RECUEIL DÉS ACTES PE CA NS DO COL TT DE SANTÉ DE LYON, Depuis l’an premier jusqu’à lan cinq de la République, RECUEIL DEBTTA COTES DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON, DEpPuIrs l'an premier jusqu'à l’an cinq de la République ; O ÙU MÉMOIRES ET OBSERVATIONS : SUR DIVERS OBJETS DE CHIRURGIE, DE MÉDECINE ET D'HISTOIRE NATURELLE. A DYON Nas R A AS Sn = À # De lImprimerie de BRUYSET aîné & C.° EI An VI=:1798. LA. Ep en NT ar: ESA! 7 M ET D + @ S AT Ki T7» De 2) SRE mn Bovvracr que nous donnons au Public est le résultat des travaux de la Société de Santé de Lyon, depuis l'époque de sa formation en l'an premier de la République, sous le nom de Société des Arnis-Médecins , jusqu'au moment où sortant du cercle étroit dans lequel elle s'étoit d’abord renfermée, elle s’est donné une nouvelle organisation et a pris une dénomination différente. Nous avons le plus qu'il nous a été possible suivi dans Ja classification des Mémoires et Obser- vations la division naturelle de l’Art de guérir en Médecine externe ou vulnéraire, Médecine interne et physique, et Histoire Naturelle, Nous annonçons ici (ce qu’on trouvera répété dans l’histoire des premiers travaux de la Société qui est en tête de ce volume) (44 - LS ” vi AVANT-PROPOS. qu’en adoptant les faits et en les consignant dans sa collection , la Société s’est imposé li loi de laisser les théories à la charge des Auteurs, quelque spécieuses qu’elles pussent être. Les Sociétés savantes sont instituces par l'amour du bien public ; la vérité doit être constamment l’objet de leurs recherches, et ce seroit manquer le but que de suivre, pour arriver à la vérité, la route des systêmes qui rep souvent est celle de l'erreur. Ce premier volume sera incessamment suivi d’un second, auquel nous espérons donner plus d'intérêt en accompagnant le texte des Mémoires et Observations de l'abrégé de la discussion qu'ils ont fait naitre. Ces discussions sont en effet fort souvent plus utiles que le fait lui-même , parce que la Société étant composée de Praticiens, et chaque Membre se rappelant ce que son expérience lui a fourni d’analogue, il D GOERNER TORRENT TASER, ÉIIDE 22 OL UE DS PR ET UP SIM DE PO SITES 6 PN AVANT-PROPOS., vi en résulte quelquefois des vues neuves et des faits plus curieux que celui même sur lequel on discute. Plusieurs des Mémoires insérés dans ce premier volume ne sont pas complets: lesuns annoncent une seconde partie, comme celui du Docteur Peterin, sur les affections hysté- riques ; d'autres, tels que le Mémoire du Cit. Perit , sur une nouvelle méthode de traiter les abcès , et l’'Observation du Cit. Martin sur une conception extra-utérine ventrale, promettent un travail didactique et complet sur chacune de ces matières importantes. Nous avons lieu d'espérer que ces promesses seront réalisées dans les deux volumes qui suivront celui-ci. La découverte d’un nouveau moyen de guérir, comme celle d’un nouveau muscle ou d’un nouveau phénomène dans l'éco- nomie animale , exercera sans doute les recherches des amis de la Nature. Dans des matières aussi importantes on est assez vi A VAN T-P'R O POS. heureux d’avoir soulevé un coin du voile dont elle enveloppe ses secrets. Ce seroit une prétention ridicule que celle de vou- loir être. cru sur parole. Nous invitons les Médecins et les Naturalistes à répéter les expériences, et à confirmer par leurs re- cherches ce que nous croyons avoir dé- couvert. S'il s'élève quelques réclamations fondées, nous les recevrons avec empres- sement , et nous nous servirons des armes que la critique saine , juste et polie nous fournira pour combattre nos propres erreurs ——"Œlp D 44 QE MÉMOIRES [ | JB St Ka RSS MÉMOIRES. ET OBSERVATIONS SR LL À CHIRURGIE , LA MÉDECINE, L'HISTOIRE NATURELLE, ETc. ire nr ra MENÉS Er Pr RE ATI ne HISTOIRE des Travaux de la Société … de Santéde Lyon, par MARTIN l'ainé, Secrétaire de La Société. L ES Arts dont la doctrine repose essentiellement sur l’observation et sur la comparaison des faits, ne peuvent s’éclairer et se perfectionner que par le concours des lumières. et des méditations dé ceux qui les cultivent. i C’est à l’expérience que PArt de Es doit ses plus grands proorès , .et si le raisonnement | A 2 HISTOIRE DES TRAVAUX TE en a quelquefois étendu les limites , c’est toujours un fait nouveau, Ou un heureux hasard qui a mis l’homme de génie sur la voie des plus'belles découvertes. Aussi les Sociétés de Médecine ont-elles servi de tout temps à reculer les bornes de cet Art itile. Elles ont recueilli les faits ‘rares et les vues neuves ; elles ont répété les expériences curieuses ; elles ont dirigé le génie dans des routes ignorées jusqu'alors ou dont laccès étoit interdit par les préjugés. En soutenant le courage de V’Aïrtiste, en excitant son émulation par l’appât d’une gloire durable , elles sont devenues lPim- mense dépôt d’une foule de richesses éparses et qui sans elles auroient été perdues pour l’huma= nité ; enfin elles ont fait tourner au profit de l'art jusqu'aux erreurs de ses adeptes. Si les Sociétés de Médecine s’étoient borné à recueillir , elles n’auroient pas fait tout le bien qui étoit en leur puissance ; le flambeau d’une saine critique a servi dans leurs mains à réduire à leur juste valeur cet amas énorme de Recettes, aussi merveilleuses qu'inutiles, dont la matière mé- dicale des Anciens étoit surchargée , et ces secrets dangereux dont un charlatanisme cffronté menace à chaque instant la santé de l’homme crédule, DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 3 tm 5, On leur doit encore d’avoir éliminé tous ces systèmes, produit d’une imagination exaltée , dont les auteurs prétendoient assujettir la nature ou les phénomènes de l’économie animale à des règles uniformes posées par eux , comme sl étoit donné à l’homme que frappent les effets, de déchirer le voile dont le Créateur a couvert les causes primitives. Dans le cours des services rendus à Art par les Sociétés de Médecine 1l seroit sans doute possible de découvrir quelques inconvéniens attachés à leur constitution et à la marche de leurs travaux ; mais quelle institution humaine n’est pas plus ou moins marquée du sceau de limperfection ? Qui, des hommes médiocres ont souvent usurpé des places dues à des Artistes supérieurs ; souvent des productions estimables ont été con- damnées à l’oubli, tandis qu'on décernoit des prix, des éloges pompeux et des honneurs mendiés à des ouvrages qui n’avoient rien d’in= téressant ni de neuf; à des travaux qui attes- toient à la fois l'ambition et la nullité, la sou- plesse et” les réminiscences de l’Auteur. Mais PAcadémie de Chirurgie en a-t-elle donc moins étendu le domaine de la Médecine externe ? Le , Recueil de ses Mémoires en est-il moins précieux à A 2 CEE ua | 4 HISTOIRE DES TRAVAUX ET UC Et cette supériorité que la Chirurgie Françoise a obtenue sur celle de toutes les autres Nations du Monde, cette supériorité si incontestable, à qui la doit-elle, si ce n’est à cette réunion utile des plus grands Maïtres de l’Art? Les travaux immortels , les recherches profondes de la ci- devant Société Royale de Médecine de Paris, des Sociétés de Montpellier , de Berlin , de Londres, de Pétersbourg , peuvent-ils être effacés par quel- ques tracasseries obscures, par quelques injustices partielles, qui ne servoient en dernière analyse qu’à donner plus d'éclat au mérite de ceux qui en étoient les victimes ? Mais toute preuve est superflue pour établir, que si l’Art de guérir s’est perfectionné , c’est aux Sociétés de Médecine que nous en avons lobli- sation principale; les doutes qu'on montreroit à cet égard prendroient leur source dans la mau- vaise foi la plus insigne. La Société de Médecine de Lyon fut instituée lan premier de la République , quelques mois avant l’époque fatale et à jamais mémorable du Siége de cette Ville. Elle n’étoit formée dans le principe que par neuf ou dix Amis, pour la plupart jeunes et pleins de zèle, qui se réunissoient de temps en EE DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 5 temps pour s’entretenir de la Science qu’ils culti- voient, et mettre en commun le fruit de leurs méditations et de leurs observations journalières. Voulant assujettir la marche de leurs travaux à des règles fixes et invariables , 1ls les divisèrent en deux classes ; les premières , sous le nom de Travaux libres | comprenoient non-seulement toute la Médecine , mais encore toutes les autres Sciences dans leurs rapportsavecelle, et laïssoient aux Membres de la Société lä liberté la plus absolue dans le choix des sujets qu’ils vouloient traiter. Les secondes, sous le nom de Travaux d'ordre, avoient pour objet lobservation journalière et suivie des maladies régnantes ; et comme le zèle est prompt à concevoir les plans les plus vastes, on avoit formé le projet d'examiner et de réduire en un corps complet de doctrine toutes les connoissances acquises sur les différentes parties de l'Art de guérir. "= Cette entreprise qui honoroït la bonne volonté et le zèle des Membres de la Société auroit proba- blement échoué ; un homme seul est plus capa= ble de l’exécution d'un pareil ouvrage qu'une Compagnie savante : l’unité du plan et l’ensemble des détails étant tout autant de conditions attachées à sa perfection, on conçoit qu'il faut que le même A3 oo on 6 HISTOIRE DES TRAVAUX esprit et la même manière de voir le dirigent dans toutes ses parties. Il falloit un nom à la Société nouvelle , elle prit celui de Société des Amis- Médecins ; à convenoit également au petit nombre des Membres dont elle étoit formée et aux sentimens généreux qui les unissoient , sentimens qui ne se sont Jamais démentis. Ce nom pouvoit devenir l’objet des plaisan- teries d’un monde satyrique et frivole ; mais les véritables Gens de Lettres, qui ont connu les douceurs de l'amitié, en apprécieront la valeur , dans un état sur-tout qui trop souvent a donné”au Public le spéctacle d’une jalousie toujours ridicule , lors même qu’elle n’est pas criminelle. Le bonheur habite entre l'étude et l'amitié; aimez-vous et soyez laborieux. Telle étoit la mexime qui servoit de devise aux Amis-Médecins. Heureux précepte , auquel il est si doux et si facile d’obéir , et qui devroit être la règle de conduite non-seulement de tous ceux qui cultivent les Arts, mais encore de tous les hommes réunis en socicté | Ils ne. jouirent pas long-temps des charmes que leur promettoit l’exercice des nouveaux devoirs qu'ils venoient de s'imposer : le cours \ L4 4 le À DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ pr LYON, " ms de leurs travaux étoit commencé , lorsqu'une catastrophe épouvantable vint apporter la terreur et la mort dans le sein de leur patrie, La ville du Commerce et des Arts devint le théâtre et la victime d’une guerre impie, La bombe foudroyante n'épargna ni l'asile de la misère mi le dernier refuge de l'humanité souf- frante ; les Ministres de la santé furent , par un raffinement de cruauté jusqu'alors inconnu, poursuivis pour avoir exercé les fonctions secous rables de leur art dans une Cité proscrite, Triste et funeste cffet des fureurs de la guerre civile, qui foulant aux pieds toutes les lois de la mo rale , convertissent en crimes les vertus et les bienfaits au gré du parti qui domine, Epouvantés par l'appareil des supplices, forcés de fuir pour se dérober à la proscription géné- rale , les Amis-Médecins se disperserent, Quelques-uns allérent exercer au milieu de nos braves défenseurs leur ministère secourable, D'autres cherchèrent dans l'obscurité desantres, dans la profondeur des forûts, cette douce paix qui sembloit exilée de leur patrie, Ceux que la terreur retint dans des cachots, ceux-là même que la douleur et le désespoir firent périr , ne furent pas Les plus infortunés,; A 4 8 HISTOIRE DES TRAVAUX æ leurs yéux du moins ne furent pas souillés du spectacle des crimes et des horreurs que chaque jour renouveloit. s Lorsque le o Thermidor fit luire les premiers rayons de l’espérance et de la justice, les Amis= Médecins , fidelles aux sentimens qui fit la base de leur réunion , rapportèrent au sein de leur patrie le zèle et l’amour d’un Art que les coups de l’adversite n’avoient fait que leur rendre,plus cher. Hs la trouvèrent plongée dans une sorte de stupeur , résultat nécessaire de ses longues souf- frances autant que de la ; joie d'un salut inespére. Le Commerce étoit anéanti, le culte des beaux Arts abandonné, ‘et l'exercice de la Médecine en partie livré à une troupe de Charlatans qui, sous le nom générique d’'Officiers de santé, trafiquoient impunément de l’existence et de la ‘santé des hommes. Les véritables Médecins, bien loin de se réunir pour opposer une barrière à l’empirisme , bor- noïent. leur pratique dans le cercle de leurs pa- rens ou de leurs amis intimes; la crainte trop fondée de trouver des ingrats dans un moment Gù Pingratitude n’avoit point de bornes , les rendoit avares des bienfaits de leur art, = ? e- A A k DE LA SOCIÉTÉ DE SANTE DEF LYON. 9 em eee Pour tirer la Médecine de cet état de langueur, il falloit, en réveillant l’émulation, en excitant la confiance que tout bon Citoyen devoit et doit encore à un Gouvernement régénéré, ranimer le goût des Sciences et l'ambition légitime de la gloire qu’elles procurent à ceux quiles cultiventavec éclat. Les Amis-Médecins ne crurent pas cette entre prise au-dessus de leurs forces , et pour en venir à bout ils résolurent de donner à leurs travaux plus d’étendue et de publicité , d’appeler à les partager un grand nombre de véritables Savans échappés aux orages révolutionnaires, et cultivant ‘avec éclat ou la Médeéine ou quelques-unes des Sciences accessoires. Cette nouvelle réunion a pris le nom de Société de Santé de Lyon. Elle a ouvert une correspondance suivie avec les Médecins et les Naturalistes les plus distingués, étrangers ou habitans de la République. Elle s’est donné un nouveau Réglement fondé sur les mêmes bases que celui de la Réunion de Van premier, mais plus étendu et plus détaillé. Dans ce Réglement le mois est divisé en quatre Séances. à La première est uniquement destinces à des entretiens sur les maladies régnantes. Chaque \ EEE em 10 HISTOIRE DES TRAVAUX Praticien y fait part de ce qu'il a observé, et rend compte avec une égale franchise de ses succès , de ses revers et même de ses erreurs, Quant aux observations météorologiques , à la concordance des saisons avec le caractère des maladies, on s’est contenté jusqu'ici de remarques faites en grand sur les variations sensibles de la température, la di- rection générale des principaux rumbs de vent , et apparition des météores extraordinaires. Cette manière d'observer qui n’exige point une attention minutieuse et qui est à la portée de tous les Praticiens, a paru plus facile pour établir les rapports des symptômes et des causes des maladies avec l’état de l’atmosphère. Les trois autres Séances sont remplies par la lecture des mémoires et observations commu- niquées , par les discussions auxquelles elles donnent lieu et par la répétition des expériences qu’elles proposent. La Société n’adopte et ne discute que les faits; elle laisse à la charge des Auteurs les explications systématiques et les théories nouvelles : elle respecte les efforts d’une imagination hardie ; mais elle craindroit.de consacrer des erreurs, en posant en principes des règles dont l'application n'est point fondée sur des expériences suivies. LA DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. z1 2, Elle publiera le Recueil de ses Actes toutes Jes fois qu’elle les jugera capables d’intéresser le Public et de servir la Science; mais elle ne s’assu- jettit point à le faire paroïtre à des époques fixes. Elle décerne tous les six moïs , dans sa Séance publique , des prix d’émulation à PAuteur du meilleur des Mémoires qui lui aura été commu niqués par ses Correspondans. Quoiqu’elle soit dans l'intention de présenter réguliérement un tableau complet des maladies populaires observées pendant le semestre , lin- certitude qui régne presque toujours dans les premiers travaux de toute réunion qui s'organise, n'a pas permis pour cette fois l'exécution de ce projet, et nous nous contenterons de terminer ce Précis par la description de quelques maladies populaires plus spécialement marquées d’un ca- ractère pernicieux ou épidémique. Dans le courant de l’hiver de l’an 4, une très - grande quantité d’enfans nouveau-nés ou sevrés de l’'Hospice de la Charité, périrent des suites d’une maladie en apparence contagieuse. Ceux qui en furent attaqués tomboient d’abord dans une espèce d’apathie; leurs mouvemens étoient lents et pénibles , leur démarche incer- taine, la peau et le tissu cellulaire perdant 12 - HISTOIRE DES TRAvAUXx insensiblement leur ressort , 1l s’ensuivoit un boursoufflement léger et qui n’étoit guères per= zceptible qu’à ceux qui en prenoïent soin. À ces premiers symptômes succédoient le gon- flement des gencives , des ulcérations superf- cielles dans les différens points de la surface interne de la bouche qui devenoit en même temps pale et décolorée. Cet état se soutenoit pendant quelques jours dans une sorte d’indolence , sans fièvre , sans insomnie , sans perte d'appétit , sans oppression, diarrhée ni délire. Du huitième au dixième jour de l’invasion du mal , une aréole d’un rouge foncé s’établissoit autour d’une des ulcérations de la face interne de la bouche , qui fournissoit dès ce moment une samie âcre et ichoreuse. Une fièvre brülante et sourde, Ja difficulté de respirer et le météo- risme du ventre ne tardoient pas à se réunir à ces symptômes. Du douzième au quinzième jour Pinflammation de l’ulcère faisant toujours des progrès ;, on voyoit s'élever dans le point correspondant de: la face externe des joues un véritable anthrax qui s'étendant avec rapidité amenoit en peu de jours. Ja mort de l’individu, EE DE LA SOCIÉTÉ DESANTÉ DE LYON. 13 Dans cet état funeste , les malades conservoient Pexercice des fonctions du cerveau et ne perdoient l'appétit qu'avec la vie. Ils expiroient sans convulsions et sans agonie au moment où on s’y attendoit le moins , et Sans que l’affoiblissement graduel du pouls annonçât cette terminaison fàcheuse. Mais quelques minutes après leurs cadavres, livrés à une dissolution prématurée , exhaloient une odeur insupportable. On en ouvrit quelques- uns; les viscères n’offroient aucune trace du levain de cette maladie qui sembloit concentrer son éner- gie et borner son effet aux parties frappées. Tous les traitemens les plus éminemment anti- septiques furent mis en usage sans succès ; les topiques les plus actifs, le cautère actuel n’eurent d'autre effet que de rendre plus prompte la dissolution des parties infectées. Cette épidémie n’étoit point de celles qui se communiquent par contact ou par le véhicule de l'air; aussi toutes les précautions tendantes à purifier l'atmosphère des Infirmeries ou à isoler les malades furent-elles inutiles. . La cause en existoit dans les humeurs mêmes et dans la constitution accidentelle des sujets qui en étoient afteints. 4 14 HISTOIRE DES TRAVAUX mes L'Hospice de la Charité privé par l'effet des orages révolutionnaires , de la majeure partie de ses revenus , n’avoit pu être approvisionné convenablement. Les Infortunés qui l’habitoient ne mangeoient, depuis quelque temps, que l’es- pèce de pain connu sous le nom de Pain de Section , pain mal manipulé , mal cuit et composé avec des farines de grains mélangés et avariés ; on avoit diminué les rations de viande , de légumes et de vin, qui d’ailleurs étoient de la plus mau- vaise qualité. Tandis que le nombre des Enfans abandonnés à un allaitement artificiel et insuffisant , augmentoit chaque jour par le manque absolu de nourrices, le défaut d'argent ne permettant pas d’accroître ou seulement d'entretenir la provision de linges, il en résultoit qu’on ne sufisoit pas à laver les drapeaux et les langes , et qu'ayant à peine le temps de les faire sécher, les Infirmières les employoit souvent encore tout humides. Si la vieillesse et l’adolescence trouvoient dans la force d’une constitution affermie par l’âge et dans l’excellence d’un estomac accoutumé à digé- rer des alimens grossiers, les moyens de résister à l’action de ces causes delétères, les organes délicats et foibles des enfans du premier âge DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 5 n’avoient pas le même avantage , et la perversion des sucs alimentaires ne tardoit pas à les jeter dans une véritable cachéxie scorbutique. Aussi les seuls enfans jusques à l’âge de cinq à six ans en furent-ils attaqués, et la plus grande partie en périt. Le zèle des Administrateurs et des Citoyens bienfaisans , dont le nombre a toujours été très- considérable à Lyon , fit cesser cette pénurie de moyens dès le moment où lon put donner de meilleures subsistances et augmenter la provision de linges , la maladie s’éteignit presque subite- ment , et les sujets qui étoient dans le premier degré des symptômes dont on a fait le tableau guérirent tous. Cette épidémie a la plus grande analogie avec celle que Sauvages décrit dans sa Nosologie , sous le nom de Necrosis infantilis | elle en diffère cependant par quelque nuance. Cet illustre Auteur avance que lesprit de vitriol appliqué sur les bords de lanthrax ulcéré , en borne les progrès ; ici l'expérience n’a pas confirmé cette assertion. Sur la fin de lété de ia même année le Gou- vernement ayant ordonné la formation d’un camp dans la plaine des Brotteaux , les Soldats ne furent pas plutôt sous la tente qu'il se mamifefta parmi D 16 HISTOIRE DES TRAVAUX mé eux une dyssenterie épidémique , Vraiment ef- frayante par le nombre des sujets qui en furent attaqués. Ë Les Commandans du camp, justement inquiets sur les suites que pouvait avoir cette maladie, assemblèrent un Conseil de Santé, dans lequel il fut reconnu que les symptômes de l'épidémie varioient suivant les tempéramens des malades. Le plus souvent elle existoit sans fièvre, commençcoit par la diarrhée, à laquelle succé- doient des tranchées et des évacuations très- fréquentes de matières alvines sanglantes et quel- quefois de sang tout pur. Dans quelques sujets elle étoit accompagnée tantôt d’un état inflaMmatoire bien marqué , tantôt d’un état saburral simple ou compliqué d'affection vermineuse , de fièvre remittente et même, mais très-rarement , d’exanthème. Le traitement confié aux soins des Officiers de Santé de PHospice civil fut varié, suivant les différentes complications , et suivi du plus grand succès. Mais le Conseil, composé en grande partie des Membres de la Société , tourna prin- cipalement ses regards sur les causes de l’épi- démie et sur le traitement prophylactique. Elle | | DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 17 D — — — Elle n’étoit point particulière au Camp, elle régnoit aussi dans la Ville, mais avec moins de fureur ; la partie de la garnison casernée dans lin- térieur ne fournissoit pas, à beaucoup près, autant de malades ; la différence par rapport aux Troupes gampées étoit dans la proportion de un à vingt. On fut porté à en conclure qu’indépendamment des causes générales , telles que l’irrégularité du régime et l'influence du climat et des chaleurs fortes et soutenues qui régnent sur la fin de l'été , et débilitent constamment les organes de la di- gestion , il en existoit encore de particulières, relatives soit à la localité du Camp, soit au régime et aux exercices du Soldat, soit encore à la nature et à la qualité des substances qui servoient à sa nourriture. | En effet, on reconnut, 1.° que le Camp étoif situé dans un terrain bas, entre le fleuve du Rhône et les marais de Villeurbanne. 2.° Que le soleil levant chassoit sur son en- ceinte un brouillard ou une vapeur épaisse élevée dès l’aube du jour de la surface des marais, et qui pénétroit la tente et les habits du Soldat d’une humidité de mauvaise odeur. 3.° Que l’eau qui servoit de boisson étoit fournie par des puits attenans aux fossés maré- B 18 HISTOIRE DES TRAVAUX RE DORE US ESPN CE DD RCE PTE DER ENT ae eee. | cageux dont la plaine est coupée, et qui n’avoient point été rafraîchis cette année par les inondations périodiques du Rhône. 4° Que les fosses d’aisance placées à la par- tie orientale du Camp , n’en étoient pas assez distantes et étoient trop peu multipliées. 5.° Que le pain, composé cependant de fariné de bonne qualité , étoit mal confectionné et mal cuit , et qu'on le livroit sans qu’il füt suffisamment Tassis, 6.° Que le vinaigre , au lieu d’offrir une liqueut acide et spiritueuse , n’étoit qu’un vin trouble, d’une saveur à peine acéteuse, 7. Enfin, que les Troupes qui venoient de traverser, par des chaleurs étouffantes , un des grands diamètres de ia France , et de passer des climats humides et froids de Ouest dans les Départemens du Midi, étoient harassées par les fatigues d’une marche pénible , et ne pouvoient se livrer aux exercices ordinaires , si nécessaires pour entretenir la transpiration cutanée. On voit par le tableau abrégé des symptômes et des causes de cette épidémie , qu'elle diffère peu de la maladie décrite par Ramazzimi, sous le nom de Dyssenteria castrensis, DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 19 On opina unanimement à la levée du Camp et à son transport dans un local plus san et plus élevé au-dessus du niveau du fleuve. Mais comme des raisons puissantes ne permirent pas le déplacement , on se borna à indiquer des moyens diététiques dont l’exacte observation suffit quelquefois pour éteindre la maladie ou tout au moins pour en suspendre les progrès. On renouvela les fosses d’asance , on les mul- tiplia et on les porta dans un local beaucoup plus éloigné. Tous les Malades furent envoyés à l'Hôpital ; dès le moment où ils éprouvoient les premières atteintes du mal. | On entretint la plus grande propreté dans le Camp, et spécialement sous les tentes dont on renouvela la paille plus souvent. Le Soldat eut ordre de se coucher à l’entrée de la nuit, de se lever avant jour et de se livrer aux exercices militaires au soleil levant ; on lui distribua des couvertures, On veilla à ce que le pain fût mieux confec- tionné, et on ne permit point qu'il füt distribué avant que d'être rassis. Les eaux furent puisées immédiatement dans le Rhône, et les Officiers de Santé du Camp B z 20 HISTOIRE DES TRAVAUX furent chargés de faire mêler dans celles qui de- voient servir spécialement de boisson, une quantité donnée de bonne eau de vie ou de vinaigre , ou encore de moût de bière ou de rob de sureau. Enfin on accorda aux Soidats des rations de vin qui, pris en petite quantité, est , comme l’on sait, un excellent tonique bien propre à réparer les forces de l'estomac et à faciliter les digestions: Tous ces moyens affoiblirent la violence de l'épidémie , mais elle ne s’éteignit entiérement que lorsque les fraicheurs de l’automne, qui furent très-nrécoces, décidèrent les Généraux à lever le Camp. Pendant le couts de l'automne de lan cinq on observa beaucoup d’affections rhumatismales aiguës. Dans le commencement de la saison, par une température extrêmement inconstante et dans laquelle le chaud humide prédominoit, les dou- leurs se fixèrent sur les extrémités inférieures et notamment sur les articulations du genou, avec un caractère tellement aigu et si décidément in- flammatoire, qu’on ne put les calmer que pat des saignées générales et locales , et qu’elles décidèrent dans certains sujets des suppurations phlegmoneuses. Lorsque les symptômes de linflammation k Pl — — _— -- : ” DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 2r étoient dissipés par les remèdes et le régime tem- pérant et antiphlogistique , on avoit recours aux sudorifiques légers , et quelques purgatifs toni- ques terminoient le traitement. Dans le même temps régnoit avec fureur une coqueluche épidémique meurtrière qui attaquoit principalement les enfans et les femmes enceintes, Elle s’annonçoit par des accès de toux ferine si violens qu’ils excitoient les vomissemens jus- qu’au sang et les convulsions. Ils étoient précédés et suivis d’une sorte de sibillation , et contre Vordinaire les sujets qui en étoient attaqués éprouvoient dans lintervalle l’inappétence et le dégoût des alimens : on se trouva bien de com- mencer le traitement par lPadministration de Pipe= cicuanha pour débarrasser l'estomac des matières olaireuses dont il étoit rempli; on remédioit ensuite à la phlogose inflammatoire des voies gastriques par l'usage des tisanes tempérantes et mucilagineuses : enfin l’on terminoit la cure par les infusions calmantes et lésérement diapho- rétiques de coquelicot ou autres plantes ana- logues, | Mais quand la coqueluche avoit pris un ca- ractère chronique, il falloit nécessairement en venir au sirop de kina associé à quelque pré= B 3 22 HISTOIRE DES TRAVAUX paration opiatique et quelquefois aux vésicaroires placés entre les omoplates, Plusieurs enfans d’un tempérament éminem- ment nerveux , succombèrent dans les accès convulsifs de la toux; d’autres, mal traités dès le principe, tombèrent däns une cachexie gas- trique qui se compliqua quelquefois de jaunisse et se termina ordinairement par la mort. Le commencement de lhiver fut humide et pluvieux , aussi vit-on reparoïtre les rhumatismes aigus ; mais cette fois 1ls occupèrent plus spé- cialement les régions supérieures, et les douleurs non moins aigues furent plus mobiles. Dans la plupart des sujets elles masquoient des fièvres quotidiennes rémittentes ou des hémi- trités de mauvais caractère qui se manifestoient dès que les symptômes inflammatoires commen- çoient à disparoitre. Ceux des malades dans lesquels la fièvre ré- mittente ne fut pas reconnue , et qu'on voulut évacuer après la’ cessation des symptômes in- flammatoires , furent victimes de cette erreur. Mais dans le plus grand nombre le véritable caractère du mal n’échappa point aux Praticiens ; et l’usage du quinquina jaune à la plus haute dose, combiné avec les acides, dans le cas de me DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 23 symptômes putrides, avec les sinapismes et autres dérivans, lorsqu'il y avoit transport au cerveau , rendit le plus souvent la maladie à son état pri- mitif et simple d'affection rhumatismale, Cependant fa dépuration critique de l’humeur se fit rarement par les seules forces de la nature, et on fut obligé de la susciter le plus souvent par les vésicatoires ou par les apéritifs diuré- tiques lécers. Pendant Phiver qui fut froid et humide, on vit beaucoup de sujets , principalement dans le dernier âge dela vie , attaqués de catarres ; l'im- pression d’un air glacial sur la trachée et sur les bronches, en suspendant la sécrétion de l’humeur muqueuse qui les lubréfie, y produisoit des points d'irritation , et cette irritation déterminoit sur Forgane pulmonaire l’affluence des humeurs viciées par la répercussion de la transpiration insensible ; on peut dire même que laffection catarrale com- pliqua toutes les maladies sporadiques qui eurent lieu dans le cours de cette saison. Le traitement fut borné à des boissons pecto- rales , incisives et légérement diaphorétiques ; H” vapeur des décoctions de plantes émollientes et béchiques produisit le double effet, de dé- layer les matières glaireuses dont le gosier était B 4 oo mcm en À 24 HISTOIRE DES TRAVAUX tapissé , d’en faciliter l’expectoration , d’appaiser le phlogose des voies trachéales , et d’introduire par une douce chaleur une tendance à des trans- pirations critiques ; cette tendance fut soutenue par l'attention de tenir chaudement les malades, et sur-tout de placer à leurs pieds , dans leurs lits, un vase de grès rempli d’eau bouillante : on ne négligea point l’usage des lochs animés avec du kermès , des toniques amers , et des purgatifs sur la fin de la maladie. À lentrée du printemps , les maladies prirent tout-à-coup un caractère effrayant ; on rencontra dans la pratique une multitude de fièvres ré- mittentes permicieuses, d’hémitrités, de peripneu- monies bilieuses , de fièvres puerpérales et de varioles confluentes et malignes. On observa que toutes les fièvres rémittentes étoient compli- quées de lipothymie et non de transports au cerveau. Quand le principe pernicieux de ces affections morbifiques n’étoit pas maîtrisé par l’usage fré- quent et copieux du quinquina, on voyoit se développer une série d’accidens plus terribles Îles uns que les autres et le plus souvent mortels. 11 fut un moment où , dans la partie orientale et méridionale de la ville, les Praticiens eurent + DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 25 À quelque sujet de craindre le retour de cette épi= démie de fièvres pernicieuses qui ravagèrent le quartier d’Ainai, à l’époque du fouissage des marais de lisle Perrache. ; La Société nomma des Commissaires pour examiner {a nature du mal et rechercher les causes de Pinfection de l’air atmosphérique. Le rapport qui lui fut fait établit comme cause immédiate de cette infeélion , les circonstances suivantes : 4.9 Les Ordonnances de Police concernant la salubrité de l’air et la voierie des rues n’étoient plus exécutées. 2.9 Les canaux ou plutôt les égoûts qui sont à Pest et à l’ouest de la place Évalité et traversent les ruines des façades, étoient encombrés de pierres et d’ordures, et formant un long bourbier tapissé sur ses bords d’un byssus verdâtre, exha- loient l’odeur la plus infecte ; et ces différens aqueducs n’ayant point été nettoyés depuis long- temps, renfermoient des amas d’eau et de matières putréfées. 3. Les fabriques d’amidons et de cordes à boyaux , les fonderies de suif, les boucheries partielles relécuées ci-devant hors l’enceinte de fa ville étoient placées et répandues indifféremment 26 HISTOIRE DES TRAVAUX dans tous les quartiers, et y devenoient des sources habituelles de corruption. Enfin le Rhône , dont les eaux étoient extré mement basses, avoit pris cours à l’est, et laissoit à découvert sur la rive occidentale un banc de sable et de gravier qui s’étendoit depuis la hauteur de la boucherie de l'Hôpital jusques à la place Groslier. Dans cette étendue l’égoût de la boucherie , les canaux des latrines des deux Hôpitaux et de plusieurs maisons particulières versoient une quantité de matières putréfiées qui, n’ayant point d'écoulement, formoient par leur amas un bour= bier vaste et fétide. L’odeur putride qui s’en exhaloit étoit telle que , quand les vents d’est et de sud souffloient , on ne pouvoit passer sur les quais de la Charité et de l'Hôpital sans en être incommodé. En vain les habitans des maisons qui bordent les deux qua s fermoient-ils leurs portes et leurs fenêtres , l'odeur pénétroit dans tous les appartemens et les rendoit inhabitables. Enfin, comme si cette çause de corruption n'étoit pas suflisante , on conduisoit sur ce même banc de gravier les. cadavres des mulets et des chevaux de l'armée, alors attaquée d’une épizootie meurtrière , et: & _ —— neo comme somme | DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 27 a , après les avoir écorchés on les laissoit pourrir sur place, tandis qu’à vingt pas plus loin on auroit pu les précipiter dans les eaux du fleuve. La Société ne manqua pas de présenter aux Autorités constituées Île tableau de toutes ces circonstances et des malheurs qui en seroient le triste résultat. Déjà la sollicitude des Magistrats les avoit prévus, mais le défaut d’argent avoit retardé les travaux propres à y parer. L’urgence des dangers que la Société se fit un devoir de présenter sous les couleurs les plus fortes , engagea néanmoins l’administration de la Police à employer pour cet objet des fonds qui avoient une autre destination : les ordonnances de Police et les réslemens de Voierie furent rappelés et remis en vigueur. Les canaux et les égoüts furent désobstrués , et on opéra lécoulement des bourbiers qui s’y étoient formés. Les cadavres des chevaux et des mulets accu- mulés sur la grève occidentale du Rhône furent précipités dans les eaux et entraînés par le courant du fleuve. Un fossé large et profond fut creusé parallé- lement aux quais de l’Hôpital et de la Charité 3 # smile 5 à 28 HISTOIRE DES TRAVAUX et pour le remplir d’un volume d’eau plus grand et suffisant pour charier la vidange des égoûts, on coupa obliquement le banc de gravier par huit ou dix tranchées placées de distance en distance dans la longueur du fossé direct. Peu à peu les chaleurs qui commencoient à se faire sentir, en produisant la fonte des neiges, amenèrent la crue des eaux, qui entrainèrent entiérement tout ce qui pouvoit rester de ces matières pestilentielles, L'air cessant de charier les particules méphi- tiques qui s’exhaloient de tant de foyers de cor- ruption , les maladies revinrent insensiblement à leur état naturel. Cependant nous devons au zèle du bien public, unique objet de nos travaux, de dire ici que la cause la plus active de cette corruption n’a été que palliée. L Si la tendance qu’a le Rhône à diriger son lit vers la rive orientale n’est pas fortement contrariée par des obstacles artificiels ; si l’on n’élève pas la digue commencée à peu près en face de la Biblio- thèque , si on ne la continue pas jusques fort au-dessous du Pont de la Guillotière , 1l est dé- montré que chaque crue du fleuve augmentera Pélévation et la largeur du banc de gravier qui ÿ | ii DE LA SOCIÉTÉ DE SANTÉ DE LYON. 29 met à sec toute l’étendue de la rive occidentale comprise entre la boucherie de l'Hôpital et la place Groslier. Indépendamment des dangers dont cette cir- constance éventuelle menace la santé publique, elle porte au commerce et à la navigation un dommage notable, Elle détruit les deux ports les plus commodes qui soient sur la rive occidentale du fleuve, et prive la Ville des moulins et des usines nombreuses autrefois établies dans ce trajet. À côté du mal qui n’avoit échappé à personne, nous avons indiqué le remède ; nous le croyons facile dans son exécution et sûr dans ses effets. Sous un Gouvernement réparateur et dans un pays libre , jamais des observations pareilles ne sont mises en oubli; nous devons donc espérer que celles-ci seront entendues, et que le Rhône ne cessera point de baigner les murs auprès desquels Pindustrie Lyonnoise a tant d'intérêt à le fixer. Ici finit le tableau des principales maladies populaires observées depuis linstitution de la Société de Santé jusqu’au renouvellément de ses statuts. Si on peut lui reprocher avec justice d’être trop abrégé ou peu complet, on ne lui contestera pas du moins l'exactitude dans les détails ni la fidélité dans l'exposé des faits, 30 HISTOIRE DES TRAVAUX, etc, Il en est des Sociétés savantes comme de la plupart des institutions humaines ; le zèle les conçoit et les crée, la sagesse les soutient, le temps les perfectionne : elles ont la marche in- certaine de la jeunesse , l'audace de l’adolescence la prudence et la sûreté de l’âge mûr. Que cette réflexion soit notre excuse auprès de ceux qui auroient envie de nous demander plus que nous ne donnons. | s } QUE: a gen vas GRR ne ——— OBSERVATION D'une Tumeur venteuse à la téte, avec fonte et exostose des os du crâne, PA LE CAT. UN hasard heureux m'’ayant fait tomber entre les mains plusieurs Manuscrits des deux célèbres Chirur- giens Le Cat et David de Rouen, j'ai cru devoir leur publication à leur mémoire et aux progrès de l’Art de guérir. Membre de la Société de Santé de Lyon, j'ai lu dans ses Séances les Mémoires et les Cbser- vations qu'on trouvera consignés dans le premier volume de ses Âctes. J'ai lieu d'espérer que les Médecins les liront avec intérêt ; et que quelques progrès que la Chirurgie ait faits depuis Ces deux grands hommes , le Praticien ÿ trouvera des sujets de méditation nombreux et des préceptes qui auront encore pour lui le mérite de la nouveauté. Note de MARTIN l’aïné, Editeur. EN automne 1741, M. C*** me fit appeler: en consultation chez M. de la Roche son Médecin, pour une tumeur qu'il avoit à la tête au-dessus de l’oreille droite, vers la jonction de l’os tem- poral avec le pariétal. Cette tumeur étoit environ : Éeemrrtrmmetqnénernmtmm ec mammmmmren 32 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS grande comme la main et de l’épaisseur de deux pouces ; elle étoit molle, flatueuse et tendue : en la maniant pour obliger le fluide de passer d’un côté à l’autre, elle faisoit entendre un bruit qui ressembloit au craquement du par- chemin ; en appuyant sur le bord de Ia tumeur ‘assez fermement pour en chasser tout le fluide et pour porter le doigt sur los, je m’apperçus qu'il y avoit dans le crâne des enfoncemens et des éminences , sur-tout du côté de l'oreille; je conjecturai que ces enfoncemens étoient denués du péricrâne ; car cette excavation étoit l’effet de laltération de l'os, et celui-ci n’avoit pu s’altérer sans que le péricrâne n'eut été lui- même et vraisemblablement le premier, ou altéré et fondu ou séparé de l’os. Le malade ne savoit trop à quoi attribuer origine de cette maladie. Il nous dit que l’ac- couchement par lequel il étoit né avoit été laborieux, que la tête en avoit été froissée, et que depuis il avoit toujours eu la tête mal saine, sujette à des fluxions, à des tumeurs glanduleuses ; que M. Godin mon prédécesseur l’avoit traité de ces dernières, et que dans un âge plus avancé où les tumeurs glanduleuses étoient disparues , il lui étoit toujours resté une grande disposition bn: a ! # ES SUR LA CHIRURGIE, etc. 3% à fluxions, à catarres, à pituite, etc; que des: coups qu’il avoit reçu dans ces parties, comme tous les enfans en reçoivent , avoient peut-être: aussi contribué à la foiblesse de cette partieiz qu'il avoit observé que quand il se livroit aux, excès en liqueurs fortes, en vin de Champagne; il sentoit des douleurs dans le côté droit dela tête; et qu’enfin vers 1739, quelque temps après une débauche de cette espèce, il s’étoit apperçu qu'il avoit en cette région une petite. tumeur de la grosseur du pouce, laquelle s’est augmentée peu à peu jusqu’au point où nous la voyions ; que quand 1l mouchoit beaucoup la. tumeur diminuoit ; que d’ailleurs 1l étoit d’une santé parfaite et très-robuste ; et que quoique sa tête füt chargée de cette espèce de loupe, dl n’y sentoit Eat le moindre mal. Nous examinâmes M, C... par-tout , et nous linterrogeâmes sur toutes les actions de sa vie, dans la vue d’y trouver quelque principe de ce mal singulier. Nous ne trouvämes dans le genre glanduleux aucun vestige de levain scrophuleux. Il nous parut par le récit du malade que les glandes que M. Godin lui avoit traitées dans son enfance étoient ur engorgement fluxionnaire et inflamma= [e 1 34 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS toire, tel qu’on en voit à tous ceux qui ont quelque fluxion, quelque érysipèle sur le visage, où même une grande douleur de dents; d’ailleurs M, C... avoit le teint le plus frais, le mieux coloré , le plus éloigné enfin du teint plombé des’ scrophuleux. : és caractères de l'affection scorbutique conve= noïént encore moins à M. C... Il nous restoit une troisième source dont la malheureuse fécon- dité n’ést que trop connue , et nous avions de grands soupçons que la fameuse loupe venteuse pouvoit bien‘lui devoir son existence. M. C... s'étoit livré au plaisir , et il s’y étoit livré avec trop d’ardeur pour avoir pu le faire avec choix: voilà bien des raisons d’établir des soupçons ; _ cependant il nous assura avec toute la sincérité qu’on nous doit en pareil cas, qu'il avoit toujours été plus heureux que sage. Les excellentes dispositions où nous trouvions le tempérament, la santé de M, C... achevèrent de nous persuader que sa maladie étoit un vice purement local; vice qui ayant attaqué le péricrâne de l'affection particulière qui produit la tympanite ou les tumeurs venteuses, avoit occasionné en même temps l’altération du crâne; cette dernière partie étant redevable à la première de sa nourriture et de sa vie. Goonnnodsmnmrnésninies montent ere SUR LA CHIRURGIE, etc. 35 Qu'un os abandonné de son périoste ou accompagné d’un périoste malade se fonde ou se creuse d’un côté, et qu'il s'élève de Pautre en exostoses, ce sont des phénomènes assez com- muns en Chirurgie , êt qui suivent presque tous jours les désordres qui surviennent dans la distribution du suc nourricier osseux ; mais que ces désordres arrivent sans que la tumeur ren ferme rien autre chose que du vent , cest ce qu'il y a d’admirable dans cette maladie - ci; et je ne conncis dans tous les Auteurs qu’une seule observation de Mercklin (* ) et une de M. Duvernay le jeune, qui aient du rapport avec celle-ci, sans cependant être les mêmes, car la tumeur où Mercklin trouva du vent étoit un spina ventosa, Or cette maladie des os est celle qu’on appelle communément tumeur froide, L'épithète de vezrosa lui a été donnée , non pas qu’il y ait du vent, mais parce que les articu- lations ou les parties attaquées de ce mal sont gonflées comme si elles étoient soufilées. Le Spina ventosa est avec carie, avec douleur, et il commence par l'intérieur de l’os, Aucune de ces circonstances ne convient à la maladie de (”) Libro de spinæ ventositate , pag. 86. C 2 36 MÉMOIRESET OBSERVATIONS M. C... qui approche beaucoup plus de celle par laquelle les os se métamorphosent en parties molies. Quant à celle de M. Duvernay le jeune, cet Auteur rapporte dans les Mémoires de l’Académie de 1703, p. 20, l’histoire de la maladie suivante, comme étant un des symptômes d'une dartre supprimée par des remèdes de Charlatans. « Le 6 Juin de la même année ( 1700 ) cette Dame. (sur laquelle 1l vient de rapporter l’observation de la dartre ) se plaignit d’une douleur au front, où 1l survint une enflure qui s’étendoit jusqu’au milieu du nez, avec changement de couleur à la peau, et y étant mandé j'y trouvai, dit M. Duvernay , de la fluctuation et du bruit : je fis serrer le nez à la malade et souffler dans la main, la peau de dessus la racine du nez et des environs s’enfla beaucoup ; j'ouvris cette tumeur à la racine du nez, il en sortit du vent er des matières de differentes couleurs , et la peau qui resta comme celle d’une vessie collée sur Vos, le laissoit sentir inégal et raboteux comme une pierre-ponce. Je n’eus point une curiosité peut-être un peu dangereuse en parcille occasion, je ne découvris point los.» M. Duvernay se. contenta de panser la malade et de donnes oo EEE D CEE CESR CE EC TEE ROC TTC ; SUR LA CHIRURGIE, etc. 5 @ des remèdes intérieurs , et tout fut guéri en dix jours. Cette maladie ressemble plus à celle de M. C..; que la précédente ; cependant elle en diffère encore en ce que le vent étoit mêlé de matières de différentes couleurs , et lon verra que celle de M. C... ne contenoit que du vent tout pur. Peut-être même que le vent de l’observation de M. Duvernay venoit-1il de la communication de la maladie avec les fosses nasales, et que c’étoit une partie de l’air de la respiration, auquel cas ce mal ressembloit encore moins à celui de M. C... Quoi qu’il en soit, l’altération des os du crâne de M. C... nous fit penser que les remèdes appliqués sur cette tumeur n’y seroient pas fort efficaces , et sa constitution n’offrant d’ailleurs aucun vice à réformer, nous ne voyions pas d'indications pour les remèdes internes ; tout réclamoit au contraire l’opération chirurgicale. Cependant comme la matière de la tumeur n’étoit que du vent, que l’attouchement ne pouvoit pas nous instruire de lespèce pré- cise de Paltération des os, que cette tumeur étant singulière dans sa formation pouvoit bien aussi avoir des singularités dans sa cure, et que d’ailleurs lopération est toujours un pis-aller » C 3 38 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS nous décidâmes que M. C... seroït traité pendant trois mois avec des résolutifs et des fondans tant intérieurement qu’extérieurement » €t qu’au bout de cet espace de temps si les remèdes étoïent sans succès, on en viendroit à l’opération. M. de la Roche son Médecin suivit ce projet et lui administra tous les remèdes indiqués, non-seulement dans le temps que nous en étions convenus , mais encore à plusieurs reprises dans le cours de l’année. Cependant la tumeur ne discontinua point d'augmenter , et malgré ses progrès le malade paroissoit s’obstiner à la différer. Au commencement de Mars 1743, c’est-à-dire environ un an et demi après notre consultation, M. de la Roche me fit prier de passer chez lui pour aller ensemble chez M. C... Quand je vis celui-ci, je fus effrayé de l’ac- croissement énorme de la tumeur qui occupoit alors les deux tiers du crâne; la matière venteuse amassée en plus grande quantité y étoit plus aisée à distinguer , la tumeur rendoit du son comme une tymbale, et en la pressant en différens sens on sentoit que l’on faisoit passer l'air par différentes cellules que formoient des lames dé- tachées du péricrâne ; ce passage de l'air produs Le, Dal f Te PAL . - SUR LA CHIRURGIE , ‘etc. 39 TRAME ga “soit encore des craquemens dans’'ces cloisons, en ‘sorte qu’on les auroït cru formées de parchemin bien sec. Je remarquai dans le crâne la même altération que nous y avions sentie dans le premier examen ; Jobservai même que les exca- vations que Javois apperçues à la première tumeur étoient devenues plus profondes, et que dans l’espace dont la tumeur s’étoit emparé depuis peu il y avoit des excavations moins profondes, d’où il étoit aisé de conciure que toute la tête alloit être envahie par la tumeur, et que le crâne se creusant de jour en jour il ne pouvoit manquer de se percer à la fin , et qu’alors la maladie affectant la dure-mère et le cerveau, la mort du malade seroit inévitable. Quant au temps où ce funeste dénouement seroit arrivé , à en juger par la rapidité des progrès de la tumeur, on pouvoit assurer avec beaucoup de vraisemblance que le malade ne passeroit pas l’année , peut-être pas même la demi-année. | Un danger aussi pressant demandoit des secours proportionnés. Tous les remèdes indiqués en pareil cas avoient été administrés sans succès. L'opération que le malade demandoit avec ins= ançe étoit le remède certan, mais il auroit di C4 à 40 MÉMOIRES.ET OBSERVATIONS être pratiqué un an plutôt; l'étendue de la maladie rendoit l’opération extrèmement dange= æxeuse ; 1l ne falloit pas moins que mettre à découvert les deux tiers du crâne, et toutes les portions du péricräne qui s’y trouveroient encore entières. On sait quelle connexion il y a entre le péricräne et la dure-mère , et que celle-cx qui est l'enveloppe du cerveau et le principe des nerfs est par conséquent le grand ressort de la machine animale; il y auroit donc de la témérité à découvrir de leurs tégumens et à exposer au grand air une aussi vaste étendue de ces parties respectables. Nous avons des obser- vations de plaies de tête où le crâne étoit décou- vert dans une très-srande, étendue , et qui ont été guéries; mais la plus considérable de ces plaies n’étoit pas grande comme la moitié de celle dont 1l s’agit ici, et.de plus il est question ici non d’un os sain découvert simplement, mais d’un crâne fondu ou creusé d’une part, et de l'autre exostosié et irréguliérement revêtu d’un péricrâne malade depuis nombre d’années. Ces réflexions qui se faisoient devant le malade nous firent conclure que l'opération entière et telle que nous l’aurions faite un an auparavant lexposoit à un danger trop évident pour oser 2 107 or À ("SUR 'LA CHIRURGIE, etc. AI Pentreprendre ; que cependant dans le cas où l'on n’auroit pas d’autres moyens à tenter que cette opération terrible , les règles de l'Art nous ordonnéroient encore de la faire, puisque quelque #rand que’ soit le danger d’une opération, ce n'est toujours qu’un danger, et il doit être préféré à une mort certaine. Mais, ajoutai-je, entre faire une opération complète qui expose le ma- lade à ‘un danger évident et rester dans une inaction cruelle qui le livre à une mort certaine, il ya, ce me semble, un milieu qui est de farre cette opération par parties et en différens temps. En conséquence de ce principe ( continuai-je ) je commencerai la cure de cette vaste maladie par faire à la partie la plus basse de la tumeur une incision de quatre ou cinq travers de doigts ; cette ouverture donnera issue aux vents et autres matières s’il s’en trouve, et en même temps nous pourrons examiner l’état de l’intérieur de cette tumeur singulière ; ce qui nous donnera des lumières sur la nature et sur le traitement qui lui convient. Les matières contenues dans Îa tumeur étant dissipées , les tégumens s’affaisse- ront; la portion de ces tégumens qui est à Îa circonférence de la tumeur , qui par conséquent ‘n’est détachée que depuis peu et qui n’a pas 42 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS eu le temps de s'altérer, pourra se recoller au péricräne, et ce sera toujours autant de diminué sur la grandeur de la maladie à combattre. Nous avons observé que cette tumeurest partagée par des cloisons , et que les endroits où los est altéré paroïssent situés çà er là dans la surface du crâne ; les intervalles qui sont entre ces endroits altérés sont vraisemblablement sains, au moins en comparaison du reste de la tumeur, et ces cloisons sont autant de ponts de commu- nication entre les portions saines. On peut donc espérer que les tégumens rapprochés de ces endroits sains, revivifiés par des topiques spiri- tueux, pourront se recoller; seconde diminution de la grandeur de la maladie. Par cette sorte d'économie qu’on ne peut pousser trop loin, nous n’aurons plus affaire alors qu'à un certain nombre d’endroits plus altérés dans lesquels la suppuration s’établira , et ce sont ces endroits que nous attaquerons les uns après les autres sans péril pour le malade et avec certitude de les guérir ; sans péril, à cause de leur peu détendue ; avec certitude de les guérir , parce qu’étant certain par l’état pré- sent du malade que son cerveau est en bon état et que cette maladie se borne au crâne, nous. Æ = aan = Es ere . cr atren Te SUR LA CHIRURGIE, etc. 43 pouvons hardiment employer contre elle Îles secours de la Chirurgie les plus efficaces; nous pourrons même, si elle étoit rebelle, Pemporter par les rugines et par le trépan, et par-là nous pourrons porter nos remèdes jusques sur la dure- mère, pour peu qu’elle participât à cette dépra- vation. Après l'ouverture préliminaire dont nous avons parlé, le premier de ces endroits altérés que nous devons attaquer sera celui qui se trouvera à la partie supérieure de la maladie, afin que poussant par cette ouverture supérieure une in- jection , celle-ci parcoure et nettoie tous les laby- rinthes celluleux de la tumeur, en vivihe toute l'étendue, et sorte ensuite par lissue inférieure, Cette manœuvre pourra contribuer à la guérison des endroits peu altérés ; et quant à ceux où il s’établira une suppuration abondante et où il se fera quelque amas de matière, on ne tardera pas à les ouvrir et à les traiter en commençant par les plus malades. Cette cure sera longue, ajoutimes-nous au malade ; peut-être durera-t-elle six mois, peut- être même qu'après la guérison il arrivera que quelques exfoliations tardives r’ouvriront pour sortir quelques endroits de la cicatrice qui se 44 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS 000000 fermeront ensuite d'eux-mêmes ; caf nous 1gn0+ rons quelle est l’espèce de Paltération des os: mais cette longue eure nous paroît préférable à une plus prompte qui seroit accompagnée de trop de danger ; nous avouons même quil y en a encore beaucoup dans celle-ci. Quelques mesures que nous prenions pour en resserrer le champ, son terrain est si précieux que les désordres auxquels il est exposé ont toujours de quoi faire craindre. Tout ce que nous pouvons assurer de bien positif sur le pronostic de cette maladie , c’est que la con- duite dont nous venons de donner le plan est la moins dangereuse et la plus prudente de toutes les méthodes qu’on puisse proposer pour sa cure. Le malade déterminé à suivre le projet qu'il venoit d'entendre , nous pria de le mettre in- cessamment à exécution, et nous demanda sur cette opération un secret inviolable , comme il nous Pavoit demandé jusqu'ici pour les consul- tations qui s’étoient toujours faites très-mysté= rieusement ; la mère seule et un domestique devoient être avertis et présens à l'opération. Je n’eus pas même la hberté de mener avec moi un élève Chirurgien , bien loin d’avoir été dis- posé à nous laisser assembler des Consultans; comme quelques-uns Pont cru, SUR LA CHIRURGIE, etc 45 EEE ER emmener cnnnne À Le jour de l'opération fut fixé au lendemain, et nous ne jugeâmes pas à propos de préluder par les saignées et les purgations ; voici quelles furent nos raisons : | Les préparations aux opérations ont deux objets; la maladie pour laquelle on opère , et Popération même ou ses accidens. Par rapport à la maladie , les motifs de la préparation à Popération sont de commencer à dompter la cause de la maladie pour laquelle on opére, et de la rendre par-là plus docile et plus curable. Par exemple, si l’on veut opérer avec succès sur une fistule qui vient d’une habitude mal saine, on commence par rectifier cette habitude en em- ployant les spécifiques du levain qu’on y soup- conne. Eu égard à ce motif, le vice de M. C... étant purement local, les préparations lui sont, avons-nous dit, tout-à-fait inutiles , et elles ne peuvent servir qu’à troubler les bonnes disposi- tions où se trouve son tempérament. D'ailleurs toute l’année précédente on a épuisé, tant inté= rieurement qu’extérieurement , les ressources que l'Art prescrit ; l’inutilité de ces tentatives nous dispense de les renouveler, ou au moins nous persuade qu’elles seront beaucoup mieux placées après les secours de la Chirurgie, “ CEE RE PE ni bn ‘ A6 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Les préparations qui regardent lopération même et ses accidens, ont pour objet d’éteindre dans le malade une partie de la sensibilité aux grandes douleurs qui accompagnent une opération cruelle, telle que la taille, la fistule, etc. et de prévenir par-là les fièvres inflammatoires, les dépôts, etc. { suites trop ordinaires de ces opé- rations douloureuses. ) Or dans l’opération de M. C... il n'est question que de faire une inci= sion de quatre travers de doigts à des técumens distendus , émincés par des vents et presque in- sensibles. Cette opération-ci, loin d’exiger des préparatifs comme les précédentes, doit donc être regardée comme une bagatelle : ses suites seules et la longueur de la maladie la rendent de conséquence ; mais la longueur de la maladie demande qu’on ménage le sang et les forces du malade. Quant aux suites de l’ouverture , comme on ignore létat précis du dedans de la tumeur, on ignore aussi quels accidens suivront cette ouverture. Si cette maladie doit avoir le même sort que toutes les tumeurs énormes qu’on ouvre, on doit s'attendre à une évacuation prodisieuse et capable de jeter le malade dans l'épuisement, et en ce cas-là les préparations évacuantes ne serviroient qu'à augmenter l'accident et à y faire "SUR'LA CHIRURGIE, etc. À» succomber le malade ; seconde raison de ne pas les employer. Si Pétablissement de la suppuration: dans des parties nerveuses, telles que les tégumens de la tête et le péricräne nous font craindre de grandes fièvres et des délires , nous avons aussi des raie sons de douter qu'une tumeur venteuse ouverte se détermine si tôt à une suppuration générale, ou mème que cette suppuration produise un si grand orage ; mais en supposant même que cet orage survienne , ce n’est pas une purgation donnée avant l’opération qui pourroit l'empêcher. Quant aux saignées, celles qu’on se propose de faire après opération y viendront assez à temps, car les opérations de la suppuration ne commencent que quelques jours après l’incision, et cette termi= naison ne s’établissant qu’en cinq, six ou même neuf Jours, elle doit nous donner du temps pour épier ses allures et pour les rectifier en cas d’ac- cidens. Ainsi dans la circonstance présente les saignées placées après l’opération auront l’avans tage d’être faites à propos , et d’être réglées sur le besoin même qu’on en aura ; au lieu que les faisant avant l’opération, on hasarde, pour pré: venir des accidens incertains et auxquels on pour- roit remédier en son temps , on hasarde , dis-je, 43 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS de faire des évacuations que d’autres raisons démontrent être inutiles ou meurtrières! Nous étant donc contentés par toutes: ces raisons d'avoit mis simplement le malade à la diète la veille de l’opération ; nous fimes celle-cx le 8 Mars 1743, à neuf heures du matin ; nous plaçâmes cette première incision dans la partie la plus basse de la tumeur , et celle où les téoumens étoient le plus émincés. Le vent s’échappa avec impétuosité et ne fut suivi d'aucune liqueur. Ayant passé aussi-tôt le doigt dans Pouverture je sentis los découvert de la largeur d’un liard ; Je distinguai aussi une petite épine osseuse à côté de Pos découvert, et différentes cloisons qui laissoient des ouvertures, des communications entre les cellules qu’elles formoient ; je dilatai mon ouverture par le bas , et ensuite par le haut jusques à une cloison