Rousseau, Jean Jacques

Project concernant de nouveaux signes pour la musique

ML

n

G

Digitized by the Internet Archive

in 2010 with funding from

University of Ottawa

http://www.archive.org/details/projectconcernanOOrous

PROJET

concer'nant

DE

NOUVEAUX SIGNES

POUR

LA MUSIQUE,

Lu par t Auteur à F Académie des Sciences ,' le rx Août 1741.

GENEVE.

M. DCC. LXXXI.

' - - - // - '

>/ . . .,, ..,„j|ààJtMtiiiBa

PROJET

CONCERNANT D E

NOUVEAUX SIGNES

P O U R LA

USIQITE.

v_^E projet tend à rendre la Mufique plus commode à noter , plus aifée à ap- prendre & beaucoup moins diffufe.

Il paroît étonnant que les fignes de la Mufique étant reftés auflî long-tems dans l'état d'imperfeftion nous les voyons encore aujourd'hui , la difficulté de l'ap- prendre n'ait pas averti le public que c'étoit la faute des caraûeres & non pas celle de l'art. Il eft vrai qu'on a donné fouvent des projets en ce genre , mais de tous ces projets qui , fans avoir les avantages de la Mufique ordinaire , en A î

6 Projet concernant."

avoient prefque tous les inconvéniens , avicun que je fâche , n'a jufqu'ici touché le but , foit qu'une pratique trop fuper- ficielle ait fait échouer ceux qui l'ont voulu confidérer théoriquement, foit que le génie étroit & borné des Muficiens or- dinaires les ait empêché d'embrafler un~ plan général & raifonné , & de fentir les vrais inconvéniens de leur art ; de la perfection aduelle duquel ils font d'ail- leurs pour l'ordinaire très-entêtés.

Cette quantité de lignes , de clefs , de tranfpofitions, de dièfes , de bémols, de bécarres , de mefures fmiples & com- pofces , de rondes , de blanches , de noi- res , de croches , de doubles , de triples- croches, de paufes, de demi-paufes , de foupirs, de demi-foupirs , de quaris-de- foupirs, &c. donne une foule de fignes &: de combinaifons , d'où réfultent deux inconvéniens principaux, l'un d'occuper im trop grand volume, & l'autre de fur- charger la mémoire des Ecoliers , de fa- çon que l'oreille étant formée , & les organes ayant acquis toute la facilité né- ceflaire , long-tems avant qu'on foit en état de chanter à livre ouvert , il s'en-

DE NOUVEAUX SlGNES^ 7

fuît qiie la difficulté eft toute dans l'obi fervation des règles , & non dans l'exér cation du chant.'

Le moyen qui remédiera à l'un de ces inconvéniens , remédiera auffi à l'autre ; & dès qu'on aura inventé des fighes équivalens , mais plus fimples & en moindre quantité , ils auront par-là même plus de précifion & pourront exprinier autant de chofes en moins d'efpac'e.

Il eft avantageux outre cela que ces {ignés foient déjà connus, afin que l'at- tention foit moins partagée , & faciles à figurer afin de rendre la Mufique plus commode.

Il faut pour cet effet confidérer deux objets principaux , chacun en particulier. Le prejnier doit être l'expreflion de tous les fons poffibles ; & l'autre, celle de toutes les différentes durées , tant des fons que de leurs filences relatifs, ce qui comprend auffi la différence des mou- vemens.

Comme la Mufique n'eft qu'un en- chaînement de fons qui fe font enten- dre ou tous enfemble, ou fucceffivement; il fufîit que tous ces fons aient des exr A4

%

,— '

s Projet concernant

preflîons relatives qui leur aflignent à chacun la place qu'il doit occuper par rapport à un certain fon fondamental, pourvu que ce ("on foit nettement expri- mé , & que la relation foit facile à con- noître. Avantages que n'a déjà point la Mufique ordinaire , le fon fondamen- tal n'a nulle évidence particulière , & ok tous les rapports des notes ont befoin d'être long-tems étudiés.

