor, Monsigny, Dalayrac, Mehul, Berton, Boïeldieu, Auber, Halévy, Adam. Mais dans l'appréciation générale que je vous sou- mets de l’art musical, pour le placer au rang qu'il est digne d'occuper dans votre esprit et dans la pensée de tous ceux qui s'intéressent aux beaux-arts, je ne veux négliger aucune de ses branches, et je dois, au contraire, relever celles qui souffrent sous l'influence pernicieuse des faux jugements et des erreurs qu'ils préconisent. Pour preuve des fâcheux résultats de l'ignorance où l’on est encore en France, à certains égards, des véritables tendances de l'art musical, je vous citerai deux exemples fournis par deux actes académiques de même genre et de fraîche date. Un autre favori de la fortune , né riche comme M. de Villers, et, comme M. de Villers, artiste de naissance, George Onslow, fut un musicien de premier ordre, et jus- tement classé parmi nos illustrations musicales. Il y avait bien des années que ses quintettes et quatuors étaient considérés comme des ouvrages classiques , et jouissaient d'une popularité d'exécution presque égale à celle des œuvres d'Haydn, de Mozart et de Beethoven, lorsque leur savant auteur crut pouvoir se présenter à l’Institut avec des titres suflisants pour passer, sans conteste, de la candidature au fauteuil académique. Onslow avait trop compté sur les droits que semblaient lui donner à cet honneur les importants travaux de toute sa vie; et pour- tant, l'amour-propre ne l’aveuglait pas tant, en vérité, puisque ces travaux l'avaient élevé si haut, qu'il était tout près d’'Haydn. Mais linstitut ne fut pas tout d’abord de cet avis, et, d’après les errements d’un vieux préjugé qui avait envahi jusqu'au corps académique , Onslow ne fut pas élu. Or, écoutez le motif de cette rigueur : Onslow avait écrit de beaux quintettes, de beaux quatuors, de belles svmphonies, tout comme Haydn ; il avait même 10 ACADEMIE DE ROUEN. donné à l'Opéra-Comique l'Alcade de la Vèga , le Colpor- teur, le Duc de Guise, trois ouvrages en trois actes, d’une facture magistrale , sans autre retentissement , du reste , que des succès d'estime; mais il n'avait à citer aucun succès populaire sur la scène lyrique. Haydn, non plus, n'avait jamais réussi au théâtre. L'Institut aurait-il donc impitoyablement fermé ses portes au grand Haydn? Onslow se résigna, et, mieux encore, il ne se découragea pas. Quelques années plus tard , il devint membre de l'Institut de France. Berlioz, notre grand symphoniste , le poète, le peintre de l'instrumentation moderne, et, comme l’a désigné Paganini, le continuateur de Beethoven, Berlioz aussi vit, comme Onslow, deux fois échouer, pour la même raison , sa candidature à l'Institut. Enfin, son oratorio {a Naissance du Christ, véritable chef-d'œuvre , triompha de toutes les hésitations académiques. Depuis deux ans, il siége à l’Institut des Beaux-Arts. De ces deux exemples de l'inscience musicale ; que chez nous on rencontre trop souvent, mème dans les hautes régions de l'intelligence , un fait ressort, qui honore les deux membres de l’Institut, et qui vient à l'appui de mes précédentes assertions. Dans le domaine instrumental de la musique de chambre et de la symphonie, la France n'avait rien à opposer aux sublimes produits de l'Alle- magne. Ces deux gloires qui manquaient à la France, Onslow et Berlioz les lui avaient conquises. Certes, des juges mieux éclairés sur la valeur spéciale des différents genres de la composition musicale auraient admis Onslow el Berlioz par acclamation, sans faire une enquête sur les chances de leur carrière lvrique. Vous le voyez, Messieurs, il y a beaucoup à faire en France en faveur de la musique , ct pour assurer à cet art la plénitude de son pouvoir, de son influence et de ses SÉANCE PUBLIQUE. 11 droits. C’est là, sans doute, une des principales missions des Académies qui, ainsi que celle de Rouen, sont insti- tuées pour protéger et encourager également les belles- lettres, les sciences et les beaux-arts. Déjà, à l'égard de l’art musical, vous avez rempli une partie de votre mandat en fondant des prix pour la musique, et en réservant quel- ques places sur vos fauteuils pour les artistes musiciens ; mais , en suivant cette voie libérale, vous avez encore bien des services à rendre. C'est sur ce sujet , auquel ma présence au milieu de vous donne un certain mérite d’à- propos, singulièrement rehaussé par la mémoire de M. de Villers, c'est sur.ce sujet que je réclame votre atten- tion. M. de Villers, homme du monde, s’est fait artiste en réalité, bien que, par les motifs que j'ai assignés à ce déni de justice artistique , le mérite musical ait été chez lui dominé, sinon effacé, par le prestige d’une haute position sociale. Devant vous, Messieurs, M. de Villers est artiste : c’est comme tel que vous l'avez associé à vos travaux. C'est donc devant vous que je puis essayer har- diment de faire valoir les avantages qui résultent toujours, pour l’art musical, du concours actif des hommes du monde devenus artistes. — Ici, Messieurs, avec les développe- ments que je vais donner à une excursion historique dont la vie de M. de Villers a été le point de départ, mon horizon s'agrandit, et les ramifications de ma première pen- sée s'étendent. Ainsi, à propos des œuvres didactiques qui ont fait progresser l’art musical à travers toutes ses révo- lutions, et qui ne furent pas conçues par des artistes musiciens , au lieu de vous parler seulement des hommes du monde, je vous parlerai de tous les hommes qui, indé- pendants par leur fortune , ou destinés soit aux fonctions publiques, soit aux lettres, aux sciences, à la magistrature, à PEglise, n'ont pas suivi pratiquement la carrière de la 12 ACADEMIE DE ROUEN. profession musicale. Ces hommes, en effet, après avoir aimé l'étude et recherché les agréments de la musique, finissent souvent par se livrer sérieusement au culte de cet art, entraînés qu'ils sont par une vocation irrésistible. Ce sont là, bien évidemment , de vrais artistes, et, de plus, forts de leur éducation littéraire, ils apportent , dans leurs travaux d'art, les ressources d'une instruction solide et variée, la grande portée de vue d’un esprit orné, la hardiesse contenue d'une imagination cultivée. C'est ainsi qu'à toutes les époques nous les voyons à la tête des progrès de l’art musical, dont ils ne sont pas les chantres les plus inspirés, mais dont ils deviennent, du moins, les plus habiles théo- riciens, les plus persuasifs vulgarisateurs. Je n'insisterai pas sur les enseignements de ce genre que nous offre l'antiquité. Pour les anciens, la musique était tout autre chose que ce qu'elle est pour les modernes. Aristide Quintilien la définit : Ars decori in vocibus et moti- bus, l'art du beau dans les voix et dans les mouvements. Musique et gymnastique , telle était la base de l'éduca- tion chez les Grecs. La musique , au lieu de se renfermer exclusivement , comme chez les modernes, dans l’art des sons appliqués à la voix et aux instruments, s’étendait également à la perfection du langage , à l’ordre et à l'har- monie qui constituait, pour les Grecs, la beauté en toutes choses : c'était l’art de donner tout le charme possible à la parole par la pureté et la variété de l’intonation , et aussi par l'expression du geste. L'exécution très simple de cette musique , adaptée à la parole pour la régler, la modifier, la colorer, était le fait des musiciens de profession ; mais la science complexe de cette musique, intimement unie à la poésie et à l’'éloquence, à la danse, à la gymnastique , ne pouvait être que l’œuvre des hommes les plus lettrés de leur temps. Aussi, dans l'antiquité, les travaux qui ont fixé les lois de la musique SEANCE PUBLIQUE. 13 ont-ils été accomplis, non par les musiciens auxquels les connaissances nécessaires faisaient défaut, mais par les philosophes et les savants, qu'un instinct secret, un pen- chant impérieux attiraient vers cet art divin. Pytha- gore , Platon, Aristote, Aristoxène , Aristide Quintilien, Plutarque, ont laissé des traités plus ou moins développés, dans lesquels la théorie de la musique antique s’est peu à peu constituée et est parvenue jusqu'à nous. La musique, destinée d'abord uniquement à seconder les effets de la poésie et de l’éloquence , ne tarda pas à exercer son pouvoir fascinateur sur ses adeptes, qui cher- chèrent bientôt à s'affranchir de leur association forcée avec les poètes. Les musiciens ne voulurent plus que leur art fût réduit à partager les honneurs rendus à la poésie ; ils étudièrent les ressources naturelles et spéciales de la musique , ils obtinrent sur les instruments des effets qui n'appartenaient qu'à la mélodie pure, libre de tout contact étranger, et débarrassée de toute entrave. Ce fut là, sans doute , l’origine de la musique telle que nous la compre- nons. M. Fétis cite, d'après la traduction de Barthélemy Saint-Hilaire, un passage d’Aristote qui semble prouver cette origine de la musique libre et dégagée de la poésie, de la musique instrumentale enfin, dont les plus babiles virtuoses furent alors Andronicus et Timothée , qui faisaient éprouver de si vives émotions au grand Alexandre. On trouve aussi dans ce fragment quelques pensées du phi- losophe de Stagyre, qui sont complètement applicables à notre musique, et qui s'adressent parfaitement à tous ceux qui s’en font la fausse idée que je signalais tout-à- l’héure en la déplorant. « L'opinion commune, dit Aristote, ne voit d'utilité à la musique que comme un simple délassement; mais est- elle véritablement si secondaire, et ne peut-on lui assigner un plus noble objet que ce vulgaire emploi? Ne doit-on 14 ACADEMIE DE ROUEN. lui demander que le plaisir banal qu'elle excite naturelle- ment chez tous les hommes, charmant sans distinction tous les âges, tous les caractères? Ou bien ne doit-on pas rechercher aussi si elle n’exerce aucune influence sur les cœurs , sur les âmes? Il suflirait, pour en démontrer la puissance morale, de prouver qu'elle peut modilier les affections ; et certainement elle les modilie. » Cette puissance morale de la musique est surabondam- ment prouvée : la musique n'est-elle pas, par excellence, l’art moralisateur? Toutefois, ces essais d'émancipation de la musique eurent leurs mauvaises conséquences, et l’art fut plus d’une fois en péril, lorsque, comme le dit Plutarque, l’owie, ne se contentant plus de la raison, eut corrompu la musique. Ce sont encore les hommes du monde et les amateurs, ou plutôt, pour ne pas commettre ici un anachronisme de langage , ce sont les philosophes, les savants , les magis- trats, qui luttèrent contre ce qu'ils regardaient comme une dépravation de la musique. Seulement, ils luttèrent sans aucune prévision de l'avenir que pouvait avoir la musique instrumentale , qu’il leur était impossible de com- prendre, ignorants qu'ils étaient de l'harmonie, c’est-à- dire de la science des accords ou des sons simultanés. Ainsi l'antiquité nous offre-t-elle, en cette circonstance, un éclatant exemple de l'abus des principes conservateurs quand même : dans une aveugle indignation, on réprima alors toute infraction aux lois de la musique. Ce fut. sur- tout aux innovations, et c'était peut-être au progrès, qu'on fit une guerre acharnée. Les musiciens Terpandre , Phrynis et Timothée furent sévèrement et publiquement punis pour avoir osé ajouter une, deux ou quatre cordes a la lyre antique. Sous le régime constant d’une telle intolérance , il n’est pas étonnant que la musique soit arrivée au siècle d’Auguste sans aucun développement de SEANCE PUBLIQUE. 15 l’art instrumentai, et dans une complète nullité à l'endroit de la science harmonique. Les Romains étaient peu musiciens; ils s’en étaient rapportés aux Grecs, leurs maîtres en fait d'art, et n’a- vaient rien ajouté au système hellénique. Ils avaient con- servé quelques mélodies grecques , sur lesquelles ils chan- taient leurs poésies. On prétend même qu'Horace parodia plusieurs de ses odes sur ces chants populaires, et, entre autres, la seconde de son premier livre Jam satis terris, sur un air du temps de Sapho. C'est dans cet état que les premiers chrétiens trouvèrent la musique. Le christianisme, qui s’empara de tous les arts pour les perfectionner, les vivifier, les animer de l'inspiration divine, ne négligea pas la musique comme moyen de rassembler les hommes, et de les confondre dans une communion de sensations qui élevaient l'âme jusqu'à Dieu. Les hymnes, les psaumes de ces temps primitifs sont autant de précieuses traditions de la Mélopée et de la Rhythmopée grecques. Sur ces débris de la musique antique, saint Ambroise et saint Augustin dictèrent les premières lois de la musique liturgique et créèrent le système des tons d'église , connus sous le nom de Constitution ambroisienne. Au moyen-âge, saint Grégoire réforma la constitution ambroisienne et créa le chant grégorien, qui est resté le chant liturgique de l'Eglise romaine. En suivant rigou- reusement mon plan, qui consiste à faire ressortir les services rendus à l’art musical par des hommes placés en dehors de la profession proprement dite, je trouve au moyen-âge , autour des musiciens pratiques, comme pour épier leurs découvertes involontaires, s’en emparer et les rédiger en corps de doctrine, des moines et des savants dont je me bornerai à citer les noms et les ouvrages. Au 1x° siècle, Huchald, moine de Saint-Amand , près 16 ACADÉMIE DE ROUEN. de Tournav, publie les premiers traités de dlaphonie, essais informes d’une harmonie ecclésiastique. Au x° siècle, Guy d’Arrezo, moine de Pomposa , près de Ferrare, invente la première méthode d'enseignement du chant, et cette invention popularise singulièrement l'étude de la musique. Au xr siècle, Francon de Cologne, philosophe, mathématicien et astronome, fait un traité du chant mesuré , et pose, dans un autre ouvrage, les premières règles d’une harmonie régulière. Au xiv° siècle, Jean de Muris, professeur à l'Uni- versité de Paris, écrit le premier traité de contrepoint et le Specalum musices, ouvrage d'une remarquable érudition, et qui expose dans tous ses détails l’état de l’art musical à cette époque. Au xv° siècle, Tinctoris, licencié en droit et théolo- gien, est l’auteur du plus ancien dictionnaire de musique. Aux temps modernes, mêmes recherches, mêmes faits. Au xvr siècle, Zarlino, chanoine de Chioggia, dans les États Vénitiens, écrit les Anstitutions harmoniques, ouvrage d’une science profonde , et qui, jusqu'à Rameau, deux cents ans plus tard , fut le seul manuel de la théorie musicale. Au xvir siècle, Dom Jumilhac, bénédictin de la congré- gation de Saint-Maur, règle définitivement l'étude du chant liturgique dans un ouvrage intitulé : La Science et la Pratique du Plain-Chant. Le père Mersenne , religieux minime de la Place-Royale de Paris, publie le Traité des Harmoniques et V Harmonie universelle. Au xvur siècle, Marcello, praticien de Venise, est non-seulement l'auteur d’une sublime musique sur les Psaumes de David , mais encore poète et écrivain dis- tingué : on a de lui une satire en prose sur.le Théâtre à la mode, dans laquelle il critique, en 1720, de la facon la SEANCE PUBLIQUE. 17 plus piquante et la plus vraie, les travers des poètes, musi- ciens, chanteurs, cantatrices et directeurs de théâtres de toutes les époques, même de la nôtre. D’Alembert, le célèbre encyclopédiste , vulgarise les traités de Rameau en dégageant le système de la base fondamentale de toutes les démonstrations obscures dont l'avait surchargé son illustre auteur : Marpurg, conseiller aulique du roi de Prusse, jette un grand jour sur toutes les études musicales par plusieurs publications de la plus grande valeur, telles que l'Art de toucher le clavecin, méthode remarquable où se trouvent les premiers essais de l'analyse de la période mélodique ; un Manuel de la basse continue et de ln compo— Silion; un Traité de la fugue et du contrepoint et d’autres ouvrages qu'on peut regarder comme le résumé le plus complet de la science musicale à cette époque ; le père Martini, religieux cordelier de Bologne, écrit la plus volumineuse Histoire de la musique; J.-J. Rousseau rédige un dictionnaire de musique ; Delaborde, fermier général, valet de chambre de Louis XV, recueille une masse de curieux documents et monuments historiques dans son Essai sur la musique; le prince-abbé Gerbert écrit une excellente histoire de la musique d'église ; l'abbé Arnaud et son ami Suard, l'Aveugle de Vaugirard, vaillants soutiens de la musique dramatique de Gluck, assurent l'avenir de notre grande école lyrique. Au xix° siècle enfin, M. Lacépède, savant naturaliste, grand chancelier de la Légion d'honneur, écrit une Poëétique de la musique; Choron, l'infatigable savant , littérateur et linguiste éminent, mathématicien distingué, devient le plus ardent vulgarisateur de l’art musical : vous connaissez ses travaux et les produits de l’école qu'il à créée en France; l'abbé Baini, directeur de Ja chapelle Sixtine , à Rome, se fait le révélateur de Palestrina ; M. de Cous- semaker, juge au tribunal civil de Lille, publie de 2 18 ACADÉMIE DE ROUEN. savantes études sur l'histoire de l'harmonie au moyen- âge; M. Bottée de Toulmon , archéologe distingué, biblio- thécaire honoraire du Conservatoire à Paris, laisse de spirituels et intéressants écrits sur l'histoire de la musique et des instruments. Castil-Blaze, avocat, sous-préfet , inspecteur de la librairie, mais en définitive musicien et charmant écrivain sur cet art auquel il a consacré toute sa vie, devient rédacteur de la Chronique musicale du Journal des Débats, et a l'honneur d’inaugurer dans la presse cette réforme qui, de nos jours, s’est opérée au grand profit de l’art. La rédaction musicale avait été tenue jusqu'alors par des littérateurs aussi étrangers que possible à la musique, à son passé et à son avenir. Depuis Castil-Blaze, la musique , dans les journaux 2 est traitée par des hommes qui la comprennent , qui l'ont apprise et qui la savent à fond. On retrouve encore là des hommes qui, destinés à d’autres carrières, et, pour cette raison, pourvus d'une solide instruction , se sont voués à la musique et lui rendent les plus éminents ser- vices. Il suflit de citer comme représentant dans la presse les différentes branches de l’art, les noms de MM. Danjou, Adrien de Lafage et Berlioz. Dans cette revue rapide des travaux théoriques qui ont dirigé, à travers les siècles, la marche de l’art musical, remarquez que, selon l'ordre habituel des choses, la didactique suit la pratique, et que c’est sur la didactique surtout que les hommes du monde et les savants, en se faisant artistes, ont exercé une puissante action. Ils ont régularisé et fixé par des principes logiques les découvertes faites par les musiciens d'intuition, par les compositeurs dont le génie n’a cessé de travailler et de produire depuis le xm siècle jusqu'a nos jours. Les œuvres des musiciens de l'antiquité et des premiers siècles de l'Eglise nous manquent ; mais, à dater du xm siècle, SÉANCE PUBLIQUE. 19 on voit à chaque époque se dessiner quelque grande figure artistique sur laquelle viennent se refléter les rayonnements du progrès ; au xi° siècle, Adam de La Hale; au x1v°, Guillaume Dufay ; au xv°, Josquin Després ; au XVI, Palestrina ; au xvi°, Monteverde. Ici, le nombre des créateurs augmente avec les progrès de la science : il faut citer dans le même siècle, Lully, le père de l'opéra français. Au xXvmEe siècle, Marcello, Hændel, Sébastien Bach, Rameau, Pergolèse, Haydn, Mozart. Au xix°, Beethoven , Rossini, Weber, Meyerbeer; vous connaissez tous les autres. Dans ce xixt siècle, dont nous devons être si fiers , je dois signaler une tendance à la fusion indi- viduelle de l’homme lettré et de lartiste : Marcello, Rameau, Burette, le docteur Burney, ont été les premiers modèles de cette féconde union de l’art et de la science : au commencement de notre siècle, on la rencontre dans Perne et Vilotteau , sortis tous deux des chœurs de l'Opéra, et devenus des savants dans leur art; mais, de nos jours, la personnification parfaite de ce progrès notable de l'édu- cation des artistes, on la voit réalisée dans notre illustre maître Halévy, qui a succédé au savant Raoul-Rochette dans les fonctions de secrétaire perpétuel de l’Institut des Beaux-Arts, fonctions qu'avant lui aucun autre artiste musicien n'avait encore été appelé à remplir : on la trouve encore dans M. Fétis, compositeur, professeur , écrivain , théoricien, historien également savant dans toutes ces parties de l’art, et dont il est superflu de vous rappeler la puissante influence sur l’état de la musique au xix* siècle. Cette association artistique des hommes du monde et des musiciens , cet échange de foi et de dévoûment à la cause de l’art, cette fertile combinaison des connaissances variées et de l'esprit classificateur des uns avec les connais- sances spéciales et le génie créateur des autres, tous ces faits prouvés par l'histoire , et qui ont si directement agi 20 ACADÉMIE DE ROUEN. sur les destinées de la musique, sont aussi intéressants pour l'étude de son passé que pour les garanties de son avenir; ces faits, Messieurs, ne sauraient vous trouver indifférents. Vous permettrez donc au musicien que vos suffrages ont admis parmi vous, d'insister encore sur les titres de son art à toutes les sympathies académiques. Les applications de l’art musical aux besoins et aux plaisirs de l'humanité sont très variées : la musique est vocale, instrumentale, religieuse , mondaine, dramatique, des- criptive, chorégraphique, savante, populaire, curative même ; on la retrouve dans les églises, où elle célèbre le culte de la divinité; dans les salons, où elle fait le charme de la société; dans les Conservatoires, où elle complète les ressources de l'éducation; dans les théâtres, où elle ravit le cœur, élève la pensée et civilise les mœurs; dans les rues , où elle fait la joie des masses; dans les hôpitaux, où elle calme les souffrances. La musique répond à toutes les aspirations sentimentales et intellectuelles des hommes; non-seulement elle a l'oreille du cœur, mais elle a celle de l'esprit : enfin, elle offre un grand intérêt d'étude à tous les spécialistes de l’mtelligence. Dans une société savante, consacrée, comme la vôtre, Messieurs, aux belles-lettres, aux sciences et aux arts, elle ne va pas seulement chercher les musiciens, elle à aussi ses échos dans les lettres et dans les sciences; si la musique est une langue universelle, elle a droit à devenir aussi une universelle étude. C'est aux poètes, aux litté- rateurs, aux orateurs, aux philosophes, aux historiens, aux savants, aux physiologistes , aux peintres, aux archi- tectes, qu'elle s'adresse également , et c'est à eux tous que je fais appel. Poètes, vous ne me démentirez pas : venez proclamer hautement votre alliance de tous les temps avec les musi- ciens. La musique n'est-elle pas la sœur de la poésie ? n'a- SEANCE PUBLIQUE. 21 t-elle pas accompagné les premiers chants de votre lan- gage divin, auquel elle a donné ses rhythmes cadencés, ses intonations variées, son expressive accentuation ? Chez les anciens , les Rhapsodes qui chantaient Homère n'ont- ils pas consacré la tradition de la langue des sons, et, chez les modernes, les troubadours du Midi, les trou- vères du Nord, poètes et musiciens tout à la fois, n’ont- ils pas hâté les transformations de l’art musical ? N'est-ce pas ainsi que le progrès s’est accompli, et que, des chan- sons d'Orland de Lassus, écrites au xvr siècle dans le style sévère et inarticulé du contrepoint, comme la musique d'église, on est arrivé aux chansons de Guedron et de Jacques Lefebvre, musiciens de la cour de Louis XI, à ces compositions gracieuses où la mélodie prend une allure rhythmique, et où la période musicale commence à se formuler en s’'assimilant au caractère des paroles. Enfin, la musique s'unissant de plus en plus intimement avee la poésie, n'a-t-on pas vu se former peu à peu ce ravissant ensemble mélodieux et poétique qui, de la simple prière, de la naïve chanson, de l’harmonieux madrigal, de l’ex- pressive cantate, s'est élevé jusqu'aux grandes composi- tions religieuses et jusqu'à la réalisation complète du grand opéra, c'est-à-dire jusqu'aux plus nobles et aux plus belles conceptions de l'esprit humain ? Vous le savez, poètes, la cause de la musique, c'est la cause de la poésie : vous comprenez que vous devez ap- porter à la propagation de cet art, à l'essor de sa mani- festation , à l'élan de ses progrès et à la sauvegarde de ses saines doctrines, votre contingent d'initiative, de bon goût et d'esprit conservateur; à vous le soin de surveiller la prosodie, de réclamer la vérité d'expression, d'empê- cher que les musiciens, parfois trop enclins à s'éprendre du charme physique de leur art, ne donnent mal à propos à la prière la forme mondaine , à la chanson l’afféterie, à 22 ACADEMIE DE ROUEN. la composition religieuse le style théâtral, à l'opéra le faux brillant, la sonorité creuse, pour l'oreille le bruit, pour la pensée le vide, pour le cœur le néant. A vous la mission de les contraindre à ne pas négliger la vérité scé- nique de notre école française , telle que l’a créée Lully avec Quinault, telle que l’a continuée Rameau, telle que l'a définitivement constituée Gluck, telle enfin que l'ont encore si noblement développée Spontini , Rossini, Auber, Halévy, Meyerbeer. La langue française, peu accentuée , est aussi, à l’er- droit du rhythme, moins inspiratrice que les langues ita- lienne et allemande. L'école française , éminemment éclectique , a emprunté aux Italiens et aux Allemands ce qui lui manquait et se l’est approprié. Tel est le résultat des travaux de Lully et de Gluck pour la scène française. Toujours lucide et logique dans ses œuvres, l'esprit fran- cais a créé, au moyen de ce sage éclectisme, une école lyrique qui domine les autres Cette suprématie ne saurait être contestée; quand elle n'est pas prouvée et soutenue par nos maîtres nationaux , elle est confirmée par les maîtres étrangers, qui viennent sur notre théâtre chercher l'expansion de leur génie et trouver leur véritable gloire. J'ai cité nos illustrations du grand-opéra ; ai-je besoin de nommer celles de notre opéra-comique , de ce genre tout français, qui est à nous sans partage , et dont la parfaite expression est dans les œuvres de Monsigny, de Grétry et de notre immortel Boïeldieu ? Cette supériorité de notre théâtre musical , ce n'est pas aux musiciens seulement que nous la devons; c'est, en grande partie, à notre théâtre national que l'honneur doit en être attribué. C'est Corneille, c'est Racine, c’est Mo- lière qui ont assuré au théâtre de Lully, de Rameau, de Gluck, ses succès, ses victoires et sa domination dans tout le monde musical. En eflet, si notre école lyrique prime SÉANCE PUBLIQUE. 23 toutes les autres, c’est surtout par les exigences esthé- tiques, par l'unité de la conception, par la logique des détails, la justesse de la déclamation, par la beauté du récitatif, qui est une œuvre toute française. Toutes ses qualités, elle les doit à son point de départ dramatique , et ce point de départ, c’est notre théâtre national. Elle a subi l'influence de la tragédie et de la comédie françaises, elle en a adopté les lois; elle leur a souvent emprunté les sujets de ses poèmes et de ses livrets. Dans les premiers essais , elle à rencontré pour juge un public habitué à l'ordre des idées, à la gradation des effets, à l'équilibre des contrastes, à la conséquence rationnelle de l’action , qu'il trouvait si bien observés dans les œuvres poétiques et littéraires du théâtre français. Elle à dà satisfaire ce public et son im- perturbable bon sens, auquel les excentricités les plus entraïnantes, ni même le charme le plus séducteur ne sauraient longtemps donner le change. Le public français est le plus intrépide écouteur et le plus redoutable appré- ciateur d’une action scénique quelconque, qu'il suit toujours sans jamais la perdre de vue, même à travers le prisme des enchantements mélodiques. Aussi force est toujours restée à la loi de ce bon sens, quelles qu'aient été, d’ailleurs, la violence des tentatives et la vivacité des luttes. On se souvient des guerres musicales du xvu' siècle, du coin du roi, du coin de la reine, des gluckistes et des piccinnistes. En dépit des plus rudes attaques et même des interventions princières, Gluck est demeuré maître absolu de la scène de l'Opéra. Dans ses alliances éclectiques , la France à toujours fini par triompher des velléités d'empiétement de ses rivales, dont elle ne voulait faire que ses conquêtes. II faut remar- quer que les Allemands ont toujours sympathisé avec nos instincts lyriques , et qu'ils n'ont jamais tenté d'égarer notre école, parce qu'ils ont trouvé dans sa raison suprème un 24 ACADÉMIE DE ROUEN. frein et une direction nécessaires peut-être pour maitriser les emportements de leur génie puissant ; rêveur et avan- tureux. L'Italie, au contraire, et ses affolements mélo- diques ont été plus d’une fois sur le point de nous entrai- ner. Rossini seul a su se faire Français dans son Guillaume Tell; aussi, tandis que ses compatriotes l’oublient, sa gloire rayonne plus brillante que jamais sur la scène fran- çaise. Mais, de nos jours encore , le sensualisme italien à renouvelé plus d'une fois ses essais d’envahissement. Poètes, vous êtes là, et lorsque le musicien, aveuglé, dérouté, voudra se livrer à toutes les folies que peut en- fanter le langage des sons , lorsque la logique du cœur et de l'esprit l’abandonne pour faire place à l'empirisme du chant maniéré, de la vocalise prétentieuse , de l'or- chestration cuivrée, vous protesterez énergiquement contre ces symptômes de dégénération trop souvent encouragée par les caprices de la mode. En n'adressant ainsi aux poètes, je sais que Je parle à des cœurs ouverts aux charmes et soumis aux pouvoirs de la musique. Le plus harmonieux de nos poètes, Lamartine, est aussi celui qui sent le plus vivement l'art musical et toutes ses grandeurs. A côté de son Homère, lisez son Mozart : vous verrez s'il comprend la musique, et vous admirerez la plus belle alliance possible du sentiment poétique et du sens musical réunis dans la plus belle intel- ligence. Je le sais : pour l'accomplissement de la grande mission dont je viens d'offrir la responsabilité aux poètes , 1ls n'ont pas trop du concours de leurs frères académiciens des lettres, des sciences et des arts. | Littérateurs , la musique à aussi besoin de vous, de vos sages appréciations dans les livres, de vos utiles re- cherches et de vos savantes dissertations sur son utilité dans l'éducation, sur la moralité de son étude , sur le bien SEANCE PUBLIQUE. 25 qu'elle à déjà fait à l'humanité, et sur les bienfaits qu'elle doit encore répandre dans tous les rangs de la société. Vous avez de belles pages à écrire sur d'aussi beaux sujets. Orateurs, pour vous convaincre de l'importance de la musique , si vous pouviez en douter, je vous rappellerais aussi l'union de la musique à l’éloquence, et l'usage général, parmi les orateurs romains, de recevoir tous les jours, avant de se rendre au Forum, des leçons d’un musicien qu'on appelait phonasque {maître de chant), qui leur ensei- gnait l’art de modifier leur voix, en leur apprenant, au son de sa flûte { phonascicum instrumentum) , les sons les plus convenables à l'expression des sujets qu'ils avaient à traiter. «Ce musicien, dit Cicéron, conduisait et soute- nait la voix des orateurs , en la faisant passer par tous les degrés des sons, pour donner plus de variété à leurs in- flexions et rendre la déclamation plus agréable; car rien n'est plus utile pour ménager la voix que cette variété de sons bien dirigés, et rien, au contraire, n’est plus per- nicieux que de se laisser emporter à des cris violents. » Les dernières paroles de ce passage ne sont-elles pas une leçon de chant aussi bien que d’éloquence ? et nos chan- teurs modernes ne pourraient-ils pas faire leur profit des excellents conseils du grand orateur romain ? Philosophes, faut-il vous montrer encore Aristote, Aristoxène, d’Alembert, Rousseau, travaillant à la cons- truction de l'édifice musical? Ne vaut-il pas mieux vous rappeler que la raison d’être de l’art musical repose sur l'étude et l'expression des affections de l'âme; qu'ainsi l'étude de la musique est aussi celle de la psychologie, et, qu'à ce titre seul, elle est digne d'occuper votre esprit et d'être un des objets de vos profondes investigations ? Magistrats, ne mérite-t-il pas votre immédiate protec- tion, cet art civilisateur dont le poète a dit : Emollit mores, nec sinit esse feros. 26 ACADÉMIE DE ROUEN. ne redoutez rien de ce moyen de moralisation ; si la musique adoucit les mœurs et ne leur permet plus d'être cruelles, ce n'est pas en atténuant leur férocité par une mollesse éner- vante. Souvenez-vous des chants guerriers qui, de tout temps, ont conduit les hommes à la victoire. Historiens, vous avez une lacune à remplir dans toutes les histoires. Très peu développés en général au sujet des beaux-arts, les ouvrages historiques sont presque toujours muets à l'endroit de la musique. Il existe, il est vrai, des histoires particulières de l'art musical, mais elles sont encore incomplètes ; il est beau pour vous de les achever. D'ailleurs, l'histoire de la musique, mêlée à celle des peuples, offrirait , il me semble, un vaste champ d'observations à l'historien , surtout s'il était suffisamment inilié à la connaissance de cet art ; il trouverait à faire un travail philosophique sur les nationalités qui se retracent si fidèlement dans le caractère de la musique des différents pays et des différents âges , et dans la naïve et sincère ex- pansion des airs populaires. Savants archéologues , les historiens en appelleront plus d'une fois à vos lumières; aplanissez-leur les diflicultés de la lecture des anciens manuscrits en les initiant à la connaissance des barbares figures de la séméiographie musicale du moyen-âge. Physiciens , vous êtes les démonstrateurs des principes uaturels et primordiaux de la musique. Un sentiment de paternité ne vous attache-t-il pas aux destinées de cet art, et n'avez-vous pas un intérêt tout particulier à ce que le son musical, dont vous expliquez si bien la nature et les propriétés, ne devienne pas sous la plume du musicien une langue frivole et sans but artistique , lorsque , au contraire , bien employé, il peut toujours servir d'élé- ment à de nouveaux chefs-d'œuvre. Savants ecelesiastiques , que votre mérite appelle dans SEANCE PUBLIQUE. 27 les sociétés académiques, la restauration et la conserva- tion du plain-chant , le maintien de la dignité du service divin dans les compositions religieuses et dans la manière de faire parler l'orgue , ce puissant orchestre des temples chrétiens, réclament de vous le goût et la connaissance quelque peu approfondie de la musique. Si vous aviez besoin d'exemples pour être convaincus, je vous dirais que les papes Marcel IL, Paul IV et Pie IV daignèrent s'occuper de cette partie importante de la liturgie, et que c'est à ces trois prélats et à l'initiative des cardinaux Vitellozzi et Charles Borromée qu'est due la réforme opérée au xvE siècle par le génie de Palestrina. Médecins, physiologistes, je m'adresse à vous par l’or- gane d’un de vos plus dignes confrères, qui, du fond de la Provence et de l'asile des aliénés de Saint-Remy, près d'Arles, recommande à votre judicieuse pratique , bien mieux que je ne saurais le faire, la musique et ses salutaires émotions. C’est lui, c’est le docteur Mercurin, qui, le premier , a tenté de traiter la folie en lui parlant la douce langue des sons ; musicien lui-même , il expé- rimenta ce régime tout moral en faisant entendre à ses pauvres insensés de suaves mélodies et d'harmonieux accords qu'il exécutait sur l'orgue. Bien mieux que moi, vous savez apprécier les avantages de cette thérapeutique musicale, vous l'avez adoptée dans vos hôpitaux. Si j'ai invoqué ce fait, c'est que j'y vois deux liens qui nous rattachent à la musique : l'intérêt de la science et le service de l'humanité. Peintres, vous êtes les alliés naturels de la musique. Le principe élémentaire de votre art, c'est l'harmonie des couleurs. L’harmonie est donc la loi de la peinture comme elle est celle de la musique. Dans vos tableaux , vous har- monisez les couleurs, comme le musicien dans ses sym- phonies harmonise les sons. — Au commencement du 28 ACADÉMIE DE ROUEN. XVI siècle, un jésuite languedocien, le père Castel, grand mathématicien, ami du célèbre Rameau, imagina de mettre concurremment en action la peinture et la musique, c'est-à-dire de produire des duos de sons et de couleurs pour charmer à la fois l'ouïe et la vue. Il s’ap- puyait sur des expériences d'optique et d'acoustique , d'après lesquelles 11 croyait pouvoir prouver que, entre le blanc et le noir, il y a cent quarante-quatre couleurs possibles, comme depuis le tuyau d'orgue de soixante- quatre pieds jusqu'à celui d'une ligne et demie il v a cent quarante-quatre sons. Frappé de ce rapport proportionnel qu'il trouvait entre la création des sons et la formation des couleurs, il voulut unir l'effet des couleurs à celui des sons. À l'instar de l'accord parfait musical, ut, mi, sol, il forma un accord parfait colorigrade , bleu, jaune, rouge. Puis, créant, par des nuances combinées et fondues gra- duellement, les couleurs intermédiaires qui, au-dessus du bleu (tonique }, devaient représenter tous les degrés de l'échelle des couleurs en imitation de celle des sons, il composa la gamme des couleurs ainsi coordonnées : Bleu , vert, jaune, aurore, rouge, violet , violent, bleu- clair. C'est d'après ce système qu'il fit un clavecin oculaire sur lequel les couleurs devaient être offertes à l'œil et mises en mouvement, en même temps que les sons d’un clavier musical frappaient l'oreille de leurs vibrations cadencées. Le clavecin oculaire du père Castel fit grande sensation à son époque , vers 1725. Mais c'était un rêve qui se perdit bientôt dans le silence de la nuit des temps. Ce clavier oculaire, rêvé par un savant jésuite qui ne pouvait pas aller le chercher où il se trouvait réellement , c'est sur le théâtre de l'Opéra qu'il fonctionne, sur le théâtre où vos décorations aux mille couleurs, reproduisant les paysages , les palais, les monuments, tous les lieux où le drame SEANCE PUBLIQUE. 29 se déroule, mettent en action oculaire la musique théà- trale, en associant à ses accords harmonieux , à ses mélo- dies idéales , la parfaite imitation des objets matériels de la vie, dont ses chants tendent à exprimer toutes les situations , toutes les péripéties. La peinture n'est-elle pas ainsi le complément des effets de la musique drama- tique ? Architectes, on a dit que la musique était une architec- ture de sons. L’harmonie, cette règle absolue du beau en toutes choses , selon les Grecs , est l'essence de la musique. C'est donc aussi dans la musique que vous trouvez le parfait modèle de cette harmonie qui doit coordonner vos œuvres. Vous êtes donc musiciens puisque vous êtes har- monistes, vous qui, à l’exemple de l’harmonie des sons, harmonisez les proportions architectoniques de vos monu- ments. Vous êtes encore musiciens, vous qui, maîtres en l'art de l’acoustique , faites tous vos efforts pour assurer aux salles de concert et de spectacle que vous construisez les conditions les plus favorables à l’audition des œuvres musicales. Mais si la musique réclame tant d’égards, tant de soins, tant de dévoment, elle est donc l'enfant gâté de tous les arts et de toutes les académies? Pourquoi non? Ce qu’on lui aura donné d’encouragements, de protection, d’active coopération, ne le rendra-t-elle pas en indicibles jouis- sances pour tout le monde et en bienfaits d’une utilité générale? Car, si elle s'adresse à tous, à tous aussi elle peut répondre; mais son silence est la punition de ceux qui resteraient sourds à ses mélodieux appels. Essayez de la bannir de vos églises, de vos armées , de vos théâtres , de vos promenades, de vos salons, de vos châteaux : le culte sera sans voix, le soldat sans enthou- siasme , le théâtre sans attraction , le peuple sans joie , la société sans charme. Dans vos réunions à la ville ou à la 30 ACADEMIE DE ROUEN. campagne, par quoi la remplacerez-vous? Pour élément social , il vous restera un jeu de cartes ou la conversation ; avec l’un, votre fortune sera compromise; quant à l’autre, votre prochain pourra bien quelquefois en souffrir. Au contraire, Messieurs, donnez-lui votre appui ; veillez à ce qu'elle soit bien enseignée danses écoles où l'État en prescrit l'étude ; car ce sont les impressions offertes avec discernement à la jeunesse qui déterminent plus tard les nobles vocations ; honorez le culte de cet art civilisateur ; provoquez la création des institutions favorables à sa pro- pagation , desConservatoires, des Maîtrises, desOrphéons, des Sociétés philharmoniques , vous pouvez faire tout ce bien , comme société, en fixant l'attention de l'autorité supérieure sur des fondations de ce genre , en faisant de ces questions les sujets de vos prix de poésie et de littéra- ture, et en donnant le plus de publicité possible aux pièces couronnées dans vos concours; vous le pouvez aussi comme particuliers, en transmettant votre conviction à tous ceux qui vous entourent, conviction à laquelle votre position et votre mérite reconnus donnent tant d'autorité. Vous aurez bientôt des résultats qui vous prouveront, par expérience, la nécessité sociale et l'utilité pratique de l'étude de la musique. L'artiste travaillera dans sa force et dans sa liberté, l’art progressera et fera des hommes et des heureux; enfin, les citoyens appelés dans les conseils municipaux et dans les conseils généraux pourront, grâce à des connaissances spéciales, prendre part utilement à l'examen des questions qui sont si souvent soumises à ces corps administratifs relativement à la présence de l’art musical dans l’éducation humanitaire, dans l’enseignement populaire, dans les entreprises théâtrales , dans l’organi- sation de l’armée , dans le service médical des hôpitaux. La gratitude de toutes les classes de la société vous paiera largement de tant de services rendus à un art qui à SEANCE PUBLIQUE. 31 toujours été l'objet de leur prédilection, et quisera devenu un des ornements de leur esprit. Les musiciens seront des premiers à vous entourer des hommages de leur reconnais- sance, car ils auront su bien apprécier tout ce que vous aurez fait dans l'intérêt de l'art qu'ils aiment et qu'ils respectent : ils sont bons juges , ils jugent par le cœur. Messieurs, si j'ai si longuement traité la question artis- tique qui devait naturellement être le sujet de ce discours , c'est que, musicien dévoué de toute âme à la musique , J'ai voulu vous faire envisager, sous tous ses aspects attractifs, cet art divin tel que je le sens, tel que je le comprends, tel que je l'ai apprécié, admiré , chéri, pen- dant vingt-cinq ans d’une laborieuse carrière ; heureux , Si j'ai pu faire passer dans vos esprits quelques-unes de mes ardentes et bien sincères convictions. ———2p— RÉPONSE DE M. Frebéric DESCHAMPS, PRÉSIDENT, AU DISCOURS DE M. AMÉDÉE MÉREAUX. a © MONSIEUR , L'Académie ne peut être que profondément sensible à l'hommage que vous avez voulu rendre, au jour de votre entrée parmi nous, à l’un de ses membres les plus aimés, les plus honorables, les plus utiles, à l’un de ceux dont elle a senti le plus vivement la perte. Elle est heureuse de vous entendre, avec l'autorité qui appartient à votre science élevée, apporter ce témoignage à l’un de ces hommes dont le talent n'a manqué peut-être que d’une occasion de se produire au grand jour, pour être classé parmi les véritables artistes. Mais, tout en vous remer- ciant de ce bon souvenir pour M. de Villers, je dois proclamer ici, au nom de ceux qui vous ont élu, que l’Académie n’a pas seulement jeté les yeux sur vous pour remplir une place vide. Certes, si cette considération était entrée pour quelque chose dans les suffrages que vous avez obtenus, il n’en résullerait qu'un honneur pour votre devancier et pour SÉANCE PUBLIQUE. 33 vous, puisque vous auriez été jugés tous deux dignes l’un de l’autre, et qu'un profit pour l’Académie, qui, après avoir possédé M. de Villers dans ses rangs, devrait à son Souvenir de vous voir vous y asseoir aujourd'hui. Mais l’Académie ne numérote pas ses modestes fauteuils ; Chacun de ceux qu'elle y appelle y arrive, avec la valeur qui lui est propre, en vertu d’un choix tout direct et presque toujours spontané. Vous êtes spécialement de ceux que l'opinion de tous, en quelque sorte , a désignés d'avance à ce choix, de ceux auxquels l’Académie confère une sorte de noviciat en les choisissant pour ses lauréats de prédilection avant de se les associer comme membres, de ceux enfin qu'elle ac- cueille sans exiger un travail de candidature , parce que leur nom suffit pour révéler tout ce qu'ils sont. C’est donc bien à. vous-même , Monsieur, que se sont adressés les votes de l’Académie. En y entrant, vous n'y remplacez personne; mais elle vous accueille avec empressement , parce qu'elle vous offre une place due à des travaux variés, à une science profonde , à un enseignement élevé, à une plume loyale et exercée, à des compositions sa- vantes. Vous venez de nous donner une nouvelle preuve, comme pour justifier bien surabondamment notre choix, de la réunion en vous de facultés diverses qui sont rarement rassemblées, je veux dire le génie musical et l’art d'écrire ; et laissez-moi vous dire, à cette occasion , Combien vous rendez périlleuse la tâche de vous répondre, puisqu'il faudrait, comme vous, pouvoir puiser aux sources de cette érudition féconde dont votre discours nous révèle toute la richesse ; aussi, me bornerai-je à admirer sans réserve cette peinture si vive des transformations de l’art musical depuis l'antiquité jusqu’à nos jours ; cette histoire abrégée de la musique, qui ne peut être faite si rapide et si complète 3 34 ACADÉMIE DE ROUEN. à la fois qu’à l’aide d'une science devant laquelle mon in- suflisance doit s’incliner. Il me sera plus facile, prenant en partie le rôle que vous attribuez aux gens du monde, de chercher à dire mon sentiment sur ces éternelles questions d'art sur les- quelles chacun de nous essaie de porter son jugement, lorsque, à défaut de la science, il consulte son sens intime et ses impressions individuelles. Ces opinions sont de peu de considération sans doule , mais c’est leur faisceau pourtant qui forme l'opinion publique en matière d'art, et quels que soient les privi- léges de la science, cette opinion, il faut bien compter avec elle. L'une des questions sur lesquelles elle se plaît à laisser courir la controverse, c’est celle de la prédominance des genres. Je dois commencer par déclarer que j'aime peu ces questions. Suivant moi, elles n'appartiennent pas, en réalité, à l’art; elles ne sont, le plus souvent, que des disputes à propos de l’art. La solution que chacun cherche à leur donner n'empêchera jamais que les hommes réel- lement inspirés, les prédestinés, en un mot, n’obéissent, dans leurs créations, à leurs tendances instinctives , espèce de fatalité plus puissante que toutes les querelles dogmatiques, et ne suivent, selon les préférences de leur nature , telle ou telle voie parmi celles que l'art ouvre à ses adeptes dans son vaste domaine. Ces questions sont pourtant sans cesse à l’ordre du jour, et leur examen offre au moins cet avantage d'amener les esprits, par l'intérêt et quelquefois par le charme de la contradiction, à une vivacité d’appréciations et d'études mille fois préférables à l'indifférence ou à l’atonie. Vous indiquez, sans prendre personnellement parti, pour quel genre en musique se prononcent en général les gens du monde. La musique théâtrale trouve seule grâce SÉANCE PUBLIQUE. 35 devant eux ; aux yeux d’un grand nombre, l'oratorio, la symphonie, la musique de chambre, sont réputées constituer une musique aussi savante qu’ennuyeuse. Cet injuste dé- dain serait tel, que les musiciens dont le front n’a point reçu les populaires couronnes du théâtre, peuvent à peine trouver grâce devant l’Institut, et que , s’il consent enfin à leur ouvrir ses portes, c’est après leur avoir fait subir lhumiliation de plus d’un échec; qu'en un mot, sil consent à leur rendre justice, c'est trop souvent une justice tardive. Ces plaintes ne vous ont pas conduit, pourtant, à un choix déterminé entre les deux genres. Votre tact exquis de connaisseur et votre fine perspicacité de critique ne vous permettent sans doute qu’une admiration sincère pour tont ce qui est grand et beau, sans distinction de genre et d'école ; et je suis convaincu que vous recueillez , comme chose divine, tout rayon lumineux, quelle que soit sa direction, qui s'échappe du vaste fover des choses artisti- ques. Cependant, sous les regrets que vous exprimez si justement, d’ailleurs, de l'abandon trop prolongé où sont restées quelques illustrations, je crois voir la révélation d’une certaine prédilection pour les œuvres musicales qui appartiennent au domaine de la symphonie. Si vous aviez en face un interlocuteur qui, avec le même respect que vous pour toutes les grandes œuvres, aurait, de son côté, quelque faiblesse pour la musique dramatique, les deux genres se trouveraient ainsi avoir leurs défenseurs, et les deux thèses seraient soutenues de- vant un auditoire capable de les juger. Eh bien ! Monsieur, je veux , par hypothèse , être pour un instant cet interlo- cuteur. Gardez-vous, du reste, de voir dans cette hypothèse une pensée de réfutation que votre discours ne comporte pas ; c’est seulement un moyen d'éviter entre nous la 36 ACADÉMIE DE ROUEN. monotonie d'une suite d'accords parfaits qui ne tarderaient pas à lasser l'oreille de nos auditeurs. On délaisse trop, dites-vous , les œuvres savantes, et la justice qu'on leur rend a la marche trop lente. — Mais, dans tous les arts, toute composition sérieuse , s'adressant aux intelligences cultivées , aux esprits d'élite, a un genre de succès en rapport avec sa nature. Ce succès n'est ni général, ni populaire, mais 1l est durable; il gagne en durée ce qui lui manque d’abord en éclat. Ceux qui s'y livrent arrivent lentement à la renommée ; mais, quand ils l’ont conquise, rien ne peut la leur ravir. Les succès populaires et rapides sont presque toujours vite effacés ; ceux qui doivent tout au temps et à la patience sont éternels. Les célébrités que vous citez ont rencontré des entraves dans leur carrière ; les portes que leur science devaient leur faire ouvrir se sont d'abord fermées devant eux, mais vous reconnaissez vous-même que justice leur a élé rendue. — N'était-ce pas une conséquence inévitable du caractère même de leurs œuvres? Le sentiment public, que l'on accuse, et qui n’a pas tout d'abord entouré leur nom du même éclat que celui dont brillent les illustrations de la musique dramatique, s'est-il tout-à-fait trompé? Examinons ; car il est bien rare qu'il n'y ait pas un certain fond de vérité dans ses jugements. Et d'abord, généralisons la question : il ne s'agirait pas seulement d'établir un parallèle entre la symphonie et la musique de théâtre, mais plutôt, si l’on veut agrandir le cercle de la discussion, entre la mélodie sans paroles et celle qui s'associe à la poésie. Suivant ceux qui réclament la préséance pour la première , la mé- lodie , dégagée de tout lien terrestre, affranchie de l’en- trave du langage , peut seule, par le vague de la rêverie, par le charme indéfini de ses inspirations, ramener l'âme à ces suaves extases, à ces enthousiasmes purs, à ces SÉANCE PUBLIQUE. 37 mouvements quasi-divins qui se rapprochent de sa céleste origine. Nous admettons sans peine qu'un grand maître puisse développer dans l'âme ces émotions sublimes sans autre secours que celui d’un orchestre animé du souffle vivifiant de son génie. Mais est-ce que les mêmes effets ne pour- raient pas être obtenus plus sûrement, si la poésie venait s’allier à la musique? Y a-t-il une faculté de l'âme avec laquelle la poésie soit impropre à s'associer, une situa- tion avec laquelle elle ne puisse s'identifier, une émotion qu’elle ne puisse comprendre? La musique religieuse est, en général, de la musique chantée. Ne peut-elle donc pas répondre aux divers états de l'âme que, tout-à-l'heure, nous cherchions à décrire? L'admirable poésie de nos psaumes est-elle donc pour appauvrir les mélodies qui s'élèvent des parvis aux voûtes des temples? La religion qui nous en- seigne, et notre imagination qui nous fait rêver qu'au nombre des joies célestes se placent les concerts des anges, nous trompent-elles sur la sublime poésie qu’elle prête à leurs hymnes sacrées? Non, la musique sans poésie, dont quelques-uns de nos grands symphonistes ont porté si haut les effets, est d'autant plus admirable, sans doute, qu’elle les obtient sans autre appui qu'elle- même; elle peut même répondre mieux à certains états de l’âme où le vague est un besoin; mais elle ne peut enlever sa grandeur à celle qui a employé, pour pro- duire l'émotion , les forces des deux puissances réunies : la parole et la mélodie. Il est certain que le mérite prédominant dans tous les arts, c’est la puissance de l'expression. Or, qu'y a-t-l de plus expressif en musique que la voix humaine? Qui établit avec plus de sûreté ce lien magnétique qui réunit l'exécu- tant à l'auditeur? Qui fait vibrer avec plus d'intimité dans l’âme de Fun la passion qu'expriment les chants de l'autre? 38 ACADEMIE DE ROUEN. A la voix humaine, le Créateur a donné la faculté d'émouvoir l'âme humaine, et cette voix, que fait-elle entendre ? non des sons inarticulés, rôle auquel est réduit l'instrument le plus parfait, mais des paroles qui fixent et éclaircissent le sens des mélodies sans rien ôter de leur charme. Les instruments les plus parfaits ne sont-ils pas ceux qui, par la qualité de leur timbre et le mode d'émission de leurs sons, se rapprochent le plus de la voix? N'est-ce pas là ce qui donne tant d'action sur nos organes et sur notre sensibilité au violon , au violoncelle, même entendus sans le secours de l'harmonie ? Et l'orgue , le plus puissant, le plus complet des instruments , celui qui domine le plus ses auditeurs entraînés, produit-il jamais une exaltation plus vive que quand l’organiste, inspiré lui-même, fait en- tendre le jeu des voix célestes? Mais si l’on pouvait hésiter à croire que la mélodie parlée égale en puissance d'expression la mélodie sans paroles, il est impossible de ne pas reconnaître au moins que le champ de la première est bien plus vaste et bien plus complet que celui où peut se mouvoir la seconde. Celle-ci peut incontestablement traduire avec une cer- taine fidélité divers états très accusés de l'âme ; tels que la douleur, la joie, la fureur, le calme , l’extase ; elle peut même se prêter avec plus ou moins d’exactitude à la peinture de quelques grands effets de la nature, mais ce cercle est vite épuisé. Les nuances lui échappent, les émotions variées qui créent les situations multiples de l'homme dans la vie, suivant les âges, les temps, les heux, en un mot cette diversité infinie qui ouvre à l'art des sources intarissables, elle n’y saurait atteindre, car ces peintures supposent la possibilité d’une clarté, d’une pré- cision qui lui manquent. Permettez-moi de rappeler, à cette occasion , une anec- SEANCE PUBLIQUE. 39 dote que j'ai lue, il y a déjà longues années, dans un petit ouvrage intitulé : l’Æarmonie du Langage, et qui vient à l'appui de ma démonstration : Un compositeur, qui n'avait encore écrit sa musique que sur des vers, se trouva un jour fort mécontent de son poele, et jura de se passer à l'avenir de son secours. Sa légitime fureur était née un jour que ce versificateur lui avait donné à mettre en musique un couplet commençant par ces mots : Ce que je Le redemande. Que peut-on fare, en conscience , disait-il, de pareilles syllabes : ce que je te re de? Il se promit donc de se délivrer d’un tei esclavage, et proclama que la musique pouvait peindre par elle-même toutes sortes d'actions et de sentiments. Pour convaincre de cette vérité ceux qui semblaient en douter, 1l proposa une expérience. Il s'agissait d'exécuter une symphonie devant un auditoire choisi, en armant chaque auditeur d’un crayon et d'un calpin sur lequel chacun était prié de dé- poser par écrit l’exact résumé des sensations qu'il aurait éprouvées; et il affirmait que la similitude des analyses prouverait que chacun aurait parfaitement deviné ce qu'avait voulu exprimer le musicien. La symphonie commence par un doux adagio qui respire le plaisir et la joie. Tout-à-coup, l'orchestre s’assombrit, les cuivres éclatent, et la terreur semble s’exhaler de leurs notes acérées; mais bientôt, et par une transition graduée, le calme renaît; les flûtes et les violons dominent de nouveau, et des accents suaves et joyeux terminent le morceau. On procède au dépouillement des notes déposées par les assistants. Un jeune rhétoricien, lauréat de son collége, où il avait remporté le premier prix de vers latins , avait écrit ce que voici : « Le printemps est dans toute sa frai- « cheur, une nymphe sort du bocage et cueille des fleurs «au bord d'un ruisseau. Un faune sort brusquement des “ 4. 40 ACADEMIE DE ROUEN. « roseaux : surprise et frayeur de la nymphe pudique. Elle « veut fuir, mais elle se sent enchainée par une guirlande « de fleurs ; les déités des eaux accourent autour d'elle, « calment son effroi, et elle devient leur compagne. » Un gros financier, qui se vantait beaucoup d'aimer les arts, avait ainsi rédigé son compte-rendu : « Je pars pour « la campagne en excellente compagnie : un festin splen- « dide est préparé; on est à table , la gaîté règne. Tout-à- « Coup, un incendie éclate dans la maison , il faut quitter «le repas : désappointement des convives; mais de prompts « secours sont apportés, le calme se rétablit, le festin se « continue, et se termine au bruit des verres étincelants « des flots d’un vin généreux. » Enfin, une jeune dame, dont la mise attestait une recherche de bon goût, avait exprimé ainsi la quintessence de ses impressions : « Je suis invitée à une fête charmante, « à un bal délicieux ; je suis à ma toilette, je pars, j'arrive ; «la lumière et les fleurs resplendissent dans les salons, « la musique est enivrante. Je danse; mais, hélas! dans « le rapide mouvement d'une valse, mon danseur, les yeux « attachés aux miens, que je tiens constamment baissés , « mon danseur prend une entorse ; on l'emporte, un léger - « désordre suit cet accident; bientôt on apprend que la « foulure est légère. Invitée par d’autres pour le reste de « la nuit, j'épuise jusqu’à la dernière heure les plaisirs de « la danse. » Il n'était pas besoin d'aller plus loin; l'épreuve était faite. C’est une expérience qu'il est facile de renouveler, elle produirait inévitablement les mêmes résultats. Je sais bien qu'aux yeux des partisans exclusifs de la symphonie, il y a dans ce reproche une preuve même de sa supério- rité. Voyez, diront-ils, quel est son avantage ? elle parle à chacun le langage qu'il veut entendre , et son indécision même est son charme. Mais on ne remarque pas qu'en SÉANCE PUBLIQUE. mA constatant cette facilité pour chacun de s'approprier, is0- lément , et suivant la situation de son esprit, les vagues cantilènes d’une symphonie, on reconnaîtrait qu'elle ne peut s’armer de la puissance qui appartient aux émotions partagées. Est-ce que les impressions individuelles ne sont pas centuplées quand elles sortent de l'isolement pour tomber dans la communauté des émotions multiples? Tel est l'effet qui se produit quand la poésie, sous laquelle court une mélodie qui fait corps avec elle, dirige l'esprit de l'auditeur, l'empêche de s’égarer, et le retient, comme malgré lui, dans les termes de la pensée collective qui a réuni le musicien et le poète. C’est qu’alors la même parole unie à la même note, l’une et l’autre appropriées et pour ainsi dire adhérentes, vous frappez à la fois et au même instant sur la même touche de cet immense clavier qu'on appelle l'âme humaine. La musique purement instrumentale à tant à gagner de son contact avec la parole, que, même lorsqu'elle apparaît seule dans les œuvres dramatiques, elle emprunte encore au drame une partie des effets qu’elle sait produire. La situation étant donnée par le sujet, le spectateur ne peut se méprendre sur le caractère de la mélodie. On peut citer comme exemple la tempête d’Oberon , la chasse infernale de Freychütz , l'orage du Barbier de Séville, et un grand nombre d'ouvertures qui sont des chefs-d’œuvre. Je trouve dans votre remarquable discours la confirmation de ces vérités, qui n’ont certainement pas pour but de contester à la musique pure la place élevée qui lui appartient dans les arts. Vous établissez, en effet, avec une plume élo- quente et convaincue , la suprématie que la vérité donne à notre opéra français ; vous démontrez avec une grande force que c’est là une des conquêtes de notre théâtre national, et que la vérité scénique , qui est son honneur, a forcé souvent les compositeurs étrangers à devenir Fran- 12 ACADÉMIE DE ROUEN. çais, alin de pouvoir s'emparer des effets saisissants que cette vérité entraîne avec elle; et vos réflexions, à cet égard, sont si justes, qu'il est remarquable que nos grands auteurs sont devenus à leur insu les poètes, — car, à leur égard, les termes modernes et barbares de libret- listes et de paroliers ne seraient pas de mise, — les poètes, dis-je, des plus grands compositeurs : Don Juan , le Bar- bier de Séville, le Mariage de Figaro, et tout récemment le Médecin malgré lui, n'ontls pas réuni, dans une colla- boration posthume, Molière et Beaumarchais avec les mat- tres qui se sont inspirés des situations de leurs drames ? Et même, quand la collaboration est réelle et active, vous faites, Monsieur, une si belle part à l’auteur des paroles, que j'aurais eu tort de supposer que vous redoutez pour la musique l'alliance de la poésie; vous lui donnez pour mission de réclamer la vérité dans l'expression, de surveiller la prosodie et d'empêcher la confusion des genres, qui donnerait à une prière la forme mondaine, et à une composition religieuse l'allure théâtrale. Ce n'est donc pas vous qui redoutez la poésie comme alliée de la musique, vous à qui la science de l'histoire , dont votre discours offre tant de traces, a appris que la musique , à son berceau, en Grèce, a été d’abord créée pour donner aux vers plus d’ampleur, d'expression et de majesté; que, grâce à cette union , elle exaltait les masses, quoiqu'elle eût alors de bien minces ressources instrumen- tales, quoiqu'elle ne disposät que de trois octaves du grave à l’aigu, que ses flûtes fussent percées d’un bien petit nombre d'ouvertures, et qu'il y eût bien peu de cordes à ses harpes , à ses lyres et à ses cythares. Certes, elle a bien grandi depuis ces temps reculés ; elle s’est créé incon- testablement une existence propre, mais elle n’en doit donner que plus de vigueur et d'action aux chants qu’elle vient faire profiter de la richesse de ses progrès. SÉANCE PUBLIQUE. 3 Il semble, en vérité, que je viens d'engager une contro- verse ; et j'en aurais des remords, si je n'avais commencé par faire mes réserves; car vouloir préconiser un genre aux dépens d’un autre, conduit presque toujours à un sys- tème d’exelusion dont ni vous ni moi ne sommes certai- nement coupables, et que je regarde comme l’une des plus grandes injustices qu’on puisse commettre contre l’art. Et permettez-moi, à l'occasion de cette tendance, dont votre expérience éclairée a dà vous montrer bien des fois les dangers, quelques courtes réflexions où j'ai la certitude d'exprimer des idées qui sont les vôtres. Le système d'exclusion en matière d'art engendre les dénigrements préconçus et les admirations de convention. On s’épuise en vaines querelles pour prouver qu'il n'y à au monde qu'une seule forme qui doive exciter l’enthou- siasme et mériter les bravos; on se fait un cadre dans lequel il faut que rentrent tous les tableaux, ou bien ils sont indignes de voir le jour. Au lieu de prendre exemple sur le spectacle de la nature, qui n'offre que variétés et contrastes infinis, on s'attache exclusivement à une forme hors de laquelle, pour l’art, il n’y à point de salut; tandis que, sous nos yeux, la main qui à créé l'univers a placé les montagnes, les mers, les forêts, les déserts, pour nous courber d'admiration devant ces spectacles immenses, et qu'elle nous montre à côté les ruisseaux , les oiseaux, les insectes et les fleurs, pour nous égayer et nous reposer par de gracieux tableaux, les esprits exclusifs n’admettent et ne reconnaissent le beau, le bien, le bon, dans les arts, que suivant une formule déterminée. Mais comment ne pas voir qu'agir ainsi, c'est nier l’un des plus grands besoins de l'esprit, l’un des plus grands charmes de l'existence : la variété? Que diraient ces connaisseurs, cantonnés dans le cercle de leurs admirations exclusives, de ceux qui ne voudraient reconnaître qu'un seul art sur la terre? Ils les 44 ACADEMIE DE ROUEN. accuseraient de cécité morale à l'endroit des autres; ils leur diraient sans doute : « Vous voulez donc qu'il n’y ait au monde, vous que des statues , vous que des mélodies , vous que des vers, vous que des tableaux? » Eh bien! c'est une erreur du même genre que celle qui n’admet qu'une seule manière dans un même art; la différence dans ces deux erreurs n’est que du plus au moins, mais elles sont, au fond, les mêmes. L’'admiration pour les œuvres qui appartiennent à l’une des branches de l’art, n'exige pas le dédain pour les autres. Il ne faut pas n'exalter celui-ci qu'à la condition de rabaisser celui-là. Faut-il donc nécessairement être indifférent à Boïeldieu pour savoir admirer Mozart , et ne peut-on s’incliner devant les symphonies d'Haydn et de Beethoven qu'en niant le charme scénique des œuvres de Meyerbeer et de Rossini ? Il y a une vérité bien préférable à ces doctrines abso- lues, c’est celle qui proclame que tout est bien qui est à sa place. Savoir approprier chaque chose à sa destination, lui donner l'emploi qu'elle peut remplir, lui demander les effets qu'elle doit produire , voilà la sagesse. Il ne faut pas nier la diversité des genres, mais il faut empêcher leur confusion. Il faut assigner à chacun ses limites ; voila l'œuvre du critique éclairé , et, sur ce ter- rain , les luttes qu'il soutient, les controverses qu'il engage, sont empreintes d'un véritable caractère d'utilité pour l'avenir de l’art. L'histoire offre des exemples de ces confusions de genres dans l’art dont nous nous occupons. Au moyen-âge , tandis que le chant ecclésiastique s'in- spire des débris de la mélopée grecque, les poètes, les seigneurs élégants, les femmes, le peuple même crée la musique mondaine, celle qui, par la variété du rhythme, la vivacité des mouvements, est propre à rendre les émo- tions variées de la vie. Jusque-là, tout est bien : à l'autel SEANCE PUBLIQUE. 45 le chant grave et mesuré ; au dehors de l'Eglise la facture vive et brillante. Le culte divin, en effet, ne doit pas plus se célébrer avec des airs frivoles, que la fin d'un festin ne pourrait s'égayer à l’aide de la lente et monotone majesté du chant liturgique. Cependant, au x1v° siècle, la musique profane fait irrup- tion dans l'Eglise ; les harmoniseurs (c’étaient les contre- pointistes du temps) sont jaloux des trouvères, dont l'art est réputé plus récréatif; alors ils empruntent des airs connus et qui ont le privilége de séduire l'oreille des assistants, pour en faire le thème de leurs chants sacrés. Bientôt — ce qu'on a peine à croire aujourd’hui, quand on ne réfléchit pas que dans les temps où il n’y a pas de li- berté, on rencontre presque toujours des actes de licence — l'abus est poussé si loin, que tandis que le prêtre et les lévites disent à l’autel les paroles sacrées d'un Sanctus ou d'un Zmmolatus, le peuple accompagne sur des paroles Joyeuses et quelquefois lascives, parlant de confort et de liesse, ou chantant les charmes de sa mie. I] fallut que le concile de Trente et celui de Bâle sévissent contre un pareil scandale, pour tenter de chasser de l'Eglise cette association impie. Heureusement, un génie non moins puissant que les conciles, Giovanni Pierluigi da Palestrina, parut alors et vint ramener l'art à la vérité, la musique à sa pureté, en créant ces chants véritablement sacrés, qui semblent réaliser pour nos âmes ce que nous révons des concerts célestes. À partir de ce moment, tout rentre dans la règle; et voyez, dès qu'on détrône l'abus, qu'on réprime l'excès , comme tout se simplifie, se range et s’harmonise. Le lan- gage de la passion mondaine , banni du sanctuaire , va se frayer une route ailleurs, et la nécessité de cette sépara- tion à peut-être enfanté le drame lyrique ; si bien, qu'il 16 ACADÈMIE DE ROUEN. serait vrai de dire, à un certain point de vue, que Pales- trina à contribué à son insu à la création de ce genre , l’une des plus saisissantes originalités de l'esprit humain. En exilant du temple le rhythme profane, il le contraignit à choisir sa vraie place ; il força cette musique passionnée , qui voulait envahir l'Eglise, à devenir un genre à part, à vivre de la vie qui devait être la sienne ; et ce divorce fut la cause première de sa grandeur. Il existe, au profit de cette idée, un rapprochement de dates qui ne manque pas d'intérêt. Palestrina règne pendant près d'un demi-siècle. Sa place est conquise vers 4550, et il brille de tout son éclat en 4590, Eh bien ! c'est vers 1580, dans la ville des Médicis, à Florence, que le comte de Vernio, Jean Bardi, groupe autour de lui un cénacle, aussi enthousiaste qu'éclairé, de poètes, d'artistes, de musiciens, de chanteurs, de professeurs , de gentils- hommes, de philosophes. Cette réunion , ardente et savante à la fois, est tourmentée du démon de l'innovation. De là , naissent des essais aujourd'hui fort oubliés sans doute, la mort d'Ugolin du Dante, mise en musique par Vincent Galilée , le père du philosophe ; i satiro et la dis- perazione di Fileno, représentés à la cour de Florence en 1590 ; ÆEurydice, mise en scène à l'occasion des fêtes du mariage de Marie de Médicis et d'Henri IV; enfin, l'Orfeo de Claude Monteverd, joué à la cour de Mantoue, et l’un des premiers ouvrages qui tracèrent la limite du style religieux et du genre lyrique , en appliquant au langage de la passion l'usage intelligent de la dissonnance. Ce sont ces premiers germes que les siècles suivants ont fécondés. De là sont sorties ces grandes œuvres auxquelles vous rendez, avec une conviction si éclairée, un si éela- tant hommage. De là sont nés, malgré l'intervalle de temps qui les sépare, en Italie : Sacchini, Piccini, Paisiello, Cimarosa : en Allemagne : Gluek et Mozart ; en SÉANCE PUBLIQUE. ET France : Lulli, Rameau, Spontini, Cherubini, Hérold et Boïeldieu. Je ne parle pas des vivants. Aussi aujourd'hui, pour tous les hommes de goût, la limite des genres est nettement fixée; et pour tous ceux qui savent réellement aimer les arts, la majesté de l’un ne peut rien ravir à la grandeur de l’autre. Monsieur, je n'ai pu vous suivre qu’en chancelant sur un terrain où vous aviez le droit de marcher en maître. Les erreurs qui ont dû m'échapper ont pour excuse l'appel fait par vous-même à tous ceux que leur profession rend étran- gers à votre art, et par lequel vous les conviez tous à porter dans votre domaine des pas nécessairement incertains. J'ai voulu vous prouver, même en m'exposant à des mécomptes, que votre appel serait entendu. Malheureu- sement, notre année académique se termine au moment où vous faites votre entrée parmi nous; mais la séparation sera courte , et nous espérons n'être pas longtemps privés de vos savantes communications. Nous avons le droit, quand vous faites un si éloquent appel au profit de votre art à toutes les branches du savoir humain, à toutes les spécialités des sciences et des lettres, de vous demander, en échange d’un appui qui vous est acquis, un concours qui ne peut que donner un vif éclat à nos travaux. Vous devrez ce tribut à nos réunions habituelles, et vous nous l’apporterez dans ce que vous appelez si bien la laborieuse intimité de nos séances particulières. Aujourd'hui, l’Académie n'a pas seulement ajouté un nom à sa liste : elle s’est enrichie, elle a accru ses forces en s’attachant un membre qui comprend aussi bien que vous, Monsieur, la puissance de l'esprit d'association dans les sciences , les lettres et les arts. RAPPORT SUR LE CONCOURS RELATIF AUX MOYENS DE PRÉVENIR LES ACCIDENTS DANS LES MANUFACTURES, PAR M. LALLEMANT. L'Académie avait mis au concours pour 4856 un prix de 600 fr., dont la moitié devait être fournie par M. le Ministre de l’agriculture, du commerce et des trayaux publics, et qu'elle décernerait à celui qui résoudrait le problème suivant : « Trouver des moyens sûrs, d’une exécution facile et économique , de prévenir les accidents nombreux qui résul- tent pour les ouvriers de l’usage des appareils mécaniques dans les manufactures, de manière à permettre de réglementer cette partie importante de l'administration publique. » Trois Mémoires furent alors envoyés à l’Académie ; mais aucun d'eux n'ayant été jugé digne du prix, la question fut remise au concours pour l’année 1857. Cet insuccès ne ralentit point l’ardeur des concurrents ; SÉANCE PUBLIQUE. 