AAA nan AA 2 san \ PRE s 4 2 o1 ANA 2 \ À A 1 PARA NE EIT ONE à : 2 À * à ) ; L SAS NA A É NNSAMA RAP RS LT g Lo 7e . à à LEA sa re \ ti \ ? £ | 4 à: Û ÿ { À, è : $ ANR ANAAAAR HT aa 27 AA; 0 M4: dE AAA part?" AA en) Da Li ER Pa 4 À " À - 7 PR OA - AA ER AGP SA RAR = 4 des LT. A, Lu A AR RTS 1 Up ANA nt 2 NW Te = te rt De. ar Ce 2 2e > Ar A ARS SA ANAA LE LE * c: \ 2 +5 | 2 COCA AARAR A OR re épis prit e NES me ) MÉMOIRES DE- ] DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES - LETTRES » DE CAEN. es 4 GE QUES : te MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DE CAEN. Ce volume renferme les travaux de l’Académie pendant les années 1825), 1626, 1827 et 1028. MÉMOIRES DE DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES , DE CAEN. CAEN, CHEZ T. CHALOPIN , IMPRIMEUR DE L’ACADEMIE, es 1529. Er MENT PP pus -Y > ‘ y" 5 is fs ana ane “ 1 7 NC LUE se cesétrag- dant à ‘Fa ven 0 CPS OT PANNE OR TE ‘8 FRE ‘ A 16 I IA 4 h à ADI vf NT Wii 4 ‘ Le ” 4 É 12h ! [ LA © À î a j É su = Pa L L - HAT er A AMAGAOA I 28 AVAL Ou Lud sin + l mire ê Det CU à 11 AAA AR VA VU LAURE LUS LA LAS LR AVR AR UE LU LUS AR AA LA LUE LAS LUS ACADEMICIENS. MM. Parru, ingénieur en chef des ponts et chaussées , président. . DE BAUDRE, membre du eonseil munieipal , vice-pré- sidené. | HEBERT , conservateur de la bibliothèque de la ville , secrétaire. THIERRY, professeur de chimie à la faculté des sciences, membre du conseil général , vice-secrétaire. LE GRIPS , conseiller de préfecture, trésorier. DE MONTLIVAULT ({ le comte ), conseiller d'état, gentilhomme de la chambre du Roi , préfet du Cal- vados. DELOGES , le jeune. DE MAGNE VILLE , membre du conseil municipal, cor- respondant du conseil d'agriculture , près le ministère de l’intérieur. LAIR , conseiller de préfecture | secrétaire de la société d'agriculture et de ecommerce. GODEFROY , docteur en médecine , professeur hono- raire. 6 ACADÉMICIENS. LE BOUCHER , docteur en médecine , ancien profes- seur. LANGE, docteur en médecine. DE LA RUE (l'abbé), chanoine hohoraire de Bayeux, professeur d’histoire et doyen de la faculté des lettres , associé-correspondant de l'institut de France. SIMON , avocat. PRUDHOMME , Dfesius de navigation. TROUVÉ, professeur en médecine. GOUPIL DE PRÉFELN (le baron), premiér président honoraire de la Cour royale de Caen. DE CHÉNEDOLLÉ , ue de l’académie royale de Caen. LE SAUVAGE, cena en médecine. JAMET (l'abbé }, recteur de l'académie royale de Caen, DAN DE LA VAUTERIE , docteur en médecine. VAULTIER , professeur de littérature française à la fa- culte des lettres. HÉRAULT, ingénieur en chef des mines. THOMINE-DESMASURES , président du tribunal de première instance , doyen de la faculté de droit. RAISIN , professeur en médecine. | DOMINEL, professeur en médecine. D'OSSE VILLE ( comte Louis ), maire de Caen ; membre du conseil général du département: DE LA FOYE, avé de MEME à Ja facalté des sciences. BACON , le jeune, Ni en médecine. AMELINE , professeur en médecine. SPENCER-SMITH , membre de la société royale et de Ja socicte des antiquaires de Londres. ACADÉMICIENS. 7 EUDES - DESLONGCHAMPS , professeur d'histoire naturelle à la faculté des seiences. . ROGER , juge d'instruction au tribunal de première ins- tance de Caen. ASSOCIÉS RÉSIDANS. MM. CHANTEPIE , inspectéur honoraire de l'académie uni- versitaire de Caen. ASSELIN , docteur-medecin. BOISARD , avocat , chef de division des bureaux de la préfecture. LECHAUDÉ-D’ANISY , homme de lettres. THOMINE-DESMASURES fils, professeur à l’école de droit de Caen. DE CAUMONT, secrétaire de la société des antiquaires et de la société Linnéenne de Normandie. MAILLET-LACOSTE , professeur de littérature latine à la faculté des lettres. DESHAYES , peintre , membre de la société des anti- quaires de Normandie. SIMON , ingénieur , directeur du cadastre du départc- ment du Calvados. GRAY-JACKSON , ancien cousul de S.M. britannique, à Maroc. DANIEL (l'abbe ) , proviseur du college royal de Caen. BERTRAND , professeur de rhétorique au cellége royal de Caen. S ACADÉMICIENS. ACADÉMICIENS MORTS En 4826 , 4827, 1828 FT 1829. MM. WHEATCROFE,, professeur de langue anglaise ; le 18 août 1826. LABBEY DE LA ROQUE, chevalier de St.-Louis , le 9 juin 1827. | DUCHEMIN ( l’abbe ), PERS de mathématiques , le 20 mars 1829. ACADÉMIE ROYALE DE CAEN, MARLARUIA LAS PEL VIRE LEARN LA LAS VAS AL LILAS LAS VAR AA USA AAA VAN SÉANCE PUBLIQUE DU 9 JUIN 1898. Présidence de M. DE BAUDRE. ANALYSE des Travaux de PAcaëlémie F par M. Héserr , Secretaire. Messigurs, Les sociétés savantes, créées pour répandre dans les provinces des connaissances qui sans elles y auraient pénétré diflicilement , ont dès leur-ori- gine exercé une heureuse influence sur les con- trées où elles prirent naissance : le but de-leur insütution fut atteint ; et.si , dans l’état actuel de la civilisation , elles-semblent avoir peut - étre moins d'utilité , c’est qu’elles ne sont plis, comme autrefois , seules chargées de communiquer la; connaissance des découvertes qu’alors elles rèée- vaient inmédiatement dés hommes lespls savants de leur siècle ; mais leurs travaux n’en seront pas moins pour l’avenir d’une haute importance, | 10 ANALYSE DES TRAVAUX Les sciences, dans leur marche progressive , n’admettant plus de théories , lorsqu'elles ne sont pas fondées sur une masse d’observations , les so- ciétés auront pour objet spécial de leurs travaux d'enregistrer les événements qui se passent autour d’elles , d'interroger toutes les parties du sol des provinces , d’en faire connaître la composition et les produits , de suivre les traces des découvertes fortuites , de réunir des matériaux et de les offrir au monde savant;enfin,d’entretenir par leur exem- ple ’amour de l'étude , des belles - lettres et des arts utiles et agréables. L’académie , Messieurs, depuis M. Foucault, intendant de la généralité de Caen, a toujours recu des magistrats chargés d’administrer notre dépar- tement, des marques de leur bienveillance paru- cuhère , et c’est encore aujourd’hui sous la pro- tection éclairée de M. le comte de Montlivault, conseiller d'état , que les sociétés savantes ont pu se livrer à des rechérches , dont le compte vous-a été rendu plusieurs fois dans cette enceinte où je vais avoir l'honneur de vous entretenir des travaux particuliers de l'Académie. M. pe Maexe vice a donné un mémoire sur les terrains de transport du département du Calvados. Ces terrains ont jusqu’à ce jour assez peu occupé les géologues , et ils offrent cependant un double DE L’ACADÉMIE, nr intérêt ; puisqu'ils lient l’état actuel de la sur- face du globe à celui des époques les plus recu- lées , et qu'ils fournissent à l’agriculture les terres végétales les plus fertiles. | M. de Magneville fait connaître deux natures de terrains indifféremment confondus sous le nom de terrains de transport , d’alluvion on d’atterris- sement. [| comprend sous le nom de terrains de transport ceux qui doivent leur origine à des causes qui ont cessé d’agir , et sous celui d’alluvion ou d’atterrissement ceux qui doivent leur existence à des causes sans cesse agissantes on qui peuvent se renouyeler, Les terrains de transport ont été observés par M. de Magneville dans leurs diverses positions , et il décrit les bases sur lesquelles ils reposent, leur aspect , leur nature et leur usage dans l'agri- culture. M.Héraurr a lu une notice sur de l'argent natif qui a été découvert dans l’ardoisière de Curcy , arrondissement de Caen. Les grains d'argent natif sont quelquefois de la grosseur d’une balle de fusil, mais le plus ordinairement ils ne sont pas plus gros que du plomb de chasse ; ils se trouvent dans les fissures transversales que présente le schiste ar- doisé de ce pays, et ils sont accompagnés d’une substance blanc-jaunâtre qui n’est pas argentifère. 2 ANALYSE DES TRAVAUX On continue de trouver de temps x autre des grains d'argent dans ces carrières ; qu’on exploite à ciel ouvert. D'après l'essai qui en a été fait au labo- ratoire de l’école Royale des Mines, par M. Ber- thier , l'argent de Curcy contient : Argent. 009 LertmnrnH0g6 Cuivres . NT sHeého M. Hérault a donné un supplément au mémoire sur les terrains du département du Calvados. Il rend compte dans ce supplément de la confi- guration du terrain sur lequel reposent les couches de houille de la mine de Littry ; etil fait connaître l'étendue du terrain houillier dans le département du Calvados, et son extension dans le département de la Manche. M. Hérault a offert encore à l'Académie une Notice sur le Kaolin des Pieux , ‘département de la Manche : cette substance , employée par M. Langlois , propriétaire de la manufacture de por- celaine de Bayeux , ne forme pas de couches suivies ,; mais bien des dépôts plus où moins considérables dans une argile jaune pâle dalluvion;, qui contient une grande quantité de’pétits blocs anguleux de grès quartzeux. Le Kaolin des Pieux, bien épluché , a’un grain très-fm , il est d’un blanc assez pur ; cependant on y remarque quel- ques traces d’oxide de fer qui donnent à la por- celaine un coup d'œil bleuâtre. Ld DE L’ACADÉMIE. 19 Différens Mémoires et plusieurs Rapports im- portans , ont été lus sur diverses parties de la médecine. M. Goperroy a fait hommage à l'Académie d’un tableau analytique sur l’art sphygmique, pré- sentant l’ensemble des connaissances que doit avoir sur le pouls celui qui veut suivre la clinique. Ce tableau est divisé en neuf colonnes : La ire, comprend la définition du pouls, La 2e. Un Précis historique. La 5°. Les différentes variations où modifi- cations du pouls pendant la vie. La 4°. Ses altérations dans la maladie. Les objets sur lesquels 4 connaissance des différens modes d’altération du pouls peut éclairer le médecin au Hit du malade , sont exposés dans les quatre colonnes suivantes : 1°. Sur la nature de [a maladie ; 20, Sur l'organe affecté ; 3°. Sur le temps d'irritation et de crise ; 4°. Sur l’état de la force vitale. La neuvième colonne présente les règles à suivre pour lexploration du pouls. M. le Sauvace a donné lecture d’un Mémoire intitulé : Nouvelles réflexions sur lInnocuité du verre pilé et des substances vitriformes. Notre collègue avait déjà traité ce sujet dans une thèse 14 ANALYSE DES TRAVAUX qu’il présenta à la faculté de médecine en 1810 ; il a “entrepris son nouveau travail à l’occasion d'une discussion sur le verre pilé qui avait eu lieu au sein de l'Académie royale de Médecine. M. Le Sauvage établit par des raisonnemens basés sur de nouveaux faits, que jamais le verre en poudre où en petits fragmens et les subs- tances analogues , n’ont produit à l’intérieur des organes digestifs , les effets qu’on a voulu leur attribuer , et que la prévention seule a tracé les observations à l’aide desquelles on avait fortifié une croyance qui devait se présenter bien na- turellement à lesprit des personnes étrangères à la connaissance des lois de l’organisation ani- male. M. Lé Sauvage a fait connaître un genre nou- veau de ver vésiculaire qu'il a trouvé à l’intérieur de la membrane Amnios d’une vache. Ce ver par sa conformation , a quelques rapports avec les cisticerques ; mais il s’en éloigne par quelques points importans de son organisation : son Corps , qui a seulement quelques lignes de longueur, est arrondi , légèrement xidé transversalement , et terminé comme celui du cisticerque par une vessie caudale ; mais son extrémité antérieure west pas surmontée par une tête sallante mu- nie de crochets et entourée de sucoirs, elle est nm DE L'ACADÉMIE. 19 terminée par une ouverture transversale qu’on peut appeler bouche et qui présente deux lèvres dont la supérieure est prolongée au-delà de lin- férieure. Ce ver , auquel M. Le Sauvage donne le nom d’Acrostôme , a pour caractère générique une bouche bilabiée ouverte à l'extrémité du corps , ce dernier cilindroïde , annelé et terminé par une et quelquefois deux vessies caudales ; c’est par la bouche que le ver se fixe à la mem- brane amnios , tandis que son corps flotte dans Peau qu’elle contient , et la succion qu'il y opère détermine l’alongement sous la forme de mamelon de la portion de membrane où la succion s'opère. Ce mode particulier de nutrition, et la disposition de la bouche qui en est le principal agent , impriment à ces animaux des caractères spéciaux à l’aide desquels on peut facilement les carac- tériser. Un ouvrage adressé à l’Académie par un mé- decin d'Orléans, a donné lieu à l'examen chi- mique que M. Bacon a fait de l'huile pyrogenée ; provenant de la combustion des tissus, soit de chanvre , soit de lin, soit de coton , à laquelle l'auteur donne le nom de pyrothonide. M. Bacon a répété le procédé décrit par M. Rauques , et il a obtenu des résultats semblables à ceux in- diqués; il a ensuite fait quelques expériences 16 ANALYSE DES TRAVAUX pour reconnaître la nature du pyrothonide , et il a trouvé qu'il a pour caractère d’être un li- quide d’un léger brun-rougeâtre, d’une odeur et d’une saveur désagréable:, âcre et empyreuma- üque , qu'il verdit le syrop de violette et rougit le tournesol, qu’il est enfin un composé d’eau , d'acide acétique et d'huile empyreumatique , connu des anciens chimistes sous le nom d'esprit acide , d'huile médjate. M. Rauques lemploie dans les inflammations de l'œil. ; Un autre Mémoire de M. Rauques sur les em- poisonnemens par les émanations saturnines, a été l’objet d’un rapport de M. Raisin : cet académi- cien , avant d'entrer dans l'examen des nouveaux moyens curatifs proposés , a fait l’histoire de cette terrible maladie qui , rangée d’abord au nombre des maladies inflammatoires , avait été traitée sans succès par les saignées et les adoucissans , ct dépuis a subi un traitement par les émétiques et les drastiques les plus violens , auxquels , sui- vant les cas assez rares, on a joint la saignée : cé traitement, employé à l'hôpital de la Charité x Paris, a si bien réussi, qu’on n’en administre plus d'autre. M. Rauques propose une autre méthode qui a pour but de faire cesser le spasme des intestins causé par Ja présence, du ‘plomb qui donne naissance à la constipation, et de fa- DE L’ACADÉMIE. 17 chler au, moyen de 'lavemens la soriie des ma- tières retenues dans le tube intestinal. Ce traitement, heureusemeut suivi par M. Rauques, ne présente , suivant M. Raisin, au- cune contre-indicauion ; mais cette maladie étant extrèmement rare à Caen, M. Raisin. ne peut l'approuver par son expérience! personnelle. M. Raisin a encore présenté une observation sur lexpulsion, d’un Ténia entier ; par lusage de la décoction de racine de grenadier employée depuis peu contre cette maladie. L'individu qui fait le sujet de cetté obser- vation , était âgé de 50 ans et jardinier de son mélier ; tous les moyens indiqués contre cette maladie avaient été employés sans succès , lors- qu'il eut recours à M. Raisin qui lui fit faire usage d’une décoction de racine de grenadier , à la dose de deux onces dans quatre ‘verres d’eau réduits à ‘trois par ébullition ; le premier verre procura un-Vomissement; Le deuxième jour même dose ; après le deuxièmetverre!; le malade rendit une portion, de ver dé:24 pieds de long, et après le‘troisième vérre, 1l rendit le reste : le malade prit une troisième dose et n’a plus rendu auçune portion de ver. M.: Raisin a présenté ces portions de : ver recueillis dans un bocal rempli d'esprit. de vin , 18 ANALYSE DES TRAVAUX et on a vu distinctement la tête munie de ses quatre oscules ou sucoirs , et tous les carac- tères qui , d’après M. Deslongchamps , Pont fait reconnaître pour le éænia solium. Les Indiens qui emploient ce remède le font précéder de Vusage d’autres substances ; M. Raisin Va employé seul avec succès , et c’est par cette considération qu’il s’est empressé de communiquer à l’Académie cette précieuse observation , et de lui présenter ce ver trop rarement expulsé en entier. M. Trouvé , médecin en chef des hôpitaux ; a donné un apercu sur la topographie de l'Hôtel- Dicu de Caen. Si les principes généraux , si les vérités fon- damentales de la médecine sont applicables à tous les pays, à tous les sexes, à tous les âges, il n’en faut pas-moins reconnaître aussi que dans son application pratique la médecine doit être modifiée suivant une multitude de circonstances qui dépendent des localités. M. Trouvé part de ces principes généraux et des restrictions qu'il y a mises pour décrire les différences qui existent dans la constitution physique des habitans des diverses parties du département du Calvados ; et de ce préambule rapidement tracé , l’auteur passe à l'examen des. DE L’ACADÉMIE. 19 avantages du nouvel Hôtel-Dieu , objet spécial de son mémoire, Le nouvel Hôtel-Dieu est établi dans Pabbaye de Ste.-Trinité qui fut fondée en 1066 par Mathilde de Flandres , femme de Guillaume , duc de Normandie ; l’église de Mathilde subsiste en- core , les autres parties de cet édifice sont du dernier siècle. L’Hôtel-Dieu , considéré comme établissement de charité, est un des plus maënifiques , des plus commodes, des plus salubres du royaume. Il s'élève à 25 mètres au-dessus de la rivière d'Orne et des prairies qu’elle arrose , sur un côteau dont la surface est occupée par les bâ- timens et un vaste parc énvironné de murs et planté en ormés ét en tilleuls ; sa situation l’isole de la ville sans l'en éloigner , et en raison de éet isolement et de son élévation , il offre la plus grande salubrité , et délivre les habitans de la ville de toute crainté des maladies contagieuses et des émanations dangereuses qui sortent quel- quefois de ces asiles, Le sol sur lequel il est situé , est un calcaire peu recouvert d’une couche de terre argileuse au-dessus de laquelle se pré- sente la terre végétale ; 1l est environné au nord par des plaines fertiles , én partie plantées et qui laissent un libre accès aux vents de mer , à l'ouest et au sud-ouesl une masse de bâtimens ét l'église 20 ANALYSE DES TRAVAUX interceptent les vents chargés d'humidité qui soufllent de côté; à l’est et au sud-est , il est séparé de la plaine par le vallon de l'Orne qui lui procure une vue d’autant plus agréable que les brouillards qui s'élèvent rarement dans le vallon ne peuvent qu’encore plus rarement par- venir sur Ja hauteur où il est situé. M. Trouvé passe ensuite à la description de l'intérieur de cet édifice et à l'aménagement des salles et du matériel de chaque malade , des- criplion dans laquelle nous ne pouvons le suivre sans détruire une partie de lintéressant tableau qu’il présente ; mais 4l est cependant nécessaire de faire connaître les principaux moyens pris par l'administration pour améliorer le service. Les fourneaux de la salle de bains , de la phar- macie et de la cuisine, sont ‘construits de ma- nière qu'ils ne consomment que très-peu de bois par jour , ‘et cependant ils suffisent à tous les détails du service ; leur construction est si bien entendue que la fumée s’échappant par des ca- naux souterrains ne laisse aucune odeur. Des machines ingénieuses dans leur construction sont employées pour soulever les malades dans leur ht , et dans les salles d'opération pour placer le malade de la manière la plus convenable. Dans les vastes salles ; les malades ont chacun leur ht, et à côté d'eux tout ce qui leur est néces- DE L'ACADÉMIE. al saire lorsqu'ils ont assez de forces pour , s’en servir; et ce qui est très-remarquable , on ne sent nulle part dans cet établissement ces odeurs fades qui affectent si péniblement ceux qui "visitent les hôpitaux. M. Trouvé termine son mémoire en présentant le tableau du régime alimentaire suivi dans Phô- pital , et l’état de mortalité pendant 10 ans depuis 1815, jusques et compris 1824 , d'où 1l résulte que le nombre des décès va en décroisant depuis. la translation de l'hôpital : un tableau des mala- dies traitées dans l'hôpital depuis le 12°. février 5 824 jusqu'au 1%. janvier 1825 est joint à ce Mémoire. M. Trouvé réserve pour un autre temps les observations qu’une médecine éclairée lui fournira sur les maladies les plus fréquentes observées , et sur l'influence de la position de cet hospice dans leur terminaison. M. Trouvé a encore lu la première partie d’un mémoire sur l'influence de l'air de la mer'et des bains de mer dans les affections chroniques. Vous entendrez dans cette séance, Messieurs ; la lecture de cet important mémoire. M. Cougrrix , capitainé au corps royal des in- génieurs géographes:, à présenté à l'Académie une notice sur une base trigonométrique ; mesurée d'après une méthode peu connue et peu dispen- dieusé ; les eonclusrons:de'M:/Pattu ; rapporteur, 22 À ANALYSE DES TRAVAUX sont , que la notice de M. Coueflin est un excel- lent guide , que l’Académie doit recevoir avec re- connaissance. 16 : M.Simox, géomètre en chef du cadastre du Cal- vados , présentait en même temps une notice sur deux lignes géodésiques qu'il avait mesurées pen- dant l'été dernier , dans les plaines de Caen , et sur la méthode qu’il a employée. Ces deux lignes doivent servir de fondement à une triangulation générale du deuxième et du troisième ordre , à la- quelle se rattacheront les éléments cadastraux du département ; on est redevable de cet immense avantage aux encouragements que M. Simon a recus de M.de Montlivault , préfet de notre dépar- tement. M. le comte de Moxrzrvauzr, ancien capitaine de vaisseau de la marine royale , ayant adressé à l'académie un mémoire manuserit intitulé : Essai de Cosmologie, eet ouvrage a été l'objet d’un rap- port de M. De la Foye. Les nouveaux systèmes , les nouvelles théories dans les sciences sont souvent repoussés ; et ce n’est qu'avec le temps qu’on peut espérer ‘de les voir adoptés ; illeur faut toujours cette autorité pour vaincre d’anciennes croyances , d'anciennes habitudes , auxquelles nous sommes attachés par un sentiment respectable. Cependant s’il ne s’étaitpas rencontré des pli- DE L’ACADÉMIE. 23 losophes assez courageux pour livrer à un nouvel examen les infaillibles systèmes qu’on leur avait enseignés , les sciences seraient encore À leur ber- ceau , et le genre humain , stationnaire dans son ignorance , n'offrirait pas le spectacle de la puis- sance du génie de l’homme. Chaque jour une nouvelle investigation nous rapproche d’un perfectionnement auquel nous es- sayons d'arriver ; et chaque jour d'étude nous fait découvrir des erreurs respectées jusqu’à ce mo- ment. C’est ainsi que Newton , regardé si long-temps comme infaillible , ayant prononcé que le rapport de réfraction et le pouvoir dispersif variaient proportionnellement , a retardé la découverte de l'achromatisme , et que sa théorie de la lumière avait fait oublier celle de Huygens , à laquelle on est obligé de revenir maintenant. L'analyse du mémoire de M. de Monilivault offre une tâche difficile à bien remplir ; car cet essai de cosmologie n’est lui-même que l’analÿse d’une vaste conception qui exige beaucoup de déve- loppements ; mais tel qu’il est offert , il fait naître une foule d'idées qui étonnent l'imagination par Pensemble imposant qu'il présente. La cause ( suivant l’auteur ) qui maintient les planètes dans leur orbite , est due à deux forces , 24 ANALYSE DES TRAVAUX l’ane de concentration ; qui est la même chose que l'attraction,, Vaulre d'expansion, qui est la conséquence de la première ; or , deux corps ne pouvant agir l’un sur l’autre qu'immédiatement ou par l'intermédiaire d'un troisième corps , on est naturellement conduit à admettre l’existence d’un fluide éthéré qui occupe tout l’espace , existence prouvée par les dernières expériences sur la lu- mière. | Cette matière éthérée , aturée en tout sens par les astres avec d'autant plus de force qu'ils ont de masse , les pénètre jusqu’au. centre de gravité ; là les molécules se heurtant dans autant de directions qu'il y a de rayons dans une sphère ; sent repous- sés en sens contraire , et forment ces ondalations qui produisent, sur nos organes la sensation de la lumière. Dans cette hypothèse, la lumière ‘serait due à la pesanteur et son intensité lui serait pro- portionnelle. Si les planètesne sont pas lumineuses, cela tient à leur peu de masse ; alors la force de concentration ne peut plus produire. et entretenir qu’une chaleur centrale , telle. qu’on la reconnaît dans l'intérieur de la terre. 19 Les corps célestes, en raison de leur masse res- pective , sont repoussés et maintenus àldes dis- tances plus ou moins grandes du soleil ; mais quelle est la cause de leur mouvement-de translation ét de rotation dans le même sens ? DE L’ACADÉMIE. 25 .… Le soleil et les autres centres d’action tournant sur leur axe , les ondulations provenant de la force répulsive doivent éprouver un mouvement de £or- sion ; c’est ce tourbillon qui entraîne les astres. On peut aussi supposer que la matière éthérée’est douée d’un mouvement de circulation autour du soleil ; alors le mouvement de rotation s'explique par l’obliquité du choc des molécules de l'éther. La vitesse de ce mouvement de l’éther qui dé- crit une spirale doit diminuer avec l’éloignement du centre d’action , et c’est en partant de ce prin- cipe que l’auteur explique le mouvement «de tout le système solaire. Là où finit l'attraction solaire , finit aussi peut- être l’atiraction d’autres systèmes voisins. Si dans ces espaces limités , une réunion fortuite de va- peurs légères vient à avoir lieu , ce sera le noyau d’une comète ; l'excès d’impulsion d’un système sur l’autre dirigera son premier mouvement “qui sera ensuite modifié par l'attraction solaire et le courant du fluide éthéré. Ici l’auteur. forme une autre hypothèse pour expliquer l'extrême vitesse de ces corps dans leur perihélie , et qu'il attribue à une polarité magné- tique. En partant toujours de sa première hypothèse, M. de Montlivault , dans le reste du inémoire, ex- 5 26 ANALYSE DES TRAVAUX plique le phénomène de la lumière zodiacale , et présenté des considérations intéressantes sur là vitesse de la lumière , la réumion des satellites à leurs planètes , etc. Cet essai de cosmologie mérite un examen ét une discussion approfondie : peut - être alors les difcultés diparaîtraient d'elles-mêmes , et les ob- ections qu’on pourrait faire , recevraient une ré- conse satisfaisante , et au moyen d’un très - petit sombre de lois, il éxpliquerait tous les phénomènes physiques de la nature. Messieurs, je viens de parcourir et de vous faire connaître les ouvrages qui ontrapport aux sciences: les arts réclament dans nôs travaux une part que je ne puis vous offrir cette année ; c’est seulement sous le rapport historique que je vous donnerai {Analyse d’un mémoiré de M. Spencer Smith sur la culture de la musique à Caen. L’antiquité nous raconte les prodiges de la mu- siqué , Son influence sur les peuples qui la divi- nisèrent ; elle nous montre la poésie toujours unie à une sorte de chant. Dans le moyen âge, cet art divin fut éonservé dans nos temples , et on vit de grands ponufes, les Ambroise et les Grégoire, em- ployer à la culture de la musique des talens qu'ils consacraient avec un égal succès à la propagation de la morale et à affermissement du Christianisme; DE L’ACADÉMIE. 27 Charlemagne lui-même ne dédaigna pas, au milieu dés soins de son vaste empire , de s’occuper de l’amélioration du plain-chant. Dans l'ancien système scholastique de l'Europe la musique fut un des sept arts libéraux par excel- lence , et l’Angleterre a encore conservé une chaire de musique dans chacune des deux Universités du royaume. Si cet art ne jouissait pas en France du privilège d’un enseignement spécial dans nos Uni- versités , 1l a cependant toujours été cultivé avec soin dans les maîtrises attachées aux cathédrales et aux principales églises , et maintenant dans un enseignement particulier fondé par des villes où par le gouvernement. La ville de Caen est restée étrangère à ce mouvement , et cependant cet art y fleurissait à une époque peu reculée ; un con- cert était régulièrement établi dans cette ville , Jorsque le père André, dans son essai sur beau, disait devant l'académie : « Cest un nouvel agrément, Messieurs , que « d'illustres citoyens viennent de procurer à notre « ville, par l'institution d’un concert en règle. « Plusieurs capitales du royaume vous en avaient « donné lexemple ; mais ce qui vous est particu- « lier, cé qui est peut-être unique dans toute la « France , vous avez t'ouvé chez vous - mêmes « de quoi former un concert complet , sans avoir 28 ANALYSE DES TRAVAUX « besoin de rien emprunter d’ailleurs. Des génies «. pour la composition , des talents pour l’exécu- tion , et ce qui est infiniment plus estimable , « des directeurs pour le conduire , du caractère à le plus propre pour le rendre en toute manière « utile et agréable. » Get éloge que j’abrège beau- coup , Messieurs , semble avoir été fait pour le temps actuel, et la société philharmonique qui fait maintenant les délices des amateurs de cette ville, répondrait au désir de l’auteur de ce mémoire , 2 si aux concerts qu’elle donne elle joignait l’ensei- gnement de l’art musical. Vous avez entendu , Messieurs 3 avec le plus vif intérêt, M. Maillet - Lacoste vous reciter son parallèle de Cicéron et de Tacite , et son éloge de Bossuet:ces deux grandes compositions littéraires, si remarquables par la profondeur du jugement et par l'étude des ouvrages de ces hommes cé- lèbres , n’ont point laissé de traces dans vos pro- cès-verbaux. L'auteur vous en a donné connais- sance , avant de les avoir écrits , et ils seraient en- üèrement perdus pour nous , si M. Maillet-Lacoste n’eût eu la complaisance de les faire imprimer. M. Thuret , de Saint Pierre-sur-Dives, M. Le- tertre , bibliothécaire à Coutances , et M. Boinvil- liers , vous ont envoyé diverses pièces de poésie. DE L’ACADÉMIE. 29 M. p£ Baupre a lu, dans plusieurs séances , une imilation en vers français du poëme latin de Vida sur les échecs. M. Vaucrier nous a donné des essais de tra- duction en vers de poésie sacrée , dans lesquels 1l s’est attaché à conserver les effets du parallélisme des originaux. À défaut des connaissances qui nous manquent, et que peut-être nous n’aurons jamais,sur les prin- cipes de la poésie hébraïque et son rythme , M. Vaultiér exprime ainsi sa pensée sur cette poésie : « Il est de la nature dela vraïe poésie, que tout y soit plutôt senti que pensé , de sorte que l'effet n’y tienne pas moins essentiellement aux qualités et aux mouvemens du style , qu’à la valeur exacte des expressions et des phrases prises à part et cha- cune dans son sens absolu. « Tels sont surtout les monumens lyriques de la poésie sacrée. u « Une concision sublime en forme le caractère habituel , et la symétrie du verset y produit cons- tamment des effets de développement , de grada- tion, ou de contraste, dont la beauté est à peu près inséparable du mode spécial de sa construction. « Les traducteurs paraissent avoir fait peu d’at- tention à ces deux points. « Au style concis des originaux ils ont presque PA 20 ANALYSE DES TRAYAUX généralement substitué la paraphrase qui le déna- ture , et quant aux effets du parallélisme , il n’en est pas un seul qui se soit attaché à en rien con- server, » Vous entendrez , Messieurs , la lecture de ces essais de traduction. Il serait à désirer que le texte de la vulgate füt placé sous vos yeux, pour vous faire connaître comment M. Vaultier a concu sa théorie, cequ’elle vaut par elle-même, et les résul- tats qu'il en a obtenus. : Vous ne perdrez pas de vue , Messieurs , que l'élégance d’une imitation développée n’est pas le genre de mérite que vous devez chercher dans les traductions de M. Vaultier : « s’il eût été ques- « tion de lutter contre Racine ou Rousseau , il « se serait, dit-il, bien gardé d'entrer dans la « lice ; Zl a voulu reproduire fidèlement , et « surtout faire connaitre un effet spécial , « dont les imitateurs ne donnent aucune « idée.» Sontraval, sous ce rapport , ne res- semble à aucun autre , et ne peut être bien jugé qu’en tenant compte des diflicultés particulières auxquelles il a dû se soumettre ; pour atteindre un but duquel on a souvent dit que notre langue ne nous permettait pas d'approcher. M. DE LA RENAUDIÈRE , secrétaire général de DE L'ACADÉMIE. 31 x commission centrale de la Société de géogra- phie de Paris , associé à l'Académie , a publié un Essai sur les progrès de la géographie de VAfrique; cet ouvrage est d’un haut intérêt , et offre une exquisse rapide et claire des décou- vertes faites par les voyageurs européens jusqu’à ces derniers temps : c’est à l’occasion de cet opuscule que M. Grex-Jacrson a lu à lAcadé- mie un Mémoire ayant pour titre ; quelques Observation sur l'Afrique. Nulle part il ne contredit M. de la Renaudière ; mais il fait remarquer que depuis 17 ans il avait annoncé dans son ouvrage sur l'empire de Maroc, lexistence d’une mer intérieure à laquelle on donnait divers noms. L'existence de cette mer , ou grand lac , à été confirmée par Clapperton qui a parcouru. une partie de ses bords , et qui nous apprend que les iadigènes l’appellent le lac Tsad. M. Jackson pense qu'une communication par eau entre Timbouctou et le Caire peut avoir lieu au moyen du Vil-Abead, qui vient du sud-ouest , en passant au travers du Soudan oriental , et qui ; formant peut-étre,une jonction avec le Zahar-Kulla , communique avec le Ba- har- Filtré et puis avec le lac Tsad. Depuis le voyage de Clapperton on à découvert que le Mil- Abead , ou rivière des Nègres , se 5 ANALYSE DES TRAVAUX décharge par une de ses branches dans le Golfe de Guinée : M. Jackson observe qu'Édrisi eon- naissait ce fait , lorsqu'il annonçait dans sa géo- graphie que le Nil-el-Abead a son embouchure dans la mer, à une journée de chemin d’une île qu'il nomme Oulil , qui ne peut être autre que celle de Fernand-Po où l’on trouve beaucoup de sel. M. Jackson fait remarquer que plusieurs villes du Soudan ont disparu, que d’autres se sont élevées à leur place , ce qui cause beaucoup de confusion dans la géographie de l’intérieur de l'Afrique , où on ne trouve aucune ville dont la position ait été déterminée par des observa- tions astronomiques , avant le voyage de Clap- perton qui a fixé par ses observations la longi- tude et la latitude des villes qu'il a visitées , au nombre desquelles il faut principalement placer Sakatao, ville capitale du nouvel empire des Féllatas. La méthode d’orthographier d’après la pro- nonciation est , suivant M. Jackson , une source d'erreur , et il en cite plusieurs exemples pris dans les noms de villes et dans les noms d’hommes. M. Jackson ayant été long-temps consul d’An- sleterre à #gadeer , et ayant publié une des- cription de l'empire de Maroc , et des recherches DE L'ACADÉMIE. 53 sur l’intérieur de l'Afrique , 1l fait autorité parmi les géographes , et on doit regarder ses obser- vations comme très-honorables pour notre collègue M. de la Renaudière. Vous entendrez, Messieurs , dans cette séance la lecture d’une note de M. Laurr sur les voyages de M. Dumont d'Urville , capitame de frégate ; ce navigateur , déjà célèbre par ses travaux , est né dans le Calvados , et c’est un titre de plus pour nous intéresser à ses entreprises , prendre part à ses succès, et lui désirer un heureux retour, M. SPrencer-Suyru vous a présenté , Mes- sieurs , les dessins d’un monument découvert en Bourgogne , et qui se trouve maintenant dans le cabinet de M. le duc de Blacas ; ces desseins li- thographiés aux frais de M.Labbey-de-La-Roque, représentent un sacrifice ou une initiation , gros- sièrement sculptés sur les côtés d’un cofiret en pierre : des figures cabalistiques et une inscrip- tion arabe , sont gravés sur le couvercle ; de pareilles figures se trouvent dans les mines d'Orient, publiées par M. de Hammer, et ce savant orientaliste y voit, ainsi que M. de La Roque, des traces du mystère du Baphomet, objet d'un culte secret dont les templiers furent ac- cusés lors de leur condamnation. Ve 34 ANALYSE DÉS TRAVAUX M. Smith s’est livré à l'examen des figures mystérieuses sculptées sur ce coffret, et en at- tendant que les savans de l’Europe , auxquels ees dessins lithographiés ont été envoyés, émettent leur opinion , il a cru devoir appeler l'attention de l'Académie sur cet objet curieux , et lui pré- senter son travail. L'examen de l'inscription gravée sur le cot- vercle du coffret , autour de l’image , lui a paru devoir renfermer l’explication de ce sujet mys- térieux, et son déchiffrement précéder toute autre recherche ; il a reconnu que cette inscription était écrite en caractères Neski, et qu’elle est com- posée de 7o lettres,non comprises quelques voyel- les sous-entendues , selon les lois euphoniques de l'alphabet arabe ; tous les mots sont arabes, à exception de deux, dont l'un Kantate est d'Origine latine et l’autre Mété, paraît venir du grec. Si on étudie attentivement ce monument , on est étonné de trouver réunis des emblêmes tirés du paganisme , des symboles mythriaques , une adoration de la nature personnifiée ; enfin des mots grecs et latins amalgamés avec une ins- cripuion arabe , qui ne révèlent pas le sens caché de ces figures symboliques : on est cependant conduit à penser que ce coffret était à l’usage DE L'ACADÉMIE. 55 d’un culte religieux, et qu'il a pu servir à une de ces sectes qui nâquirent en Orient dans le moyen âge , et qui parvinrent ensuile en Eu- rope , où l’on en trouve encore quelques restes dans les monumens de cette époque ; ces sectes ont disparu en laissant derrière elles les supers- titions astrologiques et magiques dont les siècles suivans furent infestés. La base de l'accusation des templiers repose en partie sur le culte d’une idole du Baphomet , et quoiqu'il soit vraisemblable que ces infortunés chevaliers ont dû plutôt leur barbare destruction : d’autres causes , on doit cependant remarquer que c’est dans ces temps qu’on voit pulluler en Orient ces sectes,mélange grossier de paganisme, de christianisme, de magisme , dont les sectateurs furent connus sous différens noms. L'âge de ce monument ne peut être déterminé d’une manière positive par les règles de la paléo- graphie ; le caractère Neski n’est pas antérieur à Van de lhégire 133 , 754 de Père chrétienne , et ce caractère , sauf quelques variantes , étant en- core en usage chez les Arabes, laisse un trop vaste champ aux conjectures. Il règne la même incertitude sur son arrivée en France, oùil a pu être introduit par diverses voies, 36 ANALYSE DES TRAVAUX et probablement au temps des Croisades entre le XI° etle XIIT® siècle. Le dernier ouvrage dont M. l'abbé de la Roque a enrichi l'académie , est un mémoire sur le siége du Mont-Saint-Michel par les Anglais en 1425 et 1424 , et surle combat de la Broussinière , en 1423. Le mémoire est divisé en cinq chapitres. Dans le premier , M. de la Roque place le combat de la Broussinière , nommé aussi la bataille de la Gra- velle ; dans le second , le siége du Mont - Saint- Michel ; le troisième contient la liste des défen- seurs de cette forteresse , et le quatrième une cri- üque de historien Villaret ; le cinquième est com- posé de notices sur les auteurs qu’il a consultés. Le siége du Mont-Saint-Michel par les Anglais, au commencement du règne de Charles VIT , est célèbre en Normandie par le courage qu'y mon- trèrent ses défenseurs , presque tous gentilshom- mes normands ; les détails de cet événement n’ap- partenaient point à l’histoire générale du royaume; mais ils auraient dù trouver place dans une his- toire particulière de notre province, où cependant on ne les voit point. En 1425 , Charles VIT n’avait plus en Norman- die que la forteresse du Mont-Saint-Michel , dont était gouverneur Louis d’Estouteville. DE L’ACADÉMIR. 37 D’Aumale commandait pour le Roi dans la Tou- raine , le Maine et l’Anjou. El était à Tours et mé- ditait une entreprise sur la Normandie , lorsqu'il recut avis que le chevalier Jean de la Poôle, après avoir couru le Maine et l’Anjou avec 2500 anglais , retournait en Normandie chargé de butin. A cette nouvelle , d'Aumale court à Laval,y mande ses gens de guerre , et se porte sur le chemin que les Anglais devaient tenir pour reutrer en Norman- die ; 1lles rencontre à un demi- quart de lieue de la Broussinière, L'armée des Anglais avançait mar- chant à pied en belle ordonnance et ayant devant elle ses coureurs ; ils n'étaient plus qu’à un trait d'arc de nostroupes,lorsque voyant d’Aumale venir à eux , ils s’arrêtèrent et plantèrent ces pieux qu'ils portaient toujours en grand nombre. Ce moyen rendit en effet infructueuse l’aitaque de nos cava- liers ; mais ils tournèrent les Anglais,les chargèrent de lautre côté où ils n’avaient point de pieux pour les garantir , etles rompirent. Les Anglais furent complètement défaits, 1400 ou 1500 res- tèrent sur la place ; 200 ou 500 furent tués dans la poursuite ; il s’en sauva au plus 120 et leur gé- néral resta parmi les prisonniers. D’Aumale entra en Normandie où il fit quelques courses , et se re- tira ensuite dans son gouvernement. Les Anglais ne virent pas plutôt d’Aumale re- 36 ANALYSE DES TRAVAUX üré en Touraine qu’ils commencèrent , vers la fin d'octobre 1425 , le siége du Mont-Saint - Michel par mer et par terre. Le duc de Brétagne , par suite de ses engagements avec les ducs de Bedford et de Bourgogne , avait défendu à ses sujets de porter les armes hors du duché ; ainsi le Mont- Saint-Michel se trouvait dans leplus grand danger. Après plusieurs attaques inutiles , les Anglais avaient converti le siége en blocus ; la place était aux abois faute de vivres , lorsque Guillaume de Montfort , évêque de Saint-Malo , réuni secrète- ment avec d’autres gentilshommes brétons , réso- lurent de délivrer le Mont-Saint-Michel, Tout ce qui se trouvait de vaisseaux à Saint - Malo fut promptement armé ; le sire de Beaufort fut déclaré amiral et la flotte mit à la voile. Les vaisseaux des Anglais étaient plus élevés et plus forts + les nôtres portaient un plus grand nombre de gens de guerre. Après une longue et vigoureuse résis- tance les Anglais disparurent ; la place fut ravi- taillée , et ceux qui la tenaient assiégée par terre , se retirèrent, Les Anglais reparurent bientôt au pied da Mont- Saint-Michel , et construisirent une bastille devant Ardevon ; la grève qui séparait les deux partis était une arène où presque tous les jours il se pas- DE L'ACADÉMIE. 39 sait de beaux faits d'armes. Un jour Jean de la Haïe , baron de Coulonces , averuit les Français de faire une sortie un certain vendredi qu’il in- diqua ; les Français sortirenten effet au jour mar- qué , ils escarmouchèrent et se laïssèrent pousser par les Anglais jusque près le Mont-Saint-Michel. Alors parut le baron de Coulonces qui leur coupa la retraite ; l'ennemi , quoique surpris , se défen- dit vaillamment , et néanmoins il perdit 200 à 300 hommes, la bastillé d’Ardevon fat prise et démolie. Tous ces événements se passèrent depuis octobre 1423 jusqu’en mars 1424. M. de la Roque donne toutes les dates des di- verses actions qui précédèrent ou suivirent , dans différentes parties de la France , le siége de cette forteresse ; ensuite il énümère les tentatives que firent les Protestants , dans le XVIE siècle , sous la conduite du comte de Montsommeri et autres chefs pour s’emparer de cette importante place. Les chapitres LIT, IV et V de ce mémoire , ne contenant que des dates , des noms et des erreurs rectifiées, ne sont pas susceptibles d’être analysés. Ce mémoire servira à préciser l’époque de faits très - intéressants et trop honorables pour être oubliés dans une histoire de notre province. M, Surra vous a lu une apologie du règne de | 40 ANALYSE DES TRAVAUX Henri VII : il veut démontrer que les historiens n’ont pas été justes envers ce monarque auquel il fontles plus vifs reproches en l’accusant de cruauté, de perfidie et d’avarice. L'histoire présente peu d’exemples d’une révo- lution dont les suites furent plus importantes et plus permanentes. Pour juger un évènement qui, en placant Henri VIT sur le trène d'Angleterre , changea une domination qui durait depuis 300 ans , et mit fin aux guerres 'civiles qui désolaient la Grande Brétagne , il faut non - seulement tenir compte des faits du règne de ce.prince , mais en- core considérer les obstacles qu'il eut à surmonter; il faut mettre dans la balance les malheurs qui avaient précédé son administration et les bienfaits qui l'ont suivie , enfin on ne doit pas juger les ac- tions de ce prince d’une manière absolue. Arrivé au timon des affaires, dans un temps de troubles et de factions , lutlant contre les partis, se défendant avec peine des conspirations renaissantes ,; Henri eût vu sa barque s’abimer au milieu des vagues menacantes des tumultes populaires , si sa politique adroite n’eüt fait dis- paraitre le guerrier conquérant dont le droit était équivoque , devant le roi légitime et législateur. L’accuse-t-on de perfidie et de cruauté : qu’on examine combien Perkins et ses adhérens excités DE L'ACADÉVIE. 4x et soutenus par la duchesse de Bourgogne, lui suscitèrent d’embarras ; plusieurs fois 1l pardonna à ce compétiteur dont les droits sont encote problématiques ; et s'il fat obligé de le faire metlre à mort, ce ne fut que pour donnér la paix à son ro adifites ; l'écrivain le plus àdulateur des successeurs de ce pfince n'oséra pas com- parer la sévérité qui fut employée après les soulèvemens de Blackheat ét d'Exetér ; avec les cruautés outrageantes qui suivirent les ba- tailles dé Dumblane ét de Culloden. Sa haine contré la maison d’York semble inexcusable; mais est-il toujours possible à un roi de se dépouiller entièrement d’un sentiment danimosilé contre les auteurs de ses premiers chagïins , et peut-il avoir toujours une politique assez profonde pour commander à ses passioùs , oublier comme roi , les outrages que sa fañilie avait essuyés ? Henri ne les oublia pas, et 6e défaut a été d'autant plus visible qu'il était élevé au faite du pouvoir. Il faut avouer qu’on ne peut rappeler les noms d'Empson et Dudley , sans faire naître des pensées peu favorables àla mémoire de ce monarque : la protection qu’il accorda À ceë ser- viteurs de la couronne , a fait croire qu'il n'était Pas étranger aux extorsions dont ils furent cou- 4 42 ANALYSE DES TRAVAUX pables ; si telle est la vérité , on ne peut le soustraire au blâme que mérite une telle con- duite. L’accusation d’avarice peut être mieux fondée ; mais si l’on considère que le trésor du prince était de son temps la seule ressource du royaume contre les ennemis de l'état , il faut absoudre Henri qui avait bien vu que la pau- vreté du souverain nuisait au développement du bonheur ‘du peuple ; aussi prit-il dès le com- mencement de son règne le parti de mettre une économie sévère dans ses dépenses : 1l était , dit Bacon, bon ménager et dans le fait simple gar- dien des deniers publics ; cette phrase de Bacon doit servir à le justifier contre ses accusateurs. M. Smith , après avoir examiné les principaux traits du caractère de Henri, qui ont paru sus- cepübles de blâme , le présente à l'admiration presque universelle pour certains faits conservés par l’histoire. Henri VIE doit être regardé comme le fonda- teur de la constitution actuelle de l'Angleterre ; avant lui les députés des communes n’étaient que les délégués des grands , et la lourde aristocratie normande écrasait le peuple. Henri, en restrei- gnarit les droits de primogéniture , en permettant aux nobles d’aliéner leurs fiefs, rendit le peuple propriétaire, et lui donna une existence qu’il con- DE L'ACADÉMIE. 43 serve encore , et sur laquelle repose la prospérité de l'Angleterre : ce qui fait croire que l’avarice n'eut aucune part à ses actions , c’est la dépense considérable qu'il fit en élevant des édifices pu- blics et particuliers; l'Angleterre conserve avec ‘soin et montre avec orgueil la chapelle dite de Henri VIT, attachée à l’église de Westminster ; et vu le temps et les circonstances dans lesquels il a vécu, ce prince offre assez de droits à l'estime de la postérité , pour qu’on r’adopte pas aveuglement le blâme que les écrivains ont déversé sur ses actions, La plupart des biographes s'accordent entre eux pour désigner comme berceau de la famille de la Boderie un château de ce nom , situé dans la commune de Sainte - Honorine - la- Chardoune ; cependant les estimables auteurs de la statistique de Falaise font naître dans cette ville le personnage le plus connu de cette famille ( Guy-le-Fêvre de la Boderie }, qui vivait sous Henri IT et sous Henri IV. M. de Baudre , notre collègue , allié à cette famille, dont il n’existe plus de descendans mâles , a relevé l’erreur des auteurs de la statistique de Falaise , et en fai- sant des recherches que ses relations de famille rendaient plus faciles , il a prouvé que Guy-le- Fêvre de la Boderie était effectivement né à la 44 ANALYSE DES TRAVAUX Boderie, et que cette terre , patrimoine de la famille, est située à Saint-Honorine-la-Chardonne. Messieurs , quelque flatteur qu'il soit pour moi d'avoir par le choix de mes collègues, à vous présen: ter un tableau rapide et toujours trop incomplet de leurs travaux , je ne puis me dissimuler que je suis en même-temps chargé du devoir pénible de vous annoncer les douloureuses pertes que la compagnie fait annuellement. M. de Baudre sest fait un devoir de vous rappeler les titres littéraires de son maître et son ami, M. l'abbé Bellenger. M. Deslongchamps , professeur d'histoire na- turelle , vous présentera , avec l'éloge de son pré- décesseur 3 M. Lamouroux , les progrès que ses ouvrages et ses lecons ont fait faire aux sciences naturelles , et ce qu'il projetait de pu- blier lorsqu'une mort imprévue est venue l’en- lever au milieu de sa course. Nous aurions désiré , Messieurs , vous offrir dans cette séance , une Notice sur la vie d’un homme de bien par excellence , d’un chevalier français , homme de guerre , pieux , amant pas- sionné de la vérité et de l’histoire de son pays, enfin faire Péloge de M. Labbey de la Roque ; mais son fils aîné , en livrant à l’impression le DE L’ACADÉMIE. 45 dernier des ouvrages qu’il a lu à l'Académie , Pa fait précéder d’une Notice sur la vie et les ou- vrages de son père, et l'Académie n’a pas voulu enlever à ce fils respectueux les hommages qu’elle. se plait à lui rendre pour cet acte de piété filiale. J’appellerai, Messieurs , dans quelques phrases votre attention sur M. Wheatcroft qui , étranger à la France , devint notre concitoyen et membre de l’Académie. Né en 1742 à Worcestre , il vint habiter le Havre , où il se livra au com- merce ,; et bientôt après l’ancienne abbaye d’Ardennes , près Caen : La position élevée de cette habitation , étendue de son horizon , ramenèrent bientôt M. Wheatcroft, aux gouts et aux études de sa jeunesse : habile mathé- walicien , il se livra à l'étude dé l'astronomie î et ses observations lui ouvrirent les portes. de l'Académie. Son premier Mémoire est un essai sur l’aurore boréale : dans ce méinoire 1l regarde comme démontré que la matière de l’au- rore, boréale n’est pas autre que la matière élec- tique ; la manière dont elle se forme et la cause pour laquelle elle est formée , lui paraissent avoir été jusqu'ici un secret, M. Wheatcrof > Versé également dans {a science de l'optique , présenta un Mémoire sur linvention du télescope acro- matique | quil attribue à Chester Mole Hall ÿ 46 ANALYSE DES TRAVAUX du comté d’Essex. Un troisième Mémoire de M, Wheatcroft est intitulé : Résultat de quelques observations pour déterminer les effets des rayons solaires sur les corps de différentes couleurs ; ces expériences furent faites par lau- teur en 1778et 1779, à Paxfort, dans le comté de Worscestre : il en résulte que de deux palissades peintes , l’une en blanc , l’autre en noir ,au bout de quelques années il a fallu renouveler celle-ci tandis que l’autre était encore comme neuve. Un quatrième mémoire traite de la propriété inhérente à l’eau d'attirer les vapeurs suspendues dans l'atmosphère , de les absorber et de les rendre à leur premier état fluide ; et de la manière de faire contribuer cette propriété aux besoins or- dinaires de la vie. Il présente comme moyen une expérience faite avant lui et qu'il a répétée avec succès : créer un étang factice de cent pieds de diamètre , le revêtir d’une eoucue de glaise hu- mectée et battue ; le combler ensuite pendant l'hiver d’une grande quantité de neige , dont la foate le remplit d’une eau claire comme le cristal : malgré l'évaporation , cet étang n’a éprouvé dans les plus grandes chaleurs que des diminutions momentanées , que deux ou trois jours de brouil- lard où d'air chargé d’une forte humidité peut sufire pour remplir. DE L'ACADÉMIE. * 47 Deux lettres de M. Wheatcroft offrent la so- lution d’un problème de physique qui avait long- temps exercé là sagacité des savans : la cause des cercles des fées ; on désigne vulgairement sous ce nom dés bandes circulaires qu’on re- ‘ marque dans les campagnes et surtout dans les prés , et qui se distinguent par une végétation plus prompte , plus abondante , et une couleur plus vive dans l'herbe qui y croît. M. Wheatcrof attribue la formation des cercles des fées à l'explosion de la foudre , et cette hypo- thèse est établie sur des observations et des expériences qui lui donnent un haut degré de probabilité. La variation. de l’aiguille aimantée a été le sujet des observations qu'il a faites à Ardennes pendant l’année 1805 ; la variation observée a été de 24° 53 ou 43” , suivant l'heure du jour. Le dermier travail de M. Wheatcroft dont j'ai à vousentretenir, a pour titre : « Conjectures sur la possibilite que le soleil, les planètes, les sa- tellites , et méme les comètes soient constituées de manière à admettre des habitans de méne nature que ceux de notre terre. On concoit combien ces conjectures sont hy- pothétiques , et que nous serons toujours dans lignorance sur une pareille matière : l'unique base 4S ANALYSE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. sur laquelle repose l'opinion de l’auteur, qui admet la possibilité que ces corps de notre sylème s0- laire et même les autres soient habités , vient de ee qu'il répugne à la pensée de croire que la sa- gesse divine a condamné ces globes célestes à un élat éternel de mort et de stérilité, Ce mémoire fut viyement combattu , et depuis M. Wheatcroft ne fit plus que quelques rares apparitions dans l'académie où il a laissé des regrets par la dou- ceur de son caractère , sa bonté et ses sentimens d’égard et de complaisance pour ses collègues. AA NA LUS AU LAS LUE LUS AAUTR AUL VUS LULU VER UE MAL 222:712212951:22223122) MEMOIRE SUR LES TERRAINS DE TRANSPORT QU'ON TROUVE DANS LE DÉPARTEMENT DU CALVADOS ; SUR LES AVANTAGES QU'EN RETIRE L'AGRICULTURE , ET SUR LA MANIÈRE DE LES CUL= TIVER DANS CE DÉPARTEMENT ; Par M. DE MAGNEVILLE. Lu dans la séance du 25 février 1827. DE tous les terrains connus jusqu’à ce jour , ceux de transport ou d’alluyion ont le moins occupé les géologues. [ls offrent cependant un double intérêt, puisawils lient l’état actuel de la surface du globe avec celui des époques plus reculées ,. et qu'ils fournissent à l'agriculture la plus grande partie des terres végétales. C’est ce dernier motif qui m'a le plus particulièrement dé- terminé à étudier ces terrains, J’ai voulu connaîlré le sol que je cultivais , et j'ai porté ensuite pius loin mes recherches , mais je suis encore loin J'ayvoir exploré tous les ponts du département, M. d'Aubuisson, dans son traité de géognosie, a désigné sous le nom de Terrains de trans- 5o SUR LES TERRAINS port, ceux.qui sont composés de parties inco- hérentes, qui ne sont recouvertes par aucunes couches pierreuses , et qui n'ont jamais pu l'être. J’adopte cette. définition , parce qu’elle com- prend: tous les terrains qui font le sujet de ce mé- moire. « Partout. où nous portons nos pas , nous re- connaissons l’action destructive du temps. Les roches les plus anciennes et-les plus solides n’ont pu lui résister entièrement. Leurs débris en- trainés $e sont agglomérés , et ont formé d’autres roches , qui, détruites à leur tour , ont donné naissance à de nouvelles formations , ou à de nouveaux dépôts : nous voyons beaucoup de ces derniers s’accroître journellement. Un hiver, un orage même suflit pour entrainer dans les vallées les débris des terrains plus élevés : les rivières les reprennent et les transportent sou- vent jusqu’à leur embouchure , où ils forment des bancs , et quelquefois des îles très - consi- dérables , si d'autres causes ne les reportent plus Join pour les précipiter au fond de la mer , où se forme probablement une nouvelle série de nou- veaux terrains, Ce qui se passe sous nos yeux nous expiique suffisamment l'origine de quelques ter- rains de transport ; mais il eu est d'autres qui, DE TRANSPORT. 