A PARIS, £>Ê L’IMPRIMERIE NATIONALE, n • . 1 7 9 Domaines nationaux , n°. 8. A L’ASSEMBLÉE NATIONALE, Sur les vingt-cinq contrats d’échange de la forêt de Senonche ^ t Par Pierre DUVANT , membre dit comité des domaines* Imprimé par ordre dé l’Assemblée National#* rapport PRÉSENTÉ A L’ASSEMBLÉE NATIONALE, Sur les vingt-cinq contrats d’échange de la forêt de Senonche y P ah Pierre DUVANT, membre du comité des domaines. M ESSIEURS, Les propriétés nationales, qu’on appeloit autre- fois le domaine de la couronne, ont de tout temps excité la cupidité des courtisans et de ces prétendus grands pour qui la fortune publique etoit une mine féconde , qu’ils avoient seuls le A n ( 4) . privilège d’exploiter à leur gré ; sous un gouver- nement corrompu , on en faisoit un trafic honteux , tous les moyens étoient employés sans pudeur, et l’inaliénabilité du .domaine , reconnue par les rois les plus despotes , étoit sans cesse violée par des détours et des manœuvres de tout genre imaginées par les ministres. Si quelquefois les parlemens opoosoient à ces dilapidations l’arme presque tou- jours impuissante du refus d’enregistrement , on a remarqué que ce n’étoit souvent que leurs in- térêts particuliers qu’ils cherchoient à défendre. Les faits dont je vais rendre compte présenteront un exemple frappant de ces vérités ; mais , avant tout , il est de mon devoir de faire hommage de ce travail à celui à qui il appartient. M. Enjubault- Laroche , membre du comité des domaines de l’Assemblée constituante doit en avoir tout le mérite. Votre comité n’a eu qu’à vérifier son exac- titude , et moi-même , Messieurs , je me suis im- posé l’obligation de n’y faire que les ci.anfeen.ens et les additions que les circonstances rendoieut Par contrat du 9 décembre 1770 , M. de Conti vendit au feu roi l’ancien comté de. Senonche , avec la forêt de ce nom, Bresolle et Mercœnr, pour la somme de neuf imitions dçux cent trois mille deux cent cinquante-cinq livres. TW clause remarquable dans ce contrat , c est <5) 3a déclaration faite par le Roi, de n’entendre pas réunir à la couronne les terres et domaines par lui acquis , au contraire en jouir comme d’un domaine particulier , sauf à le réunir par la suite ou à comprendre dans l’apanage des princes ses petits-fils lesdites terres ou les portions d’icelles qu’il jugeroit à propos, ÿ Ainsi , par l’effet de cette clause monstrueuse , on faisoit acquérir personnellement au Roi une propriété considérable , qu’il payoit et qu’il ne pouyoit payer que des deniers de l’état , dont il étoit possible que l’état ne profitât pas; mais ce n’est pas encore l’instant d’examinér la validité de cette déclaration. Par lettres-patentes, en forme d’édit, du mois d’avril suivant , Louis XV constitua l’apanage de Louis-Stanislas Xavier , prince français , son petit- fils , pour être composé des duché d’Anjou , comtés du Maine et du Perche , ensemble , du comté de Senonche , la forêt exceptée. Quiconque aura quelque connoissaric© du local , se demandera à lui-même : Pourquoi cette exception ? Pourquoi a-t-on voulu, contre toutes les convenances, sé- parer la forêt des domaines de Senonche ? c'est ce que la suite va faire connoître à l’Assemblée. Ce sera déjà lui apprendre beaucoup et peut-être la prévenir contre la surprise , que de lui dire A 3 (6) dès à-présent que l’abbé Terrai etoit alors dans le ministère. Par z5 contrats passés successivement dans le cours des années 1772, 1773, 1774 et 177^ > roi vendit purement et simplement à autant de personnes différentes , jusqu’à concurrence de six mille neuf cent quarante et un arpens quatorze perches et demie des bois de cette forêt, qui en contient 8066. Tous ces prix reviennent à la somme de trois millions trois cent quatre-vingt-douze mille livres. Aucune de ces acquisitions n’étoît sérieuse 5 a peine chacune d’elles étoit-elle conclue , que 1 ac- quéreur rétrocédoit sa portion au roi , à titre d’échange , et en recevoir des domaines dont il femnoit de croire que cette tournure insidieuse, recouverte de quelques vaines formalites, le i en- doit propriétaire. Pour donner quelque couleur à ces contrats si- mulés et les présenter