transversale où je m’ar- rêtai, et j’emportai un lambeau des tégumens : alors les os que j'avois senti découverts et la cloison qui m’avoit arrêté, furent exposés aux yeux mêmes ; l'os découvert paroissoit creusé en rayons du centre à la circonférence. Cette inspection me persuada que la gi di des autres cavités que nous sentions au crâne devoient être pareillement RS A NE D SUR LA OHIRURGIE, etc. A9 pareillement découvertes du péricrâne ; car il n’y ‘avoit aucune raison de penser que cet accident eût été particulier à ce seul endroit. Quoi qu’il en soit, J'appuyai avec les mains sur les autres régions de la tumeur pour en vider les vents, je réussis dans la plus grande partie ; mais 1l y eut quelques cellules qui conservèrent encore un peu de ce fluide : je remplis mon ouverture de charpie brute , et je couvris la tête de compresses trem- pées dans un mélange d’eau d'orge et d’un peu d’eau spiritueuse dé lavande, Je visitai le malade quelques heures après ; je trouvai son appareil et son traversin pénétrés d’une eau sanglante ; je renouvelai l’appareiïl , et le saignai. Je lui fis une autre visite laprès - diner , je trouvai encore son appareil et ses oreillers péné= trés des évacuations de la plaie ; maïs elles étoient tout-à-fait séreuses et blanches , et si abondantes que le malade en étoit foible , assoupi , et son pouls petit et enfoncé. Ces pertes, qui étoient tout-ä-fait extraordinaires , et par leur quantité et par leur source où il ne s’étoit manifesté ci-devant aucune liqueur sensible, continuèrent les deux ou trois premiers jours. Elles jetèrent notre malade dans un accablement dont jé tirai D nee so MÉMOIRES ET OBSERVATIONS un fort mauvais augure , et auquel je crois qu’il eût succombé, si nous l’eussions préparé à l’opé- ration par de nombreuses saignées. La nature séreuse de ces évacuations , l’épui- sement et l’accablement qu’elles produisirent , les suites funestes qu’elles eurent et les dépra- vations du tempérament qu’elles occasionnèrent, me donnèrent lieu de penser qu’elles étoient four- nies par le suc nerveux même qui a son réservoir dans le cerveau. | Je pansai los découvert et le péricräne avec l’eau de lavande seule , les técumens avec le digestif animé ; je poussai dans les cellules de la tumeur affaissée une injection d’eau d’orge , ani- mée un peu de la même eau de lavande , et je mis sur la tête des compresses trempées dans la même décoction plus animée. Les-os découverts se recouvrirent en peu de jours de bourgeons charnus , excepté quelques pointes d’exostoses qui restèrent douze ou quinze Jours à se garnir ÿ je couvris ces bourgeons de notre mélange fait avec le baume d’Arcæus, le suppuratif et l’onguent de styrax. | Le sixième jour de notre opération la fièvre s’alluma , les paupières devinrent bouffes , le délire survint ; je fis une seconde saignée au bras, EL SUR LA CHIRURGIE, et , SI Le septième jour les mêmes accidens subsistè= rent dans toute leur vigueur; je fis une saignée au pied , qui les calma sans cependant les us entiérement. Le huitième , le délire subsista avec moins de violence ; le malade avoit de bons intervalles , mais il fut pris d’une espèce de rhumatisme uni- versel qui faisoit qu’on ne pouvoit ni lui toucher ni lui remuer aucune partie sans lui causer de vives douleurs. La révolution fut si grande et si générale que son visage tomba presque subitement dans une maigreur affreuse ; il ne différoit en rien de celui d’un moribond. La famille justement alarmée fit appeler trois Médecins et trois Chi- rurgiens pour consulter avec nous sur cet état du malade. J'exposai à l’assemblée la conduite que nous avions tenue dans cette maladie, comme on l’a vu ci-devant. Malgré cet éclaircissement il y eut quelques avis pour que la tumeur fût ouverte dans toute son étendue , c’est-à-dire par-tout où il y auroit des vides ; mais je fis sentir si claire- ment la témérité d’une pareille opération, qu’elle fut rejetée , et notre méthode approuvée et conti- nuée, Les auteurs de l'opinion contraire la soute- noient par deux raisons ; la première, que le D 2 52 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS débridement seul des tégumens feroit cesser les accidens : à quoi on répondoit que ces tégumens affaissés par l'évacuation de l’énorme volume d’air qu'ils contenoient , étoient dans le plus grand relâchement , et qu’ainsi loin d’avoir besoin de débridement 1l falloit plutôt les resserrer par des remèdes propres à leur rendre le ressort et la vie, nécessaires aux opérations de la suppuration. Leur second argument étoit fondé sur cette règle si constante en Chirurgie , qu’on doit ouvrir les tumeurs dans toute leur étendue ; mais des Chirurgiens qui joignent la raison à l’expérience savent qu'il y a beaucoup d’exceptions à cette règle. Je fis voir que le cas de M. C... étoit une de ces exceptions , par les raisons détaillées ci-dessus ; et quant aux expériences , Je Citai à PAssemblée plusieurs abcès que j’ai guéris depuis trois ans seulement à l’'Hôtel-Dieu, par une simple ouverture de lancette ; et de ces abcès il y en avoit de gros comme la tête. C’est donc sur la nature et la situation d’une tumeur qu’un Chi- rurgien éclairé juge s’il convient d’y faire une ouverture complère ou incomplète , et non pas sur un usage aveugle. Cette partie du Public chez laquelle on affecte de nous faire passer pour un Opérateur téméraire , SUR LAs CHIRURGIE, etc. 53 aura de la peine à ajuster notre opposition cons- tante à la grande opération sur M. C... avec ses préjugés. Comment les auteurs de cette pré- vention éviteront-ils le titre de calomniateurs , s'ils ne. citent quelque occasion où nous ayons été d’avis d’une grande opération contre les règles de l’art? Nous sommes bien sûrs qu'ils ne la trouveront pas. Il est vrai qu’autant nous mon- trons de fermeté en nous opposant à une grande opération quand elle est inutile, autant nous avons d’intrépidité à conseiller et à exécuter celles qui sont nécessaires et possibles , quelque délicates qu'elles soient; et voilà, je crois, la source ou le prérexte du préjugé. C’est justement cette in- trépidité , cette vertu cardinale de la Chirurgie à laquelle nos Zoiles donnent les couleurs de Ja barbarie et de la témérité ; tandis qu’ils décorent adroitement des titres spécieux de prudence et de compassion une pitoyable timidité , fille de Pimpéritie. Au reste , cette prévention ne m'est point particulière , c’est un malheur commun à tous les Chirurgiens opérateurs qui ont quelque réputation dans les grandes villes de Province; ceux de Paris n’ont pas le même sort, parce que les Chirurgiens célèbres y sont en si grand. nombre qu'ils sont pour ainsi dire maîtres dw D 3 | 54 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Public ; ils l'ont primé depuis plusieurs siècles sur cet article , ils lui ont inspiré de la confiance pour la grande Chirurgie , du courage pour s’y livrer ; ils lui ont fourni des exemples et même des raisonnemens pour se donner à eux-mêmes et à leurs amis cette confiance et ce courage. En province les Chirurgiens opérateurs sont en petit nombre ; la foule dont ils tâchent de se distinguer s’en tient secrétement offensée , et s'en venge en inspirant au public dont elle a pour ainsi dire Poreille , beaucoup d’aversion pour les opérations , même pour les petites (*), à plus forte raison pour les grandes, et un peu pour ceux qui les exercent ; procédé injuste et également fatal à la Chirurgie et au Public. On dite à celui-ci la confiance qu’il pourroit avoir dans les prenuers Chirurgiens de sa ville, et il n’y a pas d'apparence qu’il la donne aux derniers. S’il a besoin d’une grande opération, il ne s’en rapportera à aucun de ses concitoyens pour dé- cider l'opération , encore moins pour la faire; EE (*) Combien de fois n’ai-je pas vu des Chirurgiens dissuader des malades attaqués de rétention d'urine de se faire sonder, uniquement parce qu'ils ne le vouloient pasfaire ? SUR LA CHIRURGIE, etc, ss EEE conne il périra donc dans cette aveugle et cruelle incer- titude , ou, s'il le peut, il ira chercher chez PÉtranger, et à grands frais , des secours qu'il a chez soi. Par cette injuste préférence ce Chr rurgien , né avec des talens , se rouille pour ainsi dire par le défaut d'exercice dans son Art, et il devient réellement à la fin tel que le Public le croit être; où si quelque exercice journalier dans un Hôpital le préserve de ce relâchement , le peu d'éclat attaché à tout ce qui se passe dans ces lieux obscurs n’est pas capable de faire revenir le Public de son préjugé ; en sorte que si le Chirurgien ne languit point du côté de PArt, il est toujours sûr de le faire du côté de la fortune, et il est à craindre A cette dernière espèce de langueur n’entraine à la fin la premiére ; car on sait assez que le défaut d’aiguillon qu’elle pro- duit est le tombeau des talens. Tel est le sort de ja Chirurgie des Provinces, et elle a ce re- proche à se faire que sa perte est l'ouvrage du plus grand nombre de ses enfans. Un mauvais effet de ce préjugé qu'on n y auroit peut-être pas SOUpeoNtÉ c’est qu’il influe en bien des cas sur le succès même des opérations qu'on ose confier aux Chirurgiens de Province. D 4 56 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Un particulier est dans la nécessité de se faire faire une grande opération par un Chirufgien de la ville ; linquiétude où 1l est de la capacité de l’Opérateur tient son ame en détresse , en trouble la tranquillité et la jette dans des révo- lutions étranges au moindre accident. On sent le danger de ces révolutions et combien elles sont capables de troubler les mesures les mieux concer- tées pour le succès d’une opération. « Horace avoit une confiance entière à Rodalire pour des cataractes qu’il avoit aux deux yeux, qu’on devoit lui opérer en deux temps différens. Sa constance à soutenir la première fut héroïque, et par sa fermeté l’opération fut brillante ; une cataracte secondaire survenue au même œil plusieurs jours après, fut opérée par le même avec tout le succès qu’on pouvoit désirer, Les ennemis de Rodalire critiquant la première opération avoient essayé en vain d’afloiblir la confiance que son malade avoit en lui; mais l’accident nouveau fut un pré- texte dont ils profitèrent pour revenir à la charge avec plus de force; 1ls le sollicitèrent de se mettre en d’autres mains pour la seconde opération. Horace ne put se prêter à un procédé si injuste et si mal-honnète ; mais par d’autres raisons son équité lui fit prendre çe parti honnête et juste : | | EE ne 5 SUR LA CHIRURGIE, etc. 57 son ame ébranlée toutefois par tous les motifs de défiance qu’on lui avoit exposés, avoit perdu cette confiance entière et intrépide qu'il avoit à la première opération; 1l devint dans celle-ci pusillanime , enfant ; il ne se prêta à aucune des manœuvres de cette délicate opération , il la ren- dit laborieuse et par-là infructueuse. Qu’eft-ce qui l’a perdu ? Le défaut de confiance, et le préjugé auquel il a donné accès et comme malgré lui-même, » La consultation n’ayant rien changé dans notre traitement , et le malade étant d’ailleurs trop mal pour que nous osassions rien tenter, nous tem= porisiämes pendant quelques jours , après lesquels le délire et les principaux accidens érant entié- rement cessés , Je proposai de faire à la partie antérieure du crâne l’ouverture supérieure par la- quelle nous devions porter dans toute la tumeur les injections et autres médicamens convenables. : La famille fit venir M. Estord qui fut du même avis ; mais le malade la fit remettre de jour en jour jusqu’au vendredi 22 de Mars ,etle 15° jour de la maladie, Nous tirâmes de grands avantages de cette ouverture , nous revivifiâmes par les injections toute cette vaste étendue caverneuse { 2 53 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS et œdémateuse ; nous y portimes ensuite des bandelettes chargées de digestifs, lesquels sor = toient par la première ouverture, et nous éta= blimes une suppuration générale et abondante. On sent bien que par-là nos affaires se réta- blirent un peu. On ne népgligea point les extré- mités affectées de cette espèce de rhumatisme dont j'ai parlé, on les frotta d’onguent martia- tum, on y mit des compresses d’eau vulnéraire , on les enveloppa de peau-de lièvre ; au bout de quelques semaines les cuisses et les jambes du malade qui étoient demeuré enflées et sans mou- vement , se désenflèrent un peu et reprirent quelque mouvement , sur-tout du côté gauche ; nous aidâmes à ce succès par une petite purga- tion et par une très-légère infusion de squine, que nous prescrivimes pour boisson. Cette der- nière ne fut pas du goùt du malade, et nous eùmes le déplaisir de lui voir préférer du cidre coupé et autres boissons que son caprice lui suggéroit. Dans ce même temps je découvris entre fa première ouverture et l’oreille droite un sac considérable. Sa profondeur et la grande quantité de pus qu'il rendoit, me fit soupçonner qu'il communiquoit avec la dure-mère ; je fus d’avis 1 mm SUR LA CHIRURGIE, etc. 59 de l’ouvrir avec d'autant plus de fondement que la matière n’en sortoit n1 librement ni en entier. Le maladè naturellement indocile et irrésolu se mit en fureur quand on lui parla d’une nouvelle incision, Dans cette extrémité nous eùmes recours au cautère que nous cachâmes sous un emplâtre, qui devoit, disions-nous , faire mürir et percer la tumeur comme d’elle-même : la première ap- plisation du caustique ni même une seconde plus forte ne purent percer la grande épaisseur des té- gumens de cet endroit, et nous fümes obligés quelque temps après d’user un peu de surprise et d'achever avec la lancette ce que le cautère avoit commencé, Ce fit le 21 Avril et le 45° jour de la maladie que cette ouverture fut achevée. Nous n'eûmes pas la liberté de la faire assez ample pour découvrir Pos que je soupçonnois percé ; mais ce grand égoût fournit un libre passage à la matière du plus grand nombre des cavernes , lesquelles étoient situées au-dessus de Voreille, Je passai deux mèches var l'ouverture supérieure , dont lune sortoit par la première incision et l’autre par cette dernière : nous imbi- bions ces mèches de décoction d’aristoloche animée d'eau de lavande, et nous les chargions de notre melange ; nous faisions des injections detersives tm 6o MÉMOIRES ET OBSERVATIONS avec la même décoction ; nous l’avons mêlée dans la suite avec une lessive légère de cendres desarment , et toujours animée d’eau de lavande; des plumaceaux chargés du même mêlange cou- vroient les plaies extérieures, et toute la tête éroit enveloppée de compresses trempées dans la décoction des injections. Le malade recouvroit ses forces et reprenoit ses premières espérances ; il commençoit à se remuer et à se mettre sur son séant pour les pansemens avec assez de facilité ; les écorchures que sa maigreur et la situation permanente lui avoient fait venir au dos et au sacrum, se guérirent par l'usage seul du suif fondu. Il avoit une faim dévorante ; nous le purgeämes , et lus permimes une, soupe flottante dans un bouillon, puis deux soupes , et successivement un petit morceau de pain à déjeüner, et enfin un œuf à diner , quelquefois même un biscuit l’après-diner, Nous insistâmes alors sur la décoction de squine pour achever de dissiper la tumeur et la douleur de la cuisse droite qui étoit la seule restée un peu affectée ; le malade en prit quelquefois, mais le moins qu’il put et très-irréguliérement. Après un certain temps de ce régime qu’il n’observoit pas toujours réguliérement, je men Le ( ONE SNS vu. SUR LA CHIRURGIE, etc. 6x EE, apperçus par le mauvais état de nos plaies et des sinus qui ne donnoiïent qu’une espèce de morve et dont les intervalles étoient œdémateux. Le genou et toute l’extrémité droite devinrent plus gonflés et plus douloureux. Je fis sentir au malade les conséquences de ce désordre : on le purgea , on le remit à un régime un peu plus austère ; à la place du déjeüner on lui fit prendre deux bouillons de vipère avec les amers et les vulnéraires, et on appliqua sur le genou des topiques convenables, Le malade, grand man- geur et violent , ne se soumit pas long-temps à ce régime; on fut forcé de lui permettre un blanc de poulet , avec une once ou deux de pain au lait et un verre d’eau rougie. Ces premiers essais réussirent au malade. Les trois plaies principales se cicatrisèrent ; il nous restoit seulement une petite ouverture à la partie antérieure , et une au-dessus de l’oreille, que -j’avois soin d’entretenir pour passer les injections et pour laisser sortir les matières de trois sinus bien marqués, Afin de finir entièrement cette cure, f’ouvris ces derniers sinus, après les capitu= lations ordinaires , par deux incisions qui les firent tous communiquer ensemble 3 j’avois emporté les lèvres et'bien découvert les sinus, que je MR Roc: OR | Al 62 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Re Cl trouvai hérissés d’exostoses mais non pas dé- couverts ; parce que nos injections et nos mèches les avoient sans doute fait remplir de nouvelles chairs. L’accomplissement de cette grande cure pouvoit être au plus l'affaire de quinze jours; mais dans le temps que nous tou= chions à ce terme heureux , les douleurs du genou droit augmentèrent, et cela parce que le malade enhardi par les premiers effets de son appétit se permit les deux blancs du poulet, la poitrine entière et une quantité de pain propor- tionnée. L'inflammation se joignit aux douleurs, et peu de temps après , qui étoit vers le premier Juin , j'apperçus au-dessus du genou une fluc- tuation dans l’espace de trois ou quatre pouces. Je fis part avec beaucoup de ménagement de cette découverte au malade, et quelques jours après j'insinuai la nécessité absolue de donner du jour à ce dépôt. M. C... ne voulut entendre {à-dessus aucune raison ; et cela pendant près d’un mois que nous fimes des instances. Il aimoit mieux mourir : c’étoit-là toujours son dernier mot , et il sy prenoit de façon à nous tenir parole. C'est de cette époque qu'il faut compter Ja décadence de notre malade ; car quoique les et CE SUR LA CHIRURGIE, etc. 63 plaies de la tête achevassent de se cicatriser, ce qu’elles auroïent fait bien plus vite sans cet accident; d’un autre côté la tumeur et les dou- leurs du genou allérent en augmentant ; on y essaya toutes les espèces de cataplasmes , ano- dins, émolliens, réselutifs, et enfin Les suppurans les plus puissans , le tout inutilement ; la matière s’étendit dans la cuisse et dans la jambe, et fit une tumeur vers le milieu de la cuisse supérieu- rement. Le malade ne me permit de l’ouvrir que près d’un mois après, c’est-à-dire le 23 Juin et le 108° jour de sa maladie, et cela avec une lancette à saigner. Je fis avec ce foible instrument la plus grande incision qu’il fût pos- sible, et ayant introduit les deux doigts dans l’ouverture, je sentis que toute la cuisse n’étoit qu'une vaste caverne remplie de matière , et qu’il falloit absolument faire une contre-ouverture à son fond. Je fis cette contre-ouverture et une autre au genou , après avoir long-temps lutté contre le malade. Il eut une légère foiblesse quelques heures après cette grande évacuation de matière , mais elle n’eut pas de suite, et il lui restoit encore assez de courage et de force ; son appétit étoit encore plus grand , et ayant mn 64 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ro S voulu malgré toutes nos remontrances reprendre de la nourriture , il eut le sixième jour qui fut le 29 Juin, un frisson suivi d’une syncope d’une heure, dans laquelle on crut qu'il mourroif. Ce ne fut qu'après cet accident qu’il se résolut au régime exact, ( docilité qui lui venoit un peu tard ) : cependant la tête étoit regardée comme guérie, et l’on ne la pansoit plus. Quant au pansement de l’abcès de la cuisse , je passat d’abord des bandelettes de linge eflilées dans ces issues , et je remplissois les cavités d’injection ” dans les pansemens ; mais la matière qui en sortoit , loin d’être du pus, n’étoit qu’une espèce de lie de vin, une sorte de boue sanieuse et très-écumeuse. Il me fut aisé de voir que ce mauvais état des matières étoit occasionné par la grande. quantité d’air qui fermentoit dans la vaste capacité des cavernes de cet abcès ; les Maîtres de l’Art savent que l’unique remède à ce désordre est ou de faire des ouvertures com plètes , ou de rapprocher les parois de l’abces par des compressions , ou enfin de remplir ces cavités par des appareils et des médicamens. L’ou- verture complète étoit hasardeuse, et d'ailleurs le malade n’en auroit voulu permettre d'aucune \ espece ; 2 emmener A, SUR LA CHIRURGIE, etc. 6ÿ 00 D espèce ; le rapprochement des parois par la com= pression n’étoit pas praticable par la grande étendue des vides, par leur situation autour de larticularion sur les os dans l’interstice des muscles les plus profonds, et enfin par le délabrement de ces parties charnues. Le seul moyen qui me restoit donc pour diminuer ces vides et les ravages de la fermentation de l’air qu'ils contenoient ; étoit le troisième de ceux que je viens de dé- tailler ; savoir, de remplir ces cavités autant qu'il seroit possible par des appareils mollets et chargés de médicamens, Pour suivre cette intention , ines ouvertures trop petites ne me permettant pas d'y pousser des bourdonnets ni des plumaceaux roulés, je tâchai d’y suppléer par des mèches en plusieurs doubles, Cette manœuvre nous réussit ; les matières devinrent moins écumeuses ; il y eut même des jours où il ne parut aucune écume, et où nous appercevions un peu de pus. Mais comme le malade ne m’avoit point permis d’étendre assez més ouvertures, elles se trouvoient trop éloignées les unes des autres; une de nos mèches même ne pouvoit pas aller de l’une à l’autre; la matière séjournoit entre ces issues , et ce séjour contris K -66 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ART > RE ANR AD. "Th. NN" -buoit à la gâter. Toutes ces circonstances indi- quoient une nouvelle ouverture, mais on devine bien que ie malade y étoit moins disposé que jamais ; et s’il étoit rebuté d'incisions , franche- ment nous étions bien ennuyés d’en faire , et sur-tout d’en faire pour de nouvelles maladies ‘dans un temps où nous devions jouir du plaisir d’avoir fait une grande cure, On assembla plusieurs Médecins qui, après ‘avoir examiné létat du malade , ‘cpinèrent pour le mettre à la diète blanche. La pluralité des ‘suffrages ayant été pour le lait, tout ce que purent faire les derniers Consultans fut de pré- venir, autant qu'il étoit possible, les dangers “von couroit en donnant cet aliment : on ré« solut de le couper avec une légère infusion de vulnéraires de Suisse , et d’en donner en petite quantité , comme pour essayer. 9 “Dès le lendemain que M. C.:. fut mis au lait, quoiqu’on ne lui en eùt donné que deux vérres , les matières de sa plaie changèrent en pis, ‘et son visage qu’on ne croyoit pas pouvoir devenir plus maigre se creusa à vue d'œil pendant trois jours consécutifs ; au bout desquels le malade succomba le 18 Jüillet et le 133° jour depuis ROAD SP EPESRE TL ÉD VERT LR SAR ETES 2 à med , SUR ,LA:CHIRURGIE, etc. 67 son opération; nous ne dirons pas que M, C... eût guéri s'il neût pas pris le lait, mais nous pou- vons assurer‘au moins avec tous ceux qui l’ont vu qu'il ne seroit pas mort si promptement. Je fus averti le soir de la part des Parens pour en faire Pouverture le lendemain à huit heures du matin. On y appela M. de la Roche et deux Chirurgiens extraordinaires ; nous com- mençâmes notre examen par la tête que je ne pansois plus depuis long-temps , et à laquelle nous trouvâmes encore un endroit grand comme l’ongle du petit doigt , dont la cicatrisation par- faite avoit été empêchée par le mauvais état où étoit le malade depuis quelques semaines. Comme l'histoire de l'ouverture de M. C... est une piéce essentielle à celle de son traitement et à la justi= fication de ceux qui l’ont condute, elle ne sauroit être trop authentique ; ainsi je ne puis mieux faire que de donner le procès-verbal fait sur cette ouverture. Nous sOUSSIGNÉS , Docteur en Médecine.et Chirurgiens jurés à Rouen, appelés à l’ouverture du corps.de feu M. C... faite le 19 Juilet 1743 $ certifions ce qui suit... 1.0 La tête par laquelle La 68 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS on a commencé l'examen étant considérée du côté droit, qui étoit le siège de la’ première maladie , elle nous a paru pleine d’éminences et d’enfoncemens recouverts d’une peau, et de plu= sieurs cicatrices solides , excepté en un endroit de la largeur de l’ongle du petit doigt. 2.° Ces cicatrices enlevées avec assez de peine, nous n’avons trouvé aucune humeur ni matière quel- conque interposée , et nous avons remarqué plus distinctement orand nombre d’éminences très- saillantes, des enfoncemens et des trous, dont quelques-uns pénétroient jusques dans lintérieur du crâne, Celui-ci ayant été enlevé , nous avons observé dans son intérieur une altération de la largeur de quelques pouces pareille à celle de extérieur , formant des creux inégaux dans la substance de los ; c’étoit à l’endroit de ces creux que se faisoit la communication avec l'extérieur par les trous observés ci-dessus, et la dure-mère correspondante à ces creux étoit chargée d’une excroissance fongueuse qui remplissoit lesdits creux. Le cerveau étoit mou et sans aucune consistance , sur-tout du côté de la maladie, 3° La poitrine ayant été ouverte, nous avons trouvé les deux tiers du poumon droit engorgé et enflammé , le poumon gauche un peu en= SUR LA CHIRURGIE, etc. 69 flammé ; une partie de l’extérieur du cœur vers les oreillettes étoit de couleur de chair lavée et comme œdémateuse, 4° Dans le bas-ventre la vésicule étoit distendue par la bile, les boyaux par les vents ; les reins étoient très-durs, et nous avons trouvé dans leur intérieur. une espèce de lait caillé. 5.° Dans la cuisse malade 1l y avoit carie entre la rotule et les os avec lesquels elle s'articule, et un vaste abcès avec pourri- ture et noirceur s’étendoit depuis le haut de la cuisse jusqu’au milieu de la jambe , en faisant tout le tour de l’articulation du genou. Cette dernière maladie nous paroît avoir été la cause prochaine et immédiate de la mort de M. C... Signé G. T. DE LA ROCHE, LE CAT, DE MOYENCOURT. Ce rapport constate plusieurs faits qui méritent quelques réflexions... On a vérifié sur le/crâne des exostoses très- élevées et des enfoncemens très-profonds, des trous même dans la substance du crâne, et cela sans aucuns vestiges ni de carie , ni d’exfoliation, ni de matière interposée qui püt nous annoncer une ou l’autre ; en un mot on a vu à découvert E 3 D 0 RIRE DIE GE RD 2 D Do UE LR 70 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS que cette maladie étoit accompagnée d’exostoses et d’une simple fonte des os du crâne qui étoient dégénérés en fibres molles et en ventosités. La métamorphose des os en parties molles n'est pas un phénomène très-rare. J’ai donné en 1740, à l’Académie de Madrid , un Mémoire sur cette matière , dans lequel jai rassemblé grand nombre d'observations de cette espèce. La seule chose donc qu’il y ait d’extraordinaire dans la tumeur de M: C... c’est qu'elle ait été trouvée remplie de vent. En effet il n’y a que la jonction de ces accidens qui soit singulière, car les tumeurs formées par des vents dans le corps humainine sont pas rares ; la formation des vents par les liqueurs échauffées , fermentées, est connue de tout le monde , et il n’est pas difficile de concevoir que des os qui dégénèrent en parties molles et qui se fondent ensuite en liqueur, puissent par un troisième degré de. fonte se convertir en vapeurs (* ). L La guérison de cette grande maladie constatée par la solidité de la cicatrice et par lextrême 0000 géo (*) On diroit que le célèbre Le Cat avoit pressenti Ja belle théorie des gaz. * F CAE SUR LA CHIRURGIE, etc. 71 difficulté que j’ai eue à dépouiller cette partie des tésumens, a paru à quelques-uns incompa- tible avec l’altération observée dans les os au commencement de cette maladie. Ces os, dit-on, ont dû s’exfolier auparavant, On sait pourtant qu'il est commun en Chirurgie que des os dé- couverts et même très-long-temps découverts, se recouvrent de bonnes chairs. A l’égard des os altérés, ceux qui sont affectés de carie doivent sans doute s’exfolier ; mais cette loi ne regarde point l’altération dont il s’agit ici. L’exfoliation est une séparation d’une feuille de los privée de vie d’avec le corps de los jouissant d’une vie parfaite, et c'est la vie parfaite dont jouit los principal qui opère l'expulsion de la feuille morte, Mais aucune de ces deux circonstances ne se trouve dans le cas de M. C... Sa maladie est une dépravation du principe de la solidité des fibres de l'os; cette dépravation ou cette fonte est avec un certain degré de vie. Celle-ci ne se trouve éteinte nulle part, mais seulement affoiblie par degré, Qu'arrive-t-il lorsque par des remèdes spiri- tueux ou autres appropriés on rend de proche en proche à ces parties le degré de vie qui leur E 4 D 72 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS manque ? elles réparent les fontes , elles rem- plissent les pertes de substance par un tissu de fibres nouvelles qui d’abord ne paroissent que charnues , et qui dans la suite pourront prendre une consistance plus solide ; mais ces parties ranimées ne chassent au dehors aucune portion de los, puisqu'il n’y en a aucune qui ne soit vivante à un certain degré. Que faudroit-1il donc faire pour procurer une exfoliation dans cette maladie ? Il faudroit y porter la mort qui n’y est point, c’est-à-dire qu’il faudroit incendier par le cautère actuel toute cette vaste surface; et quel Chirurgien seroit assez téméraire pour faire des ravages de cette conséquence , sous prétexte de produire une exfoliation inutile et contraire aux intentions de la nature ? Nous avons vu au commencement de ce Mémoire, que M. Duvernay le jeune, dans la petite tumeur naissante analogue à celle de M. C... regarda comme une curiosité dangereuse de dé- couvrir seulement l’os du fond de cette tumeur , quoiqu'il le sût altéré ; loin d’oser le cautériser, aussi cette altération se répara-t-elle comme celle de l’os de M. C... sans cette curiosité et sans ges secours barbares ? SUR LA CHIRURGIE, etc. 73 Mais supposons pour un moment que l’exfo- liation soit nécessaire , soyez sûrs que la nature ne manquera pas de la faire , et elle la fera sans aucun danger pour le malade , sans aucun em- barras pour la cure ; ce qui est bien différent de l'opération hasardeuse par laquelle on vou- droit la prévenir ou plutôt la forcer. Il y avoit communication de l’extérieur du crâne à l’intérieur par un trou , et la dure-mère correspondante qui remplissoit le creux fait dans Pintérieur du crâne ressembloit à une excroissance fongueuse, Cet état ne suppose pas que toutes les fontes du crâne soient réparées par une substance osseuse , ce qui seroit la guérison vraiment par- faite ; mais cet état prouve que toutes ces fontes sont remplies par un tissu de fibres vivantes et saines , puisqu'elles étoient extrêmement adhé- rentes à los ; ce qui fait une guérison assez belle pour que le Chirurgien le plus zélé et le malade le plus difficile puissent s’en contenter. Nous n'avons pas dissimulé que la production de la dure-mère qui remplissoit les creux intérieurs du crâne ressembloit à une excroissance fongueuse. L'état fongueux de la dure-mère correspondante oo om 74 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Dam aux creux de l'intérieur du crâne et à ses com- munications avec la maladie extérieure, semble Ôter toute espérance d’une guérison radicale , quand même le dépôt à la cuisse ne seroit pas survenu. Mais cette membrane pouvoit-elle avoir une meilleure figure dans un sujet dont le cerveau et le cœur même ressembloient à des chairs lavées et baveuses? Si M. C... n’eût pas succombé aux accidens du dépôt de sa cuisse , auquel son défaut de régime a beaucoup contribué, et qu’il eût recouvré la santé , ces fibres de la dure-mère et celles du péricrâne qui remplissoient les iné- galités des os auroient repris, aussi bien que le cœur et le cerveau , une consistance et une cou- leur naturelles , peut-être même auroient-elles rentré jusqu’à un certain point dans le rang des parties osseuses à la formation desquelles elles sont destinées, Et s'il y füt resté quelque vice local , rien ne nous eût empêché de le combattre, comme on l’a exposé dans la consultation ou le projet qui a précédé l’opération, qu'avant d’en- treprendre la cure de M. C... M. de la Roche et moi nous ayons jugé , après un mür examen, que sa maladie n’avoit aucun des principes de … ot at ni jt à à Déte de nd dt en css + 7 Noms : SUR LA CHIRURGIE, etc." 7$ virulens qu'on vouloit soupçonner ; sa cure n’a rien changé à notre décision ni à ses mo- tifs 3 les accidens survenus ne nous ont fait faire aucune découverte à cet égard ; et quoi- qu'ils aient été assez considérables pour terminer cette maladie, ils n’ont rien cependant qui ne s’explique très-bien sans avoir recours à ces le- vains fameux. Il n’est pas nouveau en Chirurgie de voir les tempéramens les plus sains et les plus robustes entiérement pervertis par les maladies locales les plus simples, ét qui n’ont d'autre principe que des coups, des chutes, des piqüres, etc. sans parler des chutes sur les genoux qui ont attiré sur cette partie et sur toute l'habitude une inf- nité de maux ; sans parler des contusions au sein qui ont occasionné à la longue une habitude chancreuse et tous les tourmens attachés à cette maladie mortelle, Nous avons vu plusieurs fois de simples piaüres dans les tendons des doigts pro- duire des abcès non-seulement dans la main , dans Vavant- bras, dans le bras ; sous laisselle , aux côtés de la poitrine , mais encore dans toutes les extrémités du corps successivement , dans l'intérieur même et dans les viscères ; en sorte que des personnes qui avant ces piqüres avoient 76 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS une santé d’athlère et absolument exempte de tout soupçon , ont vu leur tempérament entié- rement perverti, leur corps devenir une four- millière de dépôts, et leur vie s’éteindre enfin par la cacochymie et le marasme. Jai sur-tout en vue dans cette citation générale Pobservation que m’a fournie 'en 1737 une an- cienne femme de charge de Mad. la Présidente de Barmonville, du tempérament le plus ro- buste, qui en passant la main sur le tapis d’une table pour le nettoyer , y rencontra une aiguille qui lui entra dans la main, lui piqua le tendon fléchisseur du pouce , et devint ensuite le sujet de toutes les calamités que je viens de décrire. C’est donc un fait constant que le genre ner- veux affecté à un certain point par la cause la plus simple tombe dans le même degré de per- version où 1l se trouveroit par le virus le plus célèbre. Ainsi quoiqu’on voie dans un malade des désordres au-dessus de la puissance des re- mèdes, on ne doit pas pour cela s’en prendre à ces espèces de causes occultes , refuge ordinaire des ignorans ou des savans paresseux. Si la blessure d’un tendon du doigt et d’autres accidens aussi légers sont quelquefois suivis de D DONNE VD NIET D 7 SUR LA CHIRURGIE, etc. 77 désordres aussi terribles que ceux qu’on vient de détailler, que ne devoit-on pas attendre de la suppuration des deux tiers de tout le péri- crâne, et d’une portion de la dure-mère qui est le principe et la mère de toutes ces parties ner- veuses et des tendons mêmes ? Aussi avons-nous vu dans l’établissement de cette dangereuse sup- puration tout le genre nerveux et musculeux se mettre à l’unisson de ces mêmes membranes 5 nous l'avons vu comme elles dans une roideur et une stupeur douloureuse qui étoient le pre- mier degré de leur perversion totale, et dont il ne pouvoit se rétablir que par les mesures que nous avions prises, et que l'indocilité du malade a malheureusement rendues inutiles. Le but que je me suis proposé dans cette observation a été de faire connoïtre une maladie rare et de rendre un compte très-circonstancié de la conduite que nous avons tenue dans son traite- ment ; l’intérêt du Public l’exigeoit de moi. Il lui est utile d’avoir sous les yeux le plan raisonné d’une cure d'autant plus embarrassante qu’elle est moins commune. Il ne lui est pas moins avantageux d’avoir les raisons physiques de cer- taines règles de pratique qui servent de base au traitement des maladies de toute espèce , rares - 78 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ae + ou communes : de plus 1l ne sauroiït être con« vaincu par un trop grand nombre d’exemples que l'indocilité des malades et leur indiscrétion dans le régime sont les plus terribles des fléaux que nous ayons à combattre , et la source or- dinaire des deux tiers au moins de nos mauvais succès. Ce sont là les vues que j'ai taché de remplir dans ce Mémoire. SUR LA CHIRURGIE, etc. 79 d'Emma = 4/2 +, FRACTURE DE LA JAMBE COMPLÈTE , avec fracas, et compliquée non-seulement de plaie, mais encore d'une malionité accidentelle, RÉFLEXIONS sur le caractère de la ma- lionité , sur l'origine et la nature du VLTUS« PSr LECCATS La nuit du samedi au dimanche 31 Janvier 1745, M. de F....en sortant de souper chez un ami dans la rue de la Magdelaine, fit un faux pas du pied gauche sur un pavé du ruisseau, tomba l’autre jambe sur celle-ci, et se casca cette jambe gauche, en sorte que les os percèrent la peau et le bas même dans une fort erande étendue, Le bas emporté nous laissa voir encore un plus grand désordre. Les os dans l’espace de Sans évard aux rapports du malade , chercher et emporter cette esquille, et même couper -la jambe quelques j Jours après ; sk les accidens subsistent.avec la même vigueur. SUR LA CHIRURGLE ,» etc.l, 103 EE — ® RSR ee w, :OBSERVATION SU Run renversement complet et chronique de la maïrite qui en imposa ‘pour “un . polype Hart qui produisit" ‘la mort. : Rat: le Cit. PETIT , | Docteur en Médecine, CL A en chef de de lp de pe s CEGs \ re ee eu ti 15 Juin 1791 s je fus Mmandé au rang des Fiévreux pour y voir Marianne Roche, âgée de 36 ans, grande, bien faite > d'un tempérament pituiteux , jusques là bien portante y Mais qui se trouvoit alors réduite au dernier degré d’épuis sement par une perte de sang qu’elle avoit vai- nement combattue depuis six mois, époque où elle étoit devenue mère pour la seconde foiss Par les renseignemens que je demandai appris que cette femme avoit été beaucoup plus fa atiguce dans cette seconde grossesse que dans la première ; son ventre avoit paru plus volumineux, et l’enfant qu'elle mit au monde avoit beaucoup plus d’em= bonpoint, L’acçouchement fut prompt , facile 3 G4 104 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS la délivrance n’eut rien de laborieux » et les écou- lemens qui suivirent cet état, quoique soutenus plus long-temps sur-tout en rouge, ne parurent pas excéder de beaucoup la quantité ordinaire, Elle éprouva des coliques et quelques douleurs d'estomac. Au quinzième jour de sa couche elle voulut se lever, et sentit dans l'effort qu’elle fit un corps étranger qui se déplaçoit et tomboit dans le vagin. Un Médecin qui fut appelé jugea la maladie être une descente de matrice , et or- donna le repos, la position horizontale et quelques médicamens. Les pertes en blanc et en rouge se soutinrent ; on crut reconnoïtre dans leur persé- vérance l’état de cacochymie des humeurs , et le traitement fut dirigé en conséquence. Trois mois après la malade dans le même état fut examinée par une sœur accoucheuse ; elle confirma le diag- nostique du Médecin, et plaça un pessaire dans lé vagin, mais il ne put y rester parce qu'il faitiguoit beaucoup la malade et se déplaçoit au plus léger mouvement. Peu de temps après cette époque elle fut amenée à l'Hôtel-Dieu de Lyon, où, sous la direction d’un de nos Confrères, elle _épuisa pendant deux mois tout cè que la Médecine peut fournir d’astringens. Je fus enfin conduit wérs elle le 35 du mois de Juin, et je trouva PER Eee SUR LA CHIRURGIE, etc. ‘10$ meer mg mn, une femme d’une pâleur effrayante , foible » abattue par des pertes qui se soutenoient encore soit en blanc soit en rouge. Le ventre et sur-tout la région hypogastrique étoient tres- souples , les urines couloient librement ; mais un léger senti- ment de pesanteur se faisoit sentir sur le rectum : des coliques et des douleurs dans les cuisses, quoique éloignées , ôtoient le repos à la malade; elle avoit eu plusieurs syncopes, elle cédoit malgré elle à un assoupissement involontaire et présentoit un pouls vite, fréquent, mais foible et concentré, D’après tous les renseignemens que je venois d'acquérir, je soupçonnai quelque corps étranger dans la matrice et je demandait à m’en assurer par le touclier. Je trouvai en effet, dans le milieu du vagin et postérieurement vers la concavité de los sacrum, un corps mollasse, uni, poli, pyri- forme , tenant par son pédicule au centre du col de la matrice, à travers lequel 11 passoit sans y être gêné , et que Je crus reconnoître pour un polype né dans Le fond de cet organe , et descendu à travers son orifice jusques dans le vagin. Je donnai en conséquence à la malade tous les encouragemens et toutes les espérances que la nature de sa maladie mieux connue lui permettoit de prendre. Elle sut D G 166 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ee am en qu'une opération simple et peu douloureuse suffi soit pour la débarrasser de ce corps étranger dont la présence seule avoit entretenu les accidens ; et sans la sortie duquel ils ne pouvoient cesser. Mon colléoue Rey qui'examina la malade le len- demain reconnut aussi la présence d’un polype , et se pénétrant comme moi de l’urgente nécessité. de l'opération , nous décidâmes d’en hâter le moment, et la convocation d’usage fut faite pour le len= demain 17 du mois. Les quatre maîtres de l’Art qui se rendirent à notre invitation, d’après un toucher attentifs reconnurent tous un polype et pensèrent que la Hgature étoit le moyen le plus convenable d'en délivrer la malade. En conséquence M. Rey en- treprit de la faire ; elle fut laborieuse ,'et:les tentas tives pour la placer difficiles ; les instrumens pénétrèrent peu avant, et l’Opérateur disoit porter sur un fond qui le repoussoit ; la ligature fut cependant placée et serrée, mais dans ce moment la femme poussa un violent cri qui fut pour un des Consultans un trait d’une lumière nouvelle, « Arrêtez, nous dit M. Desgranges , » nous nous sommes trompés ; Je soupçonne un » renversement de matrice. » On s’empresse , on retouche , et ce second toucher ne présentant ua . SUR ‘LA, CHIRURGIUE etc: A 107 aucun signe particulier , nous restâmes dans une incertitude dont Péclaircissement fut renvoyé au lendemain, parce que la malade demandoit et avoit besoin de répos. Nous nous, proposions de reconnoitre l'état de l’intestin rectum , et d'explorer le fond de la matrice avec une sonde de femme, seuls moyens que nous puissions employer pour jeter quelque jour sur une circonstance aussi douteüse , et dans laquelle nous étions si mal servis par l’ensemble des signes 'commémoratifs. Les ligatures ayant été Ôtées et la malade replacée dans son lit , elle,se: plaignit de coliques plus fortes qu’à l’ordinaire. Peu calmées par les injections et les fomentations émollientes , elles se prolongèrent dans toute la nuit, et le. len- demain elle se trouva si foible que les Consultans;, prévoyant sa fin prochaine, ne voulurent point la fatiguer par des recherches nouvelles. Elle périt en effet le cinquième jour suivant, et son cadavre ouvert nous fit voir dans le vagin la matrice de grosseur et de consistance ordinaires , engagée toute entière à travers son orifice assez mou pour permettre d’y promener circulairement le doigt, êt formant une gouttière qui avoit dans tous les points de son étendue sept ou huit lignes de profondeur, Du côté du bas-ventre on yoyoit : et 108 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ere une cavité dont les parois étoient formées par la surface externe de la matrice et du vagin renversés , et sur le bord de laquelle reposoient à droite et à gauche l'ovaire et le morceau frangé A qui sembloient prêts à s’y introduire. Cette observation d’un renversement complet et chronique de la matrice , vérifié par l’ouver- ture du cadavre , et qui je crois est unique en ce genre , nous prouve avec évidence, 1.° qu'il ne faut jamais négliger d’en venir à l’examen du toucher toutes les fois que dans un tempérament d'ailleurs bien constitué des pertes soit en rouge soit en blanc , se prolongent au-delà d’un certain terme, 2.° Qu'il faut apporter la plus grande circonspection dans Île traitement des polypes que l’on dit sortir de la cavité de la matrice, soit pour ne les point confondre avec son ren- versement , soit pour éviter de faire porter sur elle les ligatures dans les cas où le polype en se développant auroit entrainé avec lui le fond de cet organe. 3.° Que dans les affections orga- niques de la matrice le diagnostique s’enveloppe “souvent de beaucoup d’obscurité | sur-tout lorsque comme dans le cas dont je viens de parier on invoque inutilement les signes commé= moratifs, L { LÉ CR SUR LA CHIRURGIE, etc. 109 EEE ER RES SnS enr n een eemmennne En effet ces signes ne nous apprenoient rien qui -pût nous faire reconnoiïtre la nature véritable de lPaffection que nous avions à combattre , et d’après leur nullité dans le diagnostique , il étoit difficile de se prêter à l’idée d’un renversement aussi complet de la matrice. Celle d’un polype qui s’y étoit développé pendant la grossesse ou peu de temps après, et qui s’etoit échappé par son orifice , se présentoit plus naturellement, et nous séduisit tous par la liaison qu’elle avoit d’ailleurs avec la suite des accidens qui s’étoient développés. Au reste, cette ligature entreprise que nous nous reprochions comme une erreur, seroit peut- être dans un cas semblable avec plus de hardiesse la seule ressource que l’Art pourroit mettre en usage, puisqu'il est impossible de réduire une matrice aussi complétement renversée , et que cependant sans la réduction ou le retranchement de cet organe les hémorragies continuelles amène= roient bientôt le terme de la vie. Jai déjà été témoin une fois du succès d’une semblable opé= ration faite par un Chirurgien du plus grand mérite , qui lia pour un polype la matrice ren- versée depuis trois années, et qui n’arracha que par cette heureuse erreur la femme la plus aimable mio MÉMOIRES ET OBSERYATIONS à la mort Jente qui la menacoït, : Pai-donc tout lieu de croire que cette opération eût parfaite- ment réussi dans Marianne Roche, si elle eût été entreprise avant l'épuisement complet de ses forces. La matrice d’ailleurs semble moins appar- tenir à l’individu qu’à lespèce , et bien des expé« riences ont prouvé que la nature pouvoit en supporter la perte ‘sans que l'harmonie de ses fonctions en fût sensiblement dérangée, SUR AA GRH PRURGITE ÿ etc MTS OBSERVATION S u'r les bons effets du repos absolu er du régime dans les maladies accompagnées des accidens qui caractérisent les anévrismes internes. Par le Cit. CARRET, ancien Chirurgien- Major de l'Hôpital de Lyon. Dr le courant du mois de Mai 1787, je fus appelé pouf voir un particulier de cette ville, âge de 17 à 18 ans (*}), fatigué depuis plusieurs mois d’une palpitation considérable dans la poitrine, accompagnée d’oppression violente toutes les fois qu’il marchoit, et sur-tout lorsqu'il montoit un escalier, comme aussi lorsqu'il avoit un peu mangé, Je portai la main droite sur le cœur , je crus reconnoître un anévrisme ») à la ‘violence des battemens, à leur rapidité, à la douleur , au sifflement que J'éprouvois à l’oreille pendant tout le temps que ma main appuyoit sur le cœur. (*) De couleur brune, d'un tempérament peu irritable, 12 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS J'interrogeai le malade et ses parens sur la cause de cette maladie ; le malade répondit qu'il en avoit ressenti les premières atteintes aussi-tôt après un vomitif qu’il avoit pris dans le mois de Février précédent , contre une fièvre dont il étoit alors fatigué, et que ce n’étoit que par gradation qu'il étoit arrivé à l’état de souffrance dans lequel je le voyois alors. fe promis aux parens beaucoup d’assiduité , au malade la gué- rison pourvu qu’il fût docile et patient ; j’exigeai de lui qu'il ne sortit pas de son Lit, qu'il ne mangeât que pour ne pas mourir de faim. Le même soir on lui tira une palette et demie de sang du bras droit , le lendemain autant , et pendant Îes six premiers jours du traitement on en tira chaque jour la même quantité, On tint le ventre très-libre à l’aide des lavemens ; on donna pour boisson une infusion de fleurs et de feuilles de bourrache, du sirop de mou de veau, des bouillons de veau , d’escargots , quelquefois un peu de sirop diacode : pour nourriture, un peu de soupe aux herbes cuites à l’eau avec un peu de beurre et de sel, des fruits fondans et bien muürs. Le Lit du malade étoit dans une chambre vaste dont les fenêtres donnoïent sur un grand Jardin. On mem nannanÈÉ SUR LA CHIRURGIE, etc, 11% On renouveloit Pair à volonté ; on changeoïit de temps en temps le malade de lit, mais on le portoit toujours de l’un dans l’autre, et je ne lui permis de mettre le pied à terre qu'après un mois révolu du traitement ci-dessus , auquel je n’avois ajouté que trois nouvelles saignées de bras depuis le sixième jour. Lorsque le malade fut pour la première fois porté de son lit sur une chaise, il éprouva un peu de défaillance ; j’avois cependant pris la précaution de lui faire donner quelques instans auparavant un bouillon de viande et une cuillerée de vin d’Alicante. Je ne permis pas qu’on lui fit respirer des odeurs fortes ; Je fis ouvrir les fenê= tres, je fis agiter l’air auprès du malade avec un éventail, je lui fis mettre les mains dans l’eau froide , et j’appliquai sur le front des linges mouillés. Le lendemain on leva encore le malade , il supporta mieux le transport que la veille; peu à peu il s’accoutuma à ce mouvement qui ne fut pas augmenté pendant quinze jours; mais à cette époque je lui permis de marcher dans la chambre, et toujours en ma présence. Depuis le commencement du traitement la douleur , l'oppression avoient disparues , les bat= H M rit MEMOIRES ET OBSERVATIONS temens étoient sensibiement devenus moins forts , je n’entendois plus de sifflement en appuyant ma main sur le cœur du malade, Nous étions à la fin du deuxième mois de traitement , j’avois augmenté la quanuté de nourriture, le malade _teprenoit un peu de forces ; il demanda à faire quelques tours de promenade au jardin, jy consentis quinze Jours après. On le porta à cette époque au grand air, il le supporta parfai- tement bien, et à la fin du troisième mois il marchoit seul à l’aide d’une canne sans palpita- tion , sans oppression, sans éprouver de batte= ment plus fort que celui qu'on éprouve dans l’état de santé. Ce malade n’est sorti de chez lui qu’à la fin d'Octobre suivant, six mois. après le traitement commencé ; ; 1l a conseryé pendant six mois encore Phabitude de marcher à pas comptés, d’é éviter le grand air dans les temps de pluie et d'orage; il a conservé long- temps Phabitude de se tenir le ventre libre ét les pieds très-chauds. Il est parfaitement guéri; il est père de famille. | Je ne sais si j'ai guéri un anévrisme interne ;. MAIS je sais que j'ai guéri une maladie qui, en avoit tous les symptômes, tous les phénomènes ; et cette observation prouve au moins la nécessité PT LU ston É : ni " SUR LA CHIRURGIE, etc. 115 de ne jamais abandonner à la nature seule les maladies qui paroissent le plus désespérées ; elle prouve encore la certitude de quelques succès contre ces mêmes maladies , avec des soins assidus de la part des gens de l’Art et la confiante persé- vérance des malades (*). . (*) Quoique les symptômes de la maladie qui fait le sujet de cette Observation n’attestent pas d’une manière univoque la dilatation du cœur ou des vais seaux qui lui sont continus; quoique des accidens purement nerveux puissent présenter le tableau d’an état pareil èt même d’un état plus fâcheux , cette Observation n’en est pas moins précieuse dans ses résultats. Le Chirurgien a fait à un anévrisme interne présumé le traitement que le célèbre Valsava appli- quoit avec tant de succès aux anévrismes externes bien reconnus. L’Observation citée par Sabatier dans l'excellent ouvrage dont il vient d'enrichir la Science opératoire, jointe à cellé- ci et. à plusieurs autres. devroit engager les gens de l’Art à diriger beaucoup plus leurs vues sur un moyen qui à l'avantage de sauver les douleurs inséparables d’une opération, réunit le bienfait inappréciable de conserver l'intégrité du corps. Note de MARTIN l'aîné, éditeur. 1 116 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS D Ep à © ——Mijune— Rex Moreau, âgé d’environ 36 ans, d’un tempérament très-sanguin , avoit eu la cuisse droite emportée par un boulet de canon; il guérit de sa blessure , mais quelque temps après il devint paralytique du côté gauche. Il étoit sujet à une oppression habituelle qui se compli- quoit par fois de palpitations dans la région du cœur et d’irrégularités notables dans le pouls; une pulsation habituelle et extraordinaire se fai- soit sentir au-dessus de la mammelle droite. Au bout de deux ans il vint périr presque subitement à l’'Hôtel-Dieu de Lyon. L'ouverture du cadavre fit voir un épanche- ment considérable de sang dans le péricarde, une poche anévrismale à la crosse de l’aorte et une rupture à cette poche dans le point corres= pondant à la cavité du péricarde ; la seconde et la troisième côte contre lesquelles cet anévrisme très-volumineux s’appuyoit étoient usées à leur face interne. Ce fait communiqué par le citoyen Brion a fait naître les réflexions suivantes, dont on sentira aisément l’utilité dans la pratique. L’anévrisme qui a fait périr Réné Moreau étoit-il l’effet actuel de la commotion produite RD TC PE EE D ER PETITE SUR LA CHIRURGIE, etc. 117 0 UN ARRePnNU., par le boulet qui lui emporta Îa cuisse? ou bien étoit-il arrivé consécutivement par la surabon- dance et le reflux du fluide sanguin, qui n'ayant plus à nourrir l’extrémité soustraite devoit réagir sur ses propres vaisseaux avec une force aug= mentée du produit de celle qui se perdoit dans cette extrémité ? Quoiqu’on ait lieu de penser que la commo- tion qui produisit l’hémiplégie produisit également la séparation primitive des fibres vasculaires de l'aorte dans le cas de Réné Moreau , la seconde hypothèse n’en est pas moins conforme au rai- sonnement et à l’expérience. La nature a mesuré la force des organes et la quantité des fluides nourticiers à l'étendue et au nombre des parties qui ont besoin de nutrition. Si quelques-unes de _ces parties sont Ôtées subitement , la nature ne peut pas avec la même rapidité diminuer propor- tionnellement la force sécrétoire des organes et la masse des fluides. Aussi voit-on après Îles grandes amputations Île malade prendre un em- bonpoint excessif, malgré la précaution à laquelle les bons Praticiens ne manquent pas de le tenir long-temps à une diète rigoureuse. Les fastes de l'Art sont remplis d'exemples de sujets morts d’anévrismes internes consécutifs à l’'amputation H 3 118 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS d’un membre considérable, et nous croyons inutile d’accumuler sur ce point des citations superflues. Il nous suffira, pour établir la vérité de ce que nous annonçons sur la perte sanguine, de rap- porter l’exemple d’une femme très - âgée, d’un tempérament foible et cacochyme, qui, ayant perdu ses menstrues depuis plus de dix ans, les vit reparoïtre à la suite de lamputation d’une cuisse qui lui fut faite dans le courant de la présente année à PHôrel-Dieu de Lyon. Ce fait, ainsi que bien d’autres, soumis aux -règles du raisonnement, sert à établir en principe que les grandes pertes de sang soit naturelles soit artificielles, sont nécessaires au succès du trai- tement qui suit les grandes amputations , et que la saignée avant et après l'opération, la diète rigoureuse et le repos doivent être employés avec obstination , jusqu’à ce que la nature ait accommodé le ton des organes et la quantité proportionnelle des fluides au défaut de besoins et d'espace occasionné par la perte d’une partie considérable de la machine humaine. MARTIN l'ainé, dd (hd ps SUR LA CHIRURGIE, etc. 119 O:BISE.R V:A TI O Na: SUR un fongus du sinus maxillaire. ré D + À -—amem—— —— Le Cit. Syzvi, Chirurgien à Grenoble, a commu niqué à la Société cette observation ; comme ellé se fie avec le fait dont notre callégue CARTIER nous rendit compte dans la Séance consécutive , nous la réunirons dans le même cadre. N R por Un enfant de la campagne des environs de Grenoble portoit depuis trois ans un fongus énorme dans le sinus maxillaire gauche. Il fat porté à l'Hôpital civil de Grenoble dans le cou- rant de Décembre 1775. Le citoyen Sylvi ne put obtenir que des détails peu circonstanciés sur l’origine et l'accroissement successif de la tumeur. si | | Il apprit seulement qu’un point douloureux s’étoit d’abord fait sentir dans la fosse canine sens engôrgement où empatement quelconque ; que six mois après on apperçut un gonflement au-dessous de: la-pommette , lequel fut regardé H 4 ne a EE ñ20 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS et traité comme une fluxion phlegmoneuse , et qu'après plusieurs remèdes inutiles on avoit aban- donné le mal aux soins uniques de la nature. La tumeur étoit de la grosseur et de la forme d’un petit melon ; elle occupoit tout le côté gauche de la face , depuis l’angle de la mâchoire inférieure jusques au procès demi- circulaire du temporal ; elle étoit coupée dans son milieu d’un sillon transversal produit de la résistance qu'avoit opposé à son développement larcade zigomatique. Le globe de lœil gauche étoit entiérement hors de l’orbite et frappé d’une cécité absolue. La tumeur, après avoir rompu les barrières que lui opposoit l’apophyse palatine , s’étoit répandue dans la bouche qu’elle remplissoit en partie et se prolongeoit assez avant dans le pha- rynx pour gêner beaucoup la déglutition. Extérieurement la peau qui recouvroit ce pro- disieux fongus étoit pâle , distendue et émaillée. Une salive mêlée de pus couloit à travers les parois de la bouche continuellement ouverte, et complétoit ainsi le hideux tableau que nous venons de tracer. L'évaluation des forces du malade ne présen= EE EE NI SUR LA CHIRURGIE, etc 121 toit pas beaucoup d’apparence de succès pour l’extirpation de la tumeur ; cependant l'immi- nence des accidens y décida. On plaça entre les dents du côté droit un speculum oris; on porta, au moyen de linstru- ment de Desault, une ligature sur le pédicule de la tumeur (*}). L’Opérateur l'ayant fixé de cette manière , promena sur la base de la tumeur de droite à gauche et au niveau de la voüte pala- tine , un bistouri droit dont la lance étoit fixée sur le manche. Cette incision débarrassa la bouche, mais il restoit la partie de la tumeur qui avoit poussé ses végétations dans les fosses zigomatiques et temporales : en vain l’Opérateur passa le doigt index et le médius à travers l’ouverture de la voûte palatine qui communiquoit dans le sinus ; il s’apperçut qu’il lui étoit impossible d’extratre par cet endroit le reste très-considérable du fongus. oo (*) L'Observateur n’a point dit de queile manière il parvint à placer cette ligature ; le volume et le siége de la tumeur durent rendre cette opération difücile : il dit simplement qu'il ramena les porte-nœuds de derrière en devant, Note de l'Éditeur. 