5t n'étant plus susceptibles d’accroissement , doivent la leur à des causes qui ne peuvent plus avoir d’ac- tion sur eux , et ils remontent par conséquent à des époques bien antérieures. | Cette observation m’a conduit à établir deux di- visions dans les terrains qu’on a désignés indistinc- tement sous les noms de T'errains de transport, d'alluvion et d’atterrissement. Je comprends dans la première ceux qui doivent leur origine à des causes qui ont cessé d'agir sur eux, et qui , dans l’état actuel des choses ; ne peuvent plus se renouveler. Je les nomme 7'er- rains de transport. Je place dans la seconde ceux dont l’accroisse- ment est dû à des causes qui agissent encore , ou qui peuvent se renouveler ; et auxquelles on peut attribuer leur origine. Je les désigne sous le nom de Terrains d’alluvion. N'ayant point fait encore d'observations suffi- sites sur ces derniers , qui se modifient presque à l'infini , il ne sera question dans ce Mémoire que des terrains de transport. Des Terrains de transport. ‘Les différents terrains de transport que j'ai observés dans les plaines et sur quelques pla- 52 SUR LES TERRAINS teaux du département , m'ont présenté dans toute leur étendue un ordre et une régularité remar- quables., La nature de la terre dont ils sont com- posés , les galets et les autres débris qu'ils ren- ferment, sont toujours les mêmes, et appropriés à chacun de ces terrains. Lesvallées qui les traversent ne font que les interrompre , sans leur faire éprou- ver aucun changement. Ils reparaissent également sur les coteaux opposés,lorsque ceux-ci ont atteint une hauteur suffisante. Ce fait seul suffirait pour démontrer que les terrains de transport ont une origine antérieure à celle des vallées ; mais une considération bien puissante vient encore à l'appui de cette opinion , c’est que beaucoup de ces ter- rains renferment des débris appartenant à des roches qui s’en trouvent séparées par des vallées souvent très -larges et très-profondés ; or, quelle est la force qui aurait pu les transporter au +delàa de ces vallées , sans les laisser s’y précipiter , ou celle qui aurait pu leur faire remonter les coteaux, pour les déposer au milieu des terrains de trans- port. Il est bon d'observer qu’on trouve quel- quefois des galets roulés du poids de plusieurs _quintaux , notamment à l’Ebisey et Saint-Aubain- d’Arquenay. La surface des terrains de transport suit DE TRANSPORT, 53 quelquefois la pente de la formation sur laquelle ils reposent ; mais le plus souvent , variant d’é- paisseur , ils prennent une direction horizontale, et forment des plaines et des plateaux assez éten- dus. On ÿ remarque cependant quelques mame- lons et de petites vallées en pente douce, qui font faire de légères ondulations au terrain. Lorsque ces plaines sont inclinées dans quelques endroits, le terrain de transport diminue progressivement d'épaisseur ; et il disparaît tout-à. fait quand l’in- chnaïison se prolonge au - dessous de son niveau. Alors la formation inférieure est mise à nu , et la terre végétale est en grande partie composée de ses débris et participe. de sa nature. Les terrains de transport sont, en raison de leur peu de consistance , plus exposés à l’action des pluies que les autres formations ; elles les dégradent , et entraînent leurs débris pour en former des alluvions, Cest à cette cause que j'attribue leur diminution d'épaisseur , leur pente, et même leur entière disparution aux environs des vallées qui les traversent , et au fond des- quelles les eaux pluviales vont se rénnir. Les cultivateurs ne ignorent pas ; ils donnent à leurs sillons , autant que la localité le leur permet , une direction propre à diminuer la rapidité des LA 54 SUR LES TERRAINS courants d’eau que forment les pluies. Mais ce moyen devenant insuffisant , ils ont soin , dans li Pays-d’Auge surtout, d'enlever de temps en temps les terres qui s'accumulent aux extrémités infé- rieures des champs , qu'ils nomment forrières, ei de les rapporter aux endroits d’où elles ont été en- trainées. Le terrain secondaire du département se relève dans les directions sud , sud-ouest , et ouest , vert le terrain de transition contre lequel il s'appuie. Ses différentes couches parviennent successive ment à la surface de la terre , et y forment des plaines plus ou moins étendues et plus ou moins élevées. Chacune d’elles est recouverte en grande partie par un terrain de transport qui lui est propre, et qui a ses caractères particuliers. La dif- férence qui existe entre eux et leur position gco- graphique pourraient faire supposer qu'ils n’ont pas tous été formés simultanément ; mais n’ayant aucun moyen d'établir entre eux un ordre d’an- cienneté , je suivrai , en les décrivant , celui des couches sur lesquelles 1ls reposent. N'ayant pas eu occasion d'observer le terrain de transport , sur le calcaire à Gryphées arquées, je passerai à la couche qui lui est superposée. Qt Qt DE TRANSPORT. Terrains .de transport reposant sur le cal- caire oolithique inférieur. ILest formé par une glaise assez généralement de couleur jaune -päle , ressemblant beaucoup à celle des couches subordonnées au calcaire oolithique. Elle est souvent marbrée de bleu- pile, ou de rouge ; on y remarque aussi quel- quefois des bandes d’un brun-foncé et ferrugineux. Cette glaise est entièrement rouge aux carrières de Croisilles ; mais ne serait-ce pas un dépôt particulier qui existerait dans cette localité ; car partout ailleurs, dans les cantons d'Evrecy , de Tilly-sur-Seule , de Creuilly et de Rye, la glaise est généralement jaunâtre ; elle est remplie des débris anguleux de silex , qui ont une par- faite analogie avec les silex tuberculeux de cer- tains bancs de la partie inférieure du calcaire oolithique. On y trouve encore des Ammonites , des Bélemnites , des Térébratules et quelquefois des vertèbres d’Ictyosaurus. Tous ces fossiles se retrouvent également dans le même calcaire. Ce terrain occupe de très-grandes espaces dans les plaines les plus voisines des roches de tran- siion. Il est la base de terres labourables ‘assez ferules , mais elles sont fortes et difficiles à cul- 56 SUR LES TÉRRAINS tiver. Elles retiennent l’eau avec avidité , ce qui oblige de bomber les sillons et dé ne leür donner que huit à douze pieds de largeur. Les céréales y produisent proportionnellement plus de grain et moins de paille que dans les meilleurs sols du calcaire à Polypiers {1}. L’assolemént est trien- nal. Les principaux produits sont le blé , l'avome , le sarrasin , les pois et le trèfle. On y cultive aussi le jonc marin ( «lex europeus ) qu'on ap- pelle vulgairement vignot ou vignon. Il -est em- ploÿé pour cuire la chaux que fournit le calcaire oohthique , et dont on fait üun grand usage pour amender ces terres. Les pommiers y sont très- multipliés , mais le cidre qu'ils produisent est léger ; 1l n’est pas de longue garde et donne peu d’eau-de-vie. Il y a beaucoup dé bois et dé haies de clôture dans cè terrain. Le hêtre et surtout le chène y croissent avec vigueur. Dans les parties basses de ces plaines , le ter- rain de transport manqué, ainsi qu'une partie des assises du calcaire oolithique ; une des cou- ches de glaise qui les séparent se trouve mise A à nud , ét elle constitue la terre végétale : elle (1) Les cultivatéurs expriment la même idée en disant que ce terrain rend moins aù champ et plus à la gerbe , c’est-à-dire , qu’un espace donné produira moins degerbes, mais que chaque gerbe fournira plus de grain. DE TRANSPORT. 57 ne renferme point de silex ; mais elle se trouve mêlée avec beaucoup de débris de calcaire ooli- thique qui la divisent , la rendent plus calcaire et plus propre à la culture de l’orge qu’on subs- titue à l’avoine , sans déranger d’ailleurs l’assole- ment. Le sainfoin y est aussi plus commun. Terrain de Transport reposant sur le cal- caire à Polypiers ( forest marble ). Il est composé de trois sortes de terre bien distinctes : e 1°, Une argile rouge homogène et un peu con- sistante ; 20, Une glaise avec des galets roulés ; 5°. Une terre jaune homogène sans consis- tance. L’argile rouge recouvre la terre jaune , ou re- pose quelquefois immédiatement sur le calcaire à Polypiers , ou enfin elle passe insensiblement à la glaise. Cette dermère se trouve toujours seule au-dessus du calcaire à Polypiers. La terre jaune repose sur ce calcaire, et est presque tou- jours recouverte par l'argile rouge. 1°. De l'argile rouge. Elle est de consistance moyenne , d’un grain très-fin, douce au tou- cher, ne contenant aucuns débris. Sa couleur 5 56 SUR LES TERRAINS est d’un roux un peu sombre. Unie à l’eau , elle devient onctueuse, se pétrit aisément et fait d’ex- cellent mortier pour les maconneries grossières, Les ouvriers l’appellent Rougeat ; elle atteint jusqu’à trois mètres et plus d'épaisseur. Elle est la base des meilleures terres labou- rables du département. Les cultivateurs la dé- signent sous le nom de franche terre. Elle n’est ni forte ni légère. Facile à cultiver, elle peut être labourée presque en tout temps. Elle laisse filtrer l'eau , et n’en retient que la quantité né cessaire à la végétation. Elle conserve long-temps sa fraîcheur , et est par cela moins exposée qu’au- cune autre aux inconvénients des pluies trop abondantes et des sécheresses prolongées. On la laboure en sillons plats de 18 à 2/ pieds de lar- geur. Son assolement est biennal. Ses principaux produits sont le blé , le trèfle et le sainfoin ; les autres grains y réussissent également bien , mais comme le but qu'on se propose dans la culture de cette terre est d’obtenir la meilleure récolte possible en blé, les autres ne sont qu’ac- cessoires , ou , ce qu’on appelle dans le pays des compots , et ils sont plus où moins bons, selon qu'ils préparent plus ou moins bien la terre à produire du blé. Ces terres sont peu plantées en pommiers ; DE TRANSPORT. 59 leur produit ne compenserait pas le dommage qu'ils feraient aux récoltes. D'ailleurs ils don nent un cidre de médiocre qualité. Il y a peu de haies de clôture, excepté le long des chemins. Leur voisinage nuit trop aux récoltes. L’orme est de tous les arbres celui qui est le plus profitable. Je citerai pour type de cette nature de terre celles de première qualité del’Ebisey , de Saint- Contest et de toutes les communes situées entre Caen et la mer(1). , Il n’y a point de passage tranché de: la terre rouge à la glaise ; elles se fondent l’une avec l’autre. La terre rouge commence à prendre plus de tenacité , sans changer de couleur , les galets sy montrent ensuite ; et elle fit par prendre la couleur et tous les caractères de la glaise, Ce passage occupe des espaces considérables * et fournit à l’agriculture un sol bien différent du premier : àl est pour ainsi dire aussi fertile ; mais il est plus dificile à labourer. Il retient Veau avec plus de force ; ce qui oblige de bom- ber les silons et de ne leur donner que douze à quinze pieds de largeur , suivant l’espèce de (1) C’est sur ce sol.qu’on récolte dans plusieurs communes du bord de la mer une grande quantité d’oignon , de haricots et de navets. On y cultivait anciennement le pastel en trèés-graude abondance ; mais cette culture a presque entièrement cessé. 60 SUR LES TERRAINS terre qui domine. L’assolement est générale- ment triennal ; le blé , l'orge , l’avoine et le trèfle en sont les principaux produits. Les pois et les différentes variétés de vesce , qui aiment les terres fortes , y réussissent très-bien. Les pom- miers y sont multipliés et donnent un cidre de bonne qualité. Les cantons de Troarn, de Douvres et de Creuilly offrent beaucoup de terres de cette na- ture. 2°, De la glaise. Elle est d’an jaune sombre, ou d'un roux ferrugineux. Elle est remplie de galets de toutes les grosseurs ,; quelques - uns sont même très-volumineux ; ils proviennent des roches de transition ; ce sont des grès, des quartz , des grawaches , etc. Ils sont quelquefois agelomérés par des minerais de fer, et forment des masses de Pouding plus ou moins grosses. Cette glaise donne une terre labourable de très -mauvaise qualité. Le cultivateur ne serait pas indemnisé de ses travaux et de ses dépenses sans le produit des pommiers , qui y sont en grand nombre, et qui y produisent de très-bon cidre. Îls exigent des labours , et c’est ce qui porte à cultiver cette terre; mais on ne peut faire ce travail ni pendant les pluies , ni pendant la sécheresse. Le blé produit rarement DE TRANSPORT. Gr trois fois la semence. Le trèfle et les pois gris sont les fourrages qui réussissent le mieux, On tenterait vainement d’y semer du sanfoin. La pâture y est presque nulle. Quelques carex et quelques graminées de mauvaise qualité , que les cultivateurs appellent herbes sûres , com- posent la plus grande partie des plantes qu croissent spontanément lorsqu'on laisse ces terres en friche. Le bois est le meilleur produit qu’on puisse en retirer. Le chêne y réussit très-bien. On rencontre cette glaise dans différents en- droits et notamment sur la partie la plus élevée de PEbisey. 5°. De la terre jaune. Elle est de couleur jaune- pâle , tirant sur le fauve. Elle est très-fine et très-douce au toucher. Elle ne renferme aucuns débris et est sans consistance. Elle se laisse fa- cilement pénétrer par l’eau , et ne la retient que très-faiblement : en se séchant elle devient très- friable. On l'appelle vulgairement fauvätre, fau- vet ou chauvet. Elle repose toujours sur le cal- caire à Polypiers, et est souvent recouverte par la terre rouge. Lorsque cette dernière manque, la terre jaune se trouve à la surface du sol , et donne une terre labourable de irès-médiocre qualité. Les cultiva- teurs l’appellent terre blanche ; à cause du coup 62 SUR LES TERRAINS - d'œil blanchätre qu’elle prend après avoir été battue par la pluie. Comme elle a très-peu de consistance , elle est très-facile à labourer ; mais le peu d'humidité qu’elle conserve fait que les récoltes ne peuvent supporter la sécheresse et la chaleur sans en être fortement endommagées. Les arbres languissent sur ce sol ; on remaque même qu'après avoir poussé vigoureusement dans la terre rouge , leur végétation s'arrête lorsque leurs racines atteignent la couche de terre jaune. On rencontre souvent de grands espaces où le calcaire à Polypiers est à découvert ; alors la terre végétale n’est composée que de détrilus de plantes, mélés avec du sable et du cailloutis provenant de la couche calcaire. Ce sol est lé- ger , peu profond, et donne de très médiocres récoltes , excepté dans les années pluvieuses. Quelques endroits offrent une belle végétation , Mais cette fertilité est due à desælluvions qui oût comblé certains bas-fonds, ou à des lam- beaux de terrain de transport qui n’ont point été entraînés par les pluies. Ses principales produc- tions sont le seigle , l'orge et le sainfoin. Ce der- nier y donne un fourrage de la meilleure qualité. Les pommiers et les autres arbres sont rares sur ce terrain , et parmi le petit nombre qu’on y ren- DE TRANSPORT. 635 contre c’est le frêne qui est le plus commun (1). Une grande partie des terres labourables de dernière classe des cantons de Douvres , de Creuilly , de Bourguébus et de Bretteville-sur- Laise sont de cette nature. On en trouve encore de pareils dans les plaines d’Ifs et de Cormelles. Terrain de transport reposant sur le calcaire à petites Huitres. Le plateau qui est sur la chaîne des buttes qui sépare la plaine de Caen de la vallée de la Dive, qui s'étend depuis Canon jusqu'à Sallenelles , est recouvert par un terrain de transport formé par une glaise de couleur jaune-pâle , dont le caractère distinctif est d’être mêlée avec des galets très-roulés et très -usés de silex de la craie. a. Ce terrain est compacte , difficile à labourer ; ilest peu perméable à l’eau. Elle séjourne long- temps à sa surface, ce qui oblige de la labourer en petits sillons de 8 à 12 pieds , et d'y prati- (1) Partout où l’on a essayé de planter des pins d’Ecosse , des sapinettes de Norvège et des melèses , ils y ont parfaitement réussi. Ainsi c’est un moyen de multiplier les végétaux utiles sans nuire à la propagation du chêne , qui est trop négligé main- tenant, vs 64 SUR LES TERRAINS quer des saignées pour l'écoulement des eaux. La partie Est de ce plateau offre un sol de meilleure qualité, parce qu'il est incliné , et qu'il se trouve mêlé d’allavions charriées par les pluies. L’asso- lement est triennal, Ses principaux produits sont le blé , l'orge , le tréfle , le pois gris et le cidre, qui y est d’une très-bonne qualité. Le bois y est commun; on y remarque particulièrement l’orme et le chêne. Terrain de transport reposant sur les oolithes supérieures. Je n’ai rencontré ce terrain de transport que sur les oolithes qui forment le plateau qui s'étend depuis le sommet de la butte Saint-Laurent , jusqu’à peu de distance de la vallée de Coupe- Gorge. Il est composé de ssable silicieux très- grossier , plus ou moins mélangé d'argile tenace et rouge ocracée, On y voit cà et là quelques débris de silex , de la craie inférieure. Lespluies , lorsqu'elles ont lavé le sol , laissent apercevoir beaucoup de chlorite. Toutes ces substances mi- nérales réunies dans le même terrain me font présumer qu'il provient de la destruction des. sables et des argiles ferrugineuses inférieures à: la craie. DE TRANSPORT. 65 Ce sol produit d’assez bonnes récoltes lorsque le sable n’y domine pas. Sa qualité argileuse le rend trop humide en hiver , et il se dessèche trop en été , surtout lorsqu'on donne des labours trop profonds ,et qu’on détruit avec la charrue une couche de sable un peu aglomérée qui forme un plancher solide au-dessous de la terre végé- tale. On ne donne aux sillons , qui sont très- bombés,qu’une largeur de 6 à 8 pieds.L’assolement est triennal ; l'orge où l’avoine succèdent au blé ; le trèfle, le pois y réussissent très-bien ; on y rencontre peu de sainfoin ; les pommiers y sont abondans et donnent du cidre de bonne qualité. L'orme et le chêne y réussissent très-bien ; le mérisier est commun dans les haies ; on le préfère pour les échalats des pommiers. Terrain de transport reposant sur la craie. Ce terrain est composé d’une terre argileuse , un peu compacte. Sa couleur tire sur le jaune pile. Triturée avec l’eau , elle devient onctueuse et irès-propre à faire de la brique et de la tuile, mais elle n’a pas assez de consistance pour être employée en poterie. Elle renferme de petits. débris de silex de la craie. Ils forment quelque- fois des bandes ou couches interrompues de 66 SUR LES TERRAINS quelques décrmètres d'épaisseur. La couche en- tière a quelquefois une hauteur de plus de quatre- vingt pieds. Ellé occupe une grande partie des plaines des arrondissemens de Lisieux et de Pont- PEvêque , et se prolonge dans le département de Eure. Cette couche donne le meilleur sol du pays. Ilest facile à labourer , mais 1l se tasse , devient compacte , et retient l’eau à sa surface. On le la- boure en petits sillons très-bombés de quatre à six pieds de largeur (1). Son assolement est triennal : ses principaux produits sont le blé , l'avoine et le lin. On y voit peu de prairies arti- ficielles ; cependant le trèfle y réussit très-bien. Les pommiers y sont communs , et donnent un cidre de bonne qualité. Le chêne est l'arbre qui est le plas multiplié. On emploie la marne pour amender les terres. IL suflit pour s’en procurer de creuser des puits qui traversent les couches du terrain de transport pour arriver à la craie qui fournit cette marne. Ces puits ont quel- quefois jusqu’à quatre-vingt-dix pieds de pro- fondeur, (1) Je trouve qu’on a grand tort de faire des sillons si étroits. Ils font un tort considérable aux récoltes. Les raies profondes qui les séparent ne produisent rien. Une seule bande sur le côlé su-) périeur le mieux exposé des sillons produit beaucoup, et le reste donne un très-faible produit, DE TRANSPORT. 67 La couche inférieure repose immédiatement sur la craie. C’est un mélange d'argile plastique , souvent rouge , et des débris anguleux de silex de la craie qui n’ont subi aucune altération. Elle a de quatre à six pieds d'épaisseur (1). Cette couche parvient à la surface du sol dans les lieux bas et en pente , et elle fournit une terre qui n’est profitable à l’agriculture que lorsqu'elle est plantée en bois. Le chêne et le hêtre sont les arbres qui y réussissent le mieux. Cest sur ces terrains que sont situés les bois du côté ouest de la vallée de la Touque aux environs de Fer- vaques. Qu'il me soit permis, Messieurs, en termi- nant ce mémoire , de hasarder quelques conjec- turés que j'ai formées en observant les terrains de transport que je viens de décrire. Les galets roulés et les autres débris qui appartiennent à chacun de ces terrains se trouvent dans des po- (1) Les silex qu’on trouve dans cette couche n’ont point les angles de leurs fractures émoussés. Ils reposent encore sur la craie. Ils n’ont donc point été roulés, ni tourmentés, ni transportés à de grandes distances. Un peu au-delà de la Cha- pelle-Yvon, près de la route de Lisieux à Orbec, on Îles trouve à la surface du sol, libres et reposant également sur Ja craie. Plus loin ils sont empâtés dans du grès , et ils forment d’im- menses rochers de Pouding reposant aussi sur la craie aux envi- rons d’Orbec. 68 SUR LES TERRAINS sitions bien différentes à l'égard des roches et des formations dont ils ont été détachés. Ainsi nous voyons que les galets roulés qui sont sur le calcaire à Polypiers se trouvent au Nord-Est des roches de transition auxquelles ils ont appar- tenu , que les silex roulés qu'on voit sur les buttes qui séparent la plaine de Caen de la vai- lée de la Dive , proviennent de la craie qui se trouve à l'Est de ces buttes , sur les parties les plus élevées des communes de Trousseauville , de Saint - Léger - du - Bosq, de Repentigny , du Chêne , de lEcaude , etc. Ne peut-on pas supposer que deux courants, ayant cha- cun une direction différente , ont charrié ces débris. ’un se dirigeant du Sud-Ouest au Nord- Est,aurait transporté ceux des roches de transition jusqu’au pied des buttes dont on vient de parler,et l’autre se dirigeant de l'Est à l’Ouest,aurait apporté les silex de la craie sur ces mêmes buttes. Aucun courant venant du Sud n’a du exercer d’action , parce qu'il ny a parmi ces silex aucuns débris de roches de transition , quoique celles - ci soient plus rapprochées de plusieurs points de cettebutte que ne l’est la craie , comme à Rouvre , Sassy,etc. Nous avons dit que les vallées actuelles n’ont pu exister avant la formation des terrains de transport. Mais cela ne suffit pas pour expliquer DE TRANSPORT. 69 comment de gros blocs de grès de transition ont pu être déposés à l'Ebisey et Saint - Aubin - d’Ar- quenay ; car en supposant ces vallées comblées , le terrain qui sépare ces communes des roches de transition n'aurait point eu assez de pente pour qu’un courant , quelque violent qu’on puisse le supposer , eût pu , sans le concours d’aucune autre circonstance , entraîner des masses aussi pe- santes. Ce fait me paraît bien difiicile à expliquer sans recourir à des suppositions qui paraîtront peut- être dépasser Les bornes de la vraisemblance. Tou- tefois je vais exposer mon opinion , mais je le ferai avec toute la réserve possible. Les roches primordiales ont dû être infiniment plus considérables qu’elles ne le sont maintenant, puisque c’est de leur destruction que s’est formée, en tout ou au moins en grande partie , la série des autres terrains. Ceux - ci ont été , et sont enccre soumis aux mêmes influences , €t ils tendent sans cesse vers leur destruction ; d’ou je conclus que les roches de transition , celles des buttes de Hamars, par exemple , ont été anciennement plus élevées que nous ne les voyons maintenant , et que le cal- caire oolitique s'élevait alors sur leurs flancs à une plus grande hauteur. Dans cet état de choses , il devait y avoir une pente suflisante pour qu’un cou- rant ait pu rouler des blocs de grès jusqu’à l’'Ebi- 79 SUR LES TERRAINS sey (1), qui en est éloigné de six lieucs environ ; mais les cimes de ces roches dé trausition ; qui préservaient le calcaire oolitique , ayant été dé- truite , et une partie de leurs débris roulés sur le calcaire à Polypiers., le calcaire oolithique à éié exposé aux mêmes causes destructives. Une partie deses assises , et peut-être d’autres couches qui lui étaient superposces , ont été enlevées , et (1) Ce relèvement du terrain secondaire est peut - être plus fort près des roches de transition que partout aillenrs , mais il est encore très-sensible à de grandes distances , et ilne prend eans douté son horizontalité parfaite qu’à de plus grandes dis- tances encore : en effet , on trouve le calcaire de Caen sur le haut de la butte de Notre-Dame-d’Esquay ; et entre Caenet la Maladrerie , là où est planté un calvaire , il ne s’élève qu’à 55 mètres 242 millimètres au-dessus des basses mers, et de ce point au pied de la butte du moulin-au-Roi sous laquelle il dis- paraît , il s’abaisse encore de deux mètres. Le calcaire à Poly- piers qui forme entièrement cette butte s'élève au calcaire de l route de la Délivrande jusqu’à 58 mètres 162 millimètres au- dessus des basses mers , quoiqu'il n’at point encore acquis à ce point toute son élévation ; à la roche de Salenelle il est re- couvert à quelques mètres au - dessus de la mer par le calcaire et les argiles à petites huîtres. Le caloaire oolithique supérieur commence à paraître sur la partie la plus élevée de la butte Saint-Laurent, ét on le retrouve près de Lisieux au pied dés coteaux de la vallée de la Touque. Le terrain crayeux qu'on voit au sommet des buttes, à l’ouest dercette ville , s’abaisse presqu'au niveau de la mer , à la butte de Grasse près d’Hon- fleur. Je bornerai là mes exemples : ils sont suffisants pour dé- montrer le relèvement des couches des terrains secondaires dans toutc l'étendue du départément. DR TRANSPORT. 71 le glacis qui avait facilité le transport des blocs a disparu. On ne peut supposer que ce changement ait été le résultat d’un affaissement , puisque les assises actuellement existantes ont conservé leur direction et leur régularité. En admettant comme constante l’ancienne élé- vation du calcaire oolithique , et sa destruction partielle , j’en ürerai la conséquence que le ter- rain de transport qui le recouvre est formé de ses propres débris. Mais avant de développer mon opinion , je vais présenter quelques faits relatifs au calcaire oolithique et à son gisement, # dans les environs des buttes de Hamars et dans tout le caton d’Évrecy. Il se divise en deux couches superposées bien distinctes et séparées par un petit lit de deux à quatre pouces d'épaisseur , composé de sable et de cailloutis calcaires mélés avec une peu de glaise, La couche supérieure renferme des ooli- thes blanches et roussâtres. Elle se divise par as- sises fort épaisses , qui se joignent immédiatement. La couche inférieure contient des oolithes brunes, et se divise de même par assises, mais qui sont séparées par des couches de glaise de couleur jaune - pâle. L’assise supérieure que les ouvriers appellent le roc ou le banc de sable , et les assises inférieures qu'ils nomment pierre de ma- 72 SUR LES TERRAINS lière , contiennent beaucoup plus d’oclithes que les assises intermédiaires ; celles - ci et particuliè- rement les inférieures renferment de gros silex de formes bizarres et variées. Les uns sont blancs, les autres bleuâtres ou noirâtres ; leur surface est blanche comme celle des silex de la craie. Le cal- caire oolithique repose sur une couche composée de sable et de galets roulés quartzeux qui le sé- pare des roches de transition. Lorsque le calcaire oolithique a commencé à être détruit , les oolithes blanches étant supé- rieures ; ont été enlevées les premières : aussi n’en rencontre-t-on plus que sur les points les: plus élevés du canton d'Evrecy , comme à Trois- Monts. Les oolithes brunes ont été attaquées à leur tour , et leur destruction successive à fait disparaître la pente qui existait d’abord. Lorsque les assises qui contiennent les silex ont été dé- truites , le courant d’eau n'étant plus favorisé par aucune pente , n’a pu entrainer que les parties calcaires , les débris de silex sont restés sur place , ou en se mélant avec quelques couches de glaise qui séparaient les assises calcaires , ils ont formé le terrain de transport. La couche de sable qui se relevait sur les flancs des rochers de transition , au-dessous du calcaire oolthique, vu sa position , a été enlevée la dernière , et a “ DE TRANSPORT, 73 formé des dépôts au milieu du terrain de trans- port , comme on én voit däns plusietrs endroits , et notamment à Sant - Vigor près Bayeux , où ce sable forme un dépôt considérable , dans lé- quel on trouve de petits galets siliceux et des débris anguleux des silex provenant du calcaire oolithique. ANA ANA AE AR AB LAS AE AU A MAT VU AS LUS LAS UT AU LA QUE SUPPLÉMENT AU MÉMOIRE SUR LES TERRAINS DU DÉPARTEMENT DU CALVADOS , Par M. HERAULT, INGÉNIEUR EN CHEF AU CORPS ROYAL DES MINES. Lu à l’Académie, le 23 novembre 1827. TERRAIN HOUILLER. Os a trouvé cetie année , dans un puits creusé au Carnet , à 15oo®, et au Nord du puits Saint: Georges , à une profondeur de 106». 80 , un petrosilex ordinairement vert obscur , quel- quefois grisâtre , dont les couches sont presque verticales et se dirigent à peu près de l’Ouest- Nord-Ouest à l’'Est-Sud-Est. Ce petrosilex pré- sente une analogie parfaite avec ceux des coteaux de Montmirel et de la forêt de Cérisy, situés dans le terrain intermédiaire. Quoique très-dur , il est cependant assez fragile ; il est fréquemment traversé par des filets de feldspath blanc ; DU DÉPT. DU CALVADOS. 79 quelques-unes de ses fissures sont aussi remplies par du spaih calcaire. Dans sa partie la plus élevée , 1l offre des portions grisälres ou rou- geûtres qui contiennet de petits cristaux de feldspath , et il passe alors à l’état deporphyre ; il occupe au fond du puits du Carnet, par Peflet d’un relèvement extraordinaire du terrain auquel il appartient , la place à laquelle on aurait dû rencontrer la couche de houille que l’on exploite à Latitry. On pourrait croire que c’est à des re- lèvemens semblables que sont dus ces rappro- chiemens du toit et du mur , qui , en interrompant cette couche sur divers points , divisent le ter- rain qui renferme la houille , en bassins fort irré- guliers , tant par leur forme que par leur grandeur. Cette opimon acquiert une grande probabilité , surtout lorsque l’on considère que les accidens dont 1l s’agit sont toujours accompagnés du re- dressement des couches environnantes , ce qui leur a fait donner sur les lieux les noms de bar- rages et de remontages, L’exhaussement da terrain qui en résulte est quelquefois très-sensible à la surface , souvent aussi 1l ne s’y fait nullement remarquer. Les serremens et les couches montant de fond qui séparent les différentes parties de la couche de houille, sont presque toujours d'une larger 76 TERRAINS considérable , ce qui augmente de beaucoup les difficultés de l'exploitation , particulièrement par le danger que l’on court de tomber sur un en- droit où le combustible minéral manque , toutes les fois que l’on perce un nouveau puils. Il paraît, d’après ce qui précède, que le ter- rain houiller a été déposé sur une portion du sol de transition qui était partagé en un grand nombre de petites vallées , séparées par des co- teaux d’une élévation très-variable , et-terminés par des plateaux plus ou moins larges. Gette partie de la formation intermédiaire ; avant qu’elle füt recouverte , devait être semblable en tout à celle que Pon voit au jour , un peu au mudi de la route dela mine à Bayeux ; seulement elle se trouvait à un niveau plus bas , et le coteau de Montmirel qui forme dans la commune du Breuil une espèce de promontoir dans le dé- pôt houiller , devait présenter , avant que celui- ci n’eût eu lieu, une hauteur d’environ 260. du côté du Nord. La couche de houille occupe , le plus souvent , le milieu de l'épaisseur de la formation houillère ; c’est ce qui la rend sujette à une foule d’accidens provenant des inégalités du terrain inférieur : il est infiniment probable que si elle eût été déposée 25 à 30". plus haut, la plupart de ces accidens n’existeraient pas, et DU DÉP'. DU CALVADOS. 77 qu’elle s’'étendrait uniformément dans tous les pla- teaux qui sont à l'Est et au Nord de Luttry. Le premier bassin houiller reconnu a donné lieu à ce qu’on appelle l’ancienne exploitation. Sa forme est celle d’un ellipsoïde dont le grand diamètre est d'environ 1000". , et le petit de \ 700%, ; il a présenté quatre à cinq serremens de quelques mètres de largeur seulement. La couche de houille s’y relève vers le midi , d’une profondeur de 112". , presque jusqu’au jour , par une inclinaison qui est d’a-peu-près 45° dans sa partie la plus élevée , et elle replonge ensuite presque perpendiculairement en appro- chant du terrain intermédiaire qui borne de ce côté le premier bassin. Il n’y a point de conti- nuité entre ces deux pendages, ce qui provient probablement de ce que la couche s’est brisée en formant dans cet endroit un pli très-près de la surface du sol. C’est le relèvement considérable qu'on vient d'indiquer qui a fait découvrir la mine de Littry en 174r. L'ancienne exploitation offre quatre puits ser- vant à l'extraction de la houille. Une machine à feu , placée en l’an 7 sur le plus profond ( il a 122%, ), épuise les eaux des travaux , et c’est sur un autre que fut établie , l’année suivante , 75 TERRAINS la première machine à vapeur qui ait été em- ployée ‘en France, à sortir de la houille d'une mine. Depuis celte époque , trois nouvelles ma- chines du même genre ont été placées sur divers puits de l'établissement. Le second bassin houiller est au Nord du pre- mier ; sa largeur moyenne n’est guère que de Gon, , et il présente, jusqu’à présent, presque la forme d’un C. C’est dans cette partie de l'exploi- tation que se trouve le puits du Carnet, dont il à été fait mention ci-dessus, ainsi que deux autres par lesquels on extrait de la houille. Dans un puits de recherches ouvert à Gôville, on à rencontré un banc de Poudingue que lon a traversé sur une épaisseur d'environ 65®., sans en avoir trouvé la fin , ce qui a forcé d’aban- donner les travaux entrepris sur ce point , après être parvenu à une profondeur totale de 234%. Les galetsnécessaires pour former une masse aussi énorme de Poudingue, n’ont pu étre produits que par un courant d’eau très-fort qui passat au pied du coteau de Montmirel et se dirigeait vraisemblablement ensuite vers la partie où. coule maintenant le ruisseau de Gôville. La quantité immense de galets qui s'était amassée au pied de: ce coteau , semble prouver que les couches DU DÉP;; DU CALVADOS. 79 de petrosilex passant quelquefois au porphyre , dont. il est entièrement formé , existaient avant la formation du terrain houiller. Si, d'un autre côté on fait attention que la direction et l’inclinaison de ces couches sont , à très-peu de choses près, les mêmes que celles des couches de schiste et de grouwacke qui forment la presque totalité du terrain intermédiaire de Laittry , on n'aura plus aucune raison de douter que le pe- trosilex ne fasse! aussi partie de ce terrain. Le Poudingue du dépôt houiller est composé de noyaux , souvent très-volumineux , de quarz grenu , de quarz gras grisâtre ou verdätre , de noyaux moins gros, de feldspath altéré, de grains de quar'z vitreux , et, plus rarement, de phtanite ; le tout est uni par un ciment de grès houiller qui est assez souvent mélangé: de lamelles de spath calcaire un peu nacré ; il renferme dans quelques parties des troncs d’ar- bres silicifiés. On en trouve presque toujours un ou deux bancs , ayant ensemble 2 à 3 mètres d'épaisseur , à peu de distance au-dessus de la couche de houille exploitée, 80 TERRAINS Coupe de la partie inférieure du puits du Carnet, ouvert en 1826 et abandonné en N°. 1827. 1 à 18 inclusivement.......ss.s..e.....s.. 5,195 21160 19. Schiste brun avec grès houiller mélangé de houille. . .. 4... LUE. PRET. HR 3412160 .20. Poudingue . . .ss.sepepsesseessemsemsenres 80 21, Roche fedspathique blanchâtre , altérée, ren- fermant des fragmens de calcédoine et de quarz hyalin, avec des rognons d’argile en- durcie grisâtre ou noirâtre, ......... nie ei 1 22. Id. , grisâtre ou rougeître..............,.... 5 80 106% 80 23. Trois couches presque verticales de petrosilex, passant quelquefois au porphyre...,....,.. 1 80 Le terrain houiller est borné au Midi et au Sud-Ouest , par le terrain intermédiaire ; au le- vant et au Nord , par le lias ; et il se prolonge au Nord-Ouest jusqu'au Plessis , dans le dépar- tement de la Manche. Îl est presque partout re- couvert par le grès-rouge , par le caleaire magné- "A \ . ant : +. sifère , par le grès bigarré ; ou par des alluvions : il est même probable qu'il passe sous les marais tourbeux de Carentan. Son existence a été re- connue à Moon, arrondissement de Saint-Lo , par un puits de recherches creusé dans les an- DU DÉPT. DU CALVADOS. 81 nées 1754, 1755 et 1756. Au Plessis , les cou- ches se relèvent contre le terrain intermédiaire , mais sans replonger ensuite , comme elles le font à Littry , à l’autre extrémité du terrain houiller. On se dispose en ce moment à remettre en ac- tivité la mine de houille découverte ,en 1750, dans la première de ces communes. CA EL LUE VU LUE AE LAURE LAS EUR LU LLAR LUI AUR AE VB LUS LUE URL AR LUS MÉMOIRE SUR LA TOPOGRAPHIE MÉDICALE DE E’HOTEL - DIEU (DE CAEN. ‘ Par M. TROUVÉ. Lu à l’Académie le 9 décembre 1825. Dhs tous les temps , ceux qui , par état , ont été chargés de la conservation de la santé de l’homme, et de son rétablissement lorsqu'elle a été dérangée, ! ont attaché avec raison une grande importance à la connaissance des localités dans lesquelles le ba- sard,leur goût ou leur intérêt personnel les avaient fixés. Si les principes généraux , si les vérités fonda- mentales de la médecine sont applicables à tous les pays , à toutes les contrées , à tous les hommes , à tous les âges et aux deux sexes , il n’en faut pas moins reconnaître aussi que , dans son application pratique , la médecine doit être modifiée suivant une multitude de circonstances locales , qu! tien- DE L'NOTEL-DIEU DE CAEN. 83: nent tantôt à la nature du sol , tantôt à son éléva- tion ou à son abaissement , tantôt aux qualités habituelles de Pair, à son humidité , à sa séche- resse ; à ses variations plus ou moins subites , à la nourriture dont les habitans font usage , aux tra- vaux aux quels ils se livrent , à leursmœurs , etc. Il existe done une médecine de localité : cette vérité étant bien sentie , il faut encore reconnaître que le médecin , pour agir avec succès et cons- aence, doit s'attacher à bien étudier et à bien con- naître la localité où il exerce son art.Cette eonnais- sance lut est aussi indispensable , que la connais- sance géographique dan terrain où doit se livrer une bataille , l’est au général qui doit diriger cette opération militaire. Ilne faut pas croire que les différences topo- graphiques ne sont sensibles qu'entre les diflé- rentes parles du monde , entre les différens ch- mats , entre les différentes portions d’un royaume. Elles se remarquent encore dans le même dépar- tement , dans le même arrondissement , et jusque dans la même cité : ainsi , en prenant pour exem- ple l’heureuse contrée que nous habitons , il n’est personne qui ne convienne que la population du Bocage ne ressemble nullement à celle de là plaine de Caen , et que celle du pays d'Auge a aussi des caractères physiques et moraux qui la font diflérec des deux premières. 54 TOPOGRAPHIE MÉDICALE Ainsi , la taille moyenne des hommes du Bo- cage est de cinq pieds un pouce ; ils perdent leurs dents de très - bonne heure ; ils ont le pied plat et dévié en- dehors , ce qui rend la malléole 1n- terne très-saillante , etc. La taille des hommes de la plaine de Caen est de cinq pieds trois pouces et plus ; ils sont bien faits , bien musclés ; 1ls ont la jambe fine , le mollet détaché ; ils sont forts, - nerveux , éte. Ceux du pays d’Auge ont bien aussi une haute stature , mais ils ont la fibre molle ; 1ls prennent promptement un embonpoint excessif qui ressemble à de la bouffissure ; ils ont les jambes grasses, gorgées , souvent variqueuses; leurs mou- vements sont lents , leur inteligence paresseuse ; elc. Des différences analogues se remarquent chez les femmes : celles du Bocage , qui partagent tous les travaux de l’autre sexe , sont très - petites , maigres ; elles ont les mamelles très - peu déve- loppées ; elles ont la peau tannée par le soleil ; elles ont les articulations très - grosses ; elles sont très-nerveuses , très-fécondes , et accouchent fa- cilement. Celles de la plaine de Caen et du pays d'Auge , dont les travaux sont moins pénibles , sont d’une stature plus élevée ; leur peau est blan- che , peu hâlée par le soleil, même celle du vi- sage ; elles ont de embonpoint , les mamelles très- DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 85 développées ; elles sont moins fécondes et cessent de l'être plutôt que celles du Bocage. Je me borne à relater ici ces différences , dont j'aurais pu porter la comparaison plus loin et l’éten- dre aux populations de notre littoral, si ce n’eût été n’éloigner du but que je me suis proposé. J’en veux surlout arriver à cette conclusion , que toutes ces différences doivent être rapportées à des influences hygiéniques locales , autant qu’à des transmissions héréditaires. Mais si ces diffé- rences sont remarquables dans l’état normal , elles ne le sont pas moins dans celui de maladie ; elles impriment en effét une physionomie particulière aux affections morbides que les médecins de cha- que contrée doivent reconnaître plus facilement que ne pourraient le faire des médecins étrangers à ces localités ; elles commandent également des modifications thérapeutiques très - nombreuses. Ainsi , s'il est vrai que dansle bas pays d’Auge les irritations intermittentes y prennent très-promp- tement le caractère pernicieux , il est urgent d’ad- ministrer dans cette localité , beaucoup plutôt qu’on ne le ferait ailleurs , le fébrifuge par excel- lence , etc. Il serait à désirer que chaque médecin donnûât la topographie de la contrée qu'il habite : c’est avec l’ensemble de ces éléments qu’uns tèle forte 86 TOPOGRAPHIE MÉDICALE et savante pourrait mettre au jour la topographie générale du royaume , pour laquelle 1: existe déjà de nombreux et bons matériaux. Cest donc une vérité de tous les temps et de tous les lieux , qu'il est indispensable de connaître la localité dans laquelle on exerce la médecine. J’ai dû me pénétrer de cette vérité , lorsque j'ai été chargé en chef du service de santé de l’'Hôtel- Dieu , et surtout lorsque cet établissement de cha- rité a été transféré à Saint - Gilles. Cest donc sur la topographie médicale du nouvel Hôtel - Dieu que jai aujourd’hui en vue d'appeler votre atten- tion. Je n’ai pas la prétention de vous présenter un travail complet , qui ne peut être que le fruit du temps ; je ne veux , pour le moment , que vous faire connaître les matériaux que j'ai déjà recueillis et qui pourront servir , à moi ou à d’autres , pour un travail plus digne de son objet et de vous. Dans celui auquel je me suis livré , jai dû nr’attacher ri- goureusement à la précision des faits, à l’exacti- tude des descriptions : les tours oratoires , l’élé- gance du style , qui charment tant un auditoire et le disposent si favorablement , me sont interdits ; j'ai donc besoin pour étre rassuré de compter sur votre bienveillante attention, Le nouvel Hôtel-Dieu est établi dans l’abbaye de Sainte-Trinité , qui fut fondée , en 1066 , par DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 87 Mathilde de France, femme de Guillaume IT, duc de Normandie. Le corps de bâtiment qui est af- fecté à l’hôpitalest tout moderne et date d’envi- ron un siècle, C’est , d’après notre savant collègue, M.l’abbé de Larue ,un religieux bénédictin nommé Tremblaye , qui en fit le plan : l'exécution eut lieu de 1722 à 1726, Nos troubles civils ayant mis ce bel édifice à la disposition des gouvernemens qui se sont plus ou moins rapidement succédés , nous y avons vu éta- blir aussi successivement des casernes , des ate- liers militaires , des magasins à fourrages ; nous l'avons vu faire partie du domaine de la sénato- rerie ; plus tard de celui de la légion d'honneur ; enfin ; en 1812 ;il est devenu le dépôt de mendi- cité : cette dernière destination n’ayant pas ré- pondu aux vues philantropiques qu'on s’en pro- mettait ; le dépôt fut supprimé , et le 6 novembre 1825 , la translation de l'hôpital s’y est solennelle- ment faite. Le moment de la restauration était favorable ; la passion des conquêtes ; qui sous le gouverne- ment qui l’a précédé, entraînait toutes les pensces hors la France , s’est alors reportée sur tous les objets d'utilité intérieure ; les établissements de charité s’en sont ressentis, Vous le savez , Messieurs, ce fut aux soins éclai- 85 . TOPOGRAPHIE MÉDICALE rés, ce fut au zèle infatigable de M. le comte de Vendeuvre(t), aidé des administrateurs de la ville et des hospices , ce fut à la haute influence du pre- mier magistrat du département (2) , que les pau- vres malades durent linappréciable bienfait de sortir d’un établissement où tout rappelle la tris- tesse du tombeau et l’insalubrité qui y conduit. C’est à ces amis de l'humanité que nous devons Vutile et pieuse destination à laquelle se trouve rendu l’un des édifices historiques les plus beaux que notre cité possède ; leur éloge se trouve tout entier dans le monument même, consacré aujour- d’hui à la demeure des pauvres malades ; leurs noms y resteront à jamais attachés : posteritati narratur et traditur superstes erit , et quelles que soient les récompenses réservées à leurs émi- nens services , ils n’en pourront jamais obtenir de plus durables , de plus satisfaisantes pour le cœur, que celles que toutes les classes de la société leur ont décernées le jour de la solennité inaugurale du nouvel Hôtel-Dieu. (1) M. le comte Louis d’'Osseville, qui a succédé comme maire à M. le comte de Vendeuvre , appelé à la préfecture de Rennes, n’est pas moins que son prédécessenr animé de l’amour du bien public ,et l’onne doit pas moins attendre de ses vertus et de son administration. | (1) M. le comte de Montlivault , conseiller d'Etat ; préfet du Calvados. $ DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 89 E’Hôtel-Dieu , considéré comme établissement de charité , est un des plus magnifiques , un des plus commodes et des plus salubres qui puisse sortir de la main de homme ; et je ne crains pas d'affirmer que la ville de Caen , sous ce rapport, n’a rien à envier aux autres villes du royaume, même les mieux partagées. C’est au zèle des administrateurs des hôpitaux, c’est à la perfection apportée dans le mode d’ad- ministration , ainsi qu’à Papplication des sciences physiques et chimiques , à celle des arts mécani- ques dont les progrès ont été immenses dans ce siècle et celui qui l'a précédé , qu'il faut principa- lement attribuer les métamorphoses heureuses opé- rées en France , dans la plupart de nos hôpitaux et de nos hospices ; et s’il était permis de juger de la perfection d’un siècle par ses établissements de charité | nous pourrions dire que le nôtre est su- périeur à tous ceux qui l’ont précédé. . Mais je reviens à notre Hôtel - Dieu, « il est « établi selon les conditions que voulait Varron, « bonæ regionis et boni cæli, » dans le faubourg Saint-Gilles , à vingt - cimq mètres au - dessus du niveau de la rivière d'Orne , sur le penchant d’un coteau adossé au nord , sur un terrain qui repré sente une surface de quatorze hectares’, cultivé en jardins ,en pâturages , et où la végétation est 7 90 TOPOGRAPHIE MÉDICALE vigoureuse , ainsi que l’attestent les ormes , les üilleuls , les peupliers , les maronniers , les arbres fruitiers de toute espèce qu’on y a plantés , et les plantes potagères qu’on y récolte. L’Hôtel-Dieu de Caen offre un avantage de si- tuation fort rare ; il est isolé de la ville , sans en être éloigné ; aucune usine , aucune construction élevée , aucune voirie , aucune source d’émana- tions malfaisantes n’existent dans ses environs ; il est situé dans le lieu qu’on aurait choisi pour la demeure d’un prince : sa position obligée ne s’est pas heureusement trouvée en raison inverse de la salubrité , comme cela a lieu dans beaucoup d’ht- pitaux où la science et Part mis à contribution de toutes manières , n’ont pu faire disparaître tous les inconvénients attachés à certaines localités. Le sol sur lequel est situé l’hôpital,est composé, d'abord d’un banc calcaire très- épais , d'ou l’on peut extraire des blocs considérables très-propres à bâtir , et peu susceptibles d’être salpêtrés ; cette couche calcaire est recouverte d’une terre rouge ar- gileuse , laquelle est elle-mème recouverte d’une couche épaisse de terre végétale; au nord du coteau de l'hôpital se trouvent des plaines très-fertiles et très-bien cultivées en ble et autres plantes céréales; au midi et au bas de ce même coteau se découvre une prairie immense, des terrains bien cultivés DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. gt en jardins potagers et d'agrément ; de quelque côté que les yeux se portent , ils sont frappés par une végétation riche et variée. Toute cette belle vallée est arrosée par des sources d’eau vive , et par un ancien contour de l'Orne ; elle est traversée dans toute sa longueur par cette rivière qui se rend à la mer en marchant de l’ouest à l’est , et dansla- quelle le flux et reflux de la mer se font sentir , ce qui établit deux fois par jour dans la vallée une ventilation salutaire , qui contribue pour beau- coup à annuler les mauvais effets des émanations qui s'élèvent toujours d’une prairie humide et des fossés qui la coupent en divers sens. Cest au voi- sinage de la mer , qui n’est qu’à trois lieues , qu'il faut attribuer la fraicheur des matinées et des soi- rées , et les variations subites de l'atmosphère , auxquelles sont si sensibles les étrangers ; et qui leur font supporter avec peine , dans les premiers temps de leur séjour , le climat de læ ville. de Caen. De lhôpital on découvre une espèce de pano- rama dans lequel figure à droite la ville de Caen, que l’on domine de manière à en pouvoir distin- guer tous les édifices et le port ; en face le coteau sud de Mondeville et Sainte - Paix ; à gauché le méme coteau qui se continue ; le cours de l'Orne et ses contours , que la vue suit presque jusquà 92 TOPOGRAPHIE MÉDICALE la mer , et sur lequel voguent continuellement des barques et des navires de commerce. L'hôpital est construit de matériaux choisis , et qui ont été en grande partie pris dans le voisinage; ils n’attirent point d'humidité , et l’on n’en voit point de salpêtrés,ce qui est fort rare dansles autres constructions du pays. L'édifice a la forme dun cloître , dont l’un des côtés n’a pas été construit. On y distingue un corps central , faisant d’un côté et à l’est face à la cour du cloître et au parc qui fait partie de l’enelos de l'hôpital ; du côté opposé , à l’ouest , il n’est sé- paré de l’église que par un petit espace : cette der- nière.le garantit des vents d'ouest , qui sont tou- jours froids et humides, et qui souflent pendant presque la moitié de l’année, Au milieu du corps central du bôtiment , qui comprend au rez-de-chaussée l'établissement des bains , lafeuisine et la dépense , ofices que je ferai plus particulièrement connaître , se trouve un beau et spacieux veslibule qui précède l’escalier prin- cipal de Phôpital : cet escalier est à double volée ; il est remarquable par sa dimension , par sa com- modité , par l'élégance de sa construction ; il con- duit à un vestibule qui sépare le côté habité par les hommes malades , de celui habité par les femmes, De ce point , ainsi que de ceux qui correspondent, L.4 DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 95 au rez-de-chaussée et au second étage , on peut, sans sortir, parcourir toutes les parties de l’hô- Pital , avantage immense qui ne se rencontre que bien rarement dans les hôpitaux les mieux ordon- nés , et qui ont primitivement été construits à ce dessein, Le corps central de l'hôpital comprend , au premier étage, deux salles de chacune vingt lits ; au second étage , deux salles d’une égale. dimen- sion ; celles de droite sont occupées par les hom- mes ; celles de gauche le sont par les femmes ; en sorte qu'un autel placé dans le vestibule dont j'ai parlé , permettrait aux malades de l’un et de l’autre sexe d'entendre l'office divin en même temps et sans être confondus. | Du corps central de l'édifice partent deux ailes parallèles , régulières ; elles sont séparées par une vaste cour carrée ( l’ancien cloître }, fermée par uge grille formant l'entrée principale ; le rez-de- chaussée de l'aile droite est affecté au service. de la chirurgie ; 1l se compose de deux salles de cha- cune vingt - cinq lits , d’un amphitéâtre ou salle d'opérations , et d'un cabinet pour les pièces ana- tomiques. Le premier étage est destiné au service de la, médecine ; 1l se compose d’une très - belle salle. de cinquante-six lits, d’une salle de lecons pour la clinique interne ; et d’un cabinet où sont 04 TOPOGRAPHIE MÉDICALE placées en ordre toutes les pièces d'anatomie utiles à conserver ; au second étage est une salle à peu près pareille où sont traités les vénériens. ‘Dans l'aile gauche se trouvent au rez-de-chaussée la porte ordinaire d’entrée , la salle de réception, la pharmacie , la lingerie. Au premier étage une salle de cinquante - six lits, pour les femmes ap- partenant au service du médecin ; au-dessus une. salle d’une égale dimension pour les femmes fai- sant partie du sérvice de la chirargie. Dans un corps de bâtiment , en retour de cette aile, et for- iant paviHon , sont disposées trois salles de petite dimension ; deux recoivent les femmes en couche, ét permettent , dans les soins que réclame la ma- ternité , de séparer la misère vertueuse de celle qu’enfante tous les genres de désordre et d’immo- ralité, la troisième est destinée aux femmes at- téintes de la syphilis. Telle est la disposition générale de Phôpital , dont l'ordonnance et la distribution sont si bien calculées , qu’à tous les étages des courants d’air peuvent être établis dans tous les sens et à volonté: l'expérience a appris que , pour que des salles de malades soient salubres , il faut que la capacité des premières soit en proportion avec le nombre des seconds ; sans cette condition , toutes les u aütres précautions hygiéniques seraient illusoires; DC L'HOT£L-DIEU DE CAEN. 95 c’est pour cela que Tenon veut que le rapport de la capacité des salles au nombre de lits soit tel , que chaque malade ait au moins six toises et demie cubes d’air à respirer.Nos malades de l'hôpital sont mieux partagés ; non - seulement leurs salles sont convenablement spacieuses | mais encore. toutes les ouvertures étant symétriquement placées enre- gard les unes des autres dans le sens de la longueur, comme dans celui de la largeur, on peutenun clin d'œil procurer une ventilation qui renouvelle l’air des salles ; c’est à cet avantage qu’il faut principa- lement attribuer absence complète de cette es- pèce d’odeur d'hôpital qui frappe toujours plus ou moins l’odorat dans les établissements de ce genre les mieux tenus. Les salles du premier étage ont quatorze pieds délévation sur trente-six de largeur ; les lits sont disposés sur deux rangs , laissant entre eux un es- pace de seize pieds ; les couches sont en chêne, elles sont larges de deux pieds et demi, longues de six ; elles sont élevées à dix-huit pouces au-dessus du sol ; les pièces en sont bien assemblées , bien jointes ; si elles étaient peintes vernies , elles au- raient tout l’avantage des lits en fer , sans en avoir les inconvénients ; il existe entre chaque couche un espace de plus de trois pieds ; ainsi qu’entre elle et le mur , en sorte qu’on peut facilement cir= culer autour des malades, 96 TOPOGRAPHIE. MÉDICALE , Les fournitures de chaque lit se composent d’une paillasse de petit foin, piquée , que sur ma demande on a substitué aux paillasses or- dipaires , qui avaient l'inconvénient de servir de repaire aux insectes , et qui rendaient le soin des lits plus difiicile et plus dangereux pour les gens de peine, un matelas, un traversin , un oreiller et deux couvertures de laine , complètent la four- niture ; il existe des toiles imperméables dont on fait usage pour garantir les matelas et les som- miers , lorsque les malades se gâtent ; c’est ainsi que.dans aucuns cas ces derniers ne sont immé- diatement couchés sar la paille, comme ils étaient autrefois avant l'invention de ces toiles. Îl n'existe point encore de rideaux: dans l’hô- pital : les opinions sur ce point sont partagées ; les uns sont pour , les autres sont contre. Sans vouloir ici traiter ce sujet avec tous les détails qu'il comporte , je dirai que la question est com- plexe , qu’elle ne peut être résolue. d’une manière générale et absolue. 