même au public sous un aspect favorable , on imposoit aux échangistes des conditions si onéreuses en apparence , qu’on peut dire qu’en les prenant à la lettre , elles portoient avec elles l’empreinte de la dureté et même de l’injustice. On exigeoit d’eux qu’ils s’obligeassent de payer ces domaines , au-dessus de leur prix réel , d’un sixième , d’un quart, quelquefois même d’une moitié. L’échelle de cette progression étoit ( 7 ) graduée sur la faveur dont jouissoit 1 échangiste. I/abbé Terrai , inventeur de ce mode d’aliéna- tion , et acquéreur lui-même , se mit , comme de raison , dans la classe lapins favorisée ; il ne voulut çxcéder que d’un sixième le juste prix des do- maines qu'il acquit. On imagine bien qu’il fit par- ticiper sa famille à cette faveur. J’ai remarqué qu’il y avoit plusieurs de seè parens au nombre des acquéreurs. Pour fixer ses idées sur cette manière de con- tracter , et en prendre des notions précises , 011 peut jeter les yeux sur les bons du roi portant acceptation des échanges. Comme ils sont presque tous calqués à-peu-près sur le même modèle , le comité a pensé qu’il suffisoit d’en mettre un à la suite du rapport , si 1 Assemblée juge convenable d’en ordonner l’impression. On y verra que le sixième que l’impétrant offroit devoit être pris en dedans et non en dehors , et qu’il ne devoit porter que sur la valeur du fonds, et non sur celle de la superficie. Ceci 11e donne lieu à aucune équivoque. Cepen- dant on assure que quelques échangistes , con- fondant les idées et altérant le sens des mots , ont trouve le secret de se soustraire à une partie dès obligations qu ils avoient contractées. C’est ce qui serà sans doute examiné scrupuleusement lors de la liquidation. A 4 ( 8 ) Outre cette augmentation de prix , à laquelle les acquéreurs s’étoient soumis, plusieurs d’entr’eux îs’étoient encore imposé l’obligation de rembourser en pure perte les finances d’engagement des do- maines qu’ils obtenoient , d’indemniser les officiers de justice et de supporter tous les fiais. Au reste , la clause que nous venons d’expli* quer ne se rencontre pas en termes exprès dans tous les contrats d’échange des portions de la forêt de Senonche. Il en est où elle ne se trouve que par équivalent, M. le maréchal de Mouchy , par exemple , après avoir acquis du roi , le 25 sep- tembre 1771 , quatre cent quatre-vingt-douze ar~ pens et demi de futaie sur taillis , les lui a rétro* cédés à titre d’échange , le 11 octobre suivant , et il a reçu encontre-échange laterredeMontlhéry, Xi a été expressément convenu par le contrat que cette terre sero.it évaluée au denier 4° ^e son revenu , tandis qu’on a abandonné l’évaluation de la forêt à la jurisprudence observée à la Chambre des Comptes, ce qui l’a réduit au denier 3o. Cette stipulation a produit à-peu-près le même effet que s’il avoit été convenu que M. de Mouchy paieroit un quart aurdessus de la valeur effective de l’objet qu’il acquéroit. De pareilles conventions semblent d abord bien rigoureuses. On se demande coniment des cour- tisons , si accoutumés à lah'Q > avec le Roi mur ( 9 ) maître , des marchés avantageux, ont pu se exter- miner à les accepter? Mais ce problème n’est pas difficile à résoudre. Il est expliqué dans un mé- moire présenté sur cette matière. Des personnes qui se prétendent instruites, et qui doivent l’être, assurent qu’on recevoit en paiement du prix dé la forêt des, effets tellement décriés, qu’il y avoit quelquefois près de moitié à perdre. Elles ajou- tent que quelques échangistes ont obtenu leurs quittances sans rien payer , que d’autres ont remis au trésor royal de simples billets sotfs leurs seings qui n’ont été soldés qu’au bout de dix ans. Ces arts qu’on n’est pas en état de prouver, mais qui sont dans l’ordre des choses possibles sous un mi- nistère qui se permettait tout, servent à expliquer le desintéressement apparent de quelques échan- gistes. Tous n’ont pas eu l’art de se procurer les memes faveurs , parce que tous n’avoient pas le meme crédit , et on connoissoit alors à la cour différer] s poids et différentes mesures. Il seroit superflu et fastidieux d’analyser tous les contrats