49 l'honorable désir de contribuer à sauvegarder la vie des nombreux ouvriers employés dans les manufactures , stimula leur zèle, et quatre nouveaux Mémoires furent régu- lièrement présentés. L'Académie , dans sa dernière séance publique , annonça que, voulant soumettre à l'expérience quelques-uns des moyens qui lui étaient proposés, elle avait dù différer de prononcer son jugement ; complète- ment éclairée aujourd'hui , elle va le faire connaître. Les premiers concurrents n'avaient pas exactement saisi le sens de la question qui leur était posée ; quelques-uns des nouveaux n'ont pas été plus heureux dans leur inter- prétation. Ainsi, l’auteur du mémoire n° 2, qui porte pour épigraphe , « Sauvegarder la vie de l'homme, « C’est servir les desseins de Dieu! » présente un robinet perfectionné, dit gouverneur des retours directs, et servant à prévenir les explosions qui peuvent survenir par l’action de la vapeur dans les appa- reils que les fabricants de sucre emploient pour l’évapo- ration du jus. Quel que soit le mérite de ce perfectionnement, il ne satisfait pas aux conditions du concours. L'établissement des machines à vapeur a été réglé par l'ordonnance du 22 mai 1843, ordonnance dont l’Académie ne s’est point proposé de faire compléter les prescriptions. Elle a demandé de trouver des moyens qui permissent de régle- menter l'établissement des appareils mécaniques employés dans l’industrie ; c’est-à-dire, d'imaginer, contre les engre- nages, les courroies, les volants, les tambours, les diverses machines-outils, en un mot contre tout ce qui se meut, des moyens de sûreté qui seraient, pour ces divers organes, ce que sont, pour les machines à vapeur, les manomètres, les soupapes, les flotteurs, les sifflets d'alarme , etc. 4 50 ACADÉMIE DE ROUEN. Mais si l’on demandait aux concurrents d'inventer quel- que chose qui pût rendre inoffensifs ces appareils dange- reux , et qui fût en même temps de nature à pouvoir être rendu obligatoire par des règlements administratifs, on ne leur demandait pas des projets de règlement , surtout lorsqu'ils n'ont pour base que des moyens préservatifs déjà connus. Il s'agit de trouver quelque chose de nouveau et non de tirer parti de ce que l’on sait déjà. Cette observation s'applique au Mémoire n° 3, dont l'épigraphe est : « Scientia regit orbem. » Ce Mémoire est d’ailleurs fort remarquable et parfaite- ment rédigé ; il révèle dans son auteur une grande connais- sance de tous les éléments de la grave question des accidents dans les manufactures, et une sympathie pour les ouvriers qui ne va pas jusqu’à l'injustice envers les chefs d’ateliers. Mais au point de vue du problème proposé, il ne renferme rien de nouveau, si ce n’est un mode de graissage continu et une idée relative à un procédé de désembrayage qu'il est à regretter que l’auteur n'ait pas approfondie davantage. Le Mémoire n° 4 est très étendu. Il a pour épigraphe : « Tout travail dangereux, s’il est travail utile, « Ne paraît dangereux qu’à celui qu’il mutile. » Son auteur à compris la question, et il a tenté d'en donner une solution complète ; il énumère et décrit les différentes causes d'accidents, et propose, pour chacune d'elles, un moyen préservatif nouveau. Pour mettre l’ou- vrier à l’abri des accidents causés par les engrenages, il place entre les deux roues, et presqu'en contact avec elles, un petit corps mobile , relié par un fil métallique, à l’ex- trémité d’un levier. Ce levier s'appuie par l’autre bout sur SÉANCE PUBLIQUE. 51 le bord d’une échancrure pratiquée dans un ressort, et maintient, sur la poulie de commande, la courroie par laquelle le mouvement est transmis. j Si un objet quelconque vient à s'engager dans l’engre- nage , il entraîne avec lui le corps mobile, qui exerce alors une traction sur le cordon , et le levier est mis en mouvement ; le ressort, privé par là de point d'appui, se détend et entraîne la courroie sur la poulie folle : la machine, ainsi désembrayée, ne tend plus à marcher qu'en vertu de la vitesse acquise, mais elle est complète- ment arrêtée par un frein qu'a fait agir le déplacement du levier. Les accidents occasionnés par les courroies sont assez communs et toujours fort graves; pour les prévenir, l'auteur propose de placer, au-dessus de chacun des cylin- dres supérieurs, une barre horizontale mobile autour d'un axe passant par son milieu. À cet axe est fixée une petite tige, du bout de laquelle part un cordon qui va s'attacher au robinet d'arrêt de la machine à vapeur. Si un ouvrier était enlevé par l’une des courroies, il ferait basculer, en arrivant en haut, la barre horizontale contre laquelle il viendrait frapper, et le mouvement de cette barre ferait jouer le robinet d'arrêt. Après l'examen des moyens préservatifs dont nous venons de donner une idée , l’Académie, tout en rendant hommage à l’ardeur et à l'esprit d'invention de leur auteur, n'avait pas entièrement partagé sa confiance dans leur eflicacité , et l’essai qui a été fait de l’un d'eux n'a pas dissipé les craintes qu’elle avait conçues. Ces appareils, quoique d’abord ils paraissent très simples, présentent pourtant une assez grande complication à cause de la multiplicité des organes auxquels ils doivent être appliqués. Ils ne sont pas de nature à fonctionner avec cette extrême précision que leur destination rend nécessaire 52 ACADEMIE DE ROUEN. Il serait toujours à eraindre , en effet , que ces longs fils, dont la direction est plusieurs fois changée par des poulies de renvoi, ou ne vinssent à se rompre sous l'influence d'une traction subite, ou ne s’allongeassent assez pour que le déplacement de l’une de leurs extrémités n'en- traïnàt pas le déplacement de l’autre. D'ailleurs, ces appa- reils ne doivent fonctionner que dans le cas d'un accident, et, par suite, à de rares intervalles. Or, il arrive prèsque toujours que les mécanismes qui restent ainsi pendant longtemps en repos, fonctionnent mal lorsqu'on les fait agir pour la première fois, et la première fois, ici, est la seule pour laquelle on en ait besoin. Il est vrai qu'après l’acci- dent qu'ils n'auraient pas prévenu, on se hâterait de les réparer ; on se hâterait même trop, car, lorsque revien- drait le moment d'agir, ils auraient eu le temps de se détériorer de nouveau. Le Mémoire n° 4, portant pour épigraphe : « Si c'est possible , c’est fait ; « Si c'est impossible, ça se fera , » contient la description d’un appareil qui permet de faire opérer le désembrayage par la machine elle-même , lors- qu'elle éprouve un excès de résistance. Ce résultat est obtenu en faisant transmettre le mouve- ment par l'intermédiaire d’une roue dont l’axe est mobile, comme dans le dynamomètre de Richmann. Cet axe est retenu par un contrepoids qui le maintient en place lorsque la machine fonctionne régulièrement ; mais lorsque sur- vient un excès de résistance, l'axe se soulève, les dents se dégagent, et la machine s'arrête. Cet ingénieux appareil, que nous avons vu appliqué à plusieurs métiers, remplit parfaitement le but que s’est proposé l’auteur, et en partie celui que l’Académie avait assigné aux recherches des concurrents. Nous avons SEANCE PUBLIQUE. 53 constaté que l'introduction d’un mouchoir dans une carde produisait instantanément le désembrayage, et un contre- maître à pu, devant nous, interposer impunément sa main entre les dents d’un puissant engrenage dont le mouve- ment a été immédiatement arrêté. Outre l'avantage que présente ce système, de préserver les ouvriers d’un assez grand nombre d'accidents , il en présente un autre qui contribuera à rendre son emploi général : celui de préserver les machines elles-mêmes. En effet, il arrive souvent que, par des causes inhérentes à la nature même du travail, certains organes éprouvent accidentellement des résistances qu'ils ne peuvent vaincre et qui en déterminent la rupture. Avec cet appareil, comme toute résistance anormale produit le désem- brayage, il y aura simplement, dans ce cas, arrêt de la machine, et il n’en résultera qu'une légère interruption de travail. Nous ajouterons que le jeu de ce mécanisme, consistant en un simple mouvement de rotation, et ses parties offrant une grande rigidité , il pourra fonctionner utilement même après un long repos. D'ailleurs, les irrégularités du tra- vail de la machine le feront agir de temps à autre, et, de plus, l'ouvrier pourra le mettre en mouvement en nettoyant son métier, parce qu'il suflit pour cela d'une faible pression exercée sur un levier. L'auteur, avons-nous dit, n’a atteint qu'en partie le but que l’Académie avait assigné aux recherches des concurrents. Le système qu'il propose n’est pas, en effet, un préservatif universel; son application aux moteurs premiers se ferait le plus souvent sans eflicacité, car ces moteurs ayant à vaincre des résistances très variables , il faudrait le charger d’un poids capable de le maintenir en place , lorsque se produirait la résistance maximum ; sans cela, la marche des machines serait à chaque instant in- 54 ACADEMIE DE ROUEN. terrompue ; mais alors il ne pourrait être utile que si l'ac- cident survenait, contre toute probabilité, au moment même où se développerait le maximum de résistance. Or, c’est quand ils sont produits par des moteurs premiers que les accidents ont les conséquences les plus graves. La question n'est done pas complètement résolue ; 11 y a toutefois progrès incontestable; l'avenir, sans doute , en amènera d'autres. Cependant, il est permis de craindre que ces agents de production ne cessent jamais complète- ment d'être en même temps des agents de destruction. Quels que puissent être les progrès ultérieurs de la méca- nique , il ne faudra jamais se reposer entièrement sur elle du soin de préserver les ouvriers de leurs atteintes. Il faudra toujours que ceux qui sont journellement exposés à de- venir leurs victimes, dirigent leurs mouvements avec toute la prudence que comportent les exigences du tra- vail. Cette prudence a pourtant des limites ; elle ne peut être égale à celle que montrent habituellement ceux que leur curiosité seule conduit dans une manufacture. L'ouvrier doit avoir d’autres préoccupations que celle de sa conservation personnelle ; véritable soldat, c’est un devoir de sa profession de ne pas craindre le danger. Mais rien ne peut limiter la prudence des chefs d'usine : qu'ils continuent donc à faire établir, avec le plus grand soin , toutes les parties de leurs machines ;- qu'ils cherchent constamment à en faire disparaître toutes les causes d'ac- cident qui ne leur sont pas inhérentes , et surtout , qu'ils n’en donnent la direction qu'à des hommes éprouvés, ayant reçu une éducation spéciale. L'industrie à fait sous ce rapport, depuis plusieurs années , des progrès CONSO- lants ; mais il en reste encore à faire. Ce n'est point dans le but de dispenser les chefs et les ouvriers de précautions qui seront toujours nécessaires , que l'Académie avait provoqué la recherche de nouveaux SÉANCE PUBLIQUE. 55 moyens de sûreté, et tout en pensant que le procédé de désembrayage décrit dans le Mémoire n° # préviendra de nombreux accidents , elle demande, en même temps qu’elle en conseille l'emploi, que chacun redouble de vigilance. L'Académie accorde à l’auteur du Mémoire n° #, M. Duruir (Adolphe), filateur de lin à Dénestanville, une médaille d'or de 300 fr. RAPPORT SUR LE CONCOURS POUR LE PRIX BOUCTOT, PAR M. PREISSER, Membre résidant, ————"“ñ"0 ————— MESSIEURS , L'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen à MIS au concours, pour l’année 1858, la question sui- vante : « De l'histoire physique et chimique comparative des huiles d'olives, d’arachide et de sésame, de manière à indiquer des moyens efficaces, prompts et faciles pour reconnaître les mélanges de ces trois huiles, non-seule- ment pour les qualités qui servent à l'alimentation, mais aussi pour celles qui portent les noms d'huiles tournantes, d'huiles de fabrique. » Un seul Mémoire nous est parvenu. Il offre cette devise : « Fais ce que peux, « Advienne que pourra. » Ce Mémoire a ete l'objet d'un examen attentif de la part de votre Commission. SEANCE PUBLIQUE. 87 La question mise au concours par l’Académie présente , en effet, une haute utilité, et sa solution est vivement désirée depuis longtemps. Les huiles en général , et l'huile d'olives en particulier, sont soumises à de nombreuses et honteuses falsifications. On peut dire qu'il est rare de trouver une huile commer- ciale pure , et la chimie , si habile, si exacte, si ingénieuse à dévoiler les moindres fraudes, reste souvent indécise devant les falsifications que l’on fait subir à certaines huiles. La question proposée par l’Académie a déjà été l’objet de nombreuses recherches. Bien des Mémoires ont été présentés à diverses Sociétés savantes sur ce même sujet. Nous avons regretté de ne pas en trouver un aperçu cri- tique dans le Mémoire que nous avons à analyser ; l’auteur eût ainsi précisé l'état de la science sur cette question, avant ses propres recherches. Remplissons en quelques mots cette lacune, qui nous permettra de faire ressortir ce qu'il y à de neuf dans le Mémoire soumis à notre appréciation. En 1832, M. Poutet , et, après lui, M. Félix Boudet, ont mis à profit les diverses colorations et le temps plus ou moins long que certaines huiles apportent à se solidifier sous l'influence du nitrate acide de mercure ou de l’acide hypo-azotique. Ce mode d'opérer est encore celui qui donne les résultats les plus avantageux, lorsqu'il s’agit de reconnaître la fraude de l'huile d'olives par une huile de graine. M. Fauré a proposé l’action de l’ammoniaque et de l'acide hypo-nitrique. Suivant ce chimiste, les couleurs et les consistances variables que cet alcali et cet acide donnent aux huiles, peuvent servir à reconnaître les mélanges. Pour discerner la fraude des huiles, on peut encore recourir, comme l'a conseillé M. Pénot, à l'emploi d'une 58 ACADÉMIE DE ROUEN. solution saturée à froid de bichromate de potasse dans l'acide sulfurique , sous l'influence de laquelle les huiles prennent des couleurs variables. En 4841, Heidenreich s'est servi de l'acide sulfurique pour reconnaître les huiles. Lorsqu'on ajoute une goutte d'acide sulfurique à 66° à dix ou quinze gouttes d'huile déposées sur un verre blanc, on voit presque aussitôt apparaître une coloration qui varie suivant l'espèce d'huile employée , et suivant qu'on laisse l'acide sulfurique réagir tranquillement sur l'huile, ou qu'on remue les deux liquides avec une baguette en verre. Tous ces procédés, comme on le voit, sont basés sur des phénomènes de coloration variable, qui auraient cer- tainement leur importance, s'ils étaient nets et tranchés. Mais, dans la plupart des cas, on reste indécis devant des teintes jaune-clair, jaune-olive, jaune-orangé , jaune- brun, jaune-verdâtre, dont les nuances variables, sui- vant une foule de circonstances , ne permettent pas de se prononcer sur la question de la falsification des huiles. On à essayé ensuite de comparer les huiles sous le rapport de leur densité. Heidenreich s’est servi de l’alcoo- mètre de Gay-Lussac; mais cet instrument n’accuse pas de différences assez sensibles, sous ce rapport, entre les diverses espèces d'huile du commerce. M. Lefèvre évalue ces densités au moyen d'un aréo- mètre particulier auquel il a donné le nom d'oléometre a froid. M. Lorot à construit un instrument qui permet surtout de reconnaître , à la température de 400, les falsifications que l’on fait subir aux huiles de colza ; cet instrument à d'ailleurs déjà été l’objet d'un rapport à l'Académie en 1841. Tous ces aréomètres sont fort utiles dans certains cas ; mais lorsqu'il s'agit des fraudes que l'on fait subir à l'huile SÉANCE PUBLIQUE. 59 d'olives au moyen des huiles d’arachide et de sésame, la densité de ces dernières étant la même sensiblement que celle de l'huile d'olives, les fraudes ne peuvent plus être dévoilées. Je ne citerai que pour mémoire le diagomètre de Rous- seau, fondé sur la propriété dont jouissent les huiles, à l'exception de l'huile d'olives et de quelques autres, de conduire facilement l'électricité. La difficulté que la pratique de cet instrument présente aux personnes peu habituées aux recherches délicates, et, de plus, la multiplicité des causes qui peuvent faire varier ses résultats, ont fait renoncer à son emploi. Après ce résumé rapide de l’état de la question , exami- nons maintenant le Mémoire soumis à notre appréciation. L'auteur à partagé son travail en six parties : Les trois premières parties sont consacrées à retracer les caractères des huiles d'olives, de sésame et d’arachide ; Dans la quatrième , il compare ces diverses espèces d'huiles entr’elles ; Dans la cinquième , il s'occupe des mélanges en pro- portions variables de ces huiles, et des caractères distinc- tifs qu'offrent ces mélanges. Après avoir cherché à constater les fraudes par des essais qualitatifs , 1l discute la question du dosage des mélanges ; Enfin, dans la sixième partie , il traite des huiles tour- nantes. L'auteur décrit avec soin les caractères propres à chaque espèce d'huile, son mode d'extraction , et l’action exercée sur elle par les différents agents chimiques. On voit, à son style et au choix de ses expressions techniques, que ce sujet lui est depuis longtemps familier. Pour nous assurer de la valeur du mode opératoire qu'il propose pour reconnaitre la pureté d’une huile d'olives 60 ACADEMIE DE ROUEN. nous avons dû répéter les expériences citées par l'auteur, et préparer nous-même les huiles de sésame et d’arachide afin d'être sûr de leur pureté. Quant à l'échantillon d'huile d'olives, il provenait de notre laboratoire , et nous savions que c'était de l'huile d'olives vierge. ° Voici quel est le procédé recommandé par l’auteur pour reconnaître les fraudes de cette huile : Il faut mêler dans un tube 4 centilitres d'acide sulfu- rique, 3 centilitres d'eau, 4 centilitres d'huile et 3 centi- litres d'acide nitrique. On agite pendant quinze secondes. Si l'huile est pure, elle est en partie décolorée pour prendre une teinte paille, et l'acide revêt une apparence blanchâtre ; Si l'huile d'olives est mélangée de sésame, elle se colore en rouge et l'acide en jaune ; Si l'huile était mélangée d’arachide , elle passerait en un quart d'heure au gris ou au brun noir, et l'acide ne se colorerait pas. Il semble, à la lecture de ce mode opératoire, que la fraude peut ainsi être dévoilée aisément ; mais en répétant ces expériences, on ne tarde pas à voir combien ces sortes de réactions, fondées sur des colorations variables, appor- tent peu de conviction à l'esprit. Ce ne sont pas les principes gras, solides et liquides , dont l’ensemble forme une huile, qui éprouvent ces modi- fications de teintes, mais bien les principes colorants, qui ne sont qu'accessoires , et dont la quantité doit varier sui vant le degré d'ancienneté de l'huile, le terrrain où le fruit a été récolté et d’autres circonstances analogues. Il résulte de là que, pour arriver à des réactions iden- tiques, il faudrait toujours opérer sur la même espèce d'huile. En répetant les expériences signalées par l'auteur, nous sommes loin d'avoir obtenu des résultats aussi tranchées, et SÉANCE PUBLIQUE. 61 il nous eût été impossible d'affirmer qu'il y a fraude en observant des colorations qui ne donnaient souvent que bien peu de différence. Les moyens sur lesquels l’auteur se fonde pour recon- naître la fraude qualitativement , n’offrent d’ailleurs rien de neuf. L’acide sulfurique et les colorations diverses auxquelles il donne naissance, l'acide hypo-nitrique qui solidifie une huile plus ou moins promptement, ont déjà été proposés par d’autres auteurs, comme nous l'avons dit dans notre revue rétrospective. La partie neuve du Mémoire que nous analysons consiste dans le dosage des huiles mélangées. Le procédé de dosage de l’auteur repose sur ce fait que le brome n'est pas absorbé dans la même proportion par chaque espèce d'huile commerciale, préalablement traitée à froid par une solution aqueuse de potasse. Voici en quoi consiste le mode d'exécution : Il faut tarer un tube gradué sur une bonne balance, peser à part 5 grammes de l’huile à essayer, puis ensuite 5 grammes d’une solution de potasse à l'alcool (5 par- ties potasse et 95 eau). On agite ces liquides pendant trente secondes , puis on introduit 46 grammes d’une so- lution froide de brome formée de 20 grammes brome et 40 grammes alcool à 50°. On agite pendant deux minutes, puis on laisse au repos. Après un quart d'heure, on enlève 10 grammes de la liqueur bromée , et on décolore par une liqueur térében- thinée formée de 2 grammes térébenthine et 98 grammes alcool à 86°. On pèse, par différence, la quantité de liqueur téré- benthinée nécessaire pour la décoloration. L'auteur a trouvé que, pour l'huile d'olives, il faut employer 10 gr. 7 de cette liqueur ; pour l’huile d’arachide, 62 ACADÉMIE DE ROUEN. 9 gr. 2; pour l'huile de sésame, 4 gr. 02, et naturellement des chiffres intermédiaires pour les mélanges de ces huiles. Ainsi, de compte fait, sept pesées pour une seule opé- ration, et quelles pesées! C’est du brome, liquide dan- gereux dont les vapeurs causent des ophthalmies doulou- reuses, qu'il faut sans cesse manipuler sur le plateau d'une balance de précision qui ne tarderait pas à être hors d'usage; sans compter que le prix du brome est très élevé, et qu'il en faut 16 grammes environ pour chaque opération dont il faut nécessairement prendre des moyennes. Ces sortes d'analyses exigent quelques heures de travail, présentent de nombreuses chances d'erreur, et ne pour- raient jamais être faites par des personnes étrangères aux manipulations chimiques des laboratoires. Evidemment le problème posé par l'Académie, qui consiste à imaginer des moyens eflicaces, prompts et fa- ciles pour reconnaître les mélanges de ces trois sortes d'huiles, n’a pas été résolu par l'auteur, qui eût dà s’in- spirer de la simplicité des essais alcalimétriques et chlo- rométriques, et en général des dosages par les volumes. Ajoutons encore que le dosage par le brome ; que nous avons répété avec soin, ne nous paraît pas fondé sur des bases aussi certaines que l’auteur a voulu le dire, et qu'il donne lieu à des résultats souvent erronés. Votre Commission est donc d'avis qu'il n'y a pas lieu d'accorder le prix proposé, et elle pense qu'il convient de retirer, momentanément du moins, la question du concours. RAPPORT SUR LE CONCOURS DE POÉSIE DE 1858, FAIT AU NOM D'UNE COMMISSION (4), ar M. HELLIS. Se 90 S—— L'Académie ayant à proposer un prix de poésie, mais n'en ayant qu'un seul, a dû se renfermer dans un genre unique. Elle à choisi le conte qui, avec le vaudeville et la chanson, forme un des plus brillants fleurons de la couronne poélique de la France. Après La Fontaine, resté inimitable , Ducerceau, Piron , Voltaire et quelques autres brillent encore avec éclat. De nos jours, Andrieux, dans des narrations pleines de vie, de charme et de sensibilité, est demeuré comme un parfait modèle sous le rapport de la finesse, de l'élégance et de la composition. Le conte est un genre à part; s'il n’exige pas la sévérité de l’épitre, l'élévation de l'ode , la douceur de l'élégie ; s'il ne réclame pas, comme condition essentielle, la moralité qui est le but de la fable; s’il est, en un mot, plutôt une récréation de l'esprit qu'une leçon dictée par la sagesse , 1] a aussi ses lois et sa manière d’être. RS RO UN) mg nul clé jits 0 4m (1) Cette Commission était composée de MM. Deschamps, prési- dent ; Pottier , secrétaire de la classe des lettres; Ballin, Homberg , de Lérue, Mouton et Hellis, rapporteur. 64 ACADÉMIE DE ROUEN. Libre dans son allure , maître du rhythme et de l'expres- sion, il comporte tous les genres, admet tous les tons, sans être pour cela plus facile. Qu'il soit grave ou léger, gracieux ou terrible , un conte est un drame, avec son exposition, son nœud, ses péri- péties et son dénoûment ; c’est là ce qui le distingue de l’anecdote, qui consiste dans un fait ou dans un bon mot. Il doit séduire par les grâces du style , le mouvement et l'imprévu; que sa marche soit rapide. Le naturel et la simplicité étant son essence , l’auteur doit mettre tout son art à dissimuler ses efforts. Libre à lui de puiser dans ses souvenirs, d'interroger les légendes et même l'histoire , mais il est préférable que l'imagination en fasse les frais. A mérite égal, celui qui réunira les charmes du style au talent de la création, sera sûr d'être préféré. Par création, nous n’entendons pas exclusivement un fait nouveau, mais aussi l’art de féconder une idée ancienne, de rajeunir une vérité connue, et de lui donner, par l'attrait de la forme, le cachet de lorigi- nalité. Si je me suis étendu sur cette définition, si j'ai analysé la pensée qui doit inspirer ce genre de poésie, c’est afin de faire bien comprendre ce que désirait l'Académie et abréger ainsi mon rapport. Que beaucoup de concurrents réfléchissent sur ce qui leur était demandé; leur conscience leur dira s'ils ont rempli le programme , et ils s'étonneront peu du silence gardé sur leur compte. Indépendamment du fond, il est indispensable de se préoccuper de la forme ; qui dit poésie dit langage divin. Tout ce qui est traînant, incorrect, tout ce qui offense la langue, blesse l'oreille ou ce sens délicat qu'on appelle le bon goût, ne saurait trouver place dans une œuvre qui, par sa légèreté même, exige un haut degré de perfection. SÉANCE PUBLIQUE. 65 Un tableau de genre tire son prix du fini dans les détails ; on est sévère pour lui, et l'on analyse jusqu'au moindre coup de pinceau. En résumé, nous posons irois conditions pour un conte parfait : intérêt de la fable, pureté du style, originalité du sujet. Nous ne nous écarterons point de cette règle dans l'examen que nous allons aborder. Mais avant de commencer, qu'il nous soit permis de dire un mot sur l'esprit qui a dominé dans ce concours. La réserve dont les auteurs ont fait preuve dans le choix de leurs sujets, les talents qu'ils ont révélés, attestent que la poésie ne périt pas en France, et que les études sont sérieuses. Si quelques débutants se sont parfois écartés des règles du bon goût, un seul a failli aux conve- nances; chez les autres, la plus saine littérature a dicté les inspirations. Chacun a compris qu'une voie opposée n'aurait pas trouvé bon accueil au sein de la Compagnie ; en la respectant, les concurrents se sont honorés eux- mêmes : qu'ils veuillent bien en agréer ici nos remerci- ments et nos félicitations. Quarante-sept pièces ont été reçues; une quarante- huitième , arrivée trop tard, n’a pu être admise. Les fables, les apologues, les anecdotes, tout ce qui sentait la rêverie, la divagation ou l’excentricité, n’a pu nous arrêter longtemps, malgré le talent poétique dont plusieurs ont fait preuve. Parmi les œuvres qui ne se sont point écartées du pro- gramme, les unes pèchent par le fond, les autres par la forme , la moitié environ par les deux à la fois, ce qui rendra ma tâche moins pénible. Au premier rang des sujets heureux, nous citerons L'Antiquaire, dont la versification facile n’est point assez châtiée. > 66 ACADÉMIE DE ROUEN. Le Talisman, Les Échanges, Un Trait du sort, fables intéressantes et d’un assez bon choix, malheureusement déparées par un style faible, ou traînant, ou incorrect. En général, les auteurs ne sont pas assez sévères pour eux- mêmes ; ils oublient qu'il faut polir et repolir son ouvrage avant de l’exposer au grand jour. Un grand nombre, recommandables sous le rapport du style, pèchent par la faiblesse ou le peu d'intérêt de la composition, semblables à ces étoffes brillantes dont la trame est trop légère. Nous classerons parmi ceux-ci : Le Billet de banque, La Loi de tempérance, Un Effet des romans , Une Leçon de La Fontaine... Ces productions révèlent du goût, de la facilité, de la grâce parfois, et l'habitude des vers, sou- vent à un haut degré; mais cela ne suflit pas dans un genre où l'intérêt doit marcher en première ligne. Dans cette série, nous citerons, d’une manière toute particulière, L'Amaitié des femmes, où domine un sentiment délicat, et surtout La Croir d'or, où le naturel et l'élé- gance s'associent avec succès au but moral que l’auteur s'est proposé. Les mêmes qualités se remarquent dans une œuvre sans titre, que nous appellerons Les Réves ; car la jeune Églé v rêve et l’auteur aussi : charmante causerie qui sent la touche de Chaulieu et de Gresset. L'auteur, littérateur émérite (il avoue douze lustres), me pardonnera de noter qu'il met un peu trop Cupidon en scène; ce héros est aujourd'hui suranné ; nous ne pouvons voir là qu'une rémi- niscence du jeune âge. Le Bouffon et le Paysan, conte traduit de Phèdre, paraît le coup d’ essai d'un jeune homme récemment sorti des études, et plein encore de ses auteurs latins. Sa fable bien vieille n’est pas rajeunie ; elle dénote cépendant du bon vouloir et de la pureté dans l'expression. Il y a là SÉANCE PUBLIQUE. 67 quelque chose à espérer : les idées viendront plus tard. Disons , en passant, que Fénélon s’est exercé sur le même sujet; ses vers ne coulent pas de source, mais il se fait remarquer par sa concision et par l'intelligence de son modèle. Le simple Auditeur est une plaisanterie fine à l'adresse de plusieurs académies. Cette bluette joint, au cachet d'originalité, celui d’une forme heureuse; aussi a-t-elle été accueillie comme une saillie de bon aloi, sans admettre toutefois qu'avec un aussi modeste hagage l’auteur ait pris le concours au sérieux. Nous nous bornerons à dire à l’auteur du Cigare : il y a eu méprise dans votre envoi ; il appartenait de droit aux habitués des Soupers de Momus ; peut-être qu'au dessert ils auraient trouvé cela de leur goût. Nous dérogerons à la loi que nous nous sommes imposée de taire tout ce qui esten dehors du programme, pour dire quelques mots sur deux productions qui, par leur impor- tance et leur valeur réelle, ont paru dignes de cette exception. Je veux parler de Rouen et la liturgie romaine et de Æawa ou la Calybe. La première paraît l'œuvre d'un poète qui débute dans la carrière. Probablement élevé sur les marches de l’autel, il avait été témoin des amers regrets de nos vénérables chanoines (fidèles défenseurs des us et coutumes) lorsque le honnet carré leur fut enlevé. Il a rêvé du lutrin et raconte leur angoisse, leur trouble et leur désolation à la nouvelle du décret qui leur imposait le bréviaire romain. Quoique le récit dialogué pèche par trop d’uniformité, on rencontre des vers heureux , des portraits bien tracés, et des passages remplis du sentiment poétique et chrétien. Qu'il nous soit permis de dire à l'auteur d'Hawa la Calybe , dont l'imagination riche et puissante paraît appelée à se faire un nom : vos vers sont harmonieux, vos descrip- 68 ACADEMIE DE ROUEN. tions brillantes, votre poésie est luxuriante comme la nature que vous peignez: méfiez-vous de cette fougue trop ardente; relisez et châtiez vos vers écrits sous le feu d’une vive inspiration; évitez ces mots barbares qui fatiguent les yeux , blessent l'oreille et font le désespoir des lecteurs. Ce qu’on ne comprend point, lasse et rebute. Nous épreu- vons un véritable regret que le sujet choisi par l'auteur ne nous permette pas de le louer sans réserve. Une fille du désert est séduite et enlevée par un officier français, que les Calybes indignés tuent d'un coup de leur carabine. C’est peut-être un fait comme on en voit trop dans un pays conquis ; il faut les taire et non les honorer. D'ailleurs, ce n’est là ni un conte ni de la couleur locale. On remarque de plus sérieuses qualités dans L'Enfant et l'Oiseau, ou l'enfance du poète Jasmin. Cette compo- sition brille par le sentiment et l’exquise sensibilité ; une touche facile et gracieuse , des mots qui partent du cœur, la recommandent comme œuvre poétique, sans que nous puissions reconnaître un conte dans ce récit un peu trop fantastique. Jusqu'ici, nous n'avons parlé que des productions où des qualités parfois brillantes étaient contrebalancées par des défauts équivalents. Abordons une autre série plus irréprochable, et voyons la lutte s'engager entre les six pièces qui ont unanimement réuni les suffrages de la Commission. Commençons par Les Deux Amis et La Sauce des Harengs. Dans le conte des Deux Amis, un chien malheureux , voué à la mort à cause de l'impôt, est recueilli par un pauvre ouvrier. Ce chien sauve de l’eau la fille unique du riche industriel -qui l’avait durement repoussé. Cette narration, simple et touchante , offre des scènes qui émeuvent et des vers qu'on aime à relire. Comme SÉANCE PUBLIQUE. 69 l’ouvrier est intéressant ! Comme on sourit à la confiance et à la communauté de toute chose bientôt établie entre les deux amis ! Et ce bon animal, efflanqué, crotté, maigre, que son œil est doux, son air humble et suppliant quand il semble dire : Je suis laid , je le sais, mais je suis bon ; peut-être Un plus beau, moins que moi serait reconnaissant. Mais l’impôt était là, coûteux et menaçant... Jamais, Messieurs, vous ne comprendrez combien cet impôt a fait verser de larmes , répandre de sang ; que de cœurs aimants il a déchirés, car Alors on vit partout, malheureux exilés, Sur les chemins déserts , dans les bois isolés, Ces doux amis de l'homme, errant à l'aventure, Sans os et sans argent, sans toit et sans pâture, Chercher un maître qui, daignant les mal nourrir, Voulüt bien et les battre et se laisser chérir..... Dans La Sauce des Harengs , autre genre d'émotion. C'est la joie, les espérances et les tribulations d’un amateur fou de tulipes. Un oignon, le fruit de ses veilles et de ses plus doux rêves, à demi dévoré par son valet pour servir de sauce à un hareng; par quel miracle ce bulbe fleurit plus tard et donna naissance à une fleur merveilleuse qui dut à cette aventure le nom bizarre qu'elle porte encore : La Sauce des Harengs. Ce récit amusant, plein d'intérêt, marche avec rapi- dité. Que cet amateur fou est bien peint, son portrait est vivant ! Comme il s’enfle d’un doux ofgueil à la nouvelle que lui apporte Jérôme : L'Inde à pu voir enfin l’ellébore fleurie ! 70 ACADEMIE DE ROUEN. On sent la vérité de ce vers charmant : L'espoir qui rend heureux , le bonheur qui rend bon. Aussi, rien ne lui coûte : un doublon à Jérôme, un déjeuner de roi, composé de hareng frais. Mais que devient-il quand il voit le gastronome, qui ne pouvait manger le poisson sans la sauce, déchirer à belles dents cet oignon , produit de ses semis, qui doit donner Une fleur admirable , inconnue et nouvelle, La plus rare et partant, selon lui, la plus belle; Il contemple en espoir ce bouton bien penché Qui doit s'épanouir en coupe gracieuse, Et dont les trois couleurs sur fond d’or panaché Feront bientôt pâlir la tulipe orgueilleuse. A la vue de son oignon qu'on dépèce , 1l ne se connaît plus, il oublie sa goutte, il court, il crie, fulmine, perd Ja raison comme Harpagon ne trouvant plus sa cassette ; il s'écrie : CES OMC OO TOI CHOICE MOD NE CCC RCE Mon oignon, mon oignon, ou sinon je l’assomme , Mon oignon de tulipe, au moins vingt mille écus! kends-le donc -5---2-uimieree Il faut abréger, Messieurs, car le temps me presse ; certes, voila deux beaux contes? Pourquoi n'ont-ils pas trouvé faveur sans réserve devant la Commission? Ces auteurs n'ont pas rencontré un ami dévoué, sincère , inexorable, assez ferme pour signaler à ces pères trop tendres les imperfeetions qui ternissaient les grâces de leurs enfants chéris. I leur eût dit : vos inspirations sont charmantes; vous touchez, vous amusez; vos fables, pleines d'intérêt et SEANCE PUBLIQUE. TI d'originalité , attestent des talents de premier ordre ; mais votre style inégal, parfois traïnant, ne se soutient pas constamment à la même hauteur. L'hexamètre que vous adoptez, alanguit la marche des récits. Variez ces locutions qui reviennent avec monotonie ; évitez ces rimes dont la pureté est douteuse. Depuis Pierre Corneille, l'Académie de Rouen est chatouilleuse à l'endroit des vers. Pour triompher dans ses concours, il faut être trois fois irré- prochable. Les taches que nous signalons sont légères, et échap- pent dans une lecture rapide. Plus d’une pièce inférieure à celles-ci a été couronnée ailleurs. Malheureusement , nous sommes dans la surabondance du bon, et, devant des consciences complètement pures, nous devons tenir compte des fautes les plus vénielles. Nous ne trouvons plus ces imperfections dans deux contes intitulés : La Culotte de Monseigneur et L'Amour idéal. L'un est un trait touchant de charité de M# Daviaux, archevêque de Bordeaux ; l’autre le rêve d’une jeune fille un tant soit peu romanesque, qui ne veut épouser que l'inconnu qui l’a sauvée de la submersion. Or, ce sauveur n'est autre qu'un chien de Terre-Neuve. Ces deux narrations sont inattaquables sous le rapport du style. On sent la main de maîtres qui ne sont pas à leur coup d'essai. Dans la première, intitulée : La Culotte, les vers entre- coupés sont d’un bon effet; le dialogue est vif, mêlé de mots heureux. C’est un tableau de genre accompli. Sans affecter la pruderie anglaise, on éprouve pourtant quelque regret qu'un aussi beau talent ne se soit pas exercé sur un autre motif. Le mot obligé, bien que placé avec art et entouré de tous les ménagements convenables, doit parfois s'étonner de se trouver en aussi bonne compagnie. Cette pièce, malgré sa briéveté Celle compte à pee 72 ACADÉMIE DE ROUEN. cent vers), nous à paru devoir être l'objet d'une distinction spéciale. Dans L'Amour idéal, le rhythme de dix syllabes qui convient si bien à la narration, a été adopté. Les vers coulent de source. La grâce, la finesse, la malice, n'y font point défaut. Ça et là on y rencontre des traits d'un bonheur inouï; les descriptions abondent. L'auteur, se complaisant dans son œuvre, laisse aller sa plume; il oublie un peu le précepte du législateur : soyez vif et pressé... il arrive ainsi à plus de cinq cents vers. Son cadre eût gagné à être rétréci. Nous ajouterons que sa fable n'a pas l’attrait de la nouveauté; nous l'avons apprise, il y a bien trente ans, dans un vaudeville qui, je crois, est encore au théâtre. Néanmoins , ces deux récits réunissent tant de-perfec- tions, ils exhalent un si doux parfum de poésie légère, que le dernier débat se serait élevé entr'eux, si la forme seule eût pu faire pencher la balance. Nous avons dit, au commencement de ce rapport, qu'à mérite égal, les œuvres originales devraient toujours être préférées. L'art de créer est un don du ciel. Les versifi- cateurs abondent là où les poètes font défaut. Parmi les envois non mentionnés, plus d’un attestent de la facilité, des études sérieuses et l’art de rimer. Que leur a-t-il manqué? Une idée. Ce sont des peintres qui possèdent une riche palette, mais qui ne savent quel emploi faire de leurs riches couleurs. Deux athlètes sur quarante-sept sont demeurés invul- nérables dans ce rude combat : le n° 36 et le n° 16. L'un a pour titre : Le Conte de la Margrave, V'autre : Le Char- latan et les Héritiers. Qu'il nous soit permis de nous étendre un peu sur ces deux productions, les plus parfaites et les plus saillantes de ce remarquable concours. Le conte de La Margrave est tiré de la plus noire légende SÉANCE PUBLIQUE. 73 ou sorti d'une imagination allemande. C'est une de ces fables où l'esprit de ténèbres joue le premier rôle, et tient tout ce qu'on peut attendre d'un pareil acteur mis en scène. C’est la sévère punition d’un moment de curio- sité. Dans cette œuvre, on trouve de la vie, du mouvement, des images fortes qui se succèdent avec rapidité. L’atten- tion est sans cesse réveillée par le terrible et limprévu; c'est une suite de tableaux qui entraïnent sans fatiguer, par le désir qu'on éprouve d'arriver au dénoûment ; tout cela orné d’une versification irréprochable et parfaitement appropriée au sujet. La touche est ferme , sans exclure la grâce, et le surnaturel le dispute à la vérité. S'il nous était permis de joindre un mot de critique à ces éloges, nous exprimerions le regret que l’auteur n'ait pas choisi un autre dénoûment. Une femme qui dénonce son mari déchoit à nos yeux. Nous nous garderons bien de vouloir inspirer un auteur aussi doué, mais le suicide de Berthe était-il indispensable? Cela fait trop de victimes. En la laissant vivre, on pouvait trouver un autre moyen de lui faire expier suffisamment un moment d’excusable faiblesse, et Frédéric ne serait pas transformé en ange de lumière, rôle un peu élevé pour un jeune homme sans doute digne d'indulgence, mais qui ne saurait être proposé comme un modèle à suivre. Un dernier concurrent s’est présenté sous une forme nouvelle : c’est un chapitre de Balzac opposé à une vision d'Hoffman. Dans Le Charlatan et les Héritiers, l'auteur prouve ce que peut d'un pinceau délicat l’artifice agréable. Fidèle à sa devise , il a su égayer par la forme le plus lugubre des sujets. Puisant au fond du cœur humain , il a dévoilé un de ses replis les plus tristes, et, faut-il le dire, trop souvent le plus véritable, l’égoïsme et l'intérêt étouflant 74 ACADEMIE DE ROUEN. envers les morts tout sentiment de regret et de reconnais- sance. Ce thème, vieux comme le monde, a plus d’une fois fixé l'attention des moralistes, des poètes et des roman- ciers. Sans parler des anciens, Le Sage, La Bruyère n’y ont pas manqué. Andrieux, dans le conte de L'Alchimiste, met en scène un fils qui refuse de faire profiter son père d’un secret pour le faire revivre, que celui-ci lui a confié avant sa mort. Chez un romancier moderne, le Docteur Servans met sans succès à la même épreuve plusieurs de ses clients. Ces tableaux sont lugubres et serrent le cœur ; leurs auteurs, pour ourdir leur fable, ont recours au merveil- leux, au surnaturel. Ici, rien de pareil : tout est simple et ne sort pas des limites du possible. Le poète égaie en faisant penser, castigat ridendo…. C'est là son plus grand mérite, c’est là son originalité. On n'invente pas les mœurs, on les peint. La nature est à nous, mais le prix est pour celui qui sait la reproduire avec plus de charme et de vérité. Un charlatan offre à son auditoire un élixir dont la vertu infaillible ressuscite les morts; il a beau s'évertuer, il ne trouve personne qui consente à en faire l'essai. Ici, la nature prise sur le fait : on assiste à la foire; on voit le charlatan avec son audace , son orchestre êt son béant auditoire. On reconnaît son parlage ; on est sur la place publique. Cela en vers sans prétention, corrects, faciles à retenir ; le tout semé de traits fins et de saillies d’une piquante originalité. C’est le conte dans sa plus pure acception. L'auteur a médité sur le programme et bien compris La Fontaine. SEANCE PUBLIQUE. 75 La Commission s’est trouvée fort empèchée en présence de deux ouvrages réunissant toutes les qualités exigées ; elle a regretté vivement de ne pouvoir disposer que d’une couronne. D'un côté la force et l'énergie, de l’autre la finesse et la légèreté. L'un nous émeut et nous entraîne, l’autre nous amuse et appelle le sourire : tous deux inté- ressent vivement. La Margrave révèle un talent d’un ordre plus élevé, une conception d'une plus haute portée, mais le dénoù- ment laisse quelque chose à désirer, tandis que Le Char- latan, irréprochable dans son ensemble, termine par un trait charmant, dernier coup de pinceau qui achève dignement son œuvre, et adoucit ce qu'il peut y avoir de trop sévère dans l’ensemble du tableau. Que le moins heureux se console , il est glorieux de succomber ainsi. La seconde place est belle encore dans un pareil concours ; elle n’ôte rien à l’auteur de nos sym- pathies et de notre estime pour le talent dont il a fait preuve. La Commission propose : De décerner le priæ à la pièce n° 36, intitulée : Le Charlatan et les Héritiers ; Un 2 prix au n° 46, intitulé : Le Conte de la Margrave; Une médaille d'argent au n° 35 : L'Amour idéal. Le n° 9, La Culotte de Monseigneur, ayant été lu ailleurs, à été mis hors de concours ; Deux mentions très honorables aux n°° 33 et 34 : La Sauce des Harengs et Les Deux Amis. L'Académie ayant adopté ces conclusions, M. le Président a proclame le nom des lauréats dans l'ordre suivant : 76 ACADÉMIE DE ROUEN. MM. Paul VavassEuR, avocat à Rouen, une médaille d'or de 300 fr. 3. LESGUILLON, homme de lettres à Paris, une médaille de vermeil. Théodore MurET, homme de lettres à Paris, une médaille d'argent. LE Roy DE BONNEVILLE, une mention très honorable. DEPONNOB NPA EE DNE À LE CHARLATAN ET LES HÉRITIERS, CONTE Qui a obtenu le Prix de Poésie décerné par l'Académie Impériale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, dans sa séance publique du 6 août 1858, Par M. Paul VAVASSEUR, DE ROUEN. On à pour les défunts des égards que j'admire ; A peine ont-ils fermé les yeux, On leur prodigue l'or, et l’encens et la myrrhe; Ce sont tous des héros, des saints, des demi-dieux. Un char majestueux promène leur poussière ; Dans de pompeux discours on les ensevelit ; Les Phidias de cimetière Taillent en leur honneur le marbre et le granit. Une épitaphe, où la vérité brille, À tout venant raconte leurs vertus, Et le pinceau retrace à la famille Ces traits chéris qui ne sont plus !.... Tant de faste entre-t-il en un regret sincère ? Quelquefois , je le veux ; ou plutôt je l’espère ; 18 ACADÉMIE DE ROUEN. Mais que de gens, lorsqu'ils s'en vont à Dieu, Pleurés beaucoup , sont regrettés fort peu !.…. Cette morale est vraiment assez noire : Pour l'égayer, essavons d'une histoire. Au bon vieux temps, n'importe en quel pays, Un jour de foire , un fameux empirique Monté sur ses tréteaux, au son de la musique Charmait les manants ébahis. Homme disert et merveilleux artiste, Jongleur, musicien, voire mème dentiste, Il avait, le sournois ! dans son art égoïste, A quelque vieille femme arraché sans pitié De sa dernière dent la dernière moitié ! Au pauvre mendiant crédule Il avait pris son dernier sou, Joyeusement troqué contre l'or du Pérou Condensé dans une pilule; Bref, il semblait à bout d'arguments et de tours, Quand tout-à-coup, d’un ton plein de tristesse : « Assez, dit-il, assez de vains discours ! « Messieurs, pardonnez-moi..…. la douleur qui n'oppresse « Ne saurait dans mon cœur se renfermer toujours! » On se tut ; il reprit : « Honorable assistance , « Parmi les auditeurs dont l’aimable présence « Veut bien encourager mes modestes talents, « J'en vois avec regret dont les noirs vêtements « De parents adorés nous révèlent la perte ! « Ce spectacle, Messieurs, me désole.... » À ces mots Prononcés d’une voix par les larmes couverte, On répondit par des sanglots. SÉANCE PUBLIQUE. 79 Après quelques moments d’un pénible silence : « Consolez-vous, dit-il, voici votre sauveur ! « Le Charlatan n’est pas ce qu'un vain peuple pense, « Et du trépas en moi vous voyez le vainqueur. « Contemplez ce flacon d'apparence modeste ; «Il offre à vos regards une liqueur céleste « Que ne sauraient payer les plus rares trésors : « Car sa vertu, Messieurs, ressuscite les morts! « Sur deux hommes de bien, livrés à la potence, «J'en ai fait l’autre jour l’heureuse expérience ; «Et, bel et bien pendus, grâce à mon élixir « On les vit aussitôt se lever et courir. « Joyeux de retrouver l'existence terrestre , «Ils voulaient m'élever une statue équestre ; « Je ne le permis pas, et tous deux en retour «Au char de ma fortune attachés par amour, « Unirent leurs talents pour former mon orchestre : « Voyez! l’un est ma flûte et l’autre mon tambour ! » Ici, témoins vivants de ce fait authentique, Par un morceau d'ensemble et par trois roulements Les deux ressuscités prouvèrent sans réplique La bonté de leur cœur... et de leurs instruments. Alors le Cicéron, pour convaincre son monde, Faisant sonner en l’air une bourse assez ronde : « Vienne ici, cria-t-il, tout veuf, tout orphelin ! « Voici trois cents écus ; à ce prix je parie « Qu'il n’est sous terre ombre assez endurcie « Pour se montrer rebelle à mon baume divin. « Pleurez-vous votre époux, votre sœur, votre frère? « Est-ce un cousin, un oncle ou même un père? 80 ACADÉMIE DE ROUEN. « Tous ils s'en vont revivre, et par enchantement « Vous croirez assister au Dernier Jugement. « Pourvu que d’un parent la demande sincère « M'invite à ranimer une cendre bien chère, « A peine sur les fleurs qui couvrent le tombeau « Aurai-je répandu deux gouttes de cette eau, « Vous verrez le défunt, sortant de l'ombre noire, « Venir se promener avec vous à la foire !.…... « Quant au prix, je serai des plus accommodants : « Vous risquez trois écus, Messieurs , contre trois cents ! « Oui, Messieurs, trois écus!.…. Eh! qui n’a dans sa bourse « De trois petits écus la modeste ressource ? « Allons, bons héritiers! Allons , pieux enfants, « Rendez pour trois écus la vie à vos parents ! » = H dit, et par ces mots : En avant la musique ! Termina dignement ce morceau pathétique ; Et l'orchestre et la foule, unissant leurs accords, Firent ensemble un bruit... à réveiller les morts. Mais bientôt de la main commandant le silence, Il avisa, dans cette foule immense, Un bon fermier, vrai visage de veuf : On le voyait à son crèpe encor neuf. « Holà , dit-il, époux inconsolable, « Voulez-vous point, en àme charitable, « Hors du tombeau tirer votre moitié ? « À lui donner ce gage d'amitié « Pas n’est besoin, je crois, qu'on vous exhorte? » Notre manant , barangué de la sorte, Dut s’avancer ; chacun se dit son nom : Il s'appelait messire Philémon. SÉANCE PUBLIQUE. Naguère encor, d'un antique hyménée Il célébrait la quarantième année ; Mais depuis peu la mort, sourde aux amours , De sa Baucis avait tranché les Jours. «Monsieur, dit-il, je jure sur mon âme « Que s’il fallait pour cette pauvre femme (Et ce disant il s’essuyait les yeux), « Sacrifier mon existence entière « Et par ma mort lui rendre la lumière, « De mon destin je bénirais les cieux. «Mais... j'ai céans Suzon ma gouvernante, « Dont j'aime fort les apprêts diligents, «Alerte et jeune, et vive et prévenante, « Faite, en un mot, pour soigner mes vieux ans. «Or, cette fille, aussi brave que sage, € Quand il s’agit d'aborder les vivants, « Contre les morts n’a pas même courage : « Elle à grand’peur, Monsieur, des revenants ! « Et je suis sûr qu’en voyant sa maîtresse «€ Un beau matin rentrer à la maison : « D’effroi saisie et tombant en faiblesse, « Elle en mourrait dans une pâmoison ! « La pauvre fille, hélas! est orpheline : «Même elle n’a ni cousin ni cousine « Qui, du tombeau pour la faire sortir, « Puissent payer, Monsieur, votre élixir ; «Et, pour ma part, je croirais faire un crime «Si, par sa mort, J'achetais mon bonheur ; « Un tel marché coûte trop à mon cœur : « Mieux vaut souffrir que la rendre victime ! » Et, joignant deux saluts à sa péroraison , Il s'en alla chez lui retrouver sa Suzon. 6 82 ACADEMIE DE ROUEN. Or, on disait tout bas que cette ménagère Sur le cœur du bonhomme avait bien quelque droit, Et que l'anneau doré de la pauvre fermière Tôt ou tard brillerait au doigt De la piquante chambrière ! Ce néanmoins, en homme habile et fin, Le charlatan s'empressa de se rendre A des raisons qu'il dit fort bien entendre ; Puis à l’entour jetant un œil malin, I aperçut un élégant blondin Qui, manœuvrant d’une façon discrète , Exécutait une adroite retraite : «Eh! ne bougez, l'ami! » Comme il n'entendait point , Courir à lui, le saisir au pourpoint , Et tout penaud l’asseoir sur la sellette , Fut pour notre homme en deux temps chose faite. Unique fils d’un riche citadin Dont les bienfaits à toute la contrée Avaient rendu la mémoire sacrée , Cléon , depuis deux mois, se voyait orphelin. Il ne parlait que de son pauvre père Qui le laissait sans appui sur la terre ; Et, dans l'excès de sa douleur amère, A tout propos citait son pauvre père : Or, il l'avait fait mourir de chagrin. Le Charlatan lui dit : « Bon gentilhomme, « Ce n'est pas vous qui dénierez l'honneur « D'arracher au funèbre somme « De vos jours l’estimable auteur? » « Monsieur, répliqua-t-il d'une voix doucereuse , « Si je n'obéissais qu'a Finstinct de mon cœur, SÉANCE PUBLIQUE. 83 « Au prix de tous mes biens je paierais la valeur « De votre fiole merveilleuse. « Mais... rappeler mon père en ce triste séjour, « Serait-ce d’un bon fils lui témoigner l'amour ? « Tandis qu'il habitait ce monde de misères , « Il invoquait la mort en toutes ses prières ; «I la vit s’'avancer comme un divin bienfait ! « Depuis tantôt dix ans sans cesse il répétait « Que pour lui l'existence était un purgatoire : « Ah! ce serait vraiment une action trop noire « Que d'aller prolonger son supplice ici-bas ! « Mais que dis-je? À mes vœux pourrait-il condescendre ? « Ilest au ciel, sans doute ; en voudrait-il descendre ? « Monsieur le Charlatan , mais vous n'y songez pas! « Pour moi, loin de chercher à le faire revivre, « Je voudrais de ce pas, Monsieur, pouvoir le suivre !.… » Interrompu par des cris furieux , Le jouvenceau s'esquiva de son mieux ; Mais que ne peut la colère publique ? En un instant les gens de noir vêtus Sont assaillis, et deux nouveaux venus Trainés de force aux pieds de l'empirique. Vous eussiez vu l’un et l’autre captif, Pâle, défait, l'air plutôt mort que vif, Et tous les deux vous eussiez pu les prendre Pour les défunts qu’au jour on voulait rendre. L'un, d’un oncle opulent vaniteux héritier, Dut s'enhardir et parler le premier. Il dit que sa reconnaissance Ne tenait point à trois écus ; Qu'il en avait dépensé cent fois plus Pour enterrer son oncle avec magnificence ; 84 ACADÉMIE DE ROUEN. Car il était de ceux qui font tous leurs efforts Pour payer les vivants et rendre honneur aux morts ; Qu'il eût donc accueilli comme il devait le faire Du docte médecin la liqueur salutaire , Si ce remède tant vanté Eût pu rendre au défunt la vie et la sante ; Mais lui rendre à la fois la souffrance et la vie, C'était lui faire un don bien peu digne d'envie ; Car le pauvre homme, hélas ! des docteurs condamné, Déjà, dès ici-bas , souffrait comme un damneé ; Il était goutteux , asthmatique , Hypocondre et paralytique ; De tous ces maux la mort l’avait guéri : « Et par un trait d'ingratitude affreuse , « Moi, j'irais rendre à cet oncle chéri « Une existence à ce point douloureuse ! « Non, non, jamais ! reprit-il avec feu ; « Connaissez mieux ce que c'est qu'un neveu ! » Puis se calmant, il pria l’empirique De lui donner, pour son argent, Un bon flacon de son divin onguent : Il le conserverait, ainsi qu'une relique , Jusqu'à sa mort, afin que ses neveux Répandissent sur lui ce baume précieux Dont il n’osait, en bonne conscience , Sur son cher oncle essayer la puissance, Tant il craignait d'aller mal à propos Le tourmenter, et troubler son repos! « Bravo! cria la foule ; » — car son ire S'était soudain changée en un fou rire ; — « En vérité, cela ne va pas mal ! « Mais écoutons ce que du vieil avare , SEANCE PUBLIQUE. 85 « Ces jours passés victime d'un catarrhe, « Va répondre à son tour l'heureux collatéral. » « Monsieur, dit ce dernier, loin de moi ces excuses! « Pour l'honneur du pays, j'en suis vraiment confus. « Point n’userai d'aussi damnables ruses, « Et sur les faits j'appuierai.... mon refus. « Vous saurez donc que jusqu'à la folie « Mon cher cousin poussa l’économie , « Et dans ce vice... ou dans cette vertu « Mourut un jour comme il avait vécu. « Il gémissait sur sa funèbre couche ; « Moi, bon parent que ce spectacle touche, « Je vais quérir aussitôt chez Purgon « Certain calmant que j'offre au moribond. «— Combien, dit-il, a coûté ce breuvage ? — « — Quinze à vingt sous.—Vingt sous! quel gaspillage! « Un verre d’eau n'est-il pas aussi bon? « Vite à Purgon rendez sa médecine ! — « Puis contre moi, dans son humeur chagrine, « Sans purgatif exhalant sa fureur, «Il me voulait ôter son héritage ; « Et croyant voir sa fortune au pillage, « Il rendit l’âme en criant : Au voleur! « Or, pour vingt sous s'il montra tant de rage, « Pour trois écus, bon Dieu! quel serait son langage ! « A l'instant même, en dépit de nos cris, « Vous le verriez, Monsieur, rentrer sous terre, « Et pour jamais s’enfermant dans sa bière , « Refuser net de revivre à ce prix. « Que dis-je? Après avoir fini par la phthisie, «I mourrait pour le coup frappé d'apoplexie !.. 86 . ACADEMIE DE ROUEN. « Ainsi vous perdriez avec lui votre temps « Et vos trois cents écus; c'est là ce qui m'occupe : « Car je ne veux ni vous rendre sa dupe, « Ni m'enrichir à vos dépens. » Il dit, — C'en était trop pour acquérir la preuve D'un fait que tout d’abord personne n'aurait cru; D'ailleurs, on ne pouvait plus loin pousser l'épreuve : Les gens en deuil avaient tous disparu ! Or donc, pour finir cette histoire, Nul n’osa du sorcier soutenir le pari; Sans miracle il sauva sa gloire : — Mais que dut dire l'auditoire? — Il ne dit rien : il avait ri. Ajoutons toutefois en narrateur sincère , Pour l'honneur de l'humanité, Et pour quelque bon cœur de ma fable attristé, Que dans cette assemblée il n’était pas de mère ! De — CLASSE DES SCIENCES. | ? RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA CLASSE DES SCIENCES DE L'ACADÉMIE, PENDANT L'ANNÉE 1857-1858, Var M. À. LENY, SECRETAIRE DE CETTE CLASSE. MESSIEURS, Au moment de remplir pour la première fois l'honorable mission d'analyser les travaux de mes savants confrères , les souvenirs du passé se dressent devant moi, et, dans leur muette éloquence, ils m'inspirent une crainte dont je ne saurais me défendre. Pourrais-je, du reste, trop redouter une comparaison d’ailleurs si dangereuse pour moi avec mon savant prédé- cesseur? Personne, en effet, n’oubliera, qu'indépendam- ment des nombreux services rendus par M. Girardin à la cité et au département, notre collègue, si justement regretté, a occupé avec la plus grande distinction les fonctions que vos bienveillants suffrages m'ont confiées. Si le vote de l’Académie , en m'appelant au Bureau, m'a donné une valeur que j'aurais cherché vainement à puiser en moi-même, il ne fallait rien moins que cette 90 ACADEMIE DE ROUEN. haute marque d'estime pour ranimer mon courage el me permettre d'admirer et de louer, sans préoccupation per- sonnelle , le mérite de celui auquel je succède. L'Académie, par un privilége bien rare, et dont vous avez, Messieurs, apprécié depuis longtemps tout le prix, avait, il y a encore quelques mois, le double avantage de posséder, en qualité de secrétaires, deux hommes émi- nemment distingués : l’un d'eux, que nous avons le bon- heur de conserver, unit à un mérite littéraire et artistique incontestable toute la maturité d'esprit et la haute raison d'un savant, alors que son digne collègue, doué d'un talent scientifique non moins élevé, sait toujours entourer ses intéressants travaux de tout l'éclat des formes litté- raires les plus pures. Lorsque je suis venu , dans ces conditions si périlleuses pour moi, prendre possession du poste de secrétaire de la classe des sciences , M. le Président a bien voulu , avec ce tact parfait qui le caractérise , m'adresser des paroles vive- ment senties, qui sont allées droit à mon cœur. Je le remercie de nouveau et avec efusion d'avoir evoqué un souvenir qui m'est cher, pour m'indiquer un modèle à suivre, gage vénéré et toujours certain de succès près de vous. ; Dansles fonctions dont vous avez bien voulu me charger, Messieurs, je vois, du reste, beaucoup moins l'effet de l'opinion que vous avez pu concevoir de mon faible mérite, qu'une marque nouvelle de bon souvenir de votre part pour celui qui, il y à douze ans à peine, remplissait la même mission près de vous, et qui, pour m'avoir fait désirer peut-être encore plus vivement, s’il est possible , le poste que j'occupe aujourd'hui, ne me le rend pourtant pas moins redoutable. Cet héritage paternel, je le recueille avec amour et respect, et je voudrais avoir, je le confesse sans détour , CLASSE DES SCIENCES. 91 quelques-uns des mérites de celui qui n’est plus, bien moins pour m'en glorifier, que pour faire revivre et per- pétuer dans cette enceinte la mémoire d'un homme toujours heureux des services qu’il pouvait rendre à ses excellents confrères et à l’Académie tout entière. La Compagnie s’est livrée, pendant le cours de cette année, à des travaux variés et toujours intéressants ; communications, rapports, tout concourt à faire voir que l’Académie , amie sincère du progrès, cherche sans cesse à élucider des questions d’une haute portée scientifique , philosophique ou humanitaire. Des travaux sur l'anthropologie , la médecine , la thé- rapeutique , accompagnés de considérations philoso- phiques qui se rattachent à ces diverses branches des connaissances humaines , ont formé, avec des recherches sur les sciences naturelles, la matière d'une grande partie des mémoires présentés à l’Académie pendant le cours de cette année. J'ai cru devoir classer tout d’abord ces études qui se lient entr’elles, pour m'occuper ensuite de ques- tions, d’un haut intérêt sans contredit, mais qui ne sont plus que des travaux isolés, et dont le classement ne peut plus être qu’arbitraire. Il y a un an, Messieurs, à pareille époque, vous receviez au sein de cette Académie un membre nouveau , un collègue qu'une réputation justement méritée avait précédé dans uotre ville, et vous connaissiez déjà, par la valeur incon- testable de ses œuvres, l'habile aliéniste qui venait de recevoir la grave mission de soulager près de nous de douloureuses infortunes. La Compagnie à appris avec bon- heur que l'Institut, appréciant comme elles le méritaient les savantes études de M. le D: Morel, avait décerné à Médaille d'or décernée par l’Institut à M. le Dr Morel. Mémoire sur l'amélioration intellectuelle, physique et morale de l'espèce humaine. 92 ACADEMIE DE ROUEN. notre confrère une médaille d'or de 2,500 fr. pour son remarquable Traité des dégénérescences physiques , intellec- tuelles et morales de l'espèce humaine , et des causes qui pro- duisent ces variétés maladives. M. le Président, se faisant l'interprète des sentiments de la Compagnie , a exprimé à M. Morel toute la satisfaction que ses collègues avaient éprouvée à la nouvelle d’un si légitime succès. M. Morel, voulant prouver à l'Académie la haute valeur qu'il attache à sa sympathique approbation , a communiqué à la Compagnie des travaux inédits sur l’Amélioration intellectuelle, physique et morale de l'espèce humaine. Toutes les aspirations des peuples européens, a dit M. le D' Morel, tendent vers l'avènement d'une ère meilleure, que tout le monde désire, et dont personne ne saurait encore définir exactement les modes de réalisation les plus eflicaces et les plus opportuns; mais ce besoin d'amélioration tend malheureusement à prendre une direc- tion où les intérêts de la vie matérielle priment ceux de la vie intellectuelle et morale. Au milieu du concert de louanges que provoque le spec- tacle des merveilles enfantées par le génie de l'homme depuis un demi-siècle, se sont élevées des voix inquiètes qui ont contrasté avec celles de ceux qui trouvent que tout est pour le mieux dans l’état actuel de la société. Certaines personnes pensent qu'il existe dans l’es- pèce humaine des variétés, peut-être même des races dégénérées , et que les causes de cette décadence intellec- tuelle , physique et morale doivent provoquer les efforts des savants et des hommes de bien, dans le sens des moyens à opposer à tant de maux. Notre confrère à abordé cette grave question sur le terrain scientifique et pratique, en recherchant les signes CLASSE DES SCIENCES. 93 de l'ordre intellectuel, physique et moral, au moyen desquels on peut reconnaître les variétés dégénérées. Un des phénomènes les plus importants à examiner , dit l’auteur, est celui de la fécondité ou de la stérilité des individus. C'est sur le fait de la fécondité continue entre individus de même espèce que s’est appuyé Buffon pour prouver l'unité de l’espèce humaine. Tous les hommes, quelle que soit la différence des races, peuvent s'unir et propager en commun la grande et unique famille du genre humain. Cette importante vérité se prouve encore par l’expéri- mentation physiologique ; tous les individus d'une même espèce se propagent entr'eux, et possèdent ce que les naturalistes appellent /a fécondité continue. Ceux d’un même genre s'unissent, mais ils ne font que des métis à fécondité bornée. Or, la plus grave objection qu'on ait faite à l'unité de l'espèce humaine, est que les métis dans les races hu- maines avaient une fécondité bornée et ne pouvaient aller au-delà de la troisième ou quatrième génération ; mais ce fait est radicalement faux. Ce qui est peut-être non moins exagéré, d’après M. Morel, c’est l'opinion de M. Gobineau, sur les consé- quences fatales du mélange des races; mais, pour dé- montrer en quoi les naturalistes ont péché par exagéra- tion, M. Morel a fait intervenir l'élément pathologique, et nous à exposé ce qu'il faut entendre par fécondité bornée et par stérilité chez les variétés dégénérées. M. Morel a rappelé un fait bien reconnu aujourd'hui, c'est celui de la mortalité très grande des enfants qui naissent dans les conditions où les parents ont été soumis à des causes déprimantes et essentiellement dégénératrices , telles que la misère , les vices et les maladies. 94 ACADEMIE DE ROUEN. Notre savant confrère a observé que la mortalité est grande dans les familles des aliénés, et qu'il n'est pas rare d'observer chez les enfants, victimes de causes dégénéra- trices, le phénomène de la stérilité. On remarque en outre chez eux, indépendamment des déformations particulières de la tête, une intelligence sou- vent obtuse, des tendances vicieuses, des facultés bornées, et des aptitudes restreintes pour telle ou telle profession manuelle. Notre confrère fait ressortir l'importance de ces faits pour la médecine légale, pour les mariages à contracter, et pour l'éducation de certains enfants nés dans des condi- tions maladives. Tous les faits d'imbécillité ou d’idiotie congénitale ne proviennent pas tous des causes que nous avons énu- mérées ; il existe encore des causes physiques et morales indépendantes de la moralité des parents, et qui peuvent amener ces résultats déplorables; telles sont les frayeurs ressenties par la mère, les convulsions du jeune âge chez les enfants, les coups et les chutes sur la tête et autres causes encore. Ces considérations ont servi à M. Morel de transition à l'étude des causes d'infériorité chez les différentes races humaines. « En cherchant, dit-il, l'existence d’un genre animal à placer entre le genre homo et le genre gibbon, les naturalistes, à commencer par Bory de Saint-Vincent, ont faussé la vérité des faits, ils ne les ont pas rapportés à leurs véritables causes, » Tout ce que l'on peut dire de la dégradation intellec- tuelle, physique et morale des Boschimans et de quelques autres races inférieures , trouve son explication naturelle dans la misère extrême qui a pesé sur les différentes frac- tions de l'humanité, et qui les a soustraites à la bien- faisante influence de la civilisation. D'ailleurs, les faits extrêmes de barbarie, lanthropophagie entr'autres, ne sont CLASSE DES SCIENCES. 95 pas des faits inhérents à la nature d'espèces distinctes. D'abord ces tendances ne sont pas universellement ré- pandues; elles sont, le plus ordinairement , le résultat de transmissions héréditaires de mauvaise nature, et l'observation prouve que ces instincts déplorables ont pu être corrigés par la conversion de ces peuplades déshéritées. Pour les expliquer, il n'est donc pas néces- saire de recourir à la théorie des créations multiples de l'homme dans ses rapports avec les diverses zones géo- graphiques. M. Morel, en nous montrant ensuite les différences extrêmes que l'élément maladif apporte dans les formes de la tête et du squelette humain chez les variétés dégé- nérées , est venu au-devant de l’objection principale que l’on à voulu déduire de ces dissemblances chez les races inférieures. Rien n’empêche donc d'admettre qu'une cause de l'ordre maladif ait déterminé, chez les Lapons et chez d'autres races inférieures, l’état de dégradation physique qui est le cachet de ces races. La même induction analogique s'applique aux phéno- mènes anormaux de l’ordre intellectuel et moral que l'on remarque chez les insulaires de la Polynésie et dans la race indigène de l'Amérique. Nous avons pareillement vu, dans les variétés dégéné- rées dont M. Morel nous à montré les tristes spécimens, les déviations les plus extraordinaires du caractère intel- lectuel et morai de l’homme. La pathologie suffit pour expliquer ces résultats, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la théorie de la création d'espèces distinctes. Pourquoi en serait-il autrement pour les races inférieures? Enfin, pour compléter la démonstration, il suffit de considérer les résultats obtenus par les missionnaires au milieu des peuplades les plus abruties en apparence; toutes ont été susceptibles de comprendre et d'accepter la loi morale et Observations de M. Vingtrinier, Réponse de M. Morel. 96 ACADÉMIE DE ROUEN. religieuse qui a conduit dans la voie du progrès les peuples les plus avancés actuellement en civilisation. M. le D: Vingtrinier, tout en adoptant une partie des opi- nions de M. le Dr Morel, a cru devoir combattre le principe de l'unité de l'espèce humaine. M. Vingtrinier pense que son honorable confrère n’a pas présenté d'arguments tout-à-fait concluants à l'appui de sa thèse. Une famille française, par exemple, allant habiter la Cafrerie, pourrait-elle , sous l'influence climatérique, devenir aussi dégénérée que les habitants de ces tristes contrées? M. Vingtrinier ne le pense pas; il est porté à croire qu'il y à, dans la nature, des types essentiellement variés. M. Morel a défendu l'opinion de l'unité de la race humaine ; il a fait ressortir l'argument principal qu'il a déjà fait valoir de la fécondité indéfinie des individus originaires de races différentes qui s'étaient mélangées. Quant à l’objection qu’un blanc transporté en Nigritie ne pourrait pas devenir noir et réciproquement, il faudrait avant tout, dit M. Morel, établir d’une manière bien pré- cise ce qu'on entend par ces mots : un nègre! Il y à bien des types différents; il y a, en quelque sorte, une grada- tion; comment ces dégénérescences graduelles se sont- elles produites? Il est difficile de l’établir d’une manière complète. Cependant on retrouve, dans les anciennes peintures égyptiennes, la représentation de certains types qui ont disparu parce que les races dont ces individus faisaient partie se sont croisées avec d’autres. C'est, du reste , ce qui arrive encore de nos jours. La race anglaise perd dans les Indes son teint caractéristique ; la figure des colons devient rapidement basanée sous la double influence des chaleurs asiatiques et des maladies endémiques. CLASSE DES SCIENCES. 97 Les sages aperçus de M. Morel, ses intéressantes com- munications , sont les éléments d’un grand ouvrage que notre savant confrère écrira un jour, pour servir de com- plément à son beau traité des Dégénérescences physiques, intellectuelles el morales de l'espèce humaine. Nous devons encore à M. le D' Morel un rapport fort intéressant sur un ouvrage de M. Bertherand , professeur à l’Ecole de médecine de Lille. Le travail de M. Bertherand a pour titre : Médecine et Hygiène des Arabes. Ce livre, comme le titre l'indique, est un ensemble d'études sur l'exercice de la médecine et de la chirurgie chez les Musulmans de l'Algérie , sur leurs connaissances en anatomie, histoire naturelle, pharmacie, médecine légale, etc., avec des aperçus sur leurs conditions clima- tériques générales , leurs pratiques hygiéniques publiques et privées, leurs maladies, leurs traitements les plus usités. Le rapport de M. Morel renferme des considérations d’une haute portée philosophique , et met si bien en lumière la valeur du beau travaii de M. Bertherand , que l'Académie à ordonné l'insertion dans son Précis du remarquable rap port de notre savant confrère. Si la décision de la Compagnie m'empèche d'analyser, même sommairement, le travail de MM. Morel et Berthe- rand, un devoir me reste à remplir, c'est celui de rap- peler que l'Académie , ratifiant le jugement porté par la Commission dont M. Morel était l'organe, a conféré à M. Bertherand , comme une preuve de sa haute estime , le titre de membre correspondant. Un autre membre correspondant , M. Aimé Vingtrinier, fait non-seulement part de ses travaux à l’Académie, mais encore, rempli d'un zèle dont la Compagnie lui est recon- = { Médecine et hygiène des Arabes, par M. le D: >ertherand ; M. Morel, rapporteur. Chimie appliquée à la thérapeutique, par M. Bernard fils; M. le Dr Vingtrinier, rapporteur. Essai sur l'histoire de la chirurgie à Lyon, par M. Pétrequin ; M.Vingtrinier, rapporteur. Mémoire de MM. Deboutte- ville, Mérielle et Desmarest, sur les Asiles d’aliénés ; M. Vingtrinier, rapporteur. 