Prenant ut pour ce fon fondamental ,' auquel tous les autres doivent fe rappor- ter, & l'exprimant par le chiffre i , nous aurons^ à fa fuite l'expreffion des fept fons naturels, ui re ml fa fol la par les 7 chiffres ,1,1,3,4, 5, 6, 7, de façon que tant' que le chant roulera dans l'éten- due des fept fons , il fuffira de les no- ter chacun par fon chiffre correfpondant, pour les exprimer tous fans équivoque.

Mais quand il eft queftion de fortir de cette étendue pour paffer dans d'au- tres 0£laves , alors cela forme une nou- velle difficulté.

Pour la réfoudre , je me fers du plus fimple de tous les fignes , c'eft-à-dire, du point. Si je fors de l'OSlave par la-

DE NOUVEAUX SiGNES. 9

quelle j'ai commencé , pour faire une note dans l'étendue de l'Oftave qui eft au-def^ fus & qui commence h ïut d'en-haut, alors je mets un point au-deflus de cette note par laquelle je fors démon Oftave, & ce point une fois placé , c'eft un in- dice que, non-feulement la note fur la- quelle il eft, mais encore toutes celles qui la fuivront fans aucun figne qui le détruife , devront être prifes dans l'éten- due de cette Oftave fupcrieiue je fuis entré.

Au contraire fi je veiux paffer à l'Oc- tave qui efl au-defTous de celle je me trouve , alors je mets le point fous la note par laquelle j'y entre. En un mot, quand le point eft fur la note , vous paflez dans l'Odave fupérieure ; s'il eft au-defTous vous pafTez dans l'inférieure, & quand vous changeriez d'Oftave à chaque note , ou que vous voudriez monter ou defcendre de deux ou trois Oûaves tout d'un coup ou fuccefîlve- ment , la règle eft toujours générale , & vous n'avez qu'à mettre autant de points au-defTous ou au-defTus que vous aveu d'Oftaves à defcendre ou à monter.

lo Projet concernant

Ce n'eft pas à dire qu'à chaque point vous montiez ou defcendiez <i'une Oc- tave , mais à chaque point vous paflez dans une Oftave différente de celle oh vous êtes par rapport au fon fondamen- tal ut d'en-bas , lequel ainfi fe trouve bien dans la même Oâave en defcendant dia- toniquement, mais non pas en montant. Sur quoi il faut remarquer que je ne me fers du mot d'Oftave (çu'abufivement & pour ne pas multiplier inutilement les termes, parce que proprement cette éten- due n'eft compofée que de notes, l'i d'en-haut qui commence une 'autre Oc- tave n'y étant pas compris.

Mais cet ut qui par la tranfpofition doit toujours être le nom de la toni- que dans les tons majeurs & celui de la tnédiante dans les tons mineurs , peut, par conféquent , être pris fur chacune des douze cordes du fyflcme chromati» <que ; & pour la défigner , il fuffira de metti-e à la marge le chiffre qui expri- meroit cette corde fur le clavier dans l'ordre naturel ; c'efî-à-dire , que le chif- fre de la marge qu'on peut appeller la clef, défigne la touche du clavier qui

il?

-.«ese

^ la foivroot 6«^^^ «*»

entre. •V«=«eare oa je £«

Au contraire fi }- -..^ .

^°uve, alors je xr-ts t ^"

PaiTezdansrolaJr^.^ '^^*. -ou5 ^-deirousvousp.;-efj:^"iri''aefl

^' q-and vous chan^en^ ^T^TT' chaque note, ou nj^ '^^a^re à

«conter ou defcendre 17"' ''°"^« Oaaves tout d'un ' "^ °'" ^^^^

vo- n'avez qu'à ;lÏÏeT^''"'^^' «^ a^.defTouso.^JeCr"^'^^ points

""a monter.