que nous avons annoncés. A quelque îfference près , ils sont tous les mêmes. Cepen- dant il en est. qui méritent une distinction par la sim gulame des circonstances, et par l’intérêt que le public y a pris dans le temps. De ce nombre est celui fait avec M. Dubarry, - mu a y Rapport de M. Duvant, no. 8. A 5 ( 10 ) qu’on ne sera pas surpris sans doute de trouver dans le nombre de ces heureux échangistes. Le 20 février 1772 , il acquit pour 900,000 liv. seize cents quatre-vingt-dix-neuf arpens dix per- ches des bois de Senonche. Il paya cette somme en contrats , dont il n’est pas facile d apprécier la valeur. On prétend qu’ils ne valoient pas le tiers. Le 1 5 juin suivant il rétrocéda au roi ces mêmes arpens , et reçut en échange, 1°. le comté de Tlsle-Jourdain, composé de plus de trente sei- gneuries 5 20. la Forêt de Boucorine , contenant quatre mille deux cent quarante-cinq arpens trente- huit perches de taillis ; 3°. le domaine de Gray en Franche-Comté, avec ses annexes. M. Dubarry a donné ces domaines à son fils, en le mariant avec mademoiselle de Tournon. Celui-ci, effrayé par les plaintes , les réclama- tions et les murmures que cet échange excitoit de toutes parts, et craignant qu’il ne fût anéanti , demanda que dans le cas où il plairoit au roi d’annuller cet échange , il voulût bien ordonner que les bois de la forêt de Senonche lui seroient rendus , ou du moins leur valeur en argent. Pour obtenir cette faveur , M. Dubarry se laisoit un titre de celles qu’on lui avoit déjà accordées- Il observôit que le feu roi ayant fait la grâce à son père d’ordonner le remboursement des contrats à 4 pour cent , ce remboursement avoit été ef- (il) Fectué par une ordonnance de comptant , avec laquelle il avoit payé les bois de la forêt de Se- nonche ; que de cette manière, il pourrait payer ses dettes , montant à 4°°>©oo livres , et assurer les reprises et conventions matrimoniales de sa femme. Le mémoire de M. Dubarry a été mis sous les yeux du roi, qui a décidé que l’échange serait annullé, et que l’on rendrait les 900,000 liy. de contrats à 4 pour cent. Un arrêt du conseil du 24 octobre 1774 a , en conséquence, cassé et annullé les contrats , ar- rets et lettres-patentes relatifs à cet échange, sauf a pourvoit au remboursement des sommes payées par M. Dubarry , pour l’acquisition des bois de la forêt de Senonçhe, et à l'indemnité qui pour- rait lui être due pour les frais par lui faits. Par acte du 29 août 1776, M. Dubarry a su- broge Loüis-Stanislas-Xavier , prince français , dans les droits résultans de cet échange. Cette subrogation a été ratifiée par lettres-pa- tentes du 29 sejitemhre suivant. Un arrêt du 1^ du même mois avoit ordonné que celui du 24 octobre 1774 seroit et demeure- roi t comme non-avenu. Pour connoître la valeur en produit annuel des objets compris dans cet échange , on a consulté 1 état de situation fourni par le prince français , A 6 . ( l3 ) lorsqu’il fut question de régler le traitement des apanagistes. Les deux terres de Gray et de l'Isle- Jourdain sont portées à 74,000 livres de ^r ente , et l’on sent bien qu’on n’avoit pas intérêt alors d’en exagérer le prix. On prétend même que 1 ad- ministration des finances du prince ayant mis en vente la .terre de l’Isle- Jourdain , l’a estimée seule 80,000 liv. de revenu. Tel est , Messieurs , l’historique fidèle des échanges de la forêt de Senonche ; c’étoit de cette manière qu'on trafiquoit des biens domaniaux. Votre comité des domaines a dû , comme ce- lui de l’Assemblée constituante, s’arrêter d’abord à quelques principes. La clause de non-réunir sti- pulée par Louis XV, dans l’acquisition faitè du prince de Conti , lui a paru mériter son attention particulière , parce que la décision de sa validité, ï>u de son invalidité , détermine en quelque sorte l’opinion à laquelle on doit se fixer sur les contrats d’écliaiige. .. Le roi a-t-il pu, en vertu de la clause dont 1 s’agit, posséder à titre de propriété particulière, séparée du domaine public , les terres et la forêt de Senonche , acquises du prince de Coud ? Voilà Ta question , elle peut se résoudre en peu de mots. Par l’élévation duxoi sur