98 ACADÉMIE DE ROUEN. naissante , il lui adresse des Mémoires intéressants dus au talent de plusieurs de ses collègues, habitant comme lui la ville de Lyon. Nous citerons particulièrement deux Mémoires dont M. le Dr Vingtrinier nous a rendu compte. Le premier de ces Mémoires traite d’une question remar- quable de chimie animale, où l’auteur, M. le D° Bernard fils, se demande si les découvertes récentes faites dans cette branche importante de la science, ont exercé sur la pathologie et la thérapeutique une influence profitable à la médecine pratique. Dans cette étude , M. le Dr Bernard passe en revue tous les travaux curieux qui ont paru sur la matière, afin d'arriver à des résultats pratiques ayant trait plus parti- culièrement à la fonction de la digestion. L'honorable rapporteur reconnaît , avec l’auteur , que la médecine puise des renseignements précieux pour la guérison des malades dans les travaux des chimistes modernes. Le second Mémoire a pour titre : Essai sur l'histoire de la chirurgie à Lyon , par M. le professeur Pétrequin. Ce travail est un discours de réception prononcé par l’auteur à l'Académie de Lyon. Le savant chirurgien a tracé avec beaucoup de talent une histoire de l'art chirurgical à Lyon, dans ses rapports avec le mouvement littéraire et les phases de la civilisation. L'honorable rapporteur à lu à l'Académie , pour lui en faire apprécier le mérite, quel- ques passages de cette œuvre remarquable. Si les travaux des savants étrangers à la localité sont accueillis avec faveur par l’Académie , celle-ci ne prend pas un intérêt moins vif aux études, d’ailleurs si sérieuses, auxquelles se livrent les habiles médecins de nos contrées, et les hommes dévoués qui se proposent de résoudre les grands problèmes d'hygiène et de salubrité. Aussi, la CLASSE DES SCIENCES. 99 Compagnie a-t-elle été heureuse d'entendre un résumé du rapport présenté à l'Administration par MM. Deboutte- ville, Mérielle et Desmarest, à la suite d’une visite faite par ces savants dévoués aux asiles d’aliénés dans la Grande- Bretagne. Ce Mémoire , d’une date déjà ancienne, puisqu'il rend compte d’un voyage fait pendant l’année 1853, n'était parvenu à l’Académie que depuis peu de temps; mais M. le Dr Vingtrinier, toujours plein de zèle pour,le soula- gement de toutes les souffrances, a voulu faire connaître à la Compagnie l'importance d’un travail qui avait pour but de déterminer quelles étaient les dispositions les plus avantageuses à donner à un asile d’aliénés dans notre département. L'honorable rapporteur pense que l'asile de Quatre- Mares a profité des observations faites en France et à l'étranger par la Commission; aussi, cet important établis- sement est-il aujourd’hui le modèle sur lequel se for- meront sans doute tous les asiles à créer. M. Vingtrinier insiste tout particulièrement sur les observations faites par notre regrettable confrère M. le Dr Mérielle , relativement au service médical. Les médecins anglais admettent à peu près la même classification qu’en France; pour chaque cas, 1ls indiquent un traitement spécial, et ils ont recours simultanément aux moyens physiques et aux moyens moraux; mais le vrai remède contre la folie est la séparation ; le reste n’est qu'accessoire. Le D' Mérielle préconise par-dessus tout la méthode universellement employée de traiter les malades avec bienveillance. Dans tous les pays, on recherche avec une grande ardeur les causes de la folie ; on veut en déterminer l'origine phy- sique et l’origine morale. Observations présentées par M. le Dr Morel. 100 ACADEMIE DE ROUEN. Le fait de l'hérédité décèle une cause physique ; l'abus _desliqueurs alcooliques est uneautre cause de même nature. M. Vingtrinier pense que l'on devient fou comme on devient phthisique ; dans le premier cas, par suite d'une altération matérielle du parenchyme cérébral; dans Île second , à cause d'une altération du parenchyme pulmo- naire ; d'où il résulte , pour notre confrère , que les causes physiques l'emportent beaucoup sur les causes morales, et il cite, à Fappui de son opinion, un travail de notre confrère, M. le Dr Avenel, publié dans le Précis de l'Aca- démie pour l'année 1858. M. Vingtrinier exprime le regret que M. Mérielle n'ait pas parlé, dans son rapport, des aliénés qui séjournent dans les prisons et sont traduits en justice. Notre zélé confrère désirerait savoir si, en Angleterre , les médecins peuvent intervenir en justice pour renseigner les magistrats dans le cas de poursuites exercées contre des aliénés. L'honorable rapporteur fait des vœux pour que celte intervention soit admise partout, dans un but de justice et d'humanité. M. le D Morel n'adopte pas les vues de l'honorable rapporteur sur les causes qui engendrent la folie ; il pense que celles-ci sont plus généralement morales que phy- siques. Ce serait à tort que l’on attribuerait à la misan- thropie une cause physique ; les chagrins portent l'homme à s’isoler, à changer de régime, à ne pas prendre soin de lui-même , et souvent, pour dissiper ses ennuis, à se livrer à des excès. C’est alors, à la suite de cet état de surexci- tation morale, que les lésions se déterminent, et cela est si vrai, que si l’aliéné meurt au commencement de la maladie, on ne trouve pas de lésions; s'il meurt plus tard, le désordre physique devient manifeste. Quant aux aliénés condamnés pour crimes, en Angle- CLASSE DES SCIENCES. 104 terre, ils seront désormais séparés des autres malades, car les familles redoutent, avec raison , le contact de leurs parents malades avec des criminels même involontaires. Dans tous les cas, personne ne méconnaîtra la convenance et l'utilité d’une telle séparation. M. Morel ne peut, au moins quant à présent , fournir à l’Académie de renseignements plus complets sur ce qui se passe actuellement en Angleterre ; il espère pouvoir, l’année prochaine , faire une communication sur ce sujet à la Compagnie. M. le D' Dumesnil partage complètement les vues de M. le D' Morel ; il pense que les causes morales l'empor- tent sur les causes physiques dans tous les cas qu'il lui a été donné d'observer. M. le Dr Vingtrinier a déclaré persister dans son opi- nion , en invoquant l'autorité de M. Trélat. Notre confrère fait surtout une large part à la cause d’hérédité. Nous devons au même rapporteur un compte-rendu substantiel des publications de la Société de la Morale chré- tienne pendant l’année 1857. Notre confrère a insisté prin- cipalement sur les travaux du Conseil des prisons, et, à cette occasion, M. Vingtrinier a exprimé le regret que l’utile institution de Comités de patronage, pour les jeunes détenus libérés, soit restée à l’état de projet dans les départements, bien qu'elle soit en vigueur à Paris, où les membres de cette association réussissent à placer annuellement de deux à trois cents enfants. La Société de la Morale chrétienne s'est préoccupée, du reste, singulièrement du sort des enfants contre les- quels des poursuites sont exercées, et cette Compagnie voudrait voir appliquer aux jeunes délinquants une disei- Observations présentées par M. le Dr Dumesnil. Réponse de M. le Dr Vingtrinier. Société de la Morale chrétienne ; rapporteur M. le De Vingtrinier. 102 ACADEMIE DE ROUEN. pline civile ou paternelle; il faudrait les placer chez un père de famille qui aurait, sur ces caractères difliciles , une influence plus heureuse qu'une maison de refuge, où le mal environne l'enfant de toutes parts, et où tous doivent plier sous un même niveau. L'honorable rappor- teur applaudit d'autant plus à ces idées, que ce sont précisément celles qu'il a émises dans le Mémoire dont l'Académie a ordonné l'impression dans son Précis de 1855. Observalions M. le Dr Morel pense que les enfants considérés comme présentées vicieur sont affectés d’une maladie mentale , et sont, pour par M. le D Ja plupart, fatalement portés au mal par les dispositions Morel. qu'ils ont reçues en naissant de parents vivant dans la débauche , l'immoralité et même le crime. Notre honorable confrère voudrait qu'on créàt dans les hospices d'aliénés des catégories séparées pour ces malheureux enfants, dont les facultés intellectuelles, quoique perverties, peuvent être entières et susceptibles de suivre de meilleures ten- dances. Observations M. le Dr Dumesnil croit aussi à la possibilité de ramener présentées ces enfants dans la bonne voie, et il a eu la satisfaction par M. le D y parvenir à l'égard de ceux qui se sont trouvés sous Dumesnil. &à direction dans l'asile de Quatre-Mares. Observations M. Vervoitte a donné à l'Académie des renseignements préseutées intéressants , et qui viennent à l'appui des idées émises par me. MM. Morel et Dumesnil. Les Pères de la Grande-Trappe , DT. près Mortagne , a dit M. Vervoitte, ont établi une colonie dans laquelle il y a actuellement quatre cents enfants | condamnés ; les Révérends Pères sont parvenus à les morä- | hser, et en ont placé beaucoup avec succès en dehors de l'établissement. | | CLASSE DES SCIENCES. 103 M. le D' Duclos, au nom d'une Commission composée Mémoires de MM. Malbranche, Dumesnil et Duclos, à rendu compte présentés par de quinze Mémoires envoyés à l’Académie par M. le M-Delioux Dr Delioux de Savignac, médecin en chef de la marine, € Savignaes professeur à l’école de médecine navale de Rochefort. SEE Nous regrettons de ne pouvoir donner qu'une énumé- ; ration rapide des principaux sujets renfermés dans ces intéressants recueils, qui décèlent chez l’auteur des connaissances solides, unies à un talent réel d’observa- tion. M. de Savignac à étudié l’action du chloroforme sur les manifestations des fièvres paludéennes; il à émis des considérations sur l’action physiologique et thérapeutique des acides végétaux , des composés ammeéniacaux ; 1l pré- conise, comme purgatifs, le tartrate, le citrate et l'acétate de soude qu'il préfère au citrate de magnésie; puis il passe à l'examen critique de la médication émolliente et des remèdes béchiques. L'association des balsamiques et des bicarbonates de soude et d’ammoniaque constitue, dans ce cas , des médicaments dont M. Delioux a constate l'efficacité. L’honorable rapporteur énumère plusieurs autres Mé- moires du même auteur, entr'autres un travail intitulé : Considérations chimiques, physiologiques et thérapeutiques sur les sels d'argent, et un Mémoire sur l'ipéca, où l’au- teur examine l’action topique de cette substance et l'appli- cation de ce médicament au traitement de la dyssentérie et dé la pleuropneumonie ; un essai sur l'emploi des injections iodées pour le traitement de la même maladie passée à l’état chronique ; des considérations sur les solanées envisa- gées comme des stupéfiants sédatifs et des modificateurs spéciaux des nerfs de la vie de relation; un Mémoire contenant des recherches sur les maladies périodiques Thèse inaugurale sur la fièvre puerpérale , par M. Ch. Hélot. Thése inaugurale sur la Thoracen- | tèse dans la pleurésie aiguë , par M. Masson. 104 ACADEMIE DE ROUEN. causées, suivant l’auteur, par des miasmes particuliers ; etenfin, une publication dans laquelle M. de Savignac examine tour-a-tour les propriétés fébrifuges du quinquina et de l'arsenic, en concluant , toutefois, à la supériorité du quinquina. M. Duclos à surtout félicité M. de Savignac du zèle infatigable avec lequel il entreprend des recherches ap- profondies sur des sujets qu'on abandonne trop volontiers aujourd'hui. La Compagnie à accueilli, avec une biens eillance mar- quée , la thèse inaugurale d’un jeune docteur dont le nom est déjà une garantie de savoir, car il indique sous quelles influences le talent du nouveau médecin s'est formé, et à quelle école il a puisé les principes de l’art qu'il exerce aujourd'hui dans une ville voisine. Le rapport sur la thèse de M. Charles Hélot a été confié récemment au talent éclairé de notre confrère M. le D' Morel. C'est aussi avec un vif intérêt que l’Académie a entendu le rapport de M. le D' Duclos sur la thèse inaugurale de M. le Dr Masson. L'auteur a pris pour sujet : De la thora- centèse dans la pleurésie aiguë. M. Masson, dit l'honorable rapporteur, pense que la thoracentèse {ponction de la poitrine) est une opération qu'il ne faut pas réserver seulement pour le cas de néces- sité, qu'elle doit être faite dans le cas de pleurésie aiguë où l'épanchement de liquide abondant est limpide et non purulent, et lorsqu'il n'existe ni tubercules, ni cancer du poumon ou de la plèvre, pour épargner aux malades les souffrances et les inconvénients que présente la résorption du liquide épanché. La thoracentèse, dit M. Masson , opération aussi facile qu'une saignée et bien moins douloureuse qu'un vésicatoire, est indiquée dans CLASSE DES SCIENCES." 105 la pleurésie contre l'élément épanchement, comme les remèdes antiphlogistiques le sont contre l'élément inflam- mation. Les partisans de la thoracentèse, dans ce cas, disent que l'opération est alors thérapeutique, pour la distinguer de l'opération faite in extremis et dite opération de néces- sité. M. Duclos objecte qu'il est à peu près impossible de distinguer à coup sûr à l'avance si le liquide de l’épan- chement pleurétique est purulent, s’il est compliqué de tubercules où de cancer; que, dans cette incertitude, il faut s'abstenir et se borner à opérer la ponction de la poi- trine dans le seul cas d'urgence , de nécessité. L'auscultation et la percussion sont les moyens les plus certains d'apprécier la quantité du liquide contenu dans la poitrine, et de faire reconnaître l'urgence de la thora- centèse. Conformément aux conclusions du savant rapporteur, l’Académie à adressé des remerciments à M. le Dr Masson. Ainsi que nous l'avons déjà rappelé, Messieurs, des PazéonroLocie. études sur les sciences naturelles ont fréquemment captivé Rapport votre attention ; plusieurs questions de paléontologie et de sur les publi- géologie ont été soulevées par l'honorable M. de Caze, cations pri * L . lorsque notre respectable confrère a rendu compte à la ae a ë £ : : £ iths Compagnie des travaux importants de l'Institut smith= $M/PSONIen , sonien as * M. de Caze. Après avoir traité des êtres qui ont peuplé la surface Étude du globe avant la création de homme , le rapporteur a fait des glaciers, connaître à la Compagnie les travaux intéressants d’un RES gcologue distingué, M. Collomb, qui s’est spécialement M CONSHES attaché à l'étude des glaciers. M. de Caze a rappelé en quelques mots les lois très 106 ACADÉMIE DE ROUEN. curieuses de mouvement , d’accroissement et de diminu- tion de ces agglomérations immenses connues sous le nom de glaciers, et en admettant, comme incontestable au- jourd’hui, la coneluante et remarquable théorie des blocs erratiques, l'honorable rapporteur à cité des faits nom- breux qui établissent d’une manière évidente la marche souvent assez rapide des glaciers, les accidents qui en résultent, et particulièrement la réalisation fréquente de ces phénomènes de transport qui reproduisent sous nos veux des déplacements vraiment merveilleux de blocs considérables. M. de Caze, en traitant le même sujet , a fait connaître à l'Académie un travail de M. Hitchcock, dans lequel ce savant indique les traces d'anciens glaciers qu'il ‘pense avoir découvertes dans les états de Massachussets et de Vermont. Suivant l'opinion de M. Hitchcock, l'époque glaciaire aurait précédé celle où l'Océan à couvert notre globe ; mais le dessèchement aurait altéré les traces des glaciers , non-seulement celles qui résultaient de l'érosion , mais encore celles qui sont connues sous le nom de moraines. Notre confrère pense que le moment de modifier les théories anciennes n’est pas encore venu, car les êle- ments de discussion manquent. Comment ,-en effet, pour- rait-on déterminer actuellement les causes qui ont pu amener un changement de température capable de faire totalement disparaître d'un pays les glaciers qui l'ont couvert? Comment indiquer ce qui a pu produire, puis anéantir les effets de cette longue période de froid? M. de Caze pense que, dans ce cas, il ne faut pas être absolu ; on doit, dit-il, faire la part de l’action des glaciers et de celle des courants, sans être obligé pour cela de supposer des manifestations gigantesques , caractère des époques géologiques antérieures à la nôtre. CLASSE DES SCIENCES. 107 M. Malbranche , que l'on peut compter parmi nos plus laborieux confrères , à fait à l’Académie plusieurs commu- nications importantes , ainsi que de nombreux et intéres- sants rapports sur un grand nombre d'ouvrages scienti- liques; nous citerons tout particulièrement une analyse détaillée des travaux de la Société Linnéenne de Norman- die, dans laquelle l'honorable rapporteur vous a fait re- marquer une dissertation de M. Eudes Deslonchamps sur des empreintes dites pas-de-bœuf, observées sur une roche des environs d’Argentan. Notre confrère regrette que les recherches consciencieuses de M. Deslonchamps n'aient pas pu aboutir encore à une solution satisfaisante sur l’origine de ces empreintes. A propos des travaux de M. de Brébisson sur les diatomées du guano , M. Malbranche est entré dans d’in- téressants détails sur le rôle important des êtres micros- copiques dans la formation de la croûte terrestre. Leur fécondité est prodigieuse, leur petitesse extrême ; deux cents de ces individus, placés les uns à côté des autres, n'occupent que 2 millimètres. On a calculé que 3 centi- mètres cubes de sable des Antilles contiennent 3,840,000 fo- raminifères; ils n’en forment pas moins des banes de plusieurs centaines de lieues de long, et de 25 à 150 pieds d'épaisseur. Tout Paris est bâti avec ces animalcules qui forment presque seuls la masse du calcaire grossier. «N’est-il pas remarquable , ajoute M. Malbranche, que les gigantesques animaux des premiers âges aient disparu, tandis que les diatomées, qui existent encore dans les eaux douces et le long des côtes de plusieurs mers, ont survécu à toutes les terribles révolutions du globe? » SCIENCES NATURELLES. Société Linnéenne de Normandie; rapport de M. Malbranche Dissertation de M. Deslon- champs sur des empreintes dites pas-de-Lœuf. Étude sur les diato- mées du guano , par M. de Brébisson. + re Société d'agriculture de Paris. Observations sur les effets de la température exceptionnelle de l'été de 13857, par M. Malbranche. Analyse d'un ouvrage de M.Carrière, par M. Malbranche 108 ACADEMIE DE ROUEN. Passant à l'examen du Bulletin de la Société centrale d'agriculture de Paris, le même rapporteur à trouvé l'oc- casion de faire quelques réflexions sur les diverses maladies qui ont affecté les végétaux. Après avoir fait ressortir la variété des théories mises en avant par les savants, l'inanité des efforts tentés pour combattre ces maladies , notre confrère conclut ainsi : « Aussi anciens que l'hu- manité, ces fléaux se montrent à diverses époques ; ils paraissent soudainement, sans que rien puisse faire prévoir leur arrivée; ils cessent leurs ravages sans que l'homme ait pu hâter d'une heure leur disparition. La science peut bien en étudier les effets, y remédier quel- quefois, mais les comprendre, peut-être jamais. » M. Malbranche termine son rapport par l'exposé des perfectionnements apportés par M. Mège à la fabrication du pain; il émet le vœu que la boulangerie abandonne ses procédés grossiers, imparfaits et primitifs, pour suivre à son tour, comme toutes les autres industries , la grande loi du progrès. M. Malbranche a encore communiqué à l'Académie des observations dignes d'intérêt sur les effets de la tempéra- ture exceptionnelle de l'été de 1857; des plantes qui ne fructifient pas habituellement, ou dont les fruits mû- rissent mal, ont donné des produits nombreux et d’une maturité parfaite; des floraisons insolites et remarquables ont eu lieu, et lon à vu, pendant l'automne, des arbres couverts de fleurs comme au printemps; la vigne , dans certains cas, a pu triompher de l'oïdium qui l'avait envahie et donner des grappes parfaitement mûres. Le même membre a présenté à l'Académie une analyse très complète d'un ouvrage de M. Carrière, ayant pour titre : Les Hommes et les Choses. CLASSE DES SCIENCES. 109 Dans ce livre , il s'agit surtout, quoi qu'en dise le titre , de la question du déboisement des forêts et de l'influence que cette pratique à pu exercer principalement sur la santé des hommes et sur leurs intérêts matériels. Si l’on doit juger de l'importance des êtres par leur abondance, nul doute, dit M. Carrière, que les arbres qui couvraient de grands espaces n’en aient une consi- dérable, et c'est pour l'avoir méconnue que des maux étranges et inconnus des siècles anciens sont venus fondre sur nous. En peignant à grands traits, dit M. Malbranche, le désordre physique dans les rapports de l'homme avec les végétaux, M. Carrière a cédé à la tentation de dire aussi son fait à la société sur les désordres moraux , el « c’est là vraiment , ajoute l'honorable rapporteur, un côté piquant et philosophique de ce livre, qui sera lu avec intérêt et profit par tous ceux qui ont souci de ce qui touche à la vie et au perfectionnement des sociétés. » Différentes opinions émises par M. Carrière ont paru trop absolues à quelques-uns d’entre vous, Messieurs. Suivant M. le D' Dumesnil, il y à lieu de croire, contrai- rement à l'opinion de M. Carrière, que des maladies mieux caractérisées aujourd'hui et qualifiées d'une ma- nière nouvelle, étaient connues anciennement sous des noms différents. M. Lallemant pense que si certains gaz, comme l'indique Observation présentée par M. Dumesnil. Observation l'auteur, produisent une action délétère sur les animaux Présentée par et les plantes, il faudrait au moins en indiquer la nature. M: Lallemant. Enfin, M. Brunier déclare qu'il ne peut pas voir la Observation cause unique ni même principale des inondations dans le présentée par déboisement ; il reconnaît que cette cause peut agir pour M. Brunier. Étude sur les algues marines, par M. Le Jolis, membre correspon - dant. Mémoire de M. de rébisson, sur les Desmidiées. Mémoire de M. Nylander sur les lichens du genre arthonia. Flore populaire de Normandie et d'Angleterre, par M. Lehéricher. 110 ACADEMIE DE ROUEN. une faible part, mais il trouve l'origine du mal dans les nombreuses constructions élevées au milieu du lit même des fleuves , et dont l'effet est d’en gêner le cours. M. Malbranche à encore rendu compte à la Compagnie d'un travail sur les algues marines, par M. Le Jolis, de Cherbourg , correspondant de l’Académie ; l'honorable rapporteur déplore, à propos de la nomenclature si confuse de ces plantes, la facilité beaucoup trop grande avec la- quelle on adopte des noms nouveaux, sans se soucier des difficultés que l’on apporte à l'étude. Le mème rapporteur nous a fait connaître un Mémoire de M. de Brébisson sur les Desmidices de Normandie, petite famille placée sur les limites du règne végétal et animal ; Fhonorable rapporteur a saisi cette occasion pour faire ressortir la gradation du plan de la nature. «Ne semble-t- elle pas, dit-il, à ses limites extrêmes, se jouer de nos classifications, dérouter à plaisir nos systèmes, et écraser l'observateur par la variété , la ténuité et l'impénétrabilité de ses ouvrages? » Nous citerons encore un travail de M. Nylander, savant suédois, sur un groupe de lichens du genre arthonia, et pour lequel M. Malbranche regrette que l’auteur ait été chercher des caractères spécifiques dans la couleur et le diamètre des spores qui n’ont que quelques centièmes de millimètres , et dans leur coloration par l'iode. M. Malbranche , quittant les hautes questions de bota- nique qu'il traite avec tant de zèle, n'a pas dédaigné d'aborder des sujets qui, pour être d’un ordre moins élevé, ne laissent pourtant pas que d'offrir encore un certain intérêt : c’est ainsi que notre savant confrère a fait l'éloge CLASSE DES SCIENCES. 111 de la Flore populaire de Normandie et d'Angleterre, dans laquelle l’auteur, M. Lehéricher, a consigné les noms vul- gaires des fleurs connues dans nos contrées. & IL y a, en effet, dit l’honorable rapporteur, une botanique dont la nomenclature reflète les émotions que procurent les fleurs, les croyances religieuses , les superstitions , la verve rail- leuse du peuple : c’est de cette poésie populaire que sont sorties toutes ces appellations bizarres et variées que M. Lehéricher a étudiées, classées dans son ouvrage , en faisant ressortir l'étymologie de certains noms et les piquantes allusions. » Notre confrère termine en nous faisant, avec l’auteur, le récit de quelques-unes de ces croyances naïves à des vertus mystérieuses des plantes, croyances dont M de Sévigné elle-même ne paraît pas s'être tout-à-fait af- franchie. Puisque nous parlons des fleurs, n'est-ce pas l’occasion de rappeler que, dans notre ville, l’horticulture est singu- lièrement en honneur; et si nous avions pu l'oublier, notre honorable confrère, M. de Lérue, nous l’aurait remis en mémoire par son intéressant rapport sur les Travaux de la Société centrale d'horticulture de la Seine-Inférieure. L’honorable rapporteur a démontré, en effet, les services nombreux rendus à l’art du jardinage par la Société cen- trale d’horticulture et par le Cercle pratique. Les publica- tions de ces deux Compagnies, les expositions de fleurs provoquées par l’une d'elles, les concours ouverts devant les deux Sociétés pour l'obtention du brevet de capacité pour les jardiniers, tout, en un mot, a donné, dans notre département, une vive impulsion aux pratiques de culture florale , fruitière et maraïchère. À cette occasion, notre confrère déplore la division qui s'est manifestée entre ces deux Compagnies, si dignes Société centrale d'horticulture de la Seine- Inférieure ; rapport de M. de Lérue. Comité central d'agriculture de la Côte-d'Or. Code rural projeté. Rapport de M. Dumesnil. 412 ACADEMIE DE ROUEN. pourtant de s’apprécier mutuellement, et dont l'union avait naguère produit de si heureux résultats. L'honorable rapporteur espère que le temps guérira les blessures et ramènera la concorde au sein de la république des fleurs. M. de Lérue, fidèle aux saines traditions Httéraires , termine son rapport scientifique par quelques vers dans lesquels, après avoir déclaré qu'il est plutôt amateur de fleurs que botaniste , il ajoute : Des innombrables fleurs dont la terre est semée, Les noms sont chose utile et charmante à savoir ; Mais, devant un parterre, il me suffit de voir S’incliner sous le vent la famille embaumée ; Et, content de mon lot, aux approches du soir, Quand la fleur se relève et se nomme elle-même, J'aime la fleur pour elle, et non pour son baptême. Si les Sociétés d’horticulture rendent des services réels en s’attachant à perfectionner les pratiques du jardinage, les Sociétés agricoles , qui jouent aujourd'hui un si grand rôle par l'impulsion qu'elles donnent à la grande culture et à l'élève du bétail, méritent, non moins que les pre- mières, les encouragements de l'Etat et le concours des hommes sérieux. Aussi l’Académie a-t-elle toujours accueil avec faveur les communications de ces utiles associations; et, cette année encore, parmi beaucoup d’autres rapports ayant trait à des questions secondaires, mais pourtant d'une grande utilité pratique, elle a distingué tout parti- culièrement un travail du Comité central d'agriculture de la Côte-d'Or, à l’occasion du Code rural projeté, étude importante qui à fait l'objet d’un travail présenté par M. le Dr Dumesnil. L'honorable rapporteur s’est élevé avec une grande énergie contre la pratique abusive de la vaine pâture. Maintenue en considération des avantages qu'elle peut CLASSE DES SCIENCES. 113 procurer aux pauvres, elle n’est en définitive que l’apa- nage presque exclusif des cultivateurs riches ou aisés. Par suite de cette servitude vexatoire, certains ense- mencements ne sont pas possibles, ce qui est un obstacle insurmontable aux progrès de l’agriculture. Il ne faut pas non plus songer à planter des arbres fruitiers ou même forestiers dans des terrains dont le sol siliceux ou calcaire se trouverait parfaitement d’une pareille disposition. En un mot, M. Dumesnil à fait une énumération complète des inconvénients qui résultent de cette pratique surannée, et conclut en demandant la suppression pure et simple de la vaine pâture. Si l'Académie s'occupe de sciences théoriques et accueille avec faveur les Mémoires qui renferment des aperçus nou- veaux sur les sciences en général, elle est heureuse aussi de voir un certain nombre de ses membres utiliser leurs connaissances pour rechercher et mettre en lumière les applications les plus utiles des résultats scientifiques, et c'est tout particulièrement à ce titre que la Compagnie a entendu avec intérêt la lecture d’un Mémoire de M. l’in- génieur Brunier, sur les distilleries agricoles. Après avoir fait connaître le prix auquel peut s'élever une distillerie agricole, en donnant des chiffres précis pour les bâtiments et pour chaque appareil, notre confrère a indiqué la marche des opérations et les fonctions de chaque organe. Une distillerie agricole du système Leplay coûte de 16,000 à 24,000 fr., selon le plus ou le moins d’impor- tance qu'on veut lui donner. On peut distiller, dans un établissement de ce genre , depuis la plus faible quantité jusqu'à 20,000 kilog. par jour. Le système Leplay constitue à tous égards, et spécia- 8 Mémoire de M. Brunier sur les distilleries agricoles. 114 ACADÈMIE DE ROUEN. lement au point de vue de la distillation dans les fermes, une innovation des plus heureuses. A l'extraction du jus de la betterave par les ràpes et par les presses, on avait d’abord substitué la macération, c'est-à-dire le lavage méthodique produisant l'extraction par voie de déplacement. C'était un premier progrès qui avait permis d'introduire, avec d’assez bons résultats, les distilleries dans les fermes. Mais la fermentation des jus de betteraves ne se conduit pas toujours avec certitude de succès dans des conditions normales et alcooliques; la fermentation visqueuse et acide occasionne des pertes assez fréquentes. M. Leplay transforme le sucre en alcool dans les tran- ches de betteraves elles-mêmes, sans extraction ni du sucre, ni du jus, puis il distille ces mêmes tranches de betteraves à l’aide d'un courant de vapeur. Les pulpes sortent des cylindres distillatoires com- plètement cuites à la vapeur et en vase clos; elles ne contiennent plus de sucre, et, par suite, ne peuvent plus fermenter ; elles se conservent fort longtemps à l’air exté- rieur, dans une simple fosse pratiquée dans une cour, comme pour la chaux éteinte. Ces pulpes constituent un aliment précieux pour l’en- tretien et l'engraissement du bétail; il n’en est pas de même des pulpes crues et non fermentées des presses et des râpes ou de la macération , elles ne se conservent pas. Il y a de nombreux exemples d'insuccès avec l'alimentation par ces dernières pulpes. Le rendement en alcool obtenu par le système Leplay a varié,en 4857-58, entre 4,38 % chez M. Poullain, à Mauny, et 4,50 % chez M. Lange, à Beuzeville-la-Guerard. Le prix de revient par hectolitre d'alcool non rectifié, mais ramené à 100 degrés, à été, chez MM. Lange et Poullain, de 40 fr. en 4857-58 ; dans ce prix, la matière CLASSE DES SCIENCES. 145 première , déduction faite de la valeur de la pulpe , entre pour une somme d'environ 19 fr.; le surplus, soit 21 fr., comprend tous les frais généraux et d'exploitation, en tenant compte de 40 % pour intérêt et amortissement de la dépense de construction et d'installation des bâtiments et des appareils. Les distilleries du système Leplay ont pris une extension considérable en 1857; quatorze établissements de ce genre ont été créés dans les seuls départements de la Seine- Inférieure et de l'Aisne. Cette indication donne la mesure de la faveur avec laquelle les eultivateurs apprécient le système Leplay. L'honorable M. Brunier, après avoir comparé les avan- tages et les inconvénients des différents systèmes, conclut en donnant une préférence marquée à la méthode de M. Leplay ; il se base sur les avantages suivants : facilité des opérations, suppression du travail de nuit, économie dans les frais de construction et d'installation, quantité de matières travaillées plus considérable , rendement plus avantageux, pulpes d’une conservation assurée et de qua- lité bien préférable. Parmi les Mémoires qui traitent des applications des sciences aux arts et à l’industrie, nous citerons encore les communications de M. Prosper Pimont. Notre laborieux confrère poursuit, avec une persévé- rance digne du plus grand succès, la réalisation d’une pensée féconde pour l'industrie, celle d'économiser le combustible dont la nature semble s'être montrée si avare pour notre contrée. La question est beaucoup plus complexe qu’on ne sau- rait l’imaginer au premier abord : non-seulement il faut, à l’aide de procédés plus ou moins ingénieux, recueillir une quantité notable de la chaleur qui a servi à élever la Chaleur appliquée aux arts et à l'industrie. Caloridore alimentateur. Appareil ayant pour objet de rendre les machines à haute pression applicables à la navigation. 116 ACADÉMIE DE ROUEN. température d'un liquide devenu lui-même inutile, mais encore les appareils ne doivent pas atteindre un prix de revient trop élevé, occasionner des frais d'entretien relativement considérables, ni exiger des renouvellements fréquents. En un mot, il faut éviter que l’économie réa- lisée ne se trouve compensée et au-delà par la dépense. La solution de ce problème préoccupe notre confrère depuis de longues années. M. Pimont entretient fréquem- ment l’Académie des progrès qu'il réalise et des espérances que ses travaux intessants lui font concevoir; aussi a-t-il désiré vous faire connaître, Messieurs, le rapport présenté récemment à M. le Ministre de la marine par une Com- mission spéciale chargée de faire des expériences sur le caloridore alimentateur. Le caloridore a été appliqué aux chaudières de dix che- vaux de l'atelier des Martinets, à Cherhourg, et l'eau d'alimentation a été chauffée par la vapeur perdue de la machine du ventilateur de la force de huit chevaux; la Commission a constaté que l'eau qui entrait à la tempéra- ture ordinaire dans le caloridore, en ressortait à 95 ou 96 degrés au-dessus de zéro. Après de nombreuses épreuves, laCommission à reconnu, avec M. Pimont, que l’on peut, au moyen de la vapeur d'échappement d’une machine de dix chevaux et la pompe alimentaire fonctionnant dans l’eau froide, alimenter une machine de soixante chevaux avec de l’eau élevée, au moyen du caloridore , à la température de 95 degrés. Le même membre a présenté à l'Académie le plan et la description d’un appareil ayant pour objet de rendre les machines à vapeur à haute pression applicables à la navi- gation à vapeur. Ce travail, renvoyé à une Commission , sera ultérieurement l’objet d'un rapport. CLASSE DES SCIENCES. 117 L'Académie entend toujours avec intérêt le compte- rendu des opérations du Mont-de-Piété que notre si zélé confrère , l'honorable M. Ballin, présente chaque année à la Compagnie. Les questions qu'une pareille étude soulève renferment de graves enseignements, car les varialions qui se mani- festent dans le nombre des engagements et des dégage- ments peuvent faire juger avec certitude de l’état genéral de gène ou d’aisance des classes laborieuses. Ces sortes de fluctuations font apprécier les effets du renchérisse- ment des denrées alimentaires, du ralentissement du travail, en un mot , elles mettent en évidence, avec une vérité saisissante, les causes si multiples qui produisent la misère ou ramènent le bien-être dans la classe ouvrière. Notre respectable confrère vous a présenté cette année, pour compléter les importants documents qu'il vous sou- met, le Tableau décennal des opérations du Mont-de-Piété de Rouen, depuis 1848 jusqu'en 1857. Les générations qui nous suivront consulteront avec fruit ces travaux conscien- cieux , et par l'étude approfondie de cette statistique de la misère, elles pourront peut-être trouver des remèdes nouveaux pour combattre celte plaie sociale que la cha- rité la plus ardente est trop souvent impuissante à sou- lager. Nous ne suivrons pas l’auteur dans tous les détails de son travail, l’Académie ayant décidé que le Mémoire de M. Ballin serait inséré en entier dans son Précis. S'il ne nous a pas été permis, dans ce compte-rendu , de résumer tous les rapports qui ont été présentés à la Compagnie sur les travaux des Sociétés savantes de la France et de l'étranger, avec lesquelles l’Académie est toujours en correspondance active, nous croyons devoir Compte-rendu des opérations du Mont-de-Piété de Rouen, par M. Ballin. Congrès scientifique de France ; rapport de M. de Lérue. 1148 ACADÉMIE DE ROUEN. signaler, toutefois, un rapport de M. de Lérue, à l'oc- casion des travaux du Congrès scientifique de France. M. de Leérue , en examinant les Wémoires de la 22 session du Congrès, à fait ressortir l'utilité générale des associa- tions provinciales , et 1l a rappelé qu'on retrouve les pre- mières sources de cette décentralisation, au point de vue des études littéraires et archéologiques, dans la création de l'Association normande et de l'Institut des provinces de France. C'est encore cette pensée d'alliance intellec- tuelle, de diffusion et de mobilisation des travaux des hommes érudits et laborieux qui a produit, en dernier lieu, le Congrès international de statistique. Nous pouvons ajouter aujourd’hui que, depuis l’époque où notre confrère développait ces idées, M. le Ministre de l'instruction publique, comprenant toute l'étendue. des services que les Sociétés savantes de province sont appelées à rendre, leur a ouvert un recueil important qui contiendra un résumé complet de leurs œuvres. La Revue des Sociétés savantes fera désormais connaître, par sa grande publicité, les travaux modestes et pourtant utiles d'érudits trop souvent méconnus. Le Comité des études historiques et des Sociétés savantes sera comme un Congrès permanent dans lequel les Sociétés seront re- présentées par plusieurs de leurs membres. M. de Lérue a examiné avec soin toutes les questions qui avaient occupé le Congrès scientifique pendant sa 22e session; mais il s'est attaché principalement à ana- lyser un intéressant Mémoire de M. de Fontpertuis sur les Moyens de combattre la misère. Cette communication contient le résumé des faits et un examen complet des systèmes essayés, et des principes qui ont successivement prévalu dans le traitement de cette inévitable maladie du corps social. M. de Fontpertuis n'admet, comme praticable et pos- CLASSE DES SCIENCES. 119 sible, que la charité légale, qui fait en France la base des institutions de bienfaisance; toutefois, il fait encore certaines réserves ayant pour but d'éviter, dans l’appli- cation, le double écueil de la charité obligatoire et du droit à l’assistance. Nous citerons enfin un travail dans lequel M. Lévy à présenté à la Compagnie quelques considérations sur le nouveau système d'études adopté par l'Université. L'Aca- démie ayant décidé que ce Mémoire serait inséré dans son Précis, nous croyons superflu d'en faire une analyse même sommaire. J'arrive, Messieurs, au terme de ce compte-rendu dans lequel je devais analyser, avec quelques détails, vos impor- tants travaux et me renfermer en même temps dans les limites restreintes qui m'étaient imposées par les conve- nances de la Compagnie. J'ai eu ainsi à éviter le double écueil d'être trop bref pour chacun des auteurs dont je résumais les intéressants Mémoires, et prolixe pour la Compagnie tout entière qui veut bien m’entendre. À vous, Messieurs, de juger de quelle manière j'ai rempli mon mandat. J'aurais, je l’avoue , tout à redouter de votre justice, si je n'avais en même temps beaucoup à espérer de votre indulgence. IS e——— Nouveau système d'études de l'Université. 3 . | ac RE AE M Jenr 1 Si ARTE L : ee extra 4 : f- \e mn ref : pre sois die dé Pro ge ei di OUT ERREURS ES au 4 jrs. 00 ciatt LUE LEE COEUR UE à vi: FL A pq How ts RS FER per & Dis PEN Ga: po '*. 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A) À Car, Jo UESÉEer DOTE ET, | (gras \Wrrev: La 0 L TABLEAU DÉCENNAL DES OPÉRATIONS DU MONT-DE-PIÉTÉ DE ROUEN (1848 À 1857), Présenté par M. A.=G BALLIN. (Scance du 12 Février 368.) MESSIEURS , J'ai l'honneur de vous présenter le résumé des opera- tions du Mont-de-Piété de Rouen pendant l’année qui vient de s’écouler ; elles font partie d’un tableau où j'ai réuni les résultats décennaux qui peuvent seuls donner une juste idée de l'importance d’un mont-de-piété ; mais, avant d'appeler votre attention sur les détails que contient ce tableau , je vous demande la permission de vous entretenir des tentatives infructueuses qui ont été faites pour établir un mont-de-piété à Rouen , peu de temps après la création de celui de Paris, et qui ont échoué par suite de l'opposi- tion de la haute magistrature et des notables, qui n'avaient voulu envisager que les inconvénients présumés de cette innovation , sans en reconnaître les avantages réels. Notre obligeant confrère , M. de Beaurepaire , archiviste du département, a bien voulu me communiquer un dossier 124 ACADEMIE DE ROUEN. existant dans le dépôt de la Préfecture, et dont je vais extraire les faits principaux qui me semblent offrir un cer- tain intérêt. Demande de l'établissement d'un Mont-de-Pieté à Rouen en 47178 et en 1786. Le 9 décembre 1777, le roi Louis XVI à donné, à Ver- sailles, des lettres-patentes où il s'exprime ainsi : « Les bons effets qu'ont produits et produisent encore les monts-de-piété chez différentes nations de l'Europe , et notamment ceux formés en Italie, ainsi que ceux érigés dans nos provinces de Flandres, Hainaut, Cambrésis et Artois ne nous permettent pas de douter des avantages qui résulteraient, en faveur de nos peuples, de pareils éta- blissements dans notre bonne ville de Paris et même dans les principales villes de notre royaume. Ce moyen nous à paru le plus capable de faire cesser les désordres que l'usure à introduits et qui n'ont que trop fréquemment entraîné la perte de plusieurs familles. Nous étant fait rendre compte du grand nombre de mémoires et de projets présentés à cet effet, nous avons cru devoir rejeter tous ceux qui n'offrent que des spéculations de finances pour nous arrêter à un plan formé uniquement par des vues de bienfaisance et digne de fixer la confiance publique, puis- qu'il assure des secours d'argent peu onéreux aux emprun- teurs dénués d’autres ressources, et que le bénéfice qui résultera de cet établissement sera entièrement appliqué au soulagement des pauvres et à l'amélioration des maisons de charité. À ces causes et autres, à ce Nous mouvant, de l'avis de notre Conseil et de notre certaine science , pleme puissance et autorité royale, nous avons dit, statué et ordonné , et par ces présentes, disons, statuons et ordon- nons, voulons et nous plaît ce qui suit : CLASSE DES SCIENCES. 195 « Il sera établi incessamment dans notre bonne ville de Paris un Mont-de-Piété ou caisse d'emprunt sur nantisse- ment, tenu sous l'inspection et administration du lieu- tenant-général de police, qui en sera le chef, et de quatre administrateurs de l'hospice-général nommés par le Bureau d'administration dudit hôpital général, et dont les fonc- tions seront charitables et entièrement gratuites. » Ces lettres-patentes, qui contiennent des dispositions règlementaires en dix-huit articles, ont été enregistrées au Parlement de Paris, le 12 décembre 1777; elles sont accompagnées d’un règlement d'administration du Mont- de-Piété de Paris, en soixante-trois articles, daté du 5 janvier 1778 et homologué au Parlement, le 26 février suivant. Dès le 4e juin 4778, M. Framboisier de Beaunay, pre- mier directeur général du Mont-de-Piété de Paris (1), recommandait à M. de Crosne, intendant de la généralité de Rouen, M. Framboisier des Ormeaux, avocat, son parent, employé dans sa direction, qui avait l'intention d'établir à Rouen un Mont-de-Piété, dont tous les béné- fices auraient été versés aux hôpitaux. Par lettre du 15 du même mois, M. Bertin, secrétaire d'Etat, ayant dans son département la province de Nor- mandie, invitait M. de Crosne à examiner ce projet, de concert avec M. le premier Président et M. le Procureur général. A la même époque, un sieur Creveuil demandait aussi à établir à Rouen un Mont-de-Piété , à son profit personnel , mais en versant une redevance de 3,000 livres, par an , à (1) 11 l'était encore en 1787, et l’almanach de cette année lui donne les titres suivants : Ecuyer, procureur du Roi honoraire au bailliage de Lions et ancien subdelégué de l'intendant de Rouen. 126 ACADÉMIE DE ROUEN. l'hôpital, alors très obéré et dans l'impossibilité de fournir le fonds de roulement. Premières opérations du Mont-de-Piété de Paris. Je remarquerai, en passant, comme renseignement assez curieux, que, pendant les cinq premiers mois de son existence, le Mont-de-Piété de Paris avait fait 50,000 prêts pour 3 millions de livres, dont au moins 40,000 au-dessous de 50 livres jusqu'à 3 livres, lesquels occa- sionnaient les 4/5 de la dépense et ne procuraient que 1/5 du produit; la perte était compensée par le bénéfice sur les 40,000 prêts plus élevés. D'après ces données, on peut présumer que, pen- dant la première année de sa création, le Mont-de- Piété de Paris a fait environ 120,000 prêts, s'élevant à 7,200,000 livres. Maintenant, au bout de près de quatre- vingts ans d'exercice, le nombre des prêts se trouve mul- tiplié par 43, tandis que leur montant n'est guère que quatre fois plus considérable ; d'où l’on doit conclure que ce sont surtout les petits prêts qui sont devenus plus nombreux. Droit sur les prêts et droit de prisée. Le droit perçu par le Mont-de-Piété de Paris était de 2 deniers pour livre, par mois, soit 410 % par an, indé- pendamment d’un denier pour livre pour salaire d’esti- mation, ce qui ne faisait que 4/240°, tandis qu'il est porté maintenant à 4/200°, c’est-à-dire que l'appréciateur, qui ne touchait alors que 41c. sur 400 fr. de prêt, en reçoit aujourd'hui 50. M. de Crosne fit quelques observations sur le projet de CLASSE DES SCIENCES. 197 M. Framboisier des Ormeaux, qui s’empressa d'y répondre avec détail, en rétorquant toutes les objections, et en développant les nombreux avantages que devait offrir, suivant lui, un établissement destiné, disait-il, à donner la plus grande activité au commerce, à soutenir la concur- rence entre les marchands ou fabricants les moins fortunés et ceux qui n'ont d'autre talent que leur aisance , à pro- curer des secours à l'artisan , à l'indigent et à toutes les personnes qui possèdent des effets mobiliers dont elles peuvent se passer momentanément, lorsqu'elles se trou- vent gênées. Il fit valoir en outre d’autres considérations qu'il croyait propres à militer en faveur de son projet, qui ne fut cependant point accueilli. Rejet de la demande d'établissement à Rouen d'un Mont-de-Piété. Le 30 décembre de ladite année 1778, M. l’Intendant écrivait à M. Bertin que l’Assemblée des notables, présidée par M. le premier Président du Parlement, avait, par arrêté du 10 décembre, déclaré que le Mont-de-Piété ne pouvait être admis dans la ville de Rouen, parce qu'elle le regardait comme contraire à la constitution essentielle de son commerce. M. de Crosne, sans partager cette sin- gulière opinion, émet l'avis qu'il convenait de suspendre la décision jusqu’à ce que les habitants de Rouen se fussent convaincus des avantages que leur offrirait cet établisse- ment, et se décidassent à en faire eux-mêmes la demande. Huit ans plus tard , le 31 août 4786, M. de Vergennes, ministre des affaires étrangères , envoyait à M. l'Intendant de Rouen, pour l’examiner, un Mémoire que lui avait adressé, le 25 du même mois, un sieur Chateigner, direc- teur général de l’entreprise des voitures de place de Rouen, 128 ACADÉMIE DE ROUEN. qui demandait à établir en cette ville un Mont-de-Piété à l'instar de celui de Paris. Ce Mémoire, présenté à une époque déjà critique, n'eut pas plus de succès que le pré- cédent , et paraît même n'avoir été soumis à aucune espèce d'examen; mais on ne saurait s’en étonner, puisque les monts-de-piété, comme toutes les institutions publiques, ne tardèrent pas à être frappés d’interdit par la Révolution de 1789. Formation des maisons de prêt à Rouen. Bientôt, en vertu d’une liberté illimitée, la Ville de Rouen, qui avait repoussé l'institution régulière d'un Mont-de-Piété , vit pulluler la lèpre des maisons de prêt, dont le nombre ne fut pas moindre de douze à quinze jusqu’à l'établissement du Mont-de-Piété actuel, institué par ordonnance du 22 novembre 1826, et qui fut ouvert le 4er juillet de l’année suivante. Opérations du Mont-de-Piété de Rouen depuis son origine , en 1827. . Les opérations furent d'abord très nombreuses ; pendant l'année 1828 , il y eut cent vingt-huit mille engagements pour 41,332,000 fr. de prêts; elles diminuèrent ensuite progressivement jusqu'en 4838. Depuis cette époque, il y eut peu de variations , sauf l'augmentation passagère de 1846 et 4847. Vous verrez, Messieurs, par le tableau que j'ai l'honneur de vous présenter, et dans lequel j'ai rapproché, pour la première fois , les résultats des opéra- tions des trois périodes décennales depuis l'origine de l'établissement , que ces résultats ne diffèrent pas beau- coup de ceux des années postérieures à 1847. CLASSE DES SCIENCES. 129 COMPARAISON De quelques résultats moyens décennaux , en nombres ronds. ENGAGEMENTS 2 PÉRIODES. DÉGAGEMENTS. et renouvellements. en magasin. NANTISSEMENTS f. fe f. De 1828 à 18371122,000 p' 1,242,000| 106,000 p' 1,032,000 | 61,009 p' 740,000 De 1838 à 1847| 96,000 p'1,041,000| 68,000p° 655,000! 57,000 p' 712,000 Dei848à1857| 88,000 p°1,060,000| 59,000p° 606,000 | 58,000 p' 801,000 année 467] on pit 63,097 p' rois os Opérations de A85T et tableau décennal. J'arrive, Messieurs , aux opérations de l’année qui vient de finir; j'en ai groupé les résultats dans un Tableau décennal dont le cadre vous est connu, et qui me paraît très propre à faire apprécier exactement l'importance de l'établissement. Je remarquerai d’abord que les opérations de l’année dernière ont été, en général, fort satisfaisantes. Engagements et renouvellements. Les engagements et renouvellements ont été un peu moins nombreux qu’en 4856 (1), mais ont donné lieu à (1) 1856... 91,229 articles pour 1,157,363 f., val. moy. 12 f. 68. 1857... 90,567 — 1,173,646 — 1222896: 9 130 ACADEMIE DE ROUEN. des prêts plus élevés, ce qui fait présumer que ce nest pas la classe la plus pauvre qui est venue demander des secours au Mont-de-Piété; l’on en trouve, d’ailleurs, la preuve dans la diminution du nombre des prêts de 3 à 5 fr. et dans celle des ventes, ainsi que dans l’augmen - tation totale des dégagements. La balance des magasins à éprouvé une diminution progressive , quant au nombre, depuis le mois de février ; ainsi, à la fin de décembre, elle était descendue de 58,679 articles à 53,346; quant à la somme des prêts, la baisse n'a pas été constante, et il v a eu un peu de hausse dans certains mois. La balance générale de 4857 (1) est un peu au-dessous de celle de 4856 (2), mais la valeur moyenne est un peu plus élevée. Le prix du pain, en 1857, a été de beaucoup inférieur à celui des années précédentes: 37 c. au lieu de 48 et 54 c.; mais malheureusement la viande a été, au contraire, plus chère qu'elle ne l’a jamais été. Le prix moyen du bœuf s’est élevé à 4 fr. 53 le kilogramme, tandis qu'il résulte des recherches de M. Bergasse , insérées dans notre Précis de 4852, que, de 4800 à 1807, ce prix n'était que de A fr.; en 14837, il était de 1 fr. 30 ; en 1842, de 4 fr. 40; puis il est revenu à 4 fr. 30 en 4847. Ce n'est qu'en 1855 qu'il est monté à 4 fr. 50. Je terminerai par un mot sur les opérations des commis- sionnaires ; elles conservent, depuis quelques années, les mêmes proportions entr’elles et aussi par rapport à l’éta- (1) 56,896 articles pour 847,294 f., valeur moyenne 14 f. 89. (2) 58,540 — 851,352 _ = 14 54. CLASSE DES SCIENCES. 131 blissement central ; ils font environ les 4/5 des engagements et plus de la moitié des dégagements ; leurs recettes ont suivi une progression croissante depuis 4852 : c’est une preuve notable de la préférence que le public accorde à ces intermédiaires, nonobstant le surcroît de dépense qui en résulte, mais qui est bien compensé par certains avan- tages. RAPPORT SUR LE 9° VOLUME DE L'INSTETUT SHITHSONIEN, Par M. DE CAZE. (Séance du 30 Avril 1858.) MESSIEURS , Le neuvième volume de l'Institut smithsonien, dont vous m'avez renvoyé l'examen, renferme un Mémoire sur l'intensité de la chaleur et de la lumière du soleil, com- parée d’une manière relative et sous différentes latitudes de la terre, par M. Meech; il se compose de cinquante- huit pages et est accompagné de six planches; Un Mémoire sur les sels à base de cobalt et d'ammo- niaque que l’auteur désigne sous les noms de roseo-cobalt , purpureo-cobalt , luteo-cobalt et zantho-cobalt. Ce traité de chimie se développe en soixante-douze pages. On y trouve encore un travail de trente-six pages, orné de quatre belles gravures et de vignettes sur bois, très bien exécutées et gravées dans le texte, sur l'his- toire et l'archéologie du Mexique. Divisée en six cha- pitres, la partie archéologique Y est traitée avec des CLASSE DES SCIENCES. 133 détails qui ne peuvent malheureusement pas s'isoler les uns des autres, et qui offrent un grand intérêt. Mais pour donner à l’Académie une idée de l'esprit philoso- phique et critique avec lequel cet écrit est rédigé, je me bornerai à lui soumettre certaines considérations morales qu'il renferme sur la cruauté des sacrifices humains usités au Mexique. « On sait, » dit l'auteur, « que de tout temps ces sacri- fices ont été un des principaux arguments dirigés contre la civilisation’des Aztèques, et destinés au contraire à prou- ver leur barbarie. «Toute religion implique l'idée de sacrifice (1). Le chré- tien sacrifie sa nature personnelle et ses passions ; l'idolàtre cherche à se rendre Dieu propice par des victimes. Le sacrifice des Aztèques reposait probablement sur une idée confuse , à la fois propitiatoire et politique. Les sacrifices humains de ce peuple étaient fondés, selon toute appa- rence, sur cette idée que le meilleur moyen de se débar- rasser des coupables , des hommes dangereux , ou de leurs nombreux prisonniers de guerre, impossibles à nourrir ou à dompter, sans transformer en prison une grande partie de leur petit royaume, était de les offrir à leurs dieux. On ne peut admettre chez les Aztèques, si éminemment civilisés à tout autre égard, la sauvagerie si brutalement barbare des Africains du Dahomé , en matière de sacrifices humains. Il faut admettre, au contraire, que l'idolâtrie (1) L’auteur est protestant, et cette manière de comprendre le sacrifice chrétien ne peut être admise par les catholiques, qui offrent tous les jours à Dieu un véritable sacrifice, dont la victime est la même qui s’est immolée sur le Calvaire, pour le salut des hommes. Vote du traducteur.) 134 ACADÉMIE DE ROUEN. grossière des Aztèques, au moment de la conquête, ne peut, seule, nous donner aucune idée de ce développement intel- lectuel de ce peuple sous d’autres rapports. En effet, leur architecture, leurs lois, leur vie privée, leur gouver- nement, leurs connaissances astronomiques nous mon- trent un état social beaucoup plus rafliné que leurs croyances. On doit supposer que, dans la vallée de l’Anahuac, soumise à l'empire de prêtres superstitieux et barbares, la société civilisée était beaucoup plus avancée et plus éclairée que la religion. » Enfin, nous trouvons encore dans ce volume un Mé- moire de cent soixante-quatre pages, orné de douze planches sur la géologie de la surface de la terre, les érosions causées principalement par les rivières, et les effets causés par les glaciers dont je vais sommairement vous entretenir. Lorsque, au sujet des brochures de M. Edouard Collomb, J'eus, il y a peu de temps, l'occasion d'entretenir l’Aca- démie des glaciers en général, j'étais loin de m'attendre que le dernier volume que nous avons reçu de l’Institut smithsonien m'en offrirait une occasion nouvelle. Il ren- ferme effectivement un Mémoire fort étendu , accompagné de douze planches sur la géologie, mais notamment sur les traces d'anciens glaciers que M. Hitchcock, l’auteur, pense avoir découverts dans les États de Massachussets et de Vermont, où il n'en existe plus aujourd'hui. Peut-être aurez vous oublié ou perdu de vue, Messieurs, que les géologues européens reconnaissent l'existence de glaciers préexistants , disparus aujourd’hui , à la présence, dans certaines localités, d'éléments minéralogiques, de roches striées on polies, de blocs quelquefois énormes que l’on appelle erratiques, parce qu'ils se trouvent dans des lieux absolument dépourvus de matériaux analogues. C'est ainsi que l'on voit des masses de gneiss ou des granits, Le CLASSE DES SCIENCES. 135 au milieu d’un pays entièrement calcaire, éloigné de plusieurs lieues de toute production de ce genre, masses qui ne peuvent avoir été apportées en ces lieux que par l’action lente, séculaire même, d'anciens glaciers qui, dans leur mouvement progressif, les ont apportées et laissées sur un sol qu'ils ont abandonné aujourd'hui. C'est sur ce principe qu'est établie la découverte faite par M. Hitchcock d'anciens glaciers dans les Etats améri- cains de Massachussets et de Vermont. Mais, pour donner une idée de la théorie sur laquelle reposent ces décou- vertes , il faut admettre qu'à un moment que nous appelle- rons époque ou période glaciaire, de vastes espaces étaient couverts de glaces de plusieurs mille pieds d'épaisseur, à une date bien antérieure à celle où nos montagnes actuelles ont été couvertes par les eaux de l’ecéan; 1l faut admettre que le changement de température , qui amena la fonte des glaciers, et qui fut suivi de l'invasion ct de la retraite des eaux de l'océan, permet de reconnaitre , après des milliers d'années, les vallées écorchées par de pro- fondes stries, les roches polies par le frottement, et les blocs erratiques parsemés sur le sol. « D'anciens glaciers , » dit M. Hitchcock, «ont laissé dans ce pays des traces qui, depuis longtemps, ont été remarquées avec le plus vif intérêt et, personnellement , je n'ai jamais parcouru les points culminants de cette contrée sans être frappé de ce phénomène. « Je ne doute donc pas que des glaciers y aient existé jadis. De plus, il semble probable que l'océan à couvert notre continent depuis l'époque glaciaire, mais le déssèche- ment a altéré les traces des glaciers, non-seulement celles qui résultaient de l'érosion, mais aussi en modifiant les moraines. J'ai cependant découvert tant d'exemples, non- seulement de roches striées et déchirées, mais aussi de détritus accumulés que je ne peux résister à la convietion 136 ACADEMIE DE ROUEN. que ces faits ne peuvent être dus qu'à des glaciers, n'y trouvant pas d’autres causes. » Ici, M. Hitchcock entre dans de longs détails pour justifier son opinion. Il cite les observations qu'il a faites, particulièrement dans l'Etat de Massachussets, et il trouve dans certaines accumulations de détritus une ressemblance frappante avec les moraines des glaciers des Alpes. Au reste , quelles que puissent être les opinions que feraient naître les conclusions de l’auteur, les faits qu'il à recueillis n'en sont pas moins d’une grande importance. Doué d'une modestie dont on doit lui savoir beaucoup de gré, notre savant américain soumet ses tra- vaux à la discussion, sans avoir la prétention de les faire prévaloir sur ceux des savants européens qui se sont occupés de phénomènes semblables. En effet, discuter les causes qui ont pu amener un changement de température capable de faire totalement disparaître d’un pays les glaciers qui l'ont couvert, in- diquer ce qui a pu produire, puis anéantir les effets de cette longue période de froid, ne serait-ce pas, en ce moment , chose oiseuse et prématurée? A-t-on bien tous les éléments nécessaires , et ne serait-ce pas se lancer dans les écarts d’une imagination qui n'aurait aujourd'hui pour base que des faits incomplets ou mal observés ? Nous lisions, il y à dix ans, dans la Revue des Deux Mondes, qu'il est sage de jeter un regard investigateur dans les profondeurs d'un passé dont la surface de la terre a conservé les traces, mais sans admettre des hypothèses plus que douteuses. À côté de la période diluvienne, disait-on , nous voyons poindre la période glaciaire dé- voilée par l'étude attentive de faits bien observés, et non par de vaines spéculations de l'esprit. N'imitons pas les querelles oiseuses des vulcaniens et des neptuniens. Tous les géologues actuels sont à la fois l’un et l’autre. La science a fait la part de Peau et du feu; 1l'en sera de même des CLASSE DES SCIENCES. 137 glaciers et des courants. Les uns et les autres ont joué et jouent encore leur rôle. Mais, au lieu de ces manifestations gigantesques, caractères des époques géologiques anté- rieures à la nôtre , les phénomènes de nos jours se ren- ferment dans les limites d’action imposées par la période de repos que l'apparition de l'homme semble avoir inau- gurée sur la terre. RAPPORT SUR UN LIVRE DU D' BERTHERAND, Candidat au titre de Membre correspon lant, INTITULÉ : MÉDECINE ET HYGIÈNE DES ARABES: Études sur l’exercice de la médecine et de la chirurgie chez les musulmans de l’Algérie; leurs connaissances en anatomie, histoire naturelle, pharmacie, médecine légale, ete ; leurs conditions climatériqnes générales; leurs pratiques hygié- niques publiques et privées; leurs maladies; leurs traitements les plus usités; précédées de considérations sur l’état général de la médecine chez les principales nations mahométanes , par le D' E.-L. Benrnerano, ancien médecin de lhospice musulman d'Alger, etc.; Par DM. ic D: MOREL, af TER Vemnre reudan ANCILUIY IColuGut. { Séance du 21 Maui 1858. ) MESSIEURS , L'auteur de cet intéressant ouvrage nous fait connaître, dès son entrée en matière, le but de ses efforts. II ne s'agit de rien moins pour lui, ou plutôt pour la France, que de trouver les moyens de s'assimiler un peuple vaincu et de le civiliser. . . Mais avant d'indiquer les moyens , encore faut-il connaître l’état intellectuel, moral et physique de ce peuple. Ceci est une étude préliminaire des plus indispensables dans tous les essais de civilisa- tion. Que de fautes n'auraient pas été évitées par les nations conquérantes, si elles avaient mieux connu les CLASSE DES SCIENCES. 139 goûts, les tendances, les aptitudes, les préjugés des peuples qu'elles étaient destinées à s’assimiler ! Ce travail préparatoire s'est fait un peu tard pour beaucoup de nations. Aujourd'hui, les Français sont entrés résolument dans cette voie vis-à-vis des Arabes. Aux Etats-Unis, nous voyons que ce n’est qu'en 1847 que le Gouverne- ment, sur l’insistance du Congrès, s'occupa sérieusement d'avoir des données exactes sur l’histoire et les conditions des tribus indiennes; puissent ces recherches, un peu tardives peut-être, sauver de l’extermination les derniers débris de cette race, et la faire entrer pacifiquement dans le mouvement de la civilisation ! Pour ce qui regarde la race musulmane en général, nous n'en sommes pas réduits à faire des recherches sur sa profonde ignorance et sur la dégénérescence intellectuelle de cette nation. M. Bertherand, jetant un coup d'œil sur l’état de ses connaissances en médecine, nous reporte aux ‘époques où l'Orient et l'Occident tremblaient sous les coups des réformateurs de Mahomet, et où la nation arabe inscrivait avec orgueil, au rang de ses illustrations : les Rhazès , les Avicenne, les Albucasis, les Avenzoar , les Averrhoës, les Aboul-Abbas, les Aben-Bitar. Les noms de ces habiles commentateurs d'Hippocrate sont à peine connus des Tolbas, les savants actuels : « À peine la tradi- tion , » dit M. le Dr Bertherand, «a-t-elle transmis de siècle en siècle les souvenirs isolés, des lambeaux épars de quelques-unes des principales pratiques ou des importantes découvertes de cette ancienne mais glorieuse époque (1).» Dès le principe, M. Bertherand s'occupe de dissiper un préjugé assez généralement répandu sur l'influence anti intellectuelle , si je puis m'exprimer ainsi, exercée par le 440 ACADEMIE DE ROUEN. Koran. La religion de Mahomet est loin d'être incompa- tible avec le progrès des lumières: dans maints passages, le prophète préconise la science et les avantages de la science. Voici des paroles qui nous rappellent ce magnifique commentaire de Cicéron, que nous savons tous par cœur, lorsque, plaidant pour le poète Archias, il dit : Hæc enim studia senectutem oblectant , secundas res ornant..…… nobiscum peregrinantur, rusticantur, ete., etc. « Enseignez la science ,» dit le Prophète, «qui l’en- seigne, craint Dieu ; qui la désire, adore Dieu; qui en parle, loue Dieu; qui dispute pour elle, combat pour Dieu; qui la répand , distribue l’aumône ; qui la possède, devient un objet de vénération et de bienveillance. La science, sauve de l'erreur et du péché; elle éclaire le chemin du Paradis; elle est notre compagne dans le voyage, notre contidente dans le désert, notre société dans la solitude; elle nous guide à travers les plaisirs et les peines de la vie, nous sert de parure auprès de nos amis, et de bouclier contre nos ennemis; c’est par elle que le Tout-Puissant élève les hommes qu'il a destinés à prononcer sur ce qui est vrai, sur ce qui est bon. Les anges briguent leur amitié et les couvrent de leurs ailes. Les monuments de ces hommes sont les seuls qui restent, car leurs hauts-faits servent de modèle et sont répétés par de grandes âmes qui les imitent. « La science est le remède aux infirmités de l'ignorance, un fanal consolateur dans la nuit de l'injustice. L'étude des lettres vaut le jeûne, leur enseignement vaut la prière ; à un cœur noble, elles inspirent des sentiments plus élevés, elles corrigent et humanisent les pervers (1). » (1) Haditz, ( Conversations ) du prophète Mohammed. , CLASSE DES SCIENCES. 1 ES — Voici un proverbe musulman très connu : Les lytim men qûd mat oualidbhou , bel lytim elladi la älemlhou ou la àdeb. « L'orphelin n’est pas celui dont le père est mort, mais celui qui n’a ni science ni éducation. » Le prophète Mohammed a dit aussi : « Les savants sont comme les eaux minérales, parce que, de même qu’elles, ils attirent une foule de gens de près comme de loin, qui viennent y chercher la guérison. » «Je cite toutes ces belles et profondes paroles de ce réformateur, dit l'honorable professeur de Lille , parce que l’on s’évertue généralement à faire peser sur l'esprit du Koran la responsabilité de linaction, pour ne pas dire de la dégradation intellectuelle qui caractérise aujourd'hui les populations musulmanes. Que ceux-là lisent et médi- tent ce Koran, «cette seconde édition de l'Evangile, » selon l'expression de M. Cousin ; «ils y trouveront à chaque page des préceptes sur l’hospitalité, la charité, l’'aumône, l'attaque constante de l'idolâtrie et du matérialisme par les armes supérieures du spiritualisme, de fréquentes exhortations aux bons procédés à l'égard des femmes et des esclaves, à l’accomplissement quotidien des devoirs hygiéniques, des obligations du jeûne , de la prière, des détails minutieux sur la jurisprudence; ils y entendront le Prophète appeler à chaque instant l'attention, la médi- tation de son peuple sur les merveilles splendides , sur les phénomènes mystérieux de la création. Et les incrédules pourront alors se convaincre que la portée de ce livre et de sa doctrine n’était point de jeter, un jour, les facultés intel- lectuelles et morales de toute une vaste nation dans un repos stérile, dans une immobilité dégradante : non, certes. Produit hybride des principes du christianisme et du mosaïsme appropriés au caractère oriental, l'œuvre de Mohammed ne devait point, après avoir conduit ses 142 ACADEMIE DE ROUEN. adeptes à la tête de la civilisation, en Orient et en Occident, se trouver promptement dénaturée par des interprétations aussi fatales qu'absurdes dans leurs conséquences. «C’est qu'entr'autres grandes fautes, les successeurs de ce guerrier réformateur ne comprirent point que l'esprit, la raison d'une nation ne pouvaient être impunément retenus dans les chaînes de l'oppression par ceux-là même qui ont mission de conduire moralement dans la voie du progrès, et qui, dans le sens contraire , n’aboutissent alors qu'à les vouer à l’asservissement le plus funeste. n'y a que nous autres pachas , » s'écriait Moktar, pacha de Djenina, « qui devrions savoir lire et écrire. Si j'avais un Voltaire dans mes Etats, je le ferais pendre , et si je connaissais quelqu'un de plus puissant que moi, je l'immolerais à l'instant (1). » De nos jours, «les ulémas, dans leur orgueil, condamnent, comme irreligieux et profane, quiconque s'occupe d’autres choses que de tout ce qui regarde la religion et la théologie (2). » Pour nous donner une idée de l’état des connaissances des peuples de l'Orient touchant la médecine, l'auteur passe en revue les procédés de guérison employés en Arabie, dans le royaume de Tunis, au Darfour, en Turquie, (1) Bertherand , p. 27. (2) loyage au Darfour, par Bey-Omar el Tounsy, traduct. du D' Perroy, p- 448. On appelle Ulémas , d'après M. le D° Bertherand, les élèves qui possèdent les diverses connaissances enseignées dans les écoles de l'Orient. Ulémas vient de alem (science). Le degré supérieur de l'instruction est donné par le marabout (prètre). Cette instruction consiste dans la psalmodiation du Xoran , l'étude de ses commentaires , la jurisprudence musulmane, la grammaire, la versification , l’'arithmétique, et des notions très incomplètes en astronomie. CLASSE DES SCIENCES. 