\

.A

A . ^X

.ar s( --iri

M^i^

-ff'fwii''^

lo Projet concernant

Ce n'eft pas à dire qu'à chaque point vous montiez, ou defcendiez ^'une Oc- tave , mais à chaque point vous pafler clans une Oftave différente de celle vous êtes par rapport au fon fondamen- tal ut d'en-bas , lequel ainfi fe trouve bien dans la même Oclave en defcendant dia- toniquement, mais non pas en montant. Sur quoi il faut remarquer que je ne me fers du mot d'Oftave (çu'abufivement & pour ne pas multiplier inutilement les termes, parce que proprement cette éten- due n'eft compofée que de notes, l'i d'en-haut qui commence une 'autre Oc- tave n'y étant pas compris.

Mais cet ut qui par la tranfpofition doit toujours être le nom de la toni- que dans les tons majeurs & celui de la médiante dans les tons mineurs , peut, par conféquent, être pris fur chacune, des douze cordes du fyftême chromati- que ; & pour la défigner , il fuffira de mettre à la marge le chiffre qui expri- meroit cette corde fur le clavier dan* . l'ordre naturel ; c'eft-à-dire , qx^f '' de

fre de la marge qu'o" » s'"

clef, défigne ^' .ependra

jamais de

DE NOUVEAUX SiGNES.' 11

doit s'appeller ut &c par conféquent être tonique dans les tons majeurs & médiante dans les mineurs. Mais , à le bien pren- dre , la connoiflance de cette clef n'efl que pour les inftrumens , & ceux qui chantent n'ont pas befoln d'y faire atten- tion.

Par cette méthode , les mêmes noms font toujours confervés aux mêmes notes: c'eft-à dire , que l'art de folfier toute Mufique pofTible confifte préciféinentà con- noître fept caractères uniques & invaria- bles qui ne changent jamais ni de nom ni de pofition ,.ce qui me paroît plus facile que cette multitude de tranfpofitions & de clefs qui , quoi qu'ingénieufement . inventées , n'en font pas moins le fuppllce des commençans.

Une autre difficulté qui naît de l'éten- due du clavier & des différentes Oftaves le ton peut être pris , fe réfout avec la même aifance. On conçoit le clavier divifé par Oftaves depuis la premiete tonique ; la plus bafle Oftave s'appelle A, la féconde B , la troifieme C, &c. de façon qu'écrivant au commencement d'un air la lettre correfpondante à l'Oftave dans

.îî Projet concernant laquelle fe trouve la première note âe ctt air , fa pofitlon précife eft connue , & les points vous condulfent enfuite par- tout fans équivoque. De-là , découle en- core généralement & fans exception le moyen d'exprimer les rapports Se tous les intervalles , tant en montant qu'en def- Cendant, des reprifes & des rondeaux ^ comme on le verra détaillé dans mon grand Projet.

La corde du ton, le mode (car je le difting^ie aufli ) & l'Oftave étant ainfî bien défignés , il faudra fe fervir de la tranfpofitiûn pour les inilmmens comme pour la voix , ce qui n'aura nulle difR" cnlté pour les Muficiens inftruits , comme ils doivent l'être , des tons & des inter- valles naturels à chaque mode , & de la manière de les trouver fur leurs inftru- mens : il en rcfultera , au contraire , cet avantage important , qu'il ne fera pas plus difficile de tranfporter toutes fortes d'airs , un demi-ton ou un ton plus haut ou plus bas , fuivant le befoin , que de les jouer fur leur ton naturel , ou , s'il' s'y trouve quelque peine , elle dépendra uniquement de l'inftrument & jamais de

