W^'- #■ ■i«r» '^\^ .^,:|a ^£f^ [^•< CD a Q j en '^ '^ "^ . v-C' 1:^ > CHANGEMENTS DE DIRECTION. m soutenir du côté où la croupe dévie pour le forcer à rester droit. L'arrière-main doit suivre le tracé formé par l'avant-main et n'en pas dévier. Le cheval doit toujours garder les hanches dans l'axe des épaules. C'est au cavalier qu'il appartient de se rendre compte s'il convient d'exercer une pression plus ou- moins vigoureuse de l'une ou l'autre jambe, selon que le cheval se jette d'un côté ou de l'autre. Règle générale, lorsqu'on tourne à droite, l'ar- rière-main est plutôt disposé à dévier à gauche, de même qu'il se jette généralement à droite quand on tourne à gauche. On doit donc, sauf exception, soute- nir un peu plus la jambe qui est du côté opposé à celui vers lequel on tourne. Toutefois, dans les mouvements tournants, Taction de la jambe qui a pour but d'empêcher la déviation de la croupe ne doit jamais précéder celle de la main, mais au contraire la suivre immédiatement. Autrement on ferait d'abord dévier la croupe en dedans, ce qui mettrait obstacle au mouvement de la tête d'abord, de l'encolure et des épaules ensuite. En outre, l'arc-boutant formé par la croupe et les épaules déciderait le cheval à résister à l'action de la rêne. Enfin, il n'est pas rare de rencontrer des chevaux qui, soit naturellement, soit par habitude, marchent de travers. Dans ce cas, ils jettent les hanches tou- jours du même côté. Si, par exemple, ils les jettent à droite, c'est-à-dire en dedans, quand vous tournez à droite, vous êtes forcé d'agir plus vigoureusement lia DEUXIEME PARTIE. de la jambe droite, c'est-à-dire de la jambe du dedans. Mais si le même cheval, en tournant à gauche, con- tinue de jeter ses hanches à droite, c'est encore la jambe droite qui agit, c'est-à-dire la jambe du de- hors. On voit donc qu'avec le même cheval, on peut être obligé d'employer tantôt la jambe du dedans, tantôt celle du dehors. Pour amener le cheval à faire facilement les chan- gements de direction et pour lui donner la mobilité désirable, on lui fait exécuter dans le manège différents exercices, tels que doublers, voltes, demi-voltes et changements de main. Le doubler est une ligne droite que l'on parcourt, soit dans la largeur, soit dans la longueur, du manège, en partant d'un point quelconque du mur. Arrivé au mur opposé, on tourne et on continue à marcher tou- jours sur la même main (pi. XII, fig. i). La polte est un cercle que l'on décrit sur un point quelconque. Mais, pour débuter, il vaut mieux la prendre en partant du commencement de l'un des grands côtés du manège. Le cheval, ayant toujours tendance à agrandir le cercle, se trouve plus vite en- cadré par l'angle des deux murs qui lui font face (pi. XII, fig. 2). La demi-polte s'exécute au milieu de l'un des petits côtés. Comme elle se termine sur deux pistes, il ne faut la demander au cheval qu'après lui avoir enseigné le travail des deux pistes que nous expliquons plus loin (pi. XIII, fig. i). X CD eu r-: en. 6 i; en; ^ f ^ ! o •: p: i > '•K «^ ni e 0) -^3 C ! OJ 1 Ë ^ bn 1 c: ( / yf \ i 1 r L :^p7///////.'/////„^ I CHANGEMENTS DE DIRECTION. iij Quelle que soit l'allure de la demi-volte, les épaules doivent partir les premières et arriver les premières au mur, c'est-à-dire que le cheval doit toujours rester dans la ligne oblique. La demi-volte est le plus sou- vent exécutée d'une manière très incorrecte. Rien n'est plus rare qu'une demi-volte bien faite. Il y a trois changements de main. Le plus simple, ou changement de main en diagonale, consiste à par- courir la grande diagonale du manège en commen- çant par l'un des grands côtés (pi. XII, fig. 3). Pour exécuter le second, ou changement de main renversé, on part, comme dans le précédent mouvement, de. l'un des angles du manège, toujours en commen- çant par l'un des grands côtés; mais, arrivé au centre, on retourne par un demi-cercle au mur du grand côté qu'on avait quitté, et qu'on prend, bien entendu, à main gauche si on l'avait à main droite, et vice versa (pi. XIII, fig. 2). Le contre-changement de main est le plus compli- qué. On part en entrant dans la grande ligne sur deux pistes, et, arrivé au centre du manège, on revient toujours sur deux pistes à l'autre extrémité du grand côté d'où on est parti. Au galop, ce mouvement nécessite deux changements de pied : le premier au milieu du manège, le second au mur. Si le cavaher est à main droite, comme dans la figure 3 de la planche XIII, il commence par le galop à droite. Arrivé au centre du manège, il change de pied et galope à gauche jusqu'au mur, où il se remet sur le pied droit. On 8 ,1^ DEUXIEME PARTIE. remarquera que, dans le contre-changement ào. main, il n'y a pas de changement de main. On décrit également des cercles et des huit au mi- lieu du manège. C'est le meilleur travail pour assou- plir toutes les parties du cheval, et c'est aussi le moyen le plus sûr d'obliger récu3^er à se servir de ses deux jambes à propos. On n'apprend pas à tenir son cheval toujours droit en longeant continuellement les murs, puisque la croupe ne peut dévier que d'un côté. Aussi je tra- vaille souvent mes chevaux en les tenant à un mètre, et, dans un grand manège, à deux mètres du mur. Observons en outre que, tout le temps du dressage, le cheval cherche à rester le moins droit possible. Il sent très bien que, s'il peut porter ses hanches de travers, il échappera au rassembler, qui consiste au contraire à pousser l'arrière-main sous le centre dans l'axe du cheval. XI Flexions latérales. Je n'ai exécuté jusqu'ici les changements de direc- tion que d'une manière rudimentaire. De même que ma première leçon est de pousser mon cheval en avant, de même pour les changements de direction je ne lui J FLEXIONS LATERALES. 115 demande d'abord rien que de tourner et de suivre la ligne où je le mets. En toutes choses je procède du simple au composé. Quand le cheval obéit sans résis- tance et dès la première indication à tous les change- ments de direction que je sollicite, un nouveau problème se pose. Il s'agit de déplacer le cheval d'ensemble en le maintenant toujours dans l'équilibre et dans la légèreté. La flexion latérale est la préparation au mou- vement ainsi exécuté. Pour faire la flexion latérale à droite % par exemple, on se place à l'épaule gauche du cheval et on prend les rênes du filet dans la main gauche et les rênes du mors dans la main droite, absolument de la même manière que pour la flexion directe. On place la tête et l'encolure dans la même position que dans la flexion directe. On fait la flexion directe. Lorsque la mâchoire €st décontractée et la flexion complète, on pousse légèrement la tête du cheval à droite par de petites pesées de la main gauche sur le filet tenu hautettendu d'arrière en avant pour empêcher à la fois l'affaisse- ment et i'acculement*. En même temps la main droite tire légèrement les rênes du mors en arrière en se portant à droite de I. On remarquera qu'ici je reprends le travail à pied. Je pratique toujours dans la même leçon le travail à pied et le travail monté. 2. Voir planche XIV, position des mains. Fig. i, prépara- tion à la flexion latérale, mâchoire contractée; fig. 2, flexion latérale, mâchoire décontractée, mors libre. li(î DEUXIEME PARTIE. manière étendre principalement la rêne droite* jus- qu'à ce que la flexion latérale de l'encolure à la nuque étant complète, les deux rênes du mors agissent égale- ment pour donner et maintenir le jeu de la mâchoire^ qui doit être le même que dans la flexion directe. Au début, il faut se contenter d'un semblant d'obéissance. Pourvu que le cheval tourne très peu la tête à droite en ouvrant la mâchoire, c'est tout ce que l'on peut exiger. Il faut recommencer très souvent ce travail et tâcher de progresser en insistant chaque fois un peu plus sur ces exercices d'assouplissement. On finira sûrement par obtenir la flexion complète en n'employant jamais la force et en se contentant d'un tout petit progrès à chaque leçon. En équitation, c'est en demandant peu à chaque fois qu'on finit par obtenir beaucoup. De la patience, donc, et pas de brusquerie. Autrement, au lieu d'arri- ver plus vite, on obtiendrait un résultat diamétrale- ment opposé. Quand la flexion latérale est complètement obte- 1. La rêne gauche du mors demeure cependant légèrement tendue. Si la rêne droite agissait seule, elle entraînerait le nez, et la tête ne serait plus dans la verticale. On remarquera que je donne ici la première leçon d'obéis- sance à deux impulsions simultanées dans les changements de direction. Jusqu'ici, j'avais fait simplement rêne droite pour tourner à droite. Je commence maintenant à apprendre au cheval à obéir à deux impulsions simultanées agissant dans le même sens, la rêne gauche du filet qui pousse et la rêne droite du mors qui tire, toutes deux de gauche à droite. 2. Voir planche XIV, fig. i et 2. FLEXIONS LATERALES. 117 nue, la position est la même que dans la flexion directe, sauf que l'encolure, tout en demeurant fléchie à la nuque, d'avant en arrière, est en outre fléchie de côté, de gauche à droite, par exemple (toujours à la nuque), de manière que le plan de la tête soit per- pendiculaire au plan de la tête dans la flexion directe, et se présente de face du côté où a lieu la flexion. L'en- colure demeure naturellement haute comme dans la flexion directe, le nez arrivant à la hauteur de la par- tie supérieure de l'épaule, et la tête demeurant dans la perpendiculaire, ou plutôt un peu au delà* (pi. XV, fig. 2). Ainsi que nous l'avons vu par la flexion droite, on fait généralement cette flexion d'une manière tout à fait différente. Il n'y a qu'une manière de se rendre compte de ce que doit être la flexion latérale, c'est de I. II faut prendre garde, en faisant la flexion latérale, de ne pas changer l'équilibre. Le cheval, en effet, aune tendance natu- relle, pour contre-balancer l'effet de la flexion, à faire une oppo- sition de l'épaule du côté opposé au pli, et à reporter tout le poids de l'avant-main sur la jambe gauche si on le fléchit à droite. Cela est inévitable aussi longtemps que la mâchoire résiste; mais, aussitôt qu'elle cède, sa flexion, entraînant celle de l'encolure, amène l'égale répartition du poids sur les deux jambes. Si on laissait prendre au cheval l'habitude de se bra- quer de l'épaule du côté opposé à la flexion, l'équilibre serait détruit et, avec lui, la légèreté. Dans les changements de direc- tion, comme dans les deux pistes, l'épaule du côté opposé à la flexion serait toujours en retard. Dans ces mouvements, la grande difficulté est précisément de faire marcher cette épaule: voilà pourquoi il faut toujours chercher à la soulager, en ne faisant qu'un très léger pli, tandis que la rêne de filet du côté 1,8 DEUXIEME PARTIE. rechercher quel résuhat on se propose d'obtenir en la faisant. La flexion latérale a pour but : 1° De maintemr par la hauteur de V encolure l'équilibre de la flexion directe dans les changements de direction. 2° D'affermir et de lier tout l avant-main dans les changements de direction, en disposant toutes les parties de manière à en faire un ensemble à la fois compact et souple aussi correct dans les mouvements tournants que dans les mouvements directs. Dans les changements de direction, ce sont naturel- lement les épaules qui entament le terrain, pendant que l'arrière-main donne l'impulsion. Or le cavalier est sans action directe sur les épaules. Il n'agit que sur la bouche, par la bouche sur l'encolure, et par l'enco- lure sur les épaules. La flexion latérale, en affermis- sant, en liant toutes ces parties entre elles, les met dans une dépendance réciproque, qui permet au cava- lier d'agir d^ensemble sur tout l'avant-main. Sans opposé à la conversion reporte le poids sur l'épaule du dedans qui a moins de chemin à parcourir, en jetant la masse, à chaque foulée, du côté où l'on marche. C'est ce qui permet d'obtenir une très grande impulsion dans le travail des deux pistes. Une flexion trop complète arrêterait cette impulsion en surchar- geant l'épaule du dehors. On s'étonne toujours, au premier abord, d'apprendre que la tlexion à droite surcharge l'épaule gauche. C'est pourtant le résultat naturel de l'effort du cheval pour contre-balancer l'effort qu'on lui demande. 8 FLEXIONS LATERALES. 119 la flexion nous retrouvons, comme j'ai dit plus haut, la canne à pêche tenue par le petit boiit^ c'est-à-dire la tête lourde, — parce qu'elle est loin du centre de gra- vité, — au bout de l'encolure mobile. L'action des rênes, au lieu de diriger la masse, se borne alors à déplacer la tête vers l'avant-main, qui demeure fixé d'autant plus solidement au sol que le cheval est sur les épaules. 3° De maintenir, par la jlexion de la mâchoire^ la légèreté dans les changements de direction. Dans tous les mouveinents, c'est Vimpulsion qui fait du cheval un seul tout, c'est l' arrière-main qui, eti s' engageant sous le centre, se relie à l'avant-inain^ . Si toute cette impulsion vient aboutir aux barres de la mâchoire fléchie- et mobile, liée à tout l'avant-main de manière que la flexibilité » du bras de levier aille toujours croissant des épaules à la mâchoire, les mains renverront avec une extrême légèreté* aux jambes, 1. Beaucoup d'auteurs parlent de lier l'avant-main à l'ar- rière-main. C'est une absurdité, c'est l'arrière-main qui se jette sur l'avant-main dans l'impulsion. Aux aides de maintenir l'en- semble dans la bonne position, en contenant ou en réglant la force qui vient de la détente des jarrets. 2. Quand la mâchoire ne cède pas, rien ne cède, le cheval se déplace tout d'une pièce dans les changements de direction : il tourne comme un bateau. 3. Dans la flexion latérale, il n'y a vraiment yZexzo?? latérale que par le pli à la nuque. La mâchoire se fléchit exactement comme dans la flexion directe. 4. Dans la flexion latérale, comme dans la flexion directe, il s'agit de disposer les leviers de manière à obtenir par l'effort moindre l'action maximum. 120 DEUXIEME PARTIE. une partie de l'impulsion qu'elles ont reçue d'elles, et cela aussi bien dans les changements de direction que dans les mouvements directs. Ainsi on fera de toute la masse du cheval un ensemble à la fois énergique et harmonieux, par le bon équilibre des leviers et par l'utilisation bien réglée des forces dans les changements de direction. Ainsi on fera la légèreté, ainsi on conti- nuera d'avoir le cheval dans la main dans tous les chan- gements de direction. Telle est, pour moi, la flexion latérale et tel est son but. On voit que je suis en mesure, comme pour la flexion directe, de justifier de tous points ma pra- tique. Malheureusement, la plupart de ceux qui font des flexions les font au hasard et sans chercher à connaître, avec précision, le résultat qu'ils doivent se proposer d'obtenir. Il faut dire que Baucher ne s'est pas mieux rendu compte du mécanisme de la flexion latérale que de la flexion directe. Ou plutôt il a naturellement commis la même faute dans la flexion latérale que dans la flexion directe, puisque celle-ci est la préparation à celle-là. Cette flexion vicieuse, adoptée par ceux qui l'ont suivi, se fait au garrot au lieu de se faire à la nuque. Là encore, comme dans la flexion directe, nous trouvons l'écueil de l'affaissement de l'encolure qui transforme un exercice utile en un travail nuisible. L''encolure est basse, le pli de l'encolure est au garrot, 1 i I FLEXIONS LATERALES. 121 au lieu d'être à la nuque, et la tête du cheval se pré- sente de profil, au lieu de se présenter de face. La comparaison des figures i (flexion vicieuse) et 2 (flexion correcte) de la planche XV permet de saisir du premier coup d'œil les avantages de la flexion laté- rale telle que je l'ai décrite, et les inconvénients de la flexion qui est communément pratiquée. Je n'ai qu'à renvoyer, pour compléter cette critique, à tout ce que j'ai dit de la mauvaise flexion directe et de tous ses inconvénients. Comment peut-on s^étonner qu'on ait reproché aux flexions d'amollir l'encolure, c'est-à-dire de la rendre mobile indépendamment du reste du corps ? C'est en effet précisément le résultat de la flexion latérale au garrot, tandis que la flexion latérale à la nuque affer- mit, au contraire, l'encolure et lie tout l'avant-main de manière à le déplacer d'ensemble, résultat indis- pensable, comme je l'ai expliqué, puisque le cavalier n'a pas d'action directe sur les épaules. La tête basse, isolée du corps par une encolure mobile, qui cède seule sans entraîner les épaules, et permet au cheval d'op- poser à tout mouvement de l'encolure un mouvement en sens contraire des épaules, d'où l'impossibilité de diriger l'avant-main : voilà le résultat de la flexion laté- rale au garrot et de l'affaissement de Tencolure qui s'ensuit. Contrairement à la flexion directe, que je ne pra- tique (à pied ou monté) que dans l'impulsion en avant, la flexion latérale, au début, se fait, à pied, dans 122 DEUXIEME PARTIE. le Stationnement, en raison de la difficulté de mettre l'arrière-main en mouvement. Dans le travail monté, je ne pratique jamais la flexion latérale que dans l'im- pulsion en avant. J'ai pour principe absolu, une fois monté, de ne jamais rien demander à mes chevaux que dans l'impulsion en avant. C'est par cette raison que j'ai pu toujours éviter d'acculer mes chevaux d'école, ce qui est l'écueil ordinaire du travail dit de haute équitation^ Dans le travail monté, la flexion latérale se fait par le même mécanisme que dans le travail à pied. Pour flé- chir l'encolure à droite, les deux mains font un effet à droite, la rêne gauche du filet tendue et portée à droite maintient la tête haute et, en s'appliquant sur le haut de l'encolure, pousse la tête de gauche adroite, tandis que la rêne droite du mors, légcreinent tendue, décide ce dernier mouvement et décontracte la mâchoire (planche XVI, fig. i). Comme la première préoccupation du cavalier doit être de tenir le cheval droit, il faut, en même temps qu'on agit des deux jambes pour avoir l'impulsion, soutenir davantage la jambe du côté opposé au pli de l'encolure. I. J'ai déjà dit que la hauteur de l'encolure ne peut s'obte- nir que par l'impulsion, et que si je place très haut l'encolure de mes chevaux, c'est que, dans tout le travail, je les pousse énergiquement en avant. En effet, plus l'impulsion est grande, plus l'arrière-main s'engage sous le centre, et plus l'avant-main se trouve relevé î l FLEXIONS LATERALES. i2j Quand les jambes agissent simultanément, elles sont agents d'impulsion; quand l'une prédomine sur l'autre, elle devient agent de direction. Jamais une jambe ne doit agir isolément : les deux jambes simul- tanées, c'est l'impulsion; la prédominance de l'une d'elles, c'est la direction. Enfin, lamain étant beaucoup plus puissante, pour diriger, que la jambe, il faut que la main soit extrêmement légère. Dans la flexion latérale, monté, l'erreur fonda- mentale de la flexion de Baucher se retrouve naturel- lement au même degré que dans la flexion à pied. Comparez la figure 2 de la planche XVI que j'em- prunte à Baucher, avec la figure i représentant la flexion correcte. La planche XVII empruntée, en ce qui concerne la position du cheval, à un ouvrage récent, montre clai- rement que ceux qui prétendent pratiquer aujourd'hui la flexion latérale n'ont la notion ni de son mécanisme ni de son but. La flexion latérale — à pied ou monté — telle que je l'ai décrite, est un exercice d'assouplissement. Ce tra- vail a une importance capitale. De la mise en main et des flexions dépendent absolument l'équilibre, la légèreté, la mobilité; et tant que je n'y ai pas accou- tumé le cheval, il m'est impossible de pousser plus loin. Il importe donc au plus haut point de faire la flexion latérale complète, pour obtenir l'extrême con- cession du cheval. Mais, lorsqu'on pratique la flexion latérale dans le 12+ DEUXIÈME PARTIE. travail ultérieur (changements de direction, deux pistes, etc.), on devra se contenter d'une très légère flexion latérale de l'encolure^ qui, d'ailleurs, doit tou- jours, ainsi que la tête, demeurer bien placée. On comprend en effet qu'une flexion trop accentuée arrê- terait l'impulsion en rejetant tout le poids sur l'épaule du dehors. L'exercice d'assouplissement, que nous désignons sous le nom de flexion latérale, n'en est pas moins nécessaire, en ce sens qu'il consiste à demander le plus pour avoir le moins. Mais il faut savoir que, dans le travail qui suivra, il suffit d'obtenir un léger pli de l'encolure, à condition que la tête et l'encolure soient toujours bien placées et surtout que la mâchoire soit décontractée. XII Rotations de la croupe et des épaules. Lorsque j'ai obtenu successivement : i° que mon cheval cède facilement à la cravache; 2° qu'il exécute avec non moins de facilité les flexions latérales, il s'agit maintenant pour moi de réunir ces deux mouve- ments en un seul. I. Aussi longtemps que la mâchoire joue, on a la légèreté, et la moindre indication suffit pour les changements de direction. n ROTATIONS DE LA CROUPE ET DES EPAULES. 125 Je lui ai appris tout d'abord à céder à la cravache de gauche à droite, en l'aidant avec la rêne gauche du filet qui tire la tête à gauche pour porter la croupe à droite. C'est ce qu'on appelle les effets latéraux (plan- che XVIII, fig. i), parce que les deux effets se pro- duisent du même côté (rêne droite, cravache à droite). Ce premier fait acquis, j'obtiens peu à peu que le che- val cède en lui tenant la tête droite (planche XVIIl, fig. 2). C'est ce qu'on appelle les effets directs. Main- tenant, il faut qu'il cède, en passant par la même pro- gression, aux effets diagonaux, c'est-à-dire cravache à gauche et flexion à droite (planche XIX) ^ Pour cela, sans faire usage du filet, dont je continue de tenir l'extrémité dans la main gauche ^, je saisis de la main gauche la rêne gauche du mors tout près de la bouche, pendant que la main droite à hauteur du poi- trail tient à la fois la cravache et la rêne droite qui fait poulie au garrot (planche XIX). Le cheval fait alors la flexion directe. Je cherche alors le commencement de la flexion latérale droite en relevant la tête par de petits coups de bas en haut sur le mors et en poussant la tête à droite, en même temps que je fais céder la croupe 1. J'ai expliqué plus haut que /'e^zn'^-ïfion latérale n'e'tait que la préparation à Véquitation diagonale qui est la seule ration- nelle et permet seule d'obtenir des effets d'ensemble. 2. Pour permettre de mieux saisir l'action des rênes, j'ai supprimé le filet dans la figure de la planche XIX. Je rappelle que la manière de tenir l'extrémité du filet, c'est d'avoir la boucle du filet dans le creux de la main. (Voir les deux figures de la planche XVIII.) ,2(î DEUXIEME PARTIE. à la cravache de gauche à droite. Enfin J'augmente tous ces effets jusqu'à ce que la concession de l'enco- lure et de la mâchoire ainsi que de la croupe soit complète. Je parviens ainsi à faire pivoter le cheval pendant qu'il exécute la flexion latérale complète. Je me sers à dessein du mot pivoter qui ne rend qu'incomplètement ma pensée, mais qui définit la façon dont Baucher faisait exécuter la rotation. En effet, selon sa méthode, dans la rotation de croupe, l'avant-main reste immobile et sert de pivot. Je trouve que c'est une faute. Pendant la période du dressage, aucune des parties du cheval ne doit être immobilisée, parce que l'immobilité dégénère souvent en moyen de défense. Ce n'est donc pas un pivotement absolu que je demande; c'est un cercle très restreint décrit par l'avant-main autour du centre, l'arrière-main décri- vant la circonférence. Il est bien entendu que je ne passe pas brusque- ment des effets latéraux aux effets directs et des effets directs aux effets diagonaux. Je vais au contraire des uns aux autres insensiblement, afin que le cheval sache bien ce que je lui demande, n'éprouve aucune sur- prise et ne fasse pas de confusion. L'emploi des effets latéraux a été un acheminement vers l'exécution du mouvement par des effets directs. De même, les effets directs ne sont qu'un acheminement à l'exé- cution du mouvement par les effets diagonaux. Ce travail n'aurait pas d'utilité si son seul but était tat!|l ROTATIONS DE LA CROUPE ET DES ÉPAULES. 127 d'obliger le cheval à céder à la cravache. Sa grande importance est de préparer le cheval sans l'effrayer à obéir aux jambes d'abord, ensuite et par degrés aux éperons. Arrivons maintenant au travail monté, que je vais exécuter en passant de nouveau, comme dans le tra- vail à pied, et par la même progression, des effets latéraux aux effets directs et des effets directs aux effets diagonaux. Si, étant arrêté au milieu du manège, je veux obtenir la rotation de croupe de gauche à droite, j'ap- proche mon talon gauche. Le cheval neuf ne sait pas ce que je veux lui demander, aussi son premier mouvement est-il de s'appuyer sur ma jambe. C'est à ce moment que je recueille le bénéfice du travail précédent. Avec ma cravache, je touche faiblement à gauche, aussi près que possible de mon talon, et j^'évite surtout de toucher trop en arrière, car cela amènerait presque inévitablement un coup de pied ou une ruade; en même temps je me sers du filet gauche pour jeter la croupe à droite. J'affirme qu'au- cun cheval ne se défend si on procède bien dou- cement. Selon le degré de la résistance qui est fréquente au début, je me sers plus ou moins de la rêne gauche du filet. Je tire un peu plus la tête à gauche, tout en continuant de toucher avec le talon et la cravache si la résistance est grande. Ces trois forces agissant du même côté, le cheval est forcé de céder. ia8 DEUXIEME PARTIE. Au premier pas qu'il fait sur sa droite, je l'arrête et je le caresse, puis je le laisse faire librement un tour de manège pour lui permettre de se rendre compte de ce qu'il vient de faire. Je recommande ce dernier point d'une façon toute particulière. On doit toujours laisser le cheval libre et tranquille après qu'il a obéi. C'est d'abord une récompense, et il ne faut pas craindre de les prodiguer. La cessation du travail et les caresses, voilà la seule manière de lui faire comprendre qu'il a bien fait. On est trop souvent obligé, pendant le dres- sage, d'avoir recours aux corrections, pour ne pas saisir avec empressement l'occasion de caresser que vous offre le moindre signe d'obéissance. Plus on caresse, moins on est forcé de recourir aux corrections ^ Enfin, comme je l'ai dit, en laissant le cheval marcher en liberté pendant quelques instants, vous lui donnez le temps de comprendre le mouvement qu'il vient d'exécuter et les effets qui l'y ont déterminé. En apparence, le cheval ne cède que physiquement; en réalité, c'est à son intelligence, ou pour parler plus exactement à sa mémoire, que nous nous adressons. C'est donc sa mémoire qu'il faut frapper, et c'est pour cela que je lui laisse le temps nécessaire pour que le fait se fixe dans son souvenir. I. Le grand art est de caresser ou de punir à propos. Pour cela, il faut saisir instantanément le moment de la concession ou de la défense. C'est le cas de rappeler le principe fonda- mental du dressage : La caresse doit suivre la concession d'aussi près que la correction la faute. ROTATIONS DE LA CROUPE ET DES ÉPAULES. 129 Le cheval ayant fait librement le tour du manège, je recommence vingt ou trente fois le même exercice, sans changer de côté, jusqu'à ce qu'il obéisse dès que j'approche seulement mon talon. Puis je le soumets au même travail avec la jambe droite. Quand le cheval cède alternativement et indis- tinctement aux deux jambes, je mets des garde-crotte au lieu d'éperons, pour l'habituer à supporter quelque chose de plus sérieux que le talon. Puis, chaque jour, j'augmente l'effet de jambe en diminuant celui de la cravache, que graduellement je finis par supprimer complètement ^ Je ne me suis, d'ailleurs, servi de la cravache que pour aider la mémoire du cheval et l'amener à obéir à l'éperon sans l'effrayer. Car, ne l'oublions pas, l'effet que produit la piqûre de l'éperon, au début, sur un cheval neuf, est exactement celui d'une piqûre de mouche. Or que fait le cheval quand il se sent piqué au flanc par une mouche ? D'abord il cherche à la chasser avec sa queue. S'il n'y parvient pas, il frappe avec la jambe de derrière du côté où. il se sent piqué. Si la mouche ne s'envole pas, il cherche alors un obstacle quelconque, un mur, un arbre sur lequel il s'appuie, se couche pour écraser l'insecte, auteur de sa souf- I. J'ai dit plus haut que monté j'abandonnais la cravache. Je ne la reprends que pour exiger du cheval l'obéissance à la jambe et pour obtenir la première tension des jambes dans le pas espagnol. Dans ces deux cas, l'usage de la crgvache ne dure pas plus de deux ou trois leçons. 9 i}o DEUXIEME PARTIE. france. Eh bien, lorsque vous lui donnez le premier coup d'éperon, comment voulez-vous que son pre- mier mouvement ne soit pas de frapper ou de chercher à s'appuyer au mur ? Vous vo3'^ez donc que c'est une lourde faute de se servir de l'éperon avant d'y avoir accoutumé le cheval, en le faisant passer successivement par l'impression de la cravache, de la jambe, du talon et du garde-crotte. Si vous attaquez avec l'éperon un cheval qui n'y est ni préparé ni accoutumé, il ne comprend pas, il ne cède pas. "S'ous recommencez, vous insistez ; le cheval, ne sachant pas ce que vous lui demandez, n'a que la perception de la douleur : il cède à son instinct et se défend. Plus l'attaque est vive, plus la résistance d'abord et la défense ensuite sont énergiques. Si le cheval est mou, il vse couche sur la piqûre; s'il est vigoureux, il entre immédiatement dans des défenses violentes. De toutes façons le dressage est manqué. L'un devient rétif, l'autre s'affole à la seule approche de la jambe. Au lieu d'avoir appris quelque chose, vous avez rendu l'éducation impossible. Dans le dressage, il est ainsi de tout. La grosse difficulté est de faire comprendre au cheval ce que l'on veut qu'il fasse. Comme on s'adresse uniquement à sa mémoires les moyens dont on use avec lui doivent I. Pour la même raison, j'ai déjà dit qu'il faut bien se garder de demander à un jeune cheval dans la même leçon deux ou plusieurs choses qu'il pourrait confondre. Sa com- préhension est très lente, il faut éviter de l'embrouiller. ROTATIONS DE LA CROUPE ET DES EPAULES. 131 être simples et rigoureusement toujours les mêmes. En équitation, l'éperon n'est qu'une aide; le cheval doit arriver à le comprendre. L'éperon ne devient un châtiment que dans les défenses, et de cela encore il faut que le cheval se rende compte ^ Quand le cheval cède facilement aux Jambes, je modifie par degrés mes effets de rênes. Il s'agit tou- jours d'arriver finalement à placer la tête du cheval du côté vers lequel je le dirige. Toutefois, le change- ment doit se faire si insensiblement que l'animal ne s'en aperçoive pas. D'abord il ne cède à ma jambe que quand je fais agir en même temps la rêne du même côté, — effet latéral. Bientôt je me sers moins de la rêne afin qu'il obéisse à la jambe seule, puis j'emploie les deux rênes du filet pour lui tenir la tête droite, — effet direct. Enfin, peu à peu, j'arrive à me servir de la rêne opposée, — nous voici aux effets diagonaux. La progression sera celle qu'on a suivie quand on a fait exécuter le même mouvement, dans le travail à pied, avec le seul secours de la cravache, c'est-à-dire que le cheval finira par faire sa rotation de croupe de I. Il arrive souvent que le cheval se jette sur l'éperon tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Dans ce cas, l'éperon doit corriger efficacement. Pour cela je mets le cheval au milieu du manège, et à grands coups de talon et d'éperon je fais céder instantané- ment la croupe du côté rebelle. Quand le cheval a fait ainsi deux ou trois pirouettes, j'arrête et je reprends le travail où je l'avais laissé; s'il résisté encore, je recommence jusqu'à ce qu'il cède définitivement. ,32 DEUXIEME PARTIE. gauche à droite, ayant le bout du nez à droite et pice pej'sa. Dans le travail monté, je n'exige pas ici la flexion latérale complète. Un très faible pli du côté vers lequel on marche est suffisante Ce résultat obtenu, j'apprends au cheval à faire pivoter les épaules autour des hanches ^ Il ne suffit pas, en effet, d'assouplir les hanches, il faut encore donner la plus grande mobilité possible aux épaules. Cette mobilité est une qualité indispen- sable, quel que soit le service que l'on exige du cheval. Nous n'avons pas sur les épaules une action di- recte comme sur la bouche et les hanches. Pour les mettre en mouvement, l'impulsion leur est donnée par l'arrière-main qui est actionnée par les jambes, et la direction par la bouche qui reçoit l'action des rênes. Voici comment je procède pour faire la rotation des épaules de gauche à droite. Étant placé au milieu du manège et arrêté, je porte mes deux mains à droite et je ferme les jambes, pour empêcher un mouvement rétrograde, la jambe 1. Quand le cheval cède aise'ment aux effets de jambe, il est bon de les employer alternativeme_^t, mais seulement à titre d'indications et pour faire céder légèrement la croupe. Il suffit que le cheval fasse Un ou deux pas. Le Cavalier arrive ainsi à se renvoyer l'arrière-main d'une jambe à l'autre et à mesurer cette action. C'est le commencertient du tact équestre.. 2. Ce travail ne peut bien se faire que rîionté, à cause de la nécessité de maintenir les hanches et de pousset- le cheval en avant. PAS D'ECOLE. ijj gauche prenant le flanc plus fortement, de manière que le cheval ne puisse jeter ses hanches à gauche. Mes rênes du filet agissent simultanément avec mes jambes ; la rêne droite tirant légèrement à droite, mais non en arrière, et la rêne gauche poussant les épaules à droite. L'emploi de la rêne gauche a un autre but : si le cheval, ayant porté ses épaules à droite, veut jeter ses hanches à gauche, une faible tension de cette rêne aide immédiatement la jambe gauche à maintenir la croupe en place, en reportant plus ou moins la tête à gauche suivant le degré de déviation des hanches à gauche. Dans les commencements, il faut former un grand cercle plutôt qu'un petit, qui serait alors une véritable pirouette. De cette façon, on ne cesse pas d'avoir le cheval dans la main, et il est plus facile d'empêcher racciilement qu'il faut, je ne saurais trop le dire, éviter toujours et à tout prix. XIII Pas d'école. Lorsque le cheval est bien dans la main, au pas, on peut lui faire prendre ce que l'on appelle le pas d'école, allure plus courte, plus élevée et plus cadencée que le pas ordinaire. Ce n'est pas encore le trot. ^^^ DEUXIEME PARTIE. •quoique les pieds se posent à terre de la même ma- nière que dans le trot. Les battues du trot, en gagnant peu de terrain, voilà le pas d'école. Il faut, pour obtenir le pas d'école, se servir beau- coup des jambes et modérément des mains; faire de nombreux mouvements d'ensemble avec ces deux aides ^ et parcourir le moins de terrain possible en raccour- cissant le pas. De trop grands pas indiquent que le cheval ne commence pas encore à J"^ rassembler, et sans commencement de rassembler ri 'n'y a pas de -cadence. Le pas d'école est une excellente gymnastique. Dans cet exercice, la combinaison des aides du cava- lier détermine chez le cheval la mise en action de tous ses moyens. Il le rend souple, gracieux, léger et le place, en un mot, dans un équilibre parfait. Il pré- pare enfin à toutes les allures artificielles et notam- ment au rassembler qui conduit lui-même 3.\jl passage •et Q.\i piaffer. J'apprends au cheval à faire tous les changements •de direction à ce pas d'école; mais seulement quand il les exécute avec facilité au pas ordinaire. ^. < "^ I. "J'entends par là les mouvements d'ensemble qui amènent la mise en main : envoyer le cheval des jambes sur la main et le renvoyer, pour partie, de la main aux jambes. RECULER. iJS XIV Reculer. Généralement, pour faire reculer un cheval, dans le travail à pied, on lui porte la tête aussi haut que pos- sible, en poussant en arrière. C'est une grande faute. Il faut faire tout le contraire, car, en élevant la tête en même temps que vous poussez en arrière, vous surchargez l'arrière-main, qui a besoin d'être allégé pour accomplir ce mouvement. C'est, en effet, l'arrière-main qui se met en mou- vement le premier. Si vous le surchargez, les jambes ne peuvent plus se dégager librement, et pour peu que vous persistiez à pousser en arrière, vous acculez le cheval et l'obligez fatalement à se cabrer. Il faut, au contraire, pour faire reculer, porter plus de poids sur les épaules. Pour y arriver, je baisse la tête du cheval légère- ment% par de petites pesées de haut en bas sur le filet. Je me place alors bien en face de l'animal, puis je saisis dans chaque main une rêne du filet près de la bouche, et je le pousse en arrière. I. C'est le seul travail où je charge un peu les épaules, et on remarquera que c'est pour reculer. 13(5 DEUXIÈME PARTIE. Il est à peine besoin de faire remarquer que, dans cette position, le reculer sera très facile, le cheval étant sur l'avant-main, les reins et les jarrets sont allégés, les pieds de derrière se lèvent avec facilité, comme ceux de devant, au lieu de tj^ainer, et, lorsque vous poussez en arrière sur le filet, le cheval ne peut s'arc-bouter. On doit se contenter des deux premiers pas en arrière, caresser et porter en avant ; puis recommen- cer souvent. Cela vaut mieux que de prolonger le reculer. D'abord, en le prolongeant, vous fatiguez le cheval, qui, n'ayant pas encore les reins et les jarrets assouplis, met de la raideur dans ce travail nouveau pour lui. Ensuite, plus vous prolongez le travail, moins vous frappez la mémoire du cheval, puisque vous ne l'arrêtez pas pour le caresser et lui faire ainsi comprendre qu'il a bien fait. Enfin, il faut se convaincre que tout travail qui fatigue l'animal le rebute s'il n'y a été amené par degrés et préparé par des exercices successifs d'assouplissement. Jamais je ne demande plus de dix ou douze pas en reculant; puis, je porte le cheval d'autant en avant, en le tenant continuellement dans la main. Jamais non plus Je ne fais exécuter ce mouvement plus de trois ou quatre fois de suite. Il est rare qu'on n'obtienne pas le reculer par ce moyen, employé avec la douceur que je ne cesse de recommander dans tous les cas. Cependant, il arrive parfois que le cheval, soit qu'il RECULER. 137 s'entête, soit par souffrance, refuse le mouvement en arrière. J'ai vu des chevaux qui résistaient à tous les moj^ens connus, sans excepter les mo3^ens violents, auxquels on finit malheureusement toujours par arri- ver en pareil cas. Dans ce cas, je me place bien en face du cheval, tenant dans chaque main une rêne du filet près de la bouche, et je lui marche simplement sur les pieds en poussant en arrière. Je n'ai pas rencontré un cheval qui ne cédât. Quand le cheval recule sans raideur, la tête bais- sée, je m'applique à lui faire exécuter le même mou- vement la tête étant de plus en plus relevée. Pour cela, je me place à l'épaule et je fais la flexion directe en reculant. Je m'applique donc à obtenir un reculer très franc, avec mise en main. Si le cheval recule trop vite pour échapper à la mise en main, je tire en avant sur le filet, afin de ralentir sa marche rétrograde. C'est là le reculer nor- mal, dont le travail précédent n'est que la préparation. Il va sans dire que, si je trouve le cheval prêt à recu- ler d'emblée en flexion directe, je n'ai pas besoin d'abaisser la tête, pas plus que de lui marcher sur les pieds. L'abaissement de la tête n'est utile que pour éviter l'acculement. Il faut donc qu'il y ait menace d'acculement pour que j'y recoure. Quand le cheval recule à la main avec aisance, en flexion directe, je commence alors à lui demander le même travail étant monté. 138 DEUXIEME PARTIE. Dans le travail monté, je ne fais pas de force sur l'avant-main. Il est en effet dangereux de tirer sur la bouche, car alors on rejette trop de poids sur l'arrière- main, ce qui amène presque forcément l'acculement et la cabrade. Aussi je ne commence jamais le reculer monté avant d'être certain que mon cheval se porte franchement en avant à l'approche des jambes, car c'est alors seulement que je puis mobiliser l'arrière- main à mon gré, et c'est par l'arrière-main qu'il faut que j'entame le reculer. Je ne me sers que légèrement des rênes du mors pour tâcher d'amener le cheval à baisser la tête, après que je l'ai arrêté. Puis j'approche mon talon gauche. Le cheval, étant déjà obéissant aux jambes, lève la jambe gauche de derrière, comme s'il allait faire un pas de côté, car il est dressé à fuir l'éperon. A cet instant, je tire doucement sur la rêne droite du filet, non de côté, ce qui ferait dévier la tête du cheval, mais d'avant en arrière. Le pied gauche de derrière qui est en l'air se pose forcément der- rière le pied droit, au moment où la rêne droite du filet fait reculer l'épaule droite. Alors, j'approche mon talon droit. Au moment où le cheval cède à ma de- mande, c'est-à-dire quand il lève la jambe droite de derrière, comme pour faire un pas de côté, je profite de cet instant pour tirer d'avant en arrière sur la rêne gauche du filet : la jambe droite de derrière vient nécessairement se poser derrière la jambe gauche, au moment où la rêne gauche du filet fait reculer l'épaule gauche. RECULER. IJ9 J'ai ainsi obtenu deux pas de reculer. Je m'en con- tente et Je m'empresse de caresser mon cheval pour lui montrer qu'il a bien fait. Quand on a obtenu deux pas, le reste n'est plus rien. En lui demandant souvent deux, puis quatre pas en arrière, le cheval arrive à reculer facilement. Je ne me sers pas de l'éperon au commencement des exercices de reculer, pour éviter d'exciter le cheval, à moins pourtant qu'il ne soit très froid et peu sensible aux jambes. Je viens d'indiquer la manière de procéder au dé- but pour obtenir le reculer. Mais il ne faudrait pas en conclure qu'on doit toujours continuer ces mêmes effets des jambes séparément. Cela amènerait, en effet, un balancement du cheval de droite à gauche, et ce serait une faute, car, alors qu'il recule, le cheval doit tou- jours rester aussi droit que pendant la marche en avant. Quand le cheval a compris et qu'il fait aisément ses premiers pas en arrière, il faut se servir des deux rênes et des deux jambes. Le reculer devient alors correct, et si les hanches ont une tendance à dévier de la ligne droite, on les redresse facilement en appuyant un peu plus la jambe du côté où la croupe dévie. Quand je dis que je me sers de telle rêne ou de telle jambe, il est bien entendu que j'entends parler de la rêne ou de la jambe dont l'action doit dominer. Pendant tout travail, les deux rênes doivent toujours être légèrement tendues, de même que les deux jambes 140 DEUXIÈME PARTIE. doivent toujours être près des flancs. Les mains et les jambes doivent continuellement se prêter un mutuel concours. Il est certain qu'un cheval peut reculer sans le se- cours des aides diagonales, et qu'un cavalier n'ayant aucun des principes que je viens de développer pourra l'y contraindre. Mais jamais il n'arrivera à avoir son cheval dans la main, la tête haute comme s'il marchait en avant, les jambes de derrière se levant aussi haut que celles de devant et surtout la pointe des fesses ne dépassant pas en arrière la ligne des jarrets^. Or il faut bien se persuader que dans les mouvements rétro- grades toutes ces conditions sont essentielles. XV Le ramener, la mise en main et le rassembler. Le tact équestre. Avant d'aller plus loin, récapitulons les résultats obtenus : le cheval se porte très franchement en avant à l'approche des jambes; il exécute correctement les flexions de la mâchoire, directes et latérales; il reste bien dans la main; cède immédiatement à l'action de I. Si cette condition n'est pas remplie, il y a acculement. LE TACT ÉQUESTRE. i^r chaque jambe; exécute facilement les rotations des hanches et des épaules, et enfin fait avec aisance tous les changements de direction. Il est bien entendu que, pendant tout le temps que mon cheval a été soumis à ces différents exercices d'as- souplissement dans le travail à pied, j'ai fait marcher de pair le même travail, étant monté, mais en ne cher- chant, par des effets d'ensemble, qu'à confirmer et à améliorer les résultats obtenus à pied. J'arrive maintenant au ramener, à la mise en main, au rassembler. A vrai dire, si le ramener et la mise en main sont de l'équitation courante, le rassembler appartient exclusivement à l'équitation savante. Mais on m'excu- sera de traiter dès à présent du rassembler, qui est le dernier terme des effets d'ensemble dont le i^amener d'abord et la mise en main ensuite ne sont que le com- mencement. Le mot ramener, qui est emprunté à Baiicher, ne désigne en réalité rien autre chose que la flexion directe. Le ramener n'est qu'un commencement de mise en main. Le cheval qui a l'encolure haute, la tête perpen- diculaire, qui mâche et lâche son mors sous le doigté du cavalier, est ramené. Mais^ il n'est pas léger faute d'impulsion. L^effet obtenu est localisé dans la mâ- choire et dans la partie supérieure de l'encolure. Il n'est donc que partiel et l'équilibre général est encore incomplet. C'est un acheminement vers l'équilibre ,^2 DEUXIEME PARTIE. parfait, c'est un premier degré, la mise en main étant le second, comme je viens de le dire, et le rassemble!