443 en Perse, en Nubie, en Egypte. Partout, Messieurs ; ainsi que nous l’apprend M. le Dr Bertherand, l'ignorance la plus crasse et l'emploi des moyens superstitieux tiennent la place de la saine observation. Et cependant, ces peuples, malgré leurs préjugés, leur ignorance , leur haine pour ainsi dire instinctive pour tout ce qui porte le uom de chrétien, se sentent volontairement attirés vers le foubibe européen, le médecin. Ils aiment le toubibe comme un bienfaiteur ; ils sont presque tentés de le regar- der comme un être surnaturel , tant il est vrai de dire que la science à encore le pouvoir de fasciner les esprits alors même qu’elle ne peut les éclairer. Je vais citer un passage d'autant plus important pour ce qui regarde le compte- rendu de cet ouvrage, que l’auteur, dans ses conclusions , n'hésite pas à faire à la médecine une part immense dans la future civilisation des Arabes. « Les foubibes français qui ont pratiqué chez les indi- gènes de l'Algérie, leur rendront la justice que les indi- vidus dont ils ont soulagé les souffrances leur ont toujours réservé une hospitalité particulièrement démonstrative , cmpressée, plus ou moins splendide, selon la position pécuniaire. Que de progrès l'autorité supérieure aurait pu réaliser dans la conquête morale des indigènes, si elle avait profité de ces bonnes dispositions en organisant convenablement les secours médicaux en leur faveur! « Les Arabes détenus en France (île Sainte-Marguerite) n'ont jamais manqué, au retour dans la tribu, de mêler au récit des choses et des événements qui les ont le plus frappés durant la captivité, le souvenir du foubibe français. Tous se plaisent à rappeler la manière bienveillante dont il les accueillait, son empressement à soulager leurs dou- leurs. Ces germes de reconnaissance, déposés ainsi dans le cœur de l'Arabe , ne sauraient-ils, à la longue, détruire l’antipathie qui existe entre les deux races? Cette pensée 144 ACADÈMIE DE ROUEN. d'affection pour l'homme qui a pansé ses plaies, calmé promptement, dissipé sûrement ses souffrances, est encore différente du respect dont l’Arabe entoure ses savants. « Quiconque lui apporte un soulagement sanitaire, passe à ses veux pour un inspiré de Dieu, un dispensateur des grâces du ciel; à ce point de vue, c'est un marabout; il jouit de toute la considération , de tout le crédit, de toute la haute réputation d’un personnage influent. Tout cela est parfaitement vrai, mais quelle différence profonde entre la vénération accordée à ce taleb et à ce chikh, et les sentiments intimes de sympathie durable qu'inspirent les bons procédés , la douceur persuasive , les attentions, la bienveillance, la sollicitude, l'empressement, le dévoû- ment des médecins français, choses parfaitement inconnues dans la profession médicale arabe? «En janvier 1847, d'anciens prisonniers indigènes, sortant de la casbah d’Alger, demandèrent spontanément à être reçus par le Dr Bosio, qui les avait précédemment traités à l’île Sainte-Marguerite. « Peu de temps après, des familles arabes, débarquant de Toulon, reconnaissent le Dr Bosio dans les rues d'Alger, et tous lui baisent les mains, le cœur plein de gratitude. « La même année, à Bone, un Kabyle sort de l'hôpital, où il venait d'être soigné des suites d’une noyade dont l'avait sauvé, dans le Bou-Djemäa, le procureur du roi. Sa première idée est d'aller voir ce magistrat, et de lui témoigner toute sa gratitude pour son bienfait. Les nota- bles musulmans de la localité ayant eu connaissance de ce fait, vinrent ajouter l'hommage de leurs félicitations à celles de leur coreligionnaire. « En 1848, les chirurgiens de l’Asmodée donnèrent leurs soins aux compagnons de captivité d’Abd-el-Kader, dont quelques-uns étaient blessés. L'émir les remercia par la lettre suivante : CLASSE DES SCIENCES. 145 « Louanges à Dieu seul et unique ! « Cet écrit, de la part d’Abd-el-Kader ben Mahi-Eddine, «est adressé aux chirurgiens français ; « Que Dieu les favorise de sa bonté et les contente ainsi « qu'ils le méritent. € Vous avez agi avec bonté envers nos compagnons qui «sont blessés; que Dieu vous accorde sa grâce et vous « récompense : il est puissant en toutes choses. » « J'ai donné mes soins à des malades de plusieurs tribus « assez éloignées de nos cantonnements, écrivait le Dr Gis- «Card, médecin-major des zouaves en 1834 (4), ce qui m'a « permis de voyager avec plus sécurité qu'aucun autre. En 1835, le Dr Pouzin, qui avait été soigner beau- coup d’Arabes au marché de Bouffarik, reçut à diner le grand marabout Sidi-Mohammed-Embarck de Coléah. Pendant le repas, ce dernier dit, en parlant de l'endroit de la plaine de la Métidja témoin de la bienveillance française et du dévoûment médical : « Les Arabes respec- «teront ce lieu comme sacré; ils béniront celui qui veut « leur bien et qui soulage leur misère; pour moi, je le « bénirai à la tête des tribus, et jamais ni le fer ni le feu «ne les toucheront (2). » « Je l'ai dit (3) et je le répète plus que jamais : « Les indigènes, en retournant guéris dans leurs tribus, devien- dront les anneaux épars de la chaîne sympathique qui doit insensiblement lier les vaincus aux vainqueurs. » Malheureusement, la déchéance actuelle des Arabes, les causes qui établissent un antagonisme si profond entre (1) T. XXX VII des Mémoires de médecine et de chirurgie militaire. (2) P. 75, 76. (3) De la création des hôpitaux arabes, dans V'Akhbar (journal de l'Algérie du 17 octobre 1848 ). 10 1i6 ACADÉMIE DE ROUEN. la race conquise et ia race conquérante, ne tiennent pas exclusivement au défaut de culture intellectuelle, mais elles se rattachent aux conditions essentielles des habitudes sociales, de la religion, de l'hygiène, des usages, des coutumes , et surtout, par-dessus tout, des mœurs. M. Bertherand fait précéder toutes les importantes ob- servations qu'un long séjour en Algérie lui a suggérées, sous ce rapport, par l'exposé de considérations très impor- tantes sur l’organisation physique et morale des Arabes de l'Algérie. On est loin d'être fixé sur la descendance des Arabes de nos possessions. Pour les uns, ils appartiennent à la race sémitique ou syro-arabe. Pour quelques anthro- pologistes, ils descendent d'Abraham comme les Juifs ; pour d’autres, de la branche d'Ismaël. M. l'inspecteur médical Guyon, considérant la minceur des os de leur crâne , leur assigne une origine persane, ce qui me parait pour le moins très hypothétique. Ce qui ne l'est guère moins, c’est l'opinion du Dr Bodichon qui, établissant un curieux rapprochement entre les caractères physiques et moraux des Arabes et des Bretons, leur à donné une communauté d'origine, celle des Atlantes ( tribus afri- caines), les premiers navigateurs connus. Toutefois, d'après l'opinion générale, les Kabyles, désignés sous le nom de Berbers, descendraient des Phéniciens ; leur patrie primitive serait la terre de Chanaan. Quant aux Maures, habitants des villes, ils offrent une race mélangée de ces divers éléments conquérants, tels qu'anciens Mauritaniens, Numides, Phéniciens, Romains, Arabes. M. Guyon pense que cette dernière population est un croisement de races européennes avec les Berbères et les Arabes. « Quoi qu'il en soit, on peut, dit M. le Dr Bertherand, partager la population actuelle, avec laquelle nous avons des rapports, en trois classes : l’Arabe, le Kabyle et le Saharaoui. L'Arabe habite le Tel, les contrées maré- CLASSE DES SCIENCES. 147 cageuses ; le Kabyle habite les montagnes; le Saharaoui nabite les oasis, les terrains sablonneux du sud. Autant de classes, autant de variétés dans la manière de se nourrir, de se vêtir, dans l’industrie, dans le tempérament phy- sique des individus, dans leurs dispositions intellectuelles. L’Arabe a l'intelligence fort ordinaire ; le Kabyle applique toutes ses facultés aux arts, à l’industrie ; le Saharaoui à une grande facilité de conception, une imagination très vive; mais il est un élément qui établit un lien entre toutes ces classes , c’est l'élément religieux et le fatalisme qui en est la suite ; c’est ensuite une dissolution dans les mœurs, dont on se fait difficilement une idée. » Cette partie du livre renferme des détails très intéres- sants sur la constitution physique des Arabes, sur leur croissance précoce et sur la précocité des femmes. J'avoue que j'ai dù, après lecture des importantes considérations anthropologiques que renferme l’œuvre de M. le D" Ber- therand, réformer bien des idées que je m'étais faites, d’après les récits des voyageurs , sur les mœurs et le carac- tère des Arabes. Choisissons un exemple. — On s’est fait généralement une opinion très avantageuse de la sobriété des Arabes : « Si l’on jugeait le peuple arabe d’après la plupart de ceux qui, depuis vingt ans, croient écrire son histoire réelle en se bornant à l'examen des Maures (les habitants des villes), l’indigène serait digne, par sa sobriété, de prendre place parmi les stoïciens et les pythagoriciens. C’est là une grande erreur, » dit M. Bertherand , «qu'il im- porte de détruire. Un proverbe arabe dit bien que : « L'homme à quatre grands ennemis : le diable /e/ iblis), « le monde { el denia ), l'amour {el acheàg ) et l’appetit { el « gabelia ). » « Mais la manière de satisfaire ce dernier ne tient guère compte de cet aphorisme plein de sagesse. Il est, en effet, 148 ACADEMIE DE ROUEN. généralement admis qu'on mange peu dans les pays chauds. Montesquieu pensait que, les solides se dissipant moins que les liquides, les fibres s’usaient moins et demandaient peu de réparations. Il faut bien aussi remarquer que si, dans les pays chauds, le poumon exhale moins d'acide car- bonique, la suractivité physiologique du foie produit une sorte de pléthore de bile décarbonisante qu'il est naturel- lement indispensable d'utiliser avec une alimentation suf- fisante et convenable. N'oublions pas non plus l'activité fonctionnelle de l'enveloppe cutanée, les conditions at- mosphériques assez mauvaises dans lesquelles se trouvent l'habitant des plaines et le montagnard. La sobriété, dont on à fait une vertu arabe, n'existe réellement pas et ne saurait exister. « Dans le royaume de Tunis, le musulman « mange à gogo, quand on lui donne (1). » C’est la même chose pour l’Arabe algérien. S'il mange peu d'ordinaire , c'est que sa paresse , l’état peu avancé de la culture , la vie nomade, etc. , l'obligent à avoir peu pour se nourrir. Mais, dès qu'il trouve le moyen de s’ingurgiter des masses de couscouss avec une goinfrerie dégoûtante , il se garde bien de laisser échapper l’occasion. Ceux qui ont véeu au milieu des Arabes, des Kabyles, dés habitants du sud, ont pu être témoins de ces accès de polyphagie. Il en est de même chez les Touareng. « Très sobres au besoin, ils « resteront deux ou trois jours sans boire ni manger plutôt « que de manquer un coup-de-main ; mais, très gloutons « à l’occasion, ils se dédommageront largement après la «razzia (2).» Les médecins qui ont traité des indigènes, (1) Du royaume de Tunis dans ses rapports avec l'Algérie, par le D'° Brandin,, 1850. (2) Mœurs et coutumes de l'Algérie, par le général Daumas, p. 363. Re CLASSE DES SCIENCES. 149 soit dans les tribus soit dans les hôpitaux, savent bien avec quelle difficulté on les soumet à une alimentation res- treinte, et combien il est impossible de leur faire endurer la diète ; ils préfèrent se sauver de l'établissement ou se soustraire à la continuation du traitement chez eux; et, comme l’a parfaitement observé aussi le Dr Deleau (1), « c’est une remarque que chacun a pu faire, l’Arabe pourra «impunément manger dans des cas qui nécessiteraient la «diète, même pour nos soldats. » « On serait porté à penser, » ajoute M. le Dr Berthe- rand , « que le Saharaoui mène une vie plus sobre; il n’en est rien : si la nécessité des circonstances le force à rester quelques jours sans nourriture et semble devoir l'habituer ainsi à une grande modération dans la quantité de ses ali- ments , il prend sa revanche pleinement à l’occasion. Il y a un fait certain, c’est que les indigestions, les affections gastro-hépatiques, les diarrhées qui leur succèdent sont très fréquentes dans la population musulmane de l'Algérie. Le Prophète, cependant, avait dit, chap. vn, v. 29: «Mangez et buvez, mais sans excès; car Dieu n’aime poin « ceux qui commettent des excès. » Le caractère proprement dit de l’Arabe ne se présente pas sous un jour plus favorable. « L'éducation intellectuelle de l'Arabe est à peu près nulle. À Alger, sur beaucoup d'écoles indigènes, une seu- lement est destinée aux jeunes filles mauresques, encore est-elle d'institution française et dirigée par une Française. Que doit-ce être dans les autres villes, à plus forte raison dans les tribus, les campagnes ? La polygamie, la préco- cité des unions sexuelles , l'absence d'éducation réduisent les femmes à l’état de brutes, d'esclaves, qui font des (3) T. LH des Mémoires de médecine militaire, 1849. 150 ACADÉMIE DE ROUEN. enfants, mais ne savent pas les élever. Aucune d'elles ne connaît la lecture ni l'écriture. Les occupations domes- tiques, la cuisine , le tissage de la laine, la confection des vêtements, le soin des animaux, voilà toute leur exis- tence !! Cette rouille générale de l'intelligence n'est-elle point la source de toutes les misères, de toutes les souf- frances physiques, de tous les vices les plus dégradants ? Elle détruit les aiguillons de l'espérance ; elle paralyse toute idée d'entreprises , d'harmonisation des devoirs avec les besoins ; elle tarit tout élan de conception. Alors l’es- prit, forcé de s'exercer sans but utile et convenable, s'arrête aux choses les plus futiles, les premières venues . s’il n’en trouve pas à son gré, il les invente; de là le fond rêveur, poétique, imaginatif, désordonné de l'esprit arabe, dont la finesse ne peut être niée, mais auquel 1l manque de l’étoffe, en un mot, de la pénétration. » Il résulte , Messieurs, de toutes ces études sur les mœurs arabes une triste déduction , un pronostic tellement décou- rageant, pour nous servir d'une expression médicale, que l’auteur, qui connaît cependant bien son sujet , car il a non- seulement vécu au milieu des Arabes, mais il a étudié leur constitution morale et physique en médecin observateur, en anthropologiste érudit, l’auteur, dis-je, en a pour ainsi dire laissé la responsabilité à un autre savant, M. le comman- dant Richard. Voiei comment s'exprime ce militaire dis- tingué sur la dégradation physique et morale des Arabes : « Le peuple arabe est un peuple dans un état de dégra- dation physique et morale qui dépasse toutes nos idées de civilisés. Le vol et le meurtre, dans l’ordre moral, la syphilis et la teigne , dans l'ordre matériel , sont les larges plaies qui le rongent jusqu'à le rendre méconnaissable dans la grande famille humaine. Il est impossible que ses chefs et ses grands ne participent pas un peu de cette de- gradation, quelle que soit la richesse des vêtements qui CLASSE DES SCIENCES. 154 les recouvrent et la beauté des chevaux qui les portent. La polygamie, en couvrant du manteau de la légalité l’im- moralité la plus honteuse et donnant un aliment constant à la jalousie et aux haines rongeuses, fait de la tente un enfer. La jalousie et les haines produisent des disputes intestines , et, quand le maître rentre, le bâton est le seul moyen qu'il emploie pour les calmer. Il serait affreux de raconter tout ce que la brutalité arabe fait supporter au sexe qui a produit Aspasie et Jeanne Darc, les deux faces de la beauté dont il rayonne.. Le contre-coup de ces atro- cités, qui rappellent les jours des premières calamités hu- maines , c'est un dévergondage de mœurs, une débauche dont nulle orgie ne peut donner la mesure. La pudeur, qui est le parfum de la femme eivilisée, est inconnue à la femme arabe. et elle se livre, sans honte comme sans remords , au premier qui la veut, etc... (1). » Après la description de tant de causes de dégénéres- cence pour la race arabe, 1l vous tarde sans doute, Mes- sieurs, de savoir quels sont les éléments régénérateurs que l’auteur va indiquer. C’est ce que, de mon côté aussi, j'ai avidement recherché. Après m'être occupé activement, pour ce qui me regarde, des causes dégénératrices de l’es- pèce humaine, je crois qu'il est de mon devoir de mettre en relief tout ce qui peut la régénérer. Malheureusement , dans la médecine collective comme dans la médecine indi- viduelle , il est plus facile d'indiquer le mal que de préciser le remède. Ce remède, en effet, n’est pas un spécifique, c'est un ensemble d'applications tirées des moyens intellec- tuels, physiques et moraux mis à notre disposition. Je me hâte cependant d'ajouter que je suis loin de croire, et (1) Etudes sur l'insurrection du Dhara, et de la législation mu- sulmane , par le commandant C. Richard. 152 ACADÉMIE DE ROUEN. M. Bertherand est dans le même ordre d'idées , que la race arabe soit incurable , qu'elle ne soit pas assimilable à notre civilisation, et conséquemment vouée à l’extermination. Le type arabe, malgré les causes de dégradation qui l’affectent , conserve encore des éléments de vigueur ; cette dégradation se fait particulièrement sentir, il est vrai, dans la diminution de la population ; mais il paraît certain qu'avec les éléments qui subsistent , il y a possibilité pour nous de régénérer ce peuple. Quel magnifique rôle la France n’a-t-elle pas à remplir sous ce rapport, et com- bien l'imagination ne se plaît-elle pas à créer, de l’autre côté de la Méditerranée , une autre France qui réflèterait notre civilisation et prêterait à la mère-patrie un appui que la perte de nos colonies dans les Indes et dans l'Amé- rique nous à pour jamais enlevé ? Les excursions que j'ai faites antérieurement avec vous dans le domaine de l'anthropologie vous ont déjà prouvé , Messieurs, que je ne regarde pas le mélange des races comme un élément de dégénérescence. J'ai combattu , sous ce rapport, le fatal pronostic de M. de Gobineau, et je trouve dans l'ouvrage de M. Bertherand la confirmation de ma manière de voir. Il s’agit seulement de bien choisir l'élément de la fusion; cet élément n'est pas introuvable, car, d'après l’auteur que je cite, on ne rencontre pas chez les Arabes ces conditions altérantes produites par le travail prématuré et exagéré, et qui, dans nos centres manufactu- riers, violentent si profondément la taille humaine et la constitution des individus. La croissance, pour ces divers motifs, et grâce aussi à l’influence climatérique , s'opère librement. Enfin l'expérimentation, cette dernière et im- périeuse invocation de la science moderne, est là pour justifier nos propres prévisions : les Æouloughis , produits d'unions entre femmes indigènes et Turcs, sont plus forts, plus intelligents. Les Maures , habitants des villes et pro- CLASSE DES SCIENCES. 153 duits eux-mêmes de tant de fusions qui remontent peut- être jusqu'à la conquête romaine , ne sont nullement dégé- nérés non plus et paraissent avoir de l'aptitude pour accepter notre civilisation. La chose capitale est d'amener dans notre sphère d'attraction l’Arabe des campagnes, le montagnard Kabyle et l'habitant du désert. M. Bertherand , et je dois l’en remercier au nom de tous ceux qui pratiquent l’art de guérir, a la plus grande foi dans l'influence de la médecine comme élément de civili- sation ; c'est même sur elle qu'il s'appuie, d’une manière un peu exclusive peut-être, mais qui n’en est pas moins l'expression d’une foi vive, ardente , et que respecteront même ceux qui n’accorderont pas à la médecine une in- fluence aussi absolue. « Nous en sommes intimeémentconvaincu, » dit l’auteur, « la médecine française peut jouer un rôle des plus puissants et des plus complets dans cette grande œuvre de la civili- sation d'un peuple, dont le présent ouvrage a cherché à esquisser les tristes conditions physiques et morales. «Quand on voit les indigènes algériens accepter avec facilité certaines modifications que notre contact, encore peu prolongé, a imprimées à leurs mœurs, à leurs idées, pourvu que leurs intérêts physiques y trouvent une large part , ilest permis de se demander pourquoi la médecine n'interviendrait pas eflicacement dans le même but civili- sateur, pour apporter aussi son contingent de bien-être. Est-ce que l’Arabe ne reconnaît pas aujourd'hui l'équité supérieure de nos lois? Est-ce qu'il ne préfère pas cultiver son champ sous la protection immédiate de notre autorité ? Est-ce que beaucoup d’indigènes n’ont pas abandonné /a chambre de poils pour occuper une maison à la française, plus commode, plus sûre, plus salubre? Est-ce que les Spabis, les Arabes, qui vivent plusieurs années dans les rangs de l’armée , les chefs indigènes qui ont de fréquentes 4154 ACADEMIE DE ROUEN. relations avec nos autorités, ne finissent point par accueillir quelques-unes de nos coutumes et les faire passer dans le mouvement ordinaire de leur existence quotidienne ? » Partout, d’ailleurs, on trouve l’Arabe disposé à bien recevoir, à bien traiter ceux qui viennent, au nom de la France , soulager ses souffrances et sauvegarder les inté- rêts sanitaires publics. Tout ce que l’on sait de sa haute vénération et de sa reconnaissance pour les médecins, nous dispense d'entrer ici dans d’autres détails sur ce sujet. C’est que, comme l’a fort bien dit le Dr Guyon (1), «de toutes les branches de nos connaissances , la médecine est celle qui travaille le plus directement au bonheur de l’homme , à son bonheur le plus positif, puisqu'après avoir reçu l’existence , notre plus grand bien sur la terre est de ne pas souffrir. » Or, en observant de près le caractère de l’Arabe , on le trouve très sensible à tout ce qui peut impressionner avantageusement , flatter des instincts maté- riels, satisfaire son bien-être physique. « Utiliser, c’est civiliser, » devient donc ici une maxime politique très opportune à appliquer. Dans une des séances les plus solennelles du Congrès médical de 4845, que disait le Ministre de l'instruction publique? «Le gouvernement du roi compte beaucoup sur le dévoûment professionnel, sur l'influence morale des médecins de l'Algérie pour la civilisation des Arabes, pour l’'affermissement de la domination française en Afrique. » Et, l'année suivante (4 juillet 4846), en visitant l'hôpital du Dey, à Alger, le même Ministre disait aux médecins militaires : « Vous rendez de grands services en ce pays; mais (1) Discours prononcé à l'École de médecine militaire d'Alger, le 9 février 1834. CLASSE DES SCIENCES. 158 votre dévoûment , les fatigues et les privations que vous supportez , les soins que vous prodiguez aux soldats malades ou blessés , ne sont pas les seuls mérites que vous ayez auprès du Gouvernement. Vous avez encore une autre mission aussi importante à remplir, c'est de concourir pour une grande part à faire pénétrer notre civilisation au milieu des tribus arabes ou kabyles. Votre prosélytisme est le seul, peut-être, qui puisse réussir d'ici à de longues années. Ceux d’entre vous qui seront appelés, à cause de vos ressources médicales, à soulager les indigènes souf- frants, arriveront , sans nul doute, à faire pénétrer et fructifier chez eux quelques-unes des idées de notre civilisa- tion européenne. Nous espérons que le Gouvernement vous donnera bientôt, dans ce but, des moyens plus étendus et plus efficaces. De notre côté, nous ferons nos efforts-pour vous mettre en mesure de propager parmi les indigènes l'instruction médicale, qui sera utile à la fois à l'humanité et à l'établissement de notre puissance dans ce pays. » «Nous nous contenterons, «dit M. le Dr Bertherand, » de citer encore à ce sujet l'opinion d’un des hommes les plus considérables de l’époque (1) : « L'armée possède une classe d'hommes qui, avec un «peu d’aide, s'attachera beaucoup d'indigènes : ce sont les «médecins. Les Arabes et les Kabyles ont en leur talent «une confiance illimitée , et reconnaissent les soins qu'ils «reçoivent d'eux par les devoirs de l'hospitalité les plus «sacrés parmi ces peuples. Un médecin, connu pour tel, « parcourt les tribus ennemies avec la certitude d'être par- «tout recherché et protégé... Faire du bien aux hommes, «c’est les préparer à reconnaître une supériorité et à rece- « voir une direction... Les musulmans n’ont jamais répugné (1) Le baron Beaude ; l'A/gérie, €. I. 156 ACADÉMIE DE ROUEN. «à accepter le bien que leur apportaient des mains chré- «tiennes, et l'obstacle qui nous sépare est bien plus dans «les mœurs que dans les cultes. » J'accepte ces conclusions; j'aurais voulu que l'auteur donnàt, à cette partie de son œuvre, une extension plus grande, et qu'il examinât la question à un point de vue plus large et plus philosophique. Je m'explique en quelques mots, car je serais fâché que cette appréciation critique fit naître dans vos esprits le moindre doute sur la valeur intrinsèque d’un ouvrage aussi important, aussi éminemment utile que celui dont je suis le rapporteur. Je vois dans la régénération d’un peuple deux temps bien distincts, correspondant à deux séries d'applications médicatrices dont il est bon de faire ressortir les conséquences. En admettant que la régénération d’un peuple soit pos- sible, il est évident qu'une pareille œuvre n'est pas l'affaire d'un jour. Il est un temps que j'appellerais volontiers la période d'initiation, et qui consiste à s’attirer les sym- pathies de ceux que l'on veut modifier ; il faut alors s'oc- cuper d’une manière spéciale de leur bien-être matériel. II est juste que les avantages réels de la paix fassent com- pensation aux tristes nécessités d’une guerre de conquête. Nous semblons entrer, pour ce qui regarde l'Algérie, dans cette période, et ce n’est que plus tard que l'instruction, avec le but avoué du développement des facultés intellec- tuelles et morales des individus, couronnera l’œuvre de la régénération en disposant peu à peu la génération présente à transmettre à la génération qui suit certaines dispositions sans lesquelles le progrès est irréalisable. Je parle de ces dispositions innées pour le bien, de ces apti- tudes pour les sciences et les arts qui sont, chez Îles nations civilisées, un héritage qu'une génération lègue à une autre. L'appauvrissement de cet héritage est un CLASSE DES SCIENCES. 157 signe fatal ; il indique un mal profond qu'il s’agit d'attaquer à sa source. Mais on comprend que si cet héritage consti- tue un capital moral aussi précieux, il ne peut se former de toutes pièces ; il doit être l’œuvre successive du temps, autrement dit, des transmissions héréditaires de bonne nature. C’est donc une chose bien complexe que celle de la régénération d’un peuple , d’une race, et c’est ce qui fait que le seul reproche que j'adresse à l’auteur, reproche intéressé, du reste, puisque je m'occupe , de mon côté, des éléments régénérateurs de l'espèce humaine, est de n'avoir pas examiné peut-être ce côté de son œuvre d’une manière aussi complète que j'eusse pu le désirer; il a évidemment cédé à une préoccupation médicale, celle de nous faire connaître à fond le tempérament physique et moral de l’Arabe, et les causes de son infériorité actuelle dans la hiérarchie des nations civilisées; je lui sais néan- moins un gré infini d'avoir mis en relief que les unions entre les différentes races de l’Algérie n’ont pas été une cause de dégénérescence. Quoi qu'il en soit, le but que s’est proposé M. le Dr Bertherand était par lui-même assez vaste, et l’auteur l’a atteint complètement; son œuvre est une de celles où ceux qui voudront connaître à fond la race arabe, son passé, son présent, son avenir, trouveront non-seulement les détails les plus attrayants, les plus véridiques , mais encore les enseignements les plus utiles. Je propose de voter des remerciments à l’auteur, et de placer honorablement son œuvre dans les archives de la Société. M QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LE NOUVEAU SYSTÈME D'ÉTUDES, Par M. A. LÉVY, Membre résidant. { Séance du 2 Juillet 1558.) A toutes les époques, la grande question de l'enseigne- ment a préoccupé les hommes sérieux. Est-il, en eflet, pour la société, un plus grand devoir à remplir que celui de préparer la jeunesse à accomplir un jour la mission qui lui sera dévolue ? Aussi, chaque génération se trouve-t-elle tenue de transmettre à celle qui la suit l’ensemble des connaissances humaines, héritage précieux que ses devan - cières lui ont légué à elle-même, et qu'il lui est donné d'accroître chaque jour. Des circonstances exceptionnelles , et surtout des besoins nouveaux, ont porté le Gouvernement, sinon à modifier l’enseignement public dans son essence, du moins à donner aujourd'hui une plus grande extension à l'étude des sciences, et le décret du 40 avril 4852 est venu fixer la voie nouvelle que l’Université a cru devoir ouvrir aux élèves qui lui sont confiés. Une partie du public, qui ne connaît pas complètement CLASSE DES SCIENCES. 159 les besoins nombreux auxquels le Gouvernement a désiré donner satisfaction, à paru redouter les effets de cette direc- tion inattendue , imprimée à de jeunes esprits; des pas- sions , peut-être intéressées, sont venues encore , par leur intervention toujours ardente, ajouter aux doutes et aux inquiétudes des pères de famille. Et, prenant des désirs pour des réalités, on a été jusqu'à prédire, avec une grande assurance , l'époque prochaine où l’échafaudage des études nouvelles serait renversé. L'Université, disait-on , serait obligée de revenir aux antiques et saines traditions du passé. Notre intention n'est pas de soulever ici des questions irritantes ; nous voulons examiner avec calme ce qui a été fait jusqu'à ce jour, et les motifs puissants qui ont porté des hommes, d’une valeur d’ailleurs incontestable, à tenter cette Innovation. Une épreuve de six années vient d’avoir lieu; elle est suflisante pour permettre aux personnes de bonne foi d’ap- précier, sans les exagérer toutefois, les avantages du nouveau système d'études. Nous n'avons, dans tous les cas, qu'un seul but, celui de renseigner ceux qui, sans idées préconçues, veulent sérieusement se rendre compte de la mesure, et nous avons tout particulièrement le désir de fournir aux pères de famille les éléments nécessaires pour résoudre une question qui les préoccupe à un si haut degré. Pour bien nous rendre compte de la nécessité où le Gouvernement se trouvait d'introduire des modifications dans le régime de nos études, examinons ce qui existait avant 1852, et quel rôle l’enseignement universitaire était appelé à remplir. Les études littéraires, dont nous sommes bien loin, du reste, de nier la haute importance, et qui doivent être la base d’une solide instruction , étaient suivies souvent avec 160 ACADÉMIE DE ROUEN. fruit, mais presque toujours d'une manière exclusive par les jeunes gens qui fréquentaient les classes. Les élèves obtenaient, pour la plupart, le diplôme de bachelier ès lettres, et essayaient alors de se créer une position; bien peu y réussissaient : les carrières, disait-on , étaient en- combrées. Quelques jeunes gens découvraient à peu près, par hasard, leur aptitude pour les études scientifiques, car les sciences étaient enseignées, pendant les humanités, d’une manière très secondaire et comme accidentellement. Guidés alors par le désir d'embrasser l’une des brillantes carrières auxquelles conduisent les grandes Ecoles de l'État, nos élèves rompaient brusquement le cours de leurs études, et entraient dans une classe où le professeur faisait, disait-on , un cours de mathématiques élémentaires. Or, c'était une faute grave d’avoir donné une qualification par trop modeste à des études relativement élevées et d’ailleurs importantes; aussi les élèves étaient-ils obli- gés de suivre ce même cours pendant deux, trois ou même quatre années avant d’être admis à Saint-Cyr. Cette réunion de jeunes gens de tout àge, de toute force et de toute faiblesse, était l'assemblage le plus triste et le plus incohérent qu'on pût imaginer; le pro- fesseur était obligé de s'occuper de quelques élèves intel- ligents ou laborieux plus avancés que les autres, et négli- geait malgré lui ceux qui, par un défaut suflisant de préparation , n'étaient pas à la hauteur de leurs camarades de seconde ou de troisième année. Ces élèves, naturelle- ment découragés et pressés par l’âge, allaient chercher en dehors de l’Université un enseignement que celle-ci ne leur donnait pas; ils abandonnaient les classes des lycées pour profiter, dans les Ecoles préparatoires, des avan- tages d’un enseignement scientifique fortement organisé. Un inconvénient, plus grave encore que le précédent , CLASSE DES SCIENCES. 164 mais d’une nature tout-à-fait opposée, apparaissait alors. Dans ces derniers établissements, les études étaient exclu- sivement scientifiques, et nous avons connu des élèves, excellents mathématiciens du reste, mais entièrement ignorants sur tout autre matière, entrer dans les premiers rangs à l'Ecole polytechnique alors même qu'ils ne savaient ni parler, ni écrire correctement leur langue. Parfois même, par un contraste choquant, on à pu voir des élèves, candidats à deux écoles, admis à l'École poly- technique et refusés à Saint-Cyr. Pour se rendre compte de cette anomalie , il faut se rappeler que, si l’on était beaucoup moins exigeant , au point de vue scientifique, pour l'admission des élèves à l'École militaire que pour les candidats à l’École polytech- nique, on demandait aux premiers des connaissances littéraires avec des notions de géographie et d'histoire auxquelles les seconds étaient trop souvent étrangers. Les classes de mathématiques spéciales des lycées, par- faitement organisées d’ailleurs, confiées à des professeurs habiles et éclairés, n'avaient presque plus d'élèves ; il y avait deux causes principales qui produisaient ce résultat ; la première , nous l’avons déjà signalée en faisant voir que l’enseignement scientifique préalable n'était pas toujours suffisant ; quant à la seconde, elle résidait dans une Opi- nion généralement admise que , pour réussir dans les études scientifiques, il fallait abandonner l'Université et suivre les cours d’une Ecole préparatoire. Les faits, il faut le reconnaître, semblaient justifier cette manière de voir ; les journaux annonçaient pompeusement les succès de ces établissements, ils énuméraient avec complaisance le nombre des élèves admis; mais on se gardait bien de signaler les nombreuses défaites, et pourtant, afin d’ap- précier sainement les choses, il eût fallu déterminer le rapport qui existait entre le nombre des élèves reçus et 11 162 ACADÉMIE DE ROUEN. celui des candidats présentés. Nous sommes convainc alors que l'avantage ne serait pas toujours resté aux Ecoles préparatoires. Toutefois, comme il ne nous coûte nullement d’être juste, nous devons reconnaître que ces établissements avaient et ont encore des éléments nombreux de succès , et tout particulièrement nous ne saurions trop louer cette méthode excellente adoptée aujourd'hui généralement, et qui consiste à faire subir aux élèves de fréquentes épreuves orales. Interrogés par les professeurs les plus habiles, pris le plus souvent au sein même de l’Université, ces jeunes gens acquéraient rapidement une facilité d’élocu- tion peu commune , et ce que l’on est convenu d'appeler une grande habitude du tableau. L'État devait-il cependant abandonner cette partie importante de l’enseignement , et surtout pouvait-il per— mettre que des études purement scientifiques devinssent la préparation exelusive à l'École polytechnique ? L'Université se trouvait, à la même époque, menacée d’un autre côté , et d’une manière inquiétante pour elle ; les établissements ecclésiastiques, en effet, recevaient de nombreux élèves dont les parents, justement préoccupés de l'éducation de leurs enfants, redoutaient l'influence de certaines doctrines qui avaient été malheureusement en- seignées par plusieurs professeurs de l'État. Aujourd’hui, ces abus ont cessé, grâce à une surveil- lance active et à la volonté ferme du Gouvernement ; de plus, l'enseignement religieux, fortement reconstitué dans les établissements universitaires, est appelé à ré- pondre aux justes exigences des familles chrétiennes. Ainsi, les établissements religieux d’une part, les Ecoles préparatoires de l’autre, semblaient devoir se partager le monopole de lenseignement. Dans cette occurrence , l'Etat ne pouvait pas abdiquer; personne, du reste, ne CLASSE DES SCIENCES. 163 formulait cette prétention. Aussi était-ce , pour le Gouver- nement , tout à la fois un droit et un devoir de rechercher les causes de décadence que l'Université pouvait renfermer dans son sein. Et, tout en ne détruisant rien de ce qui existait, de ce qui avait la sanction de l'expérience, il fallait essayer de compléter ce qui pouvait manquer, pour donner satisfaction à des besoins nouveaux. Les carrières, disait-on, étaient encombrées ; il y avait tout à la fois du vrai et du faux dans cette proposition. Oui, les carrières auxquelles conduisait l'enseignement universitaire étaient suivies par un trop grand nombre d'in- dividus , avec un zèle et une ardeur dignes d’un meilleur sort; mais, tandis que beaucoup de jeunes gens pourvus de leur diplôme de bachelier ès lettres, après avoir suivi avec plus ou moins de succès les cours des Ecoles de droit et de médecine, devenaient pour la plupart des avocats sans causes ou des médecins sans malades, l’industrie possédait un nombre insuffisant d'hommes vraiment capa- bles; les grands travaux nécessités par les entreprises de chemins de fer n'étaient pas dirigés par des enfants du pays, et les ingénieurs anglais venaient chez nous percer des tunnels, établir des ponts et relier nos villes par des routes nouvelles. C’étaient encore des constructeurs an- glais qui fondaient ces grands ateliers où des mains étran- gères édifiaient de puissantes machines. Nous avons tous vu ces hommes intelligents réaliser d'immenses capitaux, et retourner dans leur pays jouir d’une fortune faite à nos dépens , et que, du reste, ils avaient légitimement acquise. Nos compatriotes, pendant ce temps, grâce à leurs connaissances exclusivement littérairès, écrivaient des feuilletons, des romans, des articles de fond dans les journaux, des premier-Paris; quelques-uns même ont élaboré des constitutions ! Plusieurs d’entr'eux , il faut le reconnaître, essayèrent 164 ACADÉMIE DE ROUEN. de jouer un rôle dans le grand mouvement industriel de l'époque. Devenus, par quelque haute protection, secré- taires d’une administration de chemin de fer, ils rédigeaient avec art des rapports aux actionnaires ou des discours pour l'inauguration d’une ligne principale, voire même d'un embranchement. La jeunesse intelligente de nos contrées ne tarda pas à s'apercevoir que des carrières avantageuses s'ouvraient devant elle de toutes parts; elle demanda alors un ensei- gnement qui pût la mettre à même d'y parvenir, et surtout de s'y maintenir avec distinction. Quel caractère devaient avoir les études auxquelles ces jeunes gens désiraient se livrer? Elles ne pouvaient pas être exclusives, les sciences et les lettres devaient en former toute l’économie. Les études littéraires, en effet, sont indispensables pour orner l'esprit et donner cette habitude de parler et d'écrire, puissance irrésistible à l’aide de laquelle on peut, presque toujours avec bonheur, quelquefois même avec éclat, communiquer son savoir, développer ses idées, exposer ses découvertes, défendre , auprès de l'Administration et du Gouvernement, les grands intérêts du pays, discuter avec supériorité les avantages et les inconvénients de travaux projetés, mettre en lumière les ressources intellectuelles, physiques et morales des populations, et enfin éclairer les masses, en s'adressant tour à tour à leurs intérêts moraux et matériels. Les études scientifiques doivent, d'une autre part, mettre ceux qui veulent s’y livrer à même de créer des établissements industriels , d'élever des monuments, d’ou- vrir des voies de communication , etc. Un enseignement aussi complet peut seul enfanter ce talent vraiment sérieux d’un homme qui, de la même plume, peut écrire une dissertation savante, un rapport lumineux, et caleuler la puissance des grands agents de la CLASSE DES SCIENCES. 165 nature; de celui qui, créateur d’une vaste usine dont il a dressé les plans et fait construire les machines, peut exposer sans prétention , mais avec force, souvent même avec élégance, ses vues sur l’avenir de l’industrie et des grands intérêts qui s’y rattachent, en insistant principale- ment sur les besoins de ces populations que le travail fait vivre, et dont il assure le bien-être. L'Université, en donnant satisfaction à de pareils besoins, a rempli une haute mission, et, tout en servant la géné- ration actuelle, il est incontestable qu'elle s’est servie elle-même. Le Gouvernement à maintenu, comme par le passé, l'enseignement purement littéraire; tout le monde a applaudi à cette sage et juste mesure, et tous ceux qui croient que la voie nouvelle ne présente pas les avantages que nous supposons, sont libres, l'Etat le veut ainsi, de faire suivre à leurs enfants les anciens errements ; qu'ils écoutent les conseils de ceux qui les pressent de rester dans cette voie, il n’y a nulle contrainte. En créant un mode nouveau, le Gouvernement se montre libéral; qui pourrait s’en plaindre ? Ceux seulement qui, laissant flotter leur esprit dans le vague de l'incertitude , ne savent jamais prendre une décision, et qui, ayant deux routes ouvertes devant eux, ne peuvent se déterminer à en suivre aucune. En donnant, du reste, satisfaction à ces besoins trop réels, l'Université relevait, sous un certain rapport, les études littéraires, en étendant leur action, en contraignant les élèves qui se destinent aux Ecoles du Gouvernement à travailler sérieusement aux lettres, la partie littéraire du baccalauréat ès sciences étant beaucoup plus importante qu'on ne le supposait au premier abord. En adoptant cet enseignement mixte, aussi scientifique que littéraire et aussi littéraire que scientifique , l'Univer- sité a créé des difficultés aux établissements rivaux. 166 ACADEMIE DE ROUEN. Les Ecoles du clergé donnent avec un grand succès l'enseignement littéraire, principalement pour les lettres latines; mais les professeurs ecclésiastiques manquent généralement pour l'enseignement scientifique ; les Ecoles préparatoires, au contraire, exclusivement scientifiques, négligent trop souvent , ainsi que nous l'avons déjà dit, l'enseignement littéraire. L'Université, presque seule au- jourd'hui, prépare complètement les candidats à la difficile épreuve du baccalauréat ès sciences ; elle ramène ainsi à elle, et de deux côtés, les élèves qui, par des causes différentes, semblaient devoir lui échapper, et les lycées grandissent en importance aux dépens surtout des Ecoles préparatoires. La ville de Versailles qui comptait, il y a peu d'années, quatre Ecoles préparatoires en pleine prospérité, n’en possède plus qu'une seule aujourd'hui , et encore est-elle peu nombreuse : l'épreuve du baccalauréat leur a été fatale. - Certaines Ecoles, fortement organisées et jouissant d'une réputation méritée, soutiendront la lutte avec avantage, parce que ces établissements ne reculeront devant aucun sacrifice pour maintenir leur prospérité, et qu'ils feront une large part à l’enseignement littéraire ; seulement ils n'auront plus exclusivement la haute influence qu'ils ont exercée dans ces dernières années, et dont ils avaient, du reste, le droit d’être fiers. Mais si, par impossible, les chefs de ces institutions étaient hostiles au nouveau système , leurs doléances nous paraitraient nécessairement intéressées ; et, loin de plaider contre notre thèse, elles lui viendraient singulièrement en aide. Nous ajouterons, d’ailleurs, que la prospérité toujours croissante des études scientifiques dans certains lycées, et particulièrement au Lycée Saint-Louis, à Paris, doit donner de sérieuses inquiétudes aux chefs des établis- CLASSE DES SCIENCES. 167 semenis privés qui, jusqu'alors, avaient eu le monopole à peu près exclusif des succès scientifiques. Les établissements ecclésiastiques soutiennent la lutte avec plus d'avantage, parce qu'ils répondent à un besoin d’une nature tout exceptionnelle, et parce que le clergé qui à une mission à remplir ne discute pas, il travaille, il étudie, et cherche à se mettre à la hauteur de l’ensei- gnement aussi bien pour les sciences que pour les lettres; ce n’est plus désormais pour lui qu'une question de temps. Sans chercher à défendre d'une manière absolue les programmes nouveaux, susceptibles, suivant nous, de perfectionnements, nous croyons devoir répondre à un reproche beaucoup plus grave en apparence qu'en réalité. Les études, dit-on, auxquelles se livrent les élèves, sont trop vastes; il est impossible qu'un même esprit les embrasse dans leur ensemble. Si, en effet, l’intention de l’Université était d’inculquer à la jeunesse, d’une manière fout-à-fait approfondie, les connaissances indiquées dans les programmes, cette prétention serait vaine et ridicule : l’esprit d'un jeune homme de quinze à dix-huit ans n'a généralement ni assez d’étendue , ni assez de maturité pour étudier avec fruit les sciences dans tous leurs détails ; mais, à cet âge, on recherche avec ardeur l'étude pour laquelle on a le plus d'aptitude; aussi, les travaux auxquels les élèves se livrent dans les lycées doivent-ils être surtout envisagés comme une véritable exploration. Le professeur guide une jeune intelligence à travers les monuments de la science ; il s'arrête en quelque sorte avec elle sur le parvis, tout au plus sur le seuil des temples ; il lui en fait admirer les proportions et appré- cier l’ensemble ; puis, après cette longue mais utile péré- grination, lélève résume ce qu'il à vu; il en rend un compte fidèle à des hommes compétents qui jugent sil 168 ACADÉMIE DE ROUEN. est apte désormais à choisir sa voie; il est alors recu bachelier, bas chevalier, comme on disait autrefois. I] n’est rien encore, mais il peut marcher avec confiance; il doit maintenant achever de s’instruire : il le peut, car il a conquis le droit de se spécialiser. On s’est beaucoup appuyé, pour combattre le nouveau plan d'études , sur l’opinion d’un certain nombre de pro- fesseurs de sciences qui regrettent vivement, et ne s’en cachent pas, l’ancien mode d'enseignement. Des pro- fesseurs de mathématiques ont émis plus particulièrement des avis défavorables au système actuellement en vigueur. Est-il bien juste d'invoquer cet argument en faveur de la cause des études littéraires? Que l’on interroge les professeurs de sciences opposés aux nouvelles mesures, et l’on verra que la cause principale de l'opposition du plus grand nombre est entièrement différente de celle qui dirige quelques professeurs de lettres. Les mathématiciens trouvent que les études qui les concernent sont moins fortes qu'autrefois. Le fait nous paraît contestable ; mais en l’acceptant même comme exact, il n’y aurait pas lieu de s'en étonner, puisque les élèves sont obligés de suivre aujourd’hui des études mixtes, qu'ils ne peuvent plus se spécialiser trop tôt, et se livrer exclusivement, comme autrefois , à l'étude des mathématiques. Il est assez vraisemblable que, parmi les élèves qui entraient, il y à quelques années, dans les classes de mathématiques élémentaires et de mathématiques spéciales, préparés d’ailleurs à l’aide de secours isolés et toujours coûteux , il pouvait y en avoir quelques-uns plus expéri- mentés peut-être qu'aujourd'hui dans les sciences exactes, mais n'ayant, ainsi que nous l'avons fait observer, que de très faibles connaissances littéraires et historiques , n'ayant pas suivi où ayant suivi sans zèle et sans goût les cours de physique et de chimie, et ne possédant aucune notion —" JR CLASSE DES SCIENCES. 169 d'histoire naturelle ; ils étaient mathématiciens, il est vrai, mais rien que cela : c'était, il faut l'avouer, bien peu de chose ! Nosélèves, aujourd'hui, embrassent dès leur début dans la carrière un champ plus vaste, mais, nous le répétons, ils se spécialisent plus tard; les candidats à l'Ecole polytech- nique sont-ils pour cela moins forts en mathématiques que par le passé? Nous ne le croyons pas; mais , à coup sûr, ceux de ces élèves qui ont surmonté avec succès les graves épreuves de l'examen d'admission, qui ont passé deux années à l'Ecole, ne sont ni moins savants ni moins dis- tingués que les anciens élèves de cet établissement, unique dans le monde. Entre ces prétentions exagérées et exclusives d'hommes sincères, du reste, mais pénétrés de cette pensée, en quelque sorte égoïste, que l'esprit humain ne doit tendre qu'au but où leurs connaissances spéciales les ont fait arriver eux-mêmes , il fallait faire prévaloir des idées de conciliation et de progrès qui, pour satisfaire à tous les besoins, ne pouvaient pas cadrer d’une manière complète avec des opinions absolument exclusives. Le Gouvernement, avons-nous dit, a voulu concilier des intérêts divers ; nous croyons fermement qu'il à réussi. Deux ministres se sont succédé : l’un à maintenu ce que l'autre avait fondé; celui-ci pouvait être soupçonné de défendre avec une partialité intéressée l'œuvre qu'il consi- dérait, à bon droit suivant nous , comme une des gloires de son administration ; mais le ministre actuel arrivait au pou- voir sans idées préconçues, n'ayant d’abord examiné et discuté ces questions que d’une manière accidentelle , peut- être même avait-il quelques doutes défavorables que justi- lait, dans tous les cas, le souvenir d’études personnelles purement littéraires et d'ailleurs brillantes. M. Rouland à examiné avec calme et sans prévention : 170 ACADEMIE DE ROUEN. il a voulu tout voir, tout étudier, et, avec cette haute raison qui le caractérise et que nous avons tous pu appré- cier, il a défendu avec éclat et soutenu avec conviction l'œuvre de son prédécesseur ; les deux ministres n'ont point envisagé la question sous une seule face, mais dans son ensemble ; ils ont parfaitement compris tous les besoins du pays, etils ont voulu que l’Université y donnât satisfaction pleine et entière. Tout en admettant le principe si fécond de la bifurca- tion des études, beaucoup de personnes s'élèvent avec force contre la mesure qui, suivant elles, fixe prématuré- ment l'époque où les élèves doivent prendre une détermi- nation définitive. Plusieurs professeurs pensent qu'il vau- drait mieux reporter à la fin de la classe de troisième ou même de seconde la solution de cette question. Nous avouons que, pour notre part, nous ne voyons pas qu'il y ait de graves inconvénients, au point de vue scien- üfique, à ce qu'il en soit ainsi; en serait-il de même pour les études littéraires ? Il faudrait continuer et développer, en troisième et en seconde, les études scientifiques commencées en quatrième, en vue surtout des élèves qui se destinent aux Ecoles du Gouvernement; car ces derniers sont bien forcés de prendre de bonne heure une détermination ; pour eux, il existe des règlements qui leur fixent d’une manière inexorable une limite d'âge d’ailleurs assez restreinte. On forcerait ainsi les élèves des lettres à suivre un en- seignement qui les détournerait de leurs études ; qui nous dit même qu'alors beaucoup de jeunes gens, entraînés par l'attrait souvent irrésistible de certaines études scienti- tiques, ne prendraient pas la voie de ces dernières, alors même qu'une année plus tôt ils auraient suivi volontiers les études littéraires? Ce fait serait regrettable; il faut, autant que possible, qu'une inégalité trop grande ne se CLASSE DES SCIENCES. 174 fasse pas sentir entre le nombre relatif des élèves des deux divisions. Ajoutons d’ailleurs qu'après la quatrième l'enfant se soumet encore facilement à la volonté de ses parents , aux conseils éclairés et désintéressés de ses maîtres; mais, une année plus tard, la face des choses est complètement changée ; on se croit si vite un homme , à cet âge ! Beaucoup d'élèves, prétend-on, travaillent fort peu dans la section des sciences. Cette proposition nous paraît bien absolue et partant très souvent injuste. Nous connais- sons pour notre part bon nombre de jeunes gens qui sui- vent les cours scientifiques avec avantage et même avec succès. D’autres, il est vrai, et c'est un malheur réel, n'ont jamais travaillé et ne travailleront jamais, parce qu'ils sont sous l'empire d’un marasme déplorable. Quel- ques élèves cependant qui, faute de travail, suivaient presque sans profit pour eux les classes de grammaire, se sont décidés, en abordant les études scientifiques, à secouer leur indolence; plusieurs cependant, nous devons le reconnaître , ont persévéré dans leur apathie d’une ma- nière tout-à-fait regrettable. Ces résultats affligeants ne sont pas nouveaux; ils sont indépendants de tout système d’études; ils proviennent de tendances, d’habitudes fatales sous l'influence desquelles s’étiolent les plus belles intelligences; sciences, lettres, * tout leur est indifférent. Pour éviter dé pareils malheurs, il faudrait une éducation plus virile au foyer paternel, de meilleurs exemples et surtout moins de faiblesse de la part de parents qui ne savent pas retenir leurs enfants dans le sanctuaire de la famille, à l'abri des illusions du de- hors. On affirme que, depuis l'adoption du nouveau système, la force des études littéraires aurait singulièrement dimi- nué. Si cela était exact, nous le regretterions vivement 172 ACADEMIE DE ROUEN. pour notre part, mais encore serait-il juste et rationnel d'en attribuer la cause à la bifurcation ? MM. les Professeurs de lettres, animés toujours du même zèle et qui concentrent leurs soins sur un plus petit nombre d'élèves d'élite, doivent, grâce à des exercices plus fréquents et à des interrogations plus nombreuses, faire progresser plus rapidement et plus sûrement les jeunes gens qui leur sont confiés. Ne serait-il pas plus naturel de rechercher la cause du mal dans la faiblesse relative des classes de grammaire comparées à ce qu'elles étaient autrefois ? Les élèves en effet, assure-t-on, ne sont pas préparés aussi sérieusement que par le passé à faire leurs humanités. Si le fait était exact, il faudrait remonter courageusement à la source du mal, et réclamer avec instance que l’on revienne aux an- ciens errements. On craint encore que les élèves des sciences, confondus avec ceux des lettres, n’entravent ces derniers dans leurs études communes, ou plutôt, ce qui est plus vraisem- blable, que les élèves des lettres, qui doivent être plus avancés, ne laissent trop loin derrière eux leurs condis- ciples de la section des sciences. Les faits ne viennent pas toujours justifier ces craintes, mais nous reconnaissons que celles-ci sont cependant fondées, et nous demandons, pour notre part, que la division soit complète, au moins en seconde et en rhéto- rique; les jeunes gens de forces inégales feraient alors simultanément des progrès dans leurs classes respectives sans être les uns pour les autres une cause d'insuccès. Nous savons qu'il y à encore quelques diflicultés de détail à résoudre; le système nouveau, malgré tous ses avantages, peut et doit même présenter des inconvénients : quelle est linstitution humaine qui n'en offre pas? Et pourtant, malgré ses imperfections, nous n'hésitons pas à CLASSE DES SCIENCES. 173 soutenir avec conviction que l’œuvre nouvelle est féconde en résultats heureux , et qu'il est désormais indispensable de la développer, et surtout de la maintenir. Tout se réduit aujourd’hui à une question d'amélioration et d’ex- périence. Le Conseil supérieur, sous l’habile direction du Ministre éclairé qui le préside, perfectionnera sans cesse une œuvre qui deviendra d'autant plus parfaite qu'on en aura mieux utilisé les avantages et fait disparaître les inconvénients. Avant, toutefois, de terminer, disons un mot des craintes, d’ailleurs fortrespectables, des personnes qui redoutent l’in- fluence dangereuse, suivant elles, de l'étude des sciences. On accuse nos élèves d’être très infatués de leur petit savoir, de se complaire, avec un orgueil pourtant sans aliment, à contempler les progrès de leur esprit et à tendre chaque jour davantage vers l'aspiration la plus caracté- risée de l’époque, le positivisme ! Qui nierait en effet que les connaissances humaines, qu’elles soient scientifiques, littéraires ou philosophi- ques, n'aient pas toutes un danger réel lorsqu'elles ne sont pas acquises par un esprit justement pénétré de ses faiblesses et de ses imperfections? Tous nous savons les dangers de ces orgueils sans bornes inhérents à notre nature. Nous cherchons à les réprimer sans cesse en nous- mêmes, mais parfois, malgré nous, 1ls éclatent sous l’in- fluence de la cause extérieure la plus simple, la plus futile en apparence : hommes sérieux, nous déplorons ces élans de notre âme; nous y puisons des enseignements nou- veaux et une expérience qui a besoin de grandir chaque Jour. Nous devons aussi retenir nos enfants contre ces entraî- nements de l’orgueil, et leur montrer dans les merveilles des sciences qu'ils étudient les grandeurs de Dieu , la fai- blesse de notre être, le peu d’étendue de nos vues, les 474 ACADÉMIE DE ROUEN. limites que lé Créateur a assignées à nos connaissances , leur faisant comprendre que nous avons assez de lumières pour pressentir toute l'importance de la création , pas assez de force intellectuelle pour embrasser dans leur ensemble les gigantesques proportions de la nature créée. Si alors, dans cette disposition d'esprit, la jeunesse poursuit ses études scientifiques avec leurs nombreuses et brillantes applications, elle inclinera sa raison devant la sagesse infinie qui a créé les mondes, et elle pourra alors, sans danger pour son esprit et sans péril pour son cœur, donner, pour sa part, satisfaction aux intérêts légitimes de la terre. kr QUELQUES FAITS DE TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE, Par M. A. MALBRANCHE, Membre résidant (Séance du 25 Juin 1858.) J'ai consigné dans mes notes journalières de botanique quelques faits de tératologie qui peuvent intéresser les per- sonnes qui s'occupent des sciences naturelles au point de vue organique ou philosophique. L'étude des monstruosités ou altérations organiques des végétaux est pleine d’en- seignements. La nature nous laisse entrevoir dans ces faits anormaux quelque chose de ses procédés, de son plan. Surprenant ici une opération inachevée, là, un tra- vail qui a dépassé le but, nous saisissons le mécanisme qui nous échappait dans l'œuvre complète et régulière. « Je me plais et m'instruis avec vos monstres, écrivait Correa de Serra à Auguste Saint-Hilaire, ce sont de francs bavards qui racontent savamment les merveilles de l’orga- nisation. » — « On a reconnu, dit M. Moquin-Tandon, l'immense avantage de l’ordre monstrueux pour la con- naissance approfondie de l’ordre habituel. » ( Tératologie, p- 23. ) Cette étude fait voir, en effet, l’uniformité du plan de la nature , l’enchaînement et la relation de formes 176 ACADEMIE DE ROUEN. si variées, dérivant toutes d’un type unique dont le déve- loppement normal se fait suivant certaines lois. Les dévia- tions accidentelles que l’on rencontre rentrent toutes dans des règles fixes; on en peut prévoir les limites et en calculer les effets. Ce mot de Leibnitz se trouve ainsi justifié : la variété dans l'unité. Parmi les anomalies que j'ai eu l'occasion d'observer , je m'arrêterai aux plus marquantes, passant brièvement sur celles que l’on voit le plus communément ; telles sont les fascies ou dilatations anormales des axes. J'ai observé, dans cet état , les plantes suivantes : Æuphorbia sylvatica , Juncus communis, Linaria vulgaris, Reseda odorata, Lilium bulbiferum , Antirrhinum majus, Brassica napus oleifera , Aster chinensis. J'ai eu l'honneur de présenter à l’Académie la fasciation curieuse d’une racine de Spiræa sorbifolia , de la considération de laquelle j'ai cherché à tirer quel- ques conclusions organographiques. (V. Précis des Travaux de l'Académie , 1856, p. 148.) La prolification des poires, des roses , à divers degrés, est encore assez fréquente, ainsi que celle des ombelles plusieurs fois ramifiées { Daucus , Angelica ). A ce genre d’anomalie , mais moins connue , se rapporte celle des fruits d’un Reseda odorata. Cette plante , qui était fasciée, avait des capsules globuleuses, plus fortes que dans le type, béantes au sommet, à cinq lobes ontus, à cinq placentas pariétaux correspondant aux sinus des lobes, et pourvus de graines pâles, avortées. Du centre, il s'élevait une autre capsule assez longuement pédicellée, conformée comme Ja première, renfermant quelques graines et une troisième capsule sessile qui, à son tour, en contenait une quatrième mal formée. Il me paraît inutile de tenter des explications plus ou moins hasardées; il suffit à ma tâche, pour le moment, de raconter les faits observés. CLASSE DES SCIENCES. 477 J'ai vu, chez M. Prevost, au Boisguillaume , une Véro- nique dont la tige , au lieu de porter un épi de fleurs, avait donné naissance, à l’aisselle de chaque bractée, à des axes secondaires , lesquels avaient produit également des axes tertiaires, couverts de boutons, mais qui ne se dévelop- paient pas. L'ensemble de cette inflorescence formait une sorte de panicule verte, fastigiée, assez semblable à un petit cyprès en miniature. Herborisant un jour en compagnie de M. Lenormand , dans les prairies de Fontaine-la-Soret, un petit coin de terre ignoré du département de l'Eure, où croissent beaucoup de plantes curieuses, nous trouvâmes une forme de Juncus lamprocarpus très remarquable. Cette anomalie, que j'ai revue depuis constamment dans la même localité, ne ressemble en rien aux formes prolifères , vivipares, des Juncus uliginosus, Poa bulbosa, ete. Les organes flo- raux n'existent plus ou plutôt sont métamorphosés en bractées larges, imbriquées, longuement acuminées , rappelant le facies de certains œillets à fleurs capitées. Quelques rares tiges portent des capsules normales mu- cronées, à angles aigus, plus longues que les divisions du périanthe , présentant, enfin, tous les caractères de l’es- pèce lamprocarpus ( Ehrh. ). La plupart de ces inflores- cences monstrueuses étaient remplies de larves dont j'ai Joint ci-après le dessin { fig. 3 ). Moquin-Tandon , dans son excellent Traité de Tératologie , dit que la psylle des joncs, lorsqu'elle pique la sommité d’une plante, fait naître à la place une touffe d’écailles foliacées, imbriquées, dont l’ensemble ne diffère pas du vrai bourgeon, et il cite le Juncus uliginosus v. luxurians de la Flore agénoise de Saint-Amand { Tératol., p. 233 ). La plante de Fontaine est bien certainement le lamprocarpus (Ehrh. ); mais je ne vois pas comment l’inflorescence déformée ressemble à un bourgeon. 112 178 ACADÉMIE DE ROUEN. Papaver Hortense (Huds.). Ce pavot m'a offert une méta- morphose complète des étamines en pistils. Autour de la capsule centrale, normalement développée, j'ai compté jusqu’à soixante petites capsules plus où moins bien for- mées , pédicellées, pressées. Un grand nombre de pavots offraient le même phénomène à divers degrés (fig. 9) (1): Primula sinensis. J'ai publié en 4855, dans les Bulletins du Cercle d'Horticulture | p. 50 ), une très curieuse mons- truosité de cette plante. La description et la figure qui l'accompagne font connaître tous les détails de cette ano— malie et me dispensent de m'y arrêter longtemps. Comme je ne l'ai vue décrite nulle part, j'en rappellerai briève- ment les principales singularités. Parmi les soixante ou quatre-vingts fleurs que portait la plante, une seule avait conservé la couleur et la forme normales, mettant ainsi en regard de la déformation le type fondamental. Toutes les autres fleurs n'avaient plus rien de la primevère ; elles avaient le coloris de l’Æelleborus viridis et la forme des Bignonia. Le calice, la corolle et l'ovaire étaient plus ou moins métamorphosés en feuilles, montrant ainsi une uniformité , une relation que l'observation attentive nous révèle tous les jours entre les diverses parties de la fleur. Fuchsia Glary. M y avait, dans cette variété horticole, soudure de deux verticilles de la fleur : la corolle et les étamines. Le sujet est un vieux Fuchsia rabattu qui ne (1) Un fait qui me paraît mériter d'être signalé, c’est que les graines de ce Payot monstrueux ont reproduit fidèlement, cette année , la même anomalie. Sur cent cinquante-quatre plantes, une seule est revenue au type normal, ( V. Bulletin du Cercle pratique d'horticulture et de botanique, 1858, p. 128.) CLASSE DES SCIENCES. 179 donna qu'une seule fleur l’année suivante , et elle présen- tait ce phénomène. Il restait un pétale normal; les autres étaient réunis et confondus avec les étamines. Le premier est un filet qui porte d’un côté la lame pétaloïde, et au sommet trois anthères; le second et le troisième sont réunis sous l’apparence d’un filet un peu élargi, muni à son sommet de deux petites portions de limbe coloré et de plusieurs anthères / fig. 4 }. Melilotus macrorhiza. Dans cette plante, trouvée le long de la Seine, à Dieppedalle, ce sont les ovaires qui sont changés en feuiiles. Le calice est maigre, atténué à la base par la déformation de l'ovaire; les dents sont allongées, la corolle manque le plus souvent; quelquefois elle est représentée par un pétale unique qui embrasse la base de la feuille ovarienne. Les étamines sont avortées aussi; on en aperçoit quelquefois une ou deux. (Tout cela est si petit que l’on a de la peine à en distinguer la forme et le nombre.) L'ovaire paraît pédicellé, en forme de sabre très aigu ; mais on s'aperçoit, en l'étudiant, que c’est une petite feuille pliée qui, dans les fleurs plus avancées, se déploie tout-à-fait et prend l'aspect d’une petite foliole dentée. Pas d'apparence d’ovules / fig. 7.) Dictamnus purpureus. Les fleurs de cette fraxinelle ont montré une métamorphose encore plus complète ; non seu- lement les ovaires ou carpelles sont changés en feuilles , mais les ovules eux-mêmes sont remplacés par de petites folioles situées sur les bords des grandes feuilles carpel- laires. Ce spécimen était très intéressant { fig. 5 ). Crepis biennis, Tragopogon pratense. Ces deux synan- thérées ont été récoltées l’année dernière dans les prairies de Quevilly, déformées par une singulière hypertrophie 180 ACADÉMIE DE ROUEN. des ovaires. Au lieu d’être ventrus à la base , les capitules étaient élargis au sommet, qui semblait pouvoir à peine contenir les fleurons. L'ovaire , ordinairement deux ou trois fois plus court que l'involucre, est linéaire, allongé, saillant au-dessus du péricline , portant une aigrette frustre , de cinq grosses soies verdâtres; la corolle, mal développée, reste obtuse et fermée au sommet. Les éta- mines n'ont rien offert de particulier. Toute la plante est souffrante, plus basse et plus ramifiée que d'habitude. Plus tard, l'ovaire anormal, qui n'est plus qu'une sorte de pédicelle, sillonné, velu , porte à son sommet comme un ovaire globuleux { fig. 2 b. ). On trouve aussi de petits capitules informes, qui seraient dus à une prolifi- cation | fig. 2 c. ). Le Tragopogon est infecté par l'Uredo candida. La coupe des foins m'a empêché de suivre plus loin cette singulière déformation / fig. 2 et 6 ). Cucurbita pepo. Dans la cavité d’un de ces fruits conservé l'hiver, les graines ont germé complètement. Les cotylé- dons se sont dégagés de leurs enveloppes, et se sont allongés de plusieurs centimètres, tandis que leur partie radiculaire s’enfonçait dans les trophospermes charnus et y émettait des radicelles comme dans un sol engraissé. Rheum compactum. Une feuille de cette plante, bien conformée du reste, a présenté une singulière production. À 45 centimètres de la naissance du limbe, sur la page supérieure , le long de la côte moyenne , est sorti un petit appendice pédonculé ayant la forme d’un godet, de nature foliacée. C’est, sans aucun doute, un faisceau de fibres qui s’est séparé de la côte médiane, et s'est épanoui en s’entourant de parenchyme ; mais, ses éléments se diri- geant suivant des plans différents, il a pris la forme d'un vase au lieu de prendre celle d’une lame. Ilest à remarquer LA Feuille de Ro compactunr portant Un äppen (ICE Hodégrandeur) bappendice. légrandeur _ 2. Ccepis Biewmus, a fleur, bfruit, c. capitule naissant parmi les fleurs) > Insecte InNGresTenGEs Fu du SRE a e ss | En 2 7 Pa. maccochiza, carpelles Pie en feuilles. _8. Seca (e | ce teale le 9 Fapaveu foctense 5 Li. À Peron, Aoven.. CLASSE DES SCIENCES. 181 que la face veinée, velue, qui aurait été l’inférieure , est intérieure { fig. 4 ). Secale cereale. Des épis de seigle recueillis dans un jardin présentent cette particularité, que la fleur moyenne, habi- tuellement stérile, s’est développée complètement et porte fruit ; toutefois, les glumelles sont moins allongées et mutiques. Cette fleur, assez longuement pédicellée, se détache de l'épi comme une prolification { fig. 8 ). È « - » LA % = . : 114 + L $ e ( ‘ . Le . = : : à | i D ' ” é > : « b | = : \ £ : : + S Pr! "1 ; { : . ; \ 4 ‘ = * ñ : . * J s * (] si . $ # ‘+ < L ns : St L ñ | nl ' n _ f L - y : - * . à 1 \ 1 . "2 | 4 à i = : | - | es | « . | , 2 ï “4 L - 4 Ld ” ., ; | L } u | = ; L | F + 1] | 3 - + | (] Ps " Las ' ce $ . CLASSE DES BELLES-LETTRES. RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA CLANSE DEN LETTREN ET DEN ARTX, Par NM. A. POTTIER, Secrétaire de cette classe, MESSIEURS , Un des moyens les plus eflicaces, à l’aide desquels les Académies de province aflirment leur existence et mani- festent leur action, c’est, sans contredit, le compte qu’elles se rendent périodiquement à elles-mêmes de l’en- semble des travaux qu'elles ont accomplis et la publicité qu’elles donnent à ce compte-rendu. Grâce à cette publi- cité, on voit s’évanouir l’espèce de mystère qui enveloppe chacune de leurs séances, et le public, pour qui, en défi- nitive, elles travaillent, est mis dans la confidence des résultats aussi nombreux que variés dont elles ont fourni le contingent. C’est donc en grande partie sur ce témoi- gnage qu'on les juge et qu'on apprécie leurs efforts ; on conçoit dès lors quelle délicate mission est confiée au rap- porteur chargé d'analyser tous ces travaux. Aussi n’est- ce jamais qu'avec un profond sentiment de crainte que 186 ACADÉMIE DE ROUEN. nous abordons cette tâche difficile, tant nous craignons, en présentant ce tableau d’une manière insuflisante ou incomplète , de frustrer l’Académie d’une légitime part de ses droits à l’estime et à la reconnaissance de ses concitoyens. Déjà, à bien des reprises différentes, en accomplissant notre tâche annuelle de rapporteur des travaux de l'Aca- démie, nous avons eu l’occasion de rendre hommage au zèle aussi patient qu'éclairé avec lequel M. de Beaurepaire explore le vaste dépôt des archives départementales confié à sa garde, et restitue, à l’aide de documents soigneu- sement rapprochés, quelque souvenir effacé de nos annales provinciales ; ce serait donc tomber dans des redites dont la modestie de notre jeune confrère pourrait souffrir que d'insister sur des éloges toujours de plus en plus mérités, mais, par cela même, plus embarrassants à formuler. D'ailleurs , exposer le sujet des recherches nouvelles dont l’Académie a reçu la communication , c’est, en réalité, en faire l'éloge le plus convenable , l'intérêt des matériaux mis en œuvre suflisant à les faire valoir mieux que ne pourrait le faire le jugement le plus favorablement ex- primé. Un premier mémoire de M. de Beaurepaire à pour objet les différentes convocations des Etats de Normandie qui eurent lieu pendant l'occupation anglaise, c'est-à-dire entre les années 1424 et 1449. L'histoire a gardé un silence pres- que absolu sur ces assemblées qui se succédèrent à cette époque avec une rapidité dont, jusqu'alors, il n'y avait pas eu d'exemple, et qui devait se ralentir dès que notre province serait de nouveau et pour toujours réunie à la France. Les pièces dont l’auteur à pu se servir pour reconstituer ce fragment de nos annales, sont, pour la plupart, des débris provenant de l’ancienne Chambre des CLASSE DES BELLES-LETTRES. 187 Comptes de Paris. Aujourd'hui, disséminées dans divers dépôts, et sans liaison entre elles, elles laissent subsister de nombreuses lacunes; toutefois, rien qu'avec cette aide insuffisante , l’auteur a réussi à déterminer les différentes sessions d'Etats, en indiquant, autant que possible, l’é- poque de la convocation et la durée de chacune de ces assemblées. - Ce simulacre de représentation nationale , se dévelop- pant au milieu des calamités de cette époque désastreuse , et, en quelque sorte , sur les ruines mêmes de la patrie, ne doit pas faire illusion à l'historien, et laisser supposer qu'il témoignait un heureux progrès de la liberté politique. Il eût été par trop imprudent, sans doute, de provoquer le réveil du patriotisme normand. Ces convocations se succédant à si peu d'intervalle indiquaient seulement que le gouvernement anglais s’efforçait en vain de mettre ses revenus au niveau de ses besoins. L’Angleterre, il est facile de le pressentir, ne contri- buait qu’à regret aux charges de la conquête; elle semblait craindre qu'une guerre , inaugurée par la journée d’Azin- court, ne fût plus onéreuse que profitable. C'était donc à ceux qu'on tenait sous le joug, au pays conquis, en un mot, qu'on devait s'adresser de préférence. On s’étonnera peut-être de voir un gouvernement oppresseur solliciter, du libre consentement des citoyens, des subsides qu'il pouvait imposer d'autorité. Mais ce gou- vernement comprenait qu'il était d’une bonne politique de chercher dans un vote légalement obtenu la justification d’exactions écrasantes ; ce qu’il pouvait exiger par la con- trainte , il aimait mieux se le faire octroyer. Il savait bien, d’ailleurs, que des assemblées sans action comme sans prestige, et ne pouvant manifester librement les vœux et les griefs du pays, se contenteraient de voter, sur la proposition de commissaires, les subsides nécessités par 188 ACADÉMIE DE ROUEN. un état de guerre permanent. Il n'eùt pas été sans danger de les refuser, car ces subsides étant surtout affectés à la solde des armées étrangères en garnison dans le duché, tout retard de paiement fût devenu , pour ces troupes indisciplinées , un prétexte de violence et de pillage. Le mémoire que M. de Beaurepaire à lu à l’Académie n'est que la première partie du travail qu'il se propose de consacrer, tant à établir la série de ces diverses assemblées qu'à étudier le jeu de cette ébauche du système repré- sentatif. Le point de départ est l'année 1420. Henri V, héritier et régent du royaume de France au mépris des droits du dauphin, convoque les Etats à Paris, au mois de décembre , pour faire reconnaître son autorité usurpée , et, en outre, pour obtenir la prolongation des imposi- tions établies en Normandie. Presque immédiatement après, c'est-à-dire avant la fin de cette même année 1420, il convoque les Etats de Normandie à Rouen , où il se rend avec sa femme et toute sa cour. Deux ans après, ce prince meurt sans avoir renouvelé cette tentative ; mais son successeur s'empresse de mettre à profit ce moyen d'obtenir des subsides , et trois fois dans la même année, en 1423, les Etats de Normandie sont convoqués à Vernon et à Caen. M. de Beaurepaire a borné la lecture qu'il a faite à ces cinq convocations. Nous ne saurions indiquer , on le con- çoit , même sommairement , les matières très diverses qui furent traitées dans ces délibérations ; mais l’auteur entre à cet égard dans les plus grands détails, de manière à dissiper complètement l'obscurité qui régnait jusqu'ici sur le but et les résolutions de ces diverses assemblées. L'Académie, qui a entendu avec un haut intérêt cette communication de notre savant confrère, espère que l'achè- vement annoncé ne se fera pas longtemps attendre, el t CLASSE DES BELLES-LETTRES. 