DE NOUVEAUX SiGNES; ÏJ'

la note qui , par le changement d'un feul figne, repréfentera le même air fur quel- que ton que l'on veuille propofer ; de ibrte , enfin , qu'un Orcheftre entier , fur un fimple avertifTement du maître, exé- cuteroit fur le champ en mi ou en fol une pièce notée en , en la y en Ji bémol ou en tout autre ton imaginable: chofe impoffible à pratiquer dans la Mu- fique ordinaire & dont l'utilité fe fait Effez fentir à ceux qui fréquentent les Con- certs. En général , ce qu'on appelle chan- ter & exéaiter au naturel , eft peuf^être ce qu'il y a de plus mal imaginé dans la Mufique. Car fi les noms des notes ont quelque utilité' réelle, ce ne peut être que pour exprimer certains rapports, cer- taines afFeôions déterminées dans les pro- greflions des fons. Or , dès que le ton change , les rapports des fons & la pro- gre'ffion changeant auffi , la raifon dit qu'il faut de même changer les noms des notes en les rapportant par analogie au nouveau ton , fans quoi l'on renverfe le fens des noms & l'on ôte aux mots le feul avantage qu'ils puiffent avoir , qui d'exciter d'autres idées avec celles des

i

! il

74 Projet concernant fons. Le paffage du mi au fa ^ ou âujîk. Vui excite naturellement dans l'elprit du Muficien l'idée du demi-ton. Cependant. fi l'on eft dans le ton de ou dans celui de mi , l'intervalle du à Vut , ou dtt mi au fa efl toujours d'un ton & jamais d'un demi-ton. Donc au lieu de conferver des noms qui trompent l'tfprit & qui choquent l'oreille exercée par une diffé- rente habitude, il eft importai : de leur en appliquer d'autres dont le fens connu , au lieu d'être contradiftoire , annonce les intervalles qu'ils doivent exprimer. Or, tous les rapports des fons du fyftême diatonique fe trouvent exprimés dans le majeur , tant en montant qu'en defcen- dant , dans l'Oûave comprife entre deux 7U , fuivant l'ordre naturel , & dans le mL neur , dans l'Oûave comprife entre deux /a , fuivant le même ordre en defcendant feulement. Car , en montant , le mode mineur eft aflujetti à des affeûions difFé. rentes , qui préfentent de nouvelles ré- flexions pour la théorie , lefquelles ne font pas aujourd'hui de mon fujet , & qui ne font rien au fyftême que je propofe.

^îitiuitiÊitÈUÉÊÈiÊàiaiiimtàÊÊÊÊ)KàÊàÊiàii

DE NOUVEAUX SiGNES. IJ

J'en appelle à l'expérience fur la peine qu'ont les Ecoliers à entonner par les noms primitifs , des airs qu'ils chantent avec toute la facilité du monde , au moyea delatranfpofition , pourvu toujours qu'ils aient acquis la longue & nécefiaire habL tude de lire les bémols & les dièfes des clefs qui font avec leurs huit po- fitions , quatre - vingt combinaifons inu- tiles & toutes retranchées par ma mé- thode.

Il s'enfuit de-là , que les principes qu'on donne pour jouer des inftrumens , ne va- lent rien du tout , & je fuis fur qu'il n'y a pas un bon Muficien , qui, après avoir préludé dans le ton il doit jouer, ne faffe plus d'attention dans fon jeu au degré du ton il fe trouve , qu'au dièfe ou au bémol qui l'afTefte. Qu'on apprenne aux Ecoliers à bien connoître les deux modes & la difpofition régulière des fons convenables à chacun , qu'on les exerce à préluder en majeur & en mineur fur tous les fons de l'inftrument , chofe qu'il faut toujours favoir , quelque méthode qu'on adopte. Alors qu'on leur mette ma mufique entre les mains , j'ofe

rS Projet concernant répondre qu'elle ne les embarraflera pas uni quart-d'heure.

On feroit furpris fi l'on faifoit atten- tion à la quantité de Livres & de pré- ceptes qu'on a donnés fur la tranfpofition ; ces gammes, ces échelles, ces clefe fup- pofées font le fatras le plus ennuyeux qu'on puifle imaginer , & tout cela , faute d'a- voir fait cette réflexion très-fimple que , dès que la corde fondamentale du ton eft connue fur le clavier naturel , comme to- nique, c'eft-à-dire , comme ut ou/^z, elle détermine feule le rapport & le ton de toutes les autres notes, fans égard à l'ordre primitif.