le trône, sa personne privée , éteinte , et confondue dans la personne ( i3 ) publique , n’a plus d’existence que dans l’ordre physique , et la loi d accord avec la raison , ne doit plus reconnoître que la personne publique. La personne privée ne peut plus exercer de droits de possession ni de propriété séparés de l’état avec lequel elle s’est unie. Il se contracte entre le prince et la nation une société qui a tous les caractères de la comfnunauîé qui se stipule dans les contrats de mariage, et dont les effets s etendent à. toutes les acquisitions particulières. Telle est la doctrine enseignée par l’annotateur de le Fevre de la Planche, titre premier , liv. III, chap. III. Elle porte avec elle sa démonstration. Ces principes tiennent tellement â nos mœurs et à la nature de notre gouvernement , qu’ils étoient gravés dans les cœurs de tous les Français , avant qu’aucune loi les eût expressément consa- crés , et il seroit absurde de recpnnoître une pro- priété acquise des deniers d’une communauté , dont cette communauté ne proliteroit pas. Ce seroit cependant cet étrange renversement d’idées et de choses qu’il faudroit admettre pour défendre la validité de la clause que nous exami- nons. L’etablissement de la liste civile , en changeant l’ancien ordre de choses , a permis de modifier çes principes* 5 mais cette sage innovation ne pçùt ( U ) s'appliquer aux acquisitions antérieures à la pro-* mulgation de la loi. C est d apres ces maximes que votre Comité ne balance pas à vous proposer la nullité de la décla- ration ou de la cLmse de non-réunir, stipulée dans le contrat de vente fait par le Prince de Conti. Mais ce n’est pas le seul point-de-vue sous le- quel on puisse envisager les échanges dont il s’agit. On pourroit même faire grâce aux échangistes de la nullité de la clause dont nous avons parlé ,• et la supposer valable. La nature des traités scanda- leux qu’ils représentent, et les circonstances qui les ont précédés et suivis , sont telles , qu’ils n’en seroient pas plus heureux. % IIs ne peuvent contester que , dans l’ordre an- cien , le domaine public étoit inaliénable ; on ne pouvoit en acquérir aucune portion à prix d’ar- gent ; 1 échange étoit le seul moyen approuvé par la loi , parce qu’il n’est pas une aliénation. Mais, pour etre valable , il falloit qu’il fût loyal et sin- cère , sans fraude ni simulation $ et dans les con- trats dont il s’agit , les vices se montrent à décou- vert ÿ et telle etoit alors la corruption du gouver- nement , qu’on n’a pas même pris la peine de les couvrir d’un voile. Rétablissons les faits. Un homme en faveur, un protégé jetoit un regard de cupidité sur un do- maine à sa convenance ; il proposoit tout simple- (i5) ment d’acheter une portion de la forêt de Senon- clie , et de l’échanger aussitôt après avec le do-** maine qu’il convoitoit j ce projet , dont on ne fai- soit nul mystère , étoit consigné , sans détour ni finesse , dans un mémoire présenté au ministre des finances ; on y ajoutoit des conditions plus ou moins onéreuses , selon le degré de faveur que l’impétrant avoit par lui-même , ou qu’il avoit su se procurer. Le mémoire étoit présenté au roi , qui écrivoit le bon de sa main : le reste alloit de lui- même. Il n’étoit plus question que des formes ; on en trouve l’observation dans quelques-uns de ces marchés $ d’autres ne les ont pas encore obte- nues. Qu’on se rappelle encore les facilités rui- neuses données pour les paiemens , la nature des espèces ou contrats versés au trésor public. On pourra ajouter le reproche de lésion à celui de la simulation et de la fraude. Dans les contestations journalières qui se dé- cident dans les tribunaux , on tient pour principe que la proximité des dates entre deux contrats qui se détruisent , fournit une telle présomption de fraude et de simulation , qu’elle peut suffire pour les faire annuller l’un et l’autre. Il est, par exem- ple , très-difficile de penser qu’une vente soit sé*- rieuse , lorsque , dans un bref intervalle , Tache-* teur rétrocède à son vendeur lui -même l’objet qu’il' tient de lui. Cette présomption acquiert de (i6) nouvelles forces , si la même personne