189 que cette précieuse étude d'histoire normande occupera une place honorable dans son prochain Précis. Un second mémoire de M. de Beaurepaire, complexe par la diversité des sujets qu’il embrasse , appartient plu- tôt à la spécialité des études de mœurs qu'au genre de l'histoire. Le premier tableau de cette revue anecdotique pourrait être intitulé : De la manière dont on pratiquait la médecine dans une petite ville, au xv* siècle. C’est un compte de l’infirmerie de l’abbaye de Fécamp , de l’année 1435, qui fournit à l'auteur les curieux renseignements qu'il met en œuvre pour reproduire ce piquant aspect de nos anciennes habitudes provinciales. Ce document nous révèle qu'il n'y avait alors, pour exercer la médecine à Fécamp, qu'une femme qualifiée de physicienne , titre non moins usité au moyen-âge que celui de mire pour désigner ceux qui exerçaient l'art de guérir, mais qui paraît avoir été réservé aux praticiens qui n'avaient point obtenu leurs grades dans une Université. La pénurie de compositions pharmaceutiques était telle que , dès qu'il s'agissait d'admi- nistrer un remède moins usuel que les simples, il fallait aller se pourvoir à Rouen. Mêmes diflicultés pour les opé- rations chirurgicales, puisqu'un barbier ou un maréchal- ferrant étaient seuls, dans cette petite ville, capables de pratiquer une saignée. De l’infirmerie de l'abbaye de Fécamp, nous passons à la Geôle du Roi à Rouen , et de la pratique de la médecine à l'administration intérieure d’une prison. Nous apprenons, dans cette seconde partie du Mémoire de M. de Beaurepaire, que la geôle du roi, au xiv° et au xv° siècle, se donnait à ferme, et que, trop souvent, les geôliers, pour se dédommager du prix excessif de leur fermage, rançon- naient leurs prisonniers; ce qui leur était d'autant plus facile qu'ils étaient à la fois gardiens et fournisseurs. Ils s’enrichissaient le plus souvent à ce métier, mais il arrivait 190 ACADÉMIE DE ROUEN. parfois qu'ils s'y ruinaient, si le petit nombre des détenus et le haut prix des denrées restreignaient par trop leurs exactions et leurs bénéfices. Aussi, pour compenser ces mauvaises chances, s’autorisaient-ils de l'usage et de la tolérance qu'on leur accordait pour transformer leur geôle -en véritable auberge , où l’on donnait à boire et à manger a des gens qui n'avaient rien à démêler avec la justice. Or, cette hospitalité n’était pas à dédaigner dans un temps où l'hôtellerie, peu pourvue, ne fournissait guère que le logement au voyageur. Nous ne faisons, bien entendu, qu’esquisser en quelques traits le sujet de ces deux intéressantes études qui abondent en détails piquants, et l’on nous saura gré de cette brièveté, puisqu'on peut les lire imprimées en entier dans le Précis (4). Quant à la troisième partie du Mémoire de notre confrère, que l’Académie à jugé à propos d’en détacher, comme appartenant à un autre ordre de recher- ches, elle consiste dans la transcription d’un simple docu- ment, daté de l'année 4742, qui fournit, sur la constitu- tion physique des habitants de Rouen, à cette époque, un renseignement dont les études physiologiques sur la dégé- nérescence des races feront sans doute leur profit. Ce document n’est autre qu'une lettre de M. de la Bourdon- naye, intendant de la généralité de Rouen à cette époque, et adressée à M. le baron de Breteuil, ministre de la guerre, au sujet du premier tirage de la milice qui ait eu lieu dans notre ville. Il résulte de cette lettre que, sur six mille jeunes gens inscrits, plus de trois mille furent renvoyés parce qu'ils n’atteignaient pas à la taille ——————————_——————————————————————————————————…——————— (1) L'Académie avait, en effet, voté l'impression de ces deux notices, mais l’auteur a résolu depuis de réserver celle qui à pour objet la Geôle du Roi, pour lui donner de nouveaux déve- loppements. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 191 exigée, c'est-à-dire cinq pieds. Ce n’est donc pas d’au- jourd'hui qu'on accuse notre population d’être en déca- dence, et celle du xvur siècle, à l'égard de la force et du développement physique, ne valait certainement pas mieux que celle d'à présent. C'est par une exception, dont la classe des lettres a tout lieu de s’applaudir, qu’elle a eu la chance heureuse de recueillir cette année un de ces savants Mémoires que M. le D' Morel consacre à l'étude des formes si diverses de l’aliénation mentale, soit qu'il la fasse dériver fatale- ment de la dégénérescence native de l'individu , soit qu’il lui assigne pour cause l'excitation morbide de l'organe même de l'intelligence. Le motif du précieux avantage dont nous profitons en ce moment se justifie par le sujet du Mémoire dont nous allons parler ; il appartient pour le moins autant à la biographie qu'à la pathologie mentale. C’est une étude sur le célèbre visionnaire suédois, Emma- nuel Svédenborg , dans le but de faire connaître sa vie R de porter un jugement sur ses écrits, et d'apprécier l’in- fluence que ceux-ci ont obtenue sur son siècle et même sur le nôtre; le tout à titre de document pour servir à l’histoire du délire religieux. C'est là, sans contredit, un de ces sujets qui exigent tout à la fois, pour être traités avec succès, l'analyse sa- gace du psychologue , l’impartiale raison du philosophe et l'expérience consommée du médecin des affections men- tales. Les lecteurs du Précis pourront se convaincre que M. le D' Morel n’est point resté au-dessous de cette tâche. Quant à nous , nous devons nous estimer particulièrement heureux que l’Académie ait voté l'impression de cet impor- tant travail, car il nous eût été impossible d’en présenter une analyse suffisante dans les étroites limites qui nous sont imposées. Contentons-nous done, pour faire pres- 192 ACADÉMIE DE ROUEN. sentir tout l'intérêt que doit offrir cette large étude, de dire que l’auteur fait d'abord deux parts nettement tran- chées de cette longue carrière du mystique Suédois, que se partagent deux tendances tellement diverses et contras- tées, qu'on se demande avec étonnement comment l’une a pu succéder à l’autre. La première période, vouée à l'étude des sciences exactes et positives : mathématiques, astro- nomie, métallurgie, signalée par la production de nom-— breux et profonds ouvrages qui firent autorité en leur temps, et tellement longue qu’elle touchait aux confins de la vieillesse ; la seconde, qui se prolonge pendant plus de trente années encore, et qui, par un de ces retours inattendus qui confondent la raison, nous montre le placide calculateur, le studieux minéralogiste transfi- guré tout-à-coup en extatique ardent, devant qui vont s'ouvrir, jusque dans leurs dernières profondeurs , Îles mystères insondables de la vie future et les radieuses perspectives des cieux. Et cet apôtre convaincu d'un nouvel évangile qu'il proclame , imprimera à ses visions un tel caractère d'autorité, de puissance et de grandeur qu'il subjuguera les imaginations, suscitera d'innombrables adeptes, et que sa doctrine, avidement saisie par les àmes réveuses et passionnées, loin de s'éteindre avec son auteur, ne fera, au contraire, après bientôt un siècle, que se propager et gagner du terrain. Expliquer de pareils phénomènes moraux, rendre compte de perturbations mentales si étranges, en appe- lant seulement à son aide la physiologie et l'expérience comparative, C'était là sans doute un noble effort, mais que M. le Dr Morel n’a pas trouvé au-dessus de ses forces. Nous devons le féliciter sans réserve d’avoir jeté une vive lumière sur cette fréquente contagion des esprits en qui s’infiltrent de proche en proche l'amour du surnatura- lisme et l'habitude des mystiques contemplations , et é: CLASSE DES BELLES-LETTRES. 193 d'avoir montré les dangers que laisse entrevoir cette ten- dance, au point de vue philosophique et social. M. l'abbé Cochet est toujours cet explorateur infatigable que nous connaissons, révélateur incontesté d'une Nor- mandie nouvelle, qu'il a nommée Normandie souterraine , et dans laquelle dorment, depuis des siècles, soixante géné- rations éteintes : Gaulois et Romains , Francs et Danois, les vainqueurs le plus souvent à côté des vaincus. La tâche que notre confrère poursuit avec une persévérance si digne d'éloges consiste à interroger ces muets sépulcres, à scruter les débris qu'ils renferment, et à demander à chaque habitant de ce froid ossuaire quels furent son origine et sa race , quel rang il occupait sur cette terre, quelles étaient ses croyances, ses Superstitions même, les mœurs et les usages de son temps; et il est presque sans exemple que le sépulcre, inter- rogé par cet investigateur habile, ne trahisse pas le secret qu'on lui a confié. Dans le Mémoire que notre savant confrère nous a adressé, et dont M. Ballin nous à donné lecture , il rend compte d'une troisième exploration qu'il a.opérée à Bou- teilles, près de Dieppe, en 1857, sur l'emplacement de l'ancienne église, aujourd'hui remplacée par une route, une maison et un jardin. Dans ces découvertes nouvelles, il ne s’agit plus, à la vérité, de ces sépultures de haute date, romaines ou mérovingiennes, pour la distinction desquelles M. l'abbé Cochet a déployé tant de saga cité ; il n’y a là que des sépultures chrétiennes du x au XVI siècle; mais, quoique plus récentes, elles n’en sont pas moins intéressantes , puisque, par un effet de cette tendance , qui reporte volontiers notre curiosité vers les époques les plus anciennes , ce que nous connaissons sou- vent le moins, c'est ce qui est le plus rapproché de nous. Les usages funéraires de cette époque intermédiaire sont 13 nn —_. 19% ACADEMIE DE ROUEN. done encore peu connus; pour établir leur histoire, les documents liturgiques doivent venir en aide à l’archéo- logie, et c’est l’association de ces deux modes d’informa- tion qui donne un haut intérêt au Mémoire dont nous allons parler. Ce Mémoire commence par un procès-verbal journalier des fouilles. C'est un système de rédaction que M. l'abbé Cochet a adopté d'après l'exemple des antiquaires anglais, et qui présente l'avantage de pouvoir recueillir et classer sans confusion toutes les particularités que révèle une exploration de ce genre , et dont souvent les plus insigni - fiantes en apparence peuvent cependant acquérir une grande valeur. Ce procès-verbal constate que les fouilles , dirigées vers le chevet et les collatéraux de l'église, ont amené la découverte de vingt tombeaux , de cinq croix de plomb placées sur la poitrine des cadavres et portant une inscription pieuse , outre une infinité de fragments. L'auteur passe ensuite à la description de ces différents objets. Les tombeaux étaient tantôt en pierre ou en ma- connerie , et tantôt en bois. Les cercueils de pierre étaient généralement composés de pièces nombreuses , de dalles grossièrement taillées dans du moellon et assemblées avec du mortier; l'argile du sol en formait parfois le fond ; quelquefois même la fosse, simplement creusée dans l'argile, après avoir reçu le corps, avait été recou- verte de fragments de dalles juxtaposées, et une épaisse couche de terre foulée au-dessus maintenait l’ensemble de cette sépulture économique. Quant aux cercueils en maçonnerie, il est facile de s’en faire une idée en appre- nant qu'ils étaient construits en blocage, dans la fosse même, à la proportion et sur les formes du corps; car c’est une remarque générale , applicable à toutes ces sépul- tures , quel que fût le mode de leur construction , que le contour intérieur s’arrondissait autour de la tête et s'élar- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 195 gissait aux épaules pour se rétrécir vers les pieds. Les cercueils en bois n’ont laissé subsister d’autres traces de leur présence que de gros clous rivés à l'extrémité qui fut leur pointe , et dont la longueur témoigne que les planches qu'ils réunissaient avaient au moins trois centimètres d'é- paisseur. Les croix en plomb, rencontrées sur la poitrine des sque- lettes, sont certainement les trouvailles les plus intéres- santes de cette fouille. Ce genre de monuments n'était pas tout-à-fait inconnu, mais il n'en avait été signalé jusqu'à présent que des exemples rares et isolés. M. l'abbé Cochet, grâce à ses explorations régulièrement suivies, a été assez heureux pour en rencontrer , depuis plusieurs années , une série nombreuse, ce qui lui a permis d'établir la fréquence et la durée de cet usage. Ces croix sont, comme nous l'avons dit, toujours en plomb, et découpées , à l'aide de ciseaux , à même une feuille de ce métal; elles rappellent la forme de la croix grecque, ou, plus particulièrement encore, de ce qu'on appelle la croix de Malte. Presque toutes sont couvertes d'inscriptions gravées à l’aide d’un poinçon aigu. Ces inscriptions varient dans leur teneur ; quelques-unes ont ce qu'on pourrait appeler un caractère individuel; mais la plupart, à quelques variantes près, reproduisent des formules liturgiques encore usitées aujour- d'hui dans la cérémonie des funérailles. C'est, par exemple, l’une des trois Oraisons que récite le prêtre sur le corps du défunt déjà descendu dans la fosse, ou quelque autre analogue renfermant une absolution. Le sens de cet usage pieux est donc bien facile à saisir. Le mourant, absous par son pasteur, emportait avec lui dans la tombe un témoignage écrit de cette libération qui devait lui ouvrir les portes du ciel. La question des vases rencontrés en si grand nombre dans ces fouilles, occupe ensuite M. l'abbé Cochet. 196 ACADEMIE DE ROUEN. Personne n'a plus contribué que lui à démontrer la persis- lance de cet usage singulier , qui s'étendit du x1 au xXvW° siècle , d’enterrer avec le défunt les vases qui avaient servi, pendant le service funèbre , à brûler de l’encens, en guise de fumigations , autour du cercueil. Les vases de Bouteilles apporteraient à ce fait, s’il en était besoin , une nouvelle confirmation : quelle que soit leur forme, d'ailleurs fort variée, la plupart affectant celle d’un petit broc ; quelle que soit leur décoration, avec où sans un vernis jaune ou olivâtre qui les revêt irrégulièrement, tous présentent cette particularité d’être percés, autour de la panse, de trous pratiqués, soit avant, soit après la cuisson , pour servir d’'évents propres à activer la combustion. Leur des- tination ne saurait donc laisser aucun doute. Dans une dernière partie de son Mémoire, M. l'abbé Cochet s'attache à déterminer quels furent l'importance et le rèle de Bouteilles du x1° au x sièele ; il démontre que celte petite commune , aujourd’hui réduite à une centaine d'habitants , en possédait alors mille environ , qui exploi- taient d'importantes salines établies sur leur territoire; et il conjecture avec toute vraisemblance que ces sépultures, qui lui ont révélé tant de particularités curieuses , sont celles des anciens sauniers où paludiers établis au voisinage, sur les grèves de la Dieppe , qui n'étaient alors qu'un lac salé donnant accès à la marée. Nous regrettons de ne pouvoir faire connaître que d’une manière bien incomplète cet important Mémoire, dont les faits énoncés et les rapprochements qu'ils suscitent sont appuyés de l'autorité d’une vaste érudition. On ne saurait contester à notre honorable confrère , M. De Lérue, le mérite d’être un des membres les plus actifs de la Compagnie, et d’acquitter avec une rare et louable ponctualité la dette que tout académicien contracte CLASSE DES BELLES-LETTRES. 197 de contribuer, pour sa part, aux travaux qui sont le but et l'honneur de l'institution. Les rapports sur les ouvrages envoyés sont surtout pour lui une occasion de mani- fester son zèle, et deviennent sous sa plume d'élégantes appréciations critiques, que des aperçus nouveaux, des digressions instructives transforment souvent en travaux originaux. Les communications de M. De Lérue , pendant le cours de l’année, ont été nombreuses ; en les mentionnant toutes, nous sommes forcé de les passer rapidement en revue. La première avait pour titre : Un abus de la Presse. L'auteur, dans cette énergique protestation , Se propose de stigmatiser cette singulière et fâächeuse tendance qu'ont montrée les journaux, dans ces derniers temps, à multiplier et à développer les récits de crimes odieux et d'évènements sinistres. Si la loi a sagement décidé en édictant des peines sévères contre toute atteinte volontaire à la paix, à l'ordre , à la religion , à la décence, n'est-il pas permis de se demander pourquoi la tutelle publique semble désarmée devant le spectacle perpétuel qu'offrent aux populations ces affreux récits de toute sorte, que le jour- nal fait chaque jour avec soin et pour ainsi diré avec amour? Il est impossible de ne pas déplorer, avec la science et la morale, cette regrettable tendance à étaler des faits horribles et ignobles au détriment du tableau des actions nobles et utiles. Les journaux étant devenus un aliment quotidien de distraction , un besoin même pour un grand nombre , les idées qu'ils propagent doivent être examinées scrupuleusement, et il est prudent d'empêcher les progrès de cette criminologie qui en fait des procès-verbaux de cours d'assises et des historiographes de la Morgue. Il est, ajoute-t-il, de ces améliorations dont la nécessité est tel- lement évidente qu'il semble suflisant de les énoncer pour 198 ACADEMIE DE ROUEN. en justifier la sanction. En, soumettant ces réflexions à l'Académie, l’auteur désire qu'elles soient pour elle le point de départ d'une étude qui, sous l'autorité de la Compagnie, ne saurait manquer d'être fructueuse. Ajoutons que ce vœu qu'exprimait si chaleureusement M. De Lérue, de voir enfin l'autorité prendre en main la défense de la morale et’de la décence publique ou- tragées, recevait, peu dé jours après cette lecture, une éclatante satisfaction dans un acte émané des dépositaires du pouvoir. | Parmiles rapports soumis à l'Académie par notreconfrére, nous trouvons d’abord celui qu'il a consacré à examiner une traduction en vers, par M. Auguste Clavareau, du poème de Thomas Moore, intitulé La Péri. Suivant l'ho- norable rapporteur, appréciateur délicat et compétent en semblable matière, é’est une assez heureuse tentative de faire saisir dans notre langue l'éclat brillanté et le charme rêveur de l’auteur des Hélodies irlandaises. Une brochure de M. Bouillier, doyen de la Faculté des lettres et président de l’Académie de Lyon, intitulée : L'Institut et les Académies de province, a fourni à M. De Lérue l’occasion de discuter une question qui préoccupe depuis plusieurs années, en province, les intelligences actives et zélées pour le progrès. L'auteur de la brochure s'efforce de montrer les avantages que présenteraient la fusion et la concentration des études éparses des Sociétés savantes. L'établissement des Congrès scientifiques et de quelques autres institutions analogues, qui semblait propre à préparer et à amener cette fusion, n'a pas réalisé toutes les espérances qu'il avait fait concevoir. C'est donc à l'Institut et au Gouvernement qu'il appartient de décréter une organisation plus eflicace qui permette de rattacher directement et officiellement , aux différentes classes de l'Institut, les Académies impériales de pro- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 199 vince, et même les Sociétés qui se recommandent par la régularité et l'importance de leurs travaux. Ce ne sont, en effet, ni les hommes, ni les travaux remarquables qui manquent aux Sociétés de province ; ce qui leur fait défaut, ce sont les encouragements de la publicité, c'est une impulsion d’en haut, une direction commune, l'as- sociation au lieu de l'isolement. Si l'honorable rapporteur accorde en principe son adhésion à ces idées , 1l y ajoute certaines restrictions inspirées par un esprit pratique et judicieux ; il désire que les conditions et les priviléges de l'association soient réglés par l’autorité publique, de telle sorte que rien ne soit laissé aux influences d'écoles et à l'arbitraire du corps académique central. Nous sera-t-il permis d'ajouter à cette discussion une preuve que les idées qu'elle proclame préoccupent en ce moment le Ministre à qui appartient, à cet égard, toute initiative? Qu'on se rappelle les diverses mesures qui ont, cette année même, imprimé une organisation nouvelle à la Revue des Sociétés savantes, créé une bibliothèque centrale des Académies de province, et, enfin, fondé des prix pour celles d’entr'elles qui se distingueraient par la supériorité de leurs travaux , et l’on demeurera persuadé que si le Gouvernement ne procède pas par la même voie que celle qu'indiquait l'honorable président de l'Académie de Lyon , il tend évidemment au même but. La Biographie normande, de M. Théodore Lebreton, cette œuvre patiente et consciencieuse d'un savant modeste, a également fait l’objet d’un rapport de notre confrère. Ce compte-rendu s'applique au premier volume seulement, comprenant les quatre premières lettres de l'alphabet. C'est moins un examen qu'une analyse statistique , travail utile qui pourra être complété plus tard, et qui aura la valeur d'un document pour les archives de l'Académie. Ainsi, des sept cent soixante-treize noms mentionnés dans 200 ACADÉMIE DE ROUEN. ce volume , la ville de Rouen peut en réclamer cent quatre- vingt-dix-huit, et l’Académie quarante-deux. Ce tableau, soigneusement dressé, prouverait au besoin la richesse intellectuelle et la puissance d’émulation de notre glorieuse cité. Notre digne confrère, à ses heures de loisir, cultive volontiers la poésie ; nos précédents rapports en gardent le fréquent témoignage. L'Académie , qui entend toujours ses vers avec intérêt, parce qu'un heureux choix de pensées délicates fait ordinairement le fond de ces inspi- rations fugitives, a écouté avec la même faveur une pièce intitulée : La Charité. C'est un tableau touchant de toutes les formes que prend la bienfaisance pour venir au secours des misères cachées, c’est en même temps un hommage de reconnaissance pour toutes les nobles femmes dont la charité fait si souvent des héroïnes. Nous avons encore à mentionner, de notre confrère, une œuvre plus importante, quoiqu'elle soit présentée sous le titre d’un simple rapport. Déjà, plus d’une fois, nous avons fait remarquer que M. De Lérue , en rendant compte d’un ouvrage, se renfermait rarement dans les étroites limites d’une sèche analyse. L'œuvre qu'il examine devient ordinairement pour lui le point de départ d’aperçus mgé- nieux et nouveaux qu'il développe au gré de sa vive et féconde imagination, ou qu'il étaye de l'autorité de son expérience pratique. Le travail accessoire, dans ce cas, devient une œuvre originale. C’est l'exemple que nous présente le rapport sur un opuscule de M. Renzi, intitulé : Jeanne d'Arc, sa mission et son martyre, composé à l’oc- casion de l'érection récente de la statue équestre de Jeanne sur une des places publiques de la ville d'Orléans. Notre confrère rend toute justice au mérite de l'œuvre de M. Renzi, qu'il déclare écrite d’un style sobre et ferme, et revêtue d’une couleur animée et pour ainsi dire vivante ; CLASSE DES BELLES-LETTRES. 204 puis, entraîné lui-même par ce magnifique sujet, il s'at- tache à résumer, en quelques tableaux éloquemment retracés, ce miraculeux épisode de nos guerres nationales du xv° siècle, qui commence à la vocation inspirée de Jeanne et qui finit à son martyre. Ce qu'il s'applique surtout à faire ressortir, ce sont ces contrastes si touthants de courage invincible et de faiblesse féminine qu'on saisit presqu'’à chaque pas en étudiant cette délicate figure; de même qu'il épanche sa généreuse indignation en flétrissant ces honteuses jalousies, ces lâches trahisons dont notre héroïne tomba victime. Après avoir tracé cette belle page d'histoire, l'honorable rapporteur, prenant la parole en son propre nom, exprime le vœu de voir remplacer le monument actuel, consacré, sur une de nos places publiques, au souvenir expiatoire du martyre de Jeanne d’Are, et que le goût épuré de notre époque réprouve comme une œuvre de décadence , par un monument plus digne à la fois et de l'héroïne et de la province qui s'empresserait d'en faire les frais. Bien plus, il formule le projet de ce monument, et il adjure l’Aca- démie de prendre l'initiative de cette généreuse pensée, pour la présenter, appuyée de son patronage , à l’autorité compétente. L'Académie ne pouvait rester indifférente devant un si chaleureux appel; elle désigna done une Commission composée de MM. Barthélemy, Frère et de Beaurepaire, complétée par l’adjonction de MM. De Lérue, Bache- let, de Glanville, Gustave Morin et du Secrétaire des Lettres, pour examiner la proposition qui lui était sou- mise. Dans le cours des délibérations qui eurent lieu au sein de la Commission, un membre rappela que déjà, en 1845, une pareille manifestation s'était produite : il s'agissait alors d'obtenir de la libéralité du Gouvernement une statue 202 ACADÉMIE DE ROUEN. en marbre, de Jean Feuchère, représentant Jeanne d'Arc sur le bûcher, qui était exposée au salon de cette même année. Malheureusement, des préventions s’élevèrent contre cette représentation ; on parut craindre que, rap- pelant un évènement néfaste accompli dans nos murs, et dont nos pères furent les témoins, mais non les complices, cette statue ne blessàt le sentiment public; elle ne fut donc pas demandée. La Commission, dûment informée de toutes ces circonstances , et ayant d’ailleurs sous les veux une réduction de la statue, décida qu'il fallait s’en- quérir de ce qu'était devenu l'original, afin que si, par hasard, il était encore disponible, on pôt engager l'Admi- nistration à en faire la demande. Des informations ont donc été demandées à Paris, et l’on a appris avec autant de satisfaction que de surprise que la statue était toujours dans les dépôts du Gouvernement, et que, demandée avec quelque instance par nos autorités, elle serait probable ment accordée. La Commission résolut donc de proposer à l'Académie d'inviter M. le Préfet et M. le Maire de Rouen à employer leur hauie influence auprès du Gouvernement à l'effet d'obtenir la statue de Feuchère, et de réserver, pour le soumettre à de nouvelles délibérations, le projet de remplacer le monument actuel par un monument plus convenable. Telle est la substance du rapport présenté au nom de la Commission par le Secrétaire des Lettres. Comme ren seignement préalable, le Rapporteur avait inséré dans son travail un historique des différents monuments que la reconnaissance publique a successivement érigés, à Rouen, au souvenir de Jeanne d'Arc, sur l'emplacement où elle subit son douloureux martyre. Cette partie devant être imprimée dans le Précis, nous sommes dispensé d'en donner l'analyse. Quant aux conclusions du rapport , l'Académie les adopta , et décida , en outre, qu'une copie de ce docu- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 203 ment serait adressée à M. le Préfet et à M. le Maire de Rouen (1). À quelques pas seulement de l'emplacement qui vit accomplir le supplice de Jeanne d'Arc, moins de deux siècles après cette lugubre journée, allait naître, dans une modeste demeure, celui qui devint le grand Corneille. La destinée , qui a enchaîné dans un si petit espace ces deux impérissables souvenirs, ne saurait manquer de rapprocher souvent ces deux noms, comme si l’un des deux évoqué avait le pouvoir d'appeler l'autre à sa suite. C’est sans doute en vertu d’une de ces secrètes attractions que, tandis que l'Académie demandait à l'autorité qu'on consacrät de nou- veau, par un monument, le souvenir de la mort de Jeanne d'Arc, l'autorité, de son côté, lui demandait de consacrer, par la formule d'inscription la plus simple , le souvenir de la naissance de Corneille. On se rappelle, en effet, que la maison qu'une tradition authentique signalait à la véne- ration de tous comme le berceau du grand poète, frappée, il y à quelques années, par les exigences inflexibles de l'alignement, avait disparu pour faire place à une bâtisse nouvelle, et que, tout récemment, la maison voisine qui avait vu naître Thomas Corneille, avait éprouvé le même sort. Or, depuis ce temps, aucune indication, aucun témoignage apparent ne subsistait pour manifester aux veux de l'étranger ce glorieux souvenir. L'autorité munici- pale , entravée d’abord par quelques mauvais vouloirs par- ticuliers, ne pouvait cependant tarder davantage à restituer (1) L'initiative prise par l’Académie a obtenu un succès complet: la statue de Jeanne d'Arc, demandée par l'Administration muni- cipale, avec la bienveillante intervention de M le Préfet, à été accordée par M Je Ministre d'État; elle à été immédiatement transportée à Rouen, et doit ètre placée au Musée de peinture. 204 ACADÉMIE DE ROUEN. cette noble commémoration ; elle invita donc l’Académie à rédiger la formule qui lui paraîtrait la plus convenable. L'Académie accepta cette mission si honorable et si digne d'elle avec une respectueuse reconnaissance , et confia le soin d'éclairer la question à des commissaires dont M. Ballin résuma les avis dans un consciencieux rapport. L'opinion de la Commission fut que, Thomas Corneille étant aussi l’une des gloires de la ville de Rouen , la maison quile vit naître, et qui était contiguë à celle de son frère, devait être également l'objet d’un souvenir; toutefois, une seule for- mule devait réunir les deux mentions. L'Académie, après avoir longuement discuté les propositions du rapport, et mûrement délibéré l'inscription , adopta la rédaction sui- vante : ICI ÉTAIENT LES MAISONS OU SONT NÉS LES DEUX CORNEILLE : PIERRE, LE 6 JUIN 1606, THOMAS, LE 24 AOÛT 1625. \ Cette formule fut immédiatement transmise , avec l'ex- posé des motifs, à l'administration municipale qui l'a adoptée , l'a fait graver sur une plaque de marbre, et Fa fait placer tout près de la ligne de jonction des deux maisons nouvelles bâties sur l'emplacement des anciennes. Ajoutons , pour ne rien omettre de ce qui se rapporte au souvenir de Corneille, que l'Académie, consultée par l'Administration des ponts et chaussées, sur la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu de changer l'inscription gravée sur le socle de la statue qui décore le terre-plein du Pont-de-Pierre, et dont la formule avait excité quelques critiques, s'est prononcée pour le maintien de cette in- scriplion. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 205 M. Ballin, dont l'Académie sait toujours apprécier le zèle si éminemment actif et dévoué, ne faillit jamais à son devoir de fidèle rapporteur des ouvrages qu’on lui renvoie. C'est ainsi qu'il a rendu compte de neuf opuscules de M. Julien Travers, membre correspondant, dont les sujets variés appartiennent soit à la biographie , soit aux études historiques locales, soit à l'histoire littéraire et à la poésie. Les études grammaticales furent toujours pour M. Ballin un sujet de prédilection; aussi trouverons-nous tout naturel qu'en informant l’Académie du décès du célèbre grammairien Chapsal, notre confrère ait consacré à ce savant, dont il fut le coopérateur, une courte notice desti- née à rappeler ses nombreux ouvrages. Ce pieux devoir rempli, M. Ballin nous a communiqué, en forme d’appen- dice, un chapitre détaché d'un traité complet de la conju- gaison des verbes français, qu'il avait préparé sur la demande de Chapsal, et que la mort de ce dernier a laissé inédit. Ce chapitre a pour objet la définition du verbe, question ardue s’il en fut, puisque l’un des oracles de la syntaxe, le grammairien Domergue, renonce à la tenter, et se contente de donner le signalement de ce terme abstrait. Si d’autres grammairiens ont été plus hardis que Domergue, ils n'ont pas complètement réussi dans leur tentative, et M. Ballin, qui compare leurs défini- tions entr’elles, en démontre facilement l’insuflisance ; puis il propose la sienne, qui présente une heureuse com- binaison de ces définitions réunies : « Le verbe exprime, dit-il, la coexistence de l'attribut avec le sujet ; c'est Je mot de l'intelligence active, dont la fonction princi- pale est d'affirmer ou de manifester unjugement, et qui, au moyen de désinences variées , indique les circonstances concomitantes de personne , de nombre, de temps et de mode. » 206 ACADEMIE DE ROUEN. Les lettres d'artistes présentent toujours un vif attrait de curiosité. D'abord les artistes écrivent peu, surtout sur les matières d'art, ce qui double l'intérêt des confi- dences de ce genre qu'on a la chance de rencontrer. Ensuite, alors même qu'ils n’écrivent que pour faire de la chronique familière, on est certain de rencontrer, dans leur correspondance , un tour vif et inattendu, une finesse d'appréciations qui décèle l'habitude d’une observation pénétrante , enfin, une franchise de Jugement qui s'ex- prime sans circonlocutions, contractée qu’elle est de longue date dans la fraternité de l'atelier. M. Lévesque, qui ne saurait manquer d'aimer les artistes, puisqu'il à fait de la contemplation de nombreuses et belles œuvres d'art le noble délassement de sa carrière de ma- gistrat, à su apprécier aussi tout ce qu'une correspondance d'artiste peut renfermer d'originalité piquante, et même d'utiles renseignements. C'est à ce titre que, devenu dépositaire d’un certain nombre de lettres de deux gra- veurs d'origine rouennaise , François Godefroy et Baptiste Godefroy, dit Adrien, son fils, morts tons deux dans le cours de ce siècle, il en a fait une série d'extraits qu'il a coordonnés, etcommentés par des réflexions, des remarques intéressantes, et qu'il a communiqués à l’Académie. Ces lettres, adressées à un artiste de Rouen , ami de la famille Godefroy, abondent en particularités curieuses, en révélations inédites, bonnes à recueillir pour l'histoire artistique de la fin du siècle dernier et du commencement de celui-ci; c'est, en quelque sorte , une petite chronique de l'école de David ; on y sent peser l’ascendant du maître redouté. La critique railleuse du disciple n’oserait en parler à découvert, mais parfois l’allusion sanglante s'enhardit Jusqu'à viser à lui. Il serait de notre devoir d'analyser avec plus de détails ces confidences intimes, si l'Académie n'avait confié ce soin à l’auteur même de la communica- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 207 tion , en ordonnant l'impression de ces extraits et des excellents commentaires qu'il y à joints, dans son Précis de cette année. Contentons-nous donc , pour n'omettre aucune dette de reconnaissance, de dire que M. Lévesque a fait don à l’Académie des originaux des lettres dont nous venons de parler, après les avoir reçues de M. Gos- selin, greflier au Tribunal civil, qui les avait recueillies comme un précieux héritage de famille. L'Académie conser- vera avec soin, dans ses archives, ces titres de souvenir de deux artistes, nos compatriotes, dont les travaux, aussi nombreux que variés, et même quelques belles œuvres, ont contribué dignement, au commencement de ce siècle, à la gloire de l’école française. On entend souvent, à notre époque, répéter ce lieu commun : que la littérature a fait avec la science un divorce complet, et que la poésie n’a rien de mieux à faire que de s’exiler des Académies qui n'ont désormais, dans leurs réunions , ni esprits disposés à l’invoquer , ni oreilles bien- veillantes pour l'entendre. Nulle part, cependant, avec plus d'autorité qu'en cette enceinte, on ne pourrait pro- tester contre cet injuste préjugé. L'Académie de Rouen, héritière des excellentes traditions que lui ont léguées ceux qui furent ses fondateurs et ceux qui ont fait l’hon- neur de son existence plus que séculaire, a toujours gardé pour la poésie et la littérature d'imagination ses meilleures sympathies. Nous n'en voulons pour preuve, en cet ins- tant , indépendamment de tant d’autres dont ce rapport même fournit l'exemple, que cette réception dans laquelle , aux applaudissements de tous nos savants membres, aussi bien que des gens du monde admis à cette solennité, nous avons entendu un candidat discourir poétiquement en vers, pour inaugurer son admission , et notre digne prési- dent emprunter le même langage pour lui répondre ; 208 ACADEMIE DE ROUEN. gracieux débat, joute élégante et courtoise dont il eût été difficile d'adjuger le prix. C'est à M. Mouton, dont l’Académie avait souvent ap- plaudi les gracieuses compositions que nous devons cette piquante innovation. Analyser un remerciment exprimé en langage versifié, ce serait, nous en avons conscience , le travestir et le déshonorer. Rappelons seulement que l'œuvre de notre nouveau confrère renfermait un éloge , touché avec autant de sentiment que de tact et d'a-propos, à l’adressé de quelques-uns des membres de la Compagnie : spirituelle galerie de portraits anonymes, auxquels chacun, à l'audition, s'empressait d'appliquer leurs véritables noms. M. le président, nous l'avons déjà fait entendre, pour répondre à cel appel, fit acte d'exquise courtoisie, et fournit une nouvelle preuve de la flexibilité de son talent, en empruntant à son tour la forme poétique. Son exorde fut un spirituel badinage sur la difficulté qu'il y à de faire entrer, dans la mesure rebelle du vers, les for- mules obligées du compliment académique. Puis, cédant au mouvement d'une inspiration généreuse , il aborda une sérieuse apologie de la poésie cultivée pour elle-même, et du bonheur qu’elle procure à ceux qui s’y livrent avec amour ! Bonheur que bien des gens appellent un travers, dit-il avec une malicieuse ironie. Toutefois, ajoute-t-il, en terminant : .… La moindre lueur de ce rayon céleste, Quand elle vient tomber au front le plus modeste , Ne le transforme pas en astre glorieux, Mais, dans son coin obseur , en fait un homme heureux. M. Mouton, qui gardera parmi nous désormais ; nous n'en saurions douter, la mission de maintenir haut et ferme le CLASSE DES BELLES-LETTRES. 209 drapeau de la poésie, a prouvé sa vaillance, à cet égard , en nous communiquant quelques autres inspirations poé- tiques. C'est d’abord une pièce empreinte d’un sentiment religieux et convaincu des pénétrantes harmonies de la nature, intitulée : Sous les grands hètres. C’est ensuite une pièce d’un style badin et sarcastique, adressée Aux fumeurs , en réponse à une épitre de M. Berville, également dédiée À Messieurs les fumeurs. Dans cette spirituelle boutade, pleine de verve et de gaïté , notre confrère repousse les attaques de l'adversaire du tabac, répond aux sarcasmes par des éloges, et célèbre, avec un lyrique enthousiasme , les jouissances que procure cette enivrante fumée : Honneur donc et respect à la plante immortelle , Pe notre feu sacré conservons l’étincelle ; On voudrait l’avilir et nier ses attraits ; On peut le condamner , mais l’avilir.… jamais ! Telle est l’acclamation qui résume sa pensée. Enfin, nous citerons, pour compléter ce contingent poétique , aussi riche que varié, une pastorale intitulée : Mélina, et une fable : Les deux Castors, qui figurent l’une et l’autre dans le Précis de cette année. Pour n'omettre aucun des travaux originaux lus dans le sein de l’Académie, nous devons consigner ici que M. Ballin a donné lecture d'un travail adressé à l’Académie par M. Lemonnier, membre correspondant, sur l'étymologie du nom de Tartufe, que Molière, en l’appliquant au prin- cipal personnage d’une de ses plus admirables comédies , a identifié, en quelque sorte , avec le caractère qu'il vou. lait stigmatiser. Ce sujet à déjà fourni matière à d'amples discussions. M. Lemonnier rejette les étymologies pro- posées avant lui, et se prononce pour celle de der teuffel, 14 210 ACADÉMIE DE ROUEN. en allemand le diable, faisant allusion au caractère odieux du personnage. Cette lecture a provoqué une très intéres- sante discussion qui a paru épuiser le sujet, sans toutefois amener de conclusion. L'Académie a trouvé, comme par le passé, un intéressant et riche supplément aux travaux originaux dont elle à entendu la lecture pendant le cours de cette année, dans les rapports nombreux, sur les ouvrages envoyés, que lui ont soumis les membres qui s'occupent spécialement de ce genre d'analyses. Plusieurs fois déjà nous avons loué, comme il mérite de l'être, ce zèle actif, exempt de pre- tentions ambitieuses, qui consiste à étudier un ouvrage, à se pénétrer de son esprit, en un mot à condenser sa substance pour en exposer sommairement les résultats. Plus d’une fois, nous avons exprimé nos regrets de ne pouvoir accorder, à ces utiles travaux qui, plus que tous autres peut-être, font participer l’Académie au mouve- ment des idées contemporaines, que l’insuflisant hommage d’une courte mention ; nous ne reviendrons donc pas sur ce thème depuis longtemps épuisé. Nous nous contenterons de signaler les membres qui ont particulièrement donné à la Compagnie cette preuve de zèle et de dévoûment. M. l'abbé Picard a entretenu l’Académie de deux opuscules de M. Jules Tardieu, libraire, publiés sous le pseudonyme de J.-T. de Saint-Germain. L'un est une espèce de légende ou de moralité intitulée : Pour un Épingle, et l'autre, qui à pour titre : L'art d'être Malheureux, a pour but d'enseigner la résignation, à l’aide de la foi religieuse, au milieu de toutes les douleurs qui peuvent assaillir l’homme dans le cours de son existence. M. l'abbé Picard a appelé ces deux ouvrages une bonne œuvre, réunissant à la fois l'agréable et l’utile, et dont on ne CLASSE DES BELLES-LETTRES. 211 saurait trop encourager la propagation. Quelque temps après avoir entendu ce rapport, fait au nom d'une Commission , l'Académie admettait M. Jules Tardieu parmi ses membres correspondants. Indépendamment d’un rapport sur les œuvres poétiques d’un jeune écrivain espagnol, M. Antonio Vinageras, par suite duquel cet étranger a été admis au nombre de nos correspondants, M. Clogenson à fait un rapport étendu et substantiel sur plusieurs volumes des œuvres complètes de notre compatriote M. Alphonse Leflaguais. L'Académie, qui professe une vive sympathie pour ce poète national de la Normandie, ne pouvait manquer d'accueillir avec empressement cet éloge des qualités morales de l’homme non moins que de la haute intelli- gence poétique de l'écrivain. M. Clogenson à défini le caractère du poète en disant qu'il est tout à la fois religieux, moral, social et sociable; qu'il a du cœur et de limagi- nation; qu'il est ami de la justice, de l’ordre et de la liberté ; qu'il est presque toujours grave et habituellement mélancolique ; et que, s'il ne monte presque jamais aux sommets atteints par Lamartine et Victor Hugo, il ne tombe jamais au niveau de leurs creuses profondeurs. Puis, il ajoute qu'il appartient au classique en général par la composition pure de son vers, quoique, par le genre et l’ensemble de ses pièces, il ait fort incliné vers le roman- tique ; et enfin il termine par ce dernier éloge : que son vers a toujours été honnête homme. Puisse ce témoignage rendu par un homme de goût et de cœur, parvenir à M. Leflaguais, et lui donner foi et courage pour accomplir son œuvre. M. Hellis s’est constitué, depuis plusieurs années, le consciencieux rapporteur des Mémoires publiés par l’Aca- 212 ACADÉMIE DE ROUEN. démie des Jeux floraux de Toulouse. Cette année , il nous a entretenus des deux volumes datés de 1856 et 1857. On sait que cette glorieuse Académie, qui fait remonter ses origines jusqu'au temps de Clémence Isaure, et ses premières inspirations jusqu'aux chants des troubadours, a toujours gardé un culte fervent pour la poésie qu'elle encourage par un concours annuel, auquel ne manquent jamais de prendre part plus d'un millier de concurrents. Ses Mémoires , dont l'objet principal est le compte-rendu de cette espèce de Babel poétique, ont fourni à notre judicieux rapporteur l'occasion de signaler les tendances, l'esprit dominant qu'affecte à notre époque cette forme de la littérature. On sent, dit-il, que les idées et les doc- trines du jour ont une influence marquée sur les produc- tions de l'esprit et les rêves de l'imagination; ce qui domine, c’est l'éloge de l’industrie et des merveilles qu'elle enfante; c'est, en outre, une certaine tendance au mysticisme religieux, à la glorification des sublimes croyances du christianisme. L'Académie de Rouen, sans accorder à la poésie la même importance que l’Académie des jeux floraux, à qui son institution impose le devoir de maintenir la gaie science, réserve aussi quelques-unes de ses couronnes pour un tournoi poétique qu'elle ouvre de loin en loin. Gette année a vu éclore une de ces brillantes luttes, dans laquelle quarante-sept poètes ont concouru pour dis- puter le prix du meilleur Conte en vers. C'est encore M. Hellis qui a fait le rapport sur cet intéressant concours dont on peut voir tout à la fois l'appréciation et le résul- tat dans son travail qui fait partie du Précis de cette année. M. Homberg a largement payé sa dette d’académicien , d’abord en nous communiquant quatre charmantes pièces de poésie intime et familière, puis en rendant compte de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 213 quelques numéros de la Revue universelle, suisse et étran- gère qui, après une rare longévité de soixante-trois années, a éprouvé le besoin de renouveler ses conditions d'exis- tence; et enfin, en nous développant, dans une large analyse, l'appréciation d’un remarquable travail de M. le vicomte Langlois d'Estaintot, intitulé : Des usurpations de titres nobiliaires , au double point de vue de l'histoire et du droit pénal. M. Homberg a félicité l’auteur d'avoir éclairé, par de consciencieuses recherches et par les suggestions d'un esprit droit, une question toute de circonstance et d’ailleurs si souvent débattue et si rarement comprise, et d'avoir, en outre, composé un livre écrit sans parti pris, avec une grande sagacité et une clarté de style qui en rend la lecture attrayante et facile. M. Chassan a vivement intéressé son auditoire en lui communiquant un rapport sur le Dictionnaire de biogra- phie, d'histoire et de géographie, publié par le libraire Désobry, et dont notre confrère M. Bachelet a été le prm- cipal collaborateur. En parcourant cette œuvre, fruit de recherches immenses, M. Chassan à su en faire jaillir une foule de faits curieux, d’anecdotes et d'observations piquantes, et surtout, à l’aide d’une comparaison scrupu- leuse , il a démontré l'incontestable supériorité de ce vaste travail, au point de vue de l'exactitude et de l'abondance des renseignements rassemblés, sur les dictionnaires ante- rieurement publiés. De nombreux documents autographes, extraits de la précieuse collection qu'il possède, ont fourni à M. le Rapporteur l’occasion de semer la discussion, quelquefois forcément aride , de piquantes révelations. A M. de Glanville, un de nos plus zélés rapporteurs, revient ordinairement de droit la mission de rendre compte des ouvrages sur l'archéologie. M. de Glanville n'a pas, 214 ACADEMIE DE ROUEN. cette année, failli à cette tâche; il nous à communiqué l'analyse des trois derniers volumes de la Société des Antiquaires de l'Ouest, dont il à signalé et apprécié les parties diverses avec l'autorité de sa juste compétence ; puis il a rendu un compte favorable d'un Mémoire manus- crit soumis au jugement de l’Académie par un de nos antiquaires les plus actifs, M. Thaurin, et dont le but est de faire connaître et d'interpréter une inscription du Musée lapidaire de Lyon, dans laquelle sont mentionnés les Vélocasses, ces primilifs ancêtres gaulois qui, les pre- miers, ont colonisé notre cité et son territoire. Enfin, pour terminer cette énumération , à laquelle une brièveté obligée enlève nécessairement presque tout son intérêt, nous rappellerons que M. Bachelet, l'éloquent professeur d'histoire, nous à lu deux rapports : Pun sur l'Histoire légendaire de l'Irlande , offerte à l'Académie par M. Tachet de Barneval, professeur de rhétorique, et l'autre sur diverses compositions musicales adressées par M. Manry. L'Académie a accordé à ce dernier rapport les honneurs de l'insertion au Précis. L'Académie a admis cette année, dans la classe des Lettres, Membres résidants : M. MÉREAUX, compositeur de musique ; M. Tacuer pE BARNEVAL, professeur de rhétorique au Lycée de Rouen , qui a quitté cette ville avant son instal- lation. Membres correspondants : M. Jules TARDIEU, libraire à Paris ; M. Alphonse Francois, homme de lettres à Paris; M. Antonio VinaGeras, poète espagnol à Madrid. iQ —— MÉMOIRES DONT L’ACADÉMIE A ORDONNÉ L'IMPRESSION DANS SES ACTES. "y LD SWEDENBORG ; SA VIE, SES ÉCRITS, LEUR INFLUENCE SUR SON SIÈCLE, oÙ COUP D'ŒIL SUR LE DÉLIRE RELIGIEUX, Par M. lc D: MOREL, Médecin en chef de l'Asile des aliénées de Saint-Yon, à Rouen, (Séance du 30 Avril 1858. ) MESSIEURS , Si nous ouvrons un de nos dictionnaires biographiques à l'article Swedenborg , nous apprenons que cet enthou- siaste Suédois, qui a réussi à fonder une secte malgré l’ex- travagance de sa doctrine {je cite les propres paroles des biographes), naquit à Stockolm le 29 janvier 1689, et qu'il mourut à Londres le 19 mars 1772. Cette existence si longue peut se partager en deux parties bien distinctes : dans la première , certains biographes rendront hommage au savant qui produisit tant d'œuvres remarquables, pour ne citer que les Essais et remarques sur les mathématiques et la physique: de la nouvelle Méthode pour trouver les longi- tudes, soit en mer, soit sur lerre, au moyen de la lune. Dans la seconde partie, au contraire, les mêmes bio- graphes ne rappelleront les traités Du Ciel et de l'Enfer, ceux de la Nouvelle Jerusalem et de sa doctrine céleste, 218 ACADÉMIE DE ROUEN. celui de l'Apocalypse révélée, et tant d'autres encore , que comme preuve des aberrations auxquelles peuventse laisser entrainer les esprits les plus distingués. En vain cherchons-nous une appréciation moyenne entre ces deux époques de sa vie, qui nous fixe sur la valeur de cet homme extraordinaire. Ses premiers ouvrages ne sont plus assez connus aujourd'hui, et la période mystique de son existence est jugée diversement, selon que l’on a affaire à ses critiques ou à ses enthousiastes. Pour ceux-ci, il reste le fondateur de la Jérusalem nouvelle, le nouveau prophète envoyé de Dieu; pour ceux-là, il n'est qu'un imposteur ou un aliéné. Encore, les plus indulgents s'en tiennent-ils au terme vague d'illuminé, qui désignerait, si je ne me trompe, une situation intermédiaire entre l’exaltation produite par la folie et la force intellectuelle que donne l'ardeur des convictions vraies ou fausses. Dans la biographie la plus récente de Swedenborg par Gôrrès, nous voyons plutôt l'exposé des doctrines de Swedenborg dans leur rapport avec les les croyances de l'Eglise, que l'historique des circonstances qui amenèrent l'avénement de cet étrange réformateur, dont l'influence , à l'époque où nous vivons, mérite cependant d'être étu- diée (1). 1 nous serait dificile , d’un autre côté, malgre le schisme qui existe dans la secte swedenborgiste, de baser nos appréciations sur l'enthousiasme de ses adeptes. Lorsqu'on ne voit plus, dans l'homme dont on se dit le disciple, qu'un prophète envoyé de Dieu pour révéler au monde une religion nouvelle ; lorsqu'on le compare à Zoroastre, Moïse, Boudha, Confucius, Jésus-Christ , lesquels, dit un admirateur passionné de Swedenborg, 1) Emmanuel Swedenborg: Seine vesionem nd sen verhaltnisz zu kirche CLASSE DES BELLES-LETTRES. 219 ont les mêmes principes et se proposent la même fin que son maitre, quoique celui-ci les dépasse de beaucoup par la sublimité de sa doctrine, on reste effrayé en présence d'une confusion aussi déplorable des notions les plus élé- mentaires touchant Dieu, la révélation et la vérité. La peine que l’on éprouve est d'autant plus vive, l'anxiété de l'esprit d'autant plus grande, que l’on trouve aujourd’hui, parmi les sectateurs de Swedenborg, des hommes d’un mérite incontestable, je dirai même des intelligences d'élite et surtout des âmes ardentes, prêtes à sceller leur foi par le sacrifice de leurs plus chers intérêts. Amené, par la nature spéciale de mes études, à méditer sur les causes qui, de près ou de loin, agissent sur l’'obscurcissement ou la perte des facultés humaines, j'ai eu, en ces derniers temps, occasion de m'occuper des doctrines de Swedenborg, et de l'influence que ces doc- trines pouvaient exercer sur le monde des intelligences. J'ai cherché aussi les rapports qui unissaient ces doctrines avec celles d'autres révélateurs des temps modernes, Jacob, Boëhm , Martinez Pasqualès, Saint-Martin, dit le Philosophe inconnu, Mwe Guyon, M" Bourignon et autres personnages célèbres par leurs excentricités mystiques et par leurs prétendues révélations. Je vais avoir l'honneur de vous exposer, dans cet essai, les considérations psychologiques que cette étude m'a suggérées ; je le ferai simplement, brièvement, et sans autre prétention que celle de me rapprocher autant que possible de la vérité. $ 1. La notice du célèbre psychologue Ideler sur Sweden borg, notice qu'il a lui-même empruntée à la biographie Le 220 ACADEMIE DE ROUEN. très étendue de Gorrès sur le même sujet, m'avait laisse complètement indécis sur l'idée que je devais me faire de l'illustre Suédois, et sur la place qu'il était possible de lui assigner, soit dans la hiérarchie des intelligences séduites par l'erreur, soit dans la catégorie des esprits égarés par le délire. Dans son ouvrage intitulé : Æssai d'une théorie sur le délire religieux , le célèbre aliéniste et psychologue Ideler établit plusieurs classifications des délires religieux dans leurs rapports avec certains sentiments prédominants. Il existe, dit-il, un délire qui a son origine dans l'amour passionné de la divinité, ou, si l'on veut, dans l'amour de Dieu poussé jusqu'à l’exagération ; il existe un autre délire qui a son point de départ dans l'idée excessive que l’on se fait de la justice divine. Cette crainte peut aller si loin, qu'elle engendre, avec la terreur et le remords, l'idée du suicide, et qu'elle peut porter les hommes les plus inoffensifs, les plus doux et les plus humbles , à des actes épouvantables, comme de sacrifier à un sentiment mal compris les objets de leurs plus chères affections. Tous les médecins aliénistes ont soigné dans leurs asiles ces tristes victimes du délire par religion mal entendue. En signalant ce phénomène de pathologie mentale, J'ap- pelle d'avance votre attention sur la tendance qai domine ces malheureux de se croire des prophètes, des inspirés, et de se poser, sur le piédestal de leur folie, en réforma- teurs du genre humain. Un insensé de cette catégorie nr'a légué plusieurs volumes décrits incohérents qu'il écrivit, dit-il, sous l'inspiration de lEsprit-Saint, et je puis assurer que beaucoup de pages écrites par cet homme simple et ignorant, n'auraient pas déparé les œuvres de quelques-uns des illuminés dont je viens de citer les noms. Mais, pour en revenir à Swedenborg, son délire n'au- rait rien de commun avec ces dangereuses folies dont les CLASSE DES BELLES-LETTRES. 291 éléments générateurs sont la crainte, la terreur, et dont les tristes victimes sont, le plus ordinairement, renfermées dans nos Asiles. Ame ardente, pleine de foi et d'amour de Dieu, comme l'attestent ses nombreux écrits, Swedenborg quitta le monde et sacrifia à ses convictions religieuses la brillante position qu'il occupait. Trente ans de sa vie furent consa- crés à propager ses doctrines, et, pendant ces trente années , il vécut plutôt dans le commerce des anges que dans le commerce des hommes ; tout ce qu'il a écrit, c’est Dieu qui le lui a révélé. « Quand j'assurerai aux hommes, dit-il, que j'ai reçu cet ordre, ils ne me croiront pas; alors il me restera la satisfaction d’avoir obéi à mon Dieu, et je leur repondrai, avec Paul aux Corinthiens : Nos stulti propter Christum ; » et il ajoute, avec le commenta- teur : «52 insanimus, in Deo insanimus. » Il n’en faut pas beaucoup plus à Ideler, ainsi que j'avais l'honneur de vous le dire, pour classer Swedenborg dans la catégorie des délirants par excès d'amour divin, et de l’associer, — veuillez ne pas être scandalisés de ce que je vais ajouter d’après le psychologue allemand, — de l’associer à saint Antoine et à saint Hilarion, à MM°e Guyon et Bourignon. Cela seul, Messieurs, suflirait pour vous faire voir que la classification du psychologue allemand ne repose pas sur une base bien solide. Si M. Ideler était un auteur peu connu , je n'aurais pas relevé cette manière de classer Swedenborg, mais je cite un homme dont les ouvrages sont répandus dans toute l'Allemagne, et qui jouissent en ce pays d’une réputation classique. Que, pour ce qui regarde particulièrement Swedenborg, on puisse dire : Peccavit excessu amoris divini, je le veux bien; mais ce n’est pas dans l’excès d'amour divin qu'il faut chercher la cause absolue des aberrations intellectuelles du même genre. Il existe d’autres fondateurs de sectes 222 ACADÉMIE DE ROUEN. dont les extravagances ont un point de départ différent : les uns ont été de véritables imposteurs, et ont cédé au désir de se faire un nom ; ils n'ont eu d'autre amour que de satisfaire leur haine ou leur orgueil. Les autres, comme Swedenborg, ont pu être de très bonne foi ; c'étaient des hommes profondément honnêtes, mais qui, pour avoir sacrifié à une idée exclusive, ont éprouvé des phénomènes cérébraux qui les ont entretenus dans leur manière de voir, phénomènes qui, en surexcitant la force de leur imagination, nous expliquent, jusqu'à un certain point, et l’ardeur de leurs convictions et l'influence qu'ils ontexercée sur leurs semblables. Ces préliminaires étaient indispensables, Messieurs, pour vous prouver que l'appréciation sur Swedenborg , sur ses écrits et sur leur influence, était encore à faire. J'ai cherché à former ma conviction, non-seulement en lisant les écrits de cet homme singulier, en les comparant avec les productions d’autres illuminés, en consultant les opinions de ses sectateurs et de ses adversaires, mais j'ai eu le triste privilége d'observer l'influence de la doctrine swedenborgiste sur un malheureux adepte qui est venu expier, à l'Asile dont j'étais le médecin en chef avant de remplir ces mêmes fonctions à Saint-Yon, l’enthousiasme irréfléchi qui l'avait précipité corps et àme dans les croyances erronées de l’auteur de la Jérusalem nouvelle. Ce que je vais avoir l'honneur de vous lire est détaché d'un travail sur les causes de l’'égarement de l'esprit humain. Aussi, ai-je besoin de toute votre indulgence pour oser livrer à vos appréciations un fragment qui ne peut présenter d'intérêt, que si on le relie par la pensée à l'ensemble des faits dont il est momentanément dis- trait. Fu CLASSE DES BELLES-LETTRES. 19 © E $ I. Emmanuel Swedenborg naquit, comme nous l'avons vu, à Stockolm, de 1688 à 1689. A l’âge de vingt-et-un ans, le futur fondateur d’une secte religieuse nouvelle débuta, dans le monde littéraire, par un poème intitulé : Zudus heliconus, sive carmina miscellanea. L'amour des voyages lui fit ensuite parcourir l'Angleterre, la Hollande, la France et l'Allemagne. Il augmenta, dans sa fréquentation avec les hommes les plus célèbres de l’époque, les vastes connaissances qu'il possédait dans les sciences naturelles, et Charles XII le nomma assesseur du Collége des mines. Investi plus tard de la confiance de la reine Ulrique Eléonore, Swedenborg continua de justifier la grande réputation qu'il s'était acquise dans les sciences natu- relles et dans les sciences philosophiques, en publiant des ouvrages qui eurent, à leur époque, le plus grand retentissement , et qui mériteraient encore d'être étudiés aujourd'hui. Le plus considérable de ces ouvrages est celui qu'il publia en 1734, et qui a pour titre : Principia rerum naturalium , sive novorum tentaminum phœænomena mundi elementaris philosophice erplicandi, libri tres (in-fol.). Cet immense travail, composé dans le véritable esprit cartésien , fait ressortir à chaque instant les vastes connais- sances de son auteur en métaphysique eten mathématiques. Le caractère moral de Swedenborg y brille de tout son éclat, car il ne veut que le triomphe de la vérité, et il ne recherche que la glorification du Créateur dont il proclame la sagesse infinie dans chacune de ses œuvres. Le seul examen des œuvres scientifiques de lillustre Suédois suflirait pour défrayer plusieurs de nos séances ; mais n'ayant d'autre but que d'appeler votre attention sur 224 ACADÉMIE DE ROUEN. les doctrines mystiques de l’auteur, sur les conséquences qu'elles eurent à leur apparition, et sur les liens qui rattachent ces doctrines aux productions fantastiques de quelques autres prétendus inspirés, j'ai hâte d'arriver à cette époque solennelle de l'existence de Swedenborg, où le savant disparaîtra pour faire place au fondateur d’une religion nouvelle; ce n’est qu'à ce point de vue que je veux l’examiner. $ I. En l'année 1745, Swedenborg, àgé alors d'environ cinquante-six ans, se trouvait à Londres lorsqu'il eut la première vision qui influa d’une manière si remarquable sur ses destinées ultérieures. Nous préférons le laisser raconter lui-même cet événement. Voici ce qu'il dit dans une lettre adressée à M. Robsam, et qui se trouve dans la préface de Cælo et Inferno : « Je dinais fort tard dans mon auberge à Londres, et mangeais avec un grand appétit, lorsqu'à la fin de mon repas je m'aperçus qu'une espèce de brouillard se répan- dait sur mes yeux, et que le plancher de ma chambre était couvert de reptiles hideux; ils disparurent , les ténè- bres se dissipèrent, et je vis clairement, au milieu d’une lumière vive, un homme assis dans le coin de ma chambre, qui me dit d’une voix terrible : Ne mange pas tant! A ces mots, ma vue s'obseurcit; ensuite ee s'éclaircit peu à peu, et je me trouvai seul. La nuit suivante, le même homme, rayonnant de lumière, se présenta à moi et me dit : Je suis le Seigneur créateur et rédempteur, et je l'ai choisi pour expliquer aux hommes le sens intérieur et spirituel des Écritures sacrées; je te dicterai ce que tu CLASSE DES BELLES-LETTRES. 2904 dois écrire. Pour cette fois, je ne fus point effrayé, et la lumière, quoique très vive, ne fit aucune impression douloureuse sur mes yeux. Le Seigneur était vêtu de pourpre, et la vision dura un quart d'heure. Cette nuit même, les veux de mon homme intérieur furent ouverts et disposés pour voir dans le ciel, dans le monde des esprits et dans les enfers, où je trouvai plusieurs personnes de ma connaissance , les unes mortes depuis longtemps, les autres depuis peu. » A dater de cette époque, Swedenborg renonça à ses bonneurs et dignités ; il se retira complètement du monde, dit adieu aux affaires, ne s’occupa que d'œuvres bien- faisantes, et consacra à ce but des sommes énormes que quelques biographes évaluent à des millions. Quoiqu'il fût arrivé à cette époque de la vie où l’homme qui à consacré toutes ses facultés à la recherche des vérités scientifiques éprouve le besoin de repos, 1l semblait, au contraire, qu'il fût doué d'une énergie nouvelle pour rem- plir la mission dont il se croyait investi. Trente-deux années de sa vie furent employées à des travaux spéciaux, pour révéler aux hommes le sens des Ecritures sacrées; et, chose extraordinaire, son ardeur ne se démentit pas un seul instant; et ses facultés intellectuelles, quoique dirigées vers un ordre de choses tout-à-fait étrangères à ses études antérieures, parurent toujours, d’après le juge- ment de Gorrès, s'exercer avec cette lucidité et cette rigueur dans la méthode qui semblent être le partage des esprits voués aux sciences mathématiques. Avant de porter un jugement quelconque sur les œuvres de Swedenborg , peut-être ne sera-t-1l pas hors de propos de donner la nomenclature de ses principaux ouvrages mystiques, qui sont : Du Ciel et de l'Enfer, 4 vol. — De la vraie Religion chrétienne, ? vol. — Doctrine de la Vie pour la Nouvelle Jérusalem, 1 vol. — De la Nouvelle 15 226 ACADEMIE DE ROUEN. Jérusalem et de sa doctrine céleste , À vol. — La Sagesse angélique sur le divin Amour.et la divine Sagesse , 4 vol. — La Sagesse des Anges et de la divine Providence, 1 vol. — L'Apocalypse révélée, 2 vol. — Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur le Seigneur, 1 vol. — Doctrine sur l'Ecriture- Sainte, 4 vol. — Doctrine sur la Foi, 4 vol. — Du Commerce de l'Ame avec le Corps, 4 vol. — Des Terres dans notre monde solaire et des Terres dans le monde æustral,, 4 vol. — Arcanes célestes, contenant l'explication du sens spirituel de la Genèse et de l'Exode , 16 vol. [trois seule- ment sont traduits.) — Délices de la Sagesse sur l'amour conjugal, et Voluptés de la folie sur l'amour adultère, 4 vol. — Du Cheval blanc dont il est parlé dans l'Apoca- lypse, 4 vol. — Du Culte et de l'Amour de Dieu, À vol. — Exposition sommaire du sens interne des Livres prophétiques, de la Parole de l'Ancien- Testament et des Psaumes de David, 4 vol. — Du divin Amour et de la divine Sagesse, À vol. — Clef hiéroglyfique des Arcanes spirituels et naturels, A vol. — Des Moyens qui conduisent à la vraie philosophie, et de l'Homme vraiment philosophe , 4 vol. Telle est la liste très abrégée des principaux ouvrages de Swedenborg traduits dans notre langue. Cette liste sera bientôt augmentée , grâce à l’activité que déploie l'Église swedenborgiste établie à Paris, ainsi qu'aux immenses ressources pécuniaires mises à Ja disposition de cette Église par un de ses adeptes les plus fervents. Dans tous ses ouvrages, Swedenborg, si l’on en croit un de ses admirateurs (1), Swedenborg , ce nouveau pro- phète envoyé de Dieu pour révéler la loi nouvelle, explique la nature de l'âme et son union avec le corps ; 11 y parle divinement et positivement de Dieu, des anges, du ciel, (ft) Fraiche. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 227 de l'enfer ; il détaille toutes ces merveilles en témoin oculaire et en homme sensé ; il ne cherche de garants que dans les cieux ; il atteste Dieu et les anges de la certitude de sa mission, de la vérité de ses écrits. Ecoutons-le parler lui-même dans la préface de l'Apocalypse révélée : € Dans mes explications de lApocalypse , je n'ai rien mis du mien; je n'ai parlé que d'après le Seigneur, qui avait dit par son ange à Jean : Tu scelleras par les paroles de cette prophétie (1), voulant faire entendre que léclaircissement de lApocalypse aurait lieu par la suite. La plupart de ceux qui liront mes ouvrages, surtout la description des cieux , croiront que c'est un produit de mon imagination; mais j'affirme en toute vérité que ces faits se sont passés sous mes yeux, que je n'étais pas alors dans un état de sommeil, mais en pleine veille. Le Seigneur s’est montré à moi et m'a donné ordre et mission pour instruire les hommes sur ce qui regarde sa nouvelle Eglise, dont Jean a parlé dans l'Apocalypse sous le nom de la Nouvelle Jérusalem. Le Seigneur a ouvert l'intérieur de mon esprit et m'a mis dans un état tel que, depuis vingt-cinq ans, je suis dans le monde spirituel avec les anges, et sur la terre avec les hommes. Les apôtres, après la résurrection du Seigneur , Paul, Ezéchiel, Daniel, Zacharie , Elysée et tant d’autres serviteurs de Dieu, ont vu les choses du monde spirituel, parce que les veux de leur esprit avaient été ouverts. Est-il étonnant qu'il ait plu au Seigneur de faire encore aujourd’hui la même grâce à un homme pour le mettre en état d’instruire ses semblables, au moment du rétablisse- ment de l'Eglise ? En décrivant les merveilles des cieux et du dessous des cieux, j'obéis à l’ordre de Dieu. » « Le Seigneur m'a rendu témoin du jugement dernier (4) Apocalypse, XXI, 10. 228 ACADÉMIE DE ROUEN. exercé dans le monde des esprits en 1757, el j'en rends témoignage certain aux hommes pour les instruire sur Île véritable sens intérieur caché de l'Écriture-Sainte. J'ai vu les cieux et les anges (1) : l’homme spirituel voit l'homme spirituel beaucoup mieux que l'homme terrestre ne voit son semblable. .... On est maître de ne pas me croire ; je ne puis placer ee autres dans l’état où Dieu m'a mis pour les convaincre, par leurs yeux et leurs oreilles, de la vérité des faits que j'ai avancés. Il ne dépend pas de moi de les faire converser avec les anges, ni d'opérer des miracles pour disposer leur entendement; mais lorsqu'on lit avec réflexion mes écrits pleins de choses ignorées jusqu’à présent, on peut conclure que je n'en ai eu con- naissance que par des apparitions réelles et par plusieurs conversations avec les anges. Je reconnais que Dieu ne m'a pas fait cette grâce uniquement pour moi, mais parce qu'il l'a jugée nécessaire au bonheur et à l'instruction de tous les chrétiens. J'ai reçu du Seigneur l’ordre de publier mes écrits, et ne pense pas que, sans cet ordre, je me fusse avisé de publier des choses que je soupçonnais bien qu'on tiendrait pour mensonges, et qui me donneraient du ridicule dans l'esprit de bien des gens. Quand je les assurera que j'ai reçu cet ordre, ils ne m ‘en croiront pas ; alors il me restera la satisfaction d’avoir obéi à mon Dieu, et je leur répondrai avec Paul aux Corinthiens : Nos s{ulti propter Christum ; si insanimus , in Deo insanimus. » Ces aflirmations de Swedenborg se retrouvent avec pro- fusion dans tous ses écrits. Dans son Traité de la vraie Religion chrétienne , il dit : «Le Seigneur s’est manifesté à moi; il m'a donné mission et ordre de révéler ce que j'écris ; il a ouvert les yeux de mon esprit, et ainsi m'a (1) Supplique au roi de Suède. 0 CLASSE DES BELLES-LETTRES. 