6

& }- n?

~d

RECHERCHES

SUR

LES OSSEMENS FOSSILES DE QUADRUPEDES.

TOME II.

- T

- . ' -'ï . : '',i

-i t - -r r*.

-t : . '

RECHERCHES

SUR

LES OSSEMENS FOSSILES

DE QUADRUPÈDES,

OU L’ON rétablit

LES CARACTÈRES DE PLUSIEURS ESPÈCES D’ANIMAUX

QUE LES RÉVOLUTIONS DU GLOBE PAROISSENT AVOIR DÉTRUITES $

jU .v jÿyCU ^

Par M. CUVIER,

* 1 >

Chevalier de l'Empire et de la Légion d’honneur , Secrétaire perpétuel de l’Institut de France , Conseiller titulaire de l’Université impériale , Lecteur et Professeur impérial au Collège de France , Professeur administrateur au Muséum d'Histoire naturelle ; de la Société royale de Londres , de l’Académie royale des Sciences et Belles - Lettres de Prusse, de l’Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg, de l'Académie royale des Sciences de : uède , de l’Académie impériale de Turin , des Sociétés royales des Sciences de Copenhague et de Gottingue , de l’Académie royale de Bavière , de celles de Harlem , de Vilna, de Gènes , de Sienne, de Marseille, de Rouen, de Pistoia ; des Sociétés philomatique et philotechnique de Paris ; des Sociétés des Naturalistes de Berlin, de Moscou, de Vetteravie ; des Sociétés de Médecine de Paris, d’Edimbourg, de Sologne , de Venise , de Pétersbourg , d’Erlang , de Montpellier , de Berne , de Bordeaux, de Liège ; des Sociétés d’Agriculture de Florence , de Lyon et de Véronue , de la Société d’Art vétérinaire de Copenhague ; des Sociétés d’Emulation de Bordeaux , de Nancy , de Soissons , d’Àuvers , de Colmar , de Poitiers , d’Abbeville , etc.

TOME SECOND.

CONTENANT LES PACHYDERMES DES COUCHES MEUBLES ET DES TERRAINS

D’ALLUVION.

- - - - - £-/ / Z

cU

A PARIS,

Chez DETER VILLE, Libraire, rue Hautefeuille, 8.

y.

l8l2.

I

PREMIÈRE PARTIE.

OSSEMENS FOSSILES

DE

QUADRUPÈDES PACHYDERMES

ET D’ÉLÉPHANS,

Trouvés clans les terrains meubles ou eValluvion t

r:

H

k s.

! * ;

■i

9

r : i '

\

i; ï

j

TABLE DES CHAPITRES

Dont se compose cette première Partie.

NOMBRE NOMBRE -des des

PAGES. PLANCHES.

I. Remarques générales sur la famille des pachy dermes 10 o IL Description ostéologique et comparative du daman 12 2

III. Description ostéologique du idiinocéros unicorne 22 4

IV. Sur les ossemens fossiles de rhinocéros . 34 4

V. Sur fhippopotame et sur son ostéologie . 5o 3

VI. Sur les ossemens fossiles d'hippopotames . 24 3

VH. Description ostéologique du tapir .

VIII. Sur les ossemens fossiles de tapir .

Addition . . 5 2

IX. Sur les éléphans vivans et fossiles . 140 8

X. Sur le grand mastodonte , vulg. animal de l’Ohio . . q.5 8

XI. Sur divers mastodontes de moindre taille . 20 \

XII. Résumé général de cette première partie ..... 4 ~ 0

Total . . 564 45

PREMIÈRE PARTIE

Ossemens fossiles de Quadrupèdes pachy - dermes et d’EL éph a ns, déterrés dans les terrains meubles ou d’alluvion.

Remarques préliminaires sur ces sortes de terrains et sut la famille des Pachydermes en général.

Plusieurs raisons nous ont déterminé à choisir ces ossemens pour les objets de nos premières recherches. D’abord les os fossiles en général sont beaucoup plus communs dans les ter¬ rains meubles et d’alluvion que dans toutes les autres couches. Ceux de quadrupèdes sont meme si rares dans les couches pierreuses régulières, que des géologistes célèbres ont douté qu’ils y existassent.

La nature meuble de ces terrains fait qu’on en retire les os plus entiers et plus reconnoissables. D’ailleurs , comme ils forment les couches les plus superficielles du globe, ce sont eux que l’on fouille le plus souvent } et comme les couches superficielles sont nécessairement aussi les plus récentes, les os qu’elles recèlent sont aussi plus semblables à ceux des ani¬ maux d’aujourd’hui, et par conséquent plus faciles à déterminer.

Il y a néanmoins encore de grandes différences d’ancienneté entre les couches meubles 5 les unes , qui forment le fond des grandes vallées ou la superficie des grandes plaines, s’étendent

5

REMARQUES

à de grandes distances et à de grandes profondeurs ; ce sont elles qui font l'objet principal de nos recherches actuelles. La plupart des os qu’elles recèlent appartiennent évidemment, au moins à des animaux étrangers à nos climats , tels que des élé- phans, des rhinocéros, des buffles, etc.

Les autres couches meubles, moins étendues et surtout plus récentes , sont déposées journellement par les rivières, soit lors de leurs inondations , soit dans les endroits leur bord est le plus concave , et sont ce que l’on nomme proprement des allumions. Composées presque uniquement de sables roulés , elles n’enveloppent que des os d’animaux du pays.

Mais parmi tous les os des couches meubles , nous avons encore eu des raisons particulières de commencer par ceux des pachydermes , en y joignant ceux des éîéphans.

Ce sont eux que l’on a le plus généralement recueillis, parce que la plupart des espèces qui appartiennent à ces familles sont fort grandes; et qu'étant toutes étrangères à nos climats, si l’on en excepte le cochon , leurs dépouilles ont dû. frapper davantage les curieux par leur singularité. Ainsi nous avons eu des matériaux plus abondans que pour les autres.

L’examen ostéologique en étoit aussi plus aisé , parce que F ordre des pachydermes ne comprend qu’un petit nombre de genres; que ces genres sont fort distincts les uns des autres , et qu’il est par conséquent plus facile d’en reconnoître les par¬ ties. Il n’y a pas une de leurs dents, ni de leurs os de la tête ou des extrémités , qui ne soit isolément en état de fournir des caractères distinctifs suffisans : c’est ce que les ruminanspar exemple ne feroient point, parce qu’ils sont trop semblables entre eux.

Enfin1, Fêtai de la science me donne un dernier ordre de

v

PKEIIMÏ N A IRES.

7

raisons. J’avois beson pour toute la suite de mes démonstra¬ tions, et particulièrement pour la détermination des animant extraordinaires de nos pierres à plâtre, qui font l’objet de ma seconde partie , et que je regarde comme mes principales dé¬ couvertes en ce genre , j’avois besoin, dis-je, de l’ostéologîe de plusieurs animaux de cette famille, dont les squelettes n’ont point encore été décrits.

On ne connoissoit point celui du rhinocéros , de Y hippopo¬ tame , ni du tapir ; celui de X éléphant lui-même ne l’étoit en¬ core qu’imparfaitement. J’avois donc à les décrire ; et l’endroit le plus naturel pour le faire étoit celui je devois parler des os fossiles des mêmes genres.

Ainsi c’étoit par ces fossiles que je devois commencer mon travail.

Quand j’en aurai terminé l’histoire, je passerai, dans ma se¬ conde partie , à celle des animaux de nos pierres à plâtre , qui sont aussi presque tous de la famille des pachydermes , mais de genres entièrement inconnus ; puis revenant aux fos¬ siles des terrains meubles, je traiterai successivement, dans ma troisième partie, des carnassiers et autres onguiculés fossiles, ainsi que des animaux à sabots non pachydermes .

L’ordre que je suivrai nesera donc ni rigoureusement géo¬ logique, ni rigoureusement zoologique; mais ce sera le plus commode pour conduire le lecteur à travers tant de recherches difficiles, et pour lui faire saisir le fil et sentir la justesse des preuves, en lui développant la véritable marche suivie dans les découvertes.

Cette famille si naturelle des pachydermes, entièrement in- connnue par Linnæus , et encore plus par ses prédécesseurs,, n’a été bien sentie que par Storr .

S REMARQUES

Ill’avoit définie : mammifères à sabots à plus de deux doigts , et par conséquent y avoit compris X éléphant.

Mais une comparaison exacte m’a fait reconnaître que ce dernier animal doit être isolé dans le système des quadrupèdes, zoologiquement parlant; et si je le laisse ici avec les autres pa¬ chydermes dans la même partie , c’est parce que ses os sont presque toujours pêle-mêle avec les leurs.

Comme j’ai découvert parmi les fossiles un genre à deux doigts seulement, qui n’en est pas moins un vrai pachyderme [X anoplotherium de nos carrières à plâtre ) , le nombre des doigts ne peut non plus servir de caractère.

Je pense même que si l’on consulte tout l’ensemble de la structure , il faudroit laisser les solipèdes avec les pachy¬ dermes ordinaires , ou du moins les en rapprocher beaucoup. Il est nécessaire aussi de séparer les pécaris d’Amérique des cochons de l’ancien continent. Les premiers n’ont point de queue; leurs dents canines supérieures ne se relèvent point pour former des défenses ; leurs pieds de derrière n’ont que trois doigts , et les deux grands ps du métatarse sont soudés ensemble^ enfin ils ont sur le dos une poche d’où suinte une humeur particulière. C’est plus de caractères qu’il n’en faut pour établir un genre, d’après les idées qu’on se forme aujour¬ d’hui de cette sorte de subdivision.

Du reste , X hippopotame , le cochon et le pécari , sont plus voisins entre eux que des autres pachydermes, et forment un petit groupe particulier, qui a des rapports marqués avec les ruminans , surtout par l’ostéologie des pieds, et qui se lie à cet égard avec le chaîne au , par l’intermédiaire de mon nouveau genre anoplotherium. On sait que le chameau lui-même m’écarte assez des autres ruminans par ses incisives , scs nom-?

PRÉLIMINAIRES.

?

breuses canines , un os de plus au tarse, une autre nature de sabots, et meme par quelques différences dans la forme de l’estomac.

L n autre petit groupe est celui qui comprend le rhinocéros , le tapir, et le daman, que je montrerai bientôt être un vrai pachyderme.

Le daman lie par ses dents le rhinocéros à mes deux nou¬ veaux genres du palœotherium et de Y anoplotherium ; car ces quatre genres ont presque absolument les mêmes mâchelières.

D’un autre coté , le palœotherium lie le tapir au rhinocéros par la forme des pieds ; comme le tapir lie le palœotherium aux pécaris , et par suite aux cochons , mais surtout au cheval , par le moyen des incisives et des canines.

JJ anoplotherium seul reste isolé à ce dernier égard , ne res¬ semblant à aucun animal connu.

Les dents de devant ne sont pas le seul rapport du cheval avec le tapir , le palœotherium et le rhinocéros. Les os des ex¬ trémités de ces animaux sont très-semblables : quoique \echeval ait l’air de n’avoir qu’un doigt, il en a réellement ; trois les laté¬ raux presque réduits à rien se trouvant cachés sous sa peau, et nous verrons une espèce de palœotherium le doigt du milieu de derrière est déjà beaucoup plus grand que les deux autres.

La trompe du tapir , à laquelle celle du palœotherium devoit fort ressembler, n’est aussi qu’un prolongement des naseaux du cheval. Plusieurs muscles tres-singuliers sont communs aux deux espèces, comme on peut le voir dans mon Anatomie comparée ; tandis que la trompe de Y éléphant est construite sur un tout autre plan.

JJ éléphant ne trouvera d’analogues que dans les masto - doutes ou animaux de Y Ohio , de Simorre, etc.

2

10

REMARQUES P R É L I M I M A I R E S.

Ainsi , au moyen des genres palceotherium et anoplothe - rium' que j'ai découverts, des genres mastodonte et pécari que j’ai établis, et des genres daman et cheval que j’y rapporter les animaux a sabot non ruminans comprendront désor¬ mais onze genres divisés en trois sections , savoir : dans l’une , les éléphans et les mastodontes ,• dans la seconde, les hippo- potames , les cochons , les pécaris et les anoplotlieriums ; dans la troisième enfin , les rhinocéros , les damans , les palœothe - riums , les tapirs et les anoplotlieriums.

La première section pourra , si l’on veut , être placée avant les ruminans et les deux autres après , de manière que les solipèdes resteroient toujours à la fin des quadrupèdes her¬ bivores ; mais je n’attache aucune importance à cet arrange¬ ment, parce que je suis bien convaincu de F impossibilité de disposer tous les animaux sur une seule ligne.

Quoiqu’il en soit, les rapports zoologiques multipliés que je' viens d’indiquer seront développés et approfondis dans mes premières parties , à mesure que j’aurai à décrire les osse- mens des animaux qui en font l’objet. Mais comme le daman n’a aucune espèce fossile connue qui s’y rapporte , je vais ter¬ miner ces remarques générales par une description particu¬ lière de son ostéologie.

DU DAMAN.

DESCRIPTION

OSTÉOLOGIQUE ET COMPARATIVE

DU DAMAN,

Hyrax Caprnsis.

Il n’est point de quadrupède qui prouve mieux que le daman la nécessité de recourir à l’anatomie , pour déter¬ miner les véritables rapports des animaux.

Les colons hollandais l’ont nommé Blaireau du Cap ; Kolbe, premier auteur qui en ait parlé, a préféré le nom de Marmotte, adopté depuis par F^osmaëre t par Bujfon , qui consacra ensuite celui de daman. M. Blumenbach , qui est cependant un naturaliste rigoureux, l’a encore laissé récemment parmi les marmottes. M. Pallas qui l’a décrit le premier méthodiquement , l’a placé dans le genre cavia établi par Klein, pour les agoutis, cochons cl’inde, etc., tout en remarquant qu’il s’en distingue à l’intérieur par des différences insignes; insigniter dijjert. FeuHerrmann pro¬ posa ensuite pour le daman l’établissement d’un genre

i

OSTEOLOGIE

o

particulier qu’il nomma Ilyrcix , et qui fut adopté par Schreber et par Gmelin , mais qui resta toujours dans l’ordre des rongeurs, même dans mon tableau élémentaire fies animaux.

Mon objet est aujourd’hui de prouver en détail la pro¬ position que j’ai avancée le premier dans mes leçons d’ana¬ tomie comparée, tome , p. 66 , ainsi que dans le 2. 1118 tableau du i.L'r vol. ; c’est que le daman est un vrai pachy¬ derme ; qu’on doit même, malgré la petitesse de sa taille, le considérer comme intermédiaire entre les rhinocéros et le tapir.

M. Wiedeman,qui adonné depuis dans ses archives zoo- tomiques, tome IÏI, p. 4a, une bonne description du crâne du daman, reconnoît aussi qu’on ne peut le regarder comme un rongeur, mais il ne s’explique point sur la place qu’il faut lui donner.

Pour expliquer comment la véritable famille du daman a été si long-temps méconnue , il suffit de savoir que Pallas, le seul naturaliste qui ait décrit cet animal anatomique¬ ment, ne put en obtenir la tète et les pieds, parties les plus caractéristiques du squelette, qui restèrent dans la peau empaillée.

À la vérité , la tète du daman étoit déjà décrite à la fin du i5.e volume de l’histoire des quadrupèdes, mais sous le titre de tète ( Y un animal inconnu aux naturalistes , et l’animal l’étoit en effet quand cette description fut faite.

On s’aperçut si peu depuis que cette tète appartenoit au daman, qu’elle reparut gravée dans le tome YII du sup¬ plément in-4.° , pl. 07, long-temps après les descriptions de l’animal entier, et que par une erreur presque inconce-

/

D U D À M A N. ?

vable, elle fut attribuée au loris paresseux du Bengale, avec lequel elle n’a aucun rapport ni de grandeur, ni déformé, ni de composition.

La description détaillée mais sans figure, de M. Wiede- man , ne fait que de paroi tre.

De plus , le squelette du rhinocéros lui-mème n’étoit pointconnu, et n’a encore été publié que dans le présent ouvrage.

Ainsi les naturalistes n’avoient pas les matériaux néces¬ saires pour la solution du problème ; j’espère donc qu’ils me sauront gré de produire à-la-fois et le fait et ses preuves.

Jemesers, comme Buffon, du mot daman qui est arabe, pour désigner Yhyrax , mais je n’ose y ajouter, comme lui, d’épithète d’espèce, parce que je ne vois point de différence entièrement certaine entre le daman de Syrie et celui du Cap ; Buffon dit, d’après les conversations ou les notes de Bruce, que le premier n’a point cet ongle oblique et tran¬ chant du pied de derrière qui caractérise l’autre; mais il suffit de voir la figure que le même Bruce a donnée de son ashkolcoo qui est ce daman, pour y distinguer cet ongle. Gmelin semble croire que les autres doigts de derrière n’ont pas d’ongle du tout dans le daman du Cap; mais je me suis assuré du contraire : il y a des ongles arron¬ dis et qui rappellent très-bien en petit les sabots du rhinocéros.

La différence relative aux poils ou soies plus longues que les autres qui hérissent le corps du daman de Syrie et non celui du daman du Cap, n’a rien de plus certain; car Pallas parle clairement de ces soies dans sa description , et si la figure de

4 OSTÉOLOGÏE

Bruce les montre ])lus fortes que celles des individus du Cap de nos cabinets , elle est une autorité suffisante pour établir une espèce sur ce seul caractère.

On peut cependant ajouter ce que j’ai observé sur les tètes de ces deux damans que nous possédons au Muséum ; celle du Cap, quoique adulte, toutes ses dents étant dé¬ veloppées, est plus courte que celle de Syrie qui n’a pas ses dernières molaires tout- à-fait sorties, de 0,08 ; et comme la première est néanmoins aussi large , les proportions sont un peu différentes.

La composition générale du tronc , connue de Pallas, par rapport au daman, mais non par rapport au rhinocéros , indique déjà une certaine analogie. Ce daman a vingt-une côtes de chaque côté, nombre supérieur à celui de tous les autres quadrupèdes, l’unau excepté, qui en a vingt-trois; et ceux qui en ont le plus après le daman , appartiennent précisément à cet ordre des pachydermes dans lequel nous voulons le ranger; l’éléphant et le tapir en ont chacun vingt; le rhinocéros en particulier en a dix-neuf; les soîipèdesqui approchent beaucoup des pachydermes , en ont dix-huit. La plupart des rongeurs n’en ont au contraire que douze ou treize, et le castor, qui en a le plus parmi eux , n’en a que quinze. Neuf de ces côtes sont vraies dans le daman.

Les sept dernières fausses côtes n’ont point de tubérosités et ne s’appuyent point sur les apophyses transverses des vertèbres; les cinq dernières du rhinocéros sont dans ce cas-là : le sternum est composé de sept os , et d’un carti¬ lage xyphoïde ovale.

Il y a six vertèbres lombaires, et treize tant sacrées que

DU DA M A N.

5

cocoygiènes, car il est difficile de distinguer ces deux der¬ nières espèces dans le squelette encore un peu jeune que nous possédons.

Le rhinocéros commence à s’écarter ici sensiblement de notre daman , il n’a que trois vertèbres lombaires, quatre sacrées et vingt-une ou vingt-deux caudales ; mais ce der¬ nier point tient à la longueur de sa queue, caractère peu important en zoologie.

La différence devient plus sensible par la forme du bassin , oùles os des îles sont très-larges dans le rhinocéros, et assez étroits dans le daman ; elle est notable encore pour les os des cuisses, auxquels la dilatation des trochanters extérieurs donneune largeur extraordinaire dans le rhinocéros ; tandis que le daman ne montre à cet égard rien de particulier.

Mais dans tous ces points, le cochon et le tapir s’écartent du rhinocéros, au moins autant que notre daman , ainsi il n’y a rien qui doive contrarier son aggrégation à cet ordre.

C’est sur-tout par l’ostéologie de la tète que le daman annonce qu'il s’éloigne des rongeurs, et qu’il se rapproche des pachydermes, et en particulier du rhinocéros.

A la vérité, comme son nez n’a point de corne à sup¬ porter , ses os du nez n’ont point reçu comme dans le rhi¬ nocéros l’épaisseur nécessaire pour servir de base à cette arme défensive.

Mais les os maxillaires s’écartent sur-le-champ de ceux des rongeurs par la petitesse du trou sous-orbitaire qui est énorme dans cette classe.

Les incisives supérieures sont au nombre de deux , en

<5

OSTÉOLOGIE quoi le daman ressemble également aux rongeurs et au rhinocéros unicorne ; mais il y en quatre inférieures, ce qui ne se trouve qu’en lui et dans ce même rhinocéros unicorne.

Les incisives supérieures du daman ne sont d’ailleurs point faites comme celles des rongeurs, en prisme quadran- gulaire ou en cylindre, courbé et terminé par une tronca¬ ture ou par un tranchant de coin. Elles sont triangulaires et terminées en pointe, et rappellent très-bien les canines - de l’hippopotame.

Les incisives inférieures sont couchées en avant comme celle du cochon, plates et dentelées dans la jeunesse, mais s’usant bientôt par leur frottement contre les supérieures.

Les molaires représentent, à' s’y méprendre , celles du rhinocéros et pour le nombre et pour la forme ; il y en a sept de chaque côté tant en haut qu’en bas ; vingt-huit en tout. Pallas, qui n’en a compté que seize ou vingt, en ajou¬ tant celle qu’il appelle accessoire antérieure, et qui a été suivi par Gmelin, n’avoit vu que celles d’individus très- jeunes.

Celles d’en bas sont formées de deux croissans simples , placés à la suite les uns des autres ; celles d’en haut ont la couronne carrée ; une ligne à leur bord externe formant deux angles saillans en en bas, et deux lignes transversales perpendiculaires à la première.

Il faut remarquer qu’ici, comme dans la plupart des qua¬ drupèdes, la pénultième ou l’antépénultième molaire est toujours la plus grosse , et que les autres vont en dimi¬ nuant , soit en avant soit en arrière.

Notredaman est sujet, commetousles animaux, à n’avoir

DU DAMA N.

7

pas le même nombre de dents à tons les âges. Ses molaires antérieures tombent aussi, comme celles de la plupart des herbivores, à une certaine époque le développement des postérieures ne leur laisse plus de place.

Nous avons, par exemple, une mâchoire inférieure d’un jeune il y a encore sept dents d’un côté, et l’alvéole de la première déjà vide de l’autre; et une d’un adulte les deux antérieures , tombées depuis long-temps, n’ont plus laissé de traces de leurs alvéoles, et il n’y a par consé¬ quent que six dents de chaque côté.

Dans un très-jeune individu qui n’a, comme celui que M. Pallas a décrit , que quatre molaires par-tout, il y a en avant, près de la suture qui sépare l’os maxillaire de l’os incisif, une très-petite dent pointue qui est sans doute celle que le grand naturaliste que nous venons de citer, appelle dent accessoire, mais que nous ne ferions aucun scrupule de nommer canine ; car nous voyons dans les phalangers et même dans quelques-unes des nouvelles espèces de kan- guroo dont M. Geoffroy enrichira bientôt la zoologie, des canines encore plus petites que celles-là.

Cette canine achève de séparer le daman des rongeurs, et de le rapprocher des pachydermes plus intimement encore , que le rhinocéros lui-même qui n’a jamais aucune canine.

Le condyle de la mâchoire inférieure est très-différent de tout ce qu’on voit dans les rongeurs; chez ceux-ci il est toujours comprimé longitudinalement , de manière qu’outre le mouvement ordinaire de bascule, il ne permet à la mâchoire de se mouvoir dans le sens horizontal que d’arrière en avant et d’avant en arrière.

Dans le daman , il est comprimé transversalement , comme

s

O S T Ë O L 0 G I E dans les pachydermes et clans tous les autres herbivores non rongeurs, s’appuyant d’ailleurs sur une surface plane de l’os temporal, ce cpii lui permet de se mouvoir plus ou moins horizontalement de droite à gauche et de gauche à droite, et ce qui le distingue éminemment de tous les car¬ nivores, oulecondyle, transversal à la vérité, mais entrant dans un creux profond de l’os des tempes, ne permet à la mâchoire d’autre mouvement que celui de bascule.

Il n’y a parmi les animaux qu’on pourroit être tenté de placer avec les rongeurs, que les kanguroos et les phasco- lomes qui partagent avec le daman cette forme de condyle; aussi trouve-t-on dans les couronnes des dents de ces trois genres, des. caractères communs qui se rapportent à cette forme.

C’est que lorsque leurs dents sont sorties de la gencive et usées par la trituration, elles agissent principalement par leurs bords latéraux qui restent saillans,la couronne ayant aussi cette ligure de croissant, quoique plus large que dans le daman et le rhinocéros. Lekanguroo arrive à cette forme plus tard que les autres, et les couronnes de ses molaires sont long-temps composées comme celles du tapir, de deux collines transversales saillantes.

Un des caractères les plus constans des rongeurs est de n’avoir qu’un seul pariétal sans suture, avec deux frontaux, ce qui est précisément le contraire de l’homme : dans le daman comme dans les pachydermes elles carnassiers, il y a deux frontaux et deux pariétaux.

Dans les rongeurs, l’os de la pommette ne fait que la partie intermédiaire et la plus petite de l’arcade zigoma- tiquej dans le daman comme dans le rhinocéros, cet os

DU DA M A N.

§

commence dès la base antérieure de l’arcade, et règne jus¬ qu’à son autre extrémité.

Les molaires supérieures des rongeurs ont leurs cou¬ ronnes dirigées en dehors ; et leurs deux séries sont par conséquent plus rapprochées que celles des inférieures, et reçues entre ces dernières. C’est le contraire pour les deux points dans le daman comme dans les pachydermes.

Le nombre des doigts du daman est de quatre devant, et de trois derrière, précisément comme dans le tapir; à la vérité, quelques rongeurs et particulièrement le cabiai, ( cavia capybarci ) ont le même nombre, et les dernières phalanges de cette espèce se rapprochent aussi de la forme aplatie de celles des pachydermes , mais leurs doigts plus alongés et plus libres, décèlent leur famille.

Le daman a les doigts réunis par la peau jusqu’à l’ongle, comme l’éléphant et le rhinocéros, et plus que le tapir et l’hippopo tame ; à plus forte raison davantage que le cochon.

Ses ongles sont si minces que Pallas semble ne les avoir pas reconnus pour des ongles. Voici la manière obscure dont il s’énonce à leur sujet: (il liscell. zool.p. 2Ô. ) « Pal- » margine quadrilobœ , lobi obtusissimi, callo solece » subreflexo prœmuniti , cœteroquin mutici , supraque ve- » lut vestigio unguis muniti. » Ces ongles représentent cependant très-bien en petit ceux de l’éléphant , tant par leur figure que par la manière dont ils sont placés sur le pied. Il n’y a, comme tous les naturalistes précédens l’ont fort bien observé, que le doigt interne despieds de derrière qui se détache et qui soit armé d’un ongle crochu et oblique, contourné autour de l’extrémité. La phalange qui porte

2

10 O S ï É O L O G I E

cet ongle est peut-être unique dans la classe des quadru¬ pèdes,, car elle est fourchue, et ses deux pointes sont l’une au-dessus de l’autre; dans les fourmiliers et les pangolins,

11 y a aussi des phalanges fourchues, mais les deux pointes sont à coté l’une de l’autre.

Le carpe du daman ne diffère de celui du tapir que par de légers traits dans la configuration des os, et parce que l’os trapézoïde est divisé transversalement en deux , comme dans les singes et quelques rongeurs : c’est un point que le daman a encore de commun avec le cabiai; mais il diffère de celui-ci en ce que son scctphoïcle et son sémilunaire ne sont pas réunis, mais restent distincts comme dans l’homme et les pachydermes. Comme il n’y a pas de pouce, le tra¬ pèze est fort petit et ne porte qu’un seul osselet. Il n’y a point d’os hors de rang du coté du pouce.

Le pied de derrière n’a que ses trois doigts sans rudimens de pouce;, ainsi le scaphoïde est simple, et porte deux os cunéiformes seulement. Le cuboïde ne porte qu’un seul os du métatarse ; il n’y a point cette partie interne divisée du reste du scaphoïde, qui se fait remarquer dans quelques rongeurs, et même dans le cabiai, quoiqu’elle n’y ait qu’un rudiment de pouce à porter; de sorte que le daman est plus pachyderme encore par cette partie que par toutes les autres.

Maintenant que je crois avoir suffisamment développé et comparé aux espèces voisines, les points de l’ostéologie du daman qui lui assignent une place parmi les pachydermes, je vais donner une description absolue, mais abrégée, du reste de son squelette , dont la connoissance sera très-importante pour mes recherches ultérieures.

DU D A M A N. ii

La lète d’un adulle a, du sommet de la crête occipitale au bout des os du nez , 0,077.

La distance est la même entre le boxd inférieur du trou occipital et l'antérieur des os intermaxillaires.

Du même sommet au-dessous de la mâchoire inferieure , en ligne verticale , o,o65.

Les parties les plus saillantes des arcades zigomaliques sont écartées de 0,0 53.

La fosse temporale a en ligne horizontale o,o3S , l’orbite 0,02. -

Les sept dents molaires supérieures forment ensemble une longueur de o,o3g ; et les inférieures de o,o3G. Le plus grand écartement des bords externes des supé¬ rieures est de o.o5 1 ; celui des inférieures de 0.02 i. Au reste , on peut prendre une idée plus nette de la figure et des proportions de celte tète et des os qui la com¬ posent , dans la planche que j’ai dessinée moi-même d’après des procédés rigou¬ reux, qu’on ne lel’eroit dans aucune description.

On y remarquera sur-tout l’extrême largeur de la branche montante de la m⬠choire inférieure, et la courba qu’elle fait en arrière : cette circonstance estimpor- tante , parce que nous la retrouverons dans quelques animaux fossiles. Cette lar¬ geur est ici ue 0,029 i U hauteur de o,oi3; la longueur totale , sans les incisives , 0,072.

Dans un jeune individu dont nous avons le squelette entier, la tête longue de o,o55 , faisoil un peu moins du quart de la longueur totale qui éloit 0,225; mais il est probable que sa proportion seroit moindre dans un adulle. Le col avoit 0,021; le dos 0,071 ; les lombes o,o3 ; le sacrum et le coccyx ensemble 0,012 de longueur. Le bassin éloit long de o,o i5, et large de 0,029 enlre les épines des os des des; chaque os des des avoit 0,029 de long, et o,oi3 de large.

Longueur de l'omoplate . 0,027.

Largeur eu haut . 0,017.

L’épine avoit sa plus grande saillie à son tiers inférieur ; point d’aeromion ni de clavicule ; une petite épiphyse en avant de la tète de l’omoplate paroissoit

devoir tenir lieu de ce dernier os.

Longueur de l’humérus ................ 0,0 3j.

- Du cubitus . . . o,o32

- Du radius . 0,022.

Le radius répond par sa tète supérieure aux deux saillies du cubitus, et par conséquent il ne peut tourner sur son axe , mais il est réduit à se fléchir ou à s’étendre avec le cubitus.

Longueur de la main . 0,02.

Il y a au premier rang du carpe trois os qui répondent au radius , et un hors de rang ou pisiforme assez gros ; au second rang, un petit trapèze hors de rang;

12 OS OL O GIE DU DAMAN.

portant un très-petit rudiment de pouce; un trapézoïde divisé transversalement en deux , et portant le métacarpien de l'index ; un grand os répondant à l’index et au médius ; un cunéiforme qui répond un peu au médius, à tout l’annulaire, et qui porte sur sou bord externe tout le petit doigt.

Longueur du fémur . o,o4.

Longueur des deux os de la jambe. . . o,o36.

Longueur du pied . 0,037.

Le tibia est exactement triangulaire dans sa moitié supérieure : le péroné est grêle et comprimé.

L’astragale louche un peu le cuboïde. Le scaphoïde porte deux cunéiformes : un petit pour le premier doigt; un grand qui répond un peu au premier et à tout le moyen. Le cuboïde ne porte que le troisième doigt.

Le calcanéum reçoit l’astragale sur deux facettes, une grande ovale à double face en arrière, et une très-petite à l’angle interne et inférieur.

/ hlfH t f/i 1 | y

Daman. Hyx* ax .

y

CïroTzr . deZ .

2, . O H Z?

j-Tete de/ Daman de Frojzl/ '"{y"' e/i de<rsoué'; J. Man/toim LnDïr/m/j

Sa

' e/.

DU RHINOCEROS.

i

DESCRIPTION OSTÉOLOGIQUE

D U

RHINOCÉROS UNICORNE.

Lorsque Pallas fît connoître le premier , dans le trei¬ zième volume des Novi Commentarii de Pétersbourg , les dépouilles fossiles de rhinocéros découvertes en différentes contrées de la Sibérie, il témoigna ses regrets de ne trouver dans aucun des ouvrages des naturalistes, une description de fostéologie du rhinocéros vivant, et sur-tout de son crâne.

Camper eut quelque temps après l’occasion de lui pro¬ curer une partie de ce qu’il désiroit ; il adressa à l’acadéinie de Pétershourg une description et des figures de la tète et du crâne du rhinocéros bicorne du Cap de Bonne-Espé¬ rance. Son mémoire fut inséré dans le premier tome des actes pour l’année 1777, part. 2, lequel ne fut imprimé qu’en 1780.

Ce grand anatomiste n’avoit alors aucune connoissance des différences de dents qui caractérisent les deux rhi¬ nocéros ; et comme il n’avoit point trouvé d’incisives à son espèce bicorne, il accusa d’erreur Parsons, Linné et Buf- fon , pour en avoir attribué à l’epèce unicorne.

1

3

OSTÉOLOGIE

Mais pendant le temps même qu’on se disposoit à im¬ primer son mémoire, il vint à Paris, et observa le rhi¬ nocéros unicorne qui vivoit alors à la ménagerie de Ver¬ sailles; il reconnut ses dents incisives ; il se procura même la tête d’un jeune individu de cette espèce, et en dessina les alvéoles : il envoya la note de tous ces faits à Pallas , assez tôt pour qu’ils fussent imprimés avec son mémoire principal.

Il rapporta les mêmes faits dans sa dissertation hollan¬ daise sur le rhinocéros bicorne, imprimée en 1782 , dont les figures furent les mêmes que celles qu’il avoit adressées à l’académie de Pétersbourg.

Il les confirma en 1785, qu’il dessina encore une tête d’unicorne au Muséum britannique ; et en ayant acquis lui-même une plus âgée que celle qu’il avoit eue d’abord, il la fit graver, en 1787, par Yinkeles avec son ancienne figure de bicorne, dans une superbe planche in-folio , dédiée à Jacques Vandersteege, planche qu’il n’a point publiée, mais dont il a seulement donné quelques exem¬ plaires à ses amis. J’en dois un aux bontés dont son fils veut bien m’honorer.

Cette figure de la tète de funicorne est imparfaite, en ce que plusieurs ligamens y couvrent encore la vraie figure des os; il y en a notamment un derrière l’orbite, qui pour- roit tromper les personnes peu au fait, et passer pour une cloison osseuse qui sépareroit cette fosse de celle des tempes.

Cependant M. Blumenbach a fait copier cette planche en petit , dans son recueil de figures d’histoire naturelle , premier cahier, n.° 7.

Enfin, M. Faujas a fait dessiner en petit, par Maréchal, la tète osseuse du squelette adulte du rhinocéros unicorne qui est au Muséum , et l’a fait graver à la planche X.raï

DU RHINOCÉROS. 3

de ses Essais cle géologie ; mais cette figure n’est pas plu3 accompagnée de description que celle de Camper; d’ail¬ leurs, quoiqu’assez exacte au total, elle est embrouillée par des rugosités trop marquées par le graveur , et l’on n’y voit point les sutures.

Si l’on ajoute à ce que je viens d’exposer, les excellentes figures de la face inférieure du crâne et de la mâchoire inférieure du rhinocéros bicorne, que M. Merck a données, également sans description, dans sa troisième lettre sur les os fossiles, imprimée à Darmstadt en 1786 , on aura, je crois , le résumé complet des matériaux publiés jusqu’ici sur l’ostéologie de ce genre remarquable de quadrupèdes, et l'on voit que je n’étois pas dispensé de reprendre ce sujet , et de le traiter avec une étendue proportionnée à son im¬ portance.

Les pièces qui vont servir de base à ma description, sont le beau squelette préparé par M. Mertrud, du rhinocéros qui a vécu vingt-un ans à la ménagerie de Versailles, le même qui a été observé vivant par Meckel etPierre Camper, et la tète d’un rhinocéros plus jeune, que notre Muséum doit à la générosité de M. Adrien Camper, et qui est précisément celle qui a servi d’original à la planche de son illustre père, dont j’ai parlé tout à l’heure.

i.° La Tête.

Ce qui frappe le plus dans la forme de la tête du rhino¬ céros, c’est la saillie pyramidale de son crâne : l’occipital en fait la face postérieure, les fosses temporales font les faces des cotés ; la continuation obliquement ascendante du front la face antérieure; au lieu de pointe le sommet est une ligne transversale.

L’occipital monte obliquement d’arrière en avant, cela

1 *

% OSTÉOLOGIE

est propre an rhinocéros, et rend sa pyramide presque droite. Le cochon même qui a une pyramide presque sem¬ blable, l’a inclinée en arrière.

Le contour de l’occipital est une demi-ellipse qui s’élargit vers sa hase, pour produire une lame saillante derrière le trou de l’oreille , et la base postérieure de l’arcade zygo¬ matique.

La ligne de la hase présente â son milieu les condyles et aux cotés les apophyses mastoïdes pointues et crochues l dans le cochon elles sont précisément sous les condyles.

En avant de chacune de ces apophyses, il y en a une autre fort grande qui appartient à l’os temporal, et qui contribue à la formation de l’articulation de la mâchoire ;. elle l’empêche de se mouvoir beaucoup de droite à gauche, et elle correspond à une échancrure située à l’extrémité interne du eondyle.

Entre ces deux apophyses , mais un peu plus en dedans est une autre apophyse courte , dont le bout est creux et reçoit l’os styloïde.

Les impressions des muscles divisent la face occipitale- en quatre fosses; la face antérieure de la pyramide descend en s’élargissant jusque entre les yeux, les apophyses post¬ orbitaires du frontal sont ses limites les plus écartées. La pointe du nez achève de former le rhomboïde qui carac¬ térise la face supérieure de tout le crâne. La région d’entre les yeux est concave dans le sens longitudinal, et plane dans le transverse ; celle des os du nez redevient convexe en tout sens.

Les pariétaux commencent un peu en avant du sommet de la pyramide; ils finissent vers le milieu de l’espace entre cette crête et les apophyses orbitaires. Les frontaux finissent un peu en avant des apophyses. Les sutures analogues à la

5

DU RHINOCÉROS.

coronale et à la IanVbdoïde sont parfaitement transverses.

La suture écailleuse, ou la limite du pariétal et du tem¬ poral , dans la fosse de ce dernier nom , est parallèle à la direction de la face antérieure de la pyramide.

La grande aile du sphénoïde ne monte cpie très-peu dans la fosse temporale, et cet os ne s’articule point avec le pariétal.

La moitié postérieure de l’arcade zygomatique appar¬ tient au temporal, tout le reste est de l’os jugal ou de la pommette.

La direction de l’arcade est comme une S italique des¬ cendant obliquement d’arrière en avant : son bord infé¬ rieur est très-épais et très-saillant dans notre individu adulte ; il l’est beaucoup moins dans le jeune sujet donné par M. Camper.

Le maxillaire s’avance sous l’orbite et y forme un plan¬ cher : il n’y a point d’apophyse , ni du frontal, ni du jugal pour joindre l’arcade zygomatique au front et fermer l’orbite en arrière.

Le trou sous orbitaire est petit, plus haut que large, et voisin du fond de l’échancrure nasale.

Les os maxillaires forment en avant une apophyse sail¬ lante parallèle aux os du nez et située sous eux, qui s’ar¬ ticule avec les incisifs. Les alvéoles des incisives forment ensemble un angle de plus de quatre-vingt degrés dans l’adulte, mais qui n’en a pas soixante dans le jeune. Le trou incisif est très-grand, elliptique, et non divisé en deux.

Les os incisifs ont à leur bord supérieur une petite apo¬ physe en lame carrée, qui s’élève vers le plafond formé par les os du nez.

Ceux-ci sont d’une grosseur et d’une épaisseur dont il n’y a nul exemple dans les autres quadrupèdes 3 ils forment

6

OSTÉOLOGIE mie voûte qui surplombe sur les os incisifs, et qui porte la corne. Dans notre individu adulte, leur face supérieure est grenue comme une tète de chou-fleur.

Entre eux et les os incisifs, ainsi que la partie des maxil¬ laires qui porte ceux-ci, est cette grande échancrure na¬ sale qui caractérise, au premier coup-d’oeil, le crâne des rhinocéros. Il résulte de la profondeur de cette échan¬ crure, que dans cet animal trois paires d’os, les nasaux, les incisifs et les maxillaires contribuent à former le con¬ tour des ouvertures extérieures des narines ; tandis qu’il n’y a que les deux premiers dans les autres quadrupèdes, le tapir excepté. L’os lacrymal est petit et avance peu sur la joue. Il a un canal lacrymal très-large, en avant duquel est une petite apophyse pointue.

Le vomer n’est ossifié que dans sa partie la plus reculée , et il n’en reste rien dans les \ de sa longueur, même dans notre rhinocéros parfaitement adulte, et toutes les sutures étoient effacées; cette remarque est essentielle pour la comparaison des rhinocéros vivans, aux fossiles.

L’échancrure postérieure du palais est très-profonde , car elle s’avance jusque vis-à-vis la cinquième molaire. La suture qui sépare les os palatins des maxillaires répond à l’intervalle de la quatrième à la cinquième molaire.

Les apophyses ptérygoïdes sont courtes dans le sens lon¬ gitudinal, mais très-hautes dans le vertical, simples et seulement un peu fourchues vers le bout.

La partie moyenne du sphénoïde est étroite , et se porte beaucoup plus en arrière que ses ailes ptérygoïdes; son articulation avec la partie basilaire de l’occipital forme une saillie très-sensible. Le long du milieu de cette partie basilaire est une arête saillante qui s’élargit et s’aplatit vers le bord inférieur du trou occipital.

DU RHINOCÈRO S. 7

Le rocher est petit et très-irrégulier ; le trou déchiré est grand, et s’étend tout le long du bord interne du rocher. (1)

2.0 Les Dents .

La connoissance du nombre et de la position des dents, mais sur-tout de leurs changeinens de ligures dans les différons âges, est de première importance dans l’étude de la nature des animaux en général, mais sur-tout dans la recherche des espèces auxquelles ont appartenu les os fossiles ; aussi nous y sommes-nous attachés plus qu’à aucune autre partie.

Cela étoit sur-tout nécessaire par rapport au rhinocéros; le défaut de bons moyens d’observer avoit fait varier plu¬ sieurs naturalistes à cet égard ; et M. Faujas , qui en a traité le dernier, n’a, pour ainsi dire, fait qu’augmenter les doutes ; l’intérêt de la vérité nous force de relever ce qu’il vient de dire à ce sujet.

Nos observations sont d’autant plus nécessaires, que ce savant géologiste a tiré de ces faits mal vus, des conclu¬ sions qu'il croit destructives des hases sur lesquelles re¬ posent les méthodes zoologiques. Or, les personnes qui ne sont pas à portée de vérifier les faits en question , et qui , d’un autre coté, ne connoissent point les fondemens ra¬ tionnels des méthodes, pourroient adopter trop vite des

(i; Longueur de la tète depuis le bord du trou occipital jusqu’aux bords des os

incisifs . 0,6,

Distance entre la partie la plus saillante dès apophyses zigomatiqués . o,4 3. Hauteur de l’occiput à compter du bord inférieur du trou occipital. . . 0,26.

Largeur entre les apophyses placées derrière les trous des oreilles . . o,3i.

- Entre les apophyses orbitaires du frontal . , . 0,23.

Profondeur de l’échancrure nasale . o,\5.

Sa hauteur . . . H - ; ' ' } : . ,A vJ 4 ' ; - " V;o$5 .

8

OSTÉOLOGIE conclusions avancées par un naturaliste d’une aussi grande autorité , ce qui reculeroit encore beaucoup l'époque les véritables principes de la zoologie seront généralement avoués.

Nous disons donc en général, que tous les rhinocéros ont sept molaires de chaque côté, tant en haut qu’en bas; vingt- huit en tout.

La tête du bicorne de notre Muséum n’en montre, il est vrai, que vingt d’apparentes, à cause de la jeunesse de l’individu dont elle provient ; mais les anatomistes ne se trompent point dans ces sortes de cas, parce qu’ils savent retrouver dans les loges du fonds des mâchoires les germes des dents qui n’ont pas encore paru, et ces germes ont existé en effet dans cette tête, qui auroit eu vingt-huit dents comme toutes celles de son espèce, si l’animal qui la portoit n’a voit été tué trop jeune.

Le squelette d’unicorne, qui fait l’objet principal de notre description actuelle, montre encore, il est vrai, d’un côté de sa mâchoire inférieure, six dents ou tronçons de dents, et de l’autre sept ; mais ce n’est aussi qu’une apparence qui ne peut tromper, lorsqu’on a étudié les lois de la croissance des dents , sur-tout d’après la méthode de M. Tenon.

Tous les animaux herbivores , à commencer par le cheval, usent leurs dents jusqu’à la racine, parce qu’à mesure que la couronne diminue par la trituration, l’al¬ véole se remplit et pousse la racine en-dehors. Lorsque cette racine est composée de deux branches, comme dans le rhinocéros, et que le fust de la dent est entièrement usé, il reste deux -tronçons de racine : ces tronçons tombent l’un après l’autre toujours diminués par la trituration , et poussés au-clehors par l’accroissement de l’os dans l’intérieur de l’ai-

DU RHINOCEROS.

9

véole. A la fin les alvéoles mêmes s’effacent entièrement.

C’est ce qui est arrivé en partie à notre rhinocéros; il avoit déjà perdu ses deux premières molaires, et les alvéoles s’en étoient presque effacés; il avoit poussé la dé- trition des deux suivantes jusqu’aux racines, et même il avoit déjà perdu d’un coté l’un destronçons de la racine, tandis que ceux de l'autre côté étoient encore restés tous les deux. v

D'ailleurs aucun animal n’a les dents en nombre im¬ pair , ni ne peut les y avoir, vu la symétrie des côtés de la tète, et lasuturequi, divisant les os maxillaires, empêche qu’il n’y ait un alvéole au milieu : ainsi lorsqu’on trouve d’un côté une dent de plus que de l’autre , on en ajoute par la pensée une de celui-ci.

Mais si ce rhinocéros avoit perdu des molaires avec l’âge, il n’avoit pas gagné des incisives ; cela n’arrive pas plus à lui qu’aux autres animaux qui vieillissent. Les deux petites incisives intermédiaires de la mâchoired’en bas, existentdès la jeunesse, comme on le voit par la tète donnée au cabinet par M Adrien Camper, et encore mieux par le bout de m⬠choire inférieure d’un très-jeune sujet, dessiné par son père, dans les actes de Pétersbourg pour 1777, pl. IX, f. 3; mais elles restent en tout temps cachées sous la gencive, et voilà pourquoi Meckel ne les avoit pas vues dans l’animal vivant, tandis qu’elles se son t montrées dans le squelette. M. Thomas, chirurgien de Londres, qui vient de publier quelques obser¬ vations anatomiques sur le rhinocéros unicorne, a aussi trouvé ces petites dents dans le squelette d’un individu de quatre ans.

Mais ce que personne à ma connoissance n’a encore

2

io O S T E O L O G I E

publié, c’cst que le rhinocéros a aussi , pendant un certain temps de sa vie, deux pareilles incisives à la mâchoire supérieure; seulement elles y sont en dehors des grandes, tandis qu’à la mâchoire inférieure elles sont entre les grandes. Cela pouvoit déjà se conclure du dessin de l’os intermaxil¬ laire du très-jeune rhinocéros, donné par Camper le père, dans les actes cités, pl. IX, f. 2. J’avois même cru d’abord que cet os devoit nécessair emen t provenir d’une autre espèce.

Mais en examinant les dessins de l’anatomie de notre rhinocéros, faits avec le plus grand soin par Maréchal, sous les yeux de Viq-d’Azir et de Mertrud, je reconnus la figure d’une très-petite dent en dehors de la grande incisive su¬ périeure du coté droit ; et je vis dans l’explication qui ac¬ compagne ce dessin, et qui est de la propre main de Viq- d’Azir, qu’il y avoit en effet de ce coté une petite dent qui manquoit de l’autre; je courus au squelette, j’y trouvai d’un côté un reste d’alvéole, mais la dent déjà trop déra¬ cinée s’étoit perdue lors de la macération ; de l’autre côté l’alvéole même s’étoit effacé.

Il est facile de voir que toutes ces observations ne prou¬ vent rien contre l’importance qu’ont en zoologie les carac¬ tères pris des dents; mais il faut sans doute, pour employer par exemple leur nombre comme caractère, prendre les précautions convenables pour s’assurer quel il est, et en général se munir avant tout des connoissances prélimi¬ naires que la chose exige. Alors on ne s’expose point à créer des espèces qui n’ont point existé , faute qui au reste seroit tout aussi fâcheuse dans la simple histoire des animaux, et dans ses méthodes systématiques, que dans la géologie; car si l’histoire naturelle a besoin de vérité, c’est sur-tout

Il

DU RHINOCÉROS

dans celles de ses parties qui n’ont rien de conjectural. (1)

Après cette digression nécessaire, je reviens à mon sujet, et je continue à décrire les dents de mon rhinocéros.

Pour bien connoitre les dents des herbivores, il ne suffit pas de les voir comme celles des carnivores, à une seule époque de la vie; comme cea_dents s’usent continuellement, la figure de leur couronne change aussi continuellement, et le naturaliste doit les suivre depuis l’instant elles percent la gencive , jusqu’à celui elles tombent hors de la bouche.

Au reste, il n’est pas toujours nécessaire pour cela d’avoir à sa disposition des individus de tous les âges. Comme les dents du devant paroissent plutôt, elles s’usent aussi plus vite; et l’on peut souvent suivre sur une seule mâchoire tous les degrés de détrition, en allant des dents postérieures aux antérieures.

Voici donc ce qui se remarque sur les dents du rhino¬ céros; d’abord sur les supérieures : la base ou le collet de la dent est quadrangulaire ; le côté interne et le postérieur sont un peu plus courts que l’antérieur et l’extérieur; par conséquent ceux-ci interceptent un angle aigu , et les autres un obtus. Sur cette base ( en supposant le côté de la racine en bas ) s’élèvent des colines dont le sommet est tranchant et tout recouvert d’émail, tant que la dent n’a point été usée. L’une de ces collines suit exactement le bord externe de la dent, ou plutôt le forme: elle a une côte verticale saillante vers le tiers antérieur.

La seconde colline est vers le bord antérieur; elle se joint à la première à l’angle antérieur externe, puis se porte

(1) Voyez les Essais de géologie de M. Faujas, tom. x, p. 193 à 196.

as OSTÉOLOGIE

vers l’antérieur interne, mais en allant un peu plus en

arrière que le bord antérieur de la base.

La troisième colline part du tiers postérieur de la pre¬ mière, se porte d’abord directement en dedans, puis se bifurque 3 une de ses branches se rend en avant, l’autre obliquement en arrière vers l’angle interne postérieur.

Ces collines tranchantes , et assez éloignées l’une de l’autre par leurs sommets, ont des bases évasées qui se touchent -7 le premier effet de la détrition est d’user l’émail du sommet , et de découvrir par - tout une ligne de matière osseuse bordée de deux lignes d’émail. À mesure que la détrition augmente et descend à la partie épaisse des collines , la largeur de la partie osseuse augmente, et celle des creux entre les collines diminue. Lorsqu’elle avance encore davantage, le crochet antérieur de la troisième colline se joint à la seconde, et il reste un creux rond vers le milieu de la dent ; un peu plus tard , l’autre branche de la troisième colline s’unit au bord pos¬ térieur de la dent , et il reste un second creux en arrière ; .ensuite ces deux collines transverses s’unissent par leur extrémité interne, et laissent entre elles un grand creux ovale et oblique en avant delà dent. Enfin, quand la dé¬ trition est allée jusqu’à la base des collines,- les creux eux- mêmes disparoissent, et la couronne n’offre plus qu’une sur¬ face unie de matière osseuse entourée d’un bord d’émail.

On peut suivre ces différons états dans nos figures de la planche II , dont l’une présente les dents d’un bicornn encore jeune, l’autre celles d’un unicorne adulte : on peut y suivre aussi les variations des molaires d’en bas, qui sontt beaucoup moins considérables.

io

DU RHINOCÉROS.

'Elles sont composées de deux collines contournées en portion de cylindre, et placées obliquement Tune derrière l’autre; de manière que leur concavité est dirigée en de¬ dans et un peu en avant. La détrition ne fait qu’élargir les eroissans de leurs sommets; mais cette figure de double croissant se conserve jusqu’à ce que les collines soient usées à leur base , époque la dent devient quadrangulaire et simple.

C’est faute d’avoir bien connu cette variation des figures des dents par la détrition , que Merck , à qui nous devons cependant les premiers efforts pour le débrouillement de cette partie de l'histoire des rhinocéros , a cru pouvoir avancer dans la troisième lettre sur les os fossiles, p, 10, un fait que le citoyen Faujas a reproduit d’après lui dans ses Essais de géologie, tom. i.ei p. 207; c’est que l’on trouve en Allemagne des dents fossiles des deux espèces vivantes de rhinocéros.

Quand même ce fait seroit vrai, il seroit impossible de le prouver, parce que les dents des deux espèces se res¬ semblent quand elles sont du même âge; mais Merck pos- sédoit une tète d’un jeune bicorne. Toutes les dents fossiles qui ressembloient à celles de cette tète , passoient à ses yeux pour venir du bicorne, et celles qui éloient plus avancées, pour venir de Funicome.

Au fond ces dents ne venoient ni de l’un ni de l’autre, comme nous le prouverons ailleurs, mais d’une troisième espèce qui diffère des deux premières autrement que par les dents.

Nous donnons, dans notre troisième planche, des échan¬ tillons de ces dents fossiles de rhinocéros : on y verra que

4

OSTÉOLOGIE

sans les règles que nous venons d’établir par l’observation, tout le monde pourroit être tenté de les attribuer à des animaux très-différens.

La figure i.re représente une molaire supérieure du côté droit , fort usée ; l’original est dans notre Muséum.

La figure -2.e offre une portion de mâchoire supérieure avec deux dents, dont une entière, encore absolument intacte. Ce morceau, du cabinet de Joubert, a été trouvé près du village d’Issel, le long des dernières pentes de la montagne Noire. L’individu devoit être de petite taille.

Figure 5.e du même cabinet, est une des dents infé¬ rieures encore peu usée. Elle vient des environs d’Avignonet.

Figure 4.e est un germe de molaire supérieure, à-peu- près pareil à ceux de la figure 2.e II est au Muséum ; on en ignore l’origine.

Figure 5.e molaire supérieure postérieure du côté droit, peu usée , des environs de Canstadt. Elle m’a été commu¬ niquée par M. Àutenrieth, professeur à Tubingen.

Figure 6.e est un germe de molaire supérieure posté¬ rieure gauche , du rhinocéros bicorne vivant.

Figure 7.® une molaire supérieure antérieure d’un grand individu , de la collection du Muséum : on en ignore l’origine.

Figure 8.e une molaire inférieure des environs de Cans¬ tadt. Elle m’a été aussi communiquée par M. Autenrieth.

Nous reviendrons sur ces diverses dents, dans un autre mémoire.

DU RHINOCÉROS,

5.° Les Vertèbres,

Il j en a 56 en tout ,

7 Cervicales.

19 Dorsales.

5 Lombaires.

5 Sacrées.

22 Coccygiennes.

L’atlas a ses apophyses transverses grandes et larges, au¬ tant qu’aucun autre animal. Elles ont un trou au lieu de l'échancrure de la hase de leur bord antérieur. L’épineuse n’est qu’un gros tubercule. Il y a sous le corps une petite crête longitudinale.

Les apophyses transverses de l’axis sont petites et diri¬ gées en arrière : celles des suivantes sont très-larges, et descendent vers les côtés; elles ont trois angles, un anté¬ rieur et deux postérieurs.

La septième n’en a qu’une petite qui touche à la sixième, ce qui doit beaucoup gêner leur mouvement respectif.

Les apophyses épineuses vont en croissant; la troisième vertèbre n’a la sienne que de o,o4 , la septième de o,25.

Celle de la deuxième dorsale est la plus longue , elle a o,4o ; elle est de plus très-grosse : elles vont ensuite en diminuant de longueur , et en s’aplatissant par les côtés jusqu’à la trei¬ zième qui en est la plus basse; elle a 0,12 , et elles augmentent de nouveau. La première lombaire a o, 1 5. Les trois apophyses épineuses deslombaires sont verticales, toutes celles du dos sont dirigées en arrière. Les apophyses1 transverses sont très- courtes et présentent aux tubercules des côtes de facettes presque verticales : celles des lombes sont un peu plus longues.

i6 OSTÉOLOGIE

Les cinq apophyses épineuses de l’os sacrum sont soudées en une crête. Les six premières vertèbres de la queue ont une partie annulaire et des apophyses épineuses et transverses. Les seize autres sont simplement pyramidales et vont eu diminuant de grosseur. (1)

4.° Les cotes .

Il y en a dix-neuf paires dont sept vraies. Celles de la première paire sont soudées ensemble par le bas. Le ster¬ num est composé de quatre os. Le premier est comprimé en soc de charrue, et fait une saillie pointue en avant de la première côte.

5.° L’extrémité antérieure.

L’omoplate est oblongue; sa plus grande largeur est à son quart supérieur : son bord postérieur est relevé et épaissi à cet endroit là. La crête a une apophyse très-sail-* lante, au tiers supérieur, un peu dirigée en arrière; elle finit au quart inférieur de l’omoplate. Il n’y a par consé-? quent nul acromion; une tubérosité remplace le bec cora? coïde ; la cavité glénoïde est presque ronde.

Cette figure de l’omoplate des rhinocéros la distinguerai toujours de celles des autres grands quadrupèdes; celle de

(1) Longueur depuis l’extrémité de la mâchoire supérieure jusqu’à l’origine dp

la queue . . . . 2,9»

- De la partie cervicale de l’épine . . . . o ,5.

-■ De la partie dorsale . . . . o ,3.

- Lombaire. . . . 0,2.

- Sacrée. . . . 0,2.

g"-™."- Coccygienne. .............. 0,7,

DU RHINOCEROS.

i’éléphant, par exemple, esten triangle presque équilatéral , et l’épine a une grande apophyse récurrente.

U humérus est très-remarquable , en ce que sa grosse .tubérosité est une large crête qui se porte d’avant en ar¬ rière, et que la ligne âpre qui se trouve par triangu¬ laire au lieu de linéaire, se termine en bas par un crochet très-saillant. L’extrémité antérieure de la grosse tubérosité fait un crochet en avant : la petite en produit un pareil ; entre deux est un large canal sans doute pour le passage du tendon du biceps. Tous ces caractères distingueront en¬ core très-bien l’humérus du rhinocéros, de celui de tout autre quadrupède de sa taille. Le condyle externe est peu saillant ; l’autre ne l’est pas du tout : l’articulation infé¬ rieure est en simple poulie, à milieu creux.

Le radius occupe en haut tout le devant de l’avant-bras; sa tète est faite en simple poulie saillante; il ne peut que se fléchir et non tourner; en bas il s’élargit à-peu-près autant qu’en haut, et se termine par deux courtes apophyses: une pointue interne, et une tronquée; celle-ci reçoit le semilunaire: entre elles est une fosse qui reçoit le scaphoïde. Son plus grand rétrécissement est vers son tiers supérieur.

Le cubitus presque triangulaire par-tout, a vers le bas un creux qui reçoit une saillie du radius : il se termine par une cavité pour l’os cunéiforme ; l’olécrane est très-com¬ primé, renflé au bout et fait le quart de tout l’os, (i)

(i) Longueur de l’omoptate . .

Largeur à son tiers supérieur . .

Largeur au cot

fauteur de la tubérosité de Fépine Longueur de Fhumérus . - .

Largeur eu haut -, ..... ,

o,53.

0,23.

0,09.

o,t5.

o,44.

,0,2

i8

O S T É O L O G I E

Le carpe est composé de huit os. Le scaphoïde et l’unci- forme sont très-grands. Le pisiforme est à-peu-près arrondi.

Sur le scaphoïde et le trapézoïde , est un os hors de rang qui est l'analogue du trapèze et le seul vestige de pouce. Le sémilunaire, le grand os , qui ici est un des plus petits, et l’unciforme ont de très-grandes protubérances à la face palmaire. (1)

Le métacarpien externe s’articule avec Funciforme, et a à son côté interne deux facettes pour le moyen ; celui-ci s’articule avec le grand os par une facette très-concave, et avec l’unciforce, par une petite. L’interne s’articule avec le trapézoïde et le grand os, et touche au moyen par une petite facette triangulaire.

6.° L’extrémité postérieure.

Le bassin est extrêmement large ; la partie évasée de l’os des îles ayant o,5 de largeur ; son épine est fourchue , ce qui le distingue tout de suite de Fos des îles de l’éléphant; l’angle qui touche au sacrum est aussi plus relevé ; le cou sur¬ tout est beaucoup plus long et plus étroit: il a o,i5 de

- En bas . .

Diamètre du corps . . . . . .

Longueur du radius ..........

Largeur en haut . .

- - En bas . . . .

Longueur du cubitus. ..........

De l’olécrane . . .

Hauteur de l’olécrane ..........

Diamètre du corps du cubitus .

- De sa tête inférieure . . . . ... .

(1) Longueur du car pe .

Longueur du métacarpien du milieu . . . . Longueur du doigt du milieu *»....

0,17. 0,08^ o,38. 0,12; Ibid.. 0,5. 0,12. 0,1. o,o5. 0,08. o, 10g. 0,1,8.

ê P

DU RHINOCÉROS. xg

long , 0,08 de large; le bord externe de cet os est à-peu- près aussi grand que l’interne , tandis que dans l’élépliant il est beaucoup plus petit ; la crête du pubis commence dès le haut du cou de l’os des îles. Les trous ovalaires sont plus larges que longs; la tubérosité de l’ischion est par le haut très-grosse et en forme de crochet.

Le fémur du rhinocéros est peut-être encore plus remar¬ quable que son humérus ; sa partie supérieure est extrê¬ mement aplatie d’avant en arrière ; l’éminence que j’ap^- pelle troisième trochantère est extrêmement saillante et forme un crochet qui remonte pour toucher un crochet descendant du grand trochantère ordinaire , de manière qu'il reste un trou ovale entre ces deux éminences. La poulie inférieure est très-étroite par-devant ; le condyle interne y est beaucoup plus saillant , et monte plus haut que l’autre. Par derrière , les deux condyles sont plus écartés que par-devant, mais ils font à-peu-près la même saillie1. Le tibia a sa tète en triangle équilatéral, seulement l’angle interne postérieur fait une saillie en crochet; l’angle anté¬ rieur fait une tubérosité très-forte au-dessous de la rotule. Le bas du tibia est un peu aplati d’avant en arrière. Le péroné est grêle , comprimé latéralement et renflé à ses

deux extrémités, (i)

(1) Longueur du fémur. . . 0,5.

Sa largeur en haut . . 0,2.

- En bas » ......... . . o,i 5.

Longueur du tibia . . o,4.

Sa largeur en haut . . . . . 0,1 4.

- - En bas . . 0,11.

............ 0,09.

. . o,34.

o,o5.

Diamètre du corps Longueur du péroné Largeur en bas .

3*

QO

OSTEOLOGIE

Le calcanéum est gros et court. Sa face antérieure ou ■astragalienne est triangulaire. Il y a deux larges facettes pour l’astragale ; celle du côté interne se prolonge en une espèce de queue tout le long du bord inférieur de cette face; je crois que c’est un caractère propre à distinguer l’espèce. La facette qui touche au cuboïde est très-petite ; les facettes de -l’ astragale sont la contre-épreuve de celles du calcanéum ; les deux bords de sa poulie sont d’égale hauteur. La partie de la face antérieure qui touche au cuboïde est étroite.

Le cuboïde a e/i arrière une longue et grosse protubé- rance. Au côté interne du pied en est une pareille produite par un os surnuméraire attaché au scaphoïde , au cunéi¬ forme interne et au métatarsien interne. Le scaphoïde a donc trois facettes articulaires à sa face antérieure ; le cu¬ néiforme interne est beaucoup plus petit que l’autre.

, Le métatarsien externe ne s’articule qu’avec le cuboïde , et touche par deux facettes du bord interne de sa tête > au métatarsien moyen : celui-ci ne s’articule qu’aveG le grand cunéiforme; il a deux facettes plus petites pour l’externe. Ce dernier touche par le côté interne au précédent et au grand cunéiforme, et par l’externe à l’os surnuméraire. Il a pour lui une seule facette.

Les phalanges sont toutes plus larges que longues. (1)

(1) Longueur du calcanéum à son bord externe . . . . . . . . o,i3.

Largeur de sa face articulaire . . 0,9.

Largeur de l’astragale . 0,8.

Longueur de l’os moyen du métatarse . . . » . . . , » . . 6,1 65.

Longueur du doigt mojen. , . * /9 0,1 j.

’~'S.

I

DU RHINOCÉROS. ai

jKors donnons dans notre quatrième planche des figures séparées des os les plus caractéristiques de ce rhinocéros.

Figure i est le fémur par derrière; figure 2, par devant 5 figure 3 , sa tête inférieure ; figure 4 , la postérieure.

Figure 5, Y omoplate par sa face externe; figure 6, par sa tête.

Figure 7 , YJiume'rus par devant ; figure 8 , par derrière 5 fi¬ gure 9 , par sa tête supérieure ; figure 1 o , par l’inférieure.

Figure 1 1 , le cubitus par devant ou par sa face radiale; figure 12, par le côté; figure i3,par sa tête inférieure.

Figure iq , le radius par devant.

Figure 1 5, par sa tête supérieure»

Figure 16, par l’inférieure.

Figure 17, le tibia par devant.

Figure 18, par sa tête supérieure.

Figure 19, par l’inférieure.

Figure 20, le calcanéum vu en dessus; figure 21 1 en avant. Figure 22 , par sa face scaphoidienne ou antérieure; 28, par la calcanienne ou postérieure ; 24, par la latérale externe; 2 5 ; p>ar la supérieure ou tibiale ; 26 , par la latérale interne»

Fig. 2- , la moitié de Y atlas par sa face inférieure; 28 , par la supérieure ; 29, par l’antérieure; 3o, par la postérieure»

Ces figures suppléeront à ce que les descriptions pourvoient avoir de trop concis.

Les mesures données ch dessus indiqueront de combien chaque figure est réduite»

■Terminé par T. T. Drouet /a

I

*

T,‘r»;me raf- r.T.

\

•- .•

v

. ? ••

.

/

•c - '

.

V

•• t

J/cnfriZ/arc/ c/e/ e& *pcu^p

Divers os (/h HHZiyOCEItOjS nnicorne

Fiy.i.

Fÿ-zj-

21

SUR LES OSSEMENS FOSSILES

DE RHINOCÉROS.

î je rhinocéros fossile n’est point une de ces espèces que je fais connoitre dans cet ouvrage pour la première fois , et qui sont si nouvelles pour les naturalistes, quoique probablement plus anciennes en réalité que toutes celles que nous voyons aujourd'hui. Ses ossemens ont déjà été décrits ou indiqués par beaucoup d’auteurs célèbres. Il n’y a guère que l’éléphant fossile dont on ait parlé davantage, quoiqu’il ne soit pas beau¬ coup plus répandu , car on trouve des rhinocéros fossiles dans les mêmes pays et dans les mêmes lieux l’on trouve des éléphaus: mais ils y sont peut-être un peu moins nombreux; leurs dents , moins considérables , auront d’ailleurs été moins re¬ marquées, et les dents étant la partie qui se conserve le mieux , c’est principalement sur elles que l’on a jugé et décrit les animaux fossiles.

Le premier morceau fossile de rhinocéros que je trouve mentionné dans les auteurs , est une molaire représentée dans le Muséum societcitis regiœ de JSehemias Gre w , pl. 19, fig. 3 , et simplement annoncée comme la dent d’un animal ter¬ restre , sans autre description ni indication de lieu. Cepen¬ dant Grew parle aussi , p. 254, en termes exprès, d’un frag¬ ment de mâchoire de rhinocéros trouvé près de Cantorbéry; mais il n’en donne aucun détail.

La seconde annonce d’ossemens fossiles de rhinocéros , et en même temps l’un des écrits les mieux faits sur les os fos¬ siles quelconques, est la dissertation de Samuel- Chrétien

1

a RHINOCÉROS

Hollman , insérée dans le deuxième volume des Mémoires de la société royale de Gœttingen pour 17 5a. On avoit trouvé, en i^Si , près de Ilerzberg , au pied méridional du IJarz , dans la partie du pays d’ Hanovre que l’on nomme la princi¬ pauté de Grubenhagen , un nombre d’ossemens remarquables par leur grandeur. On les crut d’abord d’éléphant , mais HolL- mann les ayant parfaitement décrits et représentés , montra , par la comparaison qu’il en fit avec les descriptions de sque¬ lettes d’éléphans alors publiées, qu’ils ne pouvoient en être ; la description de la tète osseuse de Y hippopotame , donnée, en 172/) , par Antoine de Jussieu , fit aussi exclure cet animal; enfin , Meckel , ayant comparé l’une des dents trouvées à Herzberg avec celles d’un rhinocéros vivant , qu’il eut occa¬ sion d’observer à Paris, reconnut leur ressemblance; ainsi le genre de ces os fut déterminé.

Pallas ayant été chargé, vers 17^8, delà direction du ca¬ binet de Pétersbourg , y trouva , parmi les os fossiles qu’y avoient accumulés depuis long-temps les recherches faites en Sibérie, quatre crânes et cinq cornes de rhinocéros ; il repré¬ senta et décrivit en détail , dans le XIII.C vol. des Commen- tarii de l’ académie impériale , le plus parfait des quatre crânes, qui étoit cependant encore privé de toutes ses dents.

Ayant voyagé lui-même en Sibérie: il fut en état, quinze ans après , de donner une infinité de nouveaux faits du même genre. Il publia, en 1773 , dans le XVII.C volume, la relation de la découverte étonnante d’un rhinocéros entier trouvé avec sa peau, en décembre 1771 , enseveli dans le sable sur les bords du TViluji, rivière qui se jette dans la Léna. Il y ajoula la figure et la description d’un crâne beaucoup plus complet que ceux qu’il avoit décrits d’abord, trouvé au-delà du lac

FOSSILES.

3'

Baïkal , près du Tchikoï , qui se jette dans la Selenga ; crâne dont il redonna encore une nouvelle figure posée sur sa m⬠choire inférieure , dans les Acta pour 17.77 , part. II, pl. i5.

Il parle aussi d’os fossiles de cette espèce en divers endroits de son voyage, et donne la figure d’une mâclielière , trouvée près de YAléï , tome 3 , pl. 18, de la trad. franc, éd. in-4.0. Enfin il dit dans ses Neue nordische bejtrœge , 1 , 176, qu’on envoya eu 1779 , du gouvernement de Casan à Pétersbourg , un crâne mutilé , une mâchoire inférieure et un humérus.

On ne tarda point à s’apercevoir que l’Europe ne récèle guère moins de ces os que la Sibérie. Outre ceux de Gre w et de Hollmann , Zückert en fit connoitre, en 1776, dans le a.e tome des JY aturalistes de Berlin , qui avoient été déter¬ rés en 1728, près de Quedlimbourg , au même endroit l’on avoit trouvé, en i663 , cette fameuse prétendue licorne dont parle JLeibnits dans sa protogœa , laquelle n’étoit pro¬ bablement aussi qu’un rhinocéros. Quant aux os décrits par Zuckert , qui consistent dans une portion considérable de museau, un humérus, une dent inférieure, une phalange onguéale, ils sont de cette espèce , à n’en pas douter.

Merck annonça, en 1782, dans une lettre, ex professo , un crâne et plusieurs ossemens trouvés sur les bords du Rhin , dans le pays de Darmstadt , avec beaucoup d’os d’éléphans et de bœufs.

Dans une seconde lettre imprimée en 1784, il parle d’un autre crâne trouvé dans le pays de TV omis ,que Collini dé¬ crivit, la même année, dans le tome V.e des Mémoires de V académie de Manheim.

Merck parle aussi dans cette lettre d’un troisième crâne

découvert par le prince de Sch\v artzbourgRudolstadt, à Cum -

*

i

4 RHINOCÉROS

bach , près de sa capitale, en 1782 , de deux dents trouvées à TVeissenau près de Mayence , et d’une déterrée à Strasbourg, et recueillie par Hermann.

Dans une troisième et dernière lettre, imprimée en 1786, le même auteur parle de morceaux de la même espèce trou¬ vés le long du Rhin vers Cologne, et qui ont en grande partie passé dans le cabinet de Camper , et de plusieurs autres dé¬ couverts en différens endroits: d’où il résulte que l’Allemagne seule en avoit fourni, à cette époque, des fragmens d’au moins vingt-deux individus.

On peut ajouter à cette énumération le crâne entier trouvé près de Lippstadt en Westphalie, et appartenant à M. Cam¬ per les deux dents trouvées en 1700 aux bords du JSecker près de Cantstadt , et dont nous avons donné la figure dans notre article précédent , pl. des dents fossiles , üg. 5 et 8 , et deux autres du même lieu dont parle Davila, cat. 3, p. 229 et 280.

La France n’en a pas tant fourni que l’Allemagne à beau¬ coup près ; cependant on y eu trouve aussi dans plusieurs points assez éloignés.

Nous avons déjà donné une dent inférieure, loc. cit. fig. 3, des environs de Vignonet en Languedoc , et deux supérieures qui sont aussi de France, quoique nous ne sachions pas pré¬ cisément de quel lieu , fig. 1 et 7.

Nous en donnons aujourd’hui une troisième, pl. 1, fig. 6, recueillie par M. de Gérardin , employé dans ce Muséum, qui a bien voulu me l’adresser. C’est la sixième du coté droit ; elle a été trouvée par les ouvriers qui travaillent au canal du centre , près du bourg de Chagny , département de Saône et Loire , à 53 pieds de profondeur , dans la colline qui sépare le vallon de la Dhure de celui de la Thalie. Il y avoit auprès

FOSSILES.

5

une dent d'éléphant et plusieurs ossemens que les ouvriers ont déti uits par superstition. Le tout gisoil sur un lit de sable assez pur, et sous différentes couches d’argile, de mine de fer et de sable.

IVous y joignons, fig. 8 , celle qu’on trouva à Strasbourg en i;5o, en aplanissant la place d’armes. C’est la meme que Merck a déjà représentée, IL lettre, pl. 4; notre ligure est prise de l’original que M. Hammer a bien voulu nous prêter.

C'est la cinquième du côté droit encore usée.

ÎSous aurions pu encore en ajouter une que nous avons vue dans le riche cabinet de M. de Tersan , et qui est singulière¬ ment bien conservée; c’est aussi la cinquième , mais du côté gauche. Comme elle ne diffère point des précédentes, il nous a paru inutile de la faire graver.

On verra plus bas qu’on a aussi trouvé des fragmens con¬ sidérables de rhinocéros en Italie , dans le val d’Arno ; ils y sont pêle-mêle avec des os d’éléphans et d’hippopotames.

Les six premières figures de notre planche première re¬ présentent autant de molaires supérieures , du cabinet de M. Adrien Camper. Elles ont toutes été recueillies en Alle¬ magne; et ce savant, aussi obligeant qu’habile, a bien voulu les dessiner lui-même pour en enrichir notre ouvrage.

Fig. t est la deuxième molaire gauche.

Fig. 2 paroit la troisième.

Fig. ii est la deuxième ou troisième droite, peu usée,

Fig. 3 est la quatrième droite.

Fig. 5 est la septième du côté gauche, peu usée.

Fig. 4 est. la sixième droite, très-peu usée.

Cette suite de figures a l’avantage de montrer les différentes formes par lesquelles passent les dents à mesure qu’elles

6

RHINOCÉROS s’usent , et pourra éviter de doubles emplois aux naturalistes qui en observeront par la suite d’isolées , et qui les trouvant plus ou moins différentes de celles qu’on a publiées jusqu’ici, seroient tentés d’établir de nouvelles espèces.

En comparant ces dents entre elles et avec celles du rhi¬ nocéros unie orné très-âgé , et du rhinocéros bicorne jeune , que nous avons données dans l’article précédent, on jugera com¬ bien d’accidensetde conligurations diverses peuvent résulter des différens degrés de détrition. On le verra encore mieux en y' ajoutant l’examen d’un rhinocéros unie orne , d’âge intermé¬ diaire , et peut-être d’une espèce à part que nous avons aussi dans le cabinet, et dont nous représentons les dents supé¬ rieures , pl. i , lig. 7.

Ces variations sont telles, qu’il ne paroit point que les mo¬ laires isolées puissent servir à distinguer les espèces , toutes les différences que l’on y remarque pouvant tenir à l’âge des individus.

Ainsi les molaires fossiles seules ne nous disent point si elles viennent de nos espèces vivantes, ou d’une espèce perdue.

Heureusement le crâne entier parle plus clairement.

Si l’on compare toutes les ligures des crânes de rhinocéros fossiles que nous venons de citer , et qui ont été publiées par P allas, par Merck et par Collini , il est aisé de se convaincre qu’elles se ressemblent toutes, et quelles sont toutes , sans ex¬ ception, provenues d’une seule et même espèce. Nous donnons une copie de la plus complète des ligures de P allas , pi. 3 , lig. 1, et nous y joignons, pl. 4 , lig- ? celle du crâne de Lipp - stadt , qui nous a été fournie par M. Adrien Camper, et qui est encore de la même espèce que tous les autres.. Si l’on com¬ pare ces mêmes ligures avec celles des crânes des rhinocéros

I

FOSSILES.

7

vivons , que nous donnons aujourd’hui , pi. 2 , on se convaincra tout aussi clairement que l’espèce fossile est entièrement diffé¬ rente de toutes celles-ci, quels qu’aient pu être les raisonne- mens qui tendent à prouver une identité quelconque avec Tune d'elles.

Il est d'abord facile de sentir que tous les argumens qu’of¬ frent les écrits antérieurs à l’époque les caractères des divers rhinocéros vivans ont été déterminés, tombent d’eux- mêmes ; ainsi nous n’avons nul besoin de nous arrêter à ce qu’ont pu dire Hollmann , P allas dans ses premiers Mémoires, ni Camper tant qu’il n’eut pas vu le crâne du rhinocéros uni- corne : or, il n’eut cet avantage que vers la lin de sa vie, et il n’a rien publié depuis sur ce sujet.