11 est évident qu'il est des classes . de malades pour lesquelles les rideaux sont nécessaires ; il en est d’autres pour lesquels ils sont au moins inutiles : ils sont nécessaires pour les malades qui sont du ressort du médecin et pour les femmes, en couches; voilà ce qui est incontestable. DE. L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 97 Mais l'utilité des rideaux. étant reconnue , au moins pour certaines salles | il reste encore à déterminer quelle est la forme qu'il convient le mieux de leur donner , quel est le tissu dont i's doivent être faits. Sur le premier point , je pense que. la disposition la meilleure est celle dans la- quelle une suite de rideaux seraient placés dans le sens de la longueur des salles , portés sur des tringles en fer, fixées à huit ou neuf pieds au- dessus du sol; un.autre rideau , placé dans le sens de la longueur des lits, viendrait joindre à angle droit le premier rideau : de cette manière chaque rideau latéral suffirait pour deux lits. Au reste , expérience a déjà prononcé sur ce système de rideaux ,. il a été mis à exécution dans les in- firmeries de l’hospice Saint - Louis , et l’on à pu en apprégier tous les avantages. D'abord ; ces rideaux ne, sont pas, attachés aux couches ,.1ls en sont à une grande distance ; ils ne montent point jusqu'au. plafond ; ils ne peuvent , par conséquent , entxayer la circu- lation de Pair ; et ils ne sont.pas exposés à, être continuellement, salis par une multitude. d’acci- dens qui résultent toujours de la maladresse ou de l'imprévoyance des malades et des gens de ser- vice. Chaque malade peut , à volonté , êlre isolé des autres el placé dans une espèce de EU) ; les agonisans peuvent facilement Cire soustraits 95 TOPOGRAPHIE MÉDICALE à la vue de leurs voisins ; et lorsqu'on veut re- nouveler Pair des salles, il ne faut qu’une minute pour ouvrir et fermer ces rideaux. Mais quel est le tissu que lon doit préférer pour des rideaux d’hôpital? Je ne balance pas à indiquér la toile écrue ; elle sé’ salit moins vite , elle se nettoie plus facilement que les étoffes de. laine et de coton , qui ont de plus l'inconvénient de retenir la poussière et de s’imprégner à un haut degré des émanations nosocomiales. Les salles de malades sont échauffées l’hiver au moyen de poëles calorifères : le mécanisme en est tel, que:, placés dans les salles du premier étage , ils chauffent en partie celles du second ; le foyer est activé par l'air extérieur: Cest aussi ce dernier qui , fortement échauffé , en parcou- rant des canaux de fonte , ressort par des bouches qu’on peut fermer et ouvrir à volonté , et se répandant dans les salles , y entretient une tem- pérature douce et convenable. Cette manière de chauffer est non-seulement bonne , salubre , mais encore elle est économique ; chaque poële ca- lotifère ne consomme que pour 3 fr. 5o c. de combustible en vingt-quatre heures (1). (1) On vient de substituer à ces poëles de véritables calori- fères , dont le foyer est au rez-de-chaussée daus un local dérobé DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 99 Ajoutez à cette perfection intérieure que cha- que salle a: son escalier spécial ; fermé d’une grille , son office à part, ce qui prévient toute communication entre des malades qui , pour le bon ordre et l'intérêt de leur santé, doivent être séparés les uns des autres. À chaque salle prin- cipale sont annexés de ‘pertes salles d'isolement , pour les individus atteints de maladies conta- gieuses , où qui ont subi ou doivent subir des opérations qui commandent le plus parfait repos. Ce n’était pas assez que l’'Hôtel- Dieu de Caen offrit un asile et des secours de tous genres à la population indigente locale ; l'administration des hôpitaux, à la sollicitude de laquelle rien n’échappe , a voulu que toutes les classes de la société pussent y trouver , en payant une modique rétribution , certains moyens de guérison d’ane efficacité reconnue, que la science: et l'art ont perfectionnés dans ces derniérs temps , et qu'il est presque impossible de se procurer dans une maison particulière. Jusqu'ici on ne les a trouvés qu’à Paris, où on ne les obtient qu’à très-grands frais , et par des déplacemens pénibles : on voit à tous les régards, ce qui est un grand avantage ; ils chauffent complètement Ja totalité des salles du prémier ét du deuxième ‘ étage, | 100 TOPOGRAPHIE MÉDICALE que je veux parler des douches, des bains de vapeur simples ; aromatiques , etc. , dont la mé- decine tire un grand parti. Pour atteindre son bnt , l'administration a mis un certain nombre de chambres commodes , simplement mais propre- ment meublées , et à différens tarifs , à la dis- position des malades pensionnaires , français et étrangers ; c’est ainsi que l’uulité de l'Hôtel-Dieu a élé rendue en quelque sorte générale. De toutes les constructions partielles et indis- pensables à un hôpital, il n’en est pas qui pré- sentent plus de difficulté à bien établir que celle des latrines ; on sera de cet avis , pourvu que lon parcoure les établissemens publics , où un grand nombre d'individus sont réunis et vivent sous la même règle ; c’est par-là que pèchent nos prisons , nos maisons de détention , nos ca- sernes , nos collèges , etc. On pourrait même dire que dans la plupart de nos maisons part- culières et de nos hôtels , on n’a donné qu'une très-légère attention, à cette partie de, la, distri- bution intérieure ; on l’a regardée comme tout à fait accessoire , quoiqu’elle ait une grande in- iluence sur la salubrité publique et individuelle. N'a-t-on pas lieu d’être surpris qu'on n’ait pas encore profité, au moins, dans les. nouvelles constructions , des découvertes modernes ;: et DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. IOI surtout de celles de MM. Darcet et Cazeneuve, dont les travaux ont recu dans la capitale la sanction irrévocable des savans et de l'expérience, et dont l'application a été rendue d’une facilité presque vulgaire. La construction des fosses d’aisance intéresse la santé des hommes ; elle fait partie, sous ce rapport, de l’hygiène publique ; elle ‘est , par conséquent , digne de fixer attention de l’auto- nité , surtout dans les grandes villes , où les foyers d'infection sont si multipliés : l'autorité doit donc, dans l'intérêt de tous , faire surveiller la cons- truction de ces lieux privés, comme elle fait sur- veiller celle des égouts , des cheminées , l’ali- gnement des maisons , l'érection des usines , etc. Dans un hôpital , il faut que les lieux privés soient très-près des malades , et que cependant ils soient cachés à tous les regards ; qu'ils ne dé- celent leur présence: par aucune émanation, Cette perfection , très-dificile à atteindre , se fait re- marquer dans ceux de l’'Hôtel-Dieu. Il en est daffectés à chaque salle ; on y arrive par un corridor ayant deux portes qui se re- ferment d'elles mêmes et qui ne peuvent jamais être ouvertes en même-temps : un courant d'air est ménagé de la porte à la fenêtre ; les sièges sont en bois peint ; 1ls sont mobiles , ils se changent 102 TOPOGRAPHIE MÉDICALE et se nettoient facilement ; les conduits sont en fonte et ne permettent aucune transsudation ; enfin , la plupart des fosses ont des évents. C'est par l’ensemble de ces moyens qu’on a prévu au- tant que possible les inconvéniens de l'odeur et de la négligence souvent involontaire des ma- lades. Les cours et les promenoirs , sans lesquels les malades seraient condamnés à passer tout le temps de leur maladie et de leur convalescence dans leur lit ou leur salle , ce qui en prolongerait considé- rablement la durée , sont d’un secours inappré- ciable dans un hôpital ; c’est-là que les malades essaient leurs forces et qu'ils en acquièrent ; l'exercice qu'ils y prennent développe leur ap- pétit ; l'air extérieur , ainsi que le soleil, semblent les vivifier : ce sont de puissans moyens théra- peutiques que rien ne peut remplacer. Les cours de l'Hôtel-Dieu sont vastes , elles ne se com- mandent nullement ; on y accède par des voies distinctes , en sorte que dans tous les momens du jour les malades peuvent y circuler , sans que ceux d'un service soient confondus avec ceux d'un autre. Le parc , dans lequel de grands arbres sont plantés en avenues et en quinconce , qui pré- tent un abri contre la violence des vents et l’ar- deur du soleil, est ouvert aux pensionnaires malades exclusivement. DE: L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 103 Indépendamment du vestibule qui, précède chaque salle et qui sert de promenoir aux ma- lades trop faibles pour monter et descendre les escaliers , le cloître qui règne dans tout le rez- de-chaussée de l'établissement est destiné à cet usage ; c’est une promenade couverte , de la plus belle et de la plus grande dimension ; les ouver- tures sont en arcades élevées ; elles donnent sur la cour commune et le parc. Mais pour que ce cloître serve de promenoir el qu'il en ait les nombreux avantages , il est indispensable que ics ” ouvertures en soient fermées par des chassis vi- trés , dont quelques compartimens mobiles s’ou- vrent et ferment à volonté. Dans Pétat actuel , ouvert de toutes parts , dans tous les temps de pluie et de vent , dans toutes les saisons, le cloître‘ est dangereux à parcourir , non seulement pour les malades , qui n’ont souvent pour unique vêtement que leur capote , mais encore pour les dames religieuses qui circulent à toute heure du jour et de la nuit , pour tous les gens de service qui sont frappés par l'air froid et humide , au moment où, venant de se livrer à des travaux de force, ils sont échauffés et couverts de sueur. Tant que cette clôture , que l'urgence réclame , ne sera pas faite , 1l faudra renoncer à entretenir dans toutes les parties de létablissement cette LA 104 TOPOGRAPHIE MÉDICALE température douce , uniforme , qu'il est néces- saire qui y règne pour hâter les guérisons , pré- venir les rechutés. Il est des offices dans un hôpital que l’on peut appeler communes , parce qu’en effet elles servent indistinctement à la population entière de l'hôpital, si je puis m'expliquer ainsi ; de ce nombre sont la cuisme , la dépense , la pharmacie , les bains. Le choix ‘de leur situation n’est pas indifférent ; il doit être tel, que de quélque point qu’on s’y rende , l'accès en soit prompt et commode : 1l faut, de plus, que la plupart des ‘opérations qui s’y font soient soustraites à la vue de ceux-là même que leur devoir ou leurs besoins appellent momentanément dans ces offices, ils ne doivent en connaître que le résultat. Cette dernière con- dition est importante ; mais les localités s’oppo- sent malheureusement trop souvent à ce qu’elle soit complètement remplie ; on verra encore que sous ce point de vue rien na été négligé dans l'Hôtel-Dieu de Caen pour atteindre la perfec- ton la plus désirable. Vous n’attendez pas , Messieurs , qu’en vous entretenant de ces offices de l’Hôtel-Dieu , j'entre dans les minutieux détails de leur construction ; quelque curieux et intéressans: qu'ils soient ; je ne dois les considérer que dans leur relation avec le sujet que je traite. DE) L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 109 La cuisine , quoiqué placée à l’un des: angles de Pédifice , n’en: est pas moins à là portée de tous les services ; elle est spacieuse et:très-bien éclairée ; ses dépendances ne laissent rien à dé: sirer , elles sont en harmonie avec la pièce prin- cipale qui est voûtée. | La cuisine s’y, fait au moyen d’un fourneau économique d’une construction vraiment admi- rable : c’est le même que celui de la maison royale de santé de Paris ; le mécanisme en est parfait. Par la manière dont les robinets d’eau chaude et d’eau froide , le potager , les rôtissoirs sont disposés ; deux femmes suffisent pour pré- parer à quatre cents personnes les alimens gras et maigres qui entrent dans le régime alimentaire | de hôpital, et cela en ne/consommant que pour 5 fr. de combustible ; encore, un réservoir d’eau chaude de près de deux centslitres est-il perpé- tuellement entretenu pour les différens besoins de la maison. À ces avantages purement! d'économie f il s’en joint de salubrité non moins remarquables ; tous les accidens du feu ont été. prévus pour les in- dividus et le bâtiment ; la famée sortant par des conduits souterrains ne se répand jamais dans Pintérieur de la cuisine , n’incommode point les gens de service , ne peut se mêler aux alimens ) 106 -lROPOGRAPHIE “MÉDICALE eten: altérer le goût : ici la cendre. qui s'échappe toujours des foyers ordimaires:, ne peut s'élever dans l'atmosphère et s'attacher aux ustensiles de la cuisiné. Il en est de même du gaz oxide de carbone , si dangereux pour ceux quile respirent, lors même qu il ne s’exhale pas’en assez grande quantité pour produire Paxphyxie: On ne con- somme point de charbon de bois. : Grâce à cette perfection du fourneau, cette odeur si désagréable | qu’on désigne sous le nom de graillon , qui est éecasionnée par des matières alimentaires 1ombéés! sur. les charbons ou dans les céndres , et qui frappe toujours plus ou moins Vodorat dans la cuisine des grands établissemens , ét parfois de nos maisons particulières ; cette odeur de graillon , dis-je, ne s'est point jus- qu'ici fait remarquer dans celle: de l'Hôtel-Dieus les eaux de vaisselle , partout ailleurs si fétides, si mcommodes, lorsqu'elles sont :stagnantés , ét qui, pour le dire en passant , contribuent à in- fecter les rues de laville de-Caëen , s’écoulent promptement ‘par dés aquédues couverts. Enfin , la cuisine ayant une arrière cour , toutes les préparations culinaires qui pourraient blesser Vœil ét l'odorat sont'soustraités à'tous les regardé : cette cour établit une conimunication particuhère ‘avec la dépense , en sorte que les rapports de DE: L'HOTEL-DIEU DE CAEN. +07 ces deux offices, qui doivent être continuels | puisque l’une fournit en grande partie les subs- tances alimentaires que Pautre prépare , ne sont aperçus que dé ceux qui y sont attachés. Le local de la dépense demandait une égale attention relativement au choix de la situation ; il fallait de plus avoir égard à la conservation des diverses provisions et comestibles que celte oflice récèle. Toutes ces conditions essentielles se renconirent dans celle de l'Hôtel-Dieu ; les les distributions s’y font sans confusion , avec facilité «et promptitude. L'intérieur ressemble assez à un magasin de comestibles bien tenu , bien ordonné ; des cases , des tablettes , des com- partimens portant étiquettes , préviennent toute erreur , renferment et conservent chaque objet de consommation. La boucherie se trouve en communication avec la dépense dont elle fait partie : elle est remar- quable en ce qu’elle est voütée , bien éclairée , et cependant garantie du soleil et des insectes ; Var y circule librement ; la température y est fraîche dans l'été , et l'hiver il n’y gèle point. La dépense n’est séparée de la cuisine que par le réfectoire des gens de service ; les portes de ce dermiér sont grandes et vitrées ; elles permettent une surveillance facile et inaperçue , qui n’a rien 108 . TOPOGRAPHIS MÉDICALE de désobligeant pour ceux qui en sont l’objet , et qui n’en contribue que mieux au maintien du bon ordre , du calme et de la décence qui doi- vent régner dans l'asile du malheur et de la souffrance. | Le local de la pharmacie n’est encore qu'in- diqué : on voit néanmoins qu’une réflexion éclairée a décidé le choix de son emplacement qui n’est séparé de la cuisine que par un double vestibule: Les travaux qu’exigent le laboratoire , la tisanerie, le magasin , l'officine et le logement du pharma- cien , étant pas terminés, je ne puis en parler ; c’est une lacune que l'administration des hôpi- taux ne tardera pas à faire disparaître , et_que la pharmacie provisoire fait très-bien supporter; L'invention des bains remonte fort loin : on sait quel usage en faisaient les grecs et le romains; on sait quel luxe , quelle magnificence ,: quel art ils mettaient dans la construction de ces éta- blissemens publics fréquentés par toutes les classes de la société, pour laquelle ils étaient un des premiers besoins. Chez ces peuples , les bains étaient ouverts beaucoup plus dans des vues de salubrité publique et de sensualité ; que dans des vues de médication spéciale ; ils étaient enfin une conséquence des lois et des mœurs d'alors , qui voulaient que tous les exertices du corps'et de Pesprit fussent pris en commun, DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 109 :: Îl serait curieux de connaître quelles sont les causes successives qui, d’un usage aussi fréquent et aussi umiversel des bains chez les anciens, nous ont conduits pendant des siècles, à leur oubli presque complet : ces causes sont du domaine de l’histoire , elles sont par conséquent hors du cerclé dans lequel je dois'me renfermer. Toujours est-il vrai de dire que l'usage commun des bains en France est d’une date récente:; que les grandes étapitales du royaume ont été long- temps les seules qui possédassent des bains d’une construction passable. À Paris même, çe n’est guère que depuis un demi siècle que les bains domestiques s’y sont mulupliés , et ce n’est que depuis quelques années qu’on les a perfectionnés au point de les rendre vraiment mobiles ; car il est aujourd’hui presque aussi facile de prendre chez soi un bain entier , sulfureux ou de vapeurs, qu'il est aisé de s’y procurer un pédiluve ordi- naire. On peut juger de l’ignorance qui jusqu'ici a présidé à la construction des bains dans les. villes de province, par ceux que la ville de Caen possède , où les hommes ne sont pas même séparés des femmes (1) : la conception en est si mau- (1) On voit fréquemment une femme occuper une baignoire d’où vient de sortir un hemme , et réciproquement, 120 - TOPOGRAPHIE MÉDICALE vaise , l'exécution en est si grossière , quil sérait fastidieux d’en faire ressortir tous les vices; je préfère ramener votre attention sur les bains de l'Hôtel-Dieu , qui peuvent soutenir le parallèle avec ce qu'il y a de parfait en ce gente dans les ilaisons de santé les mieux famées de Paris. Les bains de l’'Hôtel-Dieu constituent à eux seuls une espèce d’édifice : le problème de leur construétion était fort difficile à résoudre ; Pad- mitistration voulait que les bains sérvissent tout à Ja fois aux besoins de l'hôpital et à ceux de la province entière , aux malades indigens et à ceux qui vivent au miliea de Paisanee et des ri- chésses. Il fallait enfin ofliir au publie malade un établissement où il fût attiré par l'espérance d’ÿ trouver des remèdes efficaces aux maux qui Vaffigent , tels qu'on peut les rencontrer dans la capitale ; il fallait voiler à ses yeux lhôpital et toutes les images pénibles et répugnantes que l'aspect d'un pareil lieu fait naître. Eh bien ! Messieurs , la solution de ce pro- blème , que vous pourriez croire impossible ; a été obtenue de la manière la plus satisfaisante. La persévérance la plus grande ; de larges sacrifices d'argent , faits à propos , les avis des gens les plus versés dans l’art d'inventer et de construire les machines hydrauliques , les ouvriers les plus DE: L'HOFE L- DIEU DE CAEN. ILE mielligens et Les plus-habiles ont concouru à cette grande. œuvres, 0| : 20; {01 time Le zèle de l'administration a appelé l'intérêt de; M; Péligot,;:membre., de, Vacadémie royale de médecine ,:et l’un: des administräteurs des: hôpitaux de Paris, auquel:ees établissemens de charité doivent en: grande partie la perfection que: l'on remarque -dans léur. construetion.et leur économic:intérieure. Ses conseils qu'on aurait vainement cherchésailleuts ,-ont été d'une grande utilité. ;1l les-a donnés avec, un: :empressement sénéreux: qui Jui -donne! des, droits réels à. .la réconnäissance -des habitans de lx ville, de Caen., J'ai-dit que les bains représentaientune espèce, d'édificesen effet; un beau vestibule sépare le’ côté des hommes de -celui des, femmes ; lun et l’autre se ressemblent pour la disposition! et la dimension:.de chaque côté une salle voutée fort, belle ; bien close ; à l'abri de: toutes les impres- sions de l'air extérieur et da froid, est destinée aux bains domestiques; à cùté est le ‘local des bains sulfureux et des’ boites à [vapeurs ;.en face duovestibule:, en regard de la principale porte d'entrée, sont les bains de vapeurs à la Russe , ainsi que la douche de vapeurs (1) : ces vapeurs ; (1) L'appareil de cette douche est si bien disposé , que la va- peur peut être dirigée sur les régions du corps les moins éten- 112 TOPOGRAPHIE MÉDICALE selon l'indication que l’on veut remplir , peuvent être simples ou aromatiques ; le corps entier peut y être exposé, ou bien ny être présenté que partiellement au moyen d’une porte à vitraux , fort ingénieusement inventée , dont les carreaux mobiles sont de formes et de grandeurs diffé: rentes. Sans l’invention de cette porte , beaucoup d'individus aÿant des'obstacles à la circulation et à la respiration , en même temps qu'ils'sont at- teints de rhumatismes., de névralgies, d’affections herpétiques , etc. ; qui réclament impérieusement l'usage de bains et dés douches de vapeurs, au- raient été privés de cette ressource et condamnés! à souflïir éternellèément ; c’est au moins ce que l'expérience m'a déjà plus d’une fois démontré. - La douche verticale entre dans le système gé- néral des bains , elle a quarante pieds délévation et s'administre en jet unique ou en arrosoir d’eau simple ou-sulfureuse : ilexiste des baignoires iso- lées pour les personnes, pensionnaires où du de- hors / qui ne veulent pas se baigner dans les salles communes. Des-étuves et des hits de repos ont été disposés dans le voisinage pour y recevoir les malades chez lesquels 1l est nécessaire d’entre- ducs, comme le nez, les oreilles , ete. , sans que le malade soit placé dans l'atmosphère médicamenteuse. DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 113 tenir une perspiration soutenue et abondante , sans laquelle ils perdraient en grande partie le bénéfice qu'ils doivent retirer de l’emploides bains. Partout} règne une propreté remarquable , et même un luxe-bien entendu qui flatte l'œil, ins- pire et soutient la confiance. Lusine des bains est séparée de ces derniers par une arrière-cour qui nest point aperçue ; on y trouve la même prévoyance que j'ai signalée en parlant de la cuisine : on n’a point à y redouter les accidens du feu ni explosion de la vapeur ; la fumée suit rapidement des conduits souterrains, et toutes les eaux superflues s’écoulent par des aquédues profonds. Je n'insisterai pas davantage sur le métanisme des bans'; ‘il faut, pour bien Pentendre , avoir suivi avec beaucoup d'attention et d’exactitude leur construction + ce n’est qu’ainsi qu'on peut se faire.une idée des obstacles sans nombre qu'il à fallu vaincre pour arriver x ce résultat , qui fait que trois personnes suffisént pour ce service , et que plus de soixante bains peuvent être admi- nistrés en un jour. Depuis long-temps on avait reconnu que la glace employée à l'extérieur était un des moyens les plus héroïques que la médecine püt opposer aux congeslions sanguines , cérébrales ; qu'il était 114 : TOPOGRAPHIE: MÉDICALE) d’autres états morbides pour lesquels aussi il était difficile de la remplacer, et que:là ville;de Caen comme lhôpiial réclaniaient qu'ané glacière fut füt ouverte pour le besoin des malades , où Pon délivrt de la glace à tout instant, à bas prix et par fois gratuitement : beaucoup d’autres motifs miltaient encore en faveur de Pétablissement d’une glacière publique. La ville, eu conséquence , en a fait construire une d’une très-grande capacité , dans l’enclos même de l'hôpital (x) ;'etiplusieurs pauvres malades ont déjà dû leur, rétablissement et la vie à cette munificence de l'autorité admi- nistrative. el" Parmi le grand nombre d'indigens dans:le cas d'invoqüer lé secours de l'hôpital, l'en estqui sont dans l'impossibilité absolue de #/yrendre de leur pied ; il en est que leur positièn morbide ne permet pas. de remuer sans beaucoup de pré- cautions , même dans leur lit ; il en est, enfin ; auxquels l'exercice est nécessaire ; mais qui en sont privés, ayant pas l’usage de leurs janbes..… L'administration. a prévu.à tous ces cas parti- culiers ; elle envoie chercher Jes malades à do- micile!, au. moyen dan brançard couvert, mate- (1) Elle peut contenir douze cens milliers de glace ; elle est plus que suffisante pour satisfaire aux exigéncés du luxe eb aux besoins de l* médecine. DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 315 lassé et à ressorts:; porté sur un trait à quatre roues ; traîné par un cheval ; ce brancaærd , fort léger, senlève facilement da train , ce qui fait que sans secousses les malades sont portés dans les salles et lés lits qu'ils doivent occuper; 1l y a dans cette manièré de transporter les malades une grande sûreté ; une grande. économe d’hommes et de temps: AUS ou Personne n'iguore que la consolidation des os fraéturés exige un long et parfait repos ; cette condition est de rigueur ; toutes les aûtrés: lui sont soumises : l'impossibilité dans laquéllé oi a étélong-temps de faire le lit des malades ayant des fractures compliquées , rendait leur position doublement insupportable. Ea même attitade ob- servée constamment ; déterminait des inflañma- tions ulcératives 1rès - douloureuses des: régions sur lesquelles le corps reposait ; les gens de Part lüttaient en vain contre cet inconvénient qui en- travait plus où moins la cure. On y remédie fa- cilément aujourd’hur ‘dans l'Hôtel - Diew à Paide d’un'encadrentent mécanique qui s'adapte à cha- que lit; un seul homaeïsoulève un malade et, sans fur imprimer aucüunanouvement ‘douloureux ; fait son lit et en renouvelle toutes les fournitures. L'une des maladies les plus graves à laquelle la femme qui vient d’accoucher est exposée , est 116 TOPOGKAPHIE MÉDICALE sans contredit la péritonite : on sait que les dou- leurs qui accompagnent cette maladie sont si vives que les malheureuses qui lés éprouvent restent immobiles dans leur lit ; elles ne peuvent suppor- ter le poids des couvertures les plus légères , à plus forte raison celui d’aucuns topiques ; les bains de vapeurs simples , entre autres moyens , leur procurent un soulagement notable ; on, les leur administre à l’'Hôtel-Dieu avec une petite machine à vapeurs très-portative ; elle se place au pied du lit , et la malade , dont les couvertures son soute- nues par des cerceaux , prend ainsi , sans se mou- voir ; un bain de vapeurs permanent, qui amène toujours un calme plus où moins sensible, et à la suite une moiteur des plus salutaires. Enfin , outre les fauteuils qui servent aux con- valescens ordinaires, il existé dans: Phôpital un fauteuil mécanique que la personne: qui l’occupe dirige à son gré , qu’elle fait marcher «elle-même sans aucune impulsion étrangère ; les paraplégiés en reconnaissent tout le prix; sans lui ils reste- raient tristement attachés à leur lit ou à leur chaise comme des parasites inanimés. Quoique les mécaniques dont je viens de vous entretenir ne soient que d’une utülité spéciale., comme la médecine: en fait une application heu- reuse et journalière , qu’elles peuvent servir dé: DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 117 modèle et être mises à la disposition des personnes non indigentes de la ville , qui probablement ne les connaissent pas , j'ai cru devoir ne pas les omettreen vous parlant de l’organisation matérielle de l’Hôtel-Dieu. Je passe maintenant à un objet d’une importance topographique plus directe , je passe à l'examen de Pair , de l’eau et de quelques parties du régime alimentaire. Ce n'est n1 en en physicien ni en chimiste que je considérerai l'air , ou plutôt l’astmosphère qui enveloppe l'Hôtel-Dieu ; je ne vous présenterai pas non plus d'observations météréologiques ; il en faut faire pendant des siècles pour en tirer une conséquence à peine utile , et la translation de l'hôpital ne date que de deux années : mes re- marques seront générales , elles se borneront aux suivantes, L’atmosphère qui environne l'Hôtel - Dieu est semblable à celle de la campagne ; elle en a toute la salubrité ; elle est plus pure que celle‘de la ville; elle est beaucoup moins chargée d'humidité et d’émanations organiques ; lorsque la ville est en- veloppée d'un brouillard qui la dérobe à la vue, Phôpital en est souvent exempi ; l'atmosphère y étant continuellement agitée dans ‘tous les sens , les couches supérieures viennent purifier les infé- 118 TOPOGRAPHIE MÉDICALE : rieurces. Ges avantages sont communs sans doute à toutes les situations élevées ; mais ce qu'il ya de particulier et ; C’est que l’hôpital , comme je Vai déja fait remarquer , est garanti des venis d'ouest , qui sont les moins favorables , et qu'il est principalement exposé à ceux du nord et nord- est qui viennent de la mer ; qui sont les plus secs; les moins chargés d’émanations étrangères , par conséquent les plus salubres. L'eau n’est:pas moins utile à l’homme que l'air, elle a une influence non moins grande sur sa santé. Cette vérité a été proclamée il y a plus de deux mille ans, par le père dela médecine, et lex- périence de tous les jours ne fait que confirmer cet oradlé. | L'eau qui sert aux besoins de l'Hôtel - Dieu vient de deux sources ; elle est tirée 12. d’un puits profond dont la source est abondante , par une pompe à manége mue par un cheval ; l’eau est recue dans un réservoir commun qui la fournit dans tout le rez-de-chaussée de la maison. Cette pompe , qui naguère fut établie pour le dépôt de mendicité , est entrée dans la concession faite aux hospices ; elle suffit à tous les besoins : l’économie a fait une loi de la conserver , quoiqu’üne ma- chine à vapeurs qui fournirait l’eau à tous les étages , à toutes les oflices-de l'hôpital , en même DE L'HOTEL-DIEU DÉ'CAEN. ‘19 temps que dans plusieurs quartiers de la ville , lui ‘fut de beaucoup préférable. Quor quil en’soit , eau de l'Hôtel - Dieu est diaphane ; sans couleur , inodore et sans saveur ; elle cuit bien les légumes ; elle dissout moins bien le savon. D’après l'analyse chiniique qui en a été faute avec soin , on doit conclure qu’elle contient en dissolution un peu d'air atmosphérique ; de Pacide carbonique , du sulphate , de Phyÿdrochlo- rate et du carbonate de chaux , dissous à la faveur de Pacide carbonique ; chaque livre d’eau con- tient environ un gran de sulfate , autant de car- bonate ,et un demi-graim de muriate.Cette pro- portion est peu considérable, elle est loin de nuire à.sa qualité ;:on a reconnu que les eaux qui con tiennent dés sels én pétite quantité sont meilleures, toutes choses égales d’ailleurs , que celles qui n’en contiennent pas du tout (r). (i) Analyse de l'eau de l'Hôtel-Dieu de Caen, Lorsqu'on fait bouillir cette eau pendant trois ou quatre mi- nutes, elle se trouble , devient blanchitre, nil se dégage du pite du sous-carbonate de chaux. Elle ne dissout le savon qu’en patie, cependant elle cuit bfen les légumes; si l’on y verse de l’eau de ,chaux peu,à pen, il se forme un précipité blanc qui disparaît par l'agitation ; mais si on en, met trop, le pré- cipité ne, disparait ;point ; elle perdit le sirop de violettes ; elle est sans acliun,sur Ja teinture de tournesol : l’infusion de noix 120 TOPOGRAPHIE MÉDICALE 20. Indépendamment des eaux de puits qui servent aux principaux besoins de hôpital , on : utilise aussi celles du ciel qui se réunissent dans un réservoir souterrain : Ces eaux ne peuvent ser- de galle et l'hydro-ferro-cyanate de potasse n’y produisent aucun changement , elle est précipitée par le nitrate de baryte, le pré- cipité est blanc , pulvéralent, pesant et: insoluble dans la- cide nitrique ; le nitrate d’argent y forme un précipité blanc , floconneux , insoluble dans l’acide nitrique et soluble dans l’am- moniaque ; les alcalis’ l’acide oxalique , la précipitent aussi en blanc. Après avoir fait évaporer 18 pots de cette eau jusqu’à réduc- tion de quatre onces et avoir filtré, on a obtenursur Je filtre un dépôt qui, lavétet bien séché , pesait 56 grains ; ce dépôt avait la propriété de faire effervescence avec les acides forts ; après l’avoir traité à chaud par,une solution de sous-carbonate de potasse , et avoir filtré, on a obtenu une liqueur qui don- nait par le nitrate de baryte un précipité blanc, pulvérulent et insoluble dans l’acide nitrique. La partie insoluble qui était restée sur le filtre a été trairée par l’acide hydrochlurique, éten- du d’eau qui l’a dissoute complètement avec effervescence ; cette dissolution étendue d’une très-grande quantité d’eau pré- cipitait par l'acide oxalique et les oxalates ; évaporée à siccité elle a donné un résidu qui attirait fortement l'humidité de l’air et qui était eñtièrement soluble dans Palcool rectifié. On a fait ausi évaporer les quatre onces de liqueur qui étaient restées de la prémiere évaporation ; On a obtenu un résidu pe- sant 10 grains ; il attirait l'humidité de l’air : ce résidu projeté sur les charbons incandescens , n’en activait point la combas. tion ; mêlé avec de la limaille de cuivre et mis en contact avec Pacide sulfurique concentré , il n’a pas produit de vapeurs rouges ; esprit de vin pouvait en dissoudre à peu près les trois quarts , et précipitait alors la dissolution de’ nitrate d’argent : en flocons caillebottés , insolubles dans l'acide nitrique et so- ubles dans l’ammoniaque ; il avait acquis la propriété de former DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 121 vir que pour les lavages ; elles n'arrivent dans la citerne qu'après avoir balayé toutes les cours et s'être chargées de corps étrangers qui en altèrent la pureté ; il serait facile de les rendre potables en les recueillant avec plus de soin ,au moyen de gout- tières'et de conduits dé fonte:ou de grès. Le régimé alimentaire de l'hôpital est gras où maigre, Le régime gras ne varie jamais ; il con- siste en potages au pain , au riz, au vérmicel ou à la fécule de pomme de terre , en bœuf ou veau bouilli , rôti ou grillé ; la volaille ne sé donne que par exceplion. Le régime maigre varie suivant les saisons ; le poisson , les œufs , les légumes frais dans l'été , et secs dans l'hiver ; les fruits cuits , les gelées végé- tales en forment la base. Le lait mérite un examen à part ; il est donné des précipités blancs par l’acide oxalique et les dissolutions d’o: xalates. Le quart qui était insoluble dans l'alcool a été traité à chaud par une solution de sous -earbonate de potasse ; la liqueur filtrée précipitait les dissolutions de baryte : les précipités étaient blancs, pulvérulents et insolubles dans un excès d’acide. Après avoir bien lavé ce qui restait sur le filtre , et l’avoir mis en contact avec l’acide muriatique faible , il a fait effervescence, s’est dissous et a donné lieu à une liqueur qui précipitait en blanc par l’acide oxalique et les oxalates. Cette liquéur éva- porée à siccité a laissé un résidu qui attirait l'humidité de Pair, se dissolvait dans l'alcool et enfin jouissait de toutes les prepriétés de l’hydrochlorate de chaux. 122 TOPOGRAPHIE MÉDICALE tout à la fois comme aliment et comme médica- ment ; il est toujours d’une très - bonne qualité ; 1l est fourni par des vaches nourries dans l’établisse- ment , au milieu de bons pâturages. Le lait est d’une grande ressource pour les ma- lades phtisiques auxquels on ne peut permettre le moindre aliment solide , sans voir augmenter leur fièvre et leur oppression ; ils prennent le lait pur ou en bouillie pour unique aliment et l’hydro- gala pour boisson ; dans l'été ils vivent presque exclusivement de gros lait : on en fait plusieurs distributions dans la journée. Beaucoup de malades atteints d’affections de poitrine et d'irritations chroniques de l'estomac , ont dû leur rétablissement à ce régime entièrement lacté , qu'il est bien difficile , pour ne pas dire im- possible , de faire suivre dans les autres hôpitaux ou le lait n'arrive qu'après avoir passé par plu- sieurs mains et après avoir été plus ou moins s0- phistiqué. Le cidre , qui est la boisson du pays , est aussi celle de l’hôpital ; les malades civils la préfèrent à la bière et au vin : ce dernier , rouge ou blanc, n’est jamais prescrit que dahs des vues thérapeu- tiques particulières ; pour hâter les convales- cences , etc. Malgré les dimensions monumentales extérieu- DE L'HOTEL-DIRU DE CAEN. 123 res de l'Hôtel - Dieu , 1l n’a pourtant intérieure - ment que celles qu'il doit avoir pour remphr le but de sa destination. Quatre cents malades au plus peuvent y être admis à la fois , recevoir des con- solations et des soins. Si l’on y réfléchit, on verra que ce nombre est en proportion avec la popula- üon de la ville, qui est à peu près de quarante mille ames ; avec l'importance et l’extension ulté- rieure qu’elle ne peut manquer d'acquérir ; avec la force habituelle de sa garnison ; enfin avec les explosions épidémiques probables contre lesquelles il est prudent de se prémunir. Toutes les maladies, toutes les infirmités aiguës et chroniques y sont recues sans distinction d'âge ni de sexe , excepté l’épilepsie et l’aliénation men- tale. Les militaires sont séparés des civils , mais tous sont sounus au même réglement adminis- tratif. Vingt - quatre religieuses cloitrées , de l’ordre de St.-Augustin , sont chargées de l’économie in- térieure de l’hôpital ; elles s’acquittent de leurs saints devoirs avec un zèle et une attention qui se retrouvent jusque dans les moindres détails , et qu’on ne pourrait raisonnablement exiger d’indi- vidus mus par d’autres sentiments que ceux d’une piété qui est de tous les instans ; c’est elle qui donne à ces filles de Dieu un courage qui ne se lasse ja- 124 *_ TOPOGRAPHIE MÉDICALE mais pour supporter l'aspect dégoûtant de toutes les infirmités humaines , et lingrattude trop ordi- naire de ceux mêmes qu’elles servent avec tant de dévouement. Pour qu’on soit à même de connaître , sans y consacrer trop de temps , quel est le nombre et les espèces de maladies qui sont traitées chaque année dans le service dont je suis chargé , je fais “dresser des tableaux synoptiques qui indiquent mois par mois les maladies qui ont été traitées avec succès , celles qui se sont terminées par la mort , celles qui ont offert assez d'intérêt pour être recueillies jour par jour sur le registre de cli- nique. & On voit , par celui de 1824 , annexé au compte moral que je rends à l'administration des hôpi- taux , que sur un total de sept cent quatre ma- lades entrés dans le courant de cette année, trente- sept ont succombé , ce qui établit la proportion -d’un à dix-neuf. Cette mortalité est peu considé- rable , si l’on fait attention qu’au nombre des dé- cès se trouvent des individus fort âgés et atteints d’affections chroniques rendues incurables par la négligence , la misère , ou des traitements incen- diaires. Plusieurs de ces malades sont morts peu d'heures après leur entrée à l'hôpital , ou le len- demain ; aussi est-ce dans les malades civils que DE L’HOTEL-DIEU DE CAEN. 12 le nombre des morts est le plus grand : pour les hommes , 1l est de onze sur cent trente-six , c’est- à-dire, comme un est à onze ; dans les femmes , il est de dix-huit sur deux cent dix , c’est-à-dire , comme un est à dix ; tandis que chezles militaires il nest que de huit sur trois cént cinquante- neuf , c’est-à-dire, comme un est à quarante-cinq; parce que ces derniers sont plus jeunes ; qu'ils ne sont guères atteints que de maladies aiguës ; qu'ils vivent dans des habitudes hygiéniques plus heu- reuses ; qu'ils sont envoyés à l'hôpital dès l'inva- sion de leurs maladies ; qu’enfin ils sont fort do- ciles à observer le régime et le traitement qui leur sont prescrits. | | Il serait fort intéressant de connaître et de com- parer les résultats obtenus par le dispensaire , qui traite les malades à domicile avec ceux de l’'Hôtel- Dieu ; et qu’à limitation de celui de Paris , il ren- dit publics ses travaux cliniques ; c’est ainsi qu’on parviendrait à avoir un tablean exact et détaillé de toutes les maladies des artisans de la ville de Caen , et une hygiène spécialement applicable à cette dernière, À Paris , le dispensaire qui n’est point à la charge du gouvernement , et qui n’est entretenu que par une souscription volontaire , s’acquitte chaque année de ce soin, À Caen , ou c’est la ville qui fait 126 TOPOGRAPHIE MÉDICALE les fonds il suffirait qu’elle mvität MM.les médecins du dispensaire à concourir à ce travail , pour qu'ils missent de lempressement à lui donner cette nouvelle preuve de leur zèle et de leur désinté- ressement. La mort étant une conséquence inévitable de la vie , il a fallu consacrer des enceintes communes où l’on déposit les restes inanimés des humains. L'usage d’inhumer les corps privés de vie se perd dans la nuit des temps ; il a été soumis à des règles: qui ont varié à l’infini ; mais dans lesquelles on à toujours eu plus où moins égard , à la rehgion, à la morale , à la politique , à lasalubrité publique: L'expérience , dont malheureusement les fecons sont trop souvent perdues pour tout ce qui con- cerne la santé publique, a appris que les émana- tions sépulchrales pouvaient être: mortelles pour les individus qui y étaient exposés ; c'est sur cette connaissance qu'est fondée l'ordonnance de 1776, qui défend d’inhumer dans les villes et les églises. L'autorité doit veiller à son exécution ainsi qu'a celle des autres réglements de police sanitaire ; qui s'opposent à ce qu'aucune habitation soit eons- truite près des cimetières , même à la campagne. D’après ces considérations, le cimetière de PHô- tel-Diceu a dû être l'objet d'une attention spéciale, et trouver place dans un exposé. topographique DE L'HOTEL-DIEU DE CAEN. 127 médical. Il est à la distance de 475 mètres de Phô- pital , d'où il est impossible de l’apercevoir ; il est enclos de murs et masqué par une plantation ; il est silué au nord - est de la ville , parfaitement isolé ; sa surface représente une étendue de 1,500 toises ; le terrain en est sec et incliné ; son étendue a été calculée sur la proportion connue de la mor- talité annuelle , sur la connaissance que l’on à du temps qu’exige la dissolution entière d’un corps déposé dans un terrain analogue , quoiqu’on ait la certitude que tfois années suffisent pour ame- ner cette décomposition , ce ne sera cependant qu'au bout de dix ans que les mêmes terres sé- pulchrales seront de nouveau remuées ; elles le seront alors sans danger pour le voisinage et pour ceux qui seront préposés à cette triste opération; la profondeur des fosses est de six pieds ; elle est assez grande pour qu'aucune émanation ne s’en élève dans les temps les plus chauds , et pas assez pour retarder la fermentation cadavérique. On laisse entre chaque fosse un espace de trois à quatre pieds : les inhumations se font le matin : elles sont uniformes, silencieuses. Dans aucuns ‘cas on n’y admet de distinctions humaines ; elles n’ont jamais lieu que vingt-quatre heures après la mort , à moins de circonstances prévues par les.ré- glements de police et les lois de l'hygiène. 128 TOPOGRAPHIE MÉDICALE Fels sont, Messieurs , les points. de: topogra- phie médicale sur lesquels jai eu en vue d'appeler aujourd’hur votre attention ; j'aurai atteint mon but , si par le seul aperçu que je viens de vous donner ; vous ponvez avoir une idée de lHôtel- Dieu de Caen, de ce monument ouvert par la charité la plus fervente à l’indigence et à la dou- leur , et qui, presquencore inconnu de la popu- lation pour laquelle il a été élevé , fait l'admira- tion des étrangers qui viennent de toutes parts le visiter. : Il.me reste à vous dire un mot de l’'Hôtel-Dieu de Caen , considéré comme établissement d’ms- truction médicale, Le même amour du bien qui a préparé un. asile convenable aux pauvres malades ; et qui a mis à notre disposition tous les moyens thérapeutiques propres à soulager leurs maux , a voulu de plus ouvrir à eeux qui se destinent à la carrière de la médecine , une source précieuse d’instruchon pu- blique qui rivalisät. aveé celles de nos: grandes capitales ; et qui pû.contribuer à-soutenir la célé- brité universitaire que la ville de Caen s’est acquise depuis des siècles. Des salles de clinique et de consuliation ;, des amphithéâtres sont ouverts aux élèves en méde- cine ; c’est-là que des cours réguliers sont fus par DE L'HOTEL-DIEU DE CAN. 159 le médecin et le chirurgien en chefs de l’étallisse- ment ; c’est là que lun et l’autre se livrent , après leurs visites , à des recherches , à des entretiens cliniques , qui sont le complément des réflexions faites aux lits des malades. Une maîtresse sage - femme , instruite , est chargée de répéter les lecons d’accouchements aux élèves sages-femmes , et de les diriger dans la pratique des aceouchements , dont la surveil- lance appartient au chirurgien en chef , qui fait tous ceux qui sont laborieux et contre nature. On concevra facilement que l'Hôtel-Dieu soit un hôpital d'instruction , si l’on fait attention qu’indépendamment des maladies communes à tous les âges comme aux deux sexes , celles qui sont particulières. à l’enfance ,| aux femmes en couches , à certaines professions , à la vie mili- taire , etc. y J Sont reçues ; que non - seulement les malades indigens de la ville y viennent cher- cher des secours, mais souvent encore ceux de tous les points du département qui ne trouvent pas dans le lieu qu'ils habitent de remèdes à leurs maux. À la vérité ces malades n’y sont admis qu'avec l'agrément de la première autorité ad- ministrative. du département | mais l'autorisation n’est jamais refusée quand la: demande est mo- livée. Les malades étrangers servent d'autant 130: TOPOGRAPHIE MÉDICALE mieux à l'instruction , que leurs maladies’ sont en général plus rares , plus graves , plus dificiles à traiter, qu’elles exigent souvent des opéralions et des: médications qui sortent de l’ordre ordi- naire.. L’'HÔtel-Dieu. étant pas un Hôpital purement spécial , les malades s’y succèdent avec une r'a- pidité suffisante. Les élèves qui veulent suivre la clinique peuvent le-faire avec d’autant plus de fa- cilité et de fruit , qu'ils trouvent dans le même établissement une source continuelle et variée de cas pathologiques qu'il faut , dans beaucoup de capitales , aller chercher dans plusieurs hôpitaux très-distants lesuns des autres. Un relevé exact des maladies traitées dans les deux services de santé , et l'examen des re- gistres de clinique , fourniraient la preuve de ce que j’avance , si à cet égard il s'élevait le moindre doute. L'Hôtel - Dieu de Caen a tous les caractères d’un hôpital d'instruction ; en effet , un nombre assez considérable de malades , soumis à tous les genres d'investigation que la médecine possède ; la faculté pour les élèves de recueillr à chaque instant et par écrit, les symptômes des mala- dies ; de comparer et de mettre en regard les DE L'HÔTEL-DIEU DE CAEN. 131 différentes affections morhides et les maladesentre eux ; la publicité des observations cliniques ; celle dé Pexamen des corps, que l’on peut faire à vo- lonté et commodément après la mort ; eufin , les recherches cadavériques auxquelles on met toute Pattention: et le temps nécessaires , donnent aux observations qu'on y recueille toute Pimportance et la garantie médicale que l’onpeut exiger: À la clinique de l'Hôtet- Dieu les malades sont interrogés , examinés. publiquement ; les symp- 1ômes sont recueillis en présence des élèves ; ils sont inscrits jour-par jour sur un registre ; lors- que le malade guérit , Pobservation est remise au net et lue aux élèves : si la maladie: a une issue fatale , on lit observation. et l'on procède avec beaucoup de soin à la recherche des. altérations morbides qui la constituent ; on s'attache à rap- procher-les: phénomènes morbides observés pen- dant la vie, des altérations organiques trouvées après la mort. C’est ainsi qu’on peut former etrec- üfier son:jugement ; c’est ainsi.qu'’on peut acquc- rir des connaissances positives en médecine : hors de là il n’y a plus que vague et hypothèse. Les obsérçations faites à l'hôpital ne sont rédigées dans l'intérêt d'aucun système, d'aucune doctrine, d'aucune idée préconçue., mais bien dans l’intérèt de la vérilé'seule. Elles forment déjà une collec- 132 . TOPOGRAPHIE MÉDICALE tion nombreuse où l’on peut puiser des matériaux utiles. Toutes les pièces d'anatomie pathologique qui présentent. quelqu’intérêt , sont préparées et con- servées par les élèves internes : le nombre en est déjà assez considérable et s'accroît chaque jour ; elles sont disposées en ordre ; chacunes d'elles portent un numéro correspondant à celui du ca- talogué , où.se trouve aussi la note historique de chaque pièce. Sous les rapports de l'instruction clinique , notre Hôtel-Dieu offre donc toutes les ressources désirables ; maisiln’est pas l’unique établissement qui puisse concourir à ce but. La ville possède encore un hospice ayant de belles infirmeries , et dont la population est de cinq cents individus ; elle a une maison centrale de détention ; d’une population quadruple , et qui peut plus ou moins directement servir aussi à l'instruction médi- cale. A côté de ces établissements publics , qu'il me soit permis d’en placer un qui, quoique parli- culier , n’a cependant ni moins, d'importance ni moins d'utilité que ceux dont.je viens de parler. La maison des aliénés du Bon-Sauveur , dont l'existence est tout-à-fait indépendante du gou- vernement , n’en est pas moins un des établisse- DE L'HOTEI-DIEU DE CAEN: 133 ments d’aliénés les plus considérables ; les plus beaux et les mieux tenus du royaume. Outre les pensionnaires parüculiers qui y arrivent de toutes parts , de la France et de l'étranger , les aliénés des deux sexes à la charge du département , y sont admis et occupent un local à part, ce qui permet de les faire servir à l'étude des affections mentales , et me justifie d’avoir fait entrer l’éta- blissement des aliénés du Bon - Sauveur en ligne de compte , parmi ceux qui peuvent alimenter la clinique. Si l’on joint à toutes ces sources d'instruction , une riche bibliothèque ouverte au public pen- dant tout le temps de l’année scholaire ; un ca- binet d'histoire naturelle ; un jardin de botani- que , disposé suivant le système de Jussieu ; des cabinets de physique ; des laboratoirs de chimie bien montés ; une faculté des sciences , où la phy- sique , la chimie et l’histoire naturelle sont en- seignées par des professeurs habiles, on sera forcé de convenir que la ville de Caen a des droits incontestables à réclamer une institution médicale d’un ordre élevé , et elle en soutiendrait l'éclat ; car sil appartient aux hommes supérieurs de créer et de faire valoir les institutions , on ne peut non plus disconvenir que les institutions for- ment aussi les hommes , qu’elles excitent leur 154 TOP. MÉD. DE 1/HOT.-DIBU DE CAEN. zèle , développent leurs talents, fécondent leur génie ; C’est ce qui ne pourrait manquer d'arriver dans in pays comme le nôtre, où l’esprit des ha- bitans a dans tous les temps été. de préférence porté vers l’étude des lettres et des sciences : on en trouve la preuve dans l’histoire académique de la ville de Caen, su AA AAA A AU RAT AR AVE AT AR RAR RAR AE ER 8 AT AL RAA EUR AL AA VUE PREMIÈRE PARTIE D'un Mémoire sur linfluence de l'air de la mer , et des Bains de mer sur les maladies chroniques. Par M. TROUVÉ. L’aveugle routine se fait goûter de la multitude, parce que tous les ignorans l’approuvent, Lu dans la séance du g mai 1828, Les observations préliminaires que j'aurai l’hon- neur de vous présenter aujourd’hui , font partie d’un travail, que j'ai l'intention de rendre aussi complet qu'il me sera possible , travail dans lequel je me propose de déterminer d’une manière plus précise qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour , quels sont les effets favorables ou nuisibles de l'air de la mer et des bains de mer sur les malades atteints d’af- fections chroniques , en m’appuyant sur des faits cliniques exacts et nombreux. Si le travail que j’entreprends sur un plan tout nouveau était au-dessus de mes forces , que mes 156 MÉMOIRE occupations obligées ne me: permissent pas de Vachever , j'aurai au moins la satisfaction d’avoir appelé l'attention de mes collègues sur un des moyens thérapeutiques les plus puissants que la nature nous ait offerts , d'avoir contribué à en pré- ciser l'influence et la valeur ; d'autres que moi rendront parfait ce qu'il ne m’aura été permis que d’ébaucher. Jamais , au reste , dans la localité que nous ha- bitons , époque n’a été plus favorable à ce genre de recherches , jamais non plus la science et l’hu- manité ne l'ont réclamée aussi hautement : d’une part la physique , la chimie , l’histoire naturelle et la géologie cultivées avec goût dans la ville de Caen , fournissent à la médecine des documents précieux , pour lever la topographie de la contrée de nos bains de mer ; de l’autre une administra- tion pleine de zèle et d’empressement pour favo - riser tout Ce qui peut accroître la gloire et la pros- périté du pays , ayant ouvert une double et facile communication de Caen aux communes de Cour- seulles et de Luc , il en est résulé que depuis quelques années beaucoup de malades sont venus de toutes parts s'établir sur nos rivages , pour y prendre des bains de mer. C’est ainsi que nous avons vu s’élever sur notre plage , dans les communes de Luc, de Lyon et SUR LES:EBAINS DE MER. 137 de Langrane , ‘un grand nombre: d’habitaño:s qui. pour la plupait.ont pour bat d'appeler iles étrangers, de leur offrir des logemens commodes pendant Ja saison des bains ; c’est ainsi que nous ayons vu de simples bicoques de pècheürs dispa- raître et être remplacées par des demeures saines eLagréables. Tellement, que lensemble de ces habitations groupées, dans deux ou trois villages peu éloignés les uns des autres , peut être considéré comme formant.un établissement sanitaire , auquel il ne manque pour être complet , que de recevoir l’ins- tiiulion du gouvernement , d'être soumis à un ré- glement spécial et d’y:avoir un lieu commun de réunion : faisons des, vœux pour que ce complé- ment ait heu ; qu'il soit l’œuvre d’un spéculateur ingénieux ou de souscripteurs animés de l'amour du pays (1). Qu'importe , le bien sera fait, nous avons d'avance la certitude que la protection et le concours de l'autorité ne se feront pas attendre. L'importance qu’acquièrent chaque année nos bains de Luc fait facilement présager la célébré dont ils jouiront un jour. (1) Ua établissement de cette espèce complet et parfaitement bien ordonné existe à la Rochelle et s’est élevé par souscription ‘voluntaire, 10 ré 138 MÉMOIRE Il faut eomprendre sous la dénomination de bains de Luc nos bains de mer , parce que c’est là qu’en est le point central , parce que c’est de là que Ja communication est la’ plus directe , la plus facile , la plus fréquente avec Caen , parce que c’est là enfin que les constructions principales se trouvent et que les premières se sont montrées. Mais , Messieurs , plus la puissance d’un mo- dificateur de l’économie est grande , plus les cir- constances en rendent l’emploi facile et le mettent à la discrétion de tout le monde ; plus aussi dans l'intérêt de la science et de humanité , il faut s'attacher à déterminer les cas où son application est avantageuse , à les distinguer de ceux où elles peut être contraire et même dangereuse , et c’est ce qu’on n’a pas fait jusqu’à présent. La routine semble présider encore à nos bains de mer, si j'en juge au moins par les nombreux malades qui de- puis quelques années viennent à Luc pour user du remède , soit qu'ils s’y rendent de leur propre mouvement , soit qu'ils y arrivent d’après les con- seils des gens de l’art : trop souvent ces conseils prouvent la légèreté , nous pourrions même dire l'ignorance de ceux qui les donnent. Il faut dire qu'il est des médecins qui quoique fort instruits n’ont jamais été à portée d’observer par eux-mêmes SUR LES BAINS DE MER. 159 la médication de l'air de la mer et des bains de mer(t). On est persuadé en général que cette médica- tion est indifférente | qu’elle convient à tous les maux que , si elle ne fait pas de bien , elle ne peut faire de mal... Aussi voyons-nous une multitude de gens en user par imitation ou par distraction. L'erreur dans laquelle on est à cet égard est im- portante à signaler : elle a aggravé Pétat de plus d’un malade , comme je le prouverai dans la suite. J'ai été appelé plus d’une fois pour donner des soins à des individus qui s'étaient trouvés grave- ment incommodés pour avoir pris des bains de mer par forme de passe-temps et de compagnie. C’est à nous , Messieurs , qui sommes sur les lieux , c’est à nous qui habitons une localité qui offre tous les élémens d’une bonne observation médicale qu'il appartient d'éclairer sur ce point le (x) Dans tout ce que l’on a écrit sur la thérapeutique mari- time depuis les anciens jusqu'aux modernes , il semble qu’on ait pris à tâche de se copier; l’on a sur ce point comme sur beaucoup d’autres par trop généralisé. Les exceptions en mé- decine-pratique sont nombreuses , il faut en tenir compte au- tant que des généralités , au risque de commettre de fréquentes et irréparables bévues ; ce sont ces exceptions qui rendent inu- tiles ou plutôt dangereux les livres de médecine à l’usage des gens du monde ; les préceptes de notre art divin ne se prêtent pas à la forme de l’almanach ou du cuisinier bourgeois : les ha- biller ainsi , c’est les travesti. 1/0 -__ MÉMOIRE “public et nos confrères moins heureusement placés que nous. Je ne crains pas de dire par avance que la mé- dication de l’ar de la mer et des bains de mer , demande à être surveillée par un médecin instruit résidant sur les lieux. En effet ;, son application doit varier suivant mille circonstances qu'il faut avoir observées , qu'il faut savoir apprécier et saisir. Ainsi, 1] y a bien quelques affections du poumon qui sont heureusement modiées par lair de la mer , mais il en est beaucoup aussi qui s’en trou- vent aggravées et dont 1l hâte les progrès : te sont les différences que lon n’a pas encore suflisam- ment précisées et que je m’attacherai à faire con- naitre. Quant aux bains de mer , il est des individus qui doivent les prendre par immersion où par plongeons répétés(1), d’autres qui doivent entrer successivement dans l’eau. Il en est qui leur ont (1) ‘A moins d’une indication particulière à remplir, je ne vois pas l'avantage qu’on peut retirer , dans les cas ordinaires, de se plonger la tête la première ; le plongeon ainsi pris pro- duit une perturbation générale qui intervertit l’ordre de toutes les functions , qui suspend la respiration , etc. , et qui dans la plupait des cas doit étre plus nuisible qu’utile, quoi qu’en ait dit le savant auteur de l’article bain idu dictionnaire des sciences. SUR LES BAINS DE EER. At du le bienfait de leur guérison , qui n'auraient pu les prendre et en continuer lusage , si lon n’eût eu la précaution de leur appliquer , avant chaque bain , un corps gras sur la région de l'estomac. Il est des malades qui doivent recevoir l'impulsion de la vague , d’autres qui doivent l’éviter. Pour les uns l'exercice de la natation ou un exercice analogue est bon , pour d’autres il est inutile ou contraire ; j'en ai Vu qui ne pouvaient et ne de- vaient prendre que des demi-bains , et j'ai donné des soins à des malades doués d’une suscepubilité nerveuse excessive , qui se sont trouvés fort bien des bains d’eau de mer , pris dans une baignoire et à des degrés différens de température , depuis le dixième jusqu’au vingt - cinquième du thermo- mètre de Réaumur , tantôt avec addition de son, tantôt avec addition de gélatine , etc., après s’être trouvés fort mal des bains pris en pleine mer, qu'ils reprenaient ensuite avec succès. Il est des cas dans lesquels on tire un grand parti des bains de mer froids pris alternativement avec des bains domestiques , à la manière de Gianmini ; ce der- nier employait l’eau douce ; je ne sache pas que d’autres avant moi aient employé l’eau salée ; cette médication perturbatrice produit des effets fort emarquables. La durée du ban de mer ne varie pas moins 142 MÉMOIRE suvast ennemi morbide auquel on à affaire ; pour tel malade elle sera d’une demi - heure et plus, pour tel autre elle ne sera que de cinq minutes et moins. El faut en dire autant du nombre de bains à prendre dans un temps donné : tous les malades indistinctement se baignent deux fois par jour ; en agissant ainsi. ils calculent que s'ils doivent prendre en tout quarante bains , il y aura économie d’en- nui , de temps et d’argent , puisqu'ils ne resteront que vingt jours au bord de la mer : cette pratique est évidemment vicieuse, bien peu rationnelle ; la condescendance du médecin qui y donne presque toujours son consentement , ou qu’on lui arrache, est blâämable. Pourrait - il tolérer qu’un malade qui devait prendre cent grains de sulfate de qui- nine en dx jours , les prit en cinq ? Non sans doute, la comparaison est exacte. Ajoutez à cela qu'il ne faut pas séparer le bain de mer de l’action médicatrice non moins efficace de l'air de la mer , de linsolation ; il faut y être soumis pendant six semaines ou deux mois pour en ressentir des effets notables. En général , pour que les bains de mer soient profitables , il faut que la fatigue et l’effet du bain que l’on a pris , soient complètement passés pour en prendre un autre ; il faut même donner des SUR LES BAINS DE MER. 143 jours de repos à la peau ; un bain par jour suffit pour produire le plus communément la médica- ton que l’on attend , deux sont souvent nuisibles ; c’est , je crois , parce que la médecine des bains de mer, au moins sur notre côte, a été abandonnée à une imitation vulgaire , à une espèce d’enseigne- ment mutuel des gens du monde , qu’on n’en ob- tient pas tous les résultats qu’elle promet. Parmi les différences que présentent les ma- lades , soumis à la médication des bains de mer, j'ai noté celles-ci : plusieurs d’entr’eux ont besoin de prendre des alimeus , ou au moins quelque li- queur stimulante peu de temps avant de se mettre à l’eau ; pour d’autres cette précaution est inutile ou même dangereuse : il n’est permis à ces derniers de se baigner que long - temps après le repas , et lorsque l'acte de la digestion est terminé. Chez certains malades , l'exercice à pied immé- diatemement après le bain et s’être séché en as- sure l'effet , il doit leur être recommandé comme faisant partie de la médication que l’on veut exer- cer ; chez d’autres , c’est le repos et quelque bois- son aromatique chaude qui leur convient. Les bans de mer sont conseillés pour assurer le succès du traitement orthopédique moderne , déjà quelques faits semblent justifier les espérances des gens de l’art , mais si l’on veut qu’elles se réa- 144 UN SGÉMOIRE Bsent complètement , il faut que les buns de mer soient pris avec des précautions spéciales que la médecine seale peut calculer et indiquer , elles ne doivent pas être absoïument les mêmes pour tous les genres de déviation. Il ne faut pas ignorer non plus qu'il est des circonstances morbides , et elles sont assez com- munes chez les sujets sanguins , chez les hémor- rhoïdaires | chez ceux d’une constitution hémor- rhagique , dans lesquels vous n’obtiendrez de succès des bains de mer qu'autant que vous ferez prévéder ces derniers d'émissions sanguines capil- lures et veineuses répétées. Enfin les enfans , les adultes , les vieillards cet les femmes doivent prendre les bains de mer avec des précautions particulières à leur âge, à leur sexe , à leurs idiosynchrasies. [t ést reconnu que les sujets très-maigres ou très-gras ; que les vieil- lards, ne peuvent rester aussi long - temps dans Peau que ceux qui sont dans la vigueur de Pige, et qui ont un embonpoint ordinaire. -. Les enfans du prenner âge qu’on ne peut pas toujoars sans danger baigner dans a mer , se trou- vent fort bien de lotions d’eau de mer faites ra- pidément sur le corps avec une éponge douce. Il faut quelquefois que les premières soient faites avec de l’eau dégourdie ou chauffée au soleil | et SUR LES BAINS DE MER. 145 qu’on en vienne insensiblement à mwuser que de Peau froide. # Que l’on ne dise pas que ces distinctions sont syslématiques : elles sont exactes , elles sont fo1- dées sur observation et toutes plus ou moins n- portantes. J’a vu un enfant de quatre ans qui avait la Lète couverte de croûtes muqueuses , qu'on nomme vulgairement la gourme , périr d’une in- flammation des meninges avec épanchement , à la suite de plongeons qu'on avait eu la témérité de lui fure prendre , pour remédier à une faiblesse des membres inférieurs ; les bains de mer étaient sans doute bien indiqués , ils avaient été conseil- lés par un médecin célèbre , mais la manière dont on les a adminisirés a été mortelle , 1l fallait ga- rantir la tête du contact de Peau froide et mieux encore remettre l'usage des bains à un temps plus opportun. Jai donné des soins à un homme âgé qui éprouva une défaillance fort longue et foit inquiétante , pour être resté quelques minutes de trop dans l’eau ; je pourrais mulüplier les exem- ples , mais Jen ai dit assez, ce me semble , pour établir comme vérité fondamentale , que toutes ces différences individuelles , que toutes ces nuances morbides ne peuvent être saisies.et appréciées que par un observateur attentif. C’est parce que Pétat des malades n’est: pas 146 MÉMOIRE exactement constaté en arrivant aux bains de mer , que les résultats de cette médication sont en ap- parence , si contradictoires. Il faut observer encore qu'il s'écoule souvent un temps assez considérable entre le conseil donné par le médecin étranger et lépoque où 1l est suivi ; la position morbide a pu changer dans cet intervalle , et la même opportunité ne plus exister. On croit trop généralement avoir donné une instruction suffisante à un malade , lorsqu'on lui a appris que les bains de mer se prennent depuis le mois de juin jusqu'au mois de sep- tembre inclusivément ; qu'il faut suivre les marées; que Cest lorsque la mer commence à se retirer qu'il convient de se baigner ; mais 1l W'y a pas un pécheur , une baïgneuse , qui ne sachent qu'il est plus commode de prendre son bain à cin- quante pas de sa demeure ; que de parcourir un quart de lieue sur un terrain inégal et rocailleux , pour aller la chercher , lorsqu'elle est à la fin de son reflux ; les vagues sont d’ailleurs moins fortes lorsque la mer se retire , que lorsqu'elle monte ; lorsqu'elle bat son plein , elle occupe un banc de sable fort uni , très-ferme et exempt de galet , sur lequel les baigneurs peuvent circuler , marcher commé sur un parquet en prenant leur bain. Il SUR LES BAINS DE MER. 147 n’ést personne qui ne sache qu'il ne faut se baï- #mer que lorsque le soleil a été assez de temps sur l'horizon pour échauffer Patmosphère , et que quelque temps après être sorti du lit , être éveillé et avoir pris l'air. Tout écart de régime, tout excès de nuit et d'exercice du corps, excluent sans exception l'usage du bain. Il faut que l'organisme jouisse de toute sa force , que les fonctions soient en pleine activité pour bien le supporter. Autant que cela est possible , il vaut mieux commencer l'usage des bains par un temps chaud et sec, que par un temps froid et humide, Presque toutes les personnes qui prennent les bains de mer , particulièrement les femmes , pour éviter que leurs cheveux ne soient mouillés , s’enveloppent la tête d’une coïfle de taffetas gom- mé ; ce vêtement place cette région dans une température élevée qui contraste avec celle du reste du corps; cela n’est pas sans inconvénient : je préfère que la chevelure soit mouillée et qu’elle soit seulement retenue par un serre-tête de fla- nelle ou un réseau de crin ; sur ce point , les malades auxquels j'ai donné des soins n’ont pas toujours obtempéré à mes avis, tant l’empire de l'usage , ou plutôt de la mode , a de force dans les choses même qui sont du ressort de la santé. 