229 introduit dans le monde spirituel où j'ai vu les cieux et les enfers. J'ai parlé aux anges et aux esprits comme un homme parle à un homme , et cela pendant plus de vingt- cinq ans. » Ses formes aflirmatives sont parfois solennelles ; c'est en présence du Seigneur et dans la présence des anges qu'il a vu, qu'il a entendu... Il est rare que le chapitre linal de ses traités ne se termine par la relation d'une vision céleste, sous le titre de Vision méniorable , confir- mative, des dogmes qu'il vient d'établir. Dans les autres circonstances, ses affirmations sont simples et racontées avec le naturel de l’homme parfaitement convaincu de Ja réalité de ce qu'il a vu et entendu. Voici, dit-il, ce que le Seigneur m'a révélé à ce sujet ; voici ce que les anges m'ont dit là-dessus... J'ai assisté dans les cieux à une conférence lenue dans le temple de la Sagesse... J'y ai vu débattre telle ou telle opinion... J'y ai vu statuer sur telle et telle chose... J'ai vu, dans le monde spirituel, Pythagore, Socrate, Luther, Calvin , Xénophon , Sixte- Quint , Louis XIV, Wolf... Ils m'ont dit telle chose... Trans- porté aux cieux, j'ai vu dans un bosquet, dans un temple , dans un palais de telle forme , tel événement , telle fête, telle action... Dans d'autres circonstances, le phénomène hallucina- toire, car je crois que c'est là l'explication de ces faits étranges racontés par un homme de bonne foi, par un homme aussi profondément convaincu que Swedenborg , dans d’autres circonstances, le phénomène hallucinatoire n'est pas aussi frappant, mais la virtualité de son existence se présente sous une forme que l’on retrouve fréquemment chez les individus qui, ayant éprouvé des hallucinations , parlent et agissent d’après l'impression primitive que leur à laissée telle ou telle impression sensoriale. C'est ainsi que, dans une lettre placée en tête du traité intitulé : De 230 ACADEMIE DE ROUEN. l'Exposition sommaire du sens interne, Swedenborg dit : « Un jour que je relisais cet écrit, les anges du Ciel, qui étaient présents en moi, se réjouirent de l'intention où j'étais de le publier pour le bien commun de la nouvelle Eglise de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Je ne vous en dirai pas davantage, Messieurs, sur la persuasion où était Swedenborg touchant l'authenticité de sa mission. Cette croyance de sa part était basée sur des faits dont la valeur se révèlera progressivement dans le cours de cet essai, et nous permettra de jeter quelque lumière sur les causes du progrès et &e la décadence de l'esprit humain; car c’est là le titre d'un travail dont je ne fais qu'extraire un fait particulier. Qu'il nous suflise , pour le moment, d'émettre l'opinion que Swedenborg n'était pas un imposteur, et que ses conceptions, que l'on jugera comme on voudra, se déduisaient fatalement de causes dont il n'était plus libre de repousser l'influence. Son état mental se comprendra encore mieux, lorsque nous le rapprocherons de celui d'autres personnages qui ont pareillement puisé dans l’excentricité de leurs doctrines, dans l’ardeur de leurs convictions maladives, l'influence qu'ils ont exercée sur leurs adeptes. Hàtons-nous d'ajouter que cette influence, si grande qu'elle ait pu être dans des circonstances déterminées , n'a jamais régné d'une manière universelle, et n'a jamais compromis d’une manière sérieuse les destinées de l'humanité. Cette influence à vécu ce que vivent l'esprit de système, l'erreur ou la passion ; elle à disparu pour faire place à d’autres systèmes qui n'avaient pas plus de solidité; tant il est vrai que l'esprit hu- main à incessamment besoin d'un aliment qui le surexcite, à défaut d'une activité de bonne nature. Dès qu'il aban- donne la vérité, l'homme se jette dans le faux et le mer- veilleux, et on a vu souvent les plus belles intelligences se laisser fasciner par les mirages trompeurs que suscite CLASSE DES BELLES-LETTRES. 231 l'enthousiasme irréfléchi. Ce n'est plus, dans ces cas, l’ascendant des esprits forts sur les esprits faibles qui se traduit à l'extérieur, ainsi que le disait le maréchal d’Ancre dans sa sublime réponse à ses accusateurs, c’est le fait inverse qui se produit. Si l’on étudie l’histoire au point de vue de la manifestation du fanatisme religieux, par exemple, on peut se convaincre que la plupart des secta- teurs et des faux prophètes qui ont trompé leurs sembla- bles et ensanglanté le monde, étaient des individus faibles, intellectuellement parlant , parfois des êtres maladifs et souffrants, de véritables hypocondriaques, mais ils étaient doués le plus souvent d'une merveilleuse et fatale puis- sance pour fasciner les imaginations, et les faire tourner dans l'orbite de leurs propres erreurs. Il est bien heureux, cependant, que la Providence n'ait pas permis à l'esprit d'erreur, d'ignorance et de men- songe de dominer d’une manière absolue les intelligences humaines, et qu'elle ait placé en nous-mêmes le moyen de distinguer la vérité de l'imposture et de la folie. On nous citera des faits, je le veux bien ; des faits extraordi- naires , je l’admets encore; mais ces faits auront beau être entourés de tout le prestige du merveilleux, ils finiront toujours par se classer dans notre esprit sous une forme déterminée, et nous serons invinciblement portés à leur faire subir une épreuve , sinon toujours bien exacte, au moins très compromettante pour l'individu qui est le sujet de nos observations, je veux parler du libre examen de notre raison... Faisons une supposition : un homme se présente à nous et prétend avoir une mission surnaturelle ; il se dit prophète, inspiré; il commande aux éléments; il est en communication avec les esprits célestes, et tient sous sa domination les esprits inférieurs; il les évoque , et pro- duit des phénomènes inexplicables à première vue... Il parvient même, je suppose, à fasciner notre intelligence 232 ACADÉMIE DE ROUEN. et à nous plonger dans toutes les perplexites du doute. J'admets tout cela, mais nous serons toujours libres, le premier moment de l'émotion passé, d'examiner ces faits, de les juger, et d'appliquer à leur auteur le eriterium dont je parlais plus haut... Nous trouverons, dans l'histoire générale de l'humanité, des analogies pour nous aider à asseoir notre jugement, des motifs pour baser nos convic- tions... et la vérité finira toujours par se dégager du merveilleux qui tendait à l'obscureir..……. La , encore une fois, ne réside pas la principale difficulté du problème... Mais que le même homme dont nous avons signalé les prétentions insolites, et que nous avons regardé tantôt comme un imposteur, tantôt comme un halluciné de bonne foi, et même comme un véritable malade ; que ce même homme finisse par persuader à des êtres intelligents, sou- vent même mieux doués que lui sous le rapport des facultés intellectuelles et morales, ainsi que nous allons en avoir des exemples dans un instant, qu'il a la mission de les faire renoncer à tous les motifs de leurs croyances ante- rieures , et que ces mêmes individus jouissant, nous le supposons au moins, de toute leur raison, adoptent sans examen les croyances les plus absurdes, la théodicée la plus extravagante , voilà qui a lieu de nous étonner gran- dement et de nous faire douter de l'infaillibilité du sens commun. Mais arrivé à ce point de notre examen, nous devons scruter et approfondir la question, nous tenir en garde contre les fascinations du merveilleux , et, faisant un énergique appel à notre foi et à notre raison, nous dire : ou bien il fallait que, dans les croyances de ce pré- tendu prophète inspiré, de ce révélateur de la véritable Jérusalem, puisque nous avons en ce moment à juger Swedenborg, il y eût des motifs bien puissants pour subjuguer la raison humaine, ou il est nécessaire d'ad- mettre que cette disposition des esprits, disposition vräl- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 233 ment maladive , tient à une cause générale qu'il n'est pas moins important d'examiner dans son point de départ et dans son influence sur les idées, la morale, la religion et la société. Permettez-moi donc de jeter d’abord un coup d'œil rapide sur ce que la doctrine de Swedenborg peut renfermer de si convaincant, ou , si l’on veut, de si séduisant pour ceux qui l'ont adoptée. $ IV. Si nous degageons cette doctrine de toutes les révéla- tions qui furent faites à son auteur, et de tout ce qu'il vit dans les cieux et dans les enfers, nous remarquons que sa tendance la plus universelle est d'effacer de plus en plus la réalité de l'existence , pour transporter l'esprit dans un monde qui est bien moins la représentation de ce qui existe que la reproduction des propres fantaisies de l’au- teur. La doctrine n’apprend rien de nouveau sur la morale, sur la manière de pratiquer le bien et d'aimer Dieu. Elle ne propose pas aux hommes d'intelligence et de cœur des moyens de perfection qui leur seraient inconnus; elle n'agrandit pas l'horizon de la science, et ne fait pas entrevoir ces perspectives ravissantes qui ont si justement subjugué les grands esprits de l'antiquité, lorsque le chris- tianisme s’est offert à eux dans sa divine simplicité. Loin de là, la doctrine est exclusivement mystique: elle cherche incessamment {et voilà le danger de la situation) à faire vivre l'esprit dans un monde idéal, et à remplacer le sens réel des choses par des interprétations d'autant plus dange- reuses pour l'esprit, que chacun est libre, sous ce rapport, de substituer les rêveries de son imagination aux lois éter- nelles du bon sens et de la raison. Nous pouvons nous 234 ACADÉMIE DE ROUEN. faire une idée de cette manière de considérer les choses, en examinant comment Swedenborg interprète les livres saints. Pour lui, chaque verset de l'Écriture à : 4° un texte en sens naturel; 2 un sens interne où spirituel ; 3° une explication. Permettez-moi de vous en citer un exemple : TEXTE OÙ SENS NATUREL. Verset 1. — Au commencement, Dieu crea les cieux et la terre. SENS INTERNE OÙ SPIRITUEL. Verset Ir, — Dans un temps très ancien, Dieu régenéra l’homme tant dans son interne que dans son externe. Explication. Verset 1. — Au commencement signifie un temps très ancien. Créer signifie régénérer. Les Cieux signifient les facultés morales ou l’homme interne sur lequel Dieu influe par le ciel. La terre signifie les facultés naturelles ou l'homme externe sur lequel Dieu influe par l'homme in- terne comme milieu. TEXTE , SENS NATUREL. Versets XIV, XV, XVI, XVI. — Puis Dieu dit qu'il x ait des luminaires dans l'étendue des cieux , pour séparer la nuit d'avec le jour, et qui servent de signes pour les saisons et pour les jours et pour les années, et qu'ils soient pour luminaires dans l'étendue des cieux , afin d'éclairer la terre, et il fit ainsi. Dieu done fit deux grands luminaires; le plus grand luminaire pour dominer sur le jour, et le moindre pour dominer sur la puits et il fit aussi CLASSE DES BELLES-LETTRES. 235 les étoiles. Et Dieu les mit dans l'étendue des cieux pour éclairer la terre. SENS SPIRITUEL, Dans ce quatrième état de régénération , l'homme com- mença à être échauffé de l'amour du bien, qui est la cha- rité, et à être éclairé de l'amour du vrai, qui est la foi. Ces qualités suréminentes, dont celle de l'amour est la majeure, vivifieraient d’une nouvelle vie la volonté et l’en- tendement de l'homme interne ou moral. Mais comme un état, quel qu'il soit dans sa formation, ne peut exister sans fluctuation entre les divers sujets de moralité, ce senti- ment de l'amour du bien et cette perception du vrai, acquis à l'homme interne, devaient servir actuellement à le pré- server de la rechute, en rectifiant à temps les mauvais désirs et les fausses pensées dont l’homme qui se régénère ne peut éviter pendant quelque temps le retour. Il acquit aussi dans cet état des connaissances très étendues sur les vérités spirituelles et morales, et l'homme externe ou na- turel, éclairé et mû par des facultés internes renouvelées dans le bien et dans le vrai, acquit une nouvelle vie qui commence à s'exercer dans l’ordre. Mais ce n’est pas tout; vient ensuite l'explication. Explication. Les luminaires signifient l'amour et la foi. Dans l'étendue signifie dans l'homme interne. Pour séparer la nuit d'avec le jour indique pour distinguer le bien et le vrai qui sont du propre de Dieu , du mal et du faux qui sont du propre de l’homme... Pour servir de signes signifie pour rappeler l’homme à l'état de bien et de vrai, lorsqu'il tend à s'en écarter. Pour éclairer la terre veut dire pour diriger homme externe dans les bonnes œuvres. Le plus grand 236 ACADEMIE DE ROUEN. luminaire signitie la vérité ou la foi. Les étoiles signifient les connaissances spirituelles. Qu'y a-t-il d'étonnant à ce que les étoiles représentent les connaissances spirituelles ? Nous voyons un peu plus loin que, lorsque Dieu créa les grandes baleines et tous les animaux qui se meuvent dans l'eau... cela veut dire la science et l'intelligence dans leur universalité et dans leur particulier... Par les baleines, 1 faut entendre en général les sciences, prises dans une acception commune. Je ne vous fatiguerai pas, Messieurs, par l'exposé de tous ces rapprochements, dont quelques-uns peuvent être très ingénieux sans doute, mais dont la plupart { dans l'Apocalypse révélée, surtout ,) ne vous laissent qu'un sen- timent pénible comme serait celui d’une lutte impuissante et stérile contre des fantômes qu'il est impossible de saisir. Nous comprenons facilement { nous pourrions en citer des exemples) combien un travail de ce genre est dangereux pour l'intelligence de celui qui l'entreprend, et combien l'erreur, une fois systématisée dans l'esprit par ces re- cherches, qui ont bien, il faut l'avouer, leur côté sédui- sant, est diflicile à déraciner. Mais, si la doctrine de Swedenborg n'avait offert que cette seule espèce de séduction, nous ne comprendrions pas encore en quoi elle aurait pu fasciner ses adeptes ; il faut donc que, dans l'essence même de la doctrine, existe un autre genre d'attraction. Les dispositions propres , in hérentes à l'esprit humain, nous font comprendre cette attraction. Elle s'explique par linsatiable tendance pour le merveilleux, qui fait surmonter à l'homme jusqu'à cette crainte instinctive qui le possède à l'endroit du royaume des esprits et des ombres. Placez-le sur le seuil de ce séjour redoutable, dites-lui qu'en frappant à la porte il commu- niquera avec ceux qui ne sont plus, il apprendra les secrets de l'avenir dont la connaissance réelle suffirait souvent CLASSE DES BELLES-LETTRES. 237 pour le terrifier, l'anéantir, et vous verrez les plus pusil- lanimes affronter cette épreuve périlleuse, et déposer leur intelligence et leur raison aux pieds de tous ceux qui se chargent de les tromper. La fortune de Cagliostro et de tant d'autres célèbres imposteurs n’a pas d'autre explica- tion. Sans doute, le problème est loin d’être résolu par cette simple explication ; nous pourrons toujours admirer com- ment il se fait que d’autres hommes intelligents acceptent non-seulement de pareilles conceptions, mais renchéris- sent encore sur les extravagances qu'elles engendrent. Mais , pour arriver à l'appréciation plus générale et plus philosophique d’un pareil phénomène, il faut, de toute nécessité, étudier les influences du milieu social où l'erreur se produit, examiner la disposition générale des esprits à telle ou telle époque déterminée de l’histoire ; il faut faire la part des croyances régnantes, des tempéraments des individus, modifiés de tant de manières par les événe- ments politiques ou religieux d’une époque, par le degré d'instruction de ceux qui sont victimes de pareilles fasci- nations , souvent aussi par les maladies épidémiques. Vous le voyez, sans aucun doute, c'est une étude immense dont il vous est plus facile de saisir le plan et la portée , qu'il ne l'est à moi de l’exposer complètement dans un essai sur les doctrines d'un homme pris au hasard parmi ceux qui ont fasciné l'imagination de leurs contemporains. Mais revenons à Swedenborg. Quelle que soit l'opinion que l’on puisse se faire de cet homme, il n’est pas moins vrai qu'il a subjugué les intelligences d'un grand nombre d’adeptes. Son système d'interprétation des livres saints et de l’Apocalypse en particulier a été saisi avec avidité, et la méthode qui à dirigé le maître a pareillement dirigé les disciples. Ses conceptions, ses plus grandes extravagances, disons le mot, ont trouvé leur excuse, que dis-je, leur 238 ACADEMIE DE ROUEN. consécration la plus solennelle dans l'interprétation qu'ils faisaient à leur tour de ces mêmes écrits, et l’on finit par concevoir, tant est grande l’élasticité de l'esprit humain, tant est vive son aptitude pour le merveilleux , que de ces interprétations soit sorti tout un système de croyances qui est l’expression sincère de leur foi religieuse. Mais écoutons-les plutôt. Je réunis, sous une forme concentrée, les principaux motifs de ces croyances : Comme au temps d'Abraham, d’'Isaac, de Jacob et de Moïse, comme au temps des Juges et des Rois en Israël, Dien a suscité un homme, dans un siècle de scandales et de provocations en tous genres, pour préserver la société d’une dissolution prochaine. Cet homme n’est autre que Swedenborg. Ce siècle de corruption, dont on peut trouver la stigma- tisation dans une foule de passages de l'Ecriture, est le xvie siècle. Le nouveau Moïse, le nouveau Christ est nécessaire ment celui à qui Dieu s'est révélé, ce jour où il lui dit d'une voir terrible : Ne mange pas tant !... «Je suis Dieu, le seigneur créateur et rédempteur; je t'ai choisi pour expliquer aux hommes le sens intérieur et spirituel des Écritures sacrées. Je te dicterai ce que tu dois écrire. » Ces mots : Ne mange pas tant, pourraient heurter nos oreilles, notre sens externe; mais la langue des cor- respondances que révéla Swedenborg dévoile le sens réel qu'il faut appliquer à cette observation du Seigneur, qui paraît étrange au premier abord. Swedenborg , à cette époque, disent toujours les commentateurs, nourrissait exclusivement son esprit par la science, et Dieu le desti- nait dans ce moment à revétir un autre tempérament. Ne pas manger indiquait done qu'il devait faire trève à la faim scientifique pour disposer son esprit à quelque chose de meilleur qui allait lui être présenté incessamment. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 239 Continuons : Le siècle actuel représente, par son indifférence religieuse ou par son incrédulité , le caractère des temps prophétisés par le Seigneur où la foi ne serait plus, et où il viendrait de nouveau pour faire le jugement et rétablir dans l'ordre toutes choses... Notre siècle représente ce temps... Comme à l’époque des Juifs, nous avons des traditions d'hommes {je cite les paroles des disciples) qui font plutôt foi dans l'Eglise que la parole de Dieu (ceci s'applique aux catholiques et aux protestants ). Nous avons aussi de faux Messies, des Théodas, des Judas Galiléens. Les com- mentateurs swedenborgistes modernes entendent par ces hommes, Saint-Simon, Fourrier, les communistes; si nous en doutons , ils nous renvoient à saint Luc, ch. xx1, v. 8. Et si après cela vous n'êtes pas convaincus, prenez- vous-en à votre peu de foi, et faites de nouveaux efforts pour détacher votre esprit des choses terrestres et vous plonger dans le monde des esprits et des intelligences , qui est le véritable monde où nous devons vivre. Au temps d'Israël, la vertu fut raillée, injuriée pendant que durèrent ses travaux sacrés... Aujourd'hui aussi, il ne manquera pas de gens qui diront : C’est un imposteur, ne l’écoutez pas; il n'est point l'homme de Dieu, ïl blasphème ! Et cependant, dans le siècle actuel, comme il en fut en Israël, le Verbe révélé a grandi; il a été entendu dans le monde, car il avait prophétisé son second avéne- ment , et son second avénement a eu lieu dans la personne de Swedenborg. Le Deutéronome prédit Jésus-Christ, qui lui-même, dans son Évangile, annonça en termes clairs son second avéne- ment, c'est-à-dire son règne spirituel, ou l'établissement d'une nouvelle Église lorsque l’ancienne sera détruite ; car c'est cette destruction qu'il faut entendre par la consom- mation des siècles et par l'abomination de la désolation. 240 ACADEMIE DE ROUEN. Qu'est-ce que dit cet homme qui se qualifie envoyé de Dieu? Sa doctrine est-elle simplement mystique, oisive ou contemplative? Non, disent les adeptes ; c’est la cha- rité active, la morale de l'Évangile , n'ayant pour base et pour objet que Dieu fait homme , que le Seigneur créateur et rédempteur. Swedenborg prèche aux hommes l'amour de Dieu et du prochain : « Croyez, dit-il, et faites le bien ; faites le bien , et vous croirez; la volonté rectifiée éclaire l’enten- dement ; la charité mène à la foi, l'amour inspire la sagesse , le bon produit le vrai. » Swedenborg prèche le respect pour les lois divines et humaines; il explique nos facultés et l'action de Dieu sur elles; il dévoile le sens interne et caché des Écritures ; il disserte sur la nature de Dieu et de l'âme humaine, sur la création et sur la correspondance qui existe entre le ciel et la terre ; il dit et enseigne des choses ignorées jusqu'à ce jour ; il enseigne, dans toute la pureté évangélique, la religion de la nouvelle Église de Jésus-Christ, fondée sur le sens interne et spirituel de la parole, et désignée dans les Livres sacrés par la Nouvelle Jérusalem. Enfin, Sweden- borg décrit dans les plus grands détaiis les cieux, les enfers et tout ce qui s'y passe. Ces descriptions , disent ses disciples, ont été, pour plusieurs, un sujet de scandale; ils ont pris pour des fic- tions les temples, les palais de marbre brillants d'or et de pierreries, les villes superbes, les jardins enchantés. Mais ces descriptions se trouvent également dans la parole du Seigneur ; elles sont dans l’Apocalypse, dans les visions d'Ezéchiel, de Daniel et de Zacharie. Les mêmes détrac- teurs ne peuvent croire, comme Swedenborg l’aflirme, qu'on trouve dans les cieux tout ce qui est sur la terre; qu'on y voit des anges qui sont hommes comme nous, qui marchent, boivent, mangent, dorment et se marient CLASSE DES BELLES-LETTRES. 241 comme nous faisons sur la terre; ils ne peuvent croire qu'il y ait, dans le monde spirituel comme dans le monde naturel, des montagnes, des fleuves, des forêts, des villes, des maisons , des jardins... des fruits, des animaux, des meubles, des vêtements, des affaires, des travaux, des emplois, des écritures, des livres, de l'or, de l’argent, des pierrertes, des métaux. Cependant, cela est simple et facile à croire, tous ces objets sont dans notre monde, qui n'est qu'un effet ou représentation du monde spirituel ; celui-ci, comme cause, manquerait-il de ce que possède l'effet? Il y a des siècles qu'on l'a dit, ce monde n’est qu'une image, l’image d’un autre monde où les mêmes objets existent, mais beaucoup plus parfaits ; car, sur la terre, ils sont d’une substance terrestre et matérielle, et, dans les cieux, ils sont d’une substance céleste, spirituelle, et toujours relatifs à l'état intérieur des anges et des esprits. Enfin , Messieurs, voulez-vous une preuve plus directe , plus palpable des ravages que peut causer, dans l’in- telligence la mieux organisée, l’idée fixe de ne voir, dans le monde que nous habitons corporellement , que la représentation du monde spirituel où nous habitons spirituellement, en toute réalité, d'après les idées des disciples de Swedenborg? Permettez-moi de vous citer, exprimée par lui-même, la pensée d'un des malades de l’Asile dont j'étais autrefois le médecin. Doué des plus brillantes facultés, ce malheureux jeune homme réalisa , dans son acception la plus triste, cette idée de Pascal, que quand l’homme veut faire l'ange, il fait la bête. L'étude de la doctrine swedenborgiste fut non-seulement la pierre d’achoppement de sa raison pour le temps limité de sa maladie, mais, après les crises extraordinaires qu'il eut à subir, il ne sortit de cette lutte terrible qu'avec une intel- gence considérablement affaiblie, et incapable de reprendre 16 242 ACADÉMIE DE ROUEN. jamais sa place au milieu de ce monde réel et matériel qu'il s'était plu à ne considérer que comme une fiction ; de ce monde qui est, je le veux bien, le monde de transi- tion et d'épreuve qui nous conduira, je n'en doute pas, vers un monde meilleur, mais qui n’est pas moins le milieu où nous agissons en toute réalité, où nous avons un but déterminé par la Providence qui a fixé toutes choses, et qui nous a bien réellement placés dans la réalité. Permettez-moi donc de vous citer les paroles de ce malade que j'extrais textuellement de documents où sont consignées les plus éclatantes folies : on ne douterait guère que ces paroles aient été écrites par un homme qui avait fait des études positives, et dont le goût pour les sciences exactes était égal à ses aptitudes littéraires. « Il est évident que le milieu de vie ne peut pas être le monde, car ce milieu est épais, lourd, sensuel, très souvent infernal; mais le vrai milieu, c'est la société spi- rituelle où l’on réside. « En réalité, l'homme se croit sur la terre, mais il n°y est pas. Je répète que l’homme n'est pas sur la terre, parce qu'il a toujours des pensées à part soi, des soli- loques, des monologues, des affections qui ne sont pas celles du milieu terrestre. « Voilà... l'homme n'’habite pas la terre; je n’habite pas la terre, mes frères n’habitent pas la terre. Leur chair, ma chair sont bien sur la terre, mais nos affections, notre pensée , notre vie, ne viennent pas de la terre et n'habitent pas la terre... Comme la chair n’est pas l'homme, il est absurde de dire que l'homme réside là où est la terre... ce serait ajouter foi à une illusion des sens... Ce que nous habitons, c’est le monde spirituel; il est le monde réel celui où la pensée naît, est nourrie, est donnée, est enfantée, et tient du monologue La terre n’est qu'un moyen de faire passer un être spirituel dans le monde CLASSE DES BELLES-LETTRES. 243 naturel en logeant cet habitant du monde spirituel dans une enveloppe matérielle. « Voici... l’homme n’a pas à dire : quand verrai-je le monde spirituel? car il y est, il l'habite, sa pensée vient de là, les frères spirituels le nourrissent et tiennent conversation avec lui; donc il habite le monde spirituel, il connaît ses habitants. «L'homme est dans la plus épouvantable erreur en croyant habiter le monde naturel, car on ne peut habiter que par ce qui fait la vie; l'homme, en réalité, n’est pas là, mais il est là d'où il tire sa pensée, là où habite l'in- terne de lui-même , que ses semblables terrestres ne voient pas, mais que ses semblables spirituels voient , et que lui voit aussi dans ses monologues et dans ses sentiments secrets. « Heureux l'homme qui se sent dans le monde spirituel, car il oublie le terrestre, et ses soucis et ses bassesses ! « Heureux qui touche le spirituel par la lumière de la conscience, car alors 1l est émancipé des sens, il est hors d’une enveloppe grossière, et participe de fait à la vie impalpable ! « Heureux l'homme qui s'élance hors de sa couche épaisse , car il va bientôt comprendre la parole divine, il est affranchi des douleurs d’un monde misérable ! » Je vous ai donné, Messieurs, le langage d’un aliéné sans y changer un mot, mais il est facile de voir combien les idées de cette infortunée victime de la doctrine sweden- borgiste concordent avec les rèveries du maître. J'ajouterai que ces idées extravagantes étaient partagées par les frères du malade, par sa mère, qui se plaignit plusieurs fois de ce que je maintenais dans un Asile d’aliénés un fils qui Jjouissait de toute sa raison. Au reste, si nous avions à examiner l'influence des idées mystiques , exagérées ou maladives sur l'intelligence, nous verrions se produire les 244 ACADÉMIE DE ROUEN. mêmes résultats chez les individus... Jacob Bôhm, MM de la Mothe, Guyon et Antoinette Bourignon de la Porte, que nous pouvons considérer comme les prédéces- seurs les plus immédiats de Swedenborg, nous offrent aussi la même tendance maladive à interpréter la Bible et les Ecritures dans le sens de leurs rêveries mystiques , et cela pour le plus grand honneur des religions nouvelles que ces singulières illuminées se croyaient appelées à fonder, parce que Dieu leur avait spécialement enjoint de prècher sa nouvelle loi. Comme Swedenborg, ces femmes ont aussi conversé avec les anges, et lu dans les Ecritures ce que personne n'y avait jamais vu... Leur organisation féminine a fait surgir, avec une intensité spéciale, certains phénomènes maladifs que nous ne remarquons pas, il est vrai, chez Swedenborg; mais 1l restera démontré pour nous, j'espère, que ces aberrations mystiques ont le même point de départ et conduisent aux mêmes résultats. La Mothe, Mme Guyon et Me Bourignon ont encore avec Swedenborg un autre point de contact, celui d’avoir exercé une influence fatale sur les plus grandes intelligences de l’époque ; car vous n'ignorez pas, Messieurs, qu'a l'existence de Me Guyon se rattache le nom d'une des plus grandes gloires de l'Eglise de France, je veux parler de l'illustre archevêque de Cambrai Antoinette Bourignon exerça une influence non moins extraordinaire sur beaucoup de grands esprits de son temps; elle se fit des adhérents dans toutes les classes de la société. En 1667, elle prêchait à Amsterdam , et elle eut le singulier talent de réunir autour d'elle et de rendre attentifs à l'exposé de ses doctrines extravagantes et de sa prétendue mission, une foule d'individus appartenant à toutes les communions religieuses, une quantité de sec- taires obligés de fuir de leur pays, et qui trouvaient aide et protection dans cette grande capitale, refuge alors le CLASSE DES BELLES-LETTRES. 245 plus assuré de tous les proscrits, soit en matière de reli- gion , soit en matière de politique. Elle comptait parmi ses auditeurs des catholiques romains, des réformés , des luthc- riens, des anabaptistes, des sociniens, des quakers, des théologiens , des philosophes, des rabbins, de prétendus prophètes, et des exaltés de tous genres qui l’écoutaient avec admiration. Ses partisans auraient même été plus nombreux si elle n'avait pas froissé la susceptibilité de beaucoup d'entre eux en les traitant avec hauteur, et si elle n'avait pas trop insisté sur ce que Dieu lui avait révélé qu'aucun homme ne pouvait prétendre à la dénomination de véritable chrétien s'il n'était régénéré par elle. Elle eut le tort impardonnable aussi, aux veux de plusieurs, d’at- taquer avec violence la philosophie de Descartes, préten- dant que la doctrine de cet homme, si vénéré alors en Europe, n'était qu'une hérésie monstrueuse, un tissu d’abominables erreurs, une offense continuelle envers la divinité, parce que Descartes voulait, dit-elle, substituer à Dieu la raison humaine pervertie. Je cherche aussi en vain ce qui, dans les doctrines de cette femme, pouvait séduire les intelligences de cette époque et engager, par exemple, le célèbre naturaliste hol- landais Swammerdam à prendre le parti à jamais regret- table de brûler ses manuscrits, pour se faire le sectateur de cette femme extravagante et lui demander la grâce d’être régénéré par elle (1). Si j'ouvre celui des ouvrages les plus renommés d’Antoinette Bourignon, celui qui est intitulé le Nouveau Ciel et la Nouvelle Terre, jy vois la (1)La maladie hypocondriaque de Swammerdäam est un fait bien connu, C’est au milieu des accès de la plus terrible Lypocondriaste, dit Cabanis, que Swammerdam faisait ses plus brillantes recher- ches. Mais s'étant mis dans la têteïque Dieu pouvait S'offenser d'un: examen si curieux de ses œuvres, il commença par renoncer 246 ACADEMIE DE ROUEN. description du chaos et de la première ébauche du monde ; car, il ne faut pas en douter, cette femme a assisté aux mystères de la création. Elle sait qu'Adam avait un corps transparent dans lequel on pouvait distinguer la variété des rayons lumineux; qu'il portait dans le ventre deux boîtes dans l’une desquelles étaient des œufs renfermant l'humanité , et lesquels œufs étaient fécondés par le fluide contenu dans l'autre boîte. Ce livre, en un mot, est la concentration la plus indigeste de toutes les rêveries et de toutes les extravagances qui peuvent surgir dans la tête d'une insensée. Ajoutons encore que la prétendue inspirée ne recule pas devant les images souvent les plus obscènes. C'est, au reste, ce que l’on remarque pareillement dans les œuvres de Mw Guyon. Vous savez aussi bien que moi, Messieurs, que lorsque les idées de ces prétendues in- spirées se résument en actes ou en pratiques, ces actes sont le plus souvent empreints de limmoralité la plus honteuse. C’est ce que l'on voyait chez les manichéens, aussi bien que chez les disciples de Vintras et du diacre Pâris. Mu Bourignon offre du reste, ainsi que Mw de la Mothe , Saint-Martin, dit le philosophe inconnu, Swedenborg , n'en déplaise à ses admirateurs, et tous les individus qui ont écrit sous l’influence d’une exaltation mystique mala- dive, Mw Bourignon offre, dis-je, une fécondité sans pareille, mais fécondité stérile qui tourne toujours dans le même cerele et ne peut fixer l'attention du lecteur que grâce à la manifestation des idées les plus extravagantes. à poursuivre de très belles expériences sur les injections, dont il avait eu l’idée longtemps avant Ruysch , et dont il avait même déjà perfectionné beaucoup les méthodes, et dans un paroxisme vio- lent, il finit par livrer aux flammes une grande partie de ses ma- puscrits. (Cabanis, Rapports du Physique et du Moral de l'homme. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 247 , Si nous examinons le côté physiologique de la situation, nous nous rendrons parfaitement compte des hallucinations qui ne manquaient pas d’assaillir des individus épuisés par le jeûne et par la concentration perpétuelle de leur esprit sur un même objet, et qui, tout en écrivant sans trève ni repos, finissaient par être réduits à un véritable état d’automatisme , tombaient dans un hébêtement dont ils ne sortaient que par des convulsions terribles, devenaient , dans des circonstances données, insensibles aux impres- sions extérieures, et ne vivaient plus intellectuellement que des produits de leur délire. Les situations analogues étaient bien comprises par Luther lorsque, s'appliquant ces mots d'Albert, évêque de Mayence , il dit : « Le cœur humain ressemble à la meule d’un moulin, qui tourne sur la pierre jusqu'à ce que le grain soit trituré; mais lorsque la pierre ne trouve plus rien à brover, elle tourne toujours jusqu'à ce qu'elle s’use elle-même. Le cœur de lhomme a pareillement besoin d'aliments, et lorsqu'il n’a plus rien à moudre, arrive le diable qui s'attache à nous par des combats de toutes sortes, et nous opprime par la mélancolie; alors le cœur se ronge lui-même par son propre chagrin, et le désespoir devient si grand que l'homme ne trouve plus de consolation que dans la mort. » Quoi qu'il en soit, les doctrines de MM Guyon et Bou- rignon sont à peu près oubliées de nos jours, et il faut les exhumer de leurs volumineux écrits; il n'en est pas de même des doctrines swedenborgistes qui comptent aujour- d'hui un assez grand nombre de sectateurs réunis par les liens d’un culte très simple, il est vrai, mais qui se glorifient néanmoins d’avoir des églises sur plusieurs points du globe. On peut en juger par le document suivant dont la vérité m'a été confirmée par un disciple de Swedenborg très au courant de la question. 218 ACADEMIE DE ROUEN. Comme religion, la doctrine de Swedenborg est déjà répandue en Suède, en Prusse, dans les Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne et même en Russie. En Angleterre, quarante-quatre villes comptent des temples. I y en avait soixante-douze aux États-Unis en 1827, et depuis, le nombre s’en est considérablement augmenté. Je sais de source certaine qu'une église, disposant de ressources énormes, est fondée à Paris, et travaille , avec une activité incessante, à propager les écrits de Swedenborg, et à traduire ceux qui ne sont pas connus dans notre langue. Des feuilles périodiques propagent cette doctrine tant en Europe qu'au Nouveau-Monde , des écrits de toutes sortes la développent. On cite principalement en Europe ceux de M. Hindmarsh, et plus récemment ceux de M. Noble. Un professeur de langues orientales à l'Université d'Upsal y consacre en ce moment de longues et laborieuses recherches. Il existe à Londres des Sociétés qui envoient de toutes parts des missionnaires pour propager la doctrine : des maisons d'éducation y sont dirigées par eux. Un recueil qui avait pour titre : /ntellectuelrepository for the new church, paraissait il y à quelques années en Angleterre, et était rédigé, dit-on, par des savants et des littérateurs distin- gués….. Ce n'est pas simplement comme savants que les disciples de cette nouvelle Église , nous assure-t-0n, prennent consistance dans le monde, c’est encore par leur fortune. Le désir de pénétrer dans l'intérieur de l'Afrique, où Swedenborg leur annonce l'existence de chrétiens de la nouvelle Eglise, les a portés à contribuer plus que per- sonne à ces sociétés africaines établies dans le but d'abolir la traite des nègres. Le célèbre Sparman a voyagé d'après leurs indications. Leur crédit a été tel, qu'ils ont engagé le Gouvernement britannique à fonder la dispendieuse colonie de Sierra-Leone. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 249 Il nous resterait à examiner, Messieurs, si, dans la partie dogmatique proprement dite, les doctrines de Swe- denborg ne présentent pas quelques-unes de ces données philosophiques qui justifient ses adeptes de l'avoir préféré à Platon, Leibnitz, Mallebranche, que dis-je, à Jésus- Christ lui-même ; mais à cet examen se rattachent diffé- rentes questions que nous n'avons pas le temps d’appro- fondir aujourd'hui. Permettez-moi, Messieurs, de déduire quelques conclusions du travail que je viens d’avoir l'hon- neur de vous lire. KE L'origine, le développement et les conséquences des doctrines de Swedenborg ne sont pas des faits isolés dans l'histoire des fondateurs de religions depuis l'établissement du christianisme; ils ne sont pas exclusifs à l’auteur de la Nouvelle Jérusalem. J'ai dù examiner ces faits dans leurs rapports avec la croyance généralement formulée par d’autres sectaires , touchant la nécessité qu'ils se faisaient à leur point de vue, soit d’une révélation nouvelle, soit d’une nouvelle inter- prétation à donner aux motifs des croyances religieuses existantes. A différentes périodes historiques, nous avons vu surgir de nouveaux prophètes, de nouveaux interprètes de la foi religieuse , et ils ont mvariablement appuyé leur autorité sur des révélations que Dieu lui-même leur aurait faites. Que cette prétention ait eu son point de départ dans l'esprit d'erreur où d’imposture, ou dans l'influence exercée sur des cerveaux malades, exaltés ou hallucinés , elle n’en 250 ACADÉMIE DE ROUEN. a pas moins produit des ravages et des perturbations d'un ordre spécial dans le monde des intelligences. L'histoire et l'étude réfléchie des faits observés consta- tent que les troubles qui en sont résultés pour l'exercice de la raison générale , ont toujours été en relation avec les différents milieux sociaux où se sont produits ces pré- tendus prophètes, ces exaltés, ces inspirés ou illuminés , comme on voudra les appeler. L'intensité des phénomènes maladifs dans des milieux déterminés , a pareillement été en rapport avec l'influence personnelle des individus qui ont surexcité les imagina- tions de leurs contemporains, et ajoutons avec la disposi- tion générale des esprits que dominent de mille et mille manières différentes les influences de l’ordre intellectuel , physique et moral. Nous avons étudié Swedenborg comme une des person nifications les plus puissantes, dans les temps modernes , de cette tendance propre à l'esprit humain, à faire appel au surnaturalisme pour l'explication des phénomènes, et à délaisser la voie de l'observation rigoureuse et scienti- fique des faits pour y substituer les écarts de l'imagination aveugle et de l'enthousiasme irréfléchi. Quelle que soit la valeur intellectuelle et morale de Swedenborg, qui est parvenu à fonder une religion nou velle, qui n’a pas d'autre base de certitude à donner à ses adeptes que les hallucinations dont il a été victime, qui à su se faire des prosélytes parmi des hommes distingués à plus d’un titre, quelle que soit, dis-je, la valeur de cet homme extraordinaire , ses conceptions religieuses n'en sont pas moins le résultat d’une erreur toujours ancienne el toujours nouvelle, les produits d’un cerveau malade. L'illuminé suédois a eu des précurseurs, et il ne man- quera pas d'individus facilement excitables qui, sous une autre forme extérieure, mais identiquement la même au CLASSE DES BELLES-LETTRES. 251 fond, recueilleront son héritage; ils le feront au grand détriment de la raison et du repos du genre humain. Des exemples ne sont pas difliciles à trouver dans le passé, et ce qui se passe aujourd'hui en Amérique, dans la secte des Mormons, en est une preuve irrécusable. La question de savoir si Swedenborg était un imposteur où un aliéné n’est , en réalité, qu'une question secondaire. Nous avons prouvé que les intelligences les plus bril- lantes, à force de caresser une erreur, subissaient des influences fatales ; elles peuvent, jusqu'à un certain point, conserver les apparences extérieures de la raison, et de- venir néanmoins les victimes de singulières hallucinations cérébrales qui suscitent, chez eux et chez tous ceux qui s’'abreuvent des mêmes erreurs, les phénomènes les plus étranges. L'étude de ces phénomènes anormaux appartient à la pathologie mentale ; je n'ai prétendu , dans cet essai, que faire ressortir l'importance de la question au point de vue philosophique et social. Qu'il me suflise, Messieurs, de vous laisser entrevoir ma conviction profonde sur le danger de l'illuminisme et de l’amour du merveilleux inhérent à notre nature, et sur les conséquences non moins dangereuses de cette tendance, pour ainsi dire instinctive, de l'esprit humain qui le porte à donner aux faits les plus ordinaires, les plus simples, les plus justiciables de l'explication scienti- fique des choses de la vie, un cachet surnaturel. Je vous ai parlé tout-à-l'heure incidemment de lAmé- rique qui paraît être aujourd'hui le pays de prédilection de toutes les extravagances de l'esprit humain; c'est là que semble s'être concentré, comme dans son foyer de prédilection, l'amour du surnaturalisme. Nous en savons quelque chose par l'épidémie qui, de cette contrée, s’est répandue dans le monde entier, et qui, chez beaucoup 252 ACADEMIE DE ROUEN. d'individus, a suscité, dans la sphère du système nerveux, des manifestations propres à frapper de terreur nos nou- veaux Prométhées. Encore une fois, la raison humaine n'a rien à gagner à cette manière d'interpréter les faits et d'en rechercher l’origine; la vérité ne nous donne ses secrets ni par la violence, ni par la ruse, ni par l’imposture. Si le monde et les merveilles qu'il renferme sont livrés à nos investigations, nous ne parviendrons à comprendre tant d'admirables phénomènes, à interpréter les lois que s’est imposées Dieu lui-même , qu'à la condition de procé- der avec calme, maturité et réflexion. Les progrès de l'esprit humain dépendent de l'observa- tion méthodique des faits de l'ordre scientifique. Tout autre procédé nous expose corps et âme aux influences de l'imposture , et, à la place de la vérité qui élève l'esprit, le féconde et le vivifie, ne nous donne que-des fantômes qui font rétrograder la raison et hallucinent les intelli- gences. D tm EXTRAIT , D UN COMPTE DE L'INFIRMERIE DE FÉCAMP, Par M. Cn. DE BEAUREPAIRE. (Séance du 19 Mars 1858.) Un compte de l’infirmerie de l’abbaye de Fécamp, de l’année 1435, peut donner une idée de la manière dont la médecine était pratiquée dans une petite ville à cette époque. L'infirmerie était confiée aux soins d’un religieux; elle formail un des offices entre lesquels étaient partagés les revenus de la communauté. L'infirmier avait sous ses ordres un receveur et un clerc; le premier touchait x11. |., le second vr. 1. de gages par an. Le logement des malades se composait de différentes pièces désignées sous le nom de grande salle, de petite salle , de chambre de dom Pol, et, de plus, d’une chambre de parement. Cette dernière recevait le jour par des fenêtres formées, suivant l'usage, de losanges de verre reliés entre BE ACADÉMIE DE ROUEN. eux par des bandes de plomb. Elle était garnie de nattes, meublée de bancs, d’une couche assez propre et d’un grand lit couvert de serge vermeille. Cette année-là , cet appar- tement reçut une décoration assez rare pour le temps. On y fit peindre, au-dessus de la cheminée, par un nommé Louis Le Doyen , la Nativité de Notre-Seigneur. Le peintre, bien que secondé par deux enfants, en eut pour toute une semaine de travail. On lui donna pour sa peine 33 sous 4 deniers. Maintenant que nous connaissons l'infirmerie , faisons connaissance avec les malades. Ils sont au nombre de dix : le prieur, Isembart de Bernarville, Pierre Martel, Jean Laurens, Pierre Douville, Jean Gosselin, sous-prieur, Regnault Beaufils, Jean de Baudribose, Jean de Vatetot et Isembart Lavenu. Deviner, d'après les remèdes qui leur furent administrés, les maladies qui amenèrent ces religieux à l'infirmerie, c'est ce qu'il nous serait impossible de faire, et ce qu'il importe du reste assez peu. L'eau sucrée, les amandes, les fruits paraissent avoir été les principaux remèdes. Le prieur et Bernarville furent saignés au pied dans l’eau, le second pour soupcon d'épidémie. Pierre Douville fut baigné par trois jours dans un bain où l’on avait jeté certaines herbes fournies par une femme de l'endroit. Il n'y avait, pour exercer la médecine à Fécamp, qu'une physicienne, du nom d'Isabelle. Le titre qui lui est donné nous semble avoir désigné une certaine catégorie de per- sonnes moins relevées que les médecins. Cette dernière qualification était plus spécialement appliquée à ceux qui étaient allés étudier la médecine à l'Université, et en avaient rapporté la qualité de maître-ès-arts et un brevet. Notre physicienne fut priée d'examiner l'urine de quatre religieux , d'en donner son avis, et aussi de préparer les breuvages reclamés par la position des malades. 11 y avait à t CLASSE DES BELLES-LETTRES. 255 Cideville une autre physicienne dont la réputation s'était étendue jusqu'à Fécamp. Une fois, on lui fit porter l'urine d'un malade; son avis ne parut pas satisfaisant. On adressa la fiole aux médecins de Rouen. C'était jusque là, en effet, qu'il fallait aller pour mettre la main sur un maïtre-ès-arts. Il est probable qu'il n’en avait pas toujours été ainsi, qu'il y avait eu un temps où, parmi les religieux , il s’en trouvait qui avaient fait de la médecine une étude parti- culière. C’est ce qu'il est permis de conclure de la présence , dans la bibliothèque de l’abbaye, de quatre ouvrages au - jourd'hui conservés dans la Bibliothèque de Rouen : Prac- lica magistri Platearii, Summa magistri Geraldi Bitu- ricensis medici, Platearius de medicamentis simplicibus , Medicina Gilberti Anglici, 1, 33-18, 1, 35-19. On sait d’ailleurs qu'anciennement la médecine n’était pas le par- tage exclusif des laïques. Le Chapitre de Rouen à presque toujours compté des médecins parmi ses membres. Nous citerons entre autres Gervais Chrétien, Jean Boutin, Martin Gazel, médecins du Roi, 1367, 1379, 1408; Jean de Poyili, 1386 ; Ph. Harpi et Pierre Miot, 4409. Les opéra- tions chirurgicales étaient seules interdites aux ecclésias- tiques , à cause sans doute de l'horreur naturelle de l'Eglise pour le sang. Un fait qui ressort très clairement de notre compte, c'est l'importance extrême que l’on attachait à l'inspection des urines, pour arriver à reconnaître l'état morbide des individus. Ce système , à ce qu'il paraît, n'avait point été emprunté à l'antiquité grecque ; il venait des médecins arabes. Quoi qu'il en soit de son origine , toujours est-il qu'il fut emplové à tort et à travers, et d’une manière à peu près exclusive, par les praticiens du moyen-àge. Dans tous les monuments de cette époque, les médecins sont constamment caractérisés par la fiole d'urine à la main. En 1435, ce système était encore en pleine faveur. Il 256 ACADÉMIE DE ROUEN. devait s'écouler un siècle et plus, avant que quelques hommes de progrès osassent secouer ouvertement le joug de la routine, et porter les premiers coups à la science trompeuse de l’ouroscopie. Fécamp n'était pas mieux fourni en remèdes qu'en médecins. En dehors de certains remèdes communs, tels que l’eau sucrée, la tisane, les breuvages que préparait Isabelle , les boîtes de triacle d'Alexandrie, dont il existait un petit dépôt à l'infirmerie; c'était à Rouen qu'il fallait aller faire sa provision; c’est de là qu'on rapporta un élec- tuaire, un laxatif et un sirop pour le prieur, du pompelion et autre ongnent siccatif pour Jean Laurent, du gingembre vert pour Beaufils. Même embarras quand il s'agissait d'une opération chirurgicale un peu délicate ; car pour la saignée , remède souverain de l’époque, il ne fallait pas aller si loin : on s’adressait au premier barbier venu ou au maréchal ferrant de l'endroit. Isembart Lavenu était entré à l'infirmerie pour une maladie qui réclamait l’art du chirurgien. Il n'y en avait pas à Fécamp. On envoya quérir celui de Bertheauville, qui se nommait Pierre de la Croix. Il reçut pour sa peine un pot de vin à souper de n. s. vin. d., et, de plus, x.s. pour sa consultation. L'avis de ce chirurgien ne fut pas du goût du pauvre malade. Quelques jours après, il s’ache- mina à Jumiéges, où un nommé Robin du Quesne s'était fait quelque réputation par son habileté. Revenu à l'infir- merie, après quelques jours de réflexion, il se décida à se faire opérer. A son occasion , dit notre compte, furent employées les parties qui ensuivent : «A maistre Pierre de la Croix, surgien, pour fere l'offrande du dit Lavenu à saint Cosme et saint Damien, ainsi qu'il est accoutumé faire, comme dit le dit surgien. . . V.S. x. d. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 257 « Pour 1. pot de vin au dit maistre et ses gens qui lui aidèrent à faire l’inersion et appoinctier le dit Lavenu le JOUR dessus RP NnS OT NE nd «Au dit maistre Pierre, surgien, pour avoir appointié et ordonné le dit Lavenu, pour onguemens nécessaires par marchié à lui fait par le prieur, présens à ce l’official , enfermier et autres plusieurs, v. salus d’or, et parmy le dit marchié, le dit maistre Pierre devoit avoir ses despens tant pour lui que son cheval, toutes foys qu'il vendroit visiter le dit Lavenu. « Pour chopine de vin le vendredi dessus dit pour le soupper du dit maistre Pierre. « . . : . . . xv. d. « Pour nt. pouchins le samedi xvire jour . 11. 8. nr. d. « Pour selletens à disner et souper ce jour. . . x. d. « Pour amendes ce jour à disner au dit Lavenu. 1x. d. «Pour chopine de vin ce jour à souper au dit sur- ÉD nNe SAA de nv « Pour chucre et saffren au dit Lavenu le dimence XVINS jounidu ditimoys espece. xTr de 0b. « Pour chopine de vin ce jour à disner au dit sur- CONS SR CPE PES RD ME D « Pour grappes vermeilles au dit Lavenu, le lundi. v. d. « Pour 1. rougé le mardi ensuivant . . . - . . x.d. « Pour 1° flondre le mercredi . . . . . . . vin. d. COPOULIPOITES ICE OMR (1 detre ete tee 5 ve « Pour selletens le vendredi en suivant « . . . x.d. « Pour les despens du cheval du dit maistre Pierre , lequel a esté logié cheux Regnaut Cavelier, tant qu'il à sejourné en ceste ville à visiter le dit Lavenu, les parties plus à plain desclairées en une cédule escripte de la main du dit Cavelier ey rendue . . . . . XXVII. S. Ir. d. » 17 258 ACADEMIE DE ROUEN. Pour tirer de notre compte, au risque d'être long et minutieux , tous les renseignements qu'il renferme , nous remarquerons que Jehanninet de la Croix, barbier, avait charge de visiter et de remuer les malades après que les médecins ou chirurgiens les avaient traités, et qu'il leur fournissait aussi un certain nombre de drogues. On lui paya, pour les soins qu'il leur donna pendant l'année 4435, une sommé.de .:: » - + - « . XXVIH. SE. d. Ainsi donc, en l’année 1435, et sans doute il en fut ainsi pendant tout le cours de la fatale période de l'oceu- pation anglaise, la ville de Fécamp, malgré l'importance de son port, ce qui doit faire supposer nécessairement une population assez considérable, était privée du secours des médecins , et réduite aux soins d’une physicienne dont l'instruction se bornait, selon toute vraisemblance, à la possession de quelques recettes, à la connaissance de quelques simples et des principaux préceptes de l'Ecole de Salerne. S'il en était ainsi à Fécamp, si des religieux , pour avoir un remède, un avis de médecin, je ne dis pas une visite, il n'y fallait pas songer, étaient dans la nécessité d'envoyer un messager à une douzaine de lieues, qu'était-ce en pleine campagne , qu'était-ce pour les pauvres gens? Pour eux, évidemment, à moins qu'il n'y eût par hasard un curé maître ès-arts dans le voisinage, la médecine n’exis- tait pas. Ils étaient forcément réduits à l'emploi de quelques remèdes populaires et aux seules ressources de la nature. Mais peut-être, dans l’état de la science médicale à cette époque, n'y perdaient-ils pas autant qu'ils pouvaient le craindre , et n'avaient-ils rien à envier aux gens les plus haut placés. Près d’un siècle plus tard, dans un compte de l’infirmerie de Fécamp, de l’année 4524, nous saisissons avec plaisir les indices d’un progrès notable; deux méde- cins sont nommés : Alexandre Balieul et maître Thomas CLASSE DES BELLES-LETTRES. 259 Morin. On voit aussi qu'il ÿ avait dans la ville un apo- thicaire qui préparait les drogues conformément à leurs ordonnances. Quelques années seulement auparavant, en conséquence d’une délibération prise à l'hôtel commun de Rouen, il avait été décidé, par un arrêt du Parlement, que les apothicaires ne pourraient, à l'avenir, délivrer de drogues que sur une ordonnance du médecin. LETTRES DE Baptiste GODEFROY riLs, pit ADRIEN, Artiste Graveur, originaire de Rouen; LECTURE DE M. LÉVESQUE (11 Juin 1858). MESSIEURS, On a souvent répété ce mot d’un grand écrivain : le style, c’est l'homme. Ge mot, je l’admets sans aucun doute ; mais peut-être j'y voudrais une légère variante, et je dirais : le style épistolaire, c'est l'homme. En effet, sans qu'il soit besoin de bien des preuves, ou seulement de quelques noms célèbres qui pourraient en tenir lieu, de tout ce qui fait connaître un homme , quelle est l'œuvre où son âme se révèle et se peint mieux , avec une ressemblance et une sorte d'identité plus saisissante, qu'une lettre, et surtout une suite de lettres intimes et familières? C’est, Messieurs, une correspondance de cette espèce, une de ces correspondances dont la curiosité publique est quelque- fois si avide , et qu’elle paie à si haut prix, quand elle vient de quelque personnage célèbre, que je viens ici vous offrir. Ecrites par un homme sinon célèbre, qui ne fut pas du CLASSE DES BELLES-LETTRES. 261 moins sans quelque renommée, par un artiste graveur, honoré et estimé, presque enfant d’ailleurs de notre ville, à laquelle il appartenait par sa famille , par son père notamment, graveur lui-même de talent et de mérite, j'ai cru qu'à tous ces titres , ces lettres n'étaient peut-être pas indignes de votre intérêt. Devant une Compagnie qui s’honore justement de son amour des beaux-arts et de ses hautes sympathies pour les artistes, il m'a semblé que quelques fragments de cette correspondance , choisis et abrégés, ne seraient peut-être pas écoutés sans bienveillance et même sans quelque faveur. Ce que je veux, Messieurs, essayer de vous montrer, ce n’est pas l’histoire de la vie ou des œuvres de notre artiste { je n'aurais pour cela ni mission ni la moindre compétence }; ce sont uniquement de simples matériaux, originaux et non suspects, écrits en toute naïveté à une époque dont la date n’est pas ancienne, et qui pourtant semble déjà bien loin de nous, et offrant sur les hommes et sur les choses du temps cer- taines révélations qu'on aurait peine , peut-être, à trouver ailleurs. A la distance d’un demi-siècle, ou même de moins, les jugements et les opinions sont sujets à de grandes variations. Plus d’une réputation subit parfois d'étranges vicissitudes; il peut être curieux, par une étude rétrospective , et à l’aide d’un témoin contemporain, d’être initié à la connaissance des impressions premières et de leurs causes secrètes ou jusqu'ici peu connues. Tel est, Messieurs, l’unique but de cette communication. Peut- être y aurait-il là sujet à plus d'une comparaison comme à plus d’une réflexion, dont la nature et l'intérêt pourraient n'être pas seulement du domaine de l’art ; mais ce travail nous conduirait trop loin, et, d’ailleurs, votre sagacité judicieuse saura bien le faire sans moi; je me bornerai à vous raconter les faits, ou plutôt à choisir tout simple- ment, dans cette correspondance , quelques extraits que 262 ACADEMIE DE ROUEN. j'abrègerai le plus possible, en les copiant fidèlement et sans commentaires , après, toutefois, que j'aurai essayé de vous dire deux mots de l’auteur de ces lettres et du singulier hasard qui les a fait tomber entre mes mains. Baptiste Godefroy, dit Adrien , celui dont il s'agit, était ils de François Godefroy, artiste graveur de Rouen, qui y vécut longtemps, honoré pour son caractère comme pour ses talents, et qui mourut à Paris, seulement en 1844, après avoir produit des œuvres diverses et remarquables , dignement et savamment appréciées dans une notice nécro- logique, lue devant une des Sociétés savantes de notre ville par un juge bien compétent, M. Lecarpentier. Elevé à une telle école, Baptiste Godefroy, né d’ailleurs avec un cœur et une imagination d'artiste, dut naturellement se sentir vivement porté vers un art où son père s'était fait une honorable réputation : il se livra aux études préliminaires avec un goût et une ardeur presque toujours gage du succès, et avec un avantage , d’ailleurs, qui avail manqué à son père, celui de pouvoir suivre ses études à Paris, au milieu des modèles et des grands maîtres, c'est- à-dire de tout ce qui excite et développe l'inspiration. Les lettres par lui écrites, et que voici au nombre de près de quarante, embrassent l'intervalle de temps de 1797 à 1844 ; presque toutes sont adressées au parrain de Gode- froy, le sieur Le Houë, peintre savant en plus d'un genre, homme de mérite et de bon goût , comme l’attestent deux témoignages écrits et des plus honorables du temps, deux lettres qui sont jointes à cette correspondance , el qui portent les signatures : l’une de M. Theullen , premier président de la Cour d'appel; l'autre, celle de notre aimable et vénéré confrère M. Rondeaux. Ce recueil de lettres, que le sieur Le Houé avait avec soin gardées comme un souvenir d'artiste peut-être autant que de famille , après sa mort, le hasard les avait fait tomber an CLASSE DES BELLES-LETTRES. 263 rebut comme d'inutiles papiers; par un autre hasard, heureux cette fois, elles ont été sauvées d’une destruction presque certaine par un laborieux et curieux amateur de vieux écrits, M. Gosselin, greflier et archiviste de la Cour impériale, et c’est à lui que je dois de pouvoir aujourd'hui vous en faire hommage , après vous en avoir lu quelques fragments. Pour mettre un peu d'ordre dans cette lecture, qui en paraît peut-être peu susceptible par l'extrême variété des sujets auxquels elle touche, je la partagerai en deux parties : l’une pour la peinture, l'autre pour la gravure, en réservant celle-ci pour la dernière , comme étant celle qui fit surtout l’objet du culte et de la profession de Godefroy, et qui occupe la plus grande part dans sa cor- respondance. L'époque et le sujet des premières lettres rappellent de magnifiques souvenirs. C'était le temps de la première grande exposition des œuvres d'art, ouverte par les ordres et sous les auspices du grand homme qui venait d’être appelé à gouverner la France ; nouvelle et imposante solennité, qui inaugurait l'ère d’une nouvelle renaissance, aux applaudissements de tous les amis des sciences et des arts. Le jeune Godefroy, à peine entrant dans la vie et dans la carrière qu'il avait choisie, dut être vivement ému à l'aspect de tant de riches et belles productions. Le salon de peinture surtout avait fait, sur son àme d'artiste, une impression qui se retrouve dans ses lettres au sieur Le Houé. La première qui en rend compte, dans un style d'ailleurs et avec une orthographe qui indiquait tristement ce qu'était l'éducation publique du temps, est du 22 vendé- miaire an VIII; j'en mets sous vos yeux quelques lignes que je transcris : «.... un Jeune homme de vingt-cinq ans, nommé Guérin, vient d'exposer un tableau de la plus grande beauté. La couronne, qui avait été décernée 264 ACADÉMIE DE ROUEN. à un autre artiste, lui a été retirée pour la donner au jeune Guérin. On assure que , depuis cent ans, la France n'a rien produit de si beau. Le sujet est : Marius Sextus échappé aux proscriptions de Sylla, qui revient chez lui, et trouve sa fille en pleurs auprès de sa femme morte ; encore une fois, rien n'est plus beau que cela ... » Ce jeune homme, qui fut depuis un de nos peintres célèbres, Guérin , était dès lors l’ami intime de Godefroy, qui nous l'apprend dans une autre lettre du même temps, en reve- nant au même tableau : «.... l'Exposition du salon de peinture, dit-il, a été un peu maigre cette année-c1.... un seul grand tableau allégorique à la journée du 40 août 1792 a été jugé digne d’être proclamé au Champ-de-Mars. La pluralité des artistes ne s'est malheureusement pas trouvée de l’avis de l'Institut; ils ont laissé proclamer le tableau du citoyen Hennequin, élève de David, et se sont ensuite réunis en grand nombre ; Hennequin lui-même, à leur tête, a attaché une branche de laurier à un tableau de Guérin, représentant Marius Sextus rentrant chez lui après la proscription de Sylla. Cette cérémonie a excité une sorte d'enthousiasme... c'est ce matin que cette scène a eu lieu, et, comme ami particulier de Guérin, j'en suis tout pénétré. . -. » Je lis, Messieurs, et je n'ai pas le temps de faire de réflexions ; n'est-ce pas, toutefois, une chose remarquable, et qui peut servir à donner la mesure de l'opinion publique du temps, que cette lutte de jugements si opposés , même au sujet d’une œuvre d'art, entre l'Institut d'une part, et de l’autre l'élite des artistes et du public? En protestant contre l'allégorie à une journée de 1792 pour honorer du grand prix le retour d'un proscrit de Sylla, n'était-ce pas protester contre une époque néfaste, réprouvée par la conscience publique non moins que par les artistes et par tous les hommes de cœur? Tu * CLASSE DES BELLES-LETTRES. 263 Cet incident, à propos d’un tableau d’un élève de David, et peut-être une de ses inspirations, est d’ailleurs d'autant plus remarquable, qu'on retrouve la même pensée dans un autre fait relatif à David lui-même, et que je laisse raconter à Godefroy : «.. . J'ai promis, écrit-il, de vous parler du tableau de David, m'y voici : -... Je me suis présenté 36 sous à la main, attendu qu'il n'yaaucune entrée de faveur, aucune, aucune, David tient bon, etilaraison, car il fait un argent du diable. C’est un engouement général dans les sociétés, .-... je ne dis pas seulement dans les sociétés d'artistes, mais aussi chez les marchands de draps, bonnetiers, ete., ete. Ce tableau a été tant vanté par les gazettes et les journaux , que sa réputation est passée d'étage en étage jusqu'aux dernières classes de la société, dont quantité d'individus suppriment un dîner de 36 sous pour jouir de sa vue... Au fait, ajoute Godefroy, c'est un véritable chef-d'œuvre qui n'avait nullement besoin du charlatanisme que David a employé pour le mettre en vogue... » Le mot de charlatanisme est un peu dur, appliqué au grand peintre dans l'éclat de sa gloire : le jeune Godefroy n'en trouve pas d'autre pour dire ce qui lui paraît être la vérité. Poursuivons : « …. Plusieurs choses cependant lui sont reprochées... Une chose d’abord qui blesse la vrai- semblance, c'est que les principaux personnages combat- tants sont nus, absolument nus... On trouve aussi son Romulus beaucoup trop jeune ; il n’a guère que dix-huit ans, et paraît plutôt fils d'Adonis que de Mars. A l’époque du combat des Romains et des Sabins, Rome fondée, les Sabines enlevées depuis trois ans, Romulus devait avoir passé l’âge de la conscription. Je lui donne vingt-cinq ans, et ce n'est pas trop pour un homme qui à déjà tué son frère et fait mille autres belles choses... » Puis voicicomment il termine quant à David : «.... À pro- 266 ACADÉMIE DE ROUEN. pos des Romains, le fait est que les Brutus sont passés de mode. Voilà le journal officiel qui les attaque sans pitié ; il n'ose pas trop attaquer le citoyen Brutus père, qui fit trancher la tête à son fils en vertu d’une loi qu'il avait faite lui-même , et malgré le peuple qui demandait grâce. Mais pour le citoyen Brutus, assassin de César, il le traite sans miséricorde , et c'est bien fait... » Aïnsi s’exprimait le jeune Godefroy, et sur David, et sur les Brutus d'alors, à la vérité secrètement et dans l'intimité de la famille , et, comme s'il craignait d’avoir été trop loin, il finissait par ces mots : « .…. Faites hien attention, mon cher parrain, que c’est seulement l'avis du journaliste que je donne ici; oserais-je, moi, attaquer une réputation si bien éta- blie?..:. » Plus tard, et comme il le dit lui-même, les opinions de Godefroy sur le mérite des œuvres nouvelles de peinture ont pu se modifier et même changer; mais à l'égard de David , il ne paraît pas qu'il en ait été ainsi. A l’occasion de la grande Exposition décennale de 4840, voici ce qu'il écrit: « …. Mais il n'y a qu'une voix parmi le public et les artistes. On confirme, quant à Girodet, le prix que lui décerne le Jury, mais c'est avec la même unanimité que lon enlève à David la palme que l'Institut donne à son tableau du Secre, pour la donner à Gros pour son tableau de l'Hôpital des Pestiférés de Jaffa. C'est ce tableau, que nous n'avions pas vu depuis six ans, qui produisit le plus d'effet à cette Exposition. La réunion des qualités qui le distinguent, le fait admirer par toutes les classes de connais- seurs, d'artistes et d'amateurs; il semble que chacun y trouve son compte... Je ne sais, ajoute-t-il, ce que cela deviendra; en attendant, M. David se ruine en brochures qu'il fait pleuvoir de tous côtés; les réparties qu'elles lui A propos de cette Exposition solennelle de 1810, qui CLASSE DES BELLES-LETTRES. 267 fut close et couronnée par une visite de l'Empereur lui- même au salon, je trouve, dans la correspondance de Godefroy, quelques détails qui ne m'ont pas paru sans intérêt, et c’est par là que je terminerai mes citations en ce qui concerne l'Exposition : « ..….. D'abord, hier, dès sept heures du matin, tous les artistes marquants qui ont exposé ont reçu un ordre de Sa Majesté pour se rendre au salon; ils étaient environ quarante. M. Denon, d'après la volonté de l'Empereur, les fit placer chacun auprès de leurs tableaux. Aucune autre personne que les artistes désignés n'avait pu être admise, en sorte que chaque peintre eut l'avantage d'expliquer lui-même à Sa Majesté le sujet de son tableau. ÆRoënne fut le second auquel l'Empereur s’adressa ; son tableau était un Hôpital de Russes et de Francais à Marienbourg. La satisfaction du Souverain à été non équivoque, puisqu'il a demandé le prix du tableau, et en a fait l'acquisition moyennant 8,000 fr, en le félicitant fort affectueusement sur son talent. Le second tableau de Roënne est l’Entrevue de Tilsitt; iei, l'Empereur lui a fait observer que l'empereur Alexandre n'était pas assez beau, et est entré à ce sujet dans quelques détails. Je vous cite toutes ces choses , afin qu'en arrivant à Paris vous ne soyez pas étonné de voir tous les artistes raffoler un peu plus que les autres d’un prince qui sait mettre tant de grâce dans certaines cir- constances de sa vie. Il a acheté un assez bon nombre de tableaux, et, près de se retirer, il a réuni tous les artistes, et, en leur présence, il a donné la croix d'honneur à MM. Vernet, Girodet, Prudhon et Gros, comme aux quatre peintres qui se sont illustrés le plus à cette Exposition... » Quant à la partie qui concerne la gravure, que j'ai réservée pour la dernière , la correspondance offre surtout de nombreux et intéressants détails. Pen choisis seulement quelques-uns, à cause de la nécessité dabréger. C'est 268 ACADÉMIE DE ROUEN. d'abord au temps où Godefroy, tout jeune encore, cher- chait ou plutôt n'avait qu'à suivre sa vocation. Fils d'un artiste de talent, artiste lui-même par sentiment et par goût, c'était là sa vocation. Par malheur, un obstacle de force majeure vint tout d'abord s'y opposer. On était alors en 1797, et les choses et les hommes du temps étaient peu tournés vers les arts et les artistes. Godefroy eût voulu être graveur, mais la loi voulait qu'il fût soldat. Or, c'était là, il faut bien le dire, le moindre de ses désirs comme sa moindre ambition. D'un naturel doux et pacifique, peu enflammé du noble feu qui fait les guerriers et les héros, peu habile enfin, comme il l’a lui- même écrit et témoigné plus tard, à manier d’autres armes que le burin et la caricature, il ne se voyait qu'avec un vif sentiment de douleur dans la nécessité de tout quitter pour se rendre sous les drapeaux. Quelques lignes de sa correspondance montrent, dans leur énergique naïveté, toutes ses anxiétés et aussi certaines circonstances assez curieuses sur les moyens par lui tentés pour éviter d’être soldat. Sa mauvaise santé, sa mine chétive et blême , comme il l'écrit dans une lettre, lui avaient d’abord fait obtenir un congé de convalescence ; mais bientôt son congé expi- rant, il va être forcé de rejoindre son bataillon qui est à Keh! , où il se bat journellement ; c’est alors qu'il s’aban- donne au découragement et au désespoir : « ….. En vérité, dit-il, j'ai le cœur bien triste pour écrire ; je ne puis voir sans chagrin le départ de mes meilleurs amis ; les adieux qu'ils me font ne sont pas assez tranquilles pour me ras- surer ét me consoler de notre séparation. Je crois que toutes mes connaissances partent; la consternation est grande parmi eux!.... » Ces connaissances et ces amis qui, suivant Godefroy, partaient tous si consternés, c'é- taient tous les élèves de l'Ecole de peinture de Paris qu'on avait fourrés, dit-il, dans la 28° demi-brigade, où lui- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 269 même s'était enrôlé. Que devint depuis la 28° demi- brigade? Que devint notamment le bataillon formé en partie des élèves de l’Ecole de peinture de Paris? Quelle fut leur part dans notre gloire et dans nos victoires d'alors? C'est ce qu'on pourrait voir dans les annales militaires du temps. Quant au jeune Adrien Godefroy, ce que je vois par ses lettres, c’est qu'après une nouvelle convalescence, et grâce aux bons certificats d’un médecin incorruptible qui, en échange, le faisait travailler à graver pour lui gratis { tant était grande la vertu républicaine du temps), il finit par obtenir un congé définitif et absolu. Absolu ! écrit-il par trois fois, et en grands caractères, en annon- çant cette « grande, étonnante , importante , satisfaisante et consolante nouvelle, qui lui laisse la liberté désormais de faire ce qui lui plaira !... » Or, ce qui lui plaisait, est-il besoin de le dire? Essen- tiellement artiste, par sentiment comme par ses habitudes, ce qu'il aimait avant tout, c'était sa liberté, la hberté, comme il le dit, d'aller et de venir, et c'est là sans doute ce qui explique sa répugnance pour la vie de soldat, cette vie toute de discipline et d’ohéissance passive. Ce qu'il lui fallait, c'était la liberté de se livrer à l’art qu'il avait embrassé , sinon avec passion , du moins avec toute l’ar- deur compatible avec ce qu'il aimait par-dessus tout : une vie calme et modérée , exempte de gêne et de contrainte. Un événement, toutefois, dont il rend compte dans une de ses lettres, naïvement, mais dans un style vif et animé, vint heureusement l’arracher à cette molle insouciance, trop peu empreinte de dignité comme d'énergie. Ecoutons- le raconter lui-même cet incident : « .... Masquelier fils, dit-il, vient de remporter le grand prix de gravure adjugé ce matin : cela me donne un fameux coup de fouet dans le ventre... » C'était là la première impression , le premier cri du sentiment. Quelques jours plus tard, il y revient, 270 ACADÉMIE DE ROUEN. dans une autre lettre, avec toute la force de la réflexion : «.…. Masquelier, dital , a été couronné samedi à l’Institut ; l'élite de la nation rassemblée lui a décerné la récompense due au mérite. Sa mère était la plus heureuse des mères! Et moi, avec un battement de cœur inexprimable , je sen- tais que le fils qui peut donner une pareille jouissance à sa mère, doit être le plus fortuné des hommes !.... Je n'ai point concouru ; le besoin continuel où je me trouve de gagner de l'argent, l'idée aussi d’un travail pénible et assidu , tout dans ce moment m'a fait repousser un concours dans lequel je ne voyais que trois mois et demi de prison. Que je m'en repens maintenant! Deux années doivent s'écouler avant un prochain concours, je les sacrifie tout entières à l'étude ; une pareille journée ne me semblera pas trop achetée. J'ai dit adieu à toutes mes sociétés fri- voles ; je sens à présent, et je l'avoue à ma honte, c’est la première fois que je sens le besoin d’une considération établie sur des bases plus solides; enfin ma réforme est complète... » Cette réforme , due à un sentiment généreux et si cha- leureusement exprimé, ce noble battement de cœur de l'artiste qui montre si bien à la fois le bon fils, le fils heureux avant tout du bonheur de sa mère, ne devaient pas rester stériles et sans résultats pour la destinée et l'honneur de Godefroy. A partir de ce jour, on le voit, fidèle au sacrifice qu'il s’est imposé , livré tout entier au travail le plus opinitre: « ... Je suis, écrit-il, surchargé, ainsi que mon père, d'occupation. La gravure a repris avec grande vigueur : on compte, dans ce moment-ci, environ six suites considérables... Tous les jours, à six heures du matin , je suis à l'ouvrage, et c’est pour jusqu'à la nuit... » Avec un tel travail, on conçoit qu'il devait beaucoup produire ; il gravait pour une édition nouvelle de Perrault, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 274 qui eut, à ce qu'il paraît, beaucoup de succès : « .. Mon Perrault, dit-il, s'est bien vendu, mais je n'en suis pas plus riche en ce moment... » Dans une autre lettre, il écrit : « Je grave, pour une nouvelle édition de Mie de Clermont, quatre vignettes et un portrait; les dessins étaient fort jolis, et cela a donné du succès aux gra- vures.... » Plus tard, à l’occasion de l'envoi au sieur Le Houé d’une autre gravure qu'il nomme ses Trois Vertus, voici quelques lignes assez curieuses que je transcris : «.