2 2 RS 222 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS SAN ere NET “PRE Il se décida alors à pratiquer dans le milieù de la région temporale une incision longitudinale d’un pouce ; la tumeur étant isolée fut saisie et extraite par cette voie, partie avec les doigts, partie avec les pinces. Quoique lhémorragie füt peu conséquente ; on passa à plusieurs reprises par l'ouverture exte- rieure un cautère rougi à blanc, et cela dans Fintention de consumer ou de livrer à la suppu- ration les parties ou les racines du fongus qui aurojent échappé à l’extraction. Le malade survécut de vingt-deux jours à opération. La diathèse purulente s’étoit emparé de ses humeurs , et son corps affoibli par Îa longueur du mal et la difficulté des digestions, ne put résister à l’action de la fièvre lente qui commença avec la suppuration, et fut encore augmentée par la quantité de sanie qui passoit dans l'estomac mêlée avec la salive. | La même opération a été faite avec plus de succès à l'Hôtel-Dieu de Lyon. Le citoyen Petit avoit fait l’extraction d’un fongus considérable situé dans le sinus maxillaire : ce fongus avoit poussé des végétations dans la fosse temporale par dessous l’arçade zigomatique ; SUR LA CHIRURGIE, etc. 123 l'Opérateur essaya vainement de les attirer à soi par la première incision , espérant que la suppu- ration les entraîneroit avec d’autant plus de facilité qu’elles se trouveroient privées de vie par leur séparation d’avec le corps du fongus ; il les laissa en place. : Au bout d’un certain laps de temps on s’apperçut que ces végétations , semblables aux souches d’une plante parasite, jouissoient d’une vie païti- culière et étoient disposées à s’accroitre : alors le citoyen Cartier se décida à pratiquer une in- cision dans le centre de la fosse temporale pour extraire les végétations fongueuses , et cette seconde opération fut suivie d’un succès entier et prompt. MARTIN l'aîné, éditeur, 124 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS O BS'ER V'AT TOR Sur un déplacement de l'extrémité infe- rieure du rayon sur la partie antérieure de celle du cubitus. Par le Cit. MarTix le jeune, Chirurgien désigné Major de l’'Hospice de la Charité de Lyon, ne Te PE mena Ur maladie qui survient rarement resteroit long- temps inconnue , si parmi ceux qui la rencontrent il ne se trouvoit point d'Observateurs assez atten- tifs pour en bien distinguer les signes , et assez amis de l’Art et de l’humanité pour rendre leurs observations publiques. Cette réflexion nous pa- roit applicable au déplacement de lextrémité inférieure du radius sur le cubitus; on n’en trouve jaucun vestige dans les ouvrages des Anciens , et il n’en est point fait mention dans les excellens traités des maladies des os des célèbres PETIT et DUvVERNAY. Cette maladie peu connue, même de nos jours, parce qu’elle n’est pas fréquente , seroït encore dans l’oubli le plus absolu, si un homme que la Chirurgie regrettera lons-temps n’en eût pas fait l’objet sé Mia. ES SUR LA CHIRURGIE, etc, 125$ EEE d’un Mémoire rempli d'intérêt , dont on trouve l'extrait dans son Journal de Chirurgie, La des- cription qu’il en donne est le résultat sévère de l'observation ; cependant , lorsque son Mémoire fut connu , des hommes célèbres ne craignirent point de taxer de chimère la maladie qui en faisoit le sujet. Il appartient donc aux gens de V’Art qui seront assez heureux pour la rencontrer dans leur pratique, d’unir leurs observations à celles de l’ingénieux et savant DESAULT , pour établir le diagnostique d’une luxation dont on s’est efforcé de démontrer limpossibilité, quoique la disposition anatomique ne laisse aucun doute sur la facilité avec laquelle elle peut se faire. Nous ne transcrirons point ici littéralement les raisons qu'il a données pour étayer la possi= bilité de ce déplacement , on peut les Lire dans son Journal ; nous nous bornerons à dire , que toutes les causes capables de porter la main dans une pronation forcée pourront luxer en devant extrémité inférieure du rayon sur le cubitus, et que toutes celles qui porteront la supination au-delà des bornes prescrites à ce mouvement Île luxeront en arrière : c’est sans doute à l’action de ces premières causes quest due la luxation dont nous rapportons l’exemple, - - e - PRE EN. 526 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS RÉ « Louis Cumin, âgé de neuf ans ; tomba d’un premier étage en voulant fermer un volet; sa man gauche appuya sur le sol et devint le point de support du corps. L'enfant n’a pu nous dire dans quelle direction elle porta ; mais la maladie qui en a été la suite semble nous assurer que ce fut le dos de la main dans le sens de la pronation, ‘Apporté à l'Hôtel - Dieu, 1l fut placé dans un des numéros dont je suis chargé. Un gonflement énorme autour de l'articulation du poignet, la main dans la pronation , un enfoncement ou plutôt une courbure du côté radial sembloit annoncer la fracture de l'extrémité inférieure du rayon ; Je la soupçonnal, sans faire cependant aucune tentative pour la reconnoitre, à cause du gonflement qui existoit. Les émolliens appli- qués pendant vingt Jours ayant dissipé Pengor- gement, je n’eus pas de peine à distinguer la maladie que Desault a décrite dans son Journal, sous le nom de /uxation de l'extrémité inférieure du rayon sur le cubitus. Voici quels furent les signes qui me la firent reconnoîitre : La main étoit dans une forte pronation, et il devenoit tout-à-fait impossible de la ramener dans la supination ; les mouvemens de! flexion et d’extension étoient aussi difigilés que dou- SUR LA CHIRURGIE, etc. 127 A loureux , celui. de flexion sur-tout. étoit très= gêné , parce que l’extrémité inférieure du rayon rencontroit la première rangée des os du carpe qui s’opposoit à son exécution; la main formoit avec l’avant-bras une courbure dont la conca= vité regardoit le côté radial ; on sentoit distincte- ment lapophyse styloide du cubitus, et l’on cherchoit en vain celle du rayon ; on trouvoit à sa place un vide ou plutôt un enfoncement ; on sentoit une saillie en-devant et un peu en- dehors de l'extrémité inférieure du cubitus : cette éminence avoit la dureté osseuse et représentoit assez exactement la forme de l’extrémité infé- rieure du rayon ; et lorsqu’en partant de ce point on suivoit la direction de ce dernier os, on le sentoit distinctement croisant comme en sautoir: celle du cubitus. Tous ces signes, joints à l’ab- sence de ceux qui pouvoient indiquer la fracture de extrémité inférieure du rayon ou la luxation en- dedans des deux os de l’avant-bras avec le poignet , ne me laissèrent aucun doute sur l’exis- tence de la luxation en-devant de lextrémité inférieure du rayon. Les Cit. Petit et Cartier à qui je la fis voir la distinguèrent aussi-tôt et on ajourna la réduction u lendemain, Elle fut faite de la manière sui- 128 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS vante , en présence des Chirurgiens internes et des nombreux Élèves qui suivent les cours et la pratique de cet Hospice. Un Aüïde retint l'extrémité inférieure du bras tandis qu’un autre gradua des extensions sur le poignet; pendant ce temps le citoyen Petit empoi- gnant les deux os de l’avant-bras, les écartoit avec le pouce, et repoussant par cette manœuvre l'extrémité inférieure du rayon dans sa place , faisoit ramener la main dans la supination sans cesser l'extension; par ce procédé 1l replaça le rayon et la difformité disparut. Il est aisé de sentir pour- quoi la contre-extension fut faite sur le bras et non sur l’avant-bras : si on l’eût placée surce dernier, non-seulement on auroit déterminé lirritation et par suite la contraction de ses muscles , mais encore on auroit pressé le rayon sur le cubitus ; ce qui se- roit devenu un nouvel obstacle au replacement. » M. Desault a observé que cette luxation se réduisoit avec aisance , mais se contenoit diffi- cilement. Notre Observation n’a pas confirmé Vassertion dans son entier de ce grand Maître, et ce n’est que par des efforts considérables et répétés que l’on est parvenu à remettre los luxé. Quant à la facilité avec laquelle le déplace- ment s’opère de nouveau , si le rayon n’est pas retenu trente nn menant SUR LA CHIRURGIE, etc. 129 — retenu par un bandage , nous croyons en trouver la cause 1.° dans la rupture de la capsule dont l'intégrité est indispensablement nécessaire pour retenir cet os en sa place ; 2.° dans la dispo- sition des surfaces articulaires peu enfoncées au rayon, atrondies au cubitus, recouvertes dans Pun et l’autre d’un cartilage diarthrodial très- glissant ; 3.° dans la contraction du quarré pro- nateur qui placé au lieu même où se fait la luxation ne trouve plus dans son attache au rayon cette résistance , cette fixité qui naît de l'existence de la capsule , l’entraîne avec aisance dans le sens où la force luxante l’avoit d’abord porté. En examinant sur le cadavre les effets de cette luxation , nous avons observé qu'après avoir rompu ou coupé la capsule , le radius se portoit par le plus léger mouvement de pronation au- devant du cubitus, et qu’il falloit forcer beaucoup la supinaticn pour le déplacer en arrière. . Du résultat de cette expérience, comme aussf de la disposition des surfaces articulaires , de la force des muscles qui meuvent les os , du sens où ils les dirigent, nous nous croyons en droit de conclure que la luxation en devant doit arriver plus fréquemment que celle en arrière. En effet L) 130 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS —— on sait que les muscles qui opèrent les mouves mens de supination, ne sont pas disposés pour agir aussi efhcacement que ceux destinés à la pronation ; que lors de ce dernier mouvement le rayon tend à se porter au-devant du cubitus, tandis que dans la supination il ne fait que reprendre sa place première , c’est-à-dire affecter une espèce de parallélisme avec le cubitus, qui dans les mouvemens semble rester immobile et devenir l’axe sur lequel tourne le radius: cepen- dant les expériences sur le cadavre semblent nous ‘avoir convaincus que toutes les fois que le rayon se luxoit en devant où en arrière , il tendoit à déplacer un peu le cubitus en sens £onträire à son déplacement, c’est-à-dire que s’ilse luxoit en devant, il portoit un peu le eubitus en arrière , et vice versé lorsqu'il se luxoit dans l’autre sens, 4 Les mêmes expériences nous ont encore faif observer que l'extrémité inférieure du cubitus plus grêle et plus foiblement retenue par Îa raisons qu’elle offre moins de surfacé pour lattäché des ligamens qui la fixent, doit se luxer avec facilité et au moins aussi fréquemment que celle du rayon. Je n’ai jamais vu cette [uxation; mais Un Praticien distingué de Paris m’a dit l’avois "+. SE Si, SUR LA CHIRURGIE, etc. 13E “vue une fois, et le citoyen Petit l’a aussi ren- contrée chez trois sujets confiés à ses soins dans l'Hôpital dont 1l est chef, Mais , en revenant à notre sujet, nous pensons -que, pour contenir réduite la luxation en devant du radius , il faut fixer la main dans la supina< tion, et par des compresses placces graduellement en avant, maintenues par un bandage roulé, forcer :à l’inaction les muscles qui tendent à déplacer particuliérement le quarré pronateur. Ces moyens sont ceux que nous avons mis en usage avec succès chez le sujet de notre Observations nous croyons cependant qu’on pourroit y ajouter dans quelques circonstances une attelle, qu’on placeroit au-devant de l'avant-bras et de ia main, et qui retenue par un bandage s’opposeroit à toute espèce de mouvement, Louis Cumin entré à l'Hôpital le 3 Nivose, en sortit le 18 Pluviose, n’ayant presque aucune difformité dans l'articulation du poignet, exécu- tant cependant les différens mouvemens avec un peu de pêne; ce que nous avons cru pouvoir attribuer à une roideur occasionnée par la rupture de la capsule, à la distension des autres portions ligamenteuses et membraneuses qui entourent I 2 332 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Particulation , et à une inaction de presque un mois et demi. Cette maladie méconnue ou mal traitée doit entrainer après elle une suite de circonstances fâcheuses , telles que la difformité de l’articula- tion , la perte des mouvemens de supination et de pronation , et celle presque totale de flexion, par une raison que nous avons donnée plus haut. Cette affection est donc très-grave, et r’est-on pas en droit de conclure quänconnue jusques à Desault et prise sans doute pour une violente entorse, on a dû bien souvent attribuer à cette dernière maladie des accidens qui ne lui appar tenoient point à SUR LA CHIRURGIE, etc. 133 a — Reel: P'ORLUT F1A1T à la Société de Médecine , sur une luxation du radius sur le cubitus ; pré- sentée par le Citoyen MARTIN le jeune, em REG QD MERE —— L E citoyen Martin le jeune ayant communiqué à la Société une Observation sur un déplacement de la partie inférieure des os de Pavant-bras, dont les exemples sont assez rares et dont la possibilité a été contestée, les citoyens Mothe et Dussaussoy furent chargés d’en faire le sujet du présent Rapport. « Un enfant mâle âgé de neuf ans tomba d’un » premier étage sur la main gauche qui supporta # tout l'effort d’une chute aussi grave , et pré- serva ainsi le reste du corps d’accidens plus dangereux. + » Cet enfant est apporté à lHôtel - Dieu; » lObservateur qui nous a laissé ignorer combien » de temps après la chute sa translation fut » faite ; reconnut qu'il existoit un gonflement I 3 2 co D D DCE ES 134 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS EEE 0 OT RESSENTI E EE Nour oae 9? 5) » ce DA prodigieux autour du poignet ; que sa main étoit dans la pronation , et qu'il y avoit une courbure ou concavité du côté radial, » Il soupçonna que le rayon étoit fracturé dans sa partie inférieure; mais 1l négligea pru- demment de faire exécuter les mouvemens qui pouvoient démentir ou réaliser les soupçons ;, à raison de la tension douloureuse des parties engorgées qui devoit les interdire dans ces premiers instans. » Les cataplasmes émolliens furent prodigués , et ce ne fut qu'après vingt-un jours révolus de leur usage qu’on put s'assurer de espèce de désordre que l’Observateur reconnut alors pour la maladie que feu Desault a décrite sous le nom de /uxation de la partie inférieure du rayon sur los du coude. Voici quels étoient les signes de ce déplacement : | » Premier signe. La main étoit dans une forte pronation, et il y avoit impossibilité de la ramener dans la supination. » Second signe. Les mouvemens de flexion et d'extension étoient douloureux , difiiciles et très-gênés , celui de flexion sur-tout à raison de la saillie que faisoit Pextrémité inférieure À SUR LA CHIRURGIE, etc... 13% » du radius du côté de la paume de la main en + » appuyant sur la première rangée du carpe, » Troisième signe. La main formoit avec l’avant- bras une courbure dont la concavité regardoit le côté radial. » Quatrième signe. On sentoit distinctement Papophyse styloide du cubitus ; celle du radius avoit disparu, à sa place existoit un enfon- cement. » Cinquième signe. On voyoït une éminencé en devant et un peu en dehors qui avoit là dureté osseuse et représentoit assez exactement la forme de l’extrémité inférieure du rayon; et lorsqu'en partant de cette éminence on suivoit la direction de ce dernier os, on le « sentoit distinctement croisant en sautoir celle » du cubitus. PP: LA » L'Observateur fortifia son opinion de celles des citoyens Petit et Cartier nos colléoues, qui reconnurent comme lui le déplacement du rayon sur le cubitus , et la reduction à laquelle ils procédèrent ensemble s’obtint avec assez de peine de la manière suivante : » L'extension et la contre - extension étant faites sur la partie inférieure du bras.et sur l@ [ 4 Goma 2 OP TR TT RÉ ÉR 136 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS 6 # main et le poignet, l’Opérateur empoigna les 5 deux os de l’avant-bras , les écarta avec le » pouce de chaque main , repoussa par ‘cette » manœuvre lextrémité inférieure du rayon # dans sa place, ramena ainsi la main dans la # supination et rendit à la partie sa conformation » naturelle. » Cette conformation fut conservée par un 5 bandage approprié, et l’enfant sortit de l’'HÔ- » pital après quarante-cinq jours de traitement, # n'ayant presque aucune difformité dans larti- + culation du poignet dont les mouvemens étoient » cependant plus bornés que dans l’état naturel. » Avant d’asseoir notre jugement sur l’espèce de luxation qu'a éprouvé l'enfant qui fait le sujet de l’Observation dont nous venons de présenter une analyse exacte , nous devons rendre hommage à quelques vues de Chirurgie clinique dont Île citoyen Martin a cru devoir l’enrichir, lesquelles si elles ne sont pas également neuves n’en portent pas moins l’empreinte de l’expérience la plus éclairée et la mieux réfléchie, Tel est, 1°. l’emploi des topiques émolliens appliqués sur une articulation gonflée et meurtrie dans les premiers momens de l'accident, et conti- à or rm or D SUR LA CHIRURGIE, etc. 137 D nués avec persévérance sans aucun mélange de substances résolutives jusqu’à la parfaite disparu tion de l’engorgement qui eut lieu le 21° jour de la chute ; méthode bienfaisante qui a sauvé le petit malade de l'inconvénient qu'il auroit couru d’être estropié le reste de sa vie par l’ap- plication d’une méthode contraire, en ménageant au ministre de l’Art l'avantage inappréciable et vraiment très-rare de réduire une luxation trois se- maines après l’événement qui l’avoit occasionnée , méthode qui n’a fait encore que très-peu de prosélytes, tant a été universel jusqu’à nos jours Pusage inconsidéré des répercussifs, réfrigérans et des résolutifs spiritueux sur toutes les contu- sions , sans distinction de celles qui arrivent aux organes abondamment pourvus de fluides albu- mineux , de tendons et de ligamens sur lesquels ces sortes de topiques doivent faire naître des imconvéniens très-graves. Telle est en second lieu l'idée précieuse conçue par le citoyen Martin, de faire porter les efforts de lPextension et de la contre-extension sur d’autres parties que sur le membre dont les os étoient luxés , dans la crainte très-fondée que ces efforts en pressant le rayon sur le cubitus ne devinssent un obstacle de plus à leur replace- er 138 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS PE orme ue US ment, par la raison bien simple que POpérateur pour ramener les os dans leur place respective, devoit d’abord s'occuper de les écarter l’un de l’autre pour faire cesser leur entre-croisement qui étoit un des effets immédiats de la luxation. _ Telle est en troisième lieu Padoption qu'il 4 faite après la réduction de la luxation de Louis Cumin , d’un appareil contentif capable de retenir lavant-bras dans la supination ; en ce qu’il a fait revivre par un pareil choix le principe du traite- ment des luxations en général, qui veut qu’après leur réduction l’effet des bandages pour les main- tenir réduites soït d'empêcher les mouvemens qui ont provoqué le déplacement. Maïs Louis Cumin a-t-il eu une simple luxa- tion du radius sur le cubitus, comme l’a énoncé PObservateur ? Mais cette luxation telle que l’a vue le citoyen Martin, telle que l’a décrite Desault , est-elle bien possible ? se fait-elle isolément , ou bien n’est-elle qu’un effet nécessaire et consécutif de dérangemens plus notables dans les articulations voisines , sans lesquelles elle ne sauroit avoir Leu ? Tels sont les deux problèmes que nous avons + née édit RE EE SAGEM | -UU MONTTRS SUR L4 CHIRURGIE, etC.l 139 essayé de résoudre pour les soumettre ensuite à la discussion lumineuse de la Société. Et d’abord dans l'observation de Louis Cumin communiquée par le citoyen Martin, nous voyons que la chute que fit lenfant et la manière dont la paume de la main se présenta à la sur- face de la terre dont il chercha machinalement à se faire un point d'appui, a dü produire une extension forcée du poignet, un renversement de la main sur l’avant-bras, d’où résulta un dépla- cement du radius dans son union avec les os du carpe. Cette supposition purement kyporhétique d’après le mécanisme présumé de la chute du malade, acquiert un grand degré de probabilité, lorsqu'on se rappelle les vices de conformation que .la partie frappée offrit dans les premiers momens aux sens de l’'Observateur. En effet le citoyen Martin nous a dit, en décri- vant les principaux signes de la maladie : « Les » mouvemens de flexion et d’exrension étoient » douloureux, difficiles et très-ênés , ceux de » flexion sur-tout à raison de la saillie que fusoit » l'extrémité inférieure du radius du côté de la # paume de la main, en appuyant sur la pre= EE RECU OC CNE ER SNEER ERERRE :— 140 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS # mière rangée des os du carpe. » Il nous dit encore : « On voyoit une éminence en devant et »# un peu en dehors qui avoit la dureté osseuse » et représentoit assez exactement la forme de » l'extrémité inférieure du rayon. » Ainsi , d’après les signes les plus saïllans de la luxation présumée exister chez l’enfant Cumin, c’est-à-dire d’après ceux qui ont le plus frappé Observateur qui les a recueillis, les mouvemens de flexion de la main sur le poignet étoient bornés par une éminence osseuse qui faisoit saillie du côté de la paume de la main ; et cette éminence au jugement du citoyen Martin, très-habile Ana- tomiste, représentoit exactement la forme de l'extrémité inférieure du rayon. Or , d’après les propres expressions du Citoyen Martin , il paroit incontestable, 1°. que l’un des deux os de l'avant-bras avoit perdu ses rapports avec les os du carpe, puisque l'on appercevoit une extrémité osseuse qui faisoit saillie vers la paume de la main; 2.° que cette éminence contre nature étoit formée par le rayon, PObser- vateur ayant parfaitement remarqué dans cette éminence les formes qui sont particulières à l’ex- trénuté inférieure de cet os. SUR LA CHIRURGIE , etc. 141 Que dans cet état de choses que nous croyons être précisément celui de la maladie de Louis Cumin lorsqu’il fut apporté à l’'Hôtel-Dieu , l’ac- tion convulsive du muscle quarré pronateur eut entraîné l’avant-bras dans une forte pronation, qu’il eut déterminé le rayon et l’os du coude à se croiser en sautoir l’un sur l’autre , le seul des événemens d’autant plus possible que la même cause qui luxa le radius sur les os du poignet a bien pu , en prolongeant ses effets destructeurs, rompre également les ligamens qui unissent entre elles les extrémités inférieures des os de lavant- bras , favoriser ainsi leur désunion et établir la luxation du radius sur le cubitus, corrélativement à la luxation du radius sur la première rangée des os du carpe. D’après cette manière de raisonner , le phé- nomène du déplacement des os du poignet entre eux et avec la première rangée des ‘os du carpe ; nous ne pouvons admettre l’espèce nouvelle de luxation décrite par Desault et dont le Cit. Martin a cru nous fournir un exemple sur lindividu de Louis Cumin que comme un accident et une complication de la fuxation de l’un des deux os de Pavant-bras sur la première rangée du carpe ; car tant que l'extrémité inférieure du radius ou du 142 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS cubitus conservera ses rapports et ses moyens d'union avec cette première rangée, il paroit de toute impossibilité qu'il existe entre les deux os de l’avant-bras d’autres déplacemens qu’un sim- ‘ple écartement caractérisant la maladie connue ‘sous le nom de diastasis , et le diastasis n'est pas une luxation. ; ? C’est sans doute une assertion très-hardie que celle qui tend à faire révoquer en doute une découverte consacrée par la réputation d’un Au- teur célèbre qui a dù attacher à ses opinions particulières un grand nombre de prosélytes par Jeffet naturel de l’enseignement public, auquel il fut livré avec distinction pendant de longues années : car , n’en doutons pas, dans les sciences pratiques comme dans les sciences morales il est peu d’hommes qui s'imposent la loi de voir “autrement que par les yeux du maître. . Mais la gloire de Desault ne sauroit s’obscurcir par le doute que nous élevons ici ; il nous semble seulement que ce savant Chirurgien auroit donné plus de consistance à sa découverte , qu’il P’auroit préservée des censures amères qu’elle éprouva, “sil eût donné une définition plus exacte de'ce qu’il entendoit par sa luxation du radius sur le gubitus ; s'il eût rappelé aux Observateurs et aux É - : A SUR LA CHIRURGIE , etC4 143 Si TT cu de RS Praticiens que les Anciens, en traitant des luxas tions du poignet , les avoient envisagées comme si l’avant-bras n’étoit composé que d’un seul os : car alors chacun auroit pu se convaincre, en lisant les observations de Desault , telles qu'elles sont rédigées dans son Journal de Chirurgie, que toutes sont relatives à la luxation particulière de l’un des deux os de Pavant-bras, et chacun aussi auroit pu en tirer cette induction précieuse, que, pour saisir tous les signes des différentes luxations du poignet et bien s’entendre sur leurs différences, 1l falloit nécessairement les distinguer, 1.° En celles où sont comprises en même temps et dans le même sens les deux os de Pavant-bras ; 2.9 En celles où il n’y a que l’un des deux os de déplacé ; 3.° En celles enfin où le radius et le cubitus sont déplacés, à la fois, mais dans un sens opposé. Cette distinction fut peut-être bien sentie par Desauit , soit d’après l’examen approfondi de la structure anatomique des articulations du poignet qui lui en fournit sans doute la première idée, soit d’après les faits de pathologie chirurgicale qui furent soumis dans la suite à sa surveillance ; 144 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS mais cette distinction n’a pas été saisie par tous les lecteurs, parce que Desault négligea de la faire ressortir par une dénomination plus con- forme au véritable caractère de la maladie qu’il présentoit comme nouvelle, laquelle ne consiste pas seulement, comme nous l’avons déjà dit, dans l’entre-croisement des extrémités inférieures du radius sur le cubitus, mais bien dans la luxation de l’un de ces deux os sur la première rangée du carpe qui décide bientôt cet entre- croisement à un degré plus ou moins consi- dérable, Telles sont les réflexions qui nous ont été suggérées par l’observation de la maladie de Louis Cunun , dans laquelle nous avons reconnu une luxation du rayon en devant sur les os du carpe combiné avec la luxation du radius sur le cubitus., et nous avons trouvé la plus grande analogie entre cette observation communiquée par le Cit. Martinet celle que Desault a désignée dans son journal de Chiruroie , sous le nom de luxation de l'extrémité inférieure du rayon sur los du coude, Dussausso x. OPÉRATION SUR LA CHIRURGIE, etc. 14% OPÉRATION Dr la tulle, suivie d’un épanchement de 4 sang dans la vessie, Par le Cit. Dussaussoy, ancien Chirurgien en chef de l'Hôpital de Lyon, Prsnre Pilaut , âgé de 40 ans, Tailleur de pierre à Villebois ( Départ: de PAin ) vint me consulter , le 26 Mai 1786, pour des douleurs qu’il éprouvoit en urinant, Cette incommodité qui datoit déjà de douze annéés l’avoit peu fatigué pendant un laps de temps assez considérable , parce que les paroxismes de douleur étoient très-courts et laissoient de longues intermittences : depuis dix-huit mois seulement les douleurs don- _noient peu de relâche et étoient par fois accom- pagnées d’urines sanglantes. Je présumai , d’après ces symptômes, que la vessie de ce malade pouvoit bien renfermer un calcul , et mes présomptions se changèrent en gertitude dès que je l’eus sondé, Instruit du genre K Len 2 D mcm D 146 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS de sa maladie , il se décida sur mon invitation à & soumettre à l’opération qui seule pouvoit le guérir ; il y fut préparé , vu sa constitution des plus robustes , par la saignée , les bains , le petit lait et quelques évacuans. Je taillai ce malade, le 17 Juin , en présence de plusieurs Maîtres de l'Art ; l’extraction de la pierre, quoique d’une forme oblongue et très- heureusement chargée , fur pénible et très-dou- loureuse ; les difficultés que j'éprouvai furent moins dues à.son volume ( car le diamètre par où elle fut saisie n’étoit que de quinze lignes) qu'aux aspérités saillantes répandues çà et là sur sa surface ;. ces aspérités se trouvoient principa= lement sur les côtés de ses deux extrémités 5 elles laissoient de légers intervalles entre elles et s’élevoient à peu près à une ligne au-dessus du niveau du corps de Îa pierre. Une heure s'étoit à peine écoulée depuis Île moment de l'opération que l’Élève en Chirurgie auquel j’avois commis le soin de ce malade, me fit avertir de.me. rendre tout de suite auprès de lui. Je le trouvai dans une.agitation excessive, éprouvant des douleurs aiguës dans le ventre, qui étoient interrompues de temps en temps par : L SUR LA CHIRURGIE, etc. 147 ES de légères défaillances. Il n’avoit pas perdu beau- coup de sang, il s’en écouloit encore en petite quantité ,ilest vrai, par la verge et par la plaie; la région hypogastrique à laquelle 1} rapportoit ses douleurs les plus vives , étoit considérable- ment soulevée et tendue, en conséquence du développement de la vessie qui montoit jusqu’à lombilic. » Je portai l’index dans la plaie ; j’atteienis, à sa faveur , jusqu’au-delà du col de la vessie , et je sentis distinctement que sa capacité étoit rem= plie de caillots de sang ; j’y portai à l'instant des injections d’eau tiède , dans l'intention de les délayer et de favoriser leur expulsion : ce moyen ne remplit pas mes vues , Peau étoit repoussée tout de suite au dehors, et les efforts que je faisois pour lintroduire fatiguoient de plus en plus le malade. J’eus recours alors au moyen recommandé dans les pertes utérines compliquées d’inertie de la matrice , accident qui ressembloit assez bien à celui qui étoit dans ce moment l’objet de mis méditations et de mes soins ; je fis des frictions circulaires sur lhypogastre , qui eurent le succès le plus prompt ; çar il n’y avoit pas. encore quatre K 2 143 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS minutes que J'y procédois que la vessie se dé- barrassa d'elle-même par la plaie du sang coagulé qu'elle contenoit en abondance , et se contracta avec tant de force qu’une partie des caillots fur poussée sur le plancher à plus d’un pied de distance du lit sur le bord duquel le malade étoit situé, Je fis continuer les frictions sur le ventre pat un de mes Aides , tandis que je m’occupois de débarrasser la vessie à laide de nouvelles in- jections d’eau tiède, du sang caïllé qui avoit pu échapper à sa contraction; et lorsque je fus assuré qu’elle n’en contenoit plus, ce dont je jugeai par la disparution .de la tumeur de l’hy- pogastre et par le retour de mon injection qui tessortoit sans être colorée , ‘je replaçai le ma- lade dans son lit et lui fis appliquer de la glace pilée sur le ventre et sur les cuisses. L’hémorragie fut arrêtée par ces secours ; Île malade passa tranquillement le reste de la jour- née, dormit quatre heures consécutives la nuit suivante , eut un mouvement de fièvre et quelques tranchées la nuit du troisième au quatrième jour ; qui se terminèrent heureusement ‘par plusieurs selles bilieuses ; les cinquième et sixième jours il prit un peu de nourriture , le septième , les SUR LA CHIRURGIE, etc. 149 urines qui avoient constamment coulé par Îa plaie commencèrent à passer en partie par les voies naturelles. Les douleurs que les taillés éprouvent à cette époque et qui simulent très- bien celles de la pierre, furent accompagnées dans notre malade d’un tenesme dont 1l ne se plagnit que lorsqu'il eut fait à notre insçu des efforts incroyables pour aller à ia garde-robe, efforts qui firent rouvrir la plaie et rappelèrent une hémorragie qui, sans être bien considérable, compromit singuliérement lespoir que j’avois conçu les Jours précédens sur la promptitude de la guérison : en effet dès le même soir les urines ne furent plus partagées et s’échappèrent en entier par la plaie ; il survint de la fièvre , de la diarrhée et des sueurs fétides ; la langue se couvrit de saburre et le pouls étoit foible. L'ensemble de ces symptômes qui annonçoient une atonie générale des solides et une altération manifeste dans les liqueurs fit recourir à l’usage des analeptiques; on y joignit la décoction de quinquina , que l’on rendit purgative tous les deux jours, en lassociant avec l’infusion de rhubarbe. Ce traitement donna des preuves de son effi= K 3 \ 22 ÉD ED ET À xso MÉMOIRES ET OBSERVATIONS cacité peu de jours après qu’on l’eut commencé , et contribua si promptement , de concert avec le régime , à la régénération des forces et aux progrès de la cicatrice, que la plaie fut parfai- tement ouérie le 7 Juillet, et le malade en état de sortir de l'Hôpital le seize du même mois. Dussaussoy. SUR LA CHIRURGIE,etC. 151 di Jo Bas OBSERVATION SUR une hémorragie interne de la vessie. Par le Cit. GUERIN , ancien Chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon. Pour le cours de ma majorité à l’'Hotel- Dieu de Lyon, je taillai un jeune homme de Tournus, âgé de quinze ans, nommé Rivaux. Après les préparations ordinaires, je tirai assez facilement de sa vessie une grosse pierre pleine d'aspérités. Au second jour la plaie, résultat de : Popération , étoit presque guérie ; et lorsqu'il faisoit des efforts pour rendre les urines , il n’en sortoit plus que quelques gouttes par cette issue, Comme :l étoit à la veille de retourner dans son pays, le Médecin de visite ne voulut pas qu'il partit sans avoir au préalable pris une pur- gation ; elle fut administrée , et pendant son effet il fut saisi d’envies fréquentes et incommodes d’uriner sans pouvoir en venir à bout ; il rendoit seulement quelques gouttes d’urine sanguinolente; on lui admimistra en vain les secours indiqués en K 4 352 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS pareil cas , les envies d’uriner devinrent de plus en plus fréquentes et douloureuses. Aux gouttes d'urine sanguinolente rendues par le canal de l’urètre succédèrent des caillots de sang qui en se moulant dans son étendue prenoient la forme d’un ver lombrical; la région de la vessie étoit tendue et douloureuse , il ne Ssortoit rien ou presque rien de la plaie. Ces symptômes indiquoient une hémorragie interne dans la vessie , et la coagulation du sang épanché dans ce viscère ne permettoit pas d’es- pérer qu’il s’évacuât par le canal de l’urètre. J’eus d’abord inutilement recours aux frictions sèches et à l’application de la glace sur la région de la vessie, autant pour susciter le ton de cet organe que pour arrêter les progrès de hémorragie, Le cathétérisme fut aussi vainement employé pour donner issue au fluide épanché. Les accidens alloient en croissant , les forces se perdoient ; alors je me déterminai à ouvrir derechef la plaie du périnée ; et pour le faire avec méthode, après avoir placé le malade dans Ja situation convenable , j'introduisis un cathéter crénelé dans la vessie ; puis plongeant avec vio= (] U Es re armes SUR LA CHIRURGIE, etc. 153 er ç Jence mon doigt indicateur à travers la cicatrice éncore récente, j'arrivai non sans peine dans l'intérieur de la vessie. Un énorme caïllot la remplissoit, je le divisai et le brisai en plusieurs sens du mieux que je pus. À peine mon doigt étoit sorti que le sang jaillit en abondance ; quelques injections aidèrent à débarrasser entiérement la vessie. Quinze jours après cet événement, le malade sortit de l'Hôpital complétement guéri. Je ne doute pas que la purgation inutile qui lui fut donnée plus par esprit de routine que pour le besoin qu'il en avoit, ne füt la cause de cette hémorragie. Je pourrois citer plusieurs faits qui tendroient à justifier mon opinion sur ce point, si les pro- grès ultérieurs de la Médecine n’avoient depuis long-temps réduit à sa juste valeur l’habitude 1r- rationnelle de purger au commencement de toutes les convalescences, Quant au moyen que j’employai pour remédier à cet accident, outre qu'il étoit impérieusement commandé par l’imminence du danger, c’étoit je crois le seul auquel on püût avoir recours dans un ças semblable; car ilen est de la vessie comme re CC . — ” _ 154 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS. de lutérus et des autres muscles creux; les hé- morragies qui y surviennent ne s’arrêtant que par l’effet de leur contraction spontanée, cette contraction ne peut avoir lieu tant que la pré- _sence du sang coagulé y met obstacle, SUR LA CHIRURGIE, et 155 OBSERVATION SUR un dépôt situé à la partie supérieure externe de la cuisse droite, survenu à la suite d'une maladie de l’épine, terminé par résolution. Par Davip. RE OS Cme— Mine Louvet, âgée de 20 ans, ressenitit dans le courant du mois de Mars 1780 , une douleur sourde à la réoion lombaire, sans qu'aucune cause sensible eût paru la précéder. Dans les premiers instans cette douleur étoit légère et ne l’empê- choit pas de vaquer à ses occupations ; mais elle augmenta graduellement dans l’espace de deux mois , et vint au point de ne pas permettre le moindre mouvement de la colonné épinière. L’accroissement rapide des accidens détermina la malade à garder le lit; mais à peine eut-elle pris quinze jours de repos, que les douleurs étant un peu calmées , elle crut pouvoir reprendre le cours de ses travaux ordinaires; elle ne tarda pas à 156 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS se repentir de cette imprudence ; les accidens reparurent avec plus de force que dans le premier instant. Malgré l’augmentation des douleurs , elle se persuada qu’il falloit les surmonter , et que le mouvement feroit autant pour sa guérison que le repos dont elle avoit pourtant déjà ressenti Pefficacité : elle évitoit seulement de mouvoir le tronc , parce que la plus foible inclinaison lui causoit des douleurs insupportables. Un jour , après s'être un peu fatiguée à la marche, il lu survint tout à coup une tumeur à la partie supé- rieure et externe de la cuisse droite. Ce nouvel accident diminua la difficulté des mouvemens du tronc ; mais en revanche il lui Ôta tellement la faculté de marcher qu’elle fut derechef forcée à garder le lit. Deux mois après elle vint à PHôpital de Rouen ; la tumeur étoit alors telle- ment augmentée qu’elle excédoit le volume de la tête d’un enfant ; la peau qui la recouvroit n’avcit rien perdu de son caractère naturel , elle étoit insensible. Cette tumeur ne pouvoit cependant être considérée comme une tumeur par congestion ; on jugea que c’étoit un véritable phlegmon produit par une inflammation antérieure dans le point douloureux de l’épine, et que le pus avoit quitté son premier domicile en tom- L SUR LA CHIRURGIE,eC. 157 bant par l’eflet de sa pesanteur sur la partie où la tumeur. étoit saillante, L’évacuation pa- roissoit au premier coup d’oœil la seule indication à remplir; mais les accidens inséparables de l'accès de l’air dans un foyer de cette étendue, déterminèrent à abandonner le soin de cette maladie à la nature, ou tout au moins à en attendre l’ouverture spontanée par l’émincement progressif des parois de la tumeur. On défendit absolument toute application de topiques ou de bandages , et bientôt on eut à se louer d’avoir pris ce parti; on put appercevoir dans ce cas combien la nature sait se ménager de ressources dont nous serons toujours les témoins et les admirateurs, sans que notre art puisse jamais parvenir à l’imiter. Dans l’espace de trois mois, cette énorme tumeur fut insensiblement résoute sans que la malade éprouvât le moindre déran- gement dans ses fonctions ; la colonne épinière dont les mouvemens étoient auparavant extré- mement gênés, revint aussi dans son état naturel Par quelle voie se fit cette étonnante résorption à C’est une question à laquelle la Physiologie ne pourra Jamais donner que des réponses hypothé- tiques. La malade étant parvenue dans l’état que EE Ed 158 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS “nous avons décrit, se crut absolument guérie : en vain on hu conseilla de garder encore quelque temps le repos , et äe laisser à la nature le soin de consolider son ouvrage ; elle se fatigua d’une aussi longue inaction, et voulut essayer ses forces par une longue promenade. Mais, soit que la guérison ne fût pas encore achevée , soit qu’elle füt trop récente , deux jours de marche détruisirent le bienfait de la nature. Une nou- velle tumeur reparut dans le même endroit avec _ des symptômes bien différens. La première étoit indolente , la seconde avoit tous les caractères des tumeurs inflammatoires. Elle fut recouverte d’un cataplasme émollient pour tempérer les acci- dens , et huit jours après l’application de ce topique , il s’y fit une petite ouverture qui donna issue à plus d’une bouteille d’un pus sanguinolent et fétide : cette évacuation procura un soulage= ment qui ne fut pas de durée. Quelques jours après la fièvre s’alluma , la malade perdit lap- pétit et tomba dans un état déplorable : la fistule qu'on recouvroit d’un plumaceau imbu de baume de Commandeur, laissoit échapper à chaque pan sement une sérosité noire et de mauvaise odeur, Quelques médicamens topiques restituèrent lap- nn SUR'LA CHIRVROTE, été Eig star RÉ PR pétit et la vigueur ; le pus s’améliora, la fièvre cessa, et il ne reste à la malade qu'un léger écoulement de matière séreuse qui a lieu par la fistuie , et que le temps aidé du repos pourra tarir tout-à-fait, PU'AIE PÉNÉTRANTE à la poitrine , guérie par la mulriplicité des satonées. Par DAvi0D: TT fs RER —— L'rxrémence a consacré dans la guérison de certaines maladies des moyens extraordinaires , dont la raison semble au premier coup d’œil contester la possibilité. Qui croiroit en effet qu’on peut , sans donner la mort, saigner jusqu’à vingt-deux fois de suite dans le courant de trois jours un blessé tenu d’ailleurs à la plus sévère diète et déjà affoibli par l’expectoration d’une grande quantité de cra- chats sanglans ? Cependant lobservation suivante n’est pas unique ; on en trouve plusieurs du même genre répandues dans les bons Auteurs de Chirurgie, et tout le monde sait aw’en Chirurgie les meilleurs préceptes sont ceux qui sont établis par une suite d'observations exactes. « Un Grenadier de Navarre, nommé Vive- PAmour , âgé de 28 ans, d’un tempérament bilieux SUR LA CHIRURGIE, etc. 161 bilieux et robuste, fut blessé le 27 Juillet d’un coup d’épée à la partie latérale et supérieure de la poitrine, deux doigts environ au-dessus du mamelon droit, entre la troisième et la qua= trième vraie côte ; la plaie, quoique assez petite , avoit fourni beaucoup de sang , et le blessé en rendoit aussi par la bouche. Il ne souffroit point, sa respiration n’étoit point gènée ; 1l fut pansé avec un plumaceau trempé dans le baume du Commandeur, Soutenu par un bandage conve- nable , il fut d’abord mis à la diète la plus absolue et saigné largement ; la saignée fut répétée d'heure en heure, on lui administra un lavement sur le soir , et il vomit une assez bonne quantité de sang. L’expectoration des crachats sanglans conti- nuoit, sans que la gène de la respiration aus- mentät , et sans qu'il éprouvât plus de douleur couché sur le côté gauche que sur le côté droit, et quelque attitude qu'il prit. Il ne s’affoiblit qu’à la quinzième saignée ; alors les crachats devinrent plus rares , et l’on ne saigna plus à des intervalles réguliers, mais seulement forsque le pouls s’élevoit. Le 20 il entra dans une sueur abondante qui se supprima le 21, alors 1l éprouva quelque agitation fébrile ; les crachats mêlés de çaillots sanglans reparurent , un lavement et une Ë - 162 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS nouvelle saignée calmèrent encore cet accident ; huit heures après on renouvela la saignée, et la sueur se rétablit. Les crachats ont été pendant quelques jours mêlés de sang et de pus. Le hui- tième jour il ne lui restoit plus qu’une grande foiblesse : sa convalescence a été assez longue , néanmoins il est sorti bien guéri de l'Hôpital de Rouen, le 13 Septembre 1772, c'est-à-dire en- _viron 2 mois après son accident. » Une chose remarquable c’est que le sang qu’on atiré à ce malade a été jusqu'à la vingt- deuxième saignée, dernière qui lui été faite, d’un rouge vermeil et contenant tiès-peu de sérosité ; au reste la moindre saignée étoit au moins de deux palettes. SUR LA CHIRURGIE, etc. 163 Lee DÉS t MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Sur une nouvelle méthode de vider les dépôts par la ponction et les ventouses. Par M. A. Per , Docteur en Médecine de l'Université de Montpellier, Chirurgien en chef de l'Hôpital de Lyon , etc. EE me “Ge Tr eermmnre——— Lors par un mouvement de métastase {a matière d’un dépôt se trouve rapidement entrai- née du lieu qu’elle occupoit dans un autre, les parties qui en étoient le siège ne présentent hientôt plus aucune trace d’altération ; la sensi- bilité s’y éteint, la peau perd sa rougeur, le tissu céllulaire safaisse , l’œdème disparoît , le recollement se fait dans les points écartés ; les duretés légères qui survivent quelquefois à ces premiers instans ne tardent point à se fondre sous l’action prolongée des vaisseaux absorbans : tout annonce enfin la guérison complète et ra- Le À PNR CESR pt i64 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS # dicale du dépôt, par la soustraction, rapide du pus qui le formoit, | | Si, plus heureuse ou plus prudente , la nature le rejette au-dehors par la rupture du foyer qui le renferme, c’est toujours par des ouvertures si petites que l’on peut apprécier aisément qu’elle ne supporte jamais avec indifférence les grandes solutions de continuité, et que lart qui les recommande n'est qu’un imitateur peu fidelle. Une troisième vérité enfin , c’est que les acci= dens qui accompagnent le plus souvent notre manière ordinaire de traiter les dépôts, sont düs à la pénétration de l’air dans des foyers plus ou moins vastes, à lirritation qu'il excite sur un tissu cellulaire abreuvé de sucs étrangers , sur une peau sans soutien, et ses effets dangereux prouvent qu'il ne peut être considéré comme. l'aliment de la vie qu’autant qu’il est porté sur des organes faits pour le recevoir et pour en décomposer les élémens. Nous n’accumulerons aucuns faits pour appuyet ces trois propositions depuis si long-temps dé- montrées vraies par l'expérience, mais nous croirons pouvoir en tirer la conséquence légitime, que la manière de traiter les dépôts qui doit répondre le mieux aux intentions de la nature f RE on entame nan tan cammmecmmomener) SUR LA CHIRUVROTE, etc, és rm est celle dans laquelle la matière du pus est ravie pour ainsi dire au foyer qui la renferme par la plus petite des ouvertures possibles , et par des moyens capables de le garantir des funestes effets de la pénétration. de l’air : tels sont au moins les avantages que nous avons cru trouver dans le procédé nouveau par lequel, depuis six ans, nous traitons dans l’Hônital confié à nos soins la pl lupart des collections purulentes, Ce procédé consiste à DeiGEe le foyer purulent avec une aiguille étroite et tranchante, ou avec un, tiès- petit trocart rougt au feu, et à le vider complétement du liquide qu'il renferme, A Jus 9 ° / a lPaide d'une large ventouse appliquée sur le champ à louverture que l’on vient de faire, L’aiguille dont nous nous:servons est droite, ierminée en forme de lance, et tranichante sur ses côtés dans une étendue de deux lignes, Nous Ja préférons dans toutes les circonstances où le dépôt étant jugé incurable ;:il importe que | prie se ferme promptement ,.s1 lon veut éviter danger d’une fistule. Le trocart que nous ui substituons dans les cas contraires a tout au plus une ligne de diamètre , et ce volume est | ” Ve Le % 1 \ 166 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS suffisant toutes les fois que le pus auquel il faut donner issue n’a que la consistance ordinaire ; plus gros, il feroit une ouverture trop grande et qui auroit l'inconvénient de ne pas se fermer assez complétement après l’application de la ven- touse , pour interdire l’entrée de l'air dans le foyer : il est rare d’ailleurs que l’effet absorbant de la ventouse ne surmonte pas toujours la résistance que peut présenter la plus grande ‘épaisseur du pus. Nous employons le trocart rougi au feu, parce qu’il pénètre alors avec moins d'effort et de douleur ; parce que louverture qu’il forme cautérisée dans toute sa circonférence reste béante sur elle-même, et ne se resserre pas subitement comme celle d’un trocart ordi- naire ; Ce qui procure au pus le moyen de sortir avec beaucoup plus de facilité : ajoutez encore que la petite escarre-qui est la suite de la cauté- risation , tombant après une Mmutaine de jours, laisse une seconde fois lPouverture béante , et permet au pus quiauroit pu s’accumuler depuis l'opération de s’écouler au dehors. Comme ce n’est pas par son propre poids que le pus doit sortir, on sent qu’il importe assez peu que l'ouverture soit placée dans un lieu plus où moins déclive ; on choisira celui qui paroïira MT SERIE An CA ER GE » to NEO CA ar DT potage Pre EP PA ER le plus convenable , et que nous avons jugé être le point où la peau offre le moins d'épaisseur et le plus de signes d’altération. Un Aide, com- primant dans toute la circonférence du foyer, chasse le pus vers le lieu par où on doit lui livrer passage , et que lOpérateur marque de l'indicateur de la main gauche, tandis que de la droite il saisit le trocert: aussi rouge qu'il est possible, et le plonge perpendiculaïrement jusqu’au centre du foyer. Une direction plus ou moins oblique est dangereuse , en ce qu’elle pro- longe le trajet que le .trocart doit faire dans les chairs, augmente ainsi la douleur et ajoute à la difficulté que le pus trouve à sortir. L’instru- ment plongé avec rapidité doit être retiré de même ; car si on lui donne le temps dese refroidir, la peau se gonfle , s'attache autour de lui, et rend beaucoup plus douloureux ce moment de lopé-. ration ; On applique alors la ventouse, et l’on voit le pus s’élancer par un jet continu dans l'intérieur de sa cavité , jusqu’à ce que celle du foyer quile renferme soit complétement évacuée.. Pour lépuiser ainsi, nous avons quelquefois, appliqué jusqu’à sept ventouses de suite , et forcé. à s’élancer au dehors le pus que recéloient dans leur profondeur les cavités de la poitrine on du. L 4 20 EE 168 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS bas - ventre. Une attention indispensable est celle de placer la ventouse de manière que le trou fait par le cautère-aïguille en occupe pré- cisément le centre ; sans cette précaution ses bords comprimant une partie du foyer, s'opposent à lentier écoulement du pus, et peuvent néces- siter une seconde ponction. Celle-ci devient nécessaire , quand le dépôt offre lui-même dans son intérieur plusieurs cavités séparées par des cloisons ; ce que l’on reconnoit aisément par le pus qui cesse de sortir ; et mieux encore par la sonde portée dans l'ouverture du tro- cart ; quelquefois cependant elle ne rencontre que des grumeaux de sang ou des fragmens de tissu cellulaire qu’elle repousse devant elle ; ce qui rétablit la liberté de l'écoulement. Dans des cas où l'obstacle dépendoit de l’épaississement trop grand du pus, j'ai dilaté avec succès lou- verture par une sonde plus grosse et même avec la pointe d’un très-petit bistouri. On est obligé d’avoir recours au même moyen, lorsque le gon- flement que laction de la ventouse détermine dans le tissu cellulaire et dans la peau , vient à en fermer l’ouverture ; ce qui arrive sur-tout dans les cas où il a fallu percer une grande épaisseur de parties, | F | ! SUR LA CHIRURGIE ; etc. © 169 too + NO Pour apprécier toute l'utilité de ce procédé nouveau , nous examinerons dans trois cas diffé- rens l’usage que l’on peut en faire , soit dans les dépôts froids qui communiquent dans les grandes cavités du corps humain, soit dans ceux qui n’occupent que le tissu cellulaire ou les inter- valles des muscles, soit enfin dans les dépôts phlegmoneux , ou qui sont la suite d’une inflam- mation exquise et. locale, Nous ne donnons point encore ici la seconde partie de ce Mémoire, parce que , quoique très- fiche en faits qui prouvent la bonté de cette méthode, nous avons cru qu’on ne sauroit en accumuler un trop grand nombre, avant de pren- dre en parlant le langage d’une entière certitude; mais nous nous sommes empressés de publier le procédé lui-même , afin que connu de tous ceux qui exercent l'Art de guérir , nous puissions , par les observations qui nous seront communiquées, ajouter à ce qu’a déjà pu nous apprendre une pratique de six années dans un des premiers Hôpitaux de France. Nous dirons cependant, pour éclairer les tâtonnemens de ceux qui vou- droient mettre en usage ce procédé nouveau ; 1,° Qu'il ne peut guérir radicalement les dépôts 170 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS froids qui reposent sur un organe altéré ou sur des os malades ; 2.9 Que ceux qui communiquent dans les grandes cavités sans altération des organes quelles renferment , restent quelquefois long temps fistuleux ; mais au moins que dans ces deux cas l'Art peut les vider sans danger pour Je malade , et qu’il nous est arrivé souvent de répéter les ponctions comme on le fat pour les bydrocèles auxquelles on ne veut point appliquer un traitement radical ; EU ..3.° Queles dépôts froids qui n’occupent que le, tissu cellulaire ou l'intervalle des muscles ne guË= rissent pas toujours par une seule ponction, qu'il faut comprimer assez fortement les parois du foyer après l’opération pour en obtenir le recoiiement ; que même.on peut être obligé, de recourir à quelques injections irritantes pour enflammer un. kyste devenu membraneux, comme.on le fait pour l’hydrocèle dans la méthodede lPinjection : 249 Queles dépôts phlegmoneux les plus grands; ont cie quelquefois guéris en‘trois Jours par le! recollement des parois du foyer , à laide d’une douce compression ; que le trocärt dont.on. se, sert doit. Être un peu.plus gros, parce que:le Ent ÉE CRT PES TT TT EE TR M mt, SUR LA CHIRURGIE, etc. 171 pus plus épais entraine souvent avec lui des portions de tissu cellulaire ; que ce sont ces débris qui donnent quelquefois lieu à des ouvertures qui se font consécutivement dans quelque portion du foyer ; mais que dans tous les cas le malade évite la douleur des incisions, la longueur des pansemens , et le danger toujours bien grand dans les Hôpitaux d'exposer des surfaces malades au contact d’un air infeété, 172 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS OBSERVATION D'E 06 HER UR G'I E: ExTIRPATION de l’'humérus dans l’article. Par MARTIN jeune, désigné Chirurgien en chef de l'Hospice de la Charité de Lyon, D —-—— THERE Martin, âgé de 23 ans, né à Ville- franche dans le Département de l’Aveiron, Soidat au 79° Régiment, ci-devant Boullonoïs , d’un tempérament fort et robuste, fut blessé à la journée du $ Floréal , lorsque les François prirent le fort St. Bernard. Un biscaien mis en jeu de très- près lui fractura obliquement l’humérus droit, depuis environ son milieu jusqu'à un pouce et quart au-dessous de sa tête; l’os étoit tellement brisé, les parties molles tellement dila- cérées et contuses , la désorganisation du membre si complète , que les accidens les plus graves, la mort même étoient à craindre , si l’Art ne fût venu à son secours. Le cas étoit urgent; la gravité du mal indiquoit impérieusement l'am- putation , comme moyen unique de sauver la vie à ce blessé, Chargé en chef de l'Hôpital où 1l SUR LA CHIRURGIE, etc. 173 fut apporté, je convoquai trois de mes Confrères | et nous délibérâmes ensemble sur le mode d’am- putation. Quelques Consultans proposèrent la section des chairs au niveau de la fracture , et la résection de l'os. Cette proposition fut vive- ment combattue , et le plus grand nombre proposa Vamputation dans Particle, en déclarant qu'il étoit impossible de déterminer si la fracture ne se propageoit pas Jusques dans la tête de l’humérus, (l'examen de cette tête après l’amputation a changé en réalité ce qui n’étoit qu’un soupçon} et que d’ailleurs lamputation dans Particle deve- noit infiniment moins pénible, moins longue, moins douloureuse et plus assurée. On arrêta qu’elle seroit faite sur le champ, afin que les accidens qui devoient suivre une blessure aussi orave ne devinssent un obstacle au moyen que PArt nous offroit pour sauver ce blessé. Chargé d'opérer, Je plaçai le malade convenablement, et je pratiquai l’opération à peu de chose près comme Lafaye l’a conseillée. Comme ce mode est connu, je ne rapporterai que les variations qu'ont nécessité les circonstances. La sortie du biscaïen qui étoit fort près du creux de Paisselle, et qui avoit frappé de contusion toutes les parties environnantes , m'obligea de faire le lambeau EEE 174 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS inférieur très-court. J’observe en passant que cette circonstance n’est pas aussi fâcheuse qu’on pourroit d’abord le croire ; quoique les Auteurs assurent que le lambeau inférieur réuni au supé- rieur opére une guérison très-prompte, la pratique apprend que malgré les meilleures précautions les dépôts consécutifs du creux de l’aisselle sont des accidens ordinaires de cette opération qui en retardent toujours la guérison, et qui trop sou- vent conduisent les opérés au tombeau en les épuisant par de longues suppurations ; suppura- tions qui sont d’autant plus abondantes que le tissu cellulaire du creux de l’aisselle qui est fort lâche , permet au pus de s’accumuler et de fuser ensuite sur les parties latérales de la poitrine, soit entre les muscles , soit entre ceux-ci et les tégumens. Cet accident n’a point eu lieu chez notre opéré, parce que la section du lambeau inférieur ayant été faite au niveau du creux de laisselle, le pus a eu constamment un écoulement facile, et n’a point été retenu comme dans les cas ordinaires par lobstacle résultant du rapprochement des deux lambeaux. Une autre circonstance m’a fait éloïgner du principe généralement admis pour la ligature des Vaisseaux depuis le célèbre Paré , je veux parler SUR LA CHIRURGIE, etc. 417$ RER me Een moe moe D de la lisature immédiate. Mon dessein n’étoit point de faire la ligature médiate de l'artère humérale , parce que je redoutois les accidens que pouvoit occasionner la compression du nerf fnédian ; mais, comme on va le voir, les cir- constances m’y ont forcé. J’avois fait appliquer pat un Aïde une pelotte au-dessus de la clavicule pour comprimer l'artère souclavière à son passage sur la première côte, je m'étois assuré de l’heu- reux effet de cette compression par la cessation du battement de l'artère humérale ; après avoir luxé l'os , après lavoir détaché des muscles qui y adhèrent postérieurement, je sentis dis- tinctement le battement de la grosse artère; je voulus faire replacer la pelotte dérangée | mais il fut impossible , malgré tous les efforts de celui qui comprimoit, d'intercepter la circulation : alors sans perdre de temps je chargeai un Chirurgien de prendre et comprimer entre ses doiïots l'artère dans le lieu du lambeau où je sentois son bafte- ment , :l le fit, et je coupai les chars un pouce au-dessus de la sortie du biscaien. Ma section faite, je fis relâcher et comprimer successivement pour découvrir l'artère et en faire la ligature immédiate 3 mais toutes mes recherches furent inutiles , je ne pus Pappercevoir parce qu'il y 176 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Dm avoit eu rétraction de sa part et qu’elle étoit cachée très-avant dans les chairs. Pendant mes recherches le malade souffroit , ses cris doulou- reux me rappeloient qu’il faut être le plus prompt que possible dans les opérations ; je pris donc le parti de faire la ligature médiate : et si d’un côté Je craïgnois les dangers qui pouvoient ré- sulter de la compression du nerf médian compa- gnon de Partère et compris dans la ligature, d’un autre côté j’étois rassuré par les succès de Morand , Pojet et Ledran, qui avoient fait ainsi la ligature sans inconvéniens. Je me servis donc d’une aiguille courbe préparée en cas de besoin, je compris beaucoup de parties molles dans !a ligature; J’espérai qu’en matelassant ainsi le nerf, je pourrois éviter les accidens : mes espérances n’ont point été déçues, je fis la ligature immé- diate des deux artères circonflexes qui durant l'opération fournissoient une hémorragie assez inquiétante , ce qui me fit appercevoir du défaut de compression exercée sur la première côte. L'opération terminée , l’appareil appliqué, le malade n’eut d’autres accidens qu’une syncope et quelques envies de vomir. Je m’empressai de le placer dans un lit, je chargeai un Élève de faire sur l'appareil une compression douce et exacte SUR LA CHIRURGIE, etC 1\ 177 exacte avec la main , j'interdis toute espèce d’alimens à l’opéré , je le mis à l'usage d’une boisson lésérement acidulée , je fui fs prendre de quart-d’heure en quart-d’heure dans les pre= miers momens ,-puis de demi-heure en demi-heure, une cuillerée d'une potion antispasmodique , dans laquelle j'avois fait entrer le laudanum liquide à assez forte dose, Nul accident ne se manifesta pendant la nuit, le malade reposa sans donner des preuves de la moindre douleur. Ii fut opéré le cinq à quatre heures du soir , et le lendemain sur les sept heures du matin je n'’apperçus que le visage étoit coloré, que ie pouls étoit élevé, fréquent , mais égal, que l’envie de boire avoit sensiblement augmenté , enfin tout m’annonça le commencement de la fièvre de suppuration; je fis continuer le même régime, Le septième jour du mois et le deuxième de l'opération, une circonstance particulière nécessita l’évacua= tion des malades de l'Hôpital où il étoit sur un autre Hôpital situé à une forte demi-lieue du premier ; il fut transporté sur un brancard, et supporta le transport avec courage et sans ac= cidens, Les troisième , quatrième , cinquième et sixième Jours furent heureux ; à cette époque fappareil m'ayant paru humide , je changeai les M Were 178 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS premières compresses. Le septième, en faisant encore un pansement de propreté, l’appareïl me tomba dans les mains. La suppuration étant bien établie et les chairs fort vermeill »s, je supprimai ce jour-là même la pction antispasmodique. Le huitième et le neuvième n'offrirent rien de par- ticulier. Au dixième et au onzième, je permis l'usage du bouillon ; au douzième il mangea une soupe légère. Tout alloit bien, lorsqu’au auator- zième jour j’appercus en le pansant une contusion sur la moitié postérieure de sa plaie; elle étoit la suite de la pression qu’elle avoit éprouvé dans un mouvement que le malade fit pendant le- sommeil. Une décoction émolliente dont j’imbibai les compresses et les plumaceaux , fit disparoître la contusion. Le dix - neuvième jour, quoique j’eus le plus grand soin de tenir le ventre libre par les lavemens et les légers minoratifs, l’aspétit se perdit, la bouche devint mauvaise, la langue se chargea , la plaie devint blafarde , la suppura- tion diminua, ces symptômes annoncèrent l’état sabural des premières voies. Je me bornaï à admi- nistrer deux gros de sel d’Epsom et un grain de tartre émétique dissous dans une demi-pinte de tisane ; le malade fut suffisamment évacué. Mais comme la plaie étoit toujours blafarde , que lap- À DEP ED MDP mL DEEE PRE SAR CIE RES PT à DR RS SUR LA CHIRURGIE, etc. 179 res re terme pétit ne revenoit pas et que le malade étoit très= affoibli , je le mis à l'usage du vin de quinquina ; tousles accidens cessèrent sous l’action de ce remède que je continua à la dose d’un demi-verre tous les matins à jeûn jusqu’à la fin de la cure, qui a été complète trois mois et demi après l’opéra- tion : elle auroit été moins longue sans les liga= tures des artères circonflexes qui, recouvertes par le lambeau supérieur , ne sont tombées qu’à cette époque, AE M 2» nd 180 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS RE — ñ y RESTE Em é À rt rm. D ne RAPPORT Sur une observation d'imperforation d'anus; communiqué à la Socièté de Médecine de Lyon. Par le Cit. MARTIN le jeune, EE CD —Ù Er meemnrm— LE citoyen Dumas avoit communiqué une Obser2 vation sur une imperforation de l'anus aux Sociétés de Médecine de Paris et de Lyon à peu près à la même époque. La Socièté de Paris a fait imprimer l'Obser- vation dans le N.