répète sou- vent la même operation , et elle devient une vraie ceititude , si les circonstances decèlent les motifs qui ont suggéré ces transactions contradictoires. Ici , cette présomption se présente dans toute sa force , puisque nous voyons vingt-cinq contrats de vente suivis presque immédiatement d’autant de rétrocessions , et qu’il gst impossible de se faire illusion sur les motifs qui les ont déterminées. Mais quelque décisive que soitycette présomption, on peut encore 1 abandonner aux échangistes. Les bons du roi , d après lesquels les portions de la foi et de Senonche ont été aliénées , nous four- nissent la preuve positive et directe, que ces ventes dérisoires n’étoiemt qu’une tournure imaginée pour aboutir a 1 échangé. L acquisition du domaine pu- blic etoit le but unique des acquéreurs. Ils ne vou- aient point acheter la forêt de Senonche ; le roi ne vouloir point la vendre : c’étoit si peu son in- tention , que l’obligation de rétrocéder étoit une clause essentielle de tous ces arrangemens ; et comme sans 1 intention il ne peut y avoir de con- trat , il n y a point eu aussi de vente réelle de toutes les portions de forêt. Cette vérité est sen- sible. Lorsque les acquéreurs ont paru échanger les parties détachées de forêt contre des proprié- tés nationales, qu’ont ils fait P Ils ont cédé ce qu’ils 11 ^voient pas acheté , ce qu’ils ne pouvoient même v ( *7 ) acquérir , d’après les principes ci-dessus posés. Ils n’ont point donné un domaine patrimonial , pour avoir un domaine national 5 ils n’ont fait qu a- bandonner à l’Etat l’argent qu’ils lui avoient payé d’avance , pour prix et avec intention d’acheter des domaines nationaux sous la forme d’un échange. Leur titre n’est par conséquent qu’un engagement dont la finance est la somme qu’ils avoient payée comme prix de la forêt de Senonche ; cela pose , la nature et le sort de ces contrats se trouvent réglés par les décrets rendus sur cette matière, et l’Assemblée ne peut se dispenser de prononcer la révocation de tous les engagemens. Ici deux objections se présentent , mais elles ne sont pas effrayantes. On dit d’abord que l’état avoit besoin de cet argent pour payer le prince de Conti* On répon- dra que l'état pouvoit se dispenser d’acquérir. On observera ensuite que l’état avoit alors beaucoup de besoins , plus souvent factices que jéels , et puisqu’on vouloit payer le prince de Conti, n’étoit il pas plus simple et plus sage d’en- gager quelques portions du domaine plutôt que de les vendre P On dit encore que la révocation de ces échan^ ges profitera peu à l’état , qu’il y perdra peut- être , et que le plus grand nombre a été vendu son prix, Cette perte, qu’on veut faire craindre. ( i8 ) n’est pas inquiétante ; la totalité des sommes payées ou censées l’être est de 3,392,000 livres , et ôn voit près d’un million à gagner sur l’objet seul cédé à M. Dubarry. D’ailleurs ces échanges compren- nent une foule de droits supprimés sans indem- nité. Il fàudroit , d’après les décrets , en payer la valeur ou rendre les portions de forêts échan- gées : or, ce dernier parti seroit presque impos- sible et infiniment préjudiciable, et l’autre néces- siteroit une foule de liquidations embarrassantes , compliquées , et dont le résultat seroit nécessai - rement très-onéreux à la nation. Il est prudent 3 il est nécessaire de prévenir et d’étouffer toutes ces difficultés. En conséquence , votre comité des domaines vous présente le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée Nationale , après avoir entendu le rapport de son comité des domaines et les trois lec- tures du projet de décret par lui présenté dans les séances des i3 mars , et après avoir délibéré qu’elle étoit en état de prononcer définitivement , a décrété et décrète ce qui suit : Article premier. Les contrats de vente faits par le Roi an cours des années 1771, 1772, 1773 et 1774, de diffé- ( i9 ) rentes portions de la forêt de Senônche aux par- ticuliers y dénommés , eloient feints et simules , conséquemment nuis et non translatifs de pro- priété. À R T. I I, Les contrats qualifiés d’échange , par lesquels ces particuliers ont postérieurement