^ le dernier. Je dois avouer que je n'ai mentionné ce terme que par respect pour l'autorité de Baucher, qui, tra- vaillant sur place, faisait un ramener; tandis que je ne cherche la flexion directe que dans le mouvement en avant, ce qui me donne d'emblée la mise en main. Je supprime donc de mon vocabulaire le terme ramener, qui, indiquant une action d'avant en arrière, est en contradiction avec toute mon équitation ^ Je ne comprends la flexion directe que si l'effet de la main est précédé, soutenu, complété par les effets de jambes poussant l'arrière-main sur l'avant-main. C'est par la combinaison des effets alternatifs de jambes et de mains qu'on approche de la mise en main et qu'on arrive ensuite à l'obtenir. La mise en main — terme excellent de l'ancienne école — résulte de l'équilibre dans l'impulsion, obtenu et conservé par la flexion directe résultant de l'action des jambes répercutée de l'arrière-main sur l'avant- main. Ici, nous sommes dans les conditions mêmes de I. Un cheval froid, qui ne donne pas dans la main, qui répond mal à l'action des jambes, sera dit ramené, si l'enco- lure est fléchie au garrot d'après le système Baucher. Mais jamais ce ramener ne conduira au bon équilibre, puisqu'au contraire, il le détruit. Jamais ce ramener ne procurera la mise en main. LE TACT EQUESTRE. Hj l'équitation. L'arrière-main, engagé sous le centre, chasse et maintient l'équilibre par la hauteur de l'en- colure^ Toute l'impulsion de la masse aboutit au mors, c'est-à-dire à l'extrémité d'un bras de levier (dont la flexibilité d'avant en arrière va croissant d'ar- rière en avant), d'où la main du cavalier en renvoie, à son tour, la quantité nécessaire au maintien de l'équi- libre-, vers l'arrière-main, qui, par une nouvelle dé- tente, rejette à nouveau toute la masse en avant, et ainsi de suite. Le cheval est vraiment ainsi daiis la main. J'ajoute que, pour moi, le cheval doit être en même temps sur la main. Le cheval est sur la main quand, tout en étant en flexion directe, il prend, de temps à autre, de légers contacts avec le mors, pour rester en com- munication constante avec la main du cavalier ^ On comprend maintenant ce qu'on veut dire quand on dit que le cheval est entj^e la main et les jambes, puisque ce sont les jambes et les mains qui se ren- voient continuellement l'impulsion, de manière à main- tenir l'équilibre, tout en gagnant du terrain en avant. 1. L'arrière-main sous le centre, c'est l'arriére-main bas, et par conséquent l'avant-main haut. 2. La plus grande partie de l'impulsion est naturellement employée à projeter le cheval en avant. 3. Le cheval qui tire à la main n'est pas sur la main; il est au delà delà main. Quand le cheval qui est sur la main cherche à gagner à la main et à arriverait delà^ Baucher arrête, remet en flexion et repart. Moi, je pousse dans la main par une action énergique des jambes, au risque de provoquer le dés- ordre, et j'arrive à jeter le cheval dans la main par l'impulsion. i^^ DEUXIEME PARTIE. Le cheval d'école est complètement renfermé entre la main et les jambes. Le cheval de promenade est en avant des jambes et sur la main, en ce sens qu'aux grandes allures il doit prendre un léger point d'appui sur les barres. Le cheval qui ne répond pas aux jambes est der- rière les jambes : il a trop de poids sur l'arrière-main ; en d'autres termes, il est acculé. Tous les chevaux ne sont pas capables de donner ou de supporter le rassembler parfait, terme extrême de la mise en main; mais tous peuvent arriver à la mise en main avec un bon équilibre, et tous doivent y être soumis et habitués, quel que soit le service auquel on les destine. Le cheval de promenade, de chasse, de guerre, de voiture même, n'acquiert une bonne position que par la mise en main, qui est l'équilibre droit ou horizontale On croit que la mise en main a pour but principal de donner au cheval une belle prestance. Sans doute elle le met en valeur, mais c'est là son moindre mé- rite. C'est l'équilibre, résultat de la mise en main, qui donne la mobilité, c'est-à-dire la facilité d'exé- cuter sans effort ni fatigue, et immédiatement, tous les mouvements voulus à toutes les allures. C'est I. L'équilibre droit ou horizontal' est l'équilibre de prome- nade. Il est entre l'équilibre de course où le cheval est sur l'avant-main, et l'équilibre d'école ,où le cheval est sur l'arriére- main. LE TACT EQUESTRE. i^j encore cet équilibre qui assure la longue conservation du cheval malgré un travail pénible, car il ne nécessite, pour chaque partie du cheval, que la somme d'efforts qui lui revient naturellement. On évite ainsi toute usure prématurée, car aucun organe n'est particu- lièrement surchargé ou surmené. Si le cheval d'armes, le cheval de troupe, était suf- fisamment assoupli par un premier dressage, si le sol- dat qui le monte avait la notion de l'équilibre équestre et savait y avoir recours à Voccasion, la cavalerie y gagnerait comme aspect, comme solidité et comme fond. Le cavalier serait plus sûr de lui-même et de son cheval; il serait plus léger, plus adroit, plus vif. Le cheval résisterait et durerait plus longtemps; il serait soulagé, et le budget aussi. Mais qu'on n'aille pas croire que la mise en ijtain est d'un usage constant, continu. Qu'on ne dise pas que je demande qu'on se promène, qu'on chasse ou qu'on fasse une étape ou une charge, en ayant tout le temps le cheval dans la main. Bien loin de là. Je suis l'ennemi résolu d'une mise en main prolongée et, à plus forte raison, continuelle. Je dis qu'il faut savoir et pouvoir mettre son cheval dans la main en toutes occasions et à toutes les allures, mais qu'il ne faut le faire que de temps à autre et dans certains cas. Gela est de toute nécessité dans les moments difficiles; par exemple, quand on craint une défense, mais surtout lorsque le cheval par fatigue, par mollesse, ou par tout autre motif, se laisse aller, hésite et se déséquilibre. La jnise 1^6 DEUXIEME PARTIE, en main ramène inévitablement l'équilibre : c'est là sa grande utilité et son effet le plus salutaire à tous égards. Ainsi que je l'ai déjà dit, tous les chevaux peuvent être mis en main. Quelques-uns seulement sont d'une conformation assez parfaite pour être soumis au ras- sembler. Qu'est-ce donc que le rassembler? C'est le maxi- mum de mise en main, c'est l'équilibre complet du cheval dans son action, dans toutes ses actions. C'est la mise en main parfaite d'un cheval bien assoupli. Les reins, les hanches, les jarrets sont flexibles; les jarrets pous- sent vaillamment la masse en avant; les épaules, bien dégagées, sont libres et mobiles; l'encolure est haute et la mâchoire obéit facilement au doigté; toutes les parties du cheval mises en action et également entt^e- prenanies concourent à former un ensemble éner- gique, harmonieux, léger. L'équilibre est à la fois si parfait et si instable que le cavalier sent qu'il peut absolument disposer de son cheval, sur la moindre indication de sa volonté. Ils sont pour ainsi dire en l'air tous les deux. Ils vont s'envoler. Comment arrive-t-on à perfectionner, à affiner la mise en maiii au point d'obtenir cet idéal d'équilibre ? Si l'on a bien compris le jeu de la mise en main et l'allée et venue des forces des jambes aux mains et des mains aux jambes, on se souvient que la main laisse passer la quantité d'impulsion nécessaire au progrès de la masse en avant, et ne rejette vers l'ar- LF, TACT ÉQUESTRE. 1^7 rière-main que la quantité d'impulsion nécessaire au maintien de l'équilibre. Cela s'obtient par le jeu dé- licat des doigts, par un doigté incessant, comparable au doigté du piano pour la finesse et la rapidité. Quelle proportion de force la main doit-elle laisser filtrer, et quelle proportion retenir? C'est toute la question. Doser avec une précision absolue cette pro- portion à chaque foulée, par la juste combinaison des mdes, de façon à ne renvoyer vers l'arricre-main que la quantité de force Justement nécessaire au maintien de l'équilibre dans le maximum d'impulsion, c'est précisément en quoi consiste le tact équestre. Pas assez de décision dans les doigts, le centre de gravité se déplace un peu en avant, le cheval est prêt à aller au delà de la main. Trop de force dans les doigts, le centre de gravité se déplace un peu en arrière, les hanches sont trop assises, les jarrets s'éloignent. Dans les deux cas, le rassembler n'existe plus. Il faut que le doigté règle avec une précision absolue la distribution de Timpulsion^ Et le problème se pose à chaque foulée I. Pour l'écuyer qui sent bien son cheval, c'est-à-dire lorsque le rassembler parfait est obtenu, l'accord, l'union du cavalier et du cheval sont tels que la force d'impulsion et les effets d'ensemble sont transmis et passent de l'un à l'autre sans transition ni interruption. L'impulsion et les effets dont l'ensemble circule du cavalier au cheval et du cheval au cavalier sont comme une balle élas- tique. L'éperon va pour ainsi dire chercher cette balle aux mem- bres postérieurs du cheval et la fait monter prés des talons du cavalier; de là, passant par l'assiette, elle remonte au garrot, suit la partie supérieure de l'encolure jusqu'au sommet ; ï^8 DEUXIÈME PARTIE. qui naturellement n'est identique ni à la précédente, ni à la suivante. C'est là le fin du fin de l'équitation. On arrive encore, à force de travail et de persé- vérance, à obtenir une mise en main qui se rapproche beaucoup du rassembler^ ou le rassembler lui-même de temps à autre. Mais conserver le rassembler sans cesse par un doigté savant, voilà ce qui n'est donné qu'à très peu d'écuyers. Voici cinquante ans que je monte à cheval, et il n'y a pas plus de dix ans que j'obtiens le rassembler parfait. Il est vrai que pendant longtemps j'ai tra- vaillé sur les données en partie inexactes de Baucher. Mais le fait est que pendant de longues années je sen- tais continuellement le rassembler m'échapper par le déplacement du centre de gravité, soit en avant, soit en arrière. Il a fallu affiner singulièrement mon tact, et, par suite, mes aides, pour arriver au rassembler com- plet et pour le garder dans le maximum de l'impulsion. Mais ce n'est pas tout. Il n'y a pas que les mouve- ments directs; il y a encore les mouvements de côté et les mouvements tournants. Dans ces mouvements. arrivée à la nuque, elle tombe dans la bouche, où les mains la reçoivent et, lui faisant suivre la partie inférieure de l'encolure, la ramènent à son point de départ, d'où elle est ramassée et renvoyée de nouveau par les jambes. C'est donc un circuit que parcourt continuellement la balle tant que l'on tient le cheval rassemblé. Seulement, pour que la comparaison soit tout à fait exacte, il faut dire que c'est un ballon qui part des jambes et arrive à la bouche et que c'est une bille qui en revient. LE TACT EQUESTRE. 149 il y a toujours une jambe qui prédomine. Dans ces conditions, l'impulsion qui arrive sur le mors n'est pas également répartie entre les deux mains. La jambe droite jette plus d'impulsion sur la main gauche Qtin'ce versa. Il faut donc, pour maintenir l'équilibre dans la conversion à gauche, que la main gauche, tout en res- tant liée à la main droite, renvoie au centre une plus grande quantité de force, d'autant plus délicate à doser que cette même main aura pour emploi, tout en gar- dant le i^assembler, de faire et de régler le change- ment de direction ^ Si maintenant on réfléchit que dans tout travail d'équitation le cheval se porte en avant ou se retient, et cherche constamment à échapper à droite ou à gauche, par les hanches ou par les épaules, on voit qu'il ne s'agit de rien moins, pour maintenir l'équilibre parfait dans le mouvement, que de percevoir simulta- nément toutes les actions du cheval et toutes celles qui se préparent, pour les combiner en les opposant, par l'action simultanée des aides, et en faire sortir l'idéal d'équilibre cherché. Je disais tout à l'heure, à propos du rassembler dans le mouvement direct : Voilà le fin du fin de l'équi- tation. Le rassembler continuel, non plus même seu- lement dans les mouvements de côté ou tournants, I. La difficulté est telle que Baucher avoue que la légèreté (lisez le rassembler) lui échappait dans les changements de direction. La faute en était moins à l'écuyer qu'à la mauvaise position de l'encolure que j'ai déjà signalée. 150 DEUXIEME PARTIE. mais dans tous les mouvements, quelles que soient leurs combinaisons, c'est le raffinement suprême, c'est la pleine possession de l'idéal. Alors, en effet, les deux organismes sont à ce point combinés, l'homme est si bien entré dans le cheval,. la perception des effets du cheval arrive si directement et si rapidement au cerveau de l'homme, chaque action de l'homme répond si sûrement, à point précis, à une action correspondante du cheval, que celui-ci s'y attend, s'y prête, s'y conforme instantanément. Dès lors, le cheval n'a plus en réalité que des actions réflexes : il n'y a plus qu'un cerveau, celui de l'homme. J'avais bien raison de dire que c'était l'idéal rêvé. Comment peut-on arriver à ce tact, à cette acuité de perception, à ce sentiment aussi raffiné que rapide de tous les effets actuels du cheval, avec toutes leurs nuances, préparant les effets qui vont suivre, voilà ce que le livre ne peut pas enseigner. Il y faut la pra- tique, le travail et surtout l'aptitude et l'amour du cheval. Par l'assiette et par les jambes, le cavalier doit sentir avec une impeccable sûreté tout ce qui se passe sous lui, si les jarrets chassent plus ou moins sous le centre, ou s'ils restent en arrière; quelles jambes se lèvent et à quelle hauteur; si la croupe se prépare à dévier. Par les mains et par les jambes, aidées de la vue, l'écuyer doit sentir les actions et surtout les tendances LE TACT ÉQUESTRE. 151 de la mâchoire, de la tête, de l'encolure, des épaules. Comme c'est l'avant-main qui engage d'abord les mouvements voulus par le cheval, on peut dire que la main doit seiitir les idées du chepal^. Ainsi le cavalier aura le sentiment de l'équilibre complet du cheval et de la libre disposition de ses forces à tout moment. Je n'en puis dire plus sur ce point. Je renvoie le lecteur à la pratique -. 1. Le travail de haute école apporte naturellement une grande complication dans les effets qu'il s'agit de sentir, à cause de la précision qu'il exige. L'effet le plus difficile à percevoir est certainement ce qu'on appelle le saut de pie, qui consiste en ce que le cheval, pour se soulager, pose simultanément à terre les deux membres postérieurs. Quand le mouvement est moelleux et que les paturons plient, il y a là une nuance difficile à saisir. Et cepen- dant, si on laisse prendre cette habitude au cheval, toute régu- larité est perdue. 2. Pour l'image du cheval rassemblé , voir les photogra- vures au cours de cet ouvrage. J'attache une grande importance à ces épreuves photogra- phiques, parce qu'elles ne permettent aucune supercherie. Si on veut les regarder avec attention, on verra que, même dans le travail d'école le plus énergique, mon cheval garde l'équilibre droit ou horizontal. Dans l'équilibre d'école, le cheval est le plus souvent trop assis sur ses hanches. La grande impulsion que je cherche toujours maintient mon cheval dans l'équilibre horizontal, quelle que soit la hauteur des actions de l'avant- main. ija DEUXIÈME PARTIE. XVI Pas de côté et deux pistes. J'ai dû traiter du î^assembler, qui est de l'équitation savante, à propos de la mise en main qui 3^ conduit. Je suis de même obligé de parler à la fois du pas de côté et des deux pistes, parce que ces deux airs se tiennent étroitement, bien que le premier soit de l'équitation courante % tandis que le second appartient exclusive- ment à l'équitation savante. La première observation à faire, c'est que, dans les pas de côté, — et plus encore dans les deux pistes, puisqu'on va plus vite, — le cavalier doit franchement porter son assiette du côté où le cheval marche. Cela est d'autant plus nécessaire à dire, que le cheval, par son mouvement de côté, déplace naturellement le ca- vaher du côté opposé à celui où il va. C'est pourquoi, quand le mouvement de côté devient rapide, le cava- lier peut être très facilement désarçonné du côté opposé au mouvement. Le cavalier devra donc s'appuyer à gauche sur la selle et sur l'étrier dans les pas de côté de droite à gauche. Cette position, qui lie le cavalier au cheval, en I. On comprend l'utilité de ce mouvement pour pouvoir se ranger, à toutes les allures, au dehors. PAS DE COTE ET DEUX PISTES. ISJ leur donnant la même impulsion, a, de plus, l'avantage de soulager l'épaule droite, qui a le plus de terrain à parcourir. Il faut une certaine pratique pour arriver à ce résultat, car, je le répète, le mouvement du cheval donne naturellement au cavalier la position opposée. Jamais je ne commence à enseigner les pas de côté quand le cheval suit le mur : ce serait accroître inutilement la difficulté par le manque d'impulsion résultant du changement de direction. En détachant le cheval du mur, j'arrête forcément son mouvement en avant. Je fais exécuter les premiers pas de côté à la fin d'un changement de main : de droite à gauche, par exemple. Je suis sur la piste à main gauche, ayant le mur à ma droite. En arrivant près du mur qui, vers la fin du changement de main, se trouve être à ma gauche, je porte les deux mains à gauche en fermant les jambes et en agissant plus vigoureusement de là jambe droite. La rêne gauche du filet tire à gauche et la rêne droite, appliquée sur l'encolure, pousse les épaules également à gauche. On voit que ce sont absolument les mêmes aides que pour les rotations d'épaules; toutefois, le mouvement se fait en gagnant plus de terrain en avant. Si le cheval résiste à ma jambe droite, j'ai recours à la rêne droite pour l'obliger à porter ses hanches à gauche ^ Mais, pour peu qu'il I. En d'autres termes, je ne recours, comme toujours, à l'équitation latérale qu'en cas de résistance provenant de l'édu- cation incomplète du cheval. Mais au degré du dressage où I54.' DEUXIEME PARTIE. fasse deux ou trois pas de côté, Je m'en contente et je caresse, puis j'abandonne mes rênes. Je fais ensuite exécuter un changement de main de gauciie à droite en quittant le mur qui est à ma gauche. Pendant cette marche en ligne oblique, je tiens mon cheval le plus droit possible et, quand je suis près d'arriver au mur qui se trouve à ma droite, je porte mes poignets à droite et j'appuie la jambe gauche, tout en poussant le cheval sur la main au moyen des deux jambes. J'ajoute que la main doit profiter de ce supplément d'impulsion pour transfor- mer, avec une moindre résistance, le mouvement en avant en mouvement de gauche à droite. Je continue ce travail pendant assez longtemps, en l'accentuant suivant les progrès obtenus. Je veux dire par là que je me contente, au début, de faire faire au cheval deux ou trois pas de côté. Mais, dès qu'il devient plus facile, je lui demande davantage, tou- jours au moment d'arriver près du mur, de façon à pouvoir obtenir cinq ou six pas de côté. Plus tard, je commence les pas de côté au milieu du manège, en sorte que je puis alors faire douze ou quinze pas. Enfin je fais le travail, épaule en dedans^ nous sommes parvenus, l'éducation du cheval doit être suffi- sante pour que l'équitation diagonale donne tous ses résultats. 1. Je ne mets l'épaule au mur que lorsque le travail est bien confirmé. Le cheval n'a que trop de tendance à se laisser guider par le mur au lieu de se livrer exclusivement aux aides. PAS DE COTÉ ET DEUX PISTES. 155 D'ailleurs, le nombre des pas de côté que Ton ar- rive à obtenir est de peu d'importance. L'essentiel est de se rendre compte si le cheval est bien placé, — les épaules devançant toujours la croupe, — seule posi- tion qui facilite la marche de côté. Tout est dans la position. Au commencement du travail. Je tâche de donner de la cadence au cheval, mais seulement au moment où je vais lui demander les pas de côté. Par ces mots : donner de la cadence au cheval, j'entends lui faire prendre le pas d'école. A cette allure, le cheval a une grande mobilité, et la marche de côté est rendue plus facile en ce sens que les jambes de devant et celles de derrière peuvent se mouvoir plus aisément sans se toucher, ce qui est impossible au pas ordinaire^ Jusqu'ici, j'ai employé à dessein l'expression de pas de côté, et non celle de deux pistes, car on com- mence toujours par marcher de côté. Mais il y a encore loin de là aux deux pistes. I, Pour faire les pas de côté de gauche adroite, il faut que la jambe gauche de devant et la jambe gauche de derrière pas- sent, Tune après l'autre, par-dessus la jambe droite corres- pondante pour gagner du terrain à droite. Or, quand le cheval est au pas ordinaire, l'allure est trop lente et trop basse pour que les jambes puissent passer les unes par-dessus les autres sans se toucher. Dans les pas de côté au pas d'école, chacune des jambes gauches passe successivement par-dessus la jambe droite correspondante et — ce qui est le point important et résulte uniquement de la cadence — ne se pose à terre qu'au moment où la jambe droite vient de s'enlever. Elles ne peuvent donc pas se rencontrer. 15(5 DEUXIEME PARTIE. Quand le cheval exécute le travail que je viens de décrire, on dit, quelque mauvaise que soit la posi- tion de sa tête et de son encolure, qu'il marche de côté. Mais pour que ce travail mérite d'être appelé travail des deux pistes, il faut que la position soit correcte. Or la position est correcte et un cheval marche vraiment de deux pistes lorsqu'il marche obli- quement EN AVANT sur deux lignes parallèles tracées l'une par l'avant-main, l'autre par i'arrière-main. Il avance ainsi de côté, la tête et ravant-main devancatit toujours l'arrière-main. La tête et l'encolure doivent être placées haut et légèrement fléchies du côté vers lequel le cheval se dirige. Il faut surtout que le cheval soit bien dans la main, léger, et qu'il se maintienne à une allure cadencée. Ce travail est celui que je considère comme le plus long et le plus difficile. Si vous cherchiez à l'obtenir complet et correct dès le début, vous n'arriveriez à rien ou plutôt vous auriez immédiatement à résister à des défenses, le cheval n'étant pas encore passé par la filière des effets latéraux, directs et diagonaux que nous avons indiquée ^ Si j'insiste longuement sur les deux pistes, c'est I. Le cheval que l'on persiste à travailler au moyen des seuls effets latéraux ne peut jamais devenir un bon cheval d'école, il est disgracieux et le travail incohérent. En effet, dans l'équitation latérale, le cheval porte la tête et l'encolure du côté opposé à celui vers lequel il marche, et de plus, le ras- sembler devient impossible, puisque, faisant agir les deux aides à PAS DE COTE ET DEUX PISTES. 157 que ce travail aune grande influence sur toute la suite du dressage, où se retrouve toujours dans l'impulsion la même action d'ensemble des aides diagonales. A mesure qu'on presse l'allure pour passer dans le travail des deux pistes du pas d'école au trot et même au grand trot, il devient de plus en plus diffi- cile d'employer des aides à propos. Il faut, en effet, tenir le cheval bien droit dans la main, car tout effet pour redresser l'arrière-main ou maintenir l'avant- main ralentit l'impulsion qui doit être e.xtrêmement énergique. Pour obtenir le maximum d'impulsion, c'est-à-dire l'allure la plus vive, il faut donc main- tenir absolument l'avant-main et l'arrière-main, cha- cun sur sa piste, et allier l'énergie des deux jambes qui donnent l'impulsion à la finesse de l'action inces- sante des effets diagonaux % qui permettra de garder le cheval en position sans rien enlever à l'impulsion. Les figures i et 2 de la planche XX montrent Gt'r- ininal dans le travail des deux pistes au pas d'école tel qu'il a été saisi par la photographie. Dans la figure i, le cheval commence à se mettre du même côté, vous navez rien à opposer à l'autre côté qui vous échappe. Il faut donc continuellement agir des deux rênes et des deux jambes; mais c'est principalement la double action de la rêne et de la jambe opposées qui doit dominer. I. La finesse de l'effet diagonal se concilie très bien avec l'énergie des jambes, parce qu'elle résulte de la légère prédomi- nante d'une aide sur l'autre. D'ailleurs, la véritable action des aides, c'est : jambes énergiques, talons fins, mains légères. ijS DEUXIÈME PARTIE. en position : il y est tout à fait dans la figure 2. On voit combien la position correcte est loin de la posi- tion traversée que prennent certains écuyers dans le travail des deux pistes, et dont le résultat est d'arrêter toute impulsion. L'impulsion paraît plus grande dans la figure 2, parce que le cheval qui marche de deux pistes de gauche à droite a été pris au moment où il entame le -terrain de la jambe antérieure droite, c'est-à-dire du côté où il va. Tandis que dans la figure i, — deux pistes de droite à gauche, — c'est la jambe antérieure gauche, — côté où va le cheval, — qui est à l'appui. La comparaison des deux figures permet de se rendre compte exactement des mouvements des jambes du cheval dans le travail des deux pistes. XVII Le trot. Pour mettre le cheval au trot, il faut commencer par rendre la main et augmenter un peu la pression des jambes. On doit éviter de lui donner des coups de talon, afin de ne pas le surprendre. Cependant, s'il est froid, on pourra le talonner d'abord, lui faire sentir les éperons ensuite, mais seulement après une pression des jambes. Il faut au début maintenir un LE TROT. IS9 petit trot, et exiger surtout qu'il soit correct et cadencé, c'est-à-dire que les battues soient toujours égales. Le cheval étant déjà assoupli et habitué à obéir aux aides, on y arrivera facilement. Il faut, de préférence, laisser le cheval aussi libre que possible pour reconnaître s'il trotte juste naturel- lement. Si vous exigez au début le trot avec mise en main, le cheval ne se livre pas assez franchement, et il vous est, par suite, difficile de reconnaître, quand il y a incorrection ou inégalité dans le trot, si cela provient du cheval, c'est-à-dire de sa conformation ou de ses tares, ou si cela résulte du cavalier, c'est- à-dire des effets produits par les aides. Les rênes doi- vent donc être à peine tendues, surtout celles du mors. Si le cheval porte la tête trop haut, usez des rênes du mors. La tête trop haute et en arrière écrase l'arrière- main. Si au contraire la tête est trop basse, il faut se servir du filet, mais ne pas tirer d'avant en arrière, car cela arrêterait l'impulsion. Donnez simplement de petits coups de bas en haut, délicatement et sans saccades, en alternant avec rapidité d'une rêne à l'autre et en ayant toujours soin de tenir les mains hautes. Trottez seulement deux tours de manège, puis arrêtez; mettez le cheval dans la main et recom- mencez très souvent. Quand vous avez obtenu une bonne position du cheval au trot, l'encolure haute % le chanfrein se rap- I. Ce qui assure naturellement un trot plus relevé. i6o DEUXIEME PARTIE. prochant de la perpendiculaire, plutôt au delà qu'en deçà, vous pourrez alors soutenir cette allure pendant un temps plus long. Mais vous ne devez y arriver que par degrés, car plus le cheval se fatigue, moins il porte la tête haute. Si vous lui imposez un effort prolongé, il devient aussitôt lourd à la main. Aussi, dès que la tête du cheval pèse sur la main, il faut arrêter en rapprochant énergiquement les jambes, exiger ensuite une mise en main complète et repartir. Quand vous êtes arrivé à trotter pendant cinq minutes sur chaque main et sans fatigue et surtout sans que le cheval se détraque, vous pouvez alors exiger une allure plus vive. Il importe, toutefois, d'éviter de passer brusquement du petit trot cadencé au grand trot allongé. Cela aurait l'inconvénient de rompre l'équilibre et de jeter inopinément un poids considé- rable sur les épaules. Il faut, au commencement, n'augmenter la rapidité de l'allure que vers la fin d'une reprise de trot. Pen- dant les deux derniers tours de manège, par exemple, on a agi vigoureusement des jambes en ne prenant qu'un léger point d'appui sur le filet dont l'action doit se borner simplement à maintenir la tête en place. En multipliant ces exercices, vous arriverez à ob- tenir tout ce que le cheval est susceptible de donner au trot, comme hauteur et comme vitesse. Évitez surtout de demander au cheval une vitesse supérieure à ses moyens. C'est ainsi que l'on arrive au traquenard, allure fausse et disgracieuse dans la- LE TROT. i6i quelle le cheval trotte des Jambes de devant, tandis qu'il galope de celles de derrière. Il 3' a deux sortes de trot, le trot assis, dit à la française, et le trot enlevé, ou à Vanglaise. Du premier. Je ne dirai que quelques mots. Je ne le considère pas comme d'un usage pratique. C'est un exercice de manège, absolument indispensable ^ pour donner de l'assiette aux commençants, alors qu'on les fait trotter sans étriers. Partout ailleurs. Je le réprouve. Il est fatigant pour le cavalier, plus fatigant encore pour le cheval, et il m'est impossible de comprendre pourquoi, pendant si longtemps, il a été exclusivement prescrit dans l'armée. Dans le trot à l'anglaise, il n'y a ni secousses ni réactions. Le cavalier a les reins légèrement fléchis en avant, et par conséquent le haut du corps un peu in- cliné également en avant. Il ne cherche pas à s'enlever pour suivre ou prévenir les mouvements du cheval; il se laisse enlever. Les chevilles et les genoux accom- pagnent, soutiennent pour ainsi dire son mouvement, le font descendre moelleusement sur sa selle et dans la cadence marquée par l'allure du cheval. Ce trot doit toujours ttvQ pris sous soi de bas en haut directement; c'est-à-dire qu'il faut se laisser enlever par le cheval en s'aidant du genou et des chevilles sans que le haut du corps y soit pour rien. Autrement les reins et les épaules se contractent. Le cavalier devient raide et 1. C'est la base nécessaire de toute équitation, sans cela il n'y a pas d'assiette. Ida DEUXIEME PARTIE. n'est plus lié au cheval. Le corps doit donc s'enlever et retomber d'ensemble. Le cavalier qui contracte les reins, au lieu de s'aider uniquement des jambes, porte nécessairement le ventre en avant quand le corps s'élève et en arrière quand le corps redescend sur la selle. Rien n'est plus disgra- cieux. L'étrier doit être chaussé seulement au tiers du pied. S'il était chaussé complètement, la cheville per- drait toute son élasticité et, par suite; le trot deviendrait raide et pénible. Au trot naturel, l'allure du cheval qui n'est pas gêné ou qui ne souffre pas doit être régulière d'une diagonale à l'autre, c'est-à-dire que les deux battues doivent être absolument identiques. Au trot à l'anglaise, le cavaUer peut trotter tantôt sur le bipède diagonal gauche, tantôt sur le bipède diagonal droite On dit qu'il trotte sur le bipède diagonal gauche, quand il s'enlève en même temps que la jambe gauche de devant du cheval et retombe dans sa selle au mo- ment où cette même jambe se pose à terre. Dans le trot à l'anglaise bien pris, le cavalier ne 1. En termes équestres, la diagonale se prend toujours d'avant en arrière. Ainsi rêne droite, jambe gauche, c'est la diagonale droite; rêne gauche, jambe droite, c'est la diagonale gauche. Il en est de même pour les jambes du cheval : jambe droite de devant et jambe gauche de derrière forment la diago- nale droite, et jambe gauche de devant et jambe droite de derrière la diagonale gauche. LE TROT. lûj s'enlève et ne retombe qu'une seule fois pendant la succession des deux bipèdes. Il s'élève et descend avec le bipède gauche, par exemple, sans que le bipède droit ait aucune influence sur ses mouvements. Mais s'il ne suit pas bien le rythme, il retombe trop tôt dans sa selle et reçoit la secousse du bipède droit résultant de la détente du jarret gauche. Il marque deux temps dans sa selle. Il trotte incorrectement. Le cavalier doit pouvoir trotter indifféremment sur l'un ou l'autre bipède. Il doit pouvoir en changer pour se soulager lui-même, mais surtout pour soulager le cheval dans une course un peu longue. Ceci demande une certaine habitude. Le cavalier doit s'exercer à savoir toujours sur quel bipède il est. Au trot et pour commencer, il est difficile de se rendre compte du bipède sur lequel on est. Il vaut mieux commencer cette petite étude au pas en s'enle- vant sur la selle à chaque pas que fait le cheval comme si on trottait. On a ainsi tout le temps de regarder quel mouvement du cheval on suit. Après quelques instants de cet exercice, on peut le continuer au trot. Il est à remarquer que chaque cavalier adopte naturellement et presque toujours sans s'en rendre compte un bipède. Cette habitude devient telle qu'il est mal à son aise lorsqu'il en change. Si on désire avoir un beau trotteur, il faut, après qu'on lui a fait exécuter au manège les exercices que nous venons de décrire, terminer son éducation en plein air. Sur une grande route, le cheval se livre iC^ DEUXIEME PARTIE. mieux, il est plus allant qu'au manège. Comme on a l'espace devant soi, on peut soutenir plus longtemps la rapidité de l'allure, tandis que les coins du manège obligent, à chaque instant, à ralentir un peu le mou- vement. Tous les chevaux ne se livrent pas également au trot : certains conservent volontiers cette allure lors- qu'elle est modérée ; mais aussitôt que vous voulez l'augmenter, ils prennent un galop raccourci. On dit de ces chevaux qu'ils se retiennent, et c'est parfaitement exact. Il est très important de ne pas permettre à un cheval de changer d'allure sans qu'on le lui ait de- mandé. Il est non moins important de pouvoir obte- nir à volonté que le cheval développe tous ses moyens au trot. Si un cheval se met au galop quand on lui de- mande le trot allongé, on peut d'abord essayer de la douceur pour le corriger de cette habitude qui n'est que de la paresse. On l'arrête, on le caresse, pour le rassurer et le calmer, puis on le remet ou trot. Ce moyen réussit généralement avec les chevaux énergi- ques, mais il est de nul effet avec les paresseux. Avec ceux-ci, il faut faire tout le contraire. Lorsque, pour éviter le trot allongé, ils prennent le galop, il faut les pousser vigoureusement en avant au grand galop et les y maintenir pendant un certain temps, soit cinq ou six cents mètres. C'est la punition de leur résistance et de leur paresse. Après quelques expériences, ils finissent par se rendre compte qu'en passant volon- LE TROT. 155 tairement et pour se -soulager du trot au galop, loin d'obtenir ce soulagement, ils aboutissent à une allure sévère qui nécessite une plus grande somme d'efforts et d'énergie. Ce moyen est à la portée de tout le monde. Il en est un autre que je recommande, mais qui demande plus de connaissance en équitation. Lorsque le cheval se met de lui-même au galop pour se soustraire au trot allongé qui lui est demandé, il galope naturellement sur le pied qui lui est le plus facile, et nous avons dit ailleurs que tous les chevaux ont un côté plus facile que l'autre. Il suffit alors de le contrarier dans l'allure qu'il a prise et, tout en le pous- sant au galop, de le mettre sur l'autre pied, c'est-à- dire, par exemple, sur le pied droit s'il est parti de , lui-même sur le pied gauche. On emploiera donc la rêne gauche du filet pour retarder l'épaule gauche, qui est en avant, et la jambe gauche pour pousser les hanches à droite ^ L'inverse si le cheval est parti à droite. Il est bien entendu que ce dernier moyen, comme le précédent, ne s'applique qu'aux chevaux dont le dressage est incomplet. Lorsqu'un cheval est bien dressé, jamais il ne se met à une allure qu'on ne lui a pas demandée. Pourtant lorsqu'un cheval ne se livre pas au trot, I. On remarquera que je fais ici de l'équitation late'rale ; c'est que je suppose le cheval incomplètement dressé ou même sans aucun dressage. i66 DEUXIEME PARTIE. il ne faut pas se presser de l'accuser de paresse ou de mauvaise volonté. La faute provient souvent du cava- lier, dont la main est mauvaise pour une bouche sen- sible, soit qu'elle fasse un trop grand effort, soit qu'elle ballotte. Il peut arriver aussi que le mors soit trop dur % ou bien que le cheval ait la bouche endolorie parce qu'elle a reçu des saccades. Enfin le cheval peut souffrir dans les reins ou dans les autres membres et ne changer d'allure que pour chercher à se soulager. Dans tous ces cas, qui sont fréquents, il n'y a qu'à rechercher la cause du mal et à y remédier. Je ne crois pas m'avancer trop en disant qu'au lieu d'accuser d'abord le cheval, ce qui est d'ailleurs un sentiment assez naturel, le cavalier doit commen- cer par rechercher si ce n'est pas lui-même qui est fautif. Il est un excellent moyen de reconnaître si le che- val ne se livre pas parce qu'il souffre dans sa bouche. Au lieu de lui donner un point d'appui sur le filet, rendez complètement et saisissez une bonne poignée de crins vers le milieu de l'encolure en tirant à vous. Souvent dans ces conditions, le cheval se livre com- plètement. Chez les marchands de chevaux, l'emploi de ce moyen est journalier. Pour entraîner les trotteurs, on leur laisse géné- ralement prendre un très fort point d'appui sur la I. Canons minces, branches longues, liberté de langue pro- noncée; chacune de ces conditions séparées fait le mors dur. Réunies, elles font un véritable instrument de supplice. LE TROT. i(Î7 main. On ne cherche qu'une chose : atteindre le maxi- mum de vitesse. La régularité de l'allure et la légèreté de la bouche importent peu aux entraîneurs. Leurs che- vaux, étant très énergiques, tirent toujours très for- tement sur les rênes, et, d'autre part, le cavalier tire non moins vigoureusement sur la bouche, croyant que plus il tire, plus le cheval gagne en vitesse. C'est une grave erreur. En tirant trop fort sur la bouche, vous rejetez le poids du corps sur l'arrière- main et vous fatiguez ainsi les reins et les jarrets. Pour bien faire trotter un cheval, il faut simplement chercher à lui faire prendre un point d'appui sur la main. Sans doute, dans une course plate au galop, comme du reste au trot, on porte un peu la tête et l'encolure de son cheval; mais on doit avoir bien soin de les porter de bas en haut et non d'avant en arrière, sous peine d'entraver infailliblement la puissance d'action des reins et des jarrets. Pour me rendre exactement compte des conditions d'une course au trot, je suis allé autrefois m'installer à Dozulé, petit village de Normandie. J'avais déjà couru en steeple et en plat, et comme j'avais, d'autre part, dressé trois ou quatre chevaux d'école, je pensais que j'allais étonner les gars nor- mands par ma science. Or j'avoue, en toute humilité, que le plus surpris fut votre serviteur. Il y avait à Dozulé un brave garçon nommé Pascal, très au courant de tout ce qui concerne les chevaux, et particulièrement les trotteurs. Je le connaissais i68 DEUXIEME PARTIE. depuis longtemps, et le but de mon séjour à Dozulé avait été fixé d'avance entre nous. Pascal était chargé de l'entretien de deux trotteurs remarquables, quiappartenaient, si j'ai bonne mémoire, au marquis de Croix. C'était vers la fin de 1864. Le lendemain de mon arrivée, nous étions en selle dès le matin, et franchissions d'abord au pas une distance de deux kilomètres qui était notre piste de course. Puis nous nous mîmes au trot, et Pascal me battit très facilement; mais je pris ma défaite en riant, pensant que son cheval était plus vite que le mien. Le jour suivant, nous recommençâmes; cette fois, nous avions échangé nos chevaux, et pourtant Pascal me battit encore. J'avoue que j'en fus d'autant plus vexé que le même fait se reproduisit quinze jours de suite, bien que Pas- cal montât toujours, le lendemain, le cheval avec lequel j'avais été battu la veille. Il tirait à pleins bras et donnait des saccades : c'est ce qu'il appelait sonner son cheval. Je lui disais que sa manière, de monter n'était pas rationnelle, mais il me répondait que c'était la seule manière de donner plus de vitesse au cheval et, en apparence du moins, il avait raison. Je lui demandai alors de me laisser monter le même cheval quinze jours, pendant lesquels nous ne courûmes pas. Dans ce laps de temps, j'étais arrivé à obliger le LE TROT. i(?9 cheval à ne prendre qu'un léger point d'appui sur la main, à tenir la tête tranquille, et finalement je battis Pascal quatre fois de suite. J'obtins ensuite, et dans un temps aussi court, le même résultat avec l'autre cheval. Les deux chevaux, mis en confiance sur la main et ayant le libre jeu de leur arrière-main, trottaient alors avec ensemble, sans s'enlever et presque sans fatigue. Avec le système de Pascal, au contraire, ils s'enlevaient, trottaient presque toujours désunis et de plus s'éreintaient. On remarquera encore que j'étais plus près de mon cheval que lui; qu'il faisait de grands mouvements, tandis que je n'en faisais aucun ; et qu'enfin arrivant plus rapidement que lui à obtenir de mon cheval son maximum de vitesse, je l'y maintenais plus longtemps. Somme toute, je ne prétends pas avoir donné plus de vitesse à ses chevaux; mais je dis que, sous ma direction, ils exécutaient leur travail avec confiance et facilité, tandis qu'il provoquait chez eux une souffrance de la bouche et une plus grande fatigue. Cela se voyait du reste à l'arrivée. N'ayant pas à faire les mêmes efforts quand je les montais, ils n'étaient ni essoufflés ni même en sueur après la course. J'ajoute que les trotteurs dressés à la manière de Pascal sont généralement désagréables à monter et parfois dangereux. Il est, en effet, difficile, lorsqu'ils sont lancés, de les arrêter rapidement. Toutefois, retirés de l'entraînement et soumis à des exercices d'assou- I70 DEUXIÈME PARTIE. plissement, ils peuvent très souvent faire un excellent service. Pascal avait d'ailleurs un grand avantage sur moi : il connaissait ses chevaux et il savait, du moins j'aime à le croire, quand ils étaient dans leur maximum de vitesse. Or cette connaissance est beaucoup plus im- portante qu'on ne le croit généralement. Quand un cheval est dans son maximum de vitesse, si le jockey n'en a pas le sentiment, il lui demande davantage et, en le poussant, il le force à prendre le galop. Le sentiment qui fait qu'on pousse quand même un cheval est très naturel. Rien n'est plus énervant que d'être dans une course à côté d'un cheval qui a et garde une encolure d'avance. Cependant, si le cheval que vous montez est à son maximum de vitesse, gar- dez-vous de lui demander davantage. Résistez énergi- quement au sentiment qui vous pousse à l'actionner encore, car vous le forceriez à prendre le galop, et pour le remettre au trot il vous faudra ralentir et vous per- drez plusieurs longueurs. Conclusion : quand on monte un cheval dans une course au trot, il faut savoir apprécier le moment oii le cheval a atteint son maximum de vitesse, et il faut l'y maintenir le plus longtemps possible. La course devient alors ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une ques- tion de fond, car celui qui conserve le plus longtemps ce maximum de vitesse a les meilleures chances. Remarquons que dans la course au trot le maxi- mum de vitesse doit être exigé dès le départ. Nous LE GALOP. 