° XIII de son Recueil, et l’on trouve dans le N.° suivant un Rapport sur cette Observation par Allan. La Société de Lyon s’étoit pareïllement fait faire un Rapport sur cet objet par Martin le jeune. Comme ce Rapport présente quelques résultats qu’on ne trouve point dans celui d’Allan, nous le donnons ici en ren- voyant pour la lecture de l'Observation originale ax N.° XIII du Recueil de la Société de Paris. Note de l'Éditeur. ee —— 0 RD ELLE TE Emme a Ux enfant naît avec un anus oblitéré à une hauteur telle qu'il est impossible de rétablir cette ouverture dans sa place naturelle, en tentant des inçisions dans le lieu qu’occupe ordinairement gg 0 TÊTE ADN ENCEINTE EDIT DRE DETTES SUR LA CHIRURGIE, etc. 181 Panus. Le méconium coule avec les urines en petite quantité, preuve certaine que l'intestin communique avec les voies urinaires ; les tubé- rosités ischiatiques singuliérement rapprochées annoncent un defaut de conformation qui s'étend aux os du bassin ; Æ£stor Chirurgien fait diffé- “rentes tentatives inutiles, l’enfant meurt; Dumas considérant l'impossibilité de rétablir l’ouverture naturelle, propose de pratiquer un anus artificiel en faisant une incision au colon à travers les tégumens du bas-ventre. Nous commencerons par rendre à Observateur le juste tribut d’éloges qu’on doit à son travail : Pérudition vaste et sûre qui fait le caractère principal de toutes ses productions , se retrouve dans celle-ci de la manière la plus brillante; ses réflexions sont judicieuses , sages , conformes aux préceptes de l’Art chirurgical et déduites des connoissances anatomiques les plus exactes ; et quoique le procédé curatoire qu'il indique ne soit pas nouveau à tous égards , nous sommes intimement persuades qu'il Pa réellement conçu par lui-même , amené à cela par les voies de Panalogie qu'il indique , et par le sentiment pro- fond d'amour de l'humanité qui dirige tour à tour ses études sur toutes les parties de l’Art médical, M 3 \ nets oran ennéoe anne MS LE PS AM Ed mnt mener mener ans tn APE 182 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Persuadés que le devoir des Rapporteurs ne se bornoit pas à une simple analyse du fait observé et des réflexions présentées par l’Auteur , nous avons fait porter notre examen, 1. Sur le fait et ses variétés ; 2.2 Sur les opérations pratiquées inutilement par le chirurgien Estor ; 3° Sur celles qu’on auroit pu faire peut-être avec plus de fruit en suivant pour arriver à l’in- testin la route indiquée naturellement par lissue du méconium ; 4.° Sur l’opération proposée par le Cit. Dumas, sur les Chirurgiens qui l’ont proposée avant lui, sur ceux qui l’ont exécutée ; 5°. Enfin sur le parallèle des lieux où cette opération peut être pratiquée avec le plus d’avan- tage, soit dans l’imperforation de l’anus, soit dans le resserrement squirreux du rectum. Si nous ne sommes pas toujours d'accord avec l'Observateur en tous points, on doit considérer nos opinions sous le rapport personnel de ceux qui les émettent, et les méditer sérieusement avant de les approprier à la Société : d’abord parce que cette matière est peu connue, ensuite parce que la sagacité et les vastes connoissances : 0 Re D] ISURILA CHIBURGLE , etc NES 122221 1 Er RE ES EE © NÉ de l’Observateur doivent exciter d'avance une sorte de prévention en faveur de son travail. Voici les résultats de notre examen: ; L'imperforation de lanus n’est point un de ces accidens rares sur lesquels l'Art ne s’est point suffisamment exercé, faute d'observations : les exemples ainsi que l’a remarqué le Cit. Dumas , en sont très-multipliés. Mais cet accident se présente sous des nuances différentes qui n’ont pas été classées , et de ce défaut d’ordre naît probable- ment l'incertitude des moyens curatifs conseillés ou employés jusqu'ici, ‘Nous pensons donc qu'il est nécessaire de réduire à trois espèces principales les imperfo- rations d’anus : La première et Îa plus simple consiste dans la clôture de Panus par une membrane plus ou moins épaisse, semblable en quelque sorte à Vhymen qui bouche la vulve dans quelques cas : cette membrane est par fois percée d’un trou qui laisse transsuder le méconium ; La seconde est celle dans faquelle toute chose semblant être dans l’état naturel, l’intestin rectum se trouve fermé à une certaine hauteur , soit par une production membraneuse , soit par lagglu- M 4 184 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS tination de ses parois ; on en cite un exemple dans les Mémoires de l'Académie de Chirurgie, rome 2, Cette conformation vicieuse que l’absence des évacuations méconiales et les symptômes dépendans de leur rétention font soupçonner, se reconnoît par l'introduction du petit-doigt, si Vobstacle est à sa portée , et dans le cas contraire par le moyen de la sonde. Nous proposerions encore , pour acquérir quelques lumières lorsque la sonde ne donne qu’un diagnostic incertain , Pusage des petits lavemens dont la matière ne pouvant s'élever au-dessus de l'obstacle regor+ geroit immédiatement. La troisième espèce qu’on peut recarder comme la plus dangereuse consiste dans Poblitération par- faite de l'extrémité inférieure du canal alimen- taire , soit que l’agolutination des parois de lin testin existe jusqu’à une certaine hauteur, soit que cet intestin rétréci et dévié de sa position naturelle aille s’ouvrir tantôt au bas-fond de la vessie, tantôt au canal de l’urètre , et souvent chez les sujets du sexe féminin dans quelques points de l'étendue du vagin. Une cicatrice solide tenant lieu de l'ouverture de l'anus, traversée par la continuation de la SO CS PET TPE. Cu DA LIEN DCE ER EE D RIT dm M ea Me mare nes à SUR LA ,GHDAURGIRE., etc} Ms AE TD D RE D ER ligne du raphée, ordinairement rentrante et sou- vent ridce indique cette espèce qui est presque toujours accompagnée d’un défaut de confor- mation dans le bassin et d’un rapprochement singulier des tubérosités ischiatiques. Nous ne placerons point dans ce Rapport les signes caractéristiques de chacune de ces espèces, l’histoire de leurs nuances et des moyens divers avec lesquels l’art redresse ces écarts, et répare ces erreurs de la nature. Le cas de Pobservation du Cit. Dumas est de la troisième espèce que nous venons d’indi- quer ; nous pensons avec lui que toutes manœu- vres ou opérations tendantes à rétablir le canal dans le lieu ordinaire, pratiquées sur la cicatrice qui tient lieu d’anus doivent être rejetées , parce que toutes les tentatives faites jusqu'ici ont été infructueuses et mortelles, si on en excepte le cas unique cité par Savierd ; et l’on sait qu’un exemple isolé de succès ne peut faire règle. Avant que d’examiner les ressources que l'on peut tirer de l'opération proposée par le Cit. Dumas, et long-temps avant lui par Litere et par Desaulr, nous allons hasarder une vue que nous croyons neuve , et qui nous a été fournie par la lecture de l’Observation que nous analysons, 386 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Le Cit. Dumas dit que l’enfant rendoit le mé- conium avec les urines , preuve que lappendice intestinale s’ouvroit dans la vessie ou dans les parties adjacentes. On trouve dans les Observateurs quelques exemples de faits pareils. Roonkuis , (Nouv. Litt, d’Allemagne ) rapporte avoir connu un enfant qui, n’ayant pas d’anus, rendoit le méconium par l’urètre : la même cir- constance se rencontre dans le sujet cité dans le Journal de Chirurgie de Desaule. Morand fait mention d’un enfant qui étoit dans le même cas et qui vécut douze jours : l’ouverture du cadavre fit voir le rectum s’ouvrant au col de la vessie, et dilaté trois fois au-delà de sa capacité naturelle. Les Ephémérides d'Allemagne parlent aussi d’un fait semblable ; Bonrez cite trois observations analogues ; Morgagni parle d’une fille qui ne ren- doit rien par l’anus, et dont les excrémens sor- toient mêlés avet les urines par le canal de l'urètre. On retrouve des faits pareils dans les ouvrages de Wrisberg , Professeur à Gottingue , et dans les Mémoires de Académie de Paris. La marche la plus ordinaire de la nature dans RE RS RO D MRC AE DPI DE RU EPA CR LR DEEE TES SUR LA CHIRURGIE, etc. 187 les oblitérations de l’anus est donc de transporter sur les voies urinaires l'ouverture du rectum qui doit livrer passage aux matières alvines ; et comme le canal de Purètre n’a ni la capacité suffisante ni l’organisation nécessaire pour exercer cette cumulation de fonctions , la mort du sujet de- vient assez communément la suite de la conti- nuation de cet état et de l’inertie de l’homme de l’art. Il nous semble que dans ce cas la nature elle- même indique à l'instrument secourable la route qu'il doit tenif, et nous conseillerions de pra- tiquer une incision au peérinée , laquelle pénétre- roit dans la vessie, en comprenant son col et une très-petite partie du canal de l’urètre, Cette inci- sion qu'on tiendroit dilatée par le moyen d’une canule auroit d’abord l’avantage de procurer une évacuation libre et suffisante aux matières alvines et urinaires mêlées ; ensuite, en facilitant les recherches sur le point d'insertion de l’appendice intestinale , elle pourroit donner lieu à des cpéra- tions subséquentes et méthodiquement faites pour la restitution du canal ordinaire. Ce que nous venons de dire pour les enfans du sexe masculin trouve aussi son application à 183 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS dans les enfans d’un sexe différent, une multitude de faits prouvant que le rectum, au lieu de s’ouvrir dans les voies urinaires, s’insère dans quelques-uns des points du vagin , comme Pont observé Jussieu , Van Swieren, Daubenton, etc. C’est sur ce canal que devroient porter les recher- ches de l’Opérateur dans des cas pareils, et le point fistuleux par lequel le méconium s’échappe, ou le point saillant et fluctuant qui attesteroit sa rétention , deviendroient aussi le point de départ de l’incision qu’on devroit pratiquer. Cette idée que nous hasardons en passant est susceptible d’être étendue et développée. Les différentes tentatives faites par le Chirur- gien Estor dans le cas de l’ohservation qui nous occupe étoient non-seulement inutiles, mais en- core elles compromettoient la vie de l’enfant sur lequel elles étoient pratiquées ; car, lors même que par cas fortuit il eüt rencontré l'intestin, les infiltrations du méconium , inflammation, la suppuration , la gangrène des parties environ- nantes de l’anus , n’auroient-elles pas été les suites de ce tâionnement , de ce fourvoiement d’instru- mens aigus et tranchans dans ces parties délicates à et n’y auroit-il pas eu cent à parier contre un que lenfant y succomberoit ? - SUR LA CHIRURGIE, etc. 183 Ces réflexions qui n’échappèrent point à Dumas; lui suggérèrent l’idée d’un anus artificiel établi aux parois du bas-ventre , idée bien naturelle sans doute et qu’on peut même appeler heureuse , mais dont nous revendiquerons l’invention en faveur de Littre. Ce Médecin l’avoit conseillée dans les imperforations de la troisième espèce, et Duret, Chirurgien distingué de Brest , l’exécuta avec succès. Voici l’analyse de son procédé : IL fit d’abord une incision de trois travers de doigts dans la région iliaque gauche , et ayant découvert VS romaine du colon gonflé par l'air et le méconium , il l’incisa dans la même longueur et la fixa de la même manière que dans les ças de hernie avec gangrène ; 1l tint ensuite l’ouver- ture dilatée à un degré convenable par le moyen d'une tente de charpie, Desault pratiqua la même opération, mails sans succes. Pillor , Chirurgien de Rouen , émule et com- temporain de Le Cat, la fit aussi avec succès; mais son incision pratiquée à la région iliaque droite s’adressoit au cul-de-sac du cœcum. Callisen, Chirurgien célèbre de Coppenhague, qui vint après Littre, voulant enchérir sur toutes ges méthodes proposoit d'attaquer la portion lom- 190 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ns baire gauche du colon dans endroit où cet intestin lié au mésocolon présente un petit espace hors de la cavité du péritoine, Nous rejeterions également le procédé de Calli- sen et de Pillor , si un cas pareil se présentoit. Les avantages allégués par un Membre de cette Société en faveur de l’ouverture du cœcum, sont premiérement la plus grande fixité du cœcum ; mais nous observerons , 1.° que la coaptation de l’ou- verture de l’intestin à celle de l'abdomen devenant une condition nécessaire à la réussite de l’opé- ration, cette fixité seroit un obstacle et non un avantage ; car si le cœcum rempli par les matières fécales et distendu par l'air, est près des parois abdominales , lorsau’il est vide 1l tend à s’en éloigner. 2.° Qu'on a moins à craindre le ren- versement de la membrane interne qui cependant peut avoir lieu. 3.° Qu'on n’auroit alors qu’une seule ouverture intestinale à cause de la disposi- tion favorable du cœcuüm , l’ouverture étant faite dans son cul-de-sac ; et c’est l’avantage le plus réel , attendu qu'il n’est pas à présumer que les ma- tières fécales sous limpression du mouvement péristaltique remonteront contre leur propre poids dans la portion ascendante du colon, ce qui arrive dans l’état naturel, RÉ AE TER A DCI CI DR DD | 2 SUR LA CHIRURGIE, etc, 19x Mais ces avantages qui existent à peu de chose près d’une manière égale dans Popération de Littre, puisque toute portion de canal qui n’exerce plus sa fonction s’affaisse sur elle-même et s’obli= ière par la cobérence de ses parois, peuvent-ils compenser la perte de toute la longueur du colon, du cœcum et du rectum, et des fonctions de ces oros intestins à Le motif alléoué par Callisen pour faire l’inci- sion à la portion lombaire du colon dans l’endroit où cet intestin est hors de la cavité du péritoine, nous paroït tout-à-fait illusoire , et nous défons l’Anatomiste le plus exercé de pouvoir l’atteindre dans le très-petit espace où, fixé par le mésoco- lon , il ne répond point à la cavité du péritoine. D'ailleurs l’épaisseur des tégumens , l'abondance du tissu cellulaire oraisseux , le voisinage des reins , et sur-tout l’incommodité très-srande d’un anus artificiel placé dans cet endroit, sont autant de raisons qui militent contre ce procédé, En résultat l'opération de Littre exécutée par Duret et Desault , nous paroïit devoir mériter la préférence dans le cas d’oblitération parfaite, lorsque lintestin ne s'ouvre ni dans les voies urinaires n1 dans les voies vaginales, ja 192 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Tout le monde sait que dans les imperfora- tions de la première espèce, l’incision simple ou en croix, l’excision des lambeaux , le cautère actuel , sont les moyens opératoires conseillés et mis en usage par Zacutus , Lusitanus, Morgagni, Roonhuis, Saviard, Hilden, Desault et autres illustres Chirurgiens, Quant à l'application de cette opération au rétrécissement de l’anus, nous ne la croyons nécessaire que dans deux cas : celui où le rétré- cissement seroit hors de la portée des corps dilatans , et celui où le rectum seroit squirreux à une trop grande hauteur pour qu’on püt emporter la totalité du mal avec l’instrument. (*) TS EME D A DAMES AUS (*) Il est parvenu tout récemment à la Société ur Mémoire sur le même sujet, par le citoyen Bravai, Médecin à Annonay. Le cas de son observation étoit absolument semblable à celui que Dumas à recueilli, L'enfant mourut. Le citoyen Bravai établit dans son Mémoire que le meilleur moyen de le sauver eût été de pénétrer dans la vessie par une incision faite au périnée : il pense que cette opération en mettant à découvert le point d'insertion de l’appendice intestinal auroit rendu très-faciles des opérations subséquentes pour la restitution du canal dans sa place ordinaire, La piéce anatomique qu'il a jointe à son Mémoire démontre en effet la possibilité mécanique des différens procédés qu'il conseille, Note de MARTIN laine. OBSERVATION SUR LA CHIRURGIE, a | 193 - OBSERVATION STR une conception extra-utérine dans ee ds | vs =, laquelle un enfant a séjourné deux ans dans l'ovaire, Communiquéé par le Cit. PeriT , Doôcteuf en Médecine , Chirurgien en chef de l'Hô« pital de Lyon, etc; Rp > 40 > ee Marie Fétale ; femme d’un Potier de Châlon: sur-Saône , âgée de 38 ans, d’un tempérament robuste et sanguin, crut sentir au mois de Dés cembre 1786 , qu’elle alloit devenir mère pour la cinquième fois , quoiqu’elle n’en tirât pas le présage de la cessation absolue de ses règles dont les retours continuèrent avec leur résu- larité accoutumée ; cependant la diminution considérable qui se fit dans l’abondance de leur écoulement, la tuméfaction progressive de son ventre, cet appareil d’incommodités et de dégoûts qui semblent n’être amenés là par la nature que pour donner plus de prix à la fécondité , et mieux encore les mouvemens de son enfant ne lui laissèrent aucun doute sur son état. N ! mort) ! 194 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Elle avançoit heureusement vers le terme si désiré, lorsqu’au septième mois elle fut prise de violentes coliques qui lui firent redouter un accouchement prochain et prématuré. Son accou- cheur ordinaire M. Robert par qui elle fut alors examinée , trouva un léger écoulement par la vulve, Porifice de la matrice un peu dilaté mais gur et épais. Il crut même reconnoïtre que les Ésses de lenfant se présentoient au passage, et ne voyant aucune indication du moment à remplir , il se borna à recommander le repos le plus absolu. Les coliques par une marche dé- croissante se trouvèrent dissipées au bout de quelques jours; avec elles tout symptôime d'ac- couchement disparut, et pendant les deux mois qui amenérent le terme de la grossesse , l'enfant ne se fit plus sentir par aucun mouvement. Au neuvième mois les douleurs de laccouche- ment semblèrent se réveiller, mais elles ne se soutinrent pas long-temps; et le dixième mois s'étant écoulé , on commenca à douter de Îa grossesse de cette femme. Le volume du ventre n’avoit cependant pas diminué, et les règles qui revenoient avec répularité étojent toujours accom- pagnées de douleurs beaucoup plus vives qu’elles n'ont coutume de l’être, M. Roux, Chirurgien ‘SUR LA CHIRURGIE, etc, 219$ célèbre à Dijon, qui vit Marie Fétale au quin- zième mois de sa grossesse |, soupçonna une conception extra-utérine , en avouant toutefois que le diagnostique ne lui en paroissoit pas bien assuré. Cependant les coliques que rappeloit chaque apparition des règles étant devenues très= fortes à cette époque et s’accompagnant de douleurs violentes à la région épigastrique , elles furent regardées et traitées comme spasmodiques, La malade conservoit sa gaieté, son embonpoint, le libre exercice de ses fonctions , et ne souffroit point dans l'intervalle de ses règles. Elle vivoit dans cette alternative de bien-être et de souffrance , lorsque le 1; du mois d’Août 1788, faisant effort pour lever un pain de fro- mage de Gruyère, elle l’appuya fortement contre son ventre pour en prévenir la chute. La douleur de cette secousse fut violente , elle augmenta progressivement et détermina dans cette capacité une inflammation qui fut vainement combattue par toutes les ressources de l’Art, et dont au quinzième jour la mort amena le terme. Appelé pour l'ouverture de son cadavre, elle fut faite le lendemain premier Septembre , et voici les particularités qu'il nous présenta : N 2 TS 196 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS 1.° Le ventre tendu et gonflé uniformément offroit cependant au tact du côté droit une tumeur dure et volumineuse dont la position changeoït peu dans les attitudes variées du cadavre. 2.° L’ombilic étoit élevé, aminci, d’une lividité gangreneuse , et adhéroit à une portion de lin- testin iléon qui se trouvoit presque à nu sous les tégumens. 3.° L’épiploon rouge, enflammé, se trou- voit tout ramassé du côté droit et lié par de - fortes adhérences au fond de la tumeur qu’on y remarquoit. 49 L’estomac tiré par l’épiploon avoit un peu changé de direction. Sa petite extrémité étoit beaucoup plus basse qu’elle n’a coutume de l'être ; d’ailleurs 1l n’offroit aucune marque d’al- tération , ainsi que l'intestin duodénum et le colon transverse. Le jejunum et l'iléon étoient comme noircis par la force de l’inflammation ; et une portion de ce dernier avoit contracté d’intimes adhérences avec la tumeur dont nous avons parlé. Tous en général étoient remplis de matières liquides de très-mauvaise odeur. 5.° La tumeur qui occupoit la fosse iliaque droite, et qu’au premier coup d'œil on eùt prs SUR LA CHIRURGIE , etc. 197 pour la matrice, n’étoit autre chose que Povaire à travers l'épaisseur duquel on sentoit mani- festement un enfant. J’ouvris la poche qu’il for- moit par une incision faite à sa partie antérieure, et nous trouvèmes que la position de celui-ci étoit telle que sa tête repliée sur sa poitrine ré- pondoit à droite et ses fesses à gauche. Il étoit très-sain , recouvert d’un enduit jaunâtre qui pa- roissoit formé par l’épaississement des eaux dont toute trace avoit disparu et qui n’avoit aucune odeur désagréable. Ses membres avoient toute la souplesse d’un enfant mort-né, et son volume sembloit annoncer qu’il étoit mort au terme de sept mois. C’étoit une fille, Le cordon ombilical, quoique flétri, avoit toute la solidité ordinaire ; 1l se rendoit dans l’épaisseur de Ja poche à gauche, d’où ses vaisseaux alloient en se ramifiant se rendre au placenta qui occupoit la partie droite, Ce dernier étoit peu volumineux , et ne présen- toit rien de particulier. Le point de son insertion étoit presque le seul dans lequel l’ovaire parut avoir plus d'épaisseur. Sa cavité ne nous offrit rien de plus à remarquer, et je ne pus lui trouver aucune communication avec la matrice au-dessus de laquelle il étoit situé. La trompe et le liga- ment large du même côté sembloient avoir dis- | N 3 ati 398 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS paru, et s’étoient confondus avec l'ovaire lors de son développement. La matrice étoit dans son état naturel , et les autres viscères du bas-ventre ne s’éloignoient en rien de cet état. Quoique les exemples de conception extra- utérine se soient présenté assez souvent pour n'être plus classés parmi les phénomènes, on n’en voit pas avec moins d’étonnement les erreurs de la nature dans ses actes les plus familiers et aux- quels elle paroît prendre le plus d'intérêt , erreurs qui presque toujours entraînent la perte de la vie ou pour la mère ou pour l'enfant. Il y a lieu de croire cependant, en comparant cette observation avec les faits déjà connus, que Marie Fétale auroit en- core pu porter le sien pendant plusieurs années sans le coup qui détermina les accidens qui la firent périr , et que peut-être par le progrès du temps 3l auroit acquis dans son sein l’excès de consis- tance qu’on a observé quelquefois. Il seroit diffi- cile de dire ce qui a pu en occasionner la mort au terme de sept mois, d’autant plus qu'il étoit bien conformé , et qu’on ne voit rien dans la conduite de sa mère qui ait pu donner lieu à cet accident. Il m’a paru cependant qu’on pou- voit croire que l’ovaire dans lequel il s’étoit développé n’ayant pu prêter assez pour fournir rm fit in SUR LA CHIRURGIE, etc. 199 à son accroissement, avoit exercé sur li une compression funeste qui le fit périr ; ainsi ne pouvant comme la matrice soutenir une exten- sion progressive et forcée, il falloit de deux choses l’une, ou que l’ovaire résistät fortement et que l’enfant périt , ce qui est arrivé ; ou que l'ovaire se rompit et que lenfant tombât dans le bas-ventre, ce qui auroit peut-être été plus avantageux , parce que les accidens que sa pré- sence auroient fait naître en indiquant fa seule conduite à tenir dans ce cas , auroient engagé à faire l'opération Césarienne , par laquelle on eût pu sauver la mère et l’enfant; au lieu que dans la circonstance où ils se trouvoient l'un et l’autre, quoique cette opération füt le seul moyen de délivrer la mère, cependant les signes de la con- ception extra-utérine n’étoient pas assez certains pour qu’on pût l’entreprendre sans témérité , et le seul devoir de l’Art étoit de rester simple spectateur d’un mal qu’avoit fait la nature, mais qu’elle n’avoit plus le pouvoir de réparer, 200 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS DRE DEC CEE ————— 2 ————— — SLR GE 22e erne Q,:B;S:ER VAT. I. OSN SUR une rupture du cœur. Par Pierre F1NE, Chirurgien en chef de l’'Hôpital-Général de Genève, D <> ——— À) 1, *, PROS **#, âpé de cinquante-huit ans, d’une humeur très-inquiète , portoit depuis long- temps un goître de la grosseur d’une petite pomme, lorsqu’au commencement du mois de Mai de l’année 17094 il y survint une irritation inflammatoire qui en augmenta le volume et le fit abcéder ; J’eus beaucoup de peine à obtenir la permission d’y faire une petite incision, qui donna issue à la matière purulente : depuis ce moment jusqu’au premier Juin cette maladie n’offrit rien de particulier. À cette époque, sur les onze heures. du soir, on entendit une ex- plosion que l’on soupçonna avoir eu lieu dans la chambre du malade ; ses fils y accoururent aussi- tôt et le trouvèrent assis dans un fauteuil , un fusil dans une main et des balles dans Pautre ; 1l leur demanda s’il ne sortoit pas du sang de sa SUR LA CHIRURGIE, etc. 201 bouche, puis comme il paroissoit afloibli sans autre symptôme remarquable , on le mit dans son lit où il expira , environ huit à dix minutes après l’explosion , calcul fait par les assistans. Comme on n’appercevoit aucun signe de blessure, on crut quil étoit mort de quelque accident imprévu dépendant de son goiïtre , et dont la douleur ou langoisse avoit été assez forte pour le porter à se brûler la cervelle; ce qu'il n’avoit pas su exécuter, à cause du trouble dans lequel on présumoit que son ame avoit dû se trouver : en conséquence ses enfans me prièrent de vouloir bien faire avec un autre Chirurgien l’ouverture du cadavre , et sur-tout l’examen de la partie malade, | Cette ouverture se fit le mardi 3 Juin , à sept heures du matin ; je dilatai d’abord lentrée fistu- leuse du goiître , et au moyen du doigt seulement je séparai toute la partie contenue dans le kyste, et Jen fis l'extraction; elle étoit sphérique et avoit une consistance et une couleur presque charnues : il n’y avoit aucun foyer de suppura- tion dans l’intérieur de cette masse globuleuse, et c'étoit dans l’espace contenu entre elle et la paroi intérieure du kyste qui étoit assez unie, que résidoit la matière purulente, D 0 D D RC 02 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS En passant à l’examen de la poitrine, j’apperçus sur la région du cartilage xiphoide une escarre noirâtre d'environ un pouce de diamètre , sans rupture de la peau ; les parties musculaires situées au-dessous étoient contuses et meurtries de ma mière que l’on pouvoit avec de légers eforts les traverser avec le doigt; le tissu cellulaire de la partie antérieure du médiastin qui avoisine la réunion du péricarde avec le diaphragme étoit échymosé ; je trouvai le péricarde intact, sa cou- leur n’étoit pas même altérée ; mais il éroit rempli par le sang sorti du ventricule droit du cœur, à travers une crevasse située à peu près au centre de sa paroi , dans laquelle on pouvoit introduire le petit doigt : d’ailleurs. je n’y apperçus aucun indice d’altération antérieure au coup de feu. Cette observation me paroîït intéressante, parce que l’on en a peu de semblables , dans lesquelles la rupture d’un des ventricules du cœur ait été l'effet d’une percussion extérieure , sans cause prédisposante dans ce viscère, Il est probable que le ventricule droit du cœur se trouvoit dilaté à l'instant de l’explosion, et que cette circonstance a facilité sa rupture. "Relativement au goître, il seroit vraisembla- SUR LA CHIRURGIE, etc. 203 blement resté fistuleux , parce que le malade ne vouloit pas permettre que l’on y fit aucune opération , et qu'il n’étoit pas de la nature de ceux qui, lorsqu'ils ont abcédé, se guérissent souvent par une seule incision : dans celui dont il est question l’on ne pouvoit espérer ni la dissolution de la masse globuleuse qu’il conte- noit par la suppuration , n1 le retour de son adhésion avec les parois du kyste qui la ren- fermoit ; l’extraction seule de cette masse auroit pu en procurer la guérison ; alors peu à peu les parois du kyste se seroient rapprochées , ou bien on y auroit excité une légère irritation pour en procurer l'adhésion. Genève , le 4 Juin 1797. LA 204 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS % T2 —Ÿr, OBSER VAT rO SUR une hydropisie de poitrine. Par le Citoyen RENAUDIN. mn one fee EE Givi sou) ass ds A'mbbRse à la bataille d’'Huningue par une balle qui lui perça la cuisse droite transversalement dans sa partie inférieure ; sa direction étoit telle qu’elle pénétroit d’une part à deux pouces du condyle externe du fémur, et de l’autre venoit sortir aw côté opposé à deux pouces et demi trois pouces du condyle interne du même os. Nous passons sous silence le temps qui s'est écoulé depuis l’époque de sa blessure jusqu’à celle où il est entré dans notre Hôpital, autant parce que le traitement qui lui fut appliqué ne nous est pas connu, que parce qu'il ne peut avoir qu’un rapport très- éloigné avec la maladie qui fait le sujet de cette Observation. Nous dirons seulement qu'il séjourna dans divers Hôpitaux pendant environ dix-huit mois, et que ce ne fut qu'après ce long; PTE =D Po SUR LA CHIRURGIE, etc. 205 espace de temps , et le 17 Vendémiaire de l'an $, qu'il vint dans le nôtre recevoir les secours qui lui étoient nécessaires ; il nous parut d’un tempérament bilieux, sanguin , d’un carac- tère lent ; il présentoit d’ailleurs une sorte d’embonpoint , le visage étoit terne, soit que le fond de cette couleur hu fût particulier, soit qu’il fût la suite de son séjour dans les Hôpi- taux. L'ulcère résultant du coup de feu étoit dé- généré en fistule , l’ouverture externe s’ouvroit et se fermoit fréquemment ; plus d’une fois nous y portâmes le trochisque de minium ; mais celle du côté interne constamment ouverte fournissoit en abondance une suppuration noirâtre, fétide, ichoreuse. La sonde introduite dans Pune des fistules qui communiquoient sans doute entre elles , étoit arrêtée dans son passage par une portion d’os carié qui l’empêchoit de pénétrer plus avant ; dans limpossibilité dy passer un séton , nous cherchâmes à en dilater l’ouverture à la faveur des bougies de cordes à boyaux qui y furent maintenues pendant quelque temps. Mais presque subitement (et ce fut le 10 Pluviose et jours suivans, c’est - à- dire environ trois mois après son entrée) il se plaignit d’une diarrhce légère , d'une douleur constante au côté gauche, LR 206 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS d’une difficulté de respirer , d’une toux et d’une oppression qui furent bientôt accompagnées de J’expectoration de crachats muqueux par fois assez abondans ; le pouls étoit dur , accéléré ; C’étoit l'effet de l’irritation que faisoit naître sans doute la douleur que causoit l’introduction de chaque bougie dont lusage fut cessé dès le premier jour. Il y eut dès-lors une diminution sensible dans l’écouiement de la suppuration. Jusqu'à ce moment on ne pouvoit tout au plus appercevoir dans l'ensemble de ces signes qu’une maladie naissante qui n’étoit point encore bien caracté= risée ; elle pouvoit être prise pour un engorge- ment muqueux du poumon ou pour une fluxion inflammatoire de ce viscère ou des parties envi= ronnantes , déterminée par le transport de la matière de la suppuration dont la quantité étoit devenue sensiblement moins grande, Mais de nouveaux signes vinrent indiquer le vrai carac- tère de la maladie. Une enflure particulière se fixa autour des malléoles de l'extrémité sauche; elle étoit plus sensible sur la partie antérieure de l'articulation de la jambe avec le pied : un œdeème léger se manifesta dans toute l'étendue de cette même extrémité ; les urines devinrent rares, le côté gauche de la poitrine étoit Iégérement EE Us ce SUR LA CHIRURGIE, etc, | 207 soulevé et présentoit un emphysème peu sen- sible , l'inspiration étoit moins douloureuse que l'expiration ; 1l se plaignoit aussi d’une vive douleur dans la région épigastrique , et ne pou- voit se coucher que du côté gauche. Le citoyen Petit, en portant deux doigts sur l’un des espaces intercostaux du côté gauche, recueillit en frappant le sternum avec l’autre main la sensation d’une ondée fugitive et difficile à saisir. Mais si ce dernier signe n’avoit point échappé à sa dextérité, il avoit été frappé bien davantage par tous ceux dont je viens d’offrir l’ensemble. Aussi son ju- gement fut prompt et définitif. Cependant Îa douleur qu’avoit ressenti le malade dans la région épigastrique vint à cesser tout à coup, ce qui sembla pour quelques jours lui donner quelques soulagemens ; mais en revanche le ventre devint volumineux , tendu , et donna des signes non équivoques qu'il partageoit avec la poitrine la maladie primitive dont le siége étoit dans cette cavité. Dans le principe rien ne fut néoligé pour combattre les suites d’un mal qui s’annonçoit sous de si mauvais augures. D’abord on employa les béchiques , les adoucissans , ensuite les bois- sons apéritives aiguisées avec l’oximel sallitique, 208 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS | les lochs simples et avec addition de kermès mis néral ; mais tout fut inutile. Les symptômes devinrent plus allarmans ; le malade étoit accablé par une oppression douloureuse et fatigante ; il ne pouvoit plus se coucher , restoit constamment assis sur son lit , et les courts momens qu'il donnoit au sommeil étoient interrompus brus= quement par un sentiment de pesanteur qui l’étouf- foit. Le moment étoit pressant. Le citoyen Petit, en connoissant la cause du mal, avoit bien conçu de suite l’idée du seul remède qui pouvoit lui convenir ; mais ce remède étoit peu ordinaire, et jaloux de le faire accepter par des hommes de l’Art et de s’étayer de leurs propres lumières, il les interrogea le 2 Ventose. Il leur fit l’exposé de la situation du malade, et proposa la ponction comme le moyen le plus propre à lui procurer du soulagement , le seul qui peut-être put con- server ses jours. Les avis furent assez partagés, et la diversité des opinions sembloit ne rien amener de décisif, lorsque le citoyen Petit, for tement persuadé qu'il ne falloit point balancer quand 1l s’agissoit de soulager un malheureux sur le point d’expirer dans les douleurs, pré- senta avec force de nouvelles raisons; tout fut bientôt disposé pour une opération qui d’ailleurs simple SUR LA CHIRURGIE, etc. 209 simple par elle-même ne pouvoit que procurer de l'avantage pour le malade. La ponction fut faite, et le trocart plongé dans l’un des espaces intercostaux à six travers de doigt de la colonne vertébrale et à quatre doigts au-dessous de l'angle inférieur de l’omoplate, pénétra dans la cavité de la poitrine pour donner issue à deux pintes environ d’un fluide séreux , limpide , inodore et d’une couleur légérement citrine, L: L’Art venoit de faire tout ce qui dépendoit de son ressort ; la nature invitée par cet effort salu- taire à déployer ses forces, ne put elle - même que nous montrer son impuissance ; nous n’en suivrons pas moins cette maladie jusques dans ses derniers périodes , parce que les signes par lesquels un malade est conduit à la mort sont pour ainsi dire aussi intéressans pour l’Art que ceux par lesquels il est rappele à la vie. Après le moment de l'opération , le malade fut sensi- blement soulagé, à la toux près que faisoit naître l'introduction de l'air dans la poitrine ; il n’avoit presque plus de douleur, plus d’oppression ; le pouls devint élevé d’abord, mais dans le reste du jour il reprit son premier état , c’est-à-dire il devint petit , lent, tel qu'il a coutume d’être dans les affections séreuses des cavités, Les O 510 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS mêmes médicamens lui furent continués, Le 3 ; le pouls étoit petit, accéléré ; le ventre avoit presque perdu son volume , les urines s’étoient rétablies | lexpectoration des crachats devint plus facile; enfin le soulagement se soutint en- cote , et cherchant à faire une diversion heu: reuse, le matin du même jour on lui appliqua sur chaque jambe un vésicatoire. Le 4 , les vé- sicatoires ne produisirent rien de remarquable , mais les pieds et les jambes furent couverts d’un œdème pâteux qui conservoit l’impression du doigt ; l’oppression et la toux reprirent de nouveau et rendoient la poitrine du malade ‘extrêmement douloureuse. Le $, les vésicatoires avoient légérement donné ; l'oppression, la diffi- cuité de respirer reparurent ainsi que la douleur vive au côté gauche et à la région épigastrique, tous les symptômes s’aggravèrent et furent portés à leur plus haut point. La poitrine présentoit ce râlement pénible , funeste avant-coureur d’une mort prochaine. Le pouls avoit été dans la ma- tinée petit, accéléré , le soir il étoit presque imperceptible ; les extrémités se refroidirent!, et il expira au nulieu d’une angoisse dificile à æxprimer, Pour rendre le tableau plus parfait, il eût SUR LA CHIRURGIE, etc. 215 oo fallu sans doute offrir celui des recherches que nous aurions pu faire par l’ouverture de son cadavre ; mais par une circonstance particulière 1l nous fut enlevé, et malgré notre désir nous fûmes privés de l'avantage précieux d’examiner l’état exact des parties et l’altération particulière du poumon ; triste ressource sans doute , qui cependant en éclairant l’Art qui tend à conserver, ne laisse pas quelquefois de le consoler sur les pertes qu'il n’a pu éviter. EE mm 311 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS a A OBSERVATION SUR une grossesse eXtra-utérine ventrale. Par le Cit. MARTIN l'aîné, Chirurgien en chef de l'Hospice des Vieillards et Or= phelins de la Charité de Lyon, es Secrétaire-général de la Société, Les écarts de la nature dans la reproduction de l’espèce humaine sont encore assez fréquens ; Part, en cherchant à y remédier, les aggrave quel- quefois par des secours indiscrets ou prématurés. S'il est des cas où lon ne sauroit agir trop tôt, il en est aussi où l’on ne sauroit trop attendre ; et quand Vexpérience a appris que la nature pouvoit se suflire à elle-même pour réparer ses erreurs , 1l y a plus que de l’imprudence à lui susciter des ressources auxiliaires , inçertaines et douteuses, La matrice reçoit le germe fécondé du fœtus ; elle le conserve et le retient pendant neuf mois ; époque ordinaire à laquelle son accroissement est Dm -SUR LA CHIRURGIE, etc. 217 assez considérable et son organisation assez par- faite pour exister par lui-même dans le fluide aérien qui nous environne, Mais le fœtus fécondé ne parvient pas toujours dans la cavité utérine ; il s’arrête quelquefois dans l’ovaire ou dans les trompes, et quelquefois aussi il est projeté dans la capacité du bas-ventre sur la partie extérieure du fond de la matrice. Lorsque cela arrive, 1l se met en rapport par son placenta avec les parties circonvoisines ; il s’y dé- veloppe et s’y accroit pendant un temps plus où moins long, en se formant une matrice artificielle et circonscrite, par l’union de ces parties avec ses propres membranes, le chorion et l’amnios, Ces sortes de grossesses extra-utérines, qui datent du moment où l’acte de la conception à CO 1 . A . été consommé, doivent être essentiellement distinguées d’une autre grossesse extra-utérine accidentelle. Cette. dernière a lieu, lorsqu’à la suite d’une xupture de matrice le fœtus et ses dépendances passent dans la cavité abdominale, Autant les signes de cette espèce sont positifs .. autant çeux de.la grossesse extra-utérine natu= 0 3 214 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS relle sont équivoques et incertains jusqu’au terme ordinaire de la gestation. ‘ Je n’appuierai point ici cette assertion d’une ultitude de preuves surabondantes, je les réserve pour un Mémoire sur ce phénomène qui, beau- coup plus fréquent qu’on ne le pense communé- ment, n’a point été suffisamment traité , quant à Ÿ 0 « LA 0 . . à la partie curative; Mémoire auquel je travaille de concert avec le Cit. Guérin mon collègue. L'observation qui suit est remarquable, 1.° parce au’elle offre un cas infiniment rare de conception purement ventrale ; 2.° Par la complication de la hérnie étranglée, opérée avec succès à l’époque finale de la gestation. « Marie Benoît , âgée de 26 ans , née à Saint- ‘Christophe, Département de la Haute-Loire, d'un tempérament sanguin , étoit enceinte pour la seconde fois. Sa première grossesse et l'accou- chement qui l’avoit suivi avoient été aussi heu- reux que le genre de vie qu’elle menoit pouvoit le permettre, Dans les premiers jours du mois de Pluviose an 4 de la République, elle entra à -FHospice SUR LA CHIRURGIE, etc. 321$ de la Charité pour y attendre l'instant de son second accouchement. Le 8 du même mois elle fut prise de douleurs féoères qui s’accrurent successivement, et dont le retour alternatif fit penser à la Sœur accoucheuse que le travail de l’enfantement commencoit. Les douleurs avoient leur principe dans le creux de l’estomac et s’étendoient en s’épanchant dans les hypocondres, et sur-tout dans le gauche : bientôt elles devinrent insupportables et se com- pliquèrent de vomissemens de matières stercorales. Ce fut alors qu’on vint n’appeler pour fi donner les secours nécessaires. Je voulus d’abord reconnoitre l’état de la matrice ; je trouvai son col dur , saïllant , exactement fermé et marqué de deux empreintes. Le vagin n’étoit nullement dilaté ; il n’étoit point enduit de cette humidité glaireuse qui annonce la proximité du travail : il'présentoit une dimension en profondeur plus étendue qu’elle ne l’est ordinairement aux ap- proches de l’accouchement. Toutes ces circonstances réunies me firent juger que ces douleurs n’étotent pas celles de l’enfan- tement et qu'il fälloit leur chercher une autre çause. O 4 “ Dom ne cm — non 216 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS La malade étoit extrémement fatiguée ; son visage étoit enflammé , ses yeux ardens et ses narines dilatées ; son pouls toit concentré et accéléré ; une sueur froide baignoit tout son corps lorsque les transes de la douleur venoient provoquer le vomissement. Pexaminai le ventre; il étoit élevé, tendu comme dans les grossesses naturelles. Sa prin- cipale saillie étoit à l’épigastre , et c’étoit aussi à cette partie que se faisoient sentir les mouve- mens de l’enfant. En continuant mon examen, J’apperçus au pli de l’aine , du côté gauche, une tumeur grosse comme un œuf de poule, et en la touchant je sentis qu’elle sortoit de dessous l’arcade crurale. La malade , interrogée sur la nature et sur l’époque de la naissance de cette tumeur , me répondit qu’elle hui étoit survenue spontanément à la suite d’un effort violent. Elle ajouta qu’un de mes Confrères avoit pensé que c'étoit une hernie crurale irréductible , et lu avoit conseillé de ne point porter de bandage. Cette tumeur étoit tendue , et quoique la peau n'eüt point changé de couleur , la malade donna des marques d’une sensibilité vive, toutes les fois que je la palpai pour en reconnoitre la nature. SUR ‘LA C'HPRURIGÉE | etc. "ar Marie Benoit éprouvoit dans la partie du ventre correspondante à cette tumeur des tiraille- mens douloureux ; je crus pouvoir les attribuer à l’action mécanique de Putérus qui, refoulant par son développement la masse des intestins vers les parties postérieures et supérieures de l’abdomen , tendoit à extraire du sac herniaire l’anse intestinale qui y étoit comprise et retenue. Cette manière de voir, fondée sur ce qui se passe ordinairement dans le bas-ventre pendant le développement de l'utérus, devint le guide de mon opimon sur la nature des accidens et de ma conduite dans le traitement curatoire, Je tentaiinfructueusement pendant vingt-quatre heures d’opérer la réduction de la hernie ; je n’épargnai ni le taxis ni les applications émol- lientes , ni les lavemens légérement stimulans, ni encore les médicamens internes pris dans la classe des calmans et des antispasmodiques. Enfin je me décidai à pratiquer lopérarion. Après avoir incisé les tégumens qui couvroient la tumeur et disséqué quelques lames de tissu cellulaire, je trouvai une pelote graisseuse de la grosseur d’un petit œuf de poule dont la base évidemment membraneuse et parsemée de beau- EEE 213 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS coup de vaisseaux sanguins s’engageoit sous Farcade crurale à laquelle elle adhéroit par plu- sieurs points ; elle tenoit encore par d’autres adhérences aux parties circonvoisines , et no- tamment à l'artère crurale dont je sentois très- distinctement les pulsations. Je détruisis ces adhérences avec le doigt et avec Pinstrument, et prenant ensuite la tumeur entre le pouce et l’index, je sentis dans son centre un petit corps rond et médiocrement dur qui cédant à la pression que J’exerçai rentra dans le ventre et fut spontanément suivi du reste de la tumeur. Cet événement , en terminant brusquement opération, ne me permit pas de distinguer si la tumeur étoit formée par lépiploon simplement, Ou comme j'ai lieu de le présumer par une partie du bord convexe du colon ordinairement fourni d’une grande quantité de graisse. J’appliquai l’ap- pareil ordinaire , et trois heures après je vis avec la plus grande satisfaction disparoïtre tous les accidens formidables qui avoient existé. La malade cessa de ressentir des douleurs vio-= lentes; son estomac qui ne pouvoit auparavant retenir la moindre goutte de liquide , put sup- porter de suite plusieurs tasses de tisane émul- ‘ 4 à - SUR LA CHIRURGIE, etc. 219 sionnée et une potion lénissante , sans qu’elle éprouvât aucune envie de vomir. Les déjections alvines se rétablirent, et le sommeil qui pendant quatre jours et quatre nuits avoit constamment fui sa paupière , vint mettre le dernier sceau au succès de l’opération. | Ce bon état se soutint pendant trois jours: déjà la malade demandoit des alimens plus sub- stantiels que le simple bouillon auquel j’avois réduit sa ration, quand tout à coup, le 14 Pluviose, septième jour de l’apparition des dou- leurs et le quatrième de l'opération, tous les accidens reparurent et augmentèrent avec une effrayante rapidité. La plaie, résultat de lopération, étoit ver- meille ; le doigt engagé sous l’arcade crurale n’y rencontra aucun corps étranger. Le col de la matrice étoit dans le même état qu'à Pépoque du premier examen, dur, saïllant et nullement :entrouvert ; une sérosité sangui- noïente, sans doute exprimée par la violence du spasme douloureux, paroissoit de temps en temps à Ja vulve. Je ne négligeai aucun des moyens capables de diminuer les douleurs et la fréquence des vo- 220 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS missemens ; ils furent tous inutiles, et la malade expira au bout de vingt-quaire heures dans les tourmens d'une agonie convulsive. Je fis de suite porter le cadavre à l’amphi- théâtre, et je procédai à l'ouverture en présence du docteur Parat et de mon frère. Après avoir incisé longitudinalement les tégu- mens et les muscles du bas-ventre , je trouvai une membrane ou sac membraneux assez mince de couleur noirâtre, Cette membrane recouvroit un enfant mâle à terme, couché transversale- ment au-dessous de l'estomac, de manière que la tête qui passoit au travers d’une crevasse con- sidérable s’engageoit dans l’hypocondre gauche au devant de la rate , tandis que les pieds plon- geoient dans la région lombaire droite. J’avoue avec franchise que je pris d’abord ce sac membraneux pour la matrice elle-même, altérée par la gangrène et crevassée latéralement; ce n’étoit cependant autre chose que les mem» branes ou enveloppes du færzs confondues avee le péritoine. La liqueur qu’elles contenoient s’étoit échappée par la crevasse et flottoit dans le bas-ventre. Je sciai le pubis afin d'examiner les parties externes de la génération et de re- 16 i Se PERS RPAIREENRRNE om mette é munis . à ESRI ” SUR 'LA CHIRURGIE, etc. 221 connoître si cette rupture prétendue de la matrice m’étoit point causée par une maladie particulière de son col. Ce fut alors que je m’apperçus de mon erreur, La matrice étoit entière et libre dans sa posi- tion ordinaire et naturelle ; son volume étoit à peu près triplé; les sinus utérins dilatés comme ils le sont au quatrième mois de la grossesse, étoient remplis d’un sang noirâtre et coagulé ; la face du fond de cet organe qui est recouverte par le péritoine , étoit intimement adhérente au placenta , et formoit la partie inférieure du sac qui contenoit l’enfant, Les ligamens larges étoient distendus par l’aug- mentation du volume de la matrice; mais les ailerons étoient encore assez distincts pour qu’on pût reconnoitre la marche du canal des trompes et les ovaires, à la vérité dans un état de flétrissure. Les intestins grêles refoulés dans les parties moyennes et postérieures flottoient dans le liquide épanché ; je n’y apperçus d’ailleurs aucune alté- ration particulière. Le mésocolon et le colon étoient phlogosés dans toute leur étendue , et semés de points 2 222 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS gangreneux. Je crus appercevoir sur les graisses dont le bord convexe du colon étoit couvert une excision que j'attribuai à Popération , et qui me fit juger que c’étoit cet intestin qui for- moit la hernie. Les parties externes de la génération, le vagin et le col de la matrice ne présentoient aucune particularité. Les reins et la vessie étoient aussi dans une intégrité parfaite. Je détachai la matrice et les dépendances de cette grossesse pour les soumettre à l’examen de la Socièté des Amis-Médecins ; mais la pu- tréfaction qui s’en étoit emparée ne permit pas d'observer tous les détails que j'ai exposés. On ne put aisément vérifier que la ténuité du sac, l'augmentation du volume de la matrice et Padhérence intime du placenta à la face externe . du fond de cet organe. Parmi les conjectures nombreuses auxquelles la succession des accidens éprouvés par Marie Benoît permet de se livrer, je ne saisirai que celle qu me paroit la plus importante pou les progrès de l’Art. Les douleurs premières, celles qui produisirent SUR LA CHIRURGIE, etc. 223 SE DS Ed ED OC) le vomissement des matières alvines étoient-elles occasionnées par la rupture du sac qui conte- noit l’enfant ou par l’étranglement de la hernie crurale ? La cessation subite de tous les-accidens à 1a suite de l'opération ne permet guères de douter que lintestin colon étrangié et tiraillé de dehors en dedans n’ait donné lieu aux douleurs primi- tives et aux symptômes fâcheux qui les accoms pagnèrent. Mais cette assertion une fois admise il faudra toujours attribuer les accidens secondaires qui produisirent la mort, à la crevasse latérale du sac dans lequel l'enfant étoit contenu et à l’épan- chement des eaux de l’amnios dans la capacité abdominale, Que cette crevasse soit un effet consécutif des douleurs qui nécessitèrent l’opération, qu’elle ait été préparée par les violens efforts du vo- missement , ou qu’elle se soit faite spontanément, c’est ce qu’il importe assez peu de savoir. Maïs une question de la plus haute importance se présente ici naturellement et mérite un examen réfléchi. Dans l'hypothèse où les signes diagnostiques 224 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS eussent été assez positifs pour reconnoître sans aucun doute le cas de conception extra-utérine, quel étoit le moyen de prévenir la perte de Marie Benoit ? Il semble au premier abord qu’il n’y a rien d'aussi facile que de répondre à cette question, et que le mot de section Césarienne doit venir se placer sur les lèvres de tous les gens de l'Art. On sera sans doute étonné que je ne partage pas cet avis ; mais je crois avoir des raisons péremptoires pour regarder la section Césarienne . dans les cas de cette espèce comme une opération inutile et nécessairement mortelle. Tandis qu’il m'est prouvé, autant par le raisonnement que par l'expérience des plus fameux Observateurs, que la nature se suffit à elle-même pour réparer dans des cas de cette espèce les erreurs auxquelles elle s’est livrée, et se débarrasser lentement du produit d’une conception dans laquelle elle semble s’être écartée de l’uniformité de ses lois ordinaires. Je réserve Pexplication de cette opinion et les détails qu’elle exige pour le Mémoire auquel je travaille de concert avec mon colléoue le citoyen Guérin ; SUR-:LA CHARURGIE, etc |} 225 Guérin ; mais je ne puis me refuser au plaisir d'insérer à la fin de cette observation les réflexions qu’il présenta à la Société au sujet d’une obser- vation sur une opération Césarienne dans un cas de conception tubale (*); observation qui avoit été communiquée par le citoyen Colomb , et qu'il a retirée depuis pour la faire imprimer dans ses Œuvres médico-chirurgicales, D ——MEb— 0 & —— yann RÉFLEXIONS communiquées par Le Cit, GUÉRIN, sur le Mémoire du Ci. COLOMB , relanif à une grossesse extra-utérine de quinze mois, x LA quantité et la gravité des accidens qui onf précédé et accompagné l'opération Césarienne dont il est question dans le Mémoire du citoyen Colomb, (*) La femme Cantin, sujet de cette obsetvation, portoit un enfant mort dans la trompe de Fallope , et dont la tête en jetant l’utérus de côté étoit venue s'engager dans le petit bassin où elle se faisoit sentir très-distinctement. A la suite d’une consultation à laquelle le Cit. Guérin assista , le Cit. Colomb pratiqua l’opération Césarienne , tira un enfant mort, et la femme ne survécut que de peu de jours. Woyez les Œuvres médico-chirur= gicales du Cit. Colomb , page 233 , première édition, Lyon, an 63 chez Bernuser P mieu - . - =. que nr CRETE ES TE eo tm MÉMOIRES ET OBSERVATIONS 226 . annoncent combien l’on doit être éloigné de compter sur le succès dans les circonstances où s’est trouvée la femme Cantin. D'ailleurs comment espérer d'évacuer tous les débris résultans du déchirement des parties auxquelles l’enfant étoit adhérent ; comment conce- voir que tous ces débris eussent pu se présenter contre leur propre poids à l'ouverture que l’on a eu cependant soin de ménager à la partie la plus basse de la plaie, Mais si lon a de fortes raisons de redouter les suites d’une pareille opération, étoit-il plus prudent d'abandonner à la nature le soin de s'ouvrir une-voie particulière pour se débarrasser de ce fardeau nuisible à Ce moyen ne paroïit pas en être un plus sûr, car la femme Cantin éprouvoit depuis long-temps des déran- gemens considérables auxquels il a même fallu remé- dier pour’la mettre en état de subir l’opération Comment en effet espérer qu’un Enfant à demi-pourri | dont le cordon ombilical avoit totälement disparu par la putréfaction , dont le placenta se.présenta sous- une forme qui ne permettoit plus de.le reconnoitre; comment espérer , dis-je , que la nature eût pu, au milieu de tant d’orages et de circonstances nuisibles, avoir le temps de se préparer une voie capable de fivoriser la sortie. de cet enfant? Étoit-il raisonnable enfin de se livrer à l’espoir. flatteur .de conserver cet enfant dans lé sein de sa mère pendantnombre d'années, sans craindre que la mort de cette dernière ne füt la suite nécessaire d’un pareil procédé ? Non sans doute 3 So SUR LA CHPRURGIE, “etc, Or Em ee no rm d'après le concours des accidens dont j'ai parlé, la nécessité de prendre un parti étoit indispensable. Mais s'il ne nous reste point d'espoir de sauver les femmes qui se trouvent dans le cas de la femme Cantin , soit qu’on les opère ou qu'on ne les opère pas, l'Art peut-il rester oisif ? et ne sauroit-il venir au secours de ces malheureuses victimes des erreurs de la nature ? Je pense que oui, je pense qu'il existe quelques ressources , et je m'explique. M. Littre rap- porte un exemple d'après lequel les matières putréfiées mème les os, peuvent se frayer une route inconnue et capable de favoriser la sortie de toutes les parties. Mais si au lieu de laisser au hasard le choix de cette route inconnue , ce qui est d'autant plus dangereux qu’elle peut être pratiquée à traVers de parties intéressantes à la vie ; si au lieu de courir cette chance incertaine on est libre de choisir une route plus sûre, de choisir celle qui présente le plus d'avantage sans offrir d'in- convénient , n'est-ce pas le cas d'appeler à son secours PArt qui peut la frayer? Par exemple dans la femme Cantin la tête de l'enfant étoit très-avancée dans le petit bassin, il paroïissoit qu’on étoit prêt à la saisir , mais le vagin qui la recouvroit étoit un obstacle ; dans ce cas ne pouvoit-on pas proposer de fendre sufhsamment cette partie du vagin qui recouvroit la tète , pour extraire par cette voie les parties de l’en- fant qui se seroient présentées successivement ? Si l'idée m'en vint au moment de la consultation , elle fut étouffée par l'unanimité des sufrages en faveur P > 228 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS oo) de l’opération Césarienne ; c’est également en faveur de l'opération Césarienne que l’on conclut dans une thèse de Médecine soutenue en 1712 , dans les cas de conceptions ventrales. Mais on ne met pas en parallèle dans cette thèse cette opération avec les moyens que je donne, et que je suis autorisé à croire préférables. Si je propose lincision du vagin , ce n’est que dans le cas où les parties de l'enfant se présente- roient dans le petit bassin , et viendroiïent par leur présence indiquer le lieu le plus avantageux pour faire les incisions. La conduite à suivre dans la circonstance où l’on se décideroit à inciser le vagin, doit être calquée et réglée d’après ce que fait la nature lorsqu'elle est réduite à ses propres moyens. Je voudroïs donc que l'extraction se fit lentement , afin que tout eût lieu sans trouble ; que chaque partie du bas-ventre de la mère déplacée par la présence de l'enfant reprit sa place peu à peu. L'exemple fourni par Mme, de Claris et celui rapporté par Littre, ne laissent pas à douter que les choses ne puissent réussir, en suivant la marche qu'a tenue la nature dans ces deux cas. Les mouve- mens des muscles du bas-ventre pousseront peu à peu les parties du fœtus du côté qui lui présentera le moins de résistance, qui sera celui du vagin incisé ; l'Art de son côté sera attentif à aider le travail de la nature , en faisant successivement l'extraction des parties qui se présenteront par cette voie : c’est encore SUR LA CAIRURGTE ..etc.. eg par-la que l’on pourra faire des injections pour enlever les débris de la pourriture. Tel est le procèdé que je proposerois à la place de l'opération Césarienne , pour lequel d’ailleurs je ne puis présenter que de la théorie, » GUÉRIN. 