…. Je vous envoie trois enfants dont je ne suis que le père secret, les Trois Vertus théologales, d’après les grisailles de Raphaël. J'en ai fait les eaux-fortes à Saint- Germain, pour le compte de l'ami Desnoyers, et il les a terminés avec tout le talent qui lui est propre , sans leur ôter le sentiment de l’esquisse dans lequel je l'avais -pré- parée, n'ayant employé partout qu'une seule taille. Mes eaux-fortes, ainsi parées, sont mes enfants de prédilec- tion ; je les montre avec orgueil: ce sont de petits bâtards qui, comme beaucoup d’autres, portent dans le monde le nom de celui qui leur a donné l'éducation , et font, en * prospérant dans Ja société, la joie secrète du véritable père, qui les suit des yeux et du cœur... » Ces enfants de prédilection de Godefroy, qui faisaient sa joie et son orqueil, qu'il suivait enfin si tendrement des yeux et du cœur, 11 serait assurément intéressant de les connaître; c'était là un noble sujet, et le nom, comme l'œuvre du grand maître original, était bien fait pour inspirer l'œuvre du graveur. Une chose qui vous étonnera, Messieurs, c’est que non-seulement j'ai cherché inutile ment cette gravure, annoncée par l'artiste comme une composition d'élite, qui semble lui avoir été chère par- dessus toutes, à laquelle il était si heureux d’attacher son nom à côté de celui de Desnoyers, mais que le titre même n'en figure pas sur une notice détaillée des œuvres 272 ACADEMIE DE ROUEN. de Godefroy, dont je dois la communication à l’obligeance de notre honorable et savant archiviste M. Ballin. Ce qui n’a pas péri de ses nombreux travaux en gravure, ce qui à été conservé avec soin, mais sans qu'il y ait compensation, c'est une multitude de gravures dans un genre pour lequel Godefroy avait un goût de prédilection, et, il faut le dire aussi, un talent tout spécial , le genre de la caricature. Doué d'un esprit fin d'observation qui saisissait merveilleusement les ridicules dans tous les genres, il les reproduisait avec un talent d'imitation et de vérité qui lui assurèrent souvent un succès que des œuvres plus sérieuses et de plus grande valeur étaient loin de lui avoir procuré. A l’époque où il écrivait que la gravure avait repris avec une grande vigueur, qu'il était surchargé de travail , tous les jours, à six heures du matin à l'ouvrage, et cela jusqu'à la nuit , tout ce qu'il en avait retiré de profit, c'était, suivant son langage, l'espoir de n'être pas toujours de pauvres diables. Mais quant à ses caricatures, ce fut tout autre chose, et le succès de vogue fut aussi un succès d'argent. A l'oc- casion de l’une de ces gravures, ayant pour objet cer- taines modes, en fait de costumes du temps, sous le titre de Suprême bon ton, voici quelques lignes d’une de ses lettres du 44 ventôse : « .... Maintenant , je suis riche, et mon Suprême bon ton m'a mis au-dessus de mes affaires ; cette mauvaise drogue m'a plus rapporté qu’on n'aurait osé l'espérer d'une bonne chose....» Ce Suprême bon ton dont Godefroy parle surtout dans ses lettres, et qui lui rapportait tant d'argent, si vous êtes curieux, Messieurs, d'en voir quelques échantillons, plus heureux ici que pour les Trois Vertus théologales , je peux vous en mettre quel- ques-uns sous les yeux .... C'était, comme vous le voyez, le modèle par excellence des toilettes les plus merveilleuses du temps, dans le grand monde, dans la société la plus choisie et la plus brillante ; c'était ce qui CLASSE DES BELLES-LETTRES. 273 faisait valoir, au suprême degré de l’art et du goût, la beauté des formes et les grâces des femmes les plus à la mode. Ce n'étaient pas tout-à-fait les mêmes toilettes que celles de nos jours; ce n’était pas la même ampleur de formes et les vastes proportions, c'était, il faut bien le dire, tout le contraire , Mais ce n’en était pas moins alors le Supréme bon ton. Une circonstance qu'il ne faut pas omettre à l’occasion de ces caricatures, et qui vint un instant jeter le trouble dans la vie toujours si douce et dans la famille de Gode- froy, se retrouve dans ses lettres en termes vifs et piquants. Voici le fait : il est, même dans le domaine des arts et de la pensée, une espèce d'hommes qui ne voient dans la richesse d'autrui qu’une occasion de convoitise, et dans la propriété qu'une chose dont il faut s'emparer par la fraude ou par la force. Ces flibustiers qui, en matière de propriété intellectuelle , ont nom de contrefacteurs, au bruit des succès obtenus par les gravures du Suprême bon ton, n'eurent garde de s'abstenir ; ils accoururent pour s'en emparer, justifiant encore une fois la vérité de la maxime : Sic vos non vobis….. Mais laissons Godefroy raconter Jui-même cet incident , sous l'impression vive mais légitime de l'intérêt, car son intérêt c’est son droit : «.... Il est donc vrai de dire (c'est ui qui parle) que, dans un temps de révolution , aucune propriété n'est sacrée ! D'après un jugement rendu par un tribunal respectable, je force enfin un copiste à faire effacer le titre de Suprême bon ton qu'il avait usurpé, et moi, désormais tranquille possesseur de mon titre , je me croyais à l'abri de nouveaux coups! Pouvais-je croire, en effet , que celui qui me ter- rasserait partirait d’une paisible retraite où l’idée même d'une contrefaçon semblait ne pas devoir pénétrer? Comment parer à une si cruelle trahison ? Comment atta- quer son auteur? Il a eu soin de mettre de son côté cette 18 274 ACADEMIE DE ROUEN. maxime connue en fait d'art: Lorsque vous volez , il faut aussi tuer... » Mais Godefroy n’est pas d'un caractère à soutenir long- temps le ton de l’indignation. En parlant de l'impression ressentie par son père et par sa mère au sujet de cette hardie spoliation , il en vient bientôt au style de la plaisan- terie : « Mon père, dit-il, a, dans cette occasion, montre un grand caractère, il a dit qu'il n'était point content. I l'a dit et il l’a prouvé; car si on ne Feût pas retenu, il aurait dévoré la collection !... Quant à maman, elle a dit qu'elle était fort en colère , mais il faut avouer que c’est une femme qui sait bien dissimuler son chagrin, car elle avait un air riant et tout-à-fait aimable ; c'est une bien mauvaise colère que cela... Pour moi, ajoute-t-1l, je me suis résigné, et je n’ai pas été longtemps à m'apercevoir que c'était une affaire facile à réparer... » Puis il termine ainsi sa lettre : « .... Ma mère, absente, est privée d'ajouter aussi son mot; elle est partie, avec plusieurs femmes de graveurs, voir juger une cause de contrefaçon en gravure, Jean Mondhard, marchand, qui a copié les Batailles d'Italie d'Aubert, et je m'attends bien que maman, nouvelle dame de Pimbèêche, Orbêche, etc., va me rapporter les lumières nécessaires pour poursuivre avec succès mes contrefacteurs..…. Tremblez! fous les ceux qui ont quelque chose à se reprocher à ce sujet! » A une telle lettre, il n'y a certainement rien à ajou- ter, et j'aurais voulu la citer tout entière, sans en rien omettre, car c'est tout le portrait de Baptiste Godefroy, avec son humeur douce , enjouée , avec quelque penchant à la malice et la plaisanterie; elle peint aussi toute cette honnète famille, vivant dans une union intime de senti- ments et de goûts, dans la même loyauté et je dirais dans la même naïveté du cœur. Il y a là toute une peinture de mœurs et de temps qui sont loin de nous; seulement il y = nage CLASSE DES BELLES-LETTRES. 275 a une chose que j'aurais vivement désiré de trouver dans la lettre que je viens de lire, c’est le nom de ce hardi contrefacteur qui, à ce qu'il paraît, devait être un artiste de talent et de réputation. Godefroy ne le nomme pas, comme par pudeur, et je le regrette pour la justice : son nom révélé eût été son châtiment. Je reviens aux caricatures : malgré la contrariété de la contrefaçon , Godefroy était loin d'y renoncer, par goût et puis aussi par intérêt; il en publia successivement et en grand nombre dans tous les genres : caricatures politiques, patriotiques, sentimentales, à propos de tout ce qui venait émouvoir l'opinion ou la curiosité du public, dans le monde théâtral aussi bien que dans le monde artistique, à propos enfin de tous les ridicules du temps, rien n'échappait à sa verve et à son burin piquant. Ce qui prouve, dans la multitude de ces œuvres légères de Godefroy, et le bonheur de l’inspiration et le talent de l'exécution, c'est que toutes ces gravures obtinrent, avec une constance de fortune rare, la même vogue et le même succès. « .... Mes bons amis (écrit-il en 4844), je n'ai pas le temps de vous en dire long, car je suis peut-être l’homme le plus occupé de Paris. Je fais un commerce de caricatures qui me sauve du désastre dans lequel tous les artistes sont plongés, se trouvant tous sans ouvrage et ne sachant où donner de la tête. M. Delaunay, graveur, s'est donné la mort pour sortir d’embarras : c'est une bien sotte ressource, je vous promets de ne jamais l’employer pour moi; ma cuisine fût-elle vide, il faudrait qu'il n’y eût à diner chez aucun de mes amis, pour que cela commençât à me chagriner.…. Pour moi, je fais des affaires d’or avec les drogues que je vous envoie ; elles n’ont que le mérite de la vérité, ayant été dessinées par moi d’après nature. Mes cahiers de cro- quis sont pleins, et le public paraît prendre plaisir à ce qu'on les lui livre gravés, et je veux bien avoir cette 276 ACADÉMIE DE ROUEN. bonté, en raison de l'argent que j'en retire. Si cela continue de lui plaire, il n'est pas au bout; je ne me lasserai pas le premier, et je lui en promets un déluge. Croiriez-vous bien, ajoute-t-il , que cette planche d’Anglais a déjà tiré quinze cents?.... Pardon, mes bons amis, de ne pas vous en dire plus long, mais je suis manufacturier et négociant, je me dois au public et à mes ouvriers. J'entretiens dix-huit jeunes personnes depuis six semaines ; qu'en dites-vous, marraine? Pour un convalescent, ce n'est pas mal; et encore je ne m'en tiendrai pas là, car je ne puis fournir à l'enluminure, et continuellement je manque à vendre... » C'était en 1814 et 1815 que ceci se passait, et c'est à cette extrémité qu'en était réduit Godefroy, comme tous les artistes, les temps de révolutions politiques ayant tou- jours ce résultat certain, d'être, à coup sûr, funestes aux beaux-arts. C'est là ce qui excuse Godefroy, qui était loin, comme on le voit, de se faire illusion sur la valeur de ces caricatures qu'il appelle avec raison des drogues ; mais qui le sauvèrent du désastre commun. Plus tard, c'est-à-dire de 1819 à 1827, il se livra à des travaux plus dignes de son talent et de ses goûts de véri- table artiste. Dans la notice de ses œuvres, je vois qu'il grava , pendant ces années, pour plusieurs publications importantes, telles que les Fastes de la gloire, les Messé- niennes de Casimir Delavigne, une édition des œuvres de lord Byron, plusieurs romans de Walter Scott, Ana- créon , la Mélancolie de Lamartine ; mais la correspondance que j'analyse est complètement muette sur toutes ces publications, qui pourtant n’ont pas dû passer inaperçues, et sans un échange de confidences avec ses amis de Rouen. Il est vrai, et c’est une chose qu'il faut dire à l'honneur de Godefroy, que ce qui paraît l'avoir préoccupé le moins, c'était le sentiment de son mérite et l'amour de ses propres CLASSE DES BELLES-LETTRES. 211 œuvres. Ce qu'il aimait tout autrement, c'était à admirer et à faire admirer les œuvres de son père. Ses lettres sont pleines de curieux détails à ce sujet, et, dans le nombre, j'en citerai au moins quelques lignes prises au hasard. A propos d'un Philippe de Champagne qu'il envoie au sieur Le Houé : « .….. Vous le trouverez beau, dit-il, si vous voulez partager mon opinion. Si je cherche à vous influencer ici, j'y ai bien mon intérêt; j'y suis pour quelque chose : les figures sont de moi, et elles sont venues avec assez de bonheur pour que j'en réclame ma part. » À l'occasion d'un autre envoi : « .... La voilà, écrit-il dans son enthousiasme, la voilà finie, la grande estampe! Ouvrez de grands bras pour la prendre , de grands veux pour la voir, et louez-la grandement, afin que mon père ne regrette pas le grand temps qu'elle lui a emplové. Elle à fait généralement plaisir, et j'ai été bien satisfait de voir mon père récompensé de ses peines par le suffrage de tous les artistes ; celui-ci est le plus sûr et le plus flatteur, celui du public suivra sans doute. Mais elle n’est pas encore au jour, et par conséquent elle n'est encore connue que de ceux qui sont mieux faits pour la juger. Mon père a désiré joindre l'envoi de deux de ses premiers nés, pour lesquels il sait que vous avez toujours eu une affection particulière, je veux parler des Géorgiennes et des Nappes d'eau. » Suivent d’autres détails que j'omets, pour emprunter encore quelques lignes d'une autre lettre : «.... La Coronis, gravée par mon père, vous prouvera que, quoiqu'il ne soit plus jeune, il sait traiter les jeunes femmes de manière à ce qu'elles n'aient point à se repentir d'être tombées entre ses mains... » Et, un peu plus loin, il ajoute : « .…... Il y a aussi une épreuve en feuille de la Coronis, elle est pour M. Lecarpentier ; veuillez la lui remettre avec les Trois Vertus que je le prie d'agréer…. » Je n'arrête ici, Messieurs, quelque plaisir que j'aie à 278 ACADÉMIE DE ROUEN. citer, car il est temps de finir. Je quitte , non sans regret, je l'avoue, ces lettres auxquelles j'ai pris un intérêt que je ne veux pas dissimuler ; je quitte, avec Godefroy, cette bonne et honnête famille d'artistes, car ils l'étaient tous dans plus d'un genre : graveurs, peintres, musiciens , amis de la poésie et de la belle littérature; cette famille , simple et modeste, qu'on se prend à aimer aussitôt qu'on la connaît, comme ils s’aimaient tous, comme les aimaient ceux avec qui ils étaient en relations intimes; et ceux— là, c'était tout ce qu'il y avait de plus haut placé dans le monde d'élite : j'entends par là l'élite des esprits et des cœurs; c'étaient , à Paris, les Ducastel, les Vimar, les Casenave; et, parmi les artistes, les Le Bas, les Masquelier, les Guérin , les Desnoyers; c'étaient, à Rouen, outre la famille Le Houé, les Saint-Saulieu , les Saint- Victor, les Lecarpentier. Je les quitte avec le regret d'avoir été obligé d'omettre, dans ces lettres, bien des choses et des confidences pleines d'intérêt, comme celle-ci, par exemple : « .…. Thillard dira à mon parrain que, depuis cinq semaines , je suis occupé à bercer un enfant qui n’est pas encore né : c’est le Roi de Rome ; c'est d’après un tableau de Roënne... » Ou bien encore celle-ci, d’un autre genre : «.…. Le cœur m'a battu violemment quand j'ai appris que j'avais le redoutable H. Saint-Just pour rival auprès de la belle Diquedon. Hélas! l'infidèle me reconnaîtra-t-elle? J'en doute fort : deux années d'absence sont beaucoup !.… » Mais, je le répète, il faut finir, et je le fais par quelques mots que je prends encore à une des lettres de Godefroy : «…. Hier, dit-il, j'ai reçu de M. de Saint-Victor une lettre fort gracieuse , avec une copie du rapport fait à la Société de Rouen sur mon très exigu mérite, mais que notre ami M. Lecarpentier a fait mousser de telle sorte, que je suis tout honteux de le mériter si peu... » Cette Société, Messieurs, était la Societe d'Emulation, et le CLASSEDES BELLES-LETTRES. 279 rapporteur était le savant peintre, notre ancien confrère M. Lecarpentier. Mais à quelle occasion ce rapport, et sur quelles œuvres de Godefroy portait surtout l'éloge? Voila ce qu'il serait intéressant de savoir (1). Provisoirement et sur la foi du nom , aussi bien que du savoir et du bon goût du rapporteur, serait-ce trop se hasarder que d’aflirmer que les œuvres par lui vantées, et dont il faisait si bien mousser le mérite, étaient peut-être les gravures de Perrault, où de ME de Clermont, ou bien celle du Roi de Rome, ou enfin ses Trois Vertus théologales, mais que ce n'était certainement aucune de ses caricatures sentimentales, politiques, patriotiques ou autres, et, après tout, n’était-ce pas justice autant que chose de raison et de bon goût? Les caricatures avaient été pour Godefroy une affaire d'or, n'était-il pas juste que ce qui était vrai- ment beau lui rapportât un peu d'honneur ? (1) Ce rapport, analysé page 47 du cahier de 1812 de la Société libre d’Emulation de Rouen, accompagnait plusieurs estampes envoyées à la Compagnie par Adrien Godefroy fils : deux représen- taient l'Empereur et l'Impératrice, revêtus de leurs pompeux habits de mariage; une troisième offrait les mêmes personnages près du Berceau du Roi de Rome. D —— RAPPORT SUR LES (ŒUVRES MUSICALES DE M. MANRY. Par M. BACHELET. { Séance du 23 Juillet 1858.) “000 À ad MESSIEURS , Quatre compositions musicales vous ont été offertes par M. Charles Manry, auteur dont on ne saurait révoquer en doute la fécondité, puisque, dans la liste de ses œuvres, elles portent les ns 44, 51, 56 et 57. De ces compositions, l'une appartient à la musique de chambre, les {rois autres à la musique religieuse. M. Manry s'est emparé d'une légende valaque, intitulée : La Première pierre de l'église d'Argis, et mise en vers par M. Antony Deschamps. Comme nous l'apprennent quel- ques lignes placées en tête du morceau , les maçons qui construisaient l’église d’Argis, voyant que leurs travaux de chaque jour étaient détruits pendant la nuit par des esprits infernaux , suspendirent l'œuvre commencée. Leur maitre, Manole, eut un rêve qui lui apprit que le seul moyen de parvenir à élever le monument était d'en- Tv CLASSE DES BELLES-LETTRES. 281 fermer, dans les fondations, la première femme qui se présenterait sur le lieu des travaux. La destinée voulut que Floriza, femme de Manole , fût la victime désignée , et son époux consentit à la sacrifier. La partition écrite par M. Manry sur ce sujet se compose d'un chœur de travailleurs qui appellent à la danse Floriza, d’une partie récitante à l’aide de laquelle se développe l'action, et d'un grand air dans lequel Floriza , placée comme par jeu sur la première pierre de l'édifice , puis retenue jusqu’à ce que la muraille l'enveloppe , pousse des cris de désespoir, sans cesse avivés par la voix de son enfant qu'elle entend au loin. Cette dernière situation a inspiré au compositeur un motif des plus émouvants; la scène est traitée de la manière la plus heureuse, et il y a quelque chose de vraiment beau dans l'expression de ces angoisses mater- nelles, plus poignantes à mesure que le travail s'achève. M. Manry a révélé dans cette légende un talent vraiment dramatique. C'est une opinion que nous nous étions déjà formée d'après l'examen d'autres morceaux écrits par le même compositeur. Mais nous n'avions pas eu jusqu'ici l’occasion d'apprécier les essais de M. Manry dans la musique sacrée. Après avoir parcouru une œuvre intitulée : Les Disciples d'Emmaiüs , après avoir donné toute notre attention à deux messes, dont l’une est écrite pour quatre voix d'hommes, sans accompagnement, et l’autre, beaucoup plus importante, pour trois voix, avec accompagnement de quintette et d'orgue, nous craignons que M. Manry ne fasse fausse route dans ce genre de composition. Les auteurs et les critiques de nos jours se rattachent, en matière de musique religieuse , à deux écoles distinctes. Les uns, et nous estimons qu'ils sont dans le vrai, pro- fessent la plus vive admiration pour ces chefs-d'œuvre de pureté et de simplicité dont Palestrina nous à laissé les 282 ACADÉMIE DE ROUEN. modèles; sans exclure systématiquement les procédés dont l'art musical s’est enrichi depuis le xvie siècle, ils s'at- tachent à la tradition que représentent Scarlatti, Leo, Durante , Jomelli, Haydn et Mozart; mais ils ont horreur de tous ces moyens qui sont plus propres à faire naître les émotions mondaines et les mouvements passionnés que le recueillement et la piété ; car ils voient là un grand péril , l'envahissement du sanctuaire par l'appareil théâtral. Les autres, et il faut reconnaître qu'ils sont très nombreux, prouvent qu'ils ignorent les convenances de chaque style musical : tous les chants leur semblent également bons pour traduire la prière chrétienne ; ce qui leur plaît, c'est un motif agréable, une mélodie facile , et, à les entendre répéter sur tous les tons que les œuvres classiques et sévères les ennuient, on croirait, en vérité, que la mission de la musique dans l'église est de les égayer, ou, tout au moins, de les empêcher de dormir. Avec de tels principes en matière d'art religieux, nos contemporains sont allés fort loin. Castil-Blaze, un homme d'esprit cependant, s’est mis à adapter les prières de la messe à des chœurs profanes de Rossini. Des arrangeurs anonymes ont publié à Avignon une collection volumineuse de chants sacrés, dont les paroles latines sont maladroitement ali- gnées sous des airs d'opéras très connus. On trouverait sans peine, dans les œuvres trop vantées du P. Lambillotte, musicien instruit et laborieux, mais compositeur d’un goût équivoque , bien des motets et des cantiques rhythmés en façon de barcarolles et de contredanses. Vous aurez peine à croire , Messieurs, qu'on ait pu entendre naguère encore, dans notre ville, l'ouverture de la Muette et le duo final de la Favorite exécutés sur l'orgue, et même le cantique d'un saint patron chanté sur l'air du tournoi de Robert-le- Diable. Le mystère des Disciples d'Emmaüs est une de ces CLASSE DES BELLES-LETTRES. 283 compositions qui, par leur sujet, se rapporteraient au genre de l'Oratorio, mais que les idées musicales et la facture nous forcent de classer parmi ces œuvres de la musique sacrée que nous répudions. Des quatre produc- tions dont M. Manry vous à fait hommage, c’est, à nos yeux, la plus faible. A part une cantilène sans caractère , à part un chœur d’anges fort peu développé et qui ne donnerait pas une haute idée des harmonies célestes, on n’y trouve qu'un résumé de la Passion, tout en récitatifs d'opéra, et où l’on pourrait signaler bien des réminiscences. Nous inclinerions à penser que la médiocre poésie de ce morceau n'a pas peu contribué à l'échec du musicien. Hâtons-nous d'ajouter que les deux messes de M. Manry le relèvent singulièrement à nos yeux. Les idées n’ont plus rien de choquant ; l'harmonie reprend ce caractère de calnre et de sévérité qui convient à la musique religieuse ; on reconnait un compositeur habile dans l’art de la modu- lation, et M. Manry à voulu même témoigner, à la fin du Credo de sa messe solennelle, qu’il possède le talent de développer une fugue. Le Æyrie et l'O Salutaris de ce même ouvrage sont d'un excellent style et d’une heureuse inspiration. On peut louer encore la conformité presque constante de l'expression musicale avec le sens des paroles sacrées. Sans doute, nous ne prétendons pas que la musique soit apte à tout exprimer, même les phénomènes de la nature physique; et les efforts qui ont été faits, soit pour dépeindre à l’aide de l'orchestre un orage ou un lever de soleil, soit pour exécuter sur l'orgue la Bataille de Marengo où tout autre vacarme , nous ont toujours semblé aussi puérils qu'impuissants. Le compositeur doit se borner à répandre sur son œuvre la teinte de sentiment qui convient, sans chercher, pour chaque mot, pour chaque pensée, des imitations impossibles. Si l'on excepte un contre-sens d'expression dans le Sanctus, au Plenr sunt cœli 284 ACADEMIE DE ROUEN. el terra glorià tuû, que M: Manry traite en mode mineur, et avec les accents de la tristesse, la couleur générale de la messe à trois voix est vraie et suflisamment indiquée. La messe à quatre voix d'hommes, sans accompagne- ment, nous suggère aussi quelques remarques. D'abord , les deux parties de basse chantent assez fréquemment à l'unisson , en sorte que l'harmonie , ramenée aux propor- tions du trio, s'amaigrit sans motif visible, et même sans variété d'effets. Ensuite, M. Manry fait exécuter aux voix de basse des traits qu'elles ne comportent guère, des suc- cessions harmoniques auxquelles la voix la plus juste et la plus exercée se montrerait rebelle. Ce qui est plus grave encore, c'est l'emploi d'un procédé complètement indigne de l'église, et qui manque d’ailleurs de tout son effet dans un édifice même de médiocre étendue; nous voulons dire l'accompagnement # bouche fermée, qu'une heuteuse introduction dans quelques opéras a mis à la mode au théâtre , d'où il s’est répandu parmi les sociétés chorales. Il faut que la musique sacrée reste étrangère à de pareils artifices. Nous terminons par une observation dont les musiciens ont tort de méconnaître l'importance. Le latin, qu'ils prennent pour texte de leurs compositions, a ses lois prosodiques, sa quantité, fidèlement observée dans le chant de l’église. L'ignorance de cette quantité fait com- mettre des erreurs dont l'oreille est justement blessée. Il n'est pas besoin d'être humaniste pour sentir, par exemple, que, dans le passage Passus et sepultus est, il ne saurait être permis de dérouler une suite de notes sur la dernière syllabe de sepulltus, pas plus qu'on ne le ferait sur la seconde syllabe de Gloria. Quelques distractions de | ce genre ont été commises par M. Manry, et il s’est oublié jusqu'à moduler en passant d'une phrase latine à une autre que le sens en sépare , jusqu'à ne comprendre qu'une CLASSE DES BELLES-LETTRES. 285 fraction de sens dans une période musicale complète, sauf à rejeter le reste dans une période nouvelle. Ces critiques de détail, Messieurs, n’infirmeront pas le jugement favorable que nous devons porter sur l’en- semble des compositions de M. Manry. Il y a, dans ce compositeur, toute l'espérance d’un brillant avenir. Sans être artiste de profession, il s’est livré à la composition avec désintéressement, avec amour ; et quand on voit trop souvent les classes riches n’apporter à la vie sociale que leur inutile oisiveté, son dévoûment à l’art musical , en l'absence même des œuvres recommandables que nous connaissons, serait un titre à la haute estime de notre Académie. LD CD À) MÉLINA, PASTORALE, Par NI. Adolïlphe MOUTON. Ce troupeau si nombreux aux cornes menaçantes , A la marche engourdie, aux mamelles pendantes, C'est le troupeau que Mélina conduit : Elle va le guider dans la grasse prairie , Parmi les verts gazons, l'herbe tendre et fleurie, Qui repoussent sans cesse aux fraicheurs de la nuit. De la voix, du geste elle excite Rousse, Barrée , et la Petite Qui s’attardent en leur chemin ; Ou gronde la génisse folle, Qui, n'écoutant plus sa parole, Franchit le fossé du voisin. A grand renfort de cris poussé dans son herbage, En toute hiberté le troupeau se partage Pour choisir l'herbe qui lui plaît; Et la pâture renouvelle, Emplit et gonfle la mamelle Nous donnant, à pleins seaux, le tribut de son lait. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 287 Quand le soleil brûlant de midi marque l'heure , J'aperçois Mélina sortant de sa demeure Pour aller traire le troupeau. Par un long meuglement, chaque bonne nourrice Accueille le retour de la main protectrice Qui l’allège de son fardeau. j Plus tard , je la revois encore : Le soir, quand le Soleil colore De ses derniers feux l'horizon , C'est elle qui toujours s'emploie, Va, revient, travaille avec joie, Et rentre le troupeau dans sa chaude maison. Le Ciel, dans sa bonté féconde , À comblé Mélina d’un corsage parfait ; Ses cheveux ont le ton de la génisse blonde, Sa peau, la blancheur de son lait ; Un caractère heureux, une conduite sage , Un cœur naïf, cœur de village, De Mélina complètent le portrait. LES DEUX CASTORS. FABLE IMITÉE DE L'ANGLAIS DUCK Pal M. Adolphe MOUTON. Un vieux castor, mais vieux depuis longtemps, A force de vieillir était devenu sage ; Tous les castors n’ont pas cet avantage — Rempli d'expérience , acquise à ses dépens, Il savait l'employer, dans sa ville aquatique , A faire prospérer la fortune publique En favorisant les progrès Des arts et de l’industrie. Chacun reconnaissait, admirant ses succês, Qu'en parfait citoyen il servait sa patrie. Ce louable castor, un beau jour, résolut D’aller rendre une visite A l’un de ses cousins, étourdi s’il en fut, Castor des plus légers, qui sans cesse s’agile , Se met en quatre, et parcourt le pays, Parlant sur tout sans avoir rien appris; CLASSE DES BELLES-LETTRES. 289 Grand propagateur de nouvelles; Enfin, de ces pauvres cervelles S'occupant du tiers et du quart; Partant, laissant aller tout leur bien au hasard ; Le sage, lui portant un intérêt sincère, Désirait réformer cette tête légère. Donc, de la gent castor Le Nestor Se met en marche, entre dans la demeure De son cousin absent , et l'attend plus d’une heure Tout en examinant le logis délabré , Le magasin vide d'écorce tendre, Les pilotis croulants et le toit effondré ! Enfin, à sa maison, le coureur vient se rendre : Tout fier de voir chez lui son vénéré parent, Et de l'honneur qu'il attribue A son propre mérite, il fait son compliment Sur la visite inattendue. Puis, pour montrer à son cousin Que de cette faveur insigne Il est bien digne, Il débite aussitôt qu'il sait par un voisin, Et par un autre encor, dont le nom doit se taire , Tous les projets du nouveau ministère. N'est-ce pas malheureux, cher cousin, lui dit-il, Que le lion, ce noble sire, Ne découvre pas le péril Où son conseil de loups aveuglément l’attire ? Il devrait bien plutôt consulter les renards , Ce sont là gens sensés , ayant droit aux égards, Et méritant la préséance Sur la trop détestable engeance De ces loups dévorants, de ces lâches gloutons Qui ne sont bons à rien qu'a manger les moutons. 19 290 ACADÉMIE DE ROUEN. Ah! si le Roi voulait m'en croire , Il ferait bénir sa mémoire : J'ai, pour y réussir, formé certain projet... Je puis vous le conter, mais vous serez discret ? — Vraiment, mon cher cousin, lui répond notre sage, Je n'ai rien entendu de votre beau discours ; Je suis un peu sourd vu mon âge , Puis, ce vent qui souflle toujours , En faisant pénétrer la neige et la froidure, M'a rendu l'oreille plus dure. Croyez-moi, promptement réparez la maison, Remplissez vos greniers pour l'arrière-saison , Mettez de l’ordre à tout dans votre domicile, Ensuite je pourrai, voulant vous être utile, Ecouter vos projets. Pesez bien mes avis, J'entendrai beaucoup mieux lorsqu'ils seront suivis. Adieu, j'ai gagné froid, et je sors au plus vite ; Méditez mon conseil afin qu'il vous profite. Ne vaudrait-il pas mieux, pour la société, Que chacun voulût bien s’employer dans sa sphère ? Oui, répond-on tout haut ; mais en réalité , Jeunes et vieux castors font souvent le contraire. HI) RAPPORT SUR UNE PROPOSITION DE M. DE LERUE ayant pour but d'élever 3 Roueu UN NOUVEAU MONUMENT À JEANNE D'ARC Destiné à remplacer celui qui existe actuellement; Par M. A. POTTIER, Secrétaire pour la classe des Lettres. MESSIEURS, Le 42 février dernier, un membre de l'Académie, M. de Lérue, rendant compte à la Compagnie d'un ouvrage inspiré à son auteur par l’éclatant hommage dont la ville d'Orléans vient d'honorer la mémoire de Jeanne d'Arc, terminait son intéressant travail par une proposition que l’Académie s'empressa d'accueillir. Cette proposition avait pour objet d'inviter l'autorité administrative à substituer au monument consacré dans notre ville à rappeler le martyre de l'héroïne, et que le goût public a depuis long- temps énergiquement réprouvé , un monument digne à la fois de notre époque et du pieux souvenir qu'il doit servir à perpétuer. Une Commission fut désignée pour examiner la convenance et l'opportunité de cette intervention. Cette Commission , composée de MM. Barthélemy, Frère et 202 ACADEMIE DE ROUEN. de Beaurepaire, qui s'adjoignirent MM. de Lérue, Bachelet, G. Morin et de Glanville, se réunit plusieurs fois, sous la direction de l'honorable Président de l'Académie, assisté du Secrétaire de la classe des lettres, et c'est le résultat des délibérations de cette Commission , aussi bien que des informations qu'elle a recueillies, que je vais avoir l'hon- neur de vous soumettre. La Commission, avant de proposer la destruction d'un monument qui à au moins pour lui cette sorte de consé- cration que donne le temps, puisqu'il subsiste depuis plus d'un siècle, s'est d'abord préoccupée de rechercher son origine, ainsi que celle des monuments qu'il a remplacés. Le résultat de cette recherche, bien qu'il puisse paraître une espèce de hors-d'œuvre inséré au début de ce rapport, aura cependant l'avantage de bien caractériser la pensée sous l'inspiration de laquelle ces monuments furent érigés, afin de conformer autant que possible le vœu qu'il s’agit d'émettre à cette tradition respectée; il servira, en outre, à préciser quelques faits généralement ignorés ou inexac— tement rapportés, et qui ont cependant une ‘certaine importance, comme précédents, dans le sujet qui nous occupe. Le premier monument consacré à l'expiation du sacrifice lugubre qu'avait vu s’accomplir, dans la fatale journée du 30 mai 4434, le Vieux-Marché de Rouen, fut une simple croix érigée sur l'emplacement même où Jeanne avait subile martyre (1). L'érection de cet emblème purement religieux (1) La sentence de réhabilitation de 3eanne d’Arc, en parlant de la croix qui devra être élevée sur le lieu du supplice, se contente de spécifier qu'elle devra être honorable ; c’est du moins ainsi que nous interprétons le mot honestæ dans cette phrase : Cum afflixione crucis honestæ, ad perpetuam rei memoriam. Un chroniqueur du xv* siècle, Philippe de Bergame, dans son livre : De claris CLASSE DES BELLES-LETTRES. 293 constitue à peu près la seule manifestation publique qu'ait connue Île moyen-àâge pour consacrer et perpétuer les grands souvenirs de l’histoire, au lieu même où les évène- ments s'étaient accomplis. Il est douteux que cette croix ait porté des inscriptions : la chronique locale en eût sans doute conservé la mention. On peut considérer comme à peu près certain qu'elle n'était accompagnée d'aucune efligie com- mémorative, les usages du temps ne se prêlant guère à ce genre de manifestation. Il est à peu près impossible de déterminer aujourd'hui d'une manière précise quel emplacement occupait cette croix, qui devait indiquer le lieu même du supplice. M. de Belbeuf qui, vers la fin du siècle dernier, fut chargé par l’Académie des inscriptions de rechercher à Rouen les monuments et les souvenirs du procès et du supplice de Jeanne d'Arc, a consigné, à l'égard de cet emplacement, dans le compte-rendu de ses recherches (1), quelques renseignements intéressants , mais dont on ne saurait tirer une conclusion formelle. Ce qui paraît le plus vraisemblable , c’est que l’ilot de maisons qui est enclavé aujourd'hui entre les trois places de Saint- Eloi , de la Pucelle ou du Marché-aux-Veaux et du Vieux- electisque mulieribus, imprimé à Ferrare en 1497, cap. CLVn, De Janua Gallica Pulcella, fournit un renseignement beaucoup plus précis, mais malheureusement de peu de valeur, l’auteur étant tombé dans de graves méprises dans tout ce qui concerne notre héroïne ; il dit que cette croix était de bronze doré et très élevée: Post multos autem annos, Carolus ipse, optimus sane rex, Rothomagensium urbe recept&, in eo loco ubi atrociter concremata Juerat Janua Pulcella, pro monumento et titulo puellaris decoris crucem œæneam et quidem eminentissimam inauratamque poni Jussèl. (1) Notices et extraits des Manuscrits de la Bibliothèque du Roi, t. I , p. 554-590. 294 ACADEMIE DE ROUEN. Marché, n'existant pas au milieu du xv® siècle , et ces trois places n'en formant qu'une seule, au milieu de laquelle s'élevait l’église de Saint-Sauveur, ce dut être au midi de cette église, c’est-à-dire vers le centre de l'ilot de maisons dont nous venons de parler, mais en se rapprochant toute- fois de la place actuelle dite de la Pucelle, que fut dressé le bûcher. Si la croix expiatoire fut érigée en cet endroit que nous supposons, elle ne dut pas subsister plus d'un demi-siècle, car, au commencement du XvI*, les maisons qui bornent aujourd'hui de ce côté la place de la Pucelle étaient bâties, ainsi que le témoigne le précieux plan du Livre des Fontaines. Aussi ne voit-on pas figurer sur ce plan la croix, pieux souvenir du martyre de Jeanne d'Arc. On voit, à peu de distance et en avant de cette façade de maisons, une petite fontaine formée d'un soubassement cylindrique que couronne un cône obtus; ce monument, d'une simplicité rustique, affecte la forme d'un petit colombier, et n’est surmonté d'aucun signe quelconque. II nous paraît peu vraisemblable que cette modeste fontaine ait servi de base à la croix dont nous cherchons à constater l'existence et l'emplacement. Nous arrivons au monument intermédiaire qui a précédé celui d'aujourd'hui. Ce monument n'existait pas en 1526, le Livre des Fontaines en fait foi (4) ; mais il dut être construit peu de temps après cette époque, car ses dispositions (t) Les erreurs qui se glissent dans les ouvrages de haute valeur, à la composition desquels a présidé la critique la plus judicieuse et la plus approfondie , sont toujours graves, parce que là plus qu'ailleurs elles font autorité. A ce titre, nous croyons devoir relever l'erreur commise par M. J. Quicherat ( Procès de condam- nation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc, V, 235), qui s'est appuyé sur le témoignage du Livre des Fontaines pour établir que le monument détruit en 1755 existait déjà en 1526. Le Livre des _. "thé CLASSE DES BELLES-LETTRES. 295 générales et le style de son architecture sont tout-à-fait dans le goût de la première moitié du xvr siècle. Nous regret- tons d'ignorer sous quelle inspiration et grâce à quelle généreuse initiative fut élevé ce monument, qui consa- crait la restauration d’un souvenir pieux, d’une touchante expiation. Une recherche attentive dans les registres muni- cipaux ou capitulaires dissiperait sans doute cette incer- titude, mais le temps nous à manqué pour l’entreprendre. Ce monument est assez connu par les nombreuses gra- vures qui en ont reproduit l’image , pour qu'il soit inutile d'en donner une description détaillée. Toutefois, nous ferons observer que, de toutes ces gravures, une seule est contemporaine de l'époque où le monument subsistait encore, et doit passer pour une représentation authen- tique. C’est la petite gravure, devenue fort rare, d'Israël Sylvestre, qui dut l’exécuter vers le milieu du xvir siècle. Cette observation est importante, car toutes les figurations postérieures à la destruction de ce petit édifice , faites de souvenir, ou sur des dessins sans doute inexacts, tendent à consacrer l'existence de détails contestables, et qui ont pour effet de dénaturer le véritable caractère et l'intention morale de ce monument. Dans notre conviction, cet édicule pyramidal et à jour, composé de trois étages superposés et décoré de nombreuses statues, n'était autre chose que le support d'une croix. Fontaines prouve absolument le contraire, puisqu’à la place que devait occuper ce monument , d'une forme si élégante et d'une structure si légère, il montre un simple tronçon cylindrique surmonté d’un cône obtus, humble borne-fontaine dont aucun ornement ne pare la nudité. M. de Belbeuf est également tombé dans cette erreur, avee moins d’excuse encore; car, d’après son assertion, ce serait après avoir examiné le Livre des Fontaines qu'il aurait constaté que le monument en question s'y trouvait figuré. *96 ACADEMIE DE ROUEN. La tradition du monument qui avait précédé indiquait aux auteurs du monument nouveau cette destination que sans doute ils n'auraient pas osé changer; et la forme de la pyramide , quelque étrange qu'elle paraisse , n'a rien qui contredise formellement cette supposition. Que l'on consi- dère le goût de l'époque, qu'on tienne compte de la diver- sité des styles, que l'on consulte les analogies, et l'on reconnaîtra facilement que l’élégant et frèle édicule de la place de la Pucelle n’était, sous une nouvelle expression architecturale, que le pendant, la contre-partie d'une autre pyramide destinée également à servir de fontaine et de monument commémoratif, et qu'on appelle la Croix de pierre. C'est done à tort que, dans Îles représentations modernes , on a placé une statue au sommet de la pyra- mide de la Pucelle; la gravure d'Israël Sylvestre contredit cette donnée. D'ailleurs, un écrivain d’une grande auto- rité dans cette question, Du Lys, descendant de la famille de Jeanne d'Arc, qui consacrait, en 1628, un volume de poésies à la mémoire de l'héroïne, faisant la description du monument qui nous occupe, dit positivement qu'il était terminé par une croix (1). ——————————————_———————————…———…………—………————————— (1) Nous devons déclarer que nous avions emprunté cette assertion au Mémoire de M. de Belbeuf ( Votices et extraits des Manus- crits, etc. M, 564), dans lequel se trouve cité ir extenso le passage de Du Lys, mais qu'ayant voulu vérifier la citation, il nous avait été impossible de retrouver ce passage dans le rare ouvrage du descendant de la famille de la Pucelle, Pourtant, quoique l’assertion de M. de Belbeuf fût formelle, etque l'ouvrage fût exactement carac- térisé par l'indication de sa date et de son contenu : Recueil d'inscriptions en l'honneur, etc., 1628, nous avons cru devoir chercher dans les autres opuscules de Du Lys, et nous avons en effet trouvé ce passage dans le Traité sommaire tant du non, et des armes ,que de la naissance et parenté de la Pucelle, chap. 11. Nous croyons devoir donner un extrait de ce passage significatif, en faisant observer que l'auteur, par une méprise qui à été, au CLASSE DES BELLES-LETTRES. 297 Les gravures modernes ont également contribué à éta- blir une autre inexactitude. Quelques-unes représentent, au centre de l'étage intermédiaire, la Pucelle agenouillée devant Charles VIT; la gravure de Sylvestre fait encore justice de cette invention : il n'y a à cette place qu'une seule figure de femme qui, par droit de prééminence, ne peut être que celle de Jeanne d'Arc. Que représentaient donc les sept autres figures, distribuées tant au centre du lanternin terminal que contre les pieds droits de ce petit campanile, et au sommet des trois pilastres d’accotement? M. de Belbeuf s’est préoccupé de cette question, et, de la tra- dition qu'il avait recueillie, qu’à l'époque de la démolition, une seule figure était reconnaissable, celle de Judith por- tant la tête d'Holopherne, il conclut qu'elles représentaient les femmes fortes de l'Ecriture. Cette supposition, étayée de cet argument matériel, et conforme d’ailleurs au goût de l’époque pour les allégories et les comparaisons symbo- liques, est trop bien fondée pour qu’on puisse la contester. Du Lys, qui publiait en 1628 son œuvre de pieux hom- mage envers l'héroïne de sa famille, constate avec douleur reste, partagée par la plupart des écrivains postérieurs, et par M. de Belbeuf Ini-méme, considérait le monument détruit en 1755 comme étant le monument primitif élevé sur le lieu du supplice après la sentence de réhabilitation. Du Lys, après avoir dit que le jugement de réhabilitation a été exécuté par l'établissement d'une croix et d'une procession solennelle, continue ainsi : «Cette croix estant posée au sommet d’un petit édifice qui est ingénieu- sement taillé et élabouré en pierre de carreau, d'où sort et surgit une belle et claire fontaine qui jette son eau par divers tuyaux, au-dessus de laquelle fontaine est élevée la statue de ladite Pucelle sur (sous) des arcades ; et, en un estage plus haut, est la susdite croix, partie de laquelle est à présent ruinée par sa vétusté, etc. » Cette description s'applique parfaitement au petit édicule à trois étages, et il en ressort clairement que ce monu- ment était surmonté d'une croix, 298 ACADEMIE DE ROUEN. que déja, à cette époque, le monument était fort dégrade. En 1755, après deux siècles de durée, ce n’était plus qu'une ruine qui mettait en danger les habitants qui venaient puiser à la fontaine. L'Administration publique en ordonna la démolition; mais elle comprit en même temps qu'elle ne pouvait pas laisser périr et disparaître, avec ce fragile édifice, le souvenir qu'il devait perpétuer, el, par ses soins, le nouveau monument, la fontaine actuelle, fut érigée l’année suivante. Constatons ici un fait qui n’est pas sans intérêt. En recon- struisant cette fontaine, on la porta au centre de la place. Le monument que l’on venait d'abattre était situé plus à l'ouest, en tirant vers l’entrée du Vieux-Marché. M. de Belbeuf, qui avait recueilli avec tant de soin tous les renseignements qui se raltachaient à l’objet de ses recherches, évalue à vingt pas la distance qui se serait trouvée entre les deux monuments, s'ils fussent restés tous deux debout. Comme nous avons établi précédemment que l'emplacement de la croix primitive devait être cherché beaucoup plus à l'ouest encore, c'est-à-dire en arrière de la ligne des maisons, probablement vers l'extrémité de la salle du Théâtre- Français , c'était donc la troisième station qu'accomplissait le monument de Jeanne d'Arc, et l’on voit combien l’on se méprendrait si l'on attachait , à l'emplacement qu'occupe le monument actuel, un souvenir, une idée plus précise que celle d’une simple commémoration. Il ne saurait exister d'incertitude sur l’origine du monu- ment subsistant ; c'est l'Administration municipale, ou, comme on disait alors, l'Hôtel-de-Ville qui le fit édifier, sur les dessins d’un architecte nommé Dubois. Les amples inscriptions dont il était pourvu avant que le vandalisme révolutionnaire, qui respecta toutefois la statue, ne les eût fait disparaître, racontaient son histoire. Sur une des faces, après la mention de la date et les noms des auto- D CLASSE DES BELLES-LETTRES. 299 rités et des échevins, on lisait : Monumentum vetustate prolapsum sic renovari curavit Civitas. Sur la deuxième face, était une longue inscription en l'honneur de l'héroïne, et dont nous ne citons que quelques passages : Joannæ d'Arc, que sexu fœæmina, arms vir, fortitudine heros... immerità sorte in isto urbis angulo combusta.….…. exœuit flammis quod mortale, gloriæ& superest nunquäm moritura, et in hâc eadem urbe solemniter vindi- Sur la troisième face, huit vers latins commençant ainsi : Flammarum vietrix , isto rediviva trophæo , Vitam pro patrià ponere Virgo docet (1). La statue de Jeanne d'Arc, tenant d’une main une épée et de l’autre une palme, surmonte ce monument. Nous n'avons pu vérifier si cette œuvre était signée, mais læ tradition lui attache le nom de Slodtz. M. de Belbeuf se contente de dire qu’elle est du célèbre Slodtz, énonciation bien insuffisante lorsqu'il s’agit d’une famille dont six membres au moins ont pratiqué l’art de la sculpture avec une certaine renommée , et dont les œuvres nombreuses décorent encore avec honneur les palais de Versailles et des Tuileries, les églises des Invalides et de Saint-Sulpice. M. Le Carpentier, que ses recherches approfondies sur la biographie des artistes doivent faire considérer comme une autorité en cette matière, dit qu'elle est de Paul Slodtz; elle serait donc alors de Paul-Ambroise Slodtz, professeur de l’Académie, mort en 4758, et moins connu par ses (1) Ces trois inscriptions étaient de la composition de l’abbe Saas, de l’Académie de Rouen, qui les avait soumises à l’approba- tion de ta Compagnie; elles ont été imprimées en trois placards petit in-folio. 300 ACADÉMIE DE ROUEN. œuvres personnelles que par l'aide constante qu'il prêta à ses frères, dont l'un, Michel-Ange Slodtz, le plus jeune des cinq, représente la véritable illustration de la famille. Cette statue est si amèrement critiquée de nos jours, que ce serait peine perdue, non pas de la défendre, elle ne mérite certainement pas une apologie, mais même de l'apprécier et de l'expliquer. Nationaux et étrangers, les étrangers surtout, ont déversé sur elle des flots de sar- casmes ; les plus modérés ne voient en elle qu'une mauvaise figure de Bellone ou de Pallas, une médiocre personnifi- cation de la Victoire; un voyageur anglais, bien connu par l’äcreté de ses jugements, le D° Dibdin, la déclare effroyable, et dit qu'elle est dans l’art le digne pendant du poème ridicule de Chapelain dans la poésie; enfin, elle est si universellement condamnée , qu'une administration intelligente se doit peut-être à elle-même de ne pas laisser subsister plus longtemps une efligie qui semble vouer à la risée publique les plus sacrés de nos souvenirs natio- naux. Pour comprendre comment, à un siècle d'intervalle , nos aïeux, au sein d’une civilisation non moins polie et éclairée que la nôtre, ont pu admettre et vénérer même ce qui est aujourd'hui l’objet de notre répulsion , il suffit de savoir que chaque époque, dans l'appréciation des œuvres de l’art, se préoccupe uniquement d'un genre de mérite en faveur duquel elle fait facilement bon marché de tous les autres. Au xvHi° siècle, on appréciait surtout, dans la sculpture monumentale, le mouvement, l'affecta- tion de la force, l'effet énergique et théâtral. À notre époque, on veut avant tout la vérité historique, quelque sacrifice qu’elle impose à l'harmonie des lignes et au pitto- resque : Rien n'est plus beau que le vrai, c'est la maxime inflexible devant laquelle tout artiste doit aujourd'hui s'inchiner. | ciné de ru CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301 L'Académie de Rouen n’est donc que l'organe du senti- ment public lorsqu'elle se prépare à réclamer avec instance, auprès de l'autorité administrative, la suppression de la Statue actuelle et l'érection d’un nouveau monument. Ajoutons, avant d'entrer dans l'exposé des démarches que la Commission a déjà faites au nom de la Compagnie, que celle-ci ne fait que provoquer la ville de Rouen à suivre le magnifique exemple que vient de donner la ville d'Orléans, qui à remplacé un monument insuflisant par un monument dont l'exécution n’a pas coûté moins de 200,000 fr. À ce monument, condamné, lui aussi, par l'opinion publique, se rattachait pourtant un noble souvenir qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler ici. La ville d'Orléans possédait, avant la Révolution, un monument consacré à la commémoration de sa glorieuse délivrance par Jeanne d'Arc; ce monument avait subi bien‘des vicissitudes et des déplacements, mais il remontait, par la tradition d’un monument primitif, jus- qu'à l’année qui suivit la réhabilitation de la Pucelle , et, par son exécution , jusqu’à l'année 1574. Le 29 août 1792, la populace , entraînée par les excitations du représentant du peuple Léonard Bourdon , mit ce monument en pièces ; mais Napoléon , devenu premier Consul, s'empressa d'or- donner qu'il fût rétabli. Malheureusement le résultat ne répondit guère à ces nobles intentions : une statne mes- quine et tourmentée , visant à l'inspiration et à l’enthou- siasme guerrier, fut érigée sur la place du Martroy. C’est cette œuvre médiocre, non moins fausse et maniérée que la nôtre, que la ville d'Orléans a voulu remplacer par la Statue équestre et de proportions grandioses qu'elle à fait exécuter par le sculpteur Foyatier. Ajoutons que, en 1841, Napoléon, donnant à la ville d'Orléans de nouvelles armoi- ries, voulut que le souvenir de Jeanne d'Arc consacrât d'une manière éclatante le nouveau blason. Par ses ordres, ces armes portèrent donc, sur champ d'azur, une Jeanne 309 ACADÉMIE DE ROUEN. d'Arc en pied et armée. Nous voudrions croire que la ville d'Orléans n’a pas répudié ce glorieux blason. Les renseignements qui précèdent nous ont paru néces- saires pour éclairer l’Académie sur le but et la portée de l'œuvre dont elle désire prendre l'initiative. Maintenant , il nous reste à exposer, aussi brièvement que possible, le résultat du travail de sa Commission. Dès le début des délibérations de cette Commission , un membre rappela que l'idée de provoquer l'exécution d'un nouveau monument consacré à la mémoire de Jeanne d'Arc n'était pas nouvelle, même au sein de l’Académie ; que celle-ci avait prêté une oreille bienveillante au pre- mier cri d'appel jeté par un jeune poète, M. Théodore Guiard , l’un de ses membres, et alors il rappela le sou- venir des circonstances qui avaient suscité cette éloquente protestation du patriotisme rouennais. Un artiste d’un beau talent, M. Jean Feuchère, avait exposé, au salon de 4845, une statue en marbre représentant Jeanne d'Arc sur le bûcher, à l'intention et dans l'espoir que la ville de Rouen en ferait l'acquisition, pour en faire le motif principal d’un nouveau monument. Il s'agissait donc d'appeler l'intérêt sur cette œuvre, et de provoquer au besoin une souscription. Aussi le poète s'écriait-il : A Jeanne donnez une obole, Donnez, à peuple rouennais , Son nom, c'est le vivant symbole Du patriotisme français ! Que toute offrande recueillie Grossisse les dons obtenus, Et que Rouen, enorguecillie, Compte une merveille de plus! Vienne alors un grand staluaire, Qui , sur le bronze ou sur la pierre, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 303 Grave l'idée en traits de feu; Et que la Pucelle revive Aux lieux où son âme naïve S'envola dans le sein de Dieu ! La Revue de Rouen s’'associa à cette généreuse mani- festation, et se disposa à lui prêter un énergique appui. Malheureusement , l’idée de représenter Jeanne d'Arc sur un bûcher, aux lieux mêmes où elle avait subi son martyre, fut envisagée sous un jour fâcheux par quelques membres influents des conseils de la cité; on pensa que ce serait accuser, en quelque sorte, nos pères d’avoir participé à ce grand forfait politique, et, quoique M. Chéruel eût écrit l’un de ses plus éloquents Mémoires pour réfuter cette allégation, et prouver que les Rouen- nais, bien loin d’avoir été complices de la mort de Jeanne, n'avaient eu que des larmes pour la victime , de la haine et du mépris pour les bourreaux , la prévention établie , excitée par l’ardeur même de la controverse , ne fit que se développer et se transformer en répulsion violente. Il fallut céder devant cet obstacle insurmontable. En vain le Gou- vernement offrit de donner la statue pour qu’elle fût placée dans un Musée ou dans tout autre établissement public. On refusa de la demander, même sous le bénéfice de cette condition si facile à remplir. La Commission , après avoir entendu ces détails, et après avoir examiné une réduction de la statue que le même membre avait mise à sa disposition, décida qu'il fallait s'enquérir de ce que cette œuvre d'art pouvait être devenue, afin que, si par hasard elle était encore dispo- mble, on pût solliciter l'autorité, mieux inspirée cette fois, d’en faire la demande , pour lui donner la destination qui paraîtrait ensuite la plus convenable. En conséquence de cette sage résolution, qui ne préjuge rien, et laisse à 304 ACADÉMIE DE ROUEN. l'autorité toute latitude , des informations ont été prises à Paris, auprès de M. le Directeur général des musées impé- riaux , de M.le Directeur des expositions des beaux-arts, et d'un chef de section du Ministère d'État, et, de ces informations, il est résulté l'annonce officieuse et bien inespérée sans doute, que la statue était toujours dans les magasins du Gouvernement, à la disposition de la ville de Rouen, et qu'il suflirait d'une simple demande adressée à M. le Ministre d'État pour qu'elle fût immédiatement accordée , à la condition de la placer honorablement et de l'élever sur un socle en rapport avec sa valeur et son mérite artistique. Le but de la Commission pouvait donc être considéré comme atteint , au moins pour le moment ; il lui a paru que, sans préjuger la question de placement à laquelle cette statue devra ultérieurement donner lieu, il fallait, avant tout, s’en assurer la propriété, et que l’Académie , sans perdre de vue le but auquel elle tend, n’eût-elle obtenu que ce résultat de contribuer à faire entrer la ville en possession d'un précieux objet d'art dont celle-ci paraissait avoir jadis méconnu la haute valeur, elle aurait encore bien mérité de ses concitoyens. En conséquence, la Commission a l'honneur de vous proposer d'inviter M. le Préfet et M. le Maire de Rouen, à vouloir bien user de leur haute influence auprès du Gouvernement, à l'effet d'obtenir la statue en marbre de Jean Feuchère , représentant Jeanne d'Arc sur le bûcher, laquelle recevra ensuite telle destination honorable que l'autorité jugera à propos de lui assigner ; l’Académie réservant, pour le soumettre à une plus mûre délibération, le projet de substituer un monument nouveau au monu- ment ancien que l'opinion publique réprouve comme indigne de sa haute et patriotique destination. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 305 Les conclusions de ce rapport ayant été adoptées et transmises simultanément à M. le Préfet et à M. le Maire de Rouen , une demande de la statue de Jeanne d'Arc fut adressée à S. Exc. M. le Ministre d'Etat, qui s’est empressé de l’accueillir. La statue à été transportée à Rouen; elle est en ce moment déposée à l'Hôtel-de-Ville, et doit être placée au Musée de peinture. PROGRAMME DES PRIX PROPOSÉS POUR LES ANNÉES 1859, 1360 ET 1864. | ---—S— L'Académie distribuera, dans ses séances publiques annuelles des mois d'août 1859, 1860 et 18614, les Prix dont les sujéts sont spécifiés ci-après : POUR 1859. ENCOURAGEMENTS AUX BEAUX-ARTS. L'Académie décernera des médailles d'encouragement aux artistes nés ou domiciliés dans un des cinq départements de l'ancienne Normandie qui, depuis le mois d'août 1856, se seront le plus distingués dans les Beaux-Arts, à savoir : la peinture, la sculpture, l'architecture, la gravure, la lithographie et la composition musicale. Das de POUR 1860. PRIX DES SCIENCES. La Flore des plantes phanérogames du département de la Seine-Inférieure a été faite , mais la Flore des crypto- ACADÉMIE DE ROUEN. 307 games est fort incomplète, surtout celle des côtes mari- times ; l'Académie , reconnaissant l'importance de ce tra- vail, veut en hâter l’exécution en proposant un prix de 300 fr. sur le sujet suivant : « Tracer la FLORE CRYPTOGAMIQUE des côtes maritimes de la Seine-Fnférieure. » PRIZ BOUCTOZ. Un ancien négociant, M. Bouctot, a fait, en faveur de l’Académie Impériale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, un legs destiné à fonder des prix annuels de chacun 500 fr., qui devront être accordés, au nom du testateur, aux œuvres que la Compagnie aura provoquées, reçues et jugées dignes de cette récompense. L'Académie propose, en conséquence , trois sujets de prix qui seront décernés, s’il v a lieu, aux mois d'août des années 14859, 1860 et 4861, savoir : FOUR 1859. PRIX DES LETTRES. ÉTUDES LITTÉRAIRES SUR LES FEMMES NÉES EN NORMANDIE, qui se sont fait un nom dans les Lettres au XV et au xvine siècle. POIR 1860. PRIX DES BEAUX-ARTS. Tableau dont le sujet aura été pris dans l'histoire de Normandie. 308 ACADÉMIE DE ROUEN. Les artistes devront faire parvenir leurs œuvres à l'Aca- démie avant le 4t mai 4860, avec une lettre d'envoi dans laquelle sera renfermé le billet cacheté contenant leur nom. Après le jugement du concours, les tableaux seront rendus à leurs auteurs, mais l'artiste qui aura obtenu le prix devra remettre à l'Académie une esquisse de son œuvre. POUR 1861. L'Académie décernera un prix de 1,500 fr. à l’auteur du meilleur Mémoire sur l'HISTOIRE DU COMMERCE MARI- TIME DE ROUEN, depuis le commencement du XVX siècle jusqu'au commencement du xIX*; ce travail devant faire suite au remarquable ouvrage de M. bE FRÉVILLE , cou- ronné déjà par l'Académie , et qui a été publié, en 1858, par les soins de la Compagnie. PRIZ CGOSSIER. POUR 1861. Un prix de 750 fr. sera décerné à l’auteur du meilleur Mémoire sur le sujet ci-après : , ETUDE DU PAUPÉRISME A ROUEN, depuis le commencement du siècle jusqu'en 1858, et indication des meilleurs modes à suivre pour l'administration des secours. ACADEMIE DE ROUEN. 309 OBSERVATIONS COMMUNES A TOUS LES CONCOURS, EXCEPTÉ CEUX QUI CONCERNENT LES BEAUX-ARTS. Tous les Mémoires devront être manuscrits et inédits. Chaque ouvrage portera en tête une devise qui sera répétée sur un billet cacheté, contenant le nom et le domi- cile de l'auteur. Dans le cas où le prix serait remporté, l'ouverture du billet sera faite par M. le Président, en séance particulière , et l’un de MM. les Secrétaires donnera avis au lauréat de son succès, assez tôt pour qu'il lui soit possible de venir en recevoir le prix à la séance publique. Les académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les Mémoires devront être adressés francs de port, avant le 47 MAI DE L'ANNÉE OU CHAQUE CONCOURS DOIT AVOIR LIEU, TERME DE RIGUEUR , soit à M. A. LEVY, soit à M. A. POTrIER, secrétaires de l'Académie. Extrait de l'art. 66 du Règlement du mois d'août 1818. « Dans tous les cas, les ouvrages envoyés au concours appartiennent à l’Académie, sauf la faculté laissée aux auteurs d’en faire prendre des copies à leurs frais. » RÉGLEMENT DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, Adopté le 22 Février 1856. TITRE PREMIER. Dispositions relatives aux nominations des Membres. ART. 4 (10°). Toute canditature au titre de membre résidant est sou mise aux formalités suivantes : Le candidat soumet sa demande au Bureau, et fait une visite à chacun de ses membres. Si la demande est prise en considération , les ouvrages présentés à l'appui sont renvoyés, par le président, a une Commission de trois membres; puis, le rapport entendu, le Bureau décide s'il y a lieu de proclamer la candidature. * Les chiffres entre parenthèses renvoient aux articles des Sfa/uts réglementaires insérés dans le volume de 1848, p. 299 et suivantes, RÉGLEMENT. 311 En cas d’aflirmative, avis en est transmis au candidat par le président. , Dans la séance qui suit cette proclamation, il est procédé à l'élection, sur convocation spéciale et au scrutin secret. Le nombre des votants doit être égal aux trois cinquièmes des membres résidants inscrits au tableau. Le candidat, pour être nommé, doit réunir les deux tiers, au moins , des suffrages. ART. 2 (14). Les membres résidants doivent se faire recevoir dans les trois mois qui suivent leur nomination. Après ce délai, leur élection peut être annulée. ART. 3 (13). Tout candidat admis au nombre des membres résidants doit adhérer aux statuts de l’Académie, en y apposant sa signature. Le jour de sa réception , il prononce un discours auquel répond le président. ART Æ (NT): Lorsque plusieurs candidats au titre d’académicien rési- dant sont présentés pour une seule place, et qu'après deux tours de scrutin, aucun d'eux n’a réuni la majorité pres- crite par l’art. der, l'élection est renvoyée à une autre seance. ART, (54622) : Si un ancien membre résidant qui, en vertu de l'art. #4 des statuts, est passé dans la classe des correspondants, désire reprendre son premier titre dans la Compagnie, il 312 ACADÉMIE DE ROUEN. adresse sa demande au Bureau , qui la soumet à l'Académie, et la réélection a lieu, dans une séance convoquée à cet effet , au scrutin secret, à la simple majorité des suffrages des membres présents, pour toute formalité. ART 16: (T5): La nomination des membres correspondants est soumise aux règles indiquées dans l'art. 4e; toutefois, les candidats ne sont pas assujettis à faire des visites aux membres du Bureau. ART NT: Les associés libres sont nommés par l’Académie sur la présentation du Bureau. L'élection a lieu sur convocation spéciale , à la majorité des membres présents, dans la séance qui suit la présen- tation. ART. 8 (38 ). Le Bureau est immédiatement convoqué pour délibérer dans les cas prévus par les art. 4%, 5 et 6 ci-dessus. Il rend compte de sa délibération à la séance suivante. ART. 9 (16). L'Académie délivre un diplôme à chaque membre rési- dant , associé libre ou correspondant. Ce diplôme n’est remis aux membres résidants qu'après leur réception. ART. 40 { 171). Les membres résidants se cotisent pour subvenir aux dépenses de l'Académie. Le taux de la cotisation est, pour chacun, de 50 francs RÉGLEMENT. 313 par an, qui sont versés, avant le 1% janvier, entre les mains du trésorier. Les résidants reçus dans le courant d’un semestre doi- vent le semestre entier. Tout membre résidant qui, nonobstant les réclamations du trésorier, aura laissé passer deux années sans acquitter sa cotisation , cessera d’appartenir à l’Académie, après la décision du Bureau, laquelle sera mentionnée au procès- verbal. ART. 12 (19). Il en sera de même pour tout membre résidant qui, sans motifs valables, aura négligé pendant plus de deux ans d'assister aux séances de l’Académie, ou qui n'aura pris aucune part à ses travaux pendant ie même laps de temps. Toutefois, la présente disposition ne pourra être appliquée qu'après un avertissement préalable et une mise en demeure , adressés au membre volontairement absent et demeurés sans résultat. La radiation sera prononcée par l’Académie spécialement convoquée à cet eflet. Ant 43720) Les correspondants sont soumis à une cotisation de 50 francs une fois payée. Le nouvel élu ne reçoit son diplôme et n'est inscrit au tableau qu'après avoir effectué son versement. ART. 44 { 27.). Les membres honoraires, les associées libres et les correspondants étrangers, sont exempts de toute cotisation. 314 ACADÉMIE DE ROUEN. ART. 45 (6). Les membres honoraires prennent rang immédiatement après les officiers du Bureau et ont le droit de participer aux travaux et aux délibérations de la Compagnie. TITRE DEUXIÈME. Dispositions relatives aux travaux de l'Académie. ART., 46 ( 43 ). Le programme des lectures à faire dans les séances publiques est soumis, par le Bureau, à l'adoption de l'Académie. ART. 47 (44). L'Académie décerne chaque année, s'il y a lieu, dans une séance solennelle, des prix ou des récompenses exceptionnelles. ART. 18 ( 46). Les vacances de l'Académie commencent au 145 août et finissent le 145 novembre inclusivement. Elle vaque en outre depuis le 25 décembre jusqu'au 10 janvier et pen- dant la quinzaine de Pàques. ART. 49. | 47:). Les académiciens qui ont quelque communication à faire, doivent adresser leur demande au président, qui en tient note. RÉGLEMENT. 315 ART. 20 (48 ). Après chaque communication, le président demande à l'Académie s'il y a lieu à discussion et à quel moment cette discussion doit s'ouvrir. ART. 24 (53-55 ). Tout étranger à l'Académie peut obtenir du président l'autorisation d'assister aux séances particulières , et même d'y faire des communications relatives aux travaux ordi- naires de l’Académie. ART. 92 | 49). Aucun membre ne doit prendre la parole dansles séances sans en avoir obtenu l'autorisation du président. Le président seul peut interrompre un orateur et le rappeler à la question s'il s'en écarte. Il peut même lui retirer la parole si les convenances l’exigent. ART. 23 (50). Toute proposition, quel qu’en soit l’objet, présentée par un membre résidant, peut être immédiatement déve- loppée par lui; mais, hors le cas d'urgence reconnu et déclaré par l’Académie, elle n'est mise en délibération qu'à une autre séance, pourvu qu'elle ait été appuyée par trois membres. La proposition reste, dans l'intervalle, déposée sur le Bureau. Arr. 24 (51). L'Académie ne peut prendre aucune délibération si vingt membres résidants, au moins, n'ont été inscrits sur 316 ACADÉMIE DE ROUEN. le regître de présence, et la délibération n'est valable qu'autant qu'elle à obtenu la majorité de onze voix. ART. 25 ( 52 ). A leur entrée dans la salle d’assemblée , les membres résidants inscrivent leur signature sur un regitre à ce destiné. Après la lecture des procès-verbaux , le trésorier présente le regitre au président, qui l'arrête. Il est distribué des cartes de présence aux seuls membres dont les signatures ont été apposées au regitre avant l'arrêté. La valeur de ces cartes sera déterminée chaque année après l'adoption des comptes du trésorier. TITRE TROISIÈME. Dispositions relatives au Bureau et aux séances publiques. ART. 26 ( 36 ). Le scrutin pour le renouvellement des ofliciers du Bureau a lieu dans la dernière séance de chaque année. La majorité absolue des voix des membres présents est nécessaire pour l'élection. ART 27 (37). En cas de décès ou de démission d'un officier de Bureau, il est procédé à son remplacement dans la plus prochaine séance , et les fonctions du nouveau titulaire expirent à l’époque où devaient finir celles du membre qu'il remplace. Néanmoins, le vice-président élu president, et le nou- veau vice-président, peuvent être réélus aux mêmes fonctions. REGLEMENT. 317 ART. 98. Tous les membres de l’Académie sont convoqués aux séances publiques. Le président adresse aux Sociétés savantes de Rouen l'invitation d'y assister par députations ; il y invite également les principales autorités. TITRE QUATRIÈME. Attributions des Secrétaires. ART 2010280) Les secrétaires restent dépositaires des mémoires, lettres el papiers, jusqu'à la fin de l’année académique, et les remettent ensuite au bibliothécaire-archiviste. ART. 30 {30 ke Les sujets dont s'occupe l’Académie se partagent entre les deux secrétaires de la manière suivante : Classe des Sciences. Classe des Lettres et des Arts. Sciences Mathématiques, Physi- Littérature. ques, Naturelles et Médicales. Archéologie. Agriculture et Economie rurale. Histoire. Commerce. Philosophie et Morale. Industrie et Arts mécaniques. Législation. Statistique. Economie politique. Géographie et Navigation. Beaux-Arts. En cas d'incertitude , l'Académie est consultée. 318 ACADÉMIE DE ROUEN. ART: 34 ("31 ). Chaque secrétaire tient un regiître des procès-verbaux de sa classe. Outre ces deux regitres, il en est tenu un troisième , spécialement destiné aux délibérations de l'Académie ; elles y sont transcrites par les soins du secrétaire pour la classe des lettres. ART.132 (32). Ces trois regitres doivent toujours être à jour, et, à la fin de l’année, une table alphabétique des délibérations prises par l'Académie est dressée et portée au regitre spécial mentionné en l’article précédent. TITRE CINQUIÈME. Archives, Bibliothèque. ART. 33 (61). La bibliothèque et les archives de lAcadémie sont placées dans le lieu même des séances , ou dans un local à ce destiné. ART. 34 (62). Les livres et autres objets appartenants à l’Académie sont à la disposition de ses membres, mais ils n'en peuvent déplacer aucun sans avoir donné leur signature sur un regître ouvert à cet effet. La remise en est faite aux mains de l’archiviste, qui la constate sur ce regitre. RÉGLEMENT. 319 ART. 35 (62). À la fin de chaque année, l’archiviste fait, d’après le regitre mentionné en l’art. 47 des statuts, et pour être imprimée dans le volume du Précis, la liste des objets qu'a reçus l’Académie. TITRE SIXIÈME. Jeton, Sceau, Estampille. ART. 36 (56). Le jeton de l’Académie porte , à la face, l'empreinte des trois figures de : Corneille, Fontenelle et Nicolas Poussin ; le revers présente un temple à trois portes, avec la légende : Tria limina pandit, et en exergue, par abréviation : Scient., Litt. et Art. Academ. Rothom., 1744. ART. 31: (57). Le sceau de l’Académie se compose du revers du jeton ; une estampille portant pour légende, aussi par abré- viation : Acad. des Sc., L. et Arts de Rouen, 1744, est empreinte sur les livres, plans, gravures et tous autres objets appartenants à l’Académie, au moment où ces objets lui sont présentés. Rien ne peut être déplacé sans que cette formalité ait été remplie. ART. 38. Un jeton est remis aux membres résidants , lors de leur réception , et il peut en être offert par le Bureau, dans les séances particulières, aux membres des Sociétés savantes , 320 ACADÉMIE DE ROUEN. nationales ou étrangères, et même à de simples particuliers qui s’y présenteraient en vertu de l’art. 21. TITRE SEPTIÈME ET DERNIER. Correspondances, Publications, Service funèbre, Objets divers. ART. 39 (69). L'Académie entretient des relations avec toutes les Sociétés savantes, nationales et étrangères qui en témoi- gnent le désir , et fait avec elles un échange de ses publi- cations. Ant. 40 (67). Les programmes des prix sont imprimés et rendus publics par les secrétaires , chacun pour sa classe. Il en est adressé des exemplaires à tous les membres de l'Académie, quel que soit leur titre, aux Sociétés qui sont en relation avec elle et aux principaux journaux de Rouen. ART. 41 (68). Les programmes des prix ordinaires sont toujours publiés deux ans à l’avance. L'annonce du Prix (Gossier et des autres prix extraor- dinaires aura lieu trois ans d'avance. ART. 492. Les ouvrages soumis au concours devront être envoyés a l'Académie au moins quatre mois avant l’époque fixée pour la distribution des prix. RÉGLEMENT. 