Le seul naturaliste qui ait eu en son pouvoir tous les moyens nécessaires pour traiter cette question , est donc M. Faujas ; mais ses recherches neparoissent pas avoir produit de résultat bien précis j car, après avoir demandé ( Essais de géologie , I , p. 222 1 si l’alongement plus grand de la tête , dans le rhi¬ nocéros fossile , ne pourroit pas venir de ï influence du cli¬ mat ? et après avoir cherché à prouver, p. 228 et suivantes que ï ossification de sa cloison nazale peut venir de l’âge , il se détermine, p. 226, à le regarder comme très-voisin de ï espèce d’Afrique ; et cependant, après avoir employé en¬ suite des raisonnemens étrangers à l’anatomie, il y revient, p. 2.3 1 ,et se rappelant que Pallas a cru trouver des apparences d’alvéoles d'incisives, il a l’air de conclure, p. 233 et 234, que si ces dents incisives existaient en effet , les crânes fos¬ siles auront appartenu à de véritables rhinocéros de Sumatra.

Cependant les ligures mêmes que ce savant géoîogisle a fait insérer dans son Ouvrage donnent, à elles seules et dès la

8

RHINOCÉROS première inspection, la preuve évidente que le rhinocéros fos¬ sile n’est ni celui de Sumatra , ni Y unie orne dAsie,m le bicorne d Afrique ; et l’on peut y voir clairement qu’il resteroit encore entre son crâne et ceux de ces trois autres animaux , des différences spécifiques essentielles , quand meme ( ce qui n’est pas ) l’alongement de ce crâne viendroit du cli¬ mat; quand meme (ce qui n’est pas non plus) l’ossification de sa cloison nazale viendroit de l’âge; et quand même enfin il seroit démontré qu’il avoit des incisives.

Voilà ce que j’espère faire voir aux plus prévenus dans le cours de cet article.

Commençons par bien faire connoître les différences des espèces vivantes.

Sur les divers rhinocéros vivans.

La difficulté de voir , et surtout de voir ensemble les di¬ vers rhinocéros , a retardé long-temps la connoissance des véritables caractères de leurs espèces. Ces animaux ont été rares dans tous les temps. Aristote n’en parle point du tout. Le premier dont il soit fait mention dans l’histoire fut celui qui parut à la fête célèbre de Ptolémée Philadelplie , et que l’on fit marcher le dernier des animaux étrangers, apparem¬ ment comme le plus curieux et le plus rare ; il étoit d’Ethiopie.

( Athénée, lib. V, p. 201 , éd. 1097 )• Le premier que vit l’Eu¬ rope parut aux jeux de Pompée. Pline dit qu’il n’avoit qu’une corne, et que ce nombre étoit le plus ordinaire ( lib. VIII , cap. 20). Auguste en fit tuer un autre dans le cirque avec un hippopotame, lorsqu'il triompha de Cléopâtre. Dion Cassius qui rapporte ce fait, (lib. LI), semble indiquer qu’il étoit

FOSSILES.

9

unicorne; cornu autem ex ipso naso prominens habet. I! ajoute, contre l’autorité de Pline, dans le passage que nous venons de citer , que c’étoient les premiers individus de ces deux espèces de quadrupèdes qu’on eût vus à Rome; tune primiim et visi Romœ et occisi sunt.

Strabon décrit fort exactement, lib. XVI, p. 1 1 20 , éd. Amst. 1707, un Rhinocéros unicorne qu’il vit à Alexandrie ; il parle meme des plis de sa peau.

Pausanias , de son côté, décrit en détailla position des deux cornes dans le bicorne qu’il nomme taureau d Ethiopie , lib. IX, p. 5y 2, éd. Hanov. 16 1 3. Il en avoit paru deux de cette dernière espèce à Rome, sous Domitien , qui furent gravés sur quelques médailles de cet empereur , et fireut l’objet de quelques épigrammes de Martial , que les modernes ont été long-temps fort embarrassés à expliquer, parce qu’il y étoit fait mention de deux cornes. Schrœck l’a fait cependant, dès 1688, dans les Ephémérides des cur. de la nat. Antonin , Gordien , Héliogabale , Héraclius ont également fait voir des rhinocéros.

Les anciens avoient donc sur ces animaux des connoissances qui ont long-temps manqué aux modernes. Le premier que ( ; x-ci aient vu étoit de l’espèce unicorne. Il avoit été envoyé des Indes au roi de Portugal Emmanuel, en l’an 1 5i 3. Ce roi en fit présent au pape; mais le rhinocéros ayant eu dans la traversée un accès de fureur, fit périr le bâtiment qui le transportait. On en envoya de Lisbonne un dessin au célèbre peintre et graveur de Nuremberg, Alber Durer , qui en grava une figure que les livres d’histoire naturelle ont long-temps recopiée. ( Gessner , quadr. p. 843; Aldrov. bisulc, 884; Jonst. quadr. t. XXX\ III). Elle est fort bonne pour le contour général; mais les rides et les

2

10

RHINOCÉROS tubercules de la peau y sont exagérés, au point de faire croire que l’animal est couvert d’écailles. On en conduisit un second en Angleterre, en 1 685; un troisième fut montré dans presque toute l’Europe , en 17.39; et un quatrième, qui étoit femelle, en 1741- Celui de 1739 fut décrit et figuré par Parsons , ( Transact. phil. XLII, n.° 523), qui mentionna aussi celui de 1741. Je crois que ce dernier est le meme qui fut montré à Paris en 1749 3 et peint par Oudri , et que c’est aussi lui qu Albinus a fait figurer dans les planches 4 et 8 de son Histoire des muscles. Il fut le sujet de la description de Daubenton et des observations de Meckel dont nous avons parlé ci - dessus. Celui dont nous avons décrit Fostéologie n’est par conséquent que le cinquième. Un sixième , très- jeune , destiné pour la ménagerie de l’empereur , est mort à Londres, peu après son arrivée des Indes, en 1800, et a été disséqué par M. Thomas , chirurgien, qui a publié ses obser¬ vations dans les Transactions philosophiques. Ces six étoient de l’espèce des Indes , à une seule corne. Deux individus dé¬ crits par des voyageurs , savoir , celui que Chardin vit à Is- pahan , et qui venoit d’Ethiopie , et celui dont Pison inséra la figure dans X Histoire naturelle des Indes de Bontius , n’avoient également qu’une corne ; ainsi , d’une part , le rhino¬ céros à deux cornes n’a jamais été amené vivant en Europe, dans les temps modernes , et de l’autre , les voyageurs ont été fort long-temps à en donner une description détaillée. On ne le connoissoit que par ses cornes seulement que l’on avoit dans plusieurs cabinets.

Aldrovande en avoit publié à ta vérité une figure reconnois- sable , quoique médiocre, ( Solid. p. 383), qui lui avoit été communiquée par Camerarius , médecin de Nuremberg ; mais

FOSSILES. u

cette figure, sans description ni détail, fort mal copiée par Junston, tab. XI, fut entièrement oubliée des autres naturalistes.

Parsons chercha le premier à établir que le rhinocéros unicome étoit toujours d’Asie , et le bicorne d’Afrique. Quoi¬ que Flaccourt ait vu de loin ce dernier dans la baie de S ai¬ da gn a , le colonel Gordon fut le premier qui le décrivît exactement en entier, et sa description lut insérée par Alla- mand clans les Supplémens de Buffon.

Sparmann en donna une autre dans les Mémoires de l’aca¬ démie de Suède pour 1778 , et dans la Relation de son voyage trad. fr. tome II. Ou sut alors qu’outre le nombre des cornes le rhinocéros du Cap diffère de celui des Indes , en ce que sa peau est absolument privée de ces plis extraordinaires qui distinguent ce dernier 5 mais ce fut Camper qui mit le sceau à la déter¬ mination de ces deux espèces , en montrant d’abord dans son Traité sur le rhinocéros bicorne , que le rhinocéros du Cap n’a, comme le dit aussi Sparmann , que vingt-huit molaires sans incisives , et en confirmant ensuite, par sa propre obser¬ vation , ce que Parsons et Daubenton avoient dit avant lui , que celui des Indes a en avant des incisives séparées des mo¬ laires par un espace vide.

TVilliam Bell , chirurgien au service de la compagnie des Indes à Benkoolen , a fait connoitre en 1 798 , dans les Tran¬ sactions philosophiques , un rhinocéros de Sumatra , qui pa~ Toit former une troisième espèce . et tenir une sorte de milieu entre les deux autres ; car il a deux cornes , et la peau peu plissée, comme celui du Cap , et cependant il a des incisives comme celui des Indes.

Nous donnons, pl. 2, fig. 8, la copie du crâne , figuré par M. Bell: c’est celui d’un individu peu âgé, car il n’a encore que six molaires de sorties.

12

RHINOCÉROS

Il ressemble singulièrement au crâne d’un individu un peu plus âgé d 'unicorne, que nous donnons, pi. 2 , fig. 2: c’est le meme que Camper a déjà représenté dans une planche sé¬ parée, et que M. Blumenbach a fait copier , Ahh. cah. I,pl. 7 ; mais nous l’avons débarrassé de ses ligamens et de sa corne , pour le faire dessiner de nouveau.

Sa dernière molaire ne fait que percer l’alvéole, et n’a point encore commencé à s’user.

En le comparant à celui de Sumatra , on trouve que ce dernier a l’angle postérieur de la mâchoire plus obtus, et la branche montante de celle-ci plus étroite, ce quipourroit te¬ nir au développement moins avancé de ses dents; que les os du nez qui portent la première corne sont moins relevés, et que les os incisifs sont plus courbés vers le bas , et n’ont point ce petit angle saillant en avant qui se remarque dans ïuni- corne.

O11 ne voit pas non plus dans les figures de M. Bell de traces des petites incisives intermédiaires d’en bas, ni de leurs alvéoles, et il 11’eu parle point dans sa description; mais comme celle-ci est fort abrégée , ce pourroit être un oubli.

Les différences de ces deux crânes se réduisent donc à peu de chose.

Elles sont réellement moins fortes que celles qu’on peut re¬ marquer entre ce crâne de jeune unicorne et celui de Xunicorne adulte que nous représentons séparément , pl. 2, fig. 1 , et dont nous avons déjà décrit le squelette.

Je n’insiste pas sur la délrition des incisives de ce dernier , qui est accidentelle , ni sur l’angle postérieur de la mâchoire inférieure moins obtus : c’est l’effet du développement de la septième molaire , et par conséquent le produit de l’âge.

FOSSILES.

1 3

Je ne m’arrête pas non plus aux rugosités excessives des os du nez et de l’arcade zygomatique qui peuvent également venir de l’âge.

M ais j’avoue que j’ai peine à m’expliquer l’élévation si dis¬ proportionnée du crâne et de la crête occipitale ; la hauteur totale de la tête posée sur sa mâchoire inférieure est , dans l'adulte, à la même dimension dans le jeune, comme quatre à trois, tandis que la longueur est égale. Je ne conçois sur¬ tout point comment l’apophyse , qu’on remarque au bord in¬ férieur de la narine , peut entièrement manquer dans le jeune individu.

11 y a encore une difficulté : nous avons vu, d’après Vicq~ d Azrr , que cet unicorne adulte avoit d’un cote' un tronçon d incisive externe , à côté de la grande d’en haut. Nous avons vu aussi, d’après Camper , Mém. cle Pétersb. pour J 7 7 7 , P 1. 2 , p. 211, qu’une tète très-jeune d’unicorne lui a montré dans l’os incisif de chaque côté deux alvéoles bien prononcées 5 et pour montrer la chose clairement , nous avons fait copier , pl. 2, fig. 4, la figure donnée par Camper de cet os incisif, et, fig. 5, celle du bout de la mâchoire inférieure qui lui cor- respondoit.

Or , notre unicorne d’âge intermédiaire , n’a point d’inci¬ sive externe , et ne montre aucune trace d’alvéole qui ait pu la contenir.

Comment cela se pourroit-il , s’il étoit de la même espèce que ce très-jeune et ce très-vieux qui ont offert chacun des traces de cette dent ?

\ auroit-il en Asie deux espèces distinguées par la forme de la tète et par le nombre des incisives, mais dont l’une au moins seroit indifféremment unicorne ou bicorne ?

s4

RHINOCÉROS

Oa bien ces trois crânes appartienclroient-ils à une seule et Blême espèce, aussi indifféremment unicorne ou bicorne, et les différences offertes par l’adulte tiennent-elles seulement à son âge ?

Je viens de m’apercevoir que Pierre Camper doit avoir auss1 reconnu cette différence entre les rhinocéros d’Asie : a S ai eu occasion (dit-il, dans une lettre à Pallas , insérée dans les <o K eue nordische beytræge, VII , 249), de distinguer deux » espèces de rhinocéros asiatiques qui ont [une et L’autre v, quatre grandes incisives. J’enverrai , à ce sujet , à L’ acadé- » mie de Pétersbourg la continuation de mon Mémoire sur » ces animaux. La mort de ce grand homme, arrivée peu après cette lettre , l’empécha sans doute d’exécuter son dessein; mais comme c’est l’une des têtes de son cabinet qui a servi de base à mes observations précédentes , il est probable que les siennes avoient eu la même source , et l’avoient conduit au même résultat.

Au reste , cette question, de quelque manière qu’on vienne à la décider , n’a heureusement , comme nous le verrons bien¬ tôt , aucune influence sur ce qui nous occupe principalement ici , je veux dire sur la question de l’identité ou de la non identité de l’espèce fossile avec les vivantes.

Quant au rhinocéros bicorne du Cap , il ne reste point de doute qu’il ne soit d’une espèce bien distincte de toutes les autres.

Non seulement sa peau n’a point de plis ; non-seulement la forme générale de sa tête est différente ; non-seulement il a constamment deux cornes, mais il n’a jamais que vingt-huit dents , toutes molaires ; il manque toujours d’incisives , et n’a même point de place pour elles à l’extrémité antérieure de ses mâchoires. Son es incisif .est beaucoup trop petit pour en cou-

FOSSILES. i5

tenir, et meme, à sa mâchoire inférieure, les molaires, bien loin de laisser , comme dans les autres rhinocéros , un grand espace vide entre elles et le bord incisif, se rapprochent telle¬ ment, que des incisives auroient peine à tenir entre elles.

Tous ces points résultent de la description donnée par Camper de cette espèce de rhinocéros, et l'on peut s’en faire une idée nette, en consultant, la seconde planche de notre article sur l’Ostéologie de ce genre, les dents de l’ unie orne et du bicorne sont représentées , et les lig. 6 et 7 de notre se¬ conde planche actuelle.

La fig. 6 est une copie de celle que Camper a donnée trois fois d’un crâne de rhinocéros bicorne adulte du Cap. La fig. 7 est celle d'un jeune crâne de la même espèce, de notre Mu¬ séum, qui n’a que cinq molaires de venues. Elle se trouve parfaitement semblable à celle que donne Sparrmann, Voyage trad. fr. , tome II , pi. 3.

On voit que ces deux crânes ne diffèrent sensiblement que par un peu plus de longueur proportionnelle dans l’adulte , produit naturel du développement de deux molaires de plus , de chaque coté à chaque mâchoire.

Tels sont les rhinocéros, découverts jusqu’à ce jour, vivans.

Je sais que Bruce a publié une figure d’un bicorne très- différent de celui du Cap, et qu’il prétend avoir vu en Abys¬ sinie y mais cptle figure n’est qu’une copie de celle de Y uni- corne donnée par Buffon , à laquelle Bruce , a seulement ajouté une corne. S’est-il déterminé à composer ainsi cette image, parce qu’il avoit vu en effet un être auquel elle res- sembloit ? eu n’a-t-il commis qu’un plagiat que rien ne peut faire excuser? c’est ce que je n’ose décider \ mais en supposant même l’existence d’un tel animal, ce ne seroit probablement

iG RHINOCÉROS

qu’un individu accidentellement bicorne de l’espèce des Indes ,

ou à dents incisives. Il s’éloieneroit moins encore de cette es-

O

pèce que le rhinocéros de Sumatra qui est également Licorne.

Je sais aussi que Gordon attribue à son rhinocéros bicorne du Cap quatre dents incisives à la partie antérieure des m⬠choires; mais cet officier pourroit bien avoir ajouté après coup cet article à sa description , sur ce qu’il trouva dans les auteurs qui avoient parlé de Y unie orne : l’animal qu’il décri- voit est bien certainement le meme que celui de Sparmann et de Camper ; et le témoignage de ces deux naturalistes, con¬ firmé par la nature même, dans la tête de notre cabinet, doit prévaloir sur celui de Gordon.

Après avoir déterminé les espèces vivantes , nous pouvons leur comparer en détail l’espèce fossile, et il nous sera bien aisé de voir quelle ne ressemble entièrement à aucune d’elles.

II.° Comparaison des crânes fossiles avec ceux des espèces

vivantes.

t.° Les crânes fossiles sont en général plus considérables.

Les quatre premiers , décrits par P allas (nov. com. XIII ) , avoient 33.”; 3i.” 3.’” ; 3o." g.’” et 29.” 5.’"; celui des bords du Tchikoï , 3i.” ; celui de Darmstadt , décrit par Merck , 3i.”; un de ceux que M. Camper conserve dans son cabinet et qui a été trouvé près de Lipstadt , 3i.” du Rhin, qui font 2g.” 11 lignes de Paris; celui de Manheim , décrit par Col! i ni , 28." 6.’; celui qu’on trouva avec sa peau sur les bords du TV ilhouï , 27.”’ 6.’” et le plus petit de tous, donné par l’acadé¬ mie de Pétersbourg à feu Camper , 26.” du Rhin ou 24.” 3 lig. de Paris. En prenant dans tous la longueur depuis la crête

FOSSILES,

4 J

de l’occiput , jusqu’à la pointe des os du nez, ce qui est en effet la plus grande dimension dans cette espèce.

Cette même dimension n’est que de 21.” 6.”' dans notre uni- corne adulte, et de 19.” 6.”’ dans le jeune; mais en prenant la longueur , depuis les condyles de l’occipital jusqu’au bout des os du nez, ils ont l’un et l’autre 25”. Les deux dimensions sont à peu près égales entre elles dans le bicorne d’Afrique. L’adulte de Camper les a de 26 pouces du Rhin, qui font 24.” 5’” de Paris, précisément comme le plus petit des fossiles ; notre jeune, de 17.”.

Comme il est possible que les crânes d’individus vivans ne viennent pas des plus grands de leur espèce , nous n’insisterons pas beaucoup sur cette première différence.

2.0 Mais les mesures même que nous venons de donner nous indiquent déjà une deuxième différence beaucoup plus importante, parce quelle tient à la forme.

Dans le rhinocéros du Cap , la crête occipitale est à peu près au-dessus des condyles de même nom, et la face posté¬ rieure de l’occiput à peu près pei’pendiculaire sur l’axe de la tête.

Dans le jeune unicorne, cette face s’incline en avant, ce qui rtnd la distance du nez à la crête plus courte que celle du nez au coudyle , comme 19 à a5.

Autant qu’on peut en juger par la figure de Bell , il en est de même dans le bicorne de Sumatra.

. ?

Dans notre unicorne adulte, cette inclinaison en avant est encore plus sensible, quoique la différence des deux lignes soit moindre, comme 21 à 20 , à cause de la hauteur extrême de cette face occipitale.

Dans tous les crânes fossiles, au contraire, la face occipitale

3

i8 R H I î> O C É R 0 S

est fortement inclinée en arrière, et la distance du nez à la crête , notablement plus longue que celle du nez aux condyles. On en peut juge!' par toutes les figures qu’on en a publiées , quoique les auteurs ne nous aient point donné de mesures qui nous mettent à même de déterminer cette différence avec précision.

3.° Le méat auditif a son axe vertical dans les espèces vi¬ vantes \ mais , par suite de l’obliquité des temporaux, entraînés en arrière par l’inclinaison de l’occiput, cet axe est oblique dans l’espèce fossile. Je dois cette remarque à M. Adrien Camper.

4-° Le rhinocéros fossile étoit certainement bicorne : cela se juge par les deux disques pleins d’inégalités qui se remarquent sur son crâne, l’un sur l’extrémité du nez, et l’autre au-dessus des yeux. M. P allas l’a très-bien vu sur le rhinocéros entier du WiUiouî. « Apparent atitem cornu naSalis , pariter atone » frontalis , evidentissima vestigia. » JN ov. Com. XYII , 588. Cependant il n’a rien de plus de la forme du bicorne d’Afrique j ses ceux cornes ne se touchoient point comme dans celui-ci et dans celui de Sumatra * mais il restait un assez grand espace entre leurs bases, voyez pl. 3,fig. i et 4 : ce qui s’accorde avec l’aïongemént plus Considérable du crâne fossile. Déplus, cette base de la seconde corne est relevée en bosse et très-rugueuse dans l’espèce fossile, tandis qu’elle est plus ou moins concave dans les bicornes vivans. Cette dernière remarque est en¬ core de M. Aüiien Camper.

5.o Loin d’avoir l’apophyse antérieure de l’os maxillaire su¬ périeur , Courte, et les os intermaxillaires très-petits, comme le bicorne d’ Afrique , le bicorne fossile a ces parties ext cé¬ ment longues et fortes , plus longues même que dans tous les autres rhinocéros : ce qui rend la longueur de son écbàn-

FOSSILES. 19

ciaire nazale plus considérable : elle fait le quart de la longueur totale; 8.” 3.”’ pour 33.'’ Pall. nov. Connu. XIII, p. 456. Dans le bicorne d’ Afrique jeune, elle n’en fait que le sixième, et dans l’adulte que le septième ; dans le bicorne de Sumatra et le jeune unie orne , moins du quart ; dans l’uuicorne adulte, un peu moins d’un cinquième.

6.0 II porte au bord supérieur de l’os incisif une proémi¬ nence qui n’existe ni dans le bicorne d’Afrique , ni dans celui de Sumatra, ni dans ce jeune unicorne que nous croyons voi¬ sin de celui de Sumatra. Elle n’existe que dans notre grand unicorne , si différent pour tout le reste du fossile.

7.0 Le caractère le plus important du rhinocéros fossile est la forme de ses os du nez , et leur jonction avec les incisifs- Il se distingue par non-seulement des autres rhinocéros, mais encore de tous les animaux connus. La pointe des os du nez , au lieu de se terminer en l’air, à une certaine distance au-des¬ sus des incisifs, descend sans s’amincir au-devant des échan¬ crures nazales , et après s’être partagée en trois tubercules saillans, se joint, par une portion un peu plus mince, à l'en¬ droit les os incisifs se réunissent et forment eux - mêmes deux autres tubercules. On peut prendre une idée nette de cette réunion dans notre planche 3, lig. 1 , qui est empruntée de Collini , et qui représente le nez vu pardevant , et en y j >ignant les ligures 4 et 5 qui le représentent de coté et en dessous.

Je dois ces deux dernières à la complaisance du célèbre M. Blumenbach , qui a bien voulu les faire dessiner sur un morceau du cabinet de l’ université de Gœttingen , lequel a été trouvé près du fleuve Kartamisch dans le gouvernement d Ufa en Sibérie, et données à ce cabinet par le baron d Ascii.

3 *

30

R U ï NOCE R O S

Ces os se soudent si bien ensemble tous les quatre, qu’on n’y, aperçoit plus de suture, meme à un âge. assez peu avancé. On ne voit point non plus la suture qui distingue l’intermaxil- laire du maxillaire.

Celle construction si solide est sans doute destinée au sou¬ tien de la corne, et doit faire croire que ce rhinocéros l’avoit plus forte encore, et pouvoil s’en servir avec plus davantage que ceux d’aujourd’hui.

8.° Derrière cette jonction des os du nez aux incisifs,. com-r mence une cloison osseuse qui sépare les deux narines, et qui se porte en arrière pour se joindre au vomer.

M. Adrien Camper m’apprend que dans son crâne fossile de Lipstadt , qui provient d’un jeune sujet , cette cloison est soudée avec les os incisifs, mais quelle se distingue encore des os nazaux par une suture. Dans un autre crâne plus âgé de Sibérie ( celui que l’académie de Pétersbourg avoit donné à son illustre père ) , la cloison est soudée des deux côtés.

Avec l’âge , elle se soudoit aussi au vomer, et ne formait avec lui qu’un tout continu. « Cette cloison , de l’ épaisseur » d’un pouce ( m’écrit encore M. Camper ) , passe sous forme » d un, mur très-solide , depuis l’ extrémité du museau , jus- » qu du vomer , sans interruption , et soudée de toute part » aux os du nez , des mdcho.res et à ceux du palais comme » au vomer. » Mais avant que cette union fût complétée par Fâge, il restoit pendant quelque temps un vide assez considé¬ rable, qu’un cartilage remplissoit pendant. la vie. C’est ce vide qui a fait croire à M. Faujas que toute la cloison n’est qu’un produit de l’âge; il auroit pu voir aisément, cependant, que môme alors elle n’en resteroit pas moins un caractère spé¬ cifique, puisque les rhinocéros vivons n’en ont de telle à aucun

FOSSILES.

âge. Notre uni corne , qui est assurément Lien adulte, puisque toutes les sutures de son crâne sont effacées , n’en a pas la moindre trace 5 tandis que le crâne fossile des bords du Tchikoï , dont toutes les dents ne sont pas encore sorties , l’a déjà presque complète.

q.° Il résulte de cette cloison que les trous incisifs sont sé¬ parés l’un de l’autre; tandis que dans les espèces vivantes ils se confondent en une vaste ouverture. Je dois encore cette ob¬ servation à M. Adrien Camper. Les ligures de M. P allas 11e sont pas bien claires sur ce point. On peut en prendre une meilleure idée dans notre fig. 5, et pl. 4? fig- Il meparoît, d’après la figure de Zückert ( Car. de lanat. de Berl. II, pi. 10, fig. 3 ), qu’ils se rétrécissent à leur partie supérieure. Voici la description qu’en donne Gollini , le seul qui en ait parlé clairement, ( Mémoires de Manheim , tome V ). «Il y a de » chaque côté une petite cavité, et à côté d’elles on voit un » conduit cylindrique presque horizontal, qui a un diamètre » d’environ 6 lignes; chacun de ces conduits a communica- « tion avec un des nazeaux , par uue ouverture qui se trouve » entre l’os de la mâchoire et le vomer. Ils sont divergens, » en s’enfonçant horizontalement dans les nazeaux , parce » qu’ils suivent la forme de la mâchoire». On voit qu’il n’y a rien qui ressemble à nos rhinocéros vivons.

io°. La longueur de l’échancrure nazale paroît avoir été la cause du reculement de l’œil, qui est plus en arrière dans ce rhinocéros que dans les autres. « Il étoit placé au-dessus de la » dernière molaire, au lieu qu’il est situe au-dessus de la qua- » trième dans l’espèce d’Asie , » m’écrit M. Adrien Camper ayant les deux espèces sous les yeux. Le bicorne di Afrique dont les molaires se portent plus en avant, n’a l’œil que sur la cinquième.

22

RHINOCEROS

Le point le plus essentiel à déterminer eût été l’absence ou la présence, ainsi que le nombre des incisives; mais après une induite de recherches, je n’ai encore rien d’entièrement certain : cependant j’oserois presque affirmer que le rhino¬ céros fossile en manquoit au moins à la mâchoire supérieure.

« Non p arum miratus sum , écrivoit M. Pallas en 1759 » ( nov. Com. XIII , 453 ) in omnibus quatuor craniis nul- » htm omninb superesse vestigium dentium primorum. » Quatorze ans après, en 1773 , il dit encore en parlant du rhi¬ nocéros des bords du Wi'lhoul, « Extremitates maxillarum , » ne que dentium pie que alveolorum vestigium ulium liabenl » ( Nov. Com. XX II , p. 5qo. )

Mais, quelques pages plus loin, p. 600, il ajoute en. parlant du crâne des bords du Teldkoï , le plus entier de tous ceux qui ont été découverts: « In apice maxillæ inferioris ., seu » ipso margine , utita dicam, incisorio , déniés quidem nuLli » adsunt ; verumtamen apparent vestigia obliterata quatuor , » ah>eolorum minusculorum œquidistantium , e quibus exte- » riores duo obsoletissimi , sed inbermedii satis insignibus » fossis denotati surit. In superiore quoque maxilla hujus » cranii ad anticum palati terminum utrinquè tuber osseiim » astat , obsoletissima fossa notatum , quee, alveoli quondam » prœ sentis vestigium refert . »

On voit donc que , même d’après ce rapport, si ce crâne avoit eu des incisives , elles dévoient être fort petites , et ne ressembler en rien à celles de nos rhinocéros d Asie et de Sumatra. On ne peut pas dire que ce soit l’âge qui les ait fait tomber, et qui en ait rempli les alvéoles , car ce crâne ét oit d’un jeune individu qui n’avoit que cinq molaires de sorties. Si l’on examine bien notre fig. 5, on yerxa que les extrémités

FOSSILES.

a3

des os incisifs a et a , ne paroissent pas meme assez grandes pour avoir contenu des dents. Collini est du meme sentiment. « Il ne paroît point, dit-il, qu’il y ait pu avoir des dents in~ » oisives à celte extrémité antérieure de mâchoire ; car rien » n’y paraît pouvoir servir d’alvéoles ». ( Loc. ch. )

P allas Cnit par prendre la meme opinion , au rapport de Pierre Camper. a Il approuva mon observation , dit ce der- » nier, en insistant néanmoins toujours sur T apparence in- » contestable des alvéoles dans la partie antérieure de la mâ- » choire inférieure. » ( OEvres de Camp. trad. fr. I, a6 2. ) Comme M. P allas est jusqu’à présent le seul qui ait vu cette mâchoire inférieure , et qu’il est d’ailleurs un juge très-compé¬ tent, nous pouvons nous en rapporter à lui 5 mais il n’en reste pas moins constant que si ce rhinocéros avoit des incisives, c’étoit tout au plus à la mâchoire inférieure , et qu’elles y étoient fort petites. Il différoit donc des rhinocéros vivans à cet égard, comme pour tout le reste 5 et il n’ avoit point en cela, comme le pense M. Faujas ( Ess. de géol I, 433), de rapport avec le rhinocéros de Sumatra, car ce dernier a des incisives très-grosses et aux deux mâchoires.

•O

Je ne dois point dissimuler cependant qu’il existe deux dents que Ion assure avoir été trouvées sous terre auprès de Mayence , et qui paroissent de vraies incisives supérieures d’un rhinocéros. Elles étoient dans le cabinet du célèbre ana¬ tomiste Sœmmerring. Merck en a représenté une , III. c lettre, pl. III, fig. 1. Nous donnons le dessin de l’autre, pi. I, lig. 9 et 1 o , tel que nous le tenons de la complaisance de M. Adrien Camper , qui est aujourd’hui propriétaire de ce morceau.

En supposant que ces dents étoient en effet fossiles , ce fait isolé ne prouveroit rien contre ce qui résulte de l’examen des

RHINOCEROS

têtes fossiles ordinaires; il annonceroit seulement qu'il y a en¬ core parmi les fossiles une espèce de Rhinocéros différente de celle qu’on y a trouvée jusqu’ici, et il faudroit attendre qu’on en eût d’autres morceaux pour la pouvoir juger. Enfin , quand par impossible ces dents auroient en effet appartenu à des tètes de l’espèce que nous avons décrite jusqu’ici, cette espèce , comme nous l’avons vu, n’en resteroit pas moins dis¬ tincte des autres par beaucoup de caractères.

Je pourvois encore trouver d’autres différences entre les crimes fossiles et ceux des rhinocéros vivons ; mais j'espère bien que les dix que je viens d’exposer suffiront pour convaincre tous les naturalistes que ce rhinocéros fossile différoit des autres, plus qu’ils ne diffèrent entre eux. Toutes les objections qu’on a voulu faire contre cette distinction d’espèce, restent donc anéanties.

J’ai déjà dit plusieurs fois qu’il n’y a point de différence constante pour les dents molaires. Nous avons pu voir ci- devant la ressemblance des supérieures, prises chacune à part. La planche I en offre assez de preuves.

Nous en donnons une , pi. Ili, lig. 7 , pour celles d’en bas ; ç’est un fragment de mâchoire du V al-rf Arno en Toscane, contenant deux dents. Ce morceau est du cabinet de M. Camper. Il y en a de mieux conservées dans celui de M. Targioni- Tozzetti à Florence. Le nombre des dents est aussi le même.

M. Adrien Camper à qui je dois la connoissance du mor¬ ceau précédent, et qui possède encore deux crânes fossiles, dont un trouvé en Allemagne , d’un jeune mais grand sujet , a les os maxillaires parfaitement entiers , et contenant encore deux molaires, et les alvéoles des autres non endommagées, m’écrit : « L’espèce éteinte avait évidemment sept molaires » comme les espèces vivantes. »

FOSSILES.

Il est vrai qtiele beau crâne des bords du Tchikoï , figuré par M. P allas n’en a que cinq en haut et en bas; mais on voit déjà à la mâchoire inférieure les ouvertures d’où dévoient sortir les arrière - molaires. Ce moindre nombre tenoit donc uniquement à la jeunesse de l’individu.

Après avoir ainsi terminé l'histoire de la tète, partie la plus importante de toutes , voyons ce qu’on a pu recueillir des autres débris de cette espèce fossile.

III.0 Parties du rhinocéros fossile autres que le crâne.

i°. La corne.

Il y enavoit, en 1709 (selon P allas , loc. cit.) dans le cabinet de Pétersbourg , cinq, toutes trouvées en Sibérie, et toutes d’une grandeur considérable ; l’une avoit 33.” 3.’” de longueur; une seconde , 25.” 4”’ j irae troisième , 49-” 1 ce qui excède tout ce que l’on connoit parmi les cornes de rhinocéros vivait s ; la quatrième, 32.” , et la cinquième, 25.” 6”’. Ces cornes avoient la même structure fibreuse que les ordinaires. Aucune d’elles n’a été trouvée attachée à son crâne. Je ne connois point d’autre renseignement sur cette partie. Il est vrai que J'V alch ( Com¬ ment. sur Knorr. tom. II,sect. II, p. 1 49 ) ■> renvoie à divers auteurs il doit être question de cornes de rhinocéros pé¬ trifiées, mais, vérification faite, je n’y ai rien trouvé de certain.

2.0 U humérus.

Hollmann en a eu des portions de deux , et Zückert d’un. La plus parfaite est celle d’ Hollmann dont nous donnons des copies, pl. PY , fig. 1 et 2. Elle avoit été trouvée, en 1750, dans les environs de Schartzfels , et donnée à Hollmann par Brendel. Il n’y manque qu’une partie de la crête supérieure et

4

2.6

RHINOCEROS

de l'inférieure ; et l’on peut rétablir celle-ci par un autre mor¬ ceau des environs de Herzberg , publié par le même auteur, et copié , pl. IV, fîg. 3.

Cet humérus fossile a tous les caractères d’un humérus àe rhi¬ nocéros , principalement la saillie excessive des deux crêtes; le crochet delà supérieure, l’obliquité extrême de la poulie radiale.

Une comparaison détaillée avec le squelette d unicorne de notre Muséum a montré que cette obliquité est plus forte dans le fossile, et que la crête inférieure y est plus longue. Sa hauteur fait le tiers de celle de l’os dans le fossile ; elle n’en fait que deux septièmes dans le vivant.

L’os fossile est un peu moinslong quecelui denotre squelette , et il est néanmoins plus gros. Pour plus d’exactitude , nous allons donner une table de quelques-unes de leurs dimensions homologues. Nous empruntons celles du fossile de la disserta¬ tion d! Hollmann ( Comment, soc. reg. Gœtt. II, p. 227 ).

HUMÉRUS

FOSSILE.

HUMÉRUS

DO SQUELETTE

Du Rhin. unie.

OBSERVATIONS.

Longueur totale de l’os prise obli- fquement depuis le sommet de la tête, fjusqu’au bas du condyle externe,», k, liig. 1 et 2 , pl. 1Y . . . .

Depuis le bord inférieur de la tête , 'jusqu’au bas du condyle interne, b ,f,

La plus petite circonférence . .

Distance du bord inférieur interné de la tète, à la pointe inférieure de la

16"

17” 6’”

L’excédent de cette mesure dans! le fossile , à proportion de la sui¬ vante , montre que son condyle ex¬ terne desc nd bien davantage.

II9’ S9”

10”

i5” 9”’

9” 2’”

crête supérieure , b , d . . . . . .

8” 6’”

9”

Cette partie n’étoitp»# entière dans le fosjilt.

FOSSILES.

27

3.0 L \ acetabulum.

Hoîlmann donne (loc. cit. p. 233 , pl. III , fig. 1), un fragment de bassin trouvé à Herzberg , qui n’a d’entier que la fosse co- tyloïde. Ses dimensions sont en longueur 4 8.” ; en largeur , 4 ’. Notre rhinocéros a 4-” 6.’” dans les deux sens.

4-° Le fémur.

Hoîlmann (p. 234, pl- HL fig. 2 et 3), n’en a que des têtes de i3 à i5.” de circonférence. Celles de notre squelette ont i2.” 6.” ; ainsi encore en ce point il est moins gros que le fossile.

5. ° Le tibia.

Hoîlmann [p. 236, pl. III, fig- 4, 5 et 6) en donne un dont la tête supérieure est un peu mutilée, et qui a encore i3.’’ 6.’” de longueur totale. Le nôtre a i5.”6.’”; du reste, la fi¬ gure de cet os, et ce que Hoîlmann en dit dans sa description, conviennent bien avec son analogue dans le squelette : seule¬ ment , à en juger par sa figure 6 que nous copions ici, pl. II, fig. 9, l'articulation inférieure auroit eu son diamètre trans¬ verse plus grand à proportion que l’autre. L’os entier est co¬ pié , fig. 10.

6. ° L’ omoplate.

51. TYiedemann , professeur à Brunswick , a eu la bonté de me procurer un dessin de grandeur naturelle, représentant une omoplate fossile, trouvée, en 1773, dans un bois près d Osterode , au pied du Harz, et non loin d’ Herzberg , à 18 pieds de profondeur dans de la marne. J’en donne une copie réduite au sixième, pl. IV, fig. ir. Cette omoplate comparée à celles de tous les grands animaux, se rapproche plus de celle du rhinocéros que de toute autre 5 ce qui, joint au voisinage des lieux , me fait conclure quelle est en effet celle du rhino-

28 11 Îi IN OC É R O S

céros fossile ; c’est l’omoplate gauche. Son bord inférieur a, b y est beaucoup plus droit et plus mince que dans le rhinocéros vivant; et la partie la plus saillante de l’épine cpii devoit se trouver vers c , est beaucoup plus avancée vers la tête arti¬ culaire. Je ne puis comparer cette dernière partie , parce quelle est mutilée dans l’os fossile.

Ses dimensions ne surpassent pas beaucoup celles du vivant ; le dessin donne o.5g de longueur de d en e; et 0,24 de largeur d’ a en f. Le vivant a o,53 et 0,22. Aussi cette omoplate pa- r 01't-elle venir d’un jeune individu-, car ses apophyses paroissent perdues.

Le radius.

M. JViedemann m’en a aussi envoyé le dessin d'un fragment trouvé au même endroit que cette omoplate. Nous en donnons une copie réduite au sixième, pl. fig. 12 ; mais ce fragment étoit tellement mutilé , que nous ne pouvons nous en servir pour des comparaisons détaillées. Il nous fait seulement juger qu’il venoit d’un individu considérablement plus grand que l’omo¬ plate. Sa largeur en bas est de 0,19; et celle du vivant, de 0,1 3 seulement. Mais peut-être ce dessin est-il trop grand.

8.° \J atlas.

Hollmann en a eu un qu’il suppose presque entier (p. 25i , pl. I, fig. 3,4,5;. Nous copions les trois ligures qu’il en donne, pl. IL, lig. 6, 7, 8. Il faut que les bords des deux apophyses transverses aient été plus rompues que Hollmann ne le croyoit, car il n’avoit que 1 3 pouces en travers d 'a en a , et le notre en a 16 , quoique les parties moyennes soient de même gran¬ deur , et la largeur de chaque aile d’avant en arrière aussi , savoir de 5.”. Mais il y a d’autres différences de forme qui pourvoient faire penser que celle de la largeur transverse tient

FOSSILES.

29

à l’espèce. Les échancrures/’, /", sont de véritables trous dans notre squelette , parce quelles y sont fermées en avant par une traverse osseuse. La protubérance supérieure d n’y est point arrondie, et porte trois arrêtes longitudinales j la pointe postérieure g existe bien , mais se prolonge en une arrête de la face inférieure, et celle-ci se termine vers A', par une forte échancrure du bord antérieur inférieur qui manque au fossile. Enfin , ce qui est le plus important , les deux facettes de l’atlas du squelette ne sont nullement disposées comme dans le fos¬ sile en c , c , faisant ensemble un angle presque de 90° j mais elles sout sur une ligne presque droite , et dans la même di¬ rection que les apophyses transverses, «, a.

Du reste , ces deux atlas se ressemblent , et le fossile 11e peut être provenu que d’un animal du genre du rhinocéros. Aucun animal de cette grandeur n’en a dont la figure soit approchante.

C’est une nouvelle preuve de la différence d’espèce.

io.° L 'cutis.

Hollmann donne ( p. 223 , pl. I , fig. 6 et 7 ), précisément celui qui s’articuloit avec l’allas précédent : nous copions ses figures, pl. III, fig. 8 et g. La différence des facettes articu¬ laires de X atlas devoit nécessairement influer sur celles de X axis ; aussi ces deux dernières, e,e, sont - elles beaucoup moins en ligne transversale, c'est-à-dire que leur angle ex¬ terne se porte plus en arrière que dans le rhinocéros vivant. Ces angles sont aussi moins distans l’un de l’autre, car ils n’ont dans le fossile que 5 pouces d’intervalle , et ils en ont six et demi dans le vivant. L’apophyse épineuse ou la crête h , b , est plus comprimée et plus longue à proportion , ayant 5." de long , tandis qu’ellen’a que 3." 6.”’ dans le vivant. Les transverses k , sont cassées dans le fossile ; ainsi l’on ne peut établir de

4*

3o RHINOCÉROS

comparaison. Les bords externes des apophyses articulaires postérieures sont à 4-" 4-” l’un de l’autre dans le fossile , a 3." 9."’ dans le vivant.

Ainsi, quoique cet axis ne puisse par sa grandeur, jointe avec sa forme , être que de rhinocéros , ses proportions montrent encore qu’il est d’une autre espèce que le rhinocéros unicorne.

1 1 La troisième vertèbre cervicale.

La face postérieure du corps de cet axis fossile est ovale et très-concave \ elle s’articuloit très-bien avec une autre ver¬ tèbre trouvée dans le meme lieu, que nous empruntons en¬ core èè Hollm ami { p. 221 , pl. I , fig. 8 et 8) et que nous don¬ nons, pi. III, fig. 9, par sa face antérieure. Comme ses apophsyes sont mutilées , on ne peut faire de comparaison exacte. La face antérieure du corps a 3.” 8.”’ de long et 3.” de large, et dans le vivant ces dimensions ne sont que de 2." 5.’” et de 1.” 9.”’. On voit donc qu’il n’y a pas plus d’accord de propor¬ tion ici que pour les autres os.

Voilà tous les os de rhinocéros fossile sur lesquels j’ai pu obtenir des renseignemens exacts. On voit que chacun d’eux, quand même on F eût trouvé isolé , auroit indiqué , par sa con¬ figuration générale , à quel genre il appartient 3 mais on voit aussi qu’il n’en est pas un qui ne montre dans le détail de ses proportions des différences spécifiques très-marquées.

J’aurois voulu déterminer les proportions générales du corps et surtout celle de la tête aux membres \ mais il auroit fallu pour cela avoir une tête et quelques os de membre qui eussent appartenu au même individu 5 et c’est ce qui nous manque , puisqu’il n’y avoit point de tête entière parmi les os <Y Jlerz- berg. Voici comment je m’y suis pris pour suppléer à ce dé¬ faut jusqu’à un certain point.

FOSSILES.

3i

H y avoit un fragment d’occiput, pl. II, fîg. n, contenant le trou occipilal entier qui , selon Hollmcinii , p. 220 , repré¬ sentait un triangle équilatéral de 2." 4’” de côté.

Or, Merck ( prem. lettre, p. 10) dit que le crâne fossile de Darmstadt , long de 3 i.” avoit pour base de son trou occipi¬ tal 2." 3.”’. Le crâne dont proven oit le fragment iïHerzberg. devoit donc surpasser très-peu celui-là en longueur.

Ainsi les rhinocéros fossiles dont le crâne étoit à peu près long de3i à 32.’, avoieut l’humérus de 16”, tandis que le rhinocéros unie orne dont le crâne est long de 21." ou de 25.’” suivant qu’on le mesure par la crête ou par les condyles, a l’humérus de 17.” 6.’”.

Il y a une différence analogue , plus forte encore dans la proportion delà tète aux pieds de derrière. Le rhinocéros fos¬ sile du JVilhouï , dont le crâne étoit long de 27.” 6.’”, avoit, du calcanéum au bout des doigts, i5.” 2.”’, et notre unicorne a 18.” 6.’”.

Un jeune bicorne empaillé , de ce Muséum , a la tête de 16.” de longueur, et le pied , depuis le calcanéum jusqu’au bout du doigt du milieu, de 10.” 3.’”. Il faudroit que sa tête eût 18.” pour être dans la proportion du fossile 5 et cependant ce jeune individu a la tète encore plus grande que l’adulte de son espèce.

Enfin l’on arrive à ce résultat d’une troisième façon. IIoll- mann nous donne, p. 25q, les mesures d’un os du métacarpe qu’il avoit deux fois, et qui étoit long de 3.” 4”’- U ne dit pas si c’étoit le moyen ou l’un des latéraux. Notre rhinocéros uni- corne a sou métacarpien moyen long de 7.” 5 l’externe de 6.” 3.”’, et l’interne de 5.” 9.” .

Il est donc clair que la tête du fossile est non-seulement plus grande absolument parlant , mais encore quelle l’est beau-

3a RHINOCÉROS

coup plus à proportion de la hauteur des membres , et que

la forme générale de l’animal devoit être très-différente.

C’est encore un argument pour établir la différence de l’es¬ pèce, s’il étoit nécessaire d’en ajouter à tous ceux que j’ai rap¬ portés jusqu’ici 5 mais j’espère qu’il y en a beaucoup plus qu’il n’en faut pour convaincre les naturalistes instruits.

Une grande espèce de quadrupède inconnue aujourd’hui se trouve donc ensevelie dans une infinité d’endroits de l’Eu¬ rope et de l’Asie j et ce qui est bien remarquable , elle n’y a pas été apportée de loin , et ce n’est pas par des changemens lents et insensibles, mais par une révolution subite, quelle a cessé d’y vivre.

Le rhinocéros entier , trouvé avec ses chairs et sa peau , enseveli dans la glace aux bords du TVilhoui , en 1770, dé¬ montre évidemment ces deux propositions. Comment seroit- il arrivé jusque des Indes ou d’un autre pays chaud , sans se dépécer ? Comment se seroit-il conservé, si la glace ne l’eût saisi subitement ? et comment l’eùt-elle pu saisir de cette manière, si le changement de climat eût été insensible?

Cet individu des bords du JVillhouï nous apprend même quelques détails sur l’extérieur de l’animal, détails que nous serons forcés d’ignorer par rapport à la plupart des autres espèces fossiles $ nous voyons , par exemple , que la tête n’avoit point ces protubérances ou callosités irrégulières qui rendent c 'lie du rhinocéros unie orne si hideuse, mais quelle étoit lisse c mime celle du bicorne du Cap. ( Voyez Pall. nov. Com. XVII, pl. XV, fig. 1 ). Les pieds de l’animal se terminoieut chacun par trois sabots absolument semblables à ceux des rhinocéros d’aujourd’hui , à en juger du moins par les on¬ guéaux qui les portent, car les sabots mêmes étoient perdus.

( Jd. ib. fig. 2 et 3 et p. 5g 1. )

FOSSILES.

33

On peut même reconnoître la nature des poils du museau et des pieds ( Id. ib. p. 586). Ce qui est bien remarquable , c’est que les poils étoieut très-abondans , surtout aux pieds, tandis que nos rhinocéros des Indes et du Cap en manquent absolument à cette partie. « Pili in muitis loris corii adhuc » supersunt , a b unà ad 3 lineas longi , s ods riguli sordide » cinereo pallescentes ,• totwnque pedem iisdem fasciculatim » nascentibus deorsumque prostratis obsitum fuisse , erelic- » tis detritorum reliquiis apparet. Tantam verb pilorum co- » piam , quantum in hoc pede atque in descripto capite » adfuisse apparet , in rhinocerodbus quos in Europam ad- » vectos nostra vidit œtaspiunquàm si benè memini obser~ » e ata fuit. »

M. Pallas en conclut même que cet animal pouvoit être d'un climat plus tempéré que les rhinocéros ordinaires : mais comme on \ient de \oir que ce n’étoit pas une simple variété, mais une espèce à part, cette conclusion ne repose plus sur rien de positif.

Il n a tenu qu’à quelques paysans de Sibérie que nous ne connussions cette espèce de l’ancien monde, aussi bien que la plupart de celles de nos jours. Avec un peu plus de précau¬ tions, on en auroit conservé le corps entier aussi bien que la tête et les pieds 5 il est heureux du moins que les parties les plus essentielles de ce monument d’un genre et d’une date si ex¬ traordinaires , soient désormais à l’abri de la destruction.

Rhinocéros Tètes vivantes.

RHCVOCHROS , te s f o s s île s .

vJ cb/sst .

Loueé Sci//p

Cnue.f: Je

tm/Lzrd c/f>/

RHINOCEROS , Os fossiles.

TVI

J)arena. Scufo

SUR L’HIPPOPOTAME

É T

SUR SON OSTÉOLOCIE.

L’hippopotame a toujours été et est encore celui de tous les grands quadrupèdes dont on a le moins connu l’histoire et l’organisation. _

Quoiqu’il soit assez vraisemblable que c’est le behemoth de t7o6 ( Bochart. hierozoic. præf. p. 5 7), ce qui en est dit dans ce livre est trop vague pour le caractériser.

La description qu’ Aristote donne de son hippopotame, Hist. anim., liv. II, chap. 7 , est si éloignée de l’animal que nous connaissons aujourd’hui sous ce nom, qu’on ne sait comment expliquer un tel assemblage d’erreurs. Il lui assigne, il est vrai , l’Egypte pour patrie; mais il lui attri¬ bue aussi la taille de l’âne 3 la crinière et la voix du che¬ val et le pied fourchu du boeuf ( 3'typXo v cPiWi o-jCttiç /32ç). Son museau est camus , sa bouche est médiocrement fen¬ due , ses dents un peu sorties , et sa queue pareille à celle du sanglier ; la peau de son dos est si épaisse , qu’on en fabrique des javelots.

On est d’autant plus étonné de cette description bizarre , qu’en remontant aux sources on trouve qu’elle est presque entièrement empruntée d’Hérodote , écrivain si exact pour ce qu’il a vu par lui-même. Il a seulement une erreur de plusqu’Aristote; car il dit que la queue de l’ hippopotame

OSTÉOLOGIE

est aussi semblable à celle du cheval ; mais en revanche il en aune autre de moins en donnant à cet animal la gran¬ deur des plus grands bœufs. Herod. Euterp.ouliv. II, 71,(1).

On seroit tenté, d’après ces deux descriptions, de croire que le nom dl Hippopotame s’appliquoit alors à une autre espèce qu’à présent, si Diodore de Sicile ne nous rame- noit évidemment à celle-ci. D’abord il rend à l’hippopo¬ tame sa vraie taille ; il a cinq coudées de long , dit-il, et set masse approche de celle de V éléphant. Il décrit ensuite ses dents de devant : Il a de chaque côté trois dents saillantes plus grandes que les défenses du sanglier ; seulement il lui laisse les pieds fourchus du bœuf Uiod. Sic. liv. 1.

Pline qui auroit pu connoître la description de Diodore, s’est borné à copier celle d’Aristote , excepté pour la gran¬ deur qu’il ne détermine pas, et l’emploi de la peau qu’il dit seulement propre à faire des casques et des boucliers im¬ pénétrables tant equ’ils ne sont point mouillés. Liv. VIII , cap. 26, sub fin. Il ajoute à tout cela une erreur de plus, que V hippopotame est couvert de poils comme le phoque . Lib. IX , cap. 12.

Il auroit du cependant pouvoir se procurer de meilleurs renseignemens , même indépendamment de l’autorité de Diodore, puisqu’il dit lui-même qu’z m hippopotame fut montré ci Rome par Scaurus , dans son édilité. Lib. VIII, cap. 26. Et nous savons par Dion qu Auguste en montra

(1) Une chose assez remarquable , et qui n’est sans doute due qu’au hasard , c’est que , la grandeur et l’oubli des cornes excepté, la description d’Hérodote se rapporte parfaitement au gnou ( antilope gnu. L. )

DE L’HIPPOPOT-AME.

r~

o

un autre lorsqu’’ il triompha de Cléopâtre. Dion. lib. LI, p. 655, ed. Reimari.

On rit encore beaucoup d’hippopotames après la mort de Pline. ^ dntonin en fit voir un troisième au rapport de Jules Capitolin. Hist. Aug. ed. Salmas. p. 21. b.

Dion, lib. LXXII, p. 1211 etp. 1219, assure eucoreque Commode en montra cinq clans une occasion , et en tua de sa propre main un dans une autre. Hèliogabale en eut aussi un, selon Lampride, Hist. Aug. p. 111, et Gordien un autre, selon Jules Capitolin, ib. p. lib XXII, cap. i5.

Néanmoins, les auteurs anciens postérieurs à Pline, ne nous ont point donné de meilleure description de cet ani¬ mal. Ammien lui attribue encore la forme du cheval, une queue courte et le pied fourchu. Il est vrai que selon lui les hippopotames civoient déjà , dès le temps de V empereur Julien , disparu de l’Egypte. Am. Marc. lib. XXII , cap. i5. C’est pour avoir confondu l’addition de Gylius avec le texte d’Ælien,qu’x\ldrovande, Quad. dig.lib.I, p. 181, et Jonston, de quadr. p. 76, attribuent à celui-ci une description que Gylius a tirée de Diodore, mais sans citer son auteur. ^Elian. Gylii. lib. XI , cap. 45.

Les artistes anciens ont mieux rendu cet animal que les naturalistes et que les historiens. Il est représenté d’une manière très-reconnoissable, avec l’ibis, le crocodile et la plante du Lotus, sur la plinthe àe\sistatue du Nil qui ornoit autrefois le Belvédère à Rome, et qui va bientôt être placée au Muséum Napoléon ; seulement les détails des pieds et des dents n’y sont pas exacts; la mosaïque de Pcdestrine l’on s’est plu à représenter les animaux de l’Egypte et de Ethiopie, offre trois figures excellentes d’hippopotames.

4 ^ O S T È O L O G I E

vers le bas à gauche, dont deux percées de flèches par des chasseurs nègres, et une à demi-plongée dans le fleuve; mais ces figures n’y sont point accompagnées d’uft nom comme la plupart des autres.

Les médailles à? Adrien qui représentent si souvent l’Egypte et ses attributs , offrent aussi l’hippopotame avec le crocodile et la figure du Nil. On voit une de ces médailles dans l’hist. aug. d’Angeîoni, pl. 149, fig. 58, et une autre dans les numismat. imp. rom. de Jacob. Biæus,pl. 59 , fig. 7. L’hippopotame est monté par un enfant dans la pre¬ mière de ces médailles; il est accompagné du crocodile dans l’une et dans l’autre.

Ces monumcns suppléent à ce que les descriptions ont de défectueux , et ne laissent point de doute sur la véri¬ table application du nom d’hippopotame. On voit toujours sa figure parmi celles qui doivent servir de symbole à f Egypte, comme on voit toujours son nom parmi ceux des animaux propres et caractéristiques de ce pays. Il seroit tout naturel d’en conclure, quand même on n’en auroit aucune autre preuve, que ce nom et cette figure se rap¬ portent au même être.

L’Europe chrétienne n’a point vu d’hippopotame vivant ; et Bêlon est le premier moderne qui l’ait observé par lui- même.

Il en vit un à Constantinople dont il parle de mémoire dans son livre des poissons, y ajoutant la figure prise de la médaille d’Adrien. Il rectifia l’erreur de la statue du Nil qui donne à l’animal cinq doigts au lieu de quatre , mais ne parle des dents que" pour dire qu 'elles tiennent de celles du cheval. Nat. et divers, des poissons, p. 18 et 19.

5

DE V H ï P P OP OTA M E.

Gessner n’eut autre chose à faire que de copier Bélon. Gesn. pisc. art. hippop.

Gylius , qui d’après sa lettre au cardinal d’Àrmagnac , citée par Prosper Alp . de reb. œg. I , .248., paroît aussi avoir vu un de ces animaux à Constantinople, et peut-être Je même individu que Bélon, se borna cependant , comme nous l’avons vu, à copier la description de Biodore.

Un demi-siècle après Bélon, un chirurgien italien nommé Zerenghi -, apporta d’Egypte des peaux d’Iiippopotamesdes deux sexes, et publia même une très-bonne description de l’espèce, avec une ligure de la femelle.

Aldrovande à qui Zerenghi avoit montré celte même femelle, l’avoit fait dessiner pour son histoire desanimaux ; cependant ce ne fut point cette figure-là qu’il publia, mais une autre qui lui avoit été envoyée, dit-il, de Padoue,et sans doute par Prosper Alpin , car c’est la même qui revient dans l’ouvrage de celui-ci, publié seulement en 1735, pag. 247. On la voit dans Àldrovande de quadr. dig. viv. lib. I, pag. i84, edit. de Bol. i658, et la tète séparément, la gueule ouverte, p. i85.

Le savant Fabius Columna avoit aussi fait faire de son côté, de l’animal rapporté par Zerenghi, un dessin beau¬ coup meilleur, qui parut, avec une bonne description , dans ses Àquat. obs. p. 5o, en 1616, et par conséquent avant celui d ''Aldrovande , quoique ce dernier eût été fait plutôt, même en le supposant de Prosper Alpin', car ce médecin quitta l’Egypte en i585; il y avoit passé les trois années pré¬ cédentes, et mourut professeur à Padoue, en 1617 ; son traité sur les affaires d’Egypte , qu’on ne publia , comme je

6

OSTÉOLOGIE

viens de le dire, qu’en 1755 , fut cause que la matière com¬ mença à s’embrouiller.

Il intitule son chapitre XII : du Chœropotame et de V hippopotame ; il y donne d’abord la figure de deux peaux empaillées, l’une d’un grand animal femelle , et l’autre de son fétus, qu’il avoit vues dans la maison du pacha du Caire ; ce sont évidemment deux peaux de nos hippopotames d’au¬ jourd’hui , mais dont le crâne et par conséquent les dents , avoient été enlevées avec le reste de la chair et des os.

Il conclut de cette absence des dents que ce ne pouvoit être l’hippopotame des Grecs, puisque celui-ci doit avoir les dents un peu sorties; et ayant vu, peu de temps après, à Alexandrie , une autre peau avec son crâne et ses dents, il en donna aussi la figure , la même qu’Aldrovande avoit déjà publiée, et il déclara que celle-ci seule provenoit du véritable hippopotame, comme si elle s’étoit mieux accordée avec la description donnée par les Grecs. Il pensa par la . même raison que les figures de la plinthe de la statue du Nil et celles des médailles d’Adrien ne représentent point l’hippopotame, mais ce prétendu animal différent dont il avoit vu la peau sans dents.

Cette erreur des anciens que les dents de fhippopotame sortent de la bouche, étoit difficile à éviter, lorsqu’on n’avojt pas vu l’animal vivant. Ces dents, sur-tout les ca¬ nines , sont si grandes qu’on a peine à concevoir qu’elles puissent tenir sous les lèvres; or, les anciens voyoientdéjà beaucoup de ces dents, même lorsqu’ils n’avoient encore aucune idée de la taille de l’animal, et qu’ils le croyoient au plus égal à un âne; elles faisoient un objet de conn

DE L’ HIPPOPOTAME.

7

merce, eton les employait au lieu d’ivoire dans lesouvrages les plus précieux de l’art.

Pausanias parle d une statue de déesse dont la face étoit faite de ces dents. Pausan. Aread. ed. hanau. i6i5, p. 55o. Et Cosmas, du temps de l'empereur Justin, rapporte en avoir vu une du poids de i5 livres; les plus grandes que nous avons ici n’en pèsent que six.

Néanmoins c’est un fait constant que l’hippopotame ne montre nullement ses dents quand sa gueule est fermée ; plusieurs témoins oculaires en font foi , et les tètes qui ont conservé leur peau sans l’avoir retirée par le dessèchement , le prouvent encore mieux : nous en avons une telle au Muséum.

Les ligures antiques en question nous présentent donc des images fidèles de cet animal, et il est inutile de sup¬ poser l’existence d’une autre espèce, pour les expliquer.

Prosper Alpin la supposa , comme nous l’avons vu, et donna à cette prétendue espèce le nom de porc cle rivière , appelé, dit-il, chœropotame par les Grecs.

Or, aucun ancien Grec, du moins à moi connu, n’a em¬ ployé ce mot de chœropotame pour désigner un animal dé¬ terminé. La mosaïque de Palestrine , qu’au reste Prosper Alpin ne connoissoit pas, montre un quadrupède avec quel¬ ques lettres à peine déchiffrables , l’on a cru lire x0l?07r° Mais comme les anciens avoient un chœropitlièque ou singe cochon qui étoit très-probablement le mandrill ou quelque cynocéphale , et que la figure en question n’est pas absolument éloignée de ressembler à ce dernier , on n’en peut rien conclure pour l’existence d’un chœropotame.

Cependant Herman , dans son tableau des rapports des

8 OSTÉOLOGIE

animaux ,'Joh. Hermanni, tabula qffïn ilaturn an imalium, pag. g6, admet cette existence pour ainsi dire comme si elle étoit démontrée; il va jusqu’à dire que Prosper a bien développé la différence du chæropotame et de l’hippopotame, clisertis perbis distinguit. C’est ainsi que les plus habiles gens sont entraînés à des erreurs lorsque celles-ci sont fa¬ vorables à leurs systèmes généraux. Herman cherckoit à prouver que tous les animaux tiennent les uns aux autres par une infinité de chaînons. Il trouvoit les genres de la classe des pachydermes trop isolés pour justifier son idée; il dut donc chercher à se faire croire à lui-même qu’il y a encore beaucoup d’espèces inconnues de cette classe; et tout ce qui pouvoit faire supposer l’existence de quelqu’une* étoit avidement recueilli par lui.

Peut-être dira-t-on que l’objet actuel de nos recherches nous donne en quelque sorte un intérêt contraire , et que nous devons être sans cesse tenté d’effacer les traces qui pour- roient conduire à des espèces vivantes inconnues, afin de rendre le nombre des perdues plus considérable. Nous avons senti d’abord que nous courrions ce danger , et nous cherche¬ rons toujours à l’éviter; en ce moment même nous sommes loin de nier l’existence d’espèces pareilles à celles dont il est question; nousdirons seulementqu’il n’y en a aucunepreuve.

On ne sait trop comment les deux hippopotames de Ze- renghi, et le premier de ceux de Prosper Alpin s’éloient égarés près de Damiette, ni d’où venoit le second que Prosper vit à Alexandrie, mais il est certain qu’il n’y a plus aujourd’hui de ces animaux au-dessous des Cataractes. Tous ceux qui ont voyagé en Egypte dans le i8.e siècle, sont d’ac¬ cord à ce sujet , et les savans attachés à notre expédition

DEL5 HIPPOPOTAME. 9

d’Egvpte, qui ont remonté le Nil jusqu’au de-là de Sienne , n’en ont pas rencontré un seul ; ce n’est que cians les pays de l’Afrique, au midi de l’Atlas, et sur-tout au Sénégal et au Cap 1u’on a pu observer l’hippopotame dans ces derniers temps.

C’est du Sénégal que venoient le fétus décrit par Dau- benton, Hist. nat. tome XI, et le jeune hippopotame du cabinet de Chantilly, déposé aujourd’hui dans celui du Mu¬ séum , représenté , suppl. tome III, pl.

C’est du Cap qu’ont été apportés l’hippopotame adulte du cabinet de Levden , décrit par Allamand , Hist. nat. ed. d’Holl. tome XII, p. 28 , et celui du cabinet du Sla- thouder que nous possédons aussi aujourd’hui au Muséum, et qui fut préparé par Klockner, et décrit par lui, Hist. nat. suppl. tome III, p. 5o6 et 3o8.

Enfin c’est au Cap que Sparman a observé l’hippopotame, et que Gordon en a fait la description et les figures pu¬ bliées par Allamand, Hist. nat. ed. d’Holl. suppl. , tome V, pl. 1 et 2 , et ensuite par Buffon , suppl. tome VI, pl. IV et V.

Ces divers travaux n’ont rien laissé à désirer pour la connoissance extérieure de l’animal ; il ne reste qu’à cir¬ conscrire plus rigoureusement les limites des pays qu’il habite.

Outre le Cap et le Sénégal, on sait par Barbot et par beaucoup d’autres voyageurs qu’il y en a quantité en Gui¬ née et au Congo. Bruce assure qu’ils sont très-nombreux dans le Nil d’Abvssinie , et dans le lac Tzana. Levaillant. en a vu dans toutes les parties de la Cafrerie qu’il a par¬ courues ainsi l’Afrique méridionale en est peuplée presque par-tout. Mais n’y en a-t-il que dans cette partie du monde?

C’est une ancienne opinion. Strabon, lib. XV, p. 1012, A. ecl. Amsterd. 1707, sur le témoignage d’Eratosthènes> nie déjà qu’il y en ait aux Indes , quoiqu’il avoue qu Onésicrite l’eut affirmé. Aucun voyageur accrédité n’a en effet rapporté depuis qu’on en trouvât sur le continent de l’Inde, même au-delà du Gange; et je ne sais sur quelle autorité Linnæus le croyoit et l’a dit dans ses éditions X et XII; M. Faujas paroissoit donc autorisé à ne point y admettre l’existence de l’hippopotame ; mais il n’auroit pas du étendre sa négation à l’Asie entière : car M. Marsden,. auteur de considération , assure qu’on le trouve dans l’îlé de Sumatra. Flist. of. Sumatra, 1784.

C’est une question importante pour la zoologie et pour la théorie de la terre ; il sera sur-tout intéressant de savoir, au cas qu’il y ait quelque chose d’exact dans l’assertion de M. Marsden, si cet hippopotame de Sumatra ressemble en tout à celui d’Afrique? Ce seroit une chose très-remar¬ quable et peu d’accord avec ce qu’011 sait d’ailleurs de la répartition géographique des grandes espèces.

Peut-être cet hippopotame de Sumatra et le succofyro de Java, représentépar Neuhof, ne sont-ils qu’un seul et même animal, un peu défiguré par l’un de ces auteurs, et mal nommé par l’autre. Quoiqu’il en soit, cette recherche est la plus curieuse que puissent faire les naturalistes qui se trouveront dans ces contrées éloignées.

Jerne me suis occupé dans ce qui précède que dès travaux relatifs à l’extérieur de l’hippopotame; ce qui concerne son anatomie est infiniment moins complet.

Nehemias Grew publia le premier une figure de l’ostéo-

DEL’ fil P P O P O T À M Ë. 11

iogiede la tête avec quelques remarques , dans son Muséum regalis societatis , imprimé en 1681.

Antoine cle Jussieu donna de la même partie , des li¬ gures meilleures et une description plus détaillée dans les mémoires-de l’académie pour 17-24. Il y ajouta des détails sur les dents et sur l’ostéologie des doigts de devant.

Daubenton donna en 1764, dans le XIe volume de l’his¬ toire naturelle, une figure et une description encore meil¬ leures de la tète, l’ostéologie des doigts de devant et de der¬ rière, et celle du deuxième rang du carpe, le tout d’après des adultes; et comme il avoit eu, en 1762, occasion de rechercher l’origine de quelques os fossiles, et particulière¬ ment d’un fémur de l’animal de l’Ohio, il enleva le fémur d’un fétus d’hippopotame qui étoit au cabinet , le décrivit et le fit graver pour montrer que ce n’étoit pas à lui que ressembloit celui de l’animal fossile.

Cependant ces trois auteurs négligèrent d’examiner assez attentivement et de décrire en détail les dents; Daubenton alla jusqu’à trouver à celles de l’Ohio et de Si more , une analogie avec celles de l’hippopotame qu’elles n’ont cer¬ tainement point ; il intitula même celles qu’on trouve à Simore, dents hippopotame. Desc. du cab. du roi, dans l’Hist. nat.,tome XII, in-4.°, p. de 74 à 78.

Pallas ayant reçu de Sibérie des dents semblables à celles de l’Ohio, et voulant vérifier ce que leur comparaison avec celle de l’iiippopotame avoit de réel, demanda à Camperèten obtint une bonne figure de dent mâchelière qu’il fit graver dans les mémoires de Pétersbourg , pour 1777 , part. II , pl. VIII, fig. 3, afin de montrer combien elle différoit de celles de ces grands animaux fossiles.

Enfin BufFon dans les notes justificatives de ses époques

12

OSTÉOLOGIE

de la nature, imprimées en 1777, suppl. tome V, pl. VI, lit encore représenter une molaire d’hippopotame , clans la même vue que Pallas, c’est-à-dire, pour prouver combien elle diffère de celles de l’animal de l’Ohio, lorsque celles-ci ne sont point usées. Il est vrai qu’au même endroit il regarde d’autres dents de l’Ohio qui avoient changé de forme par la trituration, comme étant desdents d’hippopotame ; mais c’est une erreur particulière dont nous parlerons ailleurs.

Voilà l’exposé complet de tout ce qui est parvenu à ma connoissanoe sur l’ostéologie de ce grand quadrupède ; à la vérité, il y avoit déjà , dans ces documens, des moyens suffi- sans de reconnoître plusieurs morceaux fossiles , tels que toutes les espèces de dents, les fragmens de tète, etc.; et comme il existe de ces morceaux dans les collections, tout autant que de ceux des autres parties du corps dont l’ostéclogieétoit encore inconnue, 011 n’auroit pas mettre en doute l’existence des os fossiles d’hippopotames, comme l’a fait mon célèbre collègue Faujas-de-Saint-Fond , dans ses essais de géologie.

Quoique je fusse parfaitement convaincu de l’espèce des fossiles en question, je sentis cependant que je sero-is mieux en état de mettre la vérité danstout son jour, lorsque le squelette entier de l’animal seroit connu; et après plusieurs efforts pour m’en procurer un d’adulte, efforts qui n’ont point encore obtenu de succès ; voyant que la suite de mes recherches sur les quadrupèdes fossiles exigeoit que je m’occupasse enfin de cet objet, je pris le parti auquel Daubenton avoit eu recours dans une occasion semblable. Il avoit extrait un seul os d’un corps de fétus; je fis préparer le reste du squelette; mais comme

DE L’HÏTPOPOTAME. \9

les parties non encore ossifiées se seroient raccornies par le dessèchement, et anroient perdu leur vraie forme, je fis conserver le tout dans la liqueur. De cette manière, j’ai obtenu, à peu de chose près, la forme de tous les os , la tète exceptée , et j’en ai composé la figure de squelette que je donne au public. La tète étoit trop grande à proportion, et comme les dents n’y étoient pas toutes sorties de l’al¬ véole, ni les sinus développés, sa forme étoit très-diffé¬ rente de celle de l’adulte. J’y ai suppléé en la remplaçant dans ma figure de squelette par une tète dessinée d’après l’adulte; il ne falloit , pour cela , qu’estimer jusqu’à quel point celle-ci devoit être réduite pour l’adapter à mon petit squelette; ou, ce qui revient au même, combien la longueur de la tète est comprise de fois dans celle du corps entier de l’adulte; les dimensions extérieures données par divers auteurs, et les individus empaillés d’hippopotames , à ma disposition , me donnoient bien cette proportion, mais je ne la trouvois pas égale par tout.

Par exemple , selon Zerenghi , le corps entier a n\ 2 La tète, 2'. 4"., ou un peu plus d’un cinquième.

Selon Columna, i3. 3. ou un peu moins du quart.

Lafigurede Columna, fait la tète au corps comme 2 ày.

Selon Daubenton, pour le fétus , 1'. 3". 7 5". 3'". ou plus du tiers.

L’hippopotame de Leyden selon Allamand, 9. 4". 8"', 1'. n". ou un peu moins du quart.

L’hippopotame de La Haye selon Klokner, 13.— 2.9. id.

La figure du petit hippopotame de Chantilly, fait la tête au corps comme 1 à 4*. .

2. 8’. , presque

i4 OSTÉOLOGIE

Selon Gordon , le mâle , 1 ir. 4". 9". comme selon Zerenghi.

La femelle, il. 2. 4. ici.

D’après ces différentes proportions, je crus pouvoir, sans beaucoup m’écarter du vrai , donner à la tête à peu-près le quart de la longueur totale, la queue non comprise, et ce fut sur ce pied que je dessinai mon squelette.

Quant aux dimensions effectives des différentes parties , il n’auroit pas suffi de donner celles actuelles de mon petit squelette de fétus. lime parut plus commode pour le lecteur de calculer celles que l’adulte devoit avoir, et pour cet effet, je supposai que la tête de cet adulte auroit 60 centi¬ mètres , comme elle les a en effet souvent ; je m’en fis alors une échelle à laquelle je rapportai les autres parties. Je crois que de cette manière je n’ai pu m’écarter beaucoup des proportions réelles.

Dimensions absolues d’une tête d’hippopotame adulte en

mètres.

NOMS DES PARTIES.

Depuis le sommet de la crête occipitale jusqu’au bord de l’ouverture

extérieure des narines , partie supérieure. . o,53o

Depuis le même endroit, jusque vis-à-vis le bord alvéolaire des in¬ cisives moyennes . o.24o

Du bord supérieur d’un orbite à l’autre . o,24o

De la partie la plus saillante d’une arcade zygomatique à l’autre . . o.4oo

Largeur de la crête occipitale . o,rgo

Largeur de la tête prise en-dessus , vis-à-vis des trous sous-orbitaires 0,120

Largeur de la tête prise en dessus, de l’alvéole d’une canine à l’autre o,3oo

Même largeur prise, en-dessous , de la partie la plus extérieure de la tubérosité qui répond aux deux canines d’un côté , à celle du côté

opposé . , . 0,200

Hauteur de la tête prise vis-à-vis le trou sous-orbitaire , depuis le bord alvéolaire . o,i3o

DE L’HIPPOPOTAME, i5

Distance de l'extrémité de l’apophyse zygomatique de l’os de la pometle

jusqu’au bord du trou sous-orbitaire . - . 0,270. mètres.

De cette même extrémité à la partie moyenne de la crête occipitale . 0,260.

Diamètre des orbites . 0,070

Profondeur de la fosse zygomatique prise depuis la face interne de la

partie de l’arcade la plus éloignée du crâne, jusqu’à celui-ci . . 0,160

Hauteur de la tète prise du bord supérieur du trou occipital, au mi¬

lieu de la crête du même nom . . 0,1 4o

Largeur de la tête dans le même endroit , prise d’un angle inférieur

de la crête occipitale à l’autre . 0,280

Hauteur du trou occipital . o,o4o

Largeur du même trou . o,o.5o

Longueur du bord alvéolaire des molaires . . 0,260

Distance de l’extrémité antérieure du bord alvéolaire des molaires,

à l’alvéole de la canine. . ... . . ... . ... . . .0,110

Du même endroit à l’alvéole de l’incisive moyenne . 0,170

Du trou occipital à l’épine postérieure de la voûte palatine. . . . o,i5o

Hauteur de l’ouverture des arrières narines . o,o5o

Largeur . 0,070

Mâchoire inférieure.

- i

Largeur de la mâchoire prise du bord alvéolaire d’une canine à l’autre. 0,620

Largeur du bord alvéolaire des incisives . . 0,170

Distance d’un condyle à l’autre , prise de la partie la plus extérieure de

chaque condyle . . . o,35o

D’une apophyse coronoïde à l’autre. . . 0,220

Intervalle entre une apophyse coronoïde et le condyle du même côté. 0,090 Hauteur des branches de la mâchoire , prise depuis l’angle jusqu’au som¬ met du condyle . 0,600

Longueur de la mâchoire depuis le bord supérieur de l’alvéole d’une canine , jusqu’à la partie la plus reculée de la branche du même côté. o,5io

Longueur du bord alvéolaire des molaires . 0,290

Distance des angles inférieurs o,35o

OSTEOLOGIE

16

r. w

Mesures du squelette de V hippopotame.

NOMS DES PARTIES.

Dimensions abso-

Dimensions con-

lues du fétus.

dues pour l’adulte.

Longueur du col . .

o,o65

Du dos .

0,1 4o

Des lombes .

Depuis Türilice de l’os sacrum jusque vis-à-vis

o,o55

la tubérosité de l’iscliion .

0,090

Total .

o,35o

La tête, si l’animal étoil adulte, devroit être un peu

moins du quart .

0,080

Elle est réellement de . . . .

0,1 3o

Celle d’un adulte est de .

Pour avoir les dimensions des os de l’adulte , il faudra les supposer à celles du fétus, comme 60 à 8, c’est-à-dire, multiplier les dimensions cor¬ respondantes du fétus par 7 f.

Longueur de I’ojioplate depuis le bord supérieur

0,600

de la cav. cot. jusqu’à l’angle post. sup. . .

Depuis le bord infér. de cette cav. jusqu’à l’angle

o,o65

JD

OO

postérieur inférieur. . . , . .

o,o55

0,412

Longueur du bord compris entre les deux angles

postérieurs. . . . . . . .

o,o3o

0,225

Largeur du col. . .

o,oi 5

0,1 12

Longueur de l’épine ..........

o,o44

o,33o

Elévation de l’épine .

0,007

0,002

Longueur de la cav. cotyl .

0,016

0,120

Largeur . . ■. .

Elévation de l’apopli. cor. au-dessus du bord de la

0,01 3

0,097

cavité . . .

Longueur de I’humérus ; sommet de la grande, tu-

o,oi4

0,1 o5

bérosité jusqu’au lias du condyle externe . . .

0,070

0.525

Diamètre antéro-postérieur de sa tête supérieure .

o,o3o

0,225

Diamètre transverse . .

0,020

0,1 5o

Diamètre de la tête inférieure d’un condyle à l’autre

0,020

0,187

Largeur transverse de sa poulie articulaire . . .

0,020

0, i5o

\

DE L’ HIPPOPOTAME,

*7

ROMS DES PARTIES. Dimensions abso¬

lues du fétus.