148 -MÉMOIRE Il est des individus qui attachent une grande importance à se faire immerger la téte avant d'entrer dans la mer; cétte pratique na paru au moins inutile; surtout pour celles qui, sans crainte et sans hésitation , se mettent prompte- ment à l'eau et s’immergent tout le corps. est un accident que je nai trouvé relaté nulle part, et qui contrarie souvent l’usage du bain de mer, et force de le suspendre. Je veux parler d’une irritation alvine que les étrangers plus que les autres, éprouvent fréquemment à un haut dégré ; cet accident les inquiètent , ils l'attribuent, tantôt à Pair de la mer et au bain de mer, qu'ils croient ne pas leur convenir, tanlôt-aux vases de cuisine qu'ils soupconnent ne pas être bien tenus ; plusieurs se crcient em- poisonnés. La vérité est qu'il ne dépend d’au- _cunes de ces causes, mais bien uniquement de l'eau dont on fait usage pour la table ; la né- aligence et la paresse vont la puiser dans des sources trop voisines de la mer, et qui sont saumâtres à l’excès : le remède à cette irritation intestinale est facile à trouver ; il faut se procurer de l'eau potable : c’est pour éviter toute erreur à cet égard que je conseille aux gens riches d'adopter pour boisson l’eau de Seltz douce , fac- uce, teinte de vin rouge. PR PR PT. SUR LES BAINS DE MER. 149 Toutes ces précautions que je viens de passer en revue sont bonnes à savoir et à observer ; mais sont pour la plupart tellement ‘connues , que ce n’est pas sur elles que doivent se porter principalement l'attention et les conseils du mé- decin : celles qui se rattachent spécialement à l’état morbide sont d’un tout autre intérêt, Telles sont les censidËrations générales dont Jai cru d’abord: faire précéder. les observations particulières que. je dois pubher dans la suite : elles suffisent je crois déjà pour vous donner cette conviction, que l’usage des bains de mer , comme celui de tous les moyens thérapeutiques ; hé- voïques ; ne doit pas être abandonné à la routine aveugle, ennemie de tous progrès dans les sciences, et qu'il doit être chrigé par le médecin. Cette vérité deviendra plus évidente encore , à mesure que j'entrerai dans le détail des obser- vations. cliniques , qui auront pour résultat de faire connaître les affections morbides , dans les- quelles leur administration est eflicace ou nui- sible. J’y joindrai aussi quelques faits relaufs à Varenation.… Avant d’en venir là, rappelons en peu de mots ce qui se passe chez un individu bien constitué , bien portant, qui, du milieu des terres , arrive au bord de. la mer ; c’est un point de départ 150 MÉMOIRE qui nous servira peut-être pour expliquer le mode d'action de cette influence sur certaines maladies. Lorsqu'un individu bien constitué , bien por- tant arrive au bord de la mer , toutes ses fonc- tions s’activent , sa respiration est plus fréquente , plus grande , plus complète ; il semble qu’à cha- que inspiration l'air pénètre jusque dans les der- mères cellules pulmonaires ; cet effet est surtout sensible si cet individu a des habitudes séden- taires , sil mène la vie de cabinet (1) ; les mou- vemens du cœur sont également plus rapides , le visage se colore , la peau s’échauffe, l'appétit de- vient plus impérieux, la digestion plus prompte,le besoin de prendre des alimens qui sustentent , des boissons qui désaltèrent , se renouvelle fréquem- ment , et le sommeil est agité au moins les pre- miers jours ; cetindividu éprouve enfin un surcroît de force et d’activité dont il a la conscience ; le soir il est fatigué , il a besoin de repos et de se mettre au ht de bonne heure. Voilà ce qui n’engage souvent à ne conseiller aux malades , surtout aux femmes qui sont irri- tables , de ne commencer l'usage des bains que trois ou quatre jours après être établis au bord (1) Un avocat très-célèbre de Paris me disait en ambulant sur lerivage, que l’air vital qu’il respirait le pénétrait jusqu'aux os. SUR LES BAINS DE MER. 1D1I de la mer , et que cette espèce d’agitation de mouvement fébrile a diminué. Si l'individu dont je parle se met à l’eau , qu'il y entre franchement sans hésiter, ou qu'il s’y plonge , voici ce qu'il éprouve : D'abord un sai- sissement général , une espèce d’horror : le Corps paraît diminuer de volume ; le tissu de la peau se resserre , le visage pälit , les fluides semblent quitter la périférie du corps , pour se porter vers Pintérieur , un sentiment de constriction plus ou moins fort se fait ressentir à la région précordiale ; le pouls devient précipité, la respiration est courte, saccadée , il y a oppression, cet état de gène n’est qu'instantané , bientôt un mouvement des fluides du centre à la circonférence a lieu , ’équi- libre se rétablit et tout mal - aise disparaît (1). Si le bain se prolonge beaucoup au-delà de la mesure que lindividu peut supporter , un nou- veau sentiment de froid profond , avec grelot- tement , avec claquement de dents, un mal-aise différent du premier , surviennent , le pouls et la respiration se ralentissent , les lèvres pälissent , (1) L’habitude au reste diminue considérablement les effets du bain de mer que je viens d’exposer, ils sont presque insensibles chez les baigneurs qui , comme chacun a pu le remarquer , se mettent à l’eau à toutes les époques et à tous les instans du jour. 152 MÉMOIRE deviennent violettes, et la défaillance ne man- querait pas de survenir, si la sortie du bain ne la prévenait promptement; dans aucun cas ; on ne doit pour en venirdà, attendre cet averlis- sement. | Mais sile bain de mer n’est pris que, daus une mesure convenable, et proportionnée à l’état phisiologique du sujet ; voilà alors ce que ce.der- nier éprouve à sa sorlie, de l’eau : d’abord: une nouvelle sensauon de froid que n'indique point le thermomètre , elle est due au, changement de milieu , elle est en rapport non seulement avec la suscephbilité nerveuse, mas encore avec la température atmosphérique et l'agitation plus ou moins grande de l'air qui, renouvelant ses sur- faces rapidement , soustrait au corps lhumidité qui le couvre, et une grande quantilé de calo- rique à la fois. À cet efiet ilen succéde.un tout opposé ; lorsque l'individu est rentré ; qu'il s’est séché , qu'il a changé de vétemens ; sa peau de- vient universellement chaude, elle est plus épaisse, plus dense qu'avant le bain ; elle est rude , tu- berculeuse au Loucher , ses papilles sont saillantes, elle est rouge et présente par fois des plaques sillantes analogues à celles de léruption uru- caire ; elle est aussi le siège d’ane démengeauson plus ou moins forte , ces derniers phénomènes SUR LES BAINS DE MER. 153 se font surtout remarquer chez ceux dont le syslème capillaire cutané est très-développé ; toutefois cette sorte de fluxion cutanée diminue graduellement , et cesse entièrement dans l’espace de une à deux heures ; c'est alors que le bon effet du bain se manifeste , par un certain hien- être ; par une force , par une agilité musculaire , qui n'existaient pas auparavant (1). La rigidité des membres, qui suit immédia- tement le bain , disparaît promptement par l’exer- cice à pied ; une douleur frontale en est aussi un effet assez ordinaire : cette douleur est fugace , elle cesse à Pinstant par des lotions d’eau chaude sur les pieds et les jambes ; elle n’est pas une raison pour proscrire ou suspendre les bains. À quoi maintenant devons-nous attribuer les effets des bains de mer et de l'air de la mer : est-ce aux particules salines , aux émarations des plantes marines dont cet-air est dit-on chargé ? est-ce à lagitation continuelle de Patmosphère maritime , qui fat que les couches supérieures étant mélangées avec les inférieures , Vair est plus pur , plus respirable qu’au milieu des terres, que (1) La faculté de se réchauffer, promptement.est un indice qui doit faire bien avgurer de l’asage des bains: cette observa- tion a été faite il y a bong-temps. Il 154 MÉMOIRE sa température.est plus umiforme (1) ? est-ce à linsolation.…. ? Cest probablement à toutes ces causes réunies ; je mai point de documens pour analyser leur influence , et je suis obligé de faire le même aveu , relativement au bain de mer : sans doute ; c’est à sa température qui varie dans, la saison des bains de 10 à 15° sur le rivage, échauffé par le soleil dans l'intervalle des ma- rées ; sans doute c’est à la densité , c’est à la per- cussion de Peau , aux sels qu’elle contient , à la matière animale qu’elle récelle , et peut-être au principe découvert récemment par M. Basard, et qu'il a nommé le Brôme , qu'il faut rapporter ces effets ; mais faire la part de chacun de ces agens physiques et chimiques , c'est ce que l’état actuel de nos connaissances ne me permet pas d’entreprendre,ce qui d’ailleurs n’est pas essentiel à mon objet qui est tout pratique. Dans la seconde partie de ce mémoire , j’exa- minerai successivement les maladies chroniques des appareils sensitif et locomoteur, celles des organes de la respiration et de la circulation, celles des organes de la digestion et de la re- production , qui admettent ou repoussent la mé- dication de l’air de la mer et des bains de mer. (1) I fait en général moins froid et moins chaud , toutes choses égales d’ailleurs , sur le bord de la mer qu’au milieu des terres. AA PNA AA AA AA AS AVE AAA AAA AAA LA APS 3 AA VAE AA AT AR MÉMOIRE SUR LES OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES ET TOPOGRAPHIQUES DU DÉPARTEMENT DU GALVADOS. Par M. SIMON, GÉOMÈTRE EN CHEF DU CADASTRE. Msssreurs , Lorsques janvier dermier j’eus l'honneur de vons faire part des opérations géodésiques que j'avais commencées ; je vous donnai l'espoir que je les continueras pendant l'été survant ; mais des cir- constances imprévues et des raisons de service ne m'ont pas permis de réaliser ce projet. Je viens vous rendre compte seulement de mes premiers résultats et vous donner une idée générale de l’ensemble des opérations topogra- phiques dont je m'occupe sous les auspices , et avec les puissans encouragemens de M. le comte de Montlivault. 126 OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES L'an dernier , j'ai mesuré avec le plus grand soin deux lignes fort importantes. La première commence au point culminant de la butte de St.-Agnan , sur le bord septentrional du chemin vicinal de ce village à la grande route , et se temine dans le chemin aux bœufs qui forme la démarcation des territoires de Caen et de Cor- melles. La direction de cette ligne est du sud-est zu nord-ouest ; ses extrémités sont fixées par deux signaux en maçonnerie, dont lun, celui de la butte de Saint-Agnan , a g" 55 de hauteur ; sur 5m 38 de base, et l’autre 6" 66 de hauteur , sur 2m 55 de base. Cette ligre a été conclue d’une parallèle me- surée immédiatement sur la grande route de C:ea à Falaise , à l’est de laquelle je lai ensuite fixée, à deux cents mètres environ dans les terres. La seconde ligne, qui n’est qu'auxiliare , est située sur le petit cours , joignant la demi lune de Sainte-Paix et la route de Caen à Harcourt, Le point de départ est fixé par une borne sur le bord oriental de cette route, et le point d’ar- rivée est vis-à-vis la borne en granit que la ville a fait placer aux limites de son territoire , sur la route de Caen à Varaville. Les deux lignes ci-dessus ont élé mesurées deux fois en sens contraire, ET TOPOGRAPHIQUES. 157 Pour vous mettre à portée , Messieurs ; de ju- _ger de la précision des résultats que j'ai obtenus, je vais les’comparer à ceux que M. Coueflin , ca- Pitaine au Corps royal des Ingénieurs-géographes du dépôt de la guerre , associé correspondant de l’Académie | vous a transmis concernant la base qu’il a mesurée dans le département du Var. La différence qu’il a trouvée entre ses deux mesures, est de 0», 0640 sur 1734", 44ar. La première mesure de ma base auxiliaire s’est trouvée de 2590°,0458. Et la seconde , de 2500%,1451. Somme. 5180",1919. Moyenne provisoire. 2590%,0959. Excès du second résultat sur le 12° 0*,0945 , au lieu de 6” ,0956 que donne la proportion établie par la base du Var ; en faveur du Calvados, 0°,0015. La longueur de la base principale s’est trouvée la première fois de 9773",6544. Et la seconde fois de 9773",1583. : Somme. 19,546",8127. Moyenne provisoire. 9773",4063,5. Excès du rer résultat sur le second , 0,496: , ou sensiblement un demi-mètre, LL 158 OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES Cette différence , je l'avoue , est énorme , quoi- que dans cette longueur de plus de deux lieues et demie de poste , j'aie eu cinq rampes ou côtes assez rapides à mesurer tant en montant qu’en des- cendant , à l'aide du fil-à - plomb ; dont l'emploi nuit toujours à l'exactitude, quelques précautions que lon prenne. Le dernier résultat excède de 0",1355 ( envi- ron cinq pouces } la proportion donnée par la base du Var. Je fais observer que les longueurs moyennes ci - dessus ne sont que provisoires , attendu que les résultats dont elles sont déduites n’ont encore subi aucunes des réductions et corrections d'usage, parce qu'il manque quelques élémens que je ne pourrai obtenir que Pété prochaun. Mais si, contre mon attente , ces corrections n'établissaient pas la différence des résultats ob- tenus pour la grande base , au-dessous de l2 duffé- rence trouvée entre les deux mesures de la base du Var, proportion gardée , je uhésiterais. pas à faire une nouvelle opération pour prendre la moyenne des trois résultats. Les deux lignes dont il s’agit ont été mesurées avec deux règles de cinq mètres de longueur , à la température de 159 au - dessus du zéro. Ces ins- umens ont été exécutés par Le Noir , lun des motte nt at à GS D GS Se S nn es ET TOPOGRAPHIQUES 199 plus habiles artistes de la capitale ; qui les a en- suite étalonnés avec le plus grand soin en présence de M. Daussy , ingémeur - hydrographe du dépôt général de la marme. | Tous les détails de la mesure des deux bases géodésiques du Calvados , sont consignés sur deux registres tenus par deux observateurs qui ne se communiquaient réciproquement leurs cotes qu’a- près les avoir écrites. * Lan prochain , je ferai la descriplion des règles dont je me suis servi et de leurs accessoires , et J'y joindrai les planches et dessins nécessaires ; mais aujourd’hui le temps me manque,tant pour celte description que pour la gravures des plan- ches. Les deux lignes précitées , qui se coupent sous un très-bon angle , se prêtent un mutuel secours pour la détermination de leurs prolongements : celui de la grande qui s’étend du signal du che- min aux bœufs , au mur méridional du jardin du moulin auRoi , en laissant ce moulin un peu à gauche , est de 3557 m, 6. Le prolongement de la petite base s'étend de la borne de granite sus-men- tionnée , au coteau de Clopée , et sa longüeur'est de 1534", 4. Ces deux bases serviront de fondement à ma triangulation du second ordre qui couvrira la sur- 160 OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES face du département. Les extrémités de la chaîne seront fixées , à l'Est par Quillebœuf et à l'Ouest par Carentan. Sa dimension logitudinale sera par conséquent d'environ 140 mille mètres entre ces deux points qui sont hors.le Calvados. Si l'on considère , la carte à la main , la position de la grande route de Caen à Falaise , relativement à ces points extrêmes ; on ne peut s'empêcher de recoanaître qu'il était impossible. de trouver un emplacement plus convenable , sous tous les rap- ports, pour l'établissement et la mesure d’une base géodésique. En effet, Messieurs , cette route qui se dirige. du Sud - Ouest au Nord-Ouest se trouve , à très- peu près , au milieu de la hstance de Quillebœuf à Carentan , laquelle est d'environ 35 lieues. D'où il suit que la chaîne.de triangles sera na- turellement divisée en deux parties égales par la base principale ,,ce qui sera une garantie de plus de l'exactitude de l’ensemble du réseau ; car moins on s'éloigne de la base ; et plus il y a de. précision, D'un autre côté , je n'aurais pu trouver nulle part , dans le Calvados , une direction aussi par - faite sur une distance de plus de deux lieues et demie , sur un terrain aussi généralement plane , aussi facile à mesurer. Si la route dont il s’agit présente dans sa pente générale de la butte de ET TOPOGRAPHIQUES. 16€ Saint - Agnan à Caen , quelques inflexions assez fortes , mais qui n’excèderont pas le dixième de la longueur totale , je dois convenir que le surplus m'a présenté tous les avantages désirables. Indépendamment de la triangulation du second ordre , j'en ferai une du troisième ordre pour fa- ciliter et assurer le rattachement des plans cad:s- traux entr'eux. De la liaison de ces élémens résulteront des cartes générales de canton , à l'échelle d’un pour 30,000. Elles seront au nombre de 57 et présen- teront tous les détails topographiques que pourra comporter leur échelle qui est presque triple de celle de la carte de Cassini. Ces plans catonnaux seront ensuite réduits au soixante-dix milième, pour former six cartes d’ar- rondissemens. Celles-ci , a leur tour , seront réduites au cent- cinquante millième , Pour former la carte générale du département. Tel est , Messieurs ; l’ensemble de l’œuvre to- pographique que M. le Conseiller d'Etat , préfet, avec l’assentiment du Conseil général., n’a prescrit d'exécuter en suivant les progrès des opérations cadastrales dont elle est le complément , mais aux- quelles son achèvement est subordonné. Ces 44 cartes générales , chacune du format 162 OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES ame ES oies Grand aigle , seront appropriées à tous les services publics et formeront l’atlas topographique du dé- partement. Elles pourront être mises dans le com- merce , car je suis autorisé à les faire graver ou li- thographier. Jamais travail aussi important en ce genre , ni aussi complet n’a énéore été fait pour aucun dé- partement.Quelques-uns ont bien entrepris l’exé- ention de leurs'cärtes cantonnales , mais le Calva- dos sera le premier dont les élémens cadastraux auront éte liés par une triangulation. Cette opération sera rattachée aux points que les Ingénieurs géographes du depôt de la guerre ont observés, il y à quelqués années; dans le Calvados où sur les limites. Ces points'sont la tour de Bayeux ; le clocher de Bény-sur-mer , le signal daMont-Pinson sur la bruyère du Plessis-Grimoult , Saint-Martin - de- Chaulieu dans la Manche et le signal de Montabard dans l'Orne. «ii | M. le général Brossiér et M. le colonel Lapie , attachés ‘au dépôt de la guerre , mont fait , à mon dernier voyage de Paris , les offres de me com- “uniquer la distance de ces points ; mais je les ai remerciés de leur obligeance. Je considère ces distances nresurées comme des moyens de contrôle dont je souhaite qu'ils veuillent bien faire eux- ET TOPOGRAPHIQUES. 165 mêmes l'application pour ne laisser aucune incer- titude. . Mes opérations se trouveront donc ainsi véri- fiées d’avance par celles du dépôt de la guerre , et si elles ne concordaient pas dans les limites d'ave tolérance admissible , en raison de la diffé- rence des instrumens , je les recommencerais. Si j'ai été vivement contrarié de n’avoir pu donner cette année À ma triangulation , toute l'étendue que j'aurais désiré , je ne me suis pas moins occupé des cartes générales , en donnant mes soins à des travaux préparatoires qui ne Sont pas sans importance pour leur bonne exécu- tion. J’ai commencé par faire le dépouillement de la carte de Cassini , pour connaître toutes les déno- minations locales , afin de m’y conformer autant que possible , c’est-à-dire , autant que j'aurai la certitude par de bons renseignemens , qu'elles ne sont pas fautives. Il n’a paru essentiel de conser- ver , autant que je le pourrai , sur les nouvelles cartes , les dénominations de Cassini qui sont si généralement connues. Le dépouillement dont il s’agit a été fait simul- tanément par trois employés. De ce travail triple, ilest résulté 21,000 bulletins que j'ai fait compa- rer entr'eux., Ceux qui présentaient des doutes 164 OPÉRATIONS GHODÉSIQUES ont été vérifiés ; j'ai anéanti les bulletins inexacts, ainsi que ceux formant double emploi. Cet immense travail a produit environ 5,000 dénominations bien vérifiées , que j'ai fait porter sur un registre par ordre alphabétique , avec Pin- dication dé la région Nord-Est , Sud-Ouest, dans laquelle chaque objet se trouve, relativement au clocher le plus voisin. De sorte que ce registre est un dictionnaire Lopographique très-commode, pour trouver sur la carte de Cassini avec la plus grande promptitude , la position d’un objet quel- conque, Indépendamment de l'opération ci-dessus , j'ai fait revisér , compléter et accidenter sur le terrain même , les tableaux d’assemblage des communes cadastrées, Ce travail est déjà fait pour 420 , for- mant 16 cantons. Il sera continué sans interrup- ion pour Les autres, lu Chaque tableau d'assemblage présente , à l’é- chelle. d’un à 10,000 ; l’ensemble du territoire de la commune , plus la position exacte des ha- meaux , fermes et autres habitations isolées ; des usines , carrières , forêts, bois , marais, étangs ) bruyères , etc. , de quelqu'importance ; la confi- guration géométrique des rivières , ruisseaux et autres cours d’eau ; des routes royales , départe- mentales ; des chemins vicinaux etautres , même sbcbe-scs sf ET TOPOGRAPHIQUES. 165 des sentiers ; la position précise des ponts , bacs et planches ; les ramifications des chaînes de mon- tagnes et collines suivies dans toutes leurs sinuo- sités etinflexions , la situation des anciens camps, des voies romaines et autres objets d’antiquité. Dire que ces tableaux d'assemblage , ainsi préa- lablement complétés , serviront de base à la cons- iraction des cartes générales , c’est faire connaître d'avance de quel intérêt elles seront pour le dé- partement et pour toutes les administrations. Sans doute , Messieurs , la carte de Cassini est et sera toujours un chef-d'œuvre pour Pépoque où elle a été faite. Long - temps encore elle fera ’admiration des savans ; mais que de choses re laisse-t-elle pas à désirer maintenant , abstraction faile des erreurs graves que l’on y remarque, mais qui ne peuvent être attribuées qu'aux colla- borateurs de ce grand astronôme | Depuis un siècle que cette carte est faite , que de métamorphoses la surface du sol n'a-t-elle pas éprouvées par les défrichemens , plantations , dé- moltions , reconstructiôns , desséchemens , tracés des routes et chemins , par la suppression ou le redressement de beaucoup d’autres voies pu- bliques , par les changemens dus à l’action de la mer , etc. , etc. La circonscription des territoires commanaux F 166 OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES si nécessaire à connaître ; n’était point indiquée sur la carte de Cassini. La pelitesse de échelle et lénormité de la dépense qu'il eût fallu faire alors, ne permirent pas de donner cette impor- tante indication ; on la trouvera sur les cartes can- tonnales. Avant l’arrivée de M. le comte de Montlivault, le Calvados comptait 903 communes. Maintenant il n’en a plus que 841 , 62 ayant été supprimées par ordonnances royales. C’est encore une amé- lioration et pour l'administration dont les rouages se trouvent simplifiés et ‘pour la topographie ; puisque les territoires se trouvant agrandis ; se- ront plus faciles à exprimer à l'échelle de 1 à 50,000. Les cartes cantonnales précéderont celles d’ar- rondissemens. Voici les époques présumées aux- quelles ces dernières seront faites. Falaise en 1830. Pont-lEvèque en 1531. Bayeux en 1832. Vire en 18353. Lisieux en 18354. Caen en 1835. La carte générale du départementsera terminée aussi en 1835. ET TOPOGRAPHIQUES. 167 Les époques «i-dessus résultent de celles fixées par le sort pour l'exécution des plans cadastraux. Toutefois, Messieurs, il est probable , en raison de la ferme volonté de M. le Préfet et du conseil général ; d'accélérer par tous les moyens pos- sibles l'achèvement du cadastre , que les çartes générales seront terminées vers la fin de 1854. Cette espérance est d’autant plus fondée que M. le Préfet , dont la sollicitude pour tout ce qui intéresse le département est bien connue de ses administrés , a l'intention depuis long - temps de faire la statistique générale du Calvados. Déjà il en rassemble les matériaux , et il n'attend , pour les mettre en œuvre , que l'achèvement du ca- dastre, pour y puiser des renseignemens pré- cieux , et l'entière exécution des plans canton- naux , afin d’avoir une carte générale qui soit en harmonie avec l’état actuel des localités et le texte de la statistique à Jaquelle elle sera annexée. Ce qui n'aurait point lieu si les descriptions étaient faites d’après ce qui existe aujourd’hui , et que la carte jointe à la statistique fût une copie réduite de celle de Cassini qui est la meilleure. Souvent on trouverait une bruyère où l’on chercherait un bois , une terre cultivée pour un étang , une plaine pour une montagne , etc. C’est l'inconvénient que l’on remarque dans les statistiques des Deux - Se- 168 OPÉRATIONS GÉODÉSIQUES ET TOPOG. vres , de l'Aisne et d’autres départemens , si juste- ment estimés d’ailleurs. Dans la suite , Messieurs , j'aurai l'attention de vous faire connaître les progrès des opérations géodésiques et topographiques de ce départe- ment, AAA LV UE UV" 4/8 VAR LAS AA LAS VA LA VE LAS VAR LA RU RAR LAS LAVE QUELQUES IDÉES SUR LA CULTURE DE LA MUSIQUE À CAEN; MÉMOIRE LU À L'ACADÉMIE DE CAEN LE 10 NOVEMBRE 1826. Par M. J. SPENCER SMITH. Da veniam scriptis quorum non gloria nabis Causa sed utilitas officiumque fuit. EL est incontestable qu’une direction constante et universelle , qui entraîne les esprits vers les objets d'utilité générale , forme l’un des principaux traits du caractère de notre siècle. Ïl n’est pas moins vrai que l'institution des asso- cratious savantes et litiéraires est une des princi- pales causes des progrès qu'ont fait toutes les con= naissances humaines. Sans sorur de son enceinte , une société acadé- mique trouve dans son propre sein des savans, des érudits, des amateurs de tousles genres, qu’on peut consulier à volonté et qui , pour Pordinaire , ne font pas acheter leurs réponses : 11 ne faut , pour les obtenir, empios er m velles, niirayaux 12 170 4 > SUR LA CULTURE soutenus , ni recherches opiniâtres , ni lectures rebutantes. Ce qu’on demande sans prétention est donné sans amour propre ; la réciprocité des be- soins amène la complaisance et l’affabilité ; en s’ins- truisant les uns les autres , on nourrit une bienveil- lance mutuelle et constante entre tous (1). C’est ainsi que dans ces réunions l’homme ac- quiert de nouvelles forces , soit pour entrepren- dre , soit pour diriger , soit pour poursuivre de longues ou difficiles recherches ; tandis que la publicité donnée à ces travaux répand les décou- vertes , éguillonne le talent et constitue en un seul et même corps de société tous les amis des arts , des sciences et des lettres (2). C’est dans ce noble but qu’on a vu successive- ment s'élever danses murs de Caen , à la suite de sa vénérable université , une académie des sciences, une société d'agriculture , une société de médecine , une société littéraire d’émulation , une société des Antiquaires , et une société Linnéenne d'histoire naturelle : on y voit aussi une institu- tion de sourds-muets , des écoles de navigation et d'astronomie ,de beaux-arts,d’équitation ; enfin on ytrouve tous les moyens d'instruction : la musique (1) Société des lettres , ete. , de Metz (2) Re. encycl. DE LA MUSIQUE: TE seule est oubliée. Les neuf sœurs ont leur culte sur ce Parnasse de la docte Normandie , excepté Polymnie et Euterpe. Pourquoi seraient - elles seules négligées ? N’est-1l pas temps que ces deux muses y retrouvent leurs places avec le culte qui leur est dû ? (1) Les villes de Lille, Cambray , Lyon , Mont- pellier et Toulouse , ont déjà leurs écoles de mu- sique, à l'instar des fameux conservatoires d'Italie. Il nous semble que la ville de Caen réclame un établissement semblable. Nous savons que des personnes également respectables par leur posi- tion dans la société et par leurs lumières , ont de- puis plusieurs mois pressenti le goùt du public à cet égard,parun premier plan d’association : nous- mêmes avons eu l'honneur d’être appelés à y con- courir. Ge projet a éprouvé malheureusement des rétards dans l'exécution , qui équivalent à un (1) Depuis que ce mémoire a reçu un premier degré de pu- blicité par les deux lectures académiques indiquées dans le titre , on a montré à l’auteur un petit ouvrage fort intéressant , où cette idée se trouve exprimée d’une manière qui ne pourra que faire plaisir au lecteur. — « À Dieu ne plaise que j’entre- « prenne de dépriser aucun des dons précieux qui charment « l’existence de l’homme ; mais les muses sont sœurs , et je de- a mande seulement qu’on ne reconnaisse point d’aînte entre « celle qui conduisit le pinceau de Raphael, et celle qui ins- a pira Pergolèse, » ( Histoire de la musique par Mn. + de Bawr, in- 12, Paris , 1823. 172 SUR LA CULTURE ajournement indéfini. C’est pourquoi , pénétrés- comme nous le sommes , des mêmes sentimens qui ont animé les protecteurs du plan , et désirant ce le voir se réaliser , nous avons , pour donner plus de publicité aux motifs de notre coopération ; ré- solu de reproduire i ici les considérations académi- ques sur lesquelles ce projet peut s’appuyer. Par là nous avons quelque espoir de le faire revivre , el: Jui assurer Passentiment , l'approba- bation , et même le secours d’un RE nombre d'hommes distingués de ce pays ; sans lesquels on ne peut compter sur le succès d’une entreprise de genre. Notre pensée principale est que , pour faire réussir ici l’enseignement publié de’ la musique comme art , il faut le faire dévancer par une ins- titution vouée à son étude et à sa culture comme science ; enfin par la formation d’une nouvelle société pareille à celles que nous avons fait con- naître dans le commencement de ce ‘discours. Comme les travaux de cette sociélé que nous pou- vons qualifier ronde exigent moins de connais- sances spéciales qu’un zèle actif pour le progre ès des arts en général , on appellerait à les partager non seulement les amateurs et les artistes recon- _nus de cette ville , mais encore tous les gens de goût à quelque ville ou à quelque pays qu'ils ap- LA DE LA MUSIQUE. 179 “parliennent : ceux qui aiment les arts sont con- ‘citoyens , les honnêtes gens qui pensent ont à peu près les mêmes principes et ne composent qu’ane république. Enfin on recherchaitla coopé- ration de tous ceux qui, nimporte le genre de leurs occupations , croient que l'étude théorique , ainsi que l'exercice pratique de la musique, peuvent offrir lutile réuni à Pagréable ; et par conséquent qu’elles méritent d’être encouragées. Aux détracteurs de cet art ( car même la douce harmonie a ses détracteurs ) on peut ré- pondre en citant les exemples suivans : Dès le temps fabuleux il y eut à la fois en Grèce de la musique aussi bien que de la poésie, revêtues toutes deux d’un caractère presque sacré. C'était le privilége de Lixus et d'OrPnfée, ou des associés à leur institut mystique , de com- poser les hymnes , la musique et les danses des fêtes religieuses ; de même que d'enseigner les vertus des plantes , le’ langage des oiseaux , les pronostics à tirer des phénomènes célestes et les pratiques mystérieuses de la Thérapeatique. L'histoire est d'accord en ce point avec la fable : et si l’une:nous.a,fait voir dans sa fiction sé- duisante Orpynée entraînant les forêts, et AmPH1oN fondant des, villes , aux sons mélodieux de leurs Iyres ; l’autre dans son miroir fidèle nous montre 174 SUR LA: CULTURE les plus sages législateurs accréditant leurs maxi- mes au moyen de ce prestige enchanteur. Au milieu des recherches de la science les œuvres de l'imagination ne dépérirent pas : Pythagore rédigea la morale en vers dorés , et Platon méla dans ses dialogues aux formes de la dialectique , des vers qui devinrent à la fois didactiques et lyriques ; on versifia la médecine et l'astronomie ; on chanta des poëmes pleins de savoir. Cest uniquement pour ne pas négliger un exemple célèbre da pouvoir de la musique , que nous faisons mention d’un fait historique géné- ralement connu , le banquet d’Alexandre - le - Grand dans le palais du roi de Perse. Nous nous servons des paroles de l’auteur de l'Esssai sur la critique. Par les divers accens du fameux Thimothée , Admirez comme l'ame émue et transportée, Quitte et prend tout à coup:de nouveaux sentimens ; Quand il change de ton, différens mouvemens Partageant à l’envi le grand cœur d’Aiexandre : Îl s’anime , il s’irrite , il veut tout entreprendre; Implacable guerrier , faible amant tour à tour, La gloire dans son eœur combat avee l'amour . Avec transport tantôt il démande ses armes ; Et tantôt il soupire et se baigne dé larmes. DE LA MUSIQUE. . 179 Un grec sut triompher du vainqueur des persans Et le maître du monde obéit à ses chants. Quel cœur n’éprouve pas ce que peut l'harmonie, Quand avec de beaux vers sa force est réunie! (1) ( Pope : trad. de Du Resnel, 1737 ), Mais sans pousser plus loin nos recherches sur les fabuleuses merveilles qu’on attribue à la mu- sique dans les premiers âges du monde , on ne peut se dissimuler que les arts libéraux n'aient beaucoup contribué à l’adoucissement des mœurs, et à la civilisation des peuples : on ne peut re- fuser aux chantres d'alors le caractère privilégié dont ils étaient revêtus dans l'opinion publique. Quant au premier point , Ovide dit à un roi de Thrace (2) : k Ingenuas didicisse fideliter artes Emolit mores nec sinit esse feros. (1) Ce que Pope dit dansses beaux vers, du pouvoir de la mu- sique , est confirmé par les anciens, et la belle Ode sur le même sujet en 1697, pour la fète de Ste.-Gécile , sous le titre du Ban- quct d’ Alexandre, a servi pour immortaliser Dryden. (2) Ovid, de pont, ep. ix, ad Cotyn, 176 SUR LA CULTURE uant au dernier , voici le témoignage d'Ho- race : Le monde avant Atride eut des guerriers célèbres :, Mais leur nom s’est perdu dans la nuit des ténèbres, Aucun fils d’Apollon ne l'ayant publié : | La tombe les dévore; et dans son sein avide Confond Fhomme timide Et le brave oublié. ( Traduction de Daru, 1819 (1) ). Les citations classiques ne nous manquent pas pour démontrer l'importance attachée à la poésie lyrique et au chant dans toute l'antiquité. Chez les peuples du Nord la musique , ainsi que la poésie , célébrait Phéroïsme ; et-quelquefois le héros, après le combat , se délassait dans la salle des Banquets à l’improvisation des scaldes(2), (:) Vixere fortes Antë Agamemnona . Multi; sed omnes illachrymabiles Urgentur , ignotique longä Nocte , carent quia vate sacro, Paulüm sepultæ distat incrtiæ Celata virtus. ( Hor. lib 1V., Od:ix , ad Lollium. 25 et seq. ) (2) A l'instar des poëtes d’autres nations , les Scaldes compo- saient des pièces de vers dans la forme de balades où romances, pour chanter les exploits des grandes familles qui leur accor- daient leur protection , et les traits propres à intéresser et à tou- heur le peuple. « DE LA MUSIRUE. 15R7 au son de la harpe. Les mêmes mœurs et les mê- mes goûts se retrouvent dans les poésies altri- buces à Ossian. Or les guerriers venus d’Ou- tremer , contre lesquels Fingal et les autres héros calédoniens eurent à combattre, partagent ces mœurs et ces gouts , et portent en partie des noms qui laissent présumer que ces envahisseurs de l’Ecosse étaient des normands scandinaves. Le vague qui règne dans les poésies ossianiques empéche de déterminer positivement l’origine de ces guerriers. Eustache , autrement dit Ouace , auteur du Brut d'Angleterre , ou : histoire métrique de Brutus , souche fabuleuse de la nation britan- nique , parle d’un des rois primitifs nommé Gab- bet ; comme étant le plus habile musicien de son temps , qui : De tous estrumens sot maistrie, Si sot de toute chanterie ; Mot sot de lais, molt sot dé notes, ete. Le poëte spécifie ensuite six des instrumens : sur lesquels ce monarque savait jouer , dans ces vers : De vieles sot ct de rote, De harpe sot ct de chorum , 175 SUR LA CULTURE De lyre et de psalterium ; Por ce qu'il ot de chant telsens, Disaient la gent en son temps, Que il est dieux des jongliours, Et Dieux de tous les chanteours (1). En descendant à des temps plus proches, on voit le plus grand monarque du moyen âge , et que la France a vu sur le trône ; Charle- mague, ne pas dédaigner , au milieu des soins d’un empire , de s'occuper de l'amélioration du plain-chant. Ecoutez Eginhard , historien de ce réformateur impérial : « 1792 }. « Élevé dans la religion chrétienne , ce mo- narque l’honora avec une exemplaire piété. Îl bâtit à Aix-la - Chapelle une basilique d’une grande beauté... Il s’y rendait aux oflices tant que sa santé le lui permettait , veillant avec attention à ce que les cérémonies s’y fissent avec grande décence....… « Ce-prince mit le plus grand soin à réformer la manière de réciter et de chanter les psau- mes ; lui-même était fort habile à lun et à autre , quoiqu'il ne récitait jamais en public , et ne chantait qu’à voix basse et avec le gros des fidèles... (1) Burney : hist. gén. de la m,, en anglais, it. 353. ( Londres, DE LA MUSIQUE. 179 « Charles se désolait que des provinces en- « tières, les campagnes et les villes ne s’accor- « dassent pas sur la manière de louer Dieu , « c’est-à-dire de moduler le plain-chant. Il mit « donc ses soins à obtenir douze clercs habiles « dans le chant d'église, du pape Etienne (1). « Ce pontife lui envoya de sa résidence apos- « tolique douze clercs très-savans dans le plain- « chant |, en commémoration du nombre des « saints apôtres. » On voit de grands pontifes ; les Ambroise , les Grégoire , employer à la culture de la mu- sique des talens qu’ils consacraient avec un égal succès à la propagation de la morale, et à l’af- fermissement du christianisme (2). Dans l’ancien système scholastique de Europe, Parithmétique , la géométrie , la musique , l’as- (1) Le pape Etienne régna de l’an 768 à l’an 772. L'expression moyen âge employée dans la page précédente , s’applique ri- goureusement aux 977 ans depuis 476 jusqu’à 1555. (2) On est généralement d’accord en attribuant à St.-Au- gustin et à St.-Ambroise les paroles et la musique du célère cantique Te Deum. À ces noms imposans on peut ajouter ceux de deux prélats normands : Godefroy, évêque de Coutances, rebätit cette cathédrale ét! y établit une école, où il attira nôn - seulement des grimmairiens, mais il appela aussi des musiciens. Aimar, abbé de Saint- Pierre-sur-Dives , composa les vérs et la musique d’hymnés sur St.-Killian et sur Ste.- Catherine. 180 SUR LA CULTURE tronomie , la grammaire , la rhétorique et la logi- que furent nommées le cercle de sept arts libe- raux par excellence , dont les quatre premiers formaient le quadrivium ; ou la voie quadruple de la science ; les trois derniers le érivium ; on l1 voie triple de l’éloquence. Une confirmalion remarquable de la place distinguée qu'occupait la musique dans cette cathégorie ; et de son alliance avec la poésie, est présentée par le fragment qui suit d’une péroraison de Grégoire , évêque de Tours, dans le VIe. siècle. « Si, qui tu sois, notre Martin (11) La ins- « truit dans les sept sciences ; s’il La appris à « lire selon les règles grammaticales ; à rétorquer « dans la dispute des argumens de la dialectique ; « À connaître par la rhétorique la nature des « mètres ; à distinguer par la géométrie la lon: « gueur des lignes et les mesures de la terre ; «par l'astrologie à contempler le cours des as- «tres; par l’arithmétique à rassembler les di- «. verses parties des nombres ; et par harmonie « à faire-résonner , sur les modulations de la = (1) Martianus Mineus Capella , né en Afrique, peut-être à Carthage ,.et qui écrivit, versle miliea du Ve. siècle, un ou- vrage intitulé «: Satyrican, espèce d’encyclopédie, moitié en prose moitié en, vers.-Capella traite des sept sciences qu'énu- mère ici Grégoire, et quiembrassaient alors toutes les études. DE LA MUSIQUE. 181 « musique , le‘ doux accent des vers ; fusses-Lu « exercé dans tous ces arts , quelque grossier « que te paroisse notre style , je Ven supplie, « n’efface point ce'que j'ai écrit (1). » Dès le XIe, ét dansles XIIS. et XIIIE. siècles, l’art musical à été beaucoup cultivé parles trou- badours qui , pour chaque chanson, faisaieüil un air particulier. Le: talent des troubadours con- sistait également à composer et les vers et le chant (2), : Mais pour revenir à l’objet: principal de cet écrit , qui est de remettre à son véritable rang une science qu'on a rabaissée presque au niveau dan art‘histrionique , il sufit de rappeler qu'on peut voir en Angleterre une chaire de musique dans chacuné des deux universités de ce royaume. La chaire d'Oxford fut fondée en 1626 , celle de Cambridge date de 1684. Les deux professeurs ontle degré de docteur en la faculté de musique ; (1) Histoire des Francs par Grégoire de Tours, ( éd. Guizot. 1825 )}. (2) Leur musique se trouve encore dans quelques manus- crits ; et M. Raynouard en a fait graver dans le deuxième tome de sa collection; on peut voir au tome Ve,, p. 511, article de Pierre de Corbiac, un fragment sur les règles de la composition musicale de l’époque , et p. 52, article Danie ( Arnauld ) , une anecdote qui est relative à la compositiva d'un air. 162 SUK LA CULTURE ils en portent le titre avec le costume , et €n jouissent da rang dans les solennités académiques. Les antiquaires anglais ne s'accordent pas tout- à fait sur l’époque précise où de degré de doc- teur en musique fut donné pour la première fois. Wood ; autear des fastes d'Oxford, en ré- clame l'honneur pour cette université à une ép0- que aussi reculée que le règne de Henri I (1154—1189). Spelman ; autorité archéologique d’un plus grand poids , dit au contraire que le doc- torat ne fut pas connu en Angleterre avant le temps du roi Jean, c’est-à-dire vers 1207. Quoi qu'il en soit, c’est un fait prouvé pa#lhistoire d'An- gleterre que les honneurs académiques en mu- sique remontent à l'an 1463, et n'ont jamais cessé d’être conférées chez ce peuple éminem- ment attaché à ses anciennes coutumes, (13). Ainsi à plusieurs époques , en divers lieux , la musique s’est unie à la poésie pour chanter les louanges du ciel, pour rendre hommage aux grandeurs humaines ; pour, célébrer la vertu, pour augmenter la pompe des cérémonies pu- bliques , et pour contribuer aux agrémens de la (1) Burney , auteur de l'Histoire générale de la Musique , en anglais , 4 vol. in-4°. ( Lond. 1789), était docteur en musique , et son portrait dans le costume de ce grade sert de frontispice à cet ouvrage. DE LA MUSIQUE. 183 société. Elle conserve à peu près ces divers at- tributs ; et c’est sous ce point de vue que nous allons maintenant l’envisager. Sans doute les louanges qu’on adresse à la di- vinité réclament avant tout la simplicité du cœur , et la sincérité des intentions ; mais les sens ont aussi leur culte dansles rites chrétiens , et malheur à ceux dont la magnificence des saintes solen- nités laisserait les sens glacés et l'esprit froid ! Si l’art aime à déployer son luxe dans ces ba- siliques où la religion réunit les hommes pieux , n'est-il pas convenable de ne faire retentir les voûtes sacrées que d’accens dignes par leur har- monie de la sublimilé de leur sujet! Qu’on ne s’avise pas de rejetter comme minutieuse$ des réflexions qui ont déjà frappé le législateur de la seconde race de la monarchie française , du- quel nous avons déjà signalé le vœu de ramener le plain-chant à sa pureté primitive. Quoique ce vœu nait été rempli qu’en Allemagne, où les instituteurs de la jeunesse sont tenus de donner des notions de musique en même-temps qu'is enseignent les rudimens des autres études usuelles, cependant cet objet se trouvait jusqu'a un cer- tain degré réalisé en-decà da Rhin par ces mai- trises dans les cathédrales , où les enfans de chœur apprenaient à chanter dignement les hym- 184 SUR LA CULTURE nes de l’église , et où se sont formés plusieurs de ces compositeurs et artistes distingués que la France à possédés (1); et même quelques - uns de ceux qu’elle possède encore dans différens genres. Quoique ces moyens ne fussent que partiels à là vérité , ils furent utiles ; le vide laissé dans l’instruction musicale par la suppres- sion de ces institutions en 1789 , est immense ; et si l’on différait davantage de les rétablir , il ue serait plus temps de remplir cette lacune , et par là de conserver une tradition précieuse. La morale privée est elle-même intéressée (1) I suffit de nommer MM. Lesueur et Chorün. Le premier est sorti d’uneldes maîtrises des bords de la Loire. Quant au second , voici ce qu’en dit la Bibliographie des hommes vivans ; elc., par une société de savans, t. ii, 1817: Choron { Alexandre-Etienne ), l’un des directeurs de l'Opéra, el membre de, la commission d'examen des pièces; est né à Caen, vers 1772. 11 passa du collége de Juilly à l’école poly- technique. On a de lui : 1°. Tableau analytique et fondamental du système grammatical , utile aux instituteurs , in-ful, ; 2°. Mé- thode facile pour apprendre à lire et à écrire en peu de temps, 180% ,in-12, avec un volume de modéle d'écriture ,in-4°. , 1805, in-12, 5e, édit, ; 1805, in-12. ; 5°. principes de composition dés écüles d'Italie, par M. Sala , traduits et augmentés par Choron et Martini, 1806, in.8e, ; 4°, Collection de romances, chansons et poésies mises en musique , 1806 ,in-8e.; 50, ( avec M. Fayale:) , Dictionnaire historique des musiciens,artistes cu amateurs, morts Où vivans, 1810 —n812, 2 vol. in-8°. ; 6°, Bibliothèque encyclo- pédique de musiqne, 1814, in-8°, ; ro, Méthode élémentaire de composition, Trad, de l'allemand , 1814, 2 vol, in-8°, DE LA MUSIQUE. 159 au rétablissement de la musique dans la caté- gorie de l'instruction publique. La sagesse du prince et du magistrat ne perd pas de vue les plaisirs du peuple , et même doit y exercer sa surveillance. jusqu’à un certain point, Or, la musique qu’on peut citer comme présentant dans son écriture l'exemple d'une langue susceptible d’être comprise de tous les peuples (15) offre encore un amusement honnête qui entraine peu de frais, et que toutes les classes d’une nation sont également capables de goûter : elle est peut- être le seul lien qui ait l'avantage de les réuni sans les confondre , et l'unique délassement dont on peut dire , avec un célèbre poëte anglais , que le vice ne s’y glisse pas (16). L'écrivain, distingué par ses vues à la fois profondes et spi- rituelles | qui composa dans cette ville un Essai sur le Beau , a introduit dans son ouvrage l'éloge du concert alors régulièrement établi à Caen , et dans lequel il avait trouvé ( disait-il ) tous les genres du beau réunis. Mais les paroles de cet auteur sont si remar- (15) Gependant il faut reconnaitre que la musique partage ce privilège avec l’algèbre. (16) Gette belle pensée appartient à Pope ; mais l’auteur du mémoire ne peut se rappeler au juste l’endroit des œuvres de ce sage écrivain où elle sc trouve. 15 186 SUR LA CULTURE quables dans la bouche d’un ecclésiastique des derniers temps ; elles sont si applicables à notre sujet ; elles fournissent un témoignage si éclatant en faveur de l'innocence des amusemens de la bonne société, et une réponse si victorieuse à ces professeurs d’une austérité outrée qui s’en rendent les calomniateurs , que , malgré la lon- gueur excessive de cemémoire , nous ne pouvons nous refuser la satisfaction et l'avantage de les reproduire devant un auditoire , légitime repré- sentant de celui qui entendit ces paroles pour la première fois. L’essai sur le Beau consiste en une série de discours que le père André a prononcées devant Académie de Caen. Un de ces discours traite spécialement du beau musical, et termine par le paragraphe qui suit : « Cest un nouvel agrément, Messieurs, que « d'illustres citoyens viennent de procurer à « votre ville, par l'institution d’un concert en « règle. Plusieurs capitales du royaume vous en « avaient donné l’exemple ; mais ce qui vous « est particuher , ce qui est peut-être unique « dans toute la France , vous avez trouvé chez « vous-mêmes de quoi former un concert com- « plet , sans avoir eu besoin de rien emprunter « d'alleurs : des gémes pour la composition , DE LEA MUSIQUE. 167 « des talens pour l'exécution , et ce qui est in- « « « « « « « « « finiment plus estimable , des directeurs pour le conduire , du caractère le plus propre pour le rendre en toute manière utile et agréable : des hommes ; comme parle un auteur s2- cré (1) , dans l'éloge des héros les moins équivoques de l’histoire , des hommes ama- teurs du beau pour en ordonner le dessein : pulchritudinis studium habentes ; aussi con- naisseurs qu’amateurs de la belle musique, pour faire avec goût le choix des pièces : in periti& su& requirentes modos musicos ; mais surtout des hommes pleins d'honneur et vertu : homines magni virtute et prudentid su præditi ; sages et prudens , pour en bannir toutes les dissonnances morales qui au- raent pu déconcerter dans la ville harmonie des bonnes mœurs , pour en marquer les jours d’assemblée , en sorte que le plaisir et le de- voir ne se trouvassent jamais en opposition, enfin , pour en régler l’ordre et la déceuce qui est toujours la plus belle décoration d’une assemblée publique. Ainsi dans une seule ins- Utuuon , 1ls ont trouvé les moyens de vous donner tous les genres du beau que j'avais (1) Ecclésiastique, C. XLIV. 188 SUR LA CULTURE « entrepris d'expliquer : le beau optique , dans « le spectacle brillant des personnes que le « concert assemblé; le beau moral, dans les « bienséances qu’on y observe, le beau spirituel , « dans le choix des pièces qu’on y joue ; et le « beau harmonique , dans la justesse de Pexé- « cution, Ce qui forme un tout ensemble si « propre à vous rappeler si agréblement l’idée « du beau éternel et suprême , le seul capable « de nous satisfaire pleinement (1). Ne serait-on pas tenté de soupconner , en voyant l'espèce d’oubli où les habitans de la même ville ont laissé l'art dont cet auteur ap- plaudissait si hautement la culture , qu'ils en ont pérdu le talent avec le goût? Conclusion qui se- rait trop fâcheuse et même humiliante poar une cité qui jouit parmi les étrangers d’une réputation flatieuse , et sur laquelle madame de Sévigné s’exprimait déja en 1689 de cette mamère : « Ce pays est très-beau, et Caen, la plus « johe ville, la plus avenante , la plus gaie, la « mieux située , les plus belles rues , lés plus « beaux bâtimens , les plus belles églises, des (a) Essai sur le beau : in-12 ( Paris 1763 ), première partie, quatrième discoers : sur le beau musical , p, 167. Pour le passage eilé voir pp. 248 et scqq. DE LA MUSIQUE. 159 « prairies , des promenades , et enfin la source « de tous nos plus beaux esprits. Mon ami Se- « grais , eic. » Une école de musique, formée à Caen sous les auspices de l'association dont nous avons es- sayé de démontrer le besoin , ne serait pas établie pour cette ville seule , elle pourrait devenir un conservatoire pour tout l’ouest du royaume. Nous osons donc nous flatter que la publicité donnée à cet exposé , assurerait au projet d’une institution pour favoriser les progrès de lart musical dans la ville et la province que nous habitons , la coopération de tous ceux qui pren- nent intérêt à sa prospérité. Caen , riche en talens particuliers, n’a manqué jusqu’à ce jour que d’un point de réunion pour former un tout de ces élémens épars, et ainsi revendiquer son litre , aux lonanges que le savant jésuite , dans son discours académique du dernier siècle , et la femme spirituelle de celui de Louis XIV, dans sa célèbre correspondance , lui ont pro- digués. En effet, quelle époque pourrait être plus favorable au perfectionnement des arts libéraux , ou plus propice pour poser les fondemens d'un établissement d'utilité ou de bienfaisance , que celle où la France, participant depuis deux 190 SUR LA CULTURE DE TA MUSIQUE. lustres au repos général de l'Europe, est de- venue si tranquille et si florissante sous le règne d’un souverain ami du bon et du beau ? Caen , 10 novembre 1826. P. 5.3. À. de Baïf, qui cultivait la musique aussi bien que la poésie , conçut le projet d’une académie pour s'y occuper à la fois de musique et de vers mesurés. Charles IX lui accorda à cet effet des lettres patentes, et, afin d'encourager et d’ho- norer la nouvelle académie , il s’en déclara le protecteur et le premier auditeur. Le parlement , craignant que cette académie ne devint un établissement dangereux pour les mœurs , fit des difficultés pour l'enregistrement de ces lettres patentes ; et alors le Roi ordonna lui-même , de sa pleine autorité , l’érection de. cette académie : elle subsista encore sous Henri III, jusqu’à la mort de Baïf arrivée en 1591. ( Journal des Savans , 1820 , p. 675 , art. Raynouard ). ESSAIS DE TRADUCTION DE POÉSIE SACRÉE, DANS LESQUELS ON S’EST ATTACHÉ À CONSERVER LE MOU- VEMENT DE PARALLÉLISME DES ORIGINAUX, PRÉCÉDÉS D’UNE EXPOSITION DE PRINCIPES SUR L'OBJET ET LES CONDITIONS DE CE TRAVAIL, PAR M. VAULTIER, PROESSEUR À LA FACULTÉ DES LETTRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DE CAEN, n D do F # PENPRUE GARE nn “ A ve " Vu Li 3ROITIU | * " Î l : EU } NA AN “or Ke DL +} VAR 2 APE | TES ta CFTC 6 \ nt one DA ER EPUQE f t % W: - bin sad À a a Maur! s À 4e 4 ta FPT: f 0 Ü in pie GE F1 a ent Ar: AU: * ! b.: ù Ÿ 19 ! L \ \ * we ÿ, AU | se k 2 — EU Cr A HAE “ie à A4 ï A | sa OS | ie ra q FO OUR ". FONE 7 17 vi À dés FES | | | gi s +,” ï sé | | | ; x L MAN ITSr Xe.‘ lé rA " CENT 1 gr? L | F be 4. : D] * je , ; # à , * R 4 à k ; Li 4 Ne | + Vu 1 ne" j FA L * + , (: te, à | | | 7. - i l Ü We. RAS AA NA ARR AA AR US LAN RAR BE LED BA AR LAS LAN LR RS ATELIERS EXPOSITION Dr PRINCIPES SUR UN MODE DE TRADUCTION SPÉCIA- LEMENT APPLICABLE AUX MONUMENS DE LA POÉSIE SACRÉE, L;s monumens de l'inspiration divine , vulgai- rement appelés Psaumes et Cantiques ; sont généralement connus , et il ne saurait exister de dissentiment sur ce qui regarde leur mérite lit- téraire. Je ne m’arréterai point à démontrer combien ils surpassent , même à cet égard , toutes les pro- ductions des muses profanes ; il ne saurait entrer dans mon dessein de répéter ce qu’en ont dit l'abbé Fleury, Bossuet , Fenélon, Lowtkh , Laharpe et le célèbre auteur du Génie du Chris- tianisme ; et après eux que prétendrais-je moi- même en dire encore de nouveau? La question de Parallelisme , dans la tra- daction des hymnes sacrés est plus spéciale , el jusqu'ici personne , que je sache , ne l’a seu- 194 ESSAIS DE TRADUCTION lement efleurée ; elle me fournira seule la matière de cet essai. Le savant abbé Fleury est, je crois , le pre- mier qui ait fait cette remarque sur la poésie sa- crée : « Que la plupart des pensées y sont expri- « mées deux fois en termes différens. » ( Disc. sur la Poésie des Hébreux, ap. Calmet , Gom- ment. sur les Psiumes, t. IL, p. xlv ). Le docteur Zowth a depuis parfaitement ana- lysé ce mécanisme d’éloeution , qu'il a appelé Parallélisme , et il a très-clarement expliqué comment il contribue à produire les effets de développement ; de gradation et de contraste , qui ressortent avec tant de vivacité dans la con- cision sublime du verset hébraïque ( v. Lowth De Poës. sacr., prælect. , cap. xvij et xvüj). Ces idées se sont peu à peu répandues dans les esprits : l'autorité de Laharpe les a consa- crées dans un excellent discours en tête de son. Psautier français, et il est maintenant uni- versellement reconnu : « Que le caractère essentiel des Chants hé- « braïques ; considérés quant à leur forme , « consiste dans leur distribution en versets, com- « posés, en général, et sauf exceplions assez « rares , de deux parties symétriques liées en+ DE POÉSIE SACRÉE. 