230 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS OBSERVATIONS Sur les effets de l'électricité dans le trai- tement de la catalepsie , du tétanos et de l'asthme convulsif, symptômes de l’affec- tion hystérique essentielle, | Par le Cit. PETETIN , de la Société de Médecine de Lyon. Que fundata sunt in natura crescunt et perficiuntur 3 quæ verd in opinione Variantur non augentur. Bagl. Cap. x11. AVERTISSEMENT. Ox à fondé l'électricité médicale sur deux principes qu'il importe de vérifier ; la surabon- dance et le défaut de fluide électrique dans les corps. Je rapporte dans ce Mémoire quelques expériences que je crois nouvelles pour établir des doutes sur lun et l’autre principe ; doutes qui m'avoient d’abord été suggérés par les effets absolument semblables que j’ai obtenus des deux SUR LA CHIRURGIE, ‘efc! :231 espèces d'électricité dans le traitement de la cata- lepsie, du tétanoi et de lasthme convulsif, symptômes de l'affection hystérique et effentieile, Ces accidens , déterminés par toute autre cause que l’excessive mobilité des nerfs , sont presque toujours mortels , sur-tout le réranos idiopathique et même le symptomatique , soit qu'il se montre dans le cours des fièvres pernicieuses ou qu’il succède à des fièvres mal jugées , soit qu’il ait lieu à la suite des piqüres ou des blessures, pendant que les plaies sont encore ouvertes ou immédiatement après leur cicatrisation. On pense, dit Hurteloup, dans son excellent Précis sur le tetanos, que l'électricité pourroit réussir, mais je ne sache pas guelle ait été employée , etc. Elle a rappelé quelque- fois la transpiration supprimée ; sous ce point de vue elle pourroit être utile. L’analogie des accidens qui reconnoissent tous la même cause prochaine , a souvent déterminé les Praticiens à faire usage des mêmes remèdes pour les combattre ; et j’ai assez constamment obtenu des effets salutaires de l'électricité dans le tétanos hystérique, pour qu’on y ait recours dans les autres espèces qui supposent la même aflection du sezsorium, V'ignore si le fluide élec- P 4 rm 232 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS trique qui change avec tant de promptitude Pétat contre nature de cet organe dans.le pre- mier cas, le modifiera assez dans les autres pour gagner un temps sufhsant, afin d’en détriire les causes éloignées ; mais les Hôpitaux civils et militaires n’offrent que trop d'occasions de le vérifier, et les Officiers de Santé en chef se prêteront sans doute à tenter un moyen nouveau et qui peut devenir avantageux, em — — — Een je publiai ma découverte sur les phé- nomènes physiques et moraux qui accompagnent . la catalepsie hystérique , J’ai prouvé par des ex- périences incontestables , que le fluide électrique répandu dans le cerveau et les nerfs, dans Pespace et les corps ambians, en étoit le principe ; qu’il constitué l’ame sensitive de tous les êtres vivans, et forme la chaine imperceptible qui les unit entre eux ; que soumis à l’empire de la volonté, prompt comme l'éclair , 1l pénètre dans Îles profondeurs du corps et met en contraction les organes qu’elle a résolu de mouvoir. Quand , l'imagination échauffée par tant de pro- diges, je me livrai à quelques conjectures sur los SUR LA CMRURGIE, tm ess 2 om oo modifications que le fluide électrique fait éprouver à l'estomac pour le mettre en état de remplacer es organes des sens, j'étois bien loin de prévoit qu'il püt les anéantir tout à coup, et qu’employé avec constance dans l'intervalle des accès , 1l de= vint un des moyens les plus efficaces pour les dissiper sans retour. Avant de rendre compte de mes observations médicales touchant les vertus de ce fluide, qu'il me soit permis de m'expliquer franchement sur VPélectricité positive et négative auxquelles on attribue des effets diamétralement opposés. Si jusqu'ici l’on a obtenu très-peu de succès de l’une et l’autre espèce dans la curation de quel- ques maladies nerveuses , sans doute on a ignoré les avantages que l’on pouvoit en retirer au fort de l’accès pour faire disparoitre les accidens les plus graves , arrêter les mouvemens impétueux et désordonnés qui affoiblissent le ton des nerfs, changent la qualité des humeurs ; et l'électricité employée dans le calme n’a pu remédier à tant de vices ! Attaquer tout à la fois l'électricité positive et négative seroit un projet insensé qui imprimeroit le cachet de la folie sur le front de l’Auteur ; mais proposer des doutes sur la réalité des causes … 234 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ss qu'on leur assigne et les faire sortir du sein même de l’expérience , est un devoir que l’amour de la vérité impose, que l’Art de guérir com- mande , et que je remplirai avec circonspection. Je sais qu’il est facile d’errer dans l’explication physique des effets les moins compliqués ; la cause qui les produit, sa manière d'agir sont très- difficiles à-connoître ; et nos raisonnemens les plus spécieux ne sont souvent que de brillantes conjectures. Jen appelle à la remarque du célèbre et malheureux LAVOISIER , sur la formation des gaz par l’action du calorique ; la volatilisation des corps est-elle due à l’expansion des molécules ignées , ou bien leur attraction, plus forte que: celle des parties entre lesquelles elles s’insinuent , ne les réduiroit-elle pas en vapeurs ? Qui osera prononcer ? Je ne m’attacherai donc pas à la considération des causes des phénomènes électriques pour ré- voquer en doute la surabondance et le défaut du fluide électrique dans les corps; mais je com- battrai lés signes dont on se sert pour prouver l'existence de l’une et de l’autre. Si je réussis à démontrer qu'un corps électrisé négativement repousse un corps électrisé positivement ; et dans une autre circonstance si un corps électrisé po= EEE mr À SUR LA, CHARURGIE, etc. 11235 sitivement en repousse un négatif, 1l faudra convenir que les signes caractéristiques du plus et du moins sont absolument infdelles ; que Îles deux espèces d'électricité pourroient bien n’en former qu’une seule, mais avec quelques modi- fications , encore inconnue dans la densité ou peut-être le mouvement de la matière subtile qui la constitue ; et que la théorie fondée sur les signes ne doit point diriger l'Officier de Santé dans l’emploi qu’il peut en faire pour le traite- ment des maladies. | FRANKLIN, Auteur de lélectricité négative, a foudroyé par une seule expérience que tout le monde connoït, le système de PAbbé Noilet, cimenté par trente années de travaux. Sa belle analyse de la bouteille de Leyde, les expériences qui en font la base , la découverte de l'électricité négative à laquelle elle a donné lieu, les preuves subséquentes qui la confirment ; la théorie élec- trique simple qui se forme comme d’elle-même aux traits de lumière échappés du flambeau de lexpérience , théorie d’autant plus séduisante qu'elle accueille le doute pour le détruire avec ménagement ; qu’elle associe à des principes évidens des qualités occultes pour expliquer des phénomènes dont elle ne peut dévoiler la cause ; 236 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS LA qui enveloppe de toute part d’objections insolu- bles le systême de l’Abbé Nollet , sans le connoi- tre ; qui le sappe par les fondemens , sans paroître y toucher : une théorie aussi attrayante devoit faire loi en physique , et mériter à son Auteur la palme de la victoire par-tout où les Sciences sont cultivées. Mais que de suppositions le Docteur Franklin n’a-t-1l pas mises en avant, pour établir la sous- traction du fluide électrique contenue dans Îa partie étamée de cette bouteille ? 1.° L'imperméabilité des pores du verre, et cependant l’étincelle donnée au crochet en chasse une semblable de la surface extérieure : cet effet qui suppose nécessairement un contact immédiat entre les molécules de ce fluide dans épaisseur du verre, ne réclame-t-1l pas contre la prétendue imperméabilité de ses pores ? 2.° L'impossibilité où se trouve le fluide élec- trique du réservoir commun de remplacer celui qui s’échappe des pores de la surface extérieure de la bouteille, quoique Franklin convienne que toutes les molécules de ce fluide jouissent de la propriété essentielle de se repousser : ainsi la masse entière du fluide électrique de la terre ne - | ets L SUR: L'Ay CHPRURGIE.," IC 1237 peut résister à son impulsion, et la foxble étincelle qui s'échappe de la partie étamée est suflisante pour la comprimer, 3.° La nécessité d’enlever au crochet une por: tion de son fluide électrique surabondant, pour que les pores de la surface extérieure de la bou- teille puissent en admettre une quantité égale ; une loi plus puissante que celle de l’équilibre, une loi inconnue suspend toute la force expansive du fluide électrique du réservoir commun , et l'éponge desséchée qui flotte à sa surface ne sau- roit s’en imbiber, 4° L’impuissance où se trouve le crochet de donner une portion du fluide surabonclant dont il est environné , si la partie étamée n’est pas à portée d’en recevoir ; c’est le feu sacré que la loi de l'équilibre a mis en dépôt sur la surface intérieure de la bouteille et auquel il est défendu à tout corps de toucher. .° L’impuissance où se trouve cette même surface de recevoir deux étincelles électriques , si lextérieure ne peut en perdre un nombre égal dans le réservoir commun ; comme si la loi impérieuse ne pouvoit partager d’un seul coup la quantité surabondante de fluide électrique 238 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS accumulé autour du crochet de la bouteille char- gce, lorsqu'on le met en communication avec celui d'une autre bouteille dans son état nature! et séparée du réservoir commun. 6.° La tentative inutile de ravir à la partie étamée son fluide électrique propre , si la surface intérieure de la bouteille n’est pas à la proximité d’un corps qui puisse la surcharger ; enfin le défaut absolu de fluide électrique dans Pespace, sa turgescence dans Pair qui le retient obstiné- ment : d’où 1l résulte que les corps isolés restent dépouillés ou surchargés de ce fluide, et n’en donnent ou n’en reçoivent que des substances conductrices en dissolution ou en suspension dans lé gaz atmosphérique. Quelque étonnantes que paroissent ces suppo- sitions , il n’en est cependant aucune qui ne soit appuyée par l’expérience ; et si le Philosophe Américain navoit pu errer dans les conséquences qu'il entire, l’analyse de la bouteille de Leyde seroit le chef-d'œuvre de l'esprit humain. Défendons-nous de Pillusion qui accompagne ces expériences et de la séduisante simplicité avec laquelle les résultats en sont présentés ; l’envie de tout deviner, la certitude où nous sommes Ce SUR LA CHIRORGIE, lc, 1289 que la vérité ne se couvre que d’une gaze’lépère, nous font souvent prendre pour elle-même des conjectures plus ou moins heureuses : Opposons- leur d’autres expériences et comparons-en les produits avec soin, peut-être verrons-nous que la vérité se cache sous des voiles plus épais ; que la nature ne se laisse pas si facilement péné- trer, et que la doctrine des causes est loin du but qu’elle doit atteindre , lorsqu’elle ne présente que de simples probabilités. Pin : PREMIÈRE EXPÉRIENCE. Renversez un plateau de verre sur une table, 3 frottez pendant quelques minutes sa surface avec un coussinèt ; lorsque vous la croirez suffisamment électrisée , couvrez-la d’une rondelle d’un diamètre à peu près égal et touchez son rebord. Il en part une étincelle, en l’enlevant par son manche de verre; vous jugerez qu’elle est électrisée négati- vement : elle repousse en effet une balle de moëlle de sureau dépouillée par un bâton de cire d’Es- : sn d aide dléctt pagne d’une poïtion de son flude électrique propre. ir La surface du plateau sur laquelle vous opérez est donc surchargée de fluide électrique ; et d’après 240 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS lassertion de Franklin , la rondelle dans le contact ne transmet au réservoir commun celui qu’elle contient dans ses pores, que pour en ravir une quantité plus grande à cette même surface, Mais dans quel état se trouve la surface infé= tieure du plateau ? La cinquième supposition de Franklin le fait pressentir ; elle est négative, par la raison qu’on ne peut accumuler du fluide électrique sur un côté du verre sans que lPautre n’en perde au même instant une quantité égale, Retournez donc le plateau, et faites avec la rondelle sur cette surface la même opération que sur la première, vous trouverez la rondelle électriste positivement ; elle repousse*une balle surchargée de fluide électrique, et en attire puissamment une autre qui a moins que sa quantité naturelle. Ainsi dans le contact la ron- delle, au lieu de darder son fluide électrique propre dans le réservoir commun , le lance dans les pores de la surface non frottée du plateau, et en reçoit du plancher une quantité plus grande. Cette surface est donc négative. Maintenant relevez le plateau, tenez-le per- pendiculairement sur son axe, présentez à ses surfaces # SUR LA CHIRURGIE, etc. 241 nn etienne "04 0 CERN eRNEnnenes A surfaces une balle électrisée positivement; toute deux la repoussent, celle qui a moins que s4 quantité naturelle de fluide électrique comme lautre qui en est surchargéé. Que conclure de cette expérience à 1.° Que la causé finale’sur laquelle le DoËteur Franklin fonde Pexplication de la soustraction du fluide électrique propre de la rondelle ,'ainsi que de sa surcharge, lorsqu’en contact avec les surfaces du plateau on touche son rebord; est absolument illusoire ; puisque , dans les deux cas , on la retire sans que celies-ci lui ravissent oului donnent un atôme de fluide électrique. 2.9 Que le signe caractéristique ‘de là sousa traction du fluide électrique dans les corps est absolument infidelle , puisque la surface négative du plateau repousse une balle positive. 3.° Que la surface non frottée du plateau communiquant avec le réservoir commun est aussi positive que celle sur laquellé on fait agir le coussinet ; et que lPaccumulation du fluide électrique sur un côté du verre peut avoir lieu sans qu'il en résulte une soustraction de Pautre: 4.° Que l'électricité de la surface non frottée du plateau ne change de forme q\'aütanr qu'on Q 242 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS - C 1 L4 j fait communiquer la surface frottée avec le °C. | ? Que cette communication ne peut priver la sat non’frottée du plateau d’une partie quelconque de son fluide électrique propre; puisque , de l’aveu même de Franklin , ce fluide ne passe point à travers les pores du verre, et que l'air ne sauroit le lui ravir. 6.° Qu'il faut chercher la cause oc de Pélectricité prétendue négative de la surface non frottée du plateau dans la direction particulière que prend son fluide “électrique propre ‘lorsque la surface frottée touche: au R: C. et non dans la spoliation de sa quantité. naturelle; direction encore inconnue , et que. l'abbé Nollet paroît avoir pressentie en l’attribuant au mouvement rétrograde de: ce même fluide. rs ès SECONDE EXPÉRIENCES Électrisez à la manière ordinaire: un élec- trophoré dont le gâteau résineux puisse, être facilement séparé de.sa coupelle; placez la rpns delle sur sa surface ; et touchez son bord; -elle est électrisée positivement : la surface dela résine sur laquelle yous opérez est donc négative. SUR LA CHIRURGIE, etc, ! 243 Renversez le gâteau sur une table, répétez la même opération sur l’autre surface ; la rondelle électrisée négativement vous donne la conviction que celle-ci est positive. Relèvez le gâteau, tenez - le perpendiculairement sur son axe ; il repousse des ‘deux côtés une balle lectrisée négativement. SROMQN EE ‘Le signe essentiel qui manifeste l'électricité positive dans une des surfaces de là résine est donc aussi-trompeur quecelui-qui caractérise Pélectricité négative dans le plateau dé verres et vouloir fonder :sur l'existence de ces signes la surabondanceiet ‘le défaut de fluide électrique dans les corps, n’est-ce pas appeler le doute sul l’une et l’autre ISSpÈCR d'électricité? CTON *: ” ? QUE © ni la même cause inconnue’ sodife le mou vement du fluide électrique dansila surface fon frottée du gâteau résineux , lorsqu’en le renvera cr sur une table on fait communiquer sa surfacé supérieure avec le réservoir commun; 'et qui de négative la rend positive sans aucune! addition de: luide 260 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Ce L’asthme convulsif est une maladie trop vio- lente, ses accès sont trop fréquens pour que les vaisseaux sanguins qui se distribuent dans les poumons n'éprouvent pas des engorgemens qu les exposent à se’ rompre, où une perte de ressort qui donne lieu à des varices, à des anévrismes. Le cœur lui-même n’est pas à l’abri de ces accidens ; lès efforts qu'il est obligé de fairé pour pousser le sang à travers les ramifi- cations, artcrielles affectées d’une constriction spasmodique le dilatent avec excès, il s’amincit ; et finit quelquefois par se rompre. J'ai eu deux occasions de remarquer cet événement funeste z a première , dans un jeune homme qui avoit passé de la mélancolie à la folie, et qui dans cet état avoit éprouvé de fréquentes oppressionss a seconde, dans une Chanoinesse morte à trente six ans, attaquée de spasmes depuis l’âge de douze ans, et d’un asthme convulsif depuis vingt deux ans : dans l’un et l’autre le ventricule droit du cœur excessivement dilaté et aminci avoit versé ‘une grande quantité de sang dans le péri« carde par une fente de quelques lignes. Quand un désordre aussi considérable que l'anévrisme du cœur ou de l’artère pulmonaire se joint à l’excessive irritabilité des nerfs qui 58 | / % SUR LA CHIRURGIE,etc. 261 distribuent à la trachée-artère , aux poumons et au diaphragme , le pouls est non-seulement intermittent pendant toute la durée de Pästhme convulsif, mais encore dans l'intervalle des accès: les malades éprouvent de violentes palpitations qui décèlent cette complication funeste ; ils tombent dans la cachéxie , et les jambes devien- ment œdémateuses long-temps avant la mort. La catalepsie , le tétanos , Vopisthotonos et l'asthme convulsif, symptômes de l'affection hystérique essentielle , ne se manifestent pas tout à coup; des accidens convulsifs d’une autre espèce les- précèdent ordinairement, et ne se déclarent que lorsque le système nerveux a été affoibli par des secousses violentes, et que Îles vaisseaux san- guins qui se distribuent dans la substance du cer- veau commencent à fléchir, Les signes précurseurs sont un sentiment de distension et de plénitude dans la tête, des bouffées de chaleur au visage, des éblouissemens |, un sentiment habituel de froid dans les extrémités inférieures et la foi- blesse de leurs muscles. L’affection hystérique essentielle a presque tou- jours pour cause conjointe la pléthore sanguine, car les accidens nerveux ne se montrent guères KR 3 2 D OP D DR A MS 262 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS a | qu'aux environs de la puberté. Mais comme la distension des vaisseaux fait depuis cette époque des progrès sensibles jusqu’à près de trente ans, les premiers symptômes se renforcent ; il semble que les fibres motrices contractent une plus grande 1rritabilité, et l’on seroit porté à croire que les muscles qu’elles forment n’entrent dans des contractions violentes que pour exprimer des vaisseaux qui leur sont unis une surabondance de sang qui les fatigue. Au-delà de ce terme, V’éématose s'exerce avec moins de vigueur, la proportion de serum commence à l’emporter sur le cruor , les fibres musculeuses acquièrent plus de densité par l’exercice, elles sont moins irri- tables ; le sezsorium lui-même en perdant de son énergie est plus soumis à l’empire de la volonté: de là vient sans doute la disparution des symp- _tômes les plus graves de l'affection hystérique essentielle depuis vingt-cinq jusqu’à trente ans, si l’on a la sagesse d’écarter du traitement les remèdes qui peuvent les exciter ou les entretenir ; et parmi ces remèdes lopium , les sels volatils alkalins, les huiles éthérées tiennent la première place. Toute évacuation subite est préjudiciable dans l'affection hystérique essentielle ; mais on a CAD necR SUR LANCHIRURGIE, etc. lebs singuliérement redouté la saignée pour en com battre les accidens les plus formidables : cepen- dant j'ai observé que des hémorragies par des voies même peu convenables en calmoient la violence , en retardoient les accès ; et sans avoit recours à la lancette pour diminuer la pléthore, je me suis toujours servi avec avantage des sangsues appliquées à diverses reprises sur Îles extrémités inférieures, Je n’oublierai jamais qu’une femme âgée de dix-huit ans, attaquée d’une cata- lepsie hystérique , précédée de mouvemens con- vulsifs atroces, et conservant dans l'intervalle des accès une douleur de tête , tantôt gravative, tantôt extrêmement aiguë , à laquelle j’avois conseillé lapplication de quatre sangsues à Îa partie interne et moyenne de chaque cuisse, perdit pendant la nuit et le sommeil une s1 grande quantité de sang , que le lendemain matin elle eut la plus grande peine à se faire entendre; la douleur de tête, les mouvemens convulsifs et la catalepsie en furent dissipés : le lait, le quinquina , les bains froids , l’air de la campagne rétablirent ses forces , et cette maladie n’a jamais reparu, Les secours qui m’ont le mieux réussi dans le traitement de la catalepsie sont les bains froids, R 4 EP 20 264 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS la glace pilée et appliquée sur la tête dans l’inter- Valle des accès. J'ai fait jeter, en été, dans l’eau du bain jusqu’à soixante et quatre - vingt livres de glace, et les mouvemens convulsifs les plus violens cessoient aussi-tôt. Il est inconcevable que le calme rétabli les malades n’éprouvent aucun sentiment de froid , il s’écoule quelquefois une demi-heure avant qu’elles en ressentent la première impression ; et J’ai toujours attendu ce moment pour les faire sortir du bain. Le réranos hystérique ne subsistant pas ordinai- sement assez long-temps pour porter un préjudice essentiel, je n’ai tenté aucune méthode particulière pour le combattre ; les bains froids , Papplicationi des sangsues entre les épaules , des frictions avec de la glace pilée sur les muscles du cou et de la mâchoire inférieure , sont des moyens qui n’en abrégent pas toujours la durée; celui que j'ai trouvé le plus efficace est l'introduction dans l’es- tomac d’une assez grande quantité d’eau glacée, Lorsque j'ai employé ce moyen on ne songeoit point encore aux sondes de gomme élastique , et le hasard me servit heureusement, Une demoiselle âgée de 23 ans, d’un tempérament sanguin et pléthorique étoit au troisième jour d’un opissho- D ES SUR LA CHIRURGIE, etc. :26$ tonos cataleptique , les bras repliés derrière le dos ; la peau étoit affectée d’une chaleur supérieure à la naturelle ; une sueur assez abondante couloit sur le front , les joues et la poitrine , et la respi- ration paroissoit suspendue. Je fis diminuer le nombre des couvertures ; lorsque la sueur fut dissipée , je conseillai de transporter la malade sur les carreaux. On la leva comme une statue ; les points d'appui les plus forts, malgré Pembon- point qui sembloit lui en ménager d’autres, étoient les talons et la partie supérieure de l’occipital. Je fis verser sur tout le corps , à diverses re prises , de l’eau froide ; la chaleur et la rougeur des tégumens diminuèrent beaucoup , mais tous les muscles restèrent inflexibles. Je recommandai de lui frictionner les cuisses et les jambes avec de la glace ; les muscles se détendirent aussi-tôt, La même friction exécutée sur les bras leur donna toute la flexibilité nécessaire pour en changer la position ; les muscles du bas-ventre se ramolli- rent , mais ceux du cou et de la mâchoire résis- tèrent avec opimiatreté. Je lui introduisis dans une narine une cuillerée d’eau glacée , elle l’avala avec une facilité surprenante ; et lorsqu’elle eut à peu près une demi-livre d’eau dans l’estomac , le setanos et la catalepsie se dissipèrent, 266 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS L'application réitérée des sangsues , les bains froids répétés deux fois le jour, l’eau d'orge émulsionnée , le petit lait altéré avec le suc des plantes nitreuses , la diète entiérement végétale firent disparoïtre les mouvemens convulsifs dans Pintervalle des accès , prévinrent l’opisthotonos , mais laissèrent subsister la cara/epsie qui revenoit chaque jour, entre trois et quatre heures du matin , et ne se terminoit que vers les six heures du soir. Comme on ignoroit dans cette maison les phénomènes physiques et moraux que présente la catalepsie , je les fis observer , et je répétai sur cette intéressante malade toutes les expériences dont j'ai parlé dans mon premier mémoire. Son frère cadet, bon Physicien, s’avisa de lui attacher autour du doigt une ficelle très-mince, de soixante pieds de longueur et Iégérement hu- mectée ; 1l la disposa en circonvolution dans sa chambre qui étoit spacieuse , et se plaçant à l'endroit Le plus éloigné , il fit à Ja malade plusieurs questions , à voix très-basse , sur l'extrémité de la corde , auxquelles elle répondit avec la plus grande précision. Pai été plusieurs fois témoin de cette expc- I SUR LA CHIRURGIE, etc. 267 rience qui a constamment réussi ; je substituai un jour à la ficelle un cordonnet de soie blanche d’un pied de long, et la malade garda un pro- fond silence. L’affection cataleptique tendoit à sa fin lorsqu'un événement malheureux et terrible fit sur cette demoiselle la plus violente impression , et la catalepsie se rétablit dans toute sa force. Les frictions avec la glace devenant inutiles, lin- troduction de Peau glacée dans Pestomac , ne pou- vant plus avoir lieu par la constriction des muscles de l’œæsophage, et la malade touchant au cinquième jour de l’opisthotonos cataleptique , je me déter- minai à l’électriser. Son lit étant isolé sur des gâteaux de cire, elle le fut positivement et en bain pendant une demi-heure , mais sans succès. Je tirai alors de la plante d’un pied une étincelle assez forte avec la boule d’un excitateur ; sur le champ la malade s’élança hors du lit et demanda un verre d’eau froide qu’elle eut beaucoup de peine à avaler. Encouragé par ce premier succès, je fis conti- nuer les bains , réitérer toutes les semaines lap- plication des sangsues, et la malade fut soumise à l’électrisation sans étinçcelle une heure chaque jour, en deux séances, w L 4 . 268 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS L'effet salutaire de ce nouveau moyen fut marqué dans l’espace de six jours. L’opischosonos disparut , les attaques de catalepsie retardèrent d’une heure sans se prolonger, comme un accès de fièvre intermittente rehelle que l’on combat avec le quinquina , et les forces musculaires des extrémités inférieures commencèrent à se rétablir; car depuis près de trois mois la malade ne pou- voit se lever de son fauteuil et faire un seul pas. D’autres événemens plus formidables et de longue durée plongèrent la malade, au moment où elle touchoit à la guérison, dans des crises vraiment effrayantes : le désespoir se mit de la partie ; il fallut Pattention la plus sévère pour déjouer ses sinistres projets, et je suis convaincu que sans l'électricité elle eût succombé à tant de maux. L’opisthotonos cataleptique reparut pour la troi- sième fois, ses accès se prolongèrent ; la foudre qui grondoit continuellement sur sa tête et qui éclatoit autour d'elle, la jetoit , lorsqu'elle pou- voit l’entendre , dans des mouvemens convulsifs atroces. Pour les faire cesser , il sufisoit d’électriser un quart-d’heure la malade sur son hit, et SUR L A CHIRURGTE, etc} 269 | | d’exciter une étincelle des bras ou des jambes : ce moyen a constamment réussi; l'électricité en bain positive ou négative laissoit subsister la contraction impétueuse des muscles ; l’étincelle seule changeoit l’état du sensorium et rétablissoit le calme. Toujours victorieure dans lopisthotonos cata= deptique | l’étincelle échoua à cette troïsième rechute. Je fus obligé de recourir à la commo- tion que je bornai à une jambe; ces deux acci- dens disparurent , mais elle laissa subsister la DE ASURALA CHORURGLEG ete 287 Tous ceux qui seulement après une demi-heure de marche ‘se sentant un peu fatigués ont sur le champ recours à leurs bidons et prennent de l'eau de’ vie , ressentent plus promptement que les autres le besoin d’en reprendre, et l’on conçoit alors comment dans une marche de huit} dix ou quinze heures ils doivent entprendre une quantité considérable qui ne peut que fortement les échauffer | décider même un tr ransport de sang au cerveau , et les conduire ainsi plus rap dement à la lassitude, au repos forcé et néces- sairement au Sommeil et au refroidissement qui en sont les suites les plus funestes. Au contraire tous ceux qui s’eflorcent dé résister le plus long-temps qu'ils peuvent à la fatigue , et qui seulement dans le moment où ils se sentent de vrais besoins ont Pattention de prendre avant tout une croûte de pain seule ou ‘quelque ‘autre substance solide ; peuvent ensuite en toute sûreté faire usage d’une petite quantité d’eau de vie. Ces restaurations qui sont tout autant de lest pour lestomac dont la vacuité devient si pémible ‘dans les courses un peu longues, soutiennent très-efficacement le corps dans Pactivité néces- saire pour les supporter. D'ailleurs c'est ainsi que nous‘en avons donné l’exemple à ceux qui 288 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS her DR a ne m2 étoient nos voisins dans la marche, ét nous ne pouvons que recommander une méthode: qui, dans les expéditions qui sé sont présentées’ nous a à toujours permis d'accompagner le soldat, Quatrième, espèce de conpélation, ou de effets. du froid sur le. poumon, Nous n'avons indiqué jusqu'ici que les effets du froid sur.les parties extérieures, et quoique dans la troisième espèce nous en ayons vu des suites FRRFTREE très-fâcheuses , on ne sauroit js comparer à à celles qui sont le résultat de son impression sur l'organe du poumon, Or cette affection, du poumon_par le froid est produite par l'impression brusque et. oglaciale des coups de vent sur, toute l’étendue des voies destinées à la respiration ; la bouche et le nez se resserrent involontairement , la respiration se suspend , le malade tente avec effort de dilater sa poitrine ; mais l : vivacité de l’air et la sen sation du froid l’en empêchent : : 51 l’orage au lieu de se calmer redouble , si le malade ne peut s’en abriter par un changement de position , s'il ne peut en affoiblir les effets en plaçant ses mains devant sa bouche , en un mot. si sa respi- ration SUR LA CHIRURGIE, etc. 289 ration reste plus long-temps suspendue , bientôt sa tête se trouble, il tombe où le vent lentraine, et il ne tarde pas à trouver un tombeau sous la neige que les vents ont rapidement accumuiée sur lu. Cet accident frappe indistinctement toutes les constitutions , parce qu'il est produit par ces grands orages ou plutôt par ces tempêtes dont les effets sur le sommet des hautes montagnes sont si terribles et si difficiles à concevoir par tout autre que par ceux qui ont eu le bonheur d'échapper à leurs ravages; on les connoît danse _pays.sous le nom de sourmenre ; chaque année , au - rapport des habitans des principaux passages des hautes Alpes , ces orages. manquent rarement de surprendre ou d'enlever quelques voyageurs. D’après ce tableau, le pronostic paroît devoir n'être que très-fâcheux , cependant il ne l’est pas toujours 3 heureusement il est des dégrés dans cet accident qui donnent des espérances de retour - à la Vie, comme il est des positions qui présen- tent les moyens de le faciliter : c’est ainsi que nous avons eu la satisfaction de secourir avec succès un Volontaire du 5° Bataillon de Khône et Loire, que nous rençonträmes sur le sommet du Col- 5 Se ARR DO NT CREME 290 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS : du-Mont ; la fatigue l’avoit forcé de ralentir sa marche, et le brouillard lui masquoit la colonne qui étoit en avant. Seul, saisi par le froid, battu par le vent, couvert de neige et de glaçons, ce malheureux résistoit encore lorsque sur le champ il est surpris par un coup de tourmente qui menace de l’entrainer ; 1l n’a que le temps de ‘rétrograder un peu pour se jeter derrière un ‘rocher : mais s’il avoit trouvé un asile contre le vent , il lui en manquoit un contre le froid , dont il auroit été sans doute la victime , si mous ne nous fussions hâté d’aller auprès de ‘ui. Nous le trouvâmes couché sur la neige, sans force et presque sans respiration ; nous -commençâmes par le mieux abriter qu'il ne VPétoit, par lui faire respirer de Peau de vie, “par l’agiter enfin autant qu'il étoit en notre pou- voir de le faire. Dès qu'il se sentit secouru, il regagna , si l’on peut ainsi parler, la moitié de sa vie, il put nous dire, mais encore avec . l'accent du désespoir : « Ne me quittez pas ». Nous lui en donnâmes sur le champ l’assurance, - mais nous nous refusâmes à le laisser plus long- . temps en repos; nous lui fimes prendre quelques alimens et le pressâmes de partir : l'orage aug- mentoit en effet, et il nous auroit été bientôt 2e ER ÉTRANGER PETER ET SPP D ÉD ERP PTE SUR LA CHIRURGIE, etc. 201 impossible de le sauver et peut-être d’échapper nous-mêmes au danger. Nous nous hâtâmes donc de l’entrainer , car sa foiblesse étoit trop grande pour qu’il püt aller de lui-même : déjà nous descendions sur la pente du revers de la mon- tagne qui dominoit les redoutes dont on étoit déjà maitre , lorsque chemin faisant , tant. en roulant qu’en glissant sur la neige, nous enten- dimes les cris de nos colonnes victorieuses : « Allons , courage , dimes-nous à l’instant, voilà # nos camarades. » Dès ce moment il reprit ses forces , il voulut descendre seul ; il parvint en effet aussi-tôt que nous à la rencontre d’une colonne qui revenoit'd’un magasin que les Pié- montois avoient incendié dans leur retraite, Ce fait qui ne pourra jamais s’effacer de notre souvenir, prouve d’une manière bien frappante tout le danger auquel le soldat s’expose dès qu’il se sépare de ses camarades au milieu des brouillards, des précipices ou des tempêtes, 1.° parce que dans le cas d’un accident il est sans secours 3 _2.° parce qu’en le supposant sans blessure et sans chute, il ne peut se flatter de résister à la crainte, à cette crainte involontaire que l’homme ressent toujours dès qu'il se croit seul, soit dans un moment de danger, soit dans un pays | T2 292 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS que sa nature rend inhabitable ; car presque par- tout pour lui la solitude des pays inhabités ressemble à la solitude des tombeaux ; elle ne présente d’autre image que celle du néant , et ne laisse d’autre pensée que celle de la mort : le plus courageux ne peut l'envisager sans effroi. Il ne fut en effet aucun militaire qui au retour de cette expédition n’ait avoué qu’il eût regardé sa perte comme assurée, sil se flt trouvé seul, indépendamment des dangers qu’il pouvoit courir de la part de l'ennemi : il est donc permis de citer ce nouveau trait de l’influence du müral sur le phy- ‘sique , et de dire que les forces vitales diminuent ‘par leffer de la crainte, comme elles renaissent pour ainsi dire par l'espoir et par la présence du secours, Quant aux moyens curatifs de cette congélation ou suffocation pulmonaire, ce sont les mêmes que nous avons indiqués dans l’observation précédente; il faut y joindre Vattention de proportionner la ‘durée des frictions, des mouvemens et même des ‘coups et des autres moyens à l'intensité de lim= “pression du froid, mais pour peu que cette impres= ‘sion soit forte, tout devient inutile : c’est ainsi que nous avons eu le regret de ne pouvoir rendre à la vie un Soldat que nous trouvâmes sur le même EEE te | SUR LA CHIRURGIE, etc. 293 sommet du Col-du-Mont entiérement roide et sans respiration sensible ; un coup de vent terrible larracha de nos mains dans le temps même où nous cherchions à le secourir, en entrainant encore un jeune Élève qui faillit périr avec lui. (*) Mais s'il est si difficile de compter sur des secours efficaces , soit parce que les malades se trouvent trop profondément affectés, soit parce que ceux qui voudroient les secourir, pressés par le même danger, sont forcés de s'occuper d'eux-mêmes, combien ne doit-cn pas chercher à connoiître ce qui peut en garantir, et avec quelle sévérité ne doit-on pas, si l’on peut s’ex- primer ainsi, s'attacher à Ja tactique de précau- tion dont on s’est formé le plan ? C’est ainsi que , nonobstant les préservatifs que l’on peut trouver dans le vêtement , l’exercice et le régime dont nous avons déjà AH. il faut de plus, (*) Ce jeune Élève est le Cit. Chevalier , Officier de Santé de troisième classe, alors à l’'Hospice de Scey ; il avoit été destiné avec l’un de nous pour la colonne de droite. Le coup de vent qui l’entraina le déplaça de trente pieds au moins , et ce ne fut qu’un quart- d'heure après et dans un de ces courts momens de dispersion des brouillards qu’on put M pout- gller à sa rencontre. T 3 294 MÉMOIRES ET ES NEL TER lorsqu'on sait qu’on doit franchir des passages où les tempêtes se font sentir fréquemment, 4.° pour le soldat ne quitter Jamais ses camarades, et pour tout voyageuf ne jamais s'engager sans guides ; 2.° n’ouvrir que le moins possible la bouche et garder rigoureusement le silence, c’est le conseil très-particulier des habitans des mon- tagnes ; 3.° enfin aux signes avant-coureurs de ces grands orages sur lesquels les guides se trom- pent rarement, tout voyageur se retirera dans V’habitation la plus voisine, et le militaire même ne balancera point à rétrograder. Qu’on ne prenne pas ce conseil pour celui d’une fausse crainte, al est dicté par une prudence indispensable ; et nous devons l’appuyer de l’exemple du trop brave commandant Bernard, chef du 4° Bataillon de l’Ain, à qui dans la seconde attaque du Col- du-Mont comme dans la première, l’on avoit confié le commandement de la colonne de gauche, et qui malgré la violence de la tempête dont cette colonne fut assaillie voulut toujours aller en avant : cet excès de bravoure lui coûüta la vie ainsi qu'à quelques courageux tirailleurs qui ne Vabandonnèrent point. N’auroit-1l pas mieux valu ordonner la retraite, ( que le reste de la colonne fut obligée de faire d’elle- même ) SUR LA CHIRURGIE, etc. 295 et conserver ainsi des hommes qui, par ce dé- vouement, ont si bien prouvé qu'ils méritoient de survivre à la victoire pour en partager les: lauriers. Il nous reste encore à parler d’un accident particulier et grave dont quelques Praticiens feront peut-être une cinquième espèce de con- gélation , mais que nous avons cru devoir en distinguer , à raison de la grande fatigue qui tou- Jours le précède et de la chaleur excessive qui quelquefois l’accompagne : il consiste dans la prostration entière des forces musculaires et vitales, et le penchant irrésistible au sommeil. Les causes qui paroïssent essentiellement en- trainer dans cet état sont dans lés premiers mo- mens limpression du froid qui resserrant toute Vhabitude du corps , refoule les humeurs dans les cavités principales ; bientôt après s’y joignent, par la longueur et la difficulté de la marche, une fatigue et un épuisement sensibles que l’on éprouve plus rapidement encore pendant le jour à cause de la réverbération de la lumière par la neige qui est si difiicile à supporter. Cet accident se fait plutôt sentir chez les per- sonnes replètes où d’une constitution sanguine, T 4 296 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS et sous l'influence d'un beau temps et d’un air qui quoique glacial se trouve calme, soit par la position renfermée du lieu, soit par l’état général de latmosphère. : Dans la première attaque du Mont-Cénis, jour où le temps étoit beau , nous avons eu loccasion d’en faire l'observation bien sensiblé sur plusieurs militaires, entre autres sur le citoyen Quevillon Genevois , Adjudant- Major du 1°° Bataillon - Franc , homme gros et sanguin , qui pendant plus de trois quarts d’heure lutta contre la prostration et le sommeil avec tous les symptômes que nous avons exposés, et qui ne parvint à se rétablir complétement par les moyens que: nous indiquerons bientôt, que lorsqu'il put sortir de la gorge ou couloir où cet accident l’avoit pris, pour se rendre à des hauteurs librement exposées à des courans d’air. Au retour et après s'être reposé quelque temps il fut saigné ; depuis ce moment il a pu courageusement supporter des marches plus longues, plus fatigantes, telles que les deux attaques du Col-de-Grisanche , sans ressentir la moindre disposition à la récidive de cet accident, Le pronostic de cette affection comateuse est très-fâcheux , puisque les malades abandonnés à SUR LA CHIRURGIE , etc. 397 eux-mêmes s’endorment sur le champ, et que ce sommeil se termine par la mort, à moins qu’on né soit à portée et à temps de leur donner des secours. Or ces secours consistent à empêcher par toutes sortes de moyens le malade de s’endormir, en le déplaçant de l'air trop calme dans lequel :l peut se trouver pour le mettre dans une exposi- tion plus ouverte; en agitant en tout sens son corps, et le frappant même : de plus en lui faisant respirer quelques odeurs fortes , de Palkali volatil ou de l’eau de vie dont on lui frotte les tempes, le front et le visage. Sous l’action de ces moyens le corps que l’on arrache au sommeil et qui ne se fatigue plus par la marche , tend à se rétablir dans ses fonctions: Poil s’éclaircit , le visage reprend en partie sa couleur naturelle ; les malades parlent et répon- dent d’une manière plus suivie : on saisit alors ce moment favorable pour leur faire prendre quelques alimens , du pain et du vin sufsent ; et si l'estomac peut les recevoir et les garder, dès ce moment l’on peut compter sur Îe réta- blissement du malade ; rétablissement que nous avons eu l’avantage d’opérer chez un Volontaire de la colonne de droite dans la premiere attaque Pen 2 tnt TA net REP 208 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS du Col-du-Mont : il étoit déjà près des hauteurs qui sont immédiatement au-dessous du glacier ; nous le trouvâmes couché, endormi et avec un visage si noir qu'il étoit absolument méconnois- sable. Nous commençâmes par le faire trans- porter sur un plateau très-aéré ; nous lui fimes respirer de l’eau de vie, et tandis que quelques- uns de ses camarades agitoient son corps , nous lui frictionnämes le visage et les mains : bientôt sa respiration qui dans le commencement ne se faisoit remarquer que par des soupirs, lui permit de nous répondre ; nous nous empressâmes alors de lui donner à manger du pain seulement, et pour boisson de l’eau de vie ; bientôt 1l put, en le soutenant il est vrai, se lever et marcher. Nous revinmes à une seconde restauration qui suffit pour lui rendre toutes ses forces, puisqu'il put sans aide suivre ses camarades, Cependant, quoique le malade puisse souvent, comme le prouve cet exemple, se remettre en marche, comme il peut aussi quelquefois éprouver des rechutes , il est prudent de faire approcher le soldat de son poste, et tout voyageur de la première habitation. Si nous analysons maintenant les phénomènes de cet accident qui paroït évidemment se porter RERO CREEREC RE LT LAC EC TETE RER TOR IRD SR RSR EEE ETES PEER NE NP RO PE SEE PEINE SUR LA CHIRURGIE, etc "208 sur le cerveau, nous voyons que la faugue et l’épuisement en sont la cause principale , puisque les malades n’en sont frappés qu'après plusieurs heures d’une marche très-pémible , et souvent sous l’action d’un soleil très-chaud , d’un air étouffant , auxquels 1l faut ajouter la réverbé- ration de la lumière ; réverbération qui peut seule décider une congestion sanguine au cerveau par la chaleur brûlante que développe sur tout le corps , principalement au visage, la multiplicité des surfaces spéculaires que la neige peut comme le sable présenter pour la réflexion des rayons solaires. Pour preuve ne pouvons-nous pas citer l'enflure érysipélateuse qui survient si prompte- ment à la face, après une marche de quelques heures sur la neige pendant le jour ; enflure qui se termine presque toujours par de petites pustules aux ailes du nez et aux lèvres, ainsi que par Pexfoliation squammeuse de l’épiderme du visage ? Cette preuve établit en même temps le premier dégré de l’action de la chaleur qui peut produire la congestion sanguine dont nous parlons. Nous ne voulons cependant pas révoquer en doute l’engourdissement que produit le froid et qui peut conduire au sommeil ; mais dans ce cas le froid des extrémités le précède, et ce n’est Pis fl L ‘300 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS alors que le dernier dégré des’ premières espèces de congélation que nous avons décrites. L’affection comateuse que nous en avons dis- tinguce mérite donc de l’être, quoïiqu’on puisse objecter encore que les malades que l’on ne peut tirer du sommeil finissent par mourir gelés, puisque ceux que nous avons eu le bonheur de retirer n’ont absolument eu aucune partie du corps frappée par la gelée; ce qui prouve d’une manière pé- remptoire que la congélation n’est dans ce cas que la suite du sommeil, Quant aux préservatifs , ils consistent dans lattention de ne jamais précipiter sa marche, de ne point s’arrèter dans les endroits où Pair est étouffé, de délasser autant qu’il est possible ses yeux, en les détournant de la neige pour les jeter sur tous autres objets que l’on rencontre quelque fois , tels que des bois ou des rochers ; de prendre. de temps en temps une petite quantité d’alimens solides avec du vin ou de l’eau de vie, quoiqu’on “en sente absolument aucun besoin ; enfin de résister de toutes ses forces au sommeil , soit-pat- la respiration des odeurs fortes que le malade peut employer de lui-même, soit par la vigilance qu’il doit attendre de tous ceux qui peuvent le secourir SUR LA CHIRURGIE, etc. ‘3O0f Tels sont les différens accidens que nous avons été à portée d'observer, en suivant les braves Défenseurs de la Patrie dans les expéditions pé- nibles qu'ils ont si glorieusement terminées ; accidens que nous avons distingués entre eux , d’après les différences sensibles par lesquelles ils se distinguoient eux-mêmes et sur lesquelles nous avons insisté, autant pour mieux nous rendre compte de nos propres observations , que pour former le tableau médicinal qui manquoit, pour ranger les faits de cette nature qui peuvent se présenter, ainsi que ceux qui se trouvent déjà consignés dans plusieurs ouvrages , et en parti= culier dans ceux de De Saussure et Bourrit. Lee 302 MEMOIRES ET OBSERVATIONS SE =—}#e OBSERVATION Sur une ganorène à la lèvre, attaquée infructueusement par le feu et suivie de mort. Par le Cit. CARRET , ancien Chirurgien en chef de l’'Hôtel-Dieu de Lyon. — "0 fe L, citoyenne Baron, âgée de 37 ans, avoit constamment joui d’une bonne santé; son tem- pérament sanguin lui avoit conservé cet air de fraicheur que Pon n’a pas toujours à cet âge. Depuis environ six ans elle habitoit la campa- gne dans les environs de Lons-le-Saunier , elle vint à Lyon dans les premiers jours de Ventose de l’an $. Après une semaine de séjour dans la Ville, elle monta à Champ-Verd chez le citoyen Chevandier , dont la maison est dans la plus belle exposition ; elle y fut constamment gaie et de très-bon appétit jusqu’au mardi 24 Ventose , ré- pondant au 14 Mars ; elle étoit venue en Ville le lundi 23, et avoit très-bien dormi toute la nuit de ce même lundi au mardi. Le mardi matin SUR LA CHIRURGIE, etC.l 1303 elle fit appercevoir à son frère, Chirurgien instruit, un petit bouton blanc situé sur la lèvre supé- rieure, un peu à gauche. Son frère m’a dit plu= sieurs fois que ce bouton lui avoit paru contenir :du pus, mais de si petite conséquence qu’il eut dans ce moment le désir de le brüler avec une croûte de pain grillé , comme l’on fait à ces peuits boutons que le vulgaire appelle dans ce pays boucharle. La malade vouloit le presser pour en faire sortir le pus, on n’en fit rien, elle dina comme d'usage, elle rit beaucoup, point d’enflure jusqu’au soir ; mais le mardi son frère examina la lèvre et trouva toute son étendue dans l’état na- turel, seulement un point rénitent se faisoit sentir sous le bouton qui étoit toujours blanc : il re- commanda à sa sœur de n’y pas porter les doigts, - Le souper fut gai, on se sépara, et la nuit fut aussi bonne que les autres. Le mercredi matin la lèvre étoit plus enflée et rénitente dans un espace plus grand que la veille, mais peu de rougeur et point encore de douleur , seulement un peu de gêne dans le mouvement de la lèvre, "autant à cause de l’engorgement que de.la dureté qui n’avoit cependant pas encore gagné la partie interne. Un peu avant le déjeüner la malade éprouva un mal-aise féger , sans mal de cœur, , 2 r 4 = _ 304 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS sans soulévement de l’estomac , sans étourdisse= ment, sans beaucoup de foiblesse; le grand air eut bientôt dissipé toutes ces petites apparences de ma- ladie, et la malade fit son déjeüner ordinaire avec du café au lait. Son frère la força de se mettre au lit vers les dix heures, la lèvre se gonfla un peu; Ja malade sentit son appétit renaitre à l’houre du dîner , mais le frère ne lui permit qu’une soupe, Dans l'après-midi l’engorgement augmenta, le petit bouton blanc s’ouvrit et rendit une goutte de pus qui fut remplacé par ua petit bouton rouge qui paroissoit être l'effet du boursoufflement de la circonférence du point suppuré. Vers les cinq heures du soir le frère concut de l'inquiétude ; il envoya chercher du quinquina , de l’alkah vo- latil , de la thériaque , et 1l se reposa pour la guérison sur les grands moyens qu'il se proposoit de mettre en usage le lendemain ; il comptoit ‘aussi que la nature développeroit le petit bouton, le rendroit plus saillant , le cerneroit, pourainsi dire , comme elle fait souvent dans les maladies _de cette espèce ou dans celles qui sont analogues. La joue se gonfla , elle acquit une dureté très- rénitente ; la joue droite se gonfla aussi , quoique le petit bouton, mal apparent primitif, fût un peu plus à gauche. Point de fièvre, point de sentiment dr F Û . À #1 SUR LA CHIRURGIE, etc. 305 PT | sentiment de soif; la nuit fut assez tranquille, Le jeudi matin le frère fut douloureusement affecté , en reconnoissant le progrès du mal; la lèvre étoit prodigieusement dure , gonflée , tou- jours plus à droite qu’à gauche , et ce gonflement , cette dureté se prolongeoient intérieurement jus- ques un peu au-delà de la commissure du côté droit. Baron descendit en Ville à sept heures du jeudi matin; il alla voir le citoyen Petit , il lui fit le tableau de la maladie de sa sœur ; Petit compta sur l'efficacité du cautère actuel , et remit à Baron deux cautères ; mais ses affaires l’empêchèrent de se trouver à la consultation qui eut lieu à midi du même jour. Je trouvai la maladie plus grave que Baron ne l’avoit laissée le matin. La lèvre étoit parsemée de petits points noirs dans la partie qui n’est pas recouverte de la peau, un cercle rouge , commençant près de la com- missure gauche, et se prolongeant sous le nez terminoit l’induration , un peu au-delà de la com- missure droite ; le dessous de la lèvre et toute la partie interne d’un rouge brun, un peu noir dans quelques points ; une légère rougeur dans la joue droite, point d’engorgement dans les glandes environnantes, point de gonflement ni de rougeur sous le menton ni sur les pommettes, peu de V 306 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS force dans le pouls, mais un battement très-sensible à la vue dans les artères carotides, la veine jugu- laire bien plus apparente à droite qu’à gauche ; point de gène dans la respiration ni dans la dé- glutition, pas la plus légère phlogose dans la bouche ni au fond de la gorge. Point de dé- faillances , pas même de nausées ; la malade éprouvoit mème le désir marqué de prendre des alimens. Les urines se réparoient en même quan- tité , les évacuations alvines avoient encore eu lieu le mercredi. J’éteignis un fer rouge sur la place où avoit paru le premier point de maladie ; la malade marqua beaucoup de sensibilité. Je brûlai fortement toute la lèvre sur la portion qui n’est pas recouverte par la peau; je por- tai le feu sur l’intérieur de la lèvre et sur la maladie qui se prolongeoit dans la bouche un peu au-delà de la commissure du côté droit, mais seulement dans ce qui répond à la lèvre supérieure , tout ce qui tenoit à l'inférieure étant parfaitement sain, La /sensibilité ne se montroit qu’au premier attouchement du corps enflammé, On fit de profondes scarifications dans lintérieur, Le quinquina jaune à haute dose, quelques gouites d’alkali volatil noyées SUR LA C'HIRURGIE, etc. 307 dans de l’eau ; la tisane de serpentaire de Vir- ginie, du bon bouillon, un peu de lIimonade aro- matisée avec le vin d’Espagne relevèrent le pouls, la fièvre parut un peu dans laprès-midi. On fo- menta constamment avec une forte décoction de quinquina en poudre , et la décoction ne fut pas passée au tamis. L’engorgement de la joue se dissipa ; un cercle inflammatoire , signe favorable d’une démarcation entre la partie saine et la ma- lade , s'établit : le principe conservateur parut plus énergique. Nous conçümes Baron et moi beaucoup d’espérance pendant toute la journée du vendredi. Les règles qui étoient attendues s’établirent dans la nuit du samedi : vers les huit heures du matin de cette journée la malade éprouva un peu de hoquet , la parole étoit gênée. Baron m'écrivit , j'allai chez la malade vers les onze heures ; je trouvai le pouls foible , le hoquet assez fréquent , la respiration gênée, le cercle inflammatoire de la veille moins sensible, le gonflement de la lèvre bien diminué : point de délire , peu de douleur. La malade n'ayant pas souffert pendant le traitement, je perdis toute espérance de guérison. Nous appliquâmes des vésicatoires aux Jambes , de la moutarde aux L'AE é ss sal S 208 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS pieds ; les forces diminuèrent sensiblement , la malade s’assoupit par intervalles, et la vie s’éteignit à dix heures du soir, sans délire , sans convulsions : elle parloit encore et répondoit à sept heures, li #4, fl SUR LA CHIRURGIE, etc. 309 ‘O. BSE RV AT FE ON SUR une angine trachéale. Par le Cit. LABONNARDIÈRE , Médétin à Crémieux. RÉ (Em Epraneee…. J E fus appelé le 17 Prairial an 4 de la République Françoise , pour aller à Saint-Chef voir la fille de M. B** âgée d'environ 6 ans, d’une constitution. délicate, mais très-sensible et très-vive ; elle avoit eu quelques jours auparavant un peu de fièvre avec mal à la tête et une légère toux dont elle parut rétablie pendant vingt-quatre heures; mais la nuit suivante fut inquiétante , le pouls étoit fréquent et petit, avec un assoupissement entre- mêlé de réveils en sursaut , pendant lequel on entendoit un bruit moyen. entre le râlement et le sifflement ; quand. on l’éveilloit, elle se plai- gnoit d’une gêne dans la gorge avec une voix aigre , rauque, glapissante ; elle éprouvoit par quintes une toux sèche et presque suffoquante,, Var sembloit n’entrer dans ses poumons que V 3 À 310 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS comme dans un organe obstrué et resserré par le spasme : en pressant avec une certaine force le devant de la gorge, la petite malade y ressen- toit une douleur sourde ; elle conservoit la faculté d’avaler , on n’appercevoit rien d’extraordinaire dans l’arrière-bouche, son haleine n’avoit rien de lPodeur qui désigne langine gangréneuse , la langue étoit blanche mais peu chargée, la soif très-modérée;-11 falloit Pexciter pour lui fare boire de l’eau sucrée. Le son particulier de la voix que les Obser- vateurs ont avec raison comparée à celle d’un jeune coq, détermina mon opinion sur le carac- ière de la maladie que je regardai comme une angine trachéale , angina membranacea , le Croup. L’Oficier de Santé ordinaire de la petite malade adopta ma manière de voir. C’étcit une fille unique ; la maladie étoit peu commune dans nos contrées ; je demandai des Confrèrés pour con- sulter ‘et rassembler le plus de lumières qu'il nôus étoit possible, De ces Praticiens le premier déclara n'avoir jamais rencontré cette maladie däns une pratique de cinquante ans ; le second ne se décida à être de notre avis qu'apres avoir vu sortir dans une quinte de toux qui faillit £ mi ne tee 2? ane ee rer mr DE EE en on a cn SUR LA CHIRURGIE, etc 311 Ne RE suffoquer la malade , une portion de cette membrane que nous présumions tapisser la trachce- artère. | ‘ ” N’appércevant point Les sisnes d’une inflam- mation active dans les organes de fa respiration, et considérant ‘la foiblesse qu’avoit laissée à sa suite la fièvre précédente, nous nous abstinmes même de la saignée locale faite au moyen des sangsues. Nous ne prescrivimes point l’ipeca- euañha pour aider au détachement et à l'expulsion du corps étranger soupçonné , la nature de la toux paroïssant nous indiquer qu’il étoit encore entier et solidement fixé ; nous donnâmes un laxatif vermifuge qui produisit peu et ne fit point sortir de vers , et nous nous conten- times ensuite de tenir le ventre libre au moyen des lavemens, Nous appliquâmes un vésicatoire à la nuque, nous mimes des sinapismes aux pieds dans l’in- tention de déplacer, de partager en quelque sorte lirritation qui joignant l’érétisme des voies aériennes à la cause organique qui y est con- tenue, forme dans ces maladies une complication bien redoutable ; mais rien ne réussissoit mieux pour mitiger ces étouffemens convulsifs que le V 4 312 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS bain de pieds tiède qui étoit toujours prêt et qu’on réitéroit très-promptement à chaque exa- cerbation. Nous avons peut-être aussi beaucoup à nous louer de lPusage du lait qui étoit la seule boisson que la malade voulut avaler dans la force de la maladie : cette boisson remplissoit l’indica- tion précieuse de soutenir les forces, et en pas- sant dans les organes de la déglutition elle rem- plissoit les fonctions d’un émollient qui, de proche en proche, diminuoït l'irritation des parties en érétisme. Quoi qu’il en soit , tant que la toux fut sèche je pense que cette boisson nous a rendu de très - grands services. Nous rejetämes Île kermès minéral , l’oxymel scillirique , craignant leur action stimulante, et cherchant plutôt à re- lâcher la trachée-artère que nous imaginions crispée et embrassant étroitement le corps étran- ger. Pour cet objet nous fimes un grand usage des fumigations d’eau chaude aïguisées sur la fin avec un peu de vinaigre , dont on répandoit les vapeurs dans la chambre er même entre les ri- deaux du lit; mais ces fumigations trop rappro= chées la fatiguoient beaucoup , et nous ne pümes retirer de ce moyen tout l’avantage que nous nous en étions promis : nous employâmes aussi Vhuile camphrée en onction sur le cou. SUR LA CHIRURGIE, etc. 313 Les premières portions de membrane furent expectorces le quatrième jour , à dater du jour de ma première visite, et continuèrent à sortir abondamment les jours suivans ; elles étoient épaisses de plus d’une ligne, longues et larges d’un demi-pouce plus ou moins, assez res- semblantes à la couenne qui se forme sur le sang après la saignée ; elles étoient par la suite mêlées en sortant avec beaucoup de matière glaireuse qui paroissoit venir aussi de là tra- chée-artère, Après l’expectoration du premier lambeau, la petite malade fut tellement soulagée qu’elle se mit à courir par la chambre et à sauter de joie. On continua les mêmes remèdes, on y joignit l'usage de l’érysimum coupé avec le lait, le sel sédatif d'Homberg à titre d’antispasmodique. Il continua à se faire pendant une quinzaine de jours un dégorgement des plus abondans des glandés muqueuses de la gorge et des voies aériennes , qui produisit un crachotement pres- que continuel tantôt écumeux , tantôt glaireux, que nous aurions attribué à l’usage du mercure si nous en avions fait usage suivant la méthode du D° Dobson de Liverpool. ee 314 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Nous avons eu la satisfaction de voir dans ‘Vespace d’un mois la santé de cet enfant chéri parfaitement rétablie, et ce rétablissement n’a fait que se confirmer de plus en plus jusqu'à ce jour, 29 Vendémiaire an $ de la Republique Françoise, SUR LA CHIRURGIE, etc.