Diamètre antéro-postérieur de la gorge la plus

étroite de celte poulie . . 0,0 il

Diamètre du segment de sphère qui forme la facette

arthrodiale de sa tète supérieure . 0,018

Diamètre de l’endroit le plus mince de l’os. . . 0,010

Distance de cet endroit au sommet de la grande tu¬ bérosité . o,o35

A la jointure de l’épiphyse au bord postérieur . 0,024

Longueur du cubitus. . . o,o65

De sa facette sygmoïdale . 0,01 4

De l'olécrane; du bord postérieur de l’articulat. 0,016

Hauteur de l’olécrâne . 0,020

Longueur de la facette carpienne . o,oo5

Longueur du radius . o,o45

Grand diamètre de sa facette humérale . . . . 0,019

Petit . 0,010

Grand diamètre de sa face carpienne .... 0,019

Petit . 0,010

Diamètre du milieu de l’os . 0,007

Largeur de la crête antérieure de l’os des îles entre

ses deux épines . o,o5o

Distance entre son épine antérieure et le bord an¬ térieur de la cavité colyl . o,o3o

Endroit le plus étroit du col . o,oi3

Diamètre de la cavité colyl . 0,020

Distance entre le bord postérieur de la cav. cot. et

la tubérosité de l’iscuioN . . ... . . . o,o35

Distanoe entre son bond inférieur et l’extrémité

antérieure de la symphise . 0,020

Longueur de la sympliise . o,o32

Longueur du trou ovalaire . 0,021

Largeur . 0,012

Distance entre l’extrémité postérieure de la sym¬ phise et la tubérosité de l’iscbion . 0,021

Distancéentre les épines externes de l’os des îles 0,100

Dimensions con-' clues pour l'adulte.

0,082

0,1 35 o,o75

0,262 0,18» 0/187 o,io5 0,120 0,1 5o

0,037

0,122

0,075

0,122

0,075

0,052

o,375

0,225

°)°97

o,i5o

0,262

o,i5o o,24o 0,157 0,090

0,1 57

o,75o

3

- O 3 T É O L O G I E

N. O MS DES PARTIES» pijpeûsioïis abso-

lues du l'é tus.

Distance d’une épine de Fiscliion à l’autre . . . 0,021

Distance des deux tubérosités isçhiatiques . o,oi5

Plus grande largeur de l’os sacrum à sa face antér. o,o42 Longueur du fémur, du sommet de sa tète supé¬ rieure au bas du coudoie interne . 0,080

Plus grande largeur supérieure de la plus grande

saillie de la tête à celle du grand, trochanter . 0,028-

Diamètre delalète. » . . . . . 0,016

Diamètre du col dans le sens de la longueur de l’os o,oi5 . D’avanten arriéré . . . ... ... . . . 0,010

. A sa face supérieure ............ 0,006

Plus grande largeur inférieure entre les deux.con-

dyles . . . . » . » . . . .. 0,028

Distance entre le hord postérieur du cond. lut. et

l’angle ant. int. de la poulie articulaire . . . o,o36

, Entre le bord post. du cond. ext. et l’angle ant.

ext. de la poulie . 0,028

Longueur de la poulie articul. ............ . 0,021

Largeur .. . . . - ...» . . o>oi5

Diam. de l’endroit le plus mince de l’os . . . 0,010

Longueur du tibia depuis le milieu de sa tète su¬ périeure jusqu’au milieu de l’inférieure . . .. o,o5s

Diamètre transverse de sa tète sup. ..... 0,028

. Antéto-postér. entre ses deux facettes aticulaires. 0,020

Longueur de la face externe . . . .. 0,022

« Interne .............. 0,022

Postérieure . 0,021

Diamètre transv. de la tête inférieure. . . . 0,021

Antéro-postérieur .......... 0,0 15

Saillie de la malléole interne vers le bas . . . . 0,0:07

Diamètre transv. de l’endroit le plus mince* . . 0,01a

Longueur du perché .......... o,a42

Longueur du calcanéum. . . o,o32

De sa saillie postérieure . 0,018

De sa plus grande facette astragalienne . » . 0,0 1 4

Diraeû&îorts con¬ clues pour Tadulte.

0,157 0,1 12 o,3i5

0,600

0,210

0,120

0,112

0,0/5

o,o45

0,210

0,27©

0,210 0,1-57 0,1 12 o;o 7 5

0,390-

0,210 0,1 5o

0,157 0,157' 0,1 12 o,o52 0,075 o,3i 5 0,240 0,1 35 o,io5

DE L’ HIPPOPOTAME.

19

NOMS DES PARTIES.

Dimensions abso- Dimensions cou-

lues du fétus.

dues pour l'adulte.

Largeur . .

0,009

0,047

Longueur de la plus petite .

0,007

o,o52

Largeur . .

o,ooi

o,o3o

Longueur de sa facette cuboïdienne .....

0,010

0,075

Largeur .

o,oo4

o,o3o

Longueur de 1’ astragale .

0,020

0,1 5o

Largeur .

0,0 16

0,120

Hauteur . .

0,01 1

0,082

Largeur de la portion cuboïdienne de sa poulie in¬ férieure . .

0,011

0,082

De la scaphoïdienne .

0,01 1

0,082

Largeur du cuboïde . . .

0,01 3

0.097

Longueur .

0,01 1

0,082

Epaisseur .

o,oo5

0,037

Largeur du scaphoïde .........

0,008

0,060

Longueur .

0,010

0,075

Epaisseur . . .

©,oo3

0,022

Longueur des deux grands os du métatarse . .

0,024

o,o3o

Largeur au milieu .

0,007

o,o52

Longueur des deux petits .

0,016

0,120

Largeur au milieu . .

o,oo4

o,o3o

Longueur des deux premières Phalanges du milieu .

0,012

0,090

Des deux latérales .

0,010

0,075

La tète de l’hippopotame est d’une forme

très-extraor-

àinaire 5

i.° Par la ligne droite du cliamfrein , depuis la crête occi¬ pitale , jusqu’au bord du nez, a,b , pl. I , fig. 1 ;

2,.0 Parla saillie des voûtes orbitaires en deux sens, sa¬ voir, au-dessus de cette ligne droite c, c, ib., de manière que les yeux sont très-relevés, et en dehors de la ligne moyenne, de manière que les axes des orbites font avec elle une espèce de croix.

00

OSÎÉOLOGIE

5.° Par îa forme d’abord presque cylindrique du mu¬ seau c , c, pl. II, fig. 2, qui s’élargit ensuite subitement en quatre grosses boursouflures, une de chaque eôté, pour con¬ tenir les alvéoles des incisives, a , pl. Il, fig. 2, et une plus extérieure pour celle de la canine b , ib. Un sillon oblique et profond cl , sépare ces boursouflures, et contient la suture qui distingue l’os incisif du maxillaire.

La racine du museau est aplatie et évasée pour couvrir la partie antérieure des orbites. Cet évasement est formé par l’os lacrymal et la base du jugal. Le lacrymal est beau¬ coup plus large du côté du nez que vers le bord de l’orbite il produit une petite échancrure. Le trou lacrymal est cependant creusé assez dans la profondeur de l’orbite l’os lacrymal se réfléchit.

Les fosses temporales sont si enfoncées que le crâne est encore un peu moins large que la portion moyenne du mu¬ seau, voyez en e , pl. II , fig. 2. Elles laissent entre ellesune crête en ligne droite, et l’angle frontal qui les sépare en avant est très-obtus. Le frontal est concave entre les deux orbites.

L’os de la pomette produit une apophyse aiguë qui s’é¬ lève en arrière de l’orbite, et en termine presque le cercle. Il reste cependant un petit intervalle entre le sommet de cette apophyse et le bord de l’arcade sourcilière du frontal; on sait que les quadrumanes, les ruminans et les solipèdes ont seuls cet intervalle rempli par l’os. Le frontal , après avoir formé l’arcade surcilière, continue de former une crête qui se porte obliquement en arrière, distinguant par sa saillie la fosse temporale de l’orbite. Cette crête se con¬ tinue sur le pariétal et sur le sphénoïde.

- L

DEL’ HIPPOPOTAME. ai

Le pariétal ne s’unit au sphénoïde dans le fond de la fosse, que sur un intervalle de quelques millimètres.

L’arcade zygomatique est droite tant dans le sens longi¬ tudinal d, e, pl. I. fig. 1 , que dans son plan horizontal^ g s pl. II , fig. 2; dans celui-ci elle se porte en dehors à me¬ sure qu’elle va en arrière. Sa partie la plus saillante g est presque vis-à-vis l’articulation de la mâchoire.

La suture qui distingue l’apophyse du temporal de Fos jugal , descend obliquement en arrière depuis l’apophyse post-orbitaire de celui-ci, jusque vers l’articulation de la mâchoire (Voyez d , e , fig. I , pl. 1. ).

Comme la fosse temporale est fort profonde, la distance entre le crâne et l’arcade e , h , pl. II , fig. 2 , est un peu plus grande que la largeur du crâne e, e, ib.

Le trou de l’oreille est excessivement petit , dirigé en haut, et placé tout en arrière de l’arrête supérieure de l’arcade.

Les os du nez sont très-longs et étroits ; ils s’élargissent à leur base par une petite pointe qui se porte en dehors entre le frontal et le lacrymal.

Le trou sous-orbitaire est placé dans le milieu de la partie rétrécie du museau et assez grand. L’ouverture extérieure des narines est verticale et à peu près ronde ; elle n’est entourée que des os nazaux et incisifs.

La face inférieure du crâne, pl. II, fig. 2 , est remar¬ quable par ce singulier élargissement du museau en avant, formé sur-tout par les alvéoles des canines , et parce que les deux séries de molaires sont ou parallèles ou même un peu écartées en avant; cette dernière circonstance n’a lieu^, que je sache , dans aucun autre animal.

22 OSTÉOLOGIE

Le palais est fortement échancré en avant, u, entre les incisives 5 il y a un double trou incisif, v, v) et la suture qui sépare l’incisif du maxillaire, fait ensuite une forte pointe en arrière, u>. L’os maxillaire présente un autre grand trou commence un petit canal qui se termine à un autre trou incisif en y. 11 paroît en général que les énormes lèvres de l’hippopotame exigeoient de gros nerfs pour îc passage desquels ces trous sont pratiqués ; les os palatins avancent jusqu’en z , vis-à-vis l’intervalle de la quatrième et de la cinquième molaire. L’échancrure posté¬ rieure & , répond à la fin de la série des dents. Le sphé¬ noïde n’occupe qu’une petite place dans l’aile ptérigoïde, laquelle est absolument simple II y forme un très-petit crochet, a. le rocher /3 j3 est irrégulier, anguleux, peu sail¬ lant; la caisse ne forme point une grande capsule osseuse, comme dans tant de quadrupèdes ; l’apophyse mastoïde est pointue et courte. En général, toute la partie basilaire du crâne est petite à proportion.

La facette glénoïde du temporal est peu concave, et se porte obliquement de dehors en dedans , et un peu de haut en bas et en arrière.

La forme de la mâchoire inférieure est aussi fort remar¬ quable ; ses deux branches , presque parallèles, a, b , fig. i, pl. II , au lieu de former un rétrécissement à l’endroit de leur réunion , s’y élargissent en un espace presque carré, au bord antérieur duquel, c, cl, les incisives sont implantées sur une ligne droite , et dont les angles e saillent oblique¬ ment en avant pour porter les canines.

Considérée par le côté,la branche de la mâchoire est remar¬ quable par l’angle extrêmement saillant/jpl. I,fig.i, en forme

DE L’HIPPOPOTAME. â3

de demi-croissant qu’elle. fait en-dessous, et qui est déter¬ miné par une large échancrure en demi-cercle, g. Le bord postérieur de la branche montante est singulièrement épais.

Le condyle est en cylindre irrégulier , et descend de dehors en dedans ; les trous pour la sortie du nerf sont au nombre de deux ou trois , au-dessous de la première mo¬ laire, et un peu plus en avant.

Il n’y a point d’animal qui ait besoin plus que l’hippo¬ potame d’ètre étudié à différons âges , pour bien faire con- noitre ses dents molaires; elles changent de forme, de nombre et de position.

Le nombre définitif est de six de chaque coté, en haut et en bas, vingt-quatre en tout; et comme dans le cheval il y en a en avant trois qui se renouvellent , et les trois pos¬ térieures ne se renouvellent point.

Il y a de plus, comme dans le cheval, une dent en avant qui tombe sans être remplacée.

Il y a donc quatre molaires de lait; trois molaires de rem¬ placement, et trois arrière-molaires.

Les trois premières molaires de lait et les trois molaires de remplacement ont une forme particulière, conique et beaucoup plus simple que celle des arrière - molaires.

La quatrième molaire de lait, au contraire, ressemble aux arrière-molaires par sa forme compliquée. Elle est rem¬ placée par une molaire simple; mais comme à la même époque la dernière arrière molaire sort de la mâchoire, le nombre des molaires compliquées reste toujours le même , c’est-à-dire, de trois.

C’est une règle générale que les molaires de lait parti¬ cipent dans tous les animaux de la forme compliquée des

24 OSTÈOLOGIE

arrière-molaires , plus que ne le font les molaires de rem¬ placement; et la raison en est bien simple, c’est que les molaires de lait doivent en partie remplir les fonctions des arrière-molaires qui n’existent pas toutes encore.

Cette forme que je nomme compliquée , consiste essen¬ tiellement dans l’hippopotame en quatre collines coniques, adossées deux à deux , de manière qu’une paire soit devant l’autre, en travers. Ces collines sont creusées chacune, à la face par laquelle elles ne se regardent point, de deux profonds sillons longitudinaux, de manière que la couronne de la dent lorsqu’elle commence à s’user, présente la figure d’un double trèfle pour chaque paire de collines. Lorsque la dé- trition est descendue jusqu’à la hauteur les collines s’unissent, il se forme une figure quadrilobée pour chaque paire; quand les deux paires s’unissent , on ne voit plus qu’un grand carré curviligne occupant toute la couronne de la dent.

Les deux dernières molaires de la mâchoire d’en bas ont de plus que les autres, une colline simple en arrière des deux autres; elle forme sur la couronne, par ladétrition* un ovale placé en arrière des deux paires de trèfles.

Les trois premières molaires de lait ont une forme de cône comprimé par les côtés , aigu et presque tranchant.

Les trois molaires de remplacement qui succèdent aux trois dernières de lait, sont en forme de cône, moins com¬ primé, marqué de deux sillons sur la face externe, de ma¬ nière que la détri tion donne aussi à leur couronne une fi¬ gure lobée.

Les figures i et 2 de la planche II représentent les m⬠choires d’un hippopotame adulte. Il ne reste plus ni en haut ni en bas de vestige de l’alvéole de la première mo¬ laire de lait qui étoit en/'et en g.

25

DE L’ HIPPOPOTAME.

En li , i, h sont les trois molaires de remplacement infé¬ rieures; et en l, m , n, les supérieures.

La troisième d’en bas. Je, est encore peu usée, et celle d’en haut, n, ne l’est pas du tout, parce qu’elle ne fait que sortir de l'alvéole, tandis que la première arrière- molaire , o et p , est fort usée aux deux mâchoires, et ne montre plus ses trèfles ; mais on les voit très-bien dans les deux dernières molaires tant d’en bas, q, r , que d’en haut, s ,t', q , r, montrent de plus le petit talon qui distingue les deux dernières molaires d’en bas de celles d’en haut.

Telles sont les choses dans l’hippopotame qui a changé toutes ses dents. Ce que j’ai dit des autres états de cet ani¬ mal a été observé sur une suite de sept têtes, toutes de dif¬ férons âges , l’on peut observer chaque dent depuis son état de germe, avec toutes ses collines encore intactes, et toutes couvertes d’émail, jusqu’à celui de la détri tion complète.

Nous voilà donc pourvus de moyens de reconnoître les molaires fossiles d’hippopotames, si nous en rencontrons, à quelque âge et dans quelque état qu’elles soient tombées.

Les incisives et les canines sont encore plus aisées à recon¬ noître. Les incisives inférieures sont couchées en avant comme dans le cochon ; elles sont cylindriques , et s’usent un peu en pointe; leur partie radicale ou renfermée dans l’alvéole qui est très-longue , est cannelée longitudinalement dans son pourtour. Les deux du milieu, v, v , fig. 1 pl. Iï, sont beaucoup plus grosses, et trois fois plus longues, quant à leur partie externe , que les deux latérales S'

C’est la position des incisives supérieures qui détermine cette différence. Elles sont courbées, presque verticalement en bas, et les externes, z, fig. 2, sont placées beaucoup

4

26

ÛSTÉOLOGIE

plus en arrière que les intermédiaires £ ; de manière qu’elles ne permettent point aux latérales d’en bas «T,- de se porter en avant.

Les supérieures intermédiaires sont usées sur leur face interne; les latérales sur leur face externe et un peu pos¬ térieure. C’est le contraire pour les incisives inférieures.

Les canines inférieures « , sont énormes, courbées en arc de cercle, triangulaires sur leur coupe , cannelées à leurs deux faces antérieures , et usées sur presque toute la pos¬ térieure.

Les supérieures «T, sont beaucoup plus courtes, égale¬ ment triangulaires, et la détrition produit un plan oblique qui entame leurs deux faces antérieures. La postérieure est creusée d’un sillon profond et longitudinal.

Les douze dents antérieures de l’hippopotame sont au reste toujours reconnoissables au tissu particulier de leur substance osseuse. Elle est de la plus grande dureté, et si bien polie qu’elle soit, on voit toujours sur sa coupe des stries extrêmement fines et serrées, toutes concentriques au contour de la dent. L’émail en est médiocrement épais.

L’hippopotame a donc en tout trente-six dents , savoir.0 huit incisives, quatre canines et vingt-quatre molaires; et en comptant les molaires antérieures qui tombent sans être remplacées , il y en a quarante.

Il y a sept vertèbres cervicales , quinze dorsales , cinq lom¬ baires , trois sacrées, et dix-sept coccygiennes ; quarante-sept en tout.

L’atlas et l’axis ont des formes assez ordinaires dans les grands animaux. La crête supérieure de l’axis est longue et prononcée. Les apophyses transverses des vertèbres sui¬ vantes vont en s’élargissant jusqu’à la sixième cervicale qui

DE L’HIPPOPOTAME. 27

a la sienne très-large et coupée carrément. La septième l’a très-courte.

C’est la troisième dorsale qui a son apophyse épineuse la plus longue; mais il s’en faut bien que la saillie du garrot approche de ce qu’elle est dans le rhinocéros par exemple.

Toutes les apophyses épineuses des vertèbres dorsales sont dirigées en arrière; toutes celles des lombaires, excepte la première , reviennent en avant. Les transverses des lombaires paroissent très-longues ; mais en général , les formes des vertèbres ne sont pas tout-à-fait assezprononcées dans mon fétus, pour que j’en puisse donner une description exacte; je n’ai même pu dessiner d’une manière nette celles de la queue.

Il y a quinze côtes , dont sept vraies et huit fausses. La par¬ tie antérieure du sternum est comprimée en soc de charrue.

L’ omoplate , pl.I, fig. 1, A, et fig. 6 , est facile à distin¬ guer de ceux du Pdiinocéros et de l’éléphant. Il est assez large en arrière ; son épine a , c , fait plus de saillie en avant que par - tout ailleurs; elle y produit une apophyse ou es¬ pèce d’aeromion , a, qui avance plus que sa base son arrête est très-grosse dans le milieu de sa longueur Z>; il y a pour tout bec coracoïde un tubercule obtus e. L’échan¬ crure antérieure /"est assez forte ; la cavité glénoïde g , h, et ib. fig. 5 , est elliptique.

L’ humérus , pl. I, fig. 1 , B, et fig. 2, 3 et 4 a sa grande tubérosité, a , très-élevée, et se divisant en deux lobes dont le postérieur a est plus petit ; la petite b est plus basse; la tète articulaire c se porte très-en arrière et est ovale. La ligne âpre est peu saillante; elle se perd obliquement du dehors en dedans sur le devant de l’os , cl , e , fig. 2 ; le con- dyle externe g est plus saillant que l’interne/’; la poulie ar-

28 OSTÉOLOGIË

ticulaire h est simple, oblique du dehors en dedans, n’ayant qu’une seule gorge peu concave. En arrière, entre les deux condyles, est une fosse pour l’olécrâne très-profonde, mais ne perçant pas l’os. Il n’y a pas non plus au condyle in¬ terne de trou pour l’artère cubitale.

Le radias E, lig. 1 , pl. I, et a , b , fig. 3 , pl. II, est gros et court, un peu aplati d’avant en arrière; sa tète supérieure c,d, fig. 7, ib. est transversalement oblongue , un peu saillante dans son milieu e , ce qui ne lui permet qu’un mou¬ vement de flexion sur l’humérus.

Sa tête inférieure e,f, fig. 4, offre deux facettes obliques g et h, pour les deux premiers os du carpe.

L e cubitus F, pl. I, fig. î, et c, d , pl. II, fig. 5, est com¬ primé ; l’olécrane c est peu prolongé ; la facette sygmoïdale f, fig. 5 et 7 , est étroite. La facette inférieure, pour le troisième os du carpe i, fig. 4, est très petite. Il y a quatre os au premier rang du carpe , en comptant le pisiforme ou hors de rang , h ,l} m , n , pl. II, fig. 5 et 5, et trois au se¬ cond , o , p ,q , fig. 5 et 6. On voit de plus vers r un très- petit os qui est l’unique vestige de pouce. Les faces anté¬ rieures de ces quatre os sont représentées fig. 5 , et les supé¬ rieures, fig. Set 6.11 seroit,je crois, superflu de donner plus d’étendue à leur description verbale ; ce que nous en avons dessiné devant suffire pour les reconnoître.

La facette inférieure des os du métacarpe n’est pas sensi¬ blement en poulie, et doit laisser beaucoup de liberté aux doigts. Celie des premières phalanges est un peu plus creuse; les secondes sont plus larges que longues, et les troisièmes presque en demi-cercle.

Le bassin , représenté à part et de face , pi. III, fig. 7 , s’v trouve placé sens-dessus-dessous par l’inadvertance du

DE L’ HIPPOPOTAME. a9

graveur. On en voit le profil au grand squelette,pl.ï,fig, i,G,H.

Le sacrum a, b , esttrès-large ; la partie externe des os des îles c , cl, esttrès-évasée et presque dans le même plan. Leur partie située en arrière ou plutôt en-dessus du sacrum se relève un peu. Le col de l’os e, e, est large et court, et l'os lui-même est plus large que long; son Lord externe est aussi long que l’interne ; sa face postérieure est concave ; ce qu’on voit de l’antérieure , en n’otant pas le sacrum , est plane. Les pubis f,f, sont peu saillans, de manière que la cavité du bassin est petite. Le diamètre antéro-postérieur gh, est néanmoins plus long d’un tiers que le transverse i k ( cette proportion ne peut se juger dans la figure à cause de la perspective.) Le plan du détroit antérieur est oblique en arrière. La partie postérieure de l’ischion m , m , est fort élargie.

\^e fémur KK, pl. I, fig. 1, et pl. III, fig. 8 et 6, n’a rien de particulier; son grand trochanter a , ne dépasse pas la hauteur de sa tète ô; le petit c est médiocre. Il n’y en a point de troisième comme dans le rhinocéros , le tapir et le cheval. La tète inférieure est fort grosse.

Le tibia L L, pl. I, fig. 1, et pl. III, fig. 1 , est gros et court beaucoup plus aux extrémités qu’ailleurs, et triangu¬ laire par-tout ; seulement son arrête antérieure, a , b , dé¬ rive en dedans vers la malléole interne ô; la malléole ex¬ terne est formée, comme dans le cochon et les ruminans, par un osselet particulière, qui s’articule avec le péroné, le tibia , l’astragale et une facette particulière du calcanéum. Le péronéxl est très-grêle, et fort écarté du tibia par-tout, hors ses deux extrémités.

Le corps de l’ astragale , pl. III, fig. 2 et 5 , est très-court, et l’os fort gros. Sa face inférieure se divise comme dans les

5 o

OSTÉOLOGIE

ruminans elle cochon, en deux gorges, a, b , séparées par une arrête mousse. L’externe a répond au cuboïde ; l’interne b , au scaphoïde. La poulie tibiale c est bien prononcée; il J a à la face postérieure une grande facette cl pour l’articu¬ lation avec le calcanéum, et deux autres à la face externe. Cette face en mon tre de plus une g pour l’articulation avec l’osselet malléolaire, e, lig. I , et il y en a une presque pa¬ reille à la face interne, pour la malléole interne tibiale.

Le calcanéum , pl. III, hg. 6, est assez étroit pour sa longueur; il a en dehors un rebord saillant a, pour son articulation avec l’osselet malléolaire ; à la face interne de cette saillie, est une facette b pour l’astragale ; il j en a une autre grande c, et une plus petite disons celle-ci, est celle e qui termine l’os en l’articulant avec le cuboïde ; elle est étroite.

Le cuboïde , lig. 4 , A, correspond, par sa forme aux deux osprécédens ;sa facette calcaniennea , est plus étroite que l’astragalienne 6; et sa face antérieure c est un peu en équerre. L’inférieure A, fig. 5, offre deux facettes a, b , pour les deux os externes du métatarse.

Le scaphoïde B , fig. 4 et 5 , est petit et mince. Sa face inférieure offre trois facettes dont deux, a et b 3 pour les deux os cunéiformes D et E, fig. 4 , qui répondent aux deux os externes du métatarse , et la troisième c pour un osselet surnuméraire qui tient lieu de pouce, et qu’on voit en F, fig. 4; ce que nous avons dit des doigts dedevant, convient aussi à ceux de derrière.

Je pense que les notes, les dimensions et les figures. que je viens de donner nous mettront en état de reconnoitre les ossemens de l’hippopotame, et de les distinguer dans tous lescasdeceuxdes autres grands animaux , tels que l’elephant, le rhinocéros, la giraffe , etc.

Il VIII

Cuvier del. ( ow{ Seu/p

Gcvier dei. Hl |>p O j)() t £UU© PI . II

SUR LES OSSEMENS FOSSILES D’HIPPOPOTAME.

On ne connoit jusqu’à présent qu’une seule espèce vivante d’iiippopotame, ainsi que nous venons de le voir dans l’article précédent ; mais j’en ai découvert deux fossiles : la première est si semblable à l’espèce vivante, qu’il ne m’a pas été pos¬ sible de l'en distinguer ; l’autre est à peu près de la taille d’un sanglier, mais du reste, ainsi qu’on le Verra bientôt, l’on diroit que c’est une copie en miniature de la grande espèce : la connoissance de cette seconde espèce est entièrement due à mes recherches ; et quant à la première , si son exis¬ tence parmi les fossiles a déjà été annoncée , ce n’est guère qu’aujour d’hui qu’elle est mise hors de doute.

En effet , mon savant collègue Faujas de Saint-Fond, l’ auteur le plus récent sur ces sortes de matières, et l’un des plus habiles qui s’en soient occupés , assure encore dans ses Essais de géologie, tome I, p. 364 et suiv. , qu’il n’a rien vu dans les cabinets qu’il a visités dans ses voyages , ni dans les auteurs quil a consultés, d’où l’on puisse conclure que l’hippopotame se soit trouvé jusqu’à présent dans l’état fossile avec les élé- phans, les rhinocéros et les autres grands quadrupèdes des pays chauds.

x

HIPPOPOTAMES

-2

En parcourant nous-mêmes les auteurs , nous n’y trouve¬ rons pas à la vérité cette disette absolue de renseignemens : mais nous verrons du moins que les hommes les plus savans sont très-souvent tombés dans des erreurs graves en voulant appliquer le nom d’hippopotame à des fossiles qui ne le mé- ritoient point du tout.

Ainsi nous devons reconnoître que tout ce que Daubenton dit de prétendues molaires fossiles (l’hippopotame dans sa Description du cabinet du roi, Hist. nat. , tome XII , in~/j.° sous les n.os AIE VI, BIC VII, MC VIII et MCXIII, se rap¬ porte aux dents de l’animal de l’Ohio, vulgairement nommé mammouth par les Anglais et les Américains ; et ce qu’il dit encore au même endroit de dents pétrifiées cpii ont rapport a celles de i hippopotame , sous les n.os MCIX , MCX , MCXI et BIC XII , se rapporte aux dents d’un autre animal confondu jusqu’à présent par les naturalistes avec celui de l’Ohio, et que je ferai bientôt plus amplement connaître sous le nom âi ani¬ mal de Simorre.

Je me suis assuré de ces deux points, non seulement par la description même de Daubenton , mais aussi par l’inspection actuelle des pièces qui sont encore aujourd’hui conservées au Muséum.

Blais il n’en est pas de même des n.os BICII et BICIV, dont le premier est une portion de mâchoire contenant deux mo¬ laires, et l’autre une molaire isolée. Ils appartiennent bien réellement à l’hippopotame ordinaire, ainsi que nous le verrons plus bas; ils sont de plus bien réellement fossiles, et portent toutes les marques d’un long séjour dans l’intérieur de la terre: leur consislauce est altérée; leur tissu est teint par des matières

FOSSILES.

3

ferrugineuses; l’émail de la première de ces pièces est coloré en noir , comme il arrive très-souvent aux dents fossiles : on y voit des restes de la couclie terreuse dans laquelle ils ont été trouvés; en un mot, il n’y manque qu’une indication du lieu de leur origine , indication à laquelle meme nous suppléerons un peu plus bas par des conjectures très-vraisemblables.

Pierre Camper a aussi parlé de dents fossiles d’hippopo¬ tame, mais il paroit être tombé dans une erreur semblable à celle de Daubenton : voici son article sur ce sujet. Il est tiré des Mémoires del’acad. de Pétersbourg,NovA acta, II, 1788, page 258. » In Museo britannico ( écrit-il à M. P allas J , ad » amussim delineavi molarem dentem medium hippopotami » gigantei , qui superat quater maximum ilium molarem » cujus jiguram à me delineatam descripsisti , tab. VIII , » Act. acad. petrop . I , part. II, p. 21 4 » Et Camper ne pou- voit entendre ici une dent de l’animal de l’Ohio, parce qu’il parle avec détail de ce même animal une page plus loin , et qu’on voit d’ailleurs qu’il le connoissoit très-bien , puisqu’il l’avoit expressément distingué de l’hippopotame, dès 1777, dans les Acta, II.me part. pag. 219.

Comme je n’ai pu me procurer aucun renseignement direct sur cette dent gigantesque, j’en suis réduit à des conjectures. Les dents de l’animal de Simorre, ainsi que nous le verrons dans un autre endroit , présentent , à une certaine époque de leur détrition, des figures de trèfles qui ressemblent en grand à celle des hippopotames; et comme Camper n’avoit encore aucune idée des différences qui distinguent l’animal de Simorre de celui de l’Ohio, il a pu se tromper sur une dent isolée. Quoi qu’il en soit, celle dont il parle en cet endroit ne pour¬ rait venir dans aucun cas de notre hippopotame vulgaire , puisqu’elle est quatre fois plus grande.

4

HIPPOPOTAMES

Merck paroît avoir donné dans la même erreur que Pierre Camper. Voici ses paroles , I.ere lettre, p. 21 , note. « Je possède une dent molaire trouvée dans les environs de Francfort , sur le Mein, exactement ressemblante à celle d’un hippo¬ potame , dessinée dans le tome /.er des Epoques de la nature x de M. de Buffon, pl. III Or cette planche III représente une dent intermédiaire de l’animal de l’Oliio , dont les sommets sont un peu usés.

M. Deluc , Lettre géol. IV, p. 4i 4 1 parle d’une dent d’hippo¬ potame trouvée parmi les produits volcaniques des environs de Francfort ; mais M. Merck nous apprend, III.Jne Lettre , p. 20, note, quelle n’étoit que de rhinocéros.

Nous trouvons , à une époque plus ancienne, quelque chose de moins incertain sur le même sujet : c’est un passage d 'Antoine de Jussieu , dans les Mémoires de l’académie pour 372/j. Après y avoir décrit et représenté en détail une tète de véritable hippopotame, il ajoute:

« La vue des ossemens de cette tête et de ces pieds m’en a » fait reconnoître d’abord de semblables pétrifiés , trouvés » parmi un nombre de pierres figurées qui sont dans le terri- » toire de Montpellier, au lieu qu’on y appelle la Masson.

» Ces découvertes dont M. Chirac a été témoin nous em- » barrassoient d’autant plus, que ne trouvant ni dans le crâne )> du cheval , ni dans celui du bœuf, que nous leur comparions , » aucune ressemblance, nous 11e savions à quel animal les » attribuer; et ce n’est que la vue des dépouilles de celui-ci qui » nous convainquit que ces ossemens pétrifiés avoient été » ceux de l’hippopotame. »

Quoique Antoine de Jussieu n’ait donné ni figure ni des¬ cription particulière de ces fossiles , la manière dont il en parle,

FOSSILES.

ï endroit il en parle, après avoir décrit une véritable tète, et ayant pour ainsi dire à la fois les os frais et les fossiles sous les yeux, ne permet guère de douter que ces derniers n’aient réellement tout-à-fait ressemblé à ceux de l’animal auquel il les attribue; j'ai meme tout lieu de croire que ces morceaux observés par Chirac , et par Antoine de Jussieu sont préci¬ sément les memes que Daubenton a indiqués sous les n.os MOI. et MOV , et que je décrirai plus bas. Chirac , alors intendant du Jardin du roi , les ayant eus à Montpellier, les aura apportés à Paris , et déposés au cabinet , Daubenton les aura trouves ensuite sans autre indication.

Les dents que Charles JSicolas Lang avoit données quel¬ ques années auparavant pour des dents d’hippopotame, dans son Historia lapidum Jiguratomm Helvetiœ , imprimée en 1708, pl. XI, tig. i et 2, ne sont pas dans le meme cas que les précédentes : ce sont de simples dents de cheval. Fig. 1 est un germe non encore sorti de la gencive, et fig. 2 , une vieille dent usée. Les lithologistes se sont très souvent trompés sur les dents de cheval , quoiqu’elles appartiennent à un ani¬ mal si commun. Nous le verrons plus en détail dans un autre article.

Je trouve encore dans un auteur presque de nos jours un morceau attribué à l’hippopotame, qui me paroit l’ètre tout aussi faussement que ceux de Lang : c’est celui que cite le catalogue du cabinet de Davila, tome III, p. 221 , art. 296. \ oici ses termes .

« Une mâchoire d hippopotame pétrifiée et enclavée dans sa >1 matrice de pierre à plâtre des environs de Paris , la mâchoire )) inférieure conserve cinq de ses dents molaires, dont les racines sont engagées en partie dans leurs alvéoles , et en partie

6

HIPPOPOTAMES

« découvertes. La mâchoire supérieure est presque entièrement » détruite , et n’offre plus que l’empreinte des autres dents >1 molaires opposées à celles de l’inférieure; celles-ci conservent » leur émail verdâtre , et sont semblables d’ailleurs aux dents » de l’hippopotame dont M. de Jussieu a donné la ligure dans >> les Mémoires de l’acad. des scienc. Cette mâchoire porte un » peu plus de 6 pouces de longueur sur 4 de hauteur. »

Je connois assez les fossiles contenus dans nos pierres à plâtre pour pouvoir assurer qu’il n’y a jamais rien qui pro¬ vienne de l’hippopotame; d’ailleurs cinq dents de cet animal auroient certainement occupé au moins 8 pouces , et non pas seulement 6 de longueur.

Je suis donc bien persuadé que Davila , ou plutôt son coo¬ pérateur Homé-de-ï Isle , aura eu sous les yeux quelque fragment de mon grand palœotlierium : son idée que ces dents ressembloient à celles des figures d’ Antoine de Jussieu , sera venue de ce que ces ligures ne sont ni assez grandes ni assez précises.

Je présume qu’il en est à peu près de même des os d’hip¬ popotame que M. de Lamétherie dit avoir été trouvés à Mary près de Meaux ; Théor. de la terre , Y, p. 198 , mais dont il ne donne pas de description. Les environs de Meaux sont en grande partie gypseux, et je sais que les os fossiles y sont les mêmes qu’aux environs de Paris.

M. Faujas lui-même a parlé autrefois de dents d’hippopotame. Voici comment il s’exprime dans une lettre à M. de Lamétherie sur les ossemens trouvés par M. de Fay près d’Orléans, insérée dans le Journal de physique de décembre 1794? p- 445 et suivantes.

« Voici quelques détails sur ce que j’ai reconnu de mieux

FOSSILES. 7

» caractérisé dans les restes d’ossemens de la carrière de » Montabusard.

» i.° Une dent pétrifiée d’hippopotame pesant. 8 onces 6 gros >i quinze grains, quoiqu’elle ne soit pas entière, car il en » manque une portion à l’extrémité de la couronne, etc. En « comparant cette dent à celles des pins grosses tètes d’hip- » popotame que possède le Muséum d’histoire naturelle, je » n eu ai trouvé aucune à beaucoup près de la grandeur de » celle-ci : ainsi l'animal auquel cette dent fossile a appartenu » aevoit être trois fois plus gros au moins que l’hippopotame » empaillé qui est dans les galeries du Muséum , et qui vient » du cabinet de la Haie. »

J’ ai examiné cette même dent , et je me suis assuré quelle étoit d’un animal très-différent de l’hippopotame , que je décrirai ailleurs sous le nom d’animal de Simorre.

Au reste, si quelquefois l’on a donné pour os et dents d'hippopotame des morceaux qui n’en venoient pas, il est arrivé aussi que quelques auteurs en ont eu sans le savoir , et les ont attribués à des animaux qui ne les avoient point fournis : de ce nombre est Aldrovande ,De metallicis, lib. IV, p. 828 et suiv. Il représente, tab. VI,fig. 1, une véritable molaire fossile d’hippopotame; la quatrième ou cinquième d’en haut à demi-usée; et fig. 2, une postérieure d’en bas très-peu usée; tab. 'S II en est encore une quatrième d’en haut à demi-usée et un peu cassée en avant : il les donne toutes les trois pour des dents d’éléphant , tandis qu’une vraie molaire d’éléphant représentée, tab. IX, passe à ses yeux pour venir de quelque grande bête inconnue.

Aldrovande est excusable, puisqu’il n’avoit point de squelette de ces animaux; mais comme ses figures sont parfaitement

s

HIPPOPOTAMES

reconnoissables et de grandeur naturelle , on auroit pu aisément rectifier l’erreur de ses indications : et cependant c’est préci¬ sément lui, tout clair qu’étoit son témoignagne, qu’on a le plus négligé de citer dans les listes de ceux qtri avoieut mis en avant des os fossiles d’hippopotame.

Aldrovande ne parle point de l’origine de ses fossiles ; mais il est probable qu’ils venoient, comme ceux que je décrirai plus bas , de quelques-unes des vallées d’Italie.

Aldrovande a donc présenté les objets dont nous nous occupons ici , sans pouvoir leur appliquer leur véritable nom. Camper, Merck , Davda , Lang, Daubenton dans quelques articles, et quelques géologistes récens, ont appliqué ce nom à des objets auxquels il ne convenoit point. Antoine de Jussieu, et Daubenton dans ses n.os MCII et MCIV , sont les seuls qui aient eu le double mérite de nous offrir de vrais objets et de les bien nommer.

Après ce résumé des travaux de mes prédécesseurs , venons à mes propres observations.

i.° Du grand Hippopotame fossile.

Les premiers morceaux qui m’aient averti de l’existence des ossemens d hippopotame parmi les fossiles sont donc ceux du Muséum, indiqués par Daubenton sous les n.os MCII et MCIV.

J’ai représenté le premier, pl. II, fig. i. C’est une portion de la mâchoire inférieure du coté droit , contenant la pénul¬ tième et l’antépénultième molaire. On juge, à l’état peu avancé de la pénultième , que la dernière de toutes ne devôit pas encore être sortie. L’antépénultième est beaucoup plus usée que l’autre. En avant de ces deux dents est l’alvéole d’une

FOSSILES.

9

troisième, dont ne reste que quelques fragmens de racine. Le bord inférieur est cassé sur toute la longueur du morceau. La grande deut a o„o5, et la petite o,o35 de longuem’. La largeur de l’une et de l’autre est de 0,020 à 0,027. Les dents pareilles , mesurées dans un hippopotame ordinaire , ont chacune o,oo5 de plus , c’est-à-dire qu’elles sont à peu près d’un dixième plus longues. L’émail est teint en noirâtre , la substance osseuse , ainsi que l’os maxillaire , en brun foncé.

Le second morceau , pl. II , lig. 2 , est une pénultième molaire d’en haut, dans un état de détrition moyenne; outre qu’elle est devenue un peu friable par son séjour dans la terre, elle a été roulée, et toutes ses formes se sont arrondies; les racines sont cassées ; son émail est jaunâtre , et n’a point la teinte noire du morceau précédent. On pourroit, d’après ces circonstances, douter qu’ils vinssent du meme endroit, et ce que j’ai soupçonné plus haut de leur origine pourroit n’étre vrai que pour l’un des deux seulement.

Le troisième morceau fossile de grand hippopotame cpii se soit offert à mes recherches est du cabinet de feu Joubert, aujourd’hui à M. de Drée. Je lai représenté, pl. I, fig. 2. Celui-ci est de la grandeur des individus vivans ordinaires. C est un fragment de mâchoire supérieure , contenant deux dents précisément dans l’état de détrition elles sont le plus facilement reconnoissables par les trèfles et les autres linéamens de leur couronne : ce sont la dernière et l’avant- dernière molaire du coté gauche.

Ce morceau est évidemment fossile et pénétré d’une sub¬ stance ferrugineuse, mais 11e porte non plus aucune indication du lieu de son origine. Cependant, comme M. Joubert étoit trésorier des Etats de Languedoc, et que sa place l’appeloit

10

HIPPOPOTAMES

souvent à Montpellier , il est très-possible que ce soit qu’il ait acquis ce morceau , et meme qu’il l’ait tiré précisément de ce lieu de la Masson , dont Antoine de Jussieu en av oit déjà eu de semblables. Lors de mon passage à Montpellier eu l’an XI , je m’enquis soigneusement de tous les fossiles qui pouvoient y être dans les cabinets ; je visitai même avec soin celui de mou respectable confrère M. G ou an , et celui de l’Ecole centrale, que dirigeoit alors feu Draparncuid } mais je n’y aperçus aucun ossement d’hippopotame.

Quelque temps après avoir vu ce morceau du cabinet de Joubert , examinant divers fossiles recueillis dans le val d’Arno par M. Miot , aujourd’hui conseiller d’Etat , dans le temps qu’il étoit ministre de France près le dernier grand-duc de Toscane, j’y remarquai un astragale que je ne pus rapporter à son espèce : M, Miot ayant eu la bonté de me le prêter pour l’exa¬ miner à loisir, je vis bientôt qu’il n’appartenoit ni à l’éléphant, ni au rhinocéros ; et comme sa grandeur ne permettoit pas de croire qu’il vînt d’un animal plus petit que ces deux-là, je ne doutai plus qu’il n’appartînt à l’hippopotame.

Sa forme confirmoit cette idée. Elle ressemble à peu de chose près à celle de l’astragale du cochon , et le cochon est cer- ainement de tous les animaux celui qui approche le plus de l’hippopotame par son organisation.

Ces deux considérations ne me laissoient déjà presque aucun doute j mais j’eus le plaisir de trouver une preuve encore plus directe lorsque j’eus fait faire le squelette de fœtus d’hippopo¬ tame que j’ai décrit dans mon article précédent. L’astragale de ce fœtus , représenté dans cet article , pl. III, fig. 2 et 3 , ne présente , la grandeur exceptée , aucune différence apprécia¬ ble avec le fossile.

FOSSILES.

1 1

Je donne des figures diminuées de celui-ci, pl. I, fig. i et l\ : c’est l’astragale du côté droit. Il est vu de face , fig. i , et par son côté externe, fig. 4- Ses dimensions absolues sont les

suivantes.

Longueur de la face externe, de a en b . 0,117.

Hauteur verticale, de c en d . 0,072.

Largeur de sa poiüie tarsienne, de e en / . . . . 0,107,

Distance du fond de sa poulie tibiale , à l’extrémité de farèle intermédiaire de la poulie tarsienne , de

h en g . 0,117.

Largeur de sa poulie tibiale , de i en k . . 0,097.

En comparant ces mesures avec celles que nous avons conclues d’après le fœtus pour un hippopotame adulte de grandeur ordinaire, on voit, article précédent, p. 19, qu’elles ne les égalent pas tout-à-fait.

Cet astragale est à cet égard dans le meme cas que les dents du Muséum décrites ci-dessus. On sait que les natura¬ listes ont long -temps prétendu que les dépouilles fossdes d’animaux surpassent généralement leurs analogues d’aujour¬ d’hui en grandeur : on voit par ces échantillons que cela ne s’applique du moins pas toujours à l’hippopotame.

M’étant ainsi assuré de l’un des lieux l’on peut trouver des ossemens d’hippopotame, je m’empressai décrire à M. F ab- broni, directeur du Cabinet royal de physique à Florence, et savant universellement célèbre par ses qualités aimables autant que par l’étendue de ses connoissances : je ne doutais pas qu’on ne dut trouver parmi les fossiles du cabinet qu’il dirige plusieurs morceaux de la même espèce, et il s’en trouva en effet. ,

M. Fabbroni m’envoya les dessins de trois dents qui ont

ia HIPPOPOTAMES

évidemment appartenu à l’hippopotame. J'ai fait graver ces dessins, pl. I, ûg. 3 et 5, et pl. II ,fig. io.

Le premier , pl. I , fig. 3 , est l’antépénultième molaire , soit d'en haut, soit d’en bas, à demi-usée.

Le second, celui de la pl. I, fig. 5 , est la dernière molaire d’en bas , au moment elle étoit près de percer la gencive ; comme elle n’avoit point encore servi à la mastication , les pointes de ses collines se sont conservées ; son émail n’est point entamé , et ce dessin peut servir pour indiquer la forme des germes de molaires d’hippopotame ; car il n’offre absolument aucune différence, si ce n’est qu’il paroit un peu plus grand : je ne sais si c’est la faute du dessinateur; car M. Fabbroni ne m’a point envoyé de mesure.

Le troisième dessin , pl. II, fig. 10, représente un fragment de défense ou canine inférieure. C’est encore un morceau très - reeonnoissable pour avoir appartenu à l’hippopotame ; aucun autre animal n’a des défenses de cette force ; et l’élé¬ phant, qui les a plus grandes, ne les a ni anguleuses, ni striées : le morse , qui les surpasse aussi , les a bien striées vers la racine, mais non pas anguleuses. Le narval a la sienne droite: comme tordue en spirale par les stries de la surface. Le tissu de la substance osseuse est d’ailleurs très différent. Dans l’éléphant on y voit des traits brunâtres qui se croisent en losanges curvilignes très-régulières. Dans le morse , il y a des grains bruns comme paitris dans une substance plus blanche ; dans le narval , tout semble homogène; dans l’hippopotame enfin, ce sont des stries fines, concentriques au contour de la dent.

M. Fabbroni m’écrit, touchant cette défense, qu’elle diffère de celle de l’hippopotame d’Afrique , en ce que son diamètre a un pins grand rapport avec sa longueur , et parce que sa courbure en spirale est beaucoup plus marquée.

FOSSILES.

i3

Il ajoute qu'on trouve ces dents d’hippopotame de diffé¬ rentes sortes , éparses çà et dans le val cl’Arno supérieur, mais sans mâchoires ni autres ossemens, sur-tout de la lète.

L’astragale rapporté par Miot prouve cependant qu’on découvriroit aussi toutes sortes d’osseméns de cet animal , si on se donnoit la peine de les chercher , ou si on avertissoit seu¬ lement les ouvriers qui font des fouilles ou des déblais pour des chemins, des puits , des fondations, de les recueillir.

Ce n’est que lorsqu’on en aura obtenu un certain nombre qu’on pourra prononcer si l’animal dont ils proviennent étoit entièrement semblable à celui d’aujourd’hui , ou s’il présentoit quelque différence spécifique, comme les circonstances remar¬ quées au fragment de défense pourroient le faire croire.

J’avoue que les molaires et l’astragale que j’ai examinés ne m’ont offert aucune différence suffisante, et il est assez sin¬ gulier que l’animal dont l’existence parmi les fossiles avoit paru douteuse aux géologistes, soit précisément celui dont les dépouilles fossiles sont le plus évidemment semblables aux ossemens du vivant : car nous verrons qu’il s’en faut beaucoup que les éléphans , les rhinocéros et les autres grandes es¬ pèces fossiles que l’on a voulu rapporter aux animaux vivans, leur ressemblent autant que ces morceaux-ci ressemblent à leurs analogues actuels.

2.0 Du petit Hippopotame fossile.

J’ai annoncé en peu de mots cette espèce aussi remarquable que nouvelle dans le programme du présent ouvrage , imprimé chez Baudouin, en l’an IX, par ordre de la première classe de l’Institut. Ma notice étant fort abrégée a paru trop incer-

HIPPOPOTAMES

*4

taine à quelques naturalistes (ij ; j’espère que les détails dans lesquels je vais entrer feront cesser toute incertitude.

Le bloc dont j’ai tiré cette espèce étoit depuis long-temps dans un des magasins du Muséum , et personne n’avoit sou¬ venance du lieu de son origine : il me frappa cependant par la quantité de fragmens d’os et de dents dont il étoit comme lardé de toutes parts ; il ressembloit assez aux brèches os¬ seuses de Gibraltar, de Dalmatie et de Cette, excepté que la pâte , au lieu d’ëtre calcaire et stalactitique , étoit un grès homogène remplissant uniformément tous les intervalles des os y et que les os formoient une portion incomparablement plus considérable de la masse que dans ces brèches.

Il me fallut, ainsi qu’à mes aides, un temps considérable et une grande patience pour dégager une partie de ces os du grès qui les incrustoit : nous employâmes pour cela,pen- dant plusieurs jours , le ciseau, la lime et le burin; nous fûmes obligés de sacrifier plusieurs os pour en conserver d’autres entiers : mais combien nous nous trouvâmes récompensés de nos peines lorsque nous eûmes mis au jour les débris d’un ani¬ mal dont personne n’avoit eu jusqu’à nous la moindre notion !

Je fus long-temps ensuite sans revoir de pierre semblable à cette première-là, jusqu’en ventôse de l’an XI, que, passant à Bordeaux , je visitai le beau cabinet d’histoire naturelle que M. Journu Aubert , sénateur , possédoit , et dont il vient de faire présent à sa ville natale. J’y reconnus au premier coup d’œil un bloc tout semblable à celui que j’avois dépécé au Muséum ; mais il n’y avoit malheureusement pas plus d’indication sur le lieu d’où on l’avoit tiré, et M. Ailiers, professeur d’histoire

(1) Faujas , Essais de géol.I, 566,

naturelle à Bordeaux , qui avoit la charge de ce cabinet , ni M. Journu- Aubert lui-même qui se trouva alors dans cette ville pour présider le corps électoral, 11e purent me donner aucun renseignement là-dessus. Depuis lors M. Journu- Aubert a généreusement fait présent à notre Muséum de ce morceau précieux , et nia mis par-là en état de perfectionner la con- noissance de cette espèce remarquable , en ajoutant d’autres os à ceux que m’ avoit fournis le premier bloc.

Je m’acquitte avec bien du plaisir , au nom du Muséum et au mien, du devoir que nous impose la reconnoissance , en publiant ici le don que cet amateur respectable a fait à la science.

La description que je vais donner des os que j’ai pu dégager fera reconnoitre les blocs pareils qui pourvoient se trouver dans les cabinets , et peut-être que nous obtiendrons ainsi les renseignemens qui nous manquent sur le lieu et sur la position dont ils sont originaires. Il y a peu de points aussi intéressans dans l’histoire particulière des os fossiles.

J’ai eu des dents màchelières de plusieurs espèces , des canines et des incisives ; la lig. 7 , pl. I , représente une des plus grandes de ces màchelières : sa couronne est allongée et présente d’abord une petite partie transverse ensuite une paire de collines, Z>, c, séparée par un profond vallon, d’une autre paire, t/, e , qui l’est, par un second vallon, d’une colline simple,/. La détrition n’a usé ces collines qu’à leur face anté¬ rieure et très-obliquement ; ce qui montre que celles de la dent opposée pénétroient , lors de la mastication , dans les intervalles de celles-ci.

C’est déjà une petite différence de l’hippopotame ordinaire mais, au reste, tous les autres caractères essentiels se retrouvent ici, comme dans la pénultième dent d’en bas de ce grand

i6

HIPPOPOTAMES

animal ; memes quatre collines en deux paires , meme colline isolée en arrière, meme petite saillie transverse en avant : si on ne voit pas bien les trèfles , cela tient à la manière oblique dont se fait la détrition ; elle efface les sillons longitudinaux des collines , et n’en laisse que quelques traces : encore voit-on un peu de cette figure de trèfle en b et en c.

Cette dent a o,o33 de longueur, et 0,016 de largeur.

J’ai trouvé dans le bloc de M. Journu- Aubert le germe de cette meme dent postérieure. Il est représenté, pl. III, fig. 6.

Une seconde de ces dents , pl. I , fig. 6 , est à peu près carrée à sa base, qui est toute entourée d’un collet saillant, c-t sur laquelle s’élèvent deux paires de collines, ou plutôt deux collines transverses, fourchues à leur sommet, et marquées sur leurs faces de sillons, tels, que si la détrition se faisoit horizontalement, elle produiroit certainement aussi des figures de trèfle ; mais quoiqu’elle ne soit que commencée sur cette dent-ci, on s’aperçoit déjà quelle se fait obliquement. Les pointes des deux collines de devant , a , b , ne sont qu’un peu usées en triangle, et cependant la partie voisine du collet, c, est aussi un peu entamée 5 preuve que les parties saillantes de la dent opposée pénétroient dans les creux de celle-ci.

Cette dent a 0,027 , tant en longueur qu’en largeur, au pourtour de sa base.

Une troisième dent, semblable à la précédente, mais plus petite et plus profondément usée ( deux preuves qu’elle étoit placée plus en avant] , est représentée , pl. I, fig. 85 elle n’a que 0,02 en carré : ses deux premières collines, a , Z>, ont déjà confondu leurs disques osseux par l’effet de la détrition ; les deux autres, c, c/, ne montrent encore que deux triangles séparés.

FOSSILES.

*7

Fig.3,Pl. II, est le germe d’une dent qui seroit devenue, avec le temps, semblable aux deux précédentes. Il n’étoit point sorti de la gencive , n’a encore aucune racine , et son sommet est parfaitement intact ; on y voit bien comment les deux collines transversales sont chacune rendues fourchues à leur sommet par deux plans qui font ensemble un angle d’environ 6o°.

La ressemblance de ce germe avec le pareil d’un hippopo¬ tame ordinaire frapperoit le moins attentif : elle est plus grande que celle des dents usées , parce que c’est le mode de détrition qui établit la plus grande différence entre les deux espèces.

La base de ce germe ao,023 en carré 5 celle du germe d’hip¬ popotame ordinaire , que je lui compare , a o,o5 , c’est-à-dire plus du double : elle n’est pas non plus si carrée , et les col¬ lines postérieures y sont un peu plus courtes que les autres.

Voilà bien la dernière molaire du grand hippopotame, et les deux qui la précèdent parfaitement représentées dans le petit ; aucun autre animal ne peut s’offrir à la comparaison , si ce n’est le cochon : ses trois dernières molaires sont à peu près de la même grandeur que celles-ci , et ont aussi quatre collines dans les deux premières , et cinq dans la dernière ; mais ces collines sont sillonnées tout autour, et accompagnées de collines plus petites ou de tubercules accessoires, de ma¬ nière que la couronne de la dent paroit toute mammelonnée : ce qui n’est point du tout dans notre petit hippopotame fossile.

Vous savons, par notre article précédent (Dstéol. de l’hipp. , p. a3), que les trois molaires de devant de l’hippopotame ont une autre forme , et sont plus simples que les trois dernières ; nous en retrouvons d’analogues dans ce petit.

On en voit une, pl. I, fig. 11. Elle est pyramidale , a deux

3

HIPPOPOTAMES

i8

grosses racines, et est usée, comme les molaires, obliquement à sa face de derrière et à sa pointe. La longueur de sa base est de 0,0 17, sa largeur de 0,0 1 3 ; la hauteur de son corps , sans les racines , 0,01 5. Une seconde est représentée , pl. I, fîg. 10 : elle est plus petite, conique, comprimée, et usée seu¬ lement à son sommet. J’en ai encore une autre toute pareille.

Ces molaires antérieures, très-semblables à celles de l’hip- popotame , n’ont rien de commun avec celles du cochon , qui sont comprimées, et à tranchant dentelé.

Mais les dents les plus caractérisées de l’hippopotame ordi¬ naire sont ses incisives et ses canines ; et c’est en quoi notre petit fossile se montre encore parfaitement l’analogue du grand.

Ainsi, les incisives d’en bas sont cylindriques, obliquement couchées en avant , et usées à leur pointe seulement : nous en avons trouvé plusieurs pareilles , à la grandeur près , dans les blocs que nous avons dépécés : on en voit une presque entière , pl. Il, fig. 7. Son diamètre est de 0,01 $ et sa longueur, dans sou état actuel, de 0,08. Fdle répond à l’une des incisives laté¬ rales de l’hippopotame ordinaire , car celles-ci ont 0,023 de diamètre, et 0,1 5 de longueur. Elles sont plus profondément striées à leur surface que celles de la petite espèce 5 leur pointe est aussi plus acérée par la détrition.

Quoique les différents cochons aient aussi les incisives infé¬ rieures très -longues et couchées en avant, on ne peut les confondre avec celles de notre animal, parce qu’elles 11e sont pas cylindriques, mais prismatiques, ou comprimées par les cotés.

Les canines inférieures de l’hippopotame sont courbées en arc de cercle, à coupe triangulaire, et obliquement usées à leurs pointes du côté de leur face concave.

FOSSILES.

T9

Mes blocs m’en ont offert plusieurs de semblables. J’ai représenté l’une des mieux conservées, pl. II, fig. n. Elle se rapporte bien aux autres pour la proportion, car elle a, de même , moitié des dimensions de la dent correspondante de la grande espece, c’est-à-dire 0,02 de plus grand diamètre, etc. 5 elle offre quekpie différence de surface: les canines du grand hippopotame sont striées, ou plutôt cannelées profondément par-tout sur leur longueur; celles-ci sont très-finement striées, et présentent à leur face externe un enfoncement ou espèce' de canal large et très-peu profond, qui règne sur toute leur longueur.

Ces dents seroient plus aisées que les autres à confondre avec les analogues du sanglier ; on les en distingue cependant à ce que leurs angles sont émoussés, et leur courbure plus forte.

Les canines supérieures de fhippopotame prêtent à moins d’équivoque : usées obliquement du côté de leur convexité, arron¬ dies de toute part , creusées d’un sillon longitudinal profond à leur face interne, et d’un autre plus léger à l’externe, elles ne res¬ semblent à celles d’aucun autre animal. Mon petit animal m’en a fourni un tronçon très-caractérisé; c’est le bout de la dent : on y voit les deux sillons et la surface produite par ladélrition. Les dimensions sont encore précisément moitié de celles de l’espèce vivante. Voyez pl. II, fig. 6.

Fig. 9 est un fragment cpii me paroît avoir appartenu à une incisive intermédiaire d’en haut : il y a pourtant quelque dif¬ férence avec l’hippopotame ordinaire. La partie usée, ci , Z», est ici convexe et devrait être concave. Le sillon, Z>, c, n’existe point dans l’hippopôtame.

Je représente encore, lig. 4 9 pl- II, un germe de molaire qui n’a point d’analogue dans l’hippopotame ordinaire. Elle

30

HIPPOPOTAMES

offre deux collines , dont la seconde fourchue , par conséquent trois pointes, toutes les trois assez aiguës.

Ce sera quelqu’une des molaires antérieures que ce petit hippopotame aura eue plus compliquée que l’espèce vivante.

Sa longueur est de 0,02, sa largeur en arrière de 0,01.

J’étois trop pénétré du grand empire qu’exercent les formes des dents sur tout le reste de l’organisation , pour ne pas être persuadé d’avance que tous les autres os de cet animal anroient , avec leurs correspondans de l’hippopotame ordinaire, la même ressemblance que j’observois dans les dents; je fus cepen¬ dant bien aise de pouvoir donner à tout le monde nne nouvelle preuve de l’infaillibilité de ces lois générales de la zoologie, et je mis beaucoup de soin à dégager les portions d’os j’a¬ perçus quelques restes de caractères. Toutes, sans exception, vinrent continuer ce que les dents avoient annoncé.

Ainsi le fragment de mâchoire inférieure , pl. II, fig. 8, quoique fort mutilé , ne l’est point assez pour n’être pas rëcon- noissable par lui-même. On voit , en a , que le bord inférieur commence à descendre pour former ce crochet si caracté¬ ristique dans la mâchoire inférieure de l’hippopotame; en ù, que l’échancrure entre l’apophyse coronoïde c , cl la condyloïde qui manque à ce fragment, devoit être peu profonde, comme elle l’est aussi fort peu dans l’hippopotame. La ligne saillante d , les différentes convexités , concavités et méplats de ce mor¬ ceau sont, en un mot, comme dans le grand animal auquel nous le comparons. La distance des bords , de a en c/, est de o,o45. L’hippopotame, mesuré au même endroit, donne 0,12 , c’est-à-dire, deux fois et deux tiers de fois plus.

J’ai trouvé dans le bloc de M. Journu- Aubert une autre portion de mâchoire inférieure plus considérable , à certains

FOSSILES.

21

égards, que celle-ci, pl. III, fîg. 3 : c’est celle du côté opposé. Elle contient la dernière dent , «, presque entière 5 mais ce qui la rend, précieuse , c’est qu’elle montre une beaucoup plus grande partie du crochet , Z», et sur-tout une portion de son bord postérieur ; car toute la ligne., c d , est entière et sans fracture : on y voit que ce crochet se portoit plus en arrière à proportion que dans l’hippopotame vivant, et que cet endroit de la mâchoire, au lieu de représenter à peu près le quart d'un cercle, ou la moitié d’un croissant, devoit former une sorte de lunule. J ai marqué avec des points le contour que

I on peut supposer à cette partie , d’après ce qui en reste d’entier.

Quoique cette différence de configuration offre bien une distinction spécifique évidente, le tout n’en est pas moins une confirmation de l’identité générique : l’hippopotame ordinaire ayant seul ce crochet parmi les quadrupèdes connus , on devoit bien s’attendre que si l’on venoit à découvrir quelque autre espèce d’hippopotame, on l’y trouveroit aussi 5 mais rien n’exi- geoit qu’il eût précisément les memes proportions.

Ces deux fragmens de mâchoires auroient donc été reconnus pour venir d’un hippopotame , quand meme on n’auroit pas vu une seule des nombreuses dents qui les accompagnoient.

C’est aussi le cas d’un troisième fragment, représenté, pl. III, lig. 6 et 8, également tiré du bloc de M. Journu- Aubert.

II forme le tiers antérieur de la mâchoire d’en bas du coté gauche, et doit avoir appartenu à un très-jeune individu 5 car, en le cassant , on y trouve seulement un germe de dent canine, encore très-creux intérieurement, et contenu dans un alvéole pins large que lui. Néanmoins, cette forme carrée de l’extrémité de devant , qui appartient à la mâchoire inférieure des

22

HIPPOPOTAMES

hippopotames et d’eux seuls, se manifeste déjà clairement dans celui-ci.

Les trous creusés à la face externe pour la sortie des nerfs maxillaires inférieurs sont placés au meme endroit que dans l’hippopotame ordinaire.

La tète inférieure d’humérus, pl. II, fig. 5, est en simple poulie, en «, avec une très-légère excavation latérale vers b. Elle ressemble un peu en ce point à celle du cochon; mais cette seconde excavation seroit plus forte dans ce dernier animal. Elle ressemble encore à celle du cochon par le trou c, produit par la pression de l’ olécrane dans l’extension.

Une autre portion de l’humérus beaucoup plus considérable et mieux conservée , pl. III , lig. 2 , se distinguoit éminemment de l’humérus du cochon par sa ligne âpre , extrêmement saillante en dehors, et commençant très-bas, absolument comme on le voit dans l’humérus de l’hippopotame vulgaire [voyez Ostéol. de l’hipp. , pl. II ,lig. 2, e). Cette portion, qui ne faisoit guère que les deux tiers de l’os, avoit 0,1 3 de longueur.

Les deux coudyles étoient mutilés, et on ne pouvoit en mesurer la distance; mais la largeur transverse de la poulie articulaire étoit de o,o45 : nous l’avons conclue de 0,1 5 pour l’adulte; c’est plus du triple de grosseur, tandis que les lon¬ gueurs ne sont en général qu’un peu .plus que doubles. Ceci revient à la règle établie par Daubenton , et voulue d’ailleurs par les lois relatives à la résistance des corps, découvertes par Galilée: c’est que les grands animaux ont les os beaucoup plus épais , à proportion que les petits : autrement leurs membres ne pourroient les soutenir.

L’astragale, pl. I, lig. 9, tiré du bloc du Muséum, est encore plus caractéristique , s’il est possible. L’arête , a , qui

FOSSILES.

25

divise sa partie inférieure en deux poulies d’égale largeur, ne lui permet d’appartenir qu’au seul genre de l’hippopotame. Les autres animaux qui ont une pareille division ; savoir , les ruminans , le cochon , le rhinocéros et le tapir , ont les deux poulies fort inégales. La giraffe n’en a même point de cuboï- dienne.

La longueur de cet astragale , la seule de ses dimensions restée bien entière , est de 0,0/p. La même dimension , prise dans l’astragale de grand hippopotame fossile représenté pl. I, hg. 1, est de 0,11- ; ce qui équivaut à deux lois et près de deux tiers de fois.

J'ai encore retiré de ce bloc un scaphoïde : il a o,o3 d’avant en arrière, 0,02 de droite à gauche, et porte à sa face mé¬ tatarsienne trois facettes articulaires : une grande , une moyenne et une très-petite 5 ce qui prouve que ce petit hip¬ popotame avoit , comme le grand, aux pieds de derrière, quatre doigts et un vestige de cinquième.

Ce bloc m’a aussi fourni une portion de fémur (pl. III, fig. 1 ) qui a perdu sa tète, la sommité de son grand trochanter, et à peu près son tiers inférieur ; mais on y voit bien la cavité profonde creusée, à sa face postérieure, entre sa tète et son grand trochanter ; l’extrême saillie de la racine de celui-ci , et la position du petit trochanter au bas et dans l’alignement de la racine du grand. Ces caractères, que nous avons exprimés dans notre figure du fémur de l’hippopotame ( Ostéol. de celui- ci , pl. III, fig. 9) se retrouvant , à peu de chose près , les mêmes dans le sanglier , ne donnent pas des distinctions aussi tranchées que les autres 5 mais il n’y a rien non plus qui contredise tous nos résultats précédens.

Il en est de même du fragment de bassin représenté de coté,

HIPPOPOTAMES

H

pl. III , fig. 4 ? et pardevant , fig. 5. Sa cavité cotyloïde a ses bords un peu rompus tout autour, et on ne peut la mesurer exactement ; mais on voit quelle a correspondre au fémur représenté à côté, pl. III , fig. î . L’ aplatissement de l’os des îles à sa face antérieure est aussi très-semblable à celui cpie montre rhippopotame ordinaire. Voyez son Ostéol., pl. III, fig. 7.

Je n’ai point eu d’autres os de ce petit hippopotame ; mais tous les zoologistes conviendront bien qu’il y en a assez pour le caractériser. Je n’ai pas besoin non plus de prouver qu’il est adulte , et que ce n’est point à son âge que sa petitesse est due : l’état de la dentition et de l’ossification le démontrent suffisamment.

Voilà donc encore une espèce bien évidemment distincte de toutes celles que l’on connoît à la surface du globe; on pourroit m’opposer ici, comme pour plusieurs autres, que je compose peut-être un édifice dont les parties n’étoient point destinées par la nature à être rapprochées ; que c’est des os de plusieurs animaux mêlés confusément dans ces blocs que je forme un animal imaginaire ; mais ma réponse est toujours pi’ête. Je ne m’arrêterai point à montrer les rapports naturels de ces divers ps , ni à prouver que leur ensemble s’accorde parfaitement avec les lois qui président à l’organisation des animaux; je m’en tiens à cet argument invincible : c’est que chaque os, considéré séparément , diffère de ceux de tous les animaux connus ; que ce n’est point sur leurs combinaisons que j’établis mes carac¬ tères , et que si par hasard on pensoit que j’en ai réuni d’espèces différentes , on ne feroit qu’augmenter le nombre des espèces fossiles qui ne se retrouvent pas vivantes.

Hippopotames fossiles

I

•njopotames fossiles

Hippopotames fossiles. PL. III.

Fi if -2

DESCRIPTION OSTEOLOGIQUE DU TAPIE.

Le tapir est encore une de ces espèces intéressantes par une organisation singulière , dont les naturalistes se sont trop peu occupés : on n’a rien d’imprimé sur son ostéolo- gie : à peine semble-t-il, à lire les ouvrages les plus récens des naturalistes, que l’on ait quelque chose de certain sur le nombre de ses dents.

Margrave, long-temps le seul auteur l’on trouvât une description passable de cet animal, lui attribuoit quarante dents , savoir dis incisives et dix molaires à chaque m⬠choire , sans canines.

Il est impossible de savoir ce qui avoit pu causer une telle erreur dans l’ouvrage de ce voyageur d’ailleurs si esti¬ mable, mais son assertion a passé dans les livres de tous ses successeurs.

Buffon , dans le corps de son Histoire, n’a fait que copier Margrave; Allamand ajouta dans l’édition de Hollande, une description faite sur deux individus vivans, mais qui ne lui permirent pas d’examiner leurs dents. Bajon , chi¬ rurgien à Cayenne, qui pouvoit observer le tapir aussi souvent qu’il vouloit , répète dans un mémoire adressé à l'académie en 1774, et inséré dans les supplémens de Buffon, tome 6, in-4.°, le nombre de quarante dents; seulement , dit-il, on observe de la variété dans le nombre des incisives ; il annonce aussi l’existence des canines. Il est probable que s’étant aperçu que les dents antérieures n’étoient pas tout-à-fait comme on les décrivoit, il ne poussa

i

4. )

2 OSTÊOLOGIE

pas l’observation assez loin , et n’osa contredire ouverte¬ ment ses prédécesseurs.

Buffon lui-même, qui fit disséquer un tapir sous ses yeux , par M. JMertrucl, négligea d’indiquer le nombre des dents, dans ce qu’il en écrivit dans ses supplémens. Linnæus,Pen~ nant, Gmelin ne firent que s’en rapporter à Margrave.

Mon savant ami M. Geoffroy, est le premier qui ait lait connoître la vérité par rapport au nombre des incisives qui est de six, et à l’existence de quatre canines. Il consi¬ gna ces faits dans le Bulletin de la société philomathique, pour ventôse an IV. Je les reproduisis dans mon Tableau élémentaire des animaux , imprimé en Fan VI. Ils furent confirmés par ce que dit de son côté Don Félix d’Azzara , dans son histoire des animaux du Paraguay, dont la tra¬ duction française a paru en 1801 ; et cependant nous trou¬ vons encore une énumération conforme à celle de Margrave dans la 6.e édition du manuel de M. Blumenbach, qui est de 1799, et dans sa traduction française qui a paru cette année même i8o5 ; nous la trouvons encore dans la zoologie de Shaw, imprimée en 1801, avec un doute fondé seulement sur l’autorité de Bajon ; tant la vérité la plus simple a de peine à se faire jour quand l’erreur s’est une fois glissée dans des ouvrages accrédités.

M. Wiedeman, dans sa courte description du crâne du tapir, archives zootomiques, tom. II , p. 74, s’est borné à répéter ce que M. Geoffroy et moi avions dit des incisives et des canines, (i)

Le fait est que le tapir a quarante-deux dents ; savoir,

(1) Cette description est accompagnée d’une figure de la tête, pl. 1 , f. 4 , que M. Wiedeman a fait copier sur une épreuve que je lui avois donnée il y a long- .emps,de la planche du squelette entier , que je publie aujourd’hui.

D U T A P I R. 3

sept molaires de chaque côté en haut, six en bas, vingt-six en tout; une canine aussi de chaque côté, c’est-à-dire, quatre, et six incisives à chaque mâchoire, en tout douze,

J’ai examiné, pour les molaires, trois crânes entiers; savoir, celui de notre squelette que je vais décrire , et deux que possède mon savant confrère Tenon; et pour les dents de devant, j’ai eu encore les deux animaux entiers qui sont dans la galerie des quadrupèdes du Muséum.

Notre squelette qui est celui d’un jeune individu , n’avoit à la vérité que cinq molaires apparentes en haut, et quatre en bas; mais il nous a été facile de retrouver les huit germes de plus dans le fond des mâchoires.

L’un des deux que possède M. Tenon, est d’ailleurs par¬ faitement adulte, et ne laisse lieu à aucun doute.

Ces molaires avant d’être usées , sont toutes composées de deux collines transverses et tranchantes, presque droites aux dents d’en bas , augmentées dans celles d’en haut à leur extrémité externe, d’un petit retour qui fait un angle avec la ligne principale. Il y a déplus un talon peu élevé en arrière , dans la cinquième molaire et dans les sui¬ vantes.

A mesure que ces dents s’usent, la partie supérieure de la colline s’élargit ; les deux collines se confondent d’abord dans leur milieu : alors la dent présente deux surfaces ellip¬ tiques planes; enfin, elles se confondent tout-à-fait, et la dent est à-peu-près carrée.

Les quatre incisives supérieures intermédiaires sont cou¬ pées carrément et en coin, comme celles de l’homme. Les deux latérales sont pointues, ce qui lésa fait prendre pour des premières canines par Don Félix d’Àzzara. A en juger par les alvéoles d’un crâne adulte , appar-

4 OSTÈOLOGIE

tenant à M. Tenon, elles deviennent même, à un certain

âge, plus grandes que les vraies canines.

A la mâchoire d’en bas, les quatre incisives intermédiaires sont semblables aux supérieures, seulement un peu plus étroites. Les latérales sont aussi en coin, mais de moitié plus petites que les autres, parce qu’elles font place aux latérales d’en haut : elles sont même sujettes à disparoître à un certain âge ; celle d’un côté étoit tombée au crâne du cabinet de M. Tenon, et n’y a voit pas laissé de trace de son alvéole.

Les canines ressemblent assez à celles des animaux car¬ nassiers. Notre figure les montre petites, parce que l’ani¬ mal étoit jeune; mais elles sont plus grandes dans les crânes de M. Tenon. Cependant elles ne sortent jamais de la bouche, comme semble l’indiquer la première figure de Buffon , qui lui avoit été donnée par la Condamine.

L’espace vide entre les canines et les molaires est assez considérable , plus en bas qu’en haut , parce que la canine supérieure se place derrière l’inférieure lorsque la bouche se ferme.

On 'peut voir tous ces faits dans les fig. de notre II.e planche.

2. Est la mâchoire supérieure.

3. La mâchoire inférieure.

4. Un germe de molaire inférieure.

5. Un de supérieure.

On peut y voiren même-temps le profil entier de la tête ; on y est frappé d’abord de l’élévation de la pyramide du crâne, qui rappelle ce qu’on voit dans le cochon ; mais en quoi le tapir diffère beaucoup, c’est que sa pyramide n’a que trois faces, et que sa ligne antérieure est formée par la rencontre des faces latérales. Ce n’pst que vers le devant qu’elle se trouve dilatée en un triangle qui appartient aux

DU TAPIR.

S

os frontaux. Au milieu de la base de ce triangle, à laquelle s’articulent les os du nez, est une pointe qui pénètre entre eux ; et des deux côtés au-dessus des orbites, descend un canal produit par le redressement du bord supérieur de l’orbite qui aboutit vers le trou sous-orbitaire.

La partie du crâne, qui est dans la fosse temporale, est bombée. L’occiput est unpetit demi-ovale extrêmement con¬ cave, parce que la crête occipitaleest très-saillante en arrière.

Les os du nez frappent également, parce qu’ils sont très- courts, articulés à ceux du front par leur base, et à ceux des mâchoires par une apophyse descendante, mais libres et saillans comme un auvent triangulaire sur la cavité des narines. Cette forme , qui rappelle celle de l’éléphant, indique la présence d’une trompe mobile.

Les os maxillaires s’avancent bien au-delà des os du nez, pour former la partie avancée du museau , ils portent les os intermaxillaires, qui (chose remarquable) étoient soudés dans notre individu, quoique très-jeune, et n’en faisoient par conséquent qu’un seul. Ces mêmes os maxillaires forment un plancher sous l’orbite. Le bord inférieur de l’orbite et la moitié de l’arcade sont dus à l’os de la pommette, le reste à l’os temporal. L’os unguis s’avance peu sur la joue, mais beaucoup dans l’orbite. Il y a deux trous lacrymaux

séparés par une apophyse, et dont le supérieur est le plus

-

grand. Le trou incisif est elliptique et très-long. Les fosses nasales postérieures échancrent le palais vers la cinquième molaire. La suture qui sépare les palatins des maxillaires , répond à la troisième. Les palatins contribuent beaucoup à la formation des ailes ptérygoïdes , le sphénoïde très-peu; ces ailes sont simples. Le sphénoïde ne va pas jusqu’au pa¬ riétal dans la fosse temporale.

6

OSTÉOLOGIE

Derrière la cavité glenorde qui répond à l’articulation cle la mâchoire inférieure, estime laine demi-circulaire , des¬ cendant verticalement, dont le bord interne est un peu en avant, et répond à un enfoncement de l’extrémité interne du condyle dont elle gène le mouvement latéral.

La mâchoire inférieure offre une largeur frappante à sa branche montante; toutes les deux sont un peu creusées latéralement à l’intervalle vide de dents.

Les apophyses mastoïdes de l’occipital sont coniques et rentrent en dedans, fi)

L’atlas a ses apophyses latérales élargies, mais peu étern dues; l’épineuse de i’axis estime crête fort élevée ; ses trans¬ verses sont petites et triangulaires : celles des trois vertèbres suivantes descendent obliquement, sont élargies et coupées carrément; leurs épineuses sont très-petites. La cinquième cervicale a une petite apophyse sur son apophyse trans¬ verse, qui du reste ressemble à celle des précédentes : son épineuse est un peu plus longue ; encore plus celle de la septième dont la transverse est très-petite. Les facettes ar-

(1) Longueur de la têle depuis le bord du trou occipital jusqu’aux bords des os

incisifs . 0^2.

Hauteur verticale . . , 0,22.

Distance entre l’occiput et le bout des os du nez . . 0,22.

- - - - Le fond de l’écbancrure nasale et le bord des os incisifs. . o,i5.

Longueur de l’intervalle dépourvu de dents. ......... o,o3.

- La mâchoire inférieure ... ........ 0,26.

Hauteur de son eondyle . rqio.

- - Son apophyse coronoïde . . o,i4.

Largeur de sa branche montante . 0,0g.

Profondeur de l'échancrure postérieure du palais ........ o,o5.

Longueur du trou incisif . . . . o,o5.

Hauteur de l’occiput à compter du bord inférieur du trou occipital. . . 0,08.

Sa largeur . . . 0,09.

Ecartement des deux arcades zigomatiqus o, 1 6;

D U T A P I R. rj

tïculaires des cervicales montent obliquement de dedans en dehors. Il y a vingt vertèbres dorsales ; l’apophyse épi¬ neuse de la seconde est la plus longue ; elles décroissent et s’inclinent en arrière jusqu’à la onzième, à partir de la¬ quelle elles sont droites, carrées et à-peu-près égales. Il y a vingt paires de côtes dont huit vraies : le sternum est com¬ posé de cinq os; sa partie antérieure est comprimée et saillante en forme de soc de charrue. Il y a quatre vertèbres lombaires dont les apophyses transverses sont assezgrandes ; les épineusessont carrées comme celles des/Iernières dorsales,

L’os sacrum contient quatre vertèbres dont les apophyses épineuses sont distinctes et inclinées en arrière : la queue en contient onze. (1)

L’omoplate a une forte échancrure demi-circulaire vers le bas de son bord antérieur; le reste de ce bord est arrondi : le postérieur fait un angle vers le haut , et redescend ensuite un peu concave. Il n’y a ni aeromion , ni bec coracoïde: l’épine finit au tiers inférieur; sa plus grande saillie estait milieu. (2)

La tète de l’humérus est fort en arrière de l’axe de l’os; sa grosse tubérosité est divisée en deux; la ligne âpre est

(t) Longueur de la partie cervicale de l’épine . . 0,2.

Sa partie dorsale . 0,52.

- - Lombaire . . . o, 1 3.

- Sacrée . o,n.

- Coccygiène . . . . . 0,2.

Hauteur de la seconde apophyse épineuse dorsale . o, 1.

- La onzième . , , ...... o,o3.

(2) Longueur de l’omoplate . .' . . . . 0,19.

Plus grande largeur . . 0,10.

Largeur à l’endroit de l’échancrure . o,o?5.

Longueur de l’épine . 0,1 3.

Plus grande hauteur . . . 0,0 3,

8 OSTÉOLOGIE

peu marquée ; les condyles ne sont pas très-saillans : la face articulaire est divisée par une côte saillante en une poulie entière du côté interne, et une demie du côté ex¬ terne; Tune et l’autre répondent à des saillies du radius, de manière que celui-ci n’a point de rotation. Il est même probable qu’avec l’àge, il se soude au cubitus qui reste dans toute sa longueur au bord externe du bras. Le premier rang du carpe est composé de quatre os, dont deux répondent au radius un au cubitus, et un hors de rang. Au second rang du carpe, il y a d’abord extérieurement un os qui répond au second et au troisième du premier rang, et qui porte les deux os externes du métacarpe , puis un qui ré¬ pond au premier os du premier rang, et qui porte le mé¬ tacarpien du médius ; enfin un qui répond encore à ce pre¬ mier os, et qui porte le métacarpien de l’index. On voit à son bord interne une facette qui indique l’existence d’un quatrième os destiné à porter le rudiment de pouce; mais cetosétoit perdu dans notre squelette (i)

La partie évasée de l’os des îles est fort large transversa¬ lement , un peu concave en dehors. Le bord externe de cet os est plus grand que l’interne ; son col est étroit par rap¬ port à sa longueur: les trous ovalaires sont plus longs que

(1) Longueur Je l’humérus . 0,2.

Dislance de l’extrémité postérieure de la tète à l’extrémité antérieure de la grosse

tubérosité . 0,075.

Largeur entre les deux condyles . 0,060.

Diamètre du corps . . . 0,025.

Longueur du radius . 0,170.

Du cubitus . 0,220.

Du carpe . o,o45.

Du plus grand os du métacarpe . . . . 0,10.

D U T A P I R. 9

larges, et l’extrémité postérieure de l’os ischion, finit en pointe, très-écartée de sa correspondante. (i)

Le fémur a son grand trochantère pointu et faisant une saillie en arrière. Outre les deux trochantères ordinaires, il en a un troisième aplati et recourbé en ayant. Les deux bords de la poulie intérieure sont à-peu-près égaux.

Le péroné est courbé en dehors , ce qui l’écarte un peu du tibia. La facette intérieure du calcanéum est petite, et le cuboïde touche à une petite facette particulière de l’astra- galle; il n’y a que deux os cunéiformes : mais on voit, par une petite facette du scaphoïde, qu’il devoit yen avoir un très-petit destiné sans doute à porter un rudiment de pouce ; ou bien c’étoit un os surnuméraire analogue à celui que nous avons décrit dans le rhinocéros j il s’est également perdu dans ce squelette. (2)

(1) Longueur de l’os des îles . o,i3.

Largeur à sa partie évasée . o,i4.

- De son cou . 0,02.

Distance entre les épines des deux os . 0,2.

(2) Longueur du fémur . -- . o,25o.

Largeur en haut . 0,070.

- En bas . 0,0 55.

Diamètre du corps . . . . - . 0,02 5.

Longueur du tibia . 0,200.

Largeur en haut. . o,o65.

- En bas . o,o4o.

Longueur du péroné .... .... . . 0,180.

- Base . 0,110.

Longueur de l’apophjse postérieure du calcanéum . o,o4o.

- L’os métacarpien du milieu . 0,100.

2

ÎO

TAPIRS

SUR QUELQUES DENTS ET OS

TROUVÉS EN FRANCE,

QUI PAROISSENT AVOIR. APPARTENU

A DES ANIMAUX DU GENRE DU TAPIR.

i.° Du petit Tapir fossile.

Le tapir est un de ces animaux qui n’existent pas dans l’ancien continent , au moins depuis que les naturalistes y observent, et qui sont absolument propres au nouveau,

comme les lamas, les vigognes, les cabiais, les pécaris, et en général tous les animaux terrestres de l’Amérique mé¬ ridionale ; car on sait que ce vaste pays ne produisoit au¬ cun des quadrupèdes de notre Europe , ni même de l’Asie ou de l’Afrique, et que toutes les espèces y furent nouvelles pour les Espagnols , lorsqu’ils en firent la découverte.

Cependant le sol de la France recèle des os d’un animal qui, s’il n’étoit pas le tapir lui-même, devoit avoir avec lui les plus grands rapports.

On en doit la coniioissauce aux soins que prenoit feu M. deJoubert, d’enrichir son cabinet de tout ce qui lui paroissoit important pour la théorie de la terre. M. de Drée, qui a acquis et considérablement augmenté ce cabinet, et qui en fait le plus noble usage en l’ouvrant avec la plus aimable facilité à ceux qui croyent pouvoir en tirer des résultats utiles, ayant bien voulu me permettre d’étudier à loisir les os fossiles de quadrupèdes qui s’y trouvent , mon attention se porta d’abord sur deux portions de mâchoire

FOSSILES.

1 1

inférieure , dont je ne méconnus pas long-temps l’analogie avec celle du tapir.

L’une d'elle, Pl.IIIetlJ y', fig. i ,portoit cette inscription :

Alâchoire fossile pétrifiée dont les dents sont converties en agate, trouvée le long des dernières pentes de la Mon¬ tagne JSioire , (1) près le village d’Issel.

Au reste ces dents ne sont pas véritablement agatisées; le brillant de leur émail avoit fait illusion à l’auteur de la note ; elles sont brunes, foncées, luisantes, leur cassure est mat te , noire et couleur de rouille. L’os est teint d’une couleur noirâtre; l’intervalle des branches et des dents est rempli d’un gros sable mêlé de petits cailloux agglutinés par un ciment qui paroit calcaire.

Le côté droit a sa branche montante cassée et emportée en aa; il y a une fissure entre la dernière molaire b et la pénultième c. Du côté gauche , il y a deux fentes: une der¬ rière la troisième molaire le, et une derrière la cinquième /. La troisième , la quatrième et la cinquième molaires h l ni sont cassées au niveau de l’alvéole. Le morceau qui contenoit la sixième n, l’est plus profondément ; il ne reste rien de l’extrémité postérieure de la mâchoire. Les deux canines o p sont cassées : la gauche p l’est plus bas que la droite o; les trois incisives du côté gauche manquent; mais il y en a trois bien entières au côté droit, qrs. Cette mâchoire mesurée au côté droit, est longue de 0,28. Les six molaires y occupent un espace de o,i55; puis il y a un espace vide et rétréci de 0,02, jusqu’à la canine. La lar-

(1) On appelle ainsi une chaîne de montagnes du Languedoc , qui s’étend du sud- est au nord-est, depuis les enyirons de Carcassonne jusque vers le Tarn; Issel est près de Saint-Papoul.

12

TAPIRS

geur entre les deux cinquièmes molaires est de 0,06; entre les deux premières de o,o4.

La dernière molaire b est longue de 0,04; elle a deux hautes collines a , fi transverses, tranchantes, qui du côté externe produisent en avant une arête descendant obli¬ quement en dedans. Derrière ces deux collines en est une troisième moins haute , ou une espèce de talon.

La pénultième molaire c est longue de o,o3 ; elle n’a que deux collines saillantes, déjà un peu usées, et présentant aulieu d’un tranchant , un aplatissement étroit qui s’élargit un peu en dehors. L’antépénultième cl est longue de 0,02b, et cassée à sa face externe. La détrition de ses collines a formé deux triangles dont la pointe est en dedans.

Celle qui précède e , ou la troisième molaire, a en avant une colline transverse, aussi usée en triangle, et en ar¬ rière une autre triangulaire, mais de moitié moins large dans le sens transverse.

La deuxième f a la même forme elle est seulement un peu plus usée que la troisième.

La première g a une colline oblique , une petite pointe en arrière, et une encore plus petite en avant; tout cela est pris du côté droit : les deux canines o p sont cassées, mais on voit qu’elles étoient grosses , coniques, un peu penchées en avant, et recourbées dessus.

Les incisives ne sont pas en coin régulier , mais en pointe oblique.

Les molaires et les incisives ont un bourrelet saillant très-marqué à leur base.

Il j a deux trous mentonniers sous la première molaire du côté droit, t u, pl. IV , f. 1 ; un seul sous celle de l’autre , et un sous la troisième molaire.

FOSSILES.

L'autre portion de mâchoire, pl. III, f 2, ne montre que l’extrémité antérieure ; elle auroit contenu les deux mo¬ laires antérieures de chaque coté, mais elles y sont cassées jusqu’à la racine a b. La canine droite est remplacée par du sablée; la gauche manque tout-à-fait. Il n’y a d’inci¬ sive que l’externe gauche cl. Du reste , ce morceau long de 0,1, large à l’endroit du rétrécissement e /Vie o,o.35 , est du même lieu que l'autre; il est revêtu du même mortier, et teint de la même couleur.

La ressemblance de ces mâchoires avec celle du tapir , devoit frapper quiconque connoissoit celle-ci : même nom¬ bre dans chaque sorte de dent, même forme caractéris¬ tique dans les molaires , jusqu’à l’incisive externe plus petite que les autres, tout rappeloit le tapir.

J’annonçai donc cette mâchoire comme ne différantpoint sensiblement de celle du tapir, dans le Bulletin des^ciences, N.° 34, pour nivôse an VIII; et dans le programme de l’ou¬ vrage actuel , fp. 6 vers le bas ) je commençai à indiquer l'une des différences que j’entrevoyois ; mais il se glissa une faute d’impression à cet endroit , et au lieu de placer cette différence a ux premières molaires , commeelley est en effet, on imprima , les dernières. Cette faute doit être relevée ici, attendu qu’elle a acquis de l’importance, en étant copiée par un auteur célèbre.

VI. Faujas, Essais de géologie , 1. 1 , p. 076, s’exprime en ces termes : « M. de Drée possède aussi dans sa collec- n tion une seconde tète de tapir trouvée dans le même lieu » que la précédente ; elle est d’une grosseur égale à celle )) du tapir ordinaire , mais elle en diffère par la forme » des dernières molaires. »

D’abord on a vu par ce qui précède , que M. de Drée

i4

TAPIRS

ne possède pas une tête, mais seulement une mâchoire in¬ férieure. Ensuite j la différence assignée dans les molaires postérieures j ne vient comme j’ai dit tout à l’heure, que de l’erreur de mon imprimeur. Il est évident que ce sont les antérieures qui diffèrent.

En effet, dans le tapir d’Amérique , toutes les molaires ont leur couronne- divisée en deux collines transversales, d’égale largeur; et l'on voit que dans l’animal fossile, les trois premières dents ont eu, au lieu de collines, des es¬ pèces de pointes ou de pyramides dont l’antérieure étoit plus large que celle qui la suivoit.

Mais lorsque l’on compare avec attention la mâchoire fossile avec celle du tapir vivant , on y voit bien d’autres différences qui confirment celfe des dents, et ne laissent aucun doute sur celle qui existoit entre ces espèces. La principale est à la partie antérieure du museau, beaucoup plus étroite et plus alongée dans le tapir ordinaire , que dans notre animal.

Celui-ci avoit , pour l’intervalle des deux cin¬

quièmes molaires . 0,06

Et pour la largeur de l’espace vide et rétréci

derrière les canines . o,o55

Ces deux divisions sont dans le tapir de . . . o,o5o

Et de . 0,022

Dans le premier cas, la seconde est de A de l’autre, c’est-à-dire moitié plus un douzième : dans l’autre cas c’est près d’un seizième de moins que moitié.

La longueur de cet intervalle vide , promenée sur celle des cinq premières molaires, y va quatre fois et demie dans l’animal fossile, et pas tout-à-fait deux dans le vrai tapir. La première molaire du tapir est plus longue qu’au'

FOSSILES.

cime des quatre ou cinq suivantes ; c’est la plus courte de toutes dans l’animal fossile. Un coup-d’oeil jeté sur les fi¬ gures 1 et 2 de la planche III, i de la pl. IV, et une com¬ paraison avec les figures 1 et 5 de la planche II , dira en un instant à l’imagination, ce que nos mesures lui ap¬ prennent, peut-être plus sûrement, mais aussi plus pé¬ niblement.

S'il est permis , comme je le crois, de juger d’un ani¬ mal par un seul de ses os, nous pouvons donc croire que ces fossiles de la Montagne Noire viennent d’une espèce voisine du tapir, mais qui n’étoit pas précisément la même.

Et quand ces différences n’auroient pas autant d’impor¬ tance que nous nous croyons fondés à leur en attribuer, le fait en lui-même n’en seroit guère moins curieux pour la géologie.

Jusqu’ici on n’a guère trouvé fossiles en Europe que des genres ou des espèces plus ou moins analogues à ceux de l’ancien continent , si l’on excepte l’animal de Simore, qui n’a de congénère que celui de l’ohio. M. Faujas va mèmeplusloin; il donne, sinon comme un fait certain, du moins comme un résultat probable des faits , que notre nord n’a guère que des ossemens d’animaux asiatiques. (î)

Et pour ajouter du poids à ce résultat, il va jusqu’à nier l’existence d’ossemens fossiles d’hippopotames (a), quoi¬ qu’il y en ait peut-être plus certainement que de tout autre animal, comme nous le verrons dans un autre endroit.

Or, voici un animal fossile qui, s’il existe encore vivant aujourd’hui, ne peut être que dans l’Amérique méridio-

(i) Jtssais de Géologie , p. 23o , etc.

(a) Essais de géologie, tome 1 . p. 36o et suivantes.

TAPIRS

16

nale. Il est clair que toutes les hypothèses fondées sur l’ori¬ gine asiatique de nos fossiles, sont détruites par-là; et je crois que dans l’état actuel de la géologie, ce qu’on peut faire de plus utile pour elle, est de porter ainsi la pierre de touche sur les systèmes de ceux qui croyent avoir tout ex- pliqué, lorsqu’ils n’ont fait simplement qu’oublier la plupart des faits qui demandoient une explication; c’est à ceux qui n’expliquent rien qu’on peut s’en fier, pour rappeler aux autres toute l’étendue de leur tâche.

2.0 D'un grand animal qui pourroit avoir été voisin du

Tapir .

Le premier morceau de cette espèce, qui ait été publié, est une dent molaire postérieure, décrite , et assez mal représentée dans le journal de physique de février 1772 ; elle avoit été trouvée clans les environs de Vienne, par M. Gaillard , et déposée dans le cabinet de M. Imbert , qui en avoit donné un modèle en terre , au Muséum de Paris. En passant à Lyon , au mois de brumaire an XII, je cher¬ chai à voir cette dent , qui doit avoir été placée dans le cabinet de l’école centrale du Rhône, avec le reste clu cabinet de M. Imbert, mais il fut impossible delà retrouver; je suis donc obligé d’en donner la figure d’après le modèle men¬ tionné ci-dessus, et qui paroît avoir été fait avec soin; on la voit, pi. IV, f 2. Sa longueur étoit de 0,096 d’a en b : sa largeur de 0,076 de b en c.

Le second morceau dont je donne la représentation pl. II ,f y , a été trouvé près Saint-Lary en Comminge, par MM. Gillet-Laumont et Lelièvre, membres du conseil des mines; il est conservé dans le cabinet du premier, qui a bien voulu me le confier.

FOSSILES.

*7

Le troisième morceau qui est le plus considérable de tous , consiste dans deux moitiés assez mutilées d’une même mâchoire, contenant chacune cinq dents molaires, acquises autrefois par feu M. de Joubert , sans qu’il ait laissé de note sur le lieu de leur origine, et appartenantes aujourd’hui à M. de Drée. J’ai fait représenter aux f de leur grandeur naturelle, les deux séries de dents, dans une planche dont on a distribué quelques épreuves avec le Bulletin des sciences, de nivôse an VIII, et que je reproduis ici, pi. V.

Le quatrième morceau est un germe qui appartient de¬ puis long-temps au Muséum national, et dont on ignore également l’origine. On le voit pi. II , jig. 6. Enfin, le Muséum possède encore une autre dent qui se rapproche jusqu’à un certain point, des précédentes. (Voyez pl. IV , fig. 3,4- , et 5 , ) et sur laquelle nous reviendrons.

Mon savant et célèbre ami M. Fabbroni, m’a assuré qu’il y a aussi des dents semblables en Italie , et qu’on en voit quelques-unes dans le cabinet de M. Targioni Tozzetti.

Voilà tous les morceaux que j’ai vus, ou dont j’ai entendu parler; et je ne crois pas que personne en ait vu, ou du moins en ait publié d’autres. ^

A la vérité M. Fan j as. Essais de géologie, tome II , p. 3y5 , en rappelant ce que j’ai dit de cette espèce dans mon programme, sous le titre de Tapir gigantesque , ajoute que M. de Drée en possède une tête pétrifiée et bien con¬ servée.

Malheureusement M. de Drée et M. de Joubert n’ont eu que les deux portions mutilées de mâchoire inférieure que j’ai citées plus haut. La partie osseuse y est tellement altérée et encroûtée de sable , qu’on n’y reconnoît aucune

i8 TAPIRS

forme , et c’est ce qui m’a déterminé à n’en représenter que les dents. Celle des deux séries qui est mieux conservée, celle delà figure 1 a o,5o de longueur totale, c’est-à-dire, près d’un pied, la cinquième dent ou la plus grande a 0,08 de long, et 0,06 de large ; les autres vont en diminuant. On voit que dans les deux séries, les quatre dernières dents étoient divisées en deux collines transversales, qui s’usoient graduellement, et en une espèce de talon situé en arrière, qui devient plus grand dans les dents postérieures que dans les autres. La molaire de devant a seule une couronne plane et sans aucune saillie.

L’individu à qui ces dents appartenoient ne pouvoitpas être fort âgé, puisque ses collines sont si peu usées, et parce qu’il lui manquoit au moins encore une dent. En effet, le morceau trouvé à Vienne en Dauphiné, qui n’étoit pas encore sorti de la gencive, a trois collines et un talon; si donc il appartenoit à cette espèce , comme on n’en peut guère douter , il devoit être placé derrière la dernière des molaires des morceaux de la -planche V ; car dans les her¬ bivores, les dents composées de plus de pièces sont tou¬ jours derrière les autres.

La dent de M. Gillet, pi. avoit aussi trois col¬

lines lorsqu’elle étoit entière, et confirme ce que celle de Vienne avoit appris; elle le confirme d’autant mieux, qu’elle ressemble parfaitement aux dents du cabinet de M. de Drée , par l’état de sa détrition , la couleur de son émail et la nature du sable qui l’incruste, au point qu’on est porté à croire que les deux grandes portions de mâchoire dont l’ori-' gine est inconnue, ont pu venir du même endroit qu’elle, c’est-à-dire des environs de Comminges.

FOSSILES. 19

Cet animal avoit donc au moins six dents molaires, et elles oceupoient ensemble un espace d’aumoins o,58 à o,4. En supposant qu’il ait eu les mêmes proportions que le tapir, cette dimension lui assigneroit une taille supérieure d’un quart, à celle du rhinocéros.

Si l’on enpossédoit la tête bien conservée , ou si Ion avoit seulement ses incisives et ses canines^ on seroit en état de dire positivement s’il est ou non du genre du tapir; mais ne le connoissant que par ses molaires, il n’est pas si aisé de prononcer. En effet, le tapir n’est pas le seul mammi¬ fère qui ait ses dents à collines transverses sur leur cou¬ ronne; le lamantin et le kanguroo sont dans le meme cas.

Le lamantin sur-tout présente une ressemblance vraiment remarquable ; ses collines transverses ont dans le germe de petites crénelures , comme celles de notre animal, quoique moins nombreuses. Les dents supérieures ont deux grandes collines et deux petites, ou talons, dont un en avant et un en arrière. Les inférieures ont trois collines.

Dans le kanguroo on voit aussi deux collines, et même il y a une ligne descendante obliquement au bord interne , comme dans le germe de lapl. II, f. 6.

Mais dans tous les cas, cet animal fossile n’en seroit pas moins inconnu et gigantesque dans son genre, car il seroit cinq fois plus long que le lamantin , et huit fois plus que le' kanguroo , en supposant qu’il eut les mêmes proportions que les espèces du genre auquel il appartiendroit.

Le germe du cabinet du Muséum , pl. II, fig. 6 , paroît avoir été dans un terrain ferrugineux; son émail est teint de brun roussàtreet de noirâtre. Sa surface est creusée de petits enfoncemens ; les crêtes de ses collines , de son talon

so TAPIRS FOSSILES,

et de ses lignes descendantes sont crénelées assez réguliè- ment. De pareilles crénelure sont imitées sur le modèle de la dent trouvée à Vienne.

Ce germe est long de 0,086., et large de 0,076. Il est donc un peu plus grand (pie la dernière dent des mâchoires du cabinet de M. de Drée.

Une autre dent, également du Muséum , et dont l’origine est aussi inconnue, ne me paroît pas s’écarter assez des dents décrites jusqu’ici, pour qu’on ne puisse pas la croire au moins d’une espèce très-voisine.

Elle est représentée, _pZ. ÎP^tfig. 3 , 4 et 5.

Sa largeur d’a en b, est de o,o58; sa longueur d’a en cl9 de o,o45.

La colline transverse a b ressembleroit assez à celles des dents précédentes, sans la saillie des deux extrémités et l’enfoncement de la partie moyenne. Ces deux circons¬ tances sont encore mieux marquées dans la seconde col¬ line cl e, qui a ses deux extrémités en forme de cônes obtus, et sa partie moyenne tout-à-fait enfoncée. Cette colline n’étant pas usée, donne la véritable forme des dents du genre.

Cette dent est incrustée dans une pierre calcaire tendre, à gros grains, ou espèce de tuf; son émail est teint de noi¬ râtre ; sa substance est peu altérée.

ADDITIONS ET CORRECTIONS

r

Aux articles des Tapirs vivais et fossiles ,

i.° Addition à V ostéologie du tapir vivant*

IN os descriptions particulières des os étant un peu concises nous avons cru devoir y suppléer en donnant, dans notre planche \ I , des figures séparées des plus caractéristiques.

Figure i , 1 e fémur par devant; 2 , par derrière; 3, par sa tête supérieure ; 4 , par l’inférieure.

5 , le tibia par devant; 6 , par sa tête supérieure; 7 , par l’inférieure.

8, Y omoplate par sa face externe; g, par sa tête.

1 o , Yhumérus par devant ; 1 1 , par derrière ; 1 2 , tête supé^ rieure ; 1 3 , inferieure.

i4, le radius par devant; i5 , tète supérieure; 16, infé^ rieure.

17 , le cubitus par le coté; 18 , par devant, ig, le calcanéum en dessus; 20, en avant.

20 , l’ astragale , face latérale externe; 22, face inférieure; 23, face latérale interne ; 24, face antérieure ou scaphoidienne ; 25 , face supérieure.

26 , la moitié de Y atlas, face inférieure 527, face supérieure ; 28, face antérieure ; 29 , face postérieure.

ADDITIONS ET CORRECTIONS

a

2.° Additions à Y article du petit tapir fossile.

Depuis l’impression de cet article , j’ai trouvé dans les ar¬ chives de la Société Philomatique , un Mémoire qui lui avoit été adressé, dès le i.er floréal an x, par M. Dodun , ingénieur en chef des ponts et chaussées du département du Tarn, et qui est intitulé :

Notice sur de nombreux fossiles osseux trouvés le long des dernières pentes de la Montagne Noire , aux environs de Castelnaudari.

M. Dodun y donne un dessin très-exact de la meme m⬠choire que j’ai représentée dans mes planches III et IV. C’est lui qui la trouva en 1784, et qui la donna en 1788 à M. de Joubert. Outre les deux morceaux que j’ai publiés, M. Dodun représente encore une dent canine et une molaire séparées, et un fragment de mâchoire inférieure contenant les deux dernières molaires du coté gauche ; elles sont en tout sem¬ blables à leurs correspondantes dans la mâchoire que j’ai fait graver.

Il paroît , par ce Mémoire , que les dernières pentes de la Montagne Noire et les environs de Castelnaudari sont très- riches en ossemens fossiles. M. Dodun y a trouvé des dents A’éîéphans dans tous les âges et dans tous les états , plusieurs autres dents inconnues , des ossemens de poissons , etc. Il seroit bien à désirer que les personnes à portée recherchassent encore ces sortes d’objets ; l’histoire du globe ne pourrait qu’en pro¬ fiter infiniment.

M. Dodun ayant bien voulu confier à mon examen la plus grande partie des morceaux qu’il avoit recueillis , j’en ai trouvé

A L'ARTICLE DES TAPIRS,

S

plusieurs de notre petit tapir , qui m’ont paru mériter d’étre ajoutés à son article, comme un supplément intéressant.

i.° Une portion de mâchoire inférieure contenant l’arrière molaire, telle que nous l’avons déjà décrite avec ses trois col¬ lines. Planche VII , figure i , demi-grandeur. La dent à part, de grandeur naturelle, fig. 2.

2.0 Une autre portion semblable , dont la dent est encore incrustée dans le sable. Ib. fig. 3.

3. ° Une dent intermédiaire à deux collines. Ib. fig. 4-

4. ° Une portion supérieure de fémur , très-semblable à la partie analogue d’un tapir. Ib. fig. 6.

6.° Diverses vertèbres et os mutilés et presque impossibles à déterminer.

Ces ossemens étoient accompagnés de ceux de l’éléphant fossile , et au moins de deux espèces de palæotheriums dont je parlerai ailleurs.

Le tout est incrusté dans un ciment très-dur , formé de gros gravier roulé et d’une pâte dense sablonneuse et marneuse.

3.° Additions et corrections à l’article du grand tapir

fossile.

J’ai avancé , page 17, à propos des deux parties de m⬠choire de cet animal qui se trouvent dans le cabinet de M de Drée , que M. de Joubert , dont elles proviennent , n’a laissé aucune note sur le lieu de leur origine. J’ai commis en cela une erreur d’autant plus forte , que M. de Joubert a laissé non- seulement des notes, mais qu’il a publié un Mémoire sur ce fossile intéressant.

C’est M. de la Peyrouse , naturaliste célèbre , professeur à

ADDITIONS ET CORRECTIONS

4

Toulouse , maire de cette ville, et correspondant de l’Institut, qui a bien voulu m’indiquer ce Mémoire imprimé dans le tome III de ceux de l’Académie de Toulouse , pages 110 et suivantes, et accompagné de quatre planches qui représentent ces morceaux, chacun sous deux aspects, mais d’une manière très-imparfaite.

M. de Joubert dit que ces portions de mâchoire furent trouvées, en 1783, sur la terre, en Comminge , du côté de Beinc , à cinq lieues < Y Alan , château de l'évêque de Comminge , près de la rivière de Louze. On trouva en meme temps trois pierres parsemées de fragmens d’os impossibles à déterminer.

On croit qu’elles avoient été extraites par les déblais qu’oc- casionait dans ce canton la construction d’un chemin de communication entre les villages. Les fouilles qu’on fit ensuite dans le meme lieu furent infructueuses.

M. de la Pejrouse ajoute que c’est aussi dans les environs Alan que furent trouvés des défenses d’ éléphant , des m⬠choires énormes, des bois analogues à ceux du cerf e t du che¬ vreuil qui étoient dans le cabinet de feu de Pujmaurin , et dont une partie a été mentionnée par Buffon dans les notes des Epoques de la Nature.

M. de la Pejrouse a trouvé lui-même, long-temps après , du coté d’ Alan , des dents et des portions considérables de mâchoires de grands quadrupèdes ; aussi a-t-il eu quelques doutes sur le lieu MM. Gillet et Lelièvre peuvent avoir trouvé la dent de grand tapir dont j’ai parlé dans l’article en question. Voici comment M. de la Pejrouse s’exprime à ce sujet :

« Le second morceau , dites-vous , a été trouvé près Saint - » Larj en Comminge , par MM. Gillet-Laumont et Lelièvre y

5

A L'ARTICLE DES TAPIRS.

yi ïl n’y à point de Saint-Lary en Comminge , mais en Cou- » serans. J’ai vu Saint-Lary , qui ne paroit pas trop un pays » à pétrifications , et je crains que l’on n’ait confondu Alan en » Comminge avec Saint-Lary en Conserans. »

Je me suis empressé de consulter de nouveau MM. Gillet et Lelièvre ; mais ils ont confirmé leur premier dire : c’est à Saint-Lary , dans le jardin de M. de Comminge , que cette dent fut trouvée, dans les fouilles que l’on faisoit pour disposer quelques parties de ce jardin.

Il est vrai que Saint-Lary est en Couserans , petite contrée au sud-ouest du Comminge , arrosée par la rivière de Sarlat; tandis cm! Alan est eu Comminge même, autre petite contrée arrosée principalement parla Garonne et la Louze ; Simorre , autre lieu fertile en ossemens, est encore tout près de là, en Estarac. Nous donnerons à la fin de cette partie un chapitre particulier sur l’espèce remarquable d’animal qu’on y trouve , ainsi qu’aux environs de Dax et dans plusieurs autres vallées qu’arrosent les rivières qui descendent des Pyrénées, animal fort voisin de celui des bords de ! Ohio dans l’Amérique-Sep- tentrionale.

Au reste , il est d’autant moins étonnant qu’il se soit trouvé des os du grand tapir eu deux endroits différens d’une même contrée , qu’il s’en est trouvé encore en plusieurs pro¬ vinces de France assez éloignées.

On en a vu ci-dessus une arrière molaire des environs de Vienne en Dauphiné. Nous en donnons aujourd’hui une de Grenoble ( PL VII, fig. 7 ). Elle a été déterrée au bord de Y Isère, dans un sol d’aliuvion, en creusant les fondations d’un bâtiment qui appartenoit aux Cordeliers. J’en dois la connois- sanceà mon collègue M. Faujas, qui la tient deM. Ducrosv

6

ADDIT. ET CORRECT. A L’ART. DES TAPIRS, '

ci-devant l’un de ces religieux. Ses trois collines sont beaucoup plus usées qu’à la dent de Vienne.

J’en ai encore une sous les yeux , donnée à notre Muséum par M. Roux , juge au tribunal d ’Auch. Elle a été trouvée dans ses propriétés , dans un banc de sable , à six pieds de profondeur, sur les coteaux R Arbeichan , entre Audi et TSlï- rande , département du Gers. C’est un germe entièrement semblable à celui de notre planche II, ligure 6. C’est pourquoi je n’ai pas jugé nécessaire de le faire graver. La matière qui l’incruste est composée de gros grains de quartz roulés et d’une pâte marneuse jaunâtre.

Enfin, jemesuis aperçu que la dent représentée par Réaumur (Mémoires de l’Académie des Sciences pour 17 15, pl. VIII, fig. 17 et 18), est encore de cette espèce. On n’en dit point l’origine ; mais comme Antoine de Jussieu l’avoit fait dessiner à Lyon , elle pouvoit fort bien venir de quelque endroit du Pauphiné.

L'A P I R

-

.

V;

PATIR. PL. III

Cuvier c/e/. eC

. *•

;

V P 1 II . PI

Ni

*8

<3

£oue/~ Scit/p

I

X

\

J

: , ::

*

-N '

1(1 ' >II<I\

JrJPIR . PZ. ff. Pivert os séparés c/u Zcwir .

laur iflarJ ,/,■/. ,■/-

'

-LaurüZarct </e/

J'Ct/AjT' .

rmijm . />/ . / // .

SUR LES ÉLÉPHANS

Y I V A N S ET FOSSILES.

Les ossemens fossiles d’ éléphans sont ceux qui ont éveillé , les premiers, et le plus généralement soutenu l’attention des ob¬ servateurs, et même du vulgaire. Leur énorme masse les a fait remarquer et recueillir partout; leur abondance extrême dans tous les climats , même dans ceux l’espèce ne pourroit sub¬ sister aujourd’hui , a frappé d’étonnement , et a fait imaginer une infinité d’hypothèses pour l’expliquer : mais il s’en faut bien qu’on ait mis autant d’activité à déterminer les conditions et la nature du problème, qu’on a fait d’efforts pour le ré¬ soudre ; et peut-être cette négligence dans la fixation des bases et des termes même de la question a-t-elle été une des causes qui ont rendu si malheureuses la plupart de ses solutions.

Je veux dire qu’on ne s’est occupé que fort tard de beau¬ coup de questions partielles , auxquelles il auroit fallu pouvoir répondre avant d’essayer ses forces sur ce grand problème.

Nos élépbans actuels sont-ils tous de la même espèce? En supposant qu’il y en ait plusieurs , les éléphans fossiles des dif- rens pays sont-ils indistinctement de l’une et de l’autre ? ou bien sont-ils aussi répartis en divers pays selon leurs espèces ? ou ne seroient-ils pas d’espèces différentes et perdues , etc. ?

Il est évident qu’on ne pouvoit rien dire de démontrable sur le problème, avant d’avoir résolu toutes ces questions pré-

8. i

2

ELEPHANS

liminaires; et cependant à peine a-t-on encore les élémens né¬ cessaires à la solution de quelques-unes.

Les os téol ogres d’éléphant publiées jusqu’à présent sont si peu détaillées , qu’on ne pourroit encore aujourd’hui dire de plusieurs si elles viennent de l’un ou de l’autre de nos élé— pliants vivans; et sur cette innombrable quantité d’ossemens fossiles dont tant d’auteurs ont parlé , à peine a-t-on obtenu des ligures passables de deux ou trois. Dauhenton qui n’avoit qu’un squelette d’Afrique sous les yeux, ne s’aperçut point des énormes différences de ses molaires avec les molaires fossiles, et il confondit un fémur fossile de l’animal de l’Ohio avec celui de l’éléphant. Les comparaisons faites par T entzelius , par P allas et par tant d’autres , des os fossiles aux os frais , ne furent jamais exprimées qu’en termes généraux , et ne furent accompagnées ni de ces ligures exactes , ni de ces mesures ri¬ goureuses, ni de ces détails abondans que des recherches aussi importantes exigent nécessairement.

Je n’ai meme pu me dispenser de donner ici une nouvelle planche du squelette entier de Y éléphant des Indes. En effet , la ligure publiée par Allen Moulin (i) , copiée dans X Eléphan- tographie d’ Hartenfels , dans X Amphitheatmm zootomicum de Valentin et ailleurs, est si mauvaise, qu’on ne peut y rien distinguer de précis, pas même l’espèce dont elle provient.

Celle de Patrice Blair (2) appartient, il est vrai, à X espèce des Indes ; mais, outre quelle est faite d’après un jeune individu dont les épipbyses n’étoieat pas soudées, elle est très-mal des-

(1) Anatomical Account of the éléphant accidentally burnt inDublin , etc. Lond» l'Câi , 72 pag. 4-* cum 2 tab.

(2) Transmet, phil. , fouie 27 , n;0 324) iuirii7io,pl. II.

3

FOSSILES, si née. On y a placé les omoplates à rebours ; on a donné six doigts au pied gauche de devant , et quatre seulement â ceux de derrière , etc.

Celles de Perrault (i) et de Daubenton^) , faites l’une et l’autre sur un squelette que nous conservons encore , appar¬ tiennent à Y espèce d’ Afrique. La première est assez bonne , mais la tête y est représentée trop petite. La seconde est au plus médiocre.

Celle de Camper (3) est bien, comme celle de Mimr^èkv Y es¬ pèce des Indes y mais, quoique mieux dessinée que les autres, elle est faite d’après un très-jeune individu qui n’’ a voit pas ac¬ quis toutes ses formes, et auquel on n’avoit point enlevé ses ligamens.

Ainsi l’on yerra , j’espère, avec plaisir la réduction d’un grand dessin que j’ai fait faire sous mes yeux avec beaucoup de soin, par M. Huet , et qui entrera un jour dans l’anatomie dé¬ taillée de l'éléphant, que je prépare.

On ne recevra pas non plus sans intérêt ce que je vais ex¬ traire de mes observations touchant la croissance des dents et leur structure. Ce que je dois en dire , tout nécessaire qu’il est pour l’histoire des fossiles, est encore d’une importance plus générale sous un autre rapport, pouvant éclaircir l’histoire des dents dans l’homme et dans les animaux, attendu que le volume des dents de l’éléphant rend fort visibles des choses assez diffi¬ ciles a distinguer dans les autres espèces.

Mais, avant tout., je ferai , suivant mon usage, un exposé des

(1) Mém. pour servira l’Hist. des An. IH.C partie, pl. 23. Elle a paru en 1734.

(2) Hist. nat. in-4.0 , tome XI , pl. IV.

(3) Descrip. anat. d’un éléphant.

4 ~ ELEPHANS

lieux l’on a trouvé les ossemens fossiles de l’espèce qui fait

le sujet principal de mes recherches actuelles.

Article premier.

Exposé géographique des principaux lieux lion a trouvé des ossemens de V éléphant fossile.

Vouloir rapporter ici tous les lieux il s’est trouvé des ossemens fossiles d’éléphant seroit une entreprise infinie : il nous suffira de montrer que tous les pays et toutes les époques en ont offert.

On en trouve des traces dès le temps des anciens. Théo~ phraste en parloit dans un ouvrage que nous n’avons plus ; mais Pline nous a conservé son témoignage : « Theophrastus au- » tor est , et ebur fossile candido etnigro colore ijiveniri, et » ossa è terra nasci , invenirique lapides osseos , lib. XXXVI, » cap. XVIII. »

Il est probable qu’on a pris souvent les os d’éléphans pour des os humains, et que ce sont eux qui ont occasionné toutes ces prétendues découvertes de tombeaux de géans dont parle si souvent l’antiquité.

De ce nombre étoient sans doute les ossemens découverts à Tégée , en creusant un puits , et qui formoient un corps de sept coudées de longueur qu’on prit pour celui à’ Oreste (1) ^ et ceux qu’on voyoit à Caprée , au rapport de Suétone , et qu’on regardoit comme des os d q géans ou de héros (2).

(1) Herod. lib. I,§. LXVIU.

(2) Suet. Aug. §. 72.

F O S S I L E S.

5

Quant aux relations de corps encore plus grands , comme celle du squelette de 46 coudées , mis au jour en Crète par un tremblement de terre , qu’on regarda comme celui d’ Entelle ou d’ Otus (i) y celle d'un autre de 60 coudées, déterré près Lwgis eu Mauritanie (2) lorsque Sertoriusy commandoit, et qu’on prit pour celui d ’Antée, elles sont sans doute fort exagé¬ rées , ou bien elles avoient pour origine des ossemens de cétacés. Strabon qui rapporte la dernière , sur l’autorité de Gabinius , n’hésite pas à la regarder comme fabuleuse.

Ces idées erronées, qui tenoient à une ignorance absolue de l’anatomie , durent se perpétuer pendant le moyen âge : aussi y est-il fait mention de plusieurs géans, et les descriptions de leurs os sont quelquefois tellement exagérées, qu’ils auroienî été huit ou dix fois plus grands que ceux des plus grands éléphans , si l’on s’en rapportoit aux notices vagues , et souvent pleines de contradictions qu’on en donne.

Même après que des idées plus saines eurent dissipé ces chimères, on put croire que les éléphans dont on découvroit des os, avoient été enfouis par des hommes. Ainsi, tant que ces découvertes se bornèrent à l’Italie et aux pays très-fré- quentés par les Macédoniens , les Carthaginois et les Ro¬ mains , on put croire en trouver d’assez bonnes explications dans la quantité prodigieuse d’éléphans que ces peuples ont possédée.

On sait que les premiers Européens qui ayent eu des éléphans furent Alexandre et ses Macédoniens , après la

(1) Plin. lib. VII, cap. XVI.

(2) Strab. Géogr. lib. XVII, ed. d’Amsterd. 1707 , p. 1 185.

6

EL E P HANS défaite de Porus (r), et qu’ils mirent dès lors Aristote en état d’en donner d'excellentes notions y après la mort d’Alexandre, ce fut Antigonus qui en eut le plus (%). Les Séleucides (3) en entretinrent toujours, surtout depuis que Seleucus Ninator en eût reçu cinquante de Sandro-Cottus en échange d’un canton entier des Lords de l’Indus (4). Pyrrhus en amena le premier en Italie, I au de Rome 47(i) 2 * 4 5 6 7 8 (5):; et comme il étoit débarqué à Tarente , les Romains donnèrent à ces animaux qui leur étoient inconnus, le nom de bœufs de Lucanie. Us étoieut en petit nombre , et Pyrrhus s’en étoit emparé sur Démétrius (6). CuriusDentatus en prit quatre de ceux de Pyrrhus,e t. les amena à Rome pour la cérémonie de son triomphe. Ce sont les pre¬ miers qu’on y ait vus ; mais ils y devinrent bientôt en quelque sorte une chose commune. Metellus ayant vaincu les Carthagi¬ nois en Sicile , l’an 5o2 , fit conduire leurs éLéphans à Rome sur des radeaux , au nombre de cent vingt , suivant Sénèque , et de cent quarante-deux, suivant Pline {fpoy\ furent tous massacrés dans le cirque. Annîbalen amena aussi avec lui en Itali e.Claudius P nicher en fitcombattre dans le cirque, en 655. Lucul/us , vingt ans après , en montra combattant contre des taureaux. Pompée en fi t voir vingt , selon Pline ; dix-huit , selon Dion Cassius (8j .j César, quarante , lors de son troisième consulat. Pompée en

(i) Pansa ni as , A ttie. , lib. ed- Hanov. , p. as,

(s) Ici. ib.

(5) Pt in. Y III, c. V.

(4) Strab. lib. XV, p. io54.

(5) Plin. VIII , c. VI.

(6) Pausan. loc. cit.

(7) Plin. VIII , c. VI.

(8) Dion. Cas. lib. XXXIX , ed. Han. ,p. 108. A.

FOSSILES. 7

aüeîa à son char lors- de son triomphe d’Afrique ( t ). Germa - meus en montra qui dansoient grossièrement (a). Ce fat sous jS éron (3J , aux jeux qu’il donna en l’honneur de sa mère (4)., qu’on en vit danser sur la corde, et faire mille tours d’adrês&e extraordinaires. E lien dit même expressément , à Foeeasien de ceux de Germanictis , que c’étoient des éléphans-nés à Rome , que l’on dressoit ainsi ; par conséquent ils y propageeienl.

« Cùm Tiberii Ceesaris nepos G ermanicus , gladialormn jt spectaculum edidit , plitre s jam grandes utriusque serais » elephanti Romœ erant , e quibus alii plerique generati ex- » titerunt : quorum artus interea dum commitlebantur et con- » Jinnabantur , et membra infirma conglutmabanhir i perituS » vir ad pertractandos eo^um sensus animoSfjue triirabili » quodam disciplinée genere eos enuliebat. Æliau. île AniiU. » lib. II, cap. XI, trad.de Conrad Gesner.

Columelle assure ce fait encore plus positivement : « India » perhibetur molibus feramm mirabilis , pares lamen in hâc » terra ( Italia ) vastitate beluas progenerari quis neget , » cùm inter meenia nostra natos animadvert amies elephantes ? » Col. De Re rust. lib. III , cap. VIII , ed. Lips. , 1730, 4.0 47 1 » Si nos naturalistes eussent fait attention à ces deux passages, ils n’auroient pas ajouté foi si long-temps à l’impossibilité de faire produire l’ éléphant en domesticité , et l’on auroit peut- être tenté plus toiles essais qui viennent de réussir à M. Corse.

Plusieurs des empereurs suivans eurent encore des éléphans; Gallien , entr’autres, en posséda dix.

(1) Ptin. lib. Y1I1, cap. II.

(a) Id. ib.

(5) Id. ib.

(4) Dion. Cassias , lib. L%ï , çcRt, Hanoy; , F ^93 •'

8

ELEPHANS

Ainsi , quoique l’Italie offre une grande quantité d’ossemeus fossiles , on a pu long-temps en attribuer l’origine aux individus amenés par les hommes ; peut-être même y en a-t-il en effet quelques-uns qui viennent de cette cause.

Voici une indication des principaux endroits d’Italie l’on en a trouvé \ mais nous sommes bien éloignés de la regarder comme complète.

La plus grande défense a été découverte par MM. Larochefou- cctulde t Desmarets auprès de Rome: elle avoit 10 pieds de long sur 8 pouces de diamètre, quoiqu’elle ne fût pas entière (1). Nous en possédons quatre morceaux au Muséum : ils sont fort altérés.

On en avoit trouvé à Rome même dès 1664 , en creu¬ sant à l’entrée du Vatican pour faire des fondations (2). Thomas Bartholin parle même de découvertes antérieures faites en celte ville (3) , et il est probable que le corps <X Evandre , trouvé en io4i ou io54(4)? u’étoit pas autre chose.

Fortis cite une autre défense trouvée par hasard au sommet d’un vignoble, et quelques-unes , découvertes par le Tibre aux environs de Rome et de Todi (5}.

M. Charles-Louis Morozzo représente une mâchelière (6) trouvée en avril 1802 dans un vignoble, hors la porte del Popolo , avec beaucoup d’autres os et de fragmens d’ivoire. Bonanni parle de beaucoup de grands os , de dents et de mâchoires inférieures , déterrés de son temps près d’un

(1) BufJ Epoques de la Nat., noies justif.g.

(2) Monconys , Voy. en Ital. , p. 44^-

(3) De JJ nie or mi , ed. de 16785 p. 56g.

(4) Dom Calme: , Dict. de la Bible, II, 160.

(5) Fortis, Mém. pour l’Hist. nat. d’Ital. , tome II , p. 3o2.

(6) Mém. de la Société ital , , tome X, p. 162 , et Jonro. depbys. L1V, p. 443.

FOSSILES. 9

château nommé Guidi , soi’ la voie aurélienne , à 12 milles de Ho77ie (1).

Jér.-Amb. L(i77ge7i7naniel parle d’un fémur, d’une omoplate et de cinq vertèbres , trouvés près de Vitorchiano , au nord- est de Viterbe , au bord de la vallée du Tibre (2). Il y en a aussi une dissertation par Chiampini (3).

Jacques BIanca7ius donne plusieurs morceaux d’ivoire trouvés au Monte-Blaticatio , près de Bologne (4)-

Le val d'Arno semble en fourmiller. Le grand duc Ferdmatid de Jlédicis en fit déterrer un squelette entier , en i663 , dans la plaine d’Arezzo (5).

Le docteur Targioni-Tozzetti eu avoit déposé au Muséum de Florence un humérus trouvé dans des vases marines du val d Amo supérieur ,et sur lequel des huîtres s’étoient fixées (6).

Il parle dans ses voyages , surtout au tome V.e , de plusieurs fragmens du meme genre et de la même contrée 5 et l’on a de lui une lettre particulière sur des ossemens de plusieurs individus d’àge différent , trouvés épars dans les couches de sable des col- lices du val d’ Amo inférieur , pêle-mêle avec des coquilles (7).

Selon les JSovelle litterarie de Florence , on en découvrit, en 1 754 , plusieurs os et défenses sur des collines peu éloignées du château de Cemeto- Guidi , près de Gave7ia. Il y en avoit au moins de quatre individus qui furent recueillis par le ch. Buoii -

" V ' . . . . . . . . Il L

(1) Mus. Kircher , p. 200.

(2) Ephem. nat. cur. dec. II , an. VII , obs. 234 1 P- 446.

(5) Chiampini , de Ossib. eleph. in diœcesi viterbiensi , anno 1688 inventis.

(4) Comment. Inst, bonon ., IV, p. i53.

(5) Fords , loc. cit. , p. 298.

(6) Id. ib.

(7) Mélanges d’Hist. nat. par Alèon du Lac , tome II, p. 537 et Journ. étrang. , déc. 1755 , p. 228.

2

10

ELEPHANS talenti (1). Fords parle d’une défense déterrée près du même Cerreto-Guidi , au val de Nievole , par le doct. Nenci (a).

Selon Targioni- Tozzetd , ce docteur en avoit trouvé des morceaux d’au moins trois individus 5 Targioni les avoit obtenus et les conservoit dans son cabinet; il en donne l’énumération (3).

Déjà quelque temps auparavant on avoit découvert un sque¬ lette presque entier dans le même lieu , dans un terrain appar¬ tenant au comte Gaddi.

On en déterra, en 1 17 44 9 une défense près de Pontea-Cap- piano , à 5 milles de Gallsna (4).

D’antres os trouvés dans la colline de Lamporecchio ont été décrits par le docteur Fenturini (5).

Il y a une dissertation particulière sur ces os du val d’Arno par M. de Mesny. CœsaJpin indique déjà une tête de fémur de Castel-San-Giovani entre Arezzo et Florence (6).

Scali , au rapport de Fords, avoit détaché une défense d’une couche pierreuse, pétrie de corps marins (7) , au village de Saint-Jacques près de Livourne.

Coltellini cite quatre lieux différées du territoire de Cor- tone il s’est trouvé des os et des défenses (8).

J’ai moi-meme à décrire un astragale d’éléphant du val d’Arno, appartenant à M. Miot.

Dol-omieu dit que les os d’éléphant du val d’Arno sont dans la base des collines d’argile, qui remplissent les intervalles des

([) Allèon Dulac , p.

(2) Fortis , loc. cit.

(5) Far g. Tozz. , Yiagg. V, p. 264.

(4) Id. ib.

(5) Giorn. d’Ital., tome III, p. 58.

(6) Cœsalp. de Metall. II, p. 14 t.

(7 ) Fortis, p. 5o2.

(8) Journ. étrang. , juillet 1761 , et Buff. , Epoques delà Nat. , note 9.

II

FOSSILES, chaînes calcaires ; que les couches qui les contiennent supportent des Lois, les uns pétrifiés , les autres bituminisés, qu’il a jugés être de chêne , et qui sont eux-mêmes recouverts par des couches de coquillages marins mêlés de plantes arrondinacées , et par d’immenses bancs d’argile (1).

On vient de faire dans ce genre une découverte considérable dans l’état de Parme ; j’en ai entre les mains un Mémoire adressé à M. Moreau-de-Saint-Mérj , alors administrateur gé¬ néral de ce pays, par M. le conseiller Joseph Corlesi. C’est sur le monte Pulgnasco , commune de Diolo , à 9 milles de Fiorenzuola , et à 4 de Castel Arcuato , presque dans la terre végétale , car les os en étoient encore pénétrés de racines (2). Il y avoit, en des endroits peu distans , une tête de rhinocéros , une de cachalot et un corps entier d’une espèce de dauphin.

Un dépôt remarquable les os d’éléphans étoient entassés avec ceux de plusieurs autres animaux , est celui du mont Ser- haro , commune de Piomagnano , dans le val de P ante na , à 3 lieues de Vérone. Fortis en a donné une description dans un Mémoire ad hoc (3). Ils se trouvoient dans un enfoncement au haut de la montagne. Dans le nombre des os d’éléphans , étoitune défense de plus de g pouces de diamètre, et qui devoit avoir au moins 1 2 pieds de longueur. M. de Gazola vient d’envoyer de cet endroit, à notre Muséum , une demi-mâchoire inférieure et un os du métacarpe, qui indiquent un individu d’au moins 1 5 pieds de haut.

Le Piémont en a beaucoup fourni 5 j’ai reçu dernièrement pour notre Muséum, de la part de M. Giorna , deux portions considérables de mâchoires qui étoient au cabinet d’histoire

(1) Journ. de Phys. , tome XXXIX , p. 3i5.

(2) Mémoire m. de M. Corlesi , communiqué par M. Moreau de Saint-Mèry.

(5) Imprimé d’abord séparément en italien , et inséré en français dans ses Mé¬ moires surl’Hist. nat.de l’Italie , tome II, p. aS4et suiv.

ta ELEPHANS

naturelle de Turin. M. Gioma m’écrit qu’il y a encore dans ce cabinet un fémur d’éléphant.

Nous avons dans le nôtre des fragmens d’ivoire de Butigliano dans la province à' Asti.

L extrémité opposée de l’Italie en a aussi.

Jerome Magius parle d’uû cadavre de cinq coudées de long, déterré près de Reggio en creusant une citerne (1).

Le père Kircher cite un tombeau de géant d’auprès de Co- zence en Calabre (2).

Le journal de l’abbé Nazari parle d’un squelette d’au moins 18 pieds de long (3) , déterré en i665 à Tiriolo dans la haute Calabre. On dit, à la vérité, que ses os ressembloient à ceux d’un homme ; mais on sait aujourd’hui à quoi s’en tenir sur ces sortes de comparaisons.

Thomas Barthoiin cite de véritable ivoire fossile de Calabre et d’autre de Sicile (4).

Fallope en annonce de la Fouille (5), et Bonanni dit qu’une inondation mit à découvert dans celte province, en 1698, une défense longue de douze palmes (6).

On peut bien encore placer ici les deux prétendus géans dont l’histoire est répétée dans toutes les gigantologies , savoir : celui qui fut découvert dans le XIV.e siècle à Trapani en Sicile , dont a parié Bocace(jj), et celui des environs de Païenne au XVÏ.e siècle , mentionné par Fasellus(Sy^ mais la grandeur du premier

(1) Hier, magius de Gigantibus.

(2) Mund. subterr. lib. VIII , sect. II, c. IV, p. 53.

(5) Collection acad. part. élr. , tome IV, p. 178.

(4) De Unicornu, p. 56g.

(5) De Metallic. , cap. ultim.

(6) Mus. Kircher , p. 199.

(7) -De Geneal. Deor., ed. in-fol. , p. 1 1 4-

(8) Fasellus, Decad. I, lib.I , c. IV.

FOSSILES. i3

est prodigieusement exagérée , car on lui donne 3oo pieds; et Kircher qui a visité la caverne l’on prétendoit l’avoir trouvé, dit positivement quelle n’avoit pas plus de 3o pieds de haut;

Il est d’autant plus vraisemblable que ces prétendus géaus ont leur origine à des os d’éléphans , qu’on trouve de ceux- ci , au rapport du marquis Charles de Vintimille , historien de Sicile , cité par Kir cher i ) , près de la mer , entre Païenne et Trapani fin agro solonio.J

Kircher rapporte encore des récits de trois autres géans de Sicile , dont , comme à l’ordinaire , presque tous les os étoient consumés , excepté les dents (a).

Quant à la Grèce , l’état d’oppression elle gémit n’a pas permis qu’on ait des relations anatomiques raisonnables des fossiles quelle recèle, mais ceux-ci ont donné lieu à des récits de géans dans les temps modernes comme dans l’anti¬ quité. Il est donc vraisemblable qu’il y a des os d’éléphant dans le nombre.

Il fut trouvé , en 1691 , à 6 lieues de Thessalonique , des ossemens dont l’un admettoit le bras d’un homme dans sa cavité; une mâchelière inférieure étoit haute de 7 pouces et demi, et pesoit 10 livres. Trois autres dents pesoient de 2 à 3 livres chacune. Le cubitus ou l’humérus avoit 2 pieds 8 pouces de circonférence. Il y en a un procès-verbal signé de plusieurs ténioins, dans une Dissertation d’un abbé Gommiers , insérée dans le Mercure de 1692, et citée par l’abbé d '.Arti- gnj dans ses Mémoires d’Hisloire, de Critique et de Littérature, tome I,p. i36. Dom Calmet s’est trompé en portant cet évé¬ nement à 1701 (3).

(1) Mund. subterr. lib. V III , sect. II , c, IV, p. 5q.

(2) Id. ib.

(3) Dict. (le la Bible , II , 160.

4 ELEPHANS

Suiclas parle déjà d’ossemens de géans trouvés en quantité sous l’église de Sainte-Mena à Constantinople , et que l’em¬ pereur Anastase lit déposer dans son palais (i).

Nos gazettes annoncent tout récemment une trouvaille sem¬ blable faite à Demotica\ 2).

Fords cite une molaire de File Cerigo , déposée dans le ca¬ binet de Morosini à Venise (3).

La France chacun sait qu’il y a eu dans les temps his¬ toriques beaucoup moins d’éléphans vivans qu’en Italie et en Grèce , n’en a guère moins donné de fossiles.

Il est certain que le prétendu géant trouvé sous Charles VII, en i456 , dans la baronnie de Crussol près de Faïence , éî oit un éléphant. La description que Monstreuil donne d’une de ses dents n’eu laisse pas douter.

Elle était longue d’un pied , mais beaucoup -moins large , et avoit quelques racines . Sa partie triturante étoit concave et large de quatre doigts ; elle pesoit 8 livres (4).

Il est probable que celui qui fut déterré sous Louis XI , au bourg de Saint- Peyrat , encore près de Valence , et dont parle Cœlius Rhodiginus , étoit de la meme espèce. On lui donne 18 pieds de longueur.

C’est aussi en Dauphiné que s’est trouvé celui de tous les squelettes fossiles quia donné lieu à plus de contestations, le fameux T ’eutobochus , sujet des longues disputes à’Habicot et de Riolan. Les nombreuses brochures qu’il occasionna sont

(1) Suidas , voce /xv/ûs,

(2) Journal cle Paris , 9 juin 1806.

(5) Loc. cit. , p. 509.

(4) Cassauio de Monstreuil , de Gig. , p. 57. Ap. Sloane , Mém. de l'Ac. des Se. de Par. , an. 1727,111-12, p. 455.

FOSSILES.

j5

remplies d’injures, mais ne contiennent presque rien qui puisse éclaircir la question.

La rivalité entre les médecins et les chirurgiens excitoit les combattans beaucoup plus que l’intérêt de la vérité. Riolan montra cependant assez habilement, pour un homme qui n’a voit jamais vu de squelette d’éléphant, que ces os dévoient provenir de cet animal ( i ).

A oici à peu près ce qu’il y avoit de vrai dans tout cela , autant qu’il est possible d’en juger aujourd’hui. Il paroit qu’on trouva, en i6i3, le 1 1 janvier, dans une saisonnière, près du château de Chaumont ou d eLangon, entre les villes de Mon- tricaut , Serre et Saint-Antoine , des ossemens dont une partie fut brisée par les ouvriers.

Un chirurgien de Beaurepaire , nommé Mazurier, montra à Paris et en divers autres lieux, pour de l’argent, ceux qui étoient restés entiers; et afin de mieux exciter la curiosité, il distribuoit une petite brochure il assuroit qu’on les avoit trouvés dans un sépulcre long de 3o pieds , sur la tombe du-

(1) Voyez les brochures suivantes que je cite dans l’ordre selon lequel elles se succédèrent.

Histoire véritable du géant Teutobochus , etc., i5 pages, par Mazurier.

Gigantostèologie , par N. Habicot , 1 6 1 5.

Gigantomachie, par un écolier en médecine (/. Riolan ), i6i3.

H imposture découverte des os humains supposés d'un géant , itn/j.

Monomacliie, ou réponse d’un compagnon chirurgien aux calomnieuses inven¬ tions de la Gigantomachie de Riolan , i G 1 4 (auteur inconnu).

Discours apologétique de la grandeur des gèans , par Guillemeau , i6i5.

Réponse au traité apologétique touchant la vérité des gèans , par N. Habicot.

Jugement des ombres d’ Heraclite et de Dèmocrite sur la réponse d’ Habicot au discotirs attribué à Guillemeau.

Gigantologie , ou Histoire de la grandeur des gèans , par Riolan , 1618.

Antigigantologie , ou C ontrediscours de la grandeur des gèans, par Habicot , 1 6 1 8.

Touche chirurgicale , par Habicot , i G i S.

Correction fraternelle sur la vie d’ Habicot , par Riolan, 1618.

i6

ELEPHANS

quel étoit écrit :Teutobochus rex. On sait que c’étoit le nom du roi des Citnbres qui combattit contre Marins. Mais on accusa ce chirurgien d’avoir fait faire sa brochure par un jésuite de Tournon , qui avoit forgé l’histoire du sépulcre et del’inscrîp- tion. Il ne paroit pas qu’il se soit justifié de cette imposture.

Quant aux os qu’il montroit, ils consistoieut dans les pièces suivantes :

i Deux morceaux de la mâchoire inférieure , dont un pesant six livres, contenant deux molaires et la place de deux autres ; et un plus grand pesant douze livres , avec une dent entière et trois cassées. Chaque dent avoit quatre racines , étoit grande comme le pied d’un petit taureau , comme pétrifiée et de cou¬ leur semblable à la pierre à fusil.

a.0 Deux vertèbres , dont une de trois doigts d’épaisseur l’on pouvoit passer le poing dans le canal médullaire ; les apo¬ physes transverses avoient des trous à leur base.

L’autre étoit beaucoup plus grande, mais avoit perdu son apophyse,

3.° Un morceau du milieu d’une côte, long de 6 pouces, large de 4> épais de 2.

4.0 Un fragment à’ omoplate dont la facette articulaire avoit 1 2 pouces de long et 8 de large.

5.° Une tète d’humérus , grande comme une moyenne tête d’homme, et dont la scissure pouvoit loger un moyen calmar d’écritoire.

Un fémur long de 5 pieds, de trois pieds de tour en haut , de 2 près des condyles , d’un et demi au milieu ; les trochanters y manquoient. Le cou n’avoit ni une longueur , ni une obliquité approchantes de celles de l’homme (1).

pi) Gigantomachie , p. 5o.

FOSSILES. i1

7-° Un tibia long de près de 4 pieds, et en ayant plus de n de tour en bas.

S.° Un astragale , différent de celui des animaux (on enten- doit domestiques ) , mais qui n’avoit point l'apophyse scaphoï- dienne aussi saillante que celui de l’homme (i).

9.0 Enliu un calcanéum qui avoit en bas des facettes pour le scaphoïde et le cuboïde , mais dont l’apophyse postérieure ou tubérosité , n’étoit point aussi forte que celle de l’homme.

Cette extrémité postérieure étoit bien sûrement d’un éléphant; il n’y a point d’autre grand animal dont l’astragale ressemble assez à celui de l'homme , pour que qui que ce soit ait pu s’y méprendre ; mais les dents n’en pouvoient pas être : il n’en a pas tant , et elles n’ont point de telles racines. Y avoit-il dans ce lieu, comme dans beaucoup d’autres, des osd’éléphans et de rhino¬ céros enfouis pêle-mêle? c’est ce qui me paroît le plus probable.

Riolan dit dans une de ses brochures que le Dauphiné est rempli de ces os. Cela s’est confirmé. Un quatrième prétendu géant s’y est trouvé, en 1667 , dans une prairie près du château deMolard, diocèse de Vienne. Ses dents pesoient dix livres (2).

M. de Jussieu m’a dit avoir vu autrefois des os d’éléphant sus¬ pendus dans une des églises de Valence, et qu’on y disoit de géant.

Mais à mesure qu’on se rapproche de notre temps, les des¬ criptions deviennent plus raisonnables. Une véritable mâche- lière d’éléphant a été publiée par M. de la Tourette dans le lX.e tome des Savans étrangers de T Académie des Sciences , p. 747 et su^v- Elle fut trouvée, en 1 760, près de Saint- Valier , à demi-quart de lieue du Rhône , et à 80 pieds d’élévation au-

(,) W.p.26.

(2) Dom Calraet, Dict. de la Bible, II, p. 161.

iS ELEPHANS

dessus de ce fleuve, dans une terre graveleuse mêlée de cailloux.

Il y a aussi de ces os en Provence. M. Arnaud , avocat demeurant à Pimoisson , département des Basses-Alpes , près Riez , possède une mâchoire inférieure d’éléphant, trouvée dans ses environs. Je tiens ce fait de lui-même.

lia rive droite du Rhône n’en est pas dépourvue. M. Sou- lavie parle d’un squelette presque entier , découvert dans les environs de Lavoiite , département de Y Ardèche, dans des at- terrissemens voisins du Rhône (i).

M. Faujas décrit une défense trouvée par M. Lavalette dans la commune d’ Arbres , près Villeneuve-de-Berg , même département , au pied des Monts Coirons , et à 5 pieds de profondeur dans un tuffa volcanique (2}.

M. Cordier , ingénieur des mines, a bien voulu me donner une note sur cette position qu’il a aussi examinée avec soin. La défense étoit incrustée dans l’intérieur d’une brèche volcanique solide, qui ne forme pas seulement le sommet de la colline d 'Arbres , mais s’étend en couches horizontales sous toute la masse des Coirons dont elle est la première assise. Assez bien conservée ailleurs , elle est presque entièrement décomposée à Arbres , et s’y réduit en une argile jaunâtre lespyroxènes sont seuls restés entiers 5 tout ce sol volcanique repose sur une haute plaine de calcaire coquillier compact, diversement in¬ cliné. Il faudroit maintenant savoir si ces défenses étoient en¬ veloppées dans le corps même de la couche volcanique ou seule¬ ment dans quelques-uns de ses anciens déblais. Au reste M. Cordier eonnoit plusieurs autres lieux des ossemens sont enveloppés dans des matières volcaniques.

{1) Hist. nat. cle la France mérid. , tome III , p. 98. (a) Annales du Muséum d’Hisi. nat. , tome U, p. 34.

FOSSILES. 19

On peut consulter la carte (les Coirons , publiée dans l’Hist. pat. de la France méridionale, tome VI.

On trouve beaucoup d’autres débris d’éléphans eu se rappro¬ chant des Pyrénées. La montagne Noire en recèle une quan¬ tité dans ses pentes.

M. Dodun , ancien ingénieur du département du Tarn , a dé¬ couvert dans les environs de Castelnaudary plusieurs mâche- lïères d’éléphant bien caractérisées dont il m’a fait voir les des¬ sins. Il en a parlé dans le Joumalde physique , tomeLXI,p. 254-

A Gaillac en Albigeois , on trouva, en 1 749? à 1 1 pieds de profondeur, dans du gravier sec mêlé de sable, un fémur mutilé et des lames de mâchelières (1).

Nous possédons nous-mêmes une mâcheüère des environs de Toulouse , que nous devons à M. Toumon , médecin et habile naturaliste de cette ville.

M. de Puymaurin , membre de l’ Académie de Toulouse , avoit envoyé au cabinet plusieurs fragmens de défenses , qu’il avoit trouvés sur la croupe d’un coteau , à un quart de lieue du château dlAlan, résidence des évêques du Comminges { 2).

En remontant vers le nord , on ne remarque point que les os fossiles d’éléphant deviennent moins communs.

Il y a au Muséum une portion d 'omoplate déterrée à trois lieues au-delà de Châlons-sur-Saône , du côté de Toumus[3).

Les ouvriers qui travaillent au canal du centre en ont ré¬ cemment découvert un amas dans la même province. J’en ai reçu , par les soins de M. Gérardin , employé de ce Mu¬ séum, une mâchelière d’éléphant très-reconnoissable, quoique

(1) Hist. de l’Ac. de Toulouse , tome 1 , p. G2.

(2 )Daub., Cab. du roi, Hist. nat.XI , n.° DCDXC1X.

(5i U. ib. tl MXXXII , et Mairan, Hist. de l’Ac. des Sc. 1743 » p. 4 9*

ae ELEPIIANS

brisée. Il y avoit auprès une mâchelière de rhinocéros. Le lieu de sa découverte se nomme Chagny.

M. Tonnelier , garde du cabinet du conseil des mines, con¬ serve une lame de mâchelière qu’il a trouvée dans un atterris¬ sement, à l’endroit dit le Pont-de-Pierre , à une lieue d’ Auxerre.

Mon collègue, M. Tenon , membre de l’Institut, en a vu une autre dent , des environs de cette dernière ville.

A Fouvent , village près de Gray , département de la Saône , on a trouvé , il y a six ans , dans un creux d’un rocher qu’on faisoir sauter pour élargir un jardin , un grand nombre cl’ os , des mâchelières et des portions de défense cl’éléphant , avec des os d’une espèce particulière d’hyène, que je décris ailleurs.

On en avoit eu également un grand nombre auprès de Po- rentruy, département du Haut-Rhin , en 1779, en faisant un chemin. J’en possède une molaire.

Les environs de Paris en offrent comme les autres pro¬ vinces. Je possède une mâchelière et un fragment de défense trouvés dans les atterrissemens de la Seine près à’ Argenteuil.

M. de Cuoi 'eres l’ainé conserve une mâchelière prise près de JSleudon , à une assez grande profondeur dans le sable.

En creusant le canal qui doit amener les eaux de F Onrcq dans cette capitale , on a déterré deux défenses et deux m⬠chelières des plus grandes que j’aie encore vues , en trois en¬ droits clifférens de la foret de Bondy. M. Girard , célèbre in¬ génieur et directeur en chef de ce canal, a bien voulu me les remettre pour les déposer en ce Muséum.

Comme j’ai examiné soigneusement le local avec M. Girard et le savant minéralogiste SlAlexandre Brongniard, je ne crois pas hors de propos d’en donner ici une courte description.

Le canal est creusé dans la plaine de Pantin et de Bondy dont le sol s’élève de 70 à 80 pieds au-dessus du niveau de la

21

FOSSILES.

Seine, et qui embrasse le pied des collines gypseuses de Mont¬ martre et de Belleville. Cette plaine est for niée, jusqu’à 4o pieds de profondeur elle a été sondée , de diverses couches de sable , de marne et d’argile; on n’y a rencontré nulle part de pierre calcaire , quoiqu'il y en ait au niveau de la rivière à Saiut- Ouen. Le canal traverse en quelques endroits des couches de gypse qui se continuent avec la base de la colline de Belle- ville. Nous verrons ailleurs qu’il paroît que l’argile et le sable ont rempli après coup l’intervalle des collines gypseuses. La partie la plus élevée de la plaine , celle qui partage les eaux qui tombent dans la Seine et celles qui tombent dans la Marne, est près de Sévrans dans les bois dits de Saint-Denis. Il n’a pas fallu néanmoins y creuser à plus de 3o à /jo pieds; ce qui prouve combien cette crête est peu considérable par rapport au reste de la plaine. Le sol y est en grande partie d’une marne jaunâtre, alternant avec des lits d’argile verte, et contenant par-ci par-là des rognons de marne durcie , et dans d’autres endroits des ménilites en partie remplies de coquilles qui nous ont paru üuviatiles.

En certaines places , les couches de marne et d’argile s’en¬ foncent comme si elles eussent formé des bassins ou des espè¬ ces d’étangs , que des matières étrangères seroient venues rem¬ plir. Il y a en effet à ces places-là des amas de terre noirâtre qui suivent la courbure des enfoncemens de l’argile, et qui sont surmontés à leur tour par du sable jaunâtre.

C’est dans la terre noire, à 18 pieds de profondeur, qu’on a trouvé les dents et les défenses d’éléphans. Il y avoit aussi un crâne plus ou moins complet qui a été brisé par les ou¬ vriers, et dont j’ai les fragmens, ainsi que beaucoup d’os du genre du bœuf , d’autres ruminans moins grands, et surtout un crâne très-remarquable d’une grande espèce inconnue d’an-

as E L E P H A N S

tilope que je décrirai ailleurs. Le sable jaune supérieur con¬ tient beaucoup de coquilles communes d’eau douce , soit Vannées , soit planorbes ; mais la terre noire n’en a point , non plus que l’argile verte et la marne jaunâtre dans lesquelles elle est encliâssee. L’ivoire est fort décomposé ; les mâchelières le sont moins , et les autres os presque pas. La plupart ne pa- roissent pas meme avoir été roulés.

Deux portions de mâchelières de Gierard en Brie , aune lieue de Crécy , sont mentionnées par Daubenton. Elles étoient à 10 pieds de profondeur dans une sablonnière (i).

Le baron de Servière représente une mâchelière supérieure bien caractérisée (2) , trouvée sous le lit de la Moselle , près de Pont-à-Mousson.

Un germe de neuf plaques des environs de Metz avoit été envoyé au Muséum par M. de Champel (3).

On connoit depuis long-temps les éléphans fossiles de la Belgique. Goropius Bec anus (4) a combattu dès le XVÏ.e siècle les préjugés qui faisoient attribuer à des géans des os et des dents de cette espèce trouvés anciennement aux environs d 'Anvers ; et il parle à cette occasion des os de deux élépbans déterrés près de Vihorde , dans un canal que les habitans de Bruxelles firent creuser de cette ville à Bupelmonde , pour éviter je ne sais quelles vexations que leur faisoient éprouver ceux de Malines.

Jean Lauerentzen , dans son édition du Muséum regis Daniœ de Jacobœus , part. I, sect. I , n.° ^3, rapporte l’his¬ toire d’un squelette qu’ Otlio Sperling vit déterrer à Bruge en

( I ) Hist. nat. XI , n.° MXXVIII , et Ac. des Se. 1 762. (2) Journ. de Phys. , tome XIV , p. 325 , pl. II , fig. 5. (5) Hist. nat. XI , n.° MXXXI.

(4) Origin. anverp. lib. II, p. 107 , Gigantomachia*

FOSSILES. s3

5^43 , et dont un fémur étoit conservé dans ce cabinet. C’étoit un fémur d’éléphant, long de 4 pieds et pesant il\ livres.

M. de Burtin , dans le chap. I , g. 2, p. i5 , desa Dissertation sur les Résolutions de la surface du globe, couronnée à Harlem en 1787 , dit posséder une dent d’éléphant découverte en Brabant .

Il ajoute (p. i8o,uote) qu’une très-grande tète fossile de cette espèce a été retirée d’une rivière , à deux lieues de Louvain , par des pécheurs.

M. Delimbourg parle aussi en général de ces os dans un Mémoire inséré parmi ceux de l’Académie de Bruxelles (i).

Bœcier , in Cynos. mat. med. Herrmanni , vol. I , pl. III , p. 1 34 5 et Sloane , Ac. des Sc. 1727, avoient déjà parlé d’une défense trouvée dans le Rhin , près de Nonnenweyer.

Un fragment du meme endroit, long de 3r 2” , se trouve encore aujourd’hui chez M. Spielmann , pharmacien de Strasbourg, et une molaire de TVittenweyer , qui n’en est pas éloigné , chez M. Petersen , habitant de la même ville (2).

Jean Herrmann , dans un programme particulier du i5 décembre 1785, montre que la prétendue corne de bœuf, de¬ puis long-temps suspendue à l’un des piliers de la cathédrale de Strasbourg, n’est aussi qu’une défense fossile qu’on aura sans doute tirée autrefois du même fleuve.

En général , toute la vallée du Rhin fourmille pour ainsi dire de ces ossemens.

M. Adrien Camper en a vu beaucoup , en 1788, dans les cabinets de Bâle , et entr’autres chez M. Bernoulli (3).

(1) Tom*I, p. 410.

(2) Tiré des lettres de M. Hammer.

(5; Besc. anat. d’un éle'ph, , p. 28, note. 3-

*4

ELEPHANS

Knorr représentait déjà une mâclielière et un os du méta¬ carpe du cabinet de M. Dannone , professeur à Bâle ( t ) .

La chronique de Colmar parle , sous l’an 1 267 , d’os de géans trouvés près de Bâle , au village de Hertin (2).

II y en a aussi diverses molaires dans la bibliothèque pu¬ blique (le Bâle , dont deux ont été gravées in-fol. comme dents de géans (3) . Davila avoit un morceau d’ivoire du même lieu (4)-

On en a trouvé à Mutterz , à une lieue de Bâle , et à Rheinfelden (5).

Un squelette presque entier fut déterré, en nivôse de l’an 7, ■à Vendenheim , à un myriamètre au nord de Strasbourg , sur l’une des collines les plus avancées des Vosges, à l\o pieds de profondeur , en creusant un puits.

On n’en a conservé qu’une défense longue de 4 pieds 10 pouces sur 5 pouces et demi de diamètre, et quelques portions osseuses peu considérables. Je tire ces détails de ce que MM. Herrmann et Hammer ont bien voulu m’en écrire. lien est parlé dans l’Annuaire du département du Bas-Rhin pour l’an VIII , et l’on y cite une découverte semblable faite quelques années au¬ paravant sur une autre colline avancée des Vosges , à Epjîg , à 8 lieues de Strasbourg , en creusant les fondemens de l’église.

M. Hammer possède aussi un fragment de défense trouvé dans une île du Rhin près deSelz, et un autre des environs d’ Haguenau.

Le cabinet du landgrave de Hesse-Darmstadt contient une mâchoire inférieure d’un grand volume, trouvée auprès de

(1) Knorr , Monum. , tome II , sect. II , tab. H. et U. III,

(2) Dom Calmet , Dict. de la Bible, II, 160.

(5) M. Hammer possède ees gravures.

(4) Davila. , Cab. III , 229.

(5) Tiré des lettres de M. Hammer. Voyez aussi Brucker merckwurdigkcilen der Landschaft basel , n.°XV,pl. i5 , fig. 1, 2 , et Davila , p. 2*7.

FOSSILES. aS

ïVorms. Merk en parle, II.e letti’e sur les fossiles, p. 8 et suiv. , et la représente , pl. III.

Le cabinet de Künast avoit un fémur du même lieu.

Il y a une dissertation particulière de Charles Gotlob Ste- ding sur l’ivoire fossile des environs de Spire (i). Il représente une mâchelière de treize lames écartées , il en manque deux, en avant et une ou deux en arrière. Elle fut trouvée à 4 pieds de profondeur , et pesoit 3 livres et demie. Il y avoit auprès un fragment de défense de 4 livres.

Nous possédons en ce Muséum deux mâchoires inférieures, d’âge différent , trouvées l’une et l’autre aux environs de Co~ logne.

Le côté d’Allemagne en a donné encore davantage.

Le Muséum Kunastianum cite de l’ivoire fossile du pays de Bade , trouvé en 1609, à 10 toises de profondeur au bord du Rhin (2).

Il y a au cabinet de M. Hammer une molaire et un fragment d’omoplate d’auprès de Brisach.

Merk (3) indique un crâne trouvé près de Manheim , et dont il existe une gravure que je n’ai pu encore me procurer. Il portoit deux mâcbelières , pesoit 200 livres , et avoit 4” de long, mais sans doute en suivant les courbures.

M. Hammer possède une molaire déterrée dans une île du Rhin , vis-à-vis Manheim , et un fragment péché dans le Rhin même, près de cette ville. Il y avoit chez M. Gmelin , apo-

(1) Nov.Ac. nat. cur., tome VI, p. 367 , obs. LXXI.

(2) II.' lettre, p. i4-

(3) Mus. Kunast.Slrash. 16G8 , ed. 8." p. 60; ed. in-4.0 , p. i3 , n.* 287. Je dois cette citation à M. Hammer.

4

26 ELEPHANS

thicaire à Tubingen , une mâchoire inférieure trouvée dans le Rhin , également près de Manheim (i) , et dans le cabinet de Künast un grand os aujourd’hui déposé dans celui de l’école de médecine de Strasbourg.

Merck décrit au meme ouvrage une omoplate , un hurriérus , deux fémurs , une défense , un ischion et un cubitus déterrés sur le bord du Rhin, dans un banc de gravier, près d’Ejfel- den , dans le pays de Darmstadt. Il y avoit auprès un crâne de rhinocéros.

Le bassin d’éléphant déposé au même cabinet a probable¬ ment été déterré dans les mêmes environs , à ce que m’écrit M. Fischer. Il y a encore dans ce cabinet , selon le même na¬ turaliste , des dents trouvées à Erbach en Rheingau.

François Beuth possédoit cinq mâcheiières et une défense tirées du Rhin , près de Dusseldorf { 2).

M. Leidenfrost , professeur à Dujsbourg , avoit une m⬠choire inférieure , un humérus , un fragment de fémur et deux mâcheiières des bords de la Lippe , près de Schornbeck , dans le duché de Clèves,h peu de distance du Rhin (3), tou¬ jours avec des fragmens de rhinocéros.

Dès 1 7 46-, il est parlé d’un grand nombre d’os déterrés à Lippenheim près de TV e sel (4).

Le cours du Rhin en étant si riche , les alluvions de son em¬ bouchure n’en pouvoient manquer; aussi la Hollande en est- elle pleine.

(1) Commère, noricum. 1745, pi- III, fig. 10 , p. 297.

(2) Juliæ et montium Suèterranea.Dusseld. 1776, 8.° p. 77.

(3) Merck , III. e lettre , p. i3.

(4) Comerc. huer. Nnnningii et Cohausenii,

FOSSILES. 27

Plempius (1) parle d’un fémur tiré del ’Issel, près de Does- Oourg.

Lulof fait mention d’une dent et de plusieurs os déterrés dans la vallée de 1 ’Issel, près de Zutphen (2) .

Palier décrit un fémur de 4l * 3 4 pouces de long, mis à décou¬ vert avec une vertèbre , par une irruption de la Meuse du n février 1707, près de Hedel , dans le Bommeier-waerdt.

Verster donne d’excellentes figures , faites par Camper , d’une portion considérable de crâne, et d’une portion de bassin déterrés non loin de là, près de Bois-le-Duc (3).

M. Brugmans , professeur de Lejden , m’a donné le dessin d’un fémur trouvé dans ses environs.

Les parties plus élevées de la république batave n’en sont pas dépourvues.

Picaardt cite des ossemens monstrueux du pays de Drenthe , et une défense longue de 12 empans, déterrée en juillet i65o , près de Covorden (4).

L’ Allemagne est sans contredit le pays de l’Europe l’on a le plus trouvé d’os d’éléphans fossiles , non pas peut-être qu’elle en recèle plus que les autres contrées , mais parce qu’il n’y a dans cet Empire, pour ainsi dire, aucun canton sans quelque homme instruit, et capable de recueillir et de faire con- noitre ce qui s’y découvre d’intéressant.

a) Remarques sur l’anatomie de Cabrol. , p. 70 , ap. Palier , Soc. de Harlem , tome XII , p. 373 et suiv.

(2 j Beschouwing des Aard KJoots. §. ^25., ap. Palier . loc. cit.

(3) Mém. delà Soc. de Harlem, tome XXIII, p. 55-S4-

(4) Ann, Drenlh, ap. V ers ter. 1. c.

ELEPHANS

28

Merck comptoit déjà en 1784 (1) quatre-vingts endroits l’on avoit déterré de ces os, et plus de cent échantillons d’os dont l’origine étoit inconnue. M. de Zach fait aller le nombre des lieux à plus de cent (2) ; et M. Blumenbach le porte au double (3).

Tout le monde connoit l’histoire de l’éléphant découvert à Ton/? rz, dans le pays de Gotha , en 1696, et dont Tentzelius et Hojer ont donné des relations (4).

On vient d’en déterrer un second, en 1799, à 5o pieds de distance du point l’on avoit trouvé l’autre; et le célèbre as¬ tronome, M. le baron de Zach , nous a donné à cette occasion une description de terrain plus circonstanciée (5) dont nous allons profiter pour faire connoître les détails de la découverte. Il yen avoitdéjàune auparavant dans le journal deM. Voigt{Ç>).

Il y a deux Tonna ( Greeff en-Tonna et Burgtojma) situés tous deux dans des enfoncemens de la vallée de Y Utistnit , au- dessous de Langensalza ; et à droite tant de la Salza que de T TJnstrut. Toutes les gorges de celte vallée , comme de la plu-

(1) Il.e lettre, p. 8.

(2) Monatliche Corresp. janvier, 1800 , p ,'ag.

(5) Archceologia telluris , p. 12.

(4) Tentzelii Epistola ad Magliabeccliium , de Sceleto elephantino , Tonnæ imper effosso. PI til. crans, vol. 19, n.° 234, P- 757-776. J.-G. Hoyer , de Ebore fossili , seu de Sceleto eleplianli in colle sabuloso reperto. Ephem. nat. cur. dec. 3, an. 7-8, p. 2g4,obs. CLXXV.Yoyez aussi les Act. erud. Lips. , jan. 1697, et V alentini Ampli. Zoot., p. 26.

(5) Notice d’un squelette d’ éléphant trouvé à Burgtonna , dans la correspon¬ dance relative aux progrès de la géographie et de l’astronomie, journal alle¬ mand de M. Zach, janvier 1800 , art. II , p. 21 et suiv.

(6) Magasin pour les nouveautés de l’hist. nat. et de laphysique , par MM. Lic/t- tenberg et Voigt , en allem. tome III , 4-e cab,

FOSSILES.

â9

part des vallées basses de la Thuringe , sont occupées par des couches horizontales d’un tuf calcaire tendre, qui contient des os, des bois de cerf, des impressions de diverses feuilles que l’on a jugé provenir de plantes et d’arbres aquatiques du pays , et des coquilles qui ont paru appartenir à 1 heliæ sta- gnalis et à d’autres espèces d’eau douce. Ce tuf se résout en certains endroits en un sable marneux que l’on emploie depuis beaucoup plus d’un siècle à améliorer les terres. On l’obtient en partie par des fouilles souterraines et irrégulières; celles de la commune de Burgtonna sont à /jo, 5o et 60 pieds de profondeur au-dessous du sol.

Les ouvriers y trouvent de temps en temps des os et des dents d’éléphans et de rhinocéros, d’animaux du genre du cerf et de celui de la tortue.

Ces dépôts de tuf alternent avec d’autres, en grande partie formés de glaises et dans lesquels on trouve aussi de ces os , quoique plus rarement.

Les deux squelettes de 1696 et de 1799 étoient à 5 o pieds de profondeur.

On recueillit du premier un fémur pesant 3a livres; et la tête de l’autre fémur , grande comme celle d’un homme , et pesant 9 livres ; un humérus long de 4 pieds, large de 2 empans et demi ; des vertèbres , des côtes ; la tète avec quatre molaires pesant chacune 12 livres, et deux défenses longues de 8 pieds; mais une grande partie de ces pièces fat brisée.

Nous ne nous arrêterons pas à rendre compte des disputes occasionnées par cette découverte. Les médecins du pays , consultés par le duc de Gotha , déclarèrent bien unanime¬ ment que ces objets étoient des jeux de la nature, et soutinrent

3o ELEPHANS

leur opinion par plusieurs brochures ; mais Tentzel , biblio¬ thécaire de ce prince , opérant plus sensément, compara chaque os pris à part avec son analogue dans l’éléphant , tel qu’il les connoissoit par la description d’ Allen-Moulin , et par quelques remarques d 'Aristote, de Pline et de Rajr , et en démontra la ressemblance.

Il alla plus loin, et prouva par la régularité des lits au-des¬ sous desquels on avoit trouvé ce squelette, qu’on ne pouvoit attribuer sa présence en ce lieu à quelque inhumation faite de main d’homïne ; mais qu’il ne pouvoit y avoir été amené que par quelque cause générale , telle que l’on se représente le déluge.

Le deuxième squelette, celui de 1799, étoit dans une po¬ sition comprimée et courbée : il occupoit ùne longueur d’en¬ viron 20 pieds ; les pieds de derrière étoient près des défenses. Celles-ci ont 10 pieds de long; elles étoient sorties des alvéoles et se croisoient. Elles sont tendres, mais entières : le bi’as entre aisément dans leur cavité. On ne put conserver de la tête qu’une partie de la mâchoire inférieure et les deux plus grosses molaires. La plupart des autres os et les côtes se brisèrent aussi plus ou moins en les détachant du tuf; mais on a trouvé au moins des parties de tous. Les cellulosités des os étoient en partie remplies de cristaux de spath.

La couronne d’une molaire a 9 pouces de long sur 3 de large , et sa hauteur est de 6 à 8 pouces; un tihia entier , 2 pieds 4 pouces, et 6 à 8 pouces de diamètre; une tête de fémur, 6 pouces (1)..

(ï) Zach. toc. cit. p. 27. (Note delà page 28).

FOSSILES.

3i

A peu de distance , et dans des couches semblables , ou a trouvé des bois du cerf ou élan fossile , et à Ballstœdt , vil¬ lage voisin , des dents de rhinocéros.

La vallée de l’ Unstrut a fourni encore des os fossiles d ’élé- phans en d’autres de ses parties ; notamment une défense pe¬ sant ii5 livres et de io pieds de long, près de Véra (1).

Un lieu non moins célèbre que celui de Tonna par les nom¬ breux ossemens d’éléphant et d’autres animaux étrangers qu’il a fournis , est la petite ville de Cantstaclt dans le pays de TVir- temberg sur le Necker. La principale découverte s’en est faite en î-oo ; et David Spleiss , médecin de Schaffouse , en rendit compte dans une dissertation particulière intitulée : OEdipus osteolithologicus , seu Diss. histor. phys. de Cornibus et ossi- bus fossilibus canstadiensibus. Schaff. 1701, 4-° , il inséra une relation assez bien faite, par Salomon Reisel, médecin du duc. Il en est traité aussi dans la Medulla mirabilium de Sey- fried , et la Descriptio os sium fossilium canstadiensium de Reiselius , 1715 et Jean Samuel Cari en a donné une ana¬ lyse chimique fort bonne pour le temps , dans son Lapis ly~ dius philosophie o pyrotechnicus , etc., Francf., 1705.

J’en dois de plus un rapport circonstancié à l’amitié de M. Autenrieth , professeur d’anatomie à Tubingen , et de M. Jœger , garde du cabinet d’histoire naturelle de Stuttgard.

Ces deux savans ont encore les os eux-mêmes sous les yeux ; ils connoissent le local on les a trouvés , et ils ont pu com¬ pulser une partie des procès-verbaux que l’on dressa dans le temps de la découverte.

(1 ) Knoll Wunder erscheinungen , etc. et Gothaische gel. Zeitung , 1782-85, £év, , p. 668,

3a E L E P H A N S

L’endroit même est à i’estdu Necker , à mille pas en dehors de la ville, du côté du village de Feldbcich. Reisel dit qu’il y avoit des restes d’un ancien mur, épais de 8 pieds et de 80 de tour , qui paroit avoir été l’enceinte d’un fort ou d’un temple , et l’on en voit en effet encore les restes. Aussi Spleiss conclut- il que ces os étoient ceux des animaux qu’on sacrilioit ; mais ils étoient pour la plupart bien plus profondément : d’ailleurs on en trouve encore plus près du Necker, dans un sol naturel, et tout semblable à celui on les déterra. Tout ce qu’on pour¬ voit conclure de leur abondance dans l’enceinte de ce mur , c’est qu’ils avoient déjà été une fois déterrés à cet endroit , et rassemblés par quelques curieux.

Le sol est une argile jaunâtre, mêlée de petits grains de quartz roulés , et de petites coquilles. M. Autenrieth m’a envoyé les dessins de cinq qui m’ont paru du nombre de nos petites co¬ quilles d’eau douce.

Cette argile remplit les divers enfoncemens des collines cal¬ caires , à bancs réguliers , qui bordent la vallée duNecker , et qui , après avoir formé la masse du bas pays de Wirtemberg, vont se joindre à des collines plus élevées d’une marne rougeâtre, qui entourent les montagnes du haut pays; calcaires entre le Necker et le Danube [talb de Souabe ) , et formées de granit et de grès , entre le Necker et le Rhin ( la forêt Noire ).

Ces collines marneuses offrent souvent des plantes pétrifiées et des couches de charbon de terre , et leur sommet est re¬ couvert de pétrifications marines anciennes, comme ammo¬ nites, bélemnites , etc.

M. Autenrieth a trouvé dans le voisinage une forêt entière de troues de palmiers couchés.

Ce fut un simple soldat qui remarqua le premier par hasard ,

33

FOSSILES, en avril 1700, quelques os qui se montroient hors de terre. Le duc alors régnant , Eberhardt- Louis , lit continuer les fouilles pendant six mois. On garda ce qü’il y eut de plus entier. Le reste, en quantité prodigieuse ; car il y avoit, selon Reisel , plus de soixante défenses , fut envoyé à la pharmacie pour être em¬ ployé comme licorne fossile.

Les os eux-mêmes étoient sans aucun ordre , en grande partie brisés , quelques-uns roulés , sans aucune proportion entre eux. Il y avoit, par exemple, des dents de cheval par charretées , et pas des os pour la dixième partie de ces dents. Les os d’éléphans paroissent avoir été plus élevés que la plu¬ part des autres.

En général , on n’en trouva plus aucun , passé 20 pieds de profondeur. Une partie étoit engagée dans une espèce de roc , formée par de l’argile , du sable , des cailloux et de l’ocre , agglutinés ensemble , et l’on fut obligé d’employer la poudre pour les avoir.

Les os d’éléphans que l’on a encore à Stuttgardt dans le cabinet royal, consistent dans les morceaux suivans : une por¬ tion de mâchoire supérieure avec deux molaires parfaitement parallèles ; deux molaires supérieures antérieures, presque en¬ tières, et des fragmens de deux autres : les lignes d’émail dans les parties usées sont, comme dans presque toutes les molaires fossiles, minces et droites, presque sans festons et anguleuses dans le milieu ; quatre molaires supérieures postérieures ; deux molaires inférieures ; des fragmens, et des germes: il y a des lignes d’émail bien festonnées 5 une défense très-courbée de 5 pieds et demi, et une autre de 4 pieds et demi, mesurées par le coté convexe; des fragmens de beaucoup d’autres; des por¬ tions de vertèbres et de côtes; quatre omoplates, et des frag-

5

34 ELEPHAIîS

mens de quelques- autres^ un fragment d’humérus; trois cu¬ bitus; six os innominés du côté droit, et sept du gauche, la plupart incomplets; quatre têtes de fémurs; trois corps de fémurs sans tête; une rotule; deux tibias : il y a de plus chez un apothicaire de la même ville uue mâchoire inférieure et une portion de tibia.

Ces os sont accompagnés dans le cabinet de beaucoup d’os de rhinocéros, d’hyène et d’animaux du genre du cheval , du cerf, du bœuf, du lièvre et de petits carnassiers. De très-grands épiph}7ses de vertèbres pourroient faire soupçonner des cé¬ tacés. Il y a aussi quelques fragmens humains sur lesquels je re¬ viendrai. Malheureusement on n’a pas assez distingué les hau¬ teurs différentes chaque os fut trouvé pendant six mois que les fouilles durèrent, ni les os qui étoient dans le retranchement' mentionné par Beisel , de ceux qu’on trouva hors de ses limites. On déterra par exemple aussi des fragmens de charbon et d’ob¬ jets fabriqués par l’homme, comme des vases , etc. qui , sûrement n’avoient pas été déposés en même temps que les grands os.

Canstadt n’est pas le seul lieu de la vallée du Necker et des vallons qui y aboutissent l’on ait fait de pareilles découvertes.

Pi ès du village de Berg , au-dessus de Canstadt , au dé¬ bouché du petit vallon du Neisenbach est Stuttgard , est une masse d’un tuf calcaire singulier, qui ne consiste qu’en incrustations de plantes aquatiques; je l’ai visitée moi-même plu¬ sieurs fois , et j’apprends de M. Autenrieth qu’il y a trouvé un squelette fossile de cheval. On en avoit tiré en îjqô une défense du poids de 5o livres; et M. Jœger y a trouvé, il y a quatre ans, une mâchoire inférieure d’éléphant. C’est cette place que Gueîtarda vue ,1a prenant pour celle de Canstadt (i).Qn a trouvé des os

L\) Yoyez les Mém. de J” Ac. des Sc. de Par. pour l'jôâ.

FOSSILES. 35

dans ce même petit vallon un peu au-dessous et d’autres au-des¬ sus de Stuttgard. Tout près des murs même de la ville, oti trouva, il y a dix-huit mois, sous la terre végétale, en creu¬ sant une cave, une partie considérable d’un grand squelette d’éléphant , deux graudes défenses et une petite dans de l’ar¬ gile rougeâtre et bleuâtre. Dans le vallon de la RemS qui dé¬ bouche au-dessous de CanStadt , on a eu une grande molaire. M. Storr en a découvert une autre sur le haut Necker , près de Tiibingen. Le bas Necker en adonné à fGeinspérg , près Cl Heilbron (1), etc’est près du confluent de cette rivière avec le Rhin , qu’on en a tiré une des mâchoires inférieures déposées à Darsmstadt. Bausch (2) cite déjà de l’ivoire fossile des en¬ virons d’ Heidelberg , d’après Boëtius de Boodt\e t Gejer , des os et des dents d’auprès de Manheim (3).

La vallée étroite du Rocher a fourni des défenses près de Halle en Souabe en 1 494 -> et en i6o5. Cette dernière, en¬ core aujourd’hui suspendue dans l’église de Halle , pèse 5oo livres (4), mais saus doute en y comprenant les ferremens qui la supportent. Une inscription dit qu’il y avoit auprès beau¬ coup de grands os. Un incendie ayant détruit le tiers cette" ville en 1728, on trouva, en creusant de nouvelles fondations, beaucoup d’ivoire fossile , dont une défense de 7 pieds et de¬ mi. Une molaire du même lieu est représentée dans le Mu¬ séum closterümum , fig. VIH.

I ri) BauscTi, Ëbor. fôss. 189.

(2) DcËbore' foss. 1 89.

(fC Mise. nat. errr. , dee. H-, an 6 , p. 176 , oh. LXXXV.

(4) Dissertatio in auguralis physico medica d é Eborè fossili siidviSo halerisi , præs. Fr. Hoffmann , aucc. Joli, t'red. Beysohlag halcé mügdi , 1 7 >4'

36

ELEPHANS

Tous les bassins des grandes rivières de l’Allemagne ont donné des os d’éléphant comme les lieux dont nous venons de parler.

Pour continuer le dénombrement de ceux qu’a donnés le bassin général du Pdiin , nous citerons d’abord ceux de la vallée du Mein.

Bausch ( de Unicornu fossili , p. igo et suiv. ) cite une dé¬ fense de 9 pieds, trouvée en i5yi près de Schweinfurt; une seconde du meme lieu, eu 1648; une troisième, de i3 à i4 pieds de long, en 1649, l’une et l’autre dans les fortifications de la ville; une en 1 5g5 , à Carlsbach près à’Hamelburg ; une en 1649 à Zeil, découverte par une inondation du Mein ; on y en avoit déjà trouvé en i63i , et on y en retrouva en 1607; une auprès de FVurtzbourg ; une des environs de Bamberg ; une des environs de Ge raids hof en ; une molaire du poids de 12 livres près à’Arnstein eu i655, Si l’on jette un coup-d’eeil sur une carte de Franconie , ou verra que tous ces endroits, depuis Bamberg jusqu’à FEurtzbourg , n’occupent pas dans la vallée du Mein une longueur de plus de 25 lieues, en suivant les courbures..

Quant au grand bassin du Danube, nous avons d’abord dans la vallée de YAltmühl le grand dépôt décrit par Col- Uni (1) et par Esper (2), situé entre les villages, de Kahldorf et de Raiterbuch trois lieues d’ Aiçhstedt , et les os d’élé¬ phant étoient accompagnés, comme à Canstadt et à Fouveni, d* ossemens (Y hyène s. M. 77 animer possède une vertèbre et une portion de crâne trouvés en 1770 auprès d’ Aiçhstedt.

Plus bas , on a la dent mâche, ere déterrée à Krembs en

( 5 ) Mérii. de 1’ Ac.de Mành. , t. V.

(a) Soc. des Naiur. de Berlin , neue scBr. , t. Y.

FOSSILES.

37

i644 Par ^es Suédois (1) , eu creusant un fossé, et le prétendu géant trouvé au meme lieu Vannée d’après, ainsi que le tibia etle fémur déterrés à Badeniprès de Vienne sur la Swecha(i). L’ivoire fossile de Moravie , dont parle TV ormius (3) , appar¬ tient également au grand bassin du Danube.

Pour la partie de ce bassin qui s’étend en Hongrie, on peut ■voir dans Marsigli . Danub. , ïï , p. 7 3 et pl. 28 , 29 , 3o, 3i , un atlas, un fragment d humérus, une molaire, un fragment de défense et une très-grande mâchoire inférieure , trouvés en différens lieux de Hongrie et de Transylvanie, la plupart dans des marais.

Fichtel (4) dit qu’il a été détaché, près de Jegenje , dis¬ trict de Kolocz , une défense longue de 6 pieds, d’un mon¬ ticule tout composé de nummulaires; ce qui seroit une cir¬ constance presque unique, si elle étoït bien constatée.

Le Journal littéraire de Gœttingen (5) parle d’os et de dents trouvés près de Harasztos , village vallaque voisin de Claus- bourg dont les eaux tombent dans la Teisse.

M. Harnmer possède un fragment de molaire de Buggau près Schenmitz en Hongrie , dont les eaux tombent dans la ri¬ vière de Gran , et avec elle dans le Danube , vis-à-vis la ville de ce nom , autrement appelée Slrigonie.

Pour revenir à l’Allemagne , nous trouvons dans le bassin du Weser le squelette déterré à Tide , dans le vallon de V O cher ^

(1) Theatr. europ. , t. V, Seybold medalta iriirabil. j p. 43g.

(2) Lambecius , Bibl. Cæs. , lib, vol. VI , p. 5 1 5 - 5 16. Happelius , Relat. cur. IV, p. 47.

(3; Mus. , p. 54- ... ,

(4) Traité des Pétrifications dit gr. duché de Transylvanie, en aîîeïn. ; Nüremb.

1780, in-4.0 , tome II, p. 11g. -Cf .101 .g,. :.''i jusbhM (t

(5) M.* 6 de j 798. -îi (c

38

ELEPKANS entre FF olfcnbuttel et Sietter'burgÇ i ) , en 1 722 ; Leibnitz avoit déjà fait représenter une mâchelière de cet endroit (2).

Nous y trouvons encore le squelette entier découvert en ïy/p par le docteur Kœnig à Osterode , au pied du Hartz , et au même ên droit d’où l’on a eu une omoplate et un radius de rhinocéros en 1773 (3).

Les os de Bettenhausen près Cassel sur la Fulda (4). ainsi que ceux de la Hesse en général (5) et ceux d’ Hildesheim. sur YInnerste appartiennent encore à ce bassin (6).

M. Grand idier , directeur du cabinet de Cassel , m’a fait l’honneur de m’écrire que l’on y conserve dix màchelières de Bettenhausen , trouvées en creusant un puits , et plusieurs por¬ tions découvertes près de Cassel même, sur une colline calcaire.

Dans celui de XElbe, outre les squelettes entiers de la vallée de 1’ Unstruth , mentionnés ci-dessus, nous trouvons les nom¬ breux ossemens d’ E 'sperstcedt , dans le comté de Mansfeld , entre Halle en Saxe et Querfurt , et dans la vallée de la Sala (7) . Ce qui est bien remarquable, c’est qu’une partie fut trouvée dans une carrière de pierre dure : apparemment que c’étoit dans quelque fente. Scheiichzer en avoit une molaire dans son cabinet (8). Il en avoit aussi une- de Querfitri même, à la source de la Salza qui se jette dans la Sala (9)'.

(ij Jîr itckmim/i, Epist, itin. 5o, et Hamburg : berichte , vol. de l’j'fi.

(2) Protogœa, pl. dernière.

(5 T Briïcfanann , Epist. il. cent. IT , Ëp. 29 , p. 5o6.

(4) TValch. in Knorr. , Monum, , t. IL, sect. II , p* 1-62.

(5j Bausch. de Eb. fass, , p. 189.

(6) Id. ib.

(j) Hoffmann et Beychlag , de Ebore fossili suevico halensi , p." 9. Sehntu, C orner c. litt. norimb. , rÿ5i , p. 4°5.

(8) Muséum diluv., p. 101, n.^ 25.

(g) Ib., n.° i5.

FOSSILES. 3g

On en a trouvé plus récemment à Des s au sur l’Elbe même ( i) et à Potzdam ,au confluent de la Havel et de la Spre'e (2).

Sojidershausen, sur la Vipra , qui se jette dans Y Unstrutt appartient encore au bassin de l’Elbe. 7V alch (3) dit qu’on y a trouvé des osd’éléphant très-caleinés. Allenburg sur la Pleiss est du meme bassin. On y trouva de l'ivoire fossile en 1740 On doit encore rapporter ici l’ivoire fossile trouvé près de B.abschitz,su r le chemin de Meissenk Freyberg , dont parle Fa- bricius dans ses Annales delà ville de Meissen , année 1 566 (5); la défense retirée d’un rocher auprès de Saaberg , sur la¬ quelle ce meme auteur rapporte de mauvais vers latins (6) , et les os trouvés sous la terre végétale à Erxleben , près (Y Frf art (7).

Pour le bassin de l’ Oder , il faut consulter la Silesia subter- ranea de Volkmann. Il y parle d’un humérus (8) pendu dans l'église de Trebnitz , d’un fémur dans la cathédrale de Breslau((jf et d’un prétendu géant déterré à hiegnitz , en fondant l’église, dont les os furent distribués pour être placés dans les princi-

(1) Meinebe , Soc. des Nat. de Berlin, III , p. 479.

(2) Fuchs. , ib., p. 474.

(5) Knorr. , Monum. , tome II, sect. II, p. i63.

(4) Schneuer, Lettre à J. -J. Raab., jena., 1740* 8."

(5) Ap. Bausch , de Eb. foss. , 189.

(6; Ap. ^/éï7r«j,Meissniscbeberg-cbronik, lit. XXII , p. 172.

(7) Walcli. , Monum. de Knorr. , II , sect. II , p. 162 , qui cite Baumer ; aéct. ac. el, mog. Erfurti , tome II; mais je n’ai rien trouvé à ce sujet dans les Qbserv ad geogr. subcerr. perdn. , dans le vol. à’Erf. de 1776, seule dissertation de Ban- mer que celte désignation puisse indiquer.

(8) PI. XXY , f. 1.

(çi)Ib., f. 2.

E L E P II A N S

4<>

pales églises du pays. Un fémur fut tiré de Y Oder meme en i65-a , près de Jileinschemnitz (i).

A l’est du bassin de Y Oder, on trouve en Pologne et en Prusse celui de la Vis fuie.

Quoique beaucoup moins examiné que ceux des fleuves d’Al¬ lemagne , il a pourtant aussi fourni des os d’élépbans, et a donné lieu, comme tant d’autres, à des récits de géans , sur lesquels on peut consulter Y Histoire naturelle delà Prusse par Bock, en Allemand, tome II, p. 394- Gessner avoit déjà reçu une défense fossile de ce pays-là (2).

Raczinsky mentionne une molaire découverte au bord meme du fleuve, à 6 milles de Varsovie (3), et Klein , une autre déterrée, en 1736, à 6 pieds de profondeur dans le sable, à demi mille de Dantzig, près le couvent de Saint- Adelbert (4) .

Le bassin du Dniester ou Tyras n’en est point exempt. Le même Klein parle de molaires et de plusieurs autres os mis à découvert par ce fleuve en 1729(5) , auprès de Kaminiek.

Les îles britanniques qui, par leur position, n’ont pas recevoir beaucoup d’élépbans vivans en offrent un grand nombre de fossiles.

Sloane avoit une défense déterrée à Londres même, Gray s inn lane , dans du gravier , à 12 pieds sous terre (6).

Il en possédoit une autre du comté de Northampton , trouvée

(1) j Epie. tic. nat. cur. , an. i665.

(2) .De fis lap't P- l57- (5) Hist. nat. pol., I , i.

(4) Hist. pisc. nat. prornov. miss. , II , p. 3a.

(5) Ib. , p. 29.

(6) Ac. des Sc. 1727 , in-12, I, p. 4 etsuir.

FOSSILES.

4*

dans de l’argile bleuâtre , sous i4 pouces de terre végétale, 18 d’argile et 3o de cailloux mêlés de terre (b).

L ue molaire du même canton et de quatorze lames étoit plus profondément sous 16 pieds de terre végétale, 5 pieds de terre sablonneuse mêlée de cailloux , un pied de sable noir mélangé de petites pierres, un pied de gravier menu et 2 de gros gravier étoit la dent , et sous lequel seulement venoit l’argile bleue (2).

Dès i63o, on avoit trouvé à Glocester une portion de crâne avec quelques dents (3).

Lne mâchoire inférieure avoit été déterrée à Trentham , -dans le comté de Stafford (4).

En 1700, divers grands os, dont un humérus , furent dé¬ terrés à JVrebness , près Harwich, sur la rivière de Stowr , à i5 ou 16 pieds de profondeur, dans du gravier (5).

31. de Burtin possède une molaire des environs de Har-

wich (6).

A Norwich, dans le comté de Norfolk , il se trouva en 1-40 une molaire du poids de 1 1 livres anglaises, et plusieurs grands os (7).

J’ai moi-même en ce moment sous les yeux , par la com¬ munication qu’a bien voulu m’en faire M. G - A. Deluc , l’os du métacarpe du pelit doigt du pied de devant droit, trouvé à

fi Id. p. 4"h , et Morton , NaU Hist. of N orth amp tonshire , p. 252. (2. Id. ib , p. 4+5 » et Morton , il , et lab. XI , fig. 4- ;5l Id. ib.

Id. , p. 467 .et Bob. Plot. ,Hist. nat. du comté de Stafford.

~>j John. Luffkin , Trans. pli il. , tome 22, n.° 2-4, p. 924.

(fj) Burtin , Mémoire couronné à llarlcm , p. 20.

(- Henry Baker , Trans. pliiL vol. 4-5, p, 33 1 , art. X'vl

a

42 E L E P H A N S

Aew, à 18 pieds de profondeur, dont un pied et demi de terreau, 5 pieds d’argile sableuse , rougeâtre , bonne à faire des briques ; 8 de gravier siliceux , et 3 pieds de sable rougeâtre , lequel repose sur de l’argile. Ce sable contenoit beaucoup d’autres ossemens, entr’autres le noyau d’une corne du genre du bœuf- et, dans une autre fouille du meme champ, on trouva sur l’argile une défense longue de 8’ 'f qui se brisa quand un voulut l’enlever. L’argile elle-même contient des coquilles, et entr’autres des nautiles (t). '

La petite île de Sheppej , à l’embouchure delà Miclwej et de la Tamise , a fourni une vertèbre, un fémur, une dé¬ fense, etc. , dans un endroit de la côte mvé par Je flot (2)..

M. Peale cite encore tout récemment des os trouvés dans la plaine de Salisbnrj , auprès de Bristol et dans les Iles des Chiens (3). Dom Calmet avoit déjà parlé d’un géant des en¬ virons de Salisbuty , près du fameux Stone-IIenge (4).

Pennant (5) avoit reçu deux molaires et une défense du Flint-Shire , au nord du pays de Galles. Elles avoient été tirées par des mineurs de dessous une mine de plomb, à nS’ de profondeur, dans un lit de gravier; et parmi les lits supé¬ rieurs en était un de pierre calcaire épais de 1 1 à 12 ; un bois de cerf étoit avec ces dents. Je soupçonne bien cette position de n’avoir pas été décrite exactement : elle seroit peut-être la seule de son genre.

(1) Ces details sont extraits d’une lettre dont m’a honoré M. G.- A. Délite, en date de Genève le ti décembre i8o5.

(a) Jacob , Trans. pbil. , tome 48 ,p. 626-627.

(S] Hislorical Disquis : on the Mammoch , p. 7, note.

(4) Dict. de la Bible, p. 160.

(5) Pennant' s Works , t. XV , quadr. I, p. 1 58.

FOSSILES.

43

L’ Irlande a fourni des os (X éléphant même dans ses parties septentrionales. Il y en eut quatre belles mâckelières de dé¬ terrées , en 1 7 15 , à Maghery , à 8 milles de Belturbet , en creu¬ sant les fondemens d’un moulin (i).

La Scandinavie , ce pays si peu propre à nourrir des élé— phans vivans, en contient cependant de fossiles.

M. Quensel , intendant du cabinet d’histoire naturelle de l’Académie des Sciences de Stockholm , a eu la bonté de m’en¬ voyer le dessin d’une grande mâchelière inférieure très-usée du cabinet qu’il dirige. Elle a été trouvée dans une colline de sable, près du fleuve de Jic en Ostrobotlmie.

J.-J. Dcebeln a déjà décrit et représenté des os gigan¬ tesques (2), déterrés en à F alkenberg , dans la province

de Halland. A en juger par les figures, ce sont une première côte , un os du métacarpe et un os indéterminable du carpe d’un éléphant.

Les os de géans déterrés en Norwége, dont parle Pontop- pidan , ne peuvent guère non plus se rapporter à autre chose(3).

Il n’est pas jusqu’à l’Islande qui n’en ait.

Thomas Bartolin fait mention d’une mâchelière d’éléphant, qui fut envoyée de cette île à Resenins , et donnée par celui-ci au cabinet public de l’Université de Copenhague. Elle était pétrifiée en silex (4).

Sloane en avoit une dans sou cabinet , changée dans la même matière (5) ; mais il n’en fait point conuoître l’origine.

n Francis Neville, Trans. plut. , tome 29 , n.® 34g, p. 367.

2 ; Act. ac. nat. car. , vol. V, tab. V.

(3, Pontopp. Hist. nat. de Norw. , trad. angt. 1 "55, Il , p. 162.

(4, Act. med. Hafa. , I, p. 85 , n." XLVI.

5) Mém. del’Ac. des Sc. de Par., 1737 ,iu-ia, 1. II, p. 447-

E L E P H A N 5

Pontoppidüm cite aussi , d’après Torfœus , un crâne et une dent trouvés en Islande , et d’une prodigieuse grandeur (i).

De tous les pays du monde, celui qui a le plus fourni et qui recèle encore le plusd’ossemens fossiles d’éléphans, c’est le vaste empire de Russie , et surtout celles de ses provinces l’on devroit le moins s’attendre à en trouver , les parties les plus glacées de la Sibérie.

Déjà , dans la Russie Europe , on en a découvert en beau¬ coup d’endroits j il en fut trouvé de monstrueux , en 1 •ÿ y 5 , à Swijatowski 17 w ers tes de Peters bourg (2).

Il y a au cabinet de cette ville une défense des environs d’ Archangel(3) , dans la vallée de la Dwina. Corneille Le¬ brun cite des défenses trouvées près de la surface , à Vorones sur le Tandis (4). Il y en a un énorme amas , ainsi que d’os de beaucoup d’autres animaux , sur la rive du Tanaïs ou du Don , près de la ville de Kostjnsk (5).

M. Dallas , dans son Nouveau Voyage des provinces mé¬ ridionales de la Russie , en rapporte des exemples, de plusieurs lieux entre le Tanaïs et le Volga , comme des environs de Pensa [6), et de deux autres endroits plus près du Volga {'j').

Mais pour toute la Russie asiatique proprement dite , le

(1) Iïist. nat. Norw. , trad. angl. II , p. 242.

(2) Journ. de Pol. et de Liitér. , 5 janv. 1776 , ap. Buff Ep. de la Nat. , noies just. 9.

(5) Bail. ,Nov. Cota. Petrop. , XIII , 4-7 1 2 * 4 5 * 7 »

(4) Sloane, loc. cit. , p. 44-<>-

(5) Bail., Nov. Cam. Petrop. , XVII , 578. Gmel. Voy. en Stb, en allemand. I, 54 et 78.

(S) Trad. fr., tome I, p. 41*

(7) lb. , p. 90 et 94 , et p. 1 0 1 et 1 02.

FOSSILES. 45

témoignage universel des voyageurs et des naturalistes s’accorde à nous la représenter comme fourmillant de ces monstrueuses dépouilles (i).

Ce phénomène y est si général , que les hahitans ont forgé une fable pour l'expliquer , et qu’ils ont supposé que ces os et ces défenses proviennent d’un animal souterrain vivant à la manière des taupes , mais ne pouvant impunément voir la lumière du jour. Ils ont nommé cet animal mammont ou mammouth , selon quelques-uns , du mot mamma qui si¬ gnifie terre dans quelque idiome tartare (2) 5 et , selon d’autres , de l'arabe behsmoth , employé dans le livre de Joh , pour un grand animal inconnu , ou de mehemoth , épithète que les Arabes ont coutume d’ajouter au nom de l’éléphant (jîhl ) quand il est très-grand (3).

C’est sous le nom de cornes de mammont , mammontova- kost , qu’ils désignent les défenses 5 celles-ci sont si nombreuses et si bien conservées, surtout dans les parties septentrionales, qu’on les emploie aux memes usages que l’ivoire frais , et qu’ elles font un article de commerce assez important pour queles czars ayent voulu autrefoiss’en réserver le monopole (/j).

C’est probablement le profit quelles procurent qui a excité à leur recherche, et qui a fait découvrir tant de ces ossemens dans ce vaste pays ; ajoutez que les rivières immenses qui des¬ cendent à la mer glaciale, et qui s’enflent prodigieusement à

M Voyez Ludolf , gram. russ. , Isbrand-Ides , sa/n. bernh. Millier , S irakien ber g , Gmelin , P allas , etc.

(2) P ail. loc. cit.

(5, Straklenberg , trad. angl. , p. 4o3.

ülat prés, de la Russie , en angl. ap. Sloane , loc. cit.

46 ELEPHANS-

l’époque du dégel , rongent et enlèvent d’énormes portions de leurs rives, et y mettent chaque année à découvert des os que la terre conienoit ; ce qui n’empêche point qu’on n’en trouve beaucoup d’autres quand on creuse des puits et des fondations.

Ainsi on ne doit pas croire qu’ils ayent simplement été amenés par les fleuves, des montagnes voisines de l’Inde les éléphans peuvent se porter naturellement encore aujourd’hui, comme l’a avancé récemment un auteur estimable (i). D’ail¬ leurs il n’y en a pas moins le long du Volga , du Tanaïs et du Jaïk qui viennent du nord, et le long de la Léna , de 1 ’ln- digirska , du Kolyma et même de ïAnadir (a) qui descendent des montagnes très-froides de la Tartarie chinoise , que le long de l’ Ob , du Jenissea et des rivières qui s’y jettent, dont 1 ’lr- tisch est peut-être la seule qui s’approche assez des montagnes du Thibet , pour qu’on puisse lui appliquer cette hypothèse. C’est des bords de l’ Indigirska que vient le beau crâne rap¬ porté par Messerschmidt , et dont nous donnerons une copie.

Il n’est, ditM. P allas (3) , dans toute la Russie asiatique , depuis le Don ou Tanaïs , jusqu’à l’extrémité du promontoire des Tchutchis , aucun fleuve, aucune rivière, surtout de ceux qui coulent dans les plaines, sur les rives ou dans le lit duquel on n’ait trouvé quelques os d’éléphans, et d’autres animaux étrangers au climat.

Mais les contrées élevées, les chaînes primitives et schis-

( i )Patrin ,Hist. INat. des Minéraux, tome V, p. 5gi et suiv. et nouveau Dict. des Se. nat. ,Art. Fossiles.

(2) P ail. Nov. Com. Pètrop . , XIII, p. 4-7 1 2 3 -

(3) Nov. Com. Petrop, , tom. XYII pour i772,p. 576 et suiv.

FOSSILES. 4?

teuses en manquent, ainsi que de pétrifications marines , tandis que les pentes inférieures et les grandes plaines limoneuses et sablonneuses en fournissent partout aux endroits elles sont rongées par les rivières et les ruisseaux , ce qui prouve qu'on n’en trouveroit pas moins dans le reste de leur étendue , si l’on avoit les memes moyens d’y creuser.

Il y en a même fort peu dans les lieux trop bas et marécageux ; ainsi f Ob qui parcourt tantôt des forêts basses et marécageuses, tantôt des rives escarpées, n’en a que dans ces derniers en¬ droits : « Ubi adjacentes colles arenosi prœruptam ripam effi- » durit ». Strahlenberg avoit dit la même chose plusieurs an¬ nées auparavant, sur la manière dont ces os sont mis à nu dans les inondations (i).

On en trouve à toutes les latitudes ; et c’est du nord que vient le meilleur ivoire , parce qu’il a été moins exposé à l’ac¬ tion des élémens.

Ce qui , indépendamment de cette prodigieuse abondance excluroit toute idée d’expéditions conduites par les hommes, c’est qu’en quelques endroits ces os sont réunis à une quan¬ tité innombrable d’os d’autres animaux sauvages grands et petits.

Les os sont généralement dispersés, et ce n’est que dans un petit nombre de lieux qu’on a trouvé des squelettes complets comme dans une sorte de sépulcre de sable.

Ce qui est bien remarquable encore, c’est qu’on les trouve souvent, dans, ou sous des couches remplies de corps marins, comme coquilles, glossopètres et autres. Tel est l’extrait du récit de M. Pallas.

(0 Strahlenb , loc. cit.

43

ELEPHANS

Une particularité qui n’est pas moins frappante que toutes celles que nous rapporte ce grand naturaliste , c’est que en quelques endroits l’on a découvert des os deléphans qui cou- servoient encore des lambeaux de chair ou d’autres parties molles j l’opinion générale du peuple en Sibérie estYpie l’on a déterré des mammonts encore revêtus de leurs chairs fraîches et sanglantes : c’est une exagération ; mais elle est fondée sur ce qu’on trouve quelquefois ces chairs conservées par la gelée.

Isbrand-Ides parle d’une tête dont la chair étoit corrompue et d’un pied gelé, et gros comme un homme de moyenne taille \ et Jean-Bernliard Millier , d’une défense dont la cavité étoit encore remplie d’une matière semblable à du sang caillé.

On douteroit peut-être de ces faits s’ils n’étoient conGrmés par un du même genre , à l’authenticité duquel rien ne manque , celui du rhinocéros entier déterré avec ses chairs , sa peau , son poil , auprès du Vilhoui , en 1771, dont nous devons à M. P allas une relation circonstanciée , et dont la tète et les pieds sont encore conservés à Pétersbourg. Ces faits prouvent tous en¬ semble que c’est une révolution subite qui a enterré ces éton- nans monumens.

A ces remarques générales , nous allons joindre un aperçu rapide des principaux cantons de la Russie Asiatique , l’on ,a découvert des os d’éléphans.

Nous en avons déjà cité du bassin du Volga ; ajoutons-y ceux d’entre le Volga et le Swiaga , et ceux du long de la Karna ils sont mêlés de coquillages marins (1) ; ceux de la

(1) P allas , Kov. Com, Pelrop., XYII,58i.

FOSSILES.

49

rivière âllrguis (1), et ceux que M. Mac quart a donnés au conseil des mines, et qui étoient mêlés d’os de rhinocéros.

C’est aussi du Volga que venoit sans doute le fémur ra- porté de Casan par l’astronome Delille , et décrit par Dau - benton (2).

M. P allas donne une longue liste d’os, de défenses et de molaires d’éléphans et de rhinocéros envoyés de ce gouver¬ nement à Pétersbourg , en 1776 et 1 2 * * 5 6 7 7 79 (3) , et qui venoient aussi des bord du Swiaga.

Nos journaux parlent tout récemment d’un squelette com¬ plet trouvé dans la terre de Struchow , gouvernement de Casan (4).

J- Chr. Pùchter avoit une molaire des environs A s trac an (5) .

Le Jaïk en détache sans cesse de ses rives , composées d’un limon jaunâtre, pétri de coquilles, et le peuple les conserve par superstition (6).

M. P allas en a vu à Kalmïkova sur le Jaïk , dans lequel il dit qu’on en pèche de temps en temps (7].

Delille en avoit aussi rapporté des bords de ce fleuve plu¬ sieurs fragmens au Muséum (8).

Le bassin de T Ob en est plein. Les Samoyèdes en viennent sans cesse vendre les défenses à Bérësova ; ils les recueillent

(1) ld. Voy. en div. pror. de Russ. , trad. fr. , 8.°, I, p. 283.

(2) Mém. de l’Acad. pour 1762, et Hist. nat. , tome XI,n.° MXXXIY.

(5)Neue nordische beytræge , I , p. 175, etc.

(4, Magasin encyclopéd. , mai 1806, p. 1G9.

(5) Mus. Richter., p. 2.58.

(6) P allas , Nov. Com. Petrop. XVÏI , p. 58i.

(7) Voy. II, p. 271.

(8; Eist. nat. XI , n.° MXXXVII.

J

ELEPHANS

dans les immenses plaines nues qui vont jusqu’à la Mer Gla¬ ciale , et qui sont remplies de coquilles (i).

Il y en a un énorme amas à Kutschevvazkoi sur l’ Ob (2).

P allas en a eu une molaire et un grand nombre d’os, en face d’ Ohdorsk , près de l’embouchure du fleuve (3).

Strahlenberg en cite un squelette énorme trouvé près du lac Tzana , entre Ylrtisch et 1 Ob (4).

Ulrtisch, l’une des principales branches del’ Ob, est peut-être la rivière qui en a le plus donné (5) , ainsi que ses tributaires, la Tobol , la Tour a , Y Isete (6). Ces deux dernières qui des¬ cendent de la pente orientale des monts Oural s montrent sou¬ vent ces os mêlés deproduits marins (7).M. P allas les a vus près de l’ Isete , avec des glossopètres, des pyrites (8), et sous dif¬ férentes couches d’argile , de sable , cl’ocre , etc. , et à V erko- tourié , près de la source de la Toura (9) Steller en avoit déjà trouvé (10), encore avec des glossopètres et des bélemnites. Il en a aussi détaché le long de Ylrtis, dans un sable pur mêlé de coquilles (11).

Strahlenberg parle d’une tête entière de 4 pieds et demi de

(i) Nov. Com. XVII, p. 58C

(а) TA, p. 578.

(5) Voy. V, p. ri 6.

(4) Strahlenb., trad. angl., p'. 4<>4‘

(5) Voy. IV, p. 97 et 124.

(б) Messerscîlmidt , ap. Ereynitis, Trans. pliil.,Yol, , î4§-

(7) Nov. Com. XVII , p. 58i.

(8) Ib. et Voy. III , p. 353.

(9) Voy. III , p. 324.

(no) Nov. Com. XIII, p. 4 76.- (sa) lb., id.

FOSSILES.

*

5i

long, de Tumen sur la Tourci (i). Le Tom , autre tributaire de Y Ob, en a beaucoup donné (2), ainsi que la Keta (3).

Un squelette entier a été vu sur les bords du premier, entre Tomsk et Kafnetsko , par Messerschmidt (4).

Enfin on en trouve jusque sur YAlei , et même au pied de ces montagnes si riches en mines, desquelles plusieurs des branches de l’ Ob prennent leur source. M. P allas assure avoir une molaire tirée d’une mine meme de la fameuse montagne des Serpens , et trouvée avec des entroques , l’une des anciennes productions de la mer (5).

Le bassin du Jenissea en a fourni de tout temps (6) , auprès de Krasnojarsk M. P allas en eut une molaire (7), et jus¬ que par les 70.°delat. nord , au-dessous de Selakino , c’est-à- dire , très-près de la Mer Glaciale. Ce naturaliste nomme aussi Y Angara, autrement dit grande Tonguska , parmi les l'ivières qui en ont déterré (8).

Messerschmidt et P allas citent encore le Chatanga , fleuve qui se jette dans la Mer Glaciale, entre le Jenisseae t la Léna (9).

Isbrand-Ides etJean-Bernhard Millier (10) citent Jakutsk

(1) Strahlenb. , trad. angl. p. 4<>4-

(2 P allas et Messerschmidt , locis cit.

(5) Isbran-Ides , ap. Sloane, loc. cit. , p. 4^7-

(4) Strahlenb. , trad. angl., p. 4°4-

(5) Nov. Com. loc. cit.

(6; Isbr.-Ides. loc. cit. P ail. Nov. Com. XIII , p. 47 1 * * 4 5 * * * 9 10 Lttur. Lange et Nieller, ap. Sloane, loc. cit.

(-j) Voy. VI, p. 170, et Nov. Com. XVII, p. 58 J.

f8) Nov. Com. XIII , p. 47 1

(9) Locis cit.

(10) Ap. Sloane , loc. cit.

ELEPHANS

!Î2

sur la Léna ; et l’Académie de Pétersbourg possède un crâne trouvé non loin de l’embouchure de ce fleuve (1) avec presque tout le squelette.

Le Vi/houi , qui se jette dans la Léna , et sur les bords du¬ quel on a trouvé ce rhinocéros eutier, n’est sûrement pas dé¬ pourvu d’ossemens d’éléphans.

Nous avons déjà parlé du crâne des bords de l’ Indigirska; il fut tiré du flanc sablonneux d’une colline, non loin du ruis¬ seau dit Volockowoi-Buczei i ) , vis-à-vis de Stanoi-Jarsk (3).

En ajoutant à tous ces lieux les rives du Ko/y ma et de \ Ana- dir dont parle Pallas (4), on trouve qu’il n’y a aucun canton en Sibérie qui n’ait des os d’éléphans. Mais ce qui paroîtra sans doute plus extraordinaire encore que tout ce que nous venons de rapporter , c’est que , de tous les lieux du monde , ceux il y a le plus d’os fossiles d’éléphans, sont certaines îles delà Mer Glaciale , au nord de la Sibérie , vis-à-vis le rivage qui sé¬ pare l’embouchure de la Léna de celle de l’ Indigirska.

La plus voisine du continent a trente-six lieues de long» « Tonte l’île ( dit le rédacteur du Voyage de Billings ) à ï ex- » ception de trois ou quatre petites montagnes de rochers , » est un mélange de sable et de glace ; aussi lorsque le » dégel fait ébouler une partie du rivage , on y trouve en » abondance des dents et des os de mammont. »

» Toute l’île , ajoute-t-il , suivant l’expression de l’ingé- » nieur , est formée des os de cet animal extraordinaire ,

(1) Pallas. Nov. Corn. XIII , p. 472.

(2) Messerschmidt , loc. cit.

(5) Pal/. Ncy. Com.XIlI , p. 4,71.

(4) Id .

53

FOSSILES.

» de cornes et de crânes de bujle ou d'un animal qui lui res- y. semble , et de quelques cornes de rhinocéros ». Description très-exagérée sans doute , mais qui prouve à quel point ces os y sont abondans.

Une seconde ile, située cinq lieues plus loin que la première et longue de douze , offre aussi de ces os et de ces dents , mais une troisième à vingt-cinq lieues au nord n’en a plus montré (i).

Il s’en faut bien que le midi de l’Asie ait autant fourni de ces ossemens que le nord.

Les lieux les plus méridionaux de l’Asie, l’on ait dit jus¬ qu’à présent avoir trouvé des os fossiles d’éléphant, sont la mer d 'Aral et les bords du Jaxartes aujourd’hui Sihon. Dau- benton mentionne un fragment pétrifié de molaire des bords de ce lac (2), et P allas assure que les Bouchares apportent quelquefois de l’ivoire des environs de ce lleuve (3).

En général, il est singulier qu’on ne déterre point de ces os dans les climats les éléphans que nous connoissons vivent habituellement, tandis qu’ils sont si communs à des latitudes qu’aucun de ces animaux ne pourvoit supporter.

N’y en a-t-il point eu d’enfouis? ou la chaleur les a-t-elle dé¬ composés ? ou, lorsqu’on en a découvert, a-t-on négligé de les remarquer, parce qu’on les attribuoit à des animaux du pays . et qu’on n’y voyoit rien d’extraordinaire? Les naturalistes qui visiteront la zone torride ont un sujet bien important de re¬ cherches.

■1 Voyage de Billings , traduit parCastera, tomeI,p. 191 et suiv. (2;üist. nat. XI , n.° MXXX.

5 jVo». Com. XVII , p. 579.

54

ELEPHANS

Il paroît du moins qu’on en a vu eu Barbarie il n’existe aujourd’hui d’éléphans d’aucune espèce.

Sans vouloir parier de la dent de géant vue par Saint- Au¬ gustin sur le rivage d’ U tique , et qui auroit pu faire cent de nos dents ordinaires , le squelette de géant déterré par quelques esclaves espagnols auprès de Tunis , en i55g, pa¬ roît d’autant plus appartenir à l’éléphant, qu’un second sque¬ lette déterré au même lieu, en i63o, y appartenoit certaine¬ ment, comme le célèbre Pejrese s’en est assuré (i).

Il ne manquoit , pour compléter les singularités, que- de trouver l’éléphant fossile en Amérique , continent il n’y en a jamais eu de vivans depuis que les Européens le connoissent, et ces animaux n’ont certainement pas pu être détruits par les peuplades foihles et peu nombreuses qui l’habitoient avant sa découverte.

Buffon avoit déjà avancé l’existence de ces ossemens dans l’Amérique - Septentrionale, et, à ce qu’il prétendoit , dans celle - seulement. On sait même qu’il imagina,' comme cause de leur destruction dans ce continent, l’impossibilité ils dùrent être de passer l’isthme de Panama, lorsque le refroidissement graduel de la terre les poussa vers le midi , comme si tout le Mexique n’étoit pas encore assez chaud pour eux.

Au reste, les faits sur lesquels Buffon appuyoit son hypo¬ thèse n’étoient pas même entièrement exacts. Les os qu’on avoit découverts de son temps n’étoient point de l’éléphant ;

(i) Gassendi , Vie de Peyresc, lib. IV, in ejus oper., ed. Lugdun, , i658, foi. 5o6 et 5o8.

FOSSILES.

55

ils appartenoient à un autre animal, celui que nous désigne¬ rons par le nom de mastodonte , et que l’on connoit aussi sous celui d 'animal de l’ Ohio.

Mais on a aujourd’hui certainement des os déléphans pro¬ prement dits ; plusieurs auteurs récens en font foi : M. Rem- hrandt Peale dit qu’on en a trouvé des màchelières dans le Kentuckey , toutes semblables à celles de Sibérie, mais en petit nombre , dans un état de décomposition et non accompagnées des autres os, si ce n’est peut-être des défenses (i); d’où il conclut que la destruction de X éléphant , dans ce continent , est bien antérieure à celle du mastodonte ou animal de V Ohio ; ou que ses dépouilles y ont été apportées d’ailleurs par quel¬ que catastrophe.

J’ai reconnu une vraie màchelière d’éléphant très-bien re¬ présentée dans une planche de l’ouvrage de J. Drayton sur la Caroline -

Cateshy parle déjà de véritables dents d’éléphans fossiles en: » ce pays-là. « En un lieu de Caroline ( dit-il ) nommé Stono , » furent déterrées trois ou rpiatre dents dun grand animal » que tous les nègres, natifs d’Afrique , reconnurent pour « des molaires d’ éléphant , et je crois aussi qu elles en étaient ^ » en ayant vu quelques-unes de pareilles rapportées d’A- v> fri que [i] . »

M. Barton qui m’a indiqué ce passage , remarque avec rai¬ son qu’il ne faut pas en inférer que ce fussent précisément des: dents semblables à celles d’Afrique, mais seulement des dentS'

(i Historié, disquis on the mammolh . p. 68, (2) Catesb. , Carol. Il, ap. p.VII.

56

E L E P II A N S d’éléplians en général i( je veux dire des dents composées de lames ). En effet, on ne peut supposer que Catesby et ses nègres fussent en état de distinguer les espèces de ce genre , à une époque aucun naturaliste ne les distinguoit encore.

M. Barton ajoute qu’il a vu lui-même des dents de notre éléphant fossile, trouvées en 1795, à quelque distance au nord de l’endroit dont parle Catesby , en un lieu nommé Biggin-Swamps , près de la source de la branche occiden¬ tale de Cooper - River. Elles étoient à 8 pieds de profondeur, pêle-mêle avec des os du grand mastodonte.

Le même savant a vu une molaire de celte espèce, tirée d’une branche de la rivière de Susqueanna , avec une portion de défense longue de 6 pieds et de 3i pouces de tour, qui auroit eu au moins 10 pieds de long si elle eût été entière; et ce qui est remarquable , c’est que les sauvages délawares nomment cette branche Chemung ou Rivière de la Corne (1 J.

C’est d’après ces laits que M. Barton écrivoit à M. de La- )> cepède : « On a trouvé, en différens endroits de l’Amérique- » Septentrionale, des squelettes ou des os d’un grand animal » plus ou moins voisin de l’éléphant ; j’en ai reconnu des mo- » laires d’une espèce qui, si elle n’étoit pas absolument la même n que l’éléphant d’Asie , lui ressembloit du moins beaucoup » plus par la forme de ses molaires, que ne fait le mam- )> moth (2).» ( Il entend le mastodonte ).

(1) Extrait d'une lettre de M. Smith Barton, à M. Cuvier.

(1) Lettre de M. Barton à M. de Lacèpède , imprimée dans le Philosophical "Magazine de l'illoch, n.° LXXXVI , juillet i8o5, p. 98,

F O S S I L ES.

57

Enfin j’ai moi-même des morceaux à en démontrer. Je les dois à l’amitié dont m’honore l’illustre et généreux M. de Hum - ooldt. Pendant tout son voyage, ce savant n’a négligé aucune occasion de recueillir les dépouilles fossiles de quadrupèdes, dans l'intenlion de favoriser mes recherches; et il a bien voulu me remettre, à son retour, parmi beaucoup d’autres pièces dont je ferai usage par la suite , deux morceaux du véritable éléphant , recueillis , l’un , dans l’Amérique-Septentrionale ; 1 autre, dans la Méridionale.

Le premier consiste en lames séparées de molaires, et ne donne par conséquent lieu à aucune équivoque. Elles sont très-grandes, eL du reste entièrement semblables à celles de Sibérie , par l’étroitesse et le peu de festonnement des lames d’émail , ainsi que par la petite dilatation de leur milieu. On les a prises à Hue huetoca, près Mexico.

L’ autre morceau est une pointe de défense d’un ivoire cal¬ ciné , mais parfaitement reconuoissable , delà villa de Ibarr a, province de Quito au Pérou , à 1 1 1 j toises de hauteur. Ce tronçon étant moins comprimé que ne le sont d’ordinaire les défenses du mastodonte , j’ai tout lieu de croire qu’il vient d’un éléphant.

Je déposerai soigneusement dans le Muséum ces deux pré¬ cieux morceaux, qui prouvent que les vrais éléplians d'autre¬ fois à dents molaires composées de lames minces, ont aussi laissé de leurs dépouilles au nord et au midi de X isthme de Panama.

Pour ne négliger aucun renseignement, nous rappellerons ici les os de géans dont les relations espagnoles du Mexique , du Pérou et autres sont remplies. On peut en voir les extraits , accompagnés de beaucoup de récits nouveaux et détaillés, dans la Gigantologie espagnole qui fait partie de X Apparato para

8

E L E P H A N S

la Historia natural espaniola du franciscain Torruhia (i).

Ce qui nous empêche d’appliquer tous ces récits à l’éléphant, c’est qu’ils peuvent aussi devoir leur source à des os des deux mastodontes , qui sont beaucoup plus communs en Amérique que ne le sont ceux de l’éléphant , et qu’aucun de ceux qui les ont transmis n’a pris la peine de donner des ligures, ou de dii’e quelques mots propres à faire distinguer les espèces. Il est vrai que leurs prétendus géans se seroient trouvés anéantis par même.

Cette énumération des lieux l’on a trouvé des os fossiles d’éléphans, est le résultat d’un dépouillement que nos travaux anatomiques proprement dits ne nous ont pas permis de rendre aussi complet que nous l’aurions désiré ; il est probable qu’elle auroit été bien plus considérable encore, si nous avions eu le temps de parcourir avec plus de soin les ouvrages des natura¬ listes, les voyages , les topographies, les collections acadé¬ miques et les journaux \ mais elle est déjà suffisante pour donner une idée de la prodigieuse quantité de ces os que la terre re¬ cèle, et de tous ceux que l’on pourroit découvrir encore si les fouilles étoient multipliées , et si celles qui se font étoient plus souvent dirigées par des hommes instruits»

Article IL.

Sur les mâchelieres des éléphans en général , sur leur structure , leur accroissement , leur succession et leurs différences d’après l’âge et la position.

La manière dont ces dents croissent et se succèdent est si extraordinaire , elles offrent dans leurs divers états des figures

(j) Tome I, p. 54-79.

FOSSILES.

$9

et des grandeurs si variables , qu’il n’est point étonnant qu’on ait été quelquefois exposé à les méconnoitre.

Nous avons fait les observations suivantes sur les deux élé— plians des Indes que nous avons eu occasion de disséquer ; mais nous devons dire que nous étions guidés par le beau travail de notre respectable collègue, M. Tenon , sur les dents du cheval. Ce que nous avons vu de particulier sur celles de l’éléphant ne tient qu’à leur grandeur et à leur caractère propre de configuration.

Nous devons aussi reconnoître que d’excellentes observations avoient déjà été faites avant nous sur le sujet particulier des dents de l’éléphant , par M. P allas ( i ) , Pierre Camper et son lüs Adrien ( i J, MM. Corse, Home (3) et Blake (4): ces trois derniers surtout ont presque épuisé la matière , chacun d’eux en ayant découvert de son côté quelque partie importante.

Quant à la manière dont les dents en général naissent et croissent , nos observations nous paroissent confirmer la théorie de Hanter , plutôt que toutes les autres, dans ce qui concerne la partie de la dent qn’on nomme substance osseuse. Mais ce grand anatomiste ne nous paroît pas avoir été aussi heureux à l’égard de l’émail ; et il a entièrement méconnu la nature de la troisième substance , propre à certains herbivores. Sous ces deux rapports, c’est M. Blake qui nous paroît être approché davantage de la vérité ; tandis que nous ne pensons

(i) Acad. Pètrop. , Nov. Com. XIII, p. 472- 2; Descrip. anal, d’un éléphant.

(5) Transac. pliil. pour 1799.

f 4) Essay on the Structure and Formation of tha Teeth in Man , and varions Animais , by Robert Blake , m. d. Dublin, 1801, 8.°.

<io

ELEPIIANS

pas, comme lui, qu’il y ait des vaisseaux dans la substance osseuse.

En effet , chaque molaire d’éléphant , comme toute autre dent quelconque , est produite et pour ainsi dire conçue dans l’intérieur d’un sac membraneux que nous appellerons , avec plusieurs anatomistes, sa capsule.

Ce sac, vu extérieurement, est, dans l’éléphant, d’une forme rhomboidale, moins haute en arrière qu’en avant; il est fermé de toute part , si l’on excepte les petites ouvertures pour le passage des nerfs et des vaisseaux.

Il est logé dans une cavité osseuse , de meme forme que lui, creusée dans l’os maxillaire, et qui doit former un jour l’alvéole de la dent.

Il n’y a que la lame externe de la capsule qui ait la sim¬ plicité de forme que nous avons dite Sa lame interne , fait au contraire, comme dans les herbivores en général, beaucoup de replis ; mais pour les faire concevoir , il faut décrire une autre partie.

J’entends parler du noyau pulpeux de la dent; il a dans chaque animal une figure propre : pour se représenter celui de l’éléphant en particulier, qu’on se figure que du fond de la capsule , pris pour base, partent des espèces de petits murs , tous parallèles , tous transverses et se rendant vers la partie du sac , prête à sortir de l’alvéole.

Ces petits murs n’adhèrent qu’au fond de la capsule; leur extrémité opposée, ou, si l’on veut, leur sommet, est libre de toute adhérence.

Ce sommet libre est beaucoup plus mince que la base ; on pour- roit l’appeler leur tranchant; il est de plus profondément fendu sur sa largeur en plusieurs pointes ou dentelures très-aiguës.

FOSSILES.

6 1

La substance de ces petits murs est molle , transparente , très-vasculaire , et paroit tenir beaucoup de la nature de la gé¬ latine; elle devient dure, blanche et opaque dans l’esprit-de- vin.

On peut maintenant aisément se figurer les replis de la membrane interne de la capsule; qu’on s’imagine quelle forme des productions qui pénètrent dans tous les intervalles des petits murs gélatineux que je viens de décrire. Ces productions adhèrent à la face de la capsule qui répond à la bouche et aux deux faces latérales, mais elles n’adhèrent point à son fond, duquel naissent les petits murs ou productions gélatineuses. Par conséquent, on peut concevoir un vide possible et con¬ tinu , quoique infiniment replié sur lui-même entre tous ces petits murs gélatineux ( descendans pour les dents d’en haut, ascendans pour celles d’en bas ) et ces petites cloisons mem¬ braneuses ( ascendantes dans les dents d’en haut , descendantes dans celles d’en has J.

C’est dans ce vide concevable que se déposeront les ma¬ tières qui doivent former la dent , savoir : la substance vulgai¬ rement appelée osseuse, qui sera transsudée par les productions gélatineuses venant du fond de la capsule, et l’émail qui sera déposé par les cloisons membraneuses, et en général par toute la surface interne de la capsule et de ses productions, la seule base exceptée.

Il faut cependant remarquer qu’entre la prétendue subs¬ tance osseuse et l’émail , il y a encore une membrane très- fine que je crois avoir découverte. Lorsqu’il n’y a encore au- cunepartie delà première substance de transsudée, cette mem¬ brane enveloppe immédiatement le petit mur gélatineux , et le serre de très-près.

62

E LE P H A N S

A mesure que ce petit mur transsude cette substance, il se rapetisse, se retire en dedans et s’éloigne de la membrane, qui lui sert néanmoins toujours de tunique, mais de tunique commune à lui et à la matière qu’il a transsudée sous elle.

L’émail de son côté est déposé sur cette tunique par les productions de la lame interne de la capsule, et il la comprime tellement contre la substance interne ou osseuse quelle sé¬ pare de lui , que bientôt cette tunique devient imperceptible dans les portions durcies de la dent , ou du moins qu’elle n’y paroît que sur la coupe comme une ligne grisâtre fort fine, qui sépare l’émail de la substance interne. Mais on voit tou¬ jours alors que c’est elle seule.qui attache ces parties durcies au fond de la capsule ; car sans elle il y auroit solution de con¬ tinuité.

La substance appelée osseuse et l’émail sont donc produits par une sorte de juxta-position; la première se forme par couches, du dehors au dedans ; la couche intérieure est la dernière faite, et c’est aussi la plus étendue, absolument comme dans les coquilles ; et sa formation commençant par les points les plus sailîans du noyau gélatineux de la dent , c’est à ces points que cette substance est la plus épaisse; elle va en s’amincissant à mesure quelle s’en éloigne.

Que l’on se reporte maintenant par la pensée à l’époque cette transsudation commence , on concevra qu’il se forme une petite calotte sur chacune des dentelures qui divisent les 1 ranclians des petits murs .gélatineux dont j’ai parlé tantôt. A mesure que de nouvelles couches s’ajoutent par dedans aux premières , les calottes se changent en cornets coniques ; si les couches nouvelles et intérieures descendent jusqu’au fond des échancrures des tranchans de ces petits murs, tous les

FOSSILES.

f>3

cornets se réunissent en une seule firme transversale ; eniin si elles descendent jusqu’à la base des petits murs eux-mêmes , toutes les lames transversales se réuniront en une seule cou¬ ronne de dent, qui présenteroit les mêmes éminences et les mêmes découpures que l’on voyoit dans son noyau gélati¬ neux , si , pendant le temps que ces couches transsudoient , d’autres substances ne s’étoient pas déposées dessus, et n’en avoient pas en partie rempli les intervalles.

D’abord l’émail est déposé , comme je l’ai dit , sur la sur¬ face de la substance dite osseuse , par la membrane interne de la capsule, sous forme de petites fibres ou plutôt de petits cristaux tous perpendiculaires à cette surface, et y farinant ,, dans les premiers temps, une sorte de velours à brins fins. Quand on ouvre la capsule d’un germe de dent, on trouve les petites molécules du futur -émail, encore très-légèrement açfi- Lérentes à la face interne de cette çapsule , et s’en détachant ai¬ sément. Une partie nage meme dans une liqueur interpqsée entre la capsule et le germe. Je n’ai pas vu les ppjitçs .vésic ujes adhérentes à la çapsule, d’où Hérissant prétend que sort la matière qui doit eu se desséchant devenir l’émail. L’opinion de Hunter que l’émail n’est que le sédiment du liquide inter¬ posé entre la dent et sa capsule,, est inexacte, en ce qu’il fait trop abstraction de la membrane capsulaire, d’où sortent réel¬ lement les molécules de l’émail ; ruais il est très-vt;ai que, ces molécules sont d’abord entre celte membrane et la dent avant de se coller à celle-ci. Quant à. l’autre opinion, qui fait sortir l’émail, comme par efflorescence, des pores de la substance osseuse, quoiqu’elle soit reçue de beaucoup d’anatomistes, elle n’a pas le moindre fondement dans l’intuition.

Mais revenons à. nos dents. . j . ... r ,

ELEPHANS

G4

Une couche épaisse d’émail enduisant donc la couronne de toute part , remplit une partie des intervalles que les lames transversales et leurs dentelures avoient d’abord laissés entre elles.

Le reste de ces intervalles est tout-à-fait comblé par une troisième substance que M. Tenon a nommée cortical osseux , parce qu'elle enveloppe toutes les autres , et qu’elle ressemble à un os ordinaire par sa nature chimique et sa dureté , plus encore que les deux autres parties de la dent. Aussi M. Home la nomme-t-il os , tandis qu’il appelle ivoire la substance vul¬ gairement dite osseuse. M. Blake donne à ce cortical le nom de crusta petrosa.

Sa production a quelque chose de très-remarquable. M. Te¬ non a pensé qu’elle venoit de l’ossification de la lame interne de la capsule , lorsqu’elle avoit produit l’émail. M. Blake croit que cette lame, après avoir donné l’émail par une de ses faces, donne le cortical par sa face opposée. M. Home ne s’est point clairement exprimé sur ce sujet.

Pour moi, je me suis assuré que le cortical est produit par la même lame et par la même face qui a produit l’émail : la preuve, c’est que cette lame reste en dehors du cortical1, comme elle étroit auparavant en dehors de l’émail , et qu’elle y reste molle et libre tant que ce cortical lui laisse de la place. Seulement elle changé de tissu ; tant qu elle ne donnoit que de l’émail, elle étoit mince et transparente. Pour donner du cortical, elle devient épaisse , spongieuse, opaque et rougeâtre. Le cortical naissant n’est point par filets serrés, mais comme par petites gouttes qui auroiènt été jetées au hasard.

Les productions membraneuses de la capsule de la dent se retirent vers le haut et vers les côtés , à mesure que le cor-

FOSSILES.

65

tical qu’elles déposent sur l’émail , remplit tout le vide qui étoit resté entre les différentes lames de la dent. Les sommités de ces lames sont couvertes de cortical commele reste, tant qu’elles ne sont pas usées. Une seule et meme production de la cap¬ sule dépose souvent déjà son cortical sur le haut de la lame , qu’elle ne dépose encore que de l’émail sur le Las. Il arrive aussi que le haut de l’intervalle des lames est déjà comblé par le cortical lorsque le bas est encore séparé : alors le bas de la production capsulaire se trouve séparé du haut, et ne reçoit plus sa nourriture que par ses adhérences latérales avec la capsule.

La déposition de l’émail commence presque avec la trans¬ sudation de la substance osseuse , et celle du cortical suit de près , de manière que le sommet de chaque lame est terminé dans ses trois substances bien avant sa base, et que les lames voisines sont soudées ensemble par leurs sommets, avant d être encore durcies à leurs bases.

Qu’on ajoute à présent à tout ce que nous venons de dire cette circonstance , que ces diverses opérations ne s’exécutent point en même temps dans toutes les parties de la dent , mais quelles ont lieu beaucoup plus tôt en avant qu’en arrière. On concevra que les lames antérieures seront déjà réunies entre elles par leurs sommets et même par leurs bases , quand les lames intermédiaires seront encore séparées les unes des autres au moins par leurs bases , et quand les postérieures ne seront pas même formées, et ne présenteront que les cornets pointus, et distincts qui doivent former les sommets de leurs dentelures.

Il résulte aussi de tout ce que nous venons de dire que les. substances dont se composent les dents se forment toutes par excrétion et par couches \ que la substance interne en particu-

9

66

ELEPHANS

lier n’a de commun avec les os ordinaires que sa nature chi¬ mique , également formée de gélatine et de phosphate calcaire, mais quelle ne leur ressemble ni par son tissu, ni par sa ma¬ nière de se former , ni par celle de croître. Son tissu n’offre ni cellulosité, ni fibres, mais seulement des lames emboîtées les unes dans les autres : ceux qui le comparent au diploë du crâne , et y supposent des cellules , en donnent une idée très- fausse. Elle ne se forme point dans un premier noyau carti¬ lagineux qui seroit successivement pénétré par des molécules terreuses ; elle ne croît point par un développement général et simultané de toutes ses parties, et en conservant une même forme 5 enfin elle n’est pénétrée ni par des vaisseaux ni par des nerfs. Ceux qui ont pensé que les vaisseaux du noyau pulpeux passent dans le corps de la dent ont été trompés; et bien plus encore ceux qui établissent un passage des vaisseaux du périoste de l’alvéole dans la masse des racines. Il ne passe pas la moindre fibrille du noyau pulpeux à la substance dite osseuse ; et celle-ci n’est liée au reste du corps que par son seul enclavement mé¬ canique. Aussi aucune partie de la dent ne se régénère quand elle a été enlevée; et si des dents fendues se reconsolident, c’est seulement parce que de nouvelles couches se formant en dedans, se collent aux extérieures, et collent celles-ci entre elles.

Nous verrons encore de nouvelles preuves de tout cela en traitant de l’ivoire, et nous y réfuterons les objections tirées des maladies des dents; mais , en attendant , nous pouvons dire que c’est très-improprement que la plupart des anatomistes ont donné à la substance interne des dents le nom de subs¬ tance osseuse , et qu’ils ont désigné par celui d 'ossification l’opération qui les développe et les durcit : c’est confondre deux

FOSSILES.

67

choses essentiellement différentes , et donner , par des noms mal appliqués , des idées fausses qui peuvent meme influer sur la pratique.

Mais revenons à nos dents mâchelières d’éléphant.

Lorsque toutes les parties du corps de la dent sont faites et consolidées , et quelle vient à sortir de son alvéole, elle éprouve des changemens tout nouveaux.

Comme l’éléphant est herbivore, ses dents s’usent par la mastication , ainsi que celles de tous les animaux soumis au même régime. On sait même qu’il est nécessaire que leurs dents s’usent , pour que leur surface soit en état de broyer les substances végétales. Ce fait général, mis encore récemment dans le plusbeau jour par les travaux deM. Tenon , prouveroit à lui seul, et indépendamment de tous ceux que nous venons de développer , que les dents ne sont pas organisées comme les os. Qui ne sait à quels accidens ces derniers sont exposés lorsqu’ils sont entamés ou seulement mis à nu?

Les sommets des petites dentelures des lames s’useront les premiers; une fois usés jusqu’à la substance intérieure, chacun de ces sommets présentera un disque circulaire ou ovale de cette substance, entouré d’un cercle d’émail et d’un cercle de cortical; et il y aura une rangée de ces petits cercles par chaque lame.

Si la détrition pénètre jusqu’au fond des échancrures qui produisent les dentelures , tous ces petits cercles se réuniront en un seul ruban de substance osseuse, entouré d’une double ligne d’émail , et la substance corticale fera tout le tour de la table de la dent, et occupera tous les intervalles des rubans. Chaque ruban sera la coupe de l’une des lames transversales qui composent la dent.

€8

E L E P H A N S

Et si la détrition pouvoit aller jusqu’à l'endroit les lames se réunissent toutes un une seule couronne , la dent toute en¬ tière n’offriroit plus qu’un très-grand disque de substance osseuse, entouré de toute part d’un petit bord d’émail et d’un autre de cortical.

Mais la détrition ne peut jamais aller complètement jusque- , parce que la détrition ne se fait pas en même temps sur toute la couronne , ainsi que la consolidation ne s’y étoit pas faite; et en voici la raison.

La dent , par sa forme rbomboïdale et par sa position très- oblique, présente beaucoup plus tôt sa partie antérieure à la mastication , que sa partie postérieure. Le plan ou la table produite par la mastication , fait donc , avec la surface com¬ mune des sommets de toutes les lames r un angle ouvert en arrière ; et il arrive de que lorsque les lames de devant sont entamées profondément et forment des rubans entiers , les lames intermédiaires n’offrent encore que des rangées trans¬ versales de cercles ou d’ovales , et que celles de derrière sont tout-à-fait intactes, et présentent les sommets de leurs den¬ telures en forme de mamelons arrondis.

Les lames antérieures sont même tout-à-fait détruites avant que les postérieures soient entamées fort avant; et il arrive de un autre phénomène, aussi particulier à l’éléphant : c’est que ses dents diminuent de longueur, en même temps qu’elles diminuent de hauteur.

Pendant que la partie extérieure de la dent s’use et dimi¬ nue, la portion déraciné qui lui correspond s’use d’une autre manière qui est plus difficile à concevoir. En examinant ce qui en reste j on voit qu’elle est comme rongée; elle présente à sa surface de petites fossettes irrégulières, comme si elle eût été

FOSSILES.

69

dissoute par un acide qu’on y auroit jeté par gouttes. Cest une sorte de carie semblable à celle qu’éprouvent les dents de l'homme quand elles sont dépouillées de leur émail. Nous en rechercherons la cause plus bas. Toujours est-il que la dent se trouve par successivement privée, dans les diverses por¬ tions de sa longueur, de segmens ou de tranches qui en oc- cupoient toute la hauteur.

De résulte encore un autre effet singulier : c’est que la partie antérieure de la mâchoire , devant toujours être remplie, la dent se meut d’arrière en avant dans le sens horizontal, en même temps quelle se porte dans le sens vertical de haut en bas ou de bas en haut , selon quelle appartient à la mâchoire supérieure ou inférieure.

Voilà comment chaque dent , au moment elle tombe , se trouve très-petite , quelque grande quelle ait pu être au¬ paravant.

Ce mouvement de la dent active fait delà place pour celle qui se forme dans l’arrière mâchoire et qui doit lui succéder j cette seconde dent aide, par son développement, à pousser la première en avant ; et l’on pourroit dire que les dents de rem¬ placement de l’éléphant viennent derrière ses dents de lait, au lieu de venir dessus ou dessous comme dans les autres ani¬ maux.

Patrice Blair ( x ; qui avoit aperçu des lames transversales sé¬ parées dans les arrière-mâchoires de l’éléphant, et qui les avoit nommées avec beaucoup de justesse des rudimens de dents , ne voulut point croire que ces lames vinssent à former par la suite une dent qui remplaceroit celle derrière laquelle

(1) Tran s. p tome 37, n.° 3a6 , p. 116.

ELEPHANS

il les trouvoit. Il fut donc réduit à leur chercher divers usages imaginaires.

On a disputé sur le nombre des dents des éléphans : la So¬ ciété royale de Londres s’aperçut, en 1710, qu’il varie d’une à deux de chaque côté, et que la place de la division varie aussi ; c’est-à-dire que la première dent est plus ou moins longue à proportion de la seconde, suivant les individus (1). Pallas a enseigné le premier le mode de leur succession , qui explique toutes ces irrégularités , en montrant qu’ils ont d’abord une seule dent de chaque côté ; que la seconde , en se développant, pousse la première , de façon que pendant un certain temps il y en a deux ; ensuite la chute de la première fait qu’il n’y en a de nouveau plus qu’une (2).

J’ai annoncé que cette succession, et par conséquent ce changement alternatif de nombre se répétoit plus d’une fois , parce que j’avois encore trouvé des germes séparés dans un éléphant qui avoit déjà deux dents en place (3). Ce dernier point avoit au reste déjà été constaté, mais pour la mâchoire supérieure seulement, par Daubenton (4) ; enfin ce grand na¬ turaliste avoit aussi pressenti jusqu’à un certain point la né¬ cessité de cette succession d’arrière en avant , que Pallas à plus clairement développée.

M. Corse (5) nous a appris que cette succession se répète jusqu’à huit fois dans l’éléphant des Indes ; qu’il y a par consé-

(1) Traits. pJiil . , tome 29 , n.“ 549 P- ^70.

(2) Nov Com. Petrop. , XIII.

(5) Mém. de l’Inst. , Sciences math. , tom. II.

(4) Hist. nat. , tome XI, in~4o.

(5) Traits, phil. pour 1799.

FOSSILES.

quent trente-deux dents qui occupent successivement les diffé¬ rentes parties de ses mâchoires.

Lespremières paroissenthuit ou dix jours après la naissance, sont bien formées à six semaines , et complètement sorties à trois mois. Les secondes sont bien sorties à deux ans. Les troisièmes paroissent à cette époque, et font tomber les secondes à six ans ; elles sont à leur tour poussées en dehors par les quatrièmes à neuf ans. On ne connoit pas si bien les époques suivantes.

Pour moi, je n’ai jamais trouvé ni plus ni moins de trois dents à la fois dans les deux éléphans que j’ai disséqués, et dans cinq tètes sèches que j’ai examinées , savoir : une petite molaire plus ou moins prête à tomber , une grande en place et en pleine activité, et un germe plus ou moins grand, plus ou moins consolidé, occupant tout le fond de barrière-mâchoire.

On juge aisément , à la profondeur de la détrition , si une dent que l’on trouve isolée étoit située en avant ou en arrière dans la mâchoire 5 celles qui étoient situées en avant n’ont jamais aucune de leurs lames entières.

Le nombre des lames qui composent chaque dent va en augmentant , de manière que chacune d’elles en a plus que celle qui l’a immédiatement précédée.

M. Corse, qui a fait le premier cette remarque, donne ces nombres d’après ses observations (1)5 les premières ont quatre lames seulement; les deuxièmes, huit ou neuf; les troisièmes, douze ou treize , et ainsi de suite jusqu’aux septièmes ou hui¬ tièmes qui en ont vingt-deux ou vingt-trois. M. Corse n’a ja¬ mais vu de dents qui en eussent davantage.

( 1) Trans. phil, loc. cit.

7*

ELEPHANS

Nous avons lieu de croire que ces nombres ne sont pas bien absolus , car nous avons une mâchoire inférieure dont la pre¬ mière dent a quatorze lames , et la suivante quatorze germes de lames. M. Camper en a une absolument pareille ( Desc. anat. d’un Elép., p. 5*y, pl. XIX, f . 2 ) ; mais à la mâchoire supérieure qui correspondoit à la nôtre, il y a dans la dent ac¬ tive treize lames , et dans le germe de la suivante dix-huit.

Indépendamment du nombre, il y a des différences par rap¬ port à l’épaisseur des lames 5 elles sont plus minces dans les premières dents que dans les dernières : et comme les m⬠choires sont plus courtes lorsqu’elles portent les premières dents , il arrive que le nombre des lames en activité est à peu près le meme en tout temps , c’est-à-dire , de dix ou douze.

Lorsque l’élépliant est grandi , l’espace occupé par les lames en activité est, il est vrai, plus grand 5 mais ces lames sont elles- mêmes plus larges, et remplissent toujours l’espace, quel qu’il soit.

Comme il faut à peu près le même temps pour user le même nombre de lames , les dernières dents , qui en ont beau¬ coup plus, durent bien plus long-temps que les premières. Les remplacemens se fout donc à des intervalles de plus en plus longs , à mesure que l’éléphant avance en âge.

Les dents d’éléphans , comme celles de tous les autres ani¬ maux , ne poussent leurs racines que quand le corps est par¬ fait 5 les racines se forment par couches , comme le reste de la dent : la chose ne pouvoit être autrement. Mais pourquoi cette division dans un autre sens , lorsque la réunion des ca¬ lottes de toutes les éminences gélatineuses sembloit ne plus devoir produire qu’un seul corps ?

Pour répondre à cette question qui est d’un intérêt général

FOSSILES.

7J

pour toutes les dents, il faut ajouter une circonstance à la des- 7 cription que j’ai donnée du germe : j’ai réservé ce point pour ce moment-ci , afin de ne pas trop embrouiller les idées.

La base de ce corps gélatineux, dont les productions que j’ai appelées murs servent de noyaux aux lames de la dent, n’adhère pas par tous ses points au fond de la capsule. Il y a d’espace en espace des solutions de continuité , et par con¬ séquent les parties adhérentes de cette base peuvent être con¬ sidérées comme des pédicules très-courts. Lorsque la lame de substance osseuse recouvre toutes les productions ou murs, et tout le corps du noyau de la dent, elle se continue tou- jour sur et entre les pédicules ; les parties de cette lame qui se portent entre les pédicules, forment le dessous du corps de la dent ; les parties qui enveloppent les pédicules, et qui sont par conséquent plus ou moins tubuleuses, forment les premiers commencemens des racines.

Ces racines et les pédicules qui leur servent de noyau s’al¬ longent ensuite par deux raisons : d’abord les progrès des lames de substance osseuse qui, s’allongeant toujours, forcent la dent à s’élever et à sortir de l’alvéole ; ensuite l’épaississement du corps de la dent par la formation des couches successives qui , en remplissant le vide intérieur , n’y laisse presque plus de place pour le noyau gélatineux, et le refoule vers l’intérieur des tubes des racines.

Il ne se produit point d’émail ni de cortical sur les racines, parce que la lame interne de la capsule qui a seule le pouvoir de sécréter ces deux substances ne s’étend pas jusque-là.

Je pense que c’est en partie à cette absence d’émail qu’est due la corrosion qui commence sur les racines, sitôt que la portion de la couronne qui leur correspond estusée jusqu’à elles.

10

ELEPHANS

A celte époque , la racine a pris tout le développement quelle pouvoit prendre ; le noyau pulpeux est entièrement repoussé par les couches dont il a rempli lui-mëme la cavité qu’il oc- eupoit. Cette force d’accroissement de la racine cesse donc de contrebalancer l’accroissement des parois osseuses de l’al¬ véole , et celles-ci poussent conlinuellementla racine en dehors. Elle commence à se carier aussitôt que , se montrant hors de la gencive , elle est exposée à l’action septique de l’air ,. de la chaleur et de l’humidité de la bouche.

Ce qui donne, à mes yeux, quelque probabilité à cette idée, c’est que la corrosion commence plutôt à la jonction de la racine et de la couronne , qu’à la pointe de la racine. J’en ai plusieurs preuves dans mes échantillons. On peut en juger aussi par la petite dent que représente M. Corse , Trans. plût. , 1 799, tab. \I,Jig. 3. Peut-être aussi la compression mécanique que la racine éprouve de la part de l’alvéole contribue-t-elle à sa des¬ truction , comme on attribue la destruction des racines des dents de lait à la gêne qu’elles éprouvent par le rétrécissement de leur alvéole , occasionné par le développement des dents qur doivent leur succéder.

Au reste , il faut toujours qu’une partie de ses molécules soit absorbée organiquement ; mais ce ne seroit pas le seul phéno¬ mène dans lequel un corps devenu étranger seroit pompé par les vaisseaux lymphatiques et disparoitroit. La chose est connue de reste pour les liquides. Pour les solides, je crois qu’on en a des exemples dans quelques séquestres. On peut voir à cet égard la Dissertation d’Alexandre Macdonald.

Les dents des deux mâchoires de l’éléphant se distinguent aisément par leur forme. Celles de la mâchoire supérieure ont leurs lames disposées de manière que leurs sommités sont

FOSSILES.

?5

toutes dans une surface convexe. La table produite par leur détrition est aussi convexe. C’est le contraire pour les deux choses dans celles de la mâchoire inférieure.

Un caractère encore plus frappant peut se prendre de la direction des lames par rapport à la couronne ou à la partie triturante.

Celles d’en bas sont inclinées en arrière; c’est-à-dire que l’angle aigu qu’ elles forment avec le plan de trituration est di¬ rigé en avant , du moins dans leur partie radicale : car le sommet des antérieures se recourbe un peu en arrière.

Celles d’en haut, au contraire, sont inclinées en avant, ou l’angle aigu qu’elles font avec le plan de trituration est dirigé en arriére.

Il est toujours aisé de distinguer l’arrière de la dent de l'avant : la trituration entamant bien plus en avant qu’en ar¬ rière , c’est le bout le plus profondément usé de la couronne qui est toujours l'antérieur.

Il faut remarquer cependant que l’inclinaison des lames sur la couronne diminue aux deux mâchoires, à mesure que la détrition augmente. Les lames postérieures qui s’usent plus tard , s’usent un peu plus vite , parce que leur développement vers la racine continuant quand celui des lames antérieures a cessé, elles sont poussées en dehors avec plus de force : d’où il arrive que la table de détrition devient de plus en plus per¬ pendiculaire à la direction des lames.

On distingue encore les dents appartenant à chaque coté , parce qu elles sont convexes à leur face interne, et un peu con¬ caves à l’externe.

J’ai cherché a représenter cette marche de la dentition dans les figures de mes planches III et IY.

ELEPHANS

-6

j

PI. IV. fig. 5 est un crâne d’éléphant des Indes , scié verticalement,

a. L’entrée des narines.

b. b. L’énorme épaisseur des sinus qui séparent les deux parois du crâne.

c. La cavité du cerveau.

d. Le trou occipital et le condyle droit de ce nom.

e. L’alvéole de la défense.

f La cavité de la défense ouverte, pour montrer l’espace qu’occupoit son noyau pulpeux.

Dans l’espace depuis/- jusqu’à g-, on a enlevé une portion de l’os maxillaire et tout l’os palatin, pour montrer les dents et leurs germes en situation dans toute leur étendue.

li. Est la dent antérieure réduite presqu’à rien par la détrition et par la com¬ pression tant de la dent suivante que de son propre alvéole.

i. La dent en pleine activité , dont les racines commencent à se former en A, et dont la partie triturante l est déjà usée en table. Les lames postérieures rn sont encore intactes.

n. Le germe de l’arrière-dent encore enclavé dans sa capsule membraneuse , et eelle-ci logée dans une cavité de l’arrière-màclioire.

o. Le nerf de la cinquième paire, qui donne des (ilels aux capsules des dents et à leurs noyaux pulpeux.

Ces deux mêmes dents sont représentées plus en grand, pl. III, fïg. 1 et 2.

Fig. 1 est la dent en activité; a, b, la portion de ses lames déjà usée en table; b , c , la portion encore intacte; d , e,f , ses racines qui s'enfoncent entre les pro¬ ductions de l’alvéoleg, h, i.

O11 a enlevé toute la face intérieure des racines et de la base du fust delà dent, pour montrer le noyau pulpeux. A, /, m.

Comme le corps de la dent est presque entièrement fermé et rempli, les petits murs transverses n, o,p, <7, r, s , sont presque entièrement raccourcis et com¬ primés; mais en revanche les pédicules trit ,v,x, qui servent à la formation des racines sont déjà fort allongés.

Fig. 2 est le germe de l’arrière-dent , retiré avec sa capsule de la cavité de î’arrière-mâchoire.

n , b. Reste du périoste de l’alvéole.

c , d. Partie antérieure de la membrane externe de la capsule.

e, f. Portion de cette membrane externe, détachée et rejetée en bas, pour montrer la membrane interne g , h , i.

A, A, A , A, etc. Productions transversales de cette membrane interne , lesquelles jépaient les lames de la dent et les murs gélatineux sur lesquels ces lames se forment.

FOSSILES.

77

On a enlevé les portions de la membrane qüi réunissoient ces productions , afin de faire voir les lames de la dent qu’elles couvroient.

l , 1,1. Le corps du noyau pulpeux de la dent.

m, m , 7ti , m, etc. Ses productions ou les petits murs transverses qu’il envoie entre les productions de la capsule et sur lesquelles se forment les lames de la dent.

n , n , n, n , etc. Lames dites osseuses transsudées par ces petits murs qui les enveloppent, et dont l’ensemble doit former la dent. Les postérieures sont beau¬ coup plus courtes et n’enveloppent pas aussi complètement leurs petits murs, parce que la transsudation commence plus tard en arrière.

0,0 , o , o , etc. L’émail déposé sur ces lames par la face interne de la capsule. Il y en a beaucoup moins sur les lames postérieures, par la même raison.

Dans la partiel, g , h , le cortical a déjà couvert l’émail et soudé les lames ensemble.

р, p , p- Les solutions de continuité qui séparent les commencemens des pédi¬ cules des racines.

Fig. 5 est la partie moyenne de ce même germe, vue par sa face postérieure.

a , a. Sa base , vue en raccourci.

b. L’un des derniers petits murs transverses.

с. Lame dite osseuse qui n’enveloppe encore que ses dentelures.

d, Une dentelure dont l’enveloppe n’est pas encore jointe aux autres.

e, e, e, e. L’émail qui commence à se déposer sur cette lame.

f, Reste de la capsule.

g , g. Extrémités des lames transverses de la capsule.

h, h. Bases des petits murs transverses du noyau pulpeux.

i , i, i. Lames de la dent qui les enveloppent.

k , fc. Email qui commence à se déposer sur ces lames.

Fig. 4 représente les derniers petits murs du noyau pulpeux, détachés du reste et écartés les uns des autres.

a. Les lames en cornet qui avoient commencé à se former sur les dentelures du plus antérieur.

b. Celles qui ne faisoient que de naître sur les dentelures de l’avant-dernier.

c. Le dernier de tous qui n’avoit encore aucune enveloppe dure.

Fig. 5. L'ne lame de germe de dent d’éléphant des Indes, vue par sa face large.

a, a. Su partie qui devoit bientôt poindre hors de la capsule et de la gencive, et l’on voit déjà le cortical répandu comme par gouttes.

b, b. Sa partie moyenne il n’y a encore , sur la substance dite osseuse, que l’émail comme des file'.s de velours.

i

ELEPHANS

c , c. Sa partie de la base , la substance dite osseuse est encore à nu , sans émail ni cortical.

Fig. 6. Une lame pareille de l’éléphant d’Afrique.

a. L’arête qui donne à la coupe des lames de cette espèce la figure u*un losange.

Article III.

Sur les défenses des éléphans, la structure , V accroissement ,

les caractères distinctifs de T ivoire et sur ses maladies. _

Fin des remarques générales sur les dents.

Nous ne nous arrêterons pas à réfuter l’opinion de quelques modernes ( i ) , que les défenses de l’éléphant sont des cornes. C’est une vieille idée soutenue par Pausanias (2) , déjà com¬ plètement réfutée par Philostrate , et que personne n’adopte plus.

Au contraire , la plupart des anatomistes qui pensent que les dents croissent comme les os ordinaires, par une sorte d’intussusception , prennent leurs preuves de l’ivoire , de ses maladies et de ses accidens.

Cependant l’ivoire se forme, eomme les autres dents, des couches successives transsudées par le noyau pulpeux.

J’ai ouvert moi-même l’alvéole et la hase d’une défense sur un éléphant frais, et c’est laque j’ai vu évidemment un noyau pulpeux d’une grandeur énorme et entièrement dépourvu de toute union organique avec la défense qu’il avoit cependant sécrétée. Quoique l’individu fut parfaitement frais, on ne voyoit pas la moindre adhérence entre la défense et le noyau; pas la moindre libre, pas le moindre vaisseau; aucune ceîlulosité ne

(1) Ludplph. œthion. , 1. I , c. io, Perrault, dans sa Description de l'éléphant de Versailles , etc.

(a) Vita Avollonii , lib. II, c. i3.

FOSSILES.

Z9

les lioit. Le noyau étoit dans la cavité de la défense, comme une épée dans son fourreau , et n’adhéroit lui-même qu’au fond de sou alvéole.

La défense est donc dans son alvéole comme un clou en¬ foncé dans une planche. Rien ne l’y retient que l’élasticité des parties qui la serrent; aussi on peut en changer la direction par des pressions douces. C’est une expérience qui a réussi avec notre second éléphant : ses défenses se rapprochoient de manière à gêner les mouvemens de sa trompe ; on les écarta par degrés au moyen d’une narre de fer dont le milieu étoit en vis y et qui s’ allongeait à volonté. Chacun sait que les den- tisles font la même chose en petit avec des fils pour les dents qui n’ont qu’une racine.-

Les couches successives , dont l’ivoire se compose , ne laissent que peu de traces sur la coupe d’une défense fraîche; mais ici les fossiles nous aident à mieux connoître la structure des parties. Les défenses décomposées et altérées par leur séjour dans la terre se délitent en lames coniques et minces, toutes enveloppées les unes dans les autres, et montrent par quelle, a été leur origine.

Aucun os proprement dit ne se délite jamais de cette ma¬ nière. Sloane est, je crois, le premier qui ait fait cette re¬ marque.

Les gravures , les entailles quelconques faites à la surface d’une défense ne se remplissent jamais; elles ne disparoissent qu’à mesure que la défense s’use par le frottement.

Il est vrai qu’on trouve quelquefois des balles dans l’inté¬ rieur de l’ivoire , sans qu’on voye le trou par lequel elles sont entrées.

do

ELEPHÀNS

Noire Muséum en possède un exemple ; on en voit d’ autres allégués dans divers ouvrages (1).

Quelques-uns en ont conclu que le chemin traversé par les balles avoit èlre rempli par les sucs meme de la dé¬ fense et par sa force organique (2) ; ou , comme s’exprime Haller, par une espèce de stalactite (3) : mais il est aisé de voir, au contraire, que ce trou ne s’est pas rempli après coup. Toute la portion d’ivoire en dehors de la halle est semblable au reste jil n’y a que ce qui l’entoure immédiatement qui soit irrégulier : c’est que la balle avoit traversé l’alvéole et la base encore mince de la défense d’un jeune éléphant, et s’étoit logée dans le noyau pulpeux, encore dans tout son dévelop¬ pement : elle a été saisie ensuite par les couches que ce noyau a transsudées , et y est restée prise.

Camper l’a déjà expliqué ainsi ( Desc . an. d’un éléph. , p. 54).

On ne peut donc déduire de ce fait aucune conséquence propre à justifier la nutrition de l’ivoire par intussusception.

Par la même raison , il ne prouvoit rien contre l’opinion de Duhamel sur la formation des os par l’endurcissement des couches successives du périoste , quoique Haller en ait tiré l’un de ses principaux argumens.

Quant aux maladies de l’ivoire, celles qui tiennent à l’alté¬ ration de son tissu viennent tout simplement d’une maladie dans le noyau pulpeux, à l’époque il sécrétoit la portion

(1) Blumenbach , Manuel d’Anat. comp., p. 45 ; Gallandat, Mém. de l’Ac. Harlem , IX, 552; Bonn, Thés. Hoyian. , p. 146; Camper, An. d’un El. , pl. XX , fig. XI et XII; Haller, Op. min. II, p. 554*

{1) Haller, Pliys., VIII , p. 5 19.

(5) Ib. , p. 55o.

1

FOSSILES.

Si

altérée; et ce qu’on a appelé des exostoses est toujours en dedans et jamais en dehors. C’est l’effet d’une sécrétion mo¬ mentanément trop abondante en un certain point.

Au surplus , on a donné souvent pour ivoire malade des portions de dents canines de morse ( trichecus rosmarus ) dont la texture est naturellement grenue. Il y en a de décrit sous ce titre dans Daubenton lui-même.

Les maladies des dents sont à peu près dans le même cas que celles de l’ivoire.

Ce qu’on a nommé carie , suite presque nécessaire de l’en¬ lèvement de l’émail, est la décomposition que la substance interne subiroit, quand même elle ne seroit plus adhérente au corps, si elle restoit exposée à la chaleur de la bouche et à l’action de la salive et des divers alimens ; mais elle n’a point de rapport avec la carie des os.

La disposition de certaines personnes à voir leurs dents se carier , vient de ce que la substance de celles-ci n’est pas d’une bonne composition , et tient au mauvais état du noyau pulpeux lorsqu’il les transsudoit.

Il en est de même des taches, des couches plus tendres qu’on observe dans l’épaisseur de certaines dents. Ce sont des effets d’indispositions momentanées du noyau pulpeux.

Les douleurs , les inflammations , sont dans le noyau pul¬ peux, et non dans la partie dure de la dent. C’est le noyau pulpeux qui est sensible aux chocs et à la température des corps , au travers de l’enveloppe que la partie dure lui forme.

On s’étonnera peut-être qu’une enveloppe aussi épaisse et aussi dure n’émousse pas toute sensation; mais la pulpe du noyau des dents est , après la rétine et la pulpe du labyrinthe de l’oreille , la partie la plus sensible du corps animal.

î i

82

ELEPHANS Les poissons qui ont leur labyrinthe enfermé clans îe crâne , sans caisse, sans tympan, sans osselets, en un mot, sans au¬ cune communication ouverte à l’extérieur, entendent par les ébranlemens communiqués au crâne. C’est quelque chose de beaucoup plus fort en sensibilité que ce que les dents éprouvent.

Les exostoses des dents , les fongosités ne viennent point à la surface de l’émail d’une dent saine , mais dans le fond des creux des caries. Ce sont des productions du noyau pulpeux qui ont percé la matière dure dans le fond aminci de ces creux.

L’allongement continuel des dents qui n’en ont point à leur opposite pour les retenir , s’accorde avec tous ces faits ; la por¬ tion, une fois sortie de la défense de l’éléphant, s’allonge tou¬ jours, mais ne grossit et ne durcit point : c’est quelle est tou¬ jours poussée en arrière par des couches nouvelles, tandis qu’ elle-même ne peut plus éprouver aucun changement. Ou sait jusqu’où cet allongement se porte dans les lapins qui ont perdu une dent , et dont la dent opposée ne s’use plus par la mastication. Continuant d’allonger en arrière , elle finit par empêcher l’animal de manger. C’est dans ce sens qu’ Aristote a dit que les dents croissent toute la vie , tandis que les autres os ont des limites déterminées.

Il faut ajouter cependant que les dents ordinaires en ont aussi une : c’est quand l’entrée de leur cavité est oblitérée, et que leur noyau pulpeux ne reçoit plus de nourri turej mais la nature a eu soin de laisser les voies toujours ouvertes dans les animaux qui , usant beaucoup leurs dents, avoient besoin qu’elles se réparasssent toujours en arrière : tels sont les lapins pour leurs incisives, et les éléphans , pour leurs défenses : la racine ne s’y rétrécissant point, son canal ne peut être bouché.

F O S S I L ES.

83

Article IV.

Application des observations sur la dentition de l’éléphant à la connoissance des fossiles.

Faute d’avoir connu tous les détails de la formation et de la manière de croître des dents en général , les descripteurs de fossiles ont commis une foule d’erreurs ; mais comme les circonstances relatives aux molaires de l’éléphant sont encore plus compliquées et plus difficiles que celles qui concernent les autres animaux , elles ont été un sujet plus fécond de mé¬ prises.

D’abord un grand nombre d’auteurs ont possédé des mo¬ laires entières et bien formées d’élépbans fossiles, sans le savoir.

Aldrov aride , Leibnitz, Kundmann , Beuth ont été dans ce cas.

L’inverse a eu lieu souvent aussi ; et l’on a donné pour dents d’éléphans des dents très-différentes.

Aldrovande, de Metall. , donne , sous ce nom, trois dents d’hippopotames.

M. de laMétherie, Théor. de la Terre, Y. 200, dit que la dent trouvée près de Vienne en Dauphiné , et gravée, Journ. de Phys., févr. 1773,/?. i35, paroit avoir appartenu à l’élé¬ phant d’Afrique. Nous avons montré quelle a provenir d’une espèce de grand tapir. Le même auteur ,p. 201 , assure :

« Qu’il est prouvé aujourd’hui que les dents de l’Ohio et » celles rapportées du Pérou par Dombey sont celles d’un v éléphant qui est de la même espèce que celui d’Afrique.»

Cependant les dents de Vienne, celles de l’Ohio et celles du Pérou, ne se ressemblent point entr’elles , et ni les unes ni les autres ne ressemblent à celles de l’éléphant d’Afrique.

ELEPHANS

8-i

D’autres auteurs ont cru pouvoir établir des différences spécifiques sur le nombre des dents existantes à la fois dans la mâchoire. Ainsi Merck, II.e Lettre sur les os fossiles de rhino¬ céros , Barmst. , 1 7 84 , p. 1 2 et suivantes , croit pouvoir établir la différence entre les éléphans vivans et les fossiles , sur ce que les mâchoires qu’il avoit observées ne porloient que deux dents, tandis que celle de l’éléphant décrit par Daubenton en avoit quatre. Il remplit huit pages de raisonnemens à ce sujet, et finit cependant par proposer aussi une explication de cette variété dans le nombre des dents , semblable à celle de Pallas , en la rapportant à la différence des âges. M. Morozzo , Mém. de la Société ital ., tome X , p. 162, nous dit encore que l’éléphant n’a qu’une dent de chaque coté.

Quelques-uns n’ayant pas su comment ces dents diminuent dans tous les sens avant de tomber , ni la grande différence entre les dents des jeunes individus et celles des vieux ^ ont imaginé que les petites molaires que l’on trouve isolées , pro- venoient de quelque éléphant d’une espèce plus petite.

Mais les erreurs incomparablement les plus fortes et les plus bizarres sont celles qu’ont occasionnées les lames par¬ tielles de germes de molaires d’éléphans, que l’on a trouvées détachées et non usées.

Les anciens naturalistes , qui considéroîent généralement les fossiles comme des pierres figurées , trouvèrent à ces lames quelque ressemblance avec un pied ou une main , et leur donnèrent le nom de chirites.

Kirker en représente sous ce nom dans son Mundus suLter - raneus , II , 64. Il y en a aussi de pareilles dans son Muséum et dans le Muséum metalliçum vaticanum de Mercati .

FOSSILES.

85

Aîdrovande eu représente sous le meme nom, de Metallic. , lib. IV, 48 1.

Mais rien u’approelie en ce genre de ce qu’on trouve dans les Rariora Naturœ et Artis de Kundmann, pl. III , fig. 2. Cet auteur décrit l'objet représenté par sa figure comme la pâte pétrifiée de quelque grand babouin ; il assure que la peau , la chair, les ongles, les veines s’y voyoient entièrement pétrifiés; que M. Fischer , professeur de Kœnisberg , qui avoit vu la plupart des cabinets de l’Europe, regardoit cette pétrification comme l’une des plus rares du monde, et qu’enfin le roi de Pologne, électeur de Saxe, lui en avoit fait offrir une somme considérable pour l’acquérir pour le cabinet de Dresde. JValch , dans son Commentaire sur l’ouvrage de Knorr , tome II , sect. II, p. [5o, cite ce morceau parmi les ostéolithes de singe , etc. Cependant un simple coup d’œil jeté sur la figure fait voir que ce n’est qu’une lame de molaire d’éléphant, non encore usée à son extrémité , ni soudée au reste de la dent.

Article Y.

Comparaison des mâchelières de T éléphant des Indes et de l éléphant d Afrique , et premier caractère distinctif de ces deux espèces. Examen des diverses mâchelières fossiles d éléphant.

On a long-temps possédé et décrit indistinctement des dents molaires de l’ éléphant des Indes et de Y éléphant d’ Afrique f sans les comparer et sans s’apercevoir quelles ne se ressemblent pas en tout. Ainsi la Société royale de Londres fit représenter,

SG

ELEPHANS

en i^iS, des rçioîaires H Afrique , pour servir d’objet de com¬ paraison à des molaires fossiles qui , comme on sait , res¬ semblent beaucoup à celles des Indes , et personne n’insista sur une différence qui sautoit aux yeux.

L’exact et judicieux Daubenton 11e la remarqua pas davan¬ tage , et Buffon ni Linnceus ne soupçonnèrent jamais qu’il pût y avoir plus d’une espèce d’éléphant. On n’aperçoit pas meme encore de traces de celte possibilité dans l’édition du Systema Naturœ , par Gmelin; et en effet tout ce que l’on trouvoit là- dessus dans les anciens et dans les voyageurs étoit vague , et pouvoit 11e se rapporter qu’à de simples variétés.

Tel est , par exemple , ce que les anciens ont dit sur leur di¬ vers degrés d’aptitude à la guerre.

Diodorede Sicile, lib. Il, avance que_« les éléphans de ZTnde » surpassent de beaucoup en courage et en force ceux de » Lybie. »

Appien le confirme , de Bellis Syriac. , ed. Amsterd. , 1670, 8.°, tom. I, p. 173. Selon lui , « Domitius cpd commandoit les » Romains contre Antiochus, jugeant cpie les éléphans qu’il » avait d’Afrique ne lui seroient d’aucune utilité , parce que » EN LEUR QUALITÉ D AFRICAINS ( ) ÜS étoientpllLS petits,

» et que les petits redoutent les grands , il les rangea der- » ri'ere les autres (c’est-à-dire, derrière ceux des Indes). »

Pline et Salin disent en général que les Africains sont plus petits que ceux des Indes et les redoutent . Il est bien pro¬ bable cependant que les éléphans d’ Annibal et ceux de Ju~ gurtlia n’étoient que de la première espèce.

Il y avoit quelque chose de plus précis et d’aussi vrai dans ce que dit un scoliaste de Pindare , cité par Gessner , Quadr.,

FOSSILES. 87

p. 878, qu'il n’y a de défenses qu’aux mâles dans l’espèce des Indes , mais que les deux sexes en perlent dans celle de Lybie et d ’Æthiopie. Quant à la distinction établie par Philostrate ( 1 ) entre les éléplians de montagnes , de plaines et de marais , et aux différences de leur naturel et de leur ivoire, il est encore probable que si elles sont réelles, elles ne constituent que de simples variétés.

La première véritable distinction spécifique des élépbans par la structure intime de leurs dents, est donc entièrement due à P. Camper ; quoiqu’il n’en ait rien écrit, les planches il les avoit représentées, et les témoignages de son fils et de M. Faujas la lui assurent.

M. Blumenhach en avoit aussi fait de son coté l’observation; il avoit caractérisé les deux espèces d’après cette seule diffé¬ rence , dans son Manuel , sixième édition , p. 121 , et avoit fait représenter les deux sortes de dents dans ses Abbildungen , pl. 19.

Cette différence consiste dans la forme des plaques et dans leur nombre ; on l’observe dès le germe.

Les germes de X éléphant des Indes sont des lames dont cha¬ cune est formée de deux surfaces à peu près parallèles , et simplement sillonnées sur leur longueur. (Voyez pl. III, fig. 5.) Dansl 'éléphant d Afrique, l’une des surfaces ( et souvent toutes les deux ) produit dans son milieu et sur à peu près toute sa longueur une saillie anguleuse ; ses sillons sont aussi beau¬ coup moins nombreux. (Voyez pl. III, fig. G.)

11 résulte de cette structure des germes que la coupe des

(1) Vita Apoll. Tyan. , lib. Il , c. i3 , edit. olear. Lip, 17^9 ;

88

ELEPHANS

lames, quand la dent a été usée, présente dans Y éléphant des Indes des rubans transverses étroits, d’une égale largeur, et dont les bords , formés par l’émail , sont très-festonnés ; et dans Y éléphant d’ Afrique , des losanges , ou des rubans plus larges au milieu qu’aux deux bouts, et dont les bords sont rarement découpés en festons bien sensibles.

A cette différence déformé, s’en joint une dans le nombre: les lames de Y éléphant d’ Afrique étant plus larges , il en faut moins pour former une meme longueur de dent \ neuf ou dix de ces lames font une dent aussi grande que treize ou qua¬ torze de l’espèce des Indes.

Il paroît que ces deux espèces observent la meme propor¬ tion dans les dents de meme âge, que dans celles de meme longueur. Ainsi, en comparant nos crânes (.Y Asie avec ceux d’ Afrique , à peu près de meme âge , nous trouvons aux dents postérieures des premiers quatorze ou quinze lames , et à celles des autres neuf ou dix seulement.

Aussi n’avons-nous jamais vu de dent d’Afrique qui eût plus de dix lames , tandis que celles des Indes en ont , selon M. Coxe , jusqu’à vingt-trois , et que nous en voyons de fossiles à vingt- quatre et vingt-cinq.

Ces caractères , pris des molaires, étant une fois constatés pour les éléphans vivans , il étoit naturel d’examiner sous ce rapport les éléphans fossiles , d’autant qu’après les défenses , les dents molaires sont la partie qu’on a le plus souvent trouvée et recueillie.

Les questions qui se présentoient étoient celles-ci :

Auquel des deux éléphans vivans les molaires fossiles ressemblent- elles davantage ?

Ressemblent-elles entièrement à ïun des deux ?

FOSSILES.

89

Toutes les molaires fossiles sont-elles semblables entre

elles ? '

Il n’y a point de doute sur la première question. Le plus grand nombre des dents fossiles ressemble , à la première vue , à celles des Inde s , et se compose comme elles de rubans à peu près d’égale largeur, et festonnés.

On peut s’en assurer en consultant notre planche VI, nous avons fait représenter des dents fossiles tant supérieures qu’inférieures de différens âges, à moitié de leur grandeur na¬ turelle. .

Fig. 1 est une inférieure d’un vieux éléphant , toute usée, trouvée, l’année dernière, dans la forêt de Bondy, avec sa pareille.

Fig. 2 en est une d’un très-jeune éléphant; une vraie mo¬ laire de lait : de Fouvent.

Fig. 3 est une molaire supérieure d’un éléphant d’âge moyen de Sibérie : c’est le n.° MXXII de Daubenton.

Fig. 4 est- une des secondes molaires d’un jeune éléphant. File vient des environs de Toulouse.

Fig. 5, une molaire inférieure d’un vieux éléphant , usée seulement à demi.

C’est cette ressemblance générale qui a fait dire à P allas et à presque tous ceux qui sont venus depuis lui, quel 'éléphant fossile est le même que celui d 'Asie.

Mais cette ressemblance est-elle complète ? Je l’ai nié autre¬ fois (1) ; depuis lors j’ai hésité un peu à soutenir une assertion qui pouvoit paroitre hasardée, et sur laquelle les observations

(1 Mém. de l’Inst. , Classe de Matli. et Phys. , t. JI , p. 1 5.

1 2

ELEPïïANS

9U

de mon savant ami , M. Adrien Camper , m’avoient inspiré quelques doutes (i). Examinons de nouveau la cliose avec impartialité.

11 est certain d’abord que le nombre des lames, considéré seul, ne peut, comme jel’avois cru , donner de bons caractères, puisqu’il est sujet à varier selon l’âge de l’individu et le rang de sa dent, depuis quatre jusqu’à vingt-trois ou vingt-quatre.

Mais le nombre, pris sur des dents de longueur égale , n’en donneroit-il point ? C'est ce que j’ai examiné sur un grand nombre de dents des Indes et fossiles , et j’ai presque tou¬ jours trouvé les lames de ces dernières plus minces, et par conséquent plus nombreuses dans un même espace.

J’en ai dressé une table que je joins ici. On peut y voir :

i.° Que les lames varient d’épaisseur dans les divers indi¬ vidus de chaque espèce ;

a.0 Qu’il y a, comme notis l’avons dit plus haut, un rap¬ port entre cette épaisseur et le nombre des lames \ c’est-à- dire que plus il y a de lames dans une dent , plus chaque lame prise à part est épaisse ;

3.° que cependant en comparant ensemble des dents de même nombre de lames, ces lames occupent toujours un es¬ pace sensiblement moindre dans les molaires fossiles ; et que celte différence va très-loin dans certains échantillons , et d’au¬ tant plus loin que le nombre des lames est plus fort.

(j) Descrip. anat. d’un élépli. , in- fol. , p. 19,

FOSSILES. 91

MOLAIRES FOSSILES.

NOMBRE

total

des lames.

N ERE

des lames

usées.

jONGUEUR

totale.

longueur

des lames

usées.

LARGEUR.

SUPERIEURES.

De Sibérie, brune , lames séparées, mais peu altérées, Daub. , n.° 1 020.

XXV

1 I

0,260

0,1 35

o,o85

D’origine inconnue, jaunâtre, peu altérée . - . . .

XX

i6(

0,200

o,i65

0,081

De Sibérie , brun— noirâtre , plu¬ sieurs lames enlevées en avant et en arrière* ..........

XVIII

12

0,1 10

O

CO

0

cT

De Sibérie , très-altérée dans son cé¬ ment ; quelques lames enlevées : Daub. , 1022. ........

XVI

i5 k

0,1 85

0,1 65

0,089

D’origine inconnue, altérée, blan¬ che , au moins une lame enlevée en arrière. .........

XY

4

0,1 65

0,075

D’origiue inconnue, très-altérée, blanche , toute usée. .

XV

i5

0,1 65

o,i65

0,084

De Toulouse , très-altérée , blanche toute usée ..........

XIII

i5

0,095

0,090

o,o5o

De Fouvent, altérée , jaune, toute usée . . . . . .

XII

12

O

O

CO

Ut

o,o35

0,007

De Fouvent, jaune , très-usée . .

Y II

7

o,o55

o,o55

o,o35

INFÉRIEURES.

Du canal de l’Ourque .

XXIV

22

0,245

0,247

0,089

D’origine inconnue, blanche, ter¬ reuse, cassée en deux endroits. .

XXIY

12

0,265

0,142

o,o85

Probablement de Sibérie , brune , mais nullement altérée : plus de .

XXI

.1

o,25o

0,160

0,070

De Fouvent, jaune, terreuse, quatre cassées en arrière .

XIX

i5

0,200

0,190

0,080

Probablement de Sibérie , peu alté¬ rée , teinte en noir . .

XVIII

iS

0,178

0,178

0,088

De la mâcli. inf. des environs de Co¬ logne .

XVIII

1 5

0,23o

0,180

o,o75

D’une petite mâch. du même lieu .

XIV

1 1

0,125

o,o8S

0,0 5 0

D’une mâch. foss.de Sibérie , duca- binet de M. Camper .

Id. .

XIII

XI

0,160 0,1 40

E L E P H A N S

92

MOLAIRES DES INDES.!

NOMBRE

total

des lames.

NOMBRE

les lames

usées.

LONGUEUR

totale.

LONGUEUR

es lames

usées.

LAR.GEUR.

«

SUPÉRIEURES.

De la tète d’él. dent, de Ceylan . .

XVI

1 I

0,200

0,162

c,o55

Du grand squelette mo&kna . . .

XIV

.7

<M77

0,102

0,060

Du squelette de denielab ....

XIV

8

Dent séparée du cabinet .....

XIV

7

o,i45

0,090

o,oi5

Tète séparée de mookna ou de fe-

0,1 55

o,o85

0,0 5 5

XIV

5

Autre dent séparée du cabinet . .

XIV

4

0,1 20

0,045

o,o45

IJ. .

XIII

8

0,1 5o

0,092

0,060

XI

10

0, 1 5o

0,125

o,o65

Antérieure du squel. de dentelali .

IX

9

0,080

0,080

0,057

Àntër. de la tête séparée de mookna-

vu

7

0,0-8

0,078

o,o53

du squel. de mookna .

VII

7

0,075

0,075

0,060

Dent d’un trcs-jeune él.Daub. ,1019

et 1020 . .

VII

7

o,o55

o,o55

o,o3o

INFÉRIEU RE S.

D’une mâch. de Ceylan, du cabinet

de M. Camper .

XXII

0,270

Dent séparée du cabinet d’anat. , en

partie sciée .

XIX

o,5 1 5

0,070

D’une mâcb. de Ceylan, du cab. de

M. Camper .

XVII

0,190

Tète du squelette raookca ....

XV

10

0,200

0,1 56

o,o65

Tête séparée de mookna .

XV

8

0,205

0,1 10

o,o55

Dentséparéedu cabinet deM.Faujas

XIV

12

0,200

0,1 58

o,o54

Squelette de dentelab. . . . . .

AUI

12

O'l02

0,060

Dent séparée du cab. d’anat. . . .

XIII

i3

0,192

0,192

o,o65

Dent d’une tète séparée de dentelai

de Ceylan .

XII

10

0,240

0,21 5

o,o65

FOSSILES.

9

Ainsi , lorsque M. Camper m’oppose une tient C éléphant vivant, à lames minces , et une autre à lames épaisses, c’est que la première qu’il a représentée, pl. XIX, lig. 2 de son ouvrage, n’a que douze lames, et vient d’un jeune éléphant; et que l'autre, ib ., f. 6 , ainsi que celle pl. XIII, lig. .4 et 5, en a vingt-trois, et vient d’un vieux. Il ne faut comparer ensemble que des dents de même nombre de lames.

Il résulte de ce premier caractère ( l’etroitesse des lames ) que le nombre de ces lames qui servent à la fois à la tritu¬ ration a pu être plus considérable dans l’éléphant fossile que dans L’éléphant des Indes.

Corse dit expressément que ce dernier n’en a guère que dix ou douze en activité à la fois ; et l’on trouve très-souvent des dents fossiles, qui ont leurs vingt-quatre lames usées : telle est celle de la forêt de Bondy, représentée pl. VI , Lig. 1. .

Un second caractère , qui ne me paroît pas moins sensible, c’est que les lignes d’émail qui interceptent les coupes des lames sont plus minces et moins festonnées dans les dents fossiles que dans les autres. Je le remarque sur tous les échan¬ tillons de ce Muséum, excepté un seul dont je parlerai plus Las.

Un troisième caractère est pris de la largeur tant absolue que proportionnelle des dents , beaucoup plus considérable dans l’éléphant fossile que dans celui des Indes. On peut s’ en assurer par la cinquième colonne de ma table. On y voit que les fossiles ont presque toutes de 0,08 à 0,09 de largeur, et les dents du vivant de 0,06 à 0,0p.

Si ces différences éloient seules, elles ne seroient peut-être pas sufüsantes pour établir une distinction d’espèces ; mais comme elles sont d’accord avec les différences des mâchoires

ELEP FI A A' S

et avec celles des cràues, ainsi que nous le verrons bientôt, elles prennent de l’importance.

Mais n’y a-t-il dans l’état fossile que de ces molaires à lames étroites ?

J’ai annoncé ci-dessus un échantillon à lames larges 5 il a été déterré auprès de Porentrui, département du Haut-Rhin. Sans être fort altéré , il l’est assez pour être regardé comme vraiment fossile. Neuf lames y sont restées entières, et il en a été enlevé en arrière un nombre qu’on ne peut déterminer. Ces neuf lames sont grosses , très-ondulées et occupent un espace de 0,180 en longueur. Leur largeur est encore plus considérable que dans les autres dents fossiles 5 elle va à 0,090; cette dent devoit appartenir à un très-vieux éléphant.

M. Adrien Camper parle de trois fragmens molaires fos¬ siles qu’il a dans son cabinet (1) , et dont les lames sont aussi larges que celles des molaires vivantes 5 mais il faudroit savoir si les dents dont ces fragmens proviennent avoient beaucoup ou peu de lames , car ce n’esi qu’ alors qu’on pourroit instituer une comparaison..

M. Authenrieth m’annonce avoir vu à Philadelphie des dents qui lui ont paru tenir de plus près à l’éléphant d’Afrique qu’à celui d’Asie; mais M. Barton vient de m’assurer positivement que ce sont des dents fraîches apportées d’Afrique. Celle qui a été gravée pour l’ouvrage de M. Drayton sur la Caroline , ressemble aux molaires fossiles ordinaires; et celles dontM. de JPumboldt m’a rapporté des fragmens du Mexique y ressemblent également , ainsi que celles dont j’ai parlé ci-dessus d’après M. Barton.

(1) Desc. au. cl’un éléph. , p. 19.

FOSSILES.

IP

M. deHumboldtà it, à la vérité, dans line lettre insérée dans les Annales du Muséum , tome II, p. 337 i ay0lY trouvé, près de-Santa-Fé , une immensité d’os fossiles d’éléphans , tant de l’espèce et Afrique que de celle de l’Ohio ; mais un examen plus approfondi a montré depuis, comme nous le verrons ailleurs , que tous ces os étoient d’une espèce particulière de mastodonte.

Il paroît donc que la plus grande quantité sans comparai¬ son des molaires d’éléphant fossiles, sont à lames étroites, et que le petit nombre d’exceptions que l’on a recueillies jusqu’à présent n’est ni très-important ni bien constaté.

Article VI.

Variétés dans la grandeur et la courbure des défenses des éléphans. Comparaison des défenses fossiles à celles des éléphans vivons.

a. Défenses des espèces vivantes.

Examinons maintenant les variétés des défenses, et les diffé¬ rences remarquées à cet égard parmi les éléphans.

Leur tissu u’en offre point de fort importantes. Il présente toujours sur sa coupe transverse ces stries qui vont en arc de cercle du centre à la circonférence , et forment en se croisant des losanges curvilignes qui en occupent toutle disque, et qui sont plus ou moins larges , et plus ou moins sensibles à l’œil. Ce caractère , commun à tous les ivoires d’éléphant et dépendant immédiatement des pores de leur noyau pul¬ peux , ne se trouve dans les défenses d’aucun autre animal. On l’observe dans toutes les défenses fossiles , et il réfute

E L E P H A N S

96

l’opinion de Leibnitz (1), adoptée par quelques autres écri¬ vains et même par Linnœus (2) , que les cornes de mammouth pourvoient provenir du morse ( trichecus rosir: ara s ). Les dé¬ fenses du morse paroissent toutes composées de petits grains ronds accumulés.

La grandeur des défenses varie selon les espèces, selon les sexes et scion les variétés 5 et comme elles croissent pendant toute la vie , l’àge influe plus que tout le reste sur leurs di¬ mensions.

L’éléphant d’Afrique a, autant que nous pouvons savoir, de grandes défenses dans les deux sexes. La femelle africaine de ï'j ans, dont nous possédons le squelette, en porte de plus grandes que tous les éléphanS des Indes mâles et femelles de même taille dont nous avons eu connoissance.

C’est en Afrique qu'011 trouve le plus d’ivoire , les défenses les plus volumineuses, et celles dont l’ivoire est le plus dur et conserve le mieux sa blancheur.

Mais nos connoissanees un peu exactes se réduisent aux élé- phans de la côte occidentale et à ceux du midi de l’Afrique ; nous ignorons si ceux de la côte orientale leur ressemblent en tout , et s’il n’y a point d’autres variétés dans l’intérieur.

Nous savons cependan t par Pennant que la côte de Mosam- bique fournit des défenses de dix pieds, les plus grandes que l’on commisse,

Dans l’espèce des Indes, il y a beaucoup de variétés que

(1) Prntogœa , §. XXXIV, p. 2(9.

(2) Sj'st. Nat. , ed. XII , p. 49*

FOSSILES.

97

M. Corse a développées avec plus de soin qu’aucun autre (i)„ D'abord aucune femelle n’y porte de longues défenses : elles les ont toutes petites et dirigées en ligne droite vers le bas ,, (ce qu’a très-bien exprimé Aristote (2) dans un passage mal à propos contredit depuis) , et une partie les ont tellement courtes , qu’on ne peut les apercevoir qu’en soulevant les lèvres.

De plus , il s’en faut bien que tous les mâles en aient de grandes. Tavernier dit qu’il n’y a dans l’ile de Ceylan que le premier de chaque femelle qui en porte '(3). On distingue sur le continent de l’Inde les dauntelah ou éléphans à longues défenses , des mookna qui les ont très - courtes. Ceux-ci les ont toujours droites. TV olfs , qui a voyagé long¬ temps à Ceylan , dit aussi qu’il y a dans cette île beaucoup de mâles sans défenses, et qu’on les y nomme majanis (4).

Parmi les dauntelah , on distingue encore, suivant Corse , les pullung dauntelah dont les défenses se dirigent presque horizontalement et les puttel dauntelah elles se portent droit vers le bas. Entre ces deux extrêmes, il y a plusieurs intermédiaires , et l’on a aussi donné des noms aux individus dont une défense diffère de l’autre ou qui n’en ont qu’une en tout. Mais toutes ces variétés n’ont rien de constant et so mêlent indistinctement les unes avec les autres. On les trouve ensemble dans les mêmes bardes.

Au Bengale , les défenses ne pèsent guère plus de 72 livres

(1) Trans. phil. , i jqç) , p. ao,5 et suir.

(2 Hist. anim., lib. II , c. V.

(5; Tavernier , tome II, p. 1 70.

(4 Voyage à Ceylan , en allem. , p. 10G, cité par Camper, An. d’un èlipk.

P-

17.

10

ELEPHANS

en poids , et elles ne passent pas 5o dans la province de Ti- perah qui produit lès meilleurs éléphans. Cependant on a à Londres des défenses, probablement originaires du Pégu , qui pèsent i5o livres. C’est en effet du Pégu et de la Cochin- cbine que viennent les plus grands éléphans et les plus grandes défenses de l’espèce des Indes. La côte de Malabar n’en donne pas , selon Pennant , qui ayent plus de quatre pieds de long.

Voici une table que j’ai dressée des longueurs des diamètres et des poids des plus grandes défenses dont les auteurs ont donné les dimensions ou que j’ai pu observer moi-même.

Les défenses d’Afrique n’ont pu y être distinguées de celles des Indes, et il n’y a pas toute la certitude qu’on pourroit dé¬ sirer sur les espèces des mesures employées.

FOSSILES.

99

AUTEURS

LF URS G A. R A. N S

LONGUEUR

DIAMETRE

aui ont cité

X ■>

et les détails sur l’origine

en suivant

au

POIDS.

les faits.

des défenses.

la courbure

gros bout.

Défense de Sumatra , selon Louis Vartoman , cité par Jonston . . Défense mentionnée par J. C. Sca-

»

»

1G8 1.

liger , ele Reb. ind. .

Défense du cabinet de Septal, citée

»

16 a i

1 par Herzog . .

M

»

160

[Défense mentionnée par Y ielhauer.

dans son Traite des drogues

w

»

200

| Par Louis Barth , Ber. indic. .

»

»

5a5

Hartenfels ,

[Défense apportée des Indes à Bâle,

TLlephanlo-

citée par Munster, dans sa Co-r-

grapleia , p.'

mographie. - . .

9(

»>

îooenyirou

4 7 et 48.

1 Id .

Autre défense mentionnée par J.-C.

>> .

»

‘4

pl us de 5'

»

Id. par Al. Cadamosto .

Les plus grandes défenses selou

8'

»

»

Gyllius .

Une défense que possédoit unmar-

io'

»

»

chand de Venise .

4'

r>

»

Les défenses prises sur Firmus,

'

par Aurélien , selon Flavius Vo- ^ piscus, , . . . .

io' rom.

*

Les défenses ordinaires de Guinée. Une défense appartenant à M. Woî-

M

100 à iao

!

208

1 fers , négociant d’Amsterdam .

8' du Rhin ,

9" 7

Camper, Des-

[Défense appartenant à M. Ryfsny-

7' 4" de Fr.

erip. an. et un{

der , négociant à Rotterdam , se-

elep.

Ion Klokner .

| Défense vendue à Amsterdam , se-

i!jo

Ion le même .

s>

M

3 5o

Défense du cabinet de Camper. .

6*

7"

io5

J 00

ELEPHANS

AUTEURS

LEURS GARASS

LONGUEUR

DIAMETRE

qui ont cité

et les détails sur l’origine

en suivant

au

POIDS.

les faits.

des défenses.

la courbure.

gros bout.

Faujas, Gèo-

La plusgrandedéfense du Muséum

logie , p. 245.

d’iiist. nat. de Paris .

6' 6"

5" 4'"

72" 8.°

Fortis , Mém. pour l‘Hist.\

Défense du cabinet de Florence. .

»

n/r fi/ff

»

nat. de Vital .'

IL

Pennant. 1

Les grandes défenses de Mosam-

y

i

bique . . .

1 a' angl. ou g' 2" de Fr.

»

Plusieurs défenses mesurées par

Buffon , Hist.

Eden .

9' angl.

»

de 90 à 1 25

Lopès .

nat., tome XI, ,

»

200

Drack .

»

»

200

in-. 4

Défenses de Lowango , selon le

I

Voyage delà Cpmp. des Indes, .

»

>V

126

a

^Défenses du Cap, selon Kolhe . .

a >>

»

de 60 à 120

Comme les défenses croissent toute la vie , et le reste du corps non, la grandeur d’un éléphant ne peut se conclure de celle de ses défenses, menue en établissant la proportion entre individus d’une même variété et d’un même sexe , comme d’un autre côté les défenses s’émoussent ou se cassent à leur pointe, selon le plus ou moins d’usage que l’animal en fait, et quelles s’aiguisent plus ou moins brusquement en pointe, on ne peut conclure sûrement leur longueur de leur diamètre à la base.

Enfin leur poids ne peut se conclure de leurs dimensions ,

FOSSILES,

IOI

parce que la cavité de leur base peut être plus ou moins remplie.

Le degré de courbure des défenses des éléplians varie presque autant que leur grandeur. Nous avons vu ci-dessus les différences les plus communes à cet égard parmi les éïé- pbans des IndeSv II ne manque pas dans les cabinets de dé¬ fenses à courbures plus ou. moinsdnzarres , et surtout en spi¬ rale. Camper en a vu plusieurs dans le Muséum britanrri(jue[ i }; et Gre w eu représente une (2) qui fait plusieurs tours , et je sais, par une lettre de M. Fabbroni , qu'il y en a aussi une dans le cabinet de Florence On en voit assez communément en forme d\S italique, etc.

b. Défenses fossiles.

Nous ne pouvons savoir s’il y avoit parmi les éléplians fos¬ siles les mêmes différences que parmi ceux des Indes , par rapport aux défenses des différens sexes et des différentes va¬ riétés , puisque les défenses fossiles se trouvent d’ordinaire isolées , et que l’on n’a pas trouvé assez de crânes entiers pour pouvoir dire s’il y en avoit d’adultes sans longues défenses.

Nous ne pouvons non plus counoitre les limites des défenses fossiles en petitesse. Les petites ont été beaucoup moins re¬ cueillies, parce qu’ elles excitoient moins l’attention des ouvriers.

Mais nous connoissons assez leurs limites en grandeur : les grandes n’ont point été négligées, et ceux qui les ont décrites n’ont pas été tentés d’en diminuer le volume*

1, Desc. an. d'un éléph.

(2) Mus. Soc. Reg. , pl. IV.

ioa

ELEPIIANS

J’ai dressé une table des plus grosses défenses fossiles dont les dimensions ayent été données. On peut y voir quelles ne surpassent pas infiniment celles des éléphans vivans , du moins de l’espèce d’Afrique.

Il faut remarquer d’ailleurs que si on laissoit les éléphans vivre leur âge naturel dans les forêts , sans leur faire la chasse, leurs défenses croissant toute la vie acquerroient un volume encore plus considérable que celui quelles ont ordinairement.

n ; . * r . - - .... : / " . r

FOSSILES

io3

AUTEURS

consultés.

DETAILS

SUR LES DÉFENSES.

LONGUEUR

en suivait la grande courbure.

DIAMETRE

au

gros bout.

POIDS.

[

Long, di

6" et à l’au-

X.° DCDXCYI de Sibérie, tron-

tronçon.

tre bout5'

quée en avant .

N.» DCDXCY de Sibérie , tronquée

r' rtr

0 4

4"'

4" 8"' et à

89 1.4“

Daubenton ,

! aux deux bouts .......

5'

l’autre bout

4 i5.°

tome XI.

\N.° DCDXCIV de Sibérie , tron-

4"

Faujas, Géol. 295. ^

J quée aux deux bouts .

|X.° DCDYCII , tronquée aux deux bouts . .

Défense des environs de Rome, trouvée par MM. Larochefou- cauld et Desmarets ; fort tron¬ quée aux deux bouts et cassée en

5' 4"

5' 5"

■2" 10'" aux deux bouts.

2" g'" et 1"

1 0"' à l’au¬ tre bout.

i5 5.°

9 I2-°

Fortis, II, p-j

trois morceaux .......

Défense trouvée au Serbaro près de Yérone, par Fortis et le comte de Gazoîa , tronquée aux deux

5'

8"

»

j

bouts , renflée par infiltrations .

7 '6'' de vt*r.

9" à 10" ici.

»

Défense fossile de Toscane . . .

Défense de Sibérie du cabinet de

8' 6"

»

»

Camper. j

Camper .

5'etplus.

»

»

Zach. (

Premier éléph. de Burgtonna . .

8'

»

»

1

Pallas , Nov.i ,

Deuxième , id. .

La plus grande défense de Sibérie ,

IO'

»

»

Com. Petr.

du cabinet de Pétersbourg , tron-

C

" 61" et à

XIII, P. 473. j

quée au deux bouts .

8' 1 6

autre bout

" 4'"

»

éléphans

i 04

iUTEUKS

consultés.

DETAILS

DES DÉFENSES.

LOIVGUEUa

en suivant la grande courbure.

DIAMETRE

an

gros bout.

...

POIDS.

La plus grande défense de Cans-

Autenrielh et

tadt, très-courbée, tronquée aux.

5" et à Tau-

deux bouts .

5' G"

Jæser. '

tre bout 5"

iveisel et Spleiss disent qu’il y en

avoit de .

10'

»

Messersch-

raid et Brey-n

Une défense très-courbée de Si-

nias, Trans.i

bérie .

i3'6"5'"

6"

1 57 1. i.° p.

phil. , 4°> }>• j

rom.

d’apolb.

Jl54- l

(

La défense suspendue dans la ca-

Hermann ,

thédrale de Strasbourg , trèsr

lJrog. pecul. ^

courbée ..... .

& y'

5" 5'"

»

ïd. LnlLres. j

Id. de Wendenbeim .

4' io"

5" G'"

>>

Quant au tissu , nous avons vu plus haut qu’il est absolu¬ ment le meme dans toutes les espèces, et les défenses du mas¬ todonte ne se distinguent pas non plus à cet égard de celles

g des éléphans.

Il ne reste donc à comparer que la courbure.

Beaucoup de défenses fossiles n’ont qu’une courbure très- ordinaire: telles sont celles de notre Muséum.

Mais il en est un assez grand nombre dont la courbure est beaucoup plus forte qu’on ne la voit dans les défenses des éléphans vivans. Elle approche d’un demi-cercle ou de la moitié d’une ellipse partagée par son petit axe.

Il y en a quatre de cette sorte de décrites : celle de

FOSSILES.

xo5

31esserschmidt , dans les Transactions philosophiques ; celle de la cathédrale de Strasbourg , selon Hermann ; celle de 1 église de Halle en Sonabe , selon Hoffmann et Beyschlag , et celle du cabinet de Stuttgardt , selon Autenrieth et Jœger. Cette ressemblance frappante des quatre défenses fossiles les plus entières que l’on commisse , en un point qui les distingue des défenses vivantes, est digne de remarque.

Quelques personnes en ont cru pouvoir faire un caractère distinctif \ mais on peut penser que cette grande courbure ne tient qu’à la longueur des défenses on l’a remarquée.

La partie de défense une fois faite ne changeant plus , si celte défense n’est pas tout à fait droite, chaque augmenta¬ tion en longueur sera aussi une augmentation du nombre des degrés de l’arc quelle décrit.

C’est ainsi que les incisives des lapins , dont l’opposée est rompue, se recoquillent tout à fait en spirale.

Il est bon cependant d’observer qu’une défense d’Afrique de notre Muséum, quoique longue de six pieds, n’est pas à beaucoup près aussi courbée que les quatre que nous venons de citer.

II y a aussi des défenses fossiles contournées en tire-bourre , comme on en voit quelquefois de vivantes. Pallas en cite une du cabinet de Pétersbourg (i). Il y en a également une, mais moins tordue dans le cabinet de Stockholm. M. Quensel a bien voulu m’en envoyer un dessin.

Ainsi les défenses ne peuvent établir de caractère certain, ni entre les espèces vivantes, ni entre celle-ci et l’espèce fossile.

z4

(ij Xov, Com, , XIII.

ioG

E L E P II A N S

Article V I I.

Comparaison des crânes de V éléphant de s Indes et de celui d Afrique. Caractère extérieur pris des oreilles. Parties du crâne susceptibles de varier dans une seule et même espèce.

J’ai eu l’avantage de faire remarquer le premier, en 1795, les caractères distinctifs qu’offrent les crânes des deux élé- plians, et qui sont d’autant plus intéressans , qu’on peut les employer sur des individus vivans ou entiers, sans être obligé d’examiner leurs màchelières (1). Je ne les avois reconnus d’a¬ bord que par la comparaison d’un crâne de chaque espèce; au¬ jourd’hui je les ai vérifiés sur sept crânes en nature, dont cinq indiens et deux africains , et sur plusieurs figures.

Lorsque ces crânes sont séparés de leurs mâchoires infé¬ rieures et posés sur les molaires et sur les bords des alvéoles des défenses, les arcades zygomatiques sont à peu près hori¬ zontales dans l’une et l’autre espèce.

Si on les considère alors latéralement, ce qui frappe le plus c’est le sommet de la tête presque arrondi dans X éléphant d’Afrique , et s’élevant dans Y éléphant des Indes en une espèce de double pyramide.

(1) Voyez les Mémoires de t Institut, classe des Sc. math, et phys. , tome II. La planclie nouvelle que je donne ici, pl. II, est grave'e depuis long-temps d’après mes dessins. J’en avois confié , il y a plusieurs années, une épreuve à M. Wiedemann , professeur à Brunswick, qui l’a fait copier dans ses Archives de zootomie , tome II, cali. I , pl. I.

/

/

FOSSILES.

107

Ce sommet répond à l'arcade occipitale de l’homme et des autres animaux , et n’est si élevé dans l’éléphant qu’afin de donner à la face occipitale du crâne une étendue suffisante pour un ligament cervical , et des muscles occipitaux propor¬ tionnés au poids de l’énorme masse qu’ils ont à soutenir (1).

Cette différence de la forme des sommets vient de la diffé¬ rence d’inclinaison de la ligne frontale , qui fuit beaucoup plus en arrière dans Y éléphant d’ Afrique , elle fait avec la ligue occipitale un angle de x i5° , que dans Y éléphant des Indes , elle n’en fait qu’un de 90°.

De naissent les principales différences du profil , comme , i.° la proportion de la hauteur verticale de la tète à la dis¬ tance du bout des os du nez aux condyles occipitaux , qui sont à peu près égales dans Y éléphant d’Afrique ( comme 33 à 32 ) , et dont la première est de près d’un quart plus grande dans Y éléphant des Indes (comme 24 à 19).

2.0 La proportion de la distance des bords des alvéoles des défenses au sommet, à une ligne qui lui est perpendiculaire , et va du bout des os du nez au bord antérieur du trou occipital. La première de ces lignes est presque double de l’autre dans Y éléphant des Indes ( comme 26 à i4). Elle est d’un peu moins d’un quart plus grande seulement dans X éléphant d Afrique ( comme 21 à 16 ).

Outre ces différences dans les proportions , jl y en a dans les contours : le front de Yéléphant des Indes est creusé en courbe rentrante et concave ; celui de Yéléphant d’Afrique est au contraire un peu convexe.

<a) Yoyez Pinel , Journ. de Phys,, XU1I , p. 4l~6°t

ELEPHANS

10?

a.0 Le trou sous-oi'bitaire est plus large dans Y éléphant des .hides. Dans celui d’ Afrique , il ressemble plutôt à un canal qu’à un simple trou.

3.° La fosse temporale est plus ronde dans Yéléphant cl Afrique , et l’apophyse qui la distingue de l’orbite , plus grosse que dans celui des Indes , cette fosse a un contour ovale.

Considérés par leur face antérieure , ces crânes offrent des différences tout aussi marquées.

1. ° La plus grande longueur de cette face, prise du sommet au bord de l’alvéole, est à sa plus grande largeur , prise entre les apophyses post-orbitaires du frontal, comme 5 à 3 dans Yéléphant des Indes , comme 3 à 2 dans Yéléphant d 'Afrique.

2. ° L’ouverture du nez est à peu près au milieu de la face dans Yéléphant des Indes ; elle est plus éloignée d’un cin¬ quième du bord de l’alvéole que du sommet de la tête dans Yéléphant d’Afrique.

Vus d’en haut, ces crânes diffèrent surtout par leurs ar¬ cades zygomatiques , plus saillantes dans Yéléphant d’Afrique que dans celui des Indes.

Par derrière on est frappé de nouveaux caractères :

r.° La hauteur des ailes du sphénoïde fait , dans Y éléphant des hides , plus des trois quarts de celle de la face occipitale ; tandis que , dansl’ éléphant d’Afrique , elle n’en fait pas à beau¬ coup près la moitié.

2. ° Dans Yéléphant d’ Afrique , l’extrémité- postérieure des ar¬ cades zygomatiques est presque de niveau avec les condyles occipitaux j dans celui des Indes , elle est beaucoup plus basse.

3. ° L’occiput est terminé supérieurement dans Yéléphant

FOSSILES-

109

(T Afrique par une courbe demi-elliptique , et sa base est formée par deux lignes en angle très-ouvert. Dans celui des Indes , les cotés sont en arcs convexes, et le haut eu arc légèrement concave.

Les molaires sont placées, dans l’une et l’autre espèce , sur deux lignes qui convergent en avant ; elles ne diffèrent que par leurs lames , ainsi que nous l’avons dit ci-dessus.

La plupart des caractères que nous venons d’énoncer, con¬ tribuant à la configuration générale delà tète, sont sensibles au dehors; il en est un autre pins extérieur encore, et qui peut faire distinguer les espèces au premier coup-d’œil. Je crois aussi l’avoir remarqué le premier : il consiste dans la gran¬ deur des oreilles.

A éléphant des Indes les a médiocres ; elles sont énoi’mes , et couvrent toute l’épaule dans Y éléphant d’Afrique.

Je me suis assuré du premier point, i.° sur trois éléphans que j’ai vus vivans, et dont j’ai disséqué deux : deux étoient de Ceylan et le troisième du Bengale; 2.0 sur deux autres in¬ dividus que j’ai vus empaillés ; 3.° sur toutes les ligures bien connues pour appartenir à l’espèce des Indes , notamment celles de Buffon, de Blair et de Camper ; 4-° sur la figure d’un embryon d’éléphant de Ceylan , décrit par E. A. TV. Zim¬ mermann (1).

Quant au second point, j’en ai pour preuve , 1 Y éléphant de Congo , disséqué par Duverney. On peut voir sa figure dans les Mémoires pour servir à l Hist. des Anim., part. III, et je suis sur que l’oreille n’y est point exagérée, parce qu’on

h )Erlang, 1786, iu-4°.

I 10

ELEPHANS

la conservoit encore, il y a quelque temps, ati Muséum, et que je l’y ai vue et examinée.

2. ° Une oreille conservée au cabinet du roi de Danne- marck, et prise d’un éléphant tué au cap de Bonne-Espérance , par le capitaine Magnus Jacobi , en 1675, Elle a 3 pieds et demi de long, et 2 pieds et demi de large (1).

3. ° Un jeune éléphant â! Afrique de notre Muséum 5 ses oreilles , quoique raccornies par le dessèchement , sont encore aussi grandes que sa tète.

4-° Un embryon d 'éléphant d’Afrique de notre Muséum.

5,° Toutes les ligures bien connues pour être d’ éléphant 1 d Afrique. '

D’après ces caractères, on peut s’assurer sur quelle espèce ont été faites les ligures dont l’origine n’est pas connue , ou celles que nous offrent les monumens.

Ainsi celle de Gessner (2) , copiée par Aldrovande (3) , est de l’éléphant d’Afrique. Celle de Valentin (4) •> copiée par Labat (5) , et altérée par Kolbe (6) , en est également.

Au contraire, celles de Jonston (7), qui sont fort bonnes, et qui ont servi de modèle à la plupart de celles iïHartenfels (8) , dont Ludolph (9) a ensuite emprunté les siennes; celle de

(1) Oliger Jacobæus, Mus. reg. Dan. , 1697 ■> f°ï* P- 3.

(2) Quadr. , p. 577.

(3) Quad. , lib. I, p. 465.

(4) Amphithèàtr. zoot., tab. I , f. 3.

(5) Afr. Occ. , III, p. 271.

(b Relation du cap. , trad. fr., in- 12 , tome III , p. 1 1,

(7) Quadr., tab. VII, VIII et IX.

(8) Elephantograph. curios. passim .

(g) AEthiop. , lib. I, cap. 9.

FOSSILES.

j 1 1

Neuhof ( t ), dont les défenses sont seulement trop relevées; celle d’ Edwards (2) dont la télé est trop ronde, parce qu’elle est prise d’un jeune sujet auquel il a fallu ajouter des dé¬ fenses, sont de l’éléphant des Indes.

Les deux figures de Buffon (3) , copiées par Schreber (/j) et par Alessanâri (5) , sont les deux sexes de l’espèce des Indes.

Mayer donne une assez bonne figure d’un mâle âauntelah ( vorstell . allerli. thiere., I, pl. LXIX ) ; mais le squelette ( ib. LXX) est copié de Blair sans aucune correction.

Le fétus d’éléphant , conservé à l’hôtel de la Compagnie des Indes occidentales à Amsterdam, et représenté par Seba , tome I , pl. CXI, est aussi de l’espèce des Indes.

La limite entre les deux espèces des Indes et d’ Afrique étoit donc déjà bien tracée par rapport aux diverses parties de la tète, et sans avoir besoin de recourir aux autres caractères que nous développerons plus bas, et que fournissent le nombre des ongles et les formes des divers os des membres; mais avant de pouvoir appliquer avec certitude les caractères ostéologiques du crâne à X éléphant fossile , il falloit déterminer quelles sont les parties variables d’un individu à l’autre dans une même espèce. J’ai donc soumis mes crânes des Indes à une compa¬ raison entre eux , et j’en ai fait autant pour mes crânes d Afrique.

(i) Ambass. orient. , Descr. gen. île la Chine , p. 94* (i) Av. 221 , f. i.

(3) Hist. nat. , XI , pl. I et Suppl,

(4) Oiiadr., II, tab. 78.

(5) Qjtadr. , I . pl. II.

1 li

ELEPHANS

Ces derniers , dont je n’ai eu il est vrai que deux , ne m’ont presque point offert de différence appréciable.

Quant aux premiers, j’en ai trouvé par rapport à l’occiput et aux alvéoles des défenses.

L’occiput est plus renflé en tout sens dans les uns que dans les autres , sans rapport avec la longueur des défenses.

Les alvéoles des défenses de dauntelcih sont un peu plus obliques en avant ; ceux des mookna se portent un peu plus directement vers le bas.

Ces dernières alvéoles sont un peu plus petites , mais pas à beaucoup près dans la proportion des défenses elles-mêmes. Ce qui manque à la grosseur des défenses est compensé par une plus grande épaisseur de la substance osseuse de l’alvéole. La raison en est que l’alvéole, servant de base et d’attache aux muscles de la trompe, n’auroit pu se rapetisser autant que la défense, sans que la trompe eût perdu la grosseur et la force qui lui sont nécessaires.

Enfin il y a un peu de variété dans la longueur des alvéoles , et, ce qui est bien remarquable encore, sans aucun rapport avec celle des défenses. Notre grand squelette mookna les a plus longs que nos deux dauntelah , quoique ses défenses soient les plus petites de toutes. Au reste, ce surcroît de lon¬ gueur ne va pas à plus d’un pouce.

Il n’auroit pu être considérable sans que l’organisation de la trompe changeât essentiellement, parce que les muscles de sa partie inférieure sont insérés sous le bord inférieur des alvéoles des défenses , et que ceux de la partie supérieure le sont au front., au-dessus des os du nez. La base de la trompe a donc nécessairement de diamètre vertical la distance entre ces deux

FOSSILES,

points ; et si les alvéoles se prolongèrent au-delà d’une certaine mesure , la trompe pr endroit une grosseur monstrueuse.

Cet article est très-important à remarquer, parce qu’il four¬ nit le caractère le plus distinctif de l’éléphant fossile.

Si l’on veut comparer ensemble le petit nombre de figures de crânes d’élépbans qu’on trouve dans les ouvrages des natu¬ ralistes, je ne crois pas qu’on y découvre des différences plus fortes que celles que je viens d’exposer.

La table annexée à l’ article suivant les exprime par des nombres.

A la vérité, un auteur célèbre a supposé entre les crânes des mâles et des femelles une difféi’ence dont nous n’avons point fait mention 5 mais il a été trompé par de simples ap¬ parences extérieures.

Notre mâle mookua de Ceylan avoit à la racine delà trompe une proéminence très-sensible qui manquoit à sa femelle. 31. F au j os imaginant que cette proéminence tenoit aux parties osseuses, a fait représenter ces deux têtes à la pi. XII de ses Essais de Géologie , « Afin , dit-il , p. 238 , d’éviter une er- i) rcur dans le cas l’on trouver oit , par l’effet d’un hasard » heureux , des têtes fossiles d’ éléphans mâles et femelles , « parce qu’étant prévenu du fait l’on ne seroit pas tenté d’en » faire deux espèces différentes , »

3Iais Ja dissection a montré que cette proéminence n’étoit produite que par deux cartilages propres aux éléphans, qui recouvrent l’entrée des canaux de la trompe dans les narines osseuses.

Ces cartilages étoient un peu plus bombés dans cet indi¬ vidu que dans les autres.

1 5

E L E P II A N S

Ce n’est pas même un caractère commun à tous les mâles. Le dauntelah du Bengale, que nous avons possédé ensuite , ne l’avoit point.

Le même savant géologiste a fait donner à ses figures des défenses beaucoup plus grandes que ces deux individus ne les avaient, « afin , dit-il , p. 269, de faire comprendre à » ceux 1 /ui n'ont jamais vu d’ éléphans , la manière dont ces » animaux portent leurs défenses ». Mais alors il n’auroit pas du eu faire donner de grandes à la femelle, qui n’en porte jamais de pareilles dans l’espèce des Indes.

Article VIII.

Examen du crâne de T éléphant fossile.

Le crâne de l’élépbant étoit trop celluleux; les lames os¬ seuses qui le composent étoient trop minces pour qu’il pût se conserver aisément dans l’état fossile: aussi eu trouve-t-on des fragmens innombrables ; mais il n’est fait mention que de trois assez bien conservés, dont le plus entier manque encore d’une partie de l’occiput.

Ils appartiennent tous les trois à l’Académie de Péters- bourg (1) ; le meilleur a été trouvé sur les bords du fleuve Indigirska , dans la Sibérie la plus orientale et la plus glacée, par le savant et courageux dantzickois Messerschmidt (2J, qui en donna un dessin à son compatriote Breynius. Ce der¬ nier le fit graver à la suite d’un Mémoire qu’il inséra dans

(l) P ail. Nov. Comment. Àc. Petrop. XIII» (a) Id . ib.

FOSSILES.

1 1 j

les Transactions philosophiques ( 1 ) ; et c’est jusqu’à présent le seul document public que l’on ait sur cette partie du squelette de l’éléphant fossile.

J’ai fait copier la figure de Breynius dans ma planche lï, fig. 1 , à côté de celles des crânes des Indes et d’ Afrique, et je les ai fait réduire tous les trois à peu près à la meme grandeur, pour faciliter la comparaison des formes. Le premier coup d’œil montre que Y éléphant fossile ressemble par l^crâne , ainsi que par les dents, à l’espèce des Indes beaucoup plus qu’à l’autre.

Malheureusement le dessin n’est pas assez correct pour une comparaison exacte, et il n’est pas fait sur une projection bien déterminée. La partie des alvéoles , celle du condyle pour la mâchoire inférieure , et le bord antérieur de la fosse tempo¬ rale et de l’orbite , sont vus un peu obliquement en arrière, tandis que l’occiput et les molaires sont en profil rigoureux.

Cependant on y voit nettement une différence frappante de proportion, celle de l’extrême longueur des alvéoles des dé¬ fenses. Elle est triple de ce quelle seroit dans un crâne de l’Inde ou d’Afrique de mêmes dimensions que celui-ci ; et la face triturante des molaires prolongée, au lieu de rencontrer le bord alvéolaire, couperoit le tube de l’alvéole au tiers de sa longueur.

Cette différence est d’autantplus importante quelle s’accorde avec la forme de la mâchoire inférieure, comme nous le ver¬ rons plus bas ; et, comme nous l’avons dit ci-dessus, elle né- eessitoit une autre conformation dans la trompe de l’éléphant fossile : car , ou les attaches des muscles de la trompe éloient les mêmes , c’est-à-dire , le dessus du nez et le bord inférieur

(i)Yol. 40, n. 446, pl. I et II.

E L E P II A N S

*1.6

des alvéoles des défenses; et alors la base de cet organe éloit trois fois plus grosse , à proportion , que dans nos éléplians vivans : ou bien les attaches des muscles étoient différentes , et alors sa structure totale étoit à plus forte raison différente.

Si r on pouvoit s’en rapporter entièrement aux dessins, on trouveroit encore, i.°que l’arcade zygomatique est autrement figurée;,

2.0 Que l’apophyse postorbitaire du frontal est plus longue , plus pointue et plus crochue;

3.° Que le tubercule de l’os lacrymal est beaucoup plus gros et plus saillant.

Quant à la grandeur absolue du crâne fossile, comparée à celle de nos crânes vivans , on peut en prendre une idée dans ma planche IV, fig. 9 , 10, et 1 1 , j’ai fait représenter les trois crânes de face, et sur la même échelle (d’une ligne pour pouce).

On peut en prendre une plus juste encore dans la table sui¬ vante , j’ai mis les dimensions de tous les crânes dont j’ai pu, disposer.

j

o-

CD

~ 3

O *

c ^

2 o r

n- C/a

^05

o 2

3

CP CD

05

O

c

«

O

O

cp

CD CO

cd C. O

2- 3 2“ a. -•^!

03 *3 ^

ïr“ O .

- o

CP CO

3

3

*

3"^

O

■s

c-

3

{H

O

O

3

a-

w

»-o h5

cd, £ £ O 3. yr“ r: co O

CO

CD O co 2 O

*- B

&. 3-

O CD- co <-*

P *3*

I— l CO

I I

O

O

Cl

JD

C3

CD

"0 ^

S- ? E s t «

Il S-g-li*"

!L 3. § B’ w

CD

Oq

CD

JD

O

00

CD

CD

CD

•«-J

00

d

CO

^ H y o 2 r- p s .^3 « O S” ? *3_^EL i

L rr 5*

n

53

i>

2

W

O

p

O

O

P

P

P

"L~x

CD

CD

00

LN

co

«

vl

Cl

O

O

cv

00

Cl

CT

-J

Cr

P'i-Q 3“ cd-

g" .-, t>

£ £ g g. »

"* Q

CD

fl

co

O

O

c

P

P

P

O

^Pv

'CD

CD

^J

4iv

00

Or

en

Cl

O

ci

O

CT

-pv

■P^

CT

d

CD

Cp

-, h— co CD Cj

3 q ^ 1/1 a

icg

CO C CT' o . 2

$ I ? «

O

4\

p

'L'x

P

Cl

P

vl

P

4Jv

P

'd

P

•^4

to

O

■Pv

Jïv

*--

Cl

en

Cl

K?

4ïv

d

P"

O _

3 i_ ^3

05 C3. - «

~ CD» 3- CD-. Ct> ra -

CD co ^ CO jt» ta

2 H

04

c.

O

Cl

CD

Cl

p

P

P

p

p

'ci

CD

'ci

'ci

CD

VJ

CD

VJ.

-pv

U

CD

CD

-Pv

P' ^ 3- 2

' CD»

H-C

Ç£» C- rs CD, CD CD,

>

S

CD

CD

<-i

P>

3

c

p

p

p

P

Cl

Ül

co

£v

00

Cl

Cl

bD

Cl

O

KD

fe5

CO

O

CD

co C_i

2- o- ^ > £ c ►S- a P § w

O

p

p

p

p

p

•pv

Cl

CD

'ci

*K3

Cl

CD

Cl

t4

<c

Cl

O

Cl

CD

Cl

Ci

CP

co s" CD, ï>

SJ - . *1 _2!

CD,

CD

%

E L E P II A A S

Mais pour conclure de ce crâne les dimensions de l’individu qui le portoit , il ne faut pas avoir égard à sa première di¬ mension , dans laquelle entre la longueur excédente des al¬ véoles des défenses ; il ne faut faire entrer en considération que celles qui sont réellement homologues.

Or, en les comparant avec celles du crâne de notre squelette des Indes mooktia et komarea , c’est-à-dire à jambes courtes , on trouve que l’individu fossile devoit avoir à peu près 12 pieds de haut. La comparaison avec le squelette des Indes dauntelah et merghée , ou à longues jambes , donneroit un peu plus au fossile.

Dès que je connus ce dessin de Messerschniidt , et que je joignis aux différences qu’il m’offroit celles que j’avois obser¬ vées moi-méme sur les mâchoires inférieures et sur les mo¬ laires isolées , je ne doutai plus que les éle'phans fossiles n’eussent été d’une espèce différente des éle'phans des Indes.

Cette idée que j’annonçai à l’Institut, le premier pluviôse an //^(Mémoires de l’Institut , 1 .eie classe , tome , p. 20 et 2 1 m’ouvrit des vues toutes nouvelles sur la théorie de la terre ; un coup d’œil rapide jeté sur d’autres os fossiles me lit présumer tout ce que j’ai découvert depuis , et me détermina à me con¬ sacrer aux longues recherches et aux travaux assidus qui m’ont occupé depuis dix ans.

Je dois donc reconnoîlre ici que c’est à ce dessin, resté pour ainsi dire oublié dans les Transactions philosophiques de¬ puis soixante-dix ans , que je devrai celui de tous mes ouvrages auxquels j’attache le plus de prix.

Mais je ne me dissimulai point que les caractères qu’il m’offroit avoient besoin d’être confirmés par quelque autre morceau, pour ne point être considérés comme individuels; et, malgré leur accord avec ceux de la mâchoire inférieure,

FOSSILES.

"9

fétois bien aise de voir encore un dessin d ira autre crâne.

Je m’adressai à l’Académie impériale des Sciences de Saint- Pétersbourg , et ce corps illustre auquel j’ai aujourd’hui l’hon¬ neur d’appartenir, répondit à mon vœu avec une générosité digue d’une compagnie à laquelle les sciences doivent tant de progrès.

L’Académie me fit faire un superbe dessin colorié et de grandeur naturelle , en profil à peu près rigoureux , d’un autre crâne fossile de Sibérie, de sa collection. Elle le fit accompa¬ gner d’un dessin de mâchoire inférieure, et de ceux d’un crâne de rhinocéros fossile dans deux positions.

Ce dessin, après de longs délais occasionnés par les diffé¬ rends politiques des deux Empires , vient de me parvenir an moment je meltois la dernière main à mon travail, et j'ai été transporté d’une joie que j’aurois peine à exprimer en y trouvant la confirmation de tout ce que celui de Messer- schmidt m’avoit appris.

Le crâne qui a servi de modèle est un peu moins complet. Les màchelières , une partie de leurs alvéoles, sont enlevées, ainsi que la partie moyenne de l’arcade zygomatique.

Mais rien de caractéristique n’y manque : même longueur et même direction des alvéoles ; même grosseur du tubercule la¬ crymal , meme forme générale : tout en un mot nous montre que les crânes fossiles, autant qu’on les connoit, partageoient les mêmes caractères.

J’ai fait graver avec soin ce beau dessin dans ma pl. VIII,. fig. 2 , au sixième de sa grandeur.

Une différence du crâne qui a pu être constatée , indépen¬ damment du dessin de Messerschmidt et de celui de l’académie

120

ELEPHANS

de P étersbourg , et qui s’accorde aussi avec celles de la m⬠choire inférieure , c’est le parallélisme des molaires.

IYI. Jœger me l’assure positivement par rapport à ime por¬ tion de crâne du cabinet de Stuttgard , dont il m’a adressé une ligure qu’on voit pl. IV, hg. 4; une autre portion, des¬ sinée par Pierre Camper , montre à peu près le même ca¬ ractère (ï). J’ai fait copier sa ligure, pl, IV, lig. 3, et j’ai fait placer àcôté, lig. i et 2 , celles des crânes des Indes et d’Afrique, vus en dessous , pour montrer la convergence beaucoup plus marcruée de leurs molaires en avant.

x

Nous possédons en ce Muséum une portion de l’occiput et du temporal d’un éléphant fossile, rapportée de Sibérie par l'astronome Delisle ( Dauhenton , Histoire naturelle, XI, n.° PCDLXXXVIII ) , qui m’a donné occasion de comparer ces parties plus exactement que les autres, sur lesquelles je n’avois que des dessins \ mais je n’y ai trouvé que de petites différences peu importantes : cependant je l’ai fait représenter par sa lace postérieure, pl. IV, lig. 7 , et par la latérale, lig. 8. Ce morceau provient d’un éléphant d’environ 10 pieds de haut.

fi) Mèm, de Haarlçm. , tonie XXIII, pl. R

FOSSILES.

ÏSÏ

Article IX.

Comparaison des mâchoires inférieures des éléphans vivans

et fossiles.

Les mâchoires inférieures fossiles trouvées séparément et à des distances immenses des crânes de Sibérie , par exemple sur les bords du Rhin et en Lombardie , ont offert des caractères qui sembloient déjà indiqués par ceux du crâne.

Il en résulte que les crânes auxquels ces mâchoires appar- tenoient dévoient ressembler à ceux de Sibérie, et que les caractères de ces derniers n’étoient pas de simples différences individuelles, mais appartenoient à toute l’espèce fossile. Voici les caractères offerts par les mâchoires inférieures :

i.° L’espèce des Indes et celle d 'Afrique ont leurs dents d’en bas convergentes en avant comme celles cl’en haut : d’où il suit que le canal creusé dans le milieu, à la pointe anté¬ rieure de la mâchoire , est long et étroit.

Les mâchoires fossiles ont leurs dents à peu près parallèles comme les crânes. Le canal est donc beaucoup plus large à proportion de la longueur totale de la mâchoire : mais ,

2.0 Il est aussi beaucoup plus court ,

Dans l’espèce des Indes et dans celle d’Afrique , les alvéoles des défenses ne descendent pas au-delà de la pointe de la m⬠choire inférieure , celle-ci peut s’avancer entre les défenses ; elle se prolonge donc en une espèce d’apophyse pointue.

Dans les tètes fossiles, au contraire, ces alvéoles sont beaucoup plus longs, la mâchoire a être, pour ainsi dire, tronquée en avant : autrement elle n’auroit pu se fermer.

Ces deux différences sauteront aux yeux de ceux qui regar-

i6

122

ELEPHANS

deront les figures i , 2, 3, 4 et 5 de la pl. Y, qui sont toutes au sixième de la grandeur naturelle.

Fig. 1 est de l’espèce d’Afrique.

Fig. 2 est d’une tête des Indes à longues défenses ou dauntelah.

Fig. 3 de notre grand squelette des Indes à courtes défenses ou mookna.

Fig. 4 et 5 de deux mâchoires fossiles trouvées aux en¬ virons de Cologne.

J’ai donné, pl. II., fig. 4 et 5, le profil de ces deux portions de mâchoires fossiles, pour qu’on puisse le comparer à ceux des espèces vivantes, représentés même pl., fig. 2 et 3. J’ai aussi marqué avec des points une telle mâchoire, comme elle devoit être sous le crâne fossile, fig. 1.

Les mâchoires fossiles du cabinet de Darmstadt , dont j’ai des dessins, et dont Merk a représenté une (II.0 lettre, pl. III) , et celle d’un lac de Hongrie, donnée par Marsigli ( Danub. II, pl. 3i), ont absolument les mêmes caractères: d’où l’on peut bien conclure qu’ils sont à peu près généraux dans l’espèce fossile.

Ils sont d’ailleurs encore confirmés , ainsi que ceux des dents, par le dessin de mâchoire inférieure envoyé par l’Académie de Pétersbourg , et copié pl. VIII y fig. 1.

Cependant je ne dois pas taire que mon savant ami , M. Adrien Camper , possède une mâchoire de Ceylan qui s’écarte beau¬ coup de celles de l’espèce vivante dont nous avons parlé jus¬ qu’ici.

Comparée à une mâchoire fossile de dimensions à peu près égales , son canal antérieur s’est trouvé plus large et beaucoup moins profond, et les mâchelières presque aussi parfaitement parallèles 5 tandis qu’une autre mâchoire de Ceylan a ce même canal beaucoup plus étroit que la première.

FOSSILES.

C’est ce que M. Camper avoit annoncé dans la Descrip¬ tion anatomique (T un éléphant , p. 20, et qu’il a bien voulu me redire avec plus de détail dans deux lettres dont il vient de m’honorer. Cette variété individuelle n’empechoit pas que les dents de cette mâchoire n’eussent les proportions ordi¬ naires à l’espèce vivante. M. Camper , en me donnant ces des¬ criptions, ajoutoit que la mâchoire fossile, comme toutes les autres de cette espèce , offre des côtés plus renflés , plus bombés que celles des Indes.

Article X.

Comparaison des autres os dans l’éléphant des Indes et dans celui d’ Afrique. Dernier caractère extérieur des deux espèces , pris du nombre des ongles. Examen des divers os fossiles d éléphant que fai pu recueillir , ou dont je me suis procuré de bonnes figures.

Je n’ai eu pour les objets traités dans cet article qu’un seul squelette de l’espèce d’Afrique et d’un individu femelle, celui que Duvemey avoit préparé sous Louis XIV, et qu’ont décrit Per¬ rault et Daubenton ; mais j’en ai eu deux de l'espèce des Indes, préparés l’un et l’autre sous mes yeux par M. Rousseau , mon prosecteur. Ils sont pris tous les deux d’individus mâles : le premier de la variété dite aux Indes mookna , qui n’a jamais que des défenses très-courtes; l’autre, de celle dit e dauntelah, eu à longues défenses. Notre individu , qui appartenoit à la variété mookna par ses dents , appartenoit par sa forme à la variété komarea ou trappue ; le dauntelah , au contraire, appar¬ tenoit à la variété merghée ou élancée. Ainsi ils réunisSoienfc à eux deux les principales différences que les éléphans des Indes peuvent offrir.

I24 E L E P h a N S

Enfin M. Mertrud avoit conservé quelques os isolés d’une femelle de l’espèce des Indes de la variété komarea , morte a la ménagerie de Versailles en 1782, et dont la peau bourrée a été donnée par noire Muséum au cabinet de fUniversité de Pavie.

Nos deux squelettes des Indes m’ont montré que les diffé¬ rences de proportion des variétés se réduisent à peu de chose.

Les os de femelle ont prouvé que les sexes ne produisent point dans le squelette de différences sensibles , si ce n’est un peu plus de minceur dans les os longs de la femelle: mais j’ai vu en meme temps que les espèces en produisent de telles , que plusieurs os, examinés chacun séparément avec attention, peuvent faire connoitre à eux seuls s’ils viennent de l’espèce d’ Afrique ou de celle des Indes.

i.° U omoplate, par exemple , fournit des caractères aussi tranchés que le crâne. Ses trois côtés ont d’autres proportions, et ses angles d’autres ouvertures 5 enfin son cou est beaucoup plus large, et l’apophyse récurrente de son épine est tout au¬ trement placée dans l’éléphant des Indes que dans celui d’Afrique.

Dans l’omoplate de l’éléphant des Indes, pl. VIII, fig. 6, l’apophyse est entre le milieu et le tiers inférieur de la lon¬ gueur de l’os. Dans celui d’Afrique, ib. , fig. 7 , elle est au- dessous du quart inférieur.

Les omoplates fossiles que j’ai eues à ma disposition ne sont pas assez entières pour être comparées complètement à celles des éiéphans vivans \ mais les quatre fragmens du cabinet de Stutgard ( pl. VIII , fig. 8 , 9 , 1 o et 1 1 ) , et celui du nôtre ( pl. VII, fig. 6), montrent beaucoup plus de ressemblance avec l’éléphant des Indes qu’avec celui d’Afrique.

Autant qu’on peut en juger , elles étoient plus massives et

FOSSILES.

I2Ï

présentaient à l’humérus une facette articulaire plus large à proportion.

Toutes ces figures sont au douzième.

Notre omoplate fossile vient d’un individu d’environ dix pieds. Il v en a deux un peu plus grandes parmi celles de Stutgard.

2.0 L humérus donne des caractères spécifiques moins frap- pans que l’omoplate.

Cependant celui d’ Afrique est plus grêle que celui des Indes. Sa crête deltoidienne descend plus bas ; sa crête inférieure ex- terne fait moins de saillie en dehors. Voyez pl. I, fig. 4, A, celui d’Afrique , et I celui des Indes.

JJ humérus fossile de notre cabinet ( même pl., fig. 4, F) ressemble plus à celui des Indes ; il a cependant sa crête in¬ férieure externe sensiblement plus courte à proportion.

Le canal du biceps est aussi plus large dans l’humérus d’Afrique et plus étroit dans le fossile que dans celui des Indes.

Voyez pl. I, fig. 3 , les têtes supérieures des trois humérus sont représentées.

Cet humérus fossile qui vient de Casan , et que Daubenton mentionne sous le n.° MXXXIII, est long de 0,885 ce fini in~ dique un individu de 8 pieds et quelques pouces de haut seu¬ lement : aussi n’étoit-il pas adulte, car les épiphyses sont encore séparées. Un éléphant des Indes de 8 pieds de hauteur au garot a cet os de 0,80.

3.° L avant-bras a dans l’éléphant un caractère générique très-remarquable et dont je ne connois point d’autre exemple: c’est que la tête supérieure du radius est saisie et comme en¬ châssée entre deux apophyses du cubitus qui sont deux pro¬ ductions de sa facette svgmoïde. Comme cette tête n’est pas ronde , le mouvement de rotation est impossible. Le radius

ELEPHAHS

xaô

traverse obliquement sur la face antérieure du cubitus pour aller se terminer , à son côté interne , par une tête plus grosse que sa tête supérieure , mais moindre que l’inférieure du cubitus.

Les fig. 16 - 23 de la pl. VII , toutes au douzième, donnent une idée de cette singulière conformation.

Elles montrent aussi que ces os sont, comme les autres, plus grêles dans l’éléphant d’Afrique, iig. 16- 19, que dans celui des Indes, lig. 20-23. La comparaison des fig. 19 et 23 qui montrent les tètes supérieures vues perpendiculairement, fait voir que celle du radius est posée plus obliquement dans l’élépbant des Indes, plus transversalement dans celui d’Afrique.

Au moment j’écris, mon collègue, M. F au j as , rapporte d’Italie un cubitus fossile, trouvé aux bords du Po, que je regrette de n’avoir pas eu assez tôt pour le faire graver : heu¬ reusement on peut s’en faire une idée en se le représen¬ tant un peu plus trapu que celui des Indes , mais lui ressem¬ blant pour tout le reste.

On peut juger de ces proportions par les mesures ci-jointes:

CUBITUS

FOSSILE.

CUBITUS

DES INDES.

Longueur totale .

o,85

0,73

Longueur de l’olécràne .

0,2

0,17

Largeur de la facette sygmo'ide en avant . .

0,27

0,19

La longueur du cubitus fossile indique uu éléphant de 9 pieds et demi de haut.

FOSSILES.

Î27

4-° Le bassin. Pierre Camper en a publié une moitié mu¬ tilée, dans le XXIII.6 volume des Mémoires de f Académie d'Harlem. Il y en a un entier, assez mutilé aussi , dans le ca¬ binet de Darmstadt, dont je donne ici (pl. VII, lig. 1 et 2 j deux dessins , réduits sur ceux que m’ont bien voulu envoyer MM. Scldey ermacher et Borkhausen. J’ai placé à coté, lig. 3 et 4? deux vues semblables du bassin de notre éléphant des Indes dauntelali. Les parties mutilées n’étant pointsusceptibles de comparaisons , nous sommes réduits à examiner la figure du détroit et celle des trous ovalaires et des fosses cotyloïdes avec leurs proportions respectives.

Il paroit que le diamètre antéro-postérieur est plus grand à proportion dans le fossile. Ses trous ovalaires sont plus grands que ses fosses cotyloïdes , tandis que c’est l’inverse qui a lieu dans le vivant.

\ oici une table comparative de ces dimensions :

BASSIN

FOSSILE.

11

BASSIN

DÈS INDES.

Diamètre de la fosse cotvloide .

5"

5"

Diamètre vertical du trou ovalaire ....

6" 6'"

4"

Diamètre transversal .

4"

2" 2"'

Diamètre antéro-postérieur du détroit . . .

1' G" 6"'

ii«

Diamètre transversal .

i' 5

11"

D’après la largeur de la fosse cotvloide, ce bassin fossile de- voit venir d’un éléphant de moins de 8 pieds.

Lne portion a ischion que M. Faujas vient de rapporter d’Italie, m’a offert un autre caractère distinctif que je n’avois

128

ELEPHANS

pu voir clans ccs figures , quoique j’aie remarqué ensuite qu’il est indiqué dans celle de Camper. C’est une fosse assez pro¬ fonde , à la face supérieure de l’os , entre le Lord de la fosse cotyloïde et le Lord interne de l’ischion. Je n’en trouve nulle trace ni dans les éléphans des Indes , ni dans celui d’Afrique.

Cette portion vient d’un individu de 12 pieds de haut. La moitié , décrite par Camper, venoit d’un éléphant de 9 pieds et demi.

Je n’ai pas trouvé entre le hassin de l’éléphant des Indes et celui de l’éléphant d’Afrique de différences assez fortes pour qu’un dessin pût les rendre sensibles.

5.° Le fémur. Dans les éléphans en général cet os est très- long et fort aplati d’avant en arrière. L’espèce d’Afrique l’a plus grêle et à cou plus court 5 ce qui rend sa partie supérieure moins large que dans l’espèce des Indes. ( Voyez pl. V, fig. 6 et 7. ) Le fémur fossile que j’ai pu examiner , pl. Y, fig. 8 , et qui vient de Sibérie ( Daub., n.° MXXXIV ) , a sa partie su¬ périeure mutilée 5 mais sa tète inférieure m’a fourni un carac¬ tère distinctif très-sensible dans son échancrure entre les deux condyies, qui se réduit à une ligne étroite ( voyez fig. 12 ), au lieu cl’un large enfoncement qu’on voit dans les deux es¬ pèces vivantes. ( Voyez fig. 9 et 10.) Deux autres tètes infé¬ rieures fossiles de notre Muséum, fig. 1 1 et 1 3 , ont précisément la même particularité. Dès que je me fus aperçu de cette diffé¬ rence notable, je fus curieux de savoir si elle étoit générale à tous les fémurs fossiles. M. Jœger m’a prouvé quelle se trouve aussi dans ceux de Canstadt, en m’envoyant le dessin gravé pl. VIII , fig. 5, au douzième. Les autres de la même partie sont au sixième.

Dauhenton , qui n’avoit comparé ce fémur qu’à celui d’Afrique, et ne lui avoit trouvé d’autre différence qu’un peu plus de lar¬ geur proportionnelle , attribuait cette largeur à l’âge. Gepen-

FOSSILES.

139

dant ce fémur vient d’un jeune élépliant , car son épiphyse inférieure est encore distincte, et la supérieure est détachée et perdue.

Cet os, long de 1,1 1 , indique un individu d’environ 9 pieds et demi de hauteur : notre éléphant des Indes de b’ a le sien de 0,92; mais on a trouvé des fémurs fossiles beaucoup plus grands. Jacob et Oliger Jacobœus en citent de 4 pieds an¬ glais de long. Le plus long de tous ceux qui ont été mesurés avec exactitude est celui dont parle Camper ( 1), et qui avoit 5i pouces du Rhin, c’est-à-dire 187, ou 4' 2” 7"’ de France; ce qui indique un animal d’environ 1 1 pieds 8 pouces.

Le fémur d’un éléphant des Indes , mort de vieillesse, ap¬ partenant au meme anatomiste, avoit, dit-il, i3 pouces de moins.

Cependant si l’on pouvoit se fier aux mesures rapportées dans la Gigantomachie , le fémur du prétendu teutobochus auroit été encore bien plus grand , puisqu’il auroit eu 5 pieds de long ; et néanmoins cette dimension n’indiqueroit qu’un in¬ dividu de 1 4 pieds de haut : ce qui ne surpasse point ce que les relations nous disent des éléphans vivans dans les Indes.

La tête inférieure, pl. V, fig. 11, ne vient que d’un indi¬ vidu de 10 pieds.

6.° La ja7nbe. Le tibia d’Afrique est beaucoup plus grêle que celui des Indes, et celui-ci plus que le fossile. On peut en juger par les fig. 10 , 1 1 et 12 de la pl. VII, qui représentent le tibia des Indes, comparées aux fig. i3 , i4et 1 5, qui sont de celui d’Afrique , toutes au douzième. Les dessins fossiles , ib. 7 , 8 et 9 , m’ont été envoyés par M. Jæger , et sont pris

(1) Nov. act. , Petrop. Il, 1788, p. 25j.

E L E P H A N S

d’un des échantillons du cabinet de Slutgard. Cet os indique un individu de 1 1 à 1 2 pieds de haut.

Du reste, les formes de ces trois os et de leurs facettes offrent peu de différences.

Je n’ai pas eu de péroné fossile.

La Gigantomachie donne au tibia du prétendu teutobochus 4 pieds de longueur , et 5 au fémur. La mesure du tibia est évidemment exagérée. Elle indiqueroit un individu de plus de 18 pieds , et ne convient point à celle du fémur , qui ne se rap¬ porte qu’à un individu de i4-

Notre éléphant des Indes de 8 pieds a son fémur de 0,92 , et son tibia de o,56.

7.0 Le pied de devant ne m’a offert dans l’éléphant des Indes et celui d’Afrique d’autres différences que plus de grandeur dans tous les os du pouce, et un peu plus de grosseur dans le métacarpien de l’index, et dans celui du petit doigt du premier.

Comme les petits os fossiles se recueillent toujours moins soigneusement que les grands , je n’ai eu du pied de devant qu’un seul métacarpien, celui du petit doigt. ( Voyez pi. VIII, fig. 9, 10 et 1 1. ) Je le dois à M. G. A . Deluc. Il est encore plus gros à proportion que dans l’éléphant des Indes, et an¬ nonce un individu de 9 à 10 pieds. Il est assez probable que dans les grands individus des éléphans tant vivans que fossiles , les os du pied croissent plus en épaisseur que les autres, préci¬ sément parce qu’ils ont toute la masse à supporter.

8.° Le pied de derrière de Y éléphant d’ Afrique se dis¬ tingue de celui des Indes , i.° parce que la facette tibiale de son astragale est plus oblique ; 2.0 la facette péronéenne de son calcanéum plus large ; 3.° son premier os cunéiforme plus

FOSSILES.

1 3 1

petit , appuyant beaucoup moins sur le métatarsien du se¬ cond doigt; l’os unique, qui représente le gros orteil, plus petit et plus pointu; 5.° le métatarsien du second doigt beau¬ coup plus mince à proportion. (Voyez pl. VII, fig. 6, le pied des Indes, et , fig. 7 , celui d’Afrique.) Ges différences s’accor¬ dent, ainsi que celles du pied de devant, avec celles que nous ferons bientôt remarquer dans le nombre des ongles.

Je n’ai pu examiner de tous les os qui composoient le pied de derrière de l'éléphant fossile que le seul astragale. M. Miot , aujourd’hui ministre de l’intérieur du royaume de Naples , a bien voulu m’en confier un qu’il a recueilli dans le val d Amo. Je l’ai fait graver, pl. I, fig. 2 , F, et les deux autres, I et A, Outre sa grandeur, il se distingue au premier coup d’œil, parce que les angles de sa facette tibiale approchent davantage d’étre droits , et que la facette elle-même est plus carrée. Ce carac¬ tère n’est pas plus individuel que les autres. Une portion d’as¬ tragale du cabinet de Stutgard , dont M. Jœger m’a envoyé un dessin (pl. VIII, fig. 4)5 est semblable à l’os du val d’ Arno. Tous deux sont de meme grandeur , et viennent d’un indi¬ vidu de 10 à n pieds.

q.° Digression sur les ongles et dernier caractère extérieur des éléphans vivans. On sait qu’il y a depuis long-temps de l'incertitude parmi les naturalistes sur le nombre des ongles de l'éléphant , et que quelques-uns ont pensé qu’il est sujet à varier.

Il se peut en effet qu’un ongle tombe par accident ; il est arrivé aussi quelquefois que l’on a pris pour des ongles des excroissances de la semelle du pied; mais il ne doit pas moins y avoir un nombre naturel , et que les circonstances peuvent seules altérer.

i3a

ELEPHAKS

Je crois m’être aperça que ce nombre n'est pas le même dans l’éléphant d’Asie et dans celui d’Afrique ; et si ma con¬ jecture se vérifie, ce sera un troisième caractère extérieur à ajouter à ceux que fournissent déjà la forme de la tête et la grandeur des oreilles.

Voici sur quoi cette conjecture se fonde.

Tous les éléphans de l’Inde , bien examinés,, se sont trouvés avoir cinq ongles devant , et quatre derrière.

C’est le cas de l’éléphant modelé à Naples , et représenté par Buffon , tome NI ; de l’éléphant mort à la ménagerie de Versailles, et disséqué par Mertrud; de celui qui mourut à Gassel et dont parle Zimmermann ; du fétus du cabinet de Brunswick , décrit par ce dernier; de celui que représente Séba ; enfin , du jeune éléphant décrit par Camper.

Les trois éléphans des Indes de notre ménagerie avoient aussi ce nombre.

A la vérité , Blair dit du sien : eacli shod with 4 hoofes ; mais il donne aussi dans sa figure six doigts au pied de devant gauche , et quatre à ceux de derrière.

Je n’ai eu que deux individus d'Afrique à examiner à cet égard : un jeune , empaillé , et un fétus, venant l’un et l’autre du cabinet du Stadliouder. Leurs pieds , surtout ceux du dernier, n’étoient point altérés par la marche , et présenloient distinc¬ tement , ceux de devant quatre ongles , et ceux de derrière trois.

Perrault , seul naturaliste qui ait bien décrit un éléphant d’Afrique adulte , ne lui donne que trois ongles à tous les pieds, mais il est très-possible que les excroissances monstrueuses que son individu avoit à toutes les semelles , eussent masqué un ongle aux pieds de devant.

FOSSILES.

•i 33

Article XI.

Résumé général et comparatif de la taille et de la forme des éléphans vivons et des éléphans fossiles.

Ainsi , d'après toutes ces rechercherches et toutes ces com¬ paraisons,

L’éléphant à crâne arrondi , à larges oreilles , à mâche - Hères marquées de losanges sur leur couronne , que nous appelons éléphant cl Afrique ( elephas africanus ) , est un quadrupède dont la seule patrie connue est jusqu’à présent l’Afrique.

On est certain que c’est cette espèce qui habite au Cap et en Guinée 5 on a lieu de croire quelle se trouve aussi à Mo- sanxbique : mais on ne peut assurer qu’il n’y ait point des indi¬ vidus de l’espèce suivante dans cette partie.

On n’en a point vu, représenté , ni comparé assez d’individus pour savoir si cette espèce offre des variétés remarquables.

C’est elle qui produit les plus grandes défenses.

Les deux sexes en portent également.

Le nombre naturel des ongles est de quatre devant et de trois derrière.

L’oreille est immense et couvre l’épaule.

La peau est d’un brun foncé et uniforme.

La taille ordinaire est de 8 à 10 pieds.

Cette espèce n’a point été domptée dans les temps modernes. Elle paroit cependant l’avoir été par les anciens qui lui at- tribuoient dans cet état moins de force et de courage qu’à l’espèce suivante.

E L E P II A N S

Ses mœurs naturelles ne sont point parfaitement connues. Autant qu’on peut en juger par les notices des voyageurs , elles ressemblent cependant pour l’essentiel à celles de l’es¬ pèce suivante.

L3 éléphant a crâne allongé , à front concave , à petites oreilles , à mâchelières marquées de rubans ondojans que nous appelons éléphant des Indes ( elephas indicus ) , est un quadrupède qu’on n’a observé d’une manière certaine qu’au- de de l’Indus.

Ils’étend des deux cotés du Gange, jusqu’à la mer orientale et au midi de la Chine. On en trouve aussi dans les îles de la mer des Indes, à Java , à Bornéo , à Sumatra, etc.

Il n’y a point encore de preuve authentique qu’il existe «dans aucune partie de LAfrique , quoique le contraire ne soit pas absolument prouvé non plus.

Les Indiens ayant , depuis un temps immémorial, l’habitude de prendre celte espèce et de l’apprivoiser , on l’a beaucoup mieux observée que l’autre.

On y a remarqué des variétés pour la grandeur, pour la légèreté de la taille, pour la longueur et la direction des défenses.

Les femelles et une partie des mâles n’ont jamais cpie de petites défenses droites.

Les défenses des autres mâles n’arrivent point à une aussi grande longueur que dans l’espèce d’Afrique.

Le nombre naturel des ongles est de cinq devant et de quatre derrière.

L’oreille est petite, souvent anguleuse.

La peau est d’un gris tacheté de brun. ïî y en a des indi¬ vidus tout blancs.

F O S S 1

1 3 5

La taille varie de 8 à i5 et 16 pieds.

Ses mœurs , la manière de le prendre et de le dresser ont été décrites avec soin par une multitude de voyageurs et de naturalistes, depuis Aristote jusqu’à M. Corse.

U éléphant à crâne allongé , à front concave , a très- longues alvéoles des défenses , à mâchoire inférieure ob¬ tuse , à mâchelières plus larges , parallèles , marquées de rubans plus serrés , que nous nommons éléphant fossile ( ele- phas primigenius, Blumenb. ) , est le mammouth des Russes.

On ne trouve ses os que dans l’état iossde ; personne n’en a vu dans l’état frais qui fussent semblables à ceux des sieus par lesquels il se distingue, et l’on n’a point vu dans l’état fossde les os des deux espèces précédentes.

On trouve ces os dans beaucoup de pays, mais mieux con¬ servés dans ceux du nord qu’ailleurs.

Il ressembloit à l’espèce des Indes plus qu’à celle d’Afrique.

Il différoit néanmoins de la première par les mâchelières , les formes de la mâchoire inférieure et de beaucoup d’autres os, mais surtout par la longueur des alvéoles de ses défenses.

Ce dernier caractère devoit modifier singulièrement la fi¬ gure et l’organisation de sa trompe, et lui donner une phy¬ sionomie beaucoup plus différente de celle de l’espèce des Indes , qu’on n’auroit dùs’y attendre d’après la ressemblance du reste de leurs os.

Il paroit que ses défenses étoient généralement grandes et arquées. Il n’y a point de preuve quelles aient beaucoup dif¬ féré selon les sexes ouïes races.

La taille n’étoit pas beaucoup au-dessus de celle à laquelle l’espèce des Indes peut atteindre : il paroît avoir eu des formes en général encore plus trapues.

i36

ELEPHANS

On ne peut savoir quelle étoit la grandeur de ses oreilles, la couleur de sa peau, ni le nombre ordinaire de ses ongles, encore moins quelles étoient ses habitudes naturelles.

Mais il est bien certain par ses débris que c’étoit une espèce plus différente de celle des Indes que Y âne ne l’est du cheval , ou le chacal et Y isatis du loup et du renard.

Il n’y a donc rien d’impossible à ce quelle ait pu supporter un climat qui feroit périr celle des Indes.

Article XII.

Résultats généraux de cette histoire des éléphans fossiles.

Les détails nous sommes entrés nous ont donc fait voir que les os fossiles a’ éléphans se rapprochent beaucoup de ceux de Y éléphant aujourd’hui vivant dans les Indes.

Cependant nous venons de voir aussi que presque tous ceux de ces os qu’il a été possible d’examiner et de comparer exacte¬ ment à ceux de Y éléphant vivant ont offert des différences sensibles et plus grandes, par exemple, que celles des os du cheval et de Y âne. Nous en avons conclu que ces deux élé- phans ne sont pas entièrement de la meme espèce.

Cette conclusion, qui pourroit ne pas paroître complète¬ ment démontrée , si elle ne concernoit que ce seul animal fossile , attendu que les différences remarquées ne sont pas en effet d’une très-grande importance , prend de la force lorsque l’on voit que les espèces dont les os accompagnent ordinairement les siens, telles que les rhinocéros et les tapirs , diffèrent en¬ core plus que lui de leurs congénères vivans, et que même quelques-unes, telles que les divers mastodontes , n’ont aujour¬ d’hui aucun congénère existant connu.

F O S S ï L E S.

L’article premier nous a montré que les os fossiles d’élé- plians se trouvent pour l’orclinaire dans les couches meubles et superficielles de la terre, et le plus souvent dans les terrains d’alluvion qui remplissent le fond des vallées ou qui bordent les lits des rivières.

Ils n’y sont presque jamais seuls, mais pêle-mêle avec les os d’autres quadrupèdes de genres connus , comme rhinocéros, bceufs, antilopes, chevaux ; et souvent avec des débris d’ani¬ maux marins, tels que coquillages ou autres, dont une partie se sont même attachés dessus.

Le témoignage positif de Palîas, celui de Fortis et de beaucoup d’autres ne permet pas de douter que cette dernière circons¬ tance n’ait souvent lieu, quoiqu’elle ne soit pas toujours. Nous avons nous-mêmes eu ce moment sous les yeux une portion de mâchoire chargée de millépores et de petites huîtres.

Les couches qui recouvrent les os d’éléphans ne sont pas d’une très-grande épaisseur ; presque jamais elles ne sont d’une na¬ ture pierreuse. Ils sont rarement pétrifiés, et l’on ne cite qu’un ou deux exemples il y en ait eu d’incruslés dans de la pierre coquillière ou autre ; souvent même ils sont simplement accompagnés de nos coquilles communes d’eau douce; la res¬ semblance, à ce dernier égard, ainsi qu’à l’égard de la nature du sol , des trois endroits dont on a les relations les plus dé¬ taillées, savoir, Tonna , Cantstadt et la forêt de Bondi , est même très-remarquable. Tout paroit donc annoncer que la cause qui les a enfouis est l’une des plus récentes qui aient contribué à changer la surface du globe.

C'est néanmoins une cause physique et générale: les osse- mens d 'éléphans fossiles sont en trop grand nombre , et il y en a dans trop de contrées désertes et même inhabitables,

18

1 38

E L E P H A N S

pour que l’on puisse soupçonner quiis y aient été conduits par les hommes.

Les couches qui les contiennent et celles qui sont au-dessus d’eux montrent que cette cause étoït aqueuse, ou que ce sont les eaux qui les ont recouverts, et que dans beaucoup d’en¬ droits ces eaux étoient à peu près les mêmes que celles de la mer d’aujourd’hui, puisqu’elles nourrissoient des êtres à peu près semblables.

Mais ce ne sont pas ces eaux qui les ont transportés ils sont. Les détails du même article premier montrent qu’il y a de ces os- semens à peu près dans toutes les contrées que les naturalistes ont parcourues. Une irruption de la mer qui les auroit apportés seulement des lieux que 1 éléphant des Indes habile maintenant , n’ auroit pu les répandre aussi loin, ni les disperser aussi également.

D’ailleurs l'inondation qui les a enfouis ne s’est point élevée au-dessus des grandes chaînes de montagnes , puisque les couches quelle a déposées et qui recouvrent les ossemens ne se trouvent que dans des plaines peu élevées. On ne voit donc point comment les cadavres d’éléphans auroient pu être trans¬ portés dans le nord, pardessus les montagnes du Thibet et les chaînes des Altaï et des Ourals.

De plus ces os ne sont point roulés : ils conservent leurs arêtes, leurs apophyses ; ils n’ont point été usés par le frotte¬ ment } très-souvent les épiphyses de ceux qui n’avoient point encore pris leur accroissement complet, y tiennent encore, quoique le moindre effort suffise pour les détacher : les seules altérations que l’on y remarque viennent de la décomposition qu’ils ont subie par leur séjour dans la terre.

On ne peut pas se représenter non plus que les cadavres entiers aient été transportés violemment. A la vérité , dans ce

FOSSILES.

cas , les os seroient restés intacts ; mais ils seroient aussi restés rassemblés et ne seroient pas épars.

Les coquilles, les miîlépores et autres productions marines qui se sont fixées sur quelques-uns , prouvent d’ailleurs qu'ils sont restés au moins quelque temps déjà dépouillés et séparés au fond du liquide qui les recouvroit.

Les os d’éléplians étoient donc déjà dans les lieux on les trouve, lorsque le liquide est venu les recouvrir. Ils y étoient épars comme peuvent l'ètre dans notre pays les os des che¬ vaux et des autres animaux qui l’habitent, et dont les cadavres sont répandus dans les champs.

Tout rend donc extrêmement probable que les éléphans qui ont fourni les os fossiles habiloient et vivoient dans les pays l’on trouve aujourd'hui leurs ossemens.

Ils n’ont donc pu y disparoitre que par une révolution qui a fait périr tous les individus existans alors, ou par un chan¬ gement de climat qui les a empêché de s’y propager. Mais quelle qu’ait été cette cause, elle a être subite.

Les os et l’ivoire, si parfaitement conservés dans les plaines- de la Sibérie , ne le sont que par le froid qui les y congèle, ou qui en général arrête l’action des élémens sur eux. Si ce froid n’étoit arrivé que par degrés et avec lenteur, ces ossemens , et à plus forte raison les parties molles dont ils sont encore quel¬ quefois euveloppës , quoique rarement, auroient eu le temps de se décomposer comme ceux que l’on trouve dans les pays chauds et tempérés.

Ainsi toutes les hypothèses d’un refroidissement graduel de la terre ou d’une variation lente, soit dans l’inclinaison , soit dans la position de l’axe du globe , tombent d’elles-mêmes.

Si les éléphans actuels des Indes étoient les descendans de.

ELEPIÏANS

i/(o

ces anciens éléplians qui se seroient réfugiés dans leur climat d’aujourd’hui , lors de la catastrophe qui les détruisit dans les autres, il seroit impossible d’expliquer pourquoi leur espèce a été détruite en Amérique, l’on trouve encore des débris qui prouvent qu’ils y ont existé autrefois. Le vaste empire du Mexique leur offroit assez de hauteurs pour échapper à une inondation aussi peu élevée que celle qu’il faudroit supposer , et le climat y est plus chaud qu’il ne faut pour leur tempé¬ rament. Nous avons montx*é d’ailleurs que les montagnes de î’ilhsme de Panama n’ont point été un obstacle à leur passage dans Y Amérique méridionale.

Les divers mastodontes , le tapir gigantesque et le rhinocéros fossile vivoient dans les memes pays , dans les memes cantons que les éléplians fossiles , puisqu’on trouve leurs os dans les mêmes couches et dans le même état. On ne peut pas imaginer une cause qui au r oit fait périr les uns en épargnant les autres. Cependant ces premiers animaux n’existent bien certainement plus, et il ne peut y avoir à leur égard aucune contestation, ainsi que nous le montrons à leurs chapitres.

Tout se réunit donc pour faire penser que Y éléphant fos¬ sile est, comme eux, d’une espèce éteinte, quoiqu’il res¬ semble plus qu’eux à l’une des espèces aujourd’hui existantes.

Ei.jsphajsts pi. .

- - ^

/// 'A/ ,SWA7/,/.7 7y

Fij. J. F.

S. F.

Fnj . i . I .

Fujf .10

Fm;i>rrsfjViS . pl

/p.

h f-Ji PSJy/^X K PL . PL .

A

P

.

-: v,. N

J^LJEPJIAJVS PL . m .

*

El EPiLdJsrs pl . vin .

SUR LE GRAND MASTODONTE,

- ès-voisin de V éléphant, mais à m libres hérissées de gros tubercules , dont on trouve les os en divers endroits des deux con- tinens , et surtout près des bords de l’Ohio, dans V Amérique Septentrionale , impropre¬ ment nommé Mammouth par les Anglais et par les habitans des Etats-Unis.

iN on seulement c’est ici le plus gros de tous les animaux, fossiles ; c’est encore le premier qui ait convaincu les natu¬ ralistes qu’il pouvoit y avoir des espèces détruites : la grosseur monstrueuse de ses dents màchelières , les pointes formidables dont elles sont hérissées , ne pouvoient en effet manquer d’at¬ tirer l’attention ; et il étoit bien aisé de s’assurer qu’aucun des grands animaux que nous connoissons n’en a de cette forme ni de ce volume. Aussi , quoique Daubenton ait pensé pendant quelque temps qu’une partie d’entr’elles pouvoient appartenir à l’hippopotame (i) , il ne tarda pas à revenir à une opinion meilleure, et Buffon déclara bientôt que « tout porte à croire

âche-

Animal ti

(i) Histaat.,XII, in-4.0, p.73, n.oaMCYI, MCV1I , MCVIII et MCXIII.

2

GRAND

» que cette ancienne espece , qu’on doit regarder comme « la première et la plus grande de tous les animaux ter- » restres , ri a subsisté que dans les premiers temps , et » nest point parvenue jusqu’à nous (i). » Néanmoins , il n’étendit pas son assertion au-delà des grosses dents posté¬ rieures , et continua de regarderies dents moyennes et à demi- usées confine des dents d’hippopotame (2). Il continua aussi à attribuer à l’éléphant le gros fémur trouvé dans le meme lieu que ces dents, comme le lui avoit attribué Daubenton en 1762 (3) , quoique William Hunier eût fait voir , dès 1767 (4)» qu’il offroit , ainsi que les dents et la mâchoire inférieure , des différences sensibles avec ces memes parties dans l’éléphant.

Ce dernier anatomiste étoit tombé de son côté dans une double erreur qui a influé sur les dénominations impropres appliquées depuis à cet animal.

Il avoit imaginé que le mammouth des habitans de la Sibérie, dont il n’ avoit jamais vu d’ossemens , étoit le même que l’ani¬ mal de l’Amérique Septentrionale (5) 5 et quoiqu’il ait depuis été réfuté par P allas, lequel démontra suffisamment , ainsi que nous l’avons vu, que le mammouth est un véritable élé¬ phant , les Anglais et les habitans des Etats-Unis ont continué de détourner , comme William Hunier , la signification de ce mot et de l’appliquer à notre mastodonte : en quoi ils ont été suivis par presque tous ceux qui en ont parlé.

L’autre erreur introduite par William Hunter est que ce

(1) Epoques de la Nature. ( Note 9.)

(2) Id. ib.

(5) Mém. de l’Ac. des Sc. , 1762.

(4) Trausact. pTiil. , tome LV1II, p. 4

(5) Ibid. , p. 58.

MASTODONTE.

3

prétendu mammouth devoit être, d’après la structure de ses dents, un carnivore (1) inconnu. Quoique Camper ait déjà rejeté cette idée (2) , comme elle rendoit encore cet être en quelque sorte plus merveilleux , elle a aussi été adoptée pres¬ que généralement , et a procuré au mastodonte la dénomina¬ tion d’ éléphant carnivore qui lui convient moins encore , s’il est possible, que celle de mammouth.

Depuis lors , les compilateurs ont sans cesse confondu le vrai mammouth de Sibérie , qui est du genre de Y éléphant, avec ce prétendu mammouth d’Amérique , et il en est résulté les récits les plus embrouillés. C’est ce qui nous détermine aujour¬ d’hui à proposer pour l’animal fossile d’Amérique un nom générique nouveau qui fasse disparoitre ces fausses dénomina¬ tions de mammouth et d’ éléphant carnivore , lesquelles ne peuvent donner que des idées contraires à la réalité.

Cette mesure est d’autant plus convenable, que nous ver¬ rons bientôt que, d’après les règles aujourd’hui généralement reçues en zoologie, cet animal doit former un genre particu¬ lier qui comprend plusieurs autres espèces. Nous empruntons le nom de mastodonte de deux mots grecs qui signifient dents mammelonnées , et qui expriment par conséquent son princi¬ pal caractère.

Au reste , ce n’est que par une longue suite de travaux, de réflexions et de comparaisons qu’il a été possible d’arriver aux connoissances plus exactes que nous rassemblons aujour¬ d’hui sur son sujet. Il y a près de cent années qu’on s’en occupe.

(1) Transact. philos. , tome LVOT , p. 4a.

(2) Nova Act. Petrop. , tome I , p. II, p. 221.

4

GRAND

La première mention quon en trouve date de 1712, Le docteur Mather , dans une lettre au docteur fŸoodw ardt ( Trcinsact. phil.) , annonce des os et des dents d’un volume monstrueux, découverts en i^o5 à Albany, dans la Nouvelle- Angleterre , aujourd’hui dans l’Etat de JSew-Yorck , près de la rivière à? Hudson. Il les croyoit des os de géant , et propres à confirmer ce que dit la Genèse d’anciennes races d’hommes gigantesques. Il paroit néanmoins que cette annonce ne fit pas grand effet, et que l’on oublia encore ces os pendant près de trente ans.

En 1739, un officier français nommé Longueil , naviguant dans l’ Ohio pour se rendre sur le Mississipi , quelques sau¬ vages de sa troupe trouvèrent, à peu de distance de ce fleuve, sur le bord d’un marais, des os, des màchelières et des dé¬ fenses : cet officier rapporta , l’année d’après , un fémur , une extrémité de défense et trois màchelières , à Paris, nous les conservons encore. Ce sont les premiers morceaux de cet ani¬ mal qu’on ait vus en Europe , et c’est d’après le lieu ils ont été trouvés qu’on lui a donné généralement les noms d’ani¬ mal , ài éléphant et de mammouth de l’ Ohio, quoiqu’il y ait de ses os dans bien d’autres endroits, comme nous l’allons voir

Le fémur et la défense furent déclarés par Daubenîon appartenir a^Yéléphant , et les màchelières, toutes les trois intermédiaires et à six pointes, à Y hippopotame. « Car on » ne peut guère soupçonner ( ajoutoit - il ) que ces dénis » aient été tirées de la même tête avec la défense , ou » qu’elles aient fait partie d’un même squelette avec le fé- » mur dont il s’agit ici j en le supposant, il faudrait aussi * supposer un animal inconnu qui auroit des défenses

MASTODONTE.

5

» semblables à celles de l’éléphant , et des dents molaires » semblait s à celles de b hippopotame (i). » Il avoit dé¬ taillé encore davantage les raisons qu’il croyoil avoir de ne point admettre un tel animal dans son Mémoire lu à l’Acadé¬ mie le 28 août 1762.

y

Cependant cette opinion existoit déjà chez plusieurs per¬ sonnes.

L a autre officier français nommé F abri avoit annoncé à Buffon , dès 1748 , que les sauvages regardoient ces ossemens épars en divers endroits du Canada et de la Louisiane, comme provenant d’un animal particulier qu’ils nommoient le père aux bœufs (2).

Les grosses dents à 8 et 10 pointes, qu’on ne pouvoit rai¬ sonnablement confondre avec celles de l’hippopotame, étoient déjà connues. Guettard y dans les Mémoires de l’Académie pour 1752, en avoit fait graver une, trouvée avec d’autres os daus un marais qui occupoit le fond d’un cul-de-sac , entre deux montagnes, et sans doute l’une de celles qu’avoient rap¬ portées Longueil et ses compagnons.

Les Anglais , maîtres reconnus du Canada par la paix de 1763, ne tardèrent point à donner à ces recherches une nou¬ velle activité. Le géographe George Croghan trouva en 1765 beaucoup de ces os à 4 milles au sud-est des bords de l’ Ohio, dans le pays aujourd’hui nommé Kentuckej , sur un banc élevé, toujours le long d’un grand marais salé , et probable¬ ment le même qu’avoient visité les compagnons de Longueil ;

( 1 ) H ist. nat. , XI , descr. du cab. du roi , MXXXY. (2) TSuff. , Epoques de la nat. , Note just. 9.

6

GRAND

les dénis à tubercules et les défenses y étoîent pêle-mêle , sans aucune mâckelière d’éléphant : l’idée d’un animai particulier se confirment donc de plus en plus.

Ce M. Croghan envoya en 1767 plusieurs caisses de ces morceaux à Londres, soit à lord Shelbume , soit à Franklin , soit à d’autres , et Collinson en fit passer une grosse dent à Buffon{ 1 ), et publia sur le tout une notice dans le 57.° volume des Trans¬ actions. Il attribuoit encore les défenses à l’éléphant.

Dans le nombre des pièces envoyées par Croghan étoit une demi-mâchoire inférieure, aujourd’hui déposée au Muséum britannique : c’est celle que décrivit kV iliiam Hunter dans les Transactions philosophiques pour 1768 (2). Il s’en servit pour démontrer que l’animai en question , tout en différant sensi¬ blement de l’éléphant, n’avoit rien de commun avec l’hippo¬ potame , et il lui attribua positivement les défenses trouvées avec ces dents. Mais Buffon ne paroitpas avoir connu ce Mé¬ moire , et n’en fait nulle mention dans ses Epoques de la na¬ ture, imprimées, comme on sait , en 1770. Il y fit connoitre, le premier , que ces mêmes dents à huit et dix pointes se trouvent aussi dans l’ancien Continent. Il en publia une, pi. I et II, que lui avoit donnée le comte de Vergennes en 1770, et qu’on avoit découverte dans la petite Tartarie en faisant un fossé. C’est une des plus grosses que l’on ait jamais eues : elle pèse onze livres quatre onces. Une seconde , rapportée de Sibérie par l’abbé C-happe , fut représentée pl. III. Nous conservons l’une et l’autre dans ce Muséum.

(1) Epoques de la nature , pl.IY et V.

(2) Tome LVIII , cité plus haut.

MASTODONTE.

7

P allas annonça la meme chose, en 1777 , pour les dents à six pointes. Il en lit graver une fort usée des monts Ourals (j).

A cette meme époque et dans ce meme volume, p. 219, Camper montra de nouveau que l’animal aux grosses dents avoit de plus grandes analogies avec l’éléphant qu’avec l’hip¬ popotame , et qu’il étoit fort probable qu’il avoit une trompe; que dans aucun cas il ne pouvoit être considéré comme car¬ nivore. C’étoit un grand pas de fait dans la connoissauce de notre animal ; mais le grand anatomiste à qui on le devoit en fit bientôt un rétrograde.

Un morceau considérable du crâne et quelques autres os avoient été trouvés en 1785 par le docteur Brown , et ex¬ posés à la curiosité publique dans la galerie de peinture de M. Charles JVillson Peale , à Philadelphie, ils donnèrent à ce dernier l’idée du beau Muséum d’Histoire naturelle qu’il a formé depuis (2J.

M. Michaëlis , professeur à Marpurg, s’étant procuré des dessins de grandeur naturelle de ces os, les fit voir à Camper , et celui-ci prenant la partie du palais les dents se rapprochent , pour la partie antérieure , regarda les apophyses ptérygoides comme des os intermaxillaires, et ne trouva par conséquent aucune place pour des défenses. Il déclara donc eu 1788, iVoe. Act. , tome II, p. 2 5g et suiv. , qu’il s’étoit trompé ; que l’animal de l’Ohio avoit le museau pointu et sans défenses; qu’il ne ressembloit pas à l’éléphant , et que lui-même ne sa- voit plus que penser de sa vraie nature.

(1) Acta Petrop. , 1777 > pari- H>p* 2i3, tab.IX.

(2) Y oyez l’Epiired & Rembrandt Peale à son père , en tète de la Disc/nisiiioft on the mammoch , etc.

8

GRAND

Ï1 paroît que M. Michaëlis avoit aussi avancé cette opinion dans deux écrits que je n’ai pu me procurer , mais qui sont insérés dans le Magasin de Gœttingen , pour les sciences et la littérature, 3.c année , 6.e caliier , et4-e année, 2.e cahier.

M. Autenrieth , professeur de Tubingen, ayant eu la com¬ plaisance de m’envoyer des copies de ces mêmes dessins, me les expliqua tout autrement et suivant leur véritable situation^ mais malgré tout mon respect pour les lumières de ce savant , avec lequel je suis lié d’une véritable amitié depuis ma pre¬ mière jeunesse , l’autorité de Pierre Camper étoit faite pour laisser encore des doutes.

Je m’adressai au fils de ce célèbre anatomiste, M. Adrien Camper , qui étoit d’autant plus en état d’éclaircir la question, que son illustre père avoit acquis, peu de temps avant sa mort , le morceau même qui avoit servi d’original au dessin, cause de tout l’embarras.

Ce savant respectable soutint d’abord l’opinion de son père avec un zèle bien naturel pour la mémoire d’un si grand homme; mais après de nouvelles objections de ma part et un nouvel examen de la sienne, il m’écrivit enfin, le i4 juin 1800 : « Le résultat de mes recherches sur l’inconnu de l’Ohio » n’est pas conforme à ce que j’en avois promis dans ma pré- » cédente ; le morceau en question n’est pas le fragment un¬ it teneur , mais le postérieur des mâchoires. » Et il me dé¬ montra cette proposition par une foule de raisons nouvelles et délicates, fondées sur les connoissances étendues d’anatomie comparée qu’il a acquises auprès de l’un des plus grands maîtres que cette science ait eus.

M. Adrien Camper a rendu compte de cette discussion ,

MASTODONTE.

dans la Description anatomique d’un éléphant mâle , par son père, qu’il a publiée eu 1802, p. 22.

Mais pendant que nous travaillions ainsi en Europe sur quelques ffagmens de cet animal , M. Peale continuoit à en recueillir les os, et il avoit été assez heureux pour en obtenir deux squelettes presque complets qui ont décidé la question pour toujours.

C’est au printemps de 1801 qu’il apprit qu’on venoit de trouver , l’automne précédent , plusieurs grands ossemens en creusant une marnière dans le voisinage de Newburg , sur la rivière d’Hudson, dans l’Etat de New- York et à soixante- sept milles de la capitale. Il s’y rendit aussitôt avec ses fils , et ayant trouvé une partie considérable du squelette chez le fermier qui l’ avoit tiré de la terre, il l’acquit et l’envoya à Philadelphie. Il y avoit un crâne très-endommagé dans sa partie supérieure : la mâchoire inférieure avoit été brisée, les défenses mutilées par la maladresse et la précipitation des ouvriers. Il fallut attendre la fin de la récolte pour continuer les recherches. On les reprit donc en automne : la fosse fut vidée de l’eau qui s’en étoit emparée ; des pompes y furent entretenues pour la débarrasser de celle qui y abondoit à mesure que l’on avançoit 5 aucuns frais ne furent épargnés : mais après plusieurs semaines de travail et la découverte de toutes les vertèbres du cou , de plusieurs de celles du dos , des deux omoplates , des deux humérus, radius et cubitus, d’un fémur, d’un tibia et d’un péroné, d’un bassin mutilé et de quelques petits os des pieds qui se trouvèrent tous entre 6 et 7 pieds de profondeur , il en manquoit encore plusieurs des plus im- portans, comme la mâchoire inférieure, etc.

Pour tâcher de les obtenir , M. Peale se rendit à onze milles

2

10

G R A N D

de , vers un petit marais d’où l’on avoit tiré quelques côtes huit ans auparavant. Il y fit encore travailler quinze jours , et recueillit diverses pièces, mais non celles qui lui manquoient.

Il se retiroit , désespérant presque de réussir, lorsqu’ayant passé le FFallkill, il rencontra un fermier qui avoit trouvé quelques os trois ans auparavant , et qui le conduisit sur le lieu de sa découverte. C’étoit encore un marais à vingt milles à l’ouest de la rivière d 'Hudson.

Après plusieurs jours d’un nouveau travail , il eut le bonheur d’y déterrer une mâchoire inférieure complète , accompagnée de plusieurs os principaux ; rapportant donc comme en triomphe les précieux fruits de cette pénible campagne de trois mois , il en forma deux squelettes , copiant artificiellement sur les os de l’un ceux qui manquoient au côté opposé.

On peut dire maintenant que, d’après ce travail, l’ostéo- logie de ce grand animal est entièrement connue , si l’on en excepte seulement la partie supérieure du crâne.

Le plus complet de ces deux squelettes est placé dans le Muséum de M. Ve ale à Philadelphie ; l’autre a été apporté par l’un de ses fils , M. Rembrandt Perde , à Londres , on le fait voir publiquement. M. Rembrandt Peale a en donné une description qu’il a bien voulu m’adresser , et dont j’ai tiré le récit précédent des travaux de son père : j’en profiterai encore beau¬ coup par la suite (i).

On a donné dans divers journaux anglais, français et alle¬ mands, des notices, soit du squelette, soit de ces deux bro-

(i) Account of the Skeleton of the mammouth , etc. Londres i Boa in-4.0, et d’une édition fort augmentée ; an Historical Disqitisition on the Mammouth , ib, iSo5,

MASTODONTE.

ii

chures(i); et c’est aussi d’après ce squelette qu’a été fa t l’ar¬ ticle inséré par M. Domeyer , dans le IV.C tome des Nouveaux Ecrits de la Société des Naturalistes de Berlin , in-4°.

Ce que je vais en dire moi-méine est pris de différons ma¬ tériaux. Nous ne possédons en ce Muséum que le fémur rap¬ porté par Longueil , beaucoup de dents de toutes les sortes , deux défenses , et une demi-mâchoire inférieure assez mutilée. Je dois à la complaisance de MM. Michaëlis et FF iedemann les memes dessins de grandeur naturelle, communiqués autrefois à Camper , et je les ai tous fait graver, réduits au cinquième. M. Adrien Camper , devenu propriétaire des pièces d’après les¬ quelles ces dessins ont été faits , m’en a envoyé les mesures et les descriptions. Enfin , M. Everard Hume , Célèbre anatomiste anglais, a bien voulu me faire faire l’esquisse du squelette que l’on montre à Londres; je l’ai fait graver pl. Y. Ces secours, joints aux renseignemens et aux ligures déjà publiées par d’autres, et que j’ai cités précédemment, m’ont mis en état de donner de l’animal une idée suffisante, et de déterminer sa taille et tous ses caractères.

Le dépôt le plus célèbre des os du mastodonte, celui qu’ont visité Longueil , Croghan et tant d’autres, celui qui lui a fait donner le nom d’ animal de V Ohio, porte lui-même celui de big-bone-strick , ou great-bone-lick.

Il est à la gauche et au sud-est de T Ohio , à quatre milles du fleuve , trente-six milles au-dessus de l’embouchure de la

(1) "Voyez Gazette universelle littéraire de Halle , avril i8o4, n.° 1 1 1 , p. 82 et divers numéros du Magasin de Physique de M. V oigt. Voyez aussi dans le Journal de Physique , ventôse an 10 , j>. 200, une notice de M. Valentin ,

12

GRAND

rivière de Kentockey (i) , presque vis-à-vis celle de la rivière dite la Grande Miamis. C’est un lieu enfoncé entre des collines, occupé par un marais d’eau salée , dont le fond est d’une vase noire et puante. Les os se trouvent dans la vase et dans les bords du marais , au plus à quatre pieds de profondeur , suivant le rapport que nous en a fait le général Collaud qui avoit été sur les lieux.

Mais , comme nous l’avons déjà dit , il y a des os , non-seu¬ lement en d’autres endroits des rives de l’ Ohio , mais par toute l’Amérique Septentrionale.

On lit dans le Journal de Physique et de Médecine de Philadelphie , publié par le savant docteur Barton , ï.cre partie, p. i54 et suiv., une relation détaillée de cinq squelettes pres¬ que entiers , trouvés en 1762 par des sauvages shavvanais , beaucoup plus haut, à trois milles de la rive gauche de f Ohio; comme à l’ordinaire , dans un lieu salé et humide , mais à peu près uni jusqu’à une très-grande distance : une mâchelière et un fragment de défense en avoient été portés au fort Pitt.

M. le baron de Bock d’Ansbach , dans un Mémoire adressé il y a quelques années à l’Institut , donne la descrip¬ tion d’une dent trouvée sur la rive droite de l’Ohio, entre les deux rivières de Miamis , par M. Craegh , major d’artillerie au service des Etats-Unis. Elle a passé du eahinetde M. Schmie- del , dans celui de M. Ehel à Hanovre; et c’est la meme dont parle Merck ( 3.c lettre, p. 28 , note ).

Le général Collaud assuroit en avoir vu près de la rivière des Grands Osages qui se jette dans le Missouri, peu au-

(1) Volkey j Tableau- da climat et du sol ilesEtats-Uuis cl’ Amérique ,1 ,p. ioo.

MASTODONTE.

i3

dessus de son confluent avec le Mississipi. Ils y sont dans des fondrières semblables à celles de Great-hone-lick.

M. Smith Barton , professeur à l’université de Pensylvanie , et l’un des hommes qui ont le mieux mérité du Nouveau- Monde, en y propageant les connoissances utiles, vient de m’adresser une confirmation de ce témoignage.

Il m’écrit « qu’un voyageur intelligent a vu clans un en- )) droit particulier , près de la rivière des Indiens Os â ges , des « milliers cl’ ossemens de cet animal, et qu’il y a recueilli •> j) en.tr autres , clix-sept défenses , dont quelques-unes avaient 3> 6 pieds de long et un pied de diamètre : mais la plu- >3 part de ces os étaient dans un grand état cle clèeompo- 3> sition. ( i ) »

M. Barton a meme eu la complaisance de m’en envoyer une molaire.

M. Jefferson , dans ses Observations sur la Virginie ( trad.fr., p. ioi ), rapporte qu’un M. Stanley, emmené par les sauvages à l’ouest du Missouri , en vit de grands dépôts sur les bords d'une rivière qui couloit elle-même vers l’ouest. Sui¬ vant le meme auteur , on en a trouvé sur la branche de la Tennèsie, nommée N orcl-Holston , derrière les Allegannys de la Caroline , par 36° degrés de latitude nord, aussi dans des marais salés.

C’étoit,à cette époque, le lieu le plus méridional l’on en ait eu connoissance ; mais M. William Dunbar annonce dans le VI.C volume des Transactions de la Société améri¬ caine, p. 4q et 55, qu’il s’en est trouvé en quatre ou cinq en-

(i) Extrait d’une lettre de M. Smith Barton , de Philadelphie, en 1806,

GRAND

J4

droits différais de la Louisiane , à l’ouest du Mississpi, mais toujours dans ses alluvions.

Quant au nord, M. Smith Barton m’écrit qu’on n’en a point déterré jusqu’à présent plus haut que le 43.e degré, du côté du lac Erié.

Ce meme savant me donne des détails extrêmement précieux sur une découverte récence, faite dans le comté de JVitlie en Virginie , à l’ouest des trois grandes chaînes et près du comté de Green - Brjard se sont trouvés les os du mégathé¬ rium.

M. Barton en a reçu lui-même la relation datée de JVilliams- hurg en Virginie , le 6 octobre i8o5, de M. X Evêque Aladis- son , principal du collège de Guillaume et Marie en Virginie , et l’un des hommes les plus éclairés des Etats-Unis.

M. Pichon , ci-devant consul général aux Etats-Unis , avoit bien voulu me donner aussi une notice de cette même décou¬ verte.

A cinq pieds et demi sous terre , sur un banc de pierre calcaire , reposoient assez d’os pour qu’on espère d’en pou¬ voir reconstruire le squelette. Une des dents pesoit dix-sept livres.

Mais ce qui rend cette découverte unique parmi les autres , c’est qu’on recueillit au milieu des os une masse à demi-broyée de petites branches, de gramens, de feuilles, parmi lesquelles on crut reconnoître surtout une espèce de roseau encore aujourd’hui commune en Virginie , et que le tout parut enveloppé dans une sorte de sac , que l’on regarda comme l’estomac de l’ani¬ mal : en sorte qu’on ne douta point que ce ne fussent les ma¬ tières mêmes que cet individu avoit dévorées.

MASTODONTE. i5

Le fond de toute cette contrée est une pierre calcaire pleine d’impressions de coquillages; les cavernes y donnent beaucoup de nitre , de sulfate de soude et de magnésie. On y a trouvé depuis peu du sulfate de barite, et il y a différentes sources minérales (i).

Il ne manque pas non plus de ces os en deçà des trois grandes cbaines des Allegannys , des North-Mountains et des Monta¬ gne s-Bleues. Sans parler des grands dépôts de la vallée de Y Hu¬ dson , que nous avons indiqués plus haut et M. Peale a ras¬ semblé ses deux squelettes, M. Autenrieth m’écrit qu’il y en a dans plusieurs des parties antérieures de la Pensylvanie ; et je vois par une lettre de J. Drayton de Charles-Town à sir John Sin¬ clair , dont milord comte de Buchan a bien voulu me communi¬ quer un extrait , qu’il y en a aussi , de meme que des os d 'éléphant ou vrai mammouth , dans les parties antérieures de la Ca¬ roline.

Le savant naturaliste M. Bosc a été témoin d’une décou¬ verte de cinq mâcbelières en parties décomposées , faite en creusant le canal de Caroline , à quinze milles de Charles- Town , dans du sable pur , à 3 pieds de profondeur.

Enfin M. Barton m’écrit qu’on en a trouvé récemment dans l’Etat de JS ew -Jersey , à quelques milles de Philadelphie.

Je n’en ai vu encore aucun morceau de l’Amérique Méri¬ dionale : toutes les dents apportées du Pérou par Domhey et M. de Humholdt , ainsi que de Tierra firme par ce dernier , sont d’une autre espèce , quoique du même genre , ainsi que

(1) Extrait d’une lettre de M. Stnith Barton , datée de Philadelphie le 1 4 octobre i Su Ü ,

GRAND

j6

nous le verrons bientôt. Je soupçonne bien qne celles du Brésil et de Lima , mentionnées par William Hunier [ Trans.phil. LVIXI, p. )> sont dans le meme cas. Quant à l'ancien continent, si Fou excepte les trois dents de P allas , de l 'abbé Chappe et de Vergennes , citées ci-dessus et appartenant vé¬ ritablement à la même espèce que celles de F Chio , toutes celles dont j’ai euconnoissance sont encore d’espèces différentes.

Ainsi , autant qu’on les connoît, les os de ce grand animal, très-communs dans l’Amérique Septentrionale , sont rares partout ailleurs ; mais partout 011 les trouve, ils ne sont qu’à peu de profondeur 5 et cependant en général ils ne sont pas beaucoup décomposés.

Ils ne sont pas non plus roulés, et offrent, comme presque tous les os fossiles, la preuve qu’ils sont aux lieux on les trouve, à peu près depuis l’époque de la mort de l’animal.

Ceux de la rivière des Grands Osages, dont j’ai parlé ci- dessus, avoient quelque chose de particulier dans leur posi¬ tion : c’est qu’ils étoient presque tous dans une situation verticale, comme si les animaux s’étoient simplement enfon¬ cés dans la vase.

Les substances ferrugineuses dont ils sont teints ou péné¬ trés sont la principale preuve de leur long séjour dans l’inté¬ rieur de la terre.

Des indices d’un séjour ou d’un passage de la mer sur eux paroissent être plus rares que dans les os d’éléphans. Je n’ai point vu de restes de coquilles ou de zoophytes sur les os de grands mastodontes que j’ai examinés, et je ne trouve dans aucune relation qu’il y en ait eu dans les lits d’où ils ont été tirés ; circonstance d’autant plus singulière, qu’on devroit être tenté de considérer ces marais salans l’on en trouve le

M A 8 T O D O N T E.

*7

pins, comme les restes d’un liquide plus étendu qui auroit détruit ces animaux.

M. Barton pense que ces eaux salées ont contribué à la belle conservation de cette sorte de fossiles. Il a meme re¬ cueilli dans la lettre qu’il a bien voulu m’écrire à ce sujet , deux témoignages qui paroissent prouver qu’on en a de temps en temps déterré des parties molles encore reconnaissables; ce qui, à cause de la chaleur du climat, est beaucoup plus étonnant que pour les mammouths ou vrais éléphans fossiles et les rhinocéros du nord de la Sibérie v

Les sauvages qui en virent cinq squelettes en 1762, rap¬ portèrent qu’une des têtes avoit encore « un long nez, sous y lequel étoit la bouche ». M. Barton pense que ce long nez n’étoit autre chose que la trompe.

Kalm , en parlant d’un grand squelette qu’il croyoit d’élé¬ phant , selon les idées de son temps , et qui fut découvert par les sauvages dans un marais du pays des Illinois , dit que la » forme du bec étoit encore reconnois sable , quoique à mou » tié décomposée y. Il y a grande apparence, à ce que croit M. Barton , qu’il s’agit encore ici au moins de la racine de la trompe.

Ces deux faits rendroient assez vraisemblable l’opinion que les parties de plantes triturées, trouvées auprès du squelette du comté de IVythe , étoient en effet les matières qui remplis- soient l’estomac de l’individu dont ce squelette venoit.

On montre en ce moment à Paris une pièce qui, si elle étoit suffisamment authentique , confirmeroit toutes les autres et feroit presque douter que l’espèce fut éteinte. C’est une semelle avec ses cinq ongles. Le propriétaire assure la tenir d’un Mexicain , qui lui a dit l’avoir achetée à des sauvages de l’ouest

3

*S GRAND

du Missouri, lesquels l’avoient trouvée dans une caverne avec une dent. Mais cette semelle est si fraîche ; elle paroît si manifes¬ tement avoir été enlevée au pied avec un instrument tranchant ; enfin elle est si parfaitement semblable à celle d’un éléphant, que je ne puis m’empècher de soupçonner quelque fraude, au moins dans le récit du Mexicain.

Ou imagine aisément qu’il n’a pas manqué d’hypothèses sur l’origine de ces os, ou sur les causes de la destruction des ani¬ maux qui les ont produits.

Les sauvages Shavanais croient qu’il existoit avec ces ani¬ maux des hommes d’une taille proportionnée à la leur, et que le grand être foudroya les uns et les autres (i).

Ceux de Virginie disent qu’une troupe de ces terribles animaux, détruisant les daims, les buffles et les autres ani¬ maux créés pour l’usage des Indiens , le grand homme d’en haut avoit pris son tonnerre et les avoit foudroyés tous , excepté le plus gros mâle, qui présentant sa tète aux foudres, les secouoit à mesure qu’ils tomboient , mais qui ayant été à la fin blessé par le côté, se mit à fuir vers les grands tacs, où, il se tient jusqu’à ce jour (2).

De pareils contes prouvent suffisamment que ces Indiens n’ont aucune connoissance de l’existence actuelle de l’espèce dans les pays qu’ils parcourent.

Lamcinon , après beaucoup d’autres, supposoit que c’étoit quelque cétacé inconnu 5 mais c’est qu’il n’en avoit vu que les dents, et qu’il ne savoit point que la forme de ses pieds réfute cette conjecture.

(1) Barton , journal cité , p. iS'],

{'i) Jefferson ^ Notes sur la Virg., trait. fr. , p. 99.

ITu certain M. de la Coudrenière ayant trouve dans une relation du Groenland. , que les sauvages de ce pays prétendent avoir un animal noir et velu, de la forme d’un ours, et de six brasses de liant, en dérive non-seulement le mastodonte , mais encore Y éléphant fossile ou mammouth , qu’il confondoit avec lui (i).

C’est probablement aussi cette confusion des- deux espèces qui aura fait penser à M. Jefferson que le centre de la zone glaciale est le lieu le mammouth arrive a toute sa force, comme les pays situe' s sous l équateur sont les lieuse de la terre les plus propres à nourrir l’éléphant (2).

Nous commençons, comme à notre ordinaire, l’examen des os du mastodonte , par les dents.

i.° Les mâchelières.

. L_ ' ' 1- - •- ï>

Nous avons à en déterminer la forme , les différences , le nombre et les successions.

i.° La forme est ce qui a le plus frappé en elles.

Leur couronne est en général rectangulaire, un peu plus étroite en arrière dans les postérieures.

Elle n’a que deux substances , la substance intérieure dite osseuse, et l’émail. Celui-ci est très-épais \ il n’y a point de cé¬ ment ou cortical.

C’est une différence très-importante avec l’éléphant, qui, jointe à la forme , rapproche le mastodonte des animaux qui cherchent les racines, tels que Y hippopotame et le cochon , au

(1) Journal de Physique, tome XIX, p. 563. (2; Jefferson , ubi sup. ,p. 106.

20

GRAND

lieu de le placer avec les purs herbivores , tels qu’est X éléphant; mais pour tout le reste il y a une grande analogie avec l’élépliant.

Cette couronne est divisée par des sillons ou espèces de vallées très-ouvertes en un certain nombre de collines transversales, et chaque colline est divisée elle-même par une échancrure en deux grosses pointes obtuses et irrégulièrement conformées en pyramides quadrangulaires un peu arrondies.

Cette couronne , tant quelle n’a pas été usée , est donc hérissée de grosses pointes disposées par paires.

Il y a déjà bien loin de aux dents des carnivores , qui n’offrent qu’un tranchant principal et longitudinal , divisé en dentelures comme celui d’une scie.

Au fond même, il n’y a qu’une différence de proportion entre ces collines transverses divisées en deux pointes, et les petits murs transverses à tranchant divisé en plusieurs tuber¬ cules des dents de l’éléphant.

Ceux-ci sont seulement des collines plus nombreuses, plus élevées, plus minces, séparées par des vallons plus étroits, plus profonds , et que le cortical comble entièrement.

Néanmoins cette dernière circonstance est essentielle ^ en ce qu’elle fait que la couronne de Y éléphant est plate de très- bonne heure , tandis que celle du mastodonte est long-temps mammelounée.

Le mastodonte devoit donc faire de ses dents le même usage que le cochon et Y hippopotame , qui sont dans le même cas que lui. Il devoit surtout s’attacher aux végétaux tendres, aux racines , aux plantes aquatiques ; mais il ne faisoit point sa nourriture d’une proie vivante.

On en trouve beaucoup d’autres preuves dans le reste de ses formes, comme nous le verrons.

MASTODONTE.

Puisqu’il vivoit en grande partie de végétaux , il usoit donc ses dents ; et en effet on en trouve dont les pointes sont émous¬ sées, d’autres elles sont usées jusqu’à la base des pyramides; d’autres, enfin, toutes ces bases sont réunies eu une seule surface carrée entourée d’émail.

Comme les pointes sont en pyramides quadrangulaires , leur coupe est une losange.

Les dents à demi usées offrent donc sur leur couronne des rangées transversales, de deux losanges chacune.

Les racines de ces dents ne se forment, comme toutes les autres, qu’après la couronne. On ne les trouve complètes que dans des dents déjà au moins un peu usées.

L’émail étant très-épais, le collet de la dent est très-renflé.

On distingue les racines de ce mastodonte à des lignes tranverses enfoncées, signes très-marqués des accroissemens successifs.

2.0 Les différences des dents du mastodonte consistent sur¬ tout dans le nombre des pointes, et dans le rapport de la lon¬ gueur à la largeur. "

J’en conuois de trois sortes :

De presque carrées, à trois paires de pointes;

De rectangulaires, à 8 pointes,

Et d’autres encore plus longues, à dix pointes et un talon impair.

Les premières sont toujours celles qu’on trouve le plus usées. Je n’en connois pas une qui ne le soit à moitié, et plusieurs le sont jusqu’au collet.

Les dernières, au contraire , sont très-rarement usées , et ont presque toujours leurs pointes entières.

Cette circonstance indique leur position. Les dents à six

G R A N D

33

pointes sont antérieures et paroissent les premières ; celles à dix, les dernières.

L’analogie le confirme ; dans l’ éléphant, les lames transverses sont toujours plus nombreuses dans les dernières dents.

Enfin , l’ observation directe le confirme encore mieux : c’est dans cet ordre qu’on les a trouvées dans les crânes et les mâchoires qui en contenoient plusieurs.

3.° Leur nombre résulte de ce qui vient d’étre dit.

Le mastodonte auroit au moins douze mâchelières , c’est-à- dire trois partout , s’il les avoit toutes à la fois dans la bouche; comme Y éléphant en auroit trente-deux.

Il n’y a qu’une objection à faire à cette manière de voir. Comme on n’a point encore vu une dent à dix pointes dans un même morceau avec les restes d’une à huit pointes , on pourvoit croire que ces deux sortes n’étoient pas destinées à se succéder, mais à se répondre, et que les unes sont les infé¬ rieures et les autres les supérieures. Je n’ai rien trouvé dans la brochure de M. Peale qui put éclaircir ce doute; mais il me pa- roit que la comparaison des mâchoires inférieures du Muséum britannique ( Trans. phil. LVIII ) , de Philadelphie ( Essais de Géol. pl. XIV ) , et de Michaël b ( notre pl. III, fig. i, a et 3 J , avec celle de notre Muséum (pl. IV , fig. i et a) , donne une solution satisfaisante. Les trois premières portent des dents à huit pointes, et la quatrième une à dix. Il faut bien que ces deux sortes de dents se soient succédées.

Il seroit intéressant d’examiner dans les deux premières m⬠choires s’il n’y auroit point en arrière un germe de dent à dix pointes. Celle de Michaëlis me le fait soupçonner : on y voit vers A des restes d’une cavité qui a bien pu être une loge de germe.

MASTODONTE,

s3

Peut-être y a-t-il aussi dans la première jeunesse une petite dent à quatre pointes en avant, qui tombe de bonne heure. M. de Beciuvois m’assure qu’on voit un reste d’alvéole en avant des dents à six pointes d’une mâchoire qui appartient au docteur Barton. Mais je n’ai jamais vu de ces dents à quatre pointes dans cette grande espèce.

Si elles existent , il faudra encore ajouter quatre mâchelières au nombre total de celle du mastodonte , et il en aura seize.

Mais, comme dans Y éléphant, ces dents ne sont jamais toutes ensemble dans la bouche.

Leur succession se fait, comme dans Y éléphant, d’avant en arrière. Quand la dernière commence à poindre, celle de devant est usée et prête à tomber. Il ne paroît pas qu’il puisse y en avoir plus de deux à la fois de chaque côté ; à la fin même il n’y en a plus qu’une , comme dans Y éléphant. Dans la mâchoire inférieure de notre Muséum, (pl. IV, lig. i ), la dent à dix pointes est déjà un peu usée on ne voit plus en avant qu’un reste d’alvéole à demi rempli.

Mais on voit encore une dent à six pointes et une à huit ? dans le crâne de la pl. II.

Ainsi , le nombre effectif des mâchelières qui peuvent agir ensemble est de huit dans la jeunesse, et de quatre seulement à la fin de la vie.

Ce résultat diminue déjà beaucoup les idées que s’étoient faites de la taille du mastodonte, ceux qui lui supposoient un nombre de dents mâchelières approchant du nôtre et qui les croyoient toutes égales aux plus grandes. Buffon, par exemple, dit : « La forme carrée de ces énormes dents mâchelières » prouve (ju elles étaient en nombre dans la mâchoire de » l’animal , et cpiand on ri y en supposerait que six ou même

C R A ïï D

« quatre de chaque côté , on peut juger de V énormité d’une » tête qui auroit au moins seize dents mâchelières pesant » chacune dix ou onze livres. » ( Epoques de la nature. Note justif. 9, )

C’est d’après celte idée qu’il supposent cet animal d’une gran¬ deur supérieure à celle meme des plus grands éîéphàns ; tandis que nous verrons qu’il 11’y a point encore de preuve qu’il ait atteint 12 pieds de hauteur, et que, selon Buffon lui-même, les éléphans des Indes en ont quelquefois jusqu’à i5 ou 16.

Xotre pl. I représente quatre de ces dents de mastodonte à moitié grandeur.

.Fig. 5 en estune à six pointes à demi-usées: elle est copiée d’après un dessin qu’a bien voulu m’envoyer M. Blumenbach.

Nous en avons au Muséum trois pareilles, anciennement rap¬ portées par Fabri. Ce sont elles que Daubenton ( Hist. nat. XII , n.° 1 106, 1107,1108), et Buffon ( Epoques de la na¬ ture , pl. Y) ont prises pour des dents à! hippopotames gigan¬ tesques.

Elles sont aisées à distinguer par ces losanges , dont notre figure donne une idée fort juste , et qui diffèrent beaucoup des trèfles de Yhippopotame.

D’ailleurs Yhippopotame n’a jamais que quatre trèfles et non pas six.

M. Faujas possède une dent semblable , beaucoup moins usée , et notre Muséum en a acquis depuis peu une qui l’est de manière que toutes les losanges se confondent ensemble. (Voyez pl. IV, fig. 4- )

Celle de Sibérie, donnée par P allas ( Act. Petrop. , 1777, p. II, pl. IX, fig. 4 ) , ne les a encore réunies que deux à deux.

Da longueur de ces dents va de 0,095 à 0,1 1, et leur lar-

M A S T O D O N T E.

2Î>

genr de 0,08 à 0,09 ; et ce ne sont pas toujours les plus longues qui sont les plus larges , de manière qu’il y en a de plus ou moins approchantes de la forme carrée.

Fig. 4 de notre pl. I est une dent à huit pointes et un talon dont les^ommets commencent à s’entamer. Elle m’a été com¬ muniquée par M. Tonnelier ; elle est longue de 0,17, large de

o, c8.

31. Faujas en a une à peu près dans le même état.

Celle du cabinet de M. Ebel est usée un peu plus profondé¬ ment, ainsi que celle de Guettarcl [ Acad, des Sc. , i'jSi , pi. II ), et celle que M. d Hauterive , conseiller d’Etat, a donnée à notre Muséum. Celle que rapporta l'abbé Chappe de Sibérie ne l’est presque point, non plus que celle qu’envoya Collinson à Buffon. [ Voyez Epoques de la nature , pl. III et IV.}

La mâchoire du Muséum britannique ( Trans.phil ., LVIII,

p. 34 ) , et celle des Essais de Géol. , pl. XV, paroissent cha¬ cune porter une dent semblable, aussi encore entière.

La dent depetite Tartarie , donnée par Vcrgennes [Epoques de la nat. , pl. I et II, et Essais de Géol. , pl. XIV, fig. 3 ) , est la seule dent à huit pointes que j’aie encore vue sans talon. Elle fait donc exception à cet égard, et d’après cela M. Faujas n'anrcit peut-être pas la choisir pour exemple et type de l’espèce.

Ses proportions sont même un peu différentes des autres: elle est plus large à proportion de sa longueur, et diminue moins en arrière.

M. Blumefibach a pris un meilleur exemple en donnant une dent à huit pointes et un talon , encore parfaitement intacte. ( Abliid ., pl. XIX , -Manuel . trad. fr. II, p. /to8. )

Notre h g. 2 est une dent à dix pointes et un talon non encore

G R A N D

usés, donnéeànotre cabinet par M. Dufresne. C’est nne des plus grandes que j’aie vues. Elle a o ,225 de long, et 0,1 de large.

Fig. i et 3 en est une autre plus petite , mais du même nombre de pointes, déjà en partie usée, du cabinet de M. de Drée. Sa couronne, fig. 3, est propre à donner une idée des différentes figures que prennent les disques, à mesure que la détrition avance.

Celle de notre mâchoire inférieure , pl. IV, est à peu près dans le meme état. Elle est longue de 0,207, large de 0,1 1 4-

2.0 La mâchoire inférieure

Est la partie qu’on a connue le plus tôt après les dents mo¬ laires. La moitié, représentée Trans. phil. , LV III , en donnoit une idée suffisante.

On y voyoit déjà, 1 0 que cet animal , comme l’éléphant et le morse, n’avoit en bas ni incisive ni canines ; 2.0 que sa m⬠choire inférieure se termine en avant , encore comme dans l’éléphant et le morse , en pointe creusée d’une espèce de canal ^ mais que celte pointe est beaucoup moins longue et moins aiguë qu’à l’éléphant; 3.° que l’angle postérieur, quoique obtus, y est prononcé et non pas arrondi circulairement comme il l’est dans l’éléphant.

Le condyle , partie la plus caractéristique de la mâchoire inférieure, y étoit mutilé ; mais on peut en prendre une idée dans la fig. 2 de notre pl. II , que je dois à l’obligeance de M. Rembrandt Reale. La mâchoire du mastodonte y est vue par devant, et peut être comparée à celle de l’éléphant de la fig. 3. On y voit que le condyle diffère peu de celui de l’élé-

M A S T G D O N T E,

2-J

pliant; ce qui se joint aux formes des dents pour montrer que l’animal n’est point carnivore. Toute la partie montante est moins haute à proportion ; et l’apophyse coronoide s’élève au niveau du condyle, taudis quelle est beaucoup plus basse daus l’éléphant.

La mâchoire inférieure du squelette de M. Peale est longue de 2’ 10” angl. ou 0,86, et pèse 63 livres. Notre moitié muti¬ lée, pl. IV, a, de sa pointe jusqu’à quelque distance derrière la molaire ( de a en b , hg. 1 et 2 ) , o,54 ; ce qui fait juger qu’en- tiere elle auroit été un peu plus grande. La hauteur de sa partie dentaire est de 0,175 , et son épaisseur de 0,1 \l\. Elle pèse 26 livres 3 onces.

Celle d’un éléphant de 8’ n’a que o,65 de long.

3.° Le crâne.

On en a connu d’abord, par les descriptions de Michaëlis et de Camper , le propre fragment représenté dans notre pl. Il, fig. 1 , 2 et 3, avec lequel correspond le morceau des fig. 4 et 5 qui a tenir à l’autre, de manière que a, b, fig. 5, tou- choit âb\ fig. 3 ; et que la dent A, fig. 5, se trouvoit être la congénère de la dent A’, fig. 3. Ainsi B est l’apophyse malaire de l’os maxillaire ; C C, les apophyses ptérygoides des os pa¬ latins ; D, le bord postérieur du palais; E,E, la suture qui sépare les os palatins des maxillaires, etc,

Nous avons vu que Michaëlis et Camper a voient considéré ce morceau dans un sens inverse ; qu’ils prenoient l’extrémité postérieure pour l’antérieure, et les os palatins pour les inter- maxillaires.

Il y avoit cependant dès lors des raisons suffisantes à allé-? guer contre leur opinion.

G R A N D

uS

i.° Les mâclieîières antérieures auroient été pins grandes que les postérieures , au contraire de tous les herbivores , et meme de la mâchoire inférieure de cet animal-ci.

2.0 Elles auroient été moins usées, chose non moins con¬ traire à l’analogie et meme au raisonnement.

3. ' Il n’y au roi t point eu de trou incisif, etc.

Voilà une partie de ce que j’alléguai à M. Adrien Camper r et ce qui le détermina à faire un nouvel examen de ce mor¬ ceau; examen d’où il résulta de nouvelles lumières qui ache¬ vèrent de convaincre mon savant ami.

i.° En nettoyant le morceau de l’argile durcie qui le recon- vroit encore, il mit au jour les sutures palatines qui avoient échappé à son père.

2.0 Il découvrit les trous sphéno-palatins F, F, fig. 2, et la division de leur canal dans les trous G, II, etc., fig. 3 , pour la conduite du nerf au palais , etc.

Il étoit impossible que de pareils indices fussent trompeurs; aussi la découverte d’un crâne avec son museau, faite par M. Peale , vint-elle bientôt confirmer ce que nous avions re¬ connu.

Mais ce premier morceau nous indiquoit déjà à lui seul les caractères suivans pour le mastodonte.

i Ses mâchelières divergent en avant , taudis que celles des éléplians ordinaires convergent plus ou moins, et que celles de Y éléphant fossile ou vrai mammouth des Russes sont presque parallèles.

Il n’y a que le cochon et Y hippopotame qui se rapprochent un peu du mastodonte à cet égard.

2.0 Son palais osseux s’étend fort au-delà de la dernière dent :

/

M A S T O 1) O N T E.

2 9

le sanglier d’ Ethiopie seul en approche à cet égard parmi les herbivores.

3.° Les apophyses ptérygoides de ses os palatins ont une grosseur sans exemple parmi les quadrupèdes.

4-° L’échancrure au devant de cette apophyse a quelque rapport avec celle de l’ hippopotame , qui est pourtant beaucoup plus étroite , etc.

Le crâne plus complet deM. Peais nous donne encore quel¬ ques autres caractères.

5. ° M. Rembrandt Peale nous dit qu’on ne voit point de trace d’orbite à la partie antérieure de l’arcade ; ce qui doit avoir placé l’œil beaucoup plus haut que dans l 'éléphant.

6. ° Les os maxillaires, ainsi qu’on peut le voir par notre pl. II, fig. 1, ont beaucoup moins d’élévation verticale que dans l’éléphant, et' ressemblent davantage aux animaux or¬ dinaires.

rj.° Par la meme raison, l’arcade zygomatique est moins élevée, surtout en arrière; ce qui correspond d’ailleurs avec la forme de la mâchoire inférieure. La position de l’oreille dé¬ pend de celle de l’arcade.

8.° Cette proportion influe beaucoup sur la position des con- dyles occipitaux , si élevés dans Y éléphant au-dessus du niveau du palais , et presque à ce niveau dans le mastodonte.

g.0 Mais pour ce qui regarde les grandes cellules qui donnent tant d’épaisseur au crâne de Y éléphant, en écartant ses deux lames, et qui sont toutes des prolongemens des différons sinus du nez, le mastodonte paroit les avoir absolument semblables. C’est ce que montrent toutes les figures de notre pl. II. Il est impossible de savoir précisément à quelle hauteur s’élévoit le sommet de la tête, puisque cette partie manque au crâne

G II A A D

<!o

(le M. Peale. Mais sa pesanteur, celle des mâchelières , et plus encore celle des défenses, ne permettent pas de douter que l’occiput ne fût très-élevé pour donner des attaches suffi¬ santes aux muscles releveursj par conséquent, le mastodonte devoit encore à cet égard ressembler beaucoup à Y éléphant.

M. Peale n’a pas donné la longueur du crâne de son sque¬ lette 5 mais, à en juger par les figures, elle doit être à peu près de 1,1 36. La portion qui est au cabinet de M. Camper ( pl. Il), a iB” angl. ou o,455, depuis le devant de la dent à six pointes, jusqu’au bord postérieur des apophyses ptérygoïdes. Eu calculant sa longueur totale d’après la proportion indiquée par les figures de M. Peale , elle seroit de 0,91. Le mastodonte de M. Peale , supposé haut de 10 pieds, cette têteauroit donc appartenu à un individu de 8. Un éléphant de 8 pieds n’a que 0,8 du bord alvéolaire aux condyles occipitaux, Ainsi la tète du mastodonte est un peu plus longue , à proportion de la hauteur du corps, que celle de Y éléphant,

l\ o Les défenses.

Le devant de la mâchoire inférieure indiquoit bien qu’il devoit y avoir à la supérieure quelques dents sortant de la bouche , comme à Y éléphant ou au morse-

Les défenses qui se trouvent assez fréquemment avec les mâchelières de mastodonte le confirmoient : ce fut d’abord l’o¬ pinion de Camper , avant qu’il eût donné dans l’erreur que nous venons de l'éfuter.

A la rigueur, cependant, il étoit possible que les défenses vinssent d’un autre animal que les dents hérissées de pointes f £( Dauhenton i’avoit conjecturé ainsi.

MASTODONTE.

3*

C’est donc M. Peale qui a le premier véritablement prouvé que le mastodonte a des défenses, en découvrant un crâne encore pourvu de leurs avéoles.

Elles sont implantées dans l’os incisif, connue celles des éléphans. Elles sont composées, comme ces dernières, d’un ivoire, dont le grain présente des losanges curvilignes: il doit être à peu près impossible de distinguer une tranche d’ivoire d 'éléphant, d’une d’ivoire de mastodonte.

Tel est du moins ce que j’observe sur une défense de cette dernière espèce que j’ai sous les yeux , et qui vient d’être' apportée à notre Muséum, de l’ouest des Allegannjs , avec la portion de mâchoire inférieure déjà plusieurs fois citée.

Mais M. Peale s’exprime autrement sur celles de son sque¬ lette,

« Une section transversale de la défense de Y éléphant ( dit-il ) « est toujours ovale ; celle du mastodonte est parfaitement » ronde. U ivoire des premières est uniforme , les secondes » offrent deux substances distinctes ; l’interne a le tissu de » l’ivoire, mais sa consistance est beaucoup moindre. L’externe1 » n’a point ce tissu , est beaucoup plus dure que l’ivoire , et » forme une enveloppe épaisse sur toute la défense ». ( HisÙ disq. on ihe mammoth. , p. 5o. )

Mais ces distinctions ne sont point exactes, car, i Les défenses d’ éléphant sont souvent plus ou moins rondes et au contraire celle de mastodonte que j’ai sous les yeux est elliptique.

2.0 Celles d’ éléphant ont une enveloppe d’une matière dont le tissu n’est pas celui de 1 ivoire, dont les fibres sont con¬ vergentes vers le centre, et qui, quoique moins dure que Yémaiï ordinaire, en est cependant une espèce.

3 2

GRAND

<■< La bande de la circonférence ( dit Daubenton ) est quel- » qucfois composée de fibres droites transversales qui abou- » tiroient au centre, si elles éto.ient prolongées ». ( Hist. nat. tome XI , in- 4. )

C’est d’ailleurs une observation que tout le monde peut faire sur las défenses lorsque leur surface n’a pas été usée.

Kotre défense de mastodonte ressemble en cela à celle de Y éléphant.

3,° Ce peut être une cause accidentelle qui a ramolli l’in¬ térieur des défenses trouvées par M. P cale, en les décom¬ posant plus ou moins, quoique les os trouvés en même temps ne fussent presque point altérés. On a découvert récemment que l’ivoire fossile est sujet à être décomposé, en changeant par une cause encore inconnue son phosphate de chaux en fluate de chaux.

Notre défense de mastodonte intacte n’a point d’acide fluo- rique, ainsi que s’en sont assurés MM. K auquelin et Laugier, qui ont bien voulu l’analyser. Peut-être celles de M. Peale en ont-elles.

La courbure de ces défenses varie autant que dans les éléphmis. Celle du dessin de M. Michaëlis , pi. III, fig. 4 et 5, est presque droite. La nôtre, pl. IV, fig. 3, est légèrement arquée. Une très-grande, trouvée avec la tête du squelette de Philadelphie , est presque courbée en demi-cercle. Comme elle avoit été mutilée, on n’a pu en placer au squelette même qu’une copie en bois. Elle a io’ 7’ angl. ou 3,17 de lon¬ gueur, ensuivant la circonférence (1). Leurs alvéoles ont 8'*

(i) Remt>. Peale , Hist. cliscj. , p. 61.

33

mastodonte.

angl. ou 0,302 de profondeur. La pointe n’est pas tout-à- fait dans le meme plan que la base, et forme un commence¬ ment de tire-bourre.

Il paraît que leur direction, à la sortie de l’alvéole, est un peu plus oblique en avant que dans l’éléphant'.

On les avoit d’abord placées, comme dans l’éléphant ,1a pointe en haut : dans cet état elles avoient 6” ou o,i 5 de distance entre leurs bases, et 8’ 9” ou 2,65 entre leurs pointes (1).

M. Rembrand Pecile s’est déterminé depuis à les mettre dans une position renversée, c’est-à-dire la convexité en avant, et la pointe revenant en bas et en arrière.

Il donne lui-même les motifs suivans de ce changement (2).

i.° L’abaissement du condyle occipital , et la forte courbure des défenses , élevoient la pointe de celles-ci à une trop grande hauteur au-dessus du sol , et de la tète même de l’animal.

Il n’auroit pu les abaisser assez pour s’en servir à quoi que ce soit.

2.0 Les défenses trouvées à l’un des endroits mentionnés ci-dessus sont usées à leur extrémité 5 de manière qu’il fau- droit , en supposant que cette extrémité ait été en haut , imaginer aussi que l’animal l’usoit sans utilité contre des rochers escar¬ pés et verticaux. Ii est plus naturel de croire qu’il les usoit en cherchant des coquillages ou en fouillant les bords des rivières et des lacs.

Ces raisons ne paroîtront peut-être pas péremptoires à tout le monde.

(1) Extrait d’une lettre de Philadelphie , 20 mars 1802, dont M. Everard Home a bien voulu m’adresser copie.

(2) Hist. disq. , p. 52.

34

GRAND

JJ éléphant fossile , ou vrai mammouth des Russes , avoit souvent des défenses tout aussi fortement courbées que le mastodonte , et cependant elles avoient leur pointe en haut.

On ne conçoit guères plus à quoi elles auroient pu servir dans la position que M. Peale leur assigne, que dans celle que l’analogie leur indique.

Le morse ( trichecus rosmarus ) a, il est vrai, des défenses dirigées vers le bas ; mais c’est un animal à membres raccour¬ cis, destiné principalement à nager dans l’eau : et, dans cet élément , des défenses semblables peuvent servir; mais le mas¬ todonte y dont les membres sont si élevés, vivoitâ terre sans aucun doute.

Il a très-bien pu user le devant ou la convexité de ses dé¬ fenses en les frottant contre des arbres, contre des rochers ou de toute autre manière.

Enfin le babiroussa , dont les défenses se dressent vertica¬ lement vers le haut, et recourbent leur pointe spiralement en arrière et en dessous, a bien moins encore l’air de pouvoir s’en servir que le mastodonte n’a faire des siennes; cepen¬ dant il s’en sert , et les use précisément par leur côté convexe, comme le mastodonte.

Ainsi, jusqu’à ce que l’on ait trouvé un crâne de masto¬ donte avec ses défenses encore implantées, rien n’autorise, selon nous, à les placer autrement que dans les éiéphans.

5.° Si le mastodonte avoit une trompe.

Le mastodonte avoit donc une tète volumineuse ; des dents màchelières épaisses et compactes en augmentaient le poids ; des défenses longues et pesantes i’augmentoient aussi, et oor-

M A S T O D O N T E.

35

ioient en outre le centre de gravité encore plus loin du point d’appui: ce sont les raisons qui ont rendu le cou de F éléphant court : celui du mastodonte devoit donc lctre aussi : comme ses jambes, sont très-élevées, ainsi que nous l’allons voir, il n’auroit pu atteindre à terre avec sa bouche, s’iln’avoit pas eu une trompe; ses défenses l’enauroient d’ailleurs empêché , quand même les autres circonstances ne l’auroient pas fait. S’il eût vécu dans l’eau, comme les phoques, les morses elles cétacés , ces raisons n’auroient pas été démonstratives ; mais il n’y vi- voit pas, car ses pieds 11e sont pas faits pour nager.

Il est donc indubitable qu’il avoit une trompe et qu’il res- sembîoit aux éléplians en ce point comme en tant d’autres.

6.° Les os du tronc. *

Il n’est guère possible aujourd’hui de vérifier par le fait la conclusion du raisonnement précédent, puisque les parties molles ont disparoitre dans presque tous les cas; mais on peut constater du moins la partie des prémisses qui concerne le cou.

Les vertèbres en sont effectivement minces , et forment un cou qui est bien loin de permettre aux lèvres de descendre jusqu’au niveau des pieds de devant.

On en peut juger par notre figure du squelette, pl. Y, et par une figure particulière de X atlas , pl. VI , fig. 3 et celte pre¬ mière vertèbre ressemble beaucoup à celle de X éléphant.

M. Peale dit que les apophyses épineuses des trois dernières vertèbres du cou sont moins longues que dans l’éléphant.

La seconde , la troisième et la quatrième dorsales ont de rès-l°ngues apophyses. Elles décroissent ensuite rapidement

I*

36

GRAND

jusqu’à la douzième, après laquelle elles deviennent très- courtes^). XI éléphant les a plus uniformes; ce qui suppose plus de force dans ses muscles de l’épine et dans son ligament cer¬ vical.

Il y a sept vertèbres cervicales, dix-neuf dorsales et trois lombaires. L’ éléphant a une vertèbre dorsale et une paire de côtes de plus; mais peut-être celles de mastodonte s’étoient- elles perdues.

Les côtes sont, autrement faites que dans Y éléphant: minces près du cartilage, épaisses et fortes vers le dos. Cette diffé¬ rence est surtout très-remarquable dans la première. Les six premières paires sont très-fortes en comparaison des autres , qui deviennent aussi fort courtes à proportion ; ce qui, joint à la dépression du bassin , indique que le ventre étoit moins volu¬ mineux que dans l’éléphant (2).

7.0 U extrémité antérieure.

i.° XJ omoplate paroît avoir été plus étroite encore que celle de Y éléphant d Afrique , et avoir eu cependant l’apophyse ré¬ currente plaéée aussi haut que dans l’éléphant des Indes , comme on peut s’en assurer en comparant celle du sque¬ lette de notre pl. Y avec les fig. 6 et 7 de notre pl. LUI sur les éléphans. Du reste, cette omoplate a tous les caractères de celles des éléphans, et en particulier cette apophyse récurrente qui n’appartient qu’à ce genre et à quelques rongeurs.

(1) Hist. disq. , p. 54-

(2) Hist. disq., p. 56.

J MASTODONTE. 37

Celle du squelette de M. Peale a 3’ i” angî. ou 0,935 de longueur.

C1

Un fragment considérable aujourd’hui au cabinet de M. Camper , et gravé pl.VI,fig. i et 2, montre que l’épine est caverneuse intérieurement.

La facette articulaire est longue de 0,22, large de 0,1 4- La longueur totale de ce qui reste de l’os est de 0,^5.

XJ acromion y manque : mais M. Peale le représente très- long et très-pointu (1).

2.0 Uhumérus. M. Peale remarque en général que les os longs de l’extrémité antérieure sont beaucoup plus épais à pro¬ portion que ceux de l’extrémité postérieure , et que la diffé¬ rence des uns et des autres à cet egard est plus sensible que dans l’éléphant.

En effet, l’humérus du squelette, pl. Y, et deux autres du cabinet de M. Camper, pl. Y II, fig. 1 et 2 , et pi. YTIII, fi g, 3 et 4 5 ont surtout leur crête inférieure remontée beaucoup plus haut que dans l’éléphant, quoique leur forme/ générale soit à peu près la même.

Le plus grand est long de 0,84 ; sa largeur en bas est de 0,235. Sa crête monte à 0,42, c’est-à-dire à moitié de sa lon¬ gueur ; tandis que celle de l’éléphant ne va qu’aux 2 cinquièmes.

L’humérus du squelette de M. Peale a 2’ 10" angî. ou 0,86.

3.° L’ avant-bras. Je n’en ai point de renseignement parti¬ culier. M. Peale se borne à dire que la largeur extrême des

(1) ïïlstor. disijuis., f. VII,

38

GRAND

deux os fait que la direction oblique du radius au-devant du cubitus y est plus sensible que dans aucun autre animal. J’en conclus que leur disposition est à peu près la même que dans l’éléphant.

Le radius du squelette a 2’ 5” 6’” angl. ou o y'p de lon¬ gueur. C’est, avec l’humérus, un peu plus que le rapport de 6 à y Dans X éléphant ce rapport est comme 6 à 8. Ainsi l’avant - bras du mastodonte est plus long , et son bras plus court à proportion que ne le sont ceux de l’e- léphant.

Le rapport de l’humérus à l’omoplate est encore plus diffé¬ rent. Dans l’éléphant, il est comme 8 à 6 et demi; c’est-à-dire que l’humérus est plus long de plus d’un cinquième. Dans le mastodonte , au contraire , il est comme un peu plus de 8 à 9 : ainsi l’humérus y est plus court de près d’un neuvième.

On ne peut élever de doute sur la vérité de ces rapports , parce que les os des extrémités ayant été trouvés ensemble, il est à peu près certain qu’ils veuoient tous du même in¬ dividu.

8.° IJ extrémité postérieure .

1 Le bassin est beaucoup plus déprimé que dans l’éléphant , à proportion de sa largeur : son ouverture est aussi beaucoup plus étroite ; c’est ce que dit M. Peale , et ce qui se verra aussi en comparant le bassin en profil du squelette, pl. Y, avec celui de notre pl. I d’éléphans, et l’esquisse de ce même bassin, vue de face, pl. Y, fig. 4, avec la fi g. 3 de notre pl. VÏI sur les éléphans. Cette forme de bassin devoit rendre l’abdomen plus

MASTODONTE.

39

petit et par conséquent les intestins moins volumineux que dans l’ éléphant; ce qui s’accorde avec la structure des dents pour faire regarderie mastodonte comme moins exclusivement herbivore.

M. Peale dit que la largeur du bassin de son squelette est de 5’ 8” anglais ; mais je crains qu’il n’y ait à cet endroit une faute d’impression , ou qu’il n’ait entendu le contour.

i.° Le fémur est la partie qui a été décrite la première. Daubenton ht graver celui de notre Muséum dans les Mé¬ moires de l’Académie pour 1762. Sa masse énorme frappe véritablement au premier coup d’œil, surtout sa largeur, qui le distingue beaucoup de celui de l’éléphant , meme fossile. Il est aussi plus aplati d’avant en arrière à sa partie infé¬ rieure , parce que le canal qui répond à la rotule y est plus court.

Il est long de 1,088 , large en haut , entre la tête et le, grand trochanter , de o,44 5 en bas, de 0i°- 9? au milieu, de 0,18. Son diamètre antéro-postérieur est en haut de 0,1 5; au milieu, de o,io4, et en bas de 0,21. Le diamètre de sa tête est de 0,18.

Le fémur du squelette de M. Peale est long de 3’ 7” angl. ou i,o85. C’est à peu près comme le nôtre.

3.° Le tibia. Celui du squelette de M. Peale est long de 2’ angl. ou 607 ; ce qui lui donne avec son fémur un rapport comme de 6 à 1 o.

M. Peale pense que ce rapport est moindre que dans l’élé¬ phant; mais je n’ai pas trouvé la chose ainsi : nos deux sque¬ lettes des Indes ont les fémurs de 0,92 , et les tibia de o,56. Ce qui donne également le rapport de 6 à 10 à peu près. Néan¬ moins si , comme H est problable , l’abdomen du mastodonte

GRAND

est moins gros que celui de l’éléphant , son genou doit paroitre plus dégagé du ventre.

Nous donnons, pl. VIII, les figures d’un tibia du cabinet de M. Camper, au cinquième de leur grandeur : il faut seulement observer que le graveur les a mises la tête en bas. Ce tibia est long de 0,71; large en haut de o,a5 , eu bas de 0,21; ce qui le rend plus épais à proportion que le tibia de l’éléphant. M. Adrien Camper m’ajoute que la malléole interne est aussi plus cro¬ chue et plus allongée que dans l’éléphant.

Je ne puis rien dire sur le péroné.

9.0 La taille en général.

En additionnant ensemble les longueurs de l’humérus et du radius , et celles du fémur et du tibia , on trouve pour la hauteur de l’extrémité de devant 1,60, et pour celle de der¬ rière 1,69.

L’éléphant de 8 pieds a ces memes hauteurs , ou plutôt ces memes sommes, de i4oelde 148. Ainsi le rapport des extré¬ mités entre elles est à peu près le même dans les deux espèces, quoique celui de leurs parties ne le soit pas.

Cette hauteur des extrémités, considérée seule, donneroit 9 pieds , ou près de trois mètres , de hauteur totale pour le mastodonte ; mais comme l’omoplate de celui-ci est de près d’un tiers plus longue , on peut accorder quelque chose de plus à sa taille. M. Peale a donné à son squelette 1 i pieds anglais, ou 10’ 1” au garrot. Nous croyons qu’il l’a un peu trop élevé en plaçant les omoplates trop bas , et en ne ployant pas assez les articulations. C’est aussi l’opinion du célèbre ana-

MASTODONTE.

4r

tomiste M. Everard Home , qui a vu lui-mëme ce squelette. Au reste, celui-ci eùt-il réellement dix pieds , ilseroit toujours au plus de la taille des éléphans les plus communs aujourd’hui dans les Indes , et resteroit fort éloigné de ces dimensions gigantesques qu’on se plaît ordinairement à attribuer au mas¬ todonte . Et comme les grands os que possèdent , soit le Muséum britannique , soit le nôtre, soit celui de M. Camper, ne sur¬ passent pas beaucoup en volume ceux que M. Peale a ras~ semblés en squelette, on ne peut pas dire que ces derniers sont venus de quelque individu de taille médiocre.

En calculant d’après les plus grandes dents que l’on ait eues isolément, calcul souvent sujet à de l’exagération, on trouve- roit tout au plus quelles appartenoient à des individus de onze pieds trois ou quatre pouces; et le tibia , cité ci-dessus, du cabinet de M. Camper , en indiqueroit un de onze pieds huit pouces. Ainsi , comme nous l’avons dit au commencement de ce chapitre, il n’y a point encore de morceau qui prouve que le mastodonte ait atteint, encore moins surpassé, douze pieds de roi, de hauteur au garrot.

Le squelette de M. Peale a i5' anglais ou 4 ,55 depuis le menton jusqu’au croupion , comme il s’exprime. Je pense qu’il a voulu dire depuis le bout du museau jusqu’au bord postérieur de l’ischion.

lu éléphant n’a pas cette dimension beaucoup plus considé¬ rable que sa hauteur. Un éléphant de dix pieds ne seroit pas tout-à-fait long de onze, ou de 3,5^. Ainsi le mastodonte étoit beaucoup plus allongé à proportion de sa hauteur que Xélé- phant. C’est ce dont on peut prendre une idée fort juste, en comparant notre pl. V avec notre pl. I sur les éléphans.

6

42

GRAND

io.* Les pieds .

Selon M. Peale ( Hist. disq. , p. 5-j ) , les os des pieds de derrière sont remarquablement plus petits que ceux des pieds de devant ; mais la même chose a lieu dans l’éléphant. Dans ceux de devant , les deuxièmes phalanges se terminent , selon le même auteur, par des rainures qui semblent indiquer que les troisièmes, ou les onguéales, avoient plus de mouvement que dans l’éléphant, et ressembloient davantage à celles de l’hip¬ popotame.

Voilà à quoi se bornent les renseignemens que j’ai pu obte¬ nir ; mais je ne doute pas que les os du tarse et du carpe, examinés séparément , n’offrissent encore des caractères distinc¬ tifs.

ii.° Résumé général.

De toute cette description il résulte :

Que le grand mastodonte , ou animal de l’ Ohio, étoit fort semblable à l’éléphant par les défenses et toute l’ostéologie, les mâ- clielières exceptées 5 qu’il avoit très-probablement une trompe; que sa hauteur ne surpassoit point celle de l'éléphant, mais qu’il étoit un peu plus allongé et avoit des membres un peu plus épais, avec un ventre plus mince; que, malgré toutes ces res¬ semblances , la structure particulière de ses molaires suffit pour en faire un genre différent de celui de l’eléphant; qu’il se nour- rissoit à peu près comme l’hippopotame et le sauglier, choi¬ sissant de préférence les racines et autres parties charnues des

MASTODONTE.

43

végétaux; que cette sorte de nourriture devoit l’attirer vers les terrains mous et marécageux; que néanmoins il n’étoit pas fait pour nager et vivre souvent dans les eaux comme l’hippopo- tame , mais que c’étoit un véritable animal terrestre ; que ses ossemens sontbeaucoup plus communs dansl’Amérique Septen¬ trionale que partout ailleurs; qu’ils y sont mieux conservés, plus frais qu’aucuns des autres os fossiles connus; et que néan¬ moins il n’y a pas la moindre preuve, le moindre témoignage authentique, propre à faire croire qu’il y en ait encore, ni en Amérique, ni ailleurs, aucun individu vivant.

V r ' \

/

-

r v- t i T « .

- U O

; . r :! Y

V T* : î

: Y . ;v ■'

' » 1 . f » Q.J.v ' * .

v: ;7^>- ;

. •’ y] : . :

77 _ •; c:: - . ; ' ' -

'

.

'

7

.

.

fsJ ! : ; . ;

■: ; -c . i . : •'

••• -

. ." ' :

. v'

v':

-j’:.'’: ;; ' rJ: ’’ '

.* .*• .

■' . : . . . .

'

Orafu/ Mastodonte . pl .

'/0üiiiïu^i]

// Zd ' HJÆVaO .ISF Jf

' /J/ ' 7 cl ' ZTlIÆOŒOlL S ’FJtf pi/vus)

2,az ertSarc/ s/e/ .

Grand MASTODONTE . PL . IV.

Coite fr *rcufjp

// 7J KJ. Æ O ao 'J, S’FJlr /»">•''?

Grand JfJSTOT) OJVTÆ . PL .

«

-r V.

Grarul MdS T'ODOJPTÆ. PZ . PLU .

SUR DIFFÉRENTES DENTS

DU GENRE DES MASTODONTES ,

Mais d’especes moindres que celles de VOhio . trouvées enplusieurs lieux des deux continens.

iN ous avons vu , clans le chapitre précédent , que la première gravure d’une grande molaire de l’ Ohio est celle que Guettard publia en 1 702 ; mais ces dents et l’animal dont elles provenoient n’acquirent une véritable célébrité en Europe qu’entre 1760 et 1770, par les Mémoires de Collinson et de William Hunter.

Long-temps auparavant il existoit des notices de quelques- unes de celles dont je vais parler; mais les naturalistes y avoient fait peu d’attention, faute d’objets de comparaison; et lorsque les dents de 1’ Ohio vinrent à être connues , on con¬ fondit les autres avec elles, de manière qu’il m’a été réservé de montrer les différences spécifiques de celles dont on avoit fait mention avant moi, et d’en faire connoitre pour la pre¬ mière fois plusieurs qui étoient ignorées.

DIVERS

La première a été publiée par Grew en 1681 ( Mus. Soc. reS"> pL %• 1 ) sous le titre de Dent pétrifiée dun ani¬ mal de mer. Camper elle cette figure ( Nov. Act. petrop. , II, 2 5g) comme si elle étoit de l’espèce de Y Ohio.

En 1 7 x 5 , Réaumur , décrivant les mines de turquoises de Simorre , et faisant voir que ces turquoises n étoient que des os et des dents de différentes espèces, pétrifiés et imprégnés de quelque oxide métallique, fit graver un fragment d’une dent semblable à celle de Grew , croyant aussi quelle pouvoit venir de quelque animal marin. ( Mém. de l' Ac. des Sc. 17 i5, in- 1 2 , pag. 268. )

En 17 55, DargenvUle en représenta une entière qu’il ju- geoit également d’un poisson inconnu. ( Oryctologie , pl. 18, fig. 8. ) Knorr en donna une autre dans ses Monuinens, sup-. pl. "V III, c.; et JValch , dansson Commentaire sur ces planches, se borna à renvoyer à Dargenville. Ni l’un ni l’autre de ces ouvrages n’indiqua l’origine de son morceau.

On avoit fait venir dans l’intervalle quelques échantillons des dents de Simorre pour le cabinet du roi. Dauhenton les décrivit, mais sans figures ( Hist.nat. XII, n.° iioù, xuo et 1 1 1 1 , et y joignit (n.° 1112 ) le morceau représenté par Réaumur , sous le titre de dents pétrifiées ayant de s rapports avec celles de t hippopotame , tandis qu’il nommoit celles de Y Ohio à six pointes, les seules qu’il connût alors de cette grande espèce, dents fossiles d hippopotame.

Il distinguoit donc dès lors les unes des autres, jusqu’à un certain point; mais bientôt on les confondit entièrement.

Joseph Baldassari décrivit et représenta en 1767 , dans les Mémoires de Y Académie de Sienne , tome III, p. 243 , deux portions considérables de mâchoire inférieure, trouvées au

MASTODONTES.

O

Monte Follonico près de Monte Pulciano , et en jugea les dents absolument semblables à celle de Guettard.

Une de ces dents , très-grande, fut trouvée à T révoux en i 7 8 4, et indiquée par M. de Morve au , dans le t. VI de l’Académie de Dijon . p. 102 , comme si elle eût été de l’espèce de V Ohio.

Camper en parle aussi sous ce nom ( Nov. Act.petrop. Il), et Merck eu fait autant. ( ///.e lettre , p. 28, note. )

On peut donc dire que les naturalistes n’avoient pas donné à ces dents toute l’attention quelles méritoient , et j’eus lieu d’ètre fort surpris lorsque je m’aperçus , par ma correspon¬ dance , quelles étoieut assez communes en différées lieux de X Europe et de X Amérique.

En effet , outre celles de Toscane , de Simorre et de Tré¬ voux , j’en ai vu de Sort près de Dax , dans le cabinet de feu M. de Borda ; M. Defay m’en a prêté de Montahusart près a Orléans ; M de Jussieu m’en a fait connoitre de Saxe ; M. G.- A. Deluc m’en a communiqué une des environs dX Asti en Piémont; M. Fahhroni m’a envoyé des plâtres de celles du val cl Arno qui sont au cabinet de Florence; M. Faujas m’en a rapporté les dessins de trois, trouvées en différons points de la Lombardie. Toutes celles que Dombej et M. de Humbold ont rapportées du Pérou , et celles que ce dernier a trouvées au Camp -des- Géans, près de Santa-Fé en Tierra~ Firme, sont encore semblables. Enfin M. Alonzo de Bar ce- lonne a bien voulu m’envoyer le dessin d’une qui a été prise dans la province de Chiquitos au Paraguay , presque au centre de l’Amérique-Méridionale.

J’en ai encore eu plusieurs, soit en dessin, soit en nature, dont on n’a pu m’indiquer l’origine, mais qui , jointes aux pré¬ cédentes et à celles dont on avoit déjà parlé avant moi , achèvent

4 ^

DIVERS

de prouver que les animaux qui les ont fournies doivent avoir laissé une assez grande quantité de leurs dépouilles.

Toutes ces dents sont hérissées, comme celles du grand mas- lodonie , de pointes coniques plus ou moins nombreuses qui s’usent par la mastication ; et comme nous verrons par la suite que les formes de quelques os trouvés avec ces dents ressemblent aussi à ceux du grand mastodonte , et qu’il y a lieu de croire qu’ elles étoient accompagnées de défenses , on peut eu conclure , avec assez de probabilité, que les animaux dont elles pro¬ viennent étoient aussi du genre des mastodontes.

Mais ces dents se distinguent aussi toutes de celles du grand mastodonte de Y Ohio par quelques caractères spécifiques-. Le principal et le plus général est que les cônes de leur cou¬ ronne sont sillonnés plus ou moins profondément, et tantôt terminés par plusieurs pointes , tantôt accompagnés d’autres cônes plus petits sur leurs côtés ou dans leurs intervalles : d’où il résulte que la mastication produit d’abord sur cette cou¬ ronne plusieurs petits cercles,, et ensuite des trèfles ou figures à trois lobes, mais jamais de losanges.

Ce sont ces trèfles qui ont fait prendre quelquefois ces dents pour des dents d’hippopotame. Nous avons vu ci-dessus que Daubenton leur trouvoit quelques rapports ; et à l’article de l’hippopotame, nous avons aussi rapporté des jugemens sem¬ blables de Pierre Camper et de M. Fanjas :■ mais il est aisé de prévenir le renouvellement de celte erreur. Indépendamment de la grandeur, les dents de l'hippopotame n’ont jamais que quatre trèfles, et celles dont nous parlons en ont ordinairement six ou dix. Il n’y a que les antérieures, sur lesquelles on pourroit hésiter 5 mais nous verrons à leur article qu’on les distingue; aussi aisément.

MASTODONTE S.

II est plus difficile d’assigner les caractères spécifiques de ces diverses dents entre elles ; car elles ne se ressemblent pas entièrement. Il y a d’abord les différences de position dans la mâchoire , que l’on peut juger par le nombre des pointes; il y a ensuite celles de l’âge, qui se déterminent par le degré de la détrition : mais après celles-là il s’en trouve dans la gran¬ deur. les proportions et les détails de leur configuration, qui paraissent devoir les faire rapporter au moins à trois espèces*.

Examinons et comparons successivement ces dents d’après ces rapports.

Je commence par une dent de Simorre , pl. I, fig. 4- C’est celle que décrit Daubenlon, Hist.nat XII, n.° 1109.

Longue de 0,116, large de 0,06, elle est déjà à moitié usée.. De ses six paires de pointes , les deux antérieures sont confondues en un disque à quatre lobes, è; une des mitoyennnes, u, est déjà en trèfle r laissant encore un petit disque rond isolé ; l’autre, df, est elliptique, bilobée ; les dernières, <?,/*, n’offrent encore que quatre disques, dont un seulement commence à se lober. On voit qu’un peu plus usée, cette dent auroit eu trois disques à quatre lobes. En arrière, est un talon de deux pointes mousses sillonnées , dont l’une, g-, est plus liante.

Cette couronne est moins usée , et par conséquent plus haute , du coté des disques non lohés , a , d , e, que npus verrons bientôt être l’externe. Deux grosses racines rompues l’une et l’autre se dirigent en arrière; la postérieure, z, est de beaucoup ia plus grosse : enfin il y a en avant, en J, un aplatissement qui fait juger que cette dent étoit précédée par une autre dans la mâchoire.

J’ai trouvé la même dent encore implantée dans le palais ,, dans le cabinet de M. de Borda à Dax. Elles a les mêmes»

DIVERS

6

éminences, avec les memes ligures et les memes proportions, pl. III, lig. 2; seulement, elle est un peu plus petite et moins usée, les deux disques antérieurs n’étant pas encore confondus.

Elle y est effectivement précédée d’une dent à deux paires de pointes , «, b , et l’on voit en arrière , c , quelle devoit être suivie d’une autre encore.

J’ai trouvé une troisième fois la même dent parmi celles que Dombey a rapportées du Pérou ( pl. I, lig. 7 ) implantée dans une portion de palais, et parfaitement semblable à celle de Simorre par les contours et les proportions , mais un peu plus usée. Les deux disques du milieu sont déjà confondus eu un disque quadrilobé, elles deux postérieurs sont tout prêts de l’être. Il n’y a plus de petite dent en avant; son alvéole a déjà disparu, et le corps de la dent subsistante commençoit même à s’entamer vers a. En arrière est encore , vers b , un reste de l’alvéole de la dent qui suivoit celle-ci.

La dent du Pérou est précisément longue comme celle de Simorre, quoiqu’il en manque un peu en avant, et a o,o5 de plus dans sa plus grande largeur.

Malgré l’éloignement des lieux , il m’est donc impossible de ne pas reconnoitre ces deux dents comme delà même espèce.

Ces pièces constatent donc déjà , outre la forme de cette dent, qu’il y en avoit deux autres à la mâchoire supérieure de l’animal, une en avant qui n’avoit que quatre pointes, et une en arrière.

Elles constatent de plus que ces dents se poussoient d'ar¬ rière en avant comme dans l’éléphant et le mastodonte , et que les antérieures disparoissoient à une certaine époque.

Je crois encore qu’on peut en conclure que la dent anté¬ rieure étoit susceptible de remplacement de haut en bas ,

MASTODONTES.

comme dans Y hippopotame dont les dents de remplacement ne laissent pas de tomber aussi. Ma raison est que cette petite dent de Dax n’est pas encore usée, et qu’il faut quelle soit Tenue après la grande, qui l’est.

Le morceau de Dax nous fait aussi reconnoître une dent de Simorre de notre Muséum ( pl. I , f. 2 ) , à demi-usée, et présentant une figure à quatre lobes en avant , et deux disques ronds en arrière.

Une dent pareille ( pl. III, fig. i4) , mais non usée, et n’of¬ frant que ses quatre cônes, est dans le cabinet de M. Hammer qui en ignore l’origine : seulement elle a un petit talon qui pourroit faire croire que c’est celle de la mâchoire opposée , par conséquent l’inférieure 5 car celle de Dax , qui est la supé¬ rieure, n’a point de talon , non plus que celle de Simorre.

Peut-être aussi est-ce la dent de lait.

I, 'identité d’espèce des dents de Simorre et de celles qu’avoit apportées Dornbey une fois bien constatée , nous pouvons aller plus loin.

Parmi les morceaux de Dornbey , est un fragment considé¬ rable de mâchoire inférieure ( pl. III , fig. 4, au quart de sa grandeur). Il se termine en avant par une espèce de bec , comme celui de Y éléphant et du mastodonte. Ainsi notre es¬ pèce actuelle n’avoit, comme ces deux-là, ni incisives ni ca¬ nines en bas.

Ce morceau contient deux dents : la postérieure , longue de 0,170, large de 0,075, avoit cinq paires de pointes dont les postérieures sont plus courtes; les deux premières sont déjà réunies en figures quadrilobées; les deux suivantes sontprêtes à l’étre; les deux dernières et le talon sont intacts. Telle est donc la molaire postérieure inférieure de notre animal.

DIVERS

S

Ici c’est le coté externe qui est le plus usé : par conséquent c’est l'interne qui est le plus saillant; et cela clevoit être ainsi, pour que les dents d’en bas correspondissent à celles d’en haut, l’inverse a lieu.

Ce sont les pointes externes qui forment des trèfles , et en haut ce sont les internes ; encore suite d’une loi générale dans les herbivores : quand les deux côtés d’une dent ne se ressem¬ blent pas , ils sont placés en sens contraire dans les deux m⬠choires. Ainsi les ruminans ont la convexité des croissans de leurs dents supérieures en dedans , et celle des inférieures eu dehors.

Ou voit aisément , par la convexité de cette longue dent en arrière, qu’il n’y en avoit point derrière elle.

Celle qui est en avant est tellement usée et mutilée qu’on ne peut distinguer sa ligure; mais j’ai bientôt trouvé moyen d’y suppléer.

Nous avons au Muséum une dent de Simorre à six pointes, qui diffère de la première, parce quelle n’a pas de talon. Voyez pl. III, fig. 3, Daub. , XII, n.° ino. Il étoit naturel de croire que c’étoit celle qui répondoit à cette première dans la mâchoire inférieure. Cela étoit d’autant plus naturel à croire, que les dernières dents inférieures de F hippopotame .diffèrent aussi, par l’absence d’un talon, des supérieures qui leur correspondent.

La mâchoire inférieure de Baldassari en donne la certi¬ tude : on y voit cette dent à six pointes en place et sans talon.

Il 11e nousreste donc à connoître que la postérieure supérieure pour avoir toutes les mâchelières de notre animal.

Il n’est pas difficile de voir que c’est la dent de Trévoux 1

MASTODONTES.

9

Ce n’est qu’un germe encore entièrement intact et sans ra¬ cines, long de 0,1 85, large de 0,08 ; haut, depuis le collet jusqu’au sommet d’une des pointes, de 0,06. Cinq sillons pro¬ fonds le divisent en six rangées d’éminences, chacune sub¬ divisée en deux , excepté la dernière. Les éminences par¬ tielles d'un coté ont en avant une partie saillante qui leur auroit nécessairement donné la figure d’un trèfle , si la dent étoit usée à demi. Celles du côté opposé seroient restées ellip¬ tiques. Celles-ci sont donc les intérieures. La dernière émi¬ nence, ou le talon, est un gros mammelon impair , entouré d’autres plus petits.

Il y a donc un talon ou un amas impair d’éminences de plus qu’à la dent postérieure inférieure ; et c’est encore une analogie avec l’hippopotame et un rapport avec la supérieure moyenne.

Toutes ces dents, comparées une à une avec leurs cor¬ respondantes dans le grand mastodonte de f Ohio , offrent un caractère très-sensible dont je me servirai pour dénommer cette espèce : c’est qu’elles sont beaucoup plus étroites à pro¬ portion de leur longueur.

Une fois ces caractères obtenus , il nous a été aisé de re- connoitre les- dents ou portions de dents isolées de cette es¬ pèce qui se sont offertes à nous.

PI. I, fig. 3 du cabinet de M. de Drée , est la moitié anté¬ rieure d’une supérieure postérieure dont toutes les pointes ne font que de commencer à s’entamer. Les racines n’y sont pas développées.

PL II, fig. io du cabinet de M. Hammer , en est une dont la détrition est plus avancée et les racines plus développées.

PI. lV, fig. i et 2 , est dans le même état. Elle a été trouvée

2

10

DIVERS

à la Rochetta di Tanaro , près d 'Asti, et appartient à M. Dincisci à Milan. M. Faujas m’en a donné le dessin : elle est d’un blanc de cire.

PL I,fig. 6, du Pérou , rapportée par Dombey , en estime dont la détritiou est déjà profonde en avant , et, je ne sais par quelle raison , pas encore commencée en arrière.

PL II, lig. i3, du val d’ Arno , envoyée par M. Fabbroni , est la partie postérieure d’une, non encore usée.

PL IV, fig. 3, du cabinet de l’Université de Padoue , est la même partie, plus usée. J’en dois encore le dessin à M. Faujas. Elle est teinte en roux vif, et son émail est très-luisant.

PL I , lig. i , de Simojre ( Daub. 1 1 1 1) , est un germe d’in¬ férieure postérieure , cassé en avant.

PL II, fig. 8, du val d’ Arno , est la partie postérieure d’une inférieure de derrière , peu usée.

PL II, fig- 6, du Camp-des-Ge'ans , rapportée par M. de Humbold , est la même partie , nullement usée ; et fig. 4 , une partie moins considérable qui commençoit à s’user.

PL III, fig. i, de Simorre , est la première rangée d’une postérieure supérieure non encore sortie ni usée.

Quelques morceaux se sont trouvés trop mutilés pour être aussi parfaitement déterminés : tel est le dessin envoyé par M, Fabbroni , d’une dent du val d’Arno, cassée aux deux bouts (PL II, fig- 9) ] la dent casséelongitudinalement, trouvée aux environs à’ Asti par M. G - A. Deluc (PL II, fig. 7 ) 5 celle du cabinet du comte à’ Ario à Padoue , trouvée dans les Alpes cénédoises , et cassée en arrière. ( PL IV, fig. 4- )

Tous ces morceaux viennent bien de la même espèce que les autres dents, quoique l’on ne puisse pas assigner leur place.

M A S T O D O N T E S.

it

Mais j'ai en outre quelques dents bien entières , bien recon- noissables pour appartenir au même genre que les précé¬ dentes , et qu’il m’est cependant impossible de ranger dans la meme espèce.

Telle est la dent deSaxe, envoyée autrefois par le profes¬ seur de Gottiugue, Hugo , à Bernard de Jussieu , et que l’il¬ lustre neveu de celui-ci a bien voulu me communiquer, PL II , idg. 1 1 , entièrement semblable en figure et en propor¬ tions à celle de la fig. 4 , pL I- Elle est exactement d’un tiers moindre.

Je ne connois pas d’espèces sauvages il y ait des diffé¬ rences de taille aussi fortes ; et il faut bien se souvenir qu’il ne s’agit pas ici de l’àge, puisque les dents une fois faites ne croissent plus.

La dent de Montabusard , pl. III , fig. 6 , correspond si bien à celle de Saxe pour sa largeur , que je ne doute pas que ce ne soit un germe de l’une des postérieures de la même espèce, cassé en avant.

Les autres dents sont trop carrées : elles ont les mêmes proportions que celles à six pointes de l’ Ohio , et pourvoient être prises pour elles , sans ces figures de trèfles que l’on ne peut confondre avec les losanges du mastodonte de V Ohio.

J’en ai eu de deux grandeurs.

Les plus grandes ont les mêmes dimensions que leurs cor¬ respondantes de l’ Ohio. M. de Humbold en a rapporté une qu’il a trouvée près du volcan d Imbaburra , au royaume de Quito , à 1200 toises de hauteur. Elle est assez décomposée et encore enduite de cendres volcaniques. Son émail est teint en roussàtre ; elle est longue de 0,12 , et large de o,o85. Voyez pl. II, fig. 1.

12

DIVERS

Le même célèbre voyageur en a trouvé un autre échan¬ tillon à la cordillère de Chiquitos , entre Chichas et Tarijct , près S an t a- Cru x de la Sierra , à iS" de latitude australe. C’est un fragment très-mutilé , dont une racine très-grosse est encore longue de pins de G pouces. La substance osseuse est teinte en roux et l’émail est noirâtre à sa surface.

C’est encore à cette espèce que je rapporte la dent de la même province de Chiquitos , dont M. Alonzo m’a envoyé le dessin. (PI. II, lig. 12. ) Comme elle n’est pas entière en avant, on ne peut assigner sa place 5 mais je juge à son talon qu’elle est, eu la moyenne, on la postérieure d’en haut.

Les dents carrées plus petites ont un tiers de moins , et sont par conséquent aux précédentes comme la petite dent de Saxe est à celle de Simorre. M. de Humhold est encore celui qui les a découvertes. Je lui en dois une qu’il a rapportée de la Conception du Chili ; elle est fort usée, mais bien con¬ servée , teinte en noir, longue de 0,08, et large de 0,06. Voyez pl. II , lig. 5.

Ainsi l’on peut regarder comme certain qu’outre le grand mastodonte de ï Ohio , et celui de moindre taille qui se trouve également à Simori'e et en plusieurs lieux de l’Europe et de l’Amérique , il y en a encore trois autres espèces, savoir : celle de Saxe et de Montabusard, semblable à celle de Simort'e , mais d’un tiers plus petite ; et les deux d’Amérique, à dents intermédiaires carrées, dont l’une égale l’espèce de Y Ohio, et l’autre est encore d’un tiers moindre.

Je nommerai donc la grande espèce , mastodonte de ï Ohio ;

Celle de Si/norre et d’ailleurs , mastodonte à dents étroites;

MASTODONTES.

i3

Celle des petites dents, petit mastodonte ;

La grande à dents carrées, mastodonte des Cordillères ;

Et la plus petite , mastodonte humboldien.

Ainsi le genre se trouvera composé de cinq espèces , toutes également inconnues aujourd’hui sur la terre.

Après avoir ainsi rapporté toutes les dents des espèces se¬ condaires de mastodontes à leur place et à leurs espèces , il s'agiroit de reconnoître et clé décrire les autres os; mais nous en avons fort peu , et presque tous appartiennent à l’espèce à dents étroites.

Nous ne possédons ici du crâne que les deux foihles por¬ tions de palais indiq' iées ci-dessus , et qui étant rompues de toute part ne fournissent aucun caractère.

Le palais du Muséum britannique, représenté par Camper (JV ou. Act. petr. , II, pl. A III), appartient à cette espèce, et non pas à la grande de 1’ Ohio , comme le croyoit ce savant anatomiste. Un dessin de grandeur naturelle, (pie je dois à M. JViedemann , montre, dans la molaire postérieure, toutes les formes de nos dents étroites, qui ont été rendues presque méconnoissables dans la gravure. Or nous apprenons par ce morceau que les molaires supérieures du mastodonte à dents étroites divergent en avant comme celles du grand masto¬ donte de ï Ohio.

L’analogie rend probable que les quatre espèces dont nous parlons aujourd’hui avoient des défenses comme celle de Y Ohio. Nous avons une probabilité de plus par rapport à celle à dents étroites, en ce que Daubenton dit ( îlist. nat. XI, n.* 101 1 ) qu’il a reconnu de l’ivoire parmi les morceaux en¬ voyés des mines de turquoises de Simorre. Cet ivoire vcnoit

DIVERS

G

vraisemblablement des mêmes animaux que les mâchelières qui donnent les turquoises.

Mais pour avoir une preuve directe , il faudroit qu’une dé¬ fense, ou au moins son alvéole, eût été trouvée avec une mâ- ciieiière adhérente; et cela n’est point arrivé.

La mâchoire inférieure est bien celle d’un animal à longues défenses. Celle du Pérou , pî. Ilï, fig. 4, est fort semblable, dans ce que nous en avons, à celle de f Ohio: seulement elle est moins haute à proportion ; son bord inférieur est moins rectiligne, et sa surface externe plus bombée. Les trous men- tonniers sont aussi plus avancés. Sa longueur , depuis l’extré¬ mité de la grande mâchelière jusqu’à l’angle antérieur, est de o,35. La même dimension est de o,4o dans celle de l’Obio : c’est précisément la proportion de leurs grosses dents , longues de 0,20 et 0,175. Mais la proportion de la largeur de ces dents est bien différente : 0,1 î 5 et 0,075. La dénomination de mastodonte à dents étroites est donc bien justifiée.

La hauteur de la mâchoire du Pérou est de o, 1 2 ; celle de l’ Ohio , de 0,18. Leur épaisseur, vis-à-vis le milieu de la grosse dent, o,i 4 et 0,1 5. Ainsi la première est moins haute, mais plus bombée à proportion.

Je n’ai eu pour tout autre os qu’un tibia rapporté du Camp- des-Géans par M. de HumhoUl , et fort mutilé à tous ses angles ; ce qui rend ses caractères peu déterminés.

Il est représenté au quart de sa grandeur, pl. III, fig. 8,

9 , 1 o et 11.

Quoique un peu plus épais à proportion que celui de I Ohio , il ne paroît pas s’en éloigner beaucoup par les formes. Long de 0,40, large en haut de 0,1 5, on voit aussi qu’il est

MASTODONTES.

i5

plus court, à proportion des dents ; car celles-ci , ainsi que les mâchoires , ne sont moindres que d’un huitième , et lui l’est de plus d’un tiers. Le mastodonte à dents étroites auroit donc été beaucoup plus bas sur jambes 5 ainsi sa trompe auroit été plus courte, etc. Mais il ne faut pas se laisser aller aux con¬ jectures sur un seul ossement.

Si l’on pouvoit s’en rapporter à une mauvaise gravure , on auroit encore une mâchoire de ce genre , celle que Joseph Monti a prise pour une portion de tête de morse. Son petit traité à ce sujet est intitulé : De Monumento düwiano nuper in agro hononiensi detecto. Bologne, 1719, in-/}.°, cinquante pages.

Nous donnons , pl. IV, fig. 6 ef 7 , une copie au tiers de la grandeur de l’objet dont il s’agit. Un coup d’œil jeté sur ces deux figures fera juger sans doute à nos lecteurs comme à nous qu’elles représentent une mâchoire inférieure, dont on voit d’un coté le dessous, et dont les dents percent le côté opposé de la pierre. Les deux branches sont rompues en ar¬ rière avec la pierre elle-même, et montrent par leur coupe qu’elles sont fort épaisses. Le petit trou qu’on y remarque est le canal maxillaire. En avant elles se réunissent en une pointe allongée qui paroit n’avoir porté aucune dent. Il n’y a de chaque côté qu’une màchelière longue , étroite , et dont toutes les éminences sont usées ; de manière qu’on n’y voit qu’un disque allongé de matière osseuse , entouré d’un bord d’émail.

Si , comme il est probable , la partie antérieure n’avoit point de dents, cette mâchoire inférieure ne pourroit appartenir qu’au genre mastodonte. Dans tous les cas , elle ne peut venir d’aucun animal connu 5 car il n’y en a aucun qui réunisse tous les caractères que le morceau montre , tels que 1 épaisseur et

DIVERS

16

la rondeur des branches , la longueur des dents et la pointe antérieure.

Ce fossile avoit été trouvé au pied du mont Blanc ano , à 50 milles de Bologne , dans une pierre sableuse bleuâtre, mé¬ langée de coquilles de mer. La portion conservée avoit ~ pouces de long. Chaque branche en avoit 8 détour, et étoit un peu comprimée vers l’insertion de la dent. Celles - ci étoient longues de 3 pouces, à peu près comme les intermédiaires de notre petit mastodonte. Il faudroit donc supposer que la partie de la mâchoire qui contenoit la grosse dent étoit enlevée. Or, en mesurant le contour de notre mâchoire du Pérou, à l’en¬ droit de la séparation de ces deux dents, on le trouve de i3 pouces; ce qui est plus considérable qu’il ne faudroit. Son bec antérieur ne paroît pas non plus avoir été à beaucoup près aussi long à proportion que celui de la mâchoire fossile de Monti.

Cet auteur, quoique botaniste assez habile, entendoit peu de chose à F anatomie comparée. Il n’ avoit jamais vu de tête de morse : mais sachant par ses lectures que cet animal portoit deux longues défenses à la mâchoire supérieure ; persuadé d’ailleurs qu’un fossile trouvé avec des coquilles de mer ne pouvoit appartenir qu’à un animal marin , il s’imagina que les deux branches de cette mâchoire étoient les racines ou les al¬ véoles de ces défenses,. et la pointe formée par leur réunion, une espèce de pédicule qui les a t ta choit au crâne.

On voit qu’il étoit difficile d’arriver à une conclusion plus absurde ; et cependant, sur la seule autorité de Joseph Monti , on a rangé jusqu’à ce jour ce fossile à l’article du morse ( rosmarus trichecus ) , dans les listes des genres de mammi¬ fères trouvés à l'état fossile.

Dargenville , Orict. , p. 334; JValch , dans son Commen-

MASTODONTE S,

r?

taire sur Knorr. , ed. allem. , tom. ïl, i.e partie, p. 170 ; Liu- nœus , Svst. liât. , ed.XII, tome III, p. i56; G me lin , edit. Lin. III , S87 , semblent s’être accordés à copier cette erreur bizarre.

Il paroit que les mastodontes de moindre taille, et parti- cidièrement V espèce à dents étroites , sont plus souvent enfouis avec des corps marins, que ne l’est la grande espèce de V Ohio.

A la vérité, Réaumur n’en parle point dans sa Description des minières de turquoises de Simoj're \ il dit seulement que les dents et les os sont sur une terre blanchâtre, recouverts et encroûtés d’un sable Gu , gris, et quelquefois bleuâtre, mêlé de petites pierres , sur lequel est un autre lit de sable semblable à celui de rivière.

Les grosses dents sont accompagnées de dents plus petites , trop mal dessinées sur les planches pour qu’on puisse les dé¬ terminer exactement. Cependant les unes m’ont paru les dents antérieures à quatre pointes du même animal, et les autres, celles du tapir fossile.

Je ne sais pourquoi Réaumur , et tous ceux qui ont écrit d’après lui , mettent Simorre en bas Languedoc. Cette petite ville, aujourd’hui du département du Gers , appartenoit au comté d ’Jistarrac en Gascogne ; elle est sur la rivière de Gimont. Ou trouve des dents semblables, selon Réaumur , un peu plus bas, à Gimont même, ainsi qu’à Audi sur la ri¬ vière de Gers. Je sais qu’on trouve aussi dans ce dernier en¬ droit des dents de tapir gigantesque.

Il ne reste pas la meme incertitude sur le morceau de M. de Borda. Il avoit été trouvé à Sort non loin de Dax , dépar¬ tement des Landes, dans une couche vraiment marine, avec des mâchoires d’une espèce de dauphin&onl je parlerai ailleurs,

3

DIVERS

îS

des glossopètres , et des mâchoires que j’ai reconnues pour venir de diodons et de tétrodons , lorsque le propriétaire me les lit voir dans son cabinet.

Baldassari ne dit point de quoi la mâchoire qu’il décrit étoit immédiatement accompagnée, mais seulement qu’elle fut découverte par l’éboulement d’un monticule , et que le pays des environs est plein de corps marins \ qu’il y a meme de grosses vertèbres de cétacés au milieu du monte Follonico.

La dent de Trévoux avoit été prise par un M. Loüière dans l’intérieur d’un monticule de sable ; on ne dit rien des autres fossiles qui pouvoient s’y trouver.

Les os fossiles de Montabusard appartiennent à beaucoup d’animaux différens, et notamment à des palceotherium. Ils sont dans un calcaire argileux rougeâtre, à 18 pieds sous la surface , et sur de la craie , avec quelques coquilles que M. de Faj a jugées des limaçons de mer. [ i )

Nous avons vu que la mâchoire inférieure de Joseph Monti est incrustée dans de la pierre sableuse coquillière.

Quant aux os de l’Amérique-Méridionale, les anciens auteurs espagnols en ont fait beaucoup de récits merveilleux. Ce sont eux qui ont donné lieu à tout ce qu’on rapporte des géans qui doivent avoir existé autrefois au Pérou , et sur lesquels on peut consulter la Gigantologie espagnole de Torrubia , ou mieux encore le récit de Pedro Créé a , copié par Garcilasso, lib. IX , cap. IX.

On trouve aussi quelque chose sur ces prétendus os de géans dans divers voyageurs. Legentil dit en avoir vu des restes dans son voyage au Pérou , et même que ses guides lui

(i) Defay, La Nature considérée dans plusieurs de ses opérations , etc., p. 5-j.

MASTODO'H T E S.

montrèrent les traces de la foudre qui les avoient détruits (i \

Ou conserve encore à Lima, soit dans le cabinet public , soit chez divers particuliers, de ces dents qui passent pour être de géans (2).

C est probablement sur une tradition semblable que l’un des lieux i on trouve le plus de ces os, près de Santa- F é de Bogota , est nommé le Camp-des- Géans. M. de Humbold dit qu’il y en a un amas immense. Ceux qu’il a rapportés sont pénétrés de sel marin.

On parle beaucoup plus souvent encore des os de géans du Mexique : mais comme nous n’avons pas vu de dents venues de lAméri que-Septentrionale qui appartinssent aux espèces dont nous traitons maintenant, nous pensons que les os du Mexi¬ que seront plutôt de la grande espèce de l’Ohio , ou même de l’ éléphant fossile; car nous savons que l’on trouve l’une et l’autre en ce pays-là.

Ce que les os de l’Amériquë-Méridionale ont de pins par¬ ticulier dans leur gisement, c’est l’extrême hauteur iis se trouvent quelquefois. Le Camp-des- Géans est à i3oo toises au-dessus du niveau de la mer ; l'endroit d’auprès de Quito et du volcan d ’lmbaburra, à 1200. Nous avons vu que les dents de mastodonte y sont incrustées dans de la cendre volcanique.

Dombey n’a point laissé de note sur le lieu des morceaux qu'il a rapportés; il dit seulement qu’ils étoient pénétrés de parcelles d’argent natif. Il ne m’a pas été possible d’en retrouver les traces ; mais ils étoient incrustés en plusieurs endroits d’un sable ferrugineux endurci. Comme au Pérou les paillettes

(1) IVouv. Voy. autour cln monde , par M. Legenlil , 1728 , 1 , 7 4 et ^5» (a) Journ. littér. de Gcettingen, 27 févr, 1806.

20

DIVERS MASTODONTES.

d’argent se trouvent souvent dans le sable, il est possible qu’il y en ait eu d’attachées à ces os.

Don George Juan (1) dit que l’on trouve des filets d’argent dans les ossemens des Indiens qui ont péri anciennement dans les mines. Peut-être ces deux faits ont- ils quelque liaison.

Il est fâcheux que les prétendues turquoises que fournis- soient les dents déterrées à Simorre n’aient pas acquis dans le commerce un prix suffisant pour faire continuer les fouilles: nous aurions probablement aujourd’hui un plus grand nombre de parties de l’animal à qui elles appartenaient ; mais, outre que la plupart n’avoient point de consistance et éclatoient quand on vouloit les chauffer, celles même qui résistoient à Faction du feu y prenoient rarement une couleur bien égale et bien vive.

(î) Voyage au Pérou , trad. fr. in-4* I, 527.

; «

divers Mastodontes . pl .

diffus ÆysroDOJvi'Es . pi. a.

Fy.S.

Fia . 20 .

Fia . 12 .

Fÿ.z,

jdifers Mas tOjDojvtjus . pl . /r.

Coue& scr/fe.

RÉSUMÉ GÉNÉRAL

DE LA PREMIÈRE PARTIE.

Les terrains meubles qui remplissent les fonds des vallées et qui couvrent la superficie des grandes plaines nous ont donc fourni , dans les seuls ordres des pachydermes et des éiéphans , les ossemens de onze espèces, savoir : un rhinocéros , deux hippopotames , deux tapirs , un éléphant et cinq mas¬ todontes.

Toutes ces onze espèces sont aujourd’hui absolument étran¬ gères aux climats l’on trouve leurs os.

O

Les cinq mastodontes seuls peuvent être considérés comme formant un genre à part et inconnu , mais très-voisin de celui de l’éléphant.

Toutes les autres appartiennent à des genres aujourd’hui encore existans dans la zone torride.

Trois de ces genres ne se trouvent que dans l’ancien conti¬ nent : les rhinocéros , les hippopotames et les éiéphans ; le qua¬ trième , celui des tapirs , n’existe que dans le nouveau.

La même répartition n’a pas lieu dans les ossemens fossiles. C’est dans l’ancien continent que l’on a déterré les os de tapirs ; et il s’est trouvé quelques os à! éiéphans dans le nouveau.

Ces espèces, appartenantes à des genres connus, diffèrent néanmoins sensiblement des espèces connues, et doivent être considérées comme des espèces particulières, et non pas comme de simples variétés.

La chose ne peut être sujette à aucune contestation pour le petit hippopotame et pour le tapir gigantesc/ue.

a RÉSUMÉ

Elle est encore Lien certaine pour le rhinocéros fossile ;

Un peu moins évidente pour X éléphant et le petit tapir- fossiles , il y a cependant des raisons plus que suffisantes pour en convaincre l’anatomiste exercé.

Enfin, le grand hippopotame est le seul de ces onze qua¬ drupèdes fossiles dont on n’ait point assez de pièces pour pouvoir dire positivement s’il différoit ou ne différoit point de X hippopotame aujourd’hui vivant.

Sur les onze espèces , une seule, le grand mastodonte , avoit été reconnue avant moi pour un animal perdu : deux autres , le rhinocéros etl’ éléphant , avoient bien été déterminées quant au .genre 5 mais je suis le premier qui ait montré avec quelque exactitude leurs différences spécifiques; sept , savoir : le petit hippopotame , les deux tapirs et les quatre mastodontes de moindre taille, éloient entièrement inconnues avant mes re¬ cherches; enfin la onzième, le grand hippopotame , reste en¬ core aujourd’hui sujette à quelques doutes.

Tel est le résultat ostéologique de cette première partie de notre ouvrage. Tels sont les divers degrés de certitude aux¬ quels nous avons pu amener les différentes propositions dont ce résultat se compose.

Quant au résultat géologique , il consiste principalement dans les remarques suivantes.

Ces différens ossemens sont enfouis presque partout dans des lits à peu près semblables; ils y sont souvent pêle-mêle avec quelques autres animaux également assez semblables à ceux d’aujourd’hui.

Ces lits sont généralement meubles , soit sablonneux , soit marneux; et toujours plus ou moins voisins de la surface.

Il est donc probable que ces ossemens ont été enveloppés

DE LA PREMIÈRE PARTIE,

par la dernière ou l’une des dernières catastrophes du globe.

Dans un grand nombre d’endroits, ils sont accompagnés de dépouilles d’animaux marins accumulées; mais dans quel¬ ques lieux moins nombreux , il n’y a aucune de ces dépouilles: quelquefois meme le sable ou la marne qui les recouvrent ne contiennent que des coquilles d’eau douce.

Aucune relation bien authentique n’atteste qu’ils soient re¬ couverts de bancs pierreux réguliers , remplis de coquilles marines, et par conséquent que la mer ait fait sur eux un sé¬ jour long et paisible.

La catastrophe qui les a recouverts étoit donc une grande inondation marine, mais passagère.

Celte inondation ne s’élevoit point au-dessus des hautes mon¬ tagnes; car on n’y trouve point de terrains analogues à ceux qui recouvrent les os , et les os ne s’y rencontrent point non plus, pas meme dans les hautes vallées, si ce n’est dans quel¬ ques-unes de la partie chaude de l’Amérique.

Les os ne sont ni roulés ni rassemblés en squelette, mais épars et en partie fracturés. Ils n’ont donc pas été amenés de loin par l'inondation , mais trouvés par elle dans les lieux elle les a recouverts, comme ils auroient dùy être, si les animaux dont ils proviennent avoient séjourné dans ces lieux , et y éloient morts successivement.

Avant cette catastrophe , ces animaux vivoient donc dans les climats l’on déterre aujourd’hui leurs os; c’est cette catas¬ trophe qui les y a détruits , et comme on ne les retrouve plus ailleurs, il faut bien quelle en ait anéanti les espèces.

Les parties septentrionales du globe nourrissoient donc au¬ trefois des espèces appartenant aux genres de Y éléphant , de X hippopotame, du rhinocéros et du tapir, ainsi qu’à celui du mastodonte , genres dont les quatre premiers n’ont plus

4 R É S U M É DE LA PREMIÈRE PARTIE.

aujourd’hui d’espèces que dans la zone torride , et dont le de i nier n’en a nulle part.

Néanmoins , rien n’autorise à croire que les espèces de la zone torride descendent de ces anciens animaux du Nord qui se seroient graduellement ou subitement transportés vers l’équa¬ teur. Elles ne sont pas les mêmes ; et nous verrons, par l’exa¬ men des plus anciennes momies , qu’aucun fait constaté n’au¬ torise à croire à des changemens aussi grands que ceux qu’il faudroit supposer pour une semblable transformation , sur¬ tout dans des animaux sauvages.

Il n’y a pas non plus de preuve rigoureuse que la tempéra¬ ture des climats du Nord ait changé depuis cette époque. Les espèces fossiles ne diffèrent pas moins des espèces vivantes ,

1e certains animaux du Nord ne diffèrent de leurs congé- nères du Midi ; l'isatis de Sibérie, par exemple ( canis lago- pus ) , du chacal de l’Inde et de l’Afrique ( catiis aureus ). Elles ont donc pu appartenir à des climats beaucoup plus froids.

Ces résultats, déjà en grande partie indiqués dans l’article de l’éléphant, me paroissent tous rigoureusement déduits des faits exposés dans cette première partie.

Ils seront confirmés par les ossemens de carnassiers , de ruminans et autres, trouvés dans les mêmes couches meubles; mais avant de parler de ceux-là, nous allons traiter des pa¬ chydermes inerustés dans des couches pierreuses régulières , et recouverts par des bancs réguliers marins. Ils appartiennent à une époque beaucoup plus ancienne que ceux dont nous avons traité jusqu’ici ; et nous allons voir aussi qu’ils diffèrent beaucoup plus qu’eux de tous les animaux aujourd’hui vivans: ce sont v raiment eux qui semblent reparoître dans cet ouvrage comme une création toute nouvelle.

€»■