199 « lr’elles par un rapport sensible d’analogie ou « d'opposition. » Enoncer cette observation , c’est avoir sufli- samment établi le point de doctrine d’où je dois partir : du double fait de l'existence constante du Paralléiisme , et de son importance carac- téristique dans les modèles , suit naturellement la nécessité d’en transporter les effets dans la copie, à moins qu’on ne voulüt nier ce principe fondamental : « Que dans toute traduction , ct « plus particulièrement encore dans celle des « compositions de sentiment et d'enthousiasme , « rendre la pensée et les images est peu de « chose, si d’ailleurs , faute de tenir compte « des mouvemens du style, on le dépouille de « ses qualités propres, pour le plier à une marche «_ et à des mouvemeus différens , ou même toul « opposés. »° Qu’ont fait cependant nos poëtes traduc- teurs de poésie sacrée ? Je ne dis pas ceux qui en ont balbutié d’informes essais au XVI. siècle , ou a des époques antérieures , mais ceux- là même qui depuis , par des talens bien reconnus et des succès honorables dans d’autres genres, s'annoncatent comme devant se distinguer éga- lement dans celui-ci ? Peu sensibles apparemment aux effets d’un 196 ESSAIS DE TRADUCTION mécanisme long - temps inaperçu ; en appré- ciant peut-être mal l'importance , ou rebutés par la difficulté de les rendre , séduits d’ailleurs par l'exemple des Zmitations admirables deRacine et de J. B, Rousseau , ils ont cru ne pouvoir réussir qu'en prenant les compositions de ces grands écrivains pour modèles ; et sous l’annonce de Traductions promises , ils n’ont tous fait qu'/miter plus ou moins librement. Tel est actuellement encore l’état réel de l’art , et l’on peut dire que sous le rapport des pro- cédes , il en est resté jusqu’à présent au point où Racine et Rousseau eux - mêmes l'avaient recu de Malherbe et de Racan. Considéré comme mode de composition, le système de l’imitation libre est peut-être à la rigueur celui dont notre poésie pouvait tirer le plus heureux parti ; il a produit uu grand nombre de belles Odes françaises sur des sujets et des idées hébraïques , et quelques-unes de ces odes ont pris place au premier rang de nos chefs- d'œuvre lyriques ; sont-ce d’ailleurs des {raduc- tions ? et peuvent-elles , quant aux effets destyle, donner une idée , au moins approchante , des or1- ginaux qui en ont fourni la substance ? C'est ce que je conteste absolument. Quelques exemples mettront cette partie de la quéstion dans tout son jour : DE POÉSIE SACRÉE. 197 Soit le psanme 115 ; c'est celui sur lequel Lowth a établi sa démonstration du Paralle- lisme ; tout le monde sait par cœur ces versels de la Vulgate : 1. In exitu Israël de Ægypto , — domus Jacob de populo barbaro. 2, Facta est Judæa sanctificatio ejus, — Israël po- testas ejus. 3. Mare vidit et fugit; — Jordanis conversus est re- trorsûm. 4. Montes exultaverunt ut arictes, — et colles sient agni ovium, 5. Quid est tibimare , qudd fugisti? — ét tu, Jordanis, quia conversus es retrorsüm ? 6. Montes , exultastis Sent arietes ? — et colles, sicut agni ovium ? 7. À facie Domini mota est terra; — à facie Dei Jacob. 8. Qui convertit petram in stagna aquarum , — et rupem in fontes aquarum, efc. Rechercheraï-je ici quel est le caractère de ce morceau , et chacun ne sent-il pas d’abord les qualités qui le distinguent si éminemment quant au style ? Concision extrême de la persée, effet 198 ESSAIS DE TRADUCTION distinct et isolé de chaque proposition ; conpe uniforme en divisions à peu près égales , et cor- respondance exacte et manifeste des deux moi- tiés de chaque division entr’elles ; pour ne pas en être frappé, il faudrait l'avoir lu sans au- cune espèce d'attention. Laharpe a dit en prose : « Lorsqu'Israël sortit de l'Égypte , — et Jacob du « milieu d’un peuple barbare, « La Judée devint le sanctuaire de Dieu, — et a Israël fut le peuple de sa puissance. « La mer le vit et s'enfuit ; — le Jourdain remonta « vers Sa source ; « Les montagnes bondirent comme le bélier , — et les « collines comme l'agneau. « Mer, pourquoi as-tu fui? — Jourdain, pourquoi « as-tu reculé vers ta source ? « Montagnes , pourquoi avez-vous bondi comme le « bélier ? — Et vous, collines, comme l’agneau ? « C’est que la terre s'est émue devant la face du » Seigneur, — à l'aspect du Dieu de Jacob, « Du Dieu qui a changé la pierre en fontaine , — et la roche, en source d’eau vive. L etc. ) Cette version est satisfaisante; elle rend assez bien les mouvemens de l'original ; Pauteur, en DE POÉSIE SACRÉE. 199 la faisant , a bien senti apparemment que pour reproduire l'effet de la poésie sacrée , il fallait avant tout être le plus concis et le plus Zifte- ral possible , éviter avec un soin égal Pamplifi- cation , les déplacemens et laltération des rap- ports entre les parties, conserver en un mot des formes auxquelles paraissent tenir essentiel- lement les beautés du fonds. Il n’était pas sans doute sous l'inspiration des mêmes idées, quand ila composé de ce même morceau /’/mitation suivante en vers : Lorsqu’enfin séparé de la race étrangère, Jacob se dérobant aux tyrans de Memphis, Rejeta loin de lui le joug héréditaire, Et marcha vers les bords attendus par ses fils ; Dieu fidèle à ses oracles, Entoura de ses miracles Le peuple chéri du ciel, Et de la nue enflammée Sa main guidant leur armée, Fut l’étendard d'Israël, La mer le vit, la mer s'enfuit épouvantée , Le Jourdain vers sa source à grand bruit agitée Vitrebrousser ses eaux, 200 ESSAIS DE TRADUCTION Et des monts de Cadès les cimes ébranlées Tressaillirent soudain, comme dans les vallées Bondissent les troupeanx. Mer, d’où vient que tu fuis ? toiJourdain dans ta course D'où vient que tout à coup remontant vers ta source, Tu revois ton berceau ? Montagnes, quel pouvoir sut vous rendre mobiles , Comme les faons agiles, Et le léger chevreau ? Les montagnes, les mers, les fleuves me répondent : Eh! nävez-vous pas vu le Seigneur en courroux ? N'a -t-il pas menacé ? Nous avons tremblé tous ; Les élémens troublés devant lui se confondent ; Nous l'avons vu, le roc à l'instant s'est ouvert , Et l’onde en jaillissant rafratchit le désert. Que l’on rapproche et que l’on juge : je veux rendre pleine justice à ces vers ; ils sont fort beaux assurément ( du moins à très-peu de ta- ches près ) ; mais est-ce de la: beauté de l’ori- ginal? Laharpe lui-même n’oserait pas le dire, etil n’est besoin que de:sà versién'en prose-pour écarter toute illusion sur ce peint. Des carac- ières que nous avons observés däns lé modèle, DE POÉSIE SACRÉE, 201 quel est celui que nous pouvons reconnaître dans la copie ? Où sont la simplicité, la concision et la symétrie qui le distinguent ? Est-ce dans cette strophe initiale de 10 vers , si pompeusement amplifiée, si lentement arrondie en longue pé- riode , que l’on croira retrouver l'effet rapide des deux premiers versets du texte , si remarquables dans le mouvement de leur existence distincte, et dans la régularité de leurs divisions? Et dans le reste encore, les oppositions si frappantes de la mer et du Jourdain ; des montagnes et des collines , des béliers et des agneaux, de la roche et de lapierre , des étangs et des fon- laines , sont-elles présentées de manière à donner une idée de ce qu’elles sont dans le texte; ou plutôt tous ces rapports d'idées analogues ou contraires, affublis et presque effacés dans l’imi- tation , ne s’y perdent-ils pas au milieu des liaisons factices que l’imitateur établit entre des traits qui ne se tenaient en rien, dans l'original ? Faire ainsi , c’est composer plutôt qu’imiter ; ce n’est surtout point #raduire, à moins toute- fois que nous ne soyons dans une erreur com- plette sur les principes de l’art , que le style ne soit que comme une sorte d'accident dans les compositions littéraires , et qu’il ne faille absoudre certains écrivains d’un autre siècle , qni dans de 14 202 ESSAIS DE TRADUCTION -prétendues traductions de Tacite , w’ont pas fait difliculté d'employer la diction développée que nous eussions voulu réserver pour Cicéron. Passons à un second objet d'examen : Lefranc de Pompignan n’estpas un écrivain sans mérite ; quelques-unes de ses compositions propres révèlent un talent distingaé ; on connaît de lui une strophe admirable. Pompignan a traduit beaucoup de morceaux de poésie sacrée ; -Voici le début :de.son cantique de Moyse , après le passage de la mer rouge : Je chanterai le Seigneur, Je-chanterai sa puissance ; Parune illustre vengeance : Iisignale sa grandeur ; Contre son ordre suprême Contre le peuple qu’il aime L'Egypte en vain combattait, en triomphe , il foudroie Le cavalier qui se noie Sous le coursier qu’il montait. Son bras, quand la mort m'assiége , Est ma force et mon salut ; Jamais sur-ceux qu’il protège “DE POÉSIE SACRÉE. 205 L’ennemi né prévalnt : Seul objet de ma tendresse, Je célébrerai sans cesse Mon invincible soutien ; Avec lui tout me prospère ; Il fut le Dieu de mon père, 1 sera toujours le mien. Le texte disait : : 4Chantons le Seigneur , car il a fait éclater sa puissan- ce; — il a renversé dans la mer le cheval et le cavalier. Le Seigneur est ma force, et l’objet de mes lonan= ges ; — etiliest venu à mon secours. - ILest mon Dieu , et je chanterai sa gloire ; — il est Le Dieu de mon père et j’exalterai son nom. On doit sentir toute la différence : dans l’ori- ginäl , tout fait beauté , parce que chaque trait yest à sa place, dans sa mesure et dans son rapport avec ceux qui le précèdent ou le sui= vent; parce que l'énergie et la profondeur du sentiments’ y peignent d’elles-mêmes dans la suc- cession rapide des mouvemens , et les coupes vives .et ahruptes du style : dans la copie, au contraire ; tout s’évapore et disparaît, dans une paraphrase vague el molle , ou l’on chercherait 204 ë, ESSAIS DE TRADUCTION vainement quelque trace de ces qualités et de lears effets. Rousseau fait infiniment mieux , mais ne tra- duit pas autrement, et on ne saurait lui en faire un reproche , car il n’en affecte pas la préten- tion ; tout le monde connaît la deuxième de ses Odes sacrées, tirée du psaume 18€. « Les cieux isstruisent la terre , etc. » C’est une de celles où il #’est le moins écarté de son modèle ; on peuten prendre telle strophe que l’on voudra, et la soumettre à la même épreuve ; le résultat sera le même aussi en ce qui nous occupe ; et sous le charme d’une élo- cution parfaite d’ailleurs , dans le plus grand nombre, nous ne retrouverons pas davantage la qualité particulière que nous y cherchons. L’inconvénient est inévitable surtout dans ces grands et magnifiques rythmes de dix vers , dont l’étendue et la marche périodique mettent nécessairement le traducteur dans cette alterna- tive, ou de Célayer le sens de son verset de manière à en rer de quoi remplir sa strophe entière ; ou bien , au contraires, d’y réunir deux ou plusieurs versets, qu’alors il se trouve obligé de coordonner artificiellement entr’eux , à l’aide DE POÉSIE SACRÉE: 205 de liaisons factices , pour les plier au mouvement de progression et d'ensemble que nous y exi- geons absolument. C’est cependant sur des types de cette espèce qu’on a prétendu se régler ; des théories en ont été déduites , et il est demeuré établi qu’en fait de poésie sacrée, imiter et traduire ne pou- lvaient être qu’une seule et même chose , ou qu’à a rigueur , si l’on devait y admettre une légère différence , une nuance deliberté de plus ou de moins dans l'usage de la pareæphrase est le seul point en quoi elle püt consister. On doit maintenant entendre clairement ce que j'ai voulu dire, et les exemples cités sont plus que suflisans , ce me semble, pour faire appré- cier le système de traduction que je rejette ; 1l reste à faire connaître celui que je désirerais y substituer, Ô | L'objet que je propose au traducteur est déjà fixé de manière à ne laisser lieu à aucun doute. Reproduire en français le verset hébraïque dans sa forme distincte , concise et symétrique , c’est-à-dire , autant qu'il se pourra , seul à seul, à sa place et en son rang , sans trop l’amplifier , sans confondre ses parties ou en intervertir l’or- dre , tel est le but qu'il s’agit d'atteindre ; tout se réduit en conséquence à trouver entre les 206 ESSAIS DE TRAUCTION modes de Ia vérsification francaise , celui qui nous. fournit du moins le moyen le ”s sûr d’en ap- procher. Le verset hébraïque , comme on a pu en juger par tout ce qui précède ; est une combinaison d’une nature mixte et d’un caractère tout spécial ; . son mécanisme paraît consister surtout en Ce que lé rapport des mesures y est réglé sur celui des pensées ; C’est un rythme, ou, si l’on veut , une strophe de chant ; borné ; sauf exception , à l'étendue rigoureuse d’un distique ; contenant habituellement deux phrases corrélatives , resser- rées chacune dans celle d’un vers. Notre versification nous fournit-elle un mode assortiment Iyrique d’où nous puissions tirer exactement ces effets? Exactement ; non; ni le distique, ni même le £ercet simple , ne peu- vent être recus en francais comme des mesures lyriques ; la nécessité de rimer et d’assortir, au moins deux à deux , des rimes de deux espèces, ne nous permet pas d'admettre comme strophe de chant complette et régahère ; dans une com- position suivie , un assortiment de moins de quatre vers ; sous ce rapport donc , nous sommes obligés de rester au-dessous de la coneision du modèle, ( en ce qui regarde les nombres }, hors le. cas où nous réunirions la substanee:de deux verseis DE POÉSIE SACRÉE. 207 dans un seul quatrain , ce que nous devons dail- leurs éviter autant qu'il sera possible ; il n’en demeure pas moins établi quele rythme de quatre vers est le plus court que nous puissions em- ployer , celui qui dépasse avec le moins d'excès l'étendue du verset modèle , par conséquent celui qui le représentera toujours le mois mal sous le rapport de la proportion. En ce qui touche au mouvement de symétrie parallèle , le choix ne semble pas devoir être plus douteux ; le quatrain lyrique ; comme on sait, dans la liberté de son usage ordinaire , n’est sou- mis à aucune règle de pauses ou de coupes prescrites ; mais il peut indifféremment les ad- mettre toutes au besoin : celte circonstance le rend éminemment propre à notre objet ; car , supposé que nous renfermant dans la rigueur de nos principes , nous voulions traduire un verset par un quatrain , pour rendre l’effet de parallélisme du premier , il nous suflira de mé- nager dans le seeond un repos qui le partage en parlies correspondantes de chacune deux vers ; que si, au contraire , une nécessité quelconque nous conduit à faite entrer deux versets dans un seul quatrain , alors encore , en subdivisant les coupes par d’autres repos placés après le premier et le troisième vers , nous y reprodui- 208 ESSAIS BE TRADUCTION rons l'effet des quatre propositions corrélatives , et dans l’un et l’autre cas , le mouvement de pa- rallélisme aura été parfaitement rendu. Observons , si L'on veut, qu'entre tous les as- sortimens recus ou possibles de notre versification lyrique , ilne laisse pas d’y en avoir d’autres, qui pourraient se prêter plus ou moins naturellement à des coupes analogues ; quelques-uns même y sont assujettis par des règles positives; mais pour peu qu’on y réfléchisse , on verra que des don- nées de leur combinaison , et des propriétés mê- mes des nombres , il doit résulter nécessairement que ces divisions y soient toujours moins faciles , moins égales , moins concises où moins distinctes ;, outre que d’une autre part , leur longueur déjà suffirait pour en reudre lusage moins conve- nable. | Ainsi donc, sous le double rapport de l’étendue et de la divisibilité , le quatrain lyrique , as- sujéti à un mouvement de symétrie par des. coupes convenues, tel est décidément le rythme dont l'emploi nous paräit exclusivement, propre à l'objet que nous avons cherché. Voilà, ce me semble , ma théorie établie dans tous ses détails ; je la crois fondée sur une analyse exacte , et par conséquent à l'abri de toute ob- jection ; mais qu'est-ce qu’une théorie ; tant que DE POÉSIE SACRÉE. 209 des essais de pratique n’en ont pas vérifié les” principes ? On me demandera si la mienne est d'une application suffisamment facile, et si les résultats qu'on en peut attendre sont de nature à en justifier l’utiité : ces questions ne sont pas sans importance , et je n’ai pas dû me dispenser de les prévenir. D’abord ; en ce qui regarde la difficulté , je ne me fais aucune illusion , et je ne voudrais non plus en faire à personne ; la chose mérite bien quelque attention : la traduction en général est un art difiicile ; la traduction en vers offre en outre d’autres difficultés qui lui sont propres ; ajouter à cela encore les conditions de paral- lelisme que je demande , c’est beaucoup , je avoue , et l’entreprise a bien quelque apparence de témérité. Je pense toutefois qu'il y aurait beaucoup de prévention à la supposer inexécu- table ; j'ai voulu moi-même en faire l'épreuve ; on lira mes Essais ; je ne dois pas prévenir le jugement que l’on pourra en porter, et je suis d'avance peu disposé à m’en exagérer le mérite : ce travail, en tout cas, m'a fourni l’occasion de reconnaître que la gène des conditions de ma théorie n’est pas insurmontable de sa nature , et je me crois dès à présent en droit de penser , d’après cette expérience , qu'avec plus de talent ; 210 ESSAIS DE TRADUCTION plus de temps et plus d'habitude, un autre pourrait obtenir de son application des résultats dignes d’être remarqués. De la facilité suffisante de l’exécution à la né- cessité d'adopter une théorie dont les avantages ont été préalablement établis , la conséquence est de toute rigueur, et nous ne verrions à y opposer tout au plus que le besoin de réunir des essais de vérification plus nombreux et plus décisifs. La question me paraîtrait donc épuisée , si je ne croyais devoir prévemr encore une objection qu'on essaierait peut-être d’y rattacher. La variété est un besom de nos esprits ; quelque beau que puisse être un rythme, son emploi continué sans interruption dans un grand nombre de pièces de même nature , ne saurait être sans inconvénient eu égard à son effet ; il y a donc heu de craindre, me dira-t-on, que celui de notre quatrain, sr on Padoptait exclu- sivement dans un recueil complet de porsies sacrées , men rendit la lecture peu agréable , ou même tout à fait fatigante , par ’uniformité cons- tante de son mouvement. | À cela j'ai peu de chose à répondre , si ce n’est que. observation , quelque juste qu’elle puisse paraître ‘en elle-même ;me semble d'ailleurs à peu près étrangère à l’objet de mon travail. DE POËSIE S\CRÉE. 21L Trouver un mode de traduction dans lequel on puisse reproduire fidèlement le mouvement de style propre à la poésie sacrée , tel a été mon des- sein ; dire comment il faudrait altérer le style de la poésie sacrée pour en accommoder la traduction aux caprices de nos goûts vulgaires, en eût été un autre lout différent : si je me le fusse proposé , j'aurais envisagé mon objet sous un autre point de vue , et je fusse arrivé sans doute à d’autres con- clusions ; j'aurais pu alors répéter , après cent au- tres , que les compositions du Roi-prophète n’ont pas le degré de variété que nous recherchons en tout, et que pour les faire un peu mieux goûter em français,il serait bon de déguiser l'uniformité du fonds au moyen de la diversité des rythmes ; J'aurais pu adopter cette autre opinion , que leur concision sublime à quelque chose de tant soit peu obscur , qui ne s’éclaireit bien pour nous que dans le riches détails d’une élégante paraphrasé , etc. , etc. ; alors aussi j’eusse eru devoir ajouter que tout cela n’est pas éraduire ; car c’est toujours où nous ramenera l’examen attentif d’un tel procédé. Qu'il y ait donc ou quil n’y ait pas de succès public à espérer d’une traduction complète de poésies sacrées , exécutée dans le mode que j’- dique , e’est une question que j'écarte comme m- différente aux principes, et ne pouvant me regar- 212 ESSAIS DE TRADUCTION der aucunement ; qu’au contraire chaque morceau pris à part, ne puisse être fidèlement reproduit que de cette facon , ce point doit suflire , et je le crois maintenant bien établi, à moins toutefois qu’abandonnant le système de la paraphrase, pour en adopter un autre tout différent , et devenus iout-à-coup plus exigeans que moi sur la fidélité, mes contradicteurs n’en viennent à dire que mon procédé ne fournit pas le moyen de faire assez pour elle , et reste encore , en ce qui la concerne, au-dessous des effets de la simple version httérale en prose ; à celte objection, qui rentre dans celle de la difficulté , c’est par des essais heureux d’ap- plication qu'il faudrait répondre : j'ai déjà dit que je ne doutais pas que l'on ne püt y parvenir ; quant à la monotonie , si l’on admet qu’elle existe rée!le- ment , tout le monde reconnaitra qu’elle Uent au fonds des choses , ou plutôt encore au rapproche- ment fortuit de tant de pièces analogues à la vérité, mais dont chacune forme un tout à part , distinct et indépendant de ce qui peut la précéder ou la suivre dans le recueil où on les a rassemblées. S'il y ainconvénient , il sera dans la copie ce qu'il est dans les modèles; le traducteur n’a pas recu mission d’y remédier. Je ne dois pas quitter ce sujet du parallélisme ,, Ed DE POÉSIE SACRÉE. 219 Sans ajouter quelques considérations plusgénérales Sur son emploi. Jusqu'à présent on n’a guères parlé du parallé- lisme que relativement à la poésie sacrée , et beau- coup de personnes semblent croire qu'il n’existe absolument que là ; rien ne serait moins fondé qu’une telle opinion, Le mouvement du parallélisme doit être com- mun à toutes les langues , parce que son essence est dans la pensée ; seulement il ÿ a des langues dont la constitution et les habitudes peuvent être plus où moins convenables à son développement et à son usage, Les langues à construction directe , qui aiment à reufermer une pensée plus ou moins complète dans l'étendue exacte d’un vers , y sont les plus favorables ; il se produii plus difficilement dans les langues transpositives | auxquelles convient mieux la méthode Loute contraire des rejets. L’Hébreu paraît avoir fait du parallélisme le principe fondamental de sa versification; quelques peuples de l'Asie méridionale en affectionnent l'em- ploi , et son effet est un des résultats les plus or- dinaires du jeu des hémistiches dans le vers po- litique des Grecs modernes. L'ancien grec et le latin , moins propres en gé- néral à ce mouvement , ne laissent pas de le pro- 214 ESSAIS DE TRADUCTION duire , celui-là de loin en loin , celui-ci assez fré- ) ) quemment,dans le distique élégiaque(et dans quel- ques rythmes analogues);Ovide en fournirait mille exemples + hors de l'hébreu , les traits n’en sont peut-être nalle part plus continus que dans l’Idylle de Ciaudien , De sene Feronensi: Felix quispatrüs vitam transegit in arvis ; Ipsa domus puerum , quem videt ipsa senem. Illum non vario traxit Fortuna tumultu , Nec bibit ignotas, mobilis hospes , aquas ; Non freta mereator timuit , non elassica miles, Non rauci lites pertulit ille fori. Frugibus alternis , non consule, computat annum, Autumaum pomis, ver sibi flore notat. Idem condit ager soles , idemque reduit ; Metiturque suo rusticus orbe diem. Ingentem meminit parvo qui germine quercum , Æquævumque videt consenuisse nemus , etc. Pour ce qui regarde le francais , il n'existe dans ses propritétés , rien qui ne soit plutôt propre que DE POÉSIE SACRÉE. 215 contraire au parallélisme | pourvu toutefois qu’on ne lui demande pas d'en renfermer le mouvement dans des rythmes aussi restreints : c’est l'instinct de son eflet qui à introduit dans notre double tercet et dans notre notre grand dixain lyrique, la règle des pauses à laquelle 1ls sont soumis , et il tend assez habituellement à se produire dans la strophe de quatre vers , toutes les fois que la phrase n’y prend pas une forme composée ou pé- riodique. Les éxemples en sont fréquens dans les odes de Malherbe et de Rousseau; jeme borne à indiquer la strophe si connue du premier : Le pauvre en sa cabane , où Je chaume le couvre, Est sujet à ses lois ; Et la garde qui veille aux: barrières du Louvre, N'en défend pas nos Rois. Tel est,dans sa forme essentielle, et sauf variété de composition quant aux mesures, le rythme que je recommande commeile seul, dans lequel on puisse transporter quelque chose du caractère symétrique des originaux. Nos, poëles traducteurs ,. qui ne se sont fait au- cun principe à cet égard , n’ont pas laissé de ren- contrer quelquefois cet.effet dans des strophes de combinaison semblable ou équivalente ; c’est alors le rapport inaperçu des rythmes qui le leur a 216 ESSAIS DE TRADUCTION fourni à leur insu ; Pompignan nous en offre le trait suivant qui mérite d’être noté : Le sculpteur a dit à la pierre: « Sois un Dieu, je vais t'implorer. » Il a dit à ce tronc étendu sur la terre : « Lève-toi, je veux t’adorer. » ( Trad. d'Habac., chap. IT, v.19.) Il ny a pas jusqu’à nos vieux Z'rouvères du moyen âge, qui dans la grossièreté de leur art et de leur langage, w’aient parfois aussi reproduit un effet qui ne tend qu’à se présenter de lui - même dans tout essai de traduction où abus de Pampli- fication ne vient pas l’embarrasser comme à des- seiu ; on le reconnaîtra dans ce passage connu du Cantique d'Anne, mère de Samuel , au liv. Ier des Rois , ancienne traduction manuscrite de la biblio- thèque, du Roi : « Li ares des forz est surmuntez, « E li fieble sunt elforciez; « Ki primes furent saziez ) « Ores se sunt pur pain luez (1):» (Roquefort, De l’état de la Poésie doi aux 49e et 13° siècles, p.66.) “ (1) Arcus fortium superatus est, — et infirmi accincti sunt ro. bore. | Bepleti priùs — pro panibus se locaverunt. ( Reg. lib. T. cap. IL. v.& et 5. ) DE POÉSIE SACRÉE. 517 Ces observations mont paru ne pas étré sans intérêt par rapport à ma thèse ; je les abandonne avec elle au jugement éclairé de mes lecteurs. On aura remarqué que dans ‘tont ce qui pré- cède , je ne suis entré par rapport aux élémens matériels de la verification hébraïque , dans au- cun détail sur lequel on puisse établir une compa- raison de ses effets d’härmonie avec ceux de la nôtre ; j'ai dû éviter toute considération relative à cet objet , sur lequel il n’existe que des hypo- thèses inconciliables ; füt-il parfaitement connu , je n'aurais guères eu plus d'attention à y donner ; la symétrie entre les vers est un effet indépen- dant de leur mode de composition prosodique; le bon sens le dirait de reste , quand les exemples que je viens de citer ne l’auraient pas suffisamment établi. Il ne me reste à ajouter que peu de mots sur ce qui concerne mes essais d'application : je m’y suis imposé des conditions difficiles ; je ne lai pas fait par fantaisie , mais en vue d’un résultat qui ma paru important ; rendre le mouvement des origi- naux aussi fidèlement que le permettent les pro- priétés de la langue et les moyens de l’art , et at- teindre en ce point un effet caractéristique, dont les procédés de la pratique ordinaire ne conservent aucune trace , Lel a été l’objet de mon travail ; j'ai 15 18 ESSAIS DE TRAD. Dÿ POËS. SAC. dù faire de grands sacrifices à cette nécessité ; les personnes instruites sauront en apprécier l'éten- due ; elles ne chercheront dans mes traductions que fonc de beautés que j'ai dû y mettre, et se rappeleront que les agrémens d’une dicüuon dé- veloppée s’en trouvaient exclus par les données mêmes de mon système. Des exemples 1llustres.ne me seront point opposés : s'il eût été question de rivaliser avec Racine ou Rousseau, je me serais bien gardé d’entrer dans la lice : mon but était tout autre ; je l'ai suflisamment fait connaître ; mOn am- bition serait pleinement satisfaite , si l'on jugeait que je ne l’eusse pas manqué. on ESSAIS DE TRADUCTION. 20 £S3A19 DE TRADUCTION I. CANTICUM MOYSS, POST TRANSITUM MARIS RUBRI. ( Ex vers, Vulg. Exod. C. xv. v.1, etc.) 1. Cantemus Domino , gloriosè enim magnifi- catus est ; equum et ascensorem dejecit in mare. 2. Fortitudo mea et laus mea Dominus , et fac- tus est mihi in salutem; iste Deus meus, et glorifi- cabo eum ; Deus patris mei, et exaltabo eum. 5. Dominus quasi vir pugnator ; omnipotens nomen ejus. 4. Currus Pharaonis et exercitum ejus projecit in mare ; electi principes ejus submersi sunt in mari rubro. 5. Abyssi operuerunteos ; descenderunt in pro- fundum quasi lapis. DE POÉSIE SÂCRÉE. I. CANTIQUE DE MOYSE. APRÈS LE PASSAGE DE LA MER ROUGE. & Gloire au Seigneur ! qu’un chant sublime Célèbre de son bras les exploits éclatans ; Il a renversé dans l'abîme Les coursiers et les combattans. Le Seigneur est ma force , il a pris ma défense ; Béni soit son nom glorieux ; Que l’univers connaisse sa puissance : Il est le Dieu de mes ayeux. Quand pour moi son bras se signale , Qu'importe des combats l’appareil menaçant ? La terre n’a point vu de guerrier qui légale, Et son nom est le Tout-puissant. Les chars de Pharaon et son armée entière Ont péri dans les flots amers ; Dicu les a dans les eaux lancés comme la pierre , Et l’abime les a couverts. 291 2292 ESSAIS DK TRADUCTION 6. Dextera tua, Domine , magnificata est in for- titudine ; dextera tua , Domine , percussit inimi- cum. 7. Et in mulütudine gloriæ tuæ deposuisu ad- CJ CRU. ° versarios tuos ; musisli 1ram tuam , quæ devoravit eos sicut stipulam. 8. Et in spitu. faroris tui congregatæ sunt aquæ ; stetit unda fluens , congregatæ sunt abyssi in medio mari. 9. Dixit inimicus : « Persequar et comprehen- « dam , dividam spolia, implebitur anima mea ; « evaginabo gladium meum , interficiet eos manus « mea. » 10. Flavit spiritus tuus , et operuit eos mare ; submersi sunt quasi plumbum in aquis vehemen- ubus. 31. Quis s'milis tut in forubus , Domine ? quis DE POÉSIE SACRÉE. 223 Ton bras , Seigneur, est invincible ; Il a frappé nos oppresseurs'; Et dans ta gloire inaccessible Tu triomphes de leurs fureurs. Ainsi que la paille légère, Que la flamme devore en des champs altérés ié ? Tels, par les feux de ta colère, Nous les avons vus dévores. Ton haleine a soufflé ; de l’onde courroucée Les abtmes se sont ouverts ; Et dans leur lit à sec nous avons vu tracée Une route au milieu des mers. L’ennemi disait dans sa rage : « Je les poursuis, mon bras les atteindra; « Ils mourront : j’en vais faire un horrible carnage ; . « Leur depouille w’appartiendra. » Tu souffles ; l’onde obeïssante Sur eux retombe en masse ; ils sont anéantis : Leurs corps, comme un plomb vil,sous la vague écumante, Däns les gouffres sont engloutis. Est-il un Dieu qui te ressemble ? Un rival de ta force et de ta majesté ? 224 ESSAIS) DE TRADUCTION similis tui, magnificus in sanctitate, terribilis atque laudabilis , faciens mirabilia ? 4 12. Extendisti manum tuam , et.devoravit eos terra. 15. Dux fuisti in misericordiä tuâ populo quem redemisti , et portasti eum in forlitudine tuà ad habitaculum sanctum taum: 2 14. Ascenderunt. populi et irati sunt ; dolores obtinuerunt habitatores Philistüm. 15. Tunc conturbati sünt principes Edom ; ro- bustos Moah obtinuit trémor ; obriguerunt. omnes habitatores Chanaan. | 16. Irruat super eos formido et pavor in magni- tudine brachü tui ; fant immobiles quasi lapis, do- nec pertranseat populus tuus , Domine , donec pertranseat populus tuus iste quem possedisti. 17. Introduces eos, et plantabis in monte hæ- reditalis tuæ , firmissimo habitaculo tuo , quod operatus es, Domine ; sanctuarinm tuum, Domine, quod firmaverunt manus tue DE POÉSIE SACRÉE. .Qui, comme toi, fasse éclater ensemble Tant de puissance et de bonté ! Ta voix tonne au sein de la nue, Tu fais le destin des combats : Sur nos tyrans ta main s’est étendue, La terre a dévoré leurs pas. Nous gémissions sous le joug de limpie, Tu nous affranchis de sa loi ; Tu nous donnes une patrie Où nous ne servirons que toi. Les peuples l'ont appris ; leur colère s’irrite : La Palestine est dans les pleurs; L’effroi saisit Moab ; l'Iduméen s'agite ; Chanaan est en proie aux plus vives terreurs. Que la terreur enchaîne leur audace ; Qu'elle glace leur bras , qu’elle glace leur cœur ; Et cependant ton peuple passe ; Qui pourrait l'arrêter , Seigneur ? Tu le conduis dans la demeure sainte Que ta bonté lui prépara ; Dans cet asile heureux d’où tu bannis la crainte, Ta main, Seigneur , le fixera. 226 ESSAIS DE TRADUCTION 18. Dommus regnabit in æternum , et ultrà. 19. Ingressus est emim eques Pharao cum cur-. ribus et equitibus ejns in mare ; et réduxit super eos Dominus aquas maris ; fil autem Israël am- bulaverunt per siccum in medio ejus. DE POÉSIE SACRÉE. 227 Gloire au Seigneur ! que nos hommages S’élèvent vers les cieux d’où nous vint son seeours ;. Son règne a précédé les âges, Les temps’s’écouleront sans’en borner le cours. Pharaon dans les flots a voulu nous poursuivre ;. Les flots ont englouti son char et ses guerriers ;: Mais les fils d’Zsraël , que le Seigneur délivre: Ont traversé l’abîme aflermi sous leurs-pieds. 228 ESSAIS DE TRADUCTION \ IL. CANTICUM DEBORÆ, POST DEBELLATOS CHANANÆOS. ( Ex vers. Vulg. Jud. cap. V. v.2 , etc. ) 2. Qui sponte obtulistis de Israël animas vestras ad periculum , benedicite Domino. 3. Audite , Reges ; auribus percipite , Princi- pes ; ego sum , ego sum quæ Domino canam, psal- lam Domino Deo Israël. 4. Domine, cùm exires de Seïr , et transires per regiones Edom , terra mota est , cœlique ac nubes distillaverunt aquis. 5. Montes fluxerunt à facie Domini , et Sinaï à facie Domini Dei Israël. 6. In diebus Sangar fil Anath, in dicbus Jahel, DE POÉSIE SACRÉE. 229 II. CANTIQUE DE DEBORA. APRÈS LA DÉFAITE DES CANANÉENS. Vous qui dans les combats prodiguant votre vie, Avez brave le fer levé sur Israël, Héros , vainqueurs du chef impie, Rendez hommage à l'Eternel. Rois , écoutez l'hymne de l’allégresse, Guerriers , secondez mon ardeur ; C’est moi, c’est moi qui dans ma sainte ivresse Chanterai l'hymne du Sei gneur. Des sommets de Séir , quand au bruit du tonnerre, Seigneur , tu nous donnas ta loi, Ta présence chranla la terre, Le Ciel même s’émut d’effroi. Comme le plomb dans la fournaise ardente, Tels on vit à ta voix fondre les monts fumans ; Sinaï sous tes pas , chancelant d’épouvante, S'aflaissa sur ses fondemens. Aux jours où de $angar pâlit la noble audace, Aux jours sanglans de nos revers, 250 ESSAIS DE TRADUCTION quieverunt semitæ ; et qui ingredebantur per eas, ambulaverunt per calles devios. 7. Cessaverunt fortes in Israël, et quieverunt ; donec surgeret Debora , surgeret mater in Israël. 8. Nova bella elegit Dominus, et portas hostium ipse subvertit ; clypeus et hasta si apparuerint :n quadraginta nulhbus Israël. 9. Cor meum diligit principes Israël ; qui pro- prià voluntate obtulistis vos discrimini, benedicite Domino. 10. Qui ascenditis super nitentes asinos , et sedeus in judicio , et ambulatis in viâ , loquimini. 17. Ubi collisi sunt curvrus , et hostium suflo- catus est exercitus , ibi narrentur justitiæ Donuui,, et clementia in fortes Israël; tune.descendit po- pulus Domini ad portas et obtinuit principatum. DE POÉSIE SACRÉE. Obligé de cacher sa trace, Jacob ne voyageait qu'aux sentiers des déserts. Nul bras n’osait lever la lance ; Tout subissait la loi du Conquérant cruel: C'est Débora. … , e’est moi qui pris votre défense, Je fus la mère d’Zsraël. Dieu se montre ; tout prend une face nouvelle ; Au sein de leurs remparts il frappe nos tyrans; Sans armés contre l’infidèle, Nos guerriers ont porté la mort dans tous ses rangs. Nobles guerriers , votre valeur m’est chère ; Vous n'avez point trahi la cause d'Israël. P Nos ennemis dorment dans la poussière , Rendez hommage à l'Eternel. Vous qui montez des chars aux brillans attelages , Vous qui jugez le peuple à vos ordrés soumis, Vers le Seigneur ,élevez vos hommages o ? EU? Il a frappé nos ennemis ! 251 Aux lieux mêmes où son bras dispersa leurs phalanges, Où de leurs chars brisés les gnérets sont couverts, Que tout répète ses louanges, Que tout s’unisse à nos concerts. 259 ESSAIS DE TRADUCTION 12. Surge, surge , Debora , surge ; surge, et loquere canticum ; surge , Barac , et apprehende captivos tuos , fill Abinoem. 13. Salvatæ sunt reliquiæ populi ; Dominus in fortibus dimicavit. 14. Ex Ephraïm delevit eos in Amalec , et post eum ex Benjamin in populos tuos , à Amalec ; de Machir principes descenderunt , et de Zabulon, qui exercitum ducerent ad bellandum. 15. Duces Issachar fuêre cum Deborä, et Barac vestigia sunt secuti, QUI quasi In Præceps ac ba- rathrum se discrimini dedit ; diviso contrà se Ru- ben , magnanimorum reperta est contentio. 16. Quare habitas inter duos terminos ut audias sibilos gregum ? Diviso contrà se Ruben , magnani- morum reperta est contentio. 17. Galaad trans Jordanem quiescebat et Dan : DE POÉSIE SACRÉE. 239 Lève-toi, Débora , chante l'hymne de gloire, Beénis l'arbitre des combats ; Et toi, Barac, et toi qui lui dus la victoire, Enchaïne les captifs que ta livrés son bras. Gloire au Seigneur ! Sa justice éternelle Enfin couronne nos efforts ; Jacob échappe au joug de l’infidèle, Et le faible à vaincu les forts. Sous le fer d’Ephraun jadis l Amalécite :Tomba dans les déserts d'Edom ; On a vu Benjamin frapper le Moabite : Des héros sont sortis des rangs de Zabulon. Dans l'horreur du combat, comme au fond d’un abime, Sur les pas de Barac , Issachor s’est jeté ; Ruben reste indéeis , ma voix en vain l’anime, Les débats de ses chefs le tiennent arrête. Auprès de tes troupeaux, sur ta rive fleurie, Quel obstacle , à Ruben, a retenu tes pas? Tes chefs sont divisés : nous combattons l’impie, Et ton ardeur s’épuise en stériles débats !..… Sur les bords du Jourdain, Galaad est tranquille, Dan s'occupe de ses vaisseaux ; 16 254 ESSAIS DE TRADUCTION vacabat navibus ; Aser habitabat in littore maris , etin portubus morabatur. 18. Zabulon verd et Nephtali obtulerunt ani- mas suas mort in regione Merome. 19. Venerunt Reges et pugnaverunt , pugnave- runt Reges Chanaan in Thanach , juxtà aquas Ma- geddo , et tamen nihil tulère prædantes. 20. De cœlo dimicatum est contra eos ; stellæ manentes in ordine et cursu suo , adversus Sisaram pugnaverunt. 21. Torrens Cison traxit cadavera eorum , tor- rens Cadumim , torrens Cison ; conculca anima mea robustos. 22. Ungulæ equorum ceciderunt , fugientibus impetu , et per præceps ruentibus fortissumis hos- um. D ®A) Qt DE POÉSIE SACRÉE. Aser dans ses ports immobile, Languit dans un lâche repos. Nephtali, Zabulon , prodigues de leur vie, Sont accourus à la voix du Seigneur ; Aux champs de Wéromé , contre la race impie, Is ont signalé leur valeur. Les Rois de C'hanaan ont envahi nos plaines: Ils ont levé sur nous le glaive des combats ; Mageddo les à vus ravager nos domaines ; Où donc est le butin qu'y firent leurs soldats ? Du haut de la voûte enflammee Nous avons été secourus : Du Ciel en feu la redoutable armée À seconde l'effort de nos faibles tribus. Des ennemis au loin le sang ruisselle, Leurs cadavres impurs ont comblé nos torrens; Réjouis-toi , peuple ficèle, Nous triomphons de nos tyrans. Dans l’effroi qui presse leur fuite, Des coursiers les pieds ont faibli, Sous la main qui les précipite, Des oppresseurs le sort est accompli. 256 ESSAYS WE TRADUCTION 25. Maledicite terre Meroz , dixit Angelus Do- mini , maledicite habitatoribus ejus , quia non ve- nerunt ad auxilium Domini , in adjutorium for- tissimorum ejus. 24. Benedicta inter mulieres Jahel, uxor Haber Cinæi , et benedicatur in tabernaculo suo. 3 25. Aquam petenti lac dedit , et in phialâ prin- cipum obtulit butyrum. 26. Sinistram manum misit ad elavum , et dex- teram ad fabrorum malleos , pereussitque Sisaram quærens in capite vulneri locum , et tempus validè perforans. 27. Inter pedes ejus ruit , defecit et mortuus est : volvebatur antè pedes ejus, et jacebat exa- nimis et miserabilis. 23. Per fenestram respiciens ululabat mater ejus , et de cænaculo loquebatur ; « cur moralur DE POËSIE SACRÉE, A97 Honte aux lâches ! Honte aux esclaves! Malheur à vous , habitans de Méroz ! Au jour d’épreuve , au camp des braves, Vous n’avez pas joint nos héros. Henneur à la femme intrépide : Sois bénie , heureuse J'ahel ! Ton bras saintement homicide A terrassé l'ennemi d'Israël. D’A aber il aborde la tente ; É puisé de fatigue , il demande un peu d’eau: J'ahel s’avance et lui présente Dans le vase brillant le doux lait du troupeau. Bientôt du fer aigu sa gauche s’est saisie ; Dans sa droite est déjà le marteau meurtrier : J'ahel frappe. L’arme ennemie A percé le front du guerrier. Il se roule à ses pieds sur l’arêne sanglante , Il se débat; il expire. Il n’est plus ; Il n’est plus. J'ahel triomphante Voit ses restes affreux sur l’arêne étendus. Sa mère cependant assise à la fenêtre, S'écriait au déclin du. jour : 238 ESSAIS DE TRADUCTION « regredi currus ejus ? quarè tardaverunt pedes «_ quadrigarum illius ? » 29. Una sapientior cæteris uxoribus ejus ; hæc verba socrui respondit : 50. « Forsitan nune dividitspolia. « Et pulcherrima fœminarum eligitur et : ves- «_ tes diversorum colorum Sisaræ traduntur in præ- dam , et suppellex varia ad ornanda colla con « geritur. » 31. Sic pereant omnes inimici tui , Domine ; qui autem diligunt te , sicut sol in ortu su0 splen- det , à rutilent.… DE POÉSIE SACRÉE. 259 à Son char, son char léger tarde bien à paraitre ! # Qui peut de ses coursiers arrêter le retour ? » Mais de ses femmes la plus sage : « Calmez , calmez, dit-elle, ua transport inquiet ; 2 2 « Eu ce moment peut-être il préside au partage « Du riche butin qu'il a fait. & Des captives sans nombre on choisit la plus belle , On la présente à votre fils ; « Sur les tissus brodés pour lui l’on amoncelle « Les perles, l'or et Les rubis. » Périsse ainsi sans gloire et sans défense, Quiconque osa , Seigneur , s’élever contre toi; Comme du jour naissant rayonne l’astre immense , Quw’ainsi brillent toujours Les amis de ta loi, 240 ESSAIS D& TRADUCTION LIL, CANTICUM DAVIDIS , INTERITUM SAULI ET JONATHÆ DEFLENTIS. (Ex vers. Vulg.Reg. lib, IL. c.I.v.18, ete.) 18. Considera , Israël , pro his qui mortui sunt super excelsa tua vulnerati. 19. Inclyti Israël super montes tuos interfecti sunt ; quomodà ceciderunt fortes ? 20. Nolite aununtiare in Geth , neque annun- ietis in compitis Ascalonis ; ne fortè lætentur filiæ Philisthiim , ne exultent filiæincircamcisorum. LL 21. Montes Gelboë , nec res nec plavia veniant super vos , neque sint agri primitiar um. Quua ibi abjectus est clypeus fortium , clypeus Saül , quasi non esset unctus oleo. 22. À sanguine interfectorum , ab adipe for- DE POÉSIE SACRÉE. 21 = = III. CANTIQUE DE DAVID. SUR LA MORT DE SAUL ET DE JONATHAS. Pleure , Israël , eeux que le fer impie Dans les combats à terrassés ! Comment les forts sont-ils tombés sans vie ? Quelle main les a renversés ? Ah ! n'allez pas dans Geth annoncer la nouvelle Qui va nous coûter tant de pleurs ; Que les filles de infidèle N'’insultent point à nos douleurs ! ‘Gelboë , que jamais sur ta cime abhorrée Ne s’épanchent les eaux des cieux! Que jamais la moisson dorée Ne couvre tes flancs odieux. Tu vis rouler dans les champs du carnage Le bouclier de notre Roi; Tu vis tomber au milieu de l'orage Saül , l'oint du Seigneur , le gardien de sa loi, Jamais de Jonathas la flèche inévitable Ne s’élait égarée au milieu des combats ; VA 2492 ESSAIS DE TRADUCTION Uum , sagitla Jonathæ nunqnäm rediit retrorsum , et gladius Saül non est reversus inanis. 25. Saül et Jonathas amabiles , et decori in vità sui , 11 morte quoque non sunt dvi ; ; aquilis ve- lociores , leonibus fortiores. 24. Filiæ Israël super Saül flete : qui vestiebat vos coccino in deliciis , qui præbebat ornamenta aurea cultui vestro. 25. Quomodd ceciderunt fortes in prælio ? Jo- nathas in excelsis tuis occisus est ? 26. Doleo superte , frater mi, Jonatha , decore nimis , et amabilis super amorem mulierum ; sicut maler unicum amat filium suum , it ego te dili- gebam. 27. Quomodà ceciderunt robusti ; et perierunt arma bellica ? DE POÉSIE SACRÉE. 249 Du glaive de Saül le tranchant redoutable Toujours avait atteint les plus vaillans soldats. Unis par la vaillance , unis par la tendresse, Ensemble aüssi la mort les a frappés tous deux, Tous deux! L’aigle jamais n’égala leur vitesse ; Le lion fut moins courageux. Pleurez , Saül, vierges fidèles, Pleurez le chef vaillant et fort, Qui pour nos pompes solennelles Vous prodiguait la pourpre et l'or. Comment sont-ils tombés sous la lance ennemie Les chefs que pleurent nos tribus ? Du peuple saint l'espérance ehérie , Jonathas ,hé quei ! tu n’es plus! Jonatlias, mon ami, mon frère, Sans regret près detoi j'eusse oublié l'amour ; Moins tendrement la jeune mère Chérit le seul enfant qui lui doive le jour. Comment sont-ils tombés sous la lance ennemie Ceux devant qui tremblait le Philistin glacé ? Dans leurs mains que Dieu même arma contre l’impie Comment le fer s'est-il brise ? 2/4 ESSAIS DE TRADU CTION IV. PSALMUS 18. ( Ex vers. Vulg.) 1. Cœli enarrant gloriam Dei, et opera manuum ejas anauntiat firmamentum. 2. Dies diei eructat verbum ; et nox nocli indi- cal scientiam. 35. Non sunt loquelæ neque sermones , quorum non audiantur voces eorum. ? { Se . 4. In omnem terram exivit sonus eorum ,)etin fines orbis terræ verba eorum. 5. In sole posuit tabernaculum suum : Et ipse tanquam sponsus procedens de thalamo suo. DE POÉSIE SACRÉE. IV. PSAUME :8e. Les cieux attestent ta puissance 5 Leur aspect , ô Seigneur , te révèle aux humains : Du firmament la voûte immense Annonce l’œuvre de tes mains. De la puissanee de son maître Le monde à toute heure est instruit ; Le jour au jour la fait connaître, La nuit la rappelle à la nuit. De leur magnifique langage Pour l’homme aucun mot n’est perdu ; Il n’est pas de lointain rivage Où son cœur ne l'ait entendu. Dans ce soleil , qui luit sur notre tête, L'Eternel a dressé ses divins pavillons ; Au milieu des feux qu’il lui prête, Il se cache dans ses rayons. Quel éclat , quand vainqueur de l’aube matinale, 245 Le grand astre à sa voix s’élance et monte aux cieux! Tel de la couche nuptiale Un jeune époux sort radieux, 246 ESSAIS DE TRADUCTION G. Exaltavil ut gigas ad currendam viam : à summo cœlo egressio ejus. 7. Ët occursus ejus usque ad summum ejus : nec est qui se abscondai à calore ejus. 8. Lex Domini immaculata, convertens animas: testimonium Domini fidele , sapientiam præstans parvulis. 9. Justitiæ Domini rectæ , læuficantes corda : præceptum Domini lucidum , illuminans oculos. 10, Timor Domini sanctus , permanens in sæ- culum sæculi : judicia Domini vera , justficata in semelipsa, 11. Desiderabilia super aurum et lapidem pre- tiosum multum : et dulciora super mel et favum. 12. Étenim servus tuus custodit ea ; in custo- DE POÉSIE SACRÉE. 247 Des monts de l'Orient franchissant la barrière ÿ Comme un géant superbe , il part dans sa splendeur ; Il atieint l'Occident , et sur la terre entière : Nul mortel de ses feux n’a pu tromper l’ardenr. Ta loi, Seigneur, est sainte et pure; Elie enchaîne les cœurs épris de ses attraits ; Ta parole est fidèle , et jamais le parjure Ne souilla l'ame simple où revivent ses traits. Tes jugemens sont l’effroi du coupable, Ta main soutient le faible au milieu des hasards ; De tes ordres divins la lumière adorable Comme un fambeau sacré brille à tous les regards. Que tout mortel t'adore et te bénisse; Que ton nom soit toujours et partout redouté : Fa volonté , c’est la justice, Et toi-même es la vérité. De ta loi qui pourrait trop vanter la merveille? Elle passe le prix des perles et de l’or. Moins doux est le miel dont l'abeille A recueilli le doux trésor. Le juste à l'aceomplir met ses soins et sa joic ; Nul péril ne sait l'étonner ; as + ESSAIS DE TRADUCTION diendis ils retributio multa. d 15. Delicta quis intelligit ? Ab occultis meis munda me , €t ab alienis parce servo tuo. 1/4. Si mei non fuerint dominati ; tune imma- culatus ero , et emundabor à delicto maximo. + 15. Et crunt ut complaceant eloquia oris mei , et meditatio cordis mei in conspectu tuo semper. 16. Domine , adjutor meus et redemptor meus. “OPE POÉSIE SACRÉE. 249 ll parcourt doucement la voice, Et tu l’attends'au-but | prêt à le couronner. .+: Quelle; ame assez sainte, assez pure, Se connait elle-même; et juge ses penchans ? Mais toi, Seigneur , ah ! viens corriger ma nature ; Et garde-moi du souffle des méchans. Si de l'approche de l'impie Tes soins, Seigneur , m’ont préservé, Pure comme un beau’ jour , s’écoulera ma vie, Et:c’est toi qui m'auras sauvé. Sois béni ; de mes chants; Seigneur, recois l'hommage Je te les consacre à Jamais : Je te consacre sans partage Un cœur rempli de tes bienfaits. 250 ESSAIS DE TRADUCTION V. CANTICUM SIMEONIS, CHRISTI ADVENTUM SALUTANTIS. (Ex vers. Vulg.S. Luc.c. Il.v. 29 , etc.) 29. Nunc dimittis servum tuum , Domine , se- cundüum verbum tuum in pace. 30. Quia viderunt oculi mei salutare tuum. [| 5r. Quod parasti antè faciem omnium populo- rum. 32. Lumen ad revelationem gentium ; et glo- riam plebis tuæ Israël. DE POÉSIE SACRÉE. 291 V.CANTIQUE DE SIMÉON. SUR LA NAISSANCE DU SAUVEUR. Seigneur , ta promesse est remplie ; Ton serviteur en paix peut descendre au tombeau ; Du salut qu’attendait ta nation chérie Ïl a vu le gage nouveau. I l'a vu ; ta puissance en miracles feconde L'offre à la terre , en ce jour solennel, Pour être le flanibeau du monde, Et briller de ta gloire au milieu d’Lsraël, RAA AU LATÉRALE VUE UE VASE MAL AE LULU LES LAS LA VUS QAR VUS LUE VE LUE MÉMOIRE SUR LE SIÉGE DU MONT SAINT-MICHEI, PAR LES ANGLAIS , EN 1493 ET 1/24, ET SUR LE COMBAT DE LA BROUSSINIÈRE EN 1455, LU À L'ACADÉMIE LE 40 FÉVRIER 1826; TEBMINÉ PAR QUELQUES OBSÆRVATIONS SUR L'HISTORIEN VILLARET , ET SUR BA NOTICE HISTORIQUE DU MONT SAINT-MICHEL , PAR M. L. BLONDEL. AVRANCHES , 1818 , IN-12. Par P.E.M. LABBEY DE LA ROQUE. Ce mémoire contient cinq chapitres. Dans le premier , nous plaçons le combat de la Broussinière , nommé aussi la bataille de la Gravelle ; dans le second , le siége du Mont Saint - Michel, et dans le troisième , la liste des défenseurs de cette forteresse, en 1423, 1424 , 1427, suivie de Notes sur les familles auxquelles ils appartenaient. Le chapitre quatre contient une critique de l'historien Villaret; et le cinquième est composé de Notices sur les auteurs qu'on a consultés. Le siége du Mont Saint - Michel par les Anglais au commencement du règne de Charles VIE, est célèbre en Normandie par honneur qu'y acquirent SUR LE-SIÉGE DU MONT SAINT-MICHEL. 299 ses défenseurs , presque tous gentilshommes Nor- mands ; les détails de cet événement n’apparte- naient point à l’histoire générale du royaume ; mais ils auraient dû trouver place dans l’histoire parti- culière de notre province , où cependant onne les voit point , soit qu'ils aient été inconnus. à ceux qui lont écrite , soit qu’ils les aient à dessein né- gligés. Nous essayons de suppléer à ce défaut , et nous allons les présenter ici avec leur circonstance, tels qu’on les trouve dispersés dans trois auteurs contemporains qui pouvaient être bien informés de ce qu'ils ont écrit. Puisse notre travail être agréable aux amateurs de notre histoire et utile à ceux qui entreprendraient de l'écrire à l’avenir! CHAPITRE Ier. Défaite des Anglais à la Broussinière. En 1423, CharlesWVIT n'avait plus en Norman- ? re die que la forteresse du Mont Saint-Michel, dont était capitaine ou gouverneur Jean de Harcourt , comte d'Aumale , seul fils de Jean VIE , comte de : Harcourt , mort en 1452, 28 ans après son: fils. Le 11 mai 1423 ,le Roi donna à d'Aumale 751 ? 7 254 SUR LE SIÈGE livres pour les fortifications de la place. Peu après d’Aumale échangea ce gouvernement avec Louis, sire d’Estouteville , son cousin - germain , contre celui de Harfleur , dont il ne devait jamais jouir , Harfleur étant dès -lors occupé par les Anglais, qui n’en sortirent que long-temps après. Voyez la Roqué , Histoire de la maison de Harcourt, pages 426, 42. D'Aumale , commandant pour le Roi dans la Touraine , le Maine et Anjou , était à Tours , oc- cupé à assembler des gens de guerre pour une en- treprise qu'il méditait sur la Normandie ; lorsque Ambroise de Loré, capitaine du château de Samnte- Susanne au Maine , lui donna avis que Jean de la Poole, chevalier de grand sens et de grand lignage, frère du comte de Suffolk , après avoir couru le Maine et l’Anjou avec 2,500 Anglais, retournait en Normandie chargé de butin , et était présente- ment logé devant le château de Segré en Anjou. A cette nouvelle , d’Aumale court à Laval et y mande ses gens de toutes parts, Jean de la Haye, barôn de Coulonces près Vire , chevalier , lui amène une belle compagnie ; mais , pour lui avoir plusieurs fois désobéi dans son gouvernement , d'Aumeale Pavait banni de sa présence , et ce ne fut qu'à la prière des autres capitaines ; et surtout d'Ambroise de Loré , qu'il obunt de prendre part DU MONT SAINT-MICHEL. 255 à expédition , sans voir le général | et comme à son insu. Le lendemain ( c’étaitle samedi sep- tembre 1425 ), d'Aumale part de Laval et se porte sur le chemin que devaient tenir les Anglais pour rentrer en Normandie. Des éclaireurs bien choisis sont envoyés les reconnaître ; et 1l se trouve qu'ayant quitté leur position de Segré , ils mar- chaient vers le château de la Gravelle , emmenant les Ôtages du château de Segré , plusieurs prison- niers mis à rançon et 1,000 à 1,200 bœufs ou va- ches. Sur cet avis, d'Aumale va se loger au Bourg- neuf de la Forêt , ou il apprend que l’ennerai n’é- tait qu’à trois lieues , et devait passer à la Brous- sinière , village éloigné de celui de Bourgneuf. Alors il mande le Bâtard d’Alencon ; et sur sa prière , Mme de Laval ( Anne, fille de Gui XII mort en 1412 , veuve deJean de Montfort , mort en 1415 ) , lui envoie son second fils, âgé de 1a ans ( André de Montfort , qui fut depuis sieur de Loheac et maréchal de France }) , sous la conduite de Gui de Laval , sieur de Montjean ; avec tous les gens de la seigneurie de Laval, et autant de ses autres hommes et vassaux qu’elle en peut ras- sembler promptement. On tient conseil , et il est résolu que l’on combattra les Anglais. L lende- main dimanche , au soleil levant ; d'Aumale sera à la Broussinière , où avec sa eme , le PBâtard 256 T1 SUR LE'SIÈGE d’Alencon , les chevaliers et autres gens envoyés par Mwe de Laval , il attendra ,en bataille, à pied, les Anglais /'en même -temps Louis de Tromargon et Ambroise de Tioré, faisant de 140 à r60 lances, seront à cheval pour agir contre l'ennemi , selon: les circonstances ; et's’ils avaient besoin d'aide; le bäron de Coulonces avec sa compagmie les se- conderait. Ces mesures ainsi concertées, d’Aumale se trouva le dimanche , à six:heures du matin ; à Ja Broussinière. Vers huit heures , on aperçoit les coureurs des Anglais chassant les nôtres, fls-sont à leur tour repoussés par nos!trois, capitäines à che- val , et forcés de mettre pied'àterre , à un demi- quart de lieue de la Broussimèré;, près de Jeur ba- taille. Elle avancait , marcliani x piel4-en belle or: donnance ; mais sans voir .d'Aumale ; parce, que nos cavaliers ne laissaient aucun des ennemis s’é- carter du gros dé leur troupe; et se tenant tou- jours soigneusement entre les Anglais et d’Aumiale, se retiraient leritement:dévant: éux:vers celuisei: Enfin , ils n'étaient plus!qu'à un trait d'arc; lors: que, voyant d’'Aumale vemirè-eux, ils s’arrêtérent et plantèrent ces pieux/qu'ilsiportatent toujours en grand nombre: Ce mo yéà rendit en. effet infruc- tueuse l'attaque que nos caväliers tenlèrent de ce côté-là ; mais ils tournèrent -incontinent les An- glais, Les chargèrent de Pautre-côté:, soit ils, n'a- DU MONT! SAINT-MICHEL. 257 vaient point derpieux pour les garantir , les rom- pirent et:les forcèrent de se serrer en désordre contre un fossé. Alors d’Aumale tomba sur eux. On combattit vaillamment corps à corps, mais les Anglais furent bientôt complètement défaits. 14 où 1,500: restèrent sur la place : 2 ou 300 furent tués, dans la poursuite. Jean de la Poolc , Fhomas Clfton,, F, Aubourg et plusieurs autres restèrent phsonniers ;1ls en Sauva au plas 120, etcette vic- toire nous coûta très - peu de monde. Le champ de bataille étant sur la terre de Min de Laval, elle fit enterrer les morts , qui furent comptés par Alencon le Hérant: On créa en cette occasion plu- sieurs chevaliers , et entraatres cet André de La- val ou de Montfort, encore enfant. Le jour même du combat , d’Aumale alla loger à la Gravelle, De- Bentrant en Normandie, il larssa le sieur d’Ausse- bourg ( Robert d'Estouteville , sieur d’Ausebosc , en la vicomté de Caudebec) avec quelques troupes devant Avranches , pour essayer de la remettre en l’obéissance du Roi, poussa jusqu'aux faubourgs de Saint-Lo ; où ils s'arrêta trois ou quairejours, repassa devant Avranches ; qu'ilne put avoir , et rentra dans le Maine , dépendant de son gouver- nement , avec son butin et ses prisonniers. Le Roi , pour le dédommager des frais de cette che- vauchée et de ses. grandes dépenses à l'occasion 258 STR LE SIÈGE de la bataille livrée äux Anglais au mois de sep- tembre 1/23 , lui donna, par lettres-patentes du 27 octobre suivant , 4,050 livres. Voyez l’histoire de la Maison de Harcourt , pages 426 , 427,4at; et pour les détails du combat de la Broussinière , Jean Chartier , et surtout lanonyme auteur de l’histoire dite de la Pucelle d'Orléans, dans Denys Godefroy , histoire de Charles VIT, Paris , im- primerie royale , 1661 , in-folio , pages 4 , 5,6, 7,485 ,484 , 485. Re nt ee PR A CHAPITRE Il, Contenant le siége du Mont Saint-Michel en 1423 et 1424, avec une courte Notice d’au- tres entreprises contre cette forteresse,soit par les Anglais au quinzième siècle , soit par les Huguenots du seizième. Les Anglais ne virent pas plutôt d’Aumale re- tiré en Touraine dans son gouvernement , qu'ils commencèrent ( vers la fin d'octobre 1425 ) à as- siéger le Mont Saint-Michel par mer et par terre. Sur la mer, ils avaient un grand nombre de très- gros navires pourvus de toutes choses , et chargés de gens de guerre bien armés. Par terre , leurs DU MONT SAINT-MICHEL. 259 bastilles environnaient la place , de sorte qu’on ne pouvait en aucune manière la ravitailler. Et d’ail- leurs le duc de Bretagne , par suite de ses enga- mens avec les ducs de Bethfort et de Bourgogne, contractés à Amiens le r7 avril 1425 , avait dé- fendu à ses sujets | sous de grande$ peines , de porter les armes hors du duché sans sa permission. Ainsi le Mont Saint - Michel se trouvait dans le plus grand danger. Après plusieurs attaques inu- tiles , dont on voit le récit dans M. L. Blondel ( notice historique du Mont Saint-Michel , Avrar- ches, 1823 ,in-19,p. 39 et suiv. } , les Anglais avaient converti le siége en blocus , et la famine aurait infailliblement fait ce que la force n’avait pu faire , si la Providence n’eût secouru les assié- gés par des moyens auxquels probablement leurs ennemis ne s’attendaient pas. Nous avons vu qu'ils pouvaient compter sur la neutralité du due de Bretagne ; mais le traité d'Amiens qui la leur as- surait n’avait pas changé le cœur de ses sujets ; et la noblesse et le peuple de son duché étaient tous en général disposés à favoriser la cause du Roi contre les Anglais | comme on le vit assez clairement par le combat naval , qui bientôt devait les forcer de lever le siége. La place était aux abois faute de vivres, lorsque Guillaume de Mont- fort , évêque de Saint - Malo , réunit secrètement les sires de Beaufort , de Combourg , de Montan- 269 SUR LE SIÈGE ban ,de Coetquen; avec quelques, autres seigneurs, et proposa la délivrance du Mont Saint - Michel. L'assemblée délibéra , et on résolut de combattre la flotte qui en fermait l'accès. Tout ce qui se trou- vait de vaisséaux.