Avant que de parler des changemens de ton , il faut expliquer les altérations acci- dentelles des fons qui s'y préfentent à tout moment.

Le dièfe s'exprinie par une petite ligne qui croife la note en montant de gauche à droite. Sol diéfé , par exemple , s'ex- prime ainfi f , fa dicfé ainfi 4. Le bémol s'expjime auilî par une ferablable ligne qui croife la note en defcendant 7,3.» &c ces fignes plus fimples que ceux qui font en uf?.ge , fervent encore à mon- trer

DE NOtA^EAUX Signe?. 17 trer à l'œil le genre d'altération qu'ils caufent.

Le bécarre n'a d'utilité que par le mau- vais choix du dièfe & du bémol , & dès que les figties qui les expriment feront inhérens à h note , le bécarre deviendra entièrement fuperflu : je le retranche donc comme inutile ; je le retranche encore comme équivoque , puifque les Muficiens s'en fervent fouvent en deux fens abfolu- ment oppofés , &c laifTent ainfi l'Ecolier dans une incertitude continuelle fur fon. véritable effet. , •. . >

A l'égard des changemens de ton , folt pour pafTer du majeur au mineur , ou d'une tonique à une autre , il n'cxl queftiôn que. d'exprimer la première note de ce chan- gement , de manière à repréfenter ce qu'elle" étoit dans le ton d'où l'on fort , & ce q\i'elle eft dans celui l'on entre , ce^ que Ton fait par une double note féparée par une petite ligne horizontale comme dans les fractions, le chiffre qui efl au- delTus exprime la note dans le ton d'oïl l'on fort, & cehû de deffous repréfente la même note dans le ton l'on entre :efl un mot, le chifT're inférieur indique le nom

Projet concernant

de la note, & le chiffre fupérieur fert à

en trouver le ton.

Voilà pour exprimer tous les fons imaginables en quelque ton que l'on puiffe être ou que l'on veuille entrer. Il faut paffer à prélent à la féconde partie qui traite des valeurs des notes 6c de leurs mou- yemens.

Les Muficlens reconnolflent au moins quatorze mefures différentes dans la Mu- flque : mefures dont la dillinûion brouille l'efprit des Ecoliers pendant un tems infini. Or, je foutiens que tous les mouvemens de ces différentes mefures fe réduifent imiquement à deux ; favoir, mouvement- à deux tems & mouvement à trois tems ; & i'ofe défier l'oreille la plus fine d'en- trouver de naturels qu'on ne puiffe expri-. nier avec toute la préclficn poffibîe . par l'une de ces deux mefures. Je commen-! cerai donc par faire- main-baffe fur tous- ces chiff-es bizarres , réfervant feulement ie deux & le trois , par lefquels , comme- on verra tout-à-rheure, j'exprimerai tous les mouvemens poffibles. Or , afin que le ch.ffre quj annonce la mefure ne fe confonde point avecceux des notes , je

r>E is'ouvEAux Signes; 19

Jfert diftingue en le faifant plus grand &

en le féparant par une double ligne perpen-

diculaire. ..,_._.

Il s'agit à préfent d'exprimer les tems

& les valeurs des notes qui les rem-

'

plirent. ,

Un défaut confidérable dans la Mufique

eft de repréfenter comme valeurs abfo-

1

îues , des notes qui n'en ont que de rela-

tives, ou du moins d'en mal appliquer

les relations : car il eft fiir que la durée

<îes fondes , des blanches, noires , cro-' É

!