}" fs ne _— Mubu:M.. OR. :E Sur l'action altérante des cantharides , amet e employées comme Vésicatoire. Par le Citoyen Dumas, Professeur de l'École de Santé de Montpellier. Îc est peu de remèdes qui jouissent d’une activité aussi puissante que les vésicatoires, et ia Médecine ne connoït pas de moyen plus efficace soit pour exciter les forces de la wie, soit pour en changer. la distribution devenue vicieuse. Lorsque la na- ture ne déploie dans les maladies que des efforts incertains ou languissans, ils excitent sa lenteur, ils développent son énergie , ils ajoutent de nou- velles forces à celles qui sont insuffisantes ; lorsque les mouvemens de la vie se portent et s’accu- mulent d’une manière pernicieuse sur.un organe particulier , les vésicatoires, en les appclant ailleurs ,“rétablissent et fixent leur équilibre et Icur harmonie, Mais ces qualités que tout le monde reconnoiît dans les applications utiles de ce genre, sont-elles tés seules que nous devions * EEE 316 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS admettre ? Ces médicamens n’agissent-ils qu’en stimulant les fibres du corps animal, et leur im- pression ne porte-t-elle pas aussi dans les humeurs une altération dont il importe d'étudier la nature ? Pour résoudre cette question, j'ai cru devoir re- chercher au moyen de l'expérience les effets que produit sur les humeurs vivantes l’application des cantharides; j’essaierai ensuite de déterminer par la voie de l’analopie dans quels genres de maladie cette action des vésicatoires peut devenit avantageuse ou nuisible. Baglivi nous a donné l'exemple de semblables recherches dans sa disser- tation De usu et abusu vesicantium ; maïs ses expériences moins variées ont fourni des résultats que cet excellent Écrivain n’a pas su ramener à des principes généraux ; d’autres Observateurs ont suivi la même marche , et malgré les essais rapportés dans plusieurs dissertations recueillies par Haller, Baldinger et Schroëder, je crois que cette matière est encore susceptible d’être traitée avec avantage pour la Science. Première expérience. Le 15 Septembre 1789 ; j2 tirai à un chien qui jouissoit d’une bonne santé dix onces de sang que je distribuai dans deux verres , et que j'exposai encore tout çhaud à un, SUR :E A'CGHIRURGIE ; etes! 9x7 bain de sable , à une chaleur de 32 degrés ; je mêlai dans un de ces verres vingt grains de poudre de cantharides, le sang contenu dans l’autre verre resta sans mélange : quelques minutes après le sang auquel j’avois mêlé la poudre avoit pris une couleur noirâtre; quatre heures après il com menca à exhaler une odeur bien manifestement putride , et au bout de huit heures cette odeur étoit très-forte; en même temps ce sang s’étoit changé dans toute sa substance en un liquide teint d’une couleur livide et noire, Le sang auquel je n’avois rien mêlé fut douze heures avant d’exhaler une odeur décidément putride. Seconde expérience. Le 2 Octobre, jexposa au même degré de chaleur de la bile d’animaux récemment tués , à laquelle j’avois mêlé de la poudre de cantharides : cette bile prit bientôt une couleur noire foncée 3; au bout de six heures elle répandoit une odeur dune fétidité insupportable. Troisième expérience. La liqueur gastrique est, comme on sait, un des antiseptiques les plus puissans qu’il y ait dans la nature : m’étant pro- curé par les procédés de l’abbé Spallanzani une certaine quantité de ce liquide , j’y mêlai de la 318 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS a —, poudre de cantharides , et je l'exposai le 6 du même mois au degré de Îa chaleur animale ; cette liqueur devint en peu de temps beaucoup plus foncée que dans son état naturel, et se teignit légérement d’une couleur noire ; mais la putréfaction s’y établit plus lentement, et ce ne fut qu’au bout de quarante-huit heures qu’elle donna des signes manifestes de putridité. Cepen- dant si on considère que la liqueur gastrique livrée à elle-même conserve sa qualité anti- septique pendant dix jours entiers, on trouve que la putridité a marché encore ici d’une ma- a à nière rapide. Quatrième expertence. Je fis prendre à un chien qui étoit resté pendant vingt-quatre heures sans manger et chez qui par conséquent il s’étoit accümulé une grande quantité de suc gastrique, une assez forte dose de teinture de cañtharides, et je l'ouvris sur le champ. Je trouvai que le suc gastrique s’étoit mêlé intimement avec la teinture , et que ces deux liquides flottoient li- brement dans la cavité de l’estomac sous la forme d’une humeur noirâtre et ténue ; {a mucosité qui revêt intérieurement les parois de l’estomac étoit aussi fondue, et 1l n’en restoit plus aucune trace. SUR LA CHIRURGIE,etC. 319 ss Cinquième expérience. Le 24 Novembre, jefis avaler. à un chien de moyenne grosseur un demi-oros de cantharides en poudre sous la forme de bol : cet animal fut aussi-tôt agité ; il parut tourmenté de la soif et d’une chaleur extrême; il ne voulut rien manger ; ses hurlemens presque continuels annonçoient la douleur qu’il ressen- toit ; enfin au bout de sept ou huit heures il commença à perdre ses forces, et après avoir lang encore une heure il mourut. Je l’ouvris aussi-tÔt , Je trouvai l'estomac enflimmé dans toute son étendue et sphacélé dans plusieurs en- droits : le sang contenu dans le cœur étoit entié- rement dissous et d’une couleur noire très-foncée; il répandoit une odeur désagréable et qui frap- poit vivement les narines : la bile contenue dans la vésicule du fiel participoit d’une manière sen= sible à cette altération du sang ; l’urine qui étoit en abondance dans la vessie et qui étoit d’une. couleur roussätre , me parut d’une âcreté exces- sive ; tous les viscères, excepté l’estomac, étoient sains, Sixième expérience. Le 3 Décembre de la même année , je commencçai à faire prendre à un chien jeune et vigoureux, quarante oouttes d’une tein- ture assez forte de cantharides que je mêlai avec \ \ 320 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ses alimens ; je continuai chaque jour en augmen- tant peu à peu cette dose. Au bout de trois mois le chien parut maigrir , 1l perdit J'appétit ; il étoit inquiet et tourmenté par la soif. Je contiriuai encore deux mois l’usage de la teintute ; l’animal étoit alors au dernier degré de marasme; il s’étoit élevé sur la peau des boutons accompagnés d’une démangeaison considérable ; il paroissoit tour- menté excessivement par la soif et par la cha- leur : enfin épuisé par la douleur il mourut: A l'ouverture du cadavre , je trouvai tous les viscères en bon état , si Pon en excepte l’es- tomac ét la vessie dont les tuniques internes avoient pris une teinte sombre ou légérement noï- râtre : le sang étoit dissous et d’un rouge fort vif; placé sur un bain de sable, il ne se coagula pas et prit bientôt une couleur noire , jointe à une odeur excessivement fétide : la bile qui étoit en petite quantité dans la vésicule du fiel , étoit noirâtre et dissoute ; l’urine étoit extrêmement acre, Les expériences que je viens d'exposer et qui s'accordent avec plusieurs observations médici- nales qu'il seroit inutile de rapporter , prouvent évidemment que Pimpression des cantharides sur les humeurs animales produit dans leur substance une SUR LA CHIRURGIE, etc.” 32} une altération bien sensible, Mais pour déter- miner la nature de cette altération ; il est néces- Saire de la comparer avec celles qu’on observe dans l’état maladif des humeurs , et qui sont indépendantes de l'impression des médicamens, En effet les qualités des médicamens ne peuvent être étudiées avec avantage que dans les opé- rations de la nature, et toute leur action se borne à déterminer le principe de la vie à des actes qu'il produit souvent par sa propre énergie. Or les altérations qui se développent le plus fré- quemment dans les humeurs peuvent se réduire à trois principales ; savoir, l’altération bilieuse, V'altération pituiteuse, et l’altération inflamma- toire ou phlogistique. Je remarquerai d’abord que chacune de ces altérations est naturellement distribuée en deux périodes , qui présentent des phénomènes bien différens. Dans la première période de laltération bilieuse, les humeurs sont pénétrées d’une cha- leur vive et âcre ; leur odeur ést forte ; elles ont une disposition marquée à l’alkalescence, et cette disposition ne: peut être corrigée que par l’usage des acides : les principes qui les constituent sont extrêmement exaltés, et leur tissu perd bientôt la consistance qui lui est | X 322 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS naturelle. Dans la seconde période, les humeurs perdent de leur acrimonie ; leur tendance à la décomposition s’arrête , leur odeur devient moins pénétrante, la chaleur dont elles sont imprégnées est plus douce ; et si cette altération suit une marche régulière, les humeurs finissent par prendre un caractère de mucosité dont on voit des traces manifestes dans cette humeur excrémentielle qu’on appelle le sédiment de Purine, et qui est le pro= duit de la coction bilieuse. L’altération pituiteuse , plus lente dans sa marche que l’altération bilieuse, s’accompagne même dès le commencement d’une chaleur beau- coup moins vive; elle dispose les humeurs à lPacidité , et les sels alkalis semblent avoir la propriété d’en arrêter les progrès. Les humeurs qui éprouvent son action sont dans la première période inertes et vapides ; leur constitution est sans énergie , et 1l y domine un principe mu- queux qui leur communique sa lenteur et sa viscosité, Mais à la seconde période , ces humeurs deviennent plus fondues ; leur ténacité est moin- dre, leurs principes sont plus animalisés, et leur constitution acquiert un degré de vigueur plus considérable, L’altération inflammatoire qui semble terur le SUR LA CHIRURGIE, etc. 32% amas ss““-,ss“m“)ss“s,“….-““s“ssme milieu entre celles dont nous avons parlé , a des caractères qui lui sont communs avec l’une et avec l’autre, En effet, dans cette altération les humeurs sont épaisses et gluantes comme dans Valtération pituiteuse ; elles ont même un degré de ténacité plus considérable que dans cette der- nière : elle lui ressemble encoreggn ce que les produits de la coction qui lui est PÉREUNÈLE sont une humeur véritablement pituiteuse qu’on appelle pus. Mais elle.se rapproche de l’altéra- tion bilieuse par la chaleur vive qu’elle produit, par la vivacité et la régularité de sa marche, par l’action vigoureuse qu’elle exerce sur les humeurs qui en sont le sujet : elle s’en rapproche encore par la facilité avec laquelle elle peut se changer en diathèse bilieuse , ce qu’il n’est pas rare d’ob- server dans le cours d’une épidémie et même dans celui d’une maladie. Cette courte analyse des altérations morbifi- ques sufit pour nous mettre en état d’apprécier la nature des effets que produit sur les humeurs animales limpression des cantharides ; car st nous considérons avec attention les résultats des expériences que J'ai rapportées, nous verrons que l’action des vésicatoires sur les humeurs a des X 2 és Ci s ad ES 324 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS points d’analogie multipliés avec altération bi- lieuse des humeurs. / Et d’abord laltération bilieuse produit souvent une prompte dissolution des humeurs ; or le sang et les autres humeurs livrés à limpression des cantharides ont pris quelquefois en très-peu de temps un caractère de dissolution. Secondement , cette dissolution des humeurs s'accompagne d’un degré remarquable de putri- dité, et de toutes les dégénérations humorales connues la bilieuse est celle qui tend le plus à décider la gangrène; mais la putridité est cons« tamment jointe à l’action des vésicatoires. Troisiémement , une terminaison fréquente de Paltération bilieuse est la gangrène ; or nous avons vu que les humeurs ou la substance des organes qui avoient éprouvé vivement l’action des cantharides , ont été frappés de gangrène. Quatriémement enfin, la diathèse bilieuse est le remède naturel de la diathèse pituiteuse, ce qu’on peut prouver en ce que les remèdes qui corrigent la diathèse pituiteuse portent une dégé- nération bilieuse dans les humeurs ; mais nous avons vu les humeurs les plus décidément pitui- teuses prendre un çaractère bilieux sous l'action SUR LA CHIRURGIE, etc. 32 _— des vésicatoires , soit dans le corps vivant, soit hors du corps. Je crois être maintenant à portée d'établir quelques principes ou quelques règles de pratique relatives à l’usage des vésicatoires , et qui peuvent nous diriger dans leur emploi. Il suit donc des expériences et des A trIOnS que J'ai exposées ci-dessus ; 1.° Que dans les fièvres bilieuses putrides les vésicatoires, du moins à raison de leur qualité septique , sont éminemment contre-indiqués. 9 Que dans les fièvres bilieuses qui n’ont pas encore pris un caractère de putridité, ils peuvent être employés, mais avec la plus grande. circonspection et en prenant garde de décider la putridité vers laquelle ces fièvres tendent toujours. Que dans les fièvres inflammatoires qui commencent à revêtir un caractère bilieux, par exemple dans le second stade de la fièvre des prisons décrite par Pringle , ils sont contre- indiqués par les mêmes motifs. 4°. Que dans les fièvres pituiteuses, sur-tout dans leur première période, ils sont souveraine= ment indiqués et par leur qualité stimulante, et & 3 326 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS mec par la propriété qu'ils ont de corriger la diathèse pituiteuse des humeurs. 3.° Que dans les fièvres inflammatoires qui suivent un cours régulier, 1ls ne peuvent être em- ployés avec sûreté que dans la seconde période, qui, comme je l'ai dit, est un état vraiment pituiteux, Quoique expérience nait appris que l’usage des vésicatoires ordinaires est contre-indiqué dans toutes les maladies décidément bilieuses, je n’en suis pas moins convaincu de la nécessité de re- courir souvent dans ces maladies à des stimulans extérieurs. Je proposerai, dans un second Mé- moire , une nouvelle espèce de vésicatoire dont l'expérience m’a constaté l'efficacité, et qui peut remplacer avantageusement les vésicatoires alka- ins dans tous les cas où Pusage de ces derniers devient dangereux. Mais , quoique le résultat de mes expériences soit contraire à l’usage des cantharides dans les fièvres putrides bilieuses et dans toutes les ma- Tadies où les humeurs tendent à la putridité, les autres indications des vésicatoires tirées de é- tat des forces ne peuvent cependant en être affoi- blies. Lorsqu'il faut éveiller la nature et ranmer Emme 88 AI PEP E EÉ SUR: LA CHIRURGIE,, etc... 327 D par une excitation convenable lactivké qui manque à ses besoins, l’art ne connoït aucun secours qui puisse remplacer les vésicatoires. Lorsque les matières bilieuses ou putrides se portent vers des organes majeurs contre les vues de la nature , Part doit leur opposer des efforts pour les en détourner , et dans ce cas il trouve dans les vésicatoires le moyen le plus sûr et le plus propre à remplir cet objet. Il seroit donc important de pouvoir éviter l’action nuisible que les cantharides portent sur les humeurs dans toutes ces circonstances, soit en les mêlant avec d’autres substances qui corrigent et tempèrent leurs qualités nuisibles par un mélange de pro- priétés contraires, soit en leur substituant même, s’il le faut, d’autres matières que lexpérience a reconnues capables de relever Îles forces, sans ajouter comme elles au vice des humeurs. C’est une bonne pratique dans le cas de cette espèce, de frotter l’emplâtre vésicatoire avec un jeu d’alkali volatil , qui, comme on sait, s’oppose à la putréfaction des fluides. Ne pourroit-on pas fare usage alors d’un emplâtre que l’on auroit laissé tremper long-temps dans un flacon d’alkali volatil, et que l’on saupoudreroit avec’ quelque chaux plus où moins caustique ? On à reconnu n. 328 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS dans le nitre la vertu d'arrêter la putridité des humeurs qui en sont imprégnées, L’acide nitreux les dispose à la coagulation plutôt qu'à la disso- lution putride. On connoît d’ailleurs l’efhcacité des acides contre la dégénération bilieuse , et l’on sait avec quelle énergie l'acide nitreux irrite , corrode et brüle les parties vivantes sur lesquelles on applique. Je ne vois donc pas pourquoi on n’obtiendroit point de cet acide seul ou combiné le même effet que des cantha- fides ? Il aciroit également comme vésicatoire et comme correctif de la putridité bilieuse. Je me suis servi quelquefois de l'acide marin déphlogistiqué pour augmenter l'effet révulsif des bains de pieds : je ne connois pas de moyen plus efficace pour obtenir une dérivation prompte et considérable, Une Dame à qui j’avois ordonné des pédiluves avec une petite quantité de cet acide , ayant eu l’imprudence de mettre dans le bain un de ses pieds légérement écorché , il survint tout à coup une ampoule considérable à l’endroit de lécorchure, où il se forma une plaie et un écoulement copieux de sérosité qui dura quelque temps. Ne pourroit-on pas partir de cette observation pour essayer l'usage de Pacide marin déphlogistiqué comme vésiçatoire ; SUR LA CHIRURGIE, etc, 329 en ayant le soin de faire quelques légères scarifi- cations à la partie, si l’acide appliqué à nu ne sufisoit point pour produire un effet convenable à Les sucs d’euphorbe, de pyrèthre, de tithymale, donnent aux humeurs une tendance à la coagu- lation ; 1ls y introduisent une apparence mu- queuse , et augmentent leur degré naturel de concrescibilité. Voilà ce que plusieurs expériences nous apprennent de l'effet que ces sucs produi- sent dans nos humeurs ; et c'est un objet que je me propose d'approfondir, lorsque des cir- constances plus tranquilles me permettront de m'en occuper, En attendant, on peut regarder les sucs de ces plantes comme propres à remplir les indi- cations des vésicatoires , lorsque l’emploi des cantharides seroit dangereux ou suspect. Lorsque les forces, frappées d’une énervation profonde et les humeurs atteintes d’une dépé- nération putride bilieuse, offrent dans le même sujet l'indication générale des vésicatoires et la contre-indication particulière des cantharides , ces sucs auroient le double avantage de s’accom- x \ moder également à l’un et à l’autre de ces desseins ; ils agtroient en même temps et sur les oo 330 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS forces pour les ranimer et sur les humeurs pour les dépurer , en y introduisant un état de coa- oulation muqueuse le plus opposé à celui de la putridité bilieuse dont àl est le moyen naturel de guérison. J'ai imaginé de former une nouvelle espèce de vésicatoire par. la combinaison de quelques- unes de ces substances, et j'attends pour la faire connoître qu’une expérience sévère m'en constate les vertus et me la fasse juger capable de rem- placer avantageusement les vésicatoires alkalins dans tous les cas où l’usage de ces derniers devien- droit dangereux, _ da SUR, LA: CHIRUYRGIE ; ete Se k au — a eme men Conan RE pet nent RS | RÉFLEXIONS PRATIQUES SuR la gale. Par le Cit. PARAT, Docteur en Médecine ; ci-devant Chirurgien Militaire. ES > «0 GG an — L, gale est trop répandue dans les armées ; et les suites en sont trop constamment fâcheuses, pour ne pas mériter toute l’attention des Of- ciers de Santé Militaires. Cette considération a donné lieu aux réflexions suivantes qu’un grand nombre de traitemens et de suérisons en ce genre m'ont mis à portée de faire ; elles renferment moins un traité sur la gale, que des vues prati- ques, simples, et fondées sur la marche natu- relle de cette maladie qui, mieux développée, mieux sentie, m'a fourni des indications cura- tives, plus positives et plus süres. D —— — ON donne le nom dé gale à une affection de la peau qui consiste dans une éruption de petits boutons, constamment suivie d’une démangeaison mn TR TRE Re 332 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS très-vive , les boutons se convertissent ensuite en pustules et se dessèchent bientôt après. Les parties sur lesquelles cette éruption se manifeste de préférence , sont l’intervalle des doigts des mains , la face interne des poignets, les aisselles , la poitrine, le bas-ventre, les cuisses , les fesses et les jarrets. Le visage en est presque toujours exempt ; je l’ai cependant trois fois observée sur cette partie, mais seule- ment chez les soldats; ce que Jj'attribue à la nécessité dans laquelle ils se trouvent souvent de coucher sans draps sous des couvertures infectées , et dont 1ls se couvrent le visage comme ë COF PS Son siége est immédiatement sous Pépiderme - dans l’orifice des vaisseaux absorbans ; comme le prouvent l'absence des glandes particulières dans les parties affectées, le peu de profondeur du bouton, enfin la grande facilité avec laquelle fa matière qui Le forme peut s’introduire dans les vaisseaux et les glandes lymphatiques. Cette maladie, abandonnée à elle-même et jeune et d’une constitution san dans un sujet guine, présente dans lecours de son développe ment et de sa terminaison naturelle les phéno-. mènes suivans : Les boutons sont très- petits SUR LA CHMRURGIE, etc. 333 dans le principe et de couleur blanchâtre ; mais la grande démangeaison qu'ils excitent forçant le malade à se gratter maleré lui , bientôt-tous ces boutons sont déchirés et forment, pour ainsi dire, tout autant de petites plaies ; alors ils prennent une couleur rougeätre. Ces petits boutons ainsi déchirés s’enflamment d’une manière plus ou moins douloureuse , et cette inflammation les amène insensiblement à un état de suppuration plus ou moins abondante, d'où résultent des pustules remplies d’un pus blanc, épais et louable. Ces grosses pustules ne tardent pas à s’ouvrir et par dégrés elles s’affaissent , se dessèchent et forment des croûtes qui une fois tombées se re- produisent rarement. Cette marche générale présente des différences relatives aux tempéramens , 1.° chez les sujets _ qui quoique jeunes sont d’une constitution foible ou abondante en humeurs; on s’apperçoit que les boutons éprouvent une inflammation moins sen- sible , fournissent une matière moins élaborée, plus séreuse , et produisent dans leur dessication des croûtes qui, lentes à se former, se renouvellent facilement, 2.° Chez les sujets un peu avancés » sa 334 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS en âge ou dont les humeurs sont appauvries ; la gale chez ces derniers présente une éruption moins abondantee, dont la suppuration est comme insen- sible, et dont la dessication n’est autre chose qu'une exfoliation très-lente de l’épiderme. D'après ce tableau puisé dans l’observation ; il est évident que la gale présente trois espèces bien distinctes : la première est la gale inflamma- toire; la seconde, la gale muco-séreuse ; la troisième enfin est très-convenablement appelée gale sèche. Ce tableau permet encore de distinguer trois périodes sensibles dans le cours de son déve- loppement et de sa terminaison : la première est celle de l’éruption ; la seconde, celle de la suppu- ration ; la troisième , celle de la dessication. Sur l’exposé dela marche de cette maladie et de ces différences , le pronostic est facile à s’éta- blir. La gale en général est plus incommode que dangereuse , mais négligée où non convenable- ment traitée, elle peut avoir des suites désagrèéa= bles ou funesres ; quant aux espèces considérées entre elles , inflammatoire est la plus simple et la plus facile à guérir ; la muco-séreuse tient le second rang ; la plus opiniâtre est la sèche, [A +4, SURVELA CHIPURGIE,. EC 4 Quant à la cure , comme en général on ne peut compter sur Îa solution complète d’une maladie qu’autant qu’elle a parcouru les périodes qui lui sont propres , 1l faut se rappeler 1c1 que la gale en présente trois ; et si à la distinction de ces trois périodes dont l’ensemble forme /'éraz spécifique de la gale, on ajoute la distinction des circonstances qui forment lesar concomitant , et que l’on doit tirer soit.de l’âge ou du sexe, du tempérament ou des accidens dont le malade peut alors se trouver affecté, soit de la saison ou du pays qu’il habite, on aura pour la guérison de cette maladie simple , comme pour celle des plus graves , les vrais élémens de la thérapeutique médicinale, C'est ainsi que dans la première période Îa nature , jetant au dehors ou multipliant sur la surface du corps des boutons en plus ou moins grand nombre , sera très-facilitée dans cette ten- dance extérieure, en général par une température douce , en particulier par une saignée chez un sujet sanguin , par un évacuant dans le cas d’un état saburral , par les sudorifiques chez les malades dont le tissu graisseux est abondamment chargé d’humeurs ; par les dépuratifs enfin combinés avec 336 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS eme les délayans dans les tempéramens dont la fibre est sèche ou les humeurs appauvries. Quoique l’on sente la nécessité des remèdes que je propose, on se récriera peut-être sur leur nombre trop diflicile à mettre en usage , sur-tout dans les avant-postes de l’armée. (*) Ma pres imière réponse est, qu'ils sont nécessaires , même dans les gales les plus simples ; car quelque simples qu'on les suppose , le traitement extérieur | s'il est employé seul , pett devenir trop facilement répercussif et conséquemment trop dangereux. La seconde , c’est que ces remèdes ne sont pas aussi nombreux qu'ils le paroissent , puisqu’en général, sans parler des évacuans ou purgatifs que l’on a de tout temps accordés , deux espèces de tisane suffisent, telles que, d’une part, une décoction d’orge et de reglisse ; et de l’autre, une boisson dépurative faite avec la patience , le sassafras , la douce- amère ou d’autres plantes analogues , auxquelles il faut joindre le bol de soufre si recommandé dans le traitement de la gale, et si recommandable en effet dans la première période dont nous parlons. | PE (*) On sait que c’est sur-tout dans les armées que la-gale est endémique. Sous | toit nr dt ni 0 dm #t wi .._ SUR, LA CHIRURGIE, etc. 337 .. Par lemploi de ces différens moyens non- seulement l’éruption est bientôt terminée, mais. elle marche très-rapidement encore à la suppu- ration. Seconde période qui n’exige que d’être soutenue par des boissons appliquées à l'espèce, et prises en quantité modérée pour ne pas pro- voquer outre mesure les jetées humorales sur la peau, comme J'en ai vu un exemple remarquable chez une jeune femme enceinte depuis cinq mois , exemple que je crois à propos de rapporïter. La gale dont cette malade étoit attemte étoit antérieure à sa grossesse et d’un caractère in= flammatoire ; en conséquence on la saigna , on là mit ensuite à lusage de la tisane de patience et d’un bol d’éthiops. La gale devint'des plus confluentes , suppura äbondamment ,: et bientôt la dessication se manifesta par des croûtes. Malgré cette dermère circonstance qui annonçoit évi- demment que la maladie touchoit à sa fin, on ui défendit toute espèce de topique , et les re= mèdes intérieurs furent continués. Cette conduite ‘qui prolongeoit au-delà de son terme la durée de la suppuration , développoit tous lesijours des boutôns nouveaux oui.de nouvelles Croûtes sur des anciens; ils s'angmemtèrent au‘ point: de former par leur réunion de très-grosses plaques : 338 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS très-enflammées et toutes recouvertes de croûtes. Cet état l’inquiétant vivement, elle se décida à me consulter. En l'examinant je distinguai beaucoup de cicatrices récentes dans le voisinage même des croûtes dont je viens de parler, Cette circonstance; jointe à l’ancienneté de sa maladie , à son état de grossesse , et au récit qu’elle me fit du traite- ment qu’elle suivoit, sufñit pour me prouver qué lattention que l’on donnoit à bien faire sortir le gale , comme elle le disoit elle-même , avoit fait méconnoitre l’époque de la dessication , et com- mençoit à devenir la cause d’une complication Jlaiteuse par labus des diaphorétiques. Mon pre- mier soin fut d’en faire cesser l’usage, je les remplaçai par le petit lait coupé avec le suc de fumeterre, et peu de Jours après Je fis commencer des frictions avec une pommade composée de soufre, de sel marin et d'huile. Ce traitement pro- duisit bientôt le changement f:vorable sur:lequel je comptois. Les grosses croûtes tombèrent et me se renouvelèrent point. Cependant il restoit encore des boutons et des rougeurs très-sensibles que les frictions enflammoïént momentanément; ce qui mobligea de mitiger la pommade que j'employois, en la mêlant avec un tiers de cérat de Galien ; devenue très-douce par ce mélange, SUR LA CHIRURGIE, etc. 339 ni la malade ne s’en plaignit plus, sa guérison même en fut plus prompte ; jen ai depuis recu des nouvelles qui me lont confirmée, en m’annon- çant que son accouchement avoit été des plus heureux et que son enfant étoit très-sain. Lors donc que les boutons dont la maturité a été parfaite commenceront à prendre la voie de la dessication , loin de chercher par des re- mèdes internes à en provoquer de nouveaux, Von passera de suite à l’usage des topiques , qui à cette troisième période ont une action si prompte, que deux ou trois frictions souvent suffisent ;, sinon pour la disparution de toutes les pustules, du moins pour la chute de toutes les croûtes; observant encore qu’on l’obtient bien plus vite en variant ou graduant , suivant les cas, Pactivité du remède; c’est ainsi que J'ai souvent observé de meilleurs effets soit en alternant l’onction du cérat de Galien avec fa friction de la pommade antipsorique des Hôpitaux, soit en les mêlant ensemble , que lorsque j’employais seule cette dernière dont J'ai reconnu d’ailleurs l'efficacité dans le plus grand nombre de circonstances, avec Pattention néanmoins , je le répète , de ne l’ap- phquer qu’à l’époque de la dessication. Y 2 mn AID PA SA, 340 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Maintenant on doit facilement sentir que par cette méthode la gale marche rapidement à sa fin , puisque l’art tend sans cesse à faciliter la nature dans chacune des périodes qu’elle par- court et nen contrarie jamais aucune, Aussi mai-je observé d’autres phénomènes. particuliers, dans le cours et à la suite de ce traitement, 1.° qu'une tuméfaction légère de la peau , sem- blable à des échauboulures , qui se dissipe d’elle- même et qui n’a lieu que pendant la durée des frictions ; 2.° (les frictions cessées ) qu’une jetée miliaire tantôt à la poitrine, aux bras ou aux cuisses, et sous la forme d’une dartre benigne très-étendue, s’accompagnant de cuisson et cédant très-facilement aux onctions de beurre ou de cérat de Galien ; tantôt enfin entre les doigts et aux poignets , sous la forme de petits boutons blan- châtres qui n’exigent aucun reméde ; accidens que je regarde comme le produit de. l’action des vaisseaux lymphatiques qui rejettent au dehors les particules médicamenteuses qu’ils ont absor- bées , et qui sont non-seulement les derniers symptômes de la gale, mais encore les vrais signes d’une guérison complète, Ce que je viens d’avancer ici sur la terrninai- son prompte et salutaire que donne la méthode cn EME SUR LA CHIRURGIE,etC. 341 raisonnée que Je propose , peut et doit se prouver. encore par les résultats que l’expérience donne dans a méthode opposée, Il est en effet prouvé par l’expérience , que s1 dès le début et sans les préparations convenables dont nous avons parlé, l’on frotte un malade dont la gale est commençante et seulement discrète, tantôt l’on voit le lendemain reparoitre tout autant de boutons que la friction en avoit répercuté la veille ; tantôt la répercussion étant parfaite , la matière prend la voie des vais- seaux et des glandes lymphatiques et donne nais- sance à des dépôts plus ou moins nombreux, ou bien se jetant et se cantonnant dans le tissu cel- lulaire , la nature ne s’en débarrasse que par de très-gros et très-douloureux furoncles. Mais ces accidens, quoique fâcheux puisqu'ils entraînent beaucoup de longueur en reproduisant la maladie sous une forme nouvelle, sont bien légers en com- paraison de ceux qui trop souvent se développent sur les viscères , accidens que l’on trouve décrits dans tant d'ouvrages, et dont les Médecins des Hô- pitaux de l’armée ont presque tous des observations à citer ; celles que j'ai été à portée de faire dans les départemens de l'Ardèche , de la Lozère et du Cantal, où par le défaut des Hospices Militaires je traitois moi-même les maladies internes des 13 pd 342 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Chasseurs du premier Bataillon Franc, sont très- multipliées ; j’ai vu plusieurs sujets atteints de fièvres continues . tant inflammatoires que bi- lieuses, qui ne se jugeoient que par le retour critique de la gale dont ils s’étoient eux-mêmes imprudemment traité. Si ces faits sont incontestables , que doit-on penser de la méthode routinière malheureuse- ment trop suivie dans la plupart des Hospices affectés au traitement des galeux , où sans dis- tinction d’espèce et de période , l’on saigne, l’on purge, et l’on frotte la gale inflammatoire comme la gale sèche, celle qui commence comme celle qui est en dessication ? Que taut-1} dire encore de ces vieux réglemens qui peut-être en sont la cause , et dans lesquels on a si imprudemment circonscrit dans deux formules les indications si variées que la pratique offre chaque jour à qui- conque se donne la peine d’observer ? Mais ces abus sont trop contraires à l'intérêt de l'humanité et à l’honneur de l’art qui en fait l’objet de ses études, pour que ceux qui président à la conduite d’un traitement si important ne se hâtent de les arrêter en substituant un traitement rationnel à ces méthodes routinières et nécessa- sement ViCieUSeSe a = à » SUR LA CHIRURGIE, etc. 343 P.S. IE ne suffit pas d’avoir prévenu que ce n’est point un Traité sur la gale que je présente , mais seulement des réflexions pratiques sur sa guérison; ce qui m'empêche de rien dire sur les gales anciennes ou dégénérées, sur les gales compliquées ou critiques ; il faut encore que annonce ici que ces vues pratiques se bornent au traitement de la gale simple par l'emploi du soufre. On ne regardera donc point comme une omission involontaire le silence que je garde sur le traitement de cette maladie par l’onguent citrin et la décoction de tabac; exposition et parallèle qui m’auroient sans doute fourni le sujet d’une dissertation étendue , que j’aurois peut-être entreprise s1 j’eus senti qu’elle eût ajouté quelque chose à la distinction que je crois importante de Pépoque où le traitement extérieur doit être appliqué. 344 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS OBSERVATION Sur une hydropisie du péricarde. Par le Cit. LEVÊQUE , Médecin de l’'Hôpitalkde Saint-Jean-de-Lône , et Correspondant .de la Société de Santé de Lyon. D. A Prost, Volontaire dans le deuxième Bataillon de la 93° demi-Brigade, âgé de vingt-un ans , d’un tempérament très-pituiteux, travaillant habituellement à gâcher la terre glaise destinée à faire les briques à bâtir, entra pour !a première fois à l'Hôpital civil de Saint-Jean - de-Lône, Département de la Côte-d'Or, 1l y a environ huit mois, Une bouffissure générale compliquoit chez lui une hydropisie ascite, qui laissoit aisément appercevoir par le tact la présence d’un fluide épanché dans la cavité abdominale ; la pupille des deux yeux très-dilatée et la vue très-foible indiquoient un commencement de goutte sereine, L’œil étoit toujours larmoyant ; la membrane pituitaire des fosses nasales ordinairement sèche et sans aucune muçosité, distilloit de temps à SUR LA, GHIBARGILE,. etc. ! as autre une grande quantité d’humeurs séreuses. Une toux sèche, une respiration courte et labo- rieuse, une douleur continue au cardia , lPim- possibilité de se tenir couché sur le côté gauche, quelques filets sanglans dans les crachats, com- plétoient les symptômes d’une maladie que je jugeai infiniment grave. Le jeune homme me dit que six mois auparavant 1l avoit passé quelque temps à l'Hôpital militaire de Dijon pour des accidens à peu près semblables , mais cependant moins violens, L'indication la plus pressante à remplir me parut l’évacuation spontanée des eaux de l’abdo- men, la toux et la difficulté de respirer annonçant d’ailleurs un commencement d'infiltration du pou- mon qui pouvoit se dissiper par les mêmes moyens. Le malade conservoit de la force, du sommeil, de l'appétit ; son pouls étoit bon, ses urines chargées mais sans sédiment briqueté. Je le mis à usage d’une tisane apéritive aiguisée d’oxymel scillitique et d’un gros de terre foliée de tartre, par bouteille. Soir et matin je lui pres- crivis une dose d’opiat contenant environ six grains de rhubarbe , d’éthiops minéral , de nitre et de poudre de cloportes dans l'extrait d’énula-cam- LE 346 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS pana. Mon intention étoit de rendre un peu de ton aux viscères , en même temps que je cher- chois à les débarrasser par les urines des fluides dont ils étoient abreuvés. Ces moyens répon- dirent parfaitement à mes vœux : les urines cou= lèrent avec abondance , le ventre se dégagea, la respiration devint libre , la toux se calma , et ce qui restoit du tiraillement au creux de l’estomac céda à quelques potions toniques et calmantes, et à deux petits purgatifs avec la rhubarbe. Les yeux avoient repris un peu de force , et je vis qu’il me restoit peu à faire pour les con- duire à un rétablissement entier et qui ne pa- roissoit pas éloigné. Je continuai l’usage , mais un peu moins abondant , des apéritifs et des toniques auxquels j’associai l’aloès et le kermès minéral ; et après avoir stimulé pendant quelques jours l’éternuement par la poudre d’iris et de muguet , je terminai par un large vésicatoire à là nuque : son écoulement abondant et soutenu pendant une douzaine de jours, rétablit la vue aussi bien qu’on pouvoit l’espérer dans un sujet chez qui la mollesse générale de la fibre annon- çoit des organes foibles. Je le tourmentai en vain pour se laisser établis SUR LA CHIRURGIE , etc. 347 un séton à la nuque ou tout au moins un cautère à la cuisse. Tout ce que je pus lui dire sur la nécessité d’un émonctoire vers lequel la nature dériveroit habituellement une grande quantité de sérosités ;, ne le persuada point. Il sortit de l’'H6- pital pour reprendre son même travail dans uné tuilerie , quoique je lui eusse conseillé de le quitter comme trop huniüde pour son tempéra- ment , qui demandoit d’ailleurs qu'il changeât de domiciie pour habiter un pays de montagnes dont Vair plus sec et plus élastique que celui des bords de la Saône , lui conviendroit mieux. Je l’en- gageai encore à aller, à la saison du printemps, aux eaux minérales de Luxeuil ; mais il me ré- pondit qu'il étoit guéri, et qu'il ne craignoit rien de la rechute dont je le menaçois. Quatre à cinq mois s’étoient écoulés sans que j'eusse entendu parler de ce malade qui avoit re- pris ses travaux ordinaires et qui se portoit assez bien , lorsqu'un jour le soleil étant à son déclin, je fus appelé pour la campagne et passai à peu de distance de son domicile , je le trouvai sur le bord d’un étang disposé à se mettre à leau pour se baigner , ce qu'il avoit déjà fait les jours précédens. Je lui représentai vivement son imprudence , je tâchai de lui faire comprendre EEE enr en ent À 348 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS combien le bain convenoit peu à un tempérament comme le sien , et je le quittai après en avoir obtenu avec beaucoup de peine qu’il ne prendroit qu’un bain de jambes. Un mois après, vers les trois heures du matin, le Tuilier chez lequel travailloit Antoine Prost, vint chez moi en toute diligence pour me prier d'aller voir ce jeune homme qui se mouroit, et qui depuis trois jours ne faisoit que vomir et saigner du nez, sans avoir pu prendre aucune nourriture ni aucune boisson, et sans avoir pu se mettre au lit où la situation horisontale le faisoit suffoquer. Je vis au premier coup d’œil que les accidens gwéprouvoit ce jeune homme n’étoient pas de nature à être classés parmi les spasmes idiopa- thiques que quelques calmans appropriés peuvent ordinairement dissiper : je les considérai comme les signes caractéristiques de l’hydropisie de poi- trine au retour de laquelle je m'étois toujours attendu. Je dis donc à celui qui venoit m'appeler, que l’état très-sérieux où se trouvoit Prost deman- doit des secours Îongs et mulripliés, et qu’en conséquence 1l falloit l’'amener de suite à PHôpital, ce qui s’exécuta au bout de quelques heures. EL ARE RE EE SUR L'ALCGHIRURGIE, €lC. 3j Voici quelle étoit sa situation lorsque je le vis dans la matinée : La face étoit pâle, œdémateuse; d'œil terne , larmoyant ; Îes caroncules lacry- males étoient tuméfiées d’une manière sensible 3 (je ne peux me rappeler où j'ai lu que ce symp- tôme accompagnoit toujours les infiltrations de quelque partie du thorax ) la face antérieure de la poitrine sembloit élevée en avant plus que dans l’état naturel, les deux caviiés comparées entre elles ne présentoient aucune inégalité ; le ventre étoit tendu , les jambes très-grosses et très- engorgées. Le malade ne pouvoit se tenir que dans un fauteuil, les pieds sur un petit gradin et le tronc courbé en avant, de manière que son menton n’étoit qu’à quelques pouces de ses ge= noux; sa respiration étoit courte ; stertoreuse, la déglutition impossible , et ie malade qui cra- choit et mouchoit du sang ne cessoit de crier qu'il étouffoit , et qu'il. lui sembloit qu’on lui plantoit des épingles dans ce qu’il appeloit l’esto- mac; (on trouvera à la suite la cause de ce symptôme } le pouls étoit petit , profond et très -inégal, Dans une extrémité pareille, f’avois peu de choix à faire dans les moyens à employer. Je recourus à deux très-amples vésicatoires aux Jambes poux EE 2350 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS GER? faire dériver l'humeur : leur effet fut prompt et avantageux ; Car le soir même la vessie s’étant formée et ouverte spontanément à la face interne des jambes, le malade put se tenir un peu plus droit et prendre quelques cuillerées d’une potion cordiale légère et du bouillon. I! fut encore trois jours sans pouvoir supporter le lit où il se tint enfin sur des oreillers élevés, lorsqu'une prodi- gieuse quantité de sérosité fourme par l'effet des vésicatoires eut un peu dégagé les organes de la respiration. | Ce fut inutilement que je touchai la poitrine en différens endroits et en différens sens, je ne pus remarquer ce sentiment d’ondulation que Alvenbrugger et d’autres ont observé. La poi- atrine étoit parfaitement égale dans ses proportions des deux côtés ; et malgré la conviction intime où j'étois qu'il y avoit un amas d’eau dans quelque partie du thorax, je ne pus en avoir que des signes présumés, Les défaillances du malade , l’espèce de gargouillement qu'il disoit sentir sous le tiers inférieur du sternum , les hémorragies nasales ; tous ces signes réunis aux -précédens me convainquirent qu'il y avoit hydro- pisie du péricarde, probablement compliquée avec elle des poumons, Quant aux coups d’épingle oo tenez SUR LA CHIRURGIE, etc. 351 qu’il sembloit éprouver au creux de l’estomac, je les attribuois à l'effet de Pacrimonie de la matière épanchée sur les parties en contact, sans pouvoir me satisfaire bien complétement sur cette explication. Les moyens que j'avois mis en usage lors du premier séjour de Prost à l'Hôpital, avoient produit un si bon effet que je crus devoir y recourir de nouveau avec confiance : la terre foliée de tartre, l’oxymel scillitique , la poudre et l'expression de cloportes, le sirop de nerprun, le nitre, la conserve d’aunée , l’ipécacuanha à petites doses si fort recommandé par l’Académie Joséphine de Vienne dans les embarras des vis- cères abdominaux, l’éthiops minéral, les tisanes apéritives ; tout cela fut soutenu , varié et modifié suivant les circonstances. Dans quinze jours le malade éprouva une amé- lioration considérable dans son état, et je neus qu’à calmer une diarrhée dyssentérique avec l’ipé- cacuanha et la teinture de rhubarbe pour le mettre en état de manger avec appétit, de se coucher sur lun et Pautre côté , de se lever, de se pro- mener par la ville, et de se disposer à partir pour Dijon où il se proposoit de se réunir aux Volon- taires qui devoient aller aux eaux minérales, Les 352 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS jambes étoient complétement désenflées, ne cou loient presque plus , et le malade ne voulut pas que lon en rafraichit la plaie avec les cantha- rides, ni qu’on remplaçät cet écoulement indis- pensablement, nécessaire par un çautère à la cuisse. ’ Je ne sais ce qu retarda son départ pour Dijon de quatre à cinq jours , mais tout à coup’ ses accidens de sufocation , d’hémorragie nasale , de picoremens lancinans au cardia, de courbure du tronc sur les cuisses pour pou- voir respirer , reprirent avec plus d'intensité que jamais : un large vésicatoire appliqué sur la poitrine procura un soulagement de quelques heures, mais bientôt tous les symptômes s’aspra- vèrent ; l’urine ne coula plus, les selles se sup- primèrent , et le malade ne put avaler qu'avec beaucoup de peine. Deux jours se passèrent en cet état. J’évacuai un peu les intestins avec, un lavement purgatif, mais l’affaissement de la région abdominale à Ja quelle répond la vessie , d'oùil sortoit de temps en temps sans la moindre douleur quelques gouttes d'urine , me fit juger que toute la partie aqueuse des alimens que le malade pouvoit prendre-étoit comme attirée vers le lieu de l’épanchement, d’où1l résultoit SUR, LA CHIRURGIE, etc. 4j résultoit une suppression et non pas une rétention d'urine. Je ne crus pas devoir introduire une algalie. Le malade étoit aux abois, et j’osai proposer au Chirurgien de la maison l’opération de Pem- pyème , ou le trépan du sternum à son quart inférieur dans le cas où la première opération ne nous auroit pas conduits au lieu de lépanches ment. J’étois persuadé de l'hydropisie du péri- carde, et Je soupçonnois une congestion aqueusé dans la poitrine même ; mais le Chirurgien refusa de partager avec moi les événemens de ces opé- rations que J’aurois faites moi-même, de sorte que la crainte d'entendre dans une petite ville les murmures du peuple et de tous les demi savans en Médecine se diriger contre moi pour avoir osé tenter un moyen duquel je n’attendois qu’un soulagement momentané, me força à laisser périt ce malheureux après la plus longue et la plus affreuse agonie. Je n’eus que pendant quelques instans la facilité d'examiner l’état du cadavre ; voici les particu= larités très-curieuses que j'y remarquai : . Avant d'ouvrir la poitrine, je voulus m’assurer 61 l'opération de l’empyème auroit évacué quel Z Lin CR SSSR | 354 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ques eaux : je la fis du côté droit dans le lieu d'élection ; 1l ne sortit de la poitrine qu’un peu de sérosité comme 1l s’en trouve dans tous les : cadavres, ce qui me fit juger que l’épanchement n’étoit pas là , et que mon idée sur l’hydropisie du péricarde étoit la bonne. Je détachai le sternum du médiastin après l’ous verture de la poitrine qui me présenta les pou- mons sains et libres dans leurs cavités : je sentis au tiers inférieur du médiastin antérieur déjeté sur la droite de plus de deux pouces, une fluc- tuation très- sensible ; je vis alors le péricarde d’un volume bien au-delà du naturel occuper sa place ordinaire dans le tiers inférieur du mé= diastin, s’étendre sur le diaphragme et remplir assez exactement la plus grande partie de la cavité oauche. de la poitrine ; j'en tirai trois à quatre livres d’une eau rousse et légérement aigre au goût. Toute la membrane interne du péricarde habituellement en rapport avec le ven- tricule droit, étoit comme macérée et se déta- choit par lambeaux en la pinçant; chacun de ces lambeaux étoit criblé de petits trous ronds d’une ligne environ de diamètre , comme si on les eût fait avec un emporte-piéce, Le cœur n’étoit pas couché obliquement relativement au dia- SUR LA CHIRURGIE, etc. 335$ phragme , mais 1l étoit suspendu de manière que sa pointe touchoit perpeñdiculairement le dia- phragme , et la portion du péricarde intermédiaire avoit une tache noire de la largeur d’un pouce qui annonçoit un commencement de gangrène : toute la portion du péricarde correspondante au ventricule gauche avoit sa couleur naturelle, et ne se levoit point en lambeaux comme lopposée. : Le cœur ne présentoit rien de particulier inté- rieurement ; le ventricule gauche étoit vide, le _droit contenoit un peu de sang, et les deux “oreillettes très affaissées : toute la membrane qui revêt extérieurement le ventricule gauche étoit saine , ferme et résistoit au déchirement. Toute la surface du ventricule droit au con- traire étoit couverte de boutons jaunâtres gros comme de petits pois, et parfaitement ressemblans à des boutons de petite vérole en suppuration. La membrane externe de ce ventricule s’enlevoit en la pinçant assez légérement , et dans chacune des places où il y avoit eu des boutons elle étoit trouée comme je l’ai dit de la membrane péri- cardine correspondante. J’aurois bien désiré pouvoir pousser plus loin mes recherches anatomiques qui, quoique déjà Z 2 356 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS suffisantes pour confirmer mon opinion sur cette maladie, n’avoient pas encore satisfait ma curio- site. Les picotemens au cardia s'expliquent clai- tement par l'effet des eaux acrimonieuses sur les membranes ulcérées du cœur et du péricarde, de même que les saignemens de nez fréquens par la difficulté que le sang éprouvoit à revenir au ventricule droit à cause de la masse consi- dérable de liquide qui exerçoit une compression sur les parois des vaisseaux ; mais 1l restoit bien d’autres problèmes à résoudre, Pourquoi le ventricule droit et la portion du péricarde qui le touchoit étoient-ils si cruellement affectés , tandis que le ventricule gauche et la membrane du péricarde correspondante étoient dans leur état naturel ? Ce phénomène assez rare à ce que je crois, ne seroit-il pas l’effet d’un fluide acrimonieux que la circulation veineuse a conduit d’un point de la circonférence au centre ? ou bien seroit-1l dû à un vice organique? Ce dernier sentiment me paroït beaucoup moins probable , sur-tout si on se rappelle l’état des yeux toujours larmoyans et menacés de goutte sereine , l'odeur fétide qui frappoit continuelle- ment l’odorat du malade, et espèce de fluctua- tion et de distillation qu'il disoit ressentir dans SUR LA: CHIRURGIE, Etc. 357 la région de la fosse ethmoidaie , quoiqu'il mou- chät rarement. Le cerveau seroit donc à mon avis la pars mandans de l'humeur âcre qui a excorié uné partie du cœur ét du péricarde, et qui en détruisant les orifices des :vaisseaux lym- phatiques absorbans de ces parties, a dù donner lieu à l’épanchement aqueux qui a causé la mort. H est probable que si le malade etit vécu plus long-temps, la membrane qui recouvre le ven- tricule gauche du cœur eût subi la même alré- ration que la droite qui avoit été la première affectée, parce qu’elle reçoit le sang veineux et les humeurs lymphatiques.plus. immédiatement. Il ne me fut pas possible d'étendre mes recher= ches sur l’état du cerveau où j'aurois probable. ment trouvé de quoi fortifier de plus en plus ma conjecture ;: les circonstances ne m'ayant pas permis de disposer plus long-temps du cadavre, 4 és ÿr 1 œ Free #=- > 352 MEMOIRES ETOBSERVATIONS ee ee OBSERVATION SUR une fièvre gastrique mal traitée et suivie de mort , avec des réflexions sur des circonstances qui semblent mal à propos contre-indiquer l'émétique. Parile Cit. Dumas, Profcssene de | l'École de Santé de Montpellier. O: ne peut voir en Médecine qu'avec une sorte de scandale des ‘Praticiens renommés con- tester et défendre tour à tour les. avantages de l’émetique ; 1! en.est qui veulent l’employer tou- jours sans discernement et sans choix ; d’autres ne le permettent jamais, sans aucun motif qui puisse justifier leur conduite. Le meilleur moyen de faire cesser ces luttes odieuses qui avilissent et l’Art et les Artistes, c’est de rassembler le plus grand nombre de faits possible pour fixer d'une manière non équivoque. les indications et les contre-indications de l’émétique. Je vais a vammemnnE E TR SECE SUR LA CHIRURGIE, etc. 359 présenter l’Observation d’une maladie dont la fâcheuse issue me semble devoir être attribuée à la timidité du Médecin ordinaire qui n’osa donner ce remède dans le principe, parce que la maladie avoit un crachement de sang pour symptôme ; erreur qu'il ne voulut point réparer lorsque la maladie fut avancée , quoique je Île lui proposasse | fondé sur les observations de quelques Auteurs. Allemands, et entre autres de Plenck qui a donné lémétique avec succes dans des circonstances qui n’étoient pas plus favorables que celles que nous allons exposer. « Un ouvrier, âgé de vingt-deux ans , d’un tempérament bilieux irritable , se plaignoit depuus long-temps d’un mal-aise général, d’inquiétudes sans cause apparente, lorsqu'il fut atteint d’une fièvre violente à la suite d’une frayeur. La fièvre dès le début porta fortement sur l'estomac et les intestins. L'état saburral ou gastrique sembloit assez bien prononcé pour exiger l'émétique ; mais un crachement de sang qui existoit alors arrèta le Médecin ordinaire et l’empêcha de le donner. IL fut traité pendant les quinze premiers jours par des tisanes laxatives , des lavemens , des potions huileuses et des fomentations émollientes ; LA 360 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS le quinzième jour il rendit deux grands vers par la bouche. \ Je fus appelé à cette époque , et je trouva le malade avec les symptômes suivans : la face décomposée , les yeux t-nes et languissans, insensibles à l'impression de la lumière ; la voix rauque , la parole difficile , un picotement dans le gosier ; la langue n’étoit ni noire ni chargée , mais sèche et rouge sur les bords ; la respiration diffi- cile, foiblement sonore ; point de douleur dans la poitrine , les narines embarrassées ; le dépar- tement supérieur du tissu cellulaire libre, c’ests à-dire depuis la tête jusqu’au diaphragme, la res- piration n’étant affectée que par sa correspondance avec les viscères du bas-ventre, Une douleur vive depuis la région épigastrique jusqu’à celle des hy- pocondres , de l’un et de Pautre côté ; la douleur augmentoit par l’impression du toucher. Le ventre étoit dur , tuméfé , rénitent ; la peau de couleur naturelle ; la douleur évale dans tous les points du bas-ventre , n’affectoit pas plus un côté que l’autre; les selles rares , les lavemens ne pouvoient pénétrer dans les intestins; les urines ne couloient pas depuis plusieurs jours , et cependant le malade méprouvoit aucun besoin d’uriner ; les sueurs + SUR LA CHIRURGIE, etc. 361 Gp, étoient abondantes, uniformes, elles affoiblissoient et ne soulageoient pas. Le malade avoit eu des hémorragies répétées par le nez , prostration des forces, pouls petit, dur , comprimé ; point de sommeil , délire sourd , soif ardente. C’étoit le 4 Novembre 1792. Fordonnai une potion faite avec une once de sirop diacode , six grains de camphre, dix gouttes de laudanum liquide dans trois onces d'eau de sureau , à prendre en trois fois. On continua les boissons émollientes j les fomentations avec la manne , le lait et le bouillon-blanc. Une partie de la nuit fut calme ; Pautre partie orageuse ; délire, sueur, vomisse- ment des boissons ; urines peu abondantes, très- rouges , point d’évacuations alvines. Le cinq Novembre, délire sourd le matin, orande foiblesse , respiration pénible, douleur tres-aigue dans le bas-ventre , insupportable lors- qu’on touchoit les tégumens ; le pouls serré , dur. Je fis ajouter vingt gouttes de laudanum liquide au lavement de manne et de bouillon-blanc ; même tisane , mêmes fomentations. Le soir, même état ; les vomissemens augmen- tèrent , le pouls se développa. Je proposar lémé- tique , il fut rejeté par le Médecin ordinaire qui \ mu nm mnt nn aa ete 362 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS PE OS RSS OP GE adopta avec peine l’application de deux vésica- toires aux gras des jambes; nous fimes ajouter une dragme de camphre aux fomentations émol- hentes ; la tisane de poulet avec les plantes aqueuses et émulsives, une potion tempérante avec les eaux de laitue et de pourpier , les sirops de nymphéa et de diacode. La nuit du $ fut assez bonne ; point de délire , point de vomissemens. Le matin du 6 les symptômes offrirent un re- doublement marqué ; la déglutition devint dif- cile , le malade s’assoupit, on craignit qu’il n’expirät. À dix heures tout se calma, la respi- ration devint moins pénible , le bas-ventre moins douloureux supporta mieux le toucher, la tension diminua et la douleur sembla se porter sur les côtes en abandonnant le reste de l'abdomen ; point d’évacuations alvines , peu d’urines, elles étoient rouges ; les forces diminuèrent , la figure se décomposa , les vésicatoires avoient déterminé de grandes vessies avec rougeur et douleur : mêmes fomentations , petit-lait, lavemens avec la manne et le bouillon-blanc. Le soir, prostration radicale des forces, pouls petit , comprimé ; échappant au tact ; la respira- tion stertoreuse , anhéleuse ; les yeux égarés , EEE SUR LA CHIRURGIE, etc. 363 flétris ; somnolence , ventre dur , douloureux , empité ; vomissemens de matières bleuâtres, fé- tides ; j’ordonnai deux grains de tartre émétique dans sa tisane ; la garde oublia de les mettre, il mourut dans la nuit. » L’émétique donné à temps étoit le seul remède qui pût sauver ce malade ; le Médecin ordi- aire ne voulut pas l'ordonner , parce qu'il y avoit un crachement de sang. C’est un préjugé éncore fortement enraciné dans {a tête de quelques Praticiens , que le crachement de sang est une circonstance qui rénd toujours Padministration de l’émétique dangereuse, impossible, Si lon connoissoit mieux les Écrits des Médecins Anglois et Allemands, on ne se laisseroit pas s1 souvent intimider par ces craintes puériles. Lorsqu'un ensemble de signes bien observés atteste que la * cause du mal est dans l'estomac , que cette cause est devenue mobile au point de pouvoir être évacuée par le seul remède convenable, 1l ne faut pas regarder le crachement de sang comme üne raison suffisante pour empêcher l’usage d’un secours nécessaire. Stoll a vu des hémoptysies que l’émétique seul pouvoit guérir et que les astringens irritoient , d’autres en ont vu comme Jui, Et dans une épidémie de fièvre gastrique 364 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS vermineuse qui régnoit à Ganges où J’accompagnai M. Vigarous que le Gouvernement y avoit en- VOyÉ , je me rappelle avoir vu une hémoptysie habituelle qui avoit résisté à tous les remèdes les mieux appropriés , et qui étant soumise à Pmfluence épidémique céda, comme les autres symptômes, au vomissement procuré par lipe= cacuanha, Nous eñùmes occasion de voir dans la même circonstance bien des crachemens ‘de sang, enlevés par l’émétique ; mais de toutes les ob servations que J'ai pu faire sur ce sujet, la plus frappante est celle d’une jeune fille de Mont-. pellier qui éprouvoit depuis quelques jours une. douleur de côté:très- vive, une difficulté de res. pirer, un crachement de sang et une suppres sion de règles ; lemétique administré.sur le champ. la guérit comme par enchantement. Je fus ap- pelé auprès d’elle, en qualité de Médecin de la, Miséricorde ; je la trouvai dans l’état le plus, souffrant. Je recueillis tous les signes qui attes= toient le caractère gastrique ; J’appris que la sup= pression et le, crachement de sang n’étoient sur. ‘venus qu'après. la fièvre, et instruit d’ailleurs par. la :connoissance de l'épidémie régnante , Je. fis, donner l’ipecacuanha sur le champ, il étoit six, heures du soir, La malade vomit abondamment 0 CE Th mew: .) ÿ nératens A + : PE SUR LA‘CHIRURGIE, etc." 46$ des matières vertes et gluantes ; le vomissement soulagea la douleur , supprima le crachement ; rendit la respiration plus libre et rétablit les règles, La malade seroit morte sans doute si je me fusse laissé arrêter par des circonstances qui sem- bloient devoir contre-indiquer le remède. Je crois que l’on peut établir en principe général , que l’émétique peut être donné , malgré le crachement de sang, toutes les fois que les signes de l’état saburral prédominent sur les signes de l’état in- flammatoire ; quil doit être rejeté dans le cas contraire, Mais lorsqu'on a négligé de faire vomi dans le principe, comme dans cette observation, ne peut-on pas revenir à ce moyen, quoique la maladie soit très-avancée , et que d’autres contrez indications remplacent les premières ? Je le pro- posai deux jours avant la mort du malade , je le proposai le jour même de sa mort, et je laurois exécuté sans crainte si J’eusse été son seul Médecin, L'état du bas-ventre douloureux et tendu ne m’auroient pas plus arrêté à cette époque que le crachement de sang dans le principe ; car Paffection des intestins n’étoit pas plus essentielle que l'affection de la poitrine : la cause du mal étoit toute dans l'estomac ; et quand même l'irri- tation inflammatoire des intestins eût été prédo- J Ni _ 366 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS minante alors, on avoit tout à espérer d’un remède qui en irritant l’estomac pouvoit étendre Ja maladie dont l'effet devoit être d’autant plus _pernicieux qu’elle se trouvoit concentrée sur un plus petit point. 8i l’'émétique n’eût été d'aucun secours à titre d'évacuant , 1} pouvoit convenir au moins à titre d'irritant , et comme propre à détourner du côté des parties supérieures lin flammation qui S’établissoit sur les intestins, Cette espèce de vésicatoire appliqué sur l’estomac eût été mieux entendue que les vésicatoires aux gras des jambes , qui favorisoient peut-être trop la tendance naturelle de la fluxion. Il ne m'est pas encore arrivé de donner l’émé- tique dans des circonstances aussi délicates ; maïs on trouve chez d’excellens Praticiens des obser« vations qui attestent qu'ils en ont retiré le plus grand avantage dans des cas aussi désespérés et dans le concours exact des mêmes circonstances. J’ouvre POuvrage de Plenck , Acra er Cbservata , et Je lis une observation qui correspond précisé= ment à la mienne. « UNE femme, après quelques chagrins do= mestiques, prit une dissolution de jalap dans Vesprit de vin pour faciliter l'écoulemeut de la bile : elle vomit et fut purgée par ce remède; nd + SUR LA-CHIRURGIE, etc.’ 363 mais elle éprouva le lendemain des douleurs atroces dans le bas-ventre accompagnées de selles sanguinolentes ; l'abdomen étoit tendu et dou- loureux au toucher. On la sagna plusieurs fois , sans pouvoir réussir à calmer les dou- leurs constantes du bas- ventre. Mr. Plenck la trouva dans le même état que le malade dont J'ai parlé. Tout son corps étoit jaunâtre , ses joues rouges , la langue sèche et jaune sans croûte, les yeux étincelans; le pouls vite, con- tracté , dur ; la respiration étoit anhéleuse et douloureuse à tel point qu’elle ne pouvoit respi- rer qu’en faisant des contorsions ; le ventre étoit mou et douloureux de manière à ne pouvoir supporter le toucher : les émolliens et les anodins furent employés sans succès. D’après quelques rapports amers que la malade éprouva, d’après la couleur jaune du corps , d’après les redouble- mens qui avoient lieu chaque nuit, M. Plenck conclut que la maladie étoit une fièvre bilieuse inflammatoire , et en conséquence il ordonna #* l’ipecaçuanha qui fit vomir des matières vertes très-amères , et qui purgea la malade sans douleur et avec un avantage tel qu’elle eut trois heures d'un sommeil tranquille , et qu’elle entra bientôt en convalescence, » 368 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS L’émétique réussit donc à Plenck, et ce re- mède étoit le seul qui pût empêcher l’établisse- ment de la gangrène dont la malade étoit menacée. Or dans mon observation n’avois-je pas pour donner l’émétique d’aussi borines raisons que lui dans la sienne ? La maladie annoncée de loin, préparée peu à peu, lé caractère gastrique étoit bien manifeste dans le début ; le malade avoit vomi beaucoup de matières avec un ou deux srands vers ; il éprouvoit de longs redouble- mens pendant la nuit ; le pouls étoit contracté, la respiration stertoreuse , anhéleuse , sans lésion de la tête et de la poitrine. Toutes ces circons- tances réunies sous une température humide et froide ne contrebalançoïent-elles pas les motifs qui auroient pu faire craindre lémétique , lorsque te Le proposai à RÉFLEXIONS SUR LA CHIRURGIE,etc. 369 RÉFLEXIONS S ur quelques causes de la râche de lait, es sur les précautions a prendre pour éviter que cette maladie ne complique la petite vérole inoculée. Par le Cit. Motxr. eo LE TS RE eme» = L, râche laiteuse ou croûte de lait qui attaque les enfans à la mamelle , leur est commune jusqu’à l’âge d’un an ou environ; tous n’en sont pas atteints, mais ceux qui l’éprouvent la gardent plus ou moins de temps et elle est plus ou moins abondante. Chez les enfans qui gardent la râche plusieurs mois, on apperçoit qu’elle devient plus abon- dante et plus incommode pendant quelques jours, ensuite elle diminue peu à peu de violence et devient supportable , quoiqu'il en reste encore beaucoup dans différentes parties du corps : quel- que temps après on la voit reprendre avec l’in- tensité qu'elle a eue auparavant , et diminuer ensuite pour reparoître périodiquement, À à LC ssl 370 MÉMOIRES FT OBSFRVATIONS Chez d’autres enfans elle paroïît tous les mois pendant plusieurs jours; elle se dissipe graduelles ment et reparoîit de même le mois suivant, Si l’'éruption de cette râche laiteuse est une complication fâcheuse à la petite vérole, comme les observations des Cit, Colomb et Buytousac l'ont prouve , 1l seroit très-essentiel aux Inocu- lateurs de connoître les causes et d’assigner les époques où l’éruption de cette croûte laiteuse doit se faire ou devenir plus abondante , afin de pouvoir éviter les accidens que sa complica= tion peut procurer à la petite vérole inoculée, La râche laiteuse devient plus abondante ou reparoit périodiquement , comme je l’ai dit ; quel- ques gens de l’art, et plus généralement encore les nourrices croient que cette éruption se fait dans le déclin des lunes. Sans vouloir attaquer abso- lument cette opinion, je crois cependant plus raisonnable et plus conforme à l’expérience d’at- tribuer ce retour périodique de la râche laiteuse au retour périodique des menstrues. Plusieurs Praticiens en ont fait l’observation ; et je peux en citer deux exemples que J'ai main- tenant sous les yeux. Deux nourrices ont repris leurs menstrues l’une à onze et l’autre à treize SUR LA CHIRURGIE, etc. 371 mois de nourrissage , et immédiatement après leurs noutrissons ont pris la râche laiteuse. Ces faits joints à l'induction qu’on peut tiré de ce que les enfans sont principalement atta- qués de la râche laiteuse à l’âge de dix mois, établissent une présomption favorable à mon opi- nion; puisque c’est ordinairement au bout de dix mois, que toutes choses d’ailleurs égales, une nourrice forte , robuste et bien nourrie , reprend ses menstrues. En suivant les raisonnemens que cette explica= tion une fois admise entraîne après elle, on seroit porté à croire que mème lorsque les nourrices ne sont pas réglées, les époques de la menstrua< tion peuvent influer d’une ranière sensible sur la production ou l’augmentation de la râche lai: teuse ; et ce principe étant reconnu, 1l s’en suit qu’il faut que l’homme de l’art chargé d’inoculer un enfant sujet à la râche de lait, ait l’attention dé s'informet auprès de la nourrice si elle est réglée, pour ne communiquer le virus variolique à l’en- fant qu'après que les rèoles auront fini. Avec cette précaution la râche aura le temps de se dissiper avant que éruption de la petite vérole se fasse, et cette dernière maladie parcourra ses périodes Aa 2 re r * ” 4. SEEN r” 372 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS “ : sans qu’on craigne les effets de la complication de la râche. Si la nourrice n’est pas réglée, il faudra de même s'informer de l’époque dela révolution périodique , afin d'observer les mêmes précautions. (*) Aux causes qui peuvent déterminer la produc- tion ou l’augmentation de la râche laiteuse, on peut ajouter celle qui se trouve consignée dans Pobservation suivante : « EN 1787, une Dame d’une constitution forte et vigoureuse avoit un enfant qu'elle nourrissoit avec le plus grand succès : l’enfant étoit parvenu jusqu’à l’âge de trois mois et demi sans avoir éprouvé la moindre indisposition ; 1l étoit gras, fort , bien portant , quand tout à coup äil se développa chez lui une râche des plus abondantes qui couvroit non-seulement toute la figure, les oreilles , le cou, mais encore plusieurs autres parties du corps. Cette râche fut si violente et ne} als te POP OP ns ANR HR (*) L'opinion du citoyen Mothe qui est fondée sur l'expérience , pourroit peut-être donner l'explication d’une autre opinion très-ancienne et très-accréditée, qui est que les nourrices qui ont leurs règles pendans le nourrissage sont de mauvaises nourrices. Note de l'Éditeurs … peer pegnencrrnen ca am cop 4 à D EP SUR LA CHIRURGIE, etc. 373 si incommode que l'enfant resta plusieurs jouts et plusieurs nuits sans pouvoir dormir un ins- tant ; il refusoit même le teton. Lorsque je fus appelé, je fus étonné de la marche rapide avec laquelle cette râche s’étoit développée, ainsi que de a violence des accidens, Je cherchai à en dé- couvrir la cause ; après beaucoup de questions, la mère toute éplorée me dit dans un moment de désespoir : c’est moi qui tue mon enfant. Je la priai de S’expliquer , afin de pouvoir trouver quelque moyen pour le conserver s’il étoit pos- sible. Alors elle me fit l’aveu qu’elle avoit usé des plaisirs que le mariage autorise pendant huit jours par excès , et qu’elle étoit persuadée que c’étoit là la cause de la maladie de son en- fant. Je la rassurai de mon mieux , et cet aveu me servit dans le choix des moyens convenables pour la guérison de la mère et pour celle de l’en- fant ; celui-ci ne fut eugfi de sa râche qu’au bout d’un mois et demi, Comme il n’en a jamais éprouvé le retour, je crois qu’on ne doit pas chercher d'autre cause que celle avouée par la mère, et par conséquent la continence doit être prescrite à la nourrice pendant l’inoculation de son nour- rissON, » Aa 3 374 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS D'OR Q —— — Ye OBSERVATION SUR une plaie des téoumens de la téte terminée par la mort au milieu des sy Mp= tômes les plus lévers. Par le Citoyen Dumas, Professeur de l'École de Santé de Montpellier. RE GS Durs une plaie faite à la tête, il ne sufñt pas de considérer la lésion extérieure et les suites manifestes de cette lésion : seule et séparée de toute autre, cette considération ne seroit le plus souvent pour l’Artiste qu’une source d’erreurs et de procédés inutiles ou dangereux ; elle peut tromper le Praticien quissy borne, parce qu’elle le porte à croire qu'il doit survenir toujours des symptômes considérables là où cette lésion ex- térieure semble grave , et qu’il ne peut arriver au contraire que de foibles accidens là où cette lésion semble légère. L’expérience médicale a cependant démontré qu’il n'existe aucune pro- portion constante entre la gravité des symptômes qui suivent une plaie de tête et la lésion extés rm SUR LA CHIRURGIE, etc. 375 PS MN SRn nie à tin Me RUES, © sieure qui les détermine, mais qui n’en est souvent que l'occasion éloignée. Les plaies à la tête , comme celles de quelques autres parties du corps, ne deviennent quelquefois dangereuses et ne s’accompagnent de symptômes malins que par des circonstances étrangères aux plaies elles- mêmes , ét qui n’ont avec elles aucun rapport. Tantôt c’est la disposition du sujet malade, tantôt la nature du pays qu! habite, tantôt le caractère d’une épidémie régnante qui décident des accidens qu'il éprouve, et qu’il n'essuyeroit pas s’il eût été frappé de la même manière sous un concours de circonstances différentes. Ainsi Pringie a observé que les plaies à la tête exi- geoient des saignées copieuses chez les tempé- ramens inflammatoires , l’émétique chez les bi- lieux , et l’opium chez les nerveux. Lombard qui a fait des observations analogues, a vu que l’émétique donné à propos arrêtoit les accidens des plaies de tête chez certaines personnes, etil est parti de là pour limiter avec sagesse l’usage du trépan dans les cas où les lésions extérieures de tête sont moins dangereuses par elles-mêmes que par les complications intérieures qui s’y joignent. Houllier et Baillou, Médecins de Paris, excellens commentateurs d'Hippocrate, se sont Aa 4 376 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS assuré que les plaies de tête à Paris entraînent des accidens plus graves qu'ailleurs. Les Médecins de Montpellier, de leur côté, ont vu que dans cette ville les maux de jambes sont plus rebelles et qu'ils présentent en général des symptômes plus dangereux. Ne pourroit-on pas dire qu'à Partis la constitution habituelle de l'air favorisant des maladies catarrhales qui exercent sur-tout leurs “ravages dans la tête, doit rendre les lésions de cet organe plus graves par la complication ca- ‘tarrhale qu’eile y ajoute fréquemment ? À Mont- pellier au contraire la température chaude y fa- vorise les maladies bilieuses dont le siège existe plus particuliérement dans le bas: ventre, dans le systême de la veine porte sous l'influence -duquel les extrémités inférieures semblent pla- -cées. Dès-lors ne semble-t-1l pas.que sous un climat chaud les lésions des extrémités inférieures doivent être plus fréquemment compliquées et lipar cette raison plus fréquemment: dangereuses ; car: les maladies bilieuses y étant plus communes, les complications graves doivent. plus particulié- :rement avoir lieu par rapport aux plaies ‘des parties qui, comme les jambes, ont une relation « plus directe avec les organes de la bile ? Les Mé- decins Allemands ont démontré l’influence des 000 D SUR LA CHIRURGIE, etc. 377 maladies épidémiques sur les lésions extérieures de la tête. Cette influence est quelquefois si forte que la lésion extérieure demande le même traitement que l’épidémie , sans qu’il soit néces- saire de l’aider par aucun procédé chirurgical. Soll en traitant des complications de la fièvre esti- vale, febris æstivæ, avec d’autres maladies, parle de celle qu’elle contractoit avec les Iésions exté- rieures de la tête. Il dit que ceux qui éprouvent de pareilles lésions ressentent d’abord les accidens qui en dépendent, mais qu’au bout de quelques jours ils sont attaqués ou d’inflammation si c’est le caractère inflammatoire qui régne dans ce temps- là, ou de fièvre bilieuse si c'est le caractère bilieux qui prédomine, comme dans l’épidémie dont il donne la description. Il cite l'observation de quelques personnes qui durant cette épidé- mie prirent l’émétique après une lésion à la tête avec le même avantage que ceux dont la fièvre épidémique formoit la maladie principale. En voilà plus qu’il ne faut pour nous tenir en garde contre le jugement que nous serions tentés de porter sur les plaies de tête d’après l’examen des seules lésions extérieures. Mais la Chirurgie a des faits plus directs encore pour prouver qu’il n’y a souvent aucun rapport entre l'intensité de 378 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS en me ces lésions et les accidens qu’elles déterminent. Le fait suivant est une preuve nouvelle que les plus grands dangers , la mort même , peuvent survenir après une plaie qui intéresse les tégu- mens de la tête sans qu'aucun signe les ait annoncés. « Un garçon Charpentier reçut sur la tête une barre de fer dont l’extrémité se terminoit par une pointe très-fine, Le coup porta sur l'os pariétal du côté droit assez près des sutures : la plaie qui en résulta étoit à peine visible ; elle saigna cependant beaucoup , et les tégumens se tuméfièrent bientôt. Le malade étourdi sur le coup fut brusquement saisi d’un mal de tête horrible qui l’engagea à me faire appeler comme Médecin de la Miséricorde. Je le trouvai en appa- rence dans le meilleur état ; point de fièvre ni de frisson , point d’assoupissement n1 de vertiges. Il étoit tranquille, et à exception d’un violent mal de tête le malade sembloit aussi sain que moi-même. J’ordonnai deux saignées dans le jour , une tisane émulsionnée, la diète , le repos, et le soir un bain de pieds avec le vinaigre. Le lendemain la douleur de tête avoit disparu, -Je me défiai cependant d’une guérison aussi subite SUR LA'CMIRURGTE, etc) np et je priai le Cit. Balaguier Chirurgien d’examiner avec moi l’état de la tête ; nous trouvâmes les tégumens fort élevés à l'endroit de la plaie, et leur rapprochement opéré par la tuméfaction de ces parties , laissoit à peine appercevoir un trou gros comme la tête d’une épingle. Le Cit. Balaguier porta une sonde dans la plaie qui lui parut s’é- tendre jusqu’au péricrâne; mais rien n’annonçoit que les os du crâne fussent intéressés , seulement on pouvoit soupçonner que le péricrâne étoit détaché de ces os et qu’il concouroit à former la tumeur que nous observions , ce qui pouvoit rendre le danger beaucoup plus grave. On appliqua sur la tumeur des cataplasmes émolliens et réso- lutifs ; on fit encore une saignée au malade, on la répéta le lendemain , et dans l’espace de deux jours la tumeur formée sous les tégumens dimi- nua , et la plaie laissa voir une ouverture plus considérable. Il restoit néanmoins une élévation circulaire autour de la plaie qui paroissoit dure et distincte de la peau ainsi que du tissu cellulaire et des muscles. Le bien-être parfait du malade nous empêcha d'ouvrir la plaie pour pénétrer à la cause de cette élévation. Le malade se croyant guéri reprit son train de vie ordinaire. Au bout d’une dixaine de jours il vint me 2) 380 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS : consulter pour un mal-aise général, des insom- mes cruelles, des vertiges, et une fièvre qui revenoit chaque jour à la même heure et qui duroit jusqu’au lendemain matin. Je n’avois pas été content de la manière dont s’étoit terminée sa plaie de tête, je demandai à la voir ; je trouvai qu'elle n’étoit point encore cicatrisée, que la même élévation dure et circulaire existoit, mais qu'autour de cette élévation s’étoit formé un engorgement mollasse qui sembloit contenir um flude épanché. Je fis élargir la plaie pour pro- curer la sortie de la matière ; ce n’étoit qu’une sérosité épaissie qui par sa consistance pouvoit en imposer pour une matière purulente. En élar- gissant la plaie, le Cit. Balaquier s’apperçut que les os du cräne étotent dépouillés de leur périoste dans toute lPétendue de la tuméfaction circulaire que nous avions observée , en sorte que cette tuméfaction étoit réellement déterminée par Île péricrâne détaché des os, comme nous l’avions d’abord présumé. L’insomnie , les vertiges et la fièvre se soutenoient ; nous étions d'avis, le Cit, Balaquier et moi, qu’on pratiquât l’opération du trépan, deux autres Chirurgiens de la Miséricorde s’y opposèrent , sous prétexte qu’il n’y avoit ni enfoncement de l’os , ni fente, nifracture. Le SUR LA CHIRURGIE, etc. 38# malade languissoit dans le même état sans aucun symptôme alarmant , lorsque tout à coup il sentit comme une percussion violente qui, à son dire, sembloit lui briser le cräne en: deux. 11 tomba ensuite dans un assoupissement qui devint plus grand par degrés jusqu’à ce qu’enfin il fut suiva de la mort. Nous nous emparämes du cadavre pour en faire Pouverture , nous trouvâmes la boïte osseuse parfaitement saine et de couleur naturelle dans toute son étendue ; elle étoit seulement dépouillée du péricrâne à l’endroit de la blessure ; la partie du péricrâne détachée nous présenta un aspect livide ; intérieurement à la partie du pariétal droit , cor= respondante à la partie frappée ; la dure - mère s'étoit séparée de los, et la séparation s’étoit propagée sur toute la face interne du’ pariétal, La dure- mère étoit d’un rouge noirâtre , détruite dans quelques points du même côté ; au-dessous de cette membrane nous trouvâmes une grande quantité de matière séreuse, épaisse et grisâtre , accumulée entre la dure et la pie-mère , sur la surface du cerveau , et qui remplissoit plusieurs des cavités de cet organe essentiel. » En réfléchissant sur toutes les circonstances de çe fait pratique , il semble qu’on auroit sauvé ee 382 MÉMOIRES ET ÜBSERVATIONS la vie au malade, en pratiquant l’opération du trépan lorsque nous la proposions. Il n’est pas nécessaire que les os soient fracturés ou enfoncés pour que l’Artiste doive craindre des désordres intérieurs qui autorisent l’emploi du moyen chi- rurgical. Il suffit que l’irritation vive ou l’inflem mation du péricräne se communique à la dure- mère pour y attirer Où une suppufation Ou une fluxion d’humeurs. Dans l’un et l’autre cas on doit craindre un épanchement de matière dont l’ouverture du crâne par le trépan peut empêcher les funestes effets. Or que l'irritation ou l’in- flammation du péricräne se communique à la dure-mère , c’est une chose qui doit arriver sur-tout à l’endroit des sutures où le péricrâne semble plus essentiellement lié à la dure- mere. Dans notre observation la plaie externe étoit voisine des sutures ; ses effets nerveux Ou in= flammatotres ont donc dû se transmettre plus facilement à l’intérieur et causer tous les désordres qui ont amené la mort. Concluons avec Hippocrate qu’on ne doit res garder avec indifférence aucune plaie de tête, quelque légère qu’on la suppose ; zu/lum capiris yulnus leviter contemnt deber, et qu'il faut y attacher d’autant plus d'importance qu’elles sont SUR LA CHIRURGIE, etc. 383 plus voisines des sutures , c2m circa ipsas suturas aulcus fieri contingerit. Nous pouvons établir d’après cette observation un dogme pratique très-utile, Lorsque, après une plaie faite à la tête, il se manifeste des accidens tels que fièvres, mal-aises ; insomnies , vertiges, etc. et que ces accidens ne suivent pas immédiatement la lesion extérieure, on doit présumer qu'ils annoncent une lésion des membranes internes du cerveau ou du cerveau lui-même , puisqu'ils ne peuvent être attribués à la violence du choc produit par la lésion ex- terne. Dans ce cas on doit penser que l’affection interne est dans son principe ou nerveuse ou in= flammatoire , si toutes les parties contenantes ou contenues n’ont éprouvé aucun dérangement . sensible, Lorsque les moyens relâchans antiphlo- gistiques et révulsifs ont été employés long-temps et que les mêmes symptômes subsistent, on doit penser que l’irritation nerveuse ou l’inflammation a été suivie d’une accumulation de matières dans le cerveau qui nécessite le trépan, L'opération chirurgicale est , je crois , alors la seule ressource qui puisse disputer à la mort une victime qu’elle a marquée, j 384 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS AE 2 OBSERVATION Sur le changement de la fibre musculaire SE 27e 2024 en substance gralsseuse. Par les Cit. MARTIN aîné et MARTIN le jeune] J EAN-FRANÇOIS Prost , âgé de 78 ans, Ouvrier ensoie, mourut dans l’Hospice des Vieillards et Orphelins de la ville de Lyon. Son cadavre fut porté à l’Amphithéâtre pour servir à l'instruction des Élèves. En disséquant les muscles de la partie posté- rieure de la jambe, on trouva à la place des jumeaux un sac membraneux qui contenoit une masse graisseuse et affectoit la même forme que les muscles qu’il remplaçoit. Cette masse divisée en tout sens laissa voir la même organisation que le tissu cellulaire adipeux, après un examen attentif, et la matière qui y étoit contenue ne parut différer en rien de la graisse. En suivant les recherches on trouva que dans les jambes droite et gauche les muscles plantaire, grêle , SUR LA CHIRURGIE, etc 38%! et grêle, jambier postérieur, solaire, fléchisseur commun des orteils ainsi que leur extenseur commun, étoient réduits au même état, à cela près qu’on y voyoit encore quelques fibres char= nues, mais rares, pâles et décolorées. Dans la cuisse le droit antérieur, le triceps extenseur , le grêle interne , le couturier et les adducteurs étoient imparfaitement frappés de cette perversion , de manière que leur substance paroissoit comme cannelée de colonnes partie graisseuses , partie charnues, Les différens viscères de cé sujet ne présen= toient d’autres particularités que celles que l’âge avancé a coutume d'y produire, Jean-François Prost exerçoit un état qui le forçoit habituellement à la vie sédentaire. Le goût du vin auquel il s’étoit livré dès sa jeu- nesse s’étoit tellement accru en vieillissant, qu’il n’étoit pas rare de le trouver ivre-mort étendu dans les corridors et dans les cours de l’Hospice. Sur la fin de ses jouts 1l se plaignit de douleurs gravatives dans les extrémités inférieures ; ces douleurs qui augmentoient à chaque variation de q 8 q l'atmosphère, produisirent à la fin une telle débilité P > P qu’il ne put plus quitter son lt. Bb 386 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Quoique ses jambes aient conservé jusqu’au dernier moment la faculté de se mouvoir, elles fléchissoient sous lui et ne pouvoient le soutenir dès qu'il se levoit pour changer de linge ou vaquer à ses besoins. Le même phénomène s’est retrouvé dans le cadavre d’une vieille femme, dans le même Hospice. Celle-ci n’avoit point perdu la faculté de mar- cher; sa progression étoit lente et diflicile comme dans tous les vieillards, et cependant tous les muscles de la jambe étoient passés à l’état grais- seux , à l’exception du jambier antérieur, du flé- chisseur propre du gros orteil et du fléchisseur commun des orteils qui n’étoient dans cet état que dans leur moitié inférieure. Ces deux faits qui servent plus à grossir la nomenclature des infirmités humaines qu’à mul- tiplier les ressources de l’art qui les guérit, inté- resseront davantage les Physiologistes et pourront peut-être donner quelques nouvelles Jumières sur la composition de la fibre et la nature de l'irri= tabilité, Ac SUR LA CHIRURGIE, etc. 387 OBSERVATION SUR une aberration du fluide séminal, Par le Citr. MARTIN l’ainé, a pe— > À -r-0x assez étudié la nature du fluide pro lifique ? connoit-on suffisamment sa marche dans l’économie animale, ses usages dans le développe ment des facultés morales et des forces physiques ? a-t-on seulement entrevu la moindre partie des phénomènes qu’il produit pendant la durée de l’exsitence individuelle ? Je crois qu’à toutes ces questions on peut répondre négativement; je crois que létude approfondie de ce fluide vivifant considéré moins dans ses rapports avec son usage direct et connu que dans ses liaisons avec toutes les parties et toutes les fonctions de la machine humaine , amèneroit les plus belles découvertes en établissant la théorie véritable des forces vitales. Laissons au temps et au hasard le soin de défri- cher cette partie encore inculte de la science de B b 2 oo PE 388 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS l’homme ; rassemblons des faits, accumulons des matériaux qui pourront servir un Jour. L'observation suivante m'a paru neuve, cu- rieuse et intéressante ; Je la présente et j'en garantis l'authenticité ; le sujet existe. « Le citoyen M... natif de Lyon, Négociant, actuellement âgé de 23 ans, d’un tempérament sanguin , d’une belle stature , devint pubère à l’âge de seize ans. Il s’apperçut de la révolution qui se faisoit en lui par des désirs et par un état nouveau auxquels 1l refusa constamment d’obéir : six mois après il éprouva dans le fond du bassin des douleurs sourdes qui ne tardèrent pas à se propager en s'étendant sur les organes de la sécrétion de la semence et jusques à l’extré- mité du membre viril. Ces douleurs qu’il éprou- voit plus fortement au moment de la digestion, se terminèrent au bout de quelques jours par une copieuse évacuation d’une matière glaireuse de couleur perlée , laissant une impression brü- lante sur le canal, et produisant sur les parties circonvoisines sur lesquelles elle se répandoit une inflammation érysipélateuse , ou si l’on veut une véritable phlogose dartreuse. Cette évacua- tion se soutint pendant trois jours consécutifs, FÉISIUR L'AË CH LEUR GIE, ;-etc./.0, 788 et se termina sans douleur. Alcrs le citoyen M... qui à dater du commencement des douleurs étoit _ pris d’une espèce de fièvre ardente , y vit succéder le calme le plus parfait. Depuis il a éprouvé sou- vent de violentes érections , et chaque année les mêmes phénomènes ont reparu et se sont terminés de la même manière. Il est aisé de reconnoitre dans ces évacuations périodiques les effets du fluide séminal qui, porté à un degré singulier d’exaltatron par la force des organes sécréteurs et par la durée de sa rétention dans les vésicules qui en sont le réservoir, ouvre spontanément les barrières qui le retenoient et s'échappe de lui-même. Jusques-là rien que de bien ordinaire, rien dont on ne puisse citer et observer chaque jour des exemples nombreux. A l’âge de 19 ans, les besoins physiques augmentèrent encore et s’annoncèrent par des apparences plus énergiques et plus multipliées, et le citoyen M..... fut encore sourd aux avertissemens de la nature. Effrayé par la crainte d’un mal trop eonnu et que la licence des mœurs a singuliérement mul- tiplié dans les grandes villes, n’étant pas à portée de contracter des nœuds légitimes, et ayant lu les tableaux prudemment exagérés que Tissot a placés dans son Onanisme, il persista dans une Bb 3 CEE En 390 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS EE RE nn continence à laquelle son tempérament avoit tant de peine à se prêter. Alors le fluide prolifique cessa de se faire jour à travers des barrières qui peut-être s’étoient ren- forcées en raison de la multiplicité des assauts qu'elles avoient éprouvées. Il se porta d’abord sur le canal intestinal et produisit une diarrhée mêlée de ces mêmes ma- tières glaireuses de couleur perlée , et laissant autour de l’anus et dans l’intérieur du canal qui y aboutit la même phlogose dartreuse , la même impression brülante qu’elles avoient produites sur V’urètre, Quelques mois après 1l se chercha une issue beaucoup plus éloignée ; 1l choisit la paume des deux mains pour son émonctoire : alors seule- ment son évacuation devint continue et cessa d’être sujette à un retour périodique comme auparavant. C’est dans cet état que je lai vu : l’épiderme de cette partie paroït plus épais que dans l’état ordinaire; il est parsemé de points blanchâtres qui ne ressemblent pas mal aux boutons dessé- chés des dartres farineuses ; une poussière blanche et ténue s’en détache habituellement, non sans | SUR LA CHIRURGIE, etc. 391 produire un prurit agréable, Le matin , après les repas et à la vue des personnes du sexe qui lui plaisent , les mains entrent dans une douce chaleur qui s’accroit par gradation et s’étend bientôt à tout le bras. Si alors il met les deux paumes des mains en contact et les frotte l’une contre l’autre , cette chaleur devient brülante ; elle se communique avec rapidité à tout le corps qu’elle embrase, et se termine par une syncope voluptueuse semblable à celle que les sujets les plus luxurieux éprouvent dans Pacte vénérien. Pendant tout ce temps la nature reste muette dans les parties de la génération, qui semblent pour ainsi dire seules ne pas participer au délire voluptueux du reste de la machine animale, De temps en temps le malade éprouve encore des érections involontaires et même les diarrhées. dont nous avons parlé : alors le phénomène des mains cesse comme si le fluide vivifiant , honteux de ses aberrations , vouloit revenir à ses voies ordinaires et à ses usages naturels. » Le citoyen M.... après m’avoir consulté, est sur le point de chercher dans le mariage le véri- table remède de cette maladie 3; mais il seroit singulier que la nature, au vœu de laquelle äk 392 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS a été si long-temps rebelle, se fit un jeu de Jen punir en laissant subsister les choses dans l'état où elles sont , et en prolongeant dans cer- taines parties l’inertie dont le citoyen M.... les a volontairement frappé pendant si long-temps. SUR LA CHIBURGIE, Etc) 902 rh mme ae mentsé réamanatiéntenmeniees, EX 3 2277 ne RE ee tf manne mens LETACRRRE DORDENEEET GE 2 RES | nt OCR VOA T TOR Sur une dilatation anévrismale de l'oreillette droite du cœur. Par le Cit. GILIBERT. EE (À “men. Le citoyen Michel Peilion , âgé de 36 ans, d’une belle conformation , grand, robuste , d’un tempérament sanguin , avoit aimé avec passion dans sa jeunesse à jouer de la clarinette : il s’étoit livré à quelques excès ; aussi fut-1l attaqué d’une toux opinitre à l’âge de 32 ans, qui fut suivie d’une hémoptysie. Depuis cette époque , sa santé fut chancelante ; il étoit oppressé dès qu'il se livroit à quelque exercice violent , il éprouvoit des palpitations de cœur. L’année passée, en Mai, il fut plus sérieusement malade ; Poppression fut très-forte, les palpitations plus considérables. Pendant quinze jours il fut presque toujours incliné sur ses ge- noux, éprouvant un sentiment de suffocation dès qu’il se relevoit ; il ne pouvoit dormir couché SE ae RE D IE OT AD AL et n HCLICÉE 394 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS sur le dos. Après ces quinze Jours l’expectoration se décida, il rendit pendant vingt jours une étonnante quantité de crachats purement mu- queux ; les jambes furent leucophlegmatisées après Pusage des demi-bains animés avec la moutarde. Au commencencement de Juin je l’envoyai à la campagne , je lui recommandai de se promener souvent à cheval; cet exercice lui fut avanta- geux , 1! n’éprouvoit aucun accident à cheval. JE revint en Novembre à la ville ; quelques jours après il me fit appeler , je le trouvai cruellement tourmenté par une colique néphrétique , dont le siége étoit au rein gauche : chaque paroxisme étoit terminé par une abondante évacuation d’urine qui déposoit une grande quantité de sable rou- geâtre. En Janvier, Février et Mars, aux palpi- tations près qui étoient récurrentes au moindre mouvement , il se portoit assez bien; bon appé- tit, embonpoint ordinaire, visage coloré. Le $ Avril il demanda une consultation ; les Médecins convoqués ne virent qu'un asthme spasmodique humoral, et soupçonnèrent un anévrisme du cœur ou de l’aorte ; ils prescrivirent les bains de jambes très-animés avec la moutarde, les fleurs de soufre à haute dose , la potion camphrée, les cloportes = dès le cinquième bain et après Les premières prises TA oh SUR LA CHIRURGIE, etc, 395 ARR à Ne ph. jui. Nes des remèdes mentionnés, la leucophlegmatie des jambes, des cuisses , du scrotum se développa en trois jours d’une manière effrayante ; l’op- pression , les palpitations furent excessives et sans interruption. Les apéritifs , les diurctiques, les cathartiques ne produisirent aucun effet ; les seules scarifications au scrotum donnèrent issue à la sérosité épanchée , mais sans diminution des symptômes dangereux ; le pouls devint encore plus intermittent, l’orthopnée plus considérable. Le 5 Mai, la face s’abattit, le pouls devint vermiculaire, et le malade ayant toute sa con- noissance expira le 6 à sept heures du matin. Nous procédâmes le 7 à l’ouverture du cadavre avec le citoyen Mothe. 4 Ayant ouvert le bas-ventre, nous n’avons trouvé aucun viscère lésé ; le foie nous a paru seulement d’un plus grand volume; le rein gauche noffroit aucun gravier. Le sternum enlevé et les côtes renversées , nous avons vu les lobes du poumon noirätres, refoulés vers le haut ; une masse plus grosse que la tête occupoit la région moyenne de la poitrine, mais nulle apparence de sérosité n1 de sang dans la capacité. Ayant ouvert le péricarde, nous avons évalué qu'il contenoit environ une pinte de sérosité jaunâtre : nn 2 22200 CL OMR 7 COUDE 396 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS l'oreillette droite ofroit le volume de deux poings réunis ; elle étoit remplie par un sang grumelé: sur ces parois internes, plusieurs concrétions polypeuses adhérentes ; le ventricule droit ou an- térieur, deux fois plus gros que dans l’état naturel, offroit la même masse sanguine et plusieurs con- crétions polypeuses adhcrentes à l’aorte ; la veine cave prodigiusement dilatée , de même que l’ar- tère pulmonaire ; Poreillette gauche de grandeur naturelle , le ventricule postérieur ou gauche aussi de grandeur naturelle. En ayant examiné Pintérieur , nous avons senti près de la valvule une concrétion osseuse en demi-cercle , épaisse comme le doigt ; les lobes du poumon étoient encorgés d’un sang noirâtre tel que le malade Vavoit craché assez abondamment les deux derniers jours, mais sans aucun point de suppuration; nous avons seulement senti au tact quelques tuber- cules : d’ailleurs nulle sérosité épanchée dans la capacité du bas-ventre, SUR LA CHIRURGIE, etc. 397 S mmmemmemnnn pente En en OO RSREUR. VAT, L'ON WE MÉDECINE Sur un ver lombrical sorti par la narine gauche. Par le Cit. MARTIN le jeune. he MCE Desparvier , âgée de 69 ans, native de Lyon, vint à l’Hôtel-Dieu pour se faire traiter d’une rache rentrée, qui avoit produit sur le bas-ventre un ulcère dartreux large comme un écu de six livres. Elle éprouvoit , depuis six jours qu’elle étoit à l'Hôpital , une pesanteur douloureuse et une espèce de bourdonnement ( ce sont lesexpressions de la malade ) dans la récion des sinus frontaux ; la narine gauche étoit affectée d’une démangeaison insupportable à laquelle se joignoient un éter- nuement presque continuel et un besoin fréquent de se moucher. Le 24 Germinal de l’an 4, (12 Avril 1796 ) elle éprouva plus fortement que jamais sa douleur et son bourdonnement dans É , ERREUR RD UE 398 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS la tête, la démangeaison fut plus vive et le besoin de se moucher plus fréquent ; la joue gauche fut marquée de rougeur, tandis que la droite resta dans l’état de pâleur, qui étoit commun à tout le reste du visage ; au même instant la narine gauche se trouvant gênée par la présence d’un corps étranger qui, suivant la malade, sembloit des- cendre du cerveau , elle y porta la main et en retira un ver de la nature des lombricaux , long d'environ trois pouces, et qui a vécu 4 heures après sa sortie, La malade se sentit à l'instant soulagée , et elle me dit le lendemain matin que la sortie de ce ver lavoit complétement guérie des accidens qu’elle avoit éprouvés. Les accidens que je viens d'exposer sont assez exactement ceux qu’on trouve décrits dans les observations intéressantes de Littre et d’Andry ; mais la nature du ver diffère entiérement de celle des insectes trouvés par ces Auteurs. Aussi regar- dent-ils comme sûr que les vers dont ils rappor- tent l’histoire étoient nés dans la cavité des sinus frontaux , tandis qu'il nous paroït certain que celui que nous avons rencontré a pris nails= sance dans l’estomac ou les intestins , et qu'ayant SUR LA CHIRURGIE, etc. 399 remonté pendant le sommeil ( puisque la malade ne s’en est point apperçue ) par l’œsophage et le pharinx , 1l a gagné les fosses nasales et de là les sinus frontaux au moyen de l’irfundibulum , çanal qui entretient une communication entre ces sinus et le méat moyen des fosses nasales, Si cette observation n’est pas la première d’un ver sorti par les narines , après avoir existé dans les sinus frontaux , on n’en connoïît pas où l’insecte sorti ait présenté la nature des vers lombricaux , et je crois pouvoir la présenter comme neuve, 400 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS ne eee oo pd | OBSER VIA EF TON Sur la cause de la maladie du mouton, désignée sous le nom de vertige ou tour- noiement. Par le Cit. HÉNON , Professeur à l’École d'Économie Rurale de Lyon. Sr la fin de Décembre 1776 je fut détaché par le Directeur de l’École Vétérinaire d’Alfort pour porter des soulagemens à un troupeau de moutons, attaqués de l’épizootie connue sous le nom de pourriture. Ce troupeau appartenoit à un habitant de Champigny près Nogent-sur-Marne. Si la maladie n’étoit pas équivoque , ses causes étoient encore moins douteuses. L’habitation étoit entourée d’eaux stagnantes et de petits marais, au milieu desquels on envoyoit paître le troupeau de très-grand matin, avant que le soleil eüt dis- sipé les vapeurs mal-faisantes qui s’en élevoient ; létable étoit mal-propre et mal aérée. La SUR LA CHIRURGIE, etc. 40b La plupart des moutons avoient les gencives pâles et livides, les yeux ternes et humides, læ démarche chancelante et difficile ; dans la gravité du mal il survenoit sous le menton cette rumeur vésiculaire que les Bergers ont nommé gourmerte. À ce symptôme fâcheux se joignoit dans quel= ques sujets celui qu’on connoït sous la dénomi« nation de vertigé Ou tourroiement, Les brebis qui en étoient attaquées étoient regardées comme absolument perdues, et les bergers les désignoient sous le nom de brebis ourneuses OÙ Sautenses ; parce que leurs mouves mens sont trides et qu'elles tournent toujours de côté. | Après avoir indiqué au propriétaire du trou peau les moyens curatifs et prophylactiques ; J’obtins de lui qu’il m’abandonneroïit un des mou- tons attaqués de tournoiement , et je le fis conduire à l’école pour servir à diverses expériences, Cette maladie est par fois occasionnée par le séjour de quelques vers dans Les sinus maxillaires et frontaux ; en nous plaçant dans cette suppo= sition , nous fimes respirer à l’animal la fumée et mème la poudre de quelques substances ver= mifuges unies à des sternutatoires , par exemple Ce mens CRE SNS 402 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS le camphre avec la poudre de tanaisie, de nico- tiane, d’azarum , et même d’ellébore. Je joignis à ces moyens préliminaires les vési- catoires derrière les oreilles et sous la ganache, et l’usage interne des médicamens antiseptiques et fortifians. Après dix jours de traitement inutile le mal faisant toujours des progrès , Je tentai un moyen conseillé et mis en usage par Wepffer. J’appliquai deux couronnes de trépan de ma- nière à ne former qu’une seule ouverture sur la partie latérale du pariétal vrique dans le mouton, qui répondoit au côté sur lequel il penchoit la tête. La dure-mère, étant à découvert, saillit à travers l’ouverture du trépan, je l’incisai , et le cerveau dont la substance me parut saine prit sa place : enfin l’animal étant destiné à des expériences , je fis l'incison de la substance cérébrale dans la direction du ventricule droit, Je ne fus pas médiocrement étonné d’en voir sortir, au lieu de sérosité, un corps transparent semblable à l’humeur vitrée. Ce corps jouissoit d’un mouvement d’ondula= tion dont le froid ne tarda pas à le priver. C’étoit , ce dont je ne me doutois point alors, SUR LANCHIRURGILE ; CtC. 4 un véritable insecte désigné par le Docteur Pallas sous le nom de ver hydatide , senia hydaroïdea , ver vésiculaire érémite , ordre des vers ronds, quatrième genre de Bloch, semblable au ver cucurbitin qui accompagne le ver solitaire , et que quelques-uns croient n’en Être qu’un frag= ment. Ce ver avoit trois anneaux très-distincts, et je l’ai fréquemment retrouvé depuis dans les duplicatures du péritoine et à la surface du foie, de la rate et de la matrice : j’en conserve quel- ques-uns dans l’esprit de vin. Je remplis la plaie que j’avois faite d’une com- presse mollette humectée d’un peu de vin chaud; je l’assujettis par le moyen d’un morceau de liége taillé suivant la forme de l'ouverture que j’avois faite au pariétal ; je rapprochai les parties molles extérieures par un point de suture, et tout l’ap- pareil fut contenu par une espèce de béguin qui enveloppoit la tête, Après l’opération qui fut longue , la bête tomba dans un affaissement qui dura près de deux heures ; on l’en tira par le moyen d’une potion cordiale qu’on lui fit avaler , et en pré- sentant de temps à autre à l’orifice des naseaux de l’alkali fixe, Cca2 404 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Le pouls se releva sous laction de ces médi- camens , la chaleur et le mouvement se réta- blirent ; le lendemain on leva l'appareil, la plaie rendit une sérosité roussätre et deux caillots de sang. Dès ce moment les symptômes du tour- noiement s’évanouirent ; le mouton reprit de la gaieté et de l’appétit. Au bout de trois semaines la plaie du crâne étant guérie, il ne restoit plus que beaucoup de maïgreur et un épanchement aqueux dans le bas-ventre. Il passa les mois de Janvier et Février dans cet état. Pendant les pre- miers jours de Mars toute sa laine tomba ; et soit que cette circonstance le rendît trop sensible au froid, soit que les organes de la digestion fussent affoiblis par la succession des accidens qu’il avoit éprouvés , il prit une diarrhée dyssentérique qui le fit crever le 29 du même mois. L'ouverture du cadavre nous fit voir une leucophleomatie générale et des vers hydatides répandus sur la surface des différens viscères de Pabdomen. La partie qui avoit subi l'opération offroit une cicatrice solide ; la piéce osseuse étoit rem- placée par une substance membraneuse et cré- tacée à laquelle adhéroïent les méninges ; le lobe droit du cerveau applati et resserré dans a : = és een " SUR LA CHIRURGIE, etc. 40% Yendroit de l’incision , ne laissoit appercevoir aucune trace de ventricule, Cette Observation nous donne le droit de conclure que la maladie du tournoiement est indépendante de celle connue sous le nom de pourriture dans le mouton, et que, quand elle est occasionnée par la présence d’un: ver hyda- tide dans les ventricules du cerveau , elle est susceptible d’être guérie par l'opération que jai faite ; mais je n’affirme point que le tournoiement dépende toujours de cette cause. / 406 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS EE OBSERVATIONS ET" D:OCUTT:E:S Sur l’hydropiste. ; Par le Cit. Pr TT, Docteur en Médecine. RS — L, citoyenne À..... âgée de 21 ans, est le sujet de la première Observation. Les malheurs de cette femme courageuse datent du moment où s’accomplirent ceux de cette Cité, lorsqu’après avoir résisté à cent mille ennemis rassemblés contre elle , 1l ne restoit aux Lyonnois qui avoient soutenu le siége d'autre parti que la fuite. Cette jeune femme voulut suivre son mari. La sortie fut malheureuse. L'explosion des armes à feu , le s'fflement des boulets et des balles, la vue et les cris des blessés et des mourans, les dangers auxquels elle voyoit exposé ce qu’elle avoit de plus cher au monde, les siens propres, et peut-être plus encore l’aspect de la joie in- sultante de nos ennemis, glacèrent le sang de cette intéressante fugitive. Il en résulta une 90020 0 REGARD 6 UE momo à SUR LA CHIRURGIE, etc, 407 LU sippression qui donna lieu à une hydropisie æcite. Cette maladie traitée par un de nos Confrères, céda une première fois et reparut année suivante avec les mêmes symptômes. Un frysipèle brûlant occupoit les extrémités infé- ieures , lorsque le citoyen Mothe fe fit appe- er. Nous nous décidâmes d’un commun accord ? supprimer pour un temps les hydragogues ; e petit-lait aiguisé de quelques grains de tartre vitriolé leur fut substitué, un régime analogue prescrit , et les parties érysipélateuses traitées convenablement, Nous ne reprimes , que lorsque la guérison de ces symptômes le permirent , les. médicamens plus actifs qui auroient consommé a cure si la maladie n’eût èté entretenue par une aause insurmontable à l'Art, par un anévrisme dans les vaisseaux du cœur. Mais nous avons eu L satisfaction de conserver dans un état suppor- tible une Citoyenne estimable, chère à ses parens et à ses amis. La seconde Observation est plus récente et a quelque chose de plus frappant. La femme d'un Päussier de la rue Saint-Jean me la fournit, Elle me fit appeler , 1l y a un peu plus de deux mois, pour lui donner mes soins ; elle éroit acçouchée depuis environ six; sa grossesse avoit Cc4 408 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS été accompagnée d’hydropisie, et cette malad» imparfzitement jugée par l'accouchement n’avor pas tardé à reparoître. Je me rendis auprès d'elle, et trouvai gissante sur son lit une femme âgée de 41 ans, brune, d’un tempérament bilieux et mère de trois enfans tous les trois vivans. C’étoit sa première grande maladie , mais elle paroïssoit à son comble. Une toux sèche et continuelle agitoit les poumons ; l’abdomen prodigieusement élevé présentoit une fluctuation évidente ; la fangue étoit rouge et enflammée ; le pied , la jambe et la cuisse gauches d’un rouge de feu, dépouillés presque entiérement de l’épiderme , parsemés de pustules dures , profondes et si douloureuses qu’elles ne permettoient à la malade aucun mou- vVement de ces parties. | La voyant dans cet état, j’hésital si je me chargerois de la maladie. Le pronostic de Vogel, d’après les Anciens ; S2....., cutis cum rubor yehementer ardet , lethiferum est, m’épouvantoit. Mais je me sentois en même temps retenir psr le spectacle d’une famille désolée et par les larmes d’une mère qui me supphoit de la conserver à ses enfans. Je résolus et je lui promis de fare tout ce qui dépendroit de moi pour la tirer de ce danger, L'absence de quelques mauvais symp= a —-S SUR LA CHIRURGIE, etc. 409 tômes laissoit luire à mes yeux quelque espé- rance, En effet le pouls peu fébrile annoncoit plus de force que de dureté; la voix étoit pleine et assurée, sans être rauque , la soif modérée, aucune décomposition dans les traits du visage: les urines, rares à la vérité, étoient d’une cou- leur trés-approchante de la naturelle; et quoique le ventre füt un peu ouvert, aucune espèce de colliquation ne s’annonçoit. J'entrepris donc son traitement. L'indication la plus pressante me parut être de remédier à l’inflammation : j’ordonnai en conséquence Ia suppression de l’eau de vie allemande employée jusques alors presque uniquement ; le petit-lait ziguisé de quelques grains de tartre vitriolé, à la dose d’un pot dans les vingt-quatre heures, fut prescrit pour unique boisson : on appliqua des cataplasmes fortement émolliens sur les par- ties enflammées. Une seconde indication me parut aussi urgente ; c’étoit de calmer la toux et la difficulté de respirer qui ne permettoient pas à la malade de se livrer au sommeil et de goûter le moindre repos : une potion béchique où la comme ammoniaque étoit mariée à la prépara- tion de scille la plus douce , la remplit si par- faitement que la malade après une expectoration 410 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS abondante put dès le lendemain prendre dans son lit une attitude plus commode, et que la toux, “éteinte par degrés , disparut entiérement. Les urines devinrent plus abondantes , les selles plus fluides et plus copieuses ; le ventre diminua sensiblement : cependant linflammation locale s’étoit calmée, Dès le troisième jour depuis Papplication des cataplasmes , la malade avoit pu remuer la jambe ; dès le sixième ou le hui- tième, elle se crut en état de prendre des re- mèdes plus actifs et qui pussent la débarrasser plutôt. J’accédai à sa demande, et jeus lieu de m'en repentir. Les hydragogues produisirent, à la vérité , les effets qu’on a lieu d’en attendre: les eaux furent en peu de jours évacuées ; mais ces remèdes décidèrent une inflammation nou- velle. Il se forma une tumeur phlegmoneuse dans la partie supérieure et antérieure de la cuisse ,| qui força la malade à se remettre au lit, lui causa pendant quatre à cinq jours d’excessives douleurs , et se termina enfin par deux ouver- tures séparées l’une de Pautre de quelques lignes et que je crus devoir réunir par une traînée de poudre à cautère. La suppuration fut abondante, l'est encore, et je me propose de l’entretenir jusques au retour des règles. Le régime anti- SUR LA CHIRURGIE, etc. ‘41 phlogistique substitué au régime et aux remèdes échauffans durant cette derrière inflammation, n’a ramené aucun des symptômes de l’hydropisie. L'évacuation des eaux s’est complétement opérée; les toniques substitués depuis plusieurs jours aux évacuans , rendent chaque jour des forces nou- velles; la convalescente remplit sans fatigue tous ses devoirs domestiques ; toutes les fonctions se font bien , et tout nous promet une guérison solide et durable. (*) EU SEEN (*) Ces observations datent du mois de Brumaire an ÿ. Depuis il y a eu un changement notable dans l’état des malades. Celui de la citoyenne A.... est amélioré ; et plus d’une fois nous avons conçu les- pérance , sinon de la guérir complétement et de sur- monter un vice organique insurmontable , du moins de la remettre dans la situation où elle étoit avant l’époque funeste que nous avons décrite. La Citoyenne qui fait le sujet de la seconde obser- wation, eut une rechute peu de jours après que nous l'eûmes communiquée à la Société. Une épidémie catarrhale régnoit alors , elle en fut atteinte ; ses poumons s'engorgèrent , et nous eûmes bientôt à combattre une véritable hydropisie de poitrine. Le danger fut souvent extrème ; l'oppression portée au plus haut point menaça plus d’une fois d’une suffo- cation prochaine; mais le courage et la docilité de 412 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Re D D TT Ces deux Observations et quelques autres dont les détails se sont effacés de ma mémoire , mais dont les résultats lui sont bien présens, m'ont fait naître quelques doutes. Fait-on dans l’hydro- pisie assez d'attention à l’inflammation qui l’ac- compagne souvent soit comme cause, soit comme: effet à Si cette inflammation ne se manifeste pas tou- jours au dehors, n’a-t-on pas raison de la soup- çonner au dedans lorsque la soif, la sécheresse et l’ardeur de la langue semblent nous l’annoncer à Nous ouvrimes il y a quelques années , le D° Parat et moi, le musicien Brondel mort d’une hydropisie , et nous trouvâmes des signes mani- festes d’une inflammation à lépiploon. Les exemples que l’on trouve dans Deidier Mead , Stoll , Bacher , etc. d’hydropisies guéries par des saignées répétées ou des sucs rafraichis- er la malade soutinrent le zèle du Praticien : les eaux furent vidées de nouveau par les remèdes tant internes qu’externes. Les orages cessèrent, les forces revinrent la malade sortit de son lit, bientôt elle put aller et venir librement , et enfin l'air de la campagne et les eaux de Charbonnières achevèrent la cure. Elle n’a plus eu besoin des soins du Médecin depuis plus de Six mois , 16 Frimaire an 6. | ES SUR LA, CHIRURGIE:, ec! ag sans , ne viennent-ils pas à l’appui de mes in- ductions ? Si l’on avoit eu soin plus souvent lorsque Pardeur de la soif s'allume, lorsque des érysi- pèles déclarent l’incendie d’un vésuve interne qui fait éruption au dehors , de tempérer, de rafrai- chir le malade, le pronostic des Anciens, 51... cutis cum rubore vehementer ardet , lethiferum ese, eût-1l été si sévère, et eüt-1l eu aussi constamment des effets aussi funestes ? Telles sont les réflexions que m’ont sugoérées les deux observations précédentes. L'autorité de Stoll , autorité qui doit être d’un si grand poids, me les a fait prendre en plus grande considéra- tion. {neptiunt , dit ce grand Praticien, qui curam hydropis in sola aquarum evacuatione reponunt, re- liquis omnibus insuper habitis, Max. Stoll. Prælect. in div. Moxbos chron. pag. 57. Bacher , frappé sans doute de leur importance , a fait un Traité entier dans lequel une multitude d'observations viennent à leur appui. AS 414 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS D D.ES.GAR:E ET TON D'un nouveau muscle nommé l Accéléra- teur du canal thorachique. ——+ |) < a — y, Par le Cit. HÉNON , Professeur de l’École d'Économie Rurale de Lyon. rc Pfff ne— Ex 1777 étant Démonstrateur d’Anatomie à École d’Alfort, je fus chargé par lillustre Régénérateur de PArt Vétérinaire |, BOURGELAT ; de faire des recherches suivies sur les voies lac- tées dans le cheval , le bœuf, et quelques autres animaux ruminans. Toutes mes expériences ont été faites sur des animaux vVivans, et jen ai fait un si grand nombre que j'ai été à portée d’observer avec quelque exactitude Fa marche des vaisseaux chy- lifères et leurs rapports avec les parties dont ils sont entourés. De tous les moyens de rendre les vaisseaux lactés bien apparens , Îe plus sûr est de gorser l'animal sacrifié pour cette expérience d’une grande NSP CS re cn RS SRE SUR LA CHIRURGIE, etc, 415$ quantité de lait , après s’être assuré par un jeûne assez long de la vacuité de son estomac. On ne réussit pas également quand on em- ploie à cet usage les teintures de garance, d’épine- vinette , de bois d'Inde ou autre substance co- lorante rouge. Le travail de {a chylification est assez avancé au bout d’une demi-heure pour qu’on puisse faire la recherche des vaisseaux lactés dans la plupart des animaux. Dans les bœufs et autres espèces ruminantes il faut un temps plus long , sans doute, à cause de la multiplicité des estomacs que les matières alimenteuses parcourent avant d'arriver au point où le chyle s’en sépare. Plus lPanimal est maigre mieux on voit les vaisseaux du chyle, parce qu'ils ne sont plus masqués par les graisses du mésentère, Je ne décrirai point ici la manière de procéder à l'ouverture de l’animal , de reconnoitre les vaisseaux lactés des premier et second ordres, et de suivre leur marche et leurs ramifications 5 je ne ferois que répéter des notions qu’on re- trouve surabondamment dans une multitude d’Auteurs, 416 MÉMOIRES ETOBSERVATIONS Depuis long-temps j’aurois vérifié une expé- rience assez connue, qui est que le canal thora- chique et la veine azygos traversant l'ouverture que leur présente le diaphragme dans l'intervalle de ses piliers, conjointement avec l'aorte, vaisseau dans lequel le fluide marche en sens contraire de celui des deux premiers , il arrive non-seulement que le canal thorachique et la veine azygos sont comprimés par le battement alternatif de l'aorte, mais qu'ils le sont encore toutes les fois que le diaphragme se contractant , les bords de son ouverture viennent à se rapprocher : aussi 1l en résulte que le chyle et le sang veineux rétro= gradant par l'effet de cette compression , disten- dent les vaisseaux ténus qui les renferment et les rendent comme variqueux. Ce fait qu'on ne peut révoquer en doute une fois posé, il me paroissoit assez difficile de trouver soit dans le ressort des parties environnantes ; soit dans la réaction des membranes des vaisseaux ainsi distendus la cause qui restituoit au sang veineux et au chyle la force d’ascension dans Pintervalle d’une inspiration à l’autre. J'imaginois bien qu'il devoit y avoir, pour produire cet effet, un agent particulier , un levier quelconque SUR LA CHIRURGIE, etc. 417 quelconque chargé d’exécuter à lui seul cette fonction unique. Mais où le trouver, aucun Anatomiste n’en ayant même soupçonné l'existence ? Cependant , à force de recherches , j'ai eu 1a satisfaction de découvrir enfin cet agent dont mon esprit étoit si fort préoccupé, et je l’ai trouvé dans un muscle assez évident et qui cependant n’avoit encore Cté apperçu par personne , tant il est vrai que la mine féconde des découvertes dans tous les régnes de la nature est encore loin d’être épuisée. En voici la description : Ce muscle naît du pilier gauche du diaphragme entre le rein , là Capsule rénale du côté gauche , et l’aorte posté- tieure à l'endroit où elle fournit les artères cé- faque et mésentérique antérieure. Il est recou: vert par le péritoine et caché encore par la base de la rate et l’angle gauche du pancréas , de manière qu'à l’ouverture de l’abdomen il n’est pas sur le champ sensible à la vue. Il présente d’abord une bandelette de fibres Charnues , large de deux à trois lignes , qui semble n'être qu'une continuation de celles du pilier gauche du diaphragme ; il s’avance horizonta= D d 2 418 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS lement de devant en arrière dans un trajet de trois pouces et quelquefois moins , pout se ter- miner par une aponévrose qui, s’insérant entre les deux lames du mésentère toujours du côté gauche , se divise en deux portions dont l’une se termine aux glandes lactées , placées à la base du mésentère , et l’autre se dirigeant en arrière-entre les reins va finit aux glandes conglobées de la région lombaire ; de sorte que ce muscle qui a des rapports avec la rate, Festomac , les reins, le pancréas et les capsules surrénales | recouvre encore le sanglion semi-lunaire , le plexus mésens térique antérieur , le rénal et quelques autres filets nerveux. Je pense que l’ascension du chyle dans les vaisseaux lactés , au moment de l'expiration, constitue le véritable et unique usage de ce muscle auquel j’ai en conséquence donné le nom de muscle accélérateur du canal thorachique. J'ai trouvé quelques animaux , notamment dans l'espèce des. ruminans, dans lesquels je ne lai point rencontré ; mais alors J'ai toujours vu le pilier droit du diaphragme faire une saillie consi- dérable dans l’abdomen, en se contournant de droite à gauche, de manière à embrasser et presser. SUR LA CHIRURGIE, etc. 419 le canal thorachique ; ce qui m’a donné lieu de penser que dans le moment où le diaphragme cessoit d’être contracté, son pilier droit suppléoit au muscle accélérateur qui manquoit, et exécutoit les fonctions que je crois devoir lui attribuer. Ce muscle a été vainement cherché dans Phomme par plusieurs Anatonustes de Lyon à qui J'avois fait part de ma découverte ; mais Finutilité de leurs recherches n’est pas une raison suffisante pour conclure qu’il n'existe pas. J'at fait encore un assez grand nombre d’ob< servations aussi curieuses, quoique moins impot= tantes que celle-ci, sur la marche et l’organisation des vaisseaux lactés chyhfères. Je me propose de les consigner dans un Mémoire plus étendu, dès que les circonstances me le permettront. Dd 2 420 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS a OBSERVATION Sur le savon de Starkey , avec un nouveau procédé pour le préparer. Lunoume les drogues simples, les combiner ensemble après en avoir séparé les principes les plus utiles d'avec ceux qui sont nuisibles ou du moins de peu de vertu , tel est l’un des devoirs du Pharmacien, Cependant il feroit peu pour son art s’il ne portoit plus loin l’étendue de ses fonctions , et s’il suivoit toujours aveuglément ces formules de préparation qui ne. prirent leur origine que dans la nuit des temps, et qu’on eùt encore long-temps respecté, si un homme justement célebre en Chimie n’eût pas déjà donné le premier l'exemple de les réformer. Le citoyen Baumé , indépendamment des avantages que les Arts ont retirés de ses laborieux travaux, a offert à l’Art de guérir des moyens importans ; il a rendu aussi précieux qu'ils peuvent l’être des médicamens qui ne présentoient qu’un assemblage EE ue EE à SUR LA CHIRURGTE, etc.” ‘4x monstrueux de drogues réunies sans goût , sans principes et sans lumières. Peut-être auroit-1l pro- curé d’autres avantages à la Médecine s1, éten- dant ses recherches judicieuses , 1l se fût appliqué à fixer le juste dégré de confiance qu’on doit accorder à un certain nombre de préparations dont le nom n’a peut-être jamais rappelé au Praticien l’effet salutaire qu'il croyoit en obtenir. Il en résulteroit sans doute que la liste de ses préparations seroit beaucoup moins nombreuses, mais celles qui y seroient conservées seroient mieux connues soit dans leur effet , soit quant à la nature des substances qui les composent, et par ce moyen elles présenteroient des ressources plus efficaces dans le traitement des maladies. Le savon de Srarkey est une de ces prépara- tions qui paroit Être tombée dans un oubli dont la cause unique n’est due sans doute qu'à la longueur de l’opération, et sur-tout à la diff culté de donner à cette espèce de médicament le degré de perfection convenable. Le moyen en effet de conserver à la Médecine une composition qui ne peut être préparée que dans l’espace de six mois environ, et qui après un temps aussi CONSi= dérable n'offre à l’Artiste pour fruit de ses peines qu'un composé dont la combinaison est impar= Dd 3 422 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS faite , dont la saveur est âcre , et qui est suscep- tible d’une décomposition partielle par sa seule exposition à l'air. On sait que Srarkey qui lui donna son nom étoit un Alchimiste Anglois qui chercha laborieusement , selon la coutume des Savans de son espèce , à rendre volatils les alkalis fixes par le moyen des huiles grasses et des huiles essentielles, C’est dans l’ouvrage alchimique qu’il a laissé et qui porte ce titre, La Pyrotechnie de Starkey , que l’on trouve avec plusieurs autres le détail de l'opération dont il s’agit. Il versoit sur du sel de tartre bien sec mis dans une cucur- bite de verre de l’essence de térébenthine jusqu’à la hauteur de trois ou quatre travers de doigt, et agitoit ce mélange plusieurs fois par jour pendant l’espace de six mois, en ajoutant de temps en temps de l'essence de térébenthine pour remplacer celle qui s’'évapore. Il prétendoit par ce procédé que ce mélange devenoit comme une crême blanche et savonneuse ; mais 1l s’en faut beaucoup que les choses se passent ainsi, et d’après cela il ne faut pas s'étonner s1 Rouelle et Baumé se sont exercés , il y a quelques années, à chercher le moyen de préparer ce savon avec exactitude et célérité. On sait qu’en 1762 ils faisoient retentir de leurs réclamations les Gazetres T SUR LA CHIRURGIE, etc. 423 de Médecine , en revendiquant l’un et l’autre le procédé pour préparer ce savon en cinq heures, problème qu’ils avoient donné à résoudre. Ce conflit d’'émulation nous a valu de la part de Baumé un mode de préparation par lequel abrégeant la longueur du travail il ne présente pas cependant tous les avantages qui restoient à désirer, parce que 1.° on ne peut par son moyen combiner en totalité les substances qu'onemploie; 2.° que malgré l’embarras du procédé la sépara- tion partielle de ces substances ne permet pas de savoir avec précision dans quelle proportion l’hule essentielle de térébenthine et le sel de fartre se combinent mutuellement ; 3.° parce qu’en vieillissant il jaunit et acquiert une sorte d’äcreté. Toutes ces considérations avoient engagé Mac- quer à conseiller le savon blanc avec addition de quelques gouttes d’huile essentielle de téré- benthine dans tous les cas qui indiquoient l’usage du savon de Srarkey. Cette méthode sans doute est prompte et expéditive , mais Je ne crois point qu’elle puisse être substituée avec avantage à celle qui peut fournir à l’art de guérir un mé- dicament de cette importance bien préparé, De- puis peu le savon de Srarksy ayant manqué à la D d 4 tome | 414 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS Pharmacie de l'Hôpital de Lyon, chargé de le préparer je me proposai de ne pas suivre servile- ment le procédé de son Auteur. Après quelques xecherches dans des ouvrages de Chimie , Je découvris que Gcoffroi avoit indiqué une manière de préparer ce savon , insérée dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Pannée 1725. Elle consiste ‘à triturer à chaud dix parties de pierre à cautère et huit d’essence de térébenthine. L’Au- teur prétend que le savon se forme instantané- ment , et qu'il devient très-dur. Pose assurer d’après mon expérience qu’il est de toute im- possibilité de former avec de pareils matériaux un composé qui approche des qualités que doit avoir un véritable savon. Ce mélange , après quelques jours, avoit une couleur brune-rous- sâtre , étoit presque liquide, et a toujours con- servé une äcreté considérable. Jai donc aban- donné ce procédé , et j’ai mis la main à l’œuvre. Je passerai sous silence un certain nombre d’ex- périences qu'il m'a fallu tenter pour arriver à mon but; je ne citerai que les plus décisives avec les observations qu’elles m'ont fait naître, parce qu’elles m’ont conduit insensiblement au point de perfection que je désirois dans la come position de ce médicament. \ mr à à ga SUR LA CHIRURGIE, etc. 425 Deux parties de térébenthine , une partie de potasse pure m'ayant donné une matière jaunâtre, dure, grumeleuse , très-âcre , je variai les pro- portions de ce mélange, et je ne réussis pas mieux >; mais le résultat de ces expériences me fit concevoir que Paction de ces deux corps lun sur l’autre étoit trop rapide , et qu’il falloit trouver un moyen de diminuer la force de com- binaison qui existoit entre eux. L’essence de té- rébenthine me parut remplir doublement lindi- cation ; d’abord en la mêlant à la térébenthine , je pensai qu’en retardant l’action des deux autres corps par le peu de tendance qu’elle a à s'unir avec la potasse pure , elle en rendroit la combi- naison plus lente, mais plus intime et plus par- faite : en second lieu, c’est qu’elle me paroiïssoit favoriser la saponification, si je puis m’exprimer ainsi, en donnant à la térébenthine une consis- tance huileuse , condition qui pouvoit être né- cessaire , puisque telle est celle des huiles d’olives et d'amandes douces qui entrent dans la compo- sition des savons ordinaires et amygdalins. D’après cela , je combinai ensemble (et ces proportions sont celles qui m’ont réussi le mieux ) deux parties de térébenthine, demi-partie d’huile volatile de térébenthine , et une partie de potasse pure. Ce 4126 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS composé, quoiqu'il me parüt se rapprocher davantage de la combinaison savonneuse , ne me satisfit pas entiérement. Je remarquai que Fhule volatile en totalité n’y étoit pas entrée comme telle, mais qu’une portion étoit en partie devenue résineuse par le contact de l’air, tandis que l’autre s’éroit volatilisée, et que cette première portion ne s’y combinoit pas d’une manière intime, que par lagitation elle restoit interposée dans ce mélange auquel elle donnoit une apparence grumelée , paroissant même s’en séparer par le repos. Je conviens que ce composé auroit réuni un certain dégré de perfection malgré cet incon- vénient , s'il eût pu perdre la saveur âcre qu'il a toujours conservée même après un temps assez considérable, D’après une loi d’affinité de composition qui établit en Chimie, que lorsque deux corps s’unis- sent ensemble ils forment un être dont les pro- priétés sont nouvelles et tout-à-fait différentes de celles qu’avoit chacun de ces corps avant de s'unir , je pouvois donc raisonnablement penser que ma composition étoit imparfaite, puisque la saveur âcre et caustique de la potasse pure n’avoit pu disparoître dans l’acte même de la combinaison. Ce fut alors que, jaloux d'atteindre RO € € mm SUR LA CHIRURGIE, etc 427 le but que je m’étois proposé , je pris le parti d'employer un intermède qui pût donner à ma composition toutes les qualités qui lui man- quoient ; lPexpérience m'apprit que l’huile d’a- mandes douces pouvoit remplir toutes les in- dications que je pouvois désirer , parce qu’elle me présentoit un moyen excellent pour combiner | en totalité les diverses substances que j'avois mises en jeu, et qu’elle détruisoit entiérement dans le composé cette causticité qui sembloit lui être inhérente. Le procédé suivant me donna une combinaison savonneuse dans l’état le plus parfait : PR). térébenthine 3 J. huile volatile de térébenthine 3 s. : d’amande-douce potasse pure ou lessive » aa 3 j. de Savonnier On fait la mixtion des trois premières sub- stances à l’aide d’une douce chaleur dans une capsule de verre ; on verse ensuite par-dessus la potasse pure qui se combine à froid parfaite- ment bien. Le mélange acquiert d’abord une couleur roussâtre qu'il perd bientôt par l’agita- tion, et passe ensuite successivement à une cou- * ES 428 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS leur blanchâtre tirant sur le jaune qu’il conserve constamment : enfin dans l’espace de dix jours cette composition possède toutes les qualités physiques et chimiques d’un véritable savon. Elle n’est plus âcre , quoique cependant elle conserve une saveur forte ; sa consistance est semblable à celle du savon ordinaire; elle n’a point comme ce dernier l'inconvénient de se durcir avec le temps, elle se dissout dans l’eau qu’elle blan- chit , mais l’eau de vie ou l’alcoho! mêlé d’eau la dissolvent plus complétement; on y parvient mieux encore à l’aide de l’esprit de vin rectifié. Cette dernière prepricté la fait différer du savon ordi- naire qui se dissout mal dans ce dernier menstrue. Enfin pour terminer son histoire chimique, j’ajou- terai que les acides la décomposent, c’est-à-dire qu’en se combinant avec la potasse pure ils opèrent la séparation des autres principes qui viennent surnag t la liqueur sans avoir reçu une altération bien sensible , phénomène qui s’observe dans la décomposition di savon par les mêmes agens, Une analogie aussi frappante me fait donc re- garder ce composé comme un véritable savon, et de plus comme un médicament précieux qui pourra être employé avec sureté d'autant mieux que par le procédé on voit avec précision de \ SUR LA CHIRURGIE, etc. 429 quelle substance 1l est composé , et dans quelle proportion se trouvent les principes qui le constituent, Le savon de Srarkey raremenñt employé ne ser voit que dans les pilules de ce même nom, ou pour mieux dire l’un et l’autre étoient peu usités en Médecine, Cette composition, telle que je la présente, doit être mise en usage avec con- fiance , soit seule soit associée avec quelques Substances propres à ajouter à son efficacité. Elle peut produire d’heureux effets dans les mala- dies des reins, de la vessie , présenter un secours puissant pour fondre les matières glaireuses , et en général les substances qui sont propres à former la pierré. On ne sait que trop combien pour cette dernière maladie la Médecine a de raisons de se plaindre de l’inefficacité de ses moyens. Peut - être aussi en l’employant exté- rieutement procurera-t-elle des effets avantageux dans les douleurs de rhumatisme ; mais c’est à a pratique à prononcer à cet égard, comme il lui appartient de pressentir quel genre d'utilité elle pourroit retirer de l'application de ce procédé sur des substances différentes, ainsi qu'il sera facile d'en juger par les réflexions suivantes. PR 430 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS nn ré nepnpeteaeerereeeee Elles portent également sur le procédé dont je me suis servi, et sur les nouveaux moyens qu'il présente pour réduire dans létat savon- neux des corps qui paroïssoient men Être pas susceptibles. Il est visible que je me suis beau- coup écarté de la méthode décrite par Ssarkey à j'ai constamment employé dans tous mes essais la potasse pure, ou le sel de tartre dépouillé par le moyen de la chaux vive de touf Pacide carbonique ou air fixe qui le neutralise en partie et qui lui enlève par-là sa tendance à la combi- naison. Dans l’état actuel de nos connoissances le sel de tartre devoit être rejeté, par la rai- son qu'il ne convient pas mieux dans la confec- tion du savon le plus parfait, de celui seul qui doit être employé en Médecine, le savon amygdalin. J’ai également employé la térébenthine, quoique l’Auteur n’en prescrive que l’huile vola- tile. Mais il a été connu de tout temps, et j'ai moi-même observé que cette dernière ne contracte quelque union avec la potasse pure ou même le sel de tartre, qu’autant qu’elle a acquus un certain dégré d’épaississement soit par la dissipation de ses parties les plus ténues , soit par l’action 1m- médiate de l’oxigène contenu dans l'air atmos- phérique, On ne pouvait donc qu'y substituer TEE LR METRE ENI SALE SEINE DESSERT PR CE PE A SUR LA CHIRURGIE, etc. 438 ne avec avantage la térébenthine étendue, comme je l'ai fait , dans l’huile volatile. Jai mis en usage, il est vrai, un intermède. J’observerai alors que jai moins cherché à faire une combinaison di- recte de la térébenthine avec la potasse pure, ce qui ne me présentoit aucune dificulté , qu'un composé véritablement savonneux qui püt être utile à la Médecine. Mais ce moyen, quelqu’étrans ger qu’il paroisse à la préparation, cesse de l'être, puisqu'il est le seul qui puisse remplir avec avans tage les indications dont jai parlé ci-dessus ; bien plus , il présente un grand avantage en ce qu'il offre la faculté de diversifier les composés savonneux. En effet, quel parti la Médecine ne tireroit -elle pas de tous les baumes naturels liquides, de toutes les diverses huiles volatiles employées sous ce nouveau point de vue. Parmi ces dernières je n’en excepte pas même celles qui sont concrètes , tels que le camphre et quel- ques autres qui pourroient passer également à l’état savonneux, et présenter un nouveau genre de médicamens. Par exemple, le baume de Copahu dont la saveur est si rebutante , associé avec une. huile volatile quelconque , soit pour ajouter à ses propriétés ou pour lui servir de correctif, pourroit par ce moyen être administré d’une 432 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS a manière infiniment moins désagréable. On conçoit déjà quelle suite d’expériences il reste à faire pour épuiser cette nouvelle source de combinaisons ; s’alarmer du nombre des médicamens nouveaux qui pourroient en résulter seroit ne pas recon- noître les bons effets que la Médecine a retirés de tous les composés savonneux. D'ailleurs , tout remède qui doit sa formation à l’exactitude des procédés, et qui est composé d’après les principes sûrs et raisonnés de la Chimie, ne peut que fournir des résultats précieux à l’Art de guérir, NOTE SUR LA ROM TA etc #-43à DE auelques espèces de plantes trouvées au DAS ESP P Mont-Pila et qui manquent au cataloouëe q q 5 qu'en a donné LATOURRETTE. Par le Cit. Bravar, Médecin à Annonay ; Correspondant de la Socicté, Mazrca Lobelii | Villars , Hist. Nat. des plantes du Dauphiné. Cette jolie graminée res- semble beaucoup au Melica nutans de Linné, peut-être même n’en est-elle qu’une variété ; on. la trouve, mais rarement dans les endroits om bragés , frais et le long des ruisseaux qui des- cendent du sommet de Pila. Narcissus minor, Linné ; Narcissus sparhd unifloré , nectario obconico , erecto , crispo , æquante petala lanceolata , Linn. Syst. vegetab. édition quatorzième, Il nest pas surprenant que Latourrette ne fasse pas mention de ce nar- cisse , bien remarquable par la forme et la gran- deur de son nectaire , attendu que sa floraison F'e 434 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS est très-précoce; on le trouve assez fréquemment dans les pâturages , au-dessus de la Grange. Chrysosplenium alternifolium , Linn. Œder Flora Danica ; Tab. 366, Dorine à feuilles alternes. Cette plante ressemble beaucoup au Chrysosple- nium oppositifolium , Linn. La position de ses feuilles l’en distingue sufñsamment ; elles se trou- vent toutes les deux dans les lieux humides et ombragés. Stellaria undulata | Linn. Stellaire à feuilles ondées , que l’on trouve sur les bords des ruisseaux. Pedicularis palustris , Linn. J'ai trouvé une variété de cette pédiculaire dans de mauvais péturages humides ; elle ne s’élève pas comme l’autre, et les péduncules paroissent renflés ou boursoufflés : leur présence annonce toujours des pâturages marécageux. Antirrhinum supinum , Linn. Cette linaire à tiges coudées se rapproche beaucoup de la linaire champêtre , Antirrhinum arvense, Linn. Elle en diffère par ses tiges qui rampent un peu avant de s'élever. Eile se rencontre en descendant dé Pila, du côté du Département de lArdèche; nm * : , “ . SUR LA CHIRURGIE, etc. 43% RSR 2 Re D LPO DR NP LD dans les terrains secs et pierreux où elle forme souvent une touffte. Iberis nudicaulis , Linn. Iberide à tiges nues. Cette petite crucifère se rencontre assez fré- quemment dans les expositions chaudes et sablon- neuses des montagnes. Orobus tuberosus | Linn. Orobe tubéreux. Cet orobe est très-ressemblant à l’orobe printanier , Orobus vernus , de Linné, Le moyen le plus sûr de l’en distinguer consiste à examiner sa racine garnié de renflemens ou nodosités d’espace en espace. Il se trouve sur la fin du printemps dans les taillis et sur les lisières des bois. Hieracinm dubium , Linn: Cette épervière vient dans les pâturages secs , où elle se maltiplie au moyen de ses rejets ou drageons. * Carduus eriophorus | Linn. Carduus , capite ro: tundo , tomentoso , Bauh. Pin. 382. Cette belle espèce de chardon se rencontre en descendant de Pila à Saint-Julien-Molin-Molette. Carduus nutans | Linn. Carduus moschatus ma< J0r , capite. nutante, Morison. Les fleurs de cette espèce ont une forte odeur. musquée qui, se conserve quelque temps après leur dessication, D TR 7 LA x F £ a 436 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS - Orchis maculata , Linn. Orchis à feuilles tachées; Cet orchis se trouve avec toutes les nuances de couleurs , depuis Le blanc jusqu’au rouge dans toutes les prairies de la Grange , ainsi que dans les autres prairies des montagnes. Il est surpre= nant que Latourrette ne lait pas trouvée où reconnue aux mêmes lieux, * Satyrium viride, Linn. Il se trouve en abon= dance aux mêmes endroits que le précédent, mais il est plus précoce. Ses fleurs ont une teinte d’un vert d'olive pâle, et les feuilles en desséchant prennent une couleur d’un vert foncé, Holcus mollis | Linn.. Cette graminée se trouve sur les revers de Pila, du côt: du Département de l’Ardèche , le long des chemins , dans les ex= positions chaudes et sèches. Polypodium phegopteris , Linn. Cette fougère croit dans les fentes des rochers humides. Polypodium fix mas , Linn, Filix mas, pinnulis cristatis , Vaillant, Botanicon Parisiense ,t, 9, f. 9; Ja fougère mâle. Elle croît dans les lieux om- bragés et humides, Sa racine a été vantée comme un spécifique contre le ver solitaire ; les Anciens lemployoient beaucoup dans les affections hy- pocondriaques : il se peut qu'on ait donné SUR LA CHIRURGIE, etc. 437 quelquefois à sa place la racine du Po/ypodium flix famina ou la grande fougère , ou celle du Polypodium aculeatum , Linn. ou enfin celle du Preris aquilina , Linn. et les Herboristes ne sau- roient être trop en garde contre ces sortes de méprises. Le moyen le plus sûr de prévenir toute erreur seroit de les obliger à laisser quelques feuilles aux raçines qu’ils apportent. UNE montagne de notre Département , le Mezenc , éloigné de Pila de quinze lieues , offre bien plus de richesses botaniques en plantes al- pines. J’ai trouvé les suivantes : Salix fusca , Ar« butus uva ursi qui est la bousserole, Rarunculus nivalis , Senecio incanus , Ornithogalium uniflorum Pinguicula vulgaris, Saxifraga stellaris et rotundis folia, Osmunda lunaria et crispa qui est le capillaire des Alpes , Trollius europæus ; Satyrium nigrum ; Lycopodium selago , ec, ainsi que quantité d’autres espèces qui ne se rencontrent pas à Pila. La nature de cette montagne décidément volcanique et par conséquent bien différente de celle de Pila, et son élévation plus considérable contribuent encore à la rendre intéressante, On y rencontre à chaque pas des basaltes , des laves, des pierres-ponces à | Ee 3 433 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS de la pozzolane, substances qui sont le produit d’un feu souterrain. Le lac de Saint-Frond paroît situé dans le cratère d’un volcan. En un mot, ce pays est bien digne de fixer l’attention des Naturalistes, suR LA CHIRURGIE, etc. 439 men La EVE dd a m—— 4, a Q a — demain D CURE | NOTICE HISTORIQUE Sur la vie et les ouvrages du Cit. TissorT, Médecin à Lausanne ; LuE dans la première séance publique de la Société de Médecine, par M. À. PETiT. La nature en luttant sans cesse contre le dépé- rissement des êtres, semble en même temps par leurs changemens de forme , par leur décomposi- tion, par leur retour à de premiers élémens , faire servir leur destruction à son active fécon- dité ; elle voit avec la même indifférence le fruit qui tombe , la plante qui meurt, l'animal qui périt. L'homme qui disparoïssant du sein de la société emporte les regrets de ses proches et de ses amis, la beauté moissonnée dans son prin- temps , le vieillard qui meurt blanchi dans lexer- cice des vertus, ne sont pas à ses yeux d’un prix plus relevé : dans sa marche aveugle et puissante elle confond tout en assimilant tout, Mafheureux à tant d’écards combien la sensibilité ÉC'4 440 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS qui distingue l’homme ne Pelève-t-elle pas au- dessus des autres êtres , il meurt ; les regrets qui suivent sa perte prolongent sa vie parmi ceux qui le pleurent , il leur est encore présent ; on le voit, on lui parle, on l'entend encore , un souvenir douloureux et cher semble rappeler son existence , et cette immortalité passagère annonce la grandeur de son être. Tel est le tribut que l'amitié , la piété filiale, l'amour, préparent à tous les hommes ; mais si celui dont nous avons à regretter la perte fut le bienfaiteur de l’huma- nité toute entière, s’il fut également grand par ses lumières et par ses vertus, sil étendit la sphère des connoissances humaines , sa mort de- vient une calamité publique ; les regrets qui honorent son tombeau ne sont plus restreints dans le cercle étroit de ceux qui vivoient auprès de lui, ils appartiennent au monde entier , ils appartiennent plus spécialement encore à ceux qui suivant la même carrière ont à regretter en lui, un modèle , un émule, un associé ; c’est à cetitre que j'essaierai de déposer quelques fleurs sur la tombe de SAMUEL- AUGUSTE - ANDRÉ-= Davip TISSOT , Médecin de Lausanne , Associé Correspondant de la Société de Médecine de ee er eee ee | SUR LA CHIRURGIE, etC. 441 Lyon , dont la Médecine et les Sciences ont depuis quelque temps à regretter la perte. Tissot naquit à Grancy , village du Pays de Vaud , le 20 Mars 1728 , de Jeanne-Charlotre Grenus et de Pierre Tissot, Commissaire Planimè- tre ; 1l y passa les premières années de sa vie, et ne quitta la maison paternelle que pour aller recevoir à Genève l’éducation qu’exigeoit l'étude de la Médecine à laquelle il étoit destiné. Ses progrès furent rapides ; le jeune Disciple étoit avide d'apprendre, et quand à cet âge l'amour de la science est une passion , elle promet des succès immortels et dure autant que la vie. I avoit dix-huit ans lorsqu’en 1745 il partit pour Montpellier , l’université de Médecine étoit alors au plus haut point de gloire. Le jeune Tissot dut peut - être une partie de ses talens à lPidée heureuse qu’eut son père de le faire entrer comme Pensionnaire chez le fameux Doc- teur Sauvages , que l’Europe appeloit Grand et qui mérita ce titre ; ce fut auprès de lui qu'il puisa les premiers élémens de la Médecine. Les idées qu’il reçut furent dès-lors ce qu’elles de- voient être toute sa vie, c’est-à-dire claires, précises, justes et méthodiques , parce qu’elles lui furent présentées par un homme de génie, - 442 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS et que le germe des talens comme celui de la jeune plante confiée à la terre se développe avec plus de promptitude et de force lorsqu'il est cultivé par une main habile. Tissot ayant été recu Docteur, revint après quatre ans se fixer à Lausanne, La confance qui l’y accueillit ne le laissa point oisif. Dans une épidémie de petites véroles le plus grand nombre des malades périssoit par l’emploi des médicamens échauffans , 1l sauva par une méthode opposée ceux qui furent confiés à ses soins , et le succès qu'il dut aux remèdes rafraîchissans parut alors tenir du miracle ; il étoit en contra- diction avec.une doctrine établie , aussi trouva-t-il de nombreux contradicteurs, Ce fut pour leur répondre qu'il publia en 1754 l’ouvrage qui a pour titre /’{noculation justifiée , et auquel 1l dut Pamitié du savant Zimmermann, Une fois qu’il se fut élancé dans cette carrière nouvelle , il continua d'y marcher avec gloire. La dissertation de Bilguer sur linutilité de l’amputation des membres fut traduite par lui et enrichie de notes précieuses. Quoiqu'il soit impossible d'adopter dans son entier la doctrine du Chirurgien Prussien, on dut savoir gré à Tissos de la faire connoîïtre en France dans un moment sur-tout où la décision “ À SPEARS EI D ES 2 SUR LA CHIRURGIE, etc. 443 de l’Académie de Chirurgie de Paris sur cette importante question , sembloit entraîner tous les esprits vers la nécessité des amputations fré- quentes. Ses observations sur la mue de la voix, la maladie noire , le ver plat, la céphalée , l’ino- culation , l’irritabilité , la colique de plomb, les maladies causées par le seigle ergoté ou le raphania, la petite vérole, l’apoplexie et l’hydropisie, adressées en forme de lettres à Zimmermann et à Haller, furent réunies sous le titre d’Eprscole medico- practice , auctæ et emendatæ , et traduites depuis en François. Dans toutes on reconnoïit le Médecin instruit et le Praticien habile, Les hommes de lettres au fond de leur cabinet, et les gens du monde au sein de leurs plaisirs, ont en général deux points de ressemblance bien marqués : l’un est l’oubli de tous les soins relatifs à la santé quand ils la possèdent ; Pautre est la pusillanimité ou l'abattement de l’ame lorsqu'ils l’ont perdue. Tissor forma pour les uns et les autres un tableau de préceptes utiles; al compléta ce qui manquoit aux ouvrages de Ramazini , Plattner, Pujati, Carl, Rivin, et les conseils salutaires que renferment ses deux 444 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS écrits ne sont pas le moindre titre qu’il ait eu à sa réputation littéraire, Dans ses différens Traités sur l’épilepsie , 14 catalepsie, la migraine, l’hydropisie du cerveau il épuisa complétement son sujet, et s’il n’in« diqua pas de nouveaux moyens pour guérir ces terribles maladies , on peut dire qu’il n’oublia aucun de ceux que l’on avoit employés pour les combattre. Dans son Traité des maladies ner- veuses proprement dites, il fut plus heureux ; il laissa loin de lui les Pisons ; Willis, Sydenham 3 Cheyne , Hoffman , Bocrhaave, Why , Lorrys Pomme | Raulin et Pressavin. Ce qu'il écrivit sur l'anatomie et la physiologie des nerfs, sur les sympathies et les métastases nerveuses est du plus grand intérêt ; le traitement général qui trace pour les affections nerveuses est dans les principes de la meilleure doctrine, et si cet ouvrage eût été complet, l’art n’auroit eu plus de vœux à former. Quelque importance qu'il püt avoir aux yeux des véritables Médecins , il ne fut cependant pas celui qui contribua le plus à la célébrité de Trssors Son Avis au Peuple sur sa santé avoit déjà depuis quelque temps placé son nom dans toutes les SUR LA CHIRURGIE, etc. 445 bouches ; il avoit été traduit dans toutes les lan gues de l’Europe , et plus de quarante éditions françoises s’étoient rapidement succédées : on le trouvoit par-tout, à la ville, à la campagne, sur la table du savant , sur celle du pauvre, et jusques dans les boudoifs ; comme si le peuple éüt voulu par cette preuve d'estime le dédom= mager du temps qu'il avoit employé pour lui. Sans doute l’ouvrage le méritoit ; tous les prin< cipes en sont bons, les préceptes faciles , les exemples bien choisis, et le vrai Médecin y reconnoit son art et la nature. Mais osons le dire, Tissor fut abusé par son cœur ; il voulut ins- truire le peuple, quand c’est assez pour nous de le guérir ; 11 voulut lui donner des connoissances capables de le guérir dans les maux les plus ordi= naires de la vie, sans songer que les demi- connoiïssances enfantent les fausses craintes et les alarmes illusoires ; il oublia qu’en Méde- cine , comme en Politique peut-être, la vérité n’est jamais que le partage d’un petit nombre d'hommes instruits, et que l’on est toujours moins éclairé par le flambeau que l'on porte que par celui qui est placé dans les mains dun guide sage. L'erreur de Tissos ne pou- voit pas être de longue durée, il sentit tout EEE 446 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS le mal que pouvoit faire son ouvrage ; et sans être séduit par les louanges qu’il lui mérita , il ne laissa depuis échapper aucune occasion de té- moiïgner son regret de l’avoir entrepris. Celui qui consacre sa vie au soin de soulager les hommes a quelquefois aussi à s'occuper de leurs erreurs ou de leurs crimes ; c’est ainsi que nous avons à prononcer sur des cas de meurtre ou d’empoisonnement, de suicides , de naissances prématurées ou tardives, de maladies héréditaires ou communiquées, et que la justice en nous in= terrogeant semble déposer en nos mains la for- tune ou la vie de nos concitoyens. Pour répondre. à d'aussi grands intérêts, il faut dans un Méde- cin quelque chose de plus que des connoissances ordinaires ; il faut qu’il juge le cœur humain en moraliste profond et en philosophe instruit. Tissos se montra l’un et l’autre dans cet ouvrage fameux dans lequel 1! peignit, sous le nom d’Oxarismes ce vice honteux et solitaire par lequel une jeu- nesse abusée se consume elle-même en trompant la nature. En choisissant tous les traits qui pou- voient le rendre hideux , il sut se garantir du danger qu’il y avoit à le peindre, et l’on peut: dire qu'il atteignit son but en ne _laissant. dans’ on SUR LA CHIRURGIE,etC. 447 lame de ses lecteurs qu’une impression d’épou- vante et d'horreur. Des ouvrages et des succès si multipliés por- tèrent au plus haut degré la réputation de Tissor, Le Roi de Pologne lui offrit en 1766 le rang de premier Médecin auprès de sa personne , et en 1767 le Roi d'Angleterre lui fit offrir le même honneur. Il refusa l’un et l’autre, et préféra aux avantages que pouvoient lui valoir ces titres, celui de Citoyen de Lausanne. Devenu membre du corps des Deux-cents dont se composent tous les tribunaux de la Magistrature de cette ville, il fut encore nommé Professeur honoraire dé l’Académie , avec le droit de voix et de séance. En se l’attachant ainsi par les liens de la reconnois- sance, ses Concitoyens travailloient pour leur intérêt et pour leur gloire; Lausanne devint le rendez-vous de tous les Savans étrangers ; et lorsque l'Empereur Joseph Second y passa sous le nom du Comte de Fa/kensrein | il témoigna pour voir Tissor un empressement qu'il n’avoit pas eu pour voir Voltaire, Le orand Médecin dut être infiniment sensible à cet hommage d'un grand Prince qui s’honoroit lui-même en rendant au premier des arts un tribut d’estime qu'il 448 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS n’accordoit pas à des talens plus brillans. Peut: être Tissor ne céda-t-1l qu’au sentiment de la re= connoissance lorsqu'il accepta dans l’Université de Pavie une chaire de Professeur en Médecine que Joseph Second le sollicita de remplir. J1 ne Poccupa que peu de temps, et ce peu de temps lui suffit pour sa gloire , pour celle de l’Uni- versité , et pour honorer le choix de l’Empe- reur. Il se forma une méthode d'enseignement simple et facile , lisant toutes ses leçons et les travaillant avec soin. Chargé de la direction d’un Hôpital clinique, il s’attacha sur-tout au pronostic des maladies par une sorte de prédi- lection qu’il avoue lui-même dans l’ouvrage qu’il publia en 1785 sous le titre d’Essai sur Les études en Médecine, et dans lequel il ne fit que déve- lopper le superbe plan qu'il avoit conçu dans l'Université de Pavie. Dans le poste qu'il y occupa , il fit plus que d’inspirer l’admiration, il y commanda l'amour. On n’en peut douter en lisant le Recueil de Poésies que ses Élèves firent imprimer en son honneur à l’occasion de son départ, avec son portrait gravé au frontispice, et sous le titre de Sezrimens d'affection et de recon- noissance des Étudians de Médecine de Pavie envers leur EC <) SUR LA (CHIRURGIE, etc. 449 leur immortel Professeur TISSOT , Pavie, 1783, in - 8.° Tissor cultiva tous les genres de Littérature : actif et laborieux , il se délassoit de ses occupa- tions sérieuses par un travail plus agréable ; il avoit dans l'esprit beaucoup de finesse et de pénétration ; son goût étoit épuré, son juge- ment sûr ; 1l animoit l’intérêt qu'il portoit dans la conversation par une grande facilité à manier lépigramme : on la lui pardonnoit d’autant plus volontiers que ses saillies portoient toujours sur les choses et jamais sur les personnes, Sous un extérieur froid et sévère , 1l cachoit une sensibi= lité vive, une douce gaieté et un besoin d’aimer qui lui valurent beaucoup d’amis. Le peuple sentoit qu’il étoit bon ; le pauvre apprit qu'il étoit bien- faisant. Aucun Médecin n’écoutoit ses malades avec une attention plus réfléchie, et ce ne fut peut-être qu'à cela qu'il dut les succès brillans qu’il obtint dans le traitement des maladies chro- niques , et qui faisoient recourir à lui dans les cas désespérés comme vers un refuge assuré, Heureux époux , il lui manqua d’être père ; mais les affections dont son cœur étoit plein ne s’y étejgnirent pas , elles se répandirent toutes en- F f om, 4so MÉMOIRES ET OBSERVATIONS tières sur le neveu d’une épouse chérie ; il voulut qu'il entrât dans la carrière qu'il avoit parcourue avec tant de gloire : il y fut son guide, son instituteur , son ami. Une heureuse adoption répara les torts de la nature, et Tissor put croire un moment qu'il'étoit père en sentant dans son cœur combien 1l savoit aimer. Un de ses amis venoit de descendre au tom- beau : le fameux Zimmermann n’étoit plus ; Tissor crut devoir écrire sa vie, et rappeler au monde savant l’étendue de la perte qu’il venoit de faire. Dans cet ouvrage qui parut en 1797 il répandit un charme religieux , une teinte douce et mé- lancolique qui sembloit convenir au sublime Auteur des Délices de La solitude ; hélas ! son chant étoit celui du cigne ; les larmes quil réclamoit pour son ami alloient bientôt couler pour lui : les cyprès dont il entouroit son tombeau alloient manquer au sien ; et la froide pierre qu'il osoit soulever alloit retomber sur lui. Le 14 Avril 1797 fut le premier jour de sa maladie, Île 13 Juin suivant en fut le dernier. L'intervalle appartint tout entier à la douleur. In- flimmation du poumon, suppuration, fièvre lente, escharre gangreneux , vésicatoires multipliés, SUR LA CHIRURGIE, et 451 rétention d'urine ; Chute du rectum , inflamma= tion des yeux et de la bouche , spasme conti- nuel dans les extrémités inférieures ; 1] éprouva tout ce qui peut rendre affreux les derniers mo- mens de la vie, sans que sa patience et sa résignation fussent jamais altérées ; il se plaignoit cependant quelquefois de la liberté de sa tête qui le laissoit tout entier au sentiment de ses maux , et disoit qu’oz seroit bienheureux si La stupidité venoit avec la maladie ; mais, ajoutoit-il en parlant de sa poitrine , 7202 soufflet est trop bon et j'aurai encore long-temps a souffrir. La Société de Médecine de Lyon n'eut pas long-temps à compter Tissor au rang de ses plus illustres Associés ; mais les courts instans pendant lesquels il lui appartint furent les derniers de sa vie, et les derniers momens de la vie d’un grand homme ont je ne sais quoi de plus intéressant qu'augmente la certitude cruelle de le perdre bientôt. On contemple avec un respect plus religieux ces monumens de la grandeur humaine prêts à tomber en ruine, et l’éclat qu'ils répandent autour d’eux comme les rayons du soleil mou rant, semble porter dans l’ame une mélancolie douce, La Société n'aura point le bonheur de LÉ 452 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS conserver parmi ses œuvres quelques-unes des pensées de Tissot ; mais elle y placera son nom, et ce sera beaucoup pour sa gloire ; elle y consignera les regrets que lui cansa sa perte, et ces regrets seront à Jamais sentis par les ames sensibles et tous les cœurs reconnoissans. SUR.LA CHIRURGIE), elc ; 452 074 = _ on \Ô x me je, PEN 99 PONS DS (AE GR 5 Sur la vie et les travaux d'ANTOINE Domser , Médecin Naturaliste. Par le Cit, GILIBERT, 0 —Œuu— € > À nronve DOMBEY nacquit à Chalamont, petite ville du Département de l’Ain, lan 1743 ; son éducation fut aussi soignée que put le per- mettre la médiocrité de la fortune de ses pères; il parcourut avec succès la carrière des Belles- Lettres ; les langues savantes lui devinrent fami- lières. Entraîné comme par instinct vers l'étude des productions de la Nature, il n’hésita pas à se livrer en entier à la Science qui s’occupe des objets pour lesquels 1l se sentoit un goût décidé. Il se rendit à Montpellier vers la fin de l’année 1763 ; la fréquentation des plus célèbres Naturalistes de cette Université ne tarda pas à lui faire appercevoir qu’il étoit né pour approfondir la science de la Nature ; Gouan et Cusson furent ses guides et ses amis. C’est dans la conversation Ff"3 454 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS de ces hommes célèbres , c’est dans leurs herbiers qu’il puisa pendant trois ans la connoissance de tous les détails de la Botanique à laquelle 1l ne tarda pas de se vouer par prédilection. Infati- Sable dans ses courses, bravant sans cesse les ardeurs d’un sol si fécond en végétaux, non- seulement son séjour à Montpellier lui eut bientôt fait épuiser les plantes des environs de la ville, mais deux voyages aux riches Alpes Pyrénéennes lui procurèrent encore tout ce qu’elles recètent de plus curieux. De retour dans sa patrie en 1768 , il parcourut avec avidité les marais de la Bresse qui présentent presque toutes les plantes aqua- tiques de l’Europe ; trois fois 1l gravit et étudia les hautes montagnes du Bugey ; l’année suivante il employa presque trois mois à parcoutir les Alpes Delphinales. On imagine aisément qu’apres tant de courses et de travaux , il possédoit une riche collection de plantes sèches. En effet il avoit recueilli et préparé presque toutes les plantes méri- dionales et alpines , les espèces rares exotiques cultivées dans les jardins de Perpignan , de Mont- pellier ne lui avoient pas échappées ; aussi parut-1l à cette époque suspendre ses recherches et se préparer à jouir du fruit de ses travaux ou à se livrer à l’exercice de son état dont il avoit étudié SUR LA CHIRURGIE, etc 455 2.2 avec soin toutes les parties essentielles, Mais un Naruraliste, avide de connoissances, sait-1l jamais se borner ? Il avoit un grand sujet d’émulation dans son compatriote Commerson qui étonnoit déjà l’Europe savante par ses nombreuses décou- vertes. Dombey le croyoit heureux ; il soubiroit après les occasions de parcourir la même carrière, Sentant que pour voyager il falloit ou être en- voyé par le Gouvernement, ou posséder une fortune qui lui manquoit, ayant consommé dans ses premiers voyages son modique patrimoine , il chercha un protecteur. Le hasard lui fit connoître le Philosophe de Genève qui à cette époque ( en 1772 ) commencoit à se livrer avec ardeur à l'étude de la Botanique. Dombey ln fit faure plusieurs herborisations ; non-seulement il plut à Rousseau comme savant Naturaliste , mais encore comme un homme qui avoit avec lui plus d’un rapport de caractère. Domkey lui fit présent d’un riche herbier. Rousseau soit par reconnoissance , soit par zèle pour une science qu'il aimoit avec passion, sollicita auprès de Buffon une mission en faveur de son ami. Il obtint en 177; le brevet de Médecin Bota- niste correspondant du Jardin de Paris. Sa desti= nation fut pour l’Amérique Méridionale. Dans | FT 4 GE RE om. 456 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS la vue de se rendre plus digne de la confiance du Gouvernement , il alla puiser dans la Capitale de nouvelles connoissances. Il trouva dans Bernard de Jussieu un grand Maître qui lui communiqua sans réserve ses herbiers d'Amérique |, formés sur les lieux par son frère Joseph. Lemonnier et Richard lui accordèrent leur amitié et lui firent connoîïtre les riches jardins de Trianon. Jussieu le neveu en lui démontrant les plantes les plus tares du Jardin National recueilloit auprès de son savant Élève une foule d'observations sur les plantes alpines et méridionales. Daubenton lui fit observer en détail les productions naturelles que les pays quil devoit parcourir pouvoient lui offrir ; quadrupèdes, oiseaux , poissons , insectes, minéraux , rien n'échappa à l’œil attentif de Dombey. Muni des lumières nouvelles qu’il avoit puisées dans la Capitale, notre savant Ami se disposa en Juin 177$ à entreprendre son grand voyage au Pérou. Pour le rendre plus utile 1! parcourut encore une fois la France ; il se rendit en Suisse par la Lorraine , traversa les Vosges; et après avoir herborisé sur les hautes crêtes des Alpes de Suisse | pendant le mois de Juillet, il vint à Berne étonner le grand Halkr par la belle SUR LA CHIRURGIE, etc. 497 collection de plantes que ces dernières herbo- risations lui avoient procurées. Dans le même temps je me rendois en Po- logne, appelé par le plus instruit et le plus in- fortuné des Rois, je désirois voir les plantes rares de la Suisse et sur-tout de converser avec les savans Naturalistes de ces contrées ; occupé à disposer les espèces de ma dernière herbori- sation , je fus agréablement interrompu par les questions d’un Voyageur qui me dit : « Nous ne nous sommes Jamais VUS, Mais nous NOUS CON noissons , nous nous aimons, Les mêmes goûts, la même ambition nous conduisent vers deux points opposés du globe, vous vous rendez en Pologne , je pars pour le Pérou ; nous allons lun et l’autre parcourir, au péril de notre vie, de vastes contrées, mais nous serons heureux si nous pouvons reculer les bornes d’une Science qu’on ne peut aimer qu'avec passion. » Quel plaisir n’éprouvai-je pas à embrasser un savant qui m'étoit bien connu par la correspon- dance de notre ami commun, le célèbre Gouan ! Je l’engageai à suspendre sa marche pendant quelques heures, à me consacrer une journée que je compterai toujours pour lune des plus L OM 438 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS œ—— agréables de ma vie. L’étude de l'Histoire Natu- relle produit rarement chez ceux qui l’aiment ces jalousies trop fréquentes dans ceux qui cul- tivent d’autres branches des connoissances hu maines. Tous les Naturalistes de l’Europe ont formé de tout temps une société fondée sur les liaisons d’une véritable amitié : soit que les dan- gers qu’entoure cette étude, soit que le besoin de se communiquer rapproche les Botanistes, on les a rarement vus se hair ou se craindre ; presque tous se sont aimés avec tendresse. Aussi en em= brassant Dombey , ne fis-je que me livrer aux épanchemens de mon cœur ; et quel intérêr n’é- toit pas capable d’inspirer un jeune homme doux, honnète, plein d'énergie, qui alloit exposer sa vie dans un voyage périlleux. Peut-être ma position lui inspira-t-elle les mêmes sentimens à la vue des malheurs qu'il prévoyoit pour moi : aussi notre séparation nous causa- t-elle autant de tristesse que notre entrevue nous avoit donné de joie. Nous nous quittämes en versant es larmes. Il m’écrivit de Cadix prêt à s’em- barquer, en m’adressant une relation très-inté- ressante de son voyage d'Espagne fait en entier à pied et toujours en herborisant, Il la termi- SUR LA CHIRURGIE, etc. 459 noit par le calcul des lieues qu’il avoit ainsi par- courues en l'honneur de Flore. Dombey s'embarqua pour le Pérou vers la fin de Septembre 1775. Rendu à sa destination, 1! se forma un plan de recherches sur toutes les parties de l'Histoire Naturelle ; sentant bien qu’il ne pouvoit en embrasser toutes les branches à la fois, il se voua à l’observation rigoureuse des plantes , et se restreignit au titre modeste de Collecteur pour les deux autres règnes. Le Gouvernement François lui avoit assigné des appointemens suffisans en apparence, d’après l’es- timation de la valeur du numéraire rendu en Eu- rope ; mais il s’apperçut bientôt qu'au Pérou ses appointemens sufisoient à peine pour le plus strict nécessaire , bien loin de pouvoir subvenir aux frais de ses recherches. Heureusement Dombey étoit Médecin , il se livra à la pratique et exerça avec succès cette honorable profession , ce qui lui procura abondamment les moyens de satis- faire sa passion dominante. Quelque assiduité qu’exigeassent les besoins de ses malades, 1l ne perdit jamais de vue pendant huit ans de séjour le principal objet de son voyage : ses herbori- sations fréquentes le mirent à portée de déter- \ 460 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS miner , dessécher et préparer près de deux mille espèces, parmi lesquelles 1l s’en est trouvé plus de six cents absolument neuves ; le plus grand nombre pouvoit , il est vrai, être ramené à des genres déjà constitués , mais 1l en est plus de trente qui ont formé des genres nouveaux. Ces herborisations ne pouvoient que satisfaire la passion favorite de Dombey ; telle est dans ces climats la fécondité de la nature, qu'il nous a souvent assuré que dans une seule course de deux ou trois milles il avoit recueilli plusieurs centuries de plantes très-curieuses. La vie de notre Observateur fut assez tranquille pendant son séjour au Pérou; elle ne fut traversée que par une sédition très-sérieuse qui l’obligea pen- dant six mois, comme tous les autres Colons, à prendre les armes. Cette courte guerre ter- minée , 1l continua ses recherches : les deux der- nières années ayant fixé l’époque de son retour en France , il prépara plusieurs quadrupèdes, poissons et oiseaux. Voulant paroïtre dans sa Patrie avec les dé- pouilles du Nouveau- Continent, il forma de grandes collections de minéraux et d’insectes ; les seules mines de platine, d’or et d'argent qu'il net te ut ré tt. SUR LA CHIRURGIE, etc. 461 avoit rassemblées pouvoient lui faire un sort. Dombey revint en France en 1784, et aborda en Espagne sous de malheureux auspices ; le Gou- verneur de Cadix lui suscita mille difficultés , 1l fut contraint d'abandonner la moitié de ses col- lections pour le Musée de Madrid. Rendu dans cette Capitale , un prétendu Professeur de Bota- nique voulut encore lui disputer ce qu'il s’étoit réserve ; 1l fut menacé d’être assassiné, on tenta même le poison. Dombey étoit né sensible, la vigueur de sa constitution ne put le faire résister aux Chagrins qu'il éprouva en Espagne , 1l tomba dangereusement malade ; le foie s’engorgea , il fut attaqué de coliques hépatiques qui cessèrent après que lictère fut prononcé. Aussi-tôt qu’il put monter en voiture, 1l chercha à abandonner promptement une terre qui lui avoit été si fu- neste ; 1] se rendit à Paris. On se rappelle avec quel enthousiasme les Papiers publics annon- cèrent son retour ; 1l fut accueilli par les Savans, tous les Amateurs s’en emparerent; le Contrôleur- Général Calonne voulut acheter sa collection, Dombey eut le courage de lui persua:ier que son devoir étoit de la réunir au grand dépôt national ; 1l demanda une pension assez modique, dont le capital n’auroit pas payé les seuls miné- 462 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS raux qu'il avoit apportés. La vie qu’il fut obligé de mener à Paris ne convenoit ni à l’état chan- celant de sa santé, ni à son caractère : une mé- lancolie profonde le dominoit ; elle fut portée à tel point qu'il prit en antipathie les objets de sa passion la plus chère. C’étoit le fatiguer que de lui parler même de Botanique ; aussi s’em- pressa-t-1l de rompre tous les liens qui le rete- noïent dans la Capitale : nous le vimes arriver dans notre Ville sur la fin de l’année 1786. Soit que l’air natal influât sur son tempérament , soit que les mœurs des habitans de Lyon sympati- sassent mieux avec son caractère, sa santé se fortifia rapidement ; 1l reprit sa tranquillité na- turelle. Nous pümes appercevoir sa guérison par le plaisir qu'il prenoit à raconter ses voyages et à caractériser les belles plantes qu'il avoit décou- vertes. Malheureusement pour nous il ne s’étoit réservé ni notes mi échantillons ; avant de partir de Paris, il avoit cédé tous ses manuscrits et ses herbiers au Cit. Lhéritier, qui a déjà publié dans ses Fascicules quelques genres et plusieurs espèces. Quoique Dombey aimät à fréquenter les Natu- ralistes , quoiqu'il parlât avec plaisir de ses dé- couvertes, jamais il ne voulut pendant les six PE PS ED ENCEINTE NE 2 STI SRE EN EEE CP CR PME EEE ER) SUR LA CHIRURGIE,etC. 463 années que nous l’avons possédé à Lyon, ni faire une seule herborisation, ni se procurer un seul volume d'Histoire Naturelle. Si les Savans hui envoyoient leurs ouvrages, après les avoir parcourus il en faisoit présent quelques jours après à ses amis. Sa vie à Lyon a été très- uniforme ; quelques promenades, le délassement du jeu furent son unique occupation. Quant à l’emploi de ses revenus , il caractérise sa belle ame ; il en réservoit un tiers à ses besoins, un second tiers à ses parens , l’autre étoit destiné pour ses amis malheureux ou pour les indigens. Le siége de Lyon Paffecta vivement; convaincu que les Lyonnois s’étoient battus pour résister à Voppression , 1l vit avec la plus vive douleur les malheurs qui accablèrent cette Commune : sa santé en fut singuliérement altérée. Retiré comme Officier de Santé à l'Hôpital militaire , il essuya une dyssenterie qui l’affoiblit sensible- ment. Après le siége, il obtint , à la sollicitation du Représentant Grégoire, une mission pour les États-Unis d'Amérique. On sait que le vaisseau qui le transportoit fut pris par les Anglois ; qu'ayant relâché les prisonniers malades dans une isle, Dombey qui étoit du nombre ne put | 464 MÉMOIRES ET OBSERVATIONS résister à tant de maux. Il y succomba, âgé de cinquante-deux ans. | Quoiqu'il n’ait publié aucun ouvrage, son nom n'ira pas moins à la postérité; les espèces et les genres qu’il a le premier caractérisés con- serveront sa mémoire aussi long-temps que Îa Nature aura des observateurs. Ses vertus , la douceur de son caractère ren- dront long-temps sa mémoire chère à ses amis. Le grand Boerhaave en peignant Vaillant, a tracé les traits caractéristiques de celui que nous reorettons : Corpore erat procero , concinno, agili 3 firmo ; mente excelsa, candida | proba , prudente, sernper actu0Sa , CUM CUré CUNCIA agente afque veré methodo ; animus illi erat beneficus , fidus , verax , simplex , generosus ; impatiens falsi , perfidiæ , adu- lationis ; amicitiæ sanctus cultor | laudis contemptor sue , nihil minds quam lucrum Spirans , atque horum omnium exempla dedit splendida ; cum ergô acie oculorum acerrimé , velocitare pedum singulart , corporis agilitate summé, viribus nunquam exhaustis ; instinctu ad cognoscendas plantas flagrantissimo , sa- gace pariter et penetrabili mente instructus a naturé y has eximias ad artem hanc colendam dotes labore constanti , acri excoluir et perfecit, LA SUR LA CHIRURGIE, etc. 46% L, Société compte avec amertume parmi ses pertes celle d’un de ses plus estimables Membres et de ses premiers Associés, le Cit. PIERRE- Josepx GEORGE , Chirurgien domicilié à Lyon: Il naquit dans le hameau de Loix , Départe- ment de l’Ain, de parens peu aisés, L’excessive modicité de leurs moyens laissa à notre Collégue le mérite d’avoir été l'artisan de sa propre édu= cation. Des vertus modestes , l'amour de l’humas nité , un zèle ardent pour les devoirs de son état , caractérisèrent ses premiers pas dans la carrière qu'il s’étoit lui-même ouverte; son nom répété chaque jour sous le toit de l’indigence rappellera long-temps ses travaux, et les bénédictions du pauvre célébrercnt ses vertus et ses succès mieux encore que nos regrets et nos éloges. Il n’a laissé d’autres écrits sur l’art qu'il pro fessa que la thèse inaugurale qu'il soutint pour son admission au Collège de Chirurgie ; mais dans un état dont le premier objet est de soulager lhu- manité souffrante , le mérite littéraire est souvent subordonné à des succès plus importans, Savant Anatomiste , Praticien éclairé , Opérateur habile, George joignit au talent d’observer , l’expérience consommée d’une pratique heureuse; 1l jouit parmi G£ RE RS D SR CIRE PRE EE IG EPS TRI PSM EE TRE 466 MÉMOIRES SUR LA CHIRURGIE, etc. ses Confrères d’une réputation méritée et que Penvie même respecta. Il fut le contemporain et l’émule d’un homme dont la mort n’a pas été la moindre des pertes que la ville de Lyon ait essuyé, et dont la mémoire sera long-temps chère à ses Concitoyens ; il avoit dis- puté la place importante de Chirurgien-Major de PHôpital avec Boucher qui lemporta sur son con- current. Si George succomba dans cette lutte glo- rieuse pour l’un et pour l’autre, il eut le mérite de tester l’ami de son vainqueur, auquelil ne s’est dans la suite montré inférieur ni pour les talens ni pour cette sensibilité vive qui distingua Boucher et le rendit s1 cher à tous ceux qui l’ont connu. C’est cette sensibilité profonde qui au prin- temps de leur âge les précipita tous deux au tombeau ; ni Pun ni l’autre ne purent échapper à l’impression que fit sur eux le spectacle effrayant des massacres de Lyon. Bouchet put tourner ses regards mourans sur une épouse chérie, sur ses enfans éplorés , il put les bénir; George moins heureux succomba à sa douleur, sans que dans ces funestes circonstances aucun de ses nombreux amis pût recueillir son dernier soupir et rendre les devoirs de la sépulture à sa dépouille mortelle, ELA. db. DES'MATIÉERES AVANT-PROPOS. Us 0e COUPON Histoire des travaux de la Société de Santé de Lyon; par MARTIN l’ainé, Secrétaire de La Société. . À x : Observation d’une tumeur venteuse à La tête, avec fonte et exostose des os du cränel> par LE'CAT., . : : 31 Fracture de la jambe complète, avec fra- cas , et compliquée non- seulement de plaie, mais encore d’une malignité acci- dentelle, Réflexions sur le caractère de la malignité , sur l'origine et la nature DEVUNSS Par LE CAT. Wie de Le 79 Observation sur un renversement complet et chronique de la matrice qui en im- posa pour un polype, et qui produisit La mort; par le Cir, PETIT , Docteur en Médecine | etc k» 2 . 103 G g 2 468 TABLE Observation sur les bons effets du repos - absolu et du régime dans les maladies. accompagnées des accidens qui carac- térisent les anévrismes internes ; par le Cir, CARRET, ancien Chirurgien-Major de PHpital de Lyon, à . . Page 11E Observation sur un anévrisme du cœur. Observation sur un fongus du sinus maxillaire, communiquée par le Cuir. SYLVI, Chirurgien a Grenoble. Observation sur un déplacement de l’ex- ! pe J , trémite inférieure du rayon sur la partie antérieure de celle du cubitus ; par le Cu. MARTIN le jeune, Chirurgien désigné Major de l'Hospice de la Cha- rité de Lyon. spi LI ° { a Rapport fait à la Société de Médeane, sur une luxation du radius sur le cu=. bitus , présentée par le Ci. MARTIN le jeune, à Opération de la taille, suivie d’un épan- chement de sang dans la vessie ; par le Cu. DUSSAUSSOY , ancien Chi- rurgten en chef de l'Hôpital de Lyon. 116 119 124 135 14% se ES sn er hdi Er CR 22 2 97 SIP PEN PR DOS DES MAËTIÉE RES. Me Observation sur une hémorragie interne de la vessie ; par le Cit. GUÉRIN, ancien Chirurgien en chef de l Hôrel- Dien de Lyon... L M Page 161 Observation sur un dépôt situé a La partie supérieure externe de la cuisse droite, survenu à la suite d’une maladie de Dire e / 1 D l'épine, terminé par résolution ; par DA VID. . o ® . L I ÿ ÿ Plaie pénétrante à la poirrine | guérie par la multiplicité des saignées ; par DATIDS:, à : : ‘ : 160 Mémoires et Ofservations sur une nou- velle méthode de vider Les dépôts par la ponction et les ventouses ; par le Ci. PETIT, Docteur en Médecine. . 163 Observation de Chirurgie. Extirpation de lhumerus dans l'article ; par le Citoyen MARTIN le Jeune. ‘ : : 172 Rapport sur une Observation d'imperfo- ration d'anus | communiquée & La Société de Médecine de Lyon ; par le Ci. MARTIN le jeune. ï d',"\: 280 Observation sur une conception extra- utérine dans laquelle un enfant a sé- S è 470 TABLE oo 7 RÉ OR EE . f ? Le journé deux ans dans l'ovaire ; com- muniquée par le Cit, PETIT , Docteur en Médecine. : : ' Observation sur une rupture du cœur ; par Pierre FINE , Chirurgien en chef de l’Hôpital-Général de Genève . Observation sur une hydropisie de poi- crine ; par le Cit, RENAUDIN. . OBservation sur une grossesse extra-utérine ventrale ; par le Cit. MARTIN l'aire, Chirurgien en chef de l’Hospice des Wieillards et Orphelins de la Charité de Lyon, et Secrétaire-Général de la Société, . e e e e Réflexions communiquées par le Ciroyen GUÉRIN , sur Le Mémoire du Citoyen Co1oMB , relatif a une grossesse extra- utérine de quinze mois. : . Observation sur les effets de lélectricité dans le traitement de la catalepsie, du tétanos et de l'asthme convulsif, symp- tômes de l'affection hystérique essen- tielle ; par le Cit. PETETIN , de la Societé de Médecine de Lyon, * Page 193 200: 204 212 226 DE SM AUT/I Ë RES. Nez Observations médicinales sur les princi- paux effets du froid et du chaud sur le sommet des hautes montagnes ; par les Cir. PARAT et MARTIN jeune. . Page 273 Observation sur une gangrène à la lèvre, attaquée infructueusement par le feu et suivie de mort; par le Cit. CARRET, ancien Chirurgien en chef de l'Hôrel- Dieu de Lyon. . : ; . 302 Observation sur une angine tracheale ; par de Ci. LABONNARDIÈRE , Me- © decin & Crémieux. ë s : 309 Mémoire sur l'action altérante des can- tharides , employées comme vésicatoire ; par le Cit, DUMAS , Professeur de Santé de Montpellier. : : 315 Réflexions pratiques sur la gale; par le Cir. PARAT , Docteur en Médecine, ci-devant Chirurgien Militaire. . 335 Observation sur une hydropisie du peri- carde ; par le Cir. LEV ÊQUE , Médecin de l'Hôpital de Saint-Jean-de-Lône , et Correspondant de la Société de Sante de Lyon, , ‘ . « ‘ 344 472 D 'ASPALEE Observations sur une fièvre gastrique mal traitée et suivie de mort, avec des ré- flexions sur des circonstances qui sem- blent mal-a-propos contre - indiquer lémétique; par le Cit. DUMAS , Pro- fesseur de l’École de Santé de Mont- pellier. ° : ‘ ‘ Réflexions sur quelques causes de la räche de lait, et sur les précautions a prendre pour éviter que cette maladie ne com plique la petite vérole inoculée ; par le Ci. MOTEHE. . . : , Observation sur une plaie des tévumens de la tête, terminée par la mort | au milieu des symptômes les plus légers ; par le Cir. DUMAS, Professeur de l'École de Santé de Montpellier. ‘ OBservation sur le changement de la fibre musculaire en substance grais- seuse ; par les Cir. MARTIN afné er MARTIN le Jeune. : . « Observation sur une aberration du fluide séminal, par le Cir. MARTIN l'aïne. Observation sur une dilatation anévris= 369 374 male TR nement DES MA TIÉÈRIES 473 a ememmmenmeareamenmen male de l'oreillette droite du cœur ; par Le Cit. GILIBERT. , ; Page 393 Observation de Médecine | sur un ver lom- brical sorti par la narine gauche; par Le Cit. MARTIN le jeune. S Observation sur la cause de la maladie du mouton, désignée sous le nom de vertige ox tournoiement ; par Le Cir. HENON , Professeur à l’École d io nomie Rurale de Lyon. . : : Observations et doutes sur lhydropisie ; par le Cit. PITT , Docteur en Mé- decine. 1 e e . L 1 Description d'un nouveau muscle nomme l’Accélérateur du canal thorachique ; par le Ciroyen HÉNON, Professeur à l'École d’Économie Rurale de Lyon. Observations sur Le savon de Starkey , avec un nouveau procédé pour le pré- PATere Le < - . : Note de quelques espèces de plantes trou- vées au Mont-Pila et qui manquent au catalogue qu'en a donné LATOUR- RETTE ; par le Cir. BRAVAI , Me- Hh 397 400 406 414 420 474 TABLE DES MATIÈRES. decin à Annonay, Correspondant de la Societé. . ee . Page 433 Notice historique sur la vie et les ouvrages du Cit. TISSOT , Médecin a Lau- sanne ; lue dans la première séance publique de la Societé de Médecine, par M. 4. PETIT. x . . Notice sur La vie et les travaux d’ Antoine DoMBEY , Médecin Naturaliste, par le Cit. GILIBERT. 5 ro Fin de la Table. 439 a EURE R A À Page 8, ligne 6; qui fit, Zsez qui firent. Page 14, ligne 20 ; employoit, Zisez employoient. Page 25, ligne 18; ces, lisez les. Page 115, ligne 9 de la note; Valsava, lisez Valsalva. Page 118, ligne 43 perte, lisez pléthore. Page 121, ligne 10; lance, se? lame, Page 128, ligne 22; l’assertion dans son entier, lisez dans son entier l’assertion. Page:51, ligne 10; au second, lisez au vingtième. 2 8 FEB. 1903 8 #ÿ Eee AL: à Hp Mi: st ; Engine dot tët nue ir At à 108 LS EX | Ms en 3: at S “Lis ur + PA A 00 Fa pe teste" . AU TR ie: re he & | auf pu sur D eur A, set FH FE Bcblg ja, à in æ #, ro ty ÿ Là D US LUS LAPS + 4 ta Se us Ve EU | Li re NET: SRaU cRLS caf AOF 138% no : fi: 38 oral < ASP EUX ES dur br Joe Mo sa ee DRE 1e TE PSE #:.° RL mt 4 CA he 18 à : EE x Fe & ] LE æ ne , R L \ Ps ï l A L2 Æ } L M. æ UE ‘M