à Saint - Malo fut promptement armé, et l’og ÿ plaça tout ce qu'il y avait dans le pays de gens d'armes et de trait. Il y eut , dit l’au- teur contemporain de l’histoire appelée communé- ment l’histoire de la Pucelle d'Orléans dans Denys Godefroy, histoire de Charles VIH ,p.485 : «Il « y eut de vaillans hommes , tant d'armes que « de trait, qui très-volontiers et libéralement se « mirent sur les navires des Brétons: » Briant de Château - Brant ;: ire de Beaufort , fut déclaré amiral ; ét.justifia parfaitement ce choix. Les vais- seaux des Anglais étaient plus élevés , plus forts : les nôtres portaient un plus grand nombre de gens de, guerre. Enfin ; après une longue etvigoureuse résistance:, les Anglais disparurent, abandonnant une partie. dé leurs vaisseaux ; pris dans le com bat ; ou: qui v’avaient plus assez d'hommes pour les, gouverner, La place fut aussitôt largementap- provisionnée , et ceux qui la tenaient assiégée par terre voyant leur flotte dispersée ,:se retirèrent aussi. Cela dut se-passer en 1424, vérsila fin de mars ou le commencement d'avril: Le duc de Bretagne craignit trop les reproches DU MONT SAINT-MICHET. 291 des ducs de Bethfort et de Bourgogne , pour avoir osé contribuer à l'expédition navale de ses Bretons contre les Anglais , mais il ne ‘craignait pas moins de voir ces étrangers établis au Mont Saint-Michel, d'où ils auraient pu trop facilement inquiéter sa frontière | comme avaient déjà fait ceux qui le te- naient bloqué. Il est donc à croire qu'il se sera ta- citement réjoui de leur défaite, et n'aura pas su mauvais gré à ceux de ses sujets qui l'avaient opé- rée, sans qu'il s’en mêlât. V. dom Morice, hist. de Bretagne , in- fol. , t, 1 ,p. 492; et d’Argentré, hist. de Bret. , Paris , 1588 , p.854. Les Anglais, maîtres de toute la Normandie , de Granville et d'Avranches , lieux très - voisins du Mont Saint-Michel , reparurent bientôt devant la place, et construisirent une nouvelle bastille à Ardevon , qui n’en est éloigné que d’uné lieue. La grève, qui séparait les deux: partis , était une arêne , où presque tous les jours 1l sesfaisait de belles armés. Ceux du Mont Saint-Michel avaient alors un fréquent commerce avec'la garnison de Mayenne-la-Juhel, château situé à quinze lieues dans le Bas-Maine , où commandait ce chevalier normand ; Jean de la Haye, baron de Coulor- ces , que nous avons vu se signaler au combat de la Droussinière. Un jour le baron avertit les Français de faire une sortie an certain vendredi 262 | SUR LE SIÉGE qu'ilindiqua , promettant de s'y trouver sans faute vers deux heures. Les Français sortirent en effet au jour marqué pour escarmoucher comme à l’or- dinaire, Ils étaient d’abord un petit nombre , mais, des renforts leur arrivaient successivement pour engager l'ennemi à grossir également sa troupe , de sorte qu’enfin ils se laissèrent pousser peu à peu jusques près du Mont Saint-Michel par deux ou trois cents Anglais. Alors à leur grand étonne- ment parut derrière eux le baron de Coulonces , qui leur fermait la retraite sur leur bastille d’Arde- von. Quoique surpris , ils se défendirent vaillam- ment , et néanmoins il ne s’en sauva guères, puis- qu'ils perdirent de 200 à 40 hommes , tant tués que pris. Entre ceux-ci lon remarque un cheva- lier anglais nommé messire Nicolas Bourdet. Leur bastille d'Ardevon fut aussitôt démolie. Tous ces évènemens relatifs au Mont Saint- Michel sont racontés par les contemporains avant le débarquement à la Rochelle , sous la conduite du comte de Douglas, de 5,000 Ecossais, vers Pâques , 23 avril 1424, Le siége , commencé en octobre ou novembre 1423 , ne finit qu'en mars ou avril 14924 , de sorte qu’on a pu le rapporter à chacune des deux années. Par exemple , les his- toriens bretons , ne considérant que la délivrance de la forteresse , qui fut l'ouvrage de leur nation, DU MONT SAINT-MICHEL. 265 en parlent sur l’année 1424 tandis que d’autres ont écrit, et avec vérité, qu’elle fut assiégée par les Anglais en 1425 ; 1423 aura aussi été énoncé par ceux qui , suivant l’usage d'alors , auront attribué à cette année les événemens de 1424 , antérieurs au jour de Pâques 23 avril. Ceux de ces deux an- nées 1423 et 1424 sont racontés dans l’ordre sui- vant , par Jean Chartier , et par l’auteur de l’his- toire dite de la Pucelle. La bataille de Crévant (juillet 1428 ). Le combat de la, Broussinière ou de la Gravelle (septembre 1425 ). La prise de Sédanne par les Anglais ( 24 jun 1425). Le siége et la délivrance du Mont Saint-Michel. Le débarquement à la Rochelle de 5,000 Ecos- sais ( vers Pâques 1424 ). Le siége d’Ivri par les Anglais commence en mai 1424. La bataille de Verneuil, le 17 août 1424. Ce siége du Mont Saint-Michel en 1423 avait été précédé par d’autres attaques. Louis Blondel, Notice du Mont Saint-Michel, p. 38, parle de tentatives par les Anglais , où ils furent re- poussés par le gouverneur ; Jean de Harcourt, comte d'Aumale. Dans l'lustoire de la maison de Harcourt , p. 264 lTIsUR SE'SIÈGE 544, est mentionné Louis” er! À sire. d'Estou- teville ; gouverneur de Normandie , capitaine de Härfleur et du Mont Saint-Michel , « lesquelles « places il défendit contre les Anglais-ès années 1417 et 1427 , » expression qui me paraît présenter un double sens, savoir , qu'il aurait défendu ces dèux places en 1459, et qu'il les défendit éncore en 1427 ; où que Harfleur avait été par lui défendu en 141713 et le Mont Saint: Michel en 1497. Ces attaques antérieures à à 1435 j quoique peu-vemarquées par! les don- temporains ; paraissent cependant ‘obscurément indiquées paï l'anonyme aiteur d’un’Abrégéchro- nologique de l’histoire des années 1400—1467 , qui, sur l’année 1424 j16"exprime! ainsi : «t Le « Mont Saint-Michel fut assiégé par les Anglais , « et des bastides mises{ devant la ville en la « grève, mais les Anglais y fdrent défaits , & leur « ordinaire, par ceux de Bretagne , et fut ce « siégé levé cette fois! Une’ bastide fut remise & par les Anglais x Ardevono, près dudit:Mont «Saint-Michel, et furent de rechef les Anglais « défaïts et:leur bastide démolie. » Ces mots, à leur ordinaire , semblent annoncer que cette défatedont parle l'auteur n’était pas la première!, et qu'il pensait alors à d’autres attaques anté- ricures par les Anglais également inutiles. DU MONT SAINT-MICHEL. 365 On pourrait finir ici ce chapitre, dont le siége du Mont Saint - Michel, dans les années 1425 ct 1424 , est le principal sujet. Nous al- lons cependant y ajouter une courte notice des autres attaques auquelles ce saint asile fut encore exposé depuis , nous contentant de les indiquer, ainsi que nos garans et les sources où nous au- rons puisé. L'entreprise de 1427 , déjà mentionnée ci- “dessus ; est encore marquée dans l'histoire ‘de la maison de Harcourt, où l’on voit, p. 557, que Robert d’Estouteville , sieur d’Aussebosc , servit utilement à la défense du Mont Saint-Michel et de Saint-Sauveur-le-Vicomte , en 1427 elle est également citée dans le Dictionnaire de la No- blesse , par Lachesnaye de Bois , in-4°. , tome 12, p. 683 ; dans la Gallia Christiana , tome 11,p. 538; dans la Veustria pia, page 395. Enfin, quoique je ne la trouve pas dans les au. teurs contemporains que j'ai consultés, on ne la pourrait révoquer en doute , n’en eût-on pour garans que les titres de la maison d’Estouteville , vus et examinés par Gilles - André de la Roque et par le père Anselme , qui nous en ont donné Ja généalogie. Le 8 mai 1427 , les Anglais prirent Pontorson , qu'ils tenaient assiégé depuis le jeudi gras, 27 février. [ls auront vraisemblablement 18. 266. . SUR. LE SIÈGE alors ; ou dans l'été, suivant., attaqué le Mont Saint-Michel , dont la garnison avait gêné, et rendu plus difcile larrivée des vivres à leur camp, devant, Pontorson. Voyez l'histoire du connétable de Richemont , dans Denys Godefroi, histoire de Charles VIL, inf0., pages 751 , 752; Enguerrand de, Monstrelet ,.chroniques,, Paris, 1572 ,in-f°. 35 vo. | La.liste des.défenseurs du Mont Saint- Michel , en 1423, 1424, 1427 , sera le sujet du char pitre HT, Les Anglais du XVe. sl . unis aVeC nous dans,une même foi, ne convoitaient dans le Mont Saint-Michel qu'une place forte; capable d’affer: mir leurs conquêtes ; mais les novateurs du siècle suivant, furent pour. ce sancruaire des ennemis bien,plus dangereux. Ces prétendus réformateurs de la religion se faisaient un devoir de détruire partout celle. de leurs pères, d’en exterminer les ministres, ravager les lieux qui attiraient le plus d'hommages , et de profaner, de la manière la plus impie , les objets de la vénération publique. D'ailleurs , les richesses accumulées au Mont Saint- Michel, par la piété des âges précédens , tentail vivement.leur cupidité, en même-temps qu'une forteresse presque inexpugnable leur semblait très- propre. x appuyer leur rébellion, Aussi. dans le DU MONT SAINT-MICHEL. 267 cours de leurs guerres contre nos Rois, ne man- quèrent-ils pas de faire ; pour s'en émparcer , plusieurs tentatives. Voici celles dont j'ai con- naissance, La première , le... mars 1563 , conduite par le fameux Gabriel , comte de Montgomeri, échoua par la belle défense du gouvérneur, Nicolas de Grimouville- Larchant , qui y fut blessé. Son frère, Jean de Grimouville , brave homme aussi , était alors prieur claustral de abbaye. V. la gé- néalogie de la maison de Grimouville , Saint-Malo, 1818, in-60., pages 79, 80, 8r, 69, 70 ; Masseville, histoire de Normandie | m-12, Rouen, 1701,t.5, page 165; La Papelinière sur l’année 1563. La seconde , le 22 juillet 1577 , par le capi- taine du Touchet, des environs de Domfront , un des chefs des protestans dans ces quartiers- là. V. M. Blondel , Notice historique du -Mont Saint-Michel , Avranches 1823 , page 58. La troisième , en 1589 , par le sieur de Lorges, un des fils de Gabriel, comte de Montgoméri, mentionné ci-dessus. Blondel, ibidem , pages Go 61. La quatrième , en décembre 1591 , par le même comte de Montgomeri. Le gouverneur Bois-Suzé lui tue 8o de ses meilleurs soldats , 268 SUR LE SIÈGE sans perdre un seul homme. Les détails singuhers de .cette action méritent d’être lus dans M. Blon- del, ibid., pages 61 , 62. Toutes ces attaques furent sans succès. Le 27 septembre 1595 , ce même Bois-Suzé , dans son dépit d’avoir été destitué par le duc de Mercæur , tente à la tête d’un grand nombre de protestans, une surprise nocturne , force la ville et échoue devant le château , ibidem , pages 62,63. En 1596, Charles de Gondi , marquis de Bellisle, voulant se faire auprès du Roi le mé- rite de lui avoir soumis le Mont Saint-Michel , que tenait pour la ligue , par commission du duc de Mercœur , La Touche de Kerolent, gentil- homme bréton , essaya de s’en saisir par surprise et par trahison; mais ses gens furent mis en fuite et lui-même tué de la propre main de Ke- rolent. Ainsi périt justement, victime de son ambition, à l’âge de 27 ans , un brave et beau jeune homme. Voyez M. Blondel , ibidem, page 65 ; l’histoire des grands officiers de la couronne, tome ,page ; et l’histoire de la maison de Gondi , in-4°. DU MONT SAINT-MICHEL. 269 CHAPITRE II. Liste des Gentilshommes, qui, en 1423 et 1424, défendirent le Mont Saint - Michel contre les Anglais. Cette liste , imprimée pour la première fois , en 1631, par Gabriel Du Moulin, curé de Mannevat, occupe , en quatre colonnes, les pages 51 , 52 de l’Appendice qui fermine son histoire de Normandie , in-fo. Elle contient, y compris le sieur de Perci, marqué dans les errata , 121 personnes ; mais le même sujet paraîtrait figurer deux fois dans les Du Homme , les Foligny , les T. dela Motte. Cette liste est précédée du titre et de la note qui suivent. Noms de 119 gentilshommes qui défendirent si bien le Mont Saint-Michet, l’an 1423, que les Anglais ne purent le prendre. Leurs noms et armes étaient peints , mais l’in- jure du temps a effacé la plus grande partie des- dites armes. Enfin , la liste de Du Moulin est terminée par celte note : Ces noms et armes furent posés par les susdits. 270 .: SUR LE : SIÈGE. seigneurs , en un grand tableau , Pan 1427 , lors- que les Anglais étaient devant Saint-Sauveur. Masseville a aussi donné cette liste, qui oc- cupe les pages 145, 148 de la 4°. partie de son histoire de Normandie ; Rouen, Ferrand et Maurry , 1608, 6 vol. in-12. Elle contient 101 personnes et est précédée du titre suivant : Les gentilshommes qui défendirent le Mont Saint-Michel , sous la conduite du sire d'Etou- teville , contre les Anglais, l'an 1424. Notre liste , formée sur les deux autres , con- tient toutes les personnes qui y sont nominées » et est composée de manière qu'on voit d'abord si le sujet appartient à la liste de Masseville , ou seulement à celle de Du Moulin ou à toutes les deux ; ‘et qu'on peut le retrouver facilement , soit dans l’une, soit dans l’autre. Dans notre liste, le nom de chaque personne est précédé de trois colonnes ; la 1re. contient le numéro de celte personne dans notre liste ; la 2°. colonne contient deux numéros , celui de la page et celui de la ligne où le nom se trouve dans la liste de Mas- seville ; Enfin, la 5°. contient également deux numéros , le 1°". exprime la colonne et l’autre la ligne où le nom se trouve dans la liste de Du Moulin. DU MONT -SAINT-MICHEL. 271 Liste de 119 gentilshommes qui défendirent le Mont Saint-Michel contre les BE : en 1425 et A4 MNde, :N.dela. Ndela Fi Me IDE + à qérd 1,24, 40: Le sieur P.-Allard. 3 45 44 Le sieur Guillaume Artur. 3 .4,:,4:,.3,44.. Le sieur Estienne Auber. 4 4,,,:2, » 4, 49.1 Le Bastard d’Aubose. 8,4 43,931, 391 28.:. Le sieur P. d'Ausseys, 6 4, 4 4,31. Le scigneur d’Auxais.. 7'raS 3, 17. Le sieurP.Bacon, |, 18 4,5: 3,26, Le sieur R.de Bailleul. 9 1, 6 a, 24 . Le sieur Robert de Beauvoir. 10 1,.7:.:3,%27.. Lesieur M. le Bence... 11 1, 8, 3,1 3... Le sieur Guillaume Benoit, à 12 3,..2.:, Le sieurJ. Benoit. | ah : 3,) 4. Le sieur T. Benoit. 44. y 191: 14545 Le seigneur de Biarts. 15 1,10 4,41, Le sieur C. de Bordeaux. tudÿt 2,.:, Le sieur Guillaume de Bour- | guenolle. 48 vol23 D Lois Le sieur T. de Brayeuse. 18 1,13. 4,20, . Lesieur C. de Brequeville. 3, 5: Le sieur Robert de Brézé. Le sire de Briqueville. Le Robert de Bricqueville. Le sieur de Bruille. 23 1,18 4,20. Lesieur Jean Le Brun, Massewille. Du Moulin. 272 N. de N. de la FA mor 24 1,19 291 4,20 26, 2.8 M aa 39 45 19 29 2, 4 30 42, “4 SAS NE Ja. On 33°, 20°C 34 2, 9 397.25 0 36 "2," 37 COVFTS SPC ie 39. #,-14, go 2,135 LE ANR PA 42 dans le titre 43 44 2,181, 45 2, +9 46 2, 20 47" 2,28 48" :1a),7a2 49 50:., 24.43 54: 23, 04 SUR LE. SIÈGE : N. de la liste de 4, 1, 1) 4, 3, 3), 3, 1, 1, 2 1, L) 2) 4, 2; 4, 2) 1, 1, 4, 9 36 27 15 20 18 7 22 19 6 7 36: 8: 1% 13 35 33 1 6 B- Le Bastard de Cambrey. Le sieur L. de Cantilly. Le sieur Jean de Carouge. Le sieur J, Le Carpentier. LesieurJeandela Champagne. Le sieur de Clere. EesieurRuhardde Clinchamp.. ‘Ee sieur Colibeaux. Le siré de: Coulombiètes. Le baron dè Coüloncés. Le sieur Jean de Criquebeuf. Ee sieur de Criqui. Ee baron de Croubeuf. Éesieur deCrullé ou-dè Creul-- ley. f Le sieur G. de -Cuves: Ee sieur J:Dravart.. Le sire aux Espaules. Le sieur G. d'Esquilli. Louis, sire-d'Estouteville , cæ-- pitaine. DE le sieur Flambart: 16; 2, 34 Le seigneur de Foligni. 2; 3, 2) 2, 4; 2, 1, 24 23 2 21 23 16 8 Le sieur Charles de Fonteny:. Lesieur T. Gouhier…. Le scigneur de Grainville. Le sieur Henri du Grnippel. Le sieur P. de Grippel! Le sieur P. le Grip. Le sire de Guimene,. DU MONT SAINT-MICHEL, 279 N.de N.dela N.dela notre liste de liste de lite. Massville, Du Moulin. 52 2,35 2,48 Le sicur Jean Guiton: 53 2,26 14, 3 - Le sieur Charles Hamon. 54 2, 22 Le sieur François Hamon. 55 1, 4 Le sieur Jean Hamon. +56: -2, 27! 3, 6: Le sieur Thomas Hartel, 57 2,:a8! r'4, 3%: Le sieur della Haye d’Aronde. 58 3, «2,51, Le seigneuride la Haye-Hue. 59 3, 2 4, 13 Le sieur André de la Haye du Puits. 60 3, 3 2,929 Le sieur F. Hérault. Ga 3, 4 4, 12 Le sire de.Ja Hire. 62 3, 52,1;4,1x Le sieur Robert du Homme. 63. 3, G 2,27 Le sieur Thomas Houel. 64 3, 7 a, 9 LE sire dela Hunaudaye. 65 3, 8 3, 35 : Le sieur Robert Lambart, 66 3, 9 2,23 Le siour J: dés Longues ou des Longnes. 67. 2, 33 Le sieur P: des Longues ou des Longnes. 68 3,10 4, 7 Guillaume, seigneur de la Lu- zerne. 69 3, #1 3,15 Le sieurde la Maire. 79 3,12 41,414 Le sieur C. de Manneville. 72 3,13 3,12 Le sieur F. de Marcilly ou de Marcillé, 72 3,14 #, 4 Le sieur G, de la Mare. 73 3,15 3,14 Le sieur J. Massire. 74 3,16 2,23 Lesieur F. du Merle. 75 3,47 4, 5 Le sieur Henri Millard. 76 3,18 s,19 Lcsicur Thomas de Monteair. 274 N\. de notre diste. 77 20. 79 80 100 101 102 103 104 105 N. de la liste de Masseville. 3, 19 3, 20 24 co v ES » b * SUR LE SIÈGE N. de la diste de Du Moulin. © Le sieûr Charles des Moutiers. «Le sieur B. des Monts. 3! 14 2, 2,14et 30 4, 8r, 4 :9 6 13 19 Le sieur C. de la Motte. Le sieur T.:de la Motte. Le sieur R. de la Motte-Vigor. Le sieur P.1du Moulin. Le sire de Moyon. Le sieur Robert de Nautrech. Le sieur de Nautrech. Le sieur T.-de Nossy.: Le sieur Etienne d’Orgeval. Lé sire Painel, Le sieur T. de la Paluelle. Le sieur G. des Pas. Le sicur Jean des Pas. Lé sieur de Percy. Le sieur A. Pigace. Lé sieur J. Pigace. Le Bâtard Pigace. Le sieur Thomasde Pirou. Le sieur de Plom. Lé sieurJean de Pontfol. : Lé sieur:G. le Prestel.: Le sicur Ivés de Priair Vague de Mer. Leïsire de Quintin: Le sieur R, de Riquières. Le sieur R. Roussel. , Le sicur de Rouvencestre. Le seigneur de St.-Germain. DU MONT SAINT-MICHEL. 275 N. de IN. dela I. de la notre LÉ de 1, ‘liste da Zisle. "" Masseville. Du Moulin. 106 4,13 Le: sieur Foulque de Sainitc- Marie. 107 4,14 K, 47 Le sieur G. de Semilly. 108 . » 14 4,18 Le sieur R.de Semilly. 109 4,15 2,,28 Le sieur H. Thésart. 110 4,16 4, 1° Lesieur S. Thomas Guerin. 144 4,47 1,10 Le sire de Torigni. 112 °3 , 19 Le Bastard de Torigni. 113 4,18 12, 26 Le sieur S. de Tournebu. 114 4,19 1, 26 Le sieur P.de Tournemine. 335 4,20 1, 30, Le sieur de Vair. Ç 416 4,21 2, 4. Le seigneur de Ver. 447 4, 2® 1, 32 Le sieur de Verdun. 418 4,23 2,25 Le sieur G. Le Vicomte, 419 4,24 3, 4 Le sieur Pierre de Viette. On voit que Masseville omet 17 personnes des 118 nommées par Du Moulin , et cite Foulque de Sainte-Marie que Du Moulin n'avait pas nom- mé. Ainsi, l’un mentionne 118 personnes, et Vautre seulement 102. Quelle est la cause de cette différence ? S'ils indiquaient les sources où ils ont puisé , peut-être trouverait-on des motifs de préférence dans les conditions des manuscrits ou des auteurs qu'ils auraient suivis ; mais dé- pourvus de ces moyens, de former un jugement , nos conjectures en seront plus incertaines. Mas- 276 SUR LE SIÈGE seville mériterait plus de confiance que Du Mou- lin. Meilleur critique , plus judicieux , on doit supposer qu'il aura eu de bonnes raisons pour écrire autrement que son prédécesseur. Mais tous deux auront suivi quelqu’ancienne liste. Celle de Masseville ne contenait que les noms de ceux qui formaient la garnison ordinaire de la place, et qui soutinrent le siége de 1423. Dans l’autre liste , celle de Du Moulin, on leur aura associé ceux qui faisaient partie de la garnison en 1427, année où ils eurent encore à repousser les at- taques des Anglais , et où fut composé ce grand tableau ,. destiné à montrer à la postérité les noms et les armes de cette vaillante noblesse. Telle. est ma conjecture , que j'abandonnerai volontiers aussitôt qu’on nous, en aura donné une autre plus satisfaisante. Notes sur les gentilshommes , défenseurs du. Mont Saint-Michel. Le numéro qui précède. chaque Note , indique dans notre liste le nom auquel elle se rapporte. 1. Montfaut trouva noble un Jean Allard , à Sourdeval , sergenterie de Roussel ,, élection d’Avranches , qui probablement était de même famille que le P. Allard de notre liste. Nicolas. DU MONT SAINT-MICHEL. 277 Allard , dont la veuve et les enfans mineurs fu- rent condamnés , en 1667 ; aux vieux Conches, élection de Conches, par de Marle , inteudant d'Alençon , portait , d'azur , à 5 étoiles d’or , 2 et 1, et 5 croissans d'argent, 1 et à. Ce Ni- colas , ou plutôt ses ancêtres , qui commencèrent à usurper la noblesse, auraient peut-être pris les armes des Allard de V’Avranchin, 2. Artur. Une famille de ce nom , annoblie , en 1647: à Pontorson , près d’Avranches, por- tait, de G., à la coquille d’or , au chef d’ar- gent. Si l’annobli a connu les armes de la fa- mille de notre Guillaume Artur, et si cette ‘famille était éteinte en 1647, il est probable qu’alors il en aura adopté les armes. Artur ,-en Bretagne , portait , d’azur , au crois- sant d’or , eten chef 2 étoiles d’or ; Dictionnaire de la noblesse , in-4°, , tome 1 , table , p. xix. 3. Aubert. On peut attribuer probablement à notre Etienne Aubert, les armes de Michel Au- bert , qui, en 1667, demeurait à Ardevon , serg. de Pigache, élect. d’Avranches , et y fut maintenu dans sa noblesse par Chamillart , in- tændant de Caen; portant, palé d’arg. et de Gueules , au chef ++ 40 4. Le Bastard d'Aubose. Il était probablement frère ; oncle ou neveu de Robert d'Estouteville , 278 SUR LE SIÈGE sieur d'Auzebose , paroisse en la vicomté de Caudebec ; il portait l’écu d’Estouteville , qui est burelé d'argent et de G. , au lion de sable , armé lampassé et couronné d’or : le tout brisé d'une marque de bastardise , à ce que nous avons dit ci-dessus, p. 6 et 11. De ce Seigneur d’Au- zebose nous ajouterons ; qu’au combat de 1424 , où la flotte anglaise fut battue devant le Mont Saint-Michel , il état à côté du sire Beaufort, amiral des Bretons. V. l'Hist. dite de la Pucelle dans Denys Godefroy , Hist. de Charles VIT, in f0,, Paris, 1661 , p. 485. 5 et 6. Le numéro 6 est certainement le sei- gneur d’Auxais , paroisse dans la sergenterie de Saint-Ény ; él. de Carentan , dé la noble mai- son d’'Auxäs, portant : de sable, à 3 besants d’arg. Quant au n°. 5 , il me paraît vraisembla- ble que c’est Philippes d’Auxais , aïeul de Phi- lippes d'Auxais, trouvé noble par Montfaut en 1463 , audit lieu de Saint-Ény. Cependant son nom est autrement écrit que celui du numéro 6 dans Du Moulin, et surtout dans Masseville : motif bien faible pour le croire d’une autre fa- mille ; quand on sait combien diversement le même nom se trouve écrit dans les manuscrits , et même dans les titres des familles. V. une généa- logie des d'Auxais , dans nos Mélanges Héraldi- ques , in-4°., p. 176 et suiv. DU MONT SAINT-MICHEL.. 279 7. P. Bacon. Il était vraisemblablement de la grande maison des seigneurs du Molley-Bacon , portant : de G. à 6 quintes feuilles d'arg. , laquelle subsistait encore au XVII. siècle. V. la Re- cherche des Elus de Bayeux en 1523, et celle de Roissy, en 1509. 8. R. de Bailleul. Ce pouvait âtre Richard: sieur de Prulay et de Bellavilliers au Perche , issu des seigneurs de Bailleul près Argentan, et du Re- nouard', portant de G. semé de croix recroise- tées au pied fiché d’arg. à la croix ancrée d’arg, V. la Roque, Hist. de la maison de Harcourt , p. 1405 , précédentes et suiv. , et la Généalogie des Bailleul dans nos Généal, dés famillés alliées aux l'Abbé , t. 5, p. 185.—203. 9. Beauvoir. M’est inconnu ; maisje ne le vois pas entre les 27 inconnues à M, de Clinchamp, de Saint-Lo , chargé de faire rétablir au Mont Saint-Michel les armoiries de ses nobles défen- seurs en 1429. J'en conclus qu'il les connaît. On trouve les armoiries de plusieurs familles dé ce nom dans le dictionnaire de la noblesse, in-40. ,t. 5, p. 580. 10. Le Bences dans Du Moulin. De Bence dans Masseville , inconnu. 12, 12 et 13. Benoît. Je les croirais de ces Benoît , qui donnèrent leur nom à la sergenterie 260 SUR LE SIÉGE de Benoît, él. d’Avranches , en 1463. Un Girot Benoît fut trouvé noble par Montfaut , à Tour- nay, S. de Villers, él. de Caen. Une famille de ce nom portait : d’az. au lion d’or. Dict. de la noblesse , t. 8, p. 585. 14. C'était un des prédécesseurs du baron de Biarts , qu’en 1465 Montfaut y trouva noble, S. de Corbelin , él. d’Avranches. 15. De Bordeaux. On en voit dans Montfaut , banlieue de Vire. Il paraît que M. de Clinchamp nous donnera leurs armes. V. ci-dessus , article 9. 16. Masseville et Du Moulin portent ici Bour- guenoble. Je crois cependant que cette famille portait le nom de la paroisse de Bourguenolle , près Avranches. Inconnu. 17. De Brayeuse. Briouse , en latin Braiosa, est un bourg du Houlme , él. de Falaise. Un Edmond de Briouse, écuyer, vivait dans le Houlme en 1469. V. l'Hist. de Harcourt , p. 868. Espérons que le sieur de Clinchamp nous en don- nera les armes. V. ci-dessus, art. y. 18. Ce sujet , étant nommé de Brequeville dans Du Moulin et dans Masseville ; semblerait ne point appartenir à la maison de Briqueville. Nous avons lieu d'espérer que M. de Clinchamp nous éclaircira sur ce point, en nous donnant ses armes. DU MONT SAINT-MICTHEL, 281 19. De Brézé. Il paraît être le Robert de la Gé- péalogie de Brézé dans lhist. des Grands - Offi- ciers de la couronne , t. 8 ,p. 270, et porte : d’az. à 8 croisettes d’or en orle , rangées autour d’un orle d’or , et en cour un écusson d'argent. 20. Ce pourrait être Jean , sieur de Briqueville Bessin , portant : palé d’or et de G.. V. le Dict. de la noblesse ,in-4° ,t. 12 ,p. 863. . 21. Je le crois frère de Jean ci-dessus , et qu'il est nommé Richard de Briqueville dans le susdit Dict. ,t.19 ,p. 863. 22, De Bruille. Quoique ce nom soit écrit ainsi dans la liste de Du Moulin et dans celle de Masse- ville , je le crois altéré ; et que peut-être il faudrait re de Breuilly. Montfaut, en 1463, trouva, dans les élections d’Avranches , Coutances , Valo- gnes , des De Breuilly , l’un desquels était de lor- donnance du Mont Saint-Michel , c’est-à-dire, de sa garnison ordinaire.De Breuilly qui, en 1667, produisit devant Chamillart , intendant de Caen, portait : d'azur au chef de gueules; sur le tout un lion d'or , armé , lampassé, couronné d'or. Les armoriaux composés environ un demi-siècle avant le'siége du Mont Sant - Michel , en 1425 , et rapportés par Du Moulin , hist. de Normandie, Appendice , p. 5 , donnent aux De Breully Péeu dur , au chef de G. , sur le tout un lion …:) 282 SUR LE SIÈGE d'argent, armé , lampassé et couronné d’or ; et à d’autres du même nom , l’écu d'argent , au chef d'azur ; sur le tout , un lion de G. , armé et cou- ronné d’or. 23. Montfaut , en 1423 , trouva nobles des Le Brun dans la serg. de Varaville ; él. de Câen , et au Tourneur, él. de Vire: Un Le brun , élect. dé Pont-l’Evêque , en 1669 , portait : coupé dé G: sur or, au lion de lun en Pautre. Un Le Brun, dans Vertot , hist. de Malte , in-4° ,t.3 ,p. portait : écartelé de vair et de G. 24.11 était probablement de ces Cambreyÿ, por- tant : d'azur , à 3 lions d’or , marqués dans Du Moulin, hist. de Normandie , Appendice , p. 5. 25. Il était probablement de ces De Cantilly , que Montfaut ne jugea pas nobles à Angers , serg. de Hérault, él. d’Avranches. 26. rss portait : de G. semé de fleurs de lis d’arg. V. Du Moulin , hist. de Normandie , Ap- pendice , p. 12. Richard de Carrouge fut trouvé noble par Monfaut à Magni , serg. de Jumel , él. de Falaise. 27, Robert le Carpentier fut trouvé noble à Cauquigny, serg. du Pont-lAbbé,él. de Valognes. M. de Clinchamp doit nous er les armes de notre le Carpentier. 28. De la Champagne. Il pouvait être d’une DU MONT SAINT-MICUEL. 283 maison de la Champagne , mentionnée dans l’hist. de la maison de Harcourt »P-151,1b2,et qui pouvait ürer son nom d’une seigneurie de la Cham- pagne , située dans PAvranchin. Enfin , la Cham- pagne et la Campagne étant le même nom , on lui peut attribuer l’écu d'azur , à 8 mains d’or, que portait Jean de la Campagne , suivant Du Moulin, hist. Ge Normandie ; Appendice, p.6. 29. La grande maison de Claire , dont les terres étaient voisines de celles de d’'Estouteville, au pays de Caux, était nombreuse en 1423. Elle portait : d’arg. , à la face paillée. 50. Ce Richard de Clinchamp est mentionné dans le Dict. de la noblesse ,in-4° ,t. 4 , p. 643. Il portait : d’arg. , au fanon de G. Ils étaient nom- breux et répandus dans toute la Basse-Normandie au XVesitc'e, 51. Ce Colibeaux , seigneur de Criquebœuf, de la maison d’Estouteville, est dit avoir été l'an des . 119 gentilshommes qui défendirent le Mont Saint- Michel en 1447, dans l’hist. de Harcourt , p.597, et hist. des Grands-Officiers de la couronne , t.8, p.102. Il portait l’écu d’Estouteville, brisé quinte- feuille de sable. 32. Coulombières portait : de G. , au chef d’ar- gent , suivant Du Moulin , hist. de Normandie , Appendice , p. 16. Voyez sur cette maison Mont- 285 SUR LE SIÉGE faut, et le Dict. de la noblesse ,in- 40 ,t.5, p. 205. 33. Le baron de Coulonces , paroisse dans la banlieue de Vire , portait : de G. à trois écussons d'arg. , qu'il brisait d’un quartier de Coulonces , qui est facé, d'argent et d'azur. Il s'appelait Jean de la Haye ,.et se signala contre les Anglais. Pour compléter l’article de ce célèbre guerrier , nous rappellerons que , lorsqu'il défit les An- glais, sur la grève du Mont Saint - Michel, en 1424 , avant Pâques , il était encore capitaine de Mayenne au Maine ; mais étant odieux au comte d’Aumale, commandant dans la province , il ne conserva pas long-temps ce gouvernement ; et deux ou trois mois après la bataille de Ver- peuil , livrée le 17 août 1424 , et où périt d’Au- male , Mayenne avait pour capitaine un fran- çais nommé, Pierre le Porc, qui , quoique. vail- lant chevalier , fut forcé , dans cette même an- née, de la rendre aux Anglais. Voyez les historiens recueillis par Godefroi, dans sa-vie de Charles VIL, in -.folio, p.7 ,9, 485 ,488 , 48g. Quant au baron de Coulonces , sa mort ne fut pas moins glorieuse que ne l'avait été sa vie , puisqu'il périt les armes à la main contre les Anglais: Le comte de Richemont ayant été fait connétable de France .. notre baron suivit ses drapeaux. Le connétable , DU MONT SAINT-MICHEL. 26 vers le 29 septembre de l’année 1426, avait fait réparer et fortifier Pontorson , pourcouvrir de ce côté la frontière de la Brétagne. Les Anglais vinrent en former le siége le jeudi-gras dé l’année 1427 (27 février). La ville n’était pas entièrement enfermée : Coulonces en sortit ; et dans un com- bat , livré le jeudi - saint ( 17 avril } sur la grève , entre Avranches et le Mont Saint-Michel , fut tué avec les seigneurs de Château - Giron , de la Fu naudaye , Guillaume l’Evêque , Robin de Quitte, Olivier Tomelin et autres. Pontorson ne se rendit que faute de vivres , le 8 mai 1427. Voyez sur le baron de Coulonces , la vie de Charles VI! , par Godefroi, p. 16 , 498 , 752 ; l’histoire dela mai- son de Harcourt , p. 1106 ,et le Neustria'pia d’Artur Du Monstier , p. 382. 54. Jean de Criquebœuf. Il était probablement frère aîné de Colibeaux , mentionné ci - dessus, article 51. Voyez l’hist. des Grands-Officiers de la couronne ,t. 8 , p. 102. 35. De Criqui. Etait-1l de la grande maison de Criqui , portant : d’or au créquier de G: ? 36. De Croubeuf. Inconnu. 37. De Crulé dans Du Moulin : de Creully dans Masseville, Comme les terminaisons en y en ey s’employaient indifféremment, je le croirais volon- tiers de la grande maison de Creully , portant: 286 SUR LE SIÉGE d’arg. à trois lions de G: , laquelle était encore nombreuse en 1423. 58. De Cuves. Il était probablement de la noble maison de Cuves. en Cotentin, mentionnée dans, Pédition de Montfaut. Caen, 1818 ,in-8°., p. 112. De Cuves porte : d’arg. à trois quinte-feuilles de sinople. V. le Dict. de la noblesse, in-4°. ,t.4, p- 436. 39. Dravart. Nom inconnu. Cependant un léger changement , celui du premier a en o , donne Dro- vart ou Drouart , parce que jusques vers le milieu du X VIEe siècle , l’& voyelle et le v consonne s’ex- primaient également par notre wrond , et n'étaient distingués que par la prononciation. V. la susdite Recherche de Montfaut , p. 134. Or , Drouart est le nom d’une sergenterie de l’élection de Coutan- ces ,nom qu’elle tenait sans doute de ses anciens possesseurs. , dont la famille pouvait exister encore en 1423. 4o. C'était Guillaume-aux-Epaules , second fils de Guillaume IT , seigneur de Sainte - Marie-du - Mont , et de Raoulette Tesson , portant : de G., à la fleur de lis d’or. Voyez nos Mélanges héraldi- ques , généalogiques , etc. , ms. ,iu-4°. , p. 58. 4x1. D'Esquilly. Il était de la maison de Sainte- Marie , seigneurs d’'Esquilly, paroisse dans la serg. de Sabot , él. de Coutances , portant : d'argent à DU MONT SAINT MICIEL. 287 2 faces d’azur , et6 merlettesdeG.,5,2et1. 42. D’Estouteville. Burelé d’arg. et de G. , au lion de sable. Louis, sire d'Estouteville, mentionné ci-dessus. SET 43. Flambart. Il était probablement de même famille que le Flambart trouvé noble par Montfaut en la serg. de Briquessart, él. de Bayeux, portant: de sable , à 5 besans d’or , et un chef d’or. 44. C’était Charles , seigneur de Foligny., pa- roisse dans la S. de Sabot , él. de Coutances, men- tionné dans l’histoire de la mison de Harcourt , p. 105 et 106 , portant : parti, d'argent et de G.; et en face 2 quinte-feuilles de l'an en Pautre. 45. Fonteny et Fonteney sont le même nom, comme on l’a vu à l’article Crullé , n°. 37, Mont- faut trouva nobles des sujets de ce nom dans la S. de Tour, él. de Bayeux, et dans la serg. de Saint- Sever , él. de Vire. Ils portaient 4 d’hermines , à la face de G. , chargée de 3 merlettes d’or , ou 5 fermaux d’or au lieu des merlettes , ou 5 annelets d’or. | 46. Du Gouhier. Montfaut trouva noble un Go- hier , dans la serg. des Vés , él. de Bayeux. M. de Clinchamp doit nous donner les armes de notre du Gounier. 47. De Grainville. Il portait vraisemblablement : d'azur à la face d'argent , accompagnée de G crot- 256 SUR LE SIÈGE settes recroisetées d’or. V.lArmorial de Norman- die par Chevillard ; et Du Moulin, hist.de Norman- die , appendice , p. 15. 48. Du Grippel (Henri ). Porte : d’azur , à 3 faces d’or. 49. De Grippel( Pierre). Henri et Pierre étaient frères , suivant le Dictionn. de la noblesse, t. 7, p.471. V. Montfaut , et l’'hist. de. Harcourt , p. 1395 , 96, 99. 50. Le Gris. Portait vraisemblablement : de G. à la face d’or. Ils existaient à Eschaufou , et peut- être ailleurs , aux XVe. ,XVE°. et X VITE siècles, Dicüon. de la noblesse , 1.7 , p.479. 51. Le sire de Guimené. Guimené étant le même nom que Guémené , il était de la maison de Rohan , portant : de G. , à g macles d'or,3, ÉD 52. Guerin. Voyez-le sous le nom de Thomas- Guerin. 53. Guiton. D’azur , à 3 rocs d’échiquier d’arg, Montfaut les trouva nobles dans l’Avranchin , où ils subsistent encore ( 1825 ). 54 , 55. Hamon. D’azur au chef d'or , et sur le tout un chevron d’or. Cette maison du Bessin, l’une des plus nobles de la Normandie ; y subsis- tait encore en 1523. V. la Recherche de 1525 par Jes élus de Bayeux. DU MONT SAINT-MICHEL. 259 56. Hartel. Inconnu. 57. La Haye d’Aronde. D'or au sautoir d'azur, brisé d’un lambel de G. 58. La Haye-Hue. D’ar. , à 3 écussons de G. 5g. La Haye du Puits. Tous ces de la Haïe étaient très-nobles , quoi- que peut-être ils neussent pas tous la même ori- gine. Les de la Haye , sieurs d’Aigneaux et de Vil- lebaudon , portaient , comme les barons de Cou- lonces , de gueules , à 3 écussons d’argent. Les sieurs de la Haye - Hue le portaient aussi , mais avec changement d’émaux. Les sieurs d’Aronde , qu’on nomme aujourd’hui Arondeville, ou Hérou- deville , paroisse dans la S. du Pont - PAbbé , él. de Valognes , étaient de la maison des comtes de Vernon-sur-Seine , barons de Néhou en Cotentin, près Saint-Sauveur-le-Vicomte. Ils en portaient les armes : d’or , au sautoir d'azur , qu’ils brisaient d’un lambel de G. Ces armes étaient aussi portées par les sieurs de Montbray et de Vauvilie. Voyez, sur tous ces de la Haie , Du Moulin , histoire de Normandie , appendice , p. 4,5; Phistoire de la maison de Harcourt , p..1101, 1108 ; le Dict. de la noblesse ,in-4°. ,t,7 ,p. 729, 791. 60. Héraut. D’arg. , à 3 cannettes de: sable. Il est marqué dans le Dict. de la noblesse, 1.8 ,p. 36. Cette famille , qui a donné son nom à une des 290 SUR LE SIÈGE sergenteries de l'élection d’Avranches , comptait , en 1463 , dans les élect. d’Avranches et de Vire, un grand nombre de sujets, que Montfaut jugea les uns nobles , les autres non nobles, 61. La Hire. C’était vraisemblablement ou le fameux Estienne Vignolles , l’un des meilleurs ca- pitaines de Charles VIT , ou plutôt un frère , oncle ou neveu de ce guerrier. Porte : de sable , au cep de vigne d’arg. , soutenu d’un échalas d’arg. Hist. des Grands-Offciers de la couronne , t. 9 , p.145. 62. Du Homme. D’a. , au léopard d’arg. , et6 bezans d’or rangés 3 en chef et 3 en pointe. Mont- faut les trouva , dans Pélect. d'Avranches , les uns nobles , les autres non nobles, 63. Houel. Montfaut les trouva nobles au Tour- neur , él. de Vire , et non nobles à Condé - sur- Vire, S. de Torigny, él. de Bayeux. Ceux de Ber- ville , près Honfleur , renvoyés par Montfaut en 1463 , portaient : d'azur , à 3 pals d’or. 64. Le sire de la Hunaudaye. C'était probable- ment Jean II Tournemime , tué en 1427 au com- bat des Bas - Courtils , en Normandie. Cette mai- son , des plusillustres de la Bretagne , porte : écar- telé d’or et d'azur. | 65. Lambart. Montfaut trouva des Lambert * dans les él. d'Avranches et de Coutances. Les co- pistes de nos listes y auraient mis Lambert , nom. DU MONT SAINT-MICHEL. 201 très-commun , s'ils n'avaient pas trouvé Lambart, nom fort rare , écrit très-distinctement. Ce nom, et les armes qui lui appartiennent, paraissent ( con- aus de M, de Cliichamp. 66. Des Longues , ou des Longnes. 67. 68. La Luzerne, Ce sujet est mentionné dans le Dict. de la noblesse , t. 9, p. 259. Porte : d'azur, à la croix ancrée d’or , chargée de 5 coquilles de G. 69. De la Maire, On peut espérer que M. de Clinchamp nous éclairera sur la famille et les armes de ce sujet. 70. De Manneville, Le Dict. de la noblesse in- 4,1.9, p.299 , semblerait attribuer ce sujet à la maison de Magneville , qui existait alors avec éclat en Basse-Normandie , portant : de G., à l'aigle à 2 têtes d’arg. , bequé ét membré d’or. 71. De Marcilly. De Maraillé , en Bretagne , porte : d’arg. , à la bande de G., chargée de 3 c d'or, Dict. de la noblesse ,t.9 , p.511. Ce sujet, dont le nom n’est pas de Montfaut } pouvait être breton. 72. De la Mare. Porte : d’arg. , à la croix de G. suivant Du Moulin , hist. de Normandie , Appen- dice,p.r1. Montfsai les trouva nobles, dans la serg. de Bernay - Montfort, él, de Lisieux. Des 202 211 SUR LE SIÈGE De la Mare ,él. de Conches , généralité d’Alencon, portaient, en 1668 : d’az. , à la face d’arg. , accom- pagné de 5 molettes d’or. 73. Massire. J'espère que M.de Clinchamp nous fera connaître ce sujet et ses armes. 74. Du Merle. Ce sujet est ou Foulque IT, men- tionné dans le Dict. de la noblesse ,t. 20 , p.69, ou Foucaud , mentionné dans l’hist. de la maison de Harcourt, p.151, et qui était issu de Jean, fils ainé de Fouque, maréchal de France.Du Merle porte : de G. à 3 quinte-feuilles d’arg. 75. Millard ne m'est pas plus connu qu’à M. de Clinchamp. 76. Moncair , m'est aussi inconnu qu’à M. de Clinchamp. 77. Des Moustiers. Porte: d’arg. , à la bande d’az. , frettée d’or. Telles sont les armes des Des Moutiers , tirant leur nom de la paroisse des Mou- tiers-en-Bauptois , serg. de Saint-Eny, él. de Ca- rentan, que Montfaut trouva nobles dans la serg. de Lessey:, él. de Carentan, et dans les serg. de Tolvast et de Beaumont, él. de Valognes Le Dict. de la noblesse, t. 10 , p.555 ;a copié, sur cette: famille » l'hist, de la maison de Harcourt, t. 4 ,p. 2090 et sulv. 78. Des Monts. Il était probablement de la fo- mille de ce nom ; noble dans Montfaut ; serg. de | | DU MONT SAINT MICHÉL. 205 Beaumont , él. de Valognes , qui vraisemblable- ment portait : d’arg. , à l'aigle de G., béqué et membré d’or ; à la bordure de sable , chargée de 12 besans d’or. Le Dict. de la noblesse ,in-4°,t. 10, p.647, cite des Des Monts , port. : d’az , à 3 monts d’or , surmontés d’un lambel , bandé d’or et de sable de 8 pièces. ‘79 ; 80. De la Motte. Ils étaient probablement de ceux que Montfaut trouva nobles , él. d’Avran- ches , serg. de Pigache et de Pont , et él. de Cou- lances , serg. de Saint - Pair et de la Halle - au- Gascoin, portant : d’arg. , au sanglier de sable. Voyez le Dict. de la noblesse , t. 10 ,p-528,529, et lhist. de Harcourt , p. 889. Les La Motte- Fouquet , au ressort de Rennes, qui vraisembla- blement tirait ce nom de la paroisse de la Motte- Fouquet , serg. de la Ferté-Macé , él. de Falaise 4 portaient : de sable ; à la face d’or. 81. De la Motte-Visor. M. de Clinchawp le fera connaître. 82. Du Moulin. On le voit dans la généalogie des Du Moulin , Dict. de la noblesse, t. 10 p.558, portant : d'argent , à la croix ancrée , ou plutôt à Panille , de sable , chargée. en cœur d’une coquille d'or. 83. Le sire de Moyon , qui est vraisemblable- ment le Guillaume Painel, mentionné dans le Dict, 204 SUR LE SIÈGE de la noblesse , t. 11, p.234 , portait : d’or, à à lions passant de G. , et un lambel d’azur ; suivant Du Moulin , hist. de Normandie , Appendice ; p. 2. S4,85. N'ayant point vu de Nautrech en Nor- mandie , je les croirais bretons. Ils me sont d’ail- leurs aussi inconnus qu’à M. de Clinchamp. 86. De Nocy. D’arg, , à la face , accompagnée de 10 merlettes de sable. Ils tirent leur nom de la terre et paroisse de Nocey , dans le Perche, él. de Mortagne , leur ancien patrimoine. Ceux qui existent au diocèse de Lisieux paraissent s’y être établis vers le milieu da X VIS siècle, 8-. D'Orgeval. J’espère que M. de Clinchamp nous le fera connaitre, 88. Painel. Il portait les armes des sires de Moyon , ci-dessus , article 83 , ou celles des sires de Hambie , qui sent : d’or à 2 faces d'azur , et 10 merlettes de G. , 4 ,2,4. 89. De la Paluelle. D’az. , à 5 mollettes d’arg. Montfaut les trouva nobles , él. d’Avranches, serg. de Saint-James et de Pontorson, 90 , 91. Des Pas. Cette famille , qui m'est in- connue , ainsi qu'à M. de Clinchamp , tirait pro- bablement son nom de la paroisse des Pas , serg. de Pontorson ; él. d’Avranches. 92. De Percy. De sable , au chef endenté d’or. DU MONT SAINT-MICHEL. 205 Cette maison , dont une branche avait fait en An- gleterre une grande fortune , fut. trouvée noble par Montfaut , dans les élect. de Bayeux, Vire, Avranchés , Coutances , Valognes. 93 , 94 ; u5. Pigace. Ils étaient vraisemblable- mént de ceux qui donnèrent leur nom à la serg. de Pigaches , él. d’Avranches , et que Montfaut trouva nobles en cette élection , serg. de Saint- James-de-Beuvron , et él. de Caen , serg. de Ber- nières. Leurs armes étaient , je crois, de sable, à la faee accompagnée de 3 molettes d’:rgent. D’au- tres portaient : de sable , à 5 molettes d'argent Ê suivant le Dict. de la noblesse ,t. 11,p. 522. 96. De Pirou. De sinaple , à la bande cotoyée de 2 cotices d'argent. Montfaut les ttouva nobles dans la serg. du Val - de - Saire , él. de Valognes. V. sur les châtelains de Pirou , él. de Coutances, n0s Mélanges héraldiques , généal. etc. ,in-4° ; is. , p.257. 97. De Plomb. Ts uüraient vraisemblablement leur nom de la paroisse de Plomb, serg. de Heraut- Benoit , élect. d'Avranches. Ils me sont d’ailleurs aussi inconnus qu'à M. de Clinchamp. 98. De Pontfol. Montfaut les trouva nobles ,S. de Héraut, él. d’Avranches , et dans Ja serg. de Cambremer , él. de Lisieux où est une terre et pa- roisse de leur nom. Ils existaient encore au XVI 296 SUR LE SIÉGE siècle. Leurs armes sont inconnues à M. de Clin- champ et à moi. . 99- Le Prestel. Armes inconnues à M. de Clin- champ et à moi. Il était probablement de la même famille que Jean , qui étant élu sur le fait des aides au diocèse de Coutances , fut annobli , en 1588, pour 200 francs d’or, Alain , renvoyé par Mont- faut , en la serg. de Tolvast , él. de Valognes , était dérogeant , ou ne descendait pas de lannobli. 100. De Prieur. Armes inconnues à M. de Clin- champ et à moi. Vague-de-Mer me semble être un sobriquet personnel. 101. De Quintin. Ce seigneur breton portait ; d’arg. , au lambel d’or sur un chef de G. 102.DeRegnières.Il paraîtque M.de Clinchamp nous donnera ses armes. | 103. Roussel. D’arg. , à 2 anilles d’or , sur un chef de G. , suivant Du Moulin, hist. de Norm. , Appendice , pag. 5. Il était probablement de ces: Roussél , qui donnèrent leur nom à une serg. de l'él. d’Avranches , où Montfaut les trouva nobles. 104. De Rouvencestre. D'or ; à 3 aigles d’arg. , sur un chef de G. , suivant Goussancourt , Marty- rologe des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérus., t. >, art. 130. Ils possédaient Saint - Christophe d’Anfernet , dans él, d'Avr. Ts ne sont-pas dans Monitfaut. ee SÉEEER 4 DU MONT SAINT-MICHEL, 297 105. Saint - Germain, C’est Saint - Germain- du-Crioult ,S. de Vassy , él. de Vire , que pos- sédaient , depuis au moins le XIE. siècle, les de la Rivière, portant : d’arg. à 3 tourteaux de sable. Dict. de la nobl. , t. 12, p. 158. 106. De Sainte-Marie, Ge sujet est le seul qui , marqué dans la liste de Masseville , ne l’est pas dans celle de Du Moulin. Ceux de ce nom trouvés nobles par Montfaut | appartenaient à trois fa- milles différentes. 1°. Sainte-Marie-la-Robért , portant: de G., à la fleur de lis d’arg. ; 20, Sainte- Marie-d’Esquilly : d’arg. , à 2 faces d’azur , et 6 merlettes de G., 3, a et 1 ; 3°. Sainte-Marie- l'Aumont ; autrement Sainte-Marie-d’Aigneaux , portant : écartelé , d’or et d'azur. Les premiers paraissent avoir toujours habité le Houlme, où se trouve une paroisse de ce nom, dans la serg. du Houlme , él. de Falaise. En 1465 , Montfaut les trouva à Saint-André-de-Briouse età Lignon. En 1599 , Roissi nous les montre au Mesnil-de-Briouse , et à Sainte-Honorine-la- Guillaume. En 1667 , de Marle les maintient à Müillesavattes et à Lignon. V, l’hist. de Harcourt, p-933,4,5et ror1. Les seconds possédèrent toujours la terre et paroisse d’Esquilly , S. de Sabot, él. de Cou- tances , où ils furent maintenus par Montfaut , 20 298 SUR LE SIÈGE . Roissi et Chamillard. Roissi en maintient d’autres au Tanu , S. dela Haye-Painel, él. de Coutan- ces, dont ils étaient, seigneurs. Us paraissent n'avoir jamais été nombreux. :: | Les iroisièmes et derniers furent surnommés de la paroisse, de Sainte-Marie-l’Aumont , S: du Pont-Farcy , él. de Vire ; et-de celle d’Aigneaux, S. de Saint-Gilles, él. de Coutances. Devenus calvinistes , ils se signalèrent entre les huguenots par deur fanatisme et leur cruauté. En 1463 , als paraissent. dans Montfant , ‘élection de Vire , au Plessis Grimout , S. de Saint-Jean-le-Blanc, et À Sainte-Marie-Outre-l'Eau, S, du Pont-Farcy. En 1599, Roissi les trouve à Sainte- Marié- PAumont , à Aigneaux et-à Vassy , él. de Vire, et à Quili, S. de Bretteville-sur-Laise , él, de Falaise. En 1667 , Chamillart les maintient au- dit lieu d’Aigneaux , au Loré , S. de la Halle, él. de Coutances ; à Saint-Pierre-de-la-Viaille , S. de Saint-Jean-le-Blanc ; à Gouvets et à Sainte- Marie-Outre-l'Eau, S. du Pont-Farcy ; él. de Vire ; et dans l’él, de Caen, S. de Brettevilie- sur-Laise , audit Bretteville, à May et à Laise. Concluons. Notre Foulque appartient à l’une de ces trois maisons , mais celle qui le revendiquerait doit fournir ses preuves. En attendant , nous dirons que les Sainte-Marie -du-Houlme nous sem- | 4 DU MONT SAINT-MICHEL. 299 blent les moins fondès de tous à les réclamer. Nous les donnerions avec plus d'apparence à ceux d'Aigneaux , plus voisins qu'eux du Mont Saint-Michel , et plus nombreux que les autres. 107, 108.Semilh. D’arg. , à 6 fermeaux d’or, sur une bordure de gueules , suivant du Moulin , Hist. de Norm. , Appendice , p. 12. Montfaut les trouva nobles dans la serg. de Cerisé, des Vés d’Isigni, él. de Bayeux , et dans la S. de Condé, él. de Vire. 10g. Tezart. D'or, à la face d'azur. Nobles dans Monfaat, él. de Bayeux , et dans la S. de Condé, él. de Vire. 110. Thomas Guérin. En le plaçant ici, nous suivons Masseville. Cependant Thomas pourrait être le nom propre , et Guérin le nom de famille , ou surnom. Des Guérin furent trouvés nobles par Monifaut , serg. de Cambremer , él. de Li- sieux , et S. de Bretteville , él. de Falaise. Armes inconnues à M. de Clinchamp et à moi. 111, 112. Le sire et le bastard de Torigny. Le premier , de la maison de Mauny , portait : d’arg. , au croissant de G. Le Bâtard était son oncle , ou neveu , fils ou frère. 113. Tournebu.D’arg. à la bande d’azur. Mont- faut les trouva nobles , él. de Lisieux , S. de Cambremer , et él. de Bayeux , S. de Briquessart. 300 SUR LE SIÉGE 114. Tournemine. Écartelé, d'or et d’azur. V. ci-dessus l’art. 64. 115. De Vair. Portait peut-être : d'azur à 4 poings d’or, comme Vairon du Vair, chevalier de l'Isle de France dans Du Moulin, Hist. de Normandie , Appendice , p. 20. 116. De Ver. Je ne crois pas qu'il s’agisse ici du seigneur de Ver-sur-la-Mer , serg. de Gray, él. de Bayeux. J’y verrais plutôt un Jean le Veer, nommé avec d’autres guerriers et seigneurs Bré- tons qui suivirent le connétable de Richemont à la prise de Pontorson en 1426, et qu'il y laissa après qu'il eut fortifié. Hist. de Charles VIT, par Denys Godefroi, Paris 1661 , in-folio , p. 751. Dans cette hypothèse, on lui pourrait at- tribuer , avec quelque apparence, l'échiquier d’or et de G., que portait, vers 1580 , Raoul le Vair, chevalier Breton, suivant Du Moulin , Hist. de Normandie , Appendice , p. 29. 117. De Verdun. D'or fretté de sable. Mont- faut les trouva nobles , élection d’Avranches , S. de Pigache , de Pontorson , de Tieberge. 118. Le Vicomte : d'Azur , à 3 coquilles d’or. Il paraît que des nobles de ce nom et famille existaient alors à Villy, S. de Villers , él. de Caen , et à Campagnolles , S. du Pont - Farai, él. de Vire. V. la Recherche de Montfaut, édi- üonde 1618, p. 7. DU MONT SAINT-MICHEL. 3o1 119. De Viette. Inconnu à M. de Clinchamp comme à moi. CHAPITRE IV. Critique de l'historien l’illaret. À yant dessein de rechercher ce qui concerne le siége da Mont Saint-Michel en 1425 , j'ai dû consulter sur cette époque les plus célèbres de nos historiens modernes, Daniel et Villaret. Nous les avons donc lus ; et, compensation faite de leurs qualités et de leurs défauts , nous juge- rions que Daniel est encore préférable à Villaret. Celui-ci fut néanmoins placé fort au-dessous du jésuite par les dispensateurs des réputations lit- téraires. L'époque où il écrivait lui donnait en effet sur son prédécesseur des avantages incon- testables , ayant pu profiter des recherches et des travaux de tous les savans qui avaient écrit depuis. Le parti philosophique ; tout puissant alors , pouvait aussi lui savoir gré de son exces- sive sévérité envers le clergé et les papes ; mais lexactitude , cette qualité si essentielle à l'histo- 302 SUR LE SIÈGE rien , je ne crois pas qu’on ait pu lui en faire un mérite. Le lecteur en pourra juger, Villaret , Histoire de France, in 4°. ,t.7, p. 560 , 1 , 2, fait mention des trois personnages de la maison de Yarcourt ; savoir , Jacques , cemte de Montgomeri , tué à Parthenay en 1425; Jean VIT, comte de Harcourt et d’Aumale , mort en 1452, à 82 ans; et Jean, son seul fils et pré- somptif héritier , nommé le comte d'Aumale, qui défit les Anglais à la Gravelle | en septembre 1425 , et fut tué à la bataille de Verneuil le 17 août 1424. Chacun de ces trois seigneurs est , pour Villaret , le sujet de fautes et d'erreurs plus où moins graves , plus où moins nombreuses. Suivant lui , Jacques de Harcourt , gendre da sire de Parthenay , ayant pu le détacher du “parti du duc de Bourgogne , voulut, en 1425, le prendre avec sa ville de Parthenay , comme il avait pris , quatre ans auparavant , Jean, comte de Harcourt, dans son château d’Aumale. Ce récit , en 14 lignes , contient au moins trois fau- tes. 1°. Jacques de Harcourt n’était pas gendre du seigneur de Parthenay , mais il avait épousé sa nièce , Marguerite de Melun , fille unique de Jeanne de Parthenay , l’une des deux sœurs du- dit seigneur , qui était sans enfans. Histoire de la maison de Harcourt , p. 625 , 622 ; CE DU MONT SAINT-MICHEL. 503 29, Son entreprise:contre le lcomte: d’'Harcourt, exécutée en-1417.;nest pas antérièure de quatre ans, à celle qu’en, 14251 tenta sur lé sire de Parthenay:,et-qui lui coûta la vie. Zbidem, p. og, 614; 3°. Le parti que tenait le sire de Parthenay n'était qu'un prétexte dont Jacques de Harcourt tâchait de vôiler l'odieux de sa criminelle en- treprise ; mais ce prétexte ne trompait personne. ”. Erreurs sur Jean, comié de Harcourt , mort en 1452, et sur soû fils Jean , comte d’Aumale, mort en 1424. -Villaret nous dit, p.361, 62, que, par la mort:de Jacques d'Harcourt , le comte de Har- court fut délivré d’une captivité de quatre:ans; et c’est à ce dernier qu'il attribue la défaite des Anglais à la Gravelle, en 1423. Il ÿaici une dou- ble'erreur, La captivité du comte de Haréourt avait duré six ans ::1l n’était pas au combat de la Gravelle , dont tout l'honneur appartient à son fils , appelé le comte d’'Aumale , tué l’année sui- vante à la bataille de Verneuil. Hist. de Har- court, p. 407, 8. | A cette: même: page 356 du tome 7 de son Jhstoire ; Villaret ‘tombe dans une autre erreur, qui prouve son peu de discernement dansole choix des historiens dont il compose sa narra- 304 1: SUR LE SIÈGE tion. Suivant lui, les Anglais, quand ils furent attaqués à la Gravelle , retournaient en Norman- die par le Maine , chargés des dépouilles de l’Anjou , qu'ils venaient de dévaster ; et dans leur butin se trouvaient 12,000 bœufs , ce qui suggère à notre auteur cette exclamation phi- lantropique : « A quel affreux degré d'infortune- « les cultivateurs étaient-ils réduits ? » Ne pour- rait-on pas dire, au contraire , qu’au moins jus- qu’à ce moment le cultivateur avait été ménagé , puisqu’un petit pays comme l’Anjow pouvait en-- core fournir 12,000 bœufs. Cette réponse , à mon avis, ne séraït pas mau- vaise ; mais nous en avons une meilleure à lux faire : c'est qu’au lieu de 12,000 bœufs , it aurait dû écrire 1,000 à 1,200 bœufs et vaches ; et pré- férer au récit de Jean Chartier | qui ne quittait son cloître que pour suivre quelquefois Charles: VIT , le réeit de lanonyme auteur de l’histoire dite de la Pucelle d'Orléans , qui peut-être était lui-même présent à l'action , et qui au moins la décrite sur.le rapport des témoins oculaires , ainsi qu’on peut le recueillir de ses propres paroles , p.. 484,485 de l’histoire de Charles VII, par Denys. Godefroi. Paris , Imprimerie royale ; 1661, in-- folio. | DU MONT SAINT-MICHEL. 3505 CHAPITRE V. Notice des auteurs qu'on a consultés sur les événemens du Mont Saint-Michel , et prin- cipalement sur. le siège de cette forteresse, en 1423 et 1424. Je ne connais que trois contemporains qui aient parlé de ce siége. Celui qui sans doute mérite le plus de confiance , est Panonyme au- teur de l’histoire dite communément l’histoire de la Pucelle d'Orléans. Il est très-vraisemblable qu'il écrivit dans le temps de Pévènement , ou bien peu après , puisque son récit commençant à Vannée 1422 , finit en 1429. Il occupe les pages 481 , 550 de l’hist. de Charles VIT par Godefroi. Paris, Imp. royale, 1661 , in-folio. Jean Chartier , religieux bénédictin à Saint- Denys , chantre de cette abbaye , a écrit fidèle- ment l’histoire de tout le règne de Charles VIT , qu’il suivait souvent , comme étant son histo- riographe en titre. Son travail occupe les pages 1, 51 du Recueil de Godefroi , cité ci-dessas. Le troisième contemporain, qui ait parlé du 306 SUR LE SIÉGE siége du Mont Saint-Michel , est anonyme au- teur d’un assez maigre abrégé chronologique , depuis l'an 1400 jusqu'à 1467 , que mourut le duc de Bourgogne , Philippé-le-Bon , au service duquel il paraît avoir été attaché ainsi qu’au parti des anglais. Il occupe dans le susdit recueil de Godefroi , les pages 357 - 365. On pourrait re- lever bien des fautes dans cet abrégé; par exemple, l'auteur place en février 1423 la naissance du roi Louis XI, qui naquit le 4 juillet. Il met dans l’année 1424 , le siége de Sédanne , petite ville de Champagne , au comté des Vertus, et Sedanne avait été prisé par le comte de Salisburi ,; vers: le 44 juin 1423. Il place, et avec rüison ; la bataille de Verneuil au milieu des évènemens de 1424 ; mais il termine cette même année par le récit du'siége du Mont Saint-Michel ; qui, com- mencé en 1423 , finit et fut levé en 1424 , avänt cette bataille livrée le 17 août, Ces trois erreurs dans une séule année ; prou- vent assez que l’auteur est un mauvais guide pour les dates , au moins dans ces premières .années du XVe. siècle, dont il navait peut-être pas vu lui-même les événemens. Il n'entre pas: dans notre plan de passer 1ei. en revue les auteurs modernes qui ünt parlé du siége du Mont Saint-Michel ; en 1435. Cepen- DU MONT SAINT-MIONEL. 