ches , &c. eft déterminée , non par la qua-

j

lité- de la note, mais par celle de la me-

fure elle fe trouve , de-là vient qu'une

noire dans une certaine mefure pafiera

beaucoup plus vîte qu'une croche dans

;ime autre ; laquelle Croche ne vaut cepen^

dant que la moitié de cette noire ; &

jde-là vient encore que lés Muficiens de

i

Province , trompés par ces faux rap-

ports , donneront aux airs des mouvemens

\

.tout différens de ce qu'ils doivent êtrg

\

.en s'attachant fcrupuleufement à la va-

leur abfolue des notes , tandis qu'il fkur

dra quelquefois paffer une mefure à trois

te-ms Amples î beaucoup plus vîte qu'une

B X

10 Projet concernant

autre k trois-huit , ce qui dépend an cnprlce du Compofiteur, & de quoi lès Opéra préfentent des exemples à chaque inftant.' ' ' , '

D'ailleurs, la divlfion fous-double des notes & de leurs valeurs , telle qu'elle cfl: établie , ne AiHît pas pour tous les cas» & fi , par exemple , je veux pafTei- trois notes égales dans un îems d'une niefure à deux, à trois ou à quatre, il faut , ou que le Muficien le dev!ne , ou que je l'en inî^ truîfe par un figne étranger qui fait excep- tion à la règle. .......

Enfin , c'eft encore un autre inconvénient ^e ne point fcparer les tems ; il arrive de-là que dans le nù'ieu d'une grande mefure , l'Ecolier ne fait il en eft-, fur-tout lorfque , chantant le vocal , il trouve une quantité de croches & ' dfc doubles-croches détachées , dont il faitt qu'il ff.ffe lui-même la d:flributi<inl - -

La féparation de chaque tetns par tine virgule , remédie :\ tout cela "avec Beau- coup de fimpliclté ; chaque tems com- pris entre deux virgules contient urie note ou pîuficurs ; s'il ne comprend qu'xine note , c'efl: qu'elle remplit tout ce téms-

DE NOUVEAUX SiGNES. II

lii y êc cela ne fait pas la moindre diffi- culté. Y a-t-il pluiieurs notes comprifes dans chaque tems , la chofe n'eft pas plus difficile. Divifez ce tems en autant de parties égales qu'il comprend de notes j appliquez chacune de ces parties à cha- cune de ces notes & paffi;z-lcs de forte que tous les tems foient égaux.

Les notes dont deux égales rempliront un tems , s'appelleront des demis; celles dont il en faudra trois , des tiers , celles dont il en faudra quatre, des quarts , &c.

Mais lorfqu'un tems fe trouve partagé, de forte que toutes les notes n'y fout pas d'égale valeur , pour repréfenter , par exemp'e , dans un feul tems une noire 8c deux croches , je confidere ce tems comme divifé en deux parties égales ^ dont la noire fait la première , Si les dcuv croches enfemble la féconde; je les lie donc par une ligne droite que je place au-defïïis ou au-deflbus d'elles , 5c cette ligne marque que tout ce qu'elle em- brafi'e ne repréfente qu'une feule note , laquelle doit être fubdivifce en deux parties égales , ou en trois , ou en quatre , fuivant le nombre des chiffres cu'elle couvre , &c. . B 3

11 Projet concernant"^

Si l'on a une note qui remplifle feulô une mefure entière , il fuffit de la pla- cer feule entre les deux lignes qui ren- ferment la mefure , & par la même rè- gle que je viens d'établir , cela fignifie que cette note doit durer toute la mefure entière.

A l'égard des tenues , je me fers anflî du point pour les exprimer ; mais d'une manière bien plus avantageufe que celle qui eft en ufage : car , au lieu de lui faire valoir précifénient la moitié de la note qui le précède , ce qui ne fait qu'uix cas particulier , je lui donne , de même qu'aux notes , une valeur qui n'eft dé- terminée que par la place qu'il occupe , c'eft-à-dire , que fi le point remplit feul un tems ou une mefure , le fon qui a précédé doit être auffi foutenu pendant tout ce tems ou toute cette mefure ; & fi le point fe trouve dans un tems avec d'autres notes , il fait nombre auffi bien . qu'elles , & doit être compté pour un tiers ou pour un quart , fuivant le nombre de notes que renferme ce tems -là en y comprenant le point. Au refte, il ji'eft pas à craindre , comme