321 ART. 43 (70 ) L'Académie fait imprimer le Précis analytique de ses travaux à la fin de chaque année. À la suite du Précis, est imprimée, tous les cinq ans, la liste générale des membres de l’Académie, avec la date de leur réception , ainsi que la liste des Sociétés qui sont en relation avec la Compagnie. ART. #4 (71). Une Commission de cinq membres, nommée dans une des séances du mois de décembre, pour chacune des deux classes, est chargée de faire, à la première séance du mois de juillet, un rapport sur les ouvrages présentés pendant l’année, et d'indiquer ceux qui doivent être imprimés dans le Précis, en entier ou par extrait. ART. 45 (72). L'Académie vote au scrutin sur chacun des ouvrages dont l’impression est proposée par la Commission. Aucun autre ouvrage ne peut être ajouté que sur une proposition signée de cinq membres, et adoptée par l’Académie au scrutin secret. ART. 46 (73). Les Mémoires dont l’Académie aura voté l'impression ne pourront être modifiés par leurs auteurs, ni dans leur esprit ni dans leur étendue. ART. 47 (74). Les manuscrits de ces Mémoires, ainsi que ceux de toutes les lectures faites en public, devront être remis, 21 322 ACADEMIE DE ROUEN. immédiatement après la séance solennelle de fin d'année, aux mains des secrétaires à la classe desquels ils appar- tiennent. Les secrétaires et le bibliothécaire-archiviste, conjoin- tement avec une Commission de trois membres, sont seuls chargés de la surveillance des impressions, et rien ne pourra être imprimé que par leur ordre. ART. 48 (75). Le Précis, tiré au nombre d'exemplaires déterminé par l’Académie , est présenté, dans la séance de rentrée, et distribué de la manière suivante : deux exemplaires à chacun des officiers du Bureau , un exemplaire à tous les membres de l'Académie, quel que soit leur titre, ainsi qu'aux bibliothèques du département , de la Préfecture , du Lycée de Rouen, des cinq classes de l'Institut, du Muséum d'histoire naturelle de Paris, des divers Ministres et des Sociétés savantes qui sont en relation avec lAca- démie. Ant. 49 (56). L'impression des ouvrages, autres que le Précis, ne pent être décidée que sur le rapport de cinq membres, et au scrutin secret. ART. 50 (77). L'Académie fait célébrer, tous les ans, un service solen- nel en mémoire de ses bienfaiteurs, MM. l'abbé Le Gendre, l’abbé Gossier, Bouctot et autres, et de tous ses membres décédés ; Elle y assiste en corps. | | | : 1 b RÉGLEMENT. 323 ART. 541 (78). L'Académie se fait représenter aux obsèques de ses membres résidants par une députation de cinq membres. Un discours sera prononcé, après avoir été communiqué au président ou à la députation. La famille de l’académicien décédé est invitée, l’année suivante, à assister au service solennel. ART. 52 (79). Lorsque l’Académie est invitée à quelque cérémonie publique, il est statué, par une délibération particulière , sur la manière dont elle s’y rendra ; en cas d’impossibilité de réunir la Compagnie ou même le Bureau, le président décide provisoirement et désigne la députation, et s’il y a lieu de prononcer un discours, il sera communiqué , soit à l’Académie , soit, en cas d'empéchement, au Bureau. ART. 53 (80). Une députation de cinq membres , dont le président ou le vice-président fait nécessairement partie, se rend chaque année, le 4‘ janvier, auprès des autorités que désigne l’Académie. ART. 54 (81). Dans tous les cas où l’Académie est convoquée, les lettres sont envoyées au moins trois jours avant la séance, et doivent porter l'indication expresse de l’objet de la convocation. 324 ACADEMIE DE ROUEN. ART. 55 (83). 11 ne pourra être fait aucune addition ni modification au présent règlement, que dans une séance spécialement convoquée à cet effet, et à la majorité des trois quarts au moins des membres votants. ARTICLE 56 ET DERNIER. Le présent règlement, discuté dans des séances spécia- lement convoquées , à été définitivement adopté dans son ensemble , par appel nominal , le 22 février 1856. TABLE DES OUVRAGES Reçus pendant l’année académique 1856-1857, et clussés par orûre alphabétique, suit du nom de l'auteur ou du titre des ouvrages anonymes, soit du nom de la ville où sont publies les ouvrages périodiques et ceux des Sociétés savantes. Dressée conformément à l'art, 63 des nouveaux statuts ( F. le vol. de 1848). Académie nationale, agricole, manufacturière et commer- ciale, et Société française de statistique universelle. Journal mensuel des travaux, août à novembre 1857, janvier à juin 1858. Aix. Académie des sciences. Mémoires , 1. 7, 1857. American Academy. 7”. Cambridge. Amiens. Académie des sciences, etc. Mémorres , 1856-57, 3° Avrarson. Amiens. Société des antiquaires de Picardie. Mémoires. Documents inédits concernant la Province, t. 3°, 1856. Tables.— Bulletin, 1857, n° 3 et 4 ; 1858 , n® 1 et 2. Amsterdam. Académie royale des sciences. Verslagen en Mededeelingen, x1 cahiers, 1856-57. — Octaviæ querela. Angers. Société académique de Maine-et-Loire. Mémoires, ir vol., n°2; 5° vol, 1854 ;6°,7°, 8°, 1855; 2° vol., 1858. Angoulème. Société d'agriculture, etc. — Annales, t. 39, RÉORENSE me — © 326 TABLE DES PUBLICATIONS. Annuaire des cinq départements de l’ancienne Normandie. V”, Caen. Anvers. Académie d'archéologie de Belgique. Annales, t.14,2°, 3° et 4° liv., 1857. Association des Médeciens de la Seine-Inférieure. F. Ving- trinier. Association normande. F. Caen. Athénée des arts de Paris. Annuaire 1853. Aussy (Hipp. d'). Chroniques saintongeoises el aunisiennes, Saintes , 1857. Azaïs père (J.). Dieu, l'homme et la parole ou la langue primitive . Bachelet. J’. Désobrs. Belgique. F. Anvers, Bruxelles, Jobard. Benoît-Folliot. Sentence rendue par Ponce-Pilate. Bergues. Société de l’histoire de la Flandre maritime. Mémoires , 1857. Berlin. Académie royale des sciences. Monatsbericht, 11 cahiers de janvier à décembre 1856; 8 n°* de janvier à août 1857. Bertherand (le D'E.-L.). Médecine et hygiène des Arabes. Paris, 1855. Besancon. Société de médecine. Bulletin n° 7, 1857. Béziers, Société d'archéologie. Bulletin, 15° livr., 1857. — Compte-rendu de la séance publique du 21 mar 1857. Bidaut. Ue la santé et du bonheur. — Petit Cadeau à des amis. Paris, 1858. Boileau de Castelnau. L’Opinion du Midi. 21 août 1857. — Hautes temperatures à Nimes, de juin 1826 au 8 août1857. Bonnechose (Mgr Henri de), archevèque de Rouen. Lettre pastorale du 13 mai 1858. TABLE DES PUBLICATIONS. 327 Bordeaux, Académie impériale des sciences, etc. Recueil des actes, 3° et 4° trim. 1856; 19, 2°, 3e et 4° trim. 1857. Boucher de Perthes, Voyage en Danemarck, en Suède, en Norwège , par la Belgique et la Hollande, ete, en 1854. Paris, 1858. — Antiquités celtiques et antédiluviennes. — Mémoire sur l'industrie primitive et les arts à leur origine, t. 2°, 18)7. Bouillier. L'Institut et les Académies de province. Lyon, 1857. Boulogne-sur-Mer. Société d'agriculture. Séance semestrielle du 7 Novembre 1855. Bourdon (d'Elbeuf). Notice biographique sur M, V. Grand. Caen, 1858. Bourg. Société d’Émulation de l'Ain, Journal d'agriculture , étc-,n°%6;a 12, 1807; n%1,2, 3, 5et63c1868. Bouteiller fils. Wariété nouvelle de monstre double parasitaire, etc. — Considérations par le D' Goubaux. V. Ningtrinier, Bruxelles. Académie royale des sciences , etc. , de Belgique, 23 2)p3e 1856: Bruxelles. Académie royale de médecine. Bulletin, t. 16, n#7à10,1856-57;t.1",n"1à8, 1857-58 ; a° série, 1897,t. 1,2, 3.— Annuaire 1857-58. Caen. Académie impériale des sciences, arts et belles-lettres. Mémoires 1858. Caen, Association normande, Annuaire des cinq départements de la Normandie, 1858. Caen. Société des antiquaires de Normandie. Mémoires, 3° série , 2°. vol. 1857. Caen. Société linnéenne du Calvados. Atlas, 1825. — Mémoires, vol, 6, à 10, 2° vol. 1856-57. 328 TABLE DES PUBLICATIONS. Cambridge and boston American Academy. Mémoirs. New series, vol. VI, part. 1'°, 1857. Canu, F. Vingtrinier. Castorani (le D"). Memoïres sur les causes de la cataracte lenticulaire, 1857.— Fixateur de l'œil. Cazac (Louis). Faïts pour servir à l'analyse des sucres. Cazin, D. M. Traité pratique et raisonné des plantes médici- nales indigènes. 2° éd., avec atlas. Paris, 1858. Chälons-sur-Marne. Société d'agriculture. Mémorres , 1857. Chälons -sur-Saône. Société d'histoire et d'archéologie, Memoires, t. 3° en feuilles. Charma. Lepère André et Charles Quens. Notices bivgraphiques. 1857. Chartres. Société archéologique d’Eure-et-Loir. Exposition archéologique et d'objets d'arts, à Chartres , du 10 mat au 10 juin 1858. Chastan (Auguste). Chansons , satires, nouvelles et poésies en patois valreassien. Chénedollé. F. Helland. Cherbourg. Société impériale des sciences naturelles. Me- moires , t. 4, 1856. Clavareau (Auguste). Le Paradis et la Péri, conte oriental traduit de Thomas Moore. Liége, 1857.— L’hivernage des {lollandais à la Nouvelle-Zemble , 1597-98. Traduit de Collena. Utrecht, 1851. Cloquet. F, Velpeau. Clos (le D' Dominique). Origine des champignons. La truffe et sa culture. Cochet (l'abbé). Épigraphie de la Seine-Inférieure depuis les temps les plus reculés jusqu’au milieu du x1v° siècle, 1855. Collomb (Édouard ) et de Verneuil. Notice à l’occasion de deux coupes géologiques générales faites à travers l'Espagne TABLE DES PUBLICATIONS. 329 du nord au sud, et de l'est à l’ouest. — Géologie du sud-est de l'Espagne. Résumé succinct d'une excursion en Murcie et sur la frontière d’ Andalousie, accompagné d’un tableau des hauteurs du sol au-dessus de la mer. Collomb (Édouard). Terrain erratique des Vosges, 1845.— Des phénomènes du terrain erratique; extrait des Mémoires de la Sociétélibre d’Emulation du Doubs — Note sur l’époque d'apparition des glaciers dans l’Europe centrale.— Nouvelles observations faites sur un petit glacier temporaire des Vosges, en janvier et fevrier 1848.—Notice sur les blocs erratiques etles galets rayés des environs de Lyon.— Lettre à M. Constant Prévost sur la moraine du lac du ballon de Guebwiller, 1851. — Mémoire sur les glaciers actuels, résumé des observations faites sur les glaciers, dans ces derniers temps, 1857.— De quelques particularités relatives à la forme ex- térieure des anciennes moraines des Vosges. —Des talus. Compte général de la justice. V. Ministère, Conseil général de la Seine-Inférieure, Session ordinaire de 1857. (Envoi de M. le Sénateur-Préfet). Corblet (l'abbé Jules). Notice historique et liturgique sur les cloches, 1857.— Tombeau de ME Cart, érigé à Nimes, sur les plans de M. H. Revoil. 1858. Corneille (Auguste). Les Byzantines, poésies. Dalloz (Armand. Obsèques , le 23 juin 1857. Dalton (John). Nouveau système de philosophie chimique. 1e partie, 2° vol., 1857. — Id., 1° partie, 2° édit., 1842. D’Aussy. PV. Aussy. De la Quérière. Un dernier mot sur la flèche en fer fondu de la Cathédrale de Rouen. — Saint-Cande-le- Jeune, église paroëssiale de Rouen, supprimée en 1791. 330 TABLE DES PUBLICATIONS. Delioux de Savignac (D' I.). Recueil de mémoires sur la pharmacologie, la pathologie et la thérapeutique médicales. Dézobry et Bachelet. Diclionnaire général de biographie et d'histoire, de mythologie, de géographie uncienne et moderne, etc. 2 gros vol, gr. in-8°. Dijon Académie impériale. Mémoires, 1856.—F. Nodot. Dijon. Société d'agriculture. Journal d'agriculture de la Côte- d'Or. 19° année, 3° série, t, 1°°, n°° de janvier à avril, 1858. Douai. Societé impériale d'agriculture, Mémoires, t. 4. 1856. Drouyn (Lco). Croix de processions, de cimetières et de carrefours. Du Bled (Achille). Manuscrit venu de Sainte-Hélène, dédie à S. M. Napoléon III. Lyon, 18537. Du Bois (Louis). F. Travers. Duchesne (E.-A.). Des chemins de fer et de leur influence sur la sante des mécaniciens et des chauffeurs. Paris, 1857. - Duparay. Des principes de Corneille sur l'art dramatique. Thèse de doctorat. Duranville (Léon de). Æssar sur l’histoire de la côte Suinte- Catherine , etc. 1857. Dusevel (H.). Souvenirs du Logis-du-Roi d'Amiens, 1857.— Notice biographique sur M. Gilbert. Epinal { Vosges) Société d'Émulation. 11° cahier , 1856. Estaintot (le vicomte Robert d’). Des usurpations de titres nobiliaires, au double point de vue de l’histoire et du droit pénal. Paris, 1858. Evreux. Société libre d’agriculture, etc. Recueil des travuux , t. 4, 1855-56. Favre (A.). Mémoire sur les tremblements de terre ressentis en 1855-1856.— Notice sur la géologie des bases de la TABLE DES PUBLICATIONS. 331 montagne du Mole en Savoie. — Observations relatives aux lettres sur la constitution géologique de quelques parties de la Savore , etc. Flèche de la Cathédrale. F. Rouen et De la Quérière. Garnier (J ). Votice sur Jean PacÈs , marchand et historien d'Amiens (1655-1723). — Rapport sur les travaux de la Societé des Antiquaires de Picardie. Amiens, 1857 —Rapport sur la méthode de lecture de M. Edouard Paris. Amiens, 1858. Géhin (J.-B.).Notes pour servir à l'histoire des insectes nuisibles à l'agriculture , etc. , n° 3. Genève. Bibliothèque universelle. Revue Suisse et étrangère , L 1, n% x et 2, 2° vol. , n° 1, 20 janvier 1858. Gigot (le D' Léon). Etudes cliniques sur le traitement de l'angine couenneuse et du croup ( Épidémie de 1856). Paris, 1857. Gilbert. P. Dusevel. Girardin et Morière. Excursion agricole à Jersey , faite en septembre 1856, etc., 1857. Girault (Ch.). Eléments de géométrie appliquée à la transfor- mation du mouvement dans les machines —De la resistance de l’air dans le mouvement oscillatoire du pendule. Caen, 1858. Goubaux. J’. Bouteiller. Grandin F”, Bourdon. Grateloup (le D' de) Essai sur la nourriture et les stations bota- niques el geulogiques des mollusques terrestres et fluviatiles, Guéret (Creuse). Société des sciences naturelles et archéo- logiques. Mémoires, t 2, 1857. Guiet (E.-L.) Première lettre géologique adressée à l’Académie des Sciences et aux principales Sociétés savantes, 1857. 332 TABLE DES PUBLICATIONS. Havre. Société havraise d’études diverses, Recueil des publi- calions de la 22° et de 23° année , 1855-1856. Helland ( Gabriel). Etude biographique et littéraire sur Chéne- dollé , auteur du poème : Le Génie de l’homme. Hélot (Charles). Thèse pour le doctorat en médecine, soutenue le 10 avril 1858. De la fièvre puerpérale. Hermann. Ueber den anbau und Ertrag des Bodens im Kuni- greiche Bayern, 1857. Heyden. 7, Van der. Hofmann. Ueber die Gründung der Wissenchaft altdeutscher Sprache und Literatur. München, 1857. Iastitut historique, L’Incestigateur, Tivraisons 271° à 283°. Ireland, Catholic University. The atlantis Register of litterature and science, Jobard. Bulletin du Musée de l’industrie belge, juillet à dé- cembre 1857; janvier à juin 1858. Monographie du mal de mer, 1857. Jolly. Ueber die physik der molecularkräste, 1857. Magne- tische. Ortsbesiimmungen an verschidenen Puncten des Konigreichs Bayern und an einigen auswärtigen Stationen. Journal des savants. Septembre 1857 à juillet 1858. Justice. F, Ministère. Kerckhove. F. Van der heyden. Lambert (Ed.). Bibliothèque de Bayeux. Le Brument (le D' E.-H.). De la nutrition comme source unique de lu santé et de lu maladie, etc., 1858. Le Doyen. Inventaire des archives du Doyenne de Doudeville. 1° partie, Doudeville, 1857. ? 1 TABLE DES PUBLICATIONS. 333 Le Héricher. Essui sur la flore populaire de Normandie et d'Angleterre. Paris, 1855. Leroy d’Étiolles (Raoul). Etudes sur la gravelle. Ses caractères physiques, ses anomalies, etc., Paris, 1857. Des paralysies des membres inférieurs. Paris 1857. Lesueur. Petit traité pratique du Jardin fruitier de la ferme. Rouen, 1857. Liège. Societé des Beaux-Arts. Règlement de l'Association pour l’encouragement des beaux-arts. 1857. Liége. Société liégeoise de littérature Wallonne. Bulletin, rt année, 1858. Lille. Société impériale, Mémoires 1856. 2° série, 3° vol, Limoges. Société d'agriculture, L’agriculteur du centre, n°° 2 à 4, 1857. n° 1, 1858. Mäcon. Académie des Sciences. Annales, t, 2, 3. 1857. Malbranche. De la prétendue transformation de l’Ægilops en triticum. 1857. Manchester. Société littéraire et philosophique. Mémoires, 14 volumes de 180 à 1857. Mans (Le). Bulletin, t. 13, 2° trim. 1857. 1°r, 2°, 3° et 4e trim. 1858. Martius. Denkrede auf Christian Samuel Weiss. München, 1857. Masson (le Dr). Thèse pour le doctorat en médecine. De Za thoracentèse dans la pleurésie aiguë. Mélays. F, Vingtrinier. Metz. Société d'histoire naturelle du département de la Moselle. Bulletin, 8° cahier. 1856-1857. 2° série, 5e année. Mende, Société d'agriculture, etc. Bulletin, juillet à décembre 1857 ; janvier à mai 1858. 334 TABLE DES PUBLICATIONS. Meurein (Victor). Observations météorologiques faites à Lille pendant l’année 1855-1856. Lille, 1857. Michéa (le D'). Du pronostic de l’épilepste et du traitement de cette maladie par le valérianate d’Atrope. Millet-Saint-Pierre. Quelques chiquenaudes. Recueil de pensées ou quasi-pensées, dictons et boutades, mis en rimes. 1857. Minier (Hippolyte) Les millions de Monsieur Jean, conte en vers. Paris, 1857.— Mœurs et travers. Poésies satiri- ques. Bordeaux , 1856. Ministère de la justice. Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pendant l'année 1856.— Id. la justice civile et commerciele pendant l'unnée 1856. Morière, F. Girardin, Mulhouse. Société industrielle, Bulletin, n° 141, 142, 143. Munich. Académie royale des sciences. Mémoires de la classe de philosophie et de philologie. 8 partie, 1856. Muret (Théodore). À travers champs , souvenirs el propos divers. Paris, 1858, 2 volumes. Nancy. Académie de Stanislas. Mémoires 1856. W. Paillart. Nantes. Société académique. Annales , 2° sem. 1857. Nicot, Compte-rendu des travaux de l'Académie du Gard. 1857. Nimes. Académie du Gard, Mémoires, 1856-55. Nodot. Description d'un nouveau genre d'édenté fossile, ren- fermant plusieurs espèces voisines du glyptodon. Atlas publié par l’Académie des sciences de Dijon , avec le concours du Conseil municipal de la méme ville. 12 planches in-f°. Otreppe de Bouvette (Alb. d'). Appel aux umis des arts el des sciences, 22° livr., janvier 1858. TABLE DES PUBLICATIONS. 335 Paillart. Discours de M. Paillart, président de l’Académie Stanislas, en réponse aux discours de réception de MM. Chantard et Mézières, 1858. Paris. Société de Géographie. Bulletin , n°* 80 à 84. 1857. Paris. Société de la morale chrétienne, Journal, t.7,n°5, OPIDOINONT, 12, 0; Paris. Société de l'histoire de France. T'able des matières des 23 premières années, 1834-1856. Séances des 4 août, 6 octobre, 3 novembre et 1°" décembre 1857. Bulletin des 7 juillet 1857, 5 janvier, .2 mars et 13 avril 1858. Paris. Société impériale des antiquaires de France. Bulletin, 3° et 4e trim., 1857; 1'°trim , 1858 Mémoires, 3° série, L 130057: Paris. Société impériale et centrale d'agriculture. Bulletin des séances, t.13,nu%1à8, 1859. Paris. Société philomatique Æviraits des procès-verbaux, 1856-1857. Paris. Société philotechnique. Annuaire, 1858. Paris. Société protectrice des animaux. Bulletin,t. 4,n°6,1858. Paris. P, Académie nationale, Institut historique et Pigeory. Pennetier (Georges). Fisite au Jardin des plantes, 1857. Perpignan. Société agricole, etc Travaux, vit vol., 1858. Philadelphie. Academy of natural sciences. Catalogue of human crania 1857.— Proceedings of the Academy, 4 cahiers, 1857. Pierre (Isidore) Recherches analytiques sur la valeur com- purée de plusieurs principales variétés de betteraves etc. 1857. Pigeory (Félix). Revue des Beaux-arts, 16° à 23° livr., 1857. are à 15° 1858. Table des matieres. Plouviez. De la valeur de quelques agents pour remédier aux accidents , suite de l’emploi de l’éthérisation. Poitiers. Société académique d'agriculture. Bulletin ,n°43 , 44. 1857. 336 TABLE DES PUBLICATIONS. Poitiers. Société des Antiquaires de l'Ouest, Mémoires 185a et 1856.— Bulletin, 4° trim. 1853. 1° et 2° trim. 1858. Préfecture de la Seine-Inférieure. F. Rouen. Reims. Académie impériale. Travaux , 23° et 24° vol. 1855- 1856. Renzi (A.). Jeanne d'Arc, sa mission el sun martyre, avec le plan du siége d'Orléans et la photographie de la statue équestre de M. Foyatier, 2° édit. Paris, 1857. Rochefort. Societé d'agriculture , etc. Travaux, 1856-57. Rouen. Cercle pratique d’horticulture et de botanique, 4e à 7° Bulletin, 1857, 1°, 2°, 3°, 1858. Rouen, Chambre de commerce. Sfatistique du commerce maritime et des exportations de tissus de coton et de laine du port de Rouen pendant l’année 1856. Rouen. Comité central de vaccine. Comple-rendu des travaux, exercice 1855-56. Rouen. Conseil municipal. Délibération relative à l'achèvement de la flèche de la Cathédrale, 15 avril 1858. Rouen. Conseil central d'hygiène publique et de salubrité. Rapport général sur les travaux pendant 1851 à 55. Rouen. Département de la Seine-Inférieure. Compte de l'exercice 1855.— Budget de 1857, id. 1858. Rouen. Société centrale d'agriculture. Æxtrait des travaux, 144° à 147° cahiers. Rouen, Société impériale et centrale d’horticulture de Rouen. Bulletin, &. 6,1% cahier 1857.—2° cahier 1858. Rouen. Société libre d’Émulation du Commerce et de l'In- dustrie, Bulletin de 1857. — Travaux de la société. —Ex- position départementale , 2 cahiers. Saint-Étienne. Société impériale d'agriculture, industrie, etc. Annales, Le 1%, a° iv. TABLE DES PUBLICATIONS. 337 Saint-Germain (J.-T. de). Mignon, légende. Paris, 1857. Saint-Omer. Société des antiquaires de la Morinie, Bulletin historique, 2° sem. 1857. 1° trim. 1858, Smithsonian institution. #. Washington. Soissons. Société archéologique. Bulletin, t. 10, 1856. Tachet de Barneval. Histoire légendaire de l'Irlande. Paris, 1856. Tardieu. PV. Saint-Germain. Thaurin, Notice historique et archéologique sur le cippe fune- raire, antique, du batelier Aprius, etc. (manuscrit). Nouvelle maison d’arrét et de correction de Rouen. Tissier (Charles et Alexandre). L’aluminiun et les métaux alcalins. Recherches historiques et techniques sur leurs pro- priétés, leurs procédés d'extraction et leurs usages, avec planches et figures. 1858. Toulouse. Académie des jeux floraux, Recueil de 1858. Toulouse. Académie impériale. Mémoires, t. 1°*, 1857. Tours. Société d'agriculture. Annales, n°° 1, 2. 1857. Travers (Julien). Annuaire du département de la Manche, 1857.—Neuf opuscules : 1° Fontuines publiques de la ville de Caen; 2° Le Phénix qui renuit (annonce) ; 3° Glossaire du patois normand (annonce); 4° Biographie de M. Lours Du Bois ; 5° Id. de Jean Simon; 6° de J.-A. Deluporte ; 7° de V.-E. Pillet; 8° de Narcisse Vieillard; @ L'Art d'écouter, pièce de vers. Troyes. Société d'agriculture, Mémoires, n°* 43 et 44. Tudot (E.) Marques et signatures de céramistes trouvées dans le Bourbonnaïs. Paris, 1857. Vaccine. F’. Rouen. Valenciennes. Société impériale d'agriculture. — Revue agri- cole, ete. Juillet à décembre 1857, n°: DASLE, 1806, 29 338 TABLE DES PUBLICATIONS. Van der Heyden. Noticeredigée d'après le nobiliaire de Belgique el d'autres ouvrages et documents authentiques , sur la très ancienne noële maison de Kerckhove, dite Van der Varent et son représentant M. le vicomte Joseph Romain- Louis de Kerckhove-V'arent. Velpeau et Cloquet (les D). Compte-rendu a l'Académie des sciences sur les Mémoires du D* Castorani. Verneuil (de) W. Collomb. Versailles Société d'agriculture. Mémoires 1837. Vinageras ( D. Antonio ). Obras dedicadas al Instituto de Francia, t. 1®. Paris, 1855. Vingtrinier, Bouteiller fils, Meélays, Canu. Association des médecins de la Seine-Inférieure.— Assemblée generale an- nuelle du ! juin 1858. Washington. Institut Smithsonien. Tenth annual report ofthe board of regents of the Smithsonian Institution, 1856.— Report of the superintendent of the coast survey during the year 1855. — Smithsonian contributions to knowledge. vol. IX. 1857. — List of foreign correspondants. Zantedeschi. Delle dottrine del terzo suono, ossia della coin- cidenza delle vibrazioni sonore, con un cenno sulla analogia, etc. Trois opuscules.— Dei limili dei suoni nelle lingueite libere , etc. 4° Mémoire. — Della legge archetipa dei suoni armonrci delle corde, etc. 5° Mémoire, — Dello sdoppiumento delle onde corrispondenti ai suoï armontcr, etc. 6° Mémoire. TABLEAU DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, FOUR L'ANNÉE 1858 — 1949. SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. % Ordre de la Légion-d’Honneur. O. signifie Offcrer. GC — Commandeur. G. O0. — Grand-Officier. G.C. — Grand'Crorz. TABLEAU DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES ;, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1858-1859. OFFICIERS EN EXERCICE. M. Héror, Président. M. CLocenson #, Vice-Président. M. A. Lévy, Secrétaire pour la Classe des Sciences. M. A. PorrieR K, Secrétaire pour la Classe des Belles-Lettres et des Arts. M. Hecus '#, D.-M, Zrésorter. M. Bazin, Bliothécaire-Archiviste. cé ACADÉMICIENS HONORAIRES, MM. “ion. honoraires. 1844. Mgr BranquarT DE Bazceuz C À , ancien Arche- 1844 vêque de Rouen, à Versailles. 1841. Fraxck-CarRé C'#, Premier Président de la Cour 1841 impériale, 8 B, quai du Havre. 1830 Poucuer (Félix-Archimède) %, Prof. d'Histoire natu— 1853 relle, Correspondant de l’[nstitut, ete., 200, rue Beau- OIsIne. 1831. PaumEr (L.-D.) # (P. 1835), Pasteur, Président 1856 du Consistoire de Rouen, 40, rampe Bouvreuil. 342 1820. 1825. 1827. 1828. 1828. 1833. 183; 7- 13838. MEMBRES ACADÉMICIENS RÉSIDANTS, MM. Hezurs (Eugène-Clément) #, D.-M. (P 1832.-T. 1836), Médecin en chef honoraire de l’Hôtel-Dieu , etc., 5, boulevard Bouvreuïl. Baux (Amand-Gabriel) (A. 1830), Secrétaire des Com— missions de Statistique, des antiquités et des archives qui siégent à la Préfecture, Secrétaire de la Société Maternelle, Directeur du Mont-de-Piété de Rouen, etc. 6, rue de la Madeleine. Morrx ( Bon -Etienne ) %, ancien Pharmacien, Directeur de l'École supérieure des Sciences, etc., Professeur à l'Ecole de médecine de Rouen, etc., 2, ue de la Glacière. VinGrriNiER (Arthus- Barthélemy), D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, 15, re des Maillots. PimoNT (Pierre-Prosper ), Manufacturier, 31, place des Carmes, chez M. Noury -Vallée. Caze ( Augustin-François Joseph de), ancien Négociant, 15, rue de Crosne. Barrnécemy (Eugène), Architecte en chef de la Cathé- drale, 26 , rue de la Chaine. Avenez ( Pierre-Auguste), D.-M., Secrétaire du Conseil de salubrité, 22, ve S'ainte-Croix-des-Pelletiers. Mauourr (Victor) X, ancien Secrétaire général de la Mairie de Rouen, 39, rue Beauvoïsine. HomserG (Théodore), Conseiller à la Cour (P. 1848 — C. 1850, redevenu R. en 1853), 16,rue des Carmélites. LÉVESQUE Bé (P. 1853), Conseiller à la Cour impériale , 11,7ue de l Écureuil. 1839. 1843. RÉSIDANTS. 343 PREISSER (Frédéric-Joseph), Professeur de Physique à 1 École supérieure des sciences et au Lycée, etc, 188, 7e Beauvorsine. Morix (Gustave), Directeur de l'Ecole de dessin et de peinture, 71e Poussin. VerRier, Médecin vétérinaire départemental, 9, rve S'aint- Laurent. Picarb (l'abbé) (P. 1846), Archiprêtre, Curé de la Métropole de Rouen, rue S'aint-Romain, cour des Libraires. DescnamPs (Frédéric) (P. 1857), Avocat, Membre du Conseil général, 17, rue de la Poterne. CHassan K (P. 1845), Avocat, 61, re Ganterie. Porrier (André) % (S. des L. 1848), Conservateur de la Bibliothèque publique de la ville, à /'Hütel-de-Ville. BaRABÉ, Archiviste des anciens notaires de Rouen, 21, re des Faux. RONDEAUX (Jean) OK, ancien Négociant, Consul de Prusse, 7, boulevard Bouvreuïl. . FRÈRE, Archiviste de la Chambre de Commerce de Rouen, aux Consuls, rte des Charrettes. . Durrutr (Eugène), Avocat, Membre du Conseil municipal de Rouen, 21 À, guaï du Havre. . ULOGENSON K, Conseiller honoraire à la Cour impériale de Rouen, 55, rue Impériale. Nepveur #, Conseiller à la Cour impériale de Rouen, 44, rue de l'École. Héror (Jules) (P. 1858), D-M., Chirurgien-Chef à P'Hospice-Général de Rouen, 78, rue des Bons-Enfants. Granviize (Léonce de) (P. 1856), Inspecteur de la Société françaisé pour la conservation des monuments historiques , 19, suc Bourg-l'Abbc. 1852. 1853. 1854. 1855. 1856. MEMBRES Lévy (A.) (CS. des S. 1853), Office. de l'instruction publique, Prof. de mathématiques, 4, rue du Petit-Maulévrier. LanGLots (l'abbé), Chanoine honoraire, Aumônier de la maison de Saint-Joseph, 2, cour des Quatre-Vents. VERVOITTE aîné, Maitre de chapelle de la Cathédrale de Rouen, 6, place de la Halle. Duraxvizce (Léon de), Homme de lettres, 3, rze Alain- Blanchard. Desmaresr, Architecte en chef du département, 8, rve de Fontenelle. BeauREPAIRE (Ch de), Archiviste du département, 5, rue du Champ-des-Oiseaux. Jocreors X, premier Avocat général près la Cour impériale de Rouen, 55, rue Impériale. VINCENT, Professeur de mécanique à l'Ecole supérieure des sciences et professeur de mathématiques spéciales au Lycée, etc., 49, rze Beauvorsine. Duccos (Henri), D.—M., 9, rve Alain- Blanchard. MALBRANCHE, Pharmacien, Président de la Société des Pharmaciens, 27, rue Cauchoïse. Bruxier, Ingénieur civil, architecte, etc., 6, rve de Crosne. Nion (Alfred), Avocat, docteur en droit, 7, rue des Arsins. Bcrancne (Emmanuel), D.-M., méd.-adj. à l'Hôtel-Dieu, 10, rue du Sacre. BACHELET, Professeur d'histoire au Lycée et à l'Ecole supérieure des sciences, 30, rue des Maïtresses. LALLEMANT, Professeur de chimie à l'Ecole supérieure des sciences, et Professeur de physique au Lycée, 5, rze du Petit-Maulévrier. De Lérue ( Adrien-Jules) , Chef de division à la Préfecture, Membre de plusieurs Sociétés savantes et de la Commission de statistique du département, etc., 4, rue de la Motte. CORRESPONDANTS. 345 1856 DE Piccon DE SAINT-PHILBERT, 21, 7ue Bourg-l’ Abbé. 1857. Dumesnicz, D.-M., Médecin en chef et Directeur de l’Asile des aliénés de Quatre-Mares-{es- Rouen. Morez, D.-M., Médecin en chef de l'Asile des Aliénées de Saint-Yon, à Rouen. MourTox , Homme de lettres, 3, rve du Coquet. 1858. MéRrEaux (Amédée), Professeur de piano, Compositeur de musique, 36, rue des Fosses-Louis VIII. 1859 Murer (Théodore), Homme de Lettres et Avocat. (C. depuis 1835.— R. en 1843.) 10, rve Dulong. Bicorre DE LAscHAMPS 2, Procureur impérial, 1, impasse S'ainte-M arte. Decorpe (Ad ), Avocat, 45, rue Beauvorsine. ACADÉMICIENS CORRESPONDANIS, MM. 1806. DEcABouUISSE-ROCHEFORT (J.-P.-Jacq.- Aug. ), Homme de lettres, à Castelnaudary (Aude) 1808. SERAIN , ancien Officier de santé, à Canon, près Croissan- ville ( Calvados ). Derancy %, Administrateur de la Bibliothèque de Sainte- Geneviève, à Paris, 33, re Neuve-du-Lurembourg. 180g. Dueursson ( J.-B.-Remy-Jacquelin), D.-M., Membre de plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, 10, rze Hauteville, faubours Porssonnière. BaLzME, D.-M., Membre de plusieurs Sociétés savantes , à Lyon, 8, rve de l'Enfant-qui-pisse. Lamoureux (Justin), place de l'Arsenal ( Ville-Vieille), à Nancy ( Meurthe ). (Ancien correspondant étranger.) 346 ITR 1812, 1818. 1821. MEMBRES Leéprioz (l'abbé Constantin-Julien), Prètre, D. ès-sciences et ès-lettres, Recteur émérite de l’Académie universitaire de Rouen (R. 1811), à Hennebon (Morbihan). BourLax ( Pierre-François-Guillaume ), O #X , Docteur ès-— sciences, Membre de l’Académie impériale de médecine, à Paris, 7, rue Bourdaloue. . Pécaeux (B.), Peintre d'histoire, à Paris, 28, rue de la Chaïse, faubourg Saint-Germain Percezar X, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen (R. 1814), Inspecteur de l'Académie de Metz (Moselle). Fagre ( Jean-Antoine), Correspondant de l’Institut et In- génieur en chef des ponts et chaussées , à Brignoles (Var). Pari ( Henri-Joseph-Guillaume ) O #, Membre de l'Insti- tut, etc., à Paris, 15, rue Cassette. Mongau DE JonnÈs (Alexandre) O # , Chef d’escadron d'État-Major, Membre de l’Institut, du Conseil supérieur desanté, ete., à Paris, 11, rue Monsieur, faubourg S'aïnt- Germain. Gourxay (de), Avocat et Docteur ès-lettres, Professeur suppléant de littérature latine à la Faculté des Lettres de Caen (Calvados), 15, rue aux Lisses. Mowrauzr (le marquis de) #, à Paris, 84, rue de Lille (A Rouen, 10, rue d'Ecosse.) DepauLis ( Alexis-Joseph) % , Graveur de médailles , à Paris, 8 Zer, rue de Furstemberg. Benrmer (Pierre) C'#, Inspecteur général des mines, Membre de l’Institut, ete., à Paris, 2, rve Crébillon. Vèxe X, Chevalier de Saint-Louis et de l’ordre d'Espagne de Charles 111, Chef de bataillon du génie en retraite, Membre de la Société d'encouragement ; à Paris, 26, rue Jacob. 1822. LA 1824. 1825. 1826. 1827. CORRESPONDANTS. 347 LEMONNtER ( André-Hippolyte), Membre de l'Académie ro- maine du Tibre , à Paris, 10, rve Saint-Gilles (Marais). Beucxor (le comte Auguste-Arthur) OX, Membre de l’Institut, à Paris, 16, rue de Miromesnil. FowTaANIER ( Pierre), Homme de lettres, Officier de l'Uni- versité, etc. (R. 1824), à Moissac, près Murat (Cantal). Moxrarcon #, D.-M., à Lyon, ;, re de la Liberté. SaiGues, D.-M.-P., Médecin du Grand-Hôpital, Membre du Conseil central sanitaire du dép!, à Dijon (Côte-d'Or). D’AxGcemonrT ( Edouard), à Paris, 26, rze de Ponthieu. Civraze (Jean) OK, D.-M., Membre de l’fnstitnt, à Paris, 17,7ue Marsollrer. FereT aîné, Antiquaire, Conserv. de la Bibliothèque de Dieppe, Correspondant du Ministère de l'instruction publique. PAYEN (Anselme)O%#, Professeur de chimie au Conser- vatoire des Arts-et- Métiers, Membre de l’Institut, etc., à Paris, ax Conservatoire, 292, rue Saint-Martin. Moreau (César) #, Fondateur de la Société française de statistique universelle et de l’Académie de l’industrie, etc., à Paris, 10, re Louïs-le-Grand. MontTémonr (Albert), Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, 25, rue Croix-des-Petits-Champs. Savin (L.), D.-M.-P , à Montmorillon ( Vienne). HuGo(le vteVictor-Marie) OX, Membre de l’Académie française. BLossevicrE (Bénigne-Ernest PORET, marquis de), Maire d'Amfreville la-Campagne ( Eure ). DesmaziÈrEs (Jean- Baptiste- Henri-Joseph), Naturaliste, à Lembersart, près Lille ; chez Mad. veuve Maquet, proprié- taire, 44, rue de Paris, à Lille ( Nord). Macro ( Charles ) # , Fondateur-Rédacteur en chef de la France littéraire, membre de plusieurs Sociétés savantes , à Paris, 12, rue T'aranne 348 1528. 1829 MEMBRES Vawssay (le baron Charles-Achille de) C #, ancien Préfet de la Seine-Inférieure ( R. 1820), au château de la Barre, près Saint-Calais (Sarthe). Court #, Peintre d'histoire, Directeur du Musée de Rouen. Marie -Lacosre ( Pierre-Laurent), ancien Professeur à la Faculté des Lettres de Caen, à Paris. LaurTarp (le chevalier 3.-B.), D.-M.. Secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille, Correspondant de l{nstitut, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Marseille (Bouches- du-Rhône ). Morremart-Boisse (le baron de) #, Membre de la Société nationale et centrale d'agriculture, ete., à Paris, 9, 7ze Jean-Gozujon. Fée (Antoine-Laurent-Apollinaire) O #, Professeur de bota- nique à la Faculté de médecine, Directeur du Jardin de botanique, etc., à Strasbourg ( Bas-Rhin). Partez , D.-M., 13, rue de la Préfecture, à Évreux (Eure ). Gurrwçuer (Ulric) #(R. 1813), Homme de lettres, à Paris, 36, rue de Courcelles. Cazacis # (R. 1823),ancien Inspecteur général de l’Instruc- tion publique, à Paris, 10, rze T'aranne. ScHwiLGUÉ # (R. 1824), Ingénieur en chef des ponts et chaussées , à Strasbourg ( Bas-Rhin ). BéGin (Emile-Auguste), D.-M., membre de la Société des Antiquaires de France, etc., à Paris. BerGer DE XivrEeY (Jules) #, Membre de l’Institut, Conser— vateur de la Bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, 12, rue de l’Arcade-Colbert. PAssy ( Antoine) O %#, Membre de l’Institut, à Gisurs ( Eure). 1820. 1830. 1831. 1832. 1833. CORRESPONDANTS. 349 Soyer-WViLLEMET ( Hubert-Félix), Bibliothécäire et Conser- vateur du Cabinet d’histoire naturelle de Nancy ( Meurthe). LecoQ ( H.)%#, Professeur d'histoire naturelle à la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand ( Puy-de-Dôme). RrrauD, Naturaliste, Membre de plusieurs Sociétés savantes , à Paris, 46, rve Basse-du-Rempart. Le Tezurer (Jean-Joseph) # (R. 1824), Inspecteur général honoraire des ponts et chaussées, à Paris, 1, rve de Beaune. BoucHER DE PERTHES (Jacques), ancien Directeur des douanes , etc., à Abbeville (Somme ). SINNER ( Louis de), helléniste, Docteuren philosophie, Sous- Bibliothécaire de la Sorbonne, à Paris, 27, r. des S'aints-Pères. FoRTIN (François), D.-M.-P. à Evreux ( Eure ). Dusevec (Hyacinthe), ancien Avoué à la Cour impériale d'Amiens, Inspecteur des monuments historiques, Membre du Comité des chartes et de plusieurs Sociétés savantes, etc., à Amiens (Somme). BRIERRE DE Borsmonr (A )K, D.-M. Chevalier de l’ordre du Mérite militaire de Pologne, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, Directeur de la maison de santé, 303, rue du faubourg Saint-Antoine. Le FraGuais (Alphonse), Membre de l’Académie de Caen, 10, ze des Jacobins, à Caen (Calvados). Boutin (Pierre-Hippoiyte) #, Correspondant de l’Académie impériale de médecine, etc., ancien Pharmacien, à Paris, 40, rue de Chabrol Mare (P.-N.-Fr.), Docteur en chirurgie, etc., Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Strasbourg ( Bas-Rhin). BouGron (L.-V.), Statuaire, 26, 4ow/evard de la Reine, à Versailles (Seine-et-Oise). 350 1833. 1836. 1837. 1838 MEMBRES Ducsesne (Édouard-Adolphe) X, D.-M.-P., à Paris, 1, rue d'Assas, faub. Saint-Germaïn. Carey (Thomas), Doctenr en droit, à Dijon (Côte-d'Or), hôtel Berbrsey. BREvIÈRE (L.-H.) (R. 1832), Graveur de l’Imprimerie impé- riale, sur bois et en taille-douce, à Paris, 20, rue de Verneuil. . Mauzer-Durouccay (R. 1824), Architecte, à Paris, 58, rue d'Anjou-S ain!- Honoré; à Rouen, 8, quai du Havre. Le Prevosr (Auguste) O4 (R. 1813), Membre de l'Insti- tut, etc., à Saint-Martin-du-Tilleul ( Eure). Fôvizze #, D.-M (R. 1830), à Paris, 101, rue de Lille. BeLLANGÉ (Joseph-Louis - Hippolyte) #, Peintre, ex-Conser- vateur du Musée de Rouen, à Paris. LamBErT ( Charles-Edouard), Conservateur de la Bibliothèque de Bayeux ( Calvados ). Ban (Joseph) 4 , Commandeur de l'Ordre de St-Sylvestre, Inspecteur des monuments historiques du département de la Côte-d'Or, etc., à Chorey, près de Beaune ( Côte-d'Or). Cxesnox (Charles-Georges), Licencié ës-lettres, Bachelier és-sciences, Officier de l'Université en retraite, à Évreux ( Eure). LeGcax, D.-M., Archiviste, à Lille (Nord). Le Cavre #, D.-M., au Havre, q, rve du Chillon. Guxéranr #, D.-Ch.-P, Membre de l’Acad. impériale de Méd. et de plusieurs autres Soc. sav.,à Paris, 12, passage Sainte-Marie, rue du Bac. DAnTAN jeune #, Statuaire, à Paris, rve S'aint-Lazare, cité d'Orléans. Brezret-Renaz (Antony-Clodius), à Lyon, 121, quai Monsieur. VacneroT, Docteur és-lettres, à Paris, 126,r4e de Grenelle- S'aint-Germain. 1338. 1839. 1840. CORRESPONDANTS. 351 SALADIN , Professeur de chimie, à Moulins ( Allier). BouLLÉE (Aimé-Auguste), ancien Magistrat, à Lyon, 8, rue S'aint-Toseph. Muxarer , D.-M., à Brignais, près Lyon ( Rhône). LESCELLIÈRE-LAFOSsE (François-Gustave), D.-M., Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier, 2,rue de la Préfecture (Mérault). GrRALDÈS (Joachim-Albin) #4 , D.-M., Professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, 1t, rve des Beaux-Arts. GRraTeLouP (J.-P.-Sylvestre de), D.-M-P., Président de la Société linnéenne, etc., à Bordeaux, 18, rze Grande-Taupe. BouTron-CHarLARD (Antoine- François) 4, Membre de l'A- cadémie impériale de médecine, etc, à Paris, 11, re d'Aumale, q. Saint-Georges. Cap (Paul-Antoine) X, Pharmacien, Membre de l'Académie impériale de médecine, etc., à Paris, 9, 1e d’'Aumale. Turor (Edmond), Peintre, Directeur de l'École de dessin, à Moulins ( Allier). GauDET, D.-M., à Paris, 32, rue Neuve-du- Luxembourg. PortreT fils (Octave), Avocat, à Paris. ParzLART (Aubin-Pierre) O # (R. 1835), Docteur en droit : premier Président honoraire de la Cour impériale de Nancy, membre de l’Académie Stanislas ( Meurthe), 6, rze Calot. BorGneT (Amand-Louis- Joseph), Licencié ès-sciences, Agrégé de l’Université, Proviseur du Lycée de Tours (Indre-et-Loire). Pecouze (Théophile-Jules) O #,Chimiste, Membre de l’Insti- tut, Directeur des monnaies, à Paris, Æô/el des Monnares. Caevazrer 4, Chimiste, Membre de l'Académie impériale de Médecine, Professeur à l'École spéciale de Pharmacie de Paris, etc., 27, guai S'aint-Michel. 352 MEMBRES 1840. Carre, ancien Chef de clinique de l'Hôtel-Dieu de Paris, Président de la Société médicale d'Émulation de la même ville, etc, 49, rze de la F'erme-des-Wa/hurins. LacABANE #, Professeur à l'École des Chartes, à Paris, 59, te du Bac. Guigourr a Professeur d'histoire naturelle à l'École spéciale de pharmacie de Paris, Membre de l’Académie impériale de médecine , etc., à l'Ecole de pharmacie, re de l'Arbalète. RocHEFoucauzp-Lrancourt (le marquis de la), Président de la Société de la Morale chrétienne, à Paris, 10, rue Thérèse. GLerzes ( Vénuste ) #, Commissaire de la marine, Chef du service des Chiourmes, à Brest ( Finistère). Bussy (Ant.-Alex.-Brutus) # , Professeur de chimie et Directeur de l'Ecole de pharmacie de Paris, Membre de l'Institut, 98, ze S'aint-Louis-en-l'Ile. LA Burte (Auguste), Avocat, rze Zoyer-Collard, 4, à Paris. Decaisne (Joseph) '#, Membre de l’Institut, Professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, 27, rte Cuvrer. Gasparin (le comte Adrien-Étienne-Pierre de) GO #, Membre de l'Institut, 23, rue de Courcelles. Hexrt (Ossian) , Membre de l'Académie impériale de médecine, etc., à Paris, 6, re Neuve-S'aïnt-Georges. Maruer O 2 (R. 1836), Inspecteur général des ponts et chaussées, à Paris, 21, rze Bergère. Amor (R. 1839), Licencié ès-sciences, Professeur de mathé- matiques au Lycée Monge, à Paris, 9, rve de Condé. Busser (François-Charles) #, Géomètre en chef du cadastre, à Dijon (Côte-d'Or). MaxceL (Georges), Conservateur de la Bibliothèque de Caen. CHArMA( Antoine) %, Professeur de philosophie à la Faculté des Lettres, Secr, de la Soc. des Antiquaires de Normandie, à Caen. 18 L) 43. …— = L 4° » F CORRESPONDANTS. 353 ALAUZET (Isidore), Avocat, Chef de bureau au Ministère de la justice, à Paris. Marcuann (Eugène), Pharmacien, à Fécamp. DucsEsxe-Duparc, D.-M.,à Paris, 27, rue S'ainte- Anne, Gors (Laurent) (R. 1835), Inspecteur honoraire de l'Univer- sité, rue de la l'alestine, à Rennes (Ille-et-Vilaine). FAURE, Pharmacien, à Bordeaux. Lamare (de), D.-M., à Paris, 55, rue de la Ville-l l'Évéque. GAULTIER O ÿe (R. 1842), Conseiller à la Cour de Cassation, à Paris, - 7, rue PAT -Mathurins. Person #£! (R. 1855), ancien Doven de la Faculté des Sciences de ion > à Paris, 88, re de Rivotr. Macnrer # (R. 1851), Professeur de littérature ancienne, à la Faculté É Lettres de Poitiers (Vienne). Rotsin ( le baron Ferdinand de ), Docteur en droit et en philosophie, Correspondant du Ministère de l'instruction publique de France et de plusieurs Sociétés savantes, à Lille (Nord), 38, rue Françoise. Reiser (Jules) XK, Chimiste, Correspondant de l'Institut , Membre du Conseil général de la Seine- Inférieure, à Paris, 3, rue de la Bienfaisance : ; à Rouen, 6, 7ve de la Seite. FoRMEvILLE (de), Conseiller à la Cour impériale de Caen. Bonxiy, Inspecteur des monuments historiques, à Evreux (Eure). GARNIER, Conservateur de la Bibliothèque de la ville d'Amiens. Micnezin-Harpoux, Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, Membre : la Société géologique de France et de plusieurs Académies, à Paris, 20, rue S'airt-Guillaume. Bournix , Docteur-Médecin de la Faculté de Paris > à Choisy- le-Roi, place de la Maïrie, près Paris. MEMBRES 5. CarrenTiER-MéricourT (Jules-Engène) , Docteur-Médecin à Paris, 8, rue d'Argenteuil. TRAVERS (Julien), Professeur honoraire de littérature latine à la Faculté de Caen, rue des Chanoïnes. ForGer , D.-M., à Strashourg. Becnomme, D.-M., à Paris, 161, rve de Charonne. ARONDEAU, Directeur des travaux relatifs à la statistique cri- minelle et correctionnelle au Ministère de la justice, à Paris, 35, rue du Luxembourg BLANCHEMAIN ( Jean-Baptiste-Prosper), Avocat à Paris, 7, rue de l'Est. ViGutEr 4, Inspecteur général des études, à Paris. Fcourenxs ( Marie-Jean-Pierre) C #, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, Membre de l’Acad. Française, à Paris, au Jardin des Plantes. LepaGe (Pierre-Hippolyte), Pharm , à Gisors ( Eure), etc., etc. BorcEAu DE CASTELNAU #, Médecin principal de la Maison cen- trale, Médecin consultant du Lycée de Nimes (Gard ),ete.. etc. Bicourax (R. 1843), Prof. de mathématiques spéciales au Lycée Monge, à Paris. Dess-Micuezs # (R 1839), Docteur ès-sciences, ex-Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, à Paris, 23, rue S'aint-Lazare. RrcuarD (Charles-Victor-Louis) O % (R. 1842), ex-Secrétaire de la Classe des Lettres, Préfet du Finistère, à Quimper. GirrarD (R. 1842), ex-Professeur au Lycée de Rouen, chez M. son frère ; avocat, à Rouen, 29, place Saint-Ouen. BéwarD (Charles) ( R. 1842), Prof. de philosophie au Lycée Monge, à Paris. Cocner (l'abbé) # (R. 18/2), Antiquaire, inspecteur des monuments historiques, à Dieppe. CORRESPONDANTS. 355 1849. Deviice (Achille) # (R. 182;), ex-Directeur du Musée des 1850, 1857. 1852. Antiquités de Rouen, à Paris, 23, rue de Bruxelles. Parcnappe O # (R. 1848), Inspecteur général des établisse- ments d’aliénés, à Paris, 12, re de l'Arcade. PIERRE ( Isidore) 24, Correspondant de l’[nstitut, Professeur de chimie à la Faculté des Sciences de Caen, 6, venelle aux Juifs-S'aint-Julien. Le Jouis, archiviste perpétuel de la Société impériale des Sciences naturelles de Cherbourg (Manche ). CHÉRUEL % (R. 1834, P 1847), Inspecteur de l'Université, à Paris, 24, rue oyer-Collara. Du Breeuir (Alphonse) (R. 1841), Professeur d’arboriculture, à Paris, 98, r de l'Ouest. Canours ( Augnste) # » Examinateur à l'Ecole polytechnique, Essayeur à la Monnaie » à Paris, 2 /’Hôtel des Monnaies Louve (l'abbé) (R. 1849), Principal du Collége de Bayeux. Froquer (Pierre-Amable) # (CR. 1829), Correspondant de lInstitut, à Paris, 52, rue d'Anjou-S aïnt-Honoré, vu au château de Formentin, près Lisieux, arrondissement de Pont-de-l'Arche (Calvados). Cros, Docteur ës-sciences, Prof. de botanique, à Toulouse VINGTRINIER (Aimé), Homme de lettres, Imprimeur à Lyon, 36, guaï Saint-Antoine. EgrarD, D.-M. Médecin de l’hospice de Bourg ( Ain). Cazin (Fois-Joseph), Médecin , à Boulogne-sur-Mer. GogLey, Pharmacien, Professeur de pharmacie à l'Ecole spéciale de Paris, re du Bac. GUILLAUME, D.-M., à Dôle (Jura). LéGaz, D.-M , à Dieppe. MEMBRES Miccer, D.-M, à Tours, 16, gvai S'aiat-S'ymphorien (Indre- et-Loire). MoniÈre, Directeur des cours spéciaux du Lycée de Caen, Secrétaire général de l'Association normande, etc., à Caen, 38, rue de Bayeux (Calvados). Moucnox (Emile), Pharmacien, Membre de plusieurs Sociétés savantes françaises et étrangères, 14, rue Hoyale, à Lyon. Prouviez, D.-M., Directeur d’une Maison de santé, à Paris, 36, re Marbeuf, aux Champs-Élysées. La QuérrÈre (Eustache de) (R. 1822), à Mentheville, canton de Goderville. GRÉGOIRE (R 1834) #, ex-Architecte des Bâtiments civils, à Paris, rue des Vinaigriers, 34. BLancue (Antoine) # (R. 18/48), avocat général, à la Cour de Cassation, à Paris, 53, rve Marbeuf. GirauzT (R. 18/49), Professeur de mathématiques spéciales à la Faculté de Caen. Fazcue (Léon) Æ (R. 18/3), ex-Commis principal des Douanes à Rouen, 18, 8 des Filles-du-Calvaire , à Paris. Marcer (Charles-Augustin) #, Docteur ès-lettres, ancien Professeur de philosophie et ex-Recteur de l’Académie uni- versitaire de Rouen. (R. 1839. — C. 1840. — R. 1851), à Paris, 22, rue d'Enfer. Orgrexy (Charles d’), Naturaliste, Directeur du Dic/ionnaïre universel d'Histoire naturelle, ec, Aïde-Prof de géologie au Jardin-des-Plantes à Paris, 57, re Cuvrer. Meurerx (Victor), Pharmacien, 30, r de Gand , à Lille (Nord). Banraezemy, ex-Notaire et Jnge-Suppléant à Cayenne, Juge de Paix à Sinnamary. MEaumME, Professeur de législation et de jurisprudence à l'École forestière de Nancy ( Meurthe). 1850. CORRESPONDANTS. 37 BouTAN (A. — R. 1848 — P,. 1852), Professeur de phy- sique au Lycée Sdint-Louis, à Paris, 20, rve des Fossés- Monsieur-le-Prince. D'Aussx (H.), Membre de la première classe de l’Institut historique, de l’Académie de Bordeaux et de plusieurs autres Sociétés savantes , à Saint-Jean - d'Angely ( Charente- Inférieure ). Max-Simon, D.-M., à Aumale (Seine-Inférieure ). MarCHAL (R. 1851), Ingénieur des ponts et chaussées, à Paris, 18, place Royale. Caro (R. 1853), maître de Conférences à l'École normale supérieure ; à Paris Lrais (Emmanuel) > Astronome-Adjoint à l'Observatoire impérial, à Paris. Gicor (Léon), Médecin , à Livroux (Indre ). Neveu (l'abbé) (R. 1846. P. 1854-55), premier Aumônier de Sainte-Barbe, à Paris, place du Panthéon. REINVILLIER (A.) À, D.-M.,à Paris. »4, rue Bersère. PoLLiNtÈRE (baron de), D -M, à Lyon, 4, rve St-Joseph. Besxou #! > Pharmacien en chef de la Marine, à Cherbourg. Bourpon ( Mathien) 2%, ancien Maire d’Elbeuf , Président de la Chambre consultative des Manufactures, à Elbeuf. CLéryx (Charles-Joseph.-— R. 1852) , Ingénieur des mines, à Paris, 9, rue St-Martin Jusre ( l'abbé) O (R. 1855 ), Docteur en théologie, ete., Recteur de l’Académie de Poitiers ( Vienne ). Bicor, D.-M, Chirurgien en chef de l’'Hospice d'Évreux. Le Roy D'Érroces fils, D.-M., à Paris, rve des Poules ( Panthéon). Mazanr, D.-M., à Anduze ( Gard ). 358 MEMBRES 1857. Semichon, Avocat, Membre du Conseil général, à Neufchätel. Girarpin (Jean-Pierre-Louis) O ps (R. 1829.—P. 1840. —S. des S. 18/6), Doyen de la Faculté des sciences de Lille ( Nord ). 1857. CHEvALLIER fils, Chimiste, Professeur à l'École de pharmacie de Paris, 27, quai S'aint-Wichel. 1858. Tarpreu (Jules — J-T. de Saint-Germain) , Homme de Lettres, à Paris, 13, rve de T'ournon. François (Alphonse), Maitre des Requêtes, à Paris, 25, rue Iauteville. BertHeranD, D.-M., Professeur à l'Ecole de médecine de Lille. 1859 Maxry (Charles), Compositeur de musique, à Paris. CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 1803. Demozz, Directeur de la Chambre des finances, et Correspon- dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche). Gerrroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow (Ecosse ). Excecsrorr , Docteur en philosophie, Conseiller de confé- rence, Commandeur de l’ordre de Dombrog , etc., à Copen- hague (Danemarck). 1812. Vocez, Professeur de chimie à l’Académie de Munich (Bavière). 1816. CameseLz, Professeur de poésie à l'Institution royale de Londres ( Angleterre). 1815. KiRCKHOFF VAN DER VaREwT (le vicomte Joseph-Romain- Louis de Kerckuove, dit de) ancien Médecin en chef des hôpitaux militaires, etc, Membre de la plupart des Sociétés savantes de l'Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique }: 1818. Dawson-Turner, Botaniste, à Lee Cottage, Brompton, près de Londres ( Angleterre } 1823. Chaumerre pes Fossés, Consul général de France, à Lima (Amérique méridionale )} 1830. 1839. 1841. 18/46. CORRESPONDANTS. 359 RAFN (le chevalier Carl-Christian), Professeur, Secrétaire de la Société royale d’Écritures antiques du Nord, et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Copenhague(Danemarck), 40, rue du Prince-Royal. CastizHo (Antonio-Feliciano de), Bacharel Formado en droit, Membre de l'Académie des Sciences de Lisbonne, etc., à Lisbonne (Portugal), 58, calcada do Dugue. Frzipris (Pierre de), Médecin à Naples. KERKHOVE D'EXAERLE (le comte François de ), Chevalier de l’ordre de Malte, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Exaerde , près de Gand ( Belgique ). REIFENGERG (le baron de ), à Louvain ( Belgique ). Ws1D (James), Géographe, à Londres. SANTAREM (le vicomte de), anc. Minist. de Portugal, Memb. de l’Inst. de France et de plusieurs Académies franc. et étrang., à Paris, 47, rue Blanche NarDO (Jeau-Dominique), Médecin de l’Institut central des Enfants trouvés de Venise, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Venise ( Autriche ). Zanrenescni, Professeur de physique, etc., à Vienne ( Autriche ). GuasraLLaA (Auguste), D -M., Membre de plusieurs Sociétés savantes de France, d'Italie et d'Allemagne, à Trieste ( Autriche ). Pasquier ( Victor), Pharmacien principal, Directeur de la Pharmacie centrale de l’armée belge, etc., à Bruxelles, 15, rze Poisson (Belgique). De Le Bibarr DE THUMAIDE, Procureur du Rui, à Liége. Van Hassecr, Secrétaire de l’Académie d'Anvers ( Belgique). HazreweLL, à Cambridge (Angleterre ). Tara, D.-M., à Bruxelles ( Belgique). 1852. 1997 1858. SOCIÉTÉS HensenGer (D-Edouard), Prof. de technologie, elc., à l'Université de Wurzbourg ( Bavière). . Josaro X, Directeur du Musée industriel de Bruxelles. . NATALE (Giuceppe de), D.-M., à Messine (Sicile). Vrccan v Marcras (D. Juan-José), Docteur ès-sciences, Prof. de chimie, ete, à l'Université de Salamanque (Espagne) Quérerer OK, Secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Bruxelles Sazvourni ( Pellegrino), D.-M., à Venise ( Autriche ). Prupens Van Duysr, Archiviste de la ville de Gand (Belgique). . Corwaz , D.-M., à Neufchâtel (Suisse). Monamen Errexx Cnarkauy, reçu à l’École de phar- macie de Paris (Egyptien). Ropa ( Marcelin et Joseph), tous deux Directeurs des jardins royaux de Racconigi et Professeurs d'agriculture, à Turin. Du Vivier De SrreeL (l'abbé Ch.), Curé de Saint-Jean , de Liége, V.-P. de l'Institut archéologique liégeois, cher. de l'Ordre de Léopold et de la Croix de Fer. VINAGERAS (Antonio), Poète espagnol de Madrid, à Paris, 37, rue de Hivolr. SOCIÈTES CORRESPONDANTES, Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes cù elles sont établies. Abbeville. Société d'Emulation (Somme ). Aix. Société académique ( Bouches-du-Rhône )}e Amiens. Académie des Sciences (Somme). — Société des Antiquaires de Picardie. Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire). — Société d'Agriculture CORRESPONDANTES. 361 Angoulême. Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département de la Charente. Bayeux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres ( Calvados ). Beauvais. Athénée du Beauvaisis ( Somme ). Bergues Société de l'Histoire et des Beaux-Arts de la Flandre maritime de France. Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Doubs). — Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. Lordeaux. Acad. des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Gironde). — Société de médecine. Boulogne-sur-Mer. Société d’Agricalture, du Commerce et des Arts. (Pas-de-Calais ). Bourg. Société d'Emulation et d’Agricelture du départemt de l'Ain. Caen. Acad. des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados). — Association Normande. — Société d'Agriculture et de Commerce. —— Société des Antiquaires de la Normandie — Société Linnéenne. — Société Philharmonique. — Société vétérinaire du Calvados et de la Manche. Calaïs. Société d'Agriculture, de Commerce, des Sciences et des Arts (Pas-de-Calais). Cambrai. Société d'Emulation (Nord). Chälons-sur-Marre. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et “Arts du département de la Marne. Chälons-sur-S aûne. Souiété d'Histoire et d'Archéologie ( Saône-et- Loire). Chäleaurour. Société d'Agriculture du département de l'Indre. Cherbourg. Société d'Agriculture, Sciences et Arts ( Mauche ), — Société impériale des Sciences naturelles. 362 SOCIÉTÉS Clermont-Ferrand Académie des Sciences, Belles-Lettres eL Arts ( Puy-de-Dôme ). Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or). — Société de Médecine. Douar. Société centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du départe- ment du Nord. Draguignan. Société d’Agricult. et de Commerce du départ. du Var. Lvreur. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. l'alaise. Société d'Agriculture ( Calvados). Guéret. Société des Sciences naturelles et archéologiques de la Creuse. Havre. Société havraise d'Études diverses. Lille. Société Impériale des Sciences, de l'Agriculture et des Arts du département du Nord. — Commission historique du département du Nord. Limoges. Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts (Haute- Vienne). Lons-le-S aulnier. Société &'Émulation du Jura. Lyon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhône). — Société d'Agriculture , Histoire naturelle et Arts utiles. — Société de Médecine. — Société Linnéenne (1). Macon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire). Mans (Le). Société d'Agriculture, Sciences et Arts (Sarthe) Marseille. Acad des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du-Rhône). Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne. (1) Pour ces quatre Sociétés, correspondre avec M. Mulsant, archiviste, par Fentremise de 4. £. Jung-Treuttel, libraire, à Paris, 19, rue de Lille. CORRESPONDANTES. 36: Metz. Académie des Lettres, Sciences et Arts et d'Agriculture ( Moselle ). Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du département de Tarn-et-Garonne. Morlaix Société vétérinaire du département du Finistère. Moulins. Société d'Émulation du département de l'Allier. Mulhausen. Société industrielle (Haut-Rhin). Nancy. Société des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ). — Société centrale d'Agriculture. Nantes. Société académique des Sciences et des Arts du dépar- tement de la Loire-Inférieure Nimes. Académie du Gard. Niort. Athénée; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- tement des Deux-Sèvres. Orléans. Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). — Société archéologique de l’Orléanais. Paris. Athénée, 2, rue de Valoïs. —- Athénée des Arts, à /’Hôtel-de-Ville. —— INSTITUT DE FRANCE, au Paluis des Quatre-Nations. —— Académie française. — des Inscriptions et Belles-Lettres. —— des Sciences. — des Beaux-Arts. — des Sciences morales et politiques. —— — historique de France, 9, ve S'aint-Guillaume. — —— des provinces, à Paris (Déc. du 4 février 1853) (M. Derache ). —— Société centrale des Amis des Arts et des Lettres, 19,r. S'antonge —— Société d'Economie domeslique et indust., «2, r. l'aranne — Société de Géographie, 23, rue de l'Université 364 SOCIÉTÉS Paris. Société de la Morale chrétieane, 9, rve S'aint-Guillaume. — Société de l'Histoire de France. ( M. Jules Desnoyers, secré- ‘taire, à la Bibliothèque du Jardin des Plantes). — Société d'Encouragement pour le commerce national, 6, rue S'aint-Marc. — Sociélé d’Encouragement pour l’Industrie nationale, 42, rue du Bac. — Société de-Pharmacie, 47, g. de la Tournelle. — Société des Méthodes d'Enseignement, 12, re T'aranne. — Societé des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles et industriels de France , à l'Hôtel-de-Ville. — Société géologique de France, 24, rue du Vieux-Colombier. — Société internationale des Naufrages, 17, rze Neuve-des- Mathurins. — Socicté libre des Beaux-Arts, à l'Hôtel-de-Ville (M. Martin). — Société Linnéenne, 51, rue de Verneuil, faubourg Saint- Germain. — Société médicale d'Emulation, 9, rue Æichepanse. — Société Philomatique, 8, rue d’'Anjou-Dauphine. — Socié = é Philotechnique, #2 Palais- Royal. —— Société Phrénologique, 54, rue Jacob. —— Société centrale d'Agriculture, à /'Hôtel-de-Ville. — Société d'Horticulture, 12, rze T'aranne. Perpignan. Société royale d'Agriculture, Arts et Commerce des Pyrénées-Orientales. Poitiers. Société académique d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts ( Vienne). — Société des Antiquaires de l'Ouest. Puy (Le).Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Haute-Loire) Reims Académie (Marne). Rouen Société cent. d'Agriculture du dép. de la Seine-luferieure. ÉTRANGÈRES. 365 Rouen. Suciélé centrale d’'Horticulture. —— Société libre d'Emulation du Commerce et de l'Industrie de - la Seine-Inférieure. — Société de Médecine. — Société des Pharmaciens. — Cercle pratique d'Horticulture et de Botanique du départe- ment de la Seine-Inférieure. Saint-Étienne. Société d’Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire). — Société industrielle. S'aint-Quentin. Société des Sciences, Arts, Belles-Lettres et Agriculture ( Aisne ). — Société Industrielle et Commerciale. S/rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- ment du Bas-Rhin. Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). —— Académie impériale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres. Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube. Valence. Société de Statistique, des Arts utiles et des Sciences natutelles du département de la Drôme. Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- ment de Seine-et-Oise. — Société des Sciences morales, Lettres et Arts. SOCIÈTES ÉTRANGÈRES. Amsterdam. Académie royale des Sciences ( Hollande). Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. — Académie d'Archéologie de Belgiqne. 366 SOCIÉTÉS Bzsrne (Suisse). Bibliothèque de la ville Bruxelles. Académie royale de Médecine (M. V. Masson, libraire à Paris, place de l'Ecole de Médecire). Cambridge el Boston. American Academy (M. H. Bossange, lib à Paris, 25, guaï Voltaire) Christiana. Université royale de Norwége. Copenhague. Société royale d’Ecritures antiques du Nord. Goerlitz. Société des Sciences de la Haute-Lusace ( Prusse ). Liége. Société libre d'Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts (M. Roret, libraire à Paris, 10, rue Hauteville). Londres. Société des Antiquaires de Londres ( M. Dupont, libraire à Paris, rue du Cloitre-S'aint-Benoït ) Manchester. Société Littéraire et Philosophique ( Angleterre) (M. Bailliète, libraire à Paris, re de l'Ecole de Médecine). Munich. Académie royale des Sciences, etc., de Bavière. Vienne. Institut I. et R. géologique (Autriche) (M. E. Jung- Treuttel, libraire à Paris, 1, ve de Lille). Washington, États-Unis d'Amérique. Smithsonian Institution , (M. Hector Bossange ). Nota. Trente-un exemplaires du Précis seront en outre distri- bués, ainsi qu'il suit: A M. Deracue, Libraire à Paris, et aux PRINCIPAUX Journaux qui se publient à Rouen. ( Déc. du 18 nov. 1331. R. des L., p. 2.; et déc. du 23 déc. 1836. R. des D., p. 177.) — A la Bibliothèque centrale des Sociétés savantes, au Luxembourg, à Paris. — À M. H. Canwor, Directeur de la Revue encyclopédique, à Paris. (Déc. du 10 fév. 1832. R. des L., p. 28.) — Aux Br- gsioruèques de la Préfecture, du Lycée et des Villes de Rouen, Elbeuf, Dieppe, le Havre, Bolbec, Neufchätel, Gournay et Yvetot, (Déc du 16 nov. 1832. Reg. des Délib., p. 155; et Déc. du 5dée 1634. BR. des L., p 226.) — À M. Eugène ARNourT, proprié- ÉTRANGÈRES. 367 taire-rédacteur du journal intitulé l’Institut, rue de Las-Cases, 18, à Paris.— A M, Félix Piceory, directeur de la Revue des Beaux-Arts, à Paris, 75 , rue de Clichy. — A la BIBLIOTHÈQUE de Dijon. (Déc, des 5 et 12 déc. 1834, R. des L., p. 226.)—A la Brsuoraëque du Muséum d'histoire naturelle de Paris ( M. J. Desnoyers, bibliothécaire), A la BisniornÈque de Pont-Audemer, Eure (M. Plouin, bibliothécaire.) (Déc. du 18 décembre 1835. R. des Délib., p 133.)—A M. Tamsier, sous-chef au ministère des finances ( par continuation de la collection de feu M. Goys fils, son beau-père), pavillon de l'Ouest, à l'Institut, à Paris. ( Déc. du 26 janvier 18358.) — A M. le ministre de lIns- truction publique. (R. des lettres, 22 Fév. 1839, p. 209), deux exemplaires, suivant sa circulaire du 20 janvier 1850, et un exemplaire à chacun des autres ministères (art. 75 du règlement). Nora. Le Programme des Prix doit être envoyé, chaque année, aux principaux jourpaux de Paris et des départements, notamment à la Gazette spéciale de l’Instruction publique, rue des Mathurins- Saint-Jacques , à Paris, et au Journal de l'instruction publique; M. GUIFFRET, rédacteur en chef, à Paris, { , rue d'Hauteville. = ee " . “ ' ‘ : ” + . + à - 4 . TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. Séance publique tenue le 6 août 1858. $ ; Discours de réception de M. Amédee Mer eaux sur l'importance de la musique . Réponse du président , M. Fréd. Deschamps : Rapport sur le concours relatif aux moyens de prévenir les accidents dans les manufactures, par M. Lallemant. Rapport sur le concours pour le prix Bouctot, sur la qualité des huiles, par M. Preisser. ; Rapport sur le concours de poésie, par M. Hellis : Noms des lauréats . AFS : Se Conte qui a obtenu le prix : Le Charstan et Lee Hétitiers k par M. Paul Favasseur. . CLASSE DES SCIENCES. Rapport sur les travaux &e la classe des sciences pen- dant l’année 1857-1858, par M. 4. Lévy, secrétaire de cette classe.. Médaille d'or décerne Dar r EL à N. ja Dr Morel Mémoire du même, sur l’ Amélioration de l'espèce humaine 24 Pages. 1 92 370 TABLE DES MATIÈRES. Observations de M. le-Dr Vingtrinier, et réponse de M. Morel . . : Médecine et hygiène des Arèbes. A . le De Berthe- HUMOUR ones robe à ae CUT Chimie appliquée à la thérapeulique, par M. le Dr Berrard fils . Essai sur l’histoire de la chir urgiô Lyon, par M le professeur Pétrequin . RE cer Re Mémoire de MM. Deboutteville, Mérielle et Désiireate sur les Asiles d’aliénés. Rapport sur les publications de la Société de la Morats chrétienne, en 1857, par M. le Dr l’ingtrinier (Comités de Patronage. — Enfants vicieux }). . RACE Rapport sur les mémoires de M. le Dr Delioux de Savignac : —- Rapport sur lathèsei inaugur alesur a at puerpérale, par M. le Dr Ch. Hélot . : Rapport sur la thèse inaugurale sur la Thorscenihése dans la pleurésie aiguë, par M. le Dr Masson . Ces trois rapports ont été rédigés par le Dr Duclos. PALÉONTOLOGIE. — AÆapport sur les publications de l'In- stitut smithsonien, par M. de Caze . Etude des glaciers, par M. Collomb. SCIENCES NATURELLES. — Société Linnéenne de Nor- mandie . : : Dissertation de M. Deslonchamps sur des cnipreinies dites pas-de-bœuf. : Etude sur les HO du guano , par M. n er Société d'agriculture de Paris. ( Maladies des végétaux. — Perfectionnements de la fabrication du pain). . . Observations sur les effets de la température excep- tionnelle de l’éte de 1837 . à Nos Me Analyse d'un ouvrage de M. Carrière : les Hommes et les Choses. Etudes sur les DE marines , Da M. le Hu. Mémoire de M. Rrébisson sur les Desmidiées. . 110 TABLE DES MATIÈRES. 374 Mémoire de M. Nylander sur les lichens du genre atNOnId A Er MR en Le RSR 0. 10 Flore populaire de Normandie et d'Angleterre, par M LeRETCREN MERE ib. Les rapports sur les ke cticles qui précédent sont dus à M. Malbranche. Société centrale d'horticulture de la Seine-Inférieure. — Rapport de M. de Lérue . . . - 01444 Comité central d'agriculture de la tiôte d Or. — Code rural projeté. — Rapport de M. le D* Dumesnil . . . 112 Mémoire de M. Brunier sur les distilleries agricoles . . 113 Chaleur appliquée aux arts et à l’industrie. . . . . 113 Caloridore alimentateur, par M. Pimont. . . . . . . 116 Appareil ayant pour objet de rendre les machines à haute pression applicables à la navigation . . . . ib. Compte-rendu des opérations du Mont-de-Piété dé Rouen, par M. Ballin. . . . . MATE MES Congrès nai de France. — apport par M. de DRE ETES ib. Quelques consiérations sur 6! nouveau ste d'études de lIUMVErSUC- par M ANLEUY NU NO MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A CRDONNÉ L'IMPRESSION DANS SES ACTES. Tableau décennal des opérations du Mont-de-Piété de Rouen (1848 à 1857 ). — T'entatives d’élablissement de cette institution à Rouen, dès 1778 et 1786 ; par HNBAUINR LUN: STE De mi: Bapport sur le 9e volume de l’ Hour es . IAA ALES EME D ee Rapport sur un livre NT pr Bertherand LE S Médecine et hygiène des Arabes, par M. le Dr Morel. 135$ Quelques considérations sur lenouveau système d’études, par M." A. Lévy... : A D OS Quelques faits de ter Fe To par M.04: MalbTaN Che TR NE RE de l7S 372 TABLE DES MATIÈRES. CLASSE DES BELLES-LETTRES. Rapport sur les travaux de la classe des belles-lettres et arts, par M. 4. Pottier, secrétaire de cette classe. 185 Les différentes convocations des Etats de Normandie , pendant l'occupation anglaise, par M.de Beaurepaire. 156 De la manière dont on pratiquait la médecine dans une petite ville au xv° siècle. — La Geôle du Roi à Rouen. — Remarques sur la constitution physique des habi- tants de l'ouen en 1742, par M. de Beaur epaire 189, 235 Etude sur le célèbre visionnaire suédois Emmanuel Swedenborg , par M. le D: Morel.. . . . . . + 191,217 Troisième exploration souterraine opérée à Bouteilles, près Dieppe, en 1857, par M. l'abbé Cochet. 004198 Rapports divers par M. de Lérue : Un abus de la presse. __ Traduction, par M. Auguste Clavareau, du poème de Thoms Moore, intitulé: La Péri.— Brochure de M. Bouillier, ayant pour titre : L'Institut et les Académies de province. — Revue des Sociètés savantes. — Biographie normande de M. Théodore Lebreton. Opuscule de M. lienzi, intitulé : Jeanne d'Arc, sa mission et son martyre. . . . + « + RE RES D led La Charilé, pièce de Ders Dar M. de Lave: RACE RE QUO Monument à Jeanne d'ATC.. . 0001291 Inscription pour les maisons s'des due Celles NE 203 Rapport de M. Ballin sur neuf opuscules de M. Julien FHRIFEES or + Sont Mort du célèbre grammairien Caps et PRATE défi- nilion du verbe, par M. Ballin.. . . . AE ib. Compte-rendu, par M. Lévesqie de nes des deu artistes Godefroy père et fils.. . . - . - . . - 206, 260 M de réception, en vers ct autres NE de . Mouton.. . . + 207, 286 à 4. Fe sur T'étmologie au nom de Tavtate..: 2:71 ME Me TRE CERTA TABLE DES MATIÈRES. 373 Rapport de M. l'abbé Picard sur les deux ouvrages de M. J.-T. de Saint-Germain : Pour une épingle et l'Art d'élremalheureuxe 4 AE ELA Li 01210 Hiapports de M. Clogenson sur les œuvres poétiques espagnoles de M. Antonio Vinageras et sur Les œuvres complètes de M. Alphonse Lofaguais Hs Mir EAtott liapport sur les Mémoires de l'Académie des Jeux floraux Pour 1856 el 1857, par M. Hellis. . . ... . . ... id. Poësies de M. Homberg. . . . . 212 apports du méme sur la Revue universelle Suisse et étrangère, et sur un travail de M. le vicomte Langlois d’'Estaintot, intitulé : Des usurpations de titres nobi- liaires, au double point de vue de l’histoire et du droit DÉDAR STARS nee RO NNE EE Pr GE 243 l'apport de M. Chassan sur le Dictionnaire de biogra- phie, d'histoire et de géographie, dont M. Bachelet a été l’un des principaux collaborateurs. .… . OLD: fapports de M. de Glanville sur les trois derniers volumes de la Société des Antiquaires de l'Ouest, et sur un Mémoire manuscrit de M. Thaurin sur une insCnpion Matine. MERE PME NE en 210 apports de M. Bachelet sur l'Histoire légendaire de Plrlande, par M1. Tachet de Barneval, et sur diverses compositions musicales de M. Manry.. . . . . 214, 280 NOUVEQUTIMEMDres M TU NN NS So MÉMOIRES DONT L'ACADEMIE A ORDONNÉ L'IMPRESSION DANS SES ACTES. SWEDENBORG, S@ vie, ses écrits, leur influence sur son siècle, ou coup d'œil sur le délire religieux, par DNICED MORE ES RO RE Ph 217 Extrait d'un compte de l’infirmerie de Fécamp, par M- Ch. de Beaurepaire. : , 4 255 Lettres de Baptiste Godefroy fils, dit Adrien, artiste graveur; lecture de M. Lévesque. . . . 200 l'apport sur les œuvres musicales de M. NManry, par LÉTRE CTATCT EBE TS A RE LIT ON TRE A 280 374 TABLE DES MATIÈRES. Mélina, pastorale, et les Deux ne fable, par M. Adolphe Mouton. : Rapport sur une proposilion de M. de 2er ue sioyuns pour but d'élever à Rouen un nouveau munpinent à Jeanne d'Arc, destiné à remplacer celui qui existe actuelle- ment ; par M. Pottier. . Programme des prix proposés mot: te années 1859, 4860:€4 1861 AA Règlement de l’Académie nipeute) Fe sciences, belles: lettres et arts de Rouen, adopté le 22 février 1856.. . Table des ouvrages reçus pendant l'année académique 1856-1857. Tableau des membres de l'Académie. 12 "9 Ci M Fe BALLE hd bell P'NRRRRRER CAT TN MR LA sére + an PME MT ART TANT TRRE APTE XV vle PV ML PAPE re TR Wie Vyyyre [ds uv ie if, PA oil AL A " | AICRANIUT À VL NUL CA ph À à MM “ ù om E vin Fun a € AL MAN an ay HR b M N HAVE vy M HA È ÿ VEN VU PUIS Vy°t ACTE di DR ie k TILL Je: NOVRN là M Y | W V4 , k TE (M um VTT peine Pnau ACCUS | : YYVEY AN nu vi US VU VE UU : LR AÙ LR ; MM vy | : NVUY Yo ge Sy a& AE VVETVY A | a a M F SUV : Ress eee + “yet 7 M 1 | 7 UV VUUVUVY V ÿ cu, é D PR NUE ME ei SE LARPEOPEEPPÈREE DAME VO ENV ENS ÉRMMTRE D TS UYV UE) A AMUMMUE ÿ ù VU UUUCMMHENEUEUC LE | | CA V . à Cu NME j = v! vi Ma h | govavuv" } CLTUM | déni aa - PTE EE “ | US: Dr ee UE gages"! 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