507 dant M. L. Blondel sémble mériter une excep- Uon ; et mous Cconsacrons quelques lignes à sa Notice historique du Mont Saint-Michel ; Avran- ches ; 1818, in-12. Louer cet ouvrage serait une ‘tâche ‘aussi : facil qu'inutile |, son mérite étant suflisamment constaté par le débit de sa première édition, presque aussitôt épuisée que mise en vente : c’est pourquoi , nous bornant à la critique , nous allons marquer sommairement ce que ce livre nous à paru laisser encore à dé- sirer. M. Blondel aurait dû nommer ses garans et indiquer les sources qui lui ont fourni les dé- tails des entreprises formées contre le Mont Saint-Michel , en 1418 et 1425, en 1577, 1589 , 1591 , 1595. Entre les attaques des pro- testans , il ne fallait pas omettre celle de 1563, par le fameux Gabriël , comte de Montgomeri. Ce qu'on lit, page:6r | sur ce personnage est incomplet , inexact, et ne peut qu'induire en erreur ceux qui d’ailleurs ne: connaîtraient pas son histoire. Montsomeri eût été comme son père, un brave capitaine , la prétendue réforme en fit un rebelle , un factieux , un homme sanguinaire, Après son malheur d’avoir tué Henri IE, il lui restait encore plusieurs partis à prendre : servir fidèlement la cause (dé la réinelet du rot, même 308 .: SUR LE SIÉGE. à ses dépens , comme faisaient alors tant d’au- tres; passer au service de quelque prince ou puissance étrangère ; se condamner à une vie obscure et privée. De ces trois partis également sûrs et honnêtes , Montgomeri , dévoré d’ambi- ton, ne voulut en choisir aucun. Se voyant sans faveur à la cour , sans espoir de s’y élever , que fait-il ? Etouffant le cri de sa conscience et de l'honneur , bravant le blâme des personnes les plus sages , il abjure sa religion et se jette en furieux dans le parti des protestans. Les armées royales le rencontrent partout où elles ont des rebelles à combattre. En 1562, il anime la résistance et retarde la prise de Rouen. En 1569 , après la bataille de Moncontour , il pé- nètre dans le Béarn. Terrides, qui y comman- dait pour le Roi , est battu partout , poussé dans. Orthès , et bientôt forcé de rendre la place. Là , au mépris de la capitulation , qui accordait aux assiégés la liberté de leurs personnes , Terrides , retenu prisonnier , est contraint de payer une grosse rançon, et Montgomeri abandonne les au- tres capitaines à la reime de Navarre , quoique connaissant le fanatisme barbare et le caractère implacable de cette princesse , il ne püt pas dou- ter qu’en les lui livrant il les envoyait à la mort. Ce fut alors que le parlement de Paris le con- DU MONT SAINT-MICHEL, 309 damna , pour la première fois | à perdre la tête ! comme rebelle. Il n’en devint que plus cruel envers les catholiques, Réfugié en Angleterre L après la Saint-Barthélemi ; il n’y a: pas plutôt appris la mort de Charles IX , qu'il reparaît dans la Basse-Normandie, ravageant cette province , y soulevant les Calvinistes contre le‘Roï, Mati- gnon arrête ses progrès , le poursuit , le force de se jeter dans Domfront , et peu de jours après de se rendre, « avec assurance de la vie à tous , « hormis au comte de Montgomeri, qui n’eut « que des promesses caplieuses , comme de n'être « mis entre autres mains que celles du Roi etc. » ( d'Aubigné , hist., tome 2, liv. 2, chap. 7. ) Il avait relevé en Normandie l’étendard de la ré- volte; on le prenait les armes à la main ,ilne pouvait donc pas invoquer les amnisties des édits précédens ; ainsi, l'arrêt du juin 1574 , qui de nouveau le condamna à mort , comme crimi- nel de lèze-majesté , ne fut point injuste , et l’on ne peut blâmer la Reine de l'avoir abandonné à la rigueur des lois , puisqu'il s'était rendu abso- lument indigne de sa clémence. Plusieurs fois on l’a entendue dire, que , si par sa conduite ; il eût Lémoigné quelque regret du malheur af- freux qu'il avait, quoiqu’innocemment , causé à la France , jamais elle n'aurait pensé à lui faire 310 | SUR LE SIÉGE ni bien ni mal, /( V. Brantôme , sur Henri IL. ) Montgomeri fut donc le véritable artisan de sa ruine ; et Lomba enfin , en 1574, dans le préci- pice que., depuis 12 ans, il n'avait cessé de creuser. Son respectable père avait toujours hau- tement désapprouvé sa conduite , et la fin si dé- plorable de. son fils empoisonna et abrégea ses jours. ELOGE: HISTORIQUE DE M. L'ABBÉ BELLENGER, ANCIEN. RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE CAEN, CHANOINE HONORAIRE ET VICAIRE-GÉNÉRAL DE BAYEUX, PROFES- SEUR DE LITTÉRATURE FRANÇAISE , MEMBRE DE L'ACA- | DÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE CAEN, ETC; ( PAR M. DE BAUDRE. Messieurs, Je viens épancher mon cœur devant vous; je vais faire entendre ici la voix de la douleur et de la reconnaissance; nous avons perdu un col- légue vénérable ,; M. Pabbé Bellenger ; je dois rendre un hommage particulier à ses talens et à ses vertus; 1l fut le mentor de ma jeunesse, et voulut bien m’admettre au nombre de ses amis les plus intimes ; ceux de vous, Messieurs , qui ne l'ont connu que dans le déchn de son âge ne peuvent savoir quelle a été’ toute l'étendue de son mérite. Thomas Bellenger, naquit à Caen, le 6 jan- 312 “ÉLOGE HISTORIQUE vier 1745 : issu de la même famille que le savant Helléniste Bellenger, le traducteur des Antiquités romaines , il était son petit neveu (1). C’est à Caen, sous les Jésuites, dans leur célèbre collège du Mont , que le jeune Bellenger fit ses études : tous les ans 1l remportait des prix ; une année, durant les vacances , il recut des lecons.de Malfillatre , et un livre comme récompense de son travail : les jésuites aimèrent son application , son intelligence et sa douceur ; ils désiraient se l’attacher , après son cours de philosophie ; j'ai su de lui même qu'il avait eu l'intention d’entrer dans leur société, dont la suppression l’empêcha de réaliser son projet, | M. Bellenger se destinant à l’état ecclésiastique, suivit le cours de théologie à l’Université , sous « (1) Beccexcer ( François ), docteur de Sorbonne, né dans le «diocèse de Lisieux, mourut à Paris le 12 avril 1749 ; à 61 ans. « C'était un homme versé dans l'étude des langues; sa traduction «des Antiquités romaines de Denysd’Halicarnasse est estimée,etc.» Voyez l’article Bellenger dans la Biographie universelle. Notre collègue à qui je demandais un joursi le docteur de Sor- bonne fut son parent, me répondit qu'ilétait l'oncle de son père, et me raconta quelques particularités relatives à l’érudit Bellen- ger. Je regrette de n'avoir pas demandé alors de quel canton de Lisieux il était originaire ; puisque tous Les biographes le font nai- tre dans le diocèse de Lisieux. Quoiqu'il en soit, le département du Calvados a été le berceau de cette famille, à laquelle nous de- vens un érudit et un homme de goût. DE M. L'ABBÉ BÉLLENGER. 313 les deux habiles professeurs Le Clerc (1) et Mac- pharlan (2). Il avait soutenu avec honneur la thèse de bachelier , quand la chaire de Rhétorique vint à vaquer au collége Du Bois. Le principal était M. Macpharlan son maître , qui doué d'un discerne- ment sûr , augura si bien de cet élève qu’il ne craignit pas de le nommer professeur de Rhéto- rique , quoique l'abbé Bellenger ne füt pas encore (1) L’abbé Le Clerc de Beauberon naquit à Meré , dans le canton d'Harcourt. Il a publié un traité fort approfondi De ho- mine. lapso et reparalo. La Sorbonne faisait grand cas de M, l’abbé Le Clerc : il avait en théologie une érudition immense , une mé- moire prodigieuse ;‘il parlait latin d’une façon correcte et facile et long-temps de suite sans se répéter jamais, Il fut le plus simple des hommes dans la société ; mais dans la chaire de sa classe il avait l’air inspiré, il faisait de vive voix les citations les plus sa- vantes et donnait des explications admirables. Il eut le génie de sa science ; ingénu dans le commerce du monde, il donnait en latin dela finesse à sa pensée par l’expression : ua candidat venait de soutenir faiblement la thèse de docteur dont le sujet fut la Grâce : M. Le Clerc lui posa le bonnet sur la tête en disant : Pro gratià pugnasti; et te facitgralia docturem. Nous était son expres- sion quand il parlait de lui-même : il aima , il estima M. Bellen- ger. « Nous avons , disait-il ur jour, composé un discours latin « auquel il faut joindre une traduction ; c’est Bellenger qui est le « plus capable de nous mettre en beau français. » (1) L'abbé Miles, ou Milésius , Macpharlan naquit en Irlande : = il avait une sagacité rare , une dialectique excellente ; la: rédac- tion de ses traités offrait beauconp de méthode et,de précision. M. Macpharlan eut le coup-d’œil fin pour juger des élèves qui dé- butaient, Voyez mon discours sur Malfillatre, dont il füt Le protec 2 teur, 21 514 .: ÉLOGE HISTORIQUÉ ordonné prêtre , et n’eût que 22 à 25 ans. Ce choix étonna l’université ; mais elle recon- nut bientôt le mérite d’un sujet que l’on peut dire n'avoir été jamais jeune , puisque la sagesse et l’aplomb le distinguèrent toujours. À son début dans la carrière qui s’ouvrait devant lui , le pro- fesseur nouveau prit une direction juste , la suivit sans relâche , et parvint au but qu'il se proposait d'atteindre: ce fut de se faire une ample provision de versions choisies et d’amplhfications élégantes qu’il composa lui-même, de rédiger un bon traité de Rhétorique pour le dicter aux écoliers qui de- vaient l’apprendre , de posséder à fonds les clas- siques latins et de joindre à leur étude celle des classiques français ; ce fut enfin de ne donner au- cune leçon qu'il ne l’eût soigneusement préparée. M. Bellenger, dans la classe , avait un air 1m- posant ; l’ordre y était bien établi; le concours des étudians y devint nombreux ; on profitait beaucoup sous un maître qui employa tous les moyens de former le goût et de procurer l’ayan- cement des élèves. Il leur traçait dans les amplifications françaises le canevas des plaidoyers qu'il composait à ce dessein , leur indiquait les argumens et les ta- bleaux convenables , leur laissait le soin de les développer eux-mêmes , et faisait, à la fin de 1 2 æ + DE M, LABBE SELLENGER. AL l’année , au jour solennel de la distribution des prix, débiter par les rhétoriciens les plus forts ces plaidoyers dont il avait retouché le style en y conservant le plus possible du travail des éco- liers , afin qu'ils se crussent les auteurs de l’ou- vrage; manière délicate de flatter l'amour propre! moyen puissant d’exciter l’'émulation ! | L’habile régent traduisit le traité des bienfaits de Senèque , etle poëme de Claudien sur l’en- lèvement de Proserpine , dans lintention, de faire sentir aux élèves, après l’explication des classiques du siècle d’Auguste , la différence des écrivains d’un autre âge dans la prose et dans la poésie. M. Bellenger , comme traducteur , eut le mérite de bien saisir la manière des auteurs qu'il expliqua ; c’est ainsi que de vive voix il ne rendait pas du même ton Tite Live et Tacite , et qu'il sut dans des versions écrites , plus travaillées , repro- duire les couleurs diverses et caractéristiques du génie des originaux : il regretta de n’avoir pu s’oc- cuper d’un long travail en ce genre , et notam- ment à l'égard de Tite Live, qui n’avait pas encore eu dans notre langue un élégant traducteur : 11 était capable de publier des traductions excel- lentes ; mais devenu ministre de la religion, l'abbé Bellenger sacrifia toujours la gloire bril- Jante d’une réputation litéraire , au modeste 7 6 Ü 91 ÉLOGE HISTORIQUE honneur de remplir les devoirs de son état ; c’est à ce but que tendaient toutes ses actions ; et c’est aussi le point de vue sous lequel nous devons lenvisager. Ainsi donc , il ne se permit les œuvres d’agré- ment, que dans le cas seul où Putilité venait s'y joindre : je puis en citer un exemple re- marquable. Quoiqu'il tournât les vers latins avec un talent distingué , 1l ne voulut point sausfaire une vanité frivole , et ne composa jamais aucune pièce de vers sans une raison particulière de con- venance. Le recteur de l’Université le chargea d'ouvrir le concours de 1-68 au Palinod : M. Bellenger produisit son invitation aux poëtes , dans une pièce en vers hexamètres pleine d’élé- gance et d'harmonie ; elle était suivie d’une ode pour servir de modèle ; d’une ode alcaïque dont le sujet rappelle un événement de la jeunesse de Henri IV : un jour à l’âge de 15 ans Henri se promenait sur l'onde , en s’agitant il tomba de sa barque dans la mer et disparut entraîné par les vagues rapides ; le prince allait périr , lors- qu'un capitaine de marine (1) se plongea dans (1) Cétait sans doute un capitaine de la marine marchande ; il avait nom Jacques Lardeau : Le poëte latin le nomme Lardavus. Le fait arrivé en 1568 est rapporté dans l’histoire de la Rochelle ( de D’Arcère ) d’où M. Bellenger annonce l’avoir tiré, ÿ DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 317 les flots et le ramena : L’ode est remplie de sen- timent ;. d'action et d'images ; elle a un double mérile , le charme de l’expression et le choix heureux du sujet. Parmi toutes les pièces que présentent les recueils de l'institution poétique du Palinod , où les muses latines se montrèrent souvent supérieures aux muses françaises , l’ode alcaïque de M. Bellenger peut sans contredit être mise au nombre des plus intéressantes et des plus parfaites. La langue latine lui était devenue familière ; il la parlait facilement ; il la parlait bien ; et l’écrivait mieux encore. Les discours latins qu’il prononca comme ré- gent de rhétorique , se faisaient remarquer par l’aisance et la pureté du langage ; circonspect dans ses écrits et dans ses propos , il ne s’écartait jamais des règles de la prudence, et ses avis toujours sages étaient généralement suivis aux délibérations de l’Université : il jouissait d’une si grande considération dans ce corps , qu'il en fut bientôt le chef : on le nomma recteur dès l'âge de 27 à 28 ans. Les harangues latines que le jeune recteur débita sur des sujets de littérature et de goût, avaient une élégance harmonieuse , une élocution développée qui cependant ne man- quait pas de précision : elles annonçaient un écrivain ju dicieux et délicat , nourri de la subs- 518 ÉLOGE HISTORIQUE tance des meilleurs modèles. M. Bellenger fut deux fois recteur dans l'espace de cinq années , inter Valle beaucoup plus rapproché que l'Université n'avait coutume de l’admettre , et distinction flat- teuse dont voici la cause et l’occasion : les députés qui nommaient le recteur s’appelaient augures ; chaque faculté choisissait le sien : on pouvait crain- dre un débat dans élection de 1775 ,où deux candidats étaient sur les rangs: « N’élisons ni l’un ni l’autre, dit un des augures (1) , et rendons hommage à celui de nos collègtes qui l’année dernière a été l'organe dé l'Université dans un panégyrique fort applaudi : je propose M. Bellen- ger. » À ce nom les voix se réunirent toutes ; il fut étrangement surpris lorsqu'on le proclama dans lassemblée : né prévoyant point son élection , il n'avait pas eu $oin de préparer d'avance le dis- cours latin que, suivant l’usage , il était tenu de prononcer. L’orateur n'eut pour $e recueillir que le temps qu'il fallut mettre à lui passer les habits rectoraux : et néanmoins, au tour élégant de sa petite harangue, le savant audi- (1) M. Foubert Despallières, savant professeur en droit, hom- me flegmatique et ferme, qui estima beaucoup M. Bellenger ; sa faculté nommant déuxaugures pour le droit canon et pourle droit civil, avaitune influence plus marquée aux élections du recteur. ns inc he dont dnth cu‘, Shut e sénét DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 519 toire ne s’aperçut pas quelle était improvisée. M.Bellenger à 32 ans avait un extérieur agréable, un maintien noble et modeste ; il donnait des inflexions justes et variées à sa voix qui , flexi- ble , mais un peu sourde , était propre aux accens de la douleur qu’elle avait fait entendre l’année précédente , au sujet de la mort du roi. M. Bellenger prononça deux oraisons funèbres de Louis XV , l’une en français, l’autre en latin. Sans observer l’ordre des dates , reportons-nous Messieurs , au 21 juillet 1774 , jour mémorable où, présidant l’Université célèbre dont un roi d'Angleterre a été le fondateur , et sous le même costume que portait le roi Henri VI dans les cé- rémonies publiques , le Recteur de Caen , décoré de la pourpre et l’hermine , parut au milieu du cor- tège le plus nombreux et le plus solennel , pour entendre l’orateur de l’Université , le plus élo- quent , déplorer la mort de Louis dans la langue des Césars. Le panégyriste équitable ne dissimula point la passion malheureuse que l’on fit naître dans le cœur du monarque à dessein de le sub- juguer ; il en rejeta Ja faute sur les courtisans pervers , et célébra ses excellentes qualités natu- relles avec les grâces d’une 'élocution cicéro- nienne , avec un soin de composition digne des ouvrages les mieux travaillés ; 5! présenta Louis Fe 920 ÉLOGE HISTORIQUE XV comme le pacificateur de l’Europe , etcomme le protecteur de son peuple ; il exposa ses triom - phes et ses bienfaits dans un discours animé de mouvemens oratoires , aussi noblement pensé que noblement écrit. L’orateur qui parla bien au nom de l'Université dans la langue qu’elle emploie , avait parlé bien déjà le 6 juillet au nom de la ville de Caen, lorsqu'elle fit prononcer loraison funèbre du rot par le premier des prédicateurs de la ville, par l'abbé Bellenger. Je réserve pour la fin de son éloge la notice des sermons qu'il composa ; je n’aborde ici que les oraisons funèbres. Celle de Louis XV , dans un exorde plein d’élé- vation, peignait le néant des grandeurs humaines, et dans une péroraison pathétique appelait la com- misération sur les derniers momens d’un roi qui eut de grandes faiblesses à se reprocher, mais qui montra un religieux et touchant repentir. La mo- dération du monarque dans le triomphe de ses armées, et la bienfaisance dans l'administration du royaume , formaient la division de l’oraison fu- nèbre ; parmi toutes celles que lon composa sur le même sujet , prononcée une des premières , elle ne fut point la répétition des autres ; elle se recommandait par des morceaux éloquens : on PPS ER D _ DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 521 remarquait surtout la sagesse du plan, le fonds substantiel des faits historiques et la justesse des apercus , touchant le caractère d’un roi que l’ora- teur peignit très-bien dans les deux panégyri- ques , où , selon le génie des deux langues , le francais plus abondant paraissait plus nourri des détails de l'histoire , et le latin , plus énergique , se montrait plus précis, plus délicat ; mon in- clination , je l'avoue , me porte davantage vers la pièce latine (1). - (1) C’est au sujet de cette pièce qu’un homme devenu célébre parle dans ses Mémoires de l'abbé Bellenger : l’anecdote est curieu- se; un Officier fut mis au château de Caen ,ilavaitla ville pour pri- son €t allait dans une maison du quartier Saint-Jean, où l’abbé Bclieuger le rencontra plusieurs fois et lui demanda quelques ren- seignemens sur Louis XV, qu’il avait d'autant mieux connu, que ses relations secrettes avec le cabinet du roi étaient la cause de sa détention ; le fait se trouve dénaturé dans les Mémoires du général, qui ne parle pas de l’oraison funèbre française, mais seulement du panégyrique latin ; en voici la cause , on ne la de- vinerait pas : c’est qu’il se piquait de savoir le latin parfaitement , quoiqu'il n’eût mis que trois ans et six mois à l’apprendre. Du- mouriez n’a-t-il pas, comme il le dit, fuit sa campagne de Pologne en latin ! n’a-t:il pas su tirer d’embarras un professeur de rhétorique à Caen! l’abbé , qu’il nomme Bérenger , faute excu- sable après une entrevue si éloignée , l’abbé, dit-il , alla trouver le prisonnier du château qui, étant un homme de lettres, lui aida à faire en latin le panégyrique du feu roi. En rédigeant vers la fin de sa vie des mémoires où il rapporte avec bien de la complaisance tout ce qu’il pensait devoir lui faire honneur , le vieux général songeait encore au panégyrique latin ; on ne l’accusera pas d’un amout-propre irréfléchi. 322 ÉLOE HISTORIQUE L’oraison funèbre de l’abbesse de Caen, madame de Belsunce de Castel - Moron est du genre tempéré qui fut le plus propre au talent doux et calme de l’auteur : nous suivons aux exercices du chœur , de linfirmerie, et des salles d'étude , Pabbesse non moins chérie que révérée de toutes ses filles , qu’elle formait à l'instruction et à la vertu par ses lecons et ses exemples. Nous allons avec elle dans les jar- dins agréables dont elle-même dessina le plan; nous rentrons avec elle dans le salon de lPabba- tiale dont elle savait si parfaitement faire les hon- neurs ; nous pénétrons dans le cabinet où son esprit délicat et nerveux entretenait une corres- pondance ingénieuse et solide , en traitant des questions de littérature et d'histoire (1) ; ainsi le suave pinceau de lPabbé Bellenger nous trace le double tableau des vertus religieuses et des vertus sociales de sa modeste héroïne. La pièce a de l’ensemble et de la méthode ; elle est bien soutenue dans tous ses passages, où l’auteur a su tirer parti des moindres circonstances ; les plus petits détails intéressent toujours quand (1) Madame de belsunce entretenait uae correspondance sui- vie avec un de nos plus judicieux historiens , le président Hé- nault qui, plusieurs fois, est venu la voir dans son abbaye de Sainte-Trinité. L’oraison funèbre y fut prononcée le 19 avrili787. DE M. L'ABB£ BELLENGER. 3523 ils sont peints d’une manière aussi gracieuse. Un sujet que réclame l'académie va se dé- velopper devant nous , Messieurs , en se liant de lui-même à notre histoire. C’est au nom de l’Académie , dont à cette époque il était le di- recteur , que l'abbé Bellenger prononca l'orai- son funèbre du cardinal de Luynes , archevé- que de Sens, qui, d’abord évêque de Bayeux, porla un titre que l’Académie déférait alors , celui de protecteur , et ce titre ne fut pas vain dans M. de Luynes , le restaurateur de notre ancienne Académie royale de belles-lettres (1). (1) L’établissementse fit en 1652, dans la maison de Moisant de Brieux , sur la place Saint-Pierre : le célèbre Huet dit « que « l’Académie de Caen était composée alors de sujets si éminens « dans les lettres, qu’il eût été malaisé de trouver, dans les au- « tres académies de France et d’Ilalie , tant de personnages il- « lustres par leur savoir. » Après la mort de M, de Brieux , arri- vée en 1674, le lieutenant de roi, Matignon, occupa le même local et le mit également à la disposition de l’Académie dont il eut la direction. Segrais lui succéda , et sut procurer à la compagnie un lieu très-convenable dans son hôtel : Segrais, qui fut membre de l’Académie française , et secrétaire de mademoiselle de Montpen- sier, Regnault de Segrais , homine d'étude à la fois et homme de Cour, ayant quitté Paris en 1676, à 52 ans, vint se fixer dans son pays natal, où il épousa une femme riche : possesseur de la terre et du château de Boisionde , à Fontenay-Pesnel, proche du bourg de Tilly, c’est à Caen, c’est à Boislonde qu’il résidait tour-à-tour; le grand nombre des hommes de mérite qu’offrait le pays alors, lui composa une cour littéraire. L’intendant Foucaud se montra le digne successeur de Segrais ; ami des sciences et des lettres , 521 ÉLOGE HISTORIQUE Deux érudits fameux , Bochard et Huet, avaient répandu beaucoup d'éclat sur l'Académie de Caen; mais ils étaient plus : elle déclinait , elle tom- bait dans l’inaction , elle allait s’anéantir quand l’évêque de Bayeux , amateur passionné des scien- ces el des lettres , jeune et plein de manières aimables , en montrant de la considération aux hommes de mérite dans un pays où l’on en trouve plus qu’ailleurs , électrisa l'esprit des Normands, et fit renaître l'émulation entre eux. Un des vrais modèles de la diction académique , l'Essai sur le Beau , du père André , jésuite , et ses autres dis- cours touchant les belles lettres , les sciences et la morale , furent composés pour l'académie sous les auspices du prélat protecteur. Un autre diocèse nous enleva M. de Luynes , mais l'académie ne Poublia point : lorsqu'il mourut, l'académie recon- naissante fit célébrer , le 9 juillet 1788 , dans l'é- elise de l'abbaye de St.-Etienne , un service soiennel où les autorités de la ville et l'Université en corps assistèrent. L'abbé Bellenger porta la parole en s'adressant à l'académie. M. Foucaud employa tout son crédit etson zèle à les encourager ; il obtint ce qu’on désirait depuis long-temps et qu’on n'avait pu obtenir encore , des lettres patentes, pour fixer invariablement l'Académie ; elles furent données au mois de janvier 1705. ( Extrail abrégé des Antiquités de Caen, pages 1710 suiv, ) DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 3525 Il traca d’un pinceau noble et vrai le portrait de cardinal ; il le montra comme ayant fait la gloire des lettres , et la gloire de la religion. Sous le second rapport il n’omet rien des traits qui carac- térisent la piété généreuse et le zèle éclairé du prélat que ses lumières et ses vertus ont fait re- vêur de la pourpre romaine, Dans la première di- vision , objet spécial de Péloge académique , M. Bellenger , qui eut le tact et le ton des convenan- ces littéraires , avait, sans adulation , attribué au protecteur de l'académie de Caen une variété de connaissances assez étendues dans les sciences et les lettres pour juger doctement de tous les ou- vrages : 1l avait peint doué d’un talent assez flexi- ble d’élocution et même d'improvisation pour ana- lyser les œuvres diverses des académiciens que ses soins avaient rassemblés dans son palais épis- copal à Caen , où il présidait chaque mois une séance publique avec éclat (1). (1) u C’est ici même, où je vous reçois, que M. de Luynes , « évèque de Bayeux, tenait les séances publiques de académie « dans cette salle,beaucoup plus grande alors qu'aujourd'hui. Car « on y a fait plusieurs cloisons pour établir des bureaux s , me disait un jour M.l’abbé Le François, retiré chez MM.Le François, ses neveux, négocians , qui occupent à Caen l’hôtel de l’ancien évêché. M. labbé Le François , né à Caen le 17 octobre 1753 un an après Malfillatre, né en octobre 1732, fit d'excellentes études avec ce compatriote célèbre , auquel il enleva quelquefois la pal- me, notamment le premier prix d’amplification française en 526 ÉLOGE HISTORIQUE 11 faut entendre l’orateur lui-même s’écrier dans son enthousiasme : « Que ne puis-je vous trans- « porter, Messieurs, au milieu de ces nombreuses «_et brillantes assemblées qui eussent excité la ja- « lousie des plus célèbres académies de l'Europe. « Qui attrait une foule d’auditeurs autour de vos « siéges ? L'abbé de Luynes , le rival des Fonte- «a nelle et des Mallebranche , en ce sens qu'il Rhétorique. M. Le François avait une grande facilité de com- position et une mémoire heureuse qu’il sut enrichir par de fréquentes lectures ; il s’était fait un style plein de concision et de force ; député du clergé aux états généraux , il répondit bien à Target dans un discours qui fut imprimé. Sa promptitude à tourner le vers français n'ôtait rien à la précision de son style. Je me rappelle qu’il m'’adressa de jolis complimens eu vers au sujet des prix que j'avais remportés au collége, quand je passais les vacances chez mon oncle , le curé de Fresné, son ami et son voisin. M.Le François, curé de Mutrécy, avait un beau port , une belle figure ; il était fort honorable, il alliait noble- ment aux devoirs de la religion ceux de la société, Il me commu- niqua sur un sujet de suciété une épître pleine d’aisance et d’é- nergie. M. Bellenger m’a dit avoir vu de lui des odes bien dignes d’être couronnées au palinod , s’il avait voulu les envoyer au concours. M.Bellenger, dont le petit patrimoine était situé à Mu- trécy, eut des rapports avec M. Le François, qui plein d’estime pour sa critique sageet son goût délicat, soumit à son jugement la traduction qu’il avait faite en Angleterre des méditations de Challoner : M. l’abbé Le Francois , devenu aveugle à la fin de ses jours, mais conservant toute sa présence d'esprit , savait en- core tous les psaumes par cœur , et les mit tous en vers français. Il a terminé une carrière pleine de vertus le 18 décembre 1826 dans sa quatre-vingt-quatorzième année. DE M. L'AEBÉ BELLENGER. 527 « traita les matières les plus abstraites et les plus « relevées avec un extrème facilité , qu'il sut les « revêtir des couleurs les plus agréables , et les « mettre à la portée des intelligences ordinaires... Et plus loin : « Quand Pacadémie francaise le « fit asseoir parmi ses membres avec cette unani- « mité de suffrages que le mérite transcendant « peut seul déterminer , quel service important « rendu par M. de Luynes à la république des « lettres fit-elle surtout valoir? La restauration « de l'académie de Caen, cette fille aînée de « l'académie française. » L'abbé Bellenger fut le digne interprète des sen- ümiens de ses collégues dans un discours où l’élo- quence de la chaire se para d’une diction fleurie sans affectation , mais pure et châtiée comme il sied à l’orateur d’une académie de belles-lettres. Jamais aucune trace de néologisme et de faux brillant ne gâta le style dun écrivain qui ayant fait une étude particulière des vices de la compo- sition , les avait antérieurement signalés dans une dissertation sur les Bevues en matière de goût. J’ai su qu'il faisait cas de cette production , mais je n’ai pu savoir quelles autres dissertations il avait lues à l’académie. M. Bellenger était devenu directeur de la com- pagnie , comme je l'ai dit précédemment ; cette 528 ÉLOGE HISTORIQUE dignité lui imposa de nouvelles obligations ; en effet, quoiqu’on ne se réunit alors que durant huit mois de l’année, la présidence néanmoins deman- dait bien plus de travail qu'aujourd'hui , attendu qu'il y avait chaque mois une séance publique , où le directeur faisant les fonctions de secrétaire devait répondre aux discours qui étaient lus. M. Bellenger consulta sur les sciences les hommes de la science même ,et comme il avait plus qu'eux le talent de la rédaction, ses analyses toujours précises et lumineuses, ont eu quelquefois lavan- tege d'offrir plus d'ensemble et de liaison que les ouvrages qu'il analysait. Le fil de la narration que je n'ai pas voulu rôm- pre m’a conduit beaucoup plus loin que l’époque où l’Université donnant à M. Bellenger une nou- velle preuve de considération , le désigna au mi- nistre pour une place de principal : il Pavait ob- tenue, en 1778, au collége du Mont ; c'est là qu'il ünt son pensionnat , plus renommé par le choix des élèves que par le nombre , qui ne s'élevait pas habituellement au-dessus de trente-six : j’eus le bonheur d’être admis dans cette maison ; j'y ai parcouru toute la carrière de mes études sous la direction de cet excellent maître : il employait ses soins à nous former le cœur et l’esprit ; à nous rendre la religion aimable : aux dimanches de DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 529 l’Avent et du Carème et aux fêtes solennelles , il prononçait devant nous , sur l’évangile du jour, des instructions familières , pleines de substance , pleines d’onction , et toujours bien exprimées, quoiqu’il les improvisât après s’être recueilli quel- ques instans. Il se faisait lui-même pour ses pen- sionnaires le répétiteur de la Rhétorique , on reconnaissait à ses correctiôns le tact fin et sûr d’un ancien professeur très-exercé dans tout ce qui tent à l'intelligence des auteurs et aux ma. tières de goût. Un précepteur qu'il savait toujours bien choisir corrigeait les devoirs de seconde et des classes inférieures. M. Bellenger avait mis le collége du Mont sur le pied le plus respectable; il avait soin de nommer aux chaires qui devenaient vacantes , des sujets d’une capacité reconnue ; il surveillait etstimulait les études. Un événement remarquable arrivait-1l dans notre cité, il voulait que les muses du collége le célébrassent ; il engageait les régens etles élèves à produire des pièces de vers ; l’habile principal donnait l'exemple. Ses deux odes alcaïques , l’une au sujet de l’arrivée du nouvel intendant Feydeau de Brou en 1784 ; et l'autre sur le passage de Louis X VI allant visiter le port de Cherbourg en 1786 , sont des compositions d’une excéllente 23 330 ÉLOOE HISTORIQUE launité (1). Elles respirentle sentiment et la grâ- ce ; la louange y vient du cœur , elle est délicate et vraie. Le coup - d’œ:il juste du poëte saisissait (1) Le recucil adressé à M. de Brou contenait deux pièces la- tines avec les traductions en regard faites par M. Bellenger : son ode alcaïque était suivie d’un poëme en vers iambiques de M. l'abbé Gueroult, régent dé troisième, dont tous les poëmes iam- biques obtenaient le prix au palinod , car il eut un talent par- ticulier pour cadencer bien ce rythme. Le recueil, imprimé au nom des écoliers du collége du Mont sans noms d’auteurs, offrait aussi deux pièces françaises : une épiître en vers de M. Le Ma- nissier , régent de seconde , et une idylle de M. Le Cavelier , qui n'avait fait que donner une nouvelle forme à la pièce précé- dente et lPembellir d’une versification plus heureuse. Lrois pièces furent adressées au Roï; M. Gueroult étant mort en 1785, l’ode alcaïque de M.Bellenger fut la seule pièce latine du recueil, L’ode française intitulée le Port de Cherbourg , était de M. Le Mauissier, qui eut quelques odes couronnées au palinod, et qui dans sa vie solitaire a rimé beaucoup de vers, notammentun poëme épique imprimé sousle nom de Louisiade, et dont le héros fat Louis XIV. J'étais alors écolier de physique , le principal sai- sissant toutes les occasions de faire briller ses élèves, me plaça au milieu du corps de l’uviversité , qui allait rendre ses hommages à Louis XVI ; j'eus l’honneur de lui presenter , au nom du col- lège , le recueil de vers qué terminait une pièee de ma façon; elle avait pour titre : au Roi. Si M. Belleñnger m’aimait beaucoup je ne l’aimais pas moins : que l’on me permette de parler de moi quand je parle de lui ; c’est ensemble que nous éntrâmes dans la maison du pensionnat , c’est ensemble que nous en sortimes. Je me plais à recueillir dans ces notes des traditions qui sans cela ne tarderaient pas à se perdre, comme celle-ci encore touchant M. Gueroult: il était de Saint-Martia de Caen , et mou- rut d’un excès de travail , pour avoir composé , en trop peu de temps, au nom de l'Université, un beau discours latin sur Ja DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 351 bien tous les caractères qu’il avait à peindre ; n’eui- il fait qu'une épitaphe , elle offrait le style et la tournure convenables : elle était propre unique- ment à la personne dont elle rappelait le souve- nir , témoin l'inscription funèbre qu’il a faite long- temps depuis , et que l’on a gravée sur la tombe du dernier doyen de la faculté de médecine , homme non moins recommandable par ses bienfaits que par son expérience. M. Bellenger l’a peint d’un trail dans ce vers dont Horace n’eüt pas désavoué harmonieuse précision : Ægris pauperibus donis subvenit et arte (4). La versification française ne lui fat pas non plus étrangère. Je ne parlerai pas de quelques épiîtres ou complimens de société que firent naître les cir- naissance du prince nommé le duc de Normandie. L'abbé Gueroult est l’auteur des deux hymues que chantent les religieuses de la Visitation de Caen aux vêpres de St*-Chantal, la veille et le jour de la fête. Il ne faut pasconfondre ce Charles-François Gue- roult avec un ILenti Gueroult , qui fut régent de cinquième au collége du Bois , doyen de la faculté des arts, et qui publia en 1757, à Caen, chez Le Roy , une grammaire latine alors estimée dans les écoles de cette ville. (1) L'inscription latine offre quatre vers que l’on a traduits en six vers français. Quoique M. Bellenger tournât le vers français correctement , c’est moi qu’il chargea de la traduction. Cette double épitaphe se lit dan le cimetière de Bierville sut la tombe de M, le Portier mort en 1807. 33a ÉLOGE HISTORIQUE constances ; mais je ne puis omettre une pièce d’un mérite et d’une dimension remarquables. J'avoue qu’un de ses anciens écoliers de Rhétorique , de- venu son ami particulier, lui prêta le secours de sa muse, mais le versificateur n'eut d'autre part à celte œuvre que de lavoir mise en vers. Dans ce plai- doyer d’un genre nouveau, linvention, le raisonne- ment et les tableaux appartiennent exclusivement à celui dont je fais léloge. Les avocats figuraient en costumes analogues aux attributs des divinités payennes dont ils défendaient la cause : c'était pour la déesse des moissons agriculteur Tripto- lême:; c'était le dieu des pâturages , celui des ven- danges et celui des jardins qui parlaient le langage des dieux dans une dispute soumise au jugement dApollon , sur la prééminence de leurs bienfaits, sur la priorité des avantages qu'ils procuraient aux humains. M. Bellenger mit en vers le prologue d’Apollon , et tout le rèle de Bacchus auquel son caractère se prêta mieux que celui de M. Le Ca- velier , naturellement froid et sérieux. Bacchus plaidait sa cause avec des argumens pleins de saillies et d’une verve joviale (1). (1) J'assistais à la représentation le jour de la distribution des prixen1779 , lorsque M. Bellenger devenü principal du col- légé' du Mont professait encore la Rhétorique au collége Du Bois. Le plaidoyer fit sensation ; les costumes plaisaient beaucoup : DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 333 M. Pellenger avait de l’enjouement.… « Faites « bien ce que vous faites, age quod agis » , nous disait-il ; en conséquence il voulait que l'on travaillât durant les heures d’étude , et que lon se divertit pendant la récréation ; si quelquefois il menait ses pensionnaires à la campagne les jours de congé , c’est alors qu’il se mélait à nos jeux, qu'il les animait lui-même , et partageait nos amusements. Il sut distribuer à propos et l'éloge et le blâme ; un mot flatteur était dans sa bouche le prix de la diligence , un trait ironique la cot- rection dé la paresse. Il maniait finement l'ironie et l’employa souvent au lieu de punition. Il était grave et sérieux sous la robe , mais 1ou- jours il dérida son front dans le commerce du monde et de l'amitié; ce n'était plus la même personne : l'abbé Bellenger parut plein d’une po- Triptolème en habit d’agriculteur portait sa faucille suspendue par un ruban et couverte de glanes d’épis mûrs. Pan , le dieu des pâturages , avait de petites houppes de laine aux boutons de son habit, le chapeau de paille ét la houlette ; le dieu des vendanges tenait le tliyrse et portait des guislandes de pampres verts ; une corbeille et des guirlandes de fleurs distinguaient le dieu des jardins. Apollon en robe de juge , en robe rouge , avait la couronne de laurier sur la tête; Les rôles n’étaient pas longs, et le plaidoyer fut singulièrement applaudi,' L'ouvrage existe dans le recueil des poésies manuscrites de M. Le Cavelier , qui fut membre de l'académie et eut souvent des odes couronñées au Palinod, 554 ÉLOGE HISTORIQUE litesse et d’une candeur aimables ,non dans les grands cercles qui eussent effrayé sa timidité na- turelle , mais dans les petits comités d’un monde choisi. C’est là que se trouvant à laise il répandait un sel de plaisanterie assez piquant pour égayer la conversation, et assez délicat pour ne pont offrir d’acreté, Au commencement de sa carrière il avait su par des soins officieux joints au mérite personnel, se concilier la bienveillance et l'affection d’un neveu du célèbre Huet , évèque d’Avranches , de Pabbé de Charsigné , possesseur titulaire de l'abbaye de Fontenay, qui avait pour lui les meilleures inten- tions , mais il eut le malheur de perdre son pro- tecteur et son ami. L'abbé Bellenger ne dut qu'à lui-même , à l'ancienneté des grades, le titre de chanoine et la dignité de sous-chantre qu'il obtint dans l'église métropolitaine de Rouen. Il saisit loc casion qui se présenta de permuter cetle haute prébende contre un humble canonicat de Caen à la collégiale du Saint-Sépulchre , afin de remplir ses devoirs de chanoine ; on le vit en effet s’en acquitter exactement :1l assistait à tous les offices, même à ceux du matin, quoique son collége fut irès-éloigné de sa collégiale. Scs talens et ses places l'avaient mis en rap- port avec des personnes de considération , et 1l DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 335 recevait fort honorablement chez lui ; généreux et compatissant , il donnait beaucoup; ses aumô- nes,secrèlement répandues, en ménageant l'amour propre du nécessiteux , augmentèrent souveut le prix du bienfait. ® Saréputation s’étendait plus loin que les limites du diocèse de Bayeux ; il osa écrire à un vicaire- général de Séez et lui représenter qu’un des ec- clésiastiques les plus méritans de ce diocèse lan- guissait dans un vicariat depuis vingt années : 1l recut bientôt la réponse la plus obligeante , et apprit la nomination de son protégé à une cure avantageuse. Vers cette époque furent convoqués les états généraux qui devaient amener une révolution : M. Bellenger portait sur l'horizon politique un coup-d’œil juste et pénétrant : il prévoyait des orages et ils éclatèrent. Un serment d'adhésion aux lois nouvelles fut demandé à tous les fonction- naires publics ; l'Université de Caen le refusa ; elle publia dans une déclaration (+) les motifs rai- (1) Ea vertu d’une décision du conseil de l’académie universi- taire de Caen , sousla date du 24 novembre 1824, on a réimprimé cette déclaration célèbre qui , lorsqu'elle parut , produisit une vive sehsation , et l’on y a joint le bref de félicitation qu’adressa aux recteur et syndic général de l'Université de Caen le pape Pie VL. C’est un des titres les plus honorables de la fermeté du corps enseignant, 336 _‘ÉLOGE HISTORIQUE. sonnés de son refus ; L'abbé Bellenger signa cette pièce authentique , et composa lui-même un écrit touchant la constitution civile du clergé. Son ou- vrage intitulé : l'{nterprète infidèle des saintes écritures s’adressait au prélat constitutionnel du Calvados, qui, préchant avec feu devant l'autel de la patrie , avait pris pour texte : Zgnem veni mit- tere in terram , et s'écriait à son début: «il est incendiaire aussi l’évangile ! » L'abbé Bellenger re- leva cette fausse interprétation et détermina le vrai sens du passage : il alla plus loin , il traita la ques- tion nouvelle en l’approfondissant. Sa manière était méthodique , son argumentation pressante , sa diction facile et pure. Le théologien prenait les formes polies d’un homme de goût dans une po- lémique sans aigreur, dont la modération toucha son adversaire qui ne répondit pas ; il se sentit ému , il en a fait l'aveu , un de ses confidens la révélé. On a su d’après un témoignage positif, que la dissertation de l’abbé Bellenger fit naître le re- mords dans le cœur de l’évêque Fauchet. La loi révolutionnaire avait commencé par alar- mer les consciences ; bientôt elle déplaça les fonc- tionnaires ; elle devint de plus en plus tyrannique ; et ordonna la déportation des prêtres qui refu- saient le serment : l'abbé Bellenger ne recula point devant des principes qu'il avait posés lui-même , il subit la loi de la déportation. DE M. L'ABBÉ BELEENGER. 357 TI passa dans Pile de Jersey , y séjourna quel- ques mois , puis alla demeurer à Londres : il se fit connaître du prélat catholique anglais, M. Dou- glas , en lui adressant une ode latine dont le tour gracieux fut goûté des connaisseurs. Les Anglais instruits reconnurent que l’auteur avait bien peint le caractère de l’évêque , et bien présenté le ta- bleau de ses entours : c’étaient leurs expressions. Îls trouvaient la pièce écrite avec une douceur, ‘une élégance, une sensibilité remarquables. L’ode charma l’évêque qui, dans la foule des prêtres français retirés à Londres, distingua M. Bellenger. Ce littérateur étudiait la langue du pays ; en se familiarisant avec elle , il traduisait dans la nôtre un ouvrage nouveau qui jouissait d’une égale réputation parmi. les catholiques et les anglicans : c'était la réfutation d'un livre anglais détracteur de tous les dogmes religieux : e’était l'Apologie de la Bible pax le docteur Watson , évèque de Landaff et professeur de théologie à l'Université de Cambridge (1). La traduc- (1) Apologie de la Bible dans une suite de lettres adressées à Thomas Paine , auteur d’un livre intitulé : L’Age de la raison, se- conde partie , qui est un examen de la théologie vraie et fabu- leuse ;' par R, Watson , etc. , cinquième édition imprimée à Londres par Evans ; 1796, un vol. in-12 de 585 pages contenant dix lettres. A la fin du livre sont rapportées les indications des ouvrages 358 ÉLOGE HISTORIQUE tion woffrait pas les tournures forcées que l’on appelle anglicismes. Lorsqu'une fois la pensée du texte anglais était bien comprise , les expressions francaises analogues s’arrangeaient sans contrainte sous la plume d’un traducteur si exercé dans Part d'écrire. Le lord évèque donna des éloges au travail de M. Bellenger. Notre compatriote se ménagea des élèves pour les lecons-de langue et de la littérature françaises, mais à la fin fatigué d’aller en ville à des distances éloignées , il accepta les offres d’un riche brasseur : qui le prit dans sa maison et il ne se livra plus qu’à l'instruction des enfans de cette famille. On fit à Londres une édilion nouvelle du bré- viaire de Bayeux. L'abbé Bellenger l’orna d’une courte préface en lan ;1l ne laissa pas échapper celte occasion de rendre hommage au caractère de M. de Cheyÿlus, évêque de Bayeux, dont l’adversité mit au grand jour la vertu généreuse et la fermeté peu commune. Pendant son séjour en Angleterre , l'abbé Bel- lenger fut considéré des prélats qui le connurent, fut chéri de ses confrères, fut estimé des Anglais, de Watson, au nombre de neuf et tous n’y sont pas cités. Il a fait aussi l’apologie de la chrétienté dans une suite de lettres adres- sées à Edouard Gibbon, auteur de l’histoire du déclin et de la chûte de l'Empire romain. DE M4 L'ABBÉ BELLENGER. 359 dans la société desquels il se trouva, On l’en- tendit à la chapelle catholique débiter quelques sermons , notamment celui sur la sainteté, celui sur le bonheur du Ciel, analogues à la posi- tion de ses compatriotes dont :il soutenait le courage au mulieu des infortunes de la vie. Un jour, devant ses confrères du diocèse de Bayeux, rassemblés à la fête du patron de leur diocèses, il prononca le Panégyrique de St.-Exupère, discours plein d’un patriotisme religieux et atten- drissant. Il l'avait composé pour eux dans une terre étrangère , en reportant ses pensées vers le pays natal, où les appelait l'espérance d’un retour, hélas ! si long - temps différé. | Enfin lanarchie cessa ; l’ordre fut rétabli en France sous l’administration du général qui sai- sil d’une main forte les rênes du gouvernement. Le concordat venait: d’être signé entre le souverain Pontife et Napoléon Bonaparte ; les prélats fran- çais que Pie VII avait préconisés occupaient les différens siéges dans nos départemens. Le non- vel évêque de Bayeux , M. Charles Brault > aC- cueillit Pabbé : Bellenger avec une distinction flatteuse ; 1l le fit chanoine honoraire et le nomma vicaire-général. M. Bellenger recouvra sa modique fortune ; sa famille honnête qui l'avait sauvée, lui en remit aus- 340 ÉLOGE HISTORIQUE sitôt la possession (s). ; les parens nombreux ét reconnaissans à qui toujours il témoigna tant d’af- fection, le recurentcomme un père chéri, dont ils attendaient le retour après dix années d'absence : ils parurent tous au comble de la joie , ils se dis- putèrent l'avantage de lui donner un logement chez eux. « La Providence ne m'a point abandonné , di- «_sait-il, une nation générense m'a secouru ; mais « ‘en quittant le ciel hospitalier de l'Angleterre , « je revois avec transport lé beau ciel de la «a France ; la main du preiñier consul va relever « nos institutions que le vandalisme a renver- « sées. » Elles se relevaient de toutes parts et dans tous les genres. Revenu en 1802 , à Caen, M. Bellenger y trouva une académie nouvelle établie sur les fon- demens de l’ancienne ; c’est une ‘des premières restaurations que: la France a vu s’opérer, A. peine la tourmente révolutionnaire secalma-t-elle un peuque déjà dans cette ville renommée par ses goûts littéraires et le lustre antérieur de ses écoles , un petit cercle d'hommes instruits ve= (1) C’est à regret que je me vois forcé de déclarer pour l’exac- titude, qu'un des héritiers ne céda qu’à prix d'argent Vusufruit de la portion de terre échue à sa femme; car la famille s’était fait envoyer én posséssion de la Fortuné dù prêtre déporté. DE M. L'ABBÉ DELLENGER. 341 pait uné fois la semaine se réunir au salon d'une famille que distingua toujours son zèle pour les sciences ét la gloire de notre cité. On y ünt des conférences sur des sujets de chimie , de physique et d'histoire naturelle ; ainsi dans la maison d’un habile pharmacien , dans la maison Thierry commenca le noyau qui se grossit SUCCES- sivement et arriva au point où l'association recon- nue par le gouvernement fut érigée en académie des sciences , arts et belles - lettres sous les aus- pices du général Dugua , préfet du Calvados , qu’elle nomma président le premier vers la fin de 1600. Quelques années plus tard , quand l'académie nouvelle recut M. Bellenger , lui que l'on avait vu un des derniers directeurs de l’ancienne, il re- marqua les changemens heureux qui font de ceite compagnie un véritable institut : cependant elle n'oublie pas qu’elle fut long - temps célèbre comme académie de belles - lettres ,; et qu’à ce titre sur les matères mêmes qui ont les sciences pour objet,le goût doit présider encore à ses com- positions : c’est la méthode, l’économie du plan, l’art des transitions , la gradation des preuves , la succession des tableaux , c’est enfin la beauté sou- tenue de la diction qui constitue l’éloquence aca- démique. 34a ÉLOGE HISTORIQUE La réunion de ces qualités brilla dans les écrits du collègue dont nous regrettons la perte. Comme écrivain , M. Bellenger eut de la supériorité parmi nous. Il rédigeait tous ses ouvrages de la manière la plus facile et en même temps la plus soignée ; il avait tant de justesse et d'ordre dans l'esprit , que sa composition était communément fort bien du premier jet; ilne faisait presque pas de variantes , et très-peu de corrections. Les simples lettres dans lesquelles il épanchait son cœur avec ses amis, et qui souvent ne lui coûtaient guère que la peine d'en tracer l'écriture , avaient une aisance , une propriété d'expression remarquables , un déve- loppement de style analogue au genre épistolaire. Jamais une locution vicieuse ne lui échappa même en conversant ; il n’était pas un discoureur , mais sous un air modeste il cachait un sens fin , un sens profond. L'évêque de Bayeux le jugea propre à bien exécuter une œuvre qui demandait beaucoup de circonspeclion de sa part ; il le choisit dans une circonstance ‘impérieuse , én 1803, pour com- poser l’oraison funèbre d'un général ; beau-frère de Napoléon. D’après l’ordre de son supérieur , l'abbé Bellenger paya le tribut de‘louanges à la mémoire du général Le Clerc ;1l les décerna sans DE M. L'ABBÉ BELLENGER. 543 trahir la vérité ; plusieurs faits estimables en eux- mêmes parurent éclatans sous son pinceau ; la valeur française anime tousles tableaux où elle se montre : quelle que soit la cause de la guerre , les beaux faits d'armes ont du prix dans l’histoire , comme ils ont du charme dans la peinture élo- quente qui les expose à nos yeux. Ce discours est bien dans son ensemble et dans ses détails ; sans offrir deux divisions marquées , il présente les verlus guérrières et les vertus morales du capitaine que l’aménité de ses mœurs avait rendu intéres- sant , qui sut tempérer les ordres rigoureux d’un maitre absolu , et qui jeune expira sous le ciel brü- lent de Saint-Domingue , non sur le champ de ba- taille , mais lentement sur un lit de douleurs , ce qui amène une péroraison très-pathétique. L’ora- teur chrétien , fidèle à son ministère , inspire un recueillement profond en proclamant les vérités éternelles au sein de la gloire si courte de la gran- deur humaine. Plus rapidement écrite qu'aucun des ouvrages de l'abbé Bellenger, l'oraison funèbre du général Le Clere annonce les ressources du gé- nie de l’auteur ; elle prouve son adresse à manier un sujet difhcile que son talent a su vaincre d’une manicre heureuse. La belle élocution de ce discours ne fut -elle point la cause. du choix que l’on fit lorsqu’on s’oc- 344 ÉLOGE HISTORIQUÉ cupa de former à Caen l'académie universitaire ? Lé chef de l'instruction publique nomma M. Bel- lenger professeur de littérature française ; il eût préféré la littérature latine ,pius analogue au genre de sés études , mais il ne réclama point et resta fidèle au poste où le grand maître le placa. M. Bellenger possédait nos classiques , en faisait bien connaître lés beautés , en inspirait le sentiment aux élèves qu’il prémunissait contre les atteintes du mauvais goût ; il avait le jugement sûr et d'au- tant plus sain que sa critique ne fut jamais égarée par ies fausses traditions , car elle s’appuyait sur la connaissance des anciens qui sont nos maîtres en tout genre de littérature. Les derniers ouvrages de M. Bellenger prou- vent que son talent ne s’affaiblissait pas. Quand il fallut célébrer un événement mémorable de l’époque , le chef de son académie le chargea du travail , en disant : « Soutenez notre ré- « pulation; vous êtes capable encore de pro- « duire un poëme latin digne des beaux jours « de l’ancienne université de Caen. » La muse de M: Bellenger se ranima donc à la voix du Recteur ; elle composa un poëme en vers he- xamètres où , dans un style élégant , noble , har- monieux , elle développa de belles images ; des pensées pleinés de grâce et d’élévation , et des DE M: L'ABBÉ BELLENGER. 345 séntimens monarchiques très-prononcés ; au sujet de la naissance d’un enfant dont le berceau, placé au faîte des grandeurs , au milieu des trophées de la victoire , y semblait mis par la main de la Providence pour fonder une dynastie nouvelle. Mais le retour inattendu ; mais l’avénement mira- culeux de Louis X VIIL au trône antique de ses pères, frappa de nullité les œuvres de Napoléon. Cependant après avoir abdiqué le pouvoir su- prême , Napoléon joua dans sa lutte contre le’ sou- verain légitime , un second rôle différent du pre- mer. La position des:hommes en place devint critique à.cette époque ; où l’on exigea d’eux un serment de fidélité au maître. nouveau. La con- duite que M. Bellenger tint durant les cent jours annonce du courage et de la fermeté; une personne qu'il aimait , qu'il considérait beaucoup , le pres- sant, le conjurant de reconnaître le soldat heureux remonté sur le trône ; M. Bellenger septuagénaire’ alors, fit cette réponse : « J’ai passé dix années “dans une terre étrangère ; et s'il le faut, je « suis prêt d'y retourner. » Son ami redoubla ses instances , et alla jusqu’à dire : « Le ser « ment n’est qu'une formule , je lai prêté moi- «même. » Et miror magis ! répliqua M. Bél- lenger ;| qui eut l'attention de parler latin pour que son exclamalion parût moins désobligeante 24 346 | ÉLOGE ‘HISTORIQUE Geifonctionnaire ; nous venons d'en avoir la preuve:;, montrait du caractère dans l’occasion ; il n’était pas faible ; mais si bon , que l'on a pu-quelquefois s’y méprendre :! son indulgente vertu faisait toutes les concessions qu’il est pos: sible de faire , en respectant les bornes que la re- hgion, et l’honneur ne permettent: pas de ’fran- chir : ses détermmations 4 toujours. müremént réfléchies ,; lorsqu'il les: avait ‘une: fois prises, devenaient imvariables : il les ‘suivait ‘avec: un sang-froid, une constante que rien n’était capable d’ébranler. Il porta , dans les affaires, une pa- tience courageuse; qui le faisait lentement triom- pher, des obstacles , et parvenir enfin à son but ; jamais il ne se lassä, de réitérer ses. démarches et ses instances en faveur de l’amitié +! sans ca- price.eb sans humeur , il avait le caractèrele plus égal et, le. plus obligeant. Cétait le plus fidèle des, amis ; le plus zélé des. protecteurs : onle trouva. disposé toujours : à rendre service , dans ses diverses fonctions de professeur , de: prin- cipal, de chanoine ; de recteur , de vicaire- général et de.membre du bureau de, bienfaisance: Les Jumières et la modération du grand-vi- caire ont ramené au bercail plusieurs des pasteurs qui s'étaient égarés pendant l’orage de la révo- lution, 11 pardonnait facilement la, faute lorsqu'il sa DE M. L'ABBE BELLENGER. 047 Jugeait le repentir sincère. Son esprit, conforme à la douceur de l’évangile, plut beaucoup au prélat qui , durant vingt années, gouverna le diocèse de ‘Bayeux , dont il avait habilement réglé l’adminis- tration nouvelle , au prélat qu'un mérite éminent a fait lransférer au siège archi-épiscopal d’Alby. M. Brault , quinous a laissé le souvenir touchant de ses vertus, de ses talens et de son améñnité, honora l'abbé Bellenger d’une estime et d’une confiance que l'exercice des fonctions ne fit -qw'augmenter encore ; il le nomma bientôt cha- noine honoraire , et quelque temps après , lui _conféra les pouvoirs de vicaire-général ; il aimait à suivre ses conseils; il avait infiniment d’égard aux recommandations de ce médiatéur sage et conciliant, Exact à remplir tous ses devoirs , notre col- lègue n’omettait pas ceux d’académicien. Il as- sistait à nos séances , toutes les fois que des obligations plus essentielles ne appelaient point ailleurs : l'Académie l’élut président , eLil fat sensible à cette marque de considération. Nous lui avons entendu lire des Observations ‘sur le livre de Job, en réponse au Mémoire qui porte le même titré dans nos annales. M. Bellenger a divisé sa dissertation en deux parties ; la première rappelle tout ce que l’on sait de plus certain tou- 548 ÉLOGE HISTORIQUE chant Job, le temps et le pays où il a vécu : la seconde réfute les objections tirées d’une absence de-plusieurs notions historiques et géographiques qui. se fait remarquer dans son livre ; il ne cite pas le Pentateuque , né nomme pas Moyse et Abraham , ne mentionne rien concernant l’'Egyp- te; on'eu voulait conclure que leur ‘existence Æut postérieure à la sienne , et c’est là-dessus qu’on se fondait pour rejeter la naissance: de Job dans: une antiquité fabuleuse , antérieure à la for- -mation du terrain de la Basse-Egypte, provenu, supposait-on , des alluvions du Nil, après une suc- cession -de’siècles qui reculeraient l’époque assi- gnée au déluge universel , et par. conséquent l’o- rigine du Monde, Mais aux conjectures hasardées d’une hypothèse , M. Bellanger opposa des faits constans:; il-produisit les témoignages positifs des écriNains sacrés -et profanes ;. il; dévelôppa dés argumens décisifs en faveur de la Genèse , les exposant avec une méthode lumineuse , avec les ménagemens dus au hittérateur dont 4 combat- tait l'opinion , avec une politesse de: langage qui relève le prix des meilleurés causes. : Permettez , Messieurs ; que je parle ei de moi , les circonstances m’y contraignent : la première séance où j'eus l’honneur de vous pré- sider, fut la dernière où M, Bellenger assis!a : LE M. L'ABBÉ BELLENGER. 349 vous lentendiîtes ‘joindre sa voix à la mienne , quand je vous présentai de sa part un livre auquel vous attachiez de liniportance ; 1l l'avait recu dé Mälfillatre , qui , selon l'usage des écoliers , cer- tifiant que le volume était lé sien, avait écrit dessus quelques mots latins et signé son nom : particularité précieuse , puisque nous lui devons l'orthographe certaine du nom de Malfillatre : é’était le recueil des Poésies latines dé Hallé , un des professeurs célèbres de l’ancienne Uni- versité de Caen. M. Bellenger vous donna ce livre de la meilleure grâce du monde. « Je suis flatté, disait-il , de laisser à l’Acadéniie un gage de mon estime et de mon attachement pour elle. » Hélas il nous faisait ses adieux ! Le vieillard'achevait sa quatre-vingt: deuxième année , lorsque lé 29 octobre 1824 , dans une courte maladie que l'épuisement seul de l’âge avait causée , on l’a vu s’éteindre comme la lumière d’une lampe qui n’a plus d’aliment. Sa : famille woubliera jamaïs ses vertus : un neveu ; révélant ses bienfaits; a dit que la portion d'héritage dont il allait jouir ne vaudrait pas tout ce que lui donnait cet oncle généreux. Ecsanciensélèves de M. Bellenger lui gardaient un si léndre SouVenir, lui conservaient une si affec- iucuse vénération , qu'un d'eux est revenu le voir 350 + ÉLOGE HISTORIQUE:;: du fond de la Bretagne. Cet ami(1)et moi , nous. nous rappellions avec uu plaisir mêlé d’attendrisse- ment, que dans le collége , entouré des vastes jar- dins qui furent le théâtre de nos jeux , nous pas- sâmes avant les malheurs de la révolution , nos plus douces années au pensionnat du, bon abbé Bellenger. Sur la fin de,sa vie, ademieaiss ce vieillard octogénaire qui , ne voyant presque plus, se faisait lire à lautel l'office de chaque jour , plu- tôt que de s'abstenir des saints mystères ; 1l les célébrait alors à l’église de Saint-Sauveur , sa paroisse , tous les jours de la semaine ; excepté le Dimanche qu'il allait à lhôpital Saint-Louis , où sa présence futsouvent utile et toujours agréa- ble : il aima cette maison dès sa jeunesse ; il exerçait là son ministère ; y entendait.la confes- sion du pauvre , et lui donnait des secours et des consolations : ik avait mis en pratique la morale religieuse qu’il enseignait. Nous arrivons à la notice des sermons que j'ai réservée pour la fin de son dlège: La carrière de ses prédications nous reste à àephrepurirs (1) De Morlaix , ses affaires l’appelant à Rennes ; ilest venu en 1810, jusques à Caen, pour y revoir M, Bellenger et quelques- uns de ses anciens camarades de collége. | | DE M4 L'ABBÉ BELLENGER. 