rétrocédé au Roi ces portions de forêt et reçu en remplacement des domaines nationaux , sont des engagemens purs et simples. Les sommes qu ils justifieront avoir payées pour prix desdites portions de foret leur tiendront lieu de finances, et toutes les lois relatives aux domaines engagés , et notamment l’article XXVI de celle du premier décembre 1790 5 leur seront appliquées. COPIE LITTÉRALE DU MÉMOIRE, Sur lequel a été accordé le bon du Boi pour l’acquisition faite par M. l’abbé Terray , lors contrôleur-général , de la forêt de Senonche , qu il a échangée avec le domaine de Besson , et autres objets désignés* '*-*-*• ^ con tr oleur-gen éral désiré acq77erir par échange la terre et seigneurie de Resson, domaine en§>3&e > lin bois près Provins , appartenant au roi , connu sous le, nom de buisson de Ferrières. Lé domaine de Resson élan! engagé depuis 1 5y4, il n a pas été possible de se procurer sur la consis- tance et le revenu de ce domaine tous les éclair- cissemens qu on auroit désiré pour en connoître la valeur ; on sait seulement que cetle terre a été adjugée à Antoine dé Fatras , sieur de Marcilly, le t3 décembre i5y4 , moyennant 3oo liy. , et (21 ) revendue à François de Fernay îé ai mai i586 , moyennant 600 liv. ; en sorte quen portant cette terre à 4,000 liv. , on ne Croit pas s’éloigner beau- coup de sa valeur. Suivant les éclaircissernens don- nés par les officiers de la maîtrise de Provins , le Buisson de Ferrières consiste en 2.58 arpens , sous la dénomination de ventes , ou triages des terriers , ou faître plaquée desGrands Pieux, Robinet , Croix de l’Assemblée , Petit-Crespin , Grand - Poirier , Queue-de-Renard , la Pipée et Souillart ; le fonds est estimé 2,00 liv» l’arpent 5 ce qui fait 5i,6oo liv. 5 la superficie, 67,267 liv. 1 4 sous. Il y a en outre cent vingt trois arpens douze perches de friches, nom- més la Chambre au- Loup , et le fonds du Briard , estimés 8,520 liv. ; en sorte que la valeur de ces bois et du domaine de Besson , est de i3i mille 387 liv. 14 sous. M. le contrôleur- général offrant de donner un sixième en sus , il lui sera aliéné des bois de Se- nonche jusqu’à concurrence dé 1 5y,665 liv. 5 il lui sera ensuite passé contrat d’échange de ces bois contre le domaine de Resson et le Buisson-de- Ferrières , à la charge que , dans le cas où la va- leur des bois n’excéderoit pas d’un sixième celle du domaine dé R'esscn et du Buisson, il sera tenu de fournir un supplément ; et que, dans le cas où la valeur des bais seroit supérieure de plus d’un sixième à celle du domaine et du Bu: ison , lui ( 22 ) sera tenu compte par sa majesté de l’excédant : et à la charge en outre de rembourser en pure perte les finances d’engagement du domaine de Resson , le roi se chargeant de payer les indemnités qui seront dues , tant aux officiers de la maîtrise de Provins , qu’au receveur -général des domaines , pour raison de l’aliénation du Buisson-de-Ferrières et de faire tous les frais de l’échange et des éva- luations. Cet arrangement procure à sa majesté un béné- fice de 26,000 liv. environ , et la mettra en état d acquitter 1,0 57,665 livres sur le prix des biens acquis de M. le Prince de Conti. Les mêmes principes de justice qui ont déter- mine es propositions faites pour l’échange de M. d Aligre , doivent régler celui de M, le contrô- leur-général. Le sixième qu’il offre ne doit donc etre pris qu’en dedans , et non en dehors , et ne don porter que sur la valeur des fonds , et non sur celle de la superficie. Alors voici quelle sera l’opé- ration. r La superficie du buisson de Ferrières est estimée, .. . , , , 67,267 I. Cette première somme ne doit pas être sujette au sixième d’augmentation. 67,267 h 67,267 1. ( 23 ) D’autre part Les fonds de ce buisson sont estimés.. . ' 61,600 Les friches sont estimées. 8,620 Le domaine de Resson peut valoir 4>000 Total des objets sujets au 6me< d’augmentation 64^120 Sixième d’augmentation. 10,700 Total général du montant des bois à céder à M. le contrôleur-général 142,087 1. Le surplus des conditions seront les mêmes que pour M. d’Aligre. Ensuite est écrit, de la main du roi , Bon , Tour ampliation, Signé Terray.