tattMUÊÈiiiÊÊÊÊaÊiaaÊtÊàt

DE NOUVEAUX SiGNES. Ij

on le verra par les exemples , que ces points fe confondent jamais avec ceux qui fervent à changer d'Oftaves , ils en font trop bien diflingués par leur pofition pour avoir befoin de l'être par leur figure ; c'eft pourquoi j'ai négligé de le faire , évitant avec foin de me fervir de lignes extraordinaires, qui diflrairoient l'at- tention & n'exprimeroient rien âe plus que la fimplicité des miens.

Les; filences n'ont befoin que d'un feul ligne. Le zéro pàroît le plus convena- ble , & les règles que j'ai établies à l'é- gard des notes étant toutes applicables leurs filences relatifs , il s'enfuit que le zéro , par fa feule pofition & par les points qui le peuvent fuivre , lefquels alors exprimeront des filences , fufEt feul pour remplacer toutes les paufes, fou- pirs , demi-foupirs & autres fignes bi- zarres & fuperflus qui rempliflent la mu« fique ordinaire. .

Voilà les principes généraux d'oii dé- coulent les règles pour toutes fortes d'expreffions imaginables , fans qu'il puifle naître à cet égard aucune difficulté qui n'ait été prévue Si qui ne foit réfoluej B4

a4 Projet CONCERNANT '

en confcquence de quelqu'un de ces- principes.

Ce fyftême renferme , fans contredit , des avantages effentiels par deffns la mé- thode ordinaire.

En premier lieu. La mufique fera du double & du triple plus aifée à apprendre. 1°, Parce qu'elle contient beaucoup moins de fignes. 1°. Parce que ces fignes font plusfimples. j*. parce que fans autre étude , les carafteres mêmes des notes y repréfen- tent leurs intervalles & leurs rapports , au lieu que ces rapports & ces inter- valles font très-difficiles à trouver & de- mandent une grande habitude, par lamu-

fique ordinaire.

4°, Parce qu'im même caraftere ne peut jamais avoir qu'un même nom , au lieu que dans le fyftême ordinaire cha- que pofition peut avoir fept noms dif- férens fur chaque clef, ce qui caufe une confufion dont les Ecoliers ne fe tirent qu'à force de tems, de peine &c d'opi- niâtreté.

. 5°. Parce que les tems y font mieux diilingués que dans la mufique ordinaire.

DE iiOvri.kvx Sjg?:e5. zj

ôc que les valeurs ties filences ic dts notes y font déterminées d'une manière plus fiîTiple & plus générale-

^^. Parce que le mode étant toujours connu , il eÙ. toujours aifé de préluder & de fe mettre au ton : ce qui n'iirrîve pas dans la mufique ordinaire , fca- vent les Ecoliers s'embarralTent ou cliia- tCi-it feux, faute de bien connoître îe ton ils doivent chanter.

En fécond lieu, la mufique en eft p'is commode & plus aifée à noter , occivpe moins de volume; toute forte de papier y eu propre , & les caractères de l'ia- primerie iuffifantpour îa noter, les Coia- pofteurs n'auront plus bcf'cin de feirede fi grands frais pour la gravure de kura pièces ; ni les particuliers pour les acquérir-

Enfîn les compofiteurs y trouveroieiit encore cet autre avantage non moins coa- fîdérable, qu'outre la faci!iré de la ccîe, leur harmcr.ie & leurs accords feroient connus par la feule infpeôion des fijnej & fans ces fauts d'une c'cf à Tautre, qui dt mandent ure habitude bien îongiie,& que plufieurs n'atteignent jamais par- feiîemenL

iîL Rousseau, Jean Jacques 732 Project concernant de

R86 nouveaux signes pour la

1781a musique

Music

PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET

UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY

J

■.^^^: