aQ COLLECTION ACADEMIQUE. TOME HUITIEME, Partie Francoife. 1 Q$l ******* ■ COLLECTION ACADEMIQUE, COMPOS&E Des Memoires , A&es ou Journaux des plus Celebres Acad EM r E s &. Societes Litteraires de l'Europe. CONCERN ANT L'HISTOIRE NATURELLE, la BOTANIQUE, la PHYSIQUE, la CHYMIE, la MEDECINE l'ANATOMIE, la MECHANIQUE, &c. ltd res accedunt lumina rebus. TOME HUITIEIV1E, Partie Francoife. Cotitenant la fuite de THifloire & des Me" moires de VAcademie Royals des Sciences de Paris. ••vtt^B* A PARIS, Chez G. J. Cuchet, Libraire , Rue & Hotel Serpente. A LIEGE, Chez C. Plomteux, Imprimeur de MefTeigneurs les Etats. M. D C C. L X X X V. *rfvtc Approbation & Prhilege Ju Roi. ■ ... TABLE D E S M E MO I R E S CONTENUS DANS CE VOLUME. & PHYSIQUE. >ur la Rope p-1ge » Sur la Pourpre d'un Coquillage de Provence 4 Surles hincelles produites par le choc de V Acier contre un Caillou , par M. de Reaumur ■ Obfervations de Phyjique g/ne'rale • ' > Sur I'Eledricite '5 Sur la propagation du Son , & de J'es different tons 19 Obfervations de Phyjique genirali H Sur la vitejfe du.fon i" Sur la rifexion, la rej'raSion, & la diffraction de la lumierc 28 Obfervations de Phyjique gln£rale ••• 39 Sur la vapeur qu'on appercoit dans le recipient de la machine pneumatique , lorfqu'on commence i rarifier I' air qu'il contient. 4 2. Sur les Inflrumens propres aux experiences de I' air 45 De la diffraction ou inflexions des rayons 5 J Sur les Anaclafliques ou Rtfracloires , nouvelle ejpece de Courbes. 5 5 Obfervations du Barometre , faites fur les montagnes du Puy-de- Dome , du Mont d'Or & du Canigou 6i ObJ'ervations de Phyjique glnirale 63 BOTANIQUE. \^J SSERVATiOVS fur la Senfitive , par M. du Fay. 67 Sur la maniere dont les Arbres croiffcnt , & J'ur les dommagcs que la gek'e leur fait % * Obfervations Botaniques 8 7 vJ TABLE Moy en facile d'augmenter la folidite , la force & la.duried~u.boii, par M. de Buffon S? Sur I'arbre du Quinquina ,■ par M. de la Coiidamine........ 9^ Sur une Racine qui a la faculti de-teindre ef rouge les os des ani- maux vivans , pair M. du Hamel -. m EJfaisJUr I'ufage de la plante , nominee par C. Bauhin , Poly gala vulgaris, par M. du Hamel J 15 Hifloire d'une plante , connue par les Botanifles /bus le nam de Pilularia , par M. Bernard de Juflieu 1 1 S Manoire fur la confervation & le . raablijfement des forets , par M. de Buffon • J — •• 15° Obfervations fur quelques plantes yinimeufes , par M. Sauvage de la Croix Hi Hifloire du Lemma, par M. Bernard de Juflieu.... 145 Experiences fur la force du bois , par M. tie Buffon 150 Diverfes objenations fur le Gui , par M. du Hamel 160 H. ISTOIRE NATURELLE.... 169 C H Y M I E. Jm les Vitriols & fur I'Alun '7$ Sur la bafe du Sel marin • x7» Sur I'Antimoine & fur un nouveau Phofphore de'tonnant. . 178 Conjectures fur la couleur rouge des yapeurs de Vefprit de Nitre & ' de VEau-forte , par M. Hello t 181 Maniere de purifier le Plomb & V Argent , quand Us fe trouvent allies avec i'itain, par M. Groffe 19+ Nouvelle Encre fympathique , ou Teinture extraite des mines de Bifmuth, d'A{ur & d'Arfenic. iyS Le Phofphore de Kunckel , & analyfe de I' Urine , par M. Hellot... 219 Sur le melange de quelques couleurs dans la Teinture 24+ Obfervations Chymiques M^ Surl'Etain •••• M8 Sur du Sel de Glauber trouvi dans le Vitriol 150 Maniere de priparer les extraits de certaines Plantes , parM. Geof- froy 1'1 Art de faire une nouvelle efpece de Porcelaine , par des moyens extremement fimples & facile s, ou de transformer le Verre en Porcelaine. Premier manoire, ou I'on examine la nature & les quality's de la nouvelle Porcelaine, & ou Von donne une idii ginirale de la maniere dt la faire , par M. de Reaumur. 261 DES MiMOIRES. vij Sur le Remede Anglois pour la Pierre 174 Sur la Liqueur e'the're'e de M. Frobenius, par M. Hellot 185 Obfervation Chymique 199 Sur les Teintures ibid. Sur I' Union du Mercure avec I'Antimoine , avec I'Etain , £• avec Le Plomb jci Examen des Remedes de Mademoifelle Stephens , pour la Pierre. 301 Moyen de preparer quelques Raines a la maniere des Orientaux , par M. Geoftroy ibid. Examen du Sel de Pecais , par M". Lemery , Geoffroy & Hellot.... 305 ANATOMIE. v LJ UR les caufes qui arritent les He'morrhagies 3 1 15 Obfervation Anatomique. Mujcles Jurnume'raires 316 Obfervations Anatomiques is Pathologiques , au fujet de la tumeur qu'on nomme. Anc viifine , par M. Petit 317 Obfervations Anatomiques 314. Sur la formation des Monflres 315 Sur la difpojition naturelle que nous avons a faire certains mouve- mens avec les deux mains a la fois , ou avec les deux pieds a la fois , plus facilement en fens contraire qu'en meme Jens ; 6* fur la difficult*! naturelle de faire a la fois avec les deux mains , ou avec les deux pieds certains mouvemens differens , dont V alternative n'a aucune difficulte. 334. Obfervation Anatomique. Sur la Rate 336 De la circulation du Sang dans le Foetus , 6 du premier 6' prin- cipal ufage du trou ovale ibid. Obfervations Anatomiques 34.5 Sur I'origine des Tuniques de I'QEtl 34.^ Obfervations fur I'Anatomie de la Sang/he 550 Experiences fur la refpiration 3^ Recherches fur les caufes de la flruclure fmguliere qu'on rencontre quelquefois dans diffirentes parties du corps humain 3 58 Des incommodite's & des infirmitis qui rejultent de certaines atti- tudes & de certains habillemens 3 ' : Obfervations Anatomiques 5 (, i T, CHIRURGIE. A 1 1 l e I at d rale 3 6 5 Second Me/noire fur la Fifuk lacrymak > par M. Petit 3.66 VII] T A B L E D E S - M E M O I R E S. o, M E D E C I N E. BSERV4TIONS de Midecine .' 579 Me'moire dans lequel on examine fi I'Huile d' Olive eft un Jpe'cifique contre la morfure des Viperes , par Mrs. Geoffroy & Hunauld. 381 Rapport de ce qui eft arrive" a des Homme s mordus par des Viperes. 3 8 5 Obletvations de Me de cine ;.; .;; 389 M & CH A N I Q U E. <3 ur quelques Problemes de Dynamique > par rapport aux tractions. 395 Sur la Vis d'Archimede }99 Sur la longueur du Pendule dans la Zone Torride +02 Sur le Mouvement de deux liquides qui fe croifent. 404 Objervation de Mechanique 4p5 Machines ou Inventions approuvies par I'Acade'mie , en 1736. ibid. Regies pour connoitre I'ejfet qu'on doit efpirer d'une Machine 406 Machines ou Inventions approuvies par I'Acade'mie , en 1737 4°^ Sur I'aclion d'une Balle de Moufquet qui pent percer un corps folide fans le mouvoir fenfiblement 4 ' r Sur le Confluent ou Jonclion des Rivieres 41 3 Des moyens de remidier aux abus qui fe font glife's dans I'ufage des differentes mefures 4 r 5 Sur les Machines a e'lever I'eau 4'9 Suite de I'ejfai d'une Thiorie nouvelle de Pompes , par M. Pitot. 42.3 Machines ou Inventions approuvees par I'Acade'mie , en tJ3$) 45 5 Maniere fort Jimple de fe Jervir d'Horloges de moyen volume, au- lieu de grojfes Horloges , dans les cas oil Von eft oblige1 de les faire Jonner fur des Timbres fort gros & fort (loignis , par M. Grandjean de Fouchy 434 Sur un Probleme de Statique , qui a rapport au mouvement perpituel. 43? Sur les Fuft'es volantes 438 Machines ou Inventions approuvies par I'Acade'mie , en 1740 441 OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES. O BSERVATIONS Mitiorologiques fakes a I'Obfervatoire Royal pendant les anne'es 1736, 1737, t738 > *739 & '74° 445 Fin de la Table des Memoires. ABREGE 9) . __; A B R E G E DE L'HISTOIRE E T DES M £ M O I R E S DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. PHYSIQUE. S U R LA R O S E E. ^^ N phyfique, des qu'une chofe peut etre de deux fjcons,™ A cy\ e"e e^ ordinairement de cclle qui eft la plus contraire p Jjj aux apparenccs. 11 eft poflible que la terre tourne autour J| du loleil , ou le foltil autour de la terre , & e'eft ce dernier qui paroit aux yeux de tout le monde , ce lira done le premier qui fcra le vrai. On en fourniroit mille autres cxeroples , en void un des plus recens. La rofee peut egalement tomber d'une certaine region de l'air, ou s'elever de la terre ccmir.e une vapeur , julqu'a cette region. Tout le monde jugc qu'elle tombe , e'eft un don du ciel, il en tavorife la terre, &:c. 11 n'en eft rien ; la rofee s'elevc de la terre, du moins ce qu'on appelle proprement rofe'e , ces gouttes d'eau imperceptibles chacune a part, mais qui le peuvent ailment Toms VIII. Partie Francoije. A H Y S I Q U 1 Annie i~ Iliu. i A B RZ G £ DES Mi MOIRES — . ..._— ..mmamm nnyifor j qlle l'on trouve le matin jufqu'a line certaine heure furies Physique. Planres » fur le lin&e ' &c\, Quelques membres de l'academie eurent cette idee des 1687, peut- Annie IJ36. etre meme n'a-t-elle pas etc inconnue a des auteurs plus anciens. Elle fera venue fort naturellement a ceux qui auront feuleinent obferve que les cloches de verre qu'on met fur les plantes , fe trouvent le matin routes humectees en dedans, quoiqu'elles ne puiflent avoir eu de communica- tion avec l'air exterieur. M. Gerften, favant Allemand , a eu cette pen- fee , & s'en eft fortement perfuade par toutes fes experiences , mais M. Muffchenbroeck , celebre profeffeur en philofophie a Utreclft , & correlpondant de l'academie , l'a revoquee en doute, & a fait de fon cote un grand nombre d'experiences qu'il a communiquees a l'academie par M. du Fay. Celui-ci frappe de faits finguliers & inattendus qu'on y apprend, n'a pu refifter a l'envie de verifier & de fuivre les obfervations de M. Muffchenbroeck , & il s'eft mis a travailler fur cette matiere > corame toute neuve. II a conflate d'abord que la rofee s'eleve de la terre qui a ete echauf- fee par la chaleur du jour. Ce n'efl pas que la rofee ne s'eleve aufli pen- dant le jour, & plus abondamment felon l'apparence, mais elle eft en meme-temps diffipee , evaporee. M. du Fay ayant pofe au milieu d'un jardin , dans le mois d'odtobre & dans de beaux jours , line grande echelle double, haute de plus de 31 pieds , y a mis fur des planches, a plulieurs hauteurs differentes, des carreaux de vitres, de forte qu'ils ne s'ombrageaffent point les uns les autres, & fe prefentaffent a la rofee avec un avantage egal. II y en avoit un des le pied de l'echelle. Que falloit-il qu'il arrivat en cas que la roiee s'eleve! II falloit que le carreau du pied de l'echelle fut humeifte le premier , & ne le flit d'abord qu'en deffous, qu'enfuite & un peu plus tard il le flit aufli en dedus , mais moins, & que le carreau immediatement fuperieur , le fut en deffous prtfque en meme temps , & qu'enfin la rofee continuat toujours julqu'au haut dc l'echelle cette marche reguliere , & e'eft pr^cifement ce qui eft arrive. Ce n'eft pas pourtant qu'on dojve toujours s'attendre a cette grande regularity , l'extreme diverlite des circonftances ne la permet pas. Par cxemple , la rofee etoit montee fucceflivement , 8c, pour ainfi dire, er» bon ordre jufqu'a line certaine hauteur pendant un certain temps ; il fur- vient un vent qui la diflipe a mefure qu'elle s'eleve, & il dure jnfqu'aii temps oil elle eiit gagne le haut de l'echelle , elle fe trouvera done en un moment portee depuis l'endroit oil elle a ete interrompue , jufqu'a 1'en- droit le plus haut, & fa marche n'aura plus le caractere qu'elle avoit, dc fe fiire de bas en haut. II en ira de meme a proportion d'un froid oil d'un chaud accidentel & fubit, la regie fera troublee , mais on verra ai- ftment qu'elle ne fera que troublee, & qu'il en reftera un fond bien marque, qui dominera toujours. Ainli quand M. du Fay, en tournant l'experience d'une autre facon , a voulu voir fi des morceaux egaux de drap ou de linge , fufpendus a differentes hauteurs , ne fe chargeroient pas inegalement de rofee , ce DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. j qu'il devoit aifement reconnoitre par leur augmentation do poids, il s'elt""M,M"""^ toujours trouve, niais en general feulement, & avec quelques variations P h y s 1 Q u E. particnlieres , que les morceaux les plus elcves etoient les moins charges de rofee , & au contraire , marque fuflifante & fure que la ^nnee t73^- rofee monte. M. Mudchenbroeck ayant fait les obfervations fur la terraffe de l'ob- fervatoire d'Utrecht , a vu que des corps qu'il y expofoit a l'air , fe char- geoient de rofee , & comme cette terraife eft couverte de plomb , il a concu que cette rofee n'etoit pas fortie de ce plomb , & que par confe- quent elle etoit tombee d'en haut. Elle n'etoit pas effectivement fortie du plomb , mais dc la campagne des environs , d'oii elle s'ctoit repandue fur la terraife. II eft nature! & neceffaire que cette vapeur exhalee de la terre , fe porte ck & la. au gre de la fluctuation de fair. M. du Fay s'en eft encore alfure par des experiences faites a Paris fur une pareille terraife. Voila done le mouvement par lequel la rofee mbntc , nflez etabli , bien entendu qu'elle pourra retomber li , avant que de fe diflipcr par la chaleur du jour , elle fe ramafle en grodes gouttes que fair ne puifle plus foutenir. II pourra y avoir audi d?s brouillards epais qui tomberont de fair fur la terre, mais ils ne leront pas ce qu'on appelle communement & proprement rofee. Non-feulement elle monte, mais elle monte toute la nuit d'un cours contiuu. M. du Fay y ayant expoie pendant une nuit du mois de juin un morceau de drap qu'il avoit la curiolite d'aller vihter & pefer prefque d'heure en heure , le trouva toujours augments; de poids a chaque pefic par rapport a la precedente. Venons maintenant a des faits beaticoup plus curieux dus en premier lieu a M. Mutkhenbroeck. II a obferve, & M. du Fay l'a tres foigneufe- ment verifie apres lui , que pluneurs difterens corps expofes a la meme rofee, s'en chargent tres-dirferemment , les ons plus, les autres moins, quelques-uns point du tout. II femble qu'elle y fade un choix. Les verres & les cryftaux font ceux qu'elle prefere a tous les autres, elle ne touche point aux metaux. II nous lutfit de fixer ces deux extremes , & nous pouvons laiifer tout l'entre-deux indetermine. Les deux extremes font fi bien marquis , qu'un vafe de cryftal etant mis fur un plat d'argent qui le deborde tant qu'on voudra , le vafe fera tout humecte de rofee , & les bords du plat parfiitement lees. La porce- laine eft une efpece de verre •, fix livres de mercure ayant ete miles par M. du Fay dans un plat de porcelaine qui avoit des rebords expofes a l'air , couloit fur ces rebords comme de petits ruiffeaux de liqueur , tandis qu'il n'y en avoit pas la moindre apparence fur la furface du mercure. II vient adez naturellement a Peiprit , que la rofee recue par difterens corps, s'evapore plus aifement de dedus les uns que de dedus les autres qui la retiendront moins, & que par confequent on trouvera les uns fees, & les autres humedes -, mais M. du Fay a ailement prouve que dans ceux qu'on trouYe fees il faudroit que l'evaporation fe fit avec une promptitude A ij + ABREGE DES ME MOIRES -^-■" q„i n'eft pas poffible , vu les obftacles ou les retardemens qu'il a en p « foin d'y apporter. II refte done que la rofee s'attache a certains corps & 1 h y »i Q v -iion ^ Smites, a pen pres comme l'eau d'un etang moujl era violem- Aanit ijtf. ment un barbet, & nuliement un eigne; ce lera un grand hquide, qui augmentant toujours pendant le cours d'une nuit, fe repandra dans lair . en tous fens, mouillant ou ne mouillant pas les corps qu'il rencontrera, felon les difpolitions de leurs furfaces. Cela meme prouve^ que la rofee ne tombe pas , mais monte. Si elle tomboit , qui l'empecheroit d'etre recue , & de fejourner du moins quelque temps dans un vafe creux de " metal dont la cavite feroit tournee en enhaut.3 La rofee y feroit neceffai- rement contenue , quoique fans le mouiller , & on la trouveroit. Si elle monte, il eft evident qu'on ne la trouvera pas dans ce vafe, meme tourne en embas , & oppofe, comme dans l'autre cas , au mouvement qu'on lui fuppofe. Mais il eft vrai que ce font la de petits fyftetnes precipites , qui ne lont pas encore t'rop de faifon, fi ce n'eft peut-etre parce qu'on le fait mieux line idee des bits, quand on imagine line caufe, quelle quelle foit, qui les lie. M. du Fay promet d'approfondir beaucoup davantage toute cette matiere. Il entrevoit deja de loin quelque rapport entre les phenomenes de la rofee & ceux des corps elcctriques & des corps qui donnent des phofphores. II a decouvert que tons les corps qui peuvent etre frottes , deviennent eledriques [a) hormis les metaux, & que tous les corps, hormis encore les metaux, peuvent devenir phofphores {b), & void maintenant que les metaux ne recoivent abfolument point de rofee, & apparemment font les feuls qui la refufent li abfolument. II pourroit y avoir la quelque liaifon , la preemption eft grande que tout fe tient dans la nature , & plus intimernent qu'on ne penfe communement , mais il faut que ce foit une grande etude des parties en detail , qui nous eleve affez haut pour decouvrir dela ces connexions li etendues. (a) Collect. Acad. Part. Fr. Tome VII. p. 49. & fuiv. (J) Collect. Acad. Part. Fr. Tome VI. p. 214 & fuiv. Sur la Pourpre d'un Coauillage de Provence. Ilift. VJE coquillage eft tres-connu , bien decrit , & on fait li bien qu'il fournit une liqueur couleur de pourpre , qu'on lui donne le nom de pourpre ou purpura. Mais comme on n'a pas pu en tirer aucun profit puir la teinture, on a neglige d'examiner cette liqueur , & M. diiHamel, s'etant trouve en Provence, a fait, en qualite de phylicien, ce qu'un tein- turier auroit juge fort inutile. Nous avons parli en 171 1 des Euccinum de Poitou & de cer- tains grains decouverts par M. de Reaumur, qui donnent une belle cou- leur de pourpre , finguliere par les circonftances neceffaires pour la faire paroitre. Nous fuppoYons tout cela ici. La pourpre de Provence a des 2 DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5 fingularites pareilles, & c'cft a cet egard que M. du Hamel l'.i examinee — MMMI par un affcz grand nombre d'experiences. P h y S I 6 U 1 Le fuc , qui dans crs coqiiillages fait !a coulciir dont il s'agit , eft blanc uand ils lout bien fains & bicn conditionhes. A peine eft il expole au Anme 1736' oleil, n'a eu d'erreur a craindre que fur la mefure du temps employe par le fon a parcourir un certain dpace, & on s'eft bien allure que 1'on ne D .j iS AB R E G £ DES MEMOIRES ipouvoit fc tromper que d'une demi-fcconde. Elle fera line certaine partic p du temps total, conime yi^, & rendra incertaine line pareille partie de 'l'eipace parcouru. Dans une dcs experiences, le temps a ere de i< 25", Annie IJ3S. oil de 85", ou de 170 demi-fecondes. Done line demi-feconde etoit alors ■— du temps , & donnoit —^ d'errcur poffible fur l'efpace , e'eft-a- dire, a-peu-prcs une toife, puilque cent ieptante approche beaucoup dc cent ieptante-trois, nombre des Toifes que toutes les experiences concou- rcnt a donner pour l'efpace parcouru en une feconde par le Ton. Done il ne pent y avoir dans la mefure de cet elpace que une toile d'erreur a craindre. Quand le temps employe par le fon fera plus grand que 1' 25W, ou, ce qui revient au meme , quand on operera fur de plus grandes diftan- ces, une demi-feconde fera une moindre partie du temps, & on aura moins de une toile d'erreur a craindre lur l'elpace. Au-lieu de mefurer la viteffe du fon par des diftances connues, on pourra , par la viteffe du fon connue , mefurer des diftances , telles que des largeurs de grandes embouchures de rivieres, de grands lacs autour def- quels on ne tourneroit pas facilement. II eft vrai que Ton fera affujetti a prendre des temps calmes, fi Ton veut eviter l'embarras d'avoir egard a la vitefle du vent , & que l'on ne pourra pas attendre la meme precifion que des mefures trigonometriques, mais il y a des cas 011 elle n'eft pas neceffaire. Encore une utilite furnumeraire que l'on a tiree des experiences fur le fon , e'eft d'avoir vu que la lumiere de la poudre a canon ne diminne pas tant a beaucoup pres par les diftances que celle des autres feux , & quelle conlerve prefque toute fa vivacite dans des brumes ou d'autres difparoitroicnt. Ainfi an canon que l'on tireroit, ou une livre de poudre que l'on allumeioit (implement a fair libre, avertiroient mieux un vaiffeau qui approche de la cote, qu'un fanal qu'il n'appercevra peut-etre pas. II feroit apparemment difficile de trouver quelque verite qui ne piit avoir qu'un feul ufage. Sur la reflexion , la refraction j & la diffraction de la lumiere. T Tlifr. 1—iifpeclre de M. Newton eft fort fameux dans l'optique , & fi on veut l'exalter, on peut dire qu'il a fait une optique nouvelle. On fait pafler par un ties- petit trou, perce au volet d'une fenetre dc la chambre obfeure, un rayon du foleil , auquel on expofe un prifme qu'il traverfe en s'y rompant deux fois , l'une lorfqu'il y entre , l'autre Jorfqu'il en fort, apies quoi il va fe jetter fur un papier 011 carton blanc, pofe a une certaine diftance qui le termine. Si le rayon avoit ete imme- diatement du trou du volet au carton , & fans fe rompre en chemin , il eft certain que tous les rayons partis de tous les points du foleil s'etant croifes au trou du volet, iroient de-la en divergeant toujours former fur le carton un efpace circulaire rempli dune lumiere blanche ck uniforme. DE L'ACADEMIE RO'iALE DES SCIENCES. 19 d'autant plu=; grand que le carton feroit plus eloigne du trou, piiifgn'il ^— — — — ■ — recevroit la bale d'un cone lumineux dont le fonimet feroit au trou. Cc ,> ( fcroit-la une vraie image du foleil. Mais il n'en va pas ainfi quand le prifme eft entre Ic trou & le carton. Annie 1J38. L'image Hu foleil n't ft plus ni ronde ni blanche, ni uniformement lumi- nculc. C'eft une b.mde oblongue > dont la longueur eft cinq fois plus gran'de que la largeur, divilce tranfvcrfalemcnt, & perpendiculaircnicnt a /a longueur en it pt petites bandes paralleles entr'elles, dont chacune a fa coultur diffcrente des autres , & bicn marquee. Ces couleurs font rangees felon cet ordre, rouge, orange, jaune, verd , bleu, indigo, violet. II n'y a point de blanc. C'eft cette image du lolcil li dctiguree, quoique regu- liere a fa facon, que M. Newton a appellee Jpeclre , d'un mot latin moins doux & moins familier aux oreilles francoifes que n'auroit etc celui & image. II l.uite aux yeux que le fpectre ne pcut etre produit que par les re- fractions que le rayon recti par le trou avoit fouftcrtcs dans le prifme ; mais M. Newton a plus flnement apperai que ce rayon, quelque etroit , quelque liniaire qu'il piit jamais etre, ce qui ne depend que de la peti- teffe du trou , devoit toujours etre un faifceau des rayons qui louffroient des refractions inegales , puifqu'il n'y avoit que cette inegalite qui put les ieparcr. caufer aux uns un plus grand ecart, un moindre aux autres, & par-la rendre oblong le fpectre, qui naturellement cut ete rond. Quant a fa largeur , elle ne vient que de Tangle fous lequel fe croifent en paffant par le trou les rayons tires des deux extremites d'un meme diametre du foleil , & cet angle eft d'autant plus petit que le trou l'eft davantage. Le fpectre n'eft pas feulement oblong , il eft colore & differemment colore en fes differentes parties. Done, adit M. Newton, aux differentes refrac- tions appartiennent differentes couleurs, & il a trouve de plus par expe- rience qii'un des rayons du faifceau total, qui avoit pris une certaine cou- lcur, ne la perdoit plus pour avoir ete rompu de nouveau, & la confer- voit fans alteration. Ce qui lui donne fa couleur, 011 plutot la fait paroitre, c'eft d'avoir ete fepare des autres , car tous enfemble ne font que la lu- miere 011 le blanc , & ce qui fepare un rayon des autres , c'eft qu'il eft plus ou moins refrangible qu'eux , c'eft- a-dire, que tombant lur an mi- lieu refringent fous le meme angle d'incidence que les autres, il s'y rompt fous un angle different. On entend bien par- la que chaque rayon colore a fon angle de refraction different de celui de tous les autres diftcrem- ment colores. On voit tres-furement quelles font Irs couleurs attachees , & invariable- dent attachees aux refrangibiiites differentes. Le petit faifceau de rayons qui a pafie par le prifme , a ete real fur le carton , la figure du fpectre n'a pu etre formee oblongue que par des rayons particuliers fepares les uns des autres, qui d'un bout a l'autre de la figure , ont eu une refraction tou- jours croiffante , ou toujours decroiffante felon le bout par oil Ton a commence de compter. Le rouge appartient a la moindre refraction, & l'autre extreme , qui eft le violet , a la phis grande. Non feulement les 3o abr£g£de^memoires ■■maiuw dilfoentcs bandes colonies du fpectre confervent toujours le mane ordre p t entr'elles , mais elles confervent jufqu'a une certaine inegalite de gran- ' deur , toujours bien marquee. Tout cela eft dune regularity qui ne fe Annie tj^8, dement jamais. Mais pourquoi la refraction produit-elle des couleurs , tandis que la reflexion n'en produit point? Nous avons dit en 1722 & 1725 , {a) d'aprcs M. de Mairan, que la refraction n'eft qu'une efpece de reflexion, pourquoi une difference entr'elles fi marquee : c'eft ce que M. de Mairan a entrepris declaircir. II commence a fe glifler dans la phylique meme un ufage de fe contenter de mots au-lieu d'explications reelles , 1'exemple de l'attraction fi bien regue chez d'illuftres favans eft contagieux par l'extreme commodite qu'il donne de iatisfaire a tout a pen de frais, & quand on aura renoncc encore davantage aux idees claires & diltinctes, ce (era bien alors que Defcartes fera veritablement foule aux pieds. Mais M. de Mai- ran ne pretend pas fe fervir des facilites que mi pourroit fournir le dereglement d'aujourd'hui , & il ne traite la queftion prelente , qu'en i'affujettiflant aux plus feveres loix de la mechanique , ou du carte- flan ifme. II faut fe rappeller tout ce qu'il a dit fur la reflexion & fur la refraction aux endroits cites ci-de(fus , & nous fuppoferons ici toute cette theorie. Puifqu'une fphere a reffort parfait ic icflcchit toujours de deffus un plan inebranlable fous un angle egal a celui de fon incidence, il eft impoflibie que plulieurs globules de lumiere, qu'on doit imaginer a reffort parfait, etant tombes parallelement les uns aux autres fur un plan qu'ils ne peu- vent aucunement penetrer, n'en reflechifTent aufli parallelement , & par confequent fans fe Sparer en auciine fagon. La viteife horizontale & la verticale , qui compolent toute incidence oblique , fe retrouvent les memes apres la reflexion qu'elles etoient auparavant. Mais li ces memes globules, toujours tombes parallelement fur le plan, peuvent le penetrer, il y a alors refraction , & ce n'eft plus la meme chofe. Le plan eft mu par leur viteffe ou force verticale , & par confequent cette force eft diminuee apres le choc , tandis que l'horizontale demeure entiere. Leur mouvement apres le choc elt done compofe de deux forces qui out entr'elles un autre rapport que celui qu'elles avoient auparavant , & comme c'eft-la ce qui deter- mine Tangle de refraction , il ne pent jamais etre egal a celui d'incidence. Cet angle ainfi concu eft celui aim tres-petit faifceau de rayons , il eft unique , & l'image du foleil qui en refulteroit , feroit ronde , comme celle qui viendroit d'une reflexion. Mais s'il eft poffible que les differentes files de globules qui compofent le petit faifceau de rayons foient diffe- remment alterees par la rencontre du plan refringent, que le rapport de leur force verticale a l'horizontale , qui doit toujours y changer , y change difieretnment, alors il n'y aura plus un meme angle de refraction pour toutes les files , toutes celles qui pourront avoir leur angle particulier de refraction, l'auront, elles fe fepareront par confequent, & il en viendra (a) Tome V. de cette Collection, Partie Fiansoife. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 51 line image du folcil oblongue. Voyons li ce qui eft neceffaire pour cet — — — ^gg effer eft poffibfe. . „> Physique. Afin que le rapport de la force horizontal a la vcrticale change dit- ftremment par la refraction en difterentes hies, oil, ce qui rcvicndra an Annie IJ38. mime, en dirlerens globules qui toinbent obliquement fur un plan & pa- rallelcmcnt entr'eux, il faut que leurs forces verticales foient difleremment aitcrees par le choc du plan refringent , car on fait que la force horizon- tale 011 parallele an plan demeurera toujours la merac. On fait aiiffi que la meme reliftance du plan affoiblira plus une petite force verticale qu'une plus grande. Done ce (era la le principe des differens angles de refraction des globules, pourvu qu'ils aient par eux-memes des forces incgales. Or il feroit tres-furprenant , & inoui en phytique , qu'ils n'eullent tous que des forces egales , tous la meme maffe avec la meme viteffe , oil toujours des maffes & des viteffes en telle proportion qu'elles fiffent des produits egaux. Rien ne les oblige a etre en equilibre entr'eux , ils n'agilknt point les tins contre les autres. En fuppofant done cette inegalite de forces , il eft evident que la feulc difference d'un plan inebranlable pour les rayons oil globules dans un cas, mobile & penetrable pour eux dans l'autre , fait que la reflexion ne les demele & ne les fepare point , & qu'au contraire la refraction produit cet effet , s'ils ont des forces inegales. II n'y a que la refraction qui puiffe s'appercevoir , pour ainli dire , de cette inegalite , ablolumcnt inlenlible 011 plutot nulle pour la reflexion. II n'y a rien qui fepare mieux des corps , que leur inegalite de forces. Dela vient ce bel ordre & li conftant des couleurs produitcs par la re- fraction. La force verticale des globules etant la feule que la refraction altere , & la refraction ne la pouvant alterer qu'en la dimiuuant , il paroit luivre neceffairement dela que dans le mouvement compole du globule aprcs le moment de la refraction , la force horizontale eft touiours plus grande par rapport a la verticale quelle n'etoit auparavant , que ce mouvement compole s'cloigne done plus qu'il ne faifoit de la direction verticale, 011 , ce qui eft le meme , que le rayon doit toujours fe rompre en s'eloi- gnant de la verticale, 011 perpendiculaire au plan refringent. Or tout le monde fat qu'il fc fait des refractions , tant en s'approchant de cette per- pendiculaire qu'en s'en eloignant. II eft vrai que la refraction , qui eft le choc d'un rayon contre un plan mobile, ne pent jamais par elle-meme que diminuer fa force verticale. Mais ce choc eft le pallage que fait un rayon d'un milieu dans un autre , & il ne doit pas arriver la meme chofe , foit que le rayon ait moins de facilite a traverfer le fecond milieu que le premier, foit qu'il en ait d..- vantage. II faut que cette difference indue fur le nouveau mouvement , ou plus precifement fur la nouvelle viteife verticale que prendra le rayon dans le nouveau milieu, & certainement le fecond cas lui eft plus favo- rable que le premier. La difticulte eft de concevoir une viteffe augmentee par un milieu plus aife. II y confervera plus long-temps celle qu'il avoit ji ABREGE DES M £ M O I R E S Muwuiiii i ,.n y entrant, toujours la meme, fi Ton vein, mais quel fera Ie principe p d'augmentation ? r H y > I y u ^ Def'cartcs avoit imagine , pour expliquer les couleurs , que les glo- Annie 1738. bales de la lumiere tournoient chacun fur leur centre, & que ces niou- vemens de rotation etoient en differentes proportions avec le mouvemeht direct 011 progreffif common a tous. Cette idee , ingenieufe pour le temps oii elle fut propofee, mais pen conforme aux experiences que Ton a aujourd'hui , M. de Mairan la tranfporte a la queftion prefente , & effaie li elle y pourroit reuffir. II eft vrai que le lens felon lequcl fe fait line rotation, appartient a une direction horizontale , en fait en quelque forte line partie , & que fi un globule ayant un mouvement direct on progreffif , qui foit horizontal d'orient en Occident , a en meme-temps une rotation fur fon centre d'orient en Occident, fon mouvement hori- zontal total en fera plus fort, & que par conlequent fi on le compare a un autre , qui avec le meme mouvement direct ait line rotation egale & contraire, il aura plus de force horizontale , quoique par une meme obliquite d'incidence fur un plan il ne paroiife avoir qu'une egale force. Sa fuperiorite ne fe declarera que dans la nouvelle compofition de mou- vement operee par la refraction , alors le globule qui par fa rotation avoit le plus de force horizontale, s'eloignera plus de la perpendiculaire au plan que l'autre , qui par-la paroirra avoir plus de force verticale fans en avoir acquis de nouvelle. Ce fera la meme chofe , fi fins donner aux globules differentes rota- tions naturelles fur leurs centres , on concoit qu'iis n'en prennent qua la rencontre du plan & par les inegalites de fa furface , qui leur feront toujours bien fenlibles , quelque petites qu'elles puifient etre. Mais un inconvenient decilif contre ces deux hvpothefes a la fois, e'eft que la feparation des ditferens globules , qui , a la verite , pourroit fe faire par la refraction , fe feroit auffi par la fimple reflexion , ce qui eft contre toutes les experiences. Des que le failceau de globules auroit touche le plan inebranlable 011 impenetrable , foit qu'iis y apportaffent differentes rotations , foit qu'iis les y priffent , le lens de ces differentes rotations etant augmente 011 fortifie dans les lines par la rencontre du plan , diminue oil affoibli dans les autres , il en refulteroit differens mou- vemens directs des globules , qui en caufcroient la feparation , & par confequent des couleurs. II eft bien certain que la viteffe verticale des globules ne peut jamais etre augmentee par la rencontre du plan , mais elle peut letre a l'occafion de cette rencontre , i\ ce nouveau plan appartient i un milieu que les globules traverfent avec plus de facilite que celui qu'iis traverfoient au- paravant. Ce n'eft pas meme encore que leur viteffe foit reellement aug- mentee, elle ne pent etre que telle qu'elle etoit dans le milieu plus diffi- cile a penetrer d'oii ils forte nt, & s'ils y ont perdu de la force, ils ne la recouvreront jamais , fi la premiere caufe qui les a mis en mouvement a ceffe de leur etre appliquee. Mais fi elle l'eft toujours , on concoit fans peine que la viteffe qu'elle leur imprime eft inegale , felon la differente refiftance DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ;, refiftance des milieux qu'ils ont a traverfer-, que quand elle eft moindre . ^—^— leur vitefle eft plus grande, & au contraire. _ Si Ics globules de la lumiere^toient lances du foleil jufqu'a nous, ce H Y S ' Q U *' qui s'appelle imijjion, ils feroient apres uu premier jet abandonncs par la Annie 1738. force qui les auroit mus , & ce feroit en ce cas qu'ils ne recouvreroient jamais dans un milieu des degres de vitefle perdus dans tin autre. Mais il eft beaucoup plus probable que la lumiere Ce fiffe fentir a nous parprejfion, e'eft-adire, qu'il y ait depuis le foleil jufqu'a nous de longues files con- tinues de globules elaftiques, dont le premier preffe par Taction du fo- leil , tranlmet cette impreflion de globule en globule julqu'au dernier qui touche notre ceil , ou qui y entre. Dans ce cas la force qui meut les glo- bules , leur eft toujours appliquee. Cette explication li facile & li naturelle de l'augmentation de la vitefle verticale de la lumiere dans certains milieux, femble decider abfolument pour le fyfteme de la preflion contre celui de 1'emiflion. Mais M. de Mai- ran , qui veut que fa theorie prefente foit independante des fyftemes, pro- pofe un moyen de la concilier avec lemillion. Nous nous contenterons de ce que nous avons dit, en adoptant l'autre fyfteme qui eft le plus Ca- tisfaifant. II a d'ailleurs tant d'avantages fill 1'emillion , qu'on pent encore lui Iailfer celui-ci, fauf a ne le pas donner tout-a-fait pour excluhf, il Ton ne veut. Dans le fyfteme de la preflion les diffcrentes forces ou viteffes des glo- bules viendront de leur difKrente elafticite , qui eft plus que vrailemblabL'. On y pourra ajouter avec autant de fondement leur diiierente grolleur , & cela meme les rendra encore plus abfolument diri'erens, & plus lure- ment inalterables apres leur feparation , comme ils doivent 1 etre felon les experiences. Ceux en qui le produit de la maffe par la viteffe eft le plus grand, font les plus forts, & , par confequent, ils perdent moins de leur vitefle verticale en tombant obliquement fur un plan qui leur cede , & ils fe detournent moins de leur Iigne d'incidence 011 font moins refrangibles. Quand un faifceau compofe de ces dirferens globules , tombe fur le plan rerringent, il ne faut pas s'imaginer que de toutes les dirterentes forces de ces globules il s'en forme une moyenne avec laquelie le faifceau total vienne attaquer le plan , & ouvrir , pour ainli dire , cette porte. Elle n'eft pas toute d'une piece , mais chaque partie en eft ouverte 011 enfoncee par le globule qui lui eft echu. La force ablolue de chaque globule eft celle qu'il a par fa maffe & par fa vitefle naturelle, fa force relative au corps fur lequel il tombe, & qu'il doit ebranler, eft ce qu'il y a de vertical ou de pcrpcndiculaire dans la direction de Ion incidence. Comme la force ablolue n'eft pas la meme dans tous les globules , & que la force relative eft la meme pour tous ceux d'un meme faifceau dans une meme incidence, & que les forces ab- folues inegales toujours neceflairement diminuees par la rencontre du plan , le font done egalement dans une meme incidence , il s'enfuit qu'il peut y avoir telle incidence ou les forces abfolues de quelqucs globules ne feront plus affez grandes pour leur faire penetrer les parties du plan qu'ils auront Tome VIII. Partie Franfoi/e. E 3+ ABREGE DES MEMOIRES " »^— rencontrees , tandis que les forces abfolues de quelques autres globules P ii v lei out encore capables de cet effet. Les rayons les moins refrangibles etant 'les phis torts, puilqiie ce font ceux qui fouffrent la moindre refraction, Annie IJ38. 011 ie laifient le moins detourner de leur premier chemin , il eft certain que ce feront ceux-la qui penetreront le nouveau milieu, tandis que les autres ne le penetreront pas. Or on (ait par experience que ce font les rouges qui lout les moins refrangibles detous, enfuite les jaunes, &c. On trou vera done une incidence d'unc telle obliquite, qu'il n'y aura que les rayons rouges du faifceait qui entrent dans le nouveau milieu , & que tons les aufres qui n'y pourront entrer, fe reflechiront fur fa furface. Ces rayons reflechis etant recus fur un carton , y formeront une image du foleil ronde , & moins coloree , puifqu'elle ne fera compofee que de globules non fepares. Elle ne fera pas tout-a-fait fi blanche , oil de la meme teinte que fi le rouge n'y avoit pas manque. Des yeux exerces sen appercevront. Si l'obliquite de l'incidence avoit ete un pen moindre , le jaune auroit patfe dans le milieu auffi-bien que le rouge. II eft aite de tuivre cette idee & les confluences auffi loin qu'on voudra. Tous les rayons colores pafferont ainh les nns aprcs les autres, & enfin le violet meme. Ce n'eft pas a dire cependant que dans les cas oil nous difons que tout parte dans le nouveau milieu, il ne fe reflechiffc rien fur fa furface. Cela veut dire feulement que dans les incidences peu obliques & favorables a la refradfcion , il n'y a de rayons d'aucune elpece ou couleur qui ne paf- fent dans le milieu, & en affez grande quantite pour fe faire fentir, mais ceux d'une couleur quelle qu'elle foit , & dans quelque cas que ce foit, n'y pafferont jamais tons, il y en aura toujours qui fe reflechiront fur les parties folides de la furface refringente , & s'y reflechiront meme irregu- lierement ; car quelle furface pent jamais etre affez exadtement polie par rapport a des corps auffi fins & auffi delies que les globules de la lumiere? II feroit pliitjjt poilible quils fe reflechiffent tous, qu'il ne le feroit qu'ils fe rompiilent tous. Les globules qui ayant une meme incidence fur un meme milieu , y fouflrent une plus grande refraclion , peuvent etre appelles plus refrangi- bles, & alors les violets feront les plus refrangibles de tous les globules. D"un autre cote , ils peuvent etre appelles les moins refrangibles , parce qu'ils ne le rompent point dans des cas oil tous les autres fe rompent; & comme alors ils font les feuls qui fe reflechiffent, on les pourroit ap- peller plus rejlsxibles , en meme temps que moins refrangibles. Mais fi on fait attention que e'eft le meme principe, une force moindre par rap- port a celle de tous les autres , qui les rend & plus refrangibles & plus reflexibles, on jugera qu'il vaut mieux s'en tenir a cette derniere deno- mination, qui a ete preferee par M. Newton, grand maitre en cette ma- tiere. Les globules rouges feront an contraire les moins refrangibles & Jes moins reflexibles. Ce n'eft pas la peine de parlir de tout l'entre-deux. II n'y a point de refraclion fans reflexion. Le moyen que dans la fur- face du milieu le plus penetrable a la lumiere , il ne fe trouvat pas des DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 3<; [>arties folidcs qui la renvoyaffent ? Plus l'incidence fera oblique, plus I^^^^T^^t e nombre des globules reflechis fera grand par rapport an nombre de p H Y s , Q v E- ccux qui penerreront, car non-feulement une certaine obliquite d'inci- dence feroit caufe qu'ua faifceau cntier dc globules ne feroit que fe re- Anne'e ij^8. flechir, mais nous avons vu que danf le cas de quelques obliquites moin- dres , il fe trouvcroit dans un meme faifceau ;ous les globules de ccr- taines couleurs qui feroient trop foibles pour ptWtrer. C'eft fur la fur- face commune aux deux milieux que fe p.nie tout ce jeu de refractions & de reflexions qu'elle produit en roeine temp?. II eft aife de voir que nioins le fecond milieu eft penetrable a la kirniere, pius il fe fiit de reflexion an paliage du premier dins ce L-cond, & par confequent moins deux milieux different en j>inhrab'dite 3 moins il fe perd ou le dillip; de lumiere par les reflexions fur leur fuif.ee cdmmune, Un corps tranfparcnt comme le verre , que nous preuirions ici pour un feul milieu, eft cependant un compofe de diflirens milieux. II a fes parties propres , folides & tr.infparcntes , du moins li on l.-s concoit d'une certaine tenuite, & dans tons les i iterftices de ces parties, qui occupent certainement moins d'elpace que ces interftices, coule un fluide trcs lubtil qui les remplit. II arrive a chaque moment dans I'inteiieur du verre , que des globules de lumiere palfent , ou de ce fluide dans les parties propres du verre, ou de ces parties dans le fluide; & comme ces parties & le fluide doivent avoir des penetrabilites , on refringences dirrerentes, il en refultera, li elles le font a un certain point, beaucoup de reflexions dif- ferentes dans l'interieur du verre, irregulieres entr'elles, & en un mot line grande perte ou diflipation de lumiere. II ne paroit pas que cela arrive, & ceft la marque d'une affcz grande homogeneite a ct egard entre les parties propres du verre , & le fluide qui coule dans fes pores. Si ce fluide que nous fuppofons homogene en lui meme , ne l'etoit pas , ce qui eft poffible , ce feroit encore un principe d'une plus grande diflipation de la lumiere au dedans du corps, ou , ce qui eft le meme, d'une moindre tranfmiflion au-dehors, & d'une moindre tranfp.irence. On voit par-la, en general, ce qui rend les corps tranfparens ou opaques. On peut meme ailement les faire changer d'etjt a cet egard. Du verre pile devient opaque ; qu'on y verfe de l'eau , il redevient tranfparent , & encore plus li c'eft de l'huile. II eft bien certain que toute la differente refrangibilite des globules , qui ont compofe un rayon ou petit faifceau de rayons, s'exerce dans lefpace que le fpedlre occupe en longueur. Aux deux extremitcs de cette etendue , iont le rayon particulier le moins rompu , & le plus rompu. Quand on vient a mefurer geometriquement cette longueur du fpjclre par les angles de refraction qui la determinent, il le trouve que tout le jeu de la diverfe refrangibilite fe palle dans une etendue qui n'eft que ce que feroit numeriquement 1'intervalle de 77 a 78. C'eft dans cet inter- vals que font compris tous les rapports des diflerentes refrangibilites ou viteffes des globules. II ne s'en faudroit guere que 77 j & 77 \ ne fuf- fent, meme en geometrie, la meme grandeur; cependant ce font des Eij 3$ ABREGtDESMEMOIRES — ;^^^^^^; vitefTes dont la difference eft fenlible a l'organe d« la vue , puifqu'elles font voir des couleurs differentes. On ne devineroit peut-etre pas que la 1 h y s 1 q u E- trcs-petite difference de 77 j & 77 {, reprefente celle qui eft entre le Annie zyS. bku & le jaune , mais on a des exemples parcils dans i'acouftiqiie j deux cordes ne feront pas priles pour etre a l'unilfon , quoique leurs vibrations ne different que dune feule fur un grand nombre. Tout le monde fait que dans le chatouillement un petit degre de plus oil de moins fait toute la difference du plaifir a la douleur , fenfations qui ne nous paroiffent pas differer de degre, mais d'efpece, autant qu'il fe peut. On pourroit, avec affcz de raifon, ne compter que cinq couleurs dins le fpeclre, le rouge, le jaune, le verd, le bleu, le violet; car l'orange n'eft viliblement qu'une nuance du rruge au jaune, ou plutot un com- pofe des deux, & il en eft de meme de l'indigo place entre le bleu & le violet. M. Newton a voulu fept couleurs qui figuraffent avec les fept tons de la muiique , & l'on s'en eft tenu a cette grande autorite. Nous . avons rapporte, en 1737 , (a) quelques autres doutes fur toute cette matiere que Ton s'eft un peu prcffe de croire fuflSfamment mife au net. Les couleurs primitives ne font pas encore bien decidees, & le parallele des tons & des couleurs en eft encore plus imparfait que nous ne le re- prefentions dans l'cndroit cite. Toujours eft-il bien fur que les bandes tranfverfales formees dans le fpecfre par les fept couleurs, fi on eft attache a ce nombre, font fort inegales en largeur, & , a ce qu'il paroit, bizirrement inegales. Le violet & le verd font les plus grandes, l'indigo & l'orange les plus petites. Quoi- que les limites precifes de ces bandes foient tres-difficiles a reconnoitre , il y a dans le refte de leur etendue , fur- tout vers le milieu , des diffe- rences bien marquees. II fiut convenir cependant qu'on ne devineroit pas trop que cela dut etre ainli dans la fuppohtion que les differentes refrangibilites ou couleurs viennent des differentes vitefles. Car ces differentes vitelfes, comprifes, fi . Ton veut, entre 77 & 78 , font geometriquement en nombre infini, croiffant depuis 77 jufqu'a 78 par degres infiniment petits , & phyfique- mcnt ou fenhblement, elles font du moins en nombre fini prodigieufement grand. Or, meme en ce dernier cas, on ne doit point voir fur le fpeftre de grandes places feparees , les lines bien couvertes d'une certaine cou- leur uniforme , & les autres d'une autre , mais ieulement d'un bout & ['autre du fpectre, des nuances tres -fines qui le fuccederont les unes aux autres prefque imperceptiblement , & fans qu'on puiffe foupconner des limites en aucun endroit. M. de Mairan , qui s'eft fait a Iui meme cette difficulte , en a bien fenti la force. Voici ce qu'on y pcut repondre avec beaucoup de vrai- fcmblance. II n'eft nullement ntcefLire qu'il y ait entre les vitefles des globules tous les degres finis de difference poffibles. Cela feroit meme peu (a) Voyez ci-defl'us, pag. 22. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. $7 conforme a la phyfique , qui ne fouffre guere de regularity G parf.iife. Si — i Ton concoit les globules diftribues en elpeces difterentes par les vitclles,p il pent n'y avoir qu'un auffi petit nombre de ces elpeces que Ton vou- s I Q y e. dra, que fept , & encore moins li l'experience le determine. jinnee 1737. Qiiand il y auroit entre les globules plus de differences finies de vitefie que les fept qu'on pent luppofer ici, ce ne leroit pas a dire qu'elles ftif- fent toutes fenfibles a 1'organe de la vue, ou du moins fenfiblcs comme diftincTxs d'avec toutes les autres. Un certain nombre d'impreffions ine- gales en force , feulement julqii'a un certain point , ne le feront (entir que comme feroient les plus fortes d'entr'elles. Ce n'eft pas proprement de la vitelfe des globules qu'il s'agit ici , e'eft de leur force , du compofe de leur mafle & de leur vitefle. Ce compofe pent etre toujours egal , quoique les deux principes compofans varient entr'eux a l'infini. Tons les globules inegaux en force pourront le reduire par- la, a un petit nombre d'elpeces. II leroit meme pollible ablolument, qu'il n'y en eilt point d'inegaux en force, nulgre l'inega!ite de toutes leiirs maffes &: de toutes les viteftes. On a objeifti a M. de Mairan , que dans l'apparition fubite d'un objet lumineux, telle que l'emerlion d'un fatellite de Jupiter hors de l'ombre de cette planete , on devroit voir d'abord le fatellite fous la feulc cou- leur rouge , puifque e'eft celle qui repond aux rayons de la plus grande vitelfe ; enluite on le verroit fous une coulcur melee de rouge & d'o- range , parce que les rayons oranges ieroient arrives audi , 8cc. Mais on ne voit rien de pareil , le iatellite ie montre des le premier inftant fous la couleur du blanc lumineux forme de I'allemblage de toutes les couleurs. Cette objection demande qu'un objet tres-eloigne foit vu dans le meme inftant qu'il le preiente a l'ceil ; autrement, s'il a befoin de quelquc temps pour fe faire voir, ce temps, quelque court qu'il foit, pourra luf- fire pour l.iiller aux rayons colores , qui different tres-peu en viteffe , le loifir d'etre tous arrives avant que la fenfation fe fade. Or il eft certain qu'un fatellite n'eft pas vu des qu'il fe prefrnre, ptiifqu'avec une lunette de feize pieds , on le voit trente fecondes plutot qu'avec une lunette de dix. Venons maintenant a la diffraction , que Ie P. Grimaldi, jefuite, qui l'a decouverte le premier, a donnee pour une quatrieme maniere dont fe fait la propagation des rayons. M. Newton a beaucoup enrichi ce fujet apres Grimaldi. On expofe au petit trou de la chambre obfeure un cheveu , un fil horizontal , de forte qu'un rayon qui va Ie frapper , fe divife en deux par la rencontre du diametre vertical qui eft la groffeur du fil. A quelque diftance dela on recoit fur un papier blanc l'ombre de la partie du hi frappee par Ie rayon. On mefure cette ombre , & on la trouve plus grande quelle ne devroit etre a rarfon.de fa diftance au ML II eft fur par- la que les rayons qui out ete tangens de la circonference du fil , n'ont pas continue a s'ctendre felon cette direction , & Ton concoit qu'ils Physique. ,8 ABREGi DES MfMOIRES »fe font, non pas rompiis , puifcju'il n'y a point la de nouveau milieu a traverfer, non pas reflechis , puifque leur direction n'avoit rien de per- ' pendiculaire au fit, mais infie'chis , & c'eft cette inflexion, quelle qu'en Annie 1738. /bit la caufe , qu'on a appellee diffraction. II parqit meme que cette dif- fraction fe fait fans que les rayons touchent le fil ou le corps diffringent , & a quelque petite diftance de ce corps. Une vertu attractive ou repul- five, quelque qualite occulte vieridroit-ia bien a propos. II y a plus. Des deux cotes de l'ombre du fil projettee fur le papier ou carton , on voit des couleurs pareilles a cellcs du prifme. Un prifme ne produit qu'une certaine fuite de couleurs , un feu) arc-en del pour abreger 1'expreiTion , mais a chaque cote de l'ombre du hi on voit trois arcs-en-ciel bien diftindts , & meme difterens entre eux en ce que les plus proches de l'ombre ont un plus grand nombre de couLurs. Nous evitons'd'entrer dans tin plus grand detail. Pour ne point donner dans les caufes imaginaires , M. de Mairan fup- pofe une atmofphere tres-fubtile autour du fil, moyennant quoi tout rentre dans un mechanifme connu. L'ombre trop grande a raifon de la diftance, n'eft plus l'ombre du fil, mais celle de fon atmofphere. C'eft ainfi que la lune, qui le plus fouvent ne tomberoit pas dans l'ombre de la terre , tombe dans celle de l'atmof- phere terreftre , qui s'etend plus loin. L'atmofphere du fil rompt neceiTairement les rayons, & ce qu'on ap- pelloit diffraction, n'eft plus qu'une fimple refra&ion. L'angle de la re- fraction caufee par ce petit milieu, fera connoitre s'il eft plus ou mobs favorable a la tranfmiffion de la lumiere que fair, & le fait eft qu'il l'eft moins, puifque les rayons vont en s'ecartant du fil. Les couleurs qui paroiifent aux deux cotes de l'ombre, font encore une preuve qu'il s'eft fait des refractions dans unejinatiere qui environ- noit le fil. Si l'on foupconnoit qu'elles pufient s'etre faites dans le fil meme , qui eft toujours fort menu , il n'y auroit qu'a le prendre de metal, & non pas de lin ou de foie, on n'auroit plus fa rranfparence k craindre. II ne doit point paroitre etonnant que ces fils aient une atmofphere , tous les aimans en ont une prefque vitible par l'arrangement que de la limaille de fer prend autour d'eux. Tous les corps en prennent une des qu'ils ont ete ele&rifes , & toutes ges atmofpheres font aufll prefque vifi- bles par des effets bien marques. On en a vu mille exemples dans les vo- lumes precedens. II eft vrai que ces atmofpheres ne paroiifent pas etre naturelles aux corps, puifqu'elles font produites par I'Ueclrifation , mais peut-etre reledrifation n'a-t-elle fait que les matiifefter en leur donnant line determination de mouvement plus forte. Ces petites atmofpheres ne nous font pas encore affez connues, & en general ce qui nous echappe le plus , c'eft le jeu des plus petits corps , qui eft cependant en quelque forte fame de tout le refte. Mais enfin quoique les petites atmofpheres foient bien etablies, celles du fil ou du cheveu fouffriroient encore bien des difhcultes. Les refractions 2 DE I/ACADfMIE ROYALE DES SCIENCES. 59 ui s'y fcroicnt ftites , auroicnt certainement produit ces couleurs qui — ont aux deux cotes dc 1'onibre ; mais ces trois ordres de couleurs , P H y s i q u £. ces trois fpecTxes diftinfts Tout un eftet bien plus cmbarrafTant. Le pre- mier, qui eft fimple, s'explique fans peine par une atmofphore uniforme -danec ty^8. en denlite, toujours egalenicnt reliftante a la lumicrej mais le lecond de- mande line armofphcre non uniforme , qui ait, par rapport a la lumiere, trois degrcs de reiiftance diiferens , chacun dans une couche fpherique diftiiicle. II en va de meme du troifieme ordre de couleurs ou fpectre. Cela eft bien compofe pour l'atmofphere d'un cheveu , mais M. de Mairan repond que Ton n'ei'it jamais cru que le plus petit rayon qui puiffe paffer par un trou qu'a fait une pointe d'aiguille , fut forme de rayons de tant de couleurs differentes. Un des fruits des nouvelles decouvertes doit etre dc nous preparer a en faire encore fans une certaine furprile, beaucoup d'autres audi furprenantes en elles-memes. OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENERALE. I. Evaporation de la Neige } malgri la geUc. \^f n fait qu'il fe fait une grande evaporation de la neige , mais on ne Hid. fait peut-etre pas fi bien que cette evaporation fe fait malgre la gelee , & meme quoique le firoid augmente. M. de Reaumur en a fait l'experience. I I. Os inconnu. M. Geoffrey a montre une piece d'os trouvee dans tine caverne fur line mo'ntagne tres-elevee prcs de Bourdeaux, appellee Sainte-Croix du Mont. On a cru que ce pouvoit etre l'extremire inferieure de {'Humerus de quelque grand animal different de l'elephant. Quel fera cet animal ? Apparemment ce fait tireroit beaucoup a confequence fi on pouvoit l'ap- profondir. I I I. Me'teore extraordinaire. On a vu aflez de meteores ignes , etoiles qui tomhent ou qui filent , flammes volantes , globes de feux , &'c. mais M. de Genlfane fit a I'acade- mie la relation d'un phenomene de cette efpece, qui merite d'etre remar- que parmi tous les autres. II l'obferva a Paris le 1 3 juillet fur les onze lieures du foir. C'etoit une efpece de grande etoile tres-brillante, placee affez pres des petites etoiles du genou droit de Pcrlee. Son diametre etoit 4o ABRici DES MEMOUES — ^— — ^^ a pen- p res le quart de celui de la lime, & elle avoit line queue prcfqu'i P • - 0„Eli maniere d'une comete , mais audi brillante que la tete , & pas plus ' longue que le quart du diametre de cette tete. Annie 1738. Le mouvement de ce phenomene etoit tres-rapide & fort bizarre. Gomme il ne fat obferve qua la vue Gmple , M. de Genffane vit mieux la bizarrerie qu'il ne put juger de la vitefle. Le phenomene paitit du pre- mier point oil il avoit ete appercu , & decrivit une courbe , qui apres avoir monte , redefcendoit jufqu'a un point un peu plus bas que celui de l'origine. La s'eleverent par cinq ou fix reprifes des efpeces de fafees qui retomboient enfuite au point commun d'oii elles etoient parties , & deli le phenomene retouma au premier point de fon origine par une feconde courbe qui s'elevoit moins que la premiere. II retourna encore vers le meme point ou il s'etoit arrete dans fon premier cours , mais par une courbe beaucoup moins reguliere que les deux precedentes •, elle etoit ondee , s'elevant & s'abaiffant altemativement , & elle fe feroit etendue plus loin que les deux autres , fi une colline n'eut pas cache le tout. L'obfervation ne dura qu'une bonne demi-heure. De la grandeur qu avoit l'etoile au commencement de l'obfervation , elle vint a n'avoir plus que celle d'une etoile de la deuxieme grandeur , & fon eclat , egal d'abord , & femblable a celui de Venus , ne fat plus far la fin que celui d'un charbon ardent. Quand elle alia par la courbe ondee , l'eclat fat inegal dans les elevations & les abaiffemens , & plus uniforme dans les autres courbes qui approchoient plus d'une droite. I V. Tremblement de terre. Le 18 odlobre a quatre heures & demie du foir, M. Daleman , inge- nieur , revenant de faire un nivellement a Chamfort dans le Comtat , fat farpris d'entendre tout-a-coup un bruit fouterrein auffi grand que celui de cent pieces de canon de vingt-quatre livres de balle tirees a^ la fois. La terre trembla fous fes pieds , & les glands de quelques chenes qui etoient fur fon chemjn, tomberent auffi dru que fi c'avoit ete de la grelej le ciel etoit affez ferein. Deux minutes apres il tomba une pluie de terre, comme lorfqu'une mine a joue, cette fecouffe dura deux minutes. M. Da- leman apprit que 1'alarme avoit ete grande a Carpentras , des cheminees , des croix de pierre farent abattues. Dans plulieurs endroits de la cam- pagne on trouva la terre entre-ouverte a une fi grande profondeur , que les perches des laboureurs n'etoient pas affez longues pour aller juf- qu'au fond. V. Pier res a fufil. Les paroiffes de Meunes & de Coufly, dans le Berry, a deux lieues de Saint- Aignan , & a demi-lieue duCher vers le midi, font les endroits de la DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. +i la France qui produifent les meilleurcs pierrcs a fulil , & prefque les fettles —■———. bonnes. Aufll en fournuTent-ils non-feulement la France , mais affez fou- p vent les pays Strangers. On en tire dela fans relache depuis long-temps , peut-etre depuis l'invention de la poudre , & ce canton eft fort borne. Annie 1738. Cependant les pierres a fulil n'y manquent jamais , des qu'une carriere eft vuide , on la ferme , & plufieurs annees aprcs on y trouve des pierres a fu/il comme auparavant. Les carrieres & les mines epuifees fe rernpliffent done de nouveau & font toujours fecondes. V I. Caillou artificiel. On a vu en 1711 (a) les idees de M. de Reaumur fur la formation —— ^^— ■ des cailloux. M. Bafin , correfpondant de l'academie a Strasbourg, a voulu . , , 7,q eprouver fi, en les fuivant, il pourroit parvenir a faire un caillou ar- n ' tificiel. Hift. A la fin de 1754 *' Pr'1 de 'a terre de potter toute preparce pour faire de la vaiflelle de cuilme , le morceau etoit de la grofl'eur de deux poings , il le detrempa dans beaucoup d'eau , & s'aifura bien qu'il n'y avoit aucun gravier, aucune petite pierre , mais feulement de la terre pul- veriiee. II la mit dans line ecuelle de terre vernillee , qu'il expofa fur une fenetre en dehors au nord. II avoit repandu fur la furface de la terre , en deux endroits differens , quatre bonnes pincees de limaille de fer,afin que s'il fe formoit un caillou , il prit cette teinture metallique. Pendant tout le cours des deux annees 1735 & 17 J E U R Qu'on appercoit dans le ricipient de la machine pneumatique , lorfqu'on commence a rarifier I' air qu'il contient. I iORSQUE Ton commence a faire Ie vuide dans la machine pneuma- Annit 1^40 t'1ue' aux ^ellx oil trois premiers coups de pifton, on appercoit dans y le recipient line vapeur plus 011 moins epaiffe qui obfeurcit l'interieur du vafe, & qui, apres quelques petits mouvemens en forme de circonvolu- tions , fe precipite vers la partie inferieure. Voila un phenomene dont M. l'abbe Nollet recherche la caufe. Per- fonne avant lui n'en avoit rendu raifon. Cette vapeur doit-elle etre attri- buee a l'humidite des cuirs dont on couvre la platine pour aider ^appli- cation exafte du recipient? Eft elle catifee par l'air feul confidere en hu- mane, on bien ne feroit-elle rien autre chofe que les petits corps etran- gers qui font repandus dans l'air que contient le recipient? M. l'abbe Nollet s'eft convaincu par pluheurs experiences que rhumi- dite qui regne fur la platine par les cuirs n'eft point capable de produire cette vapeur. Le plus 011 moins d'humidite de ces cuirs , & leur furface plus oil moins grande relativement a la capacite du recipienr, n'ont point caufe de variation dans la vapeur •, & elle a ete aufll epaiffe dans un reci- pient bien feche & lute fur la platine avec du maftic oil de la cire molle, que dans le nieme vaiffeau pofe fur des cuirs humides. Elle s'eft meme montree dans un globe de cryftal adapte a un recipient au moyen d'un - K DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 45 tanal de cuivre garni d'un robinet pour fermer & ouvrir a volonte la — — — communication de l'un a l'autre. L'air etant rarefie dans Je recipient, p M. l'abbe Nollet a otivert la communication , & au moment ou l'air plus " Y S ' Q L denfe du globe a pahe dans le recipient, il a appercu la vapeur a l'ordi- Annce 174oint du fond ne fe fait pas fentir a l'ceil par cette infinite de rayons k a fois , tant inferieurs que fuperieurs , & dont chaque inferieur a fon fu- perieur correfpondant •, car certainement dans le paffage de l'eau a l'air oil eft l'ceil , il a du fe faire une refraction , & comme cette refraction determine Tangle que feront enfemble au paffage de l'eau dans l'air la partie inferieure & la fuperieure d'un rayon total quelconque du fond, chaque point du fond ne fe fait fentir a l'oeil que par un rayon tel que fa p rtie inferieure fafle precifement cet angle avec la fuperieure, & il la va choilir, pour ainli dire, entre toutes ces lignes fuperieures que nous avons concues tirees de la furface de l'eau a i'ceil. Chacune de ces lignes fupe- rieures appartient done a un rayon inferieur avec lequel elle n'eft point en D£ L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 55 ligne droite •, il n'y a d'exception que pour les deux parties de l'axe de la — — ■— ■ vilion peipendiculaire a la furface de l'eau & au fond. P h y s 1 o u Les ligncs fuperieures par Iefquelles l'cril eft frappe , etant toutes , liors- mis uue, obliques a la furface de l'eau , elles appartiennent ou correfpon- Annie IJ40. dent chacune a tine ligne inferieure moins oblique a cette meme (urface-, car dans le paffage de l'eau a l'air , milieu qui conftamment rehfte plus a la lumiere que l'eau , le rayon a du perdre de fa viteffe verticale , felon ce qui a etc explique amplement en 1713 a 1'endroit cite , & par confe- qtient, il devient dans l'air plus oblique a la furface de l'eau qu'il ne l'etoit dans l'eau. On fe le reprefentera bien clairement, fi l'on imagine que la partie de l'axe qui va du point fixe oil eft l'oeil a la furf.ice de l'eau , & eft la premiere de toutes les lignes fuperieures, eft en meme- temps celle qui exprime leur viteffe verticale a toutes , & puifqu'elle eft conftante , leur viteffe verticale ne pent diminuer relativement a l'horizontale que par ('augmentation de l'horizontale , 011 , ce qui eft le meme , par une plus grande obliquite du rayon a li furface de l'eau. II eft vrai que ce n'eft pas la exa&emcnt la premiere idee qu'on pour- roit prendre. Le paffage de l'eau dans l'air demande que la viteffe hori- zontale du rayon dans l'eau ayant ete quatre, fa viteffe verticale dans fair foit trois , & par confequent, l'horizontale etant fuppofee conftante pour tons les rayons, leur viteffe verticale diminueroit toujours a mefure qu'ils viendroient de plus loin. Mais ici oil Ton a luppofe l'oeil fixe , & par confequent la viteffe verticale de tous les rayons conftante, il faut prendre l'horizontale Joujours croiffante ; les deux idees ne font reellement que la meme. Que l'oeil foit frappe par une ligne qui ait autant de parties qu'on vou- dra, differemment pofees les tines a l'egard des autres corame un zig-zag, il ne fentira le coup que felon la direction de la demiere partie qui 1'aura touche immediatement , & ne le rapportera qu'au bout de cette partie le plus eloigne de lui , e'eft felon la penfee ingenieufe de Defcartes, une efpece d'aveugle qui ne s'appercoit point de tout le refte du zig-zag. Ainli dans le cas prcfent , un point quelconque du fond du baffin n'eft vu que par la partie fuperieure & rompue de Ion rayon , & il eft toujours vu fous Tangle que fait la direction de cette partie avec la furface de l'eau ; & comme cette direction eft toujours plus oblique ou plus inclinee a l'eau que n'etoit celle du rayon du meme point fous l'eau, il fera r.ipporte par l'oeil , fuivant cette feconde diredion , a un point plus eleve que le fond du baffin , oii il eiit ete rapporte felon la premiere , ce qu'il eft trcs- facile de voir. Ce point plus eleve eft dans la meme ligne verticale ou perpendiculaire a l'eau dans laquelle l'objet eut ete vu , s'il n'y eut pas eu de refradion, car la refraction ne change rien, quant a la polition, dans tout ce qui eft vertical. Nous venous de le voir dans les deux manieres equivalentes de concevoir la refradion , Tune laiffe ce qui eft vertical, fans en alterer ni la grandeur ni la polition, l'autre n'en altere que la grandeur-, & en efiet, que l'on remette au-lieu des deux viteffes , Tunc verticale, l'autre 5<5 ABREGE DES MEMOIRES — »^— ■ imrirnnt.-ilp . les deux finus d'incidence & de refracrion qu'elles reprefen- p tent, on trouvera que pour conferver de part & d'autre les memes rap- ports, il eft neceffaire que les deux hnus fe rapportent a la me me verticale. Annc'e 1740. Cela eft meme devenu en dioptrique un principe qu'on ne prend plus la peine de prouver. Toils les points de- la ligne droite tiree au fond du baffin font done vus plus eleves, 011 au-deffus de ce fond, & comme e'eft Tobiiquite dc leur rayon rompu au-deffus de l'eau , qui caufe leur elevation apparc-nte , plus cette obliquite eft grande , plus Televation left audi. Or 1'obliquite des rayons rompus eft d'autant plus grande , qu'ils partent d'un point dc la furface de l'eau plus eloigne de l'axe de la vilion •, done a compter depuis cet axe , les points du fond du baffin font toujours vus plus eleves, & la ligne qui contient tous ces lieux apparens, s'eleve toujours vers un bord du baffin , & enfin y arrive. Si les lieux apparens s'elevoient toujours egalement les uns par rapport aux autres, la ligne qui les contient tous feroit line droite, & Thipotenufe d'un triangle rectangle, comme il eft aife de s'en allurer-, mais les lieux apparens ne s'elevent pas uniformement, ils s'elevent de plus en plus. Ce font les differentes obliquitcs des rayons rompus fur la furface de l'eau, ou, ce qui eft le meme, les (inns des difterens angles qu'ils font fur cette furface , qui reglent les difterentes elevations des lieux apparens. Je prends line fuite de ces angles tels qu'ils differeront tous entr'eux d'un degre , la fuite de Ieurs finus fera telle que ceux des grands angles difte- reront moins entr'eux que ceux des petits. Cela eft evident dans un quart de cercle , dont toutes les ordonnees tirees fur l'un des deux rayons qui comprennent 1'angle droit , font les finus de tous les angles depuis o jufqu'a 90 ; car l'ordonnee egale a la moitie du rayon , eft le finus de Tangle de trente , & la fomme de toutes les differences des finus qui out ete depuis Tangle o jufqu'a celui de 30, & par confequent Tatitre moitie du rayon, qui ajoutee a celle-ci , fera le rayon ou le finus de eut ruanquer d'avoir au moins quelque part a cette apparence , puifque e rayon vifuel a traverfe deux milieux tres-differens. M. de Mairan cherche quelle rcfractoire doit naitre dela, feulement pour un grand cercle de la fphere , ce qui iufhroit ; mais la refractoire qu'il trouve par fa theorie eft ii peu ditterente du cercle, qu'elle ne pour- roit pas fatisfaire au phenomene. Un lavant Anglois, an deraut de la certi- tude entiere qu'on ne pent avoir fur la quantite du furbaiffement de la voute du ciel, a calcule par des titonnemens trcs-ingenieux , que le petit axe de cette voute pouvoit etre au grand comme trois a dix , difference trop grande d'avec la voute fpherique. II y a done la , outre la refraction quelque autre caufe qui agit. C'eft celle qui fait paroitre la lune plus grande a l'horizon qu'au zenit, le jugement naturel & involontaire par lequel l'ame croit un objet plus eloigne, quoiqu'il foit a meme diftance, quand il y a line longue fuite d'.uitres objets interpofes entre lui & 1'oeil. Cela s'applique de foi-meme a la voute apparente du ciel. Par cette meme raifon la furface inferieure du ciel couvert de nuages , nous paroit faire la meme voute furbaiflee que celle du ciel etoile. Les nuages iont fi peu eleves , & dans un air ii peu different du notre , que la refraction ne doit pas ici avoir lieu, ou que du moins elle ne s'y feroit pas fentir. Les refractoires generales des deux efpeces que M. de Mairan a deter- minces , fembloient 1'inviter d'elles-memes a les renfermer toutes deux dans une formule algebrique encore plus generale , oil Ton verroit leurs reffemblances , leurs oppolitions , leurs changemens mutuels de 1'une en l'autre, enfin tout leur jeu pofllble : audi n'a-t-il pas manque de pouller fa theorie jufques-la, & meme comme les refractions ne font qu'une bran- che du meme tronc qui produit les reflexions , il auroit fait entrer dans Physique, gt ABREGEDESMEMOIRES u'ne formule dcvenue encore plus generale , des courbes Anacamptiques ou Rijlexoires avec fes anaclaftiques ou refra&oires , mais il a ete oblige d'iiitcrrompre ce travail en faveur de l'academie elle-meme. Ces fortes de A i „ formules font im affemblage du plus grand nombre d'idees qu'il fe puiffe, ' ' roulees les lines dans les autres , pour ainfi dire , avec beaucoup d'mdul- trie , de maniere a ne leur laifler occuper que le moindre efpace poffible. Observations d u Barometre, Faites fur les montagnes du Puy-de-Dome , du Mont d'Or & du Canigou. I i A hauteur du Puy-de-Dome eft de S i 2 toifes au-deflus du niveau de la mer : celle du Mont-d'Or , qui eft la montagne la plus elevee de l'Au- vergne , eft de 1 048 toifes au-detfus du niveau de la mer; mais h Canigou, regarde comme line des montagnes les plus hautes des Pyrenees, dorit le fommet eft couvert de neiges pendant plus de la moitie de l'annee, a line elevation perpendiculaire de 1441 toifes fur le niveau de la mer. Une (i grande elevation etoit bien propre a faire des obfervations fur la hauteur oii le mercure refte fufpendu dans le barometre, afin de par- venir a mieux connoitre 1'etendue de notre atmofphere, & les differentes rarefactions de fair a diverfes hauteurs fur la furface de la terre. Meffieurs Caffini de Thury & le Monnier, le medecin , ayant en occafion, en 1740, de parcourir les montagnes d'Auvergne & des Pyrenees, failirent cette occafion d'y obferver la hauteur du mercure dans le barometre, & fans entrer dans leurs experiences , & des precautions qu'ils prirent pour s'afl'urer de leur exactitude , nous nous contenterons de rapporter tres en abrege les confequences qu'ils en ont tirees. Ces obfervations prouvent 10. que la variation de hauteur du mercure dans le barometre , correfpondante a la differente elevation des lieux , ne fuit aucune progreffion uniforme , puifqu'il s'eft trouve prcs dun police de difference dans l'obfervation de Mrs- Cafllni & le Monnier , faite ail Canigou, & celle qui refulte de la progreffion que M. Maraldi avoit etablie en 1703 d'apres des obfervations faites fur des montagnes peu elevees. Et cependant aucune des autres hypothefes que l'on a faites depuis pour pouvoir concilier les obfervations, n'a pu fatisfaire par les differences qui fe rencontroient dans pluiieurs experiences dont on ne pouvoit foupconner l'exaditude. 20' Que la variation de la hauteur du mercure correfpondante a une ineme difference de hauteur fur la terre, n'eft pas toujours uniforme, puif- que nos academiciens ont trouve que les variations n'etoient pas de la meme quantite dans les deux termes de comparaifon •, & que leur quantite depend de l'elevation des lieux au-deffus du niveau de la mer. Les varia- tions font moindres dans les lieux eleves qu'au bord de la mer. Les ob- fervations faites au Puy-de-Dome & au Canigou en differentes faifons, ont DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. *5 donne conftamment la mcme h.iuteur du mercure , quoique celles que Ton 1^=== faifoit en mcme temps au bord de la mer donnaffent une variation fcnlible Physique. dans Ie barometre. 3°. Que lcs variations obfervces dans le barometre peuvent etre attri- Annie. 1740. buees a divers accidens qui arrivcnt dans la temperature de l'.iir , tels que. le brouiilard, le vent, la pluie, &c. 4°. Que Ton peut comparer utilcment les obfervations faites dans des licux eloignes & fous des climats 1111 peu diiierens , puilqiie les variations obfervees par M". CafTuii & le Monnier, dans les hauteurs du mercure fe font trouvees prelque les memes que celles que Ton oblcrvoit a Paris. Ccpendant, dit M. CafTini de Thury, je ne crois pas qu'on doive trop etendre cettc proportion, & lorfque les climats feront tout-a-tait diffe- rens, je crois qu'il pourroit fe faire que les variations ruffe nt entierement contraires les tines aux autres; mais if etoit bon de faire remarquer que dans la France ces variations font affez uniformes, h l'on diftingue les accidens qui peuvent arriver dans la temperature de fair, & qui ne doi- vent pas etre commtins a tous les lieux, tels qu'un orage on un ouragant, comme il paroit par l'obfervation faite a Pcrpignan le vingt neuf feptem- bre , ou le vent etoit trcs- violent-, la hauteur du mercure a varie du vingt- huit au vingt-neuf fepttinbre, de pres de deux lignes , tandis qua Paris elle n'a prelque pas varie. OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENERALE. I. Limace particuliere. M, . 11. j) u Gue a ecrit de Dieppe a M. de Reaumur , qu'il y a dans Hift. cette ville un jardin oil fe trouve line efpece de limace inconnue aux j.ir- dihiers du pays. Elle eft longue de dix-huit a vingt lignes, & a pen pres de la forme des limacons rouges qui courent fur la terre, & n'ont point de coquille. Elle fe terre a la facon des vers, &: ne fort que la nuit. Elle porte lur la croupe line partie lemblable a un ongle , placee comme il left au bout du doigt, & pour le moins auffi dure. Tout 1'aninial eft li dur, qu'on a peine a le coiiper avec 11 n couteau. On l'a enferme d.uis un pot avec des vers de terre, longs de trois ^ quatre pouces, & gros comme une plume -, il s'en nourrit , quoique beaucoup moins tort qu 'eux en ap- parency II met environ quatre ou cinq heures a en avaler un entierement, mais ce long temps ne lui fait point halarder de perdre fa proie-, quand il l'a une fois failic par un bout, elle ne peut plus echapptr, quelques efforts quelle faffe. II depofe dans la terre fes oeufs , parfaitement ronds d'abord, & qui ne font qu'une petite pellicule remplie d'une humeur vif- qucufe ; mais au bout dc quinze jours ou un peu plus, l'humeur sepaiflit, la forme ronde fe change en ovale, & la limace eclot comme un poulet. Physique, Annie 1740. 64 A B R t G t DES M £ M O I R E S, &&' .1 I I. Tremblemens de terre. II y a eii a Annonay en Vivarais quelques petits tremblemens de terre; dont M. Chomel de Breflieu a envoye la relation a M. de Reaumur. Le premier arriva le jo Janvier entre onze heures & midi. II dura trois ou quatre iecondes , & aprcs tin petit intervalle il recommence Erefque auffi long- temps, mais moins violeniment. On fe fentoit comme erce , on crut feulemcnt que quelque maifon voitine s'etoit eboulee , parce qu'on entendoit un bruit a peu prcs pareil. On l'entendoit fous fes pieds quand on etoit a res-de-chauffee , & fur fa tete , quand on etoit fur des planchers. II n'y eut aucun defordre. Ce tremblement ne s'eft point etendu au-dela de Mere; il n'a point ete fenti a Vienne, ni a Condrieux. Du cote de la montagne il eft alle jufqu'a St. Bonnet, & en Dauphine une lieue & demie au-dela de St. Vallier. Dans les parties du Rhone qui furent fecouees, ies bateaux crurent qu'ils echouoient fur des rochers. Le fecoifd tremblement arriva la nuit du 14 au 15 fevrier, a deux heures du matin, il fut plus foible que le premier, & fuivi d'un bruit que Ton prit pour du tonnerre , mais le ciel etoit fort ferein. Le troilieme arriva la nuit du 20 au 21 du meme mois, a trois heures & demie du matin, moins fort que le premier, & plus que le fecond, precede & fuivi d'un bruit comme de tonnerre, fair etant fort calme. Ce bruit a dure demi- minute , & il alloit d'odave en oftave. On a toujours fenti que la fecoulfe commencoit du cote du fud. M. de Breflieu ne croit pas qu Annonay flit au centre du tremblement , mais a une lieuc ou environ. I I I. Globe de feu. La nuit du 2 3 au 24 fevrier on vit vers la rade de Toulon un globe de feu comme violet , qui s'etant eleve peu a peu , plongea enfuite dans la mer , d'ou il fe releva comme une balle qui reflechiroit , apres quoi etant parvenu a une certaine hauteur , il creva , & r^pandit divers globes de feu, dont les uns parurent tomber dans la mer, & les autres fur les montj^nes. Le bruit qu'il fit en crevant , fut femblable pour leclat a celui du plus i>ros tonnerre , mais comme il dura peu , il reflembla da- vantage i» celui dune bombe. Ce phenomene ne fut pas vu par des obferv.-itturs bien exerces, & d'ailleurs la plupart eurent grande peur, & voila tout ce que M. le marquis de Caumont a pu recueillir de plus cer- tain de divers recits dont il a envoye le refultat a M. de Reaumur. BOTANIQUE. BOTANIQUE. Tome VIII. Panic Franfoife. 6? BOTANIQUE. Observations s v r la Sensitive. Par M. uu Fay. a fenfitive eft une plante fort connue par la propriete quelle a de ! donner des fienes de fenlibilite & prefque de vie, quand on la touche. -n Mais jufquici on sen elt tenu a cette connomance generale , & a la inn pie curiofite d'aller voir cette merveille dans les jardins ou elle fe Annie 173G. trouve. Les philofophes raeme , fi Ton en excepte M. Hook , favant Anglois, I'ont negligee. Mrs- du Fay & du Hamel viennent d'en faire une etude particuliere •, ils l'ont obfervee de concert & feparement : de con- cert , afin d'agir dans les memes vues , & par rapport aux memes eclair- ciffemens qu'ils cherchoient ; feparement, afin de ne fe faire tomber l'un l'autre dans aucune erreur , & au contraire , de fe corriger mutuellement quand il le faudroit. Ecoutons M. du Fay , qui a redige leurs oblervations. II y a plufieurs efpeces de fenfitives, mais nous ne parlerons que de Mfo. celle qui eft connue des botaniftes fous le nom de mimofa humilis , Jpinofa , frutejiens filiquis conglobatis. Plum. Cat. II eft neceflaire d'en donner une figure pour faire connoitre chaque partie de la plante , & eviter l'obfcurite , ou la confulion dans la defcription des experiences. J'appellerai branche, la partie (*) ^1, B, de la plante, B,C , les ra- (*) P'- l- F'g- J- meaux , C , D , les cotes feuillees, f,g, h, les feuilles qui font atta- chees a la cote feuillee chacune par un pedicule. II y a ordinairement a chaque cote feuillee , quatorze feuilles de chaque cote , mais quelquefois J ilus ou moins 5 chaque rameau porte , pour l'ordinaire , quatre cotes feuil- ees, & quelquefois deux feulement : le refte de la plante varie comme toutes les autres. Ce petit nombre de definitions fuSt, mais U etoit ne- ceflaire pour l'intelligence de ce memoire. On fait que prefque toutes les plantes qui ont leurs feuilles empanees ou rangees par paires fur une cote , ont un mouvement periodique qui les fait fe fermer tous les foirs , & s'ouvrir tous les matins , les cafles , les caflies , les acacias , les fenfitives , font de ce nombre. M. de Mairan (a) a remarque que, quoique la fenlitive fut dans un lieu trcs-obfcur , & d'une temperature aflez uniforme , elle ne laiffoit as de fe fermer tous les foirs , & de fe rouvrir tous les matins , comme i elle eiit ete expolee au jour. Nous avons voulu voir ce qui arriveroit, S (n) Hift. de l'Ac. 1729. Collect. Acad. Partie Francoil'e , Tome VI, p. 375. g% abr£g£desmemoires i 111 i -■ en mettant la fenlitive dans une obfcurite plus parfaite, & nous avonl ., fait l'experience chacun de notrecote, nous l'avons fait faire audi dans b o t A n i Q u E. jes caves je l'obfervatoire , oil le thermometre ne varie pas fenliblement, Annie Z7 36\ ^e faeces a etc a peu prcs le meme dans chacune de ces experiences, & void ce qui eft arrive. I. Observation. Le 14 d'aout, a dix heures du matin, ayant portc nn pot de fenlitive dans On caveau tres-obfcur, qui etoit precede d'une autre cave , la plante fe ferraa par le mouvement du transport. Le len- demain , ^ dix heures du matin , elle etoit ouverte , mais pas abfolurnent autant que dans fon etat nature] ; le foir , a dix heures , elle etoit entie- rement ouverte; elle le fut pareillement le refte de la nuit, & le lende- main , a fept heures du foir , elle f etoit encore , & meme elle etoit tres- fenfible ; le meme jour , a dix heures , elle etoit dans le meme etat , & les feuilles que j'avois touchees trois heures auparavant, & qui s'etoient fermees alors , etoient entierement rouvertes •, elle refta encore deux jours dans la meme cave , & fut toujours ouverte & fenlible. Le 1 S , a neuf heures du foir, je la retirai de la cave tres-doucement, & je l'expofai i l'air, elle demeura ouverte route la nuit, elle etoit toujours fenlible, mais cependant un peu moins que dans fon etat ordinaire , elle fut tout le jour ouverte, & le foir elle fe ferma comme toutes les autres, & a con- tinue & fe porter tres-bien , fans qu'il ait paru que cette experience lui eut fait aucun tort. II eft arrive la meme chofe a M. du Hamel , li ce n'eft que la (ienne etoit plus pareffeufe dans le temps quelle a demeure a la cave, ce qui vient peut-etre de ce que ma plante etoit plus vigou- reufe que la lienne , oil de ce que fon experience a ete faite dans une faifon un peu plus avancee. Voici, comme l'on voit , un effet tout different de ce qui eft arrive a M. de Mairan , & Ton pourroit croire que cela vient de ce que l'obfcurite etoit plus parfaite , mais cela tient certainement a une autre caule , car nous avons enferme, dans une grande malle de cuir, tin pot de fenlitive j la malle etoit enveloppee de plulieurs doubles d'une groffe etoffe de laine, & de plus, elle etoit placee dans une chambre, dont les portes & fenetres etoient exactement fermees , la plante n'a pas laifie d'etre ouverte a huit heures du matin ; il eft vrai qu'elle ne l'etoit pas ablolument autant qu'elle l'auroit ete a la lumiere du jour, mais elle avoit certainement beaucoup moins de lumiere dans cet endroit, qu'elle n'en a a fept heures du loir dans le mois de juiliet a Fair libre-, cependant, dans ce dernier cas , elle eft entierement fermee, au-lieu que dans la malle, elle etoit prefque abfolu- rnent ouverte, de meme que dans l'experience de M. de Mairan. II. Nous avons fait paffer l'hiver a quelques pieds de fenlitive dans les nouvelles ferres du jardin du roi , elle eft beaucoup plus pareffeufe que pendant l'ete, & paroit comme engourdie ', cependant elle ne manque pas de fe fermer tous les foirs, & de fe rouvrir tous les matins, quoiqu'il y ait fouvent des jours plus froids que les nuits, ainfi que je l'ai reconnu par le thermometre ; on peut done inferer de ces deux obfervations, que ce n'eft point de la temperature de l'air, ni de la lumiere du jour, & de DE L'ACADt'MIE ROYALS DES SCIENCES. 6? I'obfcurite de la unit feulement que depend ce mouvement alternatif de ^— — ^»^» la fenlitive. Je me luis allure, par l'experience fuivante, que ce n'etoit ni R la chaleur du jour qui faifoit ouvrir la fenlitive, ni la fraicheur des ap- proches du loir qui fa faifoit fermer; car Ie ly d'aoiit jc remarquai qu'un Annie 1736. thermometre de M. de Reaumur, que j'avois place a cote d'un pot de fenlitive dans unc chambre , etoit ail quinzieme degre a fept heures du foir lorlqu'clle ie ferma : Ie lendem.iin , a fept heures du matin , le ther- mometre etoit deux degrcs plus bas, & cependant la plante etoit parfai- teinent ouverte. Ce jour la meme je portai a mfdi la fenlitive ouverte , & le thermometre dans un endroit ou le thermometre qui avoit he le matin dans un lieu plus chaud, defcendit a vingt degres ; je lailfai l'un & l'autre en cet endroit jufqu'a cinq heures, & je les portai alors fans donner lc moindre mouvement a la fenlitive, dans un endroit voilin oil il y avoit du feu allume, le thermometre monta a vingt-huit degrcs en moins d'un quart-d'heurc , & demeura jufqu'a huit heures du foir a pen prcs all meme point , la lenlitive ne lailla pas de fe fermer avant iept heures, & meme plutot qu'elle n'auroit fait en plein air-, peut-etre la temperature avoit etc trop promptement chargee , & e'eft ce qui l'aura fait fermer plutot. Cette experience fuivie long-temps avec exactitude & patience , pourroit peut-etre metier a quelque decouverte fur le mecha- nilme des mouvemens de cette plante. III. Une lumiere artificielle ne prodtiit pas le meme effet, car qu'on mette la fenlitive auprcs d'une flainme trcs-brillante , ou qu'on approche de fort prcs un flambeau allume, il ne lui arrive aucun changement, & elle demeure toujours fermee. IV. La plante n'eft pas egalement ouverte tous les jours, ni auffi exactement fermee toutes les nuits \ les jours chauds font ceux ou elle fait le mieux fori jeu;quand il fait froid , ellefemble languir, & lorfqu'elle fe ferme, fes feuilles ne font pas auffi exactement appliquees l'une contre l'autre : de meme quand elle eft ouverte, elles ne lont pas alors dans Ie meme plan , mais celles de la droite forment un angle plus ou moins obtus avec celles de la gauche. Le temps oil elle eft le plus fenlible, &: par confequent le plus propre aux experiences, eft fur les neuf heures du matin d'un jour trcs- chaud, & oil le foleil eft un peu couvert , car pen- dant les grandes ardeurs du foleil , vers le milieu du jour , elle fe ferme ordinairement un peu. V. Lorfqu'un pot de fenlitive a ete pendant qnelques heures couvert d'une cloche de verre, & expofe au foleil, li Ton vient a lever cette cloche fans toucher la plante, ni renuier aucune de fes branches, au bout d'une minute , 011 environ , fes feuilles & fes branches fe plient toutes fucceffivement , & elle fe ferme prefque entierement. Cette obfervation avoit deja ete faite par d'autres, {a) je l'ai rcpetee avec tout le foin pof- nble , & je me luis allure que cela ne venoit ni du vent , ni d'aucun mouvement , mais feulement du changement qui refulte de la dirlerencc (<0 Hook Mkrographia , obf. 38. p. 116. 7s ABREGfi DES MEMOIRES — — — ■ — de 1'air exterieur & de celui qui etui t renferme ions la cloche , ce qui a quelque rapport avec la feconde obfervation. b o t A n i q u e. vi. Un rameau (*) B , C, coupe & detache de la plante , continue a Annie 1736. ^e fermer quand on le touche, ou quand la nuit approche, &ilferouvre enfuite : cette faculte fe conferve encore plus long-temps ti Ton fait trem- C J F'g- '• per dans l'eau le bout du rameau. VII. Ayant lie le foir line groffe branche de fenfitive avec un fil cire , & 1'ayant ferre fortement , cela n'a pas empeche les feuilles de cette branche de s'ouvrir le lendemain matin , & d'etre fenlibles comme celles du refte de la plante ; la meme chofe eft arrivee a line cote feuillee apres l'avoir lice pareillement par la tige qui l'attache au rameau. VIII. Tons les mouvemens de la lenhtive fe font dans les articulations du rameau a la branche , de la cote feuillee an rameau , & du pedicule de la feuille a la cote feuillee , & ces mouvemens font i peu prcs fem- blables & ceux d'une charniere. II eft bon d'en donner line idee un pen plus detaillee. Le rameau fe meut fur la branche epineufe dans le point B de fon articulation d'une maniere affez femblable au mouvement d'une branche de compas ■, ce rameau porte a fon autre extremita deux 011 quatre cotes feuillees qui le meuvent pareillement dans le point C de leur arti- culation qui eft commiHi a toutes , & outre cela chaque feuille fe meut fur fon pedicule , & s'applique Tune contre l'autre chacune fur fon op- pofee , enforte qu'elles decrivent chacune un angle de quatre-vingt-dix degres. Voilh done dans cette plante trois parties difrerentes qui fe meu- vent les unes fur les autres , & meme avec quelques differences dans leurs mouvemens •, car les feuilles non-feulement fe rapprochent & fe collent Tune contre l'autre , mais la groffe fibre de chaque feuille & fon pedicule qui faifoient avec la cote feuillee un angle droit lorfque la fenfitive etoit ouverte , font un angle aigu lorfqu'elle eft fermee , enforte que le mou- vement de la feuille eft compofe , & qu'il eft plutot celui d'un genou, oil d'une charniere inclinee , que celui d'une tete de compas •, le mouve- ment des cotes feuillees fur le rameau eft moins coniiderable que celui du rameau fur la branche , ces deux derniers paroiffent ne fe faire que d'un fens , & tiennent plus de la charniere que du genou. On peut voir l'etat des rameaux & des feuilles dans ces difterentes pofitions; les cercles & les lignes poncluees delignent le mouvement de chaque partie de la ( * ) PI. I. Fig. 2. plante , ainli avant que de toucher le rameau ( * ) C , D , les quatre cotes feuillees font ouvertes comme celle marquee E; fi Ton touche l'extremite d'une de ces cotes M , les feuilles f,g,k,fe plient en decrivant Tare fj h ; lorfque les feuilles font toutes pliees , la cote eft femblable a celle qui eft marquee N, & quand elle commence a fe rouvrir , e'eft par le bout , comme on voit en O. Lorfque le rameau C, D, fe plie , e'eft en decrivant l'arc pon&ue D, H,8i M, P , & il vient dans la lituation C, H. Ce peu de figures & duplications fuftit pour l'intelligence de tout ce que nous avons a dire dans ce memoire. IX. Ces mouvemens font independans les tins des autres , & fi I'on touche une feuille tres-delicatement , cette feule feuille fe plie •, mais (i DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 71 l'itr.prefllon du mouvement a etc affez forte pour en faire mouvoir deux , - e'eft l'oppofee de celle qui a etc touchee qui fe plie & fc colle contre la B o t a n i 0 u i premiere , & cela arrive lans que la cote feuillee ni le rameau aient aucun mouvement. On peut aiilTi les faire mouvoir fans que les feuilles remuent, -Annte IJ36. niais il iaut beaucoup d'attention & de delicatelle pour y reuffir ; parce que lorfqu'un rameau fe plie , il eft difficile que les fcuilles nc touchent a quelque autre partie de la plante, ce qui occalionne 1111 mouvement qui trouble l'experience , mais nous nous fortunes bien allures qu'en prenant toutes les precautions convenables , tons cts mouvemens fe pouvoient faire independamment les uns des autres. X. La nuit, lorfque la fenfitive eft fermee, e'eft-a-dire , lorfque les feuilles font appliquees les lines contre les autres , !i on la rouche elle eft encore feniible , car les cotes feuillees & les rameaux fe plient comme pendant le jour, & meme les rameaux font quelquefois un plus grand mouvement que le jour, & s'approchent plus pics de la branche, & avec plus de force. XI. Le 1 1 de feptembre j'obfervai exa&ement le mouvement d'un ra- meau , il faifoit a neuf heures du matin avec la groffe branche un angle d'environ cent degres •, a midi il etoit de cent & douze , a trois heures aprcs midi elle etoit revenue comme a neuf heures; je la touchai alors, les feuilles fe plierent; & le rameau fe rapprocha de la branche, ne fai- fant plus avec elle qu'un angle de quatre-vingt-dix degres. A trois heu- res trois quarts les feuilles s'etoient rouvertes , & le rameau faifoit avec la branche un angle de cent & douze degies comme a midi, & plus grand que lorfque je l'avois touchee; a huit heures du foir les feuilles etoient fermees , & le rameau faifoit avec la branche un angle de quatre-vingt-dix degres, comme a trois heures, apres que je l'eus touchee. Le lendemain a neuf heures du matin , le meme rameau faifoit avec fa branche un angle de cent trente-cinq degres, la plante etoit plus feniible que la veille, car layant touchee , elle fe plia de forte que le rameau ne fit plus angle de quatre-vingt degres •, cette augmentation de fenlibilite venoit de ce qu'il faifoit plus beau & plus chaud que la veille. An bout d'une heure le tz- rneau etoit revenu a cent trente-cinq degres, comme il etoit avant que d'avoir etc touche ; je le retouchai alors , e'eft-a-dire, a dix heures, il ne revint qu'a cent & dix degres; a onze heures il etoit plus ouvert qu'il ne I'avoit ete, & faifoit un angle de cent & quarante-cinq degres; je le tou- chai , il revint^ a quatre-vingt-dix ; a midi le rameau etoit revenu an meme point qua onze heures; l'ayant touche alors, il ne fe rapprocha de la branche que de dix degres , les feuilles fe rouvrirent enfuite fans que le rameau changeat de polition : a cinq heures je le touchai , il vint h cent & dix degres de cent & trente-cinq 011 il etoit. Je n'ai pas pouffe plus loin cette obfervation , qui eft neanmoins affez curieufe , & qui me- nteroit attention, mais il faudroit pouvoir s'affurer de frapper ton jours la teuille ou le rameau avec une force egale , ce qui n'eft pas facile , a moins qu'on ne prenne beaucoup de precautions. XII. 11 n'importe avec quel corps on touche les feuilles pour les faire 7i ABREG^ DES MEMOIRES ■« ■!■■«— ■ mouvoir , mais il faut que ce foit avec une efpece de fecouffe •, on peut T< preffer quelques feuilles entre les doigts fans qu'elles fe plient , mais li on o t a n i Q u e. je £ajt aV£c fecou{fe t ol, qU'on gene a(J"ez Ja feuille pour occalionner le Annarfait qui fe voient toujours dans le tronc d'un arbre coupe horifonta- ement, & qui marquent les accroiffemens en grofleur qu'il a pris fuc- ccfllvement chaque annee. Par-la on compte fon age ailez furement. Le dernier ecrele d'aubier qui eft enveloppe iiumediatement par lecorce, DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. «$ 8c la dcrnicre produ&ion du tronc en groffeur , eft d'une fubftance plus — — — rare & moins compacte, il eft bois moins parfait que le cercle qu'il en- fl0TANIQUEg veloppe lui-meme immediatement, & qui a itc la production de l'annee precedente. Cela fe denote par la blancheur de l'aubier , on le voit par Ann/e IJ27' le feul coup-d'ccil. De nitmc ce fecond cercle eft encore une efpece d'aubier par rapport an troilieme plus interieur, & toujours ainfi de fuitc jufqu'a ce que la difference de couleur s'eftace, mais alors on ne lailTe pas de reconnoitre encore la trace des cercles des differentes annees. On croit affez communement que ces cercles font plus ferres entr'eux du cote du nord que du cote du midi, & on en tire la confequence , qu'il feroit poflible de s'orienter dans une foret en coupant un arbre. II paroit en eftet affez naturel que les arbres croiflent davantage en groffeur du cote oil ils font plus expofes aux rayons du foleil. Cependant ce fen- timent n'eft pas abfolument general. On foutient auffi que e'eft du cote du midi que les cercles font plus ferres, & on en donne la raifon phyiique. Quelques-uns meme font pour le levant, & d'autres pour le couchant. Un grand nombre d'experiences des deux academiciens accordent tout, tous ces faits oppofes font vrais , & par confequent les differentes raifons phyliques tombent , mais la veritable fe decouvre. L'arbre a de groffes racines qui fe jettent les lines d'un cote, les autres d'un autre. S'il en avoit quatre, &a peu pres egales, qui fe tournaffent vers les quatre points cardinaux de l'horifon , elles fourniroient a tout le tronc une nourriture cgale, & les difterens cercles auroient chaque annee un meme accroiffe- ment , une meme augmentation de largeur ou d'epaiffeur , fauf les inega- lites qui peuvent furvenir d'ailleurs. Mais li une des quatre racines man- que , celle du nord , par exemple , ce cote-la du tronc fera moins nourri, & les cercles par confequent moins larges ou plus ferres du cote du nord. Une groffe branche qui part du tronc d'un certain cote, fait le meme eftet qu'une groffe racine. La nourriture , qui a dii fe porter a cette branche en plus grande abondance, a rendu les cercles plus larges de ce cote-la, & dela le refte s'enfmt. Tout cela fuppofe dans le mouvement des fucs de l'arbre , une direc- tion reguliere qui peut ne s'y trouver pas toujours. II faut qu'ils aillent en ligne affez droite de la groffe racine aux parties laterales du tronc qui font du meme cote, & la groffe racine doit etre l'origine d'un faifceau continu de fibres qui s eleveront dans le tronc , pofees parallelement les unes aux autres. De meme il faut que tous les fucs, deftines a nourrir la groffe branche, ne fe portent que de ce cote-la , car autrement ils pourroient n'etre pas en affez grande quantite pour nourrir audi cette partie laterale du tronc plus que les autres. Une li parfaite regularite n'eft pas dans la nature ; aufli arrive-t-il quelquefois que la groffe racine ou la groffe branche ne font pas du cote oil les cercles font les mieux nourris , mais le grand nombre de cas contraires indique furh'famment la caufe ge- nerale dont il n'eft pas poflible que l'a&ion ne foit quelquefois alteree par les circonltances. LiJ 84 ABREGJE DES MEMOIRES — — —— » II fujt dela , que plus les gioffes racines font egalement diftribuees R a m n - allrour du P'cd de l'arbre, & les groffes branches autour du tronc, plus ' la nourritute fe fera audi diftiibuee egalement dans toute la fubftance de Annec 27 pj. l'arbre, & au contraire, de forte qu'on aura un ligne exterieur d'une de fes principales qualites par rapport a l'ufage. L'aubier fe convertit peu a peu en bois parfait, qu'on appelle cceur. II lui arrive toujours par le niouvement de la leve, foit diredt, foit lateral, des particules ligneufes qui s'arretent dans les interftices de fa fubftance Bche, & la rendent plus ferme & plus dure. Cela fait autant qu'il peut l'etre , l'aubier n'eft plus aubier , c'eft line couche ligneufe. Cette con- yerfion fe fait, corame Ton fait, de la circonference vers le centre, le dernier aubier eft a la circonference exterieure du tronc, & il n'y en a plus quand l'arbre cefie de croitre. Un arbre eft d'autant plus propre pour le fervice , qu'il a une moindre quantite d'aubier & une plusgrande de cceur. M". du Hamel & de Buffo n ont mefure avec beaucoup dc foin ces deux quantites dans des arbres de meme age, mais de diflerente elpece, oil pris en differens terreins. II eft aife de deviner que les bons terreins ont toujours fourni les arbres qui avoient le moins d'aubier. Les deux anodes prenoient le nombre , & mefuroient l'etendue des couches d'aubier & des couches ligneufes 011 de cceur ; & ils ont toujours trouve que plus les couches d'aubier ont d'etendue, plus le nombre en eft petit, car c'eft l'abondance de nourriture qui leur donne une plus grande etendue , & cette meme abondance fait qu'elles fe convertillent plus promptement en bois , & ne font plus au nombre des couches d'aubier. L'aubier n'etant pas compte pour bois de fervice, deux arbres de meme age & de meme efpece , peuvent etre tels par la feule difference des ter- reins, que celui qui aura cru dans le bon, aura deux fois plus de bois de fervice que l'autre, parce qu'il aura deux fois moins d'aubier. II faiit pour cela que les arbres foient d'un certain age , & on en avoit pris a qua- rante-iix ans. La proportion de l'aubier au cceur varie felon les ages, mais il y a encore fur ce lujet beaucoup de confiderations a faire , qui vien- dront avec le temps. II ne faut pas oublier un autre fruit , quoique moins important , que les deux obfervateurs ont deja tire de leur travail. On croit cornmunement qu'en plantant les jeunes arbres qu'on tire de la pepinierc , il faut les orienter comme ils l'etoient dans la pepiniere, c'eft line erreur. Vingt-cinq jeunes arbres de meme efpece, plantes dans un meme champ, alternative- ment orientes comme dans la pepiniere , d'une facon diflerente , ont tons egalement reiiffi. II n'y aura aucun mal a placer les arbres lelon leur pre- miere position , mais ce feroit une fujetion affez genante dont il vaut mieux etre delivre. Venons maintenant aux effets que la gelee peut faire fur les arbres. Le froid par lui- meme diminue le mouvement de la feve, & par confequent il peut etxe au point de l'arreter tout-a-fait , & l'arbre perira. Mais le DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 85 cas eft rare, & communement le froid a befoin d'etre aide pour imire — "^ ■ beaucoup. L'eau , & toute fubftance fort aqueuie , fe rarefie en fe gelant ; R s'il y en a qui foit contcnuc dins les pores interieurs de l'arbre , elle s'eten- dr.i done par un certain degre de froid , & mettra neccliairement les Annce IJ3J- petites parties les plus dedicates de l'arbre dans une diftenlion forcee & trcs-conlidcrable, car on (ait que la force de l'extcnhon de l'eau qui (e gele eft prefque prodigieufe. Que le foleil furvienne , il fondra bniique- ment tons ccs perits glacons , qui reprendront leur volume naturel , mais les parties de l'arbre qu'ils avoient diftendues violemment , pourront ne pas reprendrc de meme leur premiere extenlion , & (1 elle leur etoit ne- ceiTaire pour les fonclions qu'elles devoient exercer , tout l'interieur de l'arbre eft altere, & la vegetation troublee, 011 meme detruite, du moins en quelque partie. II auroit fallu que l'arbre ei'it ete degele doucement , & par degres , comme on degele des parties gelees d'animaux vivans. L'a- nalogie eft parfaite ici de part & d'autre, & elle eft peut-etre la plus forte preuve de tout ce petit fyfteme qui paroit allez delie. Les plantes rciineufcs font moins fujettes a la gelee, ou en font moins endommagees que les autres. L'huile ne s'etend pas par le froid coinme l'eau , all contratre elle fe refferre. Un grand froid agit par lui meme fur les arbres qui contiendront le moins de ces petits glacons interieurs , on n'en contiendront point du tout, li Ton veut, fur les arbres les plus expofes an foleil, & fur leurs parties les plus fortes, comme le tronc. On voit par-la quelles font les cir- conftances dont un froid mediocre a beioin pour etre tort nuilible •, il y en a fur-tout deux fort a craindre pour nous , l'une que les arbres aient ete imbibes d'eau oil d'humidite quand le froid eft venu , & qu'enfuite le degel foit brufque , l'autre que cela arrive dans un temps ou les parties les ilus tendres & les plus precieufes de l'arbre, les rejettons, les bourgeons, es fruits , commencent a fe former. L'hiver de 1709 raffembla les circonftances les plus ficheufes, aufli eft- on bicn fiir qu'un pareil hiver ne peut etre que rare. Le froid fur par lui- meme extremement vif, mais la combinailon des gelees & des degels fut (ingulierement funefte. Apres de grandes pluies , & immediatement apres , vient une gelee trcs-forte des fon premier commencement, enfuite un degel d'un jour ou deux tres-fubit & tres-court, & audi-tot une feconde gelee ties- forte & longue , qui fixe tout pour jamais dans le mauvais etat 011 elle l'avoit trouve. M". de Burton & du Hamel ont vu beaticoup d'arbres qui fe fentoient encore de l'hiver de 1709, & qui en avoient contracts des maladies ou des defiuts fans remede. Un des plus remarquables eft ce qu'ils appellent le faux aubier. On voit lous 1'ecorce de l'arbre le veritable aubier, enfuite line couclie de bois patfait, qui ne s'etend pas comme elle devroit jufqu'aU centre du tronc , en devenant toujours plus parfaite , mais qui eft (uivie par une nouvelle couche de bois imparfait ou de fmx aubier, apres quoi revient le bois parfait qui va jufqu'au centre. On eft fur par les indices de l'age des arbres & de leurs ditlerentes couches, que le faux aubier eft P U ABREGEDESMEMOIRES jgggSHggBB dg 1709. Ce qui etoit en cette annee-la le veritable aubier, n'y put fe R convertir en bon bois, parce qu'il fut trop altere par l'exces du froid, la tanique. vegetation ordinaire fut comme arretee la , raais elle reprit dans les annees Annie I7S7- fuivantes fon cours , & pafla par-deffus ce mauvais pas , de forte que le nouvel aubier qui recouvrit ce faux , fe convertit en bois dans fon temps , & qu'il refta a la derniere circonference du tronc celui qui devoit toujours y etre naturellement. On devinera aifement par ce qui vient d'etre dit, que le faux aubier eft un bois encore plus imparfait , plus mal conditionne que le vrai. Celt ce qu'on a trouve en eftet par des experiences exaclres fur leur difference de pefanteur , & de facilite a rompre. Un arbre qui auroit un faux aubier , feroit fort defectueux pour les grands ouvrages , & d'autant plus que cc Tice eft plus cachi, & qu'on s'avile moins de le foupconner. Les gelees comme celle de 1709, & qui font proprement gelees d'hi- ver, ont rarement les conditions neceffaires pour faire tant de ravages, ou des ravages (i marques en grand ; mais les gelees de printemps moins fortes en elles-memes , font afl'ez frequentes , & affez fouvent en etat par les circonftances de faire beaucoup de mal. La petite theorie phyfique que nous avons donnee, fuffira pour rendre raifon de tout, pourvu qu'on en tire les differcntes combinaifons de cas quelle peut fournir. Mais elle peut donner auffi dans la pratique de l'agriculture des regies dont nous nous contenterons d'apporter ici quelques exemples. Puifqu'il eft (i dangereux que les plantes foient attaquees par line ge- lee de printemps, lorfqu'elles font fort remplies d'humidite, il faut avoir attention , fur-tout pour les plantes delicates & precieufes , telles que la vigne, a ne les pas mettre dans un terrein naturellement humide, comme un fond , ni a 1 abri du vent du nord qui auroit diflipe leur exces d'hu- midite , ni dans le voifinage d'autres plantes qui leur en auroient fourni de nouvelle par leur tranlpiration , on de terres labourees nouvellement , qui feroient le merae effet. Les grands arbres memes , des qu'ils font tendres a la gelee , comme les chenes, doivent etre compris dans cette regie. M". du Hamel & de Buffon l'etendent jufqu'a certaines precautions qu'il fera bon de prendre quand on feme des bois, quand on fait des referves dans des coupes, &c. II ne faut pas etre etonne que de petites attentions foient capables d'avoir de grands effets , fur-tout dans l'agriculture & dans le jardinage. N'y voit-on pas a chaque moment des differences tres fenlibles dans des cas ou il ne paroit pas qu'il diit s'en trouver aucune? D'oii naiffent-ellet ? De quelques petits principes qui echappent par leur peu d'importance apparente. DE UACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. 87 OBSERVATIONS BOTANIQUES. I. BOTANIQUE. Annie IJ3J. JVXr. Patouillart, medecin a Toucy, fut 3ppclle pour aller dans un hameau eloigne de Toucy d'un demi-quart de licue. II fut fort etonne d'y trouver toute une maiion malade de la merae maladie, & d'une ma- ladie fort etrange, a la referve du pay fan , pere de famille. Une femmc groife de cinq mois, cinq garcons dont le plus jeune avoit deux ans, & le plus age dix-huit, & trois filles de quinze, dix-fept & dix-neuf ans, ou avoient perdu la parole & la connoilTance , ou ne donnoient aucim figne de vie que par des hurleinens , des convullions , des contorlions horribles de membres. Si quelques-uns parloient, e'etoit pour propheti- fer des malheurs. M. Patouillart s'appercut aifement qu'ils etoient empoi- fonnes, & en interrogeant le pere de famille , qui feul pouvoit parler, il apprit de lui que le jour precedent il avoit mis dans la foupe des ra- rities qu'il crut etre des racines de panets ordinaires, & que par un certain halard il n'avoit point mange de cette foupe. Le medecin alia auffi-tot a l'endroit du jardin d'oii ces racines avoient ete tirces , & quoiqu'il n'y trouvat plus de feuilles de la plante, il ne laiffa pas de reconnoitre les racines pour etre celles de la jufquiame. On a deja vu dans l'hiftoire de 1709 des effets de cette malheureufe plante , moins terribles, mais dans le meme genre. M. Patouillart donna les contrepoifons a tons fes malades , en les pro- portionnant fagement & a l'age & au fexe. II lui falloit lix hommes forts & robuftes pour tenir un des garcons a qui il faifoit prendre leremede, tant ils etoient agites & furieux. L'un d'eux s'echappa, & s'alla jetter dans un etang, d'oii il eut le bonheur d'etre tire. Le lendemain des remedes pris, ou le troilieme a compter de l'acci- dent, M. Patouillart les trouva tons gueris. Ils avoient leur raifon , mais ils ne fe fouvenoient de rien de ce qui s'etoit paffe dans leur maladie, & ce qui eft plus remarquable , ils virent pendant ce jour-la tous les objets doubles. Le jour fuivant ils ne les virent plus que limples, mais rouges comme de l'ecarlate , & enfin ce defordre dans la vilion ceffa peu a peu. Le cerveau avoit ete violemment ebranle, & il en refta quelque temps une affez forte impreffion. Cela eft bien vague , & il feroit fort a fouhaiter que Ton put dire quelque chofe de plus precis & de plus par- ticulier. M. Patouillart a ecrit a M. Geoflroy tous ces faits qui lui avoient palle par les mains. L'acadanie a eu encore, par une lettre de M. Bertrand, medecin de Marfeille, a M. du Hamel , une relation des mauvais & furprenans effets de la jufquiame mangee en falade par une communaute de Provence. Ils furent plus violens que ceux dont nous avons parle julqu'ici , mais de la meme e/pece. Peut-etre le climat y contribue-t-il plus ou moins. BoTANIQUE. 88 ABREGI: DES M^MOIRES I I. Annie f] 3 J. Mr. Vacher, chirurgien major a Befancon correfpondant de l'aca- demie, lui a ecrit l'hiftoire fuivante. L'annee 1710 le fieur Billot, maitre menuifief a Befancon, fe prome- liant dans 1111 jardin oil Ton tailloit des vignes, y ramaffa line branche que l'on venoit de couper d'une treille de mufcat blanc , & la porta tout le jour dans fa main comme une baguette. Lorfqu'il fut rentre chez lui , il plants ce farment dans un pot d'ceuil- lets pour en foutenir les dards. L'annee fuivante, en vifitant ces ceuillets , il s'appercut que fa baguette avoit pris rarine , il n'helita point a facrifier Tceuiilet , & a Tarracher pour laiifer plus d'efpace a fon nouvel arbriffeau , qu'il eut des-lors envie de cultiver. II le laiffa dans le pot jufqu'au printemps , & alors il le trouva (i augmente en groffeur & en feuillages , qu'il crut le devoir mettre dans une caiffe. Au bout de deux ans fon pied de vigne crut confiderablement , & lui produisit une douzaine de belles grappes de railin d'un fort bon gout •, & comme la caiffe ne pouvoit plus iuffire, il fit faire un creux dans un coin de fa maifon , lituee rue Potun , expofee an midi , faifant face a une petite place , pour y tranfplanter fon arbriffeau ; il trouva moyen d'empe- cher qu'on ne Tendommageat. Comme ce fep de vigne avoit deja beloin d'appui , il fit fur les deux faces de Tangle des murs de fa maifon , 1111 petit treillage oil il attacha toutes les branches. II eut dans peu de temps le plailir d'y cueillir affez de fruit pour en faire part a fes amis, qui le recevoient comme un fruit rare, parce qu'il naiffoit dans une rue & au milieu d'une ville. Tout le monde s'interef- foit h une vigne li linguliere , & aidoit fon maitre a la conlerver. Elle augmentoit beaucoup toutes les annees, & l'obligeoit toujours a line nouvelle depenfe en treillage. II l'etendit non-feulement jufques fur les toits de fa maifon , mais encore fur la face de celles de fes voilms , oii il en a li bien diftribue les pampres, qu'ils en ornent les fenetres & fourniffent de l'ombrage. En 1 7 3 1 il y eut une gageure confiderable fur le nombre des grappes de railin, elles furent comptees exadtement, & il s'en trouva 4206. Depuis ce temps-te, ce fep eft augmente li prodigieufement en largenr & en hauteur , que le lieur Billot a ete oblige , pour ne point arreter fon progres , de pratiquer une galerie fur le milieu du toit de la maifon , fui- vant toute fon etendue qui eft d'environ trente-lix pieds de long lur neuf de large, fous laquelle il a fait induftrieufement paffer deck & dela des branches en quantite, qui en s'elevant , lui font aujourd'hui, un berceau ou Ton eft sa. Tombre pendant les plus grandes chaleurs. La vendange de ce pied de vigne monftrueux auroit ete embarraflante, fi Tinduftrie du proprietaire ne lui avoit pas fourni Texpedient de pratiquer un treillage mouvant fur un pivot, au moyen de quoi il rapproche de lui, quand DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 8? quand il veut, les branches qui s'ccartent au loin, les taillc, & en cueille ■-— — —«^--» le fruit. d Aujourd'hui que ce pied de vigne occupe toute la face & la hauteur C non-feulement de fa maifon, mais d'une partie des maifons voifines, le Annie Z7?7. lieur Billot, apres avoir fait les prefens ordinaires de fes railins , fait du furplus un demi-muid d'un tres-bon vin , qu'il a le plailir de boire a l'ombre de la meme treille qui l'a produit. C'eft dommage qu'Anacreon ne fe foit trouve la. MOYEN FACILE D'AUGMENTER LA SOLID1TE, LA FORCE ET LA DUREE DU B O I S. Par M. d e BuftON. It ne faut pour cela qu'ecorcer l'arbre du haut en bas dans le temps de ^mr,..! la leve, & le laiffer fecher entierement fur pied avant que de l'abattre ; cette preparation ne demande qu'une tres-petite depenfe : on va voir les -^nn^ l73&- precieux avantages qui en refultent. Mem. Les chofes audi fimples & auffi aifees a trouver que 1'eft celle-ci, n'ont ordinairement , aux yeux des phyficiens, qu'un merite bien leger ; mais leur utilite fumt pour les rendre dignes d'etre prefentees ; & peut-etre que l'exactitude & les foins que j'ai joints a mes recherches, leur feront trouver grace devant ceux-memes qui ont le mauvais gout de n'eftimer d'une decouverte, que la peine & le temps quelle a coute. J'avoue que je fuis furpris de me trouver le premier a annoncer celle-ci, fur-tout depuis que j'ai lu ce que Vitruve & Evelin rapportent a cet egard. Le premier nous dit , dans fon architecture , qu'avant d'abattre les aibres , il faut les cerner par le pied jufques dans le caeur du bois , & les laiffer ainli fecher fur pied; apres quoi ils font bien meilleurs pour le fervice, auquel on peut meme les employer tout de fuite. Le fecond rapporte, dans fon traite des forets , que le docteur Plot affure dans fon hiftoire naturelle, qu'autour de Staftort en Angleterre , on ecorce les gros arbres fur pied dans le temps de la feve, qu'on les laifle fecher jufqu'a l'hiver fuivant, qu'on les coupe alors •, qu'ils ne laiflent pas que de vivre fans ecorce, que le bois en devient bien plus dur, & qu'on fe fert de l'aubier comme du cceur. Ces faits font affez precis , & font rapportes par des auteurs d'un atfez grand credit pour avoir merite l'attention des phyliciens, & meme des archite&es •, mais il y a tout lieu de croire , qu'outre la negligence qui a pu les empecher jufqu'ici de s'affurer de la verite de ces faits , la crainte de contrevenir a l'ordonnance des eaux & forets , a pu retarder leur curiolite. II eft defendu, fous peine de groffes amendes, d'ecorcer aucun arbre , & de le laiffer fecher fur pied. Cette defenfe, qui d'ailleurs eft fondee, a du faire un prejuge contraire, qui, fans doute, aura fait regarder ce que nous venons de rnpporter comme des faits faux, ou du moins halardes-, & je ferois encore moi-meme dans l'ignoraiice Tome VIII. Partie Fran$oife. M jo ABREGfi DES MEMOIRES — mm— — i^ a cet egard , fi les attentions de 'M. le comte de Maurepas , pour les fciences , ne m'euflent procure la liberte de faire mes experiences fans B o t a n i q u e. avoir k craindre de les payer trop cher. Annie 1718. Dans un bois taillis nouvellement abattu, & 011 j'avois fait referver quelques beaux arbres, le troifieme de mai 175}, j'ai fait ecorcer fur pied quatre chenes d'environ trente a quarante pieds de hauteur, & de cinq a fix pieds de pourtour : ces arbres etoient tons quatre tres-vigoureux, bien en feve , & ages d'environ feptante ans ; j'ai fait enlever l'ecorce depuis le fommet de la tige jufqu'au pied de l'arbre avec line ferpe. Cette operation eft aifee , l'ecorce le feparant tfes-facilement du corps de l'arbre dans le temps de la feve. Ces chenes etoient de l'efpece commune dans les forets qui porte le plus gros gland. Quand ils furent entierement depouilles de leur ecorce, je fis abattre quatre autres chenes de la meme efpece dans le meme tcrrein , & audi femblables aux premiers que je pus les trouver. Mon deffein etoit d'en faire le meme jour ecorcer fix , & abattre tout autant , mais je ne pus achever cette operation que le lende- niain : de ces fix chenes ecorces , ii s'en trouva deux qui etoient beaucoup moins en feve que les quatre autres. Je fis conduire fous un hangar les fix arbres abattus , pour les laiffer fecher dans leur ecorce jufqu'au temps que j'en aurois befoin , pour les comparer avec ceux que j'avois fait' depouiller. Comme je m'imaginois que cette operation leur avoit fait grand tort, & qu'elle devoit produire un grand changement , j'allai pluiieurs jours de luite viliter tres-curieufement mes arbres ecorces, mais je n'ap- percus aucune alteration fenfible pendant plus de deux mois. Enfin, le 10 de juillet , 1'un de ces chenes, celui qui etoit le moins en feve dans le temps de l'ecorcement , laitTa voir les premiers fymptomes de la maladie qui devoit bientot le detruire. Ses feuilles commencerent a jaunir du cote du midi , & bientot jaunirent entierement, fecherent & tom- berent, de forte qu'au 16 d'aout il ne lui en reftoit pas une. Je le fis abattre le 30 du meme mois, j'etois prefenf, il etoit devenu fi dur, que la cognee avoit peine a entrer, & qu'elle caifa ians que la mal-adrelle du bucheron me parut y avoir part •, l'aubier fembloit etre plus dur que 1c cocur du bois , qui etoit encore humide & plein de feve. Celui de mes arbres, qui dans le temps de l'ecorcement, n'etoit pas plus en feve que le precedent, ne tarda guere a le fuivre; fes feuilles commencerent a changer de couleur au 1 } de juillet , & il s'en defit entierement avant le 10 de feptembre. Comme je craignois d'avoir fait abattre trop tot le premier, & que l'humidite que j'avois remarquee au dedans, indiquoit encore quelque refte de vie, je fis referver celui ci, pour voir s'il pouiferoit des feuilles au printemps fuivant. Mes quatre autres chenes refifterent vigoureufement , ils ne quitterent leurs feuilles que quelques jours avant le temps ordinaire-, & meme 1'un des quatre, dont la tete etoit legere & peu chargee de branches, ne les quitta qu'au temps jufte de leur chute naturelle •, mais je remarquai que les feuilles, & meme quelques rejettons de tous quatre, s'ctoient deffeches du cote du midi pluiieurs jours auparavant. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 9r An printemps fuivant , tons ces arbres devancercnt Ies autres , & ■ n'attendirent pas le temps ordinaire du developpement dcs feuilles pour Bo tan I que. en faire paroitre , ils fe couvrirent de verdure huit a dix jours avant la faifon. Je previs tout ce que cet effort devoit leur coiiter-, j'obfervai les Annie 1738. feuilles-, leur accroiffement fut affez prompt, mais bientot arrete, faute de nourriture fuflSfante , cependant elles vecurent •, mais celui de mes arbres, qui l'annee precedente setoit depouille le premier, fentit audi, le premier , tout l'effet de l'etat d'inanition & de fetherefle 011 il etoit reduit', (es feuilles fe fanerent bientot, & tomberent pendant les chaleurs de juillet 1734. Je le fis abattre le ?o d'aout , c'eft a-dire , line annee apres celui qui l'avoit precede •, je jugeai qu'il etoit tout au moins audi dur que l'autre a l'aubier, & beaucoup plus dur dans le canir du bois , qui etoit a peine encore un pen humide. Je le fis conduire fous un hangar, 011 l'autre etoit deja avec les fix arbres dans leur ecorce , auxquels je voulois les comparer. Trois des quatre arbres qui me reftoient , quitterent leurs feuilles an commencement de feptembre •, mais le chene a tete legere les conferva plus long-temps, & il ne sen defit entierement qu'au 22 du meme mois. Je les fis referver avec celui des trois autres qui me parut le moins malade pour l'annee luivante, & je fis abattre les deux plus foibles en ocTrobre 1734- Je laiffai l'un de ces arbres expofe a l'air & aux injures du temps, & je fis conduire l'autre fous le hangar-, ils ftirent trouves tres-durs a la cognee, & le caur du bois etoit prefque fee. Au printemps 1735 , ^e p'us vigoureux de mes deux arbres referves, donna encore quelques fignes de vie, les boutons fe gonflerent, mais les feuilles ne purent fe developper. L'autre me parut tout-a-fait mort \ en effet, l'ayant fait abattre au mois de mai, je reconnus qu'il n'avoit plus d'humide radical , & je le trouvai d'une tres-grande durete tanl en dehors qu'en dedans. Je fis abattre le dernier quelque temps apres, & je les fis conduire tous denx an hangar , pour etre mis , avec les autres , a un nouveau genre d'epreuve. Pour mieux comparer la force du bois des arbres ecorces avec cede du bois ordinaire, j'eus foin de mettre enfemble chacun des lix chenes que j'avois fait amener en grume avec un chene ecorce de meme grodeur a peu pres •, car j'avois deja reconnu par experience , que le bois dans un arbre d'une certaine groffeur, etoit plus pelant & plus fort que le bois d'un arbre plus p^tit, quoique de meme age. Je donnerai ailleurs l'expli- cation de ce fait qui eft aliez fingulier; mais pour ne pas m'eloigner de mon fujet , il me furfira de dire ici que je fis fcier tous mes arbres par pieces de quatorze pieds de longueur, que j'en marqiui les centres au- deffus &: au-deffous, que je fis tracer aux deux bouts de chaque piece un quarre de lix pouces & demi , & que je fis Icier & enlever ies quatre faces, de forte qu'il ne me refta, de chacune de ces pieces, qu'une (olive de quatorze pieds de longueur, fur fix pouces tres-jufte d'equarridage. Je les fis travailler a la varloppe, 8c reduire avec beaucoup de precaution a cctte meftire dans toute leur longueur, Si j'en fis rompre quatre de M ij ju ABRECE DES MEMOIRES LJ.i iiiii»mm»,.|1:1^„p efpece , afin de reconnoitre leur force, & d'etre bien allure dc w ~ ,. . >, , ^ ,t t la crande difference que j'y trouvai d'abord. H o T A N i q u E. b n a , , .».,,; II leroit peut-etre a propos de deenre ici lapparei! avec lecjuel j ai fait Amue l J 38. ces experiences-, mais comme j'ai fait un traite particulier de la force du bois , & que je compte donner d'aprcs l'experience line table de la refif- tance & de la cohelion du bois dans tous les fens depuis un police jufqu'a huit polices de groffeur, & depuis un pied jufqu'a trente pieds de lon- gueur , je laiffe pour cet ouvrage la defcription detaillee de la fa^on dont j'ai fait ces epreuves , oil j'ai charge quelquefois mes poutres de plus de vingt-fix milliers fur un feul point •, operation plus rude & plus difficile qu'on ne l'iinagine peut-etre. Je me contenterai done de donner ici le refultat de ce que j'ai fait fur le bois ecorce & non ecorce. La folive tiree du corps de l'arbre qui mourut le premier apres l'ecor- cement, pefoit deux cents quarante-deux livres; elle fe trouva la moiiis forte de toutes , & rompit fous fept mille neuf cents quarante livres. Celle de l'arbre en ecorce que je lui comparai, pefoit deux cents trente- quatre livres , elle rompit fous fept mille trois cents vingt livres. La poutre du fecond arbre ecorce pefoit deux cents quarante-neuf livres -, elle plia plus que la premiere , & rompit fous la charge de huit mille trois cents foixante-deux livres. Celle de l'arbre en ecorce que je lui comparai , pefoit deux cents trente- fix livres, elle rompit fous fept mille trois cents quatre-vingt-cinq livres. La poutre de l'arbre ecorce & laiffe aux injures du temps , pefoit deux cents cinquante huit livres-, elle plia encore plus que la feconde , & ne rompit que fous huit mille neuf cents vingt-fix livres. Celle de l'arbre en ecorce que je lui comparai , pefoit deux cents trente-neuf livres , & rompit fous fept mille quatre cents vingt livres. Enfin la poutre de mon arbre a tete legere , que j'avois toujours juge le meilleur, fe trouva en eflet pefer deux cents foixante-trois livres, & porta avant que de rompre, neuf mille quarante-fix livres. L'arbre que je lui comparai , pefoit deux cents trente-huit livres , & rompit fous fept mille cinq cents livres. Les deux autres arbres ecorces fe trouverent defedueux dans leur milieu, 011 il fe trouva quelques nceuds , de forte que je ne voulus pas les faire rompre : mais les epreuves ci-delfus fuffifent pour faire voir que le bois ecorce & feche fur pied eft toujours plus pefant & conhderablement filus fort que le bois garde dans fon ecorce. Ce que je vais rapporter ne aiffera aucun doute fur ce fait. Du haut de la tige de mon arbre ecorce & laiffe aux injures de 1'air, j'ai fait tirer line folive de fix pieds de longueur & de cinq polices d'e- quarriffage-, il fe trouva qu'a 1'une des faces elle avoit un petit abreuvoir, mais qui ne penetroit guere que d'un demi-pouce, & a la face oppofee line petite couleur large d'un pouce d'un bois plus brun que le refte. Comme ces defauts ne me parurent pas conliderables , je la fis pefer & charger , elle pefoit feptante-cinq livres : on la chargea en line heure cinq minutes de huit mille cinq cents livres , apres quoi elle craqua aflez DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 9; violemmcnt •, je cms quelle alloit caffer quelque temps apres avoir craquc , *MMMMM comme cela arrivoit toujours , mais ayant eu la patience d'attendre trois B o t a n 1 o u hcures , & voyant quelle ne baiffoit ni ne plioit , je continual a la faire charger, & au bout d'unc autre heure elle rompit enfin, apres avoir era- Anna 1^38 que pendant une demi-heure fous la charge de douze mille fept cents quarantc cinq livres. Je n'ai rapporte le detail de cette epreuve que pour faire voir que cette folive auroit porte davantage fins les petits defauts quelle avoit a deux de fes faces. Une folive toute pareille , tiree du pied d'un des arbres en ecorce, ne fe trouva pefer que feptante-deux livres ; elle etoit tres-faine & fans aucun. defaut, on la chargea en une heure trente-huit minutes, apres quoi elle craqua trcs-legeremcnt , & continua de craqucr de quart d'heure en quart, d'heure pendant trois heures entieres , & rompit au bout de ce temps fous la charge de onze millc huit cents quatre-vingt-neuf livres. Cette experience eft tres-avantageufe au bois ecorce , car elle prouve que le bois du delfus de la tige d'un arbre ecorce, meme avee des defauts aUez conliderables , s'eft trouve plus pefant & plus fort que le bois tire du pied d'un autre arbre non ecorce , qui d'ailleurs n'avoit aucun defaut , mais ce qui fuit eft encore plus favorable. De l'aubier d'un de mes arbres ecorces j'ai fait tirer pluiieurs barreaux de trois pieds de longueur fur un pouce d'equarrilfage, entre lefqnels j'eu ai choili cinq des plus parfaits pour les rompre. Le premier pefoit vingt- trois onces yy , & rompit fous deux cents quatre-vingt-fept livres. Le fecond pefoit vingt-trois onces j| , & rompit fous deux cents quatre- vingt-onze livres j. Le troilieme pefoit vingt-trois onces j| , & rompit fous deux cents leptante-cinq livres. Le quatrieme pefoit vingt-trois onces ^|, & rompit fous deux cents quatre-vingt-onze livres. Et le cin- quieme pefoit vingt-trois onces ii, & rompit fous deux cents quatre-vingt- onze livres {. Le poids moyen eft a-peu-pres vingt-trois onces y?, & la charge moyenne a peu pres deux cents quatre-vingt-fept livres. Ayant fait les memes epreuves fur pluiieurs barreaux d'aubier d'un des chenes en ecorce , le poids moyen fe trouva de vingt-trois onces -rl , & la charge moyenne de deux cents quarante-huit livres, & enfuite ayant fait audi la meme chole fur pluiieurs barreaux de cceur du meme chene en ecorce, le poids moyen s'eft trouve de vingt-cinq onces 4^- , 8c la charge moyenne de deux cents cinquame-lix livres. Ceci prouve que l'aubier du bois ecorce eft non-feulement plus fort que raubier ordinaire, mais meme beaucoup plus que le cceur de chene, quoiqu'il loit moins pefant que ce dernier. Pour en etre plus fur encore , j'ai fait tirer de l'aubier d'un autre de mes arbres ecorces , pluiieurs petites folives de deux pieds de longueur fur un pouce & demi d'equarrilfage , entre lefquelles je ne pus en trouvei que trois d'alfez partakes pour les foumettre a fepreuve. La premiere rompit fous mille deux cents quatre-vingt-quatorze livres , la feconde (bus mille deux cuts dix-ncuf livres, la troilieme fous mille deux c;nts qua- rante-fept livres , e'eft-i-dire , au pied moyen fous mille deux cents E. 94 ABREGE DES MEMOIRES MMM"MM"M cinquinte-trois , mais dc plulieurs folives femblables que je tirai de l'ail- BoTANiQut. bier ^'an alltre arbre en ecorce, le pied moyen de la charge ne fe trouva que de neuf cents quatre-vingt dix-fept livres-, ce qui fait une diiicrence Ann(e zyj8. encore plus grande que dans 1'experience precedente. De l'aubier dun autre arbre ecorce & feche fur pied , j'ai fait encore tirer plulieurs barreaux de deux pieds de longueur fur un pouce d'equar- riffage, parmi lefquels j'en ai choifi fix, qui, au pied moycn , out rompu fous la charge de cinq cents une livres -, & il n'a fallu que trois cents cinquante-trois livres an pied moyen , pour romp re plulieurs folives d'au- bier d'un arbre en ecorce qui portoit la meme longueur & le meme equarriifage •, & meme, il n'a fallu que trois cents feptante-neuf livres aa pied moyen , pour rompre plulieurs folives de cceur de chene en ecorce. Enfin, de L'aubier d'un de mes arbres ecorces, j'ai fait tirer plulieurs barreaux d'un pied de longueur fur un pouce d'equarriflage , parmi lefquels j'en ai trouve dix-fept alfez parfaits pour etre mis a l'epreuve •, ils pefoient fept onces 4-f au pied moyen, & il a fallu pour les rompre, la charge de lept cents quarre-vingt-dix-huit livres ; mais le poids moyen de plulieurs bar- reaux d'aubier d'un de mes arbres en ecorce , n'etoit que de \~k onces if & la charge moyenne qu'il a fallu pour les rompre , de fix cents vingt-neur livres ; & la charge moyenne pour rompre de femblables barreaux da cceur de chene en ecorce par huh differentes epreuves , s'eft trouvee de fept cents trente-une livres. L'aubier des arbres ecorces & feches fur pied eft done conliderablement plus pefant que l'aubier des bois ordinaires, & de beaucoup plus fort que le cceur meme du meilleur bois. Je ne dois pas oublier de dire que j'ai remarque en faifant toutes ces epreuves, que la partie la plus exterieure de l'aubier etoit celle qui rehftoit davantage , enlorte qu'il falloit conflamment une plus grande charge pour rompre un barreau d'aubier pris a la derniere circonference de 1'arbre Ecorce , que pour rompre un pareil barreau pris en-dedans. Cela eft tout-a-fait con- traire a ce qui arrive dans les arbres traites a l'ordinaire , dont le bois eft plus leger & plus foible a mefurer qu'il eft le plus pres de la circonfe- rence. J'ai determine la proportion de cette diminution , en pefant a la balance hidroftatique des morceaux du centre des arbres , des morceaux de la circonference du bois parfait , & des morceaux d'aubier ; mais ce n'eft pas ici le lieu d'en rapporter le detail , je me contenterai de dire que dans les arbres ecorces, la diminution de folidite du centre de 1'arbre a la circonference, n'eft pas, & beaucoup prcs, audi fenfible, & qu'elle ne l'eft meme point du tour dans l'aubier. Les experiences que nous venons de rapporter font trop multipliees pour qu'onpuifle douter du fait qu'elles concourcnt a etablir : il eft done trcs- certain que le bois des arbres ecorces & feches fur pied eft plus dur, filus folide , plus pefant & plus fort que le bois des arbres abattus dans eur ecorce , & dela je penfe qu'on pent conclure qu'il eft audi plus durable. Des experiences immediates fur la duree du bois feroient encore plus concluantes •, mais notre propre duree eft (i courte , qu'il ne (eroit pas raifonnable de les tenter-, il en eft ici corame de l'age des fouches, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 95 & en general , comrae d'un tees-grand nonibre dc verites importantes — ■—^— — que l'obfcurite du temps femble nous voiler a jamais : il faudtoit buffer B o t a n 1 q u E. a la pofterite des experiences commcncces , il faudroit la mieux traitor que ('on ne nous a traites nous-memes-, car le peu de traditions phyliques Annce tJ^S. que nous ont laiffe nos ancetres , devient inutile par le defaut d'exacti- tude ou par le pen d'intelligence des auteurs, & plus encore, par les faits hafardes ou faux qu'ils n'ont paseu honte de nous tranfmcttre. La enure phyfique dc cette augmentation de folidite & de force dans 1c bois ccorce fill pied, fe prefente d'elle-meme, il fuffit de favoir que les arbres augmentent en groilcur par des couches additionnelles de nouveau bois qui fe forment a toutes les feves entre l'ecorce & le bois ancien ; nos arbres ecorces ne forment point de ces nouvelles couches, & quoiqu'ils vivent aprcs l'ccorcement , ils ne peuvent groffir. La fubftance deftinee a former le nouveau bois fe trouvc done arretce & contrainte de fe fixer dans tons les vuides de l'aubier & du cceur meme de l'arbre, ce qui aug- ment^ neccifairement fa folidite , & doit par consequent augmenter la force ; car j'ai trouve par plulieurs epreuves , que le bois le plus pefant eft aufii le plus fort. Je ne crois pas que {'explication de cet eft'et ait befoin d'etre plus detaillee ; mais a caufe de quelques circonftances particulieres qui reftent a faire entendre, je vais donner le refultat de quelques autres experiences qui ont rapport a cette matiere. Le 18 deccmbre 1753, }ai fait enlever des ceintures d'ecorce de trois ponces de Iargeur a trois pieds au-defius de terrc, a plulieurs chenes de difterens ages , enforte que l'aubier pavoiffoit a mid & entitlement de- couvert; j'interceptois par ce moyen le cours de toute la feve, qui devoit paffer par l'ecorce & entre l'ecorce & le bois : cependant au printemps fuivant, ces arbres poufferent des feuilles corame les autres & leur reffem- bloient en tout, je n'y trouvai meme rien de remarquable qu'au 22 de mai ; j'nppercus alors de petits bourrelets d'environ une ligne de hauteur au-deflus de la ceinture , qui fortoient d'entre l'ecorce & l'aubier tout autour de ces arbres ; au delibus de cette ceinture , il ne paroifioit & il ne parut jamais rien. Pendant l'ete, ces bourrelets augmenterent d'un pouce en descendant & en s'appliquant fur l'aubier-, les jeuncs arbres formerent des bourrelets plus etendus que les vieux , & tons conferverent leurs feuilles, qui ne tomberent que dans le temps ordinaire de leur chute. Au printemps fuivant, elles reparurent un peu avant celles des autres ar- bres, je cms remarquer que les bourrelets fe gonfloient un peu, mais ils ne s'etendirent plus; les feuilles relifterent aux ardeurs de l'ete, & ne tom- berent que quelques jours avant les autres. Au printemps fuivant 1736, mes arbres fe parerent encore de verdure & devancerent les autres ; mais les plus jeunes ou plutot les plus petits, ne la conferverent pas long- temps, les fechereffes de juillet les depouillerent •, les plus gros arbres ne perdirent leurs feuilles qu'en automne , & j'en ai eu deux qui en avoient encore au niois de juillet 1 7 j 7 -, mais tous ont peri a la troitieme ou a la quatrieme annee. J'ai effaye la force du bois de ces arbres , elle m'a paru 9g ABREGEDESMEMOIRES .. pllIS grande que celle des bois abattus a l'ordinaire •, mais la difference ~ qui, dans les bois entierement ecorces, eft de plus d'un quart, n*eft pas, BotAnique.t b^aucollp pr^S) aufjj confiderable ici, & meme n'eft pas affez fenlible Annie 17-8 pour que je rapporte les epreuves que j'ai faites a ce fujet. Et en eftet, ces arbres n'avoient pas laiffe que de groflir au-deffus de la ceinture, ces bourrelets n'etoient qu'une expanfion du liber qui s'etoft forme entre^ le bois & l'ecorce •, ainli la feve qui , dans les arbres entierement ecorces , fe tronvoit contrainte de fe fixer dans les pores du bois & d'en augmenter la folidite, fuivit ici fa route ordinaire, & ne depofa qu'une petite partie de fa fubftance dans l'interieur de l'arbre , le refte fat employe a la for- mation 3e ce bois imparfait dont les bourrelets faifoient l'appendice, & a la nourriture de l'ecorce, qui vecut auffi long-temps que l'arbre meme-, au-deffous de la ceinture l'ecorce vecut auffi , mais il ne fe forma ni bourrelets ni nouveau bois , I'adtion des fei-illes & des parties^ fuperieures de l'aibre pompoit trop puiffamment la feve pour quelle put fe porter vers l'ecorce de la partie inferieure •, & je m'imagine que cetteecorce du pied de l'arbre a plutot tire fa nourriture de l'humidite de l'air, que de celle de la feve que les vaiffeaux lateraux de 1'aubier pouvoient lui J'ai fait les memes epreuves fur plufieurs efpeces d'arbres fruitiers ,. c'eft an moyen fur de hater leur production ; ils fleuriffent quelquefois trois femaines avant les autres, & donnent des fruits hatifs & affez bons la pre- miere annee. J'ai meme eu des fruits fur un poirier dont j'avois enleve non-feulement l'ecorce, mais meme tout 1'aubier, & ces fruits prematures etoient auffi bons que les autres. J'ai auffi fait ecorcer du haut en bas de pros pommiers & des pruniers vigoureux , cette operation a fait motirir des la premiere annee les plus petits de ces arbres ; mais les gros ont quelquefois relifte pendant deux ou trois ans; ils fe couvroient avant la faifon dune prodigieufe quantite de fleurs, mais le fruit qui leur fuccedoit ne venoit jamais a maturite , jamais meme a une grofienr conhderable. J'ai auffi effaye de retablir l'ecorce des arbres qui ne leur eft que trop fouvent enlevee par differens accidens , & je n'ai pas travaille (ans fucces ; mais cette matiere eft toute differente de celle que nous traitons ici & de- mande un detail particulier. Je me fuis fervi des idees que ces experiences m'ont fait naitre , pour mettre a fruit des arbres gourmands & qui pouf- foient trop vigoureufement en bois. J'ai fait le premier effai fur un coi- gnaffier, le troilieme avril j'ai enleve en fpirale l'ecorce a deux branches de cet arbre •, ces deux feules branches donncrent des fruits , le refte de l'arbre pouffa trop vigoureufement & demeura fterile : au~lieu d'enlever l'ecorce , j'ai quelquefois ferre la branche ou le tronc de l'arbre avec une petite corde ou de la filaffe; l'effet etoit le meme, & j'avois le plaihr de recueillir des fruits fur des arbres fteriles depuis long- temps •, l'arbre en groffiffant ne rompt pas le lien qui le ferre, il fe forme feulement deux bourrelets , le plus gros au-deffus, & le moindre au-deffous de la petite corde -, & fouvent des la premiere ou la feconde annee , elle fe trouve recouverte & incorporee a la fubftance meme de l'arbre. De DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ■■)-, De quelquc facon qu'on intercepte done la feve , on eft fur de hater ' les productions des arbres , fur-tout l'epanoiuflement des fleurs & la pro- JJotanioue dudion des fruits. Je ne donnerai pas l'explication de ce fait , on la trou- vera dans la ftatique des vegetaux : cette interception de la feve durcit Annct ij^3. audi le bois, de quelque facon qu'on la faffe-, & plus elle eft grande, plus le bois devient dur. Dans les arbres entierement ecorces , l'aubier ne de- vient (i dur que parce quetant plus poreux que le bois parfait, il tire la feve avec plus de force & en plus grande quantite •, l'aubier exterieur la pompe plus puilfamment que l'aubier interieur; tout le corps de l'arbre tire julqu'a ce que les tuyaux capillaires fe trouvent remplis & obftrues ; il faut une plus grande quantity de parties fixes de la feve pou% remplir la capacite des larges pores de l'aubier , que pour achever d'occuper les petits interfaces du bois parfait, mais tout fe remplit a peu pres egale- ment ; & e'eft ce qui fait que dans ces arbres , la diminution de la pefau- teur & de la force du bois depuis le centre a la circonference , eft bieit moins conliderable que dans les arbres revetus de leur ecorce , & ceci prouve en meme- temps, que l'aubier de ces arbres ecorces ne doit plus etre regard^ comme un bois imparfait , puifqu'il a acquis , en une annee ou deux par l'ecorcement , la folidite & la force, qu'autrement il n'auroit acquife qu'en douze ou quinze ans ; car il faut a peu pres ce temps dans les meilleurs terreins , pour transformer l'aubier en bois parfait : on ne fera done pas contraint de retrancher l'aubier, comme on l'a toujours fait jufqu'ici, & de le rejetter : on emploiera les arbres dans toute leur grof- feur , ce qui fait une difference prodigicufe, puilqtic Ton aura fouvent quatre folives dans un pied d'arbre , duquel on n'auroit pu en tirer que deux : un arbre de quarante ans pourra lervir a tous les ufages auxquels on emploie un arbre de foixante.ans-, en un mot, cette pratique aifee donne le double avantage d'augmenter non-feulemcnt la force & la foli- dite, mais encore le volume du bois. Mais, dira-t-on, pourquoi l'ordonnance a-t-elle defendu l'ecorcement avec tant de feverite? N'y auroit-il pas quelque inconvenient a le per- mettre , & cette operation ne fait elle pas perir les fouches : II eft vrai qu'ellc leur fait tort ; mais ce tort eft bien moindre qu'on ne l'imagine , & d'ailleurs il n'eft que pour les jeunes fouches , & n'eft fenhble que dans les taillis. Les vues de l'ordonnance font juftes a cet egard , & fa feverite eft (age; les marchands de bois font ecorcer les jeunes chenes dans les taillis pour vendre lecorce, qui s'emploie a tanner les cuirs ; e'eft la le feul motif de l'ecorcement. Comme il eft plus aife d'enlever lecorce lorf- que l'arbre eft fur pied qu'apres qu'il eft abjttu , & que d" cette facon un plus petit nombre d'ouvriers peut faire la meme quantite d'ecorce, l'ufage d'ecorcer fur pied fe feroit retabli fouvent fans la rigueur des loix : or pour un trcs-leger avantage , pour line facon un peu moins chere d'enlever lecorce, on faifoit un tort conliderable aux fouches. Dans un canton que J ai fait ecorcer & lecher fur pied , j'en ai compte plufieurs qui ne re- poulioicnt plus, quantite d'autres qui pouffoient plus foiblement que' les fouches ordinaircs, leur langueur a meme etc durable) car, aprcs trois & Tome VIII. Partie Franpifc. N j»4 ABREGJi DES MEMOIRES ■■■■ in qilatre ans j'ai vu leurs rcjettons ne pas egaler la moitie de la hauteur des " rejettons ordinaires de meme age. La defenfe d'ecorcer fur pied eft done Botanique. fondce en raifon , il conviendroit feulement de faire quelqucs exceptions Aniu'e 17 18. ^ cctte refi'e troP generate. II en eft tout autrement des futaies que des taillis, il faudroit permettre d'ecorcer les baliveaux & tons les arbres de fervice •, car on fait que les futaies abattues ne repouffent prefque rien , que plus un arbre eft vieux lorfqu'on l'abat, moins fa fouche epuifee peut produire-, ainfi, foit qu'on ecorce on iron, les fouches des arbres de fer- vice produiront peu lorfqu'on aura attendu le temps de la vieilleife de ces arbres pour les abattre. A l'egard des arbres de moyen 3ge qui laillent ordinah»ment a leur fouche la force de reproduire, l'ecorcement ne la detruit pas ; car ayant obferve les fouches de mes fix arbres ecorces & fe- ches fur pied , j'ai eu le plailir d'en voir quatre couvcrtes d'un afTez grand nombre dc rejettons, les deux autres n'ont poufte que tres-foiblement •, & ces deux fouches font precifement celles des deux arbres , qui , dans le temps de l'ecorcement , etoicnt moins en feve que les autres. An mois de novembre dernier , tous ces rejettons avoient trois i quatre pieds de hau- teur •, & je ne doute pas qu'ils ne fe fuffent elcves bien plus haut, (1 le taillis qui les environne & qui les a devances, ne les privoit pas des in- fluences de fair libre, fi necelTairc a l'accroiffement de toutes les plantes. L'ecorcement ne fait done pas autant de mal aux fouches qu'on pour- roit le croire , cette crainte ne doit done pas empecher letablilfement de cet ufage facile & trcs-avantageux •, mais il faut le reftreindre aux arbres deftines pour le fervice, & il faut choifir le temps de la plus grande feve pour faire cette operation •, car alors les canaux font plus ouverts , la force de fticcion eft plus grande , les liqueurs fuivent plus aifement, paffent )Ius librement, & par confequent , les tuyaux capillaires confervent plus ong temps leur puillance d'attraclion , & tous les canaux ne fe ferment que long-temps apres l'ecorcement; au-lieu que dans les arbres ecorces avant la feve, le chemin des liqueurs ne fe trouve pas fraye, & la route la plus commode fe trouvant rompue avant d'avoir fervi , la feve ne peut pas fe faire paflage audi facilement ; la plus grande partie des canaux ne s'ouvre pas pour la recevoir , fon action pour y penetrer eft impuiffante , & ces tuyaux levres de nourriture font obftrues faute de tendon : les au- tres ne s'ouvrent jamais autant qu'ils l'auroient fait dans l'etat naturel de l'arbre , & h l'arrivee de la feve ils ne prefentent que de petits orifices , qui , a la verite , doivent pomper avec beaucoup de force , mais qui doi- vent toujours etre plutot remplis & obftrues que les tuyaux ouverts & tendus des arbres que la feve a humeclres & prepares avant l'ecorcement ; e'eft ce qui a fait que dans nos experiences les deux arbres qui n'etoient pas au III en feve que les autres, out peri les premiers, & que leurs fou- ches n'ont pas en la force de reproduire. II faut done attendre le temps de la plus grande feve pour ecorcer-, on gagnera encore a cette attention une facilite tres-grande de faire cette operation, qui, dans un autre temps, ne laifieroit pas que d'etre affez longue , & qui, dans cette faifon de la feve, devient un trts-rjetit ouvrage, puifqu'un feul homme grimpe au-deiTus E DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. n d'un grand arbre , peut 1 ccorcer du haut en bas en moiiis de deux » hemes. , . Botaniqvi. Je n'ai pas cu occafion de fairc les memes epreuves fur dautres bois que le chene-, mais je ne doute pas que lecorcement & le deffechement Annie t^jS. fur pied ne rende tous les bois , de quelque efpece qu'ils foient , plus compares & plus fennes ; de forte que je penfe qu'on ne pcut trop etendre & trop rccommander cette pratique. Je viens de recevoir une lettre d'Angleterre de M. Hickman , membre de la fociiti royale , par laquelle il me marque que dans la province de Notthingham, ou il eft acluellement , e'efl iuj'age d'ecorcer les vrbres fir de les laijfer fecher fur pied; Vicorce , dit-on , en eft meilleure pour tanner les cuirs , & I'aubier de V arbre devient fort dur , prefque aujji dur que le cosur de diene ,• I'aubier de ces arbres dure trois fois plus long-temps que 'I'aubier ordinaire , mais bien moins que le cceur de chine ; on ne laijfe que fix mois V arbre fur pied apris I ecorcement, 6v. On voit que cela s'accorde avec ce que dit le do&eur Plot , & avec mes experiences. S V R L' A R B R E D U QuiNQUIKA. Par M. DE LA CoNDAMINE. JlVJLon voyage de Quito a Lima ayant etc juge neceffaire pour les Mem. affaires de la compagnie, (a) & la faifon des pluies ayant fufpendu nos operations, je partis de Quito le 18 Janvier 1 7 5 7 ", & des deux diemins de cette ville a Lima, l'un par Guayaquil, & I'autre par Cuenca, je choifis ce dernier, quoique le plus long & le plus penible, pour avoir occafion de paffer par Loxa, & d'y obferver l'arbre du quinquina, dont nous n'a- vons eu jufqu'a prefent en Europe , qu'une connoiffance fort imparfaite. M. de Jnffieu, notre compagnon de voyage, dotteur en medecine de la faculte de Paris, & frere des deux academiciens, charge plus particuliere- ment des obfervations botaniques , me donna, en partant, un memoire des divers points hiftoriques & phyfiques, concernant cet arbre, qui me- ritoient quelque eclaircitlement ; je me chargeai aufli de lui donner avis de la faiion la plus convenable pour placer le voyage qu'il fe propofoit de faire a Loxa , oii non-feulement le quinquina, mais untrcs-grand nombre de plantes rares & inconnues , en quoi cette contree eft tres- fertile , offrent une riche recolte a la curiolite d'un botanifte : ce memoire m'a fervi de guide dans les recherches que j'ai eu occafion de faire , 5c dont je vais rendre compte. ( a ) Voyage de Quito !i Lima , par Loxa. N ii ioo AB R t G £ DES MEMOIRES — — — — Loxa (a) ou Loja, qui fe prononce avec une afpiration gutmrale fami- liere a la langue Efpagnole , eft line petite ville fondee par Mercadillo, (b) ho t an IQU I. ]>l]n jes cipitaines de Goncale Pizarre, en 1546, dans u n vallon afl'ez Annet 1778. agreable , fur la riviere de Catamayo : les deux hauteurs meridiennes du foleil que j'y ai obfervees le 3 & Ie 4 fevrier 1737 > confpirent a la pla- cer par les quatre degres & prefque une minute de latitude meridionale, c'eft-a-dire , a pres de feptante lieues plus fud que Quito ; je la juge a peu pres fous le meme meridien , a environ quatre- vingt lieues de la cote du Perou , & l'elevation de fon fol a peu pres moyenne entre celle des montagnes qui forment la grande cordeliere des andes & les vallees de la cote : le mercure que nous avons obferve a pres de vingt-huit pou- ces de hauteur au niveau de la mer a Panama, a huit degres de latitude nord, ;! Manta par un degre, & au Callao port de Lima, par douze de- gres de latitude fud, & fur les plus halites montagnes acceffibles des envi- rons de Quito, a quinze polices, fe foutenoit a Loxa le 3 de fevrier de la prefente annee 1737, ^ vingt-un pouces huit lignes, d'oii on peut con- clure, par la comparaifon des diverfes experiences que nous avons faites ^ des hauteurs connues , que le niveau de Loxa au-deffus de la mer, eft d'environ huit cents toifes; le climaty eft fort doux, & les chaleurs, quoi- que fort grandes , n'y font pas exceffives. Le meilleur quinquina, (c) du moins le plus renomme, fe recueille fur la montagne de Cajanuma , fituee a deux lieues & demie environ an fud de Loxa : c'eft de la qua ete tire le premier qui fut apporte en Eu- rope; il n'y a pas quinze ans que les commercans fe muniffoient d'un certificat pardevant notaire, comme quoi le quinquina qu'ils achetoient, etoit de Cajanuma. Je me tranfportai fur cette montagne le 3 fevrier der- nier, & je paffai la nuit fur le fominet, a l'habitation d'un homme du pays quiy a elu fon domicile, pour etre plus a portee des arbres du quinquina, h recolte de leur ecorce faifant fon occupation ordinaire & fon unique commerce. En chemin , fur le lieu & au retour , j'eus le loifir de voir & d'examiner plufieurs de ces arbres , & d'ebaucher fur le lieu meme , un deffein d'une branche avec les feuilles , les fleurs & les graines qui s'y ren- contrent en meme-temps dans toutes les faifons de l'annee. Je rapportai le lendemain a Loxa plufieurs branches fleuries , qui me fervirent h mettre au net mon deffein , & a le colorier d'apres nature , tel que je le joins a ce memoire. On diftingue communement trois efpeces (d) de quinquina, quoique quelques-uns en comptent jufqu'a quatre-, le blanc, le jaune & le rouge: on m'avoit dit a Loxa que ces trois efpeces n'etoient difterentes que par leur vertu, le blanc n'en ayant prefque aucune, & le rouge (e ) l'emportant (a) Situation de thermis , de aquis , de morbis endemiis regionalibus , &c. Je n'en ai pu decouvrir a Lima au- cun veftige. (a) Quant a l'etymologie du nom quina quina, ce meme auteur en propole une pen vraifemblable , donnant a entendre que les kmences de l'arbre balfamiquc ainfi appelle , peuvent avoir recu ce nom de la refl'em- blance qu'clles ont avec des plaies ouvertes, telles qu'elles font represen- tees dans I'ecuffon de Portugal all nombre de cinq , fous le nom de quinas. Cette origine paroit non-feulement forcee, mais ne pent s'accor- dcr avec an fait avere & dont l'auteur meme convient, qui eft, que le nom de quina eft de I'ancienne langue du Perou; cependant aucun de ceux que j'ai confultes a Lima & ailleurs, les plus verles dans cette lan- gue, n'a pu me dire ce que tignifioit en cet idiome, le mot quina. J'ai trouve dans un ancien didtionnaire de la langue quichoa, e'eft ainfi qu'on nomine celle des anciens Pe'rouans , du temps des Ingas, imprime a Lima en 1 614, le mot quina ai aujourd'hui'hors d'ufage & inconnu des natu- rels memes du pays , dont la langue s'eft fort altcree par le melange de l'Efpagnol , ce mot eft traduit dans le dictionnaire par le mot Efpagnol mantelilla india , efpece de mante oil de cape dont s'enveloppoient les n.uurels. Comme la langue quichoa eft fort peu abondante en termes, & que pour fuppleer a cette dilette elle n'a guere de mots dont la lignifica- Tion ne s'etende par metaphore a diverfes autres , on pent prelumer avec allez de vraifemblance , que quina ai , qui s'entendoit ordinairement d'un manteau , pouvoit auffi fignifier ecorce quand il etoit queftion d'un ar- bre , ou du moins, avoir eu anciennement cette fignification •, je compte pour rien la petite difference dans la terminaifon Ci ordinaire aux mots qui patfent d'unc langue a line autre •, li cette etymologie eft goutee , il n'y aura plus de ditficulte dans la repetition de quina quina, cette forte de reduplication etant fort familiere a la langue en queftion , & particu- lieremcnt dans les noms de plante ; e'eft ainfi qu'ils en nomment diverles autres par des noms ainfi redoubles , comme vira vira , pinco pinco , Jay a faya , moco moco , donnant a entendre par ce redoublement une (ti) Etymologic du nom de quinquina. no ABREGE DES Ml* MOIRES — — —^— plUs gr.inde vertu , ou une plus grande efricacite dans la plante. Suppofe ,, done que quina lienifiat ecorce en indien , quina quina voudroit dire 1 ecorce par excellence, on 1 ecorce des ecorces. Anncc it^S. H arrive au quinquina ce qui arrive a prefque tous les remedes com- muns & de peu de valeur, dans les pays ou ils naiffent & ou on les trouve, pour ainli dire, fous la main. On en fait au Perou, generalement parlant, peu de cas & peu d'ufage : on le craint & on en ufe peu a Lima, beaucoup moins a Quito , & prefque point a Loxa. J'en ai donne quel- ques prifes que j'avois apporties de France a un Creole Efpagnol , qui avoit depuis plulieurs mois la fievre , a Puerto Viejo , & je ne trouval alors en cette ville diftante de Loxa de foixante & quelques lieues, & voiline de Guayaquil, ou il fe fait un grand commerce de quinquina, aucun habitant qui cut jamais entendu parler de cc remede voilin & li celebre dans tout le refte du monde. La figure de la femence du quinquina, (a) que j'ai jointe a mon rae- moire , eft telle que je l'ai deffinee d'apres nature , fur le lieu & le jour meme que je rapportai a Loxa plulieurs branches de l'arbre cueillies fur la montagne voiline oii il croit, avec fes feuilles, fes flcurs & fon fruit. J'ai remarque dans le memoire , qu'il etoit tres-difficile de faihr ces fe- mences fur l'arbre meme dans une parfaite maturite , parce qu'elles le fe- choient en muriffant, & s'echappoient de leurs capfules, e'eft ce qui m'a oblige de tirer les graines que j'ai dellinees , des coques qui n'etoient pas encore parfaitement mures ; celles que j'emportai a Lima ayant ete mouil- lees en chemrn & s'etant depuis lechees extremement, je les mis dans 1'eau pour les faire renfler quand je copiai mon premier deffein pour l'envoyer & l'academie , & je n'y remarquai ancune difterence , comme on peut s'en convaincre, en comparant celles que j'envoyai en France avec le deffein. Depuis mon retour a Quito , J'ai eii occalion de faire venir de nou- velles graines de Loxa, dans la vue d'effayer li elles leveroient a Quito, lur quoi j'ai fait differentes tentatives qui ne m'ont pas reuffi. Je reconnois qu'il ne m'appartient pas d'aller plus loin fur cette ma- tiere , 3c je me contente d'avoir mis , comme je l'efpere , par mes pre- mieres recherches & par les eclairciffemens , M"- les botaniftes en etat d'etablir le genre, l'efpece , & les caraderes d'un arbre jufques ici audi peu connu des naturaliftes , que les vertns de fon ecorce font celebres par tout le monde, on peut meme dire qu'il manque d'un nom propre, puifque celui de quina quina , qu'il porte feulement en Europe , eft le nom d'un autre arbre, tranfporte a celui-ci par equivoque, comme je l'ai prouve dans mon memoire, & que dans le pays ou il croit & dans toute l'Amerique meridionale , il n'eft connu que fous celui de l'arbre de la petite ecorce , arbol de la Cafcarilla. Depuis mon retour a Quito , le controleur des douanes de Payta m'a envoye cinq echantillons de quinquina , l'un de Loxa , & les autres de- (a) Quito 15 juin 1738. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, in divers autres endroits; entr'autres , de deux ou Ie quinquina a ete tout^^^ ■ recemment decouvert , j'en ai remis une moitie a M. de Juffieu, q1" ™ B o t a n i ou r a fait plulieurs experiences avec fucces a Quito , en n'oubliant pas la pre- caution ici neceffaire dc cachcr le nom d'un remede prclcjue entierement Annie 1738. decreditc dans fa patrie, & craint de la plupart des malades; j'ji envoye l'autre moitie a l'academie , avec les noras des territoires ou croiffent les diverfes efpeces. EXPLICATION DES FIGURES. Planche II. 'A. Deffein dune branche de l'arbre du quinquina, avec fes feuilles, f« flairs & fes fruits, en letirs divers etats. BBB. Fleurs du quinquina fous divers afpects. B. Fleur (inguliere a fix decoupures. b. Fleur que Ton a dechiree pour faire voir Ie piftil & les etamines. CCC. Boutons qui ne font pas encore eclos. DDD. Fruit du quinquina en din";reiis etats avant leur parfaite mi- turite. DDD. Les memes ouverts & dont les graines font tombees. E. Feuille vue par- dedans. E. Feuille* vue par- dehors. Planche III. F. Feuille calquee fur le naturel , pour mieux diftinguer Ie contour & les nervures. G. Fruit detache, pret a s"ouvrir. H. Demi-coque dont on a tire le placenta & les graines ; on y voit les debris de fa cloifon. /. Placenta couvert de fes graines , vu par fa partie convexe , qui eft ap- pliquee a la partie concave de la demi-coque H. J. Le meme , vu par fa partie platte ou interieure , appliquee a la cloifon qui partage le fruit. ij. Le meine placenta deffeche , vu par-deffus & par-deffous. 1. Une des graines dont le placenta eft garni. L. La meme, vue a la loupe. M. Demi-coque ouverte apres que les graines font tombees naturelle- ment, avec fa pellicule interieure. NN. Cette meme pellicule qui tapitTe interieurement la demi-coque M, vue par d partie concave & par fa partie convexe. OO. Le placenta deileche & renfle dans l'eau , vu par-deffus & par- deffous. P. Etamine vue a la loupe , a par la face anterieure , b par la face pofte- rieure a laquelle t'infere le rilet. G\ Fleur epanouie , representee de grandeur naturelle. nt abrege des memoires R. Le petale ouvert felon fa longueur, pour montrer la nairTance' des Botanioui etamines , leur nombre & leur Situation. 5". Piftile detache & fepare du petale ; a l'ovaire ; b le calice qui couronne Annze 1738- l'ovaire; c le ftile; d le bout du (tile partage en deux lobes. 11 eft bon d'avertir que dans la defcription des fleurs du quinquina , Uur calice n' ay ant pas (ti JuffiJ'amment dicrit , & le bout de leur ftile e'tant defigne" comme [implement obtus , ces deux petites fautes n'ont pu mieux ?tre re'forme'es que par des figures exacles de la fleur & des parties qui la compofent , oil Von s'appercevra que le calice forme fur la tfte de l'ovaire un tuyau court, dont I'extre'mite Jitperieure eft d cinq pointes , & que le bout du ftile } au-lieu d'etre firnple , fe divije en deux lobes. •» Situ, une Racine Qui a la faculd de teindre en rouge les os des animaux vivans. Par M. d u H a m e i. A, .u inois de fevrier 1737, M. Geofrroy communiqua a l'academie l'obfervation fuivante, extraite d'une lettre que M. le chevalier Sloane , jinnee 273,9. p^d^t ^e la fociete royale de Londres , lui avoit ecrite. Mem. » M. Belchier , chirurgien, membre de cette fociete , dinant un jour 33 chez un teinturier qui travaille en toiles peintes , remarqua que dans jj du pore frais qu'on avoit fervi fur table, & dont la chair etoit de bon 35 gout, les os etoient rouges. II demanda la caule d'un erfet fi (ingulier, 33 & on lui dit que ces fortes de teinturiers le fervoient de la racihe de >j Rubia Tinclorum , ou garance , pour fixer ( felon leur maniere de 33 s'exprimer) les couleurs deji imprimees fur les toiles de coton , qu'on 33 nomine en Angleterre Callicoes. Quelques-imes de ces couleurs font 33 faites avec des preparations de fer , d'autres avec des melanges d'alun 33 & de fucre de faturne. Les parties imprimees avec des preparations de 33 fer, deviennent noires 011 pourpres •, celles qui font imprimees avec des 33 melanges d'alun , &c. prennent differens degres de rouge. On a coutume 33 de faire bouillir enfuite ces indiennes ou toiles peintes, dans un chati- 33 deron avec du fon de farine , pour les nettoyer & decharger dun rouge 33 fale dont elles fe font furchargees dans cette infuiion de garance. En fin 33 pour ne pas perdre ce fon , qui a abforbe l'excedent de la couleur 33 rouge, on le mele avec l'aliment ordinaire des pourceaux, & cell ce 33 qui produit cet efret fur leurs os , fans affecler d'une maniere icnhble 33 ni les chairs, ni les membranes, ni les cartillages, ni aucune autre paitie 33 du corps. M. Belchier , dont l'obfervation que je viens de rapporter 33 a ete depuis communiquee au public dans le N°. 441 des tranladtions 33 philofophiques , voulant s'afiurer il e'etoit la garance feule , oil bien tons 33 les DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. n5 u les ingrediens du teinturier meles cnfcmble qui faifoient ce changcment ■■■ «— — — ■ »> dans la couleur des os, fit alors quclqucs experiences. » p„ _ . „,_ ., _ ti M j I J J .* • 1 I- ,.. .. , DOTANIQUE. »j 11 mcla de la poudre de cette racine avec les alimens qui! deiunoit »> a la nourriture dun coq. Cet animal motirut apres en avoir mange Annte 1739. )> feize jours. II le diflequa, & fut lurpris qu'en Ci peu de temps la racine jj eut agi. Les os fe trouverent parfaitement rouges : d'oii il conclut que sj cetoit a la garance feule qu'il falloit rapporter cet effet, puifqu'il n'avoit 15 fait entrer dans la nourriture du coq ni fer , ni akin, ni aucun autre » d:'s ingrediens du teinturier. II remarqua que la teinture rouge pene- >j troit dans l'interieur des os , & que les os les plus durs prenoient plus »j de cette couleur, que les os tendres, a l'exception cependant de l'email »> des dents, qui dans le pore conferve toute fa blancheur. M. Belchier pro- » met a la fin de fon oblervation , de faire d'autres experiences pour recoi> »> noitre avec certitude (i le changement de couleur n'a lieu que pour les os.i> On ne fait pas que cette experience ait ete pourlee plus loin en An- gleterre, & M. uu Hamel l'a jugee digne d'une plus ample recherche. II a continue cette decouverte par de nouvelles experiences dont nous allons donner le precis, avec l'explication de cet effet lingulier. II n'a travaille que fur des poulets , ou des dindons, oil des pigeon- neaux. II comparoit toujours quelques-uns de ces animaux nourris a 1'or- dinaire avec d'autres tout pareils , a qui il donnoit de la garance melee dans leur nourriture. lis avoieot tous beaucoup d'averlion pour cette garance, 8c n'en pre- noient que par force, oil contraints par la faim. lis ne vouloient point abiolument boire de l'eau oil Ton en avoit mis. Qtioiqu'on leur fit prendre de cet aliment compofe autint prur le moins qu'il en pouvoit tenir dans leur jabot , ils maigrilioient a vue d'ceil , s'afroibliiToient , cherchoient toujours a fe rechaufFer , mouroient enfin an peu plutot ou plus tard. On pouvoit les fauver en les remettant a leur nourriture ordinaire. Apparemment le cochon de la premiere experience, & les cochons en general, foutiennent mieux la garance que toute cette volaille de M. du Hamel ; car on afiiire politivement que la chair de ce cochon ttoit de trcs-bon gout, ce qui eft bien tiloigne de marquer une maladie. M. du Hamel ayant ouvert tous ces animaux, a qui il avoit donne la garance , leur trouva a tons les os teints en rouge , a l'exception feule- tnent du bee & des ongles, li on vent les compter pour des os , quoi- qu'on ne le doive guere; routes les parties qui n'etoient point os, avoient conferve leur couleur naturelle. Tous les os dans 11 n meme animal, & les rcemes os en difTerens ani- maux, n'etoient pas du meme rouge, les teintes alloient depuis un rouge pale jufqu'au carmin le plus vif, oil a l'ecarlate. Un pigeon , que la garance avoit tue des le troifieme jour, avoit tous fes os d'une belle couleur d'ecarlate. Apres cela le coq d'Angleterre, qui ne mourut que le feizieme jour, ne fera pas furprenant, li ce n'eft par fa longue vie. Tome VIII. Partie Franpife. P n+ ABHEGE DES ME MO I RES — — M—M"*— g Les cartilages, qui doivent s'offifier, ne prennent le rouge qu'cn s'olli- Botaniqul. fiant ' & h mefure qu'»ls s'offifient. Comme les os du deffous de l'aile ne font reconverts que d'une Annie i"]$$- peauaffez mince, M. du Hamel pouvoit obferver dans les animanx vivans le changement de couleur qu'y produiloit la garance. Et meme ayant ceffe de donner cette nourriture forcee a un poulet, en qui il voyoit deja ces os-la prendre line belle teinture, il vit enfuite qu'ils la perdoient peu a peu , & qu'enfin elle fe diflipa prefqn'entierement all bout de quelques mois. Le poulet revint audi en parfaite fante. Toutes ces experiences n'ont ete faites que fur de jeunes animaux , & il peut etre incerrain (i les os d'animaux plus ages prendroient encore le rouge, on le prendroient aufil-bien, on le pourroient prendre apres l'a- voir pris. Les os naturellement les plus durs font ceux qui fe colorent le mieux. On fait que la racine de garance eft une forte teinture, & que les etoffes qui en font teintes , font de celles qui refiftent le mieux au de- bouilli. Les os qui en font colores, foutiennent les memes debouillis que ces etoftes, & auffi parfaitement. Cependant l'air leul agit fur eux beaucoup plus vite. Les plus rouges y perdent line grande partie de leur couleur en moins d'un an , les au- tres blanchiffent tout-a-fait dans le racrae temps. Les os teints paroiffent plus gros, plus remplis de moe'lle, plus fpon- gieux, d'un tiifu moins ferre, & plus aifes a rompre. Leur moe'lle a con- ferve fa couleur naturelle, comme toutes les autres parties molles. Les parties les moins dures de ces os s'ecrafent entre les doigts, qui en de- meurent teints , ce qui marque combien les os ont ete ecrafes finement. La mobile n'a pu entrer pour rien dans cette teinture des doigts. Quoiqu'il foit vrai en general que les os font les feules parties qui fe colorent par la garance, M. du Hamel n'a pas laiffe de trouver dans fes pigeonneaux le jabot & les inteftins teints en rouge. Cette fingularite me- ritoit fon attention , & d'autant plus qu'il pouvoit faire fur ces parties des observations qu'il n'auroit pas faites fur des os. II remarqua que les particules colorantes formoient une efpece de fecule, qui s'etoit arretee, & comme accrochee dans le veloute des membranes. La elle avoit appa- remment bouche , on tout au moins embarraffe les orifices des petits vaif- feaux d'ou s'expriment les fucs neceflaires a la digeftion, & une fuite bien naturelle de cet etat eft que les animaux tombaffent en langueur, & enfin mouruiTent. En effet, M. du Hamel leur trouvoit le jabot relache & flafque , comme apres une longue maceration , la membrane interne ou veloutee li peu adherente aux autres , quelle sen detachoit par lambeaux. Quand ces memes parties colorantes de la garance font porttfes dans les os,-elles s'y affemblent , s'y arrangent mal avec les parties veritablemeut olfeufes , & cela a caufe de leur heterogeneite, & il n'en faut pas davan- tage pour rendre les os plus gros, plus fpongieux, & en meme temps plus caffants. II "eft fon vraifemblable que cet eftet fera plus marque dans la. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. iM jeunefl'e dcs animaux , puifqu'alors les os font plus tendres , & recoivcnt — — - T^gg de la nourriture en plus grande abondance. Boianiqui. Mais pourquoi les particules colorantes de la garance ne fe portent- elles guere qu'aux os> Voila ce qui refle de plus important a favoir. II Annie IJ3$- eft certain d'un cote que les os font formes par des fucs particuliers four- nis par la limphe, & de l'autre qu'il y a un diffolvant particulier, ou du moins plus ctficace, prefque pour chaque matiere diffoluble. Or il eft poffible que les fucs offeux de la limphe foient le diffolvant de 1'infufioa de garance, & par-la ils feroicnt plus propres que tous les autres fucs ani- maux a s'unir intimement a la garance, & a la faire penetrer avec eux par-tout oil ils penetreront. C'eft la line limple conje&ure de M. du Hamel , qui ne pretend pas avoir encore epuile ce fujet. Cette maniere de teindre les os d'un animal vivant, eft une efpece d 'injection differente, a la verite , de celles qui fe font fur les cadavres , mais qui par cet en- droit-la mime femble promettre des nouveautes aux phyliciens. (a) (d ) La citation fuivante montre que Ton connoifloit , il y a long-temps , que la ga- rance avoit la proprie'te' de teindre en rouge les os des animaux vivans : Eryihrodanurn vulgii Rubia Tinc'torum dictum , ujfii pecudum rubenti 6" fanJycino colore imbuit , ft dies aliquot illud depajls fint oves , etiam wtacU radice , que rutila exijiet. Mizaldus, 1 566. Memorabi- iium , jucuudomm O" milium centurix novtm. E S S A I S Sur I'ufage de la plante , nommie par C. Bauhin , Polygala vulgaris , pour la gue'rijbn des maladies injlammatoires de la poitrine. Par M. » u Hamel. Li b 15 Janvier de l'annee 1738, l'academie recut une lettre deM. Teyn- Me'm. nint, medecin Ecoffois, qui lui faifoit part des obfervations qu'il avoit faites a la cote de Virginie, fur Tillage d'une plante qu'il avoit employee avec beaucoup de fucccs pour la guerifon des maladies inflanunatoires de la poitrine. Dans le pays, on nomme cette plante feroca , & M. Miller l'a appellee polygala virginiana 1 foliis oblongis , floribus in thirjb candidis , ra- dice alexipharmaca. M. "Teynnint avoit joint a fa lettre le deffein de la plante, & environ une demi-once de fa racine , qu'il marquoit etre la partie de la plante qu'il avoit fi heureufeme'ht employee , tantot en fubftance a la dofe de trente-cinq grains, ce qu'il repetoit plulicurs Jours de fuite. D'autres fois il donnoit fon remede en infulion , a la dofe de trois onces qu'il faifoit bouillir dans deux pintes d'eau, dont il failoit prendre an malade trois cuilleiees dans l'elpace d'une journee. M. Lemery & M. de fufficu fe chargerent de lepreuve de ce remede, & ils en Stent pen de temps npies un rapport trcs-avantageux , ce qui fit P ij n6 ABRECE DES MEMOIRES SSSSSSS defirer a l'academie d'en avoir une plus grande quantite; on s'eft donne Bot4niqui deS ,mouvemens Pour ce'a> & il y a lieu d'efperer qu'ils ne feront pas ' inutiles. Annie 1J39- Cependant on agita dans l'academie fi l'efpece de Polygala qui eft fi commune dans nos campagnes , celle que C. Batihin a nominee polygala vulgaris , ne produiroit pas le raeme effet. La difference des pays oil ces Plantes croiffent, pourroit faire douter qu'elles euffent exadtement les inemes vertus •, d'ailleurs ces plantes , quoique vraiiemblablement du meme genre, font de differentes efpeces, qui meme fe reffemblent pen par leur port exterieur & par leur gotit ; le gout du polygala de Virginie eft fort aromatique, acre & amer, & le notre a un gout legerement acre, mele d'une tres-foible amertume. Ce qui p.uoifioit etablir encore une plus grande difference entre Tillage de notre polygala & celui de Virginie, e'eft que Gefner , qui appelle notre polygala amarella, affure qu'il ell: un puiffaht purgatif , qualue qui eti pourroit rendre 1'nfage fiilped dans les maladies inflammatoires dont nous parlous , au-lieu que M". Lemery & de Juflieu out remarque que le polygala de Virginie calmoit promptement la fievre des pleuretiques, fans produire d'evacuations confiderables par les felles. Quoi qu'il en foit, ayant trouve ces vacanccs dernieres dans mon labo- ratoire a la campagne , un paquet de notre polygala que j'avois ramalle il y a quelques annees dans l'intention de verifier ce que Gefner dit de fa vertu purgative , ma premiere idee fut de trier ce que je pourrois de racines dans ce paquet , pour les remettre a Mrs- Lemery & de Juflieu ; tnais la plupart des pieds n'avoient pas de racines, & les racines des autres etoient li menues qu'il m'auroit ete impoflible d'en ramaifer feulement un gros. Cette grande delicateffe des racines commen^a meme a me faire douter fi cette plante pourroit jamais devenir d'un ufage familier , par la difficultc qu'il y auroit a en ramaffer une fufh'fante quantite. Je me determinai done a attendre qu'il fe prefentat quelques malades attaques d'une pleurelie ou d'une fluxion de poitrine dangereufe, pour effayer Ci toute la plante ne produiroit pas le meme effet que les racines , il ne s'en eft encore prefente que deux dans l'etat que je les defirois-, je vais rapporter les effets que notre polygala a produits. Premiere Observation. ' Une fille agee de vintg-deux a vingt-trois ans, ayant ete attaquee d'une fievre violente & continue , accompagnee d'un crachement de fang, fut faignee du bras le 3 de fa maladie, & on lui ordonna une tifane pe£to- rale; la faignee foulagea la malade dans le moment, mais bientot apres les accidens recommencerent , & le 4 elle fouffrit extremement d'une dou- leur de cote qui s'etoit fixee entre la mamclle & l'aiffelle. On la faigna pour la (econde fois , & comme les douleurs etoient vives , on mit dans fa tifane quelques legers caimans. Cette feconde faignee ne la fouhgea DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 117 non plus que pour ties pcu de temps , & !e crachement d'un lang de — — ^ ■■ mauvaifc odeur continuoit toujours , quoique l'expcctoration ne fut pas „ abondante. Le foir, commc on lui trouva les yeux rouges & er.flam- ° T A M ' Q U E' mes, on la faigna pour la troiiitmc fois, & quelques heures apres on Annie i'/3$. lui donna line amandee , ellc pall.i la nuit un pen plus tranquillement, & le 5 , le fang quelle crachoit , etoit un peu plus vermeil •, alors on fit bouillir dans fa tifane , qui etoit compoiee de chien-dent , de re- clille 8c de fleurs de pas-d'lne , un'e bonne poignee de polygala. Ellc en but a fa foif , qui etoit grande , toute la matinee ■, l'expedoration commenca vers les deux heures , & devint (i abondante , que le foir la malade avoit rendu plus de trois chopines de crachats , qui d'abord etoient j.-iunatres, enfuite ils devinrent blancs & enfin fluides •, la fievre devint bientot moins ardente , & le pouls plus mollet & mieux regie. Le 6 au foir , on lui fit prendre qiulques cucillerees de lirop fair avec le polygala , *' environ une heure apres il furvint une fueur li abon- dante quelle mouilla jufqu'a fon lit de plume. Le 7 , on lui trouva trcs-peu de fievre , & prelque plus de toux. Le 8 , elle cut un cours de ventre , ce qui empecha de lui donner un purgatif comme on l'a- voir refolu , mais on lui fit prendre quelques ablorbans. Le >j , on la trouva debout, & elle dit qua la foibleue pres elle ne fentoit point de mal, mais un grand appetit. Le 12, on la purgea, & le 15 elle com- menca a fortir & a travailler. Cette fille etoit alfez louvent indifpofee, depuis deux mois elle n'svoit point ete reglee , au refte elle n'eft ni maigre, ni replette, & elle eft d'une force mediocre. On ne s'eft point appercu que le polygala caufat de naufees , ni qu'il ait purge la malade , quoiqu'a la verite elle ait eu toujours le ventre libre pendant quelle en a ule. S E C O N D E O S S E R V A T 1 O N. Un homme age de vingt-cinq ans , robufte & fee , fut attaque d'une pleurelie , & porte a l'Hotel-Dieu de Pluviers ; en douze jours on le faigna iept fois fans pouvoir calmer le point de cote. Le 9 , de fon entree a l'Hotel-Dieu, il tomba dans un dclire conhderable , qui determina a lui faire une faignee du pied , les lens lui revinrent , & on lui adminiftra les lacremens. Le 10 , il etoit prefque moribond , & le 1 1 il lui prit un ralement qui faifoit juger que la poitrine s'embairafToif, le foir on lui fit une tifane, dans laquelle on mit une bonne poignce de polygala. Le 12 il en but, & peu de temps apres il rendit des crachats, d'abord noirs , enfuite rouges, & enfin blancs, ce qui debarralla beaucoup la poitrine. On eontinua la tifane , & il cut quelques petites fueurs •, on le purgea quelques jours apres, & il fortit de l'Hotel-Dieu aprcs y avoir refte vingt iours. Je fuis bien eloigne de penfer que les deux exemples que je viens de rapporter, foient fufElans pour affurer l'excellence de ce remede -, & quand i i3 ABREGE DES ME MOIRES —**'"" l'tifag? en feroit juftifie par beaucoup d'autres fucces, ne faudroit-il pas Botanique aPr^'s ce'n s'alfurer ^ ce rcrnede convient 6galement d.ins les differentes ' el'peces de fluxions de poitiine & dc pleurefie ? N'y auroit-il pas a etudier la Annie IJ39- mcilleure facon de le donner; Si ce fera des le commencement dc la ma- ladie , oil aprcs avoir vuide les vaiffeaux par quelques faignees ? S'il agira mieux en fubftance qu'en apofemc ? S'il convient de lui joindre des ab- forbans , oil de le donner feul 2 &c. Je ne perds point de vue l'eclaircif- fement de ces points principaux, mais il faut du temps pour y parvenir, & j'ai cm devoir me preffer de rendre compte des oblervations que je viens de rapporter , afin d'exciter l'attention des habiles medecins, qui par la frequence des occallons & par la connoiflance plus parfaite de leur art , pourront etablir plus promptement & plus furement tout ce qui appartient a la nature & a l'adminiftration d'un remede qui probablement ne fera pas inutile pour la cure d'une maladie qui eft tres-frequente dans plulieurs provinces du royaume , & par-tout tres-dangereuTe. Depuis la leclure de ce mimoire , j'ai eu plujieurs fois occafion d' em- ploy er le poly gala de Virginie & celui de ce pays , il m'aparu que Vun & T autre facilitoient beaucoup I'expecloration , mais celui de Virginie bien plus puijjamment que le nutre. HlSTOIRE D'UNE PlANTE, Connue par les Botanifles /bus le nom de P J LU LARI A. Par M. Bernard de Jussieu. O i Ton etoit moins perfuade des difticultes qui , dans plufieiirs plantes , s'oppofent a la decouvene des parties qui en torment les fleurs , on feroit plus furpris de voir aujourd'hui des obfervations nouvelles en ce genre, fur une plante des environs de Paris. Les fleurs font ce qu'il y a de plus intereffant pour placer avec quelque furete les plantes dans les claffes des methodes etablies , les fleurs feules donnent les caradleres qui diftinguent les divers genres de plantes connnes •, mais les parties de ces fleurs font quelquefois fi petites qu'elles echappent a la vue , & c'eft un des inconve- niens que je conviens qui pourroit etre objede contre le fyfteme des methodes de botanique. Audi mon objet n'eft-il pas de demontrer ici la preference d'une methode a line autre, je me propofe uniqucment dans ce memoire, de faire l'hiftoire d'une plante finguliere des environs de Paris, de montrer les rapports quelle peut avoir avec les fougeres, par la facon dont elle vegete , d'en etablir le caradtere , qui fera fonde lur l'examen des parties de la fleur qui etoient inconnues , & que j y ai ob- fervees, d'expofer enfin les particularites que le microfcope m'a fait apper- cevoir dans cette fleur : & fi j'ai joint a cette hiftoire , comme par maniere de digreffion , quelques obfervations qui pourroient paroitre DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 119 etrangeres, c'eft que je les ai cru niceiTaires pour la perfection de la me- — — — — — thode, & pour la connoill'ance d'une cfpece dc conformitc entre les carac- D ol'rjl BOTAN1QUE. teres & les ulages des plantes. Cette plante porte le nom de Pilularia dans l'ouvrage de M. Vaillant, Anne'e z^JQ. qui le premier s'en eft fervi pour la deligner plus a propos quelle n'etoit par les noms de Gramen, dc Graminifolia & de Mufius. Je ne crois pas que la nouvelle denomination de Calamijlrum , que llli donne M. Dille- nius , au rapport de M. Linnanis , puiile etre prefcree a celle de Pilularia , qui expiime affez bien la forme de globule qu'ont les boutons de fleurs de cette plante, forme qui eft cclle que Ton donne a line forte de medi- cament coiinu lous le nom de pilule. Pilularia peut etre appellee en notre langue , la pilulaire. Cette plante eft trcs-baife, rampante, & couchee fur terre. Ses racines font des filets blancs , longs, fimples, flexibles & ronds , plonges perpen- diculairement, & garnis a leur extremite de quelques menues fibres tres- courtes •, chaque filet on racine nait precifement au-dellous de chacune des feuilles qui font placees fur les branches & fur les rameaux de cette plante, & jamais il ne sy trouve de feuille qui n'ait a fa bafe line racine dont l.i longueur varie (iiivant l'age , & fur-tout felon le lieu oil cette plante le rencontre , car li c'eft: dans les eaux , ces racines augmentent de beaiicoup en longueur •, li an contraire le terrein eft feulement humide , elles le penetrent an plus de trois oil quatre polices de profondeur. Quoique leur couleur foit plus communement blanche , elle change cependant , Sc la nature de la terre oil de la vafe la rend plus oil moins foncee, en fauve, en brun & en noiratre. Leur conliftance eft pareillement plus molle, plus tendre & plus caffante , quand la plante eft baignee, au-lieu que dans les endroits que l'cau a abandonnes, quoiqu'elles foient plus folides & plus fermes , elles font neanmoins plus flexibles •, a legard de leur grolfeur , elle n'eft dans les plus fortes, que d'un tiers de ligne de diametre. Les tiges & les branches de cette plante font li egales, li entre-melees les lines dans les autres , que la principale tige eft difficile a diftinguer ; je me contenterai done de decrire line branche chargee de rameaux , telle que je l'ai fait reprefenter dans la figure que j'en donne d'apres nature, ou Ton voit la dilpolition des racines qui ttnoient cette branche plaquee contre terre, ou fur une efpece de moulTe commune dans les endroits marecageux. Cette branche eft ronde , verte , noueufe , & jette de diftance & par intervalles inegaux, des rameaux difpofes dans un ordre alteme, tantot a droite & enfuite a gauche, en continuant ainfi juiqu'a fori extremite, qui eft terminee par un bouton , ou plutot line eminence velue , un peu ap- platie fur les cotes •, dans quelques rameaux & dans le bout des branches oil ce bouton groffit davantage , il en fort une feuille velue qui , en naif- fant , eft entiercment roulee en forme fpirale. A mcfure que la feuille s'elevc , le vclu dont elle etoit garnie , tombe ; les contours de la fpirale 6'ecartent, & la feuille reprefente alors par le haut la figure d'une crolie oil cclle d'un crochet •, differences de forme qui ne font remarquable' no A B R E G E" DES MEMOIRES — — — — » on;. Jans les fcuillcs nailfantes & les moins avancees. Lcs intervalles de la naiffance d'un rameau a Tautre rameau , font nuds, fans feuilles, & Tefpace ti o t a n i Q u e. renferm(i entre chaqUe rameau eft plus grand dans les premieres ramirica- Annee ijl$- tions, & infeniiblement plus petit dans les dernicres. Cette branche avoit environ lix polices de longueur & demi-ligne d'epaitfeur. Les rameaux font cylindriques , moins gros que les branches dont ils prennent origine-, leur couleur eft la meme; ils font plus longs vers le bas de la branche, plus ecartes, & fe repandent 1'un a droite & 1'autre a gau- che, en formant avec la branche des angles plus ou moins diverts, pen- dant que les moindres rameaux & les plus courts qui gamiifent Textremite de la branche , y font plus approches , & font avec elle des angles plus aigus. Quant a leur confiftan.ee , elle eft tendre & caffante. Les feuilles naiffent alternativement fur les deux cotes des rameaux •, elles font lunples, vertes , droites , tendres , prefque cylindriques , plus grotles a leur bafe, & terminees en pointe •, elles reffemblent afftz bien a celles de la cibouleite ou du jonc, & la longueur qui dans quel- ques-unes eft de quatre a cinq polices , n'eft pas d'un demi dans les moins avancees. Les fleurs viennent dans les aiffelles des rameaux, & quatre fleurs en- veloppees , chacune en particulier , par une membrane fine & delicate , font toujours renfermees foils une enveloppe commune , dont la forme eft celle d'une fphere herifiee de poils verts. Cette fphere augmente de volume , elle a dans fa maturite la groffeur d'un grain de poivre •, elle s'ouvre alors, & fe partage en quatre quartiers egaux, qui tiennent chacun par un angle au pedicule qui les foutient. La membrane fine , delicate & tranfparente , qui renferme chaque quartier de fphere, eft d'une feule piece, & a trois faces, l'une con- vexe , qui tapiffe interieurement un quartier de l'enveloppe commune , & deux en forme de demi-cercle, qui fe joignent par leur diametre , & forment le taillant du quartier de fphere. Les angles inferieurs de ces trois faces fe terminent par un point commun , & les faces en demi- cercle s'ouvrent un pen , vers le point oppofe , dans Tepanouiiiement de la fleur, de maniere que les deux faces en demi-cercle s'eloignent tant foit peu de la face fpherique au fommet de Tangle fpherique fuperieur. Chaque quartier du globule fpherique eft creux, & fa cavite, qui a aufli la figure du quartier de fphere , eft remplie par une fleur herma- phrodite , compofee d'etamines & de piftils , ranges fur un placenta commun. Le placenta de la fleur eft une bande membraneufe , attachee a la por- tion interieure fpherique de la membrane qui enveloppe la fleur ; ce ?lacenta s'etend a diftances egales des deux faces en demi-cercle, depuis e fommet de Tangle fperique inferieur jufqu'atix deux tiers de la hauteur de la cavite , & il n'occupe que la itioitie de la largeur de la cavite , en forte qu'il a la figure des deux tiers d'un croiflant , dont on a emporte line pointe. Ce placenta eft garni de piftils des deux cotes & fur le bord qui eft tourne vers le tranchant de l'enveloppe , en forte que les piftils d'un i; DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES, i&i dun cote du placenta font prcfquc oppofes aux piftils de l'aurre cote. II . y a , de chaqne cote du placenta , quatre rangs de piftils qui vont direc- fl 0 T AN , QV j, tement depuis la foudure du placenta vers le tranchant de la cavite. Pour remplir les deux tiers de la cavite , Ies piftils qui font dans la partie la Ann Le nombre des piftils varie dans les fleurs de la pilulaire ", j'en ai comptc douze dans quelques fleurs , feize dans les unes , & vingt^ dans d'autres fleurs. Ces piftils font de petits corps ovoides , enveloppes chacun par une membrane fine, pliffee & ridee •, ils font fans ftyle, ils ont feulement fur leur extremite fuperieure , une eminence , une pointe mouffe , h laqnelle on pourroit donner le nom de ftigmate, terme dont s'eft fervi M. Linnxus pour defigner cette partie qui termine lc corps du piftil, oil les ftyles dont pluiieurs piftils font accompagnes. Les piftils de la pilulaire font autant d'embryons de graine •, les ap- peller ovaires on germes , e'eft employer des denominations qui, quoi- qu'elles ne leur conviennent pas a tous egards, font neanmoins recues en botanique. Celle d'auf ou d embryon me paroit ici la plus propre , elle exprime mieux, en quelque forte, l'analogie qu'ont dans la pilulaire ces parties companies a celles des animaux, & li j'adopte, par preference, le mot <$ embryon, e'eft que, fuivant M. Tournefort, (a) « on doit prendre j) pour ovaire , l'endroit ou les femences des plantes font attachees, & >j oil elles recoivent leur nourriture , & pour germe , la partie de la »> graine qui renferme en petit line plante de la meme efpece. »» II y a dans chaque fleur trentedeux etamines, & ce nombre m'a para le plus ordinaire ; elles font ii petites, que la vue fimple peut a peine les diftinguer & les reconnoitre : e'eft fans dome par cette raifon qu'elles ont echappe dans les recherches qu'en ont fait d'illuftres botaniftes , qui ne les ayant pu decouvrir dans ces globules dont cette plante eft qucl- quefois chargee , ont pris ces memes globules pour des fruits a qua- tre loges ou cellules pleines de menues femences; mais on pcut faci- lement s'affurer du nombre, de la fituation & de la forme de ces eta- mines , li on les obferve avec une loupe , & mieux encore avee le microfcope. (a) Element Je Botanique, lJc. pag. 543 3c 55I. tome VIII. Panic Franfoi/e. Q ill A B R E G E DES MEMOIRES ""' SOt tg Pour deligner particulierement les enveloppes , tint externes qu'internes R ,, -^ « x, r ^-.t ^ de cette fleur, ne conviendroit-il pas ici de leur donner les noms que Jeur ulage lemole deja mdiquer ? comme lenveloppe externe renterme 4nn/e TJ29- p'u(iel,rs fleurs, on ne peut mieux la carafterifcr que par le terme de calice externe ou comrnun , & cetre membrane qui couvre interieure- mcnt chaque fleur, doit, ce me femble, etre appellee calice interne oil propre. Le pedicule qui porte chaque globule, a environ une ligne de hauteur & un tiers de ligne de diametre, fa bafe eft chargee quelquefois de deux & de trois feuilles , dans le milieu defquelles il paroit plonge , & ces feuilles font femblables a celles qui fe trouvent fur les rameaux. Chaque globule eft feul ordinairement a I'aiffelle d'un rameau, & le vein qui le couvre, de verd qu'il eft d'abord, devient dans la fuite plus ranne & plus chatain : cette couleur eft celle que prend audi la plante en vieilliflant. Je vais rapporter prcfentement le detail des obfervations que j'ai faites fur les piftils & les examines de la fleur de la pilulaire , & la defcription des chofes particulieres que j'ai eu occafion de voir par le moyen du microfcope. J'avoue que fi les caracfteres devoient toujours dependre dc parties li difHciles a appercevoir , la connoiffance des genres de plantes deviendroit rebutante , peut-etre meme toujours incertaine , & qu'on auroit lieu de nous reprocher d'employer des etres invifibles pour recon- noitre des objets fi diverlifies dans d'autres parties qui les diftinguent les uns des autres •, mais ne pourroit-on pas trouver une excufe de ce re- proche par une comparaifon qui a ete faite autrefois fur les infettes , dont les naturaliftes ne peuvent decouvrir les vrais caradteres que par le fecours des meillcurs microfcopes? II eft dans les plantes, des families entieres, dont la ftructure des fleurs n'eft vilible qui l'aide de femblables inftrumens •, celles que Ton avoit confondues fous le nom trop general de Champignon & de Lichen , en fourniffent un exemple que les cu- rieufes recherches de feu M. Micheli ont tres-bien demontre. Mais cc n'eft pas ici le lieu de difcuter quelle eft la partie qui doit fervir de bafe univerfelle & fondamentalc a la methode naturelle des plantes •, je pourrai dans une autre occalion , examiner ce point , duquel le fyfteme de bota- nique a encore befoin malgre les differences des methodes etablies. Les etamines de la fleur de la pilulaire , vues au microfcope , font de petits cones boffeles exterieurement , & il paroit qu'ils font formes d'une membrane tres-fine & tres-deliee , qui dans fon interieur renferme des grains de poufliere ronds, de couleur jaune-fonce-, ce font ces grains qui font autant de bofles ou eminences a la furface de cette membrane. Pour mieux decouvrir la forme de ces etamines , je les ai placees fur une goutte d'eau & au foyer d'un bon microfcope; je les ai vues pour lors fe dilater , augmenter de volume a mefure que l'humidite les pene- troit, & prendre la figure d'une perle alongee & tranfparente , dans l'in- terieur de laquelle etoient des grains ronds , epars , & comme plonges dans une liqueur prefque femblable a de la gomme ditfoute ■■> quelques- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, izj unes de ccs et.-imines fe font ouvertcs tranfverfalement vers le haut , & : ont jctte , avec claflicitii , les grains de pouffiere qu'elles contenoient. Botanique. Ccs grains, repandus dans l'eau , m'ont paru ronds, dores, & finement chagrines fur leur furface-, ils ont augment^ de groifeur, mais je ne les Annie 17$. ai jamais vus s'ouvrir •, ce que j'ai obferve autrefois, en examinant de cette facon les pouffieres que laiflent tomber les etamines des valerianes , des fumetcrrcs, de Ja raqtiette ou opuntia , des mourardes, & de plulieurs plantes a fiVurs en croix ; pouffieres qui, lorfque l'eau les touche, rendent auffi-tot par une petite dechirure qui le fait a im point de leur capfule, un jet de liqueur ou matiere huileule qui refte dans l'eau fans s'y meler , & coinme par petits globules -d'une finelfe extreme. J'ai voulu voir ce que deviendroient ces grains de pouffiere des eta- mines de la pilulaire, en les laiffant dans l'eau, & au bout de deux jours je les ai trouves blanchis, ayant cependant cpnferve leur figure ronde. J'ai repete cette obiervation fur les grains de pouffiere que 1'on trouve dam les capfules qui dans la plupart des fougcres font bordees d'un cote par un anneau elaflique, & ces pouffieres, en fejournant dans l'eau, de bm- nes & obfcures qu'elles etoient , font devenues vertes & tranfparentes. J'ai fait fur les piftils de la pilulaire qui , quoique tres-petits , fc voient neanmoins a l'rril fimple, des obfervations femblables avec lc mi- crofcope, ils m'ont paru ovoides, termines par le haut en pointe obtufe formee par cinq cotes de relief, qui vont s'unir au meme point; leur furface exterieure etoit mal unie, &, pour ainli dire, inegale par differens plis & replis. Vers le commencement des cinq cotes & a leur nailTance, tout atuour du corps de ces piftils , dans leur partie fuperieure , j'y ai appercu difttndlcmeiit une bande circulaire d'un jaune orange qui occu- poit environ un tiers de leur longueur. Lorfque j'ai fait nager ces piftils , Jes plis & replis qui paroiflbient a Jeur fuperficie , le font inlenliblement dilates •, peu a peu il s'eft forme fur le corps de chaque piftil un rezeau tranfparent & a fines mailles , l'eau penetrant de plus en plus ce tillii , il eft refte uni & continu, il a pris la forme d'une veffie enrlee & tres-tranfparente, dont la cavite etoit remplie par tin piftil. Je me fuis convaincu que cette veffie etoit une vraie mem- brane , par les diiferens lam'oeaux que j'en detachois avec la pointe d'une aiguille , & non comme je l'aurois penfe d'abord , une matiere mucilagi- neufe, femblable a celle qui couvre plulieurs femences litfes, polies & luilantes. Les piftils que je viens de decrire , deviennent autant de femences ovoides arrondies par la bafe , & rerminees en pointe obtufe par le haut; leur couleur eft blanche, lavee d'un peu de jaune dans leur maturite. Exa- minons prefentement comment ces femences fortent des loges oil elles lont renfermees. Si la pilulaire eft baignee , lorfque les femences font parvenues a leur maturite , les quartiers du calice commun des fleurs s'ecartent & fe ren- verfent un peu plus vers le pedicule , les calices propres quittent par le haut la portion du calice commun a laquelle ils etoient adherens , il fe fait n4 ABREGE DES MEMO I RES ^■^^■— ^— i ainfi dans.chaque loge tine ouverture plus gr.inde, un paffage pour Ies (e- 0o mences, l'eaii y penetre, Ies veffies qui entourent chaque lenience, grof- 'fiflent, ellcs occupent plus d'cfpace, elles preflent Ies unes contre Ies au- Annie IJ3$. ires, elles font detachees du placenta, elevees, & fortent, Ies femences fe repandent enfuite fur l'eau , elles y germent , & produifent de nouvelles plantes. II etoit de quelque importance de connoitre la premiere vegetation de la lenience de la pilulaire', car on fait que dans le nombre des plantes Ies femences des unes ne pouffent d'abord qu'une feule feuille, & Ies autres s'elevent roujours avec deux lobes qui fubliftent quelque temps , ou elles deploient deux feuilles , atixqudles par la difference de leur forme , on a donne le nom de feuilles Jcminales : cette raifon m'a rendu foigneux & attentif a obferver de quelle facon fe feroit dans la femence de la pilulaire, cette premiere germination , & je n'ai pas neglige de la faire deffiner dan? Ies dinercns temps des changemens qui lui arrivoient. J'ai vu d'abord le ftigmate , ou cette partie fuperieure & pointue de la capfule de cette femence, fe feparer toute autour de la b.inde j.uine- orange qui s'y rencontre , il eft forti de cette ouverture , qui a fuivi la chute de cette piece, un bouton verdatre, auquel dans la fuite il eft fur- venu des dechirures, des ecartemens de difterens lambeaux, qui n'etoient cependant que dans la portion la plus exterieure de ce bouton , ce qui m'a fait reconnoitre que c'etoit la line des enveloppes internes de la Elantiile; Ies lambeaux etant plus ecartes, il a paru au-deffous un bouton lane qui s'elevoit au-deflus des bords de l'ouverture de la capfule femi- nale-, il a groffi enfuite, & a pouffe deux eminences oppofees, l'une en s'alongeant , a pris la forme d'une feuille, & l'autre celle de la radicule, la caplule reftoit toujours adherente a cette jeune plante •, quelques jours apres cette feuille a ete fuivie d'une feconde, d'une troilieme, & enfin d'une quatrieme feuille, ce qui a fufri pour mon obfervation , car j'ai vu conftamment Ies racines fe multiplier comme faifoient Ies feuilles fur la jeune tige, & confer ver dans leur arrangement le raeme ordre alterne de droite a gauche. Ainli Ton ne fera pas embarraffe de donner a la pilulaire, dans 1'arran- gement des plantes, une place qui petit lui convenir par cette maniere de vegcter. Comme dans la methode naturelle Ies monocotyledones doivent former la premiere divifion generale des plantes, on l'y placera; & s'il y a quelque claffe dans Iaquelle elle puifle entrer , e'eft , autant qu'il me pa- roit, dans celle des fougeres, pros defquelles je crois devoir placer cette plante par Ies raifons fuivantes. i°. Par la reflemblance que la pilulaire a avec Ies fougeres, dont elle imite l'accroiffement & la vegetation, & fur-tout de celles qui, comme notre fougere femelle, rampent fur terre , & dont Ies feuilles naiffent ver- ticalement & alternativement fur Ies cotes des tiges ou des rameaux, tan- tot a droite, & enfuite a gauche. 20. Par la figure quont toutes Ies feuilles de ces fortes de plantes avant leur developpcment, qui plus ou moins roulees en fpirale, de l'extrcmiti DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. 115 Jufqu'a leur bafe , prefentent dans la campagne des formes de erodes , oil rTZ des rouleaux prets a fe divider, & font dans cet etat , foit avant leur f°r" 3 o t a n 1 q u 1. tie de terre & dans leur premiere elevation , enveloppees & chargees d'un vein fort ferre, qui dans les unes tombe, & dans les autres y refte par Annie 1739. intervalle. 3°. Par la faveur que cette plante machee IaifTe d'un peu d'aftri&ion , melee d'une humidite vifqueufe qui approche fort de la faveur des fougeres. 4°. Par l'odeur que rendent les feuilles de la pilulaire , ecrafees entre les doigts, qui m'a paru la meme que celle des fougeres preffees & mor- tifiecs dans la main. 5°. Enfin par cette forme de fommet d'etamine, & par la facon dont il s'ouvre tranfverfalement, ce qui me fait penfer que ces capfules, envi- ronntes d'anneaux elaftiques, font dans les fougeres les vrais fommets, puifqu'clles s'ouvrent de meme tranfverfalement; d'aillcurs on n'y trouve point de placenta, qui dans toils les fruits des plantes y foutient les le- niences. J'avoue que ("ignore encore, malgre mes differentes tentatives , les piftils 011 parties femelles des fleurs des fougeres, a moins que dans ces capiules il n'y en ait de deftinees a la pouffiere fecondante , tandis que d'autres femblables conferveroient les femences de ces fortes de plantes. Les fommets dans la pilulaire ne font pas garnis d'anneaux elaftiques, & par cela meme il me paroit que dans la claife des fougeres la pilulaire pourroit bien etre le chef d'une fedion particuliere; mais le caradtere ef- fentiel de cette claffe feroit tire de la forme des etamines, dont les fom- mets font des capfules qui n'ont qu'une cavite, & de la facon dont ces fommets s'ouvrent tranfverfalement. Je n'avance pas les autres chofes qu'on pourra peut-etre y ajouter, lorf- qu'on aura fur ce fujet toutes les obfervations qui font encore a faire, & que Ton a lieu d'attendre des recherches que feu M. Micheli a annoncees avant fa mort, & qui doivent bientot paroitre, par les loins qu'y donnc ■ M. Targioni. Le caradere d'une plante eft ce qui la diftingue de toutes celles qui ont quelque rapport avec elle , & ce caradtere , par les loix etablies en Botanique, doit etre forme d'apres l'examen des parties qui compofent la fleur. L'on nomme caraclere incomplet, on, felon M. Linnxus, caraclere artificiel, ctlui dans lequel on decrit fculement quelques parties de la fleur, en gardant le (ilence fur les autres parties que, par la methode qu on s'eft propofee, l'on fuppofe inutiles; an- lieu que Ton entend par le carac- tere naturel , celui dans lequel on deligne toutes les parties de la fleur, & on en conlidere le nombre, la lituation, la figure & la proportion. Si, en fuivant les principes de la methode de M. Tournefort, je cher- che le caraclere de la pilulaire, je trouverai, en l'etablirTant a fa manicre, que e'eft un genre, de plante dont les fleurs font enfermees dans un calice fpheriquc , lequel s'ouvre en quatre quartiers -, chaque quartier eft line logtf qui contient dans fa cavite une fleur a etamines, compofee dc plufieurs fommets attaches a rextremite fuperieure d'un placenta membraneux, dont 12(5 A B R li G E DES MEMOIRES ■— «■— toutes les faces font chargees de piftils oil embryons de graine^ le calice, ., lorfqiie la fleur eft paffee , devient un fruit a quatre loges ouvertes par le tioTAN i Q u e. |uut) & remplies de femences meiuies ovo'ides. Annie tyig. Cette plante fera par confequent renvoyee dans la feconde feftion de la quinzieme clafle des elemens de botanique, ou font ran gees les herbes qui out les fleui's a etamines. Mais ce cara&ere eft incomplet , car il n'exprime pas tout ce qu'il eft i propos de remarquer dans la fleur de la pilulaire, & il n'eft pas poffible d'aprcs un tel cara&ere , de dormer a cette plante une place qui lui con- vienne dans les claffes de pluiieurs mcthodes de botanique ; la facon dont M. Linnxus etablit les caradteres naturels des plantes dans fon livre inti- tule genera plantarum , &c. fournit cet avantage , elle eft plus exacte , & elle me paroit meriter par -la quelque preference. Les flenrs de la pilulaire ont deux calices , un externe ou cominun , & l'autre interne on propre. Le calice externe renferme quatre fleurs, il eft d'une feule piece fpheri- que , velive , epaiffe , dure , qui s'ouvre en quatre portions egales , & chaque portion eft collee \ la face convexe d'un des quatre calices internes. Le calice interne contient une fleur, il eft membraneux, d'une feule piece dont la forme eft celle d'un quartier de fphere , & il s'ouvre par 1'ex- tremitc fuperieure. Le placenta, qui, dans chaque fleur, porte les etamines & les piftils , eft une bande membraneufe , longue , etroite , qui nait du fond de la cavite du calice interne , fe prolonge julqu'aux deux tiers de fa hau- teur, & s'attache a la face fpherique de ce calice, dans le milieu de fa largeur. Les etamines font pour 1'ordinaire ail nombre de trente-deux fommets fans filets, leur figure eft celle d'un cone ; ils font tous attaches par la pointe h une petite tete, qui termine le bord fuperieur du placenta, fur la- quelle ils forment , en fe dirigeant en tons fens , une houppe pyrami- dale •, ces fommets font des capfules delicates , membrancufes , elles s'ouvrent tranfverfalement, & repandent une pouffiere ronde. Les piftils font ail nombre de douze, de feize ou de vingt embrions ovo'ides, litues perpendiculairement fur le placenta, dont ils couvrent les faces & le bord tranchant ■■, ils n'ont point de ftyle, mais la partie fuperieure de chaque embrion eft terminee par un ftigmate court & obtus. Le pericarpe eft le fruit de cette plante , il eft a quatre loges compofees des deux calices qui fubfiftent & confervent pluiieurs femences. Les femences font menues , blanchatres , ovo'ides , arrondies par la bafe , & terminees en pointe par le haut. Le germe ou la plantule contenue dans la femence , fort, dans la germi- nation, de la partie fuperieure de la capfule ftminalc, & produit une premiere feuille & une radicule. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 127 Aprcs un tel caradkre, il eft bon de placer encore la pilulaire dans les — — — — dalles de la nouvelle mcthode de M. Linnxus, & je crois que par raP~ Jj 0 T AN ■ 0 „ E port aux divilions qn'il y etablit , la pilulaire doit etre otee de la fecStion des algues oil cet auteur l'a placee, dans la claffe des cryptogamies, c'eft-a- Annie 173$. dire , dans cette dalle oil font rapportees les plantes dont les fleurs echap- pent a la vue, pour etre tranfportee dans la fe&ion des fougeres, inferee dans la meme clalTc •, on corrigera pareillement l'imperfec~tion du cara&ere qu'il donne a la pilulaire fous la denomination de Calarniflrum Dillenii , car il foupconnoit alors des fleurs males ou fommets caches dans la ligne longitudinale des feuilLes roulees & naiffantes dc cette plante. Les anciens botaniftes n'ont pas connu la pilulaire , 011 du mains ils ne paroiffent pas en faire aucune mention. J'ai raffemble les dirlerentes deno- minations dont le font fervis quelques auteurs qui ont ecrit fur les plantes dans le dernier llecle & dans le commencement de celui-ci, je les rap- porte dans l'ordre que ces fortes de rccherches exigent pour l'utilite dont elles peuvent etre dans le pinax general des plantes, qui eft a dearer en botanique. PlLULARIA. Pilularia paluflis juncifolia , D. Vaillant. Prod. Bot. Par. 97. Bot. Par. p. i$8. Tab. XV. Fig. 6. Joannis Martin , (a) hifl. Plant, circa Londimun. Anglice. vol. %. p. 275. Calamiflrum Dillenii. Car. Linnzi, Gen. Plant, p. 32^. N°. 800. Gramen piperinum. Merret, Pin. 57. Petiverii. herb. Britt. Tab. a. Fig- 8. Graminifolia paluflris , repens , vafculis granorum piperis cemulis. Raii. Cat. Angl. 153. edit. 2. Raii. Synopf. Stirp. Britt. edit. 1. 209. app. 246. R. Synopl. edit. 2. 281. app. 344. R. Synopf. edit. 3. A. D. Dillenio. 136. Raii. hift. 1325. cap. 10. Morifoni hift. Oxon. 6c8. feci. 15. Tab. 7. Fig. 4^. Mujcus aureus , capillaris , paluflris , inter foliola , folliculis rotundis ( ex Jententid D. Doody quadripartitis. ) Pluknet almag. Bot. 256. Phytogr. Tab. 48. Fig. 1. Entre ces auteurs dont je viens de rapporter les differens fynonymes , Merret eft le premier qui ait fait mention de cette plante , & parmi les figures citees ci-deffus, la meilleure eft celle qui fe trouve dans l'ouvrage de feu M. Vaillant. Les endroits humides oil l'eau a fejourne pendant l'hiver, & oii elle ne s'evapore pas totalement pendant l'ete , font ceux 011 la pilulaire croit plus volontiers. Je ne vois que la France & l'Angleterre ou cette plante ait ete remarquee : a l'egard de la France , les feuls environs de Paris font encore les lieux uniques oil elle ait etc obfervee. (n) Cet ouvrage el't 1'hiftoire des Plantes des environs de Paris, dc M, Tournefort , itaduice en Anglois , pat M. Jean Miitin D. M. & actommodte pour les plantes 1em.11- que'es pres de Londrcs. iiS ABRfiGE D E S M E M O I R E S M. Vaillant, dans fon Botanicon Parifienfe , page 158, dit « que cctte >3 pLmte forme ordinairement de petits gazons qui tapiffent toutcs lcs * jj petites mares de la foret de Fontainebleau & celles de Grois-bois , Annie f!$- " quand elles font a fee. Cctte plante fe trouve auffi autour des mares » de 1'Otie & entre Coignieres & les Effarts autour des lacunes qui font j> entre le grand chemin & la chauflee de l'Etang. >s M. Tournefort, dans les notes maiiufcritcs qu'il avoit fnites a la marge dc fon hifloire des plantes des environs de Paris , dont l'exemplaire eft entre mes mains , affure c< qu'il n'eft rien de fi commun que cette plante »> dans le pre marecageux qui eft a gauche, a l'entree de la foret de Fon- » tainebleau , au-dela de la Buvette royale , & que le fruit de cette » plante eft mur en feptembre. » J'ai trouve la pilulaire dans la plupart des endroits cites par ccs deux auteurs, & de toutes les mares oil platieres que j'ai vifitees dans la foret de Fontainebleau , je n'ai pu encore decouvrir cette plante que dans les mares de Franchard & de la Belle-croix. La pilulaire eft la feule efpece connue de fon genre, elle paroit vivace; fes jeunes branches, qui fubiiftent d'une annee a l'autre, fervent a la re- nouveller, pendant que les anciennes periffent. Les globules qui renfer- ment les fleurs, commencent a fe montrer des le mois de mai •, il en repouffe continuellement de nouveaux a mefure que les tiges & les bran- ches fe prolongent , & Ton trouve fouvent fur la meme branche des globules naiffans, de fort avances & d'autres en parfaite maturite dans les mois de feptembre & d'oiftobre. J'ai vu auffi dans ces temps-la plufieurs femences repandues fur les caux, qui y avoient germe. On peut dans les jardins de Botanique elever & cultiver la pilulaire, en la placant dans des licux ou l'eau ne s'evapore pas entierement, ou dans des terreins 011 baquets propres a conferver l'eau que Ton aura attention d'y entretenir. Il refulte done des obfervations que je viens de rapporter, 1°. Qu'il y a des plantes dont les fleurs, comme dans la figue, font cachees fous des envcloppes, & que le feul exemple que Ton en avoit, eft augmente par celui que fournit la fleur de la pilulaire. i°. Que dans la famille des fougeres , les feuilles ont en naiffant, & lorfqu elles font pretes a fe developper , une meme forme & line figure tout-a fait fembhbles. 30. Que dans les fleurs de ces plantes les fomrnets des etamines con- fervent une figure propre , finguliere & conftante , & qu'ils obfervent auffi une facon de s'ouvrir qui leur eft particuliere. II me refteroit a donner quelque chofe fur les vertus de cette herbe , mais comme elle n'a jufqu'ici ete mife en ufage par perfonne, auffi ne lui trouve-t-on aucune propriete affignee dans les auteurs. Cependant fi Ton doit avoir egard a 1111 prejuge qui, depuis quelque temps, a pris faveur fur l'analogie des vertus des plantes avec la conformite de leurs caracl;eres, on donneroit a la pilulaire line qualite attenuante , incifive & aperitive, qui eft celle des fougeres, auxquelles elle paroit avoir tin rapport affez bien DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 119 bien etabli , par les raifons que nous avons dctaillees. Nous ne faifons ici ' que hafarder line eonjofture, & nous fentons par avance les objections R Q t a ^ j ^ ^ que Ton peut faire contre cette idee. Une pareille proportion merite ce- pendant d'etre examinee avec foin & avec beaucoup de fcrupule-, & quoi- Annie 1739' que nous trouvions dans pluficurs claffes de plantes une forte de regukritc & de correfpondance dans les vertus qu'elles ont , nous n'ofons encore cn tirer une conclusion trop affirmative & generale : il faut neanmoins avouer qu'il y a fur ce fujet des inductions allez fortes & alfez bien de- montrees dans les ordres que prefentent les plantes graminees, les labiees, les umbelliferes , les chicoracies , les corimbiferes , les cinarocephales , les legumineufes , les plantes a fleur en croix •, li l'on en excepte quelques genres qu'il faut retrancher de cette dalle , les plantes qui doivent etre rangees dans les memes ordres du ricin , de la calebaffe , de la mauve , de la garance, de la bourrache , &c. Ceft ce qui nous fait efperer qu'on pourra rendre la methode par laquelle on connoit les plantes , plus utile dans la pratique de medecine , & plus neceffaire a tous ceux qui veulent , a l'abfence de nos plantes d'Europe dont les vertus font connues , fe fer- vir dans les pays eloignes, des plantes qui y viennent naturellement , & qui par le racrae caractere qu'elles auroient avec celles que nous era- Eilovons , feroient par confequent deftinees aux memes ufages , & e'eft la e point de perfection dont on pent enrichir la botanique methodique. EXPLICATIONDES FIGURES. Planche IV. rA , Deffein d'une branche de la pilulaire , avec fes racines , fes feuilles 8c fes globules, en leurs etats dirierens. B , Globule qui renferme les fleurs. C , Globule, lorfqu'il fe partage en quatre quartiers. D j Globule coupe tranfverfalement pour montrer les quatre Ioges. e, Un quartier de globule. /, Fleur de grandeur naturelle , vue par l'une de fes faces •, a , piftile ; b , etamine de grandeur naturelle. G , Fleur groflie , vue par les deux faces interieiires. H, La meme fleur, vue par la face exterieure. I j La meme, vue par l'une des faces interieures. Kj Etamines, vues au microfcope. L , Poufliere des etamines , groilie & vue au microfcope. M , Piftil enveloppe d'une peau tranfparente & a fines mailles , vu au microlcope. N, Le meme piflil , dont la peau s'eft dilatee & eft devenue unie ," etant place fiu une goutte d'eau. O, Piftil grofli, dont la peau a ete enlevee. P, Semence germee & groilie. Qj La meme pouffant une premiere feuille & une radicule." R , Jeunes plantes en dirierens etats. Tome VIII. Rank Fran$oift. R ijo ABREGE DES MEMOiRES Botanique. M E M O I R E Sur la confervation & le rfrabliffement des forits. Par M. de Buffon. I 1 e bois qui etoit autrefois trcs-commun , maintenant fuffit a peine aux ufages indifpenfables , & nous fomines menaces pour 1'avenir d'en man- quer abfolument; ce feroit une vraie perte pour l'etat, d'etre oblige d'a- voir recours a fes voifins , & de tirer de chez eux, a grands frais, ce que nos foins , & quelque legere economic , peuvent nous procurer. Mais il faut s'y prendre a temps, il faut commencer des aujourd'hui", car d notre indolence dure, il l'envie preffante que nous avons de jouir, continue a augmenter notre indifference pour la pofterite , enfin , fi la police des bois n'eft pas reformed , il eft a craindre que les forets , cette partie la plus noble du domaine de nos rois , ne deviennent des terres incultes , & que le bois de fervice dans lequel confide une partie des forces mari- times de l'etat, ne fe trouve confomme & detruit fans efperance prochaine de renouvellement. Ceux qui font prepofes a la confervation des bois , fe plaignent eux- memes de Ieur d^periflement ; mais ce n'eft pas affez de fe plaindre d'un mal qu'on reflent deja, & qui ne peut qu'augmenter avec le temps, il en faut chercher le remede , & tout bon citoyen doit donner an public les experiences & les reflexions qu'il peut avoir faites a cet egard. Tel a toujours eti le principal objet de l'academie •, l'utilite publique eft le but de fes travaux. Ces coniiderations ont engage Mr. de Reaumur a nous donner, en 1721 , d'excellentes remarques fur l'etat des bois du royaume. II pofe des fairs inconteftables , il donne des vues faines, & il indique des experiences qui feront honneur a ceux qui les executeront. Engage par les meraes motifs , & .me trouvant a portee des bois , je les ai ob- ferves avec une attention particuliere -, & enfin anime par les ordres de Mr. le comte de Maurepas , j'ai , depuis fept a bait ans , fait plufieurs experiences fur ce fujet. Des vues d'utilite particuliere , autant que de curiolite de phyficien , m'ont portd a faire exploiter mes bois taillis fous rnes yeux , j'ai fait des pepinieres d'arbres foreftiers, j'ai feme' & plante de grands cantons de bois, & ayant fait toutes ces epreuves en grand, je liiis en ^tat de rendre compte du peu de fucces de plufieurs pratiques qui reufliflbient en petit , & que les auteurs d'agriculture avoient recomman- dees. II en eft ici comme de tous les autres arbres, le modele qui reufEt le mieux en petit, fouvent ne peut s'executer en grand. Tous nos projets fur les bois doivent fe require a tacher de conferver ceux qui nous reftent , & a renouveller une partie de ceux que nous avons detruits. Commen^ons par examiner les moyens de confervation, apres quoi nous viendrons a ceux de renouvellement. DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES, ijt Tout le bois dc fcrvice du royaumc conliftc dans les forets qui appar- B55S5E MMMM tiennent a Sa Majefte dans les referves des eccleliaftiques & des gens de g main-morte > & enfin dans les baliveaux , que l'ordonnancc oblige dc laiffer dans tons les bois. Anru'e IJ39. On fait , par une experience deja trop longue , que le bois des bali- veaux n'eft pas de bonne qualite, & que d'ailleurs ces baliveaux font tort au taillis. J'ai obferve , fort fouvent , les efFets de la gelee du printemps dans deux cantons voifins de bois taillis ; on avoit conferve , dans fan , tous les baliveaux de quatre coupes fucceffives •, dans l'autre, on n'avoit referve que les baliveaux de la coupe a&uelle ; j'ai reconnu que la gelee avoit fait un fi grand tort au taillis furcharge de baliveaux , que l'autre taillis l'a devance de pres de cinq ans lur douze. L'expodtion etoit la nieme; j'ai fonde le terrein en diffcrens endroits, il etoit iemblable. Ainfi je ne puis attribuer cette difference qua l'ombre & a l'humidite que les baliveaux jettoient fur le taillis , & a l'obftacle qu'ils formoient au defle- chement de cette humidite , en interrompant l'adtioir du vent & du foleiJ. Les arbres qui pouffcnt vigoureufement en bois , produilent rarement beaucoup de fruit ; les baliveaux fe chargent d'une grande qiuntite de glands, & annoncent par-la leur foibleffe. On imagineroit que ce gland devroit repeupler & garnir les bois , raais cela fe reduit a bien pen de chole -, car de plulieurs millions de ces graines qui tombent au pied de ces arbres , a peine en voit-on lever quelques centaines , & ce petit nom- bre eft bientot etouffe par l'ombre continuelle 8c le manque d'air, ou fupprim<5 par le degouttement de l'arbre , & par la gelee , qui eft toujours plus vive prcs de la furface de la terre, ou enfin detruit par les obftacles que ces jeunes plantes trouvent dans un terrein traverfe d'une infinite de racines & d'herbes de route efpece •, on trouve , a la verite , quelques arbres de brin dans les taillis , ces arbres viennent de graine , car le chene ne fe mulriplie pas par rejettons , & ne poufle pas de la racine , mais les arbres de brin lout ordinairement dans les endroits clairs des bois , loin des gros baliveaux, & font dus aux mulots ou aux oifeaux, qui en tranf- portant les glands , en fement une grande quantite. J'ai fu mettre a profit ces graines que les oiieaux laiffent tomber. J'avois obferve dans un champ, qui depuis trois ou quarre ans etoit demeure fans culture, qu'autour de quelques petits builTons qui s'y trouvoient fort loin les uns des autres, plulieurs petits chenes avoient paru tout d'un coup •, je reconnus bientot par mes yeux, que cette plantation appartenoit a des geais, qui en fortant des bois , venoient d'habitude fe placer fur ces buiffons pour manger leur gland , & en laifloient tomber la plus grande partie , qu'ils ne fe don- noient jamais la peine de ramaticr. Dans un terrein que j'ai plante dans la fuite, j'ai en loin de mettre de petits buiffons, les oifeaux s'en font empares, & out garni les environs d'une grande quantite de jeunes chenes. II faut qu'il y ait deja du temps qu'on ait commence a s'appercevoir du deperiflement des bois , puilqu'autrefois nos rois ont donne des or- dres pour leur confervation. La plus utile de ces ordonnances eft celle qui ctablit dans les bois des eccleliaftiques & gens de main-morte, la refer ve R ij iji ABREGE DES MEMOIRES m^mmmmmmmm du quirt pour creitre en futaie; ellc eft ancienne , & a etc donnee pour la premiere fois en 1575, confirmee en 1597, & cependant demeuree Bo t A ni qu E. r-Jns execution jufqu'a l'annee 1669. Nous devons fouhaiter qu'on ne fe Annie l?"'C). relache point a cet egard •, ces referves font un fonds , un bien reel pour l'etat , un bien de bonne nature , car elles ne font pas fu'iettes aux defauts des baliveaux ; rien n'a ete mieux imagine , & on en auroit bien fenti les avantages , li jufqu'a prefent le credit , plutot que le befoin , n'en eut pas difpofe. On previendroit cet abus , en lupprimant l'ulage arbitaire des permifiions , & en etabliffant un temps fixe pour la coupe des referves. Ce temps feroit plus ou moins grand felon la qualite du terrein , ou plutot ielon la profondeur du fol , car cette attention eft abfolument ne- ceffaire. On pourroit done en regler les coupes , a cinquante ans dans un terrein de deux pieds & demi de profondeur, a foixante &dix dans un terrein de trois pieds & demi , & a cent ans dans un terrein de quatre pieds & demi & au-dela de profondeur. Je donne ces termes d'apres les obfervations que j'ai faites au moyen d'une tarriere haute de cinq pieds, avec laquelle j'ai fonde quantite de terreins , oii j'ai examine en meme temps la hauteur, la groffeur & l'age des arbres-, cela fe trouvera affez jufte pour les terres fortes & petriffables. Dans les terres legeres & fa- blonneufes on pourroit fixer les termes des coupes a quarante, foixante & quatre- vingts ans-, on perdroit a attendre plus long-temps, & il vau- droit infiniment mieux garder du bois de fervice dans des magafins , que de le killer fur pied dans les forets, oii il ne peut manquer de s'alterer apres un certain age. Dans quelques provinces maritimes du royaume , comme dans la Bre- tagne pres d'Ancenis , il y a des terreins de communes qui n'ont jamais ete cultives, & qui fans etre en nature de bois, font couverts d'une infi- nite de plantes inutiles, comme de fougeres , de genets & de bruyeres, mais qui font en meme temps plantes d'une aflez grande quantite de chenes ifoles. Ces arbres fouvent gates par rabroutilfement du betail , ne s'elevent pas , ils fe courbent , ils fe tortillent , & ils portent une mauvaife figure , dont cependant on tire grand avantage , car ils peuvent fournir un grand nombre de pieces courbes pour la marine , & par cette raifon ils meritent d'etre conferves. Cependant on degrade tous les jours ces efpeces de plantations naturelles •, les feigneurs donnent ou vendent aux payfans la liberte de couper dans ces communes , & il eft a craindre que ces magalins de bois courbes ne foient bientot epuifes. Cette perte feroit considerable , car les bois courbes de bonne qualite , tels que font ceux dont je viens de parler , font fort rares. J'ai cherche les moyens de faire des bois courbes, & j'ai fur cela des experiences commencees qui pour- ront raiffir , & que je vais rapporter en deux mots. Dans un taillis j'ai fait couper a difterentes hauteurs , favoir a deux , quatre , fix , huit , dix & douze pieds au-deflus de terre, les tiges de plufieurs jeunes arbres, & quatre annees enfuite j'ai fait couper le fommet des jeunes branches que ces arbres etetes ont produites ; la figure de ces arbres eft devenue par cette double operation li irreguliere , qu'U n'eft pas poffible de la decrire , DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. i5} & je fuis pcrfuadc qu'un jour ils fourniront da bois courbe. Cette facon SSSSSS ' de courber le bois feroit bien plus fimple & bien plus aifee a pratiquer- que celle de charger d'un poids , oil d'affujettir par une corde la tete ° T A N ' Q u E* des jeunes arbres, comme quelques gens l'ont propofe. Annd 1739. Tous ceux qui connoilfent un peu les bois , favent que la gelee du printemps eft le fleau des taillis , c'eft elle qui , dans les endroits bas & dans les petits vallons , fupprime continuellement les jeunes rejettons , & empeche le bois de s'elever; en un mot, elle fait aux bois un audi grand tort qu'a toutcs les autres productions de la terre , & li ce tort a jufqu'ici ete moins connu , moins lenlible , c'eft que la jouiilance d'un taillis etanc eloignee , le proprietaire y fait moins d'attention , & fe confole plus aife- ment de la perte qu'il fait ; cependant cette perte n'en eft pas moins reelle , puifqu'elle recule fon revenu de plufieurs annees. J'ai tache de prevenir , autant qu'il eft poffible , les maiivais effets de la gelee, en etu- diant la facon dont elle agit, & j'ai fait fur cela des experiences qui m'ont appris que la gelee agit bien plus violemment a l'expolition du midi, qu'a; l'expolition du nord ; quelle fait tout perir a l'abri du vent, tandis quelle epargne tout dans les endroits 011 il peut pafier librement. Cette obfer- vation , qui eft conftante , fournit un moyen de preferver de la gelee quelques endroits des taillis , au moins pendant les deux ou trois pre- mieres annees , qui font le temps critique, & ou elle les attaque avec plus d'avantage ■, ce moyen confide a obferver , quand on les abat , de com- mencer la coupe du cote du nord ; il eft aife d'y obliger les marchands de bois, en mett;>.nt cette claufe dans leur marche, & je me fuis deja ti s- bien trouve d'avoir pris cette precaution pour mes taillis. Un pere de famille , un homme arrange , qui fe trouve proprietaire d'une quantite un peu confiderable de bois taillis , commence par les faire arpenter , borner , divifer , & mettre en coupe reglee , il s'imagine que c'eft la le plus haut point d'economie •, tous les ans il vend le meme nombre d'arpens , de cette facon fes bois deviennent un revenu annuel , il fe fait bon gre de cette regie , & c'eft cette apparence d'ordre qui a fait prendre faveur aux coupes reglees : cependant il sen faut bien que ce foit la le moyen de tirer de fes taillis tout le profit qu'on en peut tirer ; ces coupes reglees ne font bonnes que pour ceux qui ont des terres eloignees, qu'ils ne peuvent viliter, la coupe reglee de leurs bois eft une efpece de ferme , ils comptent fur le produit & le recoivent fans s'etre donne aucun foin , cela doit convenir a grand nombre de gens •, mais pour ceux dont l'habitation fe trouve fixee a la campagne , & meme pour ceux qui vont y paffer un certain temps toutes les annees , il leur eft facile de mieux ordonner les coupes de leurs bois taillis. En general, on peut affu- rcr que dans les bons terreins , on gagnera a les attendre , & que dans les terreins ou il n'y a pas de fond , il faudra les couper fort jeunes : mais il feroit bien a fouhaiter qu'on put donner de la precilion a cette regie, & determiner au jufte l'age ou Ton doit couper les taillis , cet age eft celui ou l'accroiffement du bois commence a diminuer. Dans les premieres an- n;es, le bois croit de plus en plus, c'eft-i-dire, la production de la iH ABRtGt DES MEMOIRES feconde annee eft plus conliderable que ceile de la premiere, l'accroiiTe- ment de la troiiieme annee eft plus grand que celui de la feconde, ainfi BoiANiQUE. l'accroiffement du bois augmente jufqu'a un certain age , apres quoi il Annie 171Q. diminue : c'eft ce point, ce maximum qu'il faut laifir pour tirer de fori taillis tout l'avantage & tout le profit poffible. Mais comment le recon- noitre, comment s'affurer de cet inftant? II n'y a que des experiences faites en grand, des experiences longues & penibles, des experiences telles que M. de Reaumur les a indiquees , qui puiifent nous apprendre 1 age oil les bois commencent k croitre de moins en moins-, ces experiences confident a couper & pefer tous les ans le produit de quelques arpens de bois, pour comparer 1'augmentation annuelle , & reconnoitre au bout de pluheurs annees, l'age ou elle commence a diminuer. Quoique ces experiences pa- roiffent etre au-defiiis des forces d'un particulier , j'ai deja au moins eu le courage de les entreprendre , & j'efpere qu'en moins de dix ans, je feral en etat d'en rendre compte •, ce long terme ne doit point effrayer les autres , puifqu'il n'a pu me rebuter. J'ai fait plufieurs autres remarques fur la confervation des bois & fur les changemens qu'on devroit faire aux reglemens des forets , que je fupprime comme n'ayant aucun rapport avec des matieres de phyfique : mais je ne dois pas paffer fous filence le moyen que j'ai trouve d'augmen- ter la force & la folidite du bois de fervice , & que j'ai communique dernierement a l'academie; rien n'eft plus fimple, car il ne s'agit que d'e- corccr les arbres , & les laiffer ainfi lecher & mourir fur pied avant que de les abattre : l'aubier devient par cette operation aufli dur que le cceur de chene , il augmente confiderablement de force & de denfite , comme je m'en fuis affure par un grand nombre d'experiences , & les fouches de ces arbres ecorces & feches fur pied , ne laiffent pas que de repouffer & de reproduire des rejettons •, ainfi il n'y a pas le moindre inconvenient a etablir cette pratique , qui , en augmentant la force & la duree du bois mis en ceuvre , doit en diminuer la confommation , & par confequent doit etre inife au nombre des moyens de conferver les bois. Venons mainter nant a ceux qu'on doit employer pour les renouveller. Cet objet n'eft pas moins important que le premier , combien y a-t-il dans le royaume , de terres inutiles , de landes , de bruyeres , de com- munes qui font abfolument fteriles 2 La Bretagne , le Poitou , la Guyenne , laBourgogne, la Champagne, & plufieurs autres provinces ne contien- lient que trop de ces terreins inutiles ■, quel avantage pour l'etat , fi on pouvoit les mettre en valeur ? La plupart de ces terreins etoient autrefois en nature de bois, comme je l'ai remarque dans plufieurs de ces cantons deferts , ou Ton trouve encore quelques vieilles fouches prefque entiere- ment pourries. II eft a croire qu'on a peu a peu degrade les bois de ces terreins, comme on degrade aujourd'hui les communes de Bretagne , & que par la fucceffion de temps on les a abfolument degarnis. Nous pou- vons done raifonnablement efperer de retablir ce que nous avons detruit. On n'a pas de regret a voir des rochers nuds , des montagnes couvertes de glace ne rien produire, mais comment peut-on s'accoutumer a foufirir DE L'ACADl'MIE ROYALE DES SCIENCES. 155 Mi milieu des meilleures provinces d'un royaume , de bonnes terres en — — » ■ ■ friche , des contrees entieres mortes pour l'etat ? Je dis de bonnes terres, R parce que j'en ai vu & j'en ai fait defricher , qui non feulement etoient de OT;1Xi(3u E* qualite a produire de bon bois , mais meme des grains de tout,.* efpece. Annie ij 39. II ne s'agiroit done que de femer ou de planter ces terreins , mais il fau- droit que cela put fe faire fans grande depenfe , ce qui ne laiffe pas que d'avoir quelques difricultes , comme on en jugera par le detail que je vais faire. Comme je fouhaitois de m'inftruire a fond fur la maniere de femer & de planter des bois, apres avoir Iu le pen que nos auteurs d'agriculturc difent fur cette matiere , je me fuis attache a quelques auteurs anglois, comme Evelyn , Miller , &c. qui me paroiffoient etre plus au fait , & par- ler d'apres l'experience. J'ai voulu d'abord fuivre leurs methodes en tout I>oint , & j'ai plante & feme des bois a leur facon , mais je n'ai pas ete ong-temps fans m'appercevoir que cette facon etoit ruineufe , & qu'en fuivant leurs confeils , les bob, avant que d'etre en age , m'auroient coiitd dix fois plus que leur valeur. J'ai reconnu alors que routes leurs expe- riences avoient ete faites en petit dans des jardins, dans des pepinieres, ou tout au plus dans quelques pares ou Ton pouvoit cultiver & foigner les jeunes arbres , mais ce n'eft point ce qu'on cherche quand on veut planter des bois •, on a bien de la peine a fe refoudre a la premiere depenfe ne- ceffaire , comment ne fe refuferoit-on pas a toutes les autres , comme cel- les de la culture , de l'entretien , qui d'ailleurs deviennent immenfes lorf- qu'on plante de grands cantons ? J'ai done ete oblige d'abandonner ces auteurs & leurs methodes, & de chercher a m'inftruire par d'autres moyens, & j'ai tente line grande quantite de facons differentes , dont la plupart, je l'avouerai, out ith fans fucccs, mais qui, du moins, m'ont appris des faits, & m'ont mis fur la voie de reuffir. J'avois , pour travailler , toutes les facilites qu'on peut fouhaiter , des ter- reins de toutes efpeces, en friche & cultives, line grande quantite de bois taillis, & des pepinieres d'arbres foreftiers 011 je trouvois tous les jeunes plants dont j'avois befoin •, enfin j'ai commence par vouloir mettre en na- ture de bois un efpace de terrein de quatre-vingts arpens , dont il y en avoit environ vingt en friche , & foixante en terres labourables, produifant tous les ans du froment & d'autres grains , meme affez abondamment. Comme mon terrein etoit naturellement divife en deux parties prefque egales par une haie de bois taillis, que Tune des moities (5toit d'un niveau fortuni, & que la terre me paroifloit etre par-tout de meme qualite , quoiqtie de profondeur affez inegale, je penfai que je pourrois profiler de ces circonf- tances pour commencer line experience dont le refultat eft fort eloigne, mais qui fera fort utile, e'eft de favoir dans le meme terrein la difference que produit fur un bois l'inegalite de profondeur du fol , afin de deter- miner plus jufte que je ne l'ai fait ci-devant , a quel age on doit conper les bois de futaie. Quoique j'aie commence fort jeune , je n'efpere pas que je puiffe me fatisfaire pleinement a cet egard, meme en me fuppo- fant une tort longiie vie j mais j'aurai au moins le plailir d'obferver n6 ABREGE DES ME MO I RES mmmmmmgmm quelque chofe de nouveau tous les ans, & pourqtioi ne pas laiffer a la pofte- ~ ritti des experiences commencees > J'ai done fait diviler mon terrein par Botanique. uarts d'arpent , & a chaque angle j'ai fait fonder la profondeur avec ma Annte lyq. tarriere, j'ai rapporte fur mi plan tous les points ou j'ai fonde, avec la note de la profondeur du terrein & de la qualite de la pierre qui fe troti- voit au-deflbus, dont la meche de la tarriere ramenoit tou jours des echan- tillons, & de cette facon j'ai le plan de la fuperficie & du fond de ma plantation , plan qu'il fera aife quelque jour de comparer avec la production. Apres cette operation preliminaire , j'ai partage mon terrein en plufieurs cantons , que j'ai fait travailler differemment. Dans l'un , j'ai fait donner trois labours a la charrue, dans un autre deux labours, dans un troifieme un labour feulement •, dans d'autres j'ai fait planter les glands a la pioche & fans avoir laboure ; dans d'autres j'ai fait (implement jetter^des glands , ou je les ai fait placer a la main dans l'herbe ; dans d'autres j'ai plante de petits arbres, que j'ai tires de mes bois-, dans d'autres des atbres de meme efpece, tires de mes pepinieres, j'en ai fait femer & planter quelques uns en automne & d'autres au printemps , quelques-uns a un police de pro- fondeur , quelques autres a fix pouces •, dans d'autres j'ai feme des glands que j'avois auparavant fait tremper dans differentes liqueurs, comme dans de l'eau pure, dans de la lie de vin , dans de l'eau qui s'etoit egouttee d'un fumier, dans de l'eau falee. Enfin dans plufieurs cantons j'ai^feme des glands avec de l'avoine ; dans plulieurs autres, j'en ai feme que j'avois fait genner auparavant dans de la terre. Je vais rapporter en peu de mots le refultat de toutes ces epreuves , & de plulieurs autres que je fupprime ici , pour ne pas rendre cette enumeration trop longue. La nature du terrein ou j'ai fait ces effais, m'a paru entierement fem- blable dans toute fon etendue •, e'eft une terre forte , petriflable , tant foit peu melee de glaife , retenant l'eau long-temps , & fe fechant affez dif- ficilement , formant par la gelee & par la fechereffe une efpece de croute avec plufieurs petites fentes a fa furface , produifant naturellement une grande quantite d'hiebles dans les endroits cultives , & de genievres dans les endroits en friche & environnes de tous cotes de bois d'une belle ve- nue. J'ai fait femer avec foin tous les glands un a un & a un pied de diftance les uns des autres, de forte qu'il en eft entre environ dou?e me- fures ou boiffeaux de Paris dans chaque arpent. Je crois qu'il eft neceflaire de rapporter ces faits , pour qu'on puiffe juger plus fainement de ceux qui doivent fuivre. L'annee d'apres j'ai obferve avec grande attention l'etat de ma planta- tion, & j'ai reconnu que dans le canton dont j'efperois le plus, & que j'avois fait labourer trois fois., & femer avant l'hiver , la plus grande partie des glands n'avoit pas leve •, les pluies de l'hiver avoient tellement battu & corroye la terre , qu'ils n'avoient pu percer , le petit nombre de ceux qui avoient pu trouver iffue , n'avoit paru que fort tard , environ a la fin de juin -, ils etoient foibles , effiles , la feuille etoit jaunatre , languifTante , & ils etoient fi loin les uns des autres, le canton etoit fi peu garni, que j'eus quelque regret aux foins qu'il avoit coutes. Le canton qui n'avoit eu que DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 137 ijtJe deux labours , & qui avoit audi ete feme avant l'hiver , reflembloit aifez au premier , cependant il >' avoit un plus grand nombre de jeunes chenes, parce que la terre etant moins divifee par le labour, la pluie n'a- voit pu 'la battre autant que celle du premier canton. Le troiheme , qui Annd 1739. n'avoit eu qu'un fed labour , etoit par la mcme rail'on un peu mieux peu- ple que le fccond , mais cependant if l'etoit fi mal , que plus des trois quarts de mes glands avoient encore manque. Cette epreuve me fit connoitre que dans les terreins forts & meles de glaife, il ne faut pas labourer & iemer avant l'hiver; j'en fus entierement convaincu, en jettant les yeux fur les autres cantons. Ceux que j'avois fait labourer & femer au prin- temps, etoient bien mieux garnis; mais ce qui me furprit , c'eft que les endroits 011 j'avois fait planter le gland a la pioche, fans aucune culture precedente , etoient conliderablement plus peuples que les autres •, ceux memes 011 Ton n'avoit fait que cacher le gland fous l'herbe etoient affez bien fournis , quoique les mulots , les pigeons ramicrs & d'autres animaux en euffent emporte line grande quantite. Les cantons ou les glands avoient ete femes a fix polices de profondeur , fe trouverent beaucoup moins gar- nis que ceux oil on les avoit fait femer a un police ou deux de profon- deur. Dans an petit canton ou j'en avois fait femer a un pied de profon- deur, il n'en parut pas un , quoique dans un autre endroit ou j'en avois fait mettre a neuf polices, il en eut leve plufieurs. Ceux qui avoient ete trempes pendant huit jours dans de la lie de vin & dans de legout de fumier, lortirent de terre plutot que les autres. Prefque tous les arbres gros & petits que j'avois fait tirer de mes taillis, out peri a la premiere ou a la feconde annee , tandis que ceux que j'avois tires de mes pepinieres out prefque tons reuili. Mais ce qui me donna le plus de fatisfadlion , ce fn.it le canton ou j'avois fait planter au printemps les glands que j'avois fait auparavant germer dans de la terre, il n'en avoit prelque point manque; a la verite ils ont leve plus tard que les autres , ce que j'attribue a ce qu'en les tranfportant ainfi tout germes, on caflala radicule a plulieurs de ces glands. Les annees fuivantes n'ont apporte aucun changement a ce qui s'eft an- nonce des la premiere annee. Les jeunes chenes du canton laboure trois fois, font demeures toujours un peu au-deffous des autres, & font en- core plus foibles que ceux des autres cantons. Ainfi je crois pouvoir affu- rer que pour femer une terre forte & glaifeufe, il faut conferver le gland pendant l'hiver dans de la terre , en failant un lit de deux polices de glands fur un lit de terre d'un demi-pied , puis un lit de terre & un lit de glands, toujours alternativement , & enfin en couvrant le magalin d'un pied de terre , pour que la gclee ne puilTe y penetrer. On en ti- rera le gland au commencement de mars , & on le plantera a un pied de diftance. Ces glands qui ont germe , font deja autant de jeunes che- nes, & le fucces d'une plantation faite de cette facon n'eft pas douteux; la depenfe mcme n'eft pas conltderable , car il ne faut qu'un feul labour. Si Ton pouvoit fe garantir des mulots & des oifeaux , on reuffiroit tout de mcme & fans aucune depenfe, en mettant en automne le gland fous l'herbe , car il perce & s'enfonce de lui-meme , & reuffit a merveille Tome VIII. Panie Francoife. S ij8 ABREGfi DES MEMO IRES ■i w. u»u ggB—ai fins aucune culture dans les friches dont le gazon eft fin, ferre & bien- R garni , ce qui indique prefque toujours un terrein ferme & niele de glaife. Comme je penie que la meilleure facon de femer du bois dans un Annie tJSfj. terrein fort & mele de glaife, eft dc faire germer les graines dans de la terre , il eft bon de raffurer fur le petit inconvenient dont j'ai parle. On tranfporte le gland germe dans des mannequins , des corbeilles , des paniers , & on ne pent eviter de rompre la radicule de plufieurs de ccs glands, mais cela ne leur fait d'autre mal que de retarder leur fortie de terre de quinze jours on de trois femaines , ce qui meme n'eft pas un mal , parce qu'on evite par-la celui que la gelee des matinees de mai fait aux graines qui ont leve de bonne heure, & qui eft bien plus con- fiderable. J'ai pris des glands germes, auxquels j'ai coupe le tiers, la moi- tie, les trois quarts , & meme toute la radicule-, je les ai femes dans un jardin oil je pouvois les obferver a toute heure, ils ont tous leve, mais les plus mutiles ont leve les derniers. J'ai feme d'autres glands germes , auxquels, outre la radicule ,.j'avois encore ore 1'un des lobes, ils ont en- core leve; mais li on retranche les deux lobes, ou (i Ton coupe la .plu- me , qui eft la partie effentielle de l'embryon , ils periffent egalement. Quand l'experience a une fois appris ces faits , il eft aife de les ex- pliquer , mais, encore une fois, je me borne dans ce memoire a donner des faits-, quelque jour dans un ouvrage plus etendu je compte ne rien omettre de ce qui pent etre intereifant fur cette matiere. Dans l'autre moitie de mon terrein , dont je n'ai pas encore parle , il y a un canton dont la terre eft bien moins forte que celle que j'ai de- crite , & oil elle eft meme melee de quelques pierres a un pied de pro- fondeur-, cetoit un champ qui rapportoit beaucoup de grain , & qui avoit etc bien cultive. Je le fis labourer avant 1'hiver, & aux mois de novem- bre , decembre & fevrier, j'y plantai une collection nombreufe de toutes les efpeces d'arbres des forets que je fis arracher dans mes bois taillis de toute grandeur, depuis trois pieds jufqu'a dix & douze de hauteur. Une grande partie de ces arbres n'a pas repris , & de ceux qui ont pouffe a la premiere feve , un grand nombre a peri pendant les chaleurs du mois d'aout, plufieurs ont encore peri la feconde, & encore d'autres la troi- fieme & la quatrieme annee : de forte que de tous ces arbres , quoique plantes & arraches avec foln , & meme avec des precautions pen com- munes , il ne m'eft refte que des cerifiers , des aliziers , des cormiers , des frenes & des ormes, encore les aliziers & les frenes font-ils languif- fans, il n'ont pas augmente d'un pied de hauteur depuis cinq ans ; les cormiers font plus vigoureux , mais les meriziers & les ormes font ceux qui de tous ont le mieux reiiffi. Cette terre fe couvrit pendant l'ete d'une prodigieufe quantite de mauvaifes herbes , dont les racines detruifirent plufieurs de mes arbres. Je fis fcmer audi dans ce canton des glands ger- mes , les mauvaifes herbes en etoufterent une grande partie -, aind je crois que dans les bons terreins , qui font d'une nature moyenne entre les ter- res fortes & les terres legeres , il convient de femer de l'avoine avec Jes glands pour prevenir la naiilance de ces mauvaifes herbes, dont la DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 'ii9 plupart font vivaces, & qui font beaucoup plus de tort aux jeunes chenes, T^^ que l'avoine, qui cefl'e de poulTcr des racines an mois de Juillet. Cette g0 T AN , Q v ._ obfervation eft Aire , car dans le meme terrein les glands que j'avois fait lemer avec l'avoine , avoient mieux reuffi que les autres. Dans le refte Annie ijjy. de mon terrein, j'ai fait planter des jeunes chenes, de formiUe, & d'au- tres jeunes plants tires de mes pepinieres, qui ont bien reuffi; ainli je crois pouvoir conclure, avec coniioiifance de caufe, que c'eft perdre de l'ar- gent & du temps que de faire arracher des jeunes arbres dans les bois , pour les tranfplanter dans des endroits ou on eft oblige de les abandon- tier & de les laiffer fans culture, & que quand on veut faire des planta- tions considerables d'autres arbrcs que de chene ou de hetre , doin les graines font fortes , & furmontent prefque tons les obftacles , il faut faire des pepinieres oii Ton puiffe clever & foigner les jeunes arbres pendant les deux premieres annees, apres quoi on les pourra planter avec fucces pour fiire des bois. M'etant done un pen inftruit a mes depens , en faifant cette plantation , j'entrepris, l'annee fuivante, d'en faire line autre prefqu'auffi confideYable , dans un terrein tout different; la terre y eft feche, legere, melee de gra- vier, & le fol n'a pas huit polices de profondeur, au-deffous duquel on trouve la pierre. Je fis aiiln an grand nombre d'epreuves , dont je ne rapporterai pas le detail-, je me contenterai d'avcrtir qu'il faut labourer ces terreins, & les femer avant l'hiver. Si Ton ne feme qu'au printemps, la chaleur du foleil fait perir les graines. Si on fe contente de les je'.ter ou de les placer fur la terre , comme dans les terreins forts , elles fe def- fechent & periffent , parce que l'herbe qui fait le gazon de ces terres iegeres , n'eft pas affez garnie & aflez epaifi'e pour les garandr de la gelee pendant l'hiver, & de l'ardeur du foleil an printemps. Les jeunes arbres arraches dans les bois, reuffiifent encore moins dans ces terreins, que dans les terres fortes, & fi on veut les planter, il faut le faire avant l'hiver, avec de jeunes plants pris en pepiniere. , Je ne dois pas oublier de rapporter une experience qui a un rapport immediat avec notre fujet. J'avois envie de connoiire les efpeces de ter- reins qui font abfolument contraires a la vegetation, & pour cela j'ai fait remplir une demi-douzaine de grandes caifles a mettre des orangers , de matieres toutes diffcrentes •, la premiere de glaife bleue , la feconde de gmvier gros comme des noifettes, la troilieme de glaife couleur d'orange, la quatrieme d'argille, la cinquieme de fable blanc, & la lixieme de fumier de vache bien pourri. J'ai feme, dans chacune de ces caiffes, an nombre egal de glands, de chataignes & de graine de frene, & j'ai lauTe les cailfes a fair fans les foigner & fans les arrofer ■, la graine de frene n'a leve dans aucune de ces terres •, les chataignes ont leve & ont vecu , mais (ans faire de progres, dans la caiffe de glaife bleue. A l'egard des glands, il en a leve une grande quantite dans toutes les caifles, a l'exception de celle qui contenoit la glaife orangee , qui n'a rien produit du tout. J'ai obferve que les jeunes chenes qui avoient leve dans la glaife bleue & dans 1'argille , quoiqu'un peu effiles au fommet, etoient forts & vigoureux en comparaifon S ij 140 abr£ge des memoires 1 ■ des autres •, ceux qui etoient dans le filmier pourri , dans le fable & Bdans le gravier, etoient foibles, avoient la feuille jaune, & paroiffoient OTAN1QUE. , -,rb r? "CI j J t_' -/r i".^ languiiians. hn automne j en hs enlever deux dans chaque cailie , 1 etat Annie illy, des racines repondoit a celui de la tige, car dans les glaifes la racine etoit forte , & n'etoit proprement qu'un pivot gros & ferme , long de trois a quatre polices, qui n'avoit qu'une ou deux ramifications. Dans le gravier, au contraire, & dans le fable, la racine s'etoit fort alongee, & s'etoit pro- digieufeinent divifee, elle reffembloit, fi je puis m'exprimer ainfi, a line longue coupe de cheveux. Dans le filmier, la racine n'avoit guere qu'un pouce ou deux de longueur, & s'etoit divifee, des fa naiffance, en deux ou trois cornes courtes & foibles. II eft aife de donner les raifons de ces differences , mais je ne veux ici tirer de cette experience , qu'une verite utile , c'eft que le gland peut venir dans tous les terreins. Je ne diflimulerai pas cependant que j'ai vu dans plufieurs provinces de France des terreins d'une vafte etendue , couverts d line petite efpece de brnyere oil je n'ai pas vu un chene ni aucune autre efpece d'arbres; la terre de ces cantons eft legere comme de la cendre noire, poudreufe, fans aucune liaifon. Je n'ai pas eu occafion de faire des experiences fur ces efpeces de terres , mais je fuis perluade que h les chenes n'y peuvent croitre , les pins , les fapins , les cypres , & peut-etre plulieurs autres arbres utiles pourroient y venir. J'ai eleve de graine , & je cultive actuellement une grande quantite de ces arbres-, j'ai remarque qu'ils demandent un terrein femblable a celui que je viens de decrire. Je liiis done perfuade qu'il n'y a point de terrein , quelque mauvais , quelque ingrat qu'il paroifle , dont on ne put tirer parti, meme pour planter du bois-, il ne s'agiroit que de connoitre les efpeces d'arbres qui conviendroient aux difFerens terreins , mais cette connoiffance fuppofe bien des experiences, & demande un grand nombre d'obfervations. J'en ai deja fait plufieurs, dont je rendrai compte au public dans un traite fur la culture de toutes les efpeces d'ar- bres qui peuvent s'elever en pleine terre, qui eft fort avance, & qui eft le refultat des experiences & des remarques que j'ai faites, en elevant en pepiniere tous ces arbres.' Je ne me fuis pas borne a faire line fimple col- lection pour la curiofite, j'ai multiplie, & j'ai achiellement des pepinieres remplies de pins, de fiipins, de cypres, de planes, de cedres du Liban, & de toutes les autres efpeces qui peuvent s'elever en pleine terre , dont j'efpere faire bientot des plantations en grand. C'eft travailler pour l'utilite publiqne , que de naturalifer tous ces arbres etrangers , a 1'exemple de M. du Fay , a qui le public a taut d'obligations , depuis qu'il a l'inten- dance du jardiii du roi. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i4r Mejfieurs de la SociM Roy ale des Sciences itablie a Montpellier , ont "OTAN'Qui:. envoy i d VAcadanie I'ouvrage qui /hit , pour entretenir I 'union Annie itoa intime qui doit (tre entr'elles , comme ne faifant qu'un feul Corps, aux termes des jlatuts accordlus bas-, ainll il eft avantageux de faire connoitre ces poifons, ann qu'on es evite foigneufement. Une autre raifon qu'on ne foup^onne pas d'abord, doit nous engager encore a la recherche de ces fortes de plantes , c'eft leur vertu medicinale ; car toutes venimeufes qu'elles font , elles peuvent fort bien fournir des remedes , d'autant plus efficaces qu'elles font plus dangereufes, &, an fond, les poifons ne different fouvent des remedes que par la dofe ou par ma maniere de les appliquer. On tire du latirier- cerife line eau trcs-venimeufe, & cependant les feuilles de cet arbre don- nent aux cremes un gotit d'amande amere qu'on recherche avidement, & dont on fe trouve bien. Le laurier-rofe , poifon violent , meme pour les chevaux , purge certains homines robuftes avec fucccs. L'Opium , qui eft un fouverain remede, applique a propos & a jufte dofe, hors de ces cas eft un poifon violent. La dentelaire de rondelet , ou Plumbago , eft un cauftique li fort, qu'une fille qui s'en etoit frottee pour guerir de lagalle, fut ecorchee vive; & par cette meme vertu, j'ai vu trois cancers inveteres & cenfes incurables par leur adherence a des parties offeufes, radicalement gueris. Ce remede , dont le poffeffeur fait un grand fecret , n'eft autre chofe qu'une huile d'olive dans laquelle on fait infufer les feuilles de Plumbago , 8c de cette huile on oint trois fois par jour 1' ulcere chan- creux , en repetant cette application jufqu'a ce que l'efcarre noire fe foit affez encroutee pour que le malade ne fouffre plus de vives douleurs par cette application, ce qui va a environ deux femaines. Le redoul ou roudou , que feu M. Niflole a decrit le premier, 8c a nomme Coriaria, dans les memoires de 1'academie, 1 7 1 1 , eft le fous-arbrif- featt connti des anciens foils le nom de Rhus Jylvejlris. Plin. & de Rhus myrtifolia Monfpeliaca. C. B. MonfleurLinnauis l'a range parmi les plantes qui ont des fleurs males fur des pieds differens de ceux qui portent les DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. i4j fVinolles -, clle a dix etamines a fa fleur male, & la femellc eft baccifere , — — toutes deux font fans petale , les feuilles (out entieres, lilies, trois ou R quatre fois plus grandes c]ue cellcs du myrte , oppofees deux a deux le"0TANIQUE- long des tiges. On appelle encore cet arbufte \Herbe aux Tanneurs , & Annie IJ-'Q- en effet ils la font lecher, & la font moudre fous tine lncule pofee de champ, qui tourne autour d'un pivot vertical, & cette poudre eft un tan bcaucoup plus fort que celui de l'ecorce de chene vert ■, car quand ils vculent hater la preparation des cuirs , ils ne font que meler le tiers on le quart de cette poudre au tan ordinaire , an moyen de qttoi le cuir eft plutot notirri , mais il en vaut bcaucoup moins pour 1'ufage. Tous les modernes qui out ccrit fur cette plante, fe font contentes de dire qu'clle fervoit aux tanneurs a nourrir les cuirs , & aux teinturiers a teindre en noir les niarroquins; mais les anciens, fideles copiftes de Pline, ont avance de plus, fur la foi de cet auteur, que le Frutex coriarius , on Rhus Jytvejlris a feuilles de myrte, lert non-leulemcnt aux tanneurs, mais meme qu'il eft utile dans la medecine pour rtlifter au venin , pour gucrir les malades appclles Caliaqu.es , pour les ulceres du fondement, des orcilles , qu'il chaffe les teignes , & meme quelqucs-uns l'ont pris pour le Rhus obfoniorum , qui eft le fumach avee lequel la reii'emblance des noms & le defaut des caraifteres 1'avoicnt fait confondre. Aprcs tous ces eloges repetes par les anciens, on ne foupconneroit pas que le redoul flit un poifon, bien des gens font, au contraire, perfuades que fes baics peuvent fervir dans les ragouts; cependant e'en eft un, & des plus Gngllliers, ayant la propriete de caufer l'epilepfie aigue aux hom- ines qui mangent de fes fruits, & le vertige aux animaux qui broutent fes jeunes rejetons. II y a quclques annees que je vis a la campagne des chevreaux & des ngncaux, qui, au retour du paturage , chanceloient , touinoyoient , & enfin tomboient a la renverfe avec des tremoulfemens & des convullions de tout le corps •, ces animaux fe relevoient enfuite , mais pendant un temps ils portoient la tete baffe , donnoicnt ctourdiment de la tete contre ce qui le prefenroit a leur paflage, enfin, ils rcftoient des heures entieres dans cet etat d'epileplie ou de vertige. Les bergers confultes fur cela, dirent que le redoul enivroit ces ani- maux, & que ce n'ctoient que les jeunes qui s'y lailfoicnt attraper, les plus vieux fe donnant bien garde d'y toucher; ils ajouterent que ce n'ctoit rien , & que cette ivrcile ne tiroit gucre a confluence. J'en fis fare des experiences fous mes yeux , & je rrouvai que ces ani- maux ne mangent que les feuilles tendres & nouvelles , les fruits & les feuilles anciennes font un poifon plus violent , au-lieu que les nouvelles ne font qu'enivrer. Ceci fert a confirmer 1'opinion de M. Linnxtis , qui croit que les jeunes pouflcs de certaines plantes trcs-venimeufes peuvent etre filutaires , audi trouva-t-il qu'en Lapponie , l'ufage de manger en falade les jeunes feuilles de l'aconit bleu ou napel , etoit etabli ; & en effet, ne mange-ton pas cn France les afperges ou jeunes poulfes du CUmatitis , five flammula r44 A B R t, G £ DES MEMOIRES — ^— — — " repens. C. B. dont les feuilles plus anciennes fervent aux mendians a _ s'exciter des ulceres aux jambes , a raifon de quoi on la nomme X'Herbe BoTANi^vt-auxgueux. Annie Z779- Apres ces obfervations , j'etois fort en peine de favoir fi ce redoul netoit pas un poifon pour les hommes, car on fait que ce qui l'eft pour les animaux , ne l'eft pas toujours pour nous •, mais deux experiences fu- neftes, & qui couterenl la vie a deux perfonnes, m'inftruifirent trop bien la-deffus. A Alais, un enfant age de dix ans, en 1751 > s'avifa de manger des , bales du Coriaria, trompe peut-etre par la reffemblance qu'elles out avec les mures de ronce, qui fe trouvent fouvent melees avec le redoul. Etant de retour chez lui , il tomba coup fur coup dans plufieurs attaques d'epi- lepfie fi violentes , que nonobftant tous les fecours ordinaires en pareil cas, le lendemain il mourut. L'annee d'apres, a pareille faifon, c'eft-a-dire, ail mois de feptembre, un travailleur de terre, age de quarante ans, revenant d'une campagne oii je l'avois vu un mois auparavant en bonne fante, prefle de la foif & par betife , mangea line quinzaine de ces fruits , & en demi-heure de temps il fut faifi d'une on de deux attaques d'epileplie , a l'occalion defquelles il fut faigne; mais ces attaques redoublant toujours, il fut conduit tout de fuite a l'Hotel-Dieu, & ayant ete a fon fecours, je le trouvai pris des convullions, fans connoiffance , de couleur livide, pret a tomber du lit, fans que fes voifins , qui avoient horreur de fon etat , vouluflent le fe- courir. L'emetique qu'il prit, hors de l'attaque , lui fit rendre huit ou neuf baies de redoul , & le foir meme , a la quinzieme attaque il perit. L'ouverture du cadavre ne nous decouvrit ancun derangement dans le cerveau , le ventricule , ni ailleurs : nous trouvames feulement dans le ventricule cinq ou fix baies de cette plante. Trop convaincu de la qualite venimeufe du redoul , je repandis ce bruit dans tous les environs , afin qu'on fe donnat plus de garde d'en manger, & je m'attachai a decouvrir fa maniere d'agir, mais j'avoue n'y avoir rien compris. Je ne voulus pas prendre la peine d'en faire l'analyfe chymique , par laquelle j'aurois feulement appris que le redoul donne les memes principes que d'autres plantes fort ialutaires. Le gout, la vue, l'odorat, ne la rendent fufpedte qu'autant qu'il faut pour ne pas manger d'un fruit dont on ne connoit pas les proprietes. L'affinite de caraclere qu'elle a avec le Cafia , {'Ephedra , le Smylax , le Tiimnus, le Genevrier, ne fait pas connoitre fa vertu. Ces baies, qui d'abord paroilfent agreables, ne fe dementent pas pour etre machees plus long-temps, corame il arrive au Riccinus Americanus , a l'aconit, a la dentelaire. Je tirai l'extrait de la pulpe, qui eft mucilagineux, doux-aigre- let , & fe fond a 1'air apres avoir ete deffeche. Je pulverifai deux dragmes de pepins-, & les ayant fait infufer dans l'eau-de-vie, & paffe enfuite an travers du papier brouillard , je ne trouvai aucune partie huileufe. On foupconnera un acide coagulant dans ces baies , mais ce fera un loup^on gratuit , le fang des cadavres ne paroiffant pas du tout coagule , & leur lividite DE L'ACADtfMIE ROYALES DES SCIENCES. 145 lividite prouvant qu'il avoit etc pouife feulcmcnt avec violence dans les ■— «— vaifieaux cutancs par la force des convuliions. C'eft au temps a eclaircir D la theorie des vcnins. * An refte, les bouchers out coutume d'arrofcr d'eau bien fraiche les Annie 17 39, animaux qui tombent en cpilepfic par l'ufage du redoul , & j'ai vu em- ployer , avec fucces , ce merae remede fur un homme dans l'epileplic ordinaire. Histoire d u Lemma. Par M. Bernard d e J u s s i e u. J—iES obfervations que j'ai a propofer fur 1'hiftoire du lemma, ont ceci ^MW"M*^ de particulier cju'elles donnent premiercment la connoilfance de les fleurs Annie ndO qui avoient ete jufqu'ici inconnues, & qui font foil caracfere; & en fe- cond lieu, qu'ellcs detrompent des botaniftes, de l'idee qu'ils avoient de Mem. faire deux plantes particulieres dune feule. Si en effet Ton confidere le lemma dans trois differentes iituations , on verra que les differences qui ont feduit les auteurs fur la defcription de cette plante, ne dependent que des trois etats dirlerens dans lefquels cette diverfite de fituation la pre- fente ; car c'eft tantot darts le milieu des etangs d'eau douce qu'on l'ob- ferve, & alors elle a plus de volume & d'embonpoint •, tantot a demi- baignee, etat dans lequel routes fes parties diminuent de volume-, tantot tout-a-fait hors de l'eau & a fee, etat dans lequel elle eft (1 amaigrie dans tomes fes parties, qu'elle eft prefque meconnoifTable. C'eft dans l'etat du milieu que j'ai cru qu'il etoit plus a propos de la mieux obferver, audi eft-ce celui que j'ai choifi pour la decrire , parce que c'eft celui dans lequel elle produit ordinairement fes fleurs & fes fruits •, au-lieu que dans les deux autres etats , elle a le fort de plufieurs plantes qui , parce qu'elles font entierement plongees dans les eaux, ne donnent ni fleurs ni fruits, ou qui , lorfqu'elles fe trouvent a fee , ou fur le rivage des lacs dans des terres qui en font un peu eloignees, ont un port tout different. Le lemma done, en quelque etat qu'il foit confidere, eft de la nature des plantes t^antes, des branches defquelles il ne fiiut pas s'embarraffer de chercher la premiere origine, parce qu'elles fe prolongent a line telle diftance , qu'il eft fouvent impoffible de la decouvrir , & que les bran- ches qu'elles donnent, font ii l'cmblables entr'elles, que c'eft avoir decrit toute la plante cue d'avoir decrit une de fes branches •, celle que j'ai choilie , conlideree fur le terrein humide , y eft rampante , & y jette a droite & a gauche des rameaux charges de feuilles, qui, fuivant qu'ils fe trouvent plus ou moins approches ou ccartes, forment des touffes plus ou moins ferrees. Les racines naiffent du cote inferieur de la branche , & chaque racine eft placee ou a la bafe de la queue des feuilles, ou dans le milieu des in- tervals qui fe trouvent fur la branche entre chaque rameau, ou dans le Tome VIII. Fartie Franfoije, T i+fi A B R E G E DES MEMOIRES lommet des angles que font les rameaux avec la branche-, ces racines, qui R rcffemblent affez dans leur principe, a de limples filets garnis de fibrilles, i Q u E. n'ont ^ ]tur naifl^nce s qu environ demi-ligne de diametre , & vont en Annec ?-aq. diminuant a proportion qu'elles poufient & fe plongent dans la terre, oii les plus fortes ont depuis trois jufqu'a quatre polices de longueur, & les plus foibles un demi-pouce feulement •, elles font ordinairement d'une couleur brune, plus on moins foncee felon leur age, & leur fubftance eft Lnterieurement blanche : ces racines font fermes, plient & pretent plutot que de fe caller. La branche de laquelle naiffent les rameaux eft cy'.indrique, rampante, terminee par un bouton de feuille naiffante , & n'a guere plus d'une ligne de diatnetre, an moins dans tine longueur d'environ cinq ponces & demi , qui eft celle de la branche que je decris id. La branche , dans cette longueur, eft partagee d'efpace en efpace par des manieres de neeuds plus eloignes les uns des autres vers fon origine , & plus rapproches vers fon extremite : de ces efpeces de neeuds partent alternativement des ra- meaux , les uns a droite , les autres a gauche. Le cote de la branche qui touche la terre eft d'un verd clair, le deilus eft d'un verd niele de jaune, & fon interieur eft blanchatre. Les rameaux font de la meme couleur & de la meme forme que la branche d'oii ils partent-, ceux qui font places vers fon origine, font plus longs que ceux qui approchent de fon extremite, & chaque rameau eft termine , comme la branche , par un bouton de feuilles que je vais decrire. II y a toujours quatre feuilles foutenues fur une meme queue; chaque feuille auroit la figure d'un fecteur de cercle, fi les angles adjacens an cote .irrondi de la feuille , n'etoicnt pas eux-memes arrondis : les quatre feuilles tiennent a I'extremite de la queue par leur angle pointu, elles y font dil- pofees de maniere qu'il y en a deux qui partent d'un cote , & deux au- tres qui partent du cote oppofe •, de forte que deux de ces feuilles paroii- fent naitre precifement de l'extremite de la queue , & les deux autres un fieu au-dellous de cette extremite. La furface exterieure de ces feuilles eft iife , imperceptiblement lillonnee , & leur furface inferieure eft pleine de lignes qui, de Tangle pointu, s'etendent juiqu'au cote arrondi qui lui eft oppofe. Ces feuilles font minces & un pen chamues , leur couleur exte- rieure eft d'un rouge fonce h la pointe de leur angle ou elles tiennent a la queue dans le refte de leur etendue , la couleur eft d'un verd jaunatre plus fonce en-deffus & plus clair en-deifous, e'eft auffi la couleur de la queue, La longueur de chaque feuille eft d'environ fix lignes dans les plus avan- cees , & elle eft moindre a proportion qu'elles font plus jeunes •, la largeur des feuilles eft toujours moindre que leur longueur, ordinairement elles font d'environ un quart plus etroites qu'elles ne font longues : la queue commune a ces quatre feuilles, eft grele, flexible, cylindrique, droite, longue de trois a quatre pouces •, les queues partent alternativement de droite il gauche , & de gauche a droite des cotes des branches & des ra- meaux, & s'elevent verticalement. Les feuilles, avant leur dcYeloppement, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 147 font appliquees les unes fur les autrcs, de maniere que celles qui naiflent _ Eirecilement de I'eitl&tlUe de la queue , font an milieu & recouvertcs par R es deux autres; fur le bord de i'arfemblage des quarre feuilles la queue Q u r" eft enroulee fpiralcmcnt jufqu'a fa nailfance, de forte que les quatre feuilles Annie i"d6. 8c leur queue commune out enfemble la figure d'un bouton plat little a l'extremite de la branche & des rameaux : ce bouton eft d'abord vein, il left moins a mefure que la queue & les feuilles dont il eft forme , fc diploient, & les poils difparoilient lorfque les feuilles font epanouies. Le developpement de ce bouton fe fait a-peu-pros de la memc facon que je l'ai fait obferver dans la pilulaire & dans les fougeres , e'eft-a-dire, que la queue commence a le derouler & faire une fpirale toujours plus ample a mefure que la feuille eft plus avancee •, en fin lorfque la queue eft totalement deroulee & approche de la lituation verticale, les quatre feuilles fe deploient & reprefentent une croix de malte. Cette plante porte des coques que Ton a toujours cru etre (implement fes fruits , mais on va voir que ces coques renferment aiilE les fleurs. Ces coques font portees fur des pifdicules qui naifl'ent de la queue des feuilles , a un pouce ou environ de fon origine : le pedicule de ces co- ques , qui a deux lignes de hauteur , fe divife le plus louvent en deux autres pedicules longs de trois a quatre lignes, qui portent chacun une coque-, quelquefois il fe divile en trois pedicules pour trois coques , & quelquefois il eft limple & ne porte qu'une coque : le pedicule eft foude vers l'extremite , & non a l'extremite de la coque. La coque eft de figure ovoide un peu applatie, fa longueur eft de trois lignes , fa largeur , au milieu, de deux lignes, & fon epaiffeur de une ligne & demie , elle eft velue, de couleur jaune-verdatre : la coque eft interieurement feparee en deux parties egales par une cloifon delicate & membraneufe, cette cloifon, qui eft dirigee fuivant le grand axe & fuivant le moyen axe de la coque, eft ondee, de maniere que les canatix des ondes font diriges fuivant la largeur de la coque. Des angles faillans de cette :cloilbri partent d'autres cloifons qui vont s'attacher aux parois interieures de la coque , & qui divilent chaque moitie, tantot en fept loges , tantot en huit •, ces loges font de grandeur inegale, celles du milieu de la coque etant plus gran des que- celles qui font vers- les deux bouts. Chaque loge contient une fleur compofee d ctamines & de piftils , & les fieurs ont un nombre d'stamines & de pillils proportionne a la grandeur des loges ou elles font conte- nues-, dans les plus grandes les fleurs ont fept a huit piftils, celles qui font dans les netites loges, au bout de la coque, ont trois piftils : pour les etamines de chaque fleur elles font li petites , & en li grand nombre , qu'il ne m'a pas ete polfible de les compter. Le placenta des fleurs de chaque loge eft place fur la paroi interieure de la coque , les piftils font ranges de fuite lur ce placenta , & le fommet de chaque pilHl s'ctend jufqu'a 1'extremite de la loge dans Tangle rentrant de la cloifon ondee •, les piftils rempliiicnt plus de la moitie de la loge du cote de la cloifon on- dee , & les etamines qui font fur le meme placenta , occupent le refte dc la loge , & garniifent les intervalles que laiflent les piftils it leurs bafes. Tij 148 AB R £ G £ DES M^MOIRES —-■-■—■ Les etamines , vues ^ la loupe, font de tres-petites capfules qui m'ont Botanioue Paru f°rm^es d'une membrane tranfparente & comme boflelee a l'exte- 'rieur, de la figure d'une perle alongee, attachees par la pointe au pla- Anne'e tjqo. centa de la fleur, & remplies de grains de poufliere extremement fine; mais lorfque pour mieux obferver la nature des etamines, j'ai employe le microfcope , )e me fuis fervi du meme moyen dont j'ai deja parle, en faifant l'hiftoire de la pilulaire , qui etoit d'expofer les etamines fur une goutte d'eau : celles de la fleur du lemma ainli expofees au foyer d'un bon microfcope, ont pris une forme plus alongee, leur capfule membra- neufe s'eft un peu etendue , les boftclures qui auparavant paroifloient exterieurement , ont dilparu, chaque capfule eft; reftee unie , & les grains de poufliere qu'elle contient, m'ont paru plus ecartes les uns des autres, & plonges dans line liqueur claire & femblable a de la gonime diffoute; la capfule de quelques etamines, peut-etre les plus avancees en maturite, en s'ouy'rant tranfverfalement, a repandu avec quelque elafticite des grains foheriques de poufliere, de couleur jaune : je n'ai appercu alors qu'une teule cavite dans chaque capfule ouverte. Les piftils examines a la loupe, font de petits corps ovo'ides, blanch3- tres, & chacun eft un embryon de graine couvert d'une pellicule mem- braneufe , tranfparente , qui fur la tete de l'embryon forme une pointe moufle , partie qui dans les piftils eft appellee le Jligmate. Je ne puis mieux comparer ceux du lemma, quant a la forme, qu'& un citron, dont l'ecorce reprefente la pellicule de l'embryon , le mamelon fe ftigmate, & la chair l'embryon meme. §i Ton place quelques piftils detaches de k fleur au foyer d'un bon microfcope, on n'appercevra rien de plus; mais fi on les fait nager fur une goutte d'eau , la pellicule membraneufe & tranf- parente de chaque piftil paroitra fe dilater , & pafler de la figure d'un refeau fin & delie a celte d'une veffie unie , tranfparente , en confervant neanmoins cette pointe moulfe que j'ai decrite , & l'interieur de cette veffie a travers fa tranfparence; laiffera appercevoir un embryon forme en efpece de rouleau, dont les extremites font arrondies , a l'inferieure def- quelles eft place dans fon centre un point jaune un peu releve , qui peut- etre eft l'endroit par lequel cet embryon etoit attache au placenta de la fleur , embryon qui en muriuant , devient une iemenee nienue & blan- chatre. La coque qui renferme les fleurs , eft d'une fubftance ferine , & d'une condftance affez femblable a celle du cuir qui fe gonfle dans l'eau. Cette coque eft plus mince au tranchant fur lequel le pedicule eft foude, que far-tout ailleurs; c'eft a ce tranchant que fe fait une ouverture, lors de epanouiffement des fleurs ou de la fortie des femences. Voila l'etat dans lequel j'ai obferve a Paris le lemma qui m'avoit ete envoye d'abord de Chateau-neuf , petite ville it cinq lieues d'Orleans , & que j'ai recu enfuite de Nantes, oii il fe trouve aflez pres de la ville. Quoique je n'aie pu jufqu'ici voir la germination & premiere vegetation de la femence du lemma , il y a tout lieu de croire qu'elle fe fait comme dans la femence de la pilulaire , en produifant d'abord une feule feuillc DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i+j, e, & qu'ainfi le lemma doit etre place dans lcs Monocotyledones ,'■ re divilion des plantes en general. Le lemma & la piliilaire font ] feminaL premiere divilion des plantes en general. Le lemma & la piliilaire font g o t a n i q u r. d'ailleurs li analogues par la forme des parties qui en cornpofent les flcurs, les etamines & les piftils, & par la maniere dont leurs feuillcs pliees en dnntfc IJ40. fpirale fe deroulent en naiflant, (i femblables aux fougeres qui deroulent de meme les leurs, que naturellcment ces deux genres doivent cntrcr dans la meme fe&ion de la claiTe des fougeres. Quant a la difference generique que je trouve entre la pilulaire & le lemma, elle conlifte, par rapport a ce dernier, 10. dans la forme de la coquc qui enferme les fleurs, 20. dans la fac.on de s'ouvrir a fon tranchant inferieur, 50. dans la firuation des piftils entre les etamines, d'ou fiiit la neceflite d'un nouveau cara&ere que j'etablis ainfi : Le calice des fleurs du lemma eft une coque ovoide un pen applatie, epaifle , ferine , velue , ouverte par le rranchant inferieur oii eft foudc fon pedicule, partag^e interieurement felon fa longueur, par une cloifon membraneufe ondee , en deux portions egales , divilee chacune en fept on huit Ioges d'ineeale grandeur par d'autres cloifons qui partem des angles faillans de la cloifon ondee : chaque loge contient une fleur hermaphrodite. Le placenta de chaque fleur eft une membrane blanche, longue, etroite, un peu charnue, collee fur les parois interieures de la coque. Les etamines font de tres-petits fommets oil capfules, de figure de perle alongee , attachees par la pointe au placenta ; elles n'ont qu'une cavite , s'ouvrent tranfvcrfalement , & repandent des grains fpheriques de pouf- liere, de couleur jaune. Les piftils font ovo'ides, pofes de fuite fur le meme placenta, entoures des etamines a leurs bales •, ils font autant d'embryons de graine,enve- loppes d'une pellicule tranfparente qui va former fur la tete de l'ein- bryon un ftigmatc court & obtus. Le pericarpe eft la coque qui fert de capfule aux piftils devenus autant de femences dans la maturite. Les femences font ovoides , menues & blanchatrcs. t|o A B R E G E DES MEM 0 1 RES B o t a n i q u e. Experiences s u r ia force dv Bo is. Annie 1740. par M DE Buffon. Ay a nt iti chargi par M. le comte de Maurepas , de travailler , conjointement avec M. du Harriet, fur les bois de conftruclion , j'ai penfe qu'il Itoit ejj'entiel de faire des experiences fur la refijlance du bois ; & ay ant communique" ce projet i M. du Hamel, il me dit que ces recher- ches ne pourroient etre que tres-utiles , mais que comine il n'avoit prefque rien fait fur cette rnatiere 3 & qu'il n'avoit que quelques expe- riences fort imparfaitcs j il me prioit de me charger feul de ce travail. jvk qUe j-en aj mefurii qUi aVoient trois lignes & demie , & d'autres Annie 1140. °ilu nav°ient qu'une demi-Iigne d'epaiffeur. Par cette fimple expofition de la texture du bois, on voit que la co- herence longitudinale doit etre bien plus confiderable que l'union tranf- verfale, on voit que dans les petites pieces de bois, comme dans un bar- reau d'un pouce d'epaiffeur , s'il fe trouve quatorze ou quinze couches ligneufes , il y aura treize ou quatorze cloifons , & que par confequent ce barreau fera moins fort qu'un pareil barreau qui ne contiendra que cinq ou fix couches & quatre ou cinq cloifons : on voit auffi que dans ces pe- tites pieces, s'il fe trouve une ou deux couches ligneufes qui foient tran- chees, ce qui arrive fouvent, leur force fera confiderablement diminuee, mais le plus grand defaut de ces petites pieces de bois , qui font les feules fur lefquelles on ait fait des experiences , e'eft qu'elles ne font pas cora- pofees comme les groffes pieces, la pofition des couches ligneufes & des cloifons dans un barreau eft fort differente de la pofition de ces memes couches dans une poutre, leur figure ell meme differente, & par confe- quent on ne peut pas eftimer la force d'une groffe piece par celle d'un bar- reau. Un moment de reflexion fera fentir ce que je viens de dire. Pour faire une poutre, il ne faut qu'equarrir l'arbre , e'eft-a-dire , enlever qua- tre fegmens cylindriques d'un bois blanc & imparfait qu'on appelle aubier, le cceur de l'arbre , la premiere couche ligneufe , refte a^i milieu de la piece , toutes les autres couches enveloppent la premiere en forme de cer- cles ou de couronnes cylindriques, le plus grand de ces cercles entiers a pour diametre I'epaiffeur de la piece, au-dela de ce cercle tous les autres font tranches, & ne forment plus que des portions de cercles qui vont toujours en diminuant vers les arretes de la piece •, ainfi une poutre quar- ree eft compofee d'un cylindrique continu de bon bois bien folide, & de quatre portions augulaires tranchees d'un bois moins folide & plus jeune. Un barreau tire du corps d'un gros arbre , ou pris dans une p'an- che, eft tout autrement compofe, ce font de petits fegmens longitudi- naux des couches annuelles , dont la courbure eft infenfible , des fegmens qui tantot fe trouvent pofes parallelement a une des furfaces du barreau , & tantot plus ou moins inclines, des fegmens qui font plus ou moins longs & plus ou moins tranches, & par confequent plus ou moins forts ; de plus,.il y a toujours dans un barreau deux pofitions , dont Tune eft plus avantageufe que l'autre , ear ces fegmens de couches ligneufes for- ment autant de plans paralleles. Si vous pofez le barreau , en forte que ces plans foient verticaux , il refiftera davantage que dans une pofition ho- rizontale, e'eft comme fi on faifoit rompre plufieurs planches a la fois, dies refifteroient bien davantage etant pofees fur le cote que fur le pjat. Ces remarques font deja fentir combien on doit peu compter fur les ta- bles calculees , ou fur les formules que differens auteurs nous ont donnees de la force du bois qu'ils n'avoient eprouvee que fur des pieces dont les plus groffes etoient d'un ou deux pouces d'epaiffeur , 8c dont Us ne DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. 155 donnentni lcnombre dcs couches ligneufcs que ces barreaux contenoienr, __ ni la polition de ces couches, ni le fens dans lequel fe font trouvees ccs B0 T A N r q_ n e. couches lorfqu'ils ont fait rompre le barreau ; circonftanccs cependant eflentielles , comme on le verra par mes experiences, & par les foins que Anntc 1740. je mc fuis donnes pour decouvrir les effets de routes ces differences. Les Phyliciens qui ont fait qticlqucs experiences fur la force du bois, n'ont fait aucune attention a ces inconvcniens , mais il y en a d'autres , peut- ctre encore plus grands, qu'ils ont auffi neglige de prevoir & de prevenir. Le jeune bois eft: moins fort que le bois plus lgi\ un barreau tire; du pied d'un arbre refifte davantage qu'un barreau qui vient du fomniet du meme arbre -, un barreau pris a la circonference , pres de l'aubier , eft moins fort qu'un pareil morceau pris au centre de l'arbre; d'ailleurs le degre de deflcchement du bois fait beaucoup a fa refiftance , le bois vert caffe bien plus difficilement que le bois Cec; enfin le temps qu'on emploic a charger les bois pour les faire rompre , doit aiifli entrer en confidera- tion , parce qu'une piece qui foutiendra pendant quelques minutes un certain poids, ne pourra pas foutenir ce mcme poids pendant une heure, & j'ai trouve que des poutres qui avoient chacune fupporte fans fe rom- pre, pendant un jour enticr, neuf milliers , avoient rompu au bout de cinq i fix mois fous la charge de fix milliers , c'eft-a-dire , qu'elles n'avoient pas pu porter pendant fix mois les deux tiers de la charge qu'elles avoient portee pendant un jour. Tout cela prouve aflez combien les experiences que Ton a ,faites fur cette matiere , font imparfaites , & peut-etre cela prouve audi qu'il n'efl: pas trop aife de les bien faire. Mes premieres epreuves, qui font en rrcs grand nombre, n'ont fervi qua me faire reconnoitre tons les inconvcniens dont je viens de parler. Je fis d'abord rompre quelques barreaux, & je calculai quelle devoit etre la force d'un barreau plus long & plus gros que ceux que j'avois mis a l'eprcuve , & enfuite ayant compare le refultat de mon calcul avec la charge adhielle je trouvai de fi grandes differences , que je repetai plulieurs fois la mcme chofe fans pouvoir rapprocher le calcul de l'experience •, j'effayai fur d'autres longueurs & d'autres groffeurs , l'evenement fut le meme : enfin je me determinai a faire une fuite complette d'experiences qui put me fervir a drefler une table de la force du bois, fur laquelle on pourra compter, & que tout le monde pourra confulter au befoin. Je vais rapporter en auffi peu de mots qu'il me fera poflible , la ma- niere dont j'ai execute mon projet. J'ai commence par choilir dans un canton de mes bois , cent chenes fains & bien vigoureux , audi voifins les uns des autres qu'il a ete poffible de les trouver, afin d'avoir du bois venu en meme terrein •, car les ar- bres de differens pays & de differens terreins ont des reliftances differen- tes, autre inconvenient qui feul fembloit d'abord aneantir toute 1'utilitc que j'efperois tirer de mon travail. Tous ces chenes etoient aufli de la meme efpece , de l'efpece commune qui produit du gros gland attache un a tin ou deux a deux fur la branche, les plus petits de ces arbres avoient environ deux pieds & demi de circonference, & les plus gros cinqpieds, Tome VIII. Panic Fran^oiji. V i54 A B Rt G £ DES M £ M O I R E S — ^— — — je les ai choihs de differentes groffeurs, afin de me rapprocher davantage Botanioue ^e ^,u^a8e ordJnaire j lorfqu'un charnentier a befoin d'une piece de cinq ' ou fix polices d'equarriffage , il ne la prend pas dans un arbre qui peut Annie tj^o. porter un pied, la depenfe feroit trop grande, & il ne leur arrive que irop fouvent d'employer des pieces oil ils laiffent beaucoup d'aubier-, car je ne parle pas ici des folives de fciage qu'on emploie quelquefois , & qu'on tire d'un gros arbre-, cependant il ell bon d'obferver en paffant, que ces folives de fciage font fort mauvaifes , & que l'ufage en devroit etre profcrit. On verra dans la fuite de ce memoire, corabien il eft; avan- tageux de n'employer que du bois de brin. Comme le degre de deffechement du bois fait varier tres-confidera- blement celui de fa refiftance , que d'ailleurs il eft fort difficile de s'af- furer de ce degre de deffechement , & que de deux arbres abattus en meme temps, 1'un fe deffeche en moins de temps que l'autre, j'ai voulu eviter cet inconvenient qui auroit derange la fuite comparee de mes ex- periences , & j'ai cru que j'aurois un terme plus fixe & plus certain , en prenant le bois tout vert. J'ai done fait couper mes arbres un a un , a mefure que j'en avois befoin •, le meme jour qu'on abattoit un arbre , on le conduifoit au lieu oil il devoit etre rompu, le lendemain , des charpentiers l'equarriffoient , & des menuifiers le travailloient a la varlop- pe , afin de lui donner des dimenfions exa&es , & le furlendemain on le mettoit a l'epreuve. Voici en quoi confiftoit la machine avec laquelle j'ai fait le plus grand hombre de mes experiences. Deux forts treteaux de fept ponces d'equar- riffage , de trois pieds de hauteur & d'autant de longueur , renforces dans leur milieu par un bon bois de bout ■, on pofoit fur ces treteaux les deux extremites de la piece qu'on vouloit rompre. Pluiieurs boucles quarrees de fer rond, dont la plus groffe portoit prcs de neuf polices de largeur interieure , & etoit d'un fer de fept a huit ponces de tour ■, la feconde boucle portoit fept polices de largeur , & etoit faite d'un fer de cinq a fix ponces de tour , les autres plus petites ; on paffoit la piece a rompre dans la boucle de fer , les groffes boucles fervoient pour les groffes pie- ces , & les petites boucles pour les barreaux. Chaque boucle a la partie fuperieure avoit interieurement une arrete bien limee , de la largeur de deux ou trois lignes -, cette arrete etoit faite pour empecher la boucle de s'incliner, & audi pour faire voir la largeur de fer qui portoit fur les bois a rompre. A la partie inferieure de cette boucle quarree , on avoit forge deux crochets de fer de meme groffeur que le fer de la boucle-, ces deux crochets fe feparoient, & formoient une boucle ronde d'environ neuf polices de diametre, dans laquelle on mettoit une clef de bois de meme groffeur & de quatre pieds de longueur. Cette clef portoit une forte table de quatorze pieds de longueur fur fix pieds de largeur , qui etoit faite de folives de cinq polices d'epaiffeur , mifes les lines contre les autres , & retenues par de fortes barres : on la fufpendoit a la boucle par le moyen de la groffe clef de bois, & elle fervoit a pla- cer les poids , qui confiftoient en trois cents quartiers de pierres , tallies DE LACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. i5>- Sc numerotcs, qui pcfoicnt chacun vingt-cinq, cinquante, cent, cent &' BBS — mmmm ,mm cinquante, & deux cents livres ; on poloit ces pierres fur la table, & onROTA batili'oit an ma/Tif de pierre large & long commc la table , & aufli haut qu'il etoit neceflaire pour faire rompre la piece. J'ai cru que cela etoit Annie 1740. aliez fimple pour pouvoir en donner une idee fans le fecours dune figure. On avoit foin de mettre de niveau la piece & les trcteaux , que Ton cramponnoit , afin de les empecher de reculer : huit hommes chargeoicnt continuellement la table , & commencoient par placer au centre les poids de deux cents livres, enfuite ceux de cent cinquante, ceux de cent, ecus de cinquante , & en tin aS-dcllus ceux de vingt-cinq livres. Deux hom- mes portes par up echafaud lulpendu en l'air par des cordes, placoicnt les poids de cinquante & de vingt-cinq livres, qu'on n'auroit pu arran- ger depuis le bas tans courir rifque d'etre ecrafe •, quatre autres hommes appuyoient & foutenoient les quatre angles de la table, pour l'empecher de vaciller & pour la tenir en equilibre ; un autre avec une longue regie de bois, obfervoit combien la piece plioit a mefure qu'on la chargeoit, & un autre marquoit le temps & ecrivoit la charge , qui fouvent s'eft trouvee monter a vingt, vingt-cinq, & jufqu'a prcs de vingt-fept milliers de livres. J'ai fait rompre de cette £19011 plus de cent pieces de bois, taut pou- tres que folives, fans compter trois cents barreaux, & ce grand nombrc de penibles epreuves a ete a peine fumfant pour me donner une echelle luivie de la force du bois pour toutes les grolfeurs & longueurs ; j'en ai dreffe line table, que je relerve avec tous les details pour 110s affemblees particulieres , on verra combien les tables de M. Mulfchenbroecli: & des autres phytkiens qui out travaille fur cette matiere, font difi'erentes de la mienne. Afin de donner une idee plus jufte de cette operation , je vais rappor- ter ici le procede exa&e de l'une de mes experiences, par laquelle on pourra juger de toutes les autres. Le 4 avril 1 740 , j'ai fait abattre un chene de pres de cinq pieds de circonference •, le meme jour je l'ai fait amener , & travailler par des charpentiers ; le lendemain des menuiliers l'ont reduit a huit polices d e- quarriffage & a douze pieds de longueur. Ayant examine avec foin cette piece, je jugeai quelle etoit fort bonne, elle n'avoit d'autre defaut qu'un petit nocud a l'une des faces. Le furlendemain 6 avril j'ai fait pefer cette fiece , fon poids fe trouva etre de quatre cent neuf livres ; enfuite ayant paffee dans la boucle de fer , & ayant tourne en haut la face oil etoit le petit nceud , je fis difpofer la piece de niveau fur les trcteaux , elle portoit de fix pouces fur chaque treteau ; cette portee de Ux pouces etoit celle des pieces de douze pieds; celles de vingt-quatre pieds por- toient de douze pouces, & ainh des autres, qui portoient toujours d'un demi-pouce par pied de longueur : ayant enfuite fait glifler la boucle de fer jufqu'au milieu de la piece, on fouleva, a force de leviers, la ta- ble , qui feule avec les boucles & la clef , pefoit deux mille cinq cents livres. On commenca a trois heures cinquante-lix minutes : huit hommes Vij e i5iit les diftinguer les uns des autres independamment de leurs fruits & de eurs fleurs. Cependant comme le plus grand nombre des plantes eft hermaphro- dite, il n'oferoit pas affurer qu'il ne fe trouve jamais de fruit fur des pieds males , ou quelques fleurs fur les femelles , mais il n'en a jamais trouve. Les boutons qui contiennent les fleurs males , font plus arrondis , & trois fois plus gros que les boutons, qui contiennent les fleurs femelles, ou les embryons des fruits. On appercoit ces bourons des 1'automne , aflez pour les pouvoir diftinguer les uns des autres : au commencement de decembre ces bouton3 le diftinguent encore mieux , quoiqu'ils ne foient point encore ouverts, & que les pieds femelles foient encore char- ges du fruit de l'annee precedente. Les boutons males viennent ordinai- rement trois a trois fur un pedicule commun , & ils commencent a s'ou- vrir a la fin de fevrier ou au commencement de mars : leur fleur eft DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, i?j d'une feule piece reguliere, forrnant unc cloche fort ouverte, cchancrce mi „ ■ par les bords en quatre jufques vers le milieu dc la fleur, & chacune de n ccs echancrurcs forme la moitie d'un ovale. xJoTAKiyuE. II y a quatrc corps ovales & epais, ou quatre editions grenus, qui font Annie 1740. attaches a 1'inteYieur de la cloche , & qui le prolongent fur les levres. D'abord ils font verdatres, mais ils jauuifTent a mefure que la fleur vieillit & qu'elle fe palfe. Us font charges de pouflicre d'une finefTe extreme , & c* font veritablement les ctamines du gui : quand on les examine avec une bonne loupe, on voit que ccs corps qui ne paroifToient que grenus, font creules a pcu pres comme une morille. Dans le courant du mois de mai toutcs ccs flcurs tombent, & il ne refte plus que les calices , qui ont differcntes figures , fuivant le nombre des fleurs qu'ils ont iupporte : enfin ces calices jaunilfent, fe deflechent & tombent a leur tour. II ne f.iut pas oublier de faire remarquer que les fleurs font ramaffces par bouquets , car chaque bouton male cpntient depuis deux jufqu'a fept fleurs, & ces bouquets font places dans les ailfelles des branches ou a leur extremite. Les boutons a fruit qui ne fe rencontrent que fur les individits fe- mellcs, font places dans les memes endroits , & nc contiennent ordinairc- ment que trois fleurs difpofees en trefle , ou quatre , & alors il y en a une qui eft plus relevee que les autres , qui font difpofees en triangle au- rour de ion pedicule. Toutes ces fleurs ne viennent pas a bien : il y en a qui periffent avant que de former leilr fruit , e'eft ce qui fait qu'on voit quelquefois des fruits qui font feuls ou deux a deux. Si Ton ouvre les boutons a fruit dans le mois de Janvier , on appercoit deja les em- bryons des fleurs, mais les boutons commencent a SOUYlir des la fin de fevrier ou au commencement de mars. Quand les boutons font tout-a-fait onverts , on appercoit les jeimes fmitsou les embryons, qui font furmontes de quatre petales qui font im- plantes dans une rainnre qui s'etend tout autour du fruit, ce qui devient plus apparent a mefure que le fruit groffit. Ces petales font d'abord reunis par le haut, & forment tous enfemble une pyramide , mais ils s ecartent enfuite , & font comme une couronne antique ; alors ils lailfent apperces-oir entr'eux une eminence chagrinee comme une ecorce d'orange , & dont le haut eft de couleur feuille- niorte. La partie du fruit qui eft au-deffous de l'infcrtion des petales, groffit beaucoup plus que cclle qui eft au-deffus •, ce qui fait que quand ces fruits ont pcu de grolTcur, rls paroilfent eouronnes par les petales que je viens de decrire. Au commencement de join prefque tons les petales font tombes ; neanmoins les quatre infertions reftent tris-apparentes , & Ton voit a !a partie fuperieuie de ces fruits , qui font gros comme des grains de 166 A B R £ G E DES M^MOIRES.&c. ^— — i chenevis, une eminence brunc & chagiinee qui etoit contenue entre les petales. Si Ton coupe ces fruits de travers ou fuivant leur longueur , on B o t A k i Q u e. apper?0it l'amande dans le centre, qui eft d'un verd plus brun que la Annie 1740. chair. Ces fruits continuant a groflir dans les mois de juillet & d'aouf, ils muriflent en feptembre &. o&obre > & oa les peut feme? en fevrier & mars. HISTOIRE NATURELLE. HISTOIRE i*S HISTOIRE NATURELLE. E n 1736, parut le fecond volume des Memoires pour ferrir a. 1'Hif1' , w /•'-» 1 . w 1 nl :. _..!_!:' I. :„. S T O 1 R H ILL;.. toire des InJ'ecfes , dont M. de Reaumur avoit public le premier tomejj : __ en 1754. (a) II donna le troifieme en 1757, le quatrieme en 1758, & le cinquieme en 1740. Nous avons donne un extrait fort ample du tome ATUR premier; & quelqiunttreffante que foit cette hiftoire , notre deffein n'eft [Annies pas d'analyfer auiti longuement les tomes fuivans. Outre que la forme de ij-,6. 173% notre collection academique ne le permet pas, cet ouvrage eft trop connu , trop repandu pour qu'il foit neceffaire d'arrcter li long-temps nos lecfteurs l73b' l74 fur un livre particulier. Ce font les memoires de tous les academiciens que Ton s'attend a trouver ici , foit en entier , foit par extrait , & non les livres d'un feul, qui occuperoicnt une place juftcment reclamce par plulieurs autres. Nous nous bornerons done a dire , en abrege , que le tome fecond de \' Hiftoire des Infecles, eft une fuite ou un lupplemcnt de YHifloire des Chenilles , qui a rempli tout le premier. C'eft beaucoup pour un fujet audi petit en apparence, mais dans la vie prefqu'entierement obfeure & inconnue de cette efpece d'infedes, il fe paffe une infinite de merveilles qui feroient perdues pour nous , li on ne les obfervoit pas avec exactitude, afliduite & fagacite. L'art d'obferver eft aflez curieux par lui-meme , affez agreable , atfez attachant , pour devoir etre expofe dans une jufte etendue. M. de Reaumur a voulu inftruire ceux qui feroient tentes de fuivre les memes vues ou y ajouter : il a voulu non-feulement parler aux ledeurs ordinaires qui ne chcrchent qua s'amufer fur la fuper- ficie des chofes , mais autant pour le moins aux phyikiens , qui defirent approfondir •, & du refte , il a mele tant d'agrement a la fecherelfe des matieres , qu'aucuns details ne paroitlent trop longs. Deux volumes affez gros n'avoient pas epuife les chenilles. II en eft encore queftion dans le troilieme. Viennent enfuite les teignes , que M. de Reaumur rapporte au memc genre. A celles-ci fuccedent des in- fecles d'un autre genre, qui n'ont de commun avec elles, que de prendre des ailes dans leur dernier etat , encore ne les prennent-ils que par une efpece de metamorphofe, au moins apparente, & ils ne deviennent alors que moucherons & non papillons. lis font prefque fans comparaiion plus petits que les chenilles, d'une forme tout-a-fait differente , & ne favent point filer. Ce font les pucerons , qui fe trouvent fur toutes les efpeces de plantes. Les pucerons font naitre des galles & s'y logent. L'hiftoire des galles des plantes , caufees par les piquures d'infedes , termine cc ( a ) CoIIeiSion Academique , Panie Fran;oife , Tome VII , p. 255. Tome VIII. Panic Franfoifc. Y i7o A B R E G E D E S MEMOIRES.&c. mmmmmmmmmmmm tome. Le quatrieme commence par les gallinfedtes , e'eft-a-dire , des in- fe&es que Ton prendroit d'abord pour de iimples galles ou excroifl'ances de plantes produites & habitees par des infectes , & qui pourtanr ont ete Naturelle. reconnus pour etre de vrais animalcules de la couleur a peu pres du bois Annies ^e ^'ar'Dre' ou ''s refteilt appliques par le ventre & immobiles. Les gallin- fecl:es font ovipares : tel eft le lcermes. Les progallinfe£les font vivipares : telle eft la cochenille , luivant M. de Reaumur. II parcourt enfuite le genre nombreux des mouches , d'abord des inouches a deux ailes, puis des mouches a quatre ailes. Les plus curieufes , difons mieux , les plus merveilleufes de celles-ci , & fans doute de tous les infedtes , font les abeilles, dont 1'hiftoire occupe une grande partie du tome cinquieme. *736- t738. *737- 2740. C H Y M I E. Xij T '73 C H Y M I E. S v r les Vitriols et s v r l'A lu n. O n avu, dans le volume precedent (a) de ccttc collection, la diffe- ^?MMMM*^^ rence que M. Lemery met entre les vitriols & Falun. Un acide eft en- C h y m i f. gage ou dans an metal , & e'eft la le vitriol , different felon le metal , on dans une pure terre blanche, & e'eft Tallin 5 on pent ajouter, pour don- Annce 1730. ner une idee plus complette, 011 dans une matiere graffe & huileufe, & Hi(-t_ e'eft le foufre commun : l'acide eft toujours le meme dans'ces trois mixtes, 8c on ne l'appelle qu'acide vitriolique. Pour reconnoitre Tallin d avec le vitriol , M. Lemery en faifoit un me- lange avec Tliuile de tartre. Auifi-tot l'allcali de cette liqueur alloit failir l'acide de Tallin , ou en etoit fail! , & la terre blanche abandonnee par fon acide le precipitoit. Elle indiquoit fiiremcnt Tallin , comme un precipite metallique auroit indique nn vitriol. On a demande a M. Lemery pourquoi il ne s'etoit pas fervi d'un autre moyen tres-limple & tres-ufite. On met un morceau d'alun fur un char- bon ardent, il s'y gonfle , s'y bourfouftle, & y laiile enfuite une marque blanche. Si ce n'etoit pas de Tallin , cela n'arriveroit point, & on a pre- tendu meme que les fels blancs tires des vitriols par M. Lemery, & qu'il a cm etre de Tallin, n'en feront point, a moins qu'on ne s'en affure par cette epreuve. Voici ce que M. Lemery repond. II avoit quatre aluns , le premier tire de la tete-morte de fix livres d'alun diftille , les trois autres des tetes-mortes d'un vitriol d'Angleterre , d'un vitriol d'AUemagne & dun vitriol blanc naturel. Nous avons dejik parle de ces memes vitriols en 1755. ^es deux premiers, felon Tordre ou nous venons de les mettre, n'ont rien fait fur le charbon ardent, ils y font demeures immobiles, fans aucun gonflement , les deux autres ont fait ce qu'on en attendoit. L'epreuve du charbon eft done fautive, puif- qu'elle manque quclquefois , & elle a manque juftement fur celui des quatre aluns qui Tetoit le plus inconteftableinent. L'huile de tartre , qui agit, & manifefte fon action fur tous les quatre, eft bien a preterer. II eft aife de concevoir que le gonRement de Tallin fur le charbon vient d'une matiere aqueufe & vifqueufe, fulfureufe peut-etre, qui etant echauf- fee & rarefiee , fait effort pour s'echapper de la mafle minerale ou elle a ite )ufques-Ia retenue, la fouleve , l'agite en tous fens, en delimit les parties folides , & par-la donne lieu a l'acide de quitter fa terre. Celt, cette terre qui fait le relidu ou la marque blanche qu'on voit fur le (<0 Page 359. j74 ABRECE DES MEMOIRES •■ charbon. Mais cette matiere liquide qui caufe le gonflement , n'eft pas efl'cn- C h y m i E. ^elle a l'alun , il n'y a que fon acide & fa terre blanche qui fe foient, du moins une certaine dofe precife de cette matiere n'eft certainement Anne: i~$G. pasreglee, differens aluns en contiendront plus ou moins, & feront ega- Iement aluns , & ils contiendront plus ou moins de cette fubftance etran- gere, non-feulement par leur formation naturelle dans les entrailles de la terre, mais par la calcination artificielle, qui quoique faite au meme fourneau, au meme feu, en meme temps, les aura par differens accidens difreremment affedtes. Ainli lepreuve du charbon qui n'agit fur rien d'ef- fentiel a l'alun , doit etre extremement inferietire a celle de l'huile de tartre, dont 1 action tombe fur ce qui fait l'effence de l'alun. La decompodtion , qui fe fait de ce fel par le charbon ardent, eft tres- facile, tR-s-prompte & tres-complette , & on en eft etonne quand on la compare a celle qui fe fait par une operation ordinaire , ou apres avoir efile e a l'alun par un feu de fable tout le flegme que l'on a pu, il faut le tenir pendant foixante & douze heures a un feu de bois tres-violent , pour n'en avoir encore que les deux tiers de decompofes. D'ou peut venir cette prodigieufe difference? M. Lemery la rapporte a ce que la premiere de ces operations fe fait a l'air libre, & 1'autre dans des vaiueaux bien ferities. Afin que le feu qui agit fur un corps, en fafle fortir les particules qui tendent alors a en fortir, il faut qu'elles trouvent ou fe loger, & que quelque autre matiere leur cede fa place. Dans un vaiffeau fermc , le pen d'air qui y eft, n'eft nullement difoofe a faire place aux evaporations qui fortiroient d'un corps echauffe, il eft indifpenfable premierement qu'il occupe la fienne, & il n'en fauroit changer-, de plus il eft echauffe lui-meme, & tend a occuper plus d'efpace , & par-la repouffe cc qui tend a fortir de ce corps. Seulement il pourra arriver que les vaiffeaux ne foient pas exa£te- nient fermes, & l'evaporation en profitera un peu, ou bien il en fortira >a'r leurs pores quelques particules plus fines que les parties naturelles de 'air, & qui ne laiffoient pas d'etre melees avec elles, & ce feront autant de vuides que l'evaporation remplira •, mais il eft vifible que meme avec ces deux fecours reunis, elle fera encore tres-imparfaite & trcs-lente. Ce n'eft pas la peine de dire ce qui doit arriver au contraire dans une ope- ration a l'air libre. II y a encore quelque chofe de plus pour celle du charbon en parri- culier. Le charbon eft fulfureux , & il fournit a l'alun qu'il porte, une huile , qui , felon que M. Lemery le prouve par pluiicurs exemples , aide beaucoup au degagement & u la volatilifation des acides. Le raifonnement phyfique , qui vient d'etre fait fur les vaifleaux fermes; a etc confirme par une efpece de bonheur imprevu. On voyoit aflez en general que I'eprcuve du charbon ardent ou devoit ou pouvoit ctre equi- voque, le fait rapporte des quatre aluns fuffifoit-, mais on ne voyoit pas en particulier ce qui avoit determine deux d'entr'eux plutot que les deux autres a ne rien faire fur le charbon. On pouvoit ne le pas cher- cber , mais on l'eut cherchs > & on eut eu peut-etre le inalheur d'ea f. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 175 trouvcr dcs raifons affez ingenieufes. L.i veritable eft que les deux cornues ' ' ■ des aluns qui n'ont rien fait fur le charbon , furent fclecs afiez conlidera- q blcment par la violence du feu , Its deux autres etant dome -urees faines & enticres. L'evaporation dc la maticrc qui fe gonfle,fe fie dans les cornues Annie, iy;6. felees, & non dans les autres. Ce n'eft pourtant pas que Its aluns de ccs daw dernieres fe gonflaffent autant que s'ils n'avoient pas effuye une auffi forte calcination. II a ete dit en 1735 que 1'alun fe decompofe plus difficilement que le vitriol , que deia M. Lemery avoit tire une regie pour decouvrir quelle etoit la quantite de ces deux differens fels dans une maffe compofee des deux, comme le font les vitriols dAngleterre & d'Allemagne, & deli enfin les rapports qu'ils ont fur ce point , tant entr'eux qu'avec Talon pur. Tout cela etoit fonde (ur des decompofitions faites de ces corps dans dcs circonflances oil une parfaite egalite etoit neceffaire, & M. Lemery croyoit bien Ty avoir mile. Mais il avoue que la circonftance des felures des deux cornues lui avoit echappe. La decomposition s'y eft faite plutot que dans les autres , en partie par cette raifon fur laquelle il n'avoit pas compte. Tout fon calcul eft done a corriger , & il le corrige, mais nous n'entrons point dans ce detail, Timportant eft la decouverte, & encore plus Taveu de la faute, li e'en eft une. Sur ce que M. Lemery avoit avance , ainfi qu'on Ta va , que le vitriol blanc naturel etoit an compofe de vitriol verd & d'alun, M. du Hamel lui avoit, non pas proprement objecl:e, mais plutot reprefente, que quand on fondoit enfemble, & qu'enfuite par l'evaporation on faifoit cryftallifer du vitriol verd & de Talun , les cryftaux de Tun & de Tautre de ccs fels ne fe confondoient point, mais fe tenoient fepares les uns des autres, de facon qu'ils etoient aifes a diftinguer , ce qui ne marquoit pas qu'ils euf- fent grande difpolition a s'unir etroitement enfemble dans un meme mixte. Le fait etoit conftanr, & reconnu par M. Lemery. II eft affez vraifemblable que ta feparation des cryftaux vient de ce qu'ils ne font pas formes precifement en meme temps. L'alun , qui eft plus dirricilement diffoluble que le vitriol verd , parce que fes parties effentielles font mieux liees , doit pet la meme raifon etre plus aifement & plus promptement cryHalliiable , parce que des qu'il a perdu un peti delon humidite errangere , fes parties ne demandent, pour ainfi dire, qua fe refferrcr encore. Mais il eft conftant d'ailleurs que quand le vitriol blanc naturel a etc fondu , diffous , evanore , le vitriol verd qu'il con- tient, & fon alun, ne fe cryftaliifent qu'enfemble. II y a la quelque chofe de fin, qui fe cache encore, quelque difference de preparation dans les matieres que Ton n'a. pas remarquee , quelque alliage inconnu , &c. Mais que ne peut point la perfeverance de Tarr, favorifee par les hafards memo, quelle faura mettre a profit? i76 ABR^Gi DES MEMOIRES C H Y M I £. Anmz 1736. u, S u r la Base d u S e l Mar I N. n des grands points dans les fciences , c'eft: de bien favoir qu'on ne fait pas ce qu'effeclivement on ne fait pas. Notre liecle en eft: heureu- fement venu la. Quoiqu'il manque pen de chole a connoitre fur un fujet, on n'en eft pas moins curieux de rechercher ce peu, & on ne fe flatte point de connoitre furrifamment le tout. Les chymiftes favent tirer du lei marin fon acide , qui eft: l'efprit de fel , ils l'ont lepare de la bafe qui le portoit, ils ont rompu l'union qui l'y attachoit-, ils favent de plus tranf- porter un autre acide fur cette mime bafe, & fi cet acide eft le vitrioli- que , c'eft la le fel de Glauber ; li c'eft; l'acide nitreux , c'eft: ce qu'on appelle nitre quadrangulaire ; mais les chymiftes n'ont point vu cette bale du fel marin & pure, exempte de tout acide, ils ne favent point de quelle nature elle eft, comme ils favent par leurs experiences que la bafe de Tallin eft une terre blanche , que cellc du vitriol verd eft: du fer , celle du vitriol bleu du cuivre. Faute d'avoir cette bafe du fel , on ne le re- compofe , on ne le regenere point aprcs I'avoir decompofe , & un chy- mifte ne fe croit le mairre dun mixte que quand il peut a fon gre le detruire & le reproduire, demolir l'edince, en avoir tons les materiaux, Si le rebatir. II eft: vrai que 1'on fait bien que la bafe du fel marin eft on line terre, on quelque alkali, & la difference en eft li legere, que ce pourroit etre une terre alkaline, mais enfin il vaut mieux fortir de cette indeter- mination, & pour acquerir ce nouveau degre de lumiere qui manquoit, M. du Hamel s'eft engage dans un travail affez long & afiez penible. II en auroit ete bien plutot quitte , s'il avoit voulu prendre pour bafe du fel marin une terre blanche qui le precipite de la folution du fel or- dinaire de gabelle , quand on y verfe de l'huile de tartre par defiillance. Mais il reconnoiffoit que cette terre n'avoit pas appartenu elfentiellement au fel , parce quelle etoit en trop petite quantite •, parce qu'apres fa pre- cipitation il reftoit encore beaucoup de tres-beau fel , non altere , fur lequel meme l'huile de tartre n'agilfoit plus ; parce qu'enfin avec cette terre & l'efprit de fel , on ne regeneroit pas un fel marin. Cette terre, fans etre bafe, avoit pourtant quelque rapport a ce fel, elle y pouvoit ctre melee par quelque accident de fa formation , ce qui ne manque pas d'exemple , mais enfin elle n'etoit pas la bafe qu'on cherchoit. Quand on mele une matiere inflammable avec le nitre , fon acide fe diflipe a la moindre chaleur , & laiffe fa bafe nue & a decouvert. Les ma- tieres inflammables , melees auffi avec le vitriol , diminuent la force de l'union de fon acide avec fa bafe, & en facilitent par confequent la fepa- ration. Sur ces exemples , M. du Hamel crut que de la poudre de charbou ou de la limaille de fer, pourroient etre les intennedes qui lui feroient feparer l'acide du fel inarin d'avec fa bale ; mais fes efperances furent trom- pees. U eflaya les matieres animales apres les vegetales ou minerales inflammables } DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 177 inflammables, parce qu'il yaapparence, felon d'habiles Chymiftes . qu'une ^— — — partie du lei marin qui entre dans les alimens de plulieurs animaux ,,fe ~ '_ decompofe dans leurs corps , & s'y change en fel ammoniac , mais il eut encore audi pen de fucces. Annie IJ36. II imagina enfin le nioyen qui devoit hu reuflir, 8c payer fa perfeve- rance, quoiquacconipagne encore de plulieurs dirhcultes. II commenca par faire un lei de Glauber, par tranfporter, felon la pratique connuc, on acide vitriolique fur la bale du fel marin. Cet acide, il falloit enfuite le cruder de 1.1, nulle diftillation n'en eut en le pouvoir, il n'y a point de feu affez violent pour feparcrf acide vitriolique d'un fel alkali auquel il s'eft joint, mais il eft conftant que cet acid* fe joint audi tres-aifement aux matieres inflammables, & forme avee dies un foufre commun. C'eft ce J|iii fut execute par de la poujre de charbon que M. du Hamel jctta fur on fel de Glauber. L'acide vitriolique qui cntroit dans la formation de ce foufre , n eroit pas pour cela feparc de la bafe du fel marin , mais il etoit plus aife d'en feparer le foufre qui le conten'oit, &, en eftet , il hit pre- cipite par un vinaigre qu'on y verfa , de forte que la bafe du fel marin refta chargee du fcul acide vegetal du vinaigre , plus foible qu'un acide mineral, & d'autant plus aife a chaffer & a enlever, qu'il a beaucoup de matiere huileufe. Ce ne fut pourtant pas fans avoir paffe encore par des diftillations & de fortes calcinations, que la bafe du fel marin put etre jugee affez pure & affez exempte non-feulement de tout acide , mais mime de tout alkali volatil , car on en eft plus fur qu'il n'y fera pas refte d'acide. M. du Hamel a donne encore un autre tour a cette operation , qui etoitapeu pres la meme, quant au fond. Au-lieu de tranfporter d'abord fur la bai'e du fel marin un acide vitriolique , U y a tranfporte de l'efprit de nitre, ce qui fait, comme il a ete dit, le nitre quadrangulaire. II a enfuite didipe cet efprit de nitre en i'enflammant dans un creufet rouge par de la poudre de charbon , aprcs quoi il lui eft refte la meme bafe de fel marin qu'il avoit deji eue. Ce n'eft pas une terre, mais un vrai fel qui fe difTout aifement dans Teau. C'eft un fel qui fe reconnolt fiirement pour alkali par fes effets avec les acides. II ne fe refout pas en liqueur a l'air , mais tombe en une poudiere femblable a de la farine. II eft trcs-frais, & un peu ainer fur la Iangue. Pour donner encore plus d'idee de ce fel , en le rapportant ^ quelque chofe de plus connu, M. du Hamel le compare & le trouve fort fem- blable au natmni & au fel de foude ou kali. Le natrum eft un fel na- turel d'Egypte , que Ton trouve toujours mile avec beaucoup de fel marin •, il ne fera pas etonnant que dans les lieux ou il fe fera forme une grande quantite de ee fel, il y ait, par quelques accidens , des bafes propres a recevoir des acides, & qui n'en aicnt pas recu , on qui, apres ea avoir recu, en aient ete depouillees. Le fel de foude eft tire de la foude ou kali , plame maritime , qui pent avoir ete nourrie en partie de fel ma- rin , dont il le fera fait une decompolition dans l'interieur de fes vaideaux. Tome VIII. Partie Francoije. Z i?8 AB R £ G £ DES M^MOIRES —— — =— »»^— M. du Hamel avoue qu'apres avoir travaille a ce fujet avec d'autant p'us C h y m I e. ^e ^°'n & d'ardeut qu'il le croyoit neuf, on l'a averti qu'il ne l'etoit pas. M. Stahl avoit deja donne au public la bafe du fel marin , mais avec line Annie I J 36. brievete li enigmatique , que Ton n'a pas eu grand tort , ou de ne pas en- tendre ce qu'il a dit, on de n'y pas faire affez d'attention. Eft-il done f? difficile d'abolir dans la Chymie l'ancienne habitude du myftere, ou fe- roit-ce plutot que ce grand Chymifte a neglige defe faire valoir peur les lumieres qu'il donnoit 2 To S U R L'A NTIMOINE IT S U R J7JV NOUVEJU PHOSPHORE D&TONNANT. JJifi. JL ous les preliminaires que demande ce que nous allons dire, ont et£ etablis en 1734. (a) II s'agit de la methode que M. Geoffroy a trouvee {iour tirer de i'antimoine beaucoup plus de regule que par celles des il- uftres M". Kunckel & Stahl , & pour le purifier fans addition de fels , & avec peu de perte. Ona^ Paris trois fortes d'antimoine, celui dune ancienne mine d'Au- Vergne, celui d'une nouvelle du mime pays, celui de Hongrie. Le pre- mier eft imparfait , mal depure , & tant que la France n'en a pas produri d'autre, on devoit, fans difficulte, lui preferer celui de Hongrie, mais h prefent celui- ci ne l'emporte pas fur I'antimoine de la nouvelle fabrique d'Auvergne. M. Geoffroy a opere fur tous les trois , & c'a cte incidenv- ment un fruit de fon travail que de les comparer bien exa&ement. Ce n'eft pas la peine de dire, que tout ce qui a ete neceffaire, & pour cette comparaifon & pour toutes les autres plus effentielles, a ete fcrupuleufe- ment obierve , la meme quantite d'antimoine, la mcrae duree d'operation, le meme feu , les memes vaiffeaux , & jufqu'au meme artifte , & il eft i remarquer fur 1'artifte, qu'il a fait, prefque de fuite, plus de foixante cal- cinations de douze onces d'antimoine, chacune fans en reffentir la moin- dre incommodite , ce qui prouve bien que les vapeurs de I'antimoine tie contiennent pas de loufre arftlnical, comme on le croit affez com- munement. Une chofe qui fert a reconnoitre un meilleur antimoine , e'eft qa'k la calcination il perd de fon poids. II a plus de foufre, que le feu enleve , & moins de terre groffiere & inutile , moins de gangue qui relifteroit au feu. On a vu, en 1754, que le foufre contenu naturellement dans I'anti- moine , lui eft neceffaire pour le rendre emetique , mais qu'il ne lui en faut qu'une certaine dofe, au-deffus de laquelle fa vertu diminueroit, 9u (a) Voyez Is volume prudent, page 316. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i79 meme cefleroit. M. Geoffroy a trouve , par fcs experiences , que pour ; mcttre cette verm a Con plus h.uit point de perfection , il fjlloit d'abord ~ oter a ce mineral tout ce qu'il pcut perdre dc Ion foufre, par une bonne h y m i i. calcination de dix heures. Plus cctte chaux que Ton a eft divifee en parties /Innie IJ3G. fines, mieux l'.intimoine eft difulfure, ce n'eft prcfque phis que du metal, Su'un regule, mais auftl cette matiere eft trop depouillee du principe in- .unmable qui fait fon adtivite, & de plus elle eft fous une forme peti commode pour l'ufage. II eft done queftion de la rcduire, e'eft-a-dire, de trouver un fondant qui lui rende une quantite de foufre convenable , & en mtme temps faffe on liquide, dans lequel toutes les parties regulines de la chaux fe precipitent par leur pefantcur , moyennant quoi elles iront toutes au fond du vailfeau , & feront enfuite aifees a reunir par la fonte en une nicme mafle. Ajoutons qu'on fe propofe toujours de menager l'antimoine , & d'en perdre le moins qu'il fe puifTe. M. Geoffroy effaya de diftcrentes matieres , de celles qu'avoient em- ployees Mrs- Kunckel & Stahl, des huiles, des graiffes, du nitre, du tartre rouge, du favon blanc , du noir, & enfin le refultat de toutes fes expe- riences le determina pour le favon noir. II eft fait d'une leffive forte de potaffe, & de chaux vive unie par ebullition a quelque huile. Mais pourquoi ne meler ce favon qu'avec l'antimoine calcine a grand feu, & non pas avec l'antimoine crud, reduit feulement en poudre tres- fine ? Ce feroit une operation epargnee. M. Geoffroy , qui fe fait cette objection, y repond par l'experience , qui prouve dccilivement qu'entre ces deux dirrerens procedes, le lien eft celui qui fournit le plus de regule. C'eft par celui-la certainement qu'il fera evapore le plus de ioufre , & en feneral il refulte de toutes les operations de M. Geoffroy , qu'il y a dans antimoine beaucoup de foufre inutile, & meme nuilible a l'emeticite, & en plus grande quantite que lui-meme n'avoit cru jufques-la. 11 decrit la maniere dont il conduit le melange de chaux d'antimoine & dc favon noir, mis dans un creufet fur le feu. II evite fur-tout de donner d'abord le feu trop vif , de peur qu'il ne fe diffipat en fumee des parties regulines, qui, a caufe de leur extreme finefTe , lont plus aifees a cnlever. L'operation rinie, on trouve dans le creufet refroidi , une efpece de croiite ou glace de fcories, qui fumage un culot de regule bien raf- femble, dont le fond du creufet eft rempli. C'eft la ce que Ton demandoir. Les fcories font une efpece de verre noir, compacte , qui fe fond a la bougie comme un bitume, &. ne s'humedte point a l'air. II paroit aflez que c'eft l'huile du iavon briilee , qui s'eft unie a l'acide du foufre de l'antimoine , & en meme temps une vitrification de quelque terre pro- duite par les lels du favon. Cette vitrification enveloppe le bitume qui s'eft forme, elle eft un email qui le preferve de l'humidite de l'air. Pen- dant que tout etoit en fulion , les parties regulines de l'antimoine, plus pefantes que la matiere des fcories , l'ont traverfee en defcendant au fond du vaiffeau. Cependant ce culot de regule n'eft pas aflez compadle pour etre parfai- tement pur, & il n'eft gucre pollible qu'il le foit. On ne pretend pas Z ij i8o ABREGfi DES M E M O I R E S — — — ■"SB parler des fcories adherentes a fa furface, il feroit aife de Ies en detacher* r elles In i font etrangeres, mais il doit en avoir d'autres qui entrent dans " Y u ' E" fa propre fubftance , & qui en faflent partie. Comment dans une violente Annte 1736. fulion auroit-il pu fe faire une Separation fi exa<5te de tout ce qui etoit regule d'avec ce qui ne l'etoit pas ! II faut done encore purifier le culot. Pour cela , M. Geoflroy a imagine un nioyen qu'il croit entitlement nouveau , e'eft de fondre une feconde fois ce culot avec de nouvelle chaux d'antimoine. La premiere chaux avoit deja change en fcories fa plus grande partie des impuretes de I'antimoine, celle-ci fera le meme effet . liir ce qui en refte , & elle le fait reellement , ainfi qu'on le juge par la diminution dtl poids du culot, qui marque quelle a agi en lui enlevant quelques parties. Ici il fe prefente une diflficulte affez considerable. La ehaux peut avoir agi, & en reduifant en fcories les impuretes du regule, & en lui ajourant de nouvelles parties regulines, ce qui feroit trcsvraifemblable, puifqu'elle n'eft elle-meme que de l'antimoine. Mais M. GeofFroy ayant fubftitue a la chaux d'antimoine d'autres matieres, comme du cryftal factice mis en poudre, un fel alkali, a trouve qu'a la fin de l'operation il avoit plus de regule que s'il eiit employe la chaux. Done la chaux n'agit pas en ajoutant des parties regulines , mais feulement en purifiant. Par tant d'operations delicates , accompagnees de reflexions qui ne le- toient pas moins , M. Geoffroy eft parvenu a retirer d'une livre d'anti- moine deux onces de regule de plus que M"- Kunckel & Stahl. II a vu auffi que ce mineral ne perd au plus que trois onces cinq gros de foufre commun ou brulant , & par consequent en contient bien moins qu'on ne eroyoit. L'emeticite du regule demande qu'il ait toujours urt foufre , mais plus fixe , plus folide , & qu'on appelle quelquefois m£- tallique. Nous ne nous arreterons qu'a la plus remarqnable des obfervations curieufes qui fe font prefentees a M. Geoffroy dans le cours de fon tra- vail. II vouloit reduire, par fon favon noir, un antimoine diaphoritique qu'il avoit fait de deux parties de regule , & de trois de nitre , & au-' lieu de la reduction qu'il cherchoit , & qu'il manqua , fes operations lilt donnerent un phofphore auquel il ne penfoit pas, une matiere qui apres avoir ete fort tranquille , tandis qu'elle avoit ete enfermee , s'enflammoit avec une grande detonation des qu'on l'expofoit a fair , & dardoit de toutes parts une pluie de feu. On voit affez que Ton a ici tons les ma- teriaux neceffaires pour ce phenomene , du nitre, du charbon foucni par le favon noir brttle, des foufres tant de ce favon que du regule d'anti- moine , & jufqu'a de la chaux qui aura ete , ou celle du favon mieux calcinee, ou quelque terre qui ne l'etoit pas encore. II eft aife de con- cevoir que tous ces agens viennent a s'accorder enfemble pour une ac- tion violente , mais qu'une caufe auffi legere en apparence que le feul at- touchement de fair les y determine tout d'un coup apres le plus long repos, e'eft une merveille dont on aura toujours droit d'etre furpris , ff Ton veut , meme apres tout ce qui a ete dit pour l'expliquer, DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 181 CONJECTURES Sur la coukur rouge da vapeurs de I'efprit de Nitre & de V Ecu- forte. Par M. Hulot. C H Y M 1 F. Ann/e 1736. D, 'e tons les fels qui nous fourniffent les trois diffolvans qu'on nomme Mint, acides miniraux , le nitre ou falpetre eft le feul dont I'efprit acide s'eleve en vapeurs rouges au(Ii-tot qua l'aide du feu & d'uii intermede vitrio- lique, on degage cet acide de fon fel concret. Pourquoi les vapeurs dc cet acide font-elles rouges ! Pourquoi cellcs de i'efprit acide du iel com- mun ou du vitriol ne le font-elles pas ! C'eft line queftion k laquellc U n'a pas etc facile de repondre , & les plus grands chymiftes ne fe font ja- mais reunis fur cela a un meme fcntiment. Les uns out cru que cette couleur rouge, particuliere aux vapeurs de l'acide nitreux , venoit des parties fulphureufes que le falpctre a retenues des urines ou des terres empreintes d'urine, dont ce fel a ete tire. D'autres croient que cette rougeur vient des parties de feu dont cet efprit acide le charge pendant la diftillation , & qui tiennent les parties dont ces vapeurs font formees dans un mouvement trcs-rapide. Cepcndant qu'on uniffe , par quelque moyen que ce foil, un ammo- niacal urineux au fel commun , ou au vitriol , & qu'on diltille enfuitc ces melanges, jamais I'efprit acide qui viendra de l'un ou de 1'autre , ne montera en vapeurs rouges. II n'y a que l'acide du nitre qui donne cette couleur, encore y a t-il des cas ou fes vapeurs ne font pas colorres. Si c'croit aux parties de feu introduces pendant la diftillation , qu'on dut attnbuer la couleur rouge de ces memes vapeurs , on denianderoit pourquoi ces particules ignees ne teignent pas aufli en rouge les vapeurs de l'huile de vitriol , puifqu'il faut un feu beaucoup plus long & beau- coup plus fort pour chaffer l'acide concentre dans ce fel , que pour avoir I'efprit acide du nitre. Si ces objections ont quelque folidite , il faut tenter de refoudre la queftion par un autre moyen. C'eft en faifant toucher, s'il eft poffible, la matiere etrangere qui rougit vr.iilemblablement les vapeurs de l'acide nitreux. Encore reftera-t-il une dirliculte ; ce fera de iavoir fi cette ma- tiere etrangere colorante eft aCtuellement dans le falpetre, ou li I'efprit acide de ce fel l'emprunte de l'intermede vitriolique qui fert a l'elever pendant la diftillation. Balduinus , {a) & apres lui Stahl , ib) pretendent que cette matiere, fource de la couleur rouge des vapeurs, eft actuellement dans le lalpe- tre, c'eft, felon ces auteurs , Xanima nitri , c'eft ellc qui caraCteriie ce fel. Voici la preuve qu'ils en donnent. (0) In Ventre mm. (4) Difin. it Fitr. aiitimomi. i8i ABREGfi DES MEMOIRES i i i ■ in Broyez une partie de ce fel avec quatre parties de quelque verre ten- „ dre, aife a fondre , tel que celui dont les emailleurs fe fervent pour faire t ht.u i* jes COqUes (jes perles fautfes, vous aurez un verre teint en rouge, en fon- Anne'e i^->6. dant de nouveau le melange. J'ai verifie cette experience, & j'ai eu un verre teint ttrant fur le pourpre. II ne paroit pas qu'on puilfe attribuer est efret au falpetre , confiderc comme un -acide pur , uni ieulement a une terre abforbante , puifque l'a- lun , ie fel commun , ni les fels alkalis fixes purifies , ne donnent point cette couleur rouge au verre. Il y a done une autre matiere jointe a ce fel. Seroit-ce la portion d'ammoniacal urineux , qu'on eft en droit de foupconner dans le falpetre , qui cauferoit ce changement de couleur ? Cela pourroit etre, car li on mele une partie de fel ammoniac ordinaire bien purine , avec neuf ou dix parties d'un verre femblable au prece- dent , on aura , aulli par une nouvelle fonte , un verre teint en rouge. Mais qu'eft-ce qui ptut colorer le verre dans cette epreuve .' ce n'eft pas le volatil urineux du fel ammoniac, il eft chaffe des la premiere im- preffion du feu , car Ie verre pulverife agit comme alkali fixe ; ce n'eft pas l'acide du fel marin , puifqu'on fait par experience que ni le fel com- mun , ni fon acide , ne font point ce changement de couleur. C'eft peut- etre un fuperflu de matiere graffe , qui , fe brulant & fe reduifant en fuie, donne au verre la teinte rouge dont il eft queftion. II feroit meme affez raifonnable de le croire ainli, parce qu'on lait que ii dans les fours de verrerie on a brule , par inattention , des bois relineux qui donnent une fumee epaiffe , la fritte des pots ou creufets qui etoit deftinee a faire un cryftal blanc , ne donne qu'un cryftal opaque, plus ou moins rouge, a proportion de la quantite de vapeurs fuligineufes dont la fritte s'eft imbibee. II femble qu'en comparant ces deux experiences de verre teint par Ie falpetre & par le fel ammoniac en proportions differentes , il ne devroit refter aucun doute fur l'origine de cette couleur introduite dans Ie verre. Cependant on lui donne la meme couleur, en lui uniliant, a la place du falpetre & du fel ammoniac, une petite portion d'un crocus de mars ou chaux de fer bien preparee. Tons ces faits ne futrifent-ils pas pour faire foupconner que le falpetre contiendroir , avec une portion d'ammoniacal urineux , une autre por- tion de matiere etrangere , qui feroit du fer en particules extremement divifees ? Or, que le nitre foit uni a un ammoniacal urineux, la probability de cette fuppofition peut etre deduite des deux memoires que M. Lemery a donnes fur le nitre en 1717. II y fait voir que tout le falpetre qu'on fabrique en Europe a ete originairement un ammoniacal urineux. De plus, en triturant dans un mortier de verre echaufle, du nitre bien fee avec du fel de tartre , ou avec de la chaux , on appercoit an bout d'un quart-d'heiire qu'il s'en eleve une vapeur urineufe. Que tout fel ammoniac contienne du fer, la demonftration n'en eft pas li facile ; mais on peut fans fcrupule, y foupconner ce metal, li Ton DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i?$ fait attention que le fer monte avec la feve des plantes, & qu'on lc re- _ trouve dans leurs cendres ; que les animaux fe nourrifl'ent de plantes > & C h y .m i e. que de la fuie de leurs excremens brules , on fublime lc fel ammoniac qu'on nous apporte d'Egypte. Ainii il feroit trcs-poffible que la petite Annie ij$6. portion de for qui feroit cachee dans ce fel , contribuit autant a la cou- feur rouge du verre , dans 1'experience rapportee ci-defius , que la fuie de la matiere graffe fuperflue dont j'ai parle. Je pourrois prefque conclure de tons ces fairs, que s'il n'y avoit point d'ammoniacal urineux , ni de fer dans le falpetre, il ne donneroit pas de coulcur rouge an verre. Mais ces experiences de vitrifications cofo- rees font etrangercs a ce memoire ; elles ne fervent qua etablir des con- jectures, 8c non pas a donner des preuves. Je fuppofe done que la portion d'ammoniacal urineux , contemie dans le falpetre, rarefiant les parties ferrugineufes pendant la diftillation , les divife & les diftribue dans toutes les particules qui forment les vapeurs de l'cfprit de nitre, & les teint en rouge par cette diftribution. Voici une experience qui fert en quelqne maniere de preuve a ma fuppolttion, quoiqu'il n'y foit pas queftion de vapeurs. J'ai pris une diffolution de fer faite par l'efprit de nitre , elle etoit rouge & obfeure : j'ai verfe deffus de l'huile de vitriol , cette diiTolutjor. eft devenue verdatre & claire comme de 1'ean. J'ai fait tQ«*£& peu a peu dans cette liqueur une afTez bonne quantite de fei ammoniac bien pur, la couleur rouge a reparu , en paffant fuccefllvement par tous les de- gres du jaune. N'en peut-on pas prefumer que 1'ainmoniacal urineux fert % tenir exaltee & fenfible la couleur rouge du fer diflbut ? car il ne faut >as croire que, dans cette experience, ce foit feulement la matiere hui- eufe du fel ammoniac, qv.i par fon union avec l'acide, ait fait reparoitre ur.e riOuveiie couleur rouge , differente de la precedente. La nouvelle couleur , cette couleur regeneree venoit aufli du fer qui etoit encore fuf- pendu dans la liqueur, puilque pendant 1'experience il ne s'en fait aucune precipitation. Mais ce n'eft pas affcz d'avoir fait voir qu'il n'ell pas deraifonnable de foupconner du fer dans le nitre , & encore mieux , dans l'elprit acide de ce iel , il faut demontrer qu'il exifte reellement dans ce dillolvant. Ce que je fais, en detachant la couleur rouge du corps que cet acide aura diffout & teint, & la montrant feparee , apres avoir rendu a ce corps la premiere forme. C'eft la l'objet principal de ce memoire. Avant que de palfer a mes experiences, je dois faire obferver qu'il n'ell pas vrai que les vapeurs de l'efprit de nitre ou de 1'eau-forte foient tou- jours rouges, elles ne le font que quand on a force la matiere etrangere qui les colore , a s'elever. Car li l'on fait, par exemple, de l'efprit de nitre avec de I'alun cal- cine, du lalpetre bien fee, oudre couleur de rofes. La couleur rouge etoit delayee & etendue dans a terre, bafe ordinaire de ce fel vitriolique, dont une portion s'etoit ap- paremment elcvee pendant la fublimation. De ces lix grains calcines , le couteau aimante n'en a attire au plus qite le quart. La poudre provenant du fublime par la couperofe blanche , m'a laifie fi peu de relidu dans la cornue, que je n'ai pu l'examiner. Celle qui venoit de la fublimation par le vitriol bleu , m'a donnc quatre grains d'une poudre grile cendree , qui , calcinee , a lailie enlever par le couteau aimante environ un grain & demi de fer. Sur le refte j'ai verfe de l'elprit de vitriol qui a fermente legerement, mais qui ne m'a pas paru fe colorer. J'ai verfe deffus de Pefprit volatil de (el ammoniac qui s'eft legerement colore en bleu, par confequent, il s'etoit iublim; une petite portion de cuivre pendant l'opcration. i ;.; • ABREGli D E S M t M O I R E S Enfiii la poudre provenant du mercure fublime rouge par l'huile de r vitriol concentree & blanche, m'a laifle trois grains & dcmi d'une poudre ' H ' fort rouge , dont line partie ayant etc calcinee , a ete totalement enlevee Annie 1736. par le couteau aimante; j'ai conferve le refte fans le calciner, pour fervir de p reuve. Je crois que routes ces experiences demontrent affez bien qu'il y a da fer dans l'eau-forte-, car on ne foupconnera pas que celui que Je trouve depofe fur la poudre mercurielle dont il eft queftion , puitfe venir du mercure : tous les Chymiftes favent que le mercure ne s'amalgame point avec ce metal-, d'ailleurs, le mercure dont je me fuis fervi pour mes fu- blimations, avoit ete revivifie du cinabre, & enfuite purifie en le faifant bouillir legerement avec le vinaigre & le fel commun. II auroit ete beaucoup plus fimple de chercher l'origine de ce fer danj les matieres vitrioliques qu'on mele avec le nitre pour en chaffer l'efprit acide , que d'en fuppofer une partie exiftante dans ce fel , comma je l'ai fait au commencement de ce memoire. Mais l'experience de la teinture du verre en rouge, qui fe fait par le falpetre corame par les chaux ferru- gineufes, auroit ton jours laiffe une difticulte a laquelle il n'etoit pas aife de repondre fans cette fuppofition , qui d'ailleurs peut fort bien s'accor- der avec l'origine de ce fel. On le tire, comme on fait, des platras des vieux batimens , des etables , des ecuries , 011 des morceaux de fer fe font rouilles , fe font detruits. De plus dans les fabriques de falpetre, on emploie les cendres de bois neuf pour le purifier, & M. Lemery a fait voir dans un de fes memoires fur le fer, que toutes les cendres contenoient de ce metal. Mais comment fe peut-il faire qu'une fi petite quantity de matiere fer- rugineufe teigne un volume conliderable de vapeurs acides , & comment la petite quantite qu'en peuvent contenir trois onces d'eau-forte , par exemple , pourra-t-elle reduire une once de mercure en une maffe faline dont toutes les parties foient egalement rouges? J'avoue qu'il eft difficile de repondre a cette queftion fans admettre la fuppofition d'un ammonia- cal urineux uni intimement au falpetre, & qui puiffe rarefier les particules ferrugineufes de l'eau-forte. J'ai deja fait voir que cette fuppofition deve- noit quelque chofe de plus reel qu'une fuppofition , par l'experience de la trituration du falpetre avec un alkali fixe, puifqu'il s'en developpe une odeur urineufe. En voici une autre qui prouve encore, & la verite du plus au moins, que l'ammoniacal doit avoir part ^ la couleur rouge des vapeurs de l'acide nitreux. Saoulez de Peau- forte, faite de nitre & de vi- triol , & diftillee par un grand feu , d'autant de fel ammoniac qu'elle en pourra diffoudre , elle donnera des vapeurs d'un rouge beaucoup plus fonce qu'il n'etoit lorfqu'on la chauftbit avant cette addition. Mettez une pareille quantite de fel ammoniac dans de l'efprit de vitriol, & diftillez, vous n'aurez que des vapeurs blanches •, done il faut que ce foit l'acide nitreux qui foit uni ^ l'ammoniacal urineux pour que les vapeurs foient rouges. Mais pourquoi un tel melange donne-t-il des vapeurs rouges ? C'eft qu'il y a du fer dans cette eau-forte, & que l'ammoniacal fublime les metaux en rouge. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i9i Les deux experiences fnivantes proiivent cette propriete de l'ammonia- ™^*™— — — ■ cal urineux; la premiere eft de Kunclcel. Dans l'cau- forte, faoulee de fel ,- ammoniac dont je viens de parler, diflolvez du plomb en copeaux; re- " * tirez plulieurs fois cctte can- forte par diftillation, & la cohobez, vous Annie t~i6. aurez des cryftaux d'un tres-beau rouge qui fe lublimeront en partic fi vous pouflez le feu. A la verite,ces cryftaux fe reduifent en liqueur li on les expofe a l'air. Cctte couleur depend done & dc l'acide du nitre & de fon melange .ivcc l'acide vitriolique & avec le fel ammoniac-, car l'efprit de nitre pur & diftille blanc du nitre fee par le moyen de l'huile de vitriol, ne fait pas le meme effet, foit que dans la meme experience on l'emploie feul, foit qu'on ne l'emploie qu'apres l'avoir faoule de fel am- moniac. C'eft done vraifemblablement au fel ammoniac qu'eft due en f>artie cette couleur rouge des cryftaux de faturne dont je viens de par- er : mais ce n'eft ni au fel ammoniac ni a l'efprit de nitre feuls, puilque fans l'acide vitriolique qui eft monte avec l'eau-forte on n'auroit pas cette rongeur. Pour la feconde experience, il faut diffoudre de l'or dans une eau re- gale faite d'elprit de nitre & de fel ammoniac. Lorfque la dilfolution eft rinie, on la verfe dans un petit alambic tubule, & Ton fait tomber de- dans peu a peu une petite quantite de fel ammoniac, comme de trente a quarante grains fur trois onces de diffolution , apres quoi Ton verfe fur le tout une once d'huile de vitriol goutte a goutte, parce qu'il fe fait une violente fermentation. Lorfqu'elle eft appaifee, on diftille atres-petit feu jufqu'a ce que la diftblution foit en conhftance de miel & paroiffe d'un beau rouge : on cohobe le diftblvant fur ce qui refte dans le vailfeau tubule , ce qu'on repete neuf on dix fois , en ajoutant a chaque fois bait ou dix grains de fel ammoniac bien pur. Si a la dixieme fois on conti- nue le feu, Tor fe fublime dans le chapiteau en panaches rouges comme le plus beau carmin. II faut empecher que l'air exterieur ne s'y intro- duife , car ces cryftaux fe reduifent tres-vite en un deliquium ou liqueur jaune, & quelques moyens que j'aie employes, je n'ai jamais pu relubli- mer cette liqueur jaune en cryftaux rouges fees , elle a toujours patle en liqueur jaune par le bee du chapiteau. Si je me fers d'une eau regale compofee d'efprit de nitre & d'efprit de fel, je parviens bien, en ajoutant l'huile de vitriol, & par des diftillations repetees , a faire paffer l'or par le bee du chapiteau , mais je ne puis ja- mais avoir la fublimation d'or rouge fans l'addition du fel ammoniac. II faut, pour que cette fublimation de l'or reLiffiU'e, fe fervir comme je l'ai dit, d'un alambic de verre dont la cucurbite & le chapiteau tubule aient ete fouftles d'une feule piece , & que le bouchon de verre qui ferme l'ouverture qui eft au haut du chapiteau, foit bien ajufte, fans quoi les cryftaux rouges fe diffolvent a mefure qu'ils fe fubliment. ^ Ces deux experiences prouvent bien que par l'addition du fel ammo- niac, on pent iublimer quelques metaux en rouge, mais elles ne UifnTent pas pour rendre raifon de la coloration ou teinture des vapeurs acides nitreufes ordinaires , qui n'ont dilTout ni plomb ni or. iqi A B R E G t DES M It MOIRES ■i 55SS II faut done que j'aie recours au fer pour repondre a cette objection que j'ai cru devoir prevenir. Lorlque Je mets de l'eau-forte un pen con- C 11 y w i r. centr(ie les matieres ctant ici plus conccntrees , - rep.mdi.nt beaucoup plus de fumee quand ellcs viennent a fentir l'humi- „ dite de fair , mais je reviens a mon lujet. Les moyens que je viens de propofer font bons , mais trop coiitcux Annie I'/^S. pour etre employes en grand , ce qui m'a engage a en chercher d'autres qui fuffent d'an ufage plus aife. Le fuivant eft de ce genre, & peut etre employe dans les plus grandes operations, je l'ai trouve un jour en eflayant une efpece de plomb , pour voir s'il pouvoit etre employe pour la cou- pelle , car m ctant apperc,u qu'il etoit allic detain , je m'avilai de jetter delftis de la limaille de fer, je donnai un bon feu, ce qui eft effentiel , & en pen de temps je vis mon plomb fe couvrir d'une elpece de nappe qui etoit formee par l'etain &; le fer ; alors il eft bon d'ajouter un peu d'alluli pour ficiliter la feparation de ces fcories d'avec le regule. On lent bien que cette pratique peut avoir fon application pour fcparer l'etain de l'argent , mais il eft neceti'aire avant que d'ajouter le fer , d'y meter du plomb, fans quoi la fonte ne fe feroit que ditricilement , & meme impar- faitement, parce que l'etain fe calcineroit , mais fans fe feparer de l'argent. Le moyen que je viens de propofer eft certainement tris-peu couteux , & tres aife 4 pratiquer , je n'en fache pas meme de mcilleur pour reme- dier aux accidens qui arrivent aux coupelles -, mais G Ton avoit de 1'or on de l'argent allies detain , je crois que le meilleur parti leroit de calci- ner vivement les metaux dans un creulet pour vitriner l'etain , & enfuite pour enlever ce verre d'etain , ou meme perfectionner fa vitrification , il iurh'roit de jetter dans le creulet un peu de verre de plomb, qui fur le champ emporteroit l'etain. Voila done plulieurs moyens qu'on pourra employer utilement pour firevenir les accidens qui arrivent tres-frequemment aux effais de coupel- es , dont , a la vcrite , les affineurs feroient a l'abri s'ils etoient plus atten- tifs a examiner le plomb qu'ils emploient. Mais avant que de finir ce memoire, il eft bon de remarquer qu'il eft tres-fingulier que le fer, qui eft de tous les metaux le plus difficile a fondre , fe joigne li facilement avec l£tainj qui eft preique un de ceux qui fe fond le plus aifement Nous appercevons tous les jours des rapports lingulicrs entre des matieres qui ne paroiffent pas en avoir , mais nous fommes bien eloignes de con- noitre ce qui les produit. Je hafarderai cependant une conjefture fur cette union , & pour cela je prie qu'on faffe attention qu'il n'y a point de mine d'etain qui ne con- tienne de l'arfenic , e'eft un fait tres-avere , & qui ne fouffre pas de difliculte ; d'ailleurs il eft fur que le fer fe joint affez facilement avec l'ar- fenic, ce qui fe prouve parcc qu'on l'emploie avec fucces pour emporter l'arfenic qui fe trouve niele avec d'autres metaux , & Ton peut meme for- mer on regule, a la verite tres-aigre, du melange de l'arfenic avec le fer. Maintenant, pour en venir a ma conjecture , je crois qu'on ne peut pas enlever entierement a letain tout l'arfenic auqucl il etoit uni dans fa mine, & que e'eft cette petite portion d'arienic qui facilite l'union de ces deux metaux. C H Y M I t. Annii 173J. i)Z ABREGE DES M £ M 0 I R E S NOUVELLE ENCRE SYMPATHIQUE, o u T E I N T U R E Extraite des mines de Bifmuth , d'Aqir £,' d'Arfenic. Hift. V_/ n appelle encres fympathiques celles dont on ecrit des caraclerei qui, d'abord invifibles parce qu'ils font de la couleur du papier, viennent & paroirre par l'addirion de quelque nouvelle matiere. II a femble que ces encres avoient quelque fympathie particuliere avec la matiere qui les rendoit vifibles, lors meme que ce n'etoit que le grand air 011 le feu. On entend deja par- la qu'il y a deux moyens de faire paroitre les ecritures invifibles, ou deux efpeces d'encres fympathiques. Unc matiere diffoute difparoit ordinairement dans fon diffolvant, quoique coloree par elle- meme, parce que ce diffolvant a beaucoup ecarte fes parties , fur-tout s'il eft en grande abondance •, & il eft fort poffible que le grand air le falfe evaporer, au moyen de quoi les parties qu'il tenoit en diffolution fe rapprocheront , & par-la reparoitront avec leur couleur. Le feu ferok encore cette aition plus puiffamment , & quoiqu'il femble quelle foit la meme de part & d'autre pour le fond , & feulement avec uri degre diffe- rent de force, cependant comme ces fortes d'operations font delicates, un petit changement de circonftances peut les changer , & telle encre qui ne fera point fympathique pour le feu, le fera peut-etre pour l'air bien que plus foible. Que des caracleres invifibles foient ecrits avec une matiere glutineufe, & qu'on jette deffus une poudro tres - fine coloree , il n'y aura pas grande merveille qu'ils la retiennent, & paroiffent tout d'un coup fous cette couleur. Mais il y aura un peu plus d'art a faire paroitre ces caracleres en les arrofant d'une liqueur nouvelle, ou feulement en leur en faifant recevoir la vapeur. II faut pour cela que les cara&eres ayant etc ecrits avec unc matiere qui a perdu fa couleur par etre diffoute, on trouve juftement le precipitant de ce qui l'a diffoute i car alors il eft fiir quelle fe revivifie, qu'elle renait , & fe remontre avec fa couleur. Le diffolvant la lui avoit otee , le precipitant la lui rend. Sur cela eft fonde un jeu d'encre fympathique qui a du furprendre quand il a ete nouveau , il etoit bien imagine pour ecrire avec plus de myftere & de furete. Sur une ecriture inviiible on met une ecriture vi- fible, dont fe contenteroient ceux qui auroient intercepte la lettre, mais celui qui aura le fecret, faura de quelle matiere il faut fe fervir pour y faire difparoitre l'ecriture vilible & fauffe , & faire paroitre l'invilible & vraie. II y aura une meme matiere qui fera le diffolvant de la vilible, & DE L'ACADtfMIE ROYALES DES SCIENCES. 199 le precipitant dc l'invilible. On voit que cela conlifte en uh certain rap- TZ^n^^n^T"? port bien precis & unique dune liqueur i deux autres. q h y M x De tout ce qui vient d'etre dit, il relulte qu'il y a quatre claffes d'en- cres fympathiques, felon les quatre differens moyens qu'on pcut employer Annie IJ$J. pour faire paroitre Iecriturc invilible, l'air, le feu, une poudre coloree, line liqueur on vapeur feulement. C'eft la tout ce qu'on iait jufqu'a pre- fent fur ce fttjet. Quand l'ecriture invilible a une fois paru par l'un de ces quatre moyens, clle ne difparoit plus , a moins qu'on ne verle deflus une liqueur nouvelle , qui falfe une feconde diliolution de la matiere precipitee. M. Hellot pro- pofc ici une encre fympathique d'une efpece difterentc, & qu'il jtigc propre a faire une cinquieme claffe. Apres avoir paru clle difparoit & reparoit enfuite de nouveau , tant que Ton veut, fans aucune addition, fans al- teration de couleur, & pendant an tres-long temps, li elle a etc faite d'une matiere bien conditionnee. C'eft en l'expofant au feu , & en Iui donnant un certain degre de cha- leur qu'on la fait paroitre , refroidie elle difparoit , & toujours ainfi de fuite. II faut que le feu metre en mouvement, &, par ce moyen , rap- proche des particules colorces, qui, dans leur repos , demeurent trop ecartees les lines des autres ; il faut de plus que ces particules foient affez fixes pour recommencer bien des fois le mime jeu fans s'evaporer. Peut- etre auffi le feu ne fait-il que les elever a la furface la plus exterieure des caracteres ecrits , apres quoi elles retombent dans l'interieur par la ceflation de ce mouvement •, li cela femble bien delicat & bien leger, il eft certain cependant que le pbenomene conlifte en quelque chofe de pareil. Cette encre n'a la lingularite de difparoitre apres avoir paru , que qiiand on ne fa expofee au feu que re temps qu'il falloit pour la faire paroitre, ou un peu plus •, fi on l'y tient trop long-temps , elle ne difpa- roit plus en fe refroidilfant , tout ce qui faifoit le jeu des alternatives d'apparition & de difparition a ere cnleve. Elle rentre done alors dans la clafle des encres fympathiques communes qui fe rapportent au feu. Elle petit audi rentrer ailement dans les trois autres clades. Elle fera de la clalfe qui fe rapporte a l'air, fi on la tient a l'air pendant quelques jours, fur-tout quand il fera humide, une longue action de fair vaudra quelques inftans de l'atrion du feu. Cette encre eft fufcc-ptible d'une pouffiere coloree, 8c enfin il y a une liqueur ou line vapeur qui agit fur elle. C'eft encore une lingularite que de pouvoir etre de toutes les claffes communes, quoiqu'elle foit par elle-meme d'une claffe linguliere. Quand elle eft dans fa perfection, elle eft d'un verd mele de bleu , d'une belle couleur de lilas. Alors cette couleur eft fixe, e'eft-a-dire, toujours la meme de quelque fens qu'on la regnrde, quelle que foit la polition de l'ccil par rapport a 1'objet & a la lumiere. Mais il y a des cas oil cette couleur eft changeante felon que l'ccil eft difTeremment pofe, tantot elle elt lilas fale, tantot feuille-morte. Et ce qui prouve que cela doit etre compte pour une imperfection , & non pour un agiement , c'eft que l'encre ico ABREGE D E S M E M O I R E S ■»t win i coiileur changeaute ne pourra paroitre ou difparoitre que quinze on „ feize fois, au -lieu que celle a couleur fixe foutiendra un bieu plus grand h m I E. nombre-. 393 des tranfaciions philofophiques , on trouve ub memoire du docteur Krieg , ou il dit que u le Smalt eft fait de cobolt ou cadmie >j naturelle ; que e'eft une pierre grife & brillante qu'on trouve en quan- •> tite dans les environs de Scheeneberg, & dans quelques autres endroits i> du Woigtland en Franconie •, que cette mine eft fouvent melee de >) marcaflite , & quelquefois de mine d'argent & de mine de cuivre •, que »j meme on y rencontre l'argent pur en forme de poils , mais que cela »> arrive rarement ; il decrit enfuite la maniere d'en feparer le fluor, >5 inutile par des moulins 1 pilons & par un courant d'eau ; la maniere »> de torrcfier ou rotir la partie pefante que l'eau n'a pas entrainee pour 'J en faire evaporer le foufre & l'arfenic. II donne la figure des four- »> neaux oil fe fait cette torrefaclion , & celle des tuyaux coudes des che- >j minees ou l'arfenic fe fublime & fe raffemble. Apres quoi on trouve » dans ce memoire , le procede de la vitrification de cette mine rotie , »> en Smalt , par lc moyen des cai'.loux calcines & de la potaffe qu'on »> mele avec elle : puis la figure des moulins a pilons , qui reduifent ce »j Smalt en poudre , connue ici foils le nom aA\ur, i> Tome VIII. Partie Francoije. Dd C M Y M I I. no ABRt G t DES M £ M 0 I R E S ! Sur quoi il faut obferver que la matiere colorante du cobolt , e'tant unie par le feu a la fritte , a difterens noms dans le pays , felon les dif- ferens etats de fa fonte. On l'appelle Safre , quand le melange de la mine Annie Z757. avec ^ fable & le fel alkali, commence a couler dans fon bain. On le retire quelquefois en cet etat de demi- fonte, pour le tranfporter en Hol- lander, oil l'on en acheve la vitrification & perfe&ionne la couleur, par des additions de matieres, qui font encore le fecret de la fabrique. On le nomme Smalt , quand le melange eft exa&ement vitrifie & dans un bain calme & lilfe. En cet etat , on le retire avec de grandes euillers pour le jetter dans l'eau, ou ce verre bleu fe refond , & en devient plus aife a pulverifer. Ce verre , e^ant reduit en poudre, prend le nom d'A{iir & poudrer , fi cette poudre eft encore un peu groffiere \ & celui d'A^uf fin ou d'Email , fi elle eft d'une grande finefle. On fait que cet email fert a peindre des fleurs & des compartimens bleus fur la finance & lur la porcelaine qu'on fabrique en Europe; mais on ne fait pas pent-etre, que depuis que les Chinois le fubftituent a l'azur naturel , qu'ils em- ployoient autrefois, le bleu de leur porcelaine moderne eft de beaucoHp inferieur au bleu de la porcelaine ancienne. Cette pierre d'azur naturel & mineral , fe nomine a la Chine Yao- Toufou , qui veiu dire Porce- lain* de Toufou. Elle ne vient point de Toufou , mais de Nankin^ chequian .- on en trouvoit auffi autrefois dans l'ifle de Hainan. Mais aujour- d'hui ces deux mines en fourniflent fi peu , & cette matiere eft par con— fequent devenue fi chere & ii rare, que les Chinois ne fe fervent plu» que de l'email ou azur en poudre fine que les Hollandois leur portent Je tiens cette obfervation d'un officier des vaifleaux de la compagnie des. Indes , dont on m'a communique la lettre avec un echanrillon de ct bel azur naturel. Au N°. 396, des memes tranfadtions philofophiques, M. Linck a donne line defcription un peu plus ample du cobolt qu'on travaille a Scheeneberg & a Anneberg. <« Cette mine, dit-il, d'un gris blanehatre , femblable » » quant a la couleur, a la mine blanche d'argent , quoiqu'un peu plus obf- n cure. Elle contient 1'arfenic blanc & line terre fixe entre-melee de veine* 3> d'tin caillou ou efpece de marbre blanc, que les Allemands appellent J) Quart^ quand il fe vitrifie , & Spatt quand il fe reduit en chaux » fans fe vitrifier. ( M. de Reaumur m'a donne un cobolt de Sainte- s> Marie- aux-Mines , a qui cette defcription peut convenir. ) Elle eft « auffi quelquefois unie a d'autres mines metalliques , ee que les ouvriers « connoiftent par des effais de vitrification. Si le cobolt eft pur , la ma- il tiere vitrifiee eft bleue. S'il eft mele de pyrites fulphureufes & ferru- j> gineufes , ce verre eft noir. S'il y a de la mine de cuivre , il eft roux. >j Si e'eft de la mine d'argent qui fe trouve unie dans le cobolt a la miner jj de cuivre , le verre en eft plus ou moins noiratre. j> Les memes ouvriers diftinguent aufli les differens degres de bonte « du cobolt en le diflblvant dans l'efprit de nitre : car fi fa diffolutkm » eft d'un jaune fonce & obfeur, il donnera de beau Smalt. Si elle eft- m rouge, e'eft uue marque que le cobolt contient du bifmuth,»» Y M 1 E. DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. in Cette obfervation rapportee par M. Linck , a iti confirmee par mes • experiences •, car la mine de Dauphine , venant des tcrres de M«- de _ Villeroy & de Tallard , & celle qu'on m'a vendue fous le nom de mine H de ^inc , m'ayant donne toutes les trois line impregnation d'un affc-z beau Annie 1737. rouge, m'ont fourni auiTi a l'effai de la fonte un fort beau bifmuth , ainli qu'on le verra dans la fuite de ce memoire. Mais je n'ai point eu de bilrnuth de la mine compacte de deux difterens cobolts de Sainte Marie-. aux-Mincs, ni de trois autres cobolts d'Allemagne que j'ai examines. U refulte auffi, tant des obfervations de l'auteur que des miennes, quo lecobolt, e'eft a-dirc, ce mineral duquel on tire la matiere colorante du Smalt, eft prefque toujours mele avec la mine de bifmuth : & dans ce cas il eft le plus proprc de rous ces mineraux a donner la belle teinture couleur de lilas , dont j'ai parlc dans la premiere partie de ce memoire. La poudre qui sen fepare, lorfqu'on diffout dans i'eau la concretion fa- line , provenant de 1'impregnation par l'eau-forte evaporee avec le fd marin , eft toujours d'un blanc parfait , parce que e'eft un magiftere de bifmuth que le fel commun a precipite. La poudre precipitee de meme d une concretion faline , provenant de l'impregnation du cobolt, qui ne tient point de bilrnuth , eft ordinaire- rnent fale & jaunatre. Mais outre ces differences, & quelques autres dont il fera parle , on peut diftinguer affez aifement ces deux mines par la fimple inlpedtion. Le cobolt fans bifmuth eft plus compa&e, plus plombe, moins brillant que la mine de bifmuth , qui eft beaucoup plus rare ou d'un melange plus lache. D'ailleurs celle-ci eft ftriee de ftries brillantes & metalliques arrangees fur difterens plans : ce qui fait que quand on tourne un mor- ceau de cette mine de divers fens au grand jour, tous ces plans de ftries reflechiffent la lumiere , non enfemble , mais fucceffivement : ils font , pour ainli dire , l'eftet de la gorge de pigeon. Cette mine de bifmuth, du moins les morceaux que J'ai examines, reffemblent un peu a ces mines de plomb qui tiennent beaucoup d'ar- gent ; mais celles-ci ne noircillent pas les doigts , au-lieu que la mine des bifmuths les falit. On trouve affcz fouvent la mine de bifmuth dans les environs des mines d'argent. Les ouvriers la regardent comme un indice allure de la richeffe de la mine. C'eft pour cette raifon qu'ils la nomment Argenti teclum. Des qu'ils rencontrent, en fouillant, une mine de bifmuth, ils difent qu'ils font venus trop tot, etant perfuades que fi on eiit attendu, ce qui n'eft encore que bifmuth feroit devenu argent. Ce font de ces opinions qui vraifemblablement ne font que populaiies, & qui, par con- fequent , ne meritent pas qu'on y faffe attention. Les metallurgiftes rotiuent cette mine de bifmuth , avant que de la fondre, pour en chaffer par un feu doux tout ce quelle contient de ful- phurcux & d'arfcnical. Si , fans cette precaution , ils expofoient la mine a tin ten violent , ces matieres volatiles emporteroient avec elles la partie mitallique qu'ils ont deflein de raiieinbler par la fonte. Ddij H Y M I E. in abr£g£ des memoires J'ai remarque atiffi qu'en fondant cette mine , metne apres quelle eft torrefiee, tout le bifmuth s'evapore en fumee, fi on le tient trop long- temps an feu. Ainli l'effai de cette mine n'eft pas facile a faire , quand Annie i"J7J. on ne veut r*en perdre des diflerentes matieres qui s'y trouvent rat-, femblees. J'ai examine, a la maniere des effayeurs des mines, les cobolts & Ies mines de bifmnth qui me font tombes entre les mains. J'ai employe en- fuite les moyens que j'ai cru convenables , pour connoitre de quelle na- ture etoit la relidence epargnee par les acides du nitre & du fel marin , mis fur ces mines pulverifees. J'ai tente la fublimation des precipites des teintures parfaites, reftes fur les filtres, parce que je croyois d'abord que ces precipites etoient de l'arienic. Enfin j'ai effaye de decompofer ces me- rries teintures pour avoir a part la matiere qui fert h les colorer. Je n'a- longerai point ce memoire du detail de beaucoup d'autres experiences qui ne m'ont pas reuffi; car comme la matiere qui fait mon objet, n'a d'autre merite que d'etre un peu curieufe , & que je ne crois pas qu'on foit fort tente de s'expofer a fes vapeurs arfenicales, je ne penfe pas non plus qu'il foit neceffaire de dire tout ce que j'ai imagine, peut-etre mal- Si-propos, pour h mieux connoitre. J'ai torrefie on roti d'abord a petit feu , le mineral qu'on m'avoit vendu pour mine de zinc, mais que j'avois lieu de croire une mine de bifmuth, puifque fon impregnation par l'eau- forte etoit d'un afTez beau rouge. J'en ai mis une once pulverifee dans un creufet large & plat au milieu d'un feu affez doux pour ne pas rougir le creufet. Les premieres fumees qui fe font elevees, avoient une odeur de foufre melee d'une odeur de bitume. Cette mine ne s'eft point embrafee a ce feu doux comme le cobolt qui s'y allume, ainfi qu'il fera dit. II s'eft evapore a ce premier feu un gro3 jufte de cette matiere fulphureufe la plus volatile de la mine , apres quoi elle a ceffe de fiimer. J'ai mis les fept gros qui reftoient dans un autre creufet neuf au milieu des charbons allumes dans un fourneau de fonte. La matiere y a fume beaucoup , & cette feconde fumee avoit l'odeur d'ail , & blanchiffoit le cuivre ', c'etoit de l'arfenic. J'ai pefe la matiere reftante, lorfqu'elle a ceffe de fumer, & quand elle a ete froide : j'en ai trouve C\x gros moins deux ou trois grains. J'ai mis ce refte dans un autre creufet, apres l'avoir mele avec poids egal de flux noir, & ayant cou- vert le creufet, j'ai donne un Don feu. En un quart-d'heure toute la gangue de cette mine s'eft vitrifiee avec la partie colorante a l'aide du fel alkali. J'ai retire le creufet du feu , & l'ayant caffe froid , j'ai trouve de3 fcories d'un beau bleu fonce, bien compares, fans foufflures, & au fond du creufet qui etoit en pointe, un culot de fort beau bifmuth qui pe- loit trois gros. Auffi cette mine contient rrois huitiemes de bifmuth, un huitieme de foufre bituminenx, un huitieme ou un peu plus d'arfenic, & environ trois huitiemes de fluor & de matiere colorante. Dans cet effai , mon objet etoit de raffembler tout le bifmuth , & de le londre vite, fans lc tenir trop long-temps au feu, de crainte qu'il ne DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, nj s'evaporat. J'avois mis pour cela fix gros de fondant •, mais e'en etoit trop — — par rapport a la quantite de fluor & de matiere colorante qui devoicnt ^ donncr Ie fmalt : audi je m'appcrcus le Iendemain que Ie verre ou les fcories bleues sctoient humeclees & prefque miles en deliquium a l'air. Je recommencai l'operation , & aprts avoir fait evaporer le foufrc bitu- mineux & l'arlenic, je ne mis avec les (vs. gros qui reftoient , qu'un gros 8c demi de fel de tartre. II me fallut deux heures de feu pour vitrifier la gangue, mais auffi je trouvai dans le creufet un fort beau fmalt , d'un bleu fonce , & qui ne s'humectc point a l'air. Quant au bifmuth , la plus grande partie s'en etoit evaporee pendant ce grand feu , puifque le culot raflembic fous le fmalt au fond du creufet ne pefoii pas tout- i- fait un gros. Ainfi, en fuivant les dofes de la premiere experience, & en fe fervant de flux noir, on peut par la meme operation, & fans addition de fable ou de cailloux calcines , retirer de cette mine & de toute mine fembla- ble, ce quelle peut fournir de fixe an feu, e'eft-a-dire, la partie metal- lique & la partie colorante. II eft vrai qu'une autre mine de biimuth , qui n'auroit pas tant de fluor, auroit befoiu d'une addition de matiere veri- fiable , comme (able lave ou pierre a fuiil calcinee. La mine de feu M. le Marechal de Villeroy , que j'ai traitee de meme , m'a donne par once jufqu'a trois gros quarante-huit grains de biimuth , & line fcorie bleue lemblable. Elle eft cependant un peu difFerente de la precedente, en ce quelle ne contient que tres-peu As fluor, & quand j'ai voulu en faire le fmalt , j'ai ete oblige d'y ajouter jufqua un gros de chaux de cailloux , parce qu'il falloit faire une fritte alfez abondante pour que la matiere colorante put s'y introduire & s'y etendre. Quand on rotit cette mine de Dauphine a petit feu , elle donne des fumees qui ont d'abord l'odeur pure de loufre fans melange de bitume , & enluite au meme feu doux des fumees d'arfenic, parce que cette mine ayant peu de gangue, l'arfenic y eft moins enveloppe que dans la precedente, &, par confequent, il s'echappe plus aifement. Les ftries & les points bril- lans & metalliques de cette mine font auili beaucoup plus nombreux & plus ferres que dans l'autre. Comme ce font ces mines qui m'ont donn^ , par rcau-forte, une im- pregnation d'une belle couleur rouge, & enfuite par le refte du procedc de l'encre fympathique, line teinture d'une belle couleur de Iilas, conf- tante, & qui ne change point dans quelque polition qu'on la regarde, on en doit conclure que pour faire l'encre fympathique, dont j'ai donne le precede , il faut preferer la mine qui rend du biimuth, au cobolt qui n'en donne pas , ainh qu'on va le voir. J'ai fait rotir dans un creufet, place comme Ie precedent, au milieu d'un feu doux, une once de cobolt, femblable, quant a l'exterieur, au cobolt de Sainte-Marie-aux-Mines, que M. de Reaumur m'avoit donne : il etoit fans (tries, compacte, plombe & affez plein de fluor ou de gangue. Les premieres fumees ont ete iulphureufes & arfenicales. Cette mine s'embrafe & briile k ce petit feu , ce que ne font pas les mines ftrices de biimuth , m i >. Annie 173J. ti+ ABREGE DES MiMOIRES *M"M" comme je l'ai fait remarquer plus haut. A plus grand feu elle continue C h y m i e. ^e ^Umer beaucouP > & perd en arfenic eVapore jufqu'a trois gros cin- quante-quatre grains de ion poids , ce qui eft prcs de la moitie. Anwfe 17$J- Si Ton verfe de l'eau-forte fur cette mine , quand elle eft a demi-rotie, il fe fait line fermentation violente , & l'acide nitreux en tire une tein- ture verte , an-lieu que le meine difTolvant fe colore toujours en rouge fur la mine de bifmuth , foir qu'elle foit rotie ou quelle ne le foit pas. De plus l'eau-forte qu'on verfe fur ces deux differentes mines , l'une & l'autre torr^fiees jufqu'a cefTation des fumees fulphureuies, en epargne une matiere qui refte en poudre au fond des matras ; parfaitement blanche dans celui qui contient la mine de bifmuth ; brune & prefque noire dans celui ou Ton a mis le cobolt. C'eft encore un moyen de diftinguer ces deux mines. J'ai pris quatre gros de ce cobolt roti, & qui , en cet etat, etoit pref- que noir , & l'ayant reduit en poudre fine , je l'ai mele avec poids egal de flux noir pour en reduire le bifmuth s'il en eut contenu , mais je n'en ai pas trouve un atome. A la place du bifmuth , j'ai appercu dans les fcories quelques grains de cuivre parfemes. J'ai repete l'experience avec quatre gros de la mcme mine preparee , & je n'y ai mis qu'un gros de fel de tartre fans y ajouter de matiere vitri- fiable, parce qu'il y avoit affez de fluor dans ce cobolt : un feu fort violent la vitrifie en une maffe couleur de cafe tres-brule , ayant des foufrlures colorees d'une teinte cuivreufe , & quelques petits grains de cuivre qu'on n'appercoit, a la verite, qu'avec la loupe. Sans ce melange de cuivre , j'aurois eu un Smalt ou verre bleu, comme m'en a donne l'autre cobolt de Sainte-Marie- aux-Mines , que je tenois de M. de Reaumur. C'eft fans doute a cette portion de cuivre qu'il faut at- tribuer la couleur verte que prend l'eau-forte qu'on met en digeftion fur cette mine a demi-rotie , car quand elle eft rotie a l'extreme , & qu'on l'a tenue long-temps rouge dans le creufet, alors ce difTolvant prend deffus une couleur incarnate affez belle , parce que la partie cuivreufe etant calcinee , l'acide ne peut plus la diffoudre. II y a encore d'autres moyens de demontrer cette partie cuivreufe , j'en parlerai dans l'article des preoipitans. Dans cette experience la couleur verte que prend l'eau-forte fur ce cobolt , etoit un indice de la prefence du cuivre. Tout autre , aufli-bien que moi, l'auroit pris pour une preuve certaine; e'en eft cependant une bien douteufe. M. de Brou, intendant d'Alface, a envoye depuis peu a M, le Controleur-general cinq ou fix morceaux d'un cobolt de Sainte- Marie-aux-Mines , qui n'eft pas le mcme que celui de M. de Reaumur, quoiqu'a la vue il paroiffe affez femblable. Ce dernier arrive donne a l'eau-forte, fans etre roti, line belle couleur d'emeraude, & il sen eft precipite un fediment de la couleur de l'orpiment broye. Cette impregna^ tion aj'ant ete congelee avec le fel marin , eft devemie d'un verd fonce au feu, & a feulement pali a Tair froid fans prendre la couleur de rofe. L'eau que j'ai verfee deffus pour diffoudre; le lei > au-lieu de devenir DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. 115 couleur de lilas, belle 011 fale, a pris tine couleur verte-bleuatre , Sc i' «— — — — s'eft depofe au fond du vaifieau line plus grandc quantite de fedimcnt que de cobolt ordinaire •■, celui ci eft bleuatre , & je n'en ai pu ricn reduirc r* .** Y ** * h de metallique. La teinture bleue ne fait point fur le papier 1'effet de Annie 1797, l'encre fympathique, qui paroit & dilparoit, aufii ne contiuit-elle prefquc pas de maticre colorante. En rotiffant ce cobolt a feu denx comme les autres, il s'allume un peu, fume bcaucoup , & pcrd en arfenic qui s'evapore , deux gros quarante- lix grains par once : en le traitant par la fonte avec le flux noir , j'ai eu de cent grains, quarante-dcux grains d'un metal anonyme, aigre & caf- iant , a grains fins , qui reffemble dans fa caffure a line regulc de fer & d'arfenic. Ni ce metal , ni les precipites de la teinture ne donnent a l'ef- prit volatil de fel ammoniac aucune teinture bleue, la noix de galle ne change fa couleur ni en violet ni en noir. Ces epreuves , quant a pre- fent, fuffifent pour prouver que dans ce cobolt il n'y a point de cuivre, quoique 1'eau-forte s'y teigne en verd , & qu'ainli cette couleur peut venir d'une autre caule que du cuivre. Elles prouvent aufii qu'il n'y a point de fer dans cette teinture , puifque la noix de galle ne la change pas meme de couleur. Le culot de metal reduit de ce cobolt , n'eft pas non plus du bifmuth ; j'en donnerai la preuve une autre fois. De tous mes efTais, on peut deduire une methode alfez fure d'examiner ces fortes de mines , en iiippofant que toutes les mines de bilmuth Sc d'azur reifemblent a celles fur qui j'ai travaille. Mais comme je ne les at pas rafiemblees toutes, & que je fais qu'il y en a une grande quantite de diffcrentes efpeces, je ne pretends pas avancer que cette methode foit ge- nerale : peut-etre faudra-t-il d'autres redudtifs pour d'autres mines de cette efpece, que je ne connois pas. On fait, par exemple, que toutes les mines de plomb ne s'effaient pas par le meme redu&if : dans quelques- unes , il faut employer le fer, dans d'autres, la chaux, Sec II eft queftion prefentement de la decompolition des teintures ou de l'encre fympathique toute faite. Je l'ai tentee d'abord de la maniere qui fuit , parce que je ne voulois pas y rien ajouter d'etranger. Si par ce moyen je n'ai pu parvenir a la decolorer , j'ai reuili du moins a la reo- dre d'une bicn plus belle couleur. J'ai fait evaporer dix onces de cette liqueur couleur de lilas Jufqii"i fee , le fel eft devenu verd a l'ordinaire etant chaud , & couleur de rofe en refroidilfant. Je l'ai rediflout dans neuf onces d'eau , il s'eft fait un precipite blanc fort conliderable que j'ai mis a part. Lean a paru chargee d'une teinture couleur de rofe beaucoup phis vive & plus belle quelle ne 1'etoit avant cette precipitation. Aprcs avoir filtre cette belle teinture , je l'ai eVaporee une feconde fois : aufli-tot que la liqueur fa- line a commence a fe concentrer, ce llrop falin qui a la premiere eva- E oration etoit verd demeraude , a pris cette fois-ci une couleur vio- tte , & en approcharrt de la cosgulation , il a pafle au bleu turquin. J'ai repetc encore fix fois ces folutions , filtrations & coagulations , mais je n'ai point eu de verd depuis la feparation du premier precipite blanc : m» lls.s'allument a l'air , loit qu'on les jette dans un vaifleau fee, ou » qu'on les mette fur un morceau de papier. Si on les trempe dans ■>■> l'elprit de vin , & qu'on les en retire fur le champ , ils ne s'en- »j flamme'nt plus a l'air •, ils fument un peu & pendant tres-peu de >> temps , & ne fe condiment prelque point. Il en a laiffe pendant 55 quinze jours dans line cuiller fans qu'ils aient paru diminues de volu- 55 me -, mais li Ton chauffe Un peu la cuiller , ils s'enflamment comme »> le feroit le phofphore avant la folution & fa cryftallilation dans une » huile effentielle. 55 En i-'ifi, M. GrofTe examinoit un de ces cryftaux de phofphore qu'il avoit mis dans une cuiller pleine d'eau. Le ciel etoit couvert alors dune nuee d'orage dont il partit un eclair qui allnrua ce pholphore au milieu de l'eau : la flamme rouloit particulieiement lur les bords , & le feul fouftle de la bouche la fit difparoitre. Le phofphore de Kunclcel fe diffout auffi dans I'huile de petrol, 8c rreme dans les huiles par expreffion , ttlles que I'huile d'amande douce , I'huile d'a-illet , &x. pourvu qu'on aide la folution par la chaleur du bain marie. Alors ces huiles communes deviennent auffi lumineufes que les huiles eflenticlles. Nous ne rapporterons rien de cette multitude d'autrcs experiences dont ce phofphore eft le principal inftrument. Elles font fulfilammcnt connues des phyiiciens. II nous fufHt d'avoir indique les principaux carac- teres qui le diftinguent des autres phofphores dont nous avons parlc. II eft temps de palfer au procede. Nous allons le decrire avec des circonl- tanccs li detaillees , qu'il fera impoffible de ne pas reuffir, pourvu qu'on le Icrve de vaiffeaux qui puiffent rtlifter au feu violent de l'operation. On fait evaporer cinq ou fix nuiids d'urine : il n'importe que ce foit de l'urine de perfonnes buvant dc la biere ou du vin , pourvu quelle C H Y M 214 ABRECE DES MEMOIRES 1 ait fermente au moins cinq ou fix jours. Celle que nous avons employee venoit des corridors de l'hotel royal des invalides , ou les foldats boivent pen de l'une ou de l'autre de ces deux liqueurs. Ar.nfc J737i ^' ^'ult cllie Par l*^vaPol'ati°'i 3 " l'urine (bit reduite en unc matiere gru- meleufe, dure, noire, & a peu pies femblable a de la luie de cheminee. Cinq muids de l'urine des invalides nous ont laiflc environ trente-huit livres de cette matiere dure &c caffante. Pour faire cette evaporation un peu vite, on conftruit un, fourneau de briques , compofe d'un cendrier & d'un foyer, fepares a l'ordinaire par line grille pour y faire un feu de flamme avec du cotret, du bois pelart, ou autre bois fee : au moven de cette grille la braife du bois fe con- fume , ce qui n'arriveroit pas fi le bois etoit a plat fur le fol du fourneau , car alors elle y noircit , & le feu s'eteint. it faut donner huit a neuf polices de hauteur au cendrier, placer lur les parois les barres de la grille, & y elever un foyer de douze pouces , puis ajufter deffus line grande marmite ou chaudiere de fer de la capacite de quatre ou cinq leaux : on 1'entourera de briques eloignees d'elle par le bas d'un bon pouce , as de chene , parce qu'il petille auffi. On hume&e le tout avec une demi- ivre d'eau , en maniant bien le melange & le roulant entre les mains, puis on le fait entrer dans la cornue avec des precautions pour n'en pas falir le col. (a) Voyez a la fin de ce mimoire I'oLfervation que i'aioute fur les diffeVens fell cju'oo trouve chrs cette leffive. Tome VUL Fame Fran;oife. F f i4« ABREGE DES MEMOIRES i ii Avant que de placer la cornue dans le fourneau , il eft bon de faire „ un effai du melange precedent pour voir s'il y a efperance de reuffir. On H 1 M I E. en met envjron une once jans un petjt crellfet . on Je chauffe jufqu'a le Anne'e IJ27' rol,g'r# ^e melange, apres avoir fume, doit fe refendre, fans fe gonfler, fans meme s'elever. II en fort des ondulations de flammes blanches & bleuatres qui s'elevent avec rapidite. C'eft la le premier phofphore -, c'eft celui qui fera tout le danger de I'operation. Quand ces premieres flammes font paffees , il faut augmenter l'ardeur de la matiere en mettant fur le creufet un gros charbon allume. On voit alors le fecond phofphore; c'eft line vapeur lumineufe , tranquille, couvrant toute la fuperficie de la ma- tiere, & de couleur tirant fur le violet. Elie dure fort long-temps, & re- pand une odeur d'ail, qui eft l'odeur dillindlive du phofphore de Kunc- kel. Les autres phofphores en poudre ont une odeur de foufre ou d'he- par Jhlphuris. Lorique toute cette vapeur lumineufe eft diffipee , il faut verfer la ma- tiere embrafee du creufet iur une plaque de fer. S'il ne fe trouve aucune goutte de fel en fulion, & qu'au contraire tout fe reduife en poudre, c'eft une marque que la matiere a ete fuffifamment leffivee, & quelle ne con- tient de fel fixe , ou , fi Ton veut , de fel marin , que ce qu'il lui en faut. Si Ton trouve fur la plaque quelques gouttes de iel fige, c'eft qu'il eft • trop refte de fel ; & I'operation court rilque de ne pas reuffir , parce que la cornue fera rongee & percee par ce fel furabondant. En ce cas il fau- dra leffiver de nouveau le melange , puis le deffecher fuffifamment. J'ai dit ci-devant que la matiere ne devoit pas fe gonfler dans le creu- fet, & j'ajoute que fi elie fe bourfouffle, elle ne donnera pas de phof- phore. Nous avions evapore pour notre premiere experience pres de deux muids d'urine dans lefquelles il y en avoit huit ou neuf feaux d'une urine putrefiee, prife chez les teinturiers, & nous avons fu depuisqu'ils y met- toient de l'alun. La matiere reftee feche de cette evaporation , fe gonfla dans le creufet d'epreuve , de la hauteur de pres de deux pouces ; elle ne donna point de vapeurs lumineufes , & a la place de l'odeur d'ail , on recon- nut une odeur confiife d'efprit de fel : depuis que nous avons fu quel etoit l'obftacle qui avoit pu nous empecher de reuffir, j'ai humecte avec de 1'eau chargee d'alun , de la matiere preparee , qui avant cette addition ne fe gonfloit pas, & rendoit des vapeurs lumineufes : l'eau d'alun l'a ren- due inutile comme celle dont j'ai parle ci-deffus : elle s'eftgonflee, s'eft calcince , & prefque tout l'acide du fel s'en eft evapore, chaffe fans doute par l'acide de l'alun , ainli que cela arrive quand on diftille l'eiprit de fel , du fel commun mele avec ce fel vitriolique. Le choix des cornues eft encore eflentiel an fucces de I'operation. Les cornues de gres qu'on vend a Paris, ne peuvent relifter ail grand feu ds notre fourneau : routes celles que nous avons employees fe font felees mal- gre le kit qui les defendoit. Nous en avons fait faire par nos fournaliftes de Paris , qui n'ont pas mieux reuffi. II a fallu en faire venir de Hefle- CaiTel , ou Ton fait la plus grande partie des creufets qui nous viennent d'AUemagne. Celles-ci ont relifte a la diftillation de l'huile glaciale dc DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. n7 vitriol , qui a dure- quatre jours & quatre nuits , & a I'operation du phof- ^m — *— *SS5 phore. Jufqu'a prelent nous n'en connoiffons point d'autres avec lefquelles C h y m i e. on puifle elperer de reuffir. Quant au fourneau, il doit etre tel que dans an efpace affez petit il Annie IJ1J. puill'e donner autant & plus de chaleur qu'un four de verrerie, fur-tout pendant les fept ou huit dcrnieres heures de I'operation. Ce fourneau doit avoir en tout deux pieds dix pouccs de haut : lavoir, deux ponces pour le fol ou planchcr du cendrier, dix pouces pour fa hauteur. Sur les qua- trc murs de ce cendrier, larges chacun de huit a neuf pouces, on placera horizontalement fix bancs de fer de fix lignes d'epaiffeur, entre chacune defquelles on laiffera le paflage libre du doigt. Eniuite on formera quarre- inent le bas des murs du foyer dont chaque cote s'ecartera un pcu en gla- cis jufqu'a la hauteur de quatre pouces, ce qui lui donnera neuf pouces de large. A cette hauteur de quatre pouces on formera a la face anterieure du fourneau , & au-delTus de la porte du cendrier , une gorge ou plinte de deux pouces & demi de faillie, pour faire couler & ranger de cote\ *me brique reduite a quatre pouces de .longueur qui fermera la porte dc ce foyer. De!a il refulte que le charbon jette par cette porte , tombera dans un baffin quarre de quatre pouces de profondeur. Au-deffus de ce baffin quarre il taut commencer a arrondir le fourneau, toujours en elargiffant un peu le mur qui doit etre vis-a-vis le fond de la cornue, afin qu'il puiife 1'cmbraffer par une Hgne circulaire a peu pres concentrique a la cormie , & former en s'elevant , line efpece de vouffure qui ne laiffe de tous cotes que deux pouces de diftance entre la cornue dr. les parois du fourneau, d'oii Ton concoit qu'il faut avoir les cornues avant que de conf- truire le fourneau. Cette vouffure fe retrecira un pen au-deffus de la cor- nue pour forcer la flamme a la mieux envelopper de tous cotes. Enfin ce foyer doit avoir, depuis la gille jufqu'a la platte-forme evuidee qui le ter- mine, environ dix-huit pouces fix lignes de haut, e'eft-a-dire , huit a neuf souces depuis la grille jufqu'aux deux barres de fer qui doivent foutenir a cornue, & le refte pour la capacitc de cette cornue. Ces deux barres de fer doivent avoir au moins douze a quatorze lignes en quarre ; plus foibles , elles pourroient fe plier par le poids de la cornue pendant la grande ardeur du feu. II eft bon auffi qu'elles entrent a I'aife dans les trous quarres qui les recoivent, afin qu'on puiffc leur en lubft'tuer d'autres lorf- qu'elles font trop calcinees , fans etre oblige de demonter le fourneau. Lorf- que ce fourneau fera conftruit , on l'enduira en dedans & en dehors d'uri lut compofe de terre a four detrempee & bien melee avec du creufet d'Al- lemagne pile & un pcu de bourre. Ce fourneau etant bien fee , on y place la cornue de telle for- te , qu'il y ait deux pouces de jeu tout autour , meme autour du re- treciflement oii commence le col de ce vaiffeau , car il faut que la. flamme frappe cette partie de la cornue ; enfuite on ganiit de mor- ceaux de brique & de lut l'echancrure du fourneau refervee pour pla- cer ce col, qui ne doit demeurer incline que fous un angle de foixante degr£s. Ff ij I n8 ABREGE DES MEMOIRES — ggsgWgg On place en travers de I'ouverture qu'on a laiffee a la plate - forme " da fourneau pour y faire entrer la cornue , une barre de fer de l'e- C h y m i e. pai(]-eur ,je douze a quatorze ligncs. Entre le deffous de cette barre & Annie 17 37 > 'e deltas ^e 'a cornue , il ne doit y avoir qu'un pouce & demi d'ef- pace. On appuie fur cette barre , par une de leurs extremites , trois briques d'uii cote & trois briques de l'autre : ces briques doivent etre elevees d'un doigt par leur autre extranite au-deiTus de la plate-forme , afin qu'clles puiffent former tin toit prelque plat , qui ne (oit que de deux polices & demi au-deffus de la voiite ou hemifphere fuperieur de la cornue. On ferme avec des maffes de hit faupoudrees de fable, tous les vuides qui fe trouvent entre le deffous des briques du toit & la plate- forme du fourneau. Le fable dont on faupoudre le lut , empeche qu'il n'adhere trop au fourneau & aux briques , parce qu'il faudra le retirer pour donner paffage a la damme quand il fera temps de pouffer le feu a l'extreme. On eleve auffi fur le bord du fourneau du cote du ballon , un petit mur de fept ou huit pouces de haut pour empechcr que la "flamme, qui fort rapidement de deffous les briques du toit ou reverbere, ne fe rabatte fur ce vaiffeau de verre : de plus ce petit mur empeche que le ballon ne foit trop eclaire, & il eft neceffaire de le tenir dans im lieu obfcur , afin qu'on puiffe mieux voir les vapeurs lumineufes qui doi- vent circuler dedans. La cornue etant placee, on y adapte un grand ballon rempli d'eau au tiers. On en ferme exadtement les jointures avec un hit gras fait de terre a pipe crue & d'huile graffe des peintres ; on le recouvre d'un lilt ordi- naire hume&e avec line folution de colle-forte. On bouche, comme on la dit, toutes les ouvertures fuperieures du fourneau, & on laiffe fecher les luts pendant trois ou quatre jours. Si pendant l'operation le bourlet de lut qui recouvre 1'uniou des deux vaiffeaux, venoit a fe refendre , il faut avoir tout pret du hit detrempe avec de l'eau de colle , & en mettre fur les gercures avec une groffe broffe de peintre, parce qu'il ne faut pas que cet endroit de la jointure des deux vaiffeaux ait la plus petite ouvcr- ture : on en va voir la raifon. Si l'air qui fe rarefie a l'extreme pendant l'operation, ne trouvoit pas de temps en temps line iflue , les vaiffeaux fe briferoient en mille mor- ceaux. Si pour lui conferver cette iffue, on mettoit entre les jointures 'du ballon & du col de la cornue un petit bout de tube de thermometre, comme le font plulieurs chymiftes dans d'autres operations, le phofphore, fur -tout le premier qui eft volatil , chercheroit a s'echapper par ce tube •, & comme cet endroit eft extremement cfaaod , il s'y allumeroit , s'y briileroit en pure perte •, de plus il mettroit le feu au fecond phof- phore , ce qui feroit encore biifer les vaiffeaux avec beaucoup de rifque pour les a/Tiftans. Cependmt cette iffue pour l'air eft abfolument neceffaire , fans elle on ne pent raiftir. C'eft, pour ainfi dire, tout le fecret de l'operation,. dont aucun chymifte n'a parle en decrivant le phofphore. Mais il faut la placer de telle forte que le phofphore foit oblige de circuler un peu fur DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 219 Teau du ballon avant que de la rencontrer. Pour cela on fait a ce vaifleau — ^— — — un petit trou d'une ligne de diametre dans fa partie la plus enflee , & r Ton place ce ballon de telle maniere que le petit trou fe trouve a quatre H Y M l E on cinq pouas leulement aii-delfus de l'eau. Annd 17 vr. Pour faire ce petit trou fans rifquer de cafler le ballon , j'ai (nude au bout d'un hi de fer de la grofleur d*une plume a ecrire, un morccau de cuivre rouge de trois a quatre lignes de diametre & long de iTx lignes, j'ai diminue a l'extremite de ce morceau de cuivre une longueur de trois lignes, j'ai acheve de l'arrondir fur le tour jufqii'a le reduire a un cylin- • drc de trois quarts de ligne de diametre. J'avois fait a fon extremite un petit trou diiige fuivant fon axe , & profond d'une ligne & demie. Cette efpece de foret creux avoit huit pouces de long. J'ai arrete .1 fon autre extremite un cuivrot comme en out tous les forets des horlogeurs. Cet outil etant prepare, j'ai colle iur la partie du ballon que je voulois per- cer , un petit morceau de cuir de ve.m , au milieu duquel il y avoit an trou de la grolfeur de mon foret. J'ai empli ce petit trou deineri en poudre , humecte d'hulle, j'y ai place le foret que j'ai rait toumer rapi- dement avec un petit archet leger de baleine , garni d'une corde de luth. On voit atfez que je creufe l'extremite du foret pour y retenir l'emeri , & afin que cet outil fade Tenet d'un emporte-piece ; pour pen qu'il fut conique, il agiroit comme le coin, & caueroit le vaifleau. Je mets un cuir perce d'un trou , parce qu'il empeche le foret de glilTer , & retient l'emeri d'ont j'ai befoin pour uler le verre. On bouche ce trou du ballon avec un petit brin de bouleau qui puifle y entrer fort a l'aife, & oil il y ait un nocud pour l'emp^cher de tomber dedans. On le retire de temps en temps pour prefenter la main a ce petit trou, & voir Ii Tair rarefie par la chaleur de la cornue fort trop rapide- ment ou pas alfez. Si le dard d'air de cet eolipile eft trop fort, & fort avec flftlement, on ferme entiercment la porte du rendrier pour ralentir le feu : s'il ne fiappe pas affez vivement la main , on ouvre davantage cette porte , & l'on met de grands charbons dins le foyer pour ranimer le feu par une flanime fubite. En un mot, le feu etant b.'en conduit, l'opcration reuflit fans rifque , & ce n'eft que par le moyen du petit trou qu'on peut efperer de le bien conduire. L'operation du phofphore cure ordinairement vingt-quatre heures, & voici les lignes qui annoncent quelle riullira li la cornue peut refiner au feu. Nous rayons toujours commencec a deux heures du matin , en met- tant du charbon noir dans le cendrier, £z un peu de charbon allume a la Jiorte afin dechauffer la cornue tres-lentement : quand il eft allume, on e poufle dans le cendrier, & Ton en ferme la porte avec une tuile. Cette chaleur modcree acheve de fecher le fourneau & ies luts, & £ut diftiller le flegme du melange. A lis heures nous mettons du charbon fur la grille du foyer , le feu de def- fous Tallume peu a peu. A ce fecond feu approche de la cornue, le ballon s'echaiifFe & fe remplit de vapeurs blanches qui out une odeur d'huilq fctide. C H Y M I E. 2Jo ABR £ G i D E S M E M 0 I R E S ■ Vers les dix heures, ce vaiffeau fe refroidit & s'eclaircit. Alors il faut ouvrir d'un pouce la pone da cendrier, mettre du charbon dans Je foyer de trois minutes en trois minutes, & en fermer a chaque fois la porte Annie nil- Pour 4ue ^'a'r ^t0i^ <*e dehors ne frappe pas le fond de la cornue, ce qui la feroit feler. A midi ou environ , le ballon commence a fe tapiffer d'un fel volatil qui ne pent etre chaffe que par un tres-grand feu. II paroitroit diflerent du fel volatil ordinaire de l'urine , puifcju'il ne vient qu'apres la diftilla- tion de l'huile fetide : cependant, en faifant l'examen des fels de l'urine, dont il fera parle a la fin de ce memoire , je l'ai fublime a fort petit feu. II fairt prendre garde que ce fel concret ne bouche le petit trou du bal- lon ," parce que ce vaiffeau fe briferoit , la cornue etant rouge alors , & l'air par consequent trcs-rarefie. Ce fel a une odeur affez forte d'amandes de noyaux de peche. L'eau du ballon qui s'echauffe par le voiiinage du fourneau , fournit des vapeurs qui diffolvent ce fel rarefie , & le ballon s'eclaircit une demi-heure apres que fa diftillation a ceffe. Vers les trois heures apres midi le ballon fe remplit de nouvelles va- {>eurs , qui ont l'odeur d'un lei ammoniac qu'on bnileroit adluellement fur e charbon. Elles fe condenfent aux parois de ce vaiffeau en un fel qui n'eft plus ramefie, mais forme en longues (tries perpendiculaires , que les vapeurs dc l'eau du ballon ne diffolvent point. Ces vapeurs blanches font les avant-coureurs du phofphore, & vers la fin de leur diftillation elles perdent leur premier odeur de fel ammoniac & prennent l'odeur d'ail. Comme elles fortent avec beaucoup de rapidite , il faut deboucher fouvent le petit trou pour voir s'il ne fiffle point trop fort, car en ce cas il faudroit refermer entierement la porte du cendrier. Ces vapeurs blanches durent environ deux heures. Quand on reconnoit qu'elles ont ceffe , on derange un peu les maffes de lut qui fervoient a boucher les re- giftres du haut du fourneau, pour donner quelque iffue a la flamme. On entretient le feu dans cet etat moyen jufqu'a ce que le premier phof- phore volatil commence a venir. C'eft vers les fix heures du foir ou un peu plus qu'il paroit Pour le favoir, on retire de minute en minute le petit brin de bouleau & on le frotte contre un endroit echaufte du fourneau , oil il laiffera un trait de lumiere s'il eft enduit de phofphore. Peu de temps apres qu'on a reconnu ce figne , on voit fortir par le petit trou du ballon un dard de lumiere bleuatre qui dure plus ou moins alonge jufqu'a la fin de l'operation. Ce dard ou jet de lumiere ne brule point i qu'on y tienne L doigt vingt ou trente fecondes, il fe charge de cette lumiere , & fi Ton en frotte la main , il Ten enduit & la rend lumineufe.' Mais de temps en temps cc jet s'alonge jufqu'a fept ou huit pouces avec decrepitation <1 etincdles, alors il brule les corps combuftibles qu'on lui prcienLi.. Quand ccla anive, il faut conduire le feu avec beaucoup d'attention , ferrtv." eaiiereuient la porte du cendrier , fans difcontinuet cependant de mettre du charbon dans le foyer de deux minutes en deux minutes. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, ijt Ce phofphore volatil dine deux heurcs, au bout defquelles le petit jet — ■■■Mgjg de lumiere fe r.iccourcit a une ligne ou deux. Cell alors qu'il faut poul- ~ fer le feu a l'extrcme , ouvrir la porte du cendrier, y mcttre du bois , deboucher tous les regiftres du revcrbere, mettre de grands charbons dans Annd 1737 le foyer de minute en minute. En un mot, il faut que pendant lix a fept heurcs tout le dedans du fourneau foit blanc, & qu'on ne puiffe y dil- tinguer la cornue. Pendant ce feu extreme , le veritable phofphore diftille comme une huile ou comme une cire fondue-, une partie eft foutenue par l'eau du recipient, l'autre s'y precipite. Enfin on s'appercoit que l'operation eft finie, quand la partie fuperieure du ballon ou le phofphore volatil s'eft con- denfe en une pellicule noiratre , commence a rougir •, e'eft une marque qu'a l'endroit de cette tache rouge le phofphore eft brule. II faut alors boucher tous les regiftres , & fermer toutes les portes du fourneau pour ^toufter le feu, puis boucher le petit trou du ballon avec du lut gras ou de la cire. On hide le tout en cet etat pendant deux jours , parce qu'il ne faut pas demonter les vaiileaux qu'ils ne foient parfaitement refroidis , de crainte que le phofphore ne s'allume. Audi-tot que le feu eft eteint , le ballon qui fe trouve alors dans l'obf- curite, offre un fpectacle affez agreable : toute la partie vuide de ce vaif- feau qui eft au-defTus de l'eau , paroit remplie d'une belle lumiere bleue qui dure pendant fept ou huit heurcs, ou tant que ce vailTeau eft chaud, & qui ne difparoit entitlement que quand il eft refroidi. Le fourneau etant parfaitement froid , on demonte les vaiffeaux en hu- mecrant le bourlet de lut qui entoure leurs cols avec un lingc mouille-, on les fepare Pun de l'autre le plus proprement qu'il eft poffible •, on en- leve avec un linge toute la matiere noire qu'on trouve a I'entree du col du ballon, car li cette falete fe meloit avec le phofphore, elle empeche- roit, qu'il ne devint bien tranfparent dans le moule. II faut que cela fe faffe vite : apres quoi on verfe deux ou trois pintcs d'eau froide dans le ballon pour accelerer la precipitation du phofphore qui eft foutenu fur l'eau. On agite enfuite l'eau du ballon pour detacher tout le phofphore qui feroit adherent aux parois , puis on verfe toute cette eau agitee & trouble dans line terrine bien nette ou on la laiffe s'eclaircir. On decante enfuite cette premiere eau inutile, & l'on'verfe de l'eau bouillante fur le lediment noiratre, refte au fond de la terrine, pour fond/e le phof- phore. II s'unit alors avec la matiere fuligineufe ou phofphore*' volatil qui s'eft precipite avec lui , & il fe met en une maffe coulcur d'ardoife. Quand cette eau , dans laquelle le phofphore s'eft fondu , eft fuffilamment refroi- die, en le jette dans l'eau froide, on l'y calfe en petits morceaux pour k mouler. Je fuppofe qu'auparavant on a choifi un matras dont le long col foit Un peu plus gros ou plus large vers !a boule qu'a fon autre extrimite ; qu'on a coupe la moitie de cette boule ou globe pour en former un en- tonnoir , & qu'on a bouche d'un bouchon de liege le bout etroit de ce col. Ce premier moule etant ainii prepare , on le plonge de toute fa longueur t. 15i ABREGE DES MEMOIRES ■ dans an vaifleau plein d'eau bouillante, & on l'eniplit de cette eau". On jette dans cet entonnoir les petits morceaux de la maffe ardoifee, qui fe C ii y M i e. fon(jent de nouveau dans cette eau chaude, & fe precipitent tout fondus Annie iff. au kas du col on tube. On agite cette matiere fondue avec un fil de fer, "'' ' pour aider le phofphore a fe fcparer de la matiere fuligineufe qui le falif- foit , & qui etant moins pefante que lui , prend peu a peu le deffus du cylindre. On entretient l'eau du vaifleau dans fa premiere chaleur, jufqu'a ce qu'en retirant le tube, on voie le phofphore net & tranfparent, alors on lailfe un peu refroidir le tube a l'air, & on le trempe enfuite dans de l'eau froide oil le phofphore fe congele en fe refroidiflant. Lorfqu'il eft bien congele , on ote le bouchon de liege, & avec un petit baton a peil pres de grotfeur de l'interieur du tube, on pouffe le cylindre de phof- phore vers l'entonnoir, qui eft le cote de la depouille. On coupe la partie noire du cylindre pour l.i mettre a part , car lorfqu'on en a une certaine quantite, on la peut refondre par la meme methode , & en feparer le phofphore net quelle contient encore. A 1'egard du refte du cylindre qui eft net & tranfparent, fi Ton a deffein de le mouler en plus petits cylin- dres de la groffeur de celui d'Angleterre , on le coupe par troncons pour le faire refondre a l'aide de l'eau bouillante dans des tubes de verre plus petits. Voila de quelle manlere j'ai procede dans l'operation que je viens de decrire, qui a reuffi pour la premiere fois le 22 aout dernier. Cette ope- ration faite avec trois livres & demie de matiere calcinee & Ieffiyee , m'a fourni fix bs' s de pholphore de pres de quatre polices de long chacun , pefant enfemble neuf gros & quelques grains, & au moins audi beau que celui d'Angleterre. J'ai l'obligation du fucces aux confeils & au fecours que m'ont dohnes M. du Fay, M. Geoffroy & M. du Hamel. C'eft en leur nom, comme au mien, que j'ai redige ce memoire, & nous croyons tous enfemble pouvoir alfurer que c'eft le premier phofphore de cette efpece qui ait etc fait en France. Comme il peut arriver des accidens pendant le cours de l'operation, il y a quelques precautions a prendre. Par exemple , fi le ballon venoit a fe rompre pendant que le phofphore diftille, ce qui en tomberoit fur des corps combuftibles, y mettroit le feu avec rifqite d'incendie , parce que ce feu eft difficile a eteindre.- Ainii il faut que le fourneau foit conftruit dans quelque endroit voute , ou foils la hotte elevee de quelque cheminee qui pompe bien l'air, il ne faut pas non plus laiffer aupres aucun meuble ou uftenlile de bois. S'il tomboit du pholphore allume fur les jambes ou fur les mains, en moins de trois minutes il penetreroit jufqu'a l'os. II n'y a que l'urine qui puiffe arreter les progres de cette briilure. M. Grofle m'avoit enfeigne ce remede , j'ai etc oblige de m'en fervir, & j'ai trouvd qu'il arretoit fur le champ la douleur , & beaiicoup niieux que l'eau ni fefprit de vin , qui ne font pas la meme chofe : ainfi il eft bon d'avoir pres de foi un feau plein d'urine. Si, pendant que le phofphore diftille, la cornue fe fele , l'operation eft manquee : il eft aife de s'en apperce- voir , parce qu'on fent aupres du fourneau l'odeur de Tail , & , de plus , h DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, tjj la flamme qui fort de dcffous les briques du reverberc eft d'un beau vio- —» »» Jet, parce que l'acide du fel marin teint toujours de ccrtc coulcur la r flamme des maticres qui fe brulent avcc lui. Mais fi la coniuc fe cafie n avant que lc phofphore ait commence a paroitre, on peut fauver la ma- Annie n->7. tiere en jettant plulieurs briques froides dans le foyer & tin pcu d'cau par- dellus pour ctoufl'er lc feu lubitement. Tai promts au commencement de ce nn'moire un extrait des diff/rens proddes public's par les auteurs : le void, mats fans m'ajf'ujettir a I'or- dre des temps oil ces Chymijles ont travaille. L'exaclitude chronologiquc ne me paroit pas niceJJ'aire ici. A la fin du mois de feptembre 1680, M. Boyle {a) publia la maniere de preparer le phofphore qu'il avoit trouve des l'annee precedent. 11 reduit l'urine en extrait : dans cet extrait encore liquide, il incorpore trois fois fon poids de fable blanc. Le melange etant mis dans line cornue de bonne terre , il y adapte un grand ballon a moitit* plein d'eau , de telle forte que le bout du col de la cornue touche prefqu'a l'eau. II fait fortir 1>ar un feu doux toute la partie flegmatique & volatile : enfuite il augmente e feu , & l'entretient trcs-violent pendant lix ou fept heures , (car, dit-il, eette violence du feu eft one circonftance qu'il ne faut pas omettre dans cette operation , ) il paroit des vapeurs blanches en abondance qui fe dif- fipent, le recipient s'eclaircit ■, aprcs quoi on y voit des vapeurs qui re- pandent line foible lumiere bleuatre , & , en dernier lieu , le feu etant dans la plus grande violence, il fort line autre fubftance qu'on juge plus pe- fante que la premiere, puifqu'elle traverfe l'eau, & tombe au fond du re- cipient. C'etoit le phofphore qu'il cherchoit. II paroit que ce procede n'eft que la relation de les premieres tentatives. Sans doute qu'il l'a perfe&ionne dans la fuite , en le faifant preparer par M. Gotfritch , qui a ete fon ar- tifle, puifqu'on m'a allure que ce dernier fe fervoit de ballons perces d'un petit trou comme le notre. (a) Dans un petit traite des phofphores de l'abbe Comiers, imprime a la ^age 158 du mercure galant du mois de juin 1683 , on trouve le procede de Kraft , cet ami de Kunckel dont il a ete parle plus haut. II retire , par une cornue , tout ce qui peut diftiller d'une urine epaiffie , call'e la cornue , & prend le caput mortuum. II deflegme toute 1'huile fe- tide qu'il en a retiree, & la reduit en matiere feche : il mele enfemble le premier caput mortuum avec cette huile deffechee. II diftille le melange a tres-grand feu fans mettre d'eau dans le ballon , oil il dit qu'on voit defcendre des nuages blancs qui font fuivis d'une matiere jaunatre , la- quelle fe fublimant , forme le phofphore contre les bords interieurs du col du recipient. II dttache tout ce qui s'eft fublime, avec de l'eau froide qu'il fait chauffer enfuite : la matiere huileufe viendra , dit-il, au-delTus (a) De M. Boyle. Tranfiaions philofopAiqmt , n. 196. (4) De Kraft. Tome VllL Panic Francoife. Gg ij4 a b r £ g e des memoires — — — — de l'eau , & tons les petits morceaux de phofphore fe fondront en une „ maffe qu'on pent coniervcr dans une bouteille pleine d'eau. II me paroit aflez clair que ce procede ne pent reuffir, parce que le phofphore, en fe Annie ij?7. fublimant dans un vaiffeau oil il ne peut etre humedte par aucune va- peur aquenfe, doit s'allumer ^ mefure qu'il fe fublime. (a) M. Hoocke , dans fon recueil d'experiences & d'obfervations , qui a ete publie en Anglois par M. Dcrham en 1716 , (b) a infere le pro- cede de notre phofphore, tel que Brandt, le premier inventeur, a bien Voulu le communiquer. Celui-ci fait putrefier l'urine jufqu'a ce qu'on y voie des vers , il l'evapere en conliftance feche comme nous. II la reduit en poudre fine , en fait la leffive pour en feparer tout le fel avec de l'eau bouillante. II filtre la leffive, & congele ce fel par evaporation. II prend enfuite du caput mortuum , d'eau-forte , faite avec le vitriol & le lalpe- tre , le poids d'une livre , qu'il mele avec une demi-livre du fel prece- dent , en les reduifant l'un & l'autre en poudre fubtile , il fait digerer pendant vingt-quatre heures ce melange dans de l'efprit de vin tres-rec- tifie, mis a la hauteur de trois doigts , jufqu'a ce que le tout foit reduit en une efpece de bouillie. II le fait enfuite ernporer fur un bain de fa- ble , il refte une maffe de fel rouge ou rougeatre , il broie ce fel & le met dans une cornue , a laquelle il donne un feu extreme pendant vingt- quatre heures. II tteint ce feu , quand il voit le recipient blanc & lumi- neux , & qu'il n'nppercoit plus d'elancemens de vapeurs fortant de la cor- nue , il ramaffe le phoiphore avec une plume. Je ne daigne pas ajouter le refte de ce proced£ , qui eft evidemment faux , & dont l'auteur n'a pu retirer qu'un efprit de fel fulfureiix & quelques fleurs ammoniacales, quoi- qu'il n'en parle point. (a) M. Homberg , qui dit avoir vu faire ce phofphore a Kunckel, veut qu'on faffe evaporer de l'urine fraiche Jufqu'a ce quelle foit reduite en une matiere folide qu'il met pourrir a la cave pendant trois ou qua- tre mois •, il mele enfuite deux livres de cette matiere avec quatre livres de fable ou de bol, comme s'il etoit indifferent de fe fervir de l'un ou de l'autre. II met ce melange dans une cornue , a laquelle il adapte un re- cipient a col un pen long , & dans lequel on ait mis une ou deux« pintes d'eau-, il augmente le feu par degres, & l'entretient pendant trois heures dans la derniere violence. Apres que le fel volatil & l'huile fetide ont paffe , on voit, dit-il, paroitre la matiere du phofphore en forme de nuees blanches, qui s'attache aux parois du recipient comme une petite pellicule jaune , ou qui tombe an fond du recipient en forme de fable menu : on reduit ces petits grains dans une lingotiere avec de l'eau chau- de. II faut, felon M. Homberg, de l'urine recente , & non pas de l'urine fermentee , parce que , dit-il , les parties volatiles qui auroient M fipa-> Ties des fixes par la fermentation , s'ivaporeroient aujji-tvt que l'urine (a) De Brandt. (4) Page 178. tO De M. Homberg. jtntins Mimeires it I'Jtadimii, snn& 169a, Tol. a, p. 135? Y M I H. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ±5? fcroit fur le feu , & le phofphore ejl , ajotite-t-il, dans la partie volctile — ■ de l'urine. Qnand, all contraire, on fait evaporer L'urinc avant la fermen- q tation , il ne sen evapore guere que la partie aqueufe , le refte qui eft Volatil, favoir, le fcl , l'huile & le phofphore demeurerit dans la matiere, Annie IJ3J. & il faut un feu trcs-violent pour les en feparer. C'eft aufli pour cette raifon , felon lui , qu'il faut lailfer fermenter la matiere noire pendant quelques mois. II faut avoir foin , continue-t il , de ne rien laiuer for- tir hors du vailleaU pendant l'evaporation , parce que la partie graffc de l'urine , etant la plus legere , s'eleve pour peu que le feu foit trop fort en evaporant. Or le phofphore eft cette nartie grade de l'urine concert- tree dans unc terre volatile trcs- inflammable. Apparemment qu'on avoit tente de repeter cette operation , & qu'on Favoit fait fans fucccs , puifque l'annee fuivante il dit {a) que ceux qui ont effaye de fiire le phofphore dans les endroits oil Ton boit du vin , 1'ont manque. II faut, dit-il, qne 1'urine vienne de perfonnes qui boi- vent de la bierre , laquelle fournit apparemment cette matiere grofliere & gommeufe neceffaire an phofphore , la partie fpiritueufe du vin lui paroi riant contraire. On a vu ci-devant que le fucces de notre operation refute affez cette opinion. II fait voir audi que le phofphore venant le dernier dans la diftillation de l'urine , pent etre regarde comme reiidant dans la partie la plus fixe apres la terreufe , & non dans la partie volatile de ce mixte. {b) On trouve encore dans les anciens memcires de l'academie , un Srocede communique par M. de Tfchirnaufen , & envoye en 1682 par I. Leibnitz : comme c'eft celui de Kraft infere dans le mercure Galant dont je viens de donner l'extrait , je paflerai a celui de M. Theichmeyer. (c) Ce phyficien commence l'operation comme M. Boyle, en melant trois parties de fable & une partie d'urine cvaporee en confiftai-.ee d'ex- trait. II en fepare par une forte diftillation le negme, l'efprit, le fel vo- latil & l'huile fetide. II deffeche cette huile fetide en confiftance de poix: II en prend une once qu'il ajoute a quatre livres du caput mortuum , il y met pour intermede huit livres de fable & quatre livres de bol , & il a un phofphore qui diftille en forme de beurre refineux ou metallique. On peut , dit-il , fubftituer a cette huile animale , l'huile fetide de tartre. Je ne lui contefte point la poffibilite de la reuffite , mais comme il ne dit point quelle quantite de phofphore il a retir6 de fes feize livres de melan- ge , & qu'il l'auroit dit fans doute fi elle eut ete un peu confiderable , je croirai toujours que notre procede eft plus fur que le fien, & qu'il eft difficile que des vaifleaux exa&ement clos, puiffent refifter a la furieufe rapidite des vapeurs. (d) Feu M. Frederic Hoffman dit que le phofphore de Kunckel fe fait du caput mortuum de l'urine , fi on en met une partie avec deux (a) Anciens Memoires de I' Acadim'u , annee 1693 , tome io , page 446. (£) Tome 1 , page 342. (c) De M. Theichmeyer. Elemtma Philofojhin namrriis 6" cxperimentalis. lens , 1 724 , p. 43. (<0 De M. Ftid. Hoffman. In Ohferwianibus. Edit, de Hall, 1722 , page 336. Cg H ij< ABREGE DES MEMOIRES miimiii mmii !■ parties de charbon en poudre & line demi-partie d'alun. II y a appa- r rence que 1'auteiir. n'a pas verifie cette recette : Tallin qu'il y ajoute , fuffit H M " r' pour faire manqtier l'operation : j'ai rapporte une experience qui le de- Annic lllj. niontre. Ce melange donneroit tout au plus du phofphore en poudre •, cependant j'en ai calcine dans un matras , & je n'ai pu avoir cette poudre inflammable. (a) M. Nieuwentyt a pris du fediment d'urine qui avoit refte long- temps dans une cuve d'hopital , oii elle avoit acquis la conliftance de fa- von ; il y mit un peu d'eau de pluie, & remua le melange pour incor- porer les matieres : il verfa ce qu'il y avoit de plus liquide par inclinat- ion. II laifla la matiere dans la meme eau jufqu'a ce quelle fut entiere- ment precipitee. II l'edulcora avec de l'eau fraiche mile deffus a plulieurs reprifes, & apres avoir fait fecher cette matiere edulcoree, il la mit dans deux petites cornues, il en retira par une premiere diftillation une ma- tiere jaunatre qui fermente avec de l'eau forte •, par un feu plus fort , il eut dans de nouveaux recipiens a moitie pleins d'eau , des vapeurs embra- ces & rouges avec du phofphore au fond de l'eau. II eft difficile de juger de ce procede : une cuve decouverte d'hopital oii Ton jette de lurine , peut y recevoir beaucoup d'autres matieres difre- rentcs. M. Nieuwentyt a du, par fes leffives repetees, emporter trop dc fel de fa matiere , il faut qu'il en refte une certaine quantite pour former la matiere bitumineufe du phofphore. Au refte, le fediment de la cuve ou le Sr. de la Fond ramaffe de lurine pour preparer fon orfeille, etant calcine jufqu'a noirceur , fait efperer par le petit eifai du creufet , qu'il fournira afl'ez conliderablement de phofphore : de plus, on a ecrit d'An- gleterre, que M. Gotfrich Hantkuit ne faifoit pas evaporer l'urine, mais qu'il employoit la matiere tartareufe detachee des parois & du fond des cuves oii quelques teinturiers de Londres font fermenter l'urine. Enfin le procede qui approche le plus du notre, eft celui de Wede- lius, (b) rapporte par Rothens dans fa chymie allemande. II prend, comme nous, l'urine calninee, il en enleve le fel par des lefUves, la fait lecher enfuite , y mele trois fois autant de fable , il diftille par le feu le plus violent-, il a differentes vapeurs blanches, puis des vapeurs lumineufes, & enfin le veritable phofphore qui fort du col de la cornue comme un ruuTeau de miel : Rothens ajoute au melange de Wedelius demi-partie de charbon de hetre & une certaine quantite d'huile fetide. On ne peut douter que ce procede ne reuffiffe comme le notre, fi Ton fait un trou an ballon pour prevenir la rupture des vaiffeaux. Je pourrois encore citer d'autres traites de chymie ou Ton trouve le phofphore decrit ; mais les auteurs de ces traites n'ont fait que copier quelques-uns des procedes que j'ai rapportes. Je paffe a l'examen des liqueurs falines de notre operation, telles que l'eau oii le phofphore s'eft reduit en une malle en s'y fondant •, l'eau qui a fervi a deffaler la matiere (a) De M. Nieuwentyt. Exijlcnce Je Dicu dimomric, &v. page 374. (4} De Wedeiius & de Rothens. ChimU Alkmanit ie Gottfried Rotkns. DE L'ACADEMIE ROYALES DES SCIENCES. 237 av.int que de la mettre de la cornue •, lean du b.illon 011 les fels qui pre- - cedent la diftillation du phofphore, fe font fublimes, puis dilfous ; cnfin C ii y m 1 1 l'eau qui a fervi a ledivcr lc caput mortuum de la cornue aprcs l'opera- tion hnic. jinnee IJ3J. J'ai dit qu'on verfoit de l'eau bouillante fur le fediment noir avcc le- quel le veritable pholpliore eft mele , pour le fondre & lc reduire en line malic. II refte dans cette eau line aflez bonne quantite de ce fediment noir, & non fufible, qui eft le phofphore volatil fublime precedemment aux parois du ballon. Ce fediment noir eft luraineux quand on l'excitc par quelque frortement un pen rude , mais il n'eft pas brulant. Si on con- centre par une evaporation lente l'eau qui le contient ; li Ton met enfuite cette eau dans un vailfeau bien bouche, & li on l'agite, elle paroit lumi- neufe, parce que les petites parties du fediment noir fe heurtant les lines contre les autres , les particules lumineufes fortent de leurs referroirs feles ou rompus. II le pent audi qu'il y ait dans cette eau quelque portion du veritable phofphore en diilolution , comme dans l'experience de M. Morin dont j'ai parle ci-devant. J'ai un bocal d'orfevre a moitie plein de cette eau , bouche avec du maftic reconvert de veflie , dont l'eau depuis trois mois eft Iumineufe quand on l'agite : quoique l'eftet ne foit plus li fenhble que pendant le premier mois, on y voit encore affez bien la plupart des phenomenes d'une aurore boreale. A l'egard de l'eau qui a fervi a deffaler la matiere calcinee avant que de la mettre dans la cornue, je 1'ai confervee pendant tin mois dans une cruche , afin quelle y depofat ce quelle contenoit de plus groffier, & que je pulle examiner s'il n'y auroit pas des differences entre la liqueur fuperieure & celle du fond de la cruche-, car en fuppofant des fels dif- ferens dans cette eau, leur pefanteur Ipecifique devoit les loutenir, quoi- que dilfous , a difterente hauteur. J'ai done tire avec un liphon la moitie fuperieure de cette leffive : elle a ete evaporee a feu lent dans une ter- rine de cryftal. Elle etoit d'abord verdatre , coinme l'eft ordinairement toute liqueur laline qui a diffout quelque portion de fer. Or, celle- ci en devoit contenir, puilqu'on avoit evapore 1'urine dans des marmites de fer. Aprcs levaporation du lixieme ou environ de la liqueur faline , elle s'eft troublee, elle eft devenue jaunatre, & il a commence a fe precipiter une terre de couleur orangee ou efpece d'ochre fort fin , qui calcine dans la fuite avec un peu de luif, a donne une poudre noire, attirable par le coutcau aiinante. La liqueur a demi-concenrree avoit un gout de fel commun, mais plus acre, plus piquant, & approchant un peu de celui du fel ammoniac. Apres fix ou fept heures d'evaporation , les particules qui devoient former les cryftaux falins , fe font rapprochees a la furface , oil il a paru de petits quarres parfaits qui out fervi de point d'appui ou de premiere affife a d'autres particules longues qui fe iont arrangees autour des quatre cotes du quarre , & ont forme des pyramides creufes & ren- verfees. Chacune de ces pyramides s'eft precipitee an fond de la rerrine de cryftal, a mefure qu'elle a acquis fuftilamment de pelanteur par l'addi- tion des parties qui en elevoient egalement & uniformtment les cotes. i58 A B R £ G i DES MEMOIRES ——"'"'■» M. Homberg fit voir a l'academie en 1701, un femblable fel en pyra- n mide, & Ton trouve dans la partie hiftorique de la meme annee, la def- caption de la formation de ce iel. Anne'c 1777. Si l'evaporation eft acceleree par un trop grand feu, on ne peut pas fi bien obferver la formation de ce fel. Les premiers pctits quarres qui doivent faire le fommet tronque de la pyramide , s'affemblent trop vite & en trop grande quantite fur toute la furface de la liqueur, ou il fe fait en ce cas une pellicule continue, dont les bords du difqiie , foudes aux parois de la terrine , la foutiennent fur le liquide, & alors l'evapora- tion celfe par cet obftacle. Mais quand la precipitation des pyramides ren- verfees fe fait lentement, on les voit, lorlque la liqueur eft refroidie, fe remplir peu a pen d'autres petits quarres qui s'arrangent irregulierement & infenliblement , elles prennent une figure quarree plane par une face , & triangulaire par les quatre autres. C'eft alors la figure d'une pyramide folide; enfin, avec le temps & tres-lentement, elles deviennent des cubes. L'arrangement irrsgulier des petits quarres qui ont rempli le creux de la pyramide, eft caule qu'aucun de ces cubes falins n'eft diaphane. lis font tous d'un blanc opaque, & je n'en ai jamais eu de tranfparens, de quelque inaniere que je m'y fois pris pour les cryftallifer. On voit affez la caufe de cette opacite dans la multiplicite de fra&ions que fouffrent les rayons de la lumiere qui les traverfent. II a fallu quinze jours a ces cryftaux pour prendre la figure cubique. Des qu'ils l'ont eu acquife , ils n'ont plus augmente : leur volume femble fe fixer a deux lignes ou deux lignes & demie. Voyant qu'en deux mois ecoules depuis leur formation parfaite , ils n'avoient point augmente , j'ai decante la liqueur. J'ai lave les cryftaux avec de l'eau froide pour en fe- parer le fediment rougeatre & ferrugineux dont j'ai parle plus haut , & qui ne fert de rien a leur formation , puifqu'ils reftent tres-blancs. Apparemment que ces cryftaux cubiques s'etoient appropries la plus grande partie de la terre alkaline nageante dans la liqueur, & convenable a leur bafe ', car ayant fait evaporer la liqueur decantee de deffus ces cryftaux , les pyramides renverfees qui fe font formees dans cette feconde evaporation, fe font foutenues beaucoup plus long-temps a la furface de la liqueur que celle de la premiere ■, chacune de leurs parties etoit formee alors d'une matiere plus legere. Lorfqu'apres avoir attendu fept ou huit heures , j'en ai vu affez de precipitees •, j'ai laiffe refroidir la liqueur , j'ai place le vaiffeau an froid , mais en un mois de temps elles ne fe font point remplies comme les precedentes ; elles font reftees dans leur pre- mier et.t. La troifieme evaporation de la liqueur decantee m'a donne un fel py- ramidal creux, femolable au fecond. Enfin , la quatrieme portion de liqueur en ayant ete feparee pour etre evaporee comme les precedentes , n'a plus donne de pyramides •, mais en continuant de l'evaporer & de l'agiter avec une fpatule d'ivoire , je l'ai reduite en un fel grenu adherent fortement aux parois du verre , comme fait le fel marin ordinaire qui a ete calcine , diffout & filtre plulieurs fois. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ii9 i. Ce fel grcmi fc met tres-vite en deliquium, audi bien que celui qui refte l55^^^52 en pyramides creules , Iequel eft audi trcs-avide de l'humidite de l'air , q parcc que fes pores ne font pas lufhlamment remplis de la terre alkaline, propre a aider leur formation fublrqucnte en cubes, & que ces pyramides Annie IJ3T. reftant creufes , leurs huit cot£s prelcntent plus de furfaces a lair , que les lix cotes des cryftaux cubiques qui s'hume&ent beaucoup plus dif— ficilement. Cette premiere moitie de la liqueur faline , prife dans la partie fupe- rieure de la cruche fins 1'agitcr, ne m'avoit pas donne des lels en prii- mes, la feconde ou celle qui etoit rcftee ail fond de ce vaifleau , m'a fournt ceux dont je vais parler. Mais il faut faire obferver auparavant , qu'il s'etoit precipite au fond de la cruche, une terre d'un blanc grifatre, que j'ai feparee & edulcoree foignculement pour l'examiner a part. Je n'avois |>as filtre la premiere portion de la leflive , j'ai filtre celled pour en feparer a terre en queftion : puis j'ai mis evaporer cette feconde portion de leflivu au meme feu que la premiere, il s'en eft precipite une terre orangee plus abondante. II ne s'eft point forme de cryftaux pyramidaux a la furfacc, mais line pellicule mince qui paroiffoit un peu gralfe. Le feu etant eteint, j'ai trouveau fond de la liqueur refroidie, des cryftaux prifmatiques, dont les quatre cotes lont paralleles , mais leurs plans ne font pas perpendicu- laires les uns aux autres. Les deux bouts de ces prifmes torment une lo- iange. J'ai decante les trois quarts de la liqueur faline qui les fumageoit, & j'ai mis a part ces cryftaux avec l'autre quart de la liqueur & la terre rougeatre , au milieu de Iaquelle ils s'etoknt formes pour leur donner Ic temps de grofiir & de fe multiplier. J'ai remarque que cette terre eft inutile a leur formation , parce que j'ai eu des cryftaux prifmatiques fur une terre d'une autre nature, de couleur grife , beaucoup plus fine & femblable a. ces precipites que Ludovic appelle magifleria plumofa. J'ai remis evaporer jufqu'a pellicule les trois quarts de la liqueur de- eantee , & j'ai trouve le lendemain au fond de la terrine de petits cryftaux exacrement quarres, blancs, opaques & non cubiques. Ces petits cryftaux en quinze jours de temps n'ont augmente ni en volume ni en nombre, quoique le froid de la faifon flit favorable a la cryftallifation. La terre d'un blanc grisatre que j'ai trouvee au fond de la cruche , & que j'en ai feparee, comme il a ete dit plus haut, ne m'a pas paru de la nature des terres alkalines. J'ai verfe deffus les acides du vinaigre, du fel, du nitre & du vitriol : aucun nc l'a attaquee, meme pendant plulieurs jours. Je l'ai calcinee a grand feu, elle n'eft point devenue chaux •, mais apres la calcination, l'acide concentre du vitriol en a diUout quelque por- tion, du moins j'ai vu des bulles d'air s'elever. A l'egard des cryftaux prifmatiques, on les peut regarder comme une efpece de gyps ou de matiere platreufe que Mr». Geoffroy & Boulduc out nominee felenite. Car ils fe calcinent fur le feu fans fe fondre , & ne fe diffolvent point dans l'eau froide. II n'eft pas difficile d'imaginer pourquoi cette matiere gypfeufe s'eft trouvee dans 1'urine que nous avons evapo- ree, nous lemons tircc, comme je l'ai dit, de l'hotel des invalides : or z4o ABRfiGE DES MEMOIRES ■ l'eau qu'on boit dans cet hotel , eft celle d'nn nouveau puits conftruit de- r> puis environ trois ans. Par l'analife que M. GeofFroy en a faite pour M. d'An- gervilhers, cite donne des indices dacide vitnoiique & de la lelemte. Annie IJ^J. Cette eau'a pafle par les digeftions dans l'urine des foldats avec les matie- res heterogenes dont elle etoit chargee , & par confequent avec des em- brions de felenites tout formes , puiique les cryftaux auxquels on a donn£ ce nom, font un compofe de matiere gypfeufe & d'acide vitriolique. Je pane a l'examen de l'eau du ballon , on les (els qui precedent la dis- tillation du phofphore fe font diflbus. Je l'ai filtree pour en feparer quel- ques fuliginolites qui etoient all fond : apres cette filtration elle etoit jaune- rougeatre, marquee d'une portion d'huile feride unie au fel volatil qui y droit en diffolution. Apres l'avoir concentrie a moitie par levaporatioti , il s'en eft precipite de petits flocons noirs que je prenois d'abord pour ds petites nionches qui s'etoient noyees dans la liqueur j mais en touchant ces flocons avec une paille, ils fe divifoient fur le champ en une poudre fi fine quelle difparoilloit. Ainli je n'ai pu feparer cette poudre noir pour l'examiner; d'ailleurs elle etoit en tics-petite quantite. Enfin la liqueur s'eft couverte d'une pellicule grafle que j'en ai feparee par lefiltre, & qui brule comr.ie line reline ; c'eft un refte d'huile fetide : les flocons noirs etoient apparemment le charbon on la fuie de la partie qui s'en etoit brulee. On me demandera peiu-etre quel etoit mon deflein d'evaporer une fo- lution de fel volatil, & li je ne devois pas prevoir qu'il s'eleveroit en pure perte. C'eft bien audi ce qui eft arrive en partie •, mais je lie croyois pas d'abord que ce fut un fel purement alkali volatil, car la liqueur avoit d'a- bord le gout d'une folution de fel ammoniac. Enfin m'appercevant que cette liqueur diminuoit d'acrete, j'ai ceife l'evaporation , & je l'ai divifee en deux parties egales. J'ai mis 1'une dans un matras a long col , au haut duquel j'ai joint & uni avec de la cire d'Efpagne an autre matras perce d'un petit trou , & dont le col n'avoit qu'un pouce de long. J'ai place ces deux vaifleaux fur un bain de fable doux, au bout de trente heures j'ai eu des panaches de fel volatil tres-blanc, qui diffoutes de nouveau dans l'eau j out precipite en blanc la lolution du fublime corrofif. J'ai mis evaporer a l'air l'autre moitie de la liqueur dans line capfule de verre fort evafee, & j'y ai trouve au bout d'un mois environ trois gros de fel ammoniac fale & gras : je l'ai mis dans une petite cornue , oii il s'eft fublime de nouveau, partie en fleurs, & partie en fel ammoniac aflez compa&e qui s'evapore en fumee fur le charbon , & dont le fel de tartre developpe fur le champ un efprit volatil urineux. Quant a la production de ce fel ammoniac, je crois qu'on la peut con- cevoir ainfi. Nous avions mis pour intermede dans notre melange une li- vre & demie de gros gres jaune & rougeatre. II eft aflez recu en chy- inie, que toute matiere terreufe coloree contient plus on moins d'acide vitriolique, & il eft inutile d'eiurer dans des details pour le demontrer. Or cet acide , line fois fuppofe, doit quitter fa premiere bafe, lorlqu'il en rencontre une autre qui lui convient davantage. Cette bafe qui lui con- vient, eft celle de fel marin : il y a encore une portion confiderable de ce fel Y M I E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 241 fel dans notre matiere , quoique leiilvee. Si l'acide vitriolique de l'inter- — mede failit line partie de la bnfe de ce fel, il en doit degager a propor- p tion line ccrtainc quantitc d'acide. Cette portion d'acide du fel marin li- bre alors, & non encore concentre dans 1'huileiix de la maticre, trouve Annie 173J. un fel volati! urineux qui s'eleve •, il en laiiit line partie , & des deux il fe forme la petite quantitc de fel ammoniac que j'.ii trouvec. Du ballon paffons a la cornue. J'ai verfe de 1'eau chaude fur le caput mortuurn d'une cornue qui fe fela dans le temps que Ies vapeurs lumi- neulls commencoient a paroitre , e'eft-a-dire, an bout de dix-fept a dix- huit heures de feu. J'ai evapore jufqu'a pellicule cette leffive nltree, & m'appercevant qti'il y avoit an fond de la terrine de verre une affez grande quantitc de terre legere & fpongieufe, j'ai verfe par inclination la moitie de la liqueur faline conccntree & feparee de fa terre dans un grand pou- drier de verre , & l'autre moitie avec toute fa terre dans un autre vailfeau femblable. J'ai prefere ces fortes de vaiffeaux a d'autres , parce qu'ils font cylindriques, & parce que j'ai remarque que Ies vaiffeaux qui font iiite- rieurement d'une figure approchante du cone renverfe, facilitent la vege- tation murale des fels qui grimpent le long des parois inclinees decesvaif- feaux •, ce qui n'arrive ni li aifement ni li fouvent dans Ies vaiffeaux cy- lindriques , dont Ies cotes font perpendiculaires au fond. Mon deffein etoit , en divifant ainfi ma liqueur faline , de voir li dans celle qui etoit verfee a cl.iir, Ies cryftaux le formeroient moins vite , a caufe de la pri- vation du fediment terreux, que dans le vailfeau oil etoit l'autre moitic de la liqueur avec fon fediment. Je me fuis alfure par ce moyen que ce fediment terreux eft inutile a la cryftallifation , du moins des premiers cryftaux priimatiques -, car en fix jours ils fe font formes dans le poudrier fans fediment, tant au fond qu'aux parois du vailfeau , quelques-uns de la largeur d'une ligne , & de la longueur de neuf a dix , d'autres un peu plus etroits & un peu plus courts. Au contraire , dans le vailfeau con- tenant le fediment , Ies cryftaux n'ont commence a paroitre qu'au bout de douze jours, femblables a des aiguilles dcliees, cependant prifmatiques a quahe cotes comme Ies precedens. Ni ceux-ci , ni ceux du premier poudrier n'ont augmente ni dans leur largeur , ni dans leur longueur , quoique je Ies aie laiffes pendant deux mois dans leurs vaiffeaux fans Ies rcmuer. Prefque alfure qu'il n'y avoit plus d'efperance de Ies voir augmenter, j'ai furvuidc la liqueur faline , & j'en ai continue l'evaporation jufqu'au commencement de pellicule. Je l'ai remife dans Ies poudriers nets, oil elle n'a plus donne de lei prifmatique , mais des cryftaux quarres opaques, quelques petits cryftaux plats aux parois des vailfeaux, & a la fiuface de la liqueur d'autres cryftaux opaques figures en feuilles de fougere naif- fante, & fufpendus par un pedicule a une croute faline fort mince. J'en ai enlevc quelques-uns avec une paille avant qu'ils fulTent tombes au fond du vaiifcau •, je Ies ai mis fur un charbon 011 ils out fume comme le fel ammoniac avec une petite decrepitation •, ainli je crois que e'eft un com- mencement de fel ammoniac qui n'a pas eu le temps de le feparer parfait Tome VLLL Partie Francoife. Hh 242 A B R E G E DES ME MOIRES — — — — — ^ de la raaffe filine oil il etoit, on, fi Ton vent, dans Iaquelle il s'eft corn- „ pole pendant le long feu de l'operation. Mais, comme c'eft dn caput mortuum dont ce fel a ete leffive, & que les vapeurs lumineufes com- Annte ITJJ. mencoient a fortir quand la cornue s'eft felee, on en pourroit conclure avec M. Gotfrich Hantkuit, qu'il entre dans la compofition du phoiphore 1111 fel tendanta devenir fel ammoniac, puifqiie ce fel, s'il etoit ammoniac parfait , feroit compofe alors d'un fel volatil urineux , de l'acide du fel marin, d'un phlogiftique huileux & dune terre fubtile. Or, toutes ces matieres exiftent rcellement dans Turine , ainfi que 1'analyfe de cette liqueur ou l'operation entiere du phofphore , prife partie a partie , le demontre inconteftablemenr. Au refte, il eft impoffible de cryftallifer entierement par les moyens ordinaires la leffive du caput mortuum dont il eft queftion prefentement. Dans un temps lee elle donne tons les cryftaux que je viens de decrire •, mais Ii le temps eft huniide, tous ces cryftaux, hors les prifmatiques, dif- paroiffent ou fe diffolvent. Ceux qui font en feuilles de fougeres font les premiers diffous. Enfin , j'ai pris le parti de reduire en nuffe faline tout ce qui me ref- toit de cette efpece d'eau-mere , en l'agitant fur un feu affez vif. Lorf- que le fel a etc bien fee , j'en ai broys quatre onces avec vingt onces d'alun calcine feulement jufqu'a evaporation de fon humidite, & )e 1'ai mis dans une cornue pour en chaffer l'acide que je foupconnois devoir etre im diffolvant de Tor. Je ne me fuis point trompe-, j'en ai retire environ une demi- once qui diffout lor , a la verite , en le faifant chauffer un peu vivemenf. Quatre aurres onces du raeme fel, traite a la maniere de Glauber, par Ihuile de vitriol concentree , m'ont donne un eiprit de fel fumant ex- tremement volatil, qui, mis fur Tor, dans un matras a col tres-long, le diffout auffi ii on le chauffe. Ce dernier efprit de fel etoit encore fumant au bout de fix mois, mais peu a peu il etoit devenu preique noir. 11 reiulte de cette experience que le fel fixe de Turine donne un efprit de fel tout regalife, ce que ne fait pas le fel marin ordinaire, dont l'acide n'attaque point Tor , a moins qu'on n'y ajoute du nitre a la maniere or- dinaire, ou un peu de fel volatil urineux felon le precepte de Kunckel. Otez de ce fel fixe de Turine fon volatil urineux par cinq on fix folutions & calcinations k feu ouvert , vous le reduirez prefqif entierement a la na- ture du fel marin ordinaire. L'efprit que j'en ai diftille alors par Thuile de vitriol, n'a plus diffout Tor, meme en le chauftanf, a la verite, pendant la diftillation , j'ai eu attention de ne pas pouffer le feu affez for: pour faire monter ITiuile de vitriol. Je crois avoir donne dans ce memoire une analyfe de Turine plus com- plette qu'on ne la pent trouver dans aucun traite de Chymie, & je Tai mife dans un ordre qui me difpenfe, a ce que je crois, d'une recapitula- tion. Le charbon de cette matiere depouillee de tout ce qu'elle conte- noit, m'a laiffe une tres-petite portion de cendre que je n'ai pi vitrifier. II me refte a dire ce que j'ai fu de Tufage qu'on peut faire de lTiuile fetide de Turine, au cas qu'on la veuille retirer de la matiere feche en b DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. i4J diftillant par la cornue. Une perfonne digne de foi, m'a dit qu'en h recTrifiant fans addition de chaux jufcju'a vingt-cinq fois , i! en reftoit une huile etheree , blanche , tranfparente , de bonne odeur , qui etoit C h y ?.: 1 r. un remede fouverain contre l'cpilcplie, infiniment fupcrieure a 1'huile de Annie ITVti Dippelius, cjui eft 1'huile du fang de cerf redlifiee dememe. Ce n'eft pas a ' inoi a garantir ee fait : il ne me conviendroit pas d'en faire des experiences. Addition. Il faut remarqucr que la meme raatiere urineufe deflechee, qui, Ief- fivec dans le premier mois de la preparation , n'avoit donne que des cryftaux de la nature du (el marin apres levaporation de fa leffive, fournit mi fort beau fel de Glauber, lorftjii'elle a etc expofee pendant du temps j l'attion de l'air. On avoit laiife quatre a cinq livres de cette matiere noire, feche & grenue dans une grande terrine de gres neuve, fiinple- ment couverte d'un papier gris, & l'on avoit mis cette terrine dans une chambre haute, dont les fenetres reftent prefque toujours ouvertes. Elle y a demeure dix-huit jnois, pendant lel'quels elle s'eft hume&ee dans les temps de pluie, & dellechee dans d'autres. On en a eu befoin au mois de decembre dernier pour une nouvelle operation du phofphore , & apres l'avoir calcinee, comme il a ete dit, on en a fait la leffive. Au bout de deux jours on a trouve un fel tranfparent , cryftallife aux parois d'un pot de gres verniffe qui n'a jamais fervi qua recevoir ces fortes de leflives. On a attendu lix ou fept jours a decanter cette leffive : on a purifie ce fel par folution & filtration, & l'on a eu un beau fel de Glauber : outre ce fel, il s'etoit forme au fond d'un poudrier de cryftal , oil l'on avoit mis d'abord cette folution concentree , d'autres cryftaux falins qui ne fe diliolvent que dans l'eau bouillante, on en a filtre la folution a part, en la tenant la plus chaude qu'il etoit polfible : aufli-tot qu'elle a ete refroi- dte, elle sVft congelee en une maUe faline demi-tranfparente, & qui pa- roit foyeufe, qu'on a fait voir en cet etat avant que de l'examiner davan- tage. De la decouverte de ce fel de Glauber dans la matiere urineufe qui a ete long-temps expofee a fair, il femble qu'on pourroit conclure qu'il y auroit eu dans fair, fur- tout dans les temps d'orage, un acide vi- triolique qui fe feroit uni a la bafe du fel marin de 1'urine pour former le fel de Glauber en queftion-, mais une feule experience ne donne que de la probability a cette opinion , qui d'ailleurs a etc rejettee jufcui'a p.c- fent par d'habiles Phyliciens. Cependant j'ajouterai que j'ai recueilli an mois d'aoiit 1755 ^e l'eiU d'un orage dans des terrines placees fur un lieu eleve au milieu d'une cour-, que cette eau avoit line odeur fulphureufe, & qu'elle precipitoit 1'huile de chaux en un coagulum femblable a celui qu'on en precipiteroit par tin efprit de vitriol fort affoibli. De plus , M. Groffe a eu du tartre vitriole , en faifant duToudre du fel de tartre pur dans de l'eau d'orage qu'il avoit recueillie a Pafly en 1714. Si c'efl dans l'air qu'il faut chercher la caufe de ces fels dans les cas propofes, l'ete dernier a ete tres-propre a faire naitre ce foupcon , puifqu'il a etc extremement orageux. Hh ij i4+ abregedesmemoires SuR LE MELANGE DE QUELQUES COULEURS DANS Annie 1737. L^ Teinture, Bift. lVj-R. du Fay donne ici quclques echantillons d'tme defcription ei>- tiere de l'art de la teinture, dont tl a ete charge par le confeil. Une in- finite de mains pratiquent les arts, il n'y a prefque pas d'yeux qui les regardent, & quand its feront vus par des phyliciens, il en reviendra tou- jours du profit , oil a la pratique elle-meme , 011 a la phyfique. Les etoffes, les toiles qu'on veut teindre, doivent prefque toujours avoir recti auparavant un 'certain appret , qu'on appelle le bouillon ou le mor- dant, parce que e'eft une liqueur chaude, qui par l'alteration quelle caufe i Tetoffe ou a la toile, la difpofe a prendre la couleur. On jugera aife- ment que ce bouillon doit etre different felon les dirierens corps que Ton veut teindre , fur-tout quand ils feront fort differens entr eux. Mais on ne devineroit pas que du coton blanc , & de la laine blanche , ayant ete mis d'abord dans le meme bouillon, & enfuite dans le meme bain d'ecarlate, la laine y prend parfaitement cette couleur, & le coton en fort auffi blanc qu'il etoit. Peut-etre parce que le coton & la laine avoient ete mis fepares I'tia de l'autre dans le bain , il aura pu plus facilement agir fur tun & non fur l'autre. Mais M. du Fay a fait faire expres une efpece d'etofre, dont la chaine etoit de laine, & la trame de coton, elle avoit ete bien foulee, les petites parties de laine & celles de coton etoient audi ferrees les lines contre les aittres qu'elles pouvoient l'etre , & il etoit prefque impoffible k Taction du bain de les demeler, & cependant elle les demela; l'etotie fortit du bain parfaitement bien marbree de couleur de feu, & de blanc. Le meme bain , le meme compofe de certaines matieres actives , agit done fur certains corps , & n'agit nullement fur d'autres , quoiqu'il parfit de nature £ devoir agir fur tous , ne fut-ce qu'inegalement , puifqu'il n'elt queftion que de teindre. Au contraire , le bain agit affez fotivent li parfaitement quand il agit , que toute la matiere colorante qu'il contenoit, paffe au corps qu'il colore* & qu'il n'eft plus qu'une eau claire, & e'eft a cela que les teinturiers re- connoiffent que leur operation eft entierement finie. N'auroit-on pas cm que les matieres colorantes fe feroient toujours partagees entre l'eau pure du bain , & les corps qu'on y plongeoit 3 II y a le bon teint & le petit ou faux teint. On emend affez que le pre- mier eft une couleur plus folide & plus durable que le fecond. Le debouilll eft une operation par laquelle on eprouve la bonte d'une couleur, elle eft de bon ou de petit teint, felon quelle y reiifte plus 011 tuoins, La limple expotition a l'air eft un equivalent du debouilli , car les couleurs s'y pat- ient plus ou moins vite felon le teint dont elles font. Mais l'operation de l'ajr eft trop lente, M. in Fay a trouvc fur quelques couleurs principales DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. *45 qu'il employoit, qu'clles perdroient autant en cinq minutes de drbmiilli T — »^^— qti'en douze jours d'ctc qu'clles avoient ete tenues an grand air. C h y m i Plufieurs coulcurs font formees d'autres couleurs primitives. Le vcrd , par exemple, l'eft du bleu & du jaune, le pourpre du bleu & du rouge, Anncc i"27- & par confequciit dans les tcintures le verd eft forme d'ingrediens bleus •& d'ingrediens jaunes, le pourpre d'ingrediens bleus & d'ingrediens rou- ges. Les teinturiers font perluades que dans le melange qu'on fait de ces in- grediens il y en a de different teint, les forts pretent de la force aux foi- bles, ou ce qui eft le meme, que la bonne couleur fait durer l'autre plus qu'clle n'eiit fait fans ce fecours, & allurement ricn n'eft plus vraifembla- ble •, les petits corpufcules des deux couleurs n'ont-ik pas du s'accrocher enfemble , de forte que ceux qui s'evaporeront difficilement retiennent ceux qui par eux-memes y avoient plus de difpoiiiion :- Cependant M. du Fay s'eft allure par un grand nombre d'experiences que cela n'etoit pas. II a teint oil en verd ou en pourpre, fe fervant toujours d'un ingre- dient de bon teint pour le bleu , commun a ces deux couleurs , e'etoit l'indigo, & toujours d'un ingredient de petit teint, foit pour le jaune, s'il s'agiiioit de teindre en verd , foit pour le rouge , s'il s'agilToit du pour- pre. II falloit commencer par teindre l'etoffe avec l'un des deux ingre- diens, & enfuite avec l'autre. Si on avoit commencd par la teindre avec l'lngredient foible, par-deffus lequel on mettoit le fort, & qu'enfuite on trouvat que fa couleur verte ou pourpre ne rehtlat pas mieux au debouilli que dans les cas ou les deux ingrediens auroient ete foibles , on pouvoit imaginer, pour iauver 1'idee commune des teinturiers, que le foible place d'abord fur l'etoffe y auroit forme line efpece d'incruftation , line glace que l'ingredient fort n'auroit pas bien penetree , moyennant quoi le foible en fe detachant auroit ailement emporte le fort, mais il arrivoit la msme chofe quand le fort avoit ete place le premier, & alors que pouvoit on dire J II eft done indifferent dans quel ordre le fort & le foible aient ete pla- ces fur l'etoffe, mais quand ils y iont line fois, comment y font-ils dilpo- les :- II lera affez raifonnable de fuppofer les corpufcules colorans ii minces & ii delies qu'ils feront tranfparens. Que Ton voie les jaunes au travers des bleus , ou les bleus au travers des jaunes , on verra toujours du verd , il en ira de meme de la couleur pourpre. Mais des experiences s'oppofent a cette hypothefe. Une etolle verte oii le Jaune avoit ete place avant le bleu, ayant cte mife a un debouilli d'alun , I'eau de ce debouilli devenoit jaune de plus en plus a mefure que l'etoffe devenoit toujours plus bleue. L'action de l'alun deta- choit les corpulcules jaunes d'avec les bleus qui demeuroient toujours unis a l'etoffe, & concoit-on quelle eiit pu arracher ces jaunes de deffous les bleus auxquels elle n'eiit pas touche ? C'eft la ce qui reduit M. du Fay a imaginer les jaunes & les bleus, non. comme pofes les uns fur les autres , mais les uns aupres des autres, delorte que les jaunes , par exemple , rempliffent les intervalles des bleus. II eft vrai que cela ne fait qu'une marbrure de bleu & de jaune, & non pas du Terd3 li les petites taches, les unes bleues, les autres jaunes, font affe? C H Y M I E. H6 ABRECE D E S MEMOIRES ■ grandes pour etre fenliblement diftin&es les noes des autres , mais il n'y a qua les fuppofer (i petites que les deux fenfations de bleu & de jaune viennent a le confondre , & certainement la fenfation compofee , qui en Annie nij. refultera, fera du verd. Le fait eft conftant par an affez grand nombre d'experiences. II eft fort poffible que ces corpufcules qui rempliffent les intervalles les uns des autres, ne les rempliffent pas exadtement , qu'il refte encore des vuides , oii par confequent d'autres corpufcules antrement colores pourront fe loger, pourvu que leur configuration, combine* avec celle des premiers places , le permette. Une condition eft encore neceffaire pour faire naitre du tout enfemble une nouvelle coulcur, & non pas une lnarbrure, e'eft que les intervalles qu'on fuppofe remplis les derniers , foient & tres-petits & femes par-tout. II fuit dela qu'il n'y aura plus un grand nombre de couleurs qui puiffent s'ajufter fi bien enfemble. Le jaune &: le bleu unis admettent encore entr'eux le rouge, e'eft- a-dire, que de l'etofle blanche dont une infinite de parties avoient pris le jaune, une in- finite d'autres parties le bleu, il en reftoit encore une infinite de parties blanches qui pouvoient prendre le rouge. Quel ouvrage de marqueterie , & a quel point cette marqueterie eft-elle fine ! On compte dans l'art de la teinture , le bleu, le jaune & le rouge, pour trois couleurs principales & dominantes , dont le melange & la com- binaifon peuvent produire toutes les autres. On a vu , il y a quelque temps, des tableaux imprimes , dont l'ingenieufe invention etoit fondee fur ce principe. S'il eft bien vrai, comme il le paroit, le fyfteme de M. du Fay , en rend ailement raifon , mais avant que d'arriver julques-la, combien a-t-il fallu rejetter d'idees qui s'offroient plutot , & plus na- turellement ? OBSERVATIONS CHYMIQUES. JVIr. Psilandkhhielm, gentilhomme Suedois , correfpondant de l'academie , a ecrit a M. Groffe qu'il a vu faire en Boheme des boutons d'un verre rloir compofe d'ardoife , d'un pen de terre calcaire tiree des memes mines que l'ardoife , & dune pierre appellee Quart[. Ce quartz eft tres-difficile a vitrifier ; l'ardoife , du moins celle de ces pays-ci , ne fe vitrifie point au plus grand feu , feulement au-lieu de fe mettre en fuiion elle fe bourfouffle , & fe change en une efpecede fcorie , & la merveille du fait rapporte par M. PlUanderhielm , eft qu'avec de pareilles matieres on puifle faire du verre. II eft bien qu'en Chymie on ne doit pas etre fi etonne de ces fortes de merveilles. Des matieres, qui chacune feparement font incapables d'un certain eft'et , peuvent en devenir capables par leur union , mais il eft toujours bon de s'affurer qu'elles le foient devenues, & e'eft ce qua fait Y M I I. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 247 M. du Hamel Air le verre noir de Bohemc. 11 en a compofe un tout; femblable avec de l'ardoife & des congelations de ftaladite qu'il avoit _ apportees de Provence, & qu'il fubftituoit au quartz qui lui manquoit. u 11 avoit bien rcconnu ces matieres, chacune a part, pour u'etre nulle- Annu nil. ment vitrifiables. Les congelations de Provence out cntierement difparu dans la vitrifi- cation , ce qui prouve combien elles fe font parfaitement vitrificcs. Du gyps de Montmartre, de la chr.ux ordinaire, du verre broye , mis en leux place , n'ont pas laiffe de reuffir aufli. I I. M. le premier medecin ayant voulu faire examiner l'eau d'un pints de Suffy en Brie, fur ce qu'elle avoit la reputation d'etre fulphureule & ni- treule •, ce qui meritoit beaucoup d'attention , parce que la qualite de nirreufe auroit rendu cette can unique jufqu'a prefent en Europe , M. Geoffrey fe tranfporta a Suffy , pour en juger dans toutes les regies de l'art. Le puits etant vuide, il le trouva qu'il etoit forme de deux fources inegalement hautes, dont 1'une avoit fourni auparavant l'eau d'un autre puits que Ton croyoit fulphureufe, & l'autre devoit etre la nitreufe. La premiere n'etoit liilphureufe que par tine mauvaife odeur de bourbe, commune a tons les puits qm'on ecure , mais le pretendu nitre de la fe- condc meritoit plus d'examen. Toutes les epreuves de M. Geoffroy n'en decouvrirent point, mais feulement un acide vitriolique , que cette eail avoit pris apparemment dans quelque banc de glaife fur lequel elle avoit fqourne, oil coule du moins affez lentement. Cet acide s'etoit uni pour la plus grande partie a line fubltance terreufe & gypfeufe , & il s'en etoit forme des cryftaux de felenite, qui fe trouvoient etledivement dans cette eau , & qu'on avoit pris pour des cryftaux falins & nitreux. Comme cette nienie eau precipitoit la dillolution de mercure en turbith , c etoit la un effet de la portion d'acide vitriolique qui etoit demeuree libre , & nc s'etoit point engagee dans de la terre on du gyps , on reconnoiffoit par l'epreuve de la noix de galle que l'acide vitriolique n'avoit point attaqu£ de parties fernigineufes. Enfin , par toutes les differentes epreuves & par toutes les reflexions de M. Geoffroy, l'eau de Suffy fut reduite a n'etre qu'une eau de puits ordinaire. Qui fait cependant ii elle n'eut pas fait des guerifons en cas qu'on l'eut declaree minerale J i+3 ABREGE DES ME" MOIRES . I ■! C H Y M I E. S U R L' E T A I N. jdfl^CC 2 7 **$• 1^ I _L ^ ous ne repeterons point, d'apres M. Geoffroy, qui a entrepris d'i- Hift. tucJier a fond l'etain , l'hiftoire naturelle de ce metal , des differentes mi- nes d'oii on le tire , de la maniere dont on le reconnoit , dont on le fepare de fa marcaffite, dont on le travaille pour le debiter enfuite, &c. II nous fuffira de dire qu'il y en a en Angleterre , en Allemagne j en quelques pays des Indes orientales , mais que celui dont nous ufons com- munement en France nous vient dAngleterre. Ce pays-la eft fi ancien- nement connu pour produire l'etain, que les Grecs ont donne fon nom aux ifles Caffiterides. L'etain dAngleterre n'eft point pur. II y a meme de feveres reglemens qui dependent d'en faire fortir de pur hors du royaume , cependant quel- ques curieux ne laiffent pas de trouver moyen d'en avoir quelques mor- ceaux, & M. Geoffroy eft de ce nombre. Tons les etains que Ton peut avoir de differens lieux font allies , oil de plomb, on de cuivre, ou de zinc, on de bifmuth , ou de plufieurs de ces matieres minerales a la fois. On a eu dans ces alliages differentes vues, tantot de rendre l'etain plus propre a un certain ufage , tantot a un au- tre, & peut-etre auffi les alliages ont-ils du etre varies felon la nature de l'etain qu'on avoit eu de la mine. Nos potiers d'etain ont des epreuves pour reconnoitre les alliages de letain comimin qu'ils emploient , & il leur eft ordonne de n'en employer que d'une certaine qualite •, mais ces epreuves fufhfantes pour le deffein des loix , .& pour l'interet ordinaire du public , ne fuffiroient pas pour fatisfaire toute la curiofite d'un chymifte , ni meme pour aller audi loin qu'une plus grande utilite du public pourroit le demander. Ainli M. Geof- froy a entrepris d'examiner , par rapport aux alliages, toutes les diiierentes fortes d'etain qu'il pourroit recouvrer. Heureufement il avoit entre les mains cette petite quantite d'etain dAn- gleterre defendu, qu'il appelle vierge , & comme il eft certainement plus pur que tons les autres , c'eft a celui-Ia qu'il les compare tous. Quoique plus pur, il a encore de l'alliage, foit artinciel , ce qui viendra de la ma- niere dont il a etc purine, foit naturel, c'eft-a-dire, que differens princi- pes , & quelques-uns peut-etre qui ne font pas effentiels , feront entres dans fa premiere formation. M. Geoffroy commenca done fes recherches par cet etain vierge. II en prit deux onces qu'il fit paffer par douze calcinations fucceffives, cha- cune d'un feu & d'un temps egal. On'voit affez que le deffein etoit d'ou- vrir tellement ce mixte de tous les fens , que rien de ce qui y etoit entre ne put s'y cacher, & que par des perquifitions fi redoublees tout fiit force a fe decouvrir. II etoit important d'obferver a la quantieme perquilition ou calcination un principe paroiffoitj & s'il fe faifoit recon- noitre a des marques plus ou moins fortes. DK L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i^j A la premiere calcination de Ietain vierge , il fc forme , lur la fur amm^* face du metal en fulion , une petite pellicnle de parties calcinees qui fe q h v m , E_ difpofent en ecaillcs blanches , & un pen rougeatres. On voit qu'en plti- licurs endroits cctte pellicnle fc fou'eve, fe gonfle, s'ouvre , & quit en Annie i~3b'. fort tantot une petite flamme blanchatre qui jette une fumee de la mane couleur, tantot une vegetation metallique qui n'eft pas forte. A la feconde • calcination , les bourfouftlemcns augmentent , & les vegetations devenues plus conliderables , s'elevent en forme de chou -fleurs ; la chaux blanche commence £ etre tachetee de noir. Ce noir augmente dans les calcina- tions qui fuivent, les bourfouftlemcns diminuent, les vegetations celTent, & enfin a la douzieme calcination , tous les phenomenes des precedentes out prefque entierement difparu , le pen dc chaux qui refte, eft mele de quelques grains de metal tres-menus , & qui paroillent beaucoup* plus durs que T'etahi. De cet expofe, quoique fort abrege,& affez fuperficiel, on pcut ou conclure ou conjcdhirer qu'il y avoit dans cet etain vierge beaucoup de foufre , & un foufre aifement inflammable , & aifement leparable du niixte, que les fumecs ou vapeurs blanches venoient de parties metal- liques effentielles a l'etain , que les taches noires indiquoient du plomb mele en petite quantite , qui ne fe manifeftoit que plus tard. M. Geof- froy foupconne que ces petits grains durs qui out para tout a la fin , pouvoient etre de l'argent , mais il n'en a pas eu une affez grande quan- tite pour s'en affurer par la coupelle. II foupconne auffi, par 1'odeur que jettoient quclquefois les vapeurs , & par des reflexions plus recherchees, qu'il pouvoit y avoir dans ion etain quelque melange d'arfenic, qui alors • ji'eut pas apparemment ete artificiel. Cela fufrit pour faire comprendre comment M. Geoffrey , ayant une fois fa piece de comparaifon bien etablie , & bien connue , s'en eft fervi pour examiner d'autres etains-, ceux , par exemple , qui an meme nombre de calcinations que l'etain vierge jettoient moins de vapeurs blanches, avoient moins de parties metalliques propres ; ceux dont la chaux etoit tachetee non pas de noir , mais de verd , avoient du cuivre , & non pas du plomb , ceux qui diminuoient davantage de poids par la calcination , avoient du bilmuth , qui eft une matiere trcs- volatile , &c. M. Geoffroy auroit bien voulu pouvoir feparer retain de tout alliage, meme naturel , & l'avoir dans toute fa purete , mais il avoue qu'il n'a en- core pu y reuffir , au moins d'une maniere qui flit affez aifee & affez pra- ticable. On ne doit pas en ce fiecle-ci fe preffer de dtfefperer de rien. Tome VJII. Partie Franfoife. I « 25o AB Rt G ± DES MEMOIRES C H V M I E. Annie ij^S. Sur dv Sez de Glauber t ro u v e dans le Vi tri o x. Hift. J\| ous avons fait en 1720, (a) un petit denombrement des differen- • tes matieres 011 un feul chymifte de l'academie, M. Boulduc, avoit trouve du fel de Glauber, que Ton n'auroit pas trop foupconne d'y etre. Cette furprife, fi e'en eft encore une , doit augmenter par la decouverte de M. Hellot, qui a demele auffi de ce fel dans le vitriol d'Angleterre. II avoue que ce n'a et6 que par hafard , mais ce hafard n'a ere le fruit que d'une operation tres-longue & tres-penible, dont le detail efFraieroit tout autre qu'un chymifte bien determine a une recherche. Tout le monde fait que le fel de Glauber eft forme par un acide vitrio-' Iique tranfporte.fur la bafe du fel marin. Nous avons aflez amplement parle de cette bafe en 1736, ( b) le fel de Glauber ne fe formera hi d'un autre acide que le vitriolique uni a la bafe du fel marin , ni d'un; autre bafe que Telle du fel marin uni a l'acide vitriolique. D'un autre cote, on fait que le vitriol verd , tel que celui d'Angleterre , eft forme de l'acide vitriolique uni a une bafe terreufe & ferrugineufe. II eft poffible qu'il fe trouve dans le vitriol-, des fa premiere formation, du fel de Glauber, de grands chymiftes tiennent que le fel marin eft I°o- rigine de tous les autres fels, il y aura done par-tout les deux principes qui le compofent , fon acide & fa bafe , mais quelquefois defunis , & quand il fe formera un vitriol , il pourra arriver qu'un acide vitriolique rencontre une bafe de fel marin , nue , pour ainfi dire , & depourvue d'a- cide, & s'y unifTe. Ce fel de Glauber fera dans le vitriol en auffi petite quantite , auffi cache , & auffi enveloppe qu'on voudra. II n'eft pas meme neceffaire qu'il y ait a la rigueur du fel marin dans tous les fels, il fuftit qu'ils foient tous fort meles, comme ils le font certainement. Mais il eft beaucoup plus apparent que le fel de Glauber fe foit forme dans le vitriol par l'extreme violence du feu, par l'operation de M. Hel- lot , pourv'u qu'il y ait eu dans le vitriol un peu de fel marin cache. Le feu avoit chaffe tous les acides a tel point que d'un caput mortuum de dix-huit livres de vitriol, il ne reftoit que deux onces & demie de fel, dont meme pres d'un fixieme n'etoit qu'un e terre. L'acide vitriolique eft le moins volatil de tous, celui qui s'eleve le plus diflicilement. Par con- fequent apres que les acides de ce fel marin s'etoient envoles, & avoient laiife leurs bafes a nud , il pouvoit refter encore des acides vitrioliques propres a s'en failir. M. Hellot trouve tres-vraifemblable qu'il y ait efTecTrivement du fel marin dans le vitriol , mais il fera impoflible de l'y decouvrir par la voie (a) Tome VI de cette Collecftion AcaaMmique, Partie Fransoife , page 223. Q4) Voyez ci-deffus 1'article De la Baft da Sd Marin. C H Y M i r. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 15 r dc !a dillillation , on- vient d'cn dire la railon d'avance, l'acide dc ce itrl ! s'envolera avant le vitriolique , il fera done decompofe , & on ne pourra fhis le voir fous fa forme naturellc. II ne reftera de lui que la bale dont acide vitriolique fe fera empare. Un fel de Glauber reprefentera le lei Anne'e 1738. ataxia qui n'exiftcra plus. M A N I E R E De preparer les Extraits de certai nes Plantes. Par M. Geoffrov. •A -tVp nf;s avoir donne en 1751 & en 17 Ji, (a) les analyfes des chairs Mem. des animaux & de quelques autres alimens pour determiner la quantite des parties nourritfantes qu'elles contiennent, il etoit naturel que j'exami- iiaffe de meme certains vegetaux qui font en ulage, foit comme legumes, loit comme alterans ou purgatifs. Ayant beaucoup travaille fur pluiieurs de ces vegetaux, les relultats ne me donnoient rien de plus lingulier, que ce que nous avons deja dans les rcgiftres de 1'academie, a quelques dirferen- ccs pies, qui n'auroient pas rendu mes details fort intereffans ; ainli , je ne cms pas qu'il fiit a propos de publier des obfervations pen dignes des recueils de cette academic. J'avois cependant decouvert qu'avec line cer- taine attention a f.iire les extraits de pluiieurs plantes qui font d'ulage dans la medecine, on trouvoit le moyen de conferver toute leur vertu • dans 1111 trt-s-petit volume. • Mais je craignois q'uc cette decouverte n'appartint plutot a la pharma- cie qua la chymie : d'ailleurs , ce n'etoit, pour ainli dire, que la rectifi- cation d'une operation limple & trcs-commune , qui n'auroit pas merite d'etre publiee , li une femblable preparation n'avoit ete mile en vogue de- puis quelque temps fous un autre nom, par un autre moyen, <& fous la . protection du roi. .On fait que M. le comte de Lagarais, tres-eftime dans fa province, pour les etabliti'emens charitables qu'il a faits, tit voir a fa majefte en 173 1 , des poudres qu'il nommoit /els ej'entiels , & qu'il tiroit de vegetaux par le moyen d'un dilfolvant univerfel applique d'une certaine maniere. Pendant trois ou quatre ans, le diffolvant & la maniere de l'employer out ete te- nus fecrets, & ce n'eft que depuis un an ou dix-huit mois, que M. de Lagarais ayant devoile tout le myftere , on a fu que fon diffolvant etoit de l'eau agitee vivement par une efpece de mouHoir a chocolat. On trouve dans une lettre de Joel Langelot,-(,, . Uie difference remarquable entre ces deux machines : le pilon de celie de V-'HlMIt. T 11.1 • r i c- • rr .Langelot broie les mixtes en appuyant lur eux, les fromant comme entre Annie Ijl8. deux meules, & les reduifant en une efpece de bouillie a l'aide de l'eau, dont il ne met qu'une ties- petite qUantite a la fois. Le mouffoir de celle de M. de Lagarais, au contraire, eft tenu fufpendu dans un vafe de verrc eleve de bord, & dont i! ne touche point le fond : ce vafe contient beau- coup d'eau, & tres-peu du mixte dont on veut tirer le pretendu fel effen- tit-1. La principale piece de la machine de Langelot eft une roue verti- cale a dents , engraiiunt dans un pigrion qui flit mouvoir le pilon tritn- rant. La machins de M. le comte de Lagarais eft mue par une roue ho- rizontale a rainures , femblable a celle des Iapidaires, qui fait tourner le mouffoir-, & ce mouffoir eft garni au bas de quatre ailerons, ou efpeces . de vannes de bois mince de deux ponces de haut fur un police & -demi de brge, qui battent l'eau, & qui rentretenant pendant fept ou huit heu- res dans un mouvement circulaire , rapide & non interrompu, forcent le mixte, deja divife par une pulverifation precedente, a fe divifer encore davantage & a abandonner a l'eau fes principes les plus ailement diflo- lubles. Le hafard m'a fait tomber entre les mains quelques papiers d'un chy-" mifte Allemand, nomme M. Pollier, auquel quelques fufcriptions de let- tres trouvees dans les memes papiers , donnent la qualite d'ecuyer de l'E- lecteur Palatin. Parmi ces papiers il y a une lettre fans date dans laquelle on lui envoie quelques obfervations fur l'ufage d'une machine prefque femblable a celle de M. de Lagarais , & qui eft mue par des poids devi- dans d'une poulie portant a fon axe line roue a dent, engrainant comme • celle de Langelot, dans un pignon qui a pour axe vertical le baton d'un. moulloir a ailerons on vannes , peu ditrerens de ceux du mouffoir de M. de" Lagarais, mais qui doivent faire le meme effet. On trouve une pareille machine a mouffoir deffinee a core de celle de Langelot dans la planche K, page 204 du traite de la verrerie de Kunckel, imprime en allemand a Amfterdhm , in-quarto 1679. Le travail de la machine par M. de Lagarais eft d'une utilite reelle; & Cjuoiqu'il ne fournifle pas un veritable fel eflentiel des mixtes , nom qu il * a donne aux poudres qu'il a fait voir au roi , & que fa majefte lui a per- niis de faire debiter pour employer le profit au foulagement des pauvres, e'eft du moins un extrait tres-pur des parties gommeufes, refineiiles & fa- lines des vegetaux : extrait qui a la propriete de fe pouvoir reduire en poudre , de pouvoir etre adminiftre en petit volume , & de fe diffoudre dans les liqueurs convenablcs a la maladie pour laquelle on juge a propos de l'employer. Ainfi , bien-loin de condamner des remedes prepares de cette maniere , je crois qu'il eft important de les introduire dans l'uuge de la me- decine , ne filt-ce que pour les pcrfonnes delicates & pour les enfans. Mais la preparation de ces extraits par la machine de M. le comte de Lagarais , a des inconveniens : el!e eft longue, de depenfe, l'evaporation de l'eau char- gee des principes du vegetal , demande des bains-marie multiplies , des DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 255 licux tics ctendus, une grande quantite de charbon : cn^in mot , elle n'eft ™*^~— — ^^^? n.is praticable a Paris oil le feu coute beaucoup , & les endroits convena- C h y m 1 e. blcs encore davantage', ainli, je ne crois pas pouvoir me difpenfer de dire qu'il y a un moyen beaucoup plus limple , puifqu'il en refulte plus vite les Annie ty^8, memes erfcts, & que je retire des vegetaux un relidu deffeche, qui , deta- che d? la porcelaine oil il a evaporc, meriteroit le noin de fel eirentiel auili-bien que ce.'ui de M. de Lagarais, s'il' m'ctoit permis de me trom- per liir cette denomination. Mais pour faire fentir l'utiiite des preparations de M. le comte de La- {;arais par fa machine, l'exacte resemblance des memes preparations felon a methode limple & abregee que je propoferai, & l'avantage de ces ex- traits fur les extraits faits par les methodes ordinaires, il faut mettre les 11ns & les autres en comparaifon. Les extraits ordinaires decrits dans les pharmacopees , fe font ainfi. On exprime le die de certaines plantes aqueules, coninie le pourpier, la jou- barbe, &c. ce fuc exprime fe depure de hii-memc, on le filtre & on le met evaporer doucement au bain-marie. Celui de la joubarbe fe reduit en conliftance de gomme tendre, de couleur d'ambre, dun gout acide ic aftringent. A l'egard des plantes qui out moins de fuc que les precedentes ou que Ieurs femblables, on les fait cuire dans line quantite d'eau proportionnee a leur volume : on exprime la liqueur, on la laiile repofer, & on la de- cante doucement fur un filtre , & Ton met evaporer au bain-marie ce qui a pallc par le filtre. II le cryftallife a la longue dans ces extraits un fel qui eft nitreux dans beaucoup de plantes. Celui du pourpier, par exemple, fule fur le char- bon allume comme de la poudrc mouillee ; d'autres plantes donnent audi d'autres iels. Voyez fur cela le memoire de M. Boulduc. (a) II y a des plantes qui laiffent dans leurs decoctions un fediment confi- derablc d'une terre fine, qui refte indilloluble lur le filtre, & qu'on re- jette ordinairement apres avoir fait pafler deffus de nouvelle eau chatide pour en dilToudre ce qui pourroit y etre demeure de fel effentiel. Ces lues ou ces decoctions de plantes etant epaiffis par evaporation , font ce qu'on nomme extraits. lis renferment en cet etatle fel ellentiel de la plante qui en fait la plus petite partie ; l'huile, la partie gommeufe & la relineule. En un mot , tout ce qu'on nomme communement principes de la plante, la terre groffiere exceptee, s'y trouve raifemble & plus rapproche qu'il ne l'etoit dans la plante; mais on ne peut pas dire de ces extraits qu'ils loient des fels efTentiels, comme M. le comte de Lagarais le dit des fiens. On ne donne le nom de fel elTentiel qu'a ce qui left veritableincnt. Le vin, le verjus, quelques autres (ucs , comme celui de 1'epine-vinette, de la grenade , de la groieille , rendent ce fel par limple depolition & tins aucune preparation precedente. II faut evaporer les fucs de citron , (j) Anne'e 1734, des Me"moires de ['Academic C ii Y M I E. iU A B R E G E D E S MEMOIRES d'ofeille, le vinaigre meme, jufqu'a confiftance de lirop clair, pour avoir leurs fels effentiels, qui ne fe cryftalliferoient jamais dans une tiop grande quantite de flegme. Cependant s'ils font trop evapores , il s'en forme un Annc'e i'/l8. extrait, qui, par fa vifcohte , empeche la reunion des molecules falines , & rer.irde confiderablement leur cryftallifation •, mais comme les fels en queflion n'y font pas pour cela detruits, & qu'ils y exiftent toujours avec leurs differences fpecifiques , on s'en appercoit aifement lorfqu'on mele enfemble difftfrens extraits , puifqu'il s'y fait line fermentation & un gon- flement qui ne doiveut etre attribues dans le cas prefent, qu'& la reaction de ces fels de differens genres les uns fur les autres. Or, fi Ton veut.faire voir que les fels effentiels font a&uellemeiit dans ces fucs epaifTis , il n'y a qu'^ etendre ces extraits dans de l'efprit de vin reftifie ; les parties huileufes ou relineufes de 1'extrait s'y dilfoudront , & le fel reftera ^ decouvert & debarraffe des autres matieres qui le cachoient. Je n'ai pas befoin de m'etendre davantage fur cette preparation ordinaire de ces fortes de medicamens ; ce que j'en ai dit, fuffit pour faire fentir la difference de ceux-ci avec ceux de M. de Lagarais, dont je vais parler. J'ajouterai liulement qti'il y a quelques mixtes , le benjoin , par exem- pie, qui, etant infufes pendant quelques heures dans l'eau chaude, y laif- fent leurs fels. On n'a qua filtrer cette inmfion & la laifler refroidir , on y trouve de petits cryftaux fins & en aiguilles, femblables aux fleurs de benjoin. Le fuccin bien porphyrife , infufe de meme dans l'eau chaude, lui com- munique line faveur aromatique acide •, cette liqueur eporee lentement , _ laifle des cryftaux qui font le fel du fuccin. Par le moyen de l'efprit de vin dans lequel on a fait diffoudre les bau- mes du Perou , on retire avec le temps un fel elfentiel de ces baumes. On en trouve audi dans plufieurs huiles effentielles , & j'en ai fait voir a l'academie en 1711 , lorfque je lus mon memoire fur ces huiles etherees. (a) J'ai obferve depuis du fel effentiel dans des eaux diftillees , fur-tout dans celles de plantes aromatiques , & dans des bouteilles oil je confervois de l'efprit de cochlearia. Enfin , je fais par ma propre experience qu'on peut faire un fel effen- tiel, oil, fi Ton veut, un fel neutre de gayac , en verfant l'efprit acide rc&ifie de ces bois fur fon fel fixe ou lixiviel. Tous ces fels peuvent etre regardes comme des fels effentiels, 'OU tout au moins comme des fels moyen s cryftallifes , ils en ont la tranfparence , la nettete ; perfonne ne peut douter en les voyant que ce ne foit des fels. II n'en eft pas de meme des preparations dont je vais parler. Ceux il qui M. le comte de Lagarais a communique toutes les circonf- tances de ton operation , mettent dans une groffe bouteille de verre, large d'ouverture & de la capacite de fix a fept pintes , une once ou en- viron de la matiere dont ils veulent avoir le fel, foit quinquina, gayac, (n) Voyez le Tome V de cette Collection Academique , Partie Frangoife, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 155 fcne on autre, deja groflierement pulverifee. lis verfent par-deffus deux *MMM"*M ' pintcs & chopine an moins d'eau, celle de pluie ou diftillee agit mieux p qu'une can trop crue. On fait cntrer le mouffoir jufqu'au milieu ou ailx deux tiers de la liqueur, en elevant plus ou moins le lupport dc la bou- Annie fj8. teille. On recouvre l'ouvertiire de cette bouteille d'un parchemin ou d'une velfie mouillee, pour empechcr que 1'ecume qui s'eleve pendant l'a- gitation , ne forte hors de ce vaiffeau ; & par le moyen de la grande roue horizontale dont il a ete parle au commencement dc ce-memoire , on fait mouvoir circulairement & fort rapidement les ailerons de ce mouffoir pendant lept a huit heures ou davantage , felon que le corps qu'on ex- [>ofe a ce mouvement eft plus ou moins dur a penetrer. Aprcs quoi on ailfe repofcr pendant une heure ou deux la liqueur chargee legcrement des principes les plus purs du mixte : on la verfe par inclinations fur douze ou quinze alliettes plates de porcelaine ou dc faiance tris-unies ; en forte qu'il y ait peu de liqueur fur chacune, & on les expofe au fo- leil , ou bien on les place fur un bain-marie prepare pour cet effet ; car li on les ftifoit evaporer au bain de fable, la petite quantite d'extrait qui refte etendue fur chnque afliette , courroit le rifque de fe briiler. Lorf- que cet enduit d'exrrait eft delfeche en une couche trcs-mince, on le de- tache avec un grattoir a papier , le plus adroitement qu'il eft poflible , parce que chaque petit eclat ou ecaille que rinftrument enleve de deffus l'email de 1'afTiette auquel elle eft tres-adhsrente , ayant du reffort , faute alfez haut & fe perd li Ton n'y prend garde. Ce font routes ces petites ecailles ramies qui font le pretendu fel effentiel. Ce qui a pu tromper 8c Ieur faire donner ce nom , e'eft que la partie de 1'ecaille de cet extrait fee qui etoir adherente'a 1'afliette, etant detachee d'une furface trcspolie, y a pris un brillant qui la fait paroitre d'un cote commc l'une des faces de quelque fel cryltallife; & toutes ces petites ecailles miles enfemble dans un Macon, rcflemblent par ces brillans, a un fel menu qu'on auroit colore de brim ou d'autre teinte. II n'y a point de doure que cette methode d'ouvrir & de divifer les fubftances vegetales , ne puiffe etre employee utilement fur tous les corps que l'eau peut penetrer; m.iis il eft difficile de fe perfuader quelle puilfe operer avec le meme fucces fur les corps metalliques , principalement fur largent , fur l'or , puilque du fer meme qui eft plus aife a penetrer par l'eau qu'aucun autre , a peine tire-t-elle de deux onces de limaille , trois a quatre grains d'une matiere terreufe blanche, qu'on pent meme foup- conner venir de l'eau elle-meme aufli-bien que de la limaille qu'on y a te- nue dans un mouvement rapide. Ainli , toutes les fois qu'on fera voir des fels metalliques extraits par une fen-.blablc operation , on aura droit de croire que le difiblvant n'aura pas ete limple, & que l'eau qu'on aura employee, contenoit quelques fels. M. Groffe qui a examine les fels me- talliques de M. le comte de Lagarais, a trouve dans tous, des indices de fel marin. II eft vrai que (i par la machine de Langelot on triture les feuilles d'or avec rrcs-peu d'eau a la fois, on parvient a reduire l'or en une liqueur, I! Y M I E. 255 A B R E G E DES MEMOIRES [qui, diftillee cnfuite, donnc quelques gouttcs rouges. Feu M. Homberg verifia cefte experience en 1707 on 1708; mais corame il setoit fervi d'un mortier d'acier & d'une molette de meme metal ajuftee il re mor- Arihle 1 "7 rr. tier, ii eft i craindre que la couleur rouge de cette diliolution de Tor ne vint de quelques particules detachees du mortier & de la molette par tin frottement fort & rapide. Quoi qu'il en foit, cette experience n'a rien de comnuin avec celles de M. le comte de Lagarais , oil Ton n'emploie pas un frottement de cette efpece. On ne peut difconvenir que la maniere dont M. le comte de Lagarais fait eVaporer fes extraits , ne foit excellenre. II y a tres- long- temps que je lai mife en ufage par fimple curiolite , fur- tout pour les extraits des fleurs de violettes, de rofes, d'ceillets & de quel- ques autrcs fleurs, ^ deffein de leur conferver leur odeur & leur couleur, & il feroit a fouhaiter qu'on fit tons les extraits- de la meme maniere. Mais quand on eft oblige d'en preparer en quantity , cette methode eft prefque impraticable •, ce qui oblige de recourir a la methode ordinaire dont j'ai parle ci-devant, lit quoiqu'on puiffe dire qu'il eft facile de mul- tiplier les moulfoirs , de les mouvoir par un courant d'eau ou par des chevaux, on ne remedie pas au principal inconvenient, qui eft la difficulte de l'evaporation , laquelle s'augmente a mefure qu'on augmente la quan- tite de ces teintures •, car i\ Ton a vingt ou trente pintes d'eau chargee des principes de difterens vegetaux , quel fera le bain-marie oil l'etuve affez grande pour evaporer de fuite cette quantite de teinture diftribuee fur tine fi grande quantite d'afliettes ? Or on ne peut en retarder l'evapora- tion, parce que cette teinture s'aigriroit bien vite, fur-tout dans les temps chauds. Ainu, l'inutilite de ces moulins eft affez demontree ; ils ne peu- vent fervir tout au plus qua fatisfaire la curiolite de quelques perfonnes qui voudroient preparer ces fortes d'extraits pour leur ufage particulier, on qui auroient deffein d'examiner certaines matieres trop pefantes pour etre tenues fufpendues dans une eau qui ne feroit agitee que par la cha- leur du feu. Mais Ton peut appliquer tres-utilement cette maniere d'evaporer les infufions des vegetaux, aux plantes purgatives, comme le fene, la gra- tiole, la foldanelle , la coloquinte , la racine d'ellebore, les tithymales, & pour avoir en poudre feche & en petit volume les parties veritable- ment febrifuges du quinquina, fans charger 1'eftomac des fibres inutiles de cette ^corce. 11 ne s'agit ici que d'abreger, autant qu'il fera pollible, l'operation de M. le comte de Lagarais , & d'avoir attention de ne tra- vailler comme lui , que tres-peu de matiere a la fois. Ces extraits coute- ront , a la verite , un pen plus de peine , de foins & de depenfe , que les extraits ordinaires ; mais on en retirera une tres-grande utilite , en ce qu'on evitera aux malades delicats & aux enfans le degoiit des infulions de certains purgatifs , donnees en grand volume. On evitera auffi en trai- tant le quinquina de cette maniere, le defagrement de la boiffon , le vo- lume des opiates , ou la difficulte de digerer trois ou quatre fois par jour le poids d'un gros de cette ecorce avalee en poudre. Ceux qui font dans I'ulage de certains purgatifs, oil qui, fujets a des recidives de fievres, font DE L'AOADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 257 font dans la neccffite de recourir fouvent all quinquina , pourront faire ces ■■ ■■— ' ■— ■»— preparations eux-memes plus aiiement que par fa machine de M. de Lagarais. ~ L'adtion du mouffoir de cette machine ne fert, comme jc Pai deja H.'* : ' E dit, qua tenjr dans unc agitation violente, les particulcs du miy.te qu'on Annie 1738. a mis dans l'eau, a les amincir par des frottemens repetes, a rendre leurs pores plus aiiement penetrables par 1'eau , qui alors en dilTbut les fcls & les gommes, & en dctache les parties reimeuies qui y reitent iiifpendues. Ainli , cette agitation rapide n'opere rien de plus que ce que feroit l'eau bouillante vcrfee fur les me;:ies mixtes. J'ai traitc divers vegetaux Dar les deux moyens, e'eft-a-dire, par llhe machine femblablc a celle de M. le comte de Lagarais, & par l'eau bouiibnte, & je n'y ai trouve aucunc dif- ference , ii ce n'eft que par l'eau bouiilinte l'extraclion etoit beaucoup plus exacte-, ce qui me force a conclure que la machine eft inutile. Le ieul excmple de l'infulion du the & de ['ebullition du cafe , prouve que Ton tire beaucoup plus vite les principes de ces deux vegetaux par la manierc ordinaire de preparer ces deux boiffons, qu'on ne le feroit avec tout l'appareil d'une machine, mue pendant vingt-quatre heures. Je vais donner quelques exemplcs de preparations d'extraits purgatifs raits fans mouffoir , & qui , compares comme on voudra k ccux qui font prepares par le mouffoir ^ne laiffcront appercevoir aucune difference, pas meme dans leurs effets. J'ai verfe fur un gros de (inc en pouire , trois demi-fetiers d'eau bouillante, je l'ai laitie infufer a chaud pendant vingt-quatre heures, j'ai filtre l'infulion , je l'ai fait evaporcr an bain-marie dans line terrine de cryftal , jufqu'a ce que la liqueur commencat a prendre line legere con- fiftance de lirop clair , enfuite je l'ai diftribuee egulcment fur des affiettes de porcelain? pour achever l'evaporation jufqu'a fee , au meme bain •, car moins il y a de liqueur fur 1'afCette, mieux la couche de l'extrait fe def- feche •, fi on en mettoit davantage , cette couche feroit trop epaiffe & ref- teroit humide, ce qu'il faut eviter. Par une premiere experience, j'ai eu vingt-quatre grains d'extrait bien fee en petits eclats ou ecailles, brillantes d'un cote, & ternes du cote fuperieur qui ne touchoit point a 1'email de faffiette. La meme experience repetee m'a laiffe auffi vingt-quatre grains d'extrait fee; ainli, ces vingt-quatre grains d'extrait equivalent k un gros de line qu'on donneroit en infulion ; ils purgent de meme , 011 feuls , ou joints a la manne, ou pris dans quelque conferve avec line folution de quelque fel purgatif par-deffus, ou etendus dans l'eau, comme tilaue laxative , ou diflous dans quelque eau minerale. De plus , ils n'ont pas le defagrement de l'infulion. La feuille de gratiole qui eft un purgatif violent, ayant etc pulverifee comme le lend , & traitee de meme , m'a laiffe comme lui , la meme quantite d'extrait. Cet extrait de gratiole purge tres-bien a huit, dix & douze grains. • Je ne parle point ici des extraits des autres purgatifs que j'ai cites, pour ne pas alonger inutilement ce memoire; mais on voit bien qu'en propor- tionnant les dofes, ils pourront etre utiles aux enfans & aux perfonnes Tome VIII. Partie Franfoi/e. Klc i58 ABREGE DES MEMOIRES — 1 1 — qui out line repugnance invincible pour les purgatifs de mauvais gout; P on qui, avec cette repugnance, font trop dedicates pour qu'on puiffe rif- i y M i e. qller deleur donner la fcammonee, qui caufe prefque toujoursdescoliques Annc'e 2?->8. violentes, & fouvcnt des fuperpurgations. On n'aura qua reduire ces ex- traits en poudre tres-fine avec le lucre, &, fi Ton vent, avec quelque terre abforbante qui en puiffe tenir les parties refineufes divifees. La dif- folution de ces extraits le fera promptement dans, 1'eftomac , pour pen qu'on prenne de la boilTon chaude par-deffus & pendant la journee. Je reviens au fene , pour faire voir que Taction purgative de fon ex- trait prepare, corame je viens de le dire, eft moins infidele que les in- fiilions ordinaires. On fait qu'en l'lnfufant a froid il purge doucement, ce qui depend ccpendant du plus ou moins de temps qu'il aura ete tenu dans l'eau. Infule a chaud il purge plus vivement. On voit encore qu'il faudroit determiner, & la duree de Tinfufion, & le degre de chaleur. Ainli , la variete dans l'effet purgatif de cette plante depend de la ma- niere dont elle eft penetree par l'eau qui doit fe charger de fes principes a&ifs. Les follicules de fene qui font les filiques ou goufles dans lefquelles les graines de l'arbre font renfermees , purgent , dit-on , plus doucement que la feuille. La raifon eft , que le tiffu de ces membranes deftinees par la nature a la confervation des femences, eft beaucoup plus ferre que le tiffu des feuilles ', & que l'eau chaude nierae le penetrant plus dimcile- ment, n'en tire que peu de ces principes attifs, parce que l'ufage eft de retirer Tinfufion du feu quand l'eau commence a bouillir, c'eft-a-dire, dans le temps qu'elles commenceroient a lui abandonner tout ce qui fait leur vertu purgative ; d'ailleurs , elles ont line vifcolite naturelle , qui eft un obftacle a l'entree des parties de l'eau dans ces membranes : elles pur- geroient de mime que les feuilles , fi on les faifoit bouillir long-temps •, car toutes les parties du fene purgent, meme les petites tiges ou pedicules des feuilles, il ne s'agit que de les ouvrir par une ebullition dont la duree foit proportionnee a la tenacite de leur tiffu. Mais en faifant des extraits deffeches de ce purgatif, de la maniere que je propofe , on remedie aux inconveniens que j'ai fait rcmarquer : on a, dans vingt-quatre grains de poudre, route la vertu purgative d'un gros de fene, & Ton eft le maitre d'en augmenter on diminuer la dofe, fuivant l'age on le temperament des malades. Je paffe a l'extrait de quinquina. Ce febrifuge , connu depuis foixante & dix ans , fe prenoit autrefois en poudre, au poids de deux gros a la fois ; & deux on trois prifes guerif- ibient alors des fievres obftinees qui avoient refifte pendant des annees entieres aux autres remedes febrifuges. On s'eft determine enfuite a fuivre la methode du chevalier Talbot, qui diftribuoit rinfulion du quinquina dans le vin •, mais les maladies de poitrine etant devenues plus frequentes dans ce climat , foit par l'inteiTiperie des faifons , foit parce qu'on a me- prife la fimplicite ancienne des alimens , ceux qui en etoient affedes ne pouvant s'accommoder de 1'itfage de la poudre du quinquina , ni de fon infulion dans le vin , qui les echauffoit trop , on a paffe k l'ufage du DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 159 quinquina infufc 011 bouilli dans lean , & a cclui des opiates oil des extraits, SSSSSS mm B mais des extraits faits felon lcs methodes ordinaires. Toutes ces prepara- C h y m 1 e tions ne donnent pas ce qu'on cherche, c'eft-a-dire , L'cflet falutaire du fc- ■ brifuge exempt du inauvais goiit & de la diiriculte de le digerer, fans Annie l J 38, rcli.ntir des pefanteurs d'eftomac. Par la method? indiquee ci- deffus, on reduit au tiers chaque dofe or- dinaire du quinquina; car l'on peut etre affure qu'un extrait fee de cette ecorce pefant vingt-quatre grains, contient tout ce qu'U y a d'efticace dans un gros de quinquina le mieux choili; & que de plus, par les experiences que j'en ai faites pendant l'automne derniere , cet extrait arrete la fievrc aufli vite & audi fiirement que le quinquina pris en iubftance ou en in- fulion •, car je fuis perfuade que,, pris en Iubftance , les fucs de l'eftomac dans lequel il fejourne, ne peuvent en extraire davantage. J'ai pefc exa&ement un gros de quinquina reduit en poudre fine, je l'ai mis dans un m.ttras , & j'ai verfe deffus une once & demie d'efprit de vin redlihe i je l'ai tenu en digeftion pendant du temps, foit au foleil, foit au bain-marie, l'efprit de vin en a tire une belle teinture. J'ai fait evaporer cette teinture iur une affiette de porcelaine, au bain marie, juf- qu a ce qu'elle ait etc parfaitement feche , j'en ai eu vingt grains & demi d'extrait relineux. J'avois verle (ur le marc deux onces d'eau bouillante pour en enlever tout le falin & le gommeux •, cette impregnation ayant ete evaporee de memo & a lee, m'a lailfe trois grains & demi d'extrait. Ainli , par un procede encore plus exact que celui d'un extrait fait par l'eau feule, je ne retire que vingt-quatre grains d'extrait fee & en pou- dre. Le relidu deffeche etoit parfaitement iniipide & ne peloit que qua- rante-deux grains •, mais les lix grains qui fe trouvent en perte font la poudre fibreufe & iniipide qui eft reftee engagee dans les pores du filtre. Aintl , il paroit aflez conftant par cette experience faite avec des diffol- vans de difrerens genres ipiritueux & aqueux , que quand on a pris un gros de quinquina en poudre, les fucs de l'eftomac & des inteftins n'en extrairont d'aclif que la premiere quantite de vingt-quatre grains , qui eft la partie febrifuge du quinquina. Cell aiilli cette mime quantite qui paffe dans l'eau ou dans le vin , oil l'on fait bouillir le quinquina ; & e'eft par elle que ces decoctions gueriflent aulli la fievre. La reline du quinquina eft de telle nature , qu'elle peut etre penetree 8c enlevee par l'eau bouillante li on la jette fur cette ecorce en poudre fine. Tant que l'eau reftera dans un certain degre de chaleur , la refine y de- meurera divifee, fufpendue & invilible , & l'eau fera d'une couleur ambree , mais li la chaleur vient a diminuer, la liqueur fe trouble, devient laiteufe, & la partie relineufe fe precipite. Le vin, qui eft une liqueur aqueufe, fcline & mediocrement fpiritueufe, eft le dilTolvant le plus convenable de la feve de l'arbre du quinquina, coagulee & deflechee dans fon ecorce; e'eft pour cette railon que quand il la dilloute & enlevee en la faifant infufer deffus, il refte clair & tranfparent, & il ne fe trouble un peu le- gercment que quand on y ajoutc Je l'eau. Air.fi , dans l'infulion du quin- quina par l'eau , la chaleur foutient la refine lufpcndue dans le liauidc ; Kk ij i6o A B Rt G £ DES M £ M O I R E S ILL-" '^mmmmm^ dans le vin, c'eft la partie ipiritueufe & inflammable qui fait cct effet; r. h y m i e ^' J eau rcfroidit, cette refine fe precipke •, ii, dans le vin, la quantite du fpiritueux eft trop etendue & affoiblie par line addition d'eau, it en arrive Ann{e 1738. prelque aurant. Or, fi cette refine de quinquina eft la partie la plus active de ce febrifuge, comrae il eft raifonnable de le croire, on voit quel cas on doit faire de ces infufions clarifiees qu'on ordonne quelquefois par trop de complaifance pour les malades •, puilque dans ces fortes d'infufions il ne refte prefque rien de cette partie refineufe , & qu'on n'y appercoit plus qu'une legere amertume qui n'eft que la partie gummeufe & laline de la (eve de cet arbre ; car le melange complet & non divife des principes de cette ecorce febrifuge , doit etre mis an nombre de ces fubftances que nous nommons gommes-rdjines , qui fe diffolvent imparfaitement dans l'eau, & dont le vin eft le veritable diffolvant. Quand je veux faire 1'extrait fee du quinquina par l'eau, je mets un gros de cette ecorce en poudre dans trois demi-fetiers d'eau bouillante , je tiens le matras au bain-marie bouillant pendant vingt-quatre heures,je filtre cette infufion le plus chaud qu'il eft poffible , de crainte que la re- fine ne fe coagule en refroidiffant fur le filtre, je la fais evaporer enfuite dans une terrine de verre au bain-marie, comme je l'ai pratique pour les au t res extraits; puis je la diftribue fur des affiettes, oil elle depofe la partie refineufe a mefure qu'elle refroidit un peu. Cette pellicule refineuie qui furnage la liqueur , a les couleurs changeantes de la gorge du pigeon : enfin, en continuant l'evaporation , elle fe deffeche, aufli-bien que la li- queur qui eft deffous, & laiile fur l'affiette un extrait qui la fait paroitre comme doree 011 bronzee. Cette meme couleur bronzee s'obferve , comme on fait , fur les cuves d'indigo des teinturiers , & fur les taffes de rouge qui venoient autrefois d'Efpagne, & qu'on prepare avec le carthame ou fafran batard. Je ferai obferver ici, qu'il faut necefTairement faire cette evaporation du quinquina fur des affiettes qui aient une furface vitrifiee oil emaillee, parce que j'ai remarque que fi on la fait fur des affiettes d'argent, elle attaque ce metal, ou du moins fon alliage, & y laiile des places ternes & corrodees. On n'obferve point toutes ces couleurs changeantes quand on fait eva- porer une teinture du quinquina , faite par l'efprit de vin ou dans le vin ; mais fi a ces teintures on ajoute line infufion du quinquina dans l'eau , comme il fe fait un commencement de precipitation de refine, fes parties s'arrangent apparemment d'une maniere convenable a produire l'effet d'une infinite de petites lames, (a) L'infufion dont je viens de parler, (fun gros d« quinquina dans une livre & demie d'eau , m'a laifie vingt grains d'extrait fee •, ainfi , trois demi-fetiers d'eau en tirent un demi-grain moins que n'a fait dans l'expe- rience ci-deffus une once & demie d'efprit'de vin. J'ai verfe fur le marc deffeche , une once & demie d'efprit de vin , qui en a enleve une nouvelle teinture, & cette teinture evaporee a laifie trois grains d'extrait (a) Voyez I'Opt. de Newton. DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. x(t fee. Ce produit eft un peu different de celui dc la premiere experience •, ^^™^^^^"^ mais la difference peut venir audi de la difEcnlte qu'il y a de raflembler p. exacfement toutes ics parties de l'extrait detlechc en lc ratiflant de deflus l'afliettc. Annie 1138. Par ccs experiences repetecs dc deux facons differentes, Tune par l'efprit 'de vin & enluite par l'eau, l'autre par l'eau & enfuite par l'efprit de virt, il rcftc pour conftant que (i Von veut faire ufage de ces extraits fees, il en faut vingt-quatre grains pour tenir lieu d'un gros de quinquina en fubftance, & que par confequent, on diminuera le volume de deux tiers •, ce qui eft un avantage pour les eftomacs dclicats , qui ne peuvent digerer f.tcilement un gros de quinquina , pris de quatre heures en quatre hcures. De plus, cet extrait peut fe divifer en poudre trcs-fine, & fe dilfoudre a la maniere des autres extraits , dans du vin ou dans quelque autre boiffon. Cette maniere de preparer l'extrait de quinquina eft , comme je 1'ai deja dit, beaucoup plus longue que celle des pharmacopees, attendu qu'on ne peut guere travailler que fur une ou deux onces de matiere a la fois j mais elle eft plus commode que celle de M. le comte de Lagarais, puif- qu'on peut fe paffer de fa machine. J'ai oublie de rapporter ici une ob- fervation qui paroitra peut-etre un peu trop fcrupuleule , e'eft que dans ces extraits , on doit faire une petite fouftradion de la partie terreufe , que l'eau y a pu depofer •, puifque l'eau la plus pure , diftillee jufqu'i vingt fois , toujours avec des cucurbites de verre neuves & bien nettes , avec le meme chapiteau & le meme recipient bien ferine avec de la veffie , m'a Iaiffe a chaque diftillation , meme a la vingtieme , un fedmient terreux. Je crois avoir demontre, dans ce memoire , que ce que Ton debite a Paris fous le nom de fel effentiel de quinquina , de gayac , d'abfinthe , de chi- corce, de centauree de Bretagne & de Sabine, prepare felon la methode de M. le comte de Lagarais , n'eft point un fel effentiel , mais un extrait fee & bien fait : qu'on peut avoir par infufion, & par une evaporation ci-deffus decrite & prefque femblable a la fienne , des extraits auffi furs & auffi parfaits que par fa machine : que ces fortes d'extraits ne peuvent etre mis en ufage pour le commun des malades , a caufe de la difEcnlte qu'U y a de les preparer en quantite 5 mais que cette methode n'eft pas a rejetter quand il s'agira de traiter des perfonnes delicates & des enfrns. i«x ABREGE DES MEMOIRES C H Y M I E. Annce t?$8. ART DE FAIRE UNE NOUVELLE ESPECE DE PORCELAINEj Par des moyens extrtmement fimples & faciles , ou de transformer k Verre en Porcelalne. PREMIER MEM0IRE,(O Oil Von examine la nature & les qualitis de la nouvelle Porcelaine t & ou Von donne une idie gmlrale de la maniere de la [aire. Par M. de Reaumur. Me"m. J— i'lviz la plus nette qu'on fe puiffe faire de la nature de la porce- laine, de fon caraclere effentiel & diftinclif , e'eft de la regarder comme une matiere a demi vitrifiee, comme une matiere dont l'etat eft moyen entre celui de la terre cuite , de nos poteries de terre , & entre celui du verre. Cell en partant de cette idee que je fuis parvenu a connoitre quels etoient les vrals principes de l'art de faire de la porcelaine, & que je les ai expliques dans des memoires imprimes en differentes annees parmi ceux de l'academie. ( b ) J'y ai montre qu'il y avoit deux manieres generates de faire de la porcelaine. L'une , de faifir une matiere vitrifiable fur laquelle le feu agit fortement dans le paffage de l'etat de terre cuite a celui de verre , de la faifir lorfqu'elle n eft encore qu'imparfaitement vitrifiee. La feconde maniere generale demande qu'on compofe une pate de deux ma- tieres reduites en poudre, dont l'une puiffe relifter au feu le plus violent, le foutenir fans devenir verre , & dont 1' autre puiffe etre facilement vi- trifiee. Apres que le feu a agi fur les ouvrages faits de cette pate, & que celle des deux matieres qui peut etre vitrifiee , l'a £te , il en refulte un compofe qui n'eft verre qu'en partie , ou qui eft de la porcelaine. C'eft fuivant le premier de ces procedes , qu'ont ete faites toutes les efpeces de porcelaines dont il y a eu des fabriques etablies en Europe , comme celle de Saint-Cloud, celle du fauxbourg Saint-Antoine , celle de Chantilly & celle de Saxe. Quoiqu'entre ces porcelaines il y en ait de tres-belles, de comparables en beaute a celle de la Chine, qui eft la plus eftimee , il eft toujours aife de decouvrir que leur nature differe de la nature de cette derniere. Pour les avoir dans l'etat ou on nous les mon- tre , on les a fouftraites a une trop longue & trop puiffante action du (a) Ce me'moire , compofe depuis plufieurs annees, ne fut lu qu'a raflemMe'e pu- blique de 1'Acaddmie d'apres Piiques 1740. Mais on a cru en devoir avancer 1'impref- fion , pour fatisfaire a 1'emprelTement de ceux qui ont te'moigne' delirer de travailter i faire de la Porcelaine fur les principes qui y font expliques. (4) Voyez le Tome VI de cette. Collection Academique, Part. Franj. p. 120, & 184. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, itf, feu : fi on les expofe a un degre de feu plus violent que celui a qui elles — — r*^^ doivent ce qu'elles font, il acheve de les vitrifier, & les fait paffer de c h y m i e. leur etat de porcelaine a celui de verre. Mais la porcelaine de la Chine , dont la nature eft d'etre compofee en partie d'une matierc qui n'eft point Annie 2738. ou prefque point vitrifiable , pcut fe foufenir contre un feu cxtreinement violent •, il pent agir fur elle , fans l'amener a etre da yerre. Nous ne nous en fomnies pas tenus a cette theorie generale de la por- celaine : nos recherches nous ont conduits a connoitre les deux matieres eiTentielles a celle de la Chine •, elles nous ont appris ce que e'eft que le petuntfe , & ce que e'eft que le kaolin dont on la compofe. En fin ces memes recherches, & un grand nombre d'effais dont elles ont etc fuivies, ont prouve que nous avons en France des matieres de meme nature que cellcs qui font employees a la Chine, & capablesde donner d'auffi belle & d'auffi partake porcelaine. Je n'ai pourtant pas diffimule les obftacles qui nous devoient faire craindre de n'en pas voir des etabliffemens rcuflir en grand. 11 faudroit la pouvoir donner a auffi bon marche que celle de la Chine , car ce feroit petit- etre trop que d'exiger que nous achetaffions plus cher des ouvrages, lorfqu'ils n'auroient de plus que le merite d'avoir efe- faits chez nous. Or les Chinois exerces depuis long-temps dans l'art de faire de la porcelaine , ont un grand avantage fur nous , & qu'ils confer- veront apparemment , celui de nourrir un ouvrier pour un fou par jour. Un etranger, qui a beaucoup de connoiilances & de genie, aprcs avoir travaille a faire de la porcelaine fur les principes que j'ai donnes, a pour- tant ofiert d'en faire des etablilfemens en France , & a cru pouvoir pro- mettre At la debiter a un prix qui feroit bien au-ddfous du prix de celle de la Chine. Je fouhaite que les experiences qu'il fe difpofe a faire en grand, diffipent la crainte que j'ai que fes calculs de depenfe ne foient pas auffi exacls qu'il feroit a defirer. II refte une troilieme maniere de faire de la porcelaine, qui a ete igno- ree jufqu'ici* que je me fuis contente d'annoncer dans les memoires que je viens de citer, & que je me propofe de faire connoitre aujourd'hui. Je n'ai pas encore porte cette nouvelle methode a un point de perfedtion tel quelle puillc donner de la porcelaine qui le difpute en beaute aux por- celaines antiques : mais elle peut aduellement nous en fournir qui ne fera inferieure aux meilleures en aucune des qualites effentielles , qui leur fera meme fupericure en quelques-unes, & enrin qui fera moms chere que la porcelaine commune de la Chine. Ce n'eft pas par leurs chefs-d'eeuvre, par leurs productions les plus rares, que les arts nous font les plus utiles, e'eft par des ouvrages moins parfaits qu'ils fourniffent a nos ufages ordi- naires. Le potier qui ne nous donne que des pots verniffes, faits de la terre la plus commune & la plus grofliere, mais qui nous les donne pref- que pour rien, nous eft plus utile que ne nous le leroit l'ouvrier qui nous feroit acheter a un grand prix des vafes qui egaleroient en beaute la por- celaine precieufe a la Chine meme. Enfin la nouvelle efpece de porcelaine n'eut-elle pas pour nos ufages toutes les utilites que je lemble en pro- mettre , elle auroit au moins de quoi intereUer la curiolitc des phyliciens, a t*+ ABRECE DES MEMOIRES pir la fingularite & la (implicit des procedes qui la produifent, Sc parce ~ quelle peut leur donner beaucoup de connoiffances nouvelles fur la na- C H Y M I E. Jiue jjj vcrre. a t -r-f} C'eft avec lc verre meme que je fais la nouvelle efpece de porcelaine; Annie tjS . ^. ^ „^ ^ ajjjeurs qU'on pouvoit faire entrer le verre dans la compoiition de porcelaines, qui auroient le caradtere de celle de la Chine; qu'apres Favoir reduit en line poudre fine, on pouvoit l'aifocier avec fucces a line matiere non vitrifiable. Ce que nous avons a propofer actuellement, de- pend d'un tout autre principe. C'eft avec le verre feul que nous voulons apprendre a faire de h porcelaine-, & cela, fans avoir befoin de le reduire en poudre , ni de routes les manipulations difticiles auxquelles il faudroit avoir recours pour former des ouvrages avec une pareille poudre. Ce que nous avons a enfcigner, c'eft le moyen de convertir des ouvrages de verre en ouvrages de porcelaine fans alterer leur forme-, ou, pour nous fixer k quelques exemples , c'eft de changer des bouteilles du plus vilain verre , telles que cellesqu'on fert journellement fur nos tables, en bouteilles d'une porcelaine blanche-, c'eft de transformer une cloche de verre, telle que celles qui ne font deftinees qua couvrir les plantes dans nos jardins, en im vafe qui par fa blancheur puiife meriter d'etre mis en parade. On ne s'attendroit pas qu'une transformation (i (inguliere put etre faite avec autant de facilite & avec auffi peu de frais quelle le peut etre. On n'imagineroit pas, ce qui eft pourtant vrai, que pour changer une de nos bouteilles a vin en une bouteille de porcelaine, il n'en dut couter guere plus qu'il en coiite a un potier pour faire cuire le pot de la terre la plus groffiere. Les moyens d'y parvenir font (i (imples, qu'il n'y a perfonne qui ne puiffe etre en etat de rendre toutes les bouteilles de fa cave des bouteilles de porcelaine. II eft aife de juger que les ouvrages d'une pareille porcelaine doivent etre donnes a grand marche. On emploie moins de temps & moins d'appareil dans les verreries, pour faire prendre au verre les formes qu'on lui veut donner, qu'un potier n'en emploie a former les vafes de terre les plus grofliers. Si quelques ouvrages de verre ne font pas a grand marche , c'eft lorfque la compoiition de leur verre demande des matieres choifies. Or, comme fi tout devoit concourir a rabaiffer le prix de la nouvelle porcelaine, on verra dans la fuite que le verre par lui- meme le moins cher , y eft le plus propre. Mais on demandera, & on doit demander, s'il eft bien reel que le verre foit eonverti en porcelaine-, li cela eft bien poffible? L'etar. de vi- trification a ete regarde comme le dernier terme de 1'adion du feu fur les corps. On demandera li je ne me fais point illufion : fi je ne regarde point comme de la porcelaine , un verre dans lequel il ne s'eft fait d'autre alte- ration que celle d'avoir ete rendu opaque & un peu blanchatre, car nous avons des verres laiteux auffi opaques que la porcelaine. Enfin, felon notre definition, la porcelaine n'eft qu'une vitrification imparfaite, line demi- vitrification -, pour rendre le verre porcelaine, il faut done le ra- mener en partie a fon etat anterieur, le devitrifier en partie. Or cela eft-il poffible ? nous prouverons que cela left. Mais pour difpofer k recevoir E. Annie i-jzS. DE FACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i«? recevoir les preuves que nous avons a en douner, nous ferons rpmarnm-r ■—■••■■■ que la chymie nous a appris que nons pouvons faire rcparoitre fous leur r* „ Y , premiere forme les metaux qui noire ont femble vitrifies. On (ait que les verres doivent les couleurs par lefquelles ils imitent les pierres les plus precieufes , a des matieres metalliques. J'ai quelqucfois pris plaiiir a nivi- vifier le cuivre , a faire reparoitre fous fa premiere forme , cclui auqucl du verre devoit fa couleur rouge. II eft aile de retirer le plomb de ces verres, dont il augmente fi conliderablement le poids, & a qui il donnc line couleur jaune. La revivification du verre d'antimoine eft trcs-con- liue. Si les metaux parfaits, fi les metaux imparfaits, tels que l'antimoine, aprts avoir the conduits a l'etat de verre, peuvent etre revivifies, etre ra- ltienes a leur premier etat , eft— il bien fur que les fables & les cailloux pulverifes, aprcs avoir etc rendus du verre ordinaire, ne puiffeut pas audi etre ramenes en partie vers leur premier etat, fur- tout fi des matie- res minerales entrent dans leur competition ■ C'eft au moins ce qui me- ritoit d'etre examine ; & ce font les effais que j'en ai faits , qui m'ont de- couvert la nouvelle efpece de porcelaine. Mais avant que d'expliqtier les moyens de la faire , je crois devoir prouver qu'aucun des caracteres effentiels a la bonne porcelaine ne Iut manque. Un des moins equivoques , comme nous l'avons etabli dans d'autres memoires , eft celui que nous fourniffent fes caffures. Celles de tout verre & de tout email, ont un poli, un luifant, qu'on ne voit point aux caffures des vraies porcelaines : celles ci ont des grains, & c'eft en partie par la fineffe des grains que les caffures de la porcelaine different de celles des terres antes •, & c'eft enfin par la groffeur & la dilpofition de leurs grains que les porcelaines different entr'elles , & qu'elles s'e- loignent ou s'approchent plus ou moins du verre. Notre porcelaine par tranfmutation , par revivification, notre porcelaine de verre , car nous demandons qu'il nous loit permis de la ditigner par ces differens noms , a des caffures qu'on ne fauroit confondre avec celles d'aucun verre. Elles font bien eloignees de montrer du brillant, du luifant, elles ont une ef- pece de mat-fatine. Ses caffures d'ailleurs ont non-feulement le blanc qui f>aroit fur la furface de la piece entiere , elles en ont un qui furpaffe ce- ui-ci. Auffi n'y auroit-il rien a delirer pour la beaute de cette porce- laine, h on etoit parvenu a donner a ion ecorce la nuance de blanc qui fon interieur. Si les caffures de la porcelaine par transformation la diftingucnt fi bien du verre, elles la diftinguent auui de toute autre efpece de porcelaine. Leur mat eft foyeux; il femble quelle foit compofee de fibres, de filets de foie d'une extreme fineffe , couches les uns contre les autres. Elle n'otfre done pas de limples grains, el!e oflre des fibres compofees de grains extremement fins. La ftructiire de fes caffiu"es eft par-la tout-a-fait finguliere , & donne un caradlere bien marque , qui diftingue cette por- celaine de toute autre. Si pourtant on ne lui aimoit pas cette tiffure, ii on la vouloit (implement grainee comme I'eft la porcelaine ordinaire, il fe- roit aile d'y reuffir. Quand nous expliquerons les meilleurs moyens de Tome VIU. Panic Frangoiji. LI 166 A B R E G fi DES MEMOIRES i ■ m«i— cti faire cette porcelaine , nous en donnerons de la faire grainee , fi on h P vent telle-, mais on l'aimera apparemment mieux avec des fibres, lorfque ' ' nous aurons parle des avantages qui lui reviennent de cette tiflure. Anne'e 11 38. Un autre caradtere de la bonne porcelaine, c'eft d'etre moins fulible que le verre , ou plutot de pouvoir etre amenee difficilemcnt a etre du verre-, nous l'avons dit ailleurs, c'efl: la vraie pierre de touche, la cou- pelle qui fait diftinguer la porcelaine de la Chine de routes celles d'Eu- rope-, expofee a un degre de feu tres- violent, elle le foutient fans ceffer d'etre porcelaine-, au-lieu qu'un degre de feu bien inferieur, reduit les autres a n'etre que du verre. Entre ces dernieres , les unes peuvent etre vitrinies plus oil moins aifement, felon qu'ellcs font plus ou moins im- parfaites; mais il n'en eft aucune de ces dernieres qui puiffc foutenir un feu pareil & celui auquel relifte notre porcelaine par transformation. Les tafles qui en font faites, pourroient fervir de creufets dans lefquels on fondroit les porcelaines d'Europe. Enfin, des que nous aurons explique les principes d'oii depend fa formation, il fera aife de juger qu'on pourra la rendre auffi fixe qu'on le deiirera : peut-ctie plus fixe, s'il en eft be- foin , que celle de la Chine. Voila done le verre reellement transforme dans une matiere qui ne pent etre meconnue pour de la porcelaine, puilqti'elle en a toutes les qualites effentielles. II eft prefque inutile que nous ajoutions que quelque froide que foit la nouvelle porcelaine, elle pent recevoir les liqueurs les plus chaudes fans fe cafTer •, il n'y a pas a craindre qu'elle's y produifent des felures comme elles en produifent fouve'nt dans les autres porcelaines , & merae dans celles des Indes. Rien n'eft plus ordinaire que de voir des taffes qui ont des felures produites par la chaleur , qui les a attaquees trop fubitement. Quand notre nouvelle porcelaine aura ete rendne auffi Iiarfaite quelle le peut etre, non-feulemeiit elle n'aura rien a craindre de» iqueurs les plus chaudes, on pourra l'expofer a des epreuves, & ['em- ployer a des ufages auxquels on n'oferoit expofer celle de la Chine. On pourra hardiment & fans precautions la mettre fur le feu. J'ai fait bouillir de l'eau dans des vafes de cette nouvelle porcelaine , fans les menager autrement qu'on menage en pareil cas les cafetieres de terre & celles de fer-blanc. A deffein je ne rempliflois pas entierement le Vi(e d'eau , je le pofois brufquement aupres des charbons les plus ardens', l'eau s'y echaut- fbit vite, & bouilloit dans le vafe-, je le retirois du feu plein d'eau bouil- lante , & quelqucfois je le pofois fur un marbre froid. Apres toutes ces epreuves, auxquelles pen de porcelaines refifteroient, le vale etoit parfai- tement fain. Quelquefois j'ait fait beaucoup plus , j'ai mis un gobelet de cette porcelaine a la forge, fur des charbons ardens, & dont l'ardeur a ete encore animee par des coups de fouftlets reiteres pendant prts d'un «juart-d'heiire-, en un mot, j'ai fait fondre du verre dans ce gobelet fans que fa forme en ait foufrert. Nous pouvons done afTurer que , par rapport a nos ufages , il n'eft point de meilleure, & peut-etre n'eft-il point d'aufli bonne porcelaine que celle qui doit uniquement fon engine au verre. Elle aiiroit toutes DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. 167 les preeminences , (i elle avoit de ineme cclie de l.t bcautc •, mais je dois j avouer que les effais , que je n'ai pas eu la facilite de re-peter en grand p autant que je I'euffc voulu , n'en ont pas encore produit qui puilfe dif- V "' a putcr pour la nuance de blanc avee la porcelaine antique. Mais ne fera- Annie IJ28. ce pas aflez pour une porcelaine qui doit etre donnee a rres-grand mar- che , ii Ton blanc eft fuperieur a eclui de nos porcelaines communes , tellcs que cclles qu'on fait dans le fauxbourg Saint-Antoine ? S'il eft audi beau que celui de la porcelaine de Saint Cloud, qu'on vend cher, quoiqu'elle ne foit que mediocrement bonne ; enfin , li ion blanc n'eft pas inferieur , & s'il eft meme fuperieur a celui de beaucoup de porcelaines qui nous viennent des Indes ? Or les effais m'en ont donne de telle •, & je n'ai garde de croire que les porcelaines de verre ne puiffent pas prendre un blanc plus parfait que celui que je fuis parvenu a leur donner. La blan- cheur de leur interieur me prouve trop evidemment le contraire , ellvi iurpaffe toujours celle de leur lurface exterieure •, & quoique je n'aie pas reufli encore a les faire audi blanches extericurement qu'interieurement , je ne crois pas qu'il foit impollible d'y parvenir. Quand j'entrerai dans le detail des oDlervations fur le choix des verrcs les plus convenables , on verra combien il y a de difference de verre a verre par rapport a la cou- leurqu'ilsacquierent en fe transformant en porcelaine-, or,ma!gre le grand nombre des effais que j'ai faits fur dirrerentes efpeces de verre , il n'eft pas a prcfumer que j'aie eprouve 1'efpece qui eft la plus propre de toutes a etre convertie en belle porcelaine ; une infinite de circonftances qui vn'ont manque , & fur-tout celle d'avoir un fourneau de verrerie a ma difpolition , m'ont mis hors d'etat de faire faire les verres que je croyois les plus convenables •, il a done fallu me fervir de ceux qui fe font jour- uellement dans une toute autre vuc. Si on eft parvenu , avec des verres pris tels qu'ils fe trouvent, a faire de la porcelaine palfable , ne doit-ou pas efperer qu'on parviendra a la faire beaucoup plus belle , lorfqu'on tera compofer les verres qui y (eront les plus propres ? Une infinite d'au- tres circonftances qui ne fauroient etre expliquees que lorfqu'on fera inftruit de la maniere dont fe fait la transformation du verre en porce- laine, me perfuadent que je fuis bien eloigne d'avoir donne a la nou- velle porcelaine la perfeclion k laquelle elle peut atteindre. La maniere de la faire eft un art tout nouveau , & il n'eft point d'art qui, des Con origine, ait fait tons les progrcs qu'il peut faire. La porcelaine antique dc la Chine , toute antique quelle eft , n'eft pas apparaument auffi ancienne que l'art de compofer la porcelaine. Pour perfedionner notre nouvel art , il faut fiire des recherches fur les differentes fortes de verre, fcmblables a celles qui ont etc faites par rapport aux anciennes porcelaines, fur les terres & fur les pierres; & cVft parce que j'ai toujours efpere dc trouver les occafions & le temps de faire ces recherches, que j'ai differe depuis plus de vingt ans a donner ce nouvel art an public. Je me le reproche aujourd'hui •, d'autres au- roient peut- etre acheve de le perfedionner , ti je 1'eulTe fait connoitre plutot. LI ij 16% ABREGE DES MEMOIRES Quoique le blanc foit ordinairement le fond de la couleur de la por- ^ cclaine, on en fait dont le deffus eft en entier de quelqu'autre couleur- On a des tafles a cafe brunes , on les appelle des capucin.es ; on en a de Annie tj ?3. toutcs bleues , de verdatres , &c. Sans autres facons , & meme fans autres frais que ceux qu'exige la converiion du verre en porcelaine pour le blanc, on pourra donner aux ouvrages difterentes couleurs , comme dif- ferens bruns plus on moins fonces , & tons agreables , on des couleurs plus claires , comme celle d'agathe ; on pourra meme les rendre d'un beau noir. Mais ces couleurs ne feront que fur la furface exterieure, comme elles font fur celle de la porcelaine ordinaire , l'interieur confer- vera toute fa blancheur. Enfin il eft inutile de dire que (i on veut em- bellir & rencherir nos porcelaines par vitrification , elles recevront , comme les autres porcelaines , toutes les couleurs qu'on voudra appliquer fur leur exterieur , & qu'il fera de meme aife de les y incorporer. Ce ne font la apres tout que des acceffoires : en fait de porcelaine, l'eflentiel eft la ma- tiere dont elle eft compofee. Mais pour mettre mieux en etat de juger des avantages de cette nou- velle methode de faire la porcelaine, & pour faire voir aux phyliciens ce quelle a de fingulier, venons enfin a donner line idee generale 3es pro- cedes qu'elle exige , & de la route qui nous a conduits a les trouver. Toutes les recherches de phylique & de mechanique fe tiennent , & fe tiennent beaucoup plus qu'on ne l'imagineroit. Je n'euffe certainement pas imagine, lorfque je commencai a chercher les moyens de convertir le fer en acier , & ceux de rendre traitables Its ouvrages de fer fon- du , que j'etois fur la voie de trouver une nouvelle fa$on de faire de la porcelaine. J'y ai pourtant ete conduit par ces memes experiences que je faifois par rapport a l'acier & par rapporr au fer fondu •, & j'avois en vue ce qu'elles m'avoient appris par rapport a la porcelaine, lorfqu'en finiflant de decrire l'art d'adoucir le fer fondu , j'ai dit qu'il me reftoit a commu- niquer des faits curieux & utiles fur des matieres qui avoient du rapport avec celle que je venois de traiter. Toutes les experiences fur le fer, loit fondu, foit forge, ou prefque toutes les experiences dont il s'agiffoit alors, avoient ete faites par des recuits •, c'eft-a-dire , que les ouvrages, foit de fer, foit de fonte, avoient ete renfermes dans des creufets bien lutes , entoures de certaines poudres , telles que celles de charbon , de fuie brulee, d'os calcines, foit fellies, foit melees enfemble , foit melees avec des fels. Les creulets etoient enfuite expofes a un long feu plus oil moins violent, felon que Ton jugeoit que l'operation le demandoit. La Chymie , qui nous a fourni taut d' experiences faites par la voie de la fu- fion & de la calcination a feu ouvert, & par la voie des diftillations, a, ce femble, trop neglige celles qui fe font par la voie quelle a nominee de cementation , & qui eft ce que dans des arts plus groffiers on nomme des recuits. Ce que la cementation ou les recuits operent par rapport a la converiion du fer en acier , & par rapport a l'adouciffement du fer fondu, devoit, ce me femble, nous en faire efperer beaucoup d'autres productions fingulieres & utiles. C'eft peut-etre la facon d'operer qui C ii Y M I DE L'ACADJfMIE ROYALE DES SCIENCES. 16, approche le plus de cclle de la nature , qui nc fjit fes melanges que douce- 1 nient & imperceptiblement, & qui de meme ne decompofe les corps que pen a pen, que tres-lentement. Tout eft mele trop brufquement par la fulion, & fouvent les matieres, avant que d'etre melees, out foulrert trop Amkc 1708. d'altcration j les calcinations & les combuftions font trop promptcs; mais la chaleur que foutfre un corps folide pendant tin recuit de longue du- ree , dilate fes parties , elle les ecarte , elle otivre des milliers de palfiges 011 s'inflnuent les particules volatiles qui font detachees continuellement des matieres qui le touchent de tons cotes, ou des particules propres a ce corps s'en echappent ; fa compolition s'altere, fe change infenhblement, & apres le recuit il n'eft plus le meme ; on a un nouveau compofe •, on a u n compofe dans un etat trcs-different de celui ou il etoit avant que d'e- tre renferme dans le creufer. L'idee que j'avois de cette facon de faire agir le feu , m'a porte a eprouver 1'erEcacite des reouits fur differentes efpeces de matieres , foil metalliques , foit (implement minerales. Ce n'eft pas a prefent le lieu de rendre compte de tous ces eflais, dont plu(ieurs meme n'ont etc ni affez fuivis, ni a(fez varies. Je fouhaite que quelqu'un veuille fe charger de pouller ces fortes d'experiences plus loin que je n'ai fait ; je fuis convaincu que fon travail fera recompenfe par des obfervations fatisfaifantes. Mais ce qui doit exciter a de pareilles tentatives , ce font celles dont j'ai a rendre compte a prefent, & que je fis fur le verre. Quoiqu'on fait re- garde comme le dernier terme de faction du feu, je voulus voir li Je feu n'y produiroit point des alterations conliderables , lorfqu'il feroit ren- ferme dans des creufets bien lutes, & remplis de quelques matieres acti- ves. J'avois aflez fuivi la compolition du verre , pour ru'etre fait un fyC- teine qui me fembloit l'expliquer avec vraifemblance. Ce fyfteme me con- duifoit a penfer que le verre commun , le verre fait avec les fables , les cailloux , les cendres , pourroit peut-etre etre decompofe , comme le peu- vent etre les verres metalliques, & cela, li on introduifoit dans le verre des matieres fulfureufes ou des fels memes de la nature de ceux qui, loin d'etre favorables a la vitrification , Iui font contraires. Quoi qu'il en foit de cette idee , elle me determina a renfermer des morceaux de differens. verres dans des creufets bien lutes , ou les uns etoient environnes de toutes parts de poudre de charbon, les autres d'un melange de poudre de charbon, de fuie & de fel marin, tel que je l'ai employe pour 1'acierj les autres l'etoient de poudre d'os , ou d'un melange de cette poudre & de charbon , dont j'ai appris qu'on pouvoit faire ufage pour adoucir les ouvrages de fer fondu. Le feu fut donne plus ou moins long-temps a ces difftrens effais : quelques-uns le foutinrent pendant un jour, & d'au- tres davantage. Le detail des fucccs de ces premieres epreuves feroit long & inutile attuellement. II fuflit de favoir que plulieurs me firent voir des morceaux de verre totalement meconnnoillables. On ne pouvoit les reconnoitre que par leur forme exterieure qu'ils avoient confervee. Plulieurs avoient cntierement perdu cette tranfparence qui nous femble prefque elTentielle G H V M tjo A B R E G E DES M E M O I R E S ail verre. Les cafliires de ces memes morceaux me firent voir des chan- gemens encore plus grands que ceux que leur exterieur annoncoit •, au- lieu d'une caflure d'un poll vir" & brillant, je trouvai des caffures telles Annie ri 18. que Je ^es a* decrites an commencement de ce memoire. Elles ctoient d'une tres-grande blancheur, & montroient des filets extremement fins, couches avec regularite en ligne droite les uns a cote des autres. En un mot il n'eft point de caflure d'aucune efpece de pierre opaque qui par roifle plus difterente des caffures du verre, que celles des verres recuits difteroient de celles de pareils verres non recuits. Qui m'eiit oftert de pareille matiere fans me dire fon origine , je ne l'euffe certainement pas appellee du verre , & je n'aurois pas imagine qu'elle en eiit ete autrefois. Je vis done que mes recuits avoient opere dans le verre une compo- fition , ou, li l'on veut, une decompoiition tres-finguliere. II etoit naturel de fonger a avoir des vafes de ce verre mdtamorphofe ; il etoit a prefw- mer qu'ils devoient avoir d'excellentes qnalites , qu'ils pourroient etre ex- pofes brufquement au feu fans rilque. Tout ce que mes premiers eflais me donnerent de verre transforme , etoit tres-noir a fa furtace ; les pou- dres, & d'autres circonftances qu'il n'eft pas temps de rapporter, en etoient la caufe. D'ailleurs , ces verres ctoient devenus ablblument opaques. II m'auroit toujours paru curieux d'avoir des ouvrages d'une matiere li par- ticuliere ; mais j'efperai plus , j'efperai que puifqu'on otoit totalement 1* tranfparence au verre par cette voie, qu'en faifjint un ufage plus modere des moyens qui l'avoient rendu opaque, on pourroit lui laifler un degre de tranfparence moyenne, une demi- tranfparence , telle que celle de la porcelaine. J'efperai aufll qu'en me fervant de diverfes autres matiercs pour recuire le verre, j'en rencontrerois quelqu'une qui, quoique capa- ble de produire cet effet, conferveroit alalurface du verre recuit, cette blancheur qu'avoit tout ion interieur. En un mot il me parut que le verre pourroit etre transforme en une nouvelle efpece de porcelaine. Voila oii j'ai ete conduit par mes premieres recherches. Quelque vrai qu'il foit que le hafard nous fert beaucoup dans nos de- couvertes, il ne l'eft pas moins qu'il ne nous fert pour l'ordinnire, qu'autant que nous avons des vues qui nous rendent attentifs a ce qu'il nous pre- fente. II doit etre arrive cent & cent fois qu'apres avoir calfe des cornues ou des matras de verre qui, lutes, avoient ete expofes a un grand feu; il doit, dis-je, etre arrive cent & cent fois qu'on en ait vu dont le fond avoit ete rendu blanchatre & opaque. Je ne fais pourtant que M. de Mon- tamis, gentilhommc de M. le due de Crurtres, qui, apres avoir remarque au fond du matras en cet etat, ait fait attention qu'il fembloit avoir ete rapproche de l'etat de la porcelaine. M. de Montamis , qui , a beaucoup de connoiflances, joint un grand gout, bien de 1'adrefle & de l'intelligence pour les experiences, travailloit a en f.iire pour avoir des verres opaques Si colores lorfque le fond d'un tel matras , qui avoit ete couvert de chaux , s'oifrit i fes yeux. L'obfervation lui parut flnguliere , & il crut devoir eprouver ce que pourroit de la chaux femblable a celle qui avoit lute le matras. fur du verre reuferme dans un creufet. Cette experience DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES, tjt lui donna des morceaux du verre qui lui parurcnt tenir de la porcelaine. ■■ ■ ■■m,,.* II me Ies apporta pendant l'hivcr de 1740, pour favoir fi je Ies regar- n dcrois comirie tels. II fur fort content, lorfque non-feulement je le con- " v M ' r' firmai dms l'idee qu'il en avoit, mais que je lui fis voir que cette ma- jtnnSe 1738 oiere de faire de la porcelains, pouvoit devenir un art utile que j'avois '"C rcduit en regies, & que je lui montrai Ies diff'erens ouvrages que ce nouvel art m'avoit produits. Mais lorfque je fis, 11 y 3 plus de vingt ans, mes premieres experience* fur la converlion du verre en porcelaine , lorfque j'en fis de telles que Celles qui ont raiffi a M. de Montamis, je ne prevoyois pas toutes celles qui mc rtlloient a faire. Ce n'ctoit pas aflez que de favoir faire changer au verre de nature , il falloit lui en faire changer an moyen des matieres Ies plus propres a le faire paroitre apres fa metamorphofe , une porcelaine d'un blanc agreable. De combien de matieres dilferentes m'a-t-il falla l!environner fucceflivement , pour eprouver ce qu'elles peuvent ! Les verres memes m'ont fourni m.iticre a line Ion^ue (trite d'eflais; il y eh a dont les qualites font trcs-difKrentes •, il y en a beancoup d'efpeces , qu'on tenteroit fans fucces de rendre porcelaine, & entre les efpeces en qui ce changement pent etrc fait , il y en a qui ne font propres qua en donner de trcs-vilaine. En fin les experiences faites en petit fur des mor- ceaux de verre , n'inuruifoicnt pas aflez fur la maniere de rravailler en grand , fur cclle de transformer des ouvrages entiers de verre en ouvrages de porcelaine. II falloit trouver des manieres commodes de donner des degres de feu convenables. D'autres difficultes meme , auxquelles je ne m'ctois pas attendu , fe font prefentees dans le travail en grand. Enfin , il a fallu reduire en art la maniere de faire la nouvelle porcelaine, & trouver tons les preccptcs de cet art. On fent bien que ces preceptes ne fauroient etre_ aflez dctailles & expliques dans un feul memoire : j'en emploier.ii pluhcurs a rapporter les eclairciffemens neceffiires. Mais je tie finirai point eclui-ci, fans donner au moins une idee grofltere de la fimplicite i la- quelle a ete reduire cette nouvelle maniere de faire de la porcelaine , & meme fans mettre en etat de l'eprouver, ceux qui en feront curieux. II faut d'abord choifir la matiere fur laquelle on vent operer. Pour mettre en etat de faire ce choix, je diitingue les verres en quatre claffes. La premiere eft compofee des verres les plus tranfparens , les plus blancs & les plus tendres, e'eft-a-dire, les moins durs & les plus fufibles : teb font ceux que nous appellons des cryftaux. Les verres blancs des cftampes, les verres a vitres , les verres dont nous faifons nos glaces, nos verres a boire, & beancoup d'autres efpeces de verres, parmi lefquelles il y en a de plus ou moins blancs & de plus ou moins tendres , font ranges dans la feconde claffe. Nous mettons dans la troifieme clafle , tons ceux qui ont une couleur qu'on ne cherche pas a leur donner , comme font les verres de nos bouteilles a vin , ceux des cloches de jardin ; tels que font fouvent les verres de la phipart des matras & des cornues. Enfin, nous donnons a la quatrieme clatfe tous les verres colorcs par des matieres me- talliques, & qui en font fort charges, parmi lefquels les cmaux tiennent C H V M I E. x7i A B R E G 6 DES MfiMOIRES ile premier rang. Nos experiences fur ces differentes fortes de verre, nous ont mis en etat de donner pour regie , que les verres les plus durs fe recuifent le plus aifement. C'eft inutilement que j'ai tente de convertir Annie 77^8. en porcelaine le verre appelle Cryjlal , & tous les emaux. Avec des pre- cautions , on peut changer en porcelaine les verres a vitres , les verres a eftampes , & les verres appelles Glaces. Mais il paroitra lingulier que les verres les plus beaux & les plus tranfparens ne donnent pas d'auffi belle porcelaine que la donnent ceux de la troifieme dalle, qui nous deplaifent par leur vilaine couleurv an morceau de la plus belle glace ne peut par- venir a la blancheur que prend le verre d'une trcs-vilaine bouteille. Entre les verres de la troifieme claife, il y en a qui meritent d'etre preferes aux autres , & il y en a meme qui doivent etre abfoliunent rejettes •, m.iis nous ne pourrions apprendre a les diftinguer les mis des autres, fans nous jetter dans de longs details. Nous ne nous engagerons pas meme adtuellement dans rexamen qui peut nous faire connoitre les differentes qualites des matieres propres a operer. Nous nous contenterons d'apprendre qu'une des matieres des plus propres a changer le verre en une porcelaine blanche, c'eft le gyps cal- cine, c'eft-a-dire , cette matiere appellee vulgairement du Talc, & dont les carrieres de platre de Montmartre , ct d'autres lieux des environs de Paris , nous foumiffent abondamment. Le fable peut aulli operer cette transformation, & un melange de fable trcs-blanc, tel que celui d'etampes avec le gyps, donne une poudre compofee qui doit etre employee par preference au gyps feul , ou au fable feul. Lorfqu'on a choifi des ouvrages d'un verre convenable, & qu'on a pro- vifion de gyps bien blanc, calcine & bien pulverife, rien n'eft plus limple que de les convertir en ouvrages de porcelaine. Ceux qui font un peu au fait des pratiques des arts, iavent que les fa'ianciers font cuire leurs ouvrages dans de grands vafes de terre cuite , qu'ils appellent des gazettes. On aura de ces vafes de terre cuite , ou d'autres pareils', il n'importe , c'eft-a-dire , des efpeces de tres-grands ereufets. On mettra dans ces vales, dans ces tres grands ereufets , les ouvrages de verre qu'on voudra con- vertir en porcelaine. On remplira les ouvrages & tous les vuides qu'ils laiffent entr'eux, de la poudre faite d'un melange de fable blanc & fin, & de gyps. On aura attention de faire en forte qu'elle touche & preffe les ouvrages de toutes parts, c'eft-a-dire, que ceux-ci ne fe touchent pas immediatement, & qu'ils ne touchent pas non plus les parois du creulet. La poudre ayant ete bien empilee, bien preifee, on couvrira la gazette, le creufet, on le lutera-, & tout ce qui depend de l'artifte fera fait; ce fera au feu a achever le refte. On portera la gazette, le grand creulet, chez un potier de terre, pour etre mis dans fon fourneau, & dans un en- droit oil l'aftion du feu eft forte. Quand la fournee de poterie de terre fera cuite, on retirera le creufet. Lorfqu'on l'ouvrira, on aura le plailir de voir que les ouvrages de verre feront devenus d'une belle porcelaine blanche. La meme poudre qui a fervi pour la converlion des premiers euvrages, peut fervir pour celle de beaucoup d'autres ; & je ne fais s'il vient DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i7J vient un temps oii Ton doit cefler d'employer ccllc qui a fervi. Au-lieu — —— — que nous n'avons mis qu'une feule gazette dans Ie fourneau , on voit ~ bien qu'on y en peut mettre autant que les financiers en mettent dans H ^ ' Jes leurs. Annie 1738. J'ai regret de ne pouvoir m'arretcr a decrire icl tout*ce qui fe pafle pendant que fe fait la conversion du verre en porcelaine •, de ne pouvoir raconter, afiez en detail, comment le verre qu'on recuit, prend fuccefll- vement dirferentes nuances de bleu; dans quel temps fi furface commence a blanchir ; de faire reinarquer qu'alors il eft entoure d'une couche , d'une enveloppe de fibres tres-courtes , dont chacune eft perpcndiculairc a la furface d'oii elle part; comment ces fibres s'alongent, & comment celles de deux furfaces oppofees , viennent enfin a fe rencontrer vers le milieu de la piece. Mais je ne finirai point fans faire remarquer que le peu que je viens de dire de cet art, fuffit pour le rendre , des a prefent, utile a la chymie. II etoit jufte qu'un art qui lui doit fon origine , travaillat pour elle ; il peut lui fournir des vailieaux tels quelle les a defies depuis long-temps, des vaitfeaux qui ayant, comme ceux de verre, l'avantage de contenir des matieres qui tranfpireroient an travers de ceux de terre , n'expoferont plus aux rilques que Ton court avec ceux de verre. Combien de temps, de feu, & de diverfes depenfes euflent etc epargnees, & combien d'experrences peut-etre euflent ete amenees a une heureufe fin, )i les Chymiftes euflent fm avoir a leur difpohtion des vaiffeaux de porcelaine , & d'une porce- aine, qui, fans fe cafler ni fe filer, eut refifte a Faction d'un grand feu; il ne tiendra a prefent qua eux de convertir leurs cornues, leurs cucur- bites , leurs matras de verre en vailfeaux de cette porcelaine. Pour etre en etat de le faire , ils n'ont pas befoin d'inftrucTions plus etendues que celles que je viens de donner. II leur jmporte plus de les mettre en etat de relifter au feu , que de leur donner un blanc admirable ; de la porce- laine brune par-dehors leur fera auffi bonne que la plus blanche. Mais il fitidra bien d'autres explications , defcendre dans d'autres details , pour mettre les ouvriers en etat d'exercer ce nouvel art, & de le perfecTrionner en meme temps. Ce qu'il y aura de plus difficile , ce fera d'avoir des ou- vrages de verre de qualite convenable. Peut-etre meme que le nouvel art demandcra que les gentilshommes verriers acquierent par l'habitude la facilite de faire des ouvrages de differentes formes avec des verres qui ne font pas aufli traitables que ceux qu'ils faconnent ordinaire- rnent. Cet obftacle, que j'avois regarde comme un des plus grands de ceux qu'il y auroit a furmonter , m'a paru cependant moins conside- rable que je ne 1'avois juge d'abord , depuis que j'ai engage des ou- vriers de verrerie a me faire des vafes de differentes formes avec un des verres qui m'a paru le plus propre 4 ctre converti en porcelaine. Tome VIII. Panic Franfoije. Mm C II Y M I E. S u R L E R E Annie *739' L • P o u 8 iiift. A f )ierre eft: une des p] us i74r ABREGE DES MEMOIRES MEDE ANGLOIS L ji Pierre. I A pierre eft une des plus cruelles maladies , & elle l'eft d'autant plus que Ton n'y connoit jufqu'a prefent qu'un feul remede audi cruel qu'elle, & fouvent funefte. Qui en prefenteroit un autre au genre-humain, feroit nn de fes plus grands bienfaiteurs. C'eft une louange que le parlement d'Angleterre merite deja, du moins par fon intention, a laquelle les fucces ont jufqu'ici affez bien rcpondu. On entend facilement que nous parlons dn remede donne par Melle. Stephens , Angloife , que le parlement d'An- gleterre s'eft engage a payer tres-noblement s'il reuffiiloit , & qu'il a en meme temps rendu public , afin que toutes les nations jugeaffent d'une chofe qui les intereffe tant. II s'agit done maintenant deprouver ce remede. M. Geoffroy l'a cora- pofe felon toutes les regies prefcrites en Angleterre, & s'eft refolu a en liiivre aflidument & exaclement les effets. M. Morand s'eft joint a lui dans le meme deffein , il connoit bien la maladie , & aura pu s'ailiirer par la fonde, fi les malades avoient effectivement la pierre. Ceux en general qui prennent le remede, rendent par les urines des glaires, un fediment blanc & platreux , de petites ecailles tres-blanches, convexes d'un cote, & concaves de l'autre, comme li elles avoient etc par- ties de 1'enveloppe pierreufe d'un corps rond , &tous, apres ces evacuations, fe fentent du moins fort foulages. La plus confiderable & la plus decilive des experiences communiquees jufqu'a prefent a l'acadcmie , eft celle d'un homme de cinquante-cinq ans, qui avoit fouffert long-temps toils les fymp- tomes de la pierre , 8c les plus douloureux , & qui fut parfaitement gueri en trois mois. II eft vrai qu'on ne le fonda pas apres cette guerifon pour s'affurer qu'il n'eiit plus de pierre dans la veffie, mais ce n'eft pas la une operation , ni qu'un convalelcent voulut effuyer , ni que le chirurgien meme voulut rifquer, fans un befoin preflant. Ce remede meritoit bien d'etre examine a fond, & c'eft ce qua fait M. Georfroy avec tout 1'art de la chymie. On le prend en poudre, en tifane , en pilules , il y a un ordre & des temps prefcrits pour ces trois manieres de le prendre, & ce ne font pas pricifement les memes drogues que Ton prend dan's toutes les trois, comme on le verra ri-apres; nous dirons feulement ici que le remede en general eft compofe de plantes deji connues pour diuretiques, de coquilles d'ceiifs& de coquilles delima^ons, meme avec leurs animaux vivans, bien calcinees , & du meilleur favon , tel que celui d'Alicante, incorpore avec du miel. Les plantes diuretiques faciliteront d'abord par elles memes le cours des urines , qui en auront plus de force pour entrainer avec elles les matieres etrangeres & nuifiWes , dont la pierre fe formcroit. Mais de plus , comme ces matieres font huileufes oil fulphureufes, & que leurs diiTolvans naturels DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. i7? font les alkalis fixes qui out etc produits par des calcinations , ces memes «— — m glaires feront diflbutes par toutcs les chaiix qui entrent dans le remede, & _ non-feulemcnt .elles fortiront plus aifement de la veffie, mais il ne s'cu C h y M z I formera plus, ou bcaucoup moins. Auffi dans les premiers temps de l'ufage Annie J7?o. du remede tous les malades rendcnt-ils des urines fort chargees, & tou- jours enfuite plus claires. Lc favon d'Alicante, principal ingredient du re- mede, eft le lei de la foude ou kali uni avec de l'huiie. C'eft le plus doux de tous les alkali. Mais la grande queftion eft de favour (i aprcs que les urines impregnees des principes adKfs.que nous concevons ici , auront bien dhTous toutes les glaires contenues & flottantes dans la veflle, elles pourront diffoudre audi une pierre qui fc fera forniee de glaires endurcies, collees enfemble, 8c cuites par la chaleur naturelle , car li elles ne le pouvoient pas , le remede ne feroit qu'arreter le progres du mal , & procurer un grand foulagement, mais non pas une guerilbn parfaite. On ne fera plus dans cette incertitude, quand des malades bien gueris, felon toutes les apparences , & a qui on avoit trouve la pierre par la fonde avant l'ufage du remede, feront encore fondes aprcs cette guerifon, ou feront ouverts etantmorts de quelque autre maladie, fans qu'on leur trouve de pierre. M. GeofFroy qui n'a pas encore par lui-meme cette parfaite afiu- rance, a tiche, en attendant, d'y fuppleer par une experience qu'il a faite. II a mis tremper dans de l'urine d'un malade qui failoit le remede , une f>ierre tres-dure qui avoit ete tiree de la veffie d'un homme. II renouvel- oit l'urine tous les jours , & pendant le premier mois , qui etoit audi le premier de l'ufage du remede, les urines fort chargees de fediment & de gravier, firent autour de la pierre une incruftation qui en augmenta le poids. Ce mois paffi , lorfque les urines ne depoferent plus rien , la pierre bien ncttoyce de fon incruftation , ayant ete remife dans les urines pures qu'on changcoit encore tous les jours, non-feulement ne s'incrufta plus, mais racrae diminua un peu de poids en dix jours , & parut avoir la fur perficie un peu rongee. Ce leroit la une prefomption tres-legitime & tres-forte en favenr du re- mede anglois , li Ton ne favoit pas d'ailleurs qu'il y a plulieurs eaux iim- ples qui dill'olvent la pierre, 1'eaii d'arcueil, par exemple. Apres tout, quand cette vertu diifolvante feroit commune au remede & a quelques eaux limples, il auroit toujours de grands avantages fur elles, & par fe trouver en tous licux, & par agir plus furement & plus promptement, nous ne comptons ici pour rien que quand meme il n auroit mil avantage fur certaines eaux fpecifiques, il feroit toujours fortglorieux a 1'art de les avoir li bien imitees. La grande difticulte etoit d'introduire dans le fang des matieres qui, lorfque les urines s'en feparent, ne fe feparaflent point d'avec elles, & les fuiviffent par des detours trcs-fins & trcs-tortueux juf- ques dans la veffie fans rien perdre de leur vertu. Comme Tefperance eft grande que le remede reuffira, M. GeofFroy ne croit pas halarder beaucoup fes foins & fes peines en cherchant deji a le rendre plus limple, & en meme temps moins degoutant, car il left a un Mm ij i76 ABREGE DES MEMOIRES „^»^— — point qui peut rcbuter meme des malades, qui fouftrent autant que cenx ~ .1 qui il ell deftine. De plus, M. Ceoffroy enfeignc a le faire & a le pre- C ii y m i E. jiarer ajfgfnent chez foi, ce qui peut paffer pour un trait d'amour du bien Anne'e 1739- public alfez dehntereffe. Mem. Le remede de mademoifelle Stephens eft compofe, comme on le pent voir dans la recette imprimee, d'une poudre, d'une decoction ou tifane, & de pilules. La poudre eft: un melange de coquilles d'ceufs & de coquilles de lima- 50ns, les lines & les autres calcinees. La tifane eft compofee d'une deco&ion de feuilles ou fleurs de camo- mille, de feuilles de fenouil, de feuilles de pertil & de bardane qu'on fait bouillir dans deux pintes d'eau, d'une boule- de favon du poids de quatre onces & demie, dans lequel on a incorpore du miel & du char- bon de creffon fauvage , c'eft-a-dire , de cette plante calcinee en vaiffeaii clos , julqu'a noirceur. A l'egard des pilules, on les compofe de quatre onces du meilleur fa- von & d'une fuffifante quantite de miel; on fait entrer dans ces melange en le battant dans un mortier de marbre , des poids egaux de limacons cal- cines, de femence de carotte fauvage, de femence de bardane, de fruits de frene, de grate-culs & de fenelles ou fruits de l'aube-epinei le tout cal- cine julqu'a noirceur. Ainli Ton voit qu'il n'entre dans tous ces compofes que des plantes deja connues prefque routes pour diuretiques, mais prefque toutes auffi al- terees par leur calcination precedente, en forte qu'on peut douter avec raifon li leur effet eft aufli faluraire , etant ainli decompofees , que (ii on les employoit dans leur etat naturel. Il eft vraifemblable que ce font des doutes de ce genre qui out donne lieu a quelques ecrits qu'on a publies contre ce remede en Angleterre , depuis que le fecret de mademoiielle Stephens eft entre les mains de tout le monde. Mais comme ces memes ecrits n'alleguent aucun cas ou le remede ait eu de mauvaifes fuites , & qu'on s'y recrie ftulement contre 1'exceiTive quantite de favon & de pou- dre que les malades font obliges de prendre par jour : contre le long ufage qu'il en faut faire , qui peut rebuter le malade , fans qu'on ait fufri- famment d'experiences qui etabliilent le pronoftic d'une guerifon certaine ', plufieurs malades, tant d'Angleterre que de France, fe font determines, rnalgre toutes ces raifons de douter, a en faire ufage , feduits par l'efpece de fucces des premieres experiences , & fins en attendre un plus long con- firmed : les douleurs vives que relfentent ceux qui font attaques de la pierre , & dont ils ne peuvent efperer d'etre delivres que par tine opera- tion encore plus douloureufe , & d'un fucces alfez fouvent incertain, de- termineront toujours a tenter des remedes de tout genre, quelque prd- venu qu'on foit qu'ils ne font que palliatifs. Je palfe a l'examen du remede. La boule de favon qu'on fait diffoudre dans line deccclion de quelques plantes diuretiques & carminatives, eft elle-meme teinte en couleur d'ar- doife par d'auties vegetaux auffi de la dalle des diuretiques , mais rcduits H Y M I E. DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 277 en charbons. Si ce n'eft que pour deguifer le remcde, qu'on emploie ces' plantes bailees, comme mademoifelle Stephens l'avoue elle-meme, on voit que tout autre charbon de plante diuretique, quel qu'il puiire etre, doit faire a peu prcs le meme erfet. Ainli s'il concourt a faction du re- Annie 1739. mede, ce ne fera pas a raifon des vertus qu'on a cru reconnoitre jufqu'a prefent dans line plante diuretique, mais leulement comme charbon. Or foils cette forme, il ne peut communiqucr au lavon que trcs-pcu de fel & un peu davantage de matierc lulphureufe ou d'huile briilee de la plante. Cette inatiere fulphureufe fe deveioppe pendant lebullition , par 1'adion des fels alkalis du favon, & Ton fent line odeur fulphureufe 011 plutot d'hSpar, mais qui ne noircit que legerement l'argeut qu'on tient expofe a cette vapeur. A l'egard du miel, il femble qu'on ne l'ait joint au favon que pour en divilcr les parties , les rendre plus folubles , en adoucir l'acrete faiine, & rendre la liqueur un peu moins defagreable a boire. Quant a la poudre, elle eft compoiee de coquilles d'cEufs bien Iavees, puis calcinees , & de limacons qu'on calcine tout entiers a noirceur , fans ieparer l'animal de la coquille. L'une & l'autre calcination fournit des abforbans terreux qui tiennent (fur- tout la coquille d'ecufj de la nature de la chaux, puilqu'on peut faire de la chaux veritable avec les coquilles de toils les animaux teftaces & cruftaces. Cette chaux d'eeufs , felon la recette , doit etre expofee a 1'air pendant trois mois pour s'y eteindre d'elle-meme , & cela arrive effedtivement. Tons les petits fragmens calcines tombent en poulliere fine, & li au bout d'un certain temps il y en a encore quelques-uns qui reftent entiers, on attendroit inutilement qu'ils le reduihlfent en farine , ils refteront toujours dans le meme etat , parce qu'ils n'ont pas etc alfez ptnetres par le feu pour etre calcines comme les autres-, ainli le plus court eft de palfer cette Jioudre par un taniis de foie bien fin, pour n'en avoir que ce qui eft reel- ement reduit en chaux. On joint a cette premiere poudre, celle des limacons briiles , & dont l'animal eft reduit en charbon. C'eft encore un ablorbant terreux , mais penetie de l'huile fetide de l'animal. Les plantes carminatives & diuretiques, qu'on fait bouillir dans l'eau avec la boule de favon , paroiffent avoir ets ajoutecs par les premiers au^ teurs d; ce remede, pour corriger les flatuotites qu'une li grande quan- tite de favon devroit produire , & pour poiuTer en meme temps par les urines. Dans la recette des pilules, on ne joint au favon & au miel que la pou- dre dc limacon » on fupprime la chaux d'osuts, & on les deguife par le charbon fulphureux des graines carminatives & diuretiques, tons abforbans fervr.nt a moderer faction du favon , qui , cu egard a la quantite qu'il en faut prendre , purgeroit trop fans cela. Mais je ne vois pas ce qui a de- termine a fupprimer la chaux des coquilles d'osufs de la malfe de ces pi- Jules, li ce n'eft qu'on a cru que faction de cette chaux acre feroit trop vive, n'ctant pas corrigee pal l'acidc du vin bknc j & Ion n'y a admis que i78 ABREGE DES MEMOIRES in i ' ■ ch.irbon des limacons entiers, pare? que n'ayant pas ete calcine de meme "" ni reduit en veritable chaux , il eft regarde comme on abfoibant beaucoup C H Y M I E. plus douXp Annie 1719. ^es c*eux recettes» <*e 'a t^ane & ^es P^ules> &ant, a pen de chofe ' pres, les memes, & devant produire Ies memes effets, il lemble qu'on. pourroit indifferemment les fubftituer 1'une a 1'autre , s'il etoit poflible de prendre en pilules autant de favon qu'on en prend en decoction. Cepen- dant j'ai cm m'appercevoir que ce remede en boiffon reufliffoit toujours beaucoup mieux qu'en forme folide, & qu'il fatiguoit beaucoup moins l'eftom.ic des malades qui prenoient la refolution de s'accoutumer a ce qu'il a de degoiitant. Ceux cependant qui ne pourront vaincre leur de- gout , doivent boire immediatement apres chaque prife de pilules une taffee ou deux de boiffon chaude, comme infufion de parietaire , de fleurs de mauve , ou de quelques plantes diuretiques & adouciffantes. II eft vrai que la deco&ion du favon purge plus volontiers que les pi- lules, & procureroit meme une diarrhee, fi on conrinuoit de la prendre feule pendant quelque temps, ce qui n'eft pas cependant generalement vrai pour tous les temperamens , car il fe trouve des malades que cette boif- fon ne lache point. Quoi qu'il en foit, j'ai obferve qu'il eft toujours plus fur de dormer immediatement avant la tifane de favon , une prife des deux poudres abforbantes. C'eft un alkali , partie terreux , partie lalin , qui fe joint au fel du favon & a fa partie graffe, & dont il refulte un cora- poie capable de fe meler, apres les digeftions, avec la feronte, de circulet avec elle , d'etre filtre par les reins , & de naffer dans la veffie fufEfam- ment charge de ces principes, pour agir enmite fur la pierre comme dif- folvant des foufres ou matieres graffes qui peuvent avoir contribue a la coaguler. Ce qui vraifemblablement arrivera avec fucces fur des pierres qui n'ont point encore acquis un degre de durete capable de relifter a Tac- tion d'une liqueur qui n'a & ne pent avoir que des fels alkalis. A l'e- gard de ces pierres dures exterieurement , comme de certaines pyrites ert marron , ce feroit trop attendre du remede anglois , que de fe flatter qu'il difpofera l'urine a agir fur des corps qu'on ne peut diffoudre peut-etra que par des acides. Quelques perfonnes pretendent que les cent & foixante-huit grains de poudre terreufe abforbante qu'on fait prendre par jour aux malades , etant entraines en partie par les urines, forment la matiere blanche & les ecail- les de meme couleur que rendent prefque tous les malades. Mais outre ce que j'ai deja dit du malade fonde par M. Petit, qui apres le troifieme verre de la tifane, & fans avoir encore pris de poudre, rendit du fedi- ment blanc & un gravier affez gros enduit du meme lediment , il me pa- roit plus vraifemblable de fuppofer que ces poudres, apres avoir agi comme abforbant fur les liqueurs de l'eftomac, & avoir communique ou uni leurs parties falines & fulphureufes aux parties falines & fulphureufes du favon, paffent dans les inteftins avec le plus groffier du favon & des alimens, mais je reviendrai a cette fuppolition avant que de finir ce memoire. Paffons a l'examen chymique du favon , pour voir quelles font les matieres qui DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 179 le eompofent, & en quelle quantite chacune d'elles entre dans fa com- — ■■ — « — — i polition. P Madcmoifelle Stephens choifit pour fon remede le favon dAlicante , qui H Y M I e. a pour bafe coagulant l'huile, le fel de la foude, lequel eft le plus doux Anne'c z^o. de tous les fels fixes. On le rend ccpendant plus act if par la ch.mx vive avec laquelle on le leffive. On evapore cette leffive jufqu'a un certain Eoint, puis on y ajoute de l'huile d'olive dans line proportion convena- le; on cuit ce melange jufqu'a ce qu'il foit en etat de pouvoir prendre corps, & former line pSte folide en refroidiirant. Ce que je rapporte ici de (x fibrique , n'eft qu'un extrait trcs-court des memoires que M. de Reaumur m'a communiques , & qui doivent faire partie de la defcription des arts. Quant aux doles, chaque millerolle d'huile d'olive, mefure qui en contient cent & treize a cent & quinze livres poids de marc, cuite avec la leffive de foude & de chaux vive , doit rendre apres la cuiffon cent quatre-vingts livres de favon parfait, foit blanc foit marbre. L'huile d'olive cuite avec une leflive de fels alkalis , ne doit perdre que tres-peu de ion poids a la cuiffon •, ainll les loixante-cinq livres qui font le fuiplus du poids du favon parfait au-deffus des cent Sc quinze livres d'huile, doit etre le produit du fel alkali contenu dans la leffive : ce fe- roit done a peu prcs loixante-cinq livres de fel qui fe feroient unies a l'huile, s'il n'y avoit l'humidite aqueufe a en defalquer, & qui eft encore aifez confiderable dans le favon. Or je trouve par diverfes epreuves, que la bonne foude d'Alicante, la bourde, la barille, les cendres de Levant, lefquelles etant leffivees fournilfcnt toutes un fel alkali de meme genre qui le cryftallife, qui fe calcine a l'air, & qui contient la bafe du fel marin, rendent de ce fel pur par quintah environ la moitie de leur poids, e'eft-a- dire, cinquante livres : ainli dans les cent quatre-vingts livres de favon ci- deffus, il doit y avoir cinquante livres de fel alkali, & quinze livres d'hu- midite aqueufe li Ton a employe un quintal de bonne foude pour les fa- briquer. II faut cependant compter dans cette maffe pour quelque chofe, la portion la plus fine de la chaux vive qui a du refter dans la leffive de- cantee. Mais lans avoir egard, quant a prefent, a cette chaux, il refulte du calcul precedent, qu'une livre de favon peut contenir dix onces un gros cinquante-hx grains d'huile, quatie onces trois gros quarante grains de fel, & une once deux gros quarante-huit grains d'eau. Cette proportion par rapport aux (els, ne peut etre exacte, parce qu'il n'eft pas poffible qu'il n'en reftc conlidenblement dans le marc des leffives. Ainli , comme j'ai cru ndceffaire de favoir precifement ce qu'un malade prenoit par jour , d'huile & de fel alkali dans fes trois demi-feticrs de decoction ou tifane de favon , il m'a fallu chercher dans le favon lui- meme , ces difrerentes proportions ; ce qui a donne lieu a l'analyle fuivante. J'ai pris un creufet dont le poids m'etoit connu : j'y ai bni'.e peu a peu deux onces de favon, afin qu'il flit depouille de toute fon huile & de toute Ion humidite, il m'eft rcfte 1111 fel qui pefoit quaire fcrupules ou quatre-vingt-feb.e grains. Mais comme ce n'eft pas dans cet etat extreme i8o abreg£ des memoires ■— — — — de calcination qu'on I'emploie dans la fabrique du favon , & que c'eft r plutot dans un etat voilin de fa cryftallifation qu'il faut le prendre, puifque mie. ^eaJJ je ja ie(fiVe t en je feparant de fes terrcftreites , lui donne l'aqueux Annie 2739. neceflaire pour fa cryftallifation, j'ai ajoute & ce fel calcine, pareil poids d'eau. (c'eft la dole du flegme qu'on trouve toujours dans les cryftaux du fel de Glauber, de fel de foude, &c.) J'ai rrouvd que dans nies deux onces de favon, il pouvoit y avoir environ deux gros quarante-huit grains de fel veritable de la foude. Quant a la proportion de l'huile , il a fallu s'en aflurer par une autre voie. J'ai dilTous deux onces du mime favon dans trois demi-fetiers d'eau chaude oil environ -, j'ai verfe fur cette folution , qui etoit dans un ma- tras , de l'huile de vitriol goutte a goutte. A chaque goutte il fe formoit un coagulum. J'agitois de temps en temps le matras, afin que l'acide put attaquer egalement le fel alkali repandu dans la liqueur que j'avois foin d'entretenir tiede. J'ai cefTe de verfer de l'liuile de vitriol quand il ne s'eft plus forme de coagulum , & que la liqueur s'eft parfaitement eclaircie. Je l'ai etendue enfuite par de nouvelle eau bouillante , ce qui pouvoit aller en tout a cinq demi-fetiers ■, l'huile , par ce moyen , s'eft degagee de Feau , pure & claire. Je Ten ai feparee avec routes les precautions ne- ceflaires pour n'en pas perdre , & j'en ai trouv£ une once trois gros vingt grains. C'eft une veritable huile d'olive, qui en a le gout, l'odeur , la fluidite dans les temps chauds , & qui fe fige au froid •, ainfl un morceau de favon d'Alicante, du poids de deux onces, contient deux gros qua- rante-huit grains ou environ de fel de foude, une once trois gros vingt grains d'huile d'olive , & environ deux gros quatre grains d'eau. Done lorfqu'un malade boit par jour trois demi fetiers de tifane , dans lefquels il entre deux onces deux gros de favon moins la petite portion qui s'en perd dans la cuiffon & dans les plantes , il prend une once quatre gros quarante-neuf grains & demi d'huile d'olive , & le poids de trois gros de fel de foude ou environ. Apres avoir decompofe le favon par les moyens precedens, j'en ai rente ■ la recompofition en employant les memes dofes. Dans deux onces d'eau de chaux premiere, j'ai fondu trois gros de cryftaux de fel de foude, qui a blanchi cette eau en s'y fondant , preuve qu'il s'en precipite une partie terreufe qui etoit auparavant en diflolution. J'ai ajoute a ce melange une once quatre gros quarante-neuf grains d'huile d'olive la plus fine, & apres quelques jours de digeftion , j'ai eu un favon liquide , mais d'un goiit beaucoup moins defagreable que ne l'eft le favon ordinaire. Ainfi , Ton petit prefque fur le champ preparer un favon moins degoiltant pour ceux qui auroient de la repugnance a prendre la tifane du favon ordinaire, & peut-etre feroit-ce un moyen de faire prendre encore plus de faveur au remede Anglois. Ce remede eft facile a preparer par les malades eux-memes , ou par leurs domeftiques. Ce qu'il y a'uroit de plus embarraffant , ce feroit la preparation des coquilles d'oeufs & des limacons, & j'ai cherche a la rendre facile. Je fais tremper les coquilles d'oeufs pendant deux ou trois jours, enfuite II V M I E. DE LACADfZMIE ROYALE PES SCIENCES. iSi endure je lcs fais laver dans plufieurs eaux ; aprcs qu'elles out etc brifees,*"" on les fait egoutter & fecher a 1'air, enfuitc on lcs met dan; de grands .-. crcufets cju'on en remplit fans les tiop entailer. On a foin de faire percer quelques trous aux crcufets dc cote & d'autre , & a difterentes hauteurs; Annit f,'?S- on couvrc ces crcufets de leurs converdes, avcc lefqucls on lcs lute, & je les fais placer dans im four de potier, a l'endroit ou le feu doit etre le plus vif. II n'y a gucre de ville un pcu confiderablc oil il n'y ait des potiers. Corarac i Paris 1c bois eft rare, & qu'on chaufte ces fours aflez foiblement, il faut y laiffer ces creufets pendant trois foumees , & Ion en eft quitte pour payer an potier la place des pieces qu'il auroit cuites dans cet endroit de Ion four. On eft fur que les coquilles d'eeufs font aflez calcinees , quand ce qui eft au centre du creufet a blanchi , car il refte ordinairement vers ce centre, &; fur-tout vers le fond du creufet, de petites parties de coquilles qui demeurcnt noires , & ce font celles qui ne tomoent point en farine a l'air, & qu'on doit feparer par le tamis de foie , commc je l'ai dit prccedemment. A legard des plantes reduitcs en charbon , fi Ton croyoit encore , malgre tout ce qui a cte dit, qu'il flit neceffaire de lcs employer, on peut les briiler dans lin tuyau du pocle d'un pied & demi de long, a tun des bouts duquel on fait river Up fond , & ajufter a l'autre bout un cou- vercle de tole. Ayant rempli cctte longue boite de creffon fauvage ou autre plante , on la place horizontalcment dans une cheminee , au milieu de deux ou trois buches , & on l'y laifle jufqu'a ce qu'on ne voie plus fortir de fumee par les jointures du couvercle. C'eft alors que la plante eft reduite en charbon fulphureux. On peut briiler de mane les fruits d'aube-epine , les grate-culs , &c. A legard des limacons, aprcs les avoir laves & egouttes, il faut les cal- ciner comme les plantes , dans une femblable boite de tole , & la tenir au milieu du feu jufqu'a ce qu'il ne forte plus de fumee par lcs jointures du couvercle. Le refte de la preparation etant bien decrite dans la recette imprimee, je n'en repeterai point le detail; je ferai obfervcr fculement qu'on ne doit jamais faire bouillir le favon dans des vaifleaux de cuivre, ni laifler lejoumer la decoction dans de femblables vaifleaux , parce qua le favon les corrode , & que cette tiiane fcroit impregnee de verd de gris. On doit fe fervir de vaifleaux de terre ou de fer-blanc. J'ai juge avec tons ceux qui ont examine le remede Anglois pour la pierre, que fa partie eflenticlle etoit le favon, pris en dofe fiiftiiante pour qu'il put agir flir ces corps etrangers. Mais fi Ion fait attention a la ma- niere dont le favon eft fabrique dans les manufactures , on comprendra aifement qu'il eft difficile d'apportcr tous les foins neceflaires a la proprete d'une compolltion qui feroit deftinee a etre prife intericurement. Ce defaut de proprete eft peut-etre une des caufes de la repugnance qu'ont prefque tous les malades pour le favon en general ; & li quelques praticiens l'ont ordonne tel qu'il fe fabrique dans ces manufactures , c'a ete prefque tou- jours en le deguifant par d'autres ingrediens. J'ai propofc un melange qui pourroit remplacer ce favon commun : c'eft l'eau de chaux , le Tel de " Tome VllL Partie Fran$oife. Ni* C H Y M I E. i8t A B R E G E" DES MEMOIRES ; foiide & 1'huile d'olive. Quoiqu'il refulte de leur union , a la verite fuper- ficielle, line efpece de favon qui approche beaucoup du favon ordinaire pour les dofes , je me fuis appercu qu'on doutoit que ce melange put Annie IJ3$- produire dans le corps le meme effet qu'un favon compare & parfait. C'eft ce qui m'a determine a chercher de nouveau les moyens d'en faci- liter la fabrique, en n'y employant que des matieres choifies ou purifiees, afin d'en diminuer le degout. On verra dans les details qui lluvent, que tout particulicr petit le preparer lui-meme prefque dans l'inftant, & f'a- voir en peu de jours dans fa perfection , e'eft-a-dire , ferme & foiide comme celui d'Alicante , mais beaucoup plus pur & beaucoup moins dc- goutant. La leffive d'une foil Je bien choifie , fans Iaquelle on ne peut avoir le favon tel qu'on le delire , eft ce qu'il y a de plus difficile a preparer pour la reduire a un terme exatt de concentration : mais quand on aura trouve ce terme , par les moyens que je vais indiquer , elle fera alors en etat de fe joindre fort vite avec 1'huile, de s'epaiffir avec elle, meme d'etre employee feule, a la place, de ce relidu groffier de la leffive ordinaire des favonniers que quelques medecins d'Angleterre out rente de fubf- tituer au favon. II n'y aura qua la meler par gouttes avec les boiffons diuretiques ou emullionnees. Cette leffive preparee avec des matieres pu- res, dans des vaiffeaux propres , & melee avec la meilleure huile d'olive, fournira un favon beaucoup moins defagreable a avaler que ne l'eft le favon d'Alicante, quoiquele plus pur des favons de fabrique ordinaire. Pour faire cette leffive , je prends , par exemple, cinq livres de chaux la mieux calcinee & la moins frappee de fair, dix livres de bonne foude d'Alicante, pulverifee & paffee par un crible fin : je paitage la chaux & la foude en deux parties egales ; je mets d'abord la chaux , caffee en mor- ceaux de la groffeur d'tln ceuf, dans des terrines des gres neuves , & je la couvre de la foude deftinee pour chaque terrine. J'arrofe enfuite cha- cun de ces melanges d'eau chaude que je verfe peu a peu , pour donner la temps a la chaux de s'ouvrir & de fe reduire en une efpece de fari- ne , ce qui arrive quand j'ai verfe trois demi-fetiers d'eau chaude dans chaque terrine. Alors j'ajoute peu a pen le refte de l'eau qui y eft necef- faire , en remuant le melange avec un baton de bois blanc : quand il y a dans chaque terrine dix-huit a dix-neuf pintes d'eau , il y en a afTez pour faire la diffolution des fels. On laifle les terrines en cet etat pen- dant douze ou quinze heures : on nitre cette leffive a travers un papier gris , foutenu par une groffe toile , affujettie aux quatre angles dun chaffis a filtrer : lorfque toute la maffe de la leffive & de la chaux eft bien egouttee , je la fais mettre dans une marmite de fer bien nette , avec dix pintes d'eau pour ce qu'on a retire de chaque terrine, & je la fais bouillir une heure , puis je fais filtrer cette feconde leffive. On la remet dans une autre marmite de fer bien nette, & a mefure quelle s'evapore, on remplit de la premiere leffive preparee fins ebullition. On continue d'evaporer jufqu'a ce que les vingt-huit pintes d'eau , qui ont ete em- ployees a faire la leffive du melange mis d'aboid dans chacune des dens DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i8j tcrrines, foient reduites a deux pintcs & demi-ktier, ou jufqu'a ce qu'il — — fe forme deffiis la leflive une pellicule faline. Cette liqueur devient pref- ~ que noire , parce quelle corrode le fer de la marmite , mais ce n'eft pas W t m i e, un inconvenient, comme on lc verra ciapres. Dans cet etat de concen- Annie 1739. tration , fi on en fait tomber une goutte lur un morceau de verre pen- dant quelle eft chaude , elle fe couvre fort vite d'une pellicule fine & !»raffe qui la fait paroitre comme figee. On trouve au fond de la meme effive un fel par lames , qui etant fondu dans un creufet , donne une ()ierre a cautere fort cauftique. On reconnoit audi que la leflive acquiert e degre de concentration qui lui eft neceflaire en ce que devenant plus active , on apperc^oit que le bord de la marmite qui en a ete mouills , rougit, pendant que le defious de ce cercle jufqu'a la furface de la li- queur prend une couleur verdatre -, e'eft alors qu'il faut retirer la mar- mite du feu , on laifle repofer la liqueur jufqu'a ce qu'elle ait aflez perdu de chaleur pour pouvoir etre mife dans des bouteilles de verre lans les cafler. On bouche ces bouteilles exactement , tant pour empecher que les fels ne reprennent de l'air line humidite qui diminueroit le degre^ de concentration qu'on a acquis par l'evaporation forcec, que pour ne pas perdre le fulfureux, qui s'exhaleroit , ii la liqueur reftoit long-temps ex- Fofee a l'air ; car je fbnpcpnnc que l'efpece d'hepar qui s'eft forme dc union du fel cauftique avec le foufre du charbon de la foude, n'eft pas a ncgliger dans cette liqueur. Pour conduire encore plus aifement cetix qui voudront travailler d'a- prcs ces procedes , & pour lenr donner les termes de concentration que doit avoir cette leflive pour faire avec l'huile un favon compare le Flutot qu'il fera poflible , je choifis une fiole de verre a cou etroit , je emplis d'eau pure julqu'a une marque faite a ce cou. Celle dont je me fers , etant remplie d'eau jufqu'a cette marque , en contient trois onces jufte : je la vuide enfuite exactement, & a la place de l'eau pure, j'y mets de la leffive concentree jufqu'a la meme marque, puis je pele. Si le poids fe trouve plus fort de huit gros & demi a neuf gros , cette augmentation me marque que la leffive n'eft ni trop hi trop peu concentree. La balance hydroftatique , le pefe-liqueur & d'autres inftrumens donneroient audi ce terme , mais dans les provinces on ne les a pas fous la main , & je n'ai cm devoir indiquer que ce qu'il y a de plus aife. Les favonniers fe fer- vent pour cela d'un ceuf frais : de fon iminerlion a moitie dans la leffi- ve, ifs jugent qu'elle eft de la premiere force-, e'eft-a-dire, que e'eft la leflive qu'ils doivent employer la derniere dans bur fabrique ; fi l'ceulr s'enfonce aux deux tiers, la ieffive fera nominee fecon.de ; enfin, fi la li- queur couvre toute la fuperficie de l'acuf , cette leffive fera nominee premiere , & ce fera celle avec laquelle ils commenceront leur operation ou leur cuite. Mais cette epreuve n'a pas toute l'exa&itude qu'on peut defirer, puifque tous les ccufs de poule ne font pas d'un meme volume, & que par confequent leur poids fpecifique doit beaucoup varier. D'ail- leurs, comme je fais mon favon fans feu, ie dois prendre la leffive la. plus concentree. Nn ij i«4 ABREGE DES M £ M O I R E S —————— Si Ton ne vent pas que le fer corrode par la leffive entre dans la com- P polition du favon, il n'y a qu'a evaporer les leffives dans des terrines de grcs pofees fur un bain marie, niais cette evaporation etant plus lente, Anne'e ijl$. conlumera beaucoup plus de charbon. On reconnoitra meme dans ces ter- rines , a difterens indices , que la liqueur approche du degre de concen- tration defire , foit par tin morceau de bois qu'on aura gradue par des hoches , foit parce que s'il y a le moindre petit point ferrugineux dans la terrc de la terrine, la liqueur penetrera cet endroit ferrugineux, & y fera line tache. On aura, en fe fervant de terrines de grcs, line liqueur tres-limpide, & qui n'aura qu'une legere couleur de paille , meme apres> la concentration parfaite. ' La leffive preparee dans le fer , etant gardee quelque temps , seclaircit, en depofant un fediment noir , qui eft la partie du fer qu'etle a detachee en corrodant les parois de la marmite , & cette leffive ferrugineufe ne, laiffe pas que de former avec l'huile un favon blanc , quand on a donne au fediment noir le temps de fe precipiter : ce fediment eft un vrai fer ■■, je m'en fuis affure, en le faifant calciner dans un creufet aprcs l'avoir hu- me<5ti d'huile. Une leffive concentree au degre que j'ai marque ci-devant , contient par once trois gros dix-huit grains de fel & cinq gros cinquante-quatre grains d'humidite : quand je redilfous ce fel dans de l'eau de pluie dif- tillee , & que je le nitre , j'y trouve trois grains de terre groffiere qui ne peut paffer au travers des pores du filtre. Si je veux l'employer pour en faire du favon , j'en prends une partie avec deux parties de la meilleure huile : je les mele pen a peu dans une jatte de porcelaine, les agitant avec line fpatule de bois blanc jufqu'a ce que les deux liqueurs aient pris la conliftance d'un beurre que Ton bat : cet epaiffement fe fait beaucoup plus vite en hiver qu'en ete. Je tiens le vaiffeau dans un lieu fee, pour que rimmidite de l'air ne diminue pas la force de la leffive. Le melange prend corps de jour en jour, & s'il eft au foleil en ete, ou fur la tablette d'une cheminee en hiver, levapora- tion du flegmc fe faifant plus vite , il devient favon parfait en quatre oil cinq jours, pourvu que la leffive ait ete fumfamment concentree. II eft bon, pendant que les deux liqueurs fe lient, d'agiter le melange avec la fpatule , pour que l'eau s'en trouve enveloppee & quelle s'evapore plus vite. Quand le¥ favon eft fait, il fe detache aifement du vaiffeau , mais il ri'a pas encore perdu tout ce qu'il doit perdre d'humidite-, ainfi quoiqu'on. put l'employer en cet etat, il eft bon de le garder encore douze ou quinze jours. DE L'ACADEMIE royale DES SCIENCES. i8s- C H Y M I I. Si/r la Liqueur £th£ree de Mr. Frojjea iu s. . , fi ' Annce J 759. for M. .HiiLOi, Vjette liqueur n'ctoit connue que par fes effets, Iorfqu'en 1754, Mem. Mrs. du H.-imel & Grolle en pubjieient la coinpohtion & le precede, (a) Comme j'ai une efpece de droit a leur travail , lans en avoir cependant k la dccoiiYertede la liqueur, j'ai cm qu'ils ne dclapprouveroient pas que je reprifie l'operation, oil ils iemblent l'avoir laiflee , & je confens volontiers que ce que je vais lire ne foit que le iupplement de leur memoire. Us y ont donne trois methodes de reccirier cette. liqueur, la plus vola- tile & la plus inflammable de routes celles qu'on a connues jufqu'a pre- lent ; & aucune de ces mcthodes ne petit manquer de reuffir , pourvu que pendant la diftillation on faijifle l'inftant 011 il taut eteindre le feu, arin de n'avoir que la liqueur fpirituciile , qui eft l'objct de l'operation , & qui etant rectifiee , ne doit plus fe meler avec aucune liqueur , ni acide ni implement aqueufe. Mais pour faire micux entendre ce que j'ai a dire dans la fuite de ce memoire, je luis oblige de decrire de nouveau ce qu'il y a d'effentiel dans, le precede. La liqueur etheree fe retire par diftillation a feu tres-doux , du melange d'une partie d'huile de.jvitriol blanche , extremement concentree, & de deux parties d'efprit de vin rcctifie. Apres une digeftion de quelques jours , le melange de ces deux liqueurs doit fe teindre en rouge , li I'ef- prit de vin a ete bien choiii. On place enfuite la cornue fur un bain de fable •, le feu qu'on met deffous , fait monter d'abord line liqueur fpi- ritueufe inflammable , & qui , dans les eprcuves , donne des indices d'acidite. M. Pott, a prefent profeffeur royal de chymie a Berlin , a nomine cette premiere liqueur acide vitriolique vineux , dans une difiertation curieufe qu'il a donnee fur cette operation , dont cependant on ne pent titer qu'un foible fecours par rapport a l'ether. D'autres chymiftes d'Allemagne la nomment Spiritus Naphtce , a caufe de ion inflammabilite , qui eft auffi (ubite a l'approche d'une bougie allu- mee , que celle d'une huile de petrole la mieux rectifiee. Je lui don- nerai le nom d'efprit acide vineux dans la fuite de ce memoire, pour la diftinguer de cette partie encore plus volatile & plus inflammable qu'on en fepare par la rectification , & qui eft l'ether , ou la liqueur de M. Frobenius. Aprcs cet efprit acide vineux qu'on doit mettre a part , vient une liqueur aqueufe-acide & d'une odeur fulftueufe fuftocante , qui 11'eft plus inflammable par elle-meme. Elle eft accompagnee de vapeurs blanches (a) Voycz le Tome VII de noire Collection Acade'mique, page 316. C IT Y M I Z. i8« A B R £ G E DES M^MOIRES > ondulantes , qui , condenses , donnent une huile , tantot blanche , quel— quefois verte , & le plus fouvent jaune , laquelle furnage d'abord la liqueur acide-aqueufe , mais qui , accumulee a pen pres jufqu'au tiers Armt'e JJ29> ou a la moitie de cette liqueur acide , fe precipite au fond . & nc la furnage plus. Quelques-uns ont nomme' cette huile jaune ou verdatre oleum vitrioli duke paracelfi. Elle doit entrer dans la compohtion de la liqueur ano- dine minerale de M. Frederic Hoffman , qui eft d'un ufage fort etendu en Allemagne, & dont on commence a reconnoitre l'utilite a Paris dans les flatuofites & digeftions difticiles : mais il ne faut pas la confondre avec 1'eau de Rabel ordinaire , qu'en quelques endroits on debite fous le nom de liqueur d'Hoffman , puifque la veritable liqueur anodine de ce celebre- medecin ne doit pas fermenter avec les alkalis. Vers la fin de la diftillation de la liqueur acide-aqueufe & de l'huile jaune dont elle eft le vehicule, le refte du melange, qui eft devenu noir dans le vaitfeau , commence a s'elever en ecume, & fi Ton n'arrete pas fubitement le progres de cette ecume, en eteignant le feu, elle paffe affez vite dans le recipient, & en confond toutes les liqueurs, en forte qu'il eft prefque impoffible de les recouvrer , diftinctes les unes des autres , par line nouvelle diftillation. Ce n'eft pas le feui inconvenient de l'operation : j'ai obferve que (i on laiffe dans le recipient l'efprit acide vineux , & qu'on continue la diftilla- tion fans Ten oter, l'huile jaune qui vient enfuite avec la liqueur acide- aqueufe , eft abforbee affez vite par ce premier eiprit inflammable , & alors il n'eft plus poffible , par aucune forte de rectification que je connoiffe , d'en feparer Tether. C'eft pour cette raifon, fans doute, que M. Groffe detache le recipient aufli-tot qu'il appercoit, par l'odeur, que la liqueur acide & fulfiireufe commence a monter. J'examinerai , dans ce memoire , toutes les liqueurs qui ne font point Tether, lequel etoit le feul objet des recherches de M«- du Hamel & Groffe. Je ferai voir que celle qui doit etre confideree comme une huile , peut etre legere ou pefante fans changer fenfiblement de gout nid'odeur, que fa quantite peut etre augmentee, &; que cette huile peut etre fuppri- mee fans p.iroitre dans l'operation ; que ce qui eft totalement fulfureux volatil , peut devenir prefque fixe , e'eft-a-dire , avoir befoin d'un feu de rererbere affez vif pour etre decompofe : que dans d'autres circonftances ce fulfureux, deja a demi condenfe en refine, peut etre tellement vola- tilife par un intermede metallique qu'il le fera dirparoitre. Enfin que, .par un intermede terreux , on peut faire l'ether facifement fans qu'il pa- roiffe ni huile ni ecume noire & futfureufe , & je b >irai par l'examen de la terre qui me fert d'intermede : tcrre qui eft fcrt connue, d'un tres- grand ufage , & dans laquelle je ne crois pas qu'on foupconnat deux terres difterentes. Lorfqu'apres avoir mis a part l'efprit acide vineux, la liqueur acide- aqueufe & l'huile jaune, on vcut avoir la patience de continuer la diftil- lation pendant douze a quinze jours, fur un petit feu non interrompu , DE L'ACADEMIS ROYALE DES SCIENCES. 287 mats aflez foible pour ne faire monter que tres-peu de liqueur , l'acide vitriolique qui reftc, fe concentre avec le plus groffier de Li partie in- flammable de I'elprit de vin. Ce refidu , devenu tres-noir, fe condcnfe peu a peu , forme d'abord une refine liquide & encore acide , & enfuite un bitume aufli compa&e & audi dur qu'un bitume foflile ordinaire, 8c prefque en tout femblable. Si , aprcs avoir cafle la cornue, on lave ce bitume pour en fcparer l'a- cidL" vitriolique furabondant, qui n'a pas trouve affer de matiere inflam- mable pour s'en faiiir & le condenfer , on trouve ce bitume indiflbluble dans 1'eau. Qu'on le mette enfuite dans une autre cornue, & qu'on diftille a bon feu de rcverbere, on en retirera une huile rougeatre qui furnage l'eau, qui ne pnroit pas diftercnte de celle qu'on tire de meme par diftil- lation,du bitume foflile, & qu'on peut regarder, par confequent, comme une huile de petrole grofliere. Si , au melange d'une livre d'efprit de vin, & de demi-livre d'huile de vitriol, qui eft la dofe de prefque toutes les experiences dont il va etrc parle dans ce memoire , on ajoute une ou deux onces d'huile de lavande, 011 de quelque autre huile effentielle, on a moins d'efprit acide vineux, & beaucoup plus de bitnme demi-fixe. En cohobant fept 011 huit fois ce qui eft patfe dans ]a cornue fur le charbon de ce bitume, & ajoutant a chaque fois un peu d'efprit de vin, il fe fait un nouveau compofe, quoique du meme genre, e'eft-a-dire , qu'on voit paroitre des fieurs de foufre commun , & meme qu'il en diftille quelques gouttes. Mais il faut beaucoup d'attention a conduire le feu , car il arrive prefque toujours qua la cinquieme 011 fixieme cohobation la cornue fe brife avec un grand bruit , & fait meme fauter le dome du chapiteau. Cette experience , comme celle de feu M. Lemery , peut fervir ^ cxpliquer comment fe font les tremblemens de terre ; elle confirme auffi la theorie deja donnee par plulitiu;s auteurs, de la formation des bitumes & des foufres. Ce qui rerte dans la cornue, etant mis au feu dans un creufet, y brule encore pendant quelque temps, & laiffe une terre blanchatre aprcs qu'elle eft bien calcinee. II feroit chimerique de dire qu'elle s'eft formee du me- lange des liqueurs pendant l'operation , puifque e'eft la terre que l'efprit de vin precipitc toujours de 1'huile de vitriol la micux reclifiee, & dont il eft parle dans l'extrait d'une lettre imprimee a la fin du memoire de Mfs. du Hamel & Grofle. J'ajoute feulement qu'il y a grande apparence qu'elle vient des luts qu'on met aux vaifleaux pour retenir les vapeurs acides du vitriol quand on le diftille la premiere fois, & qu'il eft inutile de lui chercher une origine plus myfterieufe. A l'egard de 1'huile jaune dont il a ete parle plus haut , on la multi- plie conliderablement en quantite , en augmentant la proportion de 1'huile de vitriol , & en ajoutant au melange trois ou quatre onces de quelque huile fjite par ebullition, comme celle des baies de laurier, 011 de quel- que huile par expreflion, telle que celle d'olive ou d'amande douce : pour lors il n'y a point d'efprit acide vineux , la liqueur acide aqueuie 8c C H Y M I E. 188 ABREG^ D E S MEMOIRES 1 fulphureufe monte prefque aufli-tot que !e vaifleau eft ^chaiiffe ,' & amene avec elle beaucoup dc cette huile douce. & aromatique qui doit entree dans la liqueur d'Hoflxnaii. Anwfe 2719- Cette hnile eft legere ou pefante felon la quantite d'huile de vitriol qu'on a verfee fur l'efprit tie vin. Celle quivient d'un milange de fix, de cinq, de quatre & meme de trois parties d'efprjt.de vin fur une d'huile de vitriol concentree j furnage toujours l'eau & refte blanche •, celle qui diftille de deux parties d'efprit de vin , eft jaune, & fe precipite le plus fouvent. Enfin celle qii'on retire de parties egales des deux liqueurs , eft verdatre, & fe place conftamment fous l'eau. Ccft celle qu'il faut chbilir pour ne pas manquer l'experience qui fuit. Separez par l'entonnoir l'huile Jaime ou verdatted'avec la liqueur acide & fulphureufe, & fans l'edulcorer, mettez-la dans une fiole cylindrique, & environ deux fois autant d'eau par-deilus : bouchez la fiole exactemenr, Cette huile reftera fous l'eau tant que le thermometre de M. de Reau- mur ne fera qua feize oil dix-fept dans la partition du chaud : mais u" la chaleur de l'air augmente alfez pour le faire montcr a vingt-un on vingt-deux, vous verrez alors cette huile fe gonfler, & morrter peu a pen le long des parois de la fiole , envelopper l'eau dont le cylindre fe retre- cit , s'alongb , & fe trouve enfin au-deffous de Thiiile. Si vous trempez aufli-tot cette fiole dans de l'eau bien froide, & qu'apres l'ayoir laiflee re- froidir une heure de temps , vous agitiez le melange en la fecouant , l'eau reprend fa premiere place , & l'huile fe tient au-deiTous. II ne faut pas, pour que i'experience reuffiffe, laver l'huile dans de Teau pure avant que de la mettre dans la fiole : il faut quelle foit en- core unie & une portion de la liqueur acide & fulphureufe qui lui com- munique fon odeur-fuftbeante-, & e'eft fans doute cette petite portionde fulphureux volatil , mis en adlion par la chaleur de l'air, qui eft le priu- cipe de la fermentation & de l'augmentation du volume de l'huile dont je viens de parler. Car, lorfque l'huile eft lavee & edulcqree jufqu'a n'a- voir plus que fon odeur propre qui eft aromatique & agreable, elle refte fous l'eau fans s'elever au degre de chaleur que j'ai indique; bien entendu cependant qu'il n'y ait pas dans la bouteille plus de deux parties d'eau far une d'huile, ainfi que je l'ai dit plus haut. S'il y en a davantage,le poids de l'eau la comprime- trop , & il femble que cette huile foit elaftique, car alors elle s'echappe peu a peu de deilous l'eau, meme dans les failons temperees , & remonte le long des parois de la fiole , comme dans le cas de fa rarefaction occafionnee par la chaleur de fair. Si on laiffe l'huile, non edulcoree , au-deflus de l'eau pendant quel- ques femaines, au meme degre de chaleur qui la fait monter, peu ^1 pen elle change de couleur & devient prefque rouge. Alors ni le froid de l'air , ni l'agitation vive de la fiole , ne lui font plus reprendre fa premiere place fous l'eau. Elle eft meme ehangee , en quelque forte , de nature -, car li etant devenue rouge, on la lave dans beaucoiip d'eau, non-feulement elle ne redevient ni verdatre ni jaune , mais elle n'a plus une_ odeur auffi srematique qu'une huile. ferablable qui n'a point jrougi. Ainfi cette huile I t. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. »8j tee defaut de commun avec prefquc toutes les huilcs effentielies qui nn-— — ' BS ciflcnf, & commc elle paroit etre du mcme genre que ces huiles, 011 q m y voit que dans l'opcration de 1 ether , l'huile de vitriol la fepare de l'ef- rrit de vin : mais elle n'eft pas pour cela l'huile efl'cntielle pure du vin, Annie tjjy acide s'unit avec elle, & en augmente le volume, puifque j'ai unc plus grande quantite dc cetre huile jaune ou verdatre d'une dole egale d'efprit de vin & d'acide vitriolique, que quand j'emploie dans le melange des deux liqueurs, deux, trois ou quatre parties d'efprit de vin contrc uno d'acide. II paroit aufli qua l'aide de l'efprit de vin , l'huile de vitriol effen- rifle les huiles communes par exprefllon , puifqu'en ajoutant ces huiles au melange, j'ai beaucoup plus de cette huile jaune que quand il n'eft com- pose que de l'acide & de l'efprit de vin. Pour prouver encore que l'a- cide vitriolique fait avec cette huile une union reelle, quoique cet acide foit infenlible au gout, je prie qu'on fe fouvienne de ce que j'ai dit pre- cedemment de la pefanteur de cette huile, qui varie felon que j'ai em- ploy<5 plus ou moins d'acide vitriolique. Cette huile fe charge de 1'or d'une diflblution de ce metal dans 1'eau regale, comme le feroit une huile de romarin, ou quelqu'autre huile ef- fentielle, mais l'or s'en precipite pcu a peu en poudre brune •, au lieu que quand le veritable ether a pris l'or d'une femblable diflblution , il le fou- tient fans qu'il s'en precipite. J'ai uq flacon bien bouche, plein d'ether charge d'or , dans lequel il ne s'eft forme depuis quatre ans qu'un tres- petit fediment. Done cette liqueur eft une huile etheree exrremement fub- tile, & peut-etre exempte de tout acide : car il eft vraifemblable que l'huile jaune ne laiffe precipiter l'or que parce quelle contient mi acide vitriolique qui ne fut jamais le diflblvant de ce metal. Si les autres huiles effentielies l'abandonnent aufli plus ou moins vite, on peut croire que e'eft par une raifon femblable ; ou leur acide eft vitriolique , ou fim- plement nitreux. Avec l'huile jaune & l'efprit acide vineux non redlifie , on fait une efpece de camphre affez finguliere, puifqu'elle femeten deliquium a l'air, quoique avant cette deliqueffence , elle loit aufli inflammable que le cam- phre ordinaire. J'avois mis dans un grand flacon environ un demi-fetier d'efprit acide yineux , lequel avoit diflbus ou abforbe deux gros ou un peu plus d'huile jaune; j'avois verfe deffus un demi-fetier ou environ d'eau commune: rnon deflein etoit alors d'en retirer lether par une lente diftillation ; car }e ne favois pas encore que cela eft impofllble aprcs l'union intime de l'huile avec cet efprit. Je laiffai le flacon pendant fix mois dans une armoire. L'ayant regarde au grand jour, je vis dans le fond du vaiffeau & au mi- lieu de la liqueur , une infinite de petits cryftaux figures comme ces graines de chardon qui voltigent dans la campagne vers la fin de lete. Je filtrai la liqueur par un entonnoir au bout duquel j'avois lie un petit morceau de tatreras. Ayant raffemble tons ces petits cryftaux , dont il y avoit environ ur» gros & demi , je les mis dans une petite bouteille que je bouchai bien , Sc Tome VIII. Panic Fra/yoi/e. O o i?o abreg£ des memoires i^— — — — que jc pla^ai a un feu tres-doux de digeftion. Le lendemain je trouvai _ tons ces cryftanx reunis en line maffe reiineufe blanchatre, dont un petit C H Y M I E. ,i' , i . a rr .. j i -> v i i> morceau detache sennamma aula vite que du camphre a lapproche dune Annie 1739- bougie allumee. De plus cette reline en a parfaitement l'odeur & le gout. Ellc fe diflout corame le camphre dans l'efprit de vin ; mais l'efprit de nitre ne la reduit point en huile, comme il y reduit le camphre veritable. Cette concretion inflammable fe met en deliquium ;> l'air, comme je viens de le dire, & fa deliqueffence briile encore, mais foiblement, & laiffe une liqueur acide & un peu aromatique. II eft aife de comprendre que cette reline cryftallifee n etoit qua demi-formee •, que l'union n'etoit pas encore intime entre l'acide du vitriol & la partie inflammable de l'efprit de vin , & que c'eft cet acide du vitriol , encore a decouvert , qui a attire l'humir dite de l'air. On a vu que par les moyens que j'ai indiques, on peut augmenter l'huile jaune, tant par rapport a fon poids, qu'eu egard a fa quantite. II y a d'au- tres intermedes qui 1'empechent de paroitre , meme en ajoutant une huile au melange de l'efprit de vin & de l'huile de vitriol. Ces intermedes font des corps abforbans qui detoument, au moins en partie, l'acide vitrioli- que fur la partie inflammable de l'efprit de vin & fur celle de ces huiles ajontees. J'ai fur ce fait deux experiences qui oftrent chacune une obfer- vation curieufe : voici la premiere ; l'autre iera a la fin de ce memoire. Mettez dans de l'efprit de vin du favon noir autant qu'il en pourra dif- foudre, filtrez-le, & verfez deffus de l'huile de vitriol la plus pefante ou la plus concentree; agitez le melange, le favon fe decompofera dans l'inf- tant, & Ion huile furnagera, parce que l'acide vitriolique lui ravit le fel alkali qui la rendoit mifcible i l'efprit de vin : diftillez, vous n'aurez que tres-peil d'efprit de Rabel, encore aura-t-il l'odeur defagreable de l'huile hplus ranee-, il viendra enfuite beaucoup d'efprit de vin de meme odeur, puis une liqueur aqueufe , acide & fulphureufe , mais pas une goutte d'huile jaune. II fe forme cependant un champignon bitumineux qui a de la con- fiftance, qui s'eleve au-deffus de la couche d'huile du favon, laquelle fur- nage le refte du liquide. Apres la diftillation de ces liqueurs , j'avois laiffe la cornue fans feu pendant pres d'un mois, pour donner le temps ^ l'acide vitriolique de s'unir au fel alkali du favon, quel qu'il fut, foude ou potaffe; 8c quoique je fuffe bien qu'il entre beaucoup de chaux dans la lefiive des favonniers, lur-tout dans celle qui fert h faire le favon noir, je ne foupconnois pas que cette experience dut fournir line exception a la table des rapports de feu M. Geoftroy , & j'efperois de trouver dans ma cornue un fel de Glau- ber ou un tartre vitriole bien cryftallifes. Je vuidai la liqueur noire par inclination , je fis tomber dans une jatte a part, le bitume en grumeaux & les cryftaux falins qui etoient avec-, mais leur cryftallifation etoit bien differente de celle des deux fels moyens dont je viens de parler. Ceux-ci n'avoient qu'une ligne d'epaiffeur, ils etoient tous quarres & appliques les uns fur les autres, avec une retraite egale dans les cotes qui n'avoient pas touche aux parois du yaiffeatl » je les trouvai DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 191 d'une acidite prefque audi grande que cellc d'une huile de vitriol ordi- ^—— ^ ruin-. Je voulus lcs laver dans l'efprit de vin pour en oter l'enduit reli- C h y m 1 1 neux qui les laliffoit, mais ils s'y dilTolvoient tres-vite, & la terre blanche qui leur fervoit de bale, fc precipitoit, de forte que je a'cn pusconferver Annie i"J 20 qu'unc petite quantite, tels que jc les avois trouves d'abord. Ces memes cryftaux fe diliolvent beaucoup mo ins vite dans l'eau , a caufe de l'enduit relineux dont je viens de parler, qui lcs defend quelque temps conure 1'acrion de cc dillolvant ; mais pendant lew diilolution , la terre de leur bale ne fe precipite pas comme dans l'efprit de vin. Je filtrai cette diffolution fiite dans l'eau, & la fis evaporer a pellicule-, cependant je n'ai pu avoir des cryftaux figures comme les premiers, qui s'etoient formes dans une liqueur gralfe & fous un lit ou couche d'huile qui empe- choit la communication de l'air exterieur. Dans cette folution concentree la matiere faiine acide a vegete, tant contre les parois du vailfeau, que du milieu de la pellicule, en aiguilles droites & perpendiculaircs au fond de ce vailfeau , confervant toujours la meme acidite. La terre que j'en ai feparee , foit en la precipitant par l'efprit de vin , foit en retirant l'acide par la diftillation a feu de reverbere, refte blanche, & c'eft la chaux de la leflive des favonniers. Ayant raffemble trois gros ou environ de cette terre blanche, je l'ai calcinee, & j'ai refait de nou- velle chaux vive , dont une portion , hume&ee d'un peu d'eau , s'eft cchaurlee avec un petit liflement ; l'autre melee avec un peu de fel ammo- niac , en .1 developpe dans la main l'efprit volatil urineux. II paroit done par cette experience, qu'il y a des circonftances ou la colonne de l'acide vitriolique dans la table des rapports de feu M. Geof- froy femble etre fujette a quelques exceptions. Dans le cas prefent, par exemple, l'acide vitriolique a attaque la chaux, qu'on met au nombre des terres abforbantes, preferablement au fel alkali du favon, quel qu'il flit. Sans cette preference j'aurois du trouver un fel de Glauber , en cas que le fel alkali du favon eut ete cc-lui de la foude, parce qu'il contient la bale du fel marin; ou un tartre vitriole, licet alkali eut ete la potalfe. Or le contraire feroit arrive fuivant la table des rapports , & felon l'expe- rience connue de la precipitation de la terre de l'alun par le fel de tartre. II feroit difficile derendre raifon de cette exception fans un plus grand examen; car enfin qu'eft devenu le fel alkali du favon noir, puifque je n'ai trouve aucune forte de fel moyen ? Je pourrois repondre a cette quef- tion, qui s'offre naturellement, que l'acide vitriolique , qui dans l'inftant du melange des liqueurs avoit fepare l'huile du favon, s'etant lie depuis avec la chaux, auroit lalfle le fel alkali en liberte de s'unir de nouveau avec 1 huile , & de former une feconde fois un favon liquide. Mais je ne puis donner cette lolution que comme une conjecture , & je fens bien qu'il taut recommencer cette operation , & fuivre avec attention tous les changemens qui arrivent aux mr.tieres que j'ai fait entrer dans le milange. Mais pour cela il faudroit fiire le favon noir foi-memc, afin d'etre fiir du fel fixe Sc de l'elpece de chaux dont on auroit compofe fa leffive. Ce Oo ij i.,i A B R E G t D E S M E M O I R E S ;fera l'objet d'un autre travail : il ne s'agit dans ce memoire que de ce <- qui a quelque rapport avec la liqueur etheree. i! \ m i e. Cependant je ferai obferver que dans line autre experience oil j'ai fubf- Annie i~l$- titne Is favon blanc bien choifi au favon noir, j'ai eu up veritable tartre vitriole , accompigne d'un fediment terreux qui , calcine , a refifte aux acides. Depuis j'ai repete Texperience avec un efprit de vin foule d'un favon que j'avois fait moi-meme avec le fel de tartre & l'huile d'olive. L'acide vitriolique s'eft faili de fel alkali pur , j'ai eu un beau tartre vi- triole, & point de fediment terreux. II s'agit prefentement de faire voir que Tecume noire & la refine Ii- quide etant deja formees & pretes a fe condenfer, elles peuvent etre tel- lement volatilifees , que leur couleur noire difparoitra, & que la liqueur reprendra prefque toute fa premiere limpidite. Je me fers pour cela, de vif-argent, dont je mets quatre onces dans une cornue avec une livre d'efprit de vin & demi-Iivre d'huile de vi- triol; je fais digerer pendant huit jours, agitant tons les jours le melange pour divifer le mercure en globules , que je reduis a telle fineffe qu'ils ne paroiflent plus que comme une poudre grife •, alors je diftille a feu doux , j'ai de l'efprit acide vineux bon a donner de Tether, enfuite une liqueur acide & d'une odeur fulphureufe capable de furfoquer, puis une ecume noire abondante qui entre fort rapidement dans le recipient', enfin une liqueur noire refineufe. En cohobant deux fois fur le mercure refte dans la cornue , tout ce qui eft pafle dans le jecipient , la refine noire s'eclaircit , la liqueur devient de plus en plus volatile, la couleur noire difparoit quand on augmente le feu , & il ne refte rien de noir dans la cornue qu'un petit cercle a fon cou. La partie inflammable de l'efprit de vin , qui par fon union avec l'acide vitriolique, etoit devenue un commencement de re/ine, s'etant volatilifee i l'extreme , & diffipee en vapeurs fulphureufes par les jointures des vaif- feaux , malgre le hit qui les femioit , & qu'elles ont force de s'entr'ou- vrir , le refte de Think de vitriol attaqua alors le mercure plus imme- diatement , & le reduilit en une maffe faline , blanche a Tordinaire. Je pouflai le feu •, une partie de cette maffe fe fublima. Le lendemain je ver- fai de Teau dans la cornue par le moyen d'un entonnoir a long tube : ce qui etoit au fond devint jaune dans Tinftant ; c'etoit du turbith mineral. Mais tout ce qui etoit fublime blanc a la voiitc de la cornue, noircit auiTi-tot que Teau Teut humedee, & il sen detacha une poudre blanche pefante, qui s'etant precipitee fur la maffe jaune du fond, me parut etre, a la loupe, une infinite de petits globules de mercure qui s'etoit fubli- me , fans doute avec un refte de refine volatile , & fans avoir ete attaque par l'acide vitriolique, foit parce qu'il n'y avoit pas affez de cet acide, foit parce que chaque globule etoit enveloppe d'un enduit relineux. Ce qu'il y a de remarquable dans cette operation, eft la diffipation to- tale de la reline demi-formee : ce qui n'arrive point dans tin melange Am- ple d'efprit de vin & d'huile de vitriol : & Ton a pu remarquer dans DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. z?3 l'analyfe dc cctte rcline, rapportee ail commencement de cc memoire > ^^^™ que bien-Ioin de fc difTipcr, elle fe durcit en bitume; qu'il faut un feu q h y m 1 f de reverberc afiez vif pour en avoir l'huile qu'il contient , & on feu de calcination encore plus fort pour achever de briiler le charbon bitumi- Annc'c IJ3J. neux, 8c en feparer la terre. Ainfi, li avec le mercure la rcline fe volati- life Ml point de fe di/Iiper totalement en vapeurs fulphureufes par les join- tures des vailieaux , c'eft au principe fulphureux que fournit le mircure Iui-mcmc, qu'il faut rapporter cette volatilite. Or tons les chymiftes la- vent que quand on fait le turbith a la maniere ordinaire , il fort de la cornue line odeur de foufre tres-penetrante. Enfin, avec le fecours d'un intcrmede terrenx, on a un moyen treS- facile dc diftiller l'efprit acide vineux fans aucun changement fenlible d'o- dcur, depuis le commencement jufqu'a la fin de l'operation, fans qu'il foit fuivi de liqueur acide & fulphureufe, d'huile, d'ecume noire, dc rcline, ni de bitume , fans qu'on foit oblige de prendre de grandes precautions Eour la conduite du feu , puilqii'on pent entretenir la liqueur toujours ouillante dans la cornue, & la diftiller ainli jufqu'a (ec fans aucun dan- ger. Cet intcrmede eft la terre glaiie ordinaire des potiers. J'en mets fix onces bien pulverifee & bien feche dans une grande cornue avec line li- vre d'efprit dc vin , &- huit onces d'huile de vitriol. Je fais digerer pen- dant trois oil quatre jours; le melange ne prend point de teinte fenlible, je place la cornue fur le bain de fable d'un athanor, & je continue la dif- tillation jufqu'a fee par un feu modere de charbon. A l'exception des premieres gouttes qui viennent d'abord , & qui ne font que de l'efprit de vin, tout le refte de la liqueur qui diftille, a toujours l'odenr de Tether, a la verite un pen plus penerrante que celle de l'efprit acide vineux fait fans cet intcrmede terreux. Ce precede1 a encore un avantage, c'eft qti'on pent retirer de la terre glaife une bonne partie de l'huile de vitriol audi blanche qu'on l'a em- ployee, ainfi qu'il fera dit dans la fuite, au-lieu que par les procedes or- dinaires, l'cxcedcnt de l'acide vitriolique etant noirci par larelinc & mcle avec un efprit lulphureux volatile, il faut laiifer evaporer tout ce lulphu- reux avant que de penfer a retirer l'acide, fans quoi il fe gonfle , & paffc noir par le Dec dc la corirae pour peu que le feu foit trop fort. Quant a la rectification de cet efprit acide vineux & a la feparation de la vraie liqueur etheree , le moyen que j'emploie eft peu different d'un de ccux que M. Grolle a indiques. Je verfe cet efprit dans un alambic de verre d'une feule piece avec fon chapiteau. Je fais tomber defiiis, par le trou qui eft an haut du chapiteau, deux ou trois fois autant d'eau de puits, la plus dure au gout, & la plus chargie de matiere gypfeufe que )e la puis trouver : car j'ai obferve qu'avec de l'eau bien pure, on a beau- coup moins d'ethcr. Si l'efprit acide vineux a line odeur fulphureufe, ce qui doit y fr.irc (bupconnei un peu trop d'acide vitriolique volatile , j'ajoute a l'eau deux on trois gros de fel de potalie pour ablorber cet acide, & je diftille a feu de lampe. C H Y M I E. iP+ A B R E G E D E S M E M O I R E S ; Tant qu'il y a ciu veritable ether dans Ie melange , on le voit monter comme une colonne blanche , placee an milieu de la liqueur , & compo- fec d'une infinite de bulks d'air d'une petiteffe prefque inconcevable. Rien Annie it ?g. ne paroit fe condenfer dans la voute du chapiteau : il refte toujours clair, fans aucune humidite ienfible a la vue. Les gouttes qui tombent du bee fur les parois du recipient , au-lieu d'y former un filet , comme le fait un efprit de vin un peu aqueux, s'y etendent, lorfque e'eft du veritable ether, de la largeur de deux polices & plus. Quand on voit cette trace fe retre- cir conliderablement, il faut eteindre le feu : car ce qui vient dans la fuite fe meleroit a l'eau, & communiqueroit ce defaut a l'ether qui eft deja dans le recipient. , Je furvuide cette liqueur etheree dans une bouteille longue. Je verfe deffus une egale quantite d'eau de puits. Je fecoue la bouteille •, la liqueur devient laitcufe, & dans l'inftant le vrai ether fe fepare, furnage, & ne fe mele plus a l'cau : on Ten fepare par le fiphon , & on le conferve dans un flacon exadtement bouche d'un bouchon de cryftal. Son principal ufage, comme je l'ai dit dans un autre memoire , eft de fervir a decouvrir s'il y a de l'or dans une mine on dans un melange metallique qu'on foup- c-onne d'en contenir. Au refte ce precede , par l'intermede de la terre glaife, ne donne pas plus de veritable ether que celui de Mrs. du Hamel & Grofle, mais il rend 1'operation plus facile , & fujette a moins de precautions. Ce n'eft pas toujours 1' extreme rectification de l'efprit de vin , qui con- tribue a la quantite de cette liqueur fubtile. II faut que l'efprit de vin foit huileux par lui-meme. Le meilleur qu'on puiffe employer pour avoir le plus dether qu'il eft poffible , & celui qui m'a toujours mieux reuffi dans cette operation , eft l'efprit de vin tire du mr.rc des railins. On fe contentera de le bien deflegmer fur la potaffe feche. La terre glaife, qui etoit reftee feche dans la cornue, & fans avoir change de couleur , s'eft trouvec pleine de trous profonds , arranges a l'exaftitude pres , comme ceux d'une ruche de mouches a miel, & ayant line odeur un peu fulphureufe. II a fallu beaucoup d'eau chaude pour la delayer entierement. L'ayant delayee, j'ai fait tomber le tout, terre & eau, fur un nitre de papier double. L'eau qui a paffe de cette premiere lotion fans aucune teinte, etoit auffi acide que de l'efprit de vitriol, & lans au- cune odeur fulphureufe. Apres l'avoir parfaitement edulcoree, je l'ai fait fecher jufqu'a ce quelle n'eut plus d'humidite que ce que la glaife ordi- naire en doit avoir pour etre petriffable •, mais celle-ci ne fe petrit plus, elle n'a plus d'onctuofite , & paroit prefque auffi friable qu'un fable hu- tnedi. Ce qui lui donnoit cette tenacite , qui la rend propre a tant d'u- fages, a ete enleve par l'acide vitrLolique, & je le retrouve dans cet acide. J'ai mis de cette glaife dans un creufet que j'ai tenu dans un feu vio- lent pendant une heure, je n'ai point appercu d'odeur fulphureule. Enfin le creufet commencant a fe vitrifier, je l'ai retire du feu : la terre y etoit reftee friable, & n'avoit que foiblement change de couleur, au-lieu qu'une glaife neuve , traitee de meme , prend corps au feu , durcit & rougit; Y M 1 f. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 295 Mais celle qui a fervi dans cctte operation ne pent rougir, parce quelle — ne contient plus de parties ferrugineufes qui puiflent fe reduire en crocus : „ elles out ete enlevees aufli par l'acide vitriolique. Cette terre calcinee re- " fifte a tous les acides, preuve quelle a retenu ou Ton acidc naturel ou Annc'e J7 3Q. une portion de l'acide vitriolique de l'opcration. Pour rendre cette preuve encore plus convaincante, j'en ai broye deux parries avec tine partie de charbon de bois; je l'ai calcinee de nouveau, & j'ai fenti une odeur d'he'- par fort penetrantej ce qui ne feroit pas arrive, s'il n'y avoit pas eu un •cide vitriolique cache dans cette terre. J'ai mis dans une cornue toute l'eau acide des lotions pour la concen- trer , & en avoir l'huile de vitriol. Apres que tout le flegme en a ete fepare par k diftillation , la liqueur qui reftoit dans ce vaiffeau eft devenue verdatre; marque certaine quelle tenoit une portion de fer en diffblution. Quelqucs affaires m'ayant obligi de laiiler eteindre le feu, je trouvai le foir que la liqueur etoit congelee dans la cornue en une mafle de fel blanc, moderement compa&e, a peu prcs comme un fromage glace. Ce fel con- gele , qui ne peut pas cure mis au rang des fels neutres , puifqu'il eft a 11 nioins auffi acide qae de l'elprit de vitriol ordinaire, fe refond en liqueur limpide & verdatre , quand on lui rend un degre de chaleur fumfant. Lorfque cette liqueur acide a ete concentree a un certain point, elle paife dans le recipient avec une partie de la bafe terreufe, & s'y congele de nouveau , comme feroit un beurre d'antimoine ; & je la nommerois vo- lontiers beurre d'alun, li j'etois bien allure que fans addition d'aucune autre terre, elle en donnat par la fuite ; mais les indices que j'en ai jufqu'i prefent, ne font pas encore fufrifans pour me determiner. De plus, cette meme bafe terreufe fe fublime en fleurs blanches , quand ce qui refte dans la cornue commence a fe defiecher. J'ai verfe une autre partie de cette congelation acide , liquefiee par la chaleur, dans une capfule de verre que j'avois bien fait chauffer aup.1r.1- vant, afin que le refroidifl'ement de la liqueur flit plus lent, & que j'eufle le temps d'examiner a la loupe de quelle maniere elle fe congele. D'abord que la liqueur a commence a fe refroidir, il s'eft forme des cryftaux en molettes d'eperonsi & ces cryftaux fe font fi fort multiplies en un quart- d'heure, que toute la liqueur eft devenue une made faline, qui a diminue conliderablement de volume par cette congelation. Je n'ai pu trouver d'autres moyens de connoitre la figure des cryftaux de fel fulible. J'ai , depuis lix mois, dans un grand verre environ quatre onces de fa liqueur a demi- concentree , qui n'a pu fe cryftalliler dans les jours de gelee de l'hiver dernier. Si je l'evapore davantage , elle reprend de l'humidite de l'air, ce qu'il lui faut de flegme pour rcfter Iiquide, &, par confequcnt, ne cryllallife point. L'efprit de via qui, dans beaucoup de cas, facilite & accelere la cryftallifation de certains fels , ne fert de rien ici. Cependant, un morceau de verre qui m'avoit fervi plulieurs fois a en- lever de cette congelation acide, dans le vaiffeau oil je la conferve, en ftant reftc on peu couvert , & ayant demeure deux ou trois mois expofe a l'air, 011 il s'eft humedle & deffechc plulieurs fois, j'y ai trouve des i96 ABRfeGE DES M£ MOIRES wemerae^rrMimujif vegetations alumineufes & de petits cryftaux qui avoient la figure & le ^ " gout de Falun. Voila le feul indice que j'ai, quant a prefent, de ce fel. J'ai mis de cette congelation en experience dans un vaiffeau plaf, &, Annie 1^3. comme on fait, par les experiences que M. Geoffroy a rapportees en 1724 & en 1718 , qu'il faut un temps conGderable pour imiter Tallin par le moyen de l'acide vitriolique & d'une terre convenable , j'attends que lair ait fufrifamment agi pour favour fi j'aurai de l'alun ou de la fclenite. La diflillation au feu de revetbere le plus fort , n'enleve pas a la terre qni fait la bafe de cette congelation , tout l'acide quelle contient. Une partie de cet acide s'y concentre de telle maniere , que la calcination a feu de forge ne pent Yen chaffer. J'ai calcine^ de cette terre jufqu'^ vi- trification du creufet : elle y a pris la couleur d'nn tripoli commun, ayant, dans quelques endroits , des taches rouges de colcothar , marque qu'on retrouve dans ce fel fufible le fer qui etoit precedemment dans la glaife, & qui a ete diffous par l'huile de vitriol, auffi-bien que la terre blanche que ce nieme acide a prife pour fa bafe. Cette terre calcinee n'etant point alkaline ou abforbante, aucun acide, pas meme l'liuile de vitriol , ne la diffout. Mais li , au-lieu de diftiller le fel fufible , on le diffout dans beaucoup d'eau, & fi on en precipite la terre par l'huile de tartre, comme on pre- cipite ordinairement la terre de l'alun, on a alors line terre abforbante. Apres quelle a ete exadtement edulcoree par plulieurs lotions d'eau chaude, & qu'on l'a laiffee fecher a demi fur le filtre , elle refte graffe & douce au toucher , fe prend a la langue comme un bol , fe petrit & s'attache aux doigts comme une glaife bien choifie. Et il femble qu'on pourreit conclure de cette experience, que fans cette efpece de bol, la terre des potiers n'auroit aucune liaifon , & leur deviendroit inutile, puifqu'elle refte friable quand cette terre blanche lui eft enlevee. Cette terre ainfi precipitee, fe diffout dans tous les acides. Avec 1'ef- prit de nitre il fe fai: une efpece de gelee , & le fer quelle contient , fe precipite en rouille , parce qu'il a ete precedemment diffout par l'acide vitriolique. L'efprit de fel , qui a diffout de cette terre jufqu'a fatiete , conferve fa couleur jaune, fa limpidite, & prefque toute fon acidite. Si je verfe deffus de Thuile de vitriol, il ne la precipite point , comme il precipite la terre de cette liqueur, que les chymiftes ont nonimee huile de chaux , & qui eft l'acide du fel marin faoule de la chaux , dont on s'eft fervi comme intermede dans la diflillation de l'efprit volaril de fel ammoniac. Quand j'ajoute de la meme terre au melange de ces deux acides jufqu'a ce qu'ils refulent d'en diffoudre, & que je fais evaporer cette diffolution jufqu'a ficcite, alors, en verfant de l'eau pour rediffoudre ce melange , la terre fe precipite , non en coagulum petriffable comme celle de l'huile de chaux , mais en poudre fort fine : & cette terre ayant repris dans cette experience l'acide vitriolique que l'huile de tartre lui avoit enleve dans la premiere precipitation , elle redevient indiffoluble a tous les acides. Seule 1 DE L'ACADEMIE ROYALS DES SCIENCES. 297 Settle , & fans autre preparation que d'avoir etc precipitce par le fcl de — "^— — tartre , elle ne developpe point l'efprit urineux du fcl ammoniac , quand ~ on broie ce fel avec elle , meme en les humc&ant un pen •, an-lieu que " M 1 f' la chaux eteinte a l'air , etant broyee avec le meme fcl, en fait clever une Anntc 17 ?o, odeur urineufc : la craie fait la mcme chofe, mats moins vite & moins fvnliblenient que la chaux eteinte. Cette mcme terre ayant etc calcinee pendant une heure a feu de forge le plus fort, y a pris une teinte rougcatre , mais elle n'eft point devenue chaux, au contraire , elle eft reftee indiffoluble dans tons les acides, hors dans celui du lei marin qui l'attaque a la longue, mais foiblement. Dans le cas prefcat , on ne petit pas attribuer cette rcliftance aux acides , a ua acide vitriolique concentre comme dans les cas precedens , puifqtl'il avoit etc enleve par le fel de tartre qui a precipite cette terre : il faut done la rapporter a un commencement de vitrification; d'aillcurs, cette indiffo- luoilite eft commune a tous les bols qui ont etc violemment calcines. On exige vrailemblablement , qu'avant de finir ce memoire , je dife pourquoi , dans le procede de Tether, par l'intermede de la terre glaife , il n'y a ni liqueur acide fenfiblement fulphureule, ni huile jaune ou verdatre, ni ecume noire, ni refine , ni bitume, comme dans tous les procedes dont j'ai parle. J'avoue qu'il me paroit extremement difficile de trouver la ve- ritable railbn de cette difference, & que je devrois me contenter de la fingularite du fait , fans chercher quelle en eft la caufe. Je vais rilquer cependant quclques conjectures. i°. On pourroit loupconner que la glaife abforbe les foufres a mefure qu'ils fe forment dans la cornue pendant l'operation , & que e'eft mcme itne de fes proprietes, puifque e'eft au milieu de ces fortes de terres gialfes & tenaces que fe forment , ou , au moins , qu'on trouve formees les pyrites, qui, comme on l'a appris par l'analyfe chymique, font un compofe de ioufre, de vitriol ordinairement ferrugineux & d'alun. Mais quand on fuppoferoit que les pyrites fe fuffent formees dans la glaife, cela ne iuftiroit pas pour fatisfaire a la queftion preiente. Car f\ ma glaife avoit ablorbe la refine a mefure quelle fe formoit, j'en aurois du retrouver quelque indice : cependant, a la referve d'une odeur fulphu-reufe volatile, qui fe diffipa bien vite quand j'eus demonte les vailTeaux , je n'ai rien cu qiii denotat la prcfence aituelle d'une reline qui eut commence a fe for- mer , puifque l'eau des lotions , qui emmena avec elle l'acide vitriolique refte dans la glaife apres la diftillation de la liqueur qui contenoit Tether, palfa par le nitre, limpide, fans teinte & i'ans aucune odeur de foufre ni de bitume. Or , tous les chymiftes favent que la plus petite portion de inatiere graffe fuirit pour teindre en noir,ou, tout au moins, en rouge, uneaffez grande q^uantite d'acide vitriolique. Si, apres la concentration de cette liqueur hltree, il a paru une teinte verdatre, on doit attribuer cette couleur , ainfi que je Tai deja dit , a la petite portion de fer que l'acide vitriolique avoit trouve a diffoudre dans la glaife, la diffolution de ce metal par cet acide etant toujours verte , fur-tout quand elle eft nouvel-. lement faite. Tome VIII. Partie Francoife. Pp x9i A B R £ G E DES M^MOIRES ^;— ^^!^ 2. On pourroit dire audi que pendant Tebullition de la liqueur, qui r , dure , meme a petit feu , jufqu'a la fin de Toperation , les parties de cette !_• II Y M I E. , . ' , i i- • i r . \ terre voltigeantes dans le hquide en mouvement , le trouvent & tout Annie 273$- inftant placees entre celles de l'acide vitriolique & celles de la matiere inflammable de l'efprit de vin , qui , fans tin contact immediat & non interrompu , ne peuvent s'unir allcz intimement pour compofer la re- fine , puifqne dans les autres procedes elle ne commence a paroitre que quand les parties acides & huileufes fe trouvent futfifamment rapprochees vers la fin de la diftillation. Enfin , ce qui me paroit plus fimple & plus fatisfaifant que les deux conjectures precedentes, e'eft de dire que la portion la plus volatile de 1'huile de vitriol fe joint au principe inflammable de l'efprit de vin ; que de cette union, il en refulte la liqueur etheree-, ou, fi Ton vent, que ce meme principe inflammable volatilife line portion de l'acide vitriolique, & paffe tout entier dans le recipient avec cet acide qu'il s'eft approprie , & qn'alors le refte plus groffier du meme acide portant fon action fur cette terre ou bol diffoluble qu'il trouve dans la glaife , il ceffe d'agir fur le principe inflammable de l'efprit de vin ; que par confequent n'y ayaiit plus de combinaifon immediate & continue de ces deux fubftan- ces , il n'en pent refulter ni refine ni bitume. Outre la decouverte de cette terre , qui donne vraifemblablement a la glaife les proprietes qu'on lui connoit, de fe laifler petrir, de pren- dre telle forme qu'on veut , & de fe durcir au feu , les autres obfer- vations que j'ai rapportees dans ce memoire , confirment encore , comme je l'ai dit plus haut , tout ce que M". Homberg , Lemery , Stahl, Hoff- man , Teichmeyer & plufieurs autres ont publie pour expliquer la forma- tion des foufres & des bitumes. On y a vu qu'ils exiftent artificiellement fous differentes formes , felon la proportion & le choix des matieres inflammables qu'on unit a l'acide vitriolique ; que fi on detourne Tac- tion immediate de cet acide , en lui prefentant des corps qu'il puifTe attaquer comme diflblvant , on empeche , au moins en partie , la gene- ration de ces concretions inflammables. Toutes ces obfervations font voir de quelle utilite peut etre la chymie pour decouvrir le fecret des pro- ductions de la nature, & fi ce ne feroit pas une efpece d'injuftice de lui reprocher quelques manques d'imitation. L'art qui peut faire des bitu- mes , des huiles minerales , des foufres , des vitriols , de Tallin , du ci- nabre , femblables aux naturels ; regenerer des fels , revivifier des chaux metalliques, imiter le tonnerre , les tremblemens de terre, les feux fou- terreins, pourra bien parvenir a former des pyrites, des petrifications, &c. II ne faut que des experiences & du temps. On a deja Texemple de la poffibilite d'une petrification imitee dans Texperience de M. Bazin , cor- refpondant de cette academie, dont M. de Reaumur fit part a la com- pagnie il y a trois mois ou environ, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i99 OBSERVATION CHYMIQUE. Chymis. JtVl n. Geopfroy a iprouve que le cuivrc blanc de la Chine, que nn e '■ $9- Ton dit are nature!, n'etoit qium alli.ige de cuivre rouge avee 1'arfenic. Un morceau de ce cuivre qui cunt blanc , pefoit deux gros & demi, eft devenu rouge nprcs trois fontes , & a perdu vingt-lix grains de fori poids, & il eft aftez Evident que ces vingt-lix grains ctoient 1'arfenic qui s'en eft alle en fumee , & a lailfe le cuivre rouge dans fa couleur natu- rellc. II a etc alors plus doux que quand il etoit blanchi. S U R LES TeiNTI/RES. JlVXk. H el lot ayant etc charge, par le confeil, de fuivre Ic tr-.v.;| — —^— — » que feu M. du Fay avoit entrepris , par le meme ordre , fur l'art de la yjnne'e j740, teinture, s'eft livre avec plaifir a tout ce que demandoit cette honorable commi/Iion , & donne ici un commencement de fes recherches. On a lhl:- deja vu , en 1737, (fl)un pareil commencement de celles de M. du Fay, & nous fuppofons que Ton s'en fouvienne. Les deux auteurs font parfai- tement d'accord. Toute teinture eft une matiere etrangere colorante , appliquee a un fujet quelconque. II faut 1°. quelle lui foit appliquee jufqu'en fes plus petites parties; 2°. qu'elle le ioit par-tout egalement, 30. qu'elle le foit iiitimement, & non luperficiellement. Par-la on voit deja qu'il faut que la matiere colorante ait ete diflbuts par on diffolvant bien convenable , fans quoi elle n'arriveroit pas a la divilion de parties , a l'extreme finefle qui eft neceftaire. Cette finefle doit etre telle que, comme il a ete dit a l'endroit cite de 1737, deux corpufcules voilins ne puilient pas etre diftingues a Tail , & n'y fallen t qu'une feule ienfation. La diftribution cigale des atomes colorans fur tout le fujet, depend & de l'uniformite d'action que pourra prendre par elle-meme la matiere colorante mile en mouvement, & d'une certaine juftelfe d'operation que rexperience enfeigne. Les atomes colorans entreront d'autant plus profondement dans les pores du fujet, que ces pores auront ete plus ouverts, & non-feulement le feu oil la fermentation peuvent les ouvrir, mais les atomes peuvent I'c les ouvrir eux mimes, foit en les corrodant un pen, ce qui eft tres-pofTible, fiuifqu'il y a telle matiere qui ronge la laine, par exemple, au point de i detruire entierement, & de n'en laiffer nul veftige. Si Ton joint a cela que les pores elargis fe referment ou par leur reffort naturel, ou par le froid exterieur, on concevra aifement que les atomes colorans, non-feulernent auront bien penetre le fujet, mais y feront encore bien rctcnus. (j) Voyez ci-devant, page 24^. Pp ij ;oo A B R E G E DES ME MOIRES ^*^*M"*M— Tomes ces idees n'appartiennent qua la teinturc en general, mais il y C h y m I r a ^e P'us 'e ^on te'nt> I11' ex'ge deux nouvelles conditions & plus ri- goureufes , que la matiere colorante reiifte & a l'eau de pluie & au foleil, Ann^c ij^o. c'eft-a-dire, que l'eau ne la diflolve point, & que le foleil ne la deffechc point jufqu'a la reduire en poudre & k calciner; il eft vihble qu'en ces deux cas ia couleur difparoitroit ou s'aftoibliroit beaucoup. Cela limite extremement le nombre des ingrediens qui peuvent entrer dans le bon teint 11 eft impoiTible de ne pas employer des fels dans une teinttire , & tous les fels ou fe diffolvent a l'eau , ou fe calclnent au foleil , excepte le cryftal de tartre & le tartre vitriole , inalterables l'un & l'autre tant au loleil qu'a l'eau. lis feront done toujours, du moins l'un ou l'autre, & du moins pour certains fujets , neceffaires au bon teint. On pent imaginer encore pour fa perfection , que ces iels enduiront d'une certaine glu les pores qui rctiendront les atonies colorans , & que par-la ils les attacheront davantage au fujet. Pent etre meme couvriront-ils d'une petite lame tranfparente , la partie des atomes qui fe montre en- dehors , ce qui donneroit au tout enfemble un certain eclat & un ceil plus agreable. II eft tres-naturel que le tartre , en fe cryftallifant a l'air froid , fourniiie aux atomes cette petite couverture , qui d'ailleurs les defendra- encore , s'il le faut , des impreffions nuifibles. Sans doute on ne fe figurera pas que cette theorie generate de la tein- mre ait precede les operations chymiques de M. Hellot , elle n'en eft que le refultat , que nous donnons depouille des faits. Ces faits , en grand nombre, tournes de plufieurs facons differentes, & qu'enfin on a trouve l'art de bien voir , out conduit a un mechanilme qu'il etoit impoilible de voir, & dont les fimples teinturiers ne s'embarralfent pas. M. Hellot a travaille d'abord fur l'indigo , qui fournit a l'art de la tein- ttire lbn plus beau bleu , & un bleu qu'on prend pour bafe de prefque routes les autres conleurs. C'eft de toutes les obfervations faites fur l'in- digo , qu'eft nee la theorie que nous venons de rapporter. II eft a remarquer que quand le bain d'indigo a ete enfiti mis dans le dernier efat ou il doit etre pour teindre une etofte , il n'eft bleu qu'a fa furface fuperieure qui touche l'air , & verd dans toute fa profondeur. Pourquoi n'eft-il pas bleu par-tout ? certainement l'etofte qu'il va teindre ne fera que bleue. II faut que Ia mariere de l'indigo foit parfaitement dinoute ; or , elle eft vegetale & diiloute par un alkali vegetal , & c'eft une regie conftante en chymie , que quand un alkali vegetal diffout une plante bleue, la dif- fblution eft verte. Le bain d'indigo, qui n'eft que la diffolution d'une matiere vegetale bleue par des alkali vegetaux, devroit done etre entiere- ment verd , & la merveille n'eft plus que de ce qu'il a une premiere furface bleue. Mais il eft aife de concevok que dans cette furface touchee par I'arr , il fe fait quelque changement qui ne Kit eft pas commun avec le refte de la liqueur. M. Hellot l'explique plus a fond, & petit etre n'a-t-il ete embarratfe que dans le choix des explications conformes a la faine phyiique. DE L'ACADEMIE ROYALF.S DF.S SCIENCES, joi c ' TT M C H Y M I £. Suu lUnion du Mercure Annie Z740. Avec V Antimoim , avec I'Etain cy avec le Plomh. V^>ette annee, M. Malouin , docteur en medecine de la faculte de Hifr. Paris, a In a l'academie un ecrit fur f union du mercure avec l'antimoine, avec l'etain & avec le plonib. Le mercure eft li important en chymie , qu'on ne pent le connoitre trop a fond-, il y a long-temps que pour y parvenir, on le tourmente en difiererrtes facons , & on ne les a pas encore epuifees toutes. On ne la point jufqu'ici allie avec l'antimoine , autre mineral rres-important audi. On a bien purific le mercure avec l'antimoine, mais on ne les a pas unis enlemble. Cette union paroitroit devoir etre aifee , parce que celle du mercure & du foufre l'eft beaucoup , & que l'antimoine a beaucoup de foufre , mais e'eft cela meme qui fait line dirriculte que Ton n'eut pas devinee , le loufre s'attache mieux 3 l'antimoine qu'au mercure , & il s'attache li fortement i l'antimoine , qu il l'a en quelque forte fail! tout enrier , & ne permet plus au mercure de s'y attacher. Aprcs bien des tentatives, M. Malouin eft enfin parvenu \ unir li in- timement le mercure a l'antimoine , que l'antimoine en eft devenu fenli- blement plus dur, & cela par une operation aflez direfte & alfez (imple, e'eft-a-dire, qui ne demande pas un certain circuit d'operations prelimi- naires ou prepararoires , mais en recompenfe eile demande beaucoup de precilion dans tout le procede & dans les circonftances , & il eft aile de la manquer. M. Malouin , pour achever de faire voir combien il s'etoit rendu maitre du mercure a cet egard, l'a retire entierement de ce meme antimoine , oii il l'avoit fait li bien penetrer. II a trouve en ion chemia une Neige d'antimoine, qu'un chymifte Italien navoit decouverte que par un long & penible travail , qu'on n'auroit pas volontiers recommence. On convient que l'etain feroit plus parfut s'il etoit plus blanc, plus dur, lus fouore, & s'il perdoit un certain cri qu'il a ordinairement quand on e plie. Quclques chymiftes l'ont perfedttonne fur quelqu'une de ces qua- lites, d'autres fur une autre, aucun ne la fait iur toutes enfemble, &: aUcun n'a employe le mercure i ces effets. M. Malouin qui en avoit vu le fucces fur l'antimoine, en a efpere tin pareil lur l'etain, & ne s'eft pas trompe. II a reuffi de meme, & par le meme moyen, a rendre le plomb plus blanc & plus dur. Le mercure retire de ces metaux en a pris un peu la couleur, & peut- etre , a ce que conjecture M. Malouin , deviendroit-il violet , s'il avoit palic par quelque matiere rninciale violette > comine le cobalt. t ,01 ABRiGt DES M^MOIRES C H Y M I E. Annie 1740. E X A M E N DES REMEDES DE MADEMOISELLE STEPHENS, pour la Pierre, (a) M, .e. Moiund, charge par l'academie de l'examen des remedes de mademoifelle Stephens pour la pierre, a employe cjiiinze mois a cet exa- men, & en a rendu compte a l'academie dans un memoire qui contient d'abord un precis de ce qu'il a obferve dans quarante perfonnes qui ont life de ces remedes, puis des experiences qu'il a faites fur des pierres de veflle , pour conftater & expliquer faction des remedes. Parmi les malades medicamentes, quelques-uns fe font cms abfolument gueris; plufieurs ont rendu des pierres entieres, oil des morceaux de pierre en forme d'ecailles. II y en a eu audi qui n'ont retire aucun fruit marque des remedes-, mais un plus grand nombre en ont etefortioulages. Du refte , ces remedes n'ont eu aucun mauvais eftet pour perfonne , & n'ont derange dans aucun ma- lade les fon&ions de l'economie animale. Quant a la vertu diliolvante des remedes , qui paroit avoir ete conftatee en Angleterre , M. Morand ne fe croit pas fufrifamment autorife par fes experiences a prononcer en dernier reffort fur cette propriete, quoique porte a la leur accorder; & il con- clut qa'ils font fouvent utiles & efficaces pour la cure de la pierre dans la yejfie. (d) Voyez ci-devant 1'abre'ge' des Me'moires de M. Geoffroy fur ce fujet, p. 174. M O Y E N DE PREPARE RQUELQUES RACINES A LA M A N I ERE DES OrI ENTAV X. Par M. Geoffrot. L/eti Mem. J_*'etude de la botanique nous donne la connoiflance des plantes, le* experiences reiterees nous en font connoitre les proprietes dans les arts , & les vertus dans la medecine ; ainii 1'on ne fauroit repeter ces experiences avec trop de foin , fi Ton veut etre certain des ufages auxquels on les def- tine. Le hafard a fouvent beaucoup de part aux decouvertes ; fouvent audi la pretendue reffemblance de la racine , de la fleur , ou de quelqu'autrc partie de la plante avec certaines parties du corps humain , a paru etre une judication fuffifartte pour les appliquer aux maladies dont ces parties Y M I E. DE L'ACADl^MIE ROYALE DES SCIENCES, joj etoient affeifcces. Ce prejuge a rarement cte confirme par le fucces , mais ■ enfin il la cte quelquefois, & cela fuftit pour qu'on foit autorife a r faire des tentatives nouvellcs, a verifier les faits avances par les auteurs H anciens. ^ ^nnU 1740. La difficult^ confide fouvent a reconnoitre les plantcs dont ils ont vante les proprietes , meme a reconnoitre celles qui nous arrivent toutes prepa- rees des pays etrangers, on (implement alterees par leur tranfport, par le climat, par leur culture. Nous avons vu depuis un petit nombre d'annees, le cafe varier de figure, de couleur, d'odeur & de gout , quoique ce foit le fruit d'un arbre reconnu pour etre conftamment le meme. Depuis que les Mofcovites ont etabli leur commerce dans les etats les plus eloignes de l'Afie , nous avons trouve des varictes tres-fenfibles dans la rhubarbe •, le tranfport de cette racine , plus prompt par la Mofcovie que par les caravanes du levant, femble etre feul la caufe de ces differences, puifque celle que nous tirons du nord, qui ne paroit pas d'abord etre la meme que celle du levant, feulement parce quelle eft plus nouvelle, prend, en lagardant & en la laiffant fecher quelque temps , la meme couleur , la meme con- fiftance & le meme gout que celle qui nous vient par les batimens de Marfeille. On nous apporte audi du levant des racines qu'on ne peut reconnoitre fans cette connoiffance qu'une longue habitude donne aux botaniftes , parce que ces racines font deguifees par les preparations que les orientaux leur ont donnees : preparations qu'il faut prefque toujours deviner, fi Ton cherche a les imiter. Le falep des Turcs eft de ce nombre. On a decouvert en 1'examinant avec attention , que e'etoit une efpece d'orchis 011 de fatirion. , qui em- prunte fon nom de la figure exterieure de fa racine, & qui n'avoit ete mife par les modernes au nombre des plantes ufuelles & dans la claffe des alexitaires , qua caufe des vertus fortifiantes & reftaurantes que les anciens lui ont attrtbuees, fans doute a caufe de la figure de cette racine, qui reffemble a deux bulbes accolees rune a l'autre. Perfuade qu'on pourroit preparer le falep des Turcs avec les orchis qui croiffent & qui font affez communs dans notre climat, fi Ton pouvoit trouver l'art de leur donner la meme tranfparence , j'ai fait pluiieurs eifais, & tente d'employer fur X orchis ce que j'ai trouve decrit dans le fafcicu- lus amcenitatum exoticarum de Kempfer, au fujet de la preparation du ginfeng de la Chine. Selon cet auteur , on lui donne de la tranfparence en faifant macerer cette racine fraiche dans de feau de ris froidc , pen- dant trois jours , puis l'expofant enfuite a la vapeur de cette eau dans des Vaiffeaux fermes. Alors, dit-il, ti Ton fait fecher cette racine ainfi prepa- ree , elle en devient plus dure , de couleur rouffe & tranfparente comme une refine , ce qui eft , ajoute-t-il , une marque de fa bonte. Tout le ginfeng de la Chine n'a pas cette tranfparence , & j'en con- ferve dans ma colledion d'hiftoire naturelle un morceau apporte autrefois par les ambaffadeurs de Siam , qui n'a point acquis, en vieilliUant, ni la couleur, ni la tranfparence du ginfeng prepare; ainii ce n'eft pas le tempj C H Y M I E. 304 ABREGEDESMEMOIRES 1 qui Iui donne cette qualite, comme il la donne qtielquefois a d'autres ra- rities pleines de fuc & a des fibres tres-delies , qui etant bien feches, ont beaueoup moins d'opacite , & reifemblent a peu pres a la corne. Si l'on Annte 2740. te|itoit cette pratique lur le ginfeng du Canada, il n'y a point de doute qu'on ne parvlnt a le rendre femblable au ginfeng Chinois prepare. Je 1'ai effaye fur quelques racines de plantes ombelliferes , & fur -tout fur celle du cherui , que j'ai rendue tranfparente en la faifant (implement bouillir dans de l'eau commune , & l'expolant enfuite a 1'air pour la faire fecher. J'ai encore obferve que cette racine etrangere que nous tirons de 1'A- rabi?, & que par cette raifon on nomme coflus arabicus , pourroit bien etre line elpece de racine qui approche de Yenula. Au moins notre enula choilie, bien nourrie , fechee avec foin & gardee long-temps, prend-elle l'odeur du cofius , & n'a-t-elle plus cette forte odcur qu'ont toutes les racines d'enula , que nos herboriftes nous apportent des montagnes. Peut- etre pourroit-elle remplacer le coflus , li Ton ceffoit d'en apporter du levant. A legard du fillip des Turcs , celt une racine blanche ou rouffatre ; felon qu'elle eft plus ou moins recente : les Orientaux nous l'envoient tranfparente & enfilce avec un fil de coton. Elle eft en ufige pour rera- blir les forces epuifees. Ceft un reftaurant pour les ptiliques , & on la donne avec fiicces dans les diffenteries bilieufes , felon Degnerus qui a publie deux diflertations fur cette maladie , & qui fe fervoit alors du falep des Turcs , comme dun remede , pour ainfi dire , fpecifique. Quoi qu'il en foit, j'ai obferve que c'etoit un remede adouciffant , reprimant l'acrete de la lyniphe , & dun affez prompt fecours dans plulieurs cas , qu'ainll on le pourroit mettre en ufage dans les campagnes , & fur-tout dans les endroits 011 les orchis croiflent en abondance. On pourra l'employer en boiffon ou autrement, dans les maladies dont je viens de parler , fon efficacite y eft plus affuree que dans les autres cas pour lefquels on I'em- ployoit autrefois. Mais il lemble que cette racine reuffit mieux, preparee comme le flilep des Turcs , que donnee fans preparation , & voici com- ment je les ai imites. Si Ton tente de faire fecher les racines 011 bulbes de nos orchis , avant que d'en avoir enleve l'ecorce, on n'y reuffit pas, elles reftent mollall'es, bruniffent, & s'humcdlent trop facilement a la moindre humidite. Mais apres avoir choiii les racines les plus nourries, j'en fais oter la peau, je les fais jetter dans l'eau froide , & apres qu'elles y ont fejourne quelques heures , je les fais cuire dans une fumfante quantite d'eau , je les fais egoutter, puis je les enfile pour les laiffer fecher a 1'air, choillffant pour cette preparation un temps fee & chaud. Elles deviennent tranfparentes , elles reifemblent a des morceaux de gomme adragant , & demeurent tres- dures. On les peut conferver faines tant qu'on voudra , pourvu qu'on les tienne dans un lieu feci au-lieu que les racines qu'on a fait fecher fans cette preparation , s'hume&ent , comme je 1'ai dit , & moiliflent pour peu que le temps foit pluvieux pendant plufieurs jours. Ainfi y m i r.. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 305 Ainli preparers , on pent les reduire en poudre aufli fine que Ton veut, i on en prend le poids de vingt-quatre grains qu'on humecte pen a pen /- d'eau bouillante , la poudre s'y fond entierement, & forme un mucilage qu'on pcut etendre par ebullition dans line chopine en trois demi fctiers Annie IJ40, d'eau , & Ton eft le maitre de rendre cette boiffon plus agreable , en y ajoutant le fucre & quelques legers parfums : cctte poudre pent aufli s'allier au lait qu'on a confeille aux malades aflectis de maladie de poitrine. Si 1 'on ivapore fur des affiettes de fa'i'ance 1'eau dans laquelle on a fait cuire ces racines , il y refte un extrait vifqueux , dont l'odeur melangee eft la meme que celle d'une prairie en fleurs , quand on y pafl'e au-deflbus du vent. On pourroit aufli la comparer a celle du Melilot. La fleur de l'orchis qui commence a fe faner, a aufli cette odeur. E X A M E N DU SEL DE PECAIS. L'Academie a cru que s'il fe prdfentoit dans la fiite des dif- ficultis pareilles a celles dont il eft queftion dans le rapport fuivant , ce rapport pourroit etre utile a ceux qu'elle nommeroit pour les examiner; ainfi elle a jugi a propos de le faire imprimer. Les Commijfaires qui y parlent, font N. Meflieurs Lemery, Geoffiioy & Hello t. ous avons examine par ordre de l'academie , le fel de Pecais , & le M&n. fel de Peyrac & de Sijan , qui nous ont ete remis dans deux facs cache- tes •> favoir , celui de Pecais , feul dans un fac , & ceux de Peyrac & de Sijan , meles enfemble dans un autre fac. Les cachets de ces deux facs ont ete reconnus fains & entiers par M. Joubert , fyndic general de la pro- vince du Languedoc, lequel nous a dit & fail connoitre, par des copies de proccs- verbaux qu'il nous a communiquees , que les fels renfermes dans les deux facs font l'un & l'autre des faumaifons de l'annee 1738, qu'ainfi fi nous y trouvions des differences , elles ne pouvoient pas etre imputees au plus ou moins d'anciennete de l'un ou de l'autre de ces deux fels. II nous a paru par la lefture des pieces qui nous ont ete remifes , que les habitans de la province du Gevaudan demandent a l'adjudicatairc des fermes generales , qu'il leur fournifie du fel des falines de Pecais , qui ctoit autrefois employe dans la province, a la place de celui de Peyrac & de Sijan , qu'il fait tranfporter depuis quelques annees dans le Ge- vaudan. Tome V11L Panic Franfoife, Qq C H Y M I E. jo<* ABREGE DES MEMOIRES I I!s pretendent que pour letirs falaifons & pour les autres ufages ou le fcl eft neceflaire , il leur faut quatre mefures de fel de Peyrac & Sijan , dans toils les cas oii ils n'employoient autrefois que trois mefures de ce- Ann.ee Z740. lui de Pecais. lis pretendent audi avoir fait plulieurs experiences qui conf- tatent cette difference. C'eft fur leurs reprefentations que M. le contro- leur-general s'eft determine a demander a l'academie l'examen de ces deux fels , & les experiences qui feroient jugees neceflaires pour favoir fi leur difference en bonte eft telle quelle eft pretendue par la province de Gevaudan. Ainli l'objet de nos recherches fe reduit a favoir lequel des deux fels eft le plus falant, fi l'un peut etre fubftitue a l'autre indifferemment , & an cas que l'un des deux foit plus pur , en quelle portion le moins pur doit etre delivre. A l'ouverture des deux facs, nous avons aifement reconnu que le fel de Pecais etoit beaucoup plus blanc que celui de Peyrac & Sijan •, que le meme fel eft plus net , d'une cryftallifation plus ferree que l'autre ; que celui de Sijan mele avec le Peyrac laifle voir des differences notables dans le melange -, l'un des deux etant en grains fort terreux , cryftal- lifes inegalement , l'autre en mafles affez groflcs , & beaucoup plus blanches. Mais comme nous ne favons pas lequel eft le Peyrac & le- quel eft le Sijan, & que d'ailleurs l'adjudicataire des fermes generates les fournit melanges, c'eft avec ce melange que nous avons fait nos expe- riences. Nous croyons qu'il eft neceflaire d'avertir qua l'exception de la falai- fon , toutes les epreuves ont ete faites par chacun de nous en particulier , la plupart deux fois, & quelques-unes une troifieme fois en commun. La queftion propofee nous a paru d'une affez grande importance pour meri- ter 1'attention la plus fcrupuleufe. Salaison. Le fieur Jacquefon, maltre chaircuitier , mande le zi feptembre der- nier, a coupe devant nous de la cuiffe droite & de la cuifle gauche d'un pore frais, tin morceau femblable a l'autre, ayant meme quantite de lard & meme quantite de chair, & par confequent pefant l'un & l'autre le meme poids de vingt onces. II a egruge devant nous les deux fels fepa- rement, il a trouve que celui de Pecais etoit plus clair, plus dur a ecrafer que l'autre. II a fale chacun des deux morceaux de cuiffe de pore avec feize onces de chacun des fels, en forte qu'ils en etoient egalement re- converts & entoures, dans les deux petites huguenotes de terre verniflce & d'egale capacite ou il les a mis. Ces deux huguenotes , etiquetees & convenes de leur couvercle, ont ete portees a la cave, & le 5 oiftobre elles ont ete retirees : le fieur Jacquefon a goute ces chairs, qui etoient tres-bien falees l'une & l'autre, & il nous a dit que la chair fortant du fel de Pecais avoit plus de force dans fon fel, (c'eft fa maniere de s'exprimer) que cette difference alloit a deux degres & demi de plus que la falaifon Y M I Ei DE L'ACADEMIE ROYALE DE.S SCIENCES. 3-t par le fel de Peyrac & Sijan. Nous lui avons demands de quel terme il ^— — partoit pour fixer cette difference a deux degres & dcmi , & il nous a p repondu qu'il n'en avoit pas d'autre que l'ufage. H Nous favons au furplus que ce chaircuitier fait un trcs-grand debit de Anr.,'r 1740. chairs falees , & que par confequent il doit etre habile dans fa profeffion. Nous avons fait deffaler feparement ces deux morceaux avec pareille quan- tite d'eau , on les a fait cuire feparement , mais huit perfonnes qui en out goilte\ n'y out pas trouve de difference fort fenlible. Ce fale Ieur a paru en general , meilleur que le petit fale ordinaire de Paris. Un autre chaircuitier du fauxbourg Saint-Germain , qui a fale deux autres morceaux de pareille chair avec le fel de Pecais & avec le fel de Sijan & de Peyrac, dont il avoit employe feulement une livre fur quatre livres de chair, les ayant goutes au bout de trois femaines, les a trouves cgalement fales. La difference de couleur que la feule infpecKon des deux fels fait ap- percevoir , nous failant foupconner dans le fel de Peyrac & de Sijan, des matieres heterogenes qui ne feroient pas dans le fcl de Pecais, nous avons fait dilfoudre une livre de chacun de ces fels avec fuffilante quantite d'eau , dans le deffein de feparer enfuite par des filtres de papier , la matiere etrangere non faline que l'eau n'auroit pas pu dilfoudre. II a fallu pour diffoudre la livre de fel de Pecais , deux livres quatorze onces & demic d'eau , & Ton n'en a employe que deux livres douze onces Sc demie pour diffoudre la livre de fel de Sijan & Peyrac ; ainli le fel de Peyrac & Sijan , on contient moins de parties ialines diffolubles , on renferme naturelle- ment plus de parties aqueufes que le fel de Pecais. Ces diflblutions de fels etant encore chaudes, ont ete hltrees par des papiers dont on avoit fait la tarre. Le fel de Pecais a Iaiffe fur le filtre bien lave d'eau limple apres la filtration, une petite quantite de terre grife & trcs-fine, qui, fechee fur fon filtre pendant quatre jours dans une etuve, s'eft trouvee pefer feule- ment vingt-huit grains. Le fel de Peyrac & Sijan a laili'e fur fon filtre, audi bien lave d'eau limple, & deffeche de meme & pendant le memc temps, un gros douze grains, partie de terre grife & jaune, partie de fable & de petits cailloux •, ainli le fel de Peyrac & de Sijan contient par livre cinquante-lix grains de matiere indiffoluble plus que le fel de Pecais. Sur ces fedimens , nous avons verfe du vinaigre diltille, il a diffous prefque toute. la terre du fel de Pecais, mais il n'a diffous qu'environ la moitie du fediment du fel de Peyrac & Sijan , parce qu 'outre la terre ablorbante & diflbluble par cet acide , il y a dans ce fel , comme on la dit , un fable & de petits cailloux fur lefquels le vinaigre diftills n'a- point d'action. Nous avons fait audi la pefee des deux fels, tels qu'ils fe font trouves dans les facs & lans autre preparation. Mais pour imiter la maniere de uiefurer qui eft en ufage dans les greniers a fel , nous avons conftruit une efpece de tremie oil plan incline raboteux, au bas duquel il y avoit un vailleau de bois cylindrique dont la tarre etoit faite , & dont on avoit imbibe fufhlamment les pores de matiere faline , en y failant fejourucr du C H Y M I I. 30S ABREGE DES ME MOIRES I lei , pendant quelques jours, dans un lieu humide, afin que celle qu'il pourroit prendre dans la fuite des experiences, n'occafionnat pas d'erreur. Nous avons pile ces fels feparement , & les avons fait paffer par un tamis Annfc 17 40. de crin , feparant enfuite le trop menu par un tamis plus fin. Quand notre mefure ronde etoit pleine, on la racloit avec tine regie, & Ton pefoit. Comine les petites differences des pefees varioient un peu dans les re- petitions , nous les avons fait repeter par huit perlonnes ditferentes •, & il refulte de ces experiences , en reduifant leurs diverges a un terme rnoyen, que le fel de Pecais pefe un quatorzieme de plus que le fel de Sijan. Nous avons auffi cherche le poids fpecifique de ces deux fels par la "balance hydroftatique du chevalier Boyle. Le fleau dont nous nous fommes fervi , lorfqu'il eft nionte far fon pied vertical , trebuche a un huitieme de grain. Ayant mis a un des bras une groffe bulle de cryftal , laquelle pefe dans l'air deux mille deux cents quatre-vingt-treize grains, & dans l'eau mille cent quatre-vingt-douze grains & un huitieme •, nous l'avons fufpendue par un crin , qui doit etre regarde comme zero, & nous l'avons plongee dans un vaiffeau cylindrique de cryftal, rempli anx deux tiers d'eau de Seine filtree. A l'autre bras du fleau , nous avons mis un poids de cuivre fait expres pour ces experiences , & nous avons ajufte le tout , en forte que le fleau demeurat conftamment horizontal. Etant allures de cet equilibre, nous avons vuide l'eau du vaiffeau cylindrique, & y avons mis a la place une liqueur compofee de huit onces d'eau , & d'une once de fel de Pecais, diflous dans cette eau. La bulle de cryftal, replongee dans ce cylindre de fluide falin, s'eft trouvee plus legere de foixante & dix-fept grains que dans l'eau pure. On a pefe de meme le fel de Peyrac & de Sijan, diflous auffi au poids d'une once dans huit onces d'eau, & la bulle de cryftal s'y eft trouvee plus legere feulement de foixante & qua- torze grains. Ces deux experiences ont ete repetees chacune trois fois, & il ne s'y eft pas trouve un feizieme de grain de difference. Le fel de Pecais & celui de Peyrac & de Sijan, pris dans les facs,' igruges menu , puis etendus fur des vaifleaux plats de faiance , & ces vaiffeaux places dans une etuve a meme hauteur & au meme feu pendant quarante-huit heures ; celui de Peyrac & de Sijan y perd par livre quatre gros quatre grains d'humidite ; celui de Pecais n'y en perd que trois gros vingt-quatre grains •, ainfi le fel de Sijan & de Peyrac , quoique paroif- lant auffi fee en fortant du fac que le fel de Pecais , renferme natu- rellement cinquante-deux grains d'humidite par livre plus que le lei de Pecais. Ces deux fels ayant ite egruges , puts deffeches en les agitant, prefque jufqu'a la decrepitation dans des vaiffeaux plats de terre verniffee , on les a portes dans une cave modertment humide. Depuis le 5 feptembre jtif- qu'au 7 du meme mois, le fel de Peyrac & de Sijan a pris par livre une once d'humidite. Le 11 novembre il en avoit pris quatre onces fept gros; le 1 8 du meme mois l'augmentation alloit a neuf onces deux gros vingt- quatre grains. c DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, jojl . Le fel dc Pecais a augmente depuis le 5 jufqu'au 7 feptembre d'une < once vingt-quatre grains par livrc, le 12 novembre Ton poids etoit aug- mente de cinq onces deux gros, & le 18 du meme mois de neuf onces quatre gros. Ainll le ("el de Pccais prend , dans ces trois temps, plus Annie IJ40, d'humidite que le fel de Sijan; preuve qu'il y a dans une maflc de ce fel plus de parties pures de fel matin que dans 1'autre, puifque e'eft une des proprietcs du [el commun de s'humecler d'autant plus facilemcnt qu'il eft plus pur. Recapitulation Des Articles preddens. Une Iivre de fel de Pccais laiffe fur le filtre vingt-huit grains de fedi- ment non lalin. La livre de fel de Peyrac & de Sijan Iaifie quatre-vingt-quatre grains de matiere pareilltment indiffoluble. Par 1'autre experience, oil ces deux fels ont (implement ouvertes , dont il conclut que le fang s'arrete par la forma- tion d'un caillot au bout de l'artere , & qu'entre les dirlcrens moyens in- Annie IJ^S. ventes par l'art pour aider la nature dans cette occafion , la comprellion du vaiffeau eft an des meilleurs. Dans une hiftoire recherchee de l'amputa- tion , M. Petit le medecin a detaille un grand nombre d'experiences fur les aftringens , Iefquelles prouvent qu'ils ont la propriete d'abforber les humidites qui font entre les fibres des chairs & des vaiffeaux. M. Morand croit que les changemens qui arrivent aux arteres, contri- buent, avec le caillot, a la ceffation de I'hemorrhagie , generalement dans tous les cas; & que s'il eft poflible que l'artere feule ou le caillot feul fuf-. fifent, ce ne fcra que fort rarement. Quand l'artere fera vuide ou pen remplie de fang , elle s'affaiffera natu- rellement , s'applatira , & li fes parois viennent a fe toucher , elles fe col- leront enfcmble, & la voila fermee par elle-meme. Si les parois ne s'ap- prochent pas alfez , & qu'en meme temps il fe forme un caillot qui n'eiit pas etc aflez grand pour boucher le vaiffeau non retreci , elles le prendront entr'elles, s'y colleront, & le vaiffeau fe trouvera bien ferme. Cette me- chanique conviendra inieux a un petit vaiffeau & a une hemorrhagic interne. Ce n'eft pas cependant qu'un gros vaiffeau ne puiffe s'applatir (I bien , que le cours du fang en foit intercepts:. M. Morand rapporte un fait fin- gulier qui lui a paffe par les mains. Un payfan ayant reiju au bras un coup tres-violent , n'avoit nulle puliation fenlible a ce bras-la au-deffous du coup , on ne la fentoit qu'au-deffus. M. Morand lui ayant fauve ce bras , qui fut en grand danger d'etre coupe, le pouls y revint peu a peu J mefure qu'il fe gueriffoir. L'artere s'etoit done applatie par le coup dans le moment , & au point que le fang , qui venoit du cceur , ne pouvoit forcer cet obftacle, & etoit oblige de continuer fon cours par des bran- ches ou petites arteres collaterals , tandis que l'artere principale, au-deli du coup , demeuroit fans mouvement. . Si les parois de ce vaiffeau fe font collees h promptement , li parfai- tement, malgre fa groffeur affez conliderable, & lans aucun fecours etran- ger, a plus forte raifon le pourrontelles dans des cas plus favorables , qui font ceux oii M. Morand fuppofe cette action. Rr ij jx* A B R E G £ des memoires 1 ' i—» Mais ce n'eft pas far cela feul qu'il compte. Une corde coupee fc re- a tire & s'accourcit dans fes deux parties, fi elle etoit rendue auparavant, 8c ' cela d'autant plus , quelle etoit plus tendue. II en eft de meme d'une ar- Annie 1736. tere coupee, & par la meme raifon. Ses fibres longitudinales fe retircnt & fe raccourciffent , ce qui oblige les circulates ou annulaires a fe ferrer davantage les unes contre les autres , & a former des anneaux d'une cir-r conference plus epaiffe, & ou le vuide du milieu eft moindre. C'eft la ce qui refte de diametre a 1'artere , & par-la non-feulement les parois plus approchees fe peuvent plus aifement coller , mais un plus petit bottchon fuffira pour fermer l'ouverture. II fe collera aux parois de part & d'autre par leurs furfaces interieures. II peut accelcrer beaucoup 1'operation , qui fans lui feroit tout au moins plus lente , comme le feroit au/Ii la reunion des parois feules qui ne rencontreroient pas de bouchon. Ici le temps eft extremement precieux. OBSERVATION ANATOMIQUE. Muscles su rnum e rai res. -LVJLr. de la Fa ye, maitre chirurgien de Paris, a fait voir quelques mufcles furnumeraires qu'il a trouves dans le cadavre d'un homme. A/ant leve les'tegumens communs de la poitrine pour decouvrir les mufcles grands pectoraux , jl a vu du cote gauclie , & pres du fternum , un mufcle de figure ovale tres-alongee , dont la partie la plus large & moyenne en (ituation regardoit le mufcl? grand pectoral, & en couvroit meme une partie. Les fibres de ce mulcle , paralleles au fternum , etoient rapprochees pa.r fes deux extremites ; la fuperieure etoit terminee par un tendon affez long, attache au fternum par un point, & allant fe confondre avec la partie tendineufe du inufcle maftoidien ; 1'inferieure avoit une petite aponevrofe qui recouvroit prefque tout le cartilage de la fixieme des vraies- cotes , & fe confondoit enfuite avec les fibres du grand oblique. Outre ces attaches principales, ce mulcle avoit encore trois petits tendons qui l'attachoient a difterens cartilages des cotes. Le meme fnjet avoit auffi fur le dos de chaque main, le long du fccond os du metacarpe , an petit mufcle qui avoit fon attache fixe a la partie in- ferieure du radius, & qui, a quelque diftance de cette attache, fe divi- foit en deux portions , terminees chacune par un tendon. Un de ces ten- dons, fort long, fuivoit la direction du tendon de l'extenfeur comtnun , & s'attachoit a la convexite de la demiere phalange du doigt du milieu , du cote de l'annulaire ; 1'antre , beaucoup plus court, s'attachoit a la partie laterale de la premiere phalange du meme doigt du milieu , du cote de l'index. On concoit bien mieux en cette matiere ce qui manque, que c« qui eft de trop. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. $17 O B S E R V A T I O N S ANATOMIQUES et PATHOLOGIQUES, Au fujet de la tumeur qu'on nomme Anevrisme. Par M. Petit. 1—i o 11 s q v e quelque portion d'tine artere a perdu fon reffort , elle Mite eft moins capable de relifter a l'impuliion du iang : cet endroit du ca- nal , continuellement pouffe par Ie fang , devient peu a peu de plus large en plus large , & fucceffivemcnt on voit s'y former & augmenter peu a peu line tumeur a laquelle on a donns le nom d' anevrijine par dilata- tion : cet endroit dilate eft, pour ainli dire, an fac a travers lequel paffe le fluide qui le forme. Lorfque, par quelque caufe que ce foit, le canal de l'artere eft ouvert ou perce, le Iang s'extravafe & forme, aux environs de l'ouverture, unc tumeur que Ton appelle anevrijhie par Epanchement. Ces deux maladies, qui portent Ie meme nom, ont cependant des ca~ racteres bien differens ; elles n'ont de commun que d'etre formees par Ie iang arteriel , & elles different en ce que dans la premiere efpece le fang qui forme la tumeur eft encore dans la voie de la circulation , & que dans la feconde il eft extravafe. On concoit auffi que le fang , qui forme la premiere tumeur , con- ferve fa fluidite , & qu'U ne cefTe point de cooler dans le vaiffeau ■, car s'il pafle de la partie fuperieure de l'artere dans la partie qui fait la tu- meur, il pa lie aufJi fucceffivement de la tumeur dans la partie de l'ar- tere qui eft au-deffous, de forte que le fang que contenoit la tumeur dans 1'inftant A , n'eft pas precifement le meme que celui quelle con- tient dans 1'inftant B. Au contraire, dans l'anevrifme par epanchement , le meme fang, qui commence a former la tumeur , reftc au voilinage de l'ouverture de l'ar- tere , il y perd la fluidite , fe coagule , & ne rentre plus dans la voie de la circulation. L'anevrifme par dilatation fe forme tres-Ientement, & fon progres eft prelque imperceptible , parce que les membranes de l'artere , quoique relachees, ont encore quelque reffort qui n'obeit a l'impulfion du fang que peu a peu, mais l'anevrifme par epanchement fe forme fubitement, & il augmente a proportion de la quantite & de la viteffe avec laquelle le fang fort par l'ouverture faite a l'artere. L'anevrifme p^r dilatation eft mou , parce que le fang qu'il contient eft fluide, & l'anevrifme par epanchement eft dur, parce que le fang qu'il contient eft coagule ; e'eft , par cette meme raifon , que l'anevrifme par dilatation difparoit lorfqu'on le comprime avec les doigts , coinmc il C H I R U R G I I. Annie ij$6. ;I8 ASRtGi DES MEMOIRES ■ I arrive a une hcrnie que Ton reduit , & qu'au contraire on pent preffer „ 1'anevrifnic par epanchement , fans que la compreffion le faffe difparoltre. h i u u g . LorfqUe ]'on touche Tunc & l'autre efpece d'anevrifme , on fent pref- Annie 17^6. que toujours une pulfation qui repond exadbement au mouvement de l'artere, mais cette pulfation eft moins fenlible a l'anevrifme fait par epan- chement qua celui qui eft fait par dilatation. On fent au toucher un fourmillement dans I'anevriGne par dilatation, & il eft rare qu'on appercoive ce fourmillement dans l'anevrifme par epanchement. Lorfqu'on approche l'oreille de l'anevrifme par dilatation , on entend un bruit femblable a celui que fait l'eau qui paffe dans les tuyaux des fontaines ; ce bruit ne 6'appercoit que rarement & foiblemenr a l'ane- vrifme par epanchement. L'anevrifme par dilatation fait toujours une tumeur egale & circonf- crite-, au-lieu que l'anevrifme par epanchement eft irregulier & prefquc toujours confondu avec & dans le corps graiffeux. L'anevrifme par dilatation ne change point la couleur de la peau ; au- lieu que dans l'anevrifme par epanchement, la peau eft prefque toujours brune & plombee , comme s'il y avoit meurtriffure. Ces differences cara&erifent 11 parfaitement ces deux maladies , qu'il femble qu'on ne devroit jamais prendre l'une pour l'autre. C'eft cepen- dant ce qui arrive quelquefois, & depuis pen plufieurs medecins & chi- rurgiens , tant de Paris que de province , fe font trouves de diirerens fentimens au fujet d'un anevrifme qu'ils avoient examine plufieurs fois, mane avec attention. Les uns croyoient que la tumeur s'etoit faite par 1'epanchement on l'extravafion du fang de l'artere ; & d'autres aifuroient quelle s'etoit faite par la dilatation de l'artere , & que le fang etoit en- core dans le vaifleau •, mais quoique d'avis differens fur la nature de la maladie, les uns & les autres convinrent que le feul moyen qu'on pou- voit employer pour guerir le malade etoit l'operation. Elle fut faite en leur prefence , & tons furent convaincus que l'artere avoit ete ouverte, & que cette tumeur £toit un anevrifme fait par 1'epanchement du fang. Ce n'eft pas la premiere fois que j'ai vu d'habiles gens etre d'avis contraires fur le caraclrere de cette maladie , que Ton peut voir cepen- dant , que Ton peut toucher , & dont les fignes font M dirferens. II eft vrai que ceux qui n'ont point vu ces maladies dans tous leurs temps, & qui ne les ont point obfervees dans leurs progres, peuvent quelque- fois s'y meprendre. Pour en bien juger , il ne fufht pas de favoir que tels Oil tels fymptomes accompagnent leur naiffance , puifque de jour en jour ces fymptomes peuvent augmenter oil diminuer, qu'ils dilparoilfent me- me , & qua leur place il s'en fubftitue d'autres tout difterens , qui en impofent a ceux qui ne four pas prevenus de la poffibilite & de l'exif- tence de ces variations. J'ai obferve plufieurs fois qu'un anevrifme par dilatation peut parol- tre, & meme devenir anevrifme par epanchement, & qu'un anevrifme par epanchement peut paroitre anevrifme par dilatation. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 519 On fait que tant que la portion d'une artcre affoiblic ne fait que fe * dilater fans fe rompre, la tumeur quelle forme ne pent ctre qu'un ane- r ...„., „ . r vnlme par dilatation , & qu on la reconnoit preique toujours aux hgnes que nous avons attributes a cette eipece d'anevrilme -, mais quand la po- Annie 1736. che ou fac anevrifnul , a force de fe dilater , vient a s'ouvrir , le lang s'epanche hors du fac , & la tumeur qu'il forme groffit a proportion de la quantice du fang qui fort de cette poche. Ce fang epanche fe coagule, & des-lors on ne trouve plus cette tumeur molle qn'une legerc com- preffion faifoit rentrer & difparoitre ; la pulfation femble etre plus foi- ble , le bruifiement diminue , difparoit meme entierement , & cet anc- vrifme qui , dans le commencement , etoit un anevrifme par dilata- tion , 8c en avoit tous ies fymptomes , devient , pour ainfi dire , ane- vrifme par epanchement, & Ton y appercoit la plupart des lignes de I'un & de l'autre anevrilme , parce qu'alors cette maladie eft- un compofe des deux. Ce changement n'eft pas le feul qui puiffe arriver a l'anevrifme par dilatation , comme on vena par les obfervations que j'ai faites fur cette maladie, & que je rapporterai dans un autre memoire. Je me contenterai nrefentement de donner une partie de celles que j'ai fur ranevrifme qui foment a 1'artere ouverte , que Ton appelle anevrifme par Epanchement , & dont j'ai donne ci-defi'us les (ignes caraderiftiques. Je commence par celle-ci, parce quelle a beaucoup de rapport avec les hemorrhagies, fur-tout avec celles dont j'ai traire dans le memoire de l'an- nee 1755. (a) U e& bon de fe reffouvenir qu'il eft dit dans ce memoire, que lorfque le canal de 1'artere n'eft que mediocrement ouvert, fi Ton fait une compreffion convenable, le fang formers un caillot qui, en bou- chant l'ouverture de 1'artere, empechera le fang de fortir, non-feulement Siendant la cure de la maladie, mais encore apres la guerifon , & que dans a fuite ce caillot ne diminuera que comme la cicatrice des plaies diminue, e'eft-a-dire , a mefure qu'elles s'affermilfent. Le jour que je lus ce me- moire, je montrai, pour la fecondc fois a l'academie, une artere qui avoit cte ainfi bleffee, & guerie par le moyen d'un caillot, fur lequel caillot j'a- vois bit quelques experiences qui proHvent fa folidite & fa duree; deux chofes qui lui font eil'entielles pour procurer la guerifou de femblables hemorrhagies. Mais toutes les arteres qui ont £t£ ouvertes ne fe gueriffent pas de mime, parce que le caillot qui s'y forme n'eft pas toujours affez folide, ni par confequent affez durable; & s'il n'a pas toujours la meme fblidit^, e'eft parce qu'il nc fe forme pas toujours dans les menies circonftances; e'eft ce qui m'a engage a faire quelques recherches pour decouvrir quelles font les circonftances favorables a la formation d'un caillot folide, & a chercher les moyens d'y fuppleer lorfqu'clles ne s'y rencoutrent pas ; ce qui n 'arrive que trop foil vent, foit de la part de la maladie, foit dc la part du malade, 8c quelqucfois meme de celle du chirurgien. («) Voyez le volume precedent de cett« Colleftion. 5io A B R t G £ DES MEMOIRES — «m— ^— Cette matiere eft fort etendue •, clle comprend une infinite de faits qttf meritent d'etre examines en particulier & a fond. Je commence par celui ChiruRgie. uj a fa;t ja conteftation , dont j'ai parle ci-deffus, parce que je le crois Anm'e it 16. Puls ProPre & nie conduire par degres a l'examen des autres. L'anevrifme dont il etoit queftion, etoit caufe par 1'ouverture de 1'ar- tere a l'occahon d'une faignee. Je vis !e malade pour la premiere fois cinq lemaines apies cette fatale faignee. L'ouverture exterieure etoit parfaite- ment ramie dcs le premier jour-, la tumeur n'excedoit pas la grotfeur d'un petit ceiif de poule. La pulfation n'y etoit pas plus manifefte quelle l'eft ordinairement dans cette efpece , & de plus en comprimant , on faifoit raitrer une grande partie de la tumeur, & on la reduifoit a un tres-petit volume. Ces circonftances qui ne fe rencontrent ordinairement que dans l'anevrilme par dilatation, en avoient impofe a plufieurs, qui ne pouvoient croire que cette tumeur fut un anevrifme par epanchement-, mais quoiqu'il ne foit pas ordinaire que l'anevrifme par epanchement difparoiffe en le comprimant, ni que la puliation y foit fi manifefte qu'elle l'etoit dans ce- lui-ci : cela ne fumToit pas au medecin & au chirurgien pour les deter- miner a croire que cette tumeur etoit un anevrifme par dilatation •, il fal- Ioit qu'ils fe rappellaffent les autres circonftances contradiftoires dont j'ai fait ci-deffus 1'enumeration , & ils ne fe feroient pas trompes. II ne falloit meme que le recit fait par le malade, de tout ce qui lui etoit arrive. Par les queftions qui lui furent faites , il nous apprit que dans l'inftant de la fiignee le fang avoit darde par fecouffes •, que le chirurgien avoir eu beaucoup de peine a 1'arreter-, qu'il avoit double & triple les compreffes & le bandage-, qu'il lui avoit recommande le repos, fur-tout celui du bras; qu'il lui fit plufieurs faignees en confequence, & lui prefcrivit un regime" trcs-fevere. Tant de precautions font croire que le chirurgien n'ignoroit pas le malheur qui lui etoit arrive •, audi fit-il ce qu'il put pour y reme- dier, & il eut l'avantage de reuflir. L'artere & la plaie exterieure fe fer- merent : !e malade etoit en voie de guerifon , & feroit gueri , felon toute apparence, s'il avoit continue les remedes , mais au bout de douze jours il quitta fon bandage. Deux ou trois jours apres l'avoir quitte, il s'appercut d'une petite groffeur molle & accompagnee de puliation , mais qui ren- troit en la preffant. Ayant fait un effort huit ou dix jours apres, il fentit de la douleur a fon bras-, fur le champ la petite tumeur devint beaucoup plus groffe. Son chirurgien y appliqua un nouveau bandage compreffif, & lui ordonna la faignee , le repos , & les autres chofes qu'il lui avoit ci- devant ordonnees , & qui avoient d bien reuffi. Sur le rapport de toutes ces chofes on ne devoit pas douter du carac- tere de cette maladie, d'autant plus que la tumeur n'etoit pas reguliere comme l'eft toujours l'anevrifme par dilatation ; le fourmillement ne s'y appercevoit point du tout, la couleur de la peau etoit changed, la mol- lefle, la pulfation & la diminution de la tumeur, lorfqu'on la comprimoit, tout y etoit moins marque que dans l'anevrifme par dilatation. Voila quelle etoit la maladie , & voici quelles en ont ete les Antes. On continua le bandage compreffif pendant quelque temps ; mais malgre la compreffion , DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5ir comprelTion , qui fans dome n'ctoit pas exa&e , o;i a vu la tumcur aitgmen- M***— ""! ter de iour a autre, ce qui dctermina le malade a venir a Paris pour le faire cHIJlURG1E. faire l'operation. Lorfque la peau fut fuffifamment ouvcrte, jetrouvai beaucoup de fang Annie iJ^S. trcs-noir, mais encore an peu fluide , parcc que, quoiqu'il panit le plus eloigne du vaificaii, il etoit, commc on dira ci-aprcs, le dernier qui fut forti par l'ouverture de l'artere. Ce fang entouroit une malfe de la grof- fcur d'un ocuf d'oie, couverte de fang Un peu plus caille & moins noir que le premier; celui-ci enveloppoit une troilieme fubftance encore moins noire, mais (i ferme & (i folide, que ceux qui n'ont point fait ou vu faire l'operation de cette efpece d'anevrilme , auroient pu prendre cet amas dc caillots pour de la chair, s'ils ne s'en fuflent rapportes qua fa couleur & a fa conliftance. Je palfai nion doigt autour de cette maffe de caillots , je la detachai entierement & avec facilite , excepte a l'en droit place fur l'ouverture de l'artere , a laquelle elle etoit fort adherente •, ce fut alors que le corps dc l'artere parut a decouvert dc la longueur d'un pouce. Dans le milieu de cette etendue etoit l'ouverture ou l'incilion qu'avoit faite la Iancette ; cette incillon, qui etoit oblique, avoit au moins la longueur de trois lignes. Aprcs avoir fait l'operation, dont les fuites furent tres-heureufes , je ramalfai tons les caillots que je prefentai a l'academie, & que je feparai les uns des autres en fa prelcnce. Je feparai ces caillots les uns des autres avec faciliti , & je fis obfer- ver qu'ils n'etoient pas tous au meme degre de folidite. Le plus dur cou- vroit immediatement l'ouverture de l'artere ; le fang continuellement poufie contre ce caillot, lorfqu'il etoit encore trop mou pour lui rehfter, en avoit forme une efpece de poche ou appendice G dans laquelle le fang entroit, & de laquelle a chaque pulfation il fortoit en partie & ren- troit dans l'artere, de la meme maniere que le fang entre & fort de la poche qui forme l'anevrifme par dilatation. Cette appendice etoit audi grande que la coquille d'une groffe noifette •, & elle etoit fort adherente au bord de l'ouverture & a la partie exterieure de l'artere meme. Sa fur- face interieure etoit liife & polie, comme l'interieur de tous les vailfeaux fanguins. Sa furface externe etoit adherente avec le fecond caillor. Celui- ci, place fur l'exterieur du premier, en avoit la figure, mais il etoit plus grand, moins folide & moins adherent au troilieme qu'au premier -, le troiiieme & tons les autres fuccefllvement jufqu'au plus exterieur, toujours places les uns fur les autres, avoient plus d'etendue & moins de folidite. La grandeur, la conliftance & la polition dirierentes de tous ces cail- lots, m'ont fait penfer que non-feulement leur formation etoit fuccefllve, mais que chacun d'eux etoit le produit d'une hemorrhagic En eftet le fang n'a etc arrcte d'abord que parce qu'il s'eft forme un caillot qui a bouche l'ouverture de l'artere. Ce bouchon naturel reuUit toujours , pourvu que Ton ait foin de le foutenir par le bandage •, que le malade obferve le regime , & qu'il garde le repos convenable jufqu'a ce que ce caillot ou bouchon foit fufhtamment adherent aux bords de l'ouverture, Tome VIII. Partie Franfoife. Sf Chirurgie. ju AKR £ G £ DES MEMOIRES I & meme a l'exterieur de l'artere , & qu'il s'y foit durci affez pour redder a l'impulhon du fang autant que faifoit cet endroit meme de lartere avant fa bleffure. Annd ir^6. Le caillot du malade dont il s'agit , avoit deja de fortes adherences avec les bords & le voiiinage de l'ouverture •, il avoit alfez de folidite pour rehfter aux impuhions du fang, & il y a refifte tant quelles ont et£ moderees, & que le caillot a ete foutenu par le bandage. On ne peut done raifonnablement croire que (i le malade eut conferve alfez long-temps le bandage, & qu'il fe fut modere dans fes mouvemens, il auroit pu guerir fiarfaitement fans operation , de meme que celui que j'ai rapporte dans e memoire de 1735; ma*s ne l'ayant Pas tait > ce caillot encore trop foi- ble, n'etant plus foutenu, a ete force d'obeir a l'impulfion du iang qui l'a etendu peu a peu, & en a forme une efpece de poche. En faifant 1' operation, j'ai trouve cette poche, ou caillot, encore ad- herente a toute la circonference de l'ouverture de l'artere , excepte a un poin: duquel il n'avoit ete detache que par l'effort conliderable que fit le malade douze jours apres avoir quitte fon bandage. Cell par ce point de feparation que fortit le fang qui forma le fecond caillot, & e'eft par cette ouvertitre bouchee par ce fecond caillot, niais renouvellee a fept ou huit differentes reprifes eloigners de plulieurs jours les unes des autres, qu'eft forti le fang qui a forme les fept ou huit caU- lots qui compofoient la tumeur. Ce feroit ici le lieu de faire remarquer que pendant la formation fuc- ceffive de tous les caillots, la tumeur a pu en iinpofer , parce quelle a du paroitre alternativement, tantot fous la forme de l'anevrifme par epan- chement , & tantot fous la forme de l'anevrifme par dilatation , mais jc n'entrerai point dans ce detail , parce qu'il fait partie d'un autre memoire. Je me borne prefentement \ dire que ces caillots ne font ainli diftingues les uns des autres par leurs differentes grandeurs & leurs differens degres de couleur & de coniiftance, que qiund le premier caillot n'eft point en- tierement detache par le fang qui fait la feconde hemorrhagic, & j'ai ob- ferve que dans ce cas feulement les caillots doivent etre ainfi diftincts, parce que le premier caillot confervant prefque toutes fes adherences a l'ouverture de l'artere, le fang de la feconde hemorrhagic ne le detache point, il refifte & conferve fa place pres de l'ouverture de l'artere, ce qui oblige le fang qui fort, a paffer par-deffus-, celui-ci recouvre ce pre- mier caillot, fe coagule a fon tour, & forme le fecond caillor. S'il fur- vient une troilieme hemorrhagic , le fang fortant toujours par la meme ou- vertiue, p.iffera par-deffus le fecond' caillot, & formera le troifieme, & ainii de fuite-, de forte que tant qu'il furviendra de nouvelleshemorrhagies, & que les premiers caillots conferveront leurs adherences , les nouveaux caillots feiont toujours places au-deffus des precedens , & ils feront tou- jours de plus grands en plus grands. ^ A legard de leur coniiftance, elle eft, & doit etre proportionnee, ainli que leur couleur, au temps qui fe fera ecoule entre chaque hemorrhagic , & par confequent entre la formation d'un caillot & celle de l'autre ; le DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. 315 premier fera toujours le plus ferine, parce qu'il y aura plus long-temps que le fang qui l'a forme aura ete extravafe •, la lymphe aura eu plus de q temps pour le feparer & pour fe durcir-, par la mime raifon le fecond, le troiiieme, & les autres julqu'au dernier forme, auront moins de confif- jinnee 27,36*. tance , & toujours a proportion du temps qui fe fera ecoule entre la for- mation de l'un , & celle de l'autre. II y a encore une oblervation a faire fur la facilite avec laquelle on fe- pare les caillots les uns des autres , elle ne vient pas feulement de ce qu'ils n'ont point le meme degre de confiftance •, mais encore de ce qu'il le trouve entre eux une efpece dediploe, e'eft-a-dire, une portion de caillot plus molle que l'autre, cctte fubflance eft plus rouge que la por- tion folide des caillots, elle eft moins Iymphatique, & je la regard; comrae la partie rouge du fang qui s'eft fiparee de la lymphe apres chaque he- morrhagic •, car,comme je l'ai dtt dans [ties' premiers mnnoires far les hfr morrhagies, lorfque le fang eft en repos , la partie blanche fe fepare , elle s'eleve au deiius de la rouge , & fe coagule feparement , & e'eft ce qui fait la partie folide du caillot : a I'egard de la portion rouge , elle refte fluide, 011 ne fe congele que foiblement, mais toujours a proportion de ce qu'elle a menu de lymphe. Suivant cctte obfervation , la partie du caillot la plus extcrieure doit etre la plus folide , parce qu'elle contient prefque toute la lymphe, & l'interieure doit etre la plus molle , parce qu'elle contient prefque toute la partie rouge •, confequemment la fubf- tance molle oil le diploe , qui eft entre le premier caillot & le fecond , appartient toute au fecond caillot ; celle qui fe trouve au-deftus de celui- ci , appartient au troiiieme caillot , & ainli des autres. A I'egard de la partie rouge qui auroit du appartenir au premier caillot, comme elle a du fe trouver du cote de 1'ouverture de Tartere, il y a lieu de croire qu'elle a ete entrainee par le fang qui coule continuellement dans l'artere. Ce que je viens de dire eft prouve par 1'obfervation : quand les he- morrhagies font venues les lines pres des autres , on ne trouve point cette gradation entre les caillots. J'ai fait pluheurs operations de l'anevrifme , fans qu'elle s'y foit trouvee; & on voit qu'elle y eft moins remarquable, felon qu'fl y a eu plus ou moins d'intervalle entre les hemorrhagies •, car (i la feconde hemorrhagic vient avant que le caillot de la premiere ait eu le temps de durcir, &de fe rendre adherent a 1'ouverture de l'artere, le fang chaffera ou penetrera le caillot. La troiiieme hemorrhagic , & celles qui fuivent , feront la meme chofe , fi elles fe font proche les lines des autres, & alors on ne diftinguera point les caillots, ils feront penetres par lelang, & pele-mele les uns dans les autres-, au-lieu que (i les hemorrha- gies ne viennent qua plulicurs jours de diftance les lines des autres, & que le premier caillot conferve fon adherence, les caillots feront fi difte- rens par leur grandeur, leur couleur & leur confiftance, que fans etre inf- truit du nombre des hemorrhagies , on le pourroit favoir par le nombre de caillots qu'on trouve dans la tumeur •, & meme , de plulieurs hemorrha- gies, on peut (avoir celles qui ont ete plus ou moins fortes par repaitTeur des caillots , & celles qui ont ete plus proches ou plus eloignecs par la Sf ij ?i4 abr£g£ des memoires g^^^SHBgg conhftance & la couleur de ces memes caillots. Ces obfervations ne font pas ^implement curieufes, elles m'ont fervi dans la pratique des operations Chikurcu. j>aj £t(i oblige de fajre ^ l'occafion des arteres ouvertes , & j'efpere Ann/t 17^6. en t'rer ^es m°yens deviter ces operations, ou de les rendre plus futes , plus faciles & moins douloureufes. OBSERVATIONS ANATOMIQUES. I. Exojlofe prodigieufe. Anatomii. •M .r. Farcy, chirurgien de la FJeche , a envoye a M. Morand, l'hiftoire d'une exoftofe prodigieufe du tibia a fa partie fuperieure. Une 'femme, en 1717, etant tombee fur le genou, fa jambe fe gonfla , & ce Annie IJ3J. gonflement qui paroiffoit intereiTer egalement les os , & les parties mol- uT les, augmenta confiderablement jufqu'en 1735 » dix & demi de furface en devant, fept & demi du cote du jarret. I I. Cram lumineux. Pour avoir un crane depouille des parties molles, on avoit mis dans du fumier de cheval une tete humaine, entiere, & on l'y laiffa hint jours. Enfuite on detacha aifement les parties molles qui avoient ete comme cui- tes dans le fumier, & pour nettoyer le tout plus exa&ement, on le lava, apres quoi on le mit dans un vaiiTeaii plein d'eau , ou le crane trempa per*: DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, jif dant dix jours. Quand on le retira de la , on le plongea encore trois ou ~— '^mm quatre fois dans un fceau d'cau nette, & cnfin on le laiffa expofe a l'air An a t o m i lans l'effuyer. A mefure qu'il fechoit , il fe couvroit de petits cryftaux a plulieurs faces, la plupart cubiques, & extrcmement brillans, & d'un eclat Annie IJgft fort vif quand on les expofoit a la lumiere. II n'y en avoit point a la bafe du crane qui eft pleine d'inegalites, ils ne s etoient attaches que fur lc haut du crane, au haut de la foffe orbitaire, a la inachoire intcrieure , & fur les dents, ou ils etoient plus jaunes, quoique toujours fort brillans. En les examinant on reconnut que e'etoit du tartre , & cela fit qu'on fe fouvint que dans le vaiffeau plein d'eau ou lc crane avoit treinpe dix jours , il y avoit cu de la lie de vin. II falloit que le crane cut eu par lui-meme plus de difpofition qu'un autre corps a fe charger de ces cryf- raux de tartre , qu'il eut mcrae contribue a leur formation , & fur-tout k ce grand eclat qu'ils ne devoient pas avoir naturellemcnt. Que n'cut-on point fait de cette tete de mort lumineufe, fi elle flit tombee entre les mains d'impofteurs 2 C'eft a M. Morand que Ton doit robfervation. o Sur la Formation des Mon st res. n appelle monflre , un animal dune conformation contraire a l'ordre ^~~mm de la nature. II y a des monftres de differences efpeces, des monftres par Annie 1-38. exces & des monftres par defaut. Les monftres par exces font ceux qui . out ou un plus grand nombre de parties , ou des parties plus grandes que '740" ne le demande la conformation naturelle. Les monftres par defaut font ceux auxquels il manque quelque partie, ou qui ont des parties d'une pe- titeffe proportionnee. II y a encore des monftres bizarres par le derange- ment ou le deplacement de leurs parties, par 1'union de certaines parties qui devroient ctrc feparees, ou par la dtfunion de quelques autres par- ties qui , dans l'ordre de la nature , ne doivent jamais etre leparees. Enfin on voit des animaux fi difformes qu'ils rcuniffent toutes ou prefque toutes ces efpeces de monftruoiites. Les phyliciens , qui ont recherche l'origine des monftres, fe trouvent partages entre deux fentimens difrerens. Les uns ont ioutemi qu'il y avoit des ceufs ou des germes originairement monftrueux , dont le developpe- ment & l'accroiffement aufli regulier en lui-meme que celui de tous les autres , donnoit ce que nous appellons des monftres , de forte que ces ctres, quelques difformes qu'ils puffent devenir, etoient autant de la pre- miere intention de la nature , que les animaux de la conformation la plus parfaite. Des 1706 , M. du Verney donna la defcription d'un lnonftre hu- main , compofe de deux enfans males joints enfemble par la partie infe- ricure du ventre appellee hypogaftre. Toutes leurs parties exiernes & in- ternes etoient femblables a celles des autres enfans, depuis la tete jufqu'i l'endroit de la jonccion , oil fe trouvoient celles qui etoient extraordinaires & monftrueufes. De leur examen M. du Verney conc!*U qu'elles n'etoicnt point 1'ouYragc du hafard> pi l'ejfet d'un derangement, accidcutel des ?i toute.pllifl"ailte dans l'execufion , & toujours fage dans l'emploi des Annie Z7"8. moyens; que cette intelligence avoit voulu reellement produire un monf- P tre, & que la preuve de cette volonte etoit 1'accomplilTement du fait. ** 17'i0, Nous avons vu dans le tome VII de notre colledion acadanique, que M. Window a embraffe & foutenu ce fyfteme des ceufs originairement monftrueux, dans deux memoires his a l'academie en 1753 & 1734. La difticulte de rendre raifon des etonnantes monftruolites que ces deux ana- tomiftes avoient eu occasion d'obferver, Ieur avoit fait adopter un fenti- ment pen phylique, il eft vrat, mais qui repond par ce feul mot a toutes les objections, telle ftoit la conflruclion primitive du germe ou de Vauf. En adoptant ce principe, il n'y a plus rien a prouver, rien a eclaircir. II fuffit feulement de multiplier les embarras de l'hypothefe contraire , de l'ac- cabler de difficultes, & de ne fe contenter d'aucune des folutions qu'on pourroit en donner. Mais detruire n'eft pas ediher, & quand meme Ton .ne connoitroit pas toutes les caufes accidentelles qui peuvent alterer, de- former, obliterer des germes originairement parfaits & les rendre monf- trueux , 011 n'auroit pas pour cela demontre l'exiftence des ceufs originai- rement monftrueux. Des 1724, M. Lemery combattit fortement cette opinion, & donna d'excellentes preuves du fyfteme des monftres devenus tels, par des caufes accidentelles qui peuvent unir ou confondre plulieurs germes, & produire ainli des monftres par exces, ou s'oppofer au developpement de certaines parties d'un germe , & donner par-la des monftres par defaut. Cette annee 1728 , M. Lemery fit voir, par l'examen du monftre meme de M. du Verney , que l'opinion des ceufs etoit infoutenable & ne pou- voit jamais avoir lieu. Ce fut l'objet d'un premier memoire. Cet habile anatomifte prouva, dans un fecond memoire, que la feule raifon qu'on avoit pu imaginer en faveur des ceufs monftrueux , & avec laquelle on s'etoit cm en droit de renvoyer a ces ceufs tous les monftres , dans la ftruclure interieure defquels on ne voyoit pas auffi clairement qu'on le defiroit , la mechanique particuliere des caufes accidentelles que cette raifon , dis-je ,. etoit une pure inconfequence qui ne faifoit rien , ni pour les ceufs monftrueux , ni contre les caufes accidentelles •, qu'on en pouvoit feulement conclure le defaut naturel de nos lumieres-, qu'enfin la faufTete de cette induction fe decouvrcit manifeftement dans l'examen d'unc multitude de parties monftrueufes qui, en vertu de la raifon alleguee , feroient uniquement attribuables au fyfteme des ceufs monftrueux , & neanmoins dans lefquelles la realite de l'operation des caufes accidentelles fe declare avec la derniere evidence , ou par le fecours de diflerens rnoyens , ou parce que cette operation fe palfe en quelque maniere fous nos yeux , & par-la nous permet li peu de douter de fen effet. M. Lemery nlleguoit l'union de deux fruits; la greffe, qui unit deux plantes fouveiit tres-differentes , Sz les fait croitre enfemble fans plus fe feparer, II alle- guoit fur-tout l'exemple des monftres , ifl'us d'un male & d'une femelle. DE L'ACADliMIE ROYALE DES SCIENCES. 517 d'efpcces diffrrenres , tels que ceux qui nailfent de l'accouplement d'lin " m ■ i cjiat & d'une chienne , dans lefquels le concours fortuit d'animaux ditfc- ^ N A T 0 reus, unique canfe de leur production (mgujiere, exclut formellemcnt les ceufs monfhueux , & cependant cache aufli fortuitement la mechanique Anntfc 1-3S. de Ton operation , que cctte efpece de caufe accidcntelle eft reelle & & Jr^ palpable a leur egard. M. Lemery developpe enfuite dans fix autres memoires, fa theori? de la formation des monftres. Nous allons tidier de raffembler ici en fubf- tancc tout ce qu'ils contiennent de plus ellentiel. Quand un ceuf commence a fe developper, I'embryon de l'animal, qui Hift. n'.i qu'un trcs-petit volume, n'eft prefque qu'une goutte de liqueur, or- ganise cependant , ayant deja prelqu'en infiniment petit , tout ce que l'animal aura on jour en grand , avee les inemes proportions & les rnemes connexions. Tout cet edifice, audi compofe que l'animal, eft done d'une finelfe & d'une delicateffe extreme, & de plus il eft d'une matiere affcz glutineufe , ce qu'on n'aura pas de peine a luppofer. Que deux embryons parcils viennent a fe rencontrer , un limple contact , fans rien de plus , furh'ra pour les coller enfemble , & li le point de leur rencontre etoit le front de Tun & de l'autre , il viendra ail jour un monftre , deux enfans unis par le front. S'ils ne fe font pas (implement touches , fi quelque caufe etrangere les a preffes l'un contre l'autre , le' deux petites machines s'endommagent , fe brifent mutuellement, & en.in fe detruifent totalement , li la predion, a ete affez forte ou affez continue •, il ne reftera que des mines & des debris , dont tout le volume n'excedera peut-etre pas celui d'un groffe t:te d'epingle. Mais li la predion a etc moins forte ou moins Iongue , il ne fe fera de deftru&ion mutuelle que dans un certain nombre des parties de l'un & de l'autre embryon , tout le refte fubfiflera , & pourvu que ce refte puiffe etre conditionne de facon a prendre la vie pour quelque temps , il naifra un monftre compofe de parties, les unes limples, les autres doubles contre nature , de parties ou trop grandes , ou trop petites , deplacees , mutilees , &c. car on voit affez quelle infinie variete doit s'enfuivre de cette demi-deftruction, felon la force differente de la predion, ielon le temps qu'elle a dure, felon les endroits qui ont etc fuccelfivenient attaques. II ne faat pas fe reprcfenter les deux embryons qui fe dctruilent a demi l'un l'autre , comme deux animaux qui ne different qu'en grandeur d'avec des animaux venus au jour. lis en different plus effentiellenient , en ce qu'ils peuvent n'avoir pas encore routes leurs parties developpies , ou en ce qu'ils les auront plus 011 moins developpees les unes que les autres-, car, le developpement du foetus eft non-feulernent fucceffif, ainli qu'il doit l'etre naturellement , mais inegalemcnt dillribue entre fes diffe- rcntes parties •, cela depend de fon age. Par-la on concoit aiicment que telle partie qui aura etc detruite par la preflion mutuelle de deux fa-tus , pe l'aurapas etc par line preflion parfaitement egale dc deux autres, paxce 5i8 A B R E G £ DES MfMOIRES — — — ■— qu'elle n'exiftoit prefque pas encore dans ces deux derniers , qu'on fups pofera plus jeunes. II fe peut auffi que deux embryons de different age, A n A t o M i e. f-e ch0quent ou fe preffent de facon que ce qui aura ete detruit dans Annie I7l8- 't,n ' nc 'e ^0ii Pas ^ans l'alltre- ^ uifhroit meme de la feule 'difference e de force avec un age egal. II doit naitre encore de ces principes generaux ' ' beaucoup de varietes. Les monftres le font ordinairement par un affemblage irregulier de par- ties, Ies unes fimples & uniques, comme dans les animaux parfaits , les au- tres doubles, au-Iieu d'etre fimples, deux cceurs , deux foies , &c. Ces parties doubles inarquent affez evidemment l'union de deux ceufs i pour les fimples, on eft d'abord frappe de l'idee qu'elles ne font que celles de l'un des deux foetus , les correfpondantes ou pareilles ayant ete de- truites dans l'autre. Cela eft aufli fort poffible , & quelqiiefois vrai , rnais il y a encore une autre maniere de concevoir la formation des parties fimples. Que deux coeurs, par exemple, poles l'un a droite, l'autre a gauche, fe preffent de facon que la moitie gauche du premier agiffe contre la moitie droite du fecond, &, reciproquenient, ces deux moities pourront fe de- truire l'une l'autre, & fi la predion ceffe precifement qmnd les deux ccrurs, ayant perdu diacun une moitie , feront parvenus a fe toucher par leurs deux Iignes du milieu ; fi , de plus , on les fuppofe toils deux , comme il eft vrai, d'une matiere tres propre a fe coller enfemble, on verra aifement qu'il en doit refulter un feul cceur , qui n'aura rien que de naturel. Sa veine cave & fon artere pulmonaire fortiront de fon ventricule droit, fa veine pulmonaire & fon aorte du gauche , &c. car e'eft la une fuite de cc que le cote gauche du premier caeur & le droit du fecond ont peri. Ce ne feroit plus la meme chofe, Ci les deux coeurs n'avoient pas ete d'abord fofes de maniere que leurs deux faces correlpondantes , les antirieures , fi on veut , regardaffent du meme cote ; cela eft affez clair pour peu qu'on y faffe attention. Deux parties plus creufes que le cosur, deux eftomacs, deux veflies, peuvent de meme n'en avoir fait qu'une, pourvu que le hafard ait voulu que les conditions neceffaires pour cette jondtion fi intime fe foient ren- contrees affez jufte, que, par exemple, deux veflies fe touchant laterale- ment, ayant leur cou ou leur fond tourne du meme cote, fe retrouvent, apres avoir perdu chacune une moitie , appliquees l'une contre l'autre par deux efpeces de circonferences circulaires , & adaptees de facon qu'elles ne forment plus qu'une feule cavite egale a celle que renfermoit auparavant chaque veflie entiere en particulier. 11 n'eft pas furprenant qu'en ce cas-Ia les petits vaiffeaux d'une des moi- ties fubfiftantes s'anaftomofent , s'embouchent avec ceux de l'autre moitie fubfiftante auffi. Les fucs, qui font en mouvement, puifque les embryons fe developpent , ne peuvent manquer d'entrer dans des routes qu'ils trou- vent ouvertes , & e'eft la ce qui identifie le plus , pour ainfi dire , ces deux moities, qui n'etoient pas faites originairement pour appartenir a> .an mane tout. Mais il faut pour cct eflet , que les deux veflies , qui rcprifeutcron$ DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3*9 rcprefenteront tons les autres cas femblables, fe foient rencontrees dans Une — — «— — certaine polition affez precife, prelque unique entre une infinite d'autres . igalement poflibles , & il doit etre rare que le liafard foit li favorable a ces fortes d'unions , &, par conleqticnt, qu'il fe forme des monftres. Annie iitf. Quand il s'en forme, en qui, quelque partie etant unique, a ete com- £ 1740. pofee de deux moities rapportees de deux differens fatus, il fcroit trop difficile que cet affemblage fortuit fe flit fait avec tant d'exa&itude, qu'U n'y parut point du tout, tin ca-ur, une veffie, ainli conllruits, s'ecarteront peut-etre beaucoup de la figure naturelle qu'ils euffent du avoir. Les monftres vivent quelque temps , du moins dans la matrice, fans quoi ils ne feroient pas monftres , ou ecliapperoient entierement a notre connoiffance. Si Ion imagine, en general, ce qui arrive dans le choc vio- lent de deux ccufs, qui fe penetrent & le brifent mutuellement, on con- cevra plus aifement que toutes leurs parties fe detruifent les lines les au- tres, & deviennent incapables de leurs fonttions naturelles , que Ton ne concevra qu'il y en ait dans ce debris un affez grand nombre qui fe raf- fe:v,blent affez heureufement pour compofer un tout vivant, quelque ina- parfaite & quelque courte que doive ctre (a vie. Cela arrive cependant, & e'eft une preuve que la nature a pris fes mefures bien juftes , & s'eft menage bien induftrieufement des reffources pour ne pas manquer dc- donner la vie aux animaux. Ceux qui n'ont pu jouir que de ics plus foibles moyens, & de fes dernieres reffources, lout les monfires, &, comme on voit, ils ne peuvent etre que rares. On remarque qu'ils le font moins dans les efpeces ou les femelles ont ordinairement pluheurs petits a la fois, ce qui eft bien conforme au lyfteme de l'union accidentelle des ocufs. Quand une partie fe forme de deux pieces rapportees, il eft a prefumer que ce font deux pieces de deux parties femblables entr'elles; un casur , par exemple, fera forme de deux demi-cccurs , une veffie de deux denii- veffies-, car la recompolition doit etre prtcedee de deux demi-deftruc- tions , & ces deftru&ions ne peuvent etre caulees que par line penetration mutuelle, qui aura rompu & aneanti tout le tiffu effentiel a ces parties. Or, comme elles ne font que de petits liquides, quoiqtie deja organises, il fe peut que deux parties diffemblables, comme un cceur & line veffie, foient deux liqueurs telles que l'eau & l'huile, qui ne foient pas propres a fe ptnetrer •, & pour mettre l'exemple dans des parties qui puiffent fe rencontrer plus aifement, un eftomac qui eft tout mufculeux, & un foie qui eft tout glanduleux, pourront etre trop heterogenes. Quant a la preffion que nous avons toujours fuppofee pour caufe des unions ou penetrations, il eft prefque inutile de dire qu'elle viendra ou des contractions fortuitcs de la matrice , ou des paffions hifieriques , &c. car il fuffit d'envilager , en general , le grand nombre de manieres dont cet effet peut ctre produit. Pour prouver le fyfteme dc la preffion accidentelle , M. Lemery s'eft principalement appuye fur un monftre , qui, efrecYivcment , femble le prefenter ecrit par les mains de la nature. C'eft celui de 1714., a l'en- droit cite ci-deffus , & dont nous ne repeterons point la defcription , Tome VIII. Partie Franfoije. Tt $5o ABREGE DES MEMOIRES ■ iii — — i qui fuffira au moyen de que'que addition , 8c de quelque reflexion qu'ort . y va faire. V n a t o M i e. J3eux f^tus &3nt p0f^s lateralement 1'un contre l'autre , & preffes tou- Annie 1738. Jours egalement, de forte que leurs epines da dos en s'approchant 1'une & ita.0 ^e 'alUre' demeurent paralleles entr'elles, &, par confequent, auffi les deux / ' cavites renfermeesentre les cotes qui s'attachent de part & d'autre a chaque epine, il eft evident que les deux epines ne peuvent s'approcher fans que toutes les parties contenues entr'elles, & qui s'oppofoient a leur approche, foient detruites •, & fi enfin les deux epines viennent a fe joindre , & que la preflion cefle h, route une moitie d'uu fcetus, & toute une moitie de l'autre, c'eft-a-dire, les deux moities internes qui le font touchees , au- ront peri, & les deux externes fe feront confervees bien entieres. Deli nait un monftre i deux tetes, car les tetes ne fe font point rencontrees, & c'eft tout ce qu'il a de monftrueux-, du refte, il n'a que deux bras , deux jambes , &c. un coeur , line veflie , &c. tout a l'ordinaire ; car , pour les bras & les jambes, par exemple, on voit affez que celaetoit dans la moitie exteme de chaque fcetus, & hors d'atteinte a l'egard du choc, & pour le cceur, la veflie, & autres parties fituees au milieu du fcetus, elles out ettr faites de deux moities prifes, Tune d'un fcetus, on d'un cote, l'autre de l'autre. C'eft cette formation proprement qui eft monftrueufe, & ce qui en refulte ne le paroit point, les deux tetes fe font formees'tres-naturellement, & il n'y a qu'elles ici qui faffent le monftre ; tout le refte eft parfaitement dans l'ordre. Mais fi la preflion n'a pas ete auffi egale & auffi uniforme qu'on I'a fup- pofee , fi elle a etc en augmentant oil en diminuant , mais avec unifor- riiite, il viendra un monftre different. Les deux moities internes des deux fcetus n'auront pas ete dans toute leur etendue egalement detruites, mais roujours plus 011 moins vers le haut que vers le bas des deux epines , felon que la preflion aura ete en croiffant ou en decroiffant du haut vers le bas. Deli il arrivera que, dans les endroits ou elle aura ete plus foible, il fe trouvera des parties doubles, & par-la monftrueufes , qui, dans la premiere fuppofition , etoient fimples , parce qu'alors elles etoient formees de deux moities rapportees de chaque fcetus , au-lieu qu'ici ces parties fe feront confervees entiereSi chacune dans le (ien. Que li la preflion eft par- venue jufqu'a elles, mais trop foible pour enlever une moitie ou a peti pres de chacune, elle fera au moins des deux une partie unique, monf- trueufe en grandeur. Le monftre de 1714 dont M. Lemery a conferve le fquelette, qui Iui a etc d'un affez grand ufage , ctoit un monument remarquable de cettc inegalite de preflion. Les devtx epines plus eloignees d'abord l'une de l'autre par le haut , alloient toujotirs en fe rapprochant vers le bas , & finiffoient- par fe joindre. La preflion avoit done ete toujours en croiffant du haut vers ]e bas, on en decroiffant du bas vers le haut, felon quelle avoit com- mence par le haut ou par le bas , ce qui n'eft de nulle confluence quant a prefent. Les parties qui occupoient le haut des deux cavites renfermees: •'dans les cotes des deux epines, oct done ete moins pouffees les ones contrf DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 55r les an t res que celles d'enbas, & c'eft precilement ce qui eft attefte par Ie ^— ■— ^i- f.iit ; deux poumons , deux trachees, deux cEfophages. Le cccur etoit uni- . que, mais beaucoup plus grand, & de figure moins reguliere que dans letat naturel, marque evidcnte qu'a l'endroit ou il elt place, la prefllon Anntc xj^S. commencoit a etre alfez forte pour nnir feulement ou confondre impar- # if 40. faitement les parties. l'afle le cccur, prefque tout ctoit fimple, la predion avoir cte dans toute fa force. On a dcja dit en 1724 (a) de quoi etoit rempli l'intcrvalle que laif- foient entr'elles les deux epines avant que de fe toucher. II partoit du cote interne de chaque epine de petits os plus longs dans le premier oti plus haut rang que dans le fecond, dans le fecond que dans le troilieme, & toujours ainli de fuite, qui fembloient s'etre unis au milieu de l'elpace ou ils dtoient, & s'y etre arretis Tun 1'autre, qui fortoient des endroits dou doivent fortir des cotes, & qui fe trouvoient au nombre de douse comme des cotes , reftes evidens de cotes qui s'ctoient mutuellement dc- truites , mais non pas entierement , & dont la deftrudtion imparfaite a ite la. premiere origine de tout ce qu'il y a eu enfuite de monftrueux. II naquit a Lyon un autre monftre du memc caractere , deux tetes, les parties fupericures doubles , les inferieures limples. Ses deux epines etoient par le haut beaucoup plus ecartees que celles du monftre de M. Lemery, & on ne fera pas furpris qu'il cut deux cceurs , & que le diaphragme, qui etoit parfaitement fimple dans le premier, portat dans ce fecond une marque fenlible d'avoir iti fait de deux pieces ; c'etoient deux centres nerveux au-lieu d'un , & chacun d'eux devoit ftirement appartenir. a un diaphragme different. M. Lemery a bien fu profiter de la comparai- fou de ces deux monftres qui, heureufcment , ne differoient que par la difterente forme des preflions qui les avoient produits. Ce que 1'un pou- voit lailler douteux ou obfcur, 1'autre I'afluroit ou l'eclairciflbit. Puifque dans les deux monftres les parties inferieures etoient limples; les inteftins l'etoient audi , c'eft-a-dire , ce canal unique fix ou fept fois plus long que l'homme n'eft haut , roule de tous les fens , a droite , a gauche, en enhaut , en enbas. Toutes ees circonvolutions , tous ces tours & retours etoient parfaitement dans l'ordre naturel & commun. On con- ceit aflez comment un caeur peut fe former de deux demi-coeurs , une veffie de deux demi-veflies, deux moities fe feront adaptees l'une contrc 1'autre du fens qu'il aura falhr, mais on a plus de peine a imaginer que deux longs canaux inteftinaux , pris dans leur tout , & avec toutes leurs circonvolutions, ayant iti coupes en deux, toutes les parties du canal ou- vertes d'un cote, & toutes les parties pareilles & correlpondantes ouvjrtes de 1'autre , viennent a s'aboucher & a s'unir enfemb'e , comme le de- mande le fyfteme des caufes accidentelles de M. Lemery. II eft vrai que felon ce fyfteme, les portions quelconqties de circonvolutions, celles qui. doivent etre placees, foit a droite, (bit a gauche, foit plus haut, foit plus- bas, fe trouveront prccifement comme dans letat naturel, les deux fmos (a) Voyez le Tome V de cette Collection. Partie Franccifc Ttij Is' 1740. 531 A B R E G E DES MEMOIRES 1 'I ■■■—».!])? fuppofes, ainll qu'ils le font tou jours ici, regarder du meme cote » . & c'eft di)k line fuite heureufe du fyfteme. Mais il veut auffi qu'il fe faffe M ' l' un li grand nombre d'unions de bouts d'inteftin , & cela tout a la fois & Annie 7^38, avec line extreme jufteffe , que l'imagination en eft eftrayee. Auffi d'habiles gens ont- its bien appuye fur cette difticulte en faveur du fyfteme des ceufs originairement monftrueux , ck d'autres fans abandonner le fyfteme des accidens, ont voulu prendre fur ce point une idee diffe- rente de celle de M. Lemery. lis ont concu que des deux canaux intefti- naux qui doivent s'unir, l'un avec toutes les circonvolutions alloit ie po- fer exacbement fur l'autre pour ne plus l'abandonner, & que par-la les membranes qui forment les tuyaux , fe trouvant toujours doubles d'un tote du tuyau , & non du cote oppofe, elles fe confondoient par- tout oil elles etoient doubles, & reftoient limples par-tout ailleurs, de forte qu'il periffoit toujours une moitie de chaque canal total. Mais M. Lemery n'adopte pas cette explication. Et en effet , comment im.iciner qu'un canal inteftinal paffe d'un foetus dans l'autre > pourquoi cette tranfmigration; pourquoi un des canaux la fera-t-il plutot que l'au- tre, qui fera demeure a fa place? comment celui qui fe deplace , a-t-il rompu les attaches, les ligamens qui l'arretoient ou il etoit ? comment en trouve-t-il oil en prend-t-il dans fon nouveau fejour ? II paroit que cette idee fourmille de dirliculrcs , & M. Lemery trouve que la formation qu'il a imaginee jufqu'a prefent pour des parties plus limples , lui fuffit pour celle des inteftins. II fe fera , a la verite , des anaftomofes en grand nom- bre , mais il s'en fait un grand nombre auffi dans 1'union de deux moities de veffies, tous les petits vaiffeaux de Tune s'aboucheront avec ceux de l'autre, & il y en a une infinite, feulement cette infinite n'eft pas fi fen- fible, & l'on ne compte que fur 1'union de deux moities de veffie , au- licu quid il y a plulieurs bouts d'inteftin fenfibles, du moins par rapport ^ leurs petits vaiffeaux , qui doivent s'unir. Mais ce plus ou ce moins dans line efpece precifement la meme , doit-il 6tre compte ? Si l'on obje&e que des parties molles , & meme flottantes , telles que des inteftins, doivent difficilement fe rencontrer affez jufte, M. Lemery repond par l'exemple du monftre de Lyon , dont le diaphragme etoit vifi- blement forme de deux diaphragmes. r Ce que les inventeurs ou les defenfeurs des ceufs originairement monf- trueux out trouve de plus fort pour leur fyfteme, c'a etc le cadavre d'un fol- dat des invalides , dont on vit toutes les parties interieures tranfpofees , le cceur a droite , le foie a gauche , &c. on en a parle en 173;. {a) II n'y a nulle union oil confuhon d'eeufs ou de foetus qui pintle rendre raifon de ce fait lingulier. II commence cependanr a n'etre plus unique. M. Lemery le recoit pleinement & fans reftridion, & foutient en meme temps quil n'appartient pas a la queftion prefente. L'invalide n'etoit pas un monftre. Quoiqu'il ne le fut nullement a l'exterieur , il auroit encore pu l'etre par des parties interieures doubles, tronquees, dihgurees, deplacees % &c. (0) Vovez Tome VII de cette Collecnon, Partie Fr.msoit'e. i: DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5;5 mais rien de tout ccla •, toutes les parties interieures avoient leur figure , - ' imm^— leur conliftance, leurs fondions, leur place, leurs connexions mutuel- • les , &c. leulement tout ce cjui eft ordmairement a droite ctoit ici a gauche , & reciproquement. Qu'on imagine deux maifons parfaitement Annie ij$8. lemblables en tout, hormis que l'une eft totirnee de facon que l'efcalicr ^ j-ao. eft a la droite dc ccux qui entrent, & dans l'autre a la gauche; la mode fera, li J'on veut, pour l'efcalier a droite, mais l'autre mailon ne lanTera pas d'etre abfolument auffi reguliere, aulli commode, auffi- bien entendue. M. Lemery prouve que les monftres font attaques de maladies organi- ques , e'efta-dire, qui viennent du vice de quclques organes incapables par leur ftrudure de bieo faire leurs fondions. Au/Ii les monftres ne vi- vent-ils pas, & dans la grande quantite qu'on en a vu , pent- etre n'y rn a-t il pas eu un feul qui ait vecu trente ans. L'invalide en a vecu fcp- tante-deux, & -jamais il ne s'etoit appercu , jamais on n'avoit foupconnc' qu'il tut aucune conformation partiailieic. Ce font les fondions anima- les confiderabtement bleltees qui font priiicipalerrient l'eltence des monftres. Mais l'invalide etoit done ne d'un auf oii originairement toutes les parties interieures etoient tranfpofees, & voila line conformation differente par clle-meme de la conformation commune. M. Lemery l'avoue fans cine, mais il nie, que ce foit line conformation monftrueufe , puilque es functions animates n'en etoient aucuncment bleflees. On voit affez quelles font celles que l'auteur de la nature a voulu que les difrerens auimaux exer^affent chacun dans fon efpece. S'il en vient au jour quelques-uns avec line incapacity entiere on une extreme difriculte de les exercer , on peut etre fur qu'ils ne font point de la premiere inten- tion du crcateur, & que les mefures qu'il avoit prifes felon des loix ge- nerates , les feules dignes de fa fageffe , ont ete traverfees par des accidens auxqutls il valoit mieux laifter leurs cours que de prevenir leur action. Sur-tout, l'intention la plus marquee de celui qui a fait l'univers etant que les animaux fe perpeuient par la voie de generation, li Ton voit nai- tre une lorte d'animaux qui ne puiffe le perpetuer, dont aucun n'ait ja- mais produit Ion femblable, & n'ait jamais trouve avec qui le produire, enfin dont chacun eft toujours un nouvel animal , different du moins par des circonftances tres-remarquables de tons ceux qu'on avoit deja vus , comment croira-t-on qu'ils aient tous etc f.aits pour etre tels qu'on les voit, tous deffines avec loin dins des ceufs particuliers , tous effentielte- nient diflemblables entr'eux, tous uniques? Ne reconnoit-on pas la les eftets de caufes accidentelles, irregulieres , nveugles, qui n'agiifent pas de concert avec les loix generates , & ne reviennent point deux fois a une tneme combinaifon ? L'invalide pouvoit certainement avoir des enfans , & il auroit ete cu- rieux de favoir s'ils avoient les parties interieures tranlpoie^s comme lui , oh du moins li fes parens les avoient eues. Mais il eft bien viiible qu'on n'avoit garde d'y penfer , & en general le nombre des diffedions que Ton fait, eft li prodigieufement petit par rapport a celui des morts , qu'il n'eft pas ctonnant que des connoiffances qui demanderoient un nombre beau- H4 A B R £ G E DES MEM01RES i coup plus grand de dilfedtions > nous echappent. II y a toute appareriee qu'on trouveroit encore des fujets pareils au fold.it, & qua la longue on A n a t o m i s. eJ1 trouvera , & alors on pourra bicn dire que I'auteur de la nature a Annie t7i8 V01UU> en creant ces fortes d'ceuk, manirefter Ion entiere liberte de pren- c dre dift'ercntes voies pour une meme fin. Cette fin aura etc erfedtivement V IJ40. toujours la raeme, puifque Ton vit cgalement bien avec des parties inte- rieures placees a droite ou a gauche, mais des raonftrcs ne vivent pas, & n'exercent pas leurs fondtions comme les autres animaux, & s'ils avoient ete faits immediatement & diredbment pour eire tels qu'ils font, il feroit impotlible de voir a quelle fin ils fe rapportent. On y auroit reconnu , ii Ton vouloit , la liberte du createur , mais non pas fa fagefl'e. Les attribute divins ne fe feparent jamais. SUR LA DISPOSITION NATURELLE Que nous avons a faire certains mouvernens avec les deux mains a hi fois , ou avec les deux pieds a la fois , plus facilement en fens cofi~ traire qu'en mime fens ; I T SUR LA DIFFICULTY NATURELLE De faire a la fois avec les deux mains , ou avec les deux pieds certains mouvernens dijfirens , dont V alternative n'a aucune difficulte'. gg »»— ^— fj 1 , fur une ligne horizontale , je veux decrire un demi-cercle , en com- Anmfe 17 28 mell5ant Par un Polnt quelconque de cette ligne, & en conduifant ma ' main droite de droite a gauche, & fi je veux decrire en meme temps avec ma main gauche un autre demi cercle tout paieil iur la meme ligne horizontale, en commencant audi par un point quelconque de cette ligne , ces mouvernens de mes deux mains feront fimultanes. On voit aifez qu'il peut y en avoir une infinite d autres pareils d'un doigt d'une main, & du doigt correfpondant de 1'autre main , d'une main & d'un pied , d'un bras & d'une jambe. Nous avons pris pour exemples des mouvernens fimultanes des plus (imples. Ce qu'ils ont de remarquable , e'eft que , fi dans le temps qu'on decrit de la main droite le demi-cercle fuppofe , on n'a que le feul deflein d'en. decrire un pareil de la main gauche fans y faire aucune autre attention , il fe trouvera certainement que les deux demi-cercles auront ete decrit? a contre-fens l'un de 1'autre, e'eft-a-dire, queceluide la main droite, ou le premier ayant ete decrit , felon la fuppolition , de droite a gauche , le fecond le fera de gauche a droite. Et Ii l'on vouloit decrire ce fecond de droite a gauche, on s'appercevroit que le feul deifein general de faire DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 535 ccttc operation ne fu&olt pas, qu'il y faudroit apporter une attention ■; continuclle & penible , & meme dc l'effort. . Pour micux entendre que de la manierc dont l'operation fe fait natu- rellement, les deux demi-cercles Ibnt a contre-fens ran de l'autre, il n'y Ai:n:'c IJ38. a. qu'a fe rcprcfenter que , s'ils font pofes du meme Tens , on aura fur li ligne horizontale quatre points ainll arranges, origine du premier demi- cercle, fin du premier, origine du fecond, fin du fecond, & qu'au con- traire dans la defcription naturelle, la fin du premier & la fin du fecond font placees au milieu des quatre points. En effet, dans cette defcription Jes deux mains qui etoient d'aborda une cerrainc diftancc l'tine de l'autre, ie font totijours rapprochecs, & vienncnt enfin a etre dans la plus grande proximite poffible en hniffant l'operation , ce qui rend les deux tins des deux demi cerclcs confecutives fur la ligne horizontale. Dans la defcription que j'appellerai forcee , les deux au contraire au- roient toujours etc a meme diltance l'une dc l'autre , ainii que Ton peut ailement sen convaincre, les origines & les fins des demi-cercles auroient etc rangecs alternativemcnt , & par confequent les demi-cercles pofes en lueme lens. M.iintenant il s'agit de favoir pourquoi dans les mouvemens fimultants dc decrire les deux demi cere'es, on Its decrit naturellement & facilement a contre lens l'un de l'autre, & avec peine feulcment & par effort en meme lens. Le plus oil moins de facilite ne merite pas le 110m de pheno- nienc , & quand on eft dans le cas de sen appercevoir, on ne daigne pas s'y arreter pour en rechercher la caufe; il y en a une cependant, & li on veut la trouver, on reconnoitra bien par le rravail qu'il en coiitera > qu'ella etoit digne de l'attention du philofophe. M. Window l'a decottverte & expliquee en dstatl dans un favaut memoire. La voici en fubftance. Dans la defcription forcee , les deux mains font toujours paralleles ; dans la defcription naturelle , elles ne le font jamais ; d'ou il fuit que , dans ces fortes de mouvemens en general , les deux mains tronvent plus de facilite , ou ont line difpofition naturelle a ne pas garder le paralle- lilme entr'elles. Les mains ne font que les inftrumens apparens de ces mouvemens , les vrnis ce font les nerfs qui ont ran en meme temps la main drcite & la main gauche, & par confequent i!s n'agiffoient pas pa- rallelement l'un a l'autre , du moins avec facilite. Celt que reellement ils ne font pas paralleles l'un a l'autre dans ces mouvemens. lis agiffent cnfemble , & pour cela il faut qu'ils aient line origine commune. Mais etant partis de cette origine commune, ail-lieu d'etre paralleles, ils vten- nent a fe croifer oii ils pouvoient ctre paralleles , ils vienncnt a fe croi- fer , ce qui les met abfolument hors du parallclifme. C'cft un fait prouvc par les recherches anatomiques de M. Window fur le croifement des nerfs qui agiffent dans ces circonftances , croifement deja connu & bien e.tabli par d'autres grands anatomiftes. Nous n'appliquons ce principe qua un des plus fimples de ces mou- vemens iimultancs , qui font plus aifes d 'une facon que d'une autre. M. Window le retrouve encore dans d'autres cas plus compliques ; mail j ji ABRIDGE DES ME MOIRES i mi 1- retrouvera-t-on toujours par-tout , & dans tons les fujets ? II y fera peut-etre fans fc laiffer appercevoir affcz furement, peut-etre fera-t-il melc An a t o m i *-avec qiiclqu'autre principe encore inconnu. Ceux qui out les plus gran- Annie 1738. des connoilfances , font les plus perfuades qu'il leur en manque toujours bcaucoup. OBSERVATION ANATOMIQUE. S u r la Rate. XVJlh. LieutAUD, medecin a Aix & correfpondant de 1'academie,' a obferve que la rate n'a point de groffeur determinee , & toujours a peu pres la nieme. II a trouve, & fur l'homme & fur plufieurs animaux vivans, que le volume de la rate depend de l'eftomac plein ou vuide; s'il eft plein , il la preffe & la refferre-, s'il eft vuide, il lui permet de s'etendrc. Ainfi e'eft dans un meme fujet que la groffeur de la rate va- rie felon la circonftancc de l'eftomac plein ou vuide , & d'un fujet & un autre , il y a toute apparence que cette groffeur ne varie pas plus que- celle des autres parties. Quand l'eftomac eft vuide , le fang fejourne davantage dans la rate , qui eft alors gonflee , & y devient moins coulant , & enfuite a mefure que l'eftomac, qui fe remplit, comprime la rate, ce fang eft chaffe avec force dans la veine fplinique , devenu plus propre a la fecretion de la bile , parce qu'il a acquis plus de denlite en fejournant dans la rate. M. Lieutaud tire les memes confluences par rapport aux veines me- fenteriques, & aux autres veines dont la reunion fait la veine-porte. DE LA CIRCULATION DU SANG DANS LE FCETUS, MT Z> V PREMIER E T PRINCIPAL USAGE D U T R O U O V A L E. L A queftion de la circulation du fang dans le fcetus a occupe I'acade- mie des fon renouvellement en 1699 •, & en confultant les premiers vo- nn e ij^g. jl]mes je notre collection academique , Ton verra quelle a continue d'e- tre agitee dans les annees 1701, 1703, 1717 & 1725. Cependant elle etoit encore indecife. Peut-etre parce que le point decifif avoit echappe k la fagacite des favans anatomiftes qui l'avoient difcutee. Dig. M. Lemfry reprend aujourd'hui toute cette matiere abandonnee pref- que par laffitude, & il veut la faire envifager d'un nouveau point de vue, d'oa ! DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 557 cfod clJe n'a point encore etc conlideree, & qui eft cependant le plus 11a- turel , & le plus propre a la .mettre dans fon veritable iaur. A n j-/t* ir ' -\ a >■■ .' 1 r n- An ATOM] II nc dillimule pas quil eic entierement porte pour le iyfteme ancien Sc commun qui fait pafler le fang de droite a gauche dans le cccur du fee- Annie : tus. Soit que le fang tieane cette route, ou la route contraire, ainli que lc prctendoit feu M. Mcry , il eft certain que cette circulation eft extraor- dinaire, qu'ellc n'eft pis dans le foetus, & n'eft fondec que fur cc que le fectus nc refpire point. Selon le fyfteme commun, ce defatit de respira- tion fait que les veficulcs du poumon , deftinees a etre remplies d'air dans 1'adnlte, ne I'etant point dans le foetus, demeurent afiailees & applaties, ue les vaifleaux fanguins qu'clles devroient par leur gonrlement tcnir fut-r famment fepares les uns des autres, & affez ouverts pour recevoir aife- ment le fang, font dans le meme ctat d'atFaifement ou elles font, o; qu'enfin la nature a du epargner a une grande partie du fang une circulation trop difficile ou alors impolTible au travers du poumon , ce qui emporte que le lang paffera du cote droit du cceur dans le gauche. Selon le iyfteme de M. Mcry, ce mime defuut de refpiration dans le fectus fait que tout fon fang eft moins rempli, moins anime d'air, moins propre a etre pontic par le cccur dans tout le corps, & la nature en le faifant paffer du core gau- che du cccur dans le droit, lui epargnc en effet beaucoup de chemin , & a egard a ce qu'il lui eiit etc alors ou trop difficile ou impoflible d'en hire davantagc. Voila l'idee generalc des deux fyftcmes aifez exactement compares, & U eft aife d'en conclure que le- premier a de 1'avantage fur le fecond. Le premier fatisfait a deux vues , & le fecond ne fatisfait qu'a une. Non-feulement le fang du foetus n'eft pas affez impregne d'air pour etre aifement poufle par le cccur & diftribuc dans tout le corps, mais de plus le poumon en particulier fe trouve,faute d'une affez grande quantite d'air, hors d'etat de recevoir dans (es vailieaux affez de fang. Le premier fyf- teme audi bien que le fecond diminue & facilite la circulation generale du fang par tout le corps, mais le fecond ne confidere nullement cellc qui fe fera par le poumon, quoiqu'elle ait bjaucoup plus de difficulte, & une difficult*; qui n'appartient qu'a elle. Dans 1'un & l'autre fyfteme, tout.l'air qui eft dans le fang du fcetus, lui vient de la mere par la veinc ombilicale, qui jette dans la veine-cave du fcetus 11:1 fang anime de fair que la mere a refpire. Ce pafiage de la veine ombilicale dans la veine-cave du fectus fe fait par le moyen dun canal de communication , appelle yeineux , tire exprcs par la nature, & qui ne fublifte que dans le-fcctus. Si eet air venu de la mere peut bien fuftre au fang du fectus pour le mettre en etat d'etre poulfe par le cccur dans toutes les parties ou il ne trouvera qu'une foible refinance , mais non pas dans le poumon ou il en trouveroit une tres-grande , le fecond fyfteme ne repond rien a cette difficulte, quoique tres-conliderable , &; le premier la previent. II ne paroit pas que l'embarras du poumon & rartairTement ou il doit etre par rapport a toutes les autres parties du corps, ne doi- vent etre ici comptes pour rien. Tome VIII. Partie Francoife. Vt 538 ABRkE DES MEMOIRES II p.iroit raerae au contraire que cet embarras & cet affaiffement doi- vent etre l'unique caufe de la circulation extraordinaire du fang dans Is A n a t o m i e. fg.f^ Lorfqlle tout ce fang lui eft venu de la mere , il etoit certainement Slnne'c if 19. allez anime d'air pour pouvoir penetrer jufqu'aux extremites du corps de la mere les plus eloignees. II eft intercepts en chemin , & verfe dans la veine-cave du fcetus, & il left meme par un chemin abrege, ce qui le fait arriver plus promptement & fans avoir rien perdu de fon air. II va pene- trer egalement dans toutes les parties du corps du foetus , pourvu qu'elles foient toutes egalement difpofees a le recevoir. Mais il eft bien fur que celles du poumon ne font pas autant que toutes les autres dans l'etat oil dies pourroient etre, & ou elles feront un jour pour le bien recevoir, il leur manque d'etre gonflees & tenues dans une certaine extenlion par un air que le fcetus lui-nieme eut refpire, & cette condition ne manque qua elles, puifqu'elles en font feules capables. Cependant il eft bien fur audi que le poumon du fcetus recoit du fang, car il croit toujours , & ce ne pent etre que par des fucs nourriciers que le fang y depofe •, mais il eft aife de comprendre que le poumon ne re- coive qu'autant de fang qu'il faut pour cet effet , & non pas autant qu'il en recevroit fi les paflages y etoient plus Iibres , la Ienteur meme du mou- vement du fang aide alors a la depolition des fucs nourriciers. Mais, pour ne s'en pas tenir a cette idee qui ne feroit pas affez exade, il eft bon de remarquer que les parties du corps ne font pas nourries par les gros vaiffeaux qui y coriouifent le fang en les traverfant , mais par de plus petits vaiffeaux qui s'y terminent. Les gros font de grands chemins ou le fang ne fait que paffer rapidement, les petits font des lenders etroits ou le fang detoume & ralenti laiffe des fucs nourriciers qui s'y attachent. Ainfi le cceur n'eft pas nourri par le fang de fes oreillettes, de fes ventri- cules, ou des gros vaiffeaux fanguins qui y aboutiffeiit, ou en fortent, mais par celui de l'artere coronaire ou cardiaque , vaiffeau beaucoup plus petit , & qui lui eft particulier. De meme le poumon n'eft pas nourri par le fane de l'artere pulmonaire, mais par celui de la bronchiale^ Dans le fcetus le poumon recevra beaucoup moins de fang a proportion que les autres parties du corps, mais il ne laiffera pas de fe nourrir a proportion des autres parties par le moyen de l'artere bronchiale , qui contient tou- jours fa quantite de fang independamment de l'artere pulmonaire. Venons a un troilieme fyfteme qui conlifte a admettre les deux autres en les conciliant. Mem. Comme le fang, dans l'opinion ancienne, paffe de droite a gauche, & dans celle de M. Mery, de gauche a droite par cette ouverture-, fui- vant le troilieme fyfteme, le fang des veines pulmonaires & celui des vei- nes-caves fe rencontrant fans impetuofite dans les deux oreillettes a la fa- veur du trou ovale qui s'ouvre dans Tune & dans l'autre, ces deux fangs s'y melent reciproquement dans leur diaftole, & par-la deviennent une maffe unifortne & egalement ranimee des parties aeriennes contenues dans le fang qui vient de la veine ombilicale : cette lrull'e ainli mixtionnce fe DE L'ACADEMIE ROYAIE DES SCIENCES. 339 partnge, dit-on, dans la fyftole des oreillettes felon la proportion quel- ——»—■—» conquc des capacites pour etre poulfee par les deux ventriculcs comme . par un feul, & pour etre uniformement diltribucc par l'artere pulmonaire, NATOi"H' par le canal de communication , & par l'aorte, comme par un feul tronc Annie Z7?q. arteriel, a toutes les parties en general. Mais de ce que les liqueurs leringuecs, 1'air fouffle, paflent egalement de droite a gauche, & de gauche a droite par le trou ovale, s'cnluit il que dans letat nature! ce trou domic a la fois & dans le meme temps, E adage au fang dc l'oreillette droite dans la gauche, & a eclui de i'orcil- ;tte gauche dans la droite J Car, 1°. li les deux fourccs qui fourniffent du fang aux deux oreillettes, rcmplilfent egalement & en entier de part & d'autre leurs cavites, comment le iang de l'une & celui de l'autrc paf- feront-ils a la fois par le meme trou dans deux fens dirrerens ? ne fe barre- ront-ils pas reciproquement le pafiage? Et li Ton luppofe qu'ils paffent al- ternativement , l'un de droite a gauche, & l'autrc dans l'inltant iuivant de gauche a droite, comment celui qui fera effort pour aller de droite a gauche, y trouvera-t-il place, li tout y efl: aulll plein que dans l'oreillette a laquelle il appartient J Tout ce que pourront take ces deux fangs , ce fera de fe repoulfer, oil de fe fermer mutuellement le palfage dans leur oreillette particuliere; du moins s'il fe fait alors quelque melange, ce ne (era tout au plus que de quclqucs parties qui (e trouveront a l'entree du trou , & ce melange , qui ne penetrera pas bien avant de part & d'autre, ' pourra etre compte pour rien. 2°. Si l'on fuppofe , comme on eft en droit de le faire , que l'une des deux lources d'oii part le fang de chacune des oreillettes, beaucoup moins riche & moins abondante que l'autre, n'envoie a chaque puliation dans Ion oreillette, qu'une petite quantite de fang inlulhfante pour le diametre du ventricule que cette oreillette a a remplir ; & li l'autre fource fait tout le contraire , li pendant la diaftole de fon oreillette , elle y porte aflez de fang pour la remplir , & meme pour la faire regorger par le trou ovale dans l'autrc oreillette; dans ce cas le fang des deux oreillettes ne patTera point a la fois de droite a gauche , & de gauche a droite : cet echange egal de part & d'autre n'aura point alors de lieu dans les deux oreillettes, les deux fangs ne fe melcront que dans celle qui fera la moins pleine , qui par la, & par la plenitude de l'autre, n'y fera, & ne pourra y faire rien paffer du lien , de maniere quelle en recevra feulement ce qui y arri- voit de trop & ce qui lui manquoit pour remplir fa capacite, & enfuitc celle de fon ventricule, enfin cette fuppolition rentrera 011 dans l'opinion commune qui ne fait paffer du fang que de droite a gauche par le trou ovale, ou dans celle de M. Mery , qui n'en fait paifcr par la meme ou- verture que de gauche a droite. Par confequent pour l't;tabliiTement & la prcuve du troilieme fyfteme fur l'ufage du trou ovale a l'egard du fang des oreillettes droite & gau- che, il raudroit 10. fa;ie voir comment & dans quels cas, dans quelles proportions de fang des deux oreillettes; l'echange dont il s'agit, s'y peut faire , & pent etre aliez ctendu & ailez compkt pour meriter qu'ou \' v i] 34o ABRfiCf D E S M E M O I R E S i y faffe attention. 2°. Comme les deux premiers fyftemes n'admettent le paifage du fang que de droite a gauche, ou de gauche a droite, & qu'ils A n A t o m 1 £. Contrarient par-lh formellement le troiiieme fyfteme qui les admet tous _^,:r:e ;7,n deux en meme temps, il faudroit prouver encore que les deux fyftemes font, & par ou ils font igalement rejettables, & qu'aucun d'eux n'eft ii bien d'accord que le troiiieme avec l'etat d'aftaiffement des poumons , avec le diametre ditlerent des deux ventricules du cceur , de l'artere pulmo- naire & de 1'aorte, & enfin avec tout ce qu'on obferve de particulier fur h fccttis , & fpecialement fur ce que le trou ovale diminue, ou plutot far ce qu'il n'augmenfe pas a proportion des autres parties du cceur , & de la quantiti de fang qui aborde de plus en plus aux oreillettes , & qui en rend la capacite plus grands; car plus le trou ovale eft petit par rap- port a la quantite du fang qui arrive a chaque oreillette, moins le me- lange dont il s'agit, pent fe faire , & li ce melange eft neceffaire aujee- tus, il ne left pas moins dans un temps que dans un autre, & par con- fequent il fembleroit qu'il devroit toujours (e faire egalement en tout temps. I/autcur du troiiieme fyfteme fur le trou ovale paroit avoir evite foi- gneufement d'enrrer dans les details qui viennent d'etre marques , il fe recrie meme fur ce que M. Mery s'attache trop a la difference des vaif- feaux, des ventricules & des oreillettes. Mais ne pourroit-on pas lui re- procher a jufte titre d'avoir un peu trop neglige l'examen du diametre de ccs parties, & fpecialement du trou ovale? Car, i°. quand apres avoir expofe le melange reciproque d'une portion de fang de loreillette droite paitee dans la gauche, & d'une portion de fang de l'oreillette gauche paf- fee dans la droite, il dit que la malTe du fang des deux oreillettes ainii melee, fe partage dans la fyftole des oreillettes felon la proportion quel- conque des capacites, ne fembleroit-il pas par cet enonce, que le ventri- cule droit, dont la capacite eft plus grande que celle du ventricule gau- che, determine par-la les oreillettes a lui envoyer plus de fang qu'au gau- che? Du moins n'en allegue-t-on point d'autre caufe, qnoiqu'il foit no- toire que le fang moule fes vailTeaux , & que ce qu'on remarque de diffe- rent dans le diametre du tronc de l'artere pulmonaire & de celui dc 1'aorte, & dans celui des deux ventricules du cceur du icetus, n'eft dd qu'a la quantite de fang difterente qui traverfe ces parties, oil qui y fe- journe; aufli toute cette difference s'evanouit-elle dans l'adulte, e'eft-a- dire, lorfqu'il y pafle une egale quantite de fang. 2°. Puifque ce n'eft point parce que le ventricule droit & l'artere pulmonaire ont plus de ca- pacite que le ventricule gauche & 1'aorte, qu'il va moins de fang dans les uns , & plus dans les autres , mais que e'eft au contraire parce qu'il fe porte ou qu'il fejourne plus de fang dans les uns & moins dans les autres,1 que les uns ont plus de capacite , & que les autres en ont moins; il eft d'autant plus effentiel de favoir ce qui determine le fang a former les dif- ferences dont il s'agit, que la fonction du trou ovale tient naturellement a ces differences, & cela par le paiTage qu'elle donne an fang de droite a gauche , ou de gauche a droite : aufli le fyfteme de M. Mery n'eftii ap- twye que fur cette difference, dor.t le fyfteme eft la confequence bien ou N A T O M 1 E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 341 rial tiree, &: ['explication. Et li Ic fenthncnt ancien n'eur pas ete en etat ' dc rendre raifon de ces memcs differences, a fi rbaniere, c'cft-a diro , par une voie difrcrentc de cclle de M. Mery, ce defaut d'explication n'eiit pas manque de feire tort a (a vraifemblance. Annie ?-?o. Pourquoi done lc fyfteme de M. Winilow ftibiiftcroit-il independam- ment des manes preuves , & feulemeot Inr la fimple cxpolltion de l'ufigc qu'il attribue au trou ovale , & qui n'a d'eutre fondement que l'cxpc- rience- connue du paffage d'une liqueur ou de 1'air de droite a gauche, 011 de gauche a droite all travers de ce trou ? A ce compte , l'ancien fyfteme & celui dc M. Mery avoient naturellement pour eux le meme fondement, du moins auroit-on oppofe mal-a-propos a l'ancien fyfteme, que le fang ne pouvoit paller de droite a gauche par le trou ovale, ou .111 fyfteme de M. Mery, que le fang ne pouvoit paller de gauche a droite par le meme trou. Cependant on ne s'en eft pas tenu a la fimple expofi- tion des ulages qui leur avoient eti fuppofes, on a cherche a raire qua- drer ces% ufages avec les faits qui avoient rapport a la fonction du trou ovale. A l'egard des parties aeriennes pour Iefquelles le troifieme fyfteme fait m.lcr le fang de l'oreillette droite avec celui de 1'oreillette gauche, fi Ton conlidere que , fuivant le premier fyfteme , il paffe affez pen de fang par les poumons , & que ce qui y a parte le mcle dans l'oreillette gauche avec une quantite de fang fort iiiperieure a la iienne, & nouvellement arrivee du placenta , e'eft-a-dire , autant chargec de particules aeriennes qu'elle pent 1 'etre , on verra que pour ranimer le fang revenu des poumons par des parties d'air, il etoit inutile d'imaginer un nouveau fyfteme trcs-infe- rieur au premier du cote de la vraifemblance. En voila affez fur les trois fyftemes du paffage du fang par le trou ovale ; il eft temps d'en venir a la decouverte que M. Lemery a faite du premier & du principal ufage du trou ovale , & de quelques autres par- tics qui font particulieres au fectus , ou qui ont dans le foetus un ufage particulier. C'eft ici le point decilif de la queftion , qui ne laiffe plus guere de lieu a l'incertitude , li meme il y en laille encore. Jusqu'a prefent ceux qui ont traite de la circulation du fang dans le fee- Hifi. tus , ne font confidence que dans le foetus tout forme , & oil elle ctoit deja toute etablie. Mais M. Lemery la prend de plus loin , il remonte jufqu'a l'ceuf , jufqu'a 1'embryon qui commence a fe former. C'eft de la certainement que partiront de premieres determinations , qui influeront beaucoup fur tout le reftc du mechanifme de l'animal. Tons les phyliciens conviennent aujourd'hui que l'animal eft deja tout forme dans l'ceuf, mais extremement en petit, comme la plante dans fa grairie ou lemence , .• • ,- . r •. ' line plus grande quantitc, & toujours ainh de luite. Annie 17 3$- ^e developpement eft (ucceffif, non-feulcment parce que tous les ca- naux du fcetus n'acquierent que par degres & peu a peu l'extenlion qu'ils doivent avoir , ce qui eft evident , mais encore parce que tous les ca- naux n'acquierent pas en meme temps leur premiere extension. Ceux qui s'offrent avant les autres au lang venu de la mere , doivent s'ouvrir & fe dil.iter plutot. Le placenta , qui eft une efpece de refervoir d'ou le foetus doit tirer toute la matiere de fon accromement , eft une partie de l'ceuf qui s'eft developpee la premiere , & avant que le foetus tut en erat que du fang y put circuler. Mais des qu'il eft en cet etat, quel chemin tiendra le fang qui va y aborder ? II n'y en a qu'un , e'eft celui de la veine ombilicalc qui ayant ramaffe d'abord, & enluite diftribue dans les dirrerentes ramifi- cations du placenta , tout le fang venu de la mere , le porte au foetus. Cette veine le decharge par le canal veineux dans la veine-cave du foe- tus, gros vailleau par rapport aux autres, & cette veine, plus groffe du cote du coeur du foetus que par-tout ailleurs, le jette naturellement de ce cote-la , & jufques dans 1'oreillette droite de ce cccur ou elle aboutit. Cette oreillette , obligee a fe dilater pour recevoir ce lang, fe contrafte enluite par fon reffort , & e'eft la fa premiere fiftole , par laquelle elle envoie le fang dans le ventricule droit qui lui repond. Nous n'avons pas prefentement a fuivre cela plus loin. La cloifon qui fepare les deux oreillettes du cceur eft percee dans le foetus par ce trou ovale qu'une longue conteftation a rendu ll fameux. Les deux oreillettes communiquent done alors enfemble , & n'en font qu'une, li Ton veut. II faut que le fang recti dans 1'une paffe auffi-tot dans l'autre j & comme il vient bien certainement de 1'oreillette droite , il ne peut aller dans l'autre qu'en allant de droite a gauche , ce qui decide abfolument la queftion prefente. Cette -direction du mouvement du fang neceffaire- ment etablie des la premiere origine de ce mouvement, ne changera plus , a moins qu'il ne furvint des accidens bien linguliers. Apres qu'on a remarque que le fang arrive & ne peut arriver pour la premiere fois au fcetus que par le cote droit de fon coeur, & qu'il peut & doit meme paffer de la immediatement dans le cote gauche, au moins en partie , il n'eft plus poffible d'imaginer qu'il aille jamais de gauche a droite. La fource eft a droite , & il n'y en a point a gauche. Le coeur etant le premier moteur, le principe de la circulation, il eft important que le fang arrive a celui du fcetus le plutot qu'il fera poffible. Dans cette vue la nature a fait le canal veineux qui n'eft que dans le foe- tus, & qui de la veine ombilicale, porte le fang dans la veine-cave du fcetus a peu de diftanee de fon coeur. Si , lorfqu'il eft recu dans 1'oreil- lette droite , il n'y trouvoit point le trou ovale , cette oreillette , en fe contraclant , ne pourroit que le pouffer tout entier dans fon ventricule , de la dans l'artere pulmouaire, dans les veines du poumon, dans l'oreilletic DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 34, gauche , &c. circulation bicn conftante dans l'adulte. Mais quelqucs diffi- culty, ou meme impoffibilitcs , s'y oppoferoient. Le poumon n'eft pas en etat de recevoir tout le fang qui lui feroit N A T ° M ' apporte. II eft vrai que nous concevons jci que d'autrcs parties le rccoi- Annce 1730. vent bicn, telJe eft 1'oreillette droite, la premiere qui en ait recu & qui s'eft developpee en lc recevant , tel eft le ventricule droit. Mais il faut renurquer que le poumon eft la feule partie, qui pour ctre dans toute l'ex- tenlion quelle pcut avoir , ait befoin d'un fecours etranger , de celui de l'air, qui s'inlinuera dans fes reticules uniquement deftinecs a le recevoir. Or ce fecours manque abfolument au poumon du foetus , qui ne pent done recevoir du lang que comme toute autre partie en recevra, mais non pas autant qu'il en recevroit dans l'adulte. Ainli la circulation ne pent pas fe faire dans le fcetus precifement comme dans l'adulte. Le cceur a deux oreillettes a chacune defquelles repond un ventricule. Quand une oreillette eft dans fa dilatation ou diaftole, elle recoit le fangj & au moment fuivant elle le pouffe par fa contraction ou fyftole dans fori ventricule. La diaftole & la fyftole font perpetuellement alternatives dans chaque oreillette , mais la diaftole de l'une fe fait en meme temps que celle de l'autre , & il en eft de meme de leurs fyftoles. C'eft ce mouve- ment egal & regulier qui fait la vie , & il doit avoir commence par etre dans le' fcetus tel qu'il few toujours enfuite dans l'adulte. S'il n'y avoit point de trou ovale, le fang n'etant recu que dans 1'oreillette droite, cette oreillette feule fe mettroit en fyftole pour le poulTer dans fon ventricule, & il feroit inconcevable que ce fang arrive au cote gauche aprcs avoir traverfe le poumon qui etoit prive d'air, extremement affbibli par un paf- fage li penible, eut encore la force de s'ouvrir 1'oreillette gauche, & d'y entrer avec affcz de viteffe pour la mettre autant en reffort qu'il y avoit mis 1'oreillette droite a ia premiere arrivee. On voit affez que par le moyeii du trou ovale, le fang qui eft arrive a I'orcUlette droite, fe trouve en meme temps dans la gauche , que par confequcnt les deux oreillettes fc mettent enfemble en fyftole , d'ou fuit tout le refte comme dans l'adulte. M. Lemery infifte beaucoup fur les inconveniens qui mirroient de ce que le premier fang ne feroit pas recu en meme temps dans les deux oreillettes. Le cote droit du cceur feroit done developpe, feroit vivant, pour ainfi dire, avant le gauche, & pareillement , toutes les parties qui appartien- •nc nt au cote droit , qui en dependent. Le poumon , qui en eft la princi- pale, feroit cntierement developpe, tandis que le cceur ne le feroit qu'a moitie, & cependant le poumon qui, faute d'air, n'a point de fbniUdn dans le fcetus , y eft beaucoup moins important que le cceur, qui y eft toujours, auffi-bien que dans l'adulte, le maitre reffort. L'aorte eft 1'artcre qui porte le fang dans toutes les parties du corps pour la circulation generale , car l'artere pulmonaire ne fait cet office que pour le poumon en particulicr. L'aorte part du cote gauche du caur , & le divife d'abord en deux grofles branches principals, l'une afcendahte pour les parties fuperieures , l'autre dcfcend.inte. Dans le temps ou il n'y 3+4. A B 11 £ G IS D E S MEMOIRES auroit que ie cote droit da cceur da foEtus qui fiit Jeveloppc , l'aorte \ m*i i defcendante recevroit da fang par le canal artiriel, qui l'auroit, pour ainll dire, derobe a 1'artere pulmonaire , mais l'aorte afcendante ne recevroit Annie IJ39- point de fang. Ain!i lcs parties inferieures fe developperoient plutot que les fuperieures. Et dans le fait c'eft precifement le contraire. Le haut du corps eft forme avant le bas, la tete beaucoup plus groffe a proportion que le refce , & d'autant plus groffe que le fcetus eft moins age. On a deja vu que les parties du corps ne font pas nourries par les gros vaiffeaux fanguins qui les traverfent, mais par de plus petits qui s'y ter- minent. Le cote droit du cceur fera developpe , etendu par le fang qui y aborde, mais comme il y en aborde fans ceile qui l'oblige a s'etendre de plus en plus, l'extenfion feroit bientot trop violente , & la ftru&ure du cceur ne la pourroit plus foutenir. II faut done , puifqu'il ne fe detruit pas, qu'il acquiere en meme temps la force qui lui eft neceffaire, & cette torce il ne la peut acquerir qu'en devenant d'une confiftance plus folide & plus ferme , en fe nourriffant. Or , le cceur ne fe nourrit que par Tar- tere coronaire, rameau de l'aorte, qui ne part que du cote gauche, & par conft-quent n'a pas ete prive de fang. La raifon de 1'afFaiffement du poumon , qui etoit la feule que Ton eut trouvee jufqu'a prefent pour le paffage du fang de droite a gauche , fub- fifte toujours , mais ellc n'eft plus la feule , & Ton voit qu'il y en faut ajouter pluiieurs autres, qui determinent encore plus precifement 8c plus furement la neceffite de ce paffage. On fait que le trou ovale diminue toujours a mefure que le fcetus croit, & qu'enfin il fe ferme entierement dans l'adulte, plutot, ou plus tard. La caufe de ce phenomene faute aux yeux. Le poumon dans les premiers com- mencemens eft entierement affaiffe , l'artere pulmonaire n'y peut prefque pas pouffer de fang, ni par confequent en recevoir du ventricule droit, ni ce ventricule de l'oreillette droite qui eft la premiere fource. II fe fait done un regorgement dans cette oreillette, & une grande partie du fang quelle contient eft obligee d'en fortir par le trou ovale; ce fera, fi Ton veut, une moitie de tout le fang. S'il continue toujours d'en fortir une moitie, elle aura toujours befoin d'une ouverture de meme grandeur, & entretiendra celle du trou dans cette grandeur egale. Mais ii 1'afEiiifement du poumon diminue, comme il le doit neceffairement, quoiqu'encore fans air, s'il devient plus aife a penetrer par le fang, alors le regorgement du fang dans l'oreillette fera moindre, il n'en fortira plus que le tiers, enfuite le quart, & ces quantites toujours naoindres nayant pas befoin d'ouvertures li grandes pour fortir, permettront au trou ovale de di- minuer toujours. Car il faut fuppofer qu'il y tend fans ceffe , puif- qu'enfin il fe ferme. La mechanique n'en eft pas difficile h expliquer, & elle l'a ete. Jufqu'ici pour eviter de compliquer les idees fans une neceffite abfolue, nous n'avons point parle d'un fait qui appartient a la circulation du fang dans le foetus, & auquel il paroit que lcs phyficiens n'ont pas fait beaucoup d'attention. Nous E DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 345 Nous avons toujours fuppofe que la vcinc onibilicale fe dechargcoit par 1^==^^= le canal veineux dans la veine-cave du fottus, cela eft vrai, mais ce neft A n a t o m I e. pas tout lc vrai , la vcine onibilicale fe decharge immediatement dans le (inus de la veine-porte du fcetiu, ou le fang quelle contient fe partage en Annie i~ 33- deux portions inegales, la plus forte va par le canal veineux dans la veine- cave, l'autre fe rend dans le foie. On a affez vu a quoi etoit deftinee la remiere portion, mais quel eft l'ufagc, & en quelque forte l'intention de a feconde:- II tomberoit d'abord dans l'efprit que li la premi?re va deve- lopper le ca-ur, la feconde va developper le foie, mais lc developpement du cceur eft beaucoup plus prciTe que celui du foie, & pourquoi la nature donneroit-elle cette preference au foie fur taut d'autres parties qui n'eii etoient pas moins dignes i M. Lemery repond affez amplement a cette diftlculte , qui n'avoit point encore ete traitee ; voici l'effentiel de L reponfe. Dans le developpement du fcetus, les arteres doivent precedcr les veines, parce que les arteres font les premiers vaiffeaux ou le coeur pouffe le fang, & ou il le pouffe avec le plus de force, & que les veines ne le peuvent recevoir enfuite que fort ralenti. De plus, les arteres ou des rameaux d'arteres nourriffent toutes les parties & par-la font plus importantes que les veines, car la caule me- chanique & la caufe finale s'accordent toujours. Or tous les phyficiens con- viennent que la veine-porte, quoique veritablement veine, fait la fonc- tion d'artere a l'egard du foie, & que nulle autre veine du corps n'eft dans ce cas-la. Par confequent la veine-porte a du etre privilegiee, & traitee corame artere par un developpement aufli avance que celui des autres. Si les lumieres qu'on vient de repandre fur la queftion de la circula- tion du fang dans le foetus pouvoient enfin la terminer, cet exemple aide- roit a prouver que les plus longues conteftations des philofophes ne font [ias pour cela de nature a ne finir jamais , & qu'au-lieu de leur reprocher eurs incertitudes, il faudroit les louer de la fage patience avec laquelle ils attendent les clartes neceffaires. OBSERVATIONS ANATOMIQUES. u. / n charpentier du port de TOrient, age de trente-fept ans, etant fur un echafaud, la fonnette fut renverfee par la pefanteur du mouton, & le ranchet lui tomba fur la tete. La moitie du coronal , les deux parietaux & prefque tout l'occipital furent depouilles du cuir chevelu & du peri- crane , la peau totalement enlevee, & le tout fe trouva dans le chapeau du bleffe. Une feconde plaie , large d'un police , occupoit la partie moyenne & inferieure du coronal au cote droit, & divifoit la paupiere fuperieure en deux parties avec line fradture fenlible du coronal. La partie fuperieure de l'os du nez etoit ecrafee, & cette fradure etoit compliquee d'une plaie Tome VIII. Partie Franfoife. Xx 54<5 A B R E G £ DES M £ M O I R E S mtmm j | qui penetroit jufqu'aii vomer. II n'y avoit de fracture que celle-Ia & celle du coronal. On ne remarquoit aucun fymptome d'epanchement dans le A n a t o m i e. cerveall# cet accident arriva le 15 o&obre 1758. Annie 1139. M. du Fay, medecin de l'hopital de la compagnie des Indes a l'Orient, & qui a ecrit cette relation a M. Geoffroy, eut trcs-mauvaife opinion de letat de ce pauvre homme, il lui fit faire d'abord des (aignees revullives, le mit a line diete tres-rigoureufe , & le traita non-feulement felon toutes les regies de l'art , mais avec toute l'attention neceffaire a l'application des meilleures regies. Nous fupprimons tout ce detail de la cure, pour ne donner ici que ce qu'il y a eu de plus fingulier. Le malade fut toujours fans fievre. Seulement les changemens de temps lui caufoient de vives douleurs , fuivies quelquefois d'infomnies & de perte d'appetit. Des le neuvieme jour, on commenca a voir Ntabliffement d'une bonne fuppuration. Quelques jours apres, de petites portions du pericrane fe fe- parerent. A chaque panfement, M. du Fay voyoit fe repandre fur toils les os decouverts, une rofee qui dura pendant deux mois. Pendant tout le temps que la plaie du nez fut ouverte , il en coula une matiere pituiteufe melee d*un fang noiratre , mais la plaie ayant ete reunie au bout de fix femaines, le meme ecoulement prit la route du palais, & le malade cracha ce qui fortoit de cette plaie du nez. Le 14 mat 1759 tout etoit fini, toutes les plaies cicatrixes. Le cuir qui avoit ete abfolument enleve , comme il a ete dit , fe reproduifit de lui-mcme, ce qui feroit deja affez etonnant, mais ce qui l'eft encore plus, cette reproduction ne fe fit que du cote de i'occipital ; les panies qui le recouvrirent, fe prolongeoient en patte d'oie, & peu a pen s'etendirent fur les parietaux, I'occipital & le coronal. I I. Mr. di la Borderie, dodleur en medecine, & de l'academie des belles-lettres de Touloufe , a ecrit de Montargis a M. Window, la rela- tion du fommeil extraordinaire d'une femme de la paroiffe de Saint-Mau- rice fur Lauron. Elle a vingt-fept ans, mariee depuis le 21 avril 1738, avec un homme qui en a foixante , & elle a vecu avec lui fans aucune indifpofition jufqu'au 21 juin de la meme annee quelle s'endormit pen- dant trois jours fans s'eveiller , & fans qu'on la put eveiller de quclque maniere qu'on s'y prit. Elle s'eveilla enfin naturellement, demanda aufli-tot du pain, & fe rendormit en le mangeant, au bout de cinq oil fix minutes. Ce fecond fommeil dura treize jours entiers fans quelle mangeat, ni but, ni fit aucune evacuation, a la referve de fes regies, qui lui furvinrent bien conditionnees. S'etant reveillee, elle ne le fut a peu pres qu'autant quela premiere fois. Elle mangea encore du pain , fatisfit aux autres befoins naturels, & fe rendormit, mais feulement pour neuf jours, car on croyoit que le fommeil iroit toujours en augmentant. Enfin , pendant tout le refte de 1738 j fa vie n'a ete qu'une alternative continuelle & bizarre de DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 547 Ibmnuils exceflivement longs, & de veillcs trcs-courtes & trrs-Hifprnpnr. ^^— — — tionnees. Le moindre fommcil a ete de trois jours , & le plus long dc A n a t o m i i trcize. La plus Iongue vcillc a etc de demi-hcure, (1 on en exccpte deux, J' une de trois heurcs, 1'aulre de vingt-quatre , celle-ci aprcs avoir pris Annie IJ2$. l'cmetique, & avoir ete faignee du bras & du pied. Son fommeil eft li profond, que M. de la Bortlerie ne pouvoit pas 1'en tirer en lui chaurfant les doigts des mains prefquc jufqu'a les brulcr. Du refte , ce fommcil eft extremement doux & naturel , nulle agitation , nulle chaleur extraordinaire , la refpiration tres-libre , le pouls regie , tneme avec une certaine force, la couleur du vilage point alteree, une petite moiteur comme dans l'etat de fante. II femble feulement qu'il y auroit la quelque leger commencement de cataleplle ; car , quoiqu'en ge- neral les membres de la malade n'euffent point de roidcur , les bras , quand M. de la Borderie les avoit rcleves, paroilToient difoofes a fe tenir long-temps dans cette firuation , & il falloit qu'il les lui nechit pour les faire rebaifler. Elle ne devient point plus maigre. Depuis qu'elle a pris l'emeiique , elle fe plaint d'un grand mal d'efto- mac, qu'elle fent qu3iid elle fe reveille , & de plus, fes regies, qui avoicnt toujours paru tres - periodiqucment , font fupprimees. Julqu'a prefent, l'academie n'a rien fu de ce qui lui eft arrive en 1759. I I I. Une femme de Franche-Comte etant accouchee fort heureufement de fon lixieme enfant en 1 7 j 1 , fentit quelques jours aprcs fes couches , une douleur, mais fort fupportable, dans la region hypogaftrique du cote gau- che. Son ventre commenca a augmenter toujours de volume peu a peu ; la douleur , qui avoit d'abord ete fixe au cote gauche , devint generate dans toute la capacite du ventre , & toujours plus vive. N'ayant recti , !>endant cinq ans , auctin foulagement ni de tous les medecins, ni de tous es empiriques qu'elle put voir, elle s'abandonna a fon mal, qui cependant croilloit perpetuellement L'enflure vint a tel point dans les deux annees fuivantes, qu'enfin la malade ne pouvoit plus repofer dans fon lit qu'i genoux , appuyee fur fes coudes , la face contre le chevet , parce qu'il falloit que ion ventre fe logeat dans on grand vuide pratique au milieu du lit. Elle n'en fortit plus les trois derniers mois de fa maladie ; jufques* la elle n'avoit pas laitle d'agir un peu dans fon menage. Elle avoit fait audi alfez librement ies fon&ions naturelles. Le cours des menftrues avoit etc aflez regulicr pendant les trois premieres annees, mais dans les trois dernieres il fut fupprime. Ce fut dans fon dernier etat que la virent M. Attalin , medecin , & M. Vacher, chirurgien de Befancon, dont nous avons deja parle en 1758, leur pronoftic fut tres-facheux , & la mort arriva peu de temps aprcs en 1739. Avant que de diffequer le corps avec tonte l'attcntion que meritoit la fingularite du cas , on crut neceflaire d'evacuer les eaux par la pollution , Xx ij }4S ABREGE DES MEMOIRES [ & on en tira quarante-deux pintes pour le nioins , femblables en confif- . tance & en couleur a du cafe, & da refte fans odeur. Enfuite on vit par la diliechon un grand luue , dou cette prodigieule quantite deaux etoit Annu 173$. fortie , qui occupoit prefque toute la capacite du ventre, & a tel point qu'il avoit reduit tons les inteftins au tiers de leur groifeur naturelle , & qu'au premier coup-d'oeil on etoit furpris de ne voir paroitre aucun des vifceres du bas ventre. Le foie, devenu fquirreux, avoit etc pouffe contre le diaphragme , pone lui-meme jufques vers le milieu de la poitrine. La rate & la velicule du fiel etoient prefque entierement eflacees. Mais la matrice n'avoit fouffert, de la part du kifte, qu'une legere compreffion , & la trompe & l'ovaire du cote droit, s'etoient conferves dans leur etat liaturel. On comprend affez les effets & les defordres que dcvoit faire l'extenfion d'un kifte , qui tenoit quarante-deux pintes , mais ce kifte lui-meme , qu'etoit-ii ? quelle etoit la partie qui avoit pris cette enorme extenlion ? M. Vacher , apres en avoir bien examine la polition en tons les fens par rapport auxautres parties, les attaches par oil il tenoit a elles, les endroits 011 il etoit plus libre, enfin tous les accidens & les circonftances , ne douta point que ce ne fut l'ovaire gauche. I V. Un foldat du regiment Royal-Baviere , age d'environ quarante ans, d'un affez bon temperament, & naturellement un peu maigre , fen tit, pour la premiere fois, dans le courant de l'annee 1733 , des douleurs an genou droit, particulierement dans les changemens de temps-, elles n'etoient ni permanentes , ni accompagnees de gonflement , & il fut decide , avec toute la vraifemblance poffible, qu'il s'agiifoit (implement d'un rhumatifme. On traita le mal fur ce pied-la, mais inutilement. II augmenta beaucoup, le gonflement furvint, les douleurs furent (ans relache, & le foldat entra a l'hopital militaire de Strafbourg en 1737- H y fat traite par M. le Maire, chirurgien en chef, & par M. le Riche , chirurgien-major , le dernier eft celui de qui l'academie tient cette relation qu'il envoys cette annee j M. Morand. II examina avec beaucoup de (bin la tumeur du genou. Elle avoit en- viron vingt polices de circonference a 1'endroit le plus eleve, & i'etendoit de la en diminuant jufques vers le milieu de la cuiffe. Cependant un rnouvement fenlible de flexion, fubliftoit, & permettoir aux vaiffeaux de diftribuer la nourriture necefiaire a la jambe , qui, en effet, ne paroiffoit pas fe fentir du derangement. La tumeur etoit infeniible au toucher , la Sieau avoit conferve fa couleur naturelle , & dela M. le Riche jugea que e mal n'intereffoit que les parties offeufes. Le foldat mo unit d'une fievre continue au bout de trois mois , & M. le Riche l'ouvrit, fort curieux de voir ce qui lui avoit ete cache jufques-la. La tumeur ne contenoit aucun liquide , c'etoit un gonflement prodi- gieux des tegumens & du femur, devenu lui-meme monltrueux. La rotule DE L'ACADBMIE ROYALES DES SCIENCES. 349 n'cftoit point derangee, mais feulenicnt r.imollie, de meme que les os de la _ jambe & du pied , ce qui a fait croire a M. le Richie que cette maladie . etoit line efpece de fpina-vtntojli fcorbutique , d'autant plus que le foldat A t o m 1 r. bic-n interroge, n'avoit rien die qui put le faire (bupfooner d'une autre Annie 1700 maladie plus favnilierc aux foldats. Les fibres des os paroiflbient avoir fouffcrt des alterations trcs remar- quables, les lines etant conliderablcment ecartees , d'atitres croifees en dif- ferens ("ens, & conime entaflees les uncs fur les autrcs, d'autrcs incruftees de ditf'ercntes couches de matiere offeufe, quelques-uncs heriifees de poin- tes , d'autres de lames. Le tout formoit un os dont le canal medtillairc etoit conliderablcment elargi , & le volume bicn different du naturel. Aucune des parties molles qui 1'environnoient, n'avoit ete entamee, elles n'etoient que gonflees. M Sur l'Oricine jdes Tu NIQUES DE l'QLiz. [r. le Cat , correfpondant de 1'academie, a envoye des pieces d'anatomie & un memoire , dans Jequel il fe propofe de prouver 1'ori- gine des tuniques communes de l'ceil , conformement a ce qui a ete avance par le plus grand nombre des anatomiftes, quoique contredit par qiK'lques uns, all nombre defquels eft M. Winfiou. Apres avoir etabli dans Ion memoire , que le nerf optique recoit fa premiere tunique de la dure- mere, il a fait voir dans un ceil diffeque, que la premiere tunique de l'ceil, nommee J'Mrotique , eft une expanlion de la premiere tunique du, nerf optique, &, par conlequent, de la dure-mere. La pie-mere fournit , felon les memes anatomiftes, one feconde tunique ail nerf optique , mais M. le Cat a remarque que lorlque cotte tunique c it arrivee a l'endroit oil la premiere & celle-ci foutfrent un petit etrangle- ment avant de s'epanouir pour former le globe de l'a-il, la pie-mere fa furtage en deux lames , dont l'externe eft folide , & va le confondre avec a fclerotique , & 1'iiTtcrne fait la choro'ide, de forte que la fclerotique , felon Iui, eft faite de la dure-mere & de la lame externe de I'expanlioq de la pie- mere, & la choro'ide emane de celle-ci, comme le veloute de I'eftomac & des inteftins emane de leur tunique nerveufe. M. le Cat ajoute que la choro'ide fe dedoublant encore vers la partie antcrieure du globe , forme l'iris par dehors , comme Ton fait , & \i couronne ciliaire par dedans. Deux yeux diffeques de la facon de M. Ie Cat ct.iblilTent les deux pre- mieres obfervations , d'une maniere affez precile ; & Ton voit fans peine, par la diifeciion & le memoire, que M. le Cat a de tres-giandes con- noiliances en anatomic Anatom it. jinntc 2J3S- 359 ABRiGE DES MEMOIRES OBSERVATIONS Sur l'An atomie de la Sangsue. M, .a. Poupart avoir donne unc description de la fangfue dans le journal des favans de l'annee 1697. On en trouve une autre par Jean- Jacques Dillenius, dans ]es ephemerides des curieux de la nature de l'annee 1 71 8. On doit a dom Allou, favant chartreux, des decouvertes curieufes fur ce ver aquatique. Mais tout cela etoit encore bien eloigne d'une ana- tomie complette de la fangfue. M. Morand la entreprife, &, en fuppofant tout ce que l'on fait communemeut de cet animal, il entre d'abord dans la confideration des parties au moyen defquelles la fangfue a la propriety d'entamer la peau d'un autre animal & d'en fucer le fang , & que l'on con-: fond toutes avec ce que Ton nomme la bouche. IVMm. Cependant, dit M. Morand, depuis l'extremite de fon corps, qui re-, prefente la tete, jufqu'a l'entree de i'cefophage, il y a cinq parties diffe- rentes a examiner , favoir , deux levres , une cavite qui eft proprement la bouche, des inftrumens pour entamer, d'autres pour fucer, & un gofier pour la deglutition. Lorfque la fangfue eft en repos , fa levre fuperieure fait un demi-cercle affez regulier, & l'inferieure une portion d'un plus grand cerc'le. Quand Ja fangfue alonge fa tete pour avancer, le demi-cercle de la levre fupe- rieure fe change en deux lignes obliques dont la jondtion fait un angle faillant que la fangfue applique d'abord ou elle veut s'attacher, & qui eft marque par un petit point tres-noir au bord exterieur du milieu de la levre. La foupleffe de fibres de cette partie lui donne la facilite de prendre la figure dont i'animal a befoin pour tatonner les endroits ou il veut s'ap- pliquer , afin de cheminer , ou pour developper les parties avec lefquelles il doit entamer la peau de quelqu'autre animal. Dans ces deux cas , fes deux levres, toutes ouvertes, fe changent en une efpece de pavilion exac- tement rond par les bords-, &, dans ce moment, il y a peu de difference pour la forme entre la bouche appliquee, & {'acetabulum de la queue; 1'itne & 1'autre imitent affez la figure de la patte d'un verre vue par-deffous. Enfin, quand la fangfue eft tout-a-fait fixee, par exemple, aux parois in- terieurcs d'une fiole , ces deux parties font tout-a-fait applaties & exacte- nient appliquees a la furface qu'elles couvrent. _• L'ouverture qui eft entre fes deux levres de la fangfue eft proprement fa bouche ; lorfqu'on a tenu ces deux kvres dilatees un peu de temps par quelque corps dur, on en voit aifement la cavite. Cette bouche eft,comme les levres, compofees de fibres tres-fouples, moyennant quoi elle prend toutes les formes convenables au befoin de I'animal; de.facon que quand la fangfue veut s'attacher quelque part, elle ouvre d'abord les levres, en« DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ^t lu'ite clle retourne fa bouche de dedans en dehors , elle en applique les ^"^*— ■ ■. parois intericures, & de toute la cavite de fa bouche on- ne diftingue plus *„.„.. qu une petite ouvcrture dans le milieu , ou la ianglue doit rairc avancer lorganc deftinc a entamer. Annie tl 29' Cette ouverture eft triangulaire , par confequent on a du imaginer que I'inftrument quelle lance all travers de cette ouverture pour entamer, etoit triple-, e'eft pourquoi quelqucs naturaliftes lui out donni trois aiguillons, d'autres trois dents. Cela ne fuflit pas encore , car il eft conftant que cct inftrument eft a trois tranchans , & la plupart des naturaliftes modernes' s'accordent fur cela. La decouverte pourroit bien en etre due a la llmple obfervation de Ir plaie faite par la fangfue. En eftet, Ci on examine cette petite plaie, elle re- prelente fenhblemcnt trois traits ou rayons qui s'unilTent dans un centre conunun, & qui font entr'eux trois angles egaux -, & Ton voit que ce ne font point trois piquures, mais trois plaies. On ne le remarquera pas aprcs avoir applique les fangfues a des hemorrhoides , mais fi elles l'ont etc .1 d'autres endroits de la peau, & fur-tout d'une peau blanche, on voit le jour meme de l'operation un peu de fang coagule qui recouvre la plaie, le lendemain le petit caillot tombe, mais un leger gonflement confond tout ; entin le troilieme ou quatrieme jour , on voit diftindement les trois plaies marquees. L'organe pour entamer eft place, comme je l'ai dqa dit, entre l'ouver- ture faite par les deux levres & le fond de la bouche. Aprcs avoir ouvert des fangfues par le ventre & fuivant la longueur de l'animal, & avoir cher- che cet organe dans l'endroit deYigne, e'eft le tacl qui m'en a d'abord de- couvert quelque chofe. J'ai obferve qu'en parfant le doigt fur l'endroit oil eft cet organe, je fentois une impreflion pareille a celle que m'auroit faite une lime douce fur mon doigt; ce qui fuppofe deja des parties qui font non-feulement rnboteufes, mais folides & de la nature de l'os , ou tout' an moins de la corne. Conhderant enfuite cette partie avec une groffe loupe , j'appercus que la membrane interne de la Douche, vers fon fond, etoit heriflee de pe- tites pointes capables, etant li pres les lines des autres, de faire des lames dentees. Sur cette fimple exposition , on concevra aifement que li par quel- que mouvement particulier, ces lames s'avancent enfemblc & dans le fens de 1'oiiverture triangulaire vers la partie a laquelle la fangfue applique fa bouche, elles doivent faire une plaie telle qu'elle a ete decritc. Mais dom Allou a etc bien plus loin , il y a decouvert trois rangees de dents ou trois petits rateliers , dont la difpofition & la ftructure ne pcu- vent etre expliquees, qu'en rapportant les termes memes dc I'auteur. u Ait »j fond de la bouche , dit-il , font difpofes trois petits mufcles qui s'a- » vancent en demi-cercles , Si portent fur leurs aretes un petit cordon » dont la courbure eft pareille, e'eft-a-dire, qu'elle forme audi un denii- »> cercle-, ce petit cordon, qui d'un bout a 1'autre eft tr.ivcrfe par de pe- » tites incilions, reffemble a/fez a une lime qu'on appelle queue de rat , t) & que Ton auroit ainli courbee. L'entre-deux de chaque incifion s'cleve 55i A B R E G t DES MEMOIRES Miii.mi.i— —— ;, en demi-rond, ce qui forme autant de godrons, & ce font ces godrons . jj qui fervent de dents a In fanglue. Lcs godrons font an nombre de t o m i e. ?j (oixante, le long de l'arete dc chaque mufcle ; ainli Ies trois mufcles Anne'e Z7?Q. " portent jufqu'a cent quatre-vingts dents. La fangfue fe fert de ces trois ■» demi-cercles denteles, comme d'autant de tranchoirs avec lefquels elle >> coupe la peau des animaux, & meme eile penetre jufcjues dans la chair, 53 principalemcnt avec le milieu de ces tranchoirs, qui eft leur partie la » plus avancee; & par le moyen de ces mufcles retires & avances alterna- jj tivement, elle fe fert de fes dentelures comme d'une petite fcie. >j Le mechanilme de ces parties ainli developpe par dom Allou, eft bien different de l'expofition faite par M. Poupart, qui ne croyoit pas que la fangfue perce la peau, & qui explique la divilion qu'elle y fait, en difant que « Lorfque cet infedte a applique fa bouche a la chair d'un animal , » tous les mufcles de fon gofier fe contraitent ; il fuce cette chair avec >j une telle violence & avidite , qu'il la fait entrer en forme d'un petit j j mamelon jufques dans fa gorge, en forte, ajoute-t-il, que tous les »j efforts de la luccion fe bornant a un fort petit efpace, il eft neceffaire jj que la chair fe rompe en cet endroit. >3 La decouverte de don Allou etablit neceffairement line ouverture dans le centre commtin des trois rateliers , & j'ai ete etonne de voir qu'apres une defcription aiifli exadle de cette partie , notre folitaire fe contente de dire «« Que l'ouverture etant fuftilamment faite dans la peau , & meme dans »3 la chair, la fangfue en afpirant, attire le fang, & sen remplit autant 53 qu'elle pent. 33 En effet, c'eft le moment d'examiner comment elle fucce: rouverture qui eft ati centre des trois rateliers le prefenteroit en vain a la plaie, il f.mt neceifairement que quelque chofe determine le fang a en- fijer cette ouverture. .Vbici ce que j'ai ooferve a ce fujet. Au-dela des rateliers, dans l'endroit oil la bouche retrecie de la fangfue commence a prendre la forme de canal, & ou Ton fe reprefenteroit la luette dans 1'homme , il y a un mamelon trcs-apparent, & d'une chair affez ferme. Ce mamelon eft un peu flottant dans la bouche, & il m'a paru naturel de lui affigner I'office d'une langue. Lorfque les organes que j'ai decrits d'abord, font appliques ou la fangfue cherche fa pature , lorf- que les rateliers ont fait plaie s & que l'ouverture qui eft a leur centre, eft parallele au milieu de la triple plaie par les rateliers, il doit etre facile an mamelon lance au travers de cette ouverture, de fiire le pifton, & de fervir a fucer le fang qui fort de l'entamure, pendant que la partie de la bouche , continue aux levres , fait le corps de pompe. Enfin fe prefente la cinquieme partie de la bouche, que j'appelle le pharinx. L'on voit reellement entre la racine du mamelon , que j'appelle la langue, & le commencement de l'eftomac, un efpace long d'environ deux lignes , garni de fibres blanchatres, dont on diftingue deux plans, l'un circulaire, & l'autre longitudinal. Celles-ci fe contrac~tent apparem- ment pour elargir & raccourcir la cavite de la pompe , les circulates refferrcnt le caual , & determinent vers l'eftomac le fang qui vient d'etre fuce. Ce DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. J5j Ce fang entre alors dans une poche membraneufe qui fert d'eftomac & '■ d'inteftins a Ja fangfue , & qui occupe inrerieurement une grande partie A n a t o m 1 e. du refte de fon corps. Si on introduit de l'air dans cette partie par la boucbe de la fangfue , l'air entre dans un tuyau droit qui eft au centre, Annie 1^29' & qui s'ouvre des deux cotes dans des facs ou cellules bien plus larges que le tuyau principal. M. Poupart appclle ces refervoirs des valvules, mais elles ne paroiffent tellcs que lorfquc la partie eft entamee felon toute la longueur de I'ani- mal; car, li on les examine pleines d'air, apres avoir dilfeque la peau qui les cnveloppe, ce font de vraics poches rondes attachees au tuyau, qui pourroit etre confidere comme un cefophage coniraun. Tout cet organc eft fait d'une membrane bien mince jufqites vers la queue de l'animal , ou la membrane eft fortifiee de quelques fibres circulaires fort diftincles, dont quelques-unes font fpirales. Si on fait de ces facs autant d'efto- macs , on en pourra compter jufqu'a vingt - quatre dans une fangfue affez grofle. II y a apparence que le fang face par la fangfue fejourne long-temps dans ces refervoirs comme line provifion de nourriture ; j'ai au moins la preuve qu'il y refte pluheurs mois prefque entierement caille, plus noir que dans l'etat naturel, & fans aucune mauvaife odeur, & comrne le fang dun animal quelconque eft le refultat de la nourriture qu'il a digeiee, on pourroit croire que h fangfue ne vivant que de fang , n'a pas befoin d'une grande depuration de la matiere qui lui fert de nourriture. Au moins eft-il vrai qu'on ne lui connoit point d'anus ou d'ouverture qui en fafie la function ; & s'il eft abfolument neceffaire que quelques parties hetero- genes s'en feparent, apparemment que cela fe fait par une tranfpiration perpetuelle au travers de d peau , fur laquelle il s'amalle une matiere gluante qui s'epaiilit par degres, & fe fepare par filamens dans de l'eau ou Ton conlerve des fangfues. Comme cette matiere, en fe delayant dans l'eau , ne forme que de petits lambeaux dechiquetes , j'ai imagine un moyen de rendre cette depouille plus fenlible ; j'ai mis des fangfues dans de I'huile , & les y ai lailTees plu- iieurs jours, elles y out vecu , & lorfque je les ai remifes dans de l'eau, elles out quitte cette pellicule, qui reprefentoit alors une depouille entiere de 1'auim.ii , comme feroit la peau d'une anguille. On voit, a l'occalion de cette experience, qu'il n'en eft pas des fangfues comme des vers terreftres , & qu'elles n'ont pas leurs trachees a la furface exrcrieure du corps. II eft vrailemblable qu'elles refpirent par la bouche v fayoir quelle partie leur fert de poumons , cela ne me paroit pas facile i decider : tout ce que j'ai pu apprendre fur cela, eft qu'elles out certains mouvemens qui repondent a ccux de la refpiration. Voici comment je 1'ai decouverr. Apres avoir lauTe plulieurs jours des fangfues dans de l'eau froide oil elles etoient fans mouvement, comme engourdies & trcs- retirees, j'ai mis prcs du feu la fiole ou elles etoient-, d'abord que les fangfues fentirent la chaleur , elles commencerent a s'egayer & j f.ire quelques mouvemens ; Tome VIIL Partie Francoi/e. Yy 554 A B R £ G £ DES MEMOIRES ; la chaleur augmcntant a un certain point, toutes les fangfues, jufqu'alors attachees par les deux bouts , detacherent leurs tetes , refterent attachees J' A t o m i I. ja qUeue j £. firent avec le corps des balancemens alternatifs & ifo- Annte Z7~9. chrones, qui fembloient repondre a ceux de la relpiration , & tels que fi elle fut devenue plus courte & plus penible dans un atmolphere plus chaud", enfin ces mouvemens devenoient tres-vifs, mais toujours a temps egaux , lorfque j'approchois davantage la fiole du feu, & diminuoient fenliblement avec la chaleur lorfque j'eloignois la fiole. Comme j'ai befoin de confiderer les fangfues en differentes faifons pour decrire les parties de la generation , je remets ce detail , avec quelques autres circonftances , a un fecond memoire. EXPERIENCES S u r la Respiration. ITir sonne n'ignore I'harmonie & l'accord arlmirables qui regnent entre les mouvemens fucceffifs , dans lefquels confifte la refpiration. On fait que pendant l'infpiration 1'air eft recu dans les poumons , & que dans l'expiration il en fort •, que lorfque fair entre dans les poumons, ils font diftendus & dilates, & que quand il en fort, les veficules pulmonaires font comprimees, elles tombent les unes fur les autres & s'afFaiifent en- titlement. Mais quel eft 1'agent du mechamfme de la refpiration? Doit-il etre at- tribute tout entier a 1'acHon des mufcles infpirateurs? Le poumon n'a-t-il point d'action particuliere ? Eft-ce la feule force elaftique de 1'air qui , infpiree entre les velicules pulmonaires , les developpe, les dilate, de forte ju'elles fe refferrent & s'aftailTent par leur propre poids , lorfque l'air en ort dans l'expiration. C'etoit l'ancien fyfteme. On attribuoit aux mufcles infpirateurs la dila- tation du thorax %, & a l'air celle des poumons. On fuppofoit les mouve- mens des poumons ilochrones avec ceux du thorax •, on fuppofoit que les derangemens qui arrivoient aux derniers , fe faifoient fentir aux pre- miers, & que la force contractive des poumons, etoit moins un mouvement qu'une tendance au mouvement. M. Houfton, favant Anglois , fit a Leyde en 1718 & 1719 , des expe- riences qui fembloient jetter des doutes fur cette theorie. Car il avoit reconnu qu'un chien n'avoit pas la refpiration genee malgre une plaie pe- netrante dans la poitrine •, lorfque le poumon n'etoit pas attaque qu'il aboyoit a fon ordinaire : il avoit reconnu encore que le poumon ne s'aflaiffoit pas quand le thorax etoit ouvert, & qu'enfin les mouvemens du thorax & ceux du poumon netoient pas ifochrones. Mais M. Houfton, convaincu de la certitude de l'ancien fyfteme de la refpiration, chercha (a) a expliquer I (a) Trar.faiftions Philofophiques de 1736, p. 65 de ia Tradutfion de M. de Bremond, DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. J55 fcs experiences fuivant lcs principes dc ce fyfteme , au-lieu de fuivre les — — —^— indications qu'elles lui donnoient. * „ , , mi . r. ' . . it • n i «r •« i • j 1 ANATOMIC. M. dc Brcmond, qui Iiloit & traduiloit ces experiences dans les tran- fadtions philofophiques de la fociete royale dc Londrcs , en fut frappe & Annie tJ3$- iiirpris an point de les regarder d'abord comme un pen paradoxes. II rc- folnt de les verifier. C'eft ce qu'il fit en 1738, avec affez de fucccs, pouf s'alllircr , par fcs propres yeirx, que les poumons nc font point purement paiUfs dans la refpiration , & qu'ils ont line action particuliere , un mou- vement in dependant dc celui du thorax. Du refte, de favans anatomiftes l'avoient reconnu avant lui. Sennert, (a) perfuade que le poumon eft le principal organe de !a Mtim. refpiration, (uppofoit deux mouvemens , un dans lc thorax & un dans le poumon; deux principes, an pour le thorax, & l'autre pour le poumon. II pretendoit que ccs principes & ces mouvemens etoient independans l'un de l'autre, mais qu'ils etoient toujours unis, parce qu'ils concouroicnt an menie efFet, & qu'ils etoient deftines aux memes ufages. II croyoit que le poumon fe dilatoit par fa propre force, virtute fud , & il fondoit toute cette theorie fur l'anatomie & ^experience. II avoit vu , en ouvrant la poitrine d'animaux vivans, les lobes du poumon fortir de la plaie & fe mouvoir hors de la poitrine , & il avoit obferve que le poumon avoit fon mouvement alternatif de dilatation & de contraction pendant qu'il etoit expofe a l'action de l'air exterieur. Felix Platerus, (b) excellent praticien d'Allemagne, croyoit que les poumons avoient une force, une action particuliere pour fe dilater, qu'ils n'etoient point paffifs, & il avoit remarque que dans les plaies penetrantes, les poumons des animaux ne s'affaifoient pas toujours. Highmore, (c) celebre anatomifte Anglois, tantot a obferve les poumons s'afraider quand l'air entre dans le thorax, & tantot il les a vus fortir par la plaie hors du thorax, & continuer leur mouvement-, il a remarque que le mouvement du thorax dure encore aprcs que celui des poumons eft fini ; & fentant toute la force de fes obfervations , il balance beaucoup avant que d'embraflcr un autre fentiment que celui de ceux qui admet- toient un mouvement propre dans les poumons. Jean Walleus, Francois Sylvius, Francois Vander Schagen & Gafpar Bartholin , fils de Thomas , ont tons obferve que les poumons fe dila- toient & le contractoient lorfquc le thorax etoit ouvert , ils ont tous re- marque des lobes du poumon fortir avec eruption hors de la plaie, & ils ont tous cm que ce mouvement venoit du mediaftin & du diaphragme , qui chaflbient en dehors le poumon , on qui lui communiquoient du mouvement. Ces auteurs ne font pas les feuls qui ont donne cette raifon, Highmore & M. Houfton y ont ete trompes comme les autres , mais je (a) fnjlit. Medic, lib. I , cap. II , it facult. vitali. (4) Qud[l. P/ivflolog. 29,/. 56. (O Difqitifu. Anatom. lib. 2 , pari. 3, ap. 3,/. 185, & fij- Yy »j 55<5 ABRtGt DES M £ M O I R E S ■ i nib mi— a— crois qu'une des experiences que j'ai rapportees , fuffit pour detruire cette fuppoiition. On a vu que les cotes d'un animal etant totalement caffees & leparees, & le fternum etant enleve, le mouvement du poumon fub- Anntt 1739' ''ftoit encore. Le meme Gafpar Bartholin a audi remarque que le mouvement des pou- mons n'eft point regillier, & qu'il n'eft pas meme naturel lorfqu'on l'ob- ferve, le thorax etant ouvert , parce que quand le thorax s'abaiffe , dit-il, le poumon s'eleve, & au contraire, quand le thorax s'eleve, le poumon fe contra&e. II fe fervoit de cette obfervation pour appuyer fon fentiment au fujet de Taction du diaphragme dans ce cas. Je ne finirois point (i je voulois citer tons ceux qui ont obferve le mou- vement des lobes du poumon hors d'une plaie faite au thorax ; Galien l'a remarque, & en parle; Borelli, Swammerdam, de Lamzweerde, Thruf- ton, Deulingius, &c. l'ont vu auffi. Apres ces obfervations, n'eft-il pas bien etonnant qu'on fe foit li long-temps amufe a dilputer fnr la ma- niere dont fair entre dans les poumons , a determiner li c'eft par fon poids qu'il fe fait jour, ou s'il eft pouffe par l'elevation des cotes & du thorax? &c. Enfin peut-on croire que les poumons font totalement paffifs , & mettre encore en doute s'il palfe de fair par les poumons dans le fang J Je fens combien mes experiences prefentent de difticultes, & combieti l'explication de la refpiration devient embarraffante, mais je me contenterai de fuivre ici fcrupnleufement les intentions que l'academie declare dans toutes les occalions qui fe prefentent. Pour refoudre certaines difficultes, il fa ut que pendant long- temps on les ait fenties, il faut que l'on ait montri toutes les manieres dirferentes dont il n'eft pas poffible de les refoudre , & des-lors on ne tarde pas a appercevoir la verite , parce qu'on a evite la precipitation. Cependant , avant que de finir , je vais prefenter dans un feul coup d'ceil toutes les confequences qu'on peut tirer des diflerentes experiences que j'ai faites. Lorfqu'on fait line ouverture de chaque cote de la poitrine d'un animal fans bleifer le poumon , fair qui entre par les plaies , n'empeche point l'a- nimal de crier & de refpirer : fair dans ce cas eft entre dans la poitrine par les plaies, cet air pele fur les' poumons, cet air n'empeche point l'en- tree de fair par la glotte pour entretenir la refpiration , le mouvement d'infpiration & d'expiration fe fait malgre la force & la predion de fair qui eft entre par les plaies : done ce n'eft point fair exterieur qui , agif- fant par fa pefanteur fur l'orifice de la glotte, oblige le poumon a fe di- later : done ce n'eft point, comme l'ont cm quelques-uns, fair pouffe & comprime par felevation des cotes dans l'infpiiation, qui oblige le poumon. j fe dilater. Si ce n'eft pas fair exterieur qui, par fa pefanteur, oblige le poumon a fe dilater , & li , lorfque fair eft entre^ par deux plaies faites au thorax , le poumon dans fa dilatation , furmonte la predion de tout le poids de 1'atmofphere, il faut que le poumon ait une action , & line action puif- iante : done le poumon pourroit bien n'etre point un vilcere padif. A T O M I I. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, jjf? Si le poumon a unc action , cette action eft fort ditFerente de cellc — des mufcles intercoftaux & du diaphragme. Lorlque le poumon d'un . animal dont le thorax eft ouvert, fe dilate, on voit Convent le thorax fe N contractor, & quand le thorax fe dilate, le poumon fc contracte •, dans jinnit 17 50. ce cas , faction des mufcles de la refpiration , & faction des poumons n'eft point ilochrone, elle eft an contraire oppofce : done li dans ce cas, ces deux actions peuvent agir dans des temps differens , elles ne font point conjointes -,' elles font done differentes , & dependent d'une caufe qui pent n'etre pas la mtme. La dilatation & la contraction des poumons, on, ce qui eft la meme chofe, Taction des poumons, le thorax etant ouvert, n'a lieu que quand l'animal n'a pas perdu ion fang , 9c que fes forces ne font point epuifees ; dans ce dernier cas meme , quoique les poumons foient entitlement af- faiifes , & les cotes totalement feparees du fternum , & meme caffees, l'adlion des mufcles de la refpiration dure encore fort long-temps : done l'action du thorax eft plus forte & plus puiffante que celle des poumons. Quand on fouffle avec une canule dans les poumons afFaiffes dun ani- mal vivant, & qu'on les diftend, leur mouvement reparoit pour quelques fecondes, & la force du cceur & des mufcles de la refpiration augmente •, quand au contraire on iirite le nerf diaphragmatique & le cceur /le cceur bat plus vivement, les contractions des mufcles de la refpiration devien- nent plus freemen res , mais les poumons reftent toujours dans I'inaction & dans l'arraiffement : done la caufe de Taction des poumons & des mufcles de la refpiration , vient de l'irritation oil plutot de faction des folides. Aprcs que les poumons font afFaiffes , le mouvement du cceur & celui du thorax durent tres-long-temps , l'animal vit & conferve de la force : done il n'y a pas un rapport & line liaifon audi intime entre l'action des poumons & le principe de la vie, qu'entre le principe de la vie & l'action du cceur. Lorfqiie le poumon eft dans fa plus grande dilatation, on voit le thorax dans fa plus grande contraction : done pour que les poumons fe dilatent bien , & qu'ils foient a leur aife , il n'eft pas necefiaire qu'iJs occupent toute letendue de l'interieur du thorax. M. Morgagni (a) dit qu'il a obferve & fait obferver a fes amis, que dans Inspiration , & a plus forte raifon dans l'expiration , les poumons ne s'appliquent pas exa&ement contre le thorax , qu'entre les parois du thorax 8c les poumons , il y a un efpace affez grand. Pour faire cette experience , il faut decouvrir le thorax , fans endommager la plevre , & on peut voir facilemcnt an travers le mouvement des poumons. Conclusion General e. L'aik qui entre dans la poitrine par line plaie faite au thorax, n'em- peche point la refpiration , & ne fait point afFailTer les poumons ; il eft 00 Aiv, Aim. 5, aiiimadyerf. 33,^. 46, j,8 ABRECE DES M £ M 0 I R E S ....■■■i.— ■■— done poflible que le thorax & le ponmon n'agiffent pas en meme temps: ^ n a t o m i e & '' ^f' or^ina're ' '' Paroit que le poumon fuit le rnouveinent du thorax, oil meme li le poumon fait regulierement le mouveinent du thorax, Anne'e 1739. ( comme il n'y a guere lieu d'en douter) il eft du moins certain que dans tin etat violent, les poumons & le thorax peuvent agir feparement & en feus contraire. RECHERCHES Sur les caujis de lajlmclure finguliere qu'on rencontre quelquefois dans diffirentes parties du corps humain. ■M, r. Hunauld, habile anatomifte , a quelquefois trouve dans la . , ftra&ure de diverles parties du corps humain , une conformation differente Annee 1740. , ,, r „ r > j«, »• .. «w de celie quon nomine naturelle, parce quelle eft ordinaire. Obiervateur curieux , il a recherche par quelles voies la nature secarte , dans ces occa- lions , de fa marche accoutumee. II a trouve des cranes dont l'os du front etoit partage en deux. Les deux pieces qui compofent le coronal s'etant epaidies & durcies avant que leur foudure flit formee, la future etoit reftee & n'avoit pu s'effacer, comme elle s'eflace communement. Dans d'autres fujets, il a trouve l'offi- fication du crane arretee, de forte qu'il en etoit refte une partie dans l'etat de membrane entre deux portions offifiees , d'oti il refultoit deux os au-. lieu d'un. Un crane abfolument fans front , tin crane fort refferre fur les cotes J & fort etendu de devant en arriere, & d'autres d'une conformation audi bizarre , font voir que le cerveau peut fe prefer a tin developpement bien different de celui qui doit s'y faire natureliement, & que fes parties pren- nent entr'elles des arrangemens adaptes aux cranes qui les contiennent. M. Hunauld a quelquefois trouve un trou a la partie inferieure du fter- nuni. Ce trou vient, felon lui, de ce qu'en cet endroit l'offification des trois pieces qui compofent la partie inferieure du lternum a ete arretee ; ou de ce que ces trois pieces d'offification fe rencontrant par leurs bords, auront laitie un vuide entr'elles en prenant de la folidite avant que d'etre unies. Le nombre des cotes n'eft pas abfolument conftant dans le corps hu- main ■, il varie en plus & en mbins. Deux ou plufieurs cotes peuvent fe confondre & s'unir enfemble Jufqu'a n'en former qu'une. Mais comment fe forment les cotes furnumeraires dans les fujets qui en ont plus que la nature n'en donne ordinaireraent J M. Hunauld ayant remarque que, dans plulieurs fujets, l'offification des apophyfes tranfverfes de la feptieme ver- tebre du cou, fe faifoit d'une facon differente de celle qui arrive aux apophyfes tranfverfes des autres vertebres du cou , a cru y decouvrir la caule de la formation des cotes furnumeraires , & voici comment il l'explique. DE L'ACADliMIE ROYALE DES SCIENCES. ;<9 Dans les jeunes liurts , la malfe oticufe qui compote les apophyfo des — —*— — vertebres du cou , eft unie aux parties laterak-s des mimes vertebres par A tin cartilage qui difparoit avec 1 age. Une portion de cette maffe le par- A t o w 1 fc. t.ige en deux elpeccs d'arcs , l'un antcrieur, l'autrc pofterieur, qui en sfnr.ee 1-40. croiffant , vont a la rencontre l'un de 1'autre , en formant par lcur union l'apophyfe tranfvcrfe & le trou doDt elle eft pcrcee. Voila ce qui arrive a toutes les vertebres du cou , excepte a la feptieme. An lieu de cet arc antcrieur , on voir a cette derniere vertebre , dans la plupart des fujets , une piece offeufe particulicre , qui ne fait point corps avec le refte des apophyks , & qui eft unie par un cartilage avec le corps de la meme vertebre. Cette piece offeufe, comme une piece de traverfe, n'eft point difpofee en arc : elle va tout droit horizontalement : fi elle eft rencontree & bornee dans fon accroiffement par 1'arc pofterieur, elle s'unit avec lui, rnoyennant un cartilage qui s'offifie avec le temps. En s'uniffant 8c fe foudant avec cet arc pofterieur , elle forme avec lui une apophyfe tranf- vcrfe , telle que celles des autres vertebres du cou, & qui, comme elles, eft percee d'un trou. Mais li cette piece de traverfe augmente avec promp- titude, & fi elle n'eft point bornee par l'arc pofterieur, elle paiTe au-dela, elle s'etend & elle prend la forme d'une cote •, alors l'arc pofterieur n'a que la figure d'une apophyfe tranfverfe , telle que celles des vertebres du dos. M. Hunauld a vu & poffede des fquelettes, oil la piece offeufe dont on vient de parler , debordoit l'arc pofterieur de quelques lignes , d'autres oil elle debordoit davantage, d'autres ou la cote etoit toute formee. Un rein a quelquefois plulieurs ureteres, fuivant M. Hunauld, cette in- formation particulicre vient de ce que les branches qui doivent naturelle- ment fe reunir dans la lmuolite du rein, prenant un accroiffement rapide, tandis que l'urctere n'en prend point , il en refulte deux ou trois ureteres qui s'etendent depuis le rein julqu'a la veflie. On a demande a M. Hunauld, li, en fuivant les memes idtfes, il pour- roit rendre raifon de la variete qui fe trouve dans les arteres emulgentes. Quoique cet habile anatomifte foit trop eclaire pour cntrepreudre d'ex- pliquer tons les phenomenes finguliers qui s'obfervent dans la ftru&ure des differentes parties du corps humain , & que Ton decouvre en diffe- quant les cadavres, il paroit neanmoins que fon principe ell appliquable a la variete qui fe rencontre dans l'origine & la diftribution des vaiffeaux , & quelle vient avec beaucoup d'apparence de l'accroiffement difpropor- tionne de ces vaiffeaux & de leurs branches. j6o abr£ge des memoires . — ..-I ■■ . .1 - .—.■.-■ ■— - ..... I.I ■ . — ■ . - ■ I. I m A N A T O M I E. J)ES IncoMMODITES ET DES InFIRMITES '* ' Qui rifultent de certaines attitudes & de certains habillemens. JLVJLr. Wins low eft tin des premiers medecins qui fe foit elev£ en France contre certains habillemens propres, non-feulement a deformer le corps, mais meme a lui caufer des infirmites qui, avec le temps, devien- nent incurables. Certaines attitudes negligees, que Ton croit pouvoir con- tradter fans confequenee , font encore capables elles feules de caufer ail corps humain, quantites d'incommodites & meme de maladies confidera- bles. M. Winflow a vu line dame d'une grande taille, bien faite , bien droite , qui , ayant pris 1'habitude d'etre affife toute courbee , tantot en avant, tantot dc cote & d'autre, eut, an bout de peu d'annees , l'epine du dos courbee lateralement en deux fens contraires , a peu pres comme une S romaine. Elle avoit perdu un quart de la hauteur de fa taille , & fon eftomac en etoit tellement comprime, que ce quelle avaloit lui fem- bloit tomber diftin&ement dans deux capacites differentes. Les ecoliers qui ecrivent fur leur genou dans les claries publiques, les jeunes perfonnes qui apprennent a ecrire, fe tiennent fouvent fi courbes, qu'ils peuvent etre tres-incommodes de la compreffion que cette attitude contrainte & reiteree, caufe an bas de la poitrine & aux vifceres contenus dans lepigaftre. C'eft a quoi les inftituteurs de la jeunefle doivent faire une attention particuliere. Les effets de certains habillemens ne font pas moins pernicieux. On condamne avec raifon, l'ufage des corps on corfets a baleine, qui com- priment les principaux vifceres du bas- ventre , refferrent la poitrine, an point d'eftropier les perfonnes les mieux faites. Le ferrement du cou par des cravates, des porte-rabats, des collets de chemifes, a caufe des maux de tete , des maux de yeux , des etourdiffemens , des veftiges , des mena- ces de fyncope , des faignemens de nez , &c. M. Cruger , directeur general de la chirurgie en Danemarck & en Nor- wege, dit M. Winflow dans le memoire que nous abregeons, etarit venn a Paris , & m'ayant entendu parler de cette obfervation , me dit qu'un capitaine de ce pays-la s'etoit avife d'accoutumer toils les foldats de fa compagnie a ferrer tres-fort leurs cravattes, & a porter des jarretieres tres- ferrees au-deffous des genoux, afin que par la haute couleur de leurs vi- fages & la groffeur du mollet de leurs jambes, que le ferrement produi- foit, ces foldats paruffent bien vigoureux, bien nourris, & en grand em- bonpoint. Mais au bout d'un certain temps ils tomberent prefque tous malades d'une maniere particuliere , dont plulieurs, apres les tentatives inu- tiles des remedes , tant externes qu'internes , perirent a la fin comme ayant ete attaquc's d'une efpece d'arFeiftion fcorbutique putride , & dont on a vu meme avoir ete infedees, alterees & corrompues les parties internes du corps dans ceux qu'on avoit diverts apre* leur mort. DE L'ACAD_MIE ROYALE DES SCIENCES. iSi Lcs chauffures trop etroites ou trop hautes , ont des inconveniens (i — ___«■ ■■■! . ■ coniiderables , fur-tout pour lcs jeuncs gens, & en particulier pour lcs . femmes, qu'on ne fauroit les proicrire avec trop de foin. Anatomic Annie 1740. OBSERVATIONS ANATOMIQUES. I. .IVJLr. dv Ha mel a Iu _ l'academie une obferration de M. Aubert, medecin de la marine a Breft, qui confirme ex.nctement cclle de M. Hu- nauld fur la valvule du trou ovale dont nous avons parle en 1755. (_) Toute la difference eft que le fujet de M. Hunauld avoit cinquante ans, & celui de M. Aubert trente. IL Fr-re Modeste Cloupeau, religieux de l'obfcrvance & apothicaire Hkr. du grand convent de Touloufe, a envoye a l'academie la relation luivante. Le fieur Trebos , habitant de la paroiffe de Daux, diftante de Touloufe de prcs de deux lieues, tourmente depuis deux ans de coliques trcs-vio- lentes, d'envles exceffives de vomir, & d'une faim prefque irifatiable, fe fentant interieurement ronge, & rendant des vts plats en quantite, & quel- quefois par pelotons, s'adrefla au frere Modefte, qui lui donna des pilules a prendre les lines apres lcs autres avec certaines decoctions. Le malade , impatient de fe delivrer d'un mal qu'il ne pouvoit plus fupporter, hafarda d'accourcir beaucoup lcs intervalles des pilules, & fut en eftet fur le point d'en mourir, il tomba dans des defaillances & dans des evanouiflemens qui n'annoncoient que la mort •, on eut entendu facilement le bniit du grouillement de les boyaux a plus de trente pas. Mais enfin il rendit plu- Iieurs vers, quelques-uns aflez longs, & un dernier plus remarquable que les autres, & que Ton crut avoir ete fon plus cruel ennemi. II etoit long do feize pieds, tenant toujours la tete levee d'nn pied 8c demi , loit qu'il fe trainat lur la terre , foit qu'il fe mit en peloton. On le mit dans un pot plein d'eau , 011 il fit des mouvemens etonnans, toujours la tete levee d'un pied. Cette tete etoit noire, ronde comme un pois, le cou fort etroit, avec des eminences qui rellembloient a des vcrtebres. Ce ver avoit deux yeux. Depuis ce temps la , le malade fe porte parfaitement bien , & il fe fait bon gre d'une temerite qui peut-etre etoit necefiaire , & du moms a hate fa guerifoD. I I I. Au moisdejuin 1738 j line pauvre fille de Metz, nommee Marguerite, badinant avec une de fes camarades, a l'occalion d'un ecu de trois livres (a) Tome VII de rctrc CoIIedion Academique, Paitie Franjoile , papje ioij. Tome VIII. Partie Franfoife. Z _ jfe A B R £ G t DES MiMOIRES, &c ■■; qui etoit plus large qua l'ordinairc, mit cet ecu dans fi bouche, difant f a ^ w , ^ qu'il n 'etoit pas li large quelle ne l'avalat bien ; fa compazine paroiffant avoir peur de perdre la piece, Marguerite fit un eclat de nre, auquel kic- Annie 1740. ceda un mouvement d'mfpiration, pendant lequel elle avala l'ecu, qui fe trouva engage de facon qu'il ne pouvoit ni defcendre ni remoivter. Un chirurgien dti voilinage fit tout ce qu'il put pour le tirer, & n'en pouvant venir a bout, ii fe fervit d'un poireau huile qu'il pouffa audi avant qu'il put dans le goher , fans pouvoir rien changer a la Situation du corps Stran- ger. M. du Luc, chirurgien-major du regiment de la marine, fut mande aufecours de cette fille, qu'il trouva dans un etat perilleux-, & ayant reve un moment fur les moyens de la foulager, 1'idee de lui faire avaler du mercure fe prefenfa ^ lui, il en fit venir deux livres , qui apres avoir et£ chauffees , furent avalees dans du bouillon par la malade. Get expedient reuflit-, l'ecu fut precipite dans l'eftomac , & les accidens cefferent. M. du Luc fit coucher la malade fur le cote gauche, efperant par-la donner le temps h tine partie du mercure de s'attacher a l'ecu , & le rendre plus propre h. affer par le canal inteftinal. Deux heures apres il voulut qu'on promenat a malade, & quelle avalat trois onces d'huile d'amancle douce-, un mo- ment apres elle fut travaillee de cruelles douleurs a la region de l'eftomac vers le pilore, accompagnees d'envies de vomir & de defaillances ; alors on la mit dans un carroffe avec deux perfonnes, & on la fit cahoter dans des endroits raboteux, ce qui reudit , puifque l'ecu defcendit dans les in- teftins, & qu'elle rendit tout le mercure par les felles. M. Verdier, apo- thicaire de I'hopital, fit obferver a M. du Luc que le mercure rendu etoit d'une couleur plus plombee, & moins coulant qu'il n'eft ordinairementv alors ils penferent tous deux que quelque partie d'argent s'y etoir amal- gamee ; dans cette idee , ils pafferent le mercure par le chamois , & il refta fur le chamois environ un gros d'argent; ils le mirent fur une pelle a feu, ils en firent evaporer le mercure , & ils virent que c'etoit reellement de l'argent. Cependant la malade fouftroit toujours des douleurs de colique . infupportables, M. du Luc lui fit avaler une fetonde fois du mercure, elle avoit garde le premier foixante heures, elle garda celui-ci trente-fix heures, & ne le rendit que par le moyen du carroffe , oii elle fut proraenee comrae la premiere fois. Tous les accidens cefferent des qu'elle Teut rendu. Le meme mercure fut repaffe par le chamois , & il s'y retrouva a peu pies La meme quantite d'argent qua la premiere experience. La malade ne fentit plus aucunes douleurs, & fe rerablit parfaitement, fins qu'on ait eu de- puis aucune nouvelle de l'ecu , qui vraifemblablement a ete tellement penetre par le mercure, que fes parties en ont ete defunies & confondues dans les grofles matieres que la malade a rendues dans la fuite. On s'ima- ginera ailement que durant cette cure, les faignees, les lavemens & les potions huileufes furent employees felon 1'exigence du cas, & les diffe- rentes fituations ou fe trouva la malade. Cette relation a ete donnee a l'academie par M. Morand , qui la tenoit de M. du Luc. CHIRURGIE. Zz y 3*5 CHIRURGIE. M, T A I L L E LATERAL E. .r. le Cat , de Rouen , qui fe trouvoit a Paris , vint rendre comte — ^^ a l'academie dcs differens fucccs qu'il avoit cus dans fes operations de la Cuirurcie taille Iaterale. II declara qu'en 1735 & l7i& •' avoit cru ajouter quelque perfection Annie ijl$- a cette operation , en effayant de faire a la veflie une incilion qui inte- jitf, reffoit le dedans de la proftate, le cou de la veflie, & un grand pouce de fon corps. Le coup de main lui paroiffoit facile , mais les fuites n'en furent pas heureufes , au moins ne put-on reconnoitre d'autre caufe de mort dans ceux qui fuccomberent ; ils avoient eu les accidens les plus vifs de la colique nephretique , & Ton trouva dans leurs cadavres que l'incifion interieure alloit prefque jufqu'a l'uretere gauche. M. le Cat y ayant bien reflechi , fe renferma dans le projet de de- brider feulemcnt , par une petite incilion , le cou de la veflie & la prof- tate a cote du veru-montanum , afin d'ouvrir la voie a une douce dila- tation. Pour cela il emploie des lithotomes etroits , & apres avoir entame les tegumens & l'uretre avec un premier , il fe fert d'un fecond Un pen courbe, qui a la convexite de fon tranchant fort court, tournee vers le rectum , & qui n'abandonne point la crenelure de la fonde. C'eft avec ce- Iui-ci qu'il debride furement & fans danger le con de la veflie. II allure aufli qu'il tire de grands avantages des crenelures qui font au cote droit de tons fes inftrumens, pour les introduire fucceflivement l'un aprcs l'autre. C'eft a ces corrections qu'il attribtie les bons fucccs qu'il a eus cette annee Sc la precedente dans huit operations qu'il a-faites dins 1'houl- dieu de Rouen. En mime temps, M. Morand & M. Guerin le fils a Paris, M. Perchet a Fontainebleaxi & a Naples, ou il a ete appelle pour etre le premier chi- rurgien du roi des deux Siciles , & M. de la Haye a Rochefort , ont fait fix autres operations par la methode Iaterale, dont cinq ont reuflr, treize en tout iur quatorze. Nous croyons devoir , a cette occslion , avertir d'une erreur de fait qui fc trouve dans un traite de chirurgie de M. Sharp Anglois, ouvrage eftime. II n'eft nullement vrai que la taille Iaterale ait ete defendue en France. L'auteur, qui avoit ete mal inftruit, a fupprime ce fait dins une feconde edition de fon livrc. On en auroit pu tirer une conlequence de- favantageufc aux chirurgiens Francois, & injufte. C H I R U R G I E. tfg ABRECE DES MEMOIRES SECOND M E M O I R M S U R LA F I S T U L E LACRYMALE. Par M. Petit. D _, 'ans le memoire que j'ai donne fur ce fujet en 1754", (fl) j'ai dis- tingue trois dift'erentes maladies auxquclles on donne fouvent le nom dc fijlules lacrymaks ; favoir , la tumeur lacrymale , qui n'eft point fiftule •, la fiftule qui n'eft point lacrymale , & celle que Ton doit appeller , & qui eft uniquement fiftule lacrymale : dans celle-ci > les larmes, au-lieu d'etre retenues dans le fac nafal , ou de couler dans le nez , coulent par l'ulcere fiftuleux , & fe repandent fur la joue. Dans ce memoire , j'ai traite amplement de la tumeur lacrymale qui n'eft point fiftule. Celle qui eft fiftule , & qui n'eft point lacrymale, n'a rien de partictilier , fi ce n'eft d'avoir etc fouvent confondue, & prife pour la vraie fiftule lacrymale , ]e n'en parlerai point aujourd'hui : il s'agit feti- lement des fiftules qui font reellement kcrymales , tant de celles qui font limples, que de celles qui font les plus compliquees : j'en excepte encore les complications qui peuvent dependre des caufes interieures. II ne fera que ftion ici que du vice organique ou local , en tant qu'il eft poflible de le reparer , foit par des medicamens topiques , foit par des operations chirurgicales. Ce vice , qui le plus fouvent eft peu de chofe lorfqu'il commence , devient confiderable quand la maladie a etc negligee ou mal traitee dans fon commencement •, elle augmente peu a peu au point qu'il y furvlent inflammation , qu'il s'y forme abces, que le fac lacrymal fe perce, & que le pus & les larmes s'ouvreht 1111 paflage au dehors , & fe repandent fur la joue ; que quelquefois les os fe carient, qu'il s'eleve des chairs fon- gueufes , de dures & de calleufes , que le fac lacrymal fe detruit entie- rement ou en partie, & que les points & conduits lacrymaux & le canal nafal memc , fe derangent, en forte que la ftrufture & les fonctions du fiphon lacrymal font entierement perverties. Ce n'eft la qu'une partie des defordres qui arrivent, fi Ton ne fait pas de bonne heure l'op.eration que j'ai decrite dans le premier memoire. On trouvera, dans celui-ci, un de- tail & une defcription exafte de toutes les operations & aurres moyens que j'ai eu occafion de pratiquer pour prevenir oil reparer ces defordres , du moins autant qu'il m'a ete poflible. (a) Voyez le Tome precedent de notre Colieftion Acade'mique , page 157. DE L'ACADI^MIE ROYALE DES SCIENCES. 5S7 Lcs intentions que Ton doit avoir dans la cure de ccs differenres com- *— — ^— plications, fc reduifent en general a deux. L'une eft de gucrir la fiftule, Ciiirurci & l'autre de remedier au larmoicment, en rctabliilanr le cours naturel des larmes dans le nez. Je fais que Ton ne pent gucrir le larmoiement fans • Annie i~3g. guerir la fiftule 5 mais bien des gens fe confer, tent de guerir la fiftule fans guerir le larmoiement, & ils sen applaudilfent; cependant la perfection exige qu'on reuliife dans l'un & dans ('autre. En ellet, un chirurgien peut- il le vanter, par exemple, d'avoir gueri line fiftule a 1'anus, (i, apres Iff trairement, le boyau le trouve retreci an point de refnfer un libre paf- fage aux excremens, oil aftoibli & li dilate , qu'il refte an malade une trop grande ficilite d'aller a la lelle, ou bien une impoffibilite de retenir les excremens ? Croira-t-on qu'une fiftule au perine foit bien giierie , s'il refte au malade une difhculte de rendre les urines , ou une impofllbilite de les retenir i Je dis la meme chofe de la fiftule lacrymale : quicon- que guerit cette fiftule , & hills le larmoiement , ne fait que le pins facile de ce qu'il doit faire ; car pour reufllr dans cette operation , il n'eft pas moins eflentiel de conferver ou de retablir les foncttons du fiphon lacrymal , qu'il eft elTenticl de conferver celles de 1'anus & de l'uretre quand on opere fur ces parties. Je fais qu'il n'eft pas toujours pollible de parvenir h cette perfection , mais il faut le tenter : ce qu'il y a de certain , e'eft qu'on n'y parviendra jamais en luivant une methode qui commence d'abord par detruire I'or- gane, (e'eft la methode ordinaire) Sc que Ton y parviendra tres-fouvent par celle qui a pour maxime de le conferver ou de le retablir dans fori etat naturel. Quoiqtic la fiftule, fur-tout celle qui eft compliquec , paroifTe Ie prin- cipal objet , cette fiftule n'eft pas ce qui donne le plus de peine -, le difficile eft de retablir le cours des larmes en meme temps qu'on opere, & que Ton traite la fiftule : e'eft pour cek que je ne feparerai point ccs deux chofes. Les operations que je vais decrire, tendront egalement a remplir ces deux vues. Elles le reduifent 3 quatre. Les lines fe pratiquent au trou fiftuleux : les antres regardent le vice des points & des conduits Iacry- maux •, il y en a qui s'exercent fur le fac lacrymal & fes dependances •, enfin celles fans lelquellcs on ne pent efperer une guerifon parfaite , fe pratiquent au canal nafal, & conliftent a le deboucher & a conferver fort ouverture dans le nez; (a) mais comme on ne doit rien entreprendre fans connoitrc I'tftat dans lequel fe trou vent les parties aftltgecs , il faut d'abord s'attachcr a bien connoitre a quel point chacune eft aftecree , & pour y parvenir, je fonde la fiftule avec on ftilet a bouton & ties- pliant , je l'introduis avec beaucoup de douceur & de circonfpection julqu'aii fond de l'ulcere, ou je fais une perquilition exacfte en tournant ce ftilet de cote & d'autre. Si le ftilet s'introduit facilement , & que je ne recon- noitre d'autre complication a la fiftule, que I'obftru&ion du canal nafal, (a) Limcme. 363 A B R £ G E DES MEMOIRES ■jSSSSSSBaBB je me contente d'agr.indir le trou fiftuleux , de dcboucher le canal nafal , r & d'y porter une bougie qui pafie jufques dans le nez , de la maniere que Chih.UR.gie. . j J jufqii'au fond de la fiftule , j'en eherche la caufe , qui ordinairement n'eft: que la petitefie du trou fiftuleux , ou l'accroiffement & la durete des chairs qui obliterent ce trou, ou qui en changent la direction : en ce cas , & avant toutes chafes, j'agrandis le trou de la fiftule, & je dermis les chairs, fi ce font elles qui font l'obftacle. On pent les detruire , foit par l'ufage des confomptifs , foit avec l'inftrument tranchant qui eft preferable aux ' confomptifs; je dirai ailleurs les raifons de cette preference. Pour dilater l'ouverture de la fiftule, l'incifion femi-lunaire fuffit, (b) mais on doit la faire de maniere que l'ouverture de la fiftule s'y trouve comprife. Pour emporter avec l'inftrument tranchant les chairs qui font l'obftacle, je place bien le malade , & je le fais tenir ferme pour qu'il n'interrompe point l'operation •, je failis les chairs avec une erigne tres-fine & de la plus pe- tite courbure ■, je les coupe d'une feule fois , s'il eft poffible , pour eviter de la douleur,je conferve precieufement toute la peau qui n'eft point alte- ree ; je ne coupe dans le profond de la fiftule , qu'autant qu'il faut pour emporter les mauvaifes chairs, & je menage tout ce qui appartient ou peut appartenir au fac lacrymal & aux autres parties de l'organe. Apres avoir ainfi debarraile la fiftule , le paffage pour allcr au fond etant libre, j'introduis une fonde boutonnee & pliante pour connoitre l'erat du fac nafal & des autres parties qui y aboutiffent & qui l'environ- nent. Avec cette fonde, je reconnois, par exemple, fi l'os eft carie, s'il n'eft que (implement decouvert, ou s'il eft fain : fi le fac lacrymal n'eft: perce que par le trou fiftuleux, s'il eft detruit totalement, ou fi Alteration s'eft communiquee aux autres parties du voifinage, & enfin fi la fiftule a perce dans le nez. Aprcs cet exameu , il faut reconnoitre l'etat au fe trouvent les points lacrymaux & le canal nafal par le moyen de la fonde qui eft propre a cet ufage, ou en faifant des injections avec la feringue lacrymale. Si l'on in- troduit facilement cette fonde par les points lacrymaux jufques dans le fac lacrymal, ou fi les injections paffent dans ce fac, c'eft une preuvecertaine que les points lacrymaux & leurs conduits ne font pas obftruesj Ton peut porter prefque le meme jugement, s'il fort beaucoup d'humidirc parle trou de la fiftule , ou par la narine du meme cote •, mais fi le larmoie- ment eft conliderable , que la fiftule ne rende que tres-peu de matiere , & que Ton ne puifle faire paffer la fonde ni les injections jufques dans le fac, c'eft un figne prefque toujours certain que ces conduits font bou- ches, & en ce cas il faut examiner quelle eft la caufe de l'obftacle, & la detruire , s'il eft poffible. J'ai trouve quelquefois ces conduits entierement bouches , ce qui eft: rare quand la fiftule flue, leurs parois s'etoient rendues adherentes pendant (a) La-mSme. O) IA-m$me. 1'inflammation DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 169 I'inflammation des paupieres , & fur-tout de la conjondcive : quand """"*"" cette inflammation dure long-temps , & quelle fuppure , elle caufe l'adhe- C h 1 r. u r g 1 e. fion des parois de ces conduits. Pour remedier a cette adherence , j'ai elfayc d'y introduire la fonde, & j'ai quelquefois renAi : quelquefois audi Annie 1739- ma (bnde y a pane fans trouver de reliitance dans prefque toute leur eten- due , excepte a l'endroit oil le canal comrnun de ces deux conduits fe degorge dans le lac : en ce cas, ayant on pcu (orci , j'ai vaincu l'obftacle-, j'ai fait la meme chofe routes les fois que j'ai cru n'avoir que tres-peu de chemin a faire pour arriver au fac. Quand j'ai trouve plus de reiiftance dans l'endroit que je deligne , j'ai pouffe ma fonde tin peu plus fort, & tres-fouvent je 1 'ai fait entrer dans le fac •, mais lorfque j ai trouve l'obfta- cle trop pres des points lacrymaux, e'eft-a-dire, pres du bord des paupie- res , mes tentatives ont toujours ete inutiles , foit parce que les conduits etoient bouches dans prefque toute leur etendue, ou parce que la fonde alors etoit trop pen engainee dans le conduit pour que je pulfe l.i poulfer avantageufement contre l'obftacle : e'eft ce que j'ai remarqus particuliere- ment a ceux qui ont ete fujets a l'ophtalmie, & a ceux de qui les paupieres ont ete maltraitees par les grains de la petite verole. Dans le nombre de ceux qui ont en les yeux attaques par les puftules de cette maladie, & qui ont eu recours a moi , j'en ai trouve plulieurs qui avoient les deux points lacrymaux bouches depuis long-temps. Ceux- la ont Iarmoye toute leur vie, cette efpece de larmoiement etant pref- que toujours incurable , parce qu'il depend de ce que les points lacry- maux, & fouvent leurs conduits, font obliteres par la cicatrice qui fe formant fous le grain de la petite verole, reunit I'orifice des points la- crymaux , & tres-fouvent les parois de leurs conduits. On pent prevenir cet accident, fi, pendant que les grains de la petite verole Uippurent en- core , on a loin de bien nettoyer l'ulcere que produifent ces grains , ce u'on fait avec des lotions frequentes qui detergent l'ulcere , & fur-tout , lorfque I'inflammation a ceffe , & meme pendant que la cicatrice fe forme, on tache d'introduire de temps en temps avec douceur la fonde dans les points lacrymaux. Pour y introduire cette fonde avec facilite, je la trempe dans le blanc d'oeuf, que je prefere a l'huile, non-feulement dans le cas dont il s'agit, mais dans tous ceux ou il eft necelfaire d'introduire ou le doigt ou la fonde , rien n'eft plus propre a les faire glifler , & a faciliter l'eur intro- duction. Si les adherences des parois de ces canaux ne font que com- mencees, on les detruit avec la fonde, & s'il n'y en a point encore, on les previent en faifant de frequentes injections d'eau de plantin', de rofe, ou autre, avec la feringue lacrymale du lieur Anel. Ce chirurgien avoit des connoiflances, de la fagacite, & le genie de fa profeflion. Ces avantages pouvoient lui procurer 11 n etablilTement fo- lide •, ccpendant, long-temps avant fa mort , la fortune & la reputation l'avoient abandonne. On ne peut s'empecher de croire que la pofterite liii rendra plus de juftice que fes contemporains. Ses inftrumens lacrymaux Tome VIII. Panic Frtw$oifc. A a a ,1 57o A B R E" G E DES MEMOIRES "— ont enrichi l'arfenal de chirurgie, & Iui feront par eux-memes beaucoup Chuiurgie dhonneu.r danf tous les fiecIes- !' feroit a fouhaiter pour fa gloire qu'il • fe frit difpenfe de publier certaines brochures & lettrcs apologetiques , Annie tjjg. dans lefquelles il attribue a fes inftrumens beaucoup de proprietes qu'ils n'ont pas, mais en revanche nous y en avons trouve beaucoup d'autres qu'il n'avoit pas conuues , comme on verra dans la fuite de cet ou- vrage. J'ai dit , & ]e crois veritablement que Ie Iarmoiement , produit par l'adhefion des parois des conduits lacrymaux, eft incurable lorfqu'il eft an- cien. J'ai inutilement tente de deboucher ces conduits a ceux qui depuis long-temps etoient gueris de la petite verole, & a qui par confequent les cicatrices etoient deja trop folides pour obeir a la fonde. Peut-etre que fi Ton effayoit d'introduire cette fonde a ceux qui font nouvellement gueris de la petite verole, on pourroit reullir-, c'eft ce que je n'affure pas, parce que n'ai pas encore eu occasion de leprouver dans cette circonf- tance. Ce qu'il y a de certain, c'eft que cette operation m'a toujours reufll lorfque j'ai pu la pratiquer immediatement apres la maturite des grains de la petite verole, & fur-tout dans le temps que le grain s'applatit, mais avant qu'il fe feche, parce qu'alors la reunion des parois n'eft pas en- core faite. Dans les fiftules lacrymales anciennes , foit compliquees , foit fimples ; quoiqu'on ne puitfe paffer la fonde par les conduits lacrymaux , il n'en faut pas toujours conclure que ces conduits foient bouches , le plus fou- vent ils ne font que replies fur eux-memes, ce qui arrive par l'ufage im- modere des bourdonnets, qui en dilatant trop la fiftule, eloignent ces conduits du fac oil ils doivent fe degorger , ce qui les gene & les fronce de maniere, qu'ayant perdu leur diredlion , la fonde heurte leurs replis, & ne pent paffer, ou ne paffe qu'avec peine. Pour remedier a cette crif- pation ou froncement, j'ai pendant quelques jours panfe la fiftule molle- ment & fans tentes ni bourdonnets, arm que les conduits replies puffent s'alonger & reprendre leur etendue naturelle-, pour y parvenir plus faci- lement, j'ai fait dans les points lacrymaux de frequentes injections d'eau de mauve & de guimauve, j'ai applique des eataplafmes pour amollir ces parties, & peu de temps apres j'ai reconnu que les conduits etoient li- bres, puifque la liqueur que j'y injedois, fortoit par la fiftule. Quoique l'injection ne paffe point dans les premiers jours, il faut la con- tinuer, & fiire de legeres tentatives avec la fonde lacrymale : lorfqu'oti fait ces tentatives , il ne faut rien forcer, li ce n'eft apres avoir fait long- temps ufage des injections emollientes fans fucces-, car alors n'ayant plus cfperance de reullir par la douceur, on n'a rien a rifquer, & Ton peut pouffer la fonde plus fort, comme je l'ai deja dit, fur- tout lorfqu'elle entre affez pres du lieu ou ces conduits fe degorgent dans le fac •, on ne reufllt pas toujours , mais on ne peut point faire de mal. Quand on a ete affez heureux pour forcer l'obftacle , il faut conferver le paffage , en y faifant des injections frequentes •, je crois meme qu'on y DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. }7r fourroit pafler un 61 dcplomb, d'argent ou d'or, bien menu, comme ]- ai eprouve une fois : il eft vrai que je n'eus qu'un mediocre fucccs.mais „ rnmmp on ncut faire cette tentative fans rlinnsr I,. „'., »___«. __:_» Chi .... >.^.^i...v »..». .—.- . .. .... ..... .]._. ;». ..^Mj, vjU un uicuiucrc meets, mais n comme on pent faire cette tentative fans danger, je n'y renonce point H ' R L " G ' *•' encore. Si je n'ai pas reuffi completement , d'autres feront peut-etre plus Annte heureux , cela depend de certaines circonftances. ■ 39- Au malade dont il s'agit , apres avoir force' l'obftacle du conduit lacry- nial inferieur , & avoir paffe ma fonde jufques dans le fac , j'ouvris la fiftule, j'introduiiis un fil d'or a la place de la fonde avec laquellc j'avois force le conduit, je paflai ce fil aflez avant dans le fac pour le pouvoir tirer hors du trou fiftuleux, ce que je fis facilement avec une petite cu- rette un peu courbe, que j'introduilis dans la plaie; je coupai ce fil a un travers de doigt du point lacrymal & de la fiftule, je repliai Fun & l'autre bout , & Ies enveloppai d'un petit Iinge , de maniere qu'ils ne puflent blefler l'ocil. Mon operation auroit ete complette , fi j'en avois pn faire autant au conduit lacrymal fuperieur ; mais foitparce qu'il n'eft pas li facile a fonder que le point lacrymal inferieur , ou que fon orifice fut enticement bouche, je ne pus jamais y pafler la fonde : cependant le milade a gucri fans larmoiement , ce qui m'a fait juger que l'obftacle pouvoit n'etre que dans le conduit commun , ou bien que comme cette perfonne avoit na- turellement l'ceil moins humefte que d'autres, un fcul point lacrymal pou- voit fuffire. r On peut obje&er que j'ai dit dans mon premier memoire , que la di- latation du fac lacrymal depend de 1'obftrucHon du canal nafal ; d'ou il femble qu'on doive conclure que les points lacrymaux ne doivent pas etre obftrues dans pludeurs des cas que je viens de rapporter. Je ne reponds pas prefentement a cette objection , parce que ce que j'ai arepondre m'obligeroit a faire le detail dune maladie du fiphon lacrymal que je necroispas ctre decrite paries auteurs, & que je decrirai dans url troiiieme memoire; je ferai feulement remarquer ici que le larmoiement qui arrive aprcs la petite verole, ne depend pas toujours des points ou conduits lacrymaux. II n'eft que trop ordinaire que les yeux foient attaques par les puftules de la petite verole, & qu'en confluence les paupieres fe collent, qu'on y refiente une douleur plus ou moins cuifante, que les yeux douloureux & larmoyans fupportent difficileme.it l'aftion de la lumiere, & qu'alors. les points & conduits lacrymaux enflammes fe collent & meme fe bou- chent, dou s'enluit le larmoiement. Mais il arrive auili tres-fouvent que les grains de la petite verole qui attaquent les narines, les rendent dou- loureules, les fechent, les bouchent & les enflamment : alors 1'inflamma- non de la membrane pituitaire s'etend jufqu'au canal nafal , & y produit les memes accidens qu'aux points lacrymaux; car fi cette inflammation Douche le canal nafal, les larmes ne pafl'eront point dans le n<-z, & il y aura larmoiement : il faut done favoir diftinguer fi le Larmoiement qui luit a petite verole vient de la part des points lacrymaux on de celle du canal naial. La chofe eft fouvent tres-equivoque, fur-tout lorfque le nez Aaa ■J J7i ABREGE DES MEMOIRES — a^— — — $- ies paupieres font attaques en merae temps , car quand il n'y a que I'lin' ~ ou 1'autte , on fait auquel on doit attribuer le larmoiemenr. Cette obfer- v^tion m a engage de laver les nannes , de les iennguer avec des decoc- Annie ij^g- tions emollientes, & d'avoir les memes attentions pour le nez que pour les yeux, avec cette difference qu'on ne peut point fonder ni inje&er le canal nafal comme les points lacrymaux. Ayant fait aux conduits lacrymaux les operations que je viens de de- crire, le jour merae & tout de fuite j'examine le canal nafal, & fi je le trouve bouche, j'y introduis par le trou de la fiftule line fonde a bouton> cannelee , & beaucoup plus groffe que celle qui fcrt a deboucher les points lacrymaux , & a la faveur de la cannelure de cette fonde , je paffe line bougie de groffeur convenable, afin de conferver ce conduit ouvert, puis je panfe la plaie avec le charpi fin & mollet. A la levee du premier appareil je note que le charpi pour en remettre d'autre, fans remuer la bougie ni les fils d'or ou de plohib ; aux autres [lanfemens je ne change pas la bougie, mais je la remue dans le canal en a retirant a demi, & la repouffant deux ou trois fois comme pour frayer le paffage ; je ne change de bougie que le quatrieme ou le cinquieme jour , & j'en continue l'ufage jufqu'a ce que les larmes puiffent elles- memes reprendre, 8c continuer leurs cours naturel dans le nez. Les premiers panfemens doivent etre tres-doux, c'eft pour cela que fans oter le fil d'or , je me contente de le deployer , & de le faire mou- voir dans le conduit en le tirant doucement ca & la par les deux bouts, comme on feroit le feton que Ton auroit paffe dans une plaie. Apres m'e- tre fervi de ce fil pendant quelques jours, je le 'retire ti je juge que la communication foit bien etablie •, mais je recommence les injections par "sis paller dans lun _ . „ r> I.' .. A. n Is I I • •. 1-'' . . . V/HUDROIt, Ses parens 1 amcnerent a Paris , le voyage an avoit caufe line ophtalmie coniiderable & une fievrc atTez vjve : I'une & 1'autre dilparurent aprcs deux Annie IJ33. faignees &: quclqucs jours de repos, mais fur- tout en le debarrallant dune tente de plomb grade comrae une plume de pigeon , & de la longueur de ncuf a dix lignes, qui palfoit tranlverfalement du fond de la fiftule dans le nez-, on en avoit change cinq fois feulement depuis cinq mois, & cellc que j'otai y etoit depuis un mois. On me dit que l'intention de celui qui avoit fait l'operation , etoit de ne la pas retirer , parce que , difoit-il , lorfque la fifuile fcra fermee au-dehors, la tente de plomb par fon poids tombera dans la narine, & fortira lorfque le malade fera quclque effort pour fe moucher. J'cxaminai s'il y avoit quclqucs pieces d'os decouvertes, &: qui dulfent s'exfolier , je n'en trouvai aucunc. A la veritc , elles avoient cu le temps de s'exfolier depuis fix mois que l'operation etoit faite. Aprcs avoir ote cette tente, je poruLune foncJc a bouton du cote du canal nafal; j'eus aflez de peine a le troliver, cependant j'y introduilis ma fonde, & je le debouchai, puis j'y paifai une bougie alfez tuenue par le bout qui va jufques dans le nez , & plus grofie par celui qui demeure dans la partic du liplion lacrymal qui doit former le lac : cctte bougie etoit attachee par un fil, a une ligne pres du gros bout, de maniere qu'apris l'avoir pouiiee du cote du nez jufqifau fil qui y etoit attache ,-]e la retirai en enhaut de la quantitc de deux lignes on environ, pour -quelle occupat le lieu ou fe trouve le iac •, de forte que le fil fe trouvoit au centre de l'ouverture de la fiftule , & que le gros bout de la bougie auquel j'avois donne la forme d'une olive , remplilioit tout le lieu ou refide le fac : cette bougie ain.'i placee , prelfoit les chairs , 8c les pouffoit vers le trou qu'avoit fait l'opera- teur, & par lequel paffoit ci-devant la fonde de plomb. Mon defTein etant de boucher ce trou, je me fuis fervi de cette bougie comrae d'une efpece de mandrin fur lequel les chairs voilines fe font moulees a mefure qu'elles font accrues & qu'elles fe font cicatrifees. Pour faciliter la chofe, je panfai le malade mollement avec le feul charpi fin & fee , je couvris le tout d'une comprefle mouillee dans un blanc d'eeuf battu avec un pen d'alun de roche : ce panfement fut continue cinq ou fix jours, & je retirai la bougie pour en introduire une un pen plus grofie. J'eus la latisfaduon de voir que le trou fait par le chirurcien ou l'operateur, etoit bouche, que les larmes pailoient par les points lacrymaux dans la fiftule, & qu'elles ne tomboient fur la joue que parce que le canal nafal , quoique bien d£- bouche, ne pouvoit encore les conduire dans le nez, tant parce que la paroi n'etoit pas encore cicatrifee, que parce que la fiftule n'etant pas reunie, le fac ne pouvoit les recevoir & les diriger a l'ouverture du canal. Enfin, en continuant ce panfement, & en morigenant de temps en temps les chairs par le moyen de la pierre infernale bien menageei les bords de la fiftule fe rapprocherent peu a peu , & lorfque l'ouver- ture exterieure commenca de rendre le paflage de la bougie difficile, j'en cefiai 1'ufage , & la reunion parfaite le fit dans deux ou trois jours. i76 ABREGE\DES M^MOIRES, &c. — — — » Cette derniere obfervation pourroit etre accompagnee de bien d'au- _ tres circonftances , puifque la nitule du malade etoit ecrouelleufe ; mais ' j'ai cm ne devoir rapporter ici que ce qui a un rapport immediat aux Annh tJ39- derangemens du fiphon lacrymal, & aux moyens que j'ai employes pour les reparer. MEDECINE. M E D E C I N E. Tome VIII. Partie Frcn$oife. Bbb )79 MEDECINE. OBSERVATIONS D E MEDECINE. Hift. 1.VJL k. Martin, docteur en medecine & en chirurgie a Laufanne , a i ecrit a l'academie qu'apres avoir ete tourmente pendant foixante hcures dune violente toux feche qui avoit refiftc a tous les remedes ordinaircs , n T c ' N '• i! s'etoit perfuade que Ie liege du mal etoit au haut de la trachee, dans un Annie fsC endroit qu'il fentoit vivement picote, & qu'il avoit concu que de pctits vailleaux trop ouverts & trop dilates y dechargeoient quelque maticrc acre. L'air froid devoit etre propre a les refierrer , & le temps y conve- noit mieux que jamais, parce que e'etoit alors le mois de Janvier, & qu'il faifoit fort froid a Laufanne. Mais quel remede? Eut-il jamais ol'i le con- feiller a tin malade ; II le prit au moins pour lui , il s'expofa a l'air , d'a- bord avec quelque precaution , & il fe fentit fouiagc fur le champ , il s'y expofa eniuite davantage, & fut gueri. I I. Encore une pratique fort hmple pour la petite verole , & qui vient de lui. II balTine la peau du vifage, & de tout le corps avec un linge mollet trempe dans de I'eau tiede , & cela de quatre hcures en quatre heures , jufqu'a l'cruption des puftules. II a vu les grands accidens (e calmer fort vite par ce nioyen , les puftules paroitre de bonne heure, & ne laiffer au- cune cicatrice rcmarquablc. I I I. Il parol t que M. Martin eft fecond en remedes limples , & il feroit a fbuhaiter que Ion exc-inple &. fes fucces en rendiffent 1'ufage plus univeri'el. II a eu entre les mains un homme de dix-huit ans, fujet a de frequens vomiflemens , parce qu'il avoit recu a l'endroit du cartilage xiphoide un coup qui le lui avoit eufonce. Tous les remedes avoient etc inutiles, juf- qu'a ce qu'eniin M. Martin s'avila de faire retourncr en dehors ce carti- lage , & de le replacer par un mouvement de deux doigts de la main droite , ce qui lui fit nieme entendre une efpece de petit craquement. II ne connoidbit point le livre de Codronchus De prolapjh cartildginis ma- cronaae , on doute encore de la poffibilitc de cette chute , l'obfervation de M. Martin la favorile. Bbb ij M E Ii E C I N I jSc A B R E G E des memoires I V. Annie ij$6. Ce n'eft plus ici une cure gu'il ait faite, ce n'efl qu'un temoignage qu'il rend. II a vu line dame de Ton pays, qui eft fourde, & qui entend ce qu'on dit, en voyant le mouvement des levres de ceux qui parlent, ainfi qu'on l'a deja rapporte de quelques autres fourds. Elle repete ce qu'elle a cntendu par ce inoyen , niais d'un ton bas ordinaire aux fourds. L'arc ne peut fuppleer a la nature avec plus de fineffe. M. Chomel a fait a l'academie l'hiftoire dune epilepfie hnguliere qu'il avoir vue & traitee. Une jeune femme , nee au commencement du hecle oil nous vivons, eut de violens chagrins, que pour comble de malheur elle etoit obligee de diffimuler, & fa fante , qui avoit ete jufques-la affez bonne, y luccomba entierement. Elle commenca en 1731 a etre tour- mentee de migraines qui duroient vingt quatre heures , & auxquelles fuc- cedoit un vomilTement d'un fang epais & noiratre, fans eltorts & fans toux. La crife fe terminoit par une foiblcife 6c un evanouiffement. Ces accidens furent les memes pendant deux ans. Elle ne laifla pas d'avoir deux enfms dans cet intervalle. Vers les derniers temps de la groflefle elle etoit plus fuiette aux vomiflemens de fang , qui s'annoncoienr par une douleur vive dans la region du foie. En 1733 les chagrins redoublerent , & les accidens audi. II furvint una jaunUfe. L'acces etant venu, & la malade tombee dans revanouiiiVment, on s'appercut qu'elle etoit couverte d'une fueur epaiffe, les linges dont on reffuya furent teints dans l'inftant d'une couleur lafranee , & la jaunifle ie diffipa. De fortes convulsions s'etant jointes a tous les autres accidens , on reconnut que c etoit une epileplie que caufoit I'acrete de la bile arretee dans le foie, capable d'irriter le genre nerveux. Les acces commencoient par des convulfions fouvent fi fortes, que la tete etoit retiree fur l'epaule droite , Ie bras droit retire du meme cote, l'epine du dos courbee en arc La malade crioit qu'on lui tirat les jambes & le bras droit , mais , comme il arrive prefque toujours dans les mala- dies convulfives , la force des mufcles en cer etat etoir prefque infurmon- table; aux convulhons fuccedoit le vomiflement, & enfin l'evanouiffe- ment terminoit tout. Incontinent apres la malade le relevoit , fouvent fans ie fouvenir de ce qu'elle avoit fonitert, & elle reprenoit fon train de vie ordinaire, quoique fort languiifante 8c fort abattue. Un de nos plus grands medccins la voyoit, mais fa guerifon , qui ne pouvoit etre que fort lente , au cas qu'elle fut poflible , n'alloit pas aifez vite a fon gre, & elle fe mit entre les mains d'un empirique, qui alloit la guerir en peu de temps, & a fond. Ses remedes ne furent pas fans efFet, les convulhons devinrent beaucoup plus violentes, elles fe faifoient fentir dans tous les vifceres du bas ventre , avec des douleurs tres-aigues , DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 381 & la tete mcrae etoit attaquee comrac Ics vifcercs, fa vue s'eteignoit ablo- —— 1 lament pendant des demi-hcures ; an lieu de ces vomilfeniens ordinaircs , & quelquefois outre ces vomiffemens , il lui fortoit tine grande abondance E D l c ' N d'une fcrofite fanguinolente, tantot par le bout da I'cin droit, tantot par Annie 11-6 le nombril & par l'ouraque qui fe rouvroient, & alors la ferolite avoit line forte odeur d'urine. De ii enormes convullions, & des evacuations ii contraires aux loix de la nature, revenoient deux fois par jour. La malade tomba dans un etat oil Ton ne fongeoit plus qu'a lui donner fes facremens. Ce tut alors que M. Chomel la vit pour la premiere fois en decembre 1755, dans la Fcule elperance de lui procurer quelqtie foti- lagemenf, il fit rappeller M. Aftruc qui l'avoit vue, pour agir do concert avec lui. lis la trouverent dans le commencement d'une groflefTe , & en furent afiez etonnes, mais ils le furcnt encore plus du lucces de leurs foins , tons Its accidens diminuerent & de frequence & de force , il n'y en eut qu'un de remarquable dans le troilieme mois de la groiielie , ce fut un voiniliemcnt accompagne de tant d'erlorts, qu'il fortit par le nom- bril line once ou deux de fang epais & caille. Enfin au mois d'aotit 1734. vint un enfant a terme , & bicn lain , fur lequel on n'eut certainement pas comptc. La mere a eu, pendant pres de deux ans, une fante affez chancelante, le moindre chagrin lui cauioit des evanouilieniens epileptiques , les lave- mens & les plus legers purgatifs lui donnoient des convullions , mais elle n 'avoit plus de les anciennes evacuations extraordinaires. Depuis ce temps- la elle eft encore mieux, & M. Chomel a attendu qu'elle flit en cet etat, pour ofer dire qu'elle flit guerie , mais il la croit encore bien delicate fur les peines de l'eiprit. Si le corps , par fes maladies , a le droit d'affliger 1'ame , Tame exerce bien a Ion tour le meme droit lur le corps. M t M O I R E D^nS lequel on examine fi I'Huile d' Olive efl un fyiafique contre la morfure des Viperes. V ar Mrs- Geoffroy & Hunauld. JLi'AC adfjmie & le public ont ere informis qu'un payfan Anglois affu ■«■' ■— n. ».. roit avoir trouve un fpecifique contre la morfure des viperes, dans Tap- . plication de l'huile d'olive ; on difoit meme que des experiences que ce ~e l' * paylan avoit faites fur lui & fur quclques animaux, en prefence de per- M ^ tro's heures apres midi, chez 'mi gentilhomme Anglois, appreter une vipere pour faire un bouillon, Antvfe z j 37. & l'ouverture de la boite elles s'echapperent toutes. II en raffembla cinq, mais la hxieme etoit cachee fur un potager aupres d'une terrine qui etoit fur le feu. Cette derniere vipere , irritee par une chaleur plus vive , fe jetta fur le doigt index de la main gauche du garcon , & le mordit juf- qu'au fang. Le malade fentit alors une dou'.eur qu'il compare a l'impreflion qu'au- roit fait l'elprit de vitriol dont on auroit laiffe tomber une goutte fur une plaie.j Sans s'alarmer , il coupa la tete de la vipere, l'ecrafa, & l'ap- pliqua fur la morfure. Corarae il fentit une plus vive douleur, il fit lier ion doigt d'une ficelle, qu'il fit ferrer le plus fort qu'il fut poffible. II ellaya inutilement, avec de medians cifeaux, de fcarifier fon doigt qui s'enfloit conliderablement. II eut recours au gentilhomme pour qu'il lui fit la fcarification , etant dans le deilein d'y appliquer enfuite un fer rouge ; mais le gentilhomme qui avoit quelque pratique de medecine , Ten dilftiada , en lui difant qu'il fe feroit plus de mal qu'il n'en avoit , qu'il fufhlbit de prendre la grailfe de viperes , & de s'en frotter chaude- mcnt , que cela empecheroit le progres du venin , qu'il avoit meme vu plulieurs charlatans k Londres & en d'autres villes d'Angleterre , qui , pour faire voir l'effet de leur antidote , animoient une vipere dont ils failoient mordre quelqu'un de leur troupe ; que comme la parde mordue enfloit fur le champ , ils ne faifoient autre chofe que de lui faire avaler de la meriaque , & frotter enluite la partie mordue avec la ^raiffe de vi- pere chauftee, & qu'a mefure que l'cnflure augmentoit, ils frottoient au- deifus, de forte qu'en moins de vingt-quatre heures le malaic etoit gueri. Le garcon fuivit auffi-tot ce confeil, il tua trois oil quatre viperes, il en fit fondre la graiiTe , dont il frotta fa main qui enfloit confiderable- ment , puis la couvrit d'une fcrviette. II avala environ trois gros de the- riaque & un pen de vin par-deffus. II fe mit alors , fans inquietude , en chemin pour revenir a la maifon, mais au milieu de la route, comme il s'appercut que fa main enfloit continuellement, il fut dans l'obligation de detacher les boutons de fa chemife, & d'ouvrir la manche de la vefte. II fentit une douleur foils 1'aiifelle du meme cote, & s'appercut que les glan- des en etoient conliderablement gonflees , ce qui lui donna un peu d'in- quietude & de defiance fur les remedes propofes par le gentilhomme An- glois. A fon arrivee, il fentit un feu par tout le corps, & meme la main du cote oppofe s'enfloit a ne pouvoir la fermer qu'a peine. On eut re- cours a une potion compofee d'eau theriacale d'environ trois onces, au- tant d'eau generale , un peu d'eau de meliffe compofee , environ demi- once de dieriaque , un gros de camphre, les fels volatils de viperes, de fuccin & ammoniac, environ vingt-quatre a trente grains en tout, ef- prits volatils de fel ammoniac & huileux de Sylvius , un gros en total. Apres avoir pris cette potion, on le coucha •, il fut confeffe , puis on lui fit prendre une potion a peu prcs pareille a la precedente. II fentoit un DE L'ACADEMIE ROY ALE DE.S SCIENCES. 3S5 rtn feu dans la gorge, dans la poitrine , & memo il ne pouvoit prcl- . que plus parler, a caufe des grandes douleurs qu'il fouffroir. Cct etat d^"J4 ,, u e c i n termina a avoir recours a une faignec : on fit done une faignee du bras oppofe, & Ton tira environ lix palettes dc fang. Le cfairurgicn riettt pas Ann:; plutot mis la ligature, que 1c malade perdit connoiffancc , ;<: vomit pen- dant trois quarts-d'heure , apres quoi on fit une incilion lc long du doigt fjns qu'il lortit de fang. La chair bourfoultloit par-deffus la plaie. On fit enluite une embrocation depuis le bout du doigt jufqu'a l'epaule & fur la region du cceur. Cette embrocation etoit compolee d'eiprit ds lavande , de camphre , quantite de theriaque & de graiffe de viperes. Apres le vomifTement , lc malade , ranime par cette friction , fe fentit tres-foulage & fans aucune doulcur. Sur les huit heures du loir on lui fit faire une autre potion a peu prcs compolee comme les autres , apres quoi il s'affcupit jufqu'au lendemain matin quatre heures •, au bout de ce temps il fe reveilla extremement altere , & la tete fort embarraffee. On lui fit boire un grand verre de vin , il refta jufqu'a fix heures & demie fans rien prendre , & fort tranquille. Vers les lept heures il mau- gea d'un grand appetit une cuilTe & un blanc de poulet. Les chirurgiens lui propoferent dans la matinee de faire des fcarifica- tions le long du bras , il les pria de diffcrer deux ou trois jours, pour voir s'il n'y auroit pas moyen de sen difpenfer. Au bout de ce temps il lui furvint une efpece d'erelipele fur lequel le malade appliqua le cinquieme jour un liniment compofe d'environ demi-fetier d'eau-de-vie , deux ouces d'onguent d'althea , demi-once ^de theriaque , meles enfemble. Ce remede fit diminuer 1'enflure depuis l'epaule jufqu'au coude, il con- tinua la raeme chofe pendant trois jours tous les vingt-quatre heures , ce qui acheva de diminuer 1'enflure, excepte celle de la main. Le refte du bras etoit cependant demeure noir en plulieurs endroits & violet en d'au- tres, on lui confeilla de faire un cataplafme refolutif avec la decodtion des herbes emollientes , huit onces de miel commun , une livre des quatre farines, un peu de populeum pour envelopper la main deux fois le jour, apres l'avoir frottee d'huile-rofat, ce qu'ayant pratique l'efpace de cinq jours, 1'enflure de la main diminua totalement. Ce garcon eft aduelleraent plein de vie , fort & vigoureux. La relation fuivante a etc envoyee h l'academie par M. Mortimer, fe- cretaire de la fociite royale de Londres , & correfpondant de l'acade- mie •, & e'eft cette relation qui a occalionne notre travail fur cette matiere. jj Guillaume Olivier & fa femme, de la ville de Bath, dont leur metier » eft de prendre & de vendre des viperes, s'offrirent a fourlrir la mor- j> fure de quelque vipere que ce flit, fe fiant a la vertu d'un remede dont jj le hafard leur avoit fait faire la decouverte, un jour que la femme jj ayant etc mdrdue , ils effayerent inutilcment tous les remedes connus , jj & que I'applicition meme de l'huile de vipere ne diminua nullement u fes douleurs, fur-tout celles quelle reilentoit a la mamclle du cote de jj la main ou elle avoit ete blelTee. Tome VIII. Panic Frunfoi/c. Ccc iU ABREGfi DES MEMOIRES Mggjjg jj Au mois de mai 17545 ces gens fe prefenterent a quelques perfonnes Mjj curieufes a Windior, ofrrant de fe faire mordre de quelque vipere que » ce tut , ie hant a la vertu de leur remede ; ce qui tut fait , & avec le Anne'e if yj. " Jucces qu'ils avoient promis fans aucun fymptome violent. lis me furent jj adrefles de-la par M. Guillaunie Burton , medecin de Windfor , qui jj avoit etc temoin de cette experience furprenante, & de qui ils m'ap- ?j porterent une lettre. jj Le premier juin 1734, en prefcnce de plufieurs membres de la fo- jj ciete royale , & d'autres perfonnes , I'homme fut mordu an poignet & jj au ponce de la main droite par line vipere vieille & noire, fort irritee, j 5 de forte que des gouttes de fang fortoient des plaies. II dit qu'il fentoit jj auffi- lot une douleur violente & piquante, qui pen^troit jufqu'a l'extre- jj mite du ponce, & fe repandoit par tout fon bras, meme avant que la js vipere fut derachee de fa main , & que pen apres il fentoit une douleur jj femblable a l'a&ion d'un feu , qui fe gliffoit le long de fon bras : en jj pen de minutes fes yeux commencerent a paroitre rouges, & quali en >j feu, & a verfer beaucoup de larmes; en moins d'une demi-heure il ap- jj percut que le venin fe failiflbit de fon coEiir par des douleurs aigues *, jj ce qui fat accompagne d'une grande foiblefle & d'une difficulte de ref- jj pirer , & fuivi de incurs froides & abon dames : peu apres fon ventre jj commenca a s'enfler avec des tranchees fort aigues, & des douleurs aux jj reins accompagnees de vomiflemens & de dejeftions tres-violentes. jj II dcclara que pendant la violence de ces fymptomes il perdit la vue jj deux fois, pendant plulieurs minutes ^de fuite, mais qu'il entendit les jj voix qui lui etoient familieres. II dit que dans les experiences qu'il jj avoit faites auparavant , il n'avoit jamais diftere l'application de fon re- jj mede plus long-temps que jufqu'a ce qu'il fentit les effets du venin ap- »j procher de fon coeur mais cette fois-ci , pour fatisfaire pleinement a la jj curiolite de la compagnie, il n'appliqua rien avant qu'il fe fentit tres- »j mal , & que la tere lui tournat. jj Une heure & un quart apres qu'il eut ere mordu , on apporta un re* jj chaud de charbons de bois bien allumes, & fon bras mid fut tenu def- >j fus audi pros qu'il pouvoit le fouftrir, pendant que fa femme le frottoit »j d'huile avec la main, en tournant le bras continuellement au-deflus des r> charbons, comme (1 elle vouloit le rotir , il dit que la douleur s'ctoit jj bientot appaifee, mais la tumeur n'etoit pas beaucoup diminuee, les jj vomiflemens & les purgations par bas commencerent bientot avec vio- j) lence, & fon pouls devint (i petit & (i intermittent, qu'on jugea ne- jj ceflaire de lui donner les cordiaux fuivans a un quart - d'heure l'un jj de l'autre. jj Prenez eau de lait alexitaire, troisonres. jj Eau de pivoine compofee , trois onces. jj Efprit de lavande compofe , un groa •, melez pour deux dofes. jj Prenez confection raleigh, e'eft une compofition cordiafe decrite daw » la pharmacopee de Londres , demi-gros. >j Eau thenacale, une once & demie. DE L'ACADftMIE ROYALE DES SCIENCES. 387 »> Efprit volntil de come de cerf, dix gouttes, mclez pour unc dole. ^—— ■■■ » Prenez confe&ion raleich, demi-gros. M , ~, , . ,. ° ° M.EDECINT. >i Tneruque , demi-gros. »> Efprit volatil de corne de cerf, dix gouttes. Annj qu'il fut po/fible, oil Ton frottoit ion bras d'huile cornme auparavant. jj II fc plaignoit beaucoup du dos & du bas ventre-, la-dcffus je confeil- »> lai a la femme de le frotter du nicme remede chaurfe dans une cuiller , >j ce qui fut fait , & il declara d'abord qu'il fe fentoit tout auffi-tot fou- » lage comme par enchantement, & il n cut pas apres, plus de deux ou jj trots vomiffemens ou felles i mais Ion urine, qui etoit alfez abondante, jj n 'etoit pas affez decoloree ; bientot apres il tomba dans un fommeil i> profoncf, qui fut interrompu jufqu'a minuit par ceux qui le venoient >j voir. Depuis minuit il dormit de luite julqu'a cinq ou fix heurcs du u matin , & en s'eveillant il fe trouva bien •, mais l'apres-dine ayant bu »> des liqueurs fortes, julqu'a etre Ufi pen ivre, la tumeur revint avec r> beaucoup de douleur , & avec des lueurs froides , qui dimiinierenc » bientot quand le bras fut frotte comme auparavant, &: envelopps dans >j du papier gris trempe dans l'huile. >j Deux pigeons furent mordus par le mcrae vipere , immediatement n apres l'homme ', ils devinrent bientot malades & ctourdis. On n'appli- j> qua rien a ces deux oifeaux •, l'un tnourut dans une heure, 1'autre une n demi- heure apres. Leur chair paroiffoit noire, comme li elle etoit gan- » grenee , & leur fang etoit coagule & noir. jj Le 3 juin, l'homme avoit encore (on bras enfle, rouge, marbre de » taches jaunes , mais mol au toucher. II pouvoit mouvoir le bras , & 3) mane les doigts , fans aucune douleur & avec facilite. ») On fit mordre le nez d'un petit chien par une vipere nouvellement ■»■> prife ; le remede y fut d'abord applique chaitd, & on en frotta birn la n partie , jufqu'a ce que tout le poil en fut entiercment mouille; le chien >) ne lembloit pas fe porter fort mal , fon nez s'enfla un peu •, il mangea 11 peu apres •, le nez fut frotte encore au foir. On le trouva fort bienje i> lendemain •, mais on lui frotta le nez encore une fois pour alfurer la n guirifon. II ne fut attaque dlaucun fymptome dans la luite, il s'eft bien jj porte depuis , & vit encore. jj Un autre pigeon fut mordu audi delTous l'aile en memo temps qua le jj chien, mais par une autre vipere, le remede y fut immediatement ap- jj plique chaud , & la partie en fut bien frottee jufqu'a lnouiller tautes j j les plumes. Cet oifc.iu ne fembloit point du tout afieile par le venin-, jj il mangea d'abord , 8c on le trouva bien le lendemain , fans aucune in- jj flammation ou tumeur remnrquable dans la partie bleflee. On appliqua jj le remede deux fois par jour pendant deux ou trois jours de luite. jj L'oifeau fe portant bien, nos preneurs de vipcres l'amenerent avec eux Ccc ij «.r-' 3SS A B R E G E DES MEMOIRES ; jj comme en triomphe, car ils n'avoient jamais eprouve l'effet de leur re- M.; _ „ jj mede fur un animal li petit ; car comme il recoit par la morfure une jj auili grande quantite de venin quun animal plus grand, ll court plus Annie 27 ?7. " de rilque d'en mourir. jj Nos marchands de viperes difoient qu'ils avoient experimente l'effet jj de leur remede fur Ies vaches , les chevaux & les chiens dix heures jj apres la morfure : mais qu'a l'egard d'eux-memes , comme ils etoient jj foiivent mordus k la campagne, en prenant les viperes, ils portent de K leur remede , qui eft de l'huile a falade oil 1'huile d'olive dans leur )> poche, & que tout auffi-tot qu'ils etoient bleffes, fans perdre de temps jj ils fe frottoient du remede la partie bleffee •, & li la plaie etoit au ta- 33 Ion, ils en mouilloient bien le bas •, li elle arrivoit au doigt, ce qui eft jj le plus ordinaire, ils verfoient du remede dans le doigt du grand cor- jj refpondant , dans lequel ils enfonc>oient d'abord le doigt , & ils n'en jj fentoient plus aucun inconvenient, pas meme autant que de la piquure jj d'une abeille. jj Tout le detail qu'on vient de lire , a ete depuis imprime dans les tran- fadtions philofophiques, page 313 du N°. 443. Voila done trois homines mordus. L'Anglois , preneur de viperes , a life d'huile d'olive & de cordiaux. Un Francois qui a employe d'abord la grailTe ou l'huile de viperes avec l'ufage des remedes cordiaux. Et un troi- iieme , fur qui on n'a rien applique d'ontftueux , & qui a ufe a peu pres des memes remedes interieurement. Tons les trois out eu des accidens qui ont beaucoup de rapport entr'eux & avec ceux qui font furvenus aux animaux cites dans nos experiences. Ces trois homines ont ufe de cordiaux qui font i peu pres les memes ; les accidens ont ceffe a peu pres de la meme facon ; le fommeil leur eft iiirvenu dans les memes circonftances. En verite, ou leur moriure n'etoit pas mortelle , ou (i Ton vent attribuer leur guerifon a quelqu'un des fe- cours qu'ils ont employes, ce fera aux cordiaux. Mais par quelle vertu les cordiaux pourroient-ils agir en pareils cas? En auroient-ils une lpecifique contre le venin de la vipere ? ou plutot ne prefervent-ils point nos hu- meurs contre la putrefaction gangreneufe que le venin de la vipere leur communique (car, comme nous le ferons voir, l'effet de ce venin eft la gangrene ) » Cette derniere idee paroitra affez plaufible , fi Ton fait attention que dans plulicurs cas de gangrene provenant de toute autre caufe , les cordiaux s'oppofent a fes progres, & empechent quelle n'infe&e la maffe § de notre fang. L'ouverture des animaux qui ont peri par la morfure de la vipere, foit qu'ils euffent ete frottes avec l'huile , foit qu'ils ne I'euffent pas ete , nous a fourni les memes chofes a obferver. La jambe piquee etoit extre- mement groffe & livide ; la tumeur & la lividite s'etendoient le long de la cuiffe jufqnes fous le ventre, oti elles paroiffoient plus conliderables i quclquefois meme elles gagnoient jufqu'a la poitrine. Une incillon faite dzns la peaii , le long de ces parties , nous faifoit voir routes les cellules graifleufes qui font entre les mufcles & la peau , remplies d'une ferofitd DE L'ACADtfMIE ROYALE DES SCIENCES. }8? fanguinolente. Ellcs ctoient gonflees , noirutres & gangrenees. L'amas de — ^— — — ■■ cctte ferolite & la diftention des cellules le trouvoicnt fort considerables „ , du cote du bas ventre. La pcau eft attachee aux mufcles de 1'abdomen c I n f. [)ar line fubftance cellulairc qui cede beaucoup •, & comme e'eft la partie Anne'e 1737. i plus declive du tronc dc 1'animal , il n'eft pas etonnant qu'il s'y fafTe un plus grand amas qu'aillcurs. La gangrene s'etendoit en s'affoiblidant du cote de la poitrine & du croupion. Dans les autres parties, la grailfe & les cellules qui la contiennent, ctoient blanches a 1'ordinaire. II (ortoit fouvent des en droits gangrenes, line odeur puante , &: quelquefois cadave- rcuie. Comme les dents des vipcres penetroient dans les mufcles, nous trouvions audi les mufcles de la jambe d'un rouge brun , leurs fibres avoient perdu de leur confiftancc , & fe dechiroient facilement , par con- fequent la gangrene les occupoit audi. Elle penctroit jufqu'a l'os toutc lepailleur des mufcles oii etoit la niorfure , & ceux qui en ctoient voifins. Elle etoit moins profonde dans les mufcles de la jnmbe oppofes a la mor- fure. Cette gangrene occupoit les mufcles qui environnent le femur, mais elle y etoit plus fuperficielle ; elle s'etendoit aufli le long des mufcles du bas ventre , & quelquefois on appcrcevoit quelques points gangrenes fur le grand pectoral, du cote oii 1'animal avoit ete mordu. Lc venin de la vipere, introduit avec la dent, penetroit la pcau & la fubftance cellu- laire , pour arriver jufqu'aux mufcles. Puifque ce venin eft de nature a produire la gangrene , il n'eft point etonnant qu'elle fe manifeft.1t plus par- ticulierement dans la fubftance cellulaire. Nous favons que e'eft la meme chofe chez nous, oii la gangrene fait un progrcs plus grand & plus prompt dans cette partie que dans les autres. Pent etre que le venin de la vipere agit de plulieurs facons pour caufer la mort , mais il eft certain que la gangrene conhderable qu'il produit, doit y avoir beaucoup de part. OBSERVATIONS DE MEDECINE. Catalepsie. JTendant le careme de 1737, une dame dont nous fupprimons le ! nom , aeee de quarante-cinci ans , vint de Vefoul a Bcfancon , pour v a n lolliciter u n proccs de la dermcre conlequence pour elle, & qui, Ii elle l'eut perdu, eut mis le comble a des malhcurs trcs-fenfiblcs quelle avoit Hift. deja effuyes. Agitee de la plus vive inquietude , elle ne fortoit point 011 de chez ceux a qui elle avoit aftaire, oil des eglifes pour tacher de mettre le Ciel dans fes interets ; on l'y voyoit quelquefois allant fe proftcrner devant tons les autels 1'un aprcs l'aurre , dune maniere a fe fiire remar- qucr de tons les affiftans. Elle dormoit peu , & ne mangeoit prefque point, loit parce quelle avoit perdu l'appctit, foit parce qu'elle fe dtro- )9« 'A BR id DES MiMOIRES —* boit a elle meme fa fubliftance pour faire plus d'aumones qui lui obtinflent M A D B C I N E. lm b°n r"CC"- Elle apprit cependant que l'air du bureau ne lui etoit pas favorable, & Annie l^^S. la veille du jour qu'elle devoit etre jngee , elle tomba vers les cinq heures du foir, dans uri etat que Ton prit pour line apoplexie, & Ton alia, avec grande precipitation, chercher M. Attalin, profeil'eur en medecine a Be- fanc.on, qui y courut avec M. Vachcr, chirurgien des hopitaux de cette ville, correfpohdant de I'academie. lis trouverent la dame affile dans un fauteuil immobile , les yeux fixes en enhaut , & brillans , les paupieres ouvertes , & fans mouvement , les bras eleves , & les mains jointes , comme (1 elle eut ete en extafe. Son vifage, auparavant trifle & pale, etoit plus fleuri, plus gai, plus gracieux qu'a l'ordinaire. Elle avoit la refpiration libre & egale, & les mufcles du bas-ventre jouoient avec facilite. Son pouls etoit doux, lent, & aflez rem- pli, le meme a peu pres qu'aux perfonnesqui dorment tranquillement. Ses membres etoient fouples, legers, & fe laifloient manier en tel lens qu'on vouloit, fans faire aucune refinance; mais, & c'etoit la ce qui caradteriloit fon mal, ils n'etoient que trop obeiflans, ils ne fortoient point de la litua- tion ou on les avoit mis. On lui abaiffoit le menton, fa bouche s'ouvroit & reftoit onverte. On lui levoit un bras, enfuite l'autre , ils ne retomboient point •, on les lui tournoit en arriere , & on les elevoit (I haut que l'homme le plus fort ne les eut pas tenus long-temps dans cette attitude, ils y demeuroient d'eux- inemes tant qu'on les y laiiioit. On la mit debout pour faire fur fes jambes les memes epreuves que fur fes bras , & pour donner aux jambes & aux bras en meme temps des attitudes difficiles ^ foutenir , & il eft aife de juger que non-feulement l'envie de connoitre 8c d'approfondir le mal , inais encore line certaine curiofite pour un pareil fpedtacle, firent imaginer tout ce qu'il y avoit de plus bizarre •, la malade fut toujours comme une cire molle, qui prend kicceffivement toutes les figures que Ton vein, & s'en tiendra eternellement a la derniere. M. Attalin dit qu'il croit qu'elle fe fur tenue la tete en bas, 8c les pieds en haut. Ce qui eft tres-furpre- nant , c'eft que fon corps, quoiqu'on l'inclinat en difterentes facons,con- fervoit toujours, & conftamment, un parfait equilibre. II fembleroit que la ftatue de cire fe colloit par les pieds ^ ce qui la portoit, pour s'empe- cher de tomber. Elle paroiffoit infenfible. On la fecouoit, on la pin^oit, on la tourmen; toit , on lui mettoit fous les pieds un rechaud de feu , on lui crioit meme aux oreilles qu'elle gagneroit fon proces ; mil figne de vie. C'etoit une ca- talepfie parfaite. M. Attalin fit venir M. Charles, profeffeur comme lui en medecine, la dame fut faignee du pied par M. Vacher, ces nieffieurs allerent fouper, & revinrent bien vite a leur malade. Ils la. trouverent revenue de fon acci- dent, qui avoit dure trois ou quatre heures, & elle les etonna beaucoup par un difcours affez long, bien prononce , bien lie, ou elle faifoit une hiftoire pathetique de fes malheurs , & racontoit tout le detail de fon pro- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i9t ccs , le tout accompagne de reflexions morales qui nailibient du fujet , & — >^n«»»., dc priercs a Dieu quelle n'avoit point prifes dans fes Heures , mais quelle ,, , compoloit lur le champ. On commenca par la raffurcr autant que Ton put, aux depens merac linnet i-'iS. de la verite, fur ce fatal proccs, qui avoit caufe rant de ravage dans fon ame, enfuite on l'interragea foigneufement fur tout ce qui s'etoit paffc en elle pendant fon acccs. Elle ne voyoit rien, quelquefois feulement clle entendoit, & meme (i bicn qu'elle reconnuc quelques perfonnes a la voix. Elle ne fe fouvenoit [>oint d'avoir etc faignee, mais clle s'en douta quand clle fc vit le pied ie. Le rechaud de feu, qui auroit du lui faire line impreffion beaucoup plus fenlible qti'une voix , ne lui en avoit fait aucunc. Quoiqu'elle eiit etc fort tourmentee, il ne lui en reftoit point de doulcur, ni meme de laf- fitude. Pendant qu'on s'entretenoit ainll avec elle, on s'appercevoit que de temps en temps elle interrompoit Ion dilcours pour pouiler de petits lou- pirs, & que dans ces momens fes yeux devenoieut fixes & immobiles. On ne manquoit pas auffi-tot de faire tout ce qui etoit poffible pour prcl- venir l'acccs dont on etoit menace. Elle revenoit d'abord a elle, & con- t'muoit de parler, mais fans reprendre le til de Ion dilcours oil elle l'avoit la Hie •, elle en commencoit un autre, quoiqu'on la fit louvenir de quoi il avoit ete queftion , & a quel point elle en etoit demeuree-, & cela arri- voit toutes les fois que cette petite menace d'acccs avoit interrompu fon difcours. L'idee de ce qu'elle avoit encore a dire perilloit abfolument,& il s'en preientoit a elle une autre quelle n 'etoit pas maitreffe de refufer. Au bout d'une heure l'acces vint dans toute fa force, les accidens cata- leptiques furent les memes, ou peut-etre plus marques que la premiere fois. Quand ils furent finis, la malade affile dans fon fauteuil , fe mit a farler pendant une bonne heure & demie fur le ton & dans le ftyle que on connoifioit dejii, mais enfin fes dilcours fenfes fe changerent en ex- travagances accompagnees de hurlemens affreux , & elle fut attaquee d'unt frenefie violente, dont la cataleplie n'avoit ete que le prelude. Tous les remedes, que les habiles gens qui la traitoient, purent em- ployer pendant trois ou quatre jours qu'elle paffa encore h Bcfancon , fu- rent inutiles. On la renvoya chez elle a Vefoul, & ce qui ne furprendra Eeut-etre pas moins que fa maladie , elle eft aifhiellement a Vefoul en onne fante , fans avoir eu aucune recidive. Viendra-t-il un temps ou ccs fortes de phenomenes s'expliqueront ? M E D E C I N E Annie 1738. 3Pi A B R E G E DES MEMOIRES, &c. I I. M O R T E T R A N G E. Le meme M. Vacher, dont nous venons de parler, a envoye^ i I'aca- demie un petit brin de paille de chanvre, qui avoit Me line femme de cinquante-fept ans , d'un temperament fort & robufte. Elle l'avoit avale en brifant du chanvre fur une bancelle, pour en feparer Ies chenevottes, elle ne s'en etoit nullement appercue, & elle ne s'en douta que quand elle fut faifie peu de temps apres d'une toux douloureufe, & d'une extreme difriculte de refpirer & de parler. Elle fe fentoit toujours le gofier picote. Elle mourut en moins de trois jours, & M. Vacher qui l'ouvrit, trouva le brin de paille dans l'interieur de la premiere fubdivifion des bronches , qui fe diftribuent a l'entree du lobe gauche du poumon. II etoit fitue tranf- verfalement comme une barre dans la bronche au-deffus de la divilion, fiche de maniere qu'il en piquoit par fes deux pointes les parois internes. L'irritation continuelle qu'il caufoit b des parties d'un fentiment tres-vif & tres-exquis , enflamma le poumon , qui en portoit effeftivement toutes les marques, les autres vifceres dtant parfaitement Tains. M2CHANIQU& MECHANIQUE. Tome VIII. Panic Francoife. Ddd 3 95 MECHANIQUE. SUR QUELQUES PROBLEM ES D E D Y N A M I Q U E, I' All 1 1 1' I O 11 T A U X TRACTIONS. J— iES mouvcmrns d'un ou de plufieurs corps tires par des cordes, lb n t — — ■— »»— > un des principaux objets dc dynamique, ou fcience des forces. Nous en «. . avons donne en 2.711 , un cchantillon qui a rapport a ce que nous allons expofer ici. jinn/e , II s'agilfoit de la courbe decritepar un bateau, que tire tvec une corde, d'une longueur determines & conftante , un homme qui niarche d'un pas egal fur un rivage parfaitcment droit & qui va toujours fur le bord. 11 fe trouvoit que cette courbe etoit alymptotique, quelle avoit pour afymp- tote ou pour axe le rivage ou elle n'arrivoit jamais, & que dans tous fes points d tengeote , qui etoit la corde , etoit toujours la meme , proprieti unique. On l'appelloit traclrice ou tracloire. 11 s'eleva dans 1'acadcmie quelque contcftation au fujet d'une courbe qui pouvoit paroitre une trattoirc, & de la meme cfpece que celle dont on vient de parkr, & M. Clairaut , qui (outenoit qu'elle n'en etoit pas, fut oblige a approfondir cette marie re plus que Ton n'avoit encore fait. Dans le cas du bateau tire, (1 la force qui le tire n'efl que celle qui eft neceuaire pour furmonter la rtliftaiice de l'eau, elle fe coiuiune toute en- tiere par cet efiort. Le bateau n'a fait, dans le premier inilant, que chan- ger un pen de place, mais il n'a acquis aucune viteile qui le fit aller plus loin,s'ii etoit aoandonne fubitcment par la force motrice, car il n'a pu que furmonter dans cet inftant la reiiftance de l'eau. Dans l'inftant luivant la force recommence a furmonter cette reiiftance , elle renait & n'agit que comme elle a fait precilement dans le premier-, ainfi tous les inftans ne font abfolument que le premier repete , ils ne tircnt aucun avantage d'a- voir ete precedes par d'autres. La tractrice de i~ii a etc concue dans cette iuppofition , qui a la veritc n etoit que tacitc, parce qu'elle eft fort naturelle. Mais li la force qui tire , excede celle de la reiiftance dc l'eau, e'eft au- tre chole. Je fuppole, pour plus de faciiitc , que je marchc fur une ligne droite , en tirant aprcs moi avec une corde un corps qui eft fur un plan horizontal. Si je n'ai fait que furmonter a chaque inftant, comme il vient d'etre dit, les frottemens du corps contre ce plan, il eft clair que ii jc m'arrete tout-a-coup, lc corps s'arrctera auffi. Mais li ce plan etoit aliez Ddd i; 55)5 abr£ge des m £ m o i r e s ! poli pour ne faire aucune refinance a« mouvement du corps, ce corps aurj Mi,.., a vt^.ttC acquis un certain decre de vitcfTc qu'il confervera lors meme que je cef- ierai de le arer, puilquil n aura pas perdu a chaque lnltant cene que je AnnSe IJS6. lui impriniois. Mais quel mouvement prendra-t-il , & quelle en fera la direction ? II ne peut plus que dccrire un arc circulaire plus ou inoiris grand felon fa vitefle acquife, & le centre de cet arc fera le point ou Je me fuis arrete fur la ligne droite que je parcourois , & le rayon fera la corde qui tiroit. Que 11 , au-lieu de m'arreter , favois toujours pourfuivi mon chemin , ce corps n'en auroit pas rooms eu une viteife acquile correfpondante a chaque pas que j'eurTe fait, & propre par elle-meme & lui faire dccrire un certain arc circulaire •, mais i caulc de mon mouvement toujours en ligne droite, il auroit pris audi a chaque inftant un mouvement dont la direc- tion eut ete en ligne droite , & par confequent il auroit eu toujours un mouvement compole du droit & du circulaire. II eft vifible que li au- lieu de fuppofer le plan horizontal poll , je le fuppofe rabotenx, mais que je tire avec une force fuperieure a celle des frottemens , cela reviendra au meme. Voili done deux manieres eflentiellement differentes dont une tractoire pent etre formee , & elles viennent de la difference des forces. On a eta- bli affcz amplement dans les Siemens de la geomStrie de L'infini , ce que e'efr. que force fimplemcnt motrice , & force acceleratrice. Ici, li le plan ou fe fait la traction n'eft pas poli , la force qui n'eft quegale h la relif- tance des frottemens, eft implement motrice a chaque inftant, & ne prc- dnit qu'un mouvement (imple & droit •, li le plan eft poli , elle eft acce- leratrice, & produit un mouvement compofe du droit & du circulaire. II eft certain que dans le premier cas la courbe decrite eft la tracMce de 1 71 r, mais l'eft-elle encore dans le fecond ? Non fans doute , n'y eiit-il que k feule raifon fuivante. Dans cette courbe la corde eft h chaque inftant un rayon dont 1'extremitc qui porte le corps tire , tend a decrire un arc cir- cul.iire- & en decrit actuellement un qui tient ait moins du circulaire, & eft un petit cote de la courbe, le centre de cet arc eft necelfairement au-dedans de la courbe, & enferme dans fa concavite, done la corde y eft enfermee audi. Done elle n'en peut pas etre la tangente perpetuelle, comme elle l'eft de la rraclrrice de 1 7 1 1 . II eft vrai que le premier cote de la courbe du fecond cas ne peut etre que le meme que le premier de la tractrice de 1 7 1 1 , ce qui vient ma- nifeftement de ce que dans le premier inftant la force ne peut etre que {implement motrice de part & d'autre, mais au fecond inftant la force eft encore (implement motrice d'un cote, & de 1'autre elle eft deja devenue acceleratrice. Ce n'eft qu'a ce fecond inftant que peut commencer dans la courbe du Jecond cas la compoiition du mouvement droit & du circulaire. Par cette composition il faute aux yeux que cette courbe doit etre une cycloide , comme le pretend M.. Clairaut. On voit atfez combien la cy- clo'ide eft differente de la tradirice, qui a un cours infini, une afymptote, une tangente conftante , &c. DE L'ACADfiMIE ROYALE DES SCIENCES. 557 Unc lingularite de la cycloide, e'eft que pofee fur fa bafe oii elle a <..'; formee par le roulement ciiticr da cercle ccnerateur, elle commence & ., . c ■ • i ■ c • > a \ j-. ri ii- i y; Alj-ciiANIQi'f. hint par avoir line courburc innnie, celt- a-dire , Irion le livre des He- me ns , 8cc. dejl cite, un premier cot: & un dernier inurnment petits du fe- Annie 1^56. cond ordre. Or cela fe trouvc ict dans la tractoire du fecond cas, ou la force n'ctant que (implement rriptrice dans le premier infant elle ne peut iaire decrire h tin corps qu'un erpace in finiment petit du fecond ordre dans un infant infiniment petit du premier, ce qui a ete demontr^ dans ce meme livre. Nous verrons bientot ce qui doit arriver au dernier coti. Fuilque la courbure de la cyclo'ide eft infinie a fon premier cote, elle doit alter enfuite en diminuant, e'eft a-dire , que fes cotes devenus du {iremier ordre croitronf, & ils le doivent en eftet dans cette tractoire, ou a vitcifc que le corps tird ncquiert par la continuation de la traction augmentc toujours, & oil par conlequcnt ce corps parcourt ou decrit tou- jours de phis grands efpaces en des inftans egaux. La rai!on qui fait croitre ces efpaces ou cotes de la courbe, femble exi- ger qu'ils croillent toujours a 1'infini, car en tirant 1111 corps je marche toujours i 1'infini fur la meme droite, & du meme fens, & le corps ac- quiert toujours dc nouveaux degrcs de vitelTe. Cependant Ii la tractoire que je fais decrire au corps eft line cyclo'ide , il ne pourra decrire des efpaces ou cotes croilfans que jufqu'au milieu de cette cyclo'ide , jufqu'an point oii elle lera parallele ci ia bafe, apres quoi les cotes font necciiai- rement dccroiflans. Comment cela s'accorde-t- il ? La droite fur Liquelle je marche eft parallele h la bafe de la cyclo'i ! ■ & coupe la cyclo'ide en deux points. La difance des deux droites paral- lels eft la longueur de ma corde. Au premier inftant de la traction le corps eft pofi a 1'extremite de la bafe de la cyclo'ide, & je tire perpendi- culaircment h cette bafe •, alors fe forme le premier cote de Ia cycloide , par cette premiere traction qui eft hors de I3 cyclo'ide, & en eft tan- gentc. Au fecond inftant je marche d'occident en orient, par exemple , laiflant un peu apres moi vers 1'occident le corps qui au premier, inftant n'citoit ni phis ni moins occidental que moi, je ne puis done plus le tirer que d'occident en orient , & je continue* toujours ainli de fuitc jufqu'a l'infant oii le corps arrive precifement au milieu de Ia cycloide, eft pre- eifement audi oriental que moi, e'eft la ou eft le plus grand cote de la cy- cloide-, apres cela je continue a marcher d'occident en orient, mais le corps qui ayant etc d'abord plus occidental ou moins oriental que moi, eft devenu aulli oriental, ne peut plus que Yctce davantage, & toujours davantage,& je ne puis plus que le tirer d'orient en Occident, direction contraire a celle que ma traction avoit auparavant. Ainli , dans toute la feconde moitie de la cycloide, la nouvelle viteife acquife detruit toute celle qui avoit etc acquife dans la premiere moitie , & cela en rcpaifint par les memes degres dans un ordre renverfe, & enfin a l'extremite de la cycloide le corps le retrouvc tel qu'il etoit a l'origine , e'eft- a-dire , fans auauie vitelfe. Si je continue de marcher fur la meme ligne droite, le corps recommence a decrire une cyclo'ide egale & femblable a la 5^8 ABRIDGE DES ME MOIRES «— premiere , & toujoius ainli de fuite a l'infini. II faut qu'une tractoire quel- ' r ■. v.. ■ c'- ..rr. !• _ -_n_ jt . o. r.._. *.-_ conque foit d'un cours infini auffi-bien que celle de 171 1 , & fans cettc RitcuANiQui. explication , on auroit eii de la peine a comprendre comment la cycloide Annie I 736. en pouvoit etre une , & fur-tout comment la viteffe ne s'accumuloit pas a l'infini. Sur les plans non polis elle perit a chaque inftant infiniment petit , & renait dans le fuivant •, fur les plans polis elle ne perit qu'aprcs un temps fini , renait cnfuite , &c. Nous avons concu jiifqu'ici que la traction commencoit par etre per- pendiculaire a la ligne de progrejjion , fur ljquelle inarche la puiffance qui tire. En ce cas la courbe decrite eft la cycloide ordinaire oil 1c mou- vement droit & le circulaire qui la forment font egaux. Car ils le font toujours dans la defcription de cette courbe, s'ils le font une fois-, or ils le font a l'origine de celle-ci. La premiere ligne de traction & la feconde qui vient apres un pas infiniment petit de la puiflance , font entr'elles un angle dont la bale eft le pas ou mouvement droit de la puiffance , & en meme temps Tare circulaire infiniment petit, qui lnefureroit ce quil y a de circulaire dans le mouvement total. Done les deux mouvemens com- pofans feront egaux dans toute la cycloide. Ce ne feroit plus la meme chofe li la premiere ligne de traction etoit oblique .a la ligne de progreilion. La feconde ligne de traction feroit bien avec la premiere un angle dont la bafe feroit encore le meme pas de la puiffance , rnais la mefure de cet angle qui feroit neceffairement plus petit que dans l'autre cas , feroit audi un plus petit arc , & par confequent le mouvement droit feroit plus grand que le circulaire , & il en refulteroit une cycloide alongee. On pourroit meme, avec une premiere traction perpendiculaire, avoir encore une cycloide alongee, pourvu qu'on iuppofat que le corps tire avoit par lui-meme un mouvement felon une droite parallele a la ligne de pro- greffion. Et il au-lieu de ce mouvement droit on lui en fuppofoit un circulaire ; il eft clair que la cycloide feroit accourcie. Ce ne font la que les fondemens fur lefquels M. Clairaut s'eleve a des problemes plus compofes. II cherche quellis courbes on decriroit en tirant plulieurs corps lies enfemble par une meme corde , qui auroient par eux- memes des mouvemens particuliers , qui ne feroient point fur des plans horizontaux , &c. Mais ceux qui aiment les difh'cnltes & les fineffes du calcul geometrique , meritent bien qu'on leur rcferve quelque chofe qui ne foit que pour eux. DE L'ACADfiMIE ROYALE DES SCIENCES. \r) Mlchaniqve, S u r la Vis d A r c h j m e d e. C Annie 1736. itte vis eft line des plus anciennes &c des plus ingenieufes machi- n|(. nes que Ton connoille , & elle feroit digne du grand nom quelle parte, quand meme Archimede n'en fcroit pas veriublcment 1'inventeur. L'efFet en eft de faire mooter de l'eau, qui cependant defcendra toujours reelle- ment, & de la faire monter parce quelle defcendra toujours. II n'y a point la d'equivoque d'idees, ni d'abus de termes. Le probleme ainli pro- pofe , atiroit dii paroltre embarraiiant & paradoxe, & quoiqu'il foit a prefent bicn refolu & bien connu, il n'a peut-etre pas encore etc ni alfez approfondi ni all: z cxplique. Que Ton concoive qu'une vis foit tin canal flexible rouli autour d\in cylindre depuis un bout jufqu'a 1'autre. Ce canal fera une fpiralc ou he- lice, dont on ftippofc que tons les intervalles des /pins ou pas de vis font egaux. Lc cylindre etant pofe verlicalement , fi Ton met dans le can.il roule une boule pefante qui puifle s'y mouvoir librcment, il eft certain qu'elle en fuivra tons les tours depuis le haut jufqu'en bas, & defcendra toujours & autant qu'elle eut fait u elle flit tombee en droite ligne le long de l'axe du cylindre-, feulemcnt elle fut tombee alors en moins de temp1-. Si le cylindre eft pofe horizontalcment , on peut encore mettre la boule dans le canal par Ion ouverture , elle defcendra en fuivant la dire&ion de la premiere demi-fpire , mais des qu'elle fera arrivee au point le plus bas de cette portion du canal , elle s'y arretera. II faut remarquer que quoique fa pefanteur n'ait eu d'autre eflet que de la faire defcendre dans la demi- fpire , la pofition oblique de ce petit canal par rapport a l'horizon , a itc caufe que la boule en defcendant toujours, a toujours avance de l'extre- mite du cylindre d'ou elle etoit pirtie vers 1'autre extremite. II eft impoflible qu'elle avance davantage vers c-*tte extremite , qu'on peut nommer la feconde , Ii le cylindre pofe horizontalement demeure toujours immobile. Mais (i lorfque la boule eft arrivee au bas de la pre- miere demi-fpire , on fait tourncr le cylindre fur fan axe fans changer la !>ofition , & de minierc que le point le plus bas de la demi-fpire , fur equel pefoit la boule , vienne a s'elever , alors la boule tombe necelfai- rement de ce point-li fur celui qui lui fuccede , & qui devient lc plus bas-, mais ce fecond point etoit un point plus avance vers la feconde ex- tremite du cylindre, done par cette nouvelle chute la boule fe fera avan- cee vers cette extremite , & toujours ainfi de fuite, de forte qu'eile y ar- rivera a la fin en tombant toujours , le cylindre continuant toujours de tourner. La boule en tombant toujours a avance d'une ligne droite egale a l'axe du cylindre, & cette ligne eft horizontale , parce que lc cylindre eft pofe horizontalement. Mais s'il avoit ete oblique i l'horizon , & je fuppofe qu'il tourne toujours & du meme fens, il eft aife de voir que la boule partie du bas du canal , & arrivee par fa feule pefanteur au point le plus bas de 4oo ABRIDGE DES MEMOIRES >la premiere demi Tpire , auroit etc, comme dans le cas precedent, aban- donnee par ce point qui fe feroit eleve , & jettee fur le point fuivant Mr.cu anique. _uj auroit pris la place. Or ce point fuivant etoit plus avance vers la fe- Annee n^B. con<^e extremite du cylindre plus elevee que cclle d'oii la boulc etoit ' partie; done la boule en tombant toujours par fa pefanteur le feroit tou- jours elevee en vertu de la rotation du cylindre. Elle fc feroit toujours avancee d'une extremite vers l'autre de toute la longueur de l'axe , mais tile ne fe feroit elevee que de la hauteur verticale determinee par l'obli- qitite de la polidon du cylindre. A la place de la boule, il ne faut qu'imaginer de 1'eaU qui a ete pui- fee par l'ouverture inferieure du canal plongee dans un refervoir. Cette eau eft tombee d'abord dans le canal par fa feule pefanteur , le cylindre a tourne , & par fa rotation continuee , 1'eau en avancant toujours dans le canal qui monte s'eleve jufqu'a fon ouvemure fuperieure par oii elle fort. Voila le jeu de la vis d'archimede que M. Pitot s'eft propofe d'exami- n?r. II y a cependant une difference entre l'eau & la boule , e'eft que 1'eau eft un fluide qui etant tombe d'abord dans le canal par fa feule pe- fanteur, y remonte audi par cette feule caufe jufqii'au point du niveau. II fuffit de conliderer cette premiere quantite d'eau entree dans le canal independamment de la rotation jufqu'a l'ouverture fuperieure du canal, quoique de nouvelle eau ne lui fuccedat pas inceflamment. II eft clair que fa quantite totale de l'eau elevee par la vis en un certain temps ne fera que cette premiere quantite repetee un certain nombre de fois , & e'eft Ja la principale & la plus importante des determinations que M. Pi- tot a faites fur ce fujet. L'helice ou fpirale formee du canal qui tourne autour du cylindre eft compofee de diffcrentes fpires , dont la longueur depend de la grofleur du cylindre, & qui font toutes egales & femblables entr'clles quand on a fuppofe , comme ici , leurs intervalles egaux. Ainfi il eft bien fur que pour avoir la quantite totale d'eau elevee par la vis , il ne faudra que iavoir fi la premiere fpire, ou quelle portion determinee de cette fpire, a ete remplie par la premiere eau entree naturellement dans le canal , & multiplier enfuite cette grandeur par le nombre connu des fpires ou por- tions de fpires. M. Pitot appelle arcs hydrophores ces portions du canal ou de la courbe remplies d'eau , egales & ieinblables entr'elles quand on. les conceit comme diftinct.es. La grandeur d'un arc hydrophore depend elTentiellement de la cour- bure de l'helice. II eft evident que la quantite de la premiere eau , qui cntrera d'elle-meme dans le- canal , fera plus petite quand ce canal fera droit, que quand il (era courbe & contourne, mais on va le voir beau- coup plus particulicrement en approfondilfant la nature de l'helice de la vis. C'eft une courbe qui a autant de points d'inflexion que de demi-fpi- res. Si je veux rouler un fil autour d'un cylindre vertical depuis le bas jufqii'au haut , je puis faire que la premiere demi-fpire de ce fil , celle u\u eft pofec fur la furface anterieure du cylindre, tourne en enbas ou la DE L'ACADEMIE ROYALE DE.S SCIENCES. 401 la concavttc oil la convexite de fon arc-, niais li c'eft la concavite que }: ^^^ZZ^ZT. lui ai fait tourner en enbas, il faudra, quand je ferai pafler le fil a fa fur- ^ c,( ^NlQU E, (.ice pofterieurc du cylindre, que le nouvel arc ait ail contraire (a conca- vite tournee en enhaut •, car s'il l'avoit encore tournee en enbas, il re- Annti '73& delcendroit aprcs avoir monte , & il doit monter toujours. On s'en con- vaincra aifcmcnt par un moment d'attention. Or quand une courbe ayjnt tourne (a concavite oil d convexite d'un cote , vient a la tourner du cote oppofe , il v a la un point d'inflexion. Done il y en a un quand le HI palfe de la furface anterieure du cylindre a la pofterieure , c'eft- a-dire, en general, aprcs avoir fait line demi-ipire, done il y a aurant de points d'inflexion que de demi fpires. Comnie on fait que ccs points font reels, on entend bien qu'ils ne lont pas, li Ton ne veut, an pallage de la fur- face anterieure a la pofterieure , car l'anterieur & le poftiricur ne font id rien de reel , ils font toujours dans ie pafTage que fail une fp ire de la concavite a la convexite , oil au contraire , de quelque maniere que la fpire foit pofee fur la furface du cylindre. Quand une courbe a une inflexion , fi l'on tire par ce point une droite liorizontale , les deux branches , l'une concave, l'autre convexe, vont en Relevant ou en s'abaiffant par rapport a cette ligne , chacune de Ion cote, & (1 ces deux branches font egales & femblables , comrae elles le font dans 1'helice de la vis , tiles s'elevent ou s'abaiffent egalement jufqu'a un certain point, aprcs quoi elles recommencent ou a delcendre ou a mon- ter par rapport a la ligne horizontal. Le point Ie plus haut oil elles mon- tcnt, eft plus haut, & le plus bas oil elles defcendent, eft plus bas felon la nature de la courbe. L'helice de la vis etant un canal, il s'y forme done a chaque point d'inflexion , d'un cote une eipece de vafe creux ou I'eau tombe par fa pefanteur , & de l'autre une efpece de monticule fur lequcl i'eau eft conduite par la rotation du cylindre. L'arc hydrophore contient en meme temps ces deux portions d'eau ; mais il faut coniiderer de plus iiue cclle qui eft fur le monticule, oblige I'eau inferieure a monter jufqu'a Ion niveau, ce qui augmente la quantite d'eau contenue dans fare hydro- phore, oil, ce qui eft le meme, rend fare hydrophore plus grand. Voila les fondemens d'un calcul aifez delicat que M. Pitot a fait pour determi- ner cette grandeur. Comme les methodes modernes y ont ete neceffaires, on pourroit croire qu'Archimede lui-meme auroit etc embarraffe a calculer • cxacccment fa machine, mais il faut etre fort retenu a juger qu'il y ait eu rien au-deifus d'une fi forte tcte. Tome VIII. Fartie Francoife. Eee 4oi ABREGE DES MEMOIRES M£chanique. SUR LA LONGUEUR DU PENDULE Annti irq6. Dans la Zone T o r r i d e. Hift. JLVxrs Godin, Bougueii & be la Condamine, qui etoient partis pout !e Peroii au mois d'avril 1735 > nV arriverent pas audi promptement qu'ils l'avoient efpere. Differens accidens fur lefquels on ne compte point, & qui ne font pourtant pas fort rares , les arreterent a la Martinique , a Saint-Domingue , a Porto-Bello. Mais quoiqu'ils ne puffent pas encore s'occuper du principal objet de leur voyage , la nature eft par- tout, & ils trouvoient par- tout a obferver. lis prenoient des latitudes ou des declinaifons de l'aiguille , ils determinoient les differens degres de cha- leur, ou les refractions aftronomiques, ils portoient leurs barometres juf- ques fur des montagnes oii ils frayoient les chemins aux gens meme du pays qui les avoient toujours crues inaccefllbles , & la ils voyoient les abaiffemens du mercure. Mais leur plus grand travail, & celui qui appar- tenoit de plus pres au deffein du voyage , etoit de melurer la longueur du pendule dans les differens lieux de la zone torride , quand les fejours forces qu'ils y faifoient leur en procuroient le loifir. Ils s'en confoloient par-la. Nous avons donne en 1735 , (a) par le recit de ce que fit M. de Mai- ran a Paris , une idee de ce que c'eft que de determiner exa&ement la longueur du pendule. Les trois academiciens qui etoient en Amerique ont eu les memes attentions, des fcrupules audi delicats, & en ont eu meme de nouveaux felon que le demandoient les differcntes pratiques qu'ils fe propofoient de fuivre. Nous ne rapporterons ici que ce qu'il y aura de plus lingulier. M. Bouguer fit une remarque importante & neuve, fur laquelle il fonda une nouvelle circonlpeetion de pratique. On compte les vibrations on ofcillations du pendule fimple dont on fe fert , & on en compare le nom- bre a celui des fecondes que marque une horloge bien reglee pour le temps pendant lequel le pendule a ete en mouvement , & 1'on voit quel eft le rapport du nombre des ofcillations a celui des fecondes , d'oii Ton tire par l'analogie fondamentale de toute cette theorie expofee en 1755 quelle auroit du etre la longueur du pendule , afin que ces deux nombres fiiffent egaux , c'eft- a-dire , que le pendule battit les fecondes juftes. II paroit indifferent pendant quel temps le pendule fe meuve , pourvu que ce foit un temps aliez long pour abforber les petites erreurs qui peuvent fe gliffer djns le compte des ofcillations, & comme pour l'extreme juf- tefTe dont on a befoin on repete la meme obfervation , on fait mouvoir le pendule tantot plus long-temps , & tantot moins. Mais M. Bouguer s'eft nppercu, contre ce que Ton croit communement , que les ofcillations (a) Tome VII. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 403 du pendule devicnncut toujours plus promptes a mefure qu'elles devien- ;s nent mnindres •, ainli on le tromperoit en comptant qu'il y en cut en w . deux lieures precifement le double de ce qu'il y en avoit en une hcure , & pour evitcr cette erreur, qiioiqualfuiement legere, M. Bougiier en re- Annie 1 -36. pctant ics experiences, foit dans le meme lieu, foit en difterens lieux , prenoit toujours la meme forarae d'ofcillations faites en un meme temps qu'il avoit fixe de quatre heures. U faifoit toujours audi commencer le mou- vement de Con pendule par les olcillations de deux pouces. Les chofes que Ton veut comparer , ne iauroicnt ctre trop egales hors du point de leur difference ; mais il y avoit audi une autre ration pour ces deux pre- cautions , il vouloit ne pas attendre des petites vibrations d'une ligne & demie, dont le commencement & la fin auroient ete dilricilcs a determi- ner precilcment. M. Bouguer jugea cette perfection de l'egaliti fi avantageufe dans les comparailons exadles, qu'il s'avifa d'un pendule invariable auqucl il rap- porteroit tons ceux des difierens lieux oil il obferveroit, qui feroit par- tem de la meme longueur, & li folidement conftrtiit que les diderentes temperatures de l'air ne l'altereroient pas fenliblement. II ne feroit quef- tion que de regler bien fiirement fa longueur pour un premier lieu, oil il auroit battu les fecondes, apres quoi pax le nombre de vibrations qu'il feroit en quatre heures dans un autre lieu , on verroit combien il en au- roit fait de trop on de trop pcu pour battle les fecondes, & par confe- quent de combien il auroit fallu l'alonger ou l'accourcir pour les lui f.ire battre , e'eft-a-dire , quelle feroit la longueur du pendule eh ce lieu-la. On n'auroitdonc plus a prendre en cliaque lieu une nouvclle longueur du pendule, mais feulement la quantite qu'il auroit etc neceffaire d'ajouter a celle du pendule invariable, 011 en retr.incher , & ccla feul produifoit un a vantage, car lur la longueur du pendule de deux lieux dirrerens on pou- voit setre trompe d'une aflez grande fraction, de demi-ligne , par exem- plc , fur chacune , au-lieu que par la nouvelle mcthode on ne prenoit que des differences du pendule invariable 311 pendule fuppofe du iecond lieu, & ['erreur ne pouvoit rouler que lur de ties -petites fractions comme ■— de ligne. Ce ne fut qu'h Saint Domingtie que M. Bouguer eut cette penfee , & s'il l'cut eue des Paris, il y cut fait executer plus commodement fa ma- chine du pendule invariable. Mais enfin elle le fut alfez bien a Saint-Do- mingue. Son pendule invariable fut de 36 pouces, 9 -—y lignes , & le pendule de Saint- Domingue devoit ctre de 36 polices, 7 4- de lignes. Quand il pafia dela a Porto-bello , il trouva par cette voie que le pendirle du lieu y etoit de y~ lignes plus court qu'a Saint Domingue , 8c enfin quand il fut paiie a Quito dans la terre-femie d'Amerique fort proche dc l'equateur, le pendule n'etoit plus que de 36 pouces 7 lignes ou a trcs- reu prcs , plus court qu'a Paris dc 1 | lignes, felon les experiences de M. de Maiun. • Eee ij 4o4 ABRIDGE D E S M E M 0 I R E S MeCHANIQUF. An ne'e I7l6. 5 V R LE M.OUVEMENT D E DEUX L I Q U I D E S QUI S E CROISENT. Hii't. Xl faut imaginer des tuyaux de meme longueur & de meme diametre, qui fe croifent a leur milieu fous un angle quelconque , & ayant chacim a ce point d'interfe&ion line entaille egale, de forte qu'ils ne foient en cet endroit qu'tin feul & meme tuyau. On poufle en meme temps par fan 6 par l'autre avec la meme force deux liqueurs dirlerentes d'une pefan- teur e^ale & qui fe diftingueront par la couleur ; qu'arrivera-t-il quand elles feront toutes deux arrivees a 1'endroit de l'interfe&ion des deux tuyaux ? Feu M. Varignon a cru qu'ellcs fe traverferoient rune l'autre , parce que duns des experiences qu'il fit avec des chalumeaux entailles oil Ton pouffoit d'un cote de l'eau , & de l'autre du vin rouge , ou de fair pur & de la fumee , il vit que chaque liqueur fortoit par le meme tuyau par ou elle etoit entree, & en fortoit fans emporter aucun melange fenlible de l'autre liqueur. Elles s'etoient done bien parfaitement traverlees l'une l'autre lorfqu'elles s'etoient rencontrees. M. du Fay, a qui malgre l'autorite tres-legitiirie de M. Varignon, cela parut peu vraifemblable , en a voulu faire l'experience de fon cote , & la faire avec plus de fiirete & des machines mieux conftruites , dont nou? fupprimons le detail de la conitrutHon j l'efientiel demeuroit toujours ne- celiairement le meme. Ce n'etoient plus deux perfonnes difFerentes, dont les forces ne peu- vent prefque jamais etre egales, qui pouifoient les liqueurs dans les deux tuyaux croifes, ces liqueurs d'une meme pefanteur fpecifique, tomboient de deux entonnoirs 'aflez grands & egaux dans des tuyaux croifes egaux, & par confequent y entroient avec la meme viteife acquife par leur chute. II eft tres-certain que chacune fortoit par le tuyau par ou elle n'etoit point entree , & en fortoit pure , ce qui ne peut etre , a moins qu'au point de leur rencontre, elles n'aient ete l'une a l'egard de l'autre un obs- tacle invincible a caufe de l'egalite de leurs forces , une efpece de mur impenetrable , & qu'en s'y reflechilfant felon les loix du mouvemenr con- nues, elles ne fe loient obligees mutuellement a changer de route. Cela feroit aflez fur quand on ne feroit que le deviner , mais on le voit. M. du Fay s'etoit menage une glace qui decouvroit tout le myftere de l'operation. II fuit dela qu'il n'importe fous quel angle les tuyaux fe croifent , la reflexion fe fait fous tous les angles. L'egalite de force dans les deux liqueurs eft eflentielle. Cette egalite depend & de la pefanteur fpecifique , & du diametre des tuyaux oil les liqueurs coulent. Si elle manque en l'un ou l'autre de ces deux points , la liqueur la plus forte enfonce l'autre , & s'y mele plus ou moins felon fa fuperiorite de force. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 405 EIlcs peuvent fe meler par la feule neceffite de couler enfemble. Si — — —■ 1 1 Fendroit oil elks fe rencontrent n'etoit plus une efpece de point phynq'ie., , corame on le fuppofe ici, mais un canal de quelque longueur, il f.uidroit chaniq at, bien que les deux liqueurs fe melaflent, & qu'clles ne fortiflent que con- Annie ijoff, fondues, fans aucune diftin&ion de tuyaux. On pourra fuivre cc-s confe- quenccs encore plus loin fi Ton veut. On voit de refte ce qui a du trompcr M. Varignon. II etoit important d'avertir les phyiiciens de l'erreur d'un aufTI habile horame, mais il left encore plus qu'ils apprennent a fe defier des observations precipitees. M, OBSERVATION DE MECHANIQUE. n. de Buffon ayant cm qn'il feroit avantagenx de pouvoir Biff. employer, a tanner les cuirs, le bois du chene, an- lieu de n'y employer que lecorce , comme Ton a toujours fait julqu'ici , a fait Peffai de cette nouvelle idee fur du bois de jeunes chenes, qui crlectivement a aulli bien reudi que lecorce fur le cuir de mouton & celui de van , mais non p.is fur le cuir fort de bocuf , & celui de vache. Cependant M. de Burkm ne renonce pas encore a tanner tous les cuirs avec le bois , & il croit que le fecret vaut la peine d'etre cherche. MACHINES ou INVENTIONS Al'PROUVEES PAR l'AcADEMIE, £.v M. DCC. XXXVI. I. u. ne machine de M. des Parlieux pour tailler des verres objedifs de Hilt, lunettes avec juftelfe, & meme plufieurs a la fois, comme trois 011 qu.itre fur une meme molette. Elle a et<£ trouvee tres-ingenieufe, & plulieurs des verres qu'on en a eprouves ont bien reuffi. I I. Trois inftrumens aftronomiques de M. de Genffane. 1. Un planifphcrc compofe de huit platincs de carton , qui reprefenteront par leurs mouve- mens ceux du foleil & de la lune, le mouvement des nauds de la lune, fa latitude, fon age, & jufqu'a la difference des jours vrais & moyens. l.Uncadran vertical univerfel , compolc de trois platines. 3. Une machine, dont on n'a vu que le deflein , pour obferver le paif.ige des etoiles par le meridien. II y entre deux miroirs , par le moyen delquels fe rait 1'ob- fervation. 4o« ABREGEDESMltMOlRES i — On a trouve fur les deux premiers , que 1'auteur qui ne s'etoit pas taut ~ propofe de donner des chofes nouvelles, que d'en reunir plufieurs enfem- Mlchanique. ^j£j y avoit j^nfli^ fur le troifieme, que la theorie en etoit ingenieufe , Annie 17 37- mais I"'011 ne P01™0*4 favoir quelle feroit la precifion dans la pratique, /*'/' & fur le tout enfemble, que l'execution de ces inftrumens ne pouvoit etre que tres-curieufe , & propre a facilitcr l'intelligence du ciel & les operations aftronomiques. Regies pour con noitre l'effet qu'on doit esp e rer d'une m.ach 1 n e. Par M. P i t o t. Mdm. -*-' e s avantages & les fecours infinis qu'on retire des machines , portent quantite de perfonnes a en inventer de nouvelles, mais la plupart de ces perfonnes n'etant que peu ou point au fait des vrais principes des mecha- niques, on ne doit pas etre furpris fi parmi le grand nombre des ma- , chines nouvelles qu'on propofe tous les jours , il s'en trouve fi peu de bonnes & d'utiles. Des quun machinifte fans principe croit avoir invente une machine nouvelle , capable de faire un grand effet , l'extreme envie qu'il a de reuffir , fait qu'il n examine plus fi cet efFet eft poffible , il paffe par- deffus tous les inconveniens-, l'amour-propre, la gloire, & fouvent l'envie de gagner & de faire fortune , le perfuadent entitlement de la reuffite de la machine. S'il demande 1'avis des perfonnes capables de le detrom- per , e'eft a condition qu'on fera de fon fentiment , fans cela il en accufe l'envie, & croit qu'on veut lui ravir un bien reel. Enfin, etant pleine- ment perfuade , il execute fa machine , il fait de la depenfe ; c'eft encore beaucoup li , apres le mauvais fucccs , il reconnoit fa laute , & s'il avoue qu'il a fuivi trop legerement fes idees mal digerees. C'eft pour tacher d'eviter au moins une partie de ces inconveniens, que je propofe une methode aifee de reconnoitre par un calcul numerique tres-fimple, le plus grand effet ou produit qu'on doit efperer dune ma- chine. Void en quoi conlifte cette methode. Dans toutes les machines il y a quatre quantites a conliderer. La premiere eft la puiffance ou la force motrice qui meut la machine > cette force peut etre tiree des homines ou deschevaux, ou de l'impultion d'un fluide, comme l'eau , le vent, & meme le feu. La feconde quantite, c'eft la viteffe ou le chemin de la force motrice dans un temps donne. La troifieme eft la force de la refinance , ou du poids mu par la machine. Et la quatrieme , c'eft la viteffe ou le chemin de ce poids dans le meme temps donne. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 407 De ces quatre quantites, le produit dcs deux premieres eft toujours egal — — ■ au produit des deux dernieres , ces produits etant les quantites de moil- M , vemens. Or , par le principe fondamental des mcchnniques , dans toute AN IQ l !" machine les quantites de mouvemens font toujours cgales; e'eft de l'egalite Annie 1737. parfaite de ces deux produits ou des quantites de moUvemens , qu'on pent determiner par des regies tres-fimples le plus grand cftet de totites les machines, car trois de ces quantites etant connues & donnees,on trouvera la quatrieme. Si , par exemple , la force & le chemin de la puiffance font donnecs avec le chemin de la refinance, alors la premiere, la feconde & la quatrieme quantite leront connues, d'ou Ton trouvera la troifieme ou la force de la reliftance, en divifant le produit des deux premieres quan- tites par la quatrieme , le quotient donnera la force de la rcilftance , oil la valeur du poids rau par la machine. Mais voici l'application de ces regies que nous nous fommes propofts de faire aujourd'hui , afin d'eviter, s'il eft pofllble , que le public ne foit pas ftduit par des promefles trop raagnilujiies. Les nouvelk's & les gazettes ont annonce au public line machine pour l'ele- vation des eaux , dont 1'efFet doit etre infiniment au-deffus de ce que les inachines ordinaires ont produit jufqu'a prefent. On propofe cette machine pour donner de l'eau a la ville de Paris , & on ne craint point d'avancer qu'elle elcvera a la hauteur dc cent trente pieds la quantite de plus de cent mille muids d'eau par chaque jour; mais on ne dit rien du moteur ou agent nccellaire pour faire agir line machine capable d'un tel erfrt , c'eft-la cependant par ou on doit toujours commencer ; car pc-ut-on jugcr des avantages d'une machine, fans comparer ion produit avee la depenfe neceffaire pour la faire agir? Le module en grand de la machine dont nous parlons , eleve de l'eau a vingt-un ou vingt-deux pieds de hauteur-, elle eft nine par la force des hommes. Voyons done quel feroit le nombre di.>s hommes ou le nombre des chevaux qu'il faudroit appliquer a cette machine pour la rendre capable d'ilever cent mille muids d'eau par jour a la hauteur de cent trente pieds. Un muid d'eau pefe environ cinq cents foixante livres , ainli le poids total des cent mille muids eft de cinquante-fix millions de livres, lequel etant divife par quatre-vingt-lix mille quatre cents, nombre des fecondes du temps contenues dans un jour ou vingt-quatre heures, on aura lix cents quarantc-huit livres d'eau que la machine doit donner a chaque feconde. Voila la valeur du poids mu par la machine , ou la troiiieme quantite de notre regie. Le chemin de ce poids eft de cent trente pieds, puifque la machine doit clever l'eau a cette hauteur, ce qui eft la quatrieme quantite. Enfin, le chemin de la puitiance, ou la viteffe de la main des homines ou du pas des chevaux qui meuvent une machine , eft tout au plus de trois pieds par feconde, ce qui eft la feconde quantite. Multipliant a prefent la troiiieme quantite par la quatrieme , ou iix cents quarante-huit par cent trente, on aura la quantite de mouvemens de quatre-vingt-quatrc mille d^ux cents quarante livres , laquelle etant divilce par la feconde quantite on par trois, le quotient vingt-hi'.it mille quatre-vingts livres fera U valeur de la puufance ou du moteur necelTuire pour faire agir la 408 A B R E G £ DES MEMOIRES ■— machine. On eftime communement la force des hommes de vingt-cinq livrc-s , & celle des chevaux de cent foixante & quinze, ainfi divifant Mech anique. vj|]gt_|ulj(. mjjjj miatre-vingt par vingt-cinq, le quotient mille cent vingt- Annce 17^7. tro's k™ 'e n°mbre des hommes neceffaires pour mouvoir & faire aller la machine ; & de merne divifant vingt-huit mille quatre-vingt par cent foixante & quinze , le quotient cent ioixante fera le nombre des chevaux, le tout en fuppofant la machine la plus parfaite qu'il foit poffible, & fans frottement •, d'oii Ton voit evidemment qu'a caufe des imperfections Sc des frotremens inevitables pour faire agir line machine capable de donner cent mille muids d'eau en vingt-quatre heures, il y faudroit appliquer a la fois la force de quatorze oil quinze cents hommes , ou celle de deux cents chevaux; & de plus ces hommes ou ces chevaux pourroient-ils tra- vailler vingt-quatre heures de fuite ; II faudroit, pour uu travail continu, doubler, & meme tripler , le nombre des hommes & des chevaux-, ainfi on peut dire qu'il faudroit, pour le fervice de cette machine, environ qintre mille hommes ou fix cents chevaux. Peut-on k prefent ne pas convenir que, pour faire faire un grand effet a une machine, il faut un moteur puiffant & proportionne. Mais, fi Ton fe fait illufion en fe flattant de faire un grand erlet avec un moteur mediocre-, fi Ton veut , pour ainli dire, que l'effet foit plus grand que la caufe, on echouera infailliblement dans fes entrepriles , & Ton aura la mortification de ne pouvoir tenir les belles & vaines promeiles que Ton avoit faites. MACHINES ou INVENTIONS A V V ROUVEES PAR l'A C A D E M I E , En M. DCC. XXXVII. I. u, n e maniere d'appliquer la force des hommes aux roues dont on fe fert pour clever les pierres des carrieres, propolee par M. Briandferre. Le travail des hommes , qui font toumer ces roues en appliquant a leur cir- conference le poids de leur corps, eft d'autant plus grand & plus force, qu'ils font obliges de monter plus haut, car alors le plan fur lequel on peut concevoir qu'ils moment eft vertical, au-lieu que dans tous les autres cas ce plan eft incline. Selon la propolition de M. Briandferre, ils agiront toujours a l'extremite du diametre horizontal de la roue , & auront pour fe retenir avec leurs mains une traverfe fixe. Cette maniere qui pourroit avoir des inconveniens dans les cas ordinaires , pourra avoir fes avantages quand on aura affez d'hommes pour augmenter la force felon le beloin , comme a la carriere de l'hopital de Paris. II. Un DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. ^ I I. Mechanique. Un moycn propofe par le (ieur Martin dc Grenoble, pour faire enforte A que des moulins aeau hxes a quclque batiment (oient garantis des accidens ' •>' qui aiviveroient Aland les caux croitroient, oil qu.ind i!s feroient EraprJes par des corps dune aflez grande made, des bateaux, des pieces de bois, cntr.iines par le courant. Une porte s'ouvriroit avec touce la promptitude neceifairc , donncroit paflage , & obligeroit en meme temps la roue du nioulin a selever. Le mechanifme en a paru trcs-ingenicux , malgre unc affcz grande multiplication de frottemens. L'invention a etc difputee au lieur Martin par le lieur Allouard de la meme ville, mais il n'appartenoit pas a l'academie de juger de leur conteftation. III. Une machine du fieur Moulin pour plier Ies etoffes avec plus dc faci- Iite. Elle confide en deux pieces , Tunc plate , & ['autre .cylindrique dont la longueur excede la largeur de l'etoffe, & qui, au moyen d'une marche fur laquelle s'appuie 1'ouvrier qui travaille , s'approchent I'une de l'autre pour lerrer egalemcnt l'etoffe , pendant qu'on la roule fur la planche , ou fur le rouleau. Cette machine a paru nouvellc , fort lim- ple, & utile. I V. Des additions faites par M. de Mean a tin inflrument de fon inven- tion , approuve par l'academie en r73r, & qui le rendent plus general & plus (iniple. Ellcs confident en une alidade droite par un de fes bords & courbe par l'autre , qui fert a la refolution des triangles re&ilignes , enr- vilignes & mixtcs, & en un cercle divife comme le zodiaque en lignes & degves, qui fert a montrer chaque jour le lieu du foleil, & celui de la lune. V. Drux montres, & une pcndule de M. Thiout 1'aine, maitre horlo- ger, toutes trois nouvelles par quelque endroit conliderable. La premiere montre eft de groffeur ordinaire, elle fonne d'elle-memc les heures & les quarts, & lorlqu'on le veut, les heures a chaque quart. Elle repete pareillement les heures & les quarts quand on pouffe le bou- ton. Elle eft de plus a tout ou rien , & porte une piece de filence qui fait qu'elle ne fonne les heures & les quarts que lorfqu'au moycn dun bouton on a difpoie cette piece a fonner. Elle ne s'epuife point comme il arrive a d'autres montres de cette efpece, aprcs qu'on les a fait fonner fouvent aux heures chargees d'un grand nombre de coups. Malgre tons les iifages de cette montre, elle n'eft guere plus compofee que les montres ordinaires i repetition, elle na que cinq pieces de plus, trcs-fimples & d'une execution facile. La difpolition du tout a paru trcs-ingenieufe. Tome VIII. Funic Fran$oiJe. Fff 4ia A B R E C E E> £ S' M E M O I R E S " I 1 *" La feconde montre n'eft que celle qui a ete propofee par M. Bernouilli m^ iwir>.i» qui a remporte le prix de 1736. M. Thiout ne veut que Ic merite d'etre le premier qui t ait executee, & prelentee a I academic. Annte fjlj- La pendule eft a equation. Elle eft exempte de pluficurs inconveniens des pendules de cette efpece, & n'en eft pas moins limple. On a trouve que ccs differens ouvrages etoient de nouvelles preuves de ['intelligence de M. Thiout, & de Ion application a perfectioaner fon art. . V I. Une machine pour battre les grains inventee parM. Meiffren, capitaine garde-cote , & commiffaire infpecl:eur des harras en Provence. L'ufage des provinces meridionales du royaume eft de battre les grains par le moyen de chevaux que Ton fait trotter en rond fur line grande quantite de gerbes etendues dans line aire. M. Meiffren remarque qu'entre plu- freurs autres inconveniens de cette pratique, on fait fouvent avorter les Jumens poulinieres , & qu'on gate ou qu'on detruit en partie les pieds des poulains, qui fans cela auroient pu devenir de bons chevaux de manege, & il ajoute que par cette raifon cet ufage a ete defendu dans les pays oil Ton veut avoir foin des chevaux, en Efpagne,en Italie, en Barbarie, &c. L'academie a vu travailler la machine qu'il fubftitue aux chevaux, &: a juge qu'elle pouvoit faire en douze heures 1'ouvrage de lix bons batteurs en grange. Elle pourra avoir encore befoin d'etre 011 corrigee ou perfec- tionnee, & on a cm M. Meiffren tres capable de la rendre d'un ufags tres-utile. V I I. Une machine du fienr Bedeau pour faire au metier des chaiiffon1;, chauffettes , coiffes de nuit , & autres pieces femblables fans couture. L'i- dee de ces fortes d'ouvrages n'eft pas nouvelIe,'& l'academie a vu line chemife dont meme les manches , les poignets & le col etoient entiere- ment fans couture, ce qui etoit encore plus fort que ce que le fieur Be- deau propofoit-, mais comme on ignoroit la maniere dont cette chemife avoit pn £tre faite , on a juge la machine du (ieur Bedeau tres-ingenieule, & on a cm quelle potivoit etre utile. VIII. Un niveau de M. l'abbe Soumille. C'eft un pendule, dont, par la dif- pofition de la machine , les plus petitcs inclinaifons deviennent tres-fenfi- bles , & par confequent auffi les moindres changemens de niveau. On pourra s'en fervir utilement pour des operations fur le terrain , & princi- palement poiir connoitre les minutes d'inclinaifon des niveaux de pente. DE L'ACADEMIE ROYALE BES SCIENCES. ,:i Mechani»u£. SuR L'AcTION d'uNE RALLE DE MOUSQUET , Anna 17 yi. Qui peut percer un Corps folide fins k mouvoir fenfiblement. u, nf porte qui tourne trcs-Iibrement fur fes gonds, fera determinse a Hi*. y tcumier, & a fiire, pour ainli dire, quclques pas d'un fens ou du feus oppofe, pour peu qu'on la poutfe du bout du doigt; cette impuhion n'eft que d'un moment, & tics-legere. Que Ton tire un coup de moulquct coutre cette meme porte , il pourra arriver qu'elle foit percee de part en part , lans tourner aucunemcnt fur fes gonds , lans prendre a cet egard au> cun mouvement , du moins fenlible. Pourquoi n'a-t-elle pas tourne fur fes gonds, & meme trcs-vite .- On dira que toute 1'atr.ion dc la balle de moulquct a ete employee a pcrccr la porte y mais il eft impoflible qu'elle y ait etc employee toute entiere. On.concevroit tout au plus que quand la balle a une f 'is paietre dans l'cpaiifeur de la porte, elle ne fait plus que la percer lans la poulfer , .encire ccla ne feroit-il pas bien certain-, mais du moins la balle a eu un premier infant ou elle n'a fait que tou- cher la porte fans y penctrer, & al^rs elle n'a du que la pouifer, & avec tine force incornpariblement plus grande qu'aiuune main n'auroit jamais pu faire. Ma main n'auroit! ote appliquee 'qu'uii initant a la porte , la balle ne I'aura pas ete moins, cet inftant eft indivi'.ible. Pourquoi done encore une fois la porte u'a-t-elle pas tourne i Voila la qucftion , dont de tres- habiles gens out mieux fen ti la dirriculte qu'ils ne font refolue. M. Camus a entrepris de la rcioudre par voie de calcul algebrique Sc amlitique, rious la couuder^rons par le phylique qui y cntre necetFairemcnt. Le phylique fait mieux voir pourquoi & comment line chofe eft, & le calcul julqu'ou. elle s'ctend,& quelles en peuvent etre les variations. II nous paroitque toute la folution de la queftion prclente depend dun principe un peu paradoxe, mais etabli dans les cle'mens de la ge'ome'trie de I'infini , e'eft que nulle impuhion, quclque couite , quelque inltantanee qu'elle paroilfe, ne fe fait en un temps infiniment petit-, tout eflet de- mande un temps fini. II en faut done un pour poulfer la porte avec la main, quelque peu que ce foit. Puifque ce temps eft iini, un autre temps. Iieut £tre plus court, & celui-la ne lurfiroit pas pour poulfer la porte. Or e temps pendant lequel une balle , que fa vitclfe rend capable de percer la porte , fera , li Ion vent , une ligne de chemin , eft prodigiculement court , & il peut fort ailcment l'cicre plus que le temps necellaire pour pouller la porte de la quantite d'une ligne. Done la balle, a cauie de 1.' grande viteffe , ne poulfera point la porte, & a caulc de cette meme vi- telfe la percera. Des que la balle a penetre le moins du monde dans 1'epailfeur de la porte, elle perd toujours de fa vi telle par 1'adtion de percer, & elle en peut perdre au point qu'elle n'aura plus que celle qui n'ctant plus trop Fff ij Mechanique Annie 1738. 412 ab Rt g i des memoires grande, nc fera que pouffer. Mais il faut confiderer en quel temps cela arrive. Si c'eft precifement lorfque l'epaiffeur de la porte a ete enticement tra- . verfee, la balle qui a toujours perce jufques-la pouffe dans ce dernier mo- ment, & ce fera le mcrae cas que (i la balle niue d'une ccrtaine viteffe determinee , avoit choque un corps en repos d'une cerraine maffe. L'effet fuivra les loix du choc des corps parfaitemcnt durs , ou fans reffort. Si la balle n'a pas la force de traverfer toute l'epaiffeur de la porte, elle pouffe en ceffant de percer , & pouffe d'autant plus qu'il luj refte en- core plus de viteffe, ou qu'elle a eu line plus grande viteffe primitive ; car quoique arretee dans faction de percer, elle fe meut encore, parce quelle fuit la porte pouffee qui lui cede. II eft: clair que fi la balle traverfe toute l'epaiffeur, & va au-dela, elle ne pouffe point , & eft d'autant plus eloignee de le pouvoir qu'elle a eu primitivement line plus grande viteffe. 11 faut fe fouvenir qu'il s'agit tou- jours de pouffer feufiblement. Tout cela etabli, e'eft maintenant h l'analyfe algebrique a operer, quoi- qu'il lui arrive affez fouvent d'operer avant que d'avoir trop etabli les' idees phyfiques; il fembleroit prefque qu'.elle voulut ne les devoir qua elle-m:me. Comroe la viteffe de la balle dans l'epaiffeur de la porte eft toujours.' decroiffante & caufe de la refiftance continueile' des fibres du bois, on ne- pent calculer cctte viteffe qu'en la reduifant a fes infiniment petits, ine- gaux entr'eux , inais dont chacuirfera line petite viteffe uniforme d'un inftant. La perte de viteffe que fera la balle dans Uh inftant quelconque, fera d'autant plus grande que cet inftant fera plus long, la refiftance des fibres du bois plus grande, & la maffe de la balle plus petite. La viteffe acquife par la porte dans le meme inftant (era d'autant plus grande que cet inftant fera plus long, la refiftance des fibres plus grande; car on a vu que ce n'eft qu'en vertu de cette refiftance que la porte peut etre pouffee,. & enfin d'autant plus que la maffe de la porte fera plus petite. Un temps etant toujours d'autant plus grand que l'efpace parcouru eft grand, & h- viteffe petite, chaque inftant du mouvement de la balle , en percant la porte, fera d'autant plus grand que l'efpace traverfe par la balle fera plus grand , & fa vitefle plus dimimifie par celle que la porte aura prife. Ce font la trois elemens fur lefquels roule tout le calcul de M. Camus. II n'y a plus qua faire telles fuppohtions qu'on voudra fur la maffe & fur la viteffe de la balle , fur la mafle de la porte , fur la refiftance des fibres du bois, en un mot a donner des corps phyliques i ces efpeces d'etres metaphyliques , dont on a tous les rapports dans (a. main. On verra par revaluation precife de toutes les quantites, que la porte eft toujours reel- lement pouffee , & Ton diftinguera aifement les cas oil elle i'eft li peu que les yeux ne s'en appercoivent pas. On pourra meme, en la fuppoiant im- mobile, ce qui arriveroit li fa maffe etoit infinie, determiner de combien la balle en penetreroit plus avant dans le bois. DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. +i3 SUR LE CONFLUENT o u JONCTION DES RIVIERES. MechaniquEi Annie 1738. \^/ hand deux rivieres fe rencontreut , il faut qu'elles fe joigncnt pour Rifc aller deformais enfemble avec une direction commune , qui ne fera m Tune ni Tautre des deux dirlerentes qu'elles avoient auparavant. L'an- gle du confluent, e'eft-a-dire, celui fous lequel !es deux rivieres fe rcii- contrent, etant pofe, il eft: clair que fi elles fe rencontrent avec des forces parfaitement egalcs , la direction commune qu'elles prendront divifera cet angle exactement en deux moities egiles, mais hors de ce cas-Ia, qui eft unique & cxtt emement rare , Tangle ne fera point divife egalement , parce que la direction commune formee 011 refultante des deux particulieres, tiendra plus de celle qui aura appartenu a la riviere plus forte que de l'autre, & cela d'autant plus que linegalite de forces fera plus grande. Done la direction commune s'approchera plus de 1'iine des deux particulieres que de Tautre, done elle ne coupera pas en deux egalement 1'aiigle du con- fluent forme par ces deux directions. II s'agit ici de determiner en general quelle fera la divilion de cet angle, ou, ce qui eft le memc, la portion de- la direction commune. Void comment M. Pitot parvicnt geometrique- ment a cette determination affez delicate.. Les deux rivieres ne prennent une direction commune qu'apres avoir en quelque forte combattu, & s'etre mifes en equilibre, de maniere qu'il 11 y aura plus de combat, & qu'elles fuivront pailiblcment le raerae cours, la ligne de la direction commune eft l'axe de cet equilibre, puifqu'il fe~ fair a fes deux cotes, & fur lui, comma fur une fuite continue de points d'appui. Les deux forces des deux rivieres font done egales aux deux cotes de la ligne de direction commune, & il ne faut plus que les expri- mer algebriquement. Ce font Tune & l'autre les produits de trois quanti- tes, 10. ]a mafic d'eau de l'une ou de l'autre riviere, 2°. fa vitefie , 30. fa diftance a l'axe de l'equilibre, car cette diftance eft a conliderer routes les fois qu'il s'agit d'equilibre. Or ici l'axe d'equilibre eft la meme ligne que la direction commune. De ces trois quantites les deux premieres font connues on fuppofees connues. Refte la troifieme que Yon tircra aifement dune equation alge- brique. La diftance de l'une des rivieres ou plutot celle dc fon action fur l'axe d'equilibre etant perpendiculaire a cet axe , ou a la ligne de la direction commune, ce fera auffi le finirs de Tangle que fait avec cette direction la direction primitive de la riviere. On aura done Tune des deux parties de Tangle du confluent divife par la direction commune, 8c fon aura en msme temps Tautre partie. +I4. ABREGE DES ME MOIRES Si les forces que les deux rivieres ont par elles- memos, e'eft-^-dire," ~" les produits des maffes par les viceffes , font des quantitcs eg.iles , il eft Mech anique. ^vyent qUe la direction commune divile en deux moities egales l'an- Annie 1718 §'e ^lI conmlenr- ' Pour prendre de tout ceci une idee encore plus nette, il fera bon de voir quelle fera la pofition de la direction commune par rapport aux di- rections particulieres ou primitives, toujours dans la fuppqdtion de cette egalite des forces des rivieres, mais en y njoutant celle de differens angles d'u confluent. Si cet angle eft infiniment petit ou aigu , la direction commune fera infiniment inclinee , ou , ce qui eft Ie merae , para'llele aux deux direc- tions particulieres , ou meme confondue avec elles. Si Tangle du confluent eft droit , la direction commune fait nn angle de quarante-cinq avec chacune des deux particulieres. Si Tangle du confluent eft infiniment obtus , e'eft a- dire , fi les direc- tions des deux rjvieres ne font qu'une meme ligne droite, li cites fe ren- contrent de front, on concevra ou qu'il ne fe forme point de direction commune, ou que s'il y en a une, etle traverfera les deux rivieres per- pendiculairement a Tune & a I'autre des deux directions particulieres. Done la direction ayant commence dans le premier des deux cas ex- tremes par avoir la meme pofition que les directions particulieres, & finif- fant dans le fecond cas par en avoir une la plus oppofee a la l'eur qu'il foit poffible, il faut que daps tous les cas nioyens, a coinmencer par fe premier extreme, elle en ait une toujours plus differente , & en tin mot d'autant plus differente que Tangle du confluent fejra plus grand. Si Ton ne fuppofe plus Tegalite des forces naturelles des deux rivieres,' il eft clair en general que la direction commune n'aura plus la meme po- fition a l'egard des deux particulieres , mais quelle fe portera vers le cote le plus fort. La direction commune des deux rivieres etant determinee & connue » la viteffe commune qu'elles prendront ne Teft pas encore. Cette viteffe fera , comme dans tous les mouvemens compoles , moindre que la fomme des deux viteffes primitives , & voici comment M. Pitot le prouve. La viteffe des rivieres depend uniquement de la pente du terrain ou elles coulent. Que cette pente immediatement apres la jonction foit la meme quelle etoit immediatement auparavant, il y aura egalite entre la fomme des deux maffes d'eau multipliees chacune par la viteffe particuliere qu'elle avoit avant la jonction , & la fomme des memes deux maffes multipliee par la viteffe commune qui fera apres la jonction. De cette egalite ex- primee algebriquement, on tire la valeur de la viteffe commune , moindre que la fomme des deux particulieres Sz primitives. Cela paroit bien contraire a ce que nous avons dit en 1710, ( a ) que Xunion des deux rivieres les fait coaler plus vite. Mais il n'etoit queftion alors que de caufes phyliques particulieres que nous ne confiderons pas (a) Colkftion Acade'mique, Tome III. DE L'ACADliMIE ROY ALE DES SCIENCES. 415 ici. Elks fe combinent neeeffaircmcnt avec le pur geometriqite, & 1c de- ™ rangent louvent bcaucoup. v» Nous avons fuppofe p.vreillement que les rivieres fe joignoient des u'elles fe rencontroient. II s'en faut bien que ce ne foit la line veritc "die. M. Pitot remarque que des rivieres peuvent faire jufqu'a dix lieucs EC HANI QUI« Des Mo yens De reme'dier aux abus qui fe font gliffcs dans I'ufage des difft'rentes mefures. -LVJlk. i/Ons-en-Bray, fut charge en 1739 , par le gouvcrnrmrnf , <> <<<< •< d'examiner s'il ne feroit pas podible de rernedier Hrx abus qui s'etoicnt a 1 glides dans Tillage des diftercntes mefures , & d'en rcchercher les moyens. ' ' *** Pour reuflir dans cette operation delicate , il commenca par conftater la capacite jufte de la pinte & de fes parties , comme la chopine , le demi- fetier, &c. adoptant pour mefure fixe de cette capacite le pied cube rafe qui contient trente-fix pintes de Paris rafes-, il refulta que la pinte rafe contenoit deux livres moins fept gros d'ean : ce qui donne pour le muid liuit pieds cubes , ou deux cent quatre-vingt-huit pintes juftes , s'accor- dant ainfi avec I'ufage ordinaire do compter deux cent quatre-vingt pintes claires an muid, & liuit pintes de lie. Ce point fixe conflate, M. d'Ons-en-Bray verifia les mefures de la ville, tant celles qui fervoient de matrice pour le fetier, la pinte, la cho- pine, &c. que celles qui fervoient joumellement a etalonner celles des marchands •, & il trouva qu'ellcs ne fe rapportoient pas juftes les lines aux autres , ni entr'elles ; c'cuVa-dirc , que fe fetier ne contenoit pas jufte luiit pintes , la pinte deux chopines , &c. Ce qu'il reconnut venir de dif- ferentes caufes auxquelles il propofa les moyens de parer avec certitude & lans crainte d'erreur. L'exactitudc de ma maniere de mefurer , dit ce favant academicien dans Ion memoire fur cette matiere , m'a fait connoitre, i». Que les dia- metres des orifices meritent attention, parce que deux melures de pinte, par exemple, dont la forme eft dirftrente, n'ont pas chez les marchands des ouvei tures egales •, & fi elles ne font pas remplies a rafe , quoiqu'a pareille hauteur, il fe trouve moins de liqueur dans la nieiure dont l'ou- verturc eft la plus grande. II naroit qu'on peut aifemrnt remedier k ce defaut, en conftatant a la ville la forme de chaque diftercnte naelurc, a laquelle tous les potiers d's- tain feront a 1'avenir obliges de fe conformer, leur lailLnt ccpendant 1111 temps pour debiter les melures qu'ils out de faites , ainli qu'on en a agi a 1'egard des bouteifes.' i°. La niceffite ou Ton eft de remplir les mefures jufqu'aux bords, fait qu'il s'en repand tcu'ours dans le tranfport & dans Je come toir des cabarctiers. 4i<5 A B R E G E DES MEMOIRES *— — — — » L'on peut eviter ces inconveniens, en reglant line hauteur plus grande Mec hani que 1ui' ne ^Ut' ^ar exen,P'e> Pour 'a P'"te' on Pel'r I"' donner en hauteur ' ijn pouce de bord au-deffus de ion iolide de quarante-huit pouces cubes, Annie 1739. & ainfi a proportion pour les autres mefures , & pour conlbter jufqti'i quelle hauteur chaque mefure doit etre remplie, on pourra former en dedans des orifices des mefures, un rebord qui termine exactement juf- qu'oii doit monter la liqueur. Les cubes des diametres ne font pas proportionnels aux capacites des mefures , ainfi qu'ils devroient 1'etre. Ces irregularis caufent des erreurs j quand on fe fert des lines on des autres pour mefurer. On y remediera aifement , en faifant les diametres des orifices tels que leurs cubes foient , comme nous avons dit, proportionnels a leur capacite 011 contenu des mefures. Pour determiner quels diametres on peut donner aux ouvertures pro- portionnelles des mefures , il fuut oblerver que plus ces ouvertures feront petites , & plus les mefures feront exadtes ; mais d'un autre cote , l'ufage de ces mefures chez les marchands, demande pour les nettoyer aifement, •qu'on ne les fafTe pas trop petites ; ce n'efl qu'aux mefures fiducielles de la ville qu'on peut faire ces orifices fi petits qu'on voudra. II nous paroit que pour les mefures de marchands on peut donner a J'orifice de la pinte , quarante lignes de diametre , ce qui determine les jdiametres proportionnels de la chopine, du demi-fetier & des autres me- fures que Ton trouvera aifement , en fe fervant de la ligne des folides ,du compas de proportion. Nous allons mettre ici line petite table des diametres & des hauteurs , itels que les mefures etant parfaitement cylindriques , devoient avoir. TABLE Des Diametres et des hauteurs des Mesures. Noms des mefures. Diametres. Hauteurs. pouces. lignes. 6 8 3 4 * 7h * 'T 1 8 ' 3f 1 04 pouces. lignes. 10 1 1 t^ 5 5^ 4 4t 3 51 2 2t 1 81 Mais DE TACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 417 Mais coinme pour moulcr les meiurcs, il f.iut donner de la depouille «^— — ^w— aux monies pour en fortir le noyau, on pourra , Tins aucune erreur fcn-^r , 'lible, faire les diamctres des orifices & ceux des fonds & des profondeuis dos mefures, tels que nous les avons marques dans la table fuivante. Annie 171$. DIAMETRE DES MESURES Pour la depouille des Mou les. Norn des mefures. Grand Dia- metre d'en hauf. Petit Diame- tre d'en bas ou fond. Profondeur jufqu'au re- bo rd. pouces. 6 5 1 z 1 i i Iignes. 8~ 4t St 1 4T 1 1 pouces. Iignes. 6 7r 3 i\ i 7 L I : i\ pouces. Iignes. 5 «f= 4 4rr ? 4f 1 l\ 1 7* . Demi-Poisso'n. Pour pouvoir connoitre aifement , fuivant cette table , fi les marchands y ont affujetti leurs moules , nous avons imagine des jauges,-dont 011 pourra fe fervir au-lieu de liqueur , lorfqu'on apportera a la ville des me- fures a etalonner ; la feule infpedrion des defleins ci-joints en fera con- noitre la precilion & l'expedition , puiique ces jauges donnent la profon- deur & les diamctres du volume que la liqueur doit occuper jufqu'au rebord dans chaque mefure. A l'egard des mefures fiducielles ou matrices de la ville pour etalonner les autres mefures , il convient de leur donner des orifices proportionnels entr'elles , qui foient petits , pour les rendre plus exacts ( ainli que nous 1'avons obferve ci-deffus) d'autant plus qu'on ne fe fert que d'eau pour les emplir. Voici cellcs que nous propofons. S E T I £ R. Le fetier de huit pintes aura une ouverture de treate-qiutre Iignes de diametre- Iignes quarrel Cela fait une fuperficie de .....;;...;:. . 908 J Ou 1156 circulates. Ce qui demanderoit trente gouttes de fept Iignes demi-cubes pour faire fur cette fuperficie un quart de ligne de hauteur. Tome VIII. Partic Fraxfoifc. C g g 4:8 AB R t C t DES ME MOIRES P 1 N T E, MicHANlQUE. I.'ouverture de la pinte aura un pouce ou douze lignes de diametre. Annie ljl$. lignes quarries. Ccla fait une fuperficie de 113 Otl 144 circulaires. Qnatre gouttes d'eau feront la hauteur d'un quart de ligne i cette ouverture. C H O P 1 N I. L'ouverture de la chopine aura huit lignes fix points de diametre. lignes quarre'es. Ccla fait line fuperficie de 567 Ou 72 circulaires. Deux gouttes feront la hauteur d'un quart de ligne a cette ouverture. Demi-seti£U. L'ouverture du demi-fetier aura fix Lignes de di?metre. lignes quarre'es. Ccla fait une fuperficie de aS ^ Ou 36 circulaires. Une goutte fera la hauteur d'un quart de ligne a cette oirverrure. P O I S S O N. L'ouverture du poifTon aura quatre lignes trois points de diametre. lignes quarre'es. Cela fait une fuperficie de . . 14^ On 18 circulaires. Une demi-gontte fera la hauteur d'un quart de ligne & cette ouverture. DtMi-roissoN. L'ouverture du demi-po'iffon aura trois lignes de diametre. iigne's quarre'es. Cela fait une fuperficie de 7 -j-y Ou 9 circulaires. Un quart de goutte fera la hauteur d'un quart de ligne a cette ouverture. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4'9 S U R LES MACHINES A E L E V E R. L'EAU. I i a mechanique nc multiplie point les forces, die ne fait que les em- ployer adroitement , fon plus haut point de perfection confide dans cette plus grande adrefle poffible , & quand elle ic propole d'y parvenir, clle ne rencontre pas en Ion cliemin de mediocres dimcultes. Tirer de l'eau dun puits avec un feau , eft quelque chofe de fort fim- ple, & il ne paroit pas neceffaire qu'une icience geometrique s'cn mele. II n'en fera pas eftectivement bcloin quand le puits n'aura que vingt- quatre ou ringt-cinq pieds de profondeur, inais s'il en a cent & cinquante far exemple , on s'appercevra oien fenliblement quail commencement de action ou de l'elevation du feau plein d'eau, on aura un plus grand ef- fort a faire que vers la fin, ou l'arrivee du leau au bord du puits, parce qu'au commencement on aura a loutenir le poids du feau, plus, celui de toute la cbrde, qui, fi clle pefe deux livres par toife, en pelera cinquante pour ce puits de vingt-cinq toifes de profondeur, augmentation trcs- conliderable au poids du feau plein , & lortant de l'eau , dont il aura peut-etre ptiife vingt-quatre livres. II eft vrai que cette premiere difficult^ de l'elevation ira toujours en divninuant, & lera nulle au bord dr. puits, niais faction de l'homme qui tirera le feau lera done fort inegalc, il aura d'abord feptante-quatre livres a elever , & enfin vingt-quatre feulement , & fon action aura a palfer par tous les degres compris entre ces deux extremes. S'il la pouvoit conduirc cxa<£lement par tous ces differens de- gres, il n'y auroit que l'inconvenient inevitable d'une action incgale tou- jours plus fatigante par elle-meine qu'une autre egale , mais le moy.'n d'at- traper a chaque moment h jufteiTe & la precilion neceffaires, meme feule- ment a-peu-pres? Le moyen de ne pas relacher fouvent fon effort, oil beaucoup plus , ou beaucoup moins qu'il ne faudroit ! Cette atrention fera-t-elle aifee a ceux qu'on charge de ces fortes de travaux :- lis le fiti- gueront trop , perdront du temps , & feront moins qu'ils n'auroient pit. II feroit plus avantaqeux & plus commode pour la puiilance d'avoir line machine qui reduisit a 1'eg.iliti «ne action inegalc par elie-meme, de forte que Ton n'eut jamais a loutenir que le meme poids, ou a employer le meme effort , quoique le poids de la corde flit toujours variable. Pour cela, le feul moyen eft que quand le poids de la corde lera plus grand, ou, ce qui eft le meme, quand il y aura plus de corde a tirer, ou que le feau fera encore moins eleve , la puiilance agiffe par un plus long bras de levier , plus long precifement a proportion de ce befoin , & par confequent il faudra que les levicrs foient toujours changeants pen- dant toute l'elevation du le.ni. Soit un treuil ou tour cylindrique horizontal oil la corde fera attachce, & autour duquel elle fe roulcra a melure que le feau montera , il eft Ggg ij MicHANIQUfc. Ann(t 2755. Ilift. 410 A B R E G E DES MEMOIRES — ^— — ■ evident que le levier par lequel agira la puiffance qui fera tourner Ie treuil; Mechanique ^era llne droite xir^e du centre de celui des cercles du cyiindre auquel la corde eft appliquee jufqu'au centre de cette corde , cylindrique elle-mcme •, Ann(e l?ig. c'eft le rayon du treuil, plus celui de la corde. Si la corde, pour conduire le feau jufqu'au haut, n'a befoin de faire qu'un tour fur le treuil, ce le- vier eft toujours le meme ; mais li elle a befoin de faire deux tours, que je fuppofe places fun fur l'autre exa&ement , le levier eft augmente d'un fecond rayon de la corde , & toujours ainfi de fuite, a mefure que les tours fe redoubleront avec la meme condition. Par conftquent , plus la corde feroit de tours, plus la puiffance agiroit avantageufement •, mais c'eft-la precifement le contraire de ce qu'il faudroit •, car plus il y aura de corde roulee autour du treuil, moins la puiffance en aura encore a foutenir, Sc moins l'avantage d'un plus long levier lui fera neceffaire. De plus, quaud meme ces leviers croiffans du commencement jufqu'a la fin du roulement de la corde, feroient croiffans dans lordre oppofe, ou de la fin au commencement, ils lc feroient toujours egalement, on felon une progreffion arithmetique , puifque leur difference feroit conf- tante, & Ton ne feroit pas fur que ce feroit-la la maniere dont ils de- vroient croitre pour fe proportionner toujours aux beloins de la puif- fance; on feroit meme fur du contraire. II faut qu'ils croifient dans la meme proportion que les longueurs de la corde foutenues par la puif- fance a chaque moment croiffent, ou, pour remettre tout dans l'ordre na- turel de l'operation, il faut que du commencement a la fin les leviers de- croiffent toujours dans la meme raifon qu'il y a moins de corde a foutenir. 11 y en a toujours d'autant moins a loutenir qu'il y en a deja plus de roulee autour du treuil , & par confequent ce treuil ne doit plus etre im cyiindre, mais on cono'ide tel que fes differens rayons tires de fon axe a fa furface, qui feront les leviers variables de la puiffance, croiffent en raifon renverfee des- parties de la furface du conoide convenes par Ja corde a mefure quelle fe roule. Aprcscela, ce neft plus que l'aftaire de la geometrie, mais d'une fine geometric de determiner la combure qu'aura le conoide, pour rendre i'adion de la puiffance toujours egale. M. Camus, auteur de route cette theorie, la fait dans toils les details & de fpecula- tion & de pratique. ' On pent former une difficulte, qui n'appavtiendroit guere qn'a la fpe- culation. Ce cono'ide cherchc ctant trouvc, &, li Yon veut, a&uellemeni: execute, c'eft a chacun des points de fa furface qu'il faut que la puiffance s'applique fucceflivement pour exercer une action toujours egale •, or ce n'eft pas a ces points quelle eft appliquee , mais aux centres de chaque portion de corde qui les couvre , & les rayons de la corde toujours egaux , ajoutes aux ordonnees de la courbe generatrice du cono'ide , en trouble- ront Ie rapport neceffaire pour l'egalite d'action de la puiffance. Pour pre- venir cet inconvenient, quoique leger , M. Camus imagine que l'on pour- roit creufer fur la furface du conoide de petits canaux affez larges pour contenir la corde, & fi pen profonds que le centre de la corde flit tou- jours a la premiere furtace naturclle du conoide. DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. 4n Mais il nc faut pas trop s'arretcr a conliderer I'a&ion de tirer un feuj — ^— — — ■ feau. Pour pcu qu'on veuillc avoir d'eau a la fois , il eft plus naturel cc . . . plus ordinaire dVn employer deux, dont 1'un monte & 1'autre delcend en'1 chaniqui meme tenips; on a le double d'eau dans un temps egal, & d'aillcurs 1'ac- Annie ;yo. tion eft beaucoup plus aifee. Tandis que le feau plein monte, & a mefure • qu'il montc, la corde du feau vuide qui delcend fait cquilibre avec le Eoids d'une partic egale de la corde du feau plein, & a la Hn fait equili- re avec toute la corde de ce feau , de forte que la puiifance n'a plus rien i foutenir de fon poids. Dans ce cas des deux feaux, le treuil etant fuppofe cylindrique , il fem- ble que quclque longue que foit la corde a caufe de la profondeur du puits, la puiHance n'aura rien a foutenir de fon poids, du moins an com- mencement & a la fin de fon action. Car quand le feau plein commence a monter , ce qui eft le moment oil la puiifance devroit porter le poids ientier de fa corde qui eft toute deroulee de deffus le treuil, & ou elle n'agit que par fon moindre levier poffible, la corde du feau vuide, qui ell alors tout en haut, eft toute entiere roulee autour du cylindre, & par coniequent agit par fon plus grand levier poflible, agit pmir faire defcen- dre fon leau , & par coniequent a elever 1'autre de concert arec la puif- fance , qui fait le meme effort. A la fin de 1'acrion , e'eft la meme chofe renverlee. La corde du feau plein etant roulee toute entiere autour du cylindre, la puiifance agit par fon phis grand levier poffible, & a auffi i foutenir tout le poids du feau vuide Af Irendu julqu'a Teau. II eft certain que dans ces deux cas extremes , la puiifance a de l'avantage & du defa- vantage par rapport au poids de la corde qu'elle foutient. Dans le pre- mier cas elle eft abfolument^foulagee de ce poids en n'agiifant que par fon •moindre levier poffible, dans le lecond elle porte entiercment ce poids tnais elle agit par fon plus grand levier, de forte que li les longueurs de -ccs deux leviers extremes font tclles qu'il les faut pour egaler les deux • actions du commencement & de la fin de lelevation du feau plein , Li puilfjnce agira avec toute la commodite poffible, du moins dans ces deux 'inomtns les plus dangercux de toils , & s'il eft poffible que les actions moyennes foient encore inegales, elles ne le feront que tres-peu. Quand on a les deux feaux , il faut les tenir tcujours affez ecartes pour ne fe pas rencontrer dans leur chemin , & s'embarralfer fun 1'autre. Comme ils ont chacun leur corde particulicre , egales toutes deux entr'elles elles occupent chacune fur le treuil cylindrique un efpace egal, & ces deux ef- paces fepares & fennel par des rondcllcs , font deux efpeces de bobincs, qui lont altcrnativement ou nues ou chargees de corde. Ce font ces deux bobines , ou nuts ou chargees de corde, qui donnent les deux leviers dont il eft ici qutftion , le moindre quand elles font nues, le plus grand quand elles lont cntierement chargees. L'egalite des deux actions extremes de la puiifincc etant entiercment dependante des leviers de ces deux momens , qui feront les ravens d'une bobine nue ou chargee , M. Camus cherche par le calcul quel doit ctre pour cet efict le rapport des deux rayons. II eft clair q*e le premier eft 4n A B R £ G £ D T? S MiMOIffES — — — — — » ton jours le rayon du cylindre connu, mais le fecond depend de la qiian- tite de corde roulee a l'entour. Mechaniquf. j| £UIt jonc dccouvrir en fecond lieu quelle quantite de corde fera ne- Aiinic Z7?Q ceffaire pour groffir la bobine au point de donner ce lecond rayon re- ' ^ quis, ou, ce qui eft le meme, le rayon du cylindre, & celui de la corde etant connus , combien il faudra que la corde faffe de tours dans fa bobine. Si tons les tours de la corde fe placoient exa&ement l'un fur l'autre, anquel cas la bobine n'auroit d'etendue en longueur qu'un diametre de la -corde, il feroit fort aife de tfouver combien ou par quel nombre de tours il faudroit groffir fa bobine. Mais les tours de la corde ne fe tiendront -jamais dans cette difpofition exade, & ils fe jetteront les uns d'un cote, les autres de l'autre, a moins que la bobine n'ait deux efpeces de mu- railles diftantes entr'elles dJun diametre de la corde, ce qui multiplieroii: ■ bcaucoup les frottemens trcs-nuilibles a tonte machine. La bobine fera .done moins etroite, on, ce qui eft le meme ici , plus longue. Alors on pent fiippofer que deux tours -etant formes & pofes horizoh- ralement l'un contre l'autre , un troiheme viendra fe placer fur eux en rempliffant autant tju.1l le pent le vuide qu'ils laiffoient entr'eux. II eft vilible que la bobine qui , dans la premiere difpofition , auroit ete groffie de trois diametres de la corde, ne le fera pas dans cette feconde de deux cntiers, & il fen tres-aife de trouver c?tte determination precife.. Si Ton fuppofe encore que la corde etant entitlement roulee dans fa •bobine, ces deux" difpolitions differentes s'y trouvent alternativement , on -trouvera le rayon requis de la bobine , ou le nombre de tours qu'il faudra que la corde y faffe , & par ee nombre quelle longueur il faudra donner a la bobine. Mais il eft vrai que tout cela demande des fuppofi- ■tions un peu arbitraifts , & que la realitd qui ne s'arrange pas fi exafte- -ruent , pourroit bien dementir. Auffi M. Camus pretend-il bien appro~ fondir encore cette matiere par des experiences, il eft toujours bon d'en avoir le geometrique bien confeate. On a cru jufqu'a prefent que Ten ne pouvoit donner un trop grand diametre a 1'ouverture des foupapes des- pompes , & on fe fondoit lur ce principe tres-vrai , qu'une certaine quantite d'eau paffera plus facilement •par une plus grande ouverture. Cependant M. Camus prouve que le con- .traire eft fort poffible. Void l'eelairciffement du paradoxe. On vera par-la quelles attentions prefque exceffives il faut apporter aux applica- tions particulieres des principes generaiix les plus vrais. Si la fondion d'une foupape ne coniiftoit qua laiffer paffer 1 eau par fon ouverture , le principe auroit lien fans aucune difticultc , mais une foupape a deux autres fondions a remplir. i. II faut qu'apres avoir Iaifle paffer Veau, & des qu'il n'en pane phis, ;tombe, & ferme le paffage par ou lJeau eft entree dans le corps clle retombe, & ferme le paffage par de pompe. 2. II faut qu'etant retombee toutc la coionne qui eft entree de pompe. 2. II faut qu'etant retombee fur fon ouverture quelle ferme, clle porte DE L'ACADE-MIE ROYALE DKS SCJE NCES. +H • Pour le premier eHet, il Jui f.mt une pcftnttiu fpdcifique plus Brandt \ que cellc dc l'eau, fans quoi cl!c ne retombcroir pas, malgre la refinance M , £ lean, commc die doit faire. Pom le fecund diet, il lui but une f0„mt<-HA*>Q r}- lidite proportionniie a la colonne d'eau quelle foutiendra. Les dettx erlets Annie 171Q. s'accordent a exiger en general la meme chofe. Je fuppofe une foupape parfaite , qui s'ouvre on s'eleve , fc referme ou retombc a fouhait, qui ait precifement la folidire neceiTaire pour loutenir Ja colonne d'eau entree dans le corps de pompe. Je luppofe enfuite que pour y fjire cntrer l'eau encore plus facilement qu't-lle n'y entroit , on augmente l'ouverture de cette foupape, tout le refte demeurant le meme, qu'arrivera-t-il ? En augmentant l'ouverture, il aura fallu neceffairement augmenter le diametre de la foupape, & par confequent fon poids •, l'eau qui n'aura que la meme viteffe , & qui ne s'ouvre ou n'eleve les foupapes que par cette force , elevera done moins la nouvelle foupape ou la fou- pape plus pefante, & le palfage dc l'eau fera retreci, & rendu plus dif- ficile tout all contraire de l'intention qu'on avoit eue. Voila ce que nous pouvons detacher d'un grand memoire ou M. Ca- mus paroit avoir embrace toutes les principalcs machines a elever l'eau , & ou les deux feaux & les pompes font celles qu'il a traitees le plus a fond. Le calcul le plus geometrique regne par-tout , & nous avons choili ce qui en pouvoit etre depouille fans perdre la lolidite neceflaire aux vcritables fciences. SUITE D E L'E S S A I D' U N E T H E 0 R I E NOUVELLE D E P O Af* P B 'S. Par M. P i t o t. J'ai donne dans un memoire de 1735, (a) nn en?a' dune tlieorie de Hift. pompes, dans lequel j'ai etabli qyelques principes generaux , dont per- ionne, que je fiche , n 'avoir parle jufqu'alors : & apres avoir fait quelques applications de ces principes fur les calculs de l'erfet des pompes , je de- termine lc plus grand effet qu'on puiffe efperer des pompes les plus par- faites , le moteur ^tant donne. Je paffe enfuite aux pompes qui ont des afpirans & des efpaces vuides, & je deduis des families qui font con- noitre tons les cas 011 ces fortes de pompes peuvent reuffir , & ceux oil clles ne reufliroient point. Enfin jc tire de ces memes formules les refor- lutions des huit probleincs fur les pompes, propofes a tous les favans de l'Europe par M. Parent. (a> Collection Academiquc, Panic Frar.coife, Tome VII, page 358. 4i4 A B R E G £ DES MEMOIRES — — — J'..i Jit au commencement de 1'efiai de ma theorh des pompes , que ,- , perfonne n'avoit donne jufqu'a prefent des traites particuliers fiir ces ma- echaniqu •chjneS) quoiqu'elles foient les plus en ufage & les plus utiles de toutes les Annie Z7?o. machines hydrauliques. M. Mariotte s'etoit propofe, au rapport de M. de la Hire, de compofer un traite particulier fur les pompes. M. Parent a anuonce dans le troilicine tome de fes recberches de phylique & de ma- thematique, qu'il donneroit bientot au public une theorie des pompes, mais cet ouvrage n'a point paru. Du refte , tout ce qu'on trouve fur les pompes dans les recueils de machines, dans les traites fur les hydrauliques, ne font que des defcriptions de pompes dans lelquelles les vrais principes de ces machines ne font point etablis. Voici quelques additions a notre theorie fur cette matiere , que nous efperons de rendre beaucoup plus complette. I. Dans toutes les pompes , foit afpirantes , foit refoulantes , la puif- fance qui mcut le pifton ou qui refoule , eft tou jours chargee, dans I'ctat d'eqtiilibre, du poids d'un cylindre d'eau qui a pour bafe le cercle de la bale du pifton , & pour hauteur celle des tuyaux montant jufqu'au refer- voir ou l'eau eft elevee. Ce principe eft connu de tons ceux qui ont quelque connoiflance des machines hydrauliques : il eft generalement vrai , foit que les ouvertures des clapets & foupapes foient differentes , foit que les groiTeurs des tuyaux montans foient audi differentes , foit enhn que ces memes tuyaux moment verticalement ou obliquement par des detours & des coudes. Mais la hauteur de ce cylindre d'eau doit-elle Stre prife depuis le pifton ou depuis le niveau de lean elevee, ou du puifart jufqu'au refervoir ? II y a des cas ou il faut prendre cette hauteur depuis le niveau de l'eau , d'autres depuis la bafe du pifton , & cela fui- vant les differentes efpeces & formes de pompes, dont voici quelques- nnes des principales de l'un & 1'autre cas, I I. Lorfque le corps de pompe eft noye dans l'eau , comme dans la f»remiere figure , ou la ligne A B marque le niveau de l'eau , dans ce cas , a hauteur de la colonne d'eau qui a pour bafe le cercle du pifton P , doit etre prife depuis le niveau de l'eau; car lorfque le pifton eft def- ccndu au bas du corps de pompe, la partie de cette colonne d'eau qui fe trouve au-defTous du niveau AB , eft fotuenue par l'eau exterieure qui fait equilibre avec celle qui eft dans le corps de pompe jufqu'au ni-r veau AB. III. Lorfqu'il y a un tuyau d'afpiration EF, comme a la feconde figure, dans ce cas, il faut encore prendre la hauteur de la colonne oil cylindre d'eau depuis le niveau AB ; car quoiqu'il paroiffe que le pifton P ne foit charge que de l'eau contenue dans les tuyaux montans QD , a caufe de l'afpiration , le poids de 1'atmofphere qui pefe fur la furface de l'eau AB , & la fait elever jufqu'au pifton, pefe audi de la meme quan- tite fur le pifton ; de forte que Ton peut dire que le pifton eft charge non- DE LJACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. 4M non-fculcnicnt de l'eau qui eft .ui-ddius de lui dans ks tuyaiix cnon- — — — tans CD j niais auffi p.ir telle qui eft au-deffous jufqu'au niveau AD. M i c II a n i y v E. IV. Lorfque l'eau entre dans le corps de Pompe au-deffus du pifton Ann Aiiiuc tj29' ieront expnmees par "~£*"~ ** T*~ Enfin les expreffions des folides d'eau, dont les poids , , ■ r r a6 vv „ * ° »• donnent la valeur des efforts , feront . & jBJ"" D'oii il s'enfuit que fi les diametres des piftons font egaux & leurs vitei- fes egales , les refiftances de l'eau feront entr'elles comme Ji ^ g* °U comme G* & b* , c'eft-i-dire, en raifon reciproque des quatriemes puif- fances des diametres des ouyertures des foupapes ; ce que nous avous demontre dans le memo ire de 1735, PaSe 39y- XIV. Si les diametres des ouvertures des foupapes & les viteffes des piftons font egales , on aura b ~ C & v ~ »• Les refiftances feront entr'elles comme a6 a «' , c'efl-a-dire , en raifon diredle des frxiemes puilfances des diametres des bales des piftons , ou en raifon triplce de b iurface de leurs bafes. XV. Si les diametres des piftons & cenx des ouvertures des foupapes font egaux , on aura a~*,b — &, &.\es reliftances feront entr'elles comme vv a "* en raifon dirette des quarres des viteffes des piftons. XVI. S'il n'y a que les diametres des piftons qui foient egaux , les reMances de l'eau feront entr'elles comme — a ^7, ou comme C* yy k t' vo, c'eft-a-dire , en raifon compofee de la raifon diredre de la doublee des viteffes & de la raifon reciproque des quatriemes puiffances des dia- metres des ouvertures des foupapes. XVII. Si les diametres des ouvertures des foupapes font egaux , les refiftances de l'eau feront entr'elles comme ae fn«( "» c'eft-a-dire, en raifon compofee des fixiemes puiffances des diametres des piftons & des quarres des viteffes. XVIII. Enfin , fi les viteffes des piftons font egales , les refiftances de l'eau feront entr'elles comme ^ a _ ? ou comme a6 G* a »' b" , ceft- a-dire , en raifon compofee de la raifon dire&e des fixiemes puiffances des diametres des piftons, & de la raifon reciproque des quatriemes puiffances des diametres des ouvertures des foupapes. . XIX. On pent encore fa.ire entrer dans les expreffions generates des refiftances ci-deffusj les longueurs de I'efpace que le pifton doit parcourir a chaque levete , & les temps employes a ch.ique levee , nommant pour eft effet lei longueurs des- levees / & *, les temps pour chaque DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 419 levee t & '• Or on fait que les vitelfcs font egalcs aux longueurs ^— ^— ■ — divifees par les temps, ce qui donne v — — & v ~ ~. Subflituant Mech aniqub. done dans les expreffions generates des reliftances de I'eau — — & "jy ™nce 173$. pour w & tc, leurs valeurs — c — » on les changera en cclles-ci, -— & err.. XX. On pent deduire a preTent de ces deux expreffions generates , les rapports des reliftances de l'eau dans tons les cas. Si, par exemple, les dia- metres des piftons & des otivertures des foupapes lont egaux, aufli bien que les longueurs oil hauteurs des levees, on verra que ces reliftances font entr'elles comme 77 ^ —> ou coinmc <« a tt, e'eft-a-dire , en railbr* reciproquc des quarres aes temps. XXI. De meme li les diametrcs des piftons & des otivertures des foupapes iont egaux avec les temps des levees , les rcliftances feront entr'elles comme // a **, on en railon directe des quarres des longueuis ou hauteurs des levees des piftons, Sec. XXII. On vient de voir des preuves bien fenlibles & bien evidentcs, que de qtielque elpece & forme que foient les foupapes , foit des fou- papes a coquilles, loit des loupapes coniques , foit des foupapes a clapets, il taut , comme nous avons dit , pour rendre les pompes parfaites , que les diametres des ouvertures des loupapes ou des diaphragmes , foient les plus grands qu'il eft poffible. XXIII. Les foupapes doivent ctre les plus legeres qu'il eft poffible, fi leur poids pouvoit etre egal it celui d'un parcil volume d'eau , elles fe- roient a cet egard les plus parfaites. Nous allons donncr les preuves de ce que nous av.in^ons ici lur la legercte des loupapes. XXIV. Pour pen qu'une foupape foit ouverte, Ie pifton eft charge, meme dans l'etat d'equilibre, de tout le poids de la colonne d'eau qui a pour bale celle du pifton, & pour hauteur toute la hauteur depuis le ni- veau de l'eau du puijart , ou depuis la bafe du pifton jufqti'au refervoir. Dans cet et.it , li la pefanteur de la foupape etoit egale a celle d'un pareil volume d'eau, la lituation feroit indirterente , puilqu'elle nageroit, pour ainli dire , entre deux eaux. XXV. Dans le temps de la delecnte du pifton , la foupape S (Fig. i.& 3.) eft chargee du poids de la colonne d'eau qui a pour bafe la ioupape meme, & pour hauteur celle du refervoir au-dclfus de la Ioupape ■, mais au mo- ment que le pifton recommence a monter, la foupape le trouve preffee par l'eau contentie dans 1c corps de pompc , avec une force fupeiieure 45» abr£g£: DES M E M O I R E X — »■ ■■ au poids de cette colonnc d'eau , alors elle s'ouvriroit entierement, fl fe , pefanteiir ne furpaffoit pas celle d'un parcil volume d'eaa , tuais ellc s'ou- MECHANiQUE.vrjra ,j»autan( m0;ns qlie fa pefanteiir fera plus grande. Annte 1739- XXVI. Si Ton calcule le poids d'un folide ou cylindre d'eau qui auroit pour bale le cercle de l'ouverture de la foupape , & pour hauteur celle d'oii l'eau devroit tomber pour acquerir la viteffe h. ion" palfage par la mime ouverture , le poids de ce folide d'eau fera celui de la plus grande pefanteiir qu'on doive donner h la foupape •, car ce poids etant egal ^ la force de l'impullion de l'eau contre la furface de la foupape, li cette force d'impullion eft egale ou plus grande que le poids de la foupape , elle s'ouvrira fufKfamment , & Iaiffera 1111 libre patlage a l'eau. XXVII. Mais les grands defauts des foupapes , viennent ]e plus fonvent plutot de leur mauvaife execution que de leur forme & Icur pefanteiir; car pour peu que la foupape S laiiTe de paffage a l'eau des tuyaux montans dans le corps de pompe, dans le temps de ladelcente du pifton (Fig. 1. & 5.) ou de fa montee (Fig. 4.) cette eau entre dans le corps de pompe avec tant de violence, que 1'efFet de la pompe on la quantite d'eau quelle eleve , eft conliderablement diminuee. XXVIII. On attribue & on accufe une machine , tine pompe , d'etre defedhieufe, & de ne pas reuffir, faute de voir le plus fouvent les defauts particuliers d'execution , i quoi les auteurs & conftru&eurs ne fauroient ctre trop attentifs. Une pompe eft une des machines des plus difficiles a bien executer ; car enfin (1 la puiffance qui meut le pifton a affez de force &: de vitelTe, quelle que foil l'efpece & la forme d'une pompe, celle de fes foupapes & du pifton , chaque coup de pifton elevera toujours toute la quantite d'eau contenue dans le corps de pompe , a moins qu'il n'y ait , comme on vient de dire , quelques defauts particuliers d'execution , foit de la part des foupapes , foit de la part du pifton , qui laiiTe affez fou- vent du jour & du paffage a l'eau , foit de la part des liens & des brides qui entent les tuyaux les uns aux autres-, car pour peu que ces liens on brides laiffent dc jour , quand ce ne feroit que par uti trou a paffer une epingle, l'air entrera dans le corps de pompe avec tant de violence, que la plus grande partie de fa capacite fera vuide ou pleine d'air , de forte que chaque coup de pifton n'eleveia qu'une petite partie de la quantite d'eau qu'il devroit donner, & la pompe ne fera pas, a beaucoup pics, l'erret qu'on auroit lieu d'en efperer. XXIX. Je vais finir ce memoire par l'examen d'un paralogifme dans lequel M. Belidor eft tombe, & dont il a fait plulieurs applications dans le lecond volume de fon architecture hydraulique. C'eft avec bien du regret que je releve ici la meprife d'une perlonne que j'eftime. J'ole me flatter que M. Belidor me rendra la juftice de croire que ce n'eft pas par un efprit de critique que je releve l'crreur de principe contenue dans fort •uvrage , que j'ai d'ailleurs approuvi avec eloge , & qui , malgre cette erreur , fera toujours trcs-utile. DE L'ACAD£MIE ROYALE DES SCIENCES. 4,1 Je vais donner une demonftration (imple & evidente du principc , en \ faifant lcs memos fuppolitions, & fur les memos figures de M. Belidor,M , & jc fcrai voir cnfuite en quoi conliftc Ton paralogiline , dont il fait bien ECHANiQUfc que je 1'avois averti plulleurs fois, & meme dilputc alfez long-temps avec Ann.it ijiq. lui fur ce ftijet, avaot qu'il cut donnc fon ouvrage an public. XXX. Ayant un tuyau vertical AD , cntretcnu toujours plcin d'eau, uni a une branche horizontale CE , dans laquclle on a introduit un pifton foutenu par une puiffince R , il arrivera, i. Que h la force de la puif- (ancc R eft egale au poids de la colonne d'eau contenue dans la branche verticale AD , le pifton P rellera immobile, puifque l'effort de la puif- fance & celui du poids de l'cau feront en equilibre. 2. Si an contrairc la puillancc ab.indonne entierement le pifton P , que nous fuppofons fans pefanteur, ce pifton fera challe par l'eau avec toute fa viteffe acquife par fa chute de la hauteur verticale AD , cette viteffe fera exprimee par la racine de la hauteur AD, car dans ce cas le pillon ne fera aucun obf- tade a la fuite & a I'ecouk-mcnt de l'eau dans la branche horizontale CE. j. Si l'effort de la puiliance R eft moindre que le poids de la colonne d'eau du tuyau vertical AD , le pifton P fera challe avec ujie viteffe moindre que la vitefie qui ieroit acquife par toute la hauteur AD. Pour determiner , dans ce troilicme cas , la viteffe avec laquelle le pifton fera chaffe , fuppofons que l'effort de la puiffance foit egal au poids de l'eau de la partie AID de la branche verticale AD , le poids de cette co- lonne MD failant equilibre avec l'effort de la puiffance P, fuivant le premier cas , le pifton fera challe , comme dans le fecond cas , avec la vitelie qui feroit acquile par une chute de la hauteur reftante AM; car puifque le poids de la partie MD eft en equilibre, &, pour ainli dire, aneanti par l'effort egal de la puiliance, il eft bien evident que le pifton P fera dans le meme cas, que li la puiffance l'ayant abandonne , la branch* verticale n'eiit de hauteur que cellc- de la partie reftante AM. Ainli nora- rnant a, la hauteur 011 chute AD; b , la partie AM de cette hauteur, Sz c , la partie MD loutenue par la puiffance, on aura a zr b -f c & I? a — V (b -+ c), ce qui eft de la derniere evidence. La vitelie du pifton fera done exprimee par la racine de la hauteur ou chute A M , OU par ^ b — V [a — c). XXXI. Si Ton adapte a prefent au bout PPune feconde branche ▼erticale NF d'une hauteur egale a MD pour former un liphon rcn- verfe AD FN, le poids de l'eau de cette feconde branche NFftra equi- libre avec celle de la partie MD de la premiere branche , & fera par confequcnt egal a Teft'ort de la puiffance R du troilieme cas ci dcffiis; ainli le pifton P , que nous fuppofons a prelent dans la branche NF, fera chaffe par l'eau de la partie reftante AM avec une vitelie qui feroit acquife par la chute AM exprimee par la racine de cette hauteur. Or, puifque^Frr MD ~c, ADzza,8i AM— b , la viteffe du pifton P ou de l'eau a fa fortie de l'orifice N t fera exprimee par S b ~ V ( uni h nne branche horizontale CDF. J7 ' , dans laquclle on a introduit un »j pifton P, foutenu par line puiffance R , il arrivera que fi cette puif- jj lance que je fuppole toujours la meme, eft infcrieure & la pouffee de 53 1'eau , le pifton (era chaffe vers 1'orifice E F avec line certaine viteffe »3 uniforme, & (ajoute-t-il en lettre italique) V action relative de I'eau »j que Jbuticndra cette puiffance , J'era exprimee par le quarri de la j> difference de la viteffe du. pifton a celle dontla chute B D eft capable. >> M. Belidor nomme enfuite, comme nous avons fait ci-deffus, a la chute BD; b, celle qui repond a la viteffe du pifton, qui eft AM; c, la chitte capable d'une pretendue viteffe refpecttve. Or, fuivant lui , cette viteffe refpeclive, c'eft la difference entre la viteffe du pifton & celle dont la chute BD eft capable : d'oii il conclut enfin que \/ a ~ V b -f- V c , au lieu que tf a ~ V (b -+ c), ainii que nous venons de le demontrer d'une maniere iimple & evidente. XXXIII. La meprife de M. Belidor vient principalement d'avoir conlidere line viteffe refpe&ive qui n'y eft pas , $: d'avoir voulu appli- quer ici la regie que Ton eft oblige de fuivre , lorfqu'on calcule la force de l'impullion d'un courant d'eau co'ntre une fuiface , line aube de mou- lin ,. qui fe derobe au chemin ou viteffe du courant •, dans ce cas , il faut prendre la viteffe refpective, qui eft la difference entre la viteffe abfolue du courant & celle de l'aube : mais ce cas eft bien different de celui dont il s'agit ; car ici ce font des hauteurs de chutes d'eau qu'on peut regarder comme des quarres , puifque les viteffes lont comme les jacines de ces' hauteurs, ou comme des lignes. Or on voit evidemment qu'ici c'eft une chute AD egale aux deux chutes A M & AID, ou comme un quarre egal a deux autres quarres; au-lieu que dans le cas de l'aube frappee par un courant d'eau , c'eft line viteffe egale h deux autres viteffes. Done- par la meme raifon que les deux cotes du triangle redhngle font en- femble plus grands que I'hypothenufe , de meme auffi les deux viteffes ou V b -f V c font enfemble plus grandes que la viteffe ^ a. XXXIV. L'entiere confiance de M. Belidor fur 1'evidence du faux frincipe dans lequel.il eft tombe, l'a forte a citer en fa faveur, dans article 1115 , page 174, l'exemple du triangle rectangle, exemple qui auroit DE TACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. 4,, auroit dii le detromper , s'il y avoit bten fail attention. II rcproche .vj *— — —~ — contraire, dans Ic meiue article, a tous ceux qui ont ecrit jufqu'ici fur . , . lc mouvement des eaux , d'avoir pretendu que la vitefle de l'cau a fa iortie N fut egale ou exprimee par la racine de la charge ou chute AM, Annie 117:', ion paralogilme le portant a conclure que cette vitefle etoit eg.ile ou exprimee par la difference entre les racines de la branchc ou tuyatl de chaffe A D & la branche de fuite N F. XXXV. Suppofons, par cxemple, que la branche de chaffe AD foit de 15, & celle de fuite de 16, la charge AM fera de 9 , dont la racine 5 exprimera reellement la vitefle de l'eau a fa fortie par l'orifice A ,' mais, fuivant M. Bclidor, cette vitefle ne feroit.que de 1 , puifque de la racine de 15, qui eft 5, retranchant celle de 16, qui eft 4, il refte 1. Voila une erreur bien dangereufe , dont il faut que M. Belidor fe defa- bufe , puifqu'elle va aux deux tiers dans cet exemple , & elle peut aller infiniment plus loin a mefure que les tuyaux de chafle Sc de fuite feront plus longs. XXXVI. Ce faux prlncipe, dont M. Belidor n'a fait que trop d'ufage, ne m'avoit point tichappe dans la lecture & 1'examen de fon livre •, je fis dcs-lors mon poffible pour le dclabufer. M. Belidor etoit li fort prevenu, que voulant an contraire me detromper moi-meme , il me dit qii'il Eorteroit fi demonstration a 1'academie , je le lailiai faire , prevoyant ien qu'il y fercit coniamne, comme cela eft arrive. MACHINES ou INVENTIONS Aptrouyees tar l'Acadewie Ev M. DCC. XXXIX I. " r vJ n inftrument invente par le fieur Pafdeloup d'Orleans pour etrangle. les ferpenteaux d'artifice plus promptement'que par la maniere ordinaire, qui eft d'en etrangler les cartouches a la corde. Le nouvel outil , qui eft tine efpece de couteau, a qui Ton donne un certain mouvement , fera principalemer.t utile dans les occalions oii Ton fera prelie d'une grande quantitj d'artifice. I I. Un poele de M. Frefnean, ancien chirnrgien des vaiffeaux du roi , & depuis chirurgien-mnjor des hopitaux. Son objet a ete de faire toutes les operations de cuiline neceflaires pour la table , meme fomptneufe des offi- ciers-de vaiffeau, avec la plus grande epargne poffible & du bois ou du charbon , & de l'efpace. Tome VIII. Partie Franfoife. I i i 4h AI3 RE G t DES MEMOIRES I | ■ 1 1 M* L'academie a vu un pot'le de fon invention execute en tole forte, ayant • r , environ trois pieds de face, oii en trois heures de temps on a fait cuire- MtCHANIQUE. i j j. ' r i i ,. , r ,-r avec les ^ dune talourde un repas pour dix ou douze perlonnes, conlii- sinne'e IJ2S- tant en Potages> ragouts, grillades, roti, &c. Une feule piece de beeuf rotie , qui peloit 15^16 livres , auroit depenfe dans une cuifine ordi- naire prefque deux fois plus de bois que n'avoit fait le tout enfemble. On voit bien que cela 11 e s'eft pu faire que par une diftribution adroite des compartiments du. fourneau ou etoient les differents mets felon leur differente nature , & en meme temps par une application induftrieufe de Faction du feu , proportioning aux diflerents effets qu'on vouloit lui faire produire. Ce poele tient peu de place, pefe pen , eft aife a tranfporter d'un lien a un autre , fe tiendra de niveau malgre les agitations de la mer a l'aide des fufpenfions connues , echauffera dans les temps froids les chambres principales du navire , & enfin fera exempt de fumee. On auroit pu objeder a ce pot'le de n'etre bon que pour les grands repas , ce qui ne l'eut pas empeche d'etre encore fort utile. Mais M. Fref- neau en a fait voir un plus petit, qu'il appelle la cuifine du jblitaire , oil avec beaucoup moins de bois on peut appreter un repas affez honnetc pour ce folitaire & pour quelque ami. L'academie n'a pas doute que l'inventcur ne fut affez ingenieux pour perfe&ionner encore fa machine, fi de nouvelles vues, que l'ufage feroit naitre , le demandoient Maniere fort simple De fe fervir d'Horloges de moyen volume , au-lieu de grojfes Horloges i dans les cas oil Von ejl oblige de les faire Jonner fur des Timbres fort gros & fort (loigne's. I, Par M. Gran i) jean de Fouchy. .l n'y a perfonne qui ne fache combien les groffes horloges different Annie nso ^es hor'°ges de moyen volume, appellees communement horloges a pi- lie rs , combien ces dernieres font plus aifees a placer, moins incommodes M a DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. 455 etc oblige , car je fuis bien perfuadc que la feule neccfiite de Lire fon- — " ~^— — — ner l'heure avec de forts niarteaux fur dc nros timbres, ou nicmc fur des .. . cloches, a empeche quon ne sen (oit iervi julquici ; Voici en quoi conlifte la maniere que je propofe. Anr.ic 1740. Je fuppofc que Ton ait line horloge a piliers bien faite , dc cellcs qu'on appelle du grand modcle , on commencera par la placer auprcs de l'endroit oil Ton fe propole de mettre le cadran , de nuniere que l'axe de la roue du cadran (qu'on 3ura foin de faire faire alicz fort pour ne fe pas tordre aifement) porte immediatement l'aiguille qui marque les heures , ce qui , eu egard au peu de volume de l'horloge , fe pourra tou- jours, li Ion n'a qu'un feul cadran a mener-, & dans le cas oil Ton en au- roit pluiieurs , on aura attention a ne leur donner que le nioins de frot- tement qu'on pourra. On otera enluite du corps de l'horloge le timbre, le marteau qui frappe fur le timbre, & fa levie, & on mettra en la place la detente ADB , mobile en A lur line piece AC , fixce fur la platine PI. VI jnferieure de l'horloge , & dont l'extremite B eft engagce entre les che- villes de la roue de chevilles IV, de maniere que cette roue ne peut tourner fans faire mouvoir la detente ADB autour de Ion clou A; au point D eft place un fil de fer qui repond a la machine que je vais de- crire, & qui eft la fesle addition que je propofe. Dans un endroit commode, prcs 011 eloign; de l'horloge (cela eft ab- folument indifferent) on etablira fur quelque piece de charpente , fur quc-lque mur , line cage de fer EF, propre a recevoir une roue GH, gamie de fa fufee /, & de Ion encliquetage •, cette roue eft dentee , & porte des chevilles , le nombre des dents & celui des chevilles eft arbi- trage , il n'y a qu'une feule chofe a obferver , qui eft que les intervalles d'uiie cheville a l'autre foient egaux , & comprennent chacun un nombre entier de dents , ce que je remarque ici d'autant plus volontiers , qu'au moyen de cette liberte, on pourra choifir telle vieille roue d horloge qu'on voudra, pour cet ufage-, cette roue engraine dans un pignon K, porte par la meme cage , & ce pignon doit avoir autant cfailes que les intervalles entre les chevilles contiennent de dents. Sur l'arbre de ce pi- gnon eft fixe un chaperon L, & un volant NO; le poids P, dont la corde eft devidee autour de la fufee , mettroit dans un mouvement con- tinuel la roue, lc ch.iperon & le volant, li le chaperon n'avoit une en- taille M, qui recoit le bee dune detente NO^Ry laquelle eft pouffee vers le chaperon par le refl'ort 4, 5. De l'autre cote & dans la meme cage eft une levee S T, mobile en S fur un clou attache a la cage, & engagce par le bout T dans les chevilles de la roue GH, cette levee fert a tirer par fon point V, un fil de fer VX, qui, au moyen d'un ou de pluiieurs renvois UX, va repondre au levier Y AL du marteau Z , qui frappe fur la cloche. Ceci fuppofe , quand le rouage de fonnerie de l'horloge viendra a courir , la roue de chevilles JV. tirera par la detente A D , le fil de fer DR, & celui ct la detente RQM; elle fe degagera done du cha- peron LM, & lui laiffera la liberte de tourner, aufli-tot la roue GH Iii ij 45tf ABR^Gi DES MEMOTRES -^MM— — ^™ marcher,!, & fera paffer line de fes chevilles, qui fera former Un coup aa ,, , gros marteail Z. Mais conime le iiombre des dents comprifes entre les ciianiquf. cjlevjUes efl. egal a celui des ailes du pignon K, avant que la cheville Annti 11 ao. fuivante puiffe agir fur la levee S T, le chaperon aura fait un tour , & prefentera fou echancrure a la detente MQ qui y entrera , & l'empechera de tourner. , . Si done la roue W de l'horloge a piliers na fait paffer qu'une de fe3 chevilles, le mouvement ceffera all premier coup dans la groffe fonnerie, mais (1 la roue de la pendule continue a tourner, el!e degagera le cha- peron autant de fois qifil fe rengagera , & fera par confequent former au gros timbre autant de coups quelle en auroit fait fonner au petit marteail, fans que l'horloge ait cu plus d'eflort a faire. La feule attention necerlaire dans cette conftruction , eft de regler le volant NO, de facon que les chevilles de la roue GH. paffent en un temps egal , on raerae plus court que celui que mettent a paffer les che- villes cle la roue W , ce qui fe fera tres-aifement, li Ton fait les ailes du volant de facon qu'elles puiffent s'incliner plus on moins au plan de leur mouvement , de la maniere imaginee par M. Tulien le Roi. - On peut epargner une bonne partie de la cage de fer qui doit porter la groffe fonnerie , en faifant Iceller dans le mur , ou enfoncant dans la. poutre ou on 1'attachera , des crampons dans lefquels on percera des trous pour les pivots de la roue & du chaperon. On peut audi , au-lieu du remontoir, y mettre une double fufee pareille a celles qui font ulitees pour les tournebroches , ce qui reduira la cage de fer a une limple barre contournee , comme elle eft marquee dans la feconde figure, qui repre- fente le profil de toute la machine. On pourra done, par ce moyen , avoir une horloge qui tienne peu de place, faffe peu de bruit, & dont le prix ne fera jamais le quart de celui d'une groile horloge ordinaire. J'ai dit qu'on ne feroit point incommode du bruit , car l'horloge k piliers n'en fait qu'un tres-fupportable , meme dans une chambre , & la nouvelle machine a laquelle meme on peut epargner le bruit du volant en le mettant a frottement fur un axe elliptique prefle par le reffort du volant meme, la nouvelle machine, dis-je, peut etre placee par tout ou. l'on voudra , & tres-eloignee des endroits que Ton habite. Enfin, un dernier avanrage que je crois confidemble, e'eit de pouvoir emporter & placer aifement une horloge dans les provinces les plus eloi- gnees, & ou a peine quelquefois connoiton le nom d'un horloger, & n quelque chofe viehr i y manquer , de pouvoir tout auffi facilement la faire revenir entre les mains d'un ouvrier capable de la retablir. Je laiffe a l'intelligence de ceux qui voudront fe fervir de cette conf- truciion , la maniere de placer les renvois , taut pour les detentes que pour les marteaux. Je ne parle point non plus des horloges a quarts, on en fera quitte pour une feconde roue GH, garnie de fori poids, de fon chaperon, &c. mais dont les chevilles feront alternativement placees des deux cotes pour prendre les levees des deux marteaux des quarts; DE L'ACADiMIEROYALE DES SCIENCES. 45; SUR UN PROBLEME DE STATIQUE, QUI A RAPPORT A U MOUVEMENT PERPETUEL. MtCH ANIQUI. Annie iy<}0, u, nh roue chargee de poids egaux ^ l'extremite dc tons fes rayons, nift. etant pofec verticalement far Ton eflieu horizontal , il eft tres-evident qua caule de legilite de tons les poids qu'elle porte, clle demeurera im- mobile. Mais li Ton concoit feulement que les rayons de la droite de la roue deviennent plus longs, tout Ie refte etant le mane, on imagine all'cz naturellement que les poids de ccs rayons exercant Taction de lew pefanteur par 0(1 plus long levier , ils auront plus de force pour dil- cendre que les poids des rayons de la gauche n'en auront pour leur relifter , & s'empecher d'etre eleves , & que par conicquent la roue tournera. Si ces rayons de la droite etant arrives a la gauche par le mouvement de la roue, pouvoient s'accourcir par rapport a ceux qui feroient alois a la droite, la roue continucroit de tourner, & le meme icu recommm- cant toujours, ce feroit le mouvement perpetuel. II n'y a plus qu'a trou- ver 1'equivalent -de l'alongement & du raccouicillement (ilccefltt & con- tinuel des rayons, & on Pa trouve par des poids egaux mobiles dans d.s canaux ou rainures. Pour en prendre quelque idee, on peut concevoir que cruque poids, au-lieu d'etre attache a l'extremite du rayon qui le porte, pent & doit, quand la roue tourne , palter de ce rayon fur foil voilin , parce qiril y trouve line cavite menagee pour le recevoir , & dans laquelle il tombe. Comme chaque rayon en a line , la luite de ces cavites fait une- rainure rotate qui traverfe tous les rayons, & eft line, courbe rentrante en elle-memc. Par rapport au dcifein que l'on a , clle eft en fes difterentes parties inegalement eloignee du centre de la roue, afin que les memes poids aient tantot un plus long levier , tantot 1111 plus court , quoique les rayons de la roue ne changent pas de longueur. II n'eft pas necelfaire d'expliquer en detail la conftruction de la machine , on en vok alfez Tefprit, & nous la fuppolons executee dans toute la per- fection polliblc. II eft certain que li les principes en font bons , le mou- vement perpetuel eft trouve, & ceux qui ont eu les premiers cette idee, ont pu s'en applaudir. Mais M. Camus la croit faude , li Ton vient a lYxaminer de pros. Que Ton concoive la roue dans letat oil clle doit tourner , e'eft-a-dire , char- gee dans le haut de fa moitie droite de poids qui , en vcrtu de la place qu'ils ont dans la rainure courbe, agillent par des leviers plus lot. que les poids qui font dans la moitie gauche de la roue, il eft bien fur que les poids de la premiere moitie auront de l'avantage lur ceux de la fecondc, que par confequent ktir pefanteur qui tend a les approclur 4}8 A B R E G E DES ME MOIRES — — — -i- toujours da centre de la terre , les fera defcendre , ce qu'ils ne peuvent fans faire tourner la roue de droite a gauche, & on imagine aifement IQUE,que les. poids qui etoient d'abord a gauche, ayant pris la place des pre- Anne'e 1740. miers, & la mane fuperiorite de levier fur ceux qui feront alors a gau- che, la roue continuera de tourner de droite a gauche, & toujours ainfi de fuite, cela eft vrai jufques-la , & ce feroit reellement le mouvement pcrpetuel s'iL n'y avoit rien de plus a conliderer. Quand , en vertu de la figure de la rainure , les poids de la moitie droite de la roue ont des leviers plus longs que ceux de la moitie gau- che , c'eft parce qu'alors la portion de cette rainure qui eft a droite , eft plus eloignee du centre de la roue , point d'appui de tous les leviers. Or ces poids de la droite , plus eloignes du centre de la roue., etant compares a ceux de la gauche qui en font moins eloignes , fi on les comprend les uns & les autres dans un meme efpace ou entre deux pa-: ralleles , ou ils feront de part & d'autre egalement eloignes du centre de la terre , il fe trouve que les premiers font en moindre nombre que les. feconds, & cela precifement parce que les premiers font plus eloignes du centre de la roue que les feconds, & par confequent en raifon renverfee de leurs diftances a ce centre. C'eft ainli qu'on voit un moindre nombre des parties d'un objet , quand il eft plus eloigne de 1'ceil , & au contraire. Si les poids qui ont les plus longs leviers , font en meme raifon moins forts par leur nombre, & reciproquement, voila un equilibre parfait, &, loin que les efperances du mouvement perpetuel fubliftent , la roue n& commence pas leulement a tourner. Sur les Fusees v o lan t es. 1 1 r principe general de 1'elevation des fufees volantes , c'eft le memo que celui du recul d'un canon. L'air contenu dans la fulee , & dont tous les refforts font violemment & fubitement bandes dans l'inflammation de. la poudre, fait effort en tous fens pour s'etendre, & par confequent pour s'echapper de fa prifon. II ne le peut que par le bout inferieur de la fufee toujours ouvert , & par ou fort la matiere enflammie qu'il pouffe avec lui. Mais en meme temps il agit auffi, & avec la meme force con- tre le bout fuperieur de la fufee, qui eft fcrme, & il agit en s'appuyant fur l'air exterieur place lous le bout inferieur , parce que cet air ne peut lui ceder affez promptement , a caufe de l'extreme foudainete de l'inflam- mation. Ainli le bout fuperieur eft poufle en enhaut , & monte d'unc grande vlteffe. Cela fuppofe qu'il y ait de l'air etranger renferme dans la fufee , c'eft- a-dire, lin autre air que celui qui peut fe trouver naturellement erive- loppe dans chaque grain de poudre , car celui-14 ni ne feroit en affez grande quantite , ni ne pourroit, etant dilperle dans tous ces grains qui ne s'enflammaant que fucceffivement, faire agir affez promptement tous DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCE.'?. 45:> frs refforts pour produire les plus grinds effets poffibles. La fufee mon- —— teroit toujours , puifque lcs rcilorts de l'air fe debandcroicnt toujours cu »» tous fens, mais ni elle ne montcroit (i haut a bcaucoup prcs, a caufe du ' ECI,ANIO-UE» petit nombre de ces reflbrts , ni ellc ne commenceroit luot a monter, Anate 1740. parce qu'il f.uidroit qu'une quantite furhfinte d'air cut le loifir de fe de- gager de linterieur des grains de poudre. II efl vrai qu'une compofition plus vive de la poudre oil maticrc inflammable pourroit reparer ces de- fauts, mais dans la comparaifon que nous failions, il falloit ibus-entendre que toutcs chofes ctoient d'ailleurs egales. II fera done avantageux de mettre & de conferver, s'il fe pent, dans la fufee de l'air etranger , quoique d'un autre cote il foit ncceffairc que la poudre 011 la matiere inflammable en foit la plus ferric , la plus compri- mee qu'il fe puiffe , & que dans ce deffcin on la batte avec force. Inex- pedient eft qu'une broche de fer , attachee au culot oil bale fur laqtielle on charge la fufee, penetre dans fon interieur aufli avant qu'ellc le prut, moyennant quoi quand la fufee part, clle emporte la cavite oii la broche fe logeoit, & cette cavite fe remplit d'air', & fublifte au moins quelqucs momens dans la forme que la broche lui avoit donnee , parce que la matiere qui l'environne a etc lice par line affez forte comprellion. C'eft Un refervoir d'air que Ton a menage pour le befoin de'la fufee. Mais on concoit naturellement que ce refervoir ne durera qu'un inf- tant. L'air de la cavite fera fon eftet fur l'air exterieur par une dilatation tres-brufque, la fufee en fera poulfee en enhaut avec plus de vitetfe, 111 .1 is paffe ce premier inftant, tout s'enflamme, la cavite s'eftace, puifque la troche qui la formoit n'y eft plus , etant demeuree attachee au culot im- mobile , & la fufee eft dans le memc etat que li elle avoit etc d'abord toute pleine , a cela pres quelle contient un pen plus d'air , qui pourra ne lui etre pas inutile, & qui au moins ne l'aura pas etc d'abord. - Ces idees ne feroient pas tout-a-fait precifes; la fufee etant concuc di- vifee en couches horizontales , clle s'enflamme fucceffivement dans cha- cune , quoique trcs-rapidement , & a parler a la rigueur, il n'y en a qu'une qui bnile dans un inftant quelconque , toutes les precedentes font confumees , & les fuivantes font encore entieres. La broche de fer inter- rompt un certain nombre de couches , & rend plus petite l'etendue ou elles prennent feu. II y a plus , fans cette broche , un grain de poudre pris folilairemcnt , enflammeroit toujours le grain fuperieur qui feroit dans la mane ligne que lui parallele a l'axe de la fufee-, li la broche eft cylindrique , ce fera la memc chofe , mais fi elle eft conique , le meme grain n'enflammera plus que le grain fuperieur , pole dans une ligne pa- rallele, non a l'axe de la fufee, mais au cote du cone incline a cet axe. Ainfi la broche conique detcrminera dans l'inflammation fucceflive de grain en grain, une direction differente de celle qui cut refultc d'une broche cylindrique. Quand la fulee s'eleve , la cavite formee par la broche ne fe detruit pas aufli-tot, & il en refte encore une qui contient de l'air d'ou l'on tire les avantages qu'on dcliioit. La cavite , aprcs avoir perdu fon moule , ne jfcM 'ABR'fififi' OES MiMOIRS'S I. i — hifle pas de fuivre la fufee & de s'elever avec elle, en confervant quelqiie temps ia figure que le moule lui avoit imprimee , car la direction d'iu- Mechaniqite. f}ammation que la poudre avoit prife felon ce meme moule, ne change Annce 1740. P1S en un inftant, & c'eft a cette direction que tient la figure de la nou- velle cavite. II eft evident que plus cette cavite fera de figure a fe main- tenir long-temps, plus la fufee iera parfaite, & c'eft-la le principal objet d'une petite theorie geometrique que M. de Buffbn a donnee. Ce qui a ete deja dit, futfiroit prefque pour prouver que la figure co- nique doit etre ici preferee a la cylindrique. La direction d'inflammation que la broche conique donne a la poudre , eft allurement moins naturelle que celle que lui donneroit la cylindrique , elle eft en quelque forte for- cee, & par confequent il faut plus de temps pour la changer , puifqu'il faat d'abord celui de la detruire entitlement avant que de lui en fubfti- tuer une autre. II ne s'agit ici que de temps extremement courts, dont Ia petitefle ecbappe a notre imagination , mais enfin ils exiftent , & peuvent encore etre inegaux. De plus , quand la cavite eft conique, fa bafe etant en embas, il y a line moindre quantite de poudre dans line couche inferieure que dans line fuperieure , & par confequent moins de matiere enflammee en bas qu'en haut, lorfque le bas & le haut font enflammes. La cavite ne pent s'erFacer que quand tout eft egalement enflamme autour d'elle , & il faut un temps pour furmonter cette inegalite d'inflammation j & amener tout \ l'uniformite. La broche cylindrique ne cauferoit pas cette inegalite que Ton recherche ici. - !■" jif, de Buft'on prouve que la cavite conique l'emporte a cet egnrd , non-feulcment fur la cylindrique, mais fur celles de route autre figure poffib}e. Ce qui vient d'etre dit, peut le faire prefque fuffifamment ap- percevoir. _ '- L'experience , qui eft la fouveraine en phyltqite , a confirme les raifon- nemens. Des fulees a broch.es coniques fe font elevees a 8 & 900 pieds en 5 fecondes. II eft vrai qu'on y avoit audi apporte routes les autres attentions plus connues que leur conftruttion peut demander. MACHINES DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. +41 MecII XHIQUF* MACHINES ou INVENTIONS Annit IJ40. Aj'PJlOUVEJS tar l'Academie En M. D C C. XL< u, ne pendule de M. Gallande, ou le nombre dcs roues eft moindre qua I'ordinaire, & ou par confequent Ies frottemens font diminues-, ils le font encore d'ailleurs par le moyen dc quelques petits rouleaux. Tout l'ouvrage a paru execute avec grande precilion , & on a trouve qu'il mar- quoit dans l'auteur beaucoup de genie & de connouTance des principc« de 1'horlogerie. I I. Une pompe de feu M. du Puys , maitre des requetes. On a trouve pac l'experience , que fon produit etoit du moins auflt grand que celu} d'au- cune autre pompe qui eut etc vue par l'academie, quelle etoit eftimable par fa fimplicite & par l'avantage de pouvoir etre aifement tranfportee par-tout a peu de frais , n'etant que debois, qu'enfin elle etoit trcs-bonne. I I I. Des additions ou corrections faites par M. de Moura, gentilhomme Portugais, aux pompes a feu. II a voulu, i°. diminuer la grande quantite d'eau qu'on fait bouillir pour exciter la vapeur, & qui demande un trop grand feu, trop de bois & trop de temps pour s'echauffer furrifamment i i°. epargner un liomme charge de tourner a propos les robinets des va- peurs & du refrigerant, & que Ton fait par experience qui manque tou- jours de l'attcntion neccflaire , & qui ne peut guere meme eviter d'etre quelquefois lurpris. M. de Moura diminuc la quantite d'eau , en confer- vant la grandeur des furfaces d'oii part la vapeur ; & a la place de l'homme des robinets il fubftitue un levier qui agira neceliairement felon le befoin du moment. Les moyens qu'il emploie , ont paru ingenieux, conformes de tout point aux principes de phyilque & de mechanique , d'une execution qui demande encore beaucoup d'attention & d'exa&itude , mais non pas dune dimculte qui doive les faire rejetter. Tome VIII. Panic Franfoife. Kkk 4+2 Mechanique. Annie IJ40. A B R E G £ DES MEMOIR E" S I V. &c, Une maniere de f.iire agir des fcies , inventee par M. Chamfaon. C'tft tin pendule ou un balancier charge d'un gros poids , qui les met en moiivement par fes vibrations alternatives , & cette idee eft neuvc. Quoiqtie la force appliquee devienne fort petite, on a cru que la ma- chine de M/ Chambon pouvoit avoir des applications utiles , fur- tout pour fcier & refendre en feuilles minces. O BS ERVATIONS / / METEOROLOGIQUES. Kkk g . . . . M :„ * .w.. ...v. - 445 OBSERVATIONS M E T E O RO LO G I QU E S FAITES A L'OBSERVATOIRE ROYAL Pendant z'axfee M. DCC. XXXVI. Par M. M a r a t d i. Obfervations fur- la quantise de la pluie. E, polices, lignes. „.... on' En Juillet „. Aout police*. Hgiics. ... O II i ... I 4. ', ■"'Ji.'- iiuim 0 BSERVATIONS Avril Mai,, , Jllin.„ o o ^ i 4§ - 3 o ? Octobre. , . Novembre. ... 0 II i •••J 5 1 ... o 6 | M&lorologiqt c. Annie f~$G, Mem. 7^5 Ainfi la quantite de la pluie tombee en 1736 a l'obfervatoire , eft on y a mefure pres de ; pouces 8 lignes d'eau, ce qui egale ^-peu-pres la quantite de pluie que Ton a obfervee en juin , juillet & aout , qui font les mois oil il tombe ordinairement plus de pluie caufee par les orages qui arrivent dans certe faifon. C'eft peut-etre ce derangement qui a ete en partie caufe du peu d'abon- dance dans la recolte des grains de cette annee, qui a ete fort mediocre dans plufieurs provinces de la France. Sur le thermometry On fe fert a l'obfervatoire de divers tbermometres pour obferver les diftcrens degres du chaud & du froid, dont le premier, qui s'eft conferve jdepuis plus de 60 ans, eft place dans la tour orientale qui eft decouverte. Le (econd efl un grand thermometre de M. de Reaumur , que Ton a mis taut proche du premier , pour les comparer enfemble. Le troilieme eft un DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES 44^ nn petit thtrmometre de la mcme conftrucTrion , place contre le mur dc — ^— — la fenetre feptentrionalc dc la nieme tour, a l'air cxterieur. . „ Snivant le premier de ces therroometres, le plus grand froid de l'an- Miz, nee 1738 eft arrive le matin du o Janvier, 1c temps etant ierein au Nord, Li liqueur eft defcendue a 11 degres {-. Celui de M. de Reaumur qui eft Annie IJ38. tout proche , marquoit 5194. y, e'efta-dire, 5 degres j, au- ddibus de la congelation de 1'eau, & celui qui eft a l'air cxterieiir, 6 degres. La plus grande chaleur de i'ete eft arrivee le mardi 5 aoiit, & elle s'eft fait fentir le mcme jour en diverfes provinces de la France , coinme line des plus grandes qu'on y ait remarquee. L'ancien thermometre marquoit 81 ^-, celui qui eft proche, 1029 -J- , & celui qui eft a l'air extcrieur , 27 degres au deli us de la congelation de l'eau. Sur le barometre. Le barometre a ete en 1738 a la plus grande hauteur le 30 Janvier, le 5 & le 17 fevricr, le mercure etant monte ces jours- la a 28 ponces 6 lignes i- II a ete 1c plus bas le 22 mars, le mercure etant a 27 polices 1 ligne r. Declinaifon de V aiguille aimantie. Le 28 mars, la dcclinaifon de.l'aimant a ete obfervee, avec unc aiguille de 4 pouces, de 15 degres 10 minutes au Nord-Oueft. OBSERVATION S M E T E O R O L O G I QU E S FAITES A L'OBSERVATOIRE ROYAL Pendant t'A n n e e M. DCC. XXXI X, Par M. M. A r a l d 1. Obfervations fur la auantiti de pluic'. E fouces. HgBCt. 7-i * * 8 i 9 f, Fevrier.. Mai ........ I 8 " \ En Juillet ~«.. Aoiit 2 Septembre 1 Octobrc 2 Novembre o Decembrc o pouces. lignes, 1 1 1 5 10 9 10 Annie 1739. Ainfi la qnantite de lapluie tombce en 1759 a Tobfervatoire , a ete de 19 pouces 1 ligne £■ La pluie des fix premiers mois a ete de 8 pouces 1 1 lignes j , & celle des derniers a etc de 1 c polices 2 lignes. Ilya long- Tome VIII Partie Francoife. Lll 4io A B R E G £ DES MEMOIRES «■«»—— ^—— temps qn'il n'y a cu d'annee audi pltivieufe que celle-ci •, elle eft la plus r\ r. pWivieuie qu'il y ait en depuis 171 3 , cependant elle n'eft que comme uue Uli SIH.VATIONS I , ' - ■ ■ ' F, v ' ^ Met«,rol0giqucs. anliee commune des precedentes a 171 5. Annie 17551. ,Sur /e thermometry Le plus grand froid de l'annee 1739 s'eft fait fentir dans Ie mois de novembre depuis le 14 de ce mois julqu'au 18 par un temps ferein & un petit vent d'Eft. La liqueur de l'ancien thermometre, qui marque le tenne de la glace a 30 degres , eft defcendue le 14 a 27 degres \ , le 25 a 26 de- gres j, le 2-6 a 15 degres, le 27 a 23 degres. Le thermometre eft tou- jours au raerae endroit , e'eft-a-dire , dans le bas & interieur de la tour orientale de l'obfervatoire qui eft decouverte, & la liqueur du thermo- metre de M. de Reaumur, qui eft cxpofe au-dehors de cette tour, dans l'encoignure de la fenetre feptentrionale , eft defcendue le 24 de novem- bre a 3. degres \ au-deilbus du tenne ck la glace, le 25 a 4 degres, le 26 a 4 degres, & le 27 a 5 degres. Le froid du commencement de l'annee a ete tres-modere, la liqueur du thermometre de M. de Reaumur eft a peine defcendue au terme de la glace pendant l'intervalle de quatre jours, depuis le 4 de Janvier juf- qu'au 8-, elle a ete le 4 de ce mois a 99S |, e'eft-a-dire, 1 degre {m- deffous du terme de la glace artificielle, rd-eft. Elle eft montee a 1 5 degres i le 1 1 , & a 17 degres jk 1 1 du meme mois. L* liqueur du meme thermometre defcendit en 17C9 a 5 degres le 15 & le 14 du mois cfejanvifr, cc qui nurqae que le froid dc 17c 9 a ete +5i ABRfiGE D E 5 M H M O I H E S, k m ■— plus grand qu'en 17+0. En effet, les arbres fruitiers n'ont pas tant fouf- „ fert cette annee , & je n'ai point cntendu dire qui! en foit mort comme Observations j, ^ d * des Wed dont h recoke a 1^ tr^s_ mediocre, mais qui n ont pas tant iourtert quen 1709. Annee 1740. La liqueur du thermometre de M. de Reaumur, place a cote de l'an- cien , eft defcendtie le 10 de Janvier, jour du plus grand froid, a 10 de- gres an deffous de la congelation, & la liqueur dun pareil thermometre, expofe en dehors & vers le nord, eft defcendue a 1 1 degres. Le grand froid a dure long-temps, car le 27 de fevrier la liqueur de ce dernier thermometre eft encore delcendue a 8 degres au-delTous de la congelation. En general l'hiver a ere fort long, puifqu'on n'a vu les thermometres au tempers le matin que vers le 25 de mai, excepte feu- lement une fois, qui eft arrivee le 24 d'avril. La chaleur de l'ete n'a pas ete grande. La liqueur de l'ancien thermo- metre n'eft montee qu'une feule fois a 69 degres '- le 1 5 de juillet apres- midi-, le matin elle etoit a 58. Ceux de M. de Reaumur ont ete le meme jour a 16 degres j le matin, & a 22 } le foir. , Stir le barometre. Le barometre a marque la plus grande elevation du mercurc a i8 poli- ces 5 lignes \ le 30 de juin, & le premier de juillet par un petit vent de nord-nord-elt; & il s'eft maintenu a- 28 polices 4 lignes j le 2 & le 3 du meme mois. Sa moindre hauteur a ete a 27 ponces 6 lignes le 21 de Janvier par un temps couvert , & un vent d'oueft. Le 10 & le 11 du meme mois , jours du plus grand froid , il a ete a 17 pouces 3 lignes. Le 4 de decembre il eft defcendu a 26 pouces 1 1 lignes a 7 heures du foir par un grand orage & un grand vent de fud-oueft qui a dure une grande partie de ce mois. Par les obfervations du P. Perot jefuite, profeffeur de mathematiqiie a Lyon, le plus grand froid n'eft arrive a Lyon que le 19 de fevrier, la liqueur d'un thermometre de M. de Reaumur etant defcendue a 9 degres au-deffous de la congelation par un vent de nord-eft violent. Le 9 & Je 1 1 de Janvier, jours du plus grand froid a Paris, elle n'etoit defcendue qu'a 6 degres au- deffous de a congelation. Le plus grand chaud a etc a Lyon le 19 de juillet, le thermometre, entre 3 & 4 heures du foir, marquoit 28 degres au-deffus de la conge- lation 5 les jours les plus chauds aprcs celui-la ont ete le n de juillet , le premier & le 6 aout, oii la liqueur a ete a 25 degres. Dlclinaifon. de I'aiguille aimante'e. On a obferve plulieurs fois pendant lete la declinaifon d'une aiguille aimantee de 4 pouces, de 15^ 45' vers le nord-oueft. Fin du Tome huitieme. : Vi'.o 1 /: ■ :,:.:■ fit CoR Acad part Front Tom ITU HJF Pat7 Jfe*n ~& t^Icad '/-.'«>. pl.u r>u, ito. ■ ■/.,./ /!.,.<,,,;;,. ././ <■■.■... v ■ ■ ■ .' Tart /;.,„, /:■„, n// rt I . M /v<7 s- ~N B Fy.£ N I) i. K A />;, y Fig - V .11, ')l ./,- /./.././/-./, /'/ i / . i i _ j. / i ilLAcad. part From ■ . Tbm . / Ul.pl n Hi. /. • ■ !■;■■■ ' ' , I'l.i. Mm MA .iLin ./.• l.icaJ /t .It.' X- -In m£ Apt jSe 1\ Mil I'l.l* -Skw « t'-lc<"J m ij f~t> ,Zbm j .Pa Ca&c -Jcad- Part ■/?,-. '/im, W. PC Vff. Van ./.• LlaJ R.rfai JT- ./» m6. 1'aji f}o Pi XIII . Pl.II. *<>»><*■ I'-^xi in.** ir76 Tm , fa jao dSec . .4c ■ ,,.».■ i-r.\n: J'/.-lr' PI. III. -<(„,, .// fc_ / I'll. If.;,,. ,/■■ /'-I.,,./. t/l 12 . /--V /."'I. 'J. yi.,./ . 66. i"eUee jtaut.Art R-. r.-n,. MI Pi X. Jbm-Jt I.I.- A ./.:■ .'. /■• . .- I.. \ l'l.II. Man J. VAcad, m 12 ljjSTom 2 /'././ .•"<•' Xfm.Jt IJeR ./.. CaBte- stead. Art' Fr. Tom. FIB- Pl.Xl. '■><> ' Pi. I. C&c ■ Acad. Part. Fr. Ibm. 17// ft 'XII Ma*.* li. k J..' ■<:- d* t» «« -•'"' " m- 1*1 -II- ( I'//.-.-, lead. Aw. /;•• Tom I///. PC A///. /.'/.• r ./.-.. jc .tn i /■/ nu 9*. -.-., !■! I I'l 111 • ( 'c&c.Acad. Art fr. 7\<», 17//. 1't '. X/l . jtm ./.' / i en ix : ^ 1-1 iv. i '.•//.••• . . L-.uj. Bvt. /;». r.;,„ i i/i. /■/ \ i .lien ,i I'M K .{ejS.- An .".j Toe loi I'l -V Pl.Y- ..'•//•.• /w. /'w./>-. /:•„, !////'/■ Ml- PLY1. QfAc -Iccui. Part./; Tern 17/1 /'/ \ I U Mom :. Vj a U> .'. / , rl All. /'Xvr.v- .£■/ 1 -i*.i* •'"' ■ > I . V 1 1 . , I-//,;- . laid. /'.„/ />■ /.;,, 1 1/1 . PL M /// .it.-,,: At 1 1. R ./.. .•:■ I Mil Fig .<-. /v.; 38 Tmwir^ij /'/./ 4 3- %■/•' /;./ 4 4 l-;,r j i !■),; 4- Fig. 52 / ' /.' u<-n/,\i dani UaaueUcj .•■<• Termuu la Trochee- ■' h. CjUcc.-tciu/. fat fr«; ■ Tom. 17/!. /'l.XIX Mem cU CMS. Jet J! A,ii-t>t< 1W, *>8 }>l II. JScAeSe Jc trou /'/.- deux Timet 3 ftsj.' 'C&ttr .i-l . IK '.^lf Pi -J . I ellec Acad. Art ti- Ttm. 17//. PL XX , JLrn ./<■ I'Ac R-JrjS.-.Jn j;t.< I'm 4 Yy - Fta.3. Eehelk ■/<• detue PiedJ six PotuxJ ■ -+- f— t 1 -+— HH— t zeal ■ y -1 — t-- i Pudd - — I — - I I :■//.:■ ./.-.,./• Par* /■>. Tim. I///. /■/ S \l- .If.n, i I I. Ji ./.., Sc .In /•.-.. 1\:., ^c VI If. Fur. i ■' i,..-,: la Y.U 6 .''.• ■• (V4 , !.-,>£> PI. I. CbTL.j&cad part Franc Tom 11/1 PI 'I m i'.-1'.l A .'. An nSo I'.^.i joa J'l 12 Wo/iier J.-l ' '1.11. Coll. Acad parbFranc Tom fill PI Mm Ji ■ • ■ . :>[ HI. CvOce. !..,.i /;„■//■;■ /in, ni/./'l xxn : .»£■-„./.•/"./. A' duSi J,: I ft Fu 3 /■'a; 9 ■ C <■■■ \ r 1 /:■/.>'.■. . ■ Pl.I. ( ;•//".• /.././ fart Fr. Tom, I/// ft- \ \ I Mem -1- /./■ .' ■ - f.utr ■ Pi. II. ,:■//.:■ /.:,./■ fart Franc, Tom ////,/'/. \\U . Mem J. it. R .1. ■ ... I„ ijt II l.\. : '., M. I I 1 .11 1 J).ul< Ccdcpkca&on Ji-J /wiar.' .it- lit I'Luuli.- II. /'.-•... .m ant .I*- Fuptnv i ? ■?> st j- It.'.t t'l.jtm.- t.3.£.etS . -iv V, ■■■';■ Pi. I. <:■//.:■ taut,, fan /■;/:■„. //// pl.xxm if.«. ./.■/./. / . / ri.xi. ; M PI. II <:■//<:■ iaU.Rvb.Fr Tim I '11/. /'/Willi '. 1 J All ■ .