551 Comme orateur chrétien l'abbé Bellenger se dis- üngua dans un genre qui se rapproche de l’oraison funèbre : il prononca des panégyriques , ceux de Saint-Louis, de St.-Jean-Baptiste , de St.-Benoît, deSt.-Exupère , etc. (r). Son pinceau variant les couleurs suivant les portraits, savait finement assor- ür les nuances propres au caractère de chacun. Il ne réussissait pas moins bien dans les. sermons qui tiennent du panégyrique et des mystères , dans les sermons de la Vierge ; il les remplissait des sentimens les plus affectueux ; il les ornait des plus intéressans tableaux ; dans les sermons de morale, 1l atteignait le but que doit se proposer Pin- terprète des vérités évangéliques ; il touchait les cœurs , 1l persuadait ; parce que d’abord il inspi- rait de la confiance et du respect ; sa conduite fut toujours analogue à ses prédications , et l’on. ju- (1) Les panégyriques furent prononcés, à l'hôpital Saint-Louis à l'église Saint-Jean, aux Bénédictines; le panégyrique de St.-Exupèré , à la chapelle de Londres. Celui de Ste.::Thérèse fut probablement, composé aussi, pour les Garmélites , et peut- être encore celui de St.-François-de-Sales pour la Visitation. Si je n’ai pu, et j’en dirai plus loin la raison, connaître tous les ouvrages de mon ancien maître, je sais bien qu'il prêchait assez souvent aux prises d’habit des religieuses , à leurs professions de vœux , aux fêtes particulières de leurs commuünautés, notam- ment à l’abbaye del Sainte-Trinité, où l’on suivait la réglé de St.-Benoît,, et aux Bénédictines du St,:Sacrement:, nommées pe- tites Bénédictines ; aux Carmélites, à la Visitation, à l'hôpital Se.-Louis , elc, 552 ÉLOGR HISTORIQUE geait à son langage , à son maintien , qu'il était convaincu des saintes maximes qu’annoncait son discours. L'abbé Bellenger ne copiait pas ses de- vanciers , il eut une manière à lui. Les preuves sohdement établies se succédaient avec une gra dation soutenue ; le sujet sagement développé , sans offrir jamais d’inégalité sensible ; marquait beaucoup d’ensémble et de méthode : son acuon n’était pas vive , mais noble et naturelle ;sa voix n’était pas forte; mais il la soutenait bien ,et on aimait à l'enténdre. Il n’entraînait pas son audi- toire par une éloquencé rapide , il le gagnait par une onction douce et insinuante ; il ménageait habilement l'effet pathétique de ta péroraison : c’é- tit le principal triomphe de l’abbé Bellenger. L’auteur eût, je n’en doute pas, obtenu de bril- las succès à l'impression, puisque c’est le livre à la main que l’on juge le mieux du mérite réel des ouvrages : ses oraisons funèbres ont eu seules l'avantage d’être publiées : la collection de ses dis- cours évangéliques aurait pu former trois volumes, et celle de ses autres composilions , autant pour le mois. Ainsi notre collègue avait des titres à la célébrité. Mais dans le temps le plus orageux de la terreur ; quand cefut parmi nous un crime de garder chez soi les écrits d’un prêtre , une parente , dépositaire de ses manuscrits , sans faire DE M. L’ABBÉ BELLENGER. 353 lé triage. d'aucun , les livra tous aux flammes , évènement déplorable , qui me prive de plusieurs documens nécessaires , qui. mempêche de com- pléter Vanalyse des œuvres de M. Bellenger. Je regrette surtout de n’avoir pas eu connais- Sance des sujets qu'imagina ce professeur de fhétorique , et des plans qu'il développa dans ‘ses plaidoyers litéraires : j'ai seulement scu qu'il en termina un que le célèbre Du Baudory n'avait pas eu le temps d’achever ; on ne s’apercut pas du changement de rédaction sous la plume de lexcellent continuateur : la perte de ces produc- tions est afligeante ; car je crois qu’elles auraient paru remarquables dans un genre où l’on a si peu de bons modèles. A son retour en France , l'abbé Bellenger re- trouva dans sa mémoire les sermons de a Croix et de l’Amour de Dieu , pour lesquels il eut de la prédilection (1); mais en vain il essaya de se (1) Ce qui reste de ses manuscrits consiste dans ces deux ser mons , dans le très-petit nombre des discours rapportés d’An- gletérre ; dans: la traduction de l’Apologie de la Bible, que M: Bellenger n’osa publier à Londres , à cause des frais dont il n’était pas en état de faire les avances, et dans ses observations lues à l’Académie sur le livré de Job, Si l’on joignait aux manuscrits les œuvres qui furent imprimées , les oraisons funèbres , les ha- rangues et les poésies latines , la dissertation adressée à Fauchet , la collection formeraït encore, des débris du naufrage, deux assez gros volumes. 554 ÉLOGE, HISTORIQUÉ rappeler les autres. Son chef - d'œuvre ,au juge- ment des connaisseurs qui l'ont entendu , était le sermon .de la Croix, c’est une composition d’un mérite véritablément supérieur ; il avait fait des prônes instructifs que l’on accueillait fort bien quand il les débitait dans l’église de sa paroisse natale, dans l’église St.-Jean. Quoique je ne puisse énoncerles titres et déterminer précisément. le nombre des sujets que traita ce prédicateur , je présume qu’en réumissant les panégyriques aux sermons , il n'avait pas moins d’une vingtaine de discours d’apparat, peut-être davantage, et de plus quatre oraisons funèbres. Deux orateurs renom més ; l'abbé Poule et l'abbé de Boismont ; en avaient-ils autant (2)? Ce dernier, que la Normandie a vu naître aux environs de Rouen, était de l'Académie française; le secrétaire d’Alembert., dans l'éloge de Fléchier, rend un hommage bien flatteur au talent de Bois- mont, qui a produit quatre oraisons funèbres. L'abbé Bellenger nous en présente un nombre égal, Le rapprochement est naturel ; sous. plus d’un rapport , sous celui même du contraste , l'abbé de Boismont se prête au parallele avec Pabbé Bellenger. | (1)Sermons de l’abbe Poule, à vol.in-12; OEuvres de Boismont, 1 vol.in-8°, et ne D DE M. L'ABB£ BELLENGER. 9939 -’ Le membre de l’Académie de Caen se forma seul d’après: les ouvrages des grands maîtres ; il suivait les traces des classiques ; 1l maniait sa langue aussi purement que le membre de l’Aca- démie. française ; mais l'abbé. Bellenger ,, qui toujours consacra ses talens à son pays, ne parut point sur un brillant théâtre comme l’abbé de Bois- mont. Un séjour prolongé dans la capitale et là publication de ses discours dans un temps propice , auraient placé le modeste abbé Bellen- ger au rang de. nos bons;orateurs chrétiens , de nos plus sages écrivains du, second ordre, : il waffectait pas lé trait d'esprit, ne cherchait pas l'effet piquant de chaque tirade ; Pheureux en- semble de ses compositions en. faisait le charme dans un style nombreux et développé. L'auteur avait l'élégance continue d’une élocution moel- leuse ; ses discours, je le répète , étaient d’une facture à obtenir beaucoup de succès par lim- préssion. | Exempt d’afféterie comme de triviahté , notre vénérable collègue eut le vrai ton du langage apos- tolique ; il n’eut pas moins éminemment le, véri- table esprit de son ministère :1l remplit toujours exactement ses devoirs , je lai dit , je lai prouvé, voilà le but où tendirenttoutesses actions: il a su 356 .! ÉLOGE HISTORIQUE faire à son Dieu, sur la perte de ses ouvrages , le sacrifice d’un amour-propre , assurément fort lé- gilime : c’est une vertu de plus dans son éloge : c'est l'homme de talent, l’homme de bien, l'homme religieux endormi da sommeil des justes ; emportant l'estime universelle de ses concitoyens, et laissant aux yeux de l'honneur uné réputation sans tache. Un mérite personnel qui, dans notre cité, distinguéra toujours M. Bellenger , sous le rapport des talens, c’est d’avoir également porté dans les deux langues , française et latine , la même su- périorité d’élocütion ; c’est de lavoir. conservée jusqu'à la fin d’une très - longue carrière , sans que le style ait paru vieillir , sans que la pu- relé du goût se soit altérée jamais. Je vous le demande , à vous Messieurs | qui savez l’his- toire de votre pays, en offre-t-elle un autre exemple ? Aujourd’hui , que les discours latins ne sont plus d'usage aux réunions publiques de l'A- cadémie royale universitaire , ne peut-on pas dire à Caen ce que l’on disait à Paris d’un pro- fesseur illustre ? M. Bellenger fut parmi nous le Dernier des nomaIxs. BAS AA AVR VAI AAA AA WT AR AT AVR WE I LL LAS AE AA ALT AA LA LAS SV NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE M. J, F. V. LAMOUROUX, PROFExSEUR, D'HISTOIRE, NATURELLE A L'ACADÉMIE DE CAEN , CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES ) TC CARTE ET ÉTRANGÈRES. | Par M. EUDES-DESLONGCHAMPS. L'uisrorrs des hommes paisibles etlaborieux qui consacrèrent leur vie aux sciences est rarement féconde en événemens qui excitent la curiosité de la multitude ; pour la postérité leur histoire est toute entière dans leurs ouvrages. Il suffirait peut- êtré de rappeler que le savant distingué que nous regrettons consacra son existence à l'étude ,qu'il p'eut d'autre ambition que celle de reculer les bornes d’une science qu'il chérissait , de s’y faire un nom; et de se concilier l'estime et la considé- ration de ceux qui savent les accorder aux tra- Vaux utiles ; qu'il sut inspirer le goût et amour des sciences naturelles , qu'il accueillit | encoura- gea, aida ceux qui s’y livrent ; à ce pitié Mes- 358 SUR LA VIE ET LES OUVRAGES sieurs , vous reconnaitriez le collègue que vous avez perdu. Tel fut en effet, M. J. F° . Lamouroux : sa- vant modeste et liées professeur habile , ami sincère et dévoué , bon époux ; bon père; sa mémoire’, chère à sa famille , à sesamis, à ses élèves ; vivra autant que la science qu'il cultivait etqu “ sut enrichir de nombreux ouyrages. Mieux que les éloges , ces ouvrages , dont plusieurs ont fait époque ; fixeront à jamais la place. qu'il doit occuper parmi les hommes qui ont bien mérité des sciences naturelles. C'est néanmoins un devoir que les compagnies savantes aiment à remplir envers les membres qu’elles ont perdus ,que de rappeler avec quelques détails les circonstances de leur vie privée ; de retracer rapidement l'analyse de leurs principaux ouvrages. En même temps qu’élles honorent ainsi la mémoire des hommes qui ont concouru à leur illustration , elles cherchent à affaiblir le sentiment pénible que leur-perte leur a causé;,et à prolonger, pour ainsi dive , leur présence au milieu d'elles. M. Lamouroux naquit à Agen , le 3 mai 1779. Ainé d'une nombreuse famille , il fut destiné au commerce par son père , négociant réspectable et considéré, Désirant se mettre à portée de perfec- tionner les manufactures d’indiennes que son père VIE ET OUVRAGES DE M: LAMOUROUX. 329 avait établies, M. Lamouroax se livra de bonne heure à l'étude de la chimie ét aux applications à Vart de la teinture dont cette science est süscep- tible. Ce fut également dans le bat de substituer aux dessins bizarres ; dont on bariolait alors les indiennes ; des modèles plus rapprochés de larna- tureet du bon goût, qu'il étudia les végétaux. C'était comme peintre, comme manufacturier qu'il voulait connaître les fleurs : il trouva bientôt dans celte nouvelle direction donnée à ses études ce qu'il ne pensait pas à y chercher ; il se passionna pour les plantes, il devint botaniste: Les végétaux qui croissent spontanément aux environs de sa ville natale lui furent bientôt connus ; et, dans les voyages que mécessitait son commerce ; les her- borisations n’étaient point oubliées. Les Pyrénées, dont la végétation est si variée et si belle ; levirent plusieurs fois parcourir leurs vallées et gravir leurs flancs pour y recueillir des plantes. Son amour pour la botanique et les progrès qu'il y faisait furent remarqués par le professeur(1}dont il sui- vait les leçons ; il devint bientôt son suppléant dans les cours publics. Dès cette époque il se‘lia d'amitié avec plusieurs savants ét de jeunes na- turabstes dont la plupart se sont fait un nom dans la science. | () M. de Saïnt-Amans, 560 SUR LA VIE ET LES QUVRAGES Jusqu'alors M. Lamouroux ne s'était point oc- cupé de botanique marine , qui par la suite est devenue son plus. beau titre à la gloire. Voici à quelle occasion le goût de la eryptogamie aqua- tique s’éveilla chez lui: une collection de plantes marines recueillies sur les côtes du golfe de Gas- cogne lui fut donnée , comme souvenir ; par son compatriote let son ami , M. Bory de Saint-Vin- cent , partant alors pour l'expédition autour du Monde , commandée par Baudin. La botanique marine n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui ; peu cultivée-encore!, elle était presque à son berceau. L’espérance d'éclairer par ses recherches, une science pour ainsi dire nouvelle et lé noble désir de s’y faire un nom, enflammèrent M. Lamou- roux ; tous ses efforts se dirigèrent vers ce but. Le cadeau de l'amitié frucutia dans ses mains , la petite collection devint par la suite unie des plus nombreuses et des plus brillantes ; et le donataire un des premiers algologues. Bientôt M. Lamouroux publia mile Eéais | qui fir ent présumer ce ire pourrait. färe pour la science : 19, Un mémoire sur le miissage de. VA- gave americana , inséré dans la décade philo- sophique. a° Une description de deux espèces iné- | Û q DE M4: LAMOUROUX. 361: dites de Varec , etune Note sur le Varec po- lymorphe. Bulletin philomatique. 5°. Une dissertation sur plusieurs espèces de Fucus peu connues ou nouvelles ; un vol. in-4° avec 36 planches , imprimé à Agen, 1804. Ce dernier ouvrage , d’une étendue assez con- sidérable ; lui donna place parmi les algologues. Dans’ une introduction élégamment écrite , lau- teur fait: connaître l’état de la botanique marine à l'époque où il écrivait , et présente sur la phy- siologie, anatomie et l'habitation des Fucus ; des apercus: qu'il développa dans les ouvrages qu'il publia par la suite , notamment dans son Essai sur les T'halassiophytes , et dans son mémoire sur la distribution géographique des plantes marines. Vingt - deux espèces et quarante - huit variétés sont décrites et figurées avec soin et dé- tauls dans cette dissertation ; tous les dessins sont de la main de l’auteur ; il en a été de même de la plupart des planches dont M. Lamouroux a en- richi ses ouvrages. Il joignait le talent du dessi- nateur correct et élégant au mérite du descripteur exact et judicieux. Il n’est aucun naturaliste qui ne sache apprécier la valeur des dessins , même médiocres , faits par l’auteur lui-même , comparés aux plus belles planches exécutées par d’habiles arlisies ; mais étrangers à l’histoire naturelle , et 25 5 36 SUR LA VIE'ET LES OUVRAGES combien les premiers l’emportent sur célles-er. Riche alors et livré aux spéculauons commer- ciales , M. Lamouroux faisait de la botanique un agréable délassement ; 1l ne prévoyait point que ; plus tard , elle deviendrait pour lui un hono- rable moyen d'existence, Ce n’est pas le seul amateur des sciences naturelles que des coups inopinés de de la fortune ont dépouillé de tout , excepté de ce qu'ils ne pouvaient leur ravir , et la science ne fut pas ingrate envers eux ; ils y ont trouvé et les distractions si utiles pour échap- per au souvenir déchirant de la perte d’une bril- lante fortune , et souvent une ressource assurée contre le besoin. Presqu’à lamême époque qu’un caprice du sort obligea M. Lamouroux à chercher dans la science un môyen de salut ; un autre savant , jouissant de'tous:les avantages que don- nent la naissance et la richesse , amateur pas- sionné de la minéralogie , fut dépouillé de ses biens et honneurs par notre tourmente révolu- tionnaire , et laissé , sans autre appui que ses connaissances en minéralogie. Jeté presque sans ressources sur une terre étrangère , M. le comte de Bournon y trouva , outre les consolations et l'asile réservé à de nobles infortunes , un moyen de soutenir lui et sa faille, en employant uti- lement ses connaissances minéralogiques. _ DE M. LAMOUROUX. 563 Une concurrence établie entre les manufac- tures d’indiennes du nord de la France et celles des provinces méridionales, devint fatale à ces dernières ; le père de M. Lamouroux fut un des premiers qui éprouverent les suites désavanta- geuses de cette lutte inégale. Espérant néanmoins pouvoir soutenir un genre d'industrie qu'il avait créé dans son pays , et cherchant à sauver de la misère les nombreux ouvriers que sa fabrique nourrissait , il continua ses opérations et perdit sa fortune dont il sauva à peine quelques faibles débris. Dégoüté du commerce qui avait été si funeste à sa famille, M. Lamouroux voulut suivre une autre carrière 5. il vint à Paris avec l'intention d'étudier la médecine ; il y passa plusieurs an- nées, Sa réputation naissante de botaniste l'avait déjà fait connaître des jeunes naturalistes de l'époque. Sés études médicales ne le détournè- rent point de sa passion pour, l’histoire naturelle vers laquelle il était entraîné bien plus puissam- ment que vers la médecine, Il persistait néanmoins ; et subit plusieurs examens. À cette époque le gouvernément d’alors rétablit-ou régularisales Académies enseignantes ; les hautes sciences furent ajoutées dans les col- lèges à l'étude des lettres : M. Lamouroux fut [4 364 SUR LA VIE ET LES OUVRAGES choisi pour professer les sciences physiques au Lycée de Caen. Quoique cette place fût peu lu- cralive et nécessilàt beaucoup de travail , 1l saisit avidement ure occasion de pouvoir se livrer sans réserve à ses études favorites. Le voisinage d’une mer féconde en plantes marines redoubla chez lui le désir de’‘s’illustrer dans cette branche de la botanique ; par la facilité qu'il trouva alors à se procurer les nombreux matériaux dont il avait besoin. Quelque temps après le séjour de M. Lamou- roux à Caen , la chaire d'histoire naturelle en cette Académie vint à vaquer par la mort de M. de Roussel ; notre collègue avait tous les ui- tres à cette place ; il l’obtint : il occupa avec distinction cétie chaire pendant 15 ans; de nombreux élèves distingués sont sortis de son école. Non seulement ils trouvaient dans ses lecons les matériaux bien digérés d’une instruc- tion solide ; mais encore dans ses entretiens par- ticuliers , il aimait à donner aux jeunes-gens des à conseils et des préceptes sur la méthode qu'iis devaient suivre pour mettre à profit ses lecons. T1 remarquait bientôt les plus laborieux et ceux dont les moyens naturels dounaient des espé- rances ; sa maison leur était ouverte ; ses livres , ses collections étaient mises à leur disposition ; DE M. LAMOUROUX. 365 son cabinet était une sorte de laboratoire scien- üfique où chacun venait étudier ou consulter les collections. Peu d'hommes se sont montrés plus affables envers les étudians que M, Lamou- roux ; 1l interrompait volontiers son occupation , soil pour répondre aux questions qu’on lui adres- sai, soit pour donner des explications sur un point qui paraissait difficile , ou aider à la de- termination dun objet. Il ne faisait mystère d’aucunes de ses découvertes publiées ou non, et, quoiqu'il regüt souvent chez lui tout autres personnes que des écoliers , il ne mettait pas plus de réserve envers les uns qu’envers les au- tres. [l na Lémoigné souvent tout le plaisir qu'il éprouvait en Voyant réunis chez lui des jeunes : geus que l’amour du travail et le désir d'acquérir des connaissances y alürait , et que l'accueil pa- ternel qu'ils recevaient y ramenait souvent. Ce furent ces réunions qui lui donnèrent l'idée de former avec ces jeunes- gens zélés une Société d'histoire naturelle, Les bases en furent arrêtées chez lui et par ses conseils ; bientôt après, la Société Linnéenne de Caen prit place parmi les Sociétés savantes du royaume. Les travaux qu’elle a publiés et le zèle qui anime , promettent qwelle saura soutenir la réputation qu'elle s’est acquise. 366 SUR LA VIE ET LES OUVRAGES M. Lamouroux faisait ses lecons avec soin «et régularité ; chaque année il traitait dans ses cours d’'hyver une partie quelconque de lhistoire na- turelle , et l'été la botanique. Il parlait d’abon- dance et avec facilité , et se servait rarement de notes ; néanmoins tous ces cours étaient rédigés à l’avance et préparés de longue main. Il les améliorait chaque fois qu'il les professait, par des notes nouvelles qu'il recueillait dans ses lectures ou que ses réflexions lui fournissaient. Son ou- vrage sur la Géographie physique est un de ces cahiers dont ses lecons étaient le commentaire. Pendant les premières années de son séjour à Caen , M. Lamouroux publia des mémoires sur différens sujets d'histoire naturelle ou d'économie rurale , tels que : Mémoire sur plusieurs nouveaux genres de la famille des Algues marines , inséré dans le Journal de botanique , 1809 ; Rapport sur le bled Lammas , imprimé par ordre de la Société d’agriculture et de commerce de Caen, et inséré dans plusieurs ouvrages pé- riodiques ; Description d'une Ophiure à six rayons, insérée dans les Annales du Muséum ; Mémoire sur la Lucernaire campanulee , inséré dans le même recueil. DE. M. LAMQOUROUX. 367 Devenu habitant d’une ville voisine de la mer, M. Lamouroux songea à mettre enfin à exécu- tion le projet qu'il méditait depuis long-temps, de publier un ouvrage. général sur les plantes marines, Ne se contentant point d'étudier .ces productions dans un herbier , 1l fit de fréquens voyages sur différens points de nos côtes ; 1l ohb- serva les plantes marines vivantes et dans leur élément naturel; 1l fit sur les fonctions de. leurs organes de nombreuses expériénces ;, il scruta profondément leur structure et poussala dissection de ces végétaux beaucoup plus … loin | qu’on: ne l'avait fait jusqu'a lui. Il établit une correspon- dance active avec la plupart des algologues de l'Europe ; il recut de différentes plages étran- gères les plantes qui .y croissent spontanément ; beaucoup. de sayans lui ,communiquèrent géné- reusement les espèces-rares ou inédites qu'ils pos- sédaient dans leurs hérbiers. Riche de tous ces matériaux ét dé ses-observations particulières!, il publia dans les annales du muséum y sous, le titre modeste d'Essai sur les genres de ,T'har lassiophytes non articulées, un ouvrage: qui a fait époque dans PAlgologie. : sg Un ässez grand nombre, de botanistes avaient déjà publié. en Allemagne, en Angleterre -et en France: des ouvrages sur des ‘Algies; marines , 368 suR LA VIE ET LES OUVRAGES plusieurs ‘enrichis de très-bellés planches ; ‘ma- tériaux précieux , mais qui avaient besoin d’être mis en œuvre. Tous ces auteurs , ne s’écartant point de la route tracée par Linné, avaient vu avec lui, dans toutes les plantes marines , des Fucus , des Conferves et des Ulves seulement ; ils avaient augmenté le nombre des espèces con- nues ,; mieux établi leurs caractères que: n’avait pu le faire Linné ; mais ils ne cherchèrent point x former d’autres groupes , à trouver les véritables rapports de ces plantes entre-elles , à s’assurer enfin si les espèces , comme les avait classées Linné , n'étaient point réunies contre l’ordre de leurs affinités. Le but principal que se proposa M. Lamouroux était de démontrer qu'il existait parmi les plantes marines des ordres ou familles naturelles , comme il en existe dans les végétaux phanérogames, de faire connaître quéls carac- tères pouvaient servir à établir ces familles ; enfin de démontrer que l'anatomie des Hydrophytes était beaucoup plus compliquée qu'on ne l'avait cru jusqu'alors. Cet ouvrage nembrasse: point toutes les Cryptogames aquatiques,mais seulement celles qui ne sont point articulées , réservant pour un autre temps les Hydrophytes dont l’organisa- tion semble établie sur un autre plan. L'auteur divise les Algues en six familles : DE M. LAMOUROUX. 569 pr 10, Les Fucacces ; 2°. les Floridées'; 5°. les Dictyotées ;4°.tes Ulvacées ; 5°. les Alcyoni- dées ; 6°. les Spongodiées. Plisièurs nouveaux genres s’y trouvent établis; quelques espèces , la plupart nouvelles , sont décrites et servent de type aux genres ; toutes les espèces alors connues sont citées nominativement , €l rappor- tées aux familtes et aux genres admis dans Pou- vrage. L’essäi sur les Thalassiophytes est enrichi de planches parfaitement exécutées , où sont fi- gurées les nouvelles espèces.” Par la suite, M. Lamouroux modifia sa clas- sification en la perfectiommant ; de nouvelles ob- servations le portèrent à fondre les deux dernières familles dans les quatre autres , et à retrancher des plantes marines quelques productions ambi- guës qu'il crut placer plus convenablement en les reportant au règne animal. Quoique M. Lamouroux meüt rien négligé pour atteindre le but qu'il s'était proposé , il était trop bon observateur pour penser qu'il est pos- sible d'arriver tout d’un coup x une perfection qui ne peut être que l'ouvrage du temps, et d'observations mille fois répétées. Il ne craignait pas de modifier , de changer même entièrement ce qu'il avait proposé d'abord ; où d'adopter Îles idées d'autrui quand elles lui semblaient plus 970 SUR LA,VIE ET LES OUVRAGES snblaient plus exactes que les siennes ; bien différent en cela des personnes qui. croiraient compromettre leur réputation si elles revenaient sur ce qu’elles ont une fois écrit , et qui per- sistent à vouloir suivre une route où elles se sont engagées trop précipilamment faute de données sullisantes, Quelque soit le talent , l'influence ou la célébrité des auteurs qui consacrent leurs veilles aux progrès des sciences , il ne peut rester .de leurs ouvrages que ce qui est rigou- reusement vrai et conforme à la nature. Les faits bien observés , isolés ou réunis par des classifi- cations fondées sur les rapports nécessaires des êtres , surnageront seules dans le naufrage iné- vitable de ces écrits étayés sur des observations imparfates, ou enfantés par une imagination trop ardente qui dévance l'observation et ue peut s’accomoder de la lenteur de sa marche. Les idées de M. Lamouroux sur les aflnités des plantes marines ont été admises par la plupart des algologues ;” ‘et presque tous ses genres ont été adoptés. Les botanistes qui ont suivi la même carrière et qui ont cherché à s’écarter de la route qu’il avait tracée , retombent dans ses mêmes di- visions , comme il est facile de le reconnaître , malgré tout le soin qu'ils ont mis à dissimuler celle ressemblance. DE M+ LAMOUROUX, 57% Il est difficile à un observateur zèlé de voir sou- vent des objets intéressans sans éprouver le désir de s’en occuper spécialement ; il est difficile d’étu- dier les plantes marines sans être tenté de con- naître ces polypiers flexibles dont les formes et l’organisation sont si curieuses , qui vivent si sou- vent en parasites sur les plantes marines , et qui par fois leur ressemblent tellement qu’on nelesen a pas toujours distingués. M. Lamouroux les étudia dans leur séjour habituel et dans sa riche collec- tiou. Les envois de plantes marines qu'il avait reçus de divers voyageurs et de correspondans étran- gers lui avaient fourni une grande quantité d’es- pèces de polypiers parmi lesquelles il s’en trou- vait beaucoup de nouvelles. Le premier travail publié sur ces productions est une sorte de Pro- drome présenté à l’Institut et imprimé dans un desnuméros du bulletin philomatique.On y trouve une classification nouvelle basée sur la connais- sance approfondie de ces êtres singuliers et beau- coup de nouveaux genres établis. Ce prodrome devint le plan d’une Æistoire générale des po- lypiers flexibles qu parut en 1816. Avant la publication de l’histoire des polypiers flexibles , 1l existait déjà plusieurs ouvrages im- portans sur çes animaux et leurs demeures : PEssai sur les corallines d'Elis ; P£lenchus 572 SUR LA YIE ET LES OUVAGES Zoophytorum de Pallis ; l'histoire naturelle des Zoophytes dEllis et Solander ; les Zcones d'Esper , et plusieurs autres ouvrages moins spé- ciaux renfermaient de bonnes descriptions et d’ex- cellentes gravures. Bruguières avait publié quel- ques matériaux ; MM. Bosc et de Lamarck avaient proposé de nouvelles vues et fait connaître un assez grand nombre d’epèces inédites. Le célèbre voyageur Péron avait rapporté des mers australes beaucoup d'espèces de polypiers presque toutes inconnues aux naturalistes , et dont la plupart furent commnniquées à M. Lamouroux. Îl ras- sembla les observations des auteurs qui l'avaient précédé , les modifia par les siennes et ajouta à la masse des faits connus ceux que ses recherches particulières où qu'un heureux hasard lui firent découvrir ; il put , avec tous ces secours , donner le species le plus complet des êlres singuliers qui forment , avec les microscopiqnes , les derniers degrés de l'échelle animale. Les bornes d’une simple nolice m’empèêchent de donner plus de détails sur cet ouvrage important qui a élé traduit en plusieurs langues et qui est apprécié de tous jes naturalistes. Ses travaux antérieurs, et surtout le dernier , valurent à M. Lamouroux la récompense la plus ftattcuse à laquelle il osàt prétendre ; le premier : DE M: TAMOUROUX. + 573 corps savant du monde le reçut dans son sein , il fut nommé correspondant de l’Institut le premier décembre 1817. On sait avec quels soins avaient été dessinées et gravées les magnifiques planches de l'ouvrage posthume d'Ellis sur les polypiers ; mis en ordre par Solander ; il‘est impossible de rendre avec plus de vérité des formes,aussi singulières et aussi compliquées. Ce traité manquait depuis long- temps dans Ja librairie. Un célèbre imprimeur de Paris ayant fait l'acquisition des cuivres, gravés de ce recucil, désira les publier avec. une tra+ duction française du texte. M.Lamouroux!, connu en France comme l’homme le plus versé dans la science des polypiers , fut engagé à donner ses soins à cette nouvelle édition. Mais au lieu d’une simple traduction , il refondit entièrement l’ou- vrage anglais et donna un conspectus général de tous les polypiers pierreux ou cornés , vivans ou fossiles. Un grand nombre de planches furent ajoutées aux belles planches anglaises ; les:carac- tères des familles et des genres tracés avec pré- cision et quelques espèces, décrites dans. chaque genre , pour mieux en retracer le type. La-classification suivie dans cet ouvrage est, à peu de chose près , celle que lPauteur avait pré- sentée dans son histoire des polypiers flexibles ; 574 * SUR LA VIE ET LES OUVRAGES mais comme celle-ci ne comprenait point les po- lypiers pierreux , ces derniers sont rangés d’après un ordre méthodique qui diffère peu de celui qu’a donné M. de Lamarck. M. Lamouroux modifia néanmoins ces deux classifications de manière à en former un tout concordant. Plusieurs genres nouveaux s’y trouvent ajoutés. On a critiqué ,peut- être avec raison , les termes dont il se servit pour désignérilés différentes parties de ses divisions : ileût été d’ailleurs très-facile de faire disparaître ces légères incorrections , et l'ouvrage n’en reste pas moins un excellent manuel pour étudier où classer les polypiers. C'est encore à M. Lamouroux que les deux jeunes et laborieux naturalistes ( MM. Quoy et Gaymard) qui accompagnèrent M. Fréycinet dans son voyage autour du monde , s’adressèrènt pour faire la description dés polypiers qu'ils avaient recueillis dans léur course périlleuse. Ainsi , ce qu'on trouve sur les polypiers dans la relation de leur voyage qui se publie maintenant , est dû à notre collègue! Un des articles les plus éuriéux est la description détaillée de l'animal du T'ubi- pore musique ; très - imparfaitement connu au paravanñt. En 1821 parut le Résumé d’un cours de géo graphie physique. L'auteur chercha à être clair DE’ M. LAMOUROUX: 3-5 ’ et précis , à n’omettre rien d’esséntiel, mais il n’eut point la prétention d'approfondir aucun des points qu’il avait à traiter. Il atteignit le but qu'il s'était proposé en rendant facile et à la portée des gens du monde , une branche des scienées na- turelles fort utile et assez sonvent négligée. Cet ouvrage , comMméfbn peut le penser ; ne renferme point de vues nouvelles ; on ÿ trouve néanmoins des essais de nomenclature méthodique sur quel- ques phénomènes naturels. Une des idées prédo- minantes de M. Lamouroux était le perfectionne- ment des classifications : on en trouve des traces dans presque tout ce qu'il a écrit. M. Lamouroux se chargea , à la demande de l'éditeur de l’encyclopédie, par ordre de matières, d’une portion de cétte immense entreprise., com- méncée il y a quarante ans et qui est enfin sur le point d’être términée. Il entreprit de traiter his: toire naturelle des animaux rayÿonnés où z00- phytes. Il s’adjoignit comme collaborateurs M. Bory de Saint-Vincent, qui fut chargé de l’histon e des Microscopiques , et l’auteur de cette notice qui se chargea de la partie Helminthologique. Un premier volume parut en 1825 ; le second était commeñcé lorsqu'une mort prématurée vint sur- prendre M. Lamouroux au milieu de ses tra- Vaux. 576 SUR LA,VIE ET. LES, OUVRAGES IL s'agissait moins dans cet ouvrage de reculer nos connaissances sur les zoophytes que de fixer l’état actuel de la science à leur égard; néanmoins M. Lamouroux a décrit dans l'encyclopédie un certain nombre d'espèces nouvelles ;,on y trouve en même temps des rectifications sur la classifi- calion qu'il avait précédemment. adoptée. Dans l'introduction. placée en tête du premier volume, après s'être livré à des considérations générales , l’auteur -donne un projet. de, classification appli- cable à tout le règne, animal , fondée sur l'habita- tion des animaux dans l’air ou, dans l’eau , et sur la symétrie de leurs organes. Sans: doute qu’un examen:plus approfondi eût fait abandonner à M. Lamouroux cette classification essentiellement Vi- cieuse échappée de sa plume avant, d’avoir élé suffisamment méditée ; il n'eut pas tardé à recon- naître que si les-méthodes ; ou pour. mieux. dire la méthode zoologique généralement admise main- tenant..est susceptible d'amélioration dans. quel- ques détails , elle ne peut être attaquée dans ses divisions principales. En même temps que M. Lamouroux c travaillait à l'encyclopédie ; il fournissait de nombreux ar- ticles au dictionnaire classique d'histoire naturelle; cet ouvrage était parvenu à son huitième volume lors de la mort de notre collègue. Il s’était chargé DE M. LAMOUROUX. 3;> d'y traiter les mêmes matières que dans l’ency- élopédie , et de plus l’histoire des hydrophytes. C’est particulièrement dans les articles de bota- nique marine que se trouvént les changemens qu'il projetait à son ancienne classification. . : En 1824 ; M. Lamouroux lut dans cette Aca- démie uné notice historique et descriptive sur Pun des établissemens (1) dont s’honore le plus notre ville : et dans un petit nombre de pages bien écrites 1l se-plut à retracer tous les genres de bien- faisance que prodigue aux musères humaines un zèle ardent soutenu par la religion:Quelque temps auparavant; M. Lamouroux lut à la société de mé decine de Caen , dont il était membre; un mé: moire sur les Aras bleus , où sont consignés des détails curieux sur l’mcubation de ces oiseaux qui ont produit à Caen. Ce fut également vers ceité époque que M; Eamouroux paya un jusire tribut d’éloges à la mémoire de M: Thierry , dans une notice lue à la société d'agriculture, Peu d’écrits sur Phistoire naturelle ont été aussi souvent réimprimés que ceux de Buffon ; ét les œuvres du grand écrivain , traitées différéniment suivant les vues particulières de chaque éditeur , furent ‘ou ‘tronquées ou surchargées de supplé: (:) Le Bon-Sauveur. 26 378 SUR LA VIE ET LES OUVRAGES mens Sans fin sur toules les parties de histoire naturelle. Il est bien vrai quela plupart des traités, ajoutés aux écrits de Buffon ne sont pas sans mérite , et, peuvent être consultés avec fruit ; mais , rédigés dans un autre esprit et sur un tout autre plan ; ils n'ont'avec Buffon aucune liaison nécessaire , et mieux eût valu les pubher à part. Par une’singulière fatalité, tous ces édi- teurs semblent s'être entendus pour retrancher de leurs éditions les articles d'anatomie comparée fournis par Daubenton ; articles dépourvus sans doute du brillant coloris des écrits de: Buflon , et qui n’en n'étaient pas susceptibles ; mais qui joignent au mérite d’une scrupuleuse exactitude , celui de servir de complément aux: descriptions trop souvent imparfaites ou inexactes de l’auteur de lhistoire naturelle. 2,1) 0 Deux libraires de Paris ; ayant concu le projet de donner par souscription une nouvelle édition des OEuvres de Buffon ; s’adressèrent ; pour {la diriger ; à M. Lamouroux ; celui-ci pensa avec raison que le genre de mérite de: Buffon ne‘souf- frait point de changement :quelconque. ; qu'il fallait laisser à ce naturaliste son! éloquencé mâle et entraînante , ses traits de génie; sestbrillans sysètmes , ses aperçus ingénieux , ses hypothèses séduisantes , ses négligences, ses'erreurs , ses DE M. LAMOUROUX. 379 1 contre-sens méthodiques ; qu’on ne pourrait faire disparaitre même les erreurs sans tronquer l’ou- vrage ; enfin qu'il était absurde de vouloir tailler Buffon sur le patron des méthodistes ; que la meilleure manière de réimprimer ses œuvres était de’ le faire sur l'édition in-4°. de 1749 ; en se gardant bien de retrancher les articles de Dau- benton. La seule modification qu'il crut à propos de se permettre fut de placer les supplémens donnés par Buffon même à la suite des morceaux qu'ils étaient destinés à compléter où à rectifier , aû lieu de les réjeter dans les derniers volumes ; il pensa également qu’en ajoutant pour les ani- maux décrits par Buffon , la synonymie d’un ou- vrage classique , il rendait cette édition d’un usage plas commode pour les recherches. La souscrip- tion fut bientôt remplie > l’entreprise marchait rapidement ; le huitième volume allait: paraître lors de la mort de M. Lamouroux. Cette belle édition d’un des ouvrages les plus rémarquables’ du siècle dernier , a été continuée par un ami du premier éditeur , M. Desniarets , naturaliste du plus grand mérite , et auteur dexcellens ouvrages sur différentes: branches :de l’histoire naturelle. Jo... il La dernière production de M. Lamouroux.fut un Mémoire sur la distribution géographique 380 SUR LA VIE ET LES OUVRAGES des plantes marines , lu à Académie des sciences de Paris, et imprimé peu de temps après dans les Annales des sciences naturelles. C’est le pre- mier essai sur la répartition des végétaux marins sur le globe. L'on peut juger par les nombreux écrits qu’a publiés M. Lamouroux , combien ce savant était laborieux. Il avait du reste une grande facilité pour le travail. Ses nombreuses occupations ne Pempêchaient point de fréquenter la société qu'il aimait ; il y portait une gaîté franche et ori- ginale qui le faisait rechercher. On aimait sa conversation vive et animée qu'il savait assais sonner à propos de certaines tournures méri- dionnales. Ik consacrait les matinées au travail ; néanmoins il admettait dans son cabinet, pendant ses heures d'études , les personnes qui venaient le visiter: IL lui arrivait souvent de continuer d'écrire tout en prenant part à la conversation. M. Lamouroux souffrait voloutiers la critique et netrouvait pas mauväis qu’on ne-fûüt pas tou- jours de son avis ; il aimait à lire. ses productions à ceux qu'il croyait propres à lui, donner des conseils utiles; il discutait tranquillement les points en litige , et savait sacrifier sa manière. devoir quand il lui était démontré. qu'il en existait une meilleure, DE M. LAMOUROUX, 381 Notre collègue entretenait une correspondance active avec la plupart des naturalistes de lEu- rope ; qui tons l’honoraient de leur amitié ; sa réputation européenne lui. avait ouvert lentrée de la plupart des sociétés savantes (1). M. Lamouroux mettait tous ses soins à aug- menter ses collections ; il n’épargnait ni peines ni dépenses 5; chaque jour, il les enrichissait de quelque nouvél objet; mais dans Je, choix qu'il en: faisait , il cherchait plutôt à former une col- lection d’étude:que de luxe. De toutes parts on Jui faisait des enveis ; il-était rare qu'un navire -du port de Caen arrivât de quelque voyage (1) M. Lamouroux appartenait aux Sociétés satltes nommées ci-après : Académie royalé des scisnces de Paris; Société Lin- néenné de Paris; Société philomatique de Paris; Académic royale de médecine de Paris ; Académie des sciences , arts et belles-lettres de Caen ; Société d'agriculture et de cômmerce de Caën ; Société de médecine de Caen; Académie dés sciénces , -pats et belles-lettres: d'Agen; Société des scignces , belles-lettres et arts d'Orléans ; Société d'histoire naturelle de Paris ; Société d’agriculture de Quimper ; Aeadéie des sciencks , arts:e belles- lettres ide Rouen ; Société, médicale d’émulation de, Bordeaux ; Société Linnéenne de Caen; Société d’Agriculture , des sciences et arts d'Evreux ; Société de médecine , chirurgie et pharmacie d’Evreux ; Société dés sciences!, agricultureet arts deStrasliourg ; Société physiographique de Lund ; Académie royale de Madrid ; Académie des sciences , arts et belles lettres de Turin ; Société du ‘physique de” Genève ; Société des curieux de la nature de Moscou ; Société du! musgyth d'histoire naturelle de New-Yorck. 582 SUR LA VIE ET LES OUVRAGES lointain , sans qu'il y eût: pour le professeur d'histoire naturelle ane'petite caisse de Varecs, de Polÿpiers ; de Coquilles ou autres objets qui pôtvaient Tl'iñtéresser: Sa collection de plantes marines” était comme lon peut le penser, une des plus considérables dé PEurope ; les autres partiés de ‘la Cryptoganié ) quoique moins ri- ches', n’étäient pas sans intérêt ; 1l existe peut- être pas dans le monde uñe collection de Po- lypiers flexibles plus nombreuse en. espèces et variétés que celle qu'il avait formée. Il possédait également ‘en Polypiers pierreux vivans et fos- sues } en coquilles ‘ei én: minéraux ; des collec- tions qui n'étaient point à dédaigner. Après la mort de M. Lamouroux , l'administration du ca- biiet d’histoire : naturelle de Caen s'empressa. de trailer avec sa _famillé pour acquérir ses belles collections; et.c’est particuhèrement au zèle éclairé de'M. de Magneville que l& ville de:Caen doit la possession de tous ces objets si intéressans pour la science . et pour. l'étude. ; Paivenu ! à peine à l’âge de la maturité ; jouis: sant d'une réputation mérilée , enyironné de l'estime et de la considération de ses concitoyens; travaillant À, augmenter ses connaissances et à reculer les bornes d’une science qu "il culuvait avec uit dé ‘succès, entouré” d’une famille chérie’; DE M, LAMOUROUX. 383 c’est au milieu de tous ces élémens de bonheur qu'une mort prématurée est venue le frapper : Une apoplexie foudrovante l’enleva dans la nuit v du a5 au 26 mars 1625, à l’âge de 45 ans. ; M. Lamouroux laisse un fils encore enfant que les soins éclairés d’une tendre mère rendront digne d’hériter dan nom devenu si justement célèbre. FIN. gs cmontomar M Yà CEE ain mont me rich ve n° | AO A dette nn $ DES AR ra MALE rs ras hate > ps poist- Pied pas d'éak 2 pré LD éuthegehot de Po Afin Ash sus got es epplcés en varhétei qurodiie: Gp said lanaiè Hpomedeit Matt lé Peky sas -püernnnls vitons-es Fame. +068 d'et Voyeiiles eu car parade plié role. tags qui n'étaient PURE Apuës la ane de Laser, ladite gute | stat Pésuice: sabre dus sept is io M pièc , bete pô Sarre à clignotant pars digue vas de digne er EAP MAL ARE a À ( he sou js pres she Re pied Haba ie re Le Mets eo due ele pra a ÉERS « AA MAR AR VII AVE AR RAR A ARR AE AR AR MAUR AL NA VUS AA LL: RAPPORT SUR LES VOYAGES DE M. D'URVILLE , CAPITAINE DE FRÉ- GATE, NÉ DANS LE DÉPARTEMENT DU CALVADOS; LU A LA SÉANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , ARTS ET BELLES LETTRES DE CAEN , LE 49 AVRIL 1828. Par M. P. A. LAIR. Messieurs , Si la partie de la Normandie que nous habitons “est remarquable par le grand nombre de gens de lettres et de savans qui lui doivent le jour , elle ne l’est pas moins par ses marins et ses navigateurs célèbres. Pour en citer des exemples encore récens et bien présens à votre mémotre, je vous rappellerai les expéditions des’ contre- amiraux Hamelin et Motard, qui ‘ont soutenu avec tant d'éclat Phonneur du pavillon français dans l'Inde. Vous n’avez pas oublié , sans doute, la belle conduite du capitaine Beaulheu ; der- ? mèrement encore vous aviez occasion d'admirer 2 VOYAGES le dévouement du capitaine Aubert , qui, au péril de sa vie , venait d’arracher un grand nom- bre de personnes à une mort certaine, trait d'humanité que le Monarque a voulu récompenser par la décoration destinée aux belles actions. Aujourd’hui , Messieurs , je me propose de vous parler d'un compatriote que lAcadénue s’honore de compter parmi ses membres, de M. d'Urville , qui sait allier au mérite d’un habile officier de marine celm dun savant recomman- dable. Tandis qu’à travers mille dangers 1l accroît sa réputation dans l'expédition importante dont il a été chargé par le Gouvernement , qu'il me soit permis de retracer ici quelques traits de sa vie; peut-être qu’au moment même où nous lui donnons cette preuve de souvenir , toutes ses pensées ; au milieu des plages lointaines et soli- taires qu’il traverse , se rapportent-elles vers le lieu qui l'a vu naître, vers cette patrie si: chère qui renferme les objets de ses plus tendres af- fections. | M. Dumont-d’Urville ( Jules-Sébastien-César ), capitaine de frégate , né le 21 mai 1790 , à Condé-sur-Noireau , a fait ses études à Caen. Dès son enfance , ilavait manifesté un goût dé- -cidé pour les voyages de mer. Il en lisait avi- dement toutes les relations , et1l parcourait avec nn nd < DE M, D'URVILLE. 3 un antérêt particulier celles des Cook ét des Bougainville, ces grands navigateurs qui devaient un jour lui servir de modèles. éducation soignée qu'il reçut le rendit propre à être un homme distingué , quelque carrière qu'il dût parcourir. Ayant pris le parti de la marine , il se fit re- marquer de bonne heure par son intelligence et par son instruction, il accompagna , en 1819 et 1820 , M..le capi- taine Gauttier dans le relèvement des côtes de l’Ar- chipel grec et de la Mer Noire , un des travaux les plus remarquables que la marine française ait jamais entrepris. M. Verneur s’empressa d’in- sérer dans le tome 9 de son journal des voyages , la relation de M. d'Urville sur cette campagne hydrographique , et l'Académie des sciences entendit avec grand intérêt un rapport avanta- geux sur les observations d'histoire naturelle qu’il avait faites, IL avait suivi autrefois des cours de botanique et d’entomologie à Toulon. Cette étude , à laquelle il semblait ne s'être livré, que pour remplir ses loisirs, lui présenta de grands avantages par la suite , et peut-être. dut-il en parte à ses connaissancés. en. histoire, naturelle, d’être choisi pour les expéditions lointaines aux- quelles il à pris. une part si active, Il composa-dans ce voyage une Flore (latine 4 VOYAGES de l’Archipel grec et du littoral de la Mer Noire. Il donna aussi une notice détaillée des galeries souterraines de l'ile de Milo. Les observations qu'il a faites sur ces excavations sont neuves. et curieuses ; il pense qu’eles servaient aux céré- monies du paganisme , et qu’elles étaient l'image en petit des fameux labyrinthes de Crète , d'Égypte et de Lemnos. Cest pendant'son séjour à Milo qu'il eut le bonheur de découvrir et d'indiquer à M. de Rivière , ambassadeur de France à Constanti- nople , la Vénus quan paysan de cette ile ve- nait de trouver en bêchant son chap : ce chef- d'œuvre de sculpture ; objet de l’adniüration des artistes , est aujourd’hui au musée du Louvre, dont il fait un des plus beaux ornemens ; des- sinée et gravée plusieurs fois, cette slatue a été décrite à l'envi par MM. Emeric David , Alexandre Le Noir et les comtes de Valory et de Clarac ; mais, par une injustice trop com- mune , facile au reste à réparer cette fois ; le nom de M. de Rivière , ambassadeur, et celui de M. de Marcellus , secrétaire d’anibassade ;, inscrits seuls au bas de la statue , ont été signalés à la réconnaissance publique , tandis que celui de M. d'Urville est resté dans l'oubli. 21 A peine était-il dérretour de ce:voyage, que DE M. D'URVILLE. D déjà il en projetait un autre conjointement avec M. Duperrey , oflicier de marine , plein d’ardeur comme lui. Ils proposèrent, dans Pintérèt des sciences et de la navigation , à M. le marquis de Clermont-Tonnerre , alors ministre de la ma- rine , un plan de navigation qui fut accueilli avec’ bienveillance. La corvette la Coquille, mise à leur disposition , partit de Toulon le 1r août 1522 , sous le commandement du capitaine Du- perrey. Ce voyage autour du monde dura 31 mois, pendant lesquels la Coquille fit 25,000 lieues , en visitant les îles Malouines , les côtes du Chili et du Pérou, l’Archipel dangereux et divers autres groupes disséminés dans la vaste étendue de l'Océan Pacifique , la Nouvelle-Irlande , les Moluques , la Nouvelle-Hollande: et la Nouvelle- Zélande , Archipel des Carolines , Java , les Iles de France et de Bourbon. M. 1 dUrville ; commandant en second la corvetle, sut concilier les devoirs de son grade avec les recherches scientifiques. Il s'était chargé de la botanique et de l’entomologie ; herbier qu’il rapporla se compose de plus de 3000 espèces, dont 40o nouvelles. Il enrichit aussi le muséum d'histoire naturelle de Paris de près de 1200 insectes, formant environ 1100 espèces , dont * G __ VOYAGES 450 manquaient au cabinet ; et 300 étaient inédites. En se rappelant l'immense collection du muséum , qu’on juge de l'intérêt que devaient présenter les objets apportés par M, d'Urville qui contribuaient à augmenter d'aussi grandes r1- chesses ! MM. Cuvier et Arago, dans une analyse de ce voyage de découvertes , donnèrent de grands éloges à M. d'Urville ; les observations qu'il a été à portée de faire , seront sans doute insérées dans le voyage de la Coquille, dontil a paru plusieurs livraisons qui font attendre les autres avec impatience. M. d’Urville a composé diffé- rentes Flores ; celles de Taïti, d'Ualan et des Malouines. La dernière est déjà publiée. D’après le rapport de M. Mirbel à l'académie des sciences sur cette Flore, il fut arrêté qu’elle serait im- primée parmi les Mémoires des Savans étrangers. Ne se bornant point à une simple nomenclature de plantes ni à collecter ; c’est lexpression dont il se servait , il les envisageait sous le rap- port du climat et de leur distribution géogra- fique , à la manière des Humboldt et des Decan- dolie (r). (1) Voy. le cahier de Sept., 1825 , des Annales des sciences na- turelles , par MM. Audouin, Brongniart et Dumas. DE M. D'URVILLE. 7 L'étude de lhistoire naturelle ne lui faisait pas négliger celle des mœurs ; il observait avec soin les caractères physiques et moraux ; l’orga- nisation et l'intelligence des différentes peuplades,: leurs langues et leur vocabulaire , leurs opinions et leurs pratiques religieuses ; ces recherches lui servirent souvent à faire des rapprochemens très- curieux et fort importans. « Dans tout ce qui «“ concerne l’histoire de l’homme, dit-il , rien « n’est indifférent aux yeux de l'observateur ; « et, sous ce rapport , une description : fidèle dune seule tribu n’ofrirait-elle pas autant «_d’aliment aux méditations d’un philosophe que: Phistoire complète d’un de nos grands em- « pires. » ; elini = 2 IL semblait qu'après un voyage: si beau, mais si pénible , M. d'Urville eût dû souhaiter désor-! mais jouir tranquillement du fruit deses travaux ; mais son zèle infatigable , et l'enthousiasme dent il était animé , lui firent encore méditer une nouvelle expédition. Il ne: s’agissait point cette lois d'entreprendre le tour du monde, ces grandes circumnavigations ne Jui: semblaient pas offrir autant d'intérêt ni d'utilité que- les explorations côtières ; il lui restait à faire beaucoup de re- cherches spéciales dans les parages qu'il avait déjà parcourus. 8 LI NOYAGFS. : Lie nouveau ministre de la Marine ; Me comte dé Chabrol), sachiantapprécier son mérite , adopta avecémpressementles projets de navigation dont le gouvérnement pouvait tirer de grands avan- tages: M, d'Urville sé proposait surtout d'acquérir dés notions exactes sur la Nouvelle-Guinée : 1l n’était peut-être pas de reconnaissance plus im- portante par ses résultats’ probables ; susceptible d’une colonisation européenne, cette terre fertile et favorisée de là nature produit spontanément la noix :müscade} le clou de girofle’, le bois de Santaket beaucoup d’autres objets d’un commerce avantigeus. Vérifier ‘et compulser lés! connais- sarices acquises étaib une tâche aussi importante que difficile à remplir. Le bruit! venait: d’ailleurs de: se répandre que l'on avait obténu-quelques indices sur LæPérouse, ce’ navigateur: infortuné qui depuis 40 ans: est alternativement l'objet de nos espérances ; et plus souvent encore de nos regrets, D’après les renséignemens: donnés par! Pamiral:Manby, et d'après l'appel motivé de M. le baron:-de Zach , c'était en quelque sorte un devoir pour la France de réchercher ses-traces. M. d'Urvillé fut chargé de cette double mission. La corvette la Coquille , désignée encore pour DE M. D'URVILLE. 9 ce voyage , prit le nom d’AÆstrolabe , qu'avait porté le bâtiment monté par La Pérouse. Le choix de l'équipage composé d'environ $o hom- mes , y compris l'état-major et celui des savans qui devaient accompagner M. d'Urville , lui fut confié, fl choisit M. Jacquinot pour commandant en second , et M. Gaimard pour médecin en chef et naturaliste. Le premier avait déjà fait partie de l’expédition de M. Freycinet , et le second de celle de M. Duperrey. M. d'Urville voulut , avant son départ, revoir son pays natal. Nous le possédimes quelques instans à Caen.» Vous vous: /rappelez' encure:, Messieurs ; l'intérêt qu'il sut inspirer à toutes les personnes qui furent à portée de jouir de ses enirettens, Le récit de ses voyages ; plein de vérité et de franchise , semblait rendre plus vif l'attachement que nous lui portions. Frappés des succès: qu'il avait obtenus et des connaissances étendues dont il vous donnait des preuves, vous vous empressites de le nommer correspondant de votre Académie, : Ïl se trouvait à Caen à une époque , où, par une heureuse circonstance , s'y trouvaient aussi le naturaliste Chamisso. et deux aûtres voyageurs qui; comme lui, avaient fait le tour du monde. La réunion de ces: savans: cosmopolites fit sur 10 VOYAGES nous la plus vive impression. Ils nous rappelaient les personnages de l’antiquité qu'Homère nous représente comme ayant visité tant de-villes et tant de nations ; mais Ulysse, dont il a retracé les aventures d’une manière si brillante dans son Odyssée, avait passé dix ans à ne parcourir qu'une partie de la Méditerranée ; combien l'imagination du poëte divin se füt-elle enflammée en décrt- vant des voyages autour du monde, entrepris dans un but d'utilité publique , et avec quel en- thousiasme eût-il célébré les argonautes modernes! M. d'Urville est parti de Toulon le 25 avril 1826. Depuis cette époque, on arecu peu de nouvelles de lui. Ses dernières lettres adressées de Ja Nouvelle-Zélande et de l'ile Tongataboo au ministre de fa marine , étaient datées du 14 mars et du 12 mai 1827. Il ÿ donnait des détails fort intéressans sur les dangers auxquels il avait élé exposé et sur les succès qu'il avait obtenus dans ses recherches astronomiques ;: géographi- ques et d'histoire naturelle. I ne se dissimulait pas les difiicultés de la carrière dangéreuse : qui lui restait encore à parcourir ; mais il était plein de confiance , et ilannonçait que tout son équi- page partageait ses espérances el son Courage. Puisse un compatriote et un collègue qui nous est siicher:;ne pas tarder à revenir, parmi nous } DE M. D'URVILLE. 11 Puisse-t-1l, Messieurs , après une longue et pé- nible navigation , avoir encore enrichi la science d'importantes découvertes , et ouvert de nou- velles sources de prospérité au commerce francais! Nora. Au moment où nous livrons ce rapport à l'impression , nous apprenons que S. Ex. le ministre de la marine vient de recevoir des nou- velles de M. d'Urville datées du 4 janvier dernier d'Hobart- Town ( terre de Van-Diémen ). Elles avaient été précédées d’une lettre écrite d’Am- boyne le 7 octobre 1827, mais qui n’était pas encore parvenue en France. D’après son itiné- rare , M. d'Urville se proposait, dans le double but de la science et de la recherche de M. de La Pérouse , de diriger sa route sur l'ile Tucopia et Archipel des Mallicolo. Il espérait se trouver vers le mois d'août aux Moluques. ODA SIL A 06 6 Bt A Hate BA 1 100 NE 86 , Bépo aT Le Re AU RE Le Fa at ie Qu no 8 HAS de ali Br SENS HE PS HET 0 RÉ Slupinott ER ‘HÉONB Eat 8 5 dia A5 ses sole hroprdiques »: gra CE xp pt distmes EE ns CE reine dhauts el pas ha dufiotttes Ge Va Chxs resalris agen a ; ; de 1 Hoyt rt te Cm dia Tate PAT te: midaa ttait NA der codbranurass, ot, fl alirpoteg: 1 que ddr a ae. bar” pire Tir dus Esp: true at ses éaarag Lena ou CRETE wi: ui à uiès Mega Sy PTIT site une és Landes 37 can Pains. AAA VS VUB VU AS MAUR MAUR UE LV AR AE AR AL AAA AE AU LA ERA LR TABLE. Pages. Lisie des membres; 2 ac À Séance publique du 9 juin 1828. Ana- lyse des travaux de l’Académie ; par M. Héserr, secrétaire . . « + , 9 Mémoire sur les Terrains de transport. qu'on trouve dans le Calvados ; par M.'nÉ Macneyrgé jé , 2 Mo Supplément au Mémoire sur les Ter- rains du département du Calvados ; par M. Héraucr , ingénieur en chef des mines … + ‘ee eus » + « ete 74 Mémoire sur la Topographie médicale de l’Hôtel- Dieu de Caen; par M. ME eue Due do de Le 0 Première partie d'un Mémoire sur l’in- _fluence de l'air de la mer et des bains de mer, sur les maladies chroniques ; : par M. ROBE Rs... À. 195 Mémoire sur les Opérations géodésiques et topographiques du département du Calvados , par M. Simox , géomé- tre en chef du Cadastre . , , . . 155 Quelques idées sur la culture de la TR "M7" TABLE. Musique à Caen, par J, SPENCER- MT e à 2 HR MN. à à « 1 170 Essais de traduction de Poésie sacrée, dans lesquels on s’est attache à con- server le mouvement du parallélisme des originaux , précédée d’une expo- sition de principes sur P objet et les conditions de ce travail ; ; par M. Vau- TIER , professeur à la faculé des lettres de l’Académie royale de CRAN SUR Se De = où = 5 OT Mémoire sur le siége du Mont-Saint- Michel > par les Anglais, en 1423 et 1h24 ; et sur le combat de la Broussinière en 1425, terminé par. quelques considérations sur l’histo- rien Villaret, et sur la Notice his- torique du Mont-Saint-Michel, par M. L. Blondel; par M. E. M. Lassey DE LABOQUE « à 2 Le sccdeon: © 0209 Eloge historique de M. l'abbé Bellen- ger, ancien recteur de l’Académie de Caen, membre de l'Académie ; # par M: DE ÉÉIDRES à De so: IT Notice sur la vie et les ouvrages ‘de M. J. F. P.' Lamouroux | professeur d'histoire naturelle , membre de TABLE, AIT l'Académie ; par M. Eudes DesLoxc- CHAMPS ER AR UN 1. 1 357 REUNI AU VOLUME, Rapport sur les Voyages de M. D'Urville, capitaine de frégate ; par M. Larr. FIN DE LA TABLE, CE ÿ VY ju