171 verrons ailleurs qu'il n'en est pas de même dans les courses au galop. XVIII Le galop. Le galop est, de toutes les allures, la plus difficile et la plus compliquée. Au galop, peu d'écuyers arri- vent à faire exécuter au cheval les mouvements tels qu'ils les désirent. Je ne commence jamais le galop avant de posséder complètement mon cheval. J'entends par là qu'il doit m'être soumis physiquement et, si je puis ainsi m'expri- mer, moralement, à toutes les autres allures; qu'il doit être assoupli, bien dans la main et céder aux jambes avec facilité. J'attends surtout que les reins, les hanches et les jarrets soient parfaitement souples et que le cheval obéisse sans broncher aux effets d'ensemble pour être sûr de pouvoir disposer à mon gré des forces qui en résultent. Ces conditions étant acquises, je suis certain d'ar- river tout de suite à bien placer mon cheval au ga- lop et d'obtenir immédiatement, non le galop qu'il lui plaît de prendre, mais celui que je veux qu'il prenne. Si le cheval obéit aux jambes, je puis, dès le début. i::a DEUXIEME PARTIE. Tempêcher de se traverser, et c'est là un grand point, car rien n'est plus mauvais que cette habitude. Mieux vaut prévenir que corriger. Il est bien plus difficile de redresser un cheval qui a l'habitude de jeter ses hanches à droite ou à gauche que de lui apprendre, dès le pre- mier jour, à galoper droit. Au galop, le cavalier doit avoir le corps droit. S'il était trop en avant, la foulée du galop le jetterait sur l'encolure ; s'il était trop en arrière, les reins se creu- seraient et donneraient de la raideur. Le cheval galope, soit à droite, soit à gauche. On dit qu'il galope à droite lorsque les jambes droites sont en avant au moment où elles touchent terre. Dans le galop à gauche, ce sont, au contraire, les jambes gauches qui touchent le sol en avant. Pour apprendre au cheval à galoper sur le pied droit, il faut, après avoir approché les jambes, porter les deux mains à gauche, les rênes droites un peu plus tendues que les rênes gauches ^ De cette façon, on charge l'épaule gauche sans, pour cela, porter à gauche la tête qui doit toujours rester droite, le bout du nez étant plutôt incliné vers la droite. Une fois mon cheval h'iQn placé, il reste à V animer. C'est l'arrière-main qui, jouant le rôle d'une hélice, doit pousser et porter la masse en avant. J'augmente l'effet des jambes, exerçant une pression égale avec I. Je commence toujours par me servir du filet, quelle que soit l'allure que je commence à enseigner. LE GALOP. 171 chacune d'elles, pour pousser les jarrets sous le centre. Enfin Je fais prédominer ma jambe gauche en la portant un peu plus en arrière que ma jambe droite ^ Si le cheval est tant soit peu allant, l'effet des jambes suffit pour qu'il se porte sur la main. A ce moment, j'élève mes poignets en tendant les rênes, et je profite de l'impulsion donnée par les jambes pour enlever le cheval, en l'empêchant de s'étendre et de prendre le trot. Si le cheval est froid, prolongez l'action des jambes en l'augmentant et au besoin arrivez à l'éperon. Dans ces conditions, il est difficile au cheval de ne pas partir sur le pied droit, mais non impossible. Il peut aussi partir au galop sur le pied gauche ou prendre le trot. Dans les deux cas, je l'arrête aussi vite que possible et le replace dans la position indi- quée plus haut; puis je recommence jusqu'à ce qu'il parte sur le pied droit*. Aussitôt qu'il a fait trois ou quatre foulées sur ce pied, je l'arrête, je le caresse, puis je lui laisse faire un tour du manège au pas et abandonné à lui-même. Après quoi, je recommence trois ou quatre fois le même exercice '. 1. Par la jambe gauche, le cavalier jette, pour ainsi dire, la masse sur sa jambe droite qui la renvoie sur la main. 2. Si le cheval part désuni, c'est-à-dire si l'avant-main ga- lope à droite et l'arriére-main à gauche, accentuez les aides du galop que vous cherchez, et comme ici c'est l'arrière-main qui s'est désuni, faites énergiquement jambe gauche. 3. J'ai déjà dit qu'il faut toujours finir par le travail nouveau pour mieux graver celui-ci dans la mémoire du cheval. ,74 DEUXIÈME PARTIE Baucher, par une erreur singulière, prescrivait l'équitation latérale pour le départ au galop. Dans son édition de 1846, p. 219, il prescrit, pour partir au galop à droite, de porter la main à gauche, — ce qui fait rêne droite, — et d'appuyer la jambe droite. J'at- tribue cette erreur à la mauvaise flexion de l'encolure telle que la pratiquait Baucher. L'encolure basse, flé- chie au garrot à droite, forçait l'épaule gauche à s'arc- bouter, et l'effet de la jambe gauche aurait été de plier le cheval les deux bouts en dedans, c'est-à-dire de rap- procher la croupe de la tête. L'effet de la jambe droite était au contraire de remédier en partie au mauvais équilibre résultant de la flexion vicieuse de l'encolure. Mais comment Baucher pouvait-il concilier cette pratique avec son grand principe qui consistait, dans les mouvements tournants, à appuyer la jambe du côté opposé à la conversion? (ÈàÀlioïi de 1846, p. 189.) Avec ce système, il fallait, dans le mouvement tournant au galop à droite, faire prédominer la jambe droite, pour avoir du galop à droite, et la jambe gauche pour tourner à droite. Il suffit de signaler la contra- diction. Tout le monde comprend que si le cheval a appris à galoper à gauche par l'appui de la jambe gauche, l'effet obtenu dans le cas que nous avons sup- posé sera non de le faire tourner à droite, mais de le faire changer de pied. Il est, je pense, inutile de décrire les moyens de faire galoper le cheval sur la jambe gauche. Ils sont naturellement les mêmes que ceux que nous venons LE GALOP. 17 j . d'indiquer, mais en sens inverse. On doit toujours commencer par le galop à droite*, et pour cela se mettre à main droite. Je ne demande jamais le galop sur la jambe gauche avant d'avoir obtenu, à ma vo- lonté et sans efforts, un galop très franc sur le pied droit. C'est l'affaire d'un nombre de jours qu'il est assez difficile de préciser, car, tandis que certains chevaux partent facilement au galop sur le pied droit, d'autres, au contraire, éprouvent des difficultés à le faire, quoique peut-être très prompts à partir sur le pied gauche. Il en est des chevaux comme des hommes : les uns, soit naturellement, soit par habitude, sont droi- tiers et les autres gauchers. Cependant, il me paraît plus probable que c'est par nature que certains che- vaux sont droitiers, car si l'on ne tenait compte que des habitudes prises, tous les chevaux seraient gau- chers. En effet, quand on conduit le cheval par la bride, étant à pied, on se tient toujours à sa gauche. C'est également de ce côté qu'on lui donne sa nourriture, qu'on le selle, qu'on le bride; et, comme le cheval aime à se rendre compte de ce qui se passe autour de lui, c'est encore de ce côté qu'il tourne constamment la tête; il devrait donc être plus souple à gauche qu'à I . En équîtation, il est de règle de commencer tous les mou- vements par la droite. Au dehors, sur la ligne droite, on galope généralement à droite. L'amazone galope à droite. Pour toutes ces raisons, il vaut mieux commencer par le galop à droite. tj6 DEUXIÈME PARTIE. droite, et pourtant il n'en est rien. J'ai rencontré autant de chevaux droitiers que de chevaux gauchers; ce n'est donc qu'en travaillant le cheval qu'on pourra reconnaître s'il est l'un ou l'autre, puisque rien dans sa conformation ne l'indique*. Comme le cheval droitier demeurera toute sa vie beaucoup plus souple et plus facile à droite, c'est naturellement le côté gauche qu'il faudra le plus tra- vailler chez lui, dans les flexions, les pas de côté, les voltes, le galop, etc., et pice veî^sa. J'attends, pour exiger davantage, que le cheval prenne indifféremment et avec facilité le galop sur l'une ou l'autre jambe, tout en restant très droit. Je lui demande alors la mise en main complète. Mais il est bien certain que Je ne l'obtiendrai pas au galop, si je n'ai d'abord rendu la bouche souple et légère, à toutes les allures et pendant tous les exercices qui ont précédé. La plus juste définition de l'action des aides dans le cas qui nous occupe est, je crois, celle-ci : la main demande le pas et les jambes le galop. C'est-à-dire que, tandis que les jambes poussent le cheval avec énergie, la main le retient légèrement : il se trouve donc sou- mis à deux actions qui se contrarient, — l'impulsion I. Les chevaux arabes sont tous gauchers en ce sens qu'ils tournent toujours à gauche et jamais à droite. C'est simplement le résultat de l'éducation. Si vous vous placez à la droite d'un cavalier arabe, il ne peut pas vous atteindre ; il faut qu'il fasse tête-à-queue à gauche pour revenir sur vous. LE GALOP 177 demeurant prédominante, — et par là l'obligent à s'enlever et à prendre le galop. L'écuyer reconnaîtra qu'il a atteint son but, quand le cheval galopera lentement, sans efforts et surtout sans chercher à échapper à la main. Il y a trois façons de se rendre compte si le che- val galope à droite : Il suffit premièrement de regarder ses épaules ou ses pieds. Si le cheval galope à droite, l'épaule droite et surtout le pied droit seront plus en avant que le pied et l'épaule gauches. Deuxièmement, le cheval a toujours la croupe un peu déviée du côté où il galope. Enfin, quand il galope à droite, la Jambe droite du cavalier est plus fortement secouée que la Jambe gauche'; il est, par conséquent, plus difficile de tenir le genou droit très adhérent. Après une suite d'observations attentives, on doit donc arriver à savoir, les yeux fermés, sur quel pied le cheval galope. Avant d'aller plus loin dans renseignement du dressage, il est important d'exposer la décomposition des mouvements au galop -. 1. C'est la détente du jarret droit, posé sous le centre, qui donne l'impulsion maximum dans le galop à droite. C'est elle qui déplace le genou droit du cavalier. L'effort du jarret gauche, posé beaucoup plus en arrière, et par conséquent moins efficace au point de vue de l'impulsion, est nécessaire- ment beaucoup moins déplaçant pour le genou gauche. 2. Cette étude est nécessaire pour les" changements de pied 178 DEUXIEME PARTIE. Le cheval d'école et le cheval de promenade doivent galoper à trois temps bien distincts ^ Il faut donc trois temps pour former une foulée de galop. Prenons-la, par exemple, sur le pied droit. Premier temps. — Jambe gauche de derrière à l'appui (planche XXI, fig. i). Deuxième temps. — Poser de la diagonale gauche : la jambe droite de derrière et la jambe gauche de devant viennent se poser à terre en même temps (planche XXI, fig. 2). Troisième temps. — Poser de la jambe droite de devant (planche XXI, fig. 3). Indiquons maintenant l'action des aides dont l'écuyer doit se servir pendant cette foulée. Premier temps. — Jambe gauche fortement soute- nue. Le cheval se trouve, en effet, pendant un instant, reposer sur sa jambe gauche seule; mais cet instant est si court, qu'à moins d'une très grande pratique, il est presque insaisissable à l'oeil. Deuxième temps. — Diagonale gauche. Les deux jambes du cavalier doivent exercer leur pression pour chercher la mise en main. Troisième temps. — Jambe droite de devant du cheval à l'appui. Le cavalier doit recevoir le cheval légèrement sur la main, d'abord pour le soutenir et I. Le galop très allongé, ou galop de course, est à quatre temps. Il en est de raeme du galop très raccourci dans le ras- sembler. Nous en parlons plus loin. I LE GALOP. 179 ensuite pour compléter la mise en main provoquée au deuxième temps par les jambes. Expliquons maintenant l'effet de ces aides pen- dant les trois temps formant une foulée de galop. Premier temps. — La jambe gauche du cavalier doit être fortement soutenue, parce que le cheval se trouve pour ainsi dire debout sur sa jambe gauche, bien que son corps soit incliné en avant et que les autres membres ne se soient pas éloignés beaucoup du sol. Tout le poids du cheval et du cavalier se trouve donc porter sur cette jambe, et si on ne soutenait pas le cheval du côté gauche, il est certain que cette jambe faiblirait sous la surchage et que l'arrière-main dé- vierait à gauche. Deuxième temps, — Les deux jambes du cavalier exercent leur pression pour pousser le cheval sur la main. C'est le seul moment du galop où le cheval a deux appuis, et il faut profiter de l'impulsion qu'il va recevoir pour le faire tomber dans la main au temps suivant. Troisième temps. — Le cavalier reçoit le cheval sur la main. C'est le moment où il est le plus facile d'obtenir une mise en main complète; car, au deuxième temps, le jarret droit, se trouvant engagé sous le centre, donne l'impulsion maximum, ce dont la main doit profiter pour rassembler davantage. La main doit également toujours un peu soutenir le cheval, au troisième temps, car il a alors pour seul i8o DEUXIEME PARTIE. appui sa jambe droite de devant. C'est généralement à ce moment que les ciievaux font des fautes et ris- quent de tomber s'ils ne sont pas soutenus. Je n'indique, bien entendu, que les aides qui pré- dominent. On comprend assez que les mains et les jambes doivent toujours se prêter un mutuel con- cours. Il pourrait sembler, d'après ce que je viens de dire, que c'est la jambe gauche de derrière qui se fati- gue le plus dans le galop à droite. C'est en effet l'opinion courante de beaucoup de ceux qui ont écrit sur la matière. Mais rien n'est plus erroné, car le jarret droit étant sous le centre et soulevant toute la masse fait l'effort maximum de la foulée. C'est une question de fait. Je sais bien que le jarret gauche, placé tout à l'extrémité du bras de levier, est dans des conditions d'action beaucoup moins favorables. Mais, précisément parce que la situation du jarret droit sous le centre est plus favorable à la complète utili- sation de sa détente, il fait un effort supérieur et, par conséquent, se fatigue davantage. Si l'on regarde attentivement le cheval qui galope à droite, on s'aper- çoit bien vite que le jarret et le paturon droit se fléchissent beaucoup plus que du côté gauche, que, par conséquent, leur action de bas en haut est plus prononcée et leur détente plus énergique ^ I. Aussi chez les chevaux dressés pour dames, qui galopent toujours à droite, le jarret droit s'use toujours prématurément. Les dames n'aiment pas le galop à gauche, parce qu'il déplace VOLTES ET DEMI-VOLTES AU GALOP. iBi Mettez au galop à droite un cheval ayant un mauvais jarret droit (éparvin sec, courbe ou jardon), il se désunira immédiatement de l'arrière-main, l'ef- fort que vous lui imposez lui causant une souf- france. Mais faites prendre le galop sur le pied gauche au même cheval, il y restera sans changer de pied de l'arrière-main. Le Jarret droit fera donc plus de force dans le galop à droite, et le jarret gauche dans le galop à gauche. C'est pour cette raison que le cavalier doit soutenir toujours assez fortement ses deux jambes, surtout au deuxième temps. Cela active le jarret qui se trouve sous le centre, pousse le cheval en avant et l'empêche, au deuxième temps, de rester plus long- temps à terre qu'au premier ou au troisième. Si l'on n'agissait pas ainsi, le deuxième temps serait plus lent et plus lourd que les autres. XIX Voltes et demi-voltes au galop. Quand j'ai obtenu un galop léger et facile, je fais exécuter de grandes voltes. Il est, en effet, préférable beaucoup plus leur assiette. Comme elles sont assises à gauche, la détente ne se fait pas complètement sous leur assiette, puisque c'est le jarret droit qui la donne. D'où un déplacement moindre que dans le galop à gauche. i83 DEUXIEME PARTIE. de parcourir de grands cercles au début, car il est plus difficile de maintenir son cheval droit dans les petits. Il est rare que le cheval ne cherche pas à jeter ses hanches, soit en dehors, soit en dedans. Lorsqu'il les jette en dehors, il est plus facile d'y remédier. Ainsi, prenons le cheval au galop sur le pied droit et tournant à droite. Après avoir approché les jambes, je porte les mains à droite et en avant : à droite, pour détacher les épaules du mur; en avant, pour éviter un temps d'arrêt. La rêne droite du filet* doit tirer à droite, tandis que la rêne gauche pousse l'en- colure et par conséquent les épaules à droite, en même temps qu'elle aide la jambe gauche à maintenir les hanches et concourt ainsi à tenir le cheval droit. Si le cheval cherche à jeter sa croupe à gauche, mes deux jambes doivent augmenter leur action pour le pousser plus en avant, la jambe gauche agissant un peu plus vigoureusement que la droite pour main- tenir le cheval sur le pied droit. La jambe droite pousse la masse en avant et force les hanches à suivre la même ligne que les épaules. La raison qui me fait préférer le cheval qui jette ses hanches en dehors est très compréhensible. Dans I. J'ai déjà dit que je commençais toujours l'apprentissage du cheval dans un travail nouveau, par le filet. Le filet est un agent de direction, le mors un agent de mise en main. A mesure que l'action du filet est acceptée, le mors intervient de plus en plus pour faire et compléter la mise en main. Cette action con- tinuelle du mors pour la mise en main se retrouve dans tous les exercices, associée à l'action du filet pour la direction. VOLTES ET DEMI-VOLTES AU GALOP. iHj ce cas, en effet, il se jette sur ma jambe gauche ; j'ai alors recours à l'éperon qui me sert à deux fins : d'a- bord à empêcher la croupe de dévier à gauche, et ensuite à forcer l'animal de se maintenir au galop sur le pied droit. Tandis que, si le cheval jette ses hanches en dedans du cercle, je suis obligé de me servir avec plus ou moins de force de ma jambe droite, quel- quefois même de l'éperon, et je risque ainsi de le désunir de l'arrière-main. Enfin, le cheval qui a les hanches trop en dedans du cercle est acculé. Ces inconvénients se produisent rarement quand on com- mence par de grands cercles. On ne doit les raccourcir que graduellement et au fur et à mesure que le cheval exécute le travail avec plus de facilité. J'ajoute que, même dans les petits cercles, il faut toujours main- tenir le cheval très droit. Immédiatement après, je commence les demi- voltes. Cet air de manège n'est rien si on se contente de l'a peu près, mais il est très difficile à exécuter d'une manière absolument correcte, ce que, d'ailleurs, j'ai rarement vu. Le cheval doit quitter le mur, placé bien droit et dans la main, comme pour les voltes. Quand il a fait trois foulées, il doit parcourir le reste du terrain sur deux pistes en regagnant le mur. Pour passer aux deux pistes, — le cheval galopant toujours sur le pied droit, — la rêne droite du filet tire un peu la tête et l'encolure à droite, tandis que 184 DEUXIEME PARTIE. la rêne gauche, appuyée sur l'encolure, pousse les épaules de gauche à droite; la jambe gauche déter- mine un mouvement des hanches vers la droite; la jambe droite aide à pousser le cheval en avant et à le maintenir dans la main, ce qui est important, puis- qu'il s'agit de gagner du terrain en avant, tout en se portant de côté. En arrivant au mur qui se trouve à droite du cava- lier, — redresser le cheval % — arrêter, mettre en main au pas; puis repartir au galop sur le pied gauche et faire exécuter le même travail sur ce pied. Quand le cheval exécute bien les demi-voltes, Je les prolonge de quelques foulées de galop sans changer de pied. Ainsi, ma demi-volte commençant au mur qui est à ma gauche, et le cheval galopant sur le pied droit, puisque je tourne à droite, je continue à le main- tenir au galop, toujours sur le pied droit, même après la demi-volte, mais pendant deux ou trois foulées seu- lement dans les premiers temps. Je n'augmente le nombre de ces foulées que peu à peu, en raison de la légèreté et de la facilité du cheval. C'est la manière la plus simple d'apprendre au che- val à galoper sur le pied droit en tournant à gauche et réciproquement. Cet exercice est indispensable si l'on veut arriver à obtenir facilement les changements de pied, étant au galop sur l'une ou l'autre piste. I. Pour que le mouvement soit correct, il faut que les épaules arrivent au mur les premières. CHANGEMENTS DE PIED. 185 Quand le cheval fait correctement un tour du manège sur la jambe qui est du côté du mur, il faut lui demander souvent, sur les deux mains, des départs à droite ou à gauche, en le tenant toujours le long du mur. XX Changements de pied. Dès que le cheval galope indifféremment sur le pied droit ou sur le pied gauche, il faut que le cava- lier puisse mettre son cheval, à sa volonté, au galop sur l'un ou l'autre pied. Il faut, de plus, qu'il sache passer de l'un à l'autre de ces galops sans arrêt, ce qui constitue le changement de pied. Ce n'est pas un tra- vail de haute école, c'est de l'équitation ordinaire, d'un usage courant, non pas seulement au manège, mais au dehors, aussi bien à la promenade qu'à la chasse. Exemple : Vous êtes au galop sur le pied gauche et vous voulez tourner à droite; il est absolument im- possible que vous exécutiez ce changement de direction sans danger. En effet, la jambe gauche du cheval, qui est en avant, passera forcément par-dessus la jambe droite pour exécuter le mouvement tournant, arrêtera cette jambe, l'accrochera, et l'animal tombera. Dans ce cas, le cavalier accuse son cheval et dit qu'il a fait une i86 DEUXIEME PARTIE. faute. Il y a eu lourde faute commise, en effet, mais par le cavalier ^ Au galop à gauche, si on veut tourner à droite en conservant la même allure, il est de toute nécessité de mettre auparavant le cheval sur le pied droit. Dans ces conditions, le mouvement s'exécute avec aisance et sans danger. En effet, le cheval a la tête placée et le corps fléchi du côté où il tourne. De plus, c'est la jambe placée en avant qui entame le terrain du côté où se fait le changement de direction*. Il faut enseigner les changements de pied avec le plus grand soin. Une bonne préparation est le seul moyen d'y amener et d'y habituer le cheval. Il est très difficile de préciser dans un livre à quel 1. Il pourra arriver assurément que cet accident soit évité et que le cheval réussisse à se maintenir debout tout en se heur- tant les jambes l'une contre l'autre. Mais c'est pure chance. Ce qui cause la chute du cheval qu'on fait tourner à droite pendant qu'il galope à gauche, c'est qu'on le met brusque- ment dans la position du galop à droite. En équitation savante, on arrive à tourner très bien à droite en restant au galop sur le pied gauche. Il faut pour cela agrandir le mouvement tour- nant, maintenir toujours le cheval dans la position du galop à gauche, et accentuer même cette position en poussant un peu plus la croupe à gauche par l'action de la jambe droite. Il est plus facile de changer de pied. 2. A propos des changements de direction, je fais trois re- commandations : agrandir toujours le cercle autant que pos- sible ; ralentir toujours un peu l'allure en tournant: et, si l'on n'est pas très sûr du changement de pied, — qui est d'autant plus difficile que l'allure est plus rapide. — il vaut mieux, avant de tourner, mettre le cheval au trot et ne reprendre le galop qu'après avoir exécuté le changement de direction. CHANGEMENTS DE PIED. 187 moment du dressage le cheval est prêt pour apprendre les changements de pied. Je puis seulement dire d'une façon générale que c'est au moment où, par suite de tous les exercices que nous avons décrits, il est devenu franc dans ses allures, souple, léger, bien équilibré, obéissant et surtout attentif aux aides. Nous sommes arrivés à ce point que le cheval part déjà franchement au galop sur le pied droit étant à main droite et sur le pied gauche étant à main gauche, et qu'il prend aussi le galop non moins fran- chement sur Tune ou l'autre des deux jambes, qu'il soit à main droite ou à main gauche. Pour obtenir le changement de pied, voici com- ment je procède*. Je mets le cheval au galop sur le pied droit, étant à main droite. Quand j'ai fait quel- ques foulées sur ce pied, j'arrête ; puis je repars sur le pied gauche, tout en restant sur la piste de droite et en a3^ant soin de tenir mon cheval aussi droit que possible. Je recommence très souvent et fais exécuter ce travail plusieurs fois. Je le prolonge jusqu'au mo- ment où je sens que mon cheval reste tout à fait léger dans la main, qu'il prend le galop à la moindre pres- sion des jambes, sans se presser et sans essa3Tr de jeter les hanches hors de la ligne droite. Pour être bien sûr que le cheval ne se traverse pas, il faut faire les départs éloignés du mur d'un I. Je rappelle une fois de plus que chaque fois que j'aborde un travail nouveau, c'est toujours à la fin d'une leçon. DEUXIEME PARTIE. mètre environ. Cela est très difficile ^ ; cependant je conseille de s'y appliquer. Le résultat, c'est de forcer l'écuyer à maintenir le cheval très droit sans le secours du mur, en même temps que de l'obliger à beaucoup plus de précision. Il ne faut pas chercher à obtenir les changements de pied loin du mur avant de les avoir obtenus en le suivant. Il faut aussi que le cheval prenne très facile- ment le galop sur l'un ou l'autre pied dès que, placé dans la position qui lui permet de le prendre, vous le lui demandez. Il doit suffire de le placer et d'actionner par les jambes pour obtenir le résultat voulu-. Alors je le mets au galop sur le pied droit et je 1'}^ maintiens jusqu'à ce qu'il soit calme, puis je le mets au pas pen- dant une ou deux minutes. Je le remets ensuite au galop sur le pied gauche et je l'y maintiens comme la première fois jusqu'à ce qu'il soit léger et calme; après quoi je reprends le pas pour quelques instants. Enfin je repars au galop sur le pied droit, et ainsi de suite. Ce sont donc des départs au galop successifs, chaque reprise étant faite sur un pied différent. Peu à peu, je raccourcis les instants pendant lesquels je le laisse au pas entre les deux reprises de galop, de telle sorte qu'il ne fait plus, par exemple, que cinq pas, 1. La difficulté n'est pas de faire le départ, c'est de se main- tenir à la même distance du mur en gardant le cheval droit. 2. Placer et animer : principe capital, qui se trouve dans toute l'équitation. Placer par les jambes et les mains, animer par les jambes. CHANGEMENTS DE PIED. 189 puis quatre, trois, deux, et un seul pas entre les deux reprises. Enfin il arrive à partir alternativement, au galop de pied ferme, sur un pied différent, les reprises n'étant interrompues que par un simple temps d'arrêt. Ainsi, le cheval parti au galop sur le pied droit s'est arrêté et est reparti immédiatement au galop sur le pied gauche: il a déjà exécuté un changement de pied, mais ce changement a été aidé par un temps d'arrêt. Toutefois, le véritable changement de pied se fait sans temps d'arrêt; c'est pourquoi on l'appelle changement de pied en l'air. Au point où nous en sommes, le cheval est mûr pour le changement de pied. J'ai la possibilité de le lui faire exécuter sans lui causer la moindre surprise. Je mets mon cheval au galop sur le pied gauche, étant à main droite. Il galope donc sur le pied du dehors, et j'ai à ce moment comme soutiens la rêne gauche et la jambe droite qui dominent. Quand j'ar- rive dans un coin du manège, je change complète- ment mes aides et fais agir la rêne droite et la jambe gauche : ce changement des aides doit se faire avec une très grande décision et un ensemble parfait. Pour que le mouvement soit bien fair, il faut l'exécuter avec une extrême rapidité et sans la moindre secousse. Cette rapidité et ce moelleux ne sont possibles que si on a eu constamment la précaution de faire sentir légère- ment l'action de la rêne droite et de tenir la jambe gauche très près, de façon que l'on n'ait qu'à agir un peu plus avec cette rêne et soutenir davantage la ipo DEUXIÈME PARTIE. jambe. L'action de la main droite se faisant déjà légè- rement sentir et la jambe gauche étant très près, il n'y aura ni secousse ni surprise lorsque vous les ferez dominer à leur tour. Enfin, comme vous avez habitué votre cheval à partir sur le pied droit, sous l'action de la rêne droite et de la jambe gauche, et que vous lui demandez ce premier changement de pied dans un tournant à droite, c'est-à-dire à l'endroit où il lui est le plus facile de l'exécuter, il est très rare qu'il s'y refuse, même dès la première fois. Si, toutefois, il arrivait que le cheval n'obéît pas, il ne faudrait pas persister à le pousser avec brusquerie pour l'y contraindre. On l'obligerait ainsi à jeter ses hanches à droite et, de plus, il prendrait peur du chan- gement de pied et se sauverait, effrayé d'une demande qu'il ne comprend pas. Il faut l'arrêter, le mettre dans la main au pas, puis le faire repartir au galop sur le pied gauche et lui redemander le changement de pied; mais attendre pour cela qu'il soit redevenu calme. Si le cheval manque plusieurs changements de pied, cela prouve que la préparation est insuffisante et qu'il n'est pas mûr pour cet exercice. Ou bien il a été surpris par les aides, s'est sauvé ou s'est jeté de côté; ou bien il n'a pas compris ce qu'on lui demandait. Dans tous les cas, il faut en revenir aux départs. Je le répète, si le cheval a été bien préparé, cela est extrêmement rare. CHANGEMENTS DE PIED. 191 Il faut toujours en revenir aux départs^ à droite et à gauche, chaque fois que l'on rencontre une dif- ficulté. On arrive, par ces départs réitérés avec temps d'arrêt, à rendre le changement de pied tellement facile que souvent le cheval l'exécute de lui-même, par le seul effet des préparations auxquelles il est soumis. En effet, quand vous l'arrêtez sur un pied, vos aides doivent déjà préparer légèrement le départ sur l'autre. Je n'ai jamais demandé un changement de pied sans l'obtenir du premier coup, toutes les fois que j'avais eu le temps de bien préparer mon cheval. Quoi qu'il en soit, après en avoir manqué quelques-uns, le cheval finit toujours par en exécuter un correctement. Il faut alors descendre, le caresser et le renvoyer à l'écurie. A la leçon suivante, vous devez recommencer le même exercice et le prolonger jusqu'à ce que le cheval change facilement de pied de gauche à droite; puis vous changez et, marchant à main gauche, vous faites de la même façon le changement de pied de droite à gauche. Évitez de toujours demander le changement de pied au même endroit, car, malgré vous, le cheval arrive- rait à vouloir changer de pied chaque fois qu'il passerait à cet endroit. Il ferait alors des changements de pied à sa volonté, et il vous serait impossible de les lui faire exécuter régulièrement, puisque votre volonté serait subordonnée à la sienne ^ I. J'ai dit avec quelle facilité le cheval prenait des habi- tudes en toutes choses. C'est pourquoi dans tout le dressage il ipa DEUXIEME PARTIE. Quand j'obtiens facilement les changements de pied dans les coins, de dehors en dedans, je les demande en ligne droite. Le changement de pied ne doit pas être demandé à n'importe quel temps d'une foulée de galop. Il y a un moment où il est plus facile au cheval de l'exécuter; c'est cet instant qu'il faut saisir pour le lui demander. Chaque foulée de galop se compose, comme je l'ai dit, de trois temps p.arfaitement distincts et marqués à terre par les pieds du cheval. Mais, en réalité, il y en a un quatrième, qui n'est marqué, pour ainsi dire, par rien, puisqu'il se passe en l'air. Le cheval étant sur le pied droit, son galop se décompose ainsi : i" temps, jambe gauche de der- rière; 2^ temps, jambe droite de derrière et jambe gauche de devant; 3® temps, jambe droite de devant. Le quatrième temps, dont je parle, se trouve au mo- ment où la jambe droite de devant quitte terre et faut éviter avec le plus grand soin de lui donner des points de repère, soit en lui demandant le même travail dans le même endroit, soit en lui demandant les différents exercices dans la même succession. Cette remarque est d'autant plus importante à mes yeux, que la plupart des écuyers s'appliquent, au con- traire, à donner des points de repère au cheval. Cela rend en effet le dressage plus facile, mais ce dressage-là n'est qu'apparent. Le cheval exécute, par routine, un travail donné à un moment donné, à certains endroits et après un autre travail déterminé; mais il n'est pas dressé en ce sens que, loin d'être soumis à la volonté du cavalier, c'est le cavalier qui est obligé de se plier à ses habitudes. Le cheval est habitué ou, comme on dit, routine; il n'est pas dressé. CHANGEMENTS DE PIED. ipj avant le poser de la jambe gauche de derrière. A ce moment, comme on le voit, le cheval est en l'air entre le troisième temps d'une foulée et le premier temps de la foulée suivante. Le meilleur moment pour obtenir le changement de pied, c'est donc à ce quatrième temps, lorsque le cheval est en l'air, entre le troisième temps d'une foulée et le premier temps de la foulée qui suit*. I. Baucher ne donne aucune indication sur ce point. La plupart des écuyers font le changement de pied à l'appui, au lieu de l'exécuter au moment que je viens d'indiquer, quand le cheval est en l'air. De là un temps d'arrêt inévitable qui détruit le rythme du galop et par conséquent altère le galop lui-même. Le procédé que j'indique maintient au contraire le galop dans toute son impulsion et permet d'allonger ou de raccourcir l'al- lure, à volonté, dans les changements de pied. Les changements de pied au temps, exécutés correctement, constituent ainsi une véritable allure. A cette allure-là, je dis- pose d'une telle impulsion que je crois pouvoir, sans fausse modestie, défier n'importe qui à la course. [II me sera permis, à ce propos, de reproduire ici la lettre suivante adressiîe au Gil Blas, qui a refusé de la publier. J'ai été assez lieureux pour en obtenir l'insertion dans l'Echo de Paris, mais elle est restée sans réponse. « Paris, 27 août 1890. « A Monsieur le Directeur du GIL BLAS « Monsieur le Directeur, « M. Baron de Vaux a récemment, dans un long article « du GIL BLAS, fortement maltraité mon livre et mon équitation. « Je suis bien loin de m'en plaindre et je n'aurai pas la témérité, « moi qui ne suis qu'tm homme de cheval, de lutter de critique « avec un homme de plume. « Un point cependant me paraît utile à relever, parce qu'il « peut être soumis à l'épreuve décisive de la pratique. « Le rédacteur de l'article prétend que, dans les changements 13 19^ DEUXIEME PARTIE. Pour Tobtenir au quatrième temps, il faut le de- mander au deuxième temps quand la diagonale est à l'appui. Dans le galop à droite, en effet, le résultat de votre attaque de l'éperon droit, au moment où la dia- gonale gauche est à l'appui, est de provoquer une détente énergique du jarret droit qui jettera forte- ment l'épaule gauche en avant et qui lui fera dépasser l'épaule droite pendant que le cheval est en l'air. Enfin, le jarret gauche passera d'autant plus faci- lement devant le jarret droit qu'il est en l'air au moment où le jarret droit fait sa détente. Dans ces conditions, après l'attaque au deuxième temps, le a de pied je ne tiens pas mes chevaux droits. Si cela est vrai, « je perds nécessairement du terrain en avant. « Eh bien ! je propose une course au changement de pied au « temps. C'est là une épreuve originale qui^je crois, n'a jamais « été tentée. 0 Le gagnant sera nécessairement celui dont le cheval sera « le plus droit. o Puisque M. Baron de Vaux connaît beaucoup d'écuyers qui « trouvent grâce devant sa critique, je lui demande d'employer « toute son influence pour obtenir de l'un d'eux qu'il relève mon « défi. 0 Pour le choix du terrain, pour l'étendue à parcourir, les « conditions de mon adversaire seront les miennes. Il fixera « également l'enjeu qui sera versé à l'Assistance publique. « Allons, un bon tnouyement. Si ce n'est pas pour l'équitation, « que ce soit pour les pauvres. « Dix mille francs, par exemple, cela leur ferait bien « plaisir. a Veuillez agréer. Monsieur le Directeur, l'assurance de « )7ies sentiments très distingués. « James Fillis. » Note de la deu&ième édition.] CHEVAUX PEUREUX. ipS troisième temps (jambe droite de devant) perd la plus grande partie de sa valeur d'impulsion dans la foulée et ne s'accentue que dans la mesure où l'équilibre l'exige, car c'est le jarret droit qui a donné le surplus d'impulsion nécessaire pour faire le changement de pied. Chacun comprend maintenant la dénomination de changement de pied en l'air. On devra observer les mêmes indications pour le changement de pied en sens inverse, c'est-à-dire de gauche à droite. Nous n'avons dans ce chapitre parlé du change- ment de pied qu'au point de vue de Téquilation cou- rante. Nous aurons à y revenir plus tard et avec détails à propos des exercices de haute école. XXI Chevaux peureux. On dit communément d'un cheval qu'il est peureux, quand la vue d'un objet, ou un bruit quelconque, l'impressionne assez pour qu'il s'arrête, se jette de côté, se sauve ou fasse un tête-à-queue. Tout cheval peut être surpris, comme quiconque, d'une façon plus ou moins vive, suivant son degré ipd DEUXIEME PARTIE. d'impressionnabilité. Fort heureusement, tous les che- vaux ne sont pas peureux. L'impressionnabilité peut être diminuée, modifiée beaucoup par le dressage. Il s'établit, à l'usage, une sorte de confiance réciproque entre le cavalier et le cheval. Si celui-ci n'a pas été brutalisé, s'il n'a jamais été poussé violemment sur l'objet qui l'a effrayé, si la présence du cavalier, en un mot, le rassure au lieu de l'inquiéter, il se trouble moins et se laisse aller moins facilement à la frayeur. Je pose donc comme un principe qu'il ne faut jamais battre le cheval impressionné ou effrayé par un objet extérieur. Il faut, au contraire, prévenir ou calmer cette impression en le rassurant par des caresses. Le cheval, nous l'avons dit, a peu d'intelligence. Il n'a pas de raisonnement; il n'a que de la mémoire. S'il a été battu lorsqu'un objet s'est présenté subitement à ses yeux et l'a effrayé, il liera dans sa mémoire l'objet et la correction, qui pour ainsi dire ne feront plus qu'un pour lui. Lorsqu'il se trouvera une seconde fois en présence de ce même objet, il s'attendra à la même correction, sa peur ira croissant et, tout naturellement, il se dérobera avec d'autant plus de vivacité. Tous les chevaux ne sont pas peureux au même degré. Certains chevaux sont plus impressionnables d'un côté que de l'autre, soit accidentellement, soit d'une manière permanente. C'est ce qui fait dire cou- CHEVAUX PEUREUX. 197 ramment : tel cheval est peureux à droite ou à gauche. Il est à remarquer que les chevaux à l'œil vairon sont toujours peureux. On dit souvent, mais à tort, d'un cheval qu'il est peureux quand il est simplement trop fixais ou trop vert. Il serait plus exact de dire qu'il est en l'air, qu'il a besoin de faire agir ses muscles, de se détendre; qu'il est, en d'autres termes, dans la situation d'un enfant longtemps retenu immobile et qui, entrant en récréation, se livre d'instinct à des gambades, sous n'importe quel prétexte. Dans ce cas, les corrections et les caresses sont également superflues; ce qu'il faut, c'est donner au cheval ce dont il a besoin : un bon exercice. Menez-le rondement pendant trois ou quatre kilomètres, et il sera ensuite calme et docile. Il faut mentionner spécialement certains chevaux qui sont inquiets par nature, qui se préoccupent sans cesse de tout ce qu'ils voient ou entendent, ont peur de mille riens, et font des soubresauts à chaque in- stant. Ils sont très désagréables à monter. Donnez- leur abondamment du travail pour les calmer, pour les baisser et des caresses pour les rassurer. Quand on parle des chevaux peureux, on n'a jamais fini d'exposer tous les cas. Il en est cependant quel- ques-uns que je veux signaler encore. Certains che- vaux ont peur de tout ce qui dépasse leur tête, de tous les objets qui les dominent, une voiture, un omnibus, un pont peu élevé, une porte cochère : tout cela les effraye. On dirait qu'ils ont peur pour leur ip8 DEUXIÈME PARTIE. tête. Les objets qui sont plus bas, au contraire, les laissent parfaitement indifférents. D'autres chevaux, par contre, ne sont effra3'és que par ce qui est à terre, ombre, rayon de soleil, flaque d'eau, ruisseau, tas de pierres. Ceux-là restent indif- férents à tous les objets qui les dominent. Il y a encore le cheval qui n'a peur que de ce qui vient derrière lui, enfant, chien, cheval ou voiture, et qui re craint pour ainsi dire que ce qu'il ne voit pas. Pour tous les chevaux peureux, je ne puis que donner le même conseil : les rassurer par des caresses, les mettre en confiance. Si vous vo3'ez devant vous un objet dont vous savez que votre cheval aura peur, ne le violentez pas pour le forcer à s'en approcher direc- tement. Laissez-le plutôt s'éloigner, puis doucement, par la persuasion pour ainsi dire, amenez-le à s'en rapprocher sans trop insister. Mettez-y plusieurs jours, aussi longtemps qu'il faudra. Ne l'approchez jamais assez de l'objet qui lui fait peur, pour qu'il se dérobe ou 'fasse un tête-à-queue, car, dans ce cas, vous seriez obligé d'avoir recours à la correction, non pour punir sa frayeur, mais à cause du tête-à-queue que vous ne devez tolérer en aucun cas. En le corrigeant, vous compliqueriez, de la crainte du châtiment, la frayeur causée par l'objet. En un mot, avec les chevaux peu- reux, beaucoup de douceur, énormément de patience et jamais de violence. Il nous reste enfin à parler d'une catégorie de CHEVAUX PEUREUX. 199 chevaux qu'on range à tortparmi les chevaux peureux: ce sont ceux qui ont toutes les apparences de la peur, mais qui, en réalité, ne sont que vicieux. Tous les chevaux sont très attachés à leur écurie, tous sont plus allants, plus chauds quand ils rentrent que quand ils sortent. Ceux dont nous voulons parler paraissent n'avoir qu'une idée fixe : rentrer et chercher toutes les occasions qui peuvent motiver un retour en arrière, sous forme de tête-à-queue. Vous les vo3^ez au moindre objet qui se trouve sur leur chemin hésiter d'abord, puis profiter de la plus légère hésitation du cavalier pour se retourner brusquement. Ces chevaux-là, je le répète, n'ont pas peur; ils sont vicieux, et tout ce que j'ai dit des chevaux peureux ne les concerne pas. Il faut les ramener avec la plus grande énergie et les corriger avec fermeté. La preuve qu'ils n'agissent que par vice, c'est que ces mêmes objets qui provoquent la tête-à-queue à l'aller les laissent complètement indifférents au retour. Si dans ces conditions ou dans toutes autres, le cheval fait un écart, on doit le combattre et le ra- mener par des effets latéraux. L'écart se produisant de gauche à droite, la rêne droite du filet doit être fortement portée à gauche et la jambe droite vigou- reusement soutenue. En d'autres termes, pour remédier à l'écart à droite, on fait deux effets à droite. En se servant de la rêne gauche, — ce que l'on a générale- ment la mauvaise habitude de faire, — on aiderait, au contraire, le cheval à jeter à droite ses hanches que la DEUXIEME PARTI E. jambe droite ne suffirait pas à maintenir. De plus, s'il y avait danger à droite, le cheval s'y jetterait inconsciemment, car ayant la tête tournée à gauche, il ne voit pas où il va. La rêne droite, au contraire, for- tement appuyée sur l'encolure, le pousse à gauche et seconde l'effet produit par la jambe droite qui em- pêche les hanches de déborder à droite. J'ajoute que l'écart se produisant de gauche à droite, le cavalier est forcément déplacé à gauche : c'est par le soutien très ferme de sa jambe droite qu'il se main- tiendra en selle et retrouvera l'équilibre*. Il est à remarquer que les chevaux qui font des tête-à-queue les exécutent presque toujours du même côté, soit à droite, soit à gauche. Si vous êtes affligé d'une monture qui emploie ce procédé de défense, commencez par vous rendre compte de son habitude pour être prêt à tout événement. Ayez dans la main du côté où le cheval tourne habituellement un stick de quarante à cinquante centimètres de long. Je n'aime pas la cravache, elle est trop flexible, et si on s'en sert à gauche, par exemple, son extrémité ploie et frappe à droite ou bien encore peut atteindre les yeux. Aussitôt que le cheval tourne la tête pour exécuter son tête-à-queue, — par conséquent avant qu'il l'ait effectué, — appliquez-lui du côté où il tourne, un vi- goureux coup de stick sur le nez. Je n'ai jamais ren- contré un cheval qui ait résisté longtemps à cette I. En pareil cas, le salut, c'est la jambe droite. CHEVAUX PEUREUX. correction administrée avec vigueur et précision. Quand il l'a subie quelques fois, la seule vue du stick suffit^ I. L'animal le plus désagréable que j'aie jamais rencontré était un étalon des plus ramingues et mordeur en diable. Comme il est impossible de dresser un cheval sans le se- cours des jambes et des éperons, il me fallait pourtant trouver un moyen de les lui faire supporter. Pendant les six pre- mières semaines, les choses se passèrent assez bien, mes exi- gences n'étant pas très grandes; mais, dès que je voulus obte- nir le rassembler au moyen des attaques de l'éperon, l'animal cherchait à me mordre les jambes, se jetait avec violence sur les genoux et, dans cette position, tournant la tête, faisait des efforts désespérés pour atteindre mes pieds. Et comme j'étais forcé de reculer les jambes pour éviter ses dents, il avait gain de cause, puisqu'il parvenait à m'empêcher de me servir des éperons. J'imaginai alors de faire mettre deux tiges en fer, longues chacune de quarante centimètres^ dans les rênes du filet. Ayant ainsi placé l'animal dans l'impossibilité de tourner la tête, et, mes jambes se trouvant par suite à l'abri de ses dents, je me croyais sûr de la victoire. Pas du tout. Furieux de son impuissance, ce cheval endiablé continuait à se jeter à genoux et, désespérant de me mordre les pieds, il se dévorait le poitrail. Je pensai tout d'abord que, quand il ressentirait de trop fortes douleurs, il cesserait. Mais, bien loin de là, il s'arrachait des lambeaux de chair, et je ne doute pas que si, à ce moment, il était parvenu à me désar- çonner, il m'aurait dévoré. Je lui mis alors un tablier en cuir très épais ; mais, au bout de trois jours, le cuir était en morceaux. Je parvins pourtant à me rendre maître de l'animal. Je finis par lui attacher sous le menton une sorte de demi-entonnoir en fer-blanc. Réduit à l'impossibilité de mordre, il perdit bientôt cette détestable habitude, et je pus continuer son édu- cation, que j'ai faite entièrement, 78, avenue de Malakoff, dans un établissement tenu à cette époque par M. Gost fils, DEUXIEME PARTIE. XXII Chevaux qui battent à la main. II y a bien peu de cavaliers qui n'aient eu à subir les inconvénients et même le danger des chevaux qui battent à la main ou. comme on dit vulgairement, qui encensent. Les uns baissent fortement la tête et prennent pour ainsi dire un élan pour la relever avec plus de force. Les autres se contentent de jeter la tête brus- quement en arrière, sans l'avoir baissée auparavant. Dans le premier cas, il faut surprendre le cheval avec les rênes du filet tenues dans la main droite, exactement au moment où il commence à baisser la tête. Sur cette secousse, il relève vivement la tête ; à l'instant même, il faut faire une forte pression des jambes pour le pousser en avant. Les rênes du mors marchand de chevaux, qui a plus d'une fois assisté à ces luttes épiques que j'ai toujours soutenues seul. Je travaille toujours seul, sans aucun aide. Je n'ai même pas un palefrenier spécialement attaché à mes chevaux. Les incrédules peuvent facilement s'en rendre compte. J'ai en mes chevaux en pension dans plusieurs manèges, et je les ai toujours dressés dans ces mêmes établissements : or, soit au manège Latrv, soit au manège Vincent, soit au manège Quar- tero, soit encore au manège de TEtoile, jamais je n"ai réclamé le secours de personne. CHEVAUX QUI 3ATTEKT A LA MAIK. acj sont lâches, mais fermement fixées dans la main sau- che, de telle sorte qu'au moment où, relevée par le filet, la tête fait son mouvement de bas en haut, le cheval, en levant la tête, tend les rênes de mors er se donne lui^nême un coup sur les barres. Il a donc été arrêté par le filet lorsqu'il voulait baisser la tête pour prendre son élan, et puni par le mors lorsque sa tête remontant s" est rejetée trop en arrière. Dans le second cas, lorsque le cheval rejette la tête en arrière sans avoir pris d'élan, il faut le pousser par une pression des jambes aussitôt qu'il lève la tête, et le recevoir sur le mors dans les mêmes conditions que ci-dessus. En résumé, dans le premier cas, on fait trois mou- vements, filet, jambes, mors. Dans le second cas, on ne se sert que de deux aides, jambes et mors. Ce sont là assurément des mouvements successifs, mais tel- lement rapprochés qu'ils se confondent presque en un seul. Dans les deux cas. si l'action des jambes ne précé- dait pas, si peu que ce soit, celle du mors, on risque- rait de provoquer la cabrade, tout au moins on écra- serait l'arrière-main en acculant le cheval . 20» DEUXIEME PARTIE. XXIII Chevaux qui semportent. J'ai toujours été assez heureux pour éviter, pour mes élèves et pour moi-même, les accidents provenant de chevaux emportés. Si Ton me faisait observer qu'en cela j'ai eu de la chance et rien que de la chance, je répondrais que ce n'est pas tout à fait exact. Sans doute, quand un cheval est emballé ou em- porté, il n'écoute et ne sent plus rien, — et je ne soutiens pas que tel écuyer pourra l'arrêter plutôt que tel autre; — mais je prétends que l'écuyer peut beaucoup pour empêcher son cheval de s'emporter. Le véritable tact consiste précisément à prévoir que le cheval peut, à un moment donné et pour diffé- rentes raisons, s'affoler : c'est pourquoi Técuyer at- tentif ne le laissera jamais s'échauffer par trop. Dès qu'il sentira que le chev^al s'anime et devient entre- prenant, il le ralentira, le mettra dans la main, le calmera par des caresses et par la voix. Souvent, le cheval s'emporte parce qu'à force de tirer sur la bouche, on lui a engourdi les barres qui finissent par devenir insensibles. En ce cas, lorsque vous tirez sur la bouche, c'est à peu près comme si vous tiriez sur un mur : aussi le cheval peut-il vous mener du train qu'il lui plaît. CHEVAUX QUI S'EMPORTENT. 205 Pour conserver la bouche fraîche, l'écuver doit alternativement se servir du filet et du mors, c'est-à- dire ne pas permettre au cheval de prendre un point d'appui quelconque sur les rênes. Certains chevaux s'emportent la tête haute, com- plètement hors de la main; d'autres s'encapuchonnent. Il faut toujours chercher à baisser la tête des premiers au moyen du mors. On se servira au contraire du filet pour obliger les seconds à la relever. Si le cheval arrive à placer la tête si bas et a l'en- colure tellement rouée que les branches du mors soient en contact avec le poitrail, plus vous tirerez sur les rênes du mors, moins vous agirez sur la bouche % et plus vous maintiendrez la position vicieuse de l'en- colure et de la tête. La seule chose qu'il y ait à faire dans ce cas est de scier du filet. Il y a un filet dit relei'ciir qui, par le jeu de ses pouhes, agit de bas en haut et non d'avant en arrière. On devra l'employer avec les chevaux qui s'encapu- chonnent. J'en conseille aussi l'usage lorsque le che- val a la tête forte ou l'encolure courte, car l'animal cherche toujours à faire porter cette masse par le cavalier. Ce conseil ne s'adresse, bien entendu, qu'à ceux qui ne savent pas équihbrer leur cheval. Etant en promenade avec mes élèves, je leur ai souvent posé la question suivante : S'il arrivait un I . En tirant sur les branches du mors, on les rixe au poitrail et on fait remonter le mors dans la bouche, ce qui soulage les barres. 20(5 DEUXIEME PARTIE. cheval emballé, soit devant, soit derrière vous, que feriez-vous ? J'ai souvent aussi posé la même ques- tion à des personnes habituées à monter à cheval de- puis l'enfance. Bien rarement j'ai reçu une réponse satisfaisante, et pourtant ce casdoittoujours être prévu. 11 est à remarquer, en effet, que l'homme qui monte un cheval emballé court généralement moins de danger que les cavaliers qui peuvent se trouver sur son che- min. On voit très souvent l'animal emballé courir tête baissée sur un groupe de chevaux. Il faut, pour l'éviter, se jeter derrière le premier obstacle venu. Si c'est au bois, entrez dans un taillis, vous en serez quitte pour quelques égratignures. Si c'est sur une route, mettez-vous à l'abri d'un arbre; dans la rue, derrière un candélabre : bref, tout est bon pour éviter le choc qui peut être terrible. Surtout exécutez ce mouvement avec rapidité. Si, au lieu de vous détourner, vous voulez venir en aide au cavalier dont le cheval est emporté, — ce qui est une entreprise louable, mais singulièrement difficile, — il faut fuir à toute vitesse, dans le même sens que lui, en essayant de se maintenir à quelques mètres devant son cheval. Vous devez alors parler haut et chercher à inspirer de la confiance au cavalier. Puis, ralentissant très légè- rement l'allure, vous essayez, dès que l'animal em- porté passe près de vous, de le saisir par les rênes du mors, le plus près possible de la bouche et ensuite vous tâchez de l'arrêter petit à petit. CHEVAUX QUI S'EMPORTENT. 207 J'ai dit qu'il fallait fuir à toute vitesse devant le cheval emballé. En effet, si vous n'allez pas aussi vite que lui, le choc que vous recevrez au moment où vous saisirez les rênes vous arrachera brusquement de la selle. Comme il vous faut avoir une main libre, vous aurez soin d'avoir vos propres rênes bien tenues dans l'autre main, afin de pouvoir maintenir et diriger votre monture. J'ajoute qu'il est presque impossible d'arrêter un cheval emballé en restant sur la ligne droite. Quant à moi, je n'y ai jamais réussi. Aussitôt que l'espace et le terrain le permettent, il faut donc prendre un cercle très large d'abord et ne chercher à le restreindre que peu à peu. Vous vous placez, bien entendu, en de- dans du cercle, pour n'avoir qu'à tirer le cheval em- ballé dans la direction que vous prenez. Placé en dehors, vous ne pourriez pas l'obliger à tourner. On ne peut évidemment employer ce moyen que si on est très sûr de son cheval et de soi-même. J'ai été assez heureux pour pouvoir arrêter deux chevaux complètement emballés en faisant ce que je viens de décrire. Le premier, au Havre : son cavalier avait entièrement abandonné ses rênes pour s'accro- cher des deux mains au pommeau de sa selle. Le se- cond, à Paris, au Bois : il était monté par une jeune fille. Dans les deux cas, il m'a fallu de quinze à vingt minutes pour arrêter le cheval. Il est vrai que je mon- tais des pur sang; j'avais par conséquent de la force et de la vitesse à ma disposition. Pour l'amazone, j'avais 2o8 DEUXIEME PARTIE. pris la précaution de me mettre sur sa droite, car, si Je m'étais placé de l'autre côté, ses jambes m'auraient empêché d'agir. XXIV Le saut. Pour faire sauter un cheval, on se figure générale- ment qu'il faut l'enlever avec la main au moment où il arrive sur l'obstacle. Or, en agissant ainsi, on res- treint ses moyens naturels, on le gêne et on l'empêche de sauter franchement. Pour qu'il puisse sauter, il faut que le cheval ait la tête et l'encolure complètement libres. En voulant l'enlever avec la main, on gêne la liberté de la tête et de l'encolure dont il a besoin pour prendre son élan, en même temps qu'on rejette tout le poids sur l'ar- rière-main. Par suite, qu'arrive-t-il ? Ou le cheval a la bouche sensible, et, dans ce cas, retenu qu'il est par la main, il s'arrête devant l'obstacle; ou bien il a la bouche dure, et alors il force la main. Mais, même dans cette dernière hypothèse, il ne peut en réalité faire qu'une sorte de pointe, dans laquelle l'avant- main s'élève assez haut, tandis que l'arrière-main reste bas et accroche l'obstacle. C'est que, tout en portant l'animal en avant au moyen des jambes, vous avez LE SAUT. aos> fait en même temps agir la main en sens contraire, c'est-à-dire d'avant en arrière. L'avant-main a pu forcer l'effet du mors, mais au moyen d'un effort qui arrête son enlever et, par suite, fatigue considéra- blement le cheval. Il y a une théorie générale pour faire sauter les chevaux; mais, dans la pratique, on s'aperçoit bien vite que chaque cheval a une façon particuhère de franchir les obstacles. Le meilleur moyen, selon moi, d'apprendre au cheval à sauter, est de mettre, tout d'abord, une barre à terre et de la lui faire passer au pas en le tenant par la bride. L'écuyer est à pied, et passe la barre en même temps que le cheval. Quand celui-ci a obéi, il faut le caresser et lui donner quelques carottes pour amener sa confiance. C'est tout au plus l'affaire de deux ou trois séances de dix minutes chacune. Lors- que la confiance du cheval est complète, on le met à la longe, et on recommence le même travail, mais en s'éloignant peu à peu du cheval. Puis, dès qu'il arrive à passer la barre, l'écuyer restant au milieu du manège, on élève cette barre de trente ou quararite centimètres, et on laisse le cheval l'aborder à sa guise. Le point important, c'est qu'il la franchisse. Cette manière d'habituer les chevaux à l'obstacle est en usage dans les cirques depuis un temps immé- morial. Le cheval qui aime à sauter se presse générale- ment; il faut alors le calmer et tâcher qu'il arrive dou- 810 DEUXIÈME PARTIE. cernent sur l'obstacle. Si, au contraire, il s'arrête et hésite, il faut l'exciter de la voix et lui montrer la chambrière, mais ne pas le frapper, ni l'effrayer au début. On devra cependant insister jusqu'à ce qu'il passe la barre. A ce moment il faut avoir soin de remarquer comment il saute. Les meilleurs sauteurs sautent droit, franchement et sans temps d'arrêt ; d'autres marquent un temps d'arrêt avant de franchir l'obstacle; d'autres encore se mettent de travers. Pour les chevaux qui sautent franchement et d'eux-mêmes, il n'y a qu'à les laisser faire en leur apprenant succes- sivement à aborder l'obstacle aux trois allures, pas, trot et galop. Pour ceux qui marquent un temps d'arrêt en arri- vant sur l'obstacle, il faut les pousser avec la cham- brière dès qu'ils en approchent, et insister jusqu'à ce qu'ils aient perdu l'habitude de s'arrêter avant de le franchir. Il faut éviter, par conséquent, de les laisser sauter au pas ou au trot aussi longtemps qu'ils ne sautent pas franchement au galop. Pour les chevaux qui sautent de travers, les choses ne sont guère plus compliquées : il suffit d'opposer les épaules aux hanches. Si, par exemple, vous êtes à main gauche et que le cheval jette ses hanches à gauche, par conséquent en dedans, il faut tirer sur la longe pour amener ses épaules à gauche, et en même temps toucher la hanche gauche du bout du fouet, pour pousser l'arrière-main à droite. Si, au contraire, le cheval jette ses hanches à droite, c'est-à-dire en LE SAUT. 211 dehors, il faut laisser la longe lâche et, au moment du saut, pousser les épaules à gauche en le menaçant du fouet sous le nez. Pour tout ce travail, la barre doit toujours être très basse : on ne doit l'élever que peu à peu et sui- vant les aptitudes, la force et la facilité du cheval. On devra prendre grand soin de ne jamais mettre la barre assez haut pour qu'il soit obhgé de faire un très grand effort, surtout si le cheval est jeune. Cela n'aurait pas les mêmes inconvénients avec de vieux chevaux; pourtant il faut prendre garde à ne pas les rebuter. Quant ce travail du saut à la longe est exécuté avec facilité, on doit alors monter le cheval et lui faire suivre la même progression, en commençant par la barre posée à terre. Au début, on ne cherchera pas à enseigner une manière de sauter ; on s'attachera, au contraire, à laisser au cheval sa manière naturelle et on l'étu- diera. Pour le saut, en effet, comme pour tout exercice qui nécessite une grande énergie de la part du cheval, le cavalier doit avant tout se rendre compte des moyens naturels de son cheval, et s'y adapter. Ce n'est que plus tard et graduellement que l'on pourra essayer de les rectifier s'il y a lieu. J'ai dit que la main ne doit faire aucun effet pour enlever le cheval sur l'obstacle. La tête et l'encolure, je le répète, doivent être complètement libres; mais je dis 212 DEUXIEME PARTIE. libres et non pas abandonnées, car le cheval doit sauter sur la main, c'est-à-dire en y conservant un léger point d'appui ^ Ce léger point d'appui, il ne le prend pas au mo- ment de s'enlever; il l'avait déjà en abordant l'obstacle, il le conserve. L'élasticité des mains et même des bras du cavalier lui permet de le garder sans l'aug- menter : il faut plutôt qu'il soit un peu diminué au moment où le cheval pour sauter étend tête et en- colure. En d'autres termes, ce point d'appui, c'est le cheval qui le prend, non le cavalier. Certains chevaux sautent mieux lorsqu'ils prennent un fort point d'appui en se dirigeant sur l'obstacle, surtout quand ils vont grand train ; à d'autres, au contraire, il faut tout rendre pour qu'ils prennent l'élan nécessaire. Néanmoins, pour être bien sûr que le cheval sautera, il faut le renfermer, le soutenir vigou- reusement des jambes et le sentir de la main; autre- ment il pourrait trop facilement se dérober. Il est bien entendu, d'ailleurs, que la main doit rendre à i'in- stant où il s'enlève. Si vous rendez trop tôt, il hésite souvent ou se dérobe; et, si vous rendez trop tard, vous empêchez ou, tout au moins, vous gênez le saut. La main doit donc faire trois choses: i° soutenir le cheval jusqu'au moment où il s'enlève; 2" rendre I. Il est de règle absolue, en équitation, que la main doit toujours rester en communication avec la bouche. LE SAUT. ÎÎI3 pendant le court instant qu'il met à franchir l'obstacle; 3° reprendre avec le filet ^ pour recevoir légèrement le cheval sur la main au moment oià il retombe à terre. Quant aux jambes du cavalier, elles doivent tout le temps soutenir le cheval : i° avant le saut: pour le pousser et le décider à sauter; 2° pendant le saut : pour l'accompagner en poussant l' arrière-main de façon qu'il ne touche pas l'obstacle ; 3° après le saut : pour soutenir l'arrière-main au moment où il touche terre et vient à son tour soulager l'avant-main. Enfin, les jambes, ainsi soutenues, maintiennent la bonne position du cavalier. Dans le saut, la confiance du cavalier Joue un rôle prépondérant. Si vous abordez l'obstacle sans être bien décidé à le franchir, il y a de grandes chances pour que vous restiez en deçà. On dit que le cheval saisit les impressions du cava- lier: ce n'est pas tout à fait exact, car il ne se rend évi- demment pas compte de ce qui se passe dans l'esprit de ce dernier; mais ce que le cheval sent très bien, c'est que les aides sont hésitantes comme la volonté de celui qui le monte. Pour persuader le cheval, il faut d'abord être ré- solu soi-même. Si l'esprit hésite, les aides hésiteront forcément aussi. Si, au contraire, vous êtes bien résolu, I. Pour sauter, je ne me sers absolument que du filet. Je ne fais usage du mors que pour régler le galop entre les obstacleSr 214 DEUXIÈME PARTIE. VOUS communiquerez votre confiance au cheval, au moyen des aides qui, dans ce cas, agiront avec vigueur et précision. Le cavalier qui aborde l'obstacle pour la première fois se figure qu'il va recevoir un choc considérable. Généralement, il se raidit d'instinct pour ne pas être déplacé, et c'est précisément cette raideur qui cause le déplacement. Pour sauter, il faut, ainsi que nous l'avons dit plus haut, rendre la main au moment précis où le cheval s'enlève, et conserver tout son liant et toute sa sou- plesse en serrant seulement un peu plus les jambes. De cette façon, le déplacement de l'assiette et la secousse sont très peu importants. Nous avons dit que les chevaux ne sautent pas tous de la même façon. Avec celui qui s'enlève bien des quatre pieds et franchit l'obstacle en restant presque horizontal, le cavalier n'a qu'à se tenir droit, perpendiculaire ^ Si le cheval saute en soulevant très haut de l'avant- main comme dans la pointe -, le cavalier doit se pen- cher en avant au moment de- l'enlever, et d'autant plus que le mouvement du cheval aura été plus accentué; mais il ne conserve cette position que tant que l'avant-main fait la pointe. Aussitôt que l'avant- main redescend à terre, le cavalier doit au contraire rejeter son corps en arrière, et cela pour trois rai- 1. Voir planche XXII. 2. Voir planche XXIII, figure i. w rfl LE SAUT, 31 1 sons : d'abord, pour ne pas être lui-même projeté en avant par suite de la force d'impulsion du cheval; ensuite, pour décharger l'avant-main qui va en arri- vant à terre supporter le choc de tout le poids accu- mulé du cheval et du cavalier; enfin, pour retrouver son assiette et pouvoir soutenir son cheval dans le cas où il faiblirait des jambes de devant. Lorsque le cheval saute en rasant l'obstacle des jambes de devant et élève la croupe comme pour une ruade % il faut, aussitôt que l'avant-main est à hauteur de l'obstacle, porter le corps en arrière, de façon à éviter de peser sur l'avant-main. Par la seule force de l'impulsion, l'obstacle étant franchi, le corps se re- trouvera forcément remis en place. Dans tous les mouvements du corps en arrière pendant le saut, je ne saurais trop le répéter, les bras doivent conserver une très grande élasticité, de façon que la tension des rênes n'en soit nullement augmentée, •et que le cheval puisse sauter librement. Si la longueur des rênes est insuffisante, on les laisse glisser dans les doigts pour les reprendre aussitôt qu'on arrive à terre. Je suis naturellement conduit à dire un mot des steeple-chases et courses de haies. L'ignorance de la plupart des jockeys en ce qui concerne les allures du cheval est incroyable. Sauf un très petit nombre, ils ne savent même pas que les chevaux galopent à I. Voir planche XXIII, figure 2. Si les rênes étaient plus tendues, cette figure pourrait également servir à inxiiquer la position du cavalier qui va recevoir le cheval après le saut. airt DEUXIEME PARTIE. droite ou à gauche. Je m'en étonnais un jour devant le baron Finot, un maître, qui me répondit : « Les jockeys montent d'instinct et ne prennent pas la peine de réfléchir. » Dans une course de haies, le cheval franchit l'obs- tacle grâce à l'énorme impulsion acquise; plus le che- val tire sur les rênes, plus le jockey est satisfait. En France, on mène les steeples du même train qu'une simple course de haies, ce qui, à première vue, semble dangereux. J'ai, à ce sujet, interrogé beaucoup de jockeys : ils répondent tous que plus le train est vite, moins il y a de danger pour eux. Cela semble para- doxal, et c'est vrai au fond. Ils se basent sur ceci : lors- qu'un cheval allant à un train modéré vient à butter sur un obstacle et tombe, le jockey se trouve pris sous le cheval ou plutôt, presque toujours, le cheval tombe sur le jockey. Dans ce cas, les chutes sont dangereuses quand elles ne sont pas mortelles. Si, au contraire, la même chute se produit lorsque le cheval est à toute vitesse, le jockey est envoyé à quelques mètres en avant et en est généralement quitte à meilleur compte. En pareil cas, le jockey se roule en boule, se recro- queville, évite soigneusement d'écarter un bras ou une jambe, moyennant quoi il en est presque toujours quitte pour une contusion. En Angleterre, dans les steeples, le cavalier mo- dère l'allure lorsqu'il approche d'un obstacle; il avertit ainsi le cheval de l'effort qu'il aura à faire et lui permet de mieux mesurer son saut. Aussi voit-on 't in' LE SAUT. 217- homme et cheval sauter bien ensemble, c'est-à-dire d'accord. Le système français est plus casse-cou et demande moins de savoir, mais peut aider à gagner une course. Le système anglais se qualifie d'un mot : Good horse manship, c'est-à-dire: bonne équitation de turf. Mais il faut reconnaître que le système français présente plus de chances de succès si le cheval ne tombe pas. Deux jockeys font, selon moi, une brillante excep- tion à la façon dont on monte généralement dans les steeple-chases, Harchet et H. Andrews. Hatchet a une façon de sauter tout à fait remar- quable, et je le suis toujours avec un vif plaisir, parce que sa manière donne absolument raison à cette théorie que je ne me lasserai pas de soutenir, à savoir qu'il n'y a pas deux équitations. Il n'y en a qu'une, qui est bonne toujours, sur le turf aussi bien qu'à la prome- nade, et en dehors de laquelle le succès n'est que pur hasard ou tour de force. Voir sauter Hatchet en steeple est un véritable ré- gal pour le connaisseur. Il reste collé à la selle, et jamais on ne voit le moindre jour entre celle-ci et son assiette. En arrivant sur l'obstacle, il ne porte pas son corps en arrière, sachant que la détente de l'arrière- main le rejetterait en avant; il se coule dans le fond de la selle en arrondissant le dos pour conserver en même temps son assiette et sa souplesse. Il a les mains basses, les bras à demi tendus, les rênes juste assez soutenues pour rester en communication constante ai8 DEUXIEME PARTIE. avec la bouche du cheval. On sent qu'il cède des doigts en même temps que des bras, car jamais il n'est tiré en avant au moment où le cheval allonge la tête et l'encolure pour sauter. Il conserve donc le doigté, — c'est-à-dire le jeu des doigts au lieu des bras. — même dans le train eftréné de la course; et certes bien peu de sportsmen admettront ce fait, qui est pourtant certain. Aussi garde-t-il sa position avant, pendant et après le saut. Il n'v a pas la moindre secousse, tout est et reste moelleux : c'est la perfection. J'entends dire souvent sur les champs de courses : quand un cheval doit tomber, rien ne l'en empêche. On peut se tromper. Évidemment, quand la faute est commise, quand le cheval a manqué, il faut qu'il tombe : mais ce que je veux dire, c'est que telle faute ne surviendra pas avec tel jockey, qui surviendra avec tel autre. La chute du cheval peut dépendre très sou- vent de celui qui le monte. En voici un exemple qui est resté dans ma mémoire et que je cite, car il est concluant : Dans la même saison, à Auteuil, Hatchet, montant BaudreSf gagne neuf courses sur onze: dans les deux courses perdues par lui, le cheval était tombé. Pour des motifs d'ordre personnel, un autre jockey de très bonne réputation monte Baudres. Sur sept courses,- le cheval tombe quatre fois et perd dans les quatre courses où il était tombé. Hatchet remonte Baudres et gagne dix courses de suite sans chutes. Résultat : Bau- dres était tombé quatre fois sur sept avec un bon LE SAUT. 219 jockey : avec un autre jockey, que je considère comme tout à fait exceptionnel, il ne tombe que deux fois sur vingt et une. Chose à noter, et qui aidera peut-être le lecteur à se souvenir des faits que je rapporte, toutes ces chutes se sont produites à la rivière devant les tribunes ^ Hatchet avait une manière très personnelle de prendre le dernier tournant sur ce même champ de courses d'Auteuil. On sait que ce dernier tournant, placé à gauche des tribunes, est très brusque. Hatchet le prenait très court, en ralentissant notablement l'al- lure; les autres conservaient le grand train et étaient par conséquent forcés d'agrandir le tournant : cela n'a l'air de rien et c'est pourtant d'une grande importance. Hatchet, tournant très court, ne perdait pas de terrain bien qu'il eût ralenti son allure, puisqu'il avait moins d'espace à parcourir. Les autres, forcés de prendre le tournant très large en conservant le grand train, avaient plus de terrain à parcourir: et. le tournant effectué, tous se retrouvaient presque sur la même ligne, mais dans des conditions bien différentes et dont Timpor- tance était presque décisive, puisqu'on était à la fin du parcours et que les chevaux avaient déjà fourni trois ou quatre mille mètres. Hatchet, pendant le tour- I. Là, il n'y avait rien à accrocher. Il fallait seulement, comme pour tout saut en largeur, avoir le maximum d'im- pulsion. Vovant Baudres changer de pied à quelques mètres de l'obstacle, — son jockey cherchait à lui relever la tète, — je dis à son propriétaire : « Votre cheval va tomber. » En effet, l'im- pulsion était arrêtée et la chute ne manqua pas de se produire. DEUXIEME PARTIE. nant, — si court qu'eût été l'instant de répit, — avait laissé reprendre haleine à son cheval ; et, revenu sur la ligne droite, ilpouvait exiger un dernier et suprême effort. Les autres n'avaient pas cessé d'être au maxi- minii de leur train ; il leur était donc impossible de demander davantage. Il ne faut pas oublier que, en pareil cas, les che- vaux ne gagnent pas une course avec les jambes, mais avec les poumons, c'est-à-dire avec le fonds. J'ai nommé H. Andrews tout à l'heure; je ne puis résister au plaisir de mentionner, en terminant, les qualités particuUères qui le mettent tout à fait hors de pair. Qui n'a pas vu H. Andrews disputant une arrivée ne peut se figurer l'énorme somme d'énergie qu'il 3^ déploie. Je l'ai vu, perdant sa cravache, pren- dre sa toque pour fouetter son cheval; puis, perdant sa toque, se servir de son bras droit et de sa main avec une vigueur et une ténacité inouïes. Il n'est pas exagéré de dire qu'en arrivant au poteau il commu- nique à son cheval un surcroît d'énergie et le porte en avant d'une façon qui lui est particulière, sans avoir jamais la moindre défaillance. COURSES PLATES aa«: xxy , _ , / Courses plates. J'ai eu occasion de dire que, dans tous les exercices, le cavalier, écuyer ou Jockey, doit avoir le sentiment exact de ce qu'il peut demander à son cheval. On croit généralement qu'il n'en est pas ainsi dans les courses plates, et c'est une erreur: là comme ailleurs rien n'est possible en dehors de cette règle absolue, et ceux qui s'y conforment sont ceux qui arrivent au succès. Dans une course plate, lorsque tous les chevaux ont à peu de chose près la même vitesse et le même fonds, — c'est-à-dire lorsqu'il ne se trouve pas dans le lot un cheval extra, — c'est certainement celui qui pourra mener le train à sa guise qui aura les plus grandes chances ; par conséquent, le succès dépendra du Jockey qui aura le sentiment exact des moyens de son cheval. Il lui donnera précisément le point d'ap- pui qui lui convient et lui fera prendre le train dont on lui a donné l'habitude pendant la fin de son entraî- nement. Il l'y maintiendra pendant la course et réservera le maximum de vitesse pour l'arrivée. Le cheval, n'ayant pas été surmené pendant la course, pourra donner facilement en arrivant au poteau le dernier i^ush dont dépend presque toujours le succès. 2j22 DEUXIEME PARTIE. Je me rappelle que j'ai pu constater ce fait très facilement, il y a quelques années, a-yGcArcludiic, dont tout le monde se souvient. Trois fois de suite, Aixhi- duc a pris la tête et mené la course au train qui lui convenait : aucun cheval n'a pu l'approcher. Mais, au Derby de Chantilly, un autre cheval, Fra Diavolo, voulut prendre la tête. Archiduc et lui de se la dis- puter; et comme, dans ce cas, le seul moyen d'être en tête c'est d'augmenter la vitesse, chacun des jockeys augmentant la sienne, ils étaient à leur maximum avant le quart du parcours. Little Duck était derrière ; son jockey, sans s'occuper des autres, maintenait son train d'entraînement pendant les trois quarts du parcours, réservant ainsi ses moyens pour le dernier moment. Puis tout à coup il le portait au maximum de vitesse, dépassait les autres, qui se trouvaient à bout d'efforts, et gagnait facilement. Le jockey de Little Duck n'avait fait que mettre en pratique le système que nous indi- quons comme une règle formelle. En un mot, il avait su garder une poire pour la soif, c'est-à-dire un reste d'énergie et de vigueur en arrivant au poteau. La plus grande difficulté pour le jockey qui mène une course est d'apprécier la vitesse du train et de rester exactement dans la vitesse qui correspond aux moyens du cheval ^ S'il va au delà de cette vitesse, il essouffle son cheval et perd la possibilité de lui I. Appréciation singulièrement difficile avec une vitesse d'environ mille mètres à la minute. . COURSES PLATES. aij demander le dernier rush. S'il reste en deçà, c'est qu'il fait nécessairement force d'avant en arrière sur les rênes et fatigue par conséquent les reins et les jarrets : or ce sont les reins et les jarrets qui font gagner la course au dernier moment. Du reste, voyez ce que font les meilleurs jockeys : ils gagnent juste au dernier moment, le plus près du poteau possible. C'est l'appréciation parfaite de la vitesse qui leur permet de juger que leurs concurrents ne pourront pas soutenir le train qu'ils ont pris en même temps, et qui leur fait sentir, à eux, qu'ils peuvent encore augmenter le leur. J'ai vu Watts à Chantilly, montant Louis d'Or^ faire de ce principe une application très adroite et très heureuse. C'était la course des gros poids : tous por- taient quatre-vingts kilogrammes. Atalante était fa- vorite et certainement mieux faite pour porter du poids. Watts mit Louis d'Or dans son train, ne se pres- sant pas de rattraper les autres :1a course était de trois mille mètres. Au commencement, il était de deux cents mètres en arrière et, malgré ce retard, il n'augmenta pas sa vitesse. Comme d'habitude, les autres, après avoir marché trop vite, se ralentirent forcément : lui, conservant la même allure et gardant la possibilité de l'augmenter, battit le favori à quelques mètres du poteau. On peut dire sans hésitation que c'est son jugement du train qui lui a fait gagner cette course. F. Archer, gagnant le Grand Prix de Paris avec 224 DEUXIEME PARTIE. Paradox, nous a donné le plus beau spectacle. Comme finesse d'équitation, comme sang-froid, comme talent, il ne s'est pas démenti un instant. Il est d'abord resté derrière le peloton; puis, vers la fin de la course, il est venu se placer près de Reluisant, qui avait gagné le Derby de Chantilly et était son seul concurrent redou- table. Il s'est tenu rigoureusement à côté de lui. Quand il a vu que Reluisant avait déjà donné son maximum, il ne l'a pas devancé, tenant à bien juger de ce qu'il pouvait encore donner ; puis, près du poteau seulement, il a gagné d'une encolure. Mais cette victoire seule ne nous donne qu'une partie du mérite d'Archer. Ce qu'il avait d'admirable, ce qui en faisait un véritable maître, c'est la position qu'il prenait et conservait pendant toute la course. Il était assis dans le fond de sa selle, les Jambes bien descendues, les étriers longs. Quand par moments il se levait sur ses étriers, son assiette effleurait encore la selle. Il n'avait rien de cette position bizarre, pour ne pas dire ridicule, que prennent beaucoup de jockeys et que quelques-uns exagèrent au point qu'entre eux et la selle on pourrait placer un chapeau ^. Archer était toujours assis comme un écuyer, son cheval bien en- cadré entre les mains et les jambes. T. Les jockeys, dont la plupart se tiennent si mal, ne mon- tent plus guère en triangle, comme on disait autrefois, c'est-à- dire avec les trois points d'appui : rênes, selle, étriers. Si cette mode a quitté le turf, elle n'est malheureusement pas encore tombée en désuétude à la promenade. CHEVAL DE CHASSE. 225 On lui reprochait dans les courses de courtes dis- tances de dérober le départ, c'est-à-dire de partir avant les autres. C'était absolument injuste. Au moment où le starter abaisse le drapeau, la plupart des jockeys se contentent de rendre la main et les chevaux partent plus ou moins vigoureusement, comme ils peuvent ou comme ils veulent. Archer ne laissait rien au hasard, il dominait son cheval comme un véritable écuyer qu'il était. Ayant toujours les jambes près, au moment du signal il surprenait son cheval par un vigoureux effet de jambes et le mettait sur ses jainbes instantané- ment et bien avant les autres. Il était déjà dans un bon train quand ses concurrents n'étaient encore qu'au galop de départ. On voit par ces exemples que toutes les équitations se ressemblent, que la science du cavalier est aussi nécessaire au jockey qu'à tout autre. Elle peut se résu- mer en trois mots : jugement, mains, jambes. XXVI Cheval de chasse. Le cheval de chasse doit-il être d'une race particu- lière ? Non ; mais j'estime qu'il doit être choisi parmi les meilleurs chevaux. Le conseil que je puis donner à celui qui veut se monter pour la chasse est de choisir 'S 226 DEUXIEME PARTIE. un cheval né, élevé et entraîné dans le pays où il doit chasser. Il en est des chevaux comme des hommes : il ont des aptitudes naturelles qui correspondent au climat et à la topographie de leur pays. Transplantez- les ailleurs, ils perdent ces qualités d'origine, sans ac- quérir celles des animaux qui sont nés dans la contrée. Prenons, par exemple, le petit cheval des Pyrénées, qui a des qualités merveilleuses. Dans son pays, il est adroit, souple, d'une sûreté à toute épreuve et de plus excessivement sobre. A Pau et dans toute la contrée,, il fait un cheval de chasse excellent et très agréable. Emmenez-le à Rome ou en Vendée : il perdra rapi- dement une part de ses qualités. Il en est de même de tous les chevaux d'autres races. Donc, pour chasser, prenez un cheval du pays. Je ne connais qu'un cheval qui soit bon dans tous les pays et conserve ses qualités, quelle que soit la chasse à laquelle on l'emploie. C'est le cheval anglais appelé le hunter.. Il réunit à peu près toutes les qualités désirables. Il est très près du sang ; toutefois, sa conforma- tion n'est pas du tout celle qu'on recherche pour le pur sang destiné aux courses. On fait celui-ci haut et long; le hunter est plus près de terre : on recherche surtout les qualités de reins et de jarrets ^ I, C'est le seul cheval qu'on n'ait pas essayé de produire en France. Rien n'est plus regrettable, car on y aurait certai- nement réussi comme pour tous les autres chevaux. Mais le Français veut avoir un cheval de chasse à bon marché, en quoi il a tort. CHEVAL DE CHASSE, 227 Son dressage se commence plus tard que celui du pur sang. On le prend à trois ans et demi environ, et on met un an ou dix-huit mois à le former ^ Pour le juger, pour apprécier ses aptitudes, on con- sidère surtout la façon dont il saute, son allure et sa manière particulière suivant la nature de l'obstacle. Si c'est une haie, il doit la prendre avec calme, en raison du peu d'effort qu'il est obligé de faire pour la franchir. Si l'obstacle est haut et fixe, il doit pour ainsi dire se replier sur lui-même, se ramasser en con- centrant ses forces pour un grand effort, et néanmoins aborder l'obstacle bien droit, sans précipitation et sans hâte. Si enfin c'est une rivière assez large qu'il doit passer, son allure doit être toute différente. La tête et l'encolure, qui ne doivent pas être gênées par la main, se tendent; le cheval s'allonge, cherche sur la main un appui léger, mais bien franc, et il s'élance à fond de train, gaillardement, presque joyeusement, comme s'il avait plaisir à sauter. Ce cheval n'a qu'un défaut : il coûte fort cher. On paye couramment de sept à huit mille francs un bon hiinter; s'il a des qualités exceptionnelles, son prix at- teint de douze à quinze mille francs. C'est le seul che- val, je le répète, qui soit capable de chasser partout. I. Son métier est exclusivement de sauter. Il n'arrive à un gros prix qu'à la condition d'être très allant, très sûr et grand sauteur. Son éducation est le résultat d'un long entraînement que permet le prix élevé qu'il atteindra. Les sauteurs ordi- naires sont prêts de trois ans et demi à quatre ans. 228 DEUXIÈME PARTIE. Dans tous les pa3^s, excepté en Angleterre, on a l'habitude de considérer que le cheval de chasse étant sacrifié d'avance et devant être changé souvent en raison des accidents auxquels il est exposé, on doit le payer bon marché, c'est-à-dire qu'on peut n'employer à la chasse que des chevaux de valeur relativement mi- nime. Or il n'est pas un de mes lecteurs qui ne sache par expérience que, lorsqu'il achète un cheval, il est loin d'être sûr d'en avoir pour son argent. Eh bien, je crois que c'est une grosse erreur d'économiser sur le prix du cheval destiné à la chasse. L'Anglais, très pratique et qui connaît la valeur de l'argent, écono- mise volontiers sur ses chevaux d'attelage; mais, pour le cheval de chasse auquel il confie sa vie et dont la solidité est la seule garantie, il ne se laisse pas arrêter par le prix, considérant qu'il ne saurait trop faire pour sa sécurité. On entend souvent dire : « M. X. a du bonheur, tous les chevaux lui réussissent; M. Y. a de la dé- veine, il lui est impossible de mettre la main sur un bon cheval. » Eh bien, soyez sûrs que la chance ne joue pas, en cela, un aussi grand rôle. Si M. X. a sou- vent de bons chevaux, c'est peut-être parce qu'il s'en sert avec justesse, parce qu'il sait apprécier leurs moyens et en user avec mesure, ce qui n'exclut pas l'énergie, au contraire. Si M. Y. n'a jamais que de mauvais chevaux, malgré tous les sacrifices qu'il peut faire, c'est peut-être qu'il est un cavalier insuffisant, qu'il n'a pas le sentiment du cheval, qu'il ignore ce CHEVAL D'ARMES. 229 qu'on peut demander à un cheval et comment il faut le lui demander. A ceux qui veulent bien écouter mes humbles avis, je n'hésite pas à conseiller de rechercher pour lâchasse le cheval le meilleur et le plus solide. Les Anglais disent : Hacking is art^, hunting is pliick (bien monter un cheval de promenade, c'est de l'art; chasser, c'est de Tintrépidité). Ce proverbe, à mon sens, n'est pas tout à fait exact. Sans doute, à la chasse il faut plus de hardiesse qu'à la promenade, parce que le train est beaucoup plus rapide, les obstacles imprévus. Mais, néanmoins, la hardiesse ne remplace pas ce que les Anglais appellent art, c'est- à-dire la science de l'équitation. Je dirai même que cette science est plus nécessaire à la chasse qu'à la promenade, puisque les risques y sont plus nombreux et plus grands. Pour chasser, aussi bien que pour se promener ou courir, il faut savoir iiionter à cheval. Le cheval d'armes \ Je me suis proposé d'étudier dans cet ouvrage tous les genres d'équitation. Jusqu'à présent, je n'ai 1. La vérité m'oblige à dire que j'ai toujours vu plus de hacking que de art à Rotten 7-ow. 2. Je prie d'avance qu'on veuille bien excuser la liberté et 2J0 DEUXIÈME PARTIE. parlé que de l'équitation de luxe, du sport, et du dres- sage auquel il convient de soumettre le cheval qui y est destiné. Mais le cheval de selle n'est pas seulement des- tiné au sport, et l'équitation n'est pas seulement affaire de luxe. A l'époque où nous vivons, le cheval est un élément essentiel de la force militaire d'un pays ; le cheval est un instrument, une arme de guerre qu'il faut savoir choisir, préparer et manier. Les dernières guerres ont prouvé que la cavalerie est appelée à jouer un rôle décisif. Partout on s'efforce de la rendre plus nombreuse et plus forte. Tout ré- cemment, des brochures, des articles de journaux et de revues ont montré à quel point l'attention est portée sur cet objet. Qu'il me soit permis — ou tout au moins par- donné— de dire quelques mots du cheval de guerre^ L'élément constitutif de la cavalerie, c'est le cheval même la vivacité de mes critiques en raison de l'absolue con- viction où je suis qu'elles ne sont que trop fondées. Je crois d'ailleurs que beaucoup de personnes, bien placées pour parler de ces choses avec compétence, souscriraient volontiers à la plupart de mes observations, si elles avaient la liberté de le faire. I. A mon avis, c'est le cheval de demi-sang qui convient le mieux pour la guerre. Au début de ce livre, j'avais dit que le pur sang a toute ma préférence. Ce n'est pas une contradiction. Le pur sang a des qualités qu'on trouve rarement chez les autres au même degré : la vigueur, l'énergie, la finesse. Mais ces qualités ne sont pas les seules désirables chez le cheval destiné à l'armée. Le pur sang surmontera peut-être les fatigues mieux que tout autre. Dans une charge, il aura un élan merveilleux, incom- CHEVAL D'ARMES. 231 de troupe, le cheval du soldat, qui doit avoir des qualités particulières, dont les principales sont la solidité et la résistance. Avec lui, il n'est pas question de finesse, d'effets savants, non plus que d'allures spé- ciales. Il faut qu'il porte son homme, il faut qu'il le porte sûrement, longuement, et que la vigueur de sa constitution lui permette de résister aux fatigues et à toutes les misères d'une campagne. Il faut encore qu'il ne coûte pas trop cher, car l'argent reste, malgré tous les progrès et toutes les innovations, le premier nerf de la guerre. Un cheval ne coûte pas seulement la somme en échange de laquelle son propriétaire l'a cédé. A cette première mise on doit ajouter tout ce qu'il a coûté depuis l'achat jusqu'au jour où il est réellement bon pour le service. Un cheval payé mille francs, qu'il faut conserver, soigner, nourrir dans un dépôt pen- parable. Mais comment supportera-t-il toutes les privations, toutes les misères d'une campagne? En Grimée, les Anglais ont perdu la plupart de leurs chevaux de pur sang. Les normands, les percherons, les bretons, les auvergnats ont admirablement résisté. Le cheval de guerre doit être rustique. Il faut que, sans être hors de service, il- subisse la faim, le froid, la pluie, la neige, les nuits sans abri et sans couverture. Le pur sang est-il capable de cette endurance? Je ne le crois pas. Tant que la race n'aura pas été endurcie, elle donnera des chevaux admirables; mais elle ne fournira pas le cheval résis- tant, endurant, qu'il faut pour la guerre. J'ajoute que, pour se servir du pur sang, il faut avoir une connaissance de l'équitation plus complète que ne la reçoivent les hommes de troupe. 2ja DEUXIEME PARTIE. dant un an avant de l'envoyer au corps, coûte en réalité deux mille francs le jour où il prend place dans le rang. Je n'ai pas la prétention d'aborder ici des questions financières ou militaires qui sont absolument hors de ma compétence. Je raisonne simplement en homme de cheval. Je dis que, lorsqu'il s'agit du cheval de troupe, il faut considérer en même temps les qualités indispensables du cheval et son prix de revient. Si je ne m'occupais que des qualités, en laissant de côté la question d'argent, ma théorie pourrait paraître vaine. Or j'ai l'ambition unique, mais très ferme, de n'énoncer que des faits pratiques et de ne conseiller que des choses possibles. Tout le monde sait comment sont recrutés les chevaux pour l'armée. Des commissions de remonte se transportent dans les différents centres d'élevage, examinent les chevaux de trois à quatre ans et font les achats. Ces visites sont forcément prévues. Pour les chevaux de quatre ans, les marchands de tous pays, de l'étranger surtout, s'appliquent à devancer la re- monte et à acheter ce qu'il y a de mieux, ce qui leur est facile, puisqu'ils offrent un prix supérieur. La remonte choisit les meilleurs dans ce qui reste. Ces chevaux, considérés comme impropres à tout service en raison de leur âge, sont dirigés sur des dépôts où ils sont entretenus jusqu'à l'âge de cinq ans. Quelquefois ils sont mis en pension moyennant indemnité chez des agriculteurs. CHEVAL D'ARMES. 2jj Je laisse de côté tous les détails pour arriver au point principal, qui est celui-ci : quel que soit l'âge du cheval au moment oià on l'achète, on considère que, jusqu'à cinq ans, on ne doit rien lui demander. A partir de cinq ans seulement % on commence à l'exercer, à le soumettre à un travail régulier plus ou m.oins rationnel, en un mot à le dresser. C'est une tradition, c'est un principe. Eh bien, au risque de heurter toutes les idées reçues, je dis que la tradition est une erreur, que Iç principe est faux, que le système est mauvais. Attendre le cheval jusqu'à cinq ans pour l'exercer, le dresser, l'entraîner en vue des services de guerre, c'est perdre un temps précieux. C'est accumuler des dépenses qui doublent au moins son premier coût, et compromettre ses qualités naturelles, qui s'atrophient faute de l'alimentation suffisante et de l'exercice néces- saire donnés en temps voulu. A trois ans et demi, un cheval- bien conformé, et 1. Administrativement les chevaux ont cinq ans, parce que l'on compte leur âge à partir du i" janvier. En fait, ils ont quatre ans et neuf mois puisqu'ils sont nés au printemps. Les chevaux arrivent dans les régiments dans la première quinzaine d'octobre de l'année où ils ont pris quatre ans. Ils ont donc quatre ans et six mois. On les met à Tescadron de dépôt pour le débourrage. Là ils s'habituent à l'écurie, à la selle, au port de l'homme et aux objets extérieurs. Dans la première quinzaine de janvier, c'est- à-dire à quatre ans et neuf mois, ils sont versés dans leur esca- dron et le dressage commence. 2. J'entends le cheval français, de quelque contrée qu'il arrive. 2U DEUXIÈME PARTIE. qui a été suffisamment nourri et exercé, est assez développé et assez vigoureux pour supporter l'exercice gradué qui précède et facilite le dressage. A quatre ans, il peut être convenablement dressé et bon pour le ser- vice du corps. Après quelques mois de ce service, il est entraîné et possède la solidité et l'endurance qui sont les qualités maîtresses du cheval de guerre. Si l'on veut rompre avec la routine, si l'on veut adopter un système suffisant d'alimentation et un dres- sage rationnel, on obtiendra un cheval de troupe qui, à quatre ans et demi, vaudra, dans son ensemble, autant et même mieux que le cheval de six ans ne vaut actuellement ^ D'oià vient donc l'idée, profondément enracinée, que, avant l'âge de cinq ans, le cheval ne peut être utilisé dans l'armée? D'où vient que tant d'hommes éminents qui se sont occupés des remontes ont admis et consacré ce principe? J'imagine qu'on a simplement constaté que les chevaux de cinq ans, tels qu'on les obtient, sont encore bien faibles et incomplè- tement développés. Partant de là, on en a conclu qu'il serait impossible de les utiliser plus tôt. On s'est arrêté au fait, sans en rechercher les causes. Et pourtant, la preuve est faite depuis longtemps, et constamment renouvelée, que le cheval suffisamment nourj^i et exercé peut, à trois ans, faire les plus grands efforts et soutenir les allures les plus rapides 2. 1. Après le dressage. 2. Si l'on m'objecte que quelques sujets (quelques-uns seule- CHEVAL D'ARMES. 23S Prenons comme exemple les chevaux normands de demi-sang. Ils passent pour être les moins précoces de tous ceux que produit la France, et il est générale- ment admis qu'ils ne peuvent être prêts et ne possèdent toutes les qualités que vers l'âge de six ans. La Normandie produit en abondance les chevaux de demi-sang. Les poulains se classent tout naturellement chez ment) peuvent en souffrir, je re'pondrai que je ne propose de mettre en dressage que les chevaux de trois ans et demi et memetroisansneuf mois, puisqu'il y a trois mois de préparation. Enfin je ne leur demande pas d'efforts comparables à ceux des chevaux de même origine qui courent à trois ans sur les hippo- dromes et qui ont été entraînés à deux ans et demi au plus tard. On objecte encore la différence du poids porté par le cheval de course et par le cheval d'armes. Cette différence est en effet considérable. Mais le cheval d'armes a déjà un an de plus que le cheval de course. Sa construction plus massive le dispose mieux à porter du poids. Il est plus résistant. Il ne porte son plein paquetage que dans des circonstances exceptionnelles, et on lui demande des efforts beaucoup moins énergiques. Si l'on procède graduellement, comme on fait pour les chevaux de course, on arrivera sans plus de difficulté à lui faire le dos. Quant aux théoriciens purs qui veulent attendre la com- plète ossification des cartilages avant de mettre le cheval en service, je leur réponds en leur conseillant d'acheter les che- vaux à cinq ans et demi pour qu'ils soient prêts à six ans. On n'en trouve pas, diront-ils. Pourquoi? parce que le commerce les livre beaucoup plus tôt à l'acheteur. C'est donc que tout le monde est d'accord dans la pratique pour faire usage du cheval beaucoup plus tôt: ce qu'il fallait démontrer. Naturellement je recommande de ménager le cheval de quatre ans. Mais ce qui importe, c'est de constater qu'il est, dès cet âge, en état de faire son service, et c'est ce qu'il est possible d'obtenir, si on veut bien faire le nécessaire. 236 DEUXIEME PARTIE. l'éleveur suivant leurs origines d'abord, mais ensuite et surtout d'après leurs formes et les espérances qu'ils donnent. Il s'établit en fait trois catégories principales et bien distinctes d'élèves : 1° Les trotteurs, destinés aux hippodromes; 2" Les chevaux de luxe* et de commerce; 3° Les chevaux de remonte. Les trotteurs, à deux ans ou deux ans et demi au plus tard, sont progressivement exercés, entraînés. A trois ans, ils ont généralement toute leur taille. Ils sont bien en forme, en pleine vigueur et ils courent. Les plus belles courses au trot, les plus importantes comme parcours et comme prix, sont réservées aux chevaux de trois ans. Un parcours moyen de quatre mille mètres est actuellement franchi au trot en près de six minutes et demie. Souvent le parcours est de six mille mètres. Le trotteur qui le fournit doit avoir la vitesse et le fond. Il exécute pendant la période d'entraînement et pendant la course le maximum des efforts qui peuvent être demandés à un cheval*. 1. Cette catégorie comprend les chevaux proposés au service des haras comme étalons, et qui, n'ayant pas réuni les condi- tions requises, sont castrés et livrés au commerce. 2. Il est intéressant de noter à ce propos que les demi-sang résistent mieux et plus longtemps que les pur sang aux grands efforts des hippodromes sans se tarer. Le nombre des pur sang qui claquent en courant, ou même à l'entraînement, est très grand, tandis que cela est rare chez les demi-sans. CHEVAL D'ARMES. SJ7 Le cheval de luxe, destiné au marchand qui peut payer un bon prix, est encore presque un poulain à trois ans. Sa taille est incomplète, ses formes sont grêles et à peine arrêtées. Il est mou, et tout effort doit lui être épargné. Vers quatre ans ou quatre ans et demi seu- lement, il approche de sa taille, paraît musclé et est capable d'un travail mesuré. C'est à ce moment qu'on le trouve chez le marchand, gras, luisant et prêt... pour l'amateur qui n'est ni pressé ni exigeant. Mêmes observations pour le cheval de commerce, qui ne se distingue du précédent que par sa valeur moindre. Le cheval de remonte, à trois ans, est une complète non-valeur. De trois à quatre ans, lorsqu'on le présente à la commission d'achat, il est généralement engraissé. Quelques rations d'avoine données au dernier mo- ment, le fouet et le gingembre lui donnent une appa- rence de vigueur. Il n'a en réalité ni muscles, ni allure, ni fond. Livré à lui-même, il s'affaisse et se porte sur les épaules. Il n'est prêt pour aucun service. Voici donc des chevaux qui ont, à peu de chose près, la même origine, qui proviennent du même éle- vage : les uns sont complets à trois ans et résistent à l'entraînement et aux courses, c'est-à-dire au travail le plus dur. Les autres, à quatre ans et demi, sont à peine prêts pour un travail très modéré. Les derniers enfin, à quatre ans et demi, ne sont bons pour aucun service. Il faut leur donner des soins, leur laisser prendre de la force, leur donner les muscles qui leur manquent. ajS DEUXIÈME PARTIE. D'où vient cette différence ? Est-ce la nature qui se montre plus précoce chez les uns que chez les autres, alors qu'ils sont tous de la même origine et soumis au même élevage? Est-ce que le cheval serait plus tardif lorsqu'il a moins d'élégance dans ses formes et moins de rapidité dans ses allures? Nullement. Cette différence si grande provient uniquement des procédés d'alimentation et d'éducation employés pour les di- verses catégories de chevaux. Si on appliquait à tous les mêmes procédés, on trouverait chez tous la même précocité, le même développement, la même vigueur. Les formes, les allures, les aptitudes, différeraient suivant les sujets, mais tous seraient amenés à un point commun; tous, à trois ans, auraient la force de résistance nécessaire pour le service, quel qu'il soit. Le trotteur de demi-sang qui est entraîné et court à trois ans en est la preuve. L'effort qu'on lui impose est extrême et hors de toute comparaison avec le tra- vail qu'on demande au cheval de luxe ou au cheval de troupe. Il le supporte assez bien pour durer au- tant, sinon plus que tout autre, sans tare ni usure prématurée. Mais il est nourri solidement dès le premier âge, et il est exercé de bonne heure, méthodiquement. En somme, il est élevé comme les pur sang. Les pur sang ne deviennent pas tous des chevaux de course; mais tous sont élevés, au début, en vue des courses. Dès leur naissance, ils reçoivent des soins et une nourriture appropriés aux efforts qu'ils auront à CHEVAL D'ARMES. 2J5> faire. Ils mâchonnent un peu d'avoine dès leurs pre- miers jours. A six ou huit mois, leur ration est déjà de six litres par jour. A dix-huit mois, ils sont mis à l'écurie, fortement nourris et soumis à l'entraînement. A deux ans, ils figurent déjà dans des courses spéciales. On procède de même pour les demi-sang destinés aux courses au trot, mais avec un peu plus de lenteur, puisqu'ils ne courent qu'à trois ans. Pour les uns et les autres, on aide la nature par l'alimentation; on la seconde en développant l'organisme par un exercice gradué et constant. La vérité est que, pour les autres chevaux, loin de seconder la nature, l'éleveur la contrarie, l'entrave par une alimentation insuffisante. Le cheval grandit vite; sa charpente osseuse, son système musculaire, sa masse sont considérables. Pour que cet organisme puissant croisse si rapidement, pour que le sujet gran- disse sans s'anémier et en acquérant au contraire la force voulue, il faut que son alimentation soit riche et qu'un exercice rationnel du système musculaire favo- rise et active le développement. Car, à l'exception de ceux qui sont destinés aux courses ou aux haras, les poulains et les jeunes chevaux ne sont ni nourris, ni exercés. Ils sont élevés à l'herbe et au repos, c'est-à-dire le plus économiquement possible, parce que l'élevage est un métier. Sous l'influence de ce régime aqueux, peu sub- stantiel, par suite du défaut d'exercice, le cheval est a+0 D E U X I E M E P A R T I E. retardé à tous égards. Il grandit plus lentement, ses os se soliditient tardivement, ses muscles n'ont aucun relief. Bien plus, en avançant en âge. au lieu de ga- gner en vigueur, il se débilite et s'appauvrit de plus en plus. A trois ans, il n'est qu'en retard; à quatre ans et surtout à cinq ans, il est profondément anémié : c'est alors, pour ainsi dire. //;/ malade qu'il faut refaire, qu'il faut reconstituer. Par un régime qui est ou devrait être un véritable traitement, il faut corri- ger, réparer celte économie appauvrie. Je suis per- suadé qu'on n'y arrive qu'incomplètement, et qu'un cheval ainsi refait tardivement ne devient jamais aussi bon qu'il l'aurait été avec un autre mode d'élevage. Et plus on attend pour restaurer le jeune cheval, pour Vengrainer, comme on dit, plus le traitement est long et chanceux. Pour un cheval de trois ans, quelques mois suffisent le plus souvent. Pour un cheval de quatre ans, et plus encore pour celui de cinq ans, il faut un an et plus. Et ce fait indéniable ne s'explique que trop aisément : l'animal a souffert plus longtemps, l'anémie est plus accentuée et l'appauvrissement géné- ral est devenu pour ainsi dire organique. C'est à cet état d'appauvrissement, d'anémie, qu'il faut attribuer les cas de mortalité nombreux chez les jeunes chevaux. La débilité qui résulte de l'insuffi- sance de la nourriture pendant la période de crois- sance, le manque de vitalité, les laissent sans force de résistance contre la moindre maladie ou le moindre accident. C'est de la même cause que proviennent ces CHEVAL D'ARMES. 241 maux nombreux, gourmes et autres, et ces boiteries sans cause apparente et sans fin qu'on attribue au jeune âge. Le cheval jeune, s'il a été élevé dans de bonnes conditions, est vigoureux et sain. Il n'est faible et mala- dif que parce que le défaut d'alimentation suffisante et d'exercice l'ont conduit au lymphatisme, à l'anémie. Les chevaux normands sont généralement lympha- tiques, mous, tardifs. C'est que la Normandie produit moins d'avoine que les autres pays d'élevage, et qu'à l'exception des trotteurs, les jeunes chevaux n'en mangent pas. La race s'en ressent et elle dégénérerait avec ra- pidité, si les étalons n'étaient pas choisis parmi les trotteurs qui, élevés et toujours maintenus en bonne condition, corrigent fort heureusement, en partie au moins, le lymphatisme de la mère, qui, elle, a souf- fert dans ses premières années. Qu'on ne dise pas que les trotteurs sont des excep- tions, qu'ils n'arrivent à être à trois ans dans un ma- gnifique état de développement et de vigueur que par la raison qu'ils sont des sujets exceptionnels. Non, les trotteurs ne sont pas des sujets exceptionnels. A côté des plus brillants qui sont seuls cités, il y a des trotteurs en abondance qui figurent dans des petites courses locales et font, sortis de l'hippodrome, un excellent service. Souvent ils n'ont rien de remar- quable en dehors de leur allure. Rien dans leur aspect, dans leurs formes, ne les désigne à l'attention. Ils ne sont pas plus précoces que les autre par 16 i+-i DEUXIÈME PARTIE. nature : ce sont les soins, l'alimentation, Téducation qui les ont avancés, tandis que les autres ont été retardés. A trois ans et demi, le cheval de nos contrées peut aToir à peu près toute sa taille, sa vigueur, et être prêt pour le dressage. S'il en est autrement, c'est qu'il a souffert, et l'état de son développement est en raison directe de Talimentation et de l'exercice rationnels qui lui ont été donnés. Autrefois, parmi les écuyers, il était de règle que, pour dresser un cheval en haute école, il fallait attendre qu'il eût au moins sept ans. Pendant de longues années, j'ai pensé et agi comme tous les autres : pour faire mes chevaux d'école, je prenais des animaux de sept à huit ans. Peu à peu, j'ai été frappé par ce que je voyais sur les champs de courses. A Epsom, à Chantilly, à Auteuil, à Long- champ, les épreuves 'es plus longues, les plus redou- tables étaient réservées aux chevaux de trois ans *. J'obsenais que, pour dresser un cheval d'école, je ne lui imposais pas le dixième dos efforts que nécessitent l'entraînement et les courses. Partant du principe « qui peut le plus peut le moins >», j'en arrivai à con- clure que le cheval qui, à trois ans, peut supporter de I, On m'objectera sans doute qu'un très grand nombre sont claqués à l'entraînement. Je répondrai qu'ils sont entraînés à dix-huit mois, ce qui est très périlleux. Enfin je propose de commencer le dressage à trois ans et demi, et les efforts que je demande sont hors de proportion avec ceux qu'exige Fentraînement. CHEVAL D" ARM ES. r^j tels efforts, pourrait tout aussi bien et même beaucoup plus facilement supporter le dressage d'école. Ce raisonnement me parait fort simple aujourd'hui, mais si simple qu'il fût également alors, je ne le faisais qu'avec une extrême timidité, si grande est la force des idées reçues. Chaque fois que je l'exposais à des hommes de cheval, aux autorités de Tépoque, j'érais écouté avec un haussement d'épaules et traité de fou. Depuis, j'ai appris que toute tentative d'innovation a beaucoup de chance d'être accueillie de la sorte. Je me décidai pourtant à une expérience, non sans de grandes appréhensions, et je pris un cheval de quatre ans, bien soigné et nourri. Je trouvai chez lui autant de force et beaucoup plus de souplesse que chez mes autres élèves de sept ans. Encouragé par la réuJisite, j'essa}*ai un cheval de trois ans avec le même succès. Depuis, j'ai dressé en haute école une vingtaine de pur sang de cet âge, et toujours j'ai obtenu des résultats meilleurs qu'avec des chevaux plus âgés. Eniin, j'ai poussé l'expérience plus loin, pour me rendre compte de la somme d'efforts qui peut être sans inconvénient imposée au très jeune cheval. J'ai dressé, à deux ans, r;>a)j:\% jument pur sang, par ]'crmouth et Vhui^Ytt^:' . A trois ans, son 1. On niobjecierd naturellement la /reViViVe des pur sang. Mais aussi s agit-il d'un cheval de deux ans. D'ailleurs, la/reco- cité de ralimentation et de la gymnastique m'a toujours paru avoir un eiïet plus décisif que la prccwité de la race. 24+ DEUXIÈME PARTIE. éducation était complète comme cheval de prome- nade, d'obstacle et d'école; elle était médaillée au concours hippique. Elle a sept ans aujourd'hui ; elle est absolument saine, nette et n'avait pas, quand je l'ai livrée, la moindre molette. Je pourrais citer beaucoup d'autres exemples. J'ai voulu seulement expliquer comment l'expérience m'a amené à cette conviction absolue : prendre le cheval à trois ans et demi pour le dresser et l'entraîner en vue d'un service quelconque, c'est le commencer à l'âge où tous les chevaux convenablement élevés et nourris peuvent supporter le travail. Bien plus, c'est le prendre à l'âge où l'exercice musculaire, progressive- ment donné, leur est indispensable. Cet exercice, loin de provoquer des tares ou une usure prématurée, for- tifie les membres et tout l'organisme, met rapide- ment l'animal en pleine possession de tous ses moyens. A trois ans et demi, un cheval est plus souple et plus facilement éducable qu'à cinq ans. Il n'a pas encore pu contracter des défauts de caractère qu'on lui trouve plus tard et qui sont presque toujours le résultat de la maladresse ou de la brutalité des hommes qui l'ont approché. Il n'a pas encore à l'état invétéré la mauvaise habitude, que prennent tous les chevaux abandonnés à eux-mêmes, de se porter presque entière- ment sur leurs épaules, d'où il suit que l'arrière-main reste en retard et est moins développé que l'avant- main. On peut donc aisément l'amener à prendre de lui-même, à garder la position désirable, nécessaire. CHEVAL D'ARMES. 24$ c'est-à-dire à contracter l'habitude de reposer égale- ment sur ses quatre membres. Ce dernier point est de la plus grande importance, car c'est le bon équilibre qu'il faut avant tout recher- cher pendant le dressage et dans toute équitation. Le cheval ne doit être ni sur ses épaules, ni sur ses hanches. Tout son poids, et aussi celui du cavalier, doit être supporté également par les unes et par les autres. Ce n'est qu'à cette condition qu'il est léger, mobile et sûr ; ce n'est aussi qu'à cette condition qu'il pourra faire un service prolongé et rigoureux sans en souffrir. Lorsqu'un cheval a pris et a conservé long- temps l'habitude de se tenir et de se mouvoir dans un mauvais équilibre, sa conformation s'en ressent : elle se modifie, se fausse, et il est presque impossible d'y remédier. Si, par exemple, — et c'est le cas le plus fré- quent, — le cheval est sur ses épaules, l'arrière-main,. faute d'exercice et de développement, reste mou et traî- nant, tandis que l'avant-main fait un trop grand effort et est surmené. L'avant-main, surchargé, alourdi, se déplace difficilement dans les changements de direction ; la moindre faute, la moindre défaillance peuvent entraîner la masse. Les membres qui tra- vaillent avec excès souffrent et s'usent rapidement. 11 n'y a pas d'autre cause à ces réformes préma- turées qui, chaque année, déciment l'effectif des esca- drons de cavalerie et mettent tant de chevaux hors de service, à l'âge où ils devraient être en pleine valeur. 24(5 DEUXIÈME PARTIE. Le bon équilibre à donner au cheval est la partie la plus essentielle du dressage. Nul ne contestera qu'à trois ans et demi, le cheval est plus facilement édu- cable qu'à cinq ans. A ce seul point de vue, qui est capital, il y a le plus grand intérêt à prendre le cheval à trois ans et demi. Toute la question est de savoir si, oui ou non, à l'âge de trois ans et demi, le cheval peut être assez développé, assez vigoureux pour être dressé et utilisé: à cet égard, toute théorie, toute dissertation est inutile; les faits seuls ont une signification, une valeur. Or les faits sont indéniables et constants. Les chevaux de demi-sang peuvent être dressés et entraînés pour les courses dès l'âge de deux ans et demi, et arriver au magnifique état de développement et de vigueur qui leur permet de courir à trois ans. Le travail, l'effort qu'on leur impose pendant les six mois d'entraîne- ment et pendant les courses est vingt fois, cent fois plus considérable que celui que nécessite le dressage très modéré et restreint qui convient au cheval de troupe. On est donc fondé à conclure, et — je le fais avec la plus entière conviction, — que le cheval de remonte doit être acheté à trois ans et, en fixant cet âge moyen, on fait la part encore très large aux races les plus tardives et aussi aux procédés courants de l'élevage qui, étant aussi économiques que possible, resteront, malgré tout, î^etardants. Les chevaux de remonte ne sont ce qu'on les voit actuellement à quatre ans et demi et à cinq ans que CHEVAL D'ARMES. 247 parce qu'ils n'ont été ni nourris convenablement, ni exercés. Je ne crains pas d'ajouter qu'ils valaient beau- coup mieux à l'âge de trois ans, parce qu'ils avaient moins longtemps souffert, parce que le régime aqueux, débilitant qui leur est donné chez l'éleveur, déjà insuf- fisant pendant les trois premières années, devient tout à fait désastreux pendant la quatrième et la cinquième. De trois à cinq ans, avec le régime de l'éleveur, le jeune cheval ne gagne plus; il perd. Et quoi qu'on fasse, quelque prix ou prime qu'on donne au producteur, il ne nourrira pas convenable- ment, suffisamment ses élèves de trois à cinq ans, parce que ce n'est pas son intérêt. Mais ce qu'on obtiendra de lui sans difficulté, c'est qu'il présente des chevaux de trois ans en bon état. Précisément parce que l'éleveur fait un métier, il a un intérêt majeur à se débarrasser de ses produits le plus tôt possible. Sachant que tout cheval bien venu et bien développé à trois ans lui sera pris, il fera le nécessaire pour favoriser le développement de l'animal. Pour le cheval qu'il vendra à trois ans, — à un prix même inférieur à celui qu'il obtient aujourd'hui de quatre à cinq ans, — il pourra faire des frais de nourriture qu'il lui serait impossible de prolonger plus longtemps. Et ces frais, il les fera forcément, sous peine de ne pouvoir vendre son produit. Car, avec le cheval de trois ans, il n'y aura guère de supercherie. Il faudra, en première ligne, qu'il ait la taille, et il ne l'atteindra que s'il a été bien soigné et nourri. 248 DEUXIÈME PARTIE. Enfin, l'État, achetant de jeunes chevaux, ne se heurtera plus à la concurrence des marchands de tous les pays, parce que ceux-ci ne peuvent pas faire ce qu'il fera. Le marchand, en effet, n'achète que pour revendre immédiatement ou à très bref délai. Or le cheval de trois ans, sortant de chez l'éleveur, n'est pas prêt pour le service, même de luxe. Il doit être engrainé et dressé pendant un temps assez long : un an environ. Actuellement, lorsque la remonte achète un cheval de trois à quatre ans, elle le met en pension chez un agriculteur, qui a d'ailleurs tout intérêt à le nourrir médiocrement, ou elle le dirige sur un de ses dépôts. Ici ou là, le cheval se trouve dans des conditions meil- leures qu'à l'élevage, mais encore insuffisantes. Il ne profite pas autant qu'il devrait, et pendant dix-huit mois on l'attend. J'estime, au contraire, que ces jeunes chevaux de- vraient être commencés immédiatement et soumis dès les premiers jours au régime qui peut achever leur développement, leur donner la vigueur et la docilité désirables et les amener à être, au bout de six mois, prêts pour le service. En un mot, dès le premier jour, on doit commencer l'engrainement et le dressage. Mais à ces deux opérations menées de front, il faut procéder méthodiquement, graduellement. Le dépôt ne doit plus être une écurie-bergerie, ainsi que le définissait récemment un général; il doit être une véritable école de dressage, étroitement surveillée, CHEVAL D'ARMES. 2+9 dirigée par un iiomme compétent, n'ayant sous ses ordres que des cavaliers déjà complètement formés. On n'engraine pas les Jeunes chevaux en les bour- rant d'avoine, pas plus qu'on ne les dresse en leur donnant simplement beaucoup de mouvement et en les poussant dans leurs allures. Le cheval a de trois à quatre ans^ Il vient de chez l'éleveur et il est mis à l'écurie. Voici dans quelles conditions et avec quelle progression on doit, suivant moi, lui distribuer la nourriture et le travail pendant les trois premiers mois : PREMIER MOIS i^^ qiiiniaîne. — Six litres d'avoine par Jour-. Deux le matin, deux à midi et deux le soir. Une heure de promenade à la main, au manège, ou mieux en plein air, si le temps le permet. 2® quinzaine. — Sept litres d'avoine. Deux le matin, deux à midi, trois le soir. Même promenade à la main. 1. La castration doit être foite au moins six mois avant tout travail, soit au plus tard à deux ans et demi. Les chevaux montés trop tôt après l'opération restent toujours faibles des reins. On observe chez eux un balancement de croupe qui est caractéristique. 2. Je suppose un cheval qui n'a jamais mangé d'avoine. S'il a été élevé à l'avoine, on devra lui donner huit litres immédia- tement : deux le matin, trois à midi, trois le soir. Quand je parle é.'avoine^ c'est l'avoine indigène que j'en- tends, et non ce produit exécrable qu'on distribue encore aux troupes sous le nom d'avoine blanche de Russie. 2SO DEUXIÈME PARTIE. Mettre les chevaux à la longe, cinq minutes par jour, moitié au pas et moitié au tout petit trot. DEUXIÈME MOIS i'^ quiuyaijie. — Huit litres d'avoine. Deux le matin, trois à midi et trois le soir. Augmenter la promenade à la main d'une demi- heure. Augmenter peu à peu le travail à la longe, jusqu'à faire trotter cinq minutes sur chaque main sans arrêt. Mettre quelques minutes d'intervalle entre les chan- gements de main. 2'' qui?i{ame. — Neuf litres d'avoine. Trois le ma- tin, trois à midi et trois le soir. Mêmes promenades et même travail à la longe. Généralement on fait faire au cheval trois repas de six heures du matin à six heures du soir, — soit en douze heures, — puis on le laisse douze heures sans manger. Je trouve cette distribution mal réglée, l'avoine du matin doit être donnée à cinq heures, et celle du soir à huit heures. TROISIÈME MOIS i'^^ quin'{aine. — Dix litres d'avoine. Trois litres le matin, quatre à midi, quatre le soir. Pour la grosse cavalerie, on doit arriver à douze litres. Cette ration devra se continuer. Mêmes promenades. Vers la fin du travail à la longe, tâcher d'augmenter l'allure du trot CHEVAL D'ARMES. 251 pendant une minute de chaque côté. Faire monter les chevaux en couvertes, avec un simple bridon, au pas, pendant cinq minutes, les hommes n'ayant ni cravache ni éperons. Faire seller les chevaux à l'écurie en les sanglant doucement et très peu. Laisser les selles quel- ques minutes seulement, mais augmenter ce temps progressivement. 2^^® qui?i{aine. — Mêmes exercices, seller et brider les chevaux à l'écurie, et les mettre tête à queue. Les brider après le travail à la longe, et commencer les flexions directes de la mâchoire. Faire trotter les che- vaux à la longe sellés et bridés, et laisser pendre les étriers. Ne jamais permettre le galop à la longe tant que le cheval n'est pas dressé et bien équilibré (cela le met trop sur ses épaules). Pour mettre les chevaux à la longe, point de caveçons : le bridon suffit, et n'importe quelle corde légère, la corde à fourrage, par exemple, peut être utilisée. Quand on fait monter les chevaux, quelques hommes doivent rester en réserve pour prendre par , la bride les chevaux qui ne voudraient pas suivre la piste. Il ne s'agit point de dressage ici, mais simple- ment de faire les reins du cheval et de l'habituer à porter l'homme. Après trois mois du régime que Je viens d'indi- quer, les chevaux sont assez engraiiiés pour supporter plus de travail. Ils se sont développés au trot, ils por- tent l'homme, se sellent, se brident, et ont été un peu décontractés par les flexions : ils sont prêts à en- X5S DEUXIEME PARTIE. trer en dressage, que dis-je ! leur dressage est déjà en bonne voie. En effet, on ne demande au cheval de troupe que FA B C du dressage, point de finesse : mieux vaut même qu'il réponde à des effets un peu fermes, car il faut prévoir les mains dures et les jambes brusques. Pourvu que le cheval se porte hardiment en avant sur l'action des jambes, en s'ap- puvant franchement sur le filet, qu'il prenne le pas, le trot ou le galop sur les deux pieds, qu'il saute, qu'il tourne et recule à volonté, son dressage est ter- miné. Nous ne demandons ici que l'équilibre horizon- ial. Sans doute, il faudra aussi chercher à obtenir la mise en main ; toutefois, elle ne devra pas être impo- sée. Il suffira que le cavalier sache, si besoin est, replacer la tête de son cheval dans la position dont dépend Féquihbre. Il reste à habituer les chevaux à ne s'effrayer d'au- cun objet, ni d'aucun bruit. Le cheval d'armes doit être franc, passer et marcher sur tout. Pour l'y accou- tumer, on multipliera dans le manège, sous ses pas, les objets les plus divers. C'est pendant qu'il est à l'écurie, au moment de donner l'avoine, qu'on lui fera prendre l'habitude de tous les bruits : tambours, clai- rons, cliquetis d'armes, coups de feu, etc., etc. J'estime que trois mois suffisent pour que ce dres- sage élémentaire et spécial soit mené à bonne fin, quel que soit le sujet. Après ces trois mois de préparation, il reste à pro- céder au dressage proprement dit. CHEVAL D'ARMES. ajj PREMIER MOIS i'^ quinzaine. — Commencer par le trot à la longe, les chevaux sellés et bridés. Leur donner une vitesse de plus en plus grande, en se servant de la chambrière pour bien faire engager l' arrière-main. Les pousser pendant quelques instants presque à leur maximum, en ayant bien soin de ne pas dépasser leurs moyens, parce qu'on aboutirait à les jeter sur les épaules ou à les détraquer. Ce travail doit durer cinq minutes de chaque côté. Monter les chevaux au pas pendant un quart d'heure, sans rien leur demander, pour faire leur dos à la selle sans les blesser. Dix minutes de travciil à la main : flexion direae. Mobilisation de la croupe autour des épaules et re- culer. Faire promener les chevaux à la main pendant une heure au manège, et préférablement au grand air. si le temps le permet ^ 1^ quinzaine. — 3Iême travail à la longe. Commen- cer les changements de direction par des doublers, voltes et changements de main dans la diagonale. Apprendre au cheval à céder au talon. Au com- mencement, se contenter de deux ou trois pas dans la rotation. Finir par le travail à la main. I . Cette dernière prescription s'applique à tout le temps du dressage. 2j4 DEUXIEME PARTIE. DEUXIÈME MOIS i'^^ qiiiiiiaine. — Deux minutes de trot à la longe de chaque côté. Monter. Continuation des exercices pré- cédents pour confirmer. ^lettre les chevaux par deux et par quatre. Les habituer à se croiser en tous sens. Faire fréquemment des temps d'arrêt pour les habituer à demeurer tranquilles en place. Exécuter au petit trot les mêmes mouvements qu'on vient d'enseigner au pas. Augmenter le nombre des pas de côté dans la rotation. Reculer monté. Travail à la main. 2^ qinn\aine. — Même travail à la longe. Confir- mation du travail précédent. Exécuter au trot ordi- naire les changements de direction en mouvements d'ensemble par deux et par quatre, se croiser en tous sens. Demi-volte terminée par quelques pas de côté. Continuer le travail à la main, en exigeant ^ la flexion directe la tête haute. Commencer les flexions latérales. Pas de côté, épaule en dedans-. TROISIÈME MOIS i'"^ qinn\aine. — Même travail à la longe. Aug- menter le trot dans les changements de direction et dans tous les mouvements d'ensemble. Allonger le trot le plus possible sur la ligne droite. Deux pistes. Com- mencer les départs au galop sur le pied droit. Aussi- 1. Jusque-là, on s'est borné à la solliciter. 2. L'épaule au mur, beaucoup plus facile, ne doit se faire que monté. CHEVAL D'ARMES. 25} tôt confirmé sur le pied droit, demander le galop sur le pied gauche. Une fois le galop devenu facile, faire à cette allure tous les mouvements appris au pas, puis au trot. Augmenter et améliorer les assouplissements à la main. A la fin de la leçon, apprendre aux chevaux à sautera 2^ quinzaine. — blêmes exercices. Confirmer et améhorer les précédents. Habituer les chevaux au drapeau, au sabre, à la lance, aux armes à feu, aux détonations, à passer dans le feu, etc. Ce dressage aura duré trois mois. Le cheval en sait assez pour tous les exercices de la cavalerie. Il reste à confirmer tout ce travail au dehors dans les manœuvres et à endurcir les chevaux pour les mettre en état de résister aux longues étapes et aux intem- péries. Récapitulons. Le cheval a atteint trois ans au prin- temps. Si la commission des remontes fait ses achats d'avril à septembre, le cheval a en mo3'enne trois ans et demi quand il arrive au dépôt. Trois mois de pré- paration au dressage. Trois mois de dressage. A quatre ans, le cheval est dressé et complètement prêt pour le service. Qu'on ne dise pas que le travail auquel il a été soumis pendant sa quatrième année l'usera prématu- rément. Bien au contraire, j'affirme, et l'expérience 1. Voyez la progression à l'article Saut. 2j6 DEUXIÈME PARTIE. démontre, que le travail, dans les conditions que j'ai indiquées, le développera, le fortifiera. Actuellement, en prenant le cheval d'armes à cinq ans, on met un an pour le dresser, et les hommes compétents sont les premiers à reconnaître que ce dressage est bien imparfait. C'est qu'on commence par mettre les chevaux en mouvement, tels qu'ils sont, avant de leur avoir donné l'équilibre, d'oii résulterait l'impulsion dans toute sa correction et dans toute son utilité. C'était la faute que Baucher reprochait avec rai- son à l'ancienne équitation, qui éreintait les chevaux par le mouvement, tel quel. On cherchait à arriver à l'équilibre, vaille que vaille, en poussant les che- vaux dans le mouvement tel qu'ils le donnaient d'eux- mêmes. La révolution faite par Baucher a précisément consisté à assurer d'abord l'équilibre, pour y chercher les conditions d'un mouvement correct et utile. La faute du grand écuyer a seulement été de vouloir per- fectionner, raffiner cet équilibre, en le rendant instable, avant de demander le mouvement en avant. Quand je me sépare de lui sur ce point en disant que je tra- vaille mes chevaux dans VimpulsiGn, je n'en ai pas moins commencé comme lui par équilibrer mon cheval avant de le mettre en mouvementé Ce qui me différencie, c'est qu'au lieu de solliciter les actions du cheval dans un équilibre i^enfermé, c'est-à-dire voisin de l'immobilité et de l'acculement, je cherche, 1. Voyez la précédente progression. CHEVAL D'ARMES, 257 dès le début, l'obéissance aux aides dans l'équilibre maintenu dans l'impulsion ^ En continuant à mettre les chevaux au trot et au galop avant de leur avoir appris à répartir également leur poids sur les quatre membres, on suit des tradi- tions surannées qui vicient radicalement le dressage. Ce n'est pas en soutenant ni en poussant le cheval dans les allures vives qu'on lui fera modifier avanta- geusement son équilibre. Au contraire, il exagérera ses défauts, et on l'éreintera sans lui avoir rien appris. La grande majorité des chevaux sont sur leurs épaules, surtout quajid on commence à les jnonter. En les poussant dans les allures vives, sans les avoir préalablement équilibrés, on n'aboutit qu'à les jeter de plus en plus sur les épaules et à les vicier préma- turément. La tête est basse, l'encolure au niveau du garrot. Ils sont laids. Tout mouvement pour tourner ou arrêter leur est pénible. En revanche, ils tombent facilement. Maîtres de placer la tête et l'encolure comme il leur plaît, ils peuvent résister efficacement aux aides. En effet, pour que le mors puisse agir avec toute sa puissance, il faut que l'encolure soit haute et la tête presque perpendiculaire. Avec la tête basse, le mors perd une grande partie de son action sur les barres ; il n'agit guère plus que I. Le cheval qui est sur ses épaules peut se mouvoir en avant en entraînant l'arrière-main. Il n'a pas l'impulsion qui résulte du fait que l'arrière-main s'engage bien sous le centre, ce qui suppose nécessairement l'équilibre. 17 ajB DEUXIEME PARTIE. comme filet, et le cheval échappe à la direction de la main. On avoue qu'un tant pour cent très élevé des chevaux se refuse à sortir isolément des rangs. Qu'est-ce qui prouve mieux que le dressage est incom- plet ? Un cheval qui n'obéit pas n'est pas dressé. Voilà à quels résultats on arrive après un an et plus de travail irrationnel ! Réglementairement, le dressage doit être conduit de manière que les jeunes chevaux puissent entrer dans le rang au i^"^ avril en cas de mobilisation. Ce serait le dressage en trois mois. Mais, en temps de paix, on prolonge iiitentionnellejîient ce dressage pen- dant toute l'année, et on ne le fait entrer définitive- ment dans le rang que l'année suivante. On allègue pour justifier cette pratique que les régiments où le dressage était poussé trop vivement ou, plus exactement, que les régiments qui mettaient dans le rang des chevaux après les trois premiers mois de dressage étaient ceux qui consommaient le plus de chevaux. Cela est possible, bien que je conserve des doutes à cet égard. Mais la simple vérité, c'est que les chevaux, mal pré- parés par une alimentation et un exercice insuffisants, sont usés prématurément par le dressage actuel. Tan- dis que le dressage rationnel, beaucoup plus rapide, loin de les fatiguer, les développerait et leur assurerait de bonnes conditions de durée : je l'ai démontré plus haut par des faits irrécusables. Quant aux hommes, je prétends qu'ils se plie- CHEVAL D'ARMES. 259 raient beaucoup plus facilement au dressage tel que je l'indique qu'aux exercices violents qu'on leur demande et qui les découragent souvent parce qu'ils n'en comprennent pas la raison. Au lieu de les intéresser à l'équitation, de leur donner l'amour du cheval, qualité maîtresse du cava- lier, on n'aboutit souvent qu'à faire souffrir l'homme par le cheval et le cheval par l'homme. On a bientôt fait de dire que le dressage tel que je le demande est trop fin. Pourquoi les Allemands ne le trouvent-ils pas trop fin, eux dont la. Jinesse n'est certainement pas la qualité dominante ? Pourquoi travaillent-ils le cheval de troupe individuellement beaucoup plus qu'on ne le fait en France ? Pourquoi commencent-ils par l'équi- librer? Pourquoi font-ils du dressage rationnel au lieu d'éreinter leurs chevaux ? Pourquoi leurs chevaux durent-ils plus longtemps ? En d'autres termes, pour- quoi font-ils du dressage rationnel au lieu d'éreinter leurs chevaux? Hélas! c'est qu'ils ont profité des en- seignements qui leur sont venus de France, tandis que, dans le pays classique de l'équitation, on s'attarde dans la routine. TROISIÈME PARTIE t-, , .^ . ^ ^- Équitation savante. Les exercices dont nous allons nous occuper ne sont que la suite, la conséquence et le perfectionne- ment de ceux qui précèdent. Ils sont plus difficiles, moins usuels; on les appelle exercices ou airs de haute école. Les uns sont naturels, les autres artifi- ciels. Tout ce qui est galop, par exemple, appartient aux allures naturelles. D'autre part, le pas espagnol est le type des allures artificielles. J'ai souvent entendu dire que le travail de haute école ruine les chevaux, les use prématurément et leur donne nombre de tares. On dit et on répète : « Comment est-il possible qu'un cheval puisse faire tous les efforts qu'on lui de- mande pour des exercices si énergiques, sans compro- mettre ses aplombs ? » La réponse est bien simple : Regardez les gymnasiarques : eux aussi, ils font les plus grands efforts; eux aussi, ils déploient une extrême énergie. Sont-ils en mauvaise condition? Leurs bras, leurs jambes, leurs épaules sont-ils détériorés, 2^4 TROISIÈME PARTIE. abîmés ? Non, au contraire, ils sont dans un état de vigueur qui les distingue entre tous; leurs muscles sont proéminents et durs comme l'acier ; enfin leur santé générale est parfaite. Ah! sans doute, si le travail auquel ils se livrent leur était brusquement imposé, — et je parle aussi bien des chevaux que des hommes, — ils n'y résisteraient pas, ils tomberaient fourbus. Mais, s'ils y ont été amenés doucement, progressi- vement, par des exercices gradués qui font coïncider l'effort demandé avec l'accroissement de la force mus- culaire obtenue, le travail, — si énergique qu'il soit, — leur devient relativement aisé, salutaire même *. Oui, certainement, beaucoup de chevaux ont été ruinés par le travail de haute école ; mais c'est parce que ce travail a été mal conduit, parce qu'il n'y a pas eu entraînement préalable et suffisant. L'équitation comme les autres sciences a ses charlatans et ses em- piriques. Quand le cheval est dressé avec méthode, la pratique de tous les exercices auxquels on le soumet, bien loin de le ruiner, ne fait au contraire que le fortifier. Quant aux cavaliers qui font fi de l'équitation de haute école et en parient avec dédain, je me contente de leur rappeler la fable du Renard et les Raisins. I. J'ai dressé tous mes chevaux sans qu'ils aient la moindre tare, bien que je commence à les dresser beaucoup plus jeunes qu'aucFun de mes devanciers ne l'a fait. PAS ESPAGNOL. 265 II Pas espagnol. On dit que le cheval marche au pas espagnol * quand il lève les jambes de devant l'une après l'au- tre, en les portant en avant et en les tendant. Le point principal à observer est la façon dont le cheval pose son pied à terre \ car s'il est facile de lui faire lever les jambes, il est très difficile, au contraire, de les lui faire bien reposer à terre. On doit commencer ce travail à pied, placé à l'é- paule gauche du cheval et sur la piste gauche, le mur l'empêchant de s'échapper à droite. On tient la tête de l'animal un peu haute en la poussant vers la droite, pour rejeter la plus grande partie du poids de l'avant-main sur la jambe droite de devant et permettre ainsi à la jambe gauche de se lever facile- ment. I. On n'a jamais su, du reste, pourquoi ce mouvement se nommait pas espagnol. Il n'a d'espagnol que le nom, et ne res- semble pas du tout à la façon de marcher du cheval andalou. Le cheval espagnol marche en pliant les genoux et en jetant le bas des jambes de dehors en dedans; il fait ce qu'on appelle au delà des Pyrénées : El paso de campana (le pas de la cloche). On devrait plutôt appeler le pas espagnol : pas du conscrit, car il y a véritablement entre eux une très grande analogie. 26<î TROISIEME PARTIE. Il faut ensuite toucher la jambe gauche de devant du cheval très légèrement du bout de la cravache; mais il est assez difiScile de préciser exactement l'en- droit de la jambe que l'on doit toucher. Le point sen- sible varie avec chaque cheval: il est situé entre le coude et le paturon. La première impression du cheval est la surprise, car il ne se rend pas encore compte de ce que vous lui demandez : aussi cherche-t-il généralement à vous échapper. Toutefois, il ne peut se jeter à droite : le mur l'en empêche; et s'il se jette à gauche, vous devez aussitôt le redresser avec la cravache. Il peut reculer; dans ce cas, on doit immédiatement le re- porter en avant avec la cravache derrière les sangles. Presque toujours, au bout d'un moment, il manifeste son impatience en grattant le sol avec le pied de la jambe que Ton touche. Dès qu'il a levé cette jambe, on doit le caresser pour lui indiquer qu'il a fait ce qu'on lui demandait. Quand on a renouvelé cet exer- cice pendant plusieurs jours, le cheval, pour éviter d'être touché, lève la jambe aussitôt qu'il voit arriver la cravache. Lorsqu'il a bien compris et exécuté ce travail de la jambe gauche, on soumet sa jambe droite au même exercice, en le plaçant à main droite et en ayant soin de relever et de porter sa. tête à gauche. Comme le toucher répété de la cravache énerve le cheval, il faut, au début, se contenter du moindre signe de bonne volonté. C'est le meilleur moyen de ne pas rebuter l'animal. On obtient généralement qu'il PAS ESPAGNOL. au/ lève les jambes à la première leçon ; mais la façon dont il les lève est loin d'être satisfaisante, car il ne les tend pas et se contente de faire des mouvements d'impatience, de gratter le sol, etc. Néanmoins, comme je viens de le dire, il faut dans les commencements se contenter du semblant d'effort qu'il fait pour lever les jambes; on aurait beau insister, le frapper même, qu'on n'obtiendrait rien de plus que d'ahurir l'animal. Cependant, il faut arriver graduellement à la ten- sion. Elle ne sera suffisante que lorsque les jambes seront complètement tendues à la hauteur des épaules et placées horizontalement. Ce n'est, à mon avis, que lorsqu'on a obtenu cette hauteur et cette tension qu'on peut réellement dire que le cheval marche au pas espagnol. Aussitôt qu'il a compris ce qu'on lui demande et qu'il l'exécute correctement, c'est-à-dire dès qu'il tend bien ses jambes horizontalement, il faut lui apprendre à les reposer à terre dans les conditions voulues. Les jambes doivent se reposer à terre sans la moindre flexion du genou. C'est de cela que dépend toute la bonne exécution du mouvement. Pour y arriver, il faut, dès que la jambe est bien tendue, tirer le cheval en avant avec le filet, de manière qu'il pose le pied bien en avant, la jambe restant ten- due jusqu'à ce que le pied touche terre. S'il pliait le genou, il ne pourrait faire qu'un petit pas ; et, d'ail- leurs, comme les genoux se plieraient inégalement, il en résulterait que les pas ne seraient pas égaux. Enfin, a6tt TROISIÈME PARTIE. si on permet au cheval de plier les genoux, il est im- possible de l'empêcher de gratter, ce qui rendra néces- sairement les pas inégaux. Il faut donc exiger avec le plus grand soin la tension complète du membre jus- qu'à ce que le pied soit revenu à terre. Si le cheval pose bien les pieds à terre, les jambes étant ainsi tendues, les pas seront forcément égaux. Dès que l'on obtient un seul pas très correct de chaque jambe, on ne doit plus continuer ce travail à pied, bien que les progrès fussent certainement plus rapides. Le pas espagnol est en effet toujours beaucoup plus gracieux, brillant et régulier, quand l'écuyer l'en- seigne étant monté. En effet, quand vous êtes à pied, il vous faut tirer le cheval en avant ; vous ne pouvez donc pas le mettre dans la main, puisqu'en le tirant vous tendez l'encolure. La tête se trouve ainsi dans une position mauvaise, ce qui rend le cheval disgra- cieux. Au lieu d'avoir à tirer le cheval en avant, il est infiniment préférable de le pousser avec les jambes : aussi n'est-ce que monté qu'on doit enseigner le pas espagnol. Les deux premiers pas obtenus à pied, on se met donc en selle, et on cherche à faire exécuter le travail qui vient d'être expliqué. _ Voici comment je m'y prends: Je tiens les rênes du mors et la rêne gauche du PAS ESPAGNOL. 269 filet dans la main gauche; la rêne droite du filet et la cravache sont placées dans la main droite. Le cheval arrêté, je tends mon filet assez fortement pour placer la tête et l'encolure hautes. Je suis à main gauche, et Je demande le premier pas à la Jambe droite. Ayant le mur à ma droite. Je suis certain que le cheval ne pourra se traverser quand Je demanderai à sa jambe droite de se lever sous l'action de ma jambe gauche; tandis que, si Je lui demandais de lever la jambe gauche, l'action de ma Jambe droite ferait dévier la croupe à gauche. Je porte mes mains à gauche et Je soutiens vigou- reusement ma jambe gauche, qui plus tard sera aidée par l'éperon. La rêne droite du filet est plus tendue que la gauche; les deux Jambes sont près des sangles de façon à empêcher le reciilej^, la gauche étant beaucoup plus soutenue. L'effet des rênes est de reporter presque tout le poids de l'avant-main sur l'épaule gauche. C'est maintenant à la Jambe gauche du cavalier de faire lever la jambe droite du cheval. Pour cela, ma cravache étant bien descendue. J'en donne de petits coups sur l'épaule droite, tout en continuant à relever la tête avec le filet droit. Ignorant ce que Je lui demande, le cheval com- mence toujours par s'impatienter; aussi faut-il n'in- sister que très doucement. Cependant il faut insister jusqu'à ce qu'il lève la jambe. Dès qu'il a fait le moindre mouvement de la jambe droite, il faut cesser 270 TROISIEME PARTIE. et caresser, puis faire un tour de manège et recom- mencer. Huit jours ne se passeront pas sans que le cheval tende les deux jambes; car il va sans dire que je fais exécuter le même travail, en sens inverse, pour la jambe gauche. A partir de ce moment, je combine l'action de la cravache et de mes jambes, et à mesure que j'obtiens plus facilement l'effet voulu, je diminue l'effet de la cravache et augmente celui de la jambe, jusqu'à ce que j'obtienne l'obéissance à la jambe seule. Dès que le cheval répond par une tension complète à l'attaque des jambes et au besoin des éperons, je ne me sers plus du tout de la cravache; et il m'est alors facile de le pousser en avant, sur la main, ce qui m'était impossible étant à pied. Détaillons maintenant l'action des aides pendant tout le mouvement : L'action de la jambe gauche et de la rêne droite fait lever la jambe droite du cheval. Au moment où il va la reposer à terre, je le pousse en avant de mes deux jambes, dont l'action a pour double résultat de le maintenir droit et de l'obliger à poser sa jambe droite, complètement tendue, en avant de sa jambe gauche. Mes rênes sont également tendues pendant le pas en avant, jusqu'au moment où le pied se pose à terre. Ma jambe droite et ma rêne gauche viennent alors faire lever à leur tour la jambe gauche. C'est ainsi qu'on fait la liaison d'un pas à l'autre, liaison qui doit PAS ESPAGNOL. 371 être faite avec beaucoup de soin pour obtenir la par- faite régularité du mouvement. On a donc, comme toujours, recours à un effet diagonal. On fait aussi du pas espagnol au reculer. Ce sont les rênes qui ramènent le cheval en arrière aussitôt la tension de jambe obtenue. Le difficile dans ce mou- vement rétrograde est d'empêcher l'arrière-main de dévier à droite ou à gauche, chaque fois qu'on ramène en arrière du membre qui est posé l'autre membre de devant qui est en l'air. Il arrive très souvent que le cheval, se portant plus vivement en arrière, échappe dans ce sens et ne tend plus les jambes de devant qu'à moitié. Il faut, dans ce cas, recommencer à toujours le porter en avant sur le même temps et exiger la tension complète. Il ne faudrait pas croire qu'on doit toujours infail- liblement réussir, même en suivant à la lettre les prescriptions que je viens d'indiquer. C'est à l'intel- ligence du cavalier de profiter de toutes les circon- stances qui se présentent pour faire comprendre au cheval ce qu'on veut obtenir de lui. Il y a là une ques- tion de tact. D'ailleurs, quand l'écuyer dresse son pre- mier cheval, n'étant pas sûr de lui-même, il est for- cément obhgé de tâtonner. Ce n'est guère qu'après avoir dressé trois ou quatre chevaux qu'il pourra exactement reconnaître s'il fait bien ou s'il manque à la bonne règle. Le pas espagnol ne doit être demandé au cheval que lorsqu'il est déjà très assoupli, et surtout parfai- 272 TROISIÈME PARTIE. tement obéissant aux aides. Il faut, en effet, être bien sûr de pouvoir toujours le porter en avant. Or, dans ce travail, vous lui demandez de supporter l'éperon sans presque se porter en avant. Comme, de plus, vous êtes forcé d'avoir les mains hautes pour élever l'encolure, vous reportez ainsi une grande partie du poids de la masse sur l'arrière- main et vous risquez l'acculement. La conséquence, c'est qu'il peut arriver que le cheval lève les deux jambes au lieu de n'en lever qu'une : ce sera la pointe, défense peu redoutable, puisque c'est un mouvement en avant; ou la cabrade, plus dangereuse, surtout si les mains agissent. C'est parce qu'il faut éviter ces défenses qu'il est nécessaire que le cheval, avant d'arriver à ce point du dressage, se porte franchement en avant, dans toutes les circonstances, au contact des éperons. Si malgré cela la défense se produit, les deux éperons énergique- ment appliqués an moment précis où le cheval lève les deux jambes, — les mains rendant tout, — trans- forment la cabrade en pointe en provoquant le mou- vement en avant. Du reste, il arrive à chaque instant, dans le cours du dressage, que l'on est obligé de renoncer à obtenir momentanément le mouvement que l'on enseigne, pour porter le cheval en avant. Pour peu qu'on tolérât parfois l'acculement, on ne tarderait pas à être impuis- sant à porter d'autorité le cheval en avant. Il com- prendrait vite que par l'acculement il échappe au . PAS ESPAGNOL. a/j. rassembler, et il y aurait recours à chaque instant. Tout travail surplace, qui a pour but d'apprendre au cheval à supporter les éperons sans presque se por- ter en avant, est toujours dangereux. Il a souvent pour résultat de rendre le cheval rétif et, dans ce cas, c'est toujours la méthode qu'on accuse, alors que l'on de- vrait bien plutôt incriminer la manière dont on l'ap- plique. Il est d'ailleurs assez difficile à un écuyer qui dresse son premier ou ses premiers chevaux d'éviter l'acculement. Très souvent le cheval est acculé alors que l'écuj^er ne s'en aperçoit même pas. Règle géné- rale, quand le cheval 7ie remonte pas sur la main, il est acculé. Aussi ma devise est-elle : En avant, toujours en avant, et encore en avant ! Je reconnais, du reste, que l'on n'obtient jamais de concession de la part du cheval sans une lutte plus ou moins vive : mais il ne faut pas oublier que de cette lutte dépend la domination de l'homme sur l'animale Si vous demandez à votre cheval une chose difficile sans l'y avoir suffisamment préparé, non seule- ment il y aura une lutte ; mais, — ce qui est beaucoup plus grave, — c'est le cheval qui en sortira vainqueur. Il faut donc se rendre compte de l'instant précis où telle ou telle chose peut être demandée. C'est une question de tact. I. Il est bon de noter qu'après chaque leçon orageuse, si l'homme est sorti vainqueur de la lutte, le cheval se montre d'une docilité exemplaire dans les leçons suivantes. Il n'y a pas d'exception à cette régie. - - 27^ TROISIEME PARTIE. Si le cheval y étant mal préparé, vous lui deman- dez trop tôt un travail donné, vous pouvez être cer- tain de ne pas aboutir : faute de préparation suf- fisante, il y aura sûrement résistance de la part de l'animal. Le même travail, au contraire, peut sans incon- vénients être demandé plus tard. Il vaut mieux essayer de dresser son cheval en une année qu'en six mois. Plus un cheval est difficile, plus il faut consacrer de temps à son éducation. Mettez six mois, s'il le faut, à le bien équilibrer aux trois allures naturelles et à lui apprendre à reculer correctement, avant de lui ensei- gner le travail de haute école et les allures artificielles. Je n'attacherais aucune importance au pas espa- gnol, si on n'était obligé de l'apprendre au cheval, pour pouvoir plus tard compléter son éducation de haute école, par les pirouettes sur trois jambes, le trot espa- gnol et le galop sur trois jambes. Pour cela, il est de toute nécessité que l'écuyer puisse obtenir à son gré les tensions de jambes, et qu'il les obtienne surtout par l'éperon, seul mo3'en de maintenir le cheval en équilibre, de le pousser sur la main et dans la main, et de l'obliger à tenir les jambes aussi hautes et aussi tendues qu'il le faut. Il est, hélas! un autre moyen d'apprendre au cheval le pas espagnol; moyen, je m'empresse de le dire, que je n'emploie jamais, mais dont je suis pourtant obligé de parler, car il est très en vogue dans la nou- velle école. Je désigne ainsi cette génération d'écuyers PAS ESPAGNOL. 275 qui s'est formée depuis la mort de Baucher et a sub- stitué aux airs d'école si brillamment exécutés par lui une série de contorsions bizarres, obtenues grâce à une foule d'accessoires, dont l'emploi nécessite le concours d'un nombre d'hommes plus ou moins consi- dérable. Pour enseigner le pas espagnol suivant la méthode de la nouvelle école, il faut toute une escouade d'écuyers : quatre hommes et un caporal, pas un de moins et quelquefois davantage. On commence par mettre une entrave au paturon de chaque jambe de devant : à chacune de ces en- traves est attachée une corde, et chaque corde est tenue par un homme. Un troisième personnage tient le cheval par la bride et est en même temps préposé au maniement delà cravache. Le caporal monte sur le dos de l'animal, tandis que l'on confie à un cinquième bourreau la haute mission de tenir la chambrière. Voyons maintenant les mouvements d'ensemble aux- quels l'escouade va se livrer sur la malheureuse bête. L'homme n° 3, qui tient la cravache, tape sur la jambe gauche du cheval; le n° i, qui tient la corde correspondant à cette jambe, tire sur la corde et tend la jambe, tandis que le caporal qui est sur le dos de l'animal exerce une pression de la jambe droite pour habituer le cheval à tendre sa jambe à l'approche de l'éperon; au même moment, le n° 5, qui tient la cham- brière, touche l'animal sur la croupe pour forcer le mouvement en avant. zt6 TROISIEME .-ir^TlE. Voïlà. donc un pas de la jambe gauche obtenu. L'homme n* 2, qui tient la corde correspondant à l'en- trave du paturon de la jambe droite, n'entre naturel- lement en scène que quand l'escouade fait exécuter à la jambe droite la manœuvre que nous venons de décrire pour la gauche. Et cette double manœu\Te continue tant que l'animal n'a pas pris l'habitude du pas espagnol. En argot, cela pourrait tout aussi bien s'appeler : « passer le cheval à tabac » Quant à moi, je cherche vainement, e- eze:. le mot pour qualifier ce genre d'opération : ce n'es: assurément pas du dressage et cela n*£ rier. ce commun avec Téquitation. III Pirouette renversée sur trois jambes. La pirouette renversée sur trois jambes, la qua- trième restant tendue en Tair, pendant toute la durée de la rotation de la croupe autour des épaules, est le mouvement le plus facile à apprendre au cheval. Je parle, bien entendu, du cheval déjà équilibré, puisqu'il s'agit de réunir en un seul mouvement des rotations de croupe e: des tensions de jambes. Vo_ :;.T-~iencez par demander au cheval, placé : :ir: - ^ - manège et au repos, quelques pas de PIROUETTE RENVERSEE SUR TROIS JAMBES, 177 rotation de croupe, en l'arrêtant tous les trois ou quatre pas pour lui faire tendre la jambe. Comme vous vous senez de la même jambe pour les deux mouvements, celle-ci ne doit jamais quitter les sangles, tandis que c'est la jambe opposée qui ar- rête la rotation. Exemple : je veux la rotation de la croupe autour des épaules de gauche à droite. C'est ma jambe gauche qui décide la rotation et aussi la tension de la jambe droite du cheval. Quand le cheval a fait à peu près le quart du tour. Je Tarrête en soutenant ma jambe droite, tandis que ma jambe gauche, qui reste près des sangles, fait sentir l'éperon, en même temps qu'une faible pression sur le filet droit force l'animal à tendre sa jambe droite. En recommençant souvent, on obtient vite que le cheval fasse un pas ou deux de rotation sans poser sa jambe droite à terre, et peu à peu on finit par faire exécuter la pirouette complète. On doit, pendant tout le temps, s'appliquer à soutenir assez fonement la jambe opposée qui pousse le cheval sur la main et l'empêche de s'acculer. Le cheval, pour être bien placé, doit avoir la tête et Tencolure hautes, avec un petit pli de l'encolure à droite. L'action de la rêne droite du filet est nécessaire pour amener ce pli et pour aider à soutenir la jambe droite en l'air. On emploie les mêmes moyens en sens inverse pour faire exécuter la pirouette de droite à gauche, avec ten- sion de la jambe gauche. 278 TROISIÈME PARTIE. La difficulté est de maintenir la jambe droite ten- due, l'équilibre sur trois jambes étant tel que le cheval puisse rester dans cette position et se mouvoir de l'ar- rière-main autour de la jambe gauche de devant qui forme pivot et ne bouge pas de place. Il faut, dans la pirouette de gauche à droite, porter les mains vers la gauche, en tendant faiblement les rênes droites de façon à porter le poids de l'avant- main sur l'épaule gauche. Pour la pirouette de droite à gauche, c'est la jambe droite qui forme le pivot : il faut donc porter les mains à droite et tendre les rênes gauches pour qu'à son tour la jambe droite porte le poids de l'avant-main et permette ainsi à la jambe gauche de se lever. IV Pirouettes renversées et ordinaires, les pieds croisés. La pirouette renversée, les pieds de devant croi- sés, s'exécute comme la pirouette renversée sur trois jambes, avec cette différence que les jambes de de- vant, au lieu de se tendre successivement en l'air, restent à terre et se croisent pendant que le cheval tourne. Dans la pirouette ordinaire, les pieds croisés, c'est RECULER SANS RENES. 279 ravant-main qui tourne et les jambes de derrière qui se croisent. La première est d'une très grande simplicité; la seconde est d'une exécution très difficile. V Reculer sans rênes. Ce mouvement n'est pas très difficile à enseigner; mais il n'est pas sans inconvénients pour le cheval ni sans danger pour le cavalier, en ce sens que, les jambes et les éperons agissant seuls pour porter le cheval en arrière, il peut en résulter l'acculement et la cabrade. Je ne conseille pas aux écuyers jeunes et inexpé- rimentés de tenter cet exercice avant d'avoir dressé plusieurs chevaux. Ce n'est guère qu'à ce moment qu'ils pourront juger sainement de son opportunité. On pourra, sans inconvénient, le demander aux chevaux impétueux et toujours prêts à se porter en avant. Ce serait au contraire une erreur de chercher à l'apprendre à un cheval mou ou froid, qu'une action vigoureuse des jambes peut seule déterminer à se por- ter sur la main. En tout cas, on ne doit l'enseigner à aucun cheval avant d'être certain qu'il n'en abusera pas pour reculer a8o TROISIEME PARTIE. malgré le cavalier et comme moyen de défense; en un mot, devenir rétif. Je ne commence donc cet exercice que lorsque le cheval m'est tout à fait soumis et, notamment, lorsque je suis sûr de pouvoir le porter en avant, quelles que soient les circonstances. Pour l'obtenir, je commence par employer les mêmes procédés que ceux indiqués au chapitre : Reculer. C'est-à-dire que j'emploie les jambes et la main; puis, par degrés, je diminue la main, et enfin j'abandonne l'action des rênes en indiquant au cheval au moyen des jambes, — et c'est là la difficulté, — que l'arrière-main doit entamer le mouvement. Il faut en quelque sorte que le cheval soit tiré en arrière par les cuisses et l'assiette, et qu'il reçoive une impulsion d'ayant en arrière. Au début, je rencontre une hésitation d'autant plus grande que, jusqu'ici, j'ai habitué le cheval à toujours se porter en avant à la moindre pression des jambes. Il faut donc conserver tout son calme et ne pas trop insister, car c'est surtout quand il ne com- prend pas que le cheval s'irrite le plus. On devra se contenter de deux ou trois pas en arrière, et, aussi- tôt, en faire faire le même nombre en avant, en relâ- chant des cuisses et en attaquant du talon ou de l'éperon. Évitez surtout de laisser le cheval reculer plus vite que vous ne le désirez. En résumé, au début, j'approche les jambes et je tiens mes rênes assez tendues pour amener le reculer. BALANCER DE L'A V A N T-M A 1 N. 281 Le mouvement rétrograde obtenu, je m'empresse de caresser, et Je recommence en augmentant chaque fois la pression des jambes et en diminuant la tension des rênes. Enfin, quand peu à peu le cheval a bien compris, je les abandonne complètement. VI Balancer de l'avant-main. Dans le balancer de l'avant-main, le cheval lève successivement les jambes de devant sans les tendre et berce, pour ainsi dire, son avant-train de l'une à l'autre jambe, en les écartant le plus possible au moment où elles touchent terre. Ayant à ma disposition les tensions des jambes précédemment apprises, il m'est facile d'en tirer le balancer de l'avant-main. Pour cela, il faut ne pas trop élever la tête et l'encolure, et ne demander que des tensions peu vigoureuses de jambes afin de n'avoir que des demi-tensions. On les obtient de la façon sui- vante : le cheval étant arrêté, je lui fais lever la jambe droite comme pour la tendre; mais au moment où elle se lève, et avant qu'elle soit complètement tendue, je porte mes poignets à droite. Tout le poids de l'avant-main qui pesait sur la jambe gauche se trouve par suite subitement porté à droite, et le cheval re- 2 82 TROISIEME PARTIE. tombe naturellement de ce côté en éloignant la jambe droite de la jambe gauche. Ce premier pas obtenu, je demande le second à la jambe gauche, en employant les mêmes procédés. J'ai alors un temps de chaque jambe séparément, et il me reste à les lier en rapprochant les temps et en les cadençant. Une augmentation plus énergique des mains augmentera naturellement l'écart des jambes. L'action des jambes du cavalier est la même que pour les tensions de jambes, mais elle doit être simultanée des deux côtés, de manière à empêcher le balancement de la croupe. Au bout de peu de temps, on obtient le balan- cement de l'avant-main de droite à gauche, et réci- proquement. Ce n'est que lorsque ce balancement est bien régu- lier que l'on doit exiger un plus grand écartement des jambes. Plus l'écart est grand, plus le balancement est lent, moelleux et agréable à l'oeil. On arrive facile- ment à un mètre d'écart, quelquefois à un mètre et demi. Le balancer de l'avant-main se fait sur place, et il peut aussi se faire en avançant. Dans ce cas, il est' plus gracieux et il a en outre l'avantage de ne jamais déter- miner l'acculement. Mais il est beaucoup plus difficile, car aux actions que nous venons de décrire il faut ajouter l'impulsion en avant. BALANCER DES HANCHES. 283 VII Balancer des hanches. Ce mouvement demande plus de tact dans l'assiette que le précédent. Pour l'obtenir, il faut agir très légè- rement de la main et tâcher de faire prendre au che- val un faible point d'appui sur le filet en le poussant dessus, de façon que le poids de la masse soit reporté sur les épaules. Les hanches se trouvant allégées, leur mobilisation est plus facile. On aura soin de tenir le cheval en place et très calme, car, cette fois, nous allons lui demander deux temps de suite. Un seul temps n'aurait pas de signi- fication comme mouvement d'école et ne comporterait aucune indication pour le cheval. J'exerce une pression très légère de la jambe droite : aussitôt le cheval lève sa jambe droite de derrière, comme pour faire un pas de côté à gauche. Mais, au moment où cette jambe s'approche de la jambe gauche de derrière et avant qu'elle ne se pose à terre, une pression de ma jambe gauche la repousse à sa place et fait, en même temps, lever la jambe gauche du cheval, qui va se poser à côté de la jambe droite, comme pour faire un pas de côté à droite. Si le cavalier ne saisit pas avec précision le mo- ment où le cheval va poser sa jambe droite, cette a% TSOISIEME lAiTIï. ïambe njodiic terre, ssxis que le câTaJIer Fait reponssée à droîije par racdoz de ss. jambe gB.izch€. Dans ces cooiiîîîons, la î-ambe droïî£ dn cheval se r:sera toat près de la îâmbe ganche, et il nV aura plus assez d'écart pour qu'il puisse se prodnîrc _- reti: z:ouve- menî de balanoer. H £aiiî se comsuter de ces denx premiers pas ins- qa^ :-- :_t '= chcTsI les fasse froidemeiit. puis les lui ^~z\^^^tz en sens inTerse. c'esî-à-dire de gauche à droite. Ce n'est que plus tard qu'on pourra en faire esécuter quatre et augmenter progressivement ce Je rerzzimande à l'écuîTer de ze ris cjiercher à oixzrâr un. grand ecanement avant que . . :_.:":. tzz me soit très régulier. Pour obtenir le plus grand écartement possible, on fait iuîjen'enîr l'éperon, afin de donner plus de vigueur au mouTement. Dans le balancer des itanclies, le cheval a une tendance naturelle à porter la tète basse. Au débat, ije ie ^îère dans une certaine mesure, j -::e rue cela sUège^ i'arrière-main. Mais, aussitôt que le travail est bien su, f exige toute la hauteur de rencolore et la position donî le cheval d'école ne doit iamais s'écarter *- 3- Axsc la tels basse, xm chsvsl n'est jamais ni sracieT!! ni lé^s". Cé^si cependanl cette posînon diéfectoenise de la croope Êanie qas prcsmenl îcrns les chsTsixE. dressés à la craracîie. : Cêîa s'erplicpie : en fTs-^vpsrrf sur la croupe arec la craracrie. obtient aisément un ren: riiztr de ! i-i-:-~i.:. :_. : ;:: .-.: :j '. \z :iâ- cément des hin:-e5. ^i wû p\^ — îiC .; Z.-:z ■ —- en ^- ..n I en . _ . . " ; de tout petits pas. on obtien: .= bi-in:t: i. : . ti avec passage de favant-niaiii. Elïécuté sur place. le mouvemrn: ts: mcins gra- cieux qu'en ~ir:r.int. car :n minr^e i^rns d'im- pulsion. ;: .. ;r: ":.;: ;_:..c de ~_..;:. ..: . -:::._rt haute. Endn. ::nir.t : faut ob:tr.: _r.; ;.::! ..; ;.-- vation des quatre ~. .".rres. :n devra éviter de eter le poids du cheval r/^s en ai-: za'en arrière : on s'attachera, au contraire, a ie ~ :tr : : jta- haxite école. de la. ^nt-nii:! et. -ir conséquent, ci^s .ine r:si::oa q-.ii est l'antipode de :e : i- rai cheval d'école. Vci- -1 -;-.; XXX. Celui-ci doit : : : uent avoir i'encolure L^-i; .: ^s "arrêts bien, dex: : . ; 5 ; 5 le centre. I. Je c::.^ : - le premier fait exéciite - 1 ; - -rer des hanches avec r : .;. ie iavant-oxàin ea iSi . ..5, a^ec Amour, Aevai de 7.: .:-. 28(5 TROISIEME PARTIE. VIII Trot espagnol. Le trot espagnol est, de toutes les allures artifi- cielles, la plus facile et la plus brillante. Le cheval connaissant déjà parfaitement le pas espagnol, rien n'est plus simple que de le porter au trot. Il suffit d'augmenter l'action des aides pour donner au cheval une plus grande énergie. Vous mettez d'abord le cheval à l'allure du pas espagnol, et, quand vous avez fait quelques pas, il faut profiter du mo- ment où la jambe du cheval se lève pour faire sentir l'éperon avec plus de vigueur. Je n'ai jamais eu de chevaux qui aient hésité long- temps à prendre cette allure. Mais, comme je l'ai dit bien souvent, je me contente de peu au début de tout travail nouveau. Supposons, par exemple, qu'au moment oià la jambe droite est tendue, j'attaque vivement de l'éperon à gauche ; le cheval fait un petit saut en avant : c'est le premier temps. Je m'en contente et le caresse, puis je recommence. Quand je suis sûr de mon premier temps, je n'en demande pas deux, mais je recommence tout simple- ment pour la jambe gauche ce que j'ai fait pour la jambe droite. » à f iii c TROT ESPAGNOL. 287 Lorsque j'obtiens de mon cheval un seul temps de trot sur chaque jambe, je lui en demande alors deux, mais seulement quand chaque temps isolé est correct en longueur et en hauteur, et facilement exécuté. Si une jambe est plus paresseuse que l'autre, ce qui arrive presque toujours, je travaille uniquement cette jambe : c'est le meilleur moyen de frapper la mémoire du cheval et de lui faire comprendre, par mes attaques, qu'il agit de cette jambe avec trop de mollesse. Une fois l'harmonie établie, je lie les deux premiers temps, puis j'en demande quatre et pas davantage pendant longtemps, quand même le cheval chercherait à en faire plus de lui-même. Il vaut mieux se contenter de quatre temps bien soutenus que de chercher à en obtenir immédiatement un plus grand nombre qui seraient douteux. Dans le trot espagnol, le cheval déploie une grande énergie^ Aussi ne faut-il pas en abuser, car, si vous I. Voir planche XXIV, figure i. Ma7-kir au trot espagnol diagonale droite en l'air, mise en main complète. Tête un peu au delà de la verticale, mâchoire fléchie. Même planche, figure 2. Germinal au trot espagnol diagonale gauche en l'air, simple mise en main. Jamais la cravache ne donnerait des tensions de jambes comme celles obtenues dans ces deux photo- gravures. C'est uniquement l'affaire de l'éperon. On remar- quera comme, dans les deux cas, le jarret en l'air s'engage bien sous le centre. C'est là tout le secret de l'élévation de l'avant- main. C'est le bon équilibre dans toute l'énergie de l'impul- sion. La dépense d'énergie dans la figure i est telle que les paturons sont fléchis au point de toucher le sol. 28B TROISIEME PARTIE. vouliez en peu de temps obtenir vingt ou trente temps, il est certain que les derniers ne seraient pas aussi brillants que les premiers. Il s'ensuivrait que le cheval prendrait la mauvaise habitude de ne pas tendre ses Jambes avec énergie. Si, au contraire, vous savez vous contenter de peu, vous pouvez exiger que votre demande soit exécutée avec d'autant plus d'énergie qu'elle est modeste. Il faut attendre que le cheval exécute le trot espa- gnol sans effort pour lui demander de le soutenir longtemps. Quand cette allure lui sera très familière, il n'éprouvera plus aucune fatigue, et vous pourrez alors l'exiger pendant deux ou trois tours de manège^ mais il ne faut jamais aller au delà. J'ai déjà dit que, pendant le dressage, il ne fallait jamais laisser prendre au cheval l'initiative d'aucun mouvement. Si vous le lui permettez, il en abusera et n'attendra plus vos sollicitations. Il fera fréquem- ment ce qui lui est facile ou ce qui lui plaît, mais non ce qu'il vous plaira qu'il fasse. Ainsi, quand vous enseignez les changements de pied au galop, très souvent le cheval va au-devant de votre demande : si vous le laissez faire, jamais vous n'obtien- drez des changements réguliers, puisqu'il les exécute à son gré, sans qu'il vous soit possible de les régler. Quand le cheval prend l'initiative d'un mou- vement que vous lui avez appris, vous devez donc le corriger, mais doucement, bien entendu. Si vous le laissiez maître de son initiative, il ne tarderait TROT ESPAGNOL. 289 pas à en abuser, et votre autorité serait perdue. Si je dis que la correction ne doit jamais, dans ce cas, être très forte, c'est qu'en définitive le cheval, en prenant l'initiative d'un mouvement qu'on lui a ap- pris, donne toujours une preuve de sa bonne volonté; néanmoins, je le répète, il ne faut jamais le tolérer. Chaque fois qu'il veut exécuter un mouvement de lui- même, on doit le replacer dans la position qu'il oc- cupait auparavant et l'y maintenir jusqu'à ce qu'il y reste sans chercher à en sortir. J'ai vu souvent des chevaux, auxquels on avait appris le pas espagnol, s'en servir plus tard comme défense. A tout ce qu'on leur demandait, ils ripos- taient en tendant les jambes sur place. Cela vient de ce qu'on leur a appris les airs artificiels trop tôt. Il faut avant d'en arriver là que le cheval ait une grande sou- plesse, et qu'il soit d'une obéissance impeccable dans toutes les allures naturelles. Les jeunes écuyers veulent généralement aller trop vite. Cela les amuse de voir leur cheval tendre les jambes; et, dès qu'il le fait, même de sa propre initia- tive, ils le caressent, quittes plus tard à s'étonner quand, demandant autre chose, ils ne l'obtiennent point. Il est très compréhensible que le cheval se serve du pas espagnol comme défense quand la progres- sion du dressage a été défectueuse. On l'oblige, en effet, lorsqu'on lui enseigne ce mouvement, à supporter l'éperon tout en le maintenant en place. C'est là le grand danger dans tout le dressage; car si le cheval 19 a-ço TROISIÈME PARTIE. n'a pas été habitué d'abord à se porter franchement en avant à l'attaque de l'éperon, il tend la jambe ou se renferme sur l'éperon. Avant d'arriver à enseigner au cheval à supporter l'éperon sans bouger, il faut donc qu'on soit toujours sûr de pouvoir le porter en avant par l'éperon quand on voudra. Il arrive, du reste, très souvent que, pa?' mollesse, le cheval se sert comme défense d'un air auquel il est accoutumé. Jamais il ne se servira d'un air où il faut beaucoup d'énergie. Comme nous venons de le dire, il faut naturellement le replacer dans la position primitive et l'empêcher d'en sortira I. Quand, au contraire, l'animal sait bien faire une chose qu'il exécute souvent et avec rapidité, s'il lui prend un jour la fantaisie de ne plus vouloir obéir, il faut être très énergique et le réduire à l'obéissance par tous les moyens possibles. Je recommande même de ne jamais céder, sans quoi l'animal comprendrait vite qu'il lui suffit de s'entêter pour devenir le maître et sortir vainqueur de la lutte. L'écuyer doit, néan- moins, toujours conserver son sang-froid et ne jamais se mettre en colère, ou du moins ne se laisser aller à ce sentiment que dans la mesure nécessaire pour lui donner l'énergie et lui faire oublier les dangers de la lutte. C'est par des fautes de ce genre que le dressage du cheval, une fois terminé, se dénature et se perd très vite, s'il n'est pas toujours maintenu dans toute sa correction. La moin- dre faute, tolérée un jour, s'aggrave le lendemain, devient une habitude vicieuse et ne pourra être redressée plus tard qu'au prix des luttes les plus énergiques. Un cheval dressé n'est pas une machine qu'il suffit de remonter. C'est un être vivant qui cherche constamment à échapper aux aides de l'écuyer et qu'il faut incessamment maintenir dans la parfaite correction du travail. • TROT ESPAGNOL. 291 Au surplus, le cheval doit être tellement occupé de son cavalier pendant toute la durée de la leçon, que rien autre ne doit exister pour lui. En revanche, toute préoccupation qui ne se rapporte pas au cheval doit également disparaître de la pensée de récu3^er. L'homme doit, pour ainsi dire, s'emparer de l'ani- mal tout entier et le rendre tellement attentif à ses exigences, qu'il ne puisse penser à autre chose qu'à ce qui va lui être demandé. Quant à moi, je m'empare du cheval que je monte, de façon à ne lui laisser qu'une idée dans la tête : que va-t-il me demander? Certains auteurs disent : « Il faut tant de temps pour arriver à ceci; tant pour cela; au bout de tant de leçons, on doit obtenir telle ou telle chose; » etc. C'est une grave erreur. On ne sait jamais d'avance combien on sera obligé d'employer de temps pour arriver à faire exécuter correctement tel ou tel travail. Certains chevaux apprennent très rapidement tel assouplissement ou tel mouvement que d'autres ap- prennent très difficilement. Par contre, les premiers se montrent souvent très récalcitrants quand il s'agit de leur enseigner un mouvement que les seconds peu- vent saisir immédiatement. Il en résulte que l'on doit tenir grand compte dans le dressage des aptitudes particulières de chaque cheval, et ne point se décou- rager parce que l'on n'obtient pas de résultat dans le laps de temps indiqué par le livre. C'est contre ce découragement que je m'efforce de réagir. jp2 TROISIEME PARTIE. Ainsi, j'ai eu des chevaux qui apprenaient le pas espagnol en huit jours, tandis que j'ai dépensé trois mois de travail et d'efforts pour l'enseigner à d'au- tres, tout en m'y prenant de la même façon. Avec certains chevaux légers et bien conformés, j'ai obtenu des changements de pied au galop pres- que immédiatement, tandis qu'il faut généralement six mois pour arriver à les faire exécuter convenable- ment à la plupart des chevaux. Et il en est de tout ainsi en équitation. IX L'épaule en dedans au galop. J'ai rangé les demi-voltes au galop dans l'équi- tation courante, parce qu'on peut avoir besoin, à la promenade, de quelques pas de galop sur deux pistes plus ou moins correctement exécutés pour pouvoir se ranger même au galop. J'aborde maintenant l'étude du galop dans l'équitation savante. Lorsque le cheval exécute correctement les demi- voltes au galop, je cherche, pour le travail de l'épaule en dedans, à détacher les épaules du mur, toujours au galop. Le cheval y est, du reste, admirablement pré- paré par le travail des deux pistes au pas d'école et plus encore par les demi-voltes au galop. mssâ PLANCHE XXV 1- : il: « I L'EPAULE EN DEDANS AU GALOP. 293 Je fais partir mon cheval au galop sur le pied gau- che, étant sur la piste de droite où Je le maintiens pen- dant quelques foulées; puis, je porte mes mains à droite pour détacher les épaules du mur, mais très peu, d'un mètre environ. J'agis vigoureusement de la jambe droite, pour pousser les hanches de droite à gauche, tandis que la jambe gauche reçoit pour ainsi dire les hanches que la jambe droite vient de lui en- voyer et rejette l'impulsion sur la main. C'est en effet la jambe gauche qui pousse le cheval en avant et l'em- pêche ainsi de s'acculer. C'est encore la jambe gauche qui règle l'allure en empêchant le cheval de s'échapper à gauche. Car, si rien ne vient entraver la rapidité de l'allure dans la marche de côté, soit au pas, soit au trot ou au galop, c'est alors le cheval qui réglera cette allure et, fatalement, il la précipitera de côté pour éviter le rassembler ; c'est-à-dire qu'il ne marchera plus sur deux pistes. Il faut donc, pour que le mouvement soit régulier, que l'écuyer puisse en régler la cadence à toutes les allures, et qu'il ait toujours les jambes près, afin de garder le cheval dans la main et pouvoir constam- ment l'obliger à se porter en avants I. Voir les photogravures, planches XXV et XXVI. Planche XXV, fig. i. — Germinal au galop, l'épaule en dedans, allant de droite à gauche. C'est le deuxième temps du galop : la diagonale droite est à l'appui. Le jarret droit vient de faire sa détente et la jambe gauche de devant n'est pas encore posée. Même planche, fig. 2. — Germinal au galop, l'épaule en 2p_j. TROISIÈME PARTIE. -_ J'ai dit que, pour détacher les épaules du mur, je portais les mains à droite. C'est seulement la pression de la rêne gauche sur l'encolure qui doit amener les épaules à droite. Mais celles-ci sont à peine déta- chées du mur que la pression de gauche à droite de la rêne gauche doit cesser, sous peine d'arrêter les épaules. Il faut immédiatement porter les mains à gauche, la rêne gauche tirant directement de ce côté, et la rêne droite faisant pression à son tour sur l'en- colure pour pousser les épaules de droite à gauche. C'est un effet de la diagonale gauche. La rêne gauche, en tirant légèrement l'avant-main à gauche % empêche dedans, allant de gauche à droite. Diagonale gauche à l'appui. Planche XXVI. — Germinal au galop, l'épaule en dedans, allant de gauche à droite dans le rassemble}- complet. On re- marquera que le cheval gagne naturellement moins de terrain. On remarquera surtout que le galop du rassembler est à quatre temps : jambe gauche de derrière, jambe droite de derrière, jambe gauche de devant, jambe droite de devant. Dans la planche XXVI, la jambe droite de derrière vient de se poser après la jambe gauche de derrière, et la jambe gauche de devant, — qui aurait dû se poser en même temps que la jambe droite de derrière pour faire le troisième temps, diagonale gau- che à l'appui, — n'est pas encore posée. Le galop est donc bien à quatre temps. Il est à noter qu' il y a bien un moment où la jambe droite de derrière et la jambe gauche de devant qui com- posent la diagonale gauche sont en même temps à l'appui; mais ce qui fait les quatre temps, c'est que la jambe droite de derrière devance un peu à l'appui la jambe gauche de devant. r. Pendant longtemps, j'ai, comme tous les écuyers depuis Baucher, jc/ze l'encolure du côté où va le cheval. J'ai reconnu que c'était une faute, car rien n'est plus propre à arrêter l'impulsion. Je me borne à incliner légèrement la tête du che- val du côté où il va, en ne faisant qu'un très léger pli à l'en- PIROUETTES AU GALOP. 295 l'arrière-main de devancer l'avant-main. Dans les deux pistes, les hanches sont toujours disposées à dépasser les épaules, surtout dans les demi-voltes, et c'est une faute que l'on doit soigneusement réprimer; car, du moment que les hanches dépassent les épaules dans la ligne oblique, le cheval est acculé. Je fais ensuite exécuter le même travail pour l'épaule en dedans au galop, de gauche à droite ^ Pirouettes au galop. Dans la pirouette au galop, les Jambes de derrière du cheval doivent marquer le galop pour ainsi dire sur place, en s'élevant et en se reposant presque au même endroit, tout en pivotant, pour que les hanches restent sur la même ligne que les épaules qui décri- vent un cercle autour du centre. Jamais le cheval ne doit prendre un appui continu sur un des membres colure. La rené opposée du côte' où l'on marche peut alors avoir son plein effet pour pousser l'avant-niain, maintenir le cheval droit et assurer, par sa combinaison avec l'autre rêne et les jambes, le maximum d'impulsion. I. Je ne parle pas de l'épaule au mur, parce que je considère ce travail comme un mauvais exercice. Le cheval, en effet, est tenu par le mur, au point que ce n'est plus le cavalier qui le dirige. ap6 TROISIEME PARTIE. postérieurs, comme certains auteurs le prétendent, car, dans ce cas, il cesserait d'être au galop. Avant de demander les pirouettes au galop, il faut les enseigner au pas, le cheval très rassemblé. Pour cela, je place mon cheval au centre du ma- nège. Si je veux faire la pirouette, les épaules tournant autour de la croupe de gauche à droite, je porte mes mains à droite, la rêne droite tirant la tête à droite et la rêne gauche poussant l'encolure et les épaules également à droite, les deux jambes bien soutenues, la jambe gauche un peu plus en arrière pour fixer la croupe et empêcher qu'elle ne dévie, tandis que la jambe droite pousse le cheval sur la main afin d'éviter l'acculement. Ce travail exige beaucoup de finesse et de légèreté de main. Si les mains font force de gauche à droite, on fait un renversement des épaules, mais non la pirouette. Si les mains font force d'avant en arrière, c'est l'acculement. Quand le cheval a bien compris ce travail et l'exé- cute facilement au pas, je le mets au galop sur un périmètre un peu plus grand, et je raccourcis peu à peu, non pas d'avant en arrière, mais par les épaules, en gagnant du terrain de côté. J'augmente l'action des jambes pour maintenir l'allure. Les jambes de derrière doivent marquer le galop pour ainsi dire sur place, en s'élevant et se reposant presque au même endroit; mais, comme je viens de le dire, le cheval ne doit jamais tourner en s'appuyant continuellement sur l'un des membres postérieurs. La pirouette doit être exé- PIROUETTES AU GALOP. 297 cutée le plus lentement possible. La grande difficulté consiste précisément à obtenir un galop très lent sans qu'il s'éteigne. J'emploie les moyens inverses pour la pirouette de droite à gauche. On peut aussi faire des pirouettes renversées au galop. Elles consistent à faire tourner la croupe autour des épaules. C'est un excellent exercice au pas; mais je n'apprends jamais à mes chevaux à l'exécuter au galop, car la grande difficulté dans tout travail con- siste précisément à faire marcher les épaules. Dans les pirouettes renversées, au contraire, vous apprenez au cheval à garder ses épaules en place, ce qui est un non-sens en équitation. Au surplus, le mouvement est disgracieux, car les jambes de devant, ne pouvant gagner du terrain, restent raidesen piétinant surplace. En revanche, les voltes ordinaires et renversées sont gracieuses et utiles. On obtient les voltes ordi- naires et renversées au moyen des mêmes aides que les pirouettes, seulement vous faites parcourir un grand cercle au cheval au lieu de le faire tourner sur place. Quand on commence une volte, il est difficile de déterminer exactement d'avance le diamètre du cercle qu'on va parcourir, et ce serait cependant le seul moyen, pour le cavalier, de savoir si son cheval est juste. Pour s'en rendre compte, il suffit de tracer un cercle au centre du manège. Si le cheval le suit exac- tement, c'est que sa position est bonne et qu'il est bien équilibré dans l'impulsion. Quand le cheval exécute correctement au galop 293 TROISIEMEPARTIE. tous les différents exercices que nous venons de dé- crire, on peut alors lui demander n'importe quel mou- vement au galop. Rendu souple et obéissant par tous les exercices précédents, il ne refusera jamais de se soumettre aux exigences de son cavalier, pourvu que celui-ci soit patient et s'applique à se bien faire com- prendre de lui. XI Changements de pied au temps. Nous avons traité, dans le galop de promenade, des changements de pied de dehors en dedans et sur la ligne droite. Nous allons maintenant parler des changements de pied dans le galop d'école. Ce n'est que quand les changements de pied de- viennent très faciles de dehors en dedans que je les demande de dedans en dehors. J'emploie naturelle- ment les mêmes procédés. Mais il faut au début évi- ter soigneusement de les faire exécuter dans les coins, le côté de dehors du cheval ayant, en raison du tour- nant, plus de chemin à parcourir, ce qui exige un sou- tien plus énergique de la jambe opposée^ pour éviter 1. La jambe opposée signifie la jambe oppose'e à celle qui fait le changement de pied. Si je suis à main droite, mon che- val étant au galop à droite, je fais jambe droite pour changer CHANGEMENTS DE PIED AU TEMPS. 299 de traverser le cheval et pousser la masse en avant sur la main. On ne doit demander les changements de pied de dedans en dehors dans les coins du manège que quand on les a obtenus très facilement dans la ligne droite ^ Je ne demande jamais l'épaule au mur- au galop avant d'avoir obtenu les changements de pied en l'air, c'est-à-dire au galop sans temps d'arrêt, — parce que, lorsqu'on demande le changement de pied de dehors en dedans, le cheval cherche presque toujours à jeter ses hanches en dedans, comme il ferait dans l'épaule au mur, puisque ce sont les mêmes aides. Si la jambe du dedans ne reçoit pas instantanément le changement de pied que lui envoie la jambe du dehors, le cheval se traverse nécessairement. Jamais dans ces conditions les changements de pied ne seront réguliers ni bien faits. Et comme il faut toujours deux ou trois foulées pour redresser le cheval, ils seront même impossibles à des temps rapprochés. Du côté du dehors, le mal est moins grand, de pied et jambe gauche pour garder mon cheval droit. Si je ne recevais pas le cheval sur la jambe gauche, la croupe dévie- rait inévitablement vers le mur. 1. Il demeure toujours très difficile de faire exécuter correc- tement les changements de pied dans les tournants. 2. J'ai expliqué plus haut que je ne faisais pas, à propre- ment parler, d'épaule au mur, en ce sens que je me refuse à laisser guider mon cheval par le mur. Je me sers de cette ex- pression parce qu'elle est courante. Mais, comme je fais toujours ce travail loin du mur, dans les voltes, il serait plus exact de l'appeler: l'épaule en dehors. joo TROISIEME PARTIE. puisque le mur empêche un trop grand écart des hanches. Lorsque les changements de pied sont correctement exécutés sur les deux pieds, à main droite et à main gauche, et surtout dans les coins du manège, je com- mence alors seulement à les régler, ce qu'il est im- possible de faire avant d'être certain que le cheval changera de pied chaque fois et aussitôt que je l'exi- gerai. Je me contente d'abord de demander au cheval de changer de pied toutes les huit ou dix foulées de galop, et encore je n'exige qu'un seul changement sur chaque pied. S'il s'anime, il faut l'arrêter et revenir aux départs. Pour être bien d'accord avec le cheval, il faut compter les foulées de galop. Exemple : je suis à main droite, galopant sur le pied droit; je compte i, 2, 3, 4, 5, 6, chaque nombre marquant une foulée de ga- lop. A la sixième, je change de pied ; puis je fais exécuter le même exercice sur le pied gauche. Si le cheval fait bien les deux changements que je lui ai demandés, je l'arrête et je le caresse. Puis je recom- mence en ne lui demandant qu'un seul changement sur chaque pied. Au bout de quelques jours, quand je sens que le cheval exécute franchement ce travail, je lui demande quatre fois, puis six fois le changement de pied, tou- jours à la sixième foulée. Aussi longtemps que le cheval accepte ce travail avec calme, je lui demande CHANGEMENTS DE PIED AU TEMPS. joi progressivement un plus grand nombre de fois ce même cliangement de pied à la sixième foulée, ou, comme on dit, au sixième temps, sans toutefois en abuser. Dès que le cheval s'anime, je l'arrête, mais sans le caresser ; il pourrait croire que je l'encourage à s'animer. Je le mets au pas et dans la main, puis je recommence et ne termine la leçon que quand il a pris les changements de pied avec calme. L'écueil des changements de pied est tout entier dans les préparatifs que fait généralement l'écuyer pour les obtenir. Je ne parle pas, bien entendu, de la pré- paration du cheval, qui est indispensable, mais sim- plement des mouvements de l'écuyer avant le moment précis oia il veut faire exécuter le changement de pied. Il est extrêmement important qu'il reste toujours tranquille dans les foulées, pendant lesquelles le cheval ne doit pas changer. Ainsi, pendant les cinq premières, il ne doit pas faire le moindre mouvement. Il ne doit changer ses aides qu'au sixième temps, mais avec ensemble et une grande décision. Si, au quatrième ou au cinquième temps, vous préparez le changement de pied, vous ferez certainement fausse route, car le che- val, étant déjà très sensible aux aides et attentif à vos demandes, il se désunira sous l'action de vos prépa- ratifs. Si vous touchez aux rênes, c'est l'avant-main qui changera, et si vous modifiez vos jambes, ce sera l'arrière-main. Mais comme il n'y a pas d'accord entre les aides, le cheval ne fera pas de changement de pied. joi TROISIEME PARTIE. On impute la faute au cheval qui se désunit, et on a tort, car c'est presque toujours le cavalier qui Ta provoquée en ne restant pas complètement tranquille jusqu'au moment décisif. Il arrive aussi que le cheval, croyant bien faire, n'attend pas votre demande : il devance votre désir ou ce qu'il croit être votre désir. C'est pourquoi on ne saurait trop recommander à l'écuyer une tranquillité absolue pendant les cinq premières foulées de galop. Il arrive, avec tous les chevaux, que, lorsqu'ils savent faire facilement les changements de pied, ils en exécutent d'eux-mêmes et sans y être aucunement provoqués. Il faut, dans ce cas, corriger le cheval; car si vous lui laissez prendre l'initiative d'un mouvement que vous ne lui avez pas demandé, vous ne pourrez obte- nir aucune régularité dans les changements de pied. Quand je dis qu'il faut corriger, j'entends qu'il faut réprimer la faute. Ainsi, votre cheval étant au galop sur le pied droit, s'il change de pied avant que vous le lui demandiez, il faut simplement attaquer plus vigoureusement qu'à l'ordinaire, avec l'éperon gauche, pour l'obliger à rester sur le pied droit. On agirait naturellement de même avec l'éperon droit, si le cheval était parti au galop sur le pied gauche. Toute^ fois, la faute ayant été réprimée dans les conditions que je viens d'indiquer, évitez de demander aussitôt, et dans la même leçon, le changement de pied en l'air : CHANGEMENTS DE PIED AU TEMPS. joj cela pourrait amener une confusion dans l'esprit du cheval. Revenez plutôt aux départs en le tenant long- temps sur le même pied. Si vous avez plusieurs fois réprimé la même faute et si vous prenez soin de caresser l'animal chaque fois qu'il ne change de pied que sur votre demande, il comprendra vite qu'il ne doit rien faire sans que vous le lui ayez demandé. Mais, je le répète, ne faites exé- cuter les changements de pied que si vous n'avez pas été obligé de corriger auparavant. Il vaut mieux con- sacrer plusieurs leçons à réprimer la faute. Le cheval comprendra beaucoup mieux, il restera plus calme et son dressage n'en avancera que plus rapidement. Ce n'est que lorsque le cheval a bien compris qu'il doit toujours attendre ma demande que je lui fais exécuter des changements de pied plus rapprochés. Au lieu de commencer au sixième temps, je demande le changement de pied au quatrième, en employant tou- jours les mêmes procédés. Je me contente les pre- mières fois d'un seul changement sur chaque pied, puis je le demande progressivement les jours suivants un plus grand nombre de fois. On observera que la somme d'énergie que le cheval est obligé de déployer sera d'autant plus grande que les changements de pied seront plus rapprochés. Il peut en résulter que l'animal s'irrite et s'embrouille : dans ce cas, il faut l'arrêter, le mettre quelque temps au pas, mais ne pas le caresser. On recommencera ensuite les départs au galop sur chaque pied avec 304 TROISIEME PARTIE. mise en main, sans lui demander de cliangement de pied, et on ne terminera la leçon que lorsque le cheval sera redevenu tout à fait calme. Chaque fois que j'éprouve des difficultés dans les changements de pied, je reviens aux départs au galop et j'y trouve du profit. Ces départs sont pour le cheval ce que les gammes sont pour le pianiste, ou encore les battements pour les danseurs. De quatre temps je passe à trois, puis à deux, et finalement à un temps, où chaque foulée de galop doit successivement se faire sur une jambe différente. Je laisse pourtant s'écouler un temps assez long entre chacune de mes demandes, de quatre à trois, de trois à deux, ou de deux à un seul temps. Si vous voulez aller trop vite, vous n'arriverez à rien; le cheval se trompera forcément, car vous ne lui aurez pas donné la possibilité de comprendre la diffé- rence qu'il y a entre ces changements de pied de- mandés à des temps différents. Aller doucement, en équitation, c'est être sûr d'ar- river vite. C'est d'ailleurs le cheval qui m'indique le moment où je puis, sans compromettre son équihbre, ses forces et sa légèreté, augmenter le nombre et le rapprochement des changements. C'est seulement lorsqu'il est calme, léger, lorsqu'il exécute les changements de pied avec facilité et que j'obtiens ces changements à deux temps, puis à un seul temps, pendant deux ou trois tours du manège sur les deux mains, que je lui demande le même travail CHANGEMENTS DE PIED SUR PLACE. 305 à deux temps dans les voltes et changements de main. Quand je suis satisfait des résultats obtenus, je de- mande alors le changement de pied au temps dans les mêmes mouvements. L'écuyer qui est parvenu à faire exécuter les voltes et changements de main en obligeant le cheval à chan- ger de pied très régulièrement à chaque foulée peut être satisfait de lui-même et de son cheval : il a résolu la plus grande difficulté de Téquitation. XII Changements de pied sur place. Pour faire exécuter les changements de pied au galop sur place, il faut procéder comme pour le chan- gement de pied au temps, avec cette seule différence que le rassembler doit être plus complet. Il semblerait qu'il fallût ici une plus grande tension des rênes et une diminution de l'action des jambes pour ralentir l'allure. C'est une erreur, car alors la main rejetterait les jarrets en arrière du centre. Il faut, au contraire, agir vigoureusement des deux jambes pour maintenir l'impulsion, sans quoi le cheval s'étein- drait. La main doit s'emparer, avec une très grande légèreté, de cette impulsion et la refouler vers le centre de gravité du cheval, qui se trouve toujours près des jo6 TROISIEME PARTIE. jambes du cavalier quand le cheval est bien équi- libré. Les changements de pied faits complètement sur place sont à peine perceptibles à l'œil, par la raison bien naturelle que le cheval ne gagnant pas de terrain en avant, l'écart d'avant en arrière que les jambes de devant ont entre elles, ainsi que les jambes de derrière, est peu apparent. Il en résulte que, pour saisir les changements de pied, il faut que le spectateur soit placé très près du cheval. C'est à Baucher que nous devons l'invention de cet exercice difficile et compliqué. Il l'a brillamment exé- cuté avec Turban, et non avec Partisan, comme beau- coup le prétendent. XIII Piaffers et passages. Le passage dit naturel est un trot très rassemblé, court, très haut et régulièrement cadencé d'une dia- gonale à l'autre. Ce n'est pas tout. Il faut encore, pour que l'on puisse dire que le cheval passage, que les jambes de devant, enlevées très vigoureusement, quoique moelleusement, restent un instant en l'air, les genoux et les pieds fléchis. Les jambes de derrière s'élèvent, les jarrets et les paturons plient en se por- nr A MPi/r vv\/rT « :.-T.-«kiv-^«Éafe«!W:«s«Ba>> .g 1 î^ ^"^^ t I. I PIAFFERS ET PASSAGES. 307 tant SOUS le centre. En somme, les quatre membres doivent être levés haut en cadence, de façon que le cheval soit en l'air d'une diagonale à l'autre Le mou- vement doit être aussi lent et aussi haut que possible. Cet air est gracieux et brillant. On l'appelle passage naturel ^ . Toutefois, il faut savoir qu'il n'y a pas de cheval qui passage de lui-même. Le passage ne s'obtient que par le dressage. Certains chevaux ont de très grandes prédispositions au passage, notamment ceux qui ont l'allure lente, qui ont des genoux, comme on dit, c'est- à-dire qui marchent haut en pliant bien les genoux et qui, très souples des jarrets, élèvent haut les Jambes de derrière ; en un mot, ceux qui ont le pas lent et relevé. Le cheval qui marche les jambes raides sans plier les genoux ni les jarrets est impropre à cet air. Je ne vais pas jusqu'à dire qu'on ne puisse l'obte- I. Voiries photogravures. Planche XXVII, fig. i. Germinal au passage. Diagonale droite en l'air. Planche XXVII, fig. 2. Markir au passage. Diagonale gauche en l'air. Dans les deux planches, on remarquera l'e'lévation des membres, avec la prédominance des jambes de devant en hau- teur. L'éperon seul permet d'arriver à ce résultat. Chez les chevaux dressés à la cravache, c'est le contraire qui a lieu, la cravache sur la croupe produisant fatalement l'élévation de l'arriére-main. Dans la figure 2, le paturon, fléchi au point de toucher terre, prépare la détente énergique qui donnera la hauteur; tandis que , dans la figure i, c'est le mouvement en avant qui est le plus accentué. 3c8 TROISIEME PARTIE. nir de lui; mais, en supposant qu'on l'obtienne, il est disgracieux à l'œil, car le bas des jambes traîne presque à terre, ce qui donne au cheval un air de raideur. Il est extrêmement difficile d'expliquer comment on obtient le passage naturel. C'est, d'abord, en rassem- blant le cheval, puisqu'il n'y a pas de passage possible si le cheval n'est rassemblé. Mais le rassembler ne suffit pas, car, si bien rassemblé que soit le cheval, il nous reste maintenant à le idÀTt passager. La mise en main et le rassembler étant parfaits, il faut employer l'éperon pour obtenir l'élévation des membres qui donnent le passage. Mon cheval mis au pas, bien équilibré, je Texcite à prendre le trot en le poussant fortement des jambes, en même temps que je le retiens de la main, pour l'empêcher de s'étendre. Le cheval, ne pouvant étendre les jambes, les élève et gagne ainsi en hauteur ce qu'il perd en longueur. En même temps, l'éperon aidant, il arrive à faire, pour ainsi dire, de petits sauts d'une diagonale à l'autre. Voilà le commencement du pas- sage. Mais la cadence n'est pas encore correcte, car le cheval s'irrite toujours au début, ne sachant pas ce qu'on lui demande. Gardez-vous d'insister trop long- temps, pendant les premiers jours, si vous voulez éviter des défenses. Le cheval, inquiet de se voir attaquer et ne com- prenant pas le motif de ces attaques, puisque le travail est nouveau pour lui, finit quelquefois, dans la crainte PIAFFERS ET PASSAGES. J09 des éperons, — qui sont toujours près, — par tomber dans une sorte de désespoir ^ Si vous insistiez dans ce moment, vous auriez tort, et, du reste, vous ne sortiriez probablement pas vain- queur de la lutte. Car le cheval le plus doux, pris d'affolement, trouve une force extraordinaire et se livre à des défenses d'une violence incroyable. Il faut donc toujours rester très calme et, au moindre signe de cadence, c'est-à-dire au premier, ou, au plus tard, au second temps, cesser l'action de vos aides, caresser le cheval, lui donner le temps de se calmer et ensuite recommencer. L'écuyerqui a une grande finesse de tact arrête au premier temps et caresse. Mais, moins il a le tact déve- loppé, moins il est apte à reconnaître si le temps est cadencé. Dans ce cas, il continue, tâchant toujours de saisir lacadence et n'aboutissant qu'à énerver son cheval. C'est ce qui explique qu'un écuyer habile et très fin obtient tout de son cheval sans le rendre vicieux ni lui donner aucune tare. Pouvant en effet saisir le moindre signe d'obéissance, il cesse aussitôt le travail pour faire comprendre au cheval, par des caresses, qu'il a bien fait. L'extrême rapidité avec laquelle il perçoit les plus petites nuances lui évite de surmener I. Il arrive généralement un jour, ou même une période de quelques jours, au cours du dressage, où le cheval énervé prend une grande résolution et joue son va-tout. Il se jette alors dans les défenses les plus désordonnées. Quand l'écuyer, à force de tact et d'énergie, a vaincu ces dernières résistances, le cheval est soumis : il n'est pas encore dressé. jio TROISIEME PARTIE. le cheval, de le rebuter, et de le réduire à des luttes dans lesquelles ils s'usent tous les deux. Au contraire, l'écuyer malhabile à saisir les nuances, celui qui ne sent pas bien la cadence dès qu'elle se produit, continue à faire agir l'éperon pour obtenir plusieurs temps cadencés et être bien sûr qu'il ne se trompe pas. Cela est déjà un châtiment pour le cheval, mais le pis est que, ne sachant même pas pourquoi il est châtié, il se défend, tandis que l'écuyer continue ses attaques. Il en résulte que, lorsqu'on lui rede- mandera du passage, le cheval, croyant que c'est la souffrance qui va recommencer, se défendra de nou- veau et s'affolera à l'approche des jambes, par cette seule raison qu'il aura été corrigé sans avoir pu com- prendre pourquoi. L'important est donc de saisir les moindres signes de bonne volonté, et aussi de savoir se contenter de peu. Quand le cheval ne craint pas l'approche des jambes, si vous n'êtes pas trop exigeant, il arrivera toujours un moment où il se cadencera avec une grande facilité et même avec plaisir. Vous pourrez alors demander davantage, car, le cheval ayant com- pris, vous n'aurez plus à craindre de surexciter son système nerveux. Tout le travail des deux pistes peut se faire au passage, mais il est difficile de l'exécuter correctement *. Il y a un autre passage, dit artificiel, qui n'est I. Voir les photogravures. Planche XXVIII, fig. i. Markii' au passage sur deux pistes '■^ 'm m. ^^ "^ A ,; ;à ^^ ;*!' ^ >: PLANCHE XXVIII PIAFFERS ET PASSAGES. jn qu'un corollaire du pas espagnol, c'est un passage sans rassembler, et par conséquent contraire à toutes les données de l'équitation. Je l'ai pratiqué dans ma jeunesse, quand je n'avais pas encore assez de tact pour arriver au passage naturel. Aujourd'hui, je ne l'enseigne jamais K Le piaffer n'est que du passage naturel exécuté sur place. Il y a deux sortes de piaffers, l'un lent et élevé, difficile à obtenir, et que tous les chevaux ne supportent pas; l'autre, précipité et près de terre, que l'on peut obtenir de presque tous les chevaux. Le piaffer haut et lent ne diffère du passage na- turel qu'en ce sens qu'il doit être exécuté complète- ment sur place. On y arrive en raccourcissant le pas- sage pas à pas, jusqu'à ce qu'il se fasse sur place. de gauche à droite, diagonale gauche en l'air. La position est des deux pistes, les actions sont celles du passage. Planche XXVIII, fîg. 2. Mcirkir au passage sur deux pistes de gauche à droite, diagonale droite en l'air. Ici, c'est le mou- vement des deux pistes qui se prononce. La jambe gauche de derrière qui gagne peu de terrain garde son élévation. La jambe droite de devant, après s'être élevée comme la jambe gauche de devant dans la figure i, prononce son mouvement de gauche à droite et s'éloigne de la jambe gauche pour gagner du terrain à droite. I. Je pourrais faire une observation analogue pour un cer- tain nombre d'airs artificiels auxquels j'ai renoncé depuis bien longtemps, quand je dresse un cheval pour moi, non parce qu'ils ne sont pas conformes aux données de l'équitation, mais parce que je ne les trouve pas assez savants. Tels sont : le pas espagnol, les pirouettes renversées sur trois jambes, les pirouettes ordinaires et renversées, les pieds croisés, le re- culer sans rênes, le balancer de l'avant et de l'arrière-main. J12 TROISIEME PARTIE, Le piaffer demande donc plus de rassembler, et par conséquent plus de jambes et plus de finesse de main*. Quand on n'a pas le passage à sa disposition, le piaffer est alors une conséquence du pas. On obtient facilement le piaffer précipité d'un cheval vigoureux et impatient. Mais, s'il n'est pas enseigné selon les règles de réquitation, il ne sera jamais régulier. Il ne suffit pas, en effet, que le cheval soit vif et vigoureux pour que l'on arrive à le faire^ piaffer en l'excitant, soit de la cravache, soit avec les jambes, soit encore par des appels de langue. Par ces moj^ens, vous arriverez sans doute à provoquer son impatience, mais non à lui apprendre comment il doit poser ses pieds à terre ; et vous pouvez être certain que, s'il les y pose régulièrement, ce sera par un pur effet du hasard. Presque toujours, les jambes de derrière s'enlèveront et se reposeront à terre en même temps, ce qui n'est pas une allure. Il faut apprendre le piaffer au cheval en le calmant. Ce n'est que lorsqu'il est calme qu'il peut comprendre ce qu'on lui demande. I. Voyez les photogravures. Planche XXIX, fig. i. Markir au piaffer, diagonale droite en l'air. Planche XXIX, fig. 2. Markir au piaffer, diagonale gauche en l'air. On remarquera, dans les deux figures, l'énergie des actions marquée par l'abaissement des paturons jusqu'à terre et par la hauteur d'élévation des jambes de devant, toujours plus grande que pour les jambes de derrière, contrairement à ce qui a lieu dans le piaffer appris à la cravache. PIAFFERS ET PASSAGES. 31J Pour obtenir le piaffer, vous devez rassembler votre cheval en fermant les jambes jusqu'à l'éperon. Il est difficile d'expliquer, dans un livre, à quel moment précis l'éperon doit agir pour renforcer l'action de la jambe : il y a là, évidemment, une question de tact. 11 est plus facile de l'indiquer sur le terrain, car on voit alors si le cavalier se sert trop ou pas assez du fer. Comme nous l'avons déjà dit, l'éperon doit arriver pour déterminer le cheval à céder à la jambe quand l'action de cette jambe est restée insuffisante par elle- même. D'ailleurs, le cheval a besoin de sentir les éperons pour rester rassemblée Enfin, comme pour faire piaffer le cheval vous devez l'empêcher d'avancer, si vous n'arrivez à l'éperon, il se jettera infailliblement à droite ou à gauche en forçant la jambe. On doit donc user des jambes tant qu'elles suffisent à maintenir le cheval ; néanmoins, pour le tenir en respect, l'éperon doit toujours friser le poil. Pour arriver au piaffer-, il faut procéder par de 1. On a souvent discuté si l'éperon était une aide ou un châtiment. En réalité, je l'ai déjà dit, il est tantôt l'un, tantôt l'autre, selon les besoins. Pendant le dressage, il doit toujours être une aide, et ne devenir un châtiment que quand le cheval se révolte ouvertement. Encore faut-il rechercher si c'est par pur caprice de sa part et non par votre faute que l'animal s'est révolté. Si c'est par caprice, l'éperon doit servir à le châtier ; mais souvenez-vous, dans tous les cas, que les Anglais appellent avec grande raison les éperons : persuaders. 2. Le piaffer précipité et le piaffer lent s'obtiennent par les mêmes moyens. Je m'attache exclusivement au piaffer lent. J14. TROISIÈME PARTIE. petits picotements des éperons^; et, comme toujours, il faut, au début, se contenter de deux temps. Je touche mon cheval à droite et à gauche, mais presque simultanément ^ Mon éperon droit jette la jambe droite de derrière sous le centre, ce qui force la jambe gauche de devant à s'élever, tandis que mon éperon gauche se faisant sentir à son tour, juste au moment où le bipède diagonal gauche est en l'air, pro- duit un effet semblable sur le bipède diagonal droit. J'ai donc obtenu mes deux premiers temps de piaffer; mais, pour commencer, ces deux temps doivent être si rapprochés l'un de l'autre qu'ils n'en forment, pour ainsi dire, qu'un seul ^ ; exactement comme en escrime, quand le tireur fait : Une, deux, très serré*. 1. C'est ce que La Guérinière appelait excellemment le pincer délicat de l'éperon. 2. En effet, si j'attaquais exclusivement d'un côté sans re- cevoir immédiatement le cheval sur la jambe opposée, je n'a- boutirais qu'à jeter les hanches de côté. 3. Si je les espaçais, j'aurais alternativement un écart à gauche et à droite dans le genre du balancer. 4. Il résulte de ce que je viens de dire que ces deux pre- miers temps sont nécessairement des temps de piaffer précipité. Quand on commence le piaffer, on ne peut savoir d'avance ce qu'il sera. En général, le cheval cherche toujours à le précipiter, en raison de l'impatience que lui causent les attaques. D'ail- leurs, le piaffer précipité ayant moins de hauteur exige moins d'efforts que le piaffer relevé. Une fois le piaffer obtenu tel quel, il reste à le régler, et c'est là que se manifeste le tact de l'écuyer. Le difficile, c'est d'empêcher le piaffer précipité, ou plutôt de le transformer en piaffer lent, en donnant la hauteur qui résulte du rassembler. Plus le rassembler sera complet, plus la hauteur sera grande. Énergie des jambes, légèreté de main, PIAFFERS ET PASSAGES. JIS Il arrive souvent qu'aux premières attaques préci- pitées, le cheval bondit. S'il se porte en avant en bon- dissant, il n'y a pas grand mal : cela vous indique seulement que vous avez agi trop vigoureusement des éperons. Il faudra donc en user plus légèrement quand vous recommencerez. Si vous répétez souvent ces deux premiers temps de piaffer, le cheval, au point de dressage où nous en sommes arrivés, comprendra vite ce que vous lui demandez. Dès qu'il marquera bien droit les deux premiers temps, sans manifester la volonté de se dérober à vos attaques, vous pourrez alors lui en demander quatre, puis six, etc., et vous continuerez à en augmenter le nombre, tant que vous le maintien- drez aisément dans cette position ; mais n'abusez pas. Il faut naturellement cesser et porter le cheval en avant, dans la main, aussitôt que vous sentez qu'il peut vous échapper, soit en jetant ses hanches de travers, soit en essayant une pointe, soit encore, ce qui est pire, en reculant. et surtout délicatesse du tact pour la combinaison des aides, ainsi s'obtient le piaffer lent relevé. Dans le piaffer précipité, les jambes, s'élevant peu au-dessus du sol, restent raides. Dans le piaffer relevé, le bipède en l'air fléchit fortement en gagnant en hauteur, tandis que les paturons du bipède posé fléchissent au point de toucher terre (voir planche XXIX, figure 2), pour lancer, à leur tour, la masse en hauteur par leur détente. Quand on va du passage au piaffer en raccourcissant le pas- sage, les temps du piaffer se règlent plus facilement, en raison de la cadence déjà obtenue ; mais le tact de l'écuyer n'est pas moins nécessaire. ji(î TROISIEME PARTIE. Dans le premier cas, il faut redresser les hanches d'un vigoureux coup d'éperon donné du côté où le cheval se jette; c'est une correction. Si l'animal fait une pointe, vous êtes forcé de rendre la main pour éviter un accident; mais il ne faut pas que les éperons quittent les flancs' (voir plan- che XXXII) : leur action doit, au contraire, s'augmen- ter de petites attaques, tant que le cheval n'est pas redevenu calme dans la main-. Reste le reculer, qui est plus difficile et plus dan- gereux à combattre. Si sur de petites attaques le cheval se met à re- culer vivement, il faut rendre tout et avoir recours aux attaques les plus vigoureuses. L'attaque répétée de l'éperon près des sangles est un moyen auquel nul animal ne résiste, si elle est énergiquement continuée. D'ailleurs, j'ai déjà dit qu'il ne fallait jamais attaquer le cheval sur place avant de lui avoir appris à se porter franchement en avant sur l'éperon. Je ne suis donc pas exposé à avoir à lutter contre la défense que je décris. Si cela m'arrivait cependant, j'en viendrais facilement à bout par les attaques répétées du fer^. Mais si faute de dressage suffisant on se trouve en pré- sence de cette défense, et si on n'est pas capable de pro- longer suffisamment les attaques répétées de l'éperon 1. Sans cela il pointerait à chaque instant. 2. Alors il s'est rendu, il a véritablement fait sa soumission. 3. Alors les éperons doivent faire comme un roulement de tambour. PIAFFERS ET PASSAGES. 317 derrière les sangles, alors prenez la cravache, le bâton, la trique, recourez à un auxiliaire armé d'une cham- brière, au feu s'il est nécessaire, mais atout prix faites porter le cheval en avant. Ici, nous sommes en pleine lutte, et il importe de savoir qui de l'homme ou du cheval sera le maître. Vous ne devez donc céder sous aucun prétexte. Tous les moyens sont bons à em- ployer, car il faut que vous sortiez vainqueur de la lutte : sinon votre cheval est rétifs Si, en effet, le cheval sent qu'il peut en reculant échapper au travail, vous êtes perdu; non seulement vous ne serez plus le maître, mais il sera le vôtre. Toutes les fois que vous voudrez vous servir des épe- rons pour n'importe quel mouvement, il reculera; et si vous ne lui inû'igQz pendant qu'il recule, une correc- tion exemplaire, il faut renoncer au dressage, et, — ce qui est encore plus sage, — au cheval. On doit, néanmoins, toujours conserver son sang- froid, tout en étant très énergique. Si vous vous lais- sez aller à la colère, vous serez plus vite épuisé que le cheval. Sous le bénéfice de cette réserve, châtiez froidement et fort, jusqu'au moment où l'animal sen- tant que, plus il recule, plus sa souffrance s'aggrave, il se décidera alors à se jeter en avant. Dans ce cas, on doit aussitôt caresser le cheval, I . Il va sans dire que je ne conseille de recourir aux grandes attaques, et même aux moyens violents, que lorsque le cheval s'entête à reculer. Alors il n'y a plus qu'un objectif pour l'écuyer : ne pas être vaincu. ji8 TROISIÈME PARTIE. descendre et profiter de la concession qu'il vient de faire pour terminer la leçon. Que la lutte se produise au commencement ou au milieu de la leçon, peu importe : dès que le cheval a cédé, il faut s'en tenir là; car, si vous recommencez le travail, vous n'êtes pas sûr d'obtenir une deuxième concession dans la même leçon, surtout si le cheval s'est entêté longtemps. D'ailleurs, vous êtes fatigué et lui aussi; il ne peut donc plus vous opposer que la force de l'inertie : c'est la plus terrible de toutes. Vous pourriez le tuer de coups qu'il ne bougerait pas. C'est que vous avez dépassé ses forces, et, en insistant, vous n'arriveriez qu'à le rebuter pour toujours. Il faut donc profiter de la moindre concession. Il faut surtout éviter de prolonger la correction quand le cheval se porte en avant. Autrement, il ne saura plus à quel moment il fait bien ou mal, puisqu'il continue à être battu, qu'il se porte en avant ou qu'il recule. Je recommande donc à l'écuyer, d'une façon parti- culière, de ne jamais perdre son sang-froid, tout en étant de la dernière énergie. J'ai eu un très beau pur sang noir, nommé Négj^o, que j'ai monté en public pendant quatre ou cinq ans. Jamais ce cheval ne m'a manqué un travail, et pour- tant il était quinteux, criait et pissait quand on l'at- taquait. Lorsque j'ai commencé à le dresser, il se mettait à reculer aussitôt qu'il sentait l'approche des jambes. Durant deux mois, il n'a pas cessé de reculer sous PIAFFERSET PASSAGES. 319 moi pendant vingt minutes chaque jour. J'étais déses- péré. Tous les écuyers prétendaient que jamais je n'arriverais à le porter en avant, et pourtant il a fini par céder. Il est même devenu un excellent cheval pour dames, et n'est jamais retombé dans la fâcheuse habitude que j'avais eu tant de peine à lui faire perdre. Pour y arriver, je n'ai employé que l'éperon par picotements. Jamais l'éperon ne doit rester adhérent AUX FLANCS*. Les éperons dont je faisais usage étaient très acérés, et je les appliquais, comme toujours, le plus près possible des sangles ^ J'avais soin, naturel- lement, de caresser l'animal aussitôt qu'il se portait en avant. Toutefois, j'avoue qu'après vingt minutes d'une lutte sans relâche, j'étais complètement épuisé, aussi bien que mon cheval. Pour dresser un animal pareil, il faut donc être jeune, avoir en selle une soli- dité à toute épreuve et de bons reins, car ce sont tou- jours les reins qui se fatiguent le plus. 1. En effet, ce qui fait que le cheval fuit l'éperon, c'est que la douleur se renouvelle à chaque instant. Si l'éperon reste adhérent aux flancs, le cheval se couche sur le fer, et on aboutit inévitablement à la rétivité. 2. C'est là, et là seulement, que l'attaque de l'éperon donne l'impulsion. L'attaque plus en arrière peut déterminer un mou- vement en avant, mais sans impulsion. De plus, elle rend le cheval chatouilleux en raison de sa sensibilité beaucoup plus grande en cet endroit. C'est l'attaque le plus près possible des sangles qui seule amène le jarret sous le centre : d'où l'impulsion. En ce qui me concerne, je mets constamment mes sangles en lambeaux. 320 TROISIEM E PARTIE. Quand )e dis qu'il faut cesser de tenir le cheval en place dans les trois défenses que j'ai citées, c'est afin d'être toujours maître de lui. S'il résiste aux attaques sur place, je le porte en avant à tout prix. Puis je le renferme et je recommence jusqu'à ce qu'il cède. Le point sur lequel j'insiste, c'est qu'on est toujours maître du cheval tant qu'on peut le porter en avant. On comprend assez que toutes ces observations ne concernent pas uniquement le piaffer et le passage. Si je les ai développées assez longuement, c'est que ce sont toujours les mêmes moyens que l'on emploie pour combattre les défenses, — toujours les mêmes auxquelles le cheval ne manque pas de se livrer chaque fois qu'on l'attaque de l'éperon en le maintenant en place ^ Les hommes de la nouvelle école, dont j'ai déjà eu occasion de parler dans le chapitre précédent, em- ploient, pour enseigner le piaffer, un mo3^en non moins bizarre que celui dont ils se servent pour enseigner le pas espagnol, mais plus sauvage encore. On ouvre la porte du manège, et on place le cheval I. Beaucoup ù'écuyers, présentant des chevaux qui se dé- tendent, disent, pour s'excuser, qu'on ne peut rien faire d'a- nimaux qui ruent, pointent ou reculent chaque fois qu'on leur fait sentir l'éperon. La simple vérité, c'est que leur méthode est défectueuse. Parfois ils se vantent d'avoir donné de telles cor- rections à leur cheval qu'il est resté plusieurs jours sur la paille. Cela prouve seulement leur brutalité. Dans les pires dé- fenses, je n'ai jamais maltraité un cheval au point de le mettre sur la paille. Je ne l'ai même jamais assez fatigué pour qu'il ne puisse reprendre son travail le lendemain. PIAFFERS ET PASSAGES. 321 la tête tournée du côté de l'écurie, tout près de l'ouverture de cette porte, pour exciter son impa- tience. Un homme est sur son dos, un autre homme le tient au caveçon, et un troisième se place derrière le cheval, la chambrière à la main K On met ensuite à chaque paturon un bracelet en cuir auquel est attaché un morceau de bois en forme d'œuf. Dès que le cheval bouge un pied, ou plutôt quand il le pose, l'œuf frappe sur la couronne et l'oblige à relever le pied. L'homme qui le monte l'actionne des éperons; l'autre, qui est placé derrière, l'actionne de la chambrière, tandis que l'homme qui tient le ca- veçon, et se trouve placé devant la tête du cheval, empêche celui-ci d'avancer, en lui donnant des coups de caveçon sur le chanfrein. Le cheval, ainsi empri- sonné, manifeste très vivement son impatience, et comme, chaque fois qu'il pose un pied, l'œuf le frappe sur la couronne et le lui fait relever, il fait une espèce de piaffer précipité qui n'est ni gracieux ni régulier. Au surplus, on habitue de cette façon le cheval à piaffer devant la porte de l'écurie, ce qui est sans doute très ingénieux et ne demande pas grand I. Ces messieurs n'opèrent qu'en troupe. Toujours plusieurs bourreaux pour une victime. Ils sont d'ailleurs tellement con- vaincus qu'on ne peut s'y prendre autrement qu'ils croient qu'on se moque d'eux quand on leur dit que l'écuyer doit en- fourcher son cheval et le dresser seul sans l'aide de personne. Cela leur paraît simplement impossible. J22 TROISIEME PARTIE. savoir. Mais il y a un inconvénient à user de ce pro- cédé : dès que vous tournez la tête de l'animal du côté opposé à l'écurie, il ne montre plus aucune im- patience et cesse de piaffer. Voilà ce qu'est le cheval mécanisé. Je m'arrête, n'ayant l'intention de ne donner qu'un aperçu du sys- tème employé par la nouvelle école pour dresser le cheval. Pour toute espèce de travail, les adeptes de cette école emploient les mêmes moyens. Je n'entreprendrai pas de les décrire. Le cheval auquel on a appris à piaffer avec le seul concours des rênes et des jambes, et par des effets d'en- semble, piaffe n'importe oià, au gré du cavalier, quel que soit le moment ou l'endroit. Il n'en est pas moins vrai que le S3'stème de l'école nouvelle est employé presque partout. On dresse main- tenant les chevaux sans les monter et par des moyens analogues à ceux que l'on pourrait employer pour dres- ser des singes ou des chèvres. C'est ce qu'on appelle ironiquement, à Vienne, Piideldressirung, du dres- sage de caniches ^ Il est, du reste, facile de se rendre compte des raisons qui font que le piaffer, appris dans de telles I. Il faut ranger dans la même catégorie la recommandation faite par certains auteurs de chanter un air à deux temps à un cheval à qui on apprend le piaffer ou le passage. Je n'ai jamais dressé un cheval avec une musique quel- conque. Tout mon orchestre est dans mes éperons. Quand mes chevaux entendent la musique pour la première fois, cela les déconcerte d'abord, mais ils s'y font facilement. ^h m. 'é -^ % M ^^ "'^ y if I .. ... - ->. 'r^ «;^:i -\ M W M. >?4 m ^i i?i ^ 5g^^ M PIAFFERS ET PASSAGES. jaj conditions, sera toujours mauvais. D'abord, question décisive : tout progrès est impossible. Ensuite, l'action de la cravache ou de la chambrière ayant pour résultat d'élever la croupe, les jambes de derrière dépasseront en hauteur les jambes de devant et l'encolure s'affais- sera nécessairement. Or, dans le piaffer comme dans le passage, les jambes de devant doivent toujours do- miner comme hauteur. Cela s'obtient quand on en- seigne ces mouvements avec le seul secours des mains et des jambes, car les jarrets sont alors poussés sous le centre de l'animal, ce qui provoque l'élévation de l'en- colure, et par conséquent une plus grande hauteur de l'avant-main^. On comprend que les chevaux de la nouvelle école ne sont jamais dressés dans la véritable acception du mot. Ce sont tout au plus des machines, des auto- mates que le premier venu peut faire mouvoir et dont il pourra obtenir tel et tel travail, bon ou mauvais, pour peu qu'on lui ait indiqué comment, à quel I. Comparez les figures i et 2 de la planche XXIX avec la planche XXX exécutée d'après une photogravure publiée dans un récent ouvrage où l'on enseigne le piaffer à la cravache. Dans la planche XXX, la position de la tête et de l'encolure sont si défectueuses, l'avant-main est si surchargé que l'animal ne peut pas lever la jambe droite de devant qui devrait être en l'air, comme dans les figures i et 2 de la planche XXIX. Dans la planche XXX, au contraire, le cheval plie simplement le genou, le sabot traîne à terre. Il ne piaffe que de rarrière-main,qui est plus haut que l'avant-main. Contre l'intention de l'auteur, tous les vices du piaffer à la cravache sont rendus frappants par cette figure. ja^ TROISIÈME PARTIE. moment et à quel endroit il faut toucher certaines parties du corps de l'animal. Les écuyers de la nouvelle école se gardent bien, du reste, de jamais chercher à dresser des pur sang, sa- chant par expérience que des chevaux nerveux, éner- giques, puissants, ne se laisseraient pas ligoter. Ils soutiennent, pour s'excuser, que les pur sang man- quent de souplesse. La vérité est au contraire que le pur sang est le cheval le plus souple, mais aussi le moins endurant. C'est d'ailleurs à cette nouvelle école qu'on doit toutes ces amazones qui, ne pouvant ou ne voulant pas apprendre à monter à cheval, trouvent beaucoup plus simple d'acheter une bête mécanisée et la font travailler à coups de cravache, sur les jambes, la tête, la croupe, et enfin un peu partout, de la manière la plus disgracieuse. Les vrais amateurs sont loin de goûter ce genre d'équitation, tout fait de contorsions, et qui consiste presque toujours, soit à obliger le cheval à se tramer sur les genoux, soit à allonger la tête par terre comme un veau qui attend le couteau, soit encore à marcher sur des balustrades, etc. Sans doute, le gros public, peu au courant de l'équitation, applaudit quand même; mais il est triste que l'art de l'équitation soit tombé si bas. Pour savoir si le cavalier possède réellement la science du cheval, il suffit de regarder l'animal. Quand celui-ci est léger, toujours bien placé, toujours dans PIAFFERS ET PASSAGES. }2J l'impulsion, et exécute tous les mouvements avec tant d'entrain qu'il paraît travailler avec plaisir, vous pouvez être certain que vous n'avez pas affaire à un adepte de la nouvelle école et encore moins au cheval mécanisé, dont j'ai parlé plus haut. J'ajoute que l'homme doit toujours monter sans cravache, et que l'amazone ne doit user de la cravache que pour suppléer l'action de la jambe droite, c'est- à-dire pour en frapper à droite, et rien qu'à droite, un peu en arrière des sangles. Il n'est pas douteux que la méthode adoptée par l'école nouvelle sera de préférence suivie par ceux que rebute tout travail, ce genre d'équitation étant à la portée de quiconque l'a vu pratiquer pendant quelques jours. On peut au contraire regarder travailler, pen- dant des années, un véritable écuyer et n'apprendre que très peu de chose. L'écuyer ne se sert, en effet, que des mains et des jambes, et encore avec tellement de délicatesse, avec des mouvements si atténués, que l'œil du spectateur peut à peine les saisir. En somme, la nouvelle école dresse le cheval au moyen de trucs. C'est pourquoi, dès qu'il est en pos- session de ces trucs, le premier venu peut obtenir certains résultats. L'ancienne école est à la nouvelle ce que le piano est à l'orgue de Barbarie. Pour avoir véritablement du talent sur le premier de ces instruments, il faut de longues études et une grande persévérance -, encore n'y arrive pas qui veut. Tandis que, pour jouer de J25 TROISIÈME PARTIE. l'orgue de Barbarie, il suffit d'avoir le bras assez solide pour tourner la manivelle. Dans le premier cas, on peut, avec du travail et de la patience, devenir un artiste; dans le second, on fait du bruit et c'est tout. XIV Différence entre le passage et le trot espagnol. Même parmi les gens qui montent bien à cheval, beaucoup confondent le passage avec le trot espagnol. Dans le passage, les genoux et les paturons sont fléchis; dans le trot espagnol, ils sont dans l'extension. Dans le passage, moins on parcourt de terrain, mieux cela vaut, alors le temps de soutien est plus accentué et le cheval paraît s'enlever sous lui. Dans le trot espagnol, au contraire, on doit cher- cher à prendre le plus de terrain possible à chaque foulée. Pour être brillante, il faut que l'allure soit haute et allongée, sans toutefois être précipitée, car, si vous allez trop vite, les jambes de devant ne pourront pas marquer le temps de soutien. Il y a aussi un autre trot que l'on appelle nageur, dans lequel le cheval doit trotter de toute sa vitesse, en indiquant avec les membres antérieurs un temps SERPENTINE AU TROT. 327 de soutien en l'air; mais, comme l'allure est très rapide, il s'ensuit que ce temps de soutien est beau- coup moins accentué que dans le trot espagnol. Je considère, d'ailleurs, que ce n'est pas là un air d'école. Le cheval qui trotte beau de l'épaule et du genou l'exécute naturellement. Je me contente de le mentionner. XV Serpentine au trot. Ce mouvement consiste à faire faire au cheval quatre pas de côté à gauche et quatre pas de côté à droite, au trot rassemblé. Le cheval doit, tout le temps, marcher sur deux pistes, l'avant-main prenant toujours un peu plus de terrain du côté où l'on marche, pour éviter que les hanches ne dépassent les épaules. Cet air paraît être simple, et il est au contraire très difficile à exécuter correctement. On s'apercevra très vite, en effet, qu'on n'a qu'un laps de temps, extrême- ment court, pour replacer le cheval d'une diagonale à l'autre, moelleusement et sans secousse. Tout le mérite et aussi toute la difficulté de cet exercice consistent à faire exactement quatre pas de chaque côté. Si le cheval en fait tantôt trois, tantôt cinq, il n'y a plus ni difficulté, ni mérite, ni intérêt. jae TROISIÈME PARTIE. XVI Galop sur trois jambes. On peut faire galoper le cheval sur trois jambes. Dans ce cas, les trois premiers temps du galop s'exé- cutent comme au galop rassemblé (à quatre temps) et le quatrième temps se fait en l'air. Si, par exemple, on galope à droite, c'est la jambe droite qui reste en l'air sans jamais toucher terre. Peu de chevaux exécutent brillamment le galop sur trois jambes. Beaucoup peuvent arriver à prendre cette allure, mais un cheval très énergique peut seul soutenir sa jambe en l'air, bien tendue, sans qu'elle touche jamais terre pendant toute la durée du mou- vement. L'exercice n'est intéressant et n'a d'éclat qu'à cette condition. Si le lecteur a suivi attentivement mes explications, il sait que le cheval est préparé à cet air d'école, puisqu'il est habitué aux tensions de jambes. Malgré cela, il est très difficile de le faire comprendre au cheval et de l'exécuter. Il n'a, en effet, appris qu'à lever les jambes, à les tendre et à les poser à terre l'une après l'autre, tandis qu'il s'agit maintenant de lui faire tendre une jambe seulement et de la maintenir dans cette position. GALOP SUR TROIS JAMBES. 3*9 Si, par exemple, je désire du galop sur la jambe droite, restant en l'air, ce galop à quatre temps n'aura que trois temps à terre : le premier formé par la jambe gauche de derrière, le second par la jambe droite de derrière, et le troisième par la jambe gauche de de- vant. Le quatrième temps se marque en l'air par la jambe droite, qui est tendue de toute sa longueur et aussi haut que possible. Avant de demander ce travail au cheval, il faut attendre qu'il soit complètement dressé et qu'il n'oppose aucune résistance. A ce moment, en effet, j'aurai à ma disposition deux airs appris séparément : le galop ordinaire à droite et la tension de la jambe droite. C'est de la combinaison de ces deux airs que je vais tirer le galop à droite sur trois jambes. Dans ces deux airs, c'est ma jambe gauche qui est mon principal auxiliaire. En théorie, il semble qu'en attaquant vigoureu- sement à gauche, je dois obtenir facilement le galop à droite sur trois jambes. Mais, dans la pratique, ce n'est pas aussi simple, car, ayant mis votre cheval au galop, vous aurez beau l'attaquer à gauche, cela ne le forcera qu'à jeter ses hanches à droite ou à se sauver, mais non à tendre sa jambe droite. Il faut donc le mettre au galop à droite, et sur un temps d'arrêt lui faire tendre sa jambe droite. Cela obtenu, arrêter et caresser, puis recommencer très souvent. 330 TROISIEME PARTIE. Quand le cheval tend la Jambe sans difficulté sur votre temps d'arrêt, il vous faut alors lui faire exé- cuter le même exercice sur un temps d'arrêt moins accentué. Comme vous n'arrêtez pas complètement l'im- pulsion, puisqu'il ne s'agit que d'un demi-arrêt, le cheval, qui s'attend à lever la Jambe sur l'arrêt, devance l'arrêt et fait presque toujours un temps de galop la Jambe en l'air. Arrêtez, caressez et cessez la leçon. On voit donc que ces deux mouvements, d'abord séparés, commencent à n'en plus former qu'un seul. Mais cela est insuffisant. Quand le cheval a exécuté ce travail sans difficulté et sans raideur, vous devez demander la tension de la Jambe sans demi-arrêt, en ayant soin simplement de ralentir l'allure et en élevant l'avant-main. Il faut aller bien doucement et se contenter pendant longtemps de deux ou trois foulées, la Jambe complètement tendue et surtout soutenue. Si vous voulez communiquer assez de force au cheval pour qu'il puisse tenir sa Jambe en l'air, vous devez vous-même déployer une grande énergie. Car non seulement l'action de votre Jambe gauche a pour but de soutenir la jambe droite du cheval en l'air, mais elle doit aussi, avec le concours de votre Jambe droite, continuer à engager l'arrière-main sous le centre et, par suite, maintenir le cheval au galop. En d'autres termes, c'est par une énergique pression des deux jambes que vous maintenez le galop et, en même 1^ pla:::-i aXXI Fis. 2 i 1' '/ i «f^ GALOP SUR TROIS JAMBES, jji temps, c'est par de petites attaques répétées de l'éperon gauche que vous soutenez en l'air la jambe droite du cheval. On devra déployer autant de force de la jambe droite que de la jambe gauche pour éviter que les hanches ne se Jettent à droite. Si le cheval se traverse, il faut arrêter et le remettre droit avant de recom- mencer. Car, lorsqu'il est de travers, le cheval manque d'impulsion, et vous ne pouvez obtenir, dans cette position, que la tension de jambe ou le galop, mais non les deux réunis. Il est donc indispensable de main- tenir le cheval très droit et de lui donner un point d'appui sur le filet droit, pour facihter le soutien de la jambe droite. Le galop sur trois jambes s'exécute indifféremment à droite ou à gauche ^ I. Voyez les photogravures. Planche XXXI, fig. i. Germinal, au galop à gauche sur trois jambes, mise en main sans rassembler. Le galop est à quatre temps, bien qu'il n'y ait pas de rassembler, parce que le soutien énergique de l'avant-main retient en l'air même la jambe qui n'est pas tendue. Planche XXXI, fig. 2. Germinal, au galop à droite sur trois jambes dans le rassembler. On remarquera combien l'énergie de l'éperon, nécessaire pour le rassembler, augmente la tension de la jambe restant en l'air, et, en engageant l'arrière-main sous le centre, accroît la hauteur des actions. La planche XXXII représente Germinal pointant, la jambe droite tendue, au moment où je lui demandais le galop à droite sur trois jambes dans le rassembler. Le cheval avait commencé par tendre mollement la jambe. C'est l'attaque plus énergique de JJ2 TROISIÈME PARTIE. Je ne sais si d'autres avant moi ont enseigné cet air. En tout cas, Je ne l'ai jamais vu exécuter par per- sonne, et je n'en ai trouvé la description dans aucun traité d'équitation. XVII Passage en arrière. Cet air est d'une très grande difficulté d'exécution, car il s'agit de gagner du terrain en arrière, tout en maintenant les battues des diagonales bien cadencées et en conservant la même élévation des membres pos- térieurs que dans le mouvement en avant. Dans tout mouvement rétrograde, les jambes de derrière ont une tendance à ne quitter le sol que le moins possible. A moins que l'on ne soit absolument sûr de soi, — l'éperon qui a amené cette pointe, en même temps que la jambe droite se plaçait dans l'extension parfaite. En somme, c'était l'obéissance absolue, et le cheval, immédiatement après la pointe, se mettait au galop à droite sur trois jambes dans le rassembler. C'est aussitôt après cette pointe qu'a été prise la photographie reproduite dans la planche XXXI, fig. 2. On remarquera que, conformément à ce que j'ai recom- mandé, les éperons restent aux flancs dans la pointe, tandis que je rends les mains. — Les rênes, en effet, sont beaucoup moins tendues dans la planche XXXII que dans la ligure 2 de la planche XXXI où les mains agissent, tandis qu'elles vont à l'encolure dans la planche XXXII. {, à. 4 m M. 1" Vr ^ v^ m^ ^ PASSAGE EN ARRIERE. jjj comme il faut l'être quand on aborde de pareilles difficultés, — on produit souvent, malgré soi, trop d'effets d'avant en arrière, ce qui fait refluer le poids de l'avant-main sur l' arrière-main, qui perd ainsi de son élévation. Pour obvier à cet inconvénient, il faut faire reculer par l'assiette, comme je l'ai indiqué, et non par les mains. Ce serait une erreur de croire que l'on va aisément du passage en avançant au passage en arrière. Pour obtenir le passage en arrière, il est nécessaire de passer par le piaffer naturel, lent et élevé, qui n'est en défi- nitive que le passage exécuté sur place. C'est seulement lorsque le cheval piaffe correc- tement sur place que l'on peut essayer de gagner quelques centimètres de terrain en arrière à chaque battue. Pour cela, j'augmente ma puissance de jambes. J'exige plus de rassembler sans tirer d'avant en ar- rière, et je porte mon assiette plus au fond de la selle en m'y appuyant fortement à chaque battue. Par suite du rassembler porté à son jnaximimt, l'équilibre et la mobilité du cheval sont tels que le moindre déplacement du corps du cavalier entraîne en effet le cheval dans n'importe quel sens ; en ar- rière, par conséquent, dans le cas qui nous occupe. Ce moyen d'obtenir le passage en arrière est long et difficile, mais c'est le seul qui donne un résultat. },4 TROISIEME PARTIE. XVIII Piaffer ballotté. Dans le piaffer ballotté, les membres latéraux droits doivent se lever et se poser à la même place, tandis que les membres latéraux gauches font un temps en avant et un temps en arrière, en revenant également toujours à la même place. Non seulement les jambes gauches doivent marquer ces temps de va-et-vient d'arrière en avant, mais la hanche et l'épaule gauches doivent accentuer ce mou- vement sans que les membres de droite y participent en rien. Ceux-ci ne doivent que piaffer régulièrement sur place. Baucher a obtenu avec beaucoup d'éclat ce piaffer d'une jument nommée Stades. Quant à moi, j'ai dressé à cet air d'école quatre chevaux, qui l'ont exécuté plus ou moins brillamment suivant leur degré d'énergie. Il est très difficile d'expUquèr comment on en- seigne le piaffer ballotté : je vais pourtant essayer de le faire. On observera tout d'abord qu'il ne doit être de- mandé qu'à un cheval qui a le piaffer haut et lent. Gomme, à cette allure, il est d'une extrême mobilité, \ m ^ ^-^ /^^' Pr, ANCHE XXXIII ! ■^ hi '^ -^ 'X .^i t^. :-^: ':sii 'lii" J^ ai' '^Sf Xi ^l PIAFFER BALLOTTE. jjj il suffira de la moindre tension des rênes pour rejeter un membre un peu en arrière, de même que la plus petite augmentation du toucher de l'éperon poussera aussi un membre un peu plus en avant. Étant au piaffer, il faut, à l'aide des Jambes, pousser la jambe gauche de derrière du cheval sous le centre où elle se pose. La diagonale droite étant à l'appui, la jambe gauche de devant qui, sous la même action des jambes de l'écuyer, a été portée en avant au moment où la jambe gauche de derrière se pose sous le centre, reste soutenue en l'air, le genou ployé, la jambe droite de derrière étant aussi en l'aire Aussitôt, la main doit agir pour reporter en arrière la jambe gauche de devant qui vient se placer derrière la jambe droite de devant, et forme avec la jambe droite de der- rière le poser de la diagonale gauche, tandis que la jambe gauche de derrière forme à son tour un temps en l'air, et que la jambe droite de devant exécute son mouvement de piaffer*. On voit que, pour le mouvement en avant, c'est la jambe jauche de derrière qui se pose devant la droite (fîg. i), et que, pour le mouvement rétrograde, c'est la jambe gauche de devant qui se pose en arrière 1. Photogravure. Planche XXXIII, fig. i. 2. Photogravure. Planche XXXIII, fig. 2. On remarquera, par la comparaison avec la figure i, que pour le mouvement en arrière le filet est un peu plus tendu. L'angle de la branche du mors est à peine plus ouvert, et l'assiette pousse en arrière. 3J(Î TROISIEME PARTIE. de la droite (fig. 2), ce qui produit le va-et-vient d'arrière en avant. Si on a compris mes explications, on a dû remar- quer que ce piaffer s'exécute, comme le piaffer ordi- naire, par la diagonale, malgré le va-et-vient latéral. Il est bien difficile d'indiquer avec une précision ma- thématique le moment exact où le cavalier doit agir de telle rêne ou de telle jambe, l'action des deux rênes et des deux jambes se faisant sentir dans une suc- cession de mouvements si rapprochés qu'elle est presque continue. C'est là que se déploie dans toute sa beauté cette qualité suprême de l'écuyer : le tact équestre. Ce que je puis dire, c'est que j'augmente l'ac- tion de l'éperon droit pour produire le mouvement en avant de la jambe gauche de derrière et aider à sou- tenir en l'air la jambe gauche de devant; mais en même temps j'agis fortement de ma jambe gauche pour empêcher le membre postérieur gauche de dévier à gauche, puisqu'il est poussé par ma jambe droite. Pour le mouvement rétrograde, j'ai mes rênes ten- dues, mais la rêne gauche un peu plus que la droite, au moment de faire reculer la jambe gauche de devant. Le cavalier doit, tout le temps, se servir beaucoup des jambes et même de l'éperon, mais presque pas de la rêne droite et très peu de la rêne gauche. GALOP SUR PLACE, GALOP EN ARRIERE. ay XIX Galop sur place, galop en arrière. Le galop sur place est un galop porté à son maxi- mum de raccourcissement. Il est de tous points sem- blable au galop en avant, sauf que les Jambes ne doivent pas gagner de terrain. Quand on y est arrivé, on est bien près du galop en arrière. Le galop en ar- rière est une allure régulière et qui se décompose en quatre temps, exactement comme le galop en avant dans le rassembler. C'est le plus difficile et le plus compliqué des airs. Je conseille de ne l'essayer que tout à fait en dernier lieu, et surtout de ne le demander qu'à des chevaux d'élite. Il faut, en effet, des reins et des jarrets exceptionnels pour supporter le rassembler poussé à son maximum, sans lequel il est impossible d'obtenir ce mouvement. Gant, pur sang, par Gantelet et M"^ de la Roma- }ierie, exécutait le galop en arrière en se Jouant, et, après avoir fait le tour de la piste à cette allure, il était aussi frais qu'avant. Baucher n'a pas su ou pu décrire le galop en arrière. Voici la définition qu'il donne de cet exercice dans la quatorzième édition de sa méthode d'équi- tation, page i55, définition qui évidemment corres- 3j8 . TROISIEME PARTIE. pond à l'exécution qu'il en faisait : « Reculer au galop, le temps étant le même que pour le galop ordinaire; mais les jambes antérieures, une fois élevées, au lieu de gagner du terrain, se portant en arrière, pour que l'arrière-main exécute le même mouvement rétrograde aussitôt que les extrémités antérieures se posent sur le sol. » Comment Baucher peut-il faire une pareille des- cription du galop en arrière, après avoir dit qu'il se faisait comme le galop en avant? Sans doute, le galop en arrière est comme le galop en avant, dans le ras- sembler, une allure à quatre temps ; mais c'est préci- sément pour cette raison qu'on ne peut appeler galop une allure dans laquelle l'arrière-main ne fait son mouvement rétrograde que quand les extrémités anté- rieures se posent sur le sol. Qu'est-ce donc que cette allure dans laquelle les deux pieds de devant se posent à terre en même temps, et les deux pieds de derrière de même ? Dans ces conditions, où est le galop ? Point n'est besoin d'être un grand écuyer pour comprendre que Baucher définit une allure à deux temps, le premier temps se faisant sur l'arrière-main et le second sur l'avant-main. Mais cela n'est plus du galop ; ce sont tout bonnement des petits sauts en arrière. Il n'y a galop que si les jambes de devant se posent l'une après l'autre, de même que les jambes de derrière; et, de plus, quand l'une de ces jambes de derrière se trouve à terre en même temps que la GALOP SUR PLACE, GALOP EN ARRIÈRE. 339 jambe opposée du devant, ce qui forme, soit la diago- nale gauche, quand le cheval galope à droite, soit la diagonale droite, quand il galope à gauche. Baucher a inventé l'expression galop en arrière, mais il a absolument méconnu cette allure. La preuve en est qu'il n'a jamais dit sur quel pied le cheval galope ou doit galoper. Lorsqu'un cheval galope en arrière, aussi bien que lorsqu'il galope en avant, on doit pouvoir dire sur quel pied il est. Ayant dressé Gant pour une dame, je lui ai appris le galop en arrière sur la jambe droite, afin que l'ama- zone puisse le maintenir à cette allure avec son épe- ron qui est à gauche. J'ai fait plus, je suis arrivé à mettre un cheval au galop en arrière sur un pied ou sur l'autre, à ma volonté, et à l'y maintenir. Ger- minal, pur sang, par Flavio et Pascale, que j'ai dressé pour moi, galope en arrière sur l'un ou l'autre pied. Je revendique l'honneur d'avoir le premier obtenu ce résultat. Le galop en arrière à gauche doit se faire comme si le cheval avançait au galop à trois temps ^ Premier temps : jambe droite postérieure ; deuxième temps : diagonale droite ; troisième temps : jambe gauche de devant. La grande difficulté est d'empêcher que les jambes de derrière se posent sur le même plan; de même pour les jambes de devant. Il faut que la jambe I. Bien que nous sachions que ce galop soit en réalité à quatre temps. 340 TROISIEME PARTIE. droite de derrière se pose plus en arrière que la jambe gauche de derrière, afin de maintenir presque la même distance d'avant en arrière, entre ces deux jambes, que dans le galop ordinaire. Je dis presque la même dis- tance à dessein, car, les foulées étant plus raccourcies, la distance est nécessairement moins grande. Je n'ai pas besoin d'ajouter que la jambe droite de devant doit être en arrière de la jambe gauche de devant, comme dans le galop en avant. C'est le maintien de la position respective des jambes de derrière entre elles et des jambes de devant entre elles qui fait la grande difficulté du galop en arrière. Nous avons vu qu'une foulée de galop se compose de trois temps à terre : du poser de la jambe posté- rieure, de la diagonale et de la jambe antérieure. Ceci est rigoureusement exact dans le bon galop de chasse, ou ce que nous appelons le galop gaillard. Mais dans le galop de course et dans le galop sur place, ou dans le galop en arrière, c'est-à-dire aux deux extrêmes, la foulée se décompose en réalité en quatre temps. Dans le galop à gauche, par exemple, les deux membres qui forment la diagonale gauche, au lieu de toucher le sol simultanément, s'y reposent successivement dans l'ordre suivant : jambe droite de derrière, jambe gauche de derrière, jambe droite de devant, jambe gauche de devant. Dans le galop de course, ce fait est très accentué, mais la rapidité de l'allure l'empêche d'être apparent. Dans le galop sur place et plus encore dans le galop '.' if:' vi Vf ,:y,t A. W^ ^é :4 :^ ,M' :^ '4 ^ ■^' .■=!■ J ^^ ..'^: ^■■^^ 1 V ,îS.'i. '*ïi^ .v.'l^r -X^ K-% -im- tVi ^^^ "-.f >:^' ^ ^r^ ^^" -4 ^ M .fl uiiat:3«t.«jjf^ia»iaBii>^^ f M, ■♦H # n^' t^ % W& GALOP SUR PLACE, GALOP EN ARRIÈRE. 341 en arrière, il est beaucoup moins accentué, et pour cette raison il est presque imperceptible à l'œil. En effet, à cette allure, les jambes effleurent seulement le terrain et ne le quittent que de quelques centimètres. Dans les deux cas, pour le constater, il faut des instru- ments de précision ou la photographie instantanée. Quoi qu'il en soit, le fait existe ; on peut donc dire que, dans le galop de course et dans le galop sur place et en arrière, il y a quatre impulsions successives. Observons cependant que, dans le galop sur place et en arrière, la diagonale fonctionne comme dans le galop ordinaire, avec cette seule différence, qui est le point que nous tenons à mettre en lumière, que le poser de la Jambe postérieure précède d'un temps presque imperceptible, il est vrai, mais parfaitement réel, le poser de la jambe antérieure qui forme la diagonale ^ Pour obtenir le galop sur place, je commence par raccourcir tous les jours mon galop; mais par le rac- courcir dans l'impulsion, c'est-à-dire en poussant le I . Voir la photogravure. Planche XXXIV. Germinal, au galop en arrière, deuxième temps. La photographie est prise au moment où la diagonale droite va être à l'appui; la jambe gauche de derrière est déjà posée et la jambe droite de devant ne l'est pas encore. De là, les quatre temps, la diagonale droite faisant deux temps au lieu d'un seul. On doit noter que, même dans cet extrême rassembler, la tête demeure un peu au delà de la verticale. C'est que, comme on peut le voir, le reculer se fait par l'assiette, non par les rênes, qui ne sont pas tendues. 3j2 TROISIEME PARTIE. cheval des jambes sur la main, qui devra être d'autant plus fine qu'on veut le rassembler plus grand. C'est en augmentant peu à peu tous les jours mes effets de raccourcissement que j'arrive au galop sur place, mais au galop sur place dans l'impulsion et non dans l'ac- culement. Dans le galop acculé, il est impossible de garder le cheval dans la main : il finit nécessairement par échapper au cavalier en reculant. Il s'agit maintenant de passer du galop sur place au galop en arrière. Pour cela, mon cheval galopant sur place avec une facilité et une légèreté telles que je n'ai plus du tout besoin de main, je cherche à gagner un centimètre ou deux en arrière par mon assiette et par les jambes et non par la main. Les jambes en- levant le cheval, je profite du moment où il est en l'air pour porter mon assiette en arrière. C'est mon as- siette que je déplace et non le haut du corps, en quit- tant presque l'étrier pour mettre tout mon poids sur les fesses. La mobilité du cheval est telle — à un mo- ment où d'ailleurs il n'est pas à l'appui % — qu'un mou- vement du cavalier est suffisant pour lui faire gagner en arrière le peu de terrain qui suffit pour commencer le galop en arrière. En répétant et en augmentant tous les jours peu à peu ces effets, on arrive à obtenir le I. C'est le moment que nous avons pris pour changer de pied, entre le dernier temps d'une foulée et le premier temps de la foulée suivante. C'est le moment, à peine saisissable, où on peut tout demander au cheval, parce qu'il est en l'air. Un souffle le déplace. AIRS D'ÉCOLE NOUVIAUX. 3^} galop en arrière tel que je l'ai décrit. Si on cherchait le recul par des effets de main, le rassembler serait im- médiatement perdu, parce que la main rejetterait loin en arrière les jarrets, qui doivent rester sous le centre. Et, une fois dans cette position, l'arrière-main sur- chargé aurait perdu la mobilité qui doit lui permettre de gagner du terrain en arrière. XX Airs d'école nouveaux. J'ai créé un certain nombre d'airs d'école. Je me contenterai de les énumérer. Ils s'exécutent d'après les mêmes principes et au moyen des aides dont nous avons fait une application et un usage constant pour l'enseignement des mouvements qui précèdent: 1*^ Nouveau pas espagnol, consistant à faire un pas en avant et un pas en arrière, La jambe gauche, par exemple, se tend et fait son pas en avant, puis la jambe droite se tend également en avant, mais revient faire son pas en arrière. C'est la diagonale gauche qui avance et la diagonale droite qui recule. Je continue ce mou- vement aussi longtemps qu'il me plaît. Puis je change de diagonale: c'est la jambe droite qui fait, à son tour, son pas en avant et la jambe gauche qui^ après s'être tendue en avant, revient faire son pas en arrière : ici j^l, TROISIEME PARTIE. c'est la diagonale gauche qui recule. On alterne les diagonales à volonté. 2" Serpentine au passage. C'est le même mouve- ment que la serpentine au trot ; mais il est évidem- ment d'une exécution beaucoup plus difficile. 3" Galop sur trois jambes, à droite et à gauche. 4° Deux pistes au galop sur trois jambes, égale- ment des deux côtés. 5° Voltes et pirouettes ordinaires au galop, sur trois jambes, à droite et à gauche. 6" Trot espagnol à deux temps sur chaque jambe. Le trot espagnol ne s'est fait, jusqu'à ce jour, qu'à un temps sur chaque jambe, c'est-à-dire un temps à droite, un temps à gauche. Dans le trot espagnol à deux temps, je fais exécuter successivement deux temps sur la jambe droite, la jambe gauche restant tendue; et, immédiatement après, deux temps sur la jambe gauche, la jambe droite restant tendue. Le mouve- ment se continue à volonté. Au second temps, le cheval avance naturellement un peu moins qu'au premier. 7° Trot espagnol à un et à deux temps, alternative- ment. C'est-à-dire, en sous-entendant le mot jambe : droite, gauche; droite, droite; gauche, droite; gauche, gauche. Je prolonge ce mouvement à mon gré pendant un ou deux tours de manège. Je crois pouvoir affirmer que cet air est le plus compliqué qu'on ait encore obtenu en équitation. 8" Le galop sur place et en arrière, sur trois jambes. ^> v^, 'i^ ^^ m . \ ii ^ %^ ;s 10^ :*:»' T'^ ^^' ^t ^-^ PLANCHE XXXV ,i ^. ^; -4. il aillant dans ses hanches, et la main galant dans sa bouche. Sans le concours simul- tané de ces deux aides, on peut faire des tours de force : il n'y a pas de bonne équitation possible. Du reste, ce qui prouve que Baucher se trom- pait lorsqu'il croyait avoir trouvé l'équilibre parfait avec « jambes sans mains et mains sans jambes », c'est qu'il dressait le cheval avec les deux aides et qu'il n'arrivait que plus tard à se servir de l'une sans l'autre. Du reste, comme on est forcé de se servir des jambes pour donner l'impulsion et de la main pour diriger, il s'empressait de revenir aux deux aides. Dans ces conditions, pourquoi abandonner une aide à laquelle on est forcé d'avoir recours à chaque in- stant ? En veut-on la preuve ? Essayez de faire le travail des deux pistes sans jambes : rien n'indi- quera au cheval que les hanches doivent marcher, sur- COMMENTAIRES SUR BAUCHER. 365 tout si VOUS demandez les deux pistes au galop ou au passage. Essayez de demander du trot espagnol, toujours sans jambes : le cheval lèvera un peu les jambes de devant en place, mais rien ne lui donnera l'impulsion nécessaire pour prendre le trot. Changez les aides et demandez le même travail sans employer les mains. L'action des jambes, pour obtenir l'élévation et la tension des membres antérieurs, aura pour ré- sultat de jeter brusquement le cheval en avant, puisque rien ne le retient et n'élève l'avant-main. Il en serait de même dans tous les airs. Je conviens cependant que, quand l'éducation du cheval d'école a été poussée à son dernier degré de finesse, il exécute pour ainsi dire tous les mouvements sans le secours des aides : il suffit, pour l'y amener, de les lui indiquer avec les rênes flottantes et un simple frôlement du pantalon. Ce n'est, en somnie, qu'une question de nuances; mais tout Tart est précisément fait de nuances. Quoi qu'il en soit, puisque Baucher avoue qu'il n'avait que Véquilibre du second genre {rassembler ijiconiplet), je suis autorisé à croire que mes chevaux d'école sont supérieurs aux siens ; car, depuis dix ans, j'obtiens ce qu'il appelle Véquilibre du premier genre, le rassembler complet. Je m'empresse, du reste, d'ajouter que c'est grâce à Baucher qu'en cherchant, je suis arrivé à trouver ce rassembler, qui n'est pos- sible qu'avec une grande hauteur de tête et d'en- colure. Au surplus, quand je dis que mes chevaux i66 QUATRIÈME PARTIE. d'école sont supérieurs à ceux de l'illustre maître, je n'ai pas la prétention de croire qu'ils sont plus justes que ne l'étaient ceux de Baucher, puisque ces derniers l'étaient complètement. Je veux simplement dire que j'obtiens les mêmes airs d'école, tout aussi réguliè- rement que mon savant prédécesseur, mais avec beau- coup plus de hauteur de tête, d'encolure et des mem- bres, c'est-à-dire avec un équilibre plus complet, — nécessitant par conséquent un effort moindre, — et surtout avec beaucoup plus d'impulsion. Dans ses ouvrages sur l'équitation, Baucher ne tient que peu ou point compte du moral du cheval à l'extérieur. Évidemment, il y a là une lacune. C'est que Baucher ne montait jamais dehors. Sans avoir été son élève, je l'ai suivi et étudié pendant ses voyages en Autriche, en Italie, Suisse, etc., de 1847 à i85o. Or, pendant ces trois années, je ne l'ai jamais vu sortir à cheval. On a prétendu très inexac- tement qu'il n'était pas solide en selle et que, pour cette raison, il n'osait se montrer à la promenade ou à la chasse. Cela n'est pas admissible. Je veux bien ad- mettre qu'il n'était pas aussi prime-3autier et brillant cavalier que le comte d'Aure, qu'il n'avait peut-être pas la solidité à toute épreuve de ce dernier; mais cela ne prouve pas qu'il craignait de monter au dehors. Le fait d'avoir dressé plusieurs chevaux prouve jus- qu'à l'évidence qu'il était solide en selle, car, pendant le dressage, il y a toujours des luttes plus ou moins violentes. COMMENTAIRES SUR BAUCHER. jfiy Il faut donc chercher ailleurs les raisons qui empê- chaient Baucher de sortir. Baucher, étant un novateur et par conséquent un chercheur, n'éprouvait aucun plaisir quand il lui fallait abandonner le cheval à lui-même, comme on le fait à la promenade. Pour arriver à nous tracer la voie, il a fallu qu'il consacrât toute sa vie à son œuvre. Elle seule l'intéressait. Monter sans travailler n'était pour lui qu'un ennui. Voilà pourquoi Baucher ne s'est jamais occupé du cheval de promenade ou de chasse, de son caractère, de la manière de le monter, de le conduire, et de l'énorme différence qui sépare le cheval de manège renfermé suivant sa méthode et le cheval d'extérieur à qui on laisse une grande latitude. Ne montant pas au dehors, Baucher ne mettait jamais ses chevaux aux grandes allures. C'est une faute, car le cheval passe très facilement de la posi- tion allongée au rassembler. L'allure à fond de train, pourvu qu'elle ne soit pas trop prolongée, a l'avantage de lui permettre de s'étendre, ce qui le repose en changeant l'équilibre, en même temps qu'elle lui déve- loppe et fortifie les poumons. Du reste, le défaut capital de Baucher était de ren- fermer constamment son cheval. J'estime, quant à moi, qu'il est de principe, au cours des leçons de dressage, de laisser le cheval s'étendre après chaque concession. Enfin, je tiens qu'il faut d'une manière générale, pen- dant le dressage du cheval, lui donner l'habitude de s'étendre de temps à autre aux trois allures. Il n'y 3(58 QUATRIEME PARTIE. a pas d'équilibre, pas de position qui ne finisse par fati- guer. Qu'on en change et l'on y reviendra avec plaisir. Une dernière observation. A la page io3 delà qua- torzième édition de son ouvrage, Baucher rapporte une conversation qu'il a eue à Berlin avec des officiers allemands qui passaient pour avoir une certaine con- naissance du cheval. Ils disaient : « Nous voulons que nos chevaux soient en avant de la main. » Baucher répondait : «Je veux que les miens soient derrière la main et en avant des jambes. » Eh bien, moi, je ne suis ni de l'avis des officiers allemands ni de l'avis de Baucher. Le cheval doit être en avant des jambes et légèrement sur la main. C'est toujours la question des nuances. A moins cependant qu'il ne s'agisse des chevaux de l'armée, car alors il y a bien autre chose qu'une nuance, et, dans ce cas, je me sépare complètement de Baucher. J'ose même dire que le seul fait de prétendre que les chevaux doivent être derrière la main devrait suffire pour exclure à jamais sa méthode de l'armée. Mettre en pratique une pareille opinion ne pourrait amener que de l'hésitation chez le cheval, car c'est la main qui le dirige. Le cheval hésite toujours quand il ne sent pas la main. Or, s'il est derrière la main, il ne sent pas les rênes. C'est tout le contraire qu'il faut faire avec le cheval d'armes, qui doit toujours être franchement sur la main. Tels sont les points principaux de la méthode COMMENTAIRES SUR BAUCHER. }6^ Baucher, sur lesquels je suis en désaccord avec l'illustre maître. Néanmoins, je le répète, j'ai pour lui la plus sincère admiration. Baucher a été un créateur, et tous ceux qui s'oc- cupent d'équitation doivent lui rendre hommage comme à un maître. Il avait en même temps la grande qualité de ne rien décrire qu'il ne fût capable d'exé- cuter. Beaucoup d'autres, après lui, ont longuement écrit sur l'équitation, et souvent pour décrire de ma- gnifiques mouvements qu'ils auraient été fort en peine de faire exécuter à leurs chevaux. Baucher, lui, prou- vait la supériorité de sa théorie en la mettant en pratique. 2 + CONCLUSION Pour être un cavalier accompli , ou du moins pour se rapprocher, autant qu'il est possible, de la perfection, il faut pouvoir subir les cinq épreuves suivantes : i" Monter un coquin; 2" Courir un steeple ; 3° Courir une course au trot ; 4° Courir une course plate au galop; 5° Savoir dresser et monter un cheval d'école. Monter un coquin, lorsqu'il ne s'agit que de rester sur son dos, est simplement affaire de solidité et de courage. Il suffit d'être bon cavalier et un peu casse- cou. Mais, si l'on parvient à prévoir les défenses par le tact et à les prévenir, alors on fait de l'équitation raisonnée. Je mets le steeple au second rang. Il demande plus de solidité et de hardiesse. Il faut être surtout bon cavalier plutôt que bon écuyer. Mais le steeple exige moins de finesse et de tact que les épreuves suivantes. La course au trot vient, suivant moi, au troisième rang, au point de vue du jugement et du savoir qu'il y faut développer. Il est évident que, si le jockey ne 372 CONCLUSION. juge pas bien quand le cheval est dans son maximum, il continuera à le pousser et lui fera facilement prendre le galop. Mais ce Jugement est beaucoup plus facile que dans la course plate au galop, oià il faut con- naître le maximum, en être toujours près et ne le donner qu'au moment voulu. Je place en quatrième lieu la course plate au galop, considérant que c'est véritablement de l'art que d'ap- procher seulement du talent des F. Archer, Watts, Cannon, Webb, etc. Pour courir en plat au galop, il faut avoir le sentiment du train très développé. Le jockey qui ne saisit pas bien le train qu'un cheval peut soutenir sans s'épuiser rapidement ne sortira jamais de l'ordinaire. Quand on pense que le maxi- mum d'un cheval de course donne tout près d'un kilomètre par minute, on comprend combien il est difficile d'avoir, à une seconde ou deux près, le sen- timent du train. S'il s'agissait simplement dans une course de courir les uns après les autres, le premier venu pour- rait le faire. La difficulté est de mener et de garder le train qui convient le mieux au cheval que l'on monte. Si on ne peut le placer où et comme on veut, sans avoir à lutter contre lui, on reste dans la moyenne comme talent. Si le jockey tire trop fort sur les rênes, le cheval s'épuise par les efforts qu'il fait contre la main. Dans ce cas, c'est bien moins sa bouche qui souffre que ses reins et ses jarrets. Il en résulte une fatigue de l'ar- CONCLUSION. J7J rière-main, qui empêche le cheval de donner son maxi- mum à l'arrivée. Si au contraire le jocke}^ ne retient pas assez son cheval, celui-ci donne trop tôt son maximum de vitesse, et il est également épuisé avant le moment voulu. Il faut donc avoir assez de tact pour ne pas tomber dans l'un ou l'autre de ces deux extrêmes. Enfin le dernier terme, c'est de savoir dresser un cheval d'école. Il faut, en effet, pour y arriver, pos- séder le savoir, la finesse, le tact au suprême degré. Il faut encore avoir une connaissance exacte des forces du cheval, qui seule permet de le dresser sans le tarer. Dans le dressage du cheval d'école, ce n'est pas seu- lement le sentiment des eff'ets des mains et des jambes qui est poussé à son extrême limite; l'assiette elle-même doit percevoir les moindres mouvements de l'arrière-main. Par l'assiette, le cavalier se rend compte de ce qui se passe sous lui. Par suite, il peut répri- mer la moindre faute commise et récompenser immé- diatement la plus petite marque de bon vouloir. C'est là qu'est tout le secret du dressage. Il y a plus, l'écuyer qui dresse le cheval d'école agit seul et ne dépend que de lui-même. Toute faute commise doit lui être imputée, comme aussi tout mou- vement bien exécuté est son œuvre. Gela n'est vrai que pour le travail d'école. Le cheval de course, pour ne citer que celui-là, passe entre bien des mains, entraîneurs, lads, jockeys, etc., et chacun, s'il y a faute commise, peut l'imputer à son 374 CONCLUSION. voisin. Seul le cheval d'école est l'œuvre exclusive de celui qui l'a dressé. A une critique de Baucher, le comte d'Aure répondit un jour : Je ne suis pas dresseur de chevaux. Que dressait-il donc ? Est-ce le mot dres- seur qui sonnait mal à son oreille ? Pour moi, je n'en connais pas d'autre. Sans doute il ne faut pas con- fondre l'écuyer qui dresse finement un cheval avec le piqueur qui le dégrossit, mais j'ose dire qu'on n'est écuyer qu'àla condition de pouvoir dresser son cheval. C'est le dressage qui est la pierre de touche de l'écuyer. C'est le cheval dressé qui témoigne pour le dresseur. TABLE DES MATIÈRES Pages. DÉDICACE I Préface m PREMIERE PARTIE Le cheval 3 Nourriture du cheval 8 Intelligence du cheval g Influence du regard de l'homme sur le cheval 1 1 Influence de la voix de l'homme sur le cheval 12 Les caresses 14 Les corrections i5 Embouchure des chevaux 17 La martingale 22 La selle 24 Les étriers 26 La cravache 29 Les éperons 29 Position du cavalier 3o Position de l'amazone 38 DEUXIÈME PARTIE Travail à la longe 5i Travail rapproché, marche en avant 62 Mise en main, flexion directe 66 376 TABLE DES MATIERES. Pages. Moyen de rendre un cheval docile au montoir 38 Tenue des rênes 90 Manière d'apprendre au cheval à céder aux jambes et à l'éperon au moyen de la cravache 94 Cheval monté, premières défenses, moyens de les com- battre 96 Le pas io5 Arrêt et stationnement 106 Changements de direction 109 Flexions latérales 114 Rotations de la croupe et des épaules 124 Pas d'école i33 Reculer i35 Le ramener, la mise en main et le rassembler. Le tact équestre 140 Pas de côté et deux pistes i52 Le trot i5S Le galop 171 Voltes et demi-voltes au galop 181 Changements de pied i85 Chevaux peureux igS Chevaux qui battent à la main 202 Chevaux qui s'emportent 204 Le saut 208 Courses plates 221 Cheval de chasse 225 Le cheval d'armes 229 TROISIEME PARTIE Equitation savante 263 Pas espagnol 265 Pirouette renversée sur trois jambes 276 Pirouettes renversées et ordinaires, les pieds croisés . . 278 Reculer sans rênes 279 Balancer de l'avant-main 281 Balancer des hanches 283 Trot espagnol 286 TABLE DES MATIÈRES. 377 Pagdik. L'épaule en dedans au galop 292 Pirouettes au galop 295 Changements de pied au temps 298 Changements de pied sur place 3o5 Piaffers et passages 3o6 Différence entre le passage et le trot espagnol .... 826 Serpentine au trot 327 Galop sur trois jambes 328 Passage en arrière 332 Piaffer ballotté 334 Galop sur place, galop en arrière 337 Airs d'école nouveaux 343 Cheval d'école pour dames 345 QUATRIEME PARTIE Commentaires sur Baucher 35 1 Conclusion 371 '-^S LKS DESSINS ONT ETE EXECUTES par René VALETTE LES PHOTOGRAPHIES SONT de J. DELTON Paris. — May et Moiteroz, L.-Impr. réunies. — Et. D, 7, rue Saint-Benoît. *?%', ,;^-1' K^ *\ r T .^^ -^<^s~— ■" 'j ,**■"**"< -^ »•«] LTllI 11 "'^<^^; *!î.: r^_%; M^^ <*\ l^. m M m^m ^Fi /<* ^:^-/r y ^;«i'.%/,*"^j ./^< V <<^' 'V ^; ,^ .' '.,'i'J :iA Mi -d' *<.^- 'M f-^ '^: i.-i-; :n' -^ ^^,: ./^\, h % m. m. n